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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, January 21, 2020 - Vol. 45 N° 40

Special consultations and public hearings on Bill 44, An Act mainly to ensure effective governance of the fight against climate change and to promote electrification


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Benoit Charette

Mme Marie Montpetit

Mme Ruba Ghazal

M. Sylvain Gaudreault

Auditions

Switch, L'Alliance pour une économie verte

Fondaction CSN

M. Alain Webster

Écotech Québec

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Conseil de gestion du Fonds vert

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Association de l'industrie électrique du Québec (AIEQ)

Autres intervenants

M. Saul Polo, président suppléant

Mme Agnès Grondin, vice-présidente

M. Richard Campeau

M. Gregory Kelley

Mme Marie-Louise Tardif

M. Denis Tardif

M. Vincent Caron

Mme Joëlle Boutin

*          Mme Catherine Bérubé, Switch, L'Alliance pour une économie verte

*          Mme Suzann Méthot, idem

*          M. Julien Lampron, Fondaction CSN

*          M. Stephan Morency, idem

*          M. Denis Leclerc, Écotech Québec

*          M. Richard Painchaud, idem

*          M. Luc Simard, FQM

*          Mme Sylvie Chagnon, Conseil de gestion du Fonds vert

*          M. Denis Bolduc, FTQ

*          M. Patrick Rondeau, idem

*          M. Denis Tremblay, AIEQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Reid (Beauharnois), par Mme Boutin (Jean-Talon); M. Barrette (La Pinière), par M. Kelley (Jacques-Cartier); et M. Benjamin (Viau), par M. Polo (Laval-des-Rapides); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Gaudreault (Jonquière).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Polo) : Merci. Cet avant-midi, nous allons débuter par des remarques préliminaires puis nous entendrons trois groupes : alliance Switch, Fondaction CSN et M. Alain Webster, professeur titulaire du département d'économie de l'École de gestion de l'Université de Sherbrooke.

Nous allons débuter avec des remarques préliminaires. Donc, je cède la parole au ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes.

M. Benoit Charette

M. Charette : Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, mes salutations. Je tiens à saluer également la vice-présidente de la commission, la députée d'Argenteuil, mais également tous les membres de la commission. C'est une très belle façon de commencer l'année, en parlant, de la sorte, d'environnement. Donc, c'est une première journée de consultations particulières sur le projet de loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

J'en profite pour vous souhaiter aussi, naturellement, une belle année de débats, notamment en matière d'environnement. Et j'ai accepté avec plaisir d'être membre de cette commission, M. le Président, pour la durée du mandat qui lui a été confié. Avec le projet de loi, nous voulons concrétiser notre vision sur la gouvernance de l'action du gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques et de transition énergétique. Nous voulons plus spécifiquement simplifier la gouvernance, clarifier les responsabilités et éviter les chevauchements, mais aussi assurer l'imputabilité en matière de lutte contre les changements climatiques et de transition énergétique. Nous voulons nous assurer de mettre nos ressources financières et notre énergie aux bons endroits. Cela devrait nous permettre d'améliorer, d'accélérer l'action gouvernementale afin d'atteindre nos cibles et de répondre à l'urgence climatique. C'est ce que nous visons avec le projet de loi présenté aujourd'hui. Nous voulons poser un jalon important, qui permettra d'assurer aussi plus de cohérence dans l'action gouvernementale pour relever le défi climatique et protéger notre environnement.

Ce projet de loi, M. le Président, a été élaboré en collaboration avec mon collègue le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, et, avec ce projet de loi, nous codifions ce principe fondamental de notre régime parlementaire et démocratique qu'est la responsabilité ministérielle, et nous l'assumons pleinement. C'est pourquoi le Conseil de gestion du Fonds vert est aboli et que Transition énergétique Québec est intégrée au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Le projet de loi prévoit que l'actuel Fonds vert porte désormais le nom de Fonds d'électrification et de changements climatiques. Nous voulons le recentrer entièrement sur la lutte contre les changements climatiques et l'électrification de notre économie. Nous voulons en faire un véritable moteur de la nouvelle économie verte, et que nous souhaitons, pour le Québec.

Le ministre de l'Environnement devient d'office le conseiller du gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques. Il assurerait la cohérence et la coordination à l'échelle gouvernementale des mesures ministérielles ou proposées par certains organismes publics et serait associé à leur conception. Le ministre sera responsable de proposer au gouvernement une politique-cadre sur les changements climatiques. Ce repositionnement quant au rôle du ministre de l'Environnement est un puissant signal de l'importance accordée à l'enjeu des changements climatiques par le premier ministre et par l'ensemble du gouvernement.

De même, le projet de loi fait en sorte que le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles sera responsable de la transition, de l'innovation et de l'efficacité énergétique. Le ministre devra aussi s'assurer de la conformité du plan de transition énergétique, dont il conserve la responsabilité, aux principes et aux objectifs énoncés dans le futur plan d'électrification et de changements climatiques. Il profitera, notamment, pour financer ses actions, du Fonds de transition énergétique, qui sera renommé le Fonds de transition, d'innovation et d'efficacité énergétiques.

Le projet de loi prévoit un ensemble de mécanismes pour faire en sorte que les choix du gouvernement soient également transparents et basés sur la science : un rôle indépendant de vérification au Commissaire au développement durable, qui pourra faire connaître, chaque année, ses constats et ses recommandations au sujet du Fonds d'électrification et de changements climatiques; la mise sur pied d'un comité consultatif permanent et indépendant sur les changements climatiques composé principalement de scientifiques; une gestion axée sur les résultats pour les ministères et organismes qui se verraient confier des budgets tirés du Fonds vert. Ce projet de loi comporte évidemment des mesures transitoires pour faciliter les restructurations proposées.

Et, en plus de ce projet de loi, nous sommes en train, et c'est important de le rappeler, d'élaborer le Plan d'électrification et de changements climatiques, lequel va constituer la première politique-cadre en changements climatiques au sens du projet de loi n° 44. À cette fin, nous avons réuni l'ensemble des experts concernés, tant les ministères que dans la société civile. Nous avons aussi pris connaissance de nombreux enjeux qui touchent les diverses régions du Québec, le monde municipal et les autochtones. L'ensemble de la population a pu participer à une consultation en ligne et déposer un mémoire. Et je compte dévoiler ce plan sous peu, tel qu'entendu.

En conclusion, ces changements que nous proposons, nous devons les apporter rapidement. Le Québec s'est fixé, pour 2030, un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % par rapport à l'année de référence de 1990. Le gouvernement veut disposer de tous les leviers pour travailler rapidement à l'atteinte de cette cible, et c'est dans cet esprit que nous devons examiner le projet de loi n° 44, s'il le faut, le parfaire. Je serai tout à fait à l'écoute des différentes personnes et groupes qui feront l'honneur de leur présence au cours des prochains jours. Et déjà je tiens à remercier à l'avance tous les intervenants qui participeront à cette commission parlementaire, de même que tous ceux et celles qui nous transmettront leurs mémoires. Merci, M. le Président.

• (9 h 50) •

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et de lutte contre les changements climatiques et députée de Maurice-Richard à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximum de quatre minutes.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour. Bon retour à l'Assemblée. Je commencerais évidemment en saluant le ministre, toute son équipe aussi, que je vois nombreuse aujourd'hui, les collègues du gouvernement. Bienvenue à la nouvelle députée de Jean-Talon, bienvenue en commission. Les collègues de l'opposition, contente de vous retrouver ici. Et surtout je suis bien contente qu'on ait des groupes aujourd'hui pour... Bien hâte d'entendre les recommandations qu'ils vont nous faire pour bonifier le projet de loi, qui est une pièce législative importante. Puis, vous savez, M. le Président, quand le gouvernement dépose une pièce législative, elle devient le projet de loi des 125 députés de l'Assemblée nationale. Donc, évidemment, je veux juste vous informer que nous nous présentons ici dans un mode de pleine collaboration, surtout que c'est un projet de loi, justement, qui va avoir un impact important sur l'ensemble des Québécois.

Ceci dit, à cet effet, je ne vous cacherai pas que, comme opposition officielle, nous avons certaines inquiétudes concernant le projet de loi, notamment au niveau de la transparence des décisions qui pourraient être prises suite à la mise en application de ce projet de loi, notamment sur les risques de politisation des décisions, aussi sur le fait que c'est un projet de loi qui prend une direction qui va à l'encontre de l'avis de la plupart des experts en termes de saine gouvernance, notamment sur l'abolition d'un institut indépendant qui a un conseil d'administration indépendant que nous avions mis sur pied justement pour répondre à certaines inquiétudes et certains problèmes qu'il y avait à l'époque. Donc, c'est sûr qu'on se... On a des inquiétudes par rapport à la direction qui est prise avec le projet de loi actuel, et particulièrement aussi aux impacts.

Ce qui devrait nous gouverner, à l'heure actuelle, en termes d'environnement, suite, entre autres, à tout ce qui a été dit par le secrétaire général de l'ONU, notamment, à la dernière COP, par le rapport du GIEC en décembre 2018, devrait être l'atteinte de nos cibles de GES. Et malheureusement je vois mal comment le projet de loi qui est déposé nous amène dans cette direction-là.

Ceci dit, je rassure le ministre, s'il a des inquiétudes à cet effet-là, que nous serons en mode d'une grande collaboration, mais nous aurons à soulever l'ensemble de ces inquiétudes dont je lui ai déjà fait part à maintes, maintes reprises. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'environnement et députée de Mercier à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de 60 secondes.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup. Je salue tous mes collègues députés. Vous savez, l'année passée, il y a eu, avec le pacte de la transition, une demande de tous les groupes et des partis d'opposition d'avoir une loi-cadre sur le climat, donc une loi contraignante avec des cibles qui soient écrites dedans, une loi sérieuse pour réussir la transition. La réponse du ministre, on l'a aujourd'hui avec le projet de loi n° 44, où il y a deux éléments importants. Le premier, c'est la gestion du Fonds vert. Il va falloir qu'on trouve une façon qu'il soit géré de façon indépendante et non pas entre les mains du ministre. Et TEQ, Transition énergétique Québec, une agence indépendante, le maître d'oeuvre de la transition, au lieu de le renforcer, bien, le projet de loi n° 44 l'abolit.

On ne comprend pas cette proposition. Le projet de loi n° 44, s'il est adopté tel quel, bien, c'est le chemin assuré vers l'échec de la transition. Et on sait, aujourd'hui, on n'a pas le temps de se tromper. L'urgence climatique l'exige, on ne peut pas se retrouver dans cinq, 10 ans dans la même situation dans laquelle on se trouve aujourd'hui.

Je remercie le ministre de dire qu'il a une ouverture. Moi, j'ai cette ouverture. Et j'espère aussi qu'il a la marge de manoeuvre pour écouter les groupes d'opposition et aussi les gens qu'on va entendre cette semaine. Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant le porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière d'environnement et de lutte contre les changements climatiques et député de Jonquière à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 60 secondes.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous et à toutes. C'est un projet de loi extrêmement important que nous avons devant nous. Je regrette que le ministre n'ait pas intégré à l'intérieur du projet de loi plusieurs éléments du projet de loi n° 194 que j'ai moi-même déposé sur le respect des obligations climatiques du Québec, notamment le côté budget carbone.

Alors, le ministre nous parle d'ouverture. Moi, je pense que, s'il y a une ouverture réelle, on pourrait extraire le volet budget carbone de mon projet de loi et l'inclure dans le sien avec un rôle important du Commissaire au développement durable. Sinon, pour le reste, la gouvernance du Fonds vert, c'est un recul, de la manière dont le ministre le propose dans le projet de loi n° 44, un recul important qui va à contresens de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Ailleurs dans le monde, plus de transparence, plus de reddition de comptes, plus de normes pour savoir où on s'en va et non pas plus de pouvoir discrétionnaire entre les mains d'une seule personne, d'un seul ministre.

Il y a des nouveaux pouvoirs qui sont accordés au ministre, pouvoirs d'avis auprès de ses collègues. Alors, ça, ça va nous questionner beaucoup parce que ça lui donne beaucoup de responsabilités mais peu de moyens pour les exécuter. Alors, c'est une des questions... plusieurs questions qu'on aura à poser. Merci.

Auditions

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants d'alliance Switch, Mme Suzann Méthot, directrice, Mme Catherine Bérubé, coprésidente, vice-présidente, Développement durable, relations avec les investisseurs et affaires publiques, Cycle Capital. C'est bien ça?

Switch, L'Alliance pour une économie verte

Mme Bérubé (Catherine) : C'est ça.

Le Président (M. Polo) : Excellent. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter... je l'ai déjà fait, mais à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Mme Bérubé (Catherine) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission, alors, au nom de... l'alliance Switch vous remercie beaucoup pour l'invitation aujourd'hui qui nous a été faite, contribuer à ce projet de loi là. C'est de la façon qu'on le perçoit, en tout cas, c'est vraiment d'être un contributeur, un partenaire. Donc, on vous a présenté ma collègue Suzann Méthot, directrice de l'alliance Switch. Il y a aussi des membres de l'alliance qui sont ici parmi nous, juste derrière moi.

Donc, l'alliance Switch, pour ceux qui ne connaissent pas, réunit des leaders des secteurs de l'économie, des finances, entreprises, ONG en environnement, qui... Bien que nous poursuivions individuellement des objectifs différents, bien, on se rallie tous autour d'une vision commune : accélérer le virage du Québec vers une économie verte.

Je pense, c'est important de les présenter, qui sont ces membres-là, juste pour vous donner une idée de la variété, je vais dire, des profils, donc, qui réunit l'Association de l'aluminium du Canada, Conseil du patronat du Québec, Écotech Québec, Énergir, Enerkem, Équiterre, Fondaction, Fondation David-Suzuki, le Mouvement Desjardins, RNCREQ, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, Réseau Environnement également.

Donc, nos positions qu'on formule, puis vous avez pu les voir dans le mémoire qu'on a déposé, sont formulées à la suite d'un consensus. C'est comme ça qu'on fonctionne à l'alliance Switch, et c'est la force du groupe, donc, écolos, ou des éconos, si on pourrait dire, qui sont réunis ensemble pour un Québec plus vert.

Dans le cas du projet de loi qui nous concerne, Switch reconnaît vraiment les efforts déployés au cours des 40 dernières années, depuis le bureau des efficacités énergétiques — là, on remonte très, très loin — par les différents gouvernements, qui ont successivement déployé leur énergie pour coordonner l'ensemble des efforts en efficacité énergétique, en transition énergétique, en proposant vraiment différentes formules de gouvernance qui ont évolué au fil du temps.

Plus récemment, avec la création de Transition énergétique Québec et le déploiement de son plan directeur, bien, le Québec a vraiment déposé... a posé des jalons importants qui permettent encore d'espérer que le Québec est en mesure d'atteindre ses objectifs de réduction de GES tout en développant son économie, mais, aujourd'hui, nous devons faire plus et encore plus rapidement, et, chez Switch, on pense qu'on le peut.

Donc, pour Switch, 2020 est vraiment la décennie de la transition énergétique, et le p.l. n° 44, bien, c'est son fer de lance pour ce faire. Aujourd'hui, l'alliance se positionne en appui avec les intentions du gouvernement de vouloir, en quelque sorte, peser sur l'accélérateur, et notre organisation est très heureuse de contribuer à cet effort gouvernemental, aujourd'hui et dans le futur, en y allant de recommandations qui, on en est convaincus, vont donner beaucoup plus de moyens pour que le Québec puisse améliorer, accélérer le mouvement et répondre aux défis climatiques.

Au niveau de l'alliance Switch, donc, on estime que, dans sa forme actuelle, le p.l. n° 44 soulève des enjeux en matière de gouvernance, d'efficacité, d'imputabilité et de cohérence, et on pense qu'il importe de revoir la structure de gouvernance qui est proposée pour vraiment s'assurer d'accomplir l'intention qui est visée par le législateur.

Dans cette perspective, on soumet des recommandations qui consistent principalement à la création d'une société d'État responsable de coordonner l'ensemble de l'effort gouvernemental dédié à la transition énergétique, et qui relèverait de la plus haute instance gouvernementale, et soutenue par des experts en matière de finances et de l'ensemble des acteurs de la transition énergétique. Pourquoi qui relèverait des plus hautes instances? Parce qu'on pense que c'est un... Le besoin et l'urgence d'agir ont été reconnus par l'Assemblée nationale, et on pense que les secteurs qui sont touchés sont vraiment multisectoriels, multidisciplinaires, et donc on a vraiment besoin d'avoir une coordination au plus haut niveau pour pouvoir assurer la réalisation des objectifs. Je cède la parole à ma collègue pour poursuivre.

• (10 heures) •

Mme Méthot (Suzann) : Merci, Catherine. M. le Président, M. le ministre, députés, membres de la commission, merci beaucoup, encore une fois, de l'invitation.

Bien que la gestion du Fonds vert ait fait l'objet de nombreuses critiques, Switch est d'avis que les objectifs visés traditionnellement par ce fonds sont les bons et que le plan directeur de TEQ, via le déploiement de ses programmes, en fait le principal agent livreur vers l'atteinte des cibles de réduction des GES et d'efficacité énergétique. Ainsi, pour Switch, il importe d'en préserver les acquis et d'en renforcer la portée et le pouvoir d'agir. Switch a vu, d'ailleurs, la volonté du gouvernement de vouloir poursuivre et de prolonger le déploiement du plan directeur jusqu'en 2025.

On a travaillé fort, vous nous avez fait travailler fort, on a passé des belles fêtes, tout le monde. Les discussions, au sein des membres, ont surtout porté sur la gouvernance, l'imputabilité, la cohérence, l'efficacité et la transparence, la transversalité de l'État dans la perspective du projet de loi. La transition énergétique, comme Catherine vient de le dire, n'est pas l'affaire d'un seul ministère, mais de l'ensemble de l'appareil gouvernemental. C'est pourquoi on élève la responsabilité à un niveau supérieur, sans rien enlever à la capacité, évidemment, du ministre et du ministère.

Réduire nos émissions de GES tout en faisant croître notre économie, en favorisant notamment l'attraction du capital prévu, a été aussi un des critères qui a influencé nos recommandations. TEQ est extrêmement positif sur la livraison mais n'est pas outillé de façon optimale, se trouvant parfois dans des situations où l'organisme doit pousser dans le dos de d'autres ministères qui gèrent certains programmes qui figurent sur son plan directeur. C'est pourquoi nous proposons un véhicule indépendant, imputable, pérenne, équipé pour livrer, détenant tous les outils pour ce faire et relevant de la plus haute instance gouvernementale. On propose une structure qui a plus d'indépendance, plus à l'abri des politiques changeantes, plus d'imputabilité, de prévisibilité... c'est important, ça aussi, pour les gens de l'industrie, pour pouvoir mener à terme les programmes et projets qui permettront au gouvernement et au Québec d'atteindre les cibles de réduction des GES tout en faisant croître son économie.

