Journal des débats (Hansard) of the Committee on Transportation and the Environment
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Thursday, May 11, 2023
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Vol. 47 N° 12
Special consultations and public hearings on Bill 20, an Act to establish the Blue Fund and to amend other provisions
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-six minutes)
Le Président (M. Jacques) : Bonjour
à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
transports et de l'environnement ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20,
loi instituant le Fonds bleu et modifiant d'autres dispositions.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Grandmont, Taschereau est remplacé par Mme Zaga Mendez,
Verdun.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le secrétaire. Nous entendrons ce matin les organismes suivants :
Ouranos ainsi que le Groupe de recherche universitaire en limnologie. Comme la
séance a commencé à 11 h 36, y a-t-il consentement pour poursuivre
nos travaux au-delà de l'heure prévue?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Jacques) : Consentement.
Donc, je souhaite la bienvenue au représentant d'Ouranos. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous
procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
M. Bourque (Alain) : Bonjour.
Merci, M. le Président, les députés. Mon nom est Alain Bourque. Je suis
directeur général d'Ouranos. La dernière fois qu'on s'est probablement vus, c'est
il y a quelques semaines. J'ai donné une formation au Salon rouge à l'Assemblée
nationale sur les changements climatiques à titre de directeur général d'Ouranos
et je pense qu'à l'époque je vous avais dit qu'on reparlerait des changements
climatiques. Et depuis, bien, vous avez pu voir l'actualité, avec les
inondations, etc., donc je... avouer que ça s'est peut être même passé encore
plus vite que j'aurais pu l'imaginer.
Et donc je vous remercie beaucoup, là,
pour cette opportunité de commenter sur cette initiative intéressante, là, pour
créer le fonds bleu. Comme vous le savez sans doute maintenant, il y a un bon
consensus scientifique qui est bien établi, tant à l'échelle internationale qu'à
l'échelle du Québec, le climat de la planète s'est réchauffé de 1.15 degré
Celsius depuis le début du siècle dernier à cause de la hausse des émissions de
gaz à effet de serre. L'ampleur du changement climatique est environ doublée
sur le sud du Québec, on parle de 2 à 3 degrés Celsius selon les régions,
et triplé dans le nord du Québec de l'ordre de 3, 4 degrés Celsius dans
ces régions-là.
Alors, d'une part, un degré, ça ne semble
pas énorme, mais on comprend que c'est une quantité très significative d'énergie.
Et d'autre part ce n'est qu'un seul indicateur pour montrer que l'ensemble du
cycle climatique est en transformation profonde et en bonne partie
irréversible. Autrement dit, les changements du climat qu'on a observés à date
vont se poursuivre. On ne retournera pas à l'époque climatique du siècle
dernier et naturellement le cycle de l'eau va être affecté, d'où je crois la
pertinence, là, de la science des changements climatiques dans vos travaux.
Donc, chaque composante du cycle de l'eau
va être perturbée sans retour en arrière réellement possible. La quantité, la
qualité de l'eau, les températures de l'eau au Québec, des rivières, des lacs,
etc. ont déjà changé et vont poursuivre leurs changements. La fréquence des
événements extrêmes, comme les inondations, les sécheresses vont venir
naturellement impacter les eaux de surface, les eaux souterraines, le niveau de
la mer, etc.
• (11 h 40) •
Donc, il y a beaucoup d'enjeux et il va
falloir se préparer pour faire face à cette musique-là. Deux grandes familles
de solutions pour pouvoir gérer les risques en lien avec les changements
climatiques. Le premier, c'est la réduction des émissions de gaz à effet de
serre pour atteindre la carboneutralité. Je pense que vous l'avez déjà beaucoup
entendu au cours des derniers mois, des dernières années. Et donc il faut
tabler là-dessus pour contrôler l'ampleur des changements à venir et contrôler
l'ampleur des changements dans le cycle de l'eau. Mais il va falloir aussi
apprendre à vivre... en fait, apprendre... que la société apprenne à vivre avec
ce nouveau cycle hydrologique, avec ses différentes composantes. Il va y avoir
et il y a déjà... Au cas où vous n'auriez pas remarqué, là, il y a déjà des
risques qui s'amplifient et qui vont nécessiter des efforts en protection, en
restauration, en meilleure gestion de l'eau, en conflits d'usage, etc., et
toutes les ressources disponibles, tous les outils et les leviers disponibles
devront être utilisés de façon la plus efficace possible pour pouvoir faire
face à tout ça. Les conséquences sont multiples, et, malheureusement, ce n'est
pas en 10 minutes, là, que je vais pouvoir résumer tous les impacts ou les
enjeux. Juste pour rappeler, il va y avoir des enjeux différents selon les
saisons, selon les régions, selon les secteurs, par exemple l'environnement
bâti. Bien, on sait, là, les conséquences en lien avec les extrêmes de l'eau
liées aux inondations, les usines d'approvisionnement en eau, la production d'eau
potable qui...
M. Bourque (Alain) : ...beaucoup
et qui utilise beaucoup de l'eau froide qu'on a tendance à avoir au Québec à
cause d'un climat qui était historiquement froid, mais qui le devient de moins
en moins. Donc, les bactéries aiment beaucoup la chaleur, beaucoup plus la
chaleur que le froid. Il y a toutes sortes d'impacts, même surprenants, qui se
produisent. Vous avez probablement entendu parler, dans vos comtés, de
lézardement de fondations des maisons à cause d'assèchement des sols, et
cetera. C'est toutes sortes d'implications et d'impacts en lien avec
l'évolution du cycle de l'eau.
Santé et sécurité, bien-être des
populations aussi. On a beaucoup parlé... on parle toujours beaucoup de la
santé physique quand il y a des événements météorologiques extrêmes, mais il y
a aussi les aspects de santé mentale. Les enjeux aussi de bien-être autour de
la qualité de l'environnement. Les algues bleu-vert vont certainement être
favorisées en lien avec l'impact des changements climatiques.
Les activités socioéconomiques, vous le
savez, l'agriculture, le tourisme, l'approvisionnement en eau pour toutes
sortes de procédés industriels. Donc, c'est toutes sortes de... Les changements
climatiques vont avoir des impacts directs et indirects là-dessus.
Et malheureusement, je le dis en dernier,
l'environnement naturel, parce que c'est souvent... on pense souvent aux
activités socioéconomiques avant de parler de l'environnement naturel. Souvent,
l'environnement naturel, c'est celui qui écope de toutes ces pressions
additionnelles là. Et donc je pense que l'idée de créer un fonds bleu pour justement
essayer de prioriser un maintien de l'environnement naturel qui nous donne
autant de services écologiques et de bénéfices dans ce qu'on fait au niveau de
la santé, au niveau des infrastructures, développement économique, bien, c'est
une bonne nouvelle, je pense, là, de créer un fonds bleu pour pouvoir... puis
là je vais vous avouer franchement, là, pour pouvoir tenter minimalement de
maintenir la qualité de l'eau qu'on a présentement, de maintenir les conditions
qu'on a acquises autour de l'adaptation historique. On veut... Je sais que vous
voulez tous améliorer les situations, mais je vous le dis, la lutte contre les
changements climatiques, ça va quand même être assez difficile.
Alors, peut-être un des commentaires que
je voudrais rajouter, c'est que, oui, les ressources financières, c'est utile
pour aider la société québécoise à s'adapter, mais un des gros défis, c'est
aussi d'insérer, dans l'ensemble des règlements, des programmes, des lois, des
stratégies gouvernementales, dans les pratiques courantes, dans les critères
d'appel d'offres, dans toute une panoplie d'actions terrain, dans les
comportements de la population... il faut intégrer cette nouvelle réalité
climatique là, et donc il y a quand même beaucoup de travail à faire. Et je
pense que la création du Fonds bleu va justement aider, accompagner les
acteurs, allant de l'individu aux plus grandes organisations, à pouvoir
justement mettre en place des actions ou des stratégies qui vont permettre de
réduire l'ampleur de ces risques-là, là, qui s'aggravent d'année en année.
Par contre, il y a quand même plusieurs
pièges face à... lorsqu'il y a l'arrivée d'un fonds ou de nouvelles ressources
dédiées parce qu'il y a quand même un grand risque de parsemer des financements
à gauche et à droite, sans grande priorité, sans grande logique, et cetera, et
ça... en fait, si on veut être performants par rapport à ces
investissements-là, il faut se rappeler de certains trucs.
Le premier que j'aimerais dire, c'est
peut-être de dire qu'il faut investir de façon à créer des changements
structurels majeurs dans la société québécoise pour mieux utiliser la ressource
en eau, pour en assurer davantage sa quantité, sa qualité dans des conditions
climatiques nouvelles. On doit arrêter de s'imaginer qu'on aura toujours accès
aux ressources que l'on a eues dans le passé. Le climat va venir redéfinir quel
va être l'accès, la qualité de l'eau au cours des prochaines... des prochaines
décennies.
Il faut aussi investir de façon cohérente
avec les autres outils qui favorisent l'adaptation aux changements climatiques.
Alors, naturellement, dans le cas du Fonds bleu, ici, puis du projet de loi que
vous étudiez, c'est clair qu'il y a un lien à faire avec le plan d'économie
verte, par exemple. Mais il y a aussi d'autres plans et d'autres initiatives.
Pas plus tard qu'hier, je voyais une directive, là, sur la nouvelle stratégie
d'aménagement du territoire et d'architecture. Il y a une des attentes, 2.3.3,
qui parle justement de l'eau et de mieux conserver l'eau, de la qualité de
l'eau. Donc, il y a des défis d'arrimage ici avec ces différentes politiques
là. En même temps, c'est une bonne nouvelle, là. Ça veut dire qu'on est en
train de graduellement... En anglais, en sciences, on dit : On est en
train de faire le «mainstreaming» de l'adaptation aux changements climatiques
dans l'ensemble des politiques publiques gouvernementales. Et ça, il faut se le
rappeler, là, un fonds seul ne va pas être nécessairement si performant si...
M. Bourque (Alain) : ...tous
les autres outils à la disposition des élus ne sont pas synchronisés ou
connectés entre eux. Naturellement, vous ne serez pas surpris d'apprendre, là,
que je vais vous dire qu'il faudrait baser les décisions, les choix sur des
données probantes et sur la science. Je le sais qu'il y a des choix de société
à faire dans tout ça, mais je pense que les données et la science devraient
être à la base de la prise de décision éclairée. Il faut aussi priorité...
prioriser non seulement les enjeux actuels, mais aussi ceux qui vont être amplifiés
par les changements climatiques, comme je viens de le mentionner. Je vais
utiliser, là, la... le dicton que M. Gretzky a inventé : Pour être un
bon joueur de hockey, il ne faut pas aller là où la rondelle elle est
présentement, il faut aller là où la rondelle s'en va. Et donc au Québec, on va
avoir de plus en plus d'eau... d'enjeux de manque d'eau lors des fins d'été et
les débuts d'automne, on va avoir des enjeux clairement de moins bonne qualité
de l'eau à cause que la température de l'eau va être de plus en plus chaude, on
va avoir des problèmes d'inondations dans certaines régions dans... de
rehaussement du niveau de la mer dans d'autres régions, on va avoir,
naturellement, sur le sud du Québec, des fortes pressions sur les ressources en
eau qui sont très populaires pour les différents usagers de l'eau. Finalement,
peut-être un point...
