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Etude du projet de loi no 45 Loi modifiant le Code du
travail
et la Loi du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour continuer l'examen, article par article,
du projet de loi no 45 intitulé Loi modifiant le Code du travail et la
Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Les membres de la
commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu
(Richmond) est remplacé par... alors, M. Brochu (Richmond), au cas il se
présenterait. M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm),
M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke) est remplacé par M.
Vaillancourt (Jonquière); c'est bien ça?
M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne),
M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte) est remplacé par M.
Mercier (Berthier); M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).
M. Forget: M. le Président, il y aura peut-être M.
Ciaccia qui sera remplacé par M. Blank.
Le Président (M. Clair): M. Ciaccia (Mont-Royal) est
remplacé par M. Blank (Saint-Louis).
M. Chevrette: Avant que ne débute...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: ... nous avons parlé à M. le
député de Saint-Laurent et à M. le député de
Johnson pour que la commission puisse faire rapport en Chambre sur le projet de
loi 69. Etant donné qu'hier, le président de la commission avait
dit que le même rapporteur servirait pour les deux projets de loi, et
comme on n'a pas commencé l'étude du projet de loi 45, on
pourrait sans doute, avec le consentement des membres, faire préparer un
rapport spécifique sur le projet de loi 45 et sur le projet de loi
69.
Le Président (M. Clair): Je pense que c'est conforme
à l'esprit de notre règlement.
M. Forget: C'est ce que j'avais compris, M. le Président,
même à partir de vos remarques hier, en disant que le rapporteur
ferait rapport sur le projet de loi 69 au moment opportun. J'avais cru que le
moment opportun serait présumément avant le moment opportun pour
le projet de loi 45. Mais je n'ai aucune objection.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson?
M. Bellemare: M. le Président, comme je l'ai dit au
député de Joliette, ce n'est pas conforme à notre
règlement. C'est un peu un cas spécial, je suis prêt
à l'accepter; parce que le projet de loi 69 a été
vidé, examiné, je pense que je n'ai aucune objection, même
si c'est contraire au règlement, je suis prêt à
faire...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, peut-être qu'en vertu de l'article 161 qui dit, à
l'alinéa 2...
M. Bellemare: Article 161.
Le Président (M. Clair): ... "une commission peut, en tout
temps, faire à l'Assemblée des rapports spéciaux ou
intérimaires", on peut peut-être considérer cela comme un
rapport spécial ou intérimaire.
M. Bellemare: Oui, mais l'article 161 dit aussi, "une commission
peut, en tout temps, faire à l'Assemblée des rapports
spéciaux ou intérimaires".
Mais, toutefois, un membre d'une commission peut s'opposer au
dépôt. N'oubliez pas cela. Toutefois, un membre d'une commission
peut s'opposer au dépôt du rapport par cette commission, en
exposant brièvement les motifs de son opposition.
Si je voulais, ce matin, comme le député de Saint-Laurent,
on pourrait s'opposer et dire: On nous a fait siéger, à la
commission du travail et de la main-d'oeuvre, mais sur deux projets de loi, 45
et 69; on a donné la priorité à 69, il est terminé.
Je n'ai aucune objection à ce qu'il passe.
Le Président (M. Clair): Soyons de bon compte et
considérons cette affaire close. Demandons au rapporteur, le
député de Berthier, de faire rapport à l'Assemblée
nationale. Lorsque nous avons ajourné nos travaux hier, nous en
étions rendus à l'exposé préliminaire du ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre, concernant le projet de loi no 45, Loi
modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. M. le ministre du Travail.
M. Laplante: Pouvez-vous vérifier exactement qui est
rapporteur? Dès la première audition, on nous a dit que
c'était M. Jolivet, de Laviolette, et aujourd'hui, c'est M. Mercier.
Pourriez-vous faire une vérification, s'il vous plaît?
Le Président (M. Clair): Si c'était M. Jolivet qui
avait été désigné rapporteur au tout début,
c'est M. Jolivet qui l'est toujours. Hier, lorsque j'ai posé la
question, d'un commun accord, les membres de la commission avaient dit que
c'était le député de Berthier. Je vais demander
au secrétariat des commissions de vérifier et je vous
indiquerai le résultat plus tard. M. le ministre du Travail.
Exposé préliminaire du ministre, M.
Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, nous abordons ce matin
l'étude, enfin, article par article, du projet de loi 45. Je vais
essayer, dans mes propos dits préliminaires, ce matin, de me limiter
à resituer dans son contexte le projet de loi 45 ainsi que les
amendements que j'y ai apportés hier.
Je vais faire un bref rappel. Il y a eu, à une certaine
époque, sous le gouvernement qui nous a précédés,
un projet qui s'appelait le projet de loi no 24, qui avait été
soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Ce projet
comprenait différentes dispositions qu'on retrouve aujourd'hui dans le
projet de loi 45, dispositions, d'ailleurs, qui ont fait l'objet, pendant deux
ans et demi, de discussions considérables par les différents
agents intéressés à la question des relations du travail
au Québec et à l'application du Code du travail.
Le gouvernement actuel a choisi, dans le projet de loi 45, d'ajouter
à plusieurs de ces dispositions certaines autres dispositions ainsi que
d'y confirmer certains arrêts de la jurisprudence quant à
l'interprétation de certains articles.
Parmi les dispositions qu'on qualifierait de nouvelles dans le projet de
loi 45, on retrouve évidemment le précompte syndical obligatoire
qui n'est pas la formule Rand et, je le répète, celui qui vous
parle n'a jamais prétendu qu'il s'agissait de la formule Rand, mais,
pour les fins de la compréhension, on a souvent fait allusion à
cette formule, le précompte syndical obligatoire que nous justifions, en
vertu de deux principes; le premier, que j'appellerais un principe de
réalité qui est l'existence de fait de cette formule de
précompte syndical obligatoire quand ce ne sont pas carrément des
dispositions qui vont beaucoup plus loin quant à la
nécessité d'appartenance au syndicat dans au-delà de 90%
des conventions collectives et, un second principe, celui qui a
été invoqué de façon générale en
Amérique du Nord, quand on parle de "compulsory check off", aux
Etats-Unis en particulier, c'est-à-dire que les personnes qui
bénéficient des dispositions d'une convention collective
devraient évidemment participer au financement de l'organisme par le
truchement duquel elles obtiennent de telles conditions, c'est-à-dire
l'association accréditée.
On retrouve également, dans le projet de loi 45, des dispositions
dites antibriseurs de grèves qui, sur le plan de la rédaction,
sont, en fait, une prohibition imposée à l'employeur. Ce sont des
articles prohibitifs ou exclusifs dans leur application et nous ne tentons pas
de définir ce qu'est un "scab"; on utilise généralement
cette appellation dans le milieu du travail. Simplement, nous balisons le cadre
dans lequel l'employeur peut fonctionner ou maintenir un minimum
d'activités en affirmant clairement le principe que l'individu qui est
en grève légale ne doit pas se voir remplacé par une
personne de l'extérieur.
Cependant, avec les amendements que nous avons apportés hier,
nous croyons qu'il s'agit là du maintien du principe. Quoiqu'on en dise,
ce projet de loi, malgré les amendements qui ont été
apportés hier, demeure un des projets de loi les plus progressistes dans
ce domaine dans le monde.
Cet amendement que nous avons apporté hier, sur lequel nous
aurons l'occasion de discuter, je présume, peut-être pas d'ici
quelques heures, mais d'ici quelques jours, cet amendement prévoit le
maintien ou l'empêchement à la détérioration grave
ou à la destruction des biens meubles et immeubles et vise simplement
à ne pas forcer à mettre dans l'illégalité un
employeur qui prendrait les mesures nécessaires pour ne pas voir ses
biens meubles et immeubles détruits à cause d'un arrêt de
travail. Il ne s'agit pas de soustraire l'employeur à l'application de
l'article qui, en pratique, dans bien des cas, signifie une diminution ou un
arrêt de la production.
Quant au vote secret qui a fait également l'objet de longues
discussions sur la place publique et qui a soulevé l'ire de la plupart
des centrales syndicales, je pense que c'est en vertu du principe que les
syndicats, dans notre société, occupent une place de nature quasi
publique, que ce vote secret devient obligatoire. Encore une fois, faut-il
constater que le principe de la réalité qui prévaut dans
cet article est fondamental. La réalité, c'est que l'immense
majorité des syndicats procède au vote secret pour des
grèves, et même celles qui risquent de causer le plus d'ennuis. On
en connaît une en ce moment.
Cependant, le projet, à ce niveau, et comme pour d'autres
dispositions, a valeur, à mon avis, de message d'une certaine
façon auprès des parties. Il est un message par l'affirmation
claire du Parlement je l'espère, quand ces articles seront
adoptés que la démocratie syndicale, la santé et la
pureté des structures syndicales passent nécessairement par le
respect du vote secret, de la possibilité pour le salarié en
conscience de poser un geste dans l'isoloir, un geste qui habituellement
affecte son bien-être, pour qu'il puisse le faire librement, sciemment et
en toute connaissance de cause.
Cela dit, je tiens à le répéter, il s'agit de
dispositions qui sont aujourd'hui même, sans même qu'il n'y ait de
loi, généralisées dans la plupart des syndicats.
Au sujet du vote secret, les amendements que nous avons rendus publics
hier, en fait, simplifient une mécanique qui risquait de devenir l'objet
d'une guérilla judiciaire qui n'est souhaitée par personne. On
rencontre également des dispositions concernant l'arbitrage de la
première convention collective.
Il s'agit, en pratique, au niveau de la réalité, de ces 23
à 29 cas par année qu'on retrouve au ministère du Travail
et de la Main-d'Oeuvre de-
puis maintenant cinq ou six ans. Ce sont des grèves ou des
lock-out qu'on peut qualifier généralement de grèves ou
lock-out de reconnaissance syndicale. Les articles, avec les amendements que
nous avons introduits hier, se veulent à la fois une incitation envers
les parties à régler, en même temps que la
possibilité de mettre fin, de façon même préventive,
à un conflit qui risque de perdurer. En effet, les négociations
d'une première convention collective qui ont donné lieu à
des grèves, tout comme ces grèves où il y a emploi de
scabs, sont des grèves qui durent plus longtemps que la moyenne des
grèves.
On retrouve évidemment, dans ce projet de loi, d'autres
dispositions qui touchent ce que j'appellerais un nouveau mécanisme dans
les relations de travail, l'introduction de la conciliation volontaire, qui est
un choix délibéré, accepté par les parties depuis
fort longtemps, qui risque évidemment de changer considérablement
la dynamique du rôle et le rôle, dis-je, du service de conciliation
du ministère et avec lequel nous apprendrons à vivre. Je pense
que, fondamentalement, ces dispositions sont bonnes. Je pense que ces
dispositions, qui nous feront connaître sans doute certaines
difficultés, sont fondamentalement un effort pour restaurer la
responsabilité au niveau des parties de la négociation. En ce
sens-là, la conciliation volontaire, ainsi que la conciliation qu'on
pourrait juger, ou la préconciliation préventive qu'on introduit
par l'avant-dernier article du projet de loi, sont, je pense, la base d'une
nouvelle approche en matière de relations de travail au Québec.
Cette approche sera caractérisée, je pense, par la
responsabilité ou la non-responsabilité des parties. Celui qui
vous parle, comme ministre du Travail, est convaincu que, de façon
générale, les parties au Québec qui ont
démontré dans le passé qu'elles pouvaient conclure des
contrats collectifs dans une proportion de 95%, sans avoir recours aux
grèves ou aux lock-out, sont aptes à assumer ce type de
responsabilité dans un contexte de conciliation volontaire.
C'était là, M. le Président, l'essentiel des
dispositions qui m'apparaissent les plus fondamentales dans ce projet de
loi.
Je voudrais terminer en explicitant d'autres dispositions,
celles-là de nature plus technique, mais qui m'apparaissent
également traduire fondamentalement ce qu'est la philosophie de ce
gouvernement face au syndicalisme.
Ce sont ces dispositions qui visent à faciliter le droit
d'association. Dans un contexte de contestation parfois très
émotif, de la part surtout des milieux patronaux, il serait facile pour
celui qui vous parle d'affirmer qu'il y a un clivage entre la "base" et
"l'establishment" syndical.
Celui qui vous parle est convaincu que le syndicalisme a passé le
test le plus important qui existe dans une société, c'est le test
de l'histoire. S'il n'y avait pas eu de syndicalisme en Amérique du
Nord, on retrouverait aujourd'hui des enfants de douze ans dans les mines. S'il
n'y avait pas eu de syndicalisme en Amérique du Nord, on retrouverait
encore un état d'anarchie dans certains secteurs et un irrespect des
droits des salariés. Les salariés forment, au Québec, la
majorité de la population. Ils forment également ceux qui
participent, par leurs deniers, par les impôts qu'ils paient, au plus
gros montant de l'assiette fiscale du gouvernement et, à ce titre, les
salariés, au Québec, ont le droit d'avoir au moins une oreille
attentive de la part du gouvernement.
Je pense que les dispositions qui facilitent le droit d'association
visent d'abord et avant tout à reconnaître que le syndicalisme...
Et je parle du syndicalisme, je ne parle pas de ceux qu'on a appelés
establishment syndical, sans faire cette distinction qui parfois à mes
yeux, est absolument artificielle et démagogique, le syndicalisme, comme
mouvement collectif d'êtres humains qui choisissent de prendre en main au
maximum leurs responsabilités, à travers les structures qu'ils se
donnent et qu'ils tentent ou qu'ils maîtrisent. Le syndicalisme doit
être vu, je pense, d'abord, comme faisant partie de la
réalité quotidienne au Québec.
Ceux qui mènent encore des combats d'arrière-garde pour se
prémunir contre le syndicalisme ou ceux qui adoptent des tactiques qui,
fondamentalement, sont des tactiques rétrogrades il y en a encore
dans notre société qui voient le syndicalisme comme
étant une menace à l'entreprise privée, comme étant
une menace à un mode de fonctionnement sur un plan économique
dans une société, je pense qu'ils se trompent.
Ceux qui font vivre certains experts en matière de relation de
travail ou certains avocats en utilisant parfois, de façon que je
qualifierais de très peu de bonne foi, le Code du travail. Ils se
trompent car l'évolution du syndicalisme va de pair avec
l'évolution de notre société. Les articles portant sur le
droit d'association en ce sens, M. le Président, m'apparaissent
fondamentaux.
En terminant, M. le Président, et avant que nous entendions les
exposés de nos collègues de l'Opposition, j'aimerais simplement
référer à ces amendements que j'ai rendus publics hier et
que, quoi qu'on en dise, à mon avis, ne changent évidemment pas
les principes fondamentaux de ce projet de loi. Les principes fondamentaux, ce
sont, au-delà des amendements qu'on a qualifiés de techniques, la
formule de précompte syndical obligatoire, une disposition antibriseurs
de grève qui demeure la plus progressiste au monde, l'arbitrage de la
première convention collective et le vote secret, évidemment. Les
amendements que j'ai apportés hier ont été faits pour
satisfaire celui qui vous parle et satisfaire ce gouvernement, et non pas pour
satisfaire quelque groupe que ce soit. Celui qui vous parle, comme ce
gouvernement, croit que son devoir est d'abord et avant tout envers l'ensemble
de la collectivité québécoise et non pas envers un groupe
particulier. Merci.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
Remarques de l'Opposition M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, j'ai le même objectif
que le ministre dans ses remarques préliminaires. Je n'ai pas
l'intention d'anticiper l'étude, article par article, d'un seul coup et
en un seul bloc au moment de ces remarques préliminaires. J'aimerais
situer un peu l'étape à laquelle nous nous trouvons, dans le
moment, dans l'étude de ce projet de loi, pour au moins essayer de
communiquer aux membres de la commission et au public la perception qu'on a de
ce processus de révision du Code du travail dans lequel on est
engagé, le chemin qui a été parcouru depuis quelques mois
et ce qu'on peut attendre pour l'avenir, en considérant non seulement le
projet de loi 45, les débats qui ont eu lieu depuis son
dépôt et finalement les modifications que vient d'introduire le
ministre.
On se souvient que, l'été dernier, on a mis beaucoup de
hâte à déposer un projet de loi, quelque trois semaines
après la nomination du ministre, à assurer la deuxième
lecture du projet de loi, moins de deux mois après la nomination du
même ministre, tout ceci se faisant comme si on voulait à tout
prix faire une affirmation solennelle, à l'époque, on l'a dit, le
gouvernement l'a dit, le premier ministre lui-même l'a dit de
façon assez imagée: le gouvernement a fait son lit.
On a procédé très rapidement au dépôt
et à l'adoption, en deuxième lecture, du projet de loi;
c'était ça, faire son lit. C'est ce qu'on nous a fait comprendre.
C'était un peu comme si on voulait s'assurer que cette affirmation ne
faisait pas l'objet d'un examen trop attentif, étant donné que
tout cela s'est fait durant l'été, pendant l'espèce de
désert des vacances, je pense bien que les débats du Parlement
n'ont pas eu beaucoup d'écho dans la population. On a
éliminé une véritable commission parlementaire avant la
deuxième lecture pour diminuer encore davantage les chances que cette
affirmation symbolique que le gouvernement voulait faire à
l'époque, le plus rapidement possible et avec le minimum de discussion,
justement afin qu'elle ne soit pas exposée à un barrage
d'analyses et de critiques qui en montrerait le caractère un peu
vide.
Ce n'est pas un événement isolé que cette
façon de légiférer. On est maintenant en face
d'amendements qui démontrent combien l'analyse du projet de loi a pu
susciter de doutes et d'interrogations, pas seulement dans le public, mais au
sein du gouvernement lui-même. Le gouvernement du Parti
québécois, depuis un an, nous habitue, je pense ce n'est
pas exagéré de le dire à la notion de
législation par étapes, on fait de l'étapisme
législatif. On est aussi habitué de plus en plus à
découvrir que la trouvaille du siècle arrive à la
deuxième étape.
La deuxième étape qui nous a été
présentée, hier, est sensiblement différente, quoiqu'en
dise le ministre, sur la permanence des principes, de la première
étape.
Encore une fois, le premier projet, le projet 45, tel que
déposé l'été dernier, c'était, nous l'avons
dit à l'époque, largement un trompe-l'oeil. On pourra nous
accuser de vouloir déprécier le projet de loi. C'était
certainement un symbole c'est peut-être un mot un peu plus neutre
du préjugé favorable aux travailleurs qui était ce
lit dans lequel le gouvernement voulait se coucher, soi-disant.
La deuxième version améliore sensiblement, sur le plan
technique, je dois le dire en commission, devant le ministre, un certain nombre
de dispositions.
Mais les dispositions essentielles elles-mêmes, celles que le
ministre a mentionnées, dans leur forme modifiée, ne donneront
satisfaction à personne. Ce n'est pas surprenant, parce que leur raison
d'être initiale, la mesure "anti-scabs", en particulier, n'est pas de
régler un problème bien précis. Elle est d'affirmer une
espèce de symbolisme gouvernemental. Quand on se met à jouer dans
les symboles, on leur fait perdre leur caractère symbolique, sans, d'un
autre côté, leur donner un sens bien précis. Le symbole a
largement disparu dans sa dernière version de la mesure "anti-scabs",
sous prétexte de modifications techniques. Le symbole a disparu et on
n'a pas, pour autant, une disposition qui va aider qui que ce soit, qui va
satisfaire qui que ce soit.
Il y a une certaine préoccupation qu'on pourrait qualifier de
technocratique, une certaine préoccupation technique, disons, quant
à l'efficacité de certains mécanismes, mais il n'y a pas,
dans ce projet, tel que révisé, une perception claire des
caractéristiques essentielles, fondamentales des relations de
travail.
Les positions que certains observateurs du milieu académique ou
que certains spécialistes des relations de travail ont défendues,
par exemple, sur le plan des libertés fondamentales du travailleur, face
au patron, face à tous les organismes qui déterminent son
environnement, ce sont, bien entendu, des modifications auxquelles on peut
applaudir.
Mais ces modifications ne semblent pas procéder d'une conception
claire et nette des caractéristiques fondamentales des relations de
travail. Ce sont des concessions à des pressions, mais ce n'est pas
l'expression d'une vision d'ensemble de ce que devraient être les
relations de travail, de ce que devrait être le cadre juridique des
relations de travail.
Le patronat a fait aussi des représentations. On lui a fait, sur
certains points également, des concessions. Mais on ne peut pas dire que
ce qui en résulte exprime de façon cohérente et claire une
vue d'ensemble, communicable, de ce que devraient être les relations de
travail. J'y reviendrai un peu, et même beaucoup, lors de l'étude,
article par article.
Mais il est bien clair, si on regarde les prescriptions "anti-scabs",
qu'on s'est éloigné d'une espèce de mesure exclusive,
comme l'a dit le ministre, ou d'une prohibition générale, pour
la
qualifier de toutes sortes de façons. C'est une concession
évidente à des représentations, pour ne pas dire à
des pressions qu'a exercées le patronat sur le gouvernement.
