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Etude du projet de loi no 97
(Vingt heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission des terres et
forêts est réunie pour étudier le projet de loi no 97, Loi
modifiant la Loi de la Société de récupération,
d'exploitation et de développement forestiers du Québec.
Les membres de la commission sont M. Béru-bé (Matane), M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Desbiens (Dubuc), M. Giasson (Montmagny-L'Islet),
M. Jolivet (Laviolette), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M.
Marquis (Matapédia), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Brochu (Richmond) qui remplace M. Russell (Brome-Missisquoi).
Les intervenants sont: M. Baril (Arthabaska), M. Brochu (Richmond), en
fait, il remplace M. Russell. On peut mettre M. Russell comme intervenant.
M. Brochu: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. Lamontagne (Roberval), M.
Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin),
M. Samson (Rouyn-Noranda).
Est-ce qu'il y a un rapporteur à la commission?
M. Saint-Germain: M. le Président, si vous voulez
remplacer le nom de M. O'Gallagher par mon nom?
Le Président (M. Boucher): M. Perron (Duplessis) sera le
rapporteur et M. le député de Jacques-Cartier remplace M.
O'Gallagher (Robert Balwin). M. le ministre.
Exposés préliminaires M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, les
circonstances qui nous amènent au travail ce soir ne sont sans doute pas
des plus réjouissantes, étant donné l'inquiétude
qui nous anime tous à la suite de l'accident qui vient de se produire
à l'aéroport de Québec. Néanmoins, M. le
Président, si les membres de l'Opposition sont d'accord, je pense que
peut-être que la chose la plus décente que nous puissions faire,
c'est encore de continuer notre travail et d'attendre les nouvelles de
manière à être plus en mesure éventuellement de
savoir quelle serait la meilleure attitude à prendre.
J'aimerais donc soumettre à cette commission la discussion,
article par article, du projet de loi no 97, projet de loi sur lequel nous nous
sommes tous exprimés, du moins en grand nombre, en deuxième
lecture à l'Assemblée nationale, où nous avons pu
émettre les raisons qui pouvaient motiver tant notre appui que notre
refus d'appui à ce projet de loi. Il est important de souligner, M. le
Président, qu'il s'agit ici d'un projet de loi qui vise essentiellement
à bonifier le fonctionnement d'une société d'Etat, de
tenter de moderniser la charte de cette société, dans la mesure
où la charte date, dans la mesure où la société a
considérablement grandi, qu'elle est engagée maintenant dans de
nombreuses entreprises tant dans le domaine du sciage que de la foresterie. (20
h 30)
Cette entreprise, je pense, paraît aujourd'hui comme l'une des
grandes entreprises forestières spécialisées dans le
sciage au Québec et par conséquent, il paraît
justifié de vouloir la doter d'outils modernes, contemporains, de
gérance, comme d'ailleurs le sont la plupart des grandes
sociétés privées de caractère public qui oeuvrent
dans le domaine.
Essentiellement je ne voudrais pas m'attarder quant au principe
l'objectif de la présente loi vise à renforcer le conseil
d'administration de la société en en augmentant le nombre, en
puisant dans un bassin plus vaste de compétence, non pas que les membres
qui constituent le présent conseil d'administration ne soient pas
compétents, mais il faut reconnaître que lorsqu'on veut
élargir le conseil d'administration, on se retrouve rapidement avec un
problème de choix, dans la mesure où l'article 14 de la
présente loi soulève des questions quant aux conflits
d'intérêts susceptibles de se produire au sein du groupe
d'administrateurs.
De manière à pouvoir puiser dans un bassin de
compétence, nous avons pensé abolir l'article 14 et laisser, en
pratique, la loi des compagnies, la jurisprudence, laisser également le
gouvernement, dans un contrat qui lie l'administrateur à la
société, libre de définir de façon un peu plus
précise certaines clauses de conflit d'intérêts
particulières qu'un gouvernement voudrait éliminer au sein de ses
administrateurs. D'une façon générale, nous avons voulu
éliminer un article couché en des termes beaucoup trop vagues
pour nous permettre d'avoir facilement accès à un bassin
québécois de personnes compétentes.
Je dois aussi souligner que nous avons un article qui permet de choisir
un certain nombre d'administrateurs à l'extérieur du
Québec, non pas que ce soit dans l'intention du gouvernement actuel, ni
dans mon intention personnelle de nommer des non-Québécois.
Cependant, suite d'ailleurs au long débat sur la loi créant la
Société nationale de l'amiante, un débat qui portait plus
précisément sur l'absence d'un tel article obligeant à
recruter les administrateurs au sein des résidents
québécois, nous avions finalement convenu avec l'Opposition,
à l'époque je pense que l'Opposition, tant de l'Union
Nationale que du Parti libéral était d'accord au moins pour
assurer une majorité nette de Québécois
possiblement d'ouvrir la porte.
C'est ce qui explique pourquoi, dans la loi de REXFOR, nous avons
adopté un amendement qui avait été proposé par
l'Union Nationale dans le cas
de la loi de la SNA, de manière à permettre
néanmoins un ou deux administrateurs étrangers qui pourraient
s'avérer intéressants. En effet, à titre d'exemple, REXFOR
est de plus en plus impliquée dans des projets de vente sur les
marchés européens.
Récemment, on a vu le groupe Cossette s'unir au groupe Forex
français, au groupe Leroy, je crois, pour fonder la
Société Forex-Leroy. Je pense qu'on trouve de plus en plus, dans
le monde industriel contemporain, de ces échanges entre les pays et il
peut s'avérer utile, pour des sociétés
étrangères, de choisir des Québécois et de les
nommer sur leur conseil d'administration, de la même façon, pour
le Québec, éventuellement, d'avoir possiblement une ou deux
personnes de l'extérieur qui puissent représenter cependant une
véritable contribution originale à la gestion de la
société. C'est donc l'idée d'augmenter le bassin à
l'intérieur duquel nous pouvons puiser.
Egalement, le deuxième aspect de ces différents
amendements vise à réduire le contrôle de l'Etat sur
l'administration quotidienne. Nous voulons que ce soit le conseil qui
définisse la politique de rémunération des cadres, sans
devoir la faire approuver par le Conseil des ministres, ce qui place toujours
le gouvernement dans une situation un peu difficile, puisque, devant parfois
négocier des conventions collectives avec la fonction publique, il est
toujours délicat, pour un gouvernement, d'accepter des normes de
rémunération qui soient distinctes de celles qu'il approuve pour
ses propres fonctionnaires, oubliant ainsi que cette société est
d'abord et avant tout une société commerciale, qu'elle doit
recruter ses cadres en concurrence avec d'autres sociétés et si
nous prétendons avoir des sociétés d'Etat rentables, cela
suppose que nous aurons des administrateurs compétents. Et des
administrateurs compétents, cela veut dire pouvoir les payer autant que
les concurrents, si on veut se les assurer.
Par conséquent, pour éviter qu'un gouvernement se sente un
peu coincé entre les politiques applicables à la fonction
publique et les politiques comme telles de la société, nous avons
cru bon d'éliminer ce type de clause.
Et finalement c'est un aspect qui est peut-être le plus
important c'est l'obligation pour le gouvernement à
préciser ce qu'il attend de sa société d'Etat, d'une part
en obligeant la société d'Etat à présenter un plan
de développement de trois ans, ce qui permet de savoir où la
société d'Etat va, ce qui permet d'ailleurs un bien meilleur
contrôle de l'Assemblée nationale sur l'activité des
sociétés d'Etat d'une part. D'autre part, nous avons voulu
introduire un pouvoir de directives dans la mesure où, consolidant le
pouvoir du conseil d'administration, le détachant le plus possible de
l'administration quotidienne des choses de l'Etat, nous avons cru bon, à
ce moment-là, compenser cette volonté de donner plus d'autonomie
aux sociétés d'Etat par un contrôle beaucoup plus
étroit de la possibilité, pour le gouvernement, d'émettre
des directives, lesquelles directives, évidemment, il va de soi, doivent
être déposées à l'Assemblée nationale, de
manière à pouvoir faire l'objet d'un débat
carrément public et qu'il ne se fasse rien en secret.
Voilà donc en gros, M. le Président, les trois
idées forces, si vous voulez, de la liste d'amendements qui nous sont
présentés ici. Je résume. Donner à REXFOR...
D'ailleurs, je dis REXFOR, mais c'est la volonté du gouvernement de
faire de même pour l'ensemble des sociétés d'Etat puisque
nous avons commencé d'abord avec l'Hydro-Québec et que les
réformes se succèdent société par
société. Il s'agit donc essentiellement de renforcer le conseil
d'administration, de réduire le contrôle bureaucratique de l'Etat
sur l'administration quotidienne et, finalement, d'obliger le gouvernement
à définir ce qu'il attend de ces sociétés
d'Etat.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Noël Saint-Germain
M. Saint-Germain: M. le Président, je dois dire que je
suis un peu surpris de voir que mon collègue de Montmagny-L'Islet n'est
pas ici. Peut-être est-ce ce fâcheux accident qui l'a retenu. Je
n'ai pu tout de même entrer en contact avec lui. Je me suis trouvé
un peu mal à l'aise de poursuivre les travaux. On aurait peut-être
pu, je ne le sais pas, y mettre fin, mais, de toute façon, à
cause du quorum, puisque cela semble être le désir de tous ceux
qui sont ici autour de cette table de poursuivre notre travail, je veux bien
essayer de collaborer.
J'ai écouté avec attention la déclaration du
ministre. Je ne voudrais pas, comme il l'a dit lui-même, refaire ici le
débat en deuxième lecture auquel d'ailleurs je n'ai pas
participé, étant retenu ailleurs, mais nous avons fait ressortir
tout de même, contrairement aux affirmations du ministre pour ce qui
regarde ses principes et son point de vue, que nous étions surpris de
voir qu'on avait enlevé de la loi cette clause du conflit
d'intérêts et surtout qu'on va permettre que des administrateurs
étrangers soient nommés au conseil d'administration de
REXFOR.
C'est d'autant plus surprenant tout de même, M. le
Président, que nous avons un gouvernement qui, habituellement, aime
à flatter le nationalisme québécois et,
deuxièmement, voilà un champ d'activité, la forêt,
le bois, où les Québécois ont acquis une très
longue expérience. Vu que REXFOR a déjà été
fondée dans les années passées, qu'on n'a jamais fait
appel aux étrangers et que, au dire même du ministre, c'est une
des sociétés d'Etat qui a été des plus efficaces,
des plus productives, nous sommes surpris de constater ce vouloir de faire
appel à des talents étrangers. D'autant plus que REXFOR, comme
toute autre compagnie, devrait certainement avoir les moyens et les finances
voulus pour faire appel comme employés non pas nécessairement
à des administrateurs, mais pouvoir se procurer les conseillers
les plus prestigieux, les plus compétents, seraient-ils du
Québec ou non. Mais de là à les nommer au conseil
d'administration, je crois que c'est une tout autre chose, d'autant plus que
REXFOR est très souvent, de par ses activités, appelée
à jouer un rôle social aussi bien qu'un rôle
économique. De toute façon, nous ferons voir, au fur et à
mesure des travaux, nos arguments là-dessus.