Le Président (M. Jacques) : Bon,
M. le ministre vous donne de son temps, là, pour terminer.
M. Bourque (Alain) : O.K.
Bien, peut-être le dernier point que j'aimerais rajouter sur le fait de comment
aller de l'avant avec ce fonds-là, c'est qu'il faut clairement agir de façon
stratégique par étapes. Donc, nous, en adaptation, ce qu'on dit souvent à
Ouranos, c'est que quand un acteur s'intéresse à réduire les risques liés à
l'adaptation aux changements climatiques, il faut suivre le cycle de
l'adaptation. Alors, le premier, c'est simplement de réaliser qu'il y a un
problème. On le sait, au Québec, il y a beaucoup de gens qui prennent pour
acquis qu'on en a beaucoup d'eau, donc il faut améliorer la conscientisation
par rapport aux risques liés à l'eau. La deuxième étape, une fois qu'on a
compris ça, c'est qu'il faut faire une analyse quand même assez, assez complète
des risques et des opportunités, de façon à prioriser et à bien déterminer
quelles sont les ampleurs des enjeux. Donc, il faut identifier quels sont les
endroits prioritaires à intervenir. La troisième étape, une fois qu'on a fait
ça, bien, c'est d'analyser les options d'adaptation. Là, je pourrais élaborer
très longtemps là-dessus, mais le point important, c'est qu'il faut
certainement retourner sur les solutions basées sur la nature. La nature nous
offre beaucoup de services, nous en a... offert beaucoup par le passé, et les
milieux humides, les espaces de liberté des cours d'eau, etc., ce sont toutes
des stratégies qui vont grandement nous aider et qui vont être beaucoup moins
coûteuses, surtout à moyen et à long terme. Il va falloir faire attention, dans
cette analyse des solutions là, de ne pas tomber dans le piège de la
maladaptation. Présentement, on est en train d'utiliser toutes sortes de
techniques qu'on croit que c'est de la bonne adaptation, mais, dans les faits,
c'est de la mauvaise. Exemple, on enroche les rivières quand il y a un problème
pour protéger des maisons, le problème, c'est que ça accélère
l'érosion 200, 300 ou 400 mètres plus loin. Donc, il y a toute une
panoplie de solutions que l'on croit qui sont bonnes, qui sont, dans les faits,
pas très bonnes lorsqu'on analyse les données scientifiques. Naturellement,
ensuite, la mise en oeuvre. Encore une fois, je pense qu'on veut beaucoup
d'actions sur le terrain, mais il faut que cette action-là soit réfléchie, soit
structurée, soit structurante et aussi soit mobilisante, il faut le faire de
façon collaborative avec les acteurs. Ensuite, il faut mesurer, évaluer le
progrès, il faut avoir des données, il faut se donner des objectifs clairs,
qu'est-ce qu'on veut atteindre comme qualité de l'eau malgré les changements
climatiques? Quel genre d'impacts que l'on veut réduire, etc.? Et
malheureusement, c'est probablement une boucle d'amélioration continue, on ne
l'aura pas du premier coup l'adaptation optimale face au... à l'évolution du
cycle de l'eau. Donc, il va falloir revenir et refaire ces processus-là.
Alors, je vais peut-être arrêter là-dessus
puis plutôt prendre les questions, mais peut-être juste pour vous, peut-être,
féliciter, là, d'avoir l'opportunité de débattre sur ce projet-là, mais de se
rappeler que l'argent ne... pour la création du Fonds bleu ne règle pas tout,
il faut clairement bien faire les choses basées sur des données et la science.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, M. Bourque, pour votre présentation. J'invite donc M. le
ministre à débuter la période d'échange. Et il reste 13 min 30 s.
M. Charette : Merci beaucoup,
M. le Président. Monsieur Bourque, toujours un plaisir. Merci encore une fois
de nous partager votre science. Vous y avez fait mention au départ, merci
également pour cette formation que vous avez offerte, là, il y a quelques
semaines maintenant aux parlementaires, et on a déjà hâte à la deuxième qui est
prévue...
M. Charette : ...pour
l'automne. Donc, merci, merci beaucoup. Vous avez dit, essentiellement, dans
votre propos : Il faut faire attention à la maladaptation. On y est
totalement. Le gouvernement du Québec, au cours des dernières années, a fait un
travail difficile, je vais l'avouer, parce qu'il faut apprendre à penser
autrement, il y a beaucoup de pédagogie à ce niveau-là, lorsqu'on a revu notre
façon d'interagir avec le domaine hydrique. Les inondations de 2017, 2019 ont
été malheureusement de bonnes leçons à ce niveau-là. Moi, je le répète souvent,
2017, je suis du comté de Deux-Montagnes, une MRC qui a été passablement
touchée par les inondations, on m'avait dit : Benoit, tu ne reverras
jamais ça de ton vivant, c'est exceptionnel. Et, deux ans plus tard,
malheureusement, c'est revenu avec une force quasi, quasi semblable. Donc, oui,
attention, la maladaptation, mais, en même temps, on a appris qu'il fallait
mieux anticiper un petit peu ce que peut nous réserver comme surprise le
domaine hydrique.
Donc, il y a eu cette fameuse ZIS, la zone
d'intervention spéciale. On est actuellement en régime transitoire avant
d'adopter un régime permanent, mais ce que ça veut dire, à terme, c'est qu'on
ne pourra plus construire comme on pensait et comment on construisait. Il y a
des secteurs qu'on ne pourra vraisemblablement plus habiter comme on
l'habitait. Il y a des secteurs où tout développement devient interdit, alors
qu'il y a quelques années à peine on pouvait penser les développer. Mais il y a
beaucoup, beaucoup de pédagogie à faire, que ce soit avec nos partenaires
municipaux, que ce soit par rapport aux attentes des citoyens qui, dans
certains cas, un propriétaire disait : Bien oui, moi, je n'ai pas
construit sur ce terrain-là, mais je m'apprêtais à le faire, là. Il faut lui
faire comprendre que, malheureusement, ce n'est pas envisageable. Est-ce que ce
travail-là, il est aussi nécessaire pour, justement, bien s'adapter aux
nouvelles particularités, là, de notre domaine hydrique?
M. Bourque (Alain) : Oui,
bien, en fait, tout à fait, ce travail- là, il est nécessaire. Puis je pense
vous amener un bon point aussi, parce qu'on parle beaucoup de... dernièrement,
on parle beaucoup de cocréation, de mobilisation, de travailler avec les
partenaires, et etc., mais je pense aussi que le gouvernement du Québec, les
gouvernements de plus haut palier, ont un rôle de leadership majeur à jouer
pour un peu à pousser dans le dos... dans le dos des gens. Et puis je relisais
encore un article, j'habite d'Ahuntsic-Cartierville, donc il y a des quartiers
qui sont inondés, et c'est sûr que la tendance des gens, c'est de dire :
Je veux être enroché, je veux un mur, je veux que le mur soit plus haut, et
cetera. Malheureusement, là, il va falloir faire des choix difficiles, là, on
ne va pas gagner contre la météo, le climat, le rehaussement du niveau de la
mer, et cetera. Il va falloir faire des choix déchirants. Alors, c'est clair
que... c'est clair qu'il va falloir avoir ces discussions... ces discussions
très franches là. Et puis j'invite, là, tout le monde autour de la table, là,
qui travaille sur ce projet de loi là à bien le réaliser, là. Il va falloir...
il va falloir peut-être, bien, justement, moins utiliser l'argument du passé,
c'est-à-dire : On n'a jamais vu ça par le passé, et cetera. D'ailleurs,
vous le voyez vous-même dans les médias, là, c'est fou combien de fois qu'on dit :
Ah! on n'avait jamais vu ça dans le passé, et cetera. On l'entend à presque
toutes les semaines dans toutes sortes d'événements, si ce n'est pas en
Alberta, en Colombie-Britannique, au Québec, et cetera, ça se produit partout.
Alors, ça, c'est peut-être une bonne nouvelle, c'est qu'on n'est pas seul
là-dedans, toutes les régions du monde font fasse à exactement cette même
situation- là, et cetera. Et ceux qui vont s'en sortir le mieux vont être ceux
qui vont être innovants, qui vont amener des nouvelles approches, qui vont
mettre une croix sur le climat du passé et qui vont davantage se baser sur des
informations scientifiques, quantitatives, et cetera, des gens aussi qui vont
essayer des choses, qui vont essayer des projets pilotes innovants qui, malheureusement,
ne seront pas toujours corrects du premier coup. Alors, il va falloir se donner
le droit à l'erreur aussi. Mais il ne faut surtout pas être trop conservateurs
dans la suite des choses, parce qu'on est dans un monde en changement,
contrairement à autrefois où le climat était stable et fiable.
M. Charette : Non, exact.
Deux petits éléments très, très rapides, parce que j'ai ma collègue
d'Argenteuil qui me dit : J'ai beaucoup, beaucoup de questions, puis on a
très, très peu de temps, malheureusement. Vous avez mentionné : le Fonds
bleu ne pourra pas être la réponse à tout. C'est exact, on en est conscients.
Même si on parle d'une somme conséquente de 500 millions, on l'a répété au
cours des deux dernières journées, on ne réglera pas tout. Et tout n'est pas
non plus une question d'argent. Lorsqu'on parle de réaménager le territoire, ce
n'est pas uniquement...
M. Charette : ...à travers de
l'injection de nouveaux capitaux, donc je voulais absolument vous donner raison
à ce niveau-là. Dernière petite question rapidement. Vous parlez d'enrochement.
On parle beaucoup d'érosion des sols dans certains secteurs du Québec. Une
petite analyse rapide, là, au Québec. Comment, subit-on l'impact des
changements climatiques à travers ces phénomènes d'érosion? Et je suis
parfaitement d'accord avec vous, ce n'est pas l'enrochement, là, qui peut être
et qui doit être la solution, là, dans tous les cas de figure, avec une réponse
relativement brève, compte tenu de l'enthousiasme de ma collègue d'Argenteuil à
mes côtés, que vous ne voyez peut-être pas à l'écran en ce moment.
M. Bourque (Alain) : Bien,
pour l'érosion, en fait, c'est... en gros c'est assez simple, hein,
c'est-à-dire que les étés vont être tendance... à avoir plus sec avec des
périodes de sécheresse un peu plus longues, combinées, alternées avec des
événements de précipitations plus abondantes, alors c'est des conditions assez
gagnantes, malheureusement pour l'érosion. Alors, il faut appréhender les taux
d'érosion des sols agricoles, par exemple. Puis ça amène des questions de
pollution agricole, etc., de qualité de l'eau dans les rivières. Et ça, ce
problème là, ça va s'amplifier, c'est clair, c'est clair, donc il faut investir
dans cet enjeu-là.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
M. le ministre. Et, tel qu'annoncé par... précédemment, je cède maintenant la
parole à Mme la députée d'Argenteuil.
Mme Grondin : Merci, M. le
Président. Combien de temps?
Le Président (M. Jacques) : ...quarante-quatre.
Mme Grondin : Six minutes. M.