Aussi, les recommandations portent sur les aspects suivants : la gouvernance, la gestion des fonds, les allocations financières, la vérification, le rôle du Vérificateur général et l'intégration des cibles de réduction des GES. Et nous espérons aujourd'hui être en mesure de vous éclairer, de nous faire avancer, tout le monde, en tant que société. Vous pouvez tenir pour acquis notre grande collaboration pour aujourd'hui et la suite des choses. Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Merci. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous. Puisqu'il n'y a pas de député indépendant, donc, je vous rappelle que vous disposez de 16 minutes d'échange, pour l'opposition officielle, c'est 10 min 40 s et, deuxième et troisième groupe d'opposition, c'est... pardon, 10 min 40 s pour l'opposition officielle, 2 min 40 s pour la deuxième et troisième opposition. Merci.

M. Charette : Merci beaucoup, M. le Président. D'ailleurs, j'apprécie fort bien vos propos, et on se rejoint à plusieurs égards, c'est le but du projet de loi n° 44, de revoir la gouvernance et surtout éviter le piège des dernières années, c'est-à-dire, on se donne des cibles, mais on ne se donne pas de moyens pour les atteindre. Et je ne blâme pas un gouvernement en particulier, c'est ce qui s'est vécu malheureusement à l'échelle planétaire, et on ne veut pas reproduire cette erreur-là.

Et une des façons pour nous d'y parvenir, c'est beaucoup par les deux chiens de garde, je ne sais pas si c'est la bonne expression, mais qu'on instaure, à travers le projet de loi n° 44, c'est-à-dire un mandat particulier et très défini du Commissaire au développement durable. Personne ne peut remettre en doute son impartialité, personne ne peut remettre en doute son indépendance. Et c'est lui qui, année après année, va nous donner, en quelque sorte, son bulletin, de sorte qu'on ne se retrouve pas, par exemple, en 2029, soit à la veille de l'échéance de notre plan d'action, avec la conclusion qu'on n'arrivera pas à nos fins. Donc, c'est une première instance ou un premier mandat qui est clairement défini, et, l'autre, la composition de ce comité indépendant composé majoritairement de scientifiques pour nous accompagner dans notre démarche.

Certaines personnes ont laissé entrevoir une inquiétude, qui est très, très légitime, de voir est-ce qu'il n'y a pas un danger, avec le projet de loi actuel, de rendre la démarche plus partisane, ne pas laisser place au choix bêtement politique ou d'un individu, soit, en l'occurrence, le ministre de l'Environnement. Donc, c'est réellement ce qu'on a voulu éviter. Et j'étais curieux de vous entendre spécifiquement sur ces deux instances-là. Est-ce que, d'après vous, elles joueront un rôle capital? Est-ce que ce sera utile dans la garantie ou notre démarche de transition énergétique pour que l'on puisse enfin atteindre nos cibles, ce qui n'a jamais été fait par le passé, malheureusement?

Mme Méthot (Suzann) : Le problème, à la lecture du projet de loi, c'est que... ce qui en ressort, c'est qu'on vous donne un rôle qui est important, qui est celui de conseiller, mais ce qu'on ne voit pas dans le projet de loi, c'est qui prend les décisions. Et on a aussi un problème où... Oui, il y a bien un conseil, en fait, deux comités qui sont créés, et celui qui relève de vos compétences va vous conseiller, les avis vont être publics. Par contre, par la suite, on est dans une boîte noire. Les discussions vont se tenir au Conseil des ministres, et, bien là, ça va être... je veux dire, vous connaissez cette partie-là mieux que nous, le tirage de couverte entre ministères pour essayer de faire valoir son point.

Et ce qu'on croit, c'est que... Considérant les enjeux soulevés par ce projet de loi, qui est une pièce éminemment importante pour le Québec, on croit qu'il y aurait sans doute plus de pouvoirs à amener ça à un niveau supérieur et éviter, justement, premièrement, ce tirage de couverte là, et, surtout, de prendre pour... de renforcer, dans le fond, les capacités que, déjà, avait la structure de TEQ, qui, pour nous, justement, vous prémunit de... ou vous permet d'atteindre les objectifs que vous recherchez quand on parle d'indépendance, où on a un conseil d'administration qui est imputable et qui, en plus, est équipé d'une variété de compétences et d'expertises qui rassemblent et qui touchent l'ensemble des enjeux soulevés. Parce que les questions qui touchent la transition énergétique, oui, relèvent beaucoup des aspects environnementaux, mais on parle de transport, on parle de santé, on parle d'aménagement du territoire, alors ça demande un lieu d'échange qui, à la fois, a des experts qui représentent tous ces secteurs-là, mais qui sont aussi dans une structure qui, à la fois, leur accorde l'indépendance de travailler, mais aussi les rend imputables, et où on les outille... et là on pourra parler plus tard de financement aussi. Et la structure, telle qu'on la lit dans le projet de loi, ce n'est pas ce qui nous...

Le Président (M. Polo) : Mme Bérubé, Mme Bérubé, je pense que le ministre a une...

Une voix : Mme Méthot.

Le Président (M. Polo) : Ah! Mme Méthot. Mais, je pense, M. le ministre souhaite intervenir et échanger avec vous. Oui, oui, c'est ça.

Mme Méthot (Suzann) : Allez-y.

M. Charette : Le temps est très, très serré. Je comprends, et j'entends, et j'accueille avec tout à fait... La notion d'imputabilité, je l'accueille avec aussi beaucoup, beaucoup d'ouverture, et c'est la base du projet de loi. Quand on parle... Et je vous ramène sur le rôle que l'on souhaite conférer au Commissaire au développement durable, imaginez la pression, à chaque année, lorsque la Vérificatrice générale dépose un rapport, la pression que, de façon tout à fait constructive, ça impose aux différents ministères concernés. Donc, imaginez le scénario suivant si, année après année, il y avait un rapport déposé par le Commissaire au développement durable qui disait : On ne va pas dans la bonne direction, c'est une pression, comme gouvernement, qu'on ne souhaiterait pas subir. Donc, pour nous, la garantie de résultat, l'imputabilité repose beaucoup sur la réaction du gouvernement à ces différents rapports là qui seront rendus publics.

Là, je parle du Commissaire au développement durable, mais, au niveau du comité scientifique, c'est la même chose. À une certaine époque, on pouvait recevoir des rapports de cette nature-là, décider de les rendre publics ou pas, mais là, encore une fois, le projet de loi spécifie de façon très, très claire que tous ces rapports-là seront rendus publics. Encore une fois, c'est une garantie, selon moi, de réponse du gouvernement, on ne pourrait pas imaginer... Et, dans notre système parlementaire, le rôle de l'opposition est tout à fait capital, imaginez le plaisir qu'auraient les oppositions à revenir sur des éléments du rapport si le gouvernement n'en prenait pas acte et n'agissait pas en conséquence.

Donc, je reviens un petit peu sur la question de départ. Ces deux instances-là, pour vous, est-ce que c'est un élément qui est constructif dans l'objectif d'atteindre, pour une première fois, mais c'est important, nos cibles en matière de réduction de gaz à effet de serre?

• (10 h 10) •

Mme Méthot (Suzann) : La vérification du VG est essentielle, mais je rappelle que c'est une obligation qu'il a déjà de facto, depuis 2017‑2018, de vérifier le Fonds vert. Le projet de loi, tel qu'il est présenté actuellement, on ne comprend pas s'il devra vérifier aussi la performance et les performances extrafinancières. Alors, il ne faudra pas qu'on se limite à la colonne des plus et des moins, débits-crédits au Fonds vert, mais qu'on s'assure aussi que la performance du plan directeur actuel et à venir puisse être dans sa liste d'épicerie.

Maintenant, le projet de loi retire à la Régie de l'énergie la vérification de la performance du plan directeur. Alors, ça, c'est un moins. Alors, si on veut aller chercher de la vérification et de la transparence, je crois qu'il importerait qu'on réintègre la vigie de la Régie de l'énergie, à laquelle serait soumise la société d'État si on poursuivait, mais qu'on l'agrémentait de l'ensemble des compétences.

Mme Bérubé (Catherine) : Au niveau des conseils, des comités, la composition est aussi importante. Là aussi, on propose qu'il y ait, je vais dire, une plus grande diversité de profils, et puis peut-être y aller carrément sur la base d'une... ça fait partie de notre mémoire, là, d'un avis d'intérêt pour s'assurer qu'il y ait une diversité un petit peu plus grande et puis qui puisse répondre... une expertise qui soit un petit peu plus large, là, au sein du comité, donc avoir des gens de l'industrie, notamment.

M. Charette : Peut-être une dernière question rapide pour ma part, j'ai des collègues aussi qui aimeraient intervenir par la suite. L'agence que vous proposez, en quelque sorte, par rapport à TEQ, tel que l'organisation existe présentement, quelle serait sa plus-value, est-ce que c'est un TEQ plus? Comment vous voyez, justement, le rôle de cette agence, là, que vous voulez mettre à l'avant-scène?

Mme Bérubé (Catherine) : C'est un TEQ plus, un TEQ qui relève, je dirais, de l'ensemble, à ce moment-ci, de l'instance gouvernementale, et puis, bien, c'est sûr que ce qu'on vise, c'est qu'on ait une agence qui soit équipée, donc qui ait les ressources à la fois humaines et financières pour être en mesure de livrer. TEQ a été en mesure de livrer, maintenant je pense qu'il faut qu'on accélère. C'est ce qu'on propose, et ça, ça doit passer par des ressources qui sont, je veux dire, assurées à travers le temps et qui sont bonifiées.

M. Charette : C'est gentil, merci. Peut-être juste vous rassurer, avant de céder la parole, le mandat de TEQS... de TEQ, c'est-à-dire, et le maintien de la politique-cadre sont maintenus à travers le MERN, notamment. Donc, le plan directeur est aussi pour nous quelque chose de très, très précieux. Et, vous rassurer, dans la structure que l'on propose, on ne met pas de côté, bien au contraire, là, ce travail-là tout à fait fondamental, là, qui a été fait et qui va se poursuivre à travers le MERN.

Donc, je sais que j'ai des collègues qui voulaient prendre la parole, notamment mon collègue de Bourget.

Le Président (M. Polo) : Il reste 6 min 40 s. Allez-y.

M. Campeau : Bonjour. Merci pour votre présentation. Je ne sais pas trop, des fois, comment poser la question, je n'essaie pas de défendre le projet de loi actuellement, là, on est quand même au tout début, vous êtes le premier groupe qu'on entend, mais surtout de provoquer la discussion. Vous mentionnez qu'on devrait avoir une société d'État reliée à la plus haute instance gouvernementale, ça veut dire quoi, c'est le bureau du PM, ça?

Mme Bérubé (Catherine) : MCE, ministère du Conseil exécutif.

M. Campeau : C'est ça. Et est-ce que vous ne voyez pas, là-dedans, un danger d'un pouvoir dilué? Parce que, justement, on se ramasse dans un bureau où le premier ministre est en charge de plusieurs dossiers. Est-ce que vous n'y voyez pas une lenteur administrative? Et, quand on parle d'imputabilité, bien, force est de constater qu'au Québec l'imputabilité, ça a été un peu difficile, dans les dernières années, de vraiment pouvoir imputer un résultat directement à une personne, on a souvent tourné en rond avec ça. J'aimerais juste vous entendre là-dessus, s'il vous plaît, je n'essaie pas de défendre le projet de loi, dans ce cas-là, j'essaie de provoquer la discussion.

Mme Bérubé (Catherine) : Bien, je pense qu'au niveau de... Il faut revenir vers ce qui a porté notre réflexion, c'est-à-dire à la fois la cohérence, l'efficacité, la transparence, c'est ce qui nous a menés vers une société d'État. Et puis, après, bien, le déploiement des mesures de cette société d'État là étant multisectoriel, c'est pour ça qu'on pense que ça doit être, je vais dire, attribué... ou la responsabilité doit relever, je vais dire, de l'instance qui s'élève au-dessus des autres ministères. On pense que c'est la meilleure façon d'assurer, justement, un bon déploiement.

Mme Méthot (Suzann) : Si je peux me permettre en ajout, en complément, pour ce qui est de la lenteur, a contrario, la lenteur administrative... en transférant la société d'État actuelle sous le ministère, au MERN... va amener son lot de lenteur administrative, parce que les ministères sont soumis à, bon, divers lois, règlements, directives gouvernementales. Je pense, par exemple, à la loi sur la promesse de l'octroi des subventions, hein, qui nécessite un certain montant, là, 10 000 $, 1 million, qu'on aille se faire donner une permission au Conseil du trésor et, au-delà de 1 million, au Conseil des ministres.

Alors, ça, au quotidien, c'est le genre de directives qui viennent alourdir les processus et qui, malheureusement, font perdre des opportunités, entre autres, à l'industrie. Ça s'est déjà passé précédemment. Un organisme, une société d'État a plus d'agilité à ce sens-là, et TEQ a vraiment fait preuve, jusqu'ici, d'agilité.

M. Campeau : Merci.

Le Président (M. Polo) : Il reste du temps. Allez-y, M. le ministre.

M. Charette : À ce niveau-là, on a tous salué le plan directeur, un petit peu, la ligne de conduite des prochaines années. Effectivement, on a beaucoup d'échos positifs sur la qualité de ce plan-là, qui a été bâti en partenariat avec plusieurs intervenants. Est-ce que ce n'est pas tant l'application du plan directeur qui est importante que l'endroit où il est administré? J'essaie de peser un petit peu ou de pondérer... Ce qui est fondamental, c'est plutôt les résultats que l'endroit où la gestion se fait. Je vous pose candidement la question à ce niveau-là.

Mme Bérubé (Catherine) : Les deux, je pense que c'est les deux. La coordination est très, très importante et puis la meilleure façon d'avoir une bonne coordination qui relève... on parle de programmes qui relèvent de différents ministères, c'est d'avoir une coordination qui est réunie à un seul et même endroit avec la latitude, je vais dire, de pouvoir coordonner les efforts.

M. Charette : Et, dans les réflexions que vous avez eues avec vos différents partenaires, est-ce que vous vous êtes basés sur un exemple de gouvernance particulier, que ce soit un État, une province, un pays? Quel est le modèle de référence pour vous à ce niveau-là?

Mme Méthot (Suzann) : On s'est basés, en fait, un, sur notre exemple à nous, celui que nous avons actuellement, qui est Transition énergétique Québec, qui, on vous le rappelle, pour 18,5 % du Fonds vert, livre au-delà de 60 % des réductions de GES au Québec. C'est un bilan de mi-parcours qui était basé sur des estimations, mais sur des données quand même historiques qui permettent de croire qu'ils vont livrer. Alors, déjà, on a un modèle ici qui est excellent, qui ne peut qu'être bonifié. Mais, oui, on peut penser à l'ADEME, en France, entre autres, qui est un modèle qui est très intéressant, qu'on connaît bien. Et, bien, par ailleurs, TEQ a une collaboration, un partenariat avec l'ADEME, ça fait qu'on peut penser que l'organisme pourrait profiter... tous les deux, échanger les bons procédés.

Au-delà de ça, il y a le Commissaire au développement durable qui a évalué des modèles aussi à travers le monde, cinq modèles. Je n'ai pas tous les détails, mais, ce dont il en concluait, puis c'est dans un de ses rapports et c'est documenté dans notre mémoire en annexe, tous modèles confondus, les modèles de gouvernance qui étaient le plus proche du plus haut niveau du pouvoir étaient les plus efficaces. Alors, c'est ce qui est venu aussi alimenter notre réflexion.

M. Charette : Dans la même foulée, est-ce que vous avez des exemples de pays, États, provinces, peu importe, qui ont comme premier répondant soit le premier ministre soit le président, selon le régime politique qui est en place? Est-ce qu'il y a des modèles, là, qui vous semblent plus porteurs à ce niveau-là?

Mme Méthot (Suzann) : Malheureusement, je n'en ai pas ce matin, on a eu tellement d'éléments sur lesquels travailler, mais il y a des pays nordiques qui, sans doute, et le Japon aussi, pourraient nous offrir des modèles, mais, sincèrement, ça n'a pas été un des sujets qu'on a creusés. On s'en remet au rapport du Commissaire au développement durable.

M. Charette : C'est gentil. Juste valider le temps qui reste à notre disposition...

Le Président (M. Polo) : 30 secondes.

M. Charette : 30 secondes. Bon. C'est assez pour vous remercier pour votre présence, ce matin, avec des propos qui méritent réflexion. Mais, déjà, merci de vous être présentées ce matin devant nous.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Merci. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être là avec nous aujourd'hui. Des recommandations, des commentaires fort... que je ne peux trouver que pertinents puisque je les partage pour la très grande majorité. Je commencerais d'abord... juste par curiosité, pour bien camper la discussion, est-ce que vous avez fait partie... je sais qu'il y a des groupes de travail qui ont été mis en place par le ministre l'été dernier, il y a des consultations qui ont été faites, est-ce que, comme groupe, vous avez fait partie de ces groupes de travail ou de ces consultations?

Mme Bérubé (Catherine) : Est-ce qu'on parle du PECC?

Mme Montpetit : Oui.

Mme Bérubé (Catherine) : Oui. Switch a été mandatée pour coordonner un groupe de travail.

• (10 h 20) •

Mme Montpetit : Parfait, d'accord, et... Bien, c'est ça. Je vous entendais, dans vos commentaires, justement, faire référence... puis je pense qu'on a été plusieurs à le mentionner dans nos remarques préliminaires ce matin, puis on l'avait déjà mentionné au dépôt du projet de loi en novembre puis à l'annonce du projet de loi en juin, là. Ça fait comme déjà quelque temps que c'est dans la sphère d'actualité, je veux dire, on attendait que ce soit réellement déposé pour pouvoir avoir des discussions là-dessus, mais je vous entendais parler justement... puis c'est ce qui nous préoccupe, nous, comme opposition officielle, c'est toutes les questions, justement, de saine gouvernance, de reddition de comptes, d'indépendance et de transparence, d'imputabilité également.

Puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, mais je pense que c'est vraiment sur cet échange-là que j'aimerais qu'on se concentre parce qu'on a, nous, de notre côté... puis on ne les nie pas, là, on ne joue pas à l'autruche, le Fonds vert a été mis en place. Il y a eu certains ratés, il y a eu de grands succès aussi, je pense qu'il faut le mentionner, il y a certainement place à l'amélioration. C'est la raison pour laquelle, à l'époque, justement, ces structures-là avaient été mises en place, tant le conseil de gestion que TEQ. Et ce qu'on voit avec la proposition, avec le projet de loi qui est sur la table, c'est qu'on revient à la case départ, dans le fond, on revient... Puis c'est ce qui nous surprend particulièrement, c'est ce qui nous a vraiment surpris, quand ça a été annoncé, justement, la vision, la direction, si je ne me trompe pas, au mois de juin, l'année dernière, c'est de voir que le chemin qui est pris est un chemin dont on connaît déjà les résultats.