Je voudrais terminer en disant tout simplement que REXFOR a la
réputation d'être et d'avoir été une des compagnies
les mieux administrées. On peut se montrer un peu surpris de constater
que c'est une des premières, après l'Hydro-Québec,
à voir sa loi retouchée. Lorsqu'on pense aux autres compagnies
qui ont fait face à des difficultés extrêmement importantes
et qui conservent tout de même, jusqu'ici du moins, le statu quo au point
de vue de la charte ou au point de vue des lois qui les ont
créées, on peut se montrer un peu surpris de voir que REXFOR est
une des premières à voir sa loi modifiée. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier. M. le député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président, quelques brèves
remarques simplement. Tout d'abord, c'est pour indiquer que mon collègue
de Brome-Missisquoi aurait aimé être présent ce soir avec
nous, étant donné qu'il a suivi de très près toute
l'évolution de REXFOR, plusieurs de ses dossiers en particulier.
Malheureusement, il a été retenu à l'extérieur, il
ne pourra pas être des nôtres. J'ai eu l'occasion moi-même
d'émettre certains commentaires sur REXFOR au cours de la discussion en
deuxième lecture, en particulier, j'ai abordé l'aspect plus
général de l'ensemble des sociétés d'Etat au
Québec, du rôle du gouvernement vis-à-vis des
sociétés d'Etat, du rôle et des moyens d'actions
également du gouvernement vis-à-vis de ces sociétés
d'Etat, vis-à-vis de ces créatures émanant du
gouvernement, de l'Assemblée nationale, et également, en allant
plus loin, en démarquant même la ligne qui existe entre le
gouvernement et l'Assemblée nationale, au chapitre de ces
sociétés d'Etat, en termes de contrôle, de gestion et de
droit de regard.
Lorsque le ministre parle comme tout à l'heure... Je reprends
quelques points qui ont été touchés par le ministre dans
ses propos préliminaires. Le ministre a introduit dans son projet de loi
une disposition voulant qu'au moins les deux tiers du conseil d'administration
soient formés de Québécois. Comme il l'a indiqué,
cela a été d'ailleurs une préoccupation du gouvernement et
de l'Union Nationale, au cours de la discussion sur la création de la
Société nationale de l'amiante. J'avais moi-même
présenté une motion pour s'assurer qu'au moins les deux tiers du
contenu du conseil d'administration soient composés de gens originaires
du Québec, mais il est évident que le monde moderne dans lequel
nous vivons, on doit ouvrir la porte pour aller chercher les compétences
là où elles sont et s'assurer, des compétences à ce
niveau.
La loi comprend un certain nombre de changements techniques, des
modifications de structures qui répondent à des
préoccupations qu'on retrouve également dans d'autres
sociétés d'Etat et, ici, on commence à y répondre
de façon pratique avec ces modifications à la Loi de la structure
de REXFOR.
En ce qui concerne le dépôt d'un plan de
développement pour trois ans, je pense que c'est tout à fait sage
d'exiger, et c'est de la saine administration, de demander une
démonstration des prévisions de la société dans ce
sens-là, ce qui permet au ministre, du moins, d'avoir aussi en sa
possession les outils nécessaires pour travailler avec sa
société d'Etat.
Le ministre a mentionné, dans ce sens-là, peut-être
suite à la préoccupation que je lui avais indiquée, dans
le contrôle des sociétés d'Etat par le gouvernement, que
ça permettrait davantage à l'Assemblée nationale de
contrôler la société REXFOR. Là-dessus, j'ai
certaines réserves, en ce qui concerne l'Assemblée nationale
comme telle; ce sera surtout un rôle d'information de l'Assemblée
nationale, puisque le "pouvoir de contrôle", par rapport à
l'ensemble des sociétés d'Etat et, ici, REXFOR, c'est surtout du
côté ministériel qu'on le retrouve, et quand on parle du
côté ministériel, on doit se restreindre aussi au ministre
lui-même, à toutes fins utiles, puisque les ministres, dans leur
travail quotidien, c'est impossible qu'ils puissent avoir juridiction,
même en termes de temps, ça ne leur est pas possible, sur les
autres sociétés qui concernent leurs collègues d'autres
ministères. Même le ministre responsable d'ailleurs, le
ministre des Richesses naturelles en a fait état dans son exposé
de deuxième lecture d'une société d'Etat arrive
difficilement à avoir un pouvoir large sur sa société
d'Etat, occupé qu'il est à l'ensemble de son ministère, ou
de ses ministères, dans certains cas, comme c'est le vôtre, M. le
ministre. Il y a également l'aspect que peut porter l'un ou l'autre
ministre davantage vers l'une ou l'autre des sociétés d'Etat.
Comme dans votre cas, on sait que, d'abord, vous êtes
préoccupé par la Société nationale de l'amiante,
dont vous avez fait votre cheval de bataille, votre bébé, en
quelque sorte, et vous voulez le mener à terme. Le ministre qui vous
suivra, comme vous l'avez indiqué, peut, lui, avoir d'autres
préoccupations, alors, mettre un peu en veilleuse la
Société nationale de l'amiante pour porter peut-être plus
d'attention à d'autres sociétés, ce qui me fait dire,
à toutes fins utiles, en partant même des propos que vous avez
tenus en deuxième lecture et ceux que vous tenez maintenant, qu'on ne
peut pas prétendre que, même par un plan de développement
comme celui-là, soumis trois ans à l'avance, ce soit là un
moyen de contrôle pour l'Assemblée nationale, puisque
l'Assemblée nationale comprend, en fait, toutes les portées.
C'est l'instrument de la démocratie qui est au-dessus de nous. (20 h
45)
Alors l'Assemblée nationale, au moment où l'on se parle,
n'a pas de contrôle sur les sociétés d'Etat comme telles.
Elle n'a que très peu à dire là-dedans. Je n'ai pas
l'intention de reprendre toute l'argumentation que j'ai tenue là-dessus,
il y aura d'autres forums et d'autres tribunes pour le faire. D'ailleurs,
actuellement, je fais aussi partie d'un comité qu'on a formé pour
étudier les moyens à prendre pour doter l'Assemblée
nationale d'un moyen de contrôle sur les sociétés d'Etat,
auquel pourraient participer des députés de toutes les formations
politiques, sans que ce soit une commission politique à proprement
parler, plutôt apolitique, mais qui ait un certain droit de regard avec
des moyens d'action, des moyens de convoquer devant elle certaines
sociétés d'Etat pour analyser leurs performances et assurer un
droit démocratique à l'Assemblée nationale.
C'est dans une toute autre optique que ces discussions-là ont eu
lieu, mais je tenais à reprendre le propos du ministre, puisque je ne
crois pas que ça donne un contrôle comme tel à
l'Assemblée nationale; cela va transmettre une information aux membres
de l'Assemblée nationale.
Surcela, M. le Président, pour ce qui me concerne, je serais
prêt à passer à l'étude article par article du
projet de loi qui est devant nous maintenant.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Richmond. J'appelle donc... Est-ce que M. le
député de Montmagny-L'Islet...
M. Julien Giasson
M. Giasson: Peut-être un bref commentaire, je m'excuse
à l'endroit de tous mes collègues d'être entré un
peu plus tard. Nous avons pris des nouvelles qui nous ont
ébranlés un peu, d'autant plus que j'accueillais des gens de mon
comté à l'heure du souper, mais ce sera très bref, M. le
Président.
Nous abordons l'étude et les débats article par article
d'une loi qui modifie une loi constituant une société d'Etat du
Québec. D'ailleurs, lors des propos de deuxième lecture, le
ministre avait fait beaucoup de commentaires concernant un réexamen de
tout ce qui était société d'Etat chez nous. Dans la
foulée d'une pensée qui voudrait qu'on réexamine au
complet le fonctionnement de nos sociétés d'Etat au
Québec, pensée qui voudrait que la SGF qui, déjà,
contrôle les actions de quelques entreprises à caractère
parapublic, je pense que l'occasion est propice pour se poser des questions
à savoir si le moment ne serait pas venu d'utiliser des organismes que
possède le gouvernement du Québec, entre autres d'utiliser la SGF
qui, comme je viens de l'indiquer, a des contrôles sur différentes
entreprises, de faire de la SGF une supersociété d'Etat qui
chapeauterait l'ensemble des exploitations découlant d'autres
sociétés qui sont la propriété de la couronne.
Lorsque le ministre a exprimé son avis, son opinion relativement
à la performance, à l'évolution des sociétés
d'Etat chez nous, je me demandais ce qu'il pensait personnellement de la
possibilité de réviser en profondeur toutes ces structu- res et
d'utiliser davantage la SGF, la Société générale de
financement, comme la supersociété ou le superorganisme qui
aurait un droit de regard réel à l'endroit d'une foule
d'entreprises paragouverne-mentales. M. le Président, si on me permet,
j'aimerais connaître la pensée du ministre sur cette
possibilité ou cette hypothèse.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, est-ce que vous
acceptez de répondre à la question?
M. Bérubé: II ne fait aucun doute qu'à
l'origine, la Société générale de financement avait
comme mandat de créer un consortium, un "holding" d'entreprises
contrôlées par l'Etat dans le secteur industriel. Avec les
années, et là-dessus la SGF a fait l'expérience
qu'à peu près tous les conglomérats mondiaux ont faite, il
s'est avéré que la dispersion dans un grand nombre de secteurs
disparates, mal intégrés, épars, avait comme
conséquence une très mauvaise surveillance par le "holding" de la
SGF des actions de ces filiales. Une des difficultés sans doute que la
SGF a connues dans le cas de Marine a été justement cette
insuffisance de contrôle de la SGF sur Marine. L'expérience
acquise aux Etats-Unis, lorsque, dans les années soixante, on a
assisté à la naissance d'un très grand nombre de
conglomérats, cette expérience acquise aujourd'hui conduit au
démantèlement de ces conglomérats. Le "holding"
découvre, en effet qu'il n'est pas véritablement en mesure de
surveiller la commercialisation des fraises sur le marché de Pittsburgh
avec la mise en marché du bois de sciage sur le marché de Londres
et la fabrication de composantes électroniques pour des mini-ordinateurs
et la fabrication d'ailerons pour avions. En d'autres termes,
l'éparpillement dans un grand nombre de secteurs imposait au "holding"
beaucoup trop de connaissances et avait en général un effet
néfaste. Par conséquent, si on applique le même
raisonnement, il peut donc apparaître que, si on veut conserver à
l'Etat le minimum de contrôle qu'il a déjà sur des
sociétés oeuvrant dans des domaines spécialisés, il
est important que le ministère responsable puisse surveiller, puisse
avoir un mot direct à dire dans au moins le choix des administrateurs,
dans l'approbation du plan de développement, donc dans les
échanges continus qui doivent exister entre un ministère et la
société d'Etat. Or, il ne fait aucun doute que si le gouvernement
devait nommer des administrateurs de la SGF, qui nommeraient en retour les
administrateurs de différentes filiales, posons l'hypothèse
SOQUEM ou REXFOR ou d'autres, on éloigne de plus en plus l'intervention
ou la surveillance par l'Etat de ces sociétés, puisque je pense
qu'il faut respecter la hiérarchie que vous proposez, et si l'Etat a
choisi la SGF comme "holding", le conglomérat qui contrôle
l'ensemble de ces sociétés d'Etat, le gouvernement devra se
contenter de contrôler la performance globale du conglomérat et
laissera au conglomérat le soin de décider des politiques de ses
filiales. Et l'Etat aura perdu cette possibilité d'agir directement,
d'influencer directement ces sociétés d'Etat.
