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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, September 23, 2020 - Vol. 45 N° 73

Special consultations and public hearings on Bill 46, An Act to amend the Natural Heritage Conservation Act and other provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Conseil innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Comité consultatif de l'environnement Kativik (CCEK)

Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James (CCEBJ)

Conservation de la nature Canada, Québec (CNC Québec)

Mémoires déposés

Intervenants

M. Enrico Ciccone, président

M. Benoit Charette

M. Richard Campeau

M. Denis Lamothe

Mme Agnès Grondin

M. Frantz Benjamin

Mme Ruba Ghazal

M. Joël Arseneau

*          Mme Marie-Claude André-Grégoire, Conseil innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam

*          Mme Isabelle Boisvert-Chastenay, idem

*          M. Larry Bernier, FQM

*          M. Éric Morency, idem

*          Mme Paule Halley, CCEK

*          M. Michael Barrett, idem

*          Mme Maud Ablain, CCEBJ

*          M. Graeme Morin, idem

*          M. Hubert Pelletier, CNC Québec

*          M. Louis Belzil, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Ciccone) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur la conservation du patrimoine naturel et d'autres dispositions.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Ciccone) : M. le secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?

• (11 h 20) •

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Tardif... M. Campeau (Bourget) exerce un droit de vote par procuration pour M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata) et M. Benjamin (Viau) exerce un droit de vote par procuration pour le député de Mont-Royal.

Auditions (suite)

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Cet avant-midi, nous entendrons le Conseil innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam et la Fédération québécoise des municipalités.

Maintenant, je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants du conseil ITUM. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. Vous avez maintenant la parole.

Conseil innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : «Kwe» (s'exprime dans une langue autochtone). Bonjour à tous. Donc, Marie-Claude André-Grégoire, O'Reilly & Associés, pour ITUM, et Isabelle Boisvert-Chastenay, pour O'Reilly & Associés, pour ITUM également. Donc, aujourd'hui, nous allons adresser les préoccupations d'ITUM concernant le projet de loi n° 46.

Tout d'abord, la protection du patrimoine naturel est effectuée depuis des millénaires par les communautés autochtones qui sont responsables de sa saine gestion. ITUM a un territoire traditionnel, qu'on appelle le Nitassinan, dans lequel on a des droits ancestraux, et y compris le titre indien, ainsi que des droits issus de traités. L'ensemble de notre territoire est situé au nord du 49e parallèle.

L'Union internationale pour la conservation de la nature, sur laquelle vous vous basez concernant la définition de l'aire protégée, réfère aussi à la valeur culturelle du territoire, ce qui est négligé, selon nous, dans le projet de loi. En plus, l'Union internationale de la conservation et de la nature reconnaît la nécessité de protéger les sites naturels sacrés pour leur importance spirituelle.

J'aimerais tenter aujourd'hui de vous faire comprendre la vision du territoire, pour les Innus, qui est, dans le fond, directement liée à notre identité.

Bon nombre de la population des Innus de Uashat mak Mani-Utenam sont nés dans le territoire, dans notre Nitassinan, et ont parcouru les rivières Moisie, qu'on appelle la Mishta-shipu, ainsi que la Sainte-Marguerite des centaines de kilomètres pour aller dans leur territoire familial traditionnel. Déjà, ces lieux de portage ont une valeur capitale pour les Innus, puisque, justement, ils ont été empruntés par nos ancêtres mais seront encore empruntés par nos générations futures.

Chaque lieu a des toponymes qui racontent une histoire unique, qui ont été, dans le fond, créées et vécues par nos ancêtres. Certains endroits sont des lieux de recueillement spirituel ou de sépulture des membres de nos familles. Tous ces lieux constituent notre patrimoine, pour les Innus, et sont reconnus et connus dans la communauté en raison, justement, de l'importance de la tradition orale dans notre culture. Notre Nitassinan est riche, il constitue notre encyclopédie, notre pharmacie, nos livres d'histoire et notre école.

Plus particulièrement, ITUM a des préoccupations concernant le projet de loi, parce que l'ensemble de notre territoire se situe au nord du 49e parallèle. Dans le projet de loi, il y a la création du territoire de conservation nordique, qui est justement au nord... le territoire qui se situe au nord du 49e parallèle. Or, dans le projet de loi, on définit ce territoire comme un mécanisme d'affectation, il ne bénéficie donc pas de la définition des aires protégées. Il n'y a aussi aucun régime d'activité qui y est prohibé. Donc, en quoi ce mécanisme protège-t-il ce territoire?

Il faut aussi rappeler que la majeure partie des milieux humides et hydriques se trouvent au nord du 49e parallèle, donc qui... Justement, le Règlement sur la compensation pour l'atteinte aux milieux humides et hydriques exclut directement cette compensation, les atteintes de ces milieux-là au nord du 49e parallèle. Avec la création, justement, du territoire de conservation nordique et l'exclusion de la compensation des milieux hydriques, cela crée une disparité entre les régions sur la protection environnementale donnée au territoire.

Le deuxième aspect est les mesures transitoires du projet de loi. ITUM a dans son territoire la réserve aquatique projetée de la rivière Moisie, qu'on appelle la Mishta-shipu. Nous voulons absolument que le projet de loi clarifie les mesures transitoires à cet égard. Il serait vraiment absurde, selon nous, que le nouveau projet de loi, qui est censé améliorer la protection des aires protégées, fasse le contraire dans le contexte de la réserve aquatique de la rivière Moisie et son plan de conservation.

Donc, que va devenir la réserve aquatique de la rivière Mishta-shipu? Est-ce qu'elle va devenir un territoire de conservation nordique, puisqu'elle est située au nord du 49e parallèle? Est-ce qu'elle va devenir une réserve de biodiversité ou elle va devenir une aire protégée d'utilisation durable? D'ailleurs, le projet de loi ne donne pas de définition claire de qu'est-ce qu'est une aire protégée d'utilisation durable, il ne définit pas non plus une description de la protection accordée et des interdictions d'activités.

Donc, pour ITUM, nous soumettons que le bassin versant de la rivière Moisie devrait devenir une aire protégée de conservation autochtone. À ce titre, ma collègue va vous parler de l'importance de l'inclusion des APCA dans le projet de loi n° 46.

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : «Kwe». Donc, le grand élément manquant du projet de loi n° 46, pour ITUM, c'est vraiment l'inclusion des aires protégées de conservation autochtone, soit les APCA, qui constituent un modèle de gestion d'aires protégées par les communautés autochtones.

Dans le mémoire d'ITUM, on réfère beaucoup au rapport de 2018 du Cercle autochtone d'experts, qui a pris le temps d'étudier des initiatives en matière d'APCA ailleurs au Canada, dans d'autres provinces, puis les APCA, selon le Cercle autochtone d'experts, favorisent les écosystèmes et l'utilisation durable du territoire en plus de prendre en compte la valeur culturelle, historique, communautaire, spirituelle et sociale du territoire pour les autochtones. Ces aires permettent aussi de reconnaître et de mettre à profit l'expérience et les connaissances des autochtones en matière de conservation du territoire.

En effet, les autochtones ont déjà des pratiques de conservation du territoire qui pourraient être harmonisées avec le projet de loi n° 46 puis servir à améliorer, justement, la conservation du patrimoine naturel au Québec. L'inclusion des APCA serait avantageuse non seulement pour les communautés autochtones, mais aussi pour le gouvernement du Québec, pour l'aider, justement, à remplir ses objectifs en vertu du projet de loi n° 46 puis ses objectifs en matière d'aires protégées, en plus de constituer aussi un pas vers l'objectif global de réconciliation entre le Québec et les communautés autochtones.

Donc, ITUM recommande l'inclusion des aires protégées de conservation autochtone dans le projet de loi n° 46, en plus, parce que l'application réussie dans d'autres provinces du Canada démontre que c'est une avenue qui peut être considérée.

Essentiellement, cette inclusion-là se ferait par l'ajout d'une nouvelle désignation d'aire protégée et de conservation autochtone et de quelques articles dans le projet de loi pour définir, notamment, les aires protégées de conservation autochtone, les objectifs de ces APCA, les activités prohibées dans ce type d'aires et puis le processus de désignation des APCA, à la demande des communautés autochtones, suite auquel un plan de conservation pourrait être créé par les communautés autochtones à leur image.

En plus de l'inclusion des APCA dans le projet de loi n° 46, dans le mémoire d'ITUM, il y a d'autres préoccupations et recommandations quant à d'autres articles du projet de loi. Donc, on vous réfère au mémoire à cet effet.

Notamment, il y a plusieurs mentions, dans les articles du projet de loi n° 46, des communautés autochtones, mais cette mention n'est pas suffisante pour réellement prendre en compte les intérêts, les droits et les connaissances particulières des communautés autochtones au Québec. Par exemple, en matière de consultation, la question qu'on devrait se poser avec le projet de loi n° 46, c'est : Quel sera l'impact du projet de loi et des désignations sur le territoire ancestral, sur les droits et sur la culture des Innus de Uashat mak Mani-Utenam, mais aussi des communautés autochtones du Québec? Cette question aurait pu être posée avant la rédaction du projet de loi n° 46, puis la réponse aurait été simple.

Historiquement, les politiques fédérales et provinciales en matière de conservation du patrimoine naturel se sont concentrées sur une vision qui est différente de la vision de la conservation du territoire par les communautés autochtones et ont parfois causé des dommages aux communautés autochtones, notamment par le déplacement forcé de certaines communautés ou par l'empêchement de pratiquer certaines activités traditionnelles. Pour ces politiques, dans le fond, fédérales et provinciales, le but, c'était surtout de conserver la biodiversité ou le territoire puis le conserver de l'activité humaine, tandis que pour les autochtones le territoire est aussi façonné par la pratique des activités traditionnelles, puis les activités traditionnelles, justement, sont pratiquées en symbiose avec l'environnement. Donc, certaines de ces politiques ont eu des conséquences, notamment, qui sont encore actuellement très préoccupantes pour les Innus de Uashat mak Mani-Utenam. Par exemple, il y a le lac Walker qui pourrait faire l'objet d'une désignation, puis les Innus de Uashat mak Mani-Utenam, actuellement, sont très préoccupés par le fait que c'est un territoire où ils vont chasser et pêcher puis quel sera l'impact d'une désignation potentielle sur la pratique des activités traditionnelles.

Donc, en conclusion, on rappelle qu'ITUM n'est pas opposée au projet de loi n° 46 ni à l'amélioration de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel afin d'améliorer puis de mieux protéger le territoire québécois. L'objectif est commun, de conserver le patrimoine naturel, mais ce qu'on demande, c'est la pleine participation des communautés autochtones. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Avant de débuter la période d'échange, j'aimerais mentionner au député d'Ungava, s'il a une question, il veut prendre la parole, juste de nous faire signe, on va le voir à l'écran et on va être capables de lui donner la parole.

Ceci dit, je vous remercie énormément pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, et nous débutons avec M. le ministre, pour un temps de 16 min 30 s. À vous la parole, M. le ministre.

• (11 h 30) •

M. Charette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. J'ai eu le plaisir d'aller vous saluer, il y a quelques instants, malgré tout. Bon, c'est un moindre mal, compte tenu, là, de la distance qui nous est imposée. Mais merci sincèrement pour votre présence ce matin.

À travers la consultation qui s'achève aujourd'hui, on a eu l'occasion d'entendre différents groupes, différentes associations, mais vous êtes le seul groupe ou la seule nation que nous avons eu le plaisir d'entendre spécifiquement. Donc, votre présence est d'autant plus pertinente ce matin. Donc, merci bien.

Peut-être quelques éléments pour vous rassurer. Le projet de loi n° 46 ne vise pas à reculer dans le temps, mais, bien au contraire, faire des avancées notables au niveau de la protection du territoire, notamment dans nos relations avec les nations autochtones. Vous avez fait, à juste titre, référence à l'UICN, avec ses différents critères, ses différents principes. Le projet de loi n° 46 repose sur cette philosophie. Si vous regardez à l'article 2 du projet de loi, c'est clairement indiqué que la protection du territoire qui est envisagée à travers le projet de loi n° 46 se fera dans le respect des règles de l'UICN. Donc, je tenais à vous le mentionner pour vous rassurer.

Concernant les aires protégées de conservation autochtone, c'est aussi un sujet qui a été abordé par différents groupes. C'est une réflexion qui se poursuit, du côté du gouvernement, en vertu notamment et suite à ces consultations. Donc, lorsque débutera l'étude article par article, c'est là où des bonifications au projet de loi seront envisagées et c'est là où le projet de loi pourra être bonifié, là, de façon encore plus intéressante qu'il ne l'est maintenant.

Ceci dit, vous avez évoqué assez rapidement un des beaux projets que vous avez sur votre territoire, avec lequel on assure une collaboration. J'aimerais vous entendre, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, sur qu'est-ce qui vous a amenés à penser à développer ce projet d'aire protégée, quelle importance ce territoire peut avoir pour votre communauté, quel type de partenariat, en quelque sorte, est souhaité avec le gouvernement du Québec, bref, peut-être nous en dire plus sur le projet lui-même, là, pour que les gens qui nous écoutent puissent se retrouver davantage, là, sur l'importance de ces territoires... ces aires protégées, là, de conservation autochtone.

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui. Donc, dans le fond, ce qu'il faut comprendre, c'est que la rivière Mishta-shipu, donc la rivière Moisie pour les non autochtones, et ainsi que la rivière Sainte-Marguerite constituent pour nous l'équivalent pour vous des autoroutes. Donc, c'est vraiment des territoires qui ont été utilisés par nos générations précédentes, et qui sont encore utilisés, actuellement, par nos générations actuelles, et qui, je l'espère, vont être protégés et utilisés pour nos générations futures.

Donc, les Innus partaient de la baie de Sept-Îles pour monter dans leur territoire traditionnel et parcouraient, justement, le territoire par les rivières et par des lieux de portage. La rivière Moisie et son bassin versant, donc, avec la rivière Nipissis, étaient beaucoup utilisés par les Innus, et il y avait plusieurs lieux qui sont... qui ont une importance vraiment culturelle, spirituelle et constituent, dans le fond, notre patrimoine à nous dans cette rivière-là.

Donc, au-delà d'avoir une protection strictement environnementale, les autochtones ont... les Innus réfèrent à l'aire protégée de conservation autochtone, où on pourrait, justement, parler... mettre par écrit une conservation, une protection de ce territoire-là qui serait vraiment en symbiose avec nos valeurs, nos traditions et notre vision du territoire. Donc, comme je disais, il y a de... plusieurs endroits ont des toponymes innus qui racontent une histoire. Justement, la reconnaissance de ces toponymes-là serait... s'inscrirait dans cette aire protégée de conservation autochtone. Il y aurait d'autres lieux.

Donc, on réfère aussi au mémoire de Uapashkuss, qui sont des membres de la communauté qui ont créé, déjà... qui ont fait un travail immense sur certains lieux du territoire du Nitassinan des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam et du Nitassinan de Matimekush-Lac John. Donc, c'est des familles qui sont interreliées beaucoup, et ils ont fait déjà un travail énorme sur certains lieux, le repérage de certains lieux dans le territoire, qui ont cette notion, justement, sacrée ou spirituelle. Donc, je vous invite à aller voir ce mémoire-là, là, qui est à l'annexe du mémoire de SNAP Québec. Donc, ce mémoire-là réfère justement... donc, donne certains lieux où on pourrait tout de suite désigner comme APCA, plus particulièrement, parce qu'ils sont reconnus comme des lieux sacrés dans le territoire. Mais il y en a d'autres, là, certainement.

M. Charette : C'est gentil. Merci. Peut-être une dernière question parce que je sais que de mes collègues voudront intervenir aussi. Dans votre présentation d'introduction, vous avez mentionné que, par le passé, il y a des aires protégées qui sont venues compromettre certaines activités traditionnelles. Peut-être aussi vous mentionner que les différentes catégories qui sont déjà en place, c'est ce que nous souhaitons aussi ajouter comme possibilité, permettre ce type d'activités là. Donc, je serais curieux de vous entendre : Est-ce qu'il y a un exemple en particulier que vous avez en tête d'activité qui aurait pu être compromise par une nouvelle aire protégée qui aurait été reconnue?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Oui. En fait, on référait surtout au Cercle autochtone d'experts, qui a un chapitre dans son rapport de 2008, le chapitre III, qui s'appelle L'histoire sombre des aires protégées au Canada et qui donne plusieurs exemples, là, par exemple des camps autochtones au lac Messa qui ont dû être déplacés à cause d'une désignation d'aire protégée, puis ça a fait en sorte vraiment que ça a été un déplacement forcé. Ce n'est pas nécessairement toujours des cas aussi graves que, vraiment, une communauté autochtone a dû se déplacer à cause d'une aire protégée, mais il y a aussi d'autres exemples, à même le rapport du Cercle autochtone d'experts, d'activités traditionnelles qui ont été complètement empêchées ou considérablement réduites en raison de politiques de conservation du patrimoine naturel.

M. Charette : C'est gentil. Merci. Je dois vous avouer que 2008, ça date, et je n'ai pas cette...

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : ...

M. Charette : 2018. Ah! d'accord, j'avais compris 2008. Mais on va porter attention à ces exemples-là pour tenter de voir, là, comment vous rassurer. Mais, à travers les différentes catégories, il y a réellement place aux pratiques et aux usages traditionnels. Malheureusement, n'ayant pas en tête, là, ou n'ayant pas parcouru cette étude-là, ce serait difficile pour moi de la commenter. Mais soyez assurées qu'on aura cette préoccupation-là pour la suite de nos travaux. Donc, merci beaucoup. Sincèrement très apprécié. Pour ne pas accaparer tout le temps de parole, je vais laisser la parole à mes collègues. Merci beaucoup pour votre présence.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole au député de Bourget, suivi par le député d'Ungava. À vous la parole, M. le député. Il vous reste 8 min 40 s.

M. Campeau : Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Premièrement, comme on s'est accrochés quelques fois dans l'acronyme UICN, je suis content de voir qu'il existe un acronyme, ITUM, plus facile à dire, parce qu'autrement on se serait sûrement accrochés en lisant le titre.

Ce matin, j'ai eu l'occasion de faire une déclaration de député au sujet de la doyenne de mon comté. Alors, quand vous parlez de traditions ancestrales, bien, j'écoute avec attention. Vous parlez, dans une de vos recommandations, de permettre aux communautés autochtones de concevoir des plans de gestion à leur image. D'accord, intéressant. Mais est-ce que ces plans de gestion seraient en accord avec les règles de l'UICN?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui. Bien, dans le fond, ça faisait référence un peu au plan de conservation... On a un exemple avec le plan de conservation de la réserve aquatique projetée de la rivière Moisie. Donc, si on regarde ce plan de conservation là, il ne représente pas du tout, justement, les préoccupations des Innus, mis à part un seul article, qui est le 3.14, où on réfère que les membres autochtones «qui, à des fins alimentaires, rituelles et sociales, réalisent une intervention ou pratiquent une activité sur le territoire de la réserve projetée sont exemptés de l'obligation de requérir une autorisation pour ce faire». Mais toute la vision du territoire, la valeur culturelle est propre à chaque nation. Donc, c'est dans cette mesure-là où on veut que les APCA puissent permettre aux communautés autochtones de créer eux-mêmes, selon leur vision, leur gestion de leur territoire ancestral propre à leur culture dans un plan de conservation respectif.

• (11 h 40) •

M. Campeau : Bien, en fait, je ne suis pas du tout contre ce que vous dites. Ma seule inquiétude, c'est : on est à 10 %, on veut monter à 17 % puis on veut monter plus haut par la suite. Je n'essaie pas de lancer la pierre à qui que ce soit, là. On s'est ramassés à 10 % puis on est en retard. Et là, si on veut rajouter des lignes directrices puis qu'on n'est pas tout à fait en accord avec l'UICN, tout ça, c'est très louable d'avoir des aires protégées, comme vous le... autochtones, je suis d'accord, mais il faudrait qu'elles soient en ligne avec, aussi, le but de faire progresser le nombre d'aires protégées qu'on peut calculer à l'intérieur de ce 17 %-là ou, ultimement, là, un possible 30 %. C'est juste ça qui me dérange un petit peu. Est-ce que ça va vraiment être... Rajouter des règles qui seraient plus à l'image de la... de votre nation, c'est intéressant, mais il faudrait que ça soit aussi... que ça comprenne les règles de l'UICN, il me semble.

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui. L'UICN reconnaît déjà la nécessité de protection des sites naturels sacrés, donc ils reconnaissent déjà cette notion-là de protection.

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Oui. Non, c'est exactement ce que j'allais dire, c'est qu'on ne veut pas un système, non plus, parallèle. L'UICN, ce n'est pas un... ce n'est pas des règles qui sont mauvaises en soi. Justement, l'UICN, comme disait ma collègue, reconnaît la valeur culturelle et reconnaît les sites sacrés autochtones comme étant des sites qui peuvent être protégés en vertu de la conservation du patrimoine naturel. Donc, ce ne serait pas un système complètement parallèle de l'UICN, ça respecterait aussi les principes de l'UICN ou de la loi... du projet de loi comme il sera rédigé.

La seule chose, c'est que chaque communauté autochtone a des particularités. Chaque site qui sera protégé peut être protégé à des fins, par exemple, alimentaires ou parce que c'est un site sacré, puis ça, ça doit pouvoir être assez flexible, le plan de conservation, pour permettre ce genre de choses, qu'un site soit protégé pour sa valeur spirituelle ou qu'un site soit protégé parce qu'il a des herbes médicinales puis pour, par exemple, réglementer la pratique des activités traditionnelles sur ce site-là.

Puis c'est pour ça que, quand on parle de plans de conservation à leur image, ce n'est pas quelque chose d'un peu «free-for-all» ou arbitraire, c'est juste que, vraiment, chaque communauté peut décider de protéger certains sites pour des raisons différentes puis peut avoir des pratiques différentes. Puis nous, on représente les Innus de Uashat mak Mani-Utenam, ici aujourd'hui, mais on ne peut pas représenter non plus toutes les communautés autochtones du Québec puis comment les communautés autochtones du Québec feraient leurs propres plans de conservation. C'est pour ça qu'on essayait de le laisser dans un plan de conservation assez flexible pour permettre qu'il soit utilisé par les communautés autochtones.

M. Campeau : Dernière question. Vous parlez de... l'ITUM recommande de créer, en collaboration avec les communautés autochtones, une procédure de délégation flexible. D'accord. Maintenant, un peu comme je l'ai mentionné hier, quand on fait de la certification d'assurance qualité, on a des règles, et il faut démontrer qu'on a rencontré ces règles-là. Alors, quand vous parlez de délégation flexible, vous garderiez, j'imagine, le contact avec le fait qu'il faut démontrer qu'on a rencontré les règles... cette certification-là aussi?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Oui, oui. Bien, c'est exactement comme l'UICN. Ce qu'on dit, ce n'est pas un système parallèle où il n'y a plus de règles, c'est juste que les règles actuelles puissent être interprétées et appliquées de façon à inclure la perspective autochtone.

Le Président (M. Ciccone) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole au député d'Ungava. Il vous reste trois minutes, M. le député.

M. Lamothe : Merci, M. le Président. Juste une question. Ça ne prendra pas trois minutes. Vous avez parlé de meilleures consultations avec les autochtones. C'est quoi, pour nous, qui serait la meilleure façon de faire? Via APNQL? Via par communautés spécifiques? C'est quoi, qui est... Comment vous voyez ça, vous?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Certainement par communautés spécifiques.