Bourque, bonjour. Toujours un plaisir. Je ne sais pas si vous avez eu
l'occasion, là, de regarder les séances précédentes, mais on a eu plusieurs
organisations qui, depuis mardi, nous partagent leurs différentes priorités, où
devraient le... où le fonds bleu devrait investir, quelles sont leurs
priorités, tout ça. Et je peux comprendre. Mais la grande majorité vont d'abord
exprimer dans leur propre champ de compétence où sont leurs priorités. Le
ministre rappelle depuis le début que le fonds bleu doit être dédié à la
protection des ressources et qu'il faut avoir une vision un petit peu plus
collective de la réflexion.
Vous êtes membre du forum. Vous m'entendez
souvent parler d'intelligence collective. J'ai envie de vous demander, avec
tout ce que vous nous amenez, la question de l'adaptation aux changements
climatiques. Inévitablement, vous amenez souvent cette notion-là, vous l'avez
amenée également cette fois-ci, la nécessité d'analyser les risques, de bien
comprendre les risques. Est-ce qu'on devrait intégrer ça dans chaque projet
structurant qui serait financé par le Fonds bleu ou on devrait plutôt se
dire : On réserve des sommes dédiées pour la connaissance, la
conscientisation, la stratégie par étape, comme vous l'avez mentionné? Comment
vous voyez ça?
• (12 heures) •
M. Bourque (Alain) : Bien,
écoutez, moi, je suis un scientifique, hein? C'est sûr que je vais vous dire
qu'on devrait développer dans les connaissances, de continuellement mieux
comprendre les risques, et cetera. Puis je suis même un peu en conflit
d'intérêts en disant ça dans une certaine mesure. Mais je le rappelle encore
une fois, je pense que les données, les connaissances, c'est fondamental pour
la bonne prise de décision. Donc il y a ça. Ceci étant dit, il ne faut pas non
plus que le manque de science, de données, d'information nous limite dans
l'action. Donc il faut quand même financer certaines actions et donc faire des
scans de risques. Donc, il y a peut-être des moyens pour réussir à déjà
prioriser les risques. Tu sais, on le sait, le dossier inondations au Québec,
c'est un gros dossier. On le sait aussi, les enjeux d'érosion agricole ou de
sécheresse avec suivi d'événements de précipitations abondantes qui amènent des
enjeux de qualité de l'eau, c'est des enjeux. En plus, si on ajoute le fait que
les températures de l'eau de toutes les rivières et les lacs au Québec vont
augmenter, les enjeux d'algues bleues, ça va augmenter si on ne fait pas
quelque chose, si on n'essaie pas de contrôler ça. Donc, il y a déjà des
actions qui sont possibles dès maintenant, même si on n'a pas la science
complète quantitative pour dire : Bien, le bassin versant de la rivière
Saint-Charles et des enjeux d'approvisionnement d'eau pour le... pour la ville
de Québec sont plus ou moins prioritaires que quels autres enjeux dans la...
dans une autre région du Québec. Je pense que... on peut quand même réussir à
dégrossir les problèmes et à investir stratégiquement en se basant sur des
scans, mais ceci étant dit, j'y reviens, je pense que la question de quelles
sont nos priorités, ça va toujours revenir. Dans 10 ans, on va...
12 h (version non révisée)
M. Bourque (Alain) : ...encore
se poser la question c'est quoi nos priorités d'intervention? Ce qui fait que
tant qu'à faire, aussi bien investir dans les connaissances, dans les outils,
etc., pour pouvoir justement continuer à travailler sur des évaluations de
risques toujours plus précis.
Mme Grondin : Vous avez
dit, tu sais, un des défis, c'est... Ou, en fait, une des choses qu'on ne
devrait pas faire, c'est ne pas semer, mais plutôt d'investir dans des projets
qui amènent des changements structurants majeurs. Est-ce que ça devrait être le
principe... un des principes directeurs qui guident d'abord et avant tout cette
grille-là ou ces critères là du Fonds bleu?
M. Bourque (Alain) : Oui.
Bien, je pense que oui à la base, mais il ne faut pas non plus s'interdire de
faire des projets plus stratégiques de science fondamentale. Mais, en tout cas,
je ne suis pas moi-même un grand fan de science fondamentale. Moi-même, j'aime
beaucoup les projets pratiques qui connectent avec les usages du territoire,
les usages de l'eau, etc. Mais je pense qu'à un moment donné, il peut y avoir
un consensus parmi les acteurs qu'il faut investir dans un truc en amont parce
que ça va répondre à des besoins communs. Mais globalement, je pense que, oui,
il faudrait dédier le maximum de ressources possibles à des projets et des
activités qui vont permettre de bâtir quelque chose de plus grand, qui va venir
renforcer la réglementation, ou des trucs du genre, ou qui vont venir aussi,
surtout, mobiliser les acteurs, les impliquer, créer de la compréhension, par
exemple, au fait qu'on n'a pas trop d'eau au Québec, là, je veux dire. On... Il
faut juste mieux la gérer, il ne faut pas la prendre pour acquise, etc. Donc,
en faisant des projets qui permettent de créer ces liens-là, qui permettent de
faire de la communication puis de la sensibilisation en même temps en
impliquant les parties prenantes, ça, ça fait souvent en sorte que c'est des
projets qui peuvent être plus longs qu'on ne l'aurait voulu au début parce qu'on
est obligé d'aller à la même vitesse que certains partenaires, mais au final,
ça donne des résultats beaucoup plus intéressants qui génèrent des
transformations requises à moyen et long terme.
Mme Grondin : Donc, je
sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais j'aurais envie de vous
dire : et en reddition de compte. Suivant ce que vous venez de dire,
comment on mesure ces succès-là? Si on n'est pas dans du... nécessairement du
quantitatif clair, on est plus sur des questions plutôt sociales, de mobilisation,
de succès, comment on fait? Est-ce qu'on les a, les indicateurs?
M. Bourque (Alain) : Bien,
nous, vous savez, on travaille de plus en plus avec des gens en sciences
sociales parce que c'est une science, ça aussi, qui existe, la science sociale.
En changement climatique, on est très bioclimatiques, mathématiques, etc., mais
ça existe aussi des indicateurs sur l'évolution du progrès, comment les gens...
comment les perceptions ont changé. Oui, pour la mesure de la qualité de l'eau,
de la suie et de se donner des objectifs, mais aussi, oui, pour des indicateurs
de perception sur la rareté de l'eau ou, etc. Il y en a. des indicateurs.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour cette période d'échange. Et je cède maintenant la parole à l'opposition
officielle et à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme McGraw : Merci
beaucoup, M. le Président. Et merci à vous d'être avec nous ce matin. Merci
aussi pour la formation. J'enchaîne avec les... la reconnaissance du ministre. Ça
a été bien apprécié. On s'attend à une deuxième formation. Et vous savez
peut-être que, nous, notre formation, on va faire une autre formation avec
Réalité Climat Canada, dont j'ai cofondé le projet de Al Gore ici au Canada. Et
on va faire ça en complément pour s'assurer qu'on va focusser surtout sur les
solutions et les communications avec les citoyens. En tout cas, ça va être en
complément. Donc, on a bien hâte à la prochaine formation. Et d'ailleurs, je
voudrais... Vous avez beaucoup parlé évidemment des changements climatiques,
Ouranos, et les liens entre les changements climatiques, l'eau, aussi la
biodiversité. On a parlé de solutions basées sur la nature, entre autres.
Et vous avez parlé d'arrimage. Vous avez
parlé d'arrimage entre le Fonds bleu. Il y a le plan d'économie verte qui va
sortir bientôt, si je comprends bien, et il y a aussi le plan nature
évidemment. Donc, est ce que vous pouvez élaborer sur l'arrimage, la cohérence
entre biodiversité, changement climatique, eau et aussi au niveau des fonds qui
vont être dédiés vers ces trois enjeux interreliés?
M. Bourque (Alain) : Bien,
là, c'est sûr que dans les trois fonds que vous avez mentionnés...
M. Bourque (Alain) : ...il y
en a deux qui sont nouveaux, là, je veux dire, donc je ne peux pas trop
commenter sur... Mais mon point, puis je pense que...
Mme McGraw : Recommandations.
M. Bourque (Alain) : C'est
ça. Non, mais c'est parce que tout le monde le sait, c'est que, dans nos
organisations, dans nos jours, dans nos sociétés qui sont assez compliquées, je
veux dire, je ne sais pas combien de fois qu'on a pu voir des initiatives ou
tel ministère ou tel fonds investit pour conserver l'eau, puis ensuite un
ministère lié aux infrastructures va faire quelque chose qui va dégrader l'eau,
tu sais. Et donc c'est comme si on apportait... on essayait d'améliorer,
d'amener des solutions qui étaient rapidement cancellées par des mauvaises
décisions en lien avec d'autres politiques puis d'autres programmes, etc. Et je
pense que l'un des énormes défis que les grandes institutions ou les grands
paliers de gouvernement ont, c'est la cohérence des actions pour tenter de
justement donner des chances à l'environnement naturel qui subit les
changements climatiques là à une vitesse vertigineuse. En tout cas, à leurs
yeux, des décennies, c'est vertigineux comme vitesse.
Donc, le point, c'est là, c'est qu'il faut
s'assurer qu'on va à la fois ne pas détruire d'un côté quelque chose qu'on fait
de l'autre bord, de s'assurer qu'on va être optimal aussi, qu'on va être
connecté puis qu'on va venir se consolider plutôt que de se nuire. Et puis, en
passant, je vais vous afficher un autre exemple que vous devez adorer à titre
de gens du monde politique. On voit la même chose entre le palier fédéral,
provincial, municipal et individuel. Je veux dire, s'il y a bien des domaines
où il y a de l'incohérence, je veux dire, c'est là, là. Je veux dire et c'est
clair qu'on n'a pas toutes nos flûtes alignées pour lutter contre les
changements climatiques de façon la plus efficace possible. Donc, autant il
faut des connexions entre les ministères, il faut probablement aussi des
connexions entre les paliers de gouvernement. Ça, je suis sûr ce des sujets qui
vous passionnent quand...
Mais don c, à titre de scientifique,
simplement dire que ce qui compte, c'est le résultat final de pouvoir être le
plus efficace possible, de maximiser les fonds pour pour pouvoir avoir les
retombées nécessaires.
Mme McGraw : Donc, vous avez
parlé de paliers de gouvernement, je ne peux pas m'empêcher de... je vois très
bien que vous siégez sur l'Institut climatique Canada, donc vous avez une
approche pancanadienne aussi. Nous, on veut que le Québec joue un rôle de chef
de file de premier plan qu'avec toutes nos ressources et notre belle énergie,
ça ne nous mène pas à la complaisance, mais bien à l'ambition pour jouer un
rôle, un rôle effectivement important au sein du Canada et du monde. Et on a
été déçu d'apprendre que le Québec ne s'est pas présenté comme candidat pour
être le siège social de l'Agence canadienne sur l'eau. Je ne sais pas si ça
aurait permis un rôle de leadership. Mais justement, sur ça, on trouve que le
Fonds bleu, quand même, c'est un pas, un pas très important dans la bonne
direction. Est-ce que vous pouvez nous parler plus de justement si cette
cohérence ou vous avez dit manque de... l'incohérence, mais comment le Fonds
bleu pourrait être plus cohérent avec les autres paliers de gouvernement, tant
au municipal que le fédéral? Et des suggestions.