II ne faut pas oublier que les sociétés d'Etat sont
également mandataires du gouvernement. Elles ont un objectif qui est de
réaliser des objectifs économiques que le gouvernement peut
avoir, mais que la structure ministérielle ne peut pas atteindre. C'est
essentiellement là l'objectif de nos sociétés d'Etat,
puisqu'il existe particulièrement, étant donné les
pouvoirs constitutionnels limités du Québec, deux domaines
où le Québec peut véritablement agir sur le
développement économique, l'un, c'est la subvention à
l'entreprise privée et l'autre, c'est l'intervention directe.
On sait que l'impôt corporatif n'est contrôlé
à peu près qu'au quart par le Québec et, par
conséquent, il a relativement peu d'impact sur les politiques
décisionnelles de l'entreprise. Ce qui me paraît probable,
lorsqu'on parle de faire de la SGF un véritable "holding", c'est qu'on
va éloigner encore davantage le contrôle par le gouvernement des
décisions ou du moins de la performance de ces sociétés
d'Etat et de l'harmonie qui doit exister entre les objectifs de cette
société d'Etat et ses réalisations, donc on va
éloigner ce contrôle qu'au contraire, je pense, à peu
près tous les membres de cette Assemblée ont jugé bon de
resserrer, d'une part. D'autre part, on va obliger un conseil d'administration
de la SGF à posséder des connaissances beaucoup trop vastes,
beaucoup trop étendues.
De fait, la recommandation du conseil d'administration de la SGF
aujourd'hui n'est plus de transformer cette société en "holding",
bien au contraire, mais de la spécialiser dans quelques domaines
où elle est susceptible d'avoir un meilleur contrôle et, à
ce moment-là, de s'en tenir là, quitte, cependant et cela
demeure tout à fait possible, le premier ministre l'a annoncé
dans le discours inaugural à ce que l'on crée une
société qui pourrait s'appeler Investissement Québec ou
autre, une banque d'Etat qui ait comme mission le financement, l'achat de
capital-actions dans nos sociétés d'Etat.
Mais il s'agirait, à ce moment-là, carrément d'une
banque, mais non d'un conglomérat avec des objectifs économiques
définis qu'un conglomérat doit normalement avoir. C'est pour
cette raison que je serais plutôt dubitatif quant à la proposition
de faire de la SGF le "holding" que vous proposez, par crainte d'alourdir
encore la structure de nos sociétés d'Etat et d'en réduire
l'efficacité.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet? M. le député de Jacques-Cartier.
Discussion générale
M. Saint-Germain: Je comprends très bien la façon
de voir et de penser, le raisonnement du ministre, mais...
M. Bérubé: Une logique inébranlable.
M. Saint-Germain: II reste tout de même que la population
et les députés en particulier sentent bien que le Parlement, le
gouvernement et même le cabinet ont très peu d'influence ou
très peu de contrôle sur les sociétés d'Etat. Je
crois qu'il y a là une faille très importante. J'aimerais
simplement demander au ministre de quelle façon il verrait l'Etat
dominer, pas nécessairement contrôler, mais au moins avoir un
moyen de se rendre compte, d'une façon rapide, des mauvaises
décisions qui peuvent être prises, au niveau pratique, pour
empêcher une catastrophe comme Marine Industrie avec ses navires.
M. Bérubé: Plusieurs façons, M. le
Président. D'une part, par des définitions claires de mandat,
pour nos sociétés d'Etat. A titre d'exemple, nous prenons le cas
de SIDBEC, où l'Assemblée nationale a donné comme mandat
à SIDBEC l'implantation d'un complexe sidérurgique
intégré. Une Assemblée nationale saine d'esprit devait
savoir, à ce moment-là, qu'un tel complexe allait coûter
plusieurs milliards de dollars. Et si telle était la volonté de
l'Etat à l'époque, il fallait, dès le départ,
consentir les sacrifices financiers nécessaires et réaliser ce
complexe sidérurgique.
Il y avait donc, à mon point de vue, coupure entre l'intention un
peu vague pour le gouvernement à l'époque, d'implanter un
complexe sidérurgique, et d'autre part, la réalisation des
coûts que cette implantation allait occasionner. La conséquence,
c'est que les gouvernements successifs n'ont jamais voulu engager les sommes
d'argent nécessaires à la réalisation. Ils ont
compté, en général, au compte-gouttes, les sommes
avancées, ce qui a amené l'entreprise, dans une première
étape à devoir... Je n'entrerai pas dans le détail, il y a
toute une série de décisions qui ont dû être prises
par l'entreprise.
En d'autres termes, faute d'avoir clairement défini un mandat,
avec les implications d'un tel mandat, on a entraîné SIDBEC dans
une course vers le complexe sidérurgique intégré, sans
jamais lui en donner les moyens. Je pense que les gouvernements successifs ont
été, en bonne part, responsables du résultat final.
Par ailleurs, il existait une mauvaise habitude au gouvernement, soit
celle de nommer des administrateurs pour des périodes trop longues. Il
faut reconnaître cependant que très fréquemment, les
honoraires, les salaires consentis aux administrateurs ne se comparaient pas
à ceux de l'entreprise privée et l'on jugeait bon d'offrir, en
contrepartie, une certaine sécurité d'emploi.
Mais, à mon avis, une telle sécurité d'emploi est
catastrophique, puisque l'administrateur qui n'a plus à répondre
quotidiennement, par exemple, à un ministre, comme c'est le cas de nos
fonctionnaires et le ministre, à l'Assemblée nationale,
est-ce qu'il a quand même le don de nous tenir sur les dents une
demi-heure, trois quarts d'heure par jour, à la période des
questions un administrateur qui ne se voit plus jamais poser de
questions et qui sait qu'il est inamovible pour les dix prochaines
années, évidemment, s'il est bon, tant mieux, mais s'il est
mauvais, qu'est-ce qu'on fait?
Voilà donc à nouveau un exemple d'une certaine
inconséquence dans les décisions gouvernementales. Je pense que
la meilleure façon de contrôler le fonctionnement d'une
société d'Etat aussi, c'est d'obliger un ministère
à décider ce qu'il veut pour la société d'Etat. Je
m'explique. Les sociétés d'Etat ont souvent été des
créatures politiques des gouvernements, ne répondant pas
spécifiquement à la volonté d'un ministère. Dans le
cas de la Société nationale de l'amiante, il ne fait aucun doute
qu'il s'agissait là d'une volonté politique d'intervenir, dans le
secteur de l'amiante. Nous avons donc formé un petit groupe de travail
qui a élaboré cette stratégie dans le secteur de
l'amiante. (21 heures)
Mais le ministère comme tel n'y était pas partie. Tant et
aussi longtemps comme le député de Richmond l'a
indiqué que le ministre reste près de sa
société d'Etat, je pense qu'il y a peu de problèmes.
Cependant, avec les années, le ministre peut-être, prenant un
autre poste ou étant défait aux élections, les
fonctionnaires, eux, restent. Ils ne se sentent pas impliqués face
à la société d'Etat. Celle-ci a donc tendance à se
développer une philosophie tout à fait personnelle. Les membres
du conseil d'administration n'ont aucun contact avec le gouvernement, si ce
n'est par l'assemblée d'actionnaires annuelle, où on
présente les résultats et où on peut juger si c'est bon ou
si c'est mauvais et, par conséquent, je pense que cela explique une des
raisons pour lesquelles il y a eu relativement peu de contrôles
gouvernementaux.
Il faut donc, au niveau de nos ministères, se doter de directions
de l'industrie, ayant en particulier comme mandat de définir le
rôle des sociétés d'Etat oeuvrant dans les
différents secteurs où le gouvernement a choisi d'entrer. Cette
présence continue de fonctionnaires de l'Etat qui vont se
préoccuper du rôle de l'intégration de la
société d'Etat dans les politiques gouvernementales est
certainement de nature à faire en sorte qu'il y aura beaucoup plus
d'échanges, puisqu'il rn'apparaît quand même assez difficile
pour un ministre et ses fonctionnaires d'arriver carrément avec une
directive. Cela veut donc dire qu'il va falloir que le ministre et les
fonctionnaires rencontrent le conseil d'administration de la
société, qu'il y ait de nombreux échanges, compromis de
part et d'autre. Par conséquent, on multiplie les occasions de contacts,
mais je pense que le principal objectif des directives, à mon point de
vue, ce n'est pas de forcer la société d'Etat à
obéir à l'Etat, c'est de forcer l'Etat à savoir ce qu'il
veut de ses sociétés d'Etat. Cela m'apparaît beaucoup plus
important.
Les premières discussions que nous avons eues avec l'ensemble des
présidents de nos sociétés d'Etat ont toutes permis de
conclure que la principale défaillance que percevaient les
présidents de sociétés d'Etat face au rôle et
à l'interaction entre l'Etat et les sociétés d'Etat,
c'était cette absence totale de volonté politique de la part d'un
gouvernement vis-à-vis de leur mandat. Les présidents de
sociétés d'Etat ont tous expliqué que s'ils ne savaient
pas ce que le gouvernement attendait d'eux, ils étaient livrés
à eux-mêmes et devaient, à ce moment-là,
élaborer leurs propres politiques, ce qui explique souventpourquoi
beaucoup de nos sociétés d'Etat n'ont pas de politiques et
évoluent dans leurs orientations au gré des nominations, au
gré des changements sur les conseils d'administration avec relativement
peu de continuité. Cela explique aussi pourquoi, très
fréquemment, la direction n'est pas véritablement
contrôlée par le conseil d'administration.
Il faut reconnaître aussi une chose. Une des mauvaises habitudes
dans nos sociétés d'Etat a consisté à nommer
simplement un président de la société d'Etat qui
était à la fois président du conseil. Souvent ce
président était nommé par décret ministériel
pour cinq à dix ans. L'administrateur pouvait être nommé
pour un an. Un conseil d'administration entourant le président... On a
encore des présidents non pas d'une intégrité, mais d'une
objectivité, comme nous en avons à cette digne Assemblée.
On voit mal comment le président de la société accorde la
parole à des membres d'un conseil d'administration qui sont en
désaccord avec ses politiques. On a connu plusieurs cas de conseils
d'administration en lutte ouverte avec le président de la
société, mais on s'est demandé si c'était le
conseil d'administration qui avait juridiction sur le président ou si le
conseil d'administration jouait tout simplement un rôle consultatif,
étant donné qu'ils étaient nommés à titre
temporaire alors que le président était là à titre
permanent.
M. Giasson: ... à REXFOR?
M. Bérubé: Je ne saurais dire, non, je pense que je
réfère à d'autres sociétés d'Etat. Je ne
réfère pas à REXFOR effectivement. Par conséquent,
il m'apparaît difficile... Il faut dire quand même que dans le cas
du président de REXFOR actuel, nous avons là quelqu'un avec un
sens de la démocratie et du service à la société
qui est remarquablement développé. Je pense qu'il est
peut-être plus développé que chez l'ensemble de ses
compatriotes oeuvrant à la présidence des sociétés
d'Etat.
Par conséquent, M. Côté a toujours
géré sa société dans un esprit d'ouverture, de
concert avec les travailleurs, avec les cadres de sa société et
de concert avec le ministre d'ailleurs. Tous les ministres des Terres et
Forêts qui se sont succédé sont unanimes à souligner
l'importance des liens qui unissaient le ministre à REXFOR dans toutes
les décisions.
Par conséquent, je pense que le problème ne s'applique pas
du tout dans le cas de REXFOR, mais c'est un problème plus
général. Au fur et à mesure que REXFOR grandit, on n'a
plus affaire à... D'ailleurs, vous verrez, à la
présentation des états financiers, que les profits sont assez
étonnants cette année. D'ailleurs, vous serez surpris. Vous
comparerez avec la seule autre société publique dans le domaine
du sciage et vous remarquerez d'excellentes performances.
