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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, September 17, 2020 - Vol. 45 N° 71

Special consultations and public hearings on Bill 46, An Act to amend the Natural Heritage Conservation Act and other provisions


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Benoit Charette

M. Frantz Benjamin

M. Sylvain Gaudreault

Auditions

Nature Québec

Réseau de milieux naturels protégés (RMN)

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Greenpeace

Autres intervenants

M. Robert Bussière, président suppléant

M. Richard Campeau

Mme Agnès Grondin

Mme Marie-Louise Tardif

Mme Ruba Ghazal

*          Mme Alice-Anne Simard, Nature Québec

*          Mme Audrey-Jade Bérubé, idem

*          Mme Véronique Vermette, RMN

*          M. Brice Caillié, idem

*          Mme Anne-Sophie Doré, CQDE

*          M. Jean-François Girard, idem

*          M. Olivier Kölmel, Greenpeace

*          M. Henri Jacob, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Bussière) : Donc, avant de débuter les travaux de la commission, j'ai quelques précisions sur les procédures particulières prévues dans l'ordre de l'Assemblée du 15 septembre, qui encadre la reprise des travaux parlementaires.

D'abord, tous les votes seront tenus en suivant la procédure prévue pour un vote par appel nominal. Par ailleurs, il est convenu que les membres des groupes parlementaires formant le gouvernement et l'opposition officielle qui ne peuvent être présents en raison des places limitées disposent de droits de vote par procuration afin de préserver l'équilibre dans la composition de la commission. Ces droits de vote seront annoncés par la secrétaire au début de la séance au même titre que les remplaçants. Les membres désignés pourront exercer les votes par procuration au moment du vote par appel nominal.

Je vous rappelle également que l'ensemble des documents sont déposés de façon électronique et qu'il n'y a pas de distribution papier. Vous êtes invités à transmettre vos documents à l'adresse de la commission. Le secrétariat de la commission s'occupera de déposer l'ensemble des documents sur la plateforme Greffier à laquelle vous avez accès.

Enfin, je vous rappelle qu'en fonction des mesures de distanciation physique énoncées par la Santé publique vous devez conserver votre place assise en commission. Si vous souhaitez vous déplacer ou changer de place, un page devra désinfecter votre place. Il est aussi obligatoire de déposer... de porter le masque lors de vos déplacements.

Je demanderais d'être à l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, et j'ai donné l'exemple tantôt, je l'ai fermé, j'en ai deux.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur les conservations du patrimoine naturel et d'autres dispositions.

Donc, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

• (11 h 40) •

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Caron (Portneuf) sera remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Lamothe (Ungava), par M. Émond (Richelieu); M. Reid (Beauharnois), par M. Poulin (Beauce-Sud); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Le Président (M. Bussière) : Mme la secrétaire, y a-t-il des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Campeau (Bourget) votera pour M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata) et M. Benjamin (Viau) pour Mme Charbonneau (Mille-Îles). Le vote est valide pour cet après-midi à la salle Kirkland.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Bussière) : D'accord. Donc, cet avant-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires qui... puis nous attendons... nous entendrons Nature Québec nous faire une présentation.

Donc, la durée totale des remarques sera 12 minutes. Six minutes pour le gouvernement, quatre minutes pour l'opposition officielle et une minute chacun pour le deuxième groupe d'opposition et le troisième groupe.

Je cède la parole au ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez donc de six minutes.

M. Benoit Charette

M. Charette : Merci, M. le Président. Peut-être vous aviser déjà que je serai sans doute plus bref que les six minutes en question, mais je tiens à vous saluer, les gens qui vous accompagnent pour les travaux de ce projet de loi, naturellement, les collègues au niveau du gouvernement. Je reconnais des collègues qui sont très, très intéressés par le sujet qui sera abordé. Donc, bien, bien heureux de les avoir à mes côtés, mon collègue de Viau, également, que j'apprécie beaucoup, merci d'y être, mon collègue de Jonquière, également.

Bref, c'est un beau projet de loi qui a été salué au moment de son dépôt. On débute aujourd'hui une consultation dans un esprit d'ouverture. On aura le plaisir, dans quelques instants, d'entendre les gens de Nature Québec. Donc, on sait qu'on part sur une base solide, mais je réitère, là, dès cette première intervention, qu'on est aussi très ouverts aux commentaires, de sorte qu'on puisse ultimement bonifier le projet de loi.

Quand je disais d'entrée de jeu que c'était un beau projet de loi, on parle de patrimoine naturel, on parle de biodiversité, là aussi, on doit faire écho à des ententes internationales auxquelles le Québec est lié au niveau de la protection de son territoire. On sait que l'année 2020 est une année cruciale. D'ici la fin de l'année, selon les ententes convenues, on doit être à 17 % de territoires terrestres protégés, 10 % de territoires marins. On est encore très loin, sur papier, à tout le moins, de ces objectifs-là, donc il faudra certainement prendre des bouchés doubles. Mais, en même temps, ce qui est important de rappeler, c'est que le projet de loi n° 46 nous prépare à l'avenir, en ce sens que les cibles que je viens d'évoquer seront réalisées en vertu des critères actuels, essentiellement, donc on se place en position de répondre aux attentes internationales pour la décennie 2020‑2030, en quelque sorte.

Et on va souvent parler de LCPN, pour ne pas dire, à chacune des fois, la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, mais c'est cette loi-ci qu'on vient changer, en quelque sorte, à travers le projet de loi n° 46, j'allais dire 44 parce qu'on a passé quelques heures à parler 44, il n'y a pas si longtemps, mais là il faudra prendre l'habitude de dire 46, cette fois-ci. Donc, avec différents objectifs, c'est bien naturel.

Donc, on va introduire des statuts d'aires protégées, naturellement, là, là aussi il y aura acronyme à retenir. Donc, les aires protégées d'utilisation durable, on va souvent parler d'APUD dans nos échanges, les réserves marines également. On veut aussi, à travers ce projet de loi là, générer une plus grande participation des milieux, notamment les autochtones, donc on aura l'occasion d'en discuter largement.

On veut aussi, à travers ce projet de loi là, accélérer les processus de reconnaissance. On l'a vu, dans les dernières aires protégées qui ont été officialisées, dans certains cas, c'étaient des processus, des procédures qui avaient été entamées il y a 10, 15, dans certains cas, près de 20 ans passés. Donc, on veut faire en sorte que ce processus-là puisse se faire avec une plus grande diligence.

Bref, on sait qu'on part sur une base solide, mais ce sera un réel plaisir d'échanger avec les groupes que nous allons recevoir au cours des prochains jours et, par la suite, entre collègues, au niveau de l'étude article par article. Mais ça va clairement nous aider au niveau de notre biodiversité. Mon estimé collègue de Bourget, tout à l'heure, me faisait la remarque que, c'est très vrai, on vit en période de pandémie, on voit à quel point de plus en plus notre environnement conditionne notre santé. Lorsqu'on parle de biodiversité, lorsqu'on parle de protection de notre territoire, on contribue aussi à améliorer ou à maintenir notre santé.

Bref, un projet de loi qui est tout à fait d'actualité et qui va nous permettre de maintenir un leadership très certainement affirmé au Canada, oui, mais à l'échelle internationale au niveau de toutes ces questions relatives à la biodiversité.

Donc, merci beaucoup, M. le Président. J'ai bien hâte d'entendre les collègues et Nature Québec, notamment, ce matin.

Le Président (M. Bussière) : Merci beaucoup, M. le ministre. D'ailleurs, vous avez respecté ce que vous avez dit, vous n'avez pas utilisé pleinement votre six minutes, là, hein?

Donc, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et député de Viau à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de quatre minutes.

M. Frantz Benjamin

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Je peux vous dire tout de suite que je ne prendrai pas mes quatre minutes non plus. Donc, je veux saluer le ministre, je salue l'ensemble des membres de cette commission et je tiens à saluer, d'ores et déjà, donc, l'ensemble des groupes, donc, à commencer par Nature Québec, qui est avec nous ce matin, qui participeront à ces consultations. Je veux saluer aussi les gens de l'équipe qui m'accompagne, dont Robert, qui est avec moi.

Donc, les consultations sont des occasions très particulières, ce sont des occasions pour nous, parlementaires, d'écouter, d'échanger et de noter. C'est ce que j'entends faire au cours de ces consultations particulières.

C'est un projet de loi important, parce que je pense qu'on peut convenir, M. le ministre et moi, qu'on ne peut plus faire comme avant, et ce projet de loi là nous donne l'opportunité, justement, de ne plus faire comme avant, donc, et, grâce aux groupes qui viendront à ces consultations particulières, nous allons pouvoir réfléchir ensemble, échanger ensemble et voir, quand viendra le temps des études détaillées, comment nous pouvons ensemble bonifier ce projet de loi là.

Et il va sans dire que c'est un projet de loi... Pas plus tard qu'hier soir, j'écoutais une émission de radio où, justement, le sujet, c'était... on parlait, justement, des aires humides, on parlait des aires protégées, et je me disais : Bien, demain matin, je vais dans une consultation particulière où on aura à aborder ces questions-là. Ce sont des questions importantes pour nous aujourd'hui, mais aussi importantes pour demain, aussi, pour nos enfants, nos petits-enfants.

Et ce que j'aime beaucoup dans ce projet de loi là, c'est un projet de loi où on voit tout de suite qu'il y a beaucoup, beaucoup de paliers. On va parler de territoires, on va parler de politiques, on va parler de programmes, on va parler aussi de populations, aussi. Le ministre l'a rappelé tout à l'heure, nous allons parler aussi des peuples des Premières Nations, et ça, c'est très important. Et donc je remercie encore une fois Nature Québec et tous les groupes qui participeront à cette consultation.

Le Président (M. Bussière) : Merci beaucoup, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe, étant donné qu'il n'y a pas personne du deuxième groupe qui est ici présentement, le troisième groupe d'opposition en matière d'environnement et de lutte contre les changements climatiques et député de Jonquière à faire ses remarques préliminaires pour un maximum d'une minute.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir aussi d'être ici. C'est un enjeu extrêmement important, quand on parle de la préservation du patrimoine naturel, et c'est le temps qu'on se penche sérieusement sur cet enjeu-là, d'autant plus que le Québec est lié par la Convention sur la diversité biologique depuis 1992. On a des cibles à atteindre. Donc, si on veut être exemplaire, il faut que ça paraisse dans notre législation. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on va intervenir ici.

Maintenant, j'ai hâte d'entendre, moi aussi, les différents intervenants que nous allons accueillir à l'Assemblée nationale, notamment sur la participation du public, notamment sur les nouvelles dispositions que le ministre introduit, entre autres les pouvoirs d'enquête, les pouvoirs et responsabilités des acteurs régionaux et locaux, donc tout l'aspect décentralisation, les nations autochtones. Alors, ça va être très important.

Et, pour vivre dans une région où il y a beaucoup d'enjeux reliés à la protection des zones naturelles ou des aires naturelles, bien, il va falloir sérieusement aussi qu'on se questionne sur l'acceptabilité sociale, les relations entre l'aspect économique, par exemple, exploitation de la forêt et la protection du territoire avec des aires protégées. Alors, pour moi, c'est loin d'être incompatible, au contraire. Donc, ça va faire partie des préoccupations qu'on va avoir de ce côté-ci de l'opposition. Merci.

Auditions

Le Président (M. Bussière) : Merci, M. le député. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Nature Québec et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Nature Québec

Mme Simard (Alice-Anne) : Merci, M. le Président. Mon nom est Alice-Anne Simard, je suis la directrice générale de Nature Québec, et je suis accompagnée d'Audrey-Jade Bérubé, qui est chargée de projets, Aires protégées et biodiversité, à Nature Québec.

• (11 h 50) •

Donc, tout d'abord, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie pour cette invitation à cette consultation particulière. Nature Québec est un incontournable lorsqu'on parle d'aires protégées au Québec, notamment puisqu'on travaille sur la conservation des milieux naturels depuis près de 40 ans. Nous travaillons aussi, depuis plusieurs années, sur le statut d'aire protégée d'utilisation durable, qui a été introduit dans le projet de loi, et sur son utilisation potentielle sur l'Île d'Anticosti pour le dépôt de sa candidature à l'UNESCO.

Bien que Nature Québec accueille favorablement la modernisation de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, qui est attendue depuis longtemps, il faut le dire, le projet de loi n° 46, pour nous, est encore incomplet. Donc, nos recommandations visent à bonifier le projet de loi afin qu'il réponde adéquatement aux défis liés à la dégradation de la biodiversité.

Tout d'abord, Nature Québec recommande l'ajout d'une échéance pour traiter l'ensemble des aires protégées projetées afin de leur accorder un statut permanent. Aucune de ces aires ne doit perdre son statut de protection. On propose donc un délai de quatre ans pour convertir le statut projeté en statut permanent.

Nous recommandons d'enchâsser dans la loi une protection provisoire des territoires à l'étude pour tout nouveau projet d'aire protégée, sans que ces territoires, toutefois, ne soient comptabilisés dans le Registre des aires protégées. Bien qu'on soit d'accord avec le principe derrière l'abolition du statut, là, projeté pour écourter les délais de création d'une aire protégée, on suggère une protection provisoire de trois ans, renouvelable une fois, ce qui est semblable à la réserve pour fins publiques de la Loi sur l'expropriation.

Nature Québec recommande qu'un paragraphe soit ajouté à l'article 41 afin de définir ce que représente «l'intérêt public». Cette définition-là doit être objective et unanime pour que les experts et expertes travaillent avec cette notion, et que ce ne soit pas seulement laissé à l'interprétation.

Nous recommandons aussi que des consultations publiques soient tenues obligatoirement pour toute désignation d'une aire protégée, modification à la délimitation qui entraîne une diminution de sa superficie, ou si le gouvernement souhaite mettre fin à sa désignation. De plus, la compensation suggérée par le gouvernement en cas de diminution de la superficie totale des aires protégées au Québec doit faire partie des éléments à l'étude lors de la consultation publique, et ces consultations doivent être confiées au BAPE.

Nature Québec recommande de définir davantage ce qu'est une aire protégée d'utilisation durable. Nous suggérons tout d'abord d'ajouter un paragraphe précisant que l'utilisation durable du territoire est subordonnée aux objectifs de conservation, et qu'un plan directeur guidera la gestion de chaque aire protégée en favorisant le maintien ou la restauration d'un haut niveau de naturalité du territoire. Nous recommandons également d'enchâsser dans la loi des balises précises encadrant ce statut, qui sont la priorisation de la conservation, le maintien ou la restauration des conditions naturelles, les retombées pour les communautés locales, la complémentarité et la délimitation des usages, ainsi que des modes de gestion efficace.

Nous recommandons aussi de remplacer le nom «aire protégée d'utilisation durable», qui est déjà bien long, j'en conviens, par «aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables», encore plus long, on s'en excuse, mais cela est dans un but de mettre les choses au clair pour que les activités qui utilisent des ressources non renouvelables soient interdites dans ces aires protégées. Donc, Nature Québec recommande l'ajout d'un article afin que les activités suivantes soient interdites dans une aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables : exploitation minière, recherche de substances minérales, recherche ou exploitation d'hydrocarbures, de saumure et de réservoirs souterrains, transport d'hydrocarbures, ainsi que production, transformation et distribution commerciales d'énergie, notamment l'électricité.

Nous recommandons qu'il soit impossible de convertir une aire protégée existante de catégorie plus stricte en aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables sauf si la protection ou la restauration d'une espèce ou d'un écosystème dans l'aire protégée nécessite l'utilisation durable d'une ressource renouvelable ou si ce changement de statut augmente la superficie de l'aire protégée au bénéfice des espèces et des écosystèmes.

Nature Québec recommande la possibilité de changer le statut d'une aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables si elle ne remplit pas ses objectifs de protection ou de restauration de la biodiversité. Elle pourrait acquérir, par exemple, un statut plus strict afin que la primauté de la protection de la biodiversité puisse être respectée.

Nous recommandons que les autres mesures de conservation efficaces, les AMCE, tout comme les aires protégées d'utilisation durable des ressources renouvelables, ne soient pas comptabilisées pour l'atteinte des cibles de conservation de 17 % et 10 % d'ici la fin 2020. Toutefois, elles pourraient être comptabilisées pour les futures cibles qui seront plus amitieuses, qui seront déterminées par le Québec en s'inspirant de la communauté scientifique internationale et des cibles adoptées par les pays parties de la Convention sur la diversité biologique.

Nature Québec recommande que les autres mesures de conservation efficaces soient comptabilisées dans l'atteinte de nos cibles de conservation seulement si elles amènent un réel gain en matière de protection de la biodiversité. Il est important de s'assurer qu'elles ne sont pas comptabilisées uniquement par pression politique d'autres ministères.

Nous recommandons aussi l'ajout de balises pour les autres mesures de conservation efficaces, notamment un statut permanent et à l'année longue, une zone géographique clairement définie, une conservation in situ, l'exclusion des activités incompatibles avec la conservation, un plan directeur, une gestion efficace des activités compatibles, une autorité et des moyens pour le gestionnaire, et un suivi du respect des objectifs de conservation.

Nature Québec recommande d'enchâsser les territoires de conservation nordiques dans les autres mesures de conservation efficaces afin d'établir des balises claires, de s'assurer que la permanence... de la permanence de la protection dans le Nord-du-Québec et d'éviter la multiplication inutile, finalement, de registres.

Nous recommandons que les autres mesures de conservation efficaces réalisées sur le territoire du Plan Nord ne soient pas comptabilisées dans l'atteinte des cibles.

Nature Québec recommande aussi que les ministères concernés s'impliquent davantage pour que des territoires obtiennent le statut de paysage humanisé. Cela nécessite l'octroi de moyens, notamment financiers, pour les communautés locales.

Nous recommandons d'intégrer le statut d'aire protégée de conservation autochtone dans le projet de loi. Sa définition et sa portée devraient être déterminées avec les représentants et représentantes des Premières Nations et des Inuits.

Nature Québec recommande l'ajout d'un article de loi qui habilite le Conseil des ministres à la création de sociétés de gestion lorsque le gouvernement juge qu'une formule de gouvernance conjointe d'aire protégée est pertinente. D'ailleurs, nous recommandons la création d'une première société de gestion pour la réserve de biodiversité d'Anticosti afin d'assurer une gouvernance conjointe pour son inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Nous recommandons aussi que le Québec se dote d'objectifs nationaux ventilés, en matière de conservation, notamment se doter de cibles à atteindre en matière d'aires protégées strictes, par exemple, avoir un 30 % d'aires protégées d'ici 2030, ce qui inclut un pourcentage de 25 % en aires protégées strictes. On veut aussi que le Québec se dote d'objectifs de conservation distincts entre le Nord et le Sud, et limiter à 5 % l'utilisation des autres mesures de conservation efficaces dans l'atteinte de nos cibles. Après 5 %, finalement, qu'il s'agisse seulement d'un surplus qui n'est pas comptabilisé.

Nature Québec recommande que le gouvernement respecte ses engagements de mettre 50 % du territoire du Plan Nord à l'abri des activités industrielles et que cet engagement soit enchâssé dans la loi.

Et, finalement, nous recommandons que les nombreux projets d'aires protégées en cours d'évaluation depuis trop longtemps se concrétisent rapidement. Nous recommandons, pour ce, une augmentation des budgets dédiés à la conservation, la création de programmes de suivi de l'état des aires protégées actuelles et futures, et un meilleur contrôle et une gestion plus efficace de celles-ci.

Donc, en terminant, on tient à souligner que le MELCC a besoin de nouveaux outils pour mettre un frein à l'effondrement de la biodiversité au Québec. L'aire protégée est le seul outil actuellement qui lui permet d'assurer la gestion du territoire. La venue du statut d'aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables est donc un moyen efficace pour bonifier le réseau d'aires protégées et conserver de plus grandes superficies du territoire. Ce nouveau statut est particulièrement adapté pour le sud du Québec, qui connaît des limites, en termes de création d'aires protégées plus strictes, tant au point de vue politique, social que territorial.

Donc, malgré certaines avancées intéressantes, il reste du travail à faire afin de rendre le projet de loi n° 46 tout à fait acceptable. Il doit donner les moyens au Québec d'être un leader en matière de conservation. Dotons-nous d'objectifs ambitieux et d'outils efficaces qui nous permettront de renverser la tendance et de rétablir l'harmonie entre nous et toutes les espèces avec qui nous partageons cette planète. Merci.

Le Président (M. Bussière) : Je vous remercie de votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

• (12 heures) •

M. Charette : C'est bien gentil. J'ai des collègues qui, déjà, me laissent entendre vouloir intervenir, donc je ne pourrai pas prendre l'entièreté du temps de parole, mais déjà vous remercier pour votre présence, je le mentionnais tout à l'heure. Merci également pour les commentaires.

Peut-être deux, trois petites remarques. Il y a beaucoup d'éléments excessivement intéressants dans ce que vous mentionnez. Un certain nombre sont déjà parties prenantes du projet de loi, d'autres pourront être ajoutés. Dans certains cas, par contre, il y a des engagements qu'on ne saurait prendre aujourd'hui ou dans les prochains jours. Vous savez qu'il y a des négociations au niveau international pour, justement, les cibles 2030, et c'est la raison pour laquelle je vais souvent nous référer à l'article 2 du projet de loi, qui dit : L'aire protégée devra se faire en respect, en quelque sorte, des critères établis par l'UICN. C'est la raison pour laquelle le projet de loi ne parle pas d'activités proscrites ou d'activités permises dans le détail, parce qu'on va vouloir s'ajuster à ce qui se négocie à l'international, mais on réitère clairement, noir sur blanc, que ça devra se faire dans le respect de ce qui est reconnu, là, par l'UICN. Donc, on va maintenir les plus hauts standards.

Peut-être vous rassurer aussi... Quand vous dites espérer qu'on ne change pas une aire protégée actuelle vers cette sixième catégorie, en quelque sorte, dont il est question, je vous rassure en disant que ce n'est pas du tout, du tout notre intention. D'ailleurs, les objectifs, 17 %, 10 %, on veut réellement, autant que possible, les atteindre en vertu des règles qui s'appliquent déjà.

Vous faites référence à différentes activités qui ne devraient pas avoir cours dans les aires protégées, mais vous ne mentionnez pas, notamment, la foresterie. C'est un sujet qui est bien, bien réel, hein? Compte tenu de la grandeur du territoire québécois, l'industrie forestière est importante pour plusieurs de nos régions. Vous souhaitez faire référence à du développement durable même dans l'appellation des APUD. Pour vous, quelle est la façon dont on doit percevoir la foresterie sur le territoire québécois et, ultimement, peut-être, dans ces APUD à créer éventuellement?

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, d'accord. Donc, je peux commencer par ça. Dans notre mémoire, c'est bien inscrit que, oui, la foresterie peut être permise dans les aires protégées d'utilisation durable des ressources renouvelables. D'ailleurs, on a un encadré qu'on vous a mis dans notre mémoire concernant le cas de l'île d'Anticosti, qui est un cas parfait, en fait, pour faire cette analyse-là, à la page 19, où il est possible, à ce moment-là, d'avoir une foresterie qui permet de garder une certaine... une foresterie de restauration, finalement, qui permet d'être en accord avec les objectifs de conservation, parce que c'est ça, l'important. Si on parle d'aire protégée, même si c'est une aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables, l'important, c'est qu'on garde en tête que l'objectif premier, c'est la conservation. Donc, oui, si on a une utilisation de ressources renouvelables... La forêt, c'est une ressource qui est renouvelable. Si on a une utilisation qui peut être faite de façon durable, et en accord avec les objectifs de conservation, et même aider la conversation ou la restauration d'une espèce, bien sûr, on est d'accord pour que ce soit permis.