Et c'est dans ce contexte-là, nous, qu'évidemment on a souligné... ce n'est pas seulement des inquiétudes, c'est... Si c'était une direction comme vous, vous en proposez une, qui est quand même différente de ce qui a été fait, mais, ce qu'on a sur la table, en ce moment, on le sait déjà, que c'est une assurance d'échec, on est déjà passé par là. Ça a déjà été critiqué par le Commissaire au développement durable. Il y a déjà eu des rapports qui nous ont montré que le fait de tout recentraliser, de centraliser ça, de politiser les décisions, ce n'est pas la bonne direction à prendre. Effectivement, ça va à l'encontre de tout ce qu'il se fait à l'international à l'heure actuelle, aussi, justement, d'augmenter la reddition de comptes, d'augmenter la transparence.

Et vous avez mentionné une de vos inquiétudes, qui est le fait qu'on... puis j'aimerais vous entendre sur cet élément-là, entre autres, qu'on perd de vue, à un moment, justement... avec la structure qui est proposée, on perd de vue qui prend les décisions et comment sont prises les décisions, avec tous les impacts que ça peut poser. Moi, c'est ce qui me préoccupe particulièrement, mais j'aimerais ça vous entendre, de votre point de vue, comme organisation, comment vous voyez ça, au niveau des effets, là.

Mme Bérubé (Catherine) : Bien, si je peux me permettre, je pense qu'au fil des ans, des décennies même, on a vraiment bien établi quelle était la vision. Ça, je pense qu'à travers les différents gouvernements l'objectif, on le connaît, là, on a les cibles, maintenant, c'est dans l'exécution, au fur et à mesure où il y a eu des modifications à la structure, différentes moutures... Puis, aujourd'hui, on voit ça plus comme une opportunité de faire plus. Peut-être qu'il y avait des lacunes aussi, je veux dire, en termes de ressources, il y avait des besoins, puis on a besoin... on le sait maintenant, puis ça, ça m'amène au sujet des investissements aussi, on le sait, qu'on a besoin d'efforts considérables pour pouvoir atteindre nos objectifs, nos cibles. Maintenant, bien, c'est une opportunité de faire plus en attirant, entre autres, le capital privé, pour mettre le capital privé au travail, utiliser vraiment le capital public comme «leverage», comme levier pour l'attirer.

Donc, pour faire plus, on parle, oui, de ressources humaines et financières, mais aussi, comme je disais, la structure est aussi importante. Et donc, effectivement, nous, on pense que la meilleure façon, le meilleur livreur pour y parvenir, c'est vraiment une société d'État, un peu à l'image de TEQ.

Mme Montpetit : Oui, bien, c'est ça, je vais rebondir exactement là-dessus parce que... puis je veux bien comprendre votre propos par rapport à ça, justement, parce que vous proposez, vous avez quand même dit que TEQ... puis, encore là, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais vous avez dit que TEQ fonctionnait bien mais manquait de ressources. Et là la proposition que vous faites ce matin, justement, c'est une autre société indépendante d'État. Tu sais, quand vous dites qu'il manque de ressources, vous dites qu'il y avait des lacunes, est-ce que vous avez une idée des sommes qui manqueraient, justement, pour pouvoir venir soutenir davantage TEQ? C'est quoi, votre lecture? Pourquoi tout simplement être d'accord avec... jeter le bébé avec l'eau du bain puis passer complètement à autre chose, alors qu'on a une structure qui fonctionne, qui fait ses preuves, qui peut certainement être améliorée, au niveau de son efficacité, peut-être, si c'est votre lecture? Donc, est-ce que c'est des montants précis que vous êtes capables de nous partager?

Mme Méthot (Suzann) : Pas de montant précis, mais, bon, quand on parle de la structure d'une société d'État, maintenant, c'est quelle façon on le fait. On n'est pas obligé de jeter le bébé, l'eau, et tout ça ensemble, là, on peut partir... Nous, ce qu'on dit, c'est de bâtir sur les acquis et de renforcer ce qu'on a. Idéalement, si on voulait perdre moins d'argent et moins de temps, on prendrait TEQ et on en ferait un super TEQ. TEQ, actuellement, est composé de 80 % d'employés qui venaient du MERN et 20 % d'autres expertises. La transition énergétique, comme on l'a dit un peu plus tôt, c'est transversal. Ça touche les transports, la mobilité durable, la santé, l'aménagement du territoire, ce qu'on dit, c'est... et les finances, l'économie.

Alors, ce qu'on dit, c'est que, à l'équipe qui est actuellement formée d'experts triés sur le volet du MERN, on a besoin d'experts triés sur le volet des autres ministères : le ministère des Transports, ministère de la Santé, ministère de l'Économie. Et là, bon, actuellement, ils sont une centaine d'employés, environ, ça va être quoi, 200 employés? Il faudrait demander, dans le fond, à l'organisation, actuellement, qu'est-ce que ça prendrait, est-ce qu'ils seraient capables de mettre un chiffre, ils connaissent mieux leur budget que nous autres, mais c'est comme ça qu'on voit les choses. Ça fait que, si on voulait moins perdre de temps, moins perdre d'argent, renforçons, bâtissons sur les acquis et allons chercher les expertises qui vont compléter leurs équipes.

Mme Bérubé (Catherine) : ...ça nécessite quand même des modifications, je veux dire, à la structure actuelle aussi, là, c'est pour ça... c'est ce qu'on propose, là. Est-ce que c'est un TEQ ou autre chose? Dans le fond, je pense, l'important, c'est le modèle qu'on porte aujourd'hui. Et puis il y a des ressources qui sont là en ce moment qui ont développé une expertise au fil des ans, il faut maintenir ces acquis-là puis aller en chercher plus, ratisser plus large, amener des ressources des autres ministères aussi.

Mme Montpetit : Non, c'est ça, je voulais juste être bien certaine de comprendre votre proposition par rapport à ça, parce que moi, je n'aime pas beaucoup jouer... faire de la structurite, et particulièrement dans le contexte où on est dans un contexte... puis je le disais d'entrée de jeu, on est dans un contexte où il y a une urgence climatique, où on devrait mettre tout en place pour aller plus vite puis jouer dans des structures. Et là on va passer les prochaines semaines en consultations, en étude détaillée, donc, pendant ce temps-là, on n'est pas en train d'avancer déjà, on n'est pas en train de bonifier une structure qui est déjà en place. Et je pense que, malheureusement, on perd du temps, et ce qui est proposé, effectivement, comme vous dites, va amener des lenteurs supplémentaires aussi, là. Puis je pense que mon collègue de... c'est parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, je ne veux pas vous couper, là, mais...

Le Président (M. Polo) : ...

M. Kelley : Oui, merci, M. le Président. Très rapidement, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Présentement, dans le projet de loi, c'est indiqué que deux tiers de toutes les sommes ramassées, dans notre marché du carbone, sont réservés pour le transport, le transport en commun, notamment. Le projet de loi proposé par le gouvernement va enlever cette cible. Selon vous, est-ce que ça, c'est une bonne chose, on peut dire qu'il y a plus de flexibilité? Et moi, je regarde ça, le transport, c'est où on a le plus grand défi aussi au Québec, ça, c'est où... la lutte pour réduire nos GES, c'est vraiment là. Alors, est-ce que vous pensez que c'est un bon changement, ou c'est mieux d'avoir une cible très claire dans le projet de loi?

Mme Bérubé (Catherine) : Un tiers, deux tiers, trois quarts, l'idée, et c'est une de nos propositions, c'est de s'assurer que les décisions qu'on prend ne soient pas prises de façon arbitraire, c'est qu'on y aille, justement, sur des chiffres probants. 40 %, en effet, des GES viennent du secteur des transports, on sait que c'est une des principales sources d'émissions de GES. Alors, si on décide... et nous avons des cibles de réduction, je ne le répéterai pas. Alors, on fait des équations, là, si on a besoin de réduire de tant de pour cent nos GES et qu'on sait que tel secteur ou tel secteur en émet tant, bien, écoutez, il y a des équations qui se font puis des actuaires qui sont très, très bons pour ça.

Et vous aurez la chance d'avoir ici, entre autres, Pierre-Olivier Pineau, au cours de vos audiences, qui sera certainement le mieux placé pour nous mettre à jour, puisqu'il a sorti l'État de l'énergie, la semaine passée, le HEC, la chaire du secteur de l'énergie. Et là on a une mise à jour, et les nouvelles ne sont pas très bonnes, on s'éloigne de nos cibles. Même si on a des agents porteurs, livreurs, comme TEQ, malgré tout, on s'éloigne de nos cibles. Alors, je pelletterais cette question-là à Pierre-Olivier Pineau, qui va se faire un plaisir...

• (10 h 30) •

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup. Merci beaucoup. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Je dispose de...

Le Président (M. Polo) : 2 min 40 s

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Donc, bien, la façon que vous avez exposé TEQ, qui doit être renforcé... Vous avez dit super TEQ. Nous, on dit, des fois, TEQ 2.0. Dans votre mémoire, vous parlez d'une société publique, et tout ça. Peu importe le nom qu'on lui donne, ce qui est important, la façon que vous l'avez dit, c'est qu'il faut le renforcer puis que c'est fait de façon transversale et au plus haut niveau. Donc, je partage totalement la vision que vous avez exposée si clairement.

Le ministre nous dit que, dans le passé, on se fixait des objectifs, mais qu'on ne se donnait pas les moyens. Dans le mémoire, vous dites que c'est important d'enchâsser dans la loi les cibles de réduction de gaz à effet de serre pour que ça soit réellement contraignant. Il y a un autre élément aussi — ça aussi, on est d'accord avec ça — qui circule, qui est le budget carbone, qui pourrait être un moyen... Qu'est-ce que vous pensez de ça? Parce que ce n'est pas dans votre mémoire.

Mme Bérubé (Catherine) : ...positionnés là-dessus, Switch, comme organisation. Donc, on n'aura pas de... On n'est pas porteurs d'une opinion là-dessus aujourd'hui.

Mme Ghazal : O.K., très bien.

Mme Méthot (Suzann) : Par contre, pour ce qui est des questions de financement et de budget de ce qu'un super TEQ pourrait représenter, ce n'est pas nécessairement plus d'argent, pour ce qui est de la structure, parce que, déjà, ces argents-là sont dans d'autres ministères. Le ministère du Transport a des argents pour le plan de mobilité durable, par exemple. Ce qu'on veut, c'est... On ramène ça dans la superstructure. Donc, en partie, il y aurait quand même une bonne partie du budget qui est de l'argent qui est déjà là. Il est juste mal réparti.

Mme Bérubé (Catherine) : Pour mieux coordonner, puis effectivement qu'en matière d'investissement, je vais dire, dans des entreprises, par exemple, ou dans des projets d'infrastructure, bien, c'est absolument essentiel, et on pense que le MEI et Investissement Québec, dont c'est l'expertise, soient aussi mis à profit. Ça fait que ça, c'est une autre...

Mme Ghazal : Donc, que ce soit transversal, alors que, là, ce qu'on fait... TEQ, on aurait pensé, dans la logique du gouvernement ou du ministre, que ça irait dans le ministère de l'Environnement, mais là c'est sous le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Ça, qu'est-ce que vous pensez de ça? Supposons que ça ne serait pas une structure au plus haut niveau, dans quel autre ministère il devrait aller? Est-ce que le ministère de l'Énergie, c'est une bonne chose?

Mme Bérubé (Catherine) : Je pense... L'important, là, c'est que nous, ici, on pense qu'il faut qu'il y ait une société d'État. Et, étant donné que l'Assemblée nationale a reconnu qu'il y avait urgence, il faut que cette société d'État là soit apte, et on pense que c'est le meilleur outil pour livrer... C'est ça qui nous préoccupe le plus. La meilleure façon de le faire, parce que c'est transversal, c'est que ça relève du MCE.

Mme Ghazal : Très bien, donc, apolitique. Vous avez parlé rapidement de la Régie de l'énergie. On sait, avec le projet de loi n° 44, où elle a été affaiblie...

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, Mme la députée de Mercier. Désolé. Je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Vous avez parlé, entre autres, Mme Méthot, de préoccupations transversales dans la réduction des gaz à effet de serre. Moi, je voudrais vous entendre davantage... vous en avez parlé un peu, mais encore plus sur les nouveaux pouvoirs accordés au ministre, notamment, de donner des avis aux autres ministres, à ses collègues, mais je me demande... Puis là je veux, dans le fond, l'aider, parce que j'ai l'impression qu'il va avoir plus de pouvoirs sans réels moyens, et surtout pas sans contrainte.

Donc, il va émettre des avis, mais ça lui donne tout un rôle, là, parce qu'il va être soumis à la pression de ses collègues qui vont avoir des projets à faire passer. Alors, je comprends que c'est pour ça que vous amenez l'idée, que je partage, de rehausser le niveau, quand on parle de transversal, que ce soit entre les mains du Conseil exécutif. Mais j'aimerais vraiment vous entendre davantage sur les risques auxquels s'expose le ministre dans une dynamique comme ça.

Mme Bérubé (Catherine) : Je ne pense pas que... Pardon, je te vole la parole, mais je pense que ce qui est important, c'est vraiment... Bon, on pense que ça doit relever du MCE. Évidemment que le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, évidemment que le ministre de l'Environnement sont des ressources clés dans cette structure-là. On n'a pas d'opinion sur ce que vous proposez, là. C'est ça qui nous importe.

M. Gaudreault : Oui, bien, moi, j'ajouterais... Vous dites : Le ministre des Ressources naturelles, le ministre de l'Environnement, mais certainement le président du Conseil du trésor, le ministre du Développement économique, le ministre des Finances, qui ont des rôles archi-importants à jouer dans la lutte contre les changements climatiques. Et malheureusement c'est l'angle mort. On ne les inclut jamais. Alors, si on avait vraiment un gouvernement engagé dans la lutte contre les changements climatiques, il leur donnerait des responsabilités aussi.

Enchâsser les cibles dans la loi, c'est votre recommandation 9, est-ce que ce n'est pas trop lourd? Changer la loi, c'est complexe. Il faut venir en commission parlementaire, déposer un projet de loi. Par règlement, c'est plus souple. Est-ce que, quand on arrive dans un contexte où on doit rehausser les cibles, si elles sont enchâssées dans la loi, c'est un peu plus complexe?

Mme Méthot (Suzann) : C'est que le projet de loi, présentement, prévoit... mais il parle de la cible, sauf que nous n'avons pas juste une cible. On a plusieurs cibles. Il y a un agenda au niveau de la lutte aux changements climatiques. Donc, c'est tout simplement un amendement au texte de loi, de remplacer «la» pour «les» puis mettre un «s» à «cible».

M. Gaudreault : O.K., O.K., O.K. En tout cas, on y reviendra. C'est terminé?

Le Président (M. Polo) : Bien, si vous voulez saluer...

M. Gaudreault : Bien, salut!

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Polo) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre aux représentants de Fondaction-CSN de se présenter. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Polo) : Merci. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Nous reprenons nos travaux.

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de Fondaction CSN : M. Stephan Morency — lequel des deux, M. Stephan Morency, à droite?, parfait — et M. Julien Lampron, directeur, Développement corporatif et affaires publiques. M. Morency est chef de l'investissement.

Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puisque nous procédons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous. Merci.

Fondaction CSN

M. Lampron (Julien) : Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, merci de l'occasion qui nous est offerte de présenter les observations de Fondaction dans le cadre des consultations particulières concernant le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Donc, je me présente, Julien Lampron, directeur du développement corporatif et des affaires publiques. Je suis accompagné de mon collègue Stephan Morency, qui est le chef de l'investissement et qui a été membre du conseil d'administration de Transition énergétique Québec de mars 2017 à mars 2019.

Fondaction est un fonds de travailleurs qui s'appuie sur la confiance de plus de 175 000 Québécoises et Québécois, détenant un actif de 2,4 milliards de dollars. L'épargne-retraite recueillie est canalisée dans des entreprises et des projets qui contribuent au développement d'une économie plus équitable, inclusive, verte et durable afin de générer de la valeur pour les actionnaires et pour la société. Fondaction est ainsi le fruit d'une réflexion globale et croit que, pour être durable, le développement économique doit prendre en compte les effets sur les personnes et sur l'environnement.

En 2016, au lendemain de la ratification des accords de Paris sur le climat, Fondaction a été le premier investisseur privé à proposer au gouvernement du Québec un partenariat pour l'atteinte de ses cibles de réduction de gaz à effet de serre. Nous avons ainsi financé des projets spécialement dédiés à la lutte contre les changements climatiques, qui ont permis, l'an dernier, d'éviter plus de 935 000 tonnes de COéquivalent dans l'atmosphère entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019.

Fondaction a établi que le Québec a tout en main pour se positionner comme leader en matière de lutte contre les changements climatiques. Cependant, il est encore bien loin d'atteindre les cibles de réduction de GES qu'il s'est fixées à l'occasion de l'adoption des accords de Paris sur le climat et n'a d'autre choix que d'accélérer considérablement ses efforts pour y parvenir. Pour paraphraser le président Macron, lors du One Planet Summit de décembre 2017, nous sommes en train de perdre la bataille.

Fondaction considère que l'atteinte des cibles de réduction du Québec représente une formidable opportunité de développement économique qui favorisera l'émergence des secteurs porteurs dans le futur, de projets structurants et d'innovation au sein de nos entreprises. Nous saluons, donc, le dépôt du projet de loi n° 44 par le gouvernement du Québec et sa volonté exprimée de vouloir réformer la gestion du Fonds vert et les institutions dédiées à la lutte contre les changements climatiques afin de les rendre plus performantes, cohérentes, transparentes et efficaces.

Nous présenterons donc aujourd'hui nos recommandations, qui ont pour but d'encourager davantage de mobilisation du capital privé pour le financement de la lutte contre les changements climatiques, de la nécessité de créer une société d'État qui sera en charge de la mise en oeuvre du PECC, de mettre en place une structure d'évaluation des retombées extrafinancières des programmes ou projets soutenus, inspirés des plus hauts standards internationaux en la matière, et de s'assurer que les personnes soient prises en compte dans l'évaluation des mesures soutenues par le FECC afin qu'elles participent à une transition juste et équitable.