En d'autres termes, la société est adulte, elle a
mûri. Je pense qu'aujourd'hui elle doit avoir un conseil d'administration
un peu analogue à ce qu'on retrouve dans l'entreprise privée
avec, possiblement, un président du conseil d'administration distinct du
président de la société. Ceci est ma volonté
politique personnelle et je n'ai pas voulu la rendre obligatoire dans le projet
de loi, justement pour ne pas compliquer l'existence de mon successeur.
Un successeur préférera peut-être, lui, au
contraire, avoir un président de société et un
président du conseil qui soient une seule et même personne. Dans
mon cas, je préfère avoir deux personnes distinctes. A ce moment,
les relations du ministre se font avec le président du conseil
d'administration, avec les représentants des actionnaires. On
établit une distance raisonnable entre la direction quotidienne de la
société et le pouvoir politique qui m'apparaît
également sain et on donne beaucoup plus d'importance au conseil
d'administration qui, lui, a juridiction sur le président de la
société. Il peut le nommer, le dénommer, il peut choisir
des termes de contrat susceptibles d'amener une meilleure performance de la
part du président.
En d'autres termes, le conseil d'administration a l'impression
d'être impliqué dans les prises de décisions fondamentales,
concernant l'orientation des sociétés d'Etat. C'est donc de ces
différentes façons que je crois qu'on peut amener nos
sociétés d'Etat à faire moins d'erreurs avec un conseil
d'administration composé de gens compétents, un conseil
d'administration qui possède véritablement un contrôle sur
la direction, avec un conseil d'administration qui reçoit des directives
de la part du gouvernement, avec un conseil d'administration qui doit
élaborer un plan de développement tous les trois ans, donc un
conseil d'administration qui doit être en contact avec un
ministère de tutelle, ministère qui doit se doter des services
adéquats pour maintenir ce lien entre l'Etat et la société
d'Etat. Je ne sais pas si je réponds clairement à votre question,
mais je pense qu'on se rend compte que c'est de plusieurs façons en
même temps qu'on peut peut-être atteindre l'objectif.
M. Saint-Germain: M. le Président, si j'ai bien compris le
ministre, il nous a dit que, premièrement, les défauts que
l'expérience a fait valoir dans nos sociétés d'Etat ont
été premièrement un mandat trop long du président
et des administrateurs, deuxièmement, qu'il devrait y avoir au niveau du
ministère responsable d'une société donnée, puisque
la pratique des choses a prouvé que le conglomérat n'était
pas une formule idéale, des fonctionnaires au niveau de chaque
ministère responsable d'une société d'Etat en particulier,
troisièmement, que le président du conseil d'administration
devrait être non pas la même personne que dans le conseil de
direction et que le président du conseil d'administration ne devrait pas
être responsable des nominations de ses administrateurs.
Il a fait des remarques assez sévères aussi dans le
passé sur les sociétés d'Etat, des remarques
sévères envers les divers gouvernements qui ont été
responsables de ces sociétés. C'est facile, mais pour donner
justice à ces gouvernements du passé, je pense bien qu'il
faudrait aussi décrire l'état qui existait au point de vue
économique et au point de vue financier dans cette province, et la
situation politique qui existait à ce moment. Que le ministre ait, par
expérience, si vous voulez, fait ressortir ces faiblesses, celles que je
viens de mentionner, tant mieux! Cela me semble tout de même être
des facteurs qui ne sont probablement pas secondaires. Il me semble que cela
paraît être trop facile, si vous voulez, pour en arriver à
des sociétés d'Etat qui pourraient être
subordonnées, si vous voulez, à la volonté politique des
divers gouvernements. Il me semble que c'est un problème fort complexe
qu'on essaie de résoudre avec des solutions relativement simples.
J'espère que le ministre a raison, puisqu'il est en autorité et
qu'il peut appliquer ses propres politiques. Si je prends un mandat trop long,
probablement qu'il a raison, on peut assurément nommer des gens avec des
mandats plus courts, mais il reste qu'avoir d'autres fonctionnaires au niveau
de chaque ministère, ces gens sont encore des fonctionnaires, ils ne
seront pas plus que des fonctionnaires qui pourront analyser le comportement
des sociétés d'Etat.
On sait, par expérience, que si un ministre est nommé, il
faut premièrement qu'il se familiarise avec son ministère. Cela
prend du temps. Cela prend des mois, peut-être une année presque,
avant qu'il connaisse réellement le fonctionnement de son
ministère. Après cela, il faut qu'il conçoive ses
politiques et les vende au cabinet comme à la population. Lorsqu'il est
prêt à prendre des décisions, lorsqu'il a pu estimer, si
vous voulez, la valeur de l'administration d'une compagnie dont il est
responsable et la valeur des individus qui l'administrent, bien souvent, les
élections arrivent ou même, sans élections, le ministre est
changé et le nouveau ministre ne veut pas prendre la
responsabilité d'agir suivant des décisions ou des façons
de voir de son prédécesseur. Il recommence le processus en
voulant, lui aussi, se familiariser avec les faiblesses des
sociétés et en faisant son évaluation personnelle, si vous
voulez, de ceux qui en ont la direction.
Enfin, c'est ce que je voulais dire, M. le Président.
M. Bérubé: M. le Président, je soulignerai
simplement un point. Je pense que le député de Jacques-Cartier a
voulu insister sur l'importance de... Il a utilisé les mots "subordonner
une société d'Etat à la volonté politique." J'en
suis pour les orientations. Mais autant je suis d'accord en ce qui a trait aux
orientations, autant cela m'apparaît dangereux et même plus que
néfaste dans les prises de décision, je ne voudrais pas dire
quotidiennes, mais assez régulières de la société
d'Etat. Je m'explique.
Nous avons du, dans des cas particuliers je pense que le cas de
Samoco est un cas qu'on
pourrait discuter comme gouvernement, étant donné
que la société encourait des déficits importants et
qu'elle avait besoin de capital-actions, nous avons exigé de surveiller
le fonctionnement de Samoco en détail et, effectivement, nous l'avons
suivi de très près.
Je dois dire, cependant, que la surveillance d'une société
par des fonctionnaires du Conseil du trésor et du ministère des
Terres et Forêts n'est peut-être pas la solution idéale. Je
pense qu'elle est justifiée lorsque la société encourt des
pertes et qu'elle ne semble pas vouloir s'en sortir d'elle-même, mais,
néanmoins, il faut reconnaître que les fonctionnaires du
Trésor, si valables soient-ils, n'ont pas des préoccupations
d'efficacité économique. Ils ont donc souvent des tendances et
quiconque a eu des démêlés avec le Trésor sait que,
dans tous les gouvernements, la structure honnie de tous, c'est toujours le
Conseil du trésor et pour la simple et bonne raison que le Conseil du
trésor a comme objectif de faire des analyses et de chercher les
failles, les défauts. Or, dans l'action industrielle, on n'est pas
là pour chercher des failles. On est là pour trouver des
solutions. Ce sont deux mentalités totalement différentes.
Dans l'entreprise privée ou dans l'entreprise commerciale, il
s'agit de trouver des solutions, de régler des problèmes, alors
qu'au Conseil du trésor, on n'a pas comme objectif de régler les
problèmes, on a comme objectif de s'assurer que les deniers de l'Etat
sont bien dépensés, en conformité avec les lois et
règlements adoptés par le gouvernement et l'Assemblée
nationale. Ce sont deux mentalités totalement opposées et, par
conséquent, j'ai été à même de constater que
cette vérification minutieuse du fonctionnement d'une
société d'Etat avait un effet, je dirais, calcifiant, finalement,
chez les administrateurs, et ceux-ci s'ankylosaient littéralement,
finissaient par ne plus vouloir prendre de décisions, puisque chaque
fois qu'un administrateur prenait une décision, il devait la justifier
face au Conseil du trésor et devait donc reprendre toute la discussion.
Ces gens ont fini par transmettre leurs responsabilités carrément
au Trésor en disant: Prenez donc les décisions vous-mêmes
puisque vous n'êtes jamais contents de celles que nous prenons.
C'est une expérience que j'ai vécue, expérience
semblable, d'ailleurs, que nous avons vécue dans le cas de SIDBEC, plus
particulièrement, et expérience semblable que nous avons
vécue dans le cas de Marine. Ce sont trois cas où l'Etat a
dû se substituer au conseil d'administration et exercer un contrôle
très serré de l'état de ces sociétés d'Etat,
des finances de ces sociétés, justement par suite d'erreurs des
administrateurs.
Je pense que ça peut être nécessaire lorsqu'on
demande des crédits à l'Etat, mais je me rends compte d'une
chose, c'est que cette approche est sclérosante. Elle nuit au bon
fonctionnement d'une société d'Etat. Si on voulait
établir, ériger en système...
M. Giasson: C'est le cas des tutelles...
M. Bérubé: Oui, c'est le cas des tutelles qui ne
sont pas idéales, mais, lorsqu'il faut passer à une tutelle, il
faut passer à une tutelle, et je pense que, dans ces trois cas, il faut
parler carrément de tutelle, sans aucun doute.
Mais il ne faudrait pas appliquer la règle de la tutelle au
fonctionnement de toutes les sociétés d'Etat et je pense qu'il
serait malsain de vouloir subordonner les décisions, contrôler
chacune des décisions de la société d'Etat par le pouvoir
politique. Ma crainte réelle, c'est qu'on immobiliserait totalement le
fonctionnement de nos sociétés d'Etat, à notre plus grand
détriment d'ailleurs. (21 h 15)
Je préfère donc un conseil d'administration beaucoup plus
autonome, avec des directives de l'Etat quant à ses orientations et un
contrôle annuel de la performance économique de la
société, avec des mandats plus courts des administrateurs, de
manière à remplacer les administrateurs quand la performance est
inadéquate. Ce n'est qu'en cas de dernier recours qu'il faut faire appel
à une procédure de mise en tutelle.
M. Giasson: M. le Président, j'aurais peut-être une
autre question à l'attention du ministre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: On connaît fort bien les différents
mandats que le gouvernement du Québec a demandés à la
société REXFOR depuis sa réorganisation,
c'est-à-dire depuis que l'Etat avait décidé
d'accroître de façon considérable le capital-actions de la
société, en vue de l'utiliser dans des vocations que je pourrais
qualifier de variées, que ce soit une entrée ou une
poussée du côté du secteur des pâtes et papiers,
également une intégration à l'intérieur de
l'opération sciage, comme une commande à REXFOR de devoir
procéder à des plans d'aménagement intensif de
forêt. Il y avait eu également tout autre mandat de mener une
opération de service public à l'endroit de certaines entreprises
qui étaient vraiment en difficultés. Mais pour les années
immédiates qui viennent, quelle est la vision que le ministre des Terres
et Forêts et Richesses naturelles a à l'endroit de rôles
nouveaux que pourrait jouer notre société d'Etat dans le secteur
forestier?
M. Bérubé: En fait, depuis que nous sommes
là, nous avons essentiellement confié trois mandats à
REXFOR, bien spécifiques. Le premier mandat a été analogue
au mandat qui avait été confié par les différents
gouvernements qui s'étaient succédé, c'est-à-dire
que nous avions demandé à REXFOR de reprendre les
opérations de la Richardson. Il faut souligner cependant qu'il y avait
eu un décret ministériel sous l'ancienne administration,
mandatant REXFOR à cette fin et, à mon arrivée au
gouvernement, me retrouvant à la fois député de Matane et
ministre des Terres et Forêts, il m'apparaissait difficilement
justifiable de
reculer face à cette recommandation. Mais il s'est
avéré, néanmoins, après une étude
très étoffée du dossier, que la reconstruction d'une
scierie dans les conditions d'opération en question, n'était pas
rentable. Je m'y suis donc opposé.
