(Onze heures trente-six minutes)
Le
Président (M. Bussière) :
Donc, avant de débuter les travaux de la commission, j'ai quelques précisions
sur les procédures particulières prévues dans l'ordre de l'Assemblée du
15 septembre, qui encadre la reprise des travaux parlementaires.
D'abord,
tous les votes seront tenus en suivant la procédure prévue pour un vote par
appel nominal. Par ailleurs, il est
convenu que les membres des groupes parlementaires formant le gouvernement et
l'opposition officielle qui ne peuvent être présents en raison des places
limitées disposent de droits de vote par procuration afin de préserver
l'équilibre dans la composition de la
commission. Ces droits de vote seront annoncés par la secrétaire au début de la
séance au même titre que les
remplaçants. Les membres désignés pourront exercer les votes par procuration au
moment du vote par appel nominal.
Je vous rappelle
également que l'ensemble des documents sont déposés de façon électronique et
qu'il n'y a pas de distribution papier. Vous êtes invités à transmettre
vos documents à l'adresse de la commission. Le secrétariat de la commission
s'occupera de déposer l'ensemble des documents sur la plateforme Greffier à
laquelle vous avez accès.
Enfin, je
vous rappelle qu'en fonction des mesures de distanciation physique énoncées par
la Santé publique vous devez
conserver votre place assise en commission. Si vous souhaitez vous déplacer ou
changer de place, un page devra désinfecter votre place. Il est aussi
obligatoire de déposer... de porter le masque lors de vos déplacements.
Je
demanderais d'être à l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des transports
et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques,
et j'ai donné l'exemple tantôt, je l'ai fermé, j'en ai deux.
La commission
est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 46,
Loi modifiant la Loi sur les conservations du patrimoine naturel et d'autres
dispositions.
Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
• (11 h 40) •
La
Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Caron (Portneuf) sera remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Lamothe (Ungava), par M. Émond (Richelieu); M. Reid
(Beauharnois), par M. Poulin (Beauce-Sud); et M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).
Le Président (M. Bussière) : Mme la
secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?
La
Secrétaire : Oui, M.
le Président. M. Campeau (Bourget)
votera pour M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata) et M. Benjamin (Viau) pour
Mme Charbonneau (Mille-Îles). Le vote est valide pour cet après-midi à la
salle Kirkland.
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Bussière) : D'accord.
Donc, cet avant-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires qui... puis nous
attendons... nous entendrons Nature Québec nous faire une présentation.
Donc, la durée totale des remarques sera
12 minutes. Six minutes pour le gouvernement, quatre minutes
pour l'opposition officielle et une minute chacun pour le deuxième groupe
d'opposition et le troisième groupe.
Je cède la parole au ministre de l'Environnement
et de la Lutte contre les changements climatiques pour ses remarques
préliminaires. M. le ministre, vous disposez donc de six minutes.
M. Benoit Charette
M. Charette : Merci, M. le Président.
Peut-être vous aviser déjà que je serai sans doute plus bref que les six minutes en question, mais je tiens à vous
saluer, les gens qui vous accompagnent pour les travaux de ce projet de loi, naturellement, les collègues
au niveau du gouvernement. Je reconnais des collègues qui sont très, très
intéressés par le sujet qui sera
abordé. Donc, bien, bien heureux de les avoir à mes côtés, mon collègue
de Viau, également, que j'apprécie beaucoup, merci d'y être,
mon collègue de Jonquière, également.
Bref, c'est
un beau projet de loi qui a été salué au moment de son dépôt. On débute
aujourd'hui une consultation dans un esprit d'ouverture. On aura le plaisir, dans quelques
instants, d'entendre les gens de Nature Québec. Donc, on sait qu'on part sur une base solide, mais je réitère,
là, dès cette première intervention, qu'on est aussi très ouverts aux commentaires,
de sorte qu'on puisse ultimement bonifier le projet de loi.
Quand je disais d'entrée de jeu que c'était un
beau projet de loi, on parle de patrimoine naturel, on parle de biodiversité, là aussi, on doit faire écho à des
ententes internationales auxquelles le Québec est lié au
niveau de la protection de son territoire. On sait que l'année 2020 est une année
cruciale. D'ici la fin de l'année, selon les ententes convenues, on doit être à 17 % de territoires terrestres
protégés, 10 % de territoires marins. On est encore très loin, sur papier,
à tout le moins, de ces objectifs-là, donc il faudra certainement
prendre des bouchés doubles. Mais, en même temps, ce qui est important
de rappeler, c'est que le projet de loi n° 46 nous prépare à l'avenir, en
ce sens que les cibles que je viens d'évoquer seront réalisées en vertu des
critères actuels, essentiellement, donc on se place en position de répondre aux
attentes internationales pour la décennie 2020‑2030, en quelque sorte.
Et on va
souvent parler de LCPN, pour ne pas dire, à chacune des fois, la Loi sur la
conservation du patrimoine naturel,
mais c'est cette loi-ci qu'on vient changer, en quelque sorte, à travers le
projet de loi n° 46, j'allais dire 44 parce qu'on a passé quelques heures à parler 44, il n'y a pas si longtemps,
mais là il faudra prendre l'habitude de dire 46, cette fois-ci. Donc,
avec différents objectifs, c'est bien naturel.
Donc, on va
introduire des statuts d'aires protégées, naturellement, là, là aussi il y aura
acronyme à retenir. Donc, les aires
protégées d'utilisation durable, on va souvent parler d'APUD dans nos échanges,
les réserves marines également. On veut
aussi, à travers ce projet de loi là, générer une plus grande participation des
milieux, notamment les autochtones, donc on aura l'occasion d'en
discuter largement.
On veut
aussi, à travers ce projet de loi là, accélérer les processus de
reconnaissance. On l'a vu, dans les dernières aires protégées qui ont été officialisées, dans certains cas, c'étaient
des processus, des procédures qui avaient été entamées il y a 10, 15, dans certains cas, près de 20 ans
passés. Donc, on veut faire en sorte que ce processus-là puisse se faire
avec une plus grande diligence.
Bref, on sait
qu'on part sur une base solide, mais ce sera un réel plaisir d'échanger avec
les groupes que nous allons recevoir
au cours des prochains jours et, par la suite, entre collègues, au niveau de
l'étude article par article. Mais ça va clairement nous aider au niveau
de notre biodiversité. Mon estimé collègue de Bourget, tout à l'heure, me
faisait la remarque que, c'est très vrai, on
vit en période de pandémie, on voit à quel point de plus en plus notre
environnement conditionne notre santé.
Lorsqu'on parle de biodiversité, lorsqu'on parle de protection de notre
territoire, on contribue aussi à améliorer ou à maintenir notre santé.
Bref, un projet de loi qui est tout à fait
d'actualité et qui va nous permettre de maintenir un leadership très
certainement affirmé au Canada, oui, mais à l'échelle internationale au niveau
de toutes ces questions relatives à la biodiversité.
Donc, merci
beaucoup, M. le Président. J'ai bien hâte d'entendre les collègues et Nature
Québec, notamment, ce matin.
Le
Président (M. Bussière) :
Merci beaucoup, M. le ministre. D'ailleurs, vous avez respecté ce que vous
avez dit, vous n'avez pas utilisé pleinement votre six minutes, là, hein?
Donc,
j'invite maintenant le porte-parole
de l'opposition officielle en matière d'environnement et député de
Viau à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre
minutes.
M. Frantz Benjamin
M. Benjamin :
Merci, M. le Président. Je peux vous dire tout de suite que je ne prendrai pas
mes quatre minutes non plus. Donc, je
veux saluer le ministre, je salue l'ensemble des membres de cette commission et
je tiens à saluer, d'ores et déjà,
donc, l'ensemble des groupes, donc, à commencer par Nature Québec, qui est avec
nous ce matin, qui participeront à ces consultations. Je veux saluer
aussi les gens de l'équipe qui m'accompagne, dont Robert, qui est avec moi.
Donc, les consultations sont des occasions très
particulières, ce sont des occasions pour nous, parlementaires, d'écouter,
d'échanger et de noter. C'est ce que j'entends faire au cours de ces
consultations particulières.
C'est un
projet de loi important, parce que je pense qu'on peut convenir, M. le ministre
et moi, qu'on ne peut plus faire
comme avant, et ce projet de loi là nous donne l'opportunité, justement, de ne
plus faire comme avant, donc, et, grâce aux groupes qui viendront à ces consultations particulières, nous allons
pouvoir réfléchir ensemble, échanger ensemble et voir, quand viendra le
temps des études détaillées, comment nous pouvons ensemble bonifier ce projet
de loi là.
Et il va sans dire que c'est un projet de loi...
Pas plus tard qu'hier soir, j'écoutais une émission de radio où, justement, le sujet, c'était... on parlait,
justement, des aires humides, on parlait des aires protégées, et je me
disais : Bien, demain matin, je vais dans une consultation
particulière où on aura à aborder ces questions-là. Ce sont des questions
importantes pour nous aujourd'hui, mais aussi importantes pour demain, aussi,
pour nos enfants, nos petits-enfants.
Et ce que
j'aime beaucoup dans ce projet de loi là, c'est un projet de loi où on voit
tout de suite qu'il y a beaucoup, beaucoup
de paliers. On va parler de territoires, on va parler de politiques, on va
parler de programmes, on va parler aussi de populations, aussi. Le ministre l'a rappelé tout à l'heure, nous allons
parler aussi des peuples des Premières Nations, et ça, c'est très
important. Et donc je remercie encore une fois Nature Québec et tous les
groupes qui participeront à cette consultation.
Le Président (M. Bussière) : Merci
beaucoup, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe, étant donné qu'il n'y a pas personne du
deuxième groupe qui est ici présentement, le troisième
groupe d'opposition en matière
d'environnement et de lutte contre les changements climatiques et député de
Jonquière à faire ses remarques préliminaires pour un maximum d'une
minute.
M. Sylvain Gaudreault
M.
Gaudreault : Oui. Merci, M.
le Président. Alors, ça me fait plaisir aussi d'être ici. C'est un enjeu extrêmement
important, quand on parle de la préservation du patrimoine naturel, et c'est le
temps qu'on se penche sérieusement sur cet
enjeu-là, d'autant plus que le Québec
est lié par la Convention sur la diversité biologique depuis 1992. On a
des cibles à
atteindre. Donc, si on veut être exemplaire, il faut que ça paraisse dans notre
législation. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on va intervenir ici.
Maintenant,
j'ai hâte d'entendre, moi aussi, les différents intervenants que nous allons
accueillir à l'Assemblée nationale,
notamment sur la participation du public, notamment sur les nouvelles
dispositions que le ministre introduit, entre autres les pouvoirs d'enquête, les pouvoirs et responsabilités des
acteurs régionaux et locaux, donc tout l'aspect décentralisation, les
nations autochtones. Alors, ça va être très important.
Et, pour
vivre dans une région où il y a beaucoup d'enjeux reliés à la protection des
zones naturelles ou des aires naturelles,
bien, il va falloir sérieusement aussi qu'on se questionne sur l'acceptabilité
sociale, les relations entre l'aspect économique,
par exemple, exploitation de la forêt et la protection du territoire avec des
aires protégées. Alors, pour moi, c'est loin d'être incompatible, au
contraire. Donc, ça va faire partie des préoccupations qu'on va avoir de ce
côté-ci de l'opposition. Merci.
Auditions
Le
Président (M. Bussière) :
Merci, M. le député. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Nature
Québec et je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous
présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à votre
exposé. La parole est à vous.
Nature Québec
Mme Simard (Alice-Anne) : Merci, M.
le Président. Mon nom est Alice-Anne Simard, je suis la directrice générale de Nature Québec, et je suis accompagnée
d'Audrey-Jade Bérubé, qui est chargée de projets, Aires protégées et
biodiversité, à Nature Québec.
• (11 h 50) •
Donc, tout d'abord, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie pour cette invitation à cette
consultation particulière. Nature Québec est un incontournable lorsqu'on parle
d'aires protégées au Québec, notamment
puisqu'on travaille sur la conservation des milieux naturels depuis près de
40 ans. Nous travaillons aussi,
depuis plusieurs années, sur le statut d'aire protégée d'utilisation durable,
qui a été introduit dans le projet de loi, et sur son utilisation
potentielle sur l'Île d'Anticosti pour le dépôt de sa candidature à l'UNESCO.
Bien que
Nature Québec accueille favorablement la modernisation de la Loi sur la
conservation du patrimoine naturel,
qui est attendue depuis longtemps, il faut le dire, le projet de loi n° 46, pour nous, est encore incomplet. Donc, nos recommandations
visent à bonifier le projet de loi afin qu'il réponde adéquatement aux défis
liés à la dégradation de la biodiversité.
Tout d'abord, Nature Québec recommande l'ajout
d'une échéance pour traiter l'ensemble des aires protégées projetées afin de leur accorder un statut
permanent. Aucune de ces aires ne doit perdre
son statut de protection. On propose donc un délai de quatre ans pour
convertir le statut projeté en statut permanent.
Nous
recommandons d'enchâsser dans la loi une protection provisoire des territoires
à l'étude pour tout nouveau projet
d'aire protégée, sans que ces territoires, toutefois, ne soient
comptabilisés dans le Registre des aires protégées. Bien qu'on soit d'accord avec le principe derrière
l'abolition du statut, là, projeté pour écourter les délais de création
d'une aire protégée, on suggère une protection
provisoire de trois ans, renouvelable une fois, ce qui est semblable à la
réserve pour fins publiques de la Loi sur l'expropriation.
Nature Québec
recommande qu'un paragraphe soit ajouté à l'article 41 afin de définir ce
que représente «l'intérêt public».
Cette définition-là doit être objective et unanime pour que les experts et
expertes travaillent avec cette notion, et que ce ne soit pas seulement
laissé à l'interprétation.
Nous recommandons aussi que des consultations
publiques soient tenues obligatoirement pour toute désignation d'une aire
protégée, modification à la délimitation qui entraîne une diminution de sa
superficie, ou si le gouvernement souhaite mettre fin à sa désignation. De
plus, la compensation suggérée par le gouvernement en cas de diminution de la superficie totale des aires
protégées au Québec doit faire partie des éléments à l'étude lors de la
consultation publique, et ces consultations doivent être confiées au
BAPE.
Nature Québec recommande de définir davantage ce
qu'est une aire protégée d'utilisation durable. Nous suggérons tout d'abord d'ajouter un paragraphe précisant que
l'utilisation durable du territoire est subordonnée aux objectifs de
conservation, et qu'un plan directeur guidera la gestion de chaque aire
protégée en favorisant le maintien ou la restauration
d'un haut niveau de naturalité du territoire. Nous recommandons également
d'enchâsser dans la loi des balises précises encadrant ce statut, qui
sont la priorisation de la conservation, le maintien ou la restauration des
conditions naturelles, les retombées pour
les communautés locales, la complémentarité et la délimitation des usages,
ainsi que des modes de gestion efficace.
Nous
recommandons aussi de remplacer le nom «aire protégée d'utilisation durable»,
qui est déjà bien long, j'en conviens, par «aire protégée d'utilisation durable des ressources
renouvelables», encore plus long, on s'en excuse, mais cela est dans un but de mettre les choses au clair pour
que les activités qui utilisent des ressources non renouvelables soient interdites dans ces aires protégées. Donc, Nature
Québec recommande l'ajout d'un article afin que les activités suivantes soient interdites dans une aire protégée
d'utilisation durable des ressources renouvelables : exploitation minière,
recherche de substances minérales, recherche
ou exploitation d'hydrocarbures, de saumure et de réservoirs souterrains,
transport d'hydrocarbures, ainsi que
production, transformation et distribution commerciales d'énergie, notamment
l'électricité.
Nous
recommandons qu'il soit impossible de convertir une aire protégée existante de
catégorie plus stricte en aire protégée
d'utilisation durable des ressources renouvelables sauf si la protection ou la
restauration d'une espèce ou d'un écosystème
dans l'aire protégée nécessite l'utilisation durable d'une ressource
renouvelable ou si ce changement de statut augmente la superficie de
l'aire protégée au bénéfice des espèces et des écosystèmes.
Nature Québec recommande la possibilité de
changer le statut d'une aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables si elle ne remplit pas
ses objectifs de protection ou de restauration de la biodiversité. Elle
pourrait acquérir, par exemple, un statut plus strict afin que la primauté de la protection de la
biodiversité puisse être respectée.
Nous recommandons que les autres mesures de
conservation efficaces, les AMCE, tout comme les aires protégées d'utilisation durable des ressources renouvelables, ne soient
pas comptabilisées pour l'atteinte des cibles de conservation de 17 % et
10 % d'ici la fin 2020. Toutefois, elles pourraient être
comptabilisées pour les futures cibles qui seront plus amitieuses, qui seront déterminées par le Québec en
s'inspirant de la communauté scientifique internationale et des cibles
adoptées par les pays parties de la Convention sur la diversité biologique.
Nature Québec recommande que les autres mesures
de conservation efficaces soient comptabilisées dans l'atteinte de nos cibles de conservation seulement si elles amènent un
réel gain en matière de protection de la biodiversité. Il est
important de s'assurer qu'elles ne sont pas comptabilisées uniquement par
pression politique d'autres ministères.
Nous
recommandons aussi l'ajout de balises pour les autres mesures de conservation
efficaces, notamment un statut
permanent et à l'année longue, une zone
géographique clairement définie, une conservation in situ, l'exclusion
des activités incompatibles avec la
conservation, un plan directeur, une gestion efficace des activités
compatibles, une autorité et des moyens pour le gestionnaire, et un
suivi du respect des objectifs de conservation.
Nature Québec recommande d'enchâsser les
territoires de conservation nordiques dans les autres mesures de conservation efficaces afin d'établir des balises
claires, de s'assurer que la permanence... de la permanence de la
protection dans le Nord-du-Québec et d'éviter la multiplication inutile, finalement,
de registres.
Nous
recommandons que les autres mesures de conservation efficaces réalisées sur le
territoire du Plan Nord ne
soient pas comptabilisées dans l'atteinte des cibles.
Nature Québec
recommande aussi que les ministères concernés s'impliquent davantage pour que des
territoires obtiennent le statut de paysage
humanisé. Cela nécessite l'octroi de moyens, notamment financiers, pour les
communautés locales.
Nous
recommandons d'intégrer le statut d'aire protégée de conservation autochtone
dans le projet de loi. Sa définition et sa portée devraient être
déterminées avec les représentants et représentantes des Premières
Nations et des Inuits.
Nature Québec
recommande l'ajout d'un article de loi qui habilite le Conseil des ministres à
la création de sociétés de gestion
lorsque le gouvernement juge qu'une formule de gouvernance conjointe d'aire
protégée est pertinente. D'ailleurs, nous recommandons la création d'une
première société de gestion pour la réserve de biodiversité d'Anticosti afin
d'assurer une gouvernance conjointe pour son inscription au patrimoine mondial
de l'UNESCO.
Nous recommandons aussi que le Québec se dote
d'objectifs nationaux ventilés, en matière de conservation, notamment se doter de cibles à atteindre en
matière d'aires protégées strictes, par exemple, avoir un 30 % d'aires protégées d'ici 2030, ce
qui inclut un pourcentage de 25 % en aires protégées strictes. On veut
aussi que le Québec se dote d'objectifs de
conservation distincts entre le Nord et le Sud, et limiter à 5 %
l'utilisation des autres mesures de conservation efficaces dans l'atteinte de nos cibles. Après 5 %, finalement,
qu'il s'agisse seulement d'un surplus qui n'est pas comptabilisé.
Nature Québec recommande que le gouvernement
respecte ses engagements de mettre 50 % du territoire du Plan Nord à
l'abri des activités industrielles et que cet engagement soit enchâssé dans la
loi.
Et,
finalement, nous recommandons que les nombreux projets d'aires protégées en
cours d'évaluation depuis trop longtemps
se concrétisent rapidement. Nous recommandons, pour ce, une augmentation des
budgets dédiés à la conservation, la
création de programmes de suivi de l'état des aires protégées actuelles et
futures, et un meilleur contrôle et une gestion plus efficace de
celles-ci.
Donc, en terminant, on tient à souligner que le
MELCC a besoin de nouveaux outils pour mettre un frein à l'effondrement de la biodiversité au Québec.
L'aire protégée est le seul outil actuellement qui lui permet d'assurer la
gestion du territoire. La venue du statut d'aire protégée d'utilisation durable
des ressources renouvelables est donc un moyen efficace pour bonifier le réseau d'aires protégées et conserver de plus
grandes superficies du territoire. Ce nouveau statut est
particulièrement adapté pour le sud du Québec, qui connaît des limites, en
termes de création d'aires protégées plus strictes, tant au point de vue
politique, social que territorial.
Donc, malgré
certaines avancées intéressantes, il reste du travail à faire afin de rendre le
projet de loi n° 46 tout à fait
acceptable. Il doit donner les moyens au Québec d'être un leader en matière de
conservation. Dotons-nous d'objectifs ambitieux
et d'outils efficaces qui nous permettront de renverser la tendance et de
rétablir l'harmonie entre nous et toutes les espèces avec qui nous
partageons cette planète. Merci.
Le
Président (M. Bussière) : Je
vous remercie de votre exposé. Nous allons maintenant commencer la
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
• (12 heures) •
M.
Charette : C'est bien gentil. J'ai des collègues qui, déjà, me
laissent entendre vouloir intervenir, donc je ne pourrai pas prendre
l'entièreté du temps de parole, mais déjà vous remercier pour votre présence,
je le mentionnais tout à l'heure. Merci également pour les commentaires.
Peut-être
deux, trois petites remarques. Il y a beaucoup d'éléments excessivement
intéressants dans ce que vous mentionnez.
Un certain nombre sont déjà parties prenantes du projet de loi, d'autres
pourront être ajoutés. Dans certains cas, par contre, il y a des engagements qu'on ne saurait prendre aujourd'hui
ou dans les prochains jours. Vous savez qu'il y a des négociations au niveau international pour,
justement, les cibles 2030, et c'est
la raison pour laquelle je vais souvent nous référer à l'article 2 du projet
de loi, qui dit : L'aire
protégée devra se faire en respect, en
quelque sorte, des critères
établis par l'UICN. C'est la raison pour
laquelle le projet de loi ne parle pas d'activités proscrites ou
d'activités permises dans le détail,
parce qu'on va vouloir s'ajuster à ce qui se négocie à l'international, mais on
réitère clairement, noir sur blanc, que ça devra se faire
dans le respect de ce qui est reconnu, là, par l'UICN. Donc, on va maintenir
les plus hauts standards.
Peut-être
vous rassurer aussi... Quand vous dites espérer qu'on ne change pas une aire protégée actuelle vers cette sixième catégorie,
en quelque sorte, dont il est question, je vous rassure en
disant que ce n'est pas du tout, du tout notre intention. D'ailleurs,
les objectifs, 17 %, 10 %, on veut réellement, autant que possible,
les atteindre en vertu des règles qui s'appliquent déjà.
Vous
faites référence à différentes activités qui ne devraient pas avoir cours dans
les aires protégées, mais vous ne mentionnez pas, notamment, la
foresterie. C'est un sujet qui est bien, bien réel, hein? Compte tenu de la
grandeur du territoire québécois,
l'industrie forestière est importante pour plusieurs de nos régions. Vous
souhaitez faire référence à du développement durable même dans
l'appellation des APUD. Pour vous, quelle est la façon dont on doit percevoir
la foresterie sur le territoire québécois et, ultimement, peut-être, dans ces
APUD à créer éventuellement?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Oui, d'accord.
Donc, je peux commencer par ça. Dans notre mémoire, c'est bien inscrit que, oui, la foresterie peut être permise
dans les aires protégées d'utilisation durable des ressources
renouvelables. D'ailleurs, on a un encadré qu'on vous a mis dans notre mémoire
concernant le cas de l'île d'Anticosti, qui est un cas parfait, en fait, pour faire cette analyse-là, à la page 19, où il
est possible, à ce moment-là, d'avoir une foresterie qui permet de
garder une certaine... une foresterie de restauration, finalement, qui permet
d'être en accord avec les objectifs de conservation,
parce que c'est ça, l'important. Si on parle d'aire protégée, même si c'est
une aire protégée
d'utilisation durable des ressources
renouvelables, l'important, c'est qu'on garde en tête que l'objectif
premier, c'est la conservation. Donc,
oui, si on a une utilisation de ressources renouvelables... La forêt, c'est une ressource
qui est renouvelable. Si on a une utilisation qui peut être faite de
façon durable, et en accord avec les objectifs de conservation, et même aider
la conversation ou la restauration d'une espèce, bien sûr, on est d'accord pour
que ce soit permis.