M. Lamothe : Par communautés?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui.

M. Lamothe : O.K.

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Au moins à ouvrir la possibilité d'être consultés ou de venir s'asseoir avec vous puis de parler aux communautés spécifiquement. Parce que, comme je disais plus tôt, nous, on représente une communauté puis on essayait, justement, de donner des principes un peu généraux qui pourraient s'appliquer à d'autres communautés, mais chaque communauté peut avoir vraiment des préoccupations distinctes.

M. Lamothe : O.K. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Est-ce que ça va aussi pour la députée d'Argenteuil? Oui, la députée me fait signe.

Mme Grondin : Oui.

Le Président (M. Ciccone) : Je vous laisse la parole. À vous la parole, Mme la députée.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Bonjour, très heureuse de vous voir aujourd'hui. Effectivement, le ministre nous a dit que vous étiez le seul groupe autochtone qui venait ici pour nous parler de ce que... comment vous voyez la conservation. Je suis très heureuse d'entendre ça, là, vous avez vraiment expliqué différents éléments.

Vos recommandations 11 et 12, vous parlez de l'APCA, par exemple, qui est une aire de protection autochtone, mais vous faites aussi un lien avec les paysages humanisés. Moi, je le voyais, le lien, en termes de valeur plus culturelle. Par contre, vous souhaiteriez... et c'est là que j'aimerais que vous m'expliquiez rapidement, parce que j'imagine qu'il ne reste pas beaucoup de temps, mais vous faites une différence entre les deux. Paysage humanisé, vous souhaiteriez que ça soit plus une valeur patrimoniale. Pouvez-vous juste mieux m'expliquer?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Oui. En fait, le paysage humanisé, c'est un peu comme d'autres articles du projet de loi. On trouve que certains articles ont des choses intéressantes qui pourraient s'appliquer aux communautés autochtones, mais l'APCA a vraiment... c'est vraiment une réponse globale à toutes nos préoccupations puis toutes nos recommandations. Donc, au lieu d'essayer d'aller chercher dans plusieurs articles certaines pognes, là, si je peux dire, pour essayer de protéger les aires autochtones selon les valeurs autochtones, c'est pour ça qu'on demande de créer l'APCA, qui vraiment est une réponse globale.

Puis le paysage humanisé, si je ne me trompe pas, n'est pas vraiment décrit, là, dans le projet de loi n° 46, à l'heure actuelle. Puis aussi je pense, si je ne me trompe pas, qu'une demande de paysage humanisé devait être présentée par une communauté autochtone avec une municipalité, puis ça aussi, c'est un problème pour la communauté autochtone. Parce que, tu sais, une communauté autochtone pourrait... devrait minimalement demander une désignation de paysage humanisé sans avoir à se faire tenir par la main par une municipalité.

Mme Grondin : Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Ce qui met un terme à la période d'échange avec le gouvernement. Maintenant, je cède la parole aux membres de l'opposition officielle. M. le député de Viau, vous avez 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Donc, bonjour, membres de la commission. Merci, Mme Grégoire, Mme Boisvert-Chastenay, pour votre présentation. Donc, écoutez, quelques questions rapidement. Donc, plusieurs groupes nous ont mentionné l'importance de l'aval des communautés des Premières Nations pour la mise en place, de façon à assurer la réussite de cette mise en place. En ce sens, quels seraient, selon vous, les critères nécessaires, pour vous, dans la mise en place des APCA?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Premièrement, il faudrait qu'il y ait une définition qui soit ouverte. On vous réfère, justement, à notre mémoire, où on offre la définition qui devrait être dans le projet de loi. Donc, après... Pardon. C'était quoi, le début de votre...

M. Benjamin : En fait, c'était : Quels sont les critères, pour vous, qui seraient dans la mise en place des APCA?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Donc, déjà, c'est ça, la définition... Comme ma collègue disait aussi, toutes les questions de qu'est-ce qui peut être prohibé dans les APCA, donc, de le définir, déjà, comme c'est défini dans le cas de la réserve de biodiversité, et de définir aussi, dans le fond, le processus qui doit être fait pour pouvoir obtenir les APCA, donc, par exemple, une demande écrite par les communautés autochtones ou organismes autochtones qui veulent, justement, bénéficier de l'APCA, donc d'avoir un processus qui est vraiment établi dans le projet de loi et non par le biais d'un règlement qui serait... qui tarderait à être adopté.

M. Benjamin : Et est-ce qu'il y aurait, à ce moment-là, pour vous, des caractéristiques à un APCA, est-ce qu'il y aurait des... Quelles sont... Pouvez-vous nous rappeler les caractéristiques spécifiques, à ce moment-là, qui vous paraîtraient indispensables pour les APCA?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Oui. En fait, les APCA sont en général des terres et des eaux où les autochtones jouent un rôle primordial dans la protection et la conservation des écosystèmes, avec la gouvernance, les systèmes de savoir et les droits autochtones, puis c'est des aires où la culture et la langue sont aussi au coeur de la protection.

Les objectifs généraux des APCA pourraient aussi être inclus dans un article, par exemple, du projet de loi. Les objectifs sont en général l'engagement à long terme pour la conservation des terres et des eaux et la diversité biologique pour les générations futures, préserver et entretenir les utilisations sociales, culturelles, cérémonielles des autochtones, puis ça peut aussi être une fondation pour les économies autochtones locales. Donc, ça, c'est les grands objectifs des APCA.

M. Benjamin : Une autre inquiétude qui a été évoquée à quelques reprises, lors de cette consultation, c'est la possibilité que, dans les aires protégées d'utilisation durable... qu'il y ait des activités industrielles. Et, selon vous, et plus spécifiquement sur votre territoire, sur les territoires ancestraux, est-ce que c'est quelque chose d'admissible? Si oui, est-ce qu'il y a des activités industrielles qui pourraient être permises?

• (11 h 50) •

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Bien, c'est sûr que la position des Innus, depuis le début, c'est toujours qu'il n'y ait aucun développement dans son territoire à moins d'avoir leur consentement. En ce moment, par exemple, la réserve aquatique projetée interdit l'exploration et l'exploitation minières, interdit aussi l'instauration de baux de villégiature et interdit aussi la foresterie et, dans certaines mesures, l'hydroélectricité. Donc, je pense que ça serait le même type d'interdictions que les APCA voudraient obtenir, là, dans un projet de loi.

Mais, comme je dis, dans le fond, c'est que, oui, nous avons été invités aux consultations particulières, mais je pense que ça aurait été encore mieux si vous auriez pu inviter d'autres premières nations qui auraient pu vous enrichir sur la constitution, justement, d'un projet de loi qui aurait, dans le fond, permis, et au bénéfice du Québec, mais autant au bénéfice des Premières Nations, de créer un réel régime de protection, de conservation du patrimoine naturel, et vous auriez pu, justement, avoir le bénéfice de l'ensemble des Premières Nations au Québec à ce sujet-là, là.

Mais donc, oui, les interdictions, on revient à... ça serait dans ces mêmes types là.

M. Benjamin : Bien, je pense que... sans vouloir vous donner, peut-être, une réponse, je pense qu'on est à l'étape de consultations particulières, il y a d'autres étapes qui s'en viennent, et je crois qu'on aura sûrement l'opportunité de pouvoir rectifier ou faire des ajouts qui vont dans le sens de votre dernier commentaire.

Mais, un autre enjeu sur lequel j'aimerais peut-être vous entendre, aussi, plusieurs groupes ont mentionné la problématique potentielle de la désignation d'aires protégées très importantes dans le Nord et peu dans le Sud. Pour votre communauté, j'aimerais entendre votre appréciation sur cette problématique. Est-ce qu'il y a nécessité que ce territoire ne soit qu'APCA ou une aire de protection stricte serait admissible?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Aire de protection stricte? Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Benjamin : Bien, en fait, une aire... à ce moment-là, au lieu que ce soit une aire... un APCA, est-ce que les aires... protection stricte qui pourrait assurer et, justement, toute la protection que vous souhaitez, aucune utilisation d'industrie, etc.?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : C'est que, ça, c'est une partie de l'APCA, les activités prohibées. Mais la partie qui manque puis qu'on n'arrive pas à retrouver dans les articles actuels du projet de loi n° 46, c'est vraiment le respect des activités traditionnelles, le respect de la vision autochtone, le respect des pratiques de gestion qui sont déjà existantes et mises en place par les communautés autochtones et qui devraient être harmonisées avec le projet de loi n° 46 puis avec les autres politiques en matière de conservation du patrimoine naturel. Donc, une aire protégée stricte qui porterait seulement sur les activités prohibées, c'est une partie de l'APCA, mais c'est peut-être 20 % de ce qu'est une APCA.

M. Benjamin : Et vous nous avez parlé, tout à l'heure, des sites sacrés, à partir des directives de l'UICN — donc, voilà, je me suis tenté une fois, donc, ça a marché. Donc, au sujet de ces directives, donc, j'aimerais... faites-nous un rappel. Et donc, quand on dit... quand on parle de sites sacrés, de quoi parle-t-on précisément, exactement?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui. Alors donc, je vous invite, à notre mémoire, à la page 8 et 9 où on énumère certains sites sacrés pour la communauté. Donc, on a le site sacré de Mishta-shipit, qui est, dans le fond, à l'embouchure de la rivière Moisie, qui est la Mishta-shipu, et donc c'est un site où les Innus allaient se recueillir lorsqu'ils arrivaient de la rivière, donc qu'ils revenaient de leurs territoires familiaux. Et c'était... l'été, ils se regroupaient là pour faire soit certaines cérémonies, des mariages ou célébrer, justement, les naissances, et tout. Donc, on a plusieurs sites comme ça, comme, mettons, le Mushuau-nipi, qui est un site de rassemblement, dans le territoire, qui est à plusieurs centaines de kilomètres de Sept-Îles. Donc, on a plusieurs sites comme ça qui ont déjà une importance et une valeur culturelles, chez les Innus de Uashat mak Mani-Utenam, mais chez plusieurs communautés innues aussi puisque c'était un lieu de rassemblement de plusieurs familles. Donc, ces sites-là sacrés, c'est un peu ça, c'est... Et, dans le fond, la tradition orale des Innus est très importante, et chaque génération a cette connaissance-là des sites sacrés.

M. Benjamin : Merci, merci. Et, sur l'enjeu des paysages humanisés, vous nous faites même des recommandations aux articles 65 et 65.1, notamment pour ce qui a trait aux mécanismes de désignation. Alors, je vois déjà et probablement des municipalités ou des MRC qui vont vouloir présenter un argumentaire de cohésion territoriale ou de cohérence territoriale. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Bien, en fait, un peu comme ma collègue disait au début, en ce moment, tout le Nitassinan, qui est le territoire ancestral des Innus de Uashat mak Mani-Utenam, se trouve au nord du 49e parallèle, puis ce territoire-là peut faire l'objet du territoire de conservation nordique, mais certains règlements, comme le règlement sur la compensation des milieux humides, ne s'appliquent pas aux territoires au nord du 49e parallèle.

Donc, ce qu'on dirait aux municipalités, c'est qu'en ce moment elles ont un avantage, et nous, on est en situation de désavantage où tout le territoire ancestral se trouve dans une position où il peut être affecté à un territoire de conservation nordique et où il n'y a aucune des désignations spécifiques du projet de loi n° 46 qui permet une réponse globale aux Premières Nations pour pouvoir mettre en oeuvre non seulement leur perspective, leur vision du territoire, mais aussi protéger leur territoire selon leurs valeurs puis continuer à pratiquer leurs activités traditionnelles.

Donc, pour moi, ce n'est pas vraiment un problème pour les municipalités, c'est plutôt que c'est les autochtones, en ce moment, qui sont désavantagés puis qui n'ont pas accès à tous les mêmes moyens que, par exemple, les municipalités ou d'autres regroupements de citoyens.

M. Benjamin : Merci. Donc, la dernière question. Vous suggérez, et d'ailleurs je pense que je le vois dans plusieurs de vos recommandations, l'idée que les communautés autochtones soient associées, constamment associées à différentes démarches de reconnaissance ou de statut. Maintenant, nous sommes en train de travailler sur un projet de loi et vous... et par rapport aux mécaniques... aux mécanismes de consultation des communautés autochtones pour la suite des choses, qu'est-ce que vous proposez, qu'est-ce que vous proposez au ministre?

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Bien, d'abord, d'aller... Donc, nous, on comprend que le projet de loi a été très accéléré. Donc, ça a peut-être empêché beaucoup d'autres communautés de présenter un mémoire à la date limite du 22, pour qu'il soit, justement, rendu public. Ça a empêché aussi certaines communautés de pouvoir peut-être demander d'avoir accès aux consultations particulières.

Donc, nos recommandations, certainement, c'est d'aller... de faire des véritables consultations des communautés autochtones, de les avertir d'avance de ces consultations-là et non de faire une consultation qui est simplement de donner l'information et : On prend en note vos commentaires. C'est vraiment de faire une consultation qui est concrète, où on va prendre les préoccupations et on va essayer de faire des accommodements concrets dans le projet de loi. Parce que, oui, nous avons participé à une séance d'information, mais, comme je viens de dire, c'était une séance d'information, ce n'était même pas une consultation, et c'était... les individus qui étaient présents ne pouvaient même pas répondre à nos préoccupations ou à nos questions, de qu'est-ce qu'allait devenir, par exemple, la réserve aquatique projetée de la rivière Mishta-shipu. Donc, certainement, de consulter réellement et d'accommoder... de répondre aux préoccupations des Premières Nations dans le projet de loi.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, maître. Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole à un membre du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Mercier, à vous la parole.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci. «Kwe». J'ai 2 min 45 s, donc ça va aller très vite. Merci pour votre présence, parce qu'il a fallu que vous écriviez à la commission pour dire à quel point c'était important que vous soyez présents. Il y a d'autres nations, d'autres groupes, notamment le Conseil de la nation atikamekw, Uapashkuss, aussi, le groupe Uapashkuss, qui n'a pas pu être présent. Il y en a probablement d'autres.

Donc, on sent que, dans ce genre de projet de loi là qui est extrêmement important pour les nations autochtones, comme vous dites, on fait juste vous donner l'information. Donc, il y a beaucoup d'apprentissage à faire pour surtout respecter, aussi, le principe de ce qu'on appelle nation à nation, qui n'est pas là. Moi, j'ai une question par rapport à... Puis j'espère que le ministre a écouté aussi ce que vous avez dit, là, vos recommandations, qu'il faut que vous soyez consultés avant la loi et non seulement attendre le règlement. C'est ce qu'aussi j'entends de votre part.

Hier, le Pr Louis Bélanger nous a dit qu'une APCA peut être dans n'importe quelle catégorie de l'UICN, donc, et que c'est à la nation de demander ça. Si, par exemple, vous disiez : Est-ce que c'est possible de définir dans la loi, si l'APCA va s'y retrouver... de définir quelles activités seraient interdites? Qu'est-ce que vous pensez de sa proposition que ça soit à la nation de dire : Bien, ça pourrait être catégorie II ou catégorie V, où, par exemple, la pêche est permise, etc.? Parce que les deux ne sont pas... ne vont pas l'un à l'encontre de l'autre, contrairement à ce que pensait le député de Bourget.

• (12 heures) •

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui, effectivement. Mais, dans le fond, les APCA, pour certains endroits, vont pouvoir aller plus vers une catégorie I ou II ou parfois une catégorie V. Donc, tout dépend de l'importance et du site. Est-ce que c'est un site sacré et où on veut préserver, justement, mettons, les plantes médicinales qui nous servent à faire nos médicaments ou c'est un site où il y a un portage, où on veut encourager, justement... on veut protéger ce territoire-là de, par exemple, une déforestation, mais on veut encourager nos membres à utiliser ce lieu de portage là et même... nos membres, mais ça peut être également les non-autochtones, pour leur montrer... qu'ils aient une vision, justement, de c'est quoi que les Innus avaient à parcourir comme chemin, l'importance du territoire, pour eux, dans leur identité?

Donc, effectivement, je suis d'accord avec vous par rapport aux lignes directrices de l'UICN. Certainement, les APCA s'incluent dedans et peuvent avoir différentes catégories, donc, tout dépendamment des sites, mais tout dépendamment aussi des communautés autochtones. Je pense que c'est à eux de définir qu'est-ce qui est prohibé dans leur APCA.

Mme Ghazal : Exactement. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : ...temps que vous avez. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 45 s. À vous la parole, M. le député.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Me André-Grégoire et Me Boisvert-Chastenay, merci de votre présentation qui complète ou qui amène un point de vue complémentaire à celle qu'on a eue, hier, du chef Picard, notamment. J'ai justement noté que, lorsque vous parlez des aires protégées de conservation autochtones, je pense que votre point de vue est on ne peut plus clair, et la volonté de pouvoir être gestionnaire, selon le voeu de chacune des communautés, selon le territoire, comment on le voit et on le définit, tout ça, c'est très clair.

Vous parlez, par contre, de la question de la délégation de pouvoirs. Hier, le chef Picard mentionnait plutôt qu'il souhaitait un mode de cogestion. Est-ce que vous êtes également d'accord avec l'idée que, plutôt qu'on délègue des pouvoirs de gestion, on participe véritablement à une opération commune qui relève de la cogestion entre le gouvernement et chacune des communautés?

Mme Boisvert-Chastenay (Isabelle) : Oui. Bien, en fait, nous, pour l'article 2.1 sur la... 12, sur la délégation, on le commentait avec des préoccupations d'ITUM surtout en lien avec, justement, le fait qu'à tout le moins cet article devrait être modifié. Mais notre but principal, c'est vraiment l'inclusion des aires protégées de conservation autochtones.

Pour ce qui est de la délégation, c'est certain que ce n'est pas le modèle qu'on prioriserait, surtout parce que ça amène aussi une forme de gestion où il y a de la reddition de comptes où, vraiment, c'est un peu chapeauté par le gouvernement, puis il y a moins de chances de gestion, justement, par les autochtones, avec leurs pratiques existantes ou selon leurs perspectives. Donc, si on devait améliorer les articles 12 et 12.1 sur la délégation, oui, une cogestion serait quelque chose qui est plus favorable à notre vision.

M. Arseneau : Alors, si, bon, vous pouviez, justement, améliorer le projet de loi dans le sens de la cogestion, à ce moment-là, comment faudrait-il comprendre la cogestion, par opposition à la délégation de pouvoirs? Parce que, moi, j'essaie juste de voir en quoi ça pourrait consister.

Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Dans la mesure où la délégation de pouvoirs n'implique pas une reddition de comptes, et c'est réellement, dans le fond, permettre à la communauté autochtone de gérer le territoire selon leurs valeurs, traditions, et tout, cela peut être intéressant. Ce qui nous inquiétait, c'était vraiment les questions des modalités de reddition de comptes, donc tous les aspects de 12.1, 12 et suivants. Une cogestion peut être intéressante, mais dans la mesure où la première nation, quand même, a son mot à dire et ne doit pas avoir à attendre constamment après le gouvernement ou dépendre, en fait, du gouvernement.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Me André-Grégoire et Me Boisvert-Chastenay, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends maintenant les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 05)

(Reprise à 12 h 10)

Le Président (M. Ciccone) : Nous reprenons nos travaux.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. Vous avez maintenant la parole pour 10 minutes.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Bernier (Larry) : Merci. Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, mon nom est Larry Bernier, je suis maire de Lac-Édouard, en Mauricie, vice-président de l'agglomération de La Tuque, membre du conseil d'administration et du conseil exécutif de la FQM. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Éric Morency, directeur du service de l'aménagement du territoire à la MRC d'Argenteuil.

D'entrée de jeu, permettez-moi de vous présenter notre organisation. Fondée en 1944, la Fédération québécoise des municipalités s'est établie comme un acteur crédible, qui, par ses actions, vise constamment à défendre l'autonomie du milieu municipal et à favoriser le développement de l'ensemble des régions du Québec. Comptant plus de 1 000 municipalités locales et régionales membres, la FQM s'appuie sur une force de 7 000 élus. Ses structures décisionnelles et consultatives lui permettent de prendre des positions visant le développement durable du territoire québécois.

À titre de porte-parole des régions, la FQM s'inscrit dans la volonté du ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques de revoir la démarche menant à la conservation du patrimoine naturel.

Les régions regorgent de territoires à valeur écologique élevée qui ont besoin d'être préservés. Malgré cet état de fait, le Québec n'a pas été en mesure d'atteindre les cibles qu'il s'était pourtant données en cette matière. L'adoption de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, en 2002, devait contribuer à améliorer ce bilan, mais force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous près de 20 ans plus tard. Alors que les autres pays avaient, en 1996, une moyenne de 8,8 % de leur superficie préservée, le Québec ne peut faire mieux que 10 % près d'un quart de siècle plus tard. D'ailleurs, le Québec n'a toujours pas atteint, en 2020, les cibles qu'il s'était fixées pour 2010, soit 17 % du territoire en zones terrestres et 10 % des zones marines et côtières. Ces chiffres, à eux seuls, justifient l'action gouvernementale entreprise aujourd'hui.

À l'aube d'un rehaussement des cibles internationales, le Québec doit prendre les bouchées doubles pour éviter que l'écart qui le sépare des leaders internationaux ne s'accentue. Le Québec devrait être davantage motivé à atteindre les cibles, puisque, chaque année, des sinistres liés aux changements climatiques nous rappellent l'urgence de préserver notre biodiversité. Une bonne gestion du patrimoine naturel contribuera à rendre les territoires plus résilients face aux changements climatiques.

Voici quelques commentaires généraux. Tout d'abord, la FQM reconnaît que le projet de loi n° 46 est un premier pas dans la bonne direction, qui devrait préserver notre patrimoine naturel. Voici une liste d'éléments du projet de loi qui nous semblent intéressants.

Le premier : les municipalités qui sont informées plus tôt dans la démarche. Nous saluons la volonté du ministère de l'Environnement d'informer les MRC et municipalités plus tôt dans la démarche, mais, comme nous le verrons dans les recommandations, le ministère pourrait aller encore plus loin en collaborant étroitement avec les MRC et municipalités.

Deuxièmement, les assouplissements menant à la reconnaissance des paysages humanisés. Le fait qu'aucun statut ne soit accordé, présentement, aux paysages humanisés repose en partie sur la complexité de la démarche. Souvent, les projets de cette catégorie impliquent des démarches avec plusieurs partenaires, lesquelles allongent le délai avant cette reconnaissance. La volonté du ministère de transformer ce statut en reconnaissance simplifiera la démarche et incitera les régions à préserver ce type de patrimoine.

Le troisième commentaire, c'est le délai raccourci pour la reconnaissance des aires protégées. La longueur du processus actuel et sa complexité obligent les MRC et municipalités à consacrer beaucoup d'efforts, de temps et d'argent pour faire reconnaître une aire protégée. Irritées par ces longs délais, certaines MRC et municipalités ont même abandonné le processus en cours de route. L'abandon de l'étape de mise en réserve est bien accueilli par la FQM, puisqu'il contribuera à réduire les délais de quelques années.

Quatrièmement, la reconnaissance des autres mesures de conservation efficaces. La FQM demande depuis longtemps de reconnaître certaines mesures de conservation efficaces qui n'ont pas obtenu de statut officiel en vertu de la LCPN. Les critères de reconnaissance étant très précis, il arrive que certains projets ayant des bénéfices sur la biodiversité ne puissent se classer dans l'une ou l'autre des catégories d'aires protégées. Cette reconnaissance est donc un outil de plus pour les MRC et municipalités, qui les aidera à participer à l'effort collectif de préservation des territoires ayant une valeur écologique élevée.

Concernant les principales recommandations, nous constatons la volonté du ministère d'impliquer davantage les MRC et municipalités dans la démarche. Toutefois, nous sommes convaincus que cette collaboration pourrait être présente dans d'autres éléments du projet de loi, comme en font preuve les thèmes suivants.