• (10 h 40) •

M. Morency (Stephan) : Alors, dans les années 2000, on va se rappeler que le gouvernement du Québec avait fait le choix d'appuyer le développement des entreprises technologiques et d'en faire un vecteur prioritaire de compétitivité puis de croissance économique. Puis, pour y parvenir, il avait mis en place un écosystème de fonds spécialisés performants, gérés par des gestionnaires détenant l'expertise qui était requise pour faire fleurir de façon accélérée cette industrie-là au Québec.

Le gouvernement du Québec avait ainsi choisi d'investir plusieurs centaines de millions de dollars qui ont contribué à mobiliser des sommes encore plus importantes, des milliards de dollars de capitaux privés... puis l'émergence de centaines d'entreprises innovantes au Québec. Quelques années plus tard, bien, les choix du gouvernement qui ont été faits à l'époque ont fait en sorte que le Québec est reconnu aujourd'hui mondialement comme un pôle de développement des technologies, qui lui permet aujourd'hui de s'imposer notamment comme un des leaders internationaux en intelligence artificielle.

Ce qu'on propose, nous, aujourd'hui, c'est de faire que le Québec prenne des mesures semblables pour se positionner comme un chef de file en économie verte, capable de conjuguer l'innovation technologique... celle des modèles d'affaires, qui est nécessaire pour réaliser les transitions économiques qui sont liées aux enjeux climatiques.

Aussi, la réussite des cibles environnementales passe par la capacité de financer adéquatement la lutte contre les changements climatiques. Or, toutes les études internationales le démontrent en ce moment, le capital nécessaire pour atteindre les cibles des accords de Paris sur le climat nécessitera un apport important de capitaux privés. Les capitaux publics ne suffiront pas. Les gouvernements n'auront donc d'autre choix que de mettre en place des mécanismes pour encourager le privé à investir là où il devrait être, dans les secteurs liés à la lutte aux changements climatiques, tels que, par exemple, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la mobilité.

Le Québec n'échappe pas à ce constat-là. On comprend aujourd'hui que les sommes disponibles dans les coffres du FECC ne seront pas suffisantes pour financer une transition énergétique réussie. Une enveloppe du FECC, jumelée à d'autres sources de financement public, devrait donc être dédiée à la mise en place d'un écosystème de fonds spécialisés permettant d'attirer des capitaux privés en quantité suffisante pour répondre à l'enjeu climatique.

Pour ce faire, le gouvernement du Québec devrait s'inspirer des modèles qui ont été promus par l'OCDE dans les dernières années, qui ont été mis en place à travers le monde puis qui visent à mobiliser le capital privé dans le financement des projets de lutte aux changements climatiques. L'efficacité de ce type d'intervention là, gouvernementale, a été démontrée par des initiatives telles que la Global Energy Efficiency and Renewable Energy Fund de la Banque européenne d'investissement, la NY Green Bank, la Clean Energy Finance Corporation en Australie, la California Infrastructure Economic Bank. Selon l'OCDE, c'est 150 milliards de capital privé qui ont été mobilisés de cette façon au cours des cinq dernières années. En moyenne, là, les initiatives répertoriées par l'OCDE ont su mobiliser du capital privé dans un ratio de mobilisation d'un pour cinq, soit 5 $ de capital privé pour chaque dollar qui a été investi d'argent public.

De la même façon, dans son rôle de catalyseur, le gouvernement du Québec, via son mandaté, Investissement Québec, agirait comme commanditaire dans des fonds spécialisés dans les secteurs liés à la lutte aux changements climatiques, servant ainsi de levier au capital privé. Pour attirer le capital privé en quantité suffisante dans les secteurs innovants et plus risqués, bien, le capital qui est investi par le gouvernement doit agir de façon à réduire le risque ou augmenter les perspectives de rendement offert au capital privé.

Alors, par exemple, le capital fourni par le gouvernement peut essuyer les premières pertes du fonds spécialisé ou abaisser son rendement exigé sur son propre capital pour favoriser le rendement du capital privé. C'est le modèle qu'on a présenté en votre présence à la COP, de la SOFIAC. C'est ce qu'on appelle le capital concessionnel, parce qu'il doit faire des concessions pour attirer le capital privé là où il devrait être, dans des secteurs innovants liés aux changements climatiques, qui sont encore aujourd'hui perçus comme trop risqués pour attirer toutes les sommes qui sont nécessaires.

En échange de ces concessions, le gouvernement exigera des fonds spécialisés des retombées extrafinancières telles que des quantités de réduction de GES ou autres cibles poursuivies par le PECC et en lien avec le PECC. Il exigera aussi que la mise en place de chaque fonds spécialisé respecte un ratio de mobilisation de capital privé minimal par dollar public investi, le fameux un pour cinq dont je parlais tout à l'heure.

Comme ce fut le cas pour permettre l'émergence d'une grappe de technologie qui positionne aujourd'hui le Québec comme référence en matière d'intelligence artificielle, nous pourrions mettre en place un écosystème de fonds d'investissement qui géreront des plateformes de financement de projets en appui au PECC. Ces fonds pourront être confiés aux gestionnaires privés ayant démontré qu'ils ont l'expertise. Le gouvernement du Québec a donc ici l'occasion de mettre de l'avant un leadership qui saura mobiliser l'ensemble de l'écosystème existant financier dans la lutte contre les changements climatiques en utilisant des modèles de financement mixte.

Alors, nous recommandons ainsi qu'une partie des fonds du FECC, combinée à d'autres sources de capitaux publics disponibles, soit gérée par Investissement Québec afin de mettre en place, avec des partenaires de l'écosystème de la finance, des fonds spécialisés de financement mixte dédiés spécifiquement à la lutte contre les changements climatiques et confiés à des gestionnaires privés possédant l'expertise requise.

M. Lampron (Julien) : Pour que les moyens d'intervention étatique puissent être réellement efficaces, il faut qu'une entité soit responsable d'analyser, de définir et d'évaluer les retombées sociétales qui sont visées par les mécanismes de subvention et de financement de projets.

Le gouvernement du Québec doit saisir l'occasion historique qui lui est offerte de réunir, au sein d'une société d'État, l'ensemble des expertises permettant d'identifier les secteurs d'avenir à encourager, notamment au niveau des projets d'infrastructure à prioriser et les innovations à encourager pour atteindre des objectifs du PECC. Cet organisme serait la référence à la fois pour les entreprises, qui y verront un interlocuteur crédible pour évaluer leurs projets de lutte contre les changements climatiques, et pour les autres ministères, et Investissement Québec, comme organisme de référence, pour la mise en oeuvre du PECC. Ce serait également cet organisme qui pourrait déterminer les objectifs extrafinanciers des plateformes de financement que Stephan vient de vous présenter.

Nous recommandons ainsi la création d'une société d'État qui sera responsable de la mise en oeuvre du PECC et qui réunira en son sein les différentes expertises ministérielles des secteurs visés par la lutte contre les changements climatiques.

M. Morency (Stephan) : Fondaction est un précurseur en développement durable au Québec, et puis notre crédibilité en la matière provient notamment du fait que, depuis les débuts de nos opérations... Pardon?

Le Président (M. Polo) : 30 secondes.

M. Morency (Stephan) : Ah! la recommandation, c'est que, finalement, on installe des mesures internationalement reconnues pour mesurer la performance des programmes du FECC.

M. Lampron (Julien) : En conclusion, on tient également à porter votre attention sur le fait que la lutte contre les changements climatiques et la décarbonisation de l'économie auront un impact sur des transformations importantes dans le tissu social et économique et qu'il faut absolument que cette transition soit juste et équitable pour les travailleurs et travailleuses qui pourraient en subir éventuellement les conséquences.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, messieurs. Si vous désirez compléter votre conclusion, le ministre vous offrirait un peu de son temps pour vous permettre de conclure correctement. Merci.

M. Lampron (Julien) : Bien, écoutez, je crois que vous avez également l'essentiel au niveau de notre rapport. La proposition de Fondaction propose, donc, en résumé, sur quatre propositions. Le fait, d'abord, que la lutte contre les changements climatiques ne pourra se faire sans une mobilisation importante des capitaux privés... le gouvernement du Québec doit donc mettre en place un écosystème de fonds spécialisés dans la lutte contre les changements climatiques en utilisant les modèles de financement mixte. La mise en oeuvre du PECC devrait être confiée à une société d'État. Une reddition de comptes inspirée des plus hauts standards internationaux est essentielle pour démontrer la performance du FECC. Et la transition doit être juste et équitable pour être acceptable.

Le Président (M. Polo) : M. le ministre, poursuivez.

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci à vous deux, et merci non seulement d'être présents ce matin, mais je me souviendrai toujours... Au lendemain de ma nomination, je pense, un des premiers contacts que j'ai eus, de façon très, très volontaire, c'est avec M. Beaulieu, votre fondateur, qui, d'entrée de jeu, offrait sa collaboration, et, cette collaboration-là, on la sent depuis les tout débuts. Donc, merci de la poursuivre ce matin avec vos commentaires.

Et c'est vrai que vous avez, comme organisation, joué un rôle de précurseurs au niveau du financement de projets à connotation soit environnementale, de développement durable. Là, on remonte à plusieurs années par le passé. Donc, ce n'est pas ces dernières années, là, c'est une vision que vous développez depuis plusieurs années. Donc, merci.

Et je prends bonne note de vos recommandations au niveau de l'importance des capitaux privés, mais je serais curieux de vous entendre à ce niveau-là. Est-ce que c'est, à travers cette proposition-là, une façon de dire que la formule traditionnelle de la simple subvention est arrivée un petit peu à ses limites? C'est-à-dire, oui, des subventions, dans certains cas, mais, lorsqu'on se limite à ça, on se prive d'un effet de levier, là, qui soit important, là, pour des projets plus majeurs.

• (10 h 50) •

M. Morency (Stephan) : C'est effectivement ça. Il y avait, dans l'intention du plan directeur de TEQ, nommé par le gouvernement, l'intention d'explorer comment passer d'un mode plus subventionnaire à de l'investissement remboursable et du financement gouvernemental. C'était précurseur.

Maintenant, le reste du monde a commencé à démontrer beaucoup cette logique-là. Et tantôt on disait : L'ensemble des morceaux ont été mis en place. On a joint le WCI. Le WCI va chercher des capitaux importants dans le marché. Il est concentré dans ce qui est aujourd'hui le FECC. Et, dans d'autres juridictions, ils utilisent ça comme levier, qui est du levier réellement d'investissement et non de subvention, d'investissement et de co-investissement pour faire en sorte qu'il y ait une beaucoup plus grande mobilisation du capital privé. Donc, une force d'impact beaucoup plus forte, c'est exactement ce qu'on propose.

M. Charette : Et vous m'avez devancé dans ma question suivante. Le financement remboursable, est-ce que c'est la formule à privilégier ou ça peut être de la prise d'action, de la prise au niveau de l'actionnariat d'une entreprise en développement?

M. Morency (Stephan) : Ça peut être de la prise en actionnariat. Ça peut prendre plusieurs formes selon le fonds qui est visé. Et chaque fonds devrait être réfléchi en fonction de l'impact qu'il veut avoir et de sa contribution à la cible dans le TEQ, ce qui veut dire que ça pourrait être un financement remboursable. Ça pourrait être de la prise d'équité. Ce peut être du contrat de performance, comme on l'a exploré dans la SOFIAC, pour ce qui est de l'efficacité énergétique. C'est ce qui intéressant, c'est que chaque plateforme de financement ou de fonds spécialisé va requérir un capital concessionnel qui a été réfléchi en fonction de l'impact recherché.

M. Lampron (Julien) : L'idée, M. le ministre, c'est que vous créez, en fait, un cadre général via le PECC, qui est le cadre ou le carré de sable qui est défini par le gouvernement pour pouvoir atteindre des cibles. Vous confiez, donc, ensuite ce cadre-là, dans sa mise en forme, dans son application, par rapport à un organisme qui est en mesure de pouvoir être en dialogue avec la société civile, notamment, pour pouvoir identifier les secteurs porteurs.

Cet organisme-là, ensuite, est chargé de pouvoir dire : Bien, voilà, dans ces initiatives ou ces secteurs porteurs, il y a lieu de pouvoir créer éventuellement des mécanismes de financement, d'où l'idée ensuite de transiter pour que le capital public continue d'être géré par le bras financier de l'État qui est Investissement Québec, qui, lui, serait chargé de pouvoir regarder les meilleurs moyens pour pouvoir mobiliser le capital privé.

La donnée extrafinancière, elle, est définie, donc, par cette société d'État dans le parapluie qu'est le PECC. Donc, c'est pour ça que cette société serait en charge de la mise en oeuvre et, ensuite, donc, qu'elle serait chargée de pouvoir demander toutes les demandes extrafinancières à Investissement Québec, qui serait tenu de pouvoir les avoir dans sa charte de financement avec les investisseurs privés par la suite.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci beaucoup. Bonjour, M. Morency et M. Lampron.

Je reprends les mots du ministre, la collaboration. Quand j'ai rencontré Fondaction CSN, c'est toujours cette idée-là que je ressens, le fait de vouloir collaborer. Et vous êtes extrêmement bien situés — vous l'avez dit, d'ailleurs — entre l'économie et l'environnement, et c'est ça que notre gouvernement essaie de mettre en commun, qu'un n'oppose pas l'autre, mais bien au contraire.

Vous avez parlé d'une formidable opportunité de développement économique, et je partage ça. J'ai eu l'occasion déjà de vous le dire. Une affaire que je ne vous ai jamais demandée, par exemple : Cinq pour un, c'est-u quelque chose que vous... C'est-u historique? Est-ce que vous voyez ça continuer? Est-ce qu'on ne voit ça qu'au Québec? Est-ce qu'on voit ça de façon plus générale? Voulez-vous commenter là-dessus, s'il vous plaît?

M. Morency (Stephan) : Le cinq pour un vient des études de l'OCDE, à savoir, aujourd'hui, on en est rendus où. Quand on commence ce genre d'initiative là, je dirais qu'on va aller chercher du deux pour un, du trois pour un. Et ça évolue dans le temps, au fur et à mesure que le privé se sent plus confortable avec un secteur d'activité. Donc, ce qui est à rechercher, c'est le cinq pour un.

Si on regarde, parce que je regardais les chiffres ce matin, là, ce qu'il s'est passé par rapport aux écosystèmes des fonds à capital de risque qui étaient autour de l'initiative Teralys, c'est à ça que je faisais référence, là, dans les années 2000, aujourd'hui, ils sont rendus dans un rapport de 11 pour un. Ils ont commencé avec deux pour un.

Donc, l'idée, c'est réellement d'amorcer la mobilisation, bien, peut-être dans un rapport, aujourd'hui, de deux pour un, de trois pour un, pour viser à ce qu'on arrive, à maturité, à du 11 pour un ou à tout simplement plus d'intervention de l'État, parce que le marché financier privé est capable de s'en charger seul.

M. Campeau : Vous avez parlé d'Investissement Québec. Je me pose juste la question. On peut voir ça comme encore un autre programme qui va nous arriver puis qui va être énorme, qui va être dur à suivre, ou bien on peut voir ça comme Investissement Québec va viser un secteur dédié, tout simplement, parce qu'il y en a toujours, des programmes en développement, de toute façon. Est-ce que vous voyez ça comme une grosse structure ou simplement une façon différente de voir au niveau économique?

M. Lampron (Julien) : Bien, ce que nous voyons, encore une fois, c'est qu'Investissement Québec serait, dans ce cas-ci, mandataire, donc choisi, par une société d'État chargée de la mise en oeuvre du PECC, pour pouvoir atteindre des retombées financières et extrafinancières. Donc, il est choisi comme mandataire. Et pourquoi Investissement Québec? C'est parce que l'ensemble de l'écosystème financier a déjà l'habitude de travailler avec Investissement Québec pour la mise en place de ce qui pourrait constituer ensuite un écosystème de fonds spécialisés avec des gestionnaires privés.

Donc, il est mandataire pour la mise en oeuvre de réalisations qui seraient commandées, donc, par une société d'État chargée de la mise en oeuvre du PECC. Alors, il n'y a pas véritablement... C'est une structure relativement allégée. La seule chose qui est importante, c'est qu'Investissement Québec reçoive la commande de pouvoir contribuer spécifiquement à la réduction de gaz à effet de serre par un organisme qui le lui demande. Donc, ce n'est pas simplement un rendement financier. Il y a aussi un rendement extrafinancier qui est défini, à la base, par un autre organisme.

Le Président (M. Polo) : M. le ministre.

M. Charette : Le temps passe malheureusement trop rapidement lorsqu'on est en bonne compagnie. Une petite question rapide pour ma part. Je sais que j'ai des collègues qui souhaitent intervenir aussi. En conclusion, vous avez parlé de transition juste. C'est un concept qui est fondamental, qui est malheureusement perdu de vue par certains groupes qui prônent uniquement des gestes de rupture, parce que la situation, selon eux, commande cette rupture-là. Comment définiriez-vous — voilà, j'ai de la misère ce matin — le concept de transition juste et comment le concilier avec celui d'urgence climatique?

M. Lampron (Julien) : C'est une grande question que vous posez, M. le ministre, parce qu'on est tous, évidemment, pour la vertu, et, quelquefois, lorsque l'on met en place des mesures environnementales, on oublie les personnes qui sont attachées. L'idée de la transition juste, c'est d'inclure les personnes dans les mesures qui sont visées également pour pouvoir favoriser un meilleur environnement, et donc c'est tout le concept de développement durable qui est derrière. C'est de dire... de poursuivre le développement, d'encourager un meilleur environnement, mais de ne pas oublier des personnes qui peuvent y être affectées.

On estime que des milliers d'emplois qui pourraient être perdus et transformés par une transition climatique... et Fondaction est d'avis que la lutte contre les changements climatiques doit aussi prêter attention particulière au sort des personnes et que les mesures qui sont mises en oeuvre pour pouvoir atteindre des cibles environnementales devraient, pourquoi pas, prendre en compte des mesures qui touchent le maintien et la création d'emplois associés au déploiement des projets. On pourrait facilement associer, par exemple, à une mesure environnementale une mesure qui vise la transformation et l'éducation du travailleur dans son milieu de travail, par exemple. Et là, là-dessus, on serait très heureux de pouvoir collaborer évidemment avec vous pour pouvoir aller plus loin dans cette matière. Merci.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Saint-Maurice—Laviolette... Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Bonjour. Merci d'être ici ce matin. Comment s'assurer qu'avec le modèle d'investissement que vous proposez, où il y aurait davantage d'investissement privé, ce qui n'est pas mauvais en soi, là... mais comment s'assurer de conserver l'impartialité des jugements dans le choix des projets environnementaux qui seraient décidés, justement? Parce que c'est très important que cette impartialité-là soit présente pour qu'on fasse... qu'on mène les dossiers.

