Journal des débats (Hansard) of the Committee on Transportation and the Environment
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Tuesday, September 19, 2023
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Vol. 47 N° 16
Special consultations and public hearings on Bill 22 an Act respecting expropriation
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour
à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
transports et de l'environnement ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
aux auditions et consultations particulières et publiques sur le projet de loi
n° 22, Loi concernant l'expropriation.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Maccaron, Westmount Saint-Louis, est remplacée par M.
Beauchemin, Marguerite Bourgeoys.
Le Président (M. Jacques) : Merci
M. le Président. Nous entendrons ce matin les organismes suivants : l'Union
des producteurs agricoles, la ville de Québec ainsi que Me Martine Brunelle. Je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'UPA, M. Caron, M. Ross et Mme
Simard. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la Commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre
exposé.
M. Caron (Martin) : Merci.
Merci bien, M. le Président. Mesdames et Messieurs les députés, mon nom est
Martin Caron, président général de l'UPA. Je suis producteur laitier et de
céréales et de légumes de transformation à Louiseville, en Mauricie. Je suis
accompagné de Charles-Félix Ross, qui est directeur général de l'UPA, et de Mme
Diane Simard, qui est directrice des affaires juridiques.
Les audiences sur le PL 22 sont l'occasion
pour l'UPA de faire entendre la voix des producteurs agricoles qui pourraient
subir l'expropriation de leur terre ou une partie de celle-ci. La protection du
territoire agricole et l'importance d'une indemnité juste et raisonnable pour
les produits agricoles qui se verraient expropriés sont au cœur de nos
préoccupations. C'est pourquoi nous demandons que les expropriations en zone
agricole demeurent l'exception lorsqu'elles sont absolument nécessaires et les
maximums fixés au projet de loi pour le calcul des indemnités ne doivent pas s'appliquer.
En zone agricole, les tribunaux doivent conserver leur discrétion pour fixer
les indemnités aux producteurs agricoles, comme c'est le cas actuellement.
Il importe de rééquilibrer le débat en
faisant valoir que la situation de la majorité des expropriés est bien loin d'être
celle des développeurs immobiliers.
D'une part, l'expropriation des terres
agricoles est une atteinte grave au patrimoine et à la souveraineté alimentaire
du Québec. Nos terres agricoles — l'outil indispensable pour nos producteurs —
sont une ressource précieuse et non renouvelable. Alors que la zone cultivable
représente moins de 2 % du territoire québécois, il est essentiel de la
conserver et de la protéger. Il est important que son atteinte soit minimisée
afin de pérenniser la production agricole québécoise qui est le garde-manger du
Québec.
Rappelons que la Politique nationale d'architecture
et d'aménagement du territoire, une politique agricole récente, indique
clairement que l'implantation d'usage non agricole en zone agricole nuit au
maintien et au développement de l'agriculture et provoque des conflits d'usage
et que l'éparpillement de notre empreinte sur le territoire entraîne des coûts
importants, dont les pertes des terres agricoles. Rappelons également que la
zone agricole est constamment grugée par l'étalement urbain des projets d'infrastructures
et de toutes sortes d'initiations au niveau de la conservation.
• (9 h 50) •
Or, l'UPA déplore que le PL 22 prévoit
que, pour être exproprié, il n'est pas nécessaire d'avoir obtenu une
autorisation requise pour la réalisation du projet. Ainsi, pour un projet autre
qu'agricole situé en zone verte, il ne serait pas nécessaire que le corps
expropriant obtienne une autorisation de la Commission de la protection du
territoire agricole du Québec avant de procéder à l'expropriation. Dans ce
contexte, force est de constater que l'article cinq du PL 22 ne concorde pas
avec la volonté du gouvernement en matière d'aménagement du territoire. Avec l'article
cinq, tel que libellé, un corps expropriant peut procéder à une expropriation
avant...
M. Caron (Martin) : ...avant
même de savoir si la CPTAQ autoriserait le projet. Un producteur agricole se
verrait donc exproprié pour un projet sans savoir si celui-ci serait autorisé
ou non par la CPTAQ. Cette façon de faire est incohérente et le projet de loi
ne doit pas légiférer en ce sens. Au contraire, si le gouvernement a la volonté
de mieux protéger le territoire agricole, comme il le prétend, la CPTAQ doit
être consultée avant même l'avis d'expropriation.
Par conséquent, l'UPA demande que le
PL 22 soit modifié afin d'exiger qu'en zone agricole qu'un corps
expropriant obtienne l'autorisation de la CPTAQ préalablement à l'introduction
de la procédure d'expropriation. Dans le même sens, l'UPA demande que,
lorsqu'il y a abandon du projet qui a fait l'objet de l'expropriation, la terre
agricole expropriée soit rétrocédée au producteur dans l'année qui suit la date
d'abandon du projet, et ce, au prix de l'indemnité d'expropriation qui avait
été préalablement accordée, et que cette terre soit réincluse en zone agricole.
D'autre part, lorsqu'une expropriation en
zone agricole est absolument nécessaire, les tribunaux doivent conserver leur
discrétion pour fixer l'indemnité, compte tenu des particularités du milieu
agricole. Les producteurs agricoles rassemblent généralement tout leur milieu
de vie sur leur terre : leur résidence, leur entreprise, leur lieu de
travail, leur gagne-pain, leur héritage et leurs souvenirs. Un producteur
agricole qui se ferait exproprier de sa terre peut donc tout perdre. Au
surplus, une terre agricole constitue une ressource limitée non renouvelable.
Dès lors, un producteur qui se fait exproprier et qui perd la terre ne pourra
pas nécessairement retrouver l'équivalent qui lui permettrait de poursuivre ses
activités comme il le faisait précédemment. En raison de cette situation
unique, les producteurs agricoles qui se font exproprier doivent bénéficier
d'un statut particulier.
Nous avons notamment pu constater des
graves traumatismes qui ont découlé de conséquences d'expropriation de
l'aéroport de Mirabel. Près de 50 ans plus tard, ces effets s'en font
toujours sentir chez plusieurs familles. Il doit donc y avoir un régime
particulier lorsqu'il vient le temps de calculer les indemnités dues au
producteur agricole victime d'expropriation.
Le PL 22 a notamment pour effet de
restreindre, d'encadrer, de limiter les indemnités à allouer en ne laissant
aucune marge de manœuvre aux tribunaux pour accorder une indemnité en fonction
des besoins propres à chaque exproprié. En d'autres termes, le p.l. n° 22
établit, à l'avance, les types et les valeurs de dommages qui peuvent découler
d'une expropriation avec les montants maximums.
Par exemple, lorsqu'un producteur doit
être relocalisé, il établit une indemnité de réaménagement et ne pourrait
dépasser de plus de 35 % le prix de la valeur marchande de la propriété
expropriée. En milieu agricole, il pourrait fort bien arriver que cette somme
ne suffise pas, compte tenu des difficultés de relocalisation et du prix des
terres agricoles. Cette façon de procéder fait abstraction des particularités
proprement à chaque expropriation et aura même pour effet d'appauvrir certains
expropriés qui seront incapables de se replacer dans la même situation que ce
qu'elle vivait précédemment, avant leur expropriation.
Pour ces raisons, nous demandons que des
montants maximums fixés, dans le PL 22, pour le calcul des indemnités et
des limites de temps ne s'appliquent pas pour les producteurs agricoles
expropriés.
En conclusion, M. le Président, les
producteurs agricoles qui seraient expropriés en vertu du p.l. n° 20 ne
devraient pas être pénalisés pour un petit nombre de dossiers qui, bien ayant
faits la une des journaux, demeurent des cas isolés entre municipalité et
promoteur immobilier, car ce n'est pas le cas pour la plupart des dossiers
d'expropriation qui concernent M. et Mme Tout le monde. Bien peu ou même aucun
d'entre eux ne vous diront s'être enrichis en raison de l'expropriation de leur
terre ou de leur maison, bien au contraire, ils auraient de loin préféré conserver
leur propriété.
Nous comprenons l'objectif mais nous
souhaitons nuancer les propositions du projet de loi pour veiller à ce que les
indemnités versées aux producteurs agricoles soient justes et raisonnables. Il
est important que le PL 22 reconnaisse la vulnérabilité des producteurs
qui seront expropriés et qui leur accordent un statut particulier. Ils ne sont
pas des développeurs. Les expropriations des terres agricoles doivent être
évitées à tout prix et, si elles sont inévitables, elles doivent être
compensées de manière juste et équitable. Merci de votre attention...
Le Président (M. Jacques) : ...merci,
M. Caron, pour votre exposé. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter la
période d'échange pour une période de 16 minutes 30.
Mme Guilbault :Oui, merci. Merci beaucoup, Messieurs et Mme, d'être ici
avec nous aujourd'hui. Très intéressant. Vous êtes notre sixième groupe depuis
le début des consultations particulières. Vous amenez un angle nouveau par
rapport à ce qu'on a eu comme discussions jeudi dernier. C'est jeudi? Oui,
jeudi dernier. Donc, merci beaucoup d'être présents avec nous. J'ai certains de
mes collègues aussi, je pense, qui vont vouloir intervenir, probablement parce
que vous êtes un groupe de grand intérêt, l'UPA, évidemment, pas seulement pour
l'expropriation, mais de façon générale sur plusieurs projets de loi et dans
plusieurs projets qu'on fait au gouvernement. Donc, je vais revenir sur
certains petits points.
Premièrement, puis je vous disais, on a eu
notamment la CMM qui est venue jeudi dernier, et eux nous faisaient valoir
que... entre autres choses, disaient que «les municipalités devraient pouvoir
exproprier les propriétaires ayant une terre agricole non cultivée après trois
ans pour les louer ou les vendre à des producteurs agricoles». Qu'est-ce que
vous... Puis, tu sais, ils l'amenaient dans une optique très respectueuse, et
tout ça, là, donc... mais ça faisait partie des idées qui avaient été mises sur
la table. Et aussi vous... puis je fais le lien avec un autre élément de votre
mémoire, je ne l'ai pas sous les yeux, le mémoire, mais j'ai vos
recommandations, mais vous donniez l'exemple, il me semble, de la bleuetière,
donc le fait qu'on vienne encadrer l'usage, l'UMPP, sur un trois ans, alors que
vous conviendrez avec nous qu'actuellement il n'y a comme pas de durée finie à
tout ce qu'on peut projeter ou imaginer, ce qui peut faire monter les coûts
d'expropriation d'une manière assez vertigineuse puis assez, quant à moi,
déraisonnable, c'est une des raisons pour laquelle on vient encadrer la chose
dans le projet de loi. Mais, dans cet exemple-là, il m'apparaît, sous
réserve... évidemment, ce n'est pas moi qui va faire ces évaluations-là le
moment venu, mais qu'il y a moyen de démontrer que cet usage-là peut se faire
dans les trois ans, même si des fois, peut-être, la pousse du bleuet peut
prendre trois ans, mais ce projet-là peut quand même se concrétiser dans
l'intervalle de trois ans, donc devenir l'usage le plus probable. Alors, en
mettant tout ça ensemble, là... puis je ne sais pas si c'est vous, M. Caron,
qui allez intervenir ou vos collègues, mais si vous pouviez nous alimenter
davantage sur cet aspect-là du trois ans.
M. Caron (Martin) : Oui,
bien, merci, Mme la ministre, pour les questions. Je vais y aller à tour de
rôle. La première question, face à la suggestion de la CMM, entre autres, je
vous dirais oui, on peut regarder ça, mais il y a quand même d'autres options
qui sont là. Puis votre collègue M. le ministre André Lamontagne, qui est en consultation
par rapport au territoire agricole puis les activités agricoles, je pense qu'il
y a une ouverture qui est là pour se mettre à jour entre autres sur
l'utilisation des terres agricoles. Dans des pays en Europe, entre autres, puis
dont en France puis je pourrais en nommer d'autres, il y a une obligation de
cultiver les terres, et c'est vraiment du côté du gouvernement. Ça fait que
moi, je me dis : La première option qu'on a, je pense... oui, le p.l. 22
pourrait être là, mais encore il faudrait avoir... au niveau de cette
consultation-là sur la loi de la protection du territoire et des activités
agricoles, avoir ce moyen-là, comme d'autres pays ont fait et ont mis en place,
puis même d'autres provinces canadiennes.
À votre deuxième question, les bleuets est
un exemple, mais je pourrais rajouter d'autres exemples, puis je sais que vous
êtes quand même près au niveau de l'agriculture puis de l'agroalimentaire. Si
je prends les producteurs de pommes, on est dans le temps des pommes
présentement, quelqu'un qui investit dans un verger, qui vient de planter les
pommiers, ça prend cinq ans avant de récolter les pommes. Ça fait que c'est
pour ça qu'on se disait d'avoir vraiment une particularité au niveau agricole,
c'est qu'on a des investissements qu'on fait, comme les bleuets, qui peut
prendre trois ans, comme d'autres. Et il faut être capable d'avoir cette
évaluation parce que c'est beaucoup d'investissements en partant au niveau
agricole puis qu'on arrive un petit peu plus tard pour le résultat, là. Ça fait
que les gens vont dire : Bien, tu n'as pas de revenu. Oui, mais j'ai
investi beaucoup. Et on sait que la valeur des actifs agricoles est beaucoup
plus élevée que les autres secteurs pour avoir 1 $ de recettes monétaires.
Je ne le sais pas, Charles, si tu veux
rajouter...
• (10 heures) •
M. Ross (Charles-Félix) : Bien,
en fait, sur la proposition, la suggestion de la CMM, c'est une bonne
proposition, surtout dans les milieux urbains ou périurbains. C'est extrêmement
difficile pour les producteurs agricoles qui oeuvrent dans ces milieux-là de
trouver des terres agricoles. Donc, s'il y a des terres en friche après un
certain temps, si les municipalités ou la CMM pouvaient avoir le pouvoir
d'expropriation et de redonner ou de retourner ou de réoffrir ces terres-là à
des agriculteurs, on trouve que c'est une bonne suggestion. Il faut que ça soit
fait... Il faut que ça soit encadré. Il faut que ça soit offert, là, selon les
bonnes règles et à des prix qui seraient corrects. Mais l'idée est de ne pas
laisser dormir ces terres-là dans des milieux où il y a beaucoup de compétition
pour les terres...
10 h (version non révisée)
M. Ross (Charles-Félix) : ...agricole,
ça serait une excellente idée.
Mme Guilbault :Je ne sais pas, Mme, voulez-vous ajouter quelque chose?
Non? Non, parfait. Oui, bien, parfait. Puis peut-être que je ferais le lien
avec ça, avec un autre élément sur les indemnités spécifiques aux producteurs
agricoles. Vous proposez qu'il y ait des indemnités spécifiques, on peut penser
plus élevées peut-être par rapport à ce qui serait offert dans des
expropriations en dehors des terres agricoles. Évidemment que, si on amenait un
régime spécifique pour les producteurs agricoles, on pourrait s'attendre à ce
qu'il puisse y avoir d'autres demandes de la part d'autres groupes ou d'autres
formes de spécificité dans les indemnisations. Comment est-ce que vous voyez
ça?
Évidemment, l'objectif de manière
générale, c'est de faire baisser les coûts d'expropriation, ça, je pense qu'on
l'aura tous compris, parce qu'actuellement c'est démesuré. Puis là ça dépasse
les terres agricoles, là. De façon générale, il y a des expropriations qui se
font à des coûts démesurés. La CMM, qui était ici, la semaine dernière, je vous
le disais, nous évaluait qu'en ce moment, dans une série de projets d'expropriation
en suspens, eux évaluent les coûts qui devraient défrayer à 68,4 millions,
et l'évaluation qu'en font les propriétaires est à 500 quelques millions, 508 millions.
C'est les chiffres qu'ils nous donnaient pour illustrer à quel point on est
dans des univers parallèles plus ou moins compatibles actuellement. Puis,
évidemment, tout ça, ça se répercute dans les poches des contribuables.
Donc, comment vous est-ce que vous voyez
la conciliation entre le fait d'avoir une sensibilité particulière en matière d'indemnités,
de hauteur des indemnités pour les producteurs agricoles versus l'objectif
général d'avoir quelque chose de relativement standardisé à la baisse pour,
justement, le respect des contribuables? Comment vous voyez cet équilibre-là?
M. Caron (Martin) : Merci
pour la question. Puis un des exemples qu'on en a donné dans notre mémoire,
entre autres, c'est par rapport à un achat de terres qui s'est fait puis à
Donnacona, c'est que cette valeur-là a été évaluée à 44 % et non à
35 % de maximum. Ça fait que donc on a des cas comme ça. D'entrée de jeu, Mme
la ministre, c'est que les terres agricoles, c'est le premier outil qu'on a
pour faire de l'agriculture, c'est notre gagne-pain. Nous, on habite le
territoire, on est là, puis c'est sûr qu'on est visés. Vous l'avez mentionné au
tout début, tu sais, sur bien des projets de loi, on est ciblés parce qu'on
habite le territoire puis on est partout au niveau du Québec. Ça fait que juste
ça pour nous, c'est demander cette extension-là.
Comparativement des maisons où est-ce que
tu peux te faire relocaliser, bien, moi, les investissements que j'ai sur mes
infrastructures, juste au niveau de la gestion de l'eau, sur des puits que je
peux avoir, sur des réserves ou des bassins d'eau que je peux avoir, si je suis
déménagé, juste demander des permis pour être capable d'utiliser, bien, ça va
me coûter des milliers et des milliers de dollars. Ça fait que c'est pour ça qu'on
ne peut pas être dans un cadre, tu sais... tout dépendant de la structure de la
ferme, mais, si c'est une production maraîchère, ça risque d'avoir des
évaluations ailleurs pour être relocalisé en eau. Et c'est pour ça qu'on dit qu'il
faut prendre ça en considération, là. Puis c'est dans différentes productions,
que ce soit dans le lait, dans... au niveau maraîcher, et ainsi de suite, là.
M. Ross (Charles-Félix) : Oui,
moi, ce que je peux ajouter, c'est que ça, c'est vraiment l'élément où... Nous,
on trouve que l'objectif de limiter, là, les frais reliés à l'expropriation, l'objectif
est illégitime en soi, là, puis... mais, pour le secteur agricole, les maximums
qui sont introduits dans la loi, là, principalement le maximum de 35 % de
la valeur marchande, ça va être vraiment préjudiciable, là, pour les
producteurs agricoles dans l'avenir. Puis ça va... ça peut même créer des
cicatrices pour des... qui vont perdurer dans le temps, comme le dossier de
Mirabel.
Juste pour vous dire, un des corps
expropriant les plus... beaucoup plus actifs, là, sur le territoire québécois,
là, au-delà des municipalités, c'est Hydro-Québec pour passer des lignes de
transport. Puis on a une entente-cadre. Hydro... L'UPA, depuis des dizaines d'années,
on a signé une entente avec Hydro-Québec. Et c'est prévu, lorsqu'il passe une
ligne... on ne veut pas aller en expropriation, donc c'est... dans ces
ententes-là, le mode d'indemnisation est prévu, et on parle déjà de deux...
presque 2,5 fois la valeur marchande des terres agricoles. Donc, on a une
entente-cadre avec Énergir, ce n'est pas une organisation publique, un
organisme public, mais eux, ils vont compenser pour la perte de terres
agricoles ou de terres agricoles, ils vont compenser 2,5 fois la valeur
marchande. Et c'est équitable, ils ont convenu de ces montants-là avec l'Union
des producteurs agricoles. Puis, dans les deux cas, autant Énergir qu'Hydro-Québec,
c'est très rare que les gens vont utiliser l'expropriation...
M. Ross (Charles-Félix) : ...les
gens réussissent à s'entendre avant, parce que les indemnités sont équitables.
Donc, nous, ce qu'on croit, en plafonnant la valeur de l'indemnisation à plus
35 %, ça va être vraiment inéquitable pour les producteurs, les
propriétaires de terres agricoles, et on va se retrouver constamment, là,
devant les tribunaux. Ce ne sera pas vraiment très agréable au niveau de la
paix sociale. Donc, il y a vraiment un problème de ce côté-là. La façon que le
régime indemnitaire est fait, là - on peut parler du 35 %, mais des autres
éléments également - en tout cas, en ce qui concerne le secteur agricole, c'est
vraiment préjudiciable, ça va créer des blessures, puis ça ne facilitera pas
l'entente de gré à gré entre les corps expropriants et les propriétaires
agricoles. Donc, nous, on trouve que ça devrait être corrigé dans le projet de
loi.
Puis on ne demande pas une... Ce qu'on
dit, nous, c'est, s'il y a une expropriation, s'il y a procédure d'expropriation,
on veut laisser au tribunal administratif le choix de rendre la décision, un
peu comme c'est présentement, en fonction, là, de ce qui est le mieux pour les
deux parties, donc. Et c'est différent d'un... Puis Martin l'a dit dans sa
présentation, là, les producteurs agricoles ne sont pas des spéculateurs
fonciers. Ils pratiquent une activité, ils ont une entreprise, ils sont sur le
territoire, puis... Donc, on ne demande pas un régime particulier, là, mais, de
la façon que le projet de loi est écrit, ça va être préjudiciable pour le
secteur agricole.
Mme Guilbault :Merci beaucoup. Je serais curieuse... Puis je ne sais pas
si vous avez l'information, mais, dans l'ensemble des transactions ou des
acquisitions qui se font de terres agricoles, donc, bon an mal an, pour divers
projets, avez-vous une idée de la proportion qui se fait par... de gré à gré
versus expropriation, ou ce n'est pas nécessairement une donnée que vous avez,
pour vos membres?
M. Ross (Charles-Félix) : ...Diane?
Je n'ai pas le...
Mme Simard (Diane) : Bien,
c'est sûr que les transactions de gré à gré, on n'a pas de statistiques, parce
qu'on n'est pas nécessairement informés, les producteurs agricoles ne nous le
disent pas nécessairement lorsqu'ils concluent une entente. Mais on peut
penser, d'après les informations qu'on a, qu'il y a plus d'ententes de gré à
gré que d'avis d'expropriation. C'est pour ça que, dans notre mémoire, ce qu'on
dit, c'est : on est bien loin, là, dans le contexte qui est décrié par les
municipalités lorsqu'elles exproprient des spéculateurs immobiliers pour des
boisés, pour protéger des boisés. Parce que, dans la très grande majorité des
cas, les producteurs agricoles, il va y avoir une entente par rapport aux
indemnités. Mais il y a des cas vraiment précis où on ne peut pas délimiter à
l'avance quels vont être les montants maximums. Il faut laisser aux tribunaux
la discrétion de fixer ces montants-là, parce qu'il y a trop d'éléments
particuliers.
Puis, si vous regardez dans notre mémoire,
on a donné des exemples de jurisprudence. Entre autres, si vous regardez à la
page 15, pour la valeur de substitution, si vous regardez au quatrième
paragraphe, on vous donne un exemple, c'est l'affaire de ville de Donnacona
contre Jean-Pierre Piché. Donc, dans ce dossier-là, les experts au dossier
avaient établi que le prix le plus probable que devait payer un producteur
agricole exproprié pour un nouveau terrain était 44 % plus élevé que la
valeur de la terre expropriée. De l'aveu même de la partie expropriante, sans
l'excédent de 44 %, la partie expropriée ne pouvait se réinstaller. Donc,
le 35 %, dans la loi, il ne peut pas fonctionner avec des cas particuliers
comme celui-là.
• (10 h 10) •
Puis je vous réfère également à la page
16, là, du mémoire, où on cite un autre cas. Je vous réfère au deuxième
paragraphe, où on indique, à la page 16... il indique que certaines situations
particulières exigent une indemnité, pour pertes de récolte, d'un producteur
agricole qui va bien au-delà de 10 ans. Ça, c'est le maximum de 10 ans qui est
inscrit, maintenant, dans le p.l. n° 22. Et on cite l'affaire Champlain c.
Scheiben, où on dit : «Le tribunal a accordé une indemnité pour la perte à
perpétuité de la valeur nette des récoltes, puisque les récoltes perdues en
raison de l'expropriation devaient être remplacées pour éviter une désuétude à
l'ensemble des éléments de la ferme, notamment la machinerie et l'équipement.»
Donc, il y a vraiment des éléments particuliers, là, en milieu agricole dont
les tribunaux doivent tenir compte.
Aussi, dans le même ordre d'idées, si vous
regardez l'indemnité pour perte de valeur de convenance, qui va maintenant être
limitée à 20 000 $ dans le p.l. n° 22, si vous regardez le
dernier paragraphe, toujours de la page 16, on indique : «Dans l'affaire
Procureur général c. ministère des Transports, c. Roger Déry, le tribunal a
accordé une indemnité pour perte de valeur de convenance de 25 000 $,
en raison du rapprochement d'une route de la résidence de producteurs
agricoles...
Mme Simard (Diane) : Et au
même titre dans la municipalité contre... municipalité. Saint-Paul-de-Montminy
contre Sylvie Lavoie, le tribunal avait accordé une indemnité pour perte de
valeur de convenance de 25 000 $ à un producteur en raison de la
présence d'étangs d'épuration ajoutés sur sa propriété. Donc, ce ne sont que
quelques exemples qui sont très parlants pour vous indiquer que les maximums
qui sont actuellement dans le projet de loi, ils ne peuvent pas être
fonctionnels pour le milieu agricole. Puis ce n'est pas une question d'abus,
là, de la part des producteurs agricoles parce que, comme comme on vous l'a
mentionné, dans la plupart des cas, il y a des ententes, on accepte les
indemnités, mais il y a des cas particuliers, là, qui doivent être reconnus,
puis je pense qu'il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier
lorsqu'il s'agit de problèmes qui étaient plus spécifiques avec les
spéculateurs immobiliers. Et c'est peut-être pour les spéculateurs immobiliers
qu'il faudrait faire des dispositions spéciales dans la loi. Peut-être qu'il
devrait y avoir un régime plus spécifique pour les spéculateurs immobiliers.
C'est peut-être eux qui devraient être visés plus spécifiquement avec des
dispositions spécifiques pour empêcher les cas où il y a eu des indemnités
mirobolantes qui ont dû être données, là, par les municipalités.
Mme Guilbault :Bien... là, je pense qu'il doit rester quoi,
19 secondes? Bon, il me reste 20 secondes, ça fait que ça ne sert à
rien de poser une question parce qu'il n'y aura rien d'intelligent qui va
ressortir de ça. Ça fait que je pense que je vais juste les utiliser pour
vous... pour vous remercier, j'aurais eu une autre question, mais de toute
façon votre mémoire est très bien fait. Alors, grand merci à vous trois.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député... au porte-parole de
l'opposition officielle, M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, bonjour à vous trois. Merci d'abord pour la
production de votre mémoire et pour votre témoignage, ce matin, devant la
commission. Je vous ai bien entendu. J'ai lu votre mémoire avec attention.
Êtes-vous d'accord avec moi pour souligner qu'un des éléments du projet de loi
qui, pour vous, soulève des inquiétudes, c'est la question des indemnités en
général?
M. Caron (Martin) : Bien,
merci pour la question, M. le député. Bien, moi, je vous dirais qu'il y a deux
éléments. Le premier élément, comme on l'a mentionné, c'est au niveau qu'on
passe à côté... La CPTAQ a, entre autres, demandé les autorisations avant, ça,
c'est un des aspects. Et, ensuite de ça, c'est par rapport aux plafonds qui
sont là d'indemnisation. Comme Mme Simard et M. Ross ont mentionné, il y a
quand même quelques éléments, puis on a amené des faits concrets pour dire
qu'est-ce qui se passe sur le terrain. Puis je ramène, tu sais, c'est nos
outils de travail. On n'a pas une idée d'être spéculateur avec ça. Ça fait que,
quand que ça arrive, il faut vraiment être indemnisé. Puis de transférer ou de
relocaliser des entreprises agricoles, ça occasionne des coûts, des demandes de
permis, et c'est beaucoup de choses, là, qu'on ne veut pas vivre en partant,
là, je tiens à le signaler. Mais je dirais que c'est ces deux éléments-là
principaux, là, qui nous amènent à faire des recommandations.
M. Morin : Je vous remercie.
Pour les autorisations de la Commission, on pourra en reparler, j'ai aussi des
questions pour vous là-dessus. Mais je note que, dans le projet de loi,
notamment à l'article 94, lorsqu'on parle ou qu'on réfère à des
indemnités, le législateur, dans son projet de loi, identifie déjà certains
types d'activités particulières. Donc, on parle d'une entreprise agricole,
commerciale ou industrielle. Je vous souligne ça parce que, tout à l'heure, Mme
la ministre disait : Bien, écoutez, si on crée une catégorie particulière
pour les agriculteurs, peut-être qu'il y a d'autres groupes ou organismes qui
vont faire des demandes. Mais il semble déjà... le législateur semble déjà
prévoir, dans son projet de loi, certaines catégories, puis l'entreprise
agricole en est une.
Donc, vous, de votre côté, pour nous
éclairer, et on avait commencé à discuter de ça, en général, avez-vous des
statistiques? Avez-vous des barèmes où vous pouvez dire de façon globale, par
exemple, au législateur : Quand il y a une expropriation en territoire
agricole, habituellement les indemnités se chiffrent autour de tel ou tel
montant ou c'est entre une fourchette de tel ou tel montant? Simplement pour
déterminer... Parce qu'évidemment on conçoit que l'expropriation, ce n'est pas
une forme d'enrichissement, mais on ne veut pas non plus que l'exproprié soit
désavantagé. Donc, avez-vous ces...
M. Morin : ...désavantagé.
Donc, avez-vous ces statistiques-là, qui pourraient nous éclairer quand on
parle d'indemnités, et qu'on pourrait parler de différents barèmes, avec des
fourchettes plutôt qu'un montant fixe?
M. Caron (Martin) : Oui. Bien,
je vais commencer puis je vais laisser à Charles-Félix ou à Diane, peut-être,
de renchérir. Mais on vous a amené quand même des exemples concrets dans notre
mémoire, puis l'exemple au niveau de la valeur des terres, parce que, de la
façon que c'est procédé dans le projet de loi, aussitôt qu'il y a l'avis
d'expropriation, ça commence là, et, si c'est fait un an plus tard, bien, il y
a eu des augmentations de terres. Puis, dans l'exemple qu'on vous a donné,
bien, il y avait un manque à gagner, parce qu'il y avait eu une augmentation de
17 % de cette valeur des terres là, mais on a été payé un an avant...
qu'il n'était pas à 17 %. Ça fait qu'il y a déjà des choses comme ça, des
paramètres.
Puis M. Ross, tantôt, l'a mentionné, avec
Hydro-Québec puis d'autres, on a déjà des balises où est-ce qu'on va actualiser
ces montants-là en même temps, ça fait qu'il y a déjà des outils
qu'Hydro-Québec... ou d'autres ententes-cadres qu'on a qui sont déjà quand même
balisées, puis avec des ententes, puis que c'est révisé assez régulièrement par
rapport à cette actualisation-là, que ça soit le prix des terres, que ça soit
aussi au niveau des permis.
Je vous l'ai mentionné tantôt, là, un
producteur maraîcher qui demande un permis au niveau de la gestion de l'eau
pour l'irrigation de ses champs, là, ce n'est pas évident à cette heure, là,
avec le resserrement au niveau des normes, ça fait que ça demande des
investissements d'études hydrogéologiques qu'il faut que les producteurs
fassent. Là, on parle de 25 000 $, 30 000 $,
40 000 $, juste faire ça, et tu n'es même pas sûr d'avoir
l'autorisation d'utiliser l'eau. Ça fait que, vous comprenez, c'est pour ça
que, quand on met des cadres puis des balises, déjà là, nous, ça nous inquiète
énormément, parce que dans la vraie vie, tu sais, là, il y a ces aspects-là. Je
ne sais pas si, Charles ou Diane, vous aviez des choses que vous voulez
rajouter comme exemples, là.
M. Ross (Charles-Félix) : Bien,
en fait, moi, c'est... à votre question, c'est par rapport à... Exemple,
Hydro-Québec, là, c'est une entente. Je pense que dans les dernières années, on
n'a pas vraiment de chiffres, là, mais c'est vraiment... on a souvent à
travailler avec eux sur différents projets. Même chose pour Energir, lorsqu'ils
passent sur une terre agricole, ils ont à mobiliser du terrain, c'est
2,5 fois la valeur marchande de la terre. Donc, c'est déjà des ententes
qu'on a qui... c'est des ententes qu'on a signées il y a plusieurs années avec
ces organisations-là, on les actualise, là, périodiquement. Mais on est bien
au-delà du 35 %, là, donc, puis ça fonctionne, ça marche bien. C'est très,
très rare qu'Hydro-Québec va procéder, là, par une expropriation d'un terrain
agricole, Hydro s'assoie avec l'UPA régionale, on s'entend sur un tracé de
moindre impact, puis ces ententes-là s'appliquent bien. Donc, ça, on peut
remettre ça, on peut redéployer ça au niveau municipal. Si on est mean au
niveau des indemnisations à être versées aux producteurs agricoles, ça va créer
des conflits, ça va se retrouver devant le tribunal administratif.
Dans le projet de loi aussi, on... le
projet de loi ne prévoit pas qu'on défraie les frais d'avocat des expropriés.
Bon. Donc, ça, il y a... Souvent, les villes ont pas mal plus de moyens, ou les
corps expropriants au Québec ont beaucoup plus de moyens que les simples... le
citoyen. Encore là, je reviens un peu à ce que Me Simard disait, c'est sûr que
le spéculateur foncier, le gros promoteur immobilier, peut-être que lui, il a
les moyens, mais le simple citoyen ou le producteur agricole n'a pas
nécessairement les moyens, là, de se battre juridiquement contre les villes, ou
Hydro-Québec, ou les autres corps expropriants, là, du gouvernement du Québec,
là.
M. Morin : Votre entente avec
Hydro-Québec, elle est en vigueur, elle est valide pour combien de temps
encore?
• (10 h 20) •
M. Ross (Charles-Félix) : Ah!
c'est... c'est tout le temps... C'est à... je pense, c'est à chaque cinq ans,
puis on renouvelle l'entente, mais ça fait, je pense, au-dessus de 25 ans
qu'on a des ententes avec Hydro-Québec.
M. Morin : Et donc vous avez
des ententes, en fait, entre les agriculteurs, Hydro-Québec, donc, de gré à
gré. Je comprends que vous n'avez pas de statistiques là-dessus. Est-ce que
vous craignez que ce projet de loi, s'il devient loi tel qu'il est, va mettre
en péril votre entente avec Hydro-Québec et va diminuer le nombre
d'expropriations... bien, pas d'expropriations, mais le nombre d'ententes de
gré à gré?
M. Ross (Charles-Félix) : Ça
ne mettra pas en péril, mais dans les prochaines négociations on va avoir plus
de difficulté à aller chercher ou à faire des gains en fonction de
l'augmentation du prix des terres, parce qu'on va avoir... on va venir, à
travers le projet de loi, baisser l'indemnité potentielle suite à un recours x,
y, z. Donc, c'est sûr que ça va rendre plus difficile cette négociation-là ou
cette actualisation de ces ententes-là dans l'avenir.
M. Morin : Puis, Me Simard,
est-ce que vous craignez qu'avec le projet de loi actuel, on va assister à une
plus grande judiciarisation des litiges en matière d'expropriation...
M. Morin : ...litige en
matière d'expropriation.
Mme Simard (Diane) : Bien,
moi, je vous dirais que c'est... le plus grand risque, c'est que les
producteurs agricoles soient pénalisés, puis finalement que l'indemnité qu'ils
vont recevoir, ce ne sera pas une indemnité juste et équitable en fonction, là,
des maximums, des montants maximums qui sont prévus à la loi. C'est ça, le
risque, en fait. Parce que, comme disait M. Ross tantôt, les producteurs
agricoles n'ont pas les mêmes moyens financiers que les municipalités ou encore
les spéculateurs immobiliers pour se payer des avocats qui vont contester
jusqu'à la fin des temps les indemnités qui vont être proposées.
Donc, le risque, c'est beaucoup plus qu'on
se retrouve 50 ans en arrière avec des indemnités qui ne seront pas... qui
ne suffiront pas à remettre le producteur dans le même état dans lequel il
était. Parce que c'est ça, le but. On ne veut pas... Ce n'est pas une question
d'avoir des indemnités qui enrichissent, mais on ne veut pas d'indemnités qui
appauvrissent. On veut des indemnités qui soient justes et équitables. Puis,
dans les cas d'expropriation, il y a tellement de particularités d'une
expropriation à l'autre que ce n'est pas une bonne idée de mettre des maximums.
C'est ça qui est dangereux parce qu'il faut laisser aux tribunaux une marge de
discrétion pour tenir compte de certains facteurs qui sont particuliers. Puis
on a donné des exemples, là, tout à l'heure, d'indemnités où il faut que
l'indemnité soit juste et raisonnable. Ça ne pourra pas se faire dans le cadre
des maximums qui sont prévus à la loi, mais, encore là, comme on disait, la
majorité des expropriations, peut-être que oui, ça va être suffisant, mais le
10 %, le 20 % des producteurs qui vont être très pénalisés, c'est ça
qu'on veut éviter.
M. Morin : Je comprends.
Maintenant, corrigez-moi si je fais erreur, mais avec le régime juridique
actuel, quand il y a une contestation, les frais juridiques peuvent être
remboursés. Ça peut faire partie d'une indemnité. Parce que là, le projet de
loi l'exclut complètement.
Mme Simard (Diane) : Non.
Actuellement, ce qui est couvert au niveau du Québec, ce sont les frais
d'experts, mais pas les honoraires des avocats. C'est pour ça que, dans le
mémoire, bien, on demande que, dorénavant, les honoraires d'avocats soient
couverts, donc soient payés par la partie expropriante, comme c'est le cas
d'ailleurs dans la très grande majorité des provinces canadiennes, les frais
d'avocat sont remboursés aux expropriés.
M. Morin : Très bien.
Brièvement, en terminant, vous y avez fait référence dans votre mémoire, le
projet de loi à l'article 5 souligne qu'il n'est pas nécessaire d'avoir
obtenu les autorisations requises pour la réalisation du projet. Donc un
expropriant pourrait débuter et fonctionner malgré, par exemple, un litige, une
recommandation de la Commission de la protection des terres agricoles. Je me
trompe?
M. Ross (Charles-Félix) : En
fait... Oui, vas-y, Martin.
M. Caron (Martin) : Je vais
dire... C'est ça, c'est que, de la façon que le projet de loi est écrit, c'est
qu'on va par-dessus ça. On envoie l'avis d'expropriation puis on n'a aucune
consultation par rapport... au niveau du territoire agricole. Puis, à quelque
part, c'est un non-sens parce qu'on met en place présentement la... Politique
nationale d'aménagement de l'architecture du territoire. On a la LAU qui est
cohérente par rapport à mieux protéger le territoire agricole. On a une
consultation là-dessus. Ça fait que je me dis, le garde-manger des Québécois et
Québécoises, c'est moins de 2 %. Ça fait qu'il faut tout faire. Ça fait
que je ne me verrais pas de donner un pouvoir puis de dire : Non, non,
regarde, on exproprie, puis on passe à côté, puis qu'on ne regarde pas, peut
être, des endroits de moindre impact, entre autres, qu'on pourrait utiliser
pour faire ces expropriations-là. Ça fait que, pour moi, c'est un non-sens.
M. Morin : Non-sens. Là comme
ça, on pourrait refuser. Effectivement.
M. Caron (Martin) : Bien,
elle pourrait refuser, puis, en même temps, dans tous les critères qu'ils ont,
tu sais, il y a une référence à faire de ce côté-là. Puis je pense qu'il faut
être capable de s'en servir.
Le Président (M. Jacques) :
Merci. C'est ce qui termine la période d'échanges avec M. le député de
l'Acadie. Je cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, M. le député de Taschereau, pour une période de
4 min 8 s.
M. Grandmont : Merci, M. le
Président. Mme Simard, M. Caron, M. Ross, merci pour votre
intervention. Merci de nous rappeler combien c'est important de protéger notre
territoire agricole. On l'a bien vu pendant la pandémie. C'est des mots qu'on entend
souvent, là, mais je veux dire, la souveraineté alimentaire au Québec, c'est
quelque chose d'extrêmement important.
Je voulais vous poser aussi la question
concernant la CMM, mais vous y avez... Mme la ministre l'a déjà posée, puis
vous y avez répondu. Et je m'intéresse aussi, évidemment, là, à... les
autorisations...
M. Grandmont : ...De la
CPTAQ, qui sont parfois donnés après, finalement, l'envoi d'un avis
d'expropriation, donc, ça, on n'aura pas besoin de le recouvrir.
Moi, j'aimerais revenir sur quelque chose
d'important que vous avez dit. Je pense que c'est Mme Simard qui l'a
mentionné, qui disait : La loi doit d'abord et avant tout viser les
spéculateurs. La spéculation, c'est ça qu'on veut empêcher, puis c'est ce que
j'ai compris aussi, là, des propos de Mme la ministre. On veut que les projets
ne coûtent pas cher.
Puis il y a un principe de base, dans les
indemnisations, on ne veut aucun appauvrissement puis aucun enrichissement,
mais en quelque part, on veut le prix juste. Puis il y avait une... il y avait
un... vous avez proposé une espèce de changement d'approche, en fait. Vous avez
dit : on ne veut pas un régime particulier, ce qu'on veut, c'est que le
régime... tu sais, c'est que, finalement, on s'attaque réellement à la spéculation.
Puis je pense que... puis je veux vous
entendre là-dessus. Je sors un petit peu, là, du cadre, vraiment, des articles
puis du mémoire que vous proposez, dans lequel vous proposez des amendements.
Tu sais, il y a une fausse perception, je pense, par rapport au monde agricole.
Dans le monde agricole, les propriétaires ont de nombreux actifs, ça a l'air
bien, bien impressionnant vu de l'extérieur. Mais on sait que les agriculteurs,
les agricultrices, au Québec, ne sont pas particulièrement riches. J'aimerais
que vous nous parliez un peu de c'est quoi, la réalité de la vie d'agriculteur
d'un point de vue financier, ce que ça représente, juste pour qu'on enlève
peut-être cette espèce de perception qu'on fait beaucoup d'argent, là, malgré
le fait que c'est très impressionnant, ce que vous avez comme outillage, ce que
vous avez comme propriété. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Caron (Martin) : Oui.
Bien, je vais commencer, peut-être, sur votre dernière question. Juste vous
mentionner qu'au niveau des actifs, présentement, agricoles, si on recule de
voilà 10 ans, pour faire de l'agriculture, on devrait investir 5 $
pour 1 $ de recettes monétaires agricoles, 10 ans plus tard, on est
rendus à un investissement de 8 $. Ça fait que vous comprenez que
l'endettement est là, au niveau des actifs, que ça soit la terre, que ce soit
au niveau des machines.
On nous demande aussi de vivre avec les
changements climatiques comme on a vus, la nouvelle technologie. Beaucoup
d'investissements ont été à faire sur nos entreprises agricoles, donc ça crée
un endettement de ce côté-là. Et naturellement, bien, les marges de profit ont
vraiment diminué sur les cinq dernières années. Ça fait qu'il reste que,
présentement, tu sais, il y a... Les soldes résiduels, dans bien des
entreprises, ne sont pas là, ça fait que, donc, pour réinvestir, il faut
toujours emprunter.
Et on a pensé à nos jeunes, nos jeunes qui
s'établissent, que ce soient les fermes de proximité, production bio, etc., sur
tout l'ensemble, c'est beaucoup d'investissement. Puis dans les autres
secteurs, bien, tu sais, on peut penser au niveau du commerce ou du détail, tu
sais, on va parler de 2 $ d'investissement, peut-être 3 $ pour
1 $ de revenu, mais côté agricole, quand c'est rendu à 8 $, et on a
besoin de ces équipements-là pour faire ces travaux-là sur cette
technologie-là, ça fait que donc ça amène cet aspect-là.
En même temps, on nous demande de protéger
le territoire, la biodiversité, entre autres, ça fait qu'encore là c'est des
investissements, malgré qu'on a quelques programmes qui nous aident. Mais on
est loin de défrayer tous ces coûts-là. Ça fait que c'est pour ça que vous
comprenez qu'en tant que producteur, de se faire exproprier, bien souvent,
c'est des générations des générations qui ont existé là.
Moi, je me souviens de mon grand-père, là,
qui marchait la terre chez nous, que je cultive, là, c'est quand même quelque
chose, là, qu'il n'y a pas de prix. Même si j'ai une belle... une grande valeur
sur mon entreprise, ce n'est pas ça qui fait les paiements. Les paiements,
c'est quand j'arrive pour vendre mes produits, entre autres.
Je vais laisser Charles ou Diane parler
peut-être un petit peu plus de l'autre aspect, là.
Le Président (M. Jacques) : M. Caron
et vous trois, ça termine les échanges avec les gens de la commission. Donc, je
vous remercie de votre participation à la commission.
Et nous allons suspendre quelques instants
pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 30)
10 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 10 h 34)
Le Président (M. Jacques) : Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Ville de Québec. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : M.
le Président, Mme la ministre, membres de la Commission, mon nom est
Marie-Pierre Boucher, je suis conseillère municipale à la Ville de Québec pour
le district Louis XIV, membre du comité exécutif, responsable notamment de
l'aménagement du territoire, de l'habitation, de l'itinérance, développement
social et trois petits points.
La Ville de Québec remercie la Commission
des transports et de l'environnement de cette opportunité de présenter ses
commentaires relativement au projet de loi n° 22, Loi
concernant l'expropriation. J'ai le plaisir aujourd'hui d'être accompagné de Me
Serge Giasson, à ma droite, directeur du Service des affaires juridiques, et de
M. François Trudel, à ma gauche, directeur des Services de la
planification, de l'aménagement et de l'environnement.
Depuis de nombreuses années, la Ville de
Québec souhaite une réforme de la Loi sur l'expropriation afin que l'indemnité
d'expropriation soit fixée en fonction de la valeur réelle de l'immeuble. Le
concept de valeur aux propriétaires, actuellement au cœur de la loi en vigueur,
fait en sorte que l'indemnité d'expropriation peut dépasser largement la valeur
marchande du bien exproprié. Il en résulte que, dans certains cas, il est plus
avantageux pour le propriétaire d'être exproprié que de transiger de gré à gré,
et ce sont les contribuables qui font les frais de son enrichissement. Le
projet de loi n° 22 répond à cette demande de la
Ville de Québec, et nous remercions le ministre des Transports et de la
Mobilité durable d'en avoir pris l'initiative... pardon, la ministre. Désolée.
Nous appuyons la méthode de détermination de l'indemnité qu'elle propose...
Mme Boucher (Marie-Pierre) : ...Dans
ce projet de loi.
Le projet de loi n° 22 contient
également des dispositions visant à répondre aux demandes du monde municipal
afin d'encadrer les recours fondés sur l'expropriation déguisée. Il édicte une
procédure intéressante pour le traitement de tels recours, mais telles que
rédigées, ces dispositions comporteraient des inconvénients majeurs que nous
aborderons aujourd'hui avec vous.