Au
niveau de... le changement de statut d'une aire protégée stricte à moins
stricte, là, allons-y plus rapidement comme ça pour le terme, c'est
qu'on veut que ça soit dans le projet de loi, parce qu'il y a quand même beaucoup
de groupes environnementaux qui s'inquiètent
de cette possibilité-là que le projet
de loi ouvre la porte à... que toutes
les aires protégées qu'on a présentement deviennent avec un statut moins
strict, et, de l'inscrire dans le projet de loi de cette façon-là, que ça soit
bien clair, c'est une façon aussi qu'il y ait une meilleure acceptabilité
sociale du projet de loi.
Et finalement, au
niveau des activités, pour interdire ou non les activités, il faut comprendre
que les lignes directrices de l'UICN, ce
n'est pas... On dit, nous, ce n'est pas la voix de Dieu, là, non plus, tu sais,
ce n'est pas... C'est des lignes qui
encadrent un peu ce que les aires protégées devraient être, mais tout doit être
fait aussi... une interprétation, là, selon
les États. Et, pour nous, de dire : On interdit ces activités-là, c'est
bien important, parce que ce sont toutes des activités qui sont absolument non compatibles avec un objectif
de conservation. Donc, de toute façon, en les interdisant, on peut probablement aussi aider à l'acceptabilité
sociale, encore une fois, de ce concept d'aire protégée, mais on s'assure
que, justement, il n'y aura aucune activité
qui n'est pas compatible avec un objectif de conservation qui pourra être permise.
M.
Charette : Très, très
rapidement, pour ne pas prendre tout notre temps de parole, vous avez mentionné
l'île d'Anticosti. On partage cette vision. Et on espère, d'ailleurs,
dans les prochaines semaines, pouvoir faire des annonces intéressantes à
ce sujet-là.
Donc,
sans plus tarder, M. le Président, je pense qu'on pourrait céder la parole à
d'autres collègues de la partie gouvernementale, mais, déjà,
remercier encore une fois les gens de Nature Québec.
Le Président (M.
Bussière) : Merci, M. le ministre. Je céderais maintenant la parole au
député de Bourget.
M. Campeau :
Merci, M. le Président. Juste un commentaire pour commencer. Je pourrais peut-être
faire ce commentaire-là à tous les groupes qui vont venir nous voir,
en particulier à Nature Québec. Souvent, la protection d'aires, peu importe l'acronyme qu'on utilise, ce n'est pas
un sujet sexy. La plupart des électeurs ne le voient pas comme quelque
chose qui est près d'eux autres. Et, comme ce qui était mentionné par le ministre,
avec ce qui vient d'arriver avec la pandémie,
je pense qu'on le voit vraiment, à quel point c'est important. Alors, vous avez
bien fait de nous taper dessus, de nous rabâcher les oreilles avec ça
pendant longtemps. C'est la preuve, malheureuse, là, mais la preuve que c'est
extrêmement utile.
Vous
avez parlé... Je vais prendre deux sujets, Merci de faire ça vite. Vous avez
parlé qu'on devrait définir l'intérêt public.
Vous le définiriez comment? Parce que c'est difficile, faire ça, là. Alors,
avez-vous une idée plus précise là-dessus?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Vous savez, l'intérêt public, c'est un peu comme
l'acceptabilité sociale, c'est assez difficile
à définir. Par contre, il y a quand
même des balises qui peuvent mises en place aussi pour ne pas que ça soit
laissé à la discrétion du ministre.
L'intérêt public, dans notre mémoire, on en parle justement, c'est à la page n° 12. Donc, c'est ça, on veut
que cette définition-là soit objective et unanime. Puis c'est important que,
bon, la discrétion du ministre ou du gouvernement,
dans l'interprétation de cette notion, soit balisée, parce qu'au final, bien,
tu sais, il ne faut pas oublier aussi que la protection de
l'environnement, c'est une question d'intérêt public aussi, là. Donc, il faut
s'assurer que, bien, justement, de...
Attribuer un autre statut de protection pour l'intérêt public, ça peut ouvrir
la porte à, quand même, des décisions
qui sont assez subjectives. Et, pour nous, c'est important que, si on veut
changer le statut de protection d'une aire
protégée, ça doit être fait uniquement sur des bases scientifiques claires,
pour des objectifs de conservation clairs aussi, là.
M. Campeau : Une deuxième question, parce que j'en aurais bien
d'autres, mais je vais laisser de la place, vous avez mentionné qu'on
devrait exclure l'exploitation des ressources non renouvelables, vous avez
parlé d'électricité, parlez-vous des barrages ou d'empêcher même de passer des
poteaux dessus?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Non,
non. Évidemment, c'est au niveau des barrages, des réservoirs, là, qui
vont vraiment aller affecter de façon massive, là, un écosystème.
M. Campeau :
Je m'en doutais. Je voulais juste vous donner l'occasion de le clarifier.
Merci.
Le Président (M. Bussière) : Merci, M. le député de Bourget.
Et maintenant je céderais la parole à la députée d'Argenteuil.
Mme Grondin :
...combien de temps?
Le Président (M.
Bussière) : 8 min 17 s.
Mme Grondin :
Huit minutes!
Le Président (M.
Bussière) : Ah! là, ça diminue, là.
Mme
Grondin : Merci. Donc,
bonjour, Mme Simard. Très heureuse d'entendre votre analyse et vos
recommandations. Juste par curiosité, votre présidente est toujours Louise
Gratton? Vous la saluerez de ma part.
Mme Simard
(Alice-Anne) : Parfait.
Mme
Grondin : Donc, mes
collègues, le ministre et le député de Bourget, ont posé des questions que j'avais déjà dans ma liste. Je voulais juste m'assurer... Dans
la liste des activités que vous jugez incompatibles, elle est vraiment
dans les recommandations 7 et 8, si je comprends bien, donc, c'est tout ce
qui touche, en fait, l'intégrité des milieux.
Mme Simard
(Alice-Anne) : Bien, c'est vraiment des activités qui sont
incompatibles avec un objectif de conservation.
On ne peut pas faire de la protection ou de la restauration de la biodiversité
si on a aussi ces activités-là. C'est
à la page 17 et, en fait, c'est un article qu'on s'est inspirés... Dans le
mémoire, on le détaille plus, là. On s'est inspirés fortement de l'article 48, là, du projet de
loi pour dire, finalement, là, la liste, justement, des activités qui devraient
être interdites, et, encore une fois, c'est
vraiment dans une optique de permettre une meilleure acceptabilité sociale de ce projet de loi là, parce que, bon, quand ça a sorti en
novembre dernier, ça avait quand même causé un peu un émoi où les gens disaient : C'est n'importe quoi, là, on va
permettre d'exploiter n'importe quelles ressources dans les aires protégées.
Donc, je pense que c'est une bonne de façon
de vous assurer que... Et ce sera mieux accepté si on a des activités qui sont
clairement interdites, qui... De toute façon,
si on suit les lignes directrices de l'UICN, c'est des activités qui ne peuvent
pas être mises, là, dans une aire protégée d'utilisation durable, là, de
toute façon, là.
• (12 h 10) •
Mme
Grondin : Et, quand vous parlez des différentes balises, donc, un
peu... ça me fait penser un peu à l'approche au niveau du recyclage, qui est les 3RV. C'est un peu ça, le concept de
balise que vous souhaitez voir dans l'utilisation durable. Concrètement,
ça veut dire quoi?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Exactement, il y a plusieurs balises. Si vous
allez à la page 14 de notre mémoire, on les cite. Vous savez, depuis que le projet de loi a été annoncé, depuis
novembre dernier, on travaille avec des experts, expertes, des universitaires, des chercheurs, chercheuses, d'autres
groupes environnementaux pour déterminer conjointement aussi : O.K., d'accord, on a ce nouveau statut d'aire
protégée là, qu'est-ce qu'on devrait mettre en place, quelles balises on
devrait mettre pour encadrer ce nouveau statut là et éviter les dérives
potentielles.
Donc,
on vous a... J'y suis allée vraiment rapidement, là, mais, sans prendre tout
votre temps non plus, les balises sont
bien expliquées au niveau de la priorisation de la conservation, donc, que
l'objectif principal soit de conserver la nature, restauration aussi, maintien des conditions
naturelles pour s'assurer finalement qu'il y ait une certaine naturalité, là,
qui va renforcer les écosystèmes, la
résilience des écosystèmes régionaux. On veut aussi que ce soit une utilisation
durable des ressources qui peut être bénéfique, là, finalement, puis
dans le respect des objectifs de conservation. On veut aussi qu'il y ait des retombées positives et durables
pour les communautés locales, optimiser l'utilisation locale des
ressources. On veut qu'il y ait... que les
aires protégées soient désignées en complément d'un noyau de conservation plus
stricte visant à soustraire les
habitats des composantes de la biodiversité dont la survie et la pérennité sont
incompatibles avec les usages proposés.
Et on veut aussi assurer l'efficacité du maintien des objectifs de conservation
par une gestion exemplaire, réaliser aussi le suivi d'indicateurs pour
montrer le respect des objectifs de conservation.
Donc, ces balises-là,
ce sont des balises qu'on s'est entendus, là, avec, notamment, là, des groupes
environnementaux qui viendront se présenter aujourd'hui. Puis, peut-être, ma
collègue peut en parler. C'est elle qui a participé beaucoup aux discussions,
là, pendant plusieurs mois, sur ces balises-là.
Mme Bérubé (Audrey-Jade) : Oui,
bien, je peux... Je veux quand même préciser aussi que, tu sais, on a eu
beaucoup de discussions avec les groupes environnementaux, mais c'est des
balises qui sont fondées aussi sur les descriptions de l'UICN. Donc, on ne s'est pas
basés sur n'importe quoi. On n'est pas partis de n'importe quoi. On dit
que l'UICN, ce n'est pas la voix de Dieu,
mais ça a quand même du bon, parce que c'est accepté par la communauté
scientifique internationalement.
Donc, c'est
vraiment de baser c'est quoi, la définition d'une aire protégée. On veut
l'adapter au concept d'aire protégée
d'utilisation durable. Et, pour nous, le concept d'aire protégée d'utilisation
durable, c'est de permettre aussi
une plus grande flexibilité dans la protection. Donc, on veut justement avoir plus de flexibilité au niveau de l'implication des communautés locales, flexibilité au niveau de la restauration, par exemple. Donc, la restauration peut être un moyen qui est utilisé avec
la foresterie, par exemple, qui n'est pas permis en ce moment dans les
catégories qu'on a, mais ça peut permettre la conservation de la biodiversité,
d'utiliser les ressources naturelles renouvelables.
Mme Grondin : Peut-être... Est-ce
qu'il me reste encore un peu de temps, M. le Président, oui?
Le Président (M. Bussière) :
3 min 22 s.
Mme Grondin : O.K., donc, juste une
dernière question...
Le Président (M. Bussière) : Mais
j'ai deux autres députés qui voudraient avoir la parole.
Mme
Grondin : O.K.,
dernière question rapide, en terres privées, en zones habitées, je
vois que vous... est-ce que l'utilisation... l'aire protégée d'utilisation
durable risque d'être un outil de conservation qui va être très intéressant?
Mme Simard
(Alice-Anne) : Bien, c'est surtout...
On considère que c'est un outil qui est particulièrement intéressant
dans le sud du Québec,
où, justement, il y a une densité de la population qui est plus
élevée, où il y a différents usages du territoire
qui est fait, ce qu'on ne retrouve pas nécessairement dans le Nord. Donc, on ne
voudrait pas que ce nouveau statut
permette d'avoir des immenses superficies d'aires protégées dans le Nord sans
que le Sud, finalement, ait assez d'aires protégées. Pour ce qui est vraiment en terres plus privées, bien, je vous référerais,
là, à nos collègues du réseau des milieux naturels protégés, il y a les
collègues aussi de Conservation de la nature Canada qui viendront, qui sont vraiment
spécialistes d'aires protégées en terres privées.
Mme Grondin : Parfait, merci.
Le Président (M. Bussière) : Merci à
vous. Et je cède maintenant la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif : Merci, M. le Président.
Merci d'être là. Il fait plaisir de vous voir.
Vous parlez
d'implication des communautés locales, c'est très intéressant. Vous parlez
aussi... Vous recommandez qu'il y ait
des territoires qui obtiennent le statut des paysages humanisés. Je ne sais pas
si vous connaissez le concept de forêts
habitées, qui est en place dans Le Haut-Saint-Maurice et dans Lanaudière, dans
le Bas-Saint-Laurent aussi, où tous les utilisateurs
s'entendent pour mettre sur table, sur cartes, les zones de conservation, les
zones d'exploitation, les zones d'exploitation
tant forestières que fauniques ou
autres, là. Et je vous demanderais de faire un parallèle ou d'aller un peu plus loin par rapport à ce qui existe déjà et ce que vous souhaitez,
vous, comme statut de paysage harmonisé, parce que le... On inclut aussi déjà, dans ces concepts-là, dans ces
réalisations-là, depuis déjà plusieurs années, là, les intérêts des
communautés autochtones.
Mme Simard
(Alice-Anne) : En fait, le statut de paysage humanisé existe, là,
depuis 18 ans, mais il n'y a
encore aucun territoire, là, ici, au Québec,
qui s'est vu accorder cette désignation-là. Et donc on trouve ça intéressant. Dans le projet de loi, on reconduit ce statut-là, mais, pour nous, il
faut qu'on mette des mesures en place, là, finalement, là, pour qu'il y ait vraiment des paysages humanisés qui soient désignés comme tels au Québec,
là. Donc, à la page 24, là, on a quelques
raisons qui expliquent l'absence de ce statut en territoire québécois puis on
propose aussi, entre autres... Selon nous, la meilleure façon, c'est que
les ministères concernés s'impliquent davantage, là, dans l'obtention, là, du
statut de paysage humanisé, parce que, pour l'instant, ça repose beaucoup
encore sur les communautés locales.
Mme Tardif : Mais comment vous
souhaiteriez que ce soit... Qu'est-ce que vous voulez avoir, idéalement?
Le Président (M. Bussière) : ...qu'il
vous reste une dizaine de secondes.
Mme Simard (Alice-Anne) : Parfait,
on va se pencher là-dessus. Merci.
Le
Président (M. Bussière) :
Donc, le temps ayant été écoulé, je m'excuse aussi au député de Forget qui
avait demandé la parole, on va maintenant passer à la partie opposition
officielle. M. le député de Viau, à vous la parole, vous avez 11 minutes.
M.
Benjamin : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation.
Donc, je vais tout de suite à la recommandation 16. J'aimerais
vraiment vous entendre parce que c'est un concept, pour moi, qui est nouveau,
celui d'aire protégée
de conservation autochtone. J'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que
ça me semble très intéressant comme piste.
Mme Simard
(Alice-Anne) : C'est un statut, en fait, d'aire protégée qui existe
déjà dans le monde et même au Canada.
Ça gagne de plus en plus en popularité. En fait, le principe, c'est que la
gestion des aires protégées est confiée aux collectivités autochtones sur leurs territoires traditionnels avec des
méthodes qui sont durables et adaptées aussi sur le plan culturel, mais ça n'existe pas encore au Québec.
Donc, on s'est dit : Bon, bien, tant qu'à ouvrir la Loi sur la
conservation du patrimoine naturel, aussi
bien en profiter pour inclure ce nouveau statut. Par contre, on n'est pas
autochtones, nous, à Nature Québec.
On ne peut pas présumer de comment les choses devraient être faites. Alors, on
se dit que la définition exacte, la portée
de ce nouveau statut, devrait être discutée avec les représentants,
représentantes des Premières Nations et des Inuit.
M.
Benjamin : Et cette expérience, que vous dites, ailleurs au Canada,
est-ce que... Pouvez-vous nous dire... Est-ce que ce sont des
expériences concluantes? À l'étranger, est-ce que ce sont des expériences
concluantes?
Mme Simard
(Alice-Anne) : Il y en a une en Colombie-Britannique, dont j'oublie le
nom, là, je dois avouer, mais je pourrais vous transmettre à votre
bureau, peut-être, là, si vous voulez, les informations. Pour l'instant, c'est
tout nouveau encore au Québec, mais, à
l'international, ça se fait un petit peu plus. Et, bon, j'avais déjà parlé avec une leader autochtone qui me disait : Bien, encore au Canada,
ici, on ne sait pas vraiment ce que ça devrait être, comment on devrait
l'encadrer, et tout ça. Donc, tant mieux si le Québec pourrait faire partie de
ces premières réflexions-là entourant ce nouveau statut, là.
M.
Benjamin : J'ai très bien...
Merci pour la réponse. J'ai très bien
entendu votre réponse pour ce qui a trait à l'acceptabilité... sociale, pardon, donc, qui est un enjeu important,
mais l'enjeu... L'autre enjeu que j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, c'est sur la question de
gouvernance. Notamment, vous semblez suggérer... Vous suggérez,
notamment, à la recommandation 17,
l'habilité, donc, à créer des sociétés de gestion. J'aimerais peut-être vous
entendre là-dessus.
Mme Simard
(Alice-Anne) : Oui, en fait, une idée de société de gestion, elle est
issue, en fait, d'un long processus qui
a été entamé dans le cadre de l'élaboration de la proposition d'inscription de
l'île d'Anticosti au patrimoine mondial de l'UNESCO et... parce que, finalement, ces sites-là doivent... comme ils
sont des références, ils doivent être vraiment des références aussi au niveau de leur gestion. Et ce
qu'on propose, bien, avec tous les partenaires à la table UNESCO-Anticosti,
c'est une société de gestion qui permettrait
de réunir à la fois, par exemple, le gouvernement du Québec, la
municipalité de Port-Menier, la MRC de la
Minganie, les communautés innues d'Ekuanitshit et Nutashkuan, pour garantir une
protection puis une gestion exemplaires.
C'est une formule qui existe ailleurs. D'ailleurs, justement, on a des exemples
de... Dans les lignes directrices de
l'UICN, il y a des exemples aussi, comme ça, d'une nouvelle forme. Et ce qu'on
veut, c'est habiliter le Conseil des ministres à créer cette société de
gestion là, ce qui n'existe pas présentement pour les aires protégées.
Mme Bérubé
(Audrey-Jade) : Je peux ajouter une petite précision aussi. Qu'est-ce
qui est intéressant avec la société
de gestion, c'est que ça permet de garder et le gouvernement et les communautés
locales dans la prise de décision et de
ne pas laisser le travail à faire juste par la municipalité. Il y a des
municipalités qui n'ont pas les capacités financières, les capacités de ressources, de personnel pour gérer
une aire protégée. Donc, c'est important de combiner les efforts puis de
faire une gestion qui est partagée. Donc, c'est vraiment intéressant.
Mme Simard
(Alice-Anne) : D'ailleurs, en France, tous les parcs nationaux sont
administrés avec une formule de société de gestion, là. Donc, c'est
intéressant de se pencher là-dessus.
• (12 h 20) •
M.
Benjamin : L'autre question
qui m'intéresse, donc, notamment, vous l'abordez dans plusieurs recommandations,
notamment à la recommandation 6. Je vous
dirais que moi-même, aussi, à la lecture du projet de loi, je semblais...
J'ai buté sur le concept d'aire protégée
d'utilisation durable en essayant de bien comprendre le sens. Et là vous nous
proposez une autre acceptation, une
autre formulation, aire protégée d'utilisation durable des ressources
renouvelables. Je comprends que la
volonté qui est derrière cette proposition-là, c'est plutôt pour mieux
encadrer, pour bien encadrer. À nouveau, la liste que vous avez donnée des ressources non renouvelables ou,
du moins, des ressources qui ne seraient pas admissibles, est-ce
qu'elle est exhaustive? Est-ce que vous avez d'autres types de ressources que
vous avez identifiés, qui pourraient être considérés?
Mme Simard
(Alice-Anne) : Bien, écoutez,
à notre connaissance, c'est pas mal assez exhaustif. Tu sais, on n'a pas
parlé d'énergie nucléaire, là, mais évidemment ça en fait partie, là. Mais le
but, c'est vraiment qu'on fasse une distinction
dans le titre aussi. Encore une fois, comme je disais, il faut avoir une meilleure acceptabilité sociale du projet de loi pour que, vraiment,
les activités qui ont un impact irréversible sur les écosystèmes, là, soient tout à fait soustraites.
Puis, pour
revenir sur l'hydroélectricité, oui, c'est les réservoirs puis la modification du régime hydrique, mais même
l'énergie éolienne aussi devrait être proscrite puisque ça amène une
fragmentation des habitats à cause des chemins d'accès, un dérangement de la faune, aussi, puis un impact sur leurs
déplacements. Donc, tout ça est dans un but de s'assurer que les... des activités qu'on permet dans ces aires protégées là, parce que ce n'est pas un territoire comme un autre. C'est une aire
protégée. Donc, l'objectif
premier doit être la conservation, et il faut que les activités permises soient
compatibles avec cet objectif de conservation.
M. Benjamin : En lisant votre mémoire, donc, souvent, ce sont
des enjeux qui sont abordés dans les municipalités beaucoup,
et je n'ai pas beaucoup vu les municipalités... Vous n'avez pas beaucoup
parlé des municipalités. Je comprends que c'est un projet de loi, mais, quand on parle d'acceptabilité sociale, il y a les citoyens. Comment vous voyez le rôle des municipalités
dans cet enjeu-là?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Écoutez,
c'est sûr que nous, on s'est plutôt penchés du côté vraiment très public...
Les aires protégées, c'est géré, à la base, aussi par le MELCC. Donc on s'est
penchés beaucoup là-dessus. Oui, c'est intéressant de voir... On pense que, notamment,
l'idée de la société de gestion, c'est une façon excellente d'inclure
mieux les municipalités, les communautés locales aussi, pour ne pas qu'on se
retrouve à créer des aires protégées dont la communauté ne veut pas, finalement, là. Donc, c'est une
bonne façon aussi de faire accepter ces nouvelles aires protégées là.
M. Benjamin :
En lisant votre mémoire, j'étais curieux, parce que vous avez parlé de... dans
les premiers commentaires que vous avez faits par rapport au projet de loi, vous avez parlé d'un projet de loi incomplet. Incomplet, bien, je
comprends. Nous sommes en train de le compléter à travers cet exercice. Nous
aurons à le faire lors des études détaillées. Mais vous avez parlé de
prématuré, j'aimerais vous entendre sur le caractère prématuré.
Mme
Bérubé (Audrey-Jade) : Moi,
je peux expliquer un peu... Le caractère prématuré qu'on trouve, c'est
que beaucoup des nouveaux statuts, c'est mentionné que ça va être expliqué en règlement.
Donc, pour nous, c'est prématuré dans
le sens qu'on dirait qu'il manque de contenu pour vraiment
mettre les balises de c'est quoi, ces nouveaux types de protection là, ces nouveaux types d'aires
protégées. Donc, c'est pour ça qu'on trouvait qu'il était un peu prématuré.
Ça mérite une précision sur ces nouveaux
types là pour ne pas que ça soit juste dans la nouvelle loi, puis qu'on se
demande, en fait, c'est quoi vraiment, ce statut-là, puis qu'est-ce que ça
implique.
M. Benjamin :
Merci. Il me reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bussière) : 3 min 4 s.
M. Benjamin :
Parfait. En lisant aussi votre mémoire, vous avez parlé des délais de quatre
ans, de trois ans. Pouvez-vous nous faire... Vous parlez des délais de trois
ans avant qu'une aire protégée... Pouvez-vous m'expliquer davantage?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Bien,
il faut comprendre qu'il y a des projets d'aires protégées, présentement,
qui sont des aires protégées projetées, qui
sont en attente depuis au moins 2004, là. Donc, c'est des projets qui traînent
depuis beaucoup trop longtemps, mais ces projets-là sont tout de
même comptabilisés dans le pourcentage d'aires protégées du Québec.
Donc, dans notre atteinte des objectifs de 17 %, 10 %, on inclut les
aires protégées projetées.
Donc,
il y a... On dirait qu'il manque un peu de volonté politique à vraiment les
mettre en oeuvre parce que, bien, elles
nous permettent déjà d'atteindre notre pourcentage, alors que, sur le terrain,
il n'y a pas réellement d'aire protégée. C'est pour ça qu'on disait : Bien, en instaurant un délai de quatre
ans, on s'assure, comme ça, qu'il n'y a pas de projets d'aires protégées qui vont traîner pendant des
années et des années. Notamment, au Bas-Saint-Laurent, présentement,
c'est vraiment problématique, où il y a des
aires protégées qui font consensus au sein de la population depuis des années,
puis on attend. Par contre, on comprend de,
justement, enlever ce statut-là, «projeté», pour accélérer les délais, mais on
ne voudrait pas que les aires protégées projetées présentement perdent
leur statut de protection. Tu sais, on veut qu'elle devienne des vraies aires
protégées.