• (11 heures) •

M. Lampron (Julien) : Absolument. Bien, vous savez, l'expertise, en fait, est déjà dans la nature... dans la mesure où, par exemple, nous sommes un fonds qui a déclaré une grande performance, notamment, pour pouvoir atteindre des cibles de réduction de gaz à effet de serre dans des sous-secteurs qui ont été visés prioritaires par l'équipe de l'investissement. Donc, il y a des gestionnaires privés qui existent actuellement qui sont spécifiquement dédiés pour apporter une réponse dans un domaine particulier.

L'idée, c'est qu'encore une fois il y ait un mandat qui soit donné avec un but qui soit extrafinancier d'attirer du capital privé pour pouvoir financer ces projets-là. Et donc c'est la démarche qui a été présentée. Et l'imputabilité doit être faite non seulement d'un point de vue financier puisqu'il s'agit de fonds d'investissement, mais également de viser des retombées extrafinancières qui devront être mesurées par, et c'est ce qu'on disait dans notre mémoire, les plus hauts standards internationaux afin d'éviter ce qu'on appelle, vous le savez, un «greenwashing». Donc, éviter que finalement les réductions... s'assurer que les réductions de gaz à effet de serre soient réellement atteintes par la mise en place de ces fonds-là.

M. Morency (Stephan) : L'univers des fonds de fonds, des fonds spécialisés sont habitués de travailler avec des métriques puis des indicateurs quantitatifs, quantifiables, mesurables et de faire de la reddition sur ces indicateurs-là. C'est l'une des raisons pourquoi on pense que c'est l'une des façons les plus efficaces de faire travailler 1 $ du gouvernement aujourd'hui, c'est que ces gestionnaires-là, si on leur demande d'avoir... de respecter deux indicateurs, un indicateur de rendement financier et des indicateurs de rendement sociétaux, donc extrafinanciers, on est persuadés — et qu'en plus leur structure incitative pour la gestion de fonds est basée sur ces deux indicateurs-là — persuadés que c'est un moyen terriblement efficace d'arriver à nos fins.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Merci. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Polo) : Ah! il reste 2 min 30 s.

Mme Grondin : Deux minutes. Donc, je vais y aller rapidement. Merci, messieurs, très intéressant. Vous avez beaucoup parlé de lutte aux changements climatiques. Vous avez utilisé des termes plutôt économiques, là, rendement, efficacité, tout ça. Vous avez indiqué également des indicateurs extrafinanciers. Moi, ce qui me préoccupe beaucoup, c'est que, dans les solutions qui peuvent être amenées concrètement en termes d'adaptation aux changements climatiques, en termes d'acteurs au niveau de l'aménagement du territoire, comment vous vous insérez dans ça, dans cette réflexion-là? Parce que vous proposez qu'une partie du fonds soit transmise au mandataire Investissement Québec, mais est-ce que la partie aménagement du territoire, changements sociaux, protection, conservation, est-ce que les investisseurs privés sont intéressés?

M. Morency (Stephan) : Oui, les investisseurs privés sont intéressés. Toutefois, il y a une limite à ce que la finance est capable de faire dans certains secteurs d'activités ou pour certaines interventions. Ça fait que loin de nous de dire qu'en ce moment l'ensemble des capitaux devrait aller à ce mécanisme-là pour aller chercher de la mobilisation de capital privé. Il faut qu'il y ait encore des fonds qui sont désintéressés par un rendement financier, qui soient capables, notamment, de faire de l'adaptation ou de l'aménagement du territoire. Malgré que la finance est capable de collaborer en aménagement du territoire pour adapter son mode de développement, O.K., parce que... et quand l'acteur financier a le désir de le faire.

Chez Fondaction, je dirais qu'on se force énormément les méninges à savoir comment est-ce que notre capital peut, justement, produire ce type de résultat en indicateur financier. Mais, en général, si on veut aller chercher une grande mobilisation, il faut savoir où la finance est capable d'agir puis là où elle cesse d'agir. Ça fait que c'est une complémentarité des mesures dont on a besoin.

Mme Grondin : Merci.

Le Président (M. Polo) : Ah! il reste 30 secondes.

Mme Grondin : 30 secondes. M. le ministre.

Le Président (M. Polo) : Le mot de la fin.

M. Charette : Les 30 secondes sont toujours bien placées pour les remerciements. Donc, à nouveau, un gros merci pour votre présence ce matin. Puis, moi, ce qui me réconforte, c'est que je sais que la collaboration va se poursuivre par la suite. Donc, encore une fois, un gros merci.

Une voix : Merci beaucoup.

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie beaucoup. M. Morency, M. Lampron, merci d'être là avec nous aujourd'hui. Merci pour votre éloquente présentation. On a des groupes qui ont une très bonne connaissance qui sont avec nous pour les quatre journées de consultations — non, les trois journées, pardon — cette semaine, et c'est fort à-propos. Votre crédibilité n'est plus à faire dans le domaine, donc c'est d'autant plus pertinent de vous entendre.

Puis je voyais que, dans votre mémoire, vous mentionnez, puis je ne peux que partager ce propos-là, vous mentionnez que le Québec a tout en main pour se positionner comme leader en matière de lutte aux changements climatiques. Et je ne peux qu'être d'accord avec ça. Je pense qu'on est un... que ce soit géographique, que ce soit en termes de ressources naturelles, que ce soit en termes, surtout, d'expertise aussi puis de compétence, c'est certain qu'on a tout cet avantage-là.

Et puis je le cite parce que c'est important, puis je pense que vous aviez ça en tête aussi en venant ici, vous dites que le Québec fait déjà belle figure, qu'on a déjà un bilan de GES aujourd'hui qui est, per capita, la moitié de celui du Canada et un peu moins que la moitié de l'Amérique du Nord. Nous, on est très, très fiers, encore là, ce n'est pas un propos qui est... je ne le veux pas, qu'il soit partisan ou politique, mais je suis très fière, parce qu'il y a du travail qui a été fait derrière ça dans les dernières années, dans les dernières décennies aussi, qui nous amène à un bilan qui est très respectable, qui n'est absolument pas parfait, mais qui nous permet de partir d'un point qui est peut-être un petit peu moins loin qu'on le souhaiterait même s'il reste beaucoup de travail à faire.

Et une fois qu'on part de ce point-là, je vous écoutais, puis vous avez une approche, je vais dire, très constructive dans la façon dont vous présentez votre mémoire et vos recommandations, mais, dans le fond, ce que j'entendais, puis juste pour valider, mais ce que je comprends, c'est que vous êtes en désaccord avec le fond du projet de loi qui est présenté, parce que vous nous avez parlé de reddition de comptes, vous nous avez parlé d'imputabilité, vous nous avez parlé de transparence, vous nous avez parlé d'avoir des structures qui respectent les meilleurs standards internationaux, standards qui parlent justement de tous ces éléments-là comme en termes de saine gouvernance. Vous avez parlé de l'importance d'avoir une structure qui est moins sensible au cycle politique, alors qu'essentiellement le projet de loi, ce qu'il propose, c'est de ramener ça à une démarche qui est purement, simplement et uniquement politique.

Puis, encore là, moi, c'est très important pour moi de ne pas mal citer, dans le fond, les gens qui viennent, mais vous faites des propositions. Mais comme tôt ou tard, en étude détaillée, on devra travailler sur le projet qu'on a entre les mains présentement, c'est important pour moi de bien comprendre que ce qui est sur la table à l'heure actuelle. Ce que vous proposez, c'est une direction qui n'est pas celle-ci, là?

M. Lampron (Julien) : Merci de vos commentaires, Mme la députée. Vous savez, la dernière ligne de notre conclusion, c'est que l'on considère que le projet de loi n° 44 est un pas dans la bonne direction, mais qu'avec les recommandations qu'on propose, ça pourrait être un pas de géant. L'idée, à notre avis... je salue, par exemple, l'intention réelle de la part du gouvernement d'améliorer davantage ou d'aller dans un pas plus fort en termes d'imputabilité, notamment au niveau ministériel concernant la gestion du FECC. Je crois que c'est intéressant.

Je pense qu'on a également une occasion qui est assez historique par rapport à la mise en oeuvre et la présentation du PECC, d'avoir une société d'État qui soit chargée de sa mise en oeuvre. Et donc des intervenants précédents ont parlé d'un TEQ, d'un super TEQ.

L'idée, c'est véritablement d'avoir un organisme qui est, dans la durée, dans une certaine prévisibilité, chargé d'une mise en oeuvre d'un programme qui peut s'échelonner sur des cycles qui dépassent le cycle politique. Et ça, c'est un élément assez fondamental, à notre avis, pour être capable de pouvoir mettre des mesures structurantes qui vont dépasser finalement un horizon de temps qui est commandé par la lutte contre les changements climatiques. Donc, c'est pour ça qu'on est véritablement dans ce cadre de réflexion là et qu'on vous soumet ces recommandations pour vos discussions ultérieures.

La clé reste, malgré tout, à notre avis, et c'est pour ça qu'on est un fonds d'investissement qui vient vous dire : Attention, la clé reste la capacité de financer les changements climatiques. Et, pour ce faire, les sommes publiques sont insuffisantes. Donc, peu importe ce qu'on essaiera de mettre en place, oui, le Québec fait bonne figure, mais quand on regarde en termes de pourcentage des cibles à atteindre, il faudrait qu'on aille trois fois plus vite par rapport à ce qu'on s'est fixé comme cible. Donc, on atteint déjà un retard où il va falloir accélérer finalement cette transition-là. Et il faut que le gouvernement, l'État du Québec mobilise l'ensemble des acteurs pour pouvoir y parvenir, notamment au niveau de la finance, d'où l'idée de pouvoir prendre une partie des fonds qui seront dédiés, les jumeler avec d'autres capitaux publics disponibles pour pouvoir réussir à mettre des mécanismes qui feront vraiment des effets de levier et qui feront en sorte qu'effectivement on arrivera à faire une diplomatie verte, dans laquelle, avec des standards internationaux reconnus, on va pouvoir démontrer notre performance, montrer qu'on est chef de file, démontrer que le Québec est leader en termes d'économie verte et qu'on ait une comparabilité qui va soutenir la diplomatie verte qui est en cours finalement. Donc, attirer davantage de capitaux publics, d'investissements directs étrangers, favoriser de l'exportation de l'expertise québécoise. Tout ça va se faire à partir de métriques comparables. Donc, c'est vraiment le cadre qui vous est suggéré pour vos discussions futures.

• (11 h 10) •

M. Morency (Stephan) : Et, si je peux rajouter, par rapport à la mobilisation, parce que c'est l'angle premier de notre chose, la mobilisation du capital privé, j'étais contributeur à la table de financement du PECC, et une chose qui ressortait quand même assez fort des discussions était : Le financier, pour établir des filières structurantes, a besoin de stabilité dans le temps, a besoin de comprendre que certaines mesures vont durer. La vie d'un fonds d'investissement, c'est 12 ans. C'est 10 plus un, plus un, c'est 12 ans. Donc, ça a besoin, à quelque part, d'une perspective long terme pour être capable de réellement prendre assise puis d'avoir un effet structurant. Donc, je pense que c'est un peu là-dessus, sur cette base-là que nos recommandations sont faites.

Mme Montpetit : Mais donc, vous dites que... c'est juste que j'essaie de bien comprendre ce que vous nous proposez parce que vous dites : C'est un pas dans la bonne direction, mais la recommandation qui est faite prend — là, je parle par rapport à la société d'État — prend une direction qui est tout autre et contraire à celle qui est proposée dans le projet de loi. Donc, ça m'apparaît déjà un petit peu dichotomique pour comprendre, ou c'est un pas dans la bonne direction, mais vous proposez complètement autre chose que ce qui est sur la table dans le projet de loi n° 44. Vous me parlez aussi d'un TEQ plus ou, comme le groupe avant vous en a parlé, est-ce qu'il n'aurait pas été plus opportun de donner, par exemple... et on a une structure qui est déjà en place... est-ce qu'il n'aurait pas été plus opportun de lui donner davantage de moyens, davantage de ressources pour qu'elle continue son travail?

M. Lampron (Julien) : Bien, vous savez, le pas dans la direction par rapport au projet de loi, je crois que l'esprit qui est poursuivi, et on a eu des discussions à plusieurs reprises comme l'a mentionné le ministre avec son administration, je crois que l'esprit qui est poursuivi est le bon. Je crois que les moyens pour pouvoir y parvenir pourraient être meilleurs. Et donc ce qu'on vise, effectivement, la collaboration que le Fondaction a eu notamment avec Transition énergétique Québec au cours des dernières années fait en sorte qu'il est assez intéressant de pouvoir avoir un bras qui est en marge, bien, parapublic, mais en marge de l'appareil gouvernemental, pour être interlocuteur pour la mise en place de mesures, notamment avec le privé. Est-ce que c'est bien? Oui. Est-ce que ça pourrait être mieux? C'est toute l'opportunité que vous avez à discuter actuellement.

On croit que ça peut être beaucoup mieux. On croit que ça pourrait aller chercher un éventail de ministères beaucoup plus large qu'actuellement. On croit que les mécanismes qui pourraient être mis en place feraient en sorte que le financement qui serait attaché pourrait être beaucoup plus intéressant et que l'imputabilité du ministre continue de pouvoir être, à travers notamment le PECC qui va être déposé, ou qui serait le coeur, finalement, de sa reddition de comptes, ensuite à travers ses différents collègues. Donc, c'est vraiment l'esprit qui, je crois, était visé. Et donc les mesures, nous, que nous vous proposons afin de bonifier pour aller encore d'une manière plus efficace dans les prochaines années pour le Québec...

Mme Montpetit : Dans vos recommandations, vous avez fait référence, c'est ça, vous l'avez mentionné à plusieurs reprises, à Investissement Québec, entre autres, donc, de confier les fonds à Investissement Québec. Est-ce que vous considérez, à l'heure actuelle, qu'IQ a, dans le fond, a l'expertise pour accomplir le mandat que vous suggérez ou ça viendrait, justement, avec complètement une restructuration, des ressources supplémentaires, une diversification?

M. Morency (Stephan) : On a participé au p.l. n° 27 sur cette question-là et il y avait énormément de réformes dans le p.l. n° 27 pour aller acquérir cette expertise-là, donc elle est en train de se faire. Il est clair que quand, dans notre proposition, on arrive en disant : Bien, il y a Investissement Québec, bien, il y a aussi cette société d'État là qui a cette expertise-là, qui, juxtaposée, à Investissement Québec, devient opérationnelle très rapidement.

M. Lampron (Julien) : Oui, on parle beaucoup de complémentarité dedans. En fait, sans rien enlever à Investissement Québec, on le voit encore une fois comme étant un mandataire d'une partie des fonds qui serait transmise par la société d'État pour atteindre des cibles extragouvernementales.

Une voix : On a cinq secondes

Le Président (M. Polo) : Sept, six.

Mme Montpetit : ...je vais vous «recaper» ça. Juste sur la transition, je veux juste faire un commentaire sur le commentaire du ministre tout à l'heure. Ce n'est pas parce qu'on doit faire une transition juste qu'on ne peut pas poser des gestes significatifs et concrets. Puis on aura l'occasion d'en reparler, mais, tu sais, l'un n'empêche pas l'autre, et je suis certaine que vous partagez ça.

Le Président (M. Polo) : Merci. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Donc, juste pour comprendre, moi aussi, je veux bien comprendre la structure que vous proposez, vous dites que le PECC va être géré par la société d'État indépendante où il n'y a pas de politique, puis le Fonds vert, ou le FECC, une partie seulement va être gérée par Investissement Québec sous les commandes de la société d'État, puis je ne me connais pas en finances, mais c'est ce que vous dites. Puis là vous dites une partie, vous ne dites pas combien : 50 %, plus, peu importe, l'autre partie, elle, elle va être gérée par qui? Est-ce qu'elle reste, comme c'est proposé dans le projet de loi n° 44, sous les commandes du ministère de l'Environnement?

M. Lampron (Julien) : Bien, je crois qu'une partie du FECC, de toute façon, doit être attribuée au soutien à des programmes ministériels, à la mise en oeuvre du plan directeur de Transition énergétique Québec.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une partie de ces sommes qui peuvent être utilisées, mais combinées à d'autres sources d'approvisionnement de capitaux publics, à aller mobiliser du capital privé, qui ferait là un effet de levier. Donc, on sait que le financement du FECC en tant que tel ne sera pas, de toute façon, suffisant pour pouvoir atteindre les cibles de lutte contre les changements climatiques. Donc, c'est cette mécanique-là.

Mme Ghazal : Donc, c'est pour faire fructifier, dans le fond, le fonds, d'une certaine façon.

M. Lampron (Julien) : Un effet de levier.

Mme Ghazal : Mais celle qui reste, parce que, dans le projet de loi n° 44, et c'est ça que nous, on déplore, c'est cet argent-là des Québécois, pour la transition, il serait géré par le politique, qui est le ministre de l'Environnement. Ça, qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Lampron (Julien) : Bien, dans la structure que nous croyons qui serait la plus adaptée, ce serait effectivement que le PECC soit le cadre général d'imputabilité du ministre, mais que le FECC et la gestion des sommes qui y soient conférées puissent être faits à travers la société d'État.

Mme Ghazal : La société d'État, donc, au complet, finalement, une partie Investissement Québec, puis le reste...

M. Lampron (Julien) : Absolument.

Mme Ghazal : O.K. Donc, entre... Sortir ça du politique totalement.

M. Lampron (Julien) : Tout à fait.

Mme Ghazal : Très bien. Ça, ce n'était pas clair. Vous avez parlé, pour le Fondaction, vous êtes reconnus pour avoir une politique de désinvestissement, désinvestissement dans les hydrocarbures, on en parle beaucoup aujourd'hui. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de demander à Investissement Québec, CDPQ, la Caisse de dépôt et placement du Québec aussi de désinvestir? J'aimerais vous entendre là-dessus, puisque vous, vous êtes allé dans ce sens-là.

Le Président (M. Polo) : 20 secondes.

Mme Ghazal : Non, non, mais vous avez le temps. 20 secondes, c'est long, ici, là.

M. Lampron (Julien) : Écoutez, on ne veut pas dire aux autres quoi faire, mais on veut prêcher par l'exemple. Donc, s'ils veulent s'inspirer de nos meilleures pratiques, ils seront tout à fait les bienvenus. On a prouvé qu'il est possible d'avoir des rendements tout à fait compétitifs en ayant une politique responsable sur les marchés et placements financiers. C'est fait. C'est dans notre rapport annuel, nos résultats le démontrent. Donc, ça nous fera plaisir de les partager avec l'ensemble de l'écosystème financier.