Cette réforme du droit de l'expropriation
arrive au moment où la Ville de Québec réalise son projet de tramway, soit le
plus important projet d'infrastructure de son histoire et celui entraînant le
plus grand nombre d'acquisitions immobilières. Elle s'inscrit aussi dans la
volonté ferme de notre administration de protéger nos territoires naturels et
d'augmenter l'offre en habitation sur l'ensemble du territoire de la ville,
centre-ville et périphérie.
Nos objectifs sont multiples, mais un
d'entre eux demeure au centre de nos préoccupations, c'est-à-dire bâtir des
quartiers forts dans lesquels nous pouvons naître, grandir et vieillir en
sécurité et en santé, des quartiers verts, dynamiques, économiquement et
socialement, où chaque citoyen peut se déplacer aisément, peu importe son mode
de transport. Le projet de loi n° 22 permet à notre ville d'aller un peu
plus loin dans l'atteinte de ces objectifs.
Tout au long de notre présentation, nous
suggérerons également aux parlementaires des amendements pour améliorer le projet
de loi.
Dans un premier temps, il convient de
saluer les modifications apportées par cette réforme, qui permettront d'assurer
une meilleure prévisibilité des coûts d'acquisition immobilière et de les
réduire dans une certaine mesure.
L'approche retenue est claire, elle est
conforme à ce qui existe déjà ailleurs au pays et elle constitue une avancée
majeure que nous appuyons entièrement. La loi sur l'expropriation n'établissait
pas des paramètres clairs encadrant la fixation de l'indemnité d'expropriation.
L'évolution de la jurisprudence a entraîné, au fil des ans, une augmentation
des indemnités versées aux parties, des saisies et un élargissement des
concepts en leur faveur.
Le projet de loi clarifie les paramètres
des différentes méthodes d'évaluation et reprend les principes de la loi sur la
fiscalité municipale comme le réclamait la Ville de Québec.
De plus, l'encadrement de la détermination
de l'indemnité dans un usage autre que l'usage effectif permettra d'éviter l'enrichissement
important des expropriés. Le projet de loi assure une bonne équité entre le
droit des expropriés et celui des contribuables qui paient le coût des
expropriations.
La procédure de loi présente une autre
avancée importante puisqu'elle... qu'il précise la procédure applicable à une
instance d'expropriation. La procédure est équilibrée et n'est pas au seul
bénéfice de l'expropriant. Plusieurs mesures sont à l'avantage de l'exproprié,
comme l'allongement de certains délais ou la fixation de l'indemnité
provisionnelle initiale à un minimum de 100 % de la valeur marchande.
Diverses lois sont venues alléger la
procédure d'expropriation au fil des ans pour la réalisation de projets
spécifiques, et le projet de loi consacre plusieurs de ces allègements dans la
procédure régulière, ce que nous accueillons aussi favorablement.
Notre analyse nous incite néanmoins à
demander quelques amendements. Nous produisons une liste de ces demandes en
annexe de notre mémoire. Je me permets de vous en mentionner quelques-uns.
Depuis au moins les 10 dernières
années, les municipalités du Québec font face à un nombre grandissant de
recours judiciaires visant à obtenir le versement d'une indemnité
d'expropriation pour un acte municipal, souvent un règlement d'urbanisme, qui a
un effet de dépossession d'un droit sur un immeuble ou qui supprime tout usage
raisonnable d'un immeuble. De plus en plus, les propriétaires visés par ce type
de mesure prohibitive réclament des autorités publiques le paiement d'une
indemnité au lieu de demander la nullité de telles mesures. Ce recours en
indemnité est communément appelé recours en expropriation déguisée.
Jusqu'à présent, ces recours en
expropriation déguisée ont essentiellement été accueillis par les tribunaux
dans des cas où la portée de l'acte ou du règlement en cause outrepassait les
pouvoirs de la municipalité l'ayant adopté. Pourtant, nous comprenions et
comprenons toujours qu'un acte ou un règlement municipal valide, c'est-à-dire
conforme aux pouvoirs conférés à la municipalité, ne peut donner ouverture à un
recours en expropriation déguisée même s'il supprime tout usage raisonnable
d'un immeuble.
• (10 h 40) •
Or, il nous semble que les limites au
droit de propriété prévues par la loi ne donnent pas ouverture au recours en
expropriation déguisée puisque de telles limites font partie, au Québec, de la
définition même du droit de propriété. On ne peut prétendre être privé d'un
droit dans un immeuble par expropriation déguisée ou autrement lorsque ce droit
est exclu d'emblée de la notion même du droit de propriété par le Code civil du
Québec.
Malheureusement, les articles 170 et
171 du projet de loi à l'étude induisent l'idée qu'un acte ou un règlement
municipal, même valide, qui a un effet de dépossession sur un immeuble ou qui
supprime tout usage raisonnable de cet immeuble, donne systématiquement
ouverture à un recours en expropriation déguisée contre l'organisme municipal
par son propriétaire. Ces dispositions du projet de loi compromettent ainsi
l'utilisation par les municipalités des pouvoirs de prohibition que leur
confèrent spécifiquement certaines lois, notamment à des fins de sécurité
publique ou de protection des milieux humides et hydriques, des sources d'eau
potable ou du patrimoine. Une telle réglementation est...
Mme Boucher (Marie-Pierre) : ...fortement
susceptible d'engendrer la suppression de tout usage raisonnable des immeubles
visés. Par conséquent, pour clarifier toute la question des recours en
expropriation déguisée, les articles 170 et 171 du projet de loi devraient
être modifiés pour y préciser une limitation au droit de propriété imposée par
un acte ou une réglementation municipale valide n'entraîne pas l'obligation
d'indemniser le propriétaire ou d'acquérir sa propriété, même si elle a un
effet de dépossession d'un droit sur un immeuble ou qu'elle supprime tout usage
raisonnable de l'immeuble.
Cela devrait valoir tant pour les actes ou
règlements édictés en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme que pour
ceux édictés aux termes de toute autre loi, telle que la Loi sur les
compétences municipales ou une charte municipale. Une telle précision aux
projets à l'étude assurerait notamment qu'une municipalité ne soit pas tenue
d'indemniser un propriétaire lorsqu'elle exerce les pouvoirs réglementaires
prévus au paragraphe 16° et 16.1° de l'article 113 de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, qui autorise les municipalités à prohiber tous
les usages, activités, constructions ou ouvrages compte tenu de certains
facteurs tels que la topographie du terrain, la proximité de milieux humides et
hydriques, les dangers d'inondation, d'éboulis, de glissements de terrain ou
d'autres cataclysmes.
Par ailleurs, même en regard de l'exercice
d'autres pouvoirs réglementaires et bien que ce soit la tendance
jurisprudentielle, il serait utile de préciser qu'un règlement restrictif ne
peut être contesté que par la personne qui en est propriétaire au moment où la
restriction est adoptée. La personne qui acquiert un terrain alors qu'il est déjà
sous le couvert notamment d'un zonage de conservation naturelle ne devrait pas
pouvoir exiger d'indemnité de ce fait.
Cela dit, pour les cas de règlement
restrictifs invalides, c'est-à-dire qui outrepassent les limites des pouvoirs
prévus par la loi habilitante, nous accueillons favorablement les mesures
proposées par le projet de loi n° 22 visant à préciser que le recours se
prescrit dans les trois ans après l'entrée en vigueur de l'acte municipal,
prévoir que l'indemnité immobilière est fixée selon la Loi concernant
l'expropriation et offrir à la municipalité le choix de retirer la contrainte
réglementaire ou d'acquérir l'immeuble. Il serait toutefois utile de préciser
qu'une telle modification réglementaire visant à retirer une contrainte n'est
pas assujettie à la procédure référendaire ou à une autre procédure
d'approbation ou de contestation. Autrement, la municipalité pourrait se voir
empêchée de procéder au retrait.
L'article 244 du projet de loi
prévoit que la loi entrera en vigueur six mois suivant sa sanction.
L'article 240 fait en sorte que toute instance d'expropriation commencée
avant cette entrée en vigueur demeurera régie par la loi ancienne. La Ville de
Québec prévoit acquérir prochainement plus de 400 immeubles aux fins de la
réalisation du tramway dont quelque 200 par voie d'expropriation. Si la date
d'entrée en vigueur de la loi était devancée au moment de sa sanction, cela
permettrait de bénéficier des avantages offerts par celle-ci dans le cadre de
ce projet. Un délai dans l'application de ces dispositions du projet de loi
n° 22 pourrait inciter les municipalités à retarder la réalisation de
leurs acquisitions pour bénéficier des améliorations apportées par cette
nouvelle loi en regard de la détermination de l'indemnité d'expropriation. Afin
de pouvoir bénéficier rapidement des effets de cette réforme tant attendue,
nous suggérons de prévoir à tout le moins que les dispositions de la loi
nouvelle en matière d'indemnité d'expropriation soient d'application immédiate,
et ce, dès la sanction de la loi.
Cette réforme du droit d'expropriation
répond largement aux attentes exprimées par la ville de Québec, en établissant
notamment des critères encadrant la détermination de l'indemnité
d'expropriation. Ces critères permettront de réduire les coûts et assureront
une meilleure prévisibilité. Nous suggérons que la nouvelle loi entre en
vigueur dès sa sanction et qu'elle soit d'application immédiate.
Par ailleurs, les intervenants du monde
municipal réclamaient que le législateur intervienne pour remédier à
l'évolution jurisprudentielle récente en matière d'expropriations déguisées. Le
gouvernement y répond dans ce projet de loi en précisant le délai de
prescription, les modalités de détermination de l'indemnité et en permettant à
la municipalité de retirer sa contrainte réglementaire plutôt que d'acquérir le
bien.
Le Président (M. Jacques) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : En
terminant, nous vous remercions de l'attention que vous portez aux demandes
d'amendement contenues dans l'annexe. Donc, je vous invite à regarder l'annexe
et à regarder l'ensemble du mémoire que nous vous déposons. Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci.
J'invite maintenant Mme la Ministre à débuter les à charge pour une période de
15 minutes.
Mme Guilbault :Merci beaucoup, M. le Président. Merci aux représentants de
la ville de Québec. Très intéressants comme... comme présentation. On a eu la
CMQ la semaine dernière, donc il y a plusieurs choses qui se recoupent, mais il
y a quand même des particularités dans les propositions que vous faites, les
recommandations que vous faites, donc très intéressant. J'entends d'emblée
qu'évidemment, comme l'ensemble, je dirais des intervenants issus du milieu
municipal, vous accueillez très favorablement le projet de loi. Bien sûr, c'est
un engagement qu'on avait pris dans le dernier pacte fiscal...
Mme Guilbault :...qui a été réitéré par le premier ministre depuis la
dernière élection. Donc, ce projet de loi là vient le concrétiser. Mais, comme
je disais aussi la semaine dernière dans mes remarques introductives, il y a
toujours moyen d'améliorer les projets de loi, ils sont perfectibles par
nature. Donc, je vais y aller sur quelques éléments et je vais partager mon temps
aussi, je crois, avec ma collègue d'Argenteuil qui aurait des questions pour
vous. Donc... mais j'ai dit ça la dernière fois, et puis, vous voyez, j'ai pris
tout le temps. Ça fait que je vais essayer d'être concise.
Peut-être le premier élément, puis ça, je
trouve ça très intéressant quand on a des groupes du milieu municipal, parce
que ce projet de loi là, on le fait, entre autres, pour que les projets aillent
plus vite, d'infrastructures, pas juste en transports, la loi est portée chez
nous, mais ça va être applicable pour plein de projets d'infrastructure, des
projets de parc, toutes sortes de beaux projets. Avez-vous des exemples
concrets, bien évidemment, on peut penser au tramway, là, mais, à la ville de
Québec, dans tous les projets que vous faites, que ce soit du logement, des
écoles, des CPE, des parcs, des milieux de vie, en général qui, en ce moment,
sont, soit compromis, soit en suspens, soit retardés, soit inexistants, parce
qu'on sait que ça coûterait trop cher, que ce serait trop compliqué, on ne veut
pas s'embarquer là-dedans, et qui, grâce à ce projet de loi là, pourraient
aller plus vite voire pourraient se réaliser pour le bien de nos citoyens?
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Je
pense que vous le nommer bien, hein, un des objectifs, c'est de permettre...
accélérer certains projets qui donnent... On parle du tramway, c'est un des
exemples, mais ce n'est pas le seul exemple, là. Parfois, c'est pour permettre
de maintenir des milieux naturels, parfois, c'est pour permettre de développer des
parcs dans un petit quartier, par exemple, là, dans un projet d'ensemble qu'on
veut mettre... qu'on veut mettre en avant. Donc, ce projet-là, ce projet de loi
là vient répondre à ces besoins. M. Giasson a quelques exemples plus
spécifiques, que je vais l'inviter à vous partager.
M. Giasson (Serge) : Oui, mes
exemples, deux exemples que j'ai à vous donner, qui sont un peu particuliers,
parce que ce sont deux propriétaires, alors c'est pour l'acquisition de deux
terrains. Les deux propriétaires exercent des activités institutionnelles et,
dans un cas, on a commencé à faire nos échanges et, dans un cas, on nous
réclame plus de deux fois la valeur marchande pour... au mètre carré, pour
aller chercher une bande de terrain, là. Il n'y a pas une expropriation de
l'ensemble, c'est des bandes de terrain. Et, dans l'autre cas, on entre près de
trois fois la valeur marchande pour avoir une bande, et tout ça... une bande de
terrain pour faire un projet. Et tout ça, c'est tiré, donc c'est des
institutions qui ont des ressources, hein, ils sont représentés par des gens
compétents, et tout ça vient du fait de l'interprétation, de l'usage, le
meilleur et le plus profitable.
Alors, on a des institutions qui sont là
depuis 40 ans, qui exercent une activité ou un usage... une activité
institutionnelle depuis 40 ans. Et il n'est pas prévisible, avec les
immobilisations qui sont sur ces terrains-là, que ça arrête dans les 40
prochaines années, O.K. Et c'est incompréhensible pour nous, c'est uniquement
le fait que les règles ne sont pas assez claires, notamment si on avait
l'article 87, les règles sont assez claires que, si on a une expectative de
développer un terrain avec la meilleure valeur et la plus probable, il faut
quand même que, dans le temps... ça soit restreint dans le temps. Il faut avoir
une possibilité que, dans les trois prochaines années, là, que ça puisse
arriver. O.K. Comme je vous dis, lorsqu'on va chercher une bande de terrain,
puis qu'il n'est pas question de démolir l'ensemble du lot pour en faire un lot
vacant, normalement, on devrait avoir une valeur marchande qui ressemble à
celle qu'on est capable d'évaluer entre évaluateurs et qu'on n'a pas besoin de
se projeter. Même quand on se projette dans le futur, on demeure à l'intérieur
de valeur marchande qui... qu'on avait estimée être celle d'un terrain au mètre
carré institutionnel, sur lequel il y a des usages institutionnels. Alors, ça,
c'est un motif. Et, comme c'est entre nous, tu sais, ça ne dépend pas de
quelqu'un à Toronto, qui a mal compris l'évaluation qu'on fait du terrain ou un
conseil d'administration qui doit en répondre aux actionnaires.
• (10 h 50) •
Alors, tout ça, de bonne foi, c'est ce qui
se produit, c'est la dérive, présentement, qui nous a incités, il y a 10 ans, à
commencer, à la Ville de Québec, à parler aux gens du monde municipal pour
sortir de ce paradigme-là. Et la façon de le faire, c'est un peu comme le fait
l'article 87, c'est-à-dire de codifier des principes de jurisprudence, hein?
Dans 87, là, il n'y a pas de surprise, là. La jurisprudence majoritaire, elle
reprend ces dispositions-là. Tout ce qu'on a fait, c'est, on les a codifiées,
O.K., de sorte que le jeu est plus clair. Quand le jeu est plus clair, ça
accélère les discussions pour en venir à des règlements.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : ...ça
nous permet aussi d'envisager, ne pas aller...
Mme Boucher (Marie-Pierre) : ...expropriation,
donc de faciliter des ententes de gré à gré par exemple, là. Le fait d'avoir ce
cadre-là nous permet de ne pas avoir des gens qui espèrent qu'éventuellement on
soit pris pour aller en expropriation. Donc, ça facilite les ententes parce
qu'elles cadrent plus clairement la règle qu'ils doivent respecter.
Un autre élément, c'est l'équité, c'est
l'équité avec l'ensemble des citoyens. On a des organisations, des entreprises,
parfois, des promoteurs qui peuvent... qui ont le temps et ils peuvent laisser
rouler, mais, pendant ce temps-là, pendant qu'ils le laissent rouler, en
attendant d'arriver finalement en expropriation et d'avoir gain sur... avec
un... quand même des bons montants à l'occasion, c'est l'ensemble des
contribuables qui paient. Donc, on a des gens qui ont plus les reins solides,
qui vont être en mesure d'attendre et de faire perdurer ça, donc c'est des
ressources humaines ville, c'est des ressources financières qui touchent
l'ensemble de la population, tandis qu'on en arrive avec un projet qui est
cadré, qui permet que l'ensemble des citoyens en aient pour leur argent
finalement.
Mme Guilbault :Bien, c'est très bien dit parce qu'effectivement, au-delà
des expropriations comme telles, le... au-delà des procédures puis des
modalités d'expropriation que le projet de loi amène, c'est l'effet dissuasif
qui, on l'espère, va faire diminuer le nombre d'expropriations puis augmenter
le nombre de gré à gré. Puis je trouve ça intéressant la façon dont vous
finissez votre dernière phrase, parce qu'il y a certains groupes, des groupes
immobiliers, ou il y a certains intervenants qui font valoir l'effet...
peut-être je dirais l'effet, l'incidence que ça pourrait avoir sur certains
projets de développement, sur l'intérêt ou la volonté de certains propriétaires
d'amener des projets, sur la capacité à jouir de son bien, et tout ça, il y
a... tu sais, puis c'est correct, il y a toutes sortes d'intérêts qui se font
valoir dans le cadre de cette discussion-là. Vous... Parce que vous transigez
avec beaucoup de propriétaires privés pour des projets d'intérêt public. Alors,
qu'est-ce que vous auriez à dire là-dessus, dans la recherche de cet équilibre,
toujours?
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Le
rôle de la ville, c'est de leur offrir une prévisibilité. Donc, cette
prévisibilité-là, on l'a à travers le PDAD actuellement. On va travailler avec
la ville aux plans d'urbanisme et de mobilité. Donc, on est dans cette
transition-là actuellement pour livrer un plan d'urbanisme et de mobilité qui
va permettre aux promoteurs, qui va permettre à nos... qui sont des
partenaires, là, qui sont des partenaires pour construire notre ville, d'avoir
la prévisibilité. Donc, ils ne pourront pas être dans l'anticipation et ils
vont savoir où on veut faire de la densification, ils vont savoir où on veut
garder des parcs, ils vont savoir qu'est-ce qu'on veut garder comme milieux
humides. Donc, c'est cette prévisibilité-là qui facilite le partenariat avec
nos partenaires.
Donc, pour moi, ce n'est pas un enjeu. Au
contraire, ça nous permet de mettre le cadre, d'établir ce cadre-là. Puis ils
vont être impliqués aussi à différents moments, là, pour arriver sur notre plan
d'urbanisme.
Mme Guilbault :Je voudrais vous amener sur l'expropriation déguisée. Ça a
été abordé par pas mal tous les intervenants qui vous ont précédés, les
articles 170, 171. La plupart des gens avaient des commentaires
relativement similaires aux vôtres pour certains éléments. Il y a la ville de
Montréal, toutefois, qui suggérait qu'on les retire et qu'ils soient traités
par ailleurs, entre autres chez ma collègue des Affaires municipales.
Donc, vous, qu'est-ce que vous pensez de
ça? Parce que, c'est ça... Puis, comme on disait la semaine dernière, ce projet
de loi là, ce n'est pas une solution à tous les problèmes de l'univers, là,
puis il y a beaucoup de choses qui vont devoir continuer d'être traitées via la
loi sur... la LAU et les lois en environnement. Mais qu'est-ce que vous pensez
de ça? Et je voyais dans vos... dans mes notes, quelque part, que non seulement
vous souhaitez que ça aille plus loin puis qu'on ne puisse pas demander une
indemnisation, mais qu'en plus il y ait un effet rétroactif, je crois, les
causes pendantes et même les causes avant l'entrée en vigueur de la loi. Donc,
jusqu'où vous remontez? Comment est-ce que vous voyez la rétroactivité? Si vous
voulez répondre, dans l'ensemble, sur la question des expropriations déguisées.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Je
vais utiliser mon droit de... mon miroir.
M. Giasson (Serge) : L'intention
derrière la demande qui était d'avoir un effet le plus immédiat, ça se reflète
aussi dans la loi d'interprétation. Alors, nous, ce qu'on... le premier
réflexe, c'est : si on travaille avec la loi d'interprétation, on va avoir
à peu près un 30 jours entre l'adoption de la loi puis sa mise en vigueur, puis
ça, c'est normal, c'est ce que vous faites dans l'ensemble des... de vos législations.
Et moi, je pense qu'on devrait faire ça. Et ça s'applique aussi... la loi
d'interprétation vous guide là-dessus, nous guide tous, hein, nous dit qu'on...
ça va s'appliquer aux causes aussi en cours, O.K., ça va s'appliquer et ça va
avoir un effet immédiat. On est habitués avec ce régime-là, O.K., d'une
application immédiate. La loi d'interprétation couvre aussi ce champ-là. Puis
la zone grise, c'est géré par les tribunaux, surtout quand ça fait...
M. Giasson (Serge) : ...de
dossiers en cours devant les tribunaux. Alors, les juges prennent acte que la
nouvelle loi s'applique, elle a une application immédiate au regard de la loi
d'interprétation, puis entendre les parties sur qu'est-ce qui va advenir du
recours en utilisant, par exemple, l'effet immédiat, O.K.? Mais je pense que
nos tribunaux sont bien à l'aise avec ça. Et puis le six mois nous inquiétait
parce que le six mois pour nous, c'était un cycle. Vous savez qu'on construit
dans une année, on construit peu de temps dans une année au Québec et six mois,
c'est un cycle annuel, là, O.K., six mois pour nous, ça veut dire reporter les
projets pour un an.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Pour
nous, c'est important qu'on n'ait pas à se demander qui devrait porter cet
article-là ou pas. L'important, c'est d'aller de l'avant, mais en apportant
certaines modifications, justement.
Mme Guilbault :Oui, c'est ça. Bien, en fait, moi, le rétroactif, c'était
pour que... c'était la recommandation ici numéro quatre sur vraiment les
articles 170, 171, et non... bien, le six mois, en fait je vous aurais
posé la question éventuellement sur le six mois aussi, parce que la plupart des
gens souhaitent l'entrée en vigueur immédiate versus le six mois. Mais ici tu
écris : "Que les articles 170, 171, une fois modifiés,
s'appliquent aux actes et aux règlements municipaux adoptés avant l'entrée en
vigueur de la loi et même aux procédures judiciaires toujours pendantes au
moment de son entrée en vigueur, du moins à celles intentées depuis sa
présentation." Donc, est-ce que ma compréhension est bonne, qu'on veut un
effet rétroactif?
M. Giasson (Serge) : Dans
l'effet... ce qu'on recherche, ce n'est pas un effet rétroactif, c'est un effet
immédiat. C'est-à-dire que les règlements qui ont été adoptés avant la loi,
O.K., ce sont des règlements municipaux. Quand on va discuter du fait de leur
validité ou de leurs effets contraignants sur les usages ou son effet
expropriation déguisé, on va le faire à une période qui va se situer après,
puis on va faire l'analyse d'un règlement. Alors, le règlement va être adopté
avant.
Ce que ça veut dire, tout simplement,
c'est... c'est comme une taxe. Elle va s'appliquer la taxe à une date x, elle
va s'appliquer à tout le monde, parce que c'est le principe d'équité. Et, quand
on va avoir des discussions devant les tribunaux concernant cette taxe-là, on
va présumer que cette taxe-là, elle ne rend pas invalides tous les règlements
qui ont été adoptés antérieurement ou tous les gestes qui ont été posés
antérieurement.
Mme Guilbault :Parce qu'on a une réflexion sur le six mois aussi, là,
parce que, comme je vous dis, la plupart des gens voudraient l'entrée en
vigueur immédiate. Nous, le six mois servait à ce que les différents
intervenants aient le temps de s'adapter, puis tout ça, tu sais, nos propres
équipes et tout. Mais on est en réflexion là-dessus, donc.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Le
six mois peut permettre, en fait...
Mme Guilbault :...sont les bienvenus... pardon, ou si vous avez une
proposition intermédiaire ou quoi que ce soit à ajouter sur le six mois, parce
que c'est un élément qui revient toujours.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Oui.
Bien, en fait, le six mois peut permettre à ceux qui ont plus les reins solides
d'aller rapidement agir. Donc, au niveau de l'équité collective, on n'est pas
non plus dans une équité collective. Donc, ça permet à certains d'aller très
rapidement de l'avant pendant ce six mois-là pour passer au-dessus de la loi
qui viendrait s'implanter, là, le six mois plus tard. Donc, pour un souci
d'équité, encore une fois, pour l'ensemble de la population, parce qu'on sait
qu'il y en a qui vont avoir la capacité de le faire maintenant, d'autres que
ça... qui n'auront pas nécessairement la capacité de le faire rapidement.
Le Président (M. Jacques) : Une
minute 40.
Mme Guilbault :O.K., parfait. Merci, merci beaucoup. Est-ce que je te
passe la parole... il reste une minute 45 min. Bien, peut-être une dernière...
bien, cet après-midi, on va avoir plus de temps cet après-midi. Parce que,
juste sur l'expropriation, le pouvoir d'expropriation pour un tiers, peut-être
nous donner des exemples concrets. Je lisais des exemples, mettons Hydro-Québec
ou des entreprises de service public, et tout ça. Avez-vous des exemples encore
là, tramway, ou autres, où ça vous a nui ou ça vous a ralentis, puis que ce
pouvoir-là pourrait changer quelque chose concrètement, dans les délais ou dans
les coûts?
• (11 heures) •
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Bien,
actuellement, on a des projets. Par exemple, on va parler de l'exemple du
tramway, là, mais qui dure dans le temps parce que les gens attendent tout
simplement, attendent de voir le possible. Qu'est-ce que ça va valoir?
Qu'est-ce que... Donc, c'est certain qu'on est toujours gagnant d'arriver avec
une entente de gré à gré. Donc, le fait d'attendre, de laisser rouler, puis
pour eux, c'est une façon d'aller chercher davantage finalement, là. Donc ça va
nous permettre d'aller plus vite, puis qui dit aller plus vite nous permet
d'avoir une bonne collaboration, mais aussi de permettre à l'ensemble de la
population d'avoir un projet qui est équitable pour l'ensemble.
Le Président (M. Jacques) : ...
Mme Guilbault :27 secondes. Bon, bien là, mon Dieu, bien, merci
beaucoup pour... c'est étrange. C'est abrupt des fois un petit peu. Bien, merci
beaucoup, encore une fois pour les commentaires très éclairants. Ça reste un
projet de loi hypertechnique, là, on a abordé...
11 h (version non révisée)
Mme Guilbault :...certains éléments, mais nos équipes, évidemment, vont
continuer, parce qu'il y a une série d'amendements proposés et de modifications
très, très procédurales, là, donc on va analyser le tout exhaustivement. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre. J'invite le porte-parole de l'opposition officielle, M. le
député de l'Acadie, pour votre période d'échange.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Merci beaucoup pour votre mémoire et l'échange qu'on a avec vous.
C'est effectivement riche et éclairant.
J'aurais quelques questions. Commençons, d'abord,
par les plus spécifiques, en lien avec votre mémoire, et particulièrement la
page 8 de votre mémoire, quand vous parlez de droits acquis aux résidus. Et je
voudrais bien, bien être certain de comprendre, au fond, ce que vous souhaitez.
Et, si je fais erreur avec ma compréhension, s'il vous plaît, dites-le-moi,
mais ce que je comprends, c'est que, dans le cas d'une expropriation, s'il y a un
immeuble, pour toutes sortes de raisons, qui ne serait pas conforme à la
réglementation municipale, vous voulez, en fait, que, donc, il y ait un droit
acquis et qu'à ce moment-là il n'y ait pas de modification qui soit apportée à
l'immeuble pour le rendre conforme? Est-ce que je comprends bien? Oui.
Une voix : ...
M. Morin : Bon. Parfait.
Déjà, ça, ce n'est pas trop mal. Maintenant, est-ce que ça arrive souvent?
Est-ce que c'est fréquent? Est-ce que vous avez des exemples? Parce que j'essayais
de l'imaginer, mais là vous allez m'aider quant à l'utilité de cette
disposition-là.
M. Giasson (Serge) : Souvent,
M. le Président, on va chercher de la surlargeur, en front de la voie publique.
Cette surlargeur-là fait que... dans beaucoup de cas, réduit la marge de recul,
O.K., puis il y a une marge de recul réduite qui ne correspond plus avec le
règlement. Nous, on vit très bien avec ça. À partir du moment où c'est une
expropriation qui a provoqué cette dérogation-là au règlement, l'immeuble
profite d'un droit acquis et, advenant, par exemple, une demande de permis, il
ne pourra pas lui être reproché que sa marge ne correspond pas aux règles du
règlement de zonage pour lui octroyer ce permis-là.
Nous, on vit avec ce régime-là depuis
longtemps, on vous l'explique, parce qu'on a déjà ces dispositions-là dans
notre charte, et on pense qu'on n'a pas d'obligation à faire des modifications
de règlement de zonage si on vit avec les principes avec lesquels on vit, là,
principes de droit acquis, parce que vous savez qu'on change nos zonages
régulièrement, que cette fameuse marge là, dans le temps, peut changer. Dans 40
ans, par exemple, elle a changé, peut-être deux ou trois fois, O.K., à certains
endroits, puis les gens qui n'étaient... qui se retrouvent aujourd'hui non
conformes par rapport à une ancienne marge qui était conforme au moment où ils
ont construit, ça ne rend pas l'immeuble dérogatoire, ils bénéficient de droits
acquis. C'est une notion, là, en aménagement qui est très solide.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. Autre question : à la page 9 de votre mémoire, vous voulez
maintenir l'article 11 de la Loi concernant le réseau structurant de transport
en commun de la ville de Québec plutôt que les dispositions du projet de loi.
Est-ce que je comprends bien, puis quel est l'avantage pour vous? Et là je
comprends que les articles 166 à 169 du projet de loi vont conférer la
propriété d'un volume souterrain lors de travaux de construction d'un tunnel.
Est-ce que ça, ça vous pose un problème? Si oui, bien, lequel, puis est-ce
que... comment, en fait, on pourrait éventuellement, si ça posait un problème,
voir si le projet de loi ne pourrait pas être bonifié?
M. Giasson (Serge) : Oui, M.
le Président. Le problème que ça soulève, dans la rédaction actuelle, c'est qu'on
va probablement, dans un projet de tramway, faire un tunnel qui va passer sous
Honoré-Mercier, et l'article prévoit que ça ne peut pas... les droits qu'on va
aller chercher ne peuvent pas affecter à un terrain qui appartient à l'État, OK?
Alors, on dit que si je fais l'acquisition d'un tunnel qui se trouve sous un
bien appartenant à l'État, je vous dirais, qu'on soit quand même en pleine
propriété du tunnel, de l'espace qui... l'espace, le cube d'air dans lequel se
trouve le tunnel qui se trouve en dessous d'une propriété publique. Dans le
fond, c'est le seul problème qu'on...
M. Giasson (Serge) : ...souligne
dans cet article-là.
M. Morin : Puis je comprends
qu'avec le projet de loi actuel, s'il est adopté, ce volume-là, donc, resterait
la propriété de l'État et non pas de la ville.
M. Giasson (Serge) : C'est-à-dire
qu'on aurait un mélange des genres. On aurait un bout qui est appelé à une
propriété ville puis, quand on va en dessous du domaine de l'État, c'est-à-dire
un terrain de l'État, bien, là, on aurait un bout qui ne serait pas ville.
Alors, tout... avec, là... Vous savez, quand ces ouvrages-là, on les construit,
il faut penser aux 50 prochaines années, M. le Président. Et c'est pour ça
que, dans 25 ans, je ne veux pas que les gens qui sont à ma place se
posent la question : C'est à qui la propriété de cette partie de tunnel
là? Parce que ça se trouve en dessous d'Honoré-Mercier, qui est une propriété
provinciale, bon. En gros.
M. Morin : Non, oui, c'est ça,
puis je comprends qu'évidemment la même règle va s'appliquer à d'autres corps
publics qui ont des tunnels, notamment le métro à Montréal, etc., et je
comprends que votre article, l'article présentement de la LRSTC ne crée pas
d'ambiguïté, mais le projet de loi, lui, va en créer.
M. Giasson (Serge) : Exact,
oui.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : ...le
principe des propriétés superficiaires, hein? Donc, on regarde la ville en
trois dimensions, incluant le sous-sol, là, finalement, là, au lieu de la
regarder comme un espace plat.
M. Morin : Parfait. Merci.
Dans votre mémoire, si j'ai bien lu, vous demandez ou vous souhaitez que le TAQ
ait de latitude, alors que beaucoup d'autres organismes nous ont dit qu'ils
voulaient plus encadrer. Vous craignez quoi s'il y a trop d'encadrement?
Pourquoi laisser plus de latitude au TAQ?
M. Giasson (Serge) : M. le
Président, ce qu'on a demandé avec le projet de loi sur l'expropriation, les
nouvelles dispositions, c'est un encadrement sur des éléments comme la
procédure et l'indemnité. Ce qui se passe devant le tribunal, par contre, nous,
on est assez pour de la souplesse. Quand on est rendu devant le tribunal, par
exemple, plus de souplesse, ça ne nuit pas, c'est-à-dire la possibilité de
déposer des pièces, la possibilité de présenter une preuve. Ça nous, on est
pour la souplesse devant le tribunal, O.K.? On a... on pense avoir ce qu'il
faut dans le contrôle ou la codification de certains principes pour
l'indemnité. On pense aussi avoir des avantages concernant certains éléments de
procédure, surtout en amont, là, la contestation du droit d'expropriation,
etc., mais, pour ce qui se passe devant le tribunal, nous, on pense qu'un juge
administratif devrait être capable de gérer sa cour puis de gérer sa preuve.
Puis je pense que ça fait l'affaire de tout le monde qu'il y ait un peu plus de
souplesse.
M. Morin : ...c'est dans ce
sens-là où vous souhaitez que...
M. Giasson (Serge) : Oui.
M. Morin : ...en fait, le
président ou la présidente du tribunal puisse avoir une appréciation, une
évaluation de la preuve qui va être faite devant le tribunal.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : C'est
une confiance envers l'instance, finalement.
M. Giasson (Serge) : Bien
sûr.
M. Morin : Parfait. Merci.
Qu'est-ce que vous pensez? Si mon souvenir est bon, il y a des dispositions du
projet de loi aussi qui tendent à restreindre l'interrogatoire pendant des
interrogatoires au préalable, le limiter à des volets seulement de l'expropriation.
Pensez-vous que c'est une bonne chose? Ça va accélérer les choses ou ça va
empêcher le tribunal d'avoir une bonne évaluation de l'ensemble du dossier de
la preuve?
M. Giasson (Serge) : Tout ce
qui concerne la gestion de la preuve, O.K., devant le tribunal, M. le
Président, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait le plus de mesures possibles
pour permettre à ce que tout le monde, toutes les parties soient à l'aise pour
débattre devant... les principes de l'expropriation devant le tribunal compétent.
• (11 h 10) •
M. Morin : O.K. Je vous
remercie. Dans le projet de loi, on parle également... et ça peut arriver
évidemment, l'expropriation d'immeubles où il y a des locataires, et on le voit
avec la crise. Bon, d'abord, il y a une crise du logement, les loyers
augmentent, il y a de l'inflation puis en plus il y a une pénurie de logements.
Donc, prenons le cas d'un locataire qui aurait habité un immeuble depuis 15 ou
20 ans, c'est tout à fait possible, avec un loyer, évidemment, qui a augmenté
mais qui n'est pas comparable, par exemple, à ce qu'on va demander actuellement
pour un loyer, compte tenu du phénomène économique dans lequel on est. Est-ce
que vous pensez que le projet de loi ne va pas assez loin? Si vous avez des
mesures pour accompagner les locataires, quelles sont-elles? Parce que ça,
c'est un élément du projet de loi, moi, qui... En fait, j'aimerais en entendre
plus de votre part pour savoir comment vous allez gérer ça puis si le projet de
loi règle ce problème-là, pour ne pas qu'on laisse des locataires dans la rue
ou qu'ils soient obligés carrément d'aller vivre ailleurs dans d'autres
quartiers.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Votre...
Mme Boucher (Marie-Pierre) : ...tout
ça est tout à fait légitime, hein? On voit dans le contexte la crise de
logement actuellement. Il faut s'assurer de ne laisser personne à la rue. On ne
voudrait pas que des expropriations fassent en sorte que les gens se retrouvent
à n'avoir pas de logement.
C'est sûr que, dans le contexte qu'on vit
actuellement, par exemple, tramway ou autres, on n'a pas ces situations-là.
Quand on travaille en expropriation sur des bandes qu'on va chercher. On ne va
pas... On ne va pas chercher des appartements qui laissent des gens à la rue.
Donc, on n'est pas... Dans le contexte qu'on vit actuellement à Québec, ce
n'est pas la situation. Par contre, c'est certain qu'on travaille avec des
partenaires. On a une table de concertation en logement social abordable à
Québec. On a un registre des loyers. On travaille avec l'OMHQ qui fait de
l'accompagnement en recherche de logement. Donc, c'est ce filet social là qu'on
crée, qui permet de soutenir quand il y a des personnes qui doivent quitter
leur logement et se relocaliser, là. Donc, on en a un... On a la chance à
Québec d'avoir un écosystème qui facilite ce soutien-là aux personnes, là.
M. Morin : Je vous
remercie. La prochaine question, elle est plus générale, et Mme la ministre y a
fait allusion un peu tout à l'heure. On a entendu également que le projet de
loi, avec des nouvelles normes pour indemniser, avec des barèmes plus stricts
pour indemniser, pourrait éventuellement décourager d'éventuels promoteurs qui
se diraient, par exemple : Bien, écoutez, si jamais on est exproprié,
voilà à peu près ce qu'on a. Voilà le régime actuel. Donc, évidemment, on
risque d'avoir moins d'argent. Donc, est-ce qu'on veut vraiment investir ou
pas? Est-ce que, pour vous, c'est un enjeu? Est-ce que c'est quelque chose que
vous craignez? Parce qu'évidemment la ville, comme autorité qui peut exproprier,
a des projets d'intérêt public à réaliser, mais la ville, j'imagine, veut aussi
encourager ou avoir des promoteurs qui vont être capables de construire du
logement. Donc, comment vous voyez ça?
Mme Boucher (Marie-Pierre) :
Comme je mentionnais tout à l'heure, on est les experts de l'aménagement de
notre territoire, la ville de Québec et chacune des villes, là, mais donc les
outils qu'on met en place pour pouvoir envoyer le message de ce qu'on veut
développer sont les meilleurs. Donc, quand on travaille sur le plan d'urbanisme
et de mobilité, on permet aux promoteurs qui sont des partenaires à anticiper
comment on construit la ville de demain. Donc, à ce moment-là, ils vont être en
mesure de prendre les meilleures décisions pour contribuer à cette ville-là
qu'on construit ensemble. Puis c'est vraiment le meilleur message que je pense
qu'on peut envoyer aux promoteurs, et c'est... et c'est ce qu'ils nous
demandent. Ils nous demandent une prévisibilité. Donc, cette prévisibilité-là,
on leur offre à travers nos plans, nos plans d'urbanisme, donc nos outils qu'on
a en aménagement du territoire.
M. Morin : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le député de l'Acadie. Merci pour cette période d'échanges. Je cède maintenant
la parole au porte-parole de la deuxième opposition, M. le député de Taschereau
pour quatre minutes... 4 min 8 s
M. Grandmont : Merci, M.
le Président, Mme Boucher, M. Giasson, M. Trudel. Merci pour
votre présentation. Je poursuivrais un peu sur la question, là, de mon collègue
de l'Acadie, sur la question de l'attractivité que pourrait avoir la ville de
Québec au regard des nouvelles règles d'indemnisation. Est-ce que ça vous...
Est-ce que vous avez peur finalement que les promoteurs ne viennent plus à
Québec à cause de cette loi là ou ils ne viennent plus au Québec à cause de
cette loi?
Mme Boucher (Marie-Pierre) :
Au contraire, en fait. Au contraire, à partir du moment où les gens savent
comment on va construire, qu'on envoie les messages, qu'on est prévisible, que
notre terrain est clair de ce qu'on envisage comme construction, qu'est-ce
qu'on envisage comme ville, au contraire, on pense qu'on va être très
attractif. Ce qu'on offre actuellement avec... avec le projet de transport du
tramway, par exemple, pour moi, ça va être un outil d'attractivité. Donc, ce
qu'on... ce qui est travaillé ici va nous permettre de faciliter la mise en
place du tramway, donc, finalement, de développer un outil qui favorise
l'attractivité. Donc, pour moi, c'est tout à fait le contraire, là, c'est
une... c'est un outil qui va nous permettre d'avoir de l'attractivité pour
aller chercher...
M. Grandmont : En
faisant... En respectant la capacité de payer des contribuables aussi, c'est ce
que j'entends aussi, on s'attaque à la spéculation?
Mme Boucher (Marie-Pierre) :
Absolument.
M. Grandmont : Dans
la... À la page 12, vous avez une section que vous avez nommée :
Autres demandes de la ville de Québec transmises précédemment au ministère des
Transports et de la Mobilité durable. J'aimerais juste comprendre dans quel
contexte ça a été transmis auparavant et puis aussi bien comprendre un peu
comment les recommandations 13 et 14, notamment, pour aller plus loin, là,
exproprier pour le compte d'un tiers et les biens accessoires ou utiles pour un
projet de tramways. Ça vous aurait déjà été utile ou ça vous sera utile de les
avoir éventuellement dans un projet de loi no 22?
Mme Boucher (Marie-Pierre) :
Je vais vous laisser...
M. Giasson (Serge) : Oui.
Toute la question de l'expropriation pour des tiers, c'est que, nous, on a un
intégrateur. O.K.? Dans le grand projet du tramway, on a un intégrateur pour
déplacer beaucoup de RTU, de services souterrains, là, de cas, de... le câble,
l'électricité, les fibres optiques, les compagnies de téléphone, etc. Et comme
on est...
M. Giasson (Serge) : ...nous,
on veut faire de l'expropriation pour déplacer des massifs souterrains, O.K.,
les mettre à des endroits sur des terrains qu'on ferait l'acquisition, mais on
le fait vraiment au bénéfice de ces tiers-là qui vont profiter de ces
conduits-là souterrains qu'on va aménager, qu'on va réaménager parce que
souvent on détruit leurs conduits qui se trouvent sous la rue pour aller les
placer ailleurs.
Alors, ce qu'on voudrait comme
intégrateurs, c'est d'avoir le pouvoir de faire ça, d'exproprier et ne pas se
faire reprocher que vous allez exproprier pour Vidéotron ou vous allez
exproprier pour Bell Canada, vous allez exproprier pour... Oui, j'exproprie
parce que j'intègre tous ces services-là souterrains et je les déplace, alors
je veux être capable de pouvoir planifier des expropriations, de trouver des
terrains qui font l'affaire de ces compagnies-là pour replacer les massifs que
je détruis au fur et à mesure que je libère l'emprise de... exemple, l'emprise
du tramway.
M. Grandmont : Est-ce que ça
touche aussi les biens accessoires utiles au projet de tramway? Non? C'est une
autre chose à part, ça.
M. Giasson (Serge) : Oui,
bien, ça aussi, ça en fait partie, c'est-à-dire que quand je déplace un massif,
O.K., parce qu'il se trouve sous une rue, je vais aller le placer, parfois,
pour des questions de planification, je vais aller placer ailleurs. O.K. Je
vais faire une dérivation, mais qui ne tiendra plus compte de l'installation.
Ça ne se fera plus devant le tramway, mais ça va se faire sur un terrain qui va
être ailleurs. Mais comme mon souhait, c'est de déplacer le massif,
l'interrogation, c'est est-ce que l'endroit où je vais le placer, ça, je peux
considérer ça, que c'est nécessaire au tramway ou utile? Nous, on pense que
nécessaire au tramway, c'est parfois aussi utile au tramway, c'est pour ça
qu'on voulait ajouter nécessaire ou utile au tramway pour pouvoir profiter de
ces opportunités qu'on a à faire. Mais vous le savez, on est toujours... quand
on travaille le tramway, on travaille les voies secondaires, par exemple, parce
qu'à un moment donné, il va y avoir un trafic qui va être dérivé, puis on a
déjà travaillé sur des voies, puis cette voie-là, le tramway ne passera pas
dedans, mais pour les trois, quatre années de construction, je vais avoir
besoin de cette voie-là, tu sais, pour espérer faire des travaux puis que ça ne
soit pas trop chaotique dans la ville. Merci.
Mme Boucher (Marie-Pierre) : Et
on travaille de façade en façade pour permettre d'avoir un environnement puis
un milieu de vie pour les citoyens.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Ça termine nos échanges. Merci pour votre contribution aux travaux.
Et nous suspendons quelques minutes pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 11 h 19)
(Reprise à 11 h 24)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour,
je souhaite la bienvenue à Me Martine Burelle. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et la période d'échange avec les
membres de la commission va pouvoir se faire par la suite. Je vous invite donc
à vous présenter et à commencer votre exposé.
Mme Burelle (Martine) : Merci.
Mon nom est Martine Burelle, je suis avocate et je travaille en expropriation
depuis le tout début de ma carrière, il y a 15 ans, comme stagiaire à la
direction des affaires juridiques de la ville de Montréal. J'ai aujourd'hui mon
propre bureau à Longueuil, où je représente une clientèle publique, et plus de
50 % de mon temps est consacré à l'expropriation.
Je vous ai transmis un mémoire... Et je
n'ai pas précisé, je représente, en fait, le corps expropriant, habituellement,
principalement des villes, des municipalités et, plus récemment, des centres de
services scolaires et des CISSS. Donc, je vous ai transmis un mémoire, et il
est bien évident, là, que je n'aurai pas le temps de le traverser avec vous
dans les 10 prochaines minutes, donc je me suis demandé de quoi je vous
parlerais, qu'est-ce qui me tient le plus à cœur aujourd'hui. Je ne suis pas
mandatée par personne, je viens ici en mon nom personnel. Donc, dans mon
mémoire, oui, il y a des il y a des choses qui concernent mes clients, le
bien-être de mes clients, j'ai pensé à eux, mais je me suis dit qu'aujourd'hui
ce serait ce qui me tient, moi, à cœur, comme avocate, et c'est l'amélioration
du travail des avocats, de la qualité de notre travail...