Puis,
pour le délai de trois ans, justement, c'est de dire, en s'inspirant de Loi sur
l'expropriation, de dire : Bien, écoutez,
on peut... Ce territoire-là qu'on... On ne peut pas dire : Bien, on va
faire une aire protégée là d'ici quatre, cinq ans, mais on ne met aucune mesure de protection, parce
qu'à ce moment-là il pourrait y avoir une utilisation non durable du territoire qui se fait, le temps que l'aire
devienne une aire protégée. Donc, il faut quand même qu'il y ait une espèce
de statut de protection qui ne ralentit pas les délais, mais qui peut être
renouvelable aussi, qui peut permettre qu'il y ait une protection quand même en
attendant, là.
M. Benjamin :
Merci.
Le Président (M. Bussière) : Très bien. Merci beaucoup, M. le député de Viau.
Et je céderais maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme
la députée de Mercier, vous disposez de 2 min 45 s.
Mme
Ghazal : Oui, merci de le préciser. Bien, merci pour votre
présentation. J'ai manqué une partie. Et on vient de recevoir aussi le
mémoire, ça fait que je ne peux pas dire que je l'ai lu, j'essaie de regarder...
Moi, je voudrais vous parler un peu plus, évidemment,
des aires protégées d'utilisation durable. En fait, en ce moment, l'objectif du
Québec, c'est d'atteindre 17 % d'aires
protégées toutes catégories. On est à 10 %. Quand on dit qu'on est à
10 %, je vous ai entendu, ça inclut aussi les aires, peut-être,
qu'on pense vouloir protéger. Peut-être juste nous dire, les 10 %, ça veut
dire quoi concrètement. Ce n'est pas des aires protégées strictes, là.
Mme Simard
(Alice-Anne) : Non, exactement. Donc, il y a un pourcentage là-dedans
que ce sont des aires protégées projetées, ce sont des aires protégées strictes,
projetées, là, qu'on peut dire, mais, dans les faits, ce n'est pas
encore officiellement une aire protégée.
Mme
Ghazal : Puis c'est quoi d'autre, là, dans le fond, si on pouvait
avoir... Oui, allez-y.
Mme Bérubé
(Audrey-Jade) : Je ne sais pas si vous êtes familière avec les
catégories de l'UICN. Tu as la catégorie I à
III que c'est considéré comme strict, c'est les parcs nationaux, les
réserves écologiques. Réserves écologiques, c'est pour la science.
Sinon, la catégorie IV, c'est plus des aires de confinement, par exemple,
du cerf de Virginie. La catégorie IV
est considérée comme une catégorie déjà plus souple. Donc, catégories IV à
VI... Ça fait en sorte qu'en ce moment,
dans le 10 %, c'est du I à IV
parce que les catégories V et VI n'existent pas au Québec encore. Donc, I
à IV, donc, il y a du strict, du
souple, et, là-dedans, il y a des projetés aussi. Donc, il y a des stricts et
des... Je ne sais pas s'il y a des catégories IV projetées, mais il
y a beaucoup de réserves de biodiversité qui sont projetées en ce moment.
Mme
Ghazal : Bien, je veux parler de, justement, la nouvelle catégorie
d'utilisation durable. Est-ce qu'on peut dire factuellement qu'une aire
protégée d'utilisation durable, c'est moins de protection qu'une aire protégée
stricte?
Mme Simard
(Alice-Anne) : C'est certain puisque, bien, ce n'est pas, par exemple,
comme une réserve où est-ce qu'il y a
seulement de la science qui peut y avoir lieu. C'est certain que c'est... De la
même façon qu'un parc national peut
être plus souple qu'un certain autre type d'aire protégée, c'est une autre
catégorie encore plus souple, mais l'objectif reste le même. L'objectif,
c'est un objectif de conservation.
Mme
Ghazal : ...pas dire que c'est moins protégé, c'est juste que c'est
plus souple, protégé différemment, disons.
Comme
je n'ai pas beaucoup de temps, je vais aller vers l'autre... Est-ce qu'avec le
projet de loi... Puis là vous avez beaucoup
de recommandations. Vous dites, dans votre conclusion, que c'est important. Il
y a d'autres éléments à amener. Est-ce
qu'il y a un danger, avec le projet de loi actuel, que 100 % des aires
protégées, peut-être pas celles qui sont déjà catégories I à IV, là...
mais est-ce que c'est possible que 100 % deviennent des aires protégées
d'utilisation durable? Est-ce qu'il ne faudrait pas se fixer des cibles?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Exactement, c'est ce qu'on a recommandé,
justement, qu'on ait... Par exemple, la communauté internationale s'en
va de plus en plus vers une protection de 30 % du territoire d'ici 2030,
là. Ça va être confirmé quand on aura,
finalement, une COP, qui est la convention sur la diversité biologique. Donc,
évidemment, le Québec va sûrement
s'attacher à ça, et on l'espère. Donc, on pourrait avoir, par exemple, un
30 % de protection globale du territoire, mais un objectif aussi
là-dedans de 25 % en aires protégées strictes, c'est ce qu'on recommande
dans notre mémoire, et de faire aussi une
distinction entre la protection du Sud et du Nord, parce que ça pourrait être
plus facile au Québec, quand même, de protéger des immenses territoires
dans le Nord puis peu dans le Sud, alors que, la pression, elle est au Sud.
Donc, on voudrait aussi qu'il y ait des objectifs distincts pour le Nord et le
Sud.
Mme Ghazal :
Donc, si on adopte le projet de loi tel quel, ce n'est pas garanti. Il pourrait
y avoir...
Mme
Simard (Alice-Anne) : Ça peut être très dangereux puis c'est justement
un problème qui est soulevé par la communauté environnementale, que les
gens ont peur que les aires protégées d'utilisation durable soient... prennent
trop d'ampleur.
Mme Ghazal :
Vous avez parlé des...
Le Président (M.
Bussière) : ...vous aviser que vous avez dépassé votre temps.
Mme Ghazal :
Déjà?
Le Président (M.
Bussière) : Oui, malheureusement.
Mme Ghazal :
Merci.
• (12 h 30) •
Le Président (M.
Bussière) : Merci à vous. Et puis, maintenant, je céderais la parole
au troisième groupe d'opposition, au député de Jonquière. À vous la parole,
vous avez 2 min 45 s.
M.
Gaudreault : Merci, M. le Président. Désolé pour ma sortie, là, j'avais un autre discours à faire sur le
projet de loi n° 50, alors il faut qu'on se dédouble.
Je
veux juste être sûr de bien comprendre. Quand vous dites, votre recommandation n° 5, justement, ce qu'est bien définir ce qu'est une «aire protégée d'utilisation durable», et là vous
proposez des balises à la fin de votre recommandation, est-ce que,
selon vous, dans une aire protégée d'utilisation durable il serait envisageable
d'avoir, par exemple, de l'exploitation forestière?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Oui.
Donc, on l'a déjà mentionné, M. le ministre nous a
posé exactement la même question. Mais, comme je vous dis, on a un encadré dans
notre mémoire sur le cas d'Anticosti, et c'est un cas où on peut avoir
une foresterie de restauration qui vous nous aider dans nos objectifs de
conservation, là.
M. Gaudreault : De restauration,
mais d'exploitation forestière?
Mme
Bérubé (Audrey-Jade) : Juste une petite précision par rapport à ça.
Pour nous, c'est inacceptable de considérer
la loi sur l'aménagement du territoire forestier et la certification FSC comme
suffisantes pour faire partie d'une aire
protégée d'utilisation durable. Donc, c'est évident que si la foresterie est
permise dans une aire protégée d'utilisation durable, il faut que ça soit des mesures supplémentaires et des mesures
qui s'assurent que c'est en complémentarité avec le respect des mesures
de protection et des objectifs de conservation de la biodiversité.
Mme
Simard (Alice-Anne) : On
parle d'une... On veut une foresterie qui est exemplaire, et, justement,
on avait une discussion
prévue à l'interne, à Nature Québec, avec des collaborateurs-chercheurs demain, là.
Donc, notre présence ici a été un peu
devancée. Mais c'est une foresterie qui est exemplaire. Ça ne peut pas être
fait comme c'est, actuellement, là.
M. Gaudreault :
Une gourde en bois, c'est de la foresterie exemplaire, bravo! La lutte contre
la tordeuse du bourgeon d'épinette, est-ce que c'est de la foresterie durable?
Mme
Simard (Alice-Anne) : Écoutez,
il faudrait vraiment évaluer. Puis comme je vous dis, malheureusement,
on n'a pas eu le temps encore d'avoir toutes
ces discussions-là, on a été un peu pris au dépourvu avec la commission,
mais...
M.
Gaudreault : Je veux juste
vous dire, c'est très, très important, là, quand il y a une épidémie de
tordeuse de bourgeon d'épinette, est-ce qu'on laisse la forêt vivre naturellement sa vie de tordeuse de bourgeons d'épinettes ou
on doit agir pour intervenir pour éviter...
Mme
Simard (Alice-Anne) : Bien,
c'est certain que la foresterie, de plus en plus, depuis plusieurs
années, essaie de recréer les perturbations naturelles. Donc, justement,
avant qu'une épidémie arrive, d'enlever les arbres pour éviter finalement
l'épidémie, puis ça recrée un peu la perturbation naturelle, mais il faudrait
avoir des balises.
Le Président (M.
Bussière) : ...il vous reste 25 secondes.
Mme
Simard (Alice-Anne) : ...il
faudrait avoir des balises vraiment, vraiment plus claires. Et j'espère que vous les
mettre en oeuvre, là.
M.
Gaudreault : O.K. 10 secondes. Ça a déjà arrivé qu'une aire perde
un statut de protection dans les aires protégées projetées? Parce que vous
dites, à votre recommandation n° 1 : «Aucune de
ces aires ne doit perdre son statut de protection...»
Mme Simard
(Alice-Anne) : C'est que, présentement, pourquoi on dit ça, c'est
parce que le projet de loi enlève le statut projeté. Donc, on ne veut pas que
les aires présentement projetées perdent leur statut.
Le Président (M.
Bussière) : Merci.
M.
Gaudreault : C'est bon.
Le Président (M.
Bussière) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 33)
(Reprise à 15 h 01)
Le Président (M. Bussière) : Je souhaite la bienvenue aux représentants du
Réseau de milieux naturels protégés. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite, donc, à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Réseau de milieux naturels
protégés (RMN)
Mme Vermette
(Véronique) : Mon nom est Véronique Vermette. Je suis directrice
générale par intérim du Réseau de milieux
naturels protégés. Et je suis accompagnée de Brice Caillié, aujourd'hui, chargé de projet sur les enjeux de la conservation volontaire.
Donc, M. le Président,
Mme la vice-présidente, M. le premier ministre... M. le ministre...
M. Charette :
...de Jonquière premier ministre, mais moi, je n'ai pas d'aspiration à ce
niveau.
Mme
Vermette (Véronique) : D'accord.
Mmes, MM. les députés, je suis
heureuse de vous avoir fait rire. Donc, merci de nous accueillir, comme... une première fois ici, à l'Assemblée,
à la Commission des transports et de l'environnement, donc, première
expérience, et, je l'espère, j'espère qu'elle ne sera pas la dernière non plus.
Bien, communément... rapidement,
communément appelé le RMN, le Réseau
de milieux naturels protégés, c'est un organisme
qui a été créé il y a plus de 27 ans pour donner une voix pour défendre
les intérêts des organismes de conservation et des acteurs de la
conservation en terres privées, dite la conservation volontaire.
Donc,
le RMN accueille aujourd'hui favorablement la modernisation de la Loi sur la
conservation du patrimoine naturel, tel
que présenté, d'un bon oeil, surtout en cette fin de décennie de la
biodiversité, et à l'heure, aussi, des bilans concernant l'atteinte des
Objectifs d'Aichi. D'ailleurs,
un récent rapport des Nations unies à cet
effet-là en a dépeint un constat peu
reluisant, qui nous inquiète. À l'aube de l'émission de nouveaux objectifs pour
la prochaine décennie, nous croyons que la province doit se doter
d'outils légaux facilitants, clairs et rigoureux pour l'atteinte de ces
objectifs de protection du territoire, et en particulier avec la participation
des organismes de conservation en terres privées.
Les
organismes de conservation du Québec ont des recommandations à faire à la
commission, particulièrement en ce
qui a trait à notre propre domaine d'expertise, donc, la protection du
territoire de nature privée, qui, vous en êtes bien conscients, se concentre principalement dans le
sud du Québec, donc, le sud du Québec, où on voit le plus grand usage du
territoire à des fins domiciliaires,
d'exploitation et de développement. Et c'est sans coïncidence non plus qu'on y
retrouve la plus grande part de biodiversité du Québec, et donc la plus grosse
menace à cette biodiversité-là qui s'y retrouve.
Je vais passer la
parole à mon collègue Brice, qui va vous faire quelques recommandations au nom
du RMN.
M.
Caillié (Brice) : Merci.
Donc, comme ma collègue Véronique vous l'a expliqué, là, notre expertise, elle
porte surtout sur la protection en terres
privées. Donc, forcément, notre mémoire s'est intéressé sur les points du
projet de loi qui vont avoir un impact de près ou de loin sur la
protection en terres privées. Je vais commencer à les discuter en allant dans
le sens inverse du mémoire, c'est-à-dire que je vais commencer par les
territoires de conservation nordiques.
De
prime abord, on est favorables à la création de ce statut à condition qu'il
soit enchâssé, en fait, dans le registre des autres mesures de
conservation efficaces, qui bénéficient de lignes directrices claires puis
d'une reconnaissance à l'international, qui
correspond tout à fait à l'objectif qui transparaît des territoires de
conservation nordiques. Ça fait qu'on estime
que ces mesures-là devraient s'enchâsser dans le registre des autres mesures de
conservation efficaces, qu'on appelle aussi
pour sa création, parce qu'on estime qu'il y a plusieurs mesures de
conservation efficaces, justement, qui n'ont aucune reconnaissance
aujourd'hui parce qu'elles ne peuvent pas être désignées comme des aires
protégées, qui pourraient bénéficier de ce statut-là.
Ça
fait qu'on en est... On est pour l'instauration de ces deux nouveaux outils,
finalement, à condition, par contre, vu qu'ils sont très peu détaillés dans le projet de loi, qu'ils viennent
avec des balises très claires sur comment ils peuvent contribuer aux
objectifs de conservation. Comme on peut le voir sur la carte à la page 3
du mémoire, les enjeux de biodiversité les plus importants, ils sont dans le
sud du Québec.
Puis, le territoire
du Plan Nord, si on atteint les objectifs qui sont fixés dedans, à savoir que
ce serait 50 % du territoire aux activités minières, on a déjà atteint la
cible de 30 % de territoires protégés. Ça fait qu'on veut vraiment qu'il y ait des objectifs clairs qui soient
définis pour ce que peuvent représenter les territoires de conservation
nordiques pour garantir la protection des
territoires au Sud, qui en ont aussi vraiment besoin. On n'est pas contre la
protection du Nord, mais on veut garantir la protection du Sud.
Et le registre des
AMCE, c'est un peu le même point, on voudrait s'assurer que la création de ce
registre-là n'encourage pas la création
uniquement d'autres mesures de conservation efficaces plus faciles à protéger
que la mise en place d'aires
protégées plus strictes, qui sont plus complexes à mettre en place, mais qui
sont tout aussi bénéfiques, et même plus importantes. Les AMCE, c'est
vraiment un outil pour bonifier un réseau d'aires protégées strictes, mais qui
ne doivent pas être créées au détriment des aires protégées plus strictes.
Le
deuxième point, vous avez pu le voir, peut-être, dans notre mémoire, sur lequel
on a beaucoup travaillé, c'est le paysage
humanisé. Nous, on appelle vraiment à la création de cette mesure parce que
c'est la seule aire protégée qui peut considérer
les milieux agricoles, et les milieux agricoles sont l'habitat de plusieurs
espèces menacées. Il y a le petit blongios. On peut parler aussi du
goglu des prés. Ça fait que c'est vraiment l'aire d'habitat, parfois même de
reproduction, de plusieurs espèces qui peuvent être menacées, vulnérables. Ça
fait que c'est de milieux qui sont importants pour la biodiversité. C'est aussi
des couloirs de déplacement et des corridors fauniques importants
Ça
fait qu'on aimerait vraiment que ce soit créé. Pourtant, ce statut existe
depuis 2002 puis il n'y en a toujours pas. Ce qu'on a pu voir dans nos
recherches, c'est qu'il y a trois raisons à ça, c'est que le processus était
vraiment trop compliqué, trop coûteux et
trop long à mettre en place. Ça fait qu'il y a deux points qui sont bien
adressés par le projet de loi. C'est vraiment beaucoup plus clair, ce qui
est attendu pour créer un paysage humanisé, c'est aussi simplifié, ça
fait que, par conséquent, raccourci. Par contre, il n'y a toujours aucun budget
qui apparaît être associé à ça.
On
sait que le MELCC s'est beaucoup rapproché des parcs naturels régionaux français
dans son élaboration. En France, un
parc naturel régional, c'est 3 150 000 euros par an de budget et une équipe de 30 à
40 personnes. Les différentes tentatives de paysage humanisé qu'on
a vues au Québec, ils n'arrivent pas à garder un coordonnateur, pour le projet,
à temps plein durant la durée du processus. Ça fait qu'il y a vraiment un souci
de financement à faire venir là-dedans.
Le
seul projet qui est encore en cours, finalement, c'est celui de Montréal.
On espère qu'il va se réaliser prochainement,
mais, Montréal, c'est une ville qui n'a comme pas d'équivalent
au Québec. Elle peut se permettre de faire ça grâce au service des parcs. Mais tous les autres
projets et les territoires qui mériteraient finalement de bénéficier d'un
paysage humanisé n'ont pas les
budgets équivalents à la ville de Montréal pour porter ces projets. Ça fait qu'on aimerait
vraiment qu'il y ait un financement qui vienne avec ça. On pense que c'est
vraiment important puis on aimerait en voir se concrétiser prochainement. Là,
en l'état, si on garde le projet de loi comme ça, je pense qu'en 2030 il n'y
aura pas plus de paysages humanisés.
Puis le
dernier point qu'on a traité, donc, c'est les réserves naturelles, auxquelles
on a associé les milieux protégés en
terres privées de manière générale, bien qu'elles ne soient pas abordées dans
le projet de loi, parce qu'on estime que c'est aussi important que les réserves naturelles.
Et là ce qu'on attend vraiment, c'est de pouvoir avoir un support pour
les acteurs de la conservation, que ça soit
les propriétaires de réserves naturelles ou les organismes de conservation qui
ont d'autres milieux protégés.
Le projet de loi, il prévoit notamment que les montants des amendes pour des infractions
et des activités illégales soient
augmentés. On approuve ça, mais, à 100 %,
c'est plus dissuasif si le montant d'amende est plus élevé. Par contre,
sur le terrain, ce n'est pas appliqué. Il
n'y a pas d'agents. Il n'y a personne qui est assermenté pour les faire
appliquer. On a plusieurs de nos
membres qui nous ont contactés pour ça, qui nous ont dit que c'était vraiment
un problème qu'ils avaient, dans le
sens où ils ne peuvent faire que de la sensibilisation. Ça fait qu'ils arrivent
aux mains avec des contrevenants — aux prises avec des contrevenants, ils n'arrivent pas aux mains — puis, si les contrevenants refusent de les
accompagner en dehors du territoire,
ils ne peuvent rien faire. Ça fait qu'il y a un sentiment d'impunité qui s'est
développé. Puis ce qui ressort beaucoup, finalement, c'est que 5 %
des gens qui ont un mauvais comportement sur le terrain, c'est eux qui engendrent 95 % des dégâts. Puis, dans un
milieu humide, par exemple, le passage d'un quatre-roues, ça peut arriver
très, très vite à détruire le milieu. Ça
fait qu'on est... On a vraiment un besoin, là, on se fait le porte-parole des
gens qui travaillent sur le terrain, de soutenir ces organismes-là en
leur permettant d'appliquer, finalement, les sanctions qui sont prévues dans
les différents règlements.
• (15 h 10) •
On aimerait
aussi que les municipalités soient accompagnées dans la conservation. Pour
l'instant, une municipalité qui a des
milieux protégés sur son territoire, c'est beaucoup une contrainte. C'est une
perte de revenus. Si on est dans des grandes
municipalités du Québec, comme Trois-Rivières, c'est insignifiant, la part que
ça représente là-dedans, ça fait qu'il
n'y a aucun problème. Par contre, quand on va dans les municipalités plus
rurales, où les superficies sont généralement plus grandes, la perte des taxes d'une seule propriété, ça met en péril
le budget de la ville. Ça fait qu'il n'y a aucun... Le seul moyen qu'ils ont, par exemple, de compenser ça,
pour une réserve naturelle, c'est de réclamer des droits compensatoires
au propriétaire de la réserve naturelle. Ça
fait que leur réserve naturelle se retrouve à... Le propriétaire de la réserve
se retrouve à payer des taxes pour un
milieu qu'il protège pour le bien commun. Ça fait qu'il y a vraiment un enjeu à
ce niveau-là. On sait qu'il y a des travaux qui sont en cours en ce
moment. Puis on aimerait vraiment que les municipalités soient encouragées à faire de la protection. Et une
municipalité qui va plus loin que les cibles du gouvernement en matière
de protection de l'environnement, là, qui
vient protéger 30 % de son territoire, bien, peut-être qu'elle mériterait
d'avoir une bonification pour reconnaître son effort à l'atteinte des
cibles de conservation.
Puis, dans le
fond, il y a un point aussi qu'on a amené pour les réserves naturelles puis qui
est un peu le même que pour les paysages humanisés. Au niveau des pertes
de statut, je pense qu'on comprend l'idée qui était derrière le fait d'instaurer des possibilités de perte de statut,
mais la façon dont ils sont mentionnés, en fait, c'est comme un talon
d'Achille pour la protection de
l'environnement. Si, les réserves naturelles, l'entente n'est pas respectée,
par exemple, le statut est perdu. Ça
fait qu'un propriétaire qui met en place une réserve naturelle sur son terrain
puis qui décède ou qui cède le terrain à
son petit-fils, ou peu importe, enfin, que le terrain change de propriétaire et
que ce propriétaire-là voudrait le céder ou le vendre pour peu importe la raison, s'il ne respecte pas l'entente, il va
perdre son statut puis il aura récupéré tous les besoins qu'il avait. Ça
fait qu'on trouve que c'est contraire à l'objectif de protection et de
perpétuité.
Je vais m'arrêter là, dans ce cas.
Le Président (M. Bussière) : C'est
bien. Donc, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant
commencer la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole.
M. Charette : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux pour cette présentation. Merci pour votre passage également.
C'est vrai
qu'il y a un défi important au niveau de la préservation de la biodiversité.
Celle du Nord a sa valeur, c'est bien certain, mais les enjeux du Sud
sont d'autant plus importants que ces territoires-là appartiennent plus souvent
qu'autrement à des intérêts privés. Donc, le
travail que vous faites à ce niveau-là est tout simplement fondamental. Et c'est la raison pour laquelle, dès le dernier budget, on a
mis un 50 millions, et c'est du jamais-vu. Il n'y a jamais eu de somme
aussi conséquente pour l'achat de
territoires ou des partenariats. Fondation... C'est-à-dire, Conservation de
la nature Canada est un partenaire
avec nous sur ces dossiers-là. Quel serait le meilleur usage, selon vous, de
ces argents, et comment en trouver une application
dans le projet de loi, là, qui nous réunit cet après-midi?
Mme
Vermette (Véronique) : Bien,
c'est sûr, quand on parlait de protection du territoire, de faciliter toute
création d'aires protégées par les différents statuts est une chose. De ce
qu'on entend de nos membres, c'est... Ils ont la responsabilité d'appliquer cette protection du territoire là. Ils
s'engagent à protéger le territoire pour le bien commun, mais on ne leur donne pas nécessairement ni les outils ni
le financement nécessaires à être présents par la suite, suite à
l'instauration d'un site protégé, donc, d'être présents pour faire de la
surveillance, être présents pour monitorer la biodiversité qui s'y trouve et
monitorer aussi l'évolution du territoire, monitorer aussi si on répond aux
objectifs de conservation comme tels.
Donc, tout le
volet intendance à ces... à la protection des territoires devrait être inclus
au budget. C'est ce qu'on s'apprête,
je l'espère, à annoncer incessamment, là. Donc, c'est principalement un point
important, outre l'acquisition. C'est
sûr qu'il y a le volet... toute la... au
niveau de la connaissance du
territoire, tous les volets scientifiques, de recherche, de partenariat. La protection du territoire en terres
privées ne se fait pas seule, c'est-à-dire, qui se fait avec les partenaires
régionaux, les municipalités, des propriétaires privés, des investisseurs, des
donateurs, etc., donc c'est d'embarquer, d'imbriquer tous ces partenaires-là
dans la démarche.