Mme Ghazal : Donc, si on le demande à nos sociétés d'État, de faire ce que vous avez fait, ce ne sera pas la ruine, là, on va quand même continuer à faire de l'argent.

M. Lampron (Julien) : Absolument.

Mme Ghazal : Parfait. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci. Merci beaucoup de votre présence. Je retiens essentiellement deux choses. Ce que j'aime beaucoup, décloisonner la lutte contre les changements climatiques de strictement le ministère de l'Environnement et/ou de Ressources, Énergie, là... Ressources naturelles et Énergie, donc interpeler beaucoup le bras financier du gouvernement, c'est parfait, et dépasser les cycles politiques. Je pense que c'est la meilleure expression, là, pour effectivement modifier le projet de loi n° 44, notamment sur l'abolition du Conseil de gestion du Fonds vert, et la suite.

Moi, je veux vous entendre davantage sur la transition juste. Vous en avez parlé un peu avec mes collègues. Comment vous voyez le financement? Parce que c'est des défis énormes, là, qui s'en viennent, quand on pense à de la formation ou du transfert d'emploi, donc, le financement de la transition juste, aussi auprès des communautés qui peuvent être mono-industrielles dans un secteur en particulier.

M. Lampron (Julien) : Bien, c'est une gosse question pour nous qui sommes un fonds de travailleurs engagé en développement durable, donc qui vise évidemment à améliorer l'environnement, mais toujours en maintenant et créant des emplois. Donc, on a cette préoccupation-là de manière naturelle.

L'idée, je pense, c'est d'être capable d'être en mesure de vérifier véritablement, dès l'origine, lorsqu'on met en place une mesure, quel est l'impact sur les personnes et sur les travailleurs, en particulier, et de s'assurer que l'argent public, justement, notamment des sommes, par exemple, du FECC, pourraient être spécifiquement allouées à l'éducation au sein des milieux de travail pour pouvoir faire une transformation vers des métiers, vers des techniques, vers de l'innovation qui prennent en compte, finalement, une meilleure qualité par rapport à un bilan environnemental.

Donc, il y a cette nécessité de repenser, finalement, les mesures qui sont faites, de comprendre l'impact des personnes et d'avoir un portrait global avec une enveloppe qui pourrait être dédiée, justement, à la formation dans les milieux de travail, notamment.

M. Gaudreault : O.K. J'aurais énormément de questions. Disons, on va y aller avec votre recommandation 3, là. Vous parlez de cadre de référence international pour soutenir le Vérificateur général et, j'imagine, le Commissaire au développement durable. Pouvez-vous nous donner des exemples directs, là, et concrets de cadres de référence internationaux?

• (11 h 20) •

M. Morency (Stephan) : Bien, dans les cadres de référence internationaux, de plus en plus, c'est les ODD qui en est la source au niveau des impacts, dans une logique d'investissement en impacts.

L'ONU a mis en place un cadre de référence qu'on appelle le SDG Impact Framework, qui a été lancé il y a deux mois, au GIIN. Et puis il y a aujourd'hui des standards internationaux, des mécanismes, des indicateurs qu'on appelle le IRIS+, qui ont traduit en impacts chacun des investissements qu'on fait.

Alors, il y a 10 ans, ça n'existait pas, il n'y avait pas de standard international facile à suivre. Aujourd'hui, il y a quand même ces cadres de référence là.

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup, messieurs. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants et je demande la collaboration aux collègues de rapidement faire vos salutations afin qu'on puisse reprendre le plus rapidement possible. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 21)

(Reprise à 11 h 22)

Le Président (M. Polo) : Merci. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Merci beaucoup. Je souhaite...

Des voix : ...

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Si vous le permettez... Je souhaite la bienvenue à M. Alain Webster, professeur titulaire du département d'économie de l'université de gestion de l'Université de Sherbrooke. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci.

M. Alain Webster

M. Webster (Alain) : Bonjour, M. le Président. Alors, d'abord, MM. les députés, Mmes les députées, merci beaucoup de votre invitation pour que j'aie l'occasion d'échanger avec vous de ce sujet vraiment fondamental et probablement le sujet le plus préoccupant à l'heure actuelle pour l'ensemble de l'humanité, si on reprend à peu près ce que nous dit le secrétaire général des Nations unies, qui généralement a une bonne vision d'où s'en va la planète.

Et puis, si je vous ramène ça à du très, très, très micro, comme je venais de dire il y a quelques secondes, je me suis amusé à écrire ce mémoire il y a à peine quelques jours, pour ne pas dire presque quelques heures, en même temps que venait au monde ma petite cocotte d'Agathe, là, qui est ma deuxième petite-fille, et qui est grande comme ça, et qui ne pèse presque rien. Alors, lorsque tu écris des commentaires sur : Ah oui! On fait ça aussi pour la question des générations futures, ça reste, des fois, très, très théorique, mais c'est la première fois que j'écris ce genre de choses avec un visage très, très, très concret devant moi. Ce qui nous ramène sur la responsabilité que nous avons collectivement, et surtout que vous avez, pour pouvoir permettre à cette société de jouer le rôle qu'elle doit jouer dans l'ensemble de cet écosystème planétaire pour permettre d'avoir un monde meilleur pour ces générations futures.

Donc, maintenant que j'ai pris presque une minute d'introduction pour rien, je me suis amusé à diviser cette brève présentation en deux éléments. Je ne pouvais pas commencer à vous parler de changements climatiques et du projet de loi n° 44 sans vous parler d'abord de changements climatiques, et après on regardera en détail ce projet de loi là.

Il y a quand même deux, trois choses importantes qu'il faut, encore une fois, se redire. La première, d'abord, tu sais, qu'on a souvent tendance à dire, au Québec, qu'on est très bons, hein, en matière d'émissions de gaz à effet de serre, à l'échelle canadienne. On a même repris ça, c'est ce que je vous ai mis comme première figure, dans le dernier budget : le Québec a les meilleures performances d'émissions par habitant de l'ensemble du Canada. Et on a eu tendance à améliorer cette performance de façon significative, c'est clair, et puis ça se compare très, très bien, évidemment, à tout ce qu'il se passe en Amérique du Nord, en particulier avec nos voisins du Sud également, mais, en même temps, ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'on s'est fixé un objectif spécifique pour 2030 et que la population du Québec va continuer à augmenter. Donc, je me suis amusé à me demander à quoi va ressembler... si on atteint notre cible, et que l'ISQ ne se trompe pas en disant qu'on sera 9 millions de personnes, bien, cette intensité devrait être de six tonnes par habitant, alors que, dans nos dernières données, on était à 9,6.

Ça veut dire quoi en pratique? Ça veut dire que, lorsqu'on se dit : On s'est amélioré, à chaque année, d'un peu moins de 1 % en matière d'émissions par habitant, bien, au cours des 10 prochaines années, il va falloir s'améliorer non plus de 0,9 %, mais s'améliorer de 2,1 %. Autrement dit, doubler la performance que nous avons faite en matière d'émissions par habitant dans une très, très courte période de temps et pour chaque année ou, si vous préférez que je vous parle en termes absolus, bien, ça signifie évidemment, vous le savez tous, que, pour atteindre notre objectif, il faut retrancher encore près de 25 millions de tonnes sur les émissions que nous émettons en 2017, parce que, malheureusement, il y a toujours un petit décalage, soit dit en passant, qui serait inacceptable en matière économique, en matière de taux de chômage et en matière de croissance du PIB, mais qui est malheureusement encore tolérable dans le domaine de l'environnement. Mais donc il faut réduire ces émissions de 31 % d'ici 2030, ce qui est faramineux.

C'est vrai qu'on a réussi à réduire nos émissions de 9 %. C'est vrai qu'à l'ensemble canadien, à cause, bien sûr, de ses très, très fortes croissances associées à l'industrie pétrolière, le bilan canadien est catastrophique et qu'il a augmenté de 18 % en matière d'émissions. Donc, c'est souvent notre point de comparaison. On est très, très bons dans l'échelle canadienne, mais les Américains sont à quelques points de pourcentage, 2 % à peu près d'augmentation, et non pas 18 % comme les Américains, et, surtout, les Français sont à moins 15 % et les Anglais sont à moins 40 %. Donc, quand on regarde ce qu'il se passe à l'échelle internationale, on le voit très bien, au Québec, depuis quatre ans, nos émissions ont stagné, et, pour pouvoir effectivement atteindre nos objectifs, il va falloir modifier de façon très significative notre façon de travailler.

Autrement dit, ce que le secrétaire général des Nations unies, encore une fois, disait, il n'y a pas tellement longtemps, s'applique particulièrement bien à nous, là. On est tout à fait conscients des enjeux entre développement durable, croissance économique et changements climatiques. On va dans la bonne direction, mais on ne va clairement pas assez vite. Les changements climatiques sont plus rapides que nous, et il faut changer très significativement notre trajectoire.

Et je vous encourage très fortement à regarder le dernier bilan de l'Agence internationale de l'énergie. Je vous ai mis, en page 2, un petit graphique qui illustre l'espèce de carrefour historique dans lequel on se situe. On continue comme on fait présentement à l'échelle mondiale et on s'en va dans un gouffre climatique parce que la consommation énergétique augmente, et le bilan en matière de GES augmente. On applique ce que les États se sont engagés à faire dans le cadre de l'Accord de Paris, et, malheureusement, les émissions de GES continuent à augmenter. Et cette figure illustre très, très bien ce que signifie effectivement réussir à maintenir cette température à 1,5 °C ou près de 2 °C, un changement complet de ce paradigme, qui va nous amener, bien sûr, à une réduction massive en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Donc, ça, il faut toujours se rappeler, on ne peut pas gérer cette question climatique dans un modèle de... on continue comme on continuait avant. Il faut absolument changer de cap par rapport à ça.

Et l'autre leçon de cette Agence internationale de l'énergie, qui n'est d'habitude pas un groupe d'extrême gauche, il est assez clair, c'est que, oui, bien sûr, la société civile a un rôle majeur à jouer. C'est vrai pour le secteur financier, comme l'ont dit mes collègues, c'est vrai pour les ONG, c'est vrai pour les citoyens, c'est vrai pour les entreprises, mais les gouvernements ont un rôle fondamental à jouer dans ce changement de paradigme, et, pour reprendre l'une de leurs citations, c'est vers eux que le monde se tourne maintenant pour se dire à quoi ressemblera ce futur, qui va être très, très rapide.

L'autre élément qui est majeur dans cette discussion, bien sûr, c'est un rapport publié, il y a deux ans, par la Commission mondiale sur l'économie et le climat, qui nous dit, là, encore une fois, deux choses passionnantes : C'est fondamental et ça presse. En même temps, les décisions qu'on va prendre à très, très court terme vont définir ce que sera ce futur. Donc, on n'a pas 30 ans pour arriver en 2050 et se demander comment on va réduire nos émissions, mais on doit aujourd'hui prendre des décisions qui vont impacter, si vous me permettez cette mauvaise expression, l'ensemble des émissions en matière de gaz à effet de serre.

On nous dit aussi, bien sûr, que, si c'est bien géré, cette transition, on va créer plus d'emplois et des emplois de meilleure qualité, des emplois qui vont dans une économie qui va être aussi plus équitable et plus prospère. Donc, ce n'est pas un discours pessimiste. Ce n'est pas un discours à la il faut absolument tout décroître. Au contraire, c'est : Il faut réorganiser ce qu'on faisait.

Et puis, finalement, un ensemble d'éléments. Il faut travailler sur la tarification du carbone. Il faut travailler sur les infrastructures qui sont durables, stimuler l'innovation et, bien sûr, ne pas oublier qu'on travaille avec des personnes, donc toujours garder en tête ces questions d'équité.

Et puis, pour arrêter cet élément-là, je vous ramène à un petit graphique que j'ai concocté à partir d'un ensemble de publications faites par Bloomberg, qui illustre très bien ce que signifie l'innovation et à quel point on a un petit peu de travail à faire par rapport à ça. Lorsqu'on parle de recréer cette nouvelle économie, inventer ce que devrait être ce futur, bien, on constate que plusieurs États ont fait ce choix-là d'investir massivement, et Bloomberg publie, donc, les données en matière d'investissement dans le domaine des énergies renouvelables, que fait-on pour sortir du volet énergie fossile.

Et puis c'est assez éloquent. On voit bien que la Chine investit en moyenne, sur trois ans, plus que l'ensemble de l'Union européenne et des États-Unis combinés. En moyenne, à chaque année, on investit des milliards sur la planète pour inventer cette économie. Et puis, dans ce domaine, le Canada ne performe pas très, très bien, avec une moyenne de 3 milliards. Donc, il va falloir que le Québec définisse sa propre stratégie pour se dire : Non seulement je réduis mes émissions, mais, en plus, je dois le faire pour être le plus innovant possible pour que cette économie continue à performer.

Autrement dit, il faut accélérer, bien sûr, ce qu'on fait en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Il faut que le rôle du gouvernement soit beaucoup plus cohérent et il faut que cette intégration environnement-économie se réalise concrètement. Et puis, bien sûr, il faut le faire rapidement, parce que, sinon, on va perdre un ensemble d'opportunités intéressantes en matière de développement économique et de position stratégique de l'État québécois sur l'ensemble de la planète.

Ça, c'était mon introduction. J'avais 20 minutes d'introduction, pour ensuite 30 secondes... Je vous ai ensuite... Je me suis ensuite livré...

• (11 h 30) •

Le Président (M. Polo) : C'est 10 minutes en tout, hein?

M. Webster (Alain) : Oui, oui, ce n'était pas... C'est le seul élément dans mon intervention pour lequel je n'étais pas sérieux. Tout le reste me semble très sérieux, rassurez-vous.

Si, ensuite, on reprend ce projet de loi, et je me permets de faire un petit regard que je qualifierais de très micro, parce que mon introduction essayait de vous amener ça sur ces grands enjeux macro, mais, si on regarde chacun de ces points-là, et j'ai voulu le faire comme ça pour me dire que, des fois, on ne dit pas suffisamment ce qui est intéressant, et pourquoi on va dans la bonne direction, et où, des fois, il faut peut-être revoir un petit peu cet élément...

Donc, article par article, en prenant le premier jusqu'au dernier, on commence avec la définition du rôle du ministre. Bon, on parle plus du ministre que du ministère, mais c'est le ministre. Donc, on voit qu'il est avec nous. Je vais faire attention à mes propos. Mais c'est clair que ce qu'on fait dans ce scénario-là, c'est de se dire que ce rôle doit être accentué dans ce virage stratégique et qu'on va lui accorder un rôle très spécifique de conseiller le gouvernement. C'est une très, très, très bonne idée.

J'espère, par contre, qu'il aura les moyens de jouer ce rôle majeur de chef d'orchestre de la stratégie gouvernementale et être capable de pouvoir assurer cette coordination avec des secteurs stratégiques comme l'énergie, le transport, l'aménagement, l'économie, la finance. Ce n'est pas clair. On se dit : Oui, je pourrais intervenir partout, mais c'est un peu compliqué.

Et là je vois que je manque de temps, comme d'habitude.

Le Président (M. Polo) : Vous avez déjà dépassé votre temps.

M. Webster (Alain) : Et je vais donc attirer votre attention sur un dernier point qui me semble essentiel. Ça va s'appeler, bien sûr, le périmètre de cette loi. On l'a travaillé de façon spécifique pour dire que ça touche tous les ministères, que ça touche l'ensemble des organismes décrits à l'annexe I et II. Il me semble qu'il manque aussi l'annexe III, et l'annexe III, c'est aussi Hydro-Québec, mais surtout Investissement Québec. Quand on parle d'arrimage entre environnement et économie, il y a là une belle façon d'illustrer que cet arrimage doit se faire pour couvrir l'ensemble de cette intégration.

Mais l'élément le plus intéressant de ce genre de discussion, c'est la discussion qui suit. Donc, je vais me taire et vous écouter.

Le Président (M. Polo) : M. Webster, si vous désirez poursuivre, le ministre vous cède un peu de son temps. Allez-y.

M. Webster (Alain) : Non, non, non, je vais répondre à vos questions, allez-y.

Le Président (M. Polo) : Bon, bien, M. le ministre.

M. Charette : M. Webster, un plaisir de vous recevoir. C'est toujours un plaisir d'échanger avec vous, notamment à cause de votre dynamisme, mais également votre sens de l'humour, qui est toujours apprécié.

Ceci dit, peut-être vous mentionner, d'entrée de jeu... Vous avez, je pense, parfaitement raison. C'est une belle opportunité qui s'offre à nous. Je ne suis pas... Le gouvernement n'est pas de ceux qui aiment les discours fatalistes. En disant ceci, on ne nie absolument pas, au contraire, l'urgence climatique, bien au contraire, mais la façon dont on se place, nous, c'est une opportunité assez fantastique qui s'offre au gouvernement du Québec et à la société québécoise.

J'ai bien aimé le petit tableau où il était question des investissements au niveau des énergies renouvelables. Dans les faits, que l'on parle d'énergie renouvelable ou que l'on parle de toutes sortes d'innovations technologiques à travers la planète, ça va représenter littéralement des milliers de milliards de dollars d'investissements au cours des prochaines années. Donc, si le Québec se situe rapidement dans cet ensemble-là, il pourrait être grand gagnant au niveau du développement économique vert, c'est très certain.

Lorsque vous parliez davantage du projet de loi, vous disiez : C'est intéressant d'avoir davantage de pouvoirs au sein du ministère de l'Environnement. Puis, je vous rassure, le projet de loi ne personnalise pas à l'égard d'un individu. C'est la formulation requise dans les projets de loi. C'est, d'abord, le ministre qui est imputable, mais c'est le ministère, effectivement, qui l'accompagne dans cette imputabilité-là.

Et votre inquiétude, elle est légitime, vous dites : C'est bien d'avoir plus de pouvoirs, mais encore faut-il qu'il ait les moyens. Et c'est là où il faut distinguer le projet de loi n° 44 de ce qui sera présenté au cours des prochains mois, c'est-à-dire la marche à suivre que l'on entend suivre pour les 10 prochaines années. Et, pour ma part, je suis optimiste. Et ce qui a été dit plus tôt ce matin, je le confirme moi-même. Les revenus du Fonds vert actuels ne suffiront pas à mettre en place le plan d'action que l'on doit mettre en place. Donc, ça va nécessiter des moyens financiers nettement plus intéressants.

Vous avez conclu en faisant référence à Hydro-Québec, et c'est une belle façon d'illustrer la cohérence gouvernementale. Vous avez Hydro-Québec, avant les fêtes, qui a publié aussi sa ligne de conduite pour les 10 prochaines années en misant, naturellement, beaucoup sur les énergies renouvelables, en mettant l'emphase, entre autres, sur de nouvelles technologies au Québec, que ce soit l'hydrogène et autres façons de faire. Donc, c'est une concertation gouvernementale, là, qui est en train de se développer.