Mme Burelle (Martine) : ...on
est limité en expropriation à ce niveau-là, puis je vais vous expliquer
pourquoi.
Je vais vous donner un exemple en fait
pour commencer. Je vais vous amener dans ma vie à l'été 2023. Je représente une
société de transports en commun très connue qui a exproprié un terrain sur
l'île de Montréal. Je dois commencer un procès, le 20 août 2023, de trois
semaines. On a offert 3 millions de dollars à l'exproprié qui en
réclame 24. On a donc un enjeu de 21 millions de dollars devant nous,
portant intérêt à 7 % l'an. En plus d'avoir, on peut les anticiper,
d'importants frais d'experts à payer
Dans n'importe quel district du Québec, un
dossier de 21 millions de dollars, c'est un gros dossier en Cour
supérieure. C'est un dossier dans lequel on va recevoir les pièces au jour un.
On va pouvoir faire des demandes de préengagement, on va pouvoir interroger, on
va pouvoir faire une enquête en bonne et due forme sur tout le dossier de la
partie adverse qui, à son tour, va pouvoir faire la même chose. On va faire une
mise en état qui va certainement durer plus longtemps que les six mois prévus
au code, qui va sûrement avoisiner un an ou un an et demi.
Ce n'est pas ça qu'on va faire en
expropriation. En expropriation, ce qui s'est passé dans mon dossier, c'est que
j'ai reçu les rapports d'experts de la partie adverse, cinq, le 20 juillet
2023, pas parce que mon confrère est de mauvaise foi ou parce qu'il m'attendait
dans le détour, non, parce que c'est... il a respecté les règles prévues au
tribunal. Et moi, qu'est ce que j'ai fait en échange? Je lui ai transmis
10 rapports d'experts totalisant 3 000 pages. Je suis surprise
encore que ce jour-là, le greffe numérique du TAQ n'ait pas explosé de la
quantité de documents que nous avons produits.
Et là, nous avons eu un mois pour nous
préparer. Et moi, mon travail d'avocate, c'est de connaître chaque racoin de ce
rapport d'expert là, d'avoir lu chaque note de bas de page, chaque annexe,
d'être allé lire toutes les études auxquelles réfèrent les rapports pour
préparer mon contre-interrogatoire, parce que les enjeux pour mes clients sont
vraiment importants 21 millions de dollars, puis les enjeux pour la
partie adverse aussi, on peut croire que c'est très important pour eux. Mais on
a un mois pour se préparer alors que dans un dossier normal, le même dossier en
Cour supérieure, on aurait un an et demi, deux ans.
Donc on ne fait pas... on fait ce qu'on
peut. Peut-être qu'on mérite des très bonnes notes, peut-être que dans les
circonstances, je mérite 95 %, mais c'est dans les circonstances que je
mérite cette note-là, parce que j'aurais sans aucun doute pu faire mieux, puis
mon confrère aurait pu faire mieux si on avait eu plus de temps qu'un mois pour
réagir. Surtout que ce mois-là est amputé parce que, deux semaines avant l'audition,
je vais recevoir les pièces de la partie adverse. Donc je vais avoir deux
semaines pour regarder les pièces de la partie adverse. Si j'en reçois huit,
c'est parfait deux semaines. Mais je me doute bien que, dans un dossier où
l'enjeu est de 20 millions de dollars, je ne vais pas recevoir huit
pièces, je vais recevoir une centaine de pièces. Il va falloir que je traverse
tout ça, puis je vais faire de mon mieux, puis c'est ce que l'avocat de la
partie adverse va faire.
Ce que je vous soumets, c'est qu'on mérite
mieux collectivement que ça. On mérite de mettre les dossiers en état puis de
se donner du temps. Puis on pourrait croire que cette façon de faire là est
efficace, au moins plus efficace qu'en Cour supérieure, mais ce n'est pas le
cas. Parce que, qu'est ce que vous pensez qui est arrivé dans mon dossier?
Bien, on l'a remis parce que ça n'avait pas d'allure, parce qu'on n'avait pas
le temps. Ça fait que, là, on doit remettre ce dossier-là et fixer une nouvelle
date en combinant l'agenda de deux avocats, huit experts et même plus,
10 experts et deux juges sont déjà assignés au dossier. Donc finalement,
on n'a pas gagné grand-chose au niveau du temps parce qu'on va avoir une autre
audition dans un an et demi ou deux ans.
• (11 h 30) •
Donc, ce que je vous propose aujourd'hui,
c'est de faire de très petites modifications au projet de loi afin d'aller un
peu plus loin que ce que vous avez déjà entamé comme démarche. Parce que c'est
déjà entamé, là, l'article 55 comme... je pleurais quasiment en lisant ça,
de joie. Enfin, enfin, enfin, on reconnaît que mon travail est important et que
ça me prend du temps à le faire. Donc, parce que techniquement, les
circonstances dans lesquelles on est, là, un mois pour se préparer, ça
ressemble à une injonction interlocutoire. C'est comme si moi, je pratiquais
tout le temps en injonction interlocutoire que j'étais tout le temps dans cette
urgence-là. Puis... mais ce n'est pas normal dans des dossiers où les enjeux
sont aussi importants.
Donc, vous avez proposé, à
l'article 55, de nous donner plus de temps. Moi, ce que je vous
proposerais, puis ce n'est pas dans mon mémoire, mais je le propose
aujourd'hui, c'est de reculer peut-être d'un mois chacun de ces délais-là. Si
on déposait le mémoire... le mémoire, si on déposait les rapports des rapports
d'experts en demande quatre mois à l'avance, trois...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Burelle (Martine) : ...mois,
en défense, et les pièces deux mois à l'avance. Ça nous permettrait de rentrer
la modification que je vous propose à l'article 55, qui est de prévoir
obligatoirement la prise de position par chacune des parties quant aux pièces
et rapports de la partie adverse. C'est une étape qui est obligatoire, en Cour
du Québec et en Cour supérieure. Ça sauve énormément de temps puis c'est déjà
obligatoire avant la modification du Code de procédure en 2016. C'est dans le
fond, dans la déclaration commune de dossier complet ou dans la... maintenant,
ça s'appelle la demande d'inscription commune. Il y a une page où on doit
communiquer à la partie adverse notre position : est-ce qu'on admet ou pas
l'intégrité de ses pièces, est-ce qu'on admet ou pas le contenu de ces pièces,
est-ce qu'on a des objections à faire valoir contre ces pièces là, et de quelle
nature.
Ça a un gros impact sur la durée d'un
procès, ça. Dernièrement, j'étais dans un dossier où ma consœur avait refusé,
en Cour supérieure, de se prêter au jeu. On avait un dossier de cinq jours. La
juge l'a obligée à le faire, le dossier est tombé à trois jours. On sauve des
journées complètes de procès quand on annonce à la partie adverse si on
conteste ou pas l'intégrité de ses pièces. Parce que, si l'intégrité de mes
pièces est contestée, j'ai besoin d'un témoin par pièce, j'ai besoin qu'une
personne vienne témoigner et déposer un document. J'ai une ligne de témoins qui
perdent leur temps dans un corridor de palais de justice pour déposer des
documents.
L'autre chose que je vous propose, c'est
de modifier l'article 11 de la Loi sur la justice administrative pour faire en
sorte que les règles de preuve qui s'appliquent devant la Cour supérieure et la
Cour du Québec s'appliquent aussi devant le TAQ dans les dossiers de plus de
500 000 $. Donc, ça, ça veut dire l'exclusion du ouï-dire, ça s'applique
maintenant dans les dossiers d'expropriation de plus de 500 000 $. La
règle de la meilleure preuve, ça s'appliquerait aussi. Pourquoi? Bien, ça
aussi, ça va nous permettre de réduire la durée des auditions, il y aura moins
de surprises parce que, quand il n'y a pas de ouï-dire, il n'y a pas quelqu'un
qui témoigne, bien... le maire m'avait dit que. Ça fait que, là, je ne suis pas
obligée de demander une remise de l'audition parce que M. le maire, il est en
vacances, en ce moment, puis il ne peut pas venir demain témoigner pour
compléter ma preuve. Au TAQ, on a souvent ça, on a souvent des dossiers qu'on
avait prévus pour un certain nombre de jours, puis, oups!, il faut rajouter une
journée dans deux mois, puis, oups!, finalement, bien, les plaidoiries, ça va
être par écrit parce qu'on n'a plus le temps. Donc, moi, dans le fond, mon
objectif, dans les modifications que je vous propose, c'est de nous rendre tous
plus efficaces.
Finalement, je vous propose de modifier l'article
159 aussi de la Loi sur la justice administrative pour abolir l'étape de la
demande pour permission d'en appeler dans les dossiers d'expropriation. Pour la
permission... pas l'appel, en tant que tel, en Cour du Québec, ça, il n'y a pas
de problème avec ça. La raison pour laquelle je vous propose ça, c'est parce
que ça prend une journée, une demande pour permission d'en appeler en Cour du
Québec, et l'appel prend une journée. Donc, le filtre prend autant de temps que
le fond. À quoi ça sert? On dédouble. J'étais en Cour du Québec, la semaine
dernière, et, à la fin de la journée sur la permission d'en appeler, le juge a
dit : Bien, écoutez, si je l'accueille, ça vous aura fait une bonne
répétition. Parce qu'ultimement c'est ça qui se passe. Ça fait que je me dis:
Pourquoi est-ce qu'on fait cette journée-là? Ça coûte de l'argent à nos
clients. On va venir vous parler cette semaine, plus tard, sûrement, des frais
d'avocats. Il y a aussi des façons de réduire les frais pour les parties, puis
c'est... pour moi, c'en est une.
Je vois qu'il me reste 15 secondes, donc
je vais les prendre pour vous parler de la disposition transitoire que je vous
propose d'ajouter, qui a pour but de clarifier le fait que, si on publie un
avis d'expropriation en vertu de la nouvelle loi, même s'il y avait un avis de
réserve qui avait été publié en vertu de l'ancienne, l'avis d'expropriation
sera régi par les nouvelles règles. Je pense que cet ajout-là clarifierait
beaucoup de choses. 10min 10s.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour
une période de 16min 20s.
Mme Guilbault :Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Me
Burelle. Très intéressant. Je pense que tout le monde a été assez captif...
captivé par votre exposé qui est extrêmement expérientiel. Il l'était pour tous
les groupes qui vous ont précédée, mais certainement pas de manière aussi
directe que vous. Donc, merci beaucoup de vous être déplacée ici aujourd'hui.
Une avocate spécialisée en expropriation,
je pense, on ne pouvait pas faire l'économie de vous avoir ici puis d'avoir
cette discussion-là avec vous parce que c'est vous qui le vivez. Et on a bien
senti l'exaspération, je pense, à travers votre pratique au quotidien, dans les
procédures actuelles, les délais irréalistes, et tout ça.
Puis je pense que j'ai envie de commencer
par ça, ce que vous nous suggérez pour l'article 55. Il y a différents délais,
là, qui sont prévus, vous dites : Si on reculait d'un mois chacun, là, tu
sais... On a le trois mois avant la date de l'audience, le deux mois avant la
date de l'audience, dépendant, là, je ne les lirai pas au complet...
Mme Guilbault :...Mais donc, selon vous, est-ce que ce serait suffisant?
Parce que c'est la première fois qu'on aborde l'article 55 depuis le début
des consultations, puis, encore une fois, vous, vous le faites dans la vraie
vie, au jour le jour. Est-ce que, premièrement, pour vous, c'est vraiment
suffisant? Quant à ouvrir la réflexion, est-ce qu'il y aurait d'autres
aménagements sur des durées ou sur des paramètres vraiment précis, temporels,
qui pourraient être faits, que ce soit à l'article 55 ou ailleurs? Puis
est-ce que, dans l'ensemble du projet de loi, il y a d'autres endroits ou
d'autres articles où cette notion-là, de durée, ou de délai imparti, ou de
droit de réponse, de droit d'expédition de documents, ou de temps pour prendre
connaissance, toute cette... tout ce volet-là, là, qui est très concret puis
qui a une incidence directe sur votre pratique puis votre capacité à faire
votre travail, est-ce qu'il y en a d'autres dans le projet de loi, selon vous?
Mme Burelle (Martine) : oui.
Bien, dans le fond, premièrement, il y a eu une belle amélioration. Il y a un
article qui prévoit qu'on ne peut pas fixer tant et aussi longtemps qu'on n'a
pas tous les documents qu'on a demandés de la partie adverse. Donc, ça, c'est
très bien parce qu'il arrive... J'ai beaucoup d'exemples où on finit par
recevoir certains des documents qu'on a demandés à la partie adverse quelques
jours avant ou même pendant l'audience à titre d'engagement. Donc, ça, je pense
que c'est très bien.
La seule chose que j'ai remarquée, c'est
que disons qu'on ne peut pas fixer parce que je ne reçois pas de l'exproprié
certains des documents fondamentaux au dossier. Je vais prendre l'exemple des
états financiers, qui, si je ne les ai pas, souvent, on ne peut pas débuter, on
ne peut pas donner un mandat. Donc, il peut arriver que ça traîne, puis pendant
des mois, on les attende. Ultimement, l'exproprié va avoir droit aux intérêts
sur la différence entre l'indemnité définitive puis l'indemnité provisionnelle.
Donc, il n'y a pas un endroit, et je pense que c'est 121 ou 122, les intérêts,
où on a prévu que le TAQ avait peut-être une discrétion pour ne pas accorder
les intérêts pendant une période d'attente, qui est complètement imputable à
l'exproprié, par exemple. Ça fait que, ça, c'est un des éléments que j'ai vus.
L'autre chose au niveau de l'indemnité
supplémentaire. Donc, il y a un mécanisme avec trois types d'indemnité.
L'indemnité provisionnelle, l'exproprié peut faire valoir qu'il a droit à plus
avec une indemnité supplémentaire en fournissant des documents, ce à quoi
l'expropriant peut répondre oui ou non. Et, si l'exproprié est insatisfait du
non, il va aller en indemnité complémentaire. Mais, ça, on n'a pas prévu de
délai. Moi, je ferais juste ajouter un petit délai là, parce que l'expropriant
n'a pas de délai pour dire c'est quoi sa position à l'exproprié à ce sujet-là,
qui va rester un peu dans le néant. Ça fait que ça, j'aurais peut-être juste
prévu un petit délai à cet endroit-là, précisément.
Sinon, bien, c'est sûr que j'ai aussi
pensé au fait qu'on a un protocole d'instance en Cour supérieure. Là,
maintenant, avec le nouveau... Avec les articles 170 et 171, vous
reconnaissez que la Cour supérieure a une compétence pour indemniser en
expropriation ceux qui sont expropriés de facto. Donc, il y a comme une
compétence concurrente entre le TAQ et la Cour supérieure. Mais les règles de
preuve puis les règles de procédure ne seront pas les mêmes devant les deux
instances. Il me semble qu'il faudrait les faire concorder.
Donc, moi, puis peut-être que certains de
mes collègues ne seront pas contents de dire que je propose qu'on mette en
place quelque chose qui ressemble au protocole de l'instance dès le début de
l'instance, qu'on se mette des règles, dans le fond, avec des délais précis,
qui soient... Puis je sais que j'ai entendu un peu, là, dans les
commentaires : Ah! Est-ce qu'il y a trop de procédures? Est-ce que ça va
embourber le système de justice? C'est sûr que, s'il faut toujours aller devant
un juge pour établir ces échéanciers-là, ça pourrait le faire. Mais, si on
prévoyait un outil comme le protocole de l'instance, qu'on remplit nous-mêmes,
ensemble, puis, si on s'entend, bien, on n'a pas besoin de passer devant les...
devant un juge, il peut être tout simplement entériné dans un... Par un juge en
chambre comme ça se fait en Cour supérieure. Bien, ça, ça permettrait aussi
de... ça répondrait à certaines des questions : est-ce qu'on a rajouté
trop de procédures? Moi, je ne le crois pas. Mais, en même temps, ça nous
permettait d'avoir un cadre.
• (11 h 40) •
Et puis, ça, je reviens au protocole
d'instance. J'en ai parlé plusieurs fois dans mon mémoire parce qu'il y a
aussi, par exemple, toute la question des frais anticipés. On a prévu des
articles pour que l'exproprié nous dise qu'est-ce qu'il anticipe comme frais
d'expert. Dans le protocole d'instance, bien, moi, je trouve que c'est une...
vraiment une bonne idée. Puis, dans le protocole d'instance, en Cour
supérieure, bien, c'est là, cette case-là : c'est quoi, vos frais d'expert
Anticipés? Puis ça, ça permet à la partie adverse de se dire : c'est quoi
mon risque? Tu sais, c'est un dossier de 100 000 $, puis la partie
adverse, elle anticipe faire 100 000 $ de frais d'expert, peut-être
qu'on devrait se parler, peut-être qu'on a matière à régler ici.
Donc, un outil comme celui-là pourrait
certainement nous aider, éviter de toujours déranger les juges en conférence de
gestion ou en conférence préparatoire pour plus de la moitié des dossiers où on
s'entend, habituellement...
Mme Guilbault :...oui, bien, c'est très intéressant ce que vous dites sur
les procédures, puis vous avez abordé l'expropriation déguisée ou, en tout cas,
vous avez nommé les articles 170 et 171. Puis c'est aussi un élément sur
lequel je voulais vous entendre parce que j'imagine que vous... bien, en tout
cas, parmi vos clients, j'imagine, ça fait partie de certains dossiers que vous
avez eu à traiter, les problèmes, puis je ne sais pas si vous avez plus souvent
des clients qui sont expropriants ou expropriés, si vous faites les deux ou si
vous vous spécialisez dans un des deux. Est-ce que vous avez...
Mme Burelle (Martine) : ...expropriants,
et je représente des villes, là, qui se font poursuivre en expropriation
déguisée, notamment j'étais dans le dossier de Longueuil pour le boisé du
Tremblay, qui s'est réglé au printemps dernier.
C'est sûr que, là, moi, je suis ici en mon
nom personnel, je ne parle pas au nom de mes clientes, mais les commentaires
que j'avais par rapport à 170 et 171, bien, le premier, c'était qu'on ne semble
pas donner de discrétion à la Cour supérieure. De la façon dont c'est écrit,
c'est que, s'il y a un acte ou une disposition réglementaire qui empêche tout
usage d'un immeuble, c'est comme si, implicitement, on reconnaissait par cet article-là
que ça constituait une expropriation déguisée. Or, il y a des dispositions
réglementaires qui vont avoir pour effet d'annihiler... d'empêcher tout usage
d'un immeuble, mais qui sont là pour d'autres raisons.
Puis, moi, l'exemple qui me vient toujours
en tête, c'est le dossier de Mont-Saint-Hilaire. Au début des années 2000,
ils ont été poursuivis en expropriation déguisée parce qu'ils avaient imposé
dans le Piémont un zonage éboulements. Il faut protéger des fois les gens
d'eux-mêmes. Donc, le zonage éboulements empêchait de construire à un endroit
où les éboulements étaient possibles, et la cour a reconnu que ce n'était pas
de l'expropriation déguisée.
Donc, la question c'est : Est-ce
qu'avec la disposition 170 et 171, telles qu'on les a maintenant, la Cour
supérieure va avoir cette discrétion-là de dire : Bon, bien, ça,
effectivement, ça empêche cet usage-là, ça empêche tout usage de l'immeuble,
mais il y a une raison rationnelle derrière ça, puis c'est correct de le faire.
Et là ça, ça m'amène à ouvrir la
discussion par rapport aux milieux humides et à tout ce que l'on souhaite
protéger. Est-ce qu'une disposition qui empêche tout usage sur un terrain où on
retrouve des espèces protégées, du ginseng à quatre folioles puis des
grenouilles... est-ce que ça... c'est un zonage qui correspond tout simplement
à l'état physique des lieux? Peut-être que, dans ce cas-là, ce n'est pas une
expropriation, mais c'est tout simplement l'état... c'est un zonage qui
correspond à l'état physique.
Donc, c'est l'élément que je voulais
apporter, tout simplement que je ne voudrais pas non plus qu'on empêche la Cour
supérieure de dire qu'il y a certains types de zonage qui ne constituent pas de
l'expropriation déguisée, qui sont tout simplement le reflet de la situation
physique.
Mme Guilbault :Vous voulez dire dans l'optique, un peu comme je dis
souvent, de la mouvance sociétale où peut-être des zonages appliqués à une
époque ne reflètent pas les... ne reflétaient pas les préoccupations qu'on a
aujourd'hui puis d'ajuster des zonages avec les préoccupations qu'on peut avoir
aujourd'hui devrait... puis que ce soit juste un zonage qui reflète l'état
physique des lieux puis la réalité de la chose, puis qu'aujourd'hui, un terrain
avec des folioles et des grenouilles, on est moins enclin à développer dessus
qu'il y a peut-être 20 ou 30 ans, puis on devrait s'épargner les procédures
juridiques et tout ce qui va avec.
Mme Burelle (Martine) : C'est
sûr que je suis persuadée que la personne qui achète ce terrain-là à plusieurs
millions de dollars l'a fait inspecté. Elle est pleinement consciente de ce
qu'il y a dessus. Moi, si j'achète une maison, puis que je ne la fais pas
inspecter, puis qu'après ça je poursuis mon auteur, je vais me le faire
reprocher, je vais me faire dire que je n'ai pas pris les moyens. Je présume
que les promoteurs font ce travail-là puis qu'ils savent très bien ce qu'ils
sont en train d'acheter. D'ailleurs, souvent, ils l'achètent à rabais. Donc,
ils l'achètent à des prix ridicules, mais ils poursuivent les villes pour des
centaines de millions de dollars.
On a une blague, à Longueuil, parce que
les dossiers rentrent à 99 999 999 $, c'est qu'au plumitif il
manque un chiffre, parce qu'ils l'auraient mis à 100 millions, leur
réclamation. Donc, c'est ça, là, à quoi on fait face.
Maintenant, moi, je suis ici en mon nom
personnel, je ne représente pas de ville. Ce que je voulais vous faire valoir
par rapport à ces articles-là, c'est que je me demande si on passe le test de
Mont-Saint-Hilaire puis du zonage à éboulements. Il faut que la cour ait cette
discrétion-là.
Mme Guilbault :Puis qu'est-ce que vous pensez de l'idée qui a été amenée
par par la CMM, la CMQ et autres, qui, eux... je paraphrase, là, mais disent
qu'en fait on devrait même empêcher la capacité de pouvoir réclamer des
indemnités si les municipalités le font pour des bonnes raisons, entre autres
pour répondre à des objectifs gouvernementaux, par exemple les 30 % de
milieux protégés. Est-ce que vous allez jusque là ou est-ce que vous nuancez?
Mme Burelle (Martine) : Bien...
Mme Burelle (Martine) : ...ce
que j'ai écrit dans mon mémoire à ce sujet-là, c'est que vous avez prévu la
possibilité pour la municipalité, au terme de l'audition, de se retirer de son
zonage restrictif, mais ce n'est pas vraiment une réelle possibilité, parce
que, si ce zonage-là était imposé pour... parce qu'il y a une règle de
concordance à respecter, parce que le schéma le prévoyait, parce que le PMAD le
prévoyait, parce qu'une directive gouvernementale avait demandé à la CMM d'agir
comme ça. Mais ce n'est pas vrai que la ville va pouvoir se retirer, elle est
obligée d'avoir ce zonage-là. Il n'y a rien d'autre à faire. Et, si certaines
villes ont le contrôle de leurs schémas, Laval, Montréal, Longueuil, d'autres
ne l'ont pas du tout. Donc, tu sais, c'est quoi, le poids de ville de Léry dans
la CMM? C'est sûr que ce n'est pas elle qui va comme avoir le plus de poids
dans le PMAD. Elle fait juste appliquer ce qu'on lui ordonne de faire. Donc, à
ce moment-là... Et ce n'est pas pour rien, tout le monde finit par... Tout le
monde paie leur garantie, la personne au-dessus, donc c'est... Je comprends la
CMM et tous les autres intervenants, avant, de vous avoir dit : Bien,
écoutez, on le fait parce qu'on est obligés de le faire, puis, après ça, on se
fait poursuivre, donc... Puis, si on ne le faisait pas, bien, la CMQ
annulerait, parce qu'il y a une procédure à la CMQ quand il n'y a pas de
concordance. Ça fait que notre règlement ne serait pas... C'est un peu
l'expression anglaise «damned if you do, damned if you don't», là.
Mme Guilbault :
Peut-être dernière question, puis en espérant qu'il reste de temps pour mon
collègue de René-Lévesque. On aura, plus tard, cette semaine, le Barreau, entre
autres, et puis d'autres groupes, évidemment, mais il y en a certains qui ont
fait valoir que ce projet de loi là pourrait, puis, je pense, vous l'avez
évoqué, embourber la justice, qu'il y a peut-être des notions floues, la
nécessité d'être représenté par avocat, un certain nombre d'éléments pourraient
faire en sorte qu'il y aurait... que ça aurait un effet inverse sur, nous, ce
qu'on estime être un espoir de désengorger, de diminuer le nombre
d'expropriations, et cetera. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Burelle (Martine) : Bien,
premièrement, j'ai beaucoup entendu parler de prévisibilité, puis ça, je suis
persuadée que la prévisibilité, c'est quelque chose qui réduit le nombre de
procès. Quand on sait ce qu'on s'en va chercher, on connaît bien nos risques,
mais il y a plus de règlements. Avec ce que vous nous proposez, tant les
villes, que les expropriés, connaissent mieux leurs risques avant d'y aller,
tant au niveau des frais, de toute cette notion-là. Sur les frais d'avocat,
parce que j'ai eu le bénéfice de pouvoir regarder la mémoire, c'est un débat
qui fait rage depuis des années : Est-ce que les frais d'avocat devraient
être accordés ou pas? Dans presque toutes les autres juridictions canadiennes,
aux États-Unis, les frais d'avocat sont souvent accordés, mais ils ne sont pas
accordés n'importe comment, ils sont encadrés. Il y a des provinces qui ont
carrément une grille tarifaire. Donc, ce n'est pas à 800 $ de l'heure que
les frais d'avocat sont accordés, c'est, selon l'année de Barreau, à tel, tel,
tel prix. Il y a des provinces qui prévoient, par exemple, que, si l'exproprié,
à l'issue d'un procès, son indemnité est bonifiée seulement de 20 % ou
moins, bien, il n'a pas ses frais d'avocat, c'est comme s'il avait un ticket
modérateur. Il y a des provinces qui vont encore plus loin, et l'exproprié peut
être condamné aux frais d'avocat. Donc, oui, tu peux recevoir tes frais
d'avocat, mais si, ultimement, ce procès fut inutile, c'est toi qui vas être
condamné aux frais de l'expropriante.
Donc, tout ce que je veux dire, c'est que,
si on s'en va vers un système où est-ce que les frais d'avocat sont accordés,
ça va prendre un guide puis ça va prendre aussi un ticket modérateur, quelque
chose qui va faire en sorte que les gens ne vont pas devenir jusqu'au-boutisme
parce que ça ne leur coûte rien. Donc, on n'a pas de frais d'expert déjà, puis
là, s'il n'y a pas de frais d'avocat non plus, qu'est-ce qui va motiver les
gens à régler? Ils vont déjà avoir reçu une indemnité prévisionnelle assez
bonne, là. Donc, il faut trouver une façon d'équilibrer le tout.
Mme Guilbault :
Je vais laisser mon temps au député de René-Lévesque.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Jacques) :
Merci. M. le député de René-Lévesque, pour 1 min 30 s.
M. Montigny : Une minute. Je
veux revenir sur un élément en lien avec d'autres avocats qui parleraient
d'augmentation de délais, Mme la ministre l'a abordé. Je veux avoir une
précision de vous, peut-être, là-dessus, parce que, dans le mémoire d'une autre
organisation qui représente des avocats, ils parlent de projet qui permettrait
aux parties d'organiser la tenue d'interrogatoire au préalable, un octroi au
TAQ pour le pouvoir de décider, de façon incidente, de plusieurs éléments
essentiels en matière d'expropriation. Ces modifications risquent de pouvoir...
de provoquer des délais dans la gestion d'instance d'un dossier en
expropriation. Alors, c'est l'enjeu de voir, est-ce qu'il y a quelqu'un au
niveau...
M. Montigny : ...des avocats
qui viennent témoigner, qui corroborent ça? Parce qu'à date on ne voit pas nous
autres qu'on va augmenter les délais. Au contraire, on prévoit les diminuer,
puis vous avez abordé ça tantôt, Mme la ministre l'a abordée. Ça fait que si on
fait fausse route, il faut nous le dire, là.
Mme Burelle (Martine) : ...au
niveau de l'interrogatoire hors cour, je comprends qu'ils peuvent croire que ça
va provoquer des délais parce qu'il faut s'entendre sur une date, trouver une
sténo, etc. ça fait qu'il y a un petit délai comme celui-là, fournir des
engagements, recevoir les notes sténographiques. En même temps, les surprises
lors du procès provoquent des remises. Donc, moi, si je reçois une requête pour
expropriation totale du résidu, c'est une requête qui est très factuelle.
L'exproprié explique c'est quoi mon projet que j'avais...
Le Président (M. Jacques) : Ceci
termine l'intervention de la partie gouvernementale. Je cède maintenant la
parole au premier groupe d'opposition et M. le député de l'Acadie?
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci à Me Burelle d'abord de vous être déplacées. Mme la
ministre le soulignait, votre expertise est importante pour nous. Merci
également d'avoir produit un mémoire pour le bien commun de tout le monde. Moi,
j'aimerais ça que vous puissiez continuer à répondre à mon collègue parce
qu'effectivement c'est un élément qu'on a entendu, puis vous comprendrez
qu'étant aussi le porte-parole de l'opposition officielle en matière de
justice, bien, toute la question des délais, moi ça m'anime. Alors, si vous
pouviez continuer, j'apprécierais grandement sur cette question-là.
Mme Burelle (Martine) : Donc,
je vous donnais l'exemple de la requête pour expropriation totale du résidu.
Donc, j'ai fait pour une ville une expropriation partielle pour passer une
piste cyclable. L'exproprié prétend qu'il ne peut plus réaliser son projet sur
le résidu, donc il m'envoie une requête d'à peu près huit pages avec
70 paragraphes dans laquelle il explique : Bien, j'avais tel projet
qui devait amener tant de portes, que j'aurais réalisé dans tel délai avec tel
professionnel. Et là, moi, je n'ai rien ou presque au soutien de tout ça, j'ai
quelques documents à peine. Donc, il est évident que je vais vouloir tester la
crédibilité de ça avant d'acquiescer à jugement et de prendre de l'argent
public et de le payer. Donc, j'ai quand même un devoir de vérification. Et là,
oui, je peux transmettre une demande de documents, mais il reste que c'est à
travers le témoignage de la personne que je peux réellement aller chercher...
Avec le témoignage je peux... Il y a des documents auxquels je n'aurais pas
pensé, je peux demander des précisions. Mais tout ça, vu qu'on n'a pas
l'interrogatoire hors cour, ça va se faire lors de l'audition. Et là, lors de
l'audition, bien, ça ne veut pas dire que je vais avoir l'autorisation pour
dire : O.K., bien, on arrête tout finalement, ça a bien du bon sens puis
on va aller voir le conseil, tu sais, aussi pour prendre des décisions. Moi,
j'ai besoin de délais là, ça, c'est une autre chose, mais mes clients ne
parlent que par résolution. Donc, s'il y a des choses qui apparaissent lors de
l'audition, c'est difficile de me revirer de bord puis d'aller chercher une
résolution du conseil pour payer 900 000 $ à quelqu'un. Ça, c'est la
première chose.
Puis, deuxièmement, bien, pendant
l'audition, je vais poser des questions à ce sujet-là, dont j'ignore les
réponses, déjà, ça, ce n'est pas conseillé en droit, mais bon, et là, on va
prendre des engagements. Tout au long des auditions, on va prendre des
engagements, puis là, bien là, le dossier va être plus ou moins, pas en
délibéré, sous réserve de recevoir tout ça. Puis là, quand je vais les
recevoir, je vais peut-être dire : Ah bien j'ai besoin d'une journée de
plus. Ça fait que, oui, il va y avoir des délais de plus au début, mais ça va
nous éviter des délais après. Chaque surprise lors de l'audition, c'est
possiblement une remise, c'est possiblement une remise. Puis c'est très
difficile de remettre les dossiers d'expropriation parce qu'il y a beaucoup,
beaucoup d'experts. Il y a beaucoup de gens dans la salle qui doivent avoir un
agenda qui se combine. C'était d'ailleurs une des difficultés qu'on avait avec
les indemnités provisionnelles sous l'ancienne loi, qui devaient être fixées de
façon urgente. Mais c'était comme une utopie, cette urgence-là parce qu'il
fallait combiner l'agenda de huit, des fois, personnes pour la fixer. Donc, ce
problème-là est à nouveau réglé par le nouveau projet de loi.
M. Morin : Merci beaucoup.
Prochaine question et vous y avez fait référence, à l'article 55,
peut-être un peu plus technique au niveau de la rédaction législative. Mais,
quand on regarde le dernier paragraphe et qu'on parle du principe de
proportionnalité, c'est déjà un principe qui existe dans le code de procédure
civile qui évidemment, bien, parce que c'est un code, chapeaute toutes les lois
québécoises. Donc, d'après vous, est-ce que c'est vraiment important de
l'ajouter là ou si le fait qu'on l'ait déjà dans le code de procédure, c'est
déjà évident pour le législateur que les partis vont devoir se gouverner avec
ce grand principe là?
Mme Burelle (Martine) : Je
pense que ce principe est rappelé parce que les frais d'experts sont à la
charge de l'expropriant. Donc, le but, ici, c'était de rappeler à l'exproprié qu'il
doit..
Mme Burelle (Martine) : ...c'est
la règle de la proportionnalité. Quant aux frais d'experts, je voulais juste
mentionner quelque chose. Je comprends tout à fait que c'est une situation un
peu crève... j'essaie de me mettre à la place d'un juge du TAQ, ce qu'on est
supposé de faire quand on est avocat, c'est une situation un peu crève-cœur
parce que c'est seulement à la fin de l'audition qu'on reçoit les factures de
l'expert. C'est souvent la... l'expert, c'est le dernier témoin. Puis c'est la
dernière question que son avocat va lui poser... va faire produire les
factures. On les reçoit souvent pendant l'audition. Il faut prendre position
là-dessus. Le corps expropriant n'en revient pas, 75 000 $, je n'avais pas
anticipé ça. C'est la dernière chose. Ça va être ma dernière question de
contre-interrogatoire. Ça va être le dernier aspect de ma plaidoirie. Mais là,
le TAQ est pris... et je me mets à leur place. Ça n'a pas d'allure, mais en
même temps, c'est-tu à l'exproprié de payer ça? Tu sais, c'est un peu
crève-cœur. Ça fait que... parce que là, j'arrive à contre temps, puis je
dis : À contretemps, je suis en désaccord avec les frais d'expert que tu
as déjà faits. Donc, dans le nouveau système, en devant annoncer ces frais
d'expert... Puis moi, ce que je proposais comme modification, ce n'est pas
juste la nature de l'expertise qui va devoir être annoncée, mais aussi le
budget anticipé. Parce qu'étant donné... ils n'ont pas besoin de faire de
budget, là, techniquement, tout est à la charge de l'expropriant. Donc, en
annonçant aussi le budget, bien là on va pouvoir aller vers le TAQ débattre de
ça, puis ça ne sera pas crève-cœur, puis on ne va pas laisser à l'exproprié la
moitié de la facture.
M. Morin : Merci. Merci
beaucoup. J'aimerais revenir aux articles 170, 171. Mme la ministre y a
fait référence, et, jusqu'à maintenant, tous les groupes, et c'était beaucoup,
en fait, des corporations, des villes, là, mais tout le monde en a parlé. Bon,
il y en a qui veulent que ce soit modulé. Il y en a qui veulent une immunité de
poursuite. Vous, vous nous avez parlé au fond de mettre peut-être des critères
ou de permettre à la Cour supérieure de rejeter une demande qui pourrait être
futile. C'est quoi, votre opinion là-dessus? Parce qu'évidemment, bon, une
immunité, ça veut dire que, là, il n'y a pas de poursuite possible. On parle
souvent ici d'expropriation déguisée. Alors, ça serait quoi, votre opinion
là-dessus? Ça serait quoi, le meilleur mécanisme pour nous assurer que
l'exproprié a quand même des droits, mais que l'expropriant n'en abuse pas?
Mme Burelle (Martine) : Peut-être
que la solution... puis je pense qu'il y a des groupes qui l'ont proposée,
c'est de définir ce qu'est l'expropriation déguisée. En fait, on en revient là.
Donc, si j'ai du terrain vacant très ordinaire qui a déjà fait l'objet de
remblais dans les années 80, et donc sur laquelle il n'y a aucune espèce
en particulier, puis que je décide comme ville de le zoner parc, et bien
entendu que ça... moi, dans ma vision, ça ne correspond pas à l'état physique
des lieux. Il y a... dans le fond, je le fais parce que je veux, plus tard, y
mettre un parc puis empêcher le développement. Il y a sûrement matière à
expropriation déguisée. Ça fait que je ne pense pas qu'on a besoin d'une immunité
complète. Il reste qu'il y a des dossiers d'expropriation déguisée. C'est sûr
qu'il y en a. Zoner école, par exemple, un terrain qui appartient à un
promoteur, puis qu'il était prêt pour le développement, c'est la même chose.
Mais on a tous une réflexion sur, oui, mais ça, ce n'est peut-être pas de
l'expropriation déguisée, ça non plus. La cour d'appel a rendu un jugement au
cours des deux dernières années où elle a dit : Le législateur pourrait
intervenir pour faire en sorte que la protection des milieux naturels, ce ne
soit pas de l'expropriation déguisée. Ça fait que, dans le fond, ce qu'il faut
faire, c'est s'asseoir ensemble, puis définir c'est quoi, l'expropriation
déguisée. Puis c'est peut-être ça qui manque à la loi en ce moment, parce que c'est
un peu implicite de la façon que c'est expliqué à l'article 170.
M. Morin : Parfait. Merci.
Merci beaucoup, c'est très utile. Vous avez parlé d'un protocole d'instance et
puis d'une harmonisation des règles, en fait, de procédure entre la Cour supérieure
et le TAQ. Je comprends que présentement au TAQ, il n'y a pas comme tel de
protocole d'instance.
• (12 heures) •
Mme Burelle (Martine) : ...d'instance,
il y a un système qui fonctionne quand même bien, mais qui requiert
habituellement un juge. Dans le fond, on est appelé en appel du rôle et souvent
rien qui se fait pendant longtemps, et on a un premier appel du rôle, soit à la
demande d'une des parties. Donc, moi, je vais souvent écrire au juge Gagnon
pour lui demander : Pouvez-vous nous mettre dans les appels de rôle pour
qu'on commence la mise en état de ce dossier-là? Puis la raison, c'est parce
que, souvent, si on n'a pas cet appel du rôle au téléphone, bien, il n'y a rien
qui se fait. Ça fait que des fois on va avoir un, dans un dossier d'expropriation,
où il ne s'est rien fait du tout parce que notre dossier n'était pas mis en
appel du rôle. Puis ce n'est pas nécessairement la faute du TAQ, là, parce
qu'ils ont vraiment beaucoup de...
12 h (version non révisée)
Mme Burelle (Martine) : ...c'est
peut-être aussi la faute des parties, parce qu'ils n'ont pas demandé à être mis
en appel du rôle. Mais c'est comme si on avait besoin de l'aide d'un juge pour
lancer le dossier et le mettre sur les rails, alors que, devant toutes les
autres instances, on n'a pas besoin de ça, les parties se gouvernent, ils se
parlent, ils ont l'obligation de remplir le protocole dans les 45 premiers
jours. Donc, si on faisait ça, bien, ce serait sûrement... Parce qu'on dit que
c'est très efficace, tu sais, on prévoit des courts délais dans l'actuelle loi,
mais ce qui n'est pas mentionné, c'est que, souvent, les dossiers dorment
pendant un an ou deux, parce que les parties n'ont pas d'obligation de les
mettre en état dès le début.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie, c'est très utile. Il y a des... Il y a plusieurs groupes aussi qui
nous ont dit qu'ils voulaient que la loi entre en vigueur immédiatement. Donc,
il y a un délai qui est prévu, là, de six mois. Certains nous ont dit, bien,
pour le développement ou... le développement des projets des villes, bien, six
mois, c'est comme un cycle d'une année, donc ça retarde des projets.
Maintenant, si ça rentre en vigueur immédiatement, êtes-vous d'accord avec moi
qu'il va falloir quand même des règles transitoires pour gérer les litiges qui
sont en cours? Parce que là, le projet de loi fixe des montants quand même bien
définis pour certaines indemnités, ce qui n'est pas le cas présentement.
Mme Burelle (Martine) : Bien,
si ça rentre en vigueur maintenant, j'avais l'impression que ce que les gens
demandaient, c'est que ça s'applique aux nouveaux dossiers d'expropriation.
Moi, je peux vous confirmer, là, qu'il n'y a rien qui se passe en ce moment au
Québec, là. J'étais dans mon compte du registre foncier dernièrement, dans ma
boîte de messagerie, puis je n'avais aucun message. J'ai constaté que je n'avais
pas publié un avis d'expropriation depuis plusieurs mois. C'est la première
fois que ça m'arrive en 10 ans, là. Donc, en ce moment, là, je n'exproprie
plus, personne n'exproprie, tout le monde attend, ça fait que, bien, c'est sûr
qu'il va y avoir un embouteillage après-demain, là. Ça fait que ça, c'est à
prévoir, il va y avoir un enjeu.
Au niveau de l'application, bien, c'est
sûr... moi-même, je ne vois pas pourquoi on attend six mois. Je ne parle pas au
nom de personne puis j'essaie d'éviter les questions de principe aujourd'hui,
mais il reste que je ne sais pas pourquoi on attendrait ce six mois là. Si on
prévoit, de façon claire, que certains dossiers restent sous l'ancienne
gouverne, et il y en a des... les nouveaux dossiers sont sous la nouvelle, qu'est-ce
qui justifie six mois, plutôt que trois, je ne le sais pas.
M. Morin : Maintenant, vous m'avez
un peu étonné quand vous avez dit : Bien là, il n'y a rien qui se passe.
Il n'y a rien qui se passe, d'après vous, parce que les gens savent qu'il y a
un projet de loi qui a été déposé. Ils attendent, ou il n'y a rien qui se passe
parce que le tribunal est embourbé, ou comment...
Mme Burelle (Martine) : Ah!
non, non, tout le monde attend, tout le monde attend, parce que... C'est
normal, j'attendrais aussi, à leur place, je veux dire, surtout pour le terrain
vacant. Quand on exproprie du terrain construit, à un plex, ce n'est pas là que
la valeur au propriétaire, par rapport à la valeur marchande, a le plus d'impact.
C'est vraiment quand on exproprie du vacant. Quand on exproprie du vacant ou un
immeuble à démolir, un bâtiment à démolir, pour un nouveau projet, il y a un
risque très important avec la valeur au propriétaire. Donc, c'est sûr que mes
clientes préfèrent attendre la prochaine... si c'est possible, parce qu'il y en
a que ce n'est pas possible, mais ceux que c'est possible, ils vont attendre.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, M. le député, ça termine cette période d'échange. Je cède maintenant
la parole au député de la deuxième opposition, M. le député de Taschereau, pour
4 min 8 s.
M. Grandmont : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci pour votre témoignage, sur votre pratique,
notamment. Vous l'avez bien fait, puis c'était très éclairant, un milieu que je
connais un peu moins, mais, franchement, c'était très fascinant. J'aimerais
vous entendre, là, sur la question, là, des... sur le fait d'accorder les frais
d'avocat. Vous avez dit : Il faudrait que ce soit encadré, il faut qu'il y
ait une espèce de ticket modérateur, puis qu'il y ait des balises qui soient
mises en place. Comment on peut s'assurer, finalement, que des petits
propriétaires qui seraient expropriés, par exemple, puissent trouver, comment
je dirais, la confiance de faire cette démarche-là? Il y a des mécanismes,
actuellement, qui existent, qui leur permettraient de bien évaluer les chances,
finalement, de faire cette démarche-là, puis sans avoir à, éventuellement,
payer les frais qui seraient encourus?
Mme Burelle (Martine) : Bien,
je pense que c'est au fédéral où est-ce que les frais d'avocat sont payés jusqu'au
moment de l'audition. Donc, tout ce qui est médiation, négociation, etc., ça, c'est
payé. L'audition, ça ne l'est pas. Chaque juridiction a une façon différente,
là, de gérer cette situation-là. C'est sûr que, pour les plus petits
propriétaires, les personnes physiques, se faire exproprier, c'est quand même
toute une épreuve, puis ils ne connaissent pas ça. Souvent, toutefois, leurs
dossiers sont moins gros, et l'aide d'un évaluateur peut suffire à régler le
dossier, mais ce n'est vraiment pas tous les cas. Puis ça dépend aussi de la
bonne foi du corps expropriant, dans ces situations-là...
Mme Burelle (Martine) : Donc,
je comprends le souhait d'avoir des frais d'avocats dans ce contexte-là. En
matière de valeur... Lorsqu'on était en valeur au propriétaire, bien, c'était
facile de dire : Bien, vous n'avez pas les frais d'avocat, mais vous êtes
en valeur au propriétaire. Ça fait que ça compense. Donc, je présume qu'on va
vous dire qu'aujourd'hui, en valeur marchande, on devrait accorder les frais
d'experts. Mais, pour moi, ce qui est important, c'est que, si on le fait, il y
a une forme d'encadrement. Je pense à la Régie de l'énergie où les
intervenants, c'est Hydro-Québec ou Énergir, qui paient leurs frais d'avocats.
Bien, il y a un guide, il y a... Les montants sont prédéterminés puis il y a
une décision sur les frais à la fin. Donc, à la fin, il y a une audience qui
porte juste sur les frais, où est ce que le fournisseur va faire des
représentations : Cette... Ça, ça ne nous a pas été utile. Toute cette
boue de l'audition là aurait pu être évitée, etc., etc. Puis il y a des
intervenants dont les frais sont refusés carrément. Donc, ça, c'est aussi une
possibilité. Donc, moi, ce que je dis, c'est : Je ne dis pas non, mais si
vous décidez d'aller là, ça ne peut pas être un bar ouvert parce que, les
avocats, les tarifs, ça varie de 200 $ à 1 000 $ de l'heure.
Vous allez avoir de tout.