M. Charette :
Vous avez anticipé la question que j'avais en tête. Il y a quelques jours, j'ai
eu le privilège de parcourir la rivière des Mille Îles avec Éco-Nature, sur le
côté de Laval, qui est une superbe organisation. Les villes avoisinantes sont parties prenantes, sont
partenaires. Et, sans l'implication municipale, j'imagine que ça devient aussi plus difficile d'arriver à ces fins-là. Et, tout à l'heure, vous disiez : Souvent, il n'y a pas de moyen coercitif pour faire
respecter ou appliquer... Dans le cas du
parc en question, la ville reconnaît à ses inspecteurs ou à ses
intervenants ce pouvoir-là de donner des
contraventions lorsqu'une situation l'exige. Donc, le milieu municipal,
j'imagine, dans toute cette dynamique-là, est le partenaire le mieux
indiqué ou certainement incontournable.
Mme Vermette (Véronique) :
Effectivement, c'est une avenue qu'on commence à explorer. Certains de nos organismes entreprennent des démarches. C'est sûr
que, on l'a mentionné tantôt, ce n'est pas nécessairement toutes les municipalités non plus qui participent de façon
bénévolante puis d'intérêt non plus. Donc, c'est parfois difficile. On l'a mentionné tantôt, les agents de protection de la
faune provenant du ministère de la Faune, du MFFP peuvent aider à la
protection du territoire en réserve naturelle, mais, on le sait, ils
manquent d'effectifs. Ils ont des territoires très grands à protéger.
Donc, effectivement, d'aller chercher des ressources plus locales aiderait grandement aux organismes
de conservation à appliquer leur mission, à atteindre les objectifs de
protection. Est-ce que ce serait le milieu municipal qui fournirait ces
agents-là? Possiblement, en partenariat avec... Est-ce que, par la loi... la
réforme de la loi n° 46, la loi sur la protection du patrimoine naturel, il y aurait...
il pourrait y avoir des mesures qui donneraient le pouvoir, peut-être,
à certains employés d'organismes, par de la formation, etc., qu'ils
deviennent des agents de la paix sur leur propre territoire? Ça pourrait être
une autre chose à explorer, effectivement.
M. Charette : Malheureusement, il y a plusieurs collègues qui veulent intervenir, mais, déjà,
merci. Pour ma part, très apprécié.
Le Président (M. Bussière) : Merci à
vous. Merci, M. le ministre. Et je cède maintenant la parole au député de Bourget.
M.
Campeau : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. J'ai appris un nouveau mot tantôt,
«bénévolante», c'était... j'apprécie. Pour moi, ça va aller avec le mot
«présentiel», aussi, que j'ai appris récemment.
J'ai deux
questions. Vous dites qu'on pourrait atteindre le 30 % désiré en 2030 si
on se dirige vers ça, et ça a l'air fort
possible, et qu'on ne pourrait le faire que si on travaillait dans le nord du Québec. Et ce n'est pas ce que vous voulez, là, je comprends, et, si on veut avoir de l'impact, il faut que ce soit près
de zones habitées aussi, mais avez-vous des critères? Avez-vous un
pourcentage que vous recherchez, minimal? Avez-vous... Je pense que vous n'avez
pas eu le temps, dans vos 10 minutes,
de vous étendre sur ce sujet-là. J'aimerais vous entendre là-dessus
un petit peu plus, s'il vous
plaît.
M. Caillié
(Brice) : Bien, pour être
francs, on a été un peu pris de court avec la date de comparution ici, mais
on n'a pas eu le temps d'aller approfondir exactement
cette question pour établir un seuil minimal. Mais, si 20 %, de 10 %... Il faudrait qu'on discute, qu'on analyse vraiment
cette question, mais c'est certain que, dans le Sud, les gains de
superficie vont être très faibles. Le
territoire privé, il représente 8 % du Québec. Ça fait qu'on ne pourra pas
faire plus de 10 % si on protège
même tout ce milieu-là. Il va falloir prendre ça en compte. Mais ce qu'on veut
vraiment, en fait, finalement, avec ce
point-là, c'est s'assurer que ce qui s'en vient avec ce projet de loi, on ne
privilégie pas la quantité, pour atteindre cette cible de 30 %, au
détriment, finalement, de la qualité de la protection et de s'assurer de
protéger... Dans le Sud, je pense que la
protection, elle peut se mesurer... au lieu de se mesurer en pourcentage, en
superficie protégée, en nombre d'espèces sur le déclin, qui seront encore présentes en 2030, parce qu'on a perdu
68 % de la biodiversité depuis... je n'ai plus la date en tête,
mais dans le dernier rapport de la WWF. Ça fait que ça va être vraiment à ce
niveau-là que ça peut se mesurer, plus qu'en superficie protégée, je pense.
M.
Campeau : Deuxième chose,
vous avez parlé d'établir des balises claires, et je pense qu'on est tous
d'accord. Et, moi, quand je regarde le projet de loi et les commentaires qu'on en voit, je pense que, de façon
générale, les gens sont d'accord qu'il faut aller vers quelque chose
comme ça, peut-être avec des modifications, je veux bien, mais je pense que là où on risque de s'accrocher, là, c'est le
nombre de consultations publiques puis les balises claires. Ce matin, on
utilisait un mot, et je ne ris pas de ça, je le comprends, on parlait d'un haut
niveau de naturalité, tu sais. Il va falloir définir
ce que ça veut dire, ce genre de chose là. Et avez-vous des exemples, quand
vous allez dire balises claires, de d'autres endroits dans le monde où
on a été vers des balises qu'on a réussi à clarifier? Avez-vous des exemples de
ça?
M. Caillié
(Brice) : Bien, quand je
parle de balises claires dans le mémoire, on l'entend vraiment, là, au niveau des objectifs chiffrables, de limiter le pourcentage que
peuvent représenter les AMCE, donc, le registre des autres mesures de conservation efficaces, dans l'atteinte du 30 % pour 2030. Si 20 % — un chiffre au hasard — si 20 % des terres protégées
dans cette atteinte-là sont des AMCE, ça veut dire qu'on aura fait très peu de
progrès dans les aires protégées strictes puisqu'on est censés être à 17 %
à la fin de l'année. Ça fait que c'est... Au niveau des balises, c'est vraiment
ça pour s'assurer que les budgets du
ministère puissent aller aussi bien pour le Nord que pour le Sud, parce que, si
on se retrouve dans des difficultés à
atteindre les objectifs qu'on a fixés sur la scène internationale, bien, on va
naturellement vouloir aller les
accomplir. Ça fait qu'on veut limiter la possibilité, finalement, que ces
nouvelles mesures, bien, prennent toute la place, c'est vraiment ça, l'objectif, ce n'est pas les
critères écologiques qui vont servir à définir qu'est-ce qui mérite d'être
protégé.
Le Président (M.
Bussière) : Merci. Et je cède maintenant la parole à la députée
d'Argenteuil.
Mme Grondin : M. le Président, j'ai
combien de temps? Parce que je souhaite partager mon temps avec ma collègue.
Donc, avez-vous une idée du temps qu'il reste?
Le Président (M. Bussière) : Il
reste 7 min 23 s.
• (15 h 20) •
Mme
Grondin : Merci beaucoup. Donc, j'ai... je vais prendre une seule
question. Merci. Bonjour, Mme Vermette. Bonjour, M. Caillié. Un plaisir
de vous revoir, Mme Vermette.
Je suis très
heureuse d'entendre vos réflexions, vos recommandations, et, notamment, quand
vous dites, à la page... où là je me
reconnais complètement, là : «La sauvegarde de la biodiversité québécoise
dépend fortement de la protection en terres
privées dans le sud du Québec.» C'est à peu près 80 % de mon territoire, dans mon comté. Donc, je me reconnais
grandement à ce niveau-là. Vous apportez un aspect essentiel, là, de l'équation
de la conservation quand on parle de conservation volontaire, intendance
privée. Très heureuse qu'on en parle. Vous proposez une façon d'encourager les municipalités. Moi aussi, je suis tout à
fait d'accord que le milieu
municipal est un partenaire essentiel dans l'atteinte de nos objectifs,
notamment en zone habitée. Vous proposez ici une solution
qui est des compensations tenant de lieu de taxes. Est-ce que vous avez
réfléchi à d'autres solutions pour encourager et soutenir les municipalités
dans cet exercice-là?
Mme
Vermette (Véronique) : Je
sais qu'il y a des travaux faits par d'autres groupes qui, entre autres, travailleraient sur des
certifications de reconnaissance d'apport à la biodiversité, mais c'est encore
en travaux. Donc, je n'ai pas plus d'information que ça. Sinon, tu sais, tout reste encore une question
d'argent, dans le sens où les municipalités ne veulent pas perdre cet apport-là qui
leur est tant important, surtout, comme on a dit, en milieu rural. Donc, à ma
connaissance, il n'y avait pas d'autre truc
qui avait été développé comme tel. À l'interne, avec nos organismes
de conservation, on a quand même formé un comité sur la question,
qui s'est penché sur cette question-là depuis les dernières années. On en
revient souvent et principalement au remboursement des taxes aux organismes de conservation ou directement aux municipalités pour que ni un ni l'autre ne soit pénalisé
dans cette démarche-là.
Mme
Grondin : ...que c'est là
que le bât blesse le plus, là. Donc, ça serait comme quelque chose d'intéressant à étudier. Peut-être, dernière question, vous mettez beaucoup d'accent sur les
paysages humanisés, qui est un aspect très intéressant, effectivement, il n'y a pas grand-chose au Québec en termes de paysages humanisés, est-ce que
vous considérez... Parce que vous
faites le lien avec les terres privées, hein, vous parlez... le seul type
d'aire, en fait, qui intègre la notion
d'agriculture, réserve naturelle, paysage humanisé. Est-ce que, dans un contexte de changements
climatiques, vous faites le
lien avec les solutions nature?
M. Caillié (Brice) : Est-ce que vous
pouvez préciser la question?
Mme
Grondin : Bien, en fait, on
a... Bon, avec le projet de loi n° 44, on a parlé... on parle beaucoup, beaucoup, beaucoup de réduction de gaz à effet de serre, d'adaptation aux changements climatiques.
Est-ce que vous considérez, vous, le
réseau des milieux naturels, que c'est... la conservation des milieux naturels
en terres privées est quelque chose d'important pour contrer toute la
question ou s'attaquer à la lutte aux changements climatiques?
Mme
Vermette (Véronique) : Bien,
effectivement, en termes des aires protégées qu'on... des aires qu'on protège,
en fait, on y retrouve des bénéfices tant au
niveau des services écologiques qu'écosystémiques, qui permettent
justement de bénéficier à la communauté, qui
permettent de sauver des frais, des coûts aux municipalités comme telles. Donc,
oui, nous, on est que pour les
paysages humanisés puis avoir cette inclusion-là de la protection des milieux
naturels au bénéfice de tous.
Est-ce que tu veux rajouter un point?
M. Caillié
(Brice) : Bien, si je peux
compléter, pour lutter contre le réchauffement climatique, les superficies
sont trop petites pour avoir un effet
important à ce niveau-là. Par
contre, pour s'adapter à la réalité
des changements climatiques, c'est indispensable. Les milieux humides
permettent de lutter contre les inondations, procurent beaucoup de services
écosystémiques aux municipalités et au gouvernement. Il y a beaucoup de
compétences qui sont à la fois du domaine municipal
mais du domaine, aussi, gouvernemental, comme la santé publique, la sécurité
publique. Il y a énormément de compétences qui bénéficient de ça.
Il y a de
plus en plus d'études, sur le plan scientifique, qui viennent comptabiliser ce
que ça représente d'un point de vue
économique puis les économies qu'on peut réaliser concernant, par exemple, la
prévention des inondations grâce aux milieux
humides. Et les bénéfices qu'ils vont apporter pour s'adapter aux changements
climatiques sont, en fait, je ne peux pas
les quantifier, mais, d'après moi, inestimables. C'est vraiment important de
conserver ces milieux-là pour adapter les changements climatiques, ne
serait-ce que pour lutter et profiter de la nature en temps de pandémie.
Le
Président (M. Bussière) :
Merci. Et maintenant je cède la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice. Il vous reste
1 min 55 s.
Mme
Tardif : Merci. Vous représentez 60 organismes, c'est très
intéressant, donc, 60 organismes de conservation des terres en milieu privé. Vous, ou un ou des
organismes, est-ce que vous avez cartographié les terrains en milieu
privé qui seraient intéressants
à conserver? Et, si oui, est-ce que vous avez évalué, de façon très
mathématique, très cartésienne, ce qui
nous aiderait, leur apport, au niveau de ces terrains-là, et les taxes
municipales? Parce que, là, c'est où le bât blesse. Donc, ça nous prendrait un portrait qui nous
donnerait une image plus réaliste, là, par rapport à ce que vous
entrevoyez qui devrait être conservé, protégé, et la perte financière, là, qui
serait engendrée pour les municipalités.
M. Caillié
(Brice) : Bien, si je peux répondre, Environnement Canada a produit un
atlas des basses terres du Saint-Laurent.
Donc, ça concerne uniquement les basses terres du Saint-Laurent, où on va retrouver les milieux humides,
les milieux boisés, les friches, etc., et où
je pense que la cible de 17 %...
il faudrait que je vérifie, mais où les milieux humides prioritaires ont été désignés, où les boisés
prioritaires ont été désignés. Ça fait que, là, vous avez une analyse qui a
été faite par Environnement Canada, en
collaboration, je pense, avec le MELCC puis beaucoup de partenaires au Québec,
pour cartographier ça, et les milieux
prioritaires à protéger par représentativité de chaque écorégion et de chaque
écosystème est dedans. Ça fait que ça, pour les basses terres du Saint-Laurent,
ça existe.
Ensuite,
pour ce qui est des territoires des différents organismes de conservation, la
plupart des organismes ou, en tout cas, ceux qui arrivent à avoir une
équipe professionnelle ont une stratégie de conservation définie. Ça fait qu'ils
ont analysé leur territoire. Ils ont des zones d'intervention prioritaires.
Le Président (M. Bussière) : Je dois mettre fin aux échanges. Le temps est
écoulé. Et merci, merci, tout le monde. Et maintenant je vais céder la
parole au parti de l'opposition officielle. M. le député de Viau, à vous la
parole. Vous avez 11 minutes.
M.
Benjamin : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation.
Donc, ma première question, c'est autour... Dans votre mémoire, à la page 7, donc, premier paragraphe, donc,
vous parlez d'ambition, de cibles ambitieuses. Donc, vous ne les nommez pas. Donc, est-ce que je
conclus, à ce moment-là, que, pour vous, donc, les 25 % des zones
terrestres et les 30 % d'ici 2030, les zones terrestres et maritimes,
semblent être des cibles ambitieuses, pour vous, pour le Québec, puisque ce
sont les cibles du Canada, ou, du moins, est-ce qu'elles seraient, pour vous,
des cibles que vous jugerez des cibles ambitieuses pour le Québec?
M.
Caillié (Brice) : On n'est pas encore certains d'avoir atteint le
17 % avant la fin de l'année. Ça fait qu'on trouve que 30 %,
pour 2030, c'est ambitieux, mais réalisable.
Mme Vermette
(Véronique) : ...sur un ton négatif ou quoi que ce soit, c'est un beau
défi. Il faut se doter des moyens pour le faire, tout simplement.
M. Benjamin :
C'est la deuxième présentation qu'on a depuis le début de ces consultations, et
j'entends beaucoup... bon, on parle des
cibles pour le Nord, des cibles pour le Sud. Quels devraient être... Selon
vous, pour ce qu'il s'agit des cibles pour le Sud, quels devraient être,
selon vous, les critères? Est-ce que vous avez réfléchi aux critères?
• (15 h 30) •
Mme
Vermette (Véronique) : Bien, au niveau du RMN, non, pas nécessairement
directement, mais c'est plus les organismes
de conservation, avec l'appui des scientifiques aussi... Il y a plusieurs groupes de recherche en biodiversité, basés à Montréal, qui se penchent sur la question. Au niveau des
critères spécifiques, moi, je ne connais pas nécessairement d'étude
particulière. Mais, si tu veux compléter...
M.
Caillié (Brice) : Moi non
plus, mais, encore une fois, je pense, puis je pense que ce sera l'avis partagé
par les différents groupes, que, pour le Sud
les objectifs ne doivent pas être chiffrables en tant que tels
parce que c'est vraiment des petites
superficies, et ça va coûter beaucoup plus cher que de protéger le Nord. Ce qui compte,
c'est vraiment : on a les indicateurs
sur la biodiversité, sur le déclin des espèces, sur ces paramètres-là, je pense
que c'est ce genre d'indicateur qu'il va
falloir utiliser pour identifier si les mesures qu'on prend sont efficaces puis
limiter au maximum la perte de biodiversité qu'on va pouvoir observer
dans le sud du Québec.
M.
Benjamin : Merci. Pour ce
qui est municipalités, effectivement, je suis de l'avis que les municipalités ont
et auront un rôle important à jouer, donc,
mais, à côté de la question du financement, que je pense qui est effectivement une question importante à aborder, est-ce
que vous pensez que, par exemple,
puisque les municipalités font des planifications urbanistiques, font, dans le cas des grandes
agglomérations, font des schémas d'agglomération, quel est... Je semble
voir, dans votre mémoire, que vous abordez beaucoup,
beaucoup le rôle financier, mais pas d'autres aspects de
la responsabilité des municipalités ou des rôles que les municipalités
pourraient jouer. Je ne sais pas si vous avez des éléments de réflexion
là-dessus.
M.
Caillié (Brice) : Bien, pour
répondre à cette question, en fait, le problème qu'on voit, principalement, c'est
que l'argent puis le financement, c'est vraiment le nerf de la guerre, ça fait
qu'en ce moment, la... dans beaucoup de cas, il
va y avoir une opposition entre les organismes de conservation et les municipalités, puisqu'elles sont... il y a un conflit financier, il y a un enjeu financier entre les deux. Si cette question-là
est réglée, il y a une très forte collaboration qui peut être mise en place entre les organismes de
conservation et les municipalités, le zonage, les schémas d'aménagement. Si on a un
zonage de conservation qui apparaît dans un secteur quelconque d'une
municipalité, un organisme de conservation pourra plus facilement faire son acquisition là-bas à moindre coût. Ça fait
que, finalement, on pourra protéger des terrains à perpétuité pour moins
cher.
Ça fait qu'il y a une entente et un
partenariat à mettre en place entre ces différents acteurs, qui est très
important et qui sera très bénéfique pour le
futur. Mais, tant qu'on les oppose au niveau de l'aspect des taxes, ça va être
difficile. Un propriétaire qui crée
une réserve naturelle peut demander une exemption de taxes, qu'il va obtenir.
Donc, la municipalité perd un revenu.
Le seul moyen de récupérer, finalement, cette perte de revenus, c'est de demander des droits compensatoires
au propriétaire du terrain, qui, lui, finalement,
se retrouve à payer des frais pour protéger ce terrain au bénéfice de
tous.
Si
on est dans des grandes municipalités, souvent, ça va être minime dans ce que
ça représente pour le budget. Ça fait
que ce n'est pas une question qui peut être très problématique. On le voit beaucoup
dans la Communauté
métropolitaine de Montréal, où il y a des
partenariats entre villes et organismes de conservation qui peuvent être mis en
place, comme à Mont-Saint-Hilaire, par exemple. Mais, dans des secteurs
plus reculés, où la taxation est un enjeu vital pour les municipalités, ça ne
peut pas fonctionner en l'état actuel, je pense.
Mme
Vermette (Véronique) : Si je
peux me permettre... Si vous faites référence, peut-être, aux pouvoirs ou
à l'obligation des municipalités d'intervenir en matière de biodiversité sur leur territoire,
le Réseau des milieux naturels protégés n'est pas en mesure de se prononcer à cet effet-là.
Je vais laisser cette question-là, peut-être, à d'autres organisations qui traitent en la
matière juridique et légale.
M.
Benjamin : Merci. À la
page 11 — c'est
bien ça, là? Oui — à
la page 11, vous présentez ce tableau, donc, sur l'évolution des milieux naturels protégés. On s'aperçoit très bien
qu'après 2002 il y a une courbe ascendante, au niveau de la superficie cumulée, mais qui... avec une variation, quand même, du nombre de nouveaux sites année après année. Ce que j'aimerais
savoir... Qu'est-ce qui... Comment expliquer historiquement, en fait, cette évolution-là
après 2002? Est-ce qu'il y a eu une loi? Est-ce qu'il y a eu une politique?
Qu'est-ce qui explique cette augmentation-là au niveau de la superficie comme
il est?
Mme Vermette
(Véronique) : La figure 3? La figure 3? Vous faites bien
référence à la figure 3?
M. Benjamin :
Oui.
Mme Vermette
(Véronique) : Tu veux-tu répondre ou...
M. Caillié
(Brice) : Je t'en prie.
Mme Vermette
(Véronique) : Je vais vous répéter ce qu'on m'a passé comme information,
au niveau de la direction générale du RMN,
dans les dernières années. Les fluctuations d'acquisition, elles vont en
fonction des programmes de financement, programmes de financement provenant du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral. Donc, lorsque c'est des
bonnes années, lorsqu'il y a des annonces, lorsqu'il y a
de l'argent sur la table, ça permet de mettre en oeuvre de l'acquisition du territoire pour les organismes de conservation. On sait que,
déjà, des organismes de conservation participent
à ce financement-là, donc, avec une certaine contrepartie, mais
une bonne partie de l'argent pour acheter des terrains provient, entre
autres, de programmes gouvernementaux.
Donc,
le graphique démontre bien, lorsqu'il
y a des belles années, bien, il y a
plus d'acquisitions versus d'autres que c'est aussi plus difficile. Oui, les organismes se financent
principalement par ce qu'on pourrait dire les moyens du bord, donc les
mesures qu'ils mettent en place eux-mêmes à l'interne, là.
M.
Benjamin : Nous sommes dans
un contexte très, très, très particulier.
Donc, est-ce qu'au niveau des projections que vous avez faites, en termes d'acquisitions... comment ça s'annonce
pour vous, d'ici les trois, quatre prochaines années? Est-ce qu'il y
a... est-ce que vous avez des projections à ce niveau-là?
Mme
Vermette (Véronique) : Oui. Je n'ai pas nécessairement les chiffres à
émettre, en ce moment. Il y a eu un rapport...
il y a une recommandation qui a été faite au gouvernement du Québec à cet
effet-là, entre autres pour l'utilisation du 50 millions qui a été annoncé par M. Charette. Donc, les
organismes de conservation, déjà, lorsqu'ils font de l'acquisition, ils
le planifient à long terme, donc il y a des déjà des projets sur la table, ils
ont déjà entamé des démarches auprès de propriétaires
en vue d'acquérir leurs territoires, il y a déjà des montants nécessaires qui
sont écrits et qui sont sur papier pour l'acquisition, et à ce moment-là
il reste à trouver l'argent pour pouvoir compléter ces projets-là puis les
conclure.
Donc,
au niveau du 50 millions... en fait, ce que je voulais dire, c'est qu'au
niveau du 50 millions c'est sûr qu'il ne restera plus d'argent, tu sais, tout cet argent-là, finalement, va être
utilisé à de bonnes fins, puis consciemment, au niveau de l'acquisition... identifier, au niveau des
différents partenaires avec qui on travaille, différents organismes de
conservation.
M. Benjamin : Donc, au niveau de ce que vous proposez, donc,
par rapport aux paysages humanisés et effectivement, donc, dans votre mémoire, vous faites le constat,
effectivement, qu'il y avait une forme de bureaucratie un peu trop
lourde, donc... Alors, le tableau, en fait,
que vous nous soumettez dans votre mémoire, qui reprend un peu ce qui sera
pareil dans un projet de loi, aussi,
comme tableau, donc, c'est de réduire de huit à six, donc, étapes à franchir.
Il y a un enjeu. J'aimerais vous
entendre nous dire comment... Puisque, si on allait dans le sens de ces
étapes-là, donc, il n'y aura plus de BAPE dans le dossier des paysages humanisés. Comment vous voyez...
Est-ce que vous voyez... Est-ce qu'il y a, selon vous, des enjeux
d'acceptabilité sociale qui pourraient se poser, par exemple, au niveau de la
reconnaissance?
M.
Caillié (Brice) : Je vais prendre cette question. Pour commencer, je
dois préciser, le tableau des étapes qu'on présente, c'est notre compréhension du projet de loi. Ce n'est pas le
nombre d'étapes qu'on propose comme séquence idéale, c'est notre compréhension du projet de loi, tel qu'il est
actuellement, pour vraiment nous montrer qu'on a compris que les étapes
avaient été diminuées.
En ce qui a
trait à la consultation, c'est important qu'il y ait une acceptabilité sociale,
ça va faire partie du paysage humanisé. Un paysage humanisé doit venir
avec des meilleures pratiques agricoles, avec une meilleure utilisation de
l'habitat. Pour que cette aire protégée là fonctionne, il faut que les
personnes qui y résident, qui y vivent, se l'approprient. C'est leur milieu
avant tout, ça fait que ça va être vraiment dépendant de leur acceptabilité
là-dessus.