Ce qui en résulte, c'est quelque chose d'à peu près
indéfinissable, une espèce de symbole qualifié, qui,
encore une fois, ne satisfera ni les syndicats on en a eu dès
hier, par la réaction de la CSN, une démonstration claire... Il
faut tout à fait s'attendre que les autres centrales syndicales
réagissent de la même façon. Cela ne correspond plus
à rien de bien précis chez eux. Pour le patronat, même si
c'est une concession, ce n'est certainement pas un gain, c'est quelque chose
qui se trouve dans la loi, dont la signification va probablement faire l'objet
de litiges, de controverses. Donc, c'est quelque chose qui demeure,
malgré tout, négatif.
De façon générale, M. le Président, on doit
déplorer l'absence de pertinence de ce débat sur le Code du
travail et de ses modifications depuis quelques mois. Ce qui me frappe, en tant
que nouveau venu dans ce domaine, c'est le degré avec lequel l'esprit
juridique s'est emparé des relations de travail. Je crois qu'on a une
très bonne démonstration, par cette discussion, de ce que
l'esprit juridique est incapable de faire, dans un sens positif, des limites de
l'esprit juridique.
C'est un malaise qui est particulier au Québec, puisque les
avocats au Québec, à mon avis, se sont emparés des
relations de travail, un peu de la même façon que, parfois, ils
s'emparent des relations conjugales, avec à peu près le
même effet désastreux.
M. Bellemare: Vous ne parlez pas des assurances.
M. Forget: Oui, on pourrait parler de certains autres domaines
aussi. Je ne veux pas en faire une condamnation générale de la
profession juridique que j'ai d'ailleurs reçue à une autre
époque, mais je pense que, lorsque tout un domaine d'activités
humaines devient imprégné d'un esprit professionnel, de l'esprit
d'une profession donnée avec sa mentalité antagoniste naturelle,
parce qu'on a toujours affaire éventuellement ou on risque de toujours
avoir affaire à un tribunal, donc, à une opposition des parties
où le litige et la façon de régler les litiges font partie
de la mentalité juridique, je crois qu'on trouve là un des
problèmes fondamentaux.
Bien sûr, la profession juridique peut toujours dire que la nature
craint le vide ou déteste le vide et qu'elle est entrée dans ce
domaine parce que d'autres ne l'occupaient pas. Il se peut très bien que
le patronat, à l'origine, ait une grande part de responsabilité,
puisque la réaction presque instinctive, lors de la venue d'un syndicat
dans une entreprise, ce n'était pas de traiter cela comme un
problème de gestion, mais d'appeler son avocat pour voir s'il ne pouvait
pas faire quelque chose contre cela.
Ce n'est peut-être pas étonnant qu'avec les années,
on ait pris ce pli, mais, sur le plan législa- tif, nous tous, membres
de la commission, comme législateurs, je crois qu'on n'a peut-être
pas fait les efforts suffisants pour nous sortir de cela et pour observer les
comportements, essayer de les comprendre, essayer de les faire évoluer
plutôt que d'essayer de légiférer sur la vertu. C'est
là que le symbolisme qui était compris dans le projet de loi 45
tel qu'il a été déposé l'été dernier
participe et est imprégné de cette mentalité
juridique.
On a présumé, dans ce projet de loi, qu'il s'agissait de
prononcer de grands principes pour faire avancer les choses, de grands
principes qui servaient de symboles et qui servaient à témoigner
une certaine orientation qu'on voulait donner au gouvernement et on s'est rendu
compte qu'avec ce symbolisme, après réflexion, on s'engageait
dans une voie sans issue, pas seulement parce que les symboles étaient
peut-être un peu mal trouvés, mais surtout parce qu'ils
étaient très superficiellement définis en termes purement
juridiques. Cela ne peut pas porter de fruits.
M. le Président, le ministre nous a donné des indications,
à plusieurs reprises, durant les dernières semaines, qu'une
enquête qui serait faite sur l'ensemble de ces problèmes, ce qui
nous laisse entendre que tous ceux qui ne sont pas satisfaits du projet de loi
45 et des amendements qu'il y a apportés hier peuvent, malgré
tout, conserver l'espoir d'avoir gain de cause, éventuellement, dans un
monde plus ou moins idéal ou imaginaire qui verra le jour lorsqu'on aura
jugé bon de former la fameuse commission d'enquête et qu'elle aura
jugé bon de recruter son personnel, d'entendre tout le monde encore une
fois, de rédiger laborieusement son rapport, de le soumettre
officieusement et officiellement, après, au gouvernement et que celui-ci
aura jugé bon, après étude, de le publier et de faire
connaître son point de vue et, après, de rédiger,
peut-être, un projet de loi. Tout ceci nous met dans des
échéances extrêmement lointaines. A mon avis, il devient
clair qu'après l'affirmation symbolique du projet de loi 45 qui, je
pense c'est tout à fait juste de le dire pour le titulaire actuel
du ministère était plutôt le fait d'un ministre du
Travail doctrinaire, on a actuellement une opération qui est
menée par un véritable homme politique qui est le ministre actuel
du Travail qui se rend compte que cette avenue est sans issue et qui
préfère, peut-être sagement sur un plan strictement
politique, faire certaines concessions quant au projet de loi qui est devant
nous et, d'autre part, noyer le poisson dans une commission d'enquête qui
ne verra le jour, quant à ce qui est de son rapport, que dans des
échéances qui sont confortablement éloignées, qui
se situent très probablement après une éventuelle
élection à la fin du mandat du gouvernement actuel.
Je le dis avec un peu d'ironie, parce que, finalement, il n'y a presque
pas d'autre façon de comprendre ce qui nous arrive dans tout cela. C'est
assez grave finalement, car ce nouveau gouvernement a disposé durant la
dernière année d'une période d'accalmie, qui était
due autant au fait que c'était un nouveau gouvernement à qui on
voulait attribuer, donner toutes les chances possi-
blés, et, sans aucun doute, il les méritait. D'autre part,
les grandes échéances dans le domaine des relations de travail,
dans le secteur public, étaient soit passées ou à venir.
Il y avait donc une période de répit. C'est un petit peu tragique
qu'on se retrouve, à la fin de cette année, avec une
espèce de projet qui, dans le fond, n'est ni chair ni poisson, et
seulement une promesse de remettre à un avenir indéfini
l'étude du problème qui, au Québec, est peut-être le
problème le plus important. Je le dis avec toute la conviction dont je
suis capable. C'est un domaine auquel je me suis attaché depuis un an et
auquel, je peux peut-être le dire, je me serais peut-être
attaché, de toute façon, en toute circonstance, pas parce que
j'ai la prétention d'avoir des solutions, mais parce qu'il me semble
être au coeur du problème du Québec. Alors, cela me
désole d'autant plus car, même avec tous les
éléments positifs dont jouissait le nouveau gouvernement, ce
délai, cette possibilité de faire un départ, de repartir
à zéro en quelque sorte, je n'ai pas l'impression, en ayant suivi
le débat depuis quelques semaines et en voyant le genre de projet sur
lequel on débouche, qu'on fait un progrès sensible pour la
solution de ce problème, un problème de retrouver un certain
consensus social au Québec.
Je n'en fais pas le blâme entièrement au gouvernement,
parce que ce serait injuste. Je pense que la bonne volonté est
évidente de ce côté. Ce que l'on peut critiquer, c'est le
jugement, mais pas la bonne volonté. Je ne m'embarquerai pas dans cela,
parce qu'on a eu d'autres démonstrations, hier, que c'est un terrain qui
peut être désagréable, pas ici en commission, je dois le
dire. Ce n'est pas la mauvaise volonté qui fait défaut, ce n'est
pas seulement le gouvernement, bien sûr, qui peut régler le
problème, mais le gouvernement a un rôle de catalyseur
évident à jouer là-dedans. Je ne suis pas sûr,
encore une fois, qu'il ait saisi la chance de le jouer dans tout cela. Il y a
des responsabilités du côté patronal, c'est clair qu'il y a
des attitudes patronales, répréhensibles. Elles ne sont pas chez
les organismes représentatifs qui, eux, ont appris, se sont mis à
l'heure de 1977. Le Conseil du patronat, autant que j'ai entendu ses
représentants, n'a jamais exprimé des vues antisyndicales et des
conceptions du XIXe siècle, mais c'est un organisme
représentatif, c'est aussi peut-être l'avant-garde du mouvement
patronal qui s'exprime par un organisme comme celui-là. Mais il y a
encore des résistances dans le monde patronal. Je crois que le Conseil
du patronat en est conscient et, sans qu'il en fasse l'aveu publiquement, il va
sans aucun doute travailler à faire évoluer les mentalités
de son côté. De toute façon, il a une responsabilité
de ce côté.
Il y a du côté syndical aussi des responsabilités
très lourdes qui doivent être assumées. Pour avoir
participé à un tas de colloques et de discussions et avoir
écouté un tas de représentations sur le sujet depuis
quelques mois, il est clair que le syndicalisme québécois est
à la croisée des chemins. Il y a des démons qu'il doit
exorciser en son propre sein. On peut douter de la possibilité, pour la
société dans son ensemble, de savoir comment agir ou
réagir face au mouvement syndical tant que celui-ci n'a pas
clarifié sa conception de la société et la conception du
rôle qu'il entend y jouer. Je pense que je n'apprends rien à
personne. Il y a des tiraillements à l'intérieur du mouvement
syndical. Il y a des orientations. Il y a des vocabulaires qui s'en vont dans
toutes les directions à la fois.
Le syndicalisme est trop important, de nos jours, le mouvement syndical
est trop important dans la société pour que ce genre de
surenchère ou d'hésitation du côté syndical n'ait
pas des effets très profonds. Bien sûr, le gouvernement n'est pas
en mesure, de ce côté-là, de trancher pour le mouvement
syndical, pas plus qu'il n'est en mesure de trancher pour le patronat. Mais il
me semble que cette façon de faire avancer les choses, par des lois
comme celle qui est devant nous, n'est pas susceptible de stimuler,
d'aiguillonner ni l'un ni l'autre des grands agents économiques à
faire vraiment des progrès.
Depuis trois ou quatre mois, chacun est braqué, dans le fond,
contre l'autre et, dans une certaine mesure, contre le gouvernement au sujet de
mesures qui ne régleront rien de fondamental, qui n'apporteront aucune
solution. D'abord, dans leur formulation essentielle, elles n'étaient
peut-être pas censées en apporter, c'était du symbolisme.
Maintenant, il y a certaines mesures un peu plus concrètes, mais
étant donné que cela s'est fait dans ce climat, je ne pense pas
qu'il faille en attendre des déblocages.
Alors, M. le Président, je termine ici en concluant sur un ton un
petit peu déçu, en félicitant malgré tout le
ministre pour certains amendements qui améliorent des choses
j'aurai l'occasion de les relever, de les soulever. Des détails, des
techniques, mais des détails parfois importants et des techniques qui
apporteront leur contribution. Cela, je veux bien le reconnaître et,
encore une fois, j'y reviendrai. Mais, sur l'essentiel, c'est une loi qui ne
satisfera personne et qui laisse le Québec exactement dans le même
état qu'il était, pas mieux, ni pire, mais aussi indécis,
aussi incertain de l'avenir des relations de travail à la fin de
l'automne 1977 qu'il l'était malheureusement c'est tout à
fait vrai de le dire l'année précédente.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: M. le Président, le 29 juillet de cette
année, lorsque le ministre du Travail a déposé le projet
de loi no 45, cela m'a donné l'impression, moi, personnellement, que
c'était un projet de loi improvisé et spécialement fait
pour jeter de la poudre aux yeux à bien des personnes. Le 26 août,
lorsqu'on en a fait la deuxième lecture, mon collègue de Richmond
a fait un discours que j'ai relu avec plaisir. Il y avait certaines notes
discordantes et il attirait l'attention du gouvernement sur certains faits
particuliers.
Aujourd'hui, je pense que c'est avec beaucoup de maturité,
malgré son jeune âge, bien qu'il ne soit ministre que depuis
quelques jours, qu'il apporte 46 amendements à ce projet de loi no 45.
C'est un volumineux document, mais, comme je l'ai dit moi-même et je le
répète, à la suite de bien d'autres, le ministre s'est
engagé sur la voie d'une amélioration plus considérable,
en préconisant probablement une commission royale d'enquête sur
tout le Code du travail.
Si c'est vrai qu'on évolue plus vite maintenant dans le domaine
des relations de travail qu'on ne l'a fait pendant 20 ans ou 30 ans, ce n'est
pas simplement pour s'emparer, comme le disait tout à l'heure le
député de Saint-Jacques, d'un esprit juridique. Non, je pense que
c'est le temps, les circonstances, les modalités nouvelles, les
conventions collectives qui ont un peu changé leur orientation, qui
demandent beaucoup, aujourd'hui, de conseils juridiques. C'est aussi une
protection plus personnifiée de l'intérêt public qu'ont
apportée l'employeur et les syndicats. Ce sont aussi les droits des
citoyens, en vertu de la nouvelle charte des droits de l'homme, qui ont
évolué d'une manière plus rapide. C'est tout ce consensus
de l'esprit juridique que l'on retrouve, beaucoup plus aujourd'hui que lorsque
je fus moi-même ministre du Travail.
Ce n'est pas seulement un symbole. Au contraire, je pense que c'est une
activité qui est nécessaire et le législateur,
particulièrement nous qui avons la responsabilité d'orienter les
responsabilités vis-à-vis de l'application du Code du travail, je
pense que c'est notre devoir de pouvoir orienter ces 750 000 syndiqués
sur 2,3 millions travailleurs.
Nous aurons avant longtemps, d'ici 1980, 1985, probablement pas loin de
900 000 ou un million de nouveaux syndiqués et ce sera un bataillon
rangé auquel le gouvernement, les employeurs, les industriels devront
faire face.
Alors, nous qui sommes ici avec une certaine expérience voulons
répondre au moins à certains besoins urgents qui font que le
projet de loi 45 retrouve, véritablement, en 1977, sa juste place, et
particulièrement après les recommandations que nous avions faites
en Chambre, les recommandations que nous ont faites le Conseil du patronat et
les centrales syndicales.
Nous devons, nous aussi, prendre nos responsabilités. Je pense
que, si ces amendements sont de nature technique, il faut se rendre à
l'évidence qu'un grand nombre apporte des modifications importantes
à plusieurs principes sur lesquels nous nous sommes prononcés en
deuxième lecture, d'ailleurs.
Simplement à titre d'exemple, je vous rappelle qu'on apporte des
modifications de base sur les votes syndicaux article 8 arbitrage
des griefs, aux articles 46 à 50; la formule Rand, si l'on
préfère, le précompte syndical obligatoire, à
l'article 28; arbitrage d'une première convention collective, à
l'article 44; il y a la clause "anti-scabs», les briseurs de
grève, à l'article 51 et aussi le rappel au travail, à
l'article 52...
Sur ces trois points, le ministre le sait, la controverse a
été assez vive. Tant des patrons que les syndicats ont fait
valoir devant nous, à cette commission parlementaire, sur une base plus
restreinte que nous ne l'aurions souhaité, mais tout de même, cela
nous a permis au moins de les entendre brièvement...
Je dis que les patrons et les syndicats nous ont fait valoir les raisons
pour lesquelles ils approuvaient ou ils désapprouvaient tel ou tel
article du projet de loi.
M. le Président, à la lecture des propositions
d'amendements que le ministre nous a soumises hier, je me rends compte que cet
exercice que nous avons fait n'a pas été futile et
particulièrement inutile.
Ce document des amendements qui nous est parvenu hier nous avons
passé un certain temps, hier soir, à l'examiner très
sérieusement est la preuve que nous avions raison de nous battre
pour que le cadre de la commission parlementaire soit élargi. Même
si nous n'avons pas obtenu la véritable commission parlementaire, cela a
permis à tous les intéressés ici de constater que cela a
porté fruit, mais je suis d'autant plus satisfait que le ministre
lui-même, dans une déclaration qu'il a faite ces jours derniers et
qu'il nous a annoncée en Chambre, a dit qu'une commission formée
de deux personnes de son ministère étudiait la possibilité
d'une commission royale d'enquête sur le Code du travail.
En 1964, quand le premier Code du travail nous est arrivé, je
n'ai pas besoin de vous dire qu'on était dans l'Opposition à
l'époque et j'avais fait ajouter quelque quarante articles d'amendement
qui ont peut-être servi à quelque chose, mais cela faisait 20 ans,
30 ans et on n'avait jamais eu véritablement un Code du travail.
On marchait, selon les relations patronales-ouvrières, selon la
Commission des relations du travail, mais on n'avait pas réellement de
Code du travail qui était devenu une nécessité.
De 1964 à 1974, il y a eu une grande évolution. De 1974
à aujourd'hui, les media d'information, les journaux, les avantages
qu'on a, entre les différents groupes, pour donner son point de vue,
particulièrement à cause de l'étendue considérable
qu'ont prise, comme mainmise, les conventions collectives sur certaines
responsabilités, certains droits qui appartenaient à l'employeur.
On l'a fait consentir à céder devant un esprit de
persévérance, mais avec certains arguments qui ont obligé
même les patrons à reculer et à céder certains
droits qui leur appartenaient. Aujourd'hui, on étudie une loi qui
établit plutôt, à cause des amendements, un juste
équilibre. Je n'irai pas jusqu'à dire, comme l'honorable
député de Saint-Laurent, qu'on revient à l'ancien temps,
non. On progresse. Pour moi, en tout cas, je dis: On progresse. On ne reste pas
dans le statu quo, on progresse et il faut progresser. Ce que nous faisons ici
ce matin, dans deux ans, trois ans, nous assisterons peut-être à
un changement aussi draconien. Il y a cinq ans, il y a dix
ans, je me souviens, quand l'honorable leader de la province, le
député de Maisonneuve a présenté une loi pour la
formule Rand, il faudrait que vous relisiez le journal des Débats pour
entendre ce qu'avait dit dans le temps le parti au pouvoir. Aujourd'hui, la
formule Rand est admise dans 90% ou 95% des cas. Il reste un léger
pourcentage où la formule Rand n'est pas appliquée. Ce ne sera
peut-être pas la formule Rand, mais ce sera peut-être la formule
Burns, dans le temps, concernant certains droits et certaines exigences
qu'avait mis dans son jugement de 1926 le juge Burns. Une chose rare dans ce
gouvernement qui se plaît à se qualifier de transparent... 1948?
C'est 1946 que j'ai dit?
M. Forget: 1926.
M. Bellemare: Non. J'étais au pouvoir. Chose rare dans ce
gouvernement qui se plaît à se qualifier de transparent, je
constate également, tout à l'honneur du nouveau ministre, que ce
dernier a non seulement écouté, mais il a compris et il a agi
avec courage en conséquence. Je ne dis pas qu'il sera sans faute, non,
parce que plusieurs pourraient me jeter la première pierre, mais le
ministère du Travail, c'est probablement le ministère le plus
ingrat qu'un membre d'un gouvernement puisse avoir. L'honorable
député de Notre-Dame-de-Grâce le sait lui aussi pour avoir
été ancien ministre du Travail du Canada. Avec quelle chaleur et
quelle amitié il nous recevait, à Ottawa, nous, les ministres du
Travail du Québec et d'ailleurs lors de caucus ou de conférences
au cours desquels nous avons véritablement fait du progrès
grâce à la générosité, au dévouement
qu'apportait l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce.
C'est, de la part du nouveau ministre, un signe de maturité
je le dis très sincèrement ayant connu sa famille plus
particulièrement il tient cela de son
"véritable"père... pas "véritable", mais
vénérable, parce qu'il ne serait pas tout à fait d'accord.
Tous les syndicalistes et tous les employeurs, le Conseil du patronat, ont
raison d'avoir confiance. C'est prometteur pour l'avenir.
A-t-on vu un ministre, en si peu de temps, apprendre aussi rapidement
toutes ces techniques qui sont extrêmement difficiles. On a beau dire
qu'on a des compétences en droit ouvrier, mon Dieu qu'on en a à
apprendre! Mon Dieu qu'il faut référer souvent pour savoir si
véritablement on a le mot juste ou l'expression juste!
Je retrouve dans les propositions d'amendement du ministre, qu'il nous a
remis de bonne grâce hier matin, malgré que le délai
était très court, un très grand nombre de modifications
que nous avions essayé de démontrer nous aussi. Ce sont des
modifications qui visaient particulièrement l'amélioration et le
véritable sens de la responsabilité collective pour
établir un juste équilibre entre la loi 45 qui était,
à mon sens, plutôt une loi improvisée au début, mais
une loi qui va devenir demain une loi beaucoup plus souple et
intéressante pour tous les partis.