M. Grandmont : Oui. Et
puis on a la même préoccupation ici, les projets qu'on veut voir accélérer,
voir diminuer les frais à la limite. Donc, évidemment, on ne voudrait pas se
retrouver dans un effet inverse en tentant de protéger les plus petits non
plus, mais on veut essayer de trouver un équilibre à travers ça.
Vous avez dit aussi quelque chose qui m'a
semblé très important, peut-être de définir ce qu'est l'expropriation déguisée.
Vous avez apporté plusieurs éléments par rapport à ça. Est-ce que vous pensez
qu'on a la place pour le faire dans p.l. no 22 ou faire comme d'autres
nous ont suggéré aussi, de simplement retirer 170 et 171, puis traiter ça à
part dans un autre... dans une autre instance?
Mme Burelle (Martine) : Je
m'en occuperais maintenant.
M. Grandmont : Oui,
hein?
Mme Burelle (Martine) : Je
m'en occuperais maintenant. Je ne sais pas pourquoi qu'on... qu'on reporterait
ça. Il y a tellement de poursuites en cours. Peut-être qu'il est temps qu'on
s'assoie et puis qu'on règle ça. Maintenant, ça peut être fait à travers la
modification de la LAU. Vous avez une section qui prévoit la modification de la
LAU dans votre projet de loi. Donc, tout est ouvert. Moi, dans le fond, que ce
soit à travers la modification de la LAU ou de n'importe quelle loi, ça
m'importe peu. C'est juste agissons, faisons-le maintenant.
M. Grandmont : Pas
d'autres questions. Merci beaucoup.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Me Burelle, pour votre participation à
la commission. Et nous suspendons nos travaux jusqu'après les avis touchant les
travaux des commissions.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 13)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour
à tous! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux.
Nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur
le projet de loi n° 22, Loi concernant l'expropriation.
Cet après-midi, nous entendrons les
organismes suivants : l'Ordre des urbanistes du Québec, la Société de
transport de Montréal, l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, la Ville de
Laval et Trajectoires Québec.
Je souhaite la bienvenue aux représentants
de l'Ordre des ingénieurs... des urbanistes du Québec, en fait, et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter et commencer votre exposé.
M. Gariépy (Sylvain) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Mme la ministre et Mesdames et Messieurs les
députés, ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui devant vous, devant cette
commission, et je vous remercie pour l'invitation.
Tout d'abord, je me présente, Sylvain
Gariépy, je suis président de l'Ordre des urbanistes du Québec. Fondé en 1963,
notre ordre a comme mandat de promouvoir la compétence professionnelle en
aménagement du territoire et en urbanisme. Nous comptons parmi nos membres plus
de 1 700 professionnels qui interviennent à tous les niveaux de
planification et de contrôle de l'aménagement du territoire au sein des
ministères, d'organismes municipaux, de firmes spécialisées, d'entreprises, d'OBNL
et à titre d'expert-conseil ou professionnels-conseils.
L'ordre défend un intérêt public à travers
la promotion d'un aménagement intégré et durable. En ce sens, nous pouvons...
nous prenons position sur la législation, les politiques publiques et les
projets structurants en vue d'encourager les bonnes pratiques urbanistiques.
D'entrée de jeu, il faut reconnaître que
nous, les urbanistes, ne sommes pas les experts de l'expropriation. Les membres
de notre profession ne sont généralement pas responsables ni des procédures d'expropriation
ni de l'évaluation des immeubles visés. Nous ne sommes pas non plus des
juristes à la fine pointe des débats sur l'évolution des notions de droit.
Alors, pourquoi la question de l'expropriation
nous interpelle-t-elle? C'est parce que l'expropriation est un élément
essentiel du coffre à outils de mise en oeuvre de la planification en
aménagement du territoire et de la réalisation d'infrastructures publiques
stratégiques.
Premièrement, pour la conservation des
milieux naturels, nous sommes devant une crise de la biodiversité qui oblige à
revoir notre rapport au territoire. Les milieux naturels ne peuvent plus être
considérés comme des territoires en attente de développement. Un effort mondial
est nécessaire afin de freiner et de renverser la dégradation des écosystèmes.
Et dans la foulée de la COP15, le Québec s'est engagé à protéger 30 % de
son territoire. Pour y arriver, il faudra parfois procéder par expropriation.
Deuxièmement, pour la réalisation des
infrastructures publiques, la crise climatique appelle à faire un virage vers
la mobilité durable. L'ordre et ses partenaires du G15+ préconisent de doubler
l'offre en transport collectif au cours de la prochaine décennie. Tous les
projets majeurs de transports collectifs des dernières années, le REM, le
tramway de Québec, le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal
ont...
M. Gariépy (Sylvain) : ...des
mesures d'exception en matière d'expropriation, une reconnaissance qui, selon
nous, témoigne de la lourdeur du régime général.
Troisièmement, pour la requalification
urbaine. Pour répondre aux besoins criants en habitation sans aggraver les
problèmes environnementaux, il faut consolider les milieux déjà urbanisés.
Cette réalité est reconnue par la Politique nationale de l'architecture et de
l'aménagement du territoire qui devra marquer un nouveau cycle de densification
de nos villes. Des expropriations seront parfois nécessaires pour sécuriser des
terrains pour des espaces publics, des écoles, d'autres bâtiments publics ou
pour bien faciliter le redéveloppement. Pour réussir cette transformation, il
faut un système d'expropriation ayant un juste équilibre entre les droits
individuels et l'impératif collectif d'agir. Or, à l'heure actuelle, les
difficultés s'accumulent des délais de plus en plus longs, des indemnités de
plus en plus onéreuses et une judiciarisation grandissante des dossiers,
notamment en lien avec la notion de l'expropriation déguisée.
Dans ce contexte, nous sommes très heureux
du choix de la ministre Guilbault de procéder à une réforme, à une refonte
globale de la Loi sur l'expropriation et nous croyons que le projet de
loi 22 constitue un pas important en avant. Nous adhérons totalement à ces
objectifs visant à réduire les délais, à mieux encadrer les indemnités et à
encourager une plus grande prévisibilité. Même si le projet de loi ne réglera
pas tous les problèmes, il s'agit d'une base sur laquelle construire. En ce sens,
nous tenons à vous partager aujourd'hui quelques pistes de bonification.
Tout d'abord, la question de
l'expropriation déguisée. Les représentants du milieu municipal qui nous ont
précédés ont bien exposé les difficultés vécues actuellement. Nous partageons
leurs préoccupations et nous l'entendons aussi de la part de nos membres sur le
terrain. La prolifération des poursuites pour expropriation déguisée insécurise
les municipalités et les décourage d'utiliser pleinement leur pouvoir en
conservation. Les articles 171... 170 et 171 du projet de loi constituent
un début d'encadrement du phénomène. À notre avis, ces mesures sont
intéressantes, mais insuffisantes. Surtout, le projet de loi ne balise pas ce
qui constitue une suppression de tout usage raisonnable, et donc une
expropriation déguisée. Ainsi, la judiciarisation des dossiers risque de se
poursuivre.
Pour réellement régler ce problème, il
faut aller plus loin. L'ordre propose de préciser, dans la loi que, les
règlements visant la mise en œuvre des schémas d'aménagement et de
développement ainsi que les règlements de contrôle intérimaire régionaux et
métropolitains ne constituent pas une expropriation de fait et ne donnent pas
lieu à des indemnités. En aménagement du territoire, le schéma est le socle de
la planification. Il précise les grandes orientations du développement du
territoire d'une MRC ainsi que ses grandes affectations. Par exemple, il
définit les secteurs voués à l'urbanisation et les milieux naturels à
conserver. Les plans et les règlements d'urbanisme des municipalités locales
doivent respecter le schéma.
Les schémas sont le produit d'une démarche
rigoureuse. Ils doivent utiliser des méthodologies reconnues et répondre aux
attentes du gouvernement, exprimées via les orientations du gouvernement en
aménagement du territoire. Ils sont alimentés de diverses études spécialisées
et font l'objet de longues négociations et d'arbitrages, et surtout ils entrent
en vigueur seulement après avoir reçu l'aval du gouvernement. Les règlements de
contrôle intérimaire sont également assujettis à ce processus.
L'encadrement que nous proposons
permettrait de valoriser la planification et de sécuriser sa mise en œuvre tout
en laissant la porte ouverte à des contestations en cas d'abus. Par exemple,
une telle règle sécuriserait les règlements visant à protéger les territoires
d'intérêt écologique ou bien les bâtiments patrimoniaux identifiés au schéma,
mais permettrait la contestation d'un règlement réduisant radicalement le
potentiel de développement d'un terrain sans justification dans la
planification.
• (15 h 20) •
De plus, il faut noter que certains
règlements municipaux contestés découlent justement des dispositions du schéma.
Ainsi, nous voyons une possibilité d'incohérence dans l'article 171 du projet
de loi. On donne à la municipalité le choix d'abroger un règlement qu'elle est
possiblement obligée d'adopter selon la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Cette situation sera encore plus problématique une fois que de nouvelles
orientations plus exigeantes seront adoptées l'année prochaine, et aussi avec
l'entrée en vigueur des plans régionaux des milieux humides et hydriques.
Une autre piste qui mérite d'être explorée
est celle de la différenciation des modalités selon les motifs de
l'expropriation. Dans le contexte actuel des crises climatique et de la
biodiversité, nous croyons qu'il y a lieu de donner priorité à certains types
de projets, ceux visant la conservation et le développement des infrastructures
de transports collectifs. La conservation est particulièrement importante
compte tenu du risque de perdre pour toujours les milieux naturels
irremplaçables. Elle est aussi distincte étant donné que les immeubles visés
pour l'expropriation sont généralement des terrains peu ou pas développés. Leur
valeur relève de la spéculation sur la possibilité de développement futur...
M. Gariépy (Sylvain) : ...en
raison de cette réalité, il est justifiable de prévoir les modalités plus
restrictives de calcul des indemnités.
Le bilan carbone du Québec est plombé par
le transport des personnes, et, pour renverser la vapeur, il faut investir
massivement dans les transports collectifs. Ces nouvelles infrastructures
s'inséreront nécessairement dans des milieux déjà urbanisés, souvent impliquant
des expropriations ciblées. Comme mentionné, tous les projets majeurs des
dernières années ont bénéficié de régimes d'exception, et nous croyons qu'il y
a lieu de prévoir dans le régime général des modalités propres aux projets de
transport collectif dans une optique d'accélération des procédures.
Par ailleurs, mentionnons la date d'entrée
en vigueur de la nouvelle loi. L'article 244 du projet de loi prévoit une
entrée en vigueur six mois après la sanction de la loi. Nous sommes sensibles à
la nécessité de donner du temps aux différents acteurs pour s'adapter à la
nouvelle loi, mais nous nous questionnons sur le choix de prévoir un tel délai
de grâce. Nous croyons que la loi devrait entrer en vigueur à la date de sa
sanction.
Enfin, nous tenons à formuler une dernière
recommandation qui déborde du cadre strict du projet de loi. Il faut le
reconnaître, dans le passé, l'expropriation a été trop souvent... été utilisée
pour construire des infrastructures qui ont dégradé l'environnement et les
bâtiments, qui n'ont pas rehaussé la qualité des milieux de vie. Dorénavant,
les projets nécessitant l'expropriation se doivent d'être exemplaires. La
vision stratégique de la politique nationale le résume bien. Pour atteindre nos
ambitions, l'État doit et jouera un rôle de premier plan. Pour ce faire, il
adoptera les meilleures pratiques afin de léguer des projets durables et
créateurs de valeur économique, sociale, environnementale et culturelle. Ce
souci doit être présent pour tous les ministères et organismes gouvernementaux
via des mécanismes assurant l'exemplarité architecturale et urbanistique des
projets.
En conclusion, le projet de loi n° 22
constitue un jalon important pour rééquilibrer le régime d'expropriation.
Toutefois, il laisse en suspend des questions importantes, en premier lieu
celle de l'expropriation déguisée. Nous encourageons l'Assemblée à bonifier le
projet loi à l'issue des consultations et ensuite à l'adopter. Merci beaucoup
pour votre écoute.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme
la ministre pour une période de 16 minutes 30.
Mme Guilbault :Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci, Messieurs,
d'être avec nous. Vraiment très, très intéressant, comme tous les groupes
d'ailleurs, là. Mais donc c'est vous qui... Parce qu'on a eu plusieurs
représentants issus du milieu municipal, donc qui avaient évidemment beaucoup
de choses à dire puis qui accueillaient favorablement le projet de loi, même
s'ils avaient aussi des recommandations constructives à nous faire. Mais vous,
c'est vous qui êtes directement dans l'urbanisme, dans l'aménagement du
territoire, et donc directement liés avec tout ce que j'appelle la mouvance
sociale. Vous me parliez de l'objectif du 30 % qui a été signé à l'issue
de la dernière COP en décembre dernier puis toute cette volonté-là qu'on a de
protection des milieux, d'aménagement de milieux verts, de parcs, de... bref,
de réorganisation, un peu, de nos quartiers à la faveur d'une meilleure
appropriation par nos citoyens. Donc, pour toutes ces raisons-là, on est très
heureux de vous avoir ici aujourd'hui.
Je vais peut-être commencer par
l'expropriation déguisée. On l'a abordée avec toutes les personnes qui sont
venues nous voir à date, si ma mémoire est bonne, parce qu'elles l'ont toutes
abordée aussi. Et donc il y a deux articles dans le projet de loi, comme vous
savez, qui l'abordent, pas explicitement, la notion n'est pas campée
explicitement dans le projet de loi, mais l'objectif, c'était de l'aborder
indirectement, les articles 170 et 171. Je vous ai entendu dire... et je
l'ai noté, là, ce n'est peut-être pas mot pour mot, mais : Avec
l'article 171, on donne la possibilité aux municipalités de retirer un
règlement qu'elle est pourtant obligée de prendre ou de maintenir, là, je ne
sais pas exactement vos mots, mais... et si... en ne voulant pas mettre des mots
dans la bouche, ça semble être similaire un peu au raisonnement dont nous a
fait part ce matin maître Burelle, qui est une avocate spécialisée en
expropriation, qui est venue nous... échanger avec nous ce matin, c'était très
intéressant aussi d'ailleurs.
Bref, est-ce que vous... Parce que c'est
une notion qui hante beaucoup d'intervenants, là, en matière d'expropriation,
l'expropriation déguisée. La ville de Montréal, de son côté, nous disait :
Oui, il faut en parler, mais peut-être que d'autres véhicules seraient plus
appropriés dans la LAU ou autrement par ailleurs, donc nous proposait carrément
de retirer les deux articles. L'ensemble des autres intervenants étaient plus
modérés. D'autres disaient : Ça ne va pas assez loin, on devrait empêcher
le... on devrait faire en sorte qu'on ne puisse plus réclamer d'indemnités
quand on exproprie pour des fins, je dirais, nobles, là, tu sais, qui vont...
qui suivent les objectifs qu'on se fixe pour l'environnement, et tout ça.
Donc, bref, vous, comment est-ce que vous
voyez ça? Vous nous faites déjà des propositions, mais comment est-ce que vous
jugez que globalement... Parce que c'est sûr que vous êtes très, très familiers
avec les lois aux affaires municipales, entre autres, la LAU. Donc, comment
est-ce que, selon vous, on devrait camper de manière optimale cette notion-là
et l'encadrer aussi?
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
en fait, une expropriation doit être justifiée quelque part. Donc, comme on
l'indique dans notre mémoire, on a des outils d'aménagement, des schémas, mais
que ce soient des schémas...
M. Gariépy (Sylvain) : ...des
MRC ou des agglomérations, il y a beaucoup d'informations là-dedans. Donc,
quand on décide, à titre d'exemple, de dire on va mettre un corridor de
protection de boisés dans l'ensemble d'une région, il faut que ça soit
également supporté par des études en la matière, ce qui nous permet de
dire : oui, il y a vraiment ici un milieu qui est riche, et tout le kit...
Mais, «tout le kit», excusez-moi l'expression, mais donc, très, très
approfondi. Donc, on a des études qui sont capables d'appuyer le fait qu'on va
aller en expropriation pour le bien commun dans une région donnée pour créer,
pour protéger la biodiversité. Donc, des fois, justement, ce n'est pas assez
appuyé en ce sens-là.
Et, dans les différents documents de
planification, des fois, on voit, justement, cette hésitation. Donc, on n'a pas
eu, peut-être pas, tous les moyens nécessaires et le temps voulu pour procéder
à toutes les études. Donc, on va quand même cartographier dans un sens donné
pour protéger un corridor déterminé, mais ce n'est pas toujours appuyé par des
études spécialisées en la matière.
Et c'est ce qui mène, justement, à cette
notion d'expropriation déguisée. Donc, tout d'un coup, on décide, dans le cadre
d'un schéma, on fait un corridor de boisés d'intérêt métropolitain et on n'a
pas nécessairement tout ce qu'il faut pour appuyer cette décision-là, cette
orientation-là. Donc, c'est en ce sens-là qu'il faut bien l'encadrer.
Peut-être, David, mon collègue David, ici,
peut-être, si tu as quelque chose à rajouter.
M. Alfaro Clark (David) : Oui.
Bien, comme on a proposé, on pense que c'est très important de vraiment
valoriser les schémas d'aménagement, qui sont, bien, comme Sylvain l'a dit, le
produit de beaucoup de réflexion, beaucoup d'études et qui doivent aussi être
approuvés par le gouvernement. Puis c'est un processus où, bon, il y a les
orientations. Il y a plusieurs ministères qui sont impliqués dans le processus
d'analyser si les schémas, les modifications des schémas répondent aux attentes
exprimées dans ces orientations. Donc, les MRC doivent suivre des méthodologies
reconnues. Si on parle, par exemple, des milieux naturels, bien, le ministère
de l'Environnement est impliqué dans ce processus, a un certain droit de regard
sur les territoires qui sont identifiés, la méthodologie utilisée.
Donc, c'est pour ça qu'on a proposé que ça
soit vraiment le schéma d'aménagement qui... bien, en fait, qu'on donne une
certaine protection aux mesures réglementaires qui visent à mettre en œuvre les
dispositions du schéma, comme, par exemple, l'identification de milieux
naturels à protéger.
Mme Guilbault :Parfait. J'aimerais vous amener aussi sur votre
recommandation numéro trois... Dans les... Pour la valeur marchande, vous
dites : «maintenir comme prévu dans le Projet de loi la valeur marchande
comme la base du calcul de l'indemnité immobilière ainsi que la seule prise en
compte des usages actuellement permis par les outils d'urbanisme.» Est-ce que...
«Pour la détermination de l'utilisation la meilleure et la plus profitable»,
donc avec l'UMPP. Est-ce que c'est votre manière à vous de garder, finalement,
ce que nous, on a déjà prévu comme détermination, comme paramètres de
détermination de la valeur marchande dans notre projet de loi? Ou est-ce que
vous amenez des nuances avec la notion d'outil d'urbanisme?
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
il faut faire attention, ça va comme dans les deux sens, hein?, quand... au
niveau des outils d'urbanisme, là. Il y a de la reconnaissance des usages déjà
autorisés et qui peuvent potentiellement être également autorisés, et c'est là
qu'il y a tout le débat, en quelque part, comment on détermine la valeur. Donc,
et c'est à ce moment-là qu'on retourne au niveau des outils de planification et
on va au niveau des orientations, etc. Donc, oui, la valeur marchande, mais pas
une valeur artificielle, une valeur réelle, en fait.
Et peut-être que, David, tu veux compléter
ma réponse.
• (15 h 30) •
M. Alfaro Clark (David) : Oui.
Bien, tu sais, nous, comme on a dit d'entrée de jeu, on n'est pas des experts
de l'évaluation, donc on n'a pas voulu nous pencher sur toutes les approches,
tous les mécanismes prévus. Mais de façon générale, on voit d'un bon oeil
l'évolution qui est proposée dans le projet de loi pour faire en sorte que le
calcul de l'indemnité en cas de l'expropriation, que ça reflète plus... De
façon plus fidèle la valeur réelle actuelle des immeubles, et qu'on ne prenne
pas en compte des hypothèses de développement très, très hypothétiques, très,
très... bien, qui ne sont pas nécessairement... qui sont loin d'être permises
dans la réglementation, dans le schéma, le plan d'urbanisme, et qui sont
vraiment juste des hypothèses du propriétaire.
M. Gariépy (Sylvain) : Puis
j'ajouterais à ça, ça va dans les deux sens. Il y a le... Je pourrais dire,
d'un côté, on tire vers le haut la valeur des terrains pour le profit,
nécessairement, de son bien, de son immeuble, et l'autre côté aussi, les
pouvoirs en place peuvent tirer vers le bas en changeant les outils de
planification territoriale. Et c'est dans ce temps-là qu'il faut aussi voir
l'importance des études qui nous permettent de le faire. Donc, il y a comme un
équilibre à aller chercher entre les deux dans comment on peut déterminer cette
valeur marchande et éviter, passez-moi l'expression, mais ce tirage de
couverte. Donc, c'est vraiment d'aller chercher cet équilibre-là. On croit que
le projet de loi va en ce sens-là, mais il faut vraiment l'encadrer, là...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Guilbault :...effectivement le mot «équilibre» je pense que c'est le
mot qui serait en filigrane de l'ensemble de la pièce législative. C'est
toujours de trouver l'équilibre entre l'expropriant, l'exproprié. Est-ce que,
selon vous, de ramener la notion d'UMPP à trois ans plutôt qu'en ce moment, n'avoir
aucune limite dans le temps, puis ça rejoint ce que M. disait, là, ça peut être
complètement hypothétique, quelque chose qui n'est peut-être même pas
réellement possible mais sur lequel on se base actuellement... est-ce que, pour
vous, le trois ans, c'est suffisamment encadré?
M. Gariépy (Sylvain) : À
prime abord, je crois que oui. On ne peut pas. Il faut avoir des années de
référence, des périodes de référence en fonction de la connaissance, je dirais,
du dossier, là, du lieu traité dans un temps donné, mais il faut aussi le
traiter dans le temps donné. Donc, tu sais, si on a des périodes de référence,
bien, il ne faut pas que le dossier soit traité cinq ans plus tard, là, donc il
faut vraiment que l'ensemble du processus... Et ça, c'est un autre élément, la
question des délais, en ce moment, dans les dossiers d'expropriation
déguisée... qui sont vraiment importants. Parce que, dans ma pratique
professionnelle, je suis appelé à intervenir dans ce type de dossier, et les
délais font en sorte qu'à un moment donné on a sorti une expertise à telle date
donnée, mais on la traite cinq ans plus tard. Je veux dire, le monde, la terre
a tourné, pendant ce temps là, les réalités ont changé, là.
Mme Guilbault :Bien, tout à fait. Puis, sur les délais, j'aurais peut-être
une dernière question, puis ma collègue de Châteauguay va compléter, mais votre
recommandation numéro 5, prévoir une différenciation des procédures d'expropriation
selon les motifs afin de prévoir... puis là il y a un élément, c'est les
calculs d'indemnité pour la conservation, mais, sur les processus accélérés
pour la réalisation des projets de transport collectif, qu'est-ce que vous
entendez par accélérés? Je comprends que ce serait encore plus accéléré que ce
que permet actuellement le projet de loi. Et, avec une sensibilité au fait...
Vous voyez, ce matin, on avait l'UPA qui nous demandait aussi d'avoir des
paramètres spécifiques pour les producteurs agricoles, puis on pourrait penser
que chaque sous-groupe ou différents intérêts sociaux, tous aussi nobles les
uns que les autres, pourraient demander des paramètres spécifiques aussi. Donc,
dans l'optique de maintenir l'équilibre, puis tout ça, puis de ne pas non plus
se rembarquer dans des nouvelles complications, mais en voulant préserver tout
le monde, comment est-ce que vous voyez ça, l'équilibre? Pourquoi le transport
collectif plus qu'autre chose, puis qu'est-ce que vous aviez en tête comme
processus encore plus accéléré pour l'ETC?
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
comme on l'indique dans le mémoire, le transport collectif, c'est des ouvrages
qui prennent beaucoup de place qu'on a besoin d'exproprier si on veut réaliser
nos projets, parce qu'on s'inscrit dans des milieux déjà urbanisés. Il en va de
la réalisation du temps de réalisation d'un équipement au profit de la
population, et, plus qu'on attend... La saga de la ligne bleue en est un bon
exemple, là, ça fait des décennies qu'on parle du prolongement de la ligne
bleue, pour différentes raisons, mais la nécessité d'être capable d'exproprier
du moment où on dit : On va de l'avant avec le projet, bon, bien, pour
procéder dans des délais intéressants qui vont permettre l'accessibilité à une
nouvelle infrastructure publique utilisée par le public, qui va avoir des
incidences, entre autres, sur l'utilisation de la voiture, il faut se donner
des paramètres pour accélérer puis bien traiter ces dossiers-là qui sont
spécifiques.
En même temps, de ce que je comprends, on
ne veut pas nécessairement avoir des mesures différentes pour tous les sujets
abordés, ce qui est une bonne chose, mais les transports collectifs, c'est un
dossier qui nous semble très important puis qui est très porteur, puis qui sont
en lien aussi avec nos objectifs de diminution de gaz à effet de serre. Donc, c'est
un peu ça, là.
Mme Guilbault :Merci beaucoup. Je vais passer la parole à ma collègue de
Châteauguay. Merci beaucoup.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre. Mme la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Pour combien de
temps?
Le Président (M. Jacques) : Pour
4 min 5 s.
Mme Gendron : Je vais être
brève, à ce moment-là, puisque je sais que ma collègue députée d'Argenteuil a
également une question pour vous. Bonjour, messieurs. En fait, j'aimerais vous
amener à votre recommandation numéro 7, quand vous parlez de mettre en place
des mécanismes pour encourager l'exemplarité, là, pour des projets,
infrastructures du gouvernement. Pouvez-vous m'expliquer le besoin ou en quoi,
dans quelles circonstances ce serait nécessaire?
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
on s'est beaucoup attardé au transport collectif, qui est un gros morceau. Il y
a toute la question de la protection de la biodiversité, la mise en valeur des
composantes naturelles du territoire. Donc, là-dessus, je crois qu'il faut...
Excusez, j'ai perdu l'essence de votre question, honnêtement, j'ai comme perdu
la fin.
Mme Gendron : Bien, en fait,
je veux savoir en quoi vous considérez le besoin de justement... de mettre en
place des mécanismes pour encourager l'exemplarité?
M. Gariépy (Sylvain) : Oui,
bien, ça, ça fait tout appel... L'exemplarité de l'État, ça fait appel à la
qualité de nos projets, également. On veut des projets qui soient pérennes, qui
vont durer dans le temps, qui soient de haute qualité, puis la Politique
nationale sur l'architecture et l'aménagement du territoire interpelle cette
exemplarité-là, et c'est pour ça qu'on la...
M. Gariépy (Sylvain) : ...parce
que l'expropriation s'accorde dans un écosystème plus large dans lequel... et
c'est notre raison d'être ici aujourd'hui, ça a des impacts sur l'aménagement
du territoire et qui est en lien avec la toute nouvelle politique nationale,
donc la... donc, c'est pour ça qu'on se dit : C'est très important, là,
quand on fait des projets d'envergure publics, il faut que l'État soit
exemplaire. Il faut mettre en place les mécanismes qui le permettent, mais qui
permettent d'atteindre la qualité des projets pour s'assurer qu'ils vont être
pérennes puis qu'ils vont durer dans le temps. Je ne sais pas si, David, tu
voulais ajouter quelque chose.
M. Alfaro Clark (David) : Oui,
juste pour ajouter, c'est sûr que c'est une recommandation qui s'adresse aux
ministères et aux organismes du gouvernement en général. On déborde un peu du
cadre du PL 22 et on est plus au niveau de l'administratif puis au niveau
aussi du leadership politique pour assurer qu'on met en place des mécanismes
pour faire en sorte qu'au niveau architectural, que... les bâtiments publics,
par exemple, qu'on ait une architecture de qualité. Il y a toute la question de
la localisation des bâtiments publics pour que les écoles, par exemple, soient
construites dans les milieux, pour que les enfants puissent marcher ou aller à
l'école en vélo. La question des hôpitaux, tu sais, éviter d'avoir des hôpitaux
qu'on installe en zone agricole ou vraiment loin en périphérie de là où les
gens habitent, en périphérie des réseaux de transport en commun. Donc, c'est
toutes ces considérations que tous les ministères différents, que ce soit le
ministère de la Santé, que ce soit le ministère des Transports et de la
Mobilité durable, que ce soit Hydro-Québec, même, ou Société des
infrastructures du Québec, que tous ces organismes aient le réflexe de penser
aménagement du territoire et aussi architecture.
Mme Gendron : C'est bon. Je
vais passer la parole à ma collègue.
Le Président (M. Jacques) : Merci.
Mme la députée d'Argenteuil, il vous reste 1 min 50 s.
Mme Grondin : Parfait.
Bonjour, messieurs, merci. Moi, j'aimerais ça qu'on revienne sur la protection
de la biodiversité. Si j'ai bien compris, à la page neuf et 10, dans le
fond, vous souhaitez aller plus loin dans l'actuel projet de loi pour atteindre
les objectifs, notamment dans des... lorsque des usages sont assez restreints,
là, et pour qu'ils restent compatibles avec les objectifs de conservation. Vous
avez un coffre d'outils pour atteindre ces objectifs-là. Il y a peut-être
d'autres mécanismes ou d'autres outils qui sont aussi intéressants. Mais, si
j'ai bien compris, vous souhaitez quand même qu'on précise ou qu'on bonifie
dans la loi sur l'expropriation parce qu'en fait, dans la LAU, avec les
orientations gouvernementales, ça va prendre plus de temps. Est-ce que c'est
bien ça? Est-ce qu'il y a une notion, une question de délai aussi, c'est pour
ça que vous proposez de bonifier?
M. Gariépy (Sylvain) : Oui,
bien, il y a une question de délais, bien entendu, une question de
reconnaissance de la valeur des terrains visés. Quand on fait la planification
territoriale, qu'on veut mettre en place un corridor de biodiversité, il faut
quand même... je veux dire, il faut s'appuyer sur quelque chose de concret.
Donc, il faut se donner les moyens d'appuyer sur quelque chose de concret.
Mme Grondin : Le schéma
d'aménagement...
M. Gariépy (Sylvain) : Le
schéma, exactement, donc l'élaboration du schéma. Et ça nous amène,
nécessairement, quand on commence à tracer les corridors, on empiète sur des
propriétés privées. Donc, c'est là que l'expropriation est l'outil pour aller
de l'avant, mais là s'enclenche toute une mécanique d'évaluation des terrains,
de leur potentiel, des usages, théoriquement, pouvant être autorisés, etc.,
donc du potentiel réel de développement d'un terrain qui, peut-être, ne sera
jamais développé en bout de ligne. Donc, c'est... pour nous, c'est un frein à
l'atteinte des objectifs en aménagement du territoire si les délais se...
sont...
• (15 h 40) •
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, messieurs. Nous allons maintenant céder la parole au
deuxième groupe d'opposition et au porte-parole de l'opposition... au
porte-parole de l'opposition officielle, je m'excuse, le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, voici, pour l'opposition officielle. Merci, Messieurs
d'être là. Merci pour votre mémoire. Comme Mme la ministre le soulignait,
jusqu'à maintenant, les articles 170, 171 du projet de loi suscitent
beaucoup d'intérêt. Quand je les ai lus, au départ, bon, je trouvais ça bien,
recours cour supérieure, mais, tu sais, je ne pensais pas que ça allait autant
animer la conversation. Mais, jusqu'à maintenant, là, c'est vraiment deux
articles très populaires. On peut dire ça.
Puis j'aimerais... j'ai une question pour
vous parce qu'à l'article 170, dans le projet de loi, le gouvernement
définit ce qu'est un acte municipal, définit ce qu'est un organisme municipal.
Plusieurs groupes avant vous ont rattaché, à ces dispositions-là, ce qui pourrait
être une expropriation déguisée, mais il n'y a pas de définition
d'expropriation déguisée. Et...
M. Morin : ...ce matin,
Me Burelle nous a suggéré que ça pourrait être une bonne chose pour
clarifier, peut-être même aller plus vite. Vous semblez dire que... enfin, vous
avez des modifications pour que le projet de loi... et qu'une autorité
expropriant puissent même aller plus vite. Est-ce que vous pensez que ce serait
un avantage que d'ajouter une définition de ce qu'est une expropriation déguisée
dans le projet de loi?
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
ça serait intéressant, oui, parce que ça viendrait baliser le concept
d'expropriation déguisée, donc on aurait au moins un cadre de référence. Nous,
en urbanisme quand on commence à définir des classes d'usages, on est capable
d'aller assez précisément. Je ne sais pas, si on dit on autorise l'habitation à
tel endroit, l'habitation est définie de différentes façons. Alors, pourquoi
pas dans le projet de loi définir ce qu'est une expropriation déguisée? Je
pense, ça enlèverait beaucoup d'aspect un peu spéculatif sur ce qu'est une
expropriation déguisée, donc... Au moins on aurait un cadre sur lequel
s'entendre.
M. Morin : Puis évidemment,
en définissant ce qu'est une expropriation déguisée, ça n'enlève pas le recours
possible à la Cour supérieure parce qu'il y a des organismes municipaux qui
nous ont demandé même de songer à une immunité, donc là, il n'y aurait plus de
recours possible. Donc, d'après vous, ça pourrait permettre un équilibre entre
les droits des expropriants et ceux des expropriés?
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
oui, effectivement. Je suis urbaniste, je ne suis pas juriste, là, mais je
crois que, oui, ça pourrait permettre l'atteinte d'un équilibre.
M. Morin : Merci. Quand j'ai
lu votre mémoire puis particulièrement vos recommandations... et on y a fait
référence rapidement. À votre recommandation Cinq, vous voulez établir une
différence, finalement, selon les différentes procédures d'expropriation et
selon les motifs. Pour vos projets de conservation, il y aurait des indemnités
encore plus restrictives. Est-ce que vous avez des exemples de ce que ça
pourrait être et est-ce qu'il y aurait des types d'indemnités? Parce que la loi
en prévoit plusieurs qui ne seraient pas disponibles. Parce que votre
recommandation, elle est intéressante, mais c'est un peu général, disons-le
comme ça. Alors, dans notre travail de législateur, est-ce que vous avez des
recommandations là-dessus?
M. Gariépy (Sylvain) : Celle-là,
je vais laisser mon collègue David répondre parce qu'il y a peut-être un côté
plus technique, là.
M. Alfaro Clark (David) : Bien,
justement, l'intention était d'être un peu général étant donné qu'on n'est pas
des juristes puis on n'a pas nécessairement l'expertise pointue en termes de
toutes les ramifications, tu sais, d'une disposition, un article de loi. L'idée
était d'en fait vous encourager à réfléchir sur cette piste-là, parce que
beaucoup des discussions, lors des consultations, ça portait sur cette question
des milieux naturels, la question de la conservation des milieux naturels et
donc on pense que c'est une piste intéressante de voir si on ne peut pas avoir
une certaine différenciation, justement. Parce que c'est une chose exproprier
le chez-soi de quelqu'un, c'est une chose exproprier un commerce, un bâtiment
commercial, une industrie où il y a vraiment, comme, une génération de valeur,
mais lorsqu'on parle des milieux naturels qui sont... qui pourraient être
visées pour l'expropriation ou qui pourraient... ou on pourrait alléguer une
expropriation déguisée... une réglementation très restrictive, bien, en
général, c'est des terrains qui ne sont pas développés ou peu développés, et
donc c'est vraiment... la valeur est basée sur l'attente de pouvoir les développer.
Donc, c'est pour ça qu'on a pensé que ça pourrait être intéressant de justement
restreindre les indemnités possibles pour ce genre de terrain.
M. Gariépy (Sylvain) : Oui,
c'est contextuel aussi, hein? Les territoires, les milieux humides ou quoi que
ce soit, quand on achète une propriété, un immeuble, et généralement on est au
fait de la condition du terrain qu'on achète, on devrait l'être, et c'est sûr
que des milieux naturels, c'est des milieux qu'on ne développera pas. Donc,
maintenant, c'est de savoir est-ce qu'il crée... est-ce qu'il va créer une
valeur environnementale sur le plan économique. C'est à démontrer également.
Donc, comme dit David, je pense, c'est
pour faire réfléchir. Est-ce qu'on peut amener le projet de loi dans cette
direction-là également? Donc, on doit... Est-ce qu'on doit distinguer les
milieux naturels versus d'autres types de cas? Mais je crois qu'il faut
vraiment soupeser les contextes dans lesquels ça s'inscrit. Donc, c'est l'ajout
que je ferais à la réponse de David.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Dans votre recommandation deux, vous indiquez... précisez que
l'utilisation des pouvoirs réglementaires prévus à la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme, la Loi sur le patrimoine culturel et la Loi sur les compétences
municipales...
M. Morin : ...ne constitue
pas une expropriation de fait et ne donne lieu à aucune indemnisation. Bon,
évidemment, vous parlez des dispositions réglementaires que les villes doivent
mettre en œuvre parfois. La Loi sur le patrimoine culturel, aucune
indemnisation. Donc, avez-vous des exemples en tête ou, compte tenu de vos
recommandations, il y aurait des scénarios où pour se conformer à la loi, il
n'y aurait aucune indemnisation possible?
M. Gariépy (Sylvain) : Pour
les biens patrimoniaux?
M. Morin : Oui.
M. Gariépy (Sylvain) : Non, je
ne pense pas qu'on en vient, c'est peut-être qu'on ne l'a pas touché. Mais je
me souviens, dans notre mémoire, on a touché la question des biens patrimoniaux
entre autres, et on parle d'une indemnisation dans un tel cas.
L'aspect du patrimoine urbain, c'est un
aspect qui est grandement négligé en aménagement du territoire. Il y a lieu de
valoriser ces terrains-là, de valoriser ces immeubles, donc, dans un processus
d'expropriation, je pense qu'il y a une valeur culturelle aussi associée à ce
type de terrains. Encore là, c'est une piste de réflexion parce qu'on n'est pas
spécialiste en expropriation. Mais moi, ça serait pas mal ma réponse. Je suis
aussi, David, tu veux compléter?
M. Alfaro Clark (David) : La
référence à cette loi-là, c'est parce que souvent, quand on donne un statut
patrimonial à un bâtiment en vertu de la loi, bien, ça limite les possibilités
de développement. Donc, ça ne veut pas nécessairement dire que le bâtiment doit
rester figé. Tu sais, on peut moderniser, on peut parfois construire des
annexes, mais il y a quand même... on limite beaucoup les possibilités de
développement. Puis il y a eu beaucoup moins que pour les milieux naturels,
mais il y a eu certains... certaines poursuites en lien avec les statuts
patrimoniaux où un propriétaire de bâtiment évoque la notion d'expropriation
déguisée, en disant : Bien, en accordant un statut à mon bâtiment, on a
exproprié mes possibilités de développer le terrain. Donc, c'est... c'était
pour faire référence à ce genre de cas qu'on en a rajouté cette...
M. Morin : Donc là, c'est
très intéressant parce qu'on revient... avec votre explication, donc on revient
encore à l'expropriation déguisée. Donc, avec ma première question, peut-être
que ça vaudrait la peine, donc, de le définir, puis de couvrir l'ensemble de
ces cas-là. Je vous remercie. Je vais céder la parole à ma collègue.
Le Président (M. Jacques) : Donc,
je cède la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci, M. le
Président. C'est bien apprécié, et merci beaucoup pour votre mémoire et votre
présentation. Pas surprenant en tant que porte-parole de l'opposition officielle
en matière d'environnement, changements climatiques, parcs et faune, je
m'attarde à la recommandation n° 4 qui recommande
fermement les mesures qui contribuent à la lutte aux changements climatiques et
la préservation de la biodiversité comme motif d'utilité publique pouvant
justifier l'expropriation. Donc, je voudrais vous entendre davantage là-dessus.
Et si je comprends bien, selon votre
mémoire, justement vous parlez des espaces qui pourraient être propices à la
conservation. C'est souvent des terrains qui sont peu ou pas développés, sans
résidence, sans activité économique ni aménagement physique et dont la valeur
pourrait justement... relève souvent davantage de la spéculation. Et ça, c'est
biodiversité. Mais en ce qui concerne les changements climatiques, c'est de
l'investissement massif, massif, je devrais dire dans le transport collectif,
et donc ça serait plutôt de les développer dans des milieux urbanisés. Donc,
est-ce que vous pouvez élaborer sur cette recommandation n° 4
et les enjeux?
• (15 h 50) •
M. Alfaro Clark (David) : Donc,
bien, le n° 4, c'est une recommandation, en fait,
qu'on reprend un peu des associations municipales, de l'UMQ qui avaient formulé
cette recommandation et qu'on trouvait très pertinente. C'est sûr
qu'aujourd'hui, c'est plus la question de l'expropriation, l'expropriation
déguisée qui peut représenter un frein à la pleine utilisation des pouvoirs des
municipalités. Mais on trouve que c'est quand même intéressant de sécuriser, de
préciser dans la loi, que des projets et des mesures visant la lutte aux
changements climatiques, visant la préservation de la biodiversité que ça peut
être des motifs valables de procéder à une expropriation, parce
qu'historiquement l'expropriation, bien, c'est surtout pour des infrastructures
très tangibles : on doit construire un chemin, on doit construire un
garage municipal, un hôpital. Mais l'idée, ce serait d'élargir officiellement
les projets que l'on peut considérer comme étant justifiés d'exproprier.
M. Gariépy (Sylvain) : Mais
surtout dans l'établissement du... comme je disais tantôt, quand on veut, on
veut mettre en place des réseaux...
M. Gariépy (Sylvain) : ...des
corridors de biodiversité, il faut avoir les coudées franches pour le faire
aussi. Ça aide à atteindre nos cibles environnementales. Ça aide à la lutte
contre les changements climatiques. Donc, il faut être capable de baliser pour
qu'on puisse accomplir les visions qu'on se donne en aménagement du territoire.
Mme McGraw : Est-ce que
vous avez des ajouts, de façon générale, avant que... sur le mémoire?
M. Gariépy (Sylvain) : Non.
Mme McGraw : Je voulais
juste vous remercier. Et puis je suis d'accord que c'est sûr qu'on a des enjeux
majeurs en matière d'environnement, changement climatique. On a des cibles
assez ambitieuses, et il faut se donner les moyens. Merci.
M. Gariépy (Sylvain) : Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la députée. Je cède maintenant la parole, vraiment, au deuxième groupe
d'opposition, M. le député de Taschereau, pour environ
4 min 40 s
M. Grandmont : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous deux, messieurs, pour cette
présentation, ce mémoire. Je commencerais peut-être par les... tourner autour
des recommandations 4 et 5. J'ai trouvé en fait que ces deux
recommandations là ancraient vraiment votre mémoire dans l'urgence, dans la
notion d'urgence, l'urgence climatique d'un côté et l'urgence d'atteindre nos
cibles de protection du territoire aussi, qu'on sent bien présente chez vous.
J'ai trouvé ça intéressant. Est-ce que vous... Est-ce que vous...
#Puis je pense... Puis je voulais rebondir sur
quelque chose que Mme la ministre a dit tantôt, tu sais, on pourrait créer des
régimes particuliers pour à peu près tout. À un moment donné, est-ce qu'on ne
s'y prendrait pas à un moment donné, pour la paraphraser, alors que, par
ailleurs, on a fait des lois particulières pour le réseau structurant de
transport en commun Québec puis on l'a fait aussi pour le Réseau express
métropolitain, donc, qui vont dans le sens, dans le fond, de votre demande de
faire... d'en faire plus pour développer le transport collectif notamment.
Donc, peut être juste réexpliquer ou insister sur le... sur cette notion-là, de
pourquoi vous pensez que le transport collectif devrait être, disons, puis...
puis la protection du territoire devrait être un petit peu plus prise en
charge, en fait, dans cette... dans ce projet de loi là.
M. Gariépy (Sylvain) : Bien,
le transport collectif des lignes... Bien, les projets auxquels on fait
référence dans notre mémoire, ce sont des projets d'envergure, ce sont des
projets structurants et c'est des projets qui modifient le territoire des
villes. C'est des projets sur lesquels aussi on veut... on veut faire de la
densification urbaine afin d'éviter l'étalement urbain, d'éviter l'empiétement,
justement, dans les milieux naturels. Donc, tout ça est rattaché. C'est pour ça
que le transport collectif, c'est très important puis c'est majeur. Ça prend de
la place, ça interpelle un changement d'habitudes. C'est de nous donner plus
d'options de mobilité, des options environnementales. Même chose pour les
milieux naturels. Donc, tout est interrelié, là. Oui, il y a le transport
collectif, il y a les milieux naturels. Je crois que c'est... C'est pour ça
qu'on s'est beaucoup là-dessus. C'est parce que les impacts sont énormes et ils
sont tous interreliés. Donc, ce sont des enjeux interreliés.
M. Grandmont : Donc, on
pourrait dire qu'à travers des propositions comme les vôtres, à travers le
projet de loi de Mme la ministre, on pourrait être en mesure d'atteindre de
façon plus rapide, de façon plus concrète, nos objectifs de protection du
territoire et de réduction de gaz à effet de serre. On a une poigne, là, à
travers le p.l. no 22, pour le faire pour vrai, selon vous.
M. Gariépy (Sylvain) : Oui,
mais on... Bien, il faut se la donner. Ça, c'est sûr. Et c'est pour ça qu'on
focusse sur le transport collectif, c'est pour dire, bien, ce sont des projets
structurants qui changent les choses et qui nous atteindre à... qui nous aident
à atteindre les cibles environnementales qu'on s'est données nous-mêmes et même
d'aller plus loin. Donc, on a l'opportunité de l'avoir, l'ambition. Mais
l'idée, c'est de se donner les moyens dans le cadre d'une loi qui nous amène
dans cette direction-là.
M. Grandmont : Quand
vous parliez, là, d'exemplarité, là, je pense, c'est à la
recommandation 7, vous faites référence à certains types de projets.
Est-ce que certains types de projets... En fait, j'aimerais que vous vous
réexpliquiez un petit peu, là, la recommandation 7 pour être sûr qu'on
comprenne bien, là. En fait, je ne veux pas vous mettre des mots dans la
bouche, donc, je vais vous laisser peut-être mieux l'expliquer.
M. Alfaro
Clark (David) :
Ah! Bien, c'est une recommandation en lien avec la mise en
œuvre de la Politique nationale de l'architecture et de l'aménagement du
territoire. Donc, le gouvernement a adopté une vision stratégique il y a un peu
plus d'un an, maintenant, un an et demi... un an et demi. On est dans la mise
en œuvre, maintenant. Il y a... C'est sûr qu'il y a des éléments qui touchent
les municipalités. Donc, on a eu le p.l. no 16 modifiant la Loi sur
l'aménagement au printemps. Il y a les nouvelles orientations du gouvernement
en aménagement du territoire qui sont attendues l'année prochaine. Donc, il y a
tout un chantier pour encourager les municipalités à améliorer leurs pratiques,
mais aussi la question des pratiques du gouvernement lui-même, du gouvernement
en tant que... Bien, du gouvernement qui réalise des projets d'infrastructures,
des projets... des projets de bâtiments publics. Donc, on veut vraiment que le
souci de mieux prendre soin du territoire et d'avoir une meilleure
architecture, que ça percole vraiment dans tous les différents ministères et
organismes pour que... pour avoir des bâtiments plus...