Effectivement,
le BAPE est disparu du protocole. Nous, ce qu'on était vraiment satisfaits de
voir, c'était qu'en fait on passait
de deux consultations à une seule. Ça fait que c'est ça qui va vraiment
permettre de raccourcir la participation de... la durée du projet. De manière générale, le BAPE, on trouve que c'est un bon organe indépendant de
consultation. Que la consultation soit menée
par lui ou conjointement entre le porteur du projet au niveau municipal et le
MELCC, ça ne nous dérange pas plus que ça.
Le
Président (M. Bussière) : ...vous
aviser que votre temps est écoulé. Merci. Merci. Et donc je vais
maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition. Et donc à vous la
parole, députée de Mercier.
• (15 h 40) •
Mme
Ghazal : Merci, M. le
Président. Merci pour votre présentation puis votre préparation rapide, vu que,
souvent, les invitations sont envoyées à la
dernière minute. Merci pour votre effort. Moi, j'ai 2 min 45 s, maintenant un
peu moins.
Donc, moi, ce
que je comprends de ce vous dites par rapport aux municipalités qui... Dans le
fond, il n'y a pas d'incitatif pour
les municipalités, à part les très grandes qui peuvent avoir le budget, d'avoir
des paysages humanisés ou de protéger
leurs territoires. Et donc c'est quoi, la façon... Parce qu'avec le projet de
loi... aujourd'hui, on est à 0 %, mais avec le projet de loi, on
risque de rester à 0 % encore longtemps. C'est ce que je comprends?
M. Caillié (Brice) : Pour le paysage
humanisé?
Mme Ghazal : Oui.
M. Caillié
(Brice) : Bien, peut-être
pas, parce qu'il y a le projet de Montréal qu'on essaie de... qu'on espère
voir se concrétiser rapidement, à
L'Île-Bizard, mais les autres secteurs qui pourraient bénéficier de ce
statut-là, comme on a pu le voir dans
le cas de L'Estran, en Gaspésie, ou la Vallée-de-la-Batiscan, s'ils
retentent de créer un paysage humanisé avec le projet de loi actuel, en respectant ces conditions-là, il ne marchera
pas mieux, le projet, dans le sens où il n'y aura toujours pas d'argent
pour permettre à quelqu'un de coordonner tout ce projet-là.
Mme Ghazal : Et donc, dans les
recommandations que vous amenez, quelle est la recommandation que le
gouvernement doit faire? C'est du financement?
M. Caillié (Brice) : C'est du
financement.
Mme
Ghazal : O.K. Je regarde
votre conclusion et je la lis, elle est quand même dure pour ce projet de loi,
malgré la présentation. Vous dites :
«Cependant, en l'état, il a de fortes chances de conduire à une politique vide
de sens.» Et vous dites : «Une
législation environnementale protégeant de vastes étendues dans le nord de la
province à des fins comptables...»
C'est-à-dire qu'on a l'impression que c'est uniquement à des fins comptables,
juste pour se péter les bretelles un
peu partout puis dire : Bien, on a atteint nos objectifs. Et donc, moi, ce
que je comprends, c'est que ce projet de loi, c'est de la poudre aux
yeux.
Mme Vermette (Véronique) : On n'est
pas si méchants que ça. Mon Dieu!
Mme Ghazal : O.K. Moi, je peux
l'être.
Mme
Vermette (Véronique) : Oui,
c'est ça, je vous laisse ce rôle. Non, quand on dit «vide de sens», comme
mon collègue l'a dit tantôt, c'est vraiment
de mettre des bonnes balises pour éviter qu'il y ait des situations qui
prennent un certain avantage à l'utilisation du territoire, de vastes
territoires à des fins de protection. C'est principalement ça.
M. Caillié (Brice) : En fait, il
peut le devenir. On pourrait protéger le 30 % résiduel du Plan Nord avec
des territoires de conservation nordiques
pendant 25 ans. Dans
10 ans, on a atteint l'objectif de 30 %, puis il ne s'agit
pas...
Mme Ghazal : Mais c'est vide de
sens.
M. Caillié
(Brice) : Si c'est fait comme ça, oui. C'est pour ça qu'on recommande
l'ajout de balises importantes pour assurer la protection du sud et
qu'on continue la création d'aires protégées strictes. Là, ça devient un projet
de loi ambitieux avec des...
Mme Ghazal : Mais, si ces balises-là
ne sont pas ajoutées, ça serait vide de sens...
Le Président (M. Bussière) : Excusez-moi, vous venez de terminer, votre temps
s'est écoulé. 2 min 45 s, c'est vite passé. Je dois maintenant céder la parole au
troisième groupe d'opposition. Et donc à vous la parole, député de
Jonquière. Vous avez 2 min 45 s.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre présence et votre mémoire
vite fait mais bien fait. On a parlé, avec le groupe précédent, de la
définition d'«aire protégée d'utilisation durable», qui est énoncée à
l'article 46 du projet de loi. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous
pencher sur cette définition-là?
M. Caillié
(Brice) : On a évoqué la question avec d'autres groupes, lors des
séances de travail, mais, honnêtement, c'est
une mesure qui va concerner majoritairement ce qui se fait dans le domaine
public. Ça fait qu'on n'a pas d'expertise à vous apporter dans ce
domaine, on laisse la parole aux groupes pour ça.
M.
Gaudreault : O.K. Ça veut dire que ce que les autres groupes vont nous
dire là-dessus, vous allez... vous leur faites confiance et... O.K.,
c'est bon.
M. Caillié
(Brice) : Nous soutiendrons leur recommandation.
M.
Gaudreault : Excellent. Moi, je veux vous entendre plus, quand même,
sur l'exonération de taxes. Vous en avez parlé un petit peu tout à
l'heure, avec mon collègue, mais je trouve ça très intéressant, parce qu'il
faut qu'on change notre façon de voir la fiscalité, surtout la fiscalité
municipale, parce que les municipalités sont beaucoup trop, beaucoup trop,
beaucoup trop dépendantes du foncier, donc énormément de pression pour faire du
développement. Comment on peut, par la
fiscalité, soutenir puis envoyer un message d'encouragement aux propriétaires,
par exemple, de lots privés, plutôt que de taxer? J'aimerais ça que vous
nous en disiez un petit peu plus, puis je pense qu'il y a un modèle français,
là, qui peut être intéressant à cet égard.
M.
Caillié (Brice) : Honnêtement, on n'est pas fiscalistes. On a
identifié les problèmes, on n'a pas eu le temps de travailler pour
proposer des solutions concrètes, ça fait que c'est pour ça que, dans le
mémoire, vous trouvez une proposition. On ne
dit pas que c'est la meilleure, c'est vraiment pour lancer l'idée et regarder
ça. Ce qu'on souhaite, c'est vraiment
que ça soit encouragé et plus vu comme une contrainte au niveau municipal.
Comment? Honnêtement, je n'ai pas la
réponse aujourd'hui. On peut travailler sur cette question pour vous faire des
propositions concrètes, ultérieurement, mais aujourd'hui je ne peux pas
vous donner de réponse là-dessus.
M.
Gaudreault : O.K. À la page 19 de votre mémoire... — en
passant, si jamais vous avez des détails à nous ajouter, là, pour ce dont on
vient de parler, je pense que la commission serait heureuse de les
recevoir : «Impliquer activement
d'autres ministères dans la création de paysages humanisés», ça, c'est
l'éternel problème. On travaille en silo, dans ce gouvernement, tous
gouvernements confondus, là, pas juste le gouvernement actuel, tous les
gouvernements confondus. Par exemple, le ministère de la Forêt, d'un côté, qui
donne des autorisations d'exploitation forestière puis le ministère de
l'Environnement qui doit gérer cette loi. Alors, comment on peut briser ces
silos?
M. Caillié
(Brice) : On ne travaille pas au gouvernement, on n'aura pas cette
réponse-là.
M.
Gaudreault : Profitez-en, là, vous pouvez tout dire.
M. Caillié
(Brice) : Par contre, on a vu, dans le document de consultation,
pour...
Le Président (M. Bussière) : ...je m'excuse, votre temps est écoulé. Malheureusement, c'est... Donc, merci. Je vous remercie pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Centre
québécois du droit de l'environnement de prendre place. Merci à vous. Merci
pour votre contribution.
(Suspension de la séance à
15 h 46)
(Reprise à 15 h 51)
Le Président (M.
Bussière) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports
et de l'environnement reprend ses travaux.
On continue. Je souhaite... On recommence. Donc, je cède la parole au Centre québécois
du droit de l'environnement, Et bienvenue, merci à vous. À vous la
parole.
Centre québécois du droit de
l'environnement (CQDE)
Mme Doré (Anne-Sophie) : Merci. Donc, M. le ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir en commission.
Donc, je me présente, Anne-Sophie Doré, je suis avocate au Centre québécois du
droit de l'environnement et je suis
accompagnée aujourd'hui par Jean-François Girard, qui est avocat et qui,
dans ses temps libres, est également membre du comité juridique du CQDE.
Donc,
comme j'ai dit, nous vous remercions de cette invitation à venir témoigner aujourd'hui. D'abord, on tient à réitérer notre attachement à
la participation significative d'acteurs issus de divers horizons et, évidemment,
d'acteurs indépendants défendant l'intérêt public.
Ainsi, bien
que nous soyons tout à fait conscients de l'impératif pouvant requérir une
considération urgente de certains projets de loi, des délais de convocation aussi serrés que ceux qui entourent ces
audiences ne nous semblent ni justifiés
ni souhaitables pour favoriser une participation efficiente des différents intervenants et qui vous soient le plus profitables à vous aussi, en tant
que parlementaires. Il nous semblait important de le mentionner d'entrée de jeu.
Donc, en ce qui concerne le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui, nous tenons à
souligner l'importance de la réforme
de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel. Encore cette semaine puis
à l'aube du Sommet mondial sur
la biodiversité, les Nations unies ont publié un autre rapport qui souligne
l'échec des États dans la protection de la biodiversité
et des milieux naturels. Et malheureusement le Québec ne fait pas exception et n'a pas pu, comme vous
le savez, rencontrer ses cibles de protection des milieux naturels.
Donc, le projet de loi n° 46 propose plusieurs modifications qui, a priori, semblent pouvoir aider à atteindre ces objectifs,
et le CQDE salue ces avancées et il est d'avis qu'elles doivent être
conservées. Nous préconisons par
ailleurs certaines modifications au projet de loi qui vont accroître la prévisibilité
de cette loi, et nous allons concentrer nos commentaires dans notre
présentation d'introduction sur ces aspects-là.
Donc, d'abord, le rôle de la loi et des règlements.
À plusieurs reprises, dans le projet de loi, on précise qu'un règlement va venir compléter ce qui est indiqué
dans la loi. Il apparaît important de rappeler que le rôle d'un
règlement consiste à préciser la loi sur
laquelle elle se fonde mais sur des aspects qui sont précis ou, par exemple,
plus techniques. Donc, le règlement ne peut donc porter que sur l'objet
déterminé par la loi et ne doit produire que des effets qui sont compatibles
avec celle-ci. Et, afin d'éviter qu'une loi ou que certains de ses articles
soient des coquilles vides, il est vraiment important de préciser... que des
précisions, en fait, soient apportées au projet de loi n° 46.
À ce titre, le CQDE recommande que, pour chacune
des catégories d'aire protégée et chacun des outils de conservation, la loi inclue une définition ainsi que des balises qui
devront guider la rédaction de la réglementation
afférente. Et en plus on recommande que l'objectif
de chacun des outils de conservation et des aires protégées soit précisé dans
la loi.
À titre
d'exemple, en fait, le projet de loi introduit la notion d'aire protégée
d'utilisation durable; or, il le fait très brièvement dans un article qui comporte simplement quelques lignes. Au
sens du CQDE, c'est vraiment insuffisant pour introduire une nouvelle
notion qui aura cette importance.
Nous, on
recommande, en fait, qu'il y ait certaines balises qui soient prévues à même la
loi, par exemple, pour mieux encadrer
la notion d'utilisation durable. Donc, par exemple, il faut avoir des balises
qui porteraient sur la durée des activités et sur le caractère
irréversible de celles-ci.
Le CQDE recommande également que les cibles de
protection des milieux naturels soient ventilées. Dans un premier temps, on recommande que ces cibles soient
ventilées pour déterminer le pourcentage des aires protégées et des
outils de conservation qui seraient situés au sud et au nord. L'atteinte des
cibles doit passer par une protection des milieux
naturels sur l'ensemble du territoire et de façon représentative de toutes les
régions bioclimatiques. Donc, on ne peut pas se contenter d'établir des
aires protégées au nord du Québec pour atteindre les cibles qui sont fixées
pour l'ensemble du territoire.
Le projet de
loi modifie également le processus de consultation lorsque des aires protégées
ou des réserves seront proposées. L'ancienne mouture de la loi, en fait,
prévoyait automatiquement la tenue d'une consultation menée par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.
Selon les nouveaux articles de la Loi sur la conservation du patrimoine
naturel, cette consultation ne serait plus automatique, mais serait sujette à
une décision du ministre. De plus, le mandat de consultation ne serait plus
exclusivement réservé au BAPE.
Le CQDE
recommande de modifier ces articles-là pour limiter les situations dans
lesquelles il pourrait y avoir un refus
de la part du ministre. Et on recommande également que seul le BAPE puisse se
voir confier le mandat de procéder aux consultations.
Et sur ce, je vais laisser la parole à
Jean-François Girard.
M. Girard (Jean-François) : Pour ma
part, je vais aborder les sujets suivants : le rôle des organismes de conservation et la place qui leur est réservée
dans le cadre de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel,
certains éléments d'interprétation des dispositions de la loi et de la
difficulté d'assurer la protection de paysages humanisés.
Quant au rôle
des organismes de conservation, la première disposition qui a attiré notre
attention est l'inclusion d'une
nouvelle désignation, soit les autres mesures de conservation efficaces
ajoutées aux définitions de l'article 2 de la loi. Selon notre compréhension du projet de loi, cette désignation permettrait d'inclure les milieux naturels protégés
par des organismes de conservation dans la comptabilisation des aires protégées
au Québec.
Si cette
interprétation est juste, nous accueillons avec satisfaction cette possibilité de reconnaître davantage
le travail des organismes de conservation dans l'effort collectif de
conservation du Québec.
Cela dit, les
nouveaux articles 6 et 6.1 nous causent du souci dans la mesure où, toujours
selon notre compréhension, le fait
d'inscrire les milieux naturels protégés par des organismes de conservation au
Registre des aires protégées constituerait dès lors une entrave à la libre disposition des immeubles ainsi protégés
par leurs propriétaires. La grande force du mouvement d'intendance privée est d'être affranchi de la tutelle de
l'État. Il ne faudrait pas l'y soumettre par le fait de l'inclusion des
milieux protégés par l'intendance privée au Registre des aires protégées. Des
précisions devraient donc être apportées aux articles 6 et 6.1 du projet
de loi à ce sujet.
L'article 7,
tel que modifié par l'article 5 du projet de loi, nous a par
ailleurs intrigués par cette modification
qui prévoit remplacer les mots «, en matière de protection de la biodiversité»
par les mots «en matière de conservation de la nature». Pourquoi une telle modification où on remplace le
mot «biodiversité» par le mot «nature»? Dans l'actuelle version de la loi, non plus que dans le projet de loi n° 46, il n'est fait ainsi référence à la
conservation de la nature, sauf à cette nouvelle disposition là. Il en
va de même, donc, dans les textes internationaux qui traitent généralement de biodiversité et non de protection ou conservation
de la nature. Le CQDE est donc d'avis que cette modification est
inutile et qu'elle risque de jeter de la
confusion dans l'interprétation de la loi. Le CQDE recommande qu'elle soit
retirée du projet de loi.
Quant au rôle
des organismes de conservation, le CQDE déplore la proposition
de modification de l'article 55 de la loi, alors qu'on y bifferait la référence aux organismes
de conservation, qui ne pourraient plus concourir à une demande de reconnaissance de réserve naturelle avec un
propriétaire foncier. L'ajout de cette possibilité de faire concourir un organisme de conservation à la mouture originale de la loi
sur les réserves naturelles privées en 2001 — et j'étais devant vous, à cette époque, pour en discuter — avait apaisé la grogne des organismes de
conservation qui étaient d'avis que le projet de loi reléguait leur travail en deuxième plan pour
laisser toute la place au ministre de l'Environnement de s'arroger le
droit de faire lui aussi de l'intendance
privée. Le CQDE ne comprend pas pourquoi il est aujourd'hui envisagé de biffer
de la loi cette possibilité pour les organismes de conservation de
participer, avec un propriétaire de foncier, à la présentation d'une demande de
désignation de réserve naturelle. Ainsi, le CQDE est d'avis que cette
modification devrait être retirée de l'actuel projet de loi.
• (16 heures) •
Par contre, c'est avec satisfaction que le CQDE
constate que les articles 55 et 56 de la loi seront modifiés pour y retirer l'obligation de préciser les
activités permises dans le cadre d'une réserve naturelle. En fait, le CQDE
persiste à croire que l'entente dont il est question
à l'article 56 doit être construite essentiellement
comme une servitude personnelle de conservation.
Nous soulignons, à ce sujet, qu'il est aussi heureux, selon la nouvelle mouture
du texte proposé, de décrire les restrictions d'usage de la propriété
plutôt que les activités interdites comme dans la version actuelle de la loi.
Enfin, le
CQDE constate l'apparente difficulté de protéger les paysages humanisés au Québec.
La protection d'un paysage appelle
l'engagement de la collectivité et un maillage entre les pouvoirs publics et
les acteurs de l'intendance privée.
En fait, ce projet de conservation d'un paysage fait appel à un maelstrom
d'outils juridiques différents faisant éclater l'approche traditionnelle
par silos.
Nécessairement,
la protection d'un paysage est une entreprise transversale et multipartite.
Nous en voulons, par exemple... pour exemple, le parc de la Rivière-des-Mille-Îles à Laval, mis
en place et géré par Éco-Nature de Laval mais grâce, en partie, à une
désignation de refuge faunique au sens de la réglementation provinciale, le
tout combiné à des servitudes de conservation et des acquisitions de milieux
naturels en pleine propriété. Par cet amalgame de moyens juridiques, Éco-Nature offre un accès à la rivière
des Mille Îles ainsi désormais ouverte aux citoyens qui peuvent accéder
à une panoplie de paysages humanisés au gré de leur navigation.
Le CQDE est donc d'avis qu'il existe
vraisemblablement plusieurs paysages humanisés au Québec, mais que ceux-ci ne bénéficient pas d'une désignation
formelle au sens de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel
parce que l'État québécois peine à
reconnaître l'existence de tels maelstroms de mesures de conservation qui
permettent, dans les faits, la création de tels paysages humanisés.
Le
Président (M. Bussière) :
M. Girard, je dois mettre fin à votre exposé et je m'en excuse. Merci.
Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, M. le
ministre, c'est à vous la parole.
M.
Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux. C'est l'exercice
qui est un peu frustrant, avec un temps de parole qui est aussi
délimité, mais très apprécié vos commentaires et très heureux que vous ayez pu
faire référence à Éco-Nature. J'ai moi-même
cité cet exemple-là au groupe qui vous précédait. C'est chapeauté par de
nombreuses municipalités qui entourent notamment ma circonscription.
Donc, un bel exemple, effectivement.
Peut-être
deux, trois petits éléments, parce que j'ai plusieurs collègues qui voudront
intervenir. Vous avez dit, d'entrée
de jeu, que le Québec n'a pas atteint ses cibles. C'est vrai. Je nous
rappellerai, par contre, que l'année 2020 n'est pas terminée. Je vous rappellerai que c'est notre
intention de remplir ces engagements qui ont été pris il y a quelques
années maintenant, autant au niveau maritime qu'au niveau terrestre. Au niveau
maritime, on a dévoilé un peu nos couleurs pas plus tard qu'hier. Bref,
oui, ce sont des efforts importants à faire, mais nous entendons les faire.
Et je vous
entends tout à fait, et je partage votre point de vue lorsque vous mentionnez — et
tous les groupes qui vous ont
précédés ont fait cette nuance-là — le
nord, qu'il faut aussi protéger, qu'il faut aussi valoriser, c'est bien
certain, mais il ne faudrait pas concentrer
tous les efforts au nord et se priver de protéger la biodiversité au sud. Donc, c'est aussi une préoccupation, là, qui est bien
entendue et qui est partagée.
Vous avez d'entrée de jeu fait référence aux règlements qui vont venir après l'adoption
du projet de loi. Je vous dirai
que c'est pratique courante, mais c'est d'autant plus nécessaire
dans le cas présent. Je vous explique. On... Et vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des discussions
à l'international qui ont cours actuellement en vue de la COP qui va normalement, si
tout va bien, se tenir l'année prochaine, la COP15 pour la biodiversité. Donc,
ce sont des discussions, ce sont des conventions
qui n'ont pas encore été arrêtées, et c'est la raison pour laquelle, dès
l'article 2, on précise que l'aire
protégée devra se faire dans le respect des interprétations, là, de l'UICN. Donc, le règlement, oui, il est à venir, mais il faudra
malgré tout que l'article 2 soit respecté dans son essence, c'est-à-dire
on ne pourra pas imposer des balises qui ne sont pas reconnues par l'UICN.
Et sinon, le
défi, au sud, en terres privées, le groupe qui vous a précédés l'a aussi
mentionné, souvent, c'est par acquisition,
et c'est là où on tentera de trouver la meilleure formule, la plus adéquate, tantôt
avec des partenariats avec des municipalités, tantôt
on a mentionné aussi Conservation de la nature Canada. Mais c'est un défi qui
n'est pas insurmontable, mais certainement différent de ce qui se
retrouve au nord.
Donc,
merci pour les commentaires, qui ont été bien notés. Donc, peut-être, pour vous
rassurer sur l'élément règlement, je n'aurais pas de question
précise, à moins que vous souhaitiez commenter ce que j'ai pu mentionner. Et,
si ce n'est pas le cas, je laisserais tout simplement mon temps de parole à mes collègues. Mais déjà je vous remercie, là, pour l'éclairage que
vous avez apporté.
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Merci, M. le ministre.
Le Président (M.
Bussière) : Avez-vous des questions ou des commentaires?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui. En fait, je vais faire juste un bref
commentaire. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on mentionne que nous, on préconise le fait qu'on se réfère toujours
aux définitions de l'UICN, mais ce n'était pas nécessairement évident,
juste dans une interprétation de la loi, si les balises puis les lignes
directrices de l'UICN allaient s'appliquer
pour l'ensemble des définitions, ou l'ensemble
de la réglementation, ou tout
simplement pour une portion. Puis je pense qu'avec les
discussions aussi qu'on a eues avec différents groupes, c'est un commentaire qui revenait. Donc, c'est pour ça qu'on a pris la peine aussi de
mentionner cet aspect-là.
Donc,
nous, on est en accord avec respecter les balises puis les définitions des
lignes directrices de l'UICN, mais il faut s'assurer que ce soit fait
dans chaque cas.
M.
Charette : Vous faites bien
de le mentionner. Et, si on regarde le tout début de l'article 2,
on entend par «aire protégée» une
aire protégée au sens où l'entend... J'aurai toujours de la misère. Même si
on est au début des consultations, je
sens que je vais tout le temps m'accrocher sur l'acronyme en question. Donc,
UICN. Mais c'est clair que c'est un article qui vient se dépeindre sur l'ensemble des articles du projet de loi, mais c'est une préoccupation que l'on entend et qu'on partage entièrement.
Donc, merci, encore
une fois, pour votre présence cet après-midi.
Le Président (M.
Bussière) : Merci. Et je céderais maintenant la parole au député de Bourget.
M.
Campeau : Merci, M. le Président. Oui, en effet, UICN, c'est dur à prononcer. Il
va falloir que je pratique moi aussi.
Vous avez mentionné... bien, j'ai déjà dit, il
y a un bon bout de temps, que, dans
le cadre des baisses de gaz à
effet de serre, il y a des actions gouvernementales, mais on a
besoin du support citoyen. Et j'ai l'impression que la présence d'aire protégée, ça attire l'attention des citoyens
pour une raison touristique. Alors, si on les met tous au nord, c'est sûr que
ça va avoir moins d'impacts. Alors, je ne peux qu'être d'accord avec vous qu'il
faut trouver un équilibre nord-sud. Mais, à part
mentionner ça, avez-vous des critères par
rapport à ça? Avez-vous un
pourcentage? Avez-vous quelque chose en tête par
rapport à ça ou vous voulez juste
souligner le fait de l'importance que ce soit au sud? Il me semble que... Avez-vous
plus de viande en arrière de ça, là, de ce que vous verriez dans le sud de la
province?