L'ajout d'un nouveau statut d'aire protégée d'utilisation durable. Nous comprenons que ce nouveau statut serait balisé non pas par la loi, mais par un règlement édicté après avoir tenu des consultations. Ainsi, on adopte un nouveau statut qui pourra, par ailleurs, être demandé par tout groupe extérieur au milieu municipal, sans en connaître, à ce stade-ci, les modalités, notamment en regard à la gestion ou à l'implication du monde municipal. De plus, il est important que les MRC et municipalités soient impliquées à toutes les étapes afin de s'assurer de la cohérence dans la planification de l'aménagement du territoire.

Concernant la délégation de la compétence à un tiers, il est prévu, à l'article 9 du projet de loi, qui modifie l'article 12 de la loi, que le ministre peut déléguer, par entente, à toute personne ou à toute communauté autochtone, tout ou en partie des pouvoirs que lui attribue la présente loi ou qu'il détient en regard à la gestion d'un territoire qui relève de son autorité et qui fait l'objet d'une mesure de conservation. Pour les mêmes raisons invoquées précédemment, le fait de déléguer cette compétence à un tiers sans que la MRC et la municipalité ne collaborent tout au long du processus risque de poser des défis en termes de cohérence de la planification de l'aménagement et du développement du territoire.

Concernant le retrait de l'engagement de l'État, de son côté, l'article 12.2 du projet de loi indique que les actes de la personne ou de la communauté autochtone qui exerce les pouvoirs qui lui sont délégués en vertu de l'article 12 n'engagent pas la responsabilité de l'État. Considérant l'importance que représentent ces territoires publics dans le patrimoine naturel du Québec, il est important, lorsque le tiers n'est pas dûment élu, que l'État conserve sa responsabilité comme une forme de garantie de bonne gestion de ce territoire. L'article 54 du projet de loi permet au ministre de reconnaître des milieux naturels comme réserves naturelles. Bien que nous sommes en faveur de protéger les milieux naturels en terres privées, nous sommes d'avis que le milieu municipal devrait être, là aussi, consulté afin que les demandes de reconnaissance ne soient pas en contradiction avec la planification territoriale. Prenons, par exemple, le cas d'une terre privée qui serait transformée en réserve naturelle. Il y a fort à parier que son accès devra être amélioré et sécurisé par la municipalité pour tenir compte d'un achalandage plus important. Le simple fait de changer la vocation d'un territoire a automatiquement une incidence sur les opérations et les finances de la municipalité.

Concernant le deuxième point, la modification des rôles et responsabilités du ministère à l'égard du projet de loi, à l'article 3 du projet de loi, qui modifie l'article 4.1 de la loi, stipule : «Le ministre produit au gouvernement, au moins tous les 10 ans, un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi ainsi que sur l'opportunité de la modifier.» Considérant la nécessité de rattraper le retard en matière de conservation d'aires protégées, nous proposons que le gouvernement fasse un rapport obligatoirement à la fin de chaque mandat, et non à tous les 10 ans, afin d'apporter des correctifs plus rapidement aux mesures en place si l'augmentation du pourcentage d'aires protégées ne croît pas aussi rapidement que souhaité. De plus, la population sera plus à même de juger du succès ou de l'échec des mesures mises en place pour augmenter la superficie en aires protégées.

En terminant, la conservation du patrimoine naturel à l'échelle du Québec amène des enjeux liés au maintien de la cohérence gouvernementale territoriale. En effet, l'adoption ou la refonte de nouvelles lois ou de règlements pose des défis lorsqu'elle se juxtapose, par exemple, aux orientations gouvernementales en aménagement du territoire, en vigueur depuis déjà plus de 20 ans. Sur le terrain, ce sont les MRC et municipalités qui font souvent les frais de ce manque de cohérence. Il faudra que le gouvernement y apporte une attention particulière, s'il souhaite que ces dernières initient des projets visant la conservation du patrimoine naturel. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le maire, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange et nous débutons avec M. le ministre. Vous avez 16 min 30 s.

M. Charette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Un plaisir de vous entendre sur un enjeu comme celui qui nous réunit ce matin. Je vais partager mon temps parce que j'ai des collègues, là, qui souhaiteront intervenir aussi, mais j'aimerais revenir sur un aspect que vous avez effleuré, mais qui a été mentionné par certains groupes, notamment ceux qui travaillent au niveau de la conservation du territoire, à travers... On a eu Canards illimités, on va recevoir, cet après-midi, Conservation de la nature Canada. Ce sont des partenaires privés, des fondations, des associations qui sont complètement... c'est des incontournables, là, pour le ministère de l'Environnement, parce qu'ils permettent, à travers des discussions avec des propriétaires fonciers, un transfert de titres de propriété, facilitent la reconnaissance d'aires protégées de grande valeur, parce que davantage au Sud, donc, avec une plus grande biodiversité.

Cependant, un des problèmes qui est souvent évoqué, ce sont les taxes foncières de ces territoires-là. Vous l'avez aussi évoqué dans votre propos. Quelle serait la façon la plus facilitante, autant pour les propriétaires que pour les municipalités, bref, éviter qu'il y ait des conséquences désastreuses, là, sur les finances des municipalités, pour favoriser ce transfert de titres de propriété et faire en sorte que l'on puisse, oui, protéger du territoire, rendre cette manoeuvre-là attrayante auprès de... Et ce sont souvent des successions familiales qui veulent faire ce geste-là. Bref, je serais intéressé à avoir votre point de vue à ce niveau-là.

• (12 h 20) •

M. Bernier (Larry) : Oui. Éric pourra commenter davantage, mais, nous, dans nos discussions, on a pensé que, possiblement, la perte de revenus pour les municipalités, advenant ces situations-là, pourrait être compensée par le gouvernement, parce qu'on ne pense pas que ce sont des montants vraiment, là, énormes qui pourraient être perdus par les municipalités.

M. Morency (Éric) : Si je peux me permettre. Effectivement, donc, vous faites référence à, peut-être, le coeur de la question, c'est-à-dire comment le financement des municipalités est fait, au Québec, par la taxe sur la richesse foncière, et il semble y avoir, dans le fond, un peu, un déséquilibre ou bien une contradiction. Par contre, à ce niveau-là, je pense que les municipalités peuvent avoir un gain à ce qu'on retrouve des aires protégées sur des territoires et pour conserver ce qu'il est vraiment nécessaire de conserver en termes, je dirais, de cloches de verre, là. Il y a des milieux qu'on doit absolument préserver pour toutes sortes de bienfaits écologiques.

Il y a aussi... et vous avez introduit, là, la notion, dans le projet de loi, au niveau des autres mesures de conservation efficaces, et je pense que, là, il y a un chantier intéressant pour le Québec, c'est-à-dire d'être capables de maintenir des espaces en aires protégées, tout en acceptant un certain niveau d'utilisation durable du territoire. Et là peut-être que les municipalités trouveraient leur compte aussi, là, lorsqu'on est capable de travailler sur cet équilibre-là.

M. Charette : Et votre collègue mentionnait que ce n'était pas forcément des montants élevés en cause. Est-ce qu'il y a une évaluation de la FQM qui a été faite à ce sujet-là? Quelles pourraient être, justement, les sommes en cause ou quels sont les impacts pour les municipalités, particulièrement les plus petites?

M. Bernier (Larry) : Pas à ma connaissance. Moi, je n'ai pas entendu parler qu'il y avait une évaluation qui avait été faite, là.

M. Charette : Et, sinon, peut-être une dernière question, là, pour ne pas accaparer tout le temps de parole. Souvent, les municipalités ont, sur leur propre territoire, des espaces qu'ils aimeraient mettre en valeur. On a parlé de paysages humanisés. Oui, c'est dans la loi, effectivement. C'est un concept qui, au fil des ans, n'a pas su se développer ou s'incarner à travers des projets précis. Est-ce que les villes, avec un accompagnement particulier, seraient davantage intéressées à développer ce type de projets là? On parle de projets vivants où les communautés peuvent continuer, naturellement, de s'épanouir. Est-ce que c'est une formule qui est regardée avec attention de la part de la FQM?

M. Bernier (Larry) : Je ne pourrais pas dire pour la FQM, mais je sais que, dans ma région à moi, exemple, dans la région de la Vallée de la Batiscan — parce que le lac Édouard est à la source de la rivière Batiscan — c'est un aspect qui a été envisagé. Et on a même fait des démarches avec le ministère de l'Environnement, dans le temps, et c'est un processus qui est beaucoup trop long, beaucoup fastidieux et qui décourage un peu les promoteurs. Mais, moi, je pense qu'un peu comme les réserves de biodiversité, qui sont beaucoup moins restreignantes que les réserves écologiques — ce qu'on a chez nous — c'est des projets qui peuvent aller de l'avant facilement. Puis c'est sûr que, quand on restreint, bien, il y a des gens qui ne sont pas contents, c'est certain. Mais, le paysage humanisé, il n'y a pas beaucoup de restrictions, et je pense que ce serait un plus, pour certaines régions, de pouvoir développer cet aspect-là.

M. Charette : C'est bien gentil. Merci pour vos commentaires, tous très pertinents, ça va nous aider, là, pour poursuivre notre réflexion. Donc, je vais céder tout simplement la parole à mes collègues.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Bourget. Il vous reste 10 min 40 s.

M. Campeau : Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Il y a un commentaire que vous avez fait que j'ai bien aimé, quand vous parlez du raccourcissement des délais pour la reconnaissance des aires protégées. J'ai l'impression que les aires protégées, on n'en a pas, ça a toujours été problématique d'en avoir, et, maintenant qu'on vient de vraiment relier de façon beaucoup plus claire les aires protégées à la santé humaine et qu'on va avoir des délais raccourcis, ça devrait aider l'ensemble des gens et des parties prenantes à accélérer les choses.

J'avais une question en particulier. Vous demandiez d'avoir un bilan de mise en oeuvre à la fin de chaque mandat. Ça aurait l'air de quoi, un bilan de mise en oeuvre, selon vous, en gros, là, dans les grandes lignes? Puis, deuxièmement, pourquoi à la fin de chaque mandat en particulier?

M. Bernier (Larry) : La raison, c'est qu'on trouvait qu'au bout de 10 ans... si, au bout de 10 ans on n'a pas atteint nos objectifs, bien là, on remet ça encore pour une période de 10 ans. Alors, où allons-nous être dans 20 ans? Est-ce qu'on va encore être en deçà du 17 % qu'on voulait atteindre? Donc, on s'est dit : Peut-être qu'un rapport d'étape au bout de quatre ans... Puis on dit : Bon, bien, voici, on s'était fixé de monter, mettons, à 15 % ou 14 % puis on est rendus à 13 %; ah! bon, bien, O.K., on a un rapport d'étape, on ne l'a pas atteint, mais on s'approche de notre objectif puis on avance. Alors que d'attendre au bout de 10 ans, je trouve que c'est... De 10 ans en 10 ans, là, on va être rendus... moi, je ne serai plus là, puis on n'aura pas atteint l'objectif.

M. Campeau : Ma seule inquiétude, en disant «à la fin d'un mandat», ça contribue à politiser les aires protégées, alors que... Est-ce que c'est ça qu'on veut? Le fait de faire un bilan de mise en oeuvre à une date donnée me semblerait peut-être un peu plus porteur, dans le sens qu'on essaie de... Ça va être politisé quand même, mais ça le serait un peu moins que le faire en fin de mandat.

M. Bernier (Larry) : Moi, j'avais une formule personnelle, qui ne relève pas de la FQM, c'est : au milieu du deuxième mandat.

M. Campeau : Elle est bonne. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Maintenant, je vais céder la parole... alors qu'Argenteuil est bien représenté, ici aujourd'hui, je vais céder la parole à la députée d'Argenteuil, justement.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Ciccone) : Huit minutes.

Mme Grondin : Est-ce que mon collègue d'Ungava veut intervenir?

Bravo! Merci. Bonjour, messieurs, M. Bernier et M. Morency, monsieur... Je suis agréablement surprise, là, de voir qu'on a un représentant d'Argenteuil, très, très fière. En fait, en conclusion, là, M. Bernier, vous parliez que la FQM peut apporter tout un regard plutôt terrain, de ce qui se passe sur le terrain, donc je prends la balle au bond. Il y a plusieurs intervenants qui ont souligné, au cours des deux derniers jours d'audiences, le rôle essentiel que jouent les municipalités dans l'atteinte de nos objectifs en matière de biodiversité, notamment dans le Sud.

Moi, je connais très bien le travail qui se fait dans la MRC d'Argenteuil et la volonté de la MRC et des élus depuis plusieurs années. En fait, la MRC a adopté une stratégie de conservation de ses milieux naturels d'intérêt, travaille de façon assidue pour déposer, bientôt, un plan régional de ses milieux humides et hydriques. Depuis des années, il y a différents projets, aussi, qui dépassent le territoire de la MRC d'Argenteuil, qui vont même au niveau de mon comté, où il y a énormément d'activité ou de vocation écotouristique ou de plein air dans les 17 municipalités de mon comté. Je le sais que... vous me corrigerez, M. Morency, à peu près... plus de 80 % du territoire de la MRC d'Argenteuil est en terres privées.

Donc, le ministre a soulevé un peu la question. Moi, ce que je voudrais mieux comprendre, c'est... Comme intervenants essentiels, dans la boîte à outils, si vous souhaitez faire la conservation, protéger des milieux d'intérêt qui sont très précieux, pour toutes les raisons, là, à mes yeux, vous avez quatre choix en terre privée : vous avez la possibilité d'acquérir au niveau municipal, vous avez également la possibilité de favoriser la conservation volontaire ou l'intendance privée, vous avez aussi une possibilité qui serait vraiment intéressante, s'il y a des aires protégées qui sont identifiées sur le territoire, et vous avez également toutes sortes d'outils urbanistiques qui permettent de mettre un statut privilégié ou un statut de protection.

Moi, j'aimerais ça que, dans ces quatre outils possibles, vous puissiez me décrire assez rapidement, parce que, là, je parle beaucoup... mais c'est quoi, les embûches que vous rencontrez, que ce soit au niveau de l'acquisition, au niveau de la conservation volontaire, au niveau... Si vous avez des projets que vous souhaiteriez avoir, une aire protégée ou différents outils urbanistiques, est-ce qu'il y a des embûches incontournables, et/ou est-ce que vous avez des solutions que vous proposez à ces enjeux-là?

• (12 h 30) •

M. Bernier (Larry) : Moi, pour deux raisons... Je vais laisser Éric répondre. D'abord, question de compétence, d'abord, et deuxièmement, moi, dans mon milieu, c'est le contraire, 99 % de notre MRC, de notre agglomération est en terre publique. Alors, sur 30 000 kilomètres carrés, là, nous autres, c'est la terre publique presque partout. Alors, bref, je vais...

Mme Grondin : Bien, en fait, moi, je le réduis à... c'est-à-dire que je fais le focus sur les terres privées parce que...

M. Bernier (Larry) : Oui, c'est ça.

Mme Grondin : Mais vous pouvez répondre aussi au niveau des terres publiques aussi, là, si vous le souhaitez.

M. Bernier (Larry) : Oui, oui, c'est ça. Bien, on a moins de joueurs dans la partie sur les terres publiques que sur les terres privées.

M. Morency (Éric) : C'est certain que... vous soulevez le fait des aires protégées, là, avec les différents statuts qu'on retrouve ici, dans un territoire habité ou dans les secteurs privés, c'est vrai qu'on n'en voit pas beaucoup. Peut-être parce qu'on vient vraiment, là, déterminer des utilisations du sol qui sont limitées. C'est pour ça que... là, j'ai oublié vos autres catégories, mais j'aimerais m'attarder peut-être, effectivement, sur la catégorie où est-ce qu'on essaie d'y aller vers une utilisation durable du territoire.

Là où est-ce qu'il y a une concentration de population, c'est bien, puis on l'a vu aussi avec... dans la situation pandémique, les gens cherchent l'accès à des milieux naturels pour, justement, toutes sortes de bénéfices, et le fait de rapprocher des lieux de conservation de la population, je pense, c'est une bonne chose. Donc, il y a toutes sortes d'outils qui sont disponibles dans le coffre à outils des municipalités, qui, il faut le rappeler, là, ont la compétence en aménagement du territoire. Et l'encadrement qui est fait, légal, par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, permet à des... au milieu municipal de venir régir, là, les utilisations du sol, même en territoire privé. Donc, on a toutes sortes de possibilités, dont celle qu'on a utilisée dans Argenteuil, d'identifier des noyaux de conservation, un réseau écologique en terre privée.

Vous avez peut-être entendu Mme Louise Gratton en parler ici, je ne sais pas si elle s'est présentée... Pas encore? Ça s'est fait en Estrie, beaucoup. Donc, nous, on utilise les pouvoirs légaux qu'on a pour venir orienter le territoire vers la protection de ces noyaux-là. Évidemment, le développement du territoire peut continuer jusqu'à une certaine intensité, mais, justement, cette intensité-là, elle est balisée par des règles d'aménagement du territoire précises. Alors, on vient en quelque sorte demander aux propriétaires, aux grands propriétaires d'identifier les espaces naturels sur ces espaces-là, de les protéger, et, s'il y a des endroits qui se prêtent à de la construction domiciliaire, à des routes, bien, on le fait en suivant, évidemment, des critères d'aménagement durable du territoire.

Et on le voit, là, il peut y avoir des espaces qui sont carrément mis en protection dans des lots distincts sous servitude de conservation sur des terres privées, alors qu'il y a quand même du développement ou, en tout cas, des résidences qui sont construites à proximité. Donc, ce genre de mécanismes là qui... c'est sûr que ça nécessite beaucoup de négociations, mais on pense... bien, on joue... on fait le pari, dans Argenteuil et ailleurs aussi, là, il faut le mentionner, que ce genre de réglementation là est en train de faire des petits dans d'autres milieux aussi, notamment en Estrie, par exemple. Et ça permet, justement, d'avoir des milieux conservés, peut-être, de plus grand nombre, sans limiter certaines utilisations du sol, pour les raisons qu'on évoquait tantôt, là, évidemment, comme M. le ministre disait, un peu la dualité entre les revenus municipaux qui proviennent de la richesse foncière puis le fait qu'on veut protéger des espaces, aussi, pour les générations futures, là.

Donc, la boîte à outils est quand même relativement bien garnie au niveau de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour cet aspect-là, là.

Mme Grondin : Je comprends que, dans le fond...

Le Président (M. Ciccone) : Il vous reste 20 secondes, Mme la députée.

Mme Grondin : 20 secondes?

Le Président (M. Ciccone) : 20 secondes.

Mme Grondin : On va laisser faire. Merci beaucoup. Et je suis désolée, M. Bernier, de ne pas vous avoir posé des questions précises.

M. Bernier (Larry) : Non, ce n'est pas grave.

Mme Grondin : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la députée. Je passe maintenant la parole au député de Viau, de l'opposition officielle, pour 11 minutes.

M. Benjamin : Merci. Merci, M. le Président. Donc, merci, M. Bernier, merci, M. Morency, pour votre présentation.

Donc, M. Bernier, donc, vous avez avancé une boutade tout à l'heure. J'ai le goût de vous dire que, vous savez, sur ce projet de loi là, le projet de loi n° 46, il y a aussi bien des choses qu'on peut faire, aussi, dans le cadre d'un premier mandat, aussi, pas seulement dans le cadre d'un deuxième mandat. Vous savez, je suis un ancien élu municipal moi-même. Donc, entendre des représentants de la Fédération québécoise des municipalités venir nous parler des enjeux relatifs à ce projet de loi par rapport à la vie municipale, donc, ce sont des choses qui me touchent beaucoup. Mais j'ai quelques questions à vous poser, question de nous permettre d'avancer ensemble dans le cadre de ces travaux.

Au sujet... je commencerais par les paysages humanisés. M. Bernier, vous avez parlé tout à l'heure, quand vous parlez des enjeux reliés aux paysages humanisés, et ce sont vos mots... vous avez parlé d'un processus trop long, un processus fastidieux, vous avez même dit qu'il y avait beaucoup de restrictions. Pouvez-vous m'aider à identifier quelles étaient ces restrictions-là?

M. Bernier (Larry) : N'ayant pas été au coeur du projet sur lequel... duquel je parlais précédemment, là, je ne pourrais pas vous sortir toutes les... Mais c'est plus au niveau de tous les délais, consultations, etc., qu'il a fallu faire au niveau de ministère de l'Environnement, qui ont découragé les promoteurs du projet dont je vous parlais. Puis je sais que présentement, au Québec, il y a, je pense, de mémoire, deux ou trois projets de paysage humanisé, puis je pense qu'aucun n'a abouti, présentement, et ça fait des... pour ne pas dire, je pense, des dizaines d'années que c'est en marche. Alors, je pense qu'il faudrait voir auprès des fonctionnaires quelles étaient toutes les étapes qu'ils devaient franchir, mais je sais que ça a découragé bien des gens.

M. Benjamin : À côté des restrictions, un des enjeux qui nous a été présenté, donc, par différents groupes, et M. Morency l'a abordé, d'ailleurs, tout à l'heure, c'est l'enjeu financier. Certains groupes, notamment ceux qui s'occupent des aires protégées en terrain privé, font état d'un enjeu parfois d'évaluation foncière lorsqu'un terrain est mis sous protection et où les municipalités perdent des revenus. Et est-ce que, selon vous... On avait avancé l'idée d'une réforme fiscale pour accompagner les municipalités. Qu'est-ce que vous en dites?

M. Bernier (Larry) : Moi, je pense qu'il y aurait possibilité. D'ailleurs, ça se fait déjà pour les bâtiments gouvernementaux, ça se fait déjà pour les terres publiques. Chez nous, moi, j'ai 99 % de mon territoire qui est en terre publique, et on reçoit une compensation parce qu'il y a une perte de revenus, là, qui est associée à ces territoires-là. Donc, il pourrait très bien y avoir une compensation du même type pour les territoires qui deviendraient des réserves naturelles privées.

M. Benjamin : L'autre question que j'aimerais vous poser, c'est sur... Vous avez parlé, donc, de la longueur du processus, qu'il faudrait raccourcir le délai. Et où est-ce que... quel genre de délai, quel type de délai, dans le processus, que vous voyez? À quel niveau qu'il faudrait peut-être raccourcir? Quel type de délai qu'on pourrait raccourcir?

M. Bernier (Larry) : Peut-être qu'Éric pourrait plus répondre que moi parce qu'il a déjà travaillé sur des projets, là.

• (12 h 40) •

M. Morency (Éric) : Bien, je pense qu'il y avait le... L'objectif du projet de loi de retirer, là, l'évaluation préliminaire ou... j'oublie le terme exact, là, mais, je pense, ça, ça peut aider effectivement à raccourcir les délais.

Il y a un aspect aussi de peut-être... d'avoir, tout de suite en partant, vraiment, une bonne synergie entre tous les intervenants qui sont impliqués et non pas seulement une discussion entre un ministère de l'Environnement et le promoteur d'un projet de paysage humanisé, pour, justement, que tout le monde parte à la même... avec les objectifs clairs de vers où on s'en va avec ça pour éviter des questions qui peuvent venir plus tard, de dire : Bien, pourquoi, déjà, on fait cet exercice-là, quel est le gain pour le milieu municipal?

Alors, une intention qui peut être bonne en partant peut se transformer avec le temps, surtout si au bout de quatre ans vous avez des nouveaux conseils municipaux qui changent. Et là comment on fait pour garder le fil, ensuite, de l'objectif?