M. Alfaro Clark (David) : ...de
qualité pour avoir une intégration urbaine de qualité des projets publics, pour
avoir aussi des choix d'investissement au niveau du gouvernement qui sont
cohérents avec cette volonté, justement, de prioriser davantage les transports
en commun que le réseau routier, de mieux entretenir l'existant, de mieux
entretenir nos actifs plutôt que construire de nouvelles infrastructures...
avant de construire de nouvelles infrastructures. Aussi, toute la question du
patrimoine, d'assurer que le gouvernement, en tant que propriétaire de
bâtiments patrimoniaux, qui a vraiment un souci de bien entretenir ces
bâtiments et aussi de les mettre en valeur. Donc, c'est toutes ces
préoccupations qu'on aimerait qu'il soit reflété dans l'action gouvernementale.
M. Gariépy (Sylvain) : Puis
si je peux juste compléter ce que mon collègue vient de dire.
Le Président (M. Jacques) : Malheureusement,
ça termine la période d'échanges. Mais je vous remercie énormément pour votre
contribution à nos travaux, aux travaux de la commission et je suspends
quelques instants pour faire place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 57)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 14)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour
à tous. Je souhaite la bienvenue à la Société de transport de Montréal. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.
M.
Caldwell (Éric Alan) : Merci beaucoup, M. le Président. Désolé du
léger retard. On a été retardé, on avait mal anticipé les... tout le passage à
la sécurité.
Alors, merci de nous recevoir. Je m'appelle
Éric Alan Caldwell, je suis président du conseil d'administration de la STM. Je
suis accompagné de Mme Marie-Claude Léonard, directrice de la société de
transport, ainsi que de Mme Maha Clour, première directrice principale,
prolongement et activités commerciales.
Merci de nous recevoir, on est extrêmement
contents d'être ici parce que, disons-le, ce projet de loi est attendu, espéré,
et on veut le saluer. C'est un projet de loi qui vient répondre à plusieurs de
nos demandes historiques, justement pour faciliter le cheminement des grands
projets de transport collectif, en diminuer les coûts, et en diminuer les
délais.
Quand on regarde ce qui se fait ailleurs
dans le monde, le projet de loi est clairement aligné sur plusieurs des
meilleures pratiques qui nous permettent d'atteindre ses buts.
Vous m'excuserez, je vais juste prendre
une gorgée d'eau, j'ai... on a littéralement couru pour venir ici.
Alors, d'entrée de jeu, c'est ce qu'il
faut souligner, le pas en avant qu'on fait justement pour la progression des
projets de transport collectif avec le p.l. 22. On aura quelques suggestions à
vous faire pour en peaufiner certains éléments.
La STM, il faut le dire, on est un des
plus grands donneurs d'ouvrage en construction, on a un portefeuille d'investissements
d'environ 2 milliards par année, 20 milliards sur 10 ans. Pour
vous donner une idée, à chaque année, la STM réalise des dizaines de projets
complexes dans des milieux denses, urbains pour moderniser son réseau, ajouter
des postes de ventilation mécanique, mettre des ascenseurs dans un métro qui n'a
pas été construit pour en recevoir. Et effectivement aussi, la STM est
gestionnaire de ce grand projet de transport collectif qui est le prolongement
de la ligne bleue, un projet dans lequel on investit tous collectivement et qu'on
veut réaliser dans les meilleures conditions possibles. Donc, on est très
familier avec le cadre actuel, les défis qu'il représente puis les coûts qu'il
impose, et on partage vraiment l'ambition qui est portée par le projet de loi
n° 22 pour...
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:...nos
mécanismes.
On est ici pour vous présenter une
perspective de gestionnaires de projets d'infrastructure sur le cadre actuel
d'expropriation. Si vous avez vu notre mémoire, nous avons quelques... De un,
dans notre mémoire, on réitère justement comme quoi ce projet de loi est
attendu, espéré et bénéfique pour l'ensemble de nos activités, mais on vous
fait aussi quelques suggestions pour aller un peu plus loin. Alors, là-dessus,
je vais passer la parole à Mme Léonard.
Mme Léonard (Marie-Claude) : Bien,
merci beaucoup, M. Caldwell. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, à mon
tour, j'aimerais remercier le gouvernement pour le dépôt de cette loi-là, qui
aura vraiment des bénéfices importants pour le développement du transport
collectif.
Pour comprendre tous les avantages de ce
projet de loi là, il faut comprendre le poids actuel des processus d'expropriation.
Pour nous, l'élément central de ce projet de loi là, c'est la capacité d'avoir
un processus qui va être prévisible puis qui va nous permettre de réduire les
coûts et les délais. À titre d'exemple, pour le prolongement de la ligne bleue,
on estime les coûts d'expropriation autour de 800 millions de dollars. Ça
représente environ 13 % des coûts complets du projet. Oui, vous pouvez
vous dire que c'est un montant important, parce qu'effectivement, c'est un
montant important, et, quand on se compare à l'international, c'est un montant
qui est disproportionné. Donc, quand on regarde des projets de prolongement qui
ont été créés, on est plus autour de 3 à 5 % de charges d'expropriation
sur des coûts totaux de projets.
Avant l'adaptation de la Loi concernant
l'accélération de certains projets d'infrastructure, la LACPI, c'est sûr que le
prolongement de la ligne bleue a pu en profiter, et c'est venu réduire les
délais, et on l'apprécie vraiment beaucoup, mais on pouvait estimer des
processus d'expropriation, jusqu'à trois à quatre ans, le délai pour être
capable d'avoir une expropriation complète. À titre d'exemple, quand on a un
projet de 6 milliards. Par le processus d'expropriation, il y a un délai d'un
an. Bien, c'est à peu près 240 millions de coûts d'inflation de 4 % dans
une année. Donc, on constate, tout comme vous, que le cadre actuel ne
fonctionne vraiment plus. On paie vraiment cher les processus qui sont
imprévisibles, longs et laborieux. Et, dans le fond, avant même d'avoir commencé
un projet, on nuit à l'avancement puis aux coûts par les processus
d'expropriation.
C'est pourquoi on est vraiment content
d'applaudir le projet de loi no 22, qui va nous aider à encadrer les indemnités
qui vont être versées, à alléger les processus pour établir les indemnités
provisoires et donner accès à des terrains expropriés pour réduire les délais.
Donc, en permettant de réaliser les travaux de... préparatoires, on va pouvoir
mieux planifier et mieux arrimer l'ensemble de nos travaux. Et on établit aussi
que la contestation du droit d'expropriation n'entraîne plus de suspension
automatique de la... procédure, excusez-moi, et ceci améliore grandement la
prévisibilité, les coûts et les délais.
Maintenant, j'aimerais vous parler de nos
propositions pour améliorer le projet de loi. La STM a une expertise
incontestable en matière de gestion de métro et de tunnels, 71 kilomètres de
tunnels, et c'est sur cette base qu'on fait quelques recommandations dans le
projet de loi, c'est en lien avec la construction du tunnel. Parmi celles-ci,
on souligne la nécessité d'enlever la limite de 15 mètres à la surface. Car, si
on regarde, à Montréal le réseau du métro, si on regarde cette mesure-là, on va
devoir acquérir beaucoup de terrains puis on va beaucoup augmenter les coûts de
modernisation de notre réseau du métro. Une autre de nos propositions concerne
les autorisations gouvernementales. Quand la STM exproprie, on doit aller
chercher une approbation du gouvernement, de la ville et de l'ARTM quand c'est
des projets de métro. Les municipalités, les communautés métropolitaines et les
centres de services scolaires n'ont pas besoin d'obtenir l'autorisation
gouvernementale, qui peut prendre plusieurs mois. Nous sommes d'avis qu'il
devrait être ainsi pour des organismes de transport collectif qui façonnent nos
villes et déplacent des millions de personnes. Exempter les sociétés de
transports de cette obligation permettrait d'accélérer la réalisation des
projets. Merci pour votre attention. Je passe la parole à M. Caldwell pour la
conclusion.
• (16 h 20) •
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Merci
beaucoup. Donc, d'autres recommandations, et je vais être assez clair et assez
direct. Souvent, pour le transport collectif, pour l'ensemble de nos besoins,
que ce soit pour le développement de nouvelles infrastructures, pour le
maintien d'actifs, pour l'exploitation de nos réseaux, on le sait tous, c'est
un constat qu'a partagé avec beaucoup de justesse, Mme la ministre, on fait
face à un enjeu financement du transport collectif. Et moi-même, comme
président de la STM, je suis souvent en revendication pour plus de financement,
question d'avoir une prestation de services puis une offre de service
optimisée. J'ai rarement l'occasion comme j'ai l'occasion de le faire ici de
venir vous dire avec quel...
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:...ajustements.
On pourrait en demander moins. C'est-à-dire, on pourrait libérer un potentiel
de développement, justement, lié à nos activités de transport collectif lorsqu'il
y a des transactions immobilières pour, bien sûr, l'acquisition de terrains,
qui... Pour répondre à nos besoins, mais, comme on le fait aussi ailleurs dans
le monde, pour libérer un potentiel. Quelques exemples : à Paris, la
Société du Grand Paris Express arrive avec... permet l'expropriation de
800 mètres autour de ses nouvelles stations, À Vancouver, c'est
600 mètres.
Et on croit que pour, un, bien entendu, ce
qui est la base, remplir le besoin d'infrastructures, mais aussi libérer un
potentiel de développement cohérent, on pourrait, en... avec quelques
ajustements au projet de loi et à la Loi sur les sociétés de transport, faire
en sorte de capter plus de ce potentiel de développement au bénéfice, bien sûr,
du... Des projets de transport collectif. C'est de l'argent qui serait... Qui
doit être directement remis pour le bénéfice des projets et du financement du
transport collectif.
Donc, ça doit s'articuler, justement, sur
la question du périmètre d'expropriation, je crois que mon temps est compté, donc
il y a tous les détails dans le mémoire, mais aussi... Merci, M. le Président,
mais aussi, bien entendu, dans la capacité qu'on a comme société de transport,
comme gestionnaire de projet, de négocier avec des tiers pour vraiment saisir
les opportunités, s'allier à des promoteurs, justement, pour faire des
ensembles de développement cohérents, pour libérer le plein potentiel et aussi
pour capter une partie de ce potentiel à même nos infrastructures.
Ailleurs dans le monde, ce modèle de
financement innovant du transport collectif est assez répandu. Dans certains
pays comme l'Asie, il va chercher beaucoup de revenus, mais dans d'autres
juridictions européennes ou même canadiennes, on arrive à trouver une partie de
l'équation du financement du transport collectif.
On a tout à fait la volonté de participer
à sa libération de potentiel, répondre à une partie de l'équation pour le
financement du transport collectif et surtout répondre à l'ensemble ou à
plusieurs des politiques publiques qu'on s'est données, c'est-à-dire un
transfert modal vers le transport collectif, une réduction des gaz à effet de
serre, une décarbonisation de l'industrie du transport.
Et on le croit, qu'en libérant le
potentiel et en captant une partie autour des infrastructures de transport en
commun comme on le fait dans une logique de «transit oriented development», on
arrive à trouver un modèle gagnant-gagnant-gagnant pour l'achalandage du
transport collectif, pour le développement de nos villes, pour répondre en
partie à des enjeux comme celle... Comme celui de la crise du logement et celui
du financement du transport collectif.
Donc, on veut être proactifs, faire partie
de la solution à cet effet-là. Et merci de votre attention.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour
une période de 16 minutes 30 secondes.
Mme Guilbault :Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous trois
d'être ici aujourd'hui, partenaires réguliers de notre quotidien depuis bientôt
un an comme ministre des Transports. Mais donc, on s'est parlé souvent sur
plusieurs questions, entre autres, le financement du transport collectif. Puis
j'y reviendrai, j'aurai des questions sur votre... La dernière partie de votre
exposé. Mais donc, merci beaucoup d'avoir fait le chemin jusqu'à Québec en
transport très actif, de ce que je comprends pour les dernières minutes. Alors,
vous voyez, c'est l'intermodalité.
Une voix : ...
Mme Guilbault :C'est l'intermodalité. Donc, merci. Très intéressant,
évidemment. Puis, bon, on a eu... En fait, vous êtes notre première société de
transport, si je ne m'abuse, depuis le début des consultations. On a eu
plusieurs municipalités, les deux communautés métropolitaines, d'autres groupes
aussi, toujours superintéressants. Mais c'est sûr que, quand on pense aux gros
projets d'infrastructure qu'on a au Québec, il y a du logement, il y a plein
d'affaires, des écoles, mais il y a beaucoup de projets de transport et
beaucoup de projets de transport collectif.
Et je regardais encore ce matin, parce que
là on baigne là-dedans depuis quelques jours, les chiffres d'expropriation, la
quantité d'expropriations annuelles qu'on fait, nous, au ministère des
Transports, pour nous et pour d'autres, puis la quantité totale
d'expropriations dans les dernières années, et il y a une année qui était
significativement plus élevée, là, pour, justement, la ligne bleue. Donc...
Puis souvent, on nous dit : pourquoi c'est long, ça coûte cher, c'est
compliqué, ça n'avance pas, ça prend des années, mais il y a des choses dans la
vraie vie qui sont tellement lourdes et compliquées puis qui amènent des
dépassements de délais puis de coûts. Puis là, aujourd'hui, depuis qu'on est
dans ce projet de loi là, je trouve qu'on a... puis ça fait du bien, puis vous,
peut-être encore plus parce que ça fait encore plus longtemps que moi que vous
êtes là-dedans, de pouvoir dire que ces choses-là sont parfois hors de notre
contrôle puis ça entraîne des délais, puis des explosions de coûts qui vont
chercher l'argent dans les poches des mêmes contribuables, là. Donc, dans cette
mesure-là, moi, je suis très heureuse qu'on ait cette pièce législative là...
Mme Guilbault :...qu'on va améliorer sans doute tous ensemble, mais enfin,
on va se donner le moyen de réduire les délais puis les coûts de nos projets
d'infrastructure, parce que ça n'a pas de bon sens. Donc, ceci étant dit, je
note que vous accueillez très bien le projet de loi. J'aurais envie de
peut-être commencer, puis ça peut paraître paradoxal, mais comme on se le
disait, à chaque groupe qui est venu... et c'est un point que vous n'avez pas
abordé, parce que... je ne sais pas si vous avez porté votre attention sur les
articles 170, 171. Et, bien que vous ne soyez pas une municipalité comme
telle, je ne sais pas si l'expropriation déguisée vous touche autant que ça
peut toucher les municipalités, mais probablement indirectement aussi. Alors,
j'aurais envie de savoir d'emblée si vous avez une opinion sur la chose, la
notion d'expropriation déguisée qui revient souvent. Est-ce que vous, ça vous
cause des problèmes directement? Et que ce soit oui ou non, qu'est-ce que vous
pensez des deux articles qu'on introduit? Est-ce que ça va trop loin, pas assez
loin? Est-ce que c'est le bon véhicule? Avez-vous une opinion là-dessus ou
est-ce que, pour vous, ce n'est pas un enjeu?
Mme Léonard (Marie-Claude) : Bien,
à la lumière des discussions qu'on a eues dans l'équipe, là, tu sais, nous, ça
nous touche moins directement. Ça fait qu'effectivement, on a vu la CMM, là,
qui est venue faire des représentations à ce niveau-là. Ça nous touche moins
directement parce que nous, tu sais, c'est des projets précis, souvent à des
lieux précis. Puis on regarde toujours les meilleures options, dans une optique
d'acceptabilité sociale aussi. Donc, on l'a moins adressé, parce que ça ne nous
touche pas particulièrement, à moins que j'aie des angles morts.
Mme Guilbault :Oui, allez-y.
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Tout à
fait, c'est-à-dire il est assez clair que nos expropriations sont pour des
besoins spécifiques. On parle du prolongement de la ligne bleue. On en a eu
pour des postes de ventilation qui sont au-dessus de l'infrastructure de métro,
des postes de redressement pour l'alimentation électrique, des garages
d'autobus, des centres de transport. Donc, habituellement, on arrive à faire la
démonstration assez claire du besoin en fonction de l'expropriation qui est
visée. Ceci étant dit, si vous voulez qu'on donne un avis plus poussé sur cette
question-là, ça nous fera plaisir de l'étudier.
Mme Guilbault :Non. Bien d'instinct, je me doutais que ça vous touchait
moi aussi. Mais j'étais curieuse, étant donné que tout le monde l'a abordé,
puis il y aurait peut-être eu un angle insoupçonné à la chose. Donc, vous me
parlez de la ligne bleue. J'ai envie aussi de parler du SRB Pie-IX et donc des
projets en général. Vous avez parlé des garages, le fameux garage dont on parle
souvent, et ces projets là, donc, des fois, on parle, malheureusement, pas pour
les bonnes raisons, justement parce qu'on a l'impression que ça ne finit plus
puis ça coûte de plus en plus cher. Est-ce que vous êtes en mesure, puis
peut-être vous ne l'avez pas chiffré sous la main, puis, si c'est le cas, il
n'y a aucun problème... mais dans cette volonté là d'avoir des exemples de la
vraie vie pour qu'on comprenne bien, là, dans les gens qui nous écoutent, là,
les centaines de milliers de citoyens qui écoutent la commission parlementaire
actuellement, pour qu'on mesure bien l'impact que ça peut avoir sur un projet.
Vous nous avez parlé du 13 % de coût d'expropriation par rapport à
3 % à 5 % dans d'autres projets. Puis je parlais souvent de la
comparaison de la ligne bleue qui est en train d'être prolongée à Stockholm,
versus notre ligne bleue à nous qui coûte à peu près le même prix pour
18 stations au lieu de six, pour 30... 18 stations au lieu de cinq, puis
30 kilomètres au lieu de six. Mais bref, que ce soit... puis, pour
d'autres projets, puis la SRB, je ne le sais pas, j'avoue, je ne l'ai pas,
l'information à quel point l'expropriation a pu influer sur le coût ou les
délais. Parce ça a été long aussi quand même, la livraison de ça, donc ou les
garages. Avez-vous des exemples dans d'autres projets, être capable de nous
dire le pourcentage du coût ou du dépassement de coût par rapport à la première
évaluation, ou des délais aussi qui pourraient être attribuables aux
expropriations dans la formule actuelle de la loi?
• (16 h 30) •
Mme Léonard (Marie-Claude) : On
a quelques exemples. C'est sûr que, si on prend le centre d'attachement de Nord
ouest, si on... prend juste le fait qu'on va venir fixer des indemnités
différentes, on sauverait un 15 % sur un montant de 5 millions. On
parle de 750 000 %, mais, quand on multiplie ça par les millions
d'expropriations qu'on fait, bien, ça a un impact important sur les coûts.
Après, en termes de prévisibilité, quand on fait un poste de ventilation
mécanique, à titre d'exemple, il faut aller chercher souvent un zonage
spécifique dans un arrondissement. Donc, il faut d'abord faire une première
approche pour aller voir, là, les places, tu sais, il faut trouver la juste
place pour qu'un poste de ventilation soit connecté à ton réseau métro. Ça fait
que ce n'est pas tous les lieux qui font, il faut trouver plusieurs places.
Juste ce processus-là prend 6 à 9 mois. Après, il y a un processus
d'autorisation d'expropriation qui peut prendre jusqu'à 12 mois. Donc
c'est vraiment des longs délais.
Puis un des exemples que je peux donner
aussi, c'est le garage Stinson qu'on a bâti en 2014, ça fait que les processus
d'expropriation ne sont pas terminés à ce jour, là. Donc, c'est vraiment des
places où on perd des temps de négociation. Dans le prolongement de la ligne
bleue à Lacordaire, on a perdu un 24 mois pour l'expropriation, donc c'est des
délais, c'est des coûts. C'est sûr que, là, on n'a pas eu le temps de tout
chiffrer, là, les projets des 50 dernières années, je pense que ce serait
intéressant d'avoir encore plus un volume d'argent de ce côté-là, mais c'est
quelques exemples à quel point c'est complexe. Puis...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Léonard (Marie-Claude) : ...aussi,
le fait qu'on n'a pas accès à l'expropriation parce qu'il y a des
contestations, bien, nous, on ne peut pas aller faire du carottage. Ça fait que
notre mode de planification, souvent, après, là, on n'a pas le bon mode, on n'a
pas choisi le bon mode d'excavation parce qu'on n'a pas... on devait avancer
avec le processus. Ça fait que ça a beaucoup d'impact. Donc, c'est assez
marquant en termes de mois et de montants d'argent, là, quand on le regarde en
volume de montants d'expropriation.
Mme Guilbault :Bien, absolument. Puis l'exemple de 2014, que vous donnez,
qui est un peu, justement, exaspérant, ça m'amène sur la question, le six mois
de délai. Je présume que vous souhaiteriez que ce soit immédiat, à l'entrée en
vigueur de la loi?
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Tout à
fait. C'est une de nos recommandations.
Mme Guilbault :Puis sur les... Parce qu'on est en train de réfléchir à ça,
là, à peu près tout le monde souhaite ça aussi. On va essayer peut-être de
trouver un équilibre dans les ajustements qui sont nécessaires sur le plan
administratif, et tout ça. Mais est-ce qu'à son effet immédiat, dans le sens
où... par rapport aux causes pendantes ou par rapport à une notion de
rétroactivité, avez-vous analysé la chose sous l'angle plus juridique? Ou pas
nécessairement?
Mme Léonard (Marie-Claude) : C'est
sûr que nous, il y a des projets, là, qu'on va débuter, qu'on se dit, bon,
bien, on a attendu de voir si le projet... le p.l. n° 22 va venir nous aider,
au lieu de commencer le processus régulier. Il reste quelques expropriations à
faire dans le prolongement de la ligne bleue aussi. Donc, plus vite on a ces
allègements-là, plus vite on en profite, en termes de coûts et de délais, là.
Donc, c'est de l'argent qu'on risque de ne pas dépenser plus vite qu'on le met
en fonction.
Mme Guilbault :Avez-vous une idée, à peu près, du volume de... Parce que
vous dites : Il y a des projets, en ce moment, pour lesquels on n'a pas
encore amorcé d'action, parce qu'on attend, dans le fond, la nouvelle loi.
Avez-vous... Pouvez-vous nous donner un aperçu? Je ne sais pas si vous pouvez
nommer les projets, mais le volume de... ou le type de projets que vous avez,
dans le fond, qui est stand-by, si vous me passez l'expression, là, et qui
pourraient être déjà en train d'avancer, et qui attendent après la loi
actuelle, l'adoption de la loi, du projet de loi?
Mme Léonard (Marie-Claude) : Les
différents projets de modernisation des deux métros, on parle... on veut..., on
doit refaire le complexe Beaugrand. C'est quelque chose qui est inscrit dans
notre plan d'investissement. On n'est pas à la veille de le débuter, mais c'est
sûr qu'on commence les études cette année. Donc, on pourrait profiter
rapidement de ce volet-là. Après, c'est sûr que, dans notre plan d'investissement,
il y a toujours des postes de ventilation mécanique, là, on en fait deux, trois
sur des cycles de cinq ans. Donc, ces dossiers-là demandent de longs délais
puis amènent des coûts d'expropriation. Ça fait qu'on pourrait le sortir, là,
je n'ai pas le chiffre en tête, mais il y a des projets court terme, dans notre
maintien d'actifs, dans la modernisation des lignes de métro, qui sont en
cours, puis il y a quelques dossiers, là, qu'on se dit : Bon, bien, est-ce
qu'on procède ou on attend le p.l. n° 22? Donc, c'est sûr que nous, on
aimerait l'application dès la sanction.
Mme Guilbault :Puis, actuellement, si on ne modifiait pas la loi, dans l'ensemble
de ces projets-là, bien que ce n'est pas chiffré précisément, mais... on peut
penser que ce serait des centaines de millions de dollars d'expropriations
potentielles, pour faire avancer vos projets, qui pourraient être économisés
avec la nouvelle loi?
Mme Léonard (Marie-Claude) : Tout
à fait. Si on prend l'exemple que je donnais... tantôt, si on dit : On a
un projet de 6 milliards, tu sais, qui court pour un an, bien, tu as 240 millions
de... pendant l'année qui court, dans un taux d'inflation à 4 %. Ça fait
que chacun des projets, présentement, on l'a dit, là, ça prend des cycles de
trois à quatre ans pour faire de l'expropriation. Donc, si je pars un projet
demain matin, puis que je suis dans des centaines de millions, bien, chaque
mois qui court, c'est des coûts de projet que je dépense. Donc, avant même d'avoir
commencé, je viens jouer sur l'avancement du projet, parce que j'occasionne des
délais plus longs que l'échéancier que je prévoyais faire, puis j'ai des coûts
importants, parce que je maintiens un bureau de projet plus longtemps, puis je
suis à faire de la planification moins coordonnée sur le site direct.
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Et, si
vous permettez, Mme la ministre, aussi, on a vécu, pour certains projets, les allègements
proposés par la LACPI, la loi sur l'accélération des projets d'envergure. Donc,
à le vivre, à utiliser ces différents leviers là qui sont dans la LACPI pour
certains de nos projets, on arrive à voir comment appliquer à nos autres
projets, qui ne sont pas soumis à la LACPI. Ça pourrait être bénéfique pour l'ensemble
de nos projets. Certains de nos projets ne sont pas sous le chapeau de la
LACPI, et on voit l'usage de la LACPI, le potentiel que ça nous amène dans les
éléments facilitateurs pour l'évolution des projets. Et on vous souligne aussi
l'évolution qu'il y a, dans le p.l. n° 22, par rapport aux différentes
dispositions de la LACPI, où on va encore... on est encore... on a des outils
encore mieux affinés, justement, pour répondre à nos besoins.
Mme Guilbault :Parfait. Peut-être une dernière question, avant de laisser
du temps à mon collègue de René-Lévesque, sur le développement immobilier. Puis
c'est quelque chose que vous avez abordé, on en a déjà discuté, aussi, dans ma
fameuse tournée du transport collectif puis, bon, à travers toutes sortes de
discussions. Vous avez raison que le financement du transport collectif, c'est
un défi. C'est un dossier à part, sur lequel je ne disserterai pas trop
longtemps ici, parce qu'on aura l'occasion d'en reparler. Mais évidemment que
tout potentiel de...
Mme Guilbault :...source de revenus peut être bienvenue dans la mesure où
elle est réinvestie dans le transport collectif. Néanmoins, je voyais la
suggestion, là, d'avoir des projets de développement immobilier à même les
projets... les développements des projets d'infrastructures, et j'aimerais ça
voir, selon vous, la façon dont vous voyez ça très concrètement. Par exemple,
si on fait un projet de développement, bien, sortons de la ligne bleue, là,
dans un futur prolongement de, je ne sais pas moi, la ligne orange, la ligne
verte, la ligne jaune... J'ai nommé toutes les lignes pour ne pas qu'on pense
que je suis en train d'annoncer quelque chose, mais... Et donc, avec le privé,
par exemple, un projet conjoint avec le privé, qui, selon vous, devrait assumer
le risque dans ce projet-là? Et, s'il y a des incidents, s'il y a des délais
supplémentaires, s'il y a du retard dans le projet à cause... dans le projet de
transport à cause du projet de développement, s'il y a des surcoûts, et tout
ça, qui, selon vous, devrait assumer la chose?
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Je vais
faire une première partie de la réponse sur, justement, l'expression de ce
potentiel, je vais pousser un peu plus loin, près, je vais passer la parole à
ma collègue Mme Clour, justement, pour des éléments plus précis de
réponse. Mais il faut comprendre, lorsqu'on crée une nouvelle infrastructure de
transport collectif, on est souvent par définition dans un territoire où la
mobilité était articulé autrement, c'est-à-dire, justement, sur la présence du
réseau routier, des stationnements. Alors, quand on arrive comme ça, avec un
projet de transport collectif, ça amène nécessairement une requalification du
tissu urbain pour, justement, que la mobilité de référence soit celle du
transport collectif plutôt que le transport routier. On vient permettre de
libérer ce potentiel-là, permettre de réorganiser la ville avec une certaine
densité puis intensité qui va assurer aussi l'achalandage du moyen qu'on est en
train de construire. C'est la fameuse quadrature du cercle ou le cercle
vertueux, justement, d'un transport collectif qui suscite un aménagement plus
vert qui nous permet d'atteindre nos objectifs de développement durable et qui
influence avec l'arrivée d'un service performant sur les habitudes de vie et de
mobilité.
Donc, il y a nécessairement un potentiel
qui est libéré. Et on croit qu'avec des outils comme celui de Trangesco, une
filière commerciale qu'on a mise en place il y a une vingtaine d'années, on
croit qu'on peut, justement, en amont, en négociant avec des tiers, réduire les
risques et augmenter le potentiel de retombées. Je note aussi que pour la
première fois dans l'histoire des projets publics au Québec, on a, pour le
prolongement de la ligne bleue, chiffré ce potentiel-là à 310 millions. On
a dit : Il y a 310 millions qu'on va aller chercher en potentiel de
développement et en redevances dans un projet public. C'est la... Il y avait eu
des redevances pour le REM de l'Ouest, et là, il y en a pour le prolongement de
la ligne bleue.
Donc, ça s'inscrit dans cette logique-là
de la nécessaire requalification et de la planification cohérente. Et ça, quand
on est limité à notre carré de sable et on n'a pas la capacité de négocier avec
les riverains,bien, clairement, on n'arrive pas à créer un ensemble urbain
aussi optimal que celui qu'on souhaiterait. Pour compléter, Maha.
• (16 h 40) •
Mme Clour (Maha) : Oui.
Merci. Bien, en fait, tout est dans la planification de ces projets de
développement là, conjointement avec les projets de transport, et par la prise
de risques. Puis ce que le balisage qu'on a fait à travers le monde, en se
comparant avec des modèles similaires à travers le monde, on réalise, puis M.
le Président... M. Caldwell, il l'a effleuré un petit peu tantôt, c'est
tout est dans comment qu'on peut créer des filiales ou des sous-filiales pour
cette prise de risque là. Donc, ces filiales ou ces sous-filiales de
développement permettent justement de pouvoir créer des partenariats avec le
secteur privé, d'avoir des ententes de partage de risques à travers tout ça,
qu'un risque financier, un risque... En fait, ce que souvent les donneurs
d'ordre, par exemple pour la STM, ce qu'on peut mettre sur la table, nous
autres, c'est souvent l'actif immobilier en tant que tel. Donc, c'est là où la
prise de risque, elle est essentiellement, et, si effectivement il y a un échec
dans cette entente ou ce partenariat avec le privé, bien, l'actif demeure.
L'actif demeure et prend toujours de la valeur à travers le temps. Donc, c'est
vraiment à travers ces filiales-là qu'on peut dérisquer ces projets-là puis
dérisquer ces organisations à travers des ententes de partenariat avec le
secteur privé.
Mme Guilbault :Puis, selon vous, est-ce que Transgesco, actuellement, est
une structure assez solide, capable d'assumer le risque dans ce genre de
développement là, parce que c'est votre filiale actuellement pour ce genre de
projet là?
Mme Clour (Maha) : Tout à
fait. Transgesco existe depuis une vingtaine d'années, a fait ses preuves à
travers les différentes années et est beaucoup actif dans la gestion des
activités commerciales, autant au niveau de l'affichage publicitaire, au niveau
de la gestion des commerces, par exemple dans nos installations, dans le
souterrain, là, dans le Montréal souterrain.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour cet échange, qui se termine à l'instant. Et je cède maintenant la
parole à l'opposition officielle, au porte-parole, M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour votre mémoire, pour votre témoignage
également...
M. Morin : ...devant la
commission.
Dans votre mémoire, vous parlez
beaucoup... Puis, évidemment, vous avez nécessairement une expertise dans les
tunnels, n'est-ce pas? Vous parlez beaucoup de l'article 166, 167 du
projet de loi, qui semblent poser des problèmes, particulièrement pour vous, en
ce qui a trait notamment à la distance de 15 mètres, qui, entre autres... parce
que l'article ne s'applique pas aux biens du domaine de l'État, donc vous
pourriez... tout dépendant où vous passez, vous pourriez vous retrouver
propriétaire avec, en fait, un autre propriétaire, si je comprends bien.
Pouvez-vous nous en dire davantage puis,
si jamais vous avez des modifications à suggérer, quelles devraient-elles être
pour qu'au fond le Parlement n'adopte pas un projet de loi qui vous cause plus
de problèmes que moins?
Mme Clour (Maha) : Bien,
effectivement, je peux répondre. En ce moment, on est assujettis à la loi sur
les sociétés de transports en commun, l'article 154, qui nous permet
justement d'avoir un droit acquis au niveau du souterrain pour le passage du
tunnel. Le tunnel peut varier en termes de profondeur. Donc, souvent, même dans
le réseau existant en ce moment, l'emprise du tunnel peut se trouver à
l'intérieur du 15 mètres qui est stipulé dans le projet de loi n° 22.
Déjà aujourd'hui, si je cite le projet du
prolongement à la ligne bleue, qui est un projet actif au niveau de la
construction d'un prolongement de tunnel de métro, déjà dans le cadre actuel,
selon la loi sur les sociétés de transport en commun, on doit émettre entre 400
et 600 avis aux propriétaires en surface pour les aviser du passage en
souterrain du tunnel. Ce n'est pas une expropriation proprement dite, c'est un
avis de passage en souterrain. C'est certain qu'aujourd'hui s'il y a un
paramètre de 15 mètres qui est imposé ou qui est défini, ça viendrait changer
la donne au niveau de la nécessité d'exproprier davantage, notamment dans le
cadre d'un projet comme le prolongement à la ligne bleue, parce que
nécessairement il y a des endroits où le tunnel, notamment quand le tunnel
arrive vers... à l'intérieur d'une station, remonte en surface légèrement ou en
tout cas est à l'intérieur du paramètre du 15 mètres... donc nécessiterait
forcément des expropriations additionnelles. Donc, ça peut générer plusieurs
dizaines, voire centaines d'expropriations, dossiers d'expropriation dans le
cadre du prolongement à la ligne bleue, par exemple, si je le cite comme
exemple, en ce moment, qui ne sont pas nécessaires en ce moment.
Le 15 mètres permet justement de protéger
les infrastructures souterraines, les actifs du métro pour... advenant qu'un
riverain souhaite faire des projets à proximité ou des interventions à
proximité qui pourraient modifier les conditions du sol autour du tunnel ou qui
peuvent même venir modifier les ancrages au roc du tunnel qui assurent, bien
évidemment, son intégrité et sa sécurité.
M. Morin : Et, à l'article...
le 166, entre autres, la ville de Québec nous disait que ça pouvait poser un
problème parce que, si jamais ils ont à construire un tunnel, bien, ils
pourraient, dans certaines circonstances, se ramasser propriétaire, par
exemple, avec le gouvernement du Québec.
Présentement, dans les tunnels que vous
avez, est-ce que vous êtes propriétaire avec le gouvernement ou d'autres
propriétaires ou si ça vous appartient totalement?
Mme Clour (Maha) : ...souterrain,
le tunnel, ça nous appartient.
M. Morin : O.K. Puis je
comprends que, si cet article-là est adopté tel quel, là vous pourriez vous
ramasser être propriétaire avec le gouvernement ou d'autres.
Mme Clour (Maha) : Bien, en
fait, il y avait effectivement, dans le projet de loi, une question par rapport
à des terrains appartenant à l'État. On voulait justement des clarifications
là-dessus parce qu'en ce moment on... Par exemple, encore une fois, pour ne pas
citer... pour citer le projet du prolongement à la ligne bleue, on risque de se
retrouver en souterrain sous des terrains de l'État, notamment en dessous de
l'emprise de l'autoroute 25 ou de l'autoroute 40. Donc, on voulait
justement des clarifications là-dessus pour la suite.
M. Morin : O.K. Parfait. Je
vous remercie. C'est noté. Vous demandez à ce que l'obligation de signifier un
avis à tout titulaire de droit soit modifiée pour, au fond, signifier un avis
uniquement au seul propriétaire de la propriété, c'est exact? O.K. Ça vous
cause un problème majeur si vous devez signifier à tout titulaire de droit?
Parce qu'évidemment, avec un immeuble, c'est sûr qu'il y a un propriétaire,
mais il y a aussi parfois un créancier hypothécaire, donc, puis, dans certains
cas, le créancier hypothécaire a quand même une créance pour un montant
important. Donc, c'est important qu'il sache ce qui se passe, donc. Mais, pour
vous, vous voulez que ce soit simplement au propriétaire et non pas à tous
les... bien, à tous les autres qui pourraient avoir un droit réel sur le bien.
Mme Clour (Maha) : Tout à
fait. En fait, déjà, comme je vous l'ai dit tantôt, ça génère plusieurs
dossiers d'expropriation seulement quand ça concerne le propriétaire. Parfois,
pour un terrain ciblé ou un lot ciblé, les acteurs peuvent se multiplier,
effectivement, s'il y a des créanciers hypothécaires ou autres, que ce soient
des servitudes qui sont enregistrées ou autres. Donc, ça peut générer des
dossiers additionnels en termes de processus d'expropriation, donc alourdir,
encore une fois, le processus...
Mme Clour (Maha) : ...c'est
les délais.
M. Morin : Puis si on veut
simplifier, par exemple, le processus ou réduire les délais, je comprends que,
présentement, comme société de transport, vous devez obtenir une autorisation
préalable du gouvernement pour exproprier, c'est exact?
Mme Léonard (Marie-Claude) : Tout
à fait. Donc, actuellement, quand on veut exproprier, il faut aller chercher
cette autorisation-là, celle de la ville et celle de l'ARTM quand on fait les
prolongements de la ligne bleue. Donc, c'est sûr que nous, on voudrait profiter
de l'allègement, là, de la ville, les communautés métropolitaines. Puis les
services scolaires n'ont pas à faire cette demande-là, d'autant plus qu'on va
chercher des autorisations au niveau de la ville et de l'ARTM.
M. Morin : Donc, au fond,
dans la situation actuelle, vous devez obtenir trois autorisations préalables
du gouvernement, de la ville, puis de l'ARTM, c'est exact?
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Tout à
fait. Ceci dit, dans la Loi sur l'accélération des projets d'envergure pour les
projets cités, comme le prolongement de la ligne bleue, on est dispensé
justement de ces autorisations gouvernementales là. Donc, c'est de ça qu'on
réclame justement une disposition similaire pour l'ensemble du pl 22.
M. Morin : O.K. Très bien. Je
vous remercie. Vous parlez également de la possibilité, bien, évidemment,
d'avoir du développement immobilier autour de certaines stations... de métro.
Vous dites que ça pourrait, entre autres, permettre, si j'ai bien compris, une
forme de financement pour la société de transport. Est-ce que j'ai bien
compris? Et présentement, donc, vous avez une société qui s'occupe de ça.
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:On a
une société qui est mise en place, qui est une filiale commerciale, tel que le
permet la Loi sur les sociétés de transport, pour des activités connexes
justement aux transports collectifs. Ceci étant dit, pour utiliser le plein
potentiel de cette société-là, il y a du potentiel de développement des abords
des stations, bien, nos recommandations sont d'aller plus loin dans les...
d'expropriation et dans un ajustement de la Loi sur les sociétés de transport
pour que soit clarifié que des filiales commerciales, comme celle de
Transgesco, puissent pleinement jouer ce rôle-là. Comme le disait Mme Clour, on
a l'expérience, justement, avec Transgesco, de cette gestion de risques là
et... d'être capable de capitaliser sur le potentiel.
Ceci étant dit, le cadre actuel, avant le
pl 22, rendait ça plutôt difficile. On veut qu'au bénéfice, justement, des
modifications réglementaires ou législatives qui sont devant nous, on puisse
vraiment libérer ce potentiel-là. Et oui, comme vous l'avez dit, c'est
clairement pour, et ça, la loi sur la société de transport le dit clairement,
c'est clairement au bénéfice du transport collectif que doivent être faits,
justement... Les bénéfices escomptés sont au profit de... ça, c'est pour le
transport collectif, bien entendu. Et, dans le cas, par exemple, du 310
millions du prolongement de la ligne bleue, c'est pour compléter le financement
du projet prolongement de la ligne bleue.
M. Morin : Donc, c'est un
élément essentiel pour compléter la ligne bleue dans le cadre de votre
financement, de votre cadre financier ou...
M.
Caldwell
(Éric Alan)
: Nous, ce qu'on est en train
de dire, c'est qu'avec les allègements qu'on souhaite, on pourrait aller plus
loin.
M. Morin : O.K.
Mme Clour (Maha) : Je peux
peut-être compléter en disant que la filiale commerciale, qui est la filiale
commerciale de la STM, il y a des sous-filiales qui sont dans cette filiale
commerciale, dont une sous-filiale qui s'appelle Transimmobilier, qui a
l'expertise immobilière. D'ailleurs, c'est Transimmobilier qui gère le centre
d'achats Le Boulevard, qui est le centre commercial qui a été exproprié dans le
cadre du prolongement la ligne bleue sur l'angle de la rue Jean-Talon et le
boulevard Pie-IX, à l'endroit où se trouvera la future station Pie-IX qui va
être construite dans le cadre du prolongement de la ligne bleue.
• (16 h 50) •
M. Morin : Puis, dans le
cadre de ces développements immobiliers, est-ce que vous avez de la difficulté,
vous rencontrez des défis pour trouver, par exemple, des promoteurs ou des
constructeurs aussi? Ça fonctionne bien dans le cadre de vos projets?
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Je vais
te laisser comme ça.
Mme Clour (Maha) : O.K. Bien,
en fait, c'est vraiment au niveau, justement, de ce qu'on souhaiterait avoir
comme cadre législatif plus précis pour nous permettre d'avoir des conditions
gagnantes pour la suite des choses. Le cadre actuel nous permet de le faire.
Ceci dit, il y a toujours place à l'optimisation de l'amélioration au niveau du
processus. Ce qu'on souhaiterait faire, c'est, effectivement, renforcir ses
liens de partenariat avec des promoteurs privés pour pouvoir faire du
développement conjoint, donc un partage des investissements, un partage des
bénéfices et, bien évidemment, toujours dans un objectif de générer des revenus
non tarifaires et pouvoir les réinjecter dans le transport collectif.
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Mais,
quant à la capacité de trouver des joueurs prêts à investir et partager ce
risque-là et axer sur le développement, bien, dans le développement des villes,
ici comme ailleurs, les développements, autour du transport collectif, sont
ceux recherchés...
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:...le
plus, et parce qu'ils permettent l'atteinte de l'ensemble de nos objectifs. Et
c'est ce que l'ensemble des populations recherchent dans des métropoles comme
la nôtre. Donc, clairement, partout ailleurs dans le monde, comme ici, c'est
toujours des endroits où on a le plus d'opportunités, autour des
infrastructures de transport collectif.
M. Morin : On nous a
souligné, en fait, moi, on m'a souligné à quelques reprises que le fait qu'on
ait maintenant comme valeur la juste valeur marchande, que ça pourrait avoir un
impact sur la compétitivité de certains entrepreneurs ici et que ça pourrait
faire en sorte que certains investisseurs ne voudraient pas investir, parce
qu'évidemment le montant de l'expropriation, si jamais ils sont expropriés,
serait évidemment réduit. Est-ce que c'est quelque chose que vous craignez,
puisque vous voulez faire aussi du développement immobilier, ou si ce n'est pas
un enjeu que vous rencontrez?
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:...de
densification des abords des infrastructures de transport collectif sont tels
qu'on n'est pas inquiets là-dessus, pas du tout.
M. Morin :
O.K. Merci.
Le Président (M. Jacques) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Donc, je cède maintenant la parole au
deuxième groupe d'opposition pour une période d'environ cinq minutes.
M. Grandmont : Merci, M. le
Président. Merci à vous trois et à votre équipe, d'ailleurs, aussi pour la
préparation de ce mémoire fort éclairant et intéressant. Je dois d'abord dire
que je suis très content de voir des propositions comme celle d'autoriser... en
fait, des propositions d'autoriser l'expropriation pour réaliser des
développements autour des stations. Pour moi, c'est une belle réponse,
justement, aux enjeux qu'on rencontre actuellement, puis vous avez une vision
d'arrimage entre l'urbanisme, l'aménagement du territoire et le transport. Et
aussi, par ailleurs, une demande, une préoccupation très grande pour la
ministre, celui du financement des transports collectifs.
Donc, il y a un aspect que vous avez un
petit peu moins abordé dans votre présentation, c'est les expropriations
temporaires, en page 12. Peut-être juste nous expliquer en quoi ça consiste
puis en quoi c'est un problème pour vous, puis la recommandation que vous
faites par rapport aux expropriations temporaires.
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Je vais
laisser peut-être Maha expliquer les technicalités de ce que c'est, une
expropriation temporaire, mais, juste pour mettre la table, disons-le, c'est
des expropriations qu'on fait pour les besoins du chantier, qu'on redonne à la
fin, et pour lesquelles il ne reste plus rien pour le transport collectif.
Donc, c'est un peu navrant de voir qu'on vient utiliser des terrains, il faut
les remettre dans leur état d'origine, et, quand on a des projets d'envergure
comme celui d'un prolongement de métro, c'est sur plusieurs années. Donc, c'est
des terrains qui nécessitent... qui, nécessairement, vont devoir être requalifiés,
et c'est juste navrant de voir qu'on ne peut pas y participer. Mais, peut-être,
Maha.
Mme Clour (Maha) : Bien,
essentiellement... une expropriation temporaire, c'est essentiellement ça. Un
projet, par exemple, comme un prolongement de métro, on identifie les terrains
nécessaires comme emprises permanentes pour l'implantation finale des
infrastructures d'une station de métro, d'un édicule, d'un terminus d'autobus,
bref, toutes les installations en surface qui sont nécessaires. Ceci dit, lors
de sa construction, on nécessite un peu plus d'espace, bien évidemment, pour
les excavations, pour les équipements lourds qui sont nécessaires pour faire
les travaux, pour l'entreposage de matériaux, les roulottes de chantier. Bref,
ça prend un espace quand même significatif autour de ces terrains ciblés là
pour pouvoir réaliser ces travaux, surtout dans un contexte urbain dense, où
les espaces sont quand même limités.
Ceci dit, lorsqu'on fait une expropriation
temporaire, c'est pour les besoins du chantier. Une fois les travaux complétés,
on recède le terrain aux propriétaires concernés parce que... l'objectif étant
de maintenir le terrain, l'espace nécessaire pour bien opérer l'actif du métro
et bien l'entretenir, tout simplement.