Ceci dit, très curieux de vous entendre face aux défis. J'ai posé essentiellement la même question tout à l'heure par rapport aux défis qui sont les nôtres comme société. La transition juste, on veut avancer rapidement. On veut aller plus loin. On veut surtout obtenir de meilleurs résultats, mais sans perdre de vue les dizaines de milliers — et je suis très conservateur, je pourrais parler des centaines de milliers — d'emplois au Québec, qui, si on agissait de façon abrupte, sans transition, seraient menacés. Donc, comment concilier l'urgence climatique avec le repositionnement qu'on doit adopter comme société?

• (11 h 40) •

M. Webster (Alain) : M. le ministre, l'image que j'ai de cette question des changements climatiques que j'observe depuis quelques décennies, là, dans ma fonction d'enseignant à l'université, c'est qu'on n'a pas le choix. Inévitablement, ce monde devra être décarbonisé. C'est de la science. Certains ne le comprennent pas encore très, très bien, c'est clair. On en a des exemples tous les jours chez nos voisins du sud et parfois chez nos collègues canadiens.

Mais, dans cette stratégie, comme ce virage doit être inévitable, les questions d'équité, c'est aussi en matière de générations futures. On va faire quoi, présentement? Si on ne réussit pas à se positionner rapidement dans cette nouvelle économie, bien, on se fera peut-être dire, par ces prochaines générations : Vous étiez où lorsqu'on était en train de redessiner l'ensemble de ces structures économiques basées sur plus d'un siècle d'énergie fossile, qui a permis de faire des gains extraordinaires en matière économique et en matière sociale, mais pour lequel, malheureusement, cette étape est finie?

J'ai tendance à dire que les questions de changement climatique, ce n'est pas la fin du monde, mais c'est la fin d'un monde, un monde qui s'est construit sur l'énergie fossile. Et vous avez, donc, ce défi, M. le ministre, puisque c'est le rôle que le gouvernement va vous confier, d'amener cette société dans ce nouveau monde décarbonisé puisque c'est les décisions qu'on prend immédiatement qui vont définir ce que sera cette société pour 2030, 2040 et 2050. Donc, lorsqu'on parle de l'équité, c'est aussi l'importance d'agir très rapidement pour qu'on puisse se doter des moyens, en termes économiques, d'être efficaces.

Et ensuite, l'autre élément, vous avez tout à fait raison de le mentionner, en matière d'équité... c'est ces enjeux, en matière d'équité sociale, pour des gens qui vont voir leurs fonctions être complètement modifiées. Il faut donc faire attention pour trouver les approches adéquates en matière de transition. Et, dans le projet de loi, on définit de façon adéquate ce que signifie la lutte aux changements climatiques, parce qu'on ne ramène plus ça à une question de quel est le coût de la réduction par tonne. On ramène la question classique de l'adaptation de façon adéquate, mais on se dit aussi que cette question de lutte aux changements climatiques, c'est la prise en compte de ses impacts en matière sociale, et ça, ça reste important.

Il va falloir se demander, à chaque fois : On fait quoi, lorsqu'on perturbe l'ensemble de ce modèle économique? Parce que ce qu'on va essayer de faire, littéralement, en économie de l'environnement, ce qu'on appelle les défaillances du marché, expression reconnue par l'OCDE depuis des dizaines d'années, c'est de pouvoir se dire comment on va, par l'action gouvernementale, modifier ce contexte économique. Et là, à chaque fois, il faudra se demander : Est-ce qu'il y a des acteurs spécifiques qui sont dans une situation plus précaire à cause d'une non-intervention et pour laquelle on devra mettre en place des mécanismes adéquats?

Donc, moi, j'étais ravi de voir que, légalement, vous mettiez cette définition-là large, qui permettait d'intervenir sur ces enjeux éventuellement, mais on n'a pas parlé beaucoup, au Québec, de ces enjeux. Au niveau du consommateur, on en parle souvent. Au niveau, bien sûr, des employés, ce n'est pas la saga française, bien sûr, avec les gilets jaunes, mais c'est clair que cette transition va nous amener à chaque fois à réfléchir à ça.

Et, si on ne fait pas cette réflexion, bien, il va se passer ce qu'il s'est passé chez nos voisins américains, hein? On a fait un virage significatif dans la fermeture des centrales, des mines de charbon, notamment celles qui avaient les plus hautes teneurs en soufre. Et, pendant des décennies, ces sociétés, ces populations qu'on se disait : Ils vont se déplacer, ils vont incorporer de nouveaux emplois, bien, au contraire, se sont vues décliner jusqu'à tant qu'un candidat à une élection vienne leur faire un mirage économique sur leur potentiel de développement, et on appelle ça, malheureusement, un discours trop populiste, qui a permis finalement de faire un leurre en matière de développement.

Donc, autrement dit, on voit, à l'échelle internationale, un ensemble d'exemples de populations qui ont été victimes de ce virage et qu'on n'a pas soutenues adéquatement. Donc, ça va rester essentiel. Je suis ravi de vous entendre dire que c'est une préoccupation importante du gouvernement, mais ça ne peut pas être un frein pour ne pas mettre en place des stratégies efficaces. Ce virage-là est trop rapide. Et, à chaque fois, ces décisions gouvernementales devront se demander ce qu'on a comme impact en matière, bien sûr, sociale, mais, en même temps, dans toute intervention gouvernementale, se demander comment faire pour tendre vers cette essentielle neutralité carbone pour 2050.

M. Charette : Merci.

M. Webster (Alain) : C'est un plaisir.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci, M. Webster, de votre présentation. J'aime beaucoup le ton de votre présentation. C'est quelque part entre un peu alarmiste, mais pondéré, et surtout dynamique. J'apprécie beaucoup. Ça va peut-être être drôle comme...

M. Webster (Alain) : ...qu'on me dit ça, parce que j'espère que le fond aussi intéresse aussi les gens, et pas juste le ton.

M. Campeau : Ah! n'ayez pas peur, le fond m'intéresse aussi. Je continue, là. Je continue. Quand vous avez référé à l'importance d'un petit enfant par rapport à que ça vient vous toucher, ça me rejoint énormément, parce que, quand je pense à mes enfants et quand je pense à mon petit-fils, moi aussi, ça vient me chercher beaucoup. Malheureusement, quand on dit ça, ça a l'air des paroles de politicien, et pourtant c'est bien le contraire, parce que ça me touche énormément.

Vous avez aussi dit qu'au Québec on a dit qu'on était bons. Moi, j'ai toujours été très mal à l'aise avec ce mot-là. On a fait des bonnes choses. On n'a pas juste fait des mauvaises choses. L'intégration avec la Californie, je pense, est une très bonne chose. Mais, quand on regarde nos résultats qu'on a, considérant qu'on a une électricité déjà décarbonisée, bien, ce n'est pas... Si on se compare à la Suède, bien, ils sont déjà passés 2030 par rapport à nous autres. Alors, par rapport à ça, on a énormément d'efforts, comme vous dites, à doubler. Puis je pense que 37,5 %, il ne faut pas se conter d'histoires, c'est un but, mais c'est un passage vers une décarbonisation seulement.

J'en viens à... Je veux vous entendre sur un sujet dont vous n'avez même pas vraiment parlé directement. Vous avez insisté sur le fait que le gouvernement a un rôle fondamental. Bien d'accord. Moi, j'ai l'impression que, si on veut non pas arrêter à 37,5 %, mais poursuivre, on a besoin d'une mobilisation de la population. C'est un sujet qui m'est très cher. Les gens qui sont à côté ici le savent très bien. Comment vous voyez ça?

M. Webster (Alain) : Bien, je vais d'abord revenir sur le bon et sur une chose qu'on ne dit pas suffisamment, puisque, après tout, je suis à l'Assemblée nationale. Parmi les choses qu'on a réussi à faire et qui sont quand même assez exceptionnelles, vous serez un peu déçus parce que vous êtes tous de partis politiques différents, et, à chaque fois, on essaie de se distinguer et dire : Voici ce qu'on fait de mieux que les autres, mais un élément important dans la stratégie québécoise a été ce que j'appelle la cohérence de l'État. C'est quand même passionnant. Quatre gouvernements se sont succédé depuis 2008, sous le premier ministre Charest, la première ministre Marois, le premier ministre Couillard, et maintenant le premier ministre Legault, quatre gouvernements qui ont maintenu à peu près les mêmes grandes politiques climatiques.

Vous avez parlé tantôt du système de permis échangeables, structure essentielle. J'étais ici il y a une vingtaine d'années pour parler de ça en commission parlementaire. Donc, un virage majeur des stratégies en matière de réduction qui sont très ambitieuses, et ça, c'est passionnant de voir qu'on n'a pas joué cette dynamique politique partisane et qu'on a réussi à maintenir, malgré l'alternance de l'État, ces grandes stratégies. On a l'impression... Puis, encore une fois, c'est trop simple à dire, mais, quand on regarde ce qu'il s'est passé en Ontario, en Alberta, aux États-Unis, en Australie, à l'échelle internationale, ça, ça reste un élément important.

Et pourquoi je vous amène cet exemple-là, c'est que ça illustre probablement que ces stratégies en matière de changements climatiques, si elles sont si cohérentes entre l'ensemble de ces partis politiques, c'est que vous sentez mieux que moi, encore, dans mon petit bureau universitaire, que cette population québécoise est, globalement, tout à fait en accord avec l'ensemble de ces stratégies. Bon, des fois, on rechigne un peu sur le fait que prix de l'essence va être 0,03 $, 0,04 $, 0,05 $, 0,06 $ de plus, mais, globalement, sur les grandes orientations, c'est acquis, ces choses-là.

Et ensuite il va rester maintenant à ramener cette population à se dire concrètement : Comment fait-on pour pouvoir participer à ce genre de virage, notamment en matière de choix de consommation? Et c'est pour ça que je vous ai dit que c'est important, le rôle de l'État, parce que ça signifie la façon de pouvoir travailler, la direction où on veut s'en aller. C'est l'espèce de rôle de leadership que vous devez avoir dans la société pour dire : On est en train de prendre ce virage, et il doit se réaliser si, collectivement, vous êtes là. Et, si la population n'embarque pas, ça ne fonctionnera pas. Mais, pour que la population se mobilise autrement que par des manifestations, encore faut-il qu'elle ait l'impression que le gouvernement met en place l'ensemble des bonnes stratégies de façon adéquate.

Je vais vous donner un bon exemple. On a beaucoup, beaucoup débattu des lacunes associées à ce conseil de... à la gestion du Fonds vert et à tout le débat sur le Conseil de gestion du Fonds vert. Moi, je trouvais ça déplorable comme sujet, parce que ce que ça amenait comme perception dans la société, c'est : Mais, attends un peu, là, je paie un ensemble de coûts financiers plus élevés, parce que ce coût carbone est de plus de 20 $ la tonne, ça se traduit, en termes pratiques, par une augmentation de mon litre d'essence et par un ensemble de biens. On est censés gérer avec ça un ensemble de politiques complémentaires efficaces en matière de réduction, mais il paraît que tout est mal géré et que l'État n'est pas capable de faire adéquatement ses choses.

C'est catastrophique en matière de mobilisation et de virage, et c'est pour ça qu'on est dus pour, là aussi, un virage significatif pour se dire : Là, comme un ensemble d'autres fonctions gouvernementales, l'État est capable de jouer le rôle qu'il doit jouer, mais pas tout seul évidemment, avec un ensemble de partenaires de la société civile, en passant par le secteur de l'éducation, incluant l'ensemble du volet financier. Donc, il faut, si on veut que les gens se mobilisent adéquatement pour faire ce virage, qu'ils aient l'impression aussi que l'État est en train de faire ce virage. Sinon, on se dit : À quoi bon, pourquoi, moi, faire un effort?

Le Président (M. Polo) : M. Webster, c'est parce qu'il reste 40 secondes puis... Bon, bien, terminez, poursuivez votre réponse.

M. Webster (Alain) : J'ai fini.

Le Président (M. Polo) : Ah! O.K., bon, bien, excellent.

M. Tardif : Bonjour.

M. Webster (Alain) : Bonjour.

M. Tardif : Félicitations pour la petite.

M. Webster (Alain) : Ah! bien oui.

M. Tardif : Ça doit être inspirant. Rapidement, bon, écoutez, on pourrait échanger longtemps. L'État va-t-il assez vite? Parce que ça fait juste 2 millions d'années, plus ou moins, que nous sommes sur cette bonne vieille terre, puis là on parle qu'il faut aller très rapidement, de 30 à 40 ans comme délai, si je reprends vos chiffres.

M. Webster (Alain) : ...malheureusement, parce que, si c'étaient les miens, vous ne pourriez ne pas leur accorder de la crédibilité. C'est les chiffres de la science climatique. Et, quand vous parlez de millions d'années, bien, un exemple frappant dans... c'est l'Organisation météorologique mondiale qui nous dit : La concentration de gaz à effet de serre aujourd'hui, qui a dépassé 400 ppm, ça ne veut rien dire pour le commun des mortels, ce chiffre-là, mais la dernière fois qu'on a observé ça, c'est probablement il y a 3 à 4 millions d'années.

Donc là, on nous dit : On ramène ça en budget carbone. Et, si on veut que cette température n'excède pas ces 1,5 °C à 2 °C, maximum 2050, l'État est carboneutre, les sociétés, la planète est carboneutre, on a fait ce virage, ça nous laisse malheureusement trois petites décennies pour transformer ces sociétés, qui ont été basées sur l'exploitation d'énergie fossile hyperdisponible à un coût très faible, vers, essentiellement, des énergies renouvelables. C'est un virage faramineux qui a des incidences économiques extraordinaires, mais aussi des incidences sociales faramineuses. Votre tâche est colossale, mais, en même temps, passionnante. Vous avez un privilège de redessiner cette société pour les prochaines décennies.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. Webster.

M. Webster (Alain) : C'est un plaisir.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Maurice-Richard.

• (11 h 50) •

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, M. Webster. Vous savez, moi, je trouve ça passionnant à chaque fois qu'on a l'occasion de vous écouter. Puis là je ne parlerai pas de votre dynamisme. Je vais parler du contenu. Je trouve ça toujours fort éloquent. Puis je vous remercie d'avoir pris le temps, parce que je sais que vous le faites, justement, à chaque fois que vous avez l'occasion de faire des conférences, des présentations, de prendre le temps, de camper la situation dans laquelle on est.

Avant, justement, vous auriez pu parler seulement du projet de loi. Mais je pense que c'est important de répéter les différents chiffres, effectivement, qui ne sont pas vos chiffres, mais qui sont les chiffres dont on entend peut-être trop peu parler, et c'est important de le faire. Je pense qu'on devrait le faire plus souvent. Je pense que vous avez bien campé la situation, vous l'avez bien nommée : 9,6 tonnes par habitant, on doit se rendre à 6 tonnes, comment le fait-on?

Donc, au-delà des débats de structures qui nous occupent aujourd'hui et qui vont nous occuper pour les prochaines semaines, la grande question, elle est là : Comment, entre 2000, bon, 17... mais, aujourd'hui, 2020 et 2030, comment, en 30 ans, on va réussir... en 10 ans, pardon, comment va-t-on réussir, de façon très pragmatique, de façon très concrète, à atteindre ce chiffre-là et à faire diminuer, per capita, le nombre de GES? Et c'est un défi complexe, très grand aussi, très ambitieux, et je pense que... En tout cas, j'espère que nos discussions nous ramèneront à ces questions assez, assez rapidement. Si c'est par un autre projet ou si c'est par un autre plan, aussi, qui, je l'espère, sera déposé promptement...

Vous avez fait référence, dans votre mémoire, au comité sur les changements climatiques, notamment, puis je voulais vous entendre assez là-dessus. Il y a un comité-conseil sur les changements climatiques qui existe déjà au Québec depuis 2013. Vous avez fait partie... Je ne sais pas à partir de quelle année exactement, mais je sais que vous avez fait partie de ce comité. 2013? Donc, depuis les premiers jours...

M. Webster (Alain) : Auparavant, sous le ministre Legault... le ministre Arcand, il y en avait un autre.

Mme Montpetit : Oui, c'est ça. Donc, c'est même... C'est ça, il avait un autre nom, vous avez raison. Je pense, c'est même 2008, peut-être. Donc, il y a un comité qui était en place, dont la fonction, justement, était de faire des recommandations au ministre en termes de lutte contre les changements climatiques. Vous en avez fait partie avec plusieurs personnes qui sont encore aujourd'hui très actives dans ce domaine.

Puis, question très, très précise, vous avez déposé un rapport, si je ne m'abuse, c'est au printemps 2018, un bilan de mi-parcours, justement. Je ne me rappelle pas avoir lu, dans ces recommandations, des recommandations par rapport à la structure que ce soit du Conseil de gestion du Fonds vert ou que ce soit par rapport à Transition énergétique Québec. Puis je suis un peu surprise, parce que je suis allée le relire, justement, puis les gens qui sont autour de la table sont quand même, pour la plupart, pour ne pas dire la totalité, des gens qu'on a invités, justement, dans les consultations, parce que les quatre groupes parlementaires ont jugé que c'étaient les personnes qu'il fallait inviter parce que c'étaient les personnes, au Québec, qui avaient une expertise dans le dossier, et je ne me rappelle pas que vous ayez recommandé la direction qu'on est en train de prendre, peut-être pour d'autres considérations. Mais est-ce que c'est un enjeu vraiment de structure, à l'heure actuelle, la lutte aux changements climatiques? Est-ce que c'est vraiment là-dessus qu'on doit mettre nos priorités ou, comme vous dites, on doit bonifier le projet avec d'autres éléments?

M. Webster (Alain) : Ce qui m'intéresse plus, ce sera, bien sûr, l'ensemble de la stratégie gouvernementale qui va être déployée après, finalement, j'imagine, ce projet de loi. Donc, j'espère que vos discussions ne vont pas s'éterniser, si vous me permettez cette expression, et qu'on puisse passer aux choses concrètes, c'est clair. Mais, en même temps, la structure reste significative. Vous avez parlé de ce comité-conseil.

Prenons un exemple bien précis. Vous nous dites, dans ce projet de loi là : D'abord, il devra y avoir des ressources pour travailler adéquatement. Très bonne idée. C'est plus efficace que se dire : O.K., je vais lever la main et c'est moi qui va faire la première ébauche. Mais vous dites surtout : Maintenant, tous les documents vont être publics lorsqu'on va faire un avis. Excellente idée. Vous dites aussi : Ça sera composé d'un ensemble de scientifiques, un peu à l'image de, par exemple... le Haut Conseil pour le climat, en France, pour permettre d'avoir un regard qui va permettre à la société civile, si je reprends l'exemple qu'on avait tantôt, de pouvoir se dire : Voici une analyse plus scientifique de la position où on s'en va. Ça reste essentiel. Donc, ça, c'est des choses qui sont importantes à faire, c'est significatif.