• (12 h 10) •
M. Bourque (Alain) : Bien, je
pense que l'une... oui, bien l'une des bonnes façons, c'est de... c'est
probablement de viser des partenariats, là, des collaborations. Là, je veux
dire, moi, là, je veux dire, je ne suis pas trop nécessairement dans votre
domaine plus politique, public, etc. Mais c'est clair que des projets... il y a
souvent des projets d'infrastructure, là, qui sont financés fédéral,
provincial, municipal, des trucs genre, ça, c'est bien parce que ça permet
d'aligner les flûtes de tout le monde autour de projets qui permettent
d'optimiser la contribution de chacun des paliers, tout en reconnaissant par
contre que chaque niveau de gouvernement ou chaque niveau d'institution a ses
rôles et ses responsabilités. Donc, chacun a des rôles et des responsabilités
qui sont différents, donc il faut, oui, combiner les fonds, fort probablement
pour tenter de créer ces connexions-là, tout en reconnaissant que chacun a des
rôles et responsabilités. On entend beaucoup parler du municipal, provincial
dernièrement dans le changement climatique, etc. Moi, je crois qu'il y a des
rôles et responsabilités pour les deux paliers. Les deux paliers devraient
investir de l'argent pour s'arranger pour avoir une autre qualité, puis des
infrastructures robustes pour faire face à tout ça, et... et donc, en fait, ce
que les changements climatiques disent de plus en plus, c'est il faut arrêter
de se chicaner puis il faut travailler ensemble.
Mme McGraw : On est d'accord
là-dessus. Vous avez parlé votre approche, le fonds, le fonds dédié, d'éviter,
justement comme ma collègue, la députée d'Argenteuil avait dit d'éviter de
parsemer. Il faut avoir des grandes priorités. Puis vous avez parlé de
changements structurants...
Mme McGraw : ...structurant,
je devrais dire. Vous avez parlé de changements, aussi, mobilisants, avec des
objectifs clairs. Vous avez parlé de la cohérence avec les autres fonds. Donc,
ça, on vient d'en discuter. Vous avez parlé des données, prioriser ce qui...
pas juste ce qui est actuel, mais ce qui s'en vient, le potentiel ou ce qu'on
prévoit, donc, selon ce que j'ai compris. Dans tout ça, est-ce qu'au niveau de
la gouvernance, pour, justement, prioriser... Parce que c'est sûr que le fonds,
c'est 500 millions, il ne peut pas tout faire. En termes de priorisation,
est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus? Vous avez parlé d'approche, mais, au
niveau du contenu, est-ce qu'il y a des priorités en particulier que vous
voudriez souligner?
M. Bourque (Alain) : Bien, en
fait, la question des priorités, elle est difficile parce qu'on pourrait la
prendre autour des enjeux. Tu sais, on devrait prioriser les inondations, les
sécheresses, la température de l'eau. Alors, ça, c'est une façon de prioriser.
Une autre façon de prioriser, c'est de parler de quels sont les outils ou les
étapes de prise de décision qui sont critiques à l'évolution de la qualité de
l'eau et qu'on devrait chercher à transformer ou à changer, et cetera. Moi, ce
que je... puis c'est un petit peu pour ça que j'ai essayé de présenter le cycle
de l'adaptation, c'est que je pense que, par rapport au fonds, il faut faire
des investissements stratégiques dans chacune des étapes, de façon à permettre
aux différents acteurs qui sont, par exemple, juste rendus à la
conscientisation, bien, d'investir avec eux dans la conscientisation, c'est là
qu'ils sont rendus, alors qu'il y en a d'autres qui sont rendus un petit peu
plus loin, et là on pourrait investir dans l'implantation de solutions
d'adaptation sur des bassins versants spécifiques, parce qu'eux, ils sont
rendus là. Et là, après, ça devient important pour le ministère de
l'Environnement, Lutte, changement climatique, Faunes, Parcs et les
collaborateurs d'aussi prendre une approche macro pour se dire : O.K.,
c'est bien beau ces petites études de cas là puis ces petits succès, mais
qu'est-ce qu'il faut faire pour ramener ça à une échelle de transformation de
l'ensemble de la société? Comment on fait pour intégrer ces nouvelles
approches-là dans les réglementations, et cetera? Et donc, quand je parle de
priorisation, c'est beaucoup plus d'avoir une stratégie en lien avec les fonds
et les investissements qui va permettre ces liens entre les différentes étapes,
les différents enjeux, et cetera.
Et là où, parfois, je trouve qu'on a des
manques à titre d'organisation, de grandes organisations, mais, en même temps,
je reconnais que ce n'est pas facile, c'est que, souvent, quand on travaille
avec beaucoup, beaucoup de partenaires, on a tendance à laisser chacun des
partenaires partir avec leur pointe de tarte, sans un leadership central
suffisamment fort pour ramener les gens, ramener les acteurs à penser
structurant, à penser transformationnel. Je donne l'exemple des inondations. Il
a fallu deux inondations majeures, en 2017, en 2019, pour que même les municipalités
admettent que la gestion des plaines inondables n'avait pas été terrible dans
le passé. Et ils étaient prêts à... ils étaient prêts à reconnaître qu'il
fallait que le gouvernement du Québec joue un rôle majeur structurant en
revoyant la réglementation, et cetera. Naturellement, dans ce cas-ci, ça a pris
deux crises, avec beaucoup de dommages en dollars et en impacts humains pour
que ça se passe. Alors là, le défi, c'est qu'il faut réussir à le faire avant
que la crise des algues bleu-vert arrive, avant que des crises de manque d'eau
majeures sur le sud du Québec arrivent. Alors, ce n'est pas facile, ça, parce
qu'on est habitué à l'adaptation réactive puis on n'est pas habitué à
l'adaptation préventive.
Mme McGraw : Oui, il faut
guérir et prévenir en même temps. Est-ce que... Je crois que j'ai... on a
peut-être deux minutes qu'il nous reste, donc je vais poser deux dernières
questions, où vous allez prendre le temps... vous allez juger entre les deux.
Évidemment, vous nous arrivez du monde scientifique, et on sait que le rêve de
tout scientifique, c'est vraiment le partage des données universelles. Vous
avez parlé d'acquisition, d'analyse, distribution des données. Selon vous,
est-ce que le projet de loi n° 20, est-ce que... la transparence au niveau
des données est-elle adéquate? Et, si on a le temps pour une deuxième question,
est-ce qu'il y a des angles morts ou des enjeux qui n'ont pas été... que vous
aurez bien aimé voir traités au sein du projet de loi?
M. Bourque (Alain) : Oui, c'est
des bonnes questions. Je ne pense pas que je pourrais... En fait, c'est clair
qu'il faut, bon, il faut de la transparence dans les données, mais aussi il y a
une question d'accès...
M. Bourque (Alain) : ...et de
structurer les données, là. Nous, par exemple, on... Nous, en fait, pour être
franc, là, on aime mieux ne pas avoir les données. On aime mieux quand c'est
les utilisateurs qui contrôlent les données, qui gèrent les données, etc., ça
favorise des usages beaucoup plus opérationnels et pratiques. Habituellement,
quand ça reste dans le monde scientifique, ce n'est pas terriblement utilisé,
là, malheureusement, alors...
Donc, je n'ai peut-être pas vraiment de
commentaires. C'est sûr que la transparence, c'est bon. Moi, peut-être qu'un
des commentaires que je ferais, puis le ministre le sait très bien, c'est clair
que d'avoir créé un comité consultatif sur les changements climatiques pour
aviser le gouvernement par rapport à la lutte aux changements climatiques,
c'est une bonne idée. C'est une tendance qui se fait de plus en plus un peu
partout dans le monde pour avoir une vision objective, neutre, etc.
Malheureusement, des fois, les décideurs n'aiment pas toujours ça parce qu'on
peut dire des affaires qui sont opposées aux choix politiques, là. Puis je
pense que ça pourrait être une bonne idée à appliquer à ce genre d'initiative
là aussi.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour cet échange. Et je cède maintenant la parole à la deuxième
opposition, à Mme la députée de Verdun.
Mme Zaga Mendez : Merci
beaucoup. 4 minutes.
Le Président (M. Jacques) : 4 minutes
sept.
Mme Zaga Mendez : Merci,
M. Bourque pour votre présentation et l'échange. J'ai deux questions. Je
vais poser les deux, comme ça je vais vous laisser le temps de développer.
La première, c'est que, pendant toute la
présentation, en vous connaissant aussi, on met beaucoup, beaucoup l'emphase
sur l'adaptation aux changements climatiques. Tel que le projet de loi
présentement... lorsqu'on décrit les objectifs, on délimite les champs d'action
du fonds bleu, les mots «adaptation aux changements climatiques» n'apparaissent
pas spécifiquement. Donc, je voulais avoir votre avis là-dessus. Est-ce que
c'est souhaitable de l'inscrire déjà dans ce projet de loi pour prévoir donc
toutes les actions dont vous faites part.
Puis la deuxième. Vous avez parlé des
enjeux de cohérence en disant que des fois on crée des fonds puis des
enveloppes un peu partout. Bien là, on a un fonds bleu, mais on a aussi les
stratégies de développement des territoires, on a d'autres fonds qui sont...
aux inondations dans d'autres ministères. Comment voyez-vous une gestion
cohérente de ces fonds-là? Est-ce que, selon vous, ça pourrait passer par un
seul fonds consolidé spécifique à l'adaptation aux changements climatiques?
M. Bourque (Alain) : Wow!
C'est une bonne question. Premièrement, pour le mot adaptation, je ne pense pas
qu'il soit nécessaire qu'il soit là. Puis d'ailleurs moi même je n'aime pas
beaucoup le mot adaptation aux changements climatiques dans la mesure où... En
fait, plein de gens et plein d'acteurs font de l'adaptation au climat puis ils
ne l'appellent pas comme ça. On fait de la prévention des risques, on conçoit
des infrastructures, on aménage du territoire. Tout ça, là, c'est de
l'adaptation au climat historique, puis là il faut rajouter la composante
changement climatique. Peut-être... Donc, l'argument, c'est qu'à partir du
moment où les gens comprennent ça, que tout le monde fait de l'adaptation dans
une certaine mesure... Dès qu'on fait des infrastructures, aménagements du
territoire, des écosystèmes, etc., il y a de l'adaptation là-dedans. Donc, je
pense que ce n'est pas nécessaire de mettre adaptation.
Par contre... le commentaire, peut-être ça
sera bien dans le... Je ne me souviens pas avoir vu l'expression changement, tu
sais, dans un contexte de changements climatiques dans le projet de loi.
Peut-être, ça serait une bonne idée. C'est quand même un défi majeur à venir,
puis je pense, ça pourrait être bien de l'écrire explicitement, mais, bon,
peut-être vous allez me dire qu'il y a des enjeux à le faire.
Pour ce qui est des différentes
enveloppes. Tu sais, moi, je prends ça un peu comme un cube Rubik, hein?
L'adaptation aux changements climatiques, c'est comme un gros cube Rubik
compliqué. Il y a plein de secteurs, il y a plein d'enjeux, il y a plein
d'acteurs. Et là il faut réussir à faire le cube Rubik puis d'aligner toutes
les boîtes comme il faut. Donc, ce n'est pas simple, je le reconnais. Et donc
on peut avoir des mégas enveloppes avec le risque que le méga d'enveloppes
prend une tendance à un moment donné puis là on ne peut plus parler de
changements climatiques ou de biodiversité, etc., puis ça devient trop teinté
d'un enjeu ou on peut avoir plusieurs fonds, mais qui se parlent, qui sont
cohérents entre eux pour réussir à justement reconnaître les différentes
perspectives des enjeux environnementaux.