Ce qui arrive souvent, c'est que, dans ces
expropriations temporaires, on doit indemniser de façon provisoire l'exproprié,
une fois qu'on prend possession du terrain, mais, après ça, il y a toute
l'évaluation des dommages encourus pendant la période des travaux, qui peuvent
être sur plusieurs années, dans le cas du prolongement de la ligne bleue, on
parle de quand même quelques années de réalisation. Souvent, il faut même
relocaliser, si c'est... dans des cas de cas résidentiels, il va falloir
relocaliser. Même dans le cas du commercial, ça peut arriver aussi. Bref, ça
devient très coûteux, onéreux, en termes d'expropriation, pour finalement
recéder le terrain à la fin et qu'on ne puisse pas nécessairement tirer
avantage du fait qu'on est à proximité, justement, d'infrastructures de
transport collectif puis qu'on peut justement miser sur des développements plus
densifiés autour de ces pôles intermodaux.
M. Grandmont : Puis il y a
une proximité, puis, en même temps, tant qu'à avoir exproprié, pourquoi ne pas
poursuivre puis pouvoir... utiliser ce terrain-là à bon escient dans le cadre
du nouveau projet. Parfait.
Encore une fois, sur la question, là, des
pouvoirs que vous vous suggérez avoir là, on est dans une crise du logement, je
n'ai pas besoin de vous l'apprendre, hein, vous le savez très, très bien, en
quoi, selon vous, le pouvoir d'exproprier autour des...
M. Grandmont : ...notamment,
là, on verra la limite, là, 600, 800 mètres, c'est des exemples que vous avez
cités, mais pourrait aider à travailler sur cet enjeu-là, qui est parallèle,
mais en même temps très, très lié, là, en quelle mesure, dans le fond, ça
pourrait aider, finalement, les villes à combattre la crise du logement?
M.
Caldwell
(Éric Alan)
:Mais
clairement, là, la réponse courte et sèche, c'est le potentiel de développement
est plus grand autour des stations de transports collectifs, c'est une
orientation qu'on s'est donnée à tous les niveaux en termes d'aménagement du
territoire et on y est complètement fidèle à la Ville de Montréal.
Après, autre élément aussi qu'il faut
mentionner, c'est pour l'ensemble des ménages, les loyers... les familles à
revenus plus modestes, c'est aussi une solution pour faire en sorte que ces
habitations-là aient des résidents desquels on les décharge d'une partie
importante de leurs dépenses, c'est-à-dire le volet transport. Parce que le
transport en commun reste le transport... le transport collectif reste le moyen
le plus économique de se déplacer en ville, à part le transport actif, bien
sûr, mais quand on le compare à des modèles de développement qui sont basés sur
la construction d'autoroutes, sur la possession automobile, c'est une charge
supplémentaire pour les ménages, c'est une charge supplémentaire pour l'État,
parce que la construction d'infrastructures routières coûte plus cher à l'État
que la construction de transports collectifs pour des déplacements équivalents.
Donc, on vient répondre à une multitude d'objectifs : la réduction de
l'étalement urbain qui fait partie des politiques gouvernementales, le
développement d'un potentiel d'habitation de densité et, bien entendu, une
économie même pour les ménages qui y habiteront. Donc, on voit vraiment ça
comme un modèle gagnant, comme partout ailleurs dans le monde.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Et nous suspendons nos travaux quelques instants
pour faire place au prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 h 04)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des évaluateurs agréés du
Québec. Je rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et
qu'ensuite une période d'échange sera... se poursuivra avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
M. Goudreau (Pierre) : Alors,
bonjour. M. le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission,
merci de nous offrir l'occasion d'échanger avec vous aujourd'hui. C'est un
privilège de pouvoir vous présenter les recommandations de notre mémoire en
regard du p.l. n° 22, Loi concernant l'expropriation.
Permettez-moi de me présenter rapidement
ainsi que ma collègue et de vous parler de l'Ordre des évaluateurs agréés du
Québec, au nom de qui je prends la parole aujourd'hui. Alors, mon nom est
Pierre Goudreau. Je suis évaluateur agréé depuis maintenant 40 ans et je
préside l'ordre depuis cinq ans. J'ai acquis au fil des années une grande
expérience en matière d'expropriation, oeuvrant autant pour des expropriés que
pour des corps expropriants, dont le ministère des Transports du Québec. Je
suis accompagné de Mme Geneviève Caron-Martin, évaluateur agréé, directrice
générale et secrétaire de l'ordre. Alors, on a également Me Lyne Tétreault, qui
est assise à l'arrière, qui est la coordonnatrice aux affaires juridiques de
l'ordre. On représente aujourd'hui l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec,
qui est constitué en vertu du Code des professions et qui a pour mission la
protection du public en encadrant la pratique professionnelle d'environ 1 100
évaluateurs agréés. Nous partageons avec vous le même objectif, protéger
l'intérêt supérieur de la population.
Alors, l'évaluateur agréé, son rôle, c'est
d'émettre une opinion motivée de la valeur d'un bien ou d'un droit immobilier
dans toute circonstance où cela est requis. Ils sont régulièrement mandatés par
les corps expropriants, mais également par les expropriés afin d'émettre une
opinion sur la valeur du droit ou du bien immobilier exproprié...
M. Goudreau (Pierre) : ...ou
du bien immobilier exproprié et en quantifier l'indemnité. Dans ce cadre, il
doit analyser la situation de chaque exproprié afin d'élaborer des solutions
qui minimiseront l'effet de l'expropriation. Il estime l'indemnité requise et
finalement agit à titre de témoin expert devant le Tribunal administratif du
Québec lorsque nécessaire. Il doit agir avec impartialité et rigueur, dans le
respect de son code de déontologie et de ses normes de pratique
professionnelle.
Nous sommes d'avis que l'implication de
l'ordre ainsi que de l'évaluateur agréé et la prise en... et la prise en
considération de leur avis professionnel sont des éléments essentiels à la
réussite de cette réforme du cadre législatif de l'expropriation pour, d'une part,
minimiser les recours devant les tribunaux et, d'autre part, éviter des
potentiels... de potentiels préjudices aux parties. On est les acteurs sur le
plancher, on rencontre les expropriés à chaque fois qu'il y a une
expropriation. Donc, c'est important.
Adoptée il y a 50 ans, la Loi sur
l'expropriation se devait d'être modernisée et adaptée aux nouvelles réalités.
Nous sommes ainsi satisfaits de constater que plusieurs de nos recommandations
émises dans notre mémoire de juin 2022 se retrouvent dans le projet de loi que
vous étudiez. Ensuite, nous voyons d'un très bon oeil la volonté
gouvernementale de réduire les délais reliés au processus d'expropriation. Ces
délais sont longs et coûteux financièrement pour les administrations publiques
et les particuliers, et psychologiquement pour l'exproprié qui fait face à un
changement important et souvent inattendu dans sa vie.
Il est aussi rassurant de voir le
gouvernement déposer un projet de loi qui vise à assurer une transparence et
une meilleure communication entre les parties. Ça contribuera à faciliter la
réalisation de projets structurants et durables au Québec.
Là où nous aimerions apporter votre
attention, c'est au sujet des règles et approches prévues dans le projet de loi
pour la détermination des indemnisations aux expropriés. Adopté tel quel, le
projet de loi n'assure pas une protection maximale du public. Des risques de
préjudices à l'égard de citoyens expropriés demeurent. On devrait toujours
garder en tête que l'expropriation est un pouvoir exceptionnel qui est accordé
à des corps publics, qui leur permet d'acquérir des droits immobiliers à des
fins d'utilité publique. Le principe doit demeurer ainsi. Nous souscrivons à
l'objectif du projet de loi qui est d'assurer une saine gestion des deniers publics,
tout comme à celui de protéger les citoyens qui subissent des expropriations.
Nos 30 recommandations présentées
dans notre mémoire peuvent être regroupées en trois grands thèmes. D'abord,
celui des définitions. L'introduction de certaines définitions dans le projet
de loi et l'absence de définitions clés en expropriation engendre de sérieux
problèmes dans le calcul des indemnités versées qui, rappelons-le, doit
permettre à la partie expropriée de se replacer dans une situation similaire à
celle qui précède l'expropriation, sans enrichissement ni appauvrissement.
L'absence marquée de définitions clés et éprouvées, comme celle de la valeur
pour le propriétaire et celle de la valeur spéciale à l'exproprié sont
préoccupantes. La valeur de convenance n'est pas non plus définie comme telle
dans le projet de loi. Le fait de les occulter vient directement affecter
certains expropriés et contrevient au principe de base qui est de verser une
indemnité de dépossession forcée plutôt qu'une valeur marchande.
• (17 h 10) •
On s'inquiète également des risques de
préjudices inhérents à l'utilisation d'une nouvelle série de définitions et
d'interprétations en ce qui a trait à l'usage le meilleur et le plus profitable
et la valeur marchande. Ces éléments conceptuels n'étaient pas problématiques
dans le cadre d'expropriations précédentes et sont reconnus par la doctrine, la
jurisprudence ainsi que les normes de pratique professionnelle de l'ordre. Nous
suggérons d'utiliser les définitions inscrites aux normes de pratique
professionnelle de l'ordre.
Le deuxième thème de notre mémoire est
celui des indemnisations. Il importe ici de rappeler que les expropriés n'ont
pas décidé de vendre, ni du moment où ils seront dépossédés de leurs biens.
Tout d'abord, l'ordre est inquiet de voir le plafonnement de certaines
indemnités, contrairement à plusieurs autres juridictions canadiennes. Il est à
notre avis impossible de plaider pour un plafonnement des indemnités tout en
plaidant pour un processus juste et équitable. Ce sont deux concepts en
opposition. C'est pourquoi nous recommandons plutôt de favoriser une approche
qui tient compte de l'ensemble des caractéristiques de chaque cas. On ne peut
pas arbitrairement décider du maximum d'une indemnité...
M. Goudreau (Pierre) : ...Autre
élément préoccupant, le projet de loi propose un caractère très restrictif des
éléments à considérer dans le calcul des indemnités et qui contrevient à
plusieurs principes en lien avec la valeur au propriétaire. À la fin, c'est le
citoyen qui risque d'en payer le prix, particulièrement les expropriés en
milieux ruraux ou en région. Les aménagements qu'il a effectués et les projets
qu'il envisage effectuer sont autant d'éléments qui doivent être pris en
considération pour éviter l'appauvrissement de la partie expropriée. Cela est
fondamental.
Il est aussi important de rappeler que le
processus d'expropriation n'est pas fixe dans le temps. D'une part, il faut
tenir compte de la date de libération de l'immeuble et non pas de la date de
signification de l'avis d'expropriation pour déterminer la valeur des
indemnités. En quelques mois, et on l'a vu au cours des dernières années, la
situation du marché peut changer rapidement, et il est fondamental qu'on en
tienne compte.
Ensuite, le projet de loi n° 22
limite la période de calcul des préjudices dans le temps. En d'autres termes,
il dicte la période jusqu'à laquelle un exproprié subit les impacts de
l'expropriation sans tenir compte de sa réalité propre. L'ordre est d'avis
qu'on ne peut pas limiter dans le temps la période de calcul de l'indemnité,
sans quoi on risque de créer, pour l'exproprié, des préjudices. Pensons aux
locataires résidentiels qui résident depuis longtemps à la même adresse et aux
agriculteurs qui perdent des capacités de récolte, ils subiront l'effet de
l'expropriation à perpétuité sans être indemnisés en conséquence.
Notons également que l'article 151 du
p.l. 22 prévoit que la réserve entre en vigueur à la date de l'inscription au
registre foncier et le demeure pour une période de quatre ans. C'est beaucoup
trop long. Pendant ce temps, l'actif immobilier est gelé, et le propriétaire
assume tous les frais relatifs à son maintien, notamment, les taxes foncières
et le financement, sans possibilité de revenus, surtout pour les terrains
vacants. En plus, la valeur continue d'augmenter pendant ce temps, et
l'expropriant devra payer la valeur au moment de l'avis d'expropriation ou de
prise de possession tel que nous le suggérons.
Le troisième thème est celui de l'accès à
la justice. Les personnes expropriées font souvent face à une équipe d'avocats
et d'évaluateurs agréés qui travaillent pour le corps expropriant. Pour éviter
un rapport asymétrique au détriment de l'exproprié, des mécanismes de
protection supplémentaires doivent être mis en place à même le PL 22 afin
de favoriser un meilleur accès à la justice et, par le fait même, garantir un
meilleur équilibre expropriant exproprié devant la loi. Nous avons plusieurs
recommandations à cet effet, dont le remboursement de frais judiciaires
raisonnables, et il nous ferait plaisir d'en discuter avec vous.
En terminant, nous saluons à nouveau la
volonté du gouvernement de réformer de la loi sur l'expropriation. Nous devons
également attirer votre attention sur le fait que la très grande majorité des
dossiers d'acquisition de propriétés ou de droits immobiliers à des fins
publiques se règlent d'une part de gré à gré avant même l'émission d'un avis
d'expropriation et, d'autre part, sans auditions devant le tribunal
administratif, démontrant clairement que le système d'indemnisation en place
fonctionne très bien. La jurisprudence est bien établie et connue des
professionnels oeuvrant dans le domaine. Le tribunal administratif affaires
immobilières est formé d'avocats et d'évaluateurs agréés d'expérience.
Lorsqu'ils ont à rendre une décision, ils font une analyse exhaustive de la
preuve et de l'argumentaire des deux parties, sans préjugé, lorsqu'une entente
hors cour n'est pas possible.
Nous sommes également conscients que les
nouvelles réalités en matière de développement immobilier doivent être prises
en considération, notamment, la protection des milieux humides, des zones
d'intérêt environnemental et des zones agricoles, dans l'analyse de l'usage le
meilleur et le plus profitable. D'autre part, l'expropriation amène son lot de
dossiers particuliers et de tragédies humaines qui doivent être traités selon
le concept de la valeur au propriétaire afin de s'assurer que les expropriés
soient indemnisés adéquatement, sans appauvrissement.
Merci de votre écoute. Et c'est avec
plaisir que nous allons répondre à vos questions.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour
une période de 15 min 28 secondes.
Mme Guilbault :Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup,
M. Goudreau, madame, qui vous accompagne. Très heureuse de vous accueillir
ici cet après-midi. L'échange sera certainement constructif.
Je vous avoue que votre propos détonne
assez nettement de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant dans les consultations
particulières. Mais c'est aussi pour ça qu'on a un ensemble d'intervenants dans
les consultations particulières, puis je pense qu'on rencontre
24 groupes...
Mme Guilbault :...donc, il y en a pour tous les points de vue. Puis je
trouve ça intéressant que vous ameniez un petit peu un angle inédit à ce jour,
parce que, de prime abord, tout le monde s'est dit favorable au projet de loi,
tous ceux qui sont venus, à date, ont dit : C'est une bonne chose qu'on
ait un projet de loi, cette loi-là, on avait besoin de la moderniser. C'est ce
que vous avez dit aussi en introduction, mais, par ailleurs, quand je regarde
vos modifications... vos recommandations, c'est-à-dire, votre mémoire puis un
peu l'esprit général du propos que vous venez d'avoir dans les 10 dernières
minutes, je... comment je pourrais dire, la manière dont vous suggérez qu'on
garde la valeur au propriétaire plutôt que d'aller vers une valeur marchand,e
et qu'on ne revoie pas le calcul des indemnités, et même qu'on n'encadre pas
davantage l'UMPP me porte à croire qu'en fait il y a des pans importants du
projet de loi... parce que ces trois éléments-là, je vous avoue que c'est trois
éléments très importants, puis les groupes qui vous ont précédés, qui doivent
exproprier pour des projets, entre autres, des projets d'école, de transport
collectif, de parcs, de logements, etc., étaient tous unanimes à l'effet que
ces concepts-là méritent d'être encadrés davantage parce qu'ils sont à l'origine
d'indemnités qui sont, des fois, à un prix très élevé par rapport à la capacité
de payer puis qui sont à l'origine de délais, parce qu'il y a toutes sortes de
démarches.
Donc, dans cette mesure-là, j'ai envie de
vous demander, peut-être, puis ce sera une question ouverte, là, vous aurez la
possibilité de répondre : Du fait que, pour vous, ces trois notions-là ne
devraient pas être encadrées dans un projet de loi, qu'est-ce qui, au net, fait
que ce projet de loi là, selon vous, est bon? Quels sont les éléments qui,
selon vous, méritent d'être effectivement modifiés par rapport à la loi
actuelle? Parce qu'en écartant ces trois éléments-là, pour moi, on enlève une
grosse partie des bienfaits qu'on va être capable de tirer de ce projet de loi
là. Donc, je serais curieuse de voir quels sont, selon vous, les éléments
positifs?
M. Goudreau (Pierre) : Les
éléments positifs sont en regard des délais et des procédures, tout ce qui
est... La loi existante, en expropriation, c'est principalement une loi
procédurale, alors elle nous indique comment on doit agir et à quelle vitesse.
Dans la loi actuelle, il y a très peu de délais de rigueur, alors, évidemment,
n'ayant pas de délai de rigueur, quand on demande des informations d'une partie
ou d'une autre, ça s'étire dans le temps. Alors, on garde un peu... les deux
parties gardent un peu leurs petits secrets et n'échangent pas très facilement,
dans beaucoup de cas, les informations nécessaires à estimer une indemnité et à
estimer des dommages qui vont venir.
Alors, ce que ça fait, c'est que tous les
nouveaux délais, c'est parfait. Même, il n'y en a probablement pas tout à fait
assez, il y a peut-être des améliorations, encore là, aux délais, à faire.
J'écoutais Me Burelle, ce matin, que je connais bien puis qui en a parlé, qu'on
pourrait réduire encore peut-être les délais. Je suis d'accord avec elle.
Quant aux valeurs, bien, écoutez,
actuellement, si on regarde, il y a beaucoup de gens qui parlent
d'expropriation déguisée, l'article 170, 171, on parle de l'UMPP. Le marché
immobilier est ainsi fait qu'il se régule par lui-même. C'est-à-dire que, si on
regarde la protection des milieux humides, la protection des boisés d'intérêt
ou des choses comme ça, il y a 25 ans, un acheteur, un développeur immobilier
achetait une grande terre, un grand territoire, puis il disait : Bon, je
vais développer ça à long terme, il n'y a pas de problème, tout ça. Il ne se
badrait pas de savoir s'il y avait un type de grenouille ou un type de flore de
tel type. Aujourd'hui, il le fait parce qu'il sait qu'éventuellement, lorsqu'il
va faire son développement de terrain, il va devoir prendre ça en
considération. Il prend ça en considération.
• (17 h 20) •
Il prend également en considération le
délai qu'il doit attendre pour le développer pour fixer le prix d'acquisition
de son terrain. Alors, c'est sûr que, s'il pense qu'il peut le développer dans
trois ans, il va payer plus cher que s'il pense qu'il peut le développer dans
10 ans, le terrain, ce qui est tout à fait normal, parce qu'il veut avoir un
rendement, tout ce temps-là. Le marché, actuellement, est en train de
s'autoréguler sur toutes les nouvelles formes de zonage, d'utilisations
potentielles des terrains. La jurisprudence y vient également. Je peux vous
citer des jugements à l'effet que, bon... d'ailleurs, un dernièrement où on
parle de... ville de Bromont, une montagne en plein cœur de Bromont qui a été
expropriée et où la ville dit : Non, c'est un UMPP et conservation. Le
propriétaire dit : Non, l'UMPP, c'est résidentiel. Le tribunal est
habilité à juger ça. Il y a des critères qui sont établis. Le jugement a
sorti : valeur en conservation. Parfait, l'UMPP, c'est conservation.
Maintenant, comment on estime...
M. Goudreau (Pierre) : ...valeur
de ça. J'ai entendu plusieurs intervenants, parce que j'ai écouté les autres
présentations, dire que c'est difficile d'évaluer des terrains conservation. Il
y a plein de transactions au Québec qui impliquent des immeubles qui ont été
vendus pour fins de conservation. Alors, est-ce qu'on peut déterminer la valeur
marchande? Tout à fait. Alors, on détermine la valeur marchande de ces
terrains-là par la méthode de comparaison qui est une méthode très connue. On
analyse les ventes de terrains, de grands terrains de forêts qui ont été vendus
pour fins de conservation et on estime la valeur marchande du terrain.
Toute l'histoire de la valeur au
propriétaire, il faut démystifier tout ça. Je pense que les gens mélangent un
peu les concepts. Si on prend un terrain qui est justement pour fins de développement
et on va analyser l'usage le meilleur, le plus profitable. Ça, c'est un
élément. Mais l'usage le meilleur et le plus profitable, il est déterminé en
fonction de quoi? Bon, en fonction du marché et en fonction de ce qu'on peut
observer dans le marché, en fonction des zonages en vigueur, en fonction du
PMAD, en fonction du schéma d'aménagement de la région où on est. Ensuite, on
détermine la valeur marchande du terrain, parce que la base de l'indemnisation,
c'est la valeur du bien immobilier. C'est déjà ça. Ce concept-là est déjà là.
La valeur au propriétaire s'applique
beaucoup plus pour des petits propriétaires où, là, il y a des... vraiment des
enjeux importants. Et dans le projet de loi n° 22, il y a des éléments
d'indemnisation qui vont venir frapper ces gens-là? Des exemples? Je sais que
vous avez demandé beaucoup d'exemples au cours des périodes de questions. Des
exemples, j'en ai un scrapbook plein d'exemples, parce que j'ai fait beaucoup
d'expropriations dans ma carrière. Et il y a des éléments dont, si on enlève de
la valeur aux propriétaires, ces gens-là ne seront pas indemnisés
convenablement.
Je vous donne un exemple très facile qui
me vient à l'idée. Lors de la construction de l'autoroute 30, j'étais
mandaté par le MTQ pour acheter les propriétés. On est en zone agricole, une
maison qui a été construite évidemment avant l'adoption de la Loi sur la
protection du zonage agricole. Le monsieur était installé là, sa famille est là
depuis des années. Il a un gros garage. Il est camionneur indépendant. Il
stationne son camion dans l'entrée chez lui. Il met une clôture. Il fait
l'entretien de son camion chez lui. Il se fait exproprier. Il s'en va où et son
camion? Nulle part. Il ne va nulle part, c'est une valeur au propriétaire. Il
n'y a personne qui va venir, puis il ne peut pas remplacer ça, il est en zone
agricole. Donc, il a un droit acquis qu'il va essayer de remplacer, en zone
agricole, un droit acquis, impossible, il n'y en a pas. Il veut stationner son
camion en zone urbaine, s'acheter une maison en zone urbaine. Impossible, il
n'a pas le droit de stationner son camion, Il fait quoi? Il faut avoir les
mains libres pour pouvoir travailler. Quand on parle d'approche
d'expropriation, il faut avoir les mains libres pour trouver des solutions. Comme
je disais, il faut trouver des solutions pour minimiser l'impact des
expropriations.
Les propriétaires des grands terrains,
c'est un problème, oui, mais il y a tous les autres, puis tous les autres,
c'est beaucoup plus de l'exproprié, et c'est plein de cas comme ça qui sont un
problème majeur. Et si on donne encore plus de pouvoir au corps expropriant, il
va arriver des tragédies. Quand je parle de tragédie humaine, je ne veux pas
faire pleurer personne, mais je travaille presque plus. J'ai une cliente que je
m'occupe, puis elle m'a permis de parler de son dossier. Mais c'est juste
qu'elle avait travaillé pendant six ans sur un projet. Grosse annonce avec la
mairesse, la municipalité qui annonce son projet, création de 80 emplois.
Neuf mois plus tard, la même municipalité envoie un avis de réserve sur
85 % de la propriété. Le projet en question, votre gouvernement a même
donné une subvention de plus de 1 million de dollars pour réaliser le
projet. Elle a encore les lettres, elle attend. Ils sont prêts à verser
l'argent, mais il n'y a plus de projet.
Alors, quand on parle de prévisibilité, il
faut en parler des deux côtés de la médaille. Il faut prévoir aussi les
investisseurs eux autres, ils ont de l'argent, ils veulent investir, ils
prévoient des projets. Mais quand arrivent des situations comme celle-là, je
peux vous dire que c'est vraiment particulier. Et là, ils sont en cour. Le
projet... ce projet-là est en cour, il est au tribunal. La mairesse a même dit
que ça coûterait peut-être 25 millions d'acquérir tout ça. Allez voir.
Alors, ça, les valeurs ne sont pas établies là, mais il reste que c'est des
projets comme ça, qu'il faut protéger beaucoup plus que les grands
propriétaires terriens, puis eux vont s'adapter, ils vont s'adapter au marché
immobilier.
La problématique des expropriations
déguisée, elle vient d'une chose...
M. Goudreau (Pierre) : ...il y
a 20 ans, quand les propriétaires achetaient des grands terrains puis ils
se disaient «je vais le développer dans 10, 15, 20 ans», ils ne s'occupaient
pas, justement, des milieux humides. Là, ils font face à ça. Mais eux, ils
n'avaient pas prévu ça dans leur planification de développement, ils n'avaient
pas prévu ça, ce n'est pas quelque chose qui était connu dans le marché, que
c'est une préoccupation. Alors là, ils font face à de nouveaux zonages, la
nouvelle réglementation qui vient effectivement réduire leur droit de
propriété. Et là, bon, ils font des requêtes en expropriation déguisées, tout
simplement, là. Après ça, bien, il y a l'indemnisation de ça qui doit être
faite.
Mme Guilbault :Puis quand vous dites... parce que je vous ai entendu
dire : «le régime actuel, il fonctionne très bien ou fonctionne bien, il
fonctionne très bien», quelque chose comme ça. Puis on est tous très sensibles,
là, les cas que vous évoquez, c'est vrai que, pour un particulier, ce n'est pas
du tout la même chose que pour un propriétaire millionnaire qui... ou quelqu'un
qui achète pour faire la spéculation, et tout ça, puis ça... puis la recherche
de l'équilibre entre l'expropriant/l'exproprié est omniprésente, là, à travers
tous les travaux, à travers le projet de loi, puis s'il faut le bonifier, on va
le faire. Bien, il faudra vraisemblablement le bonifier. Mais il reste que,
puis avant vous, il y avait la STM, je pense, vous étiez dans la salle, ils ont
donné l'exemple du prolongement du prolongement de la ligne bleue en ce moment
en disant : 13 % du coût du projet est attribuable au processus
d'expropriation. Bon, c'est leur évaluation, mais, tu sais, 13 % puis le
chiffre officiel public du PLB, c'est 6,4 milliards, donc 13 % de
6,4 milliards, c'est quand même 832 millions. Tu sais, je comprends
qu'il faut dédommager, il y a une partie du 832 millions qui serait
déboursée même avec le nouveau projet de loi, mais c'est presque
1 milliard. Puis la CMM, qui est venue la semaine dernière, nous
disait : Nous, on a un ensemble de terrains, là, qu'il faudrait exproprier
pour les objectifs du 30 % de protection, puis tout ça, puis nous, on
évalue ça à 68 millions, les propriétaires à 508 millions. C'est des
deltas, puis vous avez raison, le marché se régule puis c'est le libre marché,
puis tout ça, mais en même temps, ça n'a pas de sens parce que non seulement ça
ne finit plus en cour des fois, puis c'est des choses... La STM nous disait
qu'ils ont encore des expropriations pas réglées de 2014 pour des projets avec
les délais puis... mais les coûts, parce que c'est... le public paie pour ça,
tu sais, je veux dire, une ville essaie de faire un projet ou sa société de
transport, ils trouvent que ça coûte cher, ils font quoi? Ils quêtent au
gouvernement. Puis là après ça... puis c'est les mêmes poches, là, mais je veux
dire c'est nous, là. Puis là après ça, nous autres, on essaie de quêter au
fédéral, on n'est pas sûr s'il dit oui ou non, ça fait que ça retombe sur nous
au gouvernement du Québec. Donc... puis je ne dis pas ça pour qu'on fasse
pitié, on est tous dans le même bateau, là, parce que c'est tout le même
argent, à quelque part. Donc, alors, il faut absolument trouver une façon de
circonscrire les déboursés dans ces projets-là, en tout respect des expropriés,
évidemment, là, tu sais, c'est une grande source de préoccupation, mais
actuellement il y a clairement de l'exagération. Puis votre collègue... vous
connaissez Me Burelle qui était là ce matin, donnait un exemple, elle a
dit : Moi, un de mes clients, nous, on évaluait à 3 millions, eux à
24. Ça fait qu'elle disait : Je m'en vais en cour avec un projet qui a une
différence de 21 millions dans nos deux esprits. Puis là, elle, elle
parlait des... juste la procédure, le juridique, tu sais, on n'a pas le temps
de se préparer, on a 3 000 pages à lire en un mois, des affaires qui
n'ont pas de bon sens, qui n'ont pas de rapport avec ce que vous et moi on
discute en ce moment, mais donc il y a une démesure actuellement qu'on essaie
de venir atténuer dans ce projet de loi, c'est ça en tout cas l'objectif, mais
vous, vous semblez penser qu'en gardant les mêmes concepts actuellement...
Comment est-ce qu'on pourrait atteindre l'objectif de réduire la démesure
financière puis ce qu'on sort des poches des contribuables tout en maintenant
telles quelles les notions comme vous le suggérez? C'est ça que j'ai de la
misère à comprendre.
• (17 h 30) •
M. Goudreau (Pierre) : Bien,
écoutez, premièrement, c'est très peu de dossiers. Ils sont gros, mais ils ne
sont pas nombreux. Donc, on n'a pas beaucoup de choses à circonscrire
là-dedans, on a seulement une partie du problème qui est là. Et ce problème-là,
je pense, il se règle rendu au tribunal. En fait, c'est que les tribunaux, on
regarde la jurisprudence qui sort actuellement, ils ne sont pas nécessairement
en faveur de ces projets-là puis des 500 millions qui sont estimés, et
compagnie. Donc, il faut faire attention, plus la jurisprudence se développe et
plus on se rend compte que ça descend, là. Oui, les demandes sont élevées, mais
il faut regarder la jurisprudence et les résultats de ces éléments-là. Alors,
je pense que c'est ça qu'il faut faire.
Quand on parle de 800 millions pour
la ligne bleue, j'ai fait plusieurs dossiers dans la ligne bleue, on en a
encore à mon cabinet, même si je ne travaille presque plus, on a encore
quelques dossiers au cabinet qui traînent. Il y a plein d'éléments là-dedans
qu'on... peut-être qu'on oublie. Le 800 millions, ils ont acquis... ils
ont été obligés d'acquérir un centre d'achat au complet. Les deux tiers du
centre d'achat, ils sont propriétaires de ça, 800 millions moins peut-être
200 millions, la valeur...
17 h 30 (version non révisée)
M. Goudreau (Pierre) : ...Alors,
ce n'est peut-être plus 800, là. C'est peut-être moins, là.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour cet échange avec Mme la ministre. Donc, je cède la parole à l'opposition
officielle. M. le député de...
M. Morin : De l'Acadie.
Le Président (M. Jacques) : De
l'Acadie.
M. Morin : Alors, merci,
M. le Président. Merci beaucoup d'être là. Merci pour votre mémoire, très, très
complet d'ailleurs. C'est... C'est intéressant ce que ce que vous dites parce
qu'effectivement, comme le soulignait Mme la ministre, depuis le début, là, c'est
presque une, tu sais, une symphonie parfaite, tu sais. Tout le monde joue à peu
près le même air. Et là, tout à coup, woups! vous arrivez avec des notes pas discordantes,
mais disons différentes. Puis je trouve ça intéressant parce que, bien, le
travail, justement, du législateur, c'est de faire en sorte qu'éventuellement
la population puisse bénéficier d'un projet de loi qui est le mieux possible.
Alors, j'aborde ça d'une façon un petit
peu... un petit peu différemment parce que, quand on lit votre mémoire,
évidemment, vous êtes un ordre professionnel. Donc, vous êtes régis par votre
loi, le Code des professions. Votre mandat, c'est la protection du public. Vous
n'avez pas un intérêt, là, dans ce que... dans ce que vous faites, là. Et donc,
comme professionnel, vous devez avoir une certaine discrétion, une marge de
manœuvre. Et puis vous avez évidemment des compétences propres à votre... à
votre art et votre science.
Le projet de loi, un de ses objectifs, c'est
de venir vraiment encadrer, délimiter des types d'indemnités avec même des
montants, parce qu'on voit tout ça dans le projet de loi. Vous, comme
professionnel, si, là, c'est adopté tel quel, est-ce qu'il vous reste une marge
de manœuvre pour faire votre travail comme professionnel, ou si vous appliquez,
ou vous aurez à appliquer des notions purement mathématiques tels qu'ils sont
décrits dans le projet de loi? Est-ce que ça va vous empêcher, en fait, là,
honnêtement, de faire votre job?
M. Goudreau (Pierre) : La
réponse est oui, clairement, oui, surtout en milieu, je vous dirais, plus en
milieu urbain, où les valeurs marchandes sont très élevées, c'est plus ou moins
un problème. Quand on s'en va dans un milieu rural, la valeur de convenance et
la valeur spéciale d'un exproprié deviennent très importantes. Et lorsqu'on
maximise ça à 20 000 $... Je vous donne un exemple assez simple.
Je suis propriétaire d'un immeuble dans un
petit village en Abitibi où quelque chose. La valeur de l'immeuble, c'est 250 000 $.
Malheureusement pour moi, j'ai une personne à mobilité réduite qui demeure avec
moi. Je vois faire des aménagements importants dans la maison. Ces aménagements-là
vont coûter à peu près la même chose en Abitibi qu'à Montréal, là. On s'entend
que faire des rampes d'accès, élargir des portes, arranger des salles de bain,
tout ça va coûter le même prix qu'à Montréal. La différence, c'est qu'en
pourcentage de valeur marchande, c'est pas mal plus élevé. Alors, si on arrive
puis on maximise le fameux 35 %... le 135 %, entre autres, de
maximiser, on vient automatiquement de pénaliser la personne en région. Ces
aménagements-là, en passant, coûtent beaucoup plus cher que 20 000 $,
là, d'aménager une résidence pour personne à mobilité réduite. Beaucoup plus
dispendieux que 20 000 $. Or, si vous mettez la maison sur le marché,
si la maison vaut 200 000 $ sur le marché et puis que ça a coûté 75 000 $
d'aménagement, vous ne la vendrez pas 275 000 $ parce que la valeur
contributive de ces éléments-là, il n'y a pas grand monde qu'ils vont essayer
de payer 75 000 $ pour. Alors, la maison va peut-être se vendre, 225 000 $.
Alors, si on va en valeur marchande, on maximise la valeur de convenance à 20 000 $
puis on ne parle plus de valeur au propriétaire, bien, le propriétaire, lui, il
vient de... il vient automatiquement de se... de s'appauvrir.
Je vous donne un autre exemple. Vous avez
un M. qui... un M., une dame, en tout cas, qui a un commerce. Je dis un M.
parce que je parle d'un commerce de mécanique automobile. On voit plus de
monsieurs qui sont... qui ont ça, un garage deux portes, trois portes, sur une
route provinciale à proximité d'une ville qui est en plein en plein essor, une
ville de banlieue, disons. Le ministère décide d'élargir la route. C'est bien
correct, là, il n'y a aucun problème. Exproprie! Le M. a, je ne sais pas, 58 ans.
Il gagne sa vie avec ce garage-là. On s'entend que ce n'est pas une business qu'il
va mettre sur le marché puis qu'il va vendre 4 millions en quelque part,
là, on s'entend là-dessus. Le M. a 58 ans. Il se fait un salaire de 75 000 $,
100 000 $ par année, bon an mal an, d'année en année. Son fonds de
pension, c'est quoi...
M. Goudreau (Pierre) : ...fonds
de pension, c'est l'immobilier qui est en dessous. Et là ils voient le
développement arriver, puis là ils construisent des immeubles plus denses puis
des centres d'achats, puis ils construisent. Et là les promoteurs commencent à
aller le voir puis ils disent : Bon, bien, regarde, c'est sûr que le
zonage va être changé. Regarde, on s'en vient, tout ça, puis tatati, tatata, on
est prêts à t'acheter tout de suite. Mais le monsieur n'est pas prêt, lui.
Alors là, s'il est exproprié, qu'est-ce
qui arrive? Avec le p.l. 22, on va choisir... à cause des approches
d'expropriation, on va être obligé de choisir dire, bien, c'est une business,
on va l'exproprier sur la valeur de sa business, ou on oublie ça, on va
l'exproprier sur l'usage qui s'en vient, qui va nécessairement être une
plus-value. Mais le six, sept ans que le M. a prévu avant de prendre sa
retraite, qui gagne 100 000$, par année, si je lui paie seulement la valeur de
son terrain dans six ans, la valeur actuelle actualisée de son terrain dans six
ans, le 500 000, 600 000$ de pertes de revenus qu'il va faire pendant ce
temps-là, qui va lui payer? Il n'ira pas s'ouvrir un autre de garage à 59 ans,
essayer de se trouver une autre place, un garage pour faire sa mécanique, là.
Alors, il faut le dédommager pour ça, là.
C'est ça, de la valeur au propriétaire, ce
n'est pas une valeur inventée pour un terrain en développement qu'un jour on va
développer à quelque chose, là, ce n'est pas inventé comme ça, là, c'est ça,
une valeur au propriétaire. Le monsieur, il n'a pas choisi de vendre sa
propriété, là. C'est plein d'exemples comme ça.
M. Morin : Je comprends,
d'après, bon... d'après votre témoignage, qu'au fond la valeur au propriétaire
puis la valeur marchande, pour la valeur d'un immeuble, ça peut varier d'une
façon quand même importante, tout dépendant des cas.
M. Goudreau (Pierre) : Exactement.
C'est que la base... C'est que la loi dit, actuellement, c'est une indemnité,
qui est composée de quoi, la valeur du bien exproprié, plus les dommages reliés
à l'expropriation. C'est aussi simple que ça. C'est ça, la loi, qu'elle dit,
actuellement. On veut être plus précis? Parfait. Mettons c'est quoi, une valeur
de convenance, mettons c'est quoi, une valeur spéciale à l'exproprié dans la
loi, avec des définitions qui sont déjà acceptées et reconnues, reconnues dans
nos normes, reconnues par les tribunaux, ils sont souvent cités dans les
jugements, on va savoir où on s'en va.
Mais, si on ne fait pas ça puis si on
enlève tout ce qui est valeur au propriétaire, bien, je peux vous dire que
dans... On ne fera pas mal aux gros propriétaires immobiliers, on va faire mal
aux petits propriétaires immobiliers. Parce que les gros propriétaires
immobiliers, ils n'ont pas besoin de ça, la valeur au propriétaire, ça n'a pas
rapport, c'est une... On évalue la valeur marchande d'un terrain, d'un grand
terrain, en fonction de quoi? De son usage le meilleur, le plus profitable,
point. Et, après ça, on compare ça avec des transactions de terrains qui ont
été faites sur le marché, à des valeurs comparables, c'est tout.
On a le jugement, justement, de l'hôpital
Vaudreuil, c'est exactement ce que le tribunal a établi. Il a établi, bon,
c'est en zone agricole, UMPP agricole, mais le terrain est collé sur le
périmètre urbain, ce qui vaut plus cher qu'une terre agricole qui est située à
10 kilomètres du périmètre urbain, fort probablement. Alors, c'est juste une
question d'analyse de marché, de relevés de marché, et de dire : Voici la
valeur marchande du terrain. C'est tout, alors ce n'est pas très compliqué, là.
M. Morin : Je vous remercie.
Me Burelle nous disait qu'aux articles 169, 170, quand on parle d'expropriation
déguisée, ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée d'avoir une définition
de ce que c'est, une expropriation déguisée, ce qui n'est pas inclus dans le projet
de loi. Quelle est votre opinion là-dessus?
• (17 h 40) •
M. Goudreau (Pierre) : Effectivement,
une définition de l'expropriation déguisée serait probablement utile.
Maintenant, qu'est-ce qu'on inclut là-dedans, dans l'expropriation déguisée?
Quand on parle de milieux humidex, pour moi, ce n'est pas de l'expropriation
déguisée. Il y a un usage qui est là, qui est des milieux humides, il faut les
protéger, parfait, il y a un usage et il y a une valeur reliée à ça. Il y a des
transactions qui impliquent des milieux humides.
Quand un propriétaire achète une grande
terre qui a 20% de milieux humides, il sait qu'il y a 20 % de milieu
humide, le prix est là, il faut juste les analyser convenablement et en déduire
des valeurs. Il y a un grand jugement, une grande expropriation qui a eu lieu à
Terrebonne, ville de Terrebonne. C'est probablement le procès qui a été le plus
long, là, je pense que ça a pris 150 jours d'auditions, c'est un peu une folie,
mais, en tout cas, ça a pris ça, et, là-dedans, il y a différents taux qui ont
été trouvés. Alors, les terrains en... justement, des zones humides ou des
zones de protection riveraines. Il y a eu une entente entre les experts :
voici, c'est ça, le montant, on s'entend pour ça. Ensuite, il y a eu des
montants pour les terres. Il y avait 10 ou 12 terres d'impliquées. La première
terre sur le développement a été évaluée plus chère, puis la dernière, au bout,
qui va prendre 10 ans...
M. Goudreau (Pierre) : ...Douze
ans à développer, a été évalué moins cher. C'est ça, de l'évaluation. Ce n'est
pas de la valeur au propriétaire, ça, c'est de la valeur marchande. Puis C'est
ça le principe qu'on applique en expropriation la plupart du temps.
M. Morin : ...votre
Connaissance, dans d'autres provinces comme en Ontario, par exemple, ou en
Colombie-Britannique, la valeur marchande est une valeur qui est reconnue par
la législation ou la loi de ces provinces, également?
M. Goudreau (Pierre) : Je
pense que oui. Je vous avoue que je n'ai jamais travaillé en expropriation dans
ces provinces-là, oui, une fois en Ontario, mais sous la... sous l'égide de la
loi fédérale de l'expropriation. Je peux vous dire, j'ai travaillé ici, au
Québec, sous l'égide de la loi fédérale, également, pour la réfection du pont
Champlain. Je peux vous dire que la valeur au propriétaire, ce n'est pas
indiqué valeur au propriétaire, mais c'est... ça s'applique très bien.
Il y a un cas qui a été très médiatisé,
les expropriés de la rue May, à Verdun, où on avait des maisons en face d'un
mur de béton parce que l'autoroute passait ici puis les maisons étaient là.
Évidemment, ces maisons-là, en valeur marchande beaucoup moindre que la maison
qui est située une rue en arrière, mais elles bénéficient de tous les mêmes
avantages, à distance à pied de la station de métro, des commerces, tout ça,
très près du centre-ville. Sauf que, si tu expropries ces gens-là, et ce qui a
été fait, ils ne sont pas capables de se reloger dans le même quartier pour la
valeur marchande de leur propriété. Ils sont obligés de s'en aller en banlieue.
Est-ce qu'on permet ça? Est-ce que ces
gens-là doivent être déracinés de leur milieu parce qu'il y a une expropriation
puis on ne peut pas avoir l'équivalent sur le marché? On a négocié avec le
fédéral, et ils ont payé l'équivalent d'acheter une maison dans le même
secteur, une maison très comparable, Caractéristiques comparables, pas de mur
de béton, parce qu'il n'y en a pas d'autres maisons avec le mur de béton, c'est
une... Particulier. Et ils ont payé la pleine valeur de racheter une maison
pour remettre les expropriés dans la même situation, dans le même quartier où
ils étaient, tout simplement.
Est-ce que c'est un enrichissement des
expropriés?, oui et non. Parce que, s'ils sont payés, bon, ils vont avoir une
propriété dans le même secteur, qui va valoir plus cher que l'ancienne. Sauf
que, si la valeur marchande est, mettons, de 400 000 $ pour la
maison, et que, pour s'en acheter une pareille dans le même secteur, il faut
qu'ils payent 700 000 $, pour retrouver le 400 000 $, il
faut qu'ils aillent pas mal plus loin. Alors, qu'est-ce qui va arriver? Ils
vont être obligés d'acheter une deuxième voiture, ils vont être obligés de voyager
beaucoup plus, il va y avoir des frais appliqués à ça. Ils n'ont pas d'affaire
à payer ça, quand ils ont choisi d'endurer le mur de béton puis de vivre là,
parce que c'est un avantage pour eux d'être là, ils bénéficient de tous les
services, ils vont au travail par le métro. Ils ne pourront plus faire ça.
M. Morin : Je vous
remercie.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour ce bel échange. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Taschereau.
M. Grandmont : Combien
de temps?
Une voix : ...
M. Grandmont : Merci, M.
le Président. Bonjour à vous pour... et Merci pour votre présentation. C'est
intéressant.
J'aimerais vous entendre sur l'accès à la
justice. C'est un des éléments, un des thèmes, là, que vous avez identifiés
comme étant manquants, là, ou en tout cas un des thèmes que vous voulez mettre
en valeur là-dedans. Vous avez entendu, vous l'avez dit tantôt, Maître Burelle,
plus tôt ce matin, qui parle... Qui a parlé parlez aussi d'accès à la justice
et qui disait : on devrait s'assurer de pouvoir offrir... accorder les
frais, là, au niveau des avocats puis en même temps s'assurer de l'encadrer, de
le baliser, donc, déjà, de faire un guide de balises. Ce n'était pas exactement
ses termes, mais grosso modo, c'était ça. Puis en même temps aussi mettre... il
a parlé d'un ticket modérateur, dont je suis toujours un petit peu... Ce n'est
pas un terme que j'aime particulièrement, mais trouver des façons d'éviter les
abus pour que ça devienne un recours systématique à ces avocats-là. J'aimerais
vous entendre là-dessus spécifiquement.
M. Goudreau (Pierre) : Je
suis tout à fait d'accord là-dessus avec Me Burelle, il faut contrôler ces
coûts-là parce que ça peut être des coûts très élevés.
La même chose, les évaluateurs agréés,
lorsqu'on va au tribunal, quand on dépose nos comptes d'honoraires, ils sont
examinés, questionnés par l'autre partie, que ce soit par la partie
expropriante, généralement, parce qu'on travaille pour les expropriés. Alors,
ils vont nous poser des questions sur les honoraires qu'on charge. Le juge
va... le tribunal, en fait, ce qu'il regarde, c'est la pertinence de ton
travail. Il va couper tes honoraires, si ce n'est pas pertinent, puis il va te
les payer, si c'est pertinent puis si ça a bien servi la justice. Donc, il
faut... C'est quand même entouré, tout ça.