• (16 h 10) •
M.
Girard (Jean-François) : Si
vous me permettez, je pourrais peut-être amener certains éléments de réflexion à ce que vous êtes en train de nous dire. La science
nous enseigne qu'en deçà de 30 %
de milieux naturels existants, on assiste à une baisse de la biodiversité sur un territoire donné, dans une région
bioclimatique donnée. On sait qu'à l'échelle de la CMM, la Communauté métropolitaine de Montréal, si
on conservait immédiatement tout ce qu'il reste, on atteint à peine 21 % de superficies de milieux naturels
protégés. Donc, on est déjà en deçà des seuils critiques établis par la science
pour permettre le maintien de la biodiversité telle qu'on la connaît
aujourd'hui.
Alors, je pense qu'il
y a là une piste et un début de réponse à votre question : Qu'est-ce qu'il
faut faire et qu'est-ce qu'il faut viser
dans le sud du Québec? Bien, on sait que nos objectifs, c'est 17 %. Mais,
17 %, ce que je suis en train de
vous dire, c'est que ce n'est même pas suffisant pour assurer le maintien de la
biodiversité telle qu'on la connaît, selon
les données scientifiques qui sont portées à notre connaissance. Alors, je
crois qu'il va falloir accroître davantage nos efforts de conservation
tant au nord que dans le sud du Québec. Et chaque petite parcelle...
Entre
autres, moi, j'ose poser la question... Lorsque je regarde la carte, à l'heure
actuelle, des milieux naturels existants
à l'échelle du territoire de la CMM et que je la compare avec la carte des
milieux à développer, bien, si je pose les
deux cartes une par-dessus l'autre, manifestement, on n'y arrivera pas. Alors,
moi, je pose la question : Est-ce qu'on peut encore se permettre de couper un arbre sur le territoire de la CMM
si on veut maintenir les niveaux de biodiversité telle qu'on la connaît aujourd'hui? Je ne sais pas si ça
vous aide à réfléchir, mais moi, je trouve que ça nous parle beaucoup.
M.
Campeau : Je comprends.
L'autre question, c'est par
rapport à ce que vous avez mentionné
sur le BAPE, que des consultations
devraient être faites via le BAPE. J'aimerais vous rappeler que ce projet de loi là, la façon dont ils l'ont présenté,
c'est pour aller chercher un peu de
souplesse, aller chercher une adhésion internationale quand on parle de
l'UICN. Et, à ce moment-là, si on va avoir
des consultations qui vont nous prendre plus de temps... C'est un peu ça qui
arrive avec les aires protégées, ça
prend un temps énorme à désigner ces aires protégées là. Alors, si on maintient
d'avoir absolument la présence du
BAPE à tout, dans toutes les circonstances, est-ce qu'on ne va pas créer un
ralentissement? Et est-ce qu'on ne va pas à l'encontre, justement,
d'augmenter le plus rapidement possible les aires protégées?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Donc, deux éléments de réponse. D'abord, nous, on
ne demande pas à ce que ce soit nécessairement automatique, mais on
demande de restreindre la portée de... je pense que c'est le premier paragraphe
de 31 qui précise que ça peut être quand il y
a d'autres mesures possibles, donc de le restreindre à s'il y a déjà une
consultation qui est menée par une autre loi.
Puis, d'une part... d'autre part, en
fait, le BAPE est quand même un organisme qui est efficace, qui est
habitué de faire de la consultation. Mais
nous, on estime que ce n'est pas en nommant, par exemple, un commissaire ou en
créant un autre processus de consultation qu'on va gagner du temps.
En plus, on a quand
même pris la peine, avant de faire cette recommandation-là, de demander aux gens
qui participent au processus de création des
aires protégées, des réserves, d'avoir leur pouls sur la situation. Puis ce
qu'on nous rapporte, c'est qu'en fait ce
n'est pas du tout le processus de consultation par le BAPE qui ralentit la
désignation des aires protégées ou
des réserves, que ce n'est pas du tout un frein. Puis même, justement, le BAPE
est efficace puis il sait très bien comment procéder à des
consultations, il le fait rapidement, puis son travail est impeccable.
Donc,
comme au niveau des aires protégées, nous, ce qu'on nous rappelle, c'est... ce
qu'on nous a noté, en fait, c'est qu'il
n'y avait pas d'enjeu de rapidité avec le BAPE, mais c'est vraiment plus les
processus qui entourent notamment des discussions
ministérielles entre les ministres, entre les ministères puis des négociations
qui sont plus complexes et qui peuvent
ralentir les processus, mais qu'il n'y a pas vraiment d'enjeu avec le BAPE.
Donc, nous, on estime que de créer un autre processus, ça ne va pas
vraiment créer un gain d'efficacité, en fait.
M. Campeau :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bussière) : Merci. Et je souhaite... je cède maintenant la parole à la
députée d'Argenteuil.
Mme
Grondin : Merci, M. le Président. Donc, deux questions rapides. Bonjour,
me Doré et Me Girard. Dans les aires... Merci d'être présents et d'avoir
répondu avec des recommandations et vos commentaires.
Dans
les aires protégées d'utilisation durable, donc, vous suggérez des balises plus
claires. Vous avez proposé l'exemple de la durée, par exemple,
d'activités qui serait permise dans ces types de territoires. Avez-vous une
liste plus exhaustive?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien, en fait, nous... disons, les balises
concrètes à ajouter, on se référerait davantage à des experts qui sont, disons, habitués de faire
des processus d'aires protégées. Je sais qu'il va y avoir plusieurs
groupes qui vont venir vous présenter, puis
qu'eux vont vous présenter des balises plus concrètes. Puis, encore une fois,
bien, il y a quand même des normes
qui sont établies à l'international qui devraient être apportées et qui
devraient être même précisées dans le
texte de la loi, parce que, pour l'instant, avec cet article
qui est si court, bien, on est un peu inquiets de voir quelle forme ça
prendra, ces aires protégées d'utilisation durable.
Puis,
tu sais, dans le fond, c'est qu'on comprend que c'est difficile de déterminer qu'est-ce que c'est, l'utilisation durable.
De donner une définition de ça, ça peut être un exercice complexe. Donc, c'est
pour ça qu'on vous proposait en fait
de mettre des normes pour mieux l'encadrer, ce concept-là, plutôt que lui
donner une définition précise, donc avoir un outil juridique un peu plus
souple, mais, tout de même, de rajouter des détails.
Mme
Grondin : Parfait. Merci.
Dernière question. Je ne suis pas certaine d'avoir compris parce que je n'ai
pas pu lire de façon assidue, là, votre
mémoire. Il est arrivé... Je n'ai pas eu le temps de le lire, je suis désolée.
Mais, Me Girard, vous parliez, là, au
niveau des autres mesures de conservation efficaces, vous êtes... vous avez
mentionné qu'on... toute l'histoire
des organismes de conservation et vous avez dit : La tendance actuelle,
notamment pour les articles 6 et 6.1... Je ne suis pas sûre d'avoir
compris ce que vous avez dit.
M.
Girard (Jean-François) :
O.K. Notre compréhension du texte proposé par les modifications qui vont
être apportées par le projet de loi nous
amène à croire qu'on va pouvoir comptabiliser les aires... les milieux naturels
protégés par les organismes de conservation
à l'intérieur de la comptabilité des aires protégées. Le texte qui réfère à la
décision 14.8 de la convention des Nations unies sur la biodiversité nous
amène... c'est ça, l'interprétation qu'on fait.
Donc,
partant... Et là, moi, il n'y a personne qui m'a confirmé si notre
interprétation est juste ou si elle est erronée, mais, partant de la
prémisse que notre interprétation, elle est bonne, ça veut dire que, de facto,
les organismes de conservation sont soit
propriétaires de terrains en propre ou par le biais de servitudes de
conservation qu'ils détiennent sur des
terrains qui sont, par ailleurs, propriétés de propriétaires fonciers. Et c'est
surtout dans ce contexte-là que je m'inquiète un petit peu, à partir du moment où on va prendre ces milieux naturels
protégés là et on va les inscrire aux registres qui sont prévus aux articles 5, 6 et 6.1, et que les
articles 6 et 6.1 nous disent que dès lors qu'on inscrit ces propriétés-là
dans le registre, on ne peut plus
vendre, céder ou modifier la tenure de propriétés sur ces terrains-là sans
demander... en aviser préalablement le ministre.
Or,
l'intendance privée fonctionne sans demander l'autorisation, à tout bout de
champ, au ministre. Ce n'est pas que je
ne veuille pas parler au ministre, mais c'est quand même une des réalités du
monde de la conservation volontaire et de l'intendance privée, on ne s'en réfère pas au ministre. Et je pense que,
si... l'effet pratico-pratique des nouvelles dispositions portant sur les autres mesures de conservation
efficaces jumelées au fait d'inscrire ça au Registre des aires protégées
selon les articles 5 et 6 amène pour
conséquence qu'un propriétaire qui a consenti à une servitude de conservation
ne pourra pas vendre sa propriété
sans d'abord aviser préalablement le ministre, bien, ça ne m'apparaît pas une
bonne idée. Alors, on pourrait faire
des aménagements dans le texte de la loi pour éviter une telle conséquence.
C'est ça, l'objet de notre propos.
Mme
Grondin : On sait que ça peut devenir un frein, que les futurs
propriétaires qui souhaitent faire de l'intendance privée, ça pourrait
les freiner, là, dans leur envolée charitable.
M. Girard
(Jean-François) : Bien oui. Oui, ça pourrait être un frein. L'essence
même d'une servitude de conservation, c'est qu'elle suit... par l'effet du
droit civil, puis ça fonctionne bien, la servitude s'applique au gré des
différentes générations de propriétaires. Le Code civil fait bien son travail à
ce sujet-là. Je ne pense pas que ce soit nécessaire
de venir rajouter une conséquence qui fait en sorte qu'on est obligés d'aviser
puis de demander l'approbation du ministre. Puis je ne doute pas que M. Charette
est un homme très efficace, mais mon expérience me montre que c'est assez rare
qu'on s'adresse au ministre directement. On parle à des fonctionnaires, mais,
parfois, c'est assez difficile.
Le
Président (M. Bussière) : Je
m'excuse, le temps est maintenant écoulé. Je m'excuse. Donc, nous
devons... Nous allons maintenant passer à
l'opposition officielle en donnant la parole au député de Viau. Vous avez
11 minutes.
M.
Benjamin : Merci, M. le Président. Donc, merci, Me Doré, merci,
Me Girard, pour votre présentation. Donc, je m'habitue de plus en plus avec les mémoires du Centre québécois du
droit en environnement, donc des mémoires fouillés, pertinents, avec des
recommandations intéressantes.
Donc, parlant
de recommandations, une des premières choses sur laquelle j'aimerais vous
entendre, vous avez mentionné, dans le mémoire, notamment à la
page 2, que plusieurs articles octroient un pouvoir discrétionnaire au
ministre et vous suggérez que ce pouvoir discrétionnaire là doit être mieux
balisé. J'aimerais peut-être... J'aimerais vous entendre là-dessus.
• (16 h 20) •
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Oui. Dans le
fond, comme on le mentionne d'entrée
de jeu, de manière générale,
tu sais, on a remarqué que, dans la majorité
des articles, là, le pouvoir discrétionnaire du ministre est somme tout bien
balisé. Puis là... Puis on était... On fait
surtout... Dans notre tableau, en fait, que vous voyez, dans les commentaires
sur certains articles du projet de
loi, là, c'est dans cette section-ci que vous allez pouvoir retrouver des
commentaires, disons, un peu plus précis, là, sur les aspects
mentionnés, là, au niveau du pouvoir discrétionnaire du ministre.
J'essaie de
vous en trouver un rapidement, là, pour... Je pense que c'est... Mais, en
fait, on... En effet, si vous êtes habitué
de consulter nos mémoires, là, on est allés un peu dans le microdétail, là,
pour s'assurer d'améliorer le texte. Là, par exemple, dans un article,
on précise que le ministre devrait exceptionnellement
pouvoir utiliser un tel pouvoir qui est déterminé, mais je n'ai pas mis l'accent là-dessus dans ma présentation,
là, justement parce qu'on trouve que, somme toute, là, les pouvoirs sont
bien balisés dans le projet de loi puis on est vraiment dans le microdétail,
là, dans notre tableau pour mieux... améliorer les articles.
M. Benjamin : Et, sur la définition
de l'aire protégée d'utilisation durable, vous semblez avoir beaucoup d'interrogations. Donc, là encore, vous demandez
que ce soit... Est-ce que... Vous êtes-vous penchés... J'aimerais vous
entendre sur cet aspect-là parce que c'est un aspect fondamental, c'est une
nouvelle définition, et qui va modifier plusieurs approches en matière de
conservation du patrimoine naturel. Et j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Oui. Dans le
fond, c'est ça, ce qu'on constate à l'article 46, c'est qu'il y a
seulement comme deux éléments, là, qui sont
mentionnés. Laissez-moi, là, simplement reprendre cet article. En fait, il est
précisé que ça «vise la protection de la
biodiversité biologique et [de ses] valeurs [...] qui lui sont associées ainsi
que l'utilisation durable de ses
ressources». Donc, c'est comme un peu la seule balise qu'on a dans le projet de
loi puis, pour nous, ça semble insuffisant,
là, parce que ça pourrait, entre autres, vouloir dire qu'on pourrait avoir une
ouverture à ce qu'il y ait notamment des
activités industrielles dans des aires protégées. Nous, on remet un peu en
question quand même cette idée même, là, qu'il y ait ce genre
d'activités dans des aires protégées. Il faut être prudent, disons, avec ce
qu'on peut faire avec cet outil-là, si on ne
le balise pas suffisamment. Donc, c'est vraiment dans cette perspective-là
qu'on le fait, qu'on formule ces commentaires-là aujourd'hui. Je ne sais
pas si...
M. Benjamin :
Oui, oui, absolument. Ça va. L'aire de protection de conservation autochtone
vous semble être une bonne idée.
Donc, c'est une piste effectivement intéressante. Peut-être on a... J'ai posé
la question à d'autres groupes qui vous
ont précédés ici, j'aimerais peut-être vous entendre sur est-ce que vous êtes
au courant, est-ce qu'il y a des bonnes pratiques, des meilleures
pratiques ailleurs dont vous êtes au courant, que vous pourriez partager avec
nous, donc?
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Bien, en fait,
de prime abord, là, c'est sûr que le CQDE, on ne veut pas prendre parole
pour les communautés autochtones. Donc, on
pense qu'il est vraiment essentiel de les consulter puis de créer cet
outil-là avec eux. Cependant, ce qui... une
des craintes, en fait, c'est justement qu'on utilise l'aire protégée
d'utilisation durable en lui mettant
un peu un chapeau autochtone puis qu'on essaie... par exemple, qu'on leur
permette de réaliser des activités traditionnelles, mais qu'au final on
utilise un outil qui n'a pas suffisamment de souplesse pour refléter toutes les
caractéristiques ou les pratiques d'une
communauté. Tu sais, ce que l'aire protégée de conservation autochtone
permettrait de faire, si on regarde,
justement... encore une fois, on y réfère toujours, mais la définition que lui
donne l'UICN dans ses lignes directrices, donc ça permettrait d'avoir
peut-être une perspective plus inclusive, là, de l'aire protégée, qui
refléterait davantage les communautés autochtones et qui pourrait permettre une
meilleure collaboration avec elles.
M. Benjamin : Et, sur la notion de
registre, donc, vous semblez questionner la multiplicité, la multiplication de
registres. Vous suggérez, vous souhaitez même qu'il y ait un seul registre. Est-ce
que, selon vous, il n'y a pas, à ce
moment-là, un risque de moins bien évaluer, par exemple, l'apport des aires
protégées, notamment dans le nord ou dans le sud?
Mme
Doré (Anne-Sophie) : Oui,
bien, en fait, c'est, justement, c'est pour... une des raisons pour lesquelles
on précise qu'il faudrait quand même
qu'il y ait des sections claires et bien délimitées, là, dans ce registre-là,
pour ne pas, justement, que ça devienne une espèce de fouillis de
l'ensemble des outils de conservation puis qu'on ait du mal à se retrouver. Donc, même si c'est un registre, bien,
on pense que ça peut être possible de créer un registre qui soit
facilement consultable et efficace, donc justement en y mettant des sections
claires qui, en fait, se rapporteraient aux thèmes des registres qui sont actuellement
proposés par le projet de loi.
M.
Benjamin : Et justement,
parlant du nord et du sud, donc, certains parlent de l'importance d'avoir des
cibles pour le nord et des cibles pour le
sud. Vous, vous en êtes où là-dessus? Est-ce
que vous pensez qu'il faille mettre
en place des critères aussi pour mettre en place ces cibles-là pour le
nord et le sud?
M. Girard
(Jean-François) : Bien, si
je peux me permettre de répondre à cette question-là, je vais revenir
avec ce que j'ai dit tout à l'heure. À partir du moment où la science nous dit qu'en deçà de 30 %
d'aires protégées, de milieux naturels
existants sur un territoire on assiste à un déclin de la biodiversité, bien, ça
nous donne une balise à suivre puis à respecter. Pour chacune de nos
régions bioclimatiques ou chacune de nos... chaque bassin versant ou chaque
entité physiographique que vous voulez considérer, bien, on doit préserver
un... on doit tendre à atteindre un 30 % d'aires... de milieux naturels
existants.
M.
Benjamin : Et Me Girard
semblait parler tout à l'heure... Vous parliez même d'un maelstrom quand
vient le temps de reconnaître les paysages
humanisés. Comment, dans le cadre du travail qu'on aura à faire par rapport à ce projet de loi, comment parvenir à une reconnaissance du paysage
humanisé qui inclut justement ce maelstrom auquel vous faisiez allusion?
M. Girard
(Jean-François) : Je vais
être bien honnête avec vous, je ne peux que constater la grande
difficulté à désigner des paysages humanisés
au Québec. Puis la preuve en est que, depuis qu'on a mis en
place ce statut-là, on n'a désigné
aucun paysage humanisé. Pourtant, il
y a eu des projets où ça a été
étudié. Nous, ce qu'on essayait de vous dire dans notre mémoire, c'est que probablement qu'on fait ça un petit peu trop compliqué, alors que la solution, elle
est là ou la réalité, elle est là sous nos yeux.
Quand je vous
donne l'exemple du parc de la Rivière-des-Mille-Îles et de
l'intervention d'Éco-Nature de
Laval, ce que l'Éco-Nature de Laval fait en
gérant puis en opérant le parc de la Rivière-des-Mille-Îles, c'est qu'il donne
accès aux citoyens qui viennent louer une embarcation, donne accès à des
paysages humanisés. Lorsque vous embarquez sur la rivière, que vous vous déplacez entre les îles, vous avez, selon
l'endroit où vous vous trouvez, accès à une panoplie de paysages
humanisés. Si on veut reconnaître un premier paysage humanisé au Québec, bien,
désignons le parc de la Rivière-des-Mille-Îles comme étant également un paysage
humanisé.
Et là il faut
constater comment ça, ça se construit. Ça se construit avec divers outils qui
partent de cette désignation de
refuge faunique, qui est une désignation par règlement provincial, qui est
amalgamée avec les servitudes de conservation qu'Éco-Nature de Laval est allé chercher auprès de différents
propriétaires dans les îles et en rive puis amalgamée avec les terrains qu'Éco-Nature possède en pleine
propriété. Alors, cet amalgame d'outils là juridiques ou ce maelstrom
d'outils juridiques permet de créer dans les
faits un paysage humanisé. Et, si on faisait l'analyse de plusieurs endroits au
Québec, on se rendrait compte qu'on en a
plein, de paysages humanisés, c'est juste qu'ils ne sont pas désignés
formellement selon cette désignation-là prévue à la loi.
M.
Benjamin : Et une dernière question. Donc, un des acteurs, justement,
de ce maelstrom, ce sont les villes. Et avant vous, tantôt, il y a...
nous avions posé la question à un groupe qui nous mentionnait la problématique
pour les municipalités de se départir d'une
part de revenu foncier qui peut-être importante... Avez-vous une recommandation
à nous faire afin de faciliter l'inclusion des municipalités dans le processus?
M. Girard (Jean-François) : Bien,
les municipalités, oui, vous avez raison, là, les municipalités sont les premières... c'est le premier acteur étatique
interpelé puisque c'est des questions d'aménagement du territoire. Donc,
oui, il faut que les municipalités soient
parties prenantes à ce processus-là qui est nécessairement, comme je le disais
tout à l'heure, le résultat d'un
effort collectif, collectif de la plupart... c'est-à-dire d'une multitude de
parties prenantes au projet, que ça soit
soit les organismes de conservation, des groupes de citoyens, les
municipalités, le gouvernement du Québec, ça peut être Hydro-Québec qui,
bon, par l'accès à ses emprises, pourrait donner accès à d'autres milieux
naturels protégés.
Donc,
manifestement, il faut qu'on fasse intervenir toute cette gamme d'intervenants
là. Et quel est le meilleur forum
pour animer ça? Bien souvent, ce sont les municipalités, étant donné la
proximité des municipalités comme niveau de gouvernement avec leurs
citoyens. Alors, oui, un, il faut sensibiliser les municipalités puis ensuite
leur donner des moyens de mettre ce type de désignation là en oeuvre.
• (16 h 30) •
Le Président (M. Bussière) : ...est
écoulé.
M. Benjamin : Merci.
Le
Président (M. Bussière) :
Merci beaucoup. Et je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, et donc à la députée
de Mercier. Vous avez 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, M.
le Président. Merci pour votre
présentation. Moi, j'ai une question. Dans votre mémoire, à la page 7, vous dites que le CQDE ne
comprend pas pourquoi est-ce
qu'aujourd'hui on envisage d'enlever, de biffer dans la loi, je pense, c'est à l'article 55, que
les organismes de conservation puissent participer avec un propriétaire
foncier à la présentation d'une demande de
désignation de réserve naturelle. Vous dites qu'on ne devrait pas enlever ça,
au contraire, il faut le remettre,
comme c'était le cas avant. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus de
l'importance du travail qui est fait par les organismes de conservation
et comment le projet de loi devrait le favoriser?
M.
Girard (Jean-François) : Bien, en fait, je ne comprends pas pourquoi
on enlève cette référence-là au fait qu'un organisme de conservation pouvait concourir... bien, peut, à l'heure
actuelle, concourir à une demande de désignation de réserve naturelle.
Il
faut comprendre d'où vient la réserve naturelle. C'est une désignation qui
était demandée par les organismes de conservation à la fin des
années 90, début des années 2000, pour être capable d'avoir l'équivalent
des «conservation easements», de tradition
du droit anglais, de common law. La particularité des «conservation easements»,
c'est qu'on avait... c'est une
servitude de conservation sans fonds dominant, on avait seulement le fonds
servant et... alors que, dans notre droit civil, les dispositions du
Code civil nous disent que ça nous prend à la fois un fonds dominant et un
fonds servant.
À
la fin des années 90, une des difficultés pour les organismes de
conservation, c'était d'être propriétaire d'un fonds dominant dans un secteur qui permettait de créer
des servitudes avec d'autres terrains qui seraient devenus fonds
servants. Les organismes de conservation, il
y a 20 ans, n'étaient pas très, très riches, au niveau foncier, avaient
peu de biens, peu de biens
immobiliers en leur possession, donc c'était difficile de trouver des fonds
dominants, et ce n'est pas toujours pertinent
d'en avoir. D'où la demande du CQDE, à l'époque, de créer une espèce
d'équivalent au «conservation easement» qui aurait été une servitude
personnelle.
Là,
je n'ai pas le temps de faire toutes les distinctions entre une servitude
personnelle, servitude réelle, mais, bref, c'était ça, l'idée. Et le gouvernement nous a répondu, à l'époque, en
créant la désignation de... réserve privée, c'est ça, réserve naturelle
privée, en 2001. Et ça a tellement déplu, le projet de loi, quand il est sorti,
ça a tellement déplu aux organismes de
conservation — puis je
peux en témoigner, j'étais là, au coeur des débats — que le projet de loi a failli être
mis à la poubelle parce qu'il y avait vraiment un tollé quant au fait que les
organismes de conservation étaient totalement évacués.
Le Président (M.
Bussière) : Le temps est écoulé. Merci.
M. Girard
(Jean-François) : Ah!
Le Président (M.
Bussière) : Je m'excuse, c'est vite passé, 2 min 45 s.
M. Girard
(Jean-François) : Bien oui.
Le Président (M. Bussière) : Et donc je cède la parole au troisième groupe d'opposition, au député
de Jonquière, 2 min 45 s.
M. Gaudreault :
Oui, merci. Merci beaucoup de votre présence. Qu'est-ce que vous pensez du
pouvoir d'inspection et d'enquête amené par le ministre à partir des articles 33
et suivants?