Alors, je pense qu'en raccourcissant le délai ça va aider beaucoup, et en formant des tables, vraiment, de synergie dès le départ avec tous les intervenants pour bien comprendre l'objectif du paysage humanisé, là, il va nous servir à quoi, dans notre région, qu'est-ce qu'on veut mettre en évidence. Je pense, ça peut être gagnant, là, pour justement que tout le monde soit partie prenante, là, pour, je dirais, quelque chose... un projet qui peut être de longue haleine, là.

M. Bernier (Larry) : Je compléterais ce qu'Éric vient de dire en vous donnant un exemple, là. C'est surtout au niveau de l'étape de la mise en réserve. Je vous donne un exemple. Chez nous, on a une aire de biodiversité projetée, celle du Triton, de La Seigneurie du Triton, qui est projetée depuis au moins 10, 12 ans. Alors, on attend toujours qu'elle soit officiellement reconnue. C'est une aire de biodiversité d'à peu près... près de 500 kilomètres carrés, donc c'est un plus, là, pour notre territoire. Et on attend toujours. Donc, c'est cette étape-là, je pense, de mise en réserve, là, qui nous semble un peu longue.

M. Benjamin : Merci pour vos réponses. Et un autre aspect qui m'intéresse beaucoup, donc, et puis je pense que l'ensemble des membres de la commission sont intéressés par cet enjeu-là, c'est l'enjeu des aires protégées de conservation autochtones. Et on a eu avant vous, justement, tout juste avant vous, des groupes qui sont venus nous faire une présentation, qui viennent nous... qui sont venus nous rappeler qu'il y a une déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qu'il y a aussi des droits ancestraux, qu'il y a aussi l'Union internationale de conservation de la nature qui consacre les balises sur la protection des sites sacrés et le patrimoine autochtone. À la lecture de votre mémoire, donc... Et ces groupes-là demandent de pouvoir avoir une cogestion entre le gouvernement et eux, et votre mémoire semble aller dans un autre sens, plutôt demander aux municipalités, donc, d'avoir un mot à dire à ce niveau-là. Comment vous arrivez... quelles pistes que vous voyez pour arriver à concilier tout ça?

M. Bernier (Larry) : Là, on entre dans un débat avec les communautés autochtones, qui est un peu différent. Je sais que les communautés autochtones... Je peux vous donner l'exemple chez nous. On a trois communautés autochtones qui réclament le territoire. Alors, bon, elles réclament le territoire. Maintenant, il faudrait... Moi, je ne suis pas juriste. Il faudrait voir qui est... qui s'occupe du territoire, au Québec. Est-ce que c'est le gouvernement du Québec, qui a été élu démocratiquement? Est-ce que c'est également en partenaire avec les MRC et les municipalités, qui sont gérées par des gens élus démocratiquement? Bon, c'est un débat qui ne relève pas de notre niveau à nous, là, mais je pense qu'il va falloir s'asseoir avec ces gens-là.

Moi, j'ai déjà fait des projets avec... qui s'implantaient dans un territoire réclamé par une communauté autochtone. Alors, on est allés les rencontrer. Ils ont fait leur bout de chemin d'enquête et de révision du projet, puis on s'est bien entendus. Alors, je me dis, il y aurait peut-être moyen de faire la même chose, de s'entendre avec eux puis de les consulter. Mais, au niveau de la collaboration, je pense qu'elle doit se faire entre les gouvernements : provincial et les gouvernements de proximité que sont les MRC.

M. Benjamin : Chez vous, M. Bernier, donc, puisque vous nous avez donné des exemples de votre territoire, de votre municipalité, est-ce que... comment est-ce que vous... comment vous verrez, comment vous travaillerez, comme élu municipal, une demande d'une aire protégée de conservation autochtone?

M. Bernier (Larry) : Provenant des autochtones?

M. Benjamin : Oui, une demande de ce genre-là.

M. Bernier (Larry) : Je n'ai pas eu connaissance qu'ils ont fait une demande d'aire protégée. Ce qu'ils ont fait comme demande, puis plus ou moins une demande, ils se sont... ils ont décrété que c'était territoire attikamek, toute la Mauricie. Et je sais qu'à chaque année je reçois une lettre des Hurons-Wendat et des Innus du Lac-Saint-Jean, parce qu'on est aux confins des trois territoires, et les trois communautés réclament le territoire, et ils me demandent de les appuyer par une lettre. Alors, vous comprendrez que je n'appuie ni une communauté ni l'autre, parce que ce n'est pas un débat qui est à notre niveau, c'est un débat qui va se régler avec les gouvernements supérieurs.

M. Benjamin : Rappelez-nous la position de la Fédération québécoise des municipalités sur l'enjeu des demandes qui pourraient évidemment arriver, de demandes d'aires protégées de conservation autochtones. Quelle est la position de la Fédération québécoise des municipalités?

M. Bernier (Larry) : C'était de les consulter. Je pense que c'est la moindre des choses, il faut que ces gens-là soient consultés. Mais il faut que la gestion du territoire... une fois établie, l'aire protégée relève du gouvernement du Québec et des MRC.

M. Benjamin : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier pour 2 min 45 s. À vous la parole.

Mme Ghazal : Oui. Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation. Dans le mémoire puis aussi dans votre présentation, vous avez dit qu'il y avait des aspects qui sont flous dans le projet de loi, notamment, par exemple, quand il y a un nouveau statut où la municipalité va être... où les MRC vont être impliquées mais on ne connaît pas les modalités pour la demande de ces nouveaux statuts là. Et est-ce que vous avez comme... juste pour comprendre, est-ce que vous avez une inquiétude que ce soit uniquement déposé, c'est-à-dire plus précisé par règlement? Est-ce que vous aimeriez mieux que ça soit moins flou puis que ça soit précisé dans le projet de loi?

M. Bernier (Larry) : Peut-être Éric, là...

M. Morency (Éric) : Bien, dans le mémoire, ce qu'on demande... Ce qu'on comprend, c'est que ça va être précisé ultérieurement. Ce qu'on demande, c'est que le milieu municipal fasse partie des consultations, là, par rapport à ces futurs règlements là pour préciser, notamment, le statut d'aire d'utilisation durable et également les autres mesures, là, qui sont prévues dans le projet de loi. On comprend que le projet de loi ouvre la porte pour ces nouveaux statuts. Ce que la FQM demande, c'est d'être partie prenante dans la définition plus précise de ces statuts-là.

Mme Ghazal : C'est ça, il y a... Bien, comme, si c'est par règlement, il y a toujours une petite période de consultation. Il y a SNAP-Québecqui avait demandé, justement parce qu'il y a beaucoup d'aspects qui sont flous dans le projet de loi, qu'il y ait une politique d'encadrement qui précise les intentions du gouvernement ou du ministre avant de continuer à l'adoption des règlements. Est-ce que c'est quelque chose envers laquelle vous êtes... vous seriez favorables, cette politique-cadre pour les aires protégées?

M. Bernier (Larry) : C'est sûr que plus on est consultés, plus on collabore avec le gouvernement, mieux c'est pour nous. C'est notre position présentement.

Mme Ghazal : Très bien. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci. Bonjour, M. le maire Bernier, M. Morency. Toujours un plaisir de rencontrer les représentants de la FQM, à laquelle j'ai été associé pendant huit ans.

Je vais aller, avec mon 2 min 40 s, droit au but. Je voulais juste savoir... Peut-être que vous l'avez mentionné, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, sur la présence ou non des MRC dans une négociation pour une aire protégée... une aire de conservation protégée autochtone. Est-ce que vous vous voyez un rôle à jouer, là-dedans, ou vous acceptez que ce soit fait entre le gouvernement et les communautés directement?

M. Bernier (Larry) : Je pense que... La position de la FQM, que ce soit une aire protégée provenant de qui que ce soit, que ce soient les autochtones ou une autre personne, on veut que le ministère collabore avec la FQM pour statuer sur le type d'aire protégée qu'on va faire, quelles sont... vont être les caractéristiques, et tout, la dimension. Donc, on veut collaborer avec le gouvernement. Parce qu'on a été reconnus comme étant des gouvernements de proximité, les MRC et les municipalités, donc on veut être des partenaires à part entière avec le gouvernement. Et je pense que tout le monde a à y gagner, le gouvernement en premier, parce que les MRC sont les gens qui ont les pieds sur le terrain, sont au courant de tous les détails, toutes les caractéristiques de leurs territoires. Donc, on ne veut pas être un frein, on veut être un plus dans le projet.

M. Arseneau : D'accord, je comprends très bien. Merci. À la page 7 de votre mémoire, vous suggérez un changement au libellé qui parle de l'«activité réalisée à des fins d'exploitation minière, à l'exception de l'exploitation d'une substance [...] de surface», vous dites qu'il faudrait préciser. Pouvez-vous m'expliquer, là, la nuance entre ce que vous proposez et ce qui est déjà inscrit?

M. Bernier (Larry) : Alors, c'est qu'il faut comprendre que, dans les aires de biodiversité, les exploitations forestières sont interdites, l'hydroélectricité ainsi que les exploitations minières. Par contre, il faut comprendre que les bancs de gravier, les puits de gravier peuvent être... relèvent de l'exploitation minière, mais on n'aimerait pas que ce soient des utilisations pour être exploitées pour d'autres fins que les routes et les chemins qu'il y a sur le territoire de l'aire de biodiversité.

Parce que, si je prends l'exemple de l'aire de biodiversité de 500 kilomètres carrés qui est en train de se monter chez nous, bien, vous savez que, dans les... autrefois, c'étaient des territoires forestiers, donc il y a des chemins forestiers, et ces chemins forestiers là, bien, prennent de l'âge, ils doivent être entretenus. Donc, s'il faut aller, je ne sais pas, moi, à 200 km chercher du gravier en dehors de l'aire de biodiversité, ça peut poser problème. Donc, il y aurait peut-être une précision à apporter, dans le règlement ou dans un article de la loi, qui autorise à utiliser du gravier pour fins de l'aire de biodiversité et non pas pour d'autres fins.

M. Arseneau : Très clair. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le maire, merci beaucoup, M. le directeur, pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Nous serons à la salle Marie-Claire-Kirkland. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 50)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Ciccone) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur la conservation du patrimoine naturel et d'autres dispositions.

Cet après-midi, nous entendons le Comité consultatif de l'environnement de Kativik, le Comité consultatif de l'environnement et de la Baie James et Conservation de la nature Canada.

Je vous souhaite maintenant... Je veux souhaiter maintenant la bienvenue aux représentants du Comité consultatif de l'environnement de Kativik. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. La parole est maintenant à vous.

Comité consultatif de l'environnement Kativik (CCEK)

(Visioconférence)

Mme Halley (Paule) : Merci, M. le Président. Je me présente : Paule Halley, membre du Comité consultatif de l'environnement Kativik, nommée par le gouvernement du Québec. Dans la vie de tous les jours, je suis professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval, où j'enseigne le droit de l'environnement. Je cède la parole maintenant au président du CCEK.

M. Barrett (Michael) : Bonjour. C'est Michael Barrett, je vous appelle de Kuujjuaq. Je suis un membre du comité nommé par l'Administration régionale Kativik et cette année je suis président, mais on change le président chaque année. Et à l'extérieur du comité, moi, je suis... travaille pour l'Administration régionale Kativik comme directeur associé pour le service des ressources renouvelables, l'environnement, territoire et parcs. Et je vais faire une petite introduction pour le comité et passer la parole à Paule après.

Donc, le Comité consultatif de l'environnement Kativik a été créé en vertu du chapitre 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Nos premières réunions ont été tenues en 1980, et c'est neuf membres : trois membres nommés par le gouvernement du Québec, gouvernement du Canada, Administration régionale Kativik. Et ils ne sont pas les représentants, on travaille comme un membre du comité, et c'est une organisation consultative en milieu de protection de l'environnement et milieux sociaux, et nous sommes les intervenants officiels pour les trois gouvernements et pour les villages nordiques.

Je vais parler un peu du Nunavik. Nunavik, c'est le territoire au nord du 55e parallèle, c'est autour de 504 000 kilomètres carrés à l'intérieur du Québec, une population de 13 000 et 90 environnement... 90 ont langue maternelle l'inuktitut, 14 villages sur la côte de la Baie d'Hudson, les territoires d'Ungava et Baie d'Ungava, et aussi c'est compris le territoire de Nation naskapie de Kawawachikamach. Et, dans notre région, il y a huit réserves projetées pour «the biodiversity», trois avec le territoire pour l'utilité de «biodiversity», une réserve aquatique projetée, trois territoires préservés de parcs et quatre parcs nationaux. Le parc national, c'est Parc national Pingualuit, créé en 2004.

Puis Kuururjuaq, parc national Kuururjuaq, qui était dos à dos avec un parc sur l'autre côté, à Labrador, Tasiujaq, qui était sur le côté de la Baie d'Hudson, et ça, c'est le plus grand parc, certainement, au Québec. On a les trois plus grands parcs au Québec. Mais Patriotes, c'est 26 000 kilomètres carrés, c'est incroyable. Et Iqaluit, qui vient d'être créé en 2016, et le parc a été créé avec le gouvernement du Québec, mais l'administration du parc, ça a été fait par Administration régionale Kativik, et les directeurs du parc sont tous Inuits, et la plupart des employés aussi. Donc, ça, c'est un survol.

Je passe la parole à Paule.

 (15 h 10)

Mme Halley (Paule) : Merci, Michael. En premier lieu, le CCEK accueille favorablement le projet de loi n° 46, en raison, notamment, de son objectif d'accélérer le processus de création des aires protégées et d'introduire de nouveaux statuts de protection, dont le statut de territoire de conservation nordique. De même, il accueille également favorablement l'introduction de l'obligation de consulter les communautés autochtones de manière distincte, de les accommoder et de les associer de près au processus de reconnaissance des aires protégées ainsi que la possibilité de déléguer à une communauté autochtone des pouvoirs en matière de gestion de ces territoires protégés.

Il nous apparaît toutefois que cette délégation, qui est de nature à permettre aux Inuits et aux Naskapis de s'impliquer davantage dans la gestion des territoires au Nunavik, pourrait être élargie de manière à couvrir également les mesures de suivi et les inspections, ce qui représente des défis fort importants dans le Nord-du-Québec, alors que le savoir-faire y est déjà et a fait ses preuves.

Certaines modifications apportées à la Loi sur la conservation du patrimoine naturel ont retenu plus particulièrement notre attention, notamment le faible niveau de protection offert à la conservation des milieux désignés par le ministre, qui sont pourtant désignés en raison de leur grande valeur écologique, de leur intégrité, de leur rareté ou de leur contribution à la sécurité du public. En effet, le nouvel article 13.1 précise que la réalisation d'une activité dans ces milieux est subordonnée à l'autorisation du ministre de l'Environnement, qui agit alors dans le cadre de la LCPN et de son objectif de sauvegarder le caractère, la diversité et l'intégrité du patrimoine naturel du Québec par des mesures de conservation.

Ensuite, les articles 22 à 24 encadrent ce pouvoir discrétionnaire en termes de conservation de la nature, conservation de la biodiversité, en termes de compatibilité des activités avec le milieu naturel, etc. Suivant cette logique, une fois l'activité autorisée, elle n'est pas dispensée pour autant des autres autorisations qui pourraient être requises en vertu d'une loi québécoise, comme la Loi sur la qualité de l'environnement, ou d'une loi fédérale, comme la Loi sur les pêches.

Par ailleurs, le nouvel article 13.2 qui a été introduit écarte complètement cette logique, écarte complètement la prise en compte des objectifs de conservation de la LCPN en dispensant les activités soumises à une autorisation de la Loi sur la qualité de l'environnement de l'obligation d'obtenir cette autorisation, alors que l'objectif de la LQE n'est pas d'assurer la conservation du patrimoine naturel, mais de contrôler la pollution et d'encadrer les activités polluantes. Il s'agit d'un précédent regrettable qui devrait être retiré du projet de loi afin de respecter l'indépendance des législations et de ne pas donner préséance aux activités de développement économique soumises à la LQE sur l'objectif de conservation de la LCPN, et cela, dans des milieux qu'on considère à titre de patrimoine du Québec.

Pour ce qui est des territoires de conservation nordiques, bien que ce statut pourrait créer de nombreuses aires protégées ayant des valeurs écologiques, culturelles et de subsistance très importantes pour les communautés du Nunavik, le projet de loi donne toutefois trop peu d'informations pour qu'on sache vraiment de quoi il s'agit en termes de protection accordée et des activités qui y sont interdites. Le CCEK recommande d'introduire ces précisions dans la loi elle-même et, afin d'établir des bases claires et uniformes en matière de conservation, il recommande de les reconnaître à titre de mesures de conservation efficaces et de les inscrire dans ce registre. De plus, le CCEK recommande que soit retiré le pouvoir réglementaire permettant d'accorder une durée limitée à ces territoires nordiques et de reconnaître dans la loi leur caractère permanent.

Le CCEK souhaite également... aurait également souhaité être consulté beaucoup plus en amont de ce processus de création de ces territoires et il espère qu'il en aura l'occasion au moment où la réglementation sera élaborée.

Au sujet de l'arrimage de cette loi avec le processus d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et le milieu social prévu au chapitre 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le projet de loi fait cet arrimage, mais seulement lors de la création d'une aire protégée. Cette référence à la procédure nordique doit également être prévue pour la création des autres catégories d'aires protégées, à savoir les milieux désignés par le ministre, les territoires de conservation nordique, les paysages humanisés. Et cela vaut tant pour leur modification que d'y mettre fin. Les termes de la convention sont à l'effet que tous les projets de parcs, de réserves écologiques et d'autres utilisations similaires des terres sont soumis à cette étude d'impact.

Pour la tenue des audiences publiques, il convient de rappeler à cette Assemblée que le BAPE n'intervient que très rarement au Nunavik, où il existe déjà un savoir-faire en la matière qui fait intervenir les organisations qui ont été créées en vertu de la Convention de la Baie James.

Enfin, le CCEK recommande de revoir l'article 56 du projet de loi de manière à accorder un statut permanent aux aires protégées projetées qui sont présentes au Nunavik, comme le mentionnait Michael Barrett. Je ne sais pas si j'ai encore quelques minutes.

Le Président (M. Ciccone) : Vous avez pris votre 10 minutes, mais le ministre m'a mentionné qu'il vous donnait son temps sur la partie gouvernementale, alors vous pouvez continuer si vous voulez.

Mme Halley (Paule) : Bon, j'avais pris plusieurs notes, mais... pour si j'avais encore du temps. Compte tenu des circonstances de notre rencontre aujourd'hui, je crois à propos de revenir sur une autre de nos observations que nous avons faites dans notre mémoire.

L'obligation de publier un avis dans un journal régional où est situé le milieu concerné a été retirée dans le projet de loi pour être remplacée par le fait d'informer avec tout moyen permettant d'informer la population. On comprend fort bien la recherche de flexibilité, ici, au lieu de faire un avis dans un journal régional, mais on souhaite quand même vous sensibiliser au fait que les stratégies de communication qui sont adaptées dans le Sud ne le sont pas nécessairement dans le Nunavik, comme on le constate avec les difficultés aujourd'hui, à Kuujjuaq, pour avoir accès à une bande passante. Donc, l'accès à Internet est souvent... peut être restreint. La radio, au Nunavik, demeure un moyen de communication assez largement utilisé, de même que le journal régional bilingue en inuktitut et en anglais.

Je profite également de l'occasion pour vous rappeler que les communications devraient idéalement être faites, avec les gens du Nord, dans leur langue, en inuktitut, en naskapi ou, à tout le moins, en anglais. Mais donc il faut avoir des stratégies qui soient performantes pour ces territoires éloignés.

Le Président (M. Ciccone) : C'est bien, Me Halley? On peut passer à la période d'échange?

Mme Halley (Paule) : Oui. Pour les autres observations et recommandations qui se trouvent dans notre mémoire, ça nous fera plaisir d'en discuter pendant les échanges.

Le Président (M. Ciccone) : Formidable. Et je tiens à mentionner également à vous, Mme Halley et M. Barrett, que vous avez la possibilité de s'adresser aux députés et au ministre en français et en anglais lors de cette commission. Alors, je vais céder maintenant la parole au ministre. Il vous reste 14 minutes, M. le ministre.

M. Charette : Merci, M. le Président. M. Barrett, Mme Halley, un plaisir de vous entendre cet après-midi, à défaut d'être avec vous en personne pour l'occasion. Merci d'avoir pris le temps, là, de préparer ce mémoire, de nous le partager cet après-midi. J'ai eu le plaisir d'aller vous voir, il y a quelques mois maintenant, pour prendre la mesure du vaste territoire qui est le vôtre, avec les défis environnementaux qui sont les vôtres. Donc, le fait d'avoir l'occasion de vous entendre cet après-midi est réellement pertinent et intéressant.

Peut-être juste répondre à un élément que vous avez mentionné au niveau de la délégation, là, qui peut se faire à toute personne ou communauté autochtone par rapport aux pouvoirs du ministre. Ça inclut aussi les inspections, comme vous le mentionnez. En fait, c'est un souhait que vous partagiez. Donc, juste vous rassurer à ce niveau-là.

Concernant les autres éléments que vous mentionniez, c'est vrai que le Nord a ses particularités, on a voulu les reconnaître dans le projet de loi. Ce que j'ai eu à mentionner auprès des intervenants qui vous ont précédés : c'est une première étape, vous le savez bien, cette consultation, mais avec la possibilité de la bonifier. Mais déjà on a voulu reconnaître de façon spécifique le volet autochtone, mais il y a plusieurs particularités qui nous ont été proposées, plusieurs amendements aussi, donc, qui sont à l'étude, actuellement, par la commission, et, une fois l'étude article par article débutée, on pourra, dans certains cas, les incarner à travers des articles bien précis.

Donc, je voulais essentiellement vous rassurer sur cet élément-là, vous remercier. Et j'ai notamment des collègues qui veulent intervenir, dont le député de votre belle région. Donc, je vais laisser le président indiquer les droits de parole, mais un gros merci, là, de nous avoir partagé... Votre mémoire nous sera aussi très précieux pour la suite des choses. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député d'Ungava. À vous la parole, M. le député.

M. Lamothe : Mme Halley, M. Barrett. Juste une question, Mme Halley. Vous avez parlé tantôt qu'il n'y a pas de BAPE en haut du 55e, puis ça, je le sais. Mais, par contre, vous avez parlé des organismes qui sont spécialistes là-dedans. En bas du 55e, ils ont le COMEX, mais quel organisme au niveau de l'environnement qui s'occupe de faire la job du BAPE?

Mme Halley (Paule) : Je pourrais peut-être céder la parole à Michael Barrett.

• (15 h 20) •

M. Barrett (Michael) : ...tu peux prendre l'exemple de l'uranium. Et là-dedans, le BAPE a fait une concertation, partout au Québec, sur la question de l'uranium. Mais, au Nunavik, c'était fait conjointement avec le Comité consultatif de l'environnement Kativik. Donc, on a tenu les audiences publiques ensemble et on a sorti un rapport ensemble. Donc, à la question, peut-être, c'est juste une suggestion pour la question de l'environnement, Comité consultatif de l'environnement Kativik a le mandat et peut faire la consultation publique sur cette «matter». Paule, c'est correct?

M. Lamothe : Non, c'est bon, ça répond à ma... Oui, madame?

Mme Halley (Paule) : ...

Le Président (M. Ciccone) : Me Halley, vous avez quelque chose à ajouter? On ne vous entend pas. On ne vous entend pas, Mme Halley. Pesez sur... Oui.

Mme Halley (Paule) : La question de l'uranium, elle était particulière parce que c'est une consultation qui a eu lieu sur l'ensemble du Québec. Mais généralement le BAPE n'a pas mandat sur le territoire du Nunavik, donc c'est la Commission de qualité de l'environnement Kativik ou c'est le comité de... excusez-moi, c'est la Commission de la qualité de l'environnement Kativik ou le Comité consultatif de l'environnement Kativik qui peuvent intervenir.