Il existait cependant des possibilités d'exploitation
forestière non rentables, mais dont le déficit par emploi
créé était inférieur à $4000 par
année, alors que le bien-être social nous coûtait, dans la
région où le taux de chômage dépasse les 55%,
énorme, $5500 par travailleur en chômage. Par conséquent,
nous avons choisi de payer $4000 plutôt que $5500. Or, finalement, non
seulement il ne nous en coûte pas $4000 mais probablement que nous ferons
des profits, ce qui fait qu'à la fin du compte, cette opération
se sera avérée sur le plan social et économique un
succès.
Mais c'est un mandat et personnellement je ne vous cacherai pas que je
suis assez réticent de ne confier que des mandats de ce type à
REXFOR, puisque comment peut-il être stimulant de prendre une entreprise
en faillite léguée par le secteur privé, si cher
d'ailleurs au député de Lotbinière, et d'en faire une
entreprise rentable, ce que REXFOR a fait dans le cas de Béarn, de
Taschereau, de Tembec, de Richardson, etc.
M. Giasson: ... même des coopératives.
M. Bérubé: Oui. Par conséquent, ça
peut être intellectuellement stimulant de faire la preuve qu'on est plus
compétent que ceux qui nous ont précédés. Mais,
néanmoins, c'est fatigant, c'est le mythe de Sisyphe, puisqu'il faut
chaque fois recommencer la même opération et reprendre une
entreprise en faillite et la rendre rentable.
Pour ces raisons-là, nous avons voulu examiner dans quelle mesure
on ne pourrait pas confier à REXFOR des mandats industriels
peut-être un peu plus différents et, un en particulier que nous
lui avons confié, c'est la valorisation de matière ligneuse
à des fins énergétiques.
L'utilisation des résidus comme l'écorce, comme les
sciures et planures qui sont inutilisées à des fins de
production, soit de vapeur, soit d'électricité, soit
éventuellement d'autres produits. Par conséquent, REXFOR s'est
engagée au niveau d'études de faisabilité et
également s'est vu mandater par le Conseil des ministres pour des
négociations avec certaines entreprises du secteur privé dans le
but d'implanter des usines qu'on pourrait qualifier de pilotes ou, du moins,
expérimentales pour la production d'énergie, de manière
à développer la technologie au Québec, d'intégrer
cette action à celle de Forano, de Volcano, de Beloit, de Dominion
Engineering au Québec, pour qu'on puisse éventuellement
développer une technologie de l'énergie douce au Québec
qui soit exportable. Donc, c'est un mandat confié à REXFOR.
Autre mandat confié à REXFOR, dans la vallée de la
Matapédia, ou du moins dans la région adjacente: nous examinons
la possibilité de promouvoir un projet papetier sur la base d'un
approvisionnement potentiel sur le territoire d'à peu près 250
000 cunits. C'est donc un mandat, cette fois-ci, carrément
économique, de développement dans le secteur du papier journal ou
autres secteurs forestiers, puisque le produit lui-même n'a pas encore
été défini par le comité, et à nouveau
REXFOR travaille de concert avec la population, avec le Syndicat des
producteurs de bois. C'est là un aspect intéressant de l'action
de REXFOR dans la mesure où REXFOR est peut-être une
société qui est socialement beaucoup plus encline à
s'impliquer avec la population dans des projets, elle en a une longue
expérience, alors que certaines de nos autres sociétés
d'Etat, je peux penser, par exemple, à Donohue, ne se sont jamais
impliquées socialement très à fond dans notre milieu
québécois; il s'agit plutôt d'une société
commerciale de type classique, par conséquent, c'est le type de mandat
que nous avons confié.
Concernant la foresterie, j'émettrai là une pensée
un peu personnelle. Je sais que REXFOR a joué un rôle important
dans le cas de la forêt des Appalaches, qui est située
essentiellement dans le comté de Montmagny-L'Islet. Cependant, il faut
reconnaître qu'en foresterie, il existe une longue tradition
québécoise de coopératives fprestières, de
"jobbers", de petits industriels, donc la société d'Etat, dans un
cas comme celui-là, se trouve en concurrence avec
énormément de Québécois pouvant oeuvrer dans le
domaine. Il s'agit donc de définir pour REXFOR un mandat forestier qui
lui serait unique et que les autres sociétés ou les
coopératives ne semblent pas devoir réaliser, mais il
m'apparaît dangereux de vouloir remplacer l'initiative des
Québécois dans un secteur par une initiative gouvernementale
quand l'entreprise privée ou l'entreprise coopérative ou
l'entreprise collective peut le faire. Je pense que c'est
préférable de développer le plus d'entrepreneurs au sein
de notre société et il y a un danger de stériliser le
dynamisme d'une population que de toujours agir par les sociétés
d'Etat. A mon point de vue, une société d'Etat doit faire des
choses qui ne se feraient pas si la société d'Etat n'était
pas là. Si SIDBEC n'était pas là, il n'y aurait jamais eu
d'acier fabriqué au Québec. Il faut se le dire et c'est une des
réalisations de SIDBEC. Si REXFOR n'avait pas été
là, Béarn et Taschereau, cela n'aurait pas
redémarré parce que l'entreprise privée ne voulait que
cela reparte à l'époque. Les propositions avaient
été faites.
Donc, je pense qu'il faut confier à nos sociétés
d'Etat les mandats que l'entreprise privée, pour diverses raisons, ne
veut pas accomplir, pour des raisons qui ne sont pas nécessairement
à caractère économique, elles peuvent être
très diverses. A ce titre, on peut donner l'exemple de certaines
forêts du Québec où on doit exploiter plusieurs
espèces presque concurremment. Présentement un industriel passe,
récupère le mélèze, un deuxième passe et
récupère l'épinette, un troisième passe et
récupère l'érable, le quatrième passe et
récupère le merisier et, finalement, il faut passer plusieurs
fois; des coûts d'exploitation très élevés. Il
pourrait donc y avoir avantage à concevoir un
exploitant unique. A cet égard, REXFOR pourrait peut-être
jouer un rôle, mais nous devons et je pense que ce n'est pas fait
et ce n'est pas clair dans mon esprit essayer d'imaginer ce rôle
un peu particulier que pourrait jouer REXFOR dans la foresterie.
Je dois dire que depuis maintenant quelque six mois, huit mois, nous
travaillons avec la direction de REXFOR à réfléchir un peu
sur ce mandat un peu particulier qui ferait en sorte que REXFOR ne serait pas
en concurrence avec le mouvement coopératif, en concurrence avec de
petits entrepreneurs québécois fort efficaces au demeurant qui
ont exploité dans le passé la forêt avec succès et
qu'on n'a pas de raison de déplacer, qu'on a peut-être raison
d'amener à un niveau de modernisation plus poussé, les amener
à se préoccuper davantage d'aménagement, par exemple,
qu'ils ne l'ont fait, mais c'est une évolution je pense que l'on peut
attendre facilement de nos exploitants actuels en forêt et il ne
m'apparaît pas évident qu'on doive toujours simplement les mettre
de côté pour les remplacer par REXFOR. Dans le domaine de la
foresterie comme tel, j'ai plus de difficulté, faute de bien comprendre
véritablement ce qu'est la foresterie comme science, n'étant pas
moi-même forestier, et faute justement et c'est un aspect
significatif du ministère des Terres et Forêts, de
s'être véritablement préoccupé du mandat que devrait
réaliser la société d'Etat.
M. Giasson: Le ministre, M. le Président, vient de faire
allusion à la demande qui avait été faite à REXFOR
de pousser une étude de faisabilité d'un projet de papeterie pour
la région de Matapédia. Dans un premier temps, c'est un mandat
assez spécifique. Est-ce que le ministre croit que si ces études
révèlent une capacité de développer là-bas
une papeterie, dans son esprit, REXFOR devra être participante à
cette opération avec les groupements populaires ou le syndicat des
producteurs forestiers ou tout autre organisme qui s'intéresse à
ce projet de développer une papeterie dans la région de la
vallée de la Matapédia?
M. Bérubé: Cela pourrait être le cas, oui.
M. Giasson: Oui.
M. Bérubé: Je pense que REXFOR a la
mentalité pour s'engager dans un projet mixte de ce type. Cependant, il
faut reconnaître l'inexpérience de REXFOR en ce qui a trait
à la mise en marché du développement de la
clientèle. A cet égard, il faudrait sans doute imaginer un
partenaire qui détiendrait ce "know-how" assez particulier, d'autant
plus que l'ère est à la consolidation des industries
forestières et non à leur dispersion. Je pense qu'il fait peu de
doute que les petites usines, aujourd'hui, dans cette ère de
concurrence, ont certaines difficultés, car on peut plus facilement
jouer de petites usines les unes contre les autres que l'on peut jouer
Abitibi-Price contre Consolidated, ou, vers les Etats-Unis, Georgia
Pacific.
Par conséquent, l'ère est aux grandes entreprises et il me
paraîtrait intéressant de rattacher un tel projet, possiblement le
groupe de Donohue ou la SGF, par exemple, au niveau de la mise en
marché, donc intégrer cette commercialisation du produit fini
à l'intérieur d'une entreprise comme Donohue qui, à ce
moment-là, serait quand même un producteur important de
pâtes, un producteur important de papier journal, qui aurait une double
production et donc moins sensible aux grèves. Un des drames de la
grève à Donohue présentement, c'est que les clients de
Donohue qui se voient coupés, privés de leur approvisionnement
pendant une période trop longue, vont orienter leurs achats vers
d'autres entreprises, et Donohue n'a aucun moyen pour desservir ses clients.
Donohue risque donc de perdre des clients qu'elle ne peut pas
récupérer subséquemment, alors que les grandes entreprises
forestières, souvent, ont une grève à une usine mais n'en
ont pas à l'autre. Finalement, elles réussissent, tant bien que
mal, à satisfaire les principaux besoins de leurs clients et garder un
certain nombre de clients stables.
C'est le danger d'une trop petite entreprise qui est à la merci
des fluctuations de marché, qui est à la merci de grèves
ou de troubles quelconques.
M. Giasson: M. le Président, une dernière demande
au ministre. Dans ses propros, il a fait allusion à la situation de
REXFOR dans un mandat qu'on lui avait demandé vis-à-vis de
l'industrie de Sacré-Coeur, Samoco. Est-ce qu'on pourrait savoir du
ministre où en est l'état de ce dossier, ce qui va advenir de
cette industrie, de cette usine là-bas? Est-ce qu'on peut croire que,
d'ici les tout prochains mois, cette entreprise pourra redémarrer et
permettre à la population du milieu d'atteindre l'objectif qu'on
recherchait au moment de la mise sur pied de cette industrie?
M. Bérubé: Je pense qu'on ne peut pas aborder le
cas de Samoco sans le remettre dans son contexte. C'est un cas qui est triste,
parce que c'est un exemple d'échec économique. Cependant, je
pense qu'on ne peut pas faire de développement économique sans
connaître des échecs ici et là. C'est impossible. Si toutes
les filiales de REXFOR avaient connu les mêmes échecs, on pourrait
s'interroger. Mais lorsqu'il n'y en a qu'une qui connaft cet échec, on
se dit que ça fait partie des échecs. Celui qui ne se trompe
jamais n'a certainement pas sa place ici.