La lettre même de nos amendements qu'on avait déjà
rédigée, on la retrouve presque textuellement dans le cadre des
amendements. Je ne sais pas s'il y a eu du coulage chez nous, si quelqu'un a
décidé de venir prendre nos amendements, mais en tout cas, on en
retrouve beaucoup, et cela va faciliter, je pense, l'étude en commission
parlementaire.
Ce que je souhaiterais le plus, c'est que devant la démonstration
qui nous a été faite ici par une association patronale et par les
centrales syndicales, qu'il y ait un moyen de trouver un terrain d'entente
entre eux. Ce n'est pas par des lois, par des législations, par de la
bureaucratie qu'on va finir par établir véritablement un
consensus de la paix entre ces deux organismes. C'est extrêmement
difficile, je le comprends, mais chacun y mettant sa part, sa bonne foi, je
pense qu'on pourrait faire avancer énormément, et on pourrait
s'empêcher d'adopter des lois restrictives.
Je ne comprends pas pourquoi le ministre qui a déposé une
masse de documents de 46 amendements n'a pas fait réimprimer le projet
de loi. Je pense que cela aurait été plus facile pour nous et
cela aurait accéléré nos travaux. Le député
de Saint-Laurent a parlé tout à l'heure d'une commission
d'étude sur les projets d'avenir du Code du travail. Je pense qu'il a
parfaitement raison parce que j'ai préconisé, en Chambre, par
motion spéciale, deux motions, une le mercredi et une autre qui nous a
été accordée en vertu de l'article 24, une motion tout
à fait privilégiée pour demander au gouvernement du temps
d'entendre, pas seulement ceux qui critiquent, pas seulement ceux qui viennent
nous demander des choses presque irréalisables, avec le couteau sous la
gorge. Non, j'ai demandé, dans une commission royale d'enquête,
d'entendre ceux qui, aujourd'hui, dans le monde du travail, sont des penseurs,
des planificateurs, des professeurs d'université, des syndicalistes qui
ont vécu le syndicalisme pendant des années, le monde du
patronat, ceux qui peuvent nous fournir, pour l'avenir, des solutions pratiques
qui feraient que la conciliation qu'on veut essayer d'établir entre
patrons et syndicats soit plus effective. Ne pensez pas que c'est facile et que
ça va être plus facile à l'avenir. Non.
Je suis convaincu que les syndicalistes ce matin, que les syndicats vont
critiquer sévèrement les amendements. J'en suis convaincu. Mais
que le ministre ne se laisse pas apitoyer parce que je suis convaincu que les
amendements qu'il a apportés prouvent sa maturité et
établissent un juste équilibre.
A l'avenir, s'il y avait moyen que la commission royale d'enquête
soit à la recherche de nouveaux piliers, de nouveaux sommets pour que la
législation ouvrière n'arrive pas après les
événements, mais arrive avant, pour donner une orientation
nouvelle à tout ce qu'on peut suggérer dans le monde ouvrier.
Je dis donc, en terminant, M. le Président, que les syndicalistes
devraient être conscients qu'un ministre a une responsabilité qui
dépasse
de loin celle d'un membre d'un syndicat. J'ai eu l'honneur d'être
ministre du Travail tout en étant syndicaliste et, souvent, j'ai
été pris avec certains problèmes personnels que j'ai
dû surmonter, pour prouver que j'avais le mandat de représenter
tout le monde, pas seulement les syndicats.
Je demande aux syndicalistes, aujourd'hui, de faire confiance au
ministre. Il a démontré, en peu de temps, qu'il avait
véritablement de la maturité. Il est sur le bon chemin. Il a
accepté de faire certains amendements qui vont peut-être
déplaire et qui vont peut-être changer le courant du bon vent
qu'avait dans les voiles le Parti québécois.
Mais aussi je demande, en terminant, à la partie patronale,
lorsqu'elle fait des suggestions, lorsqu'elle présente des
mémoires, lorsqu'elle veut obtenir certains nouveaux amendements au Code
du travail, de bien réfléchir sur l'importance qu'il y aurait de
faire, de temps en temps, des réunions au sommet pour que patrons et
syndicalistes puissent se rencontrer.
Il y a, vous allez me dire, le Conseil supérieur du travail qui
peut le faire, mais mon Dieu! combien de fois a-t-on été
obligé d'intervenir pour essayer d'obtenir au moins une paix
fictive!
M. le Président, tout en remerciant les membres de cette
commission d'avoir eu l'obligeance de m'écouter j'ai pris encore
trop de temps, mais vous savez tous combien je suis attaché aux lois du
travail je félicite le ministre d'avoir, malgré certains
bureaucrates qui auraient pu lui faire des crocs-en-jambe et il sait de
qui je parle passé par-dessus cela. Il nous a apporté des
amendements réellement sérieux, qui ont bonifié
énormément la loi 45.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jonquière.
Autres intervenants M. Claude Vaillancourt
M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le
Président. Très brièvement, quelques mots seulement pour
réaffirmer mon appui presque total au bill 45 et aux amendements qui ont
été déposés hier par le ministre du Travail.
Je pense, comme bien d'autres, que le bill 45 va faire en sorte
d'apporter un certain équilibre qui n'existait pas entre les
différentes parties à une convention collective, malgré ce
que certains peuvent prétendre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jonquière, j'ai omis de demander la volonté des membres de cette
commission de vous entendre, vu que vous n'en faites pas partie.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je
m'excuse, je remplace le député de...
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse, je vois que vous
remplacez M. Gosselin, de Sherbrooke. Continuez.
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est cela.
M. Mackasey: ... parce qu'il a beaucoup d'expérience comme
président de notre assemblée. Il est très rigide, il suit
toujours les lois et demande aux témoins de faire la même
chose.
M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bellemare: ... à certaines personnes qu'on trouve un
peu trop étroites.
M. Vaillancourt (Jonquière): Pour revenir au bill 45,
j'aimerais vous dire que j'ai eu l'occasion, au cours des récents mois,
de constater que ce bill était généralement très
bien perçu par la population en général; du moins, je peux
parler pour le comté de Jonquière.
Je dis oui aux grands principes, au vote secret, à la
première convention collective et je pense que nous avons eu au
Québec des cas célèbres. En tout cas, dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous avons le cas Woolworth, le cas
d'une première convention collective qui a fait les manchettes de la
presse nationale ou, du moins, de la presse provinciale dans la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je pense que des articles ou ces principes
affirmés dans le bill 45 vont faire en sorte d'empêcher des cas
comme celui de Woolworth, un employeur qui a voulu refuser la syndicalisation
de ses travailleurs, à Chicoutimi, vont empêcher ces
événements de survenir à l'avenir.
Je dis également oui à l'article 38 modifié du Code
du travail, dans le bill 45, qui rend obligatoire le précompte syndical.
M. le Président, d'autre part, je me dois de dire que l'amendement
apporté à l'article 97c du Code du travail, même si cela ne
m'empêchera pas de voter pour le bill 45 en troisième lecture,
m'apparaît une limitation extrêmement sérieuse à la
disposition de l'article 97a du Code du travail. L'interprétation large
de l'article 97c tel qu'amendé pourrait même faire en sorte
d'empêcher l'application et le principe de l'article 97a.
J'ai vécu la grève de l'ALCAN à Arvida où
5000 des 6000 travailleurs étaient impliqués. L'article 97c tel
que rédigé permettrait, par exemple, à une compagnie comme
l'ALCAN, le 3 juin 1976, lorsque les 6000 travailleurs ont décidé
d'user de leur droit de grève, si ce projet de loi était
adopté, de faire en sorte que l'ALCAN, dont les salles de cuves
étaient complètement gelées le matin du 3 juin, en raison
de l'abandon des 6000 travailleurs, puisse engager des gens pour faire en sorte
que les salles de cuves de l'ALCAN ne soient pas brisées ou
détériorées. Je pense que c'est là l'un des buts de
la grève. Lorsque l'on ne s'entend pas entre patrons et syndicats, on
donne un pouvoir à l'employeur qui est le lockout, on donne un pouvoir
au syndicat qui est la
grève, et la grève est le seul moyen actuellement à
la disposition des syndicats pour faire en sorte que l'employeur accepte les
demandes syndicales.
Je pense qu'il y aurait lieu, à l'article 97c tel
qu'amendé d'ailleurs, j'aurai des amendements à proposer
à l'article 97c de faire en sorte qu'au moins l'on demande au
syndicat, avant de permettre à l'employeur d'engager de ces
employés, s'il ne voudrait pas pallier cette situation et envoyer des
équipes de secours pour faire en sorte que les bains ne soient pas
brisés. C'est arrivé régulièrement lors de la
grève de l'ALCAN.
Lors de la grève de l'ALCAN, la compagnie parlait continuellement
au syndicat pour lui dire: Si vous ne faites rien, les wagons de chlore qui
sont à l'intérieur de l'usine peuvent exploser et la population
d'Arvida peut en subir des conséquences. Immédiatement, le
syndicat donnait sa collaboration.
Les salles de cuves ou les "pots", en jargon d'aluminium, étaient
gelés. On appelait régulièrement au syndicat pour lui
demander d'envoyer cinq à six spécialistes de ses
syndiqués qui étaient en grève pour venir aider à
faire en sorte que les dommages soient les moins grands possible, non pas pour
repartir les salles de cuves, mais pour faire en sorte que les dommages soient
le moins élevés possible et le moins grands possible.
Je pense que, tel que rédigé, l'amendement à
l'article 97c est une limitation sérieuse au principe sur lequel je suis
d'accord et émis à l'article 97a du bill 45. Je pense qu'il y
aurait lieu, en cours de route, avant de permettre à l'employeur
l'utilisation de ceux dont on veut empêcher l'utilisation, de permettre
un premier moyen, c'est-à-dire une demande de l'employeur au syndicat
pour pallier cette situation et, en cas de refus du syndicat, à ce
moment-là, de faire en sorte que l'entreprise puisse se servir des
dispositions de l'article 97c, afin que ses biens ne soient pas détruits
ou détériorés de façon très grande.
Je pense que l'article 97c tel que rédigé est un manque de
confiance quant au dialogue éventuel entre un syndicat et un employeur.
Dans bien des grèves, sur de simples appels téléphoniques
entre un président d'un syndicat et un directeur général
des compagnies, on voit à régler ces situations.
Je pense que l'article 97c, du moins tel que rédigé, est
une limitation sérieuse à un principe sur lequel je suis
d'accord, sur lequel l'Union Nationale est également d'accord pour avoir
voté en faveur en deuxième lecture, mais je pense qu'on devrait,
en cours de route, faire en sorte de penser à d'autres moyens, parce
qu'il y a d'autres moyens. Le Code criminel est toujours là. Lorsque le
syndicat ou les syndiqués brisent la propriété d'autrui,
le propriétaire peut toujours, en vertu de ce droit de
propriété, faire appel à toutes sortes de moyens qui sont
des procédures criminelles...
M. Bellemare: Quand il y a des procédures, le gouvernement
remet $50 millions à ceux qui ont manqué, mon cher monsieur,
à l'étiquette... Ecoutez, on en a des preuves.
M. Vaillancourt (Jonquière): S'il vous plaît, M. le
député de Johnson...
M. Bellemare: Oui, excusez-moi.
M. Vaillancourt (Jonquière): ... je ne voudrais pas
m'embarquer sur ce terrain...
M. Bellemare: Non, c'est qu'on a vécu cela
dernièrement.
M. Vaillancourt (Jonquière): En terminant, M. le
Président, je donne mon appui le plus total au bill 45. Mes
félicitations au ministre pour les amendements qu'il a apportés
et sur lesquels je suis d'accord. Des réserves très
sérieuses à l'amendement apporté à l'article 97c
qui me paraît non pas une négation, mais une limitation
extrêmement sérieuse d'un principe généralement
admis dans notre société. Il n'en reste pas moins que cette
disposition de l'article 97a est peut-être la plus progressiste au monde,
mais je me demande si elle le sera encore si on adopte l'article 97c tel que
rédigé. Le tout soumis respectueusement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bryce Mackasey
M. Mackasey: Merci, M. le Président. Mes commentaires
seront brefs. D'abord, le député de Saint-Laurent a
exprimé pour notre parti une observation que je partage
entièrement. Je pense que nous avons en place, potentiellement, au
moins, un bon ministre du Travail. J'en arrive à cette conclusion par la
position qu'il prend maintenant, par exemple, dans les conflits à
Montréal. On a souligné que ce n'était pas le rôle
du gouvernement d'agir comme police et d'essayer de régler tous les
conflits un, deux ou trois jours après le début de ces conflits.
Autant que possible, je partage ces sentiments. Le ministre devrait rester
à côté et laisser les patrons et le syndicat régler
eux-mêmes leurs conflits. Naturellement, ce sont les droits de la
collectivité qui rendent nécessaire le partage de la
responsabilité par le ministre.
Après avoir étudié les amendements, je pense que le
ministre du Travail est très mal pris, et je le dis en toute
sincérité, comme ami, comme membre d'un club assez exclusif. Nous
sommes trois ici qui avons été ministres du Travail.
Moi-même et le député de Johnson, qui a été
ministre du Travail longtemps dans la province de Québec, voulons
vraiment pour le meilleur de la province de Québec un climat stable,
surtout dans le domaine du travail. Je pense que dans cette période de
notre histoire, c'est très nécessaire pour l'avenir du
Québec de passer aux entreprises, qu'on appelle en anglais "cap-
ital intensive", et de moins en moins aux entreprises de "labour
intensive".
Cela prend beaucoup de restriction, pas seulement de la part des
gouvernements, des patrons, mais aussi des syndicats, pour comprendre que, dans
notre période de transition, peut-être pour les cinq ou dix ans
à venir, on demandera plus, en toute probabilité, aux syndicats
et aux patrons de travailler ensemble.
Souvent, pour sauver une entreprise, et là, je parle d'une
entreprise dans le sens sectoriel, si vous voulez, dans le domaine du textile,
on devra faire plus d'animation.
On peut créer du chômage, surtout à court terme.
Alors, c'est très nécessaire que nous acceptions, nous, de
l'Opposition, autant que le ministre, les responsabilités pour en
arriver à un projet de loi qui aide à la stabilité du
climat au
Québec.
Nous avons en même temps ces autres courants qui, normalement,
peuvent créer la violence, comme on le voit à l'hôpital
Victoria. C'est que les ouvriers craignent de perdre leur emploi, pas autre
chose, vis-à-vis de la nécessité de restreindre, si vous
voulez, les dépenses de l'hôpital.
Mais comme je l'avais souligné, à la deuxième
lecture, M. le ministre, je pense que ce n'est pas votre faute. Je pense que
vous êtes arrivé et que vous avez été obligé
d'accepter un projet de loi qui était déjà imprimé,
si vous voulez, déjà accepté par le Cabinet,
déjà préparé par les fonctionnaires. C'est
regrettable, parce que je pense que si vous aviez accepté le conseil de
l'Opposition et probablement privément par vos collègues, vous
l'auriez recommencé le projet de loi no 45, recommencé
peut-être avec un livre blanc qui aurait permis au patronat, aux
syndicats et à d'autres de se prononcer sur le projet de loi.
Le contraire est arrivé, comme vous le savez, M. le ministre.
Vous étiez obligé de venir avec le projet de loi no 45, et je me
rappelle, dans mon intervention, vous avoir dit que, sans doute, vous veniez
avec des amendements plus nombreux que les clauses dans le projet de loi
initial et vous voyez ici que nous avons les amendements qui... Le
député de Johnson l'a souligné. C'est très
difficile pour nous de connaître exactement les effets des amendements
avant que le bill ait été imprimé, très difficile,
et, deuxièmement, je pense que du moment que les effets de ces
amendements seront étudiés un peu par le patronat et par les
syndicats, on va en arriver à un point où les syndicats ainsi que
le patronat seront encore très mécontents du projet de loi. Je ne
veux pas, à ce moment-ci actuellement, traiter de cas bien particuliers.
On va garder nos observations pour plus tard. Mais je demande encore au
ministre de songer encore une fois à remettre ce projet de loi
après une commission royale d'enquête, afin que... Peut-être
que cela va prendre six mois de plus, mais il va arriver avec un projet de loi
qui va répondre aux besoins de tout le monde.
J'ai peur, par exemple, quand vous parlez de vote secret, je partage vos
sentiments selon lesquels chaque constitution de chaque syndicat devrait
contenir des clauses sur le vote secret. Mais ça, c'est le cas
aujourd'hui. Alors, vraiment, vous demandez ce qui existe. Ce n'est pas
ça que la population demande. La population veut, en plus de ça,
une participation, avec raison ou non, de la part du gouvernement; ce n'est pas
assez pour la population. C'est peut-être assez pour moi, mais pas assez
pour la population, pour le patronat, pour les tiers qui sont affectés
par les grèves. Ce n'est pas assez pour eux de dire: Ah! Le vote secret,
c'est dans la constitution de chaque syndicat. Ce n'est pas assez. On veut que
la constitution soit respectée. C'est une autre chose
complètement, et vos amendements vont, je pense,
accélérer, si vous voulez, pour ceux qui ne comprennent pas le
domaine syndical et les relations industrielles, et l'autre va dire: C'est un
"cop-out", comme on dit. C'est un effort de rendre service pour satisfaire les
syndicats.
Tandis que, quand vous arrivez à la section sur l'"anti-scabs",
là sans doute, le syndicat va dire: Cela ne fait pas notre affaire. Cela
ne fait pas notre affaire du tout. Ce que vous avez fait avec vos amendements,
c'est de rendre cette clause inutile. Alors, après vos audiences
publiques avec les syndicats, avec le Conseil du patronat et d'autres, vous
avez essayé, par vos amendements, M. le ministre, surtout dans les
secteurs importants, de faire plaisir à tout le monde, et c'est
impossible.
C'est impossible, par vos amendements, de faire accepter la clause
"anti-scabs" au patron, pas plus que vous n'êtes capable par vos
amendements au vote secret de donner satisfaction au patron. Vous êtes
placé entre deux chaises. Il est temps que vous décidiez une fois
pour toutes d'aller avec le syndicat dans une clause ou avec le patron dans
l'autre.
Je pense que vous serez précisément... Vous trouverez que
ni les patrons, ni les syndicats seront contents. Surtout, le problème
ici n'est pas seulement le patron et le syndicat, mais c'est le syndicat contre
le syndicat. Je vais terminer ici, je pourrai en dire plus lorsqu'on discutera
des amendements.
Si on accepte tous les amendements tels qu'ils sont nous arriverons avec
un projet de loi qui créera plus d'animosité entre les patrons et
les syndicats. Je demande encore au ministre de changer, de retarder ce projet
de loi jusqu'à la fin de la commission royale d'enquête ou du
moins d'accepter le principe que les témoins, les syndicats et les
patrons aient la permission de venir ici devant la commission parlementaire
pour discuter des amendements, parce qu'il n'y a aucun amendement...
Merci.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Beauharnois.
M. Laurent Lavigne
M. Lavigne: M. le Président, je m'en voudrais de ne pas
souligner, pour ma part, l'importance du projet de loi 45. Un projet de loi, si
ce n'est pas le seul, parmi ceux que j'attendais avec le plus d'impatience
depuis l'arrivée du nouveau gouvernement du Parti
québécois au pouvoir. Cette impatience provient du fait que je
suis originellement un gars d'usine, un gars de chantier, un gars qui a connu
ce que c'était, jusqu'à un certain point, avoir un patron. J'ai
travaillé pour une compagnie qui pouvait avoir un grand nombre
d'employés au moment où les syndicats n'existaient pas
encore.
Donc, ce fameux projet de loi 45, je l'attendais avec impatience.
Lorsqu'on regarde dans la pratique ce qui se passe finalement, on se rend
compte qu'il y a un très grand déséquilibre entre ce que
le Code du travail pouvait donner comme pouvoir aux patrons par rapport
à ce que les travailleurs pouvaient avoir. Quand il s'agissait d'une
négociation, tout ce qui restait pour les travailleurs, ou presque,
c'était de pouvoir dresser une ligne de piquetage et de négocier
pendant ce temps. Mais on sait très bien qu'une ligne de piquetage,
c'est un geste symbolique et que, légalement, si on veut outrepasser la
ligne de piquetage, on peut le faire.
Donc, témoin d'une grève qui a duré trop longtemps
à Stanchem, dans le comté de Beauharnois, l'an passé,
c'est exactement ce qui s'est produit. Devant cette espèce de
déséquilibre qu'il y avait entre les deux parties, la partie
patronale avait, à mon avis, beaucoup trop de pouvoir par rapport
à ce que les travailleurs pouvaient avoir pour négocier. Se fiant
sur le pouvoir que les patrons ont, on tient les travailleurs en respect trop
longtemps, en se disant qu'ils vont lâcher.