Au niveau de... le changement de statut d'une aire protégée stricte à moins stricte, là, allons-y plus rapidement comme ça pour le terme, c'est qu'on veut que ça soit dans le projet de loi, parce qu'il y a quand même beaucoup de groupes environnementaux qui s'inquiètent de cette possibilité-là que le projet de loi ouvre la porte à... que toutes les aires protégées qu'on a présentement deviennent avec un statut moins strict, et, de l'inscrire dans le projet de loi de cette façon-là, que ça soit bien clair, c'est une façon aussi qu'il y ait une meilleure acceptabilité sociale du projet de loi.

Et finalement, au niveau des activités, pour interdire ou non les activités, il faut comprendre que les lignes directrices de l'UICN, ce n'est pas... On dit, nous, ce n'est pas la voix de Dieu, là, non plus, tu sais, ce n'est pas... C'est des lignes qui encadrent un peu ce que les aires protégées devraient être, mais tout doit être fait aussi... une interprétation, là, selon les États. Et, pour nous, de dire : On interdit ces activités-là, c'est bien important, parce que ce sont toutes des activités qui sont absolument non compatibles avec un objectif de conservation. Donc, de toute façon, en les interdisant, on peut probablement aussi aider à l'acceptabilité sociale, encore une fois, de ce concept d'aire protégée, mais on s'assure que, justement, il n'y aura aucune activité qui n'est pas compatible avec un objectif de conservation qui pourra être permise.

M. Charette : Très, très rapidement, pour ne pas prendre tout notre temps de parole, vous avez mentionné l'île d'Anticosti. On partage cette vision. Et on espère, d'ailleurs, dans les prochaines semaines, pouvoir faire des annonces intéressantes à ce sujet-là.

Donc, sans plus tarder, M. le Président, je pense qu'on pourrait céder la parole à d'autres collègues de la partie gouvernementale, mais, déjà, remercier encore une fois les gens de Nature Québec.

Le Président (M. Bussière) : Merci, M. le ministre. Je céderais maintenant la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Juste un commentaire pour commencer. Je pourrais peut-être faire ce commentaire-là à tous les groupes qui vont venir nous voir, en particulier à Nature Québec. Souvent, la protection d'aires, peu importe l'acronyme qu'on utilise, ce n'est pas un sujet sexy. La plupart des électeurs ne le voient pas comme quelque chose qui est près d'eux autres. Et, comme ce qui était mentionné par le ministre, avec ce qui vient d'arriver avec la pandémie, je pense qu'on le voit vraiment, à quel point c'est important. Alors, vous avez bien fait de nous taper dessus, de nous rabâcher les oreilles avec ça pendant longtemps. C'est la preuve, malheureuse, là, mais la preuve que c'est extrêmement utile.

Vous avez parlé... Je vais prendre deux sujets, Merci de faire ça vite. Vous avez parlé qu'on devrait définir l'intérêt public. Vous le définiriez comment? Parce que c'est difficile, faire ça, là. Alors, avez-vous une idée plus précise là-dessus?

Mme Simard (Alice-Anne) : Vous savez, l'intérêt public, c'est un peu comme l'acceptabilité sociale, c'est assez difficile à définir. Par contre, il y a quand même des balises qui peuvent mises en place aussi pour ne pas que ça soit laissé à la discrétion du ministre. L'intérêt public, dans notre mémoire, on en parle justement, c'est à la page n° 12. Donc, c'est ça, on veut que cette définition-là soit objective et unanime. Puis c'est important que, bon, la discrétion du ministre ou du gouvernement, dans l'interprétation de cette notion, soit balisée, parce qu'au final, bien, tu sais, il ne faut pas oublier aussi que la protection de l'environnement, c'est une question d'intérêt public aussi, là. Donc, il faut s'assurer que, bien, justement, de... Attribuer un autre statut de protection pour l'intérêt public, ça peut ouvrir la porte à, quand même, des décisions qui sont assez subjectives. Et, pour nous, c'est important que, si on veut changer le statut de protection d'une aire protégée, ça doit être fait uniquement sur des bases scientifiques claires, pour des objectifs de conservation clairs aussi, là.

M. Campeau : Une deuxième question, parce que j'en aurais bien d'autres, mais je vais laisser de la place, vous avez mentionné qu'on devrait exclure l'exploitation des ressources non renouvelables, vous avez parlé d'électricité, parlez-vous des barrages ou d'empêcher même de passer des poteaux dessus?

Mme Simard (Alice-Anne) : Non, non. Évidemment, c'est au niveau des barrages, des réservoirs, là, qui vont vraiment aller affecter de façon massive, là, un écosystème.

M. Campeau : Je m'en doutais. Je voulais juste vous donner l'occasion de le clarifier. Merci.

Le Président (M. Bussière) : Merci, M. le député de Bourget. Et maintenant je céderais la parole à la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : ...combien de temps?

Le Président (M. Bussière) : 8 min 17 s.

Mme Grondin : Huit minutes!

Le Président (M. Bussière) : Ah! là, ça diminue, là.

Mme Grondin : Merci. Donc, bonjour, Mme Simard. Très heureuse d'entendre votre analyse et vos recommandations. Juste par curiosité, votre présidente est toujours Louise Gratton? Vous la saluerez de ma part.

Mme Simard (Alice-Anne) : Parfait.

Mme Grondin : Donc, mes collègues, le ministre et le député de Bourget, ont posé des questions que j'avais déjà dans ma liste. Je voulais juste m'assurer... Dans la liste des activités que vous jugez incompatibles, elle est vraiment dans les recommandations 7 et 8, si je comprends bien, donc, c'est tout ce qui touche, en fait, l'intégrité des milieux.

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, c'est vraiment des activités qui sont incompatibles avec un objectif de conservation. On ne peut pas faire de la protection ou de la restauration de la biodiversité si on a aussi ces activités-là. C'est à la page 17 et, en fait, c'est un article qu'on s'est inspirés... Dans le mémoire, on le détaille plus, là. On s'est inspirés fortement de l'article 48, là, du projet de loi pour dire, finalement, là, la liste, justement, des activités qui devraient être interdites, et, encore une fois, c'est vraiment dans une optique de permettre une meilleure acceptabilité sociale de ce projet de loi là, parce que, bon, quand ça a sorti en novembre dernier, ça avait quand même causé un peu un émoi où les gens disaient : C'est n'importe quoi, là, on va permettre d'exploiter n'importe quelles ressources dans les aires protégées. Donc, je pense que c'est une bonne de façon de vous assurer que... Et ce sera mieux accepté si on a des activités qui sont clairement interdites, qui... De toute façon, si on suit les lignes directrices de l'UICN, c'est des activités qui ne peuvent pas être mises, là, dans une aire protégée d'utilisation durable, là, de toute façon, là.

• (12 h 10) •

Mme Grondin : Et, quand vous parlez des différentes balises, donc, un peu... ça me fait penser un peu à l'approche au niveau du recyclage, qui est les 3RV. C'est un peu ça, le concept de balise que vous souhaitez voir dans l'utilisation durable. Concrètement, ça veut dire quoi?

Mme Simard (Alice-Anne) : Exactement, il y a plusieurs balises. Si vous allez à la page 14 de notre mémoire, on les cite. Vous savez, depuis que le projet de loi a été annoncé, depuis novembre dernier, on travaille avec des experts, expertes, des universitaires, des chercheurs, chercheuses, d'autres groupes environnementaux pour déterminer conjointement aussi : O.K., d'accord, on a ce nouveau statut d'aire protégée là, qu'est-ce qu'on devrait mettre en place, quelles balises on devrait mettre pour encadrer ce nouveau statut là et éviter les dérives potentielles.

Donc, on vous a... J'y suis allée vraiment rapidement, là, mais, sans prendre tout votre temps non plus, les balises sont bien expliquées au niveau de la priorisation de la conservation, donc, que l'objectif principal soit de conserver la nature, restauration aussi, maintien des conditions naturelles pour s'assurer finalement qu'il y ait une certaine naturalité, là, qui va renforcer les écosystèmes, la résilience des écosystèmes régionaux. On veut aussi que ce soit une utilisation durable des ressources qui peut être bénéfique, là, finalement, puis dans le respect des objectifs de conservation. On veut aussi qu'il y ait des retombées positives et durables pour les communautés locales, optimiser l'utilisation locale des ressources. On veut qu'il y ait... que les aires protégées soient désignées en complément d'un noyau de conservation plus stricte visant à soustraire les habitats des composantes de la biodiversité dont la survie et la pérennité sont incompatibles avec les usages proposés. Et on veut aussi assurer l'efficacité du maintien des objectifs de conservation par une gestion exemplaire, réaliser aussi le suivi d'indicateurs pour montrer le respect des objectifs de conservation.

Donc, ces balises-là, ce sont des balises qu'on s'est entendus, là, avec, notamment, là, des groupes environnementaux qui viendront se présenter aujourd'hui. Puis, peut-être, ma collègue peut en parler. C'est elle qui a participé beaucoup aux discussions, là, pendant plusieurs mois, sur ces balises-là.

Mme Bérubé (Audrey-Jade) : Oui, bien, je peux... Je veux quand même préciser aussi que, tu sais, on a eu beaucoup de discussions avec les groupes environnementaux, mais c'est des balises qui sont fondées aussi sur les descriptions de l'UICN. Donc, on ne s'est pas basés sur n'importe quoi. On n'est pas partis de n'importe quoi. On dit que l'UICN, ce n'est pas la voix de Dieu, mais ça a quand même du bon, parce que c'est accepté par la communauté scientifique internationalement.

Donc, c'est vraiment de baser c'est quoi, la définition d'une aire protégée. On veut l'adapter au concept d'aire protégée d'utilisation durable. Et, pour nous, le concept d'aire protégée d'utilisation durable, c'est de permettre aussi une plus grande flexibilité dans la protection. Donc, on veut justement avoir plus de flexibilité au niveau de l'implication des communautés locales, flexibilité au niveau de la restauration, par exemple. Donc, la restauration peut être un moyen qui est utilisé avec la foresterie, par exemple, qui n'est pas permis en ce moment dans les catégories qu'on a, mais ça peut permettre la conservation de la biodiversité, d'utiliser les ressources naturelles renouvelables.

Mme Grondin : Peut-être... Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le Président, oui?

Le Président (M. Bussière) : 3 min 22 s.

Mme Grondin : O.K., donc, juste une dernière question...

Le Président (M. Bussière) : Mais j'ai deux autres députés qui voudraient avoir la parole.

Mme Grondin : O.K., dernière question rapide, en terres privées, en zones habitées, je vois que vous... est-ce que l'utilisation... l'aire protégée d'utilisation durable risque d'être un outil de conservation qui va être très intéressant?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, c'est surtout... On considère que c'est un outil qui est particulièrement intéressant dans le sud du Québec, où, justement, il y a une densité de la population qui est plus élevée, où il y a différents usages du territoire qui est fait, ce qu'on ne retrouve pas nécessairement dans le Nord. Donc, on ne voudrait pas que ce nouveau statut permette d'avoir des immenses superficies d'aires protégées dans le Nord sans que le Sud, finalement, ait assez d'aires protégées. Pour ce qui est vraiment en terres plus privées, bien, je vous référerais, là, à nos collègues du réseau des milieux naturels protégés, il y a les collègues aussi de Conservation de la nature Canada qui viendront, qui sont vraiment spécialistes d'aires protégées en terres privées.

Mme Grondin : Parfait, merci.

Le Président (M. Bussière) : Merci à vous. Et je cède maintenant la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Merci, M. le Président. Merci d'être là. Il fait plaisir de vous voir.

Vous parlez d'implication des communautés locales, c'est très intéressant. Vous parlez aussi... Vous recommandez qu'il y ait des territoires qui obtiennent le statut des paysages humanisés. Je ne sais pas si vous connaissez le concept de forêts habitées, qui est en place dans Le Haut-Saint-Maurice et dans Lanaudière, dans le Bas-Saint-Laurent aussi, où tous les utilisateurs s'entendent pour mettre sur table, sur cartes, les zones de conservation, les zones d'exploitation, les zones d'exploitation tant forestières que fauniques ou autres, là. Et je vous demanderais de faire un parallèle ou d'aller un peu plus loin par rapport à ce qui existe déjà et ce que vous souhaitez, vous, comme statut de paysage harmonisé, parce que le... On inclut aussi déjà, dans ces concepts-là, dans ces réalisations-là, depuis déjà plusieurs années, là, les intérêts des communautés autochtones.

Mme Simard (Alice-Anne) : En fait, le statut de paysage humanisé existe, là, depuis 18 ans, mais il n'y a encore aucun territoire, là, ici, au Québec, qui s'est vu accorder cette désignation-là. Et donc on trouve ça intéressant. Dans le projet de loi, on reconduit ce statut-là, mais, pour nous, il faut qu'on mette des mesures en place, là, finalement, là, pour qu'il y ait vraiment des paysages humanisés qui soient désignés comme tels au Québec, là. Donc, à la page 24, là, on a quelques raisons qui expliquent l'absence de ce statut en territoire québécois puis on propose aussi, entre autres... Selon nous, la meilleure façon, c'est que les ministères concernés s'impliquent davantage, là, dans l'obtention, là, du statut de paysage humanisé, parce que, pour l'instant, ça repose beaucoup encore sur les communautés locales.

Mme Tardif : Mais comment vous souhaiteriez que ce soit... Qu'est-ce que vous voulez avoir, idéalement?

Le Président (M. Bussière) : ...qu'il vous reste une dizaine de secondes.

Mme Simard (Alice-Anne) : Parfait, on va se pencher là-dessus. Merci.

Le Président (M. Bussière) : Donc, le temps ayant été écoulé, je m'excuse aussi au député de Forget qui avait demandé la parole, on va maintenant passer à la partie opposition officielle. M. le député de Viau, à vous la parole, vous avez 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Donc, je vais tout de suite à la recommandation 16. J'aimerais vraiment vous entendre parce que c'est un concept, pour moi, qui est nouveau, celui d'aire protégée de conservation autochtone. J'aimerais bien vous entendre là-dessus parce que ça me semble très intéressant comme piste.

Mme Simard (Alice-Anne) : C'est un statut, en fait, d'aire protégée qui existe déjà dans le monde et même au Canada. Ça gagne de plus en plus en popularité. En fait, le principe, c'est que la gestion des aires protégées est confiée aux collectivités autochtones sur leurs territoires traditionnels avec des méthodes qui sont durables et adaptées aussi sur le plan culturel, mais ça n'existe pas encore au Québec. Donc, on s'est dit : Bon, bien, tant qu'à ouvrir la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, aussi bien en profiter pour inclure ce nouveau statut. Par contre, on n'est pas autochtones, nous, à Nature Québec. On ne peut pas présumer de comment les choses devraient être faites. Alors, on se dit que la définition exacte, la portée de ce nouveau statut, devrait être discutée avec les représentants, représentantes des Premières Nations et des Inuit.

M. Benjamin : Et cette expérience, que vous dites, ailleurs au Canada, est-ce que... Pouvez-vous nous dire... Est-ce que ce sont des expériences concluantes? À l'étranger, est-ce que ce sont des expériences concluantes?

Mme Simard (Alice-Anne) : Il y en a une en Colombie-Britannique, dont j'oublie le nom, là, je dois avouer, mais je pourrais vous transmettre à votre bureau, peut-être, là, si vous voulez, les informations. Pour l'instant, c'est tout nouveau encore au Québec, mais, à l'international, ça se fait un petit peu plus. Et, bon, j'avais déjà parlé avec une leader autochtone qui me disait : Bien, encore au Canada, ici, on ne sait pas vraiment ce que ça devrait être, comment on devrait l'encadrer, et tout ça. Donc, tant mieux si le Québec pourrait faire partie de ces premières réflexions-là entourant ce nouveau statut, là.

M. Benjamin : J'ai très bien... Merci pour la réponse. J'ai très bien entendu votre réponse pour ce qui a trait à l'acceptabilité... sociale, pardon, donc, qui est un enjeu important, mais l'enjeu... L'autre enjeu que j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, c'est sur la question de gouvernance. Notamment, vous semblez suggérer... Vous suggérez, notamment, à la recommandation 17, l'habilité, donc, à créer des sociétés de gestion. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, en fait, une idée de société de gestion, elle est issue, en fait, d'un long processus qui a été entamé dans le cadre de l'élaboration de la proposition d'inscription de l'île d'Anticosti au patrimoine mondial de l'UNESCO et... parce que, finalement, ces sites-là doivent... comme ils sont des références, ils doivent être vraiment des références aussi au niveau de leur gestion. Et ce qu'on propose, bien, avec tous les partenaires à la table UNESCO-Anticosti, c'est une société de gestion qui permettrait de réunir à la fois, par exemple, le gouvernement du Québec, la municipalité de Port-Menier, la MRC de la Minganie, les communautés innues d'Ekuanitshit et Nutashkuan, pour garantir une protection puis une gestion exemplaires. C'est une formule qui existe ailleurs. D'ailleurs, justement, on a des exemples de... Dans les lignes directrices de l'UICN, il y a des exemples aussi, comme ça, d'une nouvelle forme. Et ce qu'on veut, c'est habiliter le Conseil des ministres à créer cette société de gestion là, ce qui n'existe pas présentement pour les aires protégées.

Mme Bérubé (Audrey-Jade) : Je peux ajouter une petite précision aussi. Qu'est-ce qui est intéressant avec la société de gestion, c'est que ça permet de garder et le gouvernement et les communautés locales dans la prise de décision et de ne pas laisser le travail à faire juste par la municipalité. Il y a des municipalités qui n'ont pas les capacités financières, les capacités de ressources, de personnel pour gérer une aire protégée. Donc, c'est important de combiner les efforts puis de faire une gestion qui est partagée. Donc, c'est vraiment intéressant.

Mme Simard (Alice-Anne) : D'ailleurs, en France, tous les parcs nationaux sont administrés avec une formule de société de gestion, là. Donc, c'est intéressant de se pencher là-dessus.

• (12 h 20) •

M. Benjamin : L'autre question qui m'intéresse, donc, notamment, vous l'abordez dans plusieurs recommandations, notamment à la recommandation 6. Je vous dirais que moi-même, aussi, à la lecture du projet de loi, je semblais... J'ai buté sur le concept d'aire protégée d'utilisation durable en essayant de bien comprendre le sens. Et là vous nous proposez une autre acceptation, une autre formulation, aire protégée d'utilisation durable des ressources renouvelables. Je comprends que la volonté qui est derrière cette proposition-là, c'est plutôt pour mieux encadrer, pour bien encadrer. À nouveau, la liste que vous avez donnée des ressources non renouvelables ou, du moins, des ressources qui ne seraient pas admissibles, est-ce qu'elle est exhaustive? Est-ce que vous avez d'autres types de ressources que vous avez identifiés, qui pourraient être considérés?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, écoutez, à notre connaissance, c'est pas mal assez exhaustif. Tu sais, on n'a pas parlé d'énergie nucléaire, là, mais évidemment ça en fait partie, là. Mais le but, c'est vraiment qu'on fasse une distinction dans le titre aussi. Encore une fois, comme je disais, il faut avoir une meilleure acceptabilité sociale du projet de loi pour que, vraiment, les activités qui ont un impact irréversible sur les écosystèmes, là, soient tout à fait soustraites.

Puis, pour revenir sur l'hydroélectricité, oui, c'est les réservoirs puis la modification du régime hydrique, mais même l'énergie éolienne aussi devrait être proscrite puisque ça amène une fragmentation des habitats à cause des chemins d'accès, un dérangement de la faune, aussi, puis un impact sur leurs déplacements. Donc, tout ça est dans un but de s'assurer que les... des activités qu'on permet dans ces aires protégées là, parce que ce n'est pas un territoire comme un autre. C'est une aire protégée. Donc, l'objectif premier doit être la conservation, et il faut que les activités permises soient compatibles avec cet objectif de conservation.

M. Benjamin : En lisant votre mémoire, donc, souvent, ce sont des enjeux qui sont abordés dans les municipalités beaucoup, et je n'ai pas beaucoup vu les municipalités... Vous n'avez pas beaucoup parlé des municipalités. Je comprends que c'est un projet de loi, mais, quand on parle d'acceptabilité sociale, il y a les citoyens. Comment vous voyez le rôle des municipalités dans cet enjeu-là?

Mme Simard (Alice-Anne) : Écoutez, c'est sûr que nous, on s'est plutôt penchés du côté vraiment très public... Les aires protégées, c'est géré, à la base, aussi par le MELCC. Donc on s'est penchés beaucoup là-dessus. Oui, c'est intéressant de voir... On pense que, notamment, l'idée de la société de gestion, c'est une façon excellente d'inclure mieux les municipalités, les communautés locales aussi, pour ne pas qu'on se retrouve à créer des aires protégées dont la communauté ne veut pas, finalement, là. Donc, c'est une bonne façon aussi de faire accepter ces nouvelles aires protégées là.

M. Benjamin : En lisant votre mémoire, j'étais curieux, parce que vous avez parlé de... dans les premiers commentaires que vous avez faits par rapport au projet de loi, vous avez parlé d'un projet de loi incomplet. Incomplet, bien, je comprends. Nous sommes en train de le compléter à travers cet exercice. Nous aurons à le faire lors des études détaillées. Mais vous avez parlé de prématuré, j'aimerais vous entendre sur le caractère prématuré.

Mme Bérubé (Audrey-Jade) : Moi, je peux expliquer un peu... Le caractère prématuré qu'on trouve, c'est que beaucoup des nouveaux statuts, c'est mentionné que ça va être expliqué en règlement. Donc, pour nous, c'est prématuré dans le sens qu'on dirait qu'il manque de contenu pour vraiment mettre les balises de c'est quoi, ces nouveaux types de protection là, ces nouveaux types d'aires protégées. Donc, c'est pour ça qu'on trouvait qu'il était un peu prématuré. Ça mérite une précision sur ces nouveaux types là pour ne pas que ça soit juste dans la nouvelle loi, puis qu'on se demande, en fait, c'est quoi vraiment, ce statut-là, puis qu'est-ce que ça implique.

M. Benjamin : Merci. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bussière) : 3 min 4 s.

M. Benjamin : Parfait. En lisant aussi votre mémoire, vous avez parlé des délais de quatre ans, de trois ans. Pouvez-vous nous faire... Vous parlez des délais de trois ans avant qu'une aire protégée... Pouvez-vous m'expliquer davantage?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, il faut comprendre qu'il y a des projets d'aires protégées, présentement, qui sont des aires protégées projetées, qui sont en attente depuis au moins 2004, là. Donc, c'est des projets qui traînent depuis beaucoup trop longtemps, mais ces projets-là sont tout de même comptabilisés dans le pourcentage d'aires protégées du Québec. Donc, dans notre atteinte des objectifs de 17 %, 10 %, on inclut les aires protégées projetées.

Donc, il y a... On dirait qu'il manque un peu de volonté politique à vraiment les mettre en oeuvre parce que, bien, elles nous permettent déjà d'atteindre notre pourcentage, alors que, sur le terrain, il n'y a pas réellement d'aire protégée. C'est pour ça qu'on disait : Bien, en instaurant un délai de quatre ans, on s'assure, comme ça, qu'il n'y a pas de projets d'aires protégées qui vont traîner pendant des années et des années. Notamment, au Bas-Saint-Laurent, présentement, c'est vraiment problématique, où il y a des aires protégées qui font consensus au sein de la population depuis des années, puis on attend. Par contre, on comprend de, justement, enlever ce statut-là, «projeté», pour accélérer les délais, mais on ne voudrait pas que les aires protégées projetées présentement perdent leur statut de protection. Tu sais, on veut qu'elle devienne des vraies aires protégées.