Donc, je n'ai pas de recommandation à
faire sur ce front-là. Les deux, ou les trois, ou les quatre formules sont
possibles. Mais le point, c'est qu'il faut se parler, il faut se coordonner, il
faut s'aligner. Il faut être connecté avec les différents paliers, les
différents ministères, et c'est souvent ça, là, qui est le gros défi, là, qu'on
ne fait pas.
• (12 h 20) •
Mme Zaga Mendez : Est-ce
qu'il nous reste...
Le Président (M. Jacques) : 30 secondes.
Mme Zaga Mendez :
30 secondes. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à la
commission en quelques secondes.
M. Bourque (Alain) : Bien,
non. À part de... Je suis heureux de voir que vous invitez quelqu'un de
changement climatique et spécifiquement même d'adaptation pour justement
reconnaître...
M. Bourque (Alain) : ...avec
le fait qu'on n'aura pas le choix, là, ça s'en vient.
Le Président (M. Jacques) : Merci,
Monsieur Bourque, pour votre contribution aux travaux. Et nous allons le
suspendre quelques instants pour accueillir le dernier groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
(Reprise à 12 h 23)
Le Président (M. Jacques) : Nous
reprenons nos travaux et je souhaite la bienvenue au groupe de recherche
interuniversitaire en limnologie. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter et à commencer votre exposé.
M. Lapierre (Jean-François) : Parfait.
Merci beaucoup. Comme M. Bourque, j'aimerais vous remercier de l'invitation à
venir partager notre point de vue ici, de même que notre participation au Forum
d'action sur l'eau. Je suis Jean-François Lapierre, professeur à l'Université
de Montréal en sciences biologiques. Je suis codirecteur du GRIL avec
Béatrice... professeure à l'UQAM. Je suis accompagné de Marie-Andrée Fallu. Je
vais la laisser se présenter puis présenter le GRIL dans les grandes lignes.
Merci.
Mme Fallu (Marie-Andrée) : Oui,
merci. Donc, je suis Marie-Andrée Fallu, coordonnatrice générale et agente de
liaison au GRIL, et mon rôle depuis plus de 15 ans, bien, c'est notamment
de partager les connaissances et les résultats de recherches de nos membres
avec les multiples parties prenantes des universités et de la communauté. Les
membres du GRIL, bien, c'est 56 professeurs dans 12 universités
réparties partout au Québec, avec une communauté étudiante postdoctorale et de
professionnels de plus de 200 personnes. Donc, c'est les professionnels,
c'est le... hautement qualifié qu'on est en train de former pour demain, donc
du futur personnel que vous avez d'ailleurs... de nos anciens, vous en avez
entendu... Vous avez eu l'opportunité d'en rencontrer ici même, là, ces
derniers jours.
Donc, ces personnes-là ont l'expertise
variée allant du micro au macro, donc c'est-à-dire des aspects moléculaires,
des organismes aquatiques, jusqu'aux aspects physiques ou hydromorphologiques
des bassins versants, en passant par l'étude des chaînes alimentaires, de la
biodiversité, du cycle du carbone, des nutriments, des contaminants. Donc,
c'est vraiment un groupe de recherche qui repousse les connaissances
fondamentales sur le fonctionnement des écosystèmes d'eau douce, avec une forte
tradition, là, de collaboration avec le milieu utilisateur des connaissances.
M. Lapierre (Jean-François) : Merci.
Donc, c'est un groupe de recherche, et c'est avec cette vision-là qu'on a lu le
projet de loi, incluant le fond bleu, on s'est... Il comporte plusieurs
aspects. On s'est prononcé principalement sur les points suivants. Donc, on
note que... Il y avait un mémoire qui a été publié avant, qui note que ce
fonds-là devrait avoir un financement adéquat, prévisible et soutenu. Donc, ça,
c'est très, très bien. Ensuite, il y a des avis qui mentionnent que ça
devrait mener à une utilisation des ressources de l'eau de manière à en assurer
une gestion durable, équitable, efficace, dans un objectif de transparence, de
préservation d'un bien commun ou d'une richesse collective. Faites-vous-en pas,
je ne vais pas tout lire le projet que vous connaissez, mais je vous présente
le contexte dans lequel on a attaqué ce point de vue là. Et à cette fin, il
privilégie une gestion axée sur les meilleurs résultats à obtenir, c'est aussi
quelque chose sur lequel on va se prononcer, pour le respect des principes, des
orientations et des objectifs. Donc, il y a... les principes qui sont la
protection, la restauration et la mise en valeur de la gestion de l'eau avec
quatre points clés : utilisation durable, équitable et efficace de la
ressource, le contrôle, la prévention d'inondations, la conservation des écosystèmes
aquatiques et la gouvernance de l'eau. Donc, il y a plusieurs façons de se
rendre là, innovations technologiques et sociales, question de connaissances,
amélioration des performances, mobilisation, et cetera. Donc, dans ce
contexte-là, notre position par rapport à ce fonds-là, bien, de un, on le... on
l'appuie très fortement. On est très…
M. Lapierre (Jean-François) : ...enthousiaste
par rapport à ça. Il y a beaucoup... on a entendu plusieurs personnes se
prononcer comme quoi ce n'est peut-être pas assez d'argent, on ne pourra pas
tout régler. Peut-être qu'on ne devrait pas le voir comme un fonds qui pourrait
tout régler, mais on pourrait le voir peut-être comme un investissement qui,
s'il est bien investi, on aura un retour multiplicatif en prévention en termes
de services écosystémiques à long terme qui pourraient être protégé, si c'est
bien... c'est bien déployé, ce fonds-là.
Donc, un petit peu de contexte, ça a été
soulevé, d'ailleurs, par monsieur Bourque dans la présentation précédente, il y
a une espèce de perception d'abondance de l'eau au Québec. Et c'est vrai qu'il
y a des énormes stocks d'eau, principalement au nord, qui reposent dans nos
lacs, nos rivières. C'est beaucoup moins le cas dans les régions plus au sud,
où il y a un usage humain très important, où il y a beaucoup d'usages humains
qui non seulement utilisent beaucoup la ressource en eau ou utilisent beaucoup
l'eau dans les écosystèmes aquatiques, souvent à un degré qui dépasse le temps
de renouvellement, et cette eau-là, chaque goutte d'eau que nous, on consomme,
comme humain, ou qui se ramasse en quelque part, aura, en quelque part, passé
dans un bassin versant, dans une nappe phréatique, dans un lac, dans une
rivière. Donc, tous les impacts humains en route dans les bassins versants
auront un impact ultime sur l'usage qu'on pourra en faire. Et cet usage-là est
beaucoup moins... est beaucoup plus menacé au sud qui peut l'être au nord, par
exemple.
Donc, lorsqu'on parle de menace
potentielle de ces écosystèmes-là, il y en a quelques-unes, des menaces clés,
on parle : les polluants qui peuvent être des fertilisants en azote, en
phosphore, qui peuvent être des contaminants... certains sont connus, d'autres
sont émergents, comme les PFAS par exemple; il y a des ouvrages humains qui
modifient le cours des rivières, des ruisseaux, qui viennent affecter, par
exemple, les inondations, les espèces, les habitats de certaines espèces de
poissons; les espèces aquatiques exotiques envahissantes, il peut y avoir des
espèces qui sont menacées aussi; puis les changements climatiques, ça a été
amené aussi à la présentation précédente, qui viennent de plus en plus
réchauffer, qui amènent des événements extrêmes en termes de fréquence,
d'extrêmes, on a parlé des inondations.
Donc, bref, il y a plusieurs menaces, il y
a plusieurs... Il y a beaucoup d'opportunités de préserver cette richesse-là,
collective, en s'attaquant, nous croyons, d'abord, à la protection des
écosystèmes aquatiques qui soutiennent plusieurs services écosystémiques. Par
services écosystémiques, on entend... donc la définition d'un service
écosystémique, c'est quelque chose qu'un écosystème fait pour nous
gratuitement, un bénéfice qu'on en retire. On peut penser à protection de la
biodiversité, la régulation des nutriments ou es contaminants, la régulation
des sources d'eau potable, incluant la quantité et la qualité, le stockage de
carbone, la protection contre les inondations, la pêche sportive, le
récréotourisme. Donc, de protéger les bassins versants et les écosystèmes aquatiques
aurait de multiples cobénéfices en termes des usages ou des services que les
écosystèmes rendent, incluants mais ne se limitant pas seulement à l'eau
potable, ultimement.
Il y a des exemples de ça. Par exemple,
protéger les milieux humides a le double, le triple bénéfice de recharger nos
eaux souterraines en période de crue, de limiter la quantité d'eau qui se
déverse simultanément pour faire inondations, ce fait même va venir amener des
sources d'eau potable qui seront rechargées en période d'étiage, par exemple, à
l'été. Il y aura un stockage de carbone, il y a une espèce de rôle filtrant par
le fait même. Par exemple, il y a... on a mis dans notre mémoire l'exemple des
réservoirs Catskills, aux États-Unis, où la protection de bassins versants, de
réservoirs a sauvé des milliards de dollars en traitement d'eau potable. Donc,
il y a eu une approche préventive, en amont, de la source d'eau, plutôt qu'un
traitement en aval de la ressource en eau qui a sauvé, il y a un exercice
mathématique qui a été fait, plusieurs milliards de dollars. Donc, il y a des
bénéfices tangibles à préserver l'état des écosystèmes et les services qu'ils
rendent.
• (12 h 30) •
Notre deuxième point clé qu'on fait valoir
par rapport à ça, ça a été soulevé indirectement aussi, je pense, dans la
présentation précédente, c'est l'importance de bien suivre, de bien quantifier
les mesures, les succès. Si on veut bien être capable de voir quels sont les
bénéfices des actions mises en place, il faudra suivre l'état des écosystèmes
d'eau douce. Pour ce faire, il devrait y avoir développement ou à tout le moins
harmonisation d'indicateurs pour être capable de mesurer la réponse des
écosystèmes, la réponse des mesures, de suivre à long terme aussi. Plusieurs...
plusieurs réponses prennent du temps à se manifester. Il y a des effets de
legs, par exemple. Si les sols sont saturés à phosphore ou les fonds de lacs,
ça peut prendre plusieurs années avant qu'un effet se mesure dans l'eau. Donc,
il faut suivre à long terme avec des indicateurs. Ça prend des données, des
données qui sont publiquement disponibles, qui sont accessibles, et ça prend
une certaine harmonisation aussi. Donc, c'est un besoin que nous croyions qui
doit être important à tenir en compte avec le Fonds bleu, le projet de loi n° 20.
Et finalement les actions, nous croyons,
qui seront mises en place avec le Fonds bleu devront être structurantes,
intégratrices à l'échelle de tout le bassin versant. Et surtout on pense qu'il
y a deux paliers, ça a été abordé, encore une fois...