Pendant qu'on négociait, il y a eu des "scabs". Des camions de
marchandise et des trains ont franchi les lignes de piquetage. Il y a eu des
injonctions, ce qui fait que finalement, lorsqu'on regarde cela globalement, on
se dit: On ne s'en sortira jamais. Or, avec l'aide du projet de loi 45 qui,
bien sûr, n'est pas une fin en soi, au niveau des aménagements
éventuels, je pense qu'un remaniement complet du Code du travail
s'imposera dans le temps, mais quand même, c'est un pas en avant. Je
pense, en particulier, à l'article 51, la fameuse clause qui a trait
à la loi "anti-scabs", aux antibriseurs de grève.
Je pense qu'il est important pour le travailleur qui est en
grève, pendant que les syndicats négocient, qu'il puisse
être en grève en paix, dans le sens qu'il va savoir, à
partir de la loi 45, qu'il n'y a pas d'autres employés qui pourront
aller prendre sa place pendant les négociations et il n'aura pas
l'inquiétude aussi d'être rejeté de la compagnie quand la
grève sera terminée, les négociations seront
terminées. Il se trouve à être protégé par le
projet de loi 45. Cela s'imposait. Je pense que c'est un geste qui était
dû, que le gouvernement devait poser.
Par cette loi, je pense qu'on va corriger, pas tout, mais on va quand
même corriger certaines lacunes qu'on connaissait dans le monde du
travail, dans le monde des relations ouvrières. Ce que je voudrais dire
ici avant de terminer, c'est que finalement, ce qui compte le plus, à
mon avis, c'est une espèce de respect que les patrons devraient avoir de
plus en plus pour les travailleurs qui travaillent dans leur usine. Je pense
qu'il faut qu'ils comprennent une fois pour toutes que finalement, s'il n'y
avait pas ces travailleurs, leur usine ne fonctionnerait pas et il ne faudrait
pas que ces gens soient considérés comme des numéros, mais
comme des êtres humains et il n'y a pas une loi qui va pouvoir faire en
sorte qu'un patron soit plus ou moins humain. Je pense que c'est un climat
qu'on doit favoriser; on a commencé à le faire avec les
rencontres syndicales patronales dans les différents sommets, que ce
soit les gros sommets ou les mini sommets et les relations que le gouvernement
doit entretenir avec la partie patronale aussi bien qu'avec la partie syndicale
feront en sorte que ce climat soit plus sain et on n'attendra pas qu'il y ait
des montagnes devant nous avant d'agir, on devra être aux aguets et
suivre quotidiennement ou presque les rapports qui devront exister entre les
patrons et les syndicats et les employés. Je pense qu'avec la loi 45 on
va quand même aider ou favoriser ce climat. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Avant d'appeler l'article 1,
j'aimerais avoir le consensus, comme c'est l'habitude de le faire, pour que le
cahier d'amendements apporté par le ministre fasse partie du projet de
loi 45 automatiquement. Comme il se fait normalement. C'est le cahier que vous
avez reçu, qu'il soit lu dès l'article 1 comme faisant partie du
projet de loi au lieu de prendre un vote à chaque amendement que le
ministre peut apporter.
M. Bellemare: Cela aurait été plus facile s'il
avait été réimprimé.
Le Président (M. Laplante): Là n'est pas la
question. Je n'ai pas ce pouvoir, M. le député de Johnson. La
seule chose que je demande c'est votre approbation sur une méthode de
travail. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Blank: Consentement.
Etude article par article Commissaire du
travail
Le Président (M. Laplante): Merci, j'appelle l'article 1.
M. le ministre.
M. Johnson: A l'article 1, M. le Président, il s'agit
d'une modification; si on regarde les projets d'amendement qui,
essentiellement, font deux alinéas au lieu d'un seul, le premier
pour
indiquer le changement d'appellation du commissaire-enquêteur dans
le Code du travail et le second pour indiquer ce changement dans les autres
lois. C'est une précision, évidemment, d'ordre purement
technique. On change également l'appellation d'enquêteur, qui en
fait est équivoque dans la fonction publique et qui, en plus, ne
décrit pas finalement très bien le rôle des personnes qui
remplissent cette fonction, par l'expression agent d'accréditation qui
paraît évidemment plus juste.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez des
remarques, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le
député de Saint-Louis?
M. Blank: Le commissaire, est-ce que ce n'est pas vraiment un
enquêteur? Pour quelle raison a-t-on changé les mots? Le
commissaire-enquêteur peut toujours agir comme un enquêteur.
Pourquoi ôter cela?
M. Johnson: C'est parce qu'il y a aussi des enquêteurs...
Vous parlez de la première partie?
M. Blank: Oui.
M. Johnson: D'accord. Le commissaire-enquêteur, oui. C'est
que, dans d'autres lois il existe, en vertu d'autres lois, des
commissaires-enquêteurs et finalement ils n'ont pas le même
rôle que ceux qu'on appelle les commissaires-enquêteurs chez nous.
Il s'agit finalement de donner au commissaire du travail une appellation qui
fait que ce sont les pouvoirs découlant du Code du travail et non pas
ceux qui pourraient découler d'autres lois. C'est une précision
essentiellement d'ordre sémantique, cela ne change rien quant à
leur pouvoir.
M. Blank: Cela ne change rien, mais on a toujours appelé
une personne selon la position qu'elle occupe. Le commissaire enquêteur
était vraiment un enquêteur. Maintenant, on l'appelle commissaire
général du travail; ça ne change rien au fond, mais...
M. Johnson: C'est-à-dire qu'il y a les enquêteurs,
il y a le commissaire du travail et le commissaire général du
travail, qui est le commissaire-enquêteur chef, si on veut, auquel on est
habitué.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je suis prêt à l'accepter. M. Blank:
On accepte...
Le Président (M. Laplante): Article 1, adopté tel
que...
M. Johnson: M. le Président, j'aimerais suspendre, si
c'est possible, l'article 2 et passer à l'article suivant.
Le Président (M. Laplante): Article 1. Adopté.
Article 2.
M. Johnson: Article 2, suspendu, s'il vous plaît.
Le Président (M. Laplante): Article 2, suspendu.
M. Johnson: Article 3.
Participation à la formation d'une association
Le Président (M. Laplante): Article 3.
M. Bellemare: II est bien important qu'on se mette bien
d'accord.
M. Johnson: D'accord pour l'article 3. A l'article 3, M. le
Président, il s'agit d'ajouter le mot "formation", "tout salarié
a droit d'appartenir à une association de salariés de son choix
et de participer à la formation de cette association, à ses
activités et à son administration". En ajoutant le mot
"formation", on écarte une décision: Bergeron contre la compagnie
d'assurance Les Provinces Unies, 1967, Revue du droit du travail, qui avait
décidé que le droit de former une association n'en était
pas un qui résultait du code. Le Tribunal du travail avait cependant
corrigé la situation dans une décision du juge Filion; la
modification, en fait, confirme donc la décision prise par le Tribunal
du travail en 1972 pour qu'il n'y ait plus d'ambiguïté au niveau de
la jurisprudence.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je constate aussi que, dans cet article le même
salarié a droit d'être membre de plus d'une association. Il n'y a
aucune restriction au nombre d'associations auxquelles il appartient. Non. Il y
a aussi le fait, lorsqu'il y a protection... Ici, je veux proposer un
amendement, ajouter les mots: "le droit des salariés de ne pas
appartenir à une association". Je ne veux pas qu'avec l'article 3, ce
soit obligatoire d'appartenir à une association. Je propose l'amendement
suivant: "que l'article 3 soit modifié en ajoutant, à la fin,
l'alinéa suivant: "tout salarié a également le droit de ne
pas appartenir à une association de salariés".
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez apporter votre
modification.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Sur la recevabilité, M.
le ministre.
M. Johnson: Enfin, pas sur la recevabilité, sur
l'opportunité. Il est bien évident que je considère que
l'amendement du député de Saint-Louis
est absolument inapproprié. Le Code du travail confère des
droits, il n'a pas à conférer le droit de ne pas faire. Cela
m'apparaît évident. Ce que vise le député de
Saint-Louis, c'est probablement... Je lui ferai remarquer qu'à un
article plus loin dans le code, on prévoit la fin du "closed shop",
l'article 38, et je pense que le type de réalité qu'il essaie de
viser est visé par l'article 38. S'il veut retirer son amendement, cela
me fera plaisir d'accepter qu'il le retire, ce qui éviterait un long
débat.
M. Blank: Je vais vérifier l'article 38 avant de donner
mon accord.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Johnson, en attendant que le député de Saint-Louis ait
vérifié l'annotation de l'article 38.
M. Bellemare: Je ne vois pas la nécessité
d'établir ce principe dans le Code du travail. Tout salarié a
également droit de ne pas appartenir à une association de
salariés, parce que, dans le Code du travail...
Le Président (M. Laplante): Juste une petite remarque pour
être conforme au règlement. Je n'ai pas encore jugé la
motion recevable. Vous ne pouvez pas parler là-dessus. Si vous avez
quelque chose à dire sur la non-recevabilité, d'accord.
M. Bellemare: Sur la non-recevabilité?
Le Président (M. Laplante): Oui, je ne l'ai pas encore
jugée recevable. Elle a juste été
présentée...
M. Bellemare: Quelle sorte de principe nouveau? Après
qu'il ait lu sa motion, après que le ministre ait répondu,
après qu'on ait donné des arguments, pourquoi le
député de Johnson n'aurait-il pas le droit de parler sur la
motion que vous auriez dû arrêter dès le début?
Le Président (M. Laplante): Je donne la parole au
député de Saint-Louis. Avez-vous lu votre article 38? Est-ce que
vous conservez...
M. Blank: Je ne suis pas d'accord avec le ministre. Le nouvel
article 38, dans ses amendements, n'empêche pas le "closed shop" du tout.
Je ne veux pas discuter de l'article 38, mais il y a un petit paragraphe qu'on
a ajouté: "sauf si le salarié est embauché à
l'encontre d'une disposition de la convention collective." Si la convention
collective parle d'un "closed shop", comment peut-on dire qu'il n'y a plus de
"closed shop"?
Le Président (M. Laplante): Pour enlever toute
ambiguïté, je vais juger la motion recevable tout de suite.
M. Johnson: L'amendement est reçu?
Le Président (M. Laplante): II est reçu.
M. Johnson: Est-ce que je peux reprendre la parole sur
l'amendement, au sujet de l'article 38? Ce que l'article 38 dit... M. le
Président, est-ce que le ministre a préséance sur un
membre de l'Opposition?
Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur.
M. Johnson: Je ne voudrais pas brimer en aucune façon le
droit d'association ou autre du député de Johnson.
En fait, d'abord, sur le plan des principes fondamentaux, je pense que
c'est clair que le Code du travail confie des droits. Il n'a pas à
confier un droit qui serait, en fait, la négation d'une liberté
qui existe pour lui, déjà, dans la Charte des droits et
libertés de la personne, à l'article 3.
Deuxièmement, l'article 38 du projet de loi, tel que
modifié, avec les amendements que nous y avons apportés, met fin
à l'atelier parfait fermé. Je l'explique pour les besoins du
député de Saint-Louis, si jamais il y avait des
ambiguïtés. Dorénavant, on dit qu'une convention collective
ne pourra pas contenir... Il y a interdiction de priver un individu de son
emploi, s'il perd, en cours de route, son statut de membre de l'association
accréditée, tout en demeurant dans l'unité. C'est le
"closed shop" parfait.
Cependant, le projet de loi n'interdit pas l'embauche syndicale,
c'est-à-dire la nécessité, au moment de son engagement,
d'avoir effectivement une carte de membre de l'association
accréditée.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, je pense que le droit
d'association est reconnu dans le Code du travail depuis toujours. On a le
droit et on peut, en vertu de l'article 12 du Code du travail... C'est clair,
c'est net, c'est bien précis: on n'a pas le droit d'intimider, on n'a
pas le droit de forcer quelqu'un à appartenir à l'union. C'est
l'article 12. Un ouvrier reste responsable de son adhésion ou de sa
non-adhésion, en vertu de l'article 12. Nul ne doit user d'intimidation
ou de menace pour amener quiconque à devenir membre ou à
s'abstenir de devenir membre, ou à cesser d'être membre d'une
association de salariés ou d'employeurs, ni pour amener un
salarié à signer, à refuser, à révoquer ou
à établir une autorisation à retenir un montant sur son
salaire, comme condition.
L'article 12 est bien précis. D'ailleurs, dans le Code du travail
qui est la loi générale, il est bien entendu que c'est un droit
exclusif de l'ouvrier d'appartenir ou de ne pas appartenir à un
syndicat. Pour le précompte syndical, c'est sûr et certain qu'il
est obligé de payer. En vertu de la loi, par la formule Rand, il va
être obligé de payer. Justement, on en tient compte dans les
amendements.
Je pense que l'amendement soumis par le député de
Saint-Louis ne justifie pas ses craintes.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, cette question est une
question de principe. On pourrait se borner à dire: C'est une question
de principe, voici pourquoi nous présentons un amendement comme
celui-là. Cela va plus loin que cela.
M. Johnson: C'est un symbole.
M. Forget: Non, ce n'est pas un symbole, je vais vous expliquer
comment cela joue un rôle, ou cela devrait jouer un rôle dans
l'ensemble des dispositions du Code du travail.
Il est assez évident mais, comme tout ce qui est
évident, cela va encore mieux, quand on l'exprime l'ennui, c'est
que ces articles viennent à la fin, je vais donc, M. le
Président, vous demander la permission d'au moins y faire allusion,
comme on vient de le faire à l'article 38, qu'il y a une position que
nous entendons défendre, soit celle de l'autonomie des organismes
syndicaux quant à leur régie interne, quant à leur
fonctionnement.
Or, un principe d'autonomie interne des syndicats ne peut se
défendre que dans la mesure mais il se défend très
bien dans cette mesure où les membres individuels de l'organisme
en question, s'ils ne sont pas d'accord sur la façon dont le syndicat
administre leurs affaires, de la façon dont les votes se prennent ou ne
se prennent pas, de la façon dont les finances du syndicat sont
administrées, enfin toutes les dimensions de l'activité du
syndicat, ont un droit. C'est une espèce de recours ultime à la
dissidence. C'est corrélatif, la liberté interne des syndicats et
le droit d'un individu qui, fondamentalement, n'est pas d'accord, de dire:
Ecoutez, si je ne suis pas capable d'entraîner une majorité avec
moi au sein de cet organisme, si, pour toutes sortes de raisons
légitimes ou illégitimes, il se sent brimé ou pas
représenté adéquatement, d'en sortir et, d'en sortir, bien
sûr, sans pénalisation. C'est important.
Comme nous avons l'intention d'insister sur la liberté et
l'autonomie interne du syndicat, nous croyons qu'il est tout aussi important de
bien faire ressortir que la sanction de cette autonomie interne du syndicat,
c'est le droit à la dissidence et la protection par la loi du droit
à la dissidence.
J'ajoute immédiatement que, lorsque l'on parle du droit à
la dissidence, bien sûr, cela doit se faire dans le cadre des lois. Cela
n'exclut pas du tout le précompte syndical obligatoire. Le
précompte syndical obligatoire, c'est une contrepartie nécessaire
et, à mon avis, inévitable du fait que notre Code du travail
consacre la notion du syndicat majoritaire qui a un mandat exclusif de
représentation et que le Code du travail dit explicitement que tous les
avantages que le syndicat acquiert pour ses membres, il doit aussi, dans le
fond, en faire bénéficier les non-membres, puisque les
mêmes conditions de travail s'appliquent aux non-membres.
Il y a là une question de justice. Ceux qui exercent leur droit
à la dissidence contribuent, malgré tout, à une somme
proportionnelle aux avantages qu'ils en retirent, c'est-à-dire la
cotisation syndicale de base. Malgré tout, quant à tous les
autres aspects, de l'avis du syndicat, ils peuvent être dissidents, ils
peuvent se retrancher d'un organisme en lequel ils n'ont pas confiance ou sur
lequel ils ne se sentent pas capables d'avoir l'influence normale. Qu'ils
portent eux-mêmes le jugement sur le caractère démocratique
ou non démocratique de leur syndicat, sur l'orientation qu'il prend ou
qu'il ne prend pas, selon les opinions qu'ils ont eux-mêmes.
Bien sûr, il y a ultérieurement, à l'article 38, un
certain geste qui est posé, geste important et significatif du ministre
et du gouvernement lorsqu'ils annoncent que, par cet amendement, l'atelier
syndical parfait sera exclu. Il reste que, dans la logique que nous avons,
l'atelier syndical imparfait même, c'est-à-dire l'exigence que
l'employé, au moment de son engagement fasse partie du syndicat, est en
soi une certaine entorse à ce principe de dissidence. C'est, je pense,
un principe suffisamment important pour être affirmé au
début, à l'article 3.
Remarquez que, dans l'article 3, le droit qui est affirmé
là, c'est un peu, comme le ministre le disait, un symbole, en ce sens
qu'il n'a de sens que par le chapitre relatif à l'accréditation.
On dit: C'est important au départ d'annoncer sur quel principe
l'ensemble du système fonctionne. C'est pourquoi il nous semble
approprié à cet article de dire: C'est la liberté
d'association dans son sens le plus complet. Les salariés sont libres de
s'associer. Il faut que, quand ils veulent s'associer, l'exercice de cette
liberté soit protégé par des articles appropriés
dans les mécanismes d'accréditation. On aurait pas mal de choses
à dire là-dessus.
Quand ils sentent qu'ils doivent être dissidents, ils veulent
voter, en quelque sorte, d'une certaine façon, exprimer leur
désaccord fondamental avec ce qui se passe à l'intérieur
de cet organisme. C'est à eux qu'il appartient de le dire. Ce n'est pas
au gouvernement à passer des jugements là-dessus, à moins,
bien sûr, qu'ils se livrent à des activités légales,
mais si c'est un jugement sur le fonctionnement interne de l'organisme, sur la
façon dont ils fonctionnent, etc., c'est d'abord et avant tout aux
syndiqués...
Il faut que la loi dise: Bien oui, on lui reconnaît ce droit, le
droit d'être dissident. On va le protéger quand il l'exerce, ce
qui implique, évidemment, dans d'autres chapitres, y compris les
chapitres sur l'accréditation, la possibilité pour les membres
dissidents d'un syndicat d'exercer leur dissidence sans être
pénalisés, pas seulement au point de vue de l'emploi et du
congédiement, mais au point de vue du mécanisme
d'accréditation lui-même. Je crois qu'il y aura aussi
beaucoup de choses je ne veux pas anticiper sur le débat
là-dessus qui pourraient être dites, étant donné
certaines tendances qu'on peut observer, par exemple aux Etats-Unis, dans le
mouvement syndical, etc.; il y a une forme de militantisme ouvrier qui prend
des formules assez nouvelles. Je pense que la loi doit le protéger.
C'est pour ça qu'on insiste... Moi, j'insiste personnellement pour que,
dans toute la mesure du possible, ce principe soit affirmé. La
liberté d'association, c'est un couteau à deux tranchants, si
l'on veut. C'est à la fois le droit de former un syndicat, mais c'est
aussi, pour l'individu, le droit d'être celui qui, en dernier ressort,
juge son syndicat, pas d'autres. C'est lui qui en juge et, quand il en juge
positivement, il continue à y adhérer. Mais s'il juge
négativement, il faut qu'il ait une possibilité d'exprimer
ça.
Le Président (M. Clair): Le député de
Johnson.
M. Bellemare: Ecoutez! C'est impossible qu'on accepte, dans une
loi, une chose pareille, parce que la loi y pourvoit et depuis longtemps.
L'article 12 est formel. L'article 25, c'est encore plus précis. Quand
on lit l'article 25: Le commissaire-enquêteur peut ordonner le vote au
scrutin secret d'un groupe désigné de salariés chaque fois
qu'il le juge opportun et, en particulier, lorsqu'il est d'avis qu'une
contrainte a été exercée pour empêcher un certain
nombre desdits salariés d'adhérer à une association de
salariés ou les forcer d'y adhérer ou s'il appert que lesdits
salariés sont membres de plus d'une association en nombre suffisant pour
influencer la décision. C'est clair, c'est reconnu qu'un salarié
peut être, indépendamment de tout ce que vient de dire le
député de Saint-Laurent, reconnu comme ne faisant partie d'aucune
union ou de plusieurs unions. Ce sont les articles 12 et 25 qui s'appliquent.
Je ne vois pas pourquoi on irait ajouter un autre amendement comme
celui-là. Je suis totalement... Je me fais énormément
de... Je n'ai pas peur qu'on puisse dire: Toi, il faut que tu sois reconnu. Je
n'ai pas peur de ça.
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, je suis assez surpris, moi,
de l'amendement, parce que je vous avoue que l'Opposition officielle qui
s'affiche, depuis le 15 novembre, comme les défenseurs du syndicalisme,
chose assez surprenante, permettez-moi de le dire...