Puis, pour le délai de trois ans, justement, c'est de dire, en s'inspirant de Loi sur l'expropriation, de dire : Bien, écoutez, on peut... Ce territoire-là qu'on... On ne peut pas dire : Bien, on va faire une aire protégée là d'ici quatre, cinq ans, mais on ne met aucune mesure de protection, parce qu'à ce moment-là il pourrait y avoir une utilisation non durable du territoire qui se fait, le temps que l'aire devienne une aire protégée. Donc, il faut quand même qu'il y ait une espèce de statut de protection qui ne ralentit pas les délais, mais qui peut être renouvelable aussi, qui peut permettre qu'il y ait une protection quand même en attendant, là.

M. Benjamin : Merci.

Le Président (M. Bussière) : Très bien. Merci beaucoup, M. le député de Viau. Et je céderais maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Mercier, vous disposez de 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Oui, merci de le préciser. Bien, merci pour votre présentation. J'ai manqué une partie. Et on vient de recevoir aussi le mémoire, ça fait que je ne peux pas dire que je l'ai lu, j'essaie de regarder... Moi, je voudrais vous parler un peu plus, évidemment, des aires protégées d'utilisation durable. En fait, en ce moment, l'objectif du Québec, c'est d'atteindre 17 % d'aires protégées toutes catégories. On est à 10 %. Quand on dit qu'on est à 10 %, je vous ai entendu, ça inclut aussi les aires, peut-être, qu'on pense vouloir protéger. Peut-être juste nous dire, les 10 %, ça veut dire quoi concrètement. Ce n'est pas des aires protégées strictes, là.

Mme Simard (Alice-Anne) : Non, exactement. Donc, il y a un pourcentage là-dedans que ce sont des aires protégées projetées, ce sont des aires protégées strictes, projetées, là, qu'on peut dire, mais, dans les faits, ce n'est pas encore officiellement une aire protégée.

Mme Ghazal : Puis c'est quoi d'autre, là, dans le fond, si on pouvait avoir... Oui, allez-y.

Mme Bérubé (Audrey-Jade) : Je ne sais pas si vous êtes familière avec les catégories de l'UICN. Tu as la catégorie I à III que c'est considéré comme strict, c'est les parcs nationaux, les réserves écologiques. Réserves écologiques, c'est pour la science. Sinon, la catégorie IV, c'est plus des aires de confinement, par exemple, du cerf de Virginie. La catégorie IV est considérée comme une catégorie déjà plus souple. Donc, catégories IV à VI... Ça fait en sorte qu'en ce moment, dans le 10 %, c'est du I à IV parce que les catégories V et VI n'existent pas au Québec encore. Donc, I à IV, donc, il y a du strict, du souple, et, là-dedans, il y a des projetés aussi. Donc, il y a des stricts et des... Je ne sais pas s'il y a des catégories IV projetées, mais il y a beaucoup de réserves de biodiversité qui sont projetées en ce moment.

Mme Ghazal : Bien, je veux parler de, justement, la nouvelle catégorie d'utilisation durable. Est-ce qu'on peut dire factuellement qu'une aire protégée d'utilisation durable, c'est moins de protection qu'une aire protégée stricte?

Mme Simard (Alice-Anne) : C'est certain puisque, bien, ce n'est pas, par exemple, comme une réserve où est-ce qu'il y a seulement de la science qui peut y avoir lieu. C'est certain que c'est... De la même façon qu'un parc national peut être plus souple qu'un certain autre type d'aire protégée, c'est une autre catégorie encore plus souple, mais l'objectif reste le même. L'objectif, c'est un objectif de conservation.

Mme Ghazal : ...pas dire que c'est moins protégé, c'est juste que c'est plus souple, protégé différemment, disons.

Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais aller vers l'autre... Est-ce qu'avec le projet de loi... Puis là vous avez beaucoup de recommandations. Vous dites, dans votre conclusion, que c'est important. Il y a d'autres éléments à amener. Est-ce qu'il y a un danger, avec le projet de loi actuel, que 100 % des aires protégées, peut-être pas celles qui sont déjà catégories I à IV, là... mais est-ce que c'est possible que 100 % deviennent des aires protégées d'utilisation durable? Est-ce qu'il ne faudrait pas se fixer des cibles?

Mme Simard (Alice-Anne) : Exactement, c'est ce qu'on a recommandé, justement, qu'on ait... Par exemple, la communauté internationale s'en va de plus en plus vers une protection de 30 % du territoire d'ici 2030, là. Ça va être confirmé quand on aura, finalement, une COP, qui est la convention sur la diversité biologique. Donc, évidemment, le Québec va sûrement s'attacher à ça, et on l'espère. Donc, on pourrait avoir, par exemple, un 30 % de protection globale du territoire, mais un objectif aussi là-dedans de 25 % en aires protégées strictes, c'est ce qu'on recommande dans notre mémoire, et de faire aussi une distinction entre la protection du Sud et du Nord, parce que ça pourrait être plus facile au Québec, quand même, de protéger des immenses territoires dans le Nord puis peu dans le Sud, alors que, la pression, elle est au Sud. Donc, on voudrait aussi qu'il y ait des objectifs distincts pour le Nord et le Sud.

Mme Ghazal : Donc, si on adopte le projet de loi tel quel, ce n'est pas garanti. Il pourrait y avoir...

Mme Simard (Alice-Anne) : Ça peut être très dangereux puis c'est justement un problème qui est soulevé par la communauté environnementale, que les gens ont peur que les aires protégées d'utilisation durable soient... prennent trop d'ampleur.

Mme Ghazal : Vous avez parlé des...

Le Président (M. Bussière) : ...vous aviser que vous avez dépassé votre temps.

Mme Ghazal : Déjà?

Le Président (M. Bussière) : Oui, malheureusement.

Mme Ghazal : Merci.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Bussière) : Merci à vous. Et puis, maintenant, je céderais la parole au troisième groupe d'opposition, au député de Jonquière. À vous la parole, vous avez 2 min 45 s.

M. Gaudreault : Merci, M. le Président. Désolé pour ma sortie, là, j'avais un autre discours à faire sur le projet de loi n° 50, alors il faut qu'on se dédouble.

Je veux juste être sûr de bien comprendre. Quand vous dites, votre recommandation n° 5, justement, ce qu'est bien définir ce qu'est une «aire protégée d'utilisation durable», et là vous proposez des balises à la fin de votre recommandation, est-ce que, selon vous, dans une aire protégée d'utilisation durable il serait envisageable d'avoir, par exemple, de l'exploitation forestière?

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui. Donc, on l'a déjà mentionné, M. le ministre nous a posé exactement la même question. Mais, comme je vous dis, on a un encadré dans notre mémoire sur le cas d'Anticosti, et c'est un cas où on peut avoir une foresterie de restauration qui vous nous aider dans nos objectifs de conservation, là.

M. Gaudreault : De restauration, mais d'exploitation forestière?

Mme Bérubé (Audrey-Jade) : Juste une petite précision par rapport à ça. Pour nous, c'est inacceptable de considérer la loi sur l'aménagement du territoire forestier et la certification FSC comme suffisantes pour faire partie d'une aire protégée d'utilisation durable. Donc, c'est évident que si la foresterie est permise dans une aire protégée d'utilisation durable, il faut que ça soit des mesures supplémentaires et des mesures qui s'assurent que c'est en complémentarité avec le respect des mesures de protection et des objectifs de conservation de la biodiversité.

Mme Simard (Alice-Anne) : On parle d'une... On veut une foresterie qui est exemplaire, et, justement, on avait une discussion prévue à l'interne, à Nature Québec, avec des collaborateurs-chercheurs demain, là. Donc, notre présence ici a été un peu devancée. Mais c'est une foresterie qui est exemplaire. Ça ne peut pas être fait comme c'est, actuellement, là.

M. Gaudreault : Une gourde en bois, c'est de la foresterie exemplaire, bravo! La lutte contre la tordeuse du bourgeon d'épinette, est-ce que c'est de la foresterie durable?

Mme Simard (Alice-Anne) : Écoutez, il faudrait vraiment évaluer. Puis comme je vous dis, malheureusement, on n'a pas eu le temps encore d'avoir toutes ces discussions-là, on a été un peu pris au dépourvu avec la commission, mais...

M. Gaudreault : Je veux juste vous dire, c'est très, très important, là, quand il y a une épidémie de tordeuse de bourgeon d'épinette, est-ce qu'on laisse la forêt vivre naturellement sa vie de tordeuse de bourgeons d'épinettes ou on doit agir pour intervenir pour éviter...

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, c'est certain que la foresterie, de plus en plus, depuis plusieurs années, essaie de recréer les perturbations naturelles. Donc, justement, avant qu'une épidémie arrive, d'enlever les arbres pour éviter finalement l'épidémie, puis ça recrée un peu la perturbation naturelle, mais il faudrait avoir des balises.

Le Président (M. Bussière) : ...il vous reste 25 secondes.

Mme Simard (Alice-Anne) : ...il faudrait avoir des balises vraiment, vraiment plus claires. Et j'espère que vous les mettre en oeuvre, là.

M. Gaudreault : O.K. 10 secondes. Ça a déjà arrivé qu'une aire perde un statut de protection dans les aires protégées projetées? Parce que vous dites, à votre recommandation n° 1 : «Aucune de ces aires ne doit perdre son statut de protection...»

Mme Simard (Alice-Anne) : C'est que, présentement, pourquoi on dit ça, c'est parce que le projet de loi enlève le statut projeté. Donc, on ne veut pas que les aires présentement projetées perdent leur statut.

Le Président (M. Bussière) : Merci.

M. Gaudreault : C'est bon.

Le Président (M. Bussière) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise à 15 h 01)

Le Président (M. Bussière) : Je souhaite la bienvenue aux représentants du Réseau de milieux naturels protégés. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Réseau de milieux naturels protégés (RMN)

Mme Vermette (Véronique) : Mon nom est Véronique Vermette. Je suis directrice générale par intérim du Réseau de milieux naturels protégés. Et je suis accompagnée de Brice Caillié, aujourd'hui, chargé de projet sur les enjeux de la conservation volontaire.

Donc, M. le Président, Mme la vice-présidente, M. le premier ministre... M. le ministre...

M. Charette : ...de Jonquière premier ministre, mais moi, je n'ai pas d'aspiration à ce niveau.

Mme Vermette (Véronique) : D'accord. Mmes, MM. les députés, je suis heureuse de vous avoir fait rire. Donc, merci de nous accueillir, comme... une première fois ici, à l'Assemblée, à la Commission des transports et de l'environnement, donc, première expérience, et, je l'espère, j'espère qu'elle ne sera pas la dernière non plus.

Bien, communément... rapidement, communément appelé le RMN, le Réseau de milieux naturels protégés, c'est un organisme qui a été créé il y a plus de 27 ans pour donner une voix pour défendre les intérêts des organismes de conservation et des acteurs de la conservation en terres privées, dite la conservation volontaire.

Donc, le RMN accueille aujourd'hui favorablement la modernisation de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, tel que présenté, d'un bon oeil, surtout en cette fin de décennie de la biodiversité, et à l'heure, aussi, des bilans concernant l'atteinte des Objectifs d'Aichi. D'ailleurs, un récent rapport des Nations unies à cet effet-là en a dépeint un constat peu reluisant, qui nous inquiète. À l'aube de l'émission de nouveaux objectifs pour la prochaine décennie, nous croyons que la province doit se doter d'outils légaux facilitants, clairs et rigoureux pour l'atteinte de ces objectifs de protection du territoire, et en particulier avec la participation des organismes de conservation en terres privées.

Les organismes de conservation du Québec ont des recommandations à faire à la commission, particulièrement en ce qui a trait à notre propre domaine d'expertise, donc, la protection du territoire de nature privée, qui, vous en êtes bien conscients, se concentre principalement dans le sud du Québec, donc, le sud du Québec, où on voit le plus grand usage du territoire à des fins domiciliaires, d'exploitation et de développement. Et c'est sans coïncidence non plus qu'on y retrouve la plus grande part de biodiversité du Québec, et donc la plus grosse menace à cette biodiversité-là qui s'y retrouve.

Je vais passer la parole à mon collègue Brice, qui va vous faire quelques recommandations au nom du RMN.

M. Caillié (Brice) : Merci. Donc, comme ma collègue Véronique vous l'a expliqué, là, notre expertise, elle porte surtout sur la protection en terres privées. Donc, forcément, notre mémoire s'est intéressé sur les points du projet de loi qui vont avoir un impact de près ou de loin sur la protection en terres privées. Je vais commencer à les discuter en allant dans le sens inverse du mémoire, c'est-à-dire que je vais commencer par les territoires de conservation nordiques.

De prime abord, on est favorables à la création de ce statut à condition qu'il soit enchâssé, en fait, dans le registre des autres mesures de conservation efficaces, qui bénéficient de lignes directrices claires puis d'une reconnaissance à l'international, qui correspond tout à fait à l'objectif qui transparaît des territoires de conservation nordiques. Ça fait qu'on estime que ces mesures-là devraient s'enchâsser dans le registre des autres mesures de conservation efficaces, qu'on appelle aussi pour sa création, parce qu'on estime qu'il y a plusieurs mesures de conservation efficaces, justement, qui n'ont aucune reconnaissance aujourd'hui parce qu'elles ne peuvent pas être désignées comme des aires protégées, qui pourraient bénéficier de ce statut-là.

Ça fait qu'on en est... On est pour l'instauration de ces deux nouveaux outils, finalement, à condition, par contre, vu qu'ils sont très peu détaillés dans le projet de loi, qu'ils viennent avec des balises très claires sur comment ils peuvent contribuer aux objectifs de conservation. Comme on peut le voir sur la carte à la page 3 du mémoire, les enjeux de biodiversité les plus importants, ils sont dans le sud du Québec.

Puis, le territoire du Plan Nord, si on atteint les objectifs qui sont fixés dedans, à savoir que ce serait 50 % du territoire aux activités minières, on a déjà atteint la cible de 30 % de territoires protégés. Ça fait qu'on veut vraiment qu'il y ait des objectifs clairs qui soient définis pour ce que peuvent représenter les territoires de conservation nordiques pour garantir la protection des territoires au Sud, qui en ont aussi vraiment besoin. On n'est pas contre la protection du Nord, mais on veut garantir la protection du Sud.

Et le registre des AMCE, c'est un peu le même point, on voudrait s'assurer que la création de ce registre-là n'encourage pas la création uniquement d'autres mesures de conservation efficaces plus faciles à protéger que la mise en place d'aires protégées plus strictes, qui sont plus complexes à mettre en place, mais qui sont tout aussi bénéfiques, et même plus importantes. Les AMCE, c'est vraiment un outil pour bonifier un réseau d'aires protégées strictes, mais qui ne doivent pas être créées au détriment des aires protégées plus strictes.

Le deuxième point, vous avez pu le voir, peut-être, dans notre mémoire, sur lequel on a beaucoup travaillé, c'est le paysage humanisé. Nous, on appelle vraiment à la création de cette mesure parce que c'est la seule aire protégée qui peut considérer les milieux agricoles, et les milieux agricoles sont l'habitat de plusieurs espèces menacées. Il y a le petit blongios. On peut parler aussi du goglu des prés. Ça fait que c'est vraiment l'aire d'habitat, parfois même de reproduction, de plusieurs espèces qui peuvent être menacées, vulnérables. Ça fait que c'est de milieux qui sont importants pour la biodiversité. C'est aussi des couloirs de déplacement et des corridors fauniques importants

Ça fait qu'on aimerait vraiment que ce soit créé. Pourtant, ce statut existe depuis 2002 puis il n'y en a toujours pas. Ce qu'on a pu voir dans nos recherches, c'est qu'il y a trois raisons à ça, c'est que le processus était vraiment trop compliqué, trop coûteux et trop long à mettre en place. Ça fait qu'il y a deux points qui sont bien adressés par le projet de loi. C'est vraiment beaucoup plus clair, ce qui est attendu pour créer un paysage humanisé, c'est aussi simplifié, ça fait que, par conséquent, raccourci. Par contre, il n'y a toujours aucun budget qui apparaît être associé à ça.

On sait que le MELCC s'est beaucoup rapproché des parcs naturels régionaux français dans son élaboration. En France, un parc naturel régional, c'est 3 150 000 euros par an de budget et une équipe de 30 à 40 personnes. Les différentes tentatives de paysage humanisé qu'on a vues au Québec, ils n'arrivent pas à garder un coordonnateur, pour le projet, à temps plein durant la durée du processus. Ça fait qu'il y a vraiment un souci de financement à faire venir là-dedans.

Le seul projet qui est encore en cours, finalement, c'est celui de Montréal. On espère qu'il va se réaliser prochainement, mais, Montréal, c'est une ville qui n'a comme pas d'équivalent au Québec. Elle peut se permettre de faire ça grâce au service des parcs. Mais tous les autres projets et les territoires qui mériteraient finalement de bénéficier d'un paysage humanisé n'ont pas les budgets équivalents à la ville de Montréal pour porter ces projets. Ça fait qu'on aimerait vraiment qu'il y ait un financement qui vienne avec ça. On pense que c'est vraiment important puis on aimerait en voir se concrétiser prochainement. Là, en l'état, si on garde le projet de loi comme ça, je pense qu'en 2030 il n'y aura pas plus de paysages humanisés.

Puis le dernier point qu'on a traité, donc, c'est les réserves naturelles, auxquelles on a associé les milieux protégés en terres privées de manière générale, bien qu'elles ne soient pas abordées dans le projet de loi, parce qu'on estime que c'est aussi important que les réserves naturelles. Et là ce qu'on attend vraiment, c'est de pouvoir avoir un support pour les acteurs de la conservation, que ça soit les propriétaires de réserves naturelles ou les organismes de conservation qui ont d'autres milieux protégés.

Le projet de loi, il prévoit notamment que les montants des amendes pour des infractions et des activités illégales soient augmentés. On approuve ça, mais, à 100 %, c'est plus dissuasif si le montant d'amende est plus élevé. Par contre, sur le terrain, ce n'est pas appliqué. Il n'y a pas d'agents. Il n'y a personne qui est assermenté pour les faire appliquer. On a plusieurs de nos membres qui nous ont contactés pour ça, qui nous ont dit que c'était vraiment un problème qu'ils avaient, dans le sens où ils ne peuvent faire que de la sensibilisation. Ça fait qu'ils arrivent aux mains avec des contrevenants — aux prises avec des contrevenants, ils n'arrivent pas aux mains — puis, si les contrevenants refusent de les accompagner en dehors du territoire, ils ne peuvent rien faire. Ça fait qu'il y a un sentiment d'impunité qui s'est développé. Puis ce qui ressort beaucoup, finalement, c'est que 5 % des gens qui ont un mauvais comportement sur le terrain, c'est eux qui engendrent 95 % des dégâts. Puis, dans un milieu humide, par exemple, le passage d'un quatre-roues, ça peut arriver très, très vite à détruire le milieu. Ça fait qu'on est... On a vraiment un besoin, là, on se fait le porte-parole des gens qui travaillent sur le terrain, de soutenir ces organismes-là en leur permettant d'appliquer, finalement, les sanctions qui sont prévues dans les différents règlements.

• (15 h 10) •

On aimerait aussi que les municipalités soient accompagnées dans la conservation. Pour l'instant, une municipalité qui a des milieux protégés sur son territoire, c'est beaucoup une contrainte. C'est une perte de revenus. Si on est dans des grandes municipalités du Québec, comme Trois-Rivières, c'est insignifiant, la part que ça représente là-dedans, ça fait qu'il n'y a aucun problème. Par contre, quand on va dans les municipalités plus rurales, où les superficies sont généralement plus grandes, la perte des taxes d'une seule propriété, ça met en péril le budget de la ville. Ça fait qu'il n'y a aucun... Le seul moyen qu'ils ont, par exemple, de compenser ça, pour une réserve naturelle, c'est de réclamer des droits compensatoires au propriétaire de la réserve naturelle. Ça fait que leur réserve naturelle se retrouve à... Le propriétaire de la réserve se retrouve à payer des taxes pour un milieu qu'il protège pour le bien commun. Ça fait qu'il y a vraiment un enjeu à ce niveau-là. On sait qu'il y a des travaux qui sont en cours en ce moment. Puis on aimerait vraiment que les municipalités soient encouragées à faire de la protection. Et une municipalité qui va plus loin que les cibles du gouvernement en matière de protection de l'environnement, là, qui vient protéger 30 % de son territoire, bien, peut-être qu'elle mériterait d'avoir une bonification pour reconnaître son effort à l'atteinte des cibles de conservation.

Puis, dans le fond, il y a un point aussi qu'on a amené pour les réserves naturelles puis qui est un peu le même que pour les paysages humanisés. Au niveau des pertes de statut, je pense qu'on comprend l'idée qui était derrière le fait d'instaurer des possibilités de perte de statut, mais la façon dont ils sont mentionnés, en fait, c'est comme un talon d'Achille pour la protection de l'environnement. Si, les réserves naturelles, l'entente n'est pas respectée, par exemple, le statut est perdu. Ça fait qu'un propriétaire qui met en place une réserve naturelle sur son terrain puis qui décède ou qui cède le terrain à son petit-fils, ou peu importe, enfin, que le terrain change de propriétaire et que ce propriétaire-là voudrait le céder ou le vendre pour peu importe la raison, s'il ne respecte pas l'entente, il va perdre son statut puis il aura récupéré tous les besoins qu'il avait. Ça fait qu'on trouve que c'est contraire à l'objectif de protection et de perpétuité.

Je vais m'arrêter là, dans ce cas.

Le Président (M. Bussière) : C'est bien. Donc, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, à vous la parole.

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour cette présentation. Merci pour votre passage également.

C'est vrai qu'il y a un défi important au niveau de la préservation de la biodiversité. Celle du Nord a sa valeur, c'est bien certain, mais les enjeux du Sud sont d'autant plus importants que ces territoires-là appartiennent plus souvent qu'autrement à des intérêts privés. Donc, le travail que vous faites à ce niveau-là est tout simplement fondamental. Et c'est la raison pour laquelle, dès le dernier budget, on a mis un 50 millions, et c'est du jamais-vu. Il n'y a jamais eu de somme aussi conséquente pour l'achat de territoires ou des partenariats. Fondation... C'est-à-dire, Conservation de la nature Canada est un partenaire avec nous sur ces dossiers-là. Quel serait le meilleur usage, selon vous, de ces argents, et comment en trouver une application dans le projet de loi, là, qui nous réunit cet après-midi?

Mme Vermette (Véronique) : Bien, c'est sûr, quand on parlait de protection du territoire, de faciliter toute création d'aires protégées par les différents statuts est une chose. De ce qu'on entend de nos membres, c'est... Ils ont la responsabilité d'appliquer cette protection du territoire là. Ils s'engagent à protéger le territoire pour le bien commun, mais on ne leur donne pas nécessairement ni les outils ni le financement nécessaires à être présents par la suite, suite à l'instauration d'un site protégé, donc, d'être présents pour faire de la surveillance, être présents pour monitorer la biodiversité qui s'y trouve et monitorer aussi l'évolution du territoire, monitorer aussi si on répond aux objectifs de conservation comme tels.

Donc, tout le volet intendance à ces... à la protection des territoires devrait être inclus au budget. C'est ce qu'on s'apprête, je l'espère, à annoncer incessamment, là. Donc, c'est principalement un point important, outre l'acquisition. C'est sûr qu'il y a le volet... toute la... au niveau de la connaissance du territoire, tous les volets scientifiques, de recherche, de partenariat. La protection du territoire en terres privées ne se fait pas seule, c'est-à-dire, qui se fait avec les partenaires régionaux, les municipalités, des propriétaires privés, des investisseurs, des donateurs, etc., donc c'est d'embarquer, d'imbriquer tous ces partenaires-là dans la démarche.