C'est un bel exemple d'échec et, personnellement, ça ne me
choque pas. Pourquoi l'échec? Complexe. J'imagine que j'aurais
été ministre des Terres et Forêts à l'époque
où ce projet a démarré et que je l'aurais regardé
d'un bon oeil. Un industriel expérimenté, la population, REXFOR
très fortement minoritaire à peine 10% voilà
le noyau de départ de ce projet. Une belle forêt, un
approvisionnement important, une usine neuve. Il n'y avait pas de raison pour
que ce projet ne démarre pas normalement. (21 h 30)
Hélas, quelques erreurs de conception de l'usine, une usine
beaucoup trop grosse, très coûteuse, qui coûte presque deux
fois ce qu'il en coûterait normalement pour le même genre de
capacité de production, des erreurs de conception dans l'usine, ce qui
fait que certaines pièces d'équipement sont
surdimensionnées, d'autres sont sous-dimensionnées, ne peuvent
pas traiter, à titre d'exemple les déchiqueteuses, la
quantité de copeaux nécessaires ou prévus dans
l'usine.
Egalement, 140 travailleurs là où, normalement, il en faut
90 pour faire la même chose. Donc, des dédoublements de postes,
à cause de mauvais alignements de machines, obligeant du personnel
supplémentaire à différents endroits de transferts dans
l'usine. En somme, un ensemble d'erreurs de conception.
A cela s'ajoute une insuffisance de la structure financière de
départ, ce qui fait que le fonds de roulement manquant, la banque
manquant, refusant d'appuyer, l'entreprise est tombée en faillite.
L'Etat a décidé de reprendre. Je ne critiquerai pas. Je
pense que, s'il y a eu une erreur que l'ancienne administration a faite, c'est
uniquement celle-là, c'est par souci de protéger les petits
investisseurs. On a refusé à l'entreprise ce que normalement elle
aurait dû faire, c'est-à-dire faire faillite, assainir et
redémarrer, pour des raisons sociales qui peuvent se
défendre.
La conséquence, cependant, a été que REXFOR a
hérité d'une entreprise valant tout au plus $6 millions ou $7
millions, normalement, mais qui lui en coûtait $17 millions. Le fardeau
de la dette était énorme. S'ajoutent à ce moment-là
des problèmes sociaux, et c'est en général ce qui se passe
lorsque quelque chose commence à mal aller. Tout va mal, à ce
moment-là. Problèmes de sabotage dans l'usine,
éventuellement, relations de travail terriblement mauvaises,
grève. REXFOR profite de ce temps de répit pour examiner ce qui
se passe, découvre des erreurs très sérieuses au niveau de
la comptabilité, des erreurs dans les inventaires, des millions de
dollars de perdus. On découvre que des contrats faits avec l'Europe par
l'ancienne administration étaient largement déficitaires. Pour
1000 pieds de bois qu'on sciait, on perdait à chaque planche. Et on
découvre également, à cause de l'arrêt pendant de
longs mois du moulin, que le bois est piqué des vers, que le bois est en
très mauvais état dans la cour et que, par conséquent, on
fait des pertes épouvantables durant les premiers six mois de
fonctionnement.
M. Giasson: ... des copeaux.
M. Bérubé: C'était une usine à
copeaux. Vous voyez que le problème n'est pas simple. Qu'est-ce qu'on
fait pour régler le problème de main-d'oeuvre? On a nommé
un représentant du syndicat en forêt, en usine et de la population
au conseil d'administration, trois sur sept. Et je dois dire que les relations
entre l'administration de Samoco et le personnel se sont remarquablement
améliorées. On a assisté à une amélioration
de 300%.
Cependant, cette usine n'avait jamais encore été rentable.
Nous avions donc présenté à l'Assemblée nationale
un projet de loi pour au moins restructurer financièrement l'entreprise.
REXFOR redémarre après la grève et cherche à
atteindre le niveau de deux quarts de fonctionnement, puisqu'une telle usine,
une usine de cette dimension, ne pouvait fonctionner de façon rentable
que sur deux quarts.
Il faut constater que la population de Sacré-Coeur est trop
petite pour fournir la main-d'oeuvre nécessaire à cette
entreprise. La main-d'oeuvre insuffisante, aucune main-d'oeuvre
qualifiée, sauf une main-d'oeuvre minimale très
compétente, mais insuffisante pour que l'on puisse fonctionner sur deux
quarts: Non seulement c'est déficitaire sur deux quarts, mais on ne fait
même pas ses frais de fonctionnement.
Le gouvernement, vous le comprendrez, refusait d'avancer l'argent pour
effacer les déficits en disant: Au moins, montrez-nous des
dépenses de fonctionnement qui ne sont pas déficitaires, faites
au moins vos frais de sciage, à tout le moins. Après, on
nettoiera la situation.
Nous avons dû conclure, après six mois de fonctionnement,
que l'entreprise ne pouvait pas faire ses frais, à moins de nouveaux
investissements de $2 millions à $3 millions. Nous avons pris la
décision qui s'imposait à ce moment-là. Vous ne pouvez pas
reporter d'année en année l'échéance. La
première fois, vous allez régler ceci, en disant que,
l'année suivante, cela va être en parfait état.
L'année suivante, vous dites: Cela, c'est réglé, mais j'ai
encore ce problème. Vous dites: Réglez-le et, l'année
suivante, on verra. La troisième année, on vous dit: Cela ne
marche pas encore, parce qu'on a encore une troisième chose qui ne
fonctionne pas. A ce moment-là, on a dit: Vendez.
Que veut le gouvernement? Le gouvernement estime qu'après avoir
englouti $22 millions dans une usine qui en vaut $5 millions ou $6 millions, le
gouvernement a fait l'effort qu'il pouvait faire avec l'argent des citoyens. Il
faut y mettre un terme.
Nous avons donc demandé des soumissions à l'ensemble des
industriels. Je dois dire que le dossier a peut-être été
préparé de façon inadéquate. Nous n'avons pas eu de
propositions valables, une proposition de Donohue, une proposition de ITT,
toutes deux carrément inacceptables. La simple vente du matériel
roulant a rapporté plus que la vente au plus haut soumissionnaire. Par
conséquent, c'était inacceptable.
M. Giasson: C'était quoi? De $1 500 000?
M. Bérubé: $1 500 000, oui. Le matériel
roulant valait lui-même $1 500 000. Cela donne un exemple.
M. Giasson: M. le ministre, si vous me permettez, avant de
terminer...
M. Bérubé: Je termine. J'ai fini. M. Giasson:
D'accord.
M. Bérubé: Où en sommes-nous
présentement? Nous avions décidé de ne plus engloutir
d'argent, donc nous n'avons pas accepté que des opérations
forestières soient reprises. Elles se sont donc terminées
à l'automne et, présentement, ces opérations
forestières, ayant été arrêtées plusieurs
mois, nous n'avons plus de bois en grume pour le sciage.
En ce moment, j'ai deux hauts fonctionnaires de mon ministère et
mon chef de cabinet qui viennent de terminer une ronde, une tournée de
tous les industriels du sciage au Québec. Il semble présentement
qu'en présentant le dossier, je pense, de façon très
explicite et en permettant à ceux-ci de bien connaître la
situation, nous aurions au moins une demi-douzaine d'industriels qui sont
prêts à le regarder de plus près. Je pense que nous
pourrons éventuellement vendre à un industriel du sciage qui va
reprendre évidemment le dossier ayant été
considérablement nettoyé sur le plan financier et sur le plan des
relations de travail. Je pense qu'à ce moment-là cette entreprise
peut devenir rentable.
M. Giasson: Le ministre, M. le Président, vient de faire
état...
Le Président (M. Boucher): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, si le député me
permet, nous venons d'avoir des nouvelles partielles, mais quand même
réconfortantes pour les membres de l'Assemblée. Nous avons le nom
de 15 des 18 passagers ou des 20 passagers qui étaient à bord de
l'avion, aucun membre de l'Assemblée ne s'y trouvait, par pur miracle,
parce qu'il semble qu'il y en ait 6 ou 7 qui quittaient pour Montréal ce
soir, par le vol qui suivait 15 minutes plus tard, semble-t-il. Il reste
toutefois que parmi les passagers de Québecair, 11 seraient actuellement
décédés et les autres sont évidemment dans un
état critique. Si on a d'autres nouvelles, on les communiquera à
l'Assemblée, mais au moins soufflez un peu et pensez qu'aucun de nos
collègues n'y est, n'y a laissé sa vie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le leader du
gouvernement.
M. Saint-Germain: Vous avez dit combien de passagers.
M. Charron: Une vingtaine.
M. Giasson: Cela fait du bien d'entendre de telles nouvelles.
Dans le contexte où on a appris les événements de ce soir,
cela fait plaisir d'entendre les nouvelles qui nous apprennent qu'au moins nous
n'avons pas de collègues dans cette catastrophe.
M. Charron: Si la commission veut continuer... à tout le
moins mitigé...
M. Bérubé: ... je dois dire. M. Charron:
Oui.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Oui, j'aurais une autre question. C'est que, dans
l'historique de toute l'histoire du cheminement de la compagnie Samoco, le
ministre a fait état de différentes erreurs qui s'étaient
produites. La rumeur qui avait été lancée d'une
possibilité même de détournement de fonds, qu'est-ce qu'il
y a de fondé derrière cette rumeur?
M. Bérubé: Etant donné que l'affaire est sub
judice, je préférerais ne pas m'avancer ne sachant pas
jusqu'où on peut s'aventurer. Je peux peut-être vous
présenter M. Verrette.
M. Giasson: Veuillez vous approcher. Approchez-vous donc de
l'appareil pour l'enregistrement.
M. Bérubé: M. Verrette est avocat de la
société REXFOR.
Avocat de REXFOR. Au niveau des détournements de fonds, c'est
qu'un analyste financier a été engagé par REXFOR il y a
plus d'un an. Comme M. Bérubé le disait tantôt, à
Samoco, il y avait vraiment des problèmes au niveau de la
comptabilité. Cet analyste financier a remonté le système
comptable et tout cela. Il a réussi à faire tirer des
chèques de compagnies fictives dont il était propriétaire
pour $417 000. Présentement, nous autres...
C'est impossible pour n'importe quelle administration de penser que
quelqu'un peut frauder.
M. Giasson: Ce n'est pas particulier.
M. Bérubé: C'est imprévisible. Si on le
savait, on... Au niveau du contentieux de REXFOR, on a pris des actions contre
ces gens-là. On a saisi, avant jugement, deux compagnies, entre autres,
la compagnie où M. Gilles Legault était le principal actionnaire.
Il était associé avec une autre compagnie de Saint-Emile,
près de Québec. Présentement, nous autres, on a saisi
environ $125 000 à $150 000. Présentement, les procédures
suivent leur cours. On est confiant qu'on peut réaliser au moins $100
000...
M. Giasson: ... sur la perte éventuelle de $417 000
escomptée.
M. Bérubé: Oui, c'est cela. Il y a une entreprise,
entre autres, qui, elle, a bénéficié de $136 000. On
essaie d'avoir une offre de règlement pour qu'on nous paie au moins les
$136 000 qu'elle a eus de façon illégale. Présentement, le
dossier va bon train. On essaie de percevoir le maximum
d'argent. On est même chanceux parce qu'on a tout saisi avant que
les banques enregistrent des actes de fiducie. On est arrivé avant
elles, alors on a fait très vite. Présentement, cela va bien.