M. Lamothe : C'est quelque chose de nouveau pour moi, là. Je vais en apprendre pour le prochain deux ans, aussi, j'en suis convaincu. Mais ces deux comités-là sont indépendants un de l'autre?

Mme Halley (Paule) : Oui, tout à fait. La commission, c'est elle qui fait l'évaluation des projets et qui mène des consultations et tient des audiences publiques pour les projets généralement industriels, etc. Lorsque le BAPE fait quelque chose sur l'ensemble du Québec et qu'il n'a pas juridiction au Nunavik, il se joint à nous. Mais généralement c'est la Commission de qualité de l'environnement Kativik qui organise les questions d'information et de consultation du public au Nunavik pour les projets assujettis à la procédure.

M. Lamothe : C'est bon. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Mme Halley, M. Barrett, bonjour. J'ai juste une question. Vous avez mentionné que le savoir-faire existe déjà dans le Nord, et je n'ai pas de doute là-dessus. Alors, pour faire les suivis, vous pourriez faire les suivis localement, c'est bien ça qui a été mentionné?

M. Barrett (Michael) : Oui. Je l'ai mentionné, et c'est vrai, ce n'est pas juste localement, mais originellement, et comme les études pour le développement de parcs, les études que nous sommes encore... pour le cinquième parc, en ce moment, on fait du travail au terrain, des études, mais en collaboration avec MFFP, et c'est le même pour leur étude de biodiversité. Donc, avec les communautés, on fait des études au terrain, mais une autre fois en collaboration avec le gouvernement du Québec, mais on fait ça dans la région avec le monde qui demeure ici, avec les communautés...

M. Campeau : Alors, j'ai l'impression que vous répondez en même temps à ma deuxième question, que je me disais. Les suivis sont faits localement, mais il faut s'assurer deux choses : que les suivis vont être en ligne avec les règles de l'UICN et, deuxièmement, qu'on pourra démontrer internationalement que nous avons rencontré x % d'aires protégées.

M. Barrett (Michael) : Oui. Oui, parce qu'avec la nation naskapie, avec Makivik, pour les Inuits, avec l'Administration régionale Kativik et les communautés, on travaille, comme vous avez vu, pour le développement de parcs et de suivre les normes. Et, pour moi, c'était un exemple partout à l'extérieur de Québec, un exemple de collaboration, de travailler ensemble pour des objectifs. Et, pour moi, personnellement, je trouve des parcs extraordinaires... que ce Québec a fait pour les quatre parcs nationaux et pour le Nunavik aussi. Merci.

M. Campeau : O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le député. Est-ce que c'est terminé pour la partie gouvernementale? Il vous reste sept minutes. Ça fait le tour? Oui? O.K. Je vais céder maintenant la parole à la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Bonjour. Merci de participer à la... pour contribuer à nos travaux. J'ai une petite question. On est à la page 8 de votre mémoire, et ce que je comprends, c'est que vous... à travers «aires protégées d'utilisation durable», vous y voyez certaines préoccupations. Est-ce que vous avez établi ou vous avez une idée de liste des activités que vous souhaitez voir apparaître et des activités que vous souhaitez qui soient proscrites? On voit qu'évidemment les activités de chasse, pêche, trappage, vous souhaitez que ça soit des activités qui soient identifiées comme permises, là, dans ce type d'aire d'utilisation durable, mais avez-vous identifié des activités proscrites?

Mme Halley (Paule) : Il y a beaucoup... Plusieurs activités sont incompatibles avec des statuts de conservation parce qu'elles altèrent de manière importante les milieux naturels qui sont désignés. On peut penser aux activités qui touchent l'exploration, l'exploitation des minéraux, des hydrocarbures, par exemple, toutes les activités qui détériorent les sols, qui ne sont pas... ne permettent pas un renouvellement naturel, donc, si on prélève quelques arbres, mais sans tout défaire la... sans ruiner la forêt. Et pour les activités d'exploration et d'exploitation minérale et gazière, on devrait suivre, en fait, les prescriptions de l'UICN à ce sujet, quand même relativement de travaux qui ont été faits, puis que ce soit des activités durables qui puissent être exercées. On pense, notamment, que les Inuits, les Naskapis vont cueillir des feuilles pour faire des thés, des tisanes, vont chercher les fruits, vont prélever le poisson, la faune, les oeufs, bon, ça peut être... tout ça peut être une utilisation durable du territoire qui devrait être mise de l'avant.

Mme Grondin : Justement, dans ce contexte, on a eu des représentants des Innus de la région de Sept-Îles, là, de l'UMM, qui nous disaient, en fait, qu'il serait possible qu'il y ait différentes façons ou différentes raisons pour identifier des aires protégées. Et donc est-ce que vous considérez que, dans le territoire, il y aurait plusieurs projets d'aires protégées ou de raisons de protéger le territoire pour différentes vocations, ou différentes traditions, ou différentes activités?

Mme Halley (Paule) : Oui. Je vais me permettre, Michael, tu pourras compléter. En fait, sur ces territoires, outre les territoires du village, il y a des terres de catégorie 2 qui sont identifiées comme des terres où les Inuits et les Naskapis, dans certains cas les Cris, ont une priorité d'usage pour satisfaire à leurs activités traditionnelles et de subsistance. Ce sont des territoires qui sont assez grands. Et donc elles sont déjà identifiées, ces terres, il ne devrait pas y avoir de développement industriel sur ces terres afin de conserver, d'assurer, là, qu'on reconnaisse ces droits-là sur les territoires où les Inuits, les Naskapis, certains cas les Cris, exercent des activités traditionnelles et de subsistance.

M. Barrett (Michael) : O.K. Et pour l'identification de réserves de biodiversité projetées pendant un nombre d'années, on a fait, c'est-à-dire l'Administration régionale Kativik, le gouvernement du Québec était présent... ils ont fait des consultations dans chaque village, les 14 villages plus Kawawachikamach, et après ça ils ont tenu une réunion pour tous les représentants des villages inuits et les Naskapis pour être d'accord avec l'identification des huit réserves projetées et, une autre fois, en collaboration. Et la plupart, je peux dire ça aussi, il y a un plan directeur d'aménagement des territoires, et souvent c'était le même que les aires de subsistance essentielles. Mais les communautés sont au courant des secteurs, il y a beaucoup de potentiel minéral, donc ils ne sont pas là-dedans. Donc, ils ont fait beaucoup de travail pour faire l'identification, une autre fois, en collaboration, et puis conscients que peut-être le développement futur... Mais pour les réserves de biodiversité... beaucoup de consultations avec les petites communautés. Merci.

Mme Grondin : Merci, M. Barrett, Me Halley. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Maintenant, je suis prêt à reconnaître un membre de l'opposition officielle. Je reconnais le député de Viau pour une période de 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Merci, M. Barrett, Merci, Mme Halley, pour votre présentation. Si vous permettez, je vais commencer par votre conclusion. Donc, dans votre conclusion, vous nous signalez... vous dites que vous travaillez depuis plusieurs années avec le ministère de l'Environnement sur la mesure de protection de 30 % du territoire du Plan Nord. Pouvez-vous me faire un état de la situation? Où est-ce que vous en êtes par rapport à ces travaux de protection de 30 % du territoire?

• (15 h 30) •

M. Barrett (Michael) : O.K. Ce n'est pas la clinique des consultants, mais je peux parler de territoire, et on parle de 20 %. Donc, avec des parcs, le développement de parcs futurs avec les réserves de biodiversité projetées d'autres territoires, nous sommes à 20 %, un petit peu plus que 20 % pour la région du Nunavik, c'est-à-dire 100 000 kilomètres carrés. Pour l'autre 30 %, ça, c'était une autre étape, mais pour le 20 % sur... des territoires et... En tout cas, est-ce que ça répond?

M. Benjamin : Oui, oui, absolument, absolument. J'aimerais savoir aussi... Donc, au niveau des mesures transitoires que vous semblez suggérer dans votre mémoire, vous dites que... vous suggérez qu'à l'article 56 du projet de loi... qu'il devait être bonifié, enfin, que les aires protégées bénéficient de l'accélération prévue pour la création des nouvelles aires protégées. Quand vous dites l'«accélération», qu'est-ce que vous nous dites par «accélération»?

Mme Halley (Paule) : Bien, en pratique, on souhaiterait que tous ces territoires qui ont été protégés de manière projetée... on souhaiterait, vu l'intention du législateur d'accélérer la création d'aires protégées, qu'ils bénéficient rapidement de cette reconnaissance permanente et qu'ils cessent d'être simplement projetés, donc que cette accélération qui est désirée soit appliquée à ces territoires qui ont été mis de côté comme étant projetés mais qui sont demeurés sans statut permanent.

M. Benjamin : Pour vous, la définition d'aires de conservation d'utilisation durable, où est-ce que vous vous situez par rapport à ce concept?

Mme Halley (Paule) : Eh bien, moi, je suis une juriste, là, donc je fais confiance aux travaux des organisations internationales qui sont spécialisées en conservation de la nature. Je pense que c'est la référence, si on veut être capables de parler tout le monde la même langue puis de désigner les mêmes choses. Donc, c'est très important d'utiliser ce qui est reconnu à l'international par l'Union internationale de conservation de la nature pour la désignation de ce type de territoire. Puis évidemment c'est durable, hein, donc on peut penser qu'il peut y avoir certaines activités humaines, mais c'est la conservation qui doit demeurer de l'avant. Sinon, on ne met pas ça dans... On ne fait pas des territoires avec un concept de conservation. Mais, en fait, on a longtemps sorti les êtres humains des lieux conservés. Là, on est en train de les remettre dedans, mais ce n'est peut-être pas pour remettre la production minière puis l'exploitation forestière, mais de permettre à une certaine communauté forestière ou communauté locale... puisse exercer des activités durables sur les territoires de proximité.

M. Benjamin : Vous nous suggérez d'apporter un amendement à l'article 13.2 du projet de loi. Pouvez-vous nous situer? Donc, j'aimerais peut-être vous entendre sur l'importance de cet amendement, selon vous.

Mme Halley (Paule) : Oui. C'est regrettable, mais j'ai utilisé le terme «regrettable»... Donc, cet article a pour effet de retirer l'obligation d'aller chercher une autorisation pour faire une activité dans un milieu qui est protégé, qui est conservé en vertu de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, pour la raison que cette activité est déjà assujettie à une autorisation de la Loi sur la qualité de l'environnement, mais ça, c'est une autre loi.

Le ministre de l'Environnement, là, c'est son chapeau, il n'a pas des pouvoirs généraux. Quand il émet une autorisation en vertu de la Loi sur la conservation, il doit respecter l'esprit de cette loi. Et le mot «conservation» est utilisé à 56 reprises dans cette loi. Dans la LQE, ce n'est pas une législation... quand le ministre de l'Environnement rend une décision en vertu de cette loi-là, il est dans un cadre réglementaire, un cadre législatif différent, et les objectifs législatifs, là, ne visent pas la conservation de la nature, ça vise le contrôle de la pollution.

Donc, il est bien évident que, si une disposition comme ça existe, on va donner préséance à des activités de développement économique, parce qu'elles sont assujetties à la LQE au lieu d'être assujetties aux critères qu'on retrouve aux articles 22 à 24 qui sont en termes de conservation. Parce que, la loi, sa cohérence, les pouvoirs qu'on donne au ministre en vertu de cette loi-là, c'est des pouvoirs qui sont en matière de conservation et non pas de contrôle de la pollution et d'encadrement des activités commerciales et industrielles de la LQE. Donc là, il y a une indépendance des législations qui est rompue, et ce n'est pas les mêmes objectifs.

Donc, comme juriste, là, ça m'a... je trouve ça regrettable, cette disposition, et je recommande qu'elle soit retirée pour conserver les critères de conservation de cette loi lorsqu'on examine une activité. Et ensuite, si cette activité a besoin d'une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches, elle ira la chercher, et d'une autre autorisation parce qu'elle est assujettie à la LQE, bien, ça sera dans un deuxième temps. Mais, en premier lieu, il faut prendre une décision relative à l'objet de cette loi qui est de conserver le patrimoine naturel du Québec. Est-ce que je suis suffisamment claire?

M. Benjamin : Oui, absolument, c'est parfait, vous êtes très claire. Et un autre enjeu sur lequel j'aimerais aussi que vous soyez tout aussi claire, et puisque d'autres groupes avant vous l'ont été, que ce soit l'Assemblée des Premières Nations ou encore des groupes qui étaient avec nous un peu plus tôt aujourd'hui, c'est sur l'enjeu de la consultation. Et vous nous suggérez même un article à modifier, à amender, qui serait l'article 29, et puis j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus aussi, sur l'enjeu, l'importance de la consultation des communautés.

Mme Halley (Paule) : Oui. Excusez-moi, est-ce que vous avez un endroit dans notre mémoire en particulier?

M. Benjamin : Oui, absolument, à la page 7. Donc, c'est le chapitre II, Mesures de conservation des aires protégées, section III.

Mme Halley (Paule) : Oui, c'est ça, c'est l'arrimage. Donc, en territoire du Nunavik, il y a des procédures différentes d'évaluation des impacts de celles qui ont cours dans le Sud du Québec. Depuis 1975, il y a une procédure d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux et sociaux particulière, et ce n'est pas celle que le BAPE administre généralement. Et la convention prévoit que la création des parcs... Et je vais vous lire la convention : «La création de parcs, de réserves écologiques et d'autres utilisations similaires des terres est assujettie à ces procédures d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux et sociaux.»

Donc, c'est tout, ce n'est pas juste les aires protégées, où on fait cette référence, mais c'est aussi les terres désignées par le ministre, les territoires nordiques, les paysages humanisés qui devraient être assujettis à cette procédure en respect de la convention qui est reproduite dans la partie II, là, de la LQE, pour respecter les termes de la convention. Et ça, ça touche la création, la modification et le fait de mettre fin à ces régimes de protection en respect des règles élaborées en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord du Québec. Donc, il y a un manque d'arrimage avec cette procédure nordique dans le projet de loi tel qu'il est présenté aujourd'hui.

M. Benjamin : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Et je suis prêt maintenant à reconnaître un membre du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Mercier, pour 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Puis, oui, comme mon collègue, moi aussi, je réitère le fait qu'il y avait peut-être des problèmes de consultation, des enjeux de consultation que vous nommez. Vous n'êtes pas les premiers à le faire.

Par rapport aux territoires de conservation nordiques, puisque c'est un sujet qui vous concerne particulièrement, quand vous dites que, là aussi, ce n'est pas vraiment bien précisé dans le projet de loi, et le gouvernement va attendre les règlements pour pouvoir le préciser, et vous demandez aussi à être consultés, comment est-ce que ça devrait se faire, comment est-ce que ça devrait s'opérationnaliser, ce nouveau statut de territoire de conservation nordique? Peut-être que vous pouvez nous en parler un peu plus, ce que vous mentionnez à la page 6?

Mme Halley (Paule) : Oui. En fait, on a du mal à en discuter parce qu'on n'a pas d'information. Donc, on peut escompter que ça va être positif, mais on ne sait rien. On ne sait pas qu'est-ce qu'on va donner comme protection à ces... tu sais, comment on va les verrouiller ni quelles seront les activités qui seront interdites. Donc, on a beaucoup de mal à s'exprimer sur ce sujet, compte tenu qu'on ne sait, somme toute, rien. Et c'est un drôle de...

• (15 h 40) •

Mme Ghazal : Non, allez-y, allez-y.

Mme Halley (Paule) : C'est un drôle de statut, en fait, puis on se demande s'il ne serait pas plus logique, clair, uniforme que de les associer avec des statuts déjà reconnus internationalement, comme les mesures de conservation efficaces, et de les inclure dans ce registre afin de donner des balises claires puis de s'assurer qu'on parle des mêmes choses. Déjà, ça nous informerait sur ce que c'est.

Mme Ghazal : ...intentions. J'ai peu de temps. J'avais aussi une autre question — parce que j'ai peur qu'on manque de temps — sur les aires protégées de conservation autochtones qui avaient été présentées par d'autres groupes. Vous, vous n'en parlez pas, de cette catégorie-là qui est un comme un statut... C'est récent, et les autres nous ont dit qu'ils trouvaient ça dommage que ça ne soit pas inclus, les aires protégées de conservation autochtones, dans le projet de loi. Et vous, vous n'en glissez pas mot. Je voulais vous entendre là-dessus.

Mme Halley (Paule) : En fait, il y a sans doute beaucoup de choses qu'on aurait pu ajouter, mais le temps nous a quand même un peu manqué, parce que c'est arrivé très vite, puis... Donc, ce serait ma réponse. Mais peut-être que Michael Barrett serait plus au fait que moi.

M. Barrett (Michael) : Correct, je peux expliquer. L'Administration régionale Kativik a le mandat de gestion de parcs, et, si nous sommes plus loin pour les réserves de biodiversité, la population, c'est 90 % Inuit, et c'est ça, c'est non ethnique, mais pour... ça représente les Inuits et les Naskapis, aussi, sur le conseil de l'ARK. Et donc l'approche est un peu différente dans ce sens. Donc, une autre fois, je parle du territoire nord du 55e parallèle, et c'est une terre de catégories I et II, mais ça, c'était une autre chose. Mais des parcs et la plupart des réserves de biodiversité sont de l'extérieur, ne sont pas... c'est une catégorie II. Donc, je ne sais pas si je l'explique bien, mais c'est ça, c'est un peu différent que les autres régions au sud du 55e parallèle.

Mme Ghazal : O.K. Merci. Dans le fond, ça s'applique moins, peut-être, à vos territoires.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant le député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci. Merci pour votre présentation, Me Halley et M. Barrett. J'aimerais revenir sur la question qui a été posée par ma collègue. En fait, les balises que vous ne voyez pas, qui ne sont pas très claires ou peu développées, vous n'aviez peut-être pas tout à fait fini votre réponse, est-ce que vous avez des pistes à suggérer à la commission à cet égard, là, pour ce qui ne semble pas clair pour les territoires de conservation nordiques?

Mme Halley (Paule) : Alors, il nous... Bon, il n'y a pas suffisamment d'information, dans le projet de loi, on peut juste extrapoler, mais il nous est apparu que ce serait positif d'associer ces territoires à un statut internationalement reconnu. Donc, il nous est apparu que le statut des mesures de conservation efficaces pourrait convenir et de même que son registre. Et ça donnerait, donc, un ensemble de balises uniformes, d'informations claires ou de références, aussi, à l'international, pour savoir si c'est les bonnes protections qui sont accordées. Et c'est la recommandation que nous avons faite dans notre mémoire.

M. Arseneau : D'accord. Donc, l'idée, ici, ce n'est pas de définir les balises, mais de se référer à un autre document reconnu internationalement. C'est ça?

Mme Halley (Paule) : Bien, en fait, les balises pourraient être définies dans la loi. Ça serait plus facile à lire pour les gens ordinaires. Mais, en allant chercher ces balises qui sont uniformes pour que tous les pays, si on veut, aient des leaders dans ce secteur, il ne faut pas réinventer, chacun, les règles. Donc, d'utiliser les balises qui sont connues à l'international et que les autres pays vont utiliser pour rattacher ces territoires de conservation nordiques à une catégorie officielle, formelle, qui a ses propres conditions, ses propres balises. Mais c'est sûr que de les intégrer dans la loi, ça facilite la connaissance des personnes ordinaires.

M. Arseneau : Merci. Est-ce que j'ai encore le temps pour une petite question?

Le Président (M. Ciccone) : ...45 secondes.

M. Arseneau : Vous parlez de donner davantage de permanence aux désignations, là, quand on veut conserver. Moi, je ne pensais pas que c'était nécessairement mutuellement exclusif, là. De dire, bon : Il y a une possibilité d'une durée limitée, ça n'empêchait pas, me semble-t-il, que ça ait un caractère de reconduction ou de permanence. Pourquoi êtes-vous contre l'idée de donner une flexibilité, qu'on veuille le protéger ou le conserver pour une durée limitée ou permanente? Le caractère de permanence est-il obligatoire, si on...

Mme Halley (Paule) : Je m'excuse, je crois que je ne vous ai pas compris. Je ne sais pas si vous m'avez adressé une question, mais l'image est brouillée, puis je n'entends pas les...

M. Arseneau : Je pense que j'ai perdu ma question.

Le Président (M. Ciccone) : Vraiment désolé, M. le député.

M. Arseneau : La technique m'en a empêché. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Vraiment désolé. Merci beaucoup, Me Halley. M. Barrett, thank you very much, merci beaucoup. Je vous remercie pour cette contribution à nos travaux de cette commission.

Je suspends maintenant les travaux quelques instants, afin de permettre aux représentants du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Ciccone) : Nous reprenons nos travaux.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est maintenant à vous.

Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James (CCEBJ)

(Visioconférence)

Mme Ablain (Maud) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. le Président, M. le ministre, messieurs dames les députés membres de la commission. Je m'appelle Maud Ablain, je suis présidente du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James et je suis accompagnée par M. Graeme Morin, l'analyste du comité. Au nom du comité, je tiens à vous remercier de l'invitation à cette consultation particulière.

Pour rappel, notre comité, le CCEBJ, de son acronyme, a été créé par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. C'est un comité tripartite composé de membres nommés par le gouvernement fédéral, par le gouvernement du Québec et par le Gouvernement de la nation crie. Le comité veille à la bonne marche du régime de protection de l'environnement et du milieu social sur le territoire de la Baie-James.

• (15 h 50) •

Notre rôle est notamment de faire des recommandations aux gouvernements sur les... (panne de son) ...lorsque ceci touche à l'environnement et au milieu social ou encore lorsqu'ils touchent à l'utilisation des terres et qu'ils peuvent influer sur les droits d'exploitation de la faune par les Cris. Nous nous référons donc aux chapitres 22 et 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Ceci permet d'assurer la protection des droits des Cris et de l'environnement duquel ils dépendent ainsi que de leur implication dans la prise de décision. C'est donc sous cet angle que nous commentons principalement le projet de loi.

Avant de vous transmettre nos recommandations en vue d'améliorer le projet de loi, nous souhaitons tout d'abord mentionner que le CCEBJ appuie l'intention du gouvernement du Québec de faciliter et de rationaliser la création d'aires protégées, d'impliquer davantage les communautés autochtones dans leur gestion et de fournir des registres d'accès public à l'informatique. Cependant, nous avons certains commentaires à faire en lien, notamment, avec l'application des chapitres 22 et 24 de la CBJNQ, la consultation des Cris, et quelques recommandations d'ordre général.

Concernant les dispositions de la convention, le chapitre 22 de la convention renferme neuf principes directeurs. Ces principes directeurs offrent des orientations pertinentes que le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pourra considérer lors de la planification des territoires de conservation nordiques, par exemple, et pour la mise en oeuvre de la loi révisée et du règlement associé en général.

Le chapitre 22 de la convention est admis à un régime de protection de l'environnement et du milieu social. Ce régime prévoit une procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et le milieu social. Et tous les projets d'aire protégée sont assujettis à ce processus. Cela permettra la participation spéciale des Cris.

Cependant, nous sommes d'avis que la participation des Cris à la planification et au développement des aires protégées est importante et qu'elle doit être prévue également en amont de la procédure d'évaluation environnementale. Les Cris doivent continuer d'être impliqués dans le processus de prise de décision pour la création des aires protégées en général et des nouveaux territoires de conservation nordiques et des aires protégées d'utilisation durable en particulier. Cela devrait comprendre autant la localisation des aires protégées que le statut qui devrait leur être octroyé, les activités qui pourraient y être autorisées ou interdites et les entités qui pourraient les gérer.