Vous niez, à toutes fins pratiques, par cet amendement, la
sécurité syndicale même, et toutes les clauses de
sécurité syndicale n'auraient à peu près plus de
sens, l'atelier parfait, l'atelier imparfait, l'atelier fermé n'auraient
à peu près pas de sens. L'atelier fermé, un "closed shop",
de toute façon, est prévu, parce que cela pourrait être
considéré comme une entrave du droit même au travail. C'est
pour ça que le ministre apporte un amendement à l'article 38 en
disant: Ecoutez! Le droit au travail, c'est quelque chose de sacré,
mais, pour le reste, donner une sécurité syndicale, s'assurer
qu'au départ, les gens ont même le droit de participer à
changer leur propre mouvement par l'intérieur...
A toutes fins pratiques, avec votre proposition, vous risquez
d'encourager des affrontements entre le patronat et le mouvement syndical, en
allant engager des individus nettement bien identifiés comme des
antisyndicaux irréductibles qui ne signeraient pas leur carte de membre
dès le départ et qui viendraient semer la zizanie à
l'intérieur même de l'usine.
Personnellement, je considère que les clauses de
sécurité syndicale ont toujours été
considérées comme très compatibles avec la liberté
d'association et si vous aviez été logique même dans votre
propre proposition, vous auriez marqué au moins: "Tout salarié a
droit d'appartenir à toute association" et non pas à une
association. Vous ne restreindriez pas cela uniquement à une
association. Vous diriez "toute association". Je ne comprends pas du tout
où vous voulez aller avec cet amendement.
Votre souci devrait être d'abord et avant tout, comme
législateur, de protéger le droit au travail. C'est un souci que
je comprendrai et que je partagerai avec vous, mais le souci d'intervenir
même dans les clauses de sécurité syndicale dénote
un certain corporatisme.
Je suis surpris de voir que des membres d'une corporation fermée
osent proposer un tel amendement quand eux-mêmes se sont coincés
au bout...
M. Blank: ...
M. Chevrette: C'est vous qui l'avez présenté, M. le
député de Saint-Louis, et vous en êtes un.
M. Blank: Oui, d'accord.
M. Chevrette: Et vous savez quelle liberté vous avez si
vous voulez fonctionner.
Le Président (M. Clair): A l'ordre messieurs, s'il vous
plaît!
M. Blank: ... "the perfect closed shop on the board."
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît,
messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Blank: Après cela, les médecins...
Le Président (M. Clair): La motion d'amendement à
l'article 3 a été proposée, si je comprends bien, par le
député de Saint-Louis.
M. Blank: Les médecins et les avocats, les deux.
M. Mackasey: Comme vous êtes membre des deux organisations,
vous êtes dans...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
La motion d'amendement proposée par le député de
Saint-Louis est-elle adoptée?
M. Chevrette: Rejeté.
Le Président (M. Clair): Rejeté. Article 3.
Adopté?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Clair): Adopté sur division.
Article 4.
Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: L'article 4 fait suite à une recommandation
unanime du comité no 1 sur l'accès en forêt formé
par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Il s'agit ici de
préciser qu'une simple autorisation de précompter la cotisation
syndicale constitue bien le paiement de cette cotisation parce que cette
objection a été soulevée dans le passé devant le
commissaire-enquêteur.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Comme la discussion détaillée de cet
article nous ferait entrer dans le bois, pour en sortir, on ne fera pas de
discussion détaillée. Du moins, je n'en ai pas personnellement
à faire là-dessus. Je remarque, effectivement, qu'il y a eu des
recommandations unanimes du CCTMO. Il y a eu une concordance puisqu'il n'y a
plus de droit d'entrée qui est exigé comme condition à
l'accréditation. Alors, on supprime cela aussi. Cela m'apparaît de
pure concordance.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je pense, moi aussi, que c'est une modification de
concordance, le précompte syndical obligatoire. Je suis parfaitement
d'accord, particulièrement parce que le présent article ne
s'applique pas à l'exploitation forestière effectuée sur
la propriété par un cultivateur ou un colon.
Le Président (M. Clair): Alors, l'article 4 est-il
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Clair): Adopté. Article 5, M. le
ministre du Travail.
M. Johnson: II s'agit d'un article, M. le Président, qui
modifie l'article 10 du code et qui fait état du fait que tout employeur
a le droit d'appartenir à l'association d'employeurs de son choix et de
participer à la formation de cette association. C'est en fait une
concordance avec ce même article qu'on a vu quant aux
salariés.
M. Vaillancourt (Jonquière): ... par le
député de Saint-Louis sur l'article 5 pour permettre à
tout employeur de ne pas appartenir...
M. Bellemare: C'est ce que j'allais dire.
M. Forget: C'est un amendement, M. le Président, qui
serait plus radical que cela.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs! M.
Blank: On va voir, un moment...
Le Président (M. Clair): Alors, vous savez tous,
messieurs, qu'on doit demander la parole normalement en commission
parlementaire. Cela vaut autant pour le député de
Jonquière, de Sainte-Marie, de Saint-Louis que de Saint-Laurent. Qui
demande la parole? Le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, c'est évidemment un
article qui, dans sa formulation, dans la loi 45, est de concordance par
rapport à des modifications à l'article 3. Cependant, c'est un
article qui apparaît comme un cheveu sur la soupe dans le Code du
travail. On a entendu abondamment dans les discussions sur ce projet de loi, de
la part, en particulier, des organismes syndicaux... Je pense que c'est vrai de
dire qu'ils sont, vis-à-vis du Code du travail, selon leur expression,
toujours en demande et qu'ils envisagent le Code du travail essentiellement
comme un ensemble de dispositions leur permettant d'exercer leurs droits
plutôt que comme une espèce de grande charte des relations
patronales-ouvrières.
Effectivement, ce jugement est exact, parce que tout le code, toutes les
dispositions, à l'exception de choses, dans le fond, comme
celles-là qui essaient de donner une impression contraire sans vraiment
y parvenir, toutes les dispositions sont relatives aux modalités, aux
possibilités pour une association de salariés d'exercer ses
droits, d'obtenir la négociation, de forcer la négociation d'une
convention collective, d'aller en grève si elle ne l'obtient pas.
Il n'y a vraiment pas, du côté des employeurs, une
tentative de la part du législateur, de dire: Voici, les droits de
gestion, etc., se définissent de telle et telle façon; ce n'est
véritablement pas le but du Code du travail, je ne prétends pas
du tout que ça devrait être le but du Code du travail. Il reste
que cette espèce d'équilibre un peu factice qui est établi
par l'article 10 n'a pas vraiment sa raison d'être. Cet article a
introduit un peu de confusion et c'est la raison pour laquelle il me semble
qu'on pourrait profiter de l'ouverture de la loi pour abroger tout simplement
cet article. Il n'a pas sa raison d'être dans le Code du travail.
C'est le but de l'amendement, M. le Président, qui se lirait
comme suit: "Que l'article 5 soit modifié en remplaçant tous les
mots, après le mot "est" de la première ligne par le mot
"abrogé". L'article amendé se lirait comme suit: "L'article 2 du
code est abrogé."
M. Bellemare: Le même matin, à la même heure,
presque à la même minute, mon cher monsieur, une contradiction
pareille.
M. Johnson: M. le Président.
Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, même s'il est vrai que
notre Code du travail est perçu, comme le dit le député de
Saint-Laurent, comme étant essentiellement la mécanique de
référence pour les salariés, pour exercer les droits qui
lui leur sont confiés dans ce code, il demeure quand même qu'il y
a des choses qui font l'objet d'un débat, à mon avis, fondamental
dans notre société depuis quelque temps. On évoque la
notion d'accréditation multipatronale, c'est quelque chose qui est dans
l'air en ce moment. On sait qu'en vertu de la loi 290, par exemple, il existe
un précompte "entreprenal" obligatoire dans le cas de l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec. Finalement, je pense que dans
la perspective des modifications en profondeur du Code du travail, dans les
années qui viennent, je pense que ce serait mauvais de fermer la porte,
parce qu'on risque d'assister à une définition des rapports et
des obligations, ainsi que des droits des entrepreneurs qui se
regrouperaient.
J'ai eu l'occasion, comme le député de Saint-Laurent le
sait, depuis deux mois, de participer à une série de colloques et
particulièrement certains colloques qui réunissaient des
entrepreneurs, des employeurs qui justifient parfois leur anxiété
chronique face à l'apparition du syndicat. Je voudrais faire mienne ici
la réserve qu'a faite le député de Saint-Laurent quant aux
représentants représentatifs du patronat qui, à mon avis,
démontrent une maturité et une capacité de faire face au
phénomène de syndicalisa-tion, qu'on ne retrouve pas toujours
chez les entrepreneurs et chez les employeurs, individuellement, qui
perçoivent comme menaçant le syndicat.
Or, de plus en plus, on sait que des groupements comme la chambre de
commerce, comme le Conseil du patronat, comme différentes associations
sectorielles tendent à mettre en commun certains services aux
entreprises, dans l'optique où on considère que
l'avènement du syndicalisme pose une question au niveau de l'entreprise.
Je pense que cet article 5 sera peut-être utilisé à
l'avenir, beaucoup plus qu'il ne l'a été dans le passé et
sûrement, fera l'objet d'une réflexion importante au niveau de
cette commission qui étudiera l'ensemble des lois du travail.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie avait demandé la parole. Ensuite, ce sera le
député de Johnson.
M. Bisaillon: Quant à moi, je m'étonne un peu de la
nature de cet amendement, d'autant plus que je voudrais demander au
député de Saint-Laurent ce qu'il fait avec la loi 290 où
il existe un regroupement d'employeurs, qui a été forcé
par une loi, et, où il y a un précompte patronal qui a
été imposé dans la loi. On a donc senti, à un
moment donné, l'obligation de regrouper un certain nombre
d'employeurs.
Si on acceptait l'amendement du député de Saint-Laurent,
qu'est-ce qui arriverait avec la loi 290 et le regroupement des employeurs que
la loi 290 a forcé?
M. Johnson: Cela fait partie du Code du travail.
M. Chevrette: Cela serait peut-être bon de le regarder.
M. Bellemare: II y a l'article 85 du règlement
également qui dit: "tant qu'une motion n'a pas été mise en
délibération, elle peut être retirée avec la
permission du député qui l'a présentée."
Si je vais à l'article 70: ... "il est irrecevable si son effet
est d'écarter la question principale sur laquelle il a été
proposé". Je dis que dans la même heure, dans la même
minute, dans le même avant-midi, on voit une contradiction entre
l'article 3 et l'article qui est en discussion.
Mais est-ce que la loi a été faite pour les syndicats
seulement? Le Code du travail? Ou bien pour les deux? Elle a été
faite pour les employeurs et pour les syndicats. C'est la quintessence
même de la base de toutes nos discussions. On n'a pas le droit, en vertu
de ces deux articles de notre règlement, de ficher en l'air...
D'ailleurs, un amendement avait été apporté lors de
l'étude du projet de loi 101 et j'ai cela dans mon bureau
selon lequel tout ce qui était de nature à changer le principe
même de l'application d'une loi, c'était déjà
refusé d'avance.
Il y a de la jurisprudence qui est prise. Moi, je suis d'accord que...
Je ne peux pas concevoir que ce n'est pas assez clair et assez... Dans le Code
du travail, on voit les responsabilités des employeurs et toute la
négociation.
Le Président (M. Clair): Vous avez terminé votre
intervention, M. le député de Johnson? M. le député
de Joliette-Montcalm.
M. Bisaillon: J'aimerais savoir si le député de
Saint-Laurent va me répondre, par exemple.
Le Président (M. Clair): Oui, à son tour. Il prend
des notes actuellement; je le vois. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: J'ajouterais que pour être logique, il
faudrait retirer... Si on adoptait l'amendement du député de
Saint-Laurent, il faudrait
abroger l'article 56 du code actuel, qui parle des associations
de...
Quand une convention collective est conclue entre une association
d'employeurs, il faut leur reconnaître un droit de s'associer, à
ce moment-là. Automatiquement, il y aurait un paquet de concordances
à faire.
Deuxièmement, je suis plutôt d'accord avec l'opinion de M.
le député de Johnson. On aurait dû discuter sur la
recevabilité de la motion et la faire déclarer irrecevable, parce
qu'elle change le principe même de la loi. En troisième lecture,
on n'a pas le droit de changer des principes fondamentaux, parce qu'on est ici
pour étudier un projet de loi, en conformité avec les principes
de base. Je suis entièrement d'accord avec le député de
Johnson là-dessus.
Le Président (M. Clair): Dois-je comprendre, M. le
député de Joliette-Montcalm, que vous vous opposez formellement
à la recevabilité de la motion ou est-ce que vous soulevez...
M. Chevrette: C'est-à-dire que, si c'est pour être
plus long, j'inviterais plutôt le député de Saint-Laurent
à la retirer, ce serait bien plus court.
Le Président (M. Clair): ... simplement ce fait dans votre
argumentation sur le fond?
M. Bellemare: Le mot "formellement"...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!
Le député de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Sur la question de
règlement, je n'ai pas mon règlement ici, mais je pense que
l'article 70 dit qu'un amendement est irrecevable s'il a pour effet
d'écarter la motion principale. Or, la motion principale, c'est
l'article 10. L'amendement qu'on a devant nous a pour effet d'écarter
cette motion principale.
Le Président (M. Clair): Je comprends, c'est ce que...
M. Vaillancourt (Jonquière): Je corrobore les propos du...
Je pense que l'article 86 ou 87 pourrait s'appliquer. Je corroborerais la
demande du député de Johnson selon laquelle on pourrait assister
à un retrait de l'amendement, puisqu'il semble irrecevable.
M. Bellemare: ... l'article 87, l'article 85.
Le Président (M. Clair): C'est ce que j'avais compris de
l'intervention du député de Johnson, sauf que j'avais
également cru comprendre qu'il n'en faisait pas une objection formelle,
pas plus que le député de Joliette-Montcalm.
M. Bellemare: Non, je serais bien d'accord... Le
Président (M. Clair): Mais si on pose véri- tablement la
question de la recevabilité de la motion d'amendement, j'entendrai les
gens strictement sur la recevabilité et je rendrai une décision
sur la recevabilité.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, cela
va être plus long. Je préférerais que le
député de Saint-Laurent retire sa motion d'amendement. Sinon,
j'invoque l'article 70.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, sur le point de
règlement, au départ, je ne voudrais pas que vous vous prononciez
sur le point de règlement tel qu'il a été
présenté par, je ne sais plus trop qui, parce que tout le monde a
réclamé la paternité finalement. Serait-il vrai que, dans
une commission parlementaire procédant à l'étude, article
par article, on ne puisse envisager de recommander je ne parle pas
nécessairement de cet amendement-ci, mais je parle de façon
générale l'abrogation d'aucun article d'un projet de loi
qui amende un projet de loi antérieur? Je pense que c'est aller
très loin dans l'interprétation du règlement et dire que
chaque article représente une motion qui a été
approuvée en principe, c'est vider de son sens l'étude, article
par article, d'un projet de loi.
Il est clair que les articles particuliers ne représentent pas
chacun un principe qui a été adopté en deuxième
lecture, mais représentent des modalités d'application de
principes généraux qui ne se retrouvent pas, d'ailleurs, au
nombre de 85 ou de quelque chose du genre, qui est le nombre d'articles qu'il y
a dans la loi, mais qui se retrouvent au nombre de trois ou quatre
probablement. Je pense que c'est une voie très dangereuse sur laquelle
on s'avance quand on dit: Comme l'article est dans la loi, on ne peut
même pas recommander son abrogation. La prochaine étape, c'est
qu'on ne pourra pas recommander sa modification. Alors, on pourra
procéder très rapidement à l'étude article par
article, à ce moment. Je ne veux pas insister puisqu'on n'a pas fait une
motion principale. Je voulais simplement mettre cela au journal des
Débats pour qu'on n'invoque pas cela comme un argument accepté
par tout le monde.
Pour ce qui est du fond comme j'exerce mon droit de
réplique, je vais terminer dans l'espace de quelques secondes tout au
plus j'ai remarqué que, dans le fond, les illustrations qui ont
été données par ceux qui ont dit qu'il ne fallait pas
abroger l'article 10 de la loi, c'étaient des illustrations futuristes
et hypothétiques. Alors, c'est un peu le but que je poursuivais en
présentant cet amendement. Il est très clair qu'on ne peut pas
faire état de grand-chose de concret. C'est exactement ce que j'ai dit
en présentant l'amendement. Ce sont des voeux pieux. Cela crée
l'impression qu'il y a un parallélisme et une harmonie parfaite dans le
Code du travail. Ce n'est pas du tout le cas. Ce n'est pas comme
cela qu'il s'est élaboré. Ce n'était pas son
objectif. Quand on parle de prochaine négociation sectorielle,
évidemment, on va attendre qu'elle vienne et on verra si l'article 10
est utile oui ou non.
Pour ce qui est de la loi 290, je pense que, simplement y faire
allusion, démontre aussi combien, dans le fond, on peut se poser des
questions, même sur le principe qu'il y a là-dedans. L'article 56,
est-ce que c'est un article qui est très utile? S'il n'y avait pas
d'article 56, est-ce que des associations d'employeurs ne pourraient pas en
venir à des ententes à peu près de la même
façon, avec peut-être quelques signatures de plus sur un
même document, plutôt que d'agir par un mandataire? Il faudrait
être un juriste pour vraiment voir qu'il y a là quelque chose de
vraiment substantiel dans le Code du travail. Ma prétention, c'est qu'il
n'y a rien de substantiel dans le Code du travail. La loi 290, laissons-la
parler pour elle-même et se défendre sur ses propres pieds. Je
pense qu'il y a fort à faire de ce côté, mais c'est la
première fois que j'entends invoquer la loi 290 comme un argument en
faveur de quoi que ce soit.
M. Bellemare: C'est parce que vous n'avez pas vécu le
climat, vous.
M. Forget: Je suis fort heureux de l'entendre, mais je pense que
ce n'est pas concluant.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, le député de
Saint-Laurent m'a mal compris. J'ai posé une question au
député de Saint-Laurent. Je n'ai fait aucune affirmation. Je lui
ai demandé ce qu'il faisait avec la loi 290, qu'il a d'ailleurs
votée.
M. Forget: C'est vrai. Quand on y viendra, on pourra
peut-être se poser la question. Je suis d'accord avec le
député de Sainte-Marie, à ce moment. Moi aussi, je me pose
la question. C'est d'ailleurs parce que je me pose toutes ces questions que je
me dis: Cet article, qui semble être le principe sous-jacent, c'est
vraiment plutôt une farce.
Quant aux hypothèses futuristes et possibles sur l'utilisation
future de l'article, ce ne sont pas des arguments pour le retenir, mais, encore
une fois, M. le Président, je sais très bien le sort qui sera
réservé à la motion. Cela fait très bien ressortir
ce que je voulais faire ressortir par la motion, savoir que c'est, dans le
fond, un voeu pieux qu'on va garder, parce qu'on aime bien les voeux pieux dans
notre législation. On en a d'autres exemples, d'ailleurs, mais ça
n'a aucune autre espèce d'importance que ça.
Le Président (M. Clair): Messieurs, s'il n'y a pas
d'autres objections à la recevabilité de cette motion, je
l'appelle pour adoption. Cette motion du député de Saint-Laurent
se lit comme suit: "Que l'article 5 soit modifié en remplaçant
tous les mots après le mot "est" de la première ligne, par le mot
"abrogé" est-elle adoptée?
M. Chevrette: Rejeté.
Le Président (M. Clair): Rejeté...
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Clair): Sur division. L'article 5 est-il
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
M. Bellemare: L'article 5a...
Le Président (M. Clair): Adopté. Nous reprendrons
l'article 5a plus tard.
La commission du travail et de la main-d'oeuvre ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 18)
Reprise de la séance à 16 h 50
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour continuer l'étude, article par
article, du projet de loi no 45, intitulé Loi modifiant le Code du
travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal) remplacé
par M. Blank (Saint-Louis), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture
(Saint-Henri) remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière); M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Johnson ("D'Anjou"), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M.
Roy (Beauce-Sud).
Au moment où nous avons ajourné nos travaux à midi,
nous étions à l'article 6 du projet de loi.
M. Chevrette: A l'article 5a.
Le Président (M. Clair): A l'article 5a, vous avez
raison.
M. Johnson: Je suis à vous immédiatement, M. le
Président. Si vous me permettez d'abord, le nom de mon comté,
c'est Anjou et non pas D'Anjou. Etant donné que c'est le comté de
Anjou, je vous prierais dorénavant d'appeler le ministre, le
député de Anjou.
Très bien. Article 5a. En fait, M. le Président, il s'agit
d'une modification à l'article 12 du Code du travail qui est ce qu'on
pourrait considérer comme un amendement de concordance, si on accepte la
notion de précompte syndical. En effet, on remarquera qu'à
l'article 12 qui a été cité abondamment ce matin par le
député de Johnson, on dit que nul ne doit user d'intimidation ou
de menaces pour amener quiconque à devenir membre, à s'abstenir
de devenir membre, à cesser d'être membre d'une association de
salariés ou d'employeurs, ni pour amener un salarié à
signer, à refuser, à révoquer ou à rétablir
une autorisation de retenir un montant sur son salaire comme cotisation.