M. Charette : Vous avez anticipé la question que j'avais en tête. Il y a quelques jours, j'ai eu le privilège de parcourir la rivière des Mille Îles avec Éco-Nature, sur le côté de Laval, qui est une superbe organisation. Les villes avoisinantes sont parties prenantes, sont partenaires. Et, sans l'implication municipale, j'imagine que ça devient aussi plus difficile d'arriver à ces fins-là. Et, tout à l'heure, vous disiez : Souvent, il n'y a pas de moyen coercitif pour faire respecter ou appliquer... Dans le cas du parc en question, la ville reconnaît à ses inspecteurs ou à ses intervenants ce pouvoir-là de donner des contraventions lorsqu'une situation l'exige. Donc, le milieu municipal, j'imagine, dans toute cette dynamique-là, est le partenaire le mieux indiqué ou certainement incontournable.

Mme Vermette (Véronique) : Effectivement, c'est une avenue qu'on commence à explorer. Certains de nos organismes entreprennent des démarches. C'est sûr que, on l'a mentionné tantôt, ce n'est pas nécessairement toutes les municipalités non plus qui participent de façon bénévolante puis d'intérêt non plus. Donc, c'est parfois difficile. On l'a mentionné tantôt, les agents de protection de la faune provenant du ministère de la Faune, du MFFP peuvent aider à la protection du territoire en réserve naturelle, mais, on le sait, ils manquent d'effectifs. Ils ont des territoires très grands à protéger.

Donc, effectivement, d'aller chercher des ressources plus locales aiderait grandement aux organismes de conservation à appliquer leur mission, à atteindre les objectifs de protection. Est-ce que ce serait le milieu municipal qui fournirait ces agents-là? Possiblement, en partenariat avec... Est-ce que, par la loi... la réforme de la loi n° 46, la loi sur la protection du patrimoine naturel, il y aurait... il pourrait y avoir des mesures qui donneraient le pouvoir, peut-être, à certains employés d'organismes, par de la formation, etc., qu'ils deviennent des agents de la paix sur leur propre territoire? Ça pourrait être une autre chose à explorer, effectivement.

M. Charette : Malheureusement, il y a plusieurs collègues qui veulent intervenir, mais, déjà, merci. Pour ma part, très apprécié.

Le Président (M. Bussière) : Merci à vous. Merci, M. le ministre. Et je cède maintenant la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. J'ai appris un nouveau mot tantôt, «bénévolante», c'était... j'apprécie. Pour moi, ça va aller avec le mot «présentiel», aussi, que j'ai appris récemment.

J'ai deux questions. Vous dites qu'on pourrait atteindre le 30 % désiré en 2030 si on se dirige vers ça, et ça a l'air fort possible, et qu'on ne pourrait le faire que si on travaillait dans le nord du Québec. Et ce n'est pas ce que vous voulez, là, je comprends, et, si on veut avoir de l'impact, il faut que ce soit près de zones habitées aussi, mais avez-vous des critères? Avez-vous un pourcentage que vous recherchez, minimal? Avez-vous... Je pense que vous n'avez pas eu le temps, dans vos 10 minutes, de vous étendre sur ce sujet-là. J'aimerais vous entendre là-dessus un petit peu plus, s'il vous plaît.

M. Caillié (Brice) : Bien, pour être francs, on a été un peu pris de court avec la date de comparution ici, mais on n'a pas eu le temps d'aller approfondir exactement cette question pour établir un seuil minimal. Mais, si 20 %, de 10 %... Il faudrait qu'on discute, qu'on analyse vraiment cette question, mais c'est certain que, dans le Sud, les gains de superficie vont être très faibles. Le territoire privé, il représente 8 % du Québec. Ça fait qu'on ne pourra pas faire plus de 10 % si on protège même tout ce milieu-là. Il va falloir prendre ça en compte. Mais ce qu'on veut vraiment, en fait, finalement, avec ce point-là, c'est s'assurer que ce qui s'en vient avec ce projet de loi, on ne privilégie pas la quantité, pour atteindre cette cible de 30 %, au détriment, finalement, de la qualité de la protection et de s'assurer de protéger... Dans le Sud, je pense que la protection, elle peut se mesurer... au lieu de se mesurer en pourcentage, en superficie protégée, en nombre d'espèces sur le déclin, qui seront encore présentes en 2030, parce qu'on a perdu 68 % de la biodiversité depuis... je n'ai plus la date en tête, mais dans le dernier rapport de la WWF. Ça fait que ça va être vraiment à ce niveau-là que ça peut se mesurer, plus qu'en superficie protégée, je pense.

M. Campeau : Deuxième chose, vous avez parlé d'établir des balises claires, et je pense qu'on est tous d'accord. Et, moi, quand je regarde le projet de loi et les commentaires qu'on en voit, je pense que, de façon générale, les gens sont d'accord qu'il faut aller vers quelque chose comme ça, peut-être avec des modifications, je veux bien, mais je pense que là où on risque de s'accrocher, là, c'est le nombre de consultations publiques puis les balises claires. Ce matin, on utilisait un mot, et je ne ris pas de ça, je le comprends, on parlait d'un haut niveau de naturalité, tu sais. Il va falloir définir ce que ça veut dire, ce genre de chose là. Et avez-vous des exemples, quand vous allez dire balises claires, de d'autres endroits dans le monde où on a été vers des balises qu'on a réussi à clarifier? Avez-vous des exemples de ça?

M. Caillié (Brice) : Bien, quand je parle de balises claires dans le mémoire, on l'entend vraiment, là, au niveau des objectifs chiffrables, de limiter le pourcentage que peuvent représenter les AMCE, donc, le registre des autres mesures de conservation efficaces, dans l'atteinte du 30 % pour 2030. Si 20 % — un chiffre au hasard — si 20 % des terres protégées dans cette atteinte-là sont des AMCE, ça veut dire qu'on aura fait très peu de progrès dans les aires protégées strictes puisqu'on est censés être à 17 % à la fin de l'année. Ça fait que c'est... Au niveau des balises, c'est vraiment ça pour s'assurer que les budgets du ministère puissent aller aussi bien pour le Nord que pour le Sud, parce que, si on se retrouve dans des difficultés à atteindre les objectifs qu'on a fixés sur la scène internationale, bien, on va naturellement vouloir aller les accomplir. Ça fait qu'on veut limiter la possibilité, finalement, que ces nouvelles mesures, bien, prennent toute la place, c'est vraiment ça, l'objectif, ce n'est pas les critères écologiques qui vont servir à définir qu'est-ce qui mérite d'être protégé.

Le Président (M. Bussière) : Merci. Et je cède maintenant la parole à la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : M. le Président, j'ai combien de temps? Parce que je souhaite partager mon temps avec ma collègue. Donc, avez-vous une idée du temps qu'il reste?

Le Président (M. Bussière) : Il reste 7 min 23 s.

• (15 h 20) •

Mme Grondin : Merci beaucoup. Donc, j'ai... je vais prendre une seule question. Merci. Bonjour, Mme Vermette. Bonjour, M. Caillié. Un plaisir de vous revoir, Mme Vermette.

Je suis très heureuse d'entendre vos réflexions, vos recommandations, et, notamment, quand vous dites, à la page... où là je me reconnais complètement, là : «La sauvegarde de la biodiversité québécoise dépend fortement de la protection en terres privées dans le sud du Québec.» C'est à peu près 80 % de mon territoire, dans mon comté. Donc, je me reconnais grandement à ce niveau-là. Vous apportez un aspect essentiel, là, de l'équation de la conservation quand on parle de conservation volontaire, intendance privée. Très heureuse qu'on en parle. Vous proposez une façon d'encourager les municipalités. Moi aussi, je suis tout à fait d'accord que le milieu municipal est un partenaire essentiel dans l'atteinte de nos objectifs, notamment en zone habitée. Vous proposez ici une solution qui est des compensations tenant de lieu de taxes. Est-ce que vous avez réfléchi à d'autres solutions pour encourager et soutenir les municipalités dans cet exercice-là?

Mme Vermette (Véronique) : Je sais qu'il y a des travaux faits par d'autres groupes qui, entre autres, travailleraient sur des certifications de reconnaissance d'apport à la biodiversité, mais c'est encore en travaux. Donc, je n'ai pas plus d'information que ça. Sinon, tu sais, tout reste encore une question d'argent, dans le sens où les municipalités ne veulent pas perdre cet apport-là qui leur est tant important, surtout, comme on a dit, en milieu rural. Donc, à ma connaissance, il n'y avait pas d'autre truc qui avait été développé comme tel. À l'interne, avec nos organismes de conservation, on a quand même formé un comité sur la question, qui s'est penché sur cette question-là depuis les dernières années. On en revient souvent et principalement au remboursement des taxes aux organismes de conservation ou directement aux municipalités pour que ni un ni l'autre ne soit pénalisé dans cette démarche-là.

Mme Grondin : ...que c'est là que le bât blesse le plus, là. Donc, ça serait comme quelque chose d'intéressant à étudier. Peut-être, dernière question, vous mettez beaucoup d'accent sur les paysages humanisés, qui est un aspect très intéressant, effectivement, il n'y a pas grand-chose au Québec en termes de paysages humanisés, est-ce que vous considérez... Parce que vous faites le lien avec les terres privées, hein, vous parlez... le seul type d'aire, en fait, qui intègre la notion d'agriculture, réserve naturelle, paysage humanisé. Est-ce que, dans un contexte de changements climatiques, vous faites le lien avec les solutions nature?

M. Caillié (Brice) : Est-ce que vous pouvez préciser la question?

Mme Grondin : Bien, en fait, on a... Bon, avec le projet de loi n° 44, on a parlé... on parle beaucoup, beaucoup, beaucoup de réduction de gaz à effet de serre, d'adaptation aux changements climatiques. Est-ce que vous considérez, vous, le réseau des milieux naturels, que c'est... la conservation des milieux naturels en terres privées est quelque chose d'important pour contrer toute la question ou s'attaquer à la lutte aux changements climatiques?

Mme Vermette (Véronique) : Bien, effectivement, en termes des aires protégées qu'on... des aires qu'on protège, en fait, on y retrouve des bénéfices tant au niveau des services écologiques qu'écosystémiques, qui permettent justement de bénéficier à la communauté, qui permettent de sauver des frais, des coûts aux municipalités comme telles. Donc, oui, nous, on est que pour les paysages humanisés puis avoir cette inclusion-là de la protection des milieux naturels au bénéfice de tous.

Est-ce que tu veux rajouter un point?

M. Caillié (Brice) : Bien, si je peux compléter, pour lutter contre le réchauffement climatique, les superficies sont trop petites pour avoir un effet important à ce niveau-là. Par contre, pour s'adapter à la réalité des changements climatiques, c'est indispensable. Les milieux humides permettent de lutter contre les inondations, procurent beaucoup de services écosystémiques aux municipalités et au gouvernement. Il y a beaucoup de compétences qui sont à la fois du domaine municipal mais du domaine, aussi, gouvernemental, comme la santé publique, la sécurité publique. Il y a énormément de compétences qui bénéficient de ça.

Il y a de plus en plus d'études, sur le plan scientifique, qui viennent comptabiliser ce que ça représente d'un point de vue économique puis les économies qu'on peut réaliser concernant, par exemple, la prévention des inondations grâce aux milieux humides. Et les bénéfices qu'ils vont apporter pour s'adapter aux changements climatiques sont, en fait, je ne peux pas les quantifier, mais, d'après moi, inestimables. C'est vraiment important de conserver ces milieux-là pour adapter les changements climatiques, ne serait-ce que pour lutter et profiter de la nature en temps de pandémie.

Le Président (M. Bussière) : Merci. Et maintenant je cède la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice. Il vous reste 1 min 55 s.

Mme Tardif : Merci. Vous représentez 60 organismes, c'est très intéressant, donc, 60 organismes de conservation des terres en milieu privé. Vous, ou un ou des organismes, est-ce que vous avez cartographié les terrains en milieu privé qui seraient intéressants à conserver? Et, si oui, est-ce que vous avez évalué, de façon très mathématique, très cartésienne, ce qui nous aiderait, leur apport, au niveau de ces terrains-là, et les taxes municipales? Parce que, là, c'est où le bât blesse. Donc, ça nous prendrait un portrait qui nous donnerait une image plus réaliste, là, par rapport à ce que vous entrevoyez qui devrait être conservé, protégé, et la perte financière, là, qui serait engendrée pour les municipalités.

M. Caillié (Brice) : Bien, si je peux répondre, Environnement Canada a produit un atlas des basses terres du Saint-Laurent. Donc, ça concerne uniquement les basses terres du Saint-Laurent, où on va retrouver les milieux humides, les milieux boisés, les friches, etc., et où je pense que la cible de 17 %... il faudrait que je vérifie, mais où les milieux humides prioritaires ont été désignés, où les boisés prioritaires ont été désignés. Ça fait que, là, vous avez une analyse qui a été faite par Environnement Canada, en collaboration, je pense, avec le MELCC puis beaucoup de partenaires au Québec, pour cartographier ça, et les milieux prioritaires à protéger par représentativité de chaque écorégion et de chaque écosystème est dedans. Ça fait que ça, pour les basses terres du Saint-Laurent, ça existe.

Ensuite, pour ce qui est des territoires des différents organismes de conservation, la plupart des organismes ou, en tout cas, ceux qui arrivent à avoir une équipe professionnelle ont une stratégie de conservation définie. Ça fait qu'ils ont analysé leur territoire. Ils ont des zones d'intervention prioritaires.

Le Président (M. Bussière) : Je dois mettre fin aux échanges. Le temps est écoulé. Et merci, merci, tout le monde. Et maintenant je vais céder la parole au parti de l'opposition officielle. M. le député de Viau, à vous la parole. Vous avez 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Donc, ma première question, c'est autour... Dans votre mémoire, à la page 7, donc, premier paragraphe, donc, vous parlez d'ambition, de cibles ambitieuses. Donc, vous ne les nommez pas. Donc, est-ce que je conclus, à ce moment-là, que, pour vous, donc, les 25 % des zones terrestres et les 30 % d'ici 2030, les zones terrestres et maritimes, semblent être des cibles ambitieuses, pour vous, pour le Québec, puisque ce sont les cibles du Canada, ou, du moins, est-ce qu'elles seraient, pour vous, des cibles que vous jugerez des cibles ambitieuses pour le Québec?

M. Caillié (Brice) : On n'est pas encore certains d'avoir atteint le 17 % avant la fin de l'année. Ça fait qu'on trouve que 30 %, pour 2030, c'est ambitieux, mais réalisable.

Mme Vermette (Véronique) : ...sur un ton négatif ou quoi que ce soit, c'est un beau défi. Il faut se doter des moyens pour le faire, tout simplement.

M. Benjamin : C'est la deuxième présentation qu'on a depuis le début de ces consultations, et j'entends beaucoup... bon, on parle des cibles pour le Nord, des cibles pour le Sud. Quels devraient être... Selon vous, pour ce qu'il s'agit des cibles pour le Sud, quels devraient être, selon vous, les critères? Est-ce que vous avez réfléchi aux critères?

• (15 h 30) •

Mme Vermette (Véronique) : Bien, au niveau du RMN, non, pas nécessairement directement, mais c'est plus les organismes de conservation, avec l'appui des scientifiques aussi... Il y a plusieurs groupes de recherche en biodiversité, basés à Montréal, qui se penchent sur la question. Au niveau des critères spécifiques, moi, je ne connais pas nécessairement d'étude particulière. Mais, si tu veux compléter...

M. Caillié (Brice) : Moi non plus, mais, encore une fois, je pense, puis je pense que ce sera l'avis partagé par les différents groupes, que, pour le Sud les objectifs ne doivent pas être chiffrables en tant que tels parce que c'est vraiment des petites superficies, et ça va coûter beaucoup plus cher que de protéger le Nord. Ce qui compte, c'est vraiment : on a les indicateurs sur la biodiversité, sur le déclin des espèces, sur ces paramètres-là, je pense que c'est ce genre d'indicateur qu'il va falloir utiliser pour identifier si les mesures qu'on prend sont efficaces puis limiter au maximum la perte de biodiversité qu'on va pouvoir observer dans le sud du Québec.

M. Benjamin : Merci. Pour ce qui est municipalités, effectivement, je suis de l'avis que les municipalités ont et auront un rôle important à jouer, donc, mais, à côté de la question du financement, que je pense qui est effectivement une question importante à aborder, est-ce que vous pensez que, par exemple, puisque les municipalités font des planifications urbanistiques, font, dans le cas des grandes agglomérations, font des schémas d'agglomération, quel est... Je semble voir, dans votre mémoire, que vous abordez beaucoup, beaucoup le rôle financier, mais pas d'autres aspects de la responsabilité des municipalités ou des rôles que les municipalités pourraient jouer. Je ne sais pas si vous avez des éléments de réflexion là-dessus.

M. Caillié (Brice) : Bien, pour répondre à cette question, en fait, le problème qu'on voit, principalement, c'est que l'argent puis le financement, c'est vraiment le nerf de la guerre, ça fait qu'en ce moment, la... dans beaucoup de cas, il va y avoir une opposition entre les organismes de conservation et les municipalités, puisqu'elles sont... il y a un conflit financier, il y a un enjeu financier entre les deux. Si cette question-là est réglée, il y a une très forte collaboration qui peut être mise en place entre les organismes de conservation et les municipalités, le zonage, les schémas d'aménagement. Si on a un zonage de conservation qui apparaît dans un secteur quelconque d'une municipalité, un organisme de conservation pourra plus facilement faire son acquisition là-bas à moindre coût. Ça fait que, finalement, on pourra protéger des terrains à perpétuité pour moins cher.

Ça fait qu'il y a une entente et un partenariat à mettre en place entre ces différents acteurs, qui est très important et qui sera très bénéfique pour le futur. Mais, tant qu'on les oppose au niveau de l'aspect des taxes, ça va être difficile. Un propriétaire qui crée une réserve naturelle peut demander une exemption de taxes, qu'il va obtenir. Donc, la municipalité perd un revenu. Le seul moyen de récupérer, finalement, cette perte de revenus, c'est de demander des droits compensatoires au propriétaire du terrain, qui, lui, finalement, se retrouve à payer des frais pour protéger ce terrain au bénéfice de tous.

Si on est dans des grandes municipalités, souvent, ça va être minime dans ce que ça représente pour le budget. Ça fait que ce n'est pas une question qui peut être très problématique. On le voit beaucoup dans la Communauté métropolitaine de Montréal, où il y a des partenariats entre villes et organismes de conservation qui peuvent être mis en place, comme à Mont-Saint-Hilaire, par exemple. Mais, dans des secteurs plus reculés, où la taxation est un enjeu vital pour les municipalités, ça ne peut pas fonctionner en l'état actuel, je pense.

Mme Vermette (Véronique) : Si je peux me permettre... Si vous faites référence, peut-être, aux pouvoirs ou à l'obligation des municipalités d'intervenir en matière de biodiversité sur leur territoire, le Réseau des milieux naturels protégés n'est pas en mesure de se prononcer à cet effet-là. Je vais laisser cette question-là, peut-être, à d'autres organisations qui traitent en la matière juridique et légale.

M. Benjamin : Merci. À la page 11 — c'est bien ça, là? Oui — à la page 11, vous présentez ce tableau, donc, sur l'évolution des milieux naturels protégés. On s'aperçoit très bien qu'après 2002 il y a une courbe ascendante, au niveau de la superficie cumulée, mais qui... avec une variation, quand même, du nombre de nouveaux sites année après année. Ce que j'aimerais savoir... Qu'est-ce qui... Comment expliquer historiquement, en fait, cette évolution-là après 2002? Est-ce qu'il y a eu une loi? Est-ce qu'il y a eu une politique? Qu'est-ce qui explique cette augmentation-là au niveau de la superficie comme il est?

Mme Vermette (Véronique) : La figure 3? La figure 3? Vous faites bien référence à la figure 3?

M. Benjamin : Oui.

Mme Vermette (Véronique) : Tu veux-tu répondre ou...

M. Caillié (Brice) : Je t'en prie.

Mme Vermette (Véronique) : Je vais vous répéter ce qu'on m'a passé comme information, au niveau de la direction générale du RMN, dans les dernières années. Les fluctuations d'acquisition, elles vont en fonction des programmes de financement, programmes de financement provenant du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral. Donc, lorsque c'est des bonnes années, lorsqu'il y a des annonces, lorsqu'il y a de l'argent sur la table, ça permet de mettre en oeuvre de l'acquisition du territoire pour les organismes de conservation. On sait que, déjà, des organismes de conservation participent à ce financement-là, donc, avec une certaine contrepartie, mais une bonne partie de l'argent pour acheter des terrains provient, entre autres, de programmes gouvernementaux.

Donc, le graphique démontre bien, lorsqu'il y a des belles années, bien, il y a plus d'acquisitions versus d'autres que c'est aussi plus difficile. Oui, les organismes se financent principalement par ce qu'on pourrait dire les moyens du bord, donc les mesures qu'ils mettent en place eux-mêmes à l'interne, là.

M. Benjamin : Nous sommes dans un contexte très, très, très particulier. Donc, est-ce qu'au niveau des projections que vous avez faites, en termes d'acquisitions... comment ça s'annonce pour vous, d'ici les trois, quatre prochaines années? Est-ce qu'il y a... est-ce que vous avez des projections à ce niveau-là?

Mme Vermette (Véronique) : Oui. Je n'ai pas nécessairement les chiffres à émettre, en ce moment. Il y a eu un rapport... il y a une recommandation qui a été faite au gouvernement du Québec à cet effet-là, entre autres pour l'utilisation du 50 millions qui a été annoncé par M. Charette. Donc, les organismes de conservation, déjà, lorsqu'ils font de l'acquisition, ils le planifient à long terme, donc il y a des déjà des projets sur la table, ils ont déjà entamé des démarches auprès de propriétaires en vue d'acquérir leurs territoires, il y a déjà des montants nécessaires qui sont écrits et qui sont sur papier pour l'acquisition, et à ce moment-là il reste à trouver l'argent pour pouvoir compléter ces projets-là puis les conclure.

Donc, au niveau du 50 millions... en fait, ce que je voulais dire, c'est qu'au niveau du 50 millions c'est sûr qu'il ne restera plus d'argent, tu sais, tout cet argent-là, finalement, va être utilisé à de bonnes fins, puis consciemment, au niveau de l'acquisition... identifier, au niveau des différents partenaires avec qui on travaille, différents organismes de conservation.

M. Benjamin : Donc, au niveau de ce que vous proposez, donc, par rapport aux paysages humanisés et effectivement, donc, dans votre mémoire, vous faites le constat, effectivement, qu'il y avait une forme de bureaucratie un peu trop lourde, donc... Alors, le tableau, en fait, que vous nous soumettez dans votre mémoire, qui reprend un peu ce qui sera pareil dans un projet de loi, aussi, comme tableau, donc, c'est de réduire de huit à six, donc, étapes à franchir. Il y a un enjeu. J'aimerais vous entendre nous dire comment... Puisque, si on allait dans le sens de ces étapes-là, donc, il n'y aura plus de BAPE dans le dossier des paysages humanisés. Comment vous voyez... Est-ce que vous voyez... Est-ce qu'il y a, selon vous, des enjeux d'acceptabilité sociale qui pourraient se poser, par exemple, au niveau de la reconnaissance?

M. Caillié (Brice) : Je vais prendre cette question. Pour commencer, je dois préciser, le tableau des étapes qu'on présente, c'est notre compréhension du projet de loi. Ce n'est pas le nombre d'étapes qu'on propose comme séquence idéale, c'est notre compréhension du projet de loi, tel qu'il est actuellement, pour vraiment nous montrer qu'on a compris que les étapes avaient été diminuées.