M. Saint-Germain: A part de cela, tout va bien.
M. Giasson: II est facile de croire que Samoco aura vécu
à peu près toutes les expériences imaginables.
M. Bérubé: Elle n'en a pas loupé une seule.
C'est malheureux, mais c'est peut-être une expérience qui est
valable. Il faut prendre cela du côté positif. Cela aurait pu
être, dans un an, $3 millions ou $4 millions. Cela aurait pu être
plus que cela.
M. Giasson: Cette personne avait assez d'autorité et de
marge de manoeuvre dans la conduite des affaires de la société,
de la compagnie...
M. Bérubé: Pour l'autorité, je ne peux pas
juger si elle avait assez d'autorité ou pas, mais je sais qu'il est venu
un temps où il y avait des problèmes financiers et cela prenait
quelqu'un pour réorganiser le système comptable. Si vous me
demandez pourquoi on a choisi ce gars, je ne peux pas vous dire.
Je pense aussi que dans un cas de situation difficile, il faut parfois
virer les coins un petit peu plus ronds. Je pense que dans une entreprise en
très grande difficulté financière où il faut
appliquer des mesures d'urgence, restructurer la comptabilité,
restructurer et réorganiser la gérance, régler les
problèmes de relations de travail, entraîner des travailleurs,
faire venir des travailleurs de l'extérieur, refinancer l'entreprise,
reconcevoir l'équipement dans l'usine, quand vous avez tout en
même temps, il est inévitable qu'il se glisse des coquilles.
Cela a été remboursé par REXFOR. REXFOR a
remboursé Samoco pour que Samoco ne subisse aucune perte, parce que
d'abord, c'est un employé de REXFOR. Elle a assumé sa
responsabilité. REXFOR a été subrogée dans tous les
droits de Samoco. Présentement, les procédures qu'on a prises, on
les a prises au nom de REXFOR, par la subrogation légale qu'on a eue.
Présentement, Samoco ne perd pas d'argent avec cela.
M. Giasson: Elle ne perd pas d'argent à cause de
l'infusion de la question d'argent de remplacement par la
société.
Conseil d'administration
Le Président (M. Boucher): Est-ce que nous sommes
prêts à passer à l'article 1? J'appelle donc l'article 1,
M. le ministre.
M. Bérubé: II s'agit tout simplement d'augmenter le
nombre de membres du conseil d'administration. Nous n'avons pas voulu nous
rendre à onze, estimant que la société n'était pas
encore suffisamment importante pour justifier un gros conseil d'administration.
Néanmoins, nouscroyons que le conseil d'administration doit être
plus important que les cinq membres actuels qui le forment, puisque, quand on a
exclu le président du conseil et le président de la
société, il ne reste plus que trois membres. Donc, il s'agit ici
de former un conseil d'administration d'au moins neuf membres.
Je souligne d'ailleurs le deuxième alinéa: "Les membres du
conseil d'administration sont les administrateurs de la société
au sens de la Loi des compagnies. " Ceci m'apparaît important, puisque la
notion d'administrateur prévue dans la Loi des compagnies, c'est celle
de mandataire, de "trustee". Par conséquent, les règles de
conflits d'intérêts prévues en jurisprudence dans le cas
d'administrateurs de compagnies s'appliquent.
Le Président (M. Boucher): L'article 1 est-il
adopté?
M. Saint-Germain: Cela va.
M. Giasson: Adopté.
Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 2?
M. Bérubé: Les membres du conseil d'administration,
y compris le président, peuvent être élus pour un terme
excédant deux ans... Le mot "élu" avait fait l'objet d'une
discussion lors de la commission parlementaire sur la Loi créant la
Société nationale de l'amiante. L'intention est réelle.
Nous utilisons le mot "élu" au sens de la Loi des compagnies, au sens
où c'est l'actionnaire qui choisit. Par conséquent, c'est donc le
ministre des Finances qui choisit ses représentants au conseil
d'administration. La liste est donc préparée par un ministre
différent du ministre de tutelle, ce qui ne veut pas dire
évidemment que le ministre de tutelle n'y a pas son mot à dire.
Mais je m'explique. (21 h 45)
Advenant une mauvaise performance financière, il m'apparaît
important que l'actionnaire, que le ministre des Finances ait un pouvoir
très grand vis-à-vis des gens qu'il a élus et, par
conséquent, cette caractéristique est volontaire dans la loi et
le mot "élire" a un sens très précis. Cela veut dire, en
pratique, que c'est le ministre des Finances qui les choisit. D'ailleurs,
ça donne tout son sens à l'assemblée des actionnaires qui
se tenait traditionnellement en présence du ministre des Finances.
Donc: "Les membres du conseil d'administration, y compris le
président, peuvent être élus pour un terme excédant
deux ans, sans excéder cinq ans; en pareil cas, ils ne peuvent exercer
leur mandat ni être rétribués si ce n'est selon les
conditions d'un contrat les liant à la société pour toute
la durée de leur mandat." Je m'explique.
L'objectif de ce contrat est simple. D'une part, si un gouvernement veut
nommer quelqu'un et veut définir certaines clauses, à titre
d'exemple, on aimerait que l'administrateur consacre une
journée ou deux jours par semaine, le contrat nous permet,
à ce moment-là, de lui créer un statut spécial.
Deuxièmement, si l'on veut prévoir des clauses de conflits
d'intérêts, mais propres à cet administrateur, puisque
c'est très difficile de prévoir, en général, des
clauses de conflit d'intérêts, mais propres à un
administrateur, on pourrait prévoir certains types de conflits
d'intérêts et les expliciter dans le contrat. Le contrat peut donc
inclure ces clauses.
Le contrat peut également inclure des clauses de performance,
peut inclure des clauses de rémunération basées sur les
profits de la société, peut inclure un grand nombre de clauses
qui, en général, n'apparaissent pas possibles par le biais
d'arrêtés en conseil, de décrets ministériels qui
font toujours l'objet d'une longue discussion.
L'intention est donc de forcer le conseil d'administration à
s'arrêter et à réfléchir aux conditions qui lient
les directeurs de la société en particulier au conseil
d'administration. Ils ont donc véritablement un rôle au moment de
l'engagement de ce directeur, du président de la société,
à titre d'exemple, et, par conséquent, ont véritablement
une juridiction, un contrôle sur ce directeur. "Pareil contrat n'a
d'effet que s'il est ratifié par le lieutenant-gouverneur en conseil".
Ceci, évidemment, c'est pour obliger le gouvernement à être
parfaitement conscient des conditions et amener évidemment le conseil
d'administration à travailler de concert avec le gouvernement dans la
préparation de tels contrats.
Je dois également dire que cet article répond à
certaines questions qui ont été soulevées par le
Vérificateur général deux années de suite
d'ailleurs, en 1977 et en 1978, concernant des administrateurs de REXFOR et des
administrateurs, d'ailleurs, de SOQUEM, je dois dire. Le Vérificateur
blâmait ces administrateurs de pouvoir percevoir des jetons lorsqu'ils
siégeaient au conseil d'administration de filiales, alors que le
décret ministériel les nommant n'avait pas précisé
ces jetons.
Il va de soi que comme c'est le conseil d'administration d'une filiale,
à titre d'exemple, si REXFOR, lors de l'assemblée des
actionnaires, fait nommer au conseil d'administration de Tembec un membre de
son conseil avec l'accord des autres actionnaires, REXFOR n'a rien à
voir avec la décision prise concernant la rémunération de
ces membres-là. Il apparaît d'ailleurs un peu inique que les
autres administrateurs puissent percevoir un jeton de présence alors que
l'administrateur délégué par REXFOR est le parent pauvre,
il n'a pas droit à des jetons de présence.
Mais le vérificateur était très explicite puisque
la loi prévoyait que le gouvernement définissait par
décret l'engagement de l'administrateur de même que sa
rémunération; ceci n'étant pas prévu dans le
décret, évidemment, il ne pouvait pas les accepter.
C'était le reproche que faisait le Vérificateur
général.
Nous avons longuement discuté avec le Vérificateur
général et celui-ci nous a dit: Nous n'avons aucune objection
à ce que vous le mettiez, sauf que la loi ne vous le permet pas. Alors,
amendez la loi de manière que le conseil d'administration puisse prendre
les décisions qui s'imposent et, à ce moment-là, je
cesserai d'avoir des objections. C'est tout simplement que je dois faire
appliquer la loi.
Donc, l'avantage de la formulation telle que présentée
ici, c'est qu'elle permet évidemment, au su et au vu de l'Etat,
du gouvernement à un conseil d'administration de
déléguer un membre de ce conseil à des filiales et de
permettre à cet administrateur de percevoir les jetons de
présence qui lui échoient normalement.
M. Giasson: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: J'imagine que la possibilité de lier les
administrateurs par contrat représente un concept un peu nouveau par
rapport à ce qu'on a connu traditionnellement. Il est de politique
usuelle de lier par contrat un président d'entreprise, les principaux
officiers, mais, chez les administrateurs, la tradition a toujours voulu que
ces gens-là ne soient pas liés par contrat, étant
donné que c'étaient des administrateurs qui devaient occuper leur
poste en fonction d'un mode électif, mais, dans le présent cas,
on lie par contrat des administrateurs qui ne sont pas élus, qui sont
désignés, vraiment désignés par le
lieutenant-gouverneur en conseil, et on les lie par contrat.
M. Bérubé: Oui, la procédure qui est ici
indiquée est la suivante: Le gouvernement va identifier un certain
nombre de personnes qu'il aimerait voir siéger au conseil
d'administration. Evidemment, je dois souligner qu'il y a deux articles, les
articles 2 et 3. On peut difficilement discuter de l'article 2 sans penser,
sans avoir à l'esprit l'article 3. L'article 3 se réfère
à la procédure conventionnelle de nommer, c'est-à-dire que
M. le Président vous me permettez de me référer
à l'article 3...
Le Président (M. Boucher): D'accord.
M. Bérubé: "Lorsque les membres du conseil
d'administration sont élus pour deux ans ou moins, le
lieutenant-gouverneur en conseil fixe le traitement du président de
même que les indemnités et allocations auxquelles ont droit le
président et les autres membres." Voici la façon conventionnelle
de former un conseil d'administration telle que nous l'avons toujours connu
dans le passé.
Mais, une fois que cette société est en place et qu'il
s'agit de remplacer un administrateur ou deux administrateurs, c'est, à
ce moment-là, le conseil d'administration qui va définir avec cet
administrateur les conditions dans lesquelles il va exercer son mandat. En
d'autres termes, on va définir qu'il reçoit des jetons de
présence pour
chaque journée, pour chaque séance de travail; il
reçoit un remboursement de ses frais de dépenses; il
reçoit un certain nombre d'émoluments associés aux gestes
administratifs qu'il va poser une fois par mois ou une fois par quinze jours,
cela dépend évidemment des décisions du conseil
d'administration, et ce lien entre l'administrateur et la société
est, à ce moment-là, consigné dans un contrat qui est
approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Cela permet à
l'administration de dire: Bien, nous allons vous nommer, par exemple, à
telle et telle filiale et, par conséquent, vous serez autorisé
à percevoir des jetons de présence. On le met dans le contrat.
Cela permet à la société d'élaborer
carrément les termes de l'engagement.