12 h 30 (version non révisée)
M. Lapierre (Jean-François) : ...dans
la discussion précédente, il y a deux paliers qui ne sont pas nécessairement en
contradiction, un palier plutôt local où des acteurs souvent locaux, régionaux
qui connaissent bien leurs enjeux, un palier plutôt provincial à plus grande
échelle, où il y a des enjeux plus, plus universels, comme les changements
climatiques, comme les espèces envahissantes, par exemple. Il pourrait y avoir
deux leviers d'action avec chacun des intervenants, des intervenantes ou des
mécanismes, avec des leviers, des priorités qui pourraient être différents.
Finalement, le dernier point que nous
avions noté, c'est on a fait référence à la Directive européenne cadre sur
l'eau. À toutes les fois qu'on parle de ces enjeux-là avec des collègues, on se
fait toujours marteler que c'est un exemple international à suivre. Je ne vais
pas les lire ici, mais on a sorti, dans le mémoire, quelques exemples
d'articles qu'on trouvait qui étaient très, très éloquents là, là. Un des
premiers articles considère que l'eau n'est pas une ressource monnayable, mais
plutôt un patrimoine qui doit être protégé en tant que tel. Ensuite, que
protéger les écosystèmes d'eau douce va permettre de soutenir, entre autres,
les risques des inondations, l'usage... l'eau potable et tout ça, entre autres
services écosystémiques. Donc, on trouvait que c'était un bon modèle pour...
sur lequel on pourrait considérer... dont on pourrait s'inspirer.
Donc, nous sommes très positifs. Nous nous
exprimons des principes qui pourraient peut-être guider, là, les grandes lignes
des actions qui pourraient être faites avec le Fonds bleu. Et encore une fois,
nous vous remercions de l'invitation.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre présentation, et j'invite maintenant le ministre à
commencer la discussion.
M. Charette : Merci beaucoup,
Monsieur le Président. Merci à vous deux. Vous avez conclué... et vous avez
conclu en disant merci pour l'invitation. Moi, je vous dis merci de l'avoir
accepté. Très intéressant d'avoir votre... votre éclairage. Merci également
d'avoir joint le Forum d'action sur l'eau. C'est effectivement une
connaissance, là, qui sera précieuse pour la suite des choses.
J'ai justement plusieurs de vos écrits
sous les yeux. Vous parlez de l'importance de protéger les écosystèmes d'eau
douce, nous sommes... important de protéger les services écosystémiques aussi.
Et on revient à la question qu'on a abordée avec bon nombre de groupes, 500 millions de
dollars, c'est intéressant, mais on ne peut pas tout régler avec 500 $...
500 millions de dollars. Et certains, bon, ont des priorités qui leur
appartiennent et qui sont aussi très légitimes, mais on est réellement
idéalement dans la protection des services écosystémiques. On n'est pas dans la
protection d'infrastructures d'eaux grises, par exemple, on est réellement au
niveau, là, de la protection écosystémique, là, selon... selon ce que je peux
voir, là, de vos... de vos... de vos commentaires.
M. Lapierre (Jean-François) : Absolument.
D'ailleurs, ça avait été soulevé qu'il semble y avoir d'autres fonds, d'autres
programmes qui sont plutôt dédiés à faire ça, puis on croit fortement que de
protéger... donc de protéger ces services-là pour ce faisant on protège
l'écosystème, on protège le bassin versant. Il y a des mécanismes qui peuvent
varier de région en région selon les enjeux locaux auxquels ces écosystèmes-là
font face, mais la littérature démontre que chaque dollar investi en prévention
est beaucoup plus rentable à long terme qu'en réaction, ou en traitement, ou en
adaptation, par exemple.
M. Charette : Il y a un
élément que vous avez mentionné, de mémoire, là, de tous les groupes entendus,
vous êtes les seuls à avoir fait cette remarque-là qu'on entend dans bien
d'autres contextes, la répartition ou la régionalisation des sommes. C'est
souvent l'inquiétude lorsqu'il y a des fonds importants, que ce soient
principalement les grands centres qui en bénéficient versus les régions plus
éloignées. C'est un autre dilemme auquel on fait face lorsque vient le temps,
là, de répartir ou d'attribuer les sommes d'un fonds. Comment... comment
concilier ça et comment justement répartir non seulement à travers des
initiatives porteuses, mais à travers le territoire lui-même, la portée de ces
sommes-là?
M. Lapierre (Jean-François) : C'est
une bonne question. C'est un débat, entre guillemets, auquel on fait face. On
entend beaucoup de discussions dans le Forum d'action sur l'eau, entre autres.
Il y a beaucoup d'acteurs sur le terrain qui connaissent bien leurs priorités
régionales. Si on est en Montérégie, dans la région de Québec, si on est en
Abitibi ou dans le Nord-du-Québec, les enjeux sont très, très, très différents.
Donc, la mécanique ou la proportion des fonds qui devraient être distribuées,
je ne sais pas si on est les mieux placés pour se prononcer là dessus. Par
contre, s'il y avait une distribution à la fois régionale, locale, une
distribution plutôt structurelle, universelle, on a l'impression qu'on pourrait
atteindre deux objectifs du fait même. Est-ce que tu voulais...
Mme Fallu (Marie-Andrée) : Oui,
bien...
Mme Fallu (Marie-Andrée) : Mais
je voulais ajouter aussi, selon les régions, on imagine mal, peut-être,
répartir des mêmes sommes partout. Je pense qu'il y a des priorités. Certaines
régions peuvent faire face à des priorités qui vont demander plus de fonds que
d'autres régions qui ont moins de... qui ont moins d'impact sur les
écosystèmes, par exemple. Mais de la même façon, il y a des enjeux qui sont
plus nationaux. Donc, il y a des sommes qui peuvent être investies de façon
nationale, si on pense par exemple à l'envahissement des espèces envahissantes.
Et là, on ne parle pas seulement du myriophylle à épi, il y en a d'autres. Il y
en a d'autres qui vont s'en venir avec le réchauffement climatique. Donc, les
prévenir, faire de la prévention au même titre que les changements climatiques.
Donc, informer les gens pour qu'ils comprennent les actions qu'ils doivent
prendre pour éviter de transporter ces espèces-là, par exemple. Donc ça, c'est
plus au niveau national, tout en faisant attention au niveau local que les
actions qui sont menées ne vont pas en contradiction avec ça, là, que tout est
tenu pour compte. Dans le régional, on doit tenir compte des changements
climatiques, des espèces envahissantes aussi, mais il y a quelque chose à faire
aussi au niveau plus national.
M. Charette : Le grand
dilemme que nous aurons, avec lequel on aura à conjuguer sur le... à conjuguer
sur l'utilisation des sommes, on compte beaucoup sur le Forum d'action qui a le
mandat, justement, de faire des recommandations à ce niveau-là. Est-ce que vous
êtes confiants, question très générale, puis ce n'est-ce pas une question
piège, on a une très, très belle expertise autour de la table du Forum
d'actions. On s'estime très, très choyés, là, des réponses positives des
différents groupes présents. Mais en même temps, chaque groupe a son expertise,
chaque groupe peut avoir sa vision. Dans certains cas, ce sont des groupes qui
peuvent avoir des intérêts très particuliers.
Est-ce qu'on peut être confiants, puis je
vous le dis tout de suite, moi, je le suis, que tous ces individus-là, et je
parle des organisations, tous ou toutes ces organisations-là pourront oublier
en quelque sorte leur expertise ou leur intérêt propre pour arriver à une vision
très collective de la ressource en eau et surtout comment la protéger? Est-ce
qu'on peut s'attendre à un rapport qui ne sera pas uniquement la reprise des
revendications de chacune des organisations, mais réellement une vision plus...
plus collective de ce qui devra être... et scientifique de ce qui pourra être
retenu comme... comme orientation?
• (12 h 40) •
M. Lapierre (Jonathan) : C'est
une bonne question. C'est une question difficile. Je vous dirais que mon
expérience, ça ne fait pas longtemps qu'on a joint le Forum d'action, mon
expérience, c'est qu'il y a plus de consensus ou de convergence que de
divergence dans les grandes priorités. Le détail de l'argent va où, qui le
gère, c'est peut-être moins clair, mais on ne s'est pas rendus très, très loin dans
ce débat-là non plus. Moi, je n'anticipe pas de... Moi, j'ai confiance, en tout
cas, de ce qu'on a vu dans le forum jusqu'à maintenant. Puis nous, on se
prononce, c'est de tenter de proposer des principes directeurs, peut-être, qui
pourraient guider qui, comment et où iront ces fonds-là. Une action basée sur
la prévention, sur le suivi, des actions structurantes, provinciales comme
régionales, ça fait... De façon égoïste ou pas, ça fait peu... ça fait peu
d'impact pour nous, où ira l'argent, en autant qu'elle respecte ces
principes-là. On croit que ces principes-là directeurs qui, on croit, aura les
meilleurs retours sur l'investissement au niveau provincial, là. Mais oui. Pour
répondre, oui, on a confiance, finalement.
M. Charette : Et vous
avez utilisé un mot clé qui était l'objet de ma prochaine et dernière question
pour laisser le temps à mes collègues, le suivi. Actuellement, le Forum
d'actions a le mandat de dresser en quelque sorte quelles devraient être les
priorités d'action. Est-ce que d'après vous le Forum d'action, une fois ce
mandat-là complété, pourrait être maintenu d'une part, et se voir octroyer le
mandat de conseiller le gouvernement sur les suivis à faire des investissements
faits, en quelque sorte évaluer la portée de ces actions-là?
M. Lapierre (Jonathan) : Absolument.
Je crois que ça devrait, surtout que... surtout si on adopte une approche
préventive, il pourrait... Tantôt, on a eu une métaphore de hockey, là, de
prévoir où la rondelle va plutôt que d'aller où elle est. Les enjeux vont
peut-être changer, ils vont évoluer. Il y en a peut-être qu'on n'a pas encore
vus venir, qui pourraient devenir prioritaires. Donc, il faudrait qu'il y ait
une certaine agilité, une certaine flexibilité à ce... à ce fonds-là, à ce
forum-là. Et je crois que de maintenir une rétroaction constante entre les
acteurs...
M. Lapierre (Jean-François) : ...terrain,
le milieu gouvernemental puis le milieu de la recherche, des connaissances. Je
vois d'un très bon oeil le maintien de ce forum-là.
M. Charette : Merci. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la députée
d'Argenteuil.
Mme Grondin : Merci, M. le
Président. Pour combien de temps?
Le Président (M. Jacques) : Pour
7 min 56 s.
Mme Grondin : Parfait. Merci
beaucoup. Monsieur Lapierre, madame Fallu, très, très, très heureuse de vous
voir ici. Vous avez dû, j'imagine, regarder, vous connaissant un peu, quelques
autres interventions au cours de la semaine pour un peu tâter le pouls et voir
comment ça se passe. Et vous avez dû constater qu'il y a certaines
organisations qui... et M. le ministre l'a dit, là, je peux tout à fait
comprendre, là, qui souhaitent identifier des priorités qui sont dans leur
champ de compétence et d'expertise. Et je peux comprendre ça. Vous êtes membre
du forum, vous m'avez entendu à maintes reprises rappeler aux membres que nous
sommes à une étape où il faut absolument faire parler l'intelligence
collective. M. le ministre vous a posé une dure question à ce niveau-là. Moi,
j'ai envie... et ça a été un plaisir de lire votre mémoire parce que dans le
fond, quand... à votre première recommandation, protéger les écosystèmes d'eau
douce et de leur bassin versant, vous l'identifiez comme une priorité. Mais, en
vous écoutant, et c'est la même chose pour la deuxième recommandation, de
suivre à long terme, de faire un monitoring, et la troisième qui est de
soutenir des initiatives structurantes et collaboratives, vous avez parlé de
principes directeurs plutôt que de priorités. Parce que, dans le fond, c'est un
peu ça, qu'est-ce qui devrait guider comment on va investir au Québec pour
notre ressource. Donc, vous parlez de s'assurer à moyen, long terme de l'état
de santé de cette ressource là, des écosystèmes, de soutenir des initiatives
structurantes. Puis évidemment, bien, vous ciblez que c'est peut-être efficient
de d'abord s'attarder à veiller à protéger les écosystèmes avant tout le reste.