En ce qui a trait à la consultation, c'est important qu'il y ait une acceptabilité sociale, ça va faire partie du paysage humanisé. Un paysage humanisé doit venir avec des meilleures pratiques agricoles, avec une meilleure utilisation de l'habitat. Pour que cette aire protégée là fonctionne, il faut que les personnes qui y résident, qui y vivent, se l'approprient. C'est leur milieu avant tout, ça fait que ça va être vraiment dépendant de leur acceptabilité là-dessus.

Effectivement, le BAPE est disparu du protocole. Nous, ce qu'on était vraiment satisfaits de voir, c'était qu'en fait on passait de deux consultations à une seule. Ça fait que c'est ça qui va vraiment permettre de raccourcir la participation de... la durée du projet. De manière générale, le BAPE, on trouve que c'est un bon organe indépendant de consultation. Que la consultation soit menée par lui ou conjointement entre le porteur du projet au niveau municipal et le MELCC, ça ne nous dérange pas plus que ça.

Le Président (M. Bussière) : ...vous aviser que votre temps est écoulé. Merci. Merci. Et donc je vais maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition. Et donc à vous la parole, députée de Mercier.

• (15 h 40) •

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation puis votre préparation rapide, vu que, souvent, les invitations sont envoyées à la dernière minute. Merci pour votre effort. Moi, j'ai 2 min 45 s, maintenant un peu moins.

Donc, moi, ce que je comprends de ce vous dites par rapport aux municipalités qui... Dans le fond, il n'y a pas d'incitatif pour les municipalités, à part les très grandes qui peuvent avoir le budget, d'avoir des paysages humanisés ou de protéger leurs territoires. Et donc c'est quoi, la façon... Parce qu'avec le projet de loi... aujourd'hui, on est à 0 %, mais avec le projet de loi, on risque de rester à 0 % encore longtemps. C'est ce que je comprends?

M. Caillié (Brice) : Pour le paysage humanisé?

Mme Ghazal : Oui.

M. Caillié (Brice) : Bien, peut-être pas, parce qu'il y a le projet de Montréal qu'on essaie de... qu'on espère voir se concrétiser rapidement, à L'Île-Bizard, mais les autres secteurs qui pourraient bénéficier de ce statut-là, comme on a pu le voir dans le cas de L'Estran, en Gaspésie, ou la Vallée-de-la-Batiscan, s'ils retentent de créer un paysage humanisé avec le projet de loi actuel, en respectant ces conditions-là, il ne marchera pas mieux, le projet, dans le sens où il n'y aura toujours pas d'argent pour permettre à quelqu'un de coordonner tout ce projet-là.

Mme Ghazal : Et donc, dans les recommandations que vous amenez, quelle est la recommandation que le gouvernement doit faire? C'est du financement?

M. Caillié (Brice) : C'est du financement.

Mme Ghazal : O.K. Je regarde votre conclusion et je la lis, elle est quand même dure pour ce projet de loi, malgré la présentation. Vous dites : «Cependant, en l'état, il a de fortes chances de conduire à une politique vide de sens.» Et vous dites : «Une législation environnementale protégeant de vastes étendues dans le nord de la province à des fins comptables...» C'est-à-dire qu'on a l'impression que c'est uniquement à des fins comptables, juste pour se péter les bretelles un peu partout puis dire : Bien, on a atteint nos objectifs. Et donc, moi, ce que je comprends, c'est que ce projet de loi, c'est de la poudre aux yeux.

Mme Vermette (Véronique) : On n'est pas si méchants que ça. Mon Dieu!

Mme Ghazal : O.K. Moi, je peux l'être.

Mme Vermette (Véronique) : Oui, c'est ça, je vous laisse ce rôle. Non, quand on dit «vide de sens», comme mon collègue l'a dit tantôt, c'est vraiment de mettre des bonnes balises pour éviter qu'il y ait des situations qui prennent un certain avantage à l'utilisation du territoire, de vastes territoires à des fins de protection. C'est principalement ça.

M. Caillié (Brice) : En fait, il peut le devenir. On pourrait protéger le 30 % résiduel du Plan Nord avec des territoires de conservation nordiques pendant 25 ans. Dans 10 ans, on a atteint l'objectif de 30 %, puis il ne s'agit pas...

Mme Ghazal : Mais c'est vide de sens.

M. Caillié (Brice) : Si c'est fait comme ça, oui. C'est pour ça qu'on recommande l'ajout de balises importantes pour assurer la protection du sud et qu'on continue la création d'aires protégées strictes. Là, ça devient un projet de loi ambitieux avec des...

Mme Ghazal : Mais, si ces balises-là ne sont pas ajoutées, ça serait vide de sens...

Le Président (M. Bussière) : Excusez-moi, vous venez de terminer, votre temps s'est écoulé. 2 min 45 s, c'est vite passé. Je dois maintenant céder la parole au troisième groupe d'opposition. Et donc à vous la parole, député de Jonquière. Vous avez 2 min 45 s.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre présence et votre mémoire vite fait mais bien fait. On a parlé, avec le groupe précédent, de la définition d'«aire protégée d'utilisation durable», qui est énoncée à l'article 46 du projet de loi. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur cette définition-là?

M. Caillié (Brice) : On a évoqué la question avec d'autres groupes, lors des séances de travail, mais, honnêtement, c'est une mesure qui va concerner majoritairement ce qui se fait dans le domaine public. Ça fait qu'on n'a pas d'expertise à vous apporter dans ce domaine, on laisse la parole aux groupes pour ça.

M. Gaudreault : O.K. Ça veut dire que ce que les autres groupes vont nous dire là-dessus, vous allez... vous leur faites confiance et... O.K., c'est bon.

M. Caillié (Brice) : Nous soutiendrons leur recommandation.

M. Gaudreault : Excellent. Moi, je veux vous entendre plus, quand même, sur l'exonération de taxes. Vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, avec mon collègue, mais je trouve ça très intéressant, parce qu'il faut qu'on change notre façon de voir la fiscalité, surtout la fiscalité municipale, parce que les municipalités sont beaucoup trop, beaucoup trop, beaucoup trop dépendantes du foncier, donc énormément de pression pour faire du développement. Comment on peut, par la fiscalité, soutenir puis envoyer un message d'encouragement aux propriétaires, par exemple, de lots privés, plutôt que de taxer? J'aimerais ça que vous nous en disiez un petit peu plus, puis je pense qu'il y a un modèle français, là, qui peut être intéressant à cet égard.

M. Caillié (Brice) : Honnêtement, on n'est pas fiscalistes. On a identifié les problèmes, on n'a pas eu le temps de travailler pour proposer des solutions concrètes, ça fait que c'est pour ça que, dans le mémoire, vous trouvez une proposition. On ne dit pas que c'est la meilleure, c'est vraiment pour lancer l'idée et regarder ça. Ce qu'on souhaite, c'est vraiment que ça soit encouragé et plus vu comme une contrainte au niveau municipal. Comment? Honnêtement, je n'ai pas la réponse aujourd'hui. On peut travailler sur cette question pour vous faire des propositions concrètes, ultérieurement, mais aujourd'hui je ne peux pas vous donner de réponse là-dessus.

M. Gaudreault : O.K. À la page 19 de votre mémoire... — en passant, si jamais vous avez des détails à nous ajouter, là, pour ce dont on vient de parler, je pense que la commission serait heureuse de les recevoir : «Impliquer activement d'autres ministères dans la création de paysages humanisés», ça, c'est l'éternel problème. On travaille en silo, dans ce gouvernement, tous gouvernements confondus, là, pas juste le gouvernement actuel, tous les gouvernements confondus. Par exemple, le ministère de la Forêt, d'un côté, qui donne des autorisations d'exploitation forestière puis le ministère de l'Environnement qui doit gérer cette loi. Alors, comment on peut briser ces silos?

M. Caillié (Brice) : On ne travaille pas au gouvernement, on n'aura pas cette réponse-là.

M. Gaudreault : Profitez-en, là, vous pouvez tout dire.

M. Caillié (Brice) : Par contre, on a vu, dans le document de consultation, pour...

Le Président (M. Bussière) : ...je m'excuse, votre temps est écoulé. Malheureusement, c'est... Donc, merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Centre québécois du droit de l'environnement de prendre place. Merci à vous. Merci pour votre contribution.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 15 h 51)

Le Président (M. Bussière) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. On continue. Je souhaite... On recommence. Donc, je cède la parole au Centre québécois du droit de l'environnement, Et bienvenue, merci à vous. À vous la parole.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Mme Doré (Anne-Sophie) : Merci. Donc, M. le ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir en commission. Donc, je me présente, Anne-Sophie Doré, je suis avocate au Centre québécois du droit de l'environnement et je suis accompagnée aujourd'hui par Jean-François Girard, qui est avocat et qui, dans ses temps libres, est également membre du comité juridique du CQDE.

Donc, comme j'ai dit, nous vous remercions de cette invitation à venir témoigner aujourd'hui. D'abord, on tient à réitérer notre attachement à la participation significative d'acteurs issus de divers horizons et, évidemment, d'acteurs indépendants défendant l'intérêt public.

Ainsi, bien que nous soyons tout à fait conscients de l'impératif pouvant requérir une considération urgente de certains projets de loi, des délais de convocation aussi serrés que ceux qui entourent ces audiences ne nous semblent ni justifiés ni souhaitables pour favoriser une participation efficiente des différents intervenants et qui vous soient le plus profitables à vous aussi, en tant que parlementaires. Il nous semblait important de le mentionner d'entrée de jeu.

Donc, en ce qui concerne le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui, nous tenons à souligner l'importance de la réforme de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel. Encore cette semaine puis à l'aube du Sommet mondial sur la biodiversité, les Nations unies ont publié un autre rapport qui souligne l'échec des États dans la protection de la biodiversité et des milieux naturels. Et malheureusement le Québec ne fait pas exception et n'a pas pu, comme vous le savez, rencontrer ses cibles de protection des milieux naturels.

Donc, le projet de loi n° 46 propose plusieurs modifications qui, a priori, semblent pouvoir aider à atteindre ces objectifs, et le CQDE salue ces avancées et il est d'avis qu'elles doivent être conservées. Nous préconisons par ailleurs certaines modifications au projet de loi qui vont accroître la prévisibilité de cette loi, et nous allons concentrer nos commentaires dans notre présentation d'introduction sur ces aspects-là.

Donc, d'abord, le rôle de la loi et des règlements. À plusieurs reprises, dans le projet de loi, on précise qu'un règlement va venir compléter ce qui est indiqué dans la loi. Il apparaît important de rappeler que le rôle d'un règlement consiste à préciser la loi sur laquelle elle se fonde mais sur des aspects qui sont précis ou, par exemple, plus techniques. Donc, le règlement ne peut donc porter que sur l'objet déterminé par la loi et ne doit produire que des effets qui sont compatibles avec celle-ci. Et, afin d'éviter qu'une loi ou que certains de ses articles soient des coquilles vides, il est vraiment important de préciser... que des précisions, en fait, soient apportées au projet de loi n° 46.

À ce titre, le CQDE recommande que, pour chacune des catégories d'aire protégée et chacun des outils de conservation, la loi inclue une définition ainsi que des balises qui devront guider la rédaction de la réglementation afférente. Et en plus on recommande que l'objectif de chacun des outils de conservation et des aires protégées soit précisé dans la loi.

À titre d'exemple, en fait, le projet de loi introduit la notion d'aire protégée d'utilisation durable; or, il le fait très brièvement dans un article qui comporte simplement quelques lignes. Au sens du CQDE, c'est vraiment insuffisant pour introduire une nouvelle notion qui aura cette importance.

Nous, on recommande, en fait, qu'il y ait certaines balises qui soient prévues à même la loi, par exemple, pour mieux encadrer la notion d'utilisation durable. Donc, par exemple, il faut avoir des balises qui porteraient sur la durée des activités et sur le caractère irréversible de celles-ci.

Le CQDE recommande également que les cibles de protection des milieux naturels soient ventilées. Dans un premier temps, on recommande que ces cibles soient ventilées pour déterminer le pourcentage des aires protégées et des outils de conservation qui seraient situés au sud et au nord. L'atteinte des cibles doit passer par une protection des milieux naturels sur l'ensemble du territoire et de façon représentative de toutes les régions bioclimatiques. Donc, on ne peut pas se contenter d'établir des aires protégées au nord du Québec pour atteindre les cibles qui sont fixées pour l'ensemble du territoire.

Le projet de loi modifie également le processus de consultation lorsque des aires protégées ou des réserves seront proposées. L'ancienne mouture de la loi, en fait, prévoyait automatiquement la tenue d'une consultation menée par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Selon les nouveaux articles de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, cette consultation ne serait plus automatique, mais serait sujette à une décision du ministre. De plus, le mandat de consultation ne serait plus exclusivement réservé au BAPE.

Le CQDE recommande de modifier ces articles-là pour limiter les situations dans lesquelles il pourrait y avoir un refus de la part du ministre. Et on recommande également que seul le BAPE puisse se voir confier le mandat de procéder aux consultations.

Et sur ce, je vais laisser la parole à Jean-François Girard.

M. Girard (Jean-François) : Pour ma part, je vais aborder les sujets suivants : le rôle des organismes de conservation et la place qui leur est réservée dans le cadre de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, certains éléments d'interprétation des dispositions de la loi et de la difficulté d'assurer la protection de paysages humanisés.

Quant au rôle des organismes de conservation, la première disposition qui a attiré notre attention est l'inclusion d'une nouvelle désignation, soit les autres mesures de conservation efficaces ajoutées aux définitions de l'article 2 de la loi. Selon notre compréhension du projet de loi, cette désignation permettrait d'inclure les milieux naturels protégés par des organismes de conservation dans la comptabilisation des aires protégées au Québec.

Si cette interprétation est juste, nous accueillons avec satisfaction cette possibilité de reconnaître davantage le travail des organismes de conservation dans l'effort collectif de conservation du Québec.

Cela dit, les nouveaux articles 6 et 6.1 nous causent du souci dans la mesure où, toujours selon notre compréhension, le fait d'inscrire les milieux naturels protégés par des organismes de conservation au Registre des aires protégées constituerait dès lors une entrave à la libre disposition des immeubles ainsi protégés par leurs propriétaires. La grande force du mouvement d'intendance privée est d'être affranchi de la tutelle de l'État. Il ne faudrait pas l'y soumettre par le fait de l'inclusion des milieux protégés par l'intendance privée au Registre des aires protégées. Des précisions devraient donc être apportées aux articles 6 et 6.1 du projet de loi à ce sujet.

L'article 7, tel que modifié par l'article 5 du projet de loi, nous a par ailleurs intrigués par cette modification qui prévoit remplacer les mots «, en matière de protection de la biodiversité» par les mots «en matière de conservation de la nature». Pourquoi une telle modification où on remplace le mot «biodiversité» par le mot «nature»? Dans l'actuelle version de la loi, non plus que dans le projet de loi n° 46, il n'est fait ainsi référence à la conservation de la nature, sauf à cette nouvelle disposition là. Il en va de même, donc, dans les textes internationaux qui traitent généralement de biodiversité et non de protection ou conservation de la nature. Le CQDE est donc d'avis que cette modification est inutile et qu'elle risque de jeter de la confusion dans l'interprétation de la loi. Le CQDE recommande qu'elle soit retirée du projet de loi.

Quant au rôle des organismes de conservation, le CQDE déplore la proposition de modification de l'article 55 de la loi, alors qu'on y bifferait la référence aux organismes de conservation, qui ne pourraient plus concourir à une demande de reconnaissance de réserve naturelle avec un propriétaire foncier. L'ajout de cette possibilité de faire concourir un organisme de conservation à la mouture originale de la loi sur les réserves naturelles privées en 2001 — et j'étais devant vous, à cette époque, pour en discuter — avait apaisé la grogne des organismes de conservation qui étaient d'avis que le projet de loi reléguait leur travail en deuxième plan pour laisser toute la place au ministre de l'Environnement de s'arroger le droit de faire lui aussi de l'intendance privée. Le CQDE ne comprend pas pourquoi il est aujourd'hui envisagé de biffer de la loi cette possibilité pour les organismes de conservation de participer, avec un propriétaire de foncier, à la présentation d'une demande de désignation de réserve naturelle. Ainsi, le CQDE est d'avis que cette modification devrait être retirée de l'actuel projet de loi.

• (16 heures) •

Par contre, c'est avec satisfaction que le CQDE constate que les articles 55 et 56 de la loi seront modifiés pour y retirer l'obligation de préciser les activités permises dans le cadre d'une réserve naturelle. En fait, le CQDE persiste à croire que l'entente dont il est question à l'article 56 doit être construite essentiellement comme une servitude personnelle de conservation. Nous soulignons, à ce sujet, qu'il est aussi heureux, selon la nouvelle mouture du texte proposé, de décrire les restrictions d'usage de la propriété plutôt que les activités interdites comme dans la version actuelle de la loi.

Enfin, le CQDE constate l'apparente difficulté de protéger les paysages humanisés au Québec. La protection d'un paysage appelle l'engagement de la collectivité et un maillage entre les pouvoirs publics et les acteurs de l'intendance privée. En fait, ce projet de conservation d'un paysage fait appel à un maelstrom d'outils juridiques différents faisant éclater l'approche traditionnelle par silos.

Nécessairement, la protection d'un paysage est une entreprise transversale et multipartite. Nous en voulons, par exemple... pour exemple, le parc de la Rivière-des-Mille-Îles à Laval, mis en place et géré par Éco-Nature de Laval mais grâce, en partie, à une désignation de refuge faunique au sens de la réglementation provinciale, le tout combiné à des servitudes de conservation et des acquisitions de milieux naturels en pleine propriété. Par cet amalgame de moyens juridiques, Éco-Nature offre un accès à la rivière des Mille Îles ainsi désormais ouverte aux citoyens qui peuvent accéder à une panoplie de paysages humanisés au gré de leur navigation.

Le CQDE est donc d'avis qu'il existe vraisemblablement plusieurs paysages humanisés au Québec, mais que ceux-ci ne bénéficient pas d'une désignation formelle au sens de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel parce que l'État québécois peine à reconnaître l'existence de tels maelstroms de mesures de conservation qui permettent, dans les faits, la création de tels paysages humanisés.

Le Président (M. Bussière) : M. Girard, je dois mettre fin à votre exposé et je m'en excuse. Merci. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, M. le ministre, c'est à vous la parole.

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux. C'est l'exercice qui est un peu frustrant, avec un temps de parole qui est aussi délimité, mais très apprécié vos commentaires et très heureux que vous ayez pu faire référence à Éco-Nature. J'ai moi-même cité cet exemple-là au groupe qui vous précédait. C'est chapeauté par de nombreuses municipalités qui entourent notamment ma circonscription. Donc, un bel exemple, effectivement.

Peut-être deux, trois petits éléments, parce que j'ai plusieurs collègues qui voudront intervenir. Vous avez dit, d'entrée de jeu, que le Québec n'a pas atteint ses cibles. C'est vrai. Je nous rappellerai, par contre, que l'année 2020 n'est pas terminée. Je vous rappellerai que c'est notre intention de remplir ces engagements qui ont été pris il y a quelques années maintenant, autant au niveau maritime qu'au niveau terrestre. Au niveau maritime, on a dévoilé un peu nos couleurs pas plus tard qu'hier. Bref, oui, ce sont des efforts importants à faire, mais nous entendons les faire.

Et je vous entends tout à fait, et je partage votre point de vue lorsque vous mentionnez — et tous les groupes qui vous ont précédés ont fait cette nuance-là — le nord, qu'il faut aussi protéger, qu'il faut aussi valoriser, c'est bien certain, mais il ne faudrait pas concentrer tous les efforts au nord et se priver de protéger la biodiversité au sud. Donc, c'est aussi une préoccupation, là, qui est bien entendue et qui est partagée.

Vous avez d'entrée de jeu fait référence aux règlements qui vont venir après l'adoption du projet de loi. Je vous dirai que c'est pratique courante, mais c'est d'autant plus nécessaire dans le cas présent. Je vous explique. On... Et vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des discussions à l'international qui ont cours actuellement en vue de la COP qui va normalement, si tout va bien, se tenir l'année prochaine, la COP15 pour la biodiversité. Donc, ce sont des discussions, ce sont des conventions qui n'ont pas encore été arrêtées, et c'est la raison pour laquelle, dès l'article 2, on précise que l'aire protégée devra se faire dans le respect des interprétations, là, de l'UICN. Donc, le règlement, oui, il est à venir, mais il faudra malgré tout que l'article 2 soit respecté dans son essence, c'est-à-dire on ne pourra pas imposer des balises qui ne sont pas reconnues par l'UICN.

Et sinon, le défi, au sud, en terres privées, le groupe qui vous a précédés l'a aussi mentionné, souvent, c'est par acquisition, et c'est là où on tentera de trouver la meilleure formule, la plus adéquate, tantôt avec des partenariats avec des municipalités, tantôt on a mentionné aussi Conservation de la nature Canada. Mais c'est un défi qui n'est pas insurmontable, mais certainement différent de ce qui se retrouve au nord.

Donc, merci pour les commentaires, qui ont été bien notés. Donc, peut-être, pour vous rassurer sur l'élément règlement, je n'aurais pas de question précise, à moins que vous souhaitiez commenter ce que j'ai pu mentionner. Et, si ce n'est pas le cas, je laisserais tout simplement mon temps de parole à mes collègues. Mais déjà je vous remercie, là, pour l'éclairage que vous avez apporté.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bussière) : Avez-vous des questions ou des commentaires?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui. En fait, je vais faire juste un bref commentaire. C'est pour ça que, dans notre mémoire, on mentionne que nous, on préconise le fait qu'on se réfère toujours aux définitions de l'UICN, mais ce n'était pas nécessairement évident, juste dans une interprétation de la loi, si les balises puis les lignes directrices de l'UICN allaient s'appliquer pour l'ensemble des définitions, ou l'ensemble de la réglementation, ou tout simplement pour une portion. Puis je pense qu'avec les discussions aussi qu'on a eues avec différents groupes, c'est un commentaire qui revenait. Donc, c'est pour ça qu'on a pris la peine aussi de mentionner cet aspect-là.

Donc, nous, on est en accord avec respecter les balises puis les définitions des lignes directrices de l'UICN, mais il faut s'assurer que ce soit fait dans chaque cas.

M. Charette : Vous faites bien de le mentionner. Et, si on regarde le tout début de l'article 2, on entend par «aire protégée» une aire protégée au sens où l'entend... J'aurai toujours de la misère. Même si on est au début des consultations, je sens que je vais tout le temps m'accrocher sur l'acronyme en question. Donc, UICN. Mais c'est clair que c'est un article qui vient se dépeindre sur l'ensemble des articles du projet de loi, mais c'est une préoccupation que l'on entend et qu'on partage entièrement.

Donc, merci, encore une fois, pour votre présence cet après-midi.

Le Président (M. Bussière) : Merci. Et je céderais maintenant la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Merci, M. le Président. Oui, en effet, UICN, c'est dur à prononcer. Il va falloir que je pratique moi aussi. Vous avez mentionné... bien, j'ai déjà dit, il y a un bon bout de temps, que, dans le cadre des baisses de gaz à effet de serre, il y a des actions gouvernementales, mais on a besoin du support citoyen. Et j'ai l'impression que la présence d'aire protégée, ça attire l'attention des citoyens pour une raison touristique. Alors, si on les met tous au nord, c'est sûr que ça va avoir moins d'impacts. Alors, je ne peux qu'être d'accord avec vous qu'il faut trouver un équilibre nord-sud. Mais, à part mentionner ça, avez-vous des critères par rapport à ça? Avez-vous un pourcentage? Avez-vous quelque chose en tête par rapport à ça ou vous voulez juste souligner le fait de l'importance que ce soit au sud? Il me semble que... Avez-vous plus de viande en arrière de ça, là, de ce que vous verriez dans le sud de la province?