Finalement, le troisième point en lien avec les dispositions de la convention, c'est le chapitre 24 de la convention, qui prévoit des droits d'exploitation de la faune et les garanties aux Cris sur tout le territoire de la Baie-James. Donc, tout projet d'aire protégée sur le territoire devra tenir compte de ces droits et garanties lors de son élaboration, et il ne pourra pas empêcher l'exercice de droits de chasse, pêche et piégeage aux Cris dans les limites des dispositions du chapitre 24.

De plus, nous avons remarqué que le projet de loi élimine l'article 27 de la loi actuelle, qui fait notamment référence à l'obligation de consulter le Comité conjoint de chasse, pêche et piégeage. Or, cette consultation est pourtant prévue au chapitre 24 de la convention pour les propositions de création d'aires protégées. Donc, il faudrait conserver cette consultation dans la loi.

Autre point en dehors des dispositions de la convention. Au niveau des mécanismes de compensation que le projet de loi prévoit. Donc, il y aurait un mécanisme de compensation applicable lorsque le gouvernement diminue la superficie totale des aires protégées au Québec. Nous souhaitons souligner que le remplacement de certaines aires, telles que les zones de valeur culturelle, pourrait être impossible à réaliser. Donc, toute décision concernant le remplacement d'une aire ou tout autre type de compensation devra être prise avec la participation appropriée des Cris.

Il y a également, sur le territoire, des initiatives d'aires protégées. En ce qui concerne la suppression des statuts temporaires, il est important pour le Québec de s'assurer avec les Cris que des mécanismes appropriés sont en place afin de protéger des aires qui sont en voie de devenir des aires protégées en vertu de la présente loi. Il est également important de s'assurer que les initiatives actuelles d'aires protégées cries, comme des réserves aquatiques, de biodiversité, qui sont proposées sur le territoire, soient maintenues et qu'elles ne soient pas affectées par le projet de loi, y compris les plans de conservation élaborés par les Cris. Donc, nous vous recommandons de vous assurer que les dispositions transitoires du projet de loi le permettent et que le futur règlement adopté en vertu du projet de loi soit compatible avec ces initiatives d'aires protégées cries.

Au niveau de la délégation des pouvoirs aux communautés autochtones, le projet de loi prévoit la possibilité d'impliquer les communautés autochtones dans les projets de conservation, et, sur ce point-là, nous encourageons le gouvernement du Québec à poursuivre la mise en oeuvre de ce mécanisme.

Un point sur les registres. Nous estimons que la création d'un seul registre central pour l'ensemble des aires protégées serait l'idéal. De plus, nous recommandons que les informations sur les aires protégées qui seraient présentes sur le territoire de la Baie-James soient disponibles en français et également en anglais afin de permettre leur consultation par tous les habitants du territoire.

Dans notre mémoire, nous avons évoqué les aires protégées et de conservation autochtones. Nous estimons que c'est un modèle, là, qui peut jouer un rôle important dans la conservation de la biodiversité et de la protection du patrimoine culturel. Alors, nous recommandons au gouvernement du Québec, là, de s'inspirer de ce nouveau modèle dans le cadre des initiatives de conservation.

Notre mémoire évoque aussi certains points qui pourraient être clarifiés dans la loi directement. Nous appuyons l'intention d'avoir une plus grande flexibilité dans la création d'aires protégées en réduisant les exigences administratives et l'introduction des nouveaux types d'aires protégées. Cependant, nous estimons que la LCPN révisée devrait clairement identifier quelles catégories de l'UICN correspondent à quels types d'aires protégées. Également, les activités qui peuvent constituer des utilisations durables devraient être clairement définies dans la loi. Et finalement les détails qui concernent le processus d'identification des territoires de conservation nordiques devraient également être détaillés dans la loi.

On sait qu'il va y avoir un règlement, aussi, qui va être rédigé et adopté par la suite, mais, si ces questions sont finalement abordées dans le règlement, nous sommes disponibles pour participer à son élaboration ou à le commenter. Là, c'est tout à fait dans le mandat du CCEBJ de participer à ce type d'exercice.

Un dernier point qui, on le sait, dépasse l'examen du présent projet de loi, mais on voulait souligner qu'il y a plusieurs initiatives de conservation sur le territoire de la Baie-James : il y a le Plan Nord, la politique québécoise sur les réserves fauniques, la planification de la protection de la faune, par exemple, pour le caribou. On estime que ce serait intéressant qu'il y ait la production d'un document qui regroupe toutes ces initiatives liées à la conservation, qui touchent le territoire de la Baie-James, afin de clarifier les orientations et la vision du gouvernement du Québec pour les territoires. Ce serait un outil qui permettrait d'identifier les interactions possibles entre les différentes initiatives et qui pourrait bénéficier autant aux acteurs locaux qu'aux promoteurs de projets de développement. Voilà, c'est ce qui met fin à notre exposé.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme Ablain, pour votre exposé. Nous sommes maintenant prêts à entendre le ministre pour une période de 16 min 30 s.

M. Charette : Bonjour, vous deux, merci de vous joindre à nous cet après-midi. Vous avez mentionné plusieurs éléments fort pertinents. Je veux peut-être juste vous rassurer sur certains éléments.

Vous avez évoqué un règlement qui devra être mis en place une fois la loi adoptée. Vous avez manifesté le souhait de nous appuyer dans cette démarche-là, de collaborer avec nous dans cette démarche-là. Donc, c'est un acquis. Soyez assurés que, lorsque viendra le temps d'élaborer la réglementation, vous serez des partenaires, là, tout simplement incontournables.

Au niveau des précisions que vous aimeriez voir inscrites dans le projet de loi, à travers différents articles, sur les activités qui seraient permises ou pas, la question a été soulevée à quelques reprises depuis le début de la consultation. L'idée, elle est certainement louable, mais c'est difficile, à ce moment-ci, d'apporter toutes ces précisions-là, compte tenu du contexte international, là, qui prévaut au niveau, là, de la biodiversité. Au cours de la prochaine année, il y a une multitude de rencontres qui vont se tenir avec les instances reconnues en la matière, l'UICN principalement, pour déterminer quelles seront, justement, ces activités et quelles seront les modalités pour les aires protégées, pour que ces aires protégées là soient reconnues.

Donc, c'est la raison pour laquelle, en tout, tout début de projet de loi, l'article 2, on précise que ces précisions-là viendront, mais surtout que les aires protégées que nous entendons reconnaître devront se calquer sur les principes établis, là, au niveau international. Et ces principes-là, naturellement, font place aux particularités culturelles, au patrimoine culturel des communautés autochtones aussi. Donc, je tenais à vous rassurer à ce niveau-là.

• (16 heures) •

Peut-être vous remercier aussi de ce rôle actif que vous jouez à travers, là, la structure de la Grande Alliance pour l'établissement du réseau des aires protégées, et c'est peut-être là que je souhaiterais vous amener. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, peut-être nous parler des projets que vous avez actuellement en développement au niveau des aires protégées, nous les décrire rapidement. Je sais que le temps file, malheureusement, mais juste nous parler un petit peu de ces projets-là, voir dans quelle mesure ils sont importants pour votre communauté, nous préciser aussi quelle est la collaboration. On parle d'une table, là, qui est coprésidée, notamment. Bref, nous donner votre appréciation, là, de cette structure-là, et ensuite, malheureusement, je devrai laisser mon temps de parole aux collègues, nombreux, qui souhaitent intervenir. Mais ce serait intéressant qu'on puisse avoir une petite idée, là, des projets, là, que vous êtes en train de développer actuellement.

Mme Ablain (Maud) : Oui. Merci, M. le ministre. Bien, en fait, là, c'est ça, c'est vraiment le Gouvernement de la nation crie qui développe ces projets, actuellement, et puis le CCEBJ, lui, n'est pas informé en détail, là, de tous ces projets à venir, là. Donc, je ne pourrais pas vous répondre exactement, je ne pourrais pas répondre exactement à votre question.

M. Charette : D'accord.

Mme Ablain (Maud) : Donc, moi, je suis... Oui?

M. Charette : Non, allez-y, je ne voulais pas vous interrompre, désolé.

Mme Ablain (Maud) : Moi, c'est ça, je suis... je représente l'organisme, là, mais je ne voudrais pas parler pour le Gouvernement de la nation crie. Je suis moi-même membre du comité nommé par le gouvernement du Québec.

M. Charette : Parfait. Bien, merci de votre participation au sein de cette organisation-là. Et je vais laisser mon temps de parole pour les collègues. Mais, encore une fois, merci pour votre contribution.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je suis prêt maintenant à reconnaître le député d'Ungava.

M. Lamothe : Mme Ablain, juste pour nous situer, moi puis mes collègues, votre comité consultatif couvre les terres de catégorie III, c'est bien ça?

Mme Ablain (Maud) : Il couvre tout le territoire de la Baie-James, là, les terres de catégories I, II et III.

M. Lamothe : I et II également? Les territoires cris?

Mme Ablain (Maud) : Oui.

M. Lamothe : O.K. Ça fait qu'il va être temps qu'on change de nom.

Mme Ablain (Maud) : Bien, on ne fait pas...

M. Lamothe : Pardon?

Mme Ablain (Maud) : Non, allez-y.

M. Lamothe : Non, j'ai dit : Il va être temps qu'on change de nom, parce que le territoire de la Baie-James, c'est le territoire de catégorie III, puis le territoire cri, c'est Eeyou Istchee. Ça fait que c'est pour ça, ma question, à savoir : C'est-u catégorie III que vous couvrez ou I et II également? Ça fait que vous couvrez, I, II, III.

Mme Ablain (Maud) : C'est ça. Bien, le nom, en fait, le territoire de la Baie-James est défini dans la Convention de la Baie James, et c'est exactement ce territoire-là qu'on couvre, là.

M. Lamothe : O.K. C'est selon la définition qu'il y a dans la convention?

Mme Ablain (Maud) : Tout à fait.

M. Lamothe : O.K. C'est bon. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Bourget. Il vous reste 11 min 30 s.

M. Campeau : Merci beaucoup. J'aime bien ce que vous avez dit dans le fait de détailler les activités permises, et, je pense, le ministre a déjà un peu répondu à ça. Mais il est évident qu'il faut clarifier, parce qu'autrement tout le monde va être mal à l'aise, et on ne saura pas quoi faire.

J'en ai juste une, question. Quand vous parlez, par exemple, de compensation, vous mentionnez que vous voulez être consultés, et avec une participation appropriée. Ça veut dire quoi?

Mme Ablain (Maud) : Bien, en fait, pour les compensations, le CCEBJ, en lui-même, pourrait être consulté, et le Gouvernement de la nation crie est représenté sur ce comité-là, mais il peut y avoir également une consultation particulière des Cris, là. Si une aire protégée a été créée et qu'il y a une modification de cette aire-là, ce serait nécessaire, là, de consulter le Gouvernement de la nation crie à ce sujet-là, notamment.

M. Campeau : O.K. Vous ne parlez pas de veto, vous parlez de consultations, tout simplement, là, appropriées? O.K. Bon.

Mme Ablain (Maud) : Tout à fait.

M. Campeau : O.K. Bien, je vous remercie beaucoup, merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Ablain et M. Morin. Vous expliquez... Dans vos recommandations, je prends celles... la recommandation 4 et 5, où vous souhaitez, évidemment, être consultés, là, sur les projets d'aires protégées. Vous souhaitez également, et je peux tout à fait comprendre, là, des nouvelles balises pour impliquer les communautés autochtones. Toute la question de délégation, donc, vous souhaitez également être consultés à ce niveau-là.

J'avais une question, celle du ministre, qui demandait si vous aviez, par exemple, des projets sur la table à dessin. Je comprends que vous ne souhaitez pas parler au nom du gouvernement cri, je respecte ça tout à fait. Mais par contre, quand vous parlez de délégation, vous... nouvelles balises pour... avez-vous des exemples de balises qui pourraient nous aider à mieux comprendre ce que vous souhaiteriez?

Mme Ablain (Maud) : Graeme, est-ce que tu veux répondre?

M. Morin (Graeme) : Oui. Bien, en fait, on a fait référence, dans notre mémoire, que, pour l'instant, le mécanisme de délégation est toujours... bien, reste à clarifier. Et on est tout à fait... on a eu des discussions là-dessus, à l'interne, et on soutient la volonté du gouvernement, en premier temps, hein, pour créer des nouveaux mécanismes pour faciliter la création d'aires protégées et pour déléguer des pouvoirs aux communautés autochtones. Donc, sur le fond, on n'est sûrement pas contre ça. Mais, étant donné qu'on attend toujours les détails par rapport à ces mécanismes, effectivement, on serait, premièrement... numéro un, comme vous l'avez mentionné, on aimerait bien être consultés en temps et lieu, mais également, c'est une opportunité, hein, on voit ça vraiment d'un bon oeil de trouver des nouvelles façons ou même de nouveaux leviers pour promouvoir encore plus de participation et d'implication des communautés autochtones. Donc, au niveau de balises, bien, effectivement, ça reste à voir, et on est là pour cocréer ces balises avec vous, avec le gouvernement du Québec, au besoin.

Mme Grondin : Parfait. Merci. Votre recommandation 9, je suis quand même assez surprise : «Un document d'orientation regroupant toutes les initiatives liées à la conservation qui touchent au territoire». Donc, ce que vous dites ici, c'est que vous n'avez pas de portrait de l'ensemble des initiatives qui touchent votre territoire, des initiatives de protection?

Mme Ablain (Maud) : ...au-delà, aussi, des initiatives de protection, c'est que c'est rassemblé dans plusieurs initiatives différentes. Il y a les initiatives de conservation, mais également d'autres initiatives, comme il a été question à d'autres séances, là, par exemple, les minéraux critiques et stratégiques ou... et donc il n'y a pas une vision globale, là, de tout ce que le gouvernement veut développer sur le territoire de la Baie-James. Donc, c'est un peu dans cette idée-là, là, d'avoir un document qui rassemblerait toutes ces orientations-là.

Mme Grondin : Parfait. Moi, je n'ai pas d'autre question. Ça va. Est-ce que...

Le Président (M. Ciccone) : Est-ce que... oui, il vous reste six minutes. C'est beau? Ah! Vous voulez le partager? Alors, si, les gens de l'opposition, vous voulez un peu plus de temps, on va vous en donner un peu plus, gracieuseté de M. le ministre. Alors, je reconnais maintenant un membre de l'opposition officielle. M. le député de Viau, à vous la parole.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Donc, j'apprécie cette belle générosité du ministre, donc. Alors, je veux commencer par remercier Mme Ablain et M. Morin pour leur présentation. Écoutez, probablement que je n'aurai même pas à faire usage du temps que le ministre a mis à notre disposition. Quelques questions, rapidement. Sur l'enjeu de protection des territoires de conservation nordiques ou, encore, de conservation autochtones, selon vous, quels critères devraient figurer au projet de loi afin d'assurer la mise en oeuvre efficace, la mise en place efficace de ce type d'aires de conservation?

Mme Ablain (Maud) : Graeme?

M. Morin (Graeme) : Oui. Bien, en fait, premièrement, selon notre lecture du projet de loi, ces détails-là vont vraisemblablement apparaître dans le règlement de mise en oeuvre qui suivra. Donc, encore là, on est... la porte est ouverte, pour nous, pour être consultés, pour vous offrir nos impressions là-dessus.

J'imagine... bien, pour l'instant, tu vois, je reviens un peu sur la convention. Maude, la présidente, a fait référence à nos neuf principes directeurs, et, selon moi, ces neuf éléments-là peuvent aider dans la considération ou, même, la définition... la réflexion par rapport à ces balises-là ou à ces critères dont vous faites référence. Cela étant, pour l'instant, il nous faut plus d'information, vraiment, sur les intentions du gouvernement, et on est là pour ça, pour échanger avec vous. Maude, je ne sais pas si vous avez d'autres choses à ajouter?

• (16 h 10) •

Mme Ablain (Maud) : Non.

M. Benjamin : Bien, c'est parfait. Écoutez, deuxième question. Sur le concept d'utilisation durable, vous semblez... je semble lire, dans la recommandation 3, quelques questionnements, où vous faites même des suggestions. Est-ce que vous avez des inquiétudes par rapport au concept d'utilisation durable?

Mme Ablain (Maud) : L'inquiétude est peut-être plus du fait que ce n'est pas défini, en fait. Donc, on veut s'assurer, là... ne sachant pas exactement ce que le gouvernement entend par «utilisation durable», on veut s'assurer, là, que ce sera défini et qu'on puisse participer, peut-être, à cet exercice-là également. C'est plus à ce niveau-là.

Mais, de nouveau, comme l'a dit Graeme, les principes directeurs de la reconvention amènent des concepts, là, de développement durable, puisque déjà, à l'époque de la signature de la convention, c'étaient des éléments qui transparaissaient dans le texte. Donc, ces principes directeurs pourraient très bien être suivis pour définir également ce qui peut être une utilisation durable. Ce sont des pistes de réflexion, plus qu'une... On n'a pas de suggestion formelle, là, sur ce que devrait être l'utilisation durable à ce stade-ci. Il nous faudrait plus de temps pour pouvoir examiner cet élément-là plus en détail.

M. Benjamin : Vous nous avez, dans votre mémoire, à quelques reprises, d'ailleurs, souligné, donc, des activités qui pourraient être permises, comme la chasse, la pêche, le piégeage. Quelles activités devraient être exclues, selon vous, de ces zones de conservation?

Mme Ablain (Maud) : Bien, encore, on n'a pas pu, en comité, discuter de ces sujets-là dans le temps qui nous était donné, donc je ne pourrais pas m'avancer, là, au niveau du comité parce que... les activités qui devraient être interdites dans ces zones-là. Ce serait délicat pour moi de m'avancer.

M. Benjamin : De vous avancer, donc, je comprends. L'autre question que j'ai, c'est... Quelques communautés nous ont... qui ont pu venir à cette, quoi... participer à cette consultation nous ont mentionné que la délégation de pouvoirs ne leur était pas suffisante et qu'il fallait, de préférence, parler, même, de cogestion. Est-ce que c'est quelque chose que vous voyez d'un bon oeil?

Mme Ablain (Maud) : Peut-être, je vous dirais... pour la cogestion, je ne me prononcerai pas, mais la procédure d'évaluation environnementale à laquelle vont être assujettis les projets d'aires protégées inclut la participation des Cris, puisque c'est un comité bipartie qui va analyser le projet d'aire protégée. Il va y avoir une étude d'impact à déposer, et puis c'est le Comité d'examen sur les répercussions sur l'environnement qui va analyser ce projet-là. Donc, déjà là, il va y avoir une participation importante des Cris, mais, comme on le met dans le mémoire, c'est important de consulter aussi les communautés en amont. Et là, sans parler de cogestion, c'est plus de la... je ne dirais pas «dans la cocréation», mais c'est sûr que d'aller chercher l'avis des communautés en amont, là, ça permet de s'assurer, là, d'une aire protégée qui répond aux attentes des utilisateurs du territoire.

M. Benjamin : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je vais maintenant passer la parole à la députée de Mercier. Prenez votre temps, Mme la députée, vous avez amplement le temps, vous avez un quatre minutes, là.

Mme Ghazal : C'est rare. D'habitude, j'ai 2 min 45 s.

Le Président (M. Ciccone) : Non, non, prenez votre temps. Prenez votre temps, oui.

Mme Ghazal : Ça fait que je peux jaser puis vous écouter. Bien, merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Moi, j'ai une question par rapport aux initiatives actuelles d'aires protégées. En lisant le paragraphe où vous en parlez, on sent que vous avez une inquiétude par rapport au fait qu'il y ait un recul, avec le projet de loi n° 46, que ce qui est déjà gagné comme aires protégées, bien, soit perdu dans le futur. C'est ce que j'ai l'impression, que vous avez cette inquiétude-là à cause des mesures transitoires.

En fait, j'aurais deux questions. Bien, je vais vous poser la première, tranquillement, vu qu'on a le temps. La première, ce serait : Est-ce que vous avez des exemples concrets d'endroits où vous dites : Il me semble que ces territoires-là, il y aurait peut-être une inquiétude, par exemple, s'il y a une possibilité d'autres activités que seulement protéger le territoire?

Mme Ablain (Maud) : Je pense que notre commentaire était vraiment d'ordre général, pour s'assurer, effectivement, que, c'est ça, ce qui est protégé ou ce qui est en voie de l'être, là, il n'y ait pas de recul à ce niveau-là, là. C'était pour alerter les gouvernements par rapport à ça.

Mme Ghazal : Très bien. Donc, vous n'avez pas d'exemple concret, mais... Et qu'est-ce que... est-ce que vous voulez que, dans le projet de loi, ce soit mentionné, ou simplement dans un règlement, ou juste que le ministre le sache? Est-ce que vous voulez, par exemple, qu'il y ait un amendement, dans le projet de loi, pour que ce soit écrit tel quel que ce qui existe déjà ne puisse pas être annulé?

Mme Ablain (Maud) : On n'a pas de proposition, effectivement, d'amendement comme tel, là, mais on voulait que la commission soit au courant pour que, lors de l'analyse article par article, vous puissiez être vigilants par rapport à ça.

Mme Ghazal : Très bien. Puis vous faites aussi une mention sur les aires protégées de conservation autochtones. Il y a beaucoup de groupes, avant vous... même des groupes qui ne viennent pas des autochtones ou des Premières Nations l'ont mentionné que c'est un outil important et qu'ils trouvent dommage qu'on ne profite pas de l'opportunité de ce projet de loi pour que ce soit inclus dans le projet de loi. Vous, votre position là-dessus, est-ce que vous voulez que ce soit inscrit dans le projet de loi? Parce que ce statut-là n'est pas inscrit pour le moment.

Mme Ablain (Maud) : On y allait plus dans la suggestion, effectivement, de suivre ce modèle qui existe pour pouvoir l'intégrer dans, éventuellement, les types d'aires protégées qui sont déjà proposés dans le projet de loi. Mais on a, effectivement, entendu également d'autres groupes, là, qui demandaient à ce que ce soit inclus. Ça fait que c'était plus pour le mentionner, l'existence de ces aires-là, et de vous laisser, là, voir la meilleure façon de l'intégrer dans le projet de loi.

Mme Ghazal : Et vous avez beaucoup parlé des consultations, de l'importance de consulter en amont les Cris. Est-ce que, par exemple, si le ministre décide de mettre les APCA, donc les aires protégées de conservation autochtone... s'il décide de les mettre que ce soit dans le projet de loi ou dans le règlement, est-ce que... comment est-ce que la consultation devrait se faire? Parce que, là, évidemment, il y a le projet de loi, on l'a, il pourrait peut-être le mettre dans ce projet de loi là. Est-ce que... Mais il y a des gens qui disaient que c'était important de le définir, mais, avant de le définir puis de dire c'est quoi, bien, il faudrait qu'il y ait des consultations. Donc, peut-être nous parler des consultations, parce que, là, cette fois-là, je pense qu'on vous a appelés assez rapidement, là, ce n'est pas ce genre de consultations là que vous voulez, un avis de dernière minute.

Mme Ablain (Maud) : Bien, effectivement, il faut voir qu'un comité comme le nôtre, comme je le disais, on est tripartites, on est 12 membres, 13, même, on est 13 membres. Donc, on a eu une réunion le mardi, on a fini notre mémoire le jeudi pour approbation puis on vous l'a transmis lundi, donc c'est sûr qu'on n'a pas pu approfondir toutes les questions, là. C'est une réalité avec laquelle on travaille. Mais on trouvait important de pouvoir vous présenter quand même notre première lecture du projet de loi.