Donc, il s'agit, par concordance avec l'établissement du
précompte obligatoire, que l'article se lise comme suit: "Nul ne doit
user d'intimidation ou de menaces pour amener quiconque à devenir
membre, à s'abstenir de devenir membre ou à cesser d'être
membre d'une association de salariés ou d'employeurs".
M. Forget: Adopté.
Réintégration de l'emploi et
indemnité
Le Président (M. Clair): Adopté. Article 6.
M. Johnson: Je vous réfère évidemment aux
amendements. Pour faire suite à une suggestion du Barreau canadien, on
revient à la tournure de phrase qui parle de l'équivalent du
salaire ou des autres avantages dont l'a privé le congédiement.
Il s'agit du cas de congédiement pour activité syndicale qui est
à l'actuel article 14 du code qui assure la relation de cause à
effet entre le congédiement et la perte de revenu qui s'ensuit et
l'obligation pour le salarié de minimiser les dommages, tel que reconnu
par la jurisprudence. Le deuxième alinéa devient
nécessaire pour indiquer que l'indemnité est causée
jusqu'au moment du rappel par le travail ou par le refus du salarié de
travailler et enfin, on précise que le défaut du salarié
commence à partir du moment de son rappel par l'employeur.
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Clair): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'avais pris connaissance
également du mémoire du Barreau et je suis d'accord sur la
précision que vient d'apporter le ministre en éliminant une
source d'ambiguïté possible, parce que la rédaction
initiale, dans le projet de loi 45, laissait une possibilité
d'interprétation, ce qu'a souligné le Barreau; la solution
adoptée par le ministre est donc conforme à la suggestion du
Barreau, à la page 7 de son mémoire. Je pense même que cela
reprend mot pour mot la suggestion que le Barreau faisait.
Cependant, il y a deux autres points sur cet article 14 du Code du
travail qui méritent, je pense, d'être soulignés. Il y a
également d'ailleurs, dans le mémoire du Barreau, une autre
recommandation que le ministre n'a pas retenue, mais qui nous semble assez
pertinente et qui est à l'effet suivant: Le Barreau suggère de
préciser les pouvoirs du commissaire du travail afin qu'il puisse
qualifier l'ordonnance de réintégration. En pratique, nous
dit-on, et c'est le témoignage du Barreau sur lequel je m'appuie pour
l'affirmer, les parties ont accepté l'inscription de l'employé
sur une liste de rappel au lieu de la réintégration
immédiate lorsqu'il y a eu, de bonne foi, des mises à pied.
Comme exemple: l'activité de l'entreprise était
réduite pour des causes économiques ou autres, pertes de contrat,
etc., il y a eu des mises à pied subséquentes à la mise
à pied qui a fait l'objet d'une ordonnance de
réintégration, des mises à pied de bonne foi, ce qui fait
qu'il y a moins d'employés au moment de l'ordonnance qu'il y en avait au
moment du congédiement, ce qui, si on impose la
réintégration, peut conduire à contredire le principe de
réintégration selon l'ancienneté. Parce qu'un
employé a été congédié contrairement aux
dispositions de l'article 14, il se trouve à jouir d'un
précédent sur des gens qui ont été
congédiés après lui et qui ont possiblement plus
d'ancienneté que lui.
Alors, en pratique, les syndicats, qui ont agi dans des griefs ou dans
des interventions de ce genre, ont accepté de placer le syndiqué
qui fait
l'objet d'une ordonnance de réintégration sur une liste de
rappel, où il viendra prendre sa place dans son rang normal, selon
l'ancienneté. Je pense que c'est là une argumentation à
laquelle il est difficile d'échapper. Parce que, finalement, je
comprends qu'on doit exiger qu'il soit restauré dans ses droits, mais,
de là à lui donner plus de droits qu'il en aurait eus s'il
n'avait pas été congédié au départ, afin de
lui donner une préférence de réintégration par
rapport à d'autres qui ont pu être congédiés pour
d'autres raisons, c'est un peu curieux comme effet, c'est certainement un effet
non souhaité de la mesure. Il semble qu'il y ait une pratique selon
laquelle cela se fait selon une liste de rappel. Evidemment, il s'agirait que
le commissaire puisse le faire dans des cas où cela apparaît la
chose à faire, mais il ne s'agit pas d'en faire une prescription de la
loi qui devrait s'appliquer; il ne s'agit pas de dire: II n'y a pas de
réintégration forcée, il y a une liste de rappel. S'il
pouvait la qualifier et dire que ça prendra effet par l'inscription sur
une liste de rappel quand ça deviendra opportun, il me semble que cela
serait plus approprié comme ça.
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Ne croyez-vous pas, M. le député de
Saint-Laurent, par exemple, que la jurisprudence... M. le Président, je
voudrais demander au député de Saint-Laurent s'il est au courant
que la jurisprudence sur la réintégration, les sentences qui
parlent de réintégration sont toujours basées sur la
situation actuelle dans l'industrie ou dans l'enseignement. Par exemple, il
arrive des congédiements, il y a une réintégration. A ce
moment-là, le juge prend la précaution de s'enquérir des
listes d'ancienneté pour voir si la réintégration doit
être faite à temps complet.
J'ai même vu des griefs, j'ai même assisté à
des arbitrages, j'ai même été arbitre; ces tribunaux ont
réintégré des gars pour huit mois seulement en disant:
Vous auriez été mis à pied de toute façon, en vertu
de la fermeture d'une école, en vertu de la diminution de la
clientèle. Il y a des individus... Vous seriez parmi ceux-là,
vous n'auriez pas été réintégrés, pour
l'année suivante. De la sorte, on tenait compte, dans le quantum
à verser à l'individu, du délai qui permettait à
l'individu de recouvrer tous ses droits.
Je ne le sais pas, mais si on introduit une notion comme ce que vous
dites, je pense que, d'abord, on présumerait de l'action, du jugement
des présidents, qui en ont toujours tenu compte, et je me demande si
cela ne serait pas, d'autre part, une incitation pour le monde patronal
à se servir de cela pour dire: Ecoutez... C'est une fermeture. Je vous
demanderais de bien y penser, parce que la jurisprudence démontre qu'il
n'y a pas eu d'abus là-dedans et cela serait mal venu d'introduire une
notion nouvelle qui pourrait servir plutôt d'incitation à faire
des choses qui ne se faisaient pas dans les faits.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: J'aurais une question à poser au ministre.
C'est plutôt sur la philosophie du Code du travail. Je m'excuse, je ne
suis pas tellement familier avec le Code du travail du Québec,
mais...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je vous indique immédiatement, à titre
préventif, qu'on discute actuellement de l'article 6. Ce matin, tous les
députés qui ont désiré intervenir sur le principe
général de la loi ont pu le faire.
M. Mackasey: Exactement. Je comprends bien cela.
Le Président (M. Clair): Alors, sur l'article, s'il vous
plaît, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Je pense qu'on parle du problème des
employés congédiés ou suspendus, n'est-ce pas? Ce n'est
pas l'employeur.
M. Vaillancourt (Jonquière): Pour activités
syndicales.
M. Mackasey: Pour désigner le représentant du
gouvernement ou du ministère, on a changé le terme, on l'appelle
maintenant le commissaire; s'il décide que l'employeur est en
défaut, pourquoi le deuxième paragraphe, si le salarié a
travaillé ailleurs au cours de la période précitée?
Pourquoi le salaire qu'il a ainsi gagné doit-il être déduit
de cette indemnité?
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est l'ancien article. Ce
n'est pas l'amendement.
Le Président (M. Clair): L'article 6 est-il
adopté?
M. Forget: M. le Président, étant donné que,
sur le point que j'ai soulevé, le député de
Joliette-Montcalm a, en somme, non pas tellement formulé une objection
qu'attiré l'attention sur le fait qu'il y avait une jurisprudence, je
suis d'accord que c'est la jurisprudence. C'est d'ailleurs l'argument que tient
le Barreau. Il y a une jurisprudence qui n'est pas absolument conforme au
libellé de l'article.
Il attire justement l'attention du législateur sur
l'opportunité comme d'ailleurs cela a été fait dans
plusieurs articles à l'occasion de cette refonte ou cette
révision du Code du travail, que la loi prévoie autre chose que
la réintégration ou l'indemnité, parce que, sur un plan
strictement formel, il est assez clair qu'il y a une
réintégration ou une indemnité et que, dès que la
jurisprudence sur laquelle on se base utilise une autre hypothèse de
règlement, il y a au moins une possibilité, une ouverture
à la contestation.
II est possible que les parties aient décidé de ne pas
contester une certaine jurisprudence qui s'est établie comme cela,
peut-être plutôt par tolérance qu'autrement, mais comme il y
a divergence entre le texte... parce qu'il est clair que si le texte dans le
droit statutaire s'interprète restrictivement, si on dit au commissaire
qu'il peut faire deux choses et ne peut pas en faire une troisième, il
la fait, malgré tout, et que personne ne s'y oppose, cela tient, mais,
le jour où quelqu'un s'y opposera en disant qu'il a outrepassé
les pouvoirs que la loi lui donne, je pense qu'une partie ou une autre qui
serait intéressée à le contester pourra faire casser
l'ordonnance.
Quant à faire, il est aussi bien de le préciser, puisqu'il
ne s'agit pas d'empêcher cette possibilité que le
député de Joliette-Montcalm a soulignée, avec raison, il
s'agit au contraire de dire: Oui, cela se fait et, désormais, non
seulement cela se fait, mais on va reconnaître explicitement dans le
texte que c'est une souplesse qui est appropriée.
C'est du moins un raisonnement que le Barreau tient. Ce sont des
spécialistes en droit du travail. Enfin, ce n'est pas apparent pourquoi
on dit que leur inquiétude est superflue. Cela me paraissait une
inquiétude assez légitime.
M. Johnson: M. le Président, étant donné que
je n'ai pas pris la parole, je vais la prendre en réplique au
député de Saint-Laurent pour dire que j'abonde absolument dans le
sens du député de Joliette-Montcalm.
Donner lieu à la suggestion du Barreau pourrait prendre la forme
presque d'une incitation, je pense, à l'employeur de trouver dans
certains cas on sait que, dans certains cas, cela peut exister
des moyens de modifier ses effectifs, de modifier la destination d'une partie
de son entreprise aux seules fins de non-réintégration d'un
salarié ou d'un groupe de salariés.
Dans ce sens, on ne voudrait pas que ce soit incitatif. On pourrait,
évidemment, arriver à la situation où on a affaire
à une ordonnance d'intégration, d'un individu dans une usine qui
n'existe plus, mais le tribunal a toujours démontré dans le
passé que, habituellement, il n'ordonnait pas la
réintégration de quelqu'un à une entreprise qui
était inexistante.
Le Président (M. Clair): L'article 6 est-il
adopté?
M. Forget: M. le Président, sur un autre point, j'ai dit
qu'il y avait deux points qui méritaient d'être soulignés.
Mon collègue a déjà soulevé ce point. Je pense
qu'il est peut-être bien de le faire de façon systématique.
Le temps était venu de le souligner, mais comme il l'a
déjà mentionné, il me fait plaisir de lui laisser la
parole pour qu'on puisse également se pencher sur ce point.
Le Président (M. Clair): Le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: M. le ministre et MM. les membres de la commission,
je veux tout simplement souligner le fait que c'est l'occasion de régler
bien des injustices dans le Code du travail, si possible. Je ne peux pas
comprendre comment, d'après le Code du travail actuel même
après les amendements proposés par le gouvernement, on
pénalise l'employé. Peut-être que je ne comprends pas. Si
un salarié est congédié pour des activités
syndicales, etc., et si après enquête par quelqu'un
désigné par le ministre selon la loi, on en vient à la
conclusion que le salaire n'est pas en défaut, que ce n'est pas sa
faute, c'est la responsabilité de l'employeur de le réengager,
parce que ce n'était pas lui qui était en défaut selon la
loi, mais l'employeur. A cet égard, je pense que nous sommes tous
d'accord.
Si nous sommes arrivés à la conclusion que c'est
l'employeur qui est en défaut, je ne peux pas accepter le Code du
travail tel qu'il est, M. le ministre, parce que même si ce n'est plus le
salarié qui est en défaut c'est établi par le
commissaire on demande à ce salarié quand même de
verser à l'employeur l'argent qu'il a gagné pendant qu'il
était congédié pour les raisons qui étaient
certainement illégales de la part de l'employeur.
Je ne peux pas comprendre cette philosophie du tout. Si quelqu'un est
congédié ou perd son travail pendant un mois, deux mois ou trois
mois, si vous voulez, que quelqu'un d'impartial décide que c'est la
faute de l'employeur, et que, pendant un mois, deux mois ou trois mois,
l'employé, le salarié a travaillé, a été
obligé de le faire, je me demande pourquoi on prend ça en
conséquence. Ce n'est pas sa faute s'il a été
obligé d'aller travailler ailleurs. Peut-être qu'il a gagné
seulement la moitié du salaire qu'il aurait gagné si vraiment il
avait été engagé...
M. Chevrette: Est-ce que vous me permettez de vous poser une
petite question, M. le député de... M. le Président,
est-ce que je peux demander au député de...
Le Président (M. Clair): Si le député vous
permet de lui poser une question.
M. Chevrette:... Notre-Dame-de-Grâce. Le
Président (M. Clair): M. le député. M. Chevrette:
Dans les faits... M. Mackasey: Oui.
M. Chevrette: ... vous voudriez voir disparaître le
paragraphe 2...
M. Johnson: De l'article 14? M. Chevrette:... de l'article
14?
M. Mackasey: Avant de décider ça,
peut-être... Je sais que vous...
M. Chevrette: Non, mais est-ce que l'essentiel de votre
argumentation, c'est...
M. Mackasey: Je veux savoir, premièrement, du ministre,
quelle est, pour le moment, la philosophie du deuxième paragraphe.
M. Johnson: Quelle est la philosophie du deuxième
paragraphe de l'article 14?
M. Mackasey: Oui.
M. Johnson: La jurisprudence a établi c'est la
pratique qu'une personne qui est congédiée pour
activités syndicales, mais qui exerce son métier ou un
métier analogue ailleurs, ne doit pas obtenir, par le Code du travail,
une compensation qui serait bien plus une compensation de nature... qu'on
retrouverait, par exemple, en vertu de l'article 1053 du Code civil ou en vertu
de certains contrats individuels.
Il s'agit de protéger, par une mesure, d'ailleurs essentiellement
dissuasive à l'égard des employeurs, l'activité des
salariés qui s'adonnent à des activités syndicales. Il ne
s'agit pas de chercher un moyen de double indemnisation dans le cas où
l'employeur a abusé. Je pense que l'objet de la loi, c'est
celui-là. Ce serait évidemment ajouter une pénalisation de
plus. C'est possible à l'employeur, ou, enfin, ça ne change rien
pour l'employeur, mais ça donne plus d'argent au salarié. Je ne
vois pas en vertu de quel principe, par définition, si on a obtenu une
compensation pour un travail ailleurs, on obtiendrait également une
restitution totale de l'argent puisque ce qu'on vise, c'est lui redonner son
poste et faire en sorte qu'il n'y ait pas de pertes pécuniaires.
M. Mackasey: Oui, mais, si je comprends bien...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Je vais le dire pour moi-même en anglais: When
an employee is dismissed, suspended or transferred by the employer or his agent
because of the exercise by such employee of a right granted him by the Code...
within eight days of the service of the decision, with all his rights and
privileges to pay him as an indemnity the equivalent of the salary, je suis
d'accord, l'équivalent du salaire et d'autres avantages dont le
congédiement l'a privé, la suspension ou le
déplacement.
Malgré la jurisprudence, parce que la jurisprudence existe
sûrement parce que le code est écrit ainsi, ce n'est pas une
raison...
Si le salarié a travaillé ailleurs au cours de la
période précitée, le salaire qu'il a ainsi gagné
doit être déduit de cette indemnité. Je me demande pourquoi
cela devrait être déduit de cette indemnité.
Je sais que la jurisprudence... mais la juris- prudence, tout simplement
à cause de cet article écrit...
M. Chevrette: Je peux donner un bout de réponse.
Même avant que vous n'ayez cela dans le Code du travail comme tel, si on
regarde toutes les vieilles sentences arbitrales depuis l'avènement du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, c'est clair, vous voyez
toujours, dans la conclusion comment dirais-je? nous obligeons
l'employeur à réintégrer le travailleur et à lui
verser les sommes équivalant à la perte de traitement
effective.
Donc, le gars est même obligé de produire devant le
tribunal, dans bien des cas, la preuve de ses gains, de ses pertes de
bénéfices, par exemple.
M. Mackasey: M. le député de Joliette-Montcalm,
excusez-moi. Avec votre expérience, c'est clairement indiqué par
le commissaire que l'employeur est en défaut, pas l'employé.
Laissez faire la jurisprudence. C'est l'employeur qui est en défaut, et
non pas l'employé.
Alors, pourquoi pénaliser l'employé en lui demandant de
verser à l'employeur une partie d'une indemnité que l'employeur
doit à cet employé? Si on veut être juste,
débarrassez-vous complètement du deuxième paragraphe.
C'est la justice qu'on veut pour les employés du Québec?
M. Johnson: Au niveau des principes, je trouve cela absolument
inspirant.
M. Mackasey: Le principe est clair. C'est le commissaire qui
décide.
M. Johnson: Cependant, le...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît! Un à la fois et on s'adresse toujours au
président.
M. le ministre.
M. Johnson: Vous permettez? Au niveau des principes, je trouve
cela évidemment bien séduisant. Cependant, le
député de Notre-Dame-de-Grâce acceptera avec moi qu'il y a
des cas qui ne sont peut-être pas si évidents et si patents.
Il y a peut-être des cas où la réinstauration
à son poste du salarié découle d'une appréciation
des faits et, de façon générale, je pense que le tribunal
et le commissaire-enquêteur donnent plutôt un
bénéfice du doute au travailleur.
Or, dans le cas où il décide d'imposer la
réintégration du salarié, mais sur la base, finalement,
d'un jugement, qui est un bénéfice du doute, je pense que cela
serait injustement pénaliser l'employeur dans ce cas-là.
D'autre part, on sait qu'en fin de compte, malgré le paragraphe 2
de l'article 14, le salarié a une indemnisation totale puisque, s'il n'a
pas trouvé de travail ailleurs, il obtient le plein montant qu'il aurait
dû avoir s'il était resté en fonction et, s'il a
trouvé du travail ailleurs, le total, de
toute façon, le "take home pay", si vous me permettez
l'expression demeure le même et, dans ce sens, je pense que les choses
sont comme elles doivent être.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Si vous êtes content, M. le ministre, de votre
proposition; même si l'employeur est en défaut et que
l'employé, quand même pour partager les dommages dans le sens de
renverser une partie ou peut-être toute son indemnité durant un
mois ou deux mois qu'il a été absent à cause d'une action
illégale de la part de l'employeur; si vous, comme gouvernement,
êtes prêt à accepter cette philosophie, ce n'est pas moi qui
vais la changer.
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Dans la loi actuelle, il n'y a pas d'alternative,
c'est la réintégration ou le versement de l'indemnité ou
le congédiement complet. L'expérience des tribunaux du travail a
prouvé que dans bien des cas, placé devant une situation
où on n'a pas de multiple choix... On en a deux, ou vous
réembauchez ou vous congédiez, ce qui a amené
graduellement le tribunal du travail à dire, par les présidents
des tribunaux: On va vous donner la différence de salaire perdu
précisément pour ne pas introduire la dimension de
pénalité différente; et on dit: Ecoutez, six mois de
suspension, cela aurait peut-être été juste, trois mois de
suspension, cela aurait peut-être été suffisant dans tel
cas. La loi a gardé son caractère d'alternative d'embauche ou de
congédiement, mais elle a introduit une question de gains effectifs et
c'est à partir de là que, malgré que moi aussi les
principes me séduisent beaucoup, à partir de ce que le
député de Notre-Dame-de-Grâce a dit, je trouve cela
vertueux et je trouve cela bien. Mais placé devant une situation de
président du tribunal, combien de fois les gars donnent le
bénéfice du doute aux travailleurs disant: Je vous garantis que
ce n'est pas drôle de jouer avec le droit au travail, parce que dans le
fin fond, vous auriez mérité une pénalité de quinze
jours à trois semaines. C'est ce qui arrive, bien souvent, et c'est ce
qui explique que ceci s'est introduit graduellement dans les lois du travail,
cette notion de balance du "take home pay" pour arriver au bout de la course
avec une paie identique.
Le Président (M. Clair): Le député de
Johnson.
M. Bellemare: Qu'est-ce qui arrive, M. le ministre, si, entre le
moment du congédiement et la décision ordonnant la
réintégration, l'employeur effectue des mises à pied et
que c'est de bonne foi?