• (16 h 10) •

M. Girard (Jean-François) : Si vous me permettez, je pourrais peut-être amener certains éléments de réflexion à ce que vous êtes en train de nous dire. La science nous enseigne qu'en deçà de 30 % de milieux naturels existants, on assiste à une baisse de la biodiversité sur un territoire donné, dans une région bioclimatique donnée. On sait qu'à l'échelle de la CMM, la Communauté métropolitaine de Montréal, si on conservait immédiatement tout ce qu'il reste, on atteint à peine 21 % de superficies de milieux naturels protégés. Donc, on est déjà en deçà des seuils critiques établis par la science pour permettre le maintien de la biodiversité telle qu'on la connaît aujourd'hui.

Alors, je pense qu'il y a là une piste et un début de réponse à votre question : Qu'est-ce qu'il faut faire et qu'est-ce qu'il faut viser dans le sud du Québec? Bien, on sait que nos objectifs, c'est 17 %. Mais, 17 %, ce que je suis en train de vous dire, c'est que ce n'est même pas suffisant pour assurer le maintien de la biodiversité telle qu'on la connaît, selon les données scientifiques qui sont portées à notre connaissance. Alors, je crois qu'il va falloir accroître davantage nos efforts de conservation tant au nord que dans le sud du Québec. Et chaque petite parcelle...

Entre autres, moi, j'ose poser la question... Lorsque je regarde la carte, à l'heure actuelle, des milieux naturels existants à l'échelle du territoire de la CMM et que je la compare avec la carte des milieux à développer, bien, si je pose les deux cartes une par-dessus l'autre, manifestement, on n'y arrivera pas. Alors, moi, je pose la question : Est-ce qu'on peut encore se permettre de couper un arbre sur le territoire de la CMM si on veut maintenir les niveaux de biodiversité telle qu'on la connaît aujourd'hui? Je ne sais pas si ça vous aide à réfléchir, mais moi, je trouve que ça nous parle beaucoup.

M. Campeau : Je comprends. L'autre question, c'est par rapport à ce que vous avez mentionné sur le BAPE, que des consultations devraient être faites via le BAPE. J'aimerais vous rappeler que ce projet de loi là, la façon dont ils l'ont présenté, c'est pour aller chercher un peu de souplesse, aller chercher une adhésion internationale quand on parle de l'UICN. Et, à ce moment-là, si on va avoir des consultations qui vont nous prendre plus de temps... C'est un peu ça qui arrive avec les aires protégées, ça prend un temps énorme à désigner ces aires protégées là. Alors, si on maintient d'avoir absolument la présence du BAPE à tout, dans toutes les circonstances, est-ce qu'on ne va pas créer un ralentissement? Et est-ce qu'on ne va pas à l'encontre, justement, d'augmenter le plus rapidement possible les aires protégées?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Donc, deux éléments de réponse. D'abord, nous, on ne demande pas à ce que ce soit nécessairement automatique, mais on demande de restreindre la portée de... je pense que c'est le premier paragraphe de 31 qui précise que ça peut être quand il y a d'autres mesures possibles, donc de le restreindre à s'il y a déjà une consultation qui est menée par une autre loi.

Puis, d'une part... d'autre part, en fait, le BAPE est quand même un organisme qui est efficace, qui est habitué de faire de la consultation. Mais nous, on estime que ce n'est pas en nommant, par exemple, un commissaire ou en créant un autre processus de consultation qu'on va gagner du temps.

En plus, on a quand même pris la peine, avant de faire cette recommandation-là, de demander aux gens qui participent au processus de création des aires protégées, des réserves, d'avoir leur pouls sur la situation. Puis ce qu'on nous rapporte, c'est qu'en fait ce n'est pas du tout le processus de consultation par le BAPE qui ralentit la désignation des aires protégées ou des réserves, que ce n'est pas du tout un frein. Puis même, justement, le BAPE est efficace puis il sait très bien comment procéder à des consultations, il le fait rapidement, puis son travail est impeccable.

Donc, comme au niveau des aires protégées, nous, ce qu'on nous rappelle, c'est... ce qu'on nous a noté, en fait, c'est qu'il n'y avait pas d'enjeu de rapidité avec le BAPE, mais c'est vraiment plus les processus qui entourent notamment des discussions ministérielles entre les ministres, entre les ministères puis des négociations qui sont plus complexes et qui peuvent ralentir les processus, mais qu'il n'y a pas vraiment d'enjeu avec le BAPE. Donc, nous, on estime que de créer un autre processus, ça ne va pas vraiment créer un gain d'efficacité, en fait.

M. Campeau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bussière) : Merci. Et je souhaite... je cède maintenant la parole à la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Donc, deux questions rapides. Bonjour, me Doré et Me Girard. Dans les aires... Merci d'être présents et d'avoir répondu avec des recommandations et vos commentaires.

Dans les aires protégées d'utilisation durable, donc, vous suggérez des balises plus claires. Vous avez proposé l'exemple de la durée, par exemple, d'activités qui serait permise dans ces types de territoires. Avez-vous une liste plus exhaustive?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien, en fait, nous... disons, les balises concrètes à ajouter, on se référerait davantage à des experts qui sont, disons, habitués de faire des processus d'aires protégées. Je sais qu'il va y avoir plusieurs groupes qui vont venir vous présenter, puis qu'eux vont vous présenter des balises plus concrètes. Puis, encore une fois, bien, il y a quand même des normes qui sont établies à l'international qui devraient être apportées et qui devraient être même précisées dans le texte de la loi, parce que, pour l'instant, avec cet article qui est si court, bien, on est un peu inquiets de voir quelle forme ça prendra, ces aires protégées d'utilisation durable.

Puis, tu sais, dans le fond, c'est qu'on comprend que c'est difficile de déterminer qu'est-ce que c'est, l'utilisation durable. De donner une définition de ça, ça peut être un exercice complexe. Donc, c'est pour ça qu'on vous proposait en fait de mettre des normes pour mieux l'encadrer, ce concept-là, plutôt que lui donner une définition précise, donc avoir un outil juridique un peu plus souple, mais, tout de même, de rajouter des détails.

Mme Grondin : Parfait. Merci. Dernière question. Je ne suis pas certaine d'avoir compris parce que je n'ai pas pu lire de façon assidue, là, votre mémoire. Il est arrivé... Je n'ai pas eu le temps de le lire, je suis désolée. Mais, Me Girard, vous parliez, là, au niveau des autres mesures de conservation efficaces, vous êtes... vous avez mentionné qu'on... toute l'histoire des organismes de conservation et vous avez dit : La tendance actuelle, notamment pour les articles 6 et 6.1... Je ne suis pas sûre d'avoir compris ce que vous avez dit.

M. Girard (Jean-François) : O.K. Notre compréhension du texte proposé par les modifications qui vont être apportées par le projet de loi nous amène à croire qu'on va pouvoir comptabiliser les aires... les milieux naturels protégés par les organismes de conservation à l'intérieur de la comptabilité des aires protégées. Le texte qui réfère à la décision 14.8 de la convention des Nations unies sur la biodiversité nous amène... c'est ça, l'interprétation qu'on fait.

Donc, partant... Et là, moi, il n'y a personne qui m'a confirmé si notre interprétation est juste ou si elle est erronée, mais, partant de la prémisse que notre interprétation, elle est bonne, ça veut dire que, de facto, les organismes de conservation sont soit propriétaires de terrains en propre ou par le biais de servitudes de conservation qu'ils détiennent sur des terrains qui sont, par ailleurs, propriétés de propriétaires fonciers. Et c'est surtout dans ce contexte-là que je m'inquiète un petit peu, à partir du moment où on va prendre ces milieux naturels protégés là et on va les inscrire aux registres qui sont prévus aux articles 5, 6 et 6.1, et que les articles 6 et 6.1 nous disent que dès lors qu'on inscrit ces propriétés-là dans le registre, on ne peut plus vendre, céder ou modifier la tenure de propriétés sur ces terrains-là sans demander... en aviser préalablement le ministre.

Or, l'intendance privée fonctionne sans demander l'autorisation, à tout bout de champ, au ministre. Ce n'est pas que je ne veuille pas parler au ministre, mais c'est quand même une des réalités du monde de la conservation volontaire et de l'intendance privée, on ne s'en réfère pas au ministre. Et je pense que, si... l'effet pratico-pratique des nouvelles dispositions portant sur les autres mesures de conservation efficaces jumelées au fait d'inscrire ça au Registre des aires protégées selon les articles 5 et 6 amène pour conséquence qu'un propriétaire qui a consenti à une servitude de conservation ne pourra pas vendre sa propriété sans d'abord aviser préalablement le ministre, bien, ça ne m'apparaît pas une bonne idée. Alors, on pourrait faire des aménagements dans le texte de la loi pour éviter une telle conséquence. C'est ça, l'objet de notre propos.

Mme Grondin : On sait que ça peut devenir un frein, que les futurs propriétaires qui souhaitent faire de l'intendance privée, ça pourrait les freiner, là, dans leur envolée charitable.

M. Girard (Jean-François) : Bien oui. Oui, ça pourrait être un frein. L'essence même d'une servitude de conservation, c'est qu'elle suit... par l'effet du droit civil, puis ça fonctionne bien, la servitude s'applique au gré des différentes générations de propriétaires. Le Code civil fait bien son travail à ce sujet-là. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de venir rajouter une conséquence qui fait en sorte qu'on est obligés d'aviser puis de demander l'approbation du ministre. Puis je ne doute pas que M. Charette est un homme très efficace, mais mon expérience me montre que c'est assez rare qu'on s'adresse au ministre directement. On parle à des fonctionnaires, mais, parfois, c'est assez difficile.

Le Président (M. Bussière) : Je m'excuse, le temps est maintenant écoulé. Je m'excuse. Donc, nous devons... Nous allons maintenant passer à l'opposition officielle en donnant la parole au député de Viau. Vous avez 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Donc, merci, Me Doré, merci, Me Girard, pour votre présentation. Donc, je m'habitue de plus en plus avec les mémoires du Centre québécois du droit en environnement, donc des mémoires fouillés, pertinents, avec des recommandations intéressantes.

Donc, parlant de recommandations, une des premières choses sur laquelle j'aimerais vous entendre, vous avez mentionné, dans le mémoire, notamment à la page 2, que plusieurs articles octroient un pouvoir discrétionnaire au ministre et vous suggérez que ce pouvoir discrétionnaire là doit être mieux balisé. J'aimerais peut-être... J'aimerais vous entendre là-dessus.

• (16 h 20) •

Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui. Dans le fond, comme on le mentionne d'entrée de jeu, de manière générale, tu sais, on a remarqué que, dans la majorité des articles, là, le pouvoir discrétionnaire du ministre est somme tout bien balisé. Puis là... Puis on était... On fait surtout... Dans notre tableau, en fait, que vous voyez, dans les commentaires sur certains articles du projet de loi, là, c'est dans cette section-ci que vous allez pouvoir retrouver des commentaires, disons, un peu plus précis, là, sur les aspects mentionnés, là, au niveau du pouvoir discrétionnaire du ministre.

J'essaie de vous en trouver un rapidement, là, pour... Je pense que c'est... Mais, en fait, on... En effet, si vous êtes habitué de consulter nos mémoires, là, on est allés un peu dans le microdétail, là, pour s'assurer d'améliorer le texte. Là, par exemple, dans un article, on précise que le ministre devrait exceptionnellement pouvoir utiliser un tel pouvoir qui est déterminé, mais je n'ai pas mis l'accent là-dessus dans ma présentation, là, justement parce qu'on trouve que, somme toute, là, les pouvoirs sont bien balisés dans le projet de loi puis on est vraiment dans le microdétail, là, dans notre tableau pour mieux... améliorer les articles.

M. Benjamin : Et, sur la définition de l'aire protégée d'utilisation durable, vous semblez avoir beaucoup d'interrogations. Donc, là encore, vous demandez que ce soit... Est-ce que... Vous êtes-vous penchés... J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là parce que c'est un aspect fondamental, c'est une nouvelle définition, et qui va modifier plusieurs approches en matière de conservation du patrimoine naturel. Et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui. Dans le fond, c'est ça, ce qu'on constate à l'article 46, c'est qu'il y a seulement comme deux éléments, là, qui sont mentionnés. Laissez-moi, là, simplement reprendre cet article. En fait, il est précisé que ça «vise la protection de la biodiversité biologique et [de ses] valeurs [...] qui lui sont associées ainsi que l'utilisation durable de ses ressources». Donc, c'est comme un peu la seule balise qu'on a dans le projet de loi puis, pour nous, ça semble insuffisant, là, parce que ça pourrait, entre autres, vouloir dire qu'on pourrait avoir une ouverture à ce qu'il y ait notamment des activités industrielles dans des aires protégées. Nous, on remet un peu en question quand même cette idée même, là, qu'il y ait ce genre d'activités dans des aires protégées. Il faut être prudent, disons, avec ce qu'on peut faire avec cet outil-là, si on ne le balise pas suffisamment. Donc, c'est vraiment dans cette perspective-là qu'on le fait, qu'on formule ces commentaires-là aujourd'hui. Je ne sais pas si...

M. Benjamin : Oui, oui, absolument. Ça va. L'aire de protection de conservation autochtone vous semble être une bonne idée. Donc, c'est une piste effectivement intéressante. Peut-être on a... J'ai posé la question à d'autres groupes qui vous ont précédés ici, j'aimerais peut-être vous entendre sur est-ce que vous êtes au courant, est-ce qu'il y a des bonnes pratiques, des meilleures pratiques ailleurs dont vous êtes au courant, que vous pourriez partager avec nous, donc?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien, en fait, de prime abord, là, c'est sûr que le CQDE, on ne veut pas prendre parole pour les communautés autochtones. Donc, on pense qu'il est vraiment essentiel de les consulter puis de créer cet outil-là avec eux. Cependant, ce qui... une des craintes, en fait, c'est justement qu'on utilise l'aire protégée d'utilisation durable en lui mettant un peu un chapeau autochtone puis qu'on essaie... par exemple, qu'on leur permette de réaliser des activités traditionnelles, mais qu'au final on utilise un outil qui n'a pas suffisamment de souplesse pour refléter toutes les caractéristiques ou les pratiques d'une communauté. Tu sais, ce que l'aire protégée de conservation autochtone permettrait de faire, si on regarde, justement... encore une fois, on y réfère toujours, mais la définition que lui donne l'UICN dans ses lignes directrices, donc ça permettrait d'avoir peut-être une perspective plus inclusive, là, de l'aire protégée, qui refléterait davantage les communautés autochtones et qui pourrait permettre une meilleure collaboration avec elles.

M. Benjamin : Et, sur la notion de registre, donc, vous semblez questionner la multiplicité, la multiplication de registres. Vous suggérez, vous souhaitez même qu'il y ait un seul registre. Est-ce que, selon vous, il n'y a pas, à ce moment-là, un risque de moins bien évaluer, par exemple, l'apport des aires protégées, notamment dans le nord ou dans le sud?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui, bien, en fait, c'est, justement, c'est pour... une des raisons pour lesquelles on précise qu'il faudrait quand même qu'il y ait des sections claires et bien délimitées, là, dans ce registre-là, pour ne pas, justement, que ça devienne une espèce de fouillis de l'ensemble des outils de conservation puis qu'on ait du mal à se retrouver. Donc, même si c'est un registre, bien, on pense que ça peut être possible de créer un registre qui soit facilement consultable et efficace, donc justement en y mettant des sections claires qui, en fait, se rapporteraient aux thèmes des registres qui sont actuellement proposés par le projet de loi.

M. Benjamin : Et justement, parlant du nord et du sud, donc, certains parlent de l'importance d'avoir des cibles pour le nord et des cibles pour le sud. Vous, vous en êtes où là-dessus? Est-ce que vous pensez qu'il faille mettre en place des critères aussi pour mettre en place ces cibles-là pour le nord et le sud?

M. Girard (Jean-François) : Bien, si je peux me permettre de répondre à cette question-là, je vais revenir avec ce que j'ai dit tout à l'heure. À partir du moment où la science nous dit qu'en deçà de 30 % d'aires protégées, de milieux naturels existants sur un territoire on assiste à un déclin de la biodiversité, bien, ça nous donne une balise à suivre puis à respecter. Pour chacune de nos régions bioclimatiques ou chacune de nos... chaque bassin versant ou chaque entité physiographique que vous voulez considérer, bien, on doit préserver un... on doit tendre à atteindre un 30 % d'aires... de milieux naturels existants.

M. Benjamin : Et Me Girard semblait parler tout à l'heure... Vous parliez même d'un maelstrom quand vient le temps de reconnaître les paysages humanisés. Comment, dans le cadre du travail qu'on aura à faire par rapport à ce projet de loi, comment parvenir à une reconnaissance du paysage humanisé qui inclut justement ce maelstrom auquel vous faisiez allusion?

M. Girard (Jean-François) : Je vais être bien honnête avec vous, je ne peux que constater la grande difficulté à désigner des paysages humanisés au Québec. Puis la preuve en est que, depuis qu'on a mis en place ce statut-là, on n'a désigné aucun paysage humanisé. Pourtant, il y a eu des projets où ça a été étudié. Nous, ce qu'on essayait de vous dire dans notre mémoire, c'est que probablement qu'on fait ça un petit peu trop compliqué, alors que la solution, elle est là ou la réalité, elle est là sous nos yeux.

Quand je vous donne l'exemple du parc de la Rivière-des-Mille-Îles et de l'intervention d'Éco-Nature de Laval, ce que l'Éco-Nature de Laval fait en gérant puis en opérant le parc de la Rivière-des-Mille-Îles, c'est qu'il donne accès aux citoyens qui viennent louer une embarcation, donne accès à des paysages humanisés. Lorsque vous embarquez sur la rivière, que vous vous déplacez entre les îles, vous avez, selon l'endroit où vous vous trouvez, accès à une panoplie de paysages humanisés. Si on veut reconnaître un premier paysage humanisé au Québec, bien, désignons le parc de la Rivière-des-Mille-Îles comme étant également un paysage humanisé.

Et là il faut constater comment ça, ça se construit. Ça se construit avec divers outils qui partent de cette désignation de refuge faunique, qui est une désignation par règlement provincial, qui est amalgamée avec les servitudes de conservation qu'Éco-Nature de Laval est allé chercher auprès de différents propriétaires dans les îles et en rive puis amalgamée avec les terrains qu'Éco-Nature possède en pleine propriété. Alors, cet amalgame d'outils là juridiques ou ce maelstrom d'outils juridiques permet de créer dans les faits un paysage humanisé. Et, si on faisait l'analyse de plusieurs endroits au Québec, on se rendrait compte qu'on en a plein, de paysages humanisés, c'est juste qu'ils ne sont pas désignés formellement selon cette désignation-là prévue à la loi.

M. Benjamin : Et une dernière question. Donc, un des acteurs, justement, de ce maelstrom, ce sont les villes. Et avant vous, tantôt, il y a... nous avions posé la question à un groupe qui nous mentionnait la problématique pour les municipalités de se départir d'une part de revenu foncier qui peut-être importante... Avez-vous une recommandation à nous faire afin de faciliter l'inclusion des municipalités dans le processus?

M. Girard (Jean-François) : Bien, les municipalités, oui, vous avez raison, là, les municipalités sont les premières... c'est le premier acteur étatique interpelé puisque c'est des questions d'aménagement du territoire. Donc, oui, il faut que les municipalités soient parties prenantes à ce processus-là qui est nécessairement, comme je le disais tout à l'heure, le résultat d'un effort collectif, collectif de la plupart... c'est-à-dire d'une multitude de parties prenantes au projet, que ça soit soit les organismes de conservation, des groupes de citoyens, les municipalités, le gouvernement du Québec, ça peut être Hydro-Québec qui, bon, par l'accès à ses emprises, pourrait donner accès à d'autres milieux naturels protégés.

Donc, manifestement, il faut qu'on fasse intervenir toute cette gamme d'intervenants là. Et quel est le meilleur forum pour animer ça? Bien souvent, ce sont les municipalités, étant donné la proximité des municipalités comme niveau de gouvernement avec leurs citoyens. Alors, oui, un, il faut sensibiliser les municipalités puis ensuite leur donner des moyens de mettre ce type de désignation là en oeuvre.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bussière) : ...est écoulé.

M. Benjamin : Merci.

Le Président (M. Bussière) : Merci beaucoup. Et je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, et donc à la députée de Mercier. Vous avez 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Moi, j'ai une question. Dans votre mémoire, à la page 7, vous dites que le CQDE ne comprend pas pourquoi est-ce qu'aujourd'hui on envisage d'enlever, de biffer dans la loi, je pense, c'est à l'article 55, que les organismes de conservation puissent participer avec un propriétaire foncier à la présentation d'une demande de désignation de réserve naturelle. Vous dites qu'on ne devrait pas enlever ça, au contraire, il faut le remettre, comme c'était le cas avant. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus de l'importance du travail qui est fait par les organismes de conservation et comment le projet de loi devrait le favoriser?

M. Girard (Jean-François) : Bien, en fait, je ne comprends pas pourquoi on enlève cette référence-là au fait qu'un organisme de conservation pouvait concourir... bien, peut, à l'heure actuelle, concourir à une demande de désignation de réserve naturelle.

Il faut comprendre d'où vient la réserve naturelle. C'est une désignation qui était demandée par les organismes de conservation à la fin des années 90, début des années 2000, pour être capable d'avoir l'équivalent des «conservation easements», de tradition du droit anglais, de common law. La particularité des «conservation easements», c'est qu'on avait... c'est une servitude de conservation sans fonds dominant, on avait seulement le fonds servant et... alors que, dans notre droit civil, les dispositions du Code civil nous disent que ça nous prend à la fois un fonds dominant et un fonds servant.

À la fin des années 90, une des difficultés pour les organismes de conservation, c'était d'être propriétaire d'un fonds dominant dans un secteur qui permettait de créer des servitudes avec d'autres terrains qui seraient devenus fonds servants. Les organismes de conservation, il y a 20 ans, n'étaient pas très, très riches, au niveau foncier, avaient peu de biens, peu de biens immobiliers en leur possession, donc c'était difficile de trouver des fonds dominants, et ce n'est pas toujours pertinent d'en avoir. D'où la demande du CQDE, à l'époque, de créer une espèce d'équivalent au «conservation easement» qui aurait été une servitude personnelle.

Là, je n'ai pas le temps de faire toutes les distinctions entre une servitude personnelle, servitude réelle, mais, bref, c'était ça, l'idée. Et le gouvernement nous a répondu, à l'époque, en créant la désignation de... réserve privée, c'est ça, réserve naturelle privée, en 2001. Et ça a tellement déplu, le projet de loi, quand il est sorti, ça a tellement déplu aux organismes de conservation — puis je peux en témoigner, j'étais là, au coeur des débats — que le projet de loi a failli être mis à la poubelle parce qu'il y avait vraiment un tollé quant au fait que les organismes de conservation étaient totalement évacués.

Le Président (M. Bussière) : Le temps est écoulé. Merci.

M. Girard (Jean-François) : Ah!

Le Président (M. Bussière) : Je m'excuse, c'est vite passé, 2 min 45 s.

M. Girard (Jean-François) : Bien oui.

Le Président (M. Bussière) : Et donc je cède la parole au troisième groupe d'opposition, au député de Jonquière, 2 min 45 s.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci beaucoup de votre présence. Qu'est-ce que vous pensez du pouvoir d'inspection et d'enquête amené par le ministre à partir des articles 33 et suivants?