Maintenant, la consultation, mettons que la commission souhaite aller plus avant, là, sur la définition des aires protégées de conservation autochtones, c'est tout à fait dans le rôle du CCEBJ, donc c'est tout à fait notre rôle, là, d'être consultés à ce sujet-là. Nous, ensuite, on fait une concertation au sein de notre comité. Comme je le disais, donc, ça assure la participation des Cris. Et puis ce serait... en fait, on serait votre porte d'entrée, là, si vous souhaitez élargir les consultations sur d'autres sujets, et on est tout à fait disposés, là, à travailler en ce sens.

Mme Ghazal : Nous, nous le souhaitons. C'est le ministre qui doit le souhaiter. Je pense qu'il le souhaite. Très bien, merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, et on vous donne un gros huit minutes.

M. Arseneau : Je n'aurai pas besoin de ces huit minutes. Mme Ablain, bonjour. Merci de votre présentation. Quelques petites questions qui font peut-être référence, aussi, à d'autres présentations qui nous ont été faites. Tout à l'heure, d'ailleurs, on discutait, avec le Comité consultatif de l'environnement Kativik, de l'application des balises, si on veut, là, de l'UICN concernant les aires protégées autochtones... ou d'utilisation durable. On nous disait qu'on devrait s'inspirer de ces balises-là puis de les inclure dans le projet de loi actuel. Est-ce que c'est ce que je dois lire aussi, là, à la page 4, point b, lorsque vous parlez d'ajouter de la flexibilité pour la création d'aires protégées? Vous faites référence à l'UICN également?

• (16 h 20) •

Mme Ablain (Maud) : Graeme...

M. Morin (Graeme) : Désolé, j'ai oublié d'ouvrir mon micro. Oui, bien, effectivement, justement, on est pour plus de flexibilité, donc on appuie cette intention gouvernementale. L'idée, ici, de faire référence aux critères, par contre, dans le projet de loi, encore là, c'est plus d'une compréhension générale ou d'une idée générale où on est mieux d'incorporer ces balises-là dans la loi pour que ce soit clair pour toutes les parties prenantes. Donc, ça clarifie, si on inclut ces balises. On s'entend, par contre, que ça se peut que ces éléments-là vont être conçus dans le cadre du règlement, ce qui est correct. Si c'est le cas, bien, effectivement, on revient toujours à notre volonté de vous offrir nos impressions, nos commentaires sur ces dispositions.

M. Arseneau : Merci, M. Morin. Je m'excuse, je ne vous avais pas salué. Merci de votre réponse. Donc, ce que je comprends, c'est que vous préféreriez que ce soit inscrit dans la loi, mais vous pouvez vivre avec le fait que ce soit dans le règlement. C'est ça?

M. Morin (Graeme) : Oui, en somme. Et effectivement l'idéal, c'est toujours d'avoir ces grandes lignes, parce que c'est des éléments, hein, de grande importance. L'idéal, justement, ce serait de l'avoir dans la loi. Au besoin, si on veut passer par des instruments réglementaires, bien, on pourrait le faire, mais on pourrait le faire ensemble.

M. Arseneau : Je voudrais aborder l'autre élément qui suit dans votre présentation, à la page 5, point c, «Délégation de pouvoirs aux communautés autochtones», mon collègue député en a fait mention tout à l'heure. La présentation du chef Picard, notamment, hier soir, faisait état du fait qu'on préférerait, plutôt qu'une délégation de pouvoirs, parler de cogestion. La question a été mentionnée tout à l'heure, puis je pense que Mme Ablain n'a pas voulu élaborer, là, comme s'il y avait peu de différences, en disant que l'important, c'est de pouvoir consulter les communautés en amont. Mais ce qu'on a appris ce matin, c'est qu'il y avait non seulement la consultation en amont, qui était importante, mais également le suivi et la reddition de comptes. Est-ce qu'on demeure toujours dans la reddition de comptes et le suivi, là, avec une délégation de pouvoirs ou vous préféreriez une cogestion à cet égard?

Mme Ablain (Maud) : ...dans le mémoire, on mentionne que les Cris devraient être consultés pour déterminer qui doit gérer les aires protégées sur le territoire de la Baie-James, pour chacune des aires protégées. Donc, je crois que ce serait vraiment avec eux que cette délégation de pouvoirs là devrait être regardée, là, dans le cadre de ces consultations particulières avec les Cris.

M. Arseneau : Oui, juste pour...

Mme Ablain (Maud) : C'est que, nous, en tant que comité... Excusez-moi.

M. Arseneau : Non, c'est beau. En fait, ce que je veux juste préciser, c'est si... Ma compréhension est-elle juste? Lorsque vous venez de mentionner que, si on s'entend sur la délégation de pouvoirs, bien, on s'entendrait également sur la reddition de comptes? C'est ce que je dois comprendre?

Mme Ablain (Maud) : Je ne pourrais pas aller jusque là, mais j'imagine que ça fera partie de ce qui est déterminé, là, dans les pouvoirs qui seront délégués.

M. Arseneau : D'accord. Puis l'élément des registres, que vous apportez, on a entendu le même genre de commentaire, hier, et le ministre a mentionné qu'on pouvait parler de plusieurs registres, mais, en fait, c'était un peu... ce que j'ai compris, c'est que c'est plutôt un grand registre avec différentes parties, différentes catégories. Est-ce que ça vous rassure, par rapport à ce que vous avez mentionné dans votre mémoire, la réponse du ministre à une question similaire qui avait été posée hier?

Mme Ablain (Maud) : Bien, je pense qu'effectivement ce qui est important c'est d'avoir une porte d'entrée pour le registre. Le ministère de l'Environnement a plusieurs registres sur son site Internet, et c'est très bien comme ça, mais c'est vrai qu'il faut... Une personne qui cherche une information en particulier, d'avoir une porte d'entrée, un registre, alors qu'il est explosé en différents registres à l'intérieur de cette porte d'entrée là, ça pourrait, effectivement, répondre à notre préoccupation.

M. Arseneau : ...et, en terminant, ma dernière question, sur la huitième de vos recommandations concernant les aires protégées ou les initiatives actuelles qui doivent être menues... maintenues, pardon, et facilitées : Est-ce qu'il y a quelque chose, dans la lecture du projet de loi, qui vous a... qui a suscité votre inquiétude ou, simplement, insistez-vous pour dire que vos projets sont en cours, et vous voulez les mener à terme? Je voudrais comprendre cet élément d'inquiétude que vous avez soulevé.

Mme Ablain (Maud) : Oui, c'est vraiment faire valoir, effectivement, qu'il y a des initiatives actuelles et qu'il faut les préserver, là. Il n'y a pas d'inquiétude particulière à la lecture du projet de loi, mais c'est de le faire valoir auprès de la commission.

M. Arseneau : D'accord. Je vous remercie beaucoup, à vous deux.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je tiens à remercier Mme Ablain et M. Morin pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques minutes afin de permettre aux représentants de la Conservation de la nature Canada, Québec de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 26)

(Reprise à 16 h 40)

Le Président (M. Ciccone) : Nous reprenons nos travaux.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Conservation de la nature Canada, Québec. Je vous rappelle, messieurs, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est maintenant à vous.

Conservation de la nature Canada, Québec (CNC Québec)

(Visioconférence)

M. Pelletier (Hubert) : Bonjour, M. le Président de la commission, bonjour, M. le ministre, bonjour, Mmes et MM. les députés membres de la commission. Je m'appelle Hubert Pelletier, directeur de la conservation et des partenariats, et je serai en compagnie de Louis Belzil, avocat pour notre organisation à l'interne.

Merci de prendre le temps de nous entendre et de vous intéresser aux aires protégées et à la LCPN. Louis Belzil et moi-même représentons aujourd'hui Conservation de la nature Québec, un organisme de conservation agissant au Québec, et Conservation de la nature Canada, un organisme pancanadien agissant aussi au Québec. Nous oeuvrons à la protection de milieux naturels les plus précieux et des espèces qu'ils abritent. Nos actions sont guidées par les meilleures données scientifiques disponibles sur des secteurs prioritaires identifiés par les spécialistes afin d'établir des aires protégées et d'appliquer des mesures de conservation de ces milieux naturels.

Afin de réaliser notre mission, nous protégeons surtout les terres privées, par acquisition, c'est-à-dire des dons de terrain, des achats, et, en établissant des servitudes de conservation, nous veillons à protéger ces sites et à en assumer l'intendance, tout en assurant l'harmonie entre les usages et des objectifs de conservation qui leur sont propres.

Le Sud du Québec est composé à 90 % de terres privées, donc Conservation de la nature collabore avec les propriétaires fonciers, les entreprises, les groupes de conservation, les municipalités, les communautés locales et les communautés autochtones, ainsi qu'avec les gouvernements, afin de léguer un patrimoine naturel aux générations futures.

Nous avons, notamment avec le gouvernement du Québec, en partenariat, acquis et transféré plusieurs terrains afin de créer des réserves écologiques ou d'autres aires protégées, participé à la mise en place du Centre de données sur le patrimoine naturel et administré et complété plusieurs partenariats financiers permettant la protection de sites à haute valeur écologique, dont certains sont présentement en cours et opérationnels. À ce sujet-là, je me permets de féliciter et de remercier l'équipe du ministère de l'Environnement, et le cabinet, et le ministre pour leur grande confiance dans la mise en oeuvre de ces programmes de financement et la réalisation des activités.

Donc, nous allons structurer notre point de vue sur le projet de loi n° 46 en trois sections : notre appréciation générale, deuxièmement, nos recommandations principales concernant les nouvelles mesures et, troisièmement, nos recommandations au sujet des réserves naturelles, que Louis Belzil traitera.

Donc, notre appréciation générale. Donc, nous saluons la vision et les objectifs portés par le projet de loi n° 46 qui supportent l'intention d'accélérer la mise en oeuvre d'aires protégées et la conservation de milieux naturels. Nous croyons que l'intégration des nouvelles catégories d'aires protégées et des nouvelles désignations dans la LCPN permettra d'ajouter des outils mis à la disposition de l'État, et aussi de la société civile, afin de désigner et protéger des territoires à titre d'aires protégées ou d'autres mesures de conservation. Nous saluons la venue des autres mesures de conservation efficaces, les AMCE, aussi la venue des territoires de conservation nordiques, de la catégorie VI de l'UICN, ainsi que l'allègement du processus dans la reconnaissance de paysages humanisés de catégorie V. Nous saluons la délégation de gestion d'une aire protégée qui serait réalisable en faveur d'un plus grand éventail de partenaires en conservation.

Donc, voici nos recommandations principales concernant les nouvelles mesures.

Nous recommandons au gouvernement de s'assurer que chaque statut d'aire protégée contenu dans le projet de loi n° 46, ou la LCPN, corresponde aux critères d'une aire protégée ou d'une autre mesure de conservation efficace, tels qu'émis dans le cadre de l'approche pancanadienne en la matière, tout en respectant les lignes directrices de l'UICN, ce que le projet de loi prévoit déjà.

Nous recommandons aussi, pour ce qui est des autres mesures de conservation, d'identifier, dans le projet de loi n° 46, un mécanisme clair par lequel les AMCE seraient retenues et comptabilisées au registre des AMCE. Ce mécanisme pourrait être aussi précisé par la mise en place d'un éventuel règlement spécifique aux AMCE ou en incluant une référence au cadre pancanadien en vigueur. Nous croyons important que les critères retenus par le Québec pour créer une aire protégée soient conformes à ceux utilisés dans le reste du pays, afin de comptabiliser les résultats du Québec conjointement avec le Canada et de les rapporter au niveau international.

Nous recommandons aussi de maintenir le pouvoir du ministre de désigner un milieu naturel par plans pour des critères liés aux enjeux des changements climatiques.

Je cède la parole à Louis Belzil, concernant les réserves naturelles.

M. Belzil (Louis) : Oui. Merci beaucoup, Hubert. Bonjour à tous. Je vais concentrer ma présentation sur la section du projet de loi qui traite plus particulièrement des réserves naturelles.

Conservation de la nature possède et gère 39 réserves naturelles, au Québec, qui totalisent 13 500 hectares répartis à travers tout le sud de la province. Nous avons quatre points plus spécifiques que nous aimerions traiter.

Premièrement, nous recommandons de maintenir la référence selon laquelle les organismes de conservation peuvent concourir à une demande de reconnaissance d'une réserve naturelle, à l'article 55, Conservation de la nature ayant accompagné plusieurs propriétaires privés dans leur demande de reconnaissance de ce statut qui est un processus long et complexe, surtout pour les non-initiés.

Nous recommandons également de spécifier, à l'article 63, qu'en cas de transfert d'une propriété privée appartenant à un organisme de conservation, en faveur de l'État et à des fins d'aire protégée, un statut de protection provisoire soit garanti pendant l'intervalle administratif précédant une nouvelle désignation d'aire protégée.

Nous recommandons également, en termes de pouvoirs d'inspection et d'enquête, de rendre concrètes ces mesures soit en nommant des inspecteurs ou alors, en ce qui a trait aux réserves naturelles, considérant leur nombre, leur distribution géographique ainsi que la présence des organismes de conservation sur le territoire, de maintenir la possibilité de déléguer le pouvoir d'inspection à une personne morale ou, minimalement, un organisme de conservation, aux articles 66 et suivants, afin de permettre la surveillance adéquate avec les outils nécessaires de ces milieux souvent accessibles à la population.

Finalement, nous recommandons de revoir les dispositions pénales afin de ne pas pénaliser un individu ou un organisme de conservation propriétaire d'une réserve naturelle sur laquelle seraient réalisées des infractions par un tiers. Cela pourrait notamment décourager la mise en place de réserves naturelles. Plusieurs réserves naturelles sont accessibles au public, et les organismes de conservation ont généralement peu de moyens, autant légaux que financiers, pour surveiller les réserves naturelles. Donc, il faudrait plus miser sur une collaboration entre les organismes de conservation et les inspecteurs du gouvernement à ce sujet.

Hubert, à toi la parole.

M. Pelletier (Hubert) : Donc, rapidement, en conclusion, nous appuyons et nous abordons positivement le projet de loi n° 46. Quelques orientations et spécifications supplémentaires à celles de l'UICN pourraient y être inscrites, notamment au sujet des critères permettant de qualifier et de comptabiliser les aires protégées et les AMCE.

Puis, à ce sujet, nous serions heureux de voir le gouvernement collaborer et participer à ce qui fut mis en place dans le cadre pancanadien, ce qui permettrait au Québec de désigner ses propres territoires, avec ses propres mesures, et de rapporter les résultats en assurant une conformité, une uniformité et une transparence, dans la détermination et la déclaration des aires, qui contribueront à la protection, notamment à l'objectif de 17 %.

En ce qui concerne les réserves naturelles, comme il s'agit d'un outil légal très important sur lequel les organismes de conservation peuvent compter, nous souhaiterions que la LCPN soit adoptée afin... adaptée afin de tenir compte des particularités, des capacités et des responsabilités portées par les organismes lorsque ce statut s'applique sur nos territoires protégés. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci, messieurs, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échanges, en débutant avec M. le ministre. Un temps de 16 min et 30 s vous est alloué.

• (16 h 50) •

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux, messieurs, d'être avec nous cet après-midi. Merci également pour le travail que vous faites au quotidien. Vous l'avez mentionné, vous avez développé une expertise, au niveau des terres privées, à travers des acquisitions, à travers des partenariats, et c'est un rôle tout à fait fondamental. On était bien heureux, là, vendredi dernier, de renouveler un partenariat avec vous. Donc, merci, merci pour tout ce travail-là.

Quelques petites questions, et, je dois vous avouer, une qui est soulevée pour la première fois... c'est-à-dire un élément qui est soulevé pour la première fois. Ce cadre pancanadien auquel vous faites référence, naturellement, le Québec s'est déclaré lié. On s'est doté des objectifs précis à atteindre d'ici la fin de l'année, on est bien confiants de pouvoir les atteindre. Mais vous dites : Il y a peut-être une difficulté, actuellement, à faire reconnaître nos aires protégées ou nos critères, au niveau canadien, pour que le Canada, à son tour, puisse les faire reconnaître, ou... Peut-être expliquer davantage cet élément-là.

M. Pelletier (Hubert) : Oui, bien je ne pense pas qu'il y ait des difficultés en tant que telles. Je pense que ce qui arrive, présentement, c'est que le Québec s'engage à rapporter ses résultats, en termes d'aires protégées, directement à l'UICN en utilisant ses propres critères, qui, d'ailleurs, sont discutés ici, là, au travers de la commission, donc... alors qu'il existe un cadre pancanadien qui a été convenu avec toutes les provinces.

Et ce qu'on souhaite, à ce moment-là, c'est que, puisqu'il y a des... — justement, on parle beaucoup de critères associés aux nouvelles catégories d'aires protégées et aux autres mesures de conservation — c'est qu'on n'invente pas un système à deux vitesses où le Québec rapporterait, selon ses propres critères, certains résultats, et le reste du Canada, incluant le Québec, aurait également à rapporter ses résultats à l'UICN ou au niveau international. Donc, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une collaboration et que ça soit finalement le même système qui soit utilisé.

Donc, oui, et je pense que vous le faites déjà dans le projet de loi, d'identifier l'UICN comme référence, c'est une bonne chose. Mais, en passant, nous aussi, on est membres de l'UICN, et une des choses qui est importante, dans les lignes directrices de l'UICN, c'est que chaque pays et chaque juridiction responsable de ses aires protégées établisse ses critères et prenne note du mécanisme dans une loi ou dans le corpus législatif qui lui est pertinent.

Donc, ce qu'on trouve intéressant puis important pour le projet de loi n° 46, notamment pour la catégorie VI, c'est qu'on vient dire que ça va être établi par règlement, ce qui est le cadre légal dans lequel ça s'applique. Donc, pour nous, ça nous satisfait dans le sens où, une fois que le ou les règlements vont être passés pour la catégorie VI, on va pouvoir les contre-vérifier au niveau des critères, et ça va être conforme.

Par contre, pour les autres mesures de conservation, on n'a pas pu établir ou identifier clairement s'il allait y avoir un règlement associé à ça ni non plus les critères. Donc, là-dessus, c'est pour ça qu'on vous propose de se référer simplement au cadre pancanadien et de l'utiliser.

M. Charette : Vous avez fait mention de l'UICN, qui est notre cadre de référence. Naturellement, on y fait mention dès le tout début du projet de loi, à travers l'article 2. Je suis revenu souvent avec cet élément-là parce que plusieurs groupes, et on comprend, souhaiteraient plus de précisions, plus de détails. Or, vous venez de l'expliquer, il y a de ces éléments-là qui seront précisés par règlement, la loi ne peut pas elle-même tout, tout préciser comme tel. L'important, c'est que ces règlements-là soient conformes au cadre reconnu par l'UICN. Pour vous, c'est une formule qui semble bonne, c'est-à-dire s'assurer que les règlements soient eux aussi conformes à ce que l'union pourrait reconnaître comme cadre?

M. Pelletier (Hubert) : Oui. C'est certain que ce sont des lignes directrices, l'UICN, et ces lignes directrices là nous permettent de, si on veut, catégoriser ou classifier chacune de nos aires protégées parmi les six statuts ou, dans certains cas, les autres mesures de conservation. Sauf qu'ils n'appliquent pas nécessairement de critères très précis. Il y a des lignes directrices qui sont identifiées, mais, pour ce qui est des critères, même l'UICN s'en remet aux gouvernements centraux ou provinciaux, dans notre cas, pour établir ces critères-là et s'assurer qu'on les rencontre.

Donc, puisque, depuis plusieurs années déjà, il y a eu un exercice d'interprétation et de correspondance, par rapport aux critères, qui s'est établi à l'échelle du Canada, dans lequel nous aussi, on participe, bien, on aimerait ça que ça soit, comment je pourrais dire... que ça soit l'ensemble des provinces qui adhèrent à ce mécanisme-là. Et ça nous permettrait, justement, de faire évoluer, peut-être, la discussion qui a lieu sur les critères en lien avec les nouvelles catégories autrement, parce que les critères sont très bien documentés dans le cadre pancanadien.

M. Charette : Parfait. Une dernière question pour ma part, parce que je sais que les collègues souhaiteraient intervenir aussi. Vous êtes la deuxième organisation à parler de la difficulté de faire reconnaître certains pouvoirs d'inspection puis s'assurer que ces aires qui sont protégées le soient adéquatement. C'est un enjeu, effectivement. Et quelle devrait être ou quelle pourrait être cette formule de délégation d'autorité pour s'assurer d'une inspection terrain? Et, dans pareil cas, est-ce que vous iriez jusqu'à déléguer un pouvoir d'émettre des contraventions, par exemple? Quelle est votre vision à ce niveau-là?

M. Belzil (Louis) : Le premier point par rapport à cette question-là, c'est qu'il faut que, sur le terrain, il y ait de l'inspection avec des inspecteurs qui aient un pouvoir coercitif. Nous sommes d'avis qu'idéalement ces inspecteurs-là devraient être des fonctionnaires de l'État. La loi prévoit aussi la possibilité que ça soit délégué à des inspecteurs municipaux.

Ce qu'on recommanderait aussi, c'est qu'à défaut de pouvoir nommer de tels inspecteurs le gouvernement devrait pouvoir prévoir dans la loi une possibilité de déléguer ça à des employés d'organismes de conservation qui, eux, font déjà la patrouille mais qui n'ont pas ce pouvoir coercitif là sur les réserves naturelles, ce qui amène une difficulté dans la gestion parce qu'on peut constater des infractions, mais on ne peut pas agir outre que pour demander aux gens de quitter les lieux, par exemple, quand on voit des infractions être commises. Donc, ça prend un... donc, on pourrait aller jusqu'à, oui, déléguer le pouvoir coercitif d'émettre des contraventions à des employés d'organismes. C'est ce qu'on recommanderait.

M. Charette : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Bourget. Il vous reste neuf minutes, M. le député.

M. Campeau : Bien, j'aimerais poursuivre dans la même veine parce que je trouve intéressant le fait que le pouvoir d'inspection pourrait être délégué. Mais, quand vous allez jusqu'au pouvoir de sanction, je m'interroge, et je n'ai absolument pas la réponse, à savoir est-ce que ça pourrait être contesté. Parce que, si ça commence à être contesté, on commence un processus : ça ne sera pas respecté, ça vous enlève du pouvoir, etc. Ce bout-là m'inquiète un peu, là, mais ce n'est pas parce que l'idée en arrière n'est pas bonne. Je me pose juste la question : Est-ce qu'on a vraiment la possibilité de faire ça? Je ne sais pas si vous avez des exemples où ça se fait.

M. Belzil (Louis) : La question est bonne. On travaille présentement sur des projets de délégation de pouvoirs d'inspecteurs municipaux, et je vous dirais que la réponse n'est pas simple et le processus ne l'est pas non plus. On pense qu'il y a des solutions qui existent. C'est sûr, c'est certain que les employés, par exemple, qui se feraient déléguer ces pouvoirs-là devraient avoir une formation. Mais est-ce qu'il faudrait qu'ils aient des formations d'agent de la paix, d'agent de la faune? Tu sais, c'est des solutions qu'il va falloir explorer.

Mais, comme je vous dis, le plus important dans tout ça, c'est de s'assurer que, sur le terrain... Puis ce n'est pas la solution qu'on préconise. La solution qu'on préconise, c'est que, sur le terrain, il y ait des inspecteurs, idéalement, nommés par le gouvernement, mais que si, ça, c'était impossible, bien, le plan B, ce serait de déléguer ce pouvoir-là à des employés et de le faire de la manière qui va être permise par la loi.