M. Johnson: Vous voulez dire: II ferme des postes?
M. Bellemare: Oui. Le commissaire du travail pourrait-il
déférer l'application de l'ordonnance de
réintégration, comme par exemple, en plaçant
l'employé sur une liste de rappel, comme cela se fait maintenant? En
pratique, dans des cas semblables, c'est presque devenu les us et coutumes.
Parce qu'il y a véritablement une question de bien-être qu'on
recherche entre le moment du congédiement et la décision
ordonnant la réintégration. L'employeur effectue souvent des
mises à pied. Est-ce que le commissaire du travail pourrait
différer l'application de la réintégration, par exemple en
plaçant son nom sur une liste de rappel comme cela se fait
présentement dans bien des cas? C'est une question pour éclairer
ma lanterne, parce que la lettre tue et l'esprit du législateur vivifie.
Là, je me demande ce qui arriverait.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent ou le ministre du Travail est-il disposé à
répondre? Le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'allais simplement dire que
ce que le député de Johnson dit, c'est exactement le point de vue
que je défendais tout à fait au début.
M. Bellemare: J'étais pris en Chambre.
M. Forget: Je ne vous fais pas de reproche, M. le
député de Johnson, mais c'est pour souligner que le point de vue
qui vient d'être exprimé est également un point de vue qui
apparaît justifié. On veut régler un problème en
donnant des pouvoirs au commissaire, mais on lui donne le choix, non pas de
prendre une décision, compte tenu de toutes les circonstances. Mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce a mentionné que
vis-à-vis du montant de l'indemnité on ne lui donne pas le choix
non plus et vis-à-vis du moment de la réintégration, le
député de Johnson, après que je l'ai fait moi-même,
mentionne qu'on ne lui donne, dans le fond, aucune discrétion. Cela a
été affirmé, d'ailleurs, dans certaines décisions
des tribunaux, que le commissaire du travail, le commissaire enquêteur
à l'époque, ne jouit pas de discrétion et tout le
problème qui est soulevé c'est que, effectivement, cela n'a pas
été jugé suffisant dans le passé, parce que les
parties s'entendent pour aménager les choses avec discrétion.
A moins que le ministre soit d'avis, mais cela n'a pas été
démontré, qu'il ne faut pas qu'il y ait discrétion, dans
le sens suivant: quand ces arrangements sont contre l'ordre public, mais ce
n'est manifestement pas le cas, du moins il me semble. Il apparaîtrait
plus normal que le commissaire ait une marge de manoeuvre qui permette
l'inscription sur une liste de rappel, qui permette dans certains cas aussi,
peut-être, que l'indemnité puisse être
appréciée.
Je comprends que c'est une question délicate, on n'a pas vu
imposer de pénalisation, mais prenons l'exemple d'une situation
où il pourrait y avoir... On peut être dans une industrie
susceptible de fluctuations saisonnières. Les fluctuations
saisonnières peuvent fournir une occasion merveilleuse à
l'employeur de congédier de façon sélective ses
employés de manière à faire une épuration annuelle,
épuration dont il n'aura pas à assumer le coût parce que,
dans la mesure où ces gens se reclasseront ailleurs dans d'autres
occupations, etc, le coût net de l'opération pourra être
assez léger.
De toute façon, il y en a qui peuvent décrocher
complètement et on peut régler, par l'usure, une partie de son
problème. Toute la question des commissaires du travail, c'est
peut-être ça le problème de fond. On ne voit pas
jusqu'à quel point cette institution, plus elle s'ancrera dans les
moeurs, pourra éviter de devenir progressivement une extension du
Tribunal du travail. C'est peut-être ça le problème de fond
qu'on soulève, je ne le sais pas.
M. Bellemare: ...
M. Forget: Evidemment, comme on regarde ce projet de loi un peu
par le petit bout de la lorgnette ou je ne sais pas quoi, on est
peut-être un peu handicapé pour poser la question de fond, parce
qu'elle ne se pose nulle part de façon précise, dans aucun des
articles qui nous sont soumis. Mais est-ce que c'est normal que tant de
décisions importantes soient prises dans un cadre extrêmement
étroit, alors qu'il y a un Tribunal du travail qui devrait être
l'organisme qui rend des décisions peut-être un peu plus larges
dans des cas comme celui-là?
L'articulation des deux mécanismes, le Tribunal du travail et le
commissaire du travail, sauf pour des droits d'appel qui sont compris dans
certains cas et qui ne sont pas compris dans d'autres, on ne sait pas trop
pourquoi, sauf la tradition, l'articulation des deux mécanismes n'est
pas très claire. C'est ce qui me pousse à dire, malgré les
arguments qui ont été avancés, qui sont basés un
peu sur le fait que les textes étaient comme ça dans le
passé et on a vécu avec, cela devrait être encore assez bon
pour l'avenir, mais...
M. Johnson: Plus que ça un peu.
M. Forget: Un peu plus, mais pas beaucoup plus que
ça...
M. Johnson: Je vais y revenir.
M. Forget:... parce qu'on a quand même une
différence entre les textes et l'utilisation qu'on en a fait. Si on dit:
On va continuer à ignorer cette différence, parce que cela n'a
pas été le sujet de si grandes difficultés jusqu'à
maintenant, oui et non. De toute façon, on a une occasion de le
régler. Cela me pousserait à faire une motion, de façon un
peu plus formelle, pour qu'on sache au moins de quoi on parle, pour
suggérer c'est loin d'aller aussi loin qu'on pourrait aller,
ça touche un aspect "que le paragraphe 14 de l'article 6 soit
modifié en ajoutant l'alinéa suivant...
M. Chevrette: Quel alinéa?
M. Forget: Le paragraphe 14. Excusez-moi, ce n'est
peut-être pas le paragraphe 14.
M. Johnson: L'article 14. M. Forget: L'article 14.
M. Johnson: L'article 6 du projet de loi 45
référant à l'article 14 du code.
M. Forget: C'est ça, "soit modifié en ajoutant
l'alinéa suivant, "le commissaire du travail" cela ira à la
fin, je pense, tout simplement "le commissaire du travail peut
différer l'application de l'ordonnance de réintégration si
les circonstances le justifient."
C'est conforme au point soulevé par le député de
Johnson et par moi-même.
M. Bellemare: C'est parfait, M. le Président, si vous me
permettez une légère intervention. Dans les recommandations qu'a
faites le Barreau, il y avait celle qui est contenue présentement dans
les amendements qui sont justifiés. Mais dans la deuxième
recommandation qu'a faite le Barreau, j'ai cru déceler l'expression de
la motion du député de Saint-Laurent, parce qu'on disait ceci:
"En raison de la sanction sévère prévue dans de tels cas,
il aurait certes lieu de préciser que le commissaire du travail peut
différer l'application de l'ordonnance ou la réintégration
dans les circonstances." C'est exactement, je pense, le sujet de...
M. Johnson: De l'amendement du député de
Saint-Laurent.
M. Bellemare: Oui.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.
M. Johnson: Je vais m'opposer à cet amendement pour la
raison que le commissaire du travail, l'ancien commissaire-enquêteur, a
des pouvoirs qui sont presque quasi judiciaires, si on me passe l'expression.
Ce sont des personnages qui, sur un plan administratif, au niveau du
ministère, bénéficient d'une autonomie d'action comme
aucun autre fonctionnaire n'en bénéficie, sauf ceux qui sont
attachés aux tribunaux.
Puisque, d'autre part, ils ne sont pas assimilables aux membres d'un
tribunal et donc aux obligations d'un tribunal et puisqu'il y a peu de
mécanismes d'appel de leurs décisions, il y a
donc nécessité à mes yeux de limiter
considérablement le champ de leur appréciation et le champ
où peut jouer la subjectivité. Je pense qu'en ce sens, on suit
l'économie de la loi.
C'est non seulement en vertu d'un principe de droit administratif, mais
également pour protéger d'une certaine façon le
commissaire du travail, pour ne pas le mettre dans une situation où,
finalement, il serait appelé à apprécier des
événements qui ne sont pas reliés directement à ce
qui est visé par l'article 14, comme, par exemple, les raisons pour
lesquelles une entreprise fait des mises à pied, à une certaine
époque.
Or, dans la réalité, que se passe-t-il avec l'application
de cet article, malgré les modifications qu'on y apporte et l'absence
d'additions qu'y verrait le Barreau canadien? Le commissaire pourra ordonner la
réintégration de celui qui a été
congédié pour activités syndicales, si son poste n'existe
plus ou si l'entreprise a mis fin à une bonne partie de ses
activités, et donc, des effectifs, ou envisage de le faire, il pourra
être réintégré pour une période de 24 heures
et, à ce moment-là, ce sont les règles normales, les
mécanismes de la convention collective, dans le cas où il y en a
une, évidemment, qui jouent. Cela mettrait le commissaire du travail
dans une situation à la fois d'appréciation subjective de
certains événements qui n'ont rien à voir en soi, en
eux-mêmes, avec la notion de congédiement pour activités
syndicales. D'autre part, cela présupposerait son intervention au niveau
des règles d'interprétation d'une convention collective qui, au
chapitre de la sécurité d'emploi, par exemple, contient de
nombreuses dispositions quant aux règles d'ancienneté qui
prévalent dans les mises à pied.
Pour protéger à la fois ce principe qui veut qu'on
restreigne le champ d'application de l'activité des
commissaires-enquêteurs à cause de leur nature, et,
deuxièmement, pour protéger les commissaires-enquêteurs
eux-mêmes de la nécessité de porter des jugements
éminemment subjectifs, je rejetterai la proposition du
député de Saint-Laurent.
M. Bellemare: M. le Président, le ministre semble oublier
l'usuel, ce qui se produit aujourd'hui. Il plane pour essayer de trouver une
situation...
M. Johnson: Un exemple, s'il vous plaît, M. le
député de Johnson!
M. Bellemare: Aujourd'hui, il se fait des listes de rappel
après une grève. Le gars qui se sent lésé fait son
grief et reçoit sa réintégration, et il est payé
jusqu'au jour de sa réintégration. Après sa
réintégration, il reste sur la liste d'appel. Il ne faudrait pas
oublier cela. Il est payé jusqu'à la date où le juge, le
commissaire du travail, a rendu une décision favorable. D'accord.
Dans l'usuel, il reste sur la liste d'appel mais on ne le rappelle pas.
On dit qu'on devrait prévoir que le commissaire du travail ait le droit
de retarder sa décision ou, comme le dit l'amendement, puisse
différer l'application de l'ordonnance, de la
réintégration. Il y a une liste d'appel et on dirait que celui
qui a gagné contre le patron, est payé jusqu'à cette date
de réintégration, mais, comme le dit le ministre, il peut
être appelé pour 24 heures et, après cela, il retombe sur
la liste d'appel pour X temps.
C'est l'usuel. Aujourd'hui, c'est de renommée publique. Le gars
qui...
M. Johnson: Cela n'existe pas nécessairement partout.
M. Bellemare: Pardon?
M. Johnson: Cela n'existe pas nécessairement partout et de
façon systématique. Il s'agit et c'est cela que j'essayais
d'expliquer...
M. Bellemare: Ecoutez, systématique...
M. Johnson: C'est cela que j'essaie d'expliquer, ce que le
député de Johnson qualifie de "planage". J'essaie d'expliquer au
député de Johnson qu'il s'agit de faire en sorte que le
commissaire-enquêteur ne soit pas appelé à porter un
jugement qui déborde le cadre, les raisons pour lesquelles il
existe.
M. Bellemare: C'est d'accord.
M.Johnson: II existe pour protéger. M. Bellemare:
II l'a fait.
M. Johnson: Dans le cas de l'article 14, le congédiement
pour activités syndicales.
M. Bellemare: II l'a fait; il a répondu au grief.
M. Johnson: On n'a pas à lui demander d'interpréter
des clauses d'une convention collective sur le rappel.
M. Bellemare: Seulement, aujourd'hui, il va faire ses 24 heures,
vous avez raison, il va être payé pour tous ses arrérages,
mais, à partir de là, il va passer sur la liste de rappel; il
sera rappelé quand?
M. Johnson: A son rang, selon la convention, selon ce qui a
été négocie normalement par le syndicat.
M. Bellemare: C'est cela que je vous dis qui se fait aujourd'hui.
C'est cela qui se fait aujourd'hui chez les employeurs.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je pense qu'on ne se comprend pas. Dans les faits,
on n'a pas le choix; quand il y a une ordonnance, le gars, c'est vrai qu'il est
payé jusqu'au moment de l'ordonnance. Je pense que c'est établi
et que c'est fait.
M. Bellemare: ...
M. Chevrette: II entre à nouveau au travail.
M. Bellemare: 24 heures.
M. Chevrette: L'employeur le remet à pied. Dès
qu'il le remet à pied, ce sont les mécanismes des conventions
existantes qui jouent. A-t-il été remis à pied selon sa
liste d'ancienneté ou selon les mécanismes de mise à pied
de la convention collective?
M. Bellemare: Non, simplement parce que...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, je fais appel à votre collaboration pour laisser le temps au
député de Joliette-Montcalm de présenter son point.
M. Bellemare: Vous n'avez pas besoin de me le dire, c'est vrai,
mais, en tous les cas...
M. Chevrette: S'il le remet à pied non conformément
aux mécanismes de la convention collective, ce sont les
mécanismes de la convention collective qui prévalent. S'il le met
à nouveau à pied pour activités syndicales, le lendemain,
au bout de 24 heures, le mécanisme recommence. Il y a une nouvelle
plainte au commissaire du travail. Le commissaire du travail peut statuer
à partir du fait qu'il a été seulement 24 heures dans
l'usine et ce n'est pas un problème, la sentence va venir vite.
Je ne connais pas vraiment l'objectif, mais, d'après moi, c'est
venir déborder le rôle des tribunaux d'arbitrage sur
l'interprétation et l'application des conventions collectives, ce que
vous voulez apporter là, et ce n'est vraiment pas le rôle du
commissaire du travail, qui est de statuer sur le bien-fondé d'un
congédiement pour activités syndicales et non pas pour fins
d'application et d'interprétation d'une convention collective.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: M. le Président, il faut comprendre que nous
sommes tous des philosophes dans ce domaine et qu'il n'y a aucun témoin.
On peut être un peu flexible quand on parle directement. Le ministre a
bien dit qu'il veut protéger le commissaire, je suis d'accord, mais il
veut le protéger concernant le salarié uniquement et non pas
concernant l'employeur. Je suis contre ce principe.
Si le salarié est congédié, suspendu ou
déplacé par l'employeur pour une raison que le salarié ne
trouve pas logique selon la loi, l'article 15 probablement, qu'il porte
plainte, qu'il utilise son privilège comme citoyen et il y aura une
investigation par le commissaire et celui-ci décidera si le
salarié a raison. S'il n'a pas raison, il ne sera pas engagé
à nouveau, je suis d'accord.
On parle maintenant du cas d'un salarié qui est
congédié ou déplacé par l'employeur ou son agent;
dans le présent cas, le commissaire-enquêteur pourra ordonner
à l'employeur de le réintégrer. Ce n'est sûrement
pas la faute du commissaire, M. le ministre, c'est sûr que c'est la faute
de l'employeur. On ne demande pas au commissaire de décider s'il y a
80-20 ou 70-30, c'est pour empêcher que cela arrive au commissaire d'agir
comme arbitre ou comme une commission d'arbitrage, comme, je pense, le
député de Joliette-Montcalm l'a souligné. Pour
protéger contre cela, quand même, on met toute la
pénalité de la protection sur le dos du salarié. On dit:
Si vous êtes congédié illégalement, pour deux ou
trois mois, si vous avez quand même eu l'initiative de vous trouver un
emploi ailleurs et, après l'investigation, nous savons que vous avez
été congédié illégalement.
L'argent que vous avez gagné pendant la période de trois
mois, il faut verser cela à l'employeur qui est responsable d'avoir
violé le Code du travail. Je pense que cela n'a pas d'allure. On est
bien mieux de laisser tomber complètement ce deuxième
paragraphe.
Le Président (M. Clair): Le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je pense qu'on n'était
pas à l'amendement du député de Saint-Laurent.
M. Mackasey: Non, pas tout à fait. Je pense que
l'amendement du député de Saint-Laurent est plus flexible. Il
laissait au ministre plus de flexibilité pour que le commissaire
décide si c'est 80%-20% ou 70%-30%, en calculant qui est en
défaut. Comme c'est écrit, le salarié, même s'il est
à 100% innocent, n'a que l'avantage de son ancienneté, si vous
voulez. Il est obligé de remettre tout le salaire qu'il a gagné
pendant qu'il était congédié illégalement. Cela n'a
pas de bon sens. Ce n'est certainement pas de la justice.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, MM. les
députés de Jonquière et de Johnson!
M. Vaillancourt (Jonquière): Je n'ai pas demandé la
parole, mais j'avais seulement une question à poser au
député de Johnson. Je ne sais pas si c'est possible...
Le Président (M. Clair): Si vous n'aviez pas
demandé la parole, je ne...
Une Voix: II faut que tu la demandes.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je la demande. Est-ce que cet
exemple auquel il faisait allusion tout à l'heure, je parle de
l'amendement du député de Saint-Laurent, c'était l'exemple
du salarié qui, après avoir été
congédié pour activités syndicales, est
réintégré et qui, 24 heures après, est
recongédié par son employeur encore une fois pour
activités syndicales?
M. Bellemare: Non, pas nécessairement pour
activités syndicales.
M. Vaillancourt (Jonquière): De bonne foi? M.
Bellemare: De bonne foi.
M. Vaillancourt (Jonquière): Pour une raison...
M. Bellemare: Pour une raison qui est acceptable et contre
laquelle vous ne pouvez pas avoir de grief, mais cela est écrit.
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est la convention
collective qui s'applique dans ce cas.
M. Bellemare: Oui, je comprends que, selon la convention
collective, il a droit à un grief, mais, normalement, selon les us et
coutumes, ce qui se fait actuellement, le gars tombe dans ce "no man's land"
des rappels, qu'est-ce que tu veux? Il s'en va là.
M. Vaillancourt (Jonquière): Pourquoi faire une
discrimination entre le gars qui est réintégré, qui
revient prendre son emploi et qui est congédié 24 heures
après et le gars qui n'a pas été congédié
pour activités syndicales, qui a toujours occupé son emploi et
qui, tout à coup, lui aussi...
M. Bellemare: M. le Président, je m'adresse à vous,
parce que c'est à vous qu'il faut parler...
M. Vaillancourt (Jonquière): Ex-ministre du Travail.
M. Bellemare: Malgré qu'il se fait un peu une lutte entre
les deux pour la vice-présidence à la Chambre; en tout cas, je
vous souhaite bon succès tous les deux; je ne sais pas lequel va gagner,
mais, en tout cas, je garde ma réflexion pour quand il sera
élu.
M. Chevrette: C'est plus sage.
M. Bellemare: Je pense que l'amendement du député
de Saint-Laurent est facile à comprendre. Le commissaire du travail peut
je ne dis pas "doit" différer. Cela veut dire que,
peut-être, sans que ce soit suspendu sur la tête de l'employeur,
avec le nombre de jours, de mois qu'il va être obligé de payer
à la suite de sa réintégration, cela va peut-être
permettre à l'employeur de régler plus vite et de l'accepter.
C'est cela qui est dit. C'est simplement mettre... D'ailleurs, le Barreau est
bien d'accord. C'est la recommandation du Barreau qui est là, la
deuxième. Je pense que les hommes de loi sont meilleurs que nous, les
"brakesmen" pour interpréter le véritable sens juridique de
l'application du deuxième paragraphe qui dit qu'il y aurait, certes,
lieu de préciser que le commissaire-enquêteur du travail peut
différer. Pourquoi a- t-on mis dans le rapport du Barreau ces mots "peut
différer"? Je pense qu'il y a une raison fondamentale dans l'application
même de la procédure. Les avocats ont vécu ce modus vivendi
et ils arrivent avec le "peut différer". L'application de l'ordonnance
de réintégration pourrait être plus bénéfique
pour les parties. Si vous croyez que ce n'est pas nécessaire, moi, je
prétends que le député de Saint-Laurent a raison; pour une
fois on est d'accord. Il y a des fois où on ne l'est pas, mais...
M. Forget: J'apprécie.
M. Bellemare: ... pour une fois, on est d'accord, parce que ce
que j'ai vécu, moi, me prouve aujourd'hui qu'il y a, dans le monde du
travail, un malaise considérable dans le rappel. On le fait de bonne
foi, mais je vous garantis qu'on est sur le "line-up". Alors, moi, je suis en
faveur de l'amendement du député de Saint-Laurent pour ajouter:
"Le commissaire du travail peut différer l'application de l'ordonnance
de réintégration si les circonstances le justifient", exactement
ce qui est contenu dans le rapport d'hommes de loi qui ont dû vivre ce
problème bien des fois et qui ont, au point de vue du Code du travail,
un certain éclairage qui nous manque, peut-être, à tous.