La même chose doit arriver au niveau des
frais judiciaires. Si on regarde le projet de loi n° 22, il oblige entre
autres les corporations, les compagnies et sociétés par actions d'être
représentées par avocats. Une société par actions, là, ce n'est pas un
restaurant McDonald, nécessairement, on s'entend. Donc, ça peut être
M. Tremblay, qui a une petite entreprise de...
M. Goudreau (Pierre) : ...trois
employés qui sont probablement sa femme et ses deux enfants, qui travaillent
sur une société par actions. Il va être obligé de se faire représenter par
avocat, c'est parce que, là, il n'a pas nécessairement les moyens de payer un
avocat. Donc, il faudrait peut-être... puis il n'est pas obligé d'en prendre
un, dans le sens que peut-être que le dossier va se régler très rapidement.
Alors là, il va être obligé de payer des frais d'avocat. Je pense que ça
devrait être couvert parce qu'il n'a pas demandé à personne d'être exproprié,
là, il subit une expropriation, donc affectivement. Mais est-ce que ça doit
être encadré pour éviter des excès? Tout à fait. Je peux vous dire qu'en
expropriation le ministère des Transports a une grille qui s'applique aux
évaluateurs agréés, au niveau des honoraires, lorsque les dossiers ne se
rendent pas aux tribunaux et ils appliquent cette grille-là, ils remboursent
les honoraires sur cette grille. On ne s'entend pas toujours, bon, c'est des
choses qui arrivent, mais quand même, ils sont généralement assez bien... assez
bien entourés. Puis il n'y en a pas, de problème, mais il faut que les
honoraires soient remboursés clairement, les frais judiciaires, il faut que ce
soit remboursé. Des frais judiciaires, on le mentionne dans notre mémoire,
frais judiciaires raisonnables, on est entièrement d'accord avec ça, il faut
que ce soit entouré, englobé, ticket modérateur, je ne sais pas quelle forme ça
peut prendre, là.
M. Grandmont : ...un
mécanisme en tout cas, là...
M. Goudreau (Pierre) : ...clairement,
il ne faut pas le laisser aller... il ne faut pas laisser aller.
M. Grandmont : Je terminerais
rapidement par une question, là, mais en même temps, peut-être qu'elle
pourrait... elle vous obligerait à ouvrir très large, mais en tout cas, vous
avez parlé beaucoup des petits, des locataires, des agriculteurs, notamment
aussi. C'est une préoccupation très grande, les agriculteurs.
M. Goudreau (Pierre) : Tout à
fait.
M. Grandmont : Dans le fond,
est-ce que, pour vous... le projet de loi, en fait, ne les défend pas assez, ne
les supporte pas assez, en fait?
M. Goudreau (Pierre) : Non
seulement...
Le Président (M. Jacques) : Rapidement,
30 secondes.
M. Goudreau (Pierre) : D'accord,
non seulement il ne les défend pas, mais s'il est adopté tel quel, ils vont
s'appauvrir clairement. Beaucoup de ces petits expropriés là vont se ramasser
dans une situation qu'ils n'ont pas demandée, puis ils vont s'appauvrir. Alors,
il faut faire attention à ces gens-là.
M. Grandmont : Je vous
remercie.
M. Goudreau (Pierre) : Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre contribution aux travaux.
Et nous suspendons pendant quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 49)
(Reprise à
17 h 52)
Le Président (M. Jacques) : Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la ville de Laval. Je
vous rappelle que vous disposez de dix minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.
M. Boyer (Stéphane) : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Vous allez voir, on va vous faire ça assez
succinct. On sait que c'est la fin de la journée et que vous avez entendu
beaucoup de personnes. Je suis accompagné de Me Alexandre Thériault-Marois,
avocat de la ville de Laval, qui s'occupe entre autres beaucoup des dossiers
d'expropriation.
Donc essentiellement, moi, j'ai un grand
message que je voulais passer aujourd'hui, c'est qu'on est très heureux du
projet de loi qui est déposé. Non seulement ça vient corriger plusieurs lacunes
à notre avis, mais le projet de loi qui a été déposé est très bien rédigé à
notre sens. Je tiens d'emblée de mentionner que quand une ville, on exproprie,
on ne le fait jamais de gaieté de cœur, on le fait toujours pour un bien
public, pour une caserne de pompiers, pour corriger certaines lacunes, pour
offrir un nouveau service à nos citoyens. Et pour nous, le projet de loi représente
une opportunité de venir réduire les coûts des expropriations non pas pour la
ville mais pour les citoyens parce qu'au final, quand on doit donner un gros
chèque à un promoteur ou à une entreprise, bien évidemment, c'est les citoyens,
par l'entremise de leurs taxes, de leurs impôts, qui finissent par payer cette
facture-là. Mais ça vient aussi nous donner de la prévisibilité puis réduire
les risques qu'encourent les procès. Donc essentiellement, mon message est
simple c'est impératif, à mon avis, d'aller de l'avant avec le projet de loi
puis garder son esprit puisque pour nous, là, c'est vraiment un plus pour le
bien public, pour les villes, pour le gouvernement.
Cela étant dit, on a quelques commentaires
qu'on aimerait faire sur certains des articles qui, à notre avis, pourraient
être bonifiés. Le premier, c'est l'article 87, c'est un détail, mais on
parle à l'alinéa quatre d'un délai de trois ans pour concrétiser le projet. Ça
serait peut-être intéressant de venir préciser qu'est ce qu'on entend par «concrétiser
le projet» pour éviter des débats futiles lors des procès. Donc, est-ce qu'on
parle de pouvoir obtenir un permis? Est-ce qu'on parle de se rendre à
l'ouverture d'un éventuel magasin ou immeuble? Donc, peut-être venir définir
qu'est-ce qu'on entend par «concrétiser».
Sinon, plus fondamentalement, aux
articles 98, 99, on vient lister une dizaine de conditions à remplir pour
pouvoir... pour qu'un exproprié ait droit à un montant, là, en guise de
préjudice. Selon nous, si la personne remplit les critères et qu'il doit y avoir
dédommagement pour préjudice, il faudrait mentionner explicitement que, dans ce
cas-là, il n'y aura pas d'indemnité immobilière autre. Donc, à savoir que soit
on paie pour la valeur marchande du terrain ou soit on compense la perte de
profit potentielle d'un projet. Mais il ne faudrait pas que ça soit cumulatif
parce qu'évidemment la notion même de rembourser un profit. Bien, en général de
profit, c'est... on a déjà déduit, là, les coûts, dont le coût d'acquisition
du terrain. Alors, pour moi, il faudrait juste éviter qu'il y ait une double...
double facturation ou double compensation.
Troisième point, articles 177, 171,
encore une fois, pour nous, des très belles nouvelles, on est très favorable
aux mesures proposées. On proposerait quelques modifications qui
essentiellement vont dans le sens de pouvoir s'assurer d'une certaine
application de la loi ou règlements qui sont en cours. Donc, je m'explique, là.
Premièrement, on aimerait que le délai de
prescription de trois ans pour contester une réglementation s'applique aussi au
projet de loi, auprès de règlements municipaux qui ont été adoptés avant la
sanction de la loi. Exemple très concret chez nous, à Laval, on a passé les
quatre ou cinq dernières années à refaire au complet toute la réglementation
d'urbanisme. Il y a eu un très long processus. Il y a eu des consultations de
milliers de citoyens. Donc, c'était un très long marathon...
M. Boyer (Stéphane) : ...on
en a abouti au mois de novembre dernier. Donc, évidemment, on aimerait ça que
le projet de loi puisse s'appliquer, qu'on ne puisse pas contester dans
10 ans la réglementation, qui pour nous, est moderne et mise à jour. Puis,
évidemment, bien, ce cas-là peut s'appliquer pour beaucoup d'autres
municipalités qui ont une réglementation qui est moderne et à jour.
Deuxièmement, on aimerait aussi que... de
pouvoir appliquer le projet de loi de manière rétroactive, au choix du recours
prévu à l'article 171 aux dossiers dont le procès n'aurait pas encore
débuté. Donc, on sait que des fois, les procès peuvent être longs. Lorsqu'il y
a contestation, ça peut prendre trois, quatre, cinq, six ans. Donc on voudrait
éviter, malgré l'adoption de la loi aujourd'hui, qu'on se retrouve dans cinq
ans, devoir encore débattre, là, de questions... de vieux dossiers, si je peux
dire.
Même logique, là, pour appliquer une
rétroactivité sur la fixation de l'indemnité définitive. On aimerait que ça
puisse... qu'il y ait une rétroaction pour tous les dossiers pour qui le procès
n'est pas encore commencé au moment où la loi entrera en vigueur.
Et dernièrement on aimerait qu'il y ait
une certaine protection des municipalités du gouvernement lorsqu'il y a des
poursuites en expropriation déguisées pour des raisons environnementales. Donc,
on sait qu'il y a déjà la notion de sécurité publique. Rarement, on va être
poursuivi pour expropriation déguisée lorsqu'on le justifie par une notion de
sécurité publique, par exemple en cas d'inondation. Mais pas très loin de ça
les inondations, des fois, on peut venir protéger aussi des milieux humides,
des berges ou différents terrains pour des raisons environnementales, et, selon
nous, il faudrait s'assurer que... de minimiser en fait les risques, là, de
poursuites pour expropriation déguisée lorsqu'il y a... lorsqu'on met un zonage
pour les notions environnementales.
Alors voilà, ça faisait le tour de
notre... des grandes lignes, là, de notre exposé, de notre mémoire.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre présentation et la rapidité dans laquelle vous l'avez faite.
Maintenant, je cède la parole à Mme la Ministre pour une période de
16 minutes 30 secondes.
Mme Guilbault :Oui. Bien, quelle concision messieurs... ou M. Boyer
du moins. Très heureuse de vous recevoir par l'entremise de la visioconférence aujourd'hui.
Merci beaucoup pour votre mémoire, votre présentation, toute la réflexion
derrière ça, pour la présentation aussi bien sûr aujourd'hui puis pour vous
rendre disponible pour échanger avec nous.
Bien, d'abord, je note, comme, en fait,
l'ensemble des groupes ou la grande majorité... je dirais l'ensemble des
groupes qu'on rencontre depuis la semaine dernière, parce que vous êtes notre
10... peut-être 10, 15 ᵉ groupe, là, je ne sais pas, mais tous ceux qui
sont issus du milieu municipal, que ce soit les municipalités, on a eu la STM
aujourd'hui, on a eu les communautés métropolitaines, et dans l'ensemble,
évidemment, ils sont tous très favorables au projet de loi. Il faut dire que,
comme vous le savez, c'est un engagement qu'on avait pris au dernier mandat qui
a été réitéré aussi aux dernières assises de l'UMQ par le premier ministre,
donc c'était très attendu.
Alors là, le projet de loi est sur la
table. L'exercice qu'on est en train de faire... l'objectif de l'exercice des
consultations particulières, évidemment, c'est de le bonifier, s'il y a lieu,
mais il y a pas mal toujours au lieu de bonifier un projet de loi. Donc, merci
de nous nourrir là-dessus. Mais je note d'emblée qu'en gros, sauf certains
petits ajustements, là, que vous nous suggérez, l'ensemble du projet de loi
vous convient. Peut-être j'irais sur le trois ans... En fait, ce n'est pas le
trois ans, vous dans l'UMPP que vous... sur lequel vous insistez, c'est plutôt
la notion d'usage concrétisée, un usage qui pourrait être concrétisé dans les
trois ans. Mais d'abord le fait de venir encadrer l'UMPP qui actuellement peut
être défini sur une durée illimitée... Tu sais, puis on me rappelait un article
où on parlait d'un monde imaginaire où tous les rêves sont permis, là. On vient
l'encadrer à trois ans. Est-ce que pour vous, c'est suffisamment encadré?
Est-ce que c'est intéressant, selon les dossiers que vous avez eus ou les
enjeux que vous avez eus à date... expropriation? Est-ce que c'est quelque
chose... un encadrement qui vous paraît suffisant?
• (18 heures) •
M. Boyer (Stéphane) : Oui.
Bien, je vais laisser Me Thériault-Marois répondre, mais d'emblée, j'en
profite pour vous saluer, Mme la ministre. Donc, oui, vous avez bien saisi
l'essentiel, là, qu'on est assez satisfaits de ce projet de loi là. Et je me
permettrais... Parce que j'entendais les présentateurs précédents qui donnaient
certains exemples, justement, de la personne, du père de famille qui a un petit
logement, qui est exproprié. Nous, de notre expertise, là, de manière générale,
premièrement, quand qu'on fait une expropriation, on le fait toujours avec
parcimonie. On est judicieux dans les expropriations, et c'est le genre de cas
qu'on rencontre rarement. Ça peut arriver, mais on trouverait ça dommage que
l'exception vienne mettre à risque, disons, un projet de loi qui, globalement,
est extrêmement positif. Mais, plus précisément sur votre question, je vais
laisser Alexandre répondre.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Oui. Bien, c'est des cas... Donc, on parle ici de l'article 87 sur
l'UMPP. On a...
18 h (version non révisée)
M. Thériault-Marois (Alexandre) : ...vu
ce cas-là à Laval. On a vu des cas également, en ce qui concerne l'article 99,
où on avait des pertes de profits qui étaient réclamées. Donc, c'est vraiment
deux articles qui sont, pour nous, très importants, 87 et 99. Dans notre
mémoire, on donnait un exemple, pour ce qui est de l'article 87, où, par
exemple, on procède à l'expropriation d'un centre commercial et on va avoir des
baux commerciaux qui ont une durée, par exemple, de cinq ans, mais on va quand
même prendre un UMPP non pas d'un centre commercial, mais d'un développement
résidentiel de haute densité, ce qui pour nous est très problématique, là,
puisqu'on a très peu de prévisibilité lorsqu'on va procéder à l'expropriation.
Donc, ici, en réduisant... en prenant l'UMPP puis en ayant une fenêtre de trois
ans, bien, on s'assure, là, d'une meilleure prévisibilité lorsqu'on va procéder
à l'expropriation.
Maintenant, c'est... ce que M. le maire
soulignait tout à l'heure, que cet usage se concrétise dans les trois ans, c'est
là où on voulait un peu plus de détails, puisque concrétiser, ça pourrait, par
exemple, pour être un promoteur, de fournir un plan d'implantation, un simple
plan d'implantation ou une maquette de son projet et, pour lui, voilà, il vient
concrétiser un projet, alors que, pour nous, raisonnablement, un projet qui se
concrétise, c'est plutôt un projet dont minimalement, là, la construction
débute une fois qu'on a eu toutes les autorisations et tout le financement
requis pour procéder au projet.
Le...
Mme Guilbault :Oui. Oui.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Oui?
Mme Guilbault :Ah non! Bien, allez-y. Vouliez-vous aborder l'article 99
aussi?
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Bien, c'est ça, l'article 99, quand même, on en a eu des exemples, là,
où des terrains... on s'est fait réclamer des montants de plusieurs dizaines de
millions de dollars puisque le propriétaire réclamait ces pertes de profits
suite à un éventuel développement immobilier, des tours à condos de plusieurs
dizaines d'étages. Et j'entendais le précédent intervenant mentionner :
Bien, écoutez, c'est rare que, de toute façon, en bout de piste, au procès, ces
indemnités-là soient octroyées. Bon, d'accord, mais il faut quand même en
débattre, de ces questions-là, pendant plusieurs mois devant les tribunaux. Il
faut quand même se préparer. Il faut quand même débourser des frais d'experts,
des frais d'avocats qui sont très importants, bon, des frais d'experts dans
notre cas, puisque les dossiers... les avocats, on les paie à l'interne. Mais
reste que c'est un risque juridique, c'est de l'imprévisibilité, c'est quand
même, là... ce n'est pas rien, là, des réclamations de cette envergure-là.
M. Boyer (Stéphane) : Puis je
donnerais l'exemple d'un dossier, justement, qu'on a eu où est-ce que la valeur
du terrain est estimée à environ 7 millions de dollars, le promoteur
voulait des... faire des centaines d'unités, disait qu'il aurait fait un projet
sur lequel il aurait fait environ 66 millions de dollars de profits.
Alors, pour nous, c'est un immense risque, même si... Est-ce que le juge va
octroyer 100 % de cette indemnité-là? Peut-être pas, mais d'avoir
potentiellement 66 ou une partie d'un 66 millions à payer, c'est un risque
immense pour la ville, qui pèse lourd. Donc, c'est certain que, pour nous, au
niveau de l'article 99... mais le projet de loi dans son ensemble vient
beaucoup limiter ce risque-là, vient beaucoup encadrer qu'est-ce qui peut être
fait ou ne pas être fait. Donc, c'est certain que, pour nous, c'est une
réduction des risques puis une prévisibilité qui est grandement la bienvenue.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Et j'ajouterais, dans ce dossier-ci, que, bon, le dossier s'est réglé à l'amiable
mais après trois mois de procès devant la Cour supérieure. Alors, ce n'est pas
seulement un coût pour les contribuables lavallois, mais également c'est un
poids sur... pour le système judiciaire, là, qui doit entendre cette cause-là
pendant trois mois, entendre des experts débattre de coûts de construction d'un
hypothétique projet de condos de 30 étages qui ne verra jamais le jour.
Alors, c'est un grand fardeau pour le système judiciaire, alors qu'avec l'article 99
qui est devant nous aujourd'hui, ça n'aurait même pas été en débat, là. On
aurait simplement débattu de la valeur au pied carré du terrain.
Mme Guilbault :Bien, exactement. En fait, l'espoir ou le pari qu'on fait
avec ce projet de loi là, c'est de réduire... de désengorger les tribunaux, les
procédures. Puis effectivement, moi, je suis d'accord avec vous sur les délais,
en ne parlant même pas des coûts, là, juste les délais que ça amène, ces
procédures judiciaires là, puis en ne parlant même pas des coûts ni de l'engorgement
que ça amène dans notre système de justice, ça allonge la livraison de nos
projets d'infrastructure, de nos projets de protection des milieux, alors...
Donc, c'est ça. Mais ce n'est pas... Je ne pense pas avoir besoin de vous
convaincre du bien-fondé de ça. Mais c'est effectivement... Nous, on a de la
pression de nos citoyens, qui paient pour ces projets-là, qui paient trop cher,
pour qui c'est trop long, qui veulent qu'on soit capables de livrer des
projets. Alors, je suis assez d'accord avec vous là-dessus.
Puis justement j'aimerais ça vous
entendre, puis M. Boyer est aussi sur l'exécutif de la CMM. La CMM est venue la
semaine dernière puis nous donnait des exemples, un peu comme vous, là, disait :
Nous, on évalue en ce moment, disons, pour un lot de terrains que nous, on
évalue à...
Mme Guilbault :...millions, les propriétaires l'évaluaient à 508, 504,
enfin, c'est environ ça, autour de 65 versus un peu plus de 500 millions, on
voit bien que c'est sans commune mesure, là. Alors... Puis ça ressemble à ce
que vous venez de nous donner comme exemple, 66 millions. On avait une avocate,
ce matin, qui parlait d'un client à elle, puis elle, elle l'évaluait à 3
millions, eux, à 24 millions. Donc, c'est des disparités qui sont telles, puis
tout ça s'additionne. Et effectivement, bien que ce soit ultimement tranché en
cour puis que, des fois, on ne donne pas le plein montant à celui qui réclame à
l'exproprié. Mais, pendant ce temps-là, on perd du temps puis de l'argent, puis
c'est nos contribuables, c'est toutes les mêmes poches qui paient.
Donc, avez-vous, vous, d'autres exemples
de projets en ce moment? Puis je l'ai demandé pas mal tous les intervenants qui
venaient du milieu municipal, que ce soit en transport, en transport collectif,
ou routier, ou autre. Mais dans tous les autres projets d'infrastructure, là,
les écoles qu'il faut livrer, les CPE, le logement, les parcs, et cetera,
avez-vous des exemples de projets, soit avec... Puis je prends l'exemple du
prolongement de la ligne bleue. Tout à l'heure, la STM nous disait qu'elle
estime environ à 13 % du coût du projet lié à des expropriations.
Évidemment, il y a une partie de ces coûts-là qui seraient, de toute façon,
déboursés même avec la nouvelle loi, mais on peut penser que ce serait réduit.
Donc, de proportion de coûts de projet
important ou de projets, carrément, qu'en ce moment vous mettez en suspens,
délibérément, en attendant la nouvelle loi, ou qui sont retardés ou qui
n'existent carrément pas en ce moment, parce que vous dites : Ça va être
trop compliqué avec les lois actuelles d'expropriation, puis qu'on est en train
de passer à côté ou de retarder délibérément ces projets-là parce que c'est
trop compliqué et ça va coûter trop cher.
M. Boyer (Stéphane) : Bien,
j'aurais envie de dire que c'est quand même quelque chose qui arrive souvent.
J'ai, en tête, un projet de caserne où est-ce que pour répondre à notre schéma
de couverture de risques, ce serait que nos pompiers répondent, en un certain
délai, à tous les appels qui rentrent au 9-1-1. On devait relocaliser une
vieille caserne désuète. Les terrains étaient très rares, parce que, dans un
quartier très développé, il n'y avait pratiquement pas de terrains vacants.
Donc, on a été en expropriation d'une petite bâtisse commerciale, bien,
évidemment, ça a allongé les délais du projet. Ça a pris, au moins, un bon
trois ou quatre ans supplémentaires pour pouvoir mettre la main sur le terrain.
Et le prix du terrain, au final, est sorti quasiment la valeur de la caserne en
tant que telle, à 9, là. Donc, c'est sûr que, pour nous, ça allonge les délais.
À chaque fois que les délais sont allongés, l'inflation fait son cours.
On sait, à chaque année, là, dans les deux
dernières années, l'UMQ estime que les coûts des projets de construction ont
augmenté de 30 % dans mon ministère. Chaque année qu'on perd la facture
augmente. Puis, plus on en met aussi à rembourser des promoteurs ou à payer des
pertes de profits potentielles sur des projets qui sont, des fois, sont très
hypothétiques, bien, il nous en reste moins de l'autre côté pour créer un
nouveau parc ailleurs dans la ville ou pour faire d'autres projets pour
desservir la population. Je vous dirais, c'est quand même quelque chose qu'on
voit assez régulièrement. J'ai, en tête, un autre projet où quelqu'un achète un
terrain qui est largement touché par les milieux humides. Il l'achète 5
millions de dollars. Deux mois plus tard, on fait un avis de réserve, il
nous réclame 18 millions de dollars, et il nous accuse d'expropriation
déguisée. En deux mois, on ne peut pas croire qu'il a ficelé tout un projet
puis qu'il était vraiment sur le bord de mettre en vente ces unités, mais
pourtant c'est une réalité qu'on voit au quotidien.
Donc, c'est certain que ça ralentit, d'une
part, les projets, ça nous fait payer plus cher certains projets et dans...
Chacun des projets coûtent plus cher à cause de l'effet de l'inflation, là.
Donc, oui, ça limite notre capacité à offrir plus de services aux citoyens,
ultimement.
Mme Guilbault :Oui, allez-y.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
...sur la rapidité du processus, là, il y a peut-être deux poignées, dans
le projet de loi, qui sont très importantes pour nous. D'abord, les travaux
préparatoires, la possibilité de procéder à des travaux préparatoires avant
l'expropriation. C'est important, on l'a vu dans des cas concrets chez nous, où
on n'a pas pu faire les tests de sol avant la procédure d'expropriation. Et là,
une fois qu'on commence... on est encore en train de faire des tests de sol et,
des fois, on a des très, très mauvaises surprises. Donc là, on a lancé les procédures
d'expropriation. On se rend compte que le terrain est excessivement contaminé.
La valeur des travaux de décontamination est supérieure à la valeur du terrain
lui-même. Donc, des mauvaises surprises, des délais.
• (18 h 10) •
La question également, dans tout ça, c'est
141 et suivants pour les travaux préparatoires, mais également les articles 22
à 25, pour ce qui est de l'indemnité provisionnelle pour les locataires
commerciaux. Donc, que ce soit l'exproprié... pardon, la partie expropriante qui
va fixer l'indemnité provisionnelle plutôt qu'aller...
M. Thériault-Marois (Alexandre) : ...la
partie expropriante qui va fixer l'indemnité provisionnelle plutôt qu'aller en
débattre devant le tribunal, ça, encore là, c'est un gain de temps important, puisque,
si on doit aller en débattre devant le tribunal pour fixer l'indemnité
provisionnelle pour ensuite avoir le transfert du terrain, c'est des délais,
là. On l'a vécu dans certains dossiers où on allonge les procédures, les délais
applicables avant qu'on puisse procéder.
Mais, sinon, vous parliez d'exemples.
Écoutez, là, je pense que l'exemple le plus caricatural qu'on a vu chez nous,
c'est lorsqu'on a fait l'acquisition de l'île Locas. On a fait l'acquisition de
l'île Locas, je pense, pour un montant d'environ 10 millions de
dollars. Le propriétaire, à un certain moment, nous réclamait plus de
300 millions de dollars, et donc une différence, là, de
10 millions versus 300 millions, et, encore là, la valeur marchande
de l'île elle-même était en deçà, là, du règlement de 10 millions. C'est
sûr que, si on a une meilleure prévisibilité puis... mieux encadrés dans la
loi, bien, ça favorise les règlements à l'amiable aussi, parce qu'à ce
moment-là, autant la ville que le propriétaire peuvent bien connaître, là, la
piste d'atterrissage, puis on n'est pas très loin, on n'est pas à des distances
énormes, ce qui fait en sorte qu'on peut plus facilement avoir un règlement, et
à l'heure actuelle, pour l'acquisition de milieux naturels, justement, bien, ça
nous permet, là, d'avoir des discussions d'acquisition avec les propriétaires
sans qu'on soit carrément, là, à...
M. Boyer (Stéphane) : J'ai
déjà rencontré un... le propriétaire d'un immeuble. Il avait racheté l'immeuble
pour une bouchée de pain dans la vente pour taxes impayées voilà une quinzaine
ou une vingtaine d'années, puis le propriétaire ne mettait aucun argent dans
l'entretien de son immeuble, qui était vraiment dépérissant, et c'était un gros
bouton sur le visage d'entrée de la ville et c'était, à la limite, insalubre
comme bâtiment. Mais, lui, il était... il ne s'en cachait même pas, il
attendait juste ça, que la ville l'exproprie, parce que pour beaucoup de
personnes ça représente une mine d'or, un gouvernement qui vient puis qui
dit : J'ai besoin de ton terrain, on va en expropriation. La plupart des
gens sont conscients qu'ils vont être capables d'aller chercher... Même s'ils
n'obtiennent pas toujours le montant ultime qu'ils aimeraient ou qu'ils
déposent à la cour, ils savent qu'en général ils s'en sortent avec un règlement
très avantageux. Donc, on a des cas d'abus comme ça.
Mme Guilbault :Bien, tout à fait. Puis, en fait, le fait de réformer puis
de moderniser la loi va envoyer aussi le signal même dans le futur, pour les
futures démarches d'acquisition, les gens qui veulent acheter des terrains puis
tout ça. Avec peut-être... Dans une certaine optique, bien, sachant, comme dit
M. Boyer, l'atterrissage de ça pour d'éventuelles acquisitions, bien, ça va
probablement, encore là, limiter, diminuer le nombre d'expropriations, la
valeur, les délais, etc.
Bref, peut-être... Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Jacques) : 50 secondes.
Mme Guilbault :50? Bon. Mon Dieu! O.K. Je voulais parler de
l'expropriation déguisée. Mais, donc, en extrarésumé, je comprends que vous
demandez que ce soit rétroactif aussi, applicable aux règlements déjà votés.
Alors... Mais, sinon, dans l'ensemble, ça vous satisfait, l'introduction des
deux articles, même si ce n'est pas exhaustif comme traitement de la notion
d'expropriation déguisée?
M. Boyer (Stéphane) : Oui, ça
nous satisfait, puis, pour nous, ce serait très important, là, l'élément de
rétroactivité. On a vraiment un beau projet de loi, ce serait le fun qu'il
puisse couvrir vraiment l'ensemble de l'oeuvre puis qu'il n'y ait pas ce
trou-là, qui malheureusement ferait en sorte qu'on vivrait encore les écueils
de la vieille loi pendant encore quelques années.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Parce que pour nous, là, le code de l'urbanisme qu'on vient d'adopter,
c'est le règlement qui est susceptible de faire l'objet de procédures en
expropriation déguisée. Ça serait dommage de passer à côté, là, compte tenu que
c'est une réforme que l'on fait à... que la dernière réforme était il y a
70 ans, là. Voilà, donc.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Ceci termine l'échange avec le parti gouvernemental. Je cède
maintenant la parole à l'opposition officielle, au député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le Président.
Alors, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission, merci pour
votre mémoire. Bien, si vous permettez, on va continuer avec l'expropriation
déguisée. C'est une question qui a été posée, évidemment, à tous les
intervenants en commission. Si je ne me trompe pas, vous, vous semblez aller à
une étape plus loin, c'est-à-dire que vous voulez, en plus, que la disposition
de la loi ait un effet rétroactif dans le temps, comme si la disposition avait
été adoptée au moment où vous avez développé vos nouveaux schémas. Est-ce que
je me trompe? Parce que vous avez parlé de rétroactivité.
M. Boyer (Stéphane) : Oui.
Bien, en fait - puis tu vas peut-être préciser - mais là, en fait, ce qu'on
comprend du projet de loi, c'est que tout nouveau zonage, par exemple, on ne
pourra pas le contester ad vitam aeternam. Mais, pour les zonages...
M. Boyer (Stéphane) : ...mais
pour les zonages qui sont récents, puis qui ont été adoptés juste avant
l'entrée en vigueur de la loi, on voudrait que ce même trois ans là, le délai
de contestation s'applique, pour ne pas qu'il y ait... parce qu'en ce moment,
ce n'est pas très encadré. Donc, on vient de faire une grande réforme du
règlement d'urbanisme, qui a pris plusieurs années, qu'il y a eu une grande
concertation citoyenne, une grande acceptabilité sociale, avec plusieurs rondes
de négociation, plus de 2 000 citoyens qui se sont présentés et qui ont
déposé des mémoires. Donc, on devrait s'assurer que les bénéfices que le projet
de loi apporte puissent s'appliquer à cette réglementation-là, qui est toute
fraîche sortie du four. Donc, essentiellement, c'est un peu ça, là, qu'on
suggère. Je ne sais pas si vous voulez rajouter quelque chose?
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Oui. La question du droit transitoire, ce n'est jamais évident, là. Il y a
des dispositions transitoires dans le projet de loi, mais qui semblent
davantage s'appliquer aux procédures d'expropriation en bonne et due forme.
Pour ce qui est des articles 170 et 171, mon analyse bien personnelle, c'est
que ces dispositions-là, à l'heure actuelle, dans le projet de loi, ne
trouveraient pas application à des dossiers d'expropriation déguisée, où le
règlement en cause, le règlement municipal problématique, entre guillemets, a été
adopté avant l'adoption, la future sanction de la loi qui est sous étude
aujourd'hui. Donc, il y aurait deux possibilités, les tribunaux pourraient
l'interpréter de deux façons. Ou bien on applique la nouvelle loi aux
règlements qui sont adoptés après la sanction de cette nouvelle loi, ou bien on
l'applique aux dossiers qui sont judiciarisés après la sanction de la nouvelle
loi.
Nous, ce qu'on suggère... Évidemment, ça
créait une grande problématique, là, pour les dossiers qui sont judiciarisés
avant la sanction de la nouvelle loi et de ceux qui sont judiciarisés après. Et
je vous donne un exemple, sur la question de la prescription. Parce qu'à
l'heure actuelle, dans le projet de loi que l'on étudie aujourd'hui, un recours
en expropriation déguisée se prescrit trois ans après l'adoption du
règlement... entre guillemets, problématique. Donc ça, ça veut dire qu'un
règlement municipal adopté le lendemain de la sanction de la nouvelle loi va se
prescrire trois ans plus tard. Mais un règlement comme le code de l'urbanisme
de la ville de Laval, par exemple, qui a été adopté en novembre dernier, lui,
pourrait, en vertu de la jurisprudence actuelle, se prescrire uniquement dans
10 ans, de sorte qu'on aurait des recours fondés sur des règlements antérieurs
à la sanction de la nouvelle loi, qui se prescrirait, finalement, après un
règlement qui, lui, a été adopté après la sanction de la nouvelle loi. Alors
là, j'espère que je n'ai pas... C'est une problématique, là.
M. Morin : C'est très clair.
Cependant, d'autres groupes ou personnes nous ont proposé d'inclure dans la loi
une définition de ce que peut être une expropriation déguisée, ce qui n'est pas
défini présentement, plutôt que d'aller vers des moyens transitoires. Donc,
pensez-vous que, pour vous, ce serait une solution qui serait acceptable et
utile? Parce que là, à ce moment-là, ça s'appliquerait à tous les cas.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
C'est-à-dire, non. Bien là, c'est-à-dire que vous voulez définir ce qu'est
l'expropriation déguisée dans la loi...
M. Morin : Ou ce qui ne l'est
pas, là a fortiori, là, oui.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
...ce qui ne l'est pas? Parce qu'à l'heure actuelle, dans l'article 170, on
reprend à peu près, là, la définition qui a été retenue par la jurisprudence.
La jurisprudence va, parfois, parler de stérilisation du droit de propriété.
C'était le cas dans un des jugements qui était le plus fréquemment cité, le
Wallot c. Québec. Ou, encore, enlever tout usage raisonnable, ce qui a été
repris, plus récemment, dans l'arrêt de Mascouche.
• (18 h 20) •
Maintenant, même si on définit ce qu'est
l'expropriation déguisée, à mon sens, on ne règle pas la question du droit
transitoire, là. C'est-à-dire que les deux meilleurs... les deux principaux
éléments qu'on a rajoutés dans le projet de loi, c'est-à-dire la prescription
de trois ans et la clause de retrait, là, si on peut l'appeler comme ça, là,
donc le choix du recours qui revient à la municipalité, plutôt qu'au
propriétaire, ces deux éléments là, il faut les gérer dans le temps, là,
c'est-à-dire : Est-ce qu'ils vont s'appliquer uniquement aux dossiers
d'expropriation déguisée qui ont pris naissance après la sanction de la loi ou,
au contraire, on ne devrait pas les appliquer également aux dossiers qui sont
en cours, là? Donc, est-ce qu'on parle d'une application rétroactive du projet
de loi ou, simplement, d'une application immédiate, plutôt, là, du projet de
loi?...
M. Boyer (Stéphane) : ...puis
j'ai envie de rajouter, à la CMM, en parlant avec mes collègues des autres
villes, ce qui semble s'être produit, c'est que, dans les derniers mois, il y a
eu beaucoup de promoteurs qui, voyant qu'il y avait un projet de dépôt de loi
qui s'en venait, se sont tout de suite dépêchés à enclencher des poursuites pour
vouloir essayer d'être jugés sous l'ancien régime. Donc, je pense qu'on doit
éviter ce scénario-là, et de dire que la loi s'applique à tous les projets pour
lesquels le procès n'a pas été débuté serait une façon d'éviter justement les
gens qui essaient de se faufiler dans la craque en ce moment.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
C'est particulièrement important pour nous, à Laval, compte tenu justement
qu'on a adopté notre code de l'urbanisme en novembre dernier, là, parce que
c'est évidemment... c'est notre principal règlement en vertu de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, donc, et c'est lui qui est susceptible, puis; on
l'a vu dans les derniers mois, justement, là, de générer des recours en
expropriation déguisée.
M. Morin : Donc, je comprends
que, pour vous, ça peut avoir un impact particulier à cause de la situation que
vous vivez puis du schéma, évidemment, que vous venez... puis des règlements
que vous venez d'adopter.
Une voix : Exact.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Une autre question en ce qui a trait, évidemment, à l'indemnité ou au
montant que peut recevoir l'exproprié. Juste avant vous, un petit peu plus tôt,
l'ordre des évaluateurs nous disait que, si on y va avec la valeur marchande et
les différents d'indemnités qu'on retrouve dans la loi, il est possible que,
pour des petits propriétaires, il ne puissent pas se relocaliser ou se
retrouver dans une situation comparable à celle où ils étaient avant
l'expropriation. Ils suggéraient d'utiliser la valeur au propriétaire, ce qui
est utilisé, présentement. Est-ce que, pour vous, c'est une option possible,
raisonnable, ou si vous vous en remettez à la valeur marchande, tel que prévu
dans le projet de loi, actuellement?
M. Boyer (Stéphane) : Bien,
pour nous, c'est sûr que la valeur marchande est beaucoup plus adéquate. Il
pourra toujours y avoir des cas d'exception dans lesquels l'expropriation sera
peut-être malheureuse pour un individu, et j'ai écouté l'audition, là, mais, je
vous dirais, la très grande majorité des cas que l'on fait, ce n'est pas ça.
Donc, il ne faudrait pas... Je pense que
le gros intérêt du projet de loi qui est devant nous, c'est justement de se
baser sur la valeur marchande, d'arrêter la valeur au propriétaire, parce que
c'est là qu'il y a de l'abus. Puis je peux comprendre que tu peux avoir un
contexte d'une personne qui n'a beaucoup d'argent, qui a une maison depuis
longtemps, qui se fait exproprier puis que, pour lui, en effet, ça peut être
déicat de ne pas avoir beaucoup de temps pour se relocaliser, mais de changer
de cap pour les cas d'exception, qui sont vraiment des exceptions, permet aux
90 % restants d'abuser du système et d'abuser des deniers publics.
Dans tous les cas d'expropriation, moi,
que j'ai vus arriver Laval, un, on le fait toujours avec parcimonie, on essaie
d'impacter le moins possible de personnes puis on le fait toujours pour le bien
public. C'est pour mettre une caserne de pompiers, c'est pour connecter une
route pour régler un problème de mobilité. Donc, on ne le fait jamais de
manière abusive. Puis la très grande majorité des cas, quand on exproprie,
c'est une bande de terrain, c'est un stationnement d'un centre d'achats, c'est
souvent un commerce. Donc, ça n'arrive pas souvent que c'est des locataires ou
des résidences, puis, quand ça l'est, je vous dirais, souvent, c'est logements
locatifs puis c'est le propriétaire qui encaisse le chèque, ce n'est pas la
personne qui loue, en tant que tel. Donc, encore une fois, le propriétaire,
c'est lui qui abuse du système en allant chercher le gros chèque, si je peux...
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
...
M. Morin : Oui, allez-y, je
vous en prie.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Bien, il ne faut pas se limiter uniquement à la valeur marchande, là,
c'est-à-dire que la loi, même le projet de loi, prévoit prévoit d'autres
mécanismes d'indemnisation pour des cas particuliers, prévoit des dommages, par
exemple, troubles et inconvénients, qui vont venir se rajouter à l'indemnité
pour la valeur marchande. Puis on va avoir, par exemple, la théorie de la
réinstallation, pour venir, justement, là, cibler certains cas plus
problématiques, là.
M. Morin : Bien. J'ai une
autre question. Et ça, c'est en lien avec l'article 5 du projet de loi. On a
entendu l'UPA, un peu plus tôt aujourd'hui, qui nous disait que, notamment,
quand il s'agit de terres agricoles, il est important d'obtenir...
M. Morin : ...l'avis de la
Commission de la protection du territoire agricole, l'article cinq vous permettrait
de commencer l'expropriation et d'obtenir l'avis, éventuellement, donc
peut-être faire du travail ou des dépenses pour rien. L'UPA suggérait
qu'évidemment tout soit obtenu et que les conditions soient remplies avant de
commencer l'expropriation. Pour vous, l'article cinq, est-ce que ça pose des
problèmes? Trouvez-vous que c'est un gros avantage? Préférez-vous attendre,
dans un cas où ça serait une terre agricole, l'avis de la Commission? Parce
que j'imagine que vous avez des terres agricoles à Laval.
M. Boyer (Stéphane) : On a
des terres agricoles. Cela étant dit, on a... pas de mémoire qu'on exproprie en
zone agricole, on n'a pas dézoné depuis plus de 30 ans, de terres
agricoles à Laval. Donc, honnêtement, ce n'est pas... historiquement, ce n'est
pas le cas qu'on a vu beaucoup chez nous. De manière générale, pour moi, ça va
de soi qu'on doit maintenir l'idée qu'on peut enclencher des projets
d'expropriation sans que toutes les autorisations pour le projet aient été
obtenues. Parce que, souvent, c'est le point de départ. Si on n'a pas le
terrain, ça ne sert à rien de faire les plans d'architecte et d'avancer trop
loin dans le projet. Je ne sais pas s'il y a des détails que tu aimerais
rajouter.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Non, mais, écoutez, ce n'est pas une problématique, là, à mon sens, qu'on
a, puis peut-être que je m'égare, mais notre préoccupation, c'est plutôt
l'inverse, je pense. Comme la CMM l'a mentionné, là, c'est davantage de...
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
...d'utiliser des terres en friche pour les remettre, là, à des
agriculteurs pour...
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, c'est ce qui termine l'échange avec l'opposition officielle. Je cède
maintenant la parole à la deuxième opposition et au député de Taschereau.
M. Grandmont : Oui, j'ai
toujours quatre minutes? Merci. Merci beaucoup pour votre mémoire, M. le maire,
maître Thériault-Marois. Je commencerais directement par la question à laquelle
vous étiez en train de répondre, là, en fait, là, sur la CMM, qui proposait
qu'une terre non exploitée pendant... depuis trois ans, en fait, puisse être
expropriée pour être redonnée à des fins d'agriculture. Vous êtes d'accord avec
ça, dans le fond?
M. Boyer (Stéphane) : Absolument.
Pour donner une idée, là, nous, il y a plusieurs grandes terres agricoles qui
ont été scindées en des milliers de lots. Je pense, c'est 6000 lots, si ce
n'est pas plus. Et les gens... depuis les années 80. Et là, on est pris
avec des milliers de propriétaires qui souvent ne sont même plus au Québec, qui
ont ces terrains-là puis qui ne font rien avec puis qui espèrent qu'un jour il
y aura un dézonage. Et nous, on aimerait avoir un outil qui nous aiderait à
remembrer les terres agricoles, puis remettre des terres agricoles en culture.
Donc, évidemment, si on avait un certain
droit d'exproprier pour remise en culture, moi, je trouverais ça intéressant.
Parce qu'en ce moment on a... il y a des gens qu'on... qui occupent des terres
agricoles, qui sont laissés en friche, puis qui sont là purement pour la
spéculation foncière puis qui ne font rien avec. C'est un petit peu une épine
dans notre pied, là, au niveau de la zone agricole.
M. Grandmont : Parfait.
Merci. Maintenant, sur vos études de cas, merci d'avoir chiffré des exemples,
là, qui... en page huit, là, qui nous donnent des estimés de ce que le projet
de loi n° 22 permettrait de réaliser. C'est toujours apprécié. Simple
question de précision. Est-ce que ça... Est-ce que votre estimation ou votre
calcul inclut à la fois les indemnisations et l'inflation causée par les délais
qu'on rencontre actuellement?
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Écoutez...
M. Grandmont : Si vous n'avez
pas la réponse aujourd'hui, vous pourriez nous revenir aussi, là, ce n'est pas
dramatique, là.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Non, c'est-à-dire qu'on a tenté, là, simplement de dire : Bien, voici
comment on a payé ou on aurait payé versus comment on... notre estimation en
fonction des nouveaux critères, là, pour la fixation de l'indemnité. Mais on
n'a pas évalué ce que ça aurait pu... là, les bénéfices de la nouvelle loi en
vertu des délais applicables, là, qu'on aurait réduit les délais ou des choses
comme ça, mais on...
M. Grandmont : ...effectivement,
les délais occasionnent aussi, on nous l'a souvent souligné, là... tu sais,
l'inflation qui rentre, puis évidemment, ça fait augmenter aussi les coûts.
Donc, on comprend que vous ne l'avez pas calculé là-dedans. C'est vraiment
juste les indemnisations. Donc, des économies encore plus grandes, finalement,
c'est ce qu'on pourrait suspecter.
M. Thériault-Marois (Alexandre) :
Potentiellement... potentiellement.
• (18 h 30) •
M. Grandmont : Excellent. Peut-être
une dernière question sur quelque chose qui a commencé à être évoqué à quelques
reprises dans cette commission, puis qu'on entendra certainement auprès de la
part de certains groupes. Selon certains, le projet de loi n° 22 pourrait
envoyer un signal négatif aux promoteurs qui pourraient être effrayés par le
nouveau contexte d'investissement immobilier, par exemple au Québec. Est-ce que
vous pensez, de votre côté, de votre de point de vue comme gestionnaire à la
ville de Laval, que le projet de loi n° 22 pourrait effrayer les
promoteurs immobiliers et qu'ils pourraient décider de ne plus venir investir
ici, au Québec, et plus précisément à Laval?
M. Boyer (Stéphane) : Moi, je
n'y crois pas du tout. C'est...
18 h 30 (version non révisée)
M. Boyer (Stéphane) : ...et
on n'exproprie pas souvent avec... On n'exproprie pas souvent, on le fait avec
parcimonie. Quand on le fait, c'est pour combler des besoins de la communauté,
pour créer des quartiers. Puis je pense que les promoteurs, quand ils veulent
construire l'habitation, ils veulent un projet d'école. Ils veulent qu'il y ait
une caserne de pompiers dans le quartier. Ils veulent que le boulevard
débouche. Au contraire, je pense qu'au bénéfice des promoteurs, que la ville
soit capable de desservir la population du quartier, du secteur en services
publics qu'ils méritent. Alors moi, je n'y crois pas. Évidemment, ça ne fait
pas l'affaire de plusieurs promoteurs de projet de loi, mais je crois qu'on est
là pour servir le bien public, et le bien public, c'est d'éviter que des
citoyens payent, par l'entremise de leurs taxes et impôts, des profits
faramineux à quelques grands promoteurs.
M. Grandmont : Je vous
remercie pour votre réponse. Puis le cas que vous avez donné sur l'immeuble que
vous avez appelé une verrue, là, à l'entrée de ville de Laval, pour moi, là,
c'est de faire de la spéculation de business, puis c'est peut être à ça que le
projet de loi doit s'attaquer. Donc, je vous remercie pour votre témoignage,
puis votre mémoire. Votre présence est très appréciée.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, M. le député.
Une voix : Merci beaucoup.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre présence à la commission. Et nous suspendons quelques
instants pour faire place au prochain groupe.
(Suspension de la séance à
18 h 33)
(Reprise à 18 h 35)
Le Président (M. Jacques) : Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de Trajectoire Québec et je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
Mme V. Doyon (Sarah) : Merci
beaucoup, M. le Président, Mme la vice-première ministre et ministre des
Transports, de la Mobilité durable. Mmes, v les députés, membres de la
commission. Bonsoir, merci de nous recevoir. Je m'appelle Sara Doyon, cette
directrice générale de Trajectoire Québec et je suis accompagnée aujourd'hui
par M. François Pépin, qui est administrateur au conseil, qui a agi d'ailleurs
à titre de président pendant huit ans, en plus d'avoir fait carrière comme
planificateur en transport à la STM. Avec moi aussi, Me Axel Fournier qui est
secrétaire au conseil d'administration, pardon, et avocat en droit municipal
chez TRD Avocats.