En pratique, dans l'entreprise privée, le conseil
d'administration détermine les conditions de travail des
administrateurs, ce n'est pas l'actionnaire. L'actionnaire les nomme là,
les administrateurs se réunissent et décident combien ils vont
percevoir pour chaque jeton de présence et ils décident des
conditions pour la prestation de leurs services. C'est exactement la même
chose, c'est exactement identique à l'entreprise privée; la seule
différence, c'est que le gouvernement doit approuver le contrat et nous
devons, à ce moment-là, par le fait que le gouvernement doit
approuver, nous assurer que c'est consigné dans un texte écrit,
c'est-à-dire un contrat.
M. Giasson: Les administrateurs ne sont pas liés par
contrat.
M. Bérubé: Non.
M. Giasson: Un règlement de la corporation, de
l'entreprise, détermine les indemnités ou les allocations qui
peuvent être payées en jetons de présence ou autres, mais
ils ne sont pas liés par contrat avec la compagnie qui l'administre. Ce
sont des gens qui sont nommés administrateurs choisis,
désignés par l'assemblée générale des
actionnaires.
M. Bérubé: C'est juste, mais les conditions
d'exercice...
M. Giasson: C'est nouveau comme concept par rapport à ce
qui existe traditionnellement dans le secteur des corporations.
M. Bérubé: Oui, nous avons voulu le garder le plus
général possible en laissant, évidemment, au gouvernement
le soin de l'approuver. D'une façon générale, sauf pour le
président de la société et le président du conseil,
les administrateurs rempliront le rôle traditionnel d'administrateurs.
Les termes du contrat seront à l'effet que pour chaque séance du
conseil d'administration il sera versé à cet administrateur tant
pour sa présence. Egalement, ses frais de voyages seront inclus.
Advenant l'hypothèse que cette personne pourrait être
placée en situation particulière de conflit
d'intérêts, on pourra définir dans le oontrat des
conditions particulières pour l'exercice du droit de vote de ce membre
du conseil. En gros, ce sera la nature du contrat qui le lie à la
société pour la prestation des services en question.
Pour le président de la société, le contrat est
beaucoup plus complexe, parce que le contrat va définir
entièrement les conditions de travail du président de la
société de même que du président du conseil
d'administration. Donc, pour ces administrateurs qui sont à la fois
directeurs et qui jouent des rôles au niveau de l'exécutif, le
contrat sera plus élaboré, plus complexe et définira
beaucoup plus de clauses que les présents décrets
ministériels n'en définissent puisque les décrets
ministériels présentement ne mettent à peu près
aucune condition quant à l'exercice du mandat d'un président de
société. Le mot contrat veut simplement dire qu'on définit
les conditions en vertu desquelles ce membre du conseil va fournir des services
au conseil d'administration...
M. Giasson: M. le Président, on dit à l'article 2,
qui modifie l'article 11' les membres du conseil d'administration, y compris le
président, peuvent être élus pour un terme, etc., est-ce
qu'effectivement ils sont élus ou désignés ou
nommés?
M. Bérubé: Nous utilisons le mot "élire"
pour nous en tenir à la formulation de la Loi des compagnies. C'est
l'actionnaire qui élit des administrateurs. C'est donc le ministre des
Finances qui les choisit, mais aucun d'entre eux...
M. Giasson: Ils sont choisis et désignés.
M. Bérubé: ... ne peut exercer son mandat si ce
n'est dans le cadre d'un contrat qui est approuvé par le gouvernement.
Il y a donc un contrôle du gouvernement sur le ministre des Finances.
M. Giasson: Oui, effectivement, ce n'est pas une élection
dans le sens propre du terme, tel qu'on l'entend, c'est pour garder une
concordance, une similitude avec les dispositions de la Loi des compagnies
qu'on a...
M. Bérubé: Cela permet de mettre en relief le
rôle du ministre des Finances en tant qu'actionnaire, ce qui n'existe
dans aucune autre loi des sociétés d'Etat. Le ministre des
Finances a un rôle très réel vis-à-vis de la
nomination, de la désignation, de l'élection, prenez le terme qui
vous plaît davantage, un rôle très réel. Cependant,
aucun administrateur ne peut exercer son mandat, si ce n'est dans le cadre d'un
contrat qui doit être approuvé par le gouvernement.
M. Giasson: Effectivement, si c'est ça, le ministre des
Finances propose, seconde et mène toute l'opération, si c'est un
poste électif.
M. Bérubé: C'est bien ça. M. Giasson: C'est
ça.
M. Bérubé: Et cela doit être approuvé
par le gouvernement.
M. Giasson: C'est le seul à proposer des administrateurs,
à les seconder et les mettre en poste.
M. Bérubé: C'est bien ça.
M. Giasson: Donc, il les désigne d'autorité.
M. Bérubé: II les désigne. Mais le
gouvernement doit ratifier, c'est une caractéristique...
C'est-à-dire qu'on s'est rapproché, dans cette formulation de la
Loi des compagnies, tout en...
M. Giasson: C'est ça, au fond, le but recherché,
c'est de se rapprocher de la Loi des compagnies...
M. Bérubé: De la Loi des compagnies. M. Giasson:
... parce qu'effectivement.
M. Bérubé: Tout en gardant, évidemment, un
contrôle gouvernemental.
M. Giasson: II n'est pas question d'accepter des propositions
venant de quiconque, le ministre des Finances étant le seul actionnaire,
c'est lui qui propose les administrateurs. Personne d'autre ne peut en
proposer.
M. Bérubé: Cela oblige le ministre de tutelle
à soumettre ses opinions, suggestions à un certain contrôle
du ministre des Finances qui, en définitive, paie les
déficits.
M. Saint-Germain: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Si on veut faire la comparaison avec
l'industrie privée, c'est comme si tous les actionnaires d'une compagnie
avaient délégué au même homme leur droit de
vote.
M. Giasson: Procuration globale.
M. Saint-Germain: Dans le même sens, puisque dans
l'industrie privée, c'est cette même assemblée qui
détermine les conditions de travail de l'administration, pourquoi
n'avez-vous pas laissé le ministre des Finances déterminer aussi
tout simplement les conditions de travail des administrateurs?
M. Bérubé: Parce qu'il nous est apparu que, pour
des raisons politiques assez évidentes, un gouvernement demeure
responsable de la bonne marche des sociétés d'Etat. Un scandale
impliquant un conseil d'administration implique automatiquement le
gouvernement.
M. Giasson: C'est le bâilleur de fonds, d'ailleurs.
M. Bérubé: Oui. Et, dans ces conditions, il nous
apparaît important qu'aucun administrateur d'une société
d'Etat ne puisse exercer son mandat sans que le gouvernement ait
approuvé l'exercice de ce mandat.
Nous avons donné au ministre des Finances un pouvoir, celui de
choisir les administrateurs. Nous avons donné au conseil
d'administration un pouvoir, celui de définir les conditions de travail
de ses administrateurs, et nous avons donné au gouvernement le pouvoir
de tout contrôler.
Le Président (M. Boucher): Messieurs, c'est l'heure de
l'ajournement. Est-ce que nous sommes prêts à adopter l'article
2?
M. Giasson: J'aurais une question à poser au ministre. Le
mandat des administrateurs présents se termine quand?
M. Bérubé: Le mandat de MM. Côté et
Légaré est présentement arrivé à
échéance. Le mandat de MM. Courcy et Gosselin doit courir encore
pour peut-être un an.
Une Voix: 1980.
M. Bérubé: M. Moore n'a pas de mandat de
fixé.
M. Giasson: Donc, M. Côté et M. Légaré
ont un mandat qui est expiré dans le moment présent?
M. Bérubé: Le mandat est expiré; nous
devrons d'ailleurs le renouveler au moins pour une période
temporaire.
M. Giasson: Est-ce que la connaissance de la venue d'une loi
amendant la loi constitutive de REXFOR n'a pas été de nature
à placer tout ce monde dans une expectative particulière?
M. Bérubé: Oui, cela ne fait aucun doute. (22
heures)
M. Giasson: Cela doit travailler moins bien, il me semble.
M. Bérubé: Je l'ignore, parce que la
performance...
M. Giasson: Demeure bonne.
M. Bérubé: ... économique de l'entreprise
est tellement bonne cette année que... En fait, cela ne semble avoir eu
aucun effet délétère, d'une part. D'autre part...
M. Giasson: Cela doit être un climat assez particulier que
de devoir travailler dans ce contexte, sachant qu'on doit penser au futur
toutes les actions que la société va entreprendre, les
programmes de développement et tout cela. Pour des
administrateurs qui ont le goût de toujours aller de l'avant, de bondir
et de voir à l'expansion et au progrès de l'entreprise, ils
doivent se dire: II va se passer quoi? On sait qu'il s'en vient des choses qui
changent complètement la situation.
M. Bérubé: II ne fait certainement aucun doute que
l'intention du gouvernement, du moins mon intention personnelle ayant
été à tout le moins explicite, j'ai l'intention d'avoir au
conseil d'administration un certain nombre d'industriels, tant du sciage que de
la foresterie, que de l'industrie des pâtes et papiers, pour
étoffer le conseil d'administration sur le plan technique, de
manière que le contrôle sur les décisions quotidiennes
qu'un gouvernement ne peut avoir, le conseil d'administration soit bien
outillé pour être capable de porter des jugements. Il est probable
que les problèmes de Samoco ne se seraient pas posés avec la
même acuité si le conseil d'administration avait pu, à un
moment donné, intervenir auprès de la direction; par
conséquent, je pense que cela ne fait aucun doute.
M. Saint-Germain: Je suis en train d'adopter l'article 2. Quelle
est la garantie que M. Gosselin et que M. Courcy ont qu'ils pourront terminer
leur mandat de par la loi, puisque l'avocat...
M. Bérubé: Sur l'interprétation, d'ailleurs,
que le conseiller juridique de REXFOR me soumettait, tirée, je pense,
d'une décision juridique du juge Pigeon; sinon d'une décision
juridique, j'ai l'impression au moins d'une analyse qui reconnaît que...
Je le cite: "II est évident que l'on a un droit acquis à la
validité d'un acte juridique accompli avant l'entrée en vigueur
d'une nouvelle loi". Or MM. Gosselin et Courcy ont été
nommés en vertu d'un décret ministériel tirant sa force
d'une loi existante et, par conséquent, en amendant la loi, comme il n'y
a aucune disposition rétroactive dans les présents amendements,
il ne fait aucun doute que leur nomination demeure valable.
M. Saint-Germain: Ce sont les conseillers juridiques qui vous ont
remis cette...
M. Bérubé: C'est le juge Philippe Pigeon qui est
juge de la Cour suprême qui est l'autorité dans
l'interprétation des lois. L'extrait de M. Bérubé vient
justement de cela.
Une loi ne peut pas être rétroactive. Je vais vous donner
l'exemple de la Cour des petites créances. Lorsqu'elle a passé
tous les montants jusqu'à $300, c'est le tribunal des petites
créances qui a juridiction, c'est-à-dire que toutes les causes
qui étaient en cour n'ont pas nécessairement arrêté
en Cour provinciale ordinaire; elles ont pu aller aux petites créances.
Cela a suivi son cours. Quand ça est terminé, ce sont les petites
créances par la suite.
C'est applicable aux nouveaux administrateurs.
Le Président (M. Boucher): Avant d'ajourner, l'article 2
est-il adopté?
M. Saint-Germain: Adopté.
Le Président (M. Boucher): Suivant l'ordre de la
Chambre...
M. Bérubé: ... de toute façon.
Le Président (M. Boucher): ... la commission ajourne ses
travaux à mardi, le 3 avril, à 10 heures.
Fin de la séance à 22 h 4