M. Girard (Jean-François) : Anne-Sophie... Bien honnêtement, M. le député, là, moi, je ne l'ai pas regardé, là. Ça fait que je ne sais pas si tu veux répondre, Anne-Sophie?

M. Gaudreault : Le temps file.

M. Girard (Jean-François) : Anne-Sophie?

M. Gaudreault : O.K., bien, on...

Mme Doré (Anne-Sophie) : ...dans l'article. Mais comme votre temps est assez court, si vous avez une autre question, on pourra y revenir.

M. Gaudreault : Oui, ce n'est pas le problème, ce n'est pas les questions qui manquent. Que pensez-vous de la définition de l'aire protégée d'utilisation durable, article 46? Est-ce que c'est assez complet, selon vous?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Non, c'est ça, comme j'ai mentionné, c'est largement insuffisant, là, selon nous, pour bien comprendre qu'est-ce qui est apporté par le projet de loi, là, par le... cette notion-là d'aire protégée d'utilisation durable. Nécessairement, il va falloir ajouter des éléments. Et je suis certaine que dans les prochaines présentations, là, notamment la SNAP va vous faire des recommandations assez précises, là, sur ce point-là.

M. Gaudreault : Parfait. Vous semblez dire... j'essaie de le retrouver, là, c'est dans vos tableaux, à la fin, ça, c'est toujours très utile, tenir compte de la Loi sur le développement durable, là, j'essaie de le retrouver pendant que je vous parle, là, mais vous semblez dire que ce n'est pas assez fort. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus?

Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien, c'est simplement que c'est une belle intention, mais c'est un peu comme à bien d'autres moments où on fait référence à la Loi sur le développement durable, là, cette intention-là, il n'y a aucune obligation de la mettre en oeuvre, en fait, là. Puis nous, on aimerait ça, justement, voir une mise en oeuvre plus concrète des principes de développement durable, donc c'est pour ça qu'on propose cette modification-là.

M. Gaudreault : Donc, d'en faire un genre d'obligation et non pas juste une volonté, si on veut.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui, exactement.

M. Gaudreault : O.K. Même chose pour les changements climatiques, vous voulez vraiment en faire un motif de désignation des milieux naturels protégés.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien, en fait, ça, c'est surtout... si je ne m'abuse, là, cet article précis là est vraiment sur la protection des milieux humides et hydriques.

M. Gaudreault : Exact.

Mme Doré (Anne-Sophie) : Donc, justement, comme on sait, là, que ces milieux-là ont une importance capitale, en fait, en matière d'adaptation et de changements climatiques, on trouve assez décevant, là, de voir ce retrait-là de la mention des changements climatiques, là. On estime en effet qu'il faudrait encore considérer leur impact sur les changements climatiques, l'adaptation notamment, pour évaluer, là, la considération des milieux naturels.

M. Gaudreault : Donc, de garder la...

Le Président (M. Bussière) : Merci.

M. Gaudreault : Ah! bon. Merci.

Le Président (M. Bussière) : Votre temps est écoulé. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de Greenpeace de prendre place. Je m'excuse, et merci à vous.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 40)

Le Président (M. Bussière) : Donc, on recommence. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Greenpeace. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. Donc, la parole est à vous.

Greenpeace

M. Kölmel (Olivier) : M. le Président, cher ministre, chers députés, bonjour. Je suis Olivier Kölmel, porte-parole en matière de nature et alimentation pour Greenpeace. Et aujourd'hui je suis accompagné avec M. Henri Jacob, qui est président de l'Action boréale, qui prendra la parole par la suite.

J'aimerais bien adresser le p.l. n° 46, au départ, pour un contexte plus large, qu'est-ce qu'on cherche aujourd'hui, et je commencerais par dire : On doit protéger ce qui nous protège, c'est ce qu'on veut, et ça, ça passe par la protection, conservation et la restauration des écosystèmes. Pourquoi? Il y a trois points : on fait face aujourd'hui à de multiples crises, on n'atteint pas nos objectifs de biodiversité à l'international et on fait face à des problèmes structurels.

Quand on parle de multiples crises, vous le savez autant que moi, il y a un déclin de la biodiversité assez grave qui se passe depuis quelque temps. Le taux d'extinction est rendu à 1 000 fois le taux naturel d'extinction. On fait face à une urgence climatique où on voit... (panne de son) ...une augmentation de feux de forêt, des inondations et des canicules, qui vient mettre en péril notre propre sécurité. Et finalement il y a une crise sanitaire, auquel on fait face, qui rajoute davantage d'enjeux et qui expose notre fragilité.

Quand on parle de ne pas atteindre nos cibles de... sur la convention diversité biologique, on est rendus aujourd'hui 88e au monde, en tant de rang, pour ne pas protéger nos habitats comme il faut. On n'a pas atteint nos cibles ou on n'atteint pas nos cibles pour cette année, le 2020, qui est 17 % d'aires protégées. On est rendus à 10 %, quand on parle du territoire et zone terrestre, et là on s'enligne pour 30 % pour 2030. Donc, nous reculons, là, on travaille au mode réactionnaire.

Et des problèmes structurels, bien, il y a plein de projets d'aires protégées qui stagnent depuis des années, on peut remonter jusqu'à 2004, ou qu'il y a des projets qui ne sont toujours pas mis en place. Donc, il y a des grosses questions à se poser à ce niveau-là, et donc c'est plusieurs...

Autre chose, il y a des communautés qui ont fait plusieurs propositions d'aires protégées qui n'ont pas été intégrées dans les projets, et qui ne sont pas à l'écoute. Je ne peux pas vous dire le nombre d'appels qu'on reçoit par année par des citoyens et des communautés qui sont mécontents parce qu'ils voient la nature alentour d'eux, leur source de bien-être disparaître devant leurs propres yeux, et ils sentent que leur voix n'est pas écoutée.

Et, troisième point sur le problème structurel, l'impression, c'est que l'extractivisme prime au Québec, et ceci, c'est au... de notre bien, long terme, autant économique que notre santé.

Donc, ceci, ces trois points là amènent à la grande question. Protéger ce qui nous protège, c'est une question de résilience. Et donc aujourd'hui, on ne peut pas appuyer le p.l. n° 46 pour ces points-là et on ne peut pas travailler les virgules d'une telle loi, tant et autant qu'on n'adresse pas ces plus grandes questions. Sur ce point, je cède la parole à M. Henri Jacob.

M. Jacob (Henri) : Oui. Bonjour, M. le Président et M. le ministre, je crois, et les gens de l'opposition. Moi, je vis en Abitibi. Ça fait depuis 1972 que je milite pour l'environnement. Et, sur la question des aires protégées, j'ai commencé beaucoup en avant, dans les années 80, à protéger des territoires, même avant qu'on ait la convention. J'ai participé à la convention à Rio, c'est-à-dire au Sommet de la Terre, où on a signé la convention sur la biodiversité. D'ailleurs, le Canada était un des premiers à le signer.

Ici, au Québec, quand les gens ont accepté... le ministère a accepté d'aller dans la même direction, on a entériné cette question-là, mais on a été étapistes, on a dit : Il faudrait atteindre 8 % dans sept, huit ans, parce qu'on a commencé à peu près en l'an 2000. On ne l'a pas atteint. Ça fait qu'on a dit : On va atteindre 12 %, puis on ne l'a toujours pas atteint en l'an... je pense, c'était en 2012, qui était la date, et aujourd'hui on dit qu'on devrait atteindre 17 %.

Et ce que j'aimerais adresser, c'est surtout la question de pourquoi qu'on n'atteint pas nos objectifs, ici, au Québec. Ce n'est pas des raisons de dire que c'est le BAPE qui est trop long, c'est que... et je vais vous donner cet exemple-là du BAPE. Le BAPE, quand on va à un BAPE, à un bureau d'audiences publiques pour la construction d'une usine, un permis pour ouvrir une mine à ciel ouvert où quoi que ce soit, il y a un échéancier qui est bien, bien précis. Après que le BAPE ait remis son rapport, si je me rappelle, c'est à peu près deux mois que le gouvernement a à prendre sa décision.

Dans le cas des aires protégées, nous, à l'Action boréale, on a proposé une carte qui avait le 8 %, il y avait le 12 % puis il y avait le 25 % de territoire qu'on dit qui aurait dû être protégé. Mais naturellement on a décidé d'accepter les règles que le gouvernement avait établies pour pouvoir participer et faire augmenter le pourcentage qui était, à l'époque, en l'an 2000, de 0,5 % en Abitibi. Maintenant, on est à 8,7 % et on sait que tous les projets pour se rendre à 12 %, ça fait depuis au moins six ans qu'ils sont sur la table du responsable au ministère de l'Environnement, et il ne peut pas aller de l'avant. Et ce qui l'empêche d'aller de l'avant, c'est la non-collaboration du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Eux, pour une raison que... pourquoi on a nommé un ingénieur forestier responsable de ce dossier-là, c'est des projets stratégiques, et cette personne-là ne donne pas les données que le ministère de l'Environnement a besoin pour compléter ses portraits d'aires protégées. Et ça, c'est depuis... et on se le fait dire régulièrement, et c'est depuis le début. Encore dans les dernières années, quand je vous dis : On a déjà le 12 % de canné, le ministère des Forêts refuse de donner des données. En fait, il ne refuse pas, il ne répond pas aux demandes. C'est encore pire, je pense, c'est insultant. C'est pour ça...

Et on ne croit pas, nous, qu'il faut inventer une nouvelle catégorie d'utilisation durable, puisque je ne comprends pas pourquoi qu'on ferait de l'utilisation durable dans une aire protégée, alors qu'on nous dit que la foresterie est faite de manière durable, ici, au Québec. Ça fait que si la foresterie et l'exploitation de nos ressources se fait de façon durable, pourquoi qu'il faudrait créer une nouvelle catégorie?

Nous, on pense qu'il faut absolument canner le 17 % selon les règles qui étaient établies, parce qu'on ne change pas à la troisième période les règles du jeu, je pense qu'il faut continuer à atteindre le 17 %. Et suite à ça, là, on pourrait toujours être ouverts à discuter d'une nouvelle catégorie. Parce que vous savez qu'à l'international, la convention sur la biodiversité, on parle d'atteindre 30 % d'ici 2030. Ça fait que probablement qu'on va avoir encore beaucoup de chemin à faire. Et comme mon collègue l'a dit, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut absolument protéger la biodiversité. Ici, en Abitibi, c'est flagrant, on ne le fait pas.

D'ailleurs, il y a deux jours, j'étais dans la réserve La Vérendrye avec la communauté de Kitcisakik, qui se battait pour... c'est parce qu'une forestière n'avait respecté aucune marge de recul selon ce qui avait été accepté. D'ailleurs, vous allez probablement entendre parler dans les médias qu'il va y avoir des amendes qui vont être données parce qu'on a réussi à prouver ce fait-là.

Ça fait que c'est... la réalité, c'est qu'on ne protège pas présentement les territoires. Puis, quand on parle du 12 %, du 17 %, souvent, les forestières nous disent ici, en Abititi : Une aire protégée, c'est une usine fermée. C'est exactement le vocabulaire qu'ils prennent. Ce n'est pas moi qui l'invente. Pourquoi? Parce que, pour eux autres, une aire protégée, ça veut dire qu'on enlève de la matière ligneuse.

Notre problème d'exploitation forestière, qui est souvent la cause de la non-possibilité d'atteindre nos objectifs, c'est assez simple, c'est que le ministère des Forêts, lui, il calcule la foresterie en fonction de la capacité des usines à transformer, alors que ça devrait être adapté à la... selon la capacité des écosystèmes à fournir cette ressource-là.

Ça fait que, pour ces raisons-là, nous, on ne peut pas accepter la nouvelle catégorie et on pense qu'il faudrait changer le processus, raccourcir le temps d'une analyse pour une aire protégée et surtout forcer le ministère des Forêts et le ministère des Ressources naturelles à collaborer avec le ministère de l'Environnement, pas simplement par des discours mais dans la réalité. Je pense que je dois avoir atteint peut-être mon temps, ça fait que je vous remercie.

Le Président (M. Bussière) : Il vous restait quand même une minute, mais je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, M. le ministre, c'est à vous la parole.

• (16 h 50) •

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux. C'était un plaisir de vous entendre. Peut-être, sur les constats généraux, vous dire qu'on se rejoint entièrement. Effectivement, on est encore très loin des cibles qui étaient attendues pour la fin de l'année 2020. Là où je suis peut-être plus optimiste que vous, c'est que l'année 2020 n'est pas terminée, et c'est un engagement qui, pour nous, a été réitéré. Hier, on a fait l'annonce, pour ce qui est du marin, avec une progression, là, qui a été d'ailleurs saluée par plusieurs, plusieurs groupes environnementaux, et on veut faire les mêmes avancées au niveau du terrestre. Donc, il nous reste peu de temps, compte tenu de la marche à prendre, à assumer, mais on va redoubler d'efforts, et je suis très confiant que d'ici la fin de l'année on se rapprochera du 17 %, là, qui demeure l'objectif visé. Et c'est vrai que le ministère de l'Environnement a un mandat qui lui est propre. Je pourrais dire la même chose de celui des Ressources naturelles, celui du MFFP également. Donc, si on travaille tous en silo, clairement, ce sera difficile d'avancer, là, vers cette quête-là des objectifs à atteindre.

Moi, je ne peux pas vous parler de ce qui se faisait avant, mais peut-être vous mentionner ce qui se fait depuis que je suis en fonction. À toutes les semaines, il y a des rencontres et des échanges avec les deux autres ministères pour convenir des territoires qui seront éventuellement reconnus comme étant protégés, et, compte tenu de la fréquence de ces échanges-là, c'est ce qui me permet encore, à trois mois et demi de l'échéance, d'être confiant d'arriver à atteindre nos cibles, mais, entièrement d'accord avec vous, malheureusement, on a un retard, mais il faut le combler. Et vous remettiez en question la sixième catégorie, en quelque sorte, qui est proposée dans le projet de loi. Ce n'est pas pour atteindre le 17 %. Le 17 %, on veut l'atteindre avec les critères qui sont actuellement en place pour ce qui est de la catégorisation. Je ne dis pas que ça ne sera pas utile pour accélérer justement le processus de reconnaissance. Parce que vous l'avez dit à juste titre, dans certains cas, on remonte au début des années 2000. Donc, c'est des périodes de latence, là, qui sont tout simplement incompréhensibles ou inexplicables. Mais le 17 % qui est visé l'est en fonction des cinq catégories qui sont déjà en place.

La sixième catégorie sera très, très utile en fonction de ce qui se discute actuellement. Et là je vais essayer de le dire comme il faut : UICN. Je m'améliore, nous sommes au quatrième groupe, et je commence à arriver à bien prononcer l'acronyme. Donc, c'est vraiment pour couvrir la période 2020‑2030 avec ces nouveaux objectifs de 30 %. Donc, elle sera d'une très, très grande utilité, cette catégorie VI. Et, au niveau des discussions internationales, ce sont des principes, là, qui sont reconnus.

Donc, moi, j'y vais de façon assez générale, compte tenu que vos propos étaient aussi assez généraux. Mais j'ai des collègues par contre qui seront intéressés, là, à échanger davantage avec vous. Donc, moi, je me limiterai à ce moment-ci à vous remercier, mais on partage clairement les mêmes objectifs. Et, à la fin de l'année, on pourra certainement faire le bilan, qui ne sera pas le gouvernement d'un gouvernement, mais le bilan de la société québécoise par rapport à ces objectifs-là qui demeurent tout à fait impératifs, là, à quelques mois de l'échéance. Donc, merci à vous deux.

Le Président (M. Bussière) : Avez-vous des commentaires? Non? Je cède maintenant la parole au député de Bourget.

M. Campeau : Bonjour à vous deux. J'avoue que j'aime bien l'expression «protéger ce qui nous protège», et j'ai même l'intention de vous l'emprunter parce que je pense que c'est extrêmement significatif, et ça se dit en quelques mots.

Je voulais parler de la foresterie. Moi, ce que j'ai surtout fait comme ingénieur, c'est de travailler dans des usines de pâtes et papiers. Alors, j'ai probablement contribué en faisant ça à ce que pas mal de forêts disparaissent peut-être, par exemple, là, mais on voit que les usines de pâtes et papiers ferment au Québec. On en a encore, une annonce, là, à... Kruger, Brompton, récemment. Puis simplement que le bois pousse moins vite ici par rapport au Brésil, on voit un problème économique, à ce moment-là. Mais, au-delà de ça, est-ce que vous êtes prêts à reconnaître une certaine forme de foresterie minimale d'entretien ou... sur un territoire qu'on appellerait aire protégée, à ce moment-là, ou vous voulez l'exclure complètement?

M. Kölmel (Olivier) : Je peux commencer à répondre, oui? Sur cette question, oui, on parle d'une foresterie écosystémique, mais ça reste flou, et donc, sur le terrain... l'application, on devrait rendre ça un critère sur le terrain et non juste un objectif général. À ceci, Greenpeace pense fortement qu'on doit redonner une autonomie aux communautés, et la conservation doit absolument passer par la reconnaissance et le respect des droits et connaissances autochtones. Mais toute communauté en région, on doit dynamiser l'économie, mais ça passe par une certaine autonomie et une gestion plus proche, en fait, des communautés.

Il y a d'autres facteurs aussi, dans la foresterie, qui doivent être adressés. Vous l'avez dit, le gabarit, ça pousse moins vite ici. Alors, déjà, dans les années 70, les élagueurs ou les bûcherons de générations ont dit qu'on doit aller de plus en plus loin pour aller chercher du bois, et les gabarits sont de plus en plus petits. Donc, on parle d'il y a 50 ans déjà. Donc, il y a déjà une problématique qui a été signalée il y a bien longtemps, et c'est parce qu'on coupe vraiment le bois plus rapide qu'il pousse, et nos cycles de coupe qu'on fait en ce moment se réduit. Et donc, dans le sud du Québec, on voit une forêt secondaire qui est beaucoup plus jeune, et, d'après les études scientifiques, d'ailleurs, qu'on a émises récemment aussi, on voit qu'une forêt secondaire a une certaine perte de biodiversité et une certaine perte au niveau du carbone. Donc, on s'appauvrit en ayant des forêts plus jeunes.

Une suggestion... (panne de son) ...il y en a plusieurs, mais celle-ci, je vous la note, c'est d'élargir les cycles de coupe pour justement avoir une biodiversité plus riche. On devrait passer à des forêts qui sont plus âgées, des cycles de coupe à 70 ans. Si on parle du cas du caribou, qui est vraiment un indicateur de la santé de la forêt, leur nourriture primaire, qui est le lichen, apparaît en forêt à partir de l'âge de 50, 70 ans. Alors, si on coupe avant même que cette nourriture existe, on perd justement cette biodiversité. Et ça, c'est un exemple, parce qu'il représente vraiment un indicateur de bien d'autres choses. Donc, je laisse là-dessus pour l'instant, et peut-être M. Jacob veut compléter.

M. Jacob (Henri) : Bien, en fait, juste reprendre sur la question du caribou. Je voudrais vous parler un peu du caribou de Val-d'Or, parce qu'il est dans une aire protégée. Présentement, il est tellement protégé, on l'a mis dans un enclos. On l'a mis dans l'enclos quand il restait sept bêtes, et là il y en a une qui est morte. Et les six, là, le ministère des Forêts nous avait dit que... en février, le ministre a dit qu'il construirait un enclos de plus grande envergure. C'était, à mon point de vue, c'était 8 000 hectares. Là, présentement, ils ont 1,8 hectare, et il n'y a encore rien de fait, il n'y a pas eu d'appel d'offres, il n'y a pas rien. Ça devait se faire au mois de juin, et là on nous dit qu'on va encore continuer des études et des études. Et ça fait depuis 1984 qu'on intervient sur ce dossier-là, 1984. Il y avait, à cette époque-là, un territoire qui était réservé au caribou, et, quand l'industrie est arrivée là-dedans, il s'est mis à décliner, à décliner. Je ne vous raconterai pas toute cette histoire-là, c'est juste un des exemples.

Et ce qui arrive... Tantôt, vous avez... votre question, c'était : Est-ce qu'on accepte une certaine foresterie? Oui. Moi, je viens d'un monde où est-ce qu'il y a des forestiers, j'ai travaillé en forêt, j'ai travaillé même en exploration minière. Mais ce qui est... ce qui a changé avec le temps, c'est qu'on n'ajuste plus la question de la... pour la machinerie, on n'a pas la portabilité, la capacité portante des sols, qui n'est pas analysée. Si vous venez en Abitibi, d'ailleurs, il y a eu une étude, quand on a fait des coupes avec protection de régénération des sols, 20 % du territoire ne se régénérait pas, simplement par l'utilisation des... et qu'on disait qu'il fallait... à la machine de passer tout le temps dans la même, même place. Ça, ce que ça fait, c'est que, oui, il y a une perte de biodiversité, parce qu'au printemps la neige fond très rapidement, et, quand la neige fond, naturellement, tout le sol qui est sur le dessus, il s'en va dans les cours d'eau, qui là enchérit tellement le cours d'eau que c'est les algues et les quenouilles qui poussent, et il n'y a plus de place pour le poisson parce que tout l'oxygène est pris. C'est une façon...

On pense qu'il y a de la place pour faire une foresterie qui serait vraiment écosystémique, puis ça existe, ce n'est pas nous autres qui l'invente, ça existe ailleurs, ça se fait. Mais il faut adapter la récolte à ce que la... à la capacité de la nature à se régénérer et non pas faire comme on fait aujourd'hui, simplement qu'on regarde qu'est-ce que l'industrie demande et la fournir. C'est beaucoup plus que la foresterie. La foresterie demande beaucoup plus que ce que c'est que la forêt est capable de donner présentement. Ça, c'est pour la question forestière.

Puis, oui, on a besoin des aires protégées, puis les aires protégées, de façon la plus... je dirais la plus stricte, avec le moins d'intervention industrielle dedans, parce qu'on a besoin d'exemples. Surtout là qu'il va y avoir les changements climatiques qui sont en train de nous tomber sur la tête, il faut absolument avoir des exemples comment la nature réussit à s'adapter, comment les écosystèmes... Et ce qu'on voit dans la littérature, un écosystème qui va résister le plus, c'est celui-là qui est le plus biodiversifié. Donc, ce n'est pas en l'exploitant.

Mais ce n'est pas... On parle encore une fois de 30 % peut-être du territoire, puis ce n'est pas des territoires qui sont vierges, puis ce n'est pas tous des territoires forestiers, il n'y a pas la moitié de ça que c'est des territoires forestiers, on parle de marais, de marécages, de tourbe, etc. Et même aujourd'hui, dans la plupart des aires protégées, il y a plus que la moitié, moi, je peux vous montrer... si vous verriez une carte, en Abitibi, les aires protégées ont été coupées plus que la moitié. Donc, on protège des territoires qui ont été coupés en grande partie aussi. Ça fait que c'est pour vous dire que, nous, on pense qu'il faut absolument aller avec la vraie conservation, ne serait-ce que pour avoir des modèles, comment on devrait s'adapter, et arrêter de faire une foresterie qui n'est pas adaptée, parce que, là, présentement, on est en train de planter les mêmes essences qu'on plantait dans les années 60, 70 et on ne sait pas si ces espèces-là vont être adaptées dès que ça va augmenter. Ça fait que je vous laisserais là-dessus.

• (17 heures) •

M. Campeau : Merci.

Le Président (M. Bussière) : Merci. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci, M. le Président. Vous m'avez dit à peu près cinq minutes qui restent?

Le Président (M. Bussière) : 4 min 50 s.

Mme Grondin : Parfait. Donc, bonjour, messieurs. Merci d'apporter votre éclairage. M. Jacob, vous avez, à un certain moment donné, tantôt, identifié la difficulté de faire respecter dans certains cas le statut de protection, notamment dans votre coin, vous parliez de forestière, ou tout ça. Qu'est-ce que vous pensez des mesures de sanctions qui sont présentement dans le projet de loi?