Parce qu'on est en amont, on est en mode prévention. Très heureuse d'entendre
ça, en passant.
Ma question, c'est : Est-ce que ce
sont des principes qu'on devrait avoir... et donc qui va teinter chaque projet
qui vont être financé ou vous souhaitez que ça soit comme une partie de
l'enveloppe qui soit dédiée à cet exercice-là et... Parce qu'on en a plusieurs,
là, priorités.
M. Lapierre (Jean-François) : C'est
une excellente question encore une fois. J'aurais envie de répondre oui à tout,
dans le sens qu'il y a, nous croyons, un besoin de mesures en amont, de suivi
de mesures structurantes à l'échelle du bassin versant, pour, possiblement
chaque projet qui pourrait voir le jour. Cela dit, peut-être que chaque projet
ne devrait pas... bien, en fait, certainement que chaque projet ne devrait pas,
au contraire, développer ses propres indicateurs, ses propres... Peut-être
qu'il pourrait y avoir des mesures plus intégrées, de développer des
indicateurs, des suivis, des protocoles, des approches, des mesures, des bases
de données ouvertes, des mesures plus structurantes à l'intérieur desquelles
des projets locaux peuvent s'insérer, par exemple. Donc, ce qu'on souhaiterait,
c'est qu'effectivement ces principes-là s'appliquent dans le déploiement des
projets, qui pourraient... le fonds... le jour avec un fond bleu, mais ça ne
veut pas dire que chaque projet individuellement devrait, par exemple, répondre
ou s'attaquer à ces trois ou quatre principes-là. Peut-être qu'ils pourraient
en bénéficier s'il y avait une initiative plus structurante à grande échelle, à
l'intérieur de laquelle des projets plus locaux ou régionaux pourraient...
Mme Fallu (Marie-Andrée) : Si
je peux ajouter, donc, ça prend un suivi à grande échelle. Puis je pense que
pour chaque projet, aussi, pour chaque action sur le terrain, pour s'assurer
qu'elle a vraiment l'impact escompté, il faut aussi...
Mme Fallu (Marie-Andrée) : ...et
un suivi de chacune de ces... pour les projets au niveau local. Donc, oui,
suivre la mobilité, essayer de la quantifier, mais aussi l'impact réel pour s'assurer
que les actions prises ont vraiment l'effet, là, à long terme qu'on s'attend.
Mme Grondin : Je prends la
balle au bond en ce sens-là, parce que ma prochaine question était justement...
tu sais, ce n'est pas comme si on n'avait rien fait, là, depuis des années.
Donc, on a, hein, au moins depuis les années 2000, avec la politique
nationale de l'eau, là, porté un intérêt, investi. On a, dans différents...
auprès de différents ministères aussi, porter une attention un petit peu plus,
j'ai envie... tendre à nos écosystèmes, à nos ressources. Vous parliez de
monitoring . Est-ce qu'on a des portraits? Tu sais, je pense, par exemple, un
exemple très concret qui est le REA, hein, qui est le règlement d'exploitation
agricole, où il y a... il y a une dimension qui est de dire : On fait
attention au phosphore dans nos rivières. Est-ce qu'on a un monitoring? Tu
sais, parce qu'on parle de quel est l'état de santé aujourd'hui, on a mis en
place des mesures qui sont peut-être, dans certains cas, depuis longtemps.
Est-ce que ce n'est pas aussi important de regarder l'efficacité de ces
mesures-là après tant d'années?
M. Lapierre (Jean-François) : Je
crois que oui. Puis ça serait important. Et d'ailleurs il existe des suivis.
Puis c'est quelque chose qu'on a mis dans la mémoire, mais que je n'ai pas
mentionné à l'oral, mais la DQMA, qui a créé la BQMA, la banque québécoise sur
la qualité de l'eau... des milieux aquatiques, le réseau de suivi.... de
surveillance volontaire des lacs, il y a des programmes de suivi qui existent,
qui, nous le croyons, devraient être bonifiés, valorisés. Il y a des données
qui existent qui sont très, très peu utilisées. On pourrait avoir plus de lacs,
plus de variables, assurer une meilleure propagation, découvrabilité, utilisation
des données en place. On pourrait imaginer déployer d'autres suivis à des
endroits stratégiques qui pourraient être identifiés sous forme d'observatoires
ou sous forme de sites critiques, là, où on croit qu'il pourrait y avoir des
menaces potentielles ou des enjeux critiques reliés aux services
écosystémiques. Donc, il y a déjà beaucoup de... bien, il y a déjà certains
programmes qui existent, qui devraient être maintenus, bonifiés, et, oui.
Mme Grondin : Ah! j'aurais eu
plein d'autres questions, mais on trouvera un autre moment. Merci beaucoup.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour cet échange. Je cède maintenant la parole à l'opposition
officielle et à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
• (12 h 50) •
Mme McGraw : Merci, M. le
Président. Et bienvenue. Merci pour votre mémoire très clair et court aussi,
mais aussi pour la présentation. Vous avez parlé de... bien, justement, de
mesures structurantes, vous parlez de principes directeurs, je devrais dire,
mais quand même, vous vous parlez... vous avez quand même quatre priorités que
vous visez ou que le Fonds bleu... recommandé que le fonds bleu vise. Est-ce
que, peut-être au niveau de la... Vous avez dit vous n'avez pas nécessairement
des priorités précises, mais plutôt des principes directeurs, si je comprends
bien. Je ne sais pas si vous êtes penché sur la question de la gouvernance et
comment les décisions seront prises éventuellement. Est-ce que vous avez...
est-ce que vous avez des recommandations ou des, par exemple... C'est un fonds
du gouvernement, mais on a entendu peut-être que le Fonds... le Forum
pourrait... peut-être jouerait un rôle. Au niveau de l'implication société
civile, les experts, et cetera, est-ce que vous avez des recommandations par
rapport à la gouvernance? Et est-ce que vous pensez que les mesures sont
adéquates pour que les sommes prévues soient utilisées aux fins prévues? En
tout cas, des recommandations sur la gouvernance.
M. Lapierre (Jean-François) : C'est
une question difficile. Puis c'est pour ça qu'en tout début j'ai pris la peine
de lire quelques objets du projet de loi sur lesquels on se prononce
spécifiquement en lien avec notre expertise, parce que, pour être tout à fait
honnête, la question de la gouvernance, ça commence à s'éloigner un petit peu
de notre expertise en recherche. Il y a des gens parmi notre membership qui
pourraient avoir des opinions personnelles ou des expériences là-dessus, mais,
en termes de déploiement et de la gouvernance de ce fonds-là, je ne sentais pas
que c'est là qu'on avait le plus...
M. Lapierre (Jean-François) :
...ajouté, pour être honnête. Je ne sais pas si tu es à l'aise avec ça,
Marie-Andrée.
Mme Fallu (Marie-Andrée) : Oui,
je me demandais juste si c'est... Parce qu'on se demandait un peu la façon que
des projets qui seraient suggérés, par exemple, seraient évalués. Donc, je ne
sais pas si ça, ça entre dans la gouvernance. Mais c'est au niveau de
l'évaluation, tu sais, comment on fait pour déterminer. Tu sais, on ne le
retrouve pas dans le document. Donc, c'est un peu une source de questionnements
pour nous. Il y a des exemples qui existent, comme le programme Affluents
maritimes par exemple, qui faisait appel aux chercheurs pour valider les
projets qui devaient avoir lieu sur le terrain. Donc, il y a un certain
encadrement, accompagnement pour s'assurer que le projet proposé était valide,
était... allait donner les fins escomptées. Donc, peut-être de ce côté-là, là,
voir comment ça va être... les prioriser et ensuite s'assurer qu'ils sont adéquats.
M. Lapierre
(Jean-François) : Merci d'avoir ajouté ça, d'avoir une certaine
rétroaction du milieu de la recherche, ça peut être par nous, ça peut être...
il y a d'autres groupes de recherche sous la forme d'action solo, on croit que
ce serait effectivement souhaitable.
Mme McGraw : Merci. Oui,
c'était un très bon point de vue, l'évaluation. Je vais vous ramener sur un
terrain peut-être plus familier, c'est-à-dire... parce que vous êtes en
recherche, les données. Les données, selon vous, en termes d'acquisition,
l'analyse qui est prévue dans le projet de loi, est-ce que vous êtes...
l'approche au niveau de la transparence qui est prévue par le projet de loi,
est-ce que vous avez des réflexions, des recommandations?
M. Lapierre (Jean-François) :
Je présume qu'on parle du volet plutôt de la redevance, peut-être... ou je
ne sais pas si la question est plus générale.
Mme McGraw : Ça peut
être plus général.
M. Lapierre
(Jean-François) : Oui, bien, c'est sûr qu'au niveau de la redevance,
encore une fois, ça commence à s'éloigner de notre expertise. On a entendu
d'autres groupes se prononcer là-dessus. Il semble avoir des enjeux
raisonnables qui ont été soulevés, mais qui s'éloignent de notre expertise. Ce
qu'on souhaitait au niveau du suivi qui pourrait avoir lieu au niveau des
projets soutenus par le Fonds bleu, on souhaiterait effectivement qu'il y ait
beaucoup de transparence au niveau des données, on souhaiterait qu'elles soient
harmonisées, qu'elles soient découvrables, qu'elles soient valorisées, qu'elles
soient utilisées par les gens, pas seulement stockées à quelque part. Bien, on
avait une conférence scientifique, il y avait des acteurs de plein
d'universités, même du gouvernement aussi, qui étaient là, qui sont venus nous
présenter des données de suivi environnemental en eau douce fait par le
gouvernement. Et il y a une mine d'or ici, mais qui est peu utilisée. Donc,
oui, on souhaiterait qu'il y ait beaucoup... Il y en a déjà une certaine, mais
qu'elle soit valorisée et bonifiée, cette transparence-là. Puis nous, on se
prononce surtout au niveau des données qui pourraient être générées en lien
avec le déploiement du fonds bleu.
Mme McGraw : Vous êtes
aussi... vous avez identifié quatre menaces, en particulier, à la page de votre
mémoire, fertilisants, vous avez parlé aussi des ouvrages humains, des espèces
aquatiques exotiques envahissantes et les changements climatiques. Justement,
on vient d'écouter Ouranos. C'est sûr qu'on est en train d'essayer d'équilibrer
changements climatiques, solutions nature, biodiversité. En termes des ouvrages
humains, est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus? Dans le sens que, s'il y a
des impacts sur la biodiversité, ils ont un impact sur les changements
climatiques et vice-versa, je ne sais pas le... Donc, le lien entre les menaces
et, en particulier, numéro deux et numéro quatre?