La question de la gestion du Fonds vert, qu'on... pour lequel on change le nom, va rester essentielle aussi. Et quelle est la mécanique gouvernementale que vous avez utilisée? Je vous ai fait savoir, et je l'ai dit publiquement antérieurement, qu'il était temps de corriger ça. Et moi, je n'avais aucun malaise avec l'idée que le gouvernement était capable de faire une gestion adéquate pour contribuer au bien commun, dans un budget de 1 milliard, sur les questions environnementales, comme il doit le faire en éducation et en santé.

Moi, ça ne me pose aucun problème que ce fonds-là soit géré sur une structure gouvernementale, surtout si ça permet d'avoir, au niveau du ministre responsable, un contrôle — est-ce que je peux dire ce terme-là? — du moins, une emprise beaucoup plus grande sur l'ensemble de l'action gouvernementale, et faciliter la mise à jour continuelle de l'ensemble de sa stratégie. Bien, ça, c'est ce qu'on a dit dans ce bilan de mi-parcours. On était censé mettre à jour cette structure, mais c'est compliqué avec l'ensemble des ententes qu'on avait antérieurement. Donc, se donner plus de souplesse, plus d'agilité, je pense que ça reste essentiel.

Dans le cas de TEQ, c'est un peu plus compliqué. Effectivement, on n'a pas parlé de TEQ de façon spécifique dans ce bilan-là. Là, vous proposez, dans ce projet de loi, de ramener finalement l'ensemble de cette mission au niveau du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Je ne suis pas convaincu que le ministère va avoir toute la souplesse que pouvait avoir TEQ pour réussir à faire ce genre de chose là. Et, si c'est vers ça qu'on s'en va, bien, je vous disais, à la fin de mon petit mémoire : Assurez-vous d'avoir le plus de cohérence possible en cette stratégie environnement et cette stratégie changement climatique.

Je vous dis, par exemple, à la page 12 : Dans l'article 44 du projet de loi, on met un ensemble d'éléments. Qu'est-ce qui permet d'autoriser le gouvernement pour pouvoir entériner ce plan directeur? Quelles sont les raisons qui vont amener le ministre à modifier ce plan, ou, encore, les éléments qu'on doit faire dans le bilan annuel, ou même l'utilisation du fonds qu'on a créé, le fonds de transition? Bien, je vous dis, pour chacun de ces éléments-là, on devrait retrouver un lien direct avec cette politique-cadre, qui est un joli nom, d'ailleurs, pour cette stratégie climatique, mais j'espère que ça ne sera pas juste joli et que ça va être aussi très efficace.

Donc, si le choix que vous faites, c'est de pouvoir se dire : On est capable, avec une plus grande cohérence, de gérer ça sur une base ministérielle, ce sera votre décision, bien, assurez-vous qu'il y ait la plus grande cohérence possible dans l'action gouvernementale. Là, je pense qu'on pourrait la rehausser un peu. Mais, en même temps, il y avait une agilité, dans ce genre d'organisme, un peu comme l'ADEME, en France, intéressante.

Ça fait qu'il va falloir s'assurer qu'on réussit à trouver quelque chose d'au moins aussi efficace qu'avant. Mais le message, surtout, qu'on avait dans le bilan de mi-parcours, c'est ce que je vous dis là, et c'est ce qu'on dit, je pense, unanimement. Il faut aller plus vite, plus loin, faire ce passage avec le volet économique, c'est clair, et puis se doter des structures efficaces pour tenter de gérer ça. On a eu beaucoup de débats, là, sur le volet gestion du Fonds vert. Il faut passer à autre chose.

Mme Montpetit : Mon collègue a une question également. Je vais le laisser aller, puis, s'il reste un petit peu de temps à la fin... Ça passe très, très vite, le temps, dans ces consultations.

M. Kelley : Merci, M. le Président. Alors, M. Webster, c'est juste une question concernant le changement dans le projet de loi sur le transport en commun. C'est sûr que chacun de mes collègues ici, autour de la table, a des demandes de leurs municipalités, de leurs citoyens, de bien financer le transport en commun. Ce n'est pas juste un enjeu pour Montréal. C'est un enjeu dans les régions aussi. Alors, quand j'ai vu ça, le changement, j'ai dit : C'est possible qu'il y ait plus de flexibilité pour le gouvernement. En même temps, c'était toujours une source de financement important pour le transport en commun. Alors, je veux juste avoir vos commentaires sur le changement dans le projet de loi.

M. Webster (Alain) : C'est un enjeu, je pense que je vous ai écrit, particulier, parce que c'est fondamental, cette question du transport en commun. Dans tous les bilans à chaque année, on se dit qu'il y a peu de réduction d'émissions par rapport à l'ensemble de l'investissement qu'on fait, mais c'est évidemment structurant. Alors, on n'arrive pas à faire cette transition vers une société décarbonisée sans une structure efficace en matière de transport en commun. C'est vrai à l'échelle montréalaise. Il serait peut-être temps que le Québec se... la ville de Québec se dote aussi d'un système civilisé et moderne dans ce domaine. Et moi, je viens d'une petite ville comme Sherbrooke. Je vous lance le défi de faire le lien Sherbrooke-Québec en transport en commun. Vous allez voir qu'on n'a pas beaucoup investi dans cette stratégie.

Donc, c'est clair que, si on veut que les gens quittent leur voiture solo, il va falloir trouver autre chose. Ça passe beaucoup par le volet électrification, mais ça doit passer par un réseau public efficace en matière de transport en commun, parce que ce qu'on veut faire avec ça, c'est amener les gens à modifier leurs comportements. On veut les amener à changer leur façon de se déplacer. On ne veut pas leur dire : Arrêtez de vous déplacer. On veut pouvoir se dire : Vous devez le faire autrement, sans émission de gaz à effet de serre.

Donc, on avait, de façon automatique, un financement prévu, qui était vu au départ comme étant une très bonne idée. Là, on se dit... On enlève ce financement automatique, si je comprends bien le sens de ce qui est écrit, et on permettrait au ministère de l'Environnement et à son collègue des Finances, au besoin, de fixer ça sur une base annuelle. En même temps, là, en pratique, ce qui est embêtant, c'est qu'on a observé que ces transferts automatiques, notamment vers le FARR, ont permis d'avoir un ensemble de financements qu'on a transférés dans une enveloppe particulière de transport en commun et qu'on n'a juste pas utilisés, avec un délai très, très long en matière d'investissement. Ça fait que... une structure efficace sur papier pour accroître le financement, mais, si, finalement, on ne le dépense pas immédiatement, pour un ensemble de considérations budgétaires et d'équilibre budgétaire — et j'ai géré les finances à l'université pendant quelques années, donc je sais de quoi je vous parle là-dessus — dans ce type de stratégie, bien, je ne suis pas sûr qu'on est gagnants. Mais la question que ça soulève, et elle est fondamentale, c'est que, si on enlève ce mécanisme automatique en matière de financement, notamment vers le transport en commun, il va falloir... j'allais vous dire en parallèle, mais, s'il le fait en parallèle, j'ai peur que ça ralentisse tout le reste, mais il va falloir, en même temps, se dire : On la finance comment, cette stratégie de mobilité durable?

• (12 heures) •

<R>15407 Le Président (M. Polo) : Merci.

M. Webster (Alain) : Parce que les investissements vont être massifs et extrêmement importants, sinon on n'y arrive pas...

Le Président (M. Polo) : Merci.

M. Webster (Alain) : ...et on a des retards majeurs au Québec là-dessus.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. Webster. Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. On a déjà eu la chance de discuter dans le passé. Écoutez, j'ai eu le temps de lire votre mémoire pendant que vous parliez, et il y a toute une introduction qui est lucide de la situation sur les changements climatiques, les défis, il y a aussi un bon résumé qui est fait du projet de loi n° 44.

Moi, je voudrais aller plus sur des recommandations plus concrètes. Vous savez, les gens qui sont intervenus puis qui vont continuer à intervenir sur le projet de loi n° 44, ce qu'ils mettent en cause sur la façon que la structure est changée par ce projet de loi, c'est toute la question d'indépendance, d'imputabilité, de dépolitiser aussi la mise en place du plan, du PECC, puis l'atteinte des objectifs, la transparence. Est-ce que vous pensez — puis j'aimerais vous entendre là-dessus — que le projet de loi n° 44 permet de répondre à ces critères-là, qui sont extrêmement importants? Ce n'est pas juste de la structurite. Et, même, est-ce que le projet de loi n° 44, tel qu'il est... est-ce qu'il nous permettrait de réussir la transition? Puis, si vous êtes capable d'avoir peut-être — il y a toutes sortes d'éléments, on parle de budget carbone, de mettre les cibles, etc. — quelque chose de plus concret, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Webster (Alain) : Sur les cibles, je ne suis pas convaincu que c'est nécessaire de mettre la cible dans la loi, mais je suis convaincu que c'est nécessaire de les respecter, par contre. Et ça, c'est aussi une position gouvernementale, c'est aussi l'image que se donne le gouvernement et la façon de vouloir travailler. Autrement dit, c'est la crédibilité de l'action gouvernementale. Je suis peut-être trop utopiste, là, mais, dans ce type de scénario, si ce ou qu'importe le gouvernement qui dirige n'est pas convaincu de l'importance de faire ça, bien, même si vous le mettez dans la loi, vous allez trouver une très bonne façon de ne pas l'atteindre si vous ne voulez pas l'atteindre. Donc, c'est d'abord un choix politique en matière d'action qui me semble plus pertinent que l'obligation de le mettre dans le projet de loi, et j'ai participé à beaucoup de débats sur la fixation de la cible, le 37,5 %, qui me semblait une approche minimale, pour reprendre votre commentaire de tantôt. C'est un scénario vers le volet transition, mais c'est essentiel.

Sur le volet qu'est-ce qu'on a comme mécanismes en matière de suivi, on a fait des progrès dans ça, d'abord, je vous l'ai dit tantôt, en mettant un comité-conseil qui aura une capacité, je pense, de suivre l'action gouvernementale et de rendre public l'ensemble des travaux, qui va mettre une saine pression, si vous voulez, scientifique sur l'action gouvernementale et l'ensemble de l'approche mise en place à l'Assemblée nationale. Le rôle du Vérificateur général, et en particulier de son Commissaire au développement durable, est intéressant. Il faudra voir jusqu'à quel point l'analyse va être...

Le Président (M. Polo) : Merci.

M. Webster (Alain) : ...précise et détaillée, mais on se donne donc deux chiens de garde pour pouvoir assurer ce type de transition. Je pense qu'on fait des progrès. On pourrait débattre abondamment d'est-ce que ce rôle-là doit être relevé au niveau du premier ministre, au niveau du ministre, au niveau de la structure. On pourrait passer beaucoup, beaucoup de temps à tenter de faire un monde idéal en matière de structure. Je pense qu'on est à l'étape de se dire : Donnons-nous une bonne structure et, maintenant, un plan efficace en matière de... Parce que, là, je vois que...

Le Président (M. Polo) : Oui, et on va également se donner 2 min 40 s pour le député de Jonquière.

M. Webster (Alain) : C'est dur.

Le Président (M. Polo) : Oui. Merci.

M. Gaudreault : Oui, merci beaucoup. Je suis sur le site de l'École de gestion de l'Université de Sherbrooke, et ce que je trouve vraiment intéressant, dans le fond, c'est que, dans les neuf grands domaines de gestion — comptabilité, économique, entrepreneuriat, finances, fiscalité, gestion des technologies d'affaires, management, marketing, ressources humaines — il n'est pas mentionné, l'environnement. Alors, c'est là que, paradoxalement, votre rapport est particulièrement intéressant.

Donc, de l'École de gestion... Avec votre expérience, vos compétences, vos connaissances, est-ce que l'article 10.1 du projet de loi, qui confie au ministre un rôle-conseil mais qui dit en même temps que «chaque ministre ou organisme public — à part le ministre de l'Environnement, chaque autre ministre ou organisme public — concerné demeure responsable du choix et de la mise en oeuvre des moyens pour atteindre les résultats»... Donc, d'un point de vue de gestion, de l'administration publique, d'atteindre des cibles — moi, je suis avec vous, l'objectif, c'est qu'on les atteigne, ces cibles-là, qu'on les respecte — est-ce que c'est la bonne façon de procéder ou on est en train de donner un pouvoir au ministre qu'il n'aura pas l'occasion de bien exécuter?

M. Webster (Alain) : Bien, c'est pour ça que je vous mentionne rapidement qu'il faut peut-être être plus cohérent dans cette stratégie. Vous avez parlé de mon université, je n'en ferai pas la promotion sur le volet Environnement, j'ai fait ça durant 20 ans, là, ce n'est plus mon rôle, mais, lorsque je suis arrivé à la direction de l'université, j'y ai fait deux choses. D'abord, je suis arrivé au niveau de la gestion des finances comme vice-recteur à l'administration, et, en même temps, on a inventé la fonction de vice-recteur au développement durable, qui n'existait pas au Québec et au Canada. C'est des structures un peu conservatrices et pour lesquelles il y aurait peut-être encore un petit peu de virages à faire dans ce genre de stratégie à l'échelle québécoise et canadienne, mais, bon, ça, c'est une autre parenthèse. Et donc comment on a travaillé pour faire ce virage? Bien, j'avais l'immense bonheur de pouvoir dire à mes collègues, qu'ils soient doyens ou qu'ils soient responsables de services : Voici vers quoi je pense qu'on devrait s'en aller, avec une définition la plus collective possible de ces enjeux. Mais, en même temps, je gérais leur budget, et ça permettait d'avoir une certaine influence dans leurs stratégies. Et c'est pour ça que...

M. Gaudreault : Mais le ministre de l'Environnement ne gérera pas les budgets du ministère des Transports.

M. Webster (Alain) : Non, mais il va gérer quand même une enveloppe de 1 milliard dans l'ensemble de cette transition. Et c'est pour ça que je vous dis, quelque part dans ce mémoire : On devrait pouvoir, plus facilement que ce qu'on avait antérieurement... la capacité de mettre à jour cette stratégie, parce que c'est ce qu'on n'a pas été capables de faire facilement antérieurement, et surtout pouvoir se dire : Je suis capable de faire les réallocations financières adéquates, quand on a l'impression que ça ne se passe pas comme ça devrait se passer.

Le Président (M. Polo) : Merci.

M. Webster (Alain) : Ça fait que je pense que, minimalement, il faut que le ministre puisse contrôler adéquatement l'ensemble de cette enveloppe dédiée à ce volet changements climatiques, mais il va falloir aussi que l'ensemble de l'action gouvernementale se responsabilise. C'est vrai pour l'ensemble des ministères comme c'est vrai pour l'ensemble des organismes, sinon cette société n'y arrivera pas. Ça fait qu'importe la structure qu'on dessine, il va falloir aussi être conscients de ce virage, c'est une question de responsabilité. Parce que je me suis rendu compte aussi qu'il y a des limites à ce pouvoir, même lorsqu'il est très, très bien défini. Il faut aussi faire ce virage collectivement.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup, M. Webster. Merci aux collègues pour votre collaboration. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

M. Webster (Alain) : C'est toujours trop bref.

Le Président (M. Polo) : La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 08)

(Reprise à 14 heures)

<R>15407 Le Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 44, Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.

Cet après-midi, nous entendrons cinq groupes : tout d'abord, Écotech Québec; par la suite, la Fédération québécoise des municipalités; ensuite, le Conseil de gestion du Fonds vert; ensuite, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; et finalement l'Association de l'industrie électrique du Québec. Ce sont les mêmes temps de parole que ce matin.

Alors, je commence, je débute et je souhaite également souhaiter la bienvenue aux représentants d'Écotech Québec. Attendez un instant, j'ai... voilà. Donc, ce sont M. Denis Leclerc, en effet, et M. Richard Painchaud. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons par la suite à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Écotech Québec

M. Leclerc (Denis) : Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Denis Leclerc, le président d'Écotech Québec, qui représente l'ensemble de l'écosystème de l'innovation verte au Québec. Et je suis accompagné du président du conseil d'administration, Richard Painchaud, à qui je vais immédiatement passer la parole pour se présenter, et aussi son rôle dans l'écosystème des technologies propres.

M. Painchaud (Richard) : Merci, Denis. Bonjour, tout le monde. Merci de nous recevoir. Effectivement, je suis président du conseil d'administration depuis quelques années chez Écotech Québec. Je suis un entrepreneur depuis une trentaine d'années dans le secteur des technologies propres, c'est un secteur que je connais très bien. C'est un secteur difficile. C'est un secteur qui, en plus d'avoir les défis corporatifs, a des défis technologiques, a des défis réglementaires et des défis financiers.

Alors, ça fait quelques années que je redonne à l'écosystème en étant président du conseil d'Écotech Québec, parce que je crois qu'il y a une intervention importante à avoir. Vous avez une place excessivement importante, en tant que gouvernement, dans notre écosystème et dans le fait que nos entreprises puissent croître de façon progressive, surtout dans un momentum comme on a actuellement dans le côté vert. Je pense qu'il y a là l'opportunité de faire des choses intéressantes et je suis ici pour répondre à vos questions puis faire valoir nos points là-dessus. Denis.

M. Leclerc (Denis) : Merci beaucoup, Richard. Alors, merci de l'invitation. Pour nous, ça nous interpelle beaucoup, le projet de loi n° 44, parce qu'on parle d'avenir, on parle d'innovation, on parle de comment on peut accélérer le virage vers une économie plus verte. Et c'est pour ça que, pour nous et les gens qui composent l'écosystème des technologies propres, bien sûr, on regarde devant nous et on voit le plus grand défi de notre génération, alors, les changements climatiques, et c'est ce qui anime l'écosystème des technologies propres, parce qu'on veut trouver des solutions à ce bouleversement. Je vous dirais que les technologies propres, ce sont des innovations pour le climat et pour l'environnement aussi. Il ne faut pas oublier tout l'aspect environnemental, on pourra en revenir au niveau de la période de questions.

Maintenant, nous, ce qui nous intéresse : les entrepreneurs veulent avoir une structure simple, efficace, performante, prévisible. Alors, c'est avec cette orientation-là qu'on a regardé de très, très près le projet de loi n° 44 et qu'on arrive avec quatre recommandations, tout simplement. D'abord, on salue les objectifs qu'on vise avec le projet de loi n° 44. Je pense qu'on peut se rallier à tous ces objectifs-là parce que ça fait partie intrinsèquement de notre mission.

Première constatation, c'est qu'on se pose des questions, puis on aimerait