M.
Girard (Jean-François) :
Anne-Sophie... Bien honnêtement, M. le
député, là, moi, je ne l'ai pas
regardé, là. Ça fait que je ne sais pas si tu veux répondre,
Anne-Sophie?
M.
Gaudreault : Le temps file.
M. Girard
(Jean-François) : Anne-Sophie?
M.
Gaudreault : O.K., bien, on...
Mme Doré
(Anne-Sophie) : ...dans l'article. Mais comme votre temps est assez
court, si vous avez une autre question, on pourra y revenir.
M.
Gaudreault : Oui, ce n'est
pas le problème, ce n'est pas les questions qui manquent. Que pensez-vous de
la définition de l'aire protégée d'utilisation durable, article 46? Est-ce
que c'est assez complet, selon vous?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Non, c'est ça, comme j'ai mentionné, c'est
largement insuffisant, là, selon nous, pour bien comprendre qu'est-ce qui
est apporté par le projet de loi, là, par le... cette notion-là d'aire protégée
d'utilisation durable. Nécessairement, il va falloir ajouter des
éléments. Et je suis certaine que dans les prochaines présentations, là,
notamment la SNAP va vous faire des recommandations assez précises, là, sur ce
point-là.
M.
Gaudreault : Parfait. Vous semblez dire... j'essaie de le retrouver,
là, c'est dans vos tableaux, à la fin, ça, c'est toujours très utile, tenir compte de la Loi sur le développement durable,
là, j'essaie de le retrouver pendant que je vous parle, là, mais vous
semblez dire que ce n'est pas assez fort. Est-ce que vous pouvez m'en dire
plus?
Mme
Doré (Anne-Sophie) : Bien,
c'est simplement que c'est une belle intention, mais c'est un peu comme
à bien d'autres moments où on fait référence
à la Loi sur le développement durable, là, cette intention-là, il n'y a
aucune obligation de la mettre en oeuvre, en
fait, là. Puis nous, on aimerait ça, justement, voir une mise en oeuvre plus
concrète des principes de développement durable, donc c'est pour ça qu'on
propose cette modification-là.
M. Gaudreault : Donc, d'en faire un
genre d'obligation et non pas juste une volonté, si on veut.
Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui,
exactement.
M. Gaudreault :
O.K. Même chose pour les changements climatiques, vous voulez vraiment en faire
un motif de désignation des milieux naturels protégés.
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Bien, en
fait, ça, c'est surtout... si je ne m'abuse, là, cet article précis là est
vraiment sur la protection des milieux humides et hydriques.
M. Gaudreault : Exact.
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Donc,
justement, comme on sait, là, que ces milieux-là
ont une importance capitale, en fait, en matière d'adaptation et de
changements climatiques, on trouve assez décevant, là, de voir ce retrait-là de
la mention des changements climatiques, là. On estime en effet qu'il faudrait
encore considérer leur impact sur les changements climatiques, l'adaptation
notamment, pour évaluer, là, la considération des milieux naturels.
M. Gaudreault : Donc, de garder
la...
Le Président (M. Bussière) : Merci.
M. Gaudreault : Ah! bon. Merci.
Le Président (M. Bussière) : Votre
temps est écoulé. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends donc les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants de Greenpeace de prendre place. Je
m'excuse, et merci à vous.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 40)
Le
Président (M. Bussière) :
Donc, on recommence. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Greenpeace. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent
et à procéder à votre exposé. Donc, la parole est à vous.
Greenpeace
M. Kölmel
(Olivier) : M. le Président, cher ministre, chers députés, bonjour. Je suis Olivier Kölmel, porte-parole en matière de nature et alimentation pour Greenpeace. Et aujourd'hui je suis accompagné avec M. Henri Jacob, qui est président
de l'Action boréale, qui prendra la parole par la suite.
J'aimerais
bien adresser le p.l. n° 46,
au départ, pour un contexte plus large, qu'est-ce qu'on cherche aujourd'hui, et je commencerais par dire : On doit protéger ce
qui nous protège, c'est ce qu'on veut, et ça, ça passe par la protection, conservation et la restauration des écosystèmes.
Pourquoi? Il y a trois points : on fait face aujourd'hui à de multiples
crises, on n'atteint pas nos objectifs de biodiversité à l'international et on
fait face à des problèmes structurels.
Quand
on parle de multiples crises, vous le savez autant que moi, il y a un déclin de
la biodiversité assez grave qui se passe depuis quelque temps. Le taux d'extinction est rendu à 1 000 fois le taux naturel d'extinction. On fait face à une urgence climatique où on voit...
(panne de son) ...une augmentation de feux de forêt, des inondations et des
canicules, qui vient mettre en péril notre
propre sécurité. Et finalement il y a une crise sanitaire, auquel on fait face,
qui rajoute davantage d'enjeux et qui expose notre fragilité.
Quand
on parle de ne pas atteindre nos cibles de... sur la convention diversité
biologique, on est rendus aujourd'hui 88e au monde, en tant de rang, pour ne pas
protéger nos habitats comme il faut. On n'a pas atteint nos cibles ou on
n'atteint pas nos cibles pour cette année,
le 2020, qui est 17 %
d'aires protégées. On est rendus à 10 %, quand on parle du
territoire et zone terrestre, et là on s'enligne pour 30 % pour 2030.
Donc, nous reculons, là, on travaille au mode réactionnaire.
Et des problèmes
structurels, bien, il y a plein de projets d'aires protégées qui stagnent depuis des années, on peut remonter jusqu'à 2004, ou qu'il y a des projets
qui ne sont toujours pas mis en place. Donc, il y a des grosses
questions à se poser à ce niveau-là, et donc c'est plusieurs...
Autre
chose, il y a des communautés qui ont fait plusieurs propositions d'aires
protégées qui n'ont pas été intégrées dans
les projets, et qui ne sont pas à l'écoute. Je ne peux pas vous dire le nombre
d'appels qu'on reçoit par année par des citoyens et des communautés qui sont mécontents parce qu'ils voient la
nature alentour d'eux, leur source de bien-être disparaître devant leurs
propres yeux, et ils sentent que leur voix n'est pas écoutée.
Et, troisième
point sur le problème structurel, l'impression, c'est que l'extractivisme prime
au Québec, et ceci, c'est au... de notre bien, long terme, autant
économique que notre santé.
Donc, ceci,
ces trois points là amènent à la grande question. Protéger ce qui nous protège,
c'est une question de résilience. Et
donc aujourd'hui, on ne peut pas appuyer le p.l. n° 46 pour ces
points-là et on ne peut pas travailler les virgules d'une telle loi, tant et autant qu'on n'adresse
pas ces plus grandes questions. Sur ce point, je cède la parole à
M. Henri Jacob.
M. Jacob
(Henri) : Oui. Bonjour, M.
le Président et M. le ministre, je crois, et les gens de l'opposition. Moi,
je vis en Abitibi. Ça fait depuis 1972 que
je milite pour l'environnement. Et, sur la question des aires protégées, j'ai
commencé beaucoup en avant, dans les
années 80, à protéger des territoires, même avant qu'on ait la convention.
J'ai participé à la convention à Rio,
c'est-à-dire au Sommet de la Terre, où on a signé la convention sur la
biodiversité. D'ailleurs, le Canada était un des premiers à le signer.
Ici, au
Québec, quand les gens ont accepté... le ministère a accepté d'aller dans la
même direction, on a entériné cette
question-là, mais on a été étapistes, on a dit : Il faudrait atteindre
8 % dans sept, huit ans, parce qu'on a commencé à peu près en l'an 2000. On ne l'a pas atteint.
Ça fait qu'on a dit : On va atteindre 12 %, puis on ne l'a toujours
pas atteint en l'an... je pense, c'était en 2012, qui était la date, et
aujourd'hui on dit qu'on devrait atteindre 17 %.
Et ce que
j'aimerais adresser, c'est surtout la question de pourquoi qu'on n'atteint pas
nos objectifs, ici, au Québec. Ce
n'est pas des raisons de dire que c'est le BAPE qui est trop long, c'est que...
et je vais vous donner cet exemple-là du BAPE. Le BAPE, quand on va à un BAPE, à un bureau d'audiences publiques
pour la construction d'une usine, un permis pour ouvrir une mine à ciel ouvert où quoi que ce soit, il y a un
échéancier qui est bien, bien précis. Après que le BAPE ait remis son
rapport, si je me rappelle, c'est à peu près deux mois que le gouvernement a à
prendre sa décision.
Dans le cas
des aires protégées, nous, à l'Action boréale, on a proposé une carte qui avait
le 8 %, il y avait le 12 % puis
il y avait le 25 % de territoire qu'on dit qui aurait dû être protégé.
Mais naturellement on a décidé d'accepter les règles que le gouvernement
avait établies pour pouvoir participer et faire augmenter le pourcentage qui
était, à l'époque, en l'an 2000, de
0,5 % en Abitibi. Maintenant, on est à 8,7 % et on sait que tous les
projets pour se rendre à 12 %, ça fait depuis au moins six ans qu'ils sont sur la table du
responsable au ministère de l'Environnement, et il ne peut pas aller de
l'avant. Et ce qui l'empêche d'aller de
l'avant, c'est la non-collaboration du ministère des Forêts, de la Faune et des
Parcs. Eux, pour une raison que...
pourquoi on a nommé un ingénieur forestier responsable de ce dossier-là, c'est
des projets stratégiques, et cette
personne-là ne donne pas les données que le ministère de l'Environnement a
besoin pour compléter ses portraits d'aires protégées. Et ça, c'est depuis... et on se le fait dire régulièrement,
et c'est depuis le début. Encore dans les dernières années, quand je vous dis : On a déjà le 12 % de
canné, le ministère des Forêts refuse de donner des données. En fait, il ne
refuse pas, il ne répond pas aux demandes. C'est encore pire, je pense, c'est
insultant. C'est pour ça...
Et on ne
croit pas, nous, qu'il faut inventer une nouvelle catégorie d'utilisation durable,
puisque je ne comprends pas pourquoi
qu'on ferait de l'utilisation durable dans une aire protégée, alors qu'on nous
dit que la foresterie est faite de manière
durable, ici, au Québec. Ça fait que si la foresterie et l'exploitation de nos
ressources se fait de façon durable, pourquoi qu'il faudrait créer une
nouvelle catégorie?
Nous, on
pense qu'il faut absolument canner le 17 % selon les règles qui étaient
établies, parce qu'on ne change pas à
la troisième période les règles du jeu, je pense qu'il faut continuer à
atteindre le 17 %. Et suite à ça, là, on pourrait toujours être ouverts à discuter d'une nouvelle
catégorie. Parce que vous savez qu'à l'international, la convention sur
la biodiversité, on parle d'atteindre
30 % d'ici 2030. Ça fait que probablement qu'on va avoir encore beaucoup
de chemin à faire. Et comme mon
collègue l'a dit, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut absolument protéger la
biodiversité. Ici, en Abitibi, c'est flagrant, on ne le fait pas.
D'ailleurs,
il y a deux jours, j'étais dans la réserve La Vérendrye avec la communauté de
Kitcisakik, qui se battait pour...
c'est parce qu'une forestière n'avait respecté aucune marge de recul selon ce
qui avait été accepté. D'ailleurs, vous allez probablement entendre
parler dans les médias qu'il va y avoir des amendes qui vont être données parce
qu'on a réussi à prouver ce fait-là.
Ça fait que
c'est... la réalité, c'est qu'on ne protège pas présentement les territoires.
Puis, quand on parle du 12 %, du
17 %, souvent, les forestières nous disent ici, en Abititi : Une aire
protégée, c'est une usine fermée. C'est exactement le vocabulaire qu'ils prennent. Ce n'est pas moi qui
l'invente. Pourquoi? Parce que, pour eux autres, une aire protégée, ça
veut dire qu'on enlève de la matière ligneuse.
Notre
problème d'exploitation forestière,
qui est souvent la cause de la non-possibilité d'atteindre nos objectifs,
c'est assez simple, c'est que le ministère des Forêts, lui, il calcule la
foresterie en fonction de la capacité des usines à transformer, alors que ça
devrait être adapté à la... selon la capacité des écosystèmes à fournir cette
ressource-là.
Ça fait que, pour ces raisons-là, nous, on ne
peut pas accepter la nouvelle catégorie et on pense qu'il faudrait changer le processus, raccourcir le temps d'une
analyse pour une aire protégée et surtout forcer le ministère
des Forêts et le ministère des Ressources naturelles à collaborer avec
le ministère de l'Environnement, pas simplement par des discours mais dans la
réalité. Je pense que je dois avoir atteint peut-être mon temps, ça fait que je
vous remercie.
Le
Président (M. Bussière) : Il
vous restait quand même une minute, mais je vous remercie pour votre
exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, M. le
ministre, c'est à vous la parole.
• (16 h 50) •
M. Charette : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux. C'était un plaisir de vous entendre. Peut-être,
sur les constats généraux, vous dire qu'on se rejoint entièrement.
Effectivement, on est encore très loin des cibles qui étaient attendues pour la fin de l'année 2020. Là où
je suis peut-être plus optimiste que vous, c'est que l'année 2020 n'est
pas terminée, et c'est un engagement qui,
pour nous, a été réitéré. Hier, on a fait l'annonce, pour ce qui est du marin,
avec une progression, là, qui a été
d'ailleurs saluée par plusieurs, plusieurs groupes environnementaux, et on veut
faire les mêmes avancées au niveau du
terrestre. Donc, il nous reste peu de temps, compte tenu de la marche à
prendre, à assumer, mais on va redoubler d'efforts, et je suis très
confiant que d'ici la fin de l'année on se rapprochera du 17 %, là, qui
demeure l'objectif visé. Et c'est vrai que
le ministère de l'Environnement a un mandat qui lui est propre. Je pourrais
dire la même chose de celui des
Ressources naturelles, celui du MFFP également. Donc, si on travaille tous en
silo, clairement, ce sera difficile d'avancer, là, vers cette quête-là
des objectifs à atteindre.
Moi,
je ne peux pas vous parler de ce qui se faisait avant, mais peut-être vous
mentionner ce qui se fait depuis que je
suis en fonction. À toutes les semaines, il y a des rencontres et des échanges
avec les deux autres ministères pour convenir des territoires qui seront éventuellement reconnus comme étant protégés,
et, compte tenu de la fréquence de ces échanges-là,
c'est ce qui me permet encore, à trois mois et demi de l'échéance, d'être
confiant d'arriver à atteindre nos cibles,
mais, entièrement d'accord avec vous, malheureusement, on a un retard, mais il
faut le combler. Et vous remettiez en question
la sixième catégorie, en quelque sorte, qui est proposée dans le projet de loi.
Ce n'est pas pour atteindre le
17 %. Le 17 %, on veut l'atteindre
avec les critères qui sont actuellement en place pour ce qui est de la
catégorisation. Je ne dis pas que ça
ne sera pas utile pour accélérer justement le processus de reconnaissance.
Parce que vous l'avez dit à juste titre, dans certains cas, on remonte
au début des années 2000. Donc, c'est des périodes de latence, là, qui
sont tout simplement incompréhensibles ou
inexplicables. Mais le 17 % qui est visé l'est en fonction des cinq
catégories qui sont déjà en place.
La
sixième catégorie sera très, très utile en fonction de ce qui se discute
actuellement. Et là je vais essayer de le dire comme il faut :
UICN. Je m'améliore, nous sommes au quatrième groupe, et je commence à arriver
à bien prononcer l'acronyme. Donc, c'est
vraiment pour couvrir la période 2020‑2030 avec ces nouveaux objectifs de
30 %. Donc, elle sera d'une
très, très grande utilité, cette catégorie VI. Et, au niveau des
discussions internationales, ce sont des principes, là, qui sont
reconnus.
Donc,
moi, j'y vais de façon assez générale, compte tenu que vos propos étaient aussi
assez généraux. Mais j'ai des
collègues par contre qui seront intéressés, là, à échanger davantage avec vous.
Donc, moi, je me limiterai à ce moment-ci à vous remercier, mais on
partage clairement les mêmes objectifs. Et, à la fin de l'année, on pourra certainement faire le bilan, qui ne sera pas le
gouvernement d'un gouvernement, mais le bilan de la société québécoise
par rapport à ces objectifs-là qui demeurent
tout à fait impératifs, là, à quelques mois de l'échéance. Donc, merci à vous
deux.
Le Président (M. Bussière) : Avez-vous des commentaires? Non? Je cède
maintenant la parole au député de Bourget.
M.
Campeau : Bonjour à vous deux. J'avoue que j'aime bien l'expression
«protéger ce qui nous protège», et j'ai même l'intention de vous l'emprunter parce que je pense que c'est
extrêmement significatif, et ça se dit en quelques mots.
Je
voulais parler de la foresterie. Moi, ce que j'ai surtout fait comme ingénieur,
c'est de travailler dans des usines de pâtes
et papiers. Alors, j'ai probablement contribué en faisant ça à ce que pas mal
de forêts disparaissent peut-être, par exemple,
là, mais on voit que les usines de pâtes et papiers ferment au Québec. On en a
encore, une annonce, là, à... Kruger, Brompton, récemment. Puis
simplement que le bois pousse moins vite ici par rapport au Brésil, on voit un
problème économique, à ce moment-là. Mais,
au-delà de ça, est-ce que vous êtes prêts à reconnaître une certaine forme de
foresterie minimale d'entretien ou... sur un territoire qu'on appellerait aire
protégée, à ce moment-là, ou vous voulez l'exclure complètement?
M. Kölmel
(Olivier) : Je peux commencer à répondre, oui? Sur cette question,
oui, on parle d'une foresterie écosystémique,
mais ça reste flou, et donc, sur le terrain... l'application, on devrait rendre
ça un critère sur le terrain et non juste
un objectif général. À ceci, Greenpeace pense fortement qu'on
doit redonner une autonomie aux communautés, et la conservation doit absolument
passer par la reconnaissance et le respect des droits et connaissances autochtones.
Mais toute communauté en région, on doit
dynamiser l'économie, mais ça passe par une certaine autonomie
et une gestion plus proche, en fait, des communautés.
Il y a
d'autres facteurs aussi, dans la foresterie, qui doivent être adressés. Vous
l'avez dit, le gabarit, ça pousse moins
vite ici. Alors, déjà, dans les années 70, les élagueurs ou les
bûcherons de générations ont dit qu'on doit aller de plus en plus loin
pour aller chercher du bois, et les gabarits sont de plus en plus petits. Donc,
on parle d'il y a 50 ans déjà. Donc, il
y a déjà une problématique qui a été signalée il y a bien longtemps, et c'est parce qu'on coupe vraiment
le bois plus rapide qu'il pousse, et
nos cycles de coupe qu'on fait en ce
moment se réduit. Et donc, dans le
sud du Québec, on voit une forêt secondaire qui est beaucoup plus jeune, et, d'après les études scientifiques,
d'ailleurs, qu'on a émises récemment aussi, on voit
qu'une forêt secondaire a une certaine perte de biodiversité et une certaine
perte au niveau du carbone. Donc, on s'appauvrit en ayant des forêts plus
jeunes.
Une
suggestion... (panne de son) ...il y
en a plusieurs, mais celle-ci, je vous la note, c'est d'élargir les cycles
de coupe pour justement avoir une
biodiversité plus riche. On devrait passer à des forêts qui sont plus âgées,
des cycles de coupe à 70 ans. Si
on parle du cas du caribou, qui est vraiment un indicateur de la santé de la
forêt, leur nourriture primaire, qui
est le lichen, apparaît en forêt à partir de l'âge de 50, 70 ans. Alors,
si on coupe avant même que cette nourriture existe, on perd justement cette biodiversité. Et ça, c'est
un exemple, parce qu'il représente vraiment un indicateur de bien
d'autres choses. Donc, je laisse là-dessus pour l'instant, et peut-être
M. Jacob veut compléter.
M.
Jacob (Henri) : Bien, en fait, juste reprendre sur la question du
caribou. Je voudrais vous parler un peu du caribou de Val-d'Or, parce qu'il est dans une aire protégée.
Présentement, il est tellement protégé, on l'a mis dans un enclos. On l'a mis dans l'enclos quand il restait sept
bêtes, et là il y en a une qui est morte. Et les six, là, le ministère des
Forêts nous avait dit que... en février, le
ministre a dit qu'il construirait un enclos de plus grande envergure. C'était, à mon point de vue, c'était 8 000 hectares. Là, présentement,
ils ont 1,8 hectare, et il n'y a encore rien de fait, il n'y a pas eu
d'appel d'offres, il n'y a pas rien. Ça
devait se faire au mois de juin, et là on nous dit qu'on va encore continuer
des études et des études. Et ça fait
depuis 1984 qu'on intervient sur ce dossier-là, 1984. Il y avait, à cette
époque-là, un territoire qui était réservé
au caribou, et, quand l'industrie est arrivée là-dedans, il s'est mis à
décliner, à décliner. Je ne vous raconterai pas toute cette histoire-là,
c'est juste un des exemples.
Et ce qui
arrive... Tantôt, vous avez... votre question, c'était : Est-ce qu'on
accepte une certaine foresterie? Oui. Moi,
je viens d'un monde où est-ce qu'il y a des forestiers, j'ai travaillé en
forêt, j'ai travaillé même en exploration minière. Mais ce qui est... ce qui a changé avec le temps, c'est
qu'on n'ajuste plus la question de la... pour la machinerie, on n'a pas
la portabilité, la capacité portante des
sols, qui n'est pas analysée. Si vous venez en Abitibi, d'ailleurs, il y a eu
une étude, quand on a fait des coupes
avec protection de régénération des sols, 20 % du territoire ne se
régénérait pas, simplement par l'utilisation
des... et qu'on disait qu'il fallait... à la machine de passer tout le temps
dans la même, même place. Ça, ce que ça fait, c'est que, oui, il y a une perte de biodiversité, parce qu'au
printemps la neige fond très rapidement, et, quand la neige fond, naturellement, tout le sol qui est sur le
dessus, il s'en va dans les cours d'eau, qui là enchérit tellement le cours
d'eau que c'est les algues et les quenouilles qui poussent, et il n'y a plus de
place pour le poisson parce que tout l'oxygène est pris. C'est une façon...
On pense
qu'il y a de la place pour faire une foresterie qui serait vraiment
écosystémique, puis ça existe, ce n'est pas nous autres qui l'invente, ça existe ailleurs, ça se fait. Mais il faut
adapter la récolte à ce que la... à la capacité de la nature à se régénérer et non pas faire comme on fait
aujourd'hui, simplement qu'on regarde qu'est-ce que l'industrie demande
et la fournir. C'est beaucoup plus que la
foresterie. La foresterie demande beaucoup plus que ce que c'est que la forêt
est capable de donner présentement. Ça, c'est pour la question
forestière.
Puis, oui, on
a besoin des aires protégées, puis les aires protégées, de façon la plus... je
dirais la plus stricte, avec le moins
d'intervention industrielle dedans, parce qu'on a besoin d'exemples. Surtout là
qu'il va y avoir les changements climatiques
qui sont en train de nous tomber sur la tête, il faut absolument avoir des
exemples comment la nature réussit à s'adapter, comment les
écosystèmes... Et ce qu'on voit dans la littérature, un écosystème qui va
résister le plus, c'est celui-là qui est le plus biodiversifié. Donc, ce n'est
pas en l'exploitant.
Mais ce n'est
pas... On parle encore une fois de 30 % peut-être du territoire, puis ce
n'est pas des territoires qui sont vierges,
puis ce n'est pas tous des territoires forestiers, il n'y a pas la moitié de ça
que c'est des territoires forestiers, on parle de marais, de marécages, de tourbe, etc. Et même aujourd'hui, dans la
plupart des aires protégées, il y a plus que la moitié, moi, je peux vous montrer... si vous verriez une
carte, en Abitibi, les aires protégées ont été coupées plus que la
moitié. Donc, on protège des territoires qui
ont été coupés en grande partie aussi. Ça fait que c'est pour vous dire que,
nous, on pense qu'il faut absolument
aller avec la vraie conservation, ne serait-ce que pour avoir des modèles,
comment on devrait s'adapter, et
arrêter de faire une foresterie qui n'est pas adaptée, parce que, là,
présentement, on est en train de planter les mêmes essences qu'on
plantait dans les années 60, 70 et on ne sait pas si ces espèces-là vont
être adaptées dès que ça va augmenter. Ça fait que je vous laisserais
là-dessus.
• (17 heures) •
M. Campeau : Merci.
Le Président (M. Bussière) : Merci.
Et je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Argenteuil.
Mme Grondin : Merci, M. le
Président. Vous m'avez dit à peu près cinq minutes qui restent?
Le Président (M. Bussière) :
4 min 50 s.