M. Lapierre
(Jean-François) : Par ouvrages humains, on entendait, particulièrement
au niveau de l'hydrogéomorphologie des cours d'eau, par exemple, Il reste très
peu, sinon pas de cours d'eau non modifiés dans le sud du Québec, et que l'eau
est rapidement drainée au printemps, les cours d'eau sont linéarisés, on a
parlé d'enrochement dans la présentation avant nous, ce sont tous des ouvrages
humains qui sont contradictoires, d'une certaine façon, avec une résilience ou
une réponse aux changements climatiques, avec la biodiversité, avec le... tout
plein de services écosystémiques que les écosystèmes aquatiques pourraient ou
devraient rendre. Donc, par ouvrages humains, ce sont des exemples très
concrets.
Puis, M. Bourque a noté à quel point
les gens... «Les gens», «à quel point les gens»... à quel point des pratiques
qui sont mises en place, comme par exemple l'enrochement, en réponse aux
changements climatiques sont, en fait, des exemples de mal adaptation. Bien.
C'est... Si on avait à jumeler nos points deux et quatre, ce serait un exemple
parfait de...
M. Lapierre (Jean-François) : ...D'ouvrages
humains, mal réponse aux changements climatiques. Andrée, tu me parlais d'un
exemple de gens qui ramassaient, là...
Mme Fallu (Marie-Andrée) : Oui,
c'est ça, des gens qui étaient... Des organismes de bonne foi, qui allaient
nettoyer les cours d'eau, donc, qui enlevaient les arbres tombés dans les cours
d'eau, alors que c'est quelque chose de naturel puis ça ralentit le débit, ça
favorise le dépôt des sédiments puis ça... À moins que ce soit danger public
pour un embâcle, mais autrement, on laisse sur place. Donc, c'est des choses
comme ça qui se passent, des fois, puis qu'un oeil scientifique peut aider à
réparer, oui.
Mme McGraw : Est-ce que vous
voulez élaborer sur les autres menaces, un et trois... Pardon. Oui, c'est
ça : un et trois, autre chose à ajouter?
M. Lapierre (Jean-François) : Autre
chose à ajouter. Plusieurs de ces enjeux-là sont connus, sont connus depuis
longtemps, et certains, par exemple, les fertilisants. Justement, dans la
conférence scientifique dans laquelle on était hier, il y a un chercheur qui a
noté à quel point on a vu une loi sur les rejets industriels et municipaux,
dans les années 70 ou 80, qui a amené une forte diminution de la
contamination par des polluants toxiques. Mais ensuite, l'eutrophisation,
l'excès en nutriments, azote, phosphore, a pris le dessus un petit peu avec la
densité de population. Donc, il y a certains endroits, surtout où il y a
beaucoup de population, beaucoup d'agriculture pour nourrir cette
population-là, où il y a par le fait même beaucoup d'azote, de phosphore
entrant au territoire, qui, ultimement, vont transiter dans un écosystème
aquatique, se faisant, menaçant les services écosystémiques qui peuvent amener
les pesticides, les contaminants émergents. Il y en a certains qui sont connus,
qui sont réglementés, il y en a certains qui sont connus qui ne sont pas
réglementés. Il y en a certains qui sont émergents. Il y a eu beaucoup de bruit
dans les médias récemment avec les PFAS, qu'on retrouve dans nos sols
agricoles, on commence à les voir dans nos cours d'eau aussi, dans les usines
de traitement. Il y a beaucoup, beaucoup de travaux en recherche fondamentale
ou parfois appliquée aussi, qui se font à ce niveau-là. On voit constamment
apparaître de nouveaux enjeux, mais il y a quand même des enjeux très... De
longue date, comme les nutriments en excès qui viennent menacer, là, les
services écosystémiques.
Mme McGraw : Merci. Est-ce
que vous avez, juste en conclusion, est-ce que vous avez... Est-ce qu'il y a
des... Selon vous, il y a des angles morts ou des sujets que vous auriez aimé
voir traités dans le projet de loi ou au niveau du Fonds bleu en particulier,
des choses en conclusion que vous voulez ajouter?
M. Lapierre (Jean-François) : De
façon générale, ce qu'on trouvait, c'est qu'on a exprimé notre fort soutien,
notre fort accord au projet de loi. Il est somme toute assez général. On
pourrait penser que plusieurs personnes pourraient... «plusieurs personnes»,
plusieurs groupes avec des intérêts divergents pourraient prétendre qu'ils
soutiennent à ces principes-là, exprimés, à défaut d'être plus spécifiques ou
d'être plus priorisés. Donc, des angles morts, je ne dirais pas ça, mais ils
pourraient être plus spécifiques, ou avoir peut-être des principes un peu plus
directifs pour guider le déploiement potentiel.
Puis pour revenir à votre question
précédente, que Marie-Andrée avait bien complétée aussi, le... Les mesures ou
les mécanismes de déploiement, je ne sais pas si ça doit aller dans le projet
de loi. J'avoue qu'on n'est pas des experts en projets de loi, mais ce n'était
pas clair pour nous, là, les mécanismes qui allaient mener au déploiement de ce
fonds-là.
Mme McGraw : Donc, c'est ça,
vous soulignez des principes, des priorités, des approches. Mais, pas pour
rentrer dans le déploiement, mais, si je comprends bien, c'est peut-être trop
général ou pas assez clair, ou la mise en œuvre, effectivement... Je ne veux
pas mettre des mots dans vos...
• (13 heures) •
M. Lapierre (Jean-François) : Non,
non. Bien, par exemple, concrètement, c'est pour ça que notre quatrième point, on
avait cité en exemple le... la directive-cadre sur l'eau européenne qui
contient plusieurs items très, très clairs, des constats de base et des
principes. Par exemple, l'eau n'est pas un bien... Un patrimoine qu'il faut
protéger en tant que tel, ensuite, protéger les écosystèmes va protéger les
usages, les inondations. Et je ne dis pas que ça doit être ça qui va être
textuellement. Mais on trouvait que ce projet de loi là, qu'on a cité, le
premier article, mais qui est qui fait plusieurs pages, là, on a mis la
référence, était un exemple peut-être un peu plus spécifique dont on pourrait
s'inspirer pour guider le...
Mme McGraw : Sinon, ça laisse
place... peut-être trop de place à l'interprétation. Donc, si je comprends
bien, dans le préambule, être beaucoup plus clairs sur les principes
directeurs. Est-ce que c'est ce que vous suggérez? Je veux juste bien
comprendre.
M. Lapierre (Jean-François) : Oui,
je pense que c'est ce qu'on essaie de dire, les... Bien, les...
13 h (version non révisée)
M. Lapierre (Jonathan) : ...concrètement,
ce qu'on... Les priorités, ce qu'on... Finalement, je pense que si j'avais à
paraphraser, si on avait une grille d'analyse d'un projet ou des projets,
quelle serait-elle peut-être? C'est peut-être trop spécifique, mais je pense
que c'est l'idée qui guide le commentaire.
Le Président (M. Jacques) : Mais
c'est beaucoup. Ceci termine la période d'échange avec l'opposition officielle.
Et maintenant je cède la parole à la deuxième opposition et à Mme la députée de
Verdun pour sa période d'échange.
Mme Zaga Mendez : Merci.
Merci beaucoup, M. Lapierre, et Mme Fallu pour cet échange très
scientifique que j'aime beaucoup concernant la gestion puis les mesures à
prendre dans le cadre du Fonds bleu. Puis juste pour faire écho à ce que vous
venez de dire à la recommandation 4, vous faites référence au cadre pour
une politique communautaire dans le domaine de l'eau et qui inclut une
perspective basée sur les services écosystémiques. Fait que je vous laisse
avoir si vous pouviez donner des exemples de comment ce principe-là est
appliqué dans la distribution des sommes? Est-ce qu'on parle d'un financement
direct de certaines pratiques? Est-ce qu'on parle de compensation par les
pertes de services écosystémiques ou de paiements pour la production de ces
services-là?
M. Lapierre (Jonathan) : C'est
une question difficile parce que c'est un document qui vient de l'Union
européenne. Donc, il y a autant de... une population, un financement qui est
aussi, sinon plus grand que les États-Unis, des centaines de millions de
personnes, des milliards de sommes avec... Si on pense qu'ici on a des... des
enjeux régionaux qui peuvent être différents, à travers l'Union européenne, c'est
d'autant plus vrai. Et d'ailleurs je trouve extrêmement intéressant de lire ce
texte-là parce que la notion de services écosystémiques existait mais n'était
pas encore adoptée à l'époque où elle a été écrite. Donc, on parlait de
services écosystémiques sans les nommer. Et de plus en plus, la littérature,
surtout récente, tend à utiliser de façon plus quantitative les services
écosystémiques pour donner une espèce de valeur imparfaite, mais une valeur à
la protection versus l'utilisation d'un écosystème ou à l'exploitation d'un
écosystème.
En termes des mécanismes concrets ou des
projets concrets soutenus par la directive-cadre, il y aurait toute une... Je
me suis perdu plusieurs heures à explorer leur site Web. Là, il y a toute une
panoplie, mais peut-être pour faire le pont plus directement avec nos
recommandations, entre autres, il y a des indicateurs, des indicateurs, oui, un
suivi harmonisé qu'ils ont réussi à développer et à appliquer à l'ensemble des
partenaires de cette directive-cadre-là. Il y a tout plein de textes qui
traînent, entre guillemets, sur le Web et qui montrent les défis, mais aussi
certaines solutions.
Je serais très embêté aujourd'hui de
synthétiser les solutions qui ont été trouvées, mais les défis, mais surtout
ils ont réussi dans un certain laps de temps avec les milieux praticiens... les
milieux praticiens ou les milieux sur le terrain et la communauté scientifique
à harmoniser, à développer puis à adopter des indicateurs et à avoir un suivi
de l'état des écosystèmes aquatiques. Et ce qu'on a... Par exemple, je consultais
des rapports qui ont été... qui ont été faits dans le cadre de cette
directive-cadre-là. On constate que, dans certains cas, il semble y avoir une
amélioration de l'état des écosystèmes. À tout le moins, il y a une certaine
stabilisation dans un contexte où une stabilisation, certaines fois, une
certaine amélioration. Donc, on a été capable, à tout le moins, de mesurer qu'il
y avait un arrêt de la dégradation. C'est un des premiers principes qui est
exprimé dans ce projet ou dans ce cadre-là, il devrait à tout le moins y avoir
une... Il devrait... On devrait stopper la dégradation des écosystèmes
aquatiques et ensuite avoir une légère ou une certaine amélioration des cours d'eau.
Ça a été évoqué plus tôt, ici, avec Ouranos, déjà, que si on pouvait quantifier
une stabilisation de l'état de nos écosystèmes dans... dans un contexte où,
ici, la population puis la densité sont croissantes, ce serait déjà une
certaine mesure de succès, même s'il n'y avait pas immédiatement une
amélioration. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, là.
Mme Zaga Mendez : Oui.
Merci pour ça. Il nous reste 10 secondes. Je vais vous remercier de...d'être
avec nous aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Jacques) : Merci
beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. Avant de
terminer, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été
entendues dans le cadre des auditions publiques.
Et la commission ayant accompli son
mandat, j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 06)