Ces derniers, qui sont continuellement dans la procédure et dans ces
questions de griefs et de suspensions, n'ont pas écrit ça
seulement pour dire: On a pensé que ce serait mieux. Ils avaient des
raisons valables. Je dis que l'amendement du député de
Saint-Laurent est justifiable et je voterai en faveur.
Le Président (M. Clair): L'amendement du
député de Saint-Laurent, qui se lit comme suit: "Que le
paragraphe 14 de l'article 6 soit modifié en ajoutant l'alinéa
suivant: Le commissaire du travail peut différer l'application de
l'ordonnance de réintégration si les circonstances le justifient"
est-il adopté?
M. Chevrette: Adopté sur division.
M. Bellemare: L'amendement n'est pas à moi, mais on peut,
selon le règlement, le retirer ou l'adopter sur division. Je ne sais pas
ce que le député veut faire.
M. Forget: Excusez-moi.
Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.
M. Bellemare: Non, j'ai dit: En vertu du règlement, il y a
deux manières de procéder, soit de le retirer complètement
ou de l'adopter sur division.
M. Forget: Je pense que j'aime mieux qu'il soit rejeté sur
division.
Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.
L'article 6 est-il adopté?
Des Voix: Adopté.
M. Bellemare: On aura le droit d'en parler quand même en
troisième lecture...
Une Voix: Oui.
M. Bellemare: ... sur les modalités.
M. Forget: M. le Président, avant d'adopter l'article 6,
il y a, dans le mémoire de Me Barré, une recommandation, sur
l'article 6, qui m'apparaît, au moins, mériter d'être
discutée. Je ne suis pas en mesure d'en juger, n'étant pas un
spécialiste, n'ayant pas accès à des spécialistes
de la question; mais Me Barré, qui a fait un long mémoire
je remercie le ministre de nous l'avoir communiqué, d'ailleurs
sur le projet de loi no 24, qui a été amendé et
modifié lui aussi, ou retapé, comme le dit le ministre, pour
servir également pour le projet de loi no 45, fait un parallèle
intéressant entre les ordonnances de retour au travail face à des
grèves illégales. Il dit: Dans ce cas-là, il y a un ordre
qui est donné par un tribunal de retourner au travail. C'est un ordre
que le tribunal adresse aux syndiqués, et il dit: II devrait y avoir un
parallèle entre ça... enfin, non seulement il dit qu'il devrait y
en avoir un, mais il le trace explicitement entre des congédiements
illégaux: II devrait y avoir non pas un processus basé
essentiellement sur une pénalité financière, mais il
devrait y avoir une ordonnance de réintégration qui est...
Il parle d'une réintégration forcée. Elle est
forcée si on met des amendes assez lourdes. Je pense que la distinction
n'est pas tellement sur la question d'être forcé, parce qu'il y a
un aspect de pénalité dans tout ça, mais j'imagine que
dans son texte, c'est qu'il n'explique pas vraiment très bien... Il y a
l'idée que ce soit la solution, c'est que l'employeur soit tenu de
reprendre l'employé.
Je ne sais pas comment on fait la distinction entre cela et la mesure
dans le projet de loi. Mais ne serait-ce que pour clarifier cela, étant
donné que c'est un mémoire et qu'il dit une absence de
symétrie... On a tellement parlé d'équilibre et d'absence
d'équilibre dans le projet de loi et, comme ce cas précis marque
une absence d'équilibre, il serait peut-être bon d'entendre le
ministre là-dessus pour savoir pourquoi cette solution n'est pas
différente, peut-être, ou n'est pas retenue.
M. Johnson: Elle est retenue à l'article suivant alors
qu'on affirme que le dépôt de la décision lui
confère la même force et le même effet que s'il s'agissait
d'un jugement émanant de la Cour supérieure et est
exécutoire comme tel. En ce sens, c'est la formulation que nous avons
trouvée pour donner suite à cette suggestion. On la rencontre
à l'article 7 du projet de loi 45, tel que modifié par les
amendements, correspondant à l'article 18a du Code du travail, une fois
que ce sera adopté.
M. Forget: Je ne veux pas anticiper sur la discussion de
l'article 7 à l'article 6. Si le ministre dit qu'on en discutera
à l'article 7, on en discutera. Je verrais une distinction, mais il est
fort possible que cela soit une bonne réponse.
Le Président (M. Clair): Article 6, adopté?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Clair): Adopté. Article 7.
M. Johnson: L'article 7. Je réfère les membres de
la commission au texte des amendements qu'ils ont. Il s'agit de modifier
l'article 18 du Code du travail. D'abord, il y a quelques corrections
d'écriture de la version française. Il y a, d'autre part, ce
changement de la nécessité, au niveau de l'article 18 du code
actuel, d'obtenir une ordonnance du tribunal si l'on veut exécuter une
décision du commissaire-enquêteur et, ensuite, la procédure
d'homologation. On sait que la Cour supérieure se sert parfois de la
procédure d'homologation pour intervenir au fond et malgré les
tentatives considérables des gouvernements provinciaux, de celui-ci, en
tout cas, depuis le début de la confédération, on sait,
malgré les récents arrêts, y compris l'arrêt Tomko
dans le cas de la Nouvelle-Ecosse, je crois, on sait combien il est difficile
d'affirmer la compétence absolue d'un tribunal de nature
provinciale.
On simplifie également la procédure donc en faisant
homologuer directement la décision du commissaire par la Cour
supérieure ou la Cour provinciale, sans qu'il soit nécessaire
d'obtenir au préalable une ordonnance du tribunal. Donc, on gagne un
temps considérable.
M. Bellemare: C'est plus rapide.
M. Johnson: Actuellement, il faut qu'il y ait une contestation
entre les parties, quant au quantum sur l'indemnité, pour qu'une
requête soit possible. Avec l'amendement projeté dans la
série d'amendements que j'ai distribués, le simple défaut
ou l'absence de réponse d'une partie permettra alors à l'autre de
faire une telle requête.
C'est l'essentiel. D'autre part, j'aimerais vous dire qu'il y a une
erreur d'écriture dans les amendements que je vous ai donnés. Il
ne s'agit pas de quatorze jours, mais bien de quinze jours à l'article
18a: "A l'expiration des délais d'appel ou, s'il y a lieu, à
l'expiration des quatorze jours..." Il s'agit de quinze jours, suivant la
décision. Il s'agit de préciser que non seulement... Donc, la
décision du commissaire est exécutoire, mais aussi celle du
tribunal.
Le texte n'était pas clair d'ailleurs à ce sujet. On
abandonne donc la procédure d'homologation d'une décision d'un
commissaire. On adopte plutôt une procédure expéditive
comme dans les autres provinces pour l'exécution de la décision
par son simple dépôt au greffe de la Cour supérieure, ce
qui, je pense, répond à la préoccupa-
tion du député de Saint-Laurent, et on fait de même
pour l'exécution de la décision du tribunal lui-même.
Ce dépôt ne peut être fait avant quinze jours pour
permettre à une partie d'exécuter la décision ou de la
contester si cela est possible. Une fois déposée, la
décision a l'effet d'un jugement de la Cour supérieure est
exécutoire comme tel et donne ouverture à l'outrage au tribunal.
Ce dépôt doit être fait dans les six mois de la
décision. Pardon, monsieur?
M. Bellemare: Je voulais seulement poser une question, parce
qu'il vient de parler d'outrage au tribunal. Est-ce que c'est concurrent
à la pénalité des $500?
M. Johnson: Je pense que c'est additif, c'est-à-dire qu'il
est possible qu'il y ait outrage au tribunal pour non-respect d'une
décision homologuée par la Cour supérieure de la
même façon que c'est un jugement de la Cour supérieure et,
d'autre part, il y a des sanctions pénales prévues au code qui
pourraient s'appliquer.
M. Bellemare: Les $500 de pénalité, est-ce que cela
s'applique aussi ou non?
M. Johnson: A mes yeux, oui.
Le Président (M. Clair): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président...
M. Bellemare: Je m'excuse auprès du député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Je vous en prie, il n'y a pas de quoi.
M. Bellemare: II venait de parler d'outrage au tribunal.
M. Forget: II n'y a pas de quoi, on a l'esprit large, M. le
député de Johnson.
J'ai écouté l'explication du ministre. Je dois dire qu'on
avait, dans l'étude du projet de loi 45, préparé un
amendement qui avait exactement cet effet. On avait lu le texte de Me
Barré sur ce point-là, cela apparaissait évidemment une
lourdeur inutile dans la mise en application ou l'exécution des
ordonnances. Si c'est dans ce sens-là que le ministre a compris les
remarques que Me Barré fait dans son mémoire sur l'article 6
qu'on vient de souligner, je pense que cela clarifie la question que je posais
tout à l'heure.
Il reste que ce n'est pas entièrement clair à mes yeux et
c'est peut-être parce que je ne suis pas un expert en droit du travail.
Qu'est-ce que cette disposition-là vient faire à l'article
18?
Je m'explique. C'est un problème de rédaction, mais c'est
aussi un problème de fond à cause de la question que vient de
poser le député de Johnson. On a, tout à coup, en plein
mi- lieu d'un chapitre, un article qui dit: Le commissaire du travail qui fait
toutes sortes de choses on décrit les pouvoirs d'un bout à
l'autre du code qui rend des ordonnances sur toutes sortes de sujets et,
à un moment donné, on passe à l'exécution des
ordonnances du commissaire du travail pour l'article 18; ce qui veut dire que
quand il rend des ordonnances en vertu d'autres articles, ce ne sont plus les
mêmes règles d'exécution des ordonnances et, l'amendement
qu'on avait préparé dans cet esprit en venait à dire:
C'est très bien, ce que Me Barré fait comme suggestion, mais ce
qu'on proposerait, qu'on proposait et que je propose encore au ministre,
à moins qu'il n'ait des explications pour le faire ainsi, c'est de
garder seulement l'article 18 là-dedans et 18a, garder ce texte et
l'envoyer quelque part, à la fin du Code du travail où on parle
de l'exécution des ordonnances etc., de façon synthétique,
de manière que justement le problème posé: Est-ce $500 en
plus, au lieu de, etc... Qu'on ait un endroit où on sache comment on met
en marche ce processus d'exécution pour un certain nombre de
décisions. Là, ce n'est presque pas compréhensible tel
qu'on l'exprime. Cela l'est dans le contexte immédiat et c'est un
très bon amendement. Je ne le critique pas là-dessus. Je pense
que le ministre, en trouvant des réponses à l'article 18 tel
qu'il est, a trouvé une bonne réponse, mais c'est justement,
l'article 18, tel qu'il est, parle d'exécution seulement dans un cas,
alors que présumément il doit se poser à bien d'autres
endroits.
M. Johnson: Justement pas, M. le Président, si vous le
permettez, en ce sens que la seule obligation de faire... la seule ordonnance
que peut émettre le commissaire-enquêteur sous l'ancien code ou le
commissaire du travail maintenant, c'est celle-là. Le reste des gestes
posés par le commissaire du travail sont des gestes, par exemple, sur
l'accréditation, mais il ne s'agit pas d'ordonner de faire.
Or, le seul endroit dans le code où on trouve un pouvoir entre
les mains du commissaire d'ordonner de faire, c'est celui-là. Et la
sanction, comme on le sait, en vertu des principes du droit administratif et du
droit civil, c'est que l'ordonnance de faire est celle qui est sujette à
une injonction en vertu du Code de procédure civil. Comme il s'agit du
seul geste d'ordonnance de faire, c'est à celle-là, qu'on
confère un pouvoir exécutoire assimilable à celui de la
Cour Supérieure.
M. Bellemare: Si vous me permettez, votre réflexion est
peut-être juste dans votre idée, mais dans la pratique, quand on a
à référer à quelque chose, on prend le chapitre de
l'accréditation. Dans ce chapitre, on retrouve tous les pouvoirs qui
sont dévolus au commissaire du travail. On termine en disant: Voici, si
telle chose n'est pas faite, il y aura telle sanction qui s'appliquera. Pour la
référence, je pense que c'est le chapitre 2, la section I du
droit d'association qui
comporte 16, 17, 18. Autrefois, il y avait le mot homologation, mais il
n'existe plus. Le commissaire-enquêteur doit ordonner de refuser de
réintégrer... on donne tout le sujet dans le code.
M. Forget: A l'exception de la réponse à votre
question de tantôt, on dit aussi à la fin du code que, quand il y
a des infractions, il y a des pénalités, et ça s'applique
aussi. Donc, ce n'est pas entièrement vrai, quoique je comprenne votre
explication. Mais il y a aussi que ce chapitre s'interprète en lisant
les autres chapitres. Parmi les obligations de faire, la distinction qu'a faite
le ministre est bonne, c'est la seule obligation de faire. Je me demande si,
dans le nouveau chapitre de l'accréditation, aux articles 20 et
suivants, quand le commissaire du travail va découvrir qu'il y a entre
35% et 50% et qu'il va ordonner un scrutin à ce moment-là auquel
tout le monde va devoir collaborer de manière que ça se fasse de
façon régulière...
M. Johnson: II le fait en ce moment.
M. Forget: C'est lui qui le fait. Ça implique aussi que
les autres respectent son pouvoir de le faire. Donc, est-ce qu'il n'y a pas
là une invitation explicite qui va se retrouver dans un paragraphe
quelconque en disant: L'employeur et le syndicat doivent collaborer à la
tenue de ce scrutin? Ça devient, pour eux, des obligations de faire ou
des obligations de ne pas gêner ce qui est, dans le fond,
l'équivalent des ordonnances. Enfin, c'est un point technique, mais non
sans importance, parce que, si le scrutin est gêné par
l'employeur, ça devient une ordonnance qui devrait pouvoir être
exécutée par la Cour supérieure comme un mépris de
cour.
Enfin, c'est un point de forme que je soulève, mais, de toute
façon, je n'en ai pas d'autres parce que vous avez anticipé nos
motions d'amendement. Je n'ai rien d'autre à dire là-dessus. Je
suis satisfait là-dessus.
M. Johnson: Simplement un dernier commentaire, M. le
Président, si vous le permettez. Une des préoccupations du
député de Saint-Laurent était simplement la question de la
technique de rédaction...
M. Bellemare: La forme. M. Johnson: Pardon? M.
Bellemare: La forme.
M. Johnson: Je devrais pousser la qualification de la forme par
la technique de rédaction. Or, nous introduisons deux articles, 18 et
18a, qui sont d'ailleurs des articles auxquels on réfèrera quand
on parlera plus tard des sentences arbitrales.
Finalement, peut-être qu'en principe, ils pourraient être
à la fin du code, avant les dispo- sitions transitoires ou dans le
dernier chapitre de cette partie du code. Mais il demeure quand même que
ces articles sont bien isolés, et ils confèrent
précisément ce pouvoir analogue à celui de la Cour
supérieure par le simple dépôt.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: J'aimerais passer un certain nombre de commentaires
sur l'article 7. Je voudrais souligner le fait que, par rapport à
l'article 7 du projet de loi initial, cet article est amélioré de
beaucoup par rapport à ce qu'on avait dans le projet de loi de base, ce
n'est pas inutile de le souligner.
M. Johnson: Je suis heureux de voir qu'encore une fois,
l'Opposition concourt de façon unanime à mes vues.
M. Bisaillon: ... préparer ses arrières, n'est-ce
pas?
M. Bellemare:...
M. Bisaillon: On appelle cela préparer le terrain, M. le
Président.
M. Bellemare: II reste encore des places.
M. Bisaillon: J'ai cependant trois remarques à faire, M.
le Président. La première concerne le dernier paragraphe de
l'article 18. A un moment donné, on voit apparaître: "Ce
dépôt doit être opéré dans les six mois,
à compter de la décision du commissaire du travail, ou s'il y a
eu appel, de la décision du tribunal."
Il me semble que pour clarifier davantage l'application de l'article
18a, il y aurait avantage et j'en fais une suggestion à ce
qu'on retrouve ce paragraphe immédiatement après le
troisième paragraphe de l'article 18a, c'est-à-dire au moment
où on parle du dépôt de la décision. On laisse
passer trois paragraphes et on arrive avec un paragraphe qui dit: ce
dépôt. Mais c'est quel dépôt? Celui dont on vient de
parler effectivement au deuxième paragraphe.
M. Johnson: Oui.
M. Bisaillon: C'est juste une suggestion. Cela ne change rien au
texte. Mais il me semble que cela change quelque chose à la bonne
compréhension.
Deuxièmement, je me pose par ailleurs des questions sur les deux
dernières phrases de l'avant-dernier paragraphe de l'article 18a qui se
lisent comme suit: "Ces pénalités peuvent être
infligées derechef jusqu'à ce que le contrevenant se soit
conformé à l'ordonnance."
On parle donc des pénalités qu'on nous explique un peu
plus haut, qui consistent en une amende n'excédant pas $50 000, avec ou
sans emprisonnement pour une durée d'au plus un an.
Ce que je me demande est ceci: Est-ce que ces deux phrases veulent dire
que s'il y avait condamnation, par exemple, à une amende de $2000 et un
mois d'emprisonnement et qu'au moment où la sentence est émise,
$2000 d'amende et un mois d'emprisonnement, si l'employeur se soumet à
la sentence, l'applique, réintègre l'employé, etc., il
échapperait à la sentence qui aurait été
ordonnée, c'est-à-dire qu'il serait délié de
l'obligation de purger la pénalité d'emprisonnement d'un mois ou
encore de payer l'amende de $2000? S'il y a eu seulement une amende et qu'il
l'a versée, au moment où il se conforme à l'ordonnance,
est-ce qu'on lui retourne l'amende imposée?
Dans le fond, cette phrase ne me semble pas claire par rapport à
l'application. On dit: "Ces pénalités peuvent être
infligées derechef", donc, de façon automatique, mais
jusqu'à ce que le contrevenant se soit conformé. Je comprends que
l'intention devait être de vouloir dire "dans la période de temps
où on ne s'est pas conformé", mais il me semble que ce n'est pas
ce que dit le texte actuel. Il y aurait peut-être lieu de demander au
ministre de nous répondre là-dessus, pour savoir si c'est
vraiment l'intention de la loi et si on ne pourrait pas améliorer le
texte pour lui faire dire vraiment ce qu'on voulait lui faire dire.
Je prétends que ces deux lignes peuvent porter flanc à
interprétation. On pourrait vouloir faire dire à ce texte que les
pénalités peuvent être remises.
Troisième commentaire, c'est sur l'endroit où l'article
18a ou le contenu de l'article 18a devrait se situer. Il y a eu des
commentaires dont celui du député de Saint-Laurent. Quant
à moi, je pense que la loi est faite pour les citoyens qui n'ont pas
nécessairement une connaissance complète des codes de
procédure, de la façon dont on procède et pour qui souvent
une loi est difficile à lire et à comprendre. Moins il y aura de
références dans une loi, plus ce sera compréhensible pour
les citoyens. Le Code du travail s'applique au départ, vise les
travailleurs, les syndiqués. Je conviens avec le député de
Johnson qu'il faut le laisser dans la partie qui concerne le droit
d'association. C'est là, quand un salarié a un problème,
qu'il va aller voir et il faut qu'il voie immédiatement ce qui peut
arriver à l'employeur quand il ne respecte pas la loi qui s'adresse aux
travailleurs. Il me semble que c'est un principe et que cela n'empêche
pas, par la suite, que les dispositions générales du chapitre
VIII s'appliquent à l'ensemble du code.
Le Président (M. Clair): Au cas où on pourrait
procéder à l'adoption de l'article 7, je vais donner la parole au
ministre, étant donné qu'il est 18 heures et qu'on devrait
ajourner, mais je pense qu'il conviendrait que le ministre réponde.
Peut-être qu'on pourra procéder à l'adoption ou
suspendre.
M. Johnson: Rapidement, M. le Président, sur les deux
propositions du député de Sainte-Marie. Quant à la
première, il est bien évident que la question d'inscrire
l'alinéa 5, après l'alinéa 2, c'est-à-dire que ce
dépôt réfère effectivement au paragraphe qui
réfère à un dépôt, est une excellente
suggestion.
Quant à la deuxième question, je préférerais
garder l'article en suspens pour être sûr qu'on...
M. Bellemare: Parce que le dernier paragraphe, c'est simplement
une interprétation de la prescription.
M. Bisaillon: C'est cela.
M. Bellemare: A partir de là, que ce soit en dernier ou
que ce soit ailleurs, je ne pense pas qu'il y ait un gros changement au point
de vue de...
M. Bisaillon: Du point de départ, on pourrait mettre le
point d'arrivée tout de suite après le point de départ,
et, après cela, expliquer les modalités.
M. Bellemare: Au point de vue de la prescription dans la
loi...
M. Bisaillon: Maintenant, pour les deux phrases, je comprends
qu'on les laisse en suspens pour l'instant?
Le Président (M. Clair): La commission du travail et de la
main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses travaux à demain matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 18 h 2)