M. Jacob (Henri) : Bien, ce que je peux vous dire, c'est que, présentement, aujourd'hui, au moment où on se parle, j'ai fait, justement, regarder les amendes qui étaient données aux différentes compagnies forestières qui ne respectent pas... et la moyenne est presque tout le temps la même chose. C'est à peu près 5 000 $ pour une infraction qui va... Des fois, l'infraction, c'est de complètement, bien... le terme, scraper un cours d'eau parce qu'on ne construit pas les ponceaux. On va récolter dans les bandes riveraines, c'est plus payant pour la compagnie de payer le 5 000 $ que de laisser les arbres là présentement. Ça, c'est la foresterie qu'on ferait. D'ailleurs, voilà à peu près 15 ans, on récoltait 250 000 $ à peu près en infractions pour toute la foresterie au Québec, puis, aujourd'hui, si je me rappelle, c'est alentour de 75 000 $, ça fait que c'est... puis les infractions continuent.

Nous, ce qu'on dit, c'est que la question... On a besoin de garder des territoires qui sont encore des territoires qu'on doit conserver comme exemples de comment que la nature réagit pour être capables d'adapter notre foresterie, se servir de comment la nature réagit. Une des choses que... en aires protégées, c'est que la nature passe plusieurs siècles... Quand il y a, exemple, un feu ou quand il va y avoir une épidémie, il y a des cycles, ce n'est pas nécessairement la dernière essence qui va pousser. En foresterie, on coupe de l'épinette, on veut planter de l'épinette. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne en forêt. Même ici, en Abitibi, ce n'est pas comme ça. Il y a un cycle de régénération ou, je dirais, une étape qui a des essences de courte vie qui vont enrichir le sol, et, après, là, les essences qu'on souhaite vont peut-être pousser plus.

Mais, encore une fois, on n'est pas opposés à ce qu'il y ait de la foresterie parce qu'on pense... encore une fois, il va rester 70 % du territoire où qu'on peut faire de la foresterie, là. Il faut apprendre à gérer mieux notre forêt parce que ce n'est pas... on ne le fait pas comme il faut. Il faut aller sur le territoire pour les voir. Moi, je vis sur le territoire. Je passe mon temps en forêt, je travaille en forêt, et etc., et c'est malheureux, même, parce que la nouvelle loi qui nous dit qu'on ferait de la foresterie écosystémique, vous reprenez une forêt qui est exploitée avec supposément une foresterie écosystémique ou une autre qui était exploitée dans les années 70, le portrait est le même, malheureusement, sur le sol, c'est la même chose.

Mme Grondin : Je comprends ce que vous dites, mais ce que je voulais savoir, c'est... On a augmenté de façon assez significative les amendes, les infractions, tout ça. Est-ce que vous considérez... Toute la section, là, qui porte sur les pouvoirs d'inspection, d'enquête, les mesures administratives, est-ce que vous pensez que ça va améliorer, en termes de surveillance, en termes de faire peur ou en termes d'éducation... Est-ce que vous pensez que ça va améliorer de...

M. Jacob (Henri) : En fait, on peut améliorer ce qu'on a, les personnes sur le territoire. Encore une fois, la plupart des infractions sont faites parce que c'est nous, c'est les autochtones ou des gens qui vont sur le territoire qui doivent dire au ministère : Il y a telle chose qui se passe avec l'exploitation, etc. Il n'y a pas de personnel qui est suffisant pour être capable de suivre les compagnies. Même chose pour la question sur la chasse, il n'y a pas assez d'agents de conservation pour être capable de couvrir le territoire. Ça fait que tant que... On peut mettre des belles règles, on peut augmenter... mais ça va prendre... Un jour, si on veut... il faut que les bottines, elles suivent les babines, hein? Ce n'est pas juste ça...

Quand on parle... Vous savez, en l'an... Je vais essayer d'être assez rapide. En 1990, le budget du ministère de l'Environnement, qui s'appelait juste «ministère de l'Environnement», c'était 1 $ du 100 $, 1 %. Aujourd'hui, savez-vous c'est combien? Je ne voudrais pas... de calcul, c'est 0,23 $ du 100 $. Puis là on a rajouté des travaux au ministère, la protection de la biodiversité, etc., et la lutte aux changements climatiques. Plus que l'acronyme allonge, plus que le budget diminue. Il y a quelque chose que moi, je ne comprends pas. Je ne suis pas mathématicien, mais j'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Ça fait que, oui, mettez... qu'il y ait des règles, qu'il y ait des amendes, mais ça prend aussi... Il faut que ça... et que ça ne soit pas juste sur papier puis que ça ne soit pas juste dans les discours.

Le Président (M. Bussière) : Il reste 10 secondes. Donc, le temps étant écoulé, nous allons maintenant passer à l'opposition officielle en donnant la parole au député de Viau. Vous avez 11 minutes.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour cette présentation. Donc, un élément que je retiens, donc, que... c'est M. Jacob qui l'a abordé, c'est la non-collaboration des différents ministères, donc, sur ces enjeux-là. Maintenant, en lien avec ce projet de loi, messieurs, donc, j'aimerais vous entendre, est-ce qu'on a des données valides qui nous permettraient de mettre en place des aires protégées, donc, s'assurer de protéger en priorité, donc, les aires les plus importantes en termes de protection de la biodiversité? Vous semblez dire qu'on a déjà une cible de 17 %, assurons-nous de couvrir ce 17 % là, mais qu'est-ce qu'on fait? Où est-ce qu'on part par rapport à cet enjeu-là?

M. Kölmel (Olivier) : Si je peux aborder la question en premier, vous soulevez un bon point, l'objectif de 17 %, ce n'est même pas ce qu'on doit chercher. D'après la science, les scientifiques nous disent qu'on doit chercher 50 %. Donc, le 20 %, 30 %, 30 % d'ici 2030, c'est vraiment ce qu'on doit chercher comme protection, et le 20 %, en plus, qui va chercher 50 %, c'est une zone tampon pour faire face aux crises climatiques qui vont juste s'accentuer avec les années. Donc, on est vraiment... On reste dans le minimum en ce moment et on est en mode réactionnaire, qui n'est pas une bonne position aujourd'hui. Alors, on prend des décisions vraiment aléatoires.

Pour répondre plus clairement à votre question, il y a déjà plein de projets, et je l'ai mentionné tout à l'heure, qui datent depuis une décennie, qui n'attendent que ça, c'est juste qu'on les mette en place. Ils ont été proposés et présentés. Il y a plusieurs, aussi, communautés autochtones qui ont présenté des projets qui n'ont pas été intégrés non plus. Donc, il y a une grande volonté de plusieurs communautés. Il y a des projets qui ont déjà été présentés en place. Ils ne sont pas tous sur la liste non plus, et ça, ça fait partie un peu de ce que... l'allusion que M. Jacob disait, qu'il n'y a pas de collaboration entre certains ministères. On n'a pas toute la liste. Le ministère des Forêts... tout partagé au ministère de l'Environnement.

Et donc ça, ça porte aussi un peu... On travaille un peu dans l'ombre. Donc, il doit y avoir un petit peu plus de transparence à ce niveau-là, mais, avant tout, c'est qu'on doit... sur les projets, déjà, qui ont été proposés depuis une décennie, et, pour les prochaines... Il ne faut pas juste protéger dans le Nord. Il faut protéger dans le Sud, là où il y a la population qui a besoin justement de ces aires de protection. On le voit bien avec la crise sanitaire. On a besoin de cette nature. On a besoin de ça. On a besoin aussi de ces tampons quand ça vient aux inondations et autres. Donc, on doit aussi... On peut doubler ces aires-là dans le sud du Québec dès aujourd'hui, si la volonté est là.

• (17 h 10) •

M. Jacob (Henri) : Je pourrais peut-être juste rajouter ou donner un exemple. Ici, en Abitibi, je ne parle pas de l'Abitibi-Témiscamingue, juste la section qu'on appelle Abitibi, quand on a commencé à chercher pour des aires protégées, on nous a dit dès le départ : S'il y a un potentiel minier, tu ne peux pas proposer aucun... Tout le potentiel minier, même si ce n'était pas jalonné, là, tu ne pouvais pas proposer un territoire. Puis, bien, vous savez c'est quoi, la proportion en Abitibi, c'est 40 % du territoire que tu dois déjà enlever. Là, après ça, tu enlèves les terres agricoles, tu enlèves les espaces urbains, le milieu bâti. Ça fait qu'on commence déjà loin. Ça fait qu'il nous reste beaucoup de marais, de marécages et des parcs à résidus miniers qu'on pourra peut-être inclure, mais ce n'est pas ça qu'on veut, naturellement. Ça fait que...

Puis, du côté forestier, bien, on a... Moi, je suis allé sur la commission. Il y a plein de... pour la question de sauver le caribou. Puis c'était écrit au départ. Il faut trouver le moyen de sauver le caribou, son territoire, mais à condition de ne pas perdre un seul mètre cube de bois et un seul pied de jalonnement qu'on puisse enlever. Ça fait que, là, naturellement, notre position, c'était de dire qu'il y a juste les caribous qui font des concessions là-dedans, là. C'est pour ça que, naturellement, ils ne sont pas à la table.

Bien, c'est... il n'y a pas de collaboration. Quand je vous le dis, ce n'est pas simplement une phrase en l'air. Moi, je suis dans ce dossier-là depuis le début et, à toutes les fois... Puis je pourrais vous nommer... Si ça vous intéresse, je peux nommer le responsable qui est au ministère, qui... puis ce n'est pas quelqu'un dans la région ici, là, c'est plus haut, puis ce n'est pas le ministre, c'est un petit peu plus bas. Bien, lui, qui est responsable de faire la relation avec le ministère de l'Environnement, ne donne pas les données forestières pour compléter les portraits.

Ça fait que, naturellement, il y a un paquet de dossiers qui sont là. Le ministère de l'Environnement, il n'a presque pas de personnel. Il n'a pas de moyens, puis, en plus, il est obligé de quêter le ministère des Forêts pour avoir les données forestières pour compléter ses portraits. Ça fait que, quand on vous parle qu'il n'y a pas de collaboration, c'est ça, là, ce n'est pas juste... ils n'ont pas le temps. Il n'y a pas de volonté de la part des ...qui sont... malheureusement, puis je dis ça, malheureusement, parce que j'ai des amis qui sont ingénieurs forestiers, mais on met des ingénieurs forestiers responsables des dossiers faune, des dossiers d'aires protégées, ça ne fonctionne pas.

M. Benjamin : Un enjeu qui me semble d'intérêt, que... intéressant, en tout cas, à notre point de vue, il y a d'autres groupes avant nous... avant vous qui l'ont souligné, ce sont les aires protégées de conservation autochtones. J'aimerais vous entendre sur cette piste-là. Donc, comment vous voyez cette proposition?

M. Jacob (Henri) : Je peux peut-être commencer. Moi, j'ai travaillé avec la communauté de Kitcisakik. On a fait... On a réussi, avec la communauté, à créer quelques aires protégées selon les critères qu'on a présentement. L'aire protégée autochtone, ça ressemble beaucoup aux critères de la deuxième catégorie. Les aires de conservation, là, ça ressemble beaucoup à la deuxième catégorie. Eux peuvent continuer de faire des activités culturelles qui ne sont pas dommageables, du moins pas à une grande échelle, sur leur territoire. Les gens peuvent continuer à chasser sur leur territoire selon, naturellement, des règles — ne pas surexploiter — ou pêcher, mais tu ne peux pas faire d'exploitation industrielle.

Et c'est ça, en fait, que l'aire protégée autochtone... C'est pour ça que je vous dis... Elle ressemble beaucoup à la catégorie II des aires protégées qu'on a présentement. Ça représente une aire que tu peux utiliser pour le culturel, pour la récréation, pour aller juste se ressourcer, aller se nourrir et ramasser... pour eux, aussi, c'est ramasser des plantes médicinales, etc., qui ne sont pas souvent... naturellement, quand la foresterie passe, ce n'est pas là. Je pense que c'est ça qui... Si on perd la catégorie, ça... Comme je vous dis, c'est tellement similaire, parce que j'ai discuté justement de cette catégorie-là avec les gens des communautés, puis c'est... quand ils nous racontaient, puis je regardais les critères de la catégorie II, puis c'était similaire.

M. Benjamin : Les trois groupes qu'on a entendus précédemment, donc, n'étaient pas exactement sur la même longueur d'onde, à savoir est-ce qu'il fallait un seul registre ou... Vous, comment vous voyez les enjeux? Et, notamment par rapport aux enjeux Nord-Sud, comment vous voyez ces enjeux-là au niveau des cibles?

M. Kölmel (Olivier) : Bien, je vais y aller. Comme j'ai précisé tout à l'heure, on a l'impression qu'on va chercher... pour chercher nos cibles internationales, on va piger dans le Nord, mais très peu dans le Sud. Or, il y a beaucoup de projets, dans le Sud, qui sont là et qui n'attendent que ça. Et donc cette question-là, je la reposerais au ministre Charette : Pourquoi ça stagne? Même lui semble ne pas comprendre pourquoi ces projets-là n'avancent pas, mais il faut absolument avoir une diversification dans les régions, parce qu'on doit s'occuper de notre monde, des communautés, avoir accès... tout le monde veut avoir accès pour ça... notre santé, donc.

Mais, en deuxième temps, il faut aussi regarder la qualité des territoires qu'on va viser, hein? Donc, la biodiversité, la richesse, ça, c'est important. Dans nos cibles internationales, c'est ce qu'ils vont préciser. On ne peut pas juste avoir des petites protections, ici, à droite, à gauche, de la taille d'un jardin et dire qu'on a atteint nos 17 %. Il faut avoir des aires qui ont vraiment une valeur, entendre richesse de biodiversité, et de carbone, et autres. Donc, ça, c'est en deuxième temps. Donc, il ne faut pas juste se fier au 17 %, mais se fier à la qualité aussi des territoires et à l'accès aussi aux communautés.

M. Benjamin : Une dernière question. Donc, à votre sens, est-ce que l'utilisation des ressources de façon durable, soutenue par les scientifiques, est quelque chose d'admissible? Et, si oui, pour vous, quelles seraient les activités qui pouvaient être permises et d'autres qui ne seraient pas permises?

M. Kölmel (Olivier) : Bon, je vais commencer et laisser M. Jacob continuer. Si on se fie à la convention, on parle d'un certain pourcentage de protection stricte et on parle aussi d'un pourcentage de conservation. Je crois qu'à un certain moment donné il y a aussi... Comme je disais tout à l'heure, il y a une autonomie qui doit être donnée aux communautés, et on doit dynamiser les économies. Et donc il faut voir l'échelle de ces activités-là. Il y a beaucoup plus que juste extraire et vider le sous-sol québécois de ses minerais ou de couper juste du bois pour du papier de toilette. Il y a beaucoup plus de choses qu'on peut faire avec nos ressources. Il y a beaucoup plus aussi au niveau économique. Il y a des économistes qui ont fait le point récemment que la restauration et la protection ont beaucoup plus de retombées économiques qu'on ne le croit auparavant, et les coûts qu'on va engendrer pour ne pas protéger ne vont que s'accentuer avec le temps.

Donc, il y a... Il faut prévoir plus long terme, voir que c'est une protection. C'est notre assurance future. Mais aussi il y a d'autres affaires qu'on peut faire que juste ces extractions. Si on parle des produits forestiers non ligneux, on va chercher des champignons, des baies, du thé, de la farine de noix, etc., ça, c'est plus local. Ça va adresser des problématiques, aussi, locales, comme la sécurité alimentaire. Donc, il faut commencer à être plus ambitieux et puis plus créatifs aussi, à regarder ça et penser long terme.

M. Jacob (Henri) : Bien, ce que je pourrais rajouter sur la question, nous, on s'aperçoit qu'aujourd'hui, avec un projet soit minier ou forestier qui arrive, le projet est présenté en fonction de ses retombées économiques. Et, s'il a des bonnes retombées économiques, bien là on trouve le moyen d'expliquer aux gens qu'on va créer des jobs, etc., et, après, bien, on essaie d'amoindrir l'effet sur l'environnement. Nous, à l'Action boréale, on a développé un principe qui s'appelle la matrice inversée, et la matrice inversée, ça veut dire que c'est trois... les mêmes trois filtres du développement, mais le premier filtre, qui est le plus important, c'est l'environnement. Je pense que, s'il y a un projet, que ce soit minier ou autre, qui est proposé, il doit s'assurer que lui, sur l'environnement, il n'aura pas un effet carrément irréversible, soit que... ou qu'il ne sera pas trop immense...

Le Président (M. Bussière) : ...de mettre fin aux échanges. Le temps est écoulé. Et donc je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, donc, à la députée de Mercier. Vous avez 2 min 45 s.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Donc, j'ai 2 min 45 s. Ce sera très rapide. Donc, vous, ce que vous dites, c'est que c'est mieux d'atteindre nos objectifs de 17 % avec les catégories actuelles, puis, plus tard, on va pouvoir parler d'une catégorie d'aires protégées d'utilisation durable, mais d'autres groupes écologistes ont dit : Bien, il faudrait plutôt... c'est une bonne chose, ce n'est pas mauvais en soi, mais, pour que ce soit vraiment efficace, il fait qu'il y ait des objectifs, des cibles pour le Sud, pour le Nord, pour ne pas que 100 % des aires protégées soient dans le Nord. Il y a aussi... Par exemple, la certification d'exploitation durable actuelle n'est pas suffisante. Il faut mettre d'autres mesures. Est-ce que ce ne serait pas une avenue qui pourrait être regardée?

M. Kölmel (Olivier) : Bien, je dois dire, pour nous, on partage cette opinion de diviser, d'avoir autant dans le Sud que dans le Nord. Ça, c'est assez important. M. Jacob apporte la matrice inversée, qu'il faut commencer à penser aux aires de conservation avant de regarder ce qu'on peut exploiter. Quelle est la richesse? Pourquoi on ne regarde pas ça comme une richesse? En ce moment, on marche arrière puis on se retrouve au mode réactionnaire, qui n'est pas bon. Et je le répète, on a des projets qui n'attendent que, justement, le saut. Donc, pourquoi ça stagne? Ça, c'est la question que vous voudriez réellement poser au ministère, pourquoi ça stagne, ces projets?

Mme Ghazal : Très bien. Bien, c'est sûr qu'on va poser la question. Le gouvernement a promis, et le premier ministre l'a réitéré récemment, de procéder à une réforme du régime forestier dès cet automne. Ça serait quoi, les changements qui devraient être faits au régime forestier actuel? Tout à l'heure, M. Jacob a parlé de l'aménagement écosystémique, qui, aujourd'hui, ressemblait à ce qui se faisait dans le passé, pour améliorer puis permettre plus d'aires protégées. Qu'est-ce qui devrait être changé dans le régime forestier actuel vu que le gouvernement veut le réformer, en quelques secondes?

M. Kölmel (Olivier) : Je vais répondre rapidement et passer à M. Jacob... La commission Coulombe, qu'on a eue, il y a eu plusieurs propositions, des belles propositions, mais on n'a pas écouté tout ce qui a été proposé. Donc, il faut déjà commencer là. M. Jacob.

M. Jacob (Henri) : Bien, en fait, juste un petit mot sur la commission Coulombe. Nous, on a été les premiers groupes à présenter devant la commission Coulombe le portrait de ce qu'on voyait sur la forêt. Nous, on avait dit à M. Coulombe : Il restait 13 % de forêt qui était intacte en forêt boréale. M. Coulombe nous a traités d'apocalyptiques. C'est le mot qu'il prenait. Il a répété durant à peu près cinq minutes ce mot-là, puis lui, il était plus optimiste. Quand il a déposé son rapport, il est arrivé à la conclusion, après un an, qu'il restait 15 % de territoire intact. Ça fait qu'on s'est entendus que 14 %, ça pouvait être à peu près ce qu'il y avait à cette époque-là. Ça fait que ça vous donne déjà une idée que ce n'est pas toujours des choses farfelues, quand on dit qu'il restait à l'époque... Il restait 15 %, d'après M. Coulombe, de territoire qui était...

Le Président (M. Bussière) : ...encore une autre fois, le temps s'est écoulé. Et on passera maintenant au troisième groupe d'opposition, et je cède la parole au député de Jonquière, 2 min 45 s.

• (17 h 20) •

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Merci à vous, de l'association boréale d'Abitibi et pour, également, Greenpeace. Je comprends que vous êtes contre le projet de loi tel qu'il est présenté. Si on avait à le réécrire, vous partiriez sur quelle base, au fond? Qu'est-ce qui manque vraiment, là? Vous voudriez voir apparaître quoi, là, si on avait à le réécrire complètement?

M. Kölmel (Olivier) : Bien, je dirais, de principe, on dit qu'on n'appuie pas cette loi parce qu'on ne veut pas puiser le temps et l'énergie du gouvernement à travailler un nouveau projet de loi, alors qu'il y a d'autres choses qu'on devrait... sur lesquelles miser. Je laisserais la parole à M. Jacob, vu qu'il n'a pas eu autant de temps.

M. Jacob (Henri) : Bien, un peu ce qu'Olivier disait, c'est... En fait, ce qu'il y aurait à changer, la première des choses, c'est de dire... Si on veut réellement faire de la conservation, ce serait important qu'on le fasse selon les valeurs qu'il y a sur notre territoire, selon les carences qui ont été identifiées par le ministère de l'Environnement, et non pas de dire : Parce qu'il y a un potentiel minier, tu ne peux pas avoir... Il devrait y avoir des règles de dire, peut-être, je ne sais pas, moi : À telle profondeur, tu pourrais peut-être faire une mine si tu passes par l'extérieur ou quelque chose de même. Mais, normalement, on devrait pouvoir analyser réellement selon la science, selon ce qu'on a besoin pour conserver ça. Ce serait la première des choses.

Puis, la foresterie, encore une fois, vous savez, notre gros problème est arrivé quand la grosse machinerie est arrivée. En hiver, ce n'est pas si pire, mais, dès que tu arrives à l'été, comme ici, en Abitibi, puis au Lac-Saint-Jean, on a beaucoup de sols qui n'ont pas de capacité portante, et là on détruit carrément la possibilité même de régénération.

M. Gaudreault : Qu'est-ce que vous faites avec les épidémies de tordeuse de bourgeon d'épinette dans les aires protégées? Est-ce qu'on les laisse aller ou on les contrôle, on intervient?

M. Jacob (Henri) : ...d'après la loi, on les laisse faire et, les feux, la même chose, mais ce qui est... Et c'est un peu ce qu'on a dit au début, c'est que, par exemple, il faudrait avoir des aires protégées, puis le ministère de l'Environnement l'a dans ses portraits. Selon les régions, il faut que tu aies des superficies suffisamment grandes pour, justement, qu'une épidémie qui passe ne détruise pas tout. Moi, là, ici, j'en ai une juste en arrière de chez moi, une forêt qu'on a protégée, qui avait été rasée par la dernière grande épidémie du bourgeon de l'épinette. L'industrie voulait couper tout ça. Aujourd'hui, vous allez là, vous allez voir, le taux de régénération, qu'il n'y a pas un arbre qui a été planté, est tellement grand que c'est... Il faudrait faire de l'éclaircie si on voudrait faire une bonne foresterie. Ça fait que, dans une aire protégée, si elles sont suffisamment grandes, on devrait laisser l'épidémie et voir comment...

Le Président (M. Bussière) : Je m'excuse, mais je dois mettre fin aux échanges, le temps étant écoulé. Messieurs, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mardi 22 septembre 2020, à 10 heures. Merci à vous et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 23)

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