Donc, Trajectoires Québec, c'est qui, ça?
C'est une association qui fait la promotion des intérêts des Québécois en
matière de transport collectif. Notre mission, c'est donc de contribuer au
développement global des transports collectifs au Québec ainsi qu'à
l'amélioration des services qui sont offerts aux usagers.
Étant donné notre mission, vous allez
comprendre qu'on va limiter nos commentaires. Notre analyse des effets du
projet de loi qui concerne les transports collectifs, même si on comprend bien
que ce projet de loi, il a des implications qui sont beaucoup plus graves. Nos
interventions, elles visent donc à faire du projet de loi 22 un véhicule
législatif qui facilitera la concrétisation d'aménagements favorables au
transport collectif. Donc, pour...
Mme V. Doyon (Sarah) : ...la
loi concernant l'expropriation, elle doit faciliter la densification, qui est
une condition essentielle au développement d'infrastructures structurantes et
donc d'une offre de transport collectif attrayante. De notre point de vue,
l'actuel régime, il est surtout avantageux pour les avocats, les évaluateurs,
mais il ne l'est que très peu pour les citoyens et les contribuables. Donc, la
réforme proposée, elle doit avant tout être guidée par le bien commun. C'est
pourquoi, aujourd'hui, on souhaite mettre de l'avant les éléments favorables à
la mobilité durable qui sont contenus dans la réforme, en plus de proposer
quelques améliorations au projet de loi pour maximiser les cobénéfices du
déploiement d'une offre de transport collectif qui réponde aux besoins des
Québécoises et des Québécois.
Vous le savez, la crise climatique
s'intensifie, le secteur des transports est responsable de 43 % de nos
émissions de GES. Si on veut permettre à la population de se défaire de la
dépendance à l'automobile, il faut lui offrir des alternatives qui sont
attrayantes. Donc, on n'a pas d'autre choix que d'accélérer le déploiement
massif d'infrastructures de transport en commun.
Depuis plusieurs années, Trajectoire a
identifié que l'actuel régime sur l'expropriation était un élément à réformer
pour favoriser le développement du transport collectif. C'est pourquoi on
accueille favorablement le projet de loi n° 22. Effectivement, c'est une
réforme qui va permettre d'accélérer la construction d'infrastructures en plus
d'en réduire les coûts. Donc, les usagers s'en trouveront avantagés puisqu'ils
pourront bénéficier plus rapidement de plus d'infrastructures de transport en
commun. On peut aussi estimer que cette offre bonifiée, elle va convaincre
plus... un plus grand nombre de personnes de se tourner vers la mobilité
collective plutôt que l'auto solo.
Donc, au niveau des aspects positifs du
projet de loi, on apprécie particulièrement que la réforme proposée, elle
change la détermination de l'indemnité à verser en remplaçant le concept de
valeur au propriétaire par celui de valeur marchande, en plus d'établir
clairement le type de préjudice, la durée de la compensation, les indemnités
maximales pour ces préjudices. Ces éléments combinés, ils vont contribuer
certainement à la réduction des coûts d'acquisition liés aux projets de
transport en commun.
Toujours pour la réduction des coûts, on
est particulièrement satisfaits des articles 87 et 99, qui encadrent
l'indemnité versée, qui assurent ainsi un équilibre entre le dédommagement à
verser et le fait que les autorités ne devraient pas payer un prix qui soit
trop élevé pour un immeuble nécessaire à l'usage public.
Autant pour la réduction des délais que
celle des coûts, une initiative... une excellente initiative du projet de loi,
c'est l'article 17, qui prévoit une contestation de l'expropriation par
l'exproprié ne peut... ne suspend pas le processus à moins que la Cour supérieure,
sur demande de l'exproprié, n'en décide autrement. Toutefois, il faut rappeler
que, sous le régime actuel, il est arrivé que la cour refuse de rejeter, au
stade préliminaire, une demande pour contester le droit à l'expropriation dans
le contexte du prolongement de la ligne bleue. Le tribunal a même conclu que
l'expropriation pourrait être effectuée de mauvaise foi dans le cadre de ce
projet. Donc, pour nous, ça nous semble aberrant, et c'est pourquoi on
recommande d'amender le second alinéa de l'article 17 afin de préciser que
la Cour supérieure ne peut ordonner un sursis que si elle considère que
l'exproprié présente, à première vue, les arguments convaincants à l'effet que
l'expropriation soit illégale.
On est aussi favorables aux
articles 141 à 143, qui permettent à l'expropriant d'effectuer des travaux
préliminaires, des analyses sur un bien qu'il peut exproprier. C'est une
disposition qui va contribuer certainement à réduire les délais, en plus de
mieux cerner les caractéristiques d'un site visé et donc de mieux planifier les
interventions à y faire.
• (18 h 40) •
Finalement, il nous semble que la loi, par
ses nombreux bénéfices, devrait entrer en vigueur le plus tôt possible. Donc,
on propose d'éliminer ce délai de six mois prévu entre la sanction et l'entrée
en vigueur pour éviter qu'un nombre important de contestations soient faites
durant cette période dans le but de profiter des largesses du régime actuel.
Maintenant, je vous amène sur les
propositions qu'on a faites pour maximiser les cobénéfices de cette réforme.
Donc, pour nous, le projet de réforme de la loi sur l'expropriation doit être
vu comme une opportunité à saisir pour favoriser les aménagements axés sur le
transport en commun, ou ce qu'on appelle des TOD. En effet, le projet de loi,
c'est un véhicule législatif qui est tout désigné pour favoriser la
densification à proximité des services de transport collectif, qui permettrait
aussi de contribuer à résoudre différentes problématiques criantes, que ce soit
la hausse du coût de la vie, la pénurie de logements ou la crise climatique.
On propose donc de permettre aux sociétés
de transport d'exproprier pour d'autres motifs que spécifiquement des
infrastructures de transport collectif. C'est souhaitable, par exemple, dans le
contexte de construction d'une nouvelle infrastructure lourde de transport en
commun, qu'une société de transport puisse, avec l'accord du ministre,
exproprier à proximité des stations à venir afin d'y développer un quartier
TOD. On pourrait d'ailleurs adjoindre à cette possibilité-là certains critères,
comme un seuil minimal de logements sociaux ou abordables, pour contribuer à
lutter contre la crise de l'habitation, d'autant plus qu'on le sait, l'arrivée
de nouvelles infrastructures de transport en commun dans un secteur, ça a pour
effet d'augmenter le coût...
Mme V. Doyon (Sarah) : ...l'habitation
qui force les populations les plus vulnérables, et donc souvent captives des
transports collectifs, à s'éloigner, à déménager plus loin dans des secteurs
qui, eux, sont moins bien desservis.
C'est vraiment une situation qu'on
souhaite éviter, puis on doit trouver des mécanismes pour permettre aux gens
les plus vulnérables, la clientèle captive, de demeurer eux aussi dans des
secteurs bien desservis en transports en commun. C'est une question d'équité
qui est primordiale pour nous. Donc, l'autorisation du ministre pourrait être
conditionnelle à ce qu'une offre suffisante de logements sans but lucratif et
abordables soit prévue dans les projets.
Dans le même ordre d'idée, ce serait
pertinent de profiter du projet de loi no 22 pour modifier la Loi sur les
sociétés de transport en commun pour donner le droit aux OPTC de faire des
ententes avec les promoteurs immobiliers. Dans l'article 86 de cette loi-là,
elles ont déjà le droit de mener une activité commerciale connexe. Il serait
pertinent de clarifier qu'il leur est permis de faire de l'exploitation et du
développement immobilier, de faire des ententes avec des promoteurs à cette
fin-là. Ça viendrait créer un autre outil pour favoriser la création de TOD,
que ce soit en revalorisant les terrains résiduels ou les droits aériens
au-dessus des édicules, par exemple, mais aussi les terrains adjacents.
Et un objectif connexe à cette dernière
proposition, c'est aussi de permettre aux OPTC ou à leurs filiales de générer
des profits immobiliers qui pourraient être utilisés pour financer les services
de transport collectif. Sachant l'impasse financière dans laquelle se trouve le
secteur, toutes les avenues pour générer des profits devraient être envisagées.
Je vais d'ailleurs laisser la parole à mon collègue, François, qui va vous
présenter l'exemple de Hong Kong.
M. Pepin (François) : Merci,
Sarah. L'exemple le plus probant, c'est Hong Kong. Une spécificité bien connue
de leur transport collectif : les opérateurs se dotent de revenus annexes,
notamment la publicité, et surtout l'immobilier. C'est ainsi que beaucoup
d'immeubles de la ville de Hong Kong ont été développés par Mass Transit
Railway, car la société de métro finance le coût de création de nouvelles
lignes de métro en ayant recours à l'immobilier. Pour cela, elle demande au
gouvernement de lui accorder des mètres carrés à développer autour des
stations, donc sur les terrains adjacents. C'est ainsi que l'opérateur de métro
est arrivé à gérer plusieurs centres commerciaux et immeubles résidentiels.
Selon les chiffres de la Banque Nationale,
en 2014, à Montréal, seulement 1 % des revenus du transport collectif
provenaient de sources privées. En comparaison, la Société de transport de la
ville de Hong Kong touchait 40 % de ses revenus grâce au privé, et à ses
revenus immobiliers, et aussi la captation de la plus-value foncière qui a été
adoptée il y a quelques années, ici, au Québec. D'autres cas se retrouvent à
New York et Londres. Le prolongement de la ligne 7 du métro de New York, à
l'ouest de Manhattan, est un bel exemple. La construction du tunnel va de pair
avec celle du plus gros chantier immobilier en cours en Amérique, le Hudson
Yards, qui sera construit juste au-dessus de la ligne. Ses promoteurs ont donné
1 milliard de dollars à la New York City Transit pour financer la ligne de
métro. Autre exemple, à Londres, où la Crossrail, nouvelle ligne de métro en
construction, est aussi financée en partie par des promoteurs immobiliers. Car,
effectivement, ils peuvent en tirer un profit intéressant à moyen et long
terme. Sarah?
Mme V. Doyon (Sarah) : Merci.
Je vais conclure rapidement, en disant que les enjeux de transport, de
développement urbain, d'habitation, ça agit comme des vases communicants, donc
profitons de l'outil législatif qu'est le projet de loi no 22 pour maximiser
les coûts-bénéfices du développement des transports en commun pour contribuer à
répondre à d'autres problématiques de notre époque : la crise climatique,
la crise de l'habitation, le financement de la mobilité, et tout ça dans une
perspective d'équité. Donc, voilà.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre présentation. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter
la période de questions... d'échange.
Mme Guilbault :Oui, oui, oui. Merci. Merci beaucoup, M. le Président.
Merci à tout le monde d'être ici avec nous par la visioconférence. Très
intéressant, toujours. Comment je pourrais dire, je n'ai pas été étonnée en lisant
votre mémoire, ou il n'y a rien qui m'a subjuguée, là, je pense que ce que vous
nous présentez puis la présentation verbale que vous venez de faire, ce que
vous nous aviez soumis comme recommandation, et tout ça va dans le sens de ce
qu'on connaît de vous, va dans le sens aussi de dire : Faisons ce qu'on
peut pour accélérer puis propulser nos projets, le développement de nos projets
d'infrastructures, la livraison de nos projets d'infrastructures aussi. Puis
ça, c'est une préoccupation qui nous anime tous, là, en tout cas, presque tous,
à date les, les gens qui sont venus puis les gens autour de la table.
Peut-être, sur, justement, la livraison
des projets. En fait, allons-y tout de suite avec la question du développement
immobilier, parce que j'imagine que vous savez que la STM a dit un peu la même
chose que ce que vous venez de nous dire. Et, moi, comme je leur ai dit tout à
l'heure...
Mme Guilbault :...c'est sûr que... Bien, le financement du transport
collectif puis tout le potentiel de nouvelles sources de revenus qu'on peut
avoir pour financer notre transport collectif, c'est une question à part. Donc
là, est-ce que c'est quelque chose qui devrait aller dans le projet de loi? Tu
sais, il faut voir, parce que ça déborde la question de l'expropriation à
l'évidence, là, ce n'est pas juste une question de pouvoir exproprier pour
faire des projets immobiliers. C'est plus complexe, mais quand même la question
est tellement intéressante qu'on va l'aborder. Je ne sais pas, vous, comment
vous voyez ça, parce qu'évidemment si on fait... Puis là, il faut nuancer aussi
le développement... des projets de développement résidentiel, ou autres, des
redevances, les redevances, c'est déjà quelque chose qui existe. C'est quelque
chose qui existe avec le REM, quelque chose qu'on a concédé aussi pour la ligne
bleue, mais pour des projets de développement... Puis vraiment la réflexion est
ouverte, là. C'est une discussion qu'on a très ouvertement. Vous faites partie
des nombreuses personnes que j'ai rencontrées dans ma tournée sur le
financement du transport collectif, tout comme la STM d'ailleurs, puis la
question des sources de revenus revient de manière récurrente, parce qu'on
manque tous d'argent puis tout coûte plus cher. Et donc comment... Puis je leur
ai posé la question tout à l'heure? Comment est-ce que vous voyez le partage de
risque? Et, dans un contexte comme celui-là, si une société de transport
devient le partenaire d'un promoteur privé pour faire un projet de
développement, c'est quand même des projets qui coûtent cher, qui sont
complexes, qui sont à risques, qui peuvent amener des délais, qui peuvent
amener soit... soit qu'ils peuvent connaître leurs propres délais ou leurs
propres embûches à même le projet ou qu'ils peuvent en générer pour le projet
de transport collectif dont ils sont... qu'ils jouxtent, si on veut, d'une
certaine façon. Bref, tout ça peut amener des incidences financières
importantes et des délais. Alors, je ne sais pas, vous, si vous avez poussé la
réflexion jusque là. Comment est-ce qu'on gère ce risque-là? Qui devrait
l'assumer dans la mesure où on donnerait un tel pouvoir, par exemple à une
société de transport, comme la STM?
Mme V. Doyon (Sarah) : François,
tu as l'air d'être prêt à te lancer, alors je te laisserai répondre.
M. Pepin (François) : Oui,
j'y vais. Écoutez, les sociétés de transport de toute façon déjà gèrent des
projets où il y a des risques effectivement financiers importants. Donc, à ce
niveau-là, ils ont une partie de l'expertise qui est requise pour faire ça. En
même temps, je vous dirais, la plupart devraient normalement se faire en
partenariat avec le privé. Donc, à ce moment-là, il y a un partage de risques
entre le partenaire ou les partenaires privés et la société de transport. Et il
faut dire que dans le monde de l'immobilier, c'est un peu pour ça aussi que la
Caisse de dépôt s'est lancée dans les infrastructures, c'est quand même un
domaine où les espérances de gain sont quand même relativement stables ou sinon
croissantes. Donc, de ce côté-là, le risque est quand même minimum.
De l'autre côté, il faut séparer les deux.
Effectivement, vous avez raison, là, il ne faut pas que le projet immobilier
vienne retarder le projet de transport collectif. Donc, le transport collectif,
il faut faire une station, on fait la station en premier, et on pourra par la
suite développer. Je vous donne des exemples où la STM avec Transgesco voulait
développer, entre autres, au-dessus de la station de l'Île-Sainte-Hélène.
Finalement, ça n'a pas fonctionné. Il y a aussi d'autres cas patents où il y a
des stations, même au centre-ville, comme la station Saint-Laurent où il y a
zéro développement immobilier actuellement, parce que faut dire que sur le
réseau de métro actuel, les droits aériens appartiennent à la ville, et la STM
comme telle possède à peu près un mètre ou deux mètres au plus autour des
édicules. Donc, la possibilité de développement, actuellement, elle est nulle
et n'assure... zéro revenu à la société de transport. Donc effectivement, là,
d'améliorer cette situation-là pour quand même avoir au moins l'opportunité
pour des projets rentables d'augmenter leurs revenus.
• (18 h 50) •
Mme Guilbault :Oui. Avez-vous terminé?
M. Pepin (François) : Oui,
oui. Allez-y.
Mme Guilbault :Oui? O.K. Oui. Parfait. Oui, bien, c'est ça. Vous avez
raison, puis il faut... Puis, comme vous l'avez dit si bien, là, il ne faut pas
qu'un projet de développement retarde le projet de transport collectif. Mon
souci derrière ça, c'est que, comme vous savez, les montages financiers pour
les projets de transport collectif sont souvent répartis selon des formules qui
peuvent varier sensiblement, là, mais généralement, le gouvernement du Québec
est le principal partenaire financier. Donc, c'est sûr que si un projet immobilier
est géré par une société de transport, même si c'est en partenariat avec le
privé, que ça amène des contrecoups, que ça amène des retards dans le projet de
transport comme tel, il y a un risque assez élevé qu'ultimement ce soit le
gouvernement qui doive assumer ou éponger une bonne partie de ces factures-là.
Donc, c'est un peu le souci qu'on a derrière ça, de voir de quelle façon est-ce
qu'on peut faire ça de la manière la plus rentable et la moins risquée pour
tout le monde, notamment pour le principal partenaire financier de l'ensemble
de ces projets-là, et, comme vous êtes bien placé pour le savoir, ça coûte
cher...
Mme Guilbault :...cher, c'est justement parce que ça coûte si cher qu'on a
fait ce projet de loi là. Donc, peut être sur un autre point. Puis ça, je
vais... je vais être très intéressée à vous entendre, il y a eu, puis ça a été
nommé, là, par divers groupes, par des gens autour de la table, il y a un
certain discours à l'effet que le fait de modifier la loi pourrait freiner ou pourrait,
disons, attiédir l'ardeur de certains développeurs de projets sur un territoire
donné parce que ça devient moins attrayant, parce qu'on vient encadrer des
choses qui actuellement ne le sont pas puis que, vraisemblablement, certaines
personnes pourraient toucher moins d'argent que ce qu'elles toucheraient
actuellement. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous? Parce qu'on a des grands
besoins, pas juste en transport collectif, mais en logements, en écoles, en
CPE, etc., en parcs, en milieux ouverts, en milieux de vie et tout ça. Donc,
qu'est-ce que vous pensez des gens qui... qui portent ce souci-là?
Mme V. Doyon (Sarah) : Je
vais laisser mon avocat répondre à cette question-là...
M. Fournier (Axel) : J'ai
une réponse quand même assez simple. Il n'y a personne au Québec qui achète un
terrain dans le but de se faire exproprier. Puis si quelqu'un achète un terrain
dans le but de se faire exproprier, c'est qu'il a un problème avec la loi
actuelle parce que le but d'un promoteur immobilier, c'est de réaliser son
projet. Donc, les promoteurs achètent des terrains pour réaliser un projet.
Puis si un promoteur est exproprié à la juste valeur marchande, il ne perd pas
d'argent. Il acquiert un bien et, à la juste valeur marchande, il est
exproprié. Probablement même que, comme le marché a tendance à monter, il va
réaliser un profit. Mais c'est un profit qui est basé sur la juste valeur
marchande, et non pas un profit qui est exagéré.
Mme Guilbault :Excusez, je cherche votre recommandation sur l'entrée en
vigueur parce que...
Mme V. Doyon (Sarah) : De
mémoire c'est la... C'est comme à l'article no 4...
Mme Guilbault :Je veux juste être sûr d'avoir la bonne. C'est ça
exactement, de modifier l'entrée en vigueur des... Éliminer les délais de six mois,
c'est ça. Donc, vous, ce que vous voudriez, c'est la même chose à peu près que
les autres, j'imagine. C'est l'entrée en vigueur immédiate de la loi?
Mme V. Doyon (Sarah) : Dès
la sanction, effectivement.
Mme Guilbault :Puis sur la rétroactivité qui a souvent été amenée aussi
par plusieurs groupes, avez-vous une opinion ou? Parce que, dans le fond,
mettons, l'entrée en vigueur immédiate, mais qui s'appliquerait, j'imagine, à
toutes les causes pendantes... Tu sais, par exemple, juste avant, on avait la
ville de Laval qui disait : On voudrait que ça s'applique aussi au
règlement déjà adopté avant la sanction de la loi. Donc, ça va quand même assez
loin. Il y a eu... Il y a eu diverses nuances sur le même... variations sur le
même thème. Je ne sais pas si, vous, vous avez réfléchi à la question.
Mme V. Doyon (Sarah) : On
n'a pas réfléchi à la rétroaction, mais je sens qu'Axel est capable de
réfléchir sur le champ.
M. Fournier (Axel) : Je
peux... C'est-à-dire que je pense que de la rétroactivité en matière de
procédure, ça ne pose pas grand problèmes juridiques. Donc, si c'est... Par
exemple, si on prend l'article qui permet de trancher des questions de manière
préliminaire, donc qui est un article de procédure, je pense qu'il n'y a personne
qui s'opposerait à ce qu'il y ait des dispositions de procédure soient
rétroactives ou du moins d'application immédiate. C'est-à-dire que si la
procédure est faite après l'entrée en vigueur de la loi, on peut utiliser la
règle procédurale pour la loi. Si on parle de l'indemnité, de rentrer sur une
question de rétroactivité, je pense qu'il y a plus de gens qui vont grincer des
dents, là.
Mme Guilbault :Oui. Oui, O.K. Parfait. C'est peut-être le son. Des fois,
j'ai l'impression que vous n'avez pas fini votre phrase, puis vous l'avez
terminée. Peut être une dernière question, puis je vais céder la parole à mon
collègue de Masson qui avait aussi des questions pour vous. Puis c'est un
peu... Bien, en fait, non, ce n'est pas philosophique, mais juste de façon
générale, parce qu'on a entendu toutes sortes de choses aussi aujourd'hui. Puis
la notion d'équilibre, pour nous, est très importante. Je pense pour tout le
monde ici, l'équilibre entre l'expropriant et l'exproprié, entre la juste
valeur puis la valeur marchande que, nous, on vient d'introduire, l'équilibre
dans les indemnités, dans les calculs, dans justement les délais, tu sais,
trouver l'équilibre où on va être capable d'aller plus vite, de payer moins
cher, de ne pas tomber dans des choses démesurées, là. J'ai employé le terme
«démesure» avec un précédent groupe puis je pense que, des fois, c'est
carrément ça, là. On a entendu des chiffres mirobolants, des écarts
d'évaluation mirobolants. Mais il faut aussi protéger les expropriés, tu sais,
puis pas seulement les grands groupes, là, les plus petits aussi, et tout ça.
Donc, vous, pour ce que vous en savez, qui êtes là-dedans, là, au quotidien, et
tout ça, trouvez vous que ce projet de loi là a atteint cet équilibre-là? Et
sinon, quelles seraient, selon vous, les... les nuances à y apporter?
Mme V. Doyon (Sarah) : Je
peux peut-être commencer puis, messieurs, vous compléterez. Mais je pense
qu'effectivement le projet de loi vient atteindre un bon équilibre entre
l'indemnisation à offrir à un promoteur ou à, bien, n'importe quel exproprié et
le bien commun. Finalement, on exproprie en transport collectif pour des
projets qui sont utiles pour le bien commun. Donc, il y a un équilibre qui
vient se trouver là. Par contre, et on l'a...
Mme V. Doyon (Sarah) : ...Mentionné
dans le mémoire, il y a des gens qui sont plus vulnérables face à
l'expropriation. Ce n'est pas nécessairement les clientèles qu'on défend, ce
n'est pas notre mission directe, donc on n'a pas de recommandation clairement
formulée. Par exemple, pour un locataire qui est dans son logement depuis
plusieurs années puis qui paie un loyer qui est très, très abordable dans le
contexte actuel, qui se verrait exproprié, quel genre de mécanisme on doit
mettre en place pour s'assurer que ces gens-là ne perdent pas au change?
On parle de... D'assurer une offre de
logements abordables, logements sociaux à proximité des infrastructures qu'on
va construire. Ça ne se construit pas comme ça, il va y avoir un délai entre
l'expropriation puis la construction de ce logement-là, donc il faut quand même
penser à un mécanisme pour compenser la période de temps entre les deux. Mais
est-ce que ces personnes-là ne pourraient pas être les premiers sur les listes
pour les logements abordables qui sont construits où ils habitaient avant? Ça
peut être le genre de mécanisme que... auquel on pourrait penser.
Je ne sais pas si Axel et François veulent
compléter sur d'autres aspects de l'équilibre, là.
M. Fournier (Axel) : Bien,
pour moi, un des articles qui donne un bon exemple d'équilibre, là, c'est
l'article 87 du projet de loi sur l'usage le meilleur et le plus
profitable. Lorsqu'on dit «c'est un usage qui est possible dans les trois ans
qui suivent l'expropriation», ça, je trouve que c'est un équilibre qui est bien
cerné. C'est-à-dire qu'on permet quand même une certaine anticipation, parce
que, bon, un usage peut prendre du temps pour se réaliser, mais la limite de
trois ans, ça évite qu'on ait une valeur purement spéculative sur des faits qui
vont se réaliser dans un espace tellement long qu'en bout de ligne il devient
impossible de le prévoir.
Mme Guilbault :Oui. Merci beaucoup. Je vais céder la parole à mon collègue
de Masson. Merci beaucoup à vous trois.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Mme la ministre. M. le député de Masson, vous pouvez y aller.
M. Lemay : Merci, M. le
Président. Mme Doyon, M. Fournier et M. Pepin, content de vous
retrouver aujourd'hui.
Vous savez, moi, je ne suis pas juriste,
là. Puis j'ai regardé un peu la proposition que vous faites à votre
recommandation numéro un pour... de faire un amendement à l'article 17 en
modifiant le deuxième alinéa. Là, j'essayais de voir un peu plus de détails.
Même en lisant votre texte, là, j'avais un petit peu plus de difficulté de
compréhension, là, simplement parce que je vous ai dit que je n'étais pas
juriste. Mais bref, vous mentionnez que, dans le second alinéa de
l'article 17, vous voulez que le juge, dans le fond, à la Cour supérieure,
là, «il ne peut pas ordonner de sursis que s'il considère que l'exproprié
présente à première vue les arguments convaincants à l'effet que
l'expropriation est illégale.» Et là, vous avez des explications. Mais
peut-être vous pourriez en donner davantage spécifiquement sur ce point-là, qui
me permettrait d'avoir une meilleure compréhension, là. Parce que j'ai
l'impression, là... En fait, j'aimerais avoir plus de détails sur votre
proposition, s'il vous plaît.
M. Fournier (Axel) : Bien,
je peux me lancer. L'idée derrière la proposition, c'est d'encadrer la
discrétion d'un juge. Pourquoi? Parce qu'en ce moment il n'y a pas de critères,
c'est simplement, le juge peut décider de lever le sursis et de... d'imposer un
sursis. Et le danger, si on n'encadre pas un critère, c'est que ça peut être
interprété d'une façon qui n'est pas nécessairement celle souhaitée par le
législateur. Donc, l'idée de la proposition d'amendement, puis dont les mots
pourraient être modifiés, là, si ce n'est pas suffisamment clair, mais l'idée,
c'est d'encadrer la discrétion pour que l'exproprié doive faire une preuve à
l'effet qu'il y a une illégalité, là.
• (19 heures) •
Maintenant, cette preuve-là n'a pas besoin
d'être une preuve qui est finale parce qu'évidemment c'est à l'issue de
cette... de l'audience sur la contestation du droit à l'expropriation que ça va
se faire. Mais ça prend, au moins à première vue, un argument qui est
suffisamment sérieux, suffisamment convaincant pour faire en sorte qu'on
suspend un processus. Parce que sinon, qu'est-ce qui arrive si on suspend le
processus pour pas grand-chose, c'est que la valeur... bon, l'expropriation,
calculer l'indemnité au moment où il y a prise de possession. Donc, si on
retarde le processus, on retarde de la prise de possession et, à ce moment-là,
on augmente le coût d'expropriation. Donc, c'est vraiment important de
resserrer le critère pour s'assurer qu'il y a uniquement les cas où il y a un
vrai enjeu d'illégalité et non pas simplement une possibilité que... qu'on soit
de mauvaise foi parce qu'on exproprie une ligne de métro, là, tu sais. C'est ce
qui arrive quand le critère est mal encadré, là.
M. Lemay : Puis là, vous
parlez de mauvaise foi. Puis, tout à l'heure, vous... dans l'exposé que vous
avez fait, Mme Doyon, vous avez fait l'exemple de la ligne bleue,
justement, en parlant de l'article 17, tu sais. Est-ce que vous voulez
approfondir l'exemple, justement, en lien avec ce que M. Fournier vient de
mentionner?
Mme V. Doyon (Sarah) : Bien,
je vais le laisser approfondir, parce que moi aussi je me fie à mon juriste,
là, dans...
M. Fournier (Axel) : Peut-être
pour vous expliquer le contexte de la décision, là, c'est qu'il y a un
exproprié qui a contesté le droit à l'expropriation dans le cadre de la ligne
bleue en disant : peut-être que l'AMT est de mauvaise foi en expropriant
pour faire la ligne bleue. Et, bon, en ce moment, là, pour avoir...
19 h (version non révisée)
M. Fournier (Axel) : ...il
faut qu'on prouve que toutes les... même en considérant les allégations comme
étant vraies, la personne qui conteste ce qu'elle... sa contestation est vouée
à l'échec. Ça, c'est le critère, en ce moment, dans le code de procédure civile
pour faire rejeter sur la base... sur une base préliminaire, un recours. Et le
tribunal a dit : Bien, il y a une possibilité que l'AMT, à l'époque, soit
de mauvaise foi dans l'expropriation, il y a une possibilité que, ça, c'est le
problème, bon, dans la loi actuelle, mais ça va être le même problème si on n'encadre
pas le critère à l'article 17, c'est qu'un juge peut me dire : Ah!
mais il y a une possibilité, donc je suspends, ce qu'on veut éviter...
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup. Ceci met fin à l'échange avec la partie gouvernementale. Je cède
maintenant la parole à l'opposition officielle, au porte-parole.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour, Mme Doyon, M. Pepin, Maître Fournier, ça me fait plaisir
de vous revoir. Merci également pour votre mémoire et le témoignage que vous
rendez en commission aujourd'hui. C'est tout à fait éclairant.
Quelques questions pour vous. Dans votre
mémoire, vous invitez finalement le législateur à mettre de l'avant une
disposition qui viendrait établir les paramètres pour l'arrêt de transport en
commun de la région de Toronto contre... Et pouvez-vous nous expliquer
davantage pourquoi cette décision là de la Cour suprême peut poser des
problèmes?
M. Fournier (Axel) : Je peux
me lancer. L'idée, c'est que la décision de... c'est à l'époque, là, la ville
de... bien, la Régie des transports en commun de Toronto, qui voulait
exproprier dans le cadre du Go train, le train de banlieue à Toronto. Et là, il
y avait un délai, là, dans le moment de... où est-ce qu'on place la station? Et
la Cour suprême a considéré que c'était un dommage possible dans le cadre d'une
expropriation que le... que d'avoir des dommages pour quelque chose qui s'est
produit avant l'expropriation, mais qui cause un préjudice à l'exproprié, qui
est relié quand même à l'expropriation.
Le problème que ça cause, une disposition
comme ça, c'est que l'exproprié peut se ramasser à être indemnisé parce qu'il
exproprie... par ce qu'il est exproprié, mais pour quelque chose qui a eu lieu
avant l'expropriation et pour lequel il ne pourrait pas recevoir des indemnités
s'il n'y avait pas d'expropriation.
Je vous donne un exemple, c'est qu'un
exproprié pourrait en ce moment invoquer des faits avant l'expropriation, des
faits qui seraient... qui seront survenus peut-être trois ans avant, qui
seraient prescrits au sens du Code civil, mais, comme c'est une expropriation,
peut en ce moment se servir de l'arrêt de... puis d'essayer de revenir dans le
temps, puis d'obtenir une indemnité qui est gonflée. Donc, ça, c'est quelque
chose qui n'est pas nécessairement souhaitable.
Donc, l'article 102 vient mettre fin
à la règle de... en permettant... en fait, en interdisant les dommages pour des
faits survenus avant l'expropriation. Par ailleurs, ça, c'est important de le
mentionner, si l'autorité expropriante a commis une faute et a causé un dommage
avant l'expropriation, il y a encore un recours qui peut exister en vertu du
droit commun du Code civil. Donc, l'idée n'est pas de priver un exproprié d'un
droit si le droit existe, c'est d'éviter que le fait d'exproprier donne plus de
droits pour un dommage qui est survenu avant l'expropriation. C'est ça que le
législateur veut éviter, puis c'est pour ça qu'on appuie l'idée, là, de venir
retirer, finalement, le principe de l'arrêt de...
M. Morin : Parfait.
M. Fournier (Axel) : ...
M. Morin : Je vous remercie.
Merci beaucoup. Un peu plus tôt aujourd'hui, la Société de transport de
Montréal est venue nous parler, nous témoigner en commission, ils souhaitent
obtenir finalement la possibilité d'exproprier sans obtenir une autorisation
préalable du gouvernement, parce qu'il y a certaines sociétés de transport qui
doivent obtenir une autorisation du gouvernement avant de se lancer dans un
processus d'expropriation. Ce n'est pas, je crois, le cas de l'ARTM, mais, pour
d'autres sociétés de transport, oui.
Est-ce que... Bon, évidemment, la STM le
demande pour eux, mais est-ce que c'est quelque chose que vous avez considéré?
Est-ce que c'est quelque chose qui devrait être accordé à toutes les sociétés
de transport? Est-ce que vous y voyez un avantage?
Mme V. Doyon (Sarah) : Effectivement,
on constate que c'est quelque chose qui pourrait être accordé à l'ensemble des
sociétés de transport, surtout que ce que le gouvernement... finalement, en
approuvant les projets de transport en commun, vient quand même donner son
accord ou non à un projet…
Mme V. Doyon (Sarah) : ...ils
financent le prolongement d'une ligne de métro, bien, nécessairement le
gouvernement comprend qu'il y aura des expropriations relatives à cette ligne
de métro. Donc, ça pourrait être effectivement quelque chose qui est accordé à
l'ensemble des sociétés de transport. Je ne sais pas si Axel ou François, vous
voulez compléter.
M. Fournier (Axel) : Peut
être clarifier un point sur le cas du RTM et d'Exo. C'est qu'en ce moment le
RTM et Exo, c'est pire que les sociétés de transport, dans le sens où elles ne
peuvent même pas exproprier eux-mêmes. L'expropriation doit être faite par le
ministère pour le RTM et Exo. Ça, ça vient rajouter une couche encore plus
d'approbation, là, parce que l'organisme doit déterminer s'il veut exproprier,
donc il faut quand même qu'il ait l'autorisation du gouvernement, mais c'est le
ministère qui fait l'expropriation, ça ne peut pas être l'organisme lui-même.
Donc, ils ont encore moins de pouvoirs, finalement, que les sociétés de
transport.
M. Morin : Je vous comprends
bien puis c'est intéressant. Je vous remercie. La STM ne peut pas exproprier
toute seule, il faut qu'elle demande l'autorisation. Le RTM ne peut pas
exproprier, point à la ligne, il faut qu'il... Alors, on parle d'expropriation,
là, puis on parle de transports collectifs avec votre expertise qu'on
reconnaît. Est-ce que la loi vient régler ce problème-là ou s'il faudrait
ajouter des dispositions dans la loi pour régler ça une fois pour toutes?
Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle... parce que, je veux dire, le
législateur, quand il adopte des lois, il ne parle pas pour rien dire. Il sait
ce qu'il fait, n'est-ce pas? Présomption à cet effet-là. Donc, pourquoi il n'a
pas donné d'autorisation directement à la RTM, à Exo? Est-ce qu'il craint
quelque chose? D'autant plus que, comme vous l'avez dit, s'il finance un
projet, bien, c'est probablement parce qu'il est d'accord avec le projet s'il
l'a financé. Donc, j'essaie de comprendre puis comment on pourrait régler ou
améliorer cette situation-là. Parce que je comprends également que, plus il y a
de délais, bien, plus ça peut coûter cher à une société de transport pour
réaliser un projet.
M. Fournier (Axel) : Bien, la
question à savoir pourquoi à l'époque du projet de loi no 76, ça n'a pas
été accordé à Exo ou à la RTM, honnêtement, je ne le sais pas. Par contre,
aujourd'hui, avec le recul, on pense que ça devrait... le projet actuel devrait
être modifié pour inclure cette possibilité.
Par ailleurs, ce qu'il est important de
mentionner aussi, c'est qu'il y a actuellement une obligation pour les sociétés
de transport, lorsqu'elles exproprient, d'avoir l'autorisation quand même de la
municipalité qui adopte le budget. Donc, il y a quand même un encadrement qui
est fait au niveau municipal, et à l'article 4 du projet de loi, il est
prévu que, lorsqu'une municipalité exproprie, l'autorisation ministérielle
n'est pas nécessaire. Donc, c'est un peu paradoxal qu'une expropriation faite
par la STM ou la Société de transport de Québec ou n'importe quelle autre
société de transport nécessite l'approbation de la municipalité. Si la
municipalité avait exproprié, l'autorisation ministérielle... bien, du
gouvernement, ne serait pas nécessaire, mais l'autorisation devient nécessaire
parce que ce n'est pas directement la municipalité, même celle autorisée. C'est
un peu paradoxal.
M. Morin : Donc, il y aurait
peut-être lieu, avec le projet de loi éventuellement de... parce qu'on parle
d'expropriation ici, de régler cette... en fait, cette façon de procéder, qui
semble être parfois peut être un peu lourde administrativement ou qui va
engendrer des délais. Êtes-vous d'accord avec moi?
Mme V. Doyon (Sarah) : Bien,
en fait, c'est un peu une procédure qui rallonge les délais puis qui ajoute de
la complexité là où on cherche à simplifier.
M. Morin : Parfait. Question
un peu plus procédurale, avec des règles de preuve. Dans le projet de loi, le
TAQ a un rôle, la Cour supérieure a un rôle également à jouer, mais ce ne sont
pas nécessairement les mêmes règles de procédure et de preuve qui sont
utilisées devant la Cour supérieure et devant le TAQ. Pour les fins
d'expropriation si on veut être efficace, est-ce qu'il y aurait lieu
d'harmoniser ces règles-là?
M. Fournier (Axel) : Bien,
disons, si on exclut la question d'expropriation déguisée, là, pour laquelle on
n'a pas cité dans le mémoire, c'est que la Cour supérieure va intervenir
uniquement sur le contrôle du droit à exproprier, alors que le TAQ va
uniquement se pencher sur le montant de l'indemnité. Donc, en dehors du cas
d'expropriation déguisée, il n'y a pas de question de chevauchement, là, il y a
deux compétences distinctes sur deux éléments. Donc, il n'y a pas lieu
d'harmoniser ces règles-là. Après, la question d'expropriation déguisée, on n'y
touche pas dans notre mémoire parce que c'est un peu plus loin, là, de la
situation des usagers du transport collectif.
• (19 h 10) •
M. Morin : Je comprends.
Maintenant, Me Burelle nous suggérait, un peu plus tôt ce matin, pour éviter
une perte de temps, une perte de temps dans le processus judiciaire — puis
on sait que le processus judiciaire, on veut qu'il soit efficace — qu'il
y ait un protocole d'instance devant le TAQ, ce qui ne semble pas être le cas
maintenant...
M. Morin : ...dans votre
pratique, est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui pourrait améliorer
et réduire les délais?
M. Fournier (Axel) : Oui,
dans ma pratique, je vous dirais, le TAQ quand même surveille les dossiers, là,
on en a des conférences régulièrement avec les juges qui s'assurent que les
dossiers progressent, là. Donc, il y a quand même cette notion-là, ce n'est
pas... Les dossiers, même si dans la loi, il n'y a pas d'encadrement, il se
passe quand même un encadrement, dans les faits, par le tribunal. Après, que ça
prenne la forme d'un protocole de l'instance ou que ça soit plutôt par un
encadrement judiciaire, ça, c'est une question que je laisse en suspend aux
législateurs.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Maintenant, pour terminer, parce que dans votre mémoire, vous... puis
vous l'avez mentionné, vous parlez du modèle de Hong-Kong du développement
immobilier. Mme la ministre a fait allusion à ça. Pouvez-vous nous en parler
davantage? La STM a déjà une société, là, qui gère des immeubles. Maintenant,
est-ce que vous souhaitez que ce soit étendu à l'ensemble des sociétés de
transport, à certaines sociétés de transport? Quelles sont les... en fait, les
meilleurs moyens pour que ça devienne réalisable, qu'on puisse attirer des
promoteurs? Puis quelle place, évidemment, il faudrait faire au logement
abordable ou social? Parce qu'on vit, évidemment, une crise du logement
également.
M. Pepin (François) : Écoutez,
ça pourrait être étendu à l'ensemble des sociétés de transport, Exo et la RTM,
parce qu'il n'y a pas juste les infrastructures métro ou trains, il y a
effectivement aussi les terminus de bus, il y a plusieurs équipements associés
connexes au transport collectif et, de ce côté-là, effectivement, ça
permettrait à toutes les sociétés de transport d'avoir des développements
immobiliers dépendant des besoins des quartiers ou des municipalités, là, c'est
sûr de voir quelles opportunités ça pourrait leur offrir. Voilà.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le député. Nous cédons maintenant la parole à la deuxième opposition, en
occurrence à M. le député de Taschereau pour environ 5 minutes...
M. Grandmont : Parfait.
Merci, M. le Président. Mme Doyon, M. Pépin, Me Fournier, merci pour
votre contribution, votre présence en cette heure tardive.
J'irais d'abord sur ce que vous demandez,
là, ce que vous proposez, en fait, d'ajouter au projet de loi, là, notamment de
permettre aux OPTC d'exproprier pour autre chose que les infrastructures de
transport à proprement dites puis aussi permettre des ententes avec les
promoteurs. Puis ça me faisait réaliser, vous avez parlé notamment de droits
aériens, puis je m'imagine très, très bien que la négociation... en tout cas,
prévoir une construction au-dessus d'une station, d'un édicule par exemple, il vaut
mieux le faire en amont, tu sais, plutôt que d'espérer ou d'imaginer que,
peut-être éventuellement, il y aura quelque chose au-dessus de cet édicule-là.
Ce que je veux dire, c'est que c'est le genre de décision qu'on prépare
nécessairement en amont. Est-ce que, selon vous, actuellement, avec le projet
de loi n° 22, on risque de manquer des opportunités de bien arrimer le
développement urbain et développer les transports collectifs structurants
principalement?
Mme V. Doyon (Sarah) : Bien, effectivement,
puis c'est pourquoi on a fait ces deux recommandations-là. Évidemment, là, le
projet de loi, il vient améliorer plusieurs choses pour le développement du
transport collectif, mais, tu sais, on veut vraiment maximiser les retombées de
ce projet de loi là. On peut aussi y adjoindre d'autres dispositions pour
favoriser le développement de quartiers TOD, ça va, tu sais, maximiser le
développement à proximité des stations de transport collectif, qu'on parle du
métro de Montréal ou qu'on parle du tramway à Québec ou de tout autre projet
qui n'est pas encore en réalisation, ce serait le bon moment pour, finalement,
travailler sur l'ensemble du développement urbain puis assurer des retombées
positives pour l'ensemble de la société, pas juste les usagers du transport
collectif qui ont une nouvelle infrastructure, mais aussi s'assurer qu'il y a
des nouvelles personnes qui puissent en bénéficier, qui puissent profiter du
développement à proximité puis, actuellement, bien, c'est compliqué. L'exemple
de la station Saint-Laurent a été nommé, en plein coeur du centre-ville, c'est
en plein milieu d'un champ de garnotte à peu près, excusez-moi l'expression, il
n'y a rien au-dessus, mais si on prévoit tout de suite des dispositions dans la
loi, on pourrait éviter que ce genre de choses là se reproduisent, il faudrait
évidemment prévoir que la station devienne partie d'un bâtiment, on ne les
construit pas de la même manière. Donc, effectivement, il faut mettre dès
maintenant dans le projet de loi pour s'assurer de ne pas manquer
d'opportunités. Je ne sais pas si François ou Axel, vous voulez compléter.
M. Pepin (François) : Bien,
très rapidement, c'est effectivement possible de construire au-dessus d'une
station de métro, c'est pour ça que le... Le réseau original, on parlait
d'édicules temporaires à l'époque...
M. Pepin (François) : ...parce
qu'au niveau du tunnel et de la station comme telle, en dessous il n'y a aucun
problème. Et aussi, pour les raccordements de différents tunnels, comme le
réseau souterrain de Montréal, il y a toujours des ouvertures, qu'on appelle
des tympans, qui sont prévues à l'origine. Mais, effectivement, c'est le genre
de travaux de raccordement qui peuvent se faire relativement facilement.
M. Grandmont : ...en train de
dire que, dans le fond, si on veut agir en bons gestionnaires de l'argent
public, en fait, si on veut maximiser les retombées positives, même... les
retombées positives, mais économiques aussi, de l'argent gouvernemental investi
dans le transport collectif, il faudrait vraiment aller vers des dispositions
telles que permettre de négocier avec les promoteurs, d'avoir des ententes avec
des promoteurs ou, encore, de donner le droit aux OPTC, là, d'exproprier pour
autres choses que des infrastructures. Évidemment, ça, ça a des retombées
positives aussi sur la question du financement du transport collectif. Est-ce
que vous considérez que c'est un sujet qui est comme à part ou si on doit
profiter du p.l. n° 22 pour, justement, l'intégrer, puis que ça fasse partie...
même si c'est une discussion qui se fait en parallèle dans une consultation,
puis que c'est... par ailleurs, par la ministre des Transports? Est-ce qu'on a
là une opportunité qu'on doit absolument saisir?
Mme V. Doyon (Sarah) : Tout à
fait. C'est vrai que le financement de la mobilité puis l'expropriation, c'est
deux dossiers distincts, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas
d'interrelation entre les deux, puis qu'il n'y a pas de... Ils agissent comme
des vases communicants, en fait, il y a des leviers qu'on peut utiliser, dans
le projet de loi n° 22, qui vont faciliter notre vie, quand on va se poser
des questions pour le financement de la mobilité, qui permettraient d'aller
chercher des nouvelles sources de financement. Donc, effectivement, le projet de
loi n° 22, c'est comme ça qu'on l'a vu de notre côté, c'est vraiment de
l'utiliser comme un véhicule législatif qui doit permettre, finalement, de
favoriser le développement du transport collectif. Favoriser le développement
du transport collectif puis, oui, réduire les coûts, mais c'est aussi trouver
des nouvelles sources de financement.
M. Grandmont : Parfait. Bien,
écoutez, en ce qui concerne, j'ai terminé mes questions, mais je vous remercie
pour votre contribution, encore une fois, puis je vous souhaite une bonne fin
de soirée.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le député, Merci pour votre contribution aux travaux.
Et la commission ajourne ses travaux au
mercredi 20 septembre 2023, après les avis touchant les travaux des
commissions, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 19 h 19)