M. Campeau : Deuxièmement, je suis sensible au fait que des sanctions dues à des tiers ne devraient pas affecter le propriétaire. En même temps, il faut que le propriétaire s'assure que les tiers ne peuvent pas entrer sur le territoire, et comme... c'est là que la limite devient mince un peu. Mais je suis d'accord avec vous que, si on va vers des sanctions qui sont dues à des tiers, dans le fond, on va finir par décourager les gens de vouloir travailler à améliorer les aires protégées.

En passant, souvent, quand on a des présentations, puis c'est la dernière présentation, il y a beaucoup de répétition, et je trouve que, dans votre cas, vous nous arrivez avec des idées novatrices qu'on n'a pas entendues jusqu'à maintenant. C'est assez rafraîchissant.

M. Pelletier (Hubert) : Merci.

• (17 heures) •

M. Campeau : Le fait que les règles canadiennes sont en ligne avec l'UICN et le Québec en ligne avec l'UICN, ça ne devrait, donc, pas poser de problème que le Québec s'aligne avec le Canada. A plus b puis b plus c, j'imagine qu'a plus c, ça va devenir... ça va revenir au même, mais ça peut peut-être prendre du temps. Est-ce que c'est un processus que vous voyez comme long de s'aligner comme ça?

M. Pelletier (Hubert) : Bien, personnellement, je ne crois pas, dans le sens où le cadre de référence pancanadien est déjà en place. Le Québec a déjà été invité à y participer mais, malheureusement, a refusé. Alors, comme les outils sont en place, il y a non seulement des documents de référence, mais aussi des outils, des grilles d'analyse qui sont disponibles. Et franchement je crois qu'ici on parle vraiment de mécanique, parce que je suis tout à fait... on est tout à fait confiants que les employés de l'État vont appliquer les critères convenablement. C'est juste l'idée de dédoubler, comment je pourrais dire, le processus de rapporter les aires protégées qui vont contribuer au 17 %, qui nous inquiète, notamment.

Donc, pour nous, c'est important de créer... et de travailler ensemble avec le Canada. Oui, on est devant les instances internationales et on salue l'engagement du Québec à rencontrer la résolution d'Aichi, là, le fameux 17 %. Peut-être que l'étape supplémentaire, c'est de collaborer davantage avec nos partenaires au Canada pour arriver à embarquer dans un outil conforme. Cet outil-là prend et reconnaît aussi qu'il y a des différents contextes entre les provinces et les territoires.

Donc, on fournit des outils de décision qui donnent quand même une certaine flexibilité, et ça permet, justement, aux autorités d'évaluer les aires protégées candidates en fonction des critères puis ensuite que les aires vraiment déclarées pour le 17 % répondent aux critères à tous les niveaux, c'est-à-dire au niveau québécois en premier et canadien par la suite, et qu'on parle des mêmes critères et des mêmes superficies quand on envoie nos déclarations au niveau international.

M. Campeau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député, et je cède maintenant la parole à la vice-présidente de cette commission, Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. M. Pelletier, M. Belzil, merci beaucoup de prendre le temps d'apporter votre grande expertise terrain, que je considère à la fois... parce qu'expertise scientifique, expertise en termes d'accompagnement au niveau des organismes de conservation, développement de partenariat, gestion des réserves naturelles aussi, également. Donc, merci beaucoup.

Vous avez, à travers votre mémoire... Il faut que je prenne le temps de le lire parce que c'est de la musique à mes oreilles. Vous faites le lien entre les changements climatiques et les solutions nature. Je vais prendre le temps de le lire : «Face aux enjeux des changements climatiques et [au] déclin de la biodiversité, les spécialistes recommandent d'agrandir les aires protégées, d'établir des zones tampons autour d'elles et de les relier par un réseau de connectivité écologique.

«[...]Les objectifs de conservation de la biodiversité, d'aires protégées et de lutte contre les changements climatiques se recoupent.» Et : «À ce titre, il nous apparaît de plus en plus nécessaire, au Québec, d'appliquer d'autres mesures de conservation et de créer des aires protégées qui s'inscriront dans des solutions fondées sur la nature face aux enjeux climatiques.» Alors, merci, merci.

Je voudrais tout simplement... Parce que, comme mon collègue M. le député de Bourget, je trouve que vous apportez un éclairage quand même intéressant. Je vous amène à la conclusion que vous avez dans votre mémoire : «D'autres outils que les aires protégées et les AMCE s'offrent également à nous afin de conserver la biodiversité. Au sortir de l'année 2020, il sera intéressant de revisiter les objectifs et d'établir une approche renouvelée en la matière.» Expliquez-moi.

M. Pelletier (Hubert) : Bien, ce qu'on croit, nous, c'est qu'évidemment le réseau des aires protégées est crucial, évidemment, pour protéger la biodiversité, et, dans certaines situations, par exemple, quand il s'agit d'établir un réseau de connectivité écologique, on va pouvoir y arriver par des aires protégées et on pourrait aussi y arriver par d'autres mesures de conservation, d'autres outils. Donc, on accueille favorablement ce vocabulaire-là dans le projet de loi n° 46, c'est-à-dire les autres mesures de conservation. Quand on regarde, justement, les critères retenus pour les autres mesures de conservation, ça s'apparente quand même beaucoup à une aire protégée.

Et puis, en termes d'autres outils, nous, évidemment... je vais me permettre de pointer, évidemment, le paysage humanisé, qu'on croit pour le Sud du Québec. L'outil existe, là, dans le corpus législatif, on le voit bien, et sauf qu'on ne l'a pas utilisé encore, la page, dans le grand livre des aires protégées, pour la catégorie V, qui est encore à écrire. Ensuite, d'autres outils, comme je pense qu'il a été mention dans d'autres échanges, les servitudes qui permettent des activités forestières ou des activités agricoles, c'est des choses qu'on a déjà en place, nous, à Conservation de la nature. On a déjà des territoires qu'on gère de cette manière-là et on aimerait les faire reconnaître davantage en termes de moyens pour y arriver. Donc, légalement, on peut le faire, sauf que c'est des outils qui sont encore peu connus, et on souhaiterait les faire connaître davantage, les utiliser davantage.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Viau pour un temps de 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Merci, M. Pelletier, merci, M. Belzil, pour votre présentation, donc, très édifiante. Je commencerais peut-être par une première question. Donc, à la page... — attendez un moment que je retrouve la page — c'est la page 7 de votre mémoire, pour ce qui a trait... quand vous nous parlez de dispositions pénales. Vous émettez une inquiétude que cela puisse... quoique vous saluez, évidemment, l'augmentation des infractions, mais que ça puisse être un... le fait que c'est... parlez-nous un peu... le fait que ça puisse devenir décourageant, un élément décourageant, pour des tiers, de vouloir se lancer pour les organismes. Est-ce que vous pouvez nous dire qu'est-ce que vous suggérez, à ce moment-là?

M. Belzil (Louis) : Bien, en fait, ce qu'on suggère, à ce sujet-là, c'est d'exempter les organismes de conservation de sanctions pénales potentielles, bien entendu, à moins que l'organisme de conservation ait volontairement réalisé une infraction. Les amendes sont relativement salées.

Je prends l'exemple de Conservation de la nature. On a plusieurs réserves naturelles. Plusieurs de nos réserves naturelles sont dans des matrices humanisées, sont accessibles au public. Il y a énormément d'achalandage sur certaines de ces réserves naturelles là, c'est difficile pour nous de contrôler tout ce qui se passe sur la propriété, et il arrive parfois que des tiers commettent des infractions sur ces propriétés-là. Et nous, ce qu'on dit, c'est que les infractions doivent être émises envers ces tiers-là qui commettent les infractions et non envers le propriétaire de la réserve naturelle, qui, dans les limites de ses pouvoirs financiers et légaux, fait tout ce qu'il peut pour faire respecter les conditions d'utilisation du territoire mais qui, parfois, n'est pas en mesure de les faire respecter à tous. Donc, c'est ça, notre point 1.

M. Benjamin : Merci. Merci, M. Belzil. Pour ce qui est des enjeux, il y a un enjeu que... plusieurs groupes ont abordé cet aspect-là avec nous, c'est l'enjeu du nord et du sud du territoire. En fait, ma question : Est-ce que... Selon vous, quels seraient les critères qu'on pourrait développer pour assurer que la distribution des aires soit adéquate sur l'ensemble du territoire, à la fois au nord et au sud?

M. Pelletier (Hubert) : Bien, je pense que les critères existent déjà. Le Québec, en adoptant la résolution d'Aichi, ça dit 17 % représentatifs de la biodiversité, donc, dans le fond, ce qu'il faut faire, c'est de protéger théoriquement 17 % de la vallée du Saint-Laurent ou des basses terres du Saint-Laurent, au point de vue du cadre écologique de référence au Québec, là, 17 % des Appalaches, 17 % des Laurentides. Donc, en réalité, c'est sûr que la marche... disons, l'escalier à monter est un petit peu plus élevé, parce que, présentement, au sud du Québec, on se situe à peu près à 6 % d'aires protégées, et ça inclut autant les aires protégées en terres publiques que les aires protégées par les organismes de conservation, là. Donc, c'est sûr qu'on veut contribuer à augmenter ça, et il va falloir, comme société, mettre les bouchées doubles pour y arriver dans le Sud du Québec.

C'est important, la représentativité puis aussi les services écologiques qui sont rendus dans le Sud du Québec. On le mentionne et on le voit, quand il s'agit d'épisodes d'inondation, des enjeux associés aux îlots de chaleur, ou autres, les bénéfices que peuvent apporter les espaces naturels pour les communautés, que ce soit au niveau de la santé, de la récréation, de l'activité physique, sont importants, et donc ça vient complémenter l'argument ou les critères par lesquels on devrait mettre 17 % en conservation au sud du Québec.

• (17 h 10) •

M. Benjamin : D'ailleurs, toujours sur cet enjeu-là du Sud du Québec, à la page 8 de votre mémoire, vous en parlez, dans le paragraphe, notamment, qui m'intéresse, dans le Sud du Québec, où vous dites : «Près de 9 Québécois sur 10 [y] résident». Et, à la fin du paragraphe, vous dites : «Pour atteindre la cible de 17 % représentatif, des efforts importants s'avèrent nécessaires en terre publique et privée, et — là la phrase qui m'intéresse — nous contemplons présentement plusieurs dossiers d'envergure.» Est-ce que ce sont des dossiers sur lesquels... Vous pouvez nous en parler, de ces dossiers-là?

M. Pelletier (Hubert) : Oui, bien, en fait, c'est des... je peux vous en parler. Il y a des dossiers sur lesquels on est impliqués un petit peu, en terre publique, mais il y en a... la plupart de ces dossiers-là sont sous l'égide d'autres partenaires en conservation. Et nous, en terre privée, on a plusieurs projets de plusieurs dizaines de milliers d'hectares qui nous permettraient facilement de doubler ce qu'on effectue, présentement, comme protection. Et on est limités, évidemment, par toutes sortes de facteurs, et ce n'est pas la loi LCPN qui nous limite, là, juste pour vous rassurer, c'est davantage au niveau des moyens, des capacités ou d'autres enjeux, comme les enjeux fiscaux, qui nous retiennent.

M. Benjamin : Des enjeux fiscaux, ça m'amène à vous parler peut-être des municipalités, donc c'est peut-être de ça dont il s'agit. Donc, comment... parlez-nous de votre expérience à ce niveau-là. Est-ce que, pour vous, l'enjeu n'est que fiscal? On nous a parlé aussi d'enjeux, aussi, reliés à la réglementation. Qu'est-ce que vous avez identifié comme enjeux, principalement, là-dessus?

M. Pelletier (Hubert) : ...bien, c'est ça, l'enjeu n'est pas que fiscal. C'est un élément, là, c'est sûr. Je pense que l'enjeu principal pour le Sud du Québec, c'est le rapport de force entre les capacités qu'ont les acteurs de la conservation, nos moyens, finalement, d'agir, en termes financiers, si on veut, versus les ressources que, disons, les vecteurs de dégradation des milieux naturels ont à leur disposition, si je peux le dire ainsi, là. Donc, que ce soit pour les espèces menacées ou la protection du territoire, la menace numéro un, qui est identifiée par tout le monde de manière unanime, localement, à l'échelle du Québec, du Canada et internationale, c'est la perte et la dégradation des habitats. Donc, évidemment, c'est le rapport de force entre les moyens qui sont à notre disposition pour protéger les terres privées et les moyens que les autres ont pour les dégrader, qui est l'enjeu principal.

Ensuite, il y a d'autres enjeux, comme la fiscalité, la complexité des programmes d'aide auxquels les organismes ont accès. On est contents d'avoir des programmes d'aide, mais il y a quand même un petit bout à faire encore pour ajouter de la flexibilité et s'assurer qu'on soutienne l'ensemble des stratégies ou des besoins qu'on a besoin de mettre en place pour le Sud. Il y a les outils qui sont mis en place par le monde municipal, qu'on pourrait très bien adapter, là, en termes de société québécoise, pour les contribuer davantage, et tout ce qui est la capacité de communiquer ou de créer des partenariats.

Mais pour votre question spécifique sur la fiscalité, je devrais vous dire qu'autant les municipalités que les organismes de conservation on souhaite trouver la solution de manière commune. Autrement dit, présentement, dans le régime fiscal québécois, les deux sont perdants, O.K.? Quand on crée des aires protégées en terre privée, les municipalités sont perdantes fiscalement. Elles sont en grande majorité et presque toutes favorables. On a créé des grands projets avec Bromont, on est invités par des municipalités à protéger des sites qui seraient, autrement, détruits, on participe avec eux, ce sont nos amies, les municipalités, mais, dès qu'on protège un terrain, ça leur enlève quand même... ça représente une perte fiscale pour eux.

Et deuxièmement, pour les organismes, comme on doit, au Québec... Et, je tiens à le mentionner, on est la seule province, sauf exception, là, je pense qu'il y a deux provinces au Canada, seulement, où les organismes de conservation doivent payer des taxes foncières. Et cet aspect-là est important. Donc, présentement, on se limite à protéger les fameux grands territoires dont on parlait. Même si les gens veulent nous donner, parfois, des terrains de 10 000, 15 000 hectares, l'organisme n'a pas la capacité et il n'aura pas la capacité d'assumer les taxes foncières, donc on refuse ces territoires-là présentement.

M. Benjamin : Comme ma collègue la députée d'Argenteuil, donc, à la page 4 de votre mémoire, donc, j'ai trouvé ça intéressant et j'aurais aimé vous entendre nous parler de l'établissement de ces zones tampons auxquelles vous faites référence et aussi ces réseaux de connectivité écologiques. Pouvez-vous nous en parler un peu?

M. Pelletier (Hubert) : Bien, à ce sujet-là, notre recommandation pour le projet de loi puis le ministre, c'était surtout de garder ou de maintenir son pouvoir de désigner un milieu naturel par plan, pour lutter ou pour agir contre les effets des changements climatiques.

Ce qu'on voyait, dans le projet de loi, c'est qu'on pouvait modifier la délimitation d'une aire protégée pour des enjeux de changements climatiques, donc possiblement l'agrandir, possiblement la rapetisser, mais on enlevait le pouvoir du ministre de pouvoir les protéger, à l'origine, là, pour des raisons de changements climatiques. Donc, on aimerait mieux que le ministre garde ce pouvoir-là, sachant que les enjeux climatiques sont présents, ne serait-ce que les questions associées aux crues, aux grandes pluies diluviennes puis aux effets que ça peut avoir sur les plaines inondables, l'érosion côtière. Selon nous, il faut agir en prévention et en précaution. Présentement, le principe de précaution doit s'appliquer, et on devrait être capables, via la LCPN, de continuer à protéger ces milieux naturels là pour des arguments associés aux changements climatiques.

C'est sûr que la création de zones tampons pour les aires protégées, ce qui a été étudié, dans les dernières années, par l'ensemble de la communauté scientifique québécoise, qui a été recueilli dans un ouvrage qui s'appelle Changements climatiques et biodiversité, c'est que, pour faire face aux changements climatiques, autant pour les espèces, les habitats, les milieux naturels, les écosystèmes, on doit protéger de plus grandes aires, donc la superficie protégée dans le Sud du Québec n'est pas suffisante pour que le milieu naturel soit résilient face aux changements climatiques. Et deuxièmement on doit aussi les interconnecter. Ça fait partie, notamment, de la résolution d'Aichi, hein? On parle de 17 % représentatifs et interconnectés.

Donc, nous, on travaille dans cette voie-là. On a mis en place des projets, de la collaboration autant avec le monde municipal, les organismes de conservation, toutes les instances possibles pour sensibiliser et faire prendre conscience aux acteurs sur le territoire que c'est important de connecter les aires protégées entre elles.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Et je reconnais maintenant la députée de Mercier pour un temps alloué de 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation et votre mémoire. Vous avez parlé du fédéral, le fait qu'il faudrait qu'on s'arrime entre les lois québécoises et celles... les fédérales. D'ailleurs, je me posais la question... En fait, moi, je pense que le Québec peut avoir ses propres catégories, pas besoin de s'arrimer avec le fédéral. Et j'avais une question pour vous sur les aires protégées de conservation autochtones. Est-ce qu'il y a... est-ce que ça, par exemple, c'est quelque chose qui est reconnu dans le fédéral? Parce qu'en ce moment ça n'existe pas dans le projet de loi n° 46. Il y a beaucoup de groupes qui sont venus et qui ont demandé au ministre de l'insérer dans son projet de loi. Mais vous parlez, par exemple, là, du fédéral. Est-ce que c'est un exemple à suivre dans ce cas-là?

M. Pelletier (Hubert) : Bien, ce qu'on propose... Je ne veux pas trop vous reprendre, Mme la députée, mais on ne propose pas d'enligner la loi québécoise avec la loi fédérale. On propose au gouvernement de collaborer dans l'établissement de ses objectifs et de rapporter les mêmes aires protégées, au niveau québécois, au niveau pancanadien et au niveau international. C'est un petit peu différent.

Pour votre question, les catégories de l'UICN sont les mêmes au niveau fédéral et au niveau québécois, ce sont les catégories de l'UICN. Ensuite, tout dépend de comment est-ce qu'on intervient sur les statuts et les critères pouvant permettre de s'assurer que le statut est bien une aire protégée ou que la superficie, dans ce statut-là, est bien une aire protégée. Donc, on est un peu dans la sémantique, mais, pratiquement parlant, pour nous, c'est important.

Et pour ce qui est des aires protégées de conservation autochtones, évidemment, on est en soutien de ça, nous, on collabore avec les autorités, autant fédérales que les communautés autochtones ou les gouvernements des Premières Nations et Inuits, pour en créer. On a participé, notamment, à... Si on veut aller chercher des titres miniers et gaziers sur beaucoup de territoires qui étaient prévus... qui étaient, disons, prévus pour être des aires protégées et pour lesquels il restait des titres miniers et gaziers, on se les est fait céder gratuitement par ces compagnies-là pour permettre aux gouvernements, provinciaux ou fédéral, de créer des aires protégées, avec les communautés autochtones, également. Évidemment, c'est quelque chose qu'on encourage.

Que ce soit en terres privées et publiques, la notion d'aires protégées de conservation autochtones s'applique, et, justement, le fameux cadre pancanadien que je mentionne souvent décrit très bien ce que peuvent être et quels seraient les critères à rencontrer dans la création d'une aire protégée de conservation autochtone, et on invite le gouvernement du Québec à, du moins, s'en inspirer et adhérer à l'approche.

Mme Ghazal : Toujours, évidemment, en consultation avec les nations autochtones, pour ces critères-là?

• (17 h 20) •

Le Président (M. Ciccone) : Merci de votre commentaire...

M. Pelletier (Hubert) : C'est évident que...

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, M. Pelletier, en terminant.

M. Pelletier (Hubert) : C'est évident que la volonté autochtone est la prémisse principale et première à respecter.

Mme Ghazal : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée, et, maintenant, je cède la parole au député des Îles-de-la-Madeleine, pour un total de 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. MM. Pelletier, Belzil, merci de votre présentation fort intéressante. Je veux rebondir sur la question qui a été posée par mon collègue de Viau concernant la dichotomie nord-sud. Intéressante, la mention que vous faites, à savoir qu'on devrait avoir 17 % un peu partout au Québec, mais est-ce que le projet de loi, tel qu'il est rédigé aujourd'hui, vous donne à penser qu'on peut plus facilement atteindre cet objectif-là de 17 % au sud du Québec, notamment dans votre travail à vous?

M. Pelletier (Hubert) : Oui, je pense que ça va nous donner des outils supplémentaires pour y arriver. Notamment, on pense que la catégorie VI pourrait s'appliquer à plusieurs territoires qu'on protège déjà, et qu'on va être capables, justement, d'établir, de contre-vérifier avec la grille de critères et de pouvoir les rapporter à l'UICN, éventuellement, avec le Canada. Et, également, les autres mesures de conservation seraient des outils étant reconnus qu'on pourrait utiliser dans plusieurs situations dans le Sud du Québec.

Donc, ce qu'il faut comprendre pour le Sud du Québec, là, on parle que c'est à peu près trois millions de lots privés qui parsèment le Sud du Québec, là, en excluant les logements, les condos, et tout ça. C'est 124 000 propriétaires de lots boisés, 90 000 propriétaires agriculteurs, plus les autres lots individuels que, vous et moi, si on est chanceux, avons. Donc, il y a beaucoup de travail à faire. Il y a beaucoup de travail à faire, et nous, ce qu'on peut faire présentement, c'est d'y aller un par un. Évidemment, on essaie de cibler les plus grands territoires et d'y aller dans des secteurs prioritaires. Le rythme s'accélère, mais c'est sûr que la solution, c'est, évidemment, les moyens. Les moyens, on s'entend, là, la loi est là pour nous donner les outils, ils sont présents, ils vont l'être. Les moyens, bien, il faut que ça suive par d'autres mesures gouvernementales.

M. Arseneau : Et c'est la raison pour laquelle vous ne voulez pas de barrières supplémentaires ou, en tout cas, que ce qui existe et qui est favorable ne soit pas éliminé, comme, par exemple, la référence à un organisme comme le vôtre pour accompagner les propriétaires. Et la question des amendes, je vois que c'est un élément qu'il faudrait éliminer si vous voulez continuer d'inviter les gens à participer avec vous, c'est ça?

M. Belzil (Louis) : Absolument.

M. Pelletier (Hubert) : Bien, notamment, notamment. Puis ce qu'on a peur, un peu, pour un organisme de conservation ou, même, je dirais... Je ne veux pas parler au nom de mon conseil d'administration, mais, si... Nous, on protège déjà une propriété qu'on souhaite désigner réserve naturelle, pour se doter des pouvoirs de l'État, pour nous aider à renforcer la protection de ce territoire-là. Mais, si, en le désignant, on s'expose à des amendes pouvant aller jusqu'à 6 millions de dollars, probablement que ça peut être...

M. Arseneau : Un désincitatif?

M. Pelletier (Hubert) : ...les gens vont à y penser à deux fois, etc. Donc, c'est pour ça qu'on demande au gouvernement, dans le cas des réserves naturelles et du régime de sanctions pécuniaires, dans le projet de loi, de s'adapter un petit peu à la réalité des organismes. Mais on comprend que le projet de loi est là pour l'ensemble des statuts et que, dans une réserve écologique, il faut probablement avoir du mordant, c'est certain. Mais, dans le cas d'une réserve naturelle détenue par un organisme, il y a peut-être une deuxième mesure à adopter.

M. Arseneau : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons.

Mémoires déposés

Avant de terminer, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus durant ces consultations. Ces mémoires seront disponibles sur le site de l'Assemblée nationale.

M. Pelletier, M. Belzil, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux. M. le ministre, je vous remercie beaucoup, MM. et Mmes les députés également.

La commission ajourne maintenant ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 24)

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