Mme
Grondin : Parfait. Donc, bonjour, messieurs. Merci d'apporter votre
éclairage. M. Jacob, vous avez, à un certain
moment donné, tantôt, identifié la difficulté de faire respecter dans certains
cas le statut de protection, notamment dans votre coin, vous parliez de
forestière, ou tout ça. Qu'est-ce que vous pensez des mesures de sanctions qui
sont présentement dans le projet de loi?
M. Jacob
(Henri) : Bien, ce que je peux vous dire, c'est que, présentement,
aujourd'hui, au moment où on se parle,
j'ai fait, justement, regarder les amendes qui étaient données aux différentes
compagnies forestières qui ne respectent pas... et la moyenne est presque tout le temps la même chose. C'est à
peu près 5 000 $ pour une infraction qui va... Des fois, l'infraction, c'est de complètement, bien... le
terme, scraper un cours d'eau parce qu'on ne construit pas les ponceaux.
On va récolter dans les bandes riveraines,
c'est plus payant pour la compagnie de payer le 5 000 $ que de
laisser les arbres là présentement.
Ça, c'est la foresterie qu'on ferait. D'ailleurs, voilà à peu près 15 ans,
on récoltait 250 000 $ à peu près en infractions pour toute la foresterie au Québec, puis, aujourd'hui, si je
me rappelle, c'est alentour de 75 000 $, ça fait que c'est...
puis les infractions continuent.
Nous,
ce qu'on dit, c'est que la question... On a besoin de garder des territoires
qui sont encore des territoires qu'on doit
conserver comme exemples de comment que la nature réagit pour être capables
d'adapter notre foresterie, se servir de comment la nature réagit. Une
des choses que... en aires protégées, c'est que la nature passe plusieurs
siècles... Quand il y a, exemple, un feu ou
quand il va y avoir une épidémie, il y a des cycles, ce n'est pas
nécessairement la dernière essence qui va pousser. En foresterie, on coupe de l'épinette, on veut
planter de l'épinette. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne en forêt. Même ici, en Abitibi, ce
n'est pas comme ça. Il y a un cycle de régénération ou, je dirais, une
étape qui a des essences de courte vie qui
vont enrichir le sol, et, après, là, les essences qu'on souhaite vont peut-être
pousser plus.
Mais,
encore une fois, on n'est pas opposés à ce qu'il y ait de la foresterie parce
qu'on pense... encore une fois, il va rester
70 % du territoire où qu'on peut faire de la foresterie, là. Il faut
apprendre à gérer mieux notre forêt
parce que ce n'est pas... on ne le
fait pas comme il faut. Il faut aller sur le territoire pour les voir. Moi, je
vis sur le territoire. Je passe mon temps
en forêt, je travaille en forêt, et etc., et c'est malheureux, même, parce que
la nouvelle loi qui nous dit qu'on ferait de la foresterie écosystémique, vous reprenez une forêt qui est exploitée avec
supposément une foresterie écosystémique ou une autre qui était exploitée dans les années 70, le portrait est le
même, malheureusement, sur le sol, c'est la même chose.
Mme
Grondin : Je comprends ce
que vous dites, mais ce que je voulais savoir, c'est... On a augmenté de
façon assez significative les amendes, les
infractions, tout ça. Est-ce que vous considérez... Toute la section, là, qui
porte sur les pouvoirs d'inspection, d'enquête, les mesures
administratives, est-ce que vous pensez que ça va améliorer, en termes de
surveillance, en termes de faire peur ou en termes d'éducation... Est-ce que
vous pensez que ça va améliorer de...
M.
Jacob (Henri) : En fait, on
peut améliorer ce qu'on a, les personnes sur le territoire. Encore une fois, la
plupart des infractions sont faites parce
que c'est nous, c'est les autochtones ou des gens qui vont sur le territoire
qui doivent dire au ministère :
Il y a telle chose qui se passe avec l'exploitation, etc. Il n'y a pas de
personnel qui est suffisant pour être capable de suivre les compagnies. Même chose pour la question sur la chasse, il
n'y a pas assez d'agents de conservation pour être capable de couvrir le
territoire. Ça fait que tant que... On peut mettre des belles règles, on peut
augmenter... mais ça va prendre... Un jour, si on veut... il faut que les
bottines, elles suivent les babines, hein? Ce n'est pas juste ça...
Quand
on parle... Vous savez, en l'an... Je vais essayer d'être assez rapide. En
1990, le budget du ministère de l'Environnement,
qui s'appelait juste «ministère de
l'Environnement», c'était 1 $ du
100 $, 1 %. Aujourd'hui, savez-vous c'est combien? Je ne
voudrais pas... de calcul, c'est 0,23 $ du 100 $. Puis là on a
rajouté des travaux au ministère, la protection
de la biodiversité, etc., et la lutte aux changements climatiques. Plus que
l'acronyme allonge, plus que le budget diminue.
Il y a quelque chose que moi, je ne comprends pas. Je ne suis pas
mathématicien, mais j'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Ça fait que, oui, mettez...
qu'il y ait des règles, qu'il y ait des amendes, mais ça prend aussi...
Il faut que ça... et que ça ne soit pas juste sur papier puis que ça ne soit
pas juste dans les discours.
Le Président (M. Bussière) : Il reste 10 secondes. Donc, le temps étant
écoulé, nous allons maintenant passer à l'opposition officielle en
donnant la parole au député de Viau. Vous avez 11 minutes.
M.
Benjamin : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux pour cette présentation. Donc, un élément que je
retiens, donc, que... c'est M. Jacob
qui l'a abordé, c'est la non-collaboration des différents ministères, donc, sur
ces enjeux-là. Maintenant, en lien
avec ce projet de loi, messieurs, donc, j'aimerais vous entendre, est-ce qu'on
a des données valides qui nous
permettraient de mettre en place des aires
protégées, donc, s'assurer de protéger en priorité, donc, les aires les
plus importantes en termes de protection de
la biodiversité? Vous semblez dire qu'on a déjà une cible de 17 %,
assurons-nous de couvrir ce 17 % là, mais qu'est-ce qu'on fait? Où
est-ce qu'on part par rapport à cet enjeu-là?
M.
Kölmel (Olivier) : Si je
peux aborder la question en premier, vous soulevez un bon point, l'objectif
de 17 %, ce n'est même pas ce qu'on doit chercher. D'après la
science, les scientifiques nous disent qu'on doit chercher 50 %. Donc, le 20 %, 30 %, 30 % d'ici
2030, c'est vraiment ce qu'on doit chercher comme protection, et le 20 %,
en plus, qui va chercher 50 %,
c'est une zone tampon pour faire face aux crises climatiques qui vont juste
s'accentuer avec les années. Donc, on
est vraiment... On reste dans le minimum en ce moment et on est en mode
réactionnaire, qui n'est pas une bonne position aujourd'hui. Alors, on
prend des décisions vraiment aléatoires.
Pour
répondre plus clairement à votre question, il y a déjà plein de projets, et je
l'ai mentionné tout à l'heure, qui datent
depuis une décennie, qui n'attendent que ça, c'est juste qu'on les mette en
place. Ils ont été proposés et présentés. Il y a plusieurs, aussi, communautés autochtones qui ont présenté des projets
qui n'ont pas été intégrés non plus. Donc, il y a une grande volonté de plusieurs communautés. Il y
a des projets qui ont déjà été présentés en place. Ils ne sont pas tous
sur la liste non plus, et ça, ça fait partie
un peu de ce que... l'allusion que M. Jacob disait, qu'il n'y a pas de
collaboration entre certains ministères. On n'a pas toute la liste. Le
ministère des Forêts... tout partagé au ministère de l'Environnement.
Et
donc ça, ça porte aussi un peu... On travaille un peu dans l'ombre. Donc, il
doit y avoir un petit peu plus de transparence à ce niveau-là, mais,
avant tout, c'est qu'on doit... sur les projets, déjà, qui ont été proposés
depuis une décennie, et, pour les
prochaines... Il ne faut pas juste protéger dans le Nord. Il faut protéger dans
le Sud, là où il y a la population
qui a besoin justement de ces aires de protection. On le voit bien avec la
crise sanitaire. On a besoin de cette nature.
On a besoin de ça. On a besoin aussi de ces tampons quand ça vient aux
inondations et autres. Donc, on doit aussi... On peut doubler ces
aires-là dans le sud du Québec dès aujourd'hui, si la volonté est là.
• (17 h 10) •
M.
Jacob (Henri) : Je pourrais peut-être juste rajouter ou donner un
exemple. Ici, en Abitibi, je ne parle pas de l'Abitibi-Témiscamingue, juste la section qu'on appelle Abitibi, quand
on a commencé à chercher pour des aires protégées, on nous a dit dès le départ : S'il y a un
potentiel minier, tu ne peux pas proposer aucun... Tout le potentiel minier,
même si ce n'était pas jalonné, là, tu ne
pouvais pas proposer un territoire. Puis, bien, vous savez c'est quoi, la
proportion en Abitibi, c'est 40 % du territoire que tu dois déjà
enlever. Là, après ça, tu enlèves les terres agricoles, tu enlèves les espaces
urbains, le milieu bâti. Ça fait qu'on
commence déjà loin. Ça fait qu'il nous reste beaucoup de marais, de marécages
et des parcs à résidus miniers qu'on pourra peut-être inclure, mais ce
n'est pas ça qu'on veut, naturellement. Ça fait que...
Puis,
du côté forestier, bien, on a... Moi, je suis allé sur la commission. Il y a plein de... pour la question de
sauver le caribou. Puis c'était écrit au départ. Il faut trouver le
moyen de sauver le caribou, son territoire, mais à condition de ne pas perdre un seul mètre cube de bois et un seul
pied de jalonnement qu'on puisse enlever. Ça fait que, là, naturellement,
notre position, c'était de dire qu'il y a juste les caribous qui font des
concessions là-dedans, là. C'est pour ça que, naturellement, ils ne sont pas à
la table.
Bien, c'est... il n'y a pas de collaboration. Quand je vous le dis, ce n'est pas simplement une phrase en l'air. Moi, je suis dans ce dossier-là depuis le début et, à
toutes les fois... Puis je pourrais vous nommer... Si ça vous intéresse, je
peux nommer le responsable qui est au ministère, qui... puis ce n'est pas quelqu'un dans la région ici, là, c'est plus haut,
puis ce n'est pas le ministre, c'est un petit peu plus bas. Bien, lui, qui est
responsable de faire la relation avec le ministère de l'Environnement, ne donne
pas les données forestières pour compléter les portraits.
Ça fait que, naturellement, il y a un paquet de dossiers qui sont là. Le ministère de l'Environnement, il n'a
presque pas de personnel. Il n'a pas de
moyens, puis, en plus, il est obligé de quêter le ministère des Forêts pour
avoir les données forestières pour
compléter ses portraits. Ça fait que, quand on vous parle qu'il n'y a pas de
collaboration, c'est ça, là, ce n'est pas juste... ils n'ont pas le
temps. Il n'y a pas de volonté de la part des ...qui sont... malheureusement,
puis je dis ça, malheureusement, parce
que j'ai des amis qui sont ingénieurs
forestiers, mais on met des ingénieurs forestiers responsables des
dossiers faune, des dossiers d'aires protégées, ça ne fonctionne pas.
M.
Benjamin : Un enjeu qui me
semble d'intérêt, que... intéressant, en
tout cas, à notre point de vue, il y a d'autres groupes avant nous... avant vous qui l'ont
souligné, ce sont les aires protégées de conservation autochtones.
J'aimerais vous entendre sur cette piste-là. Donc, comment vous voyez cette proposition?
M. Jacob
(Henri) : Je peux peut-être
commencer. Moi, j'ai travaillé avec la communauté de Kitcisakik. On a fait... On a
réussi, avec la communauté, à créer quelques aires protégées selon les
critères qu'on a présentement. L'aire protégée autochtone, ça ressemble beaucoup
aux critères de la deuxième catégorie. Les aires de conservation, là, ça
ressemble beaucoup à la deuxième catégorie. Eux peuvent continuer de faire des
activités culturelles qui ne sont pas dommageables,
du moins pas à une grande échelle, sur leur territoire. Les gens peuvent
continuer à chasser sur leur territoire selon, naturellement, des règles — ne pas surexploiter — ou pêcher, mais tu ne peux pas faire
d'exploitation industrielle.
Et c'est ça,
en fait, que l'aire protégée autochtone... C'est pour ça que je vous
dis... Elle ressemble beaucoup
à la catégorie II des aires protégées
qu'on a présentement. Ça représente une aire que tu peux utiliser pour
le culturel, pour la récréation, pour
aller juste se ressourcer, aller se nourrir et ramasser... pour eux, aussi,
c'est ramasser des plantes médicinales,
etc., qui ne sont pas souvent... naturellement,
quand la foresterie passe, ce n'est pas là. Je pense que c'est ça qui... Si on perd la catégorie, ça... Comme je
vous dis, c'est tellement similaire, parce que j'ai discuté justement de
cette catégorie-là avec les gens des
communautés, puis c'est... quand ils nous racontaient, puis je regardais les
critères de la catégorie II, puis c'était similaire.
M.
Benjamin : Les trois groupes qu'on a entendus précédemment, donc,
n'étaient pas exactement sur la même longueur
d'onde, à savoir est-ce qu'il fallait un seul registre ou... Vous, comment vous
voyez les enjeux? Et, notamment par rapport aux enjeux Nord-Sud, comment
vous voyez ces enjeux-là au niveau des cibles?
M. Kölmel
(Olivier) : Bien, je vais y aller. Comme j'ai précisé tout à l'heure,
on a l'impression qu'on va chercher...
pour chercher nos cibles internationales, on va piger dans le Nord, mais très
peu dans le Sud. Or, il y a beaucoup de projets, dans le Sud, qui sont là et qui n'attendent que ça. Et donc cette
question-là, je la reposerais au ministre Charette : Pourquoi ça
stagne? Même lui semble ne pas comprendre pourquoi ces projets-là n'avancent
pas, mais il faut absolument avoir une diversification dans les régions, parce
qu'on doit s'occuper de notre monde, des communautés, avoir accès... tout le
monde veut avoir accès pour ça... notre santé, donc.
Mais, en
deuxième temps, il faut aussi regarder la qualité des territoires qu'on va
viser, hein? Donc, la biodiversité, la
richesse, ça, c'est important. Dans nos cibles internationales, c'est ce qu'ils
vont préciser. On ne peut pas juste avoir des petites protections, ici, à droite, à gauche, de la taille d'un jardin
et dire qu'on a atteint nos 17 %. Il faut avoir des aires qui ont vraiment une valeur, entendre richesse de
biodiversité, et de carbone, et autres. Donc, ça, c'est en deuxième
temps. Donc, il ne faut pas juste se fier au
17 %, mais se fier à la qualité aussi des territoires et à l'accès aussi
aux communautés.
M.
Benjamin : Une dernière question. Donc, à votre sens, est-ce que
l'utilisation des ressources de façon durable, soutenue par les
scientifiques, est quelque chose d'admissible? Et, si oui, pour vous, quelles
seraient les activités qui pouvaient être permises et d'autres qui ne seraient
pas permises?
M. Kölmel (Olivier) : Bon, je vais
commencer et laisser M. Jacob continuer. Si on se fie à la convention, on
parle d'un certain pourcentage de protection stricte et on parle aussi d'un
pourcentage de conservation. Je crois qu'à un certain moment donné il y a
aussi... Comme je disais tout à l'heure, il y a une autonomie qui doit être
donnée aux communautés, et on doit dynamiser
les économies. Et donc il faut voir l'échelle de ces activités-là. Il y a
beaucoup plus que juste extraire et vider le sous-sol québécois de ses
minerais ou de couper juste du bois pour du papier de toilette. Il y a beaucoup plus de choses qu'on peut faire
avec nos ressources. Il y a beaucoup plus aussi au niveau économique. Il
y a des économistes qui ont fait le point
récemment que la restauration et la protection ont beaucoup plus de
retombées économiques qu'on ne le croit
auparavant, et les coûts qu'on va engendrer pour ne pas protéger ne vont que
s'accentuer avec le temps.
Donc,
il y a... Il faut prévoir plus long terme, voir que c'est une protection. C'est
notre assurance future. Mais aussi il y a d'autres affaires qu'on peut
faire que juste ces extractions. Si on parle des produits forestiers non
ligneux, on va chercher des champignons, des baies, du thé, de la farine de
noix, etc., ça, c'est plus local. Ça va adresser des problématiques, aussi, locales, comme la sécurité alimentaire. Donc, il
faut commencer à être plus ambitieux et puis plus créatifs aussi, à
regarder ça et penser long terme.
M. Jacob
(Henri) : Bien, ce que je pourrais rajouter sur la question, nous, on
s'aperçoit qu'aujourd'hui, avec un projet
soit minier ou forestier qui arrive, le projet est présenté en fonction de ses
retombées économiques. Et, s'il a des bonnes
retombées économiques, bien là on trouve le moyen d'expliquer aux gens qu'on va
créer des jobs, etc., et, après, bien,
on essaie d'amoindrir l'effet sur l'environnement. Nous, à l'Action boréale, on
a développé un principe qui s'appelle la
matrice inversée, et la matrice inversée, ça veut dire que c'est trois... les
mêmes trois filtres du développement, mais le premier filtre, qui est le plus important, c'est l'environnement. Je
pense que, s'il y a un projet, que ce soit minier ou autre, qui est
proposé, il doit s'assurer que lui, sur l'environnement, il n'aura pas un effet
carrément irréversible, soit que... ou qu'il ne sera pas trop immense...
Le
Président (M. Bussière) :
...de mettre fin aux échanges. Le temps est écoulé. Et donc je cède maintenant
la parole au deuxième groupe d'opposition, donc, à la députée de Mercier. Vous
avez 2 min 45 s.
Mme
Ghazal : Merci, M. le Président. Donc, j'ai 2 min 45 s.
Ce sera très rapide. Donc, vous, ce que vous dites, c'est que c'est mieux d'atteindre nos objectifs de
17 % avec les catégories actuelles, puis, plus tard, on va pouvoir
parler d'une catégorie d'aires protégées d'utilisation durable, mais d'autres
groupes écologistes ont dit : Bien, il faudrait plutôt... c'est une bonne
chose, ce n'est pas mauvais en soi, mais, pour que ce soit vraiment efficace,
il fait qu'il y ait des objectifs, des
cibles pour le Sud, pour le Nord, pour ne pas que 100 % des aires
protégées soient dans le Nord. Il y a aussi...
Par exemple, la certification d'exploitation durable actuelle n'est pas
suffisante. Il faut mettre d'autres mesures. Est-ce que ce ne serait pas
une avenue qui pourrait être regardée?
M. Kölmel
(Olivier) : Bien, je dois
dire, pour nous, on partage cette opinion de diviser, d'avoir autant dans
le Sud que dans le Nord. Ça, c'est assez important.
M. Jacob apporte la matrice inversée, qu'il faut commencer à penser aux
aires de conservation avant de regarder ce
qu'on peut exploiter. Quelle est la richesse? Pourquoi on ne regarde pas ça
comme une richesse? En ce moment, on marche
arrière puis on se retrouve au mode réactionnaire, qui n'est pas bon. Et je le
répète, on a des projets qui n'attendent que, justement, le saut. Donc,
pourquoi ça stagne? Ça, c'est la question que vous voudriez réellement poser au
ministère, pourquoi ça stagne, ces projets?
Mme
Ghazal : Très bien.
Bien, c'est sûr qu'on va poser la question. Le gouvernement a promis, et le premier ministre l'a
réitéré récemment, de procéder à une réforme du régime forestier dès cet
automne. Ça serait quoi, les changements qui devraient être faits au régime
forestier actuel? Tout à l'heure, M. Jacob a parlé de l'aménagement écosystémique, qui, aujourd'hui, ressemblait à ce
qui se faisait dans le passé, pour améliorer puis permettre plus d'aires
protégées. Qu'est-ce qui devrait être changé dans le régime forestier actuel vu
que le gouvernement veut le réformer, en quelques secondes?
M. Kölmel
(Olivier) : Je vais répondre
rapidement et passer à M. Jacob... La commission
Coulombe, qu'on a eue, il y a eu
plusieurs propositions, des belles propositions, mais on n'a pas
écouté tout ce qui a été proposé. Donc, il faut déjà commencer là.
M. Jacob.
M. Jacob
(Henri) : Bien, en fait,
juste un petit mot sur la commission Coulombe. Nous, on a été les
premiers groupes à présenter devant la commission Coulombe le portrait de ce
qu'on voyait sur la forêt. Nous, on avait dit à M. Coulombe : Il restait 13 % de forêt qui était intacte en forêt boréale. M. Coulombe
nous a traités d'apocalyptiques. C'est le
mot qu'il prenait. Il a répété durant à peu près cinq minutes ce mot-là, puis
lui, il était plus optimiste. Quand il a déposé son rapport, il est arrivé à la conclusion, après un an, qu'il restait
15 % de territoire intact. Ça fait qu'on s'est entendus que 14 %, ça pouvait être à peu près ce qu'il y
avait à cette époque-là. Ça fait que ça vous donne déjà une idée que ce
n'est pas toujours des choses farfelues,
quand on dit qu'il restait à l'époque... Il restait 15 %, d'après
M. Coulombe, de territoire qui était...
Le
Président (M. Bussière) :
...encore une autre fois, le temps s'est écoulé. Et on passera maintenant au
troisième groupe d'opposition, et je cède la parole au député de Jonquière,
2 min 45 s.
• (17 h 20) •
M. Gaudreault : Oui, merci, M. le
Président. Merci à vous, de l'association boréale d'Abitibi et pour, également, Greenpeace. Je comprends que vous êtes
contre le projet de loi tel qu'il est présenté. Si on avait à le
réécrire, vous partiriez sur quelle base, au fond? Qu'est-ce qui manque
vraiment, là? Vous voudriez voir apparaître quoi, là, si on avait à le réécrire
complètement?
M. Kölmel
(Olivier) : Bien, je dirais, de principe, on dit qu'on n'appuie pas
cette loi parce qu'on ne veut pas puiser le temps et l'énergie du gouvernement à travailler un nouveau projet de
loi, alors qu'il y a d'autres choses qu'on devrait... sur lesquelles
miser. Je laisserais la parole à M. Jacob, vu qu'il n'a pas eu autant de
temps.
M.
Jacob (Henri) : Bien, un peu ce qu'Olivier disait, c'est... En fait,
ce qu'il y aurait à changer, la première des choses, c'est de dire... Si on veut réellement faire de la conservation, ce serait important qu'on le fasse
selon les valeurs qu'il y a sur notre
territoire, selon les carences qui ont été identifiées par le ministère de l'Environnement, et non pas de dire : Parce qu'il y a un potentiel minier, tu ne peux
pas avoir... Il devrait y avoir des règles de dire, peut-être,
je ne sais pas, moi : À telle profondeur, tu pourrais peut-être
faire une mine si tu passes par l'extérieur ou quelque chose de même. Mais, normalement, on devrait pouvoir analyser réellement selon la science, selon ce
qu'on a besoin pour conserver ça. Ce serait la première des choses.
Puis, la foresterie, encore une fois, vous
savez, notre gros problème est arrivé quand la grosse machinerie est arrivée. En
hiver, ce n'est pas si pire, mais, dès que tu arrives à l'été, comme ici, en
Abitibi, puis au Lac-Saint-Jean, on a beaucoup
de sols qui n'ont pas de capacité portante, et là on détruit carrément la
possibilité même de régénération.
M.
Gaudreault : Qu'est-ce que
vous faites avec les épidémies de tordeuse de bourgeon d'épinette dans les
aires protégées? Est-ce qu'on les laisse aller ou on les contrôle, on
intervient?
M. Jacob
(Henri) : ...d'après la loi,
on les laisse faire et, les feux, la même chose, mais ce qui est... Et c'est
un peu ce qu'on a dit au début, c'est que, par exemple, il faudrait avoir des
aires protégées, puis le ministère de l'Environnement l'a dans ses portraits. Selon les régions, il
faut que tu aies des superficies suffisamment grandes pour, justement, qu'une épidémie
qui passe ne détruise pas tout. Moi, là, ici, j'en ai une juste en arrière de
chez moi, une forêt qu'on a protégée, qui
avait été rasée par la dernière grande épidémie du bourgeon de l'épinette.
L'industrie voulait couper tout ça. Aujourd'hui, vous allez là, vous allez voir, le taux de régénération, qu'il n'y a
pas un arbre qui a été planté, est
tellement grand que c'est... Il faudrait faire de l'éclaircie si on voudrait
faire une bonne foresterie. Ça fait
que, dans une aire protégée, si elles sont suffisamment grandes, on
devrait laisser l'épidémie et voir comment...
Le
Président (M. Bussière) : Je
m'excuse, mais je dois mettre fin aux échanges, le temps étant écoulé.
Messieurs, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
La commission
ajourne ses travaux au mardi 22 septembre 2020, à 10 heures.
Merci à vous et bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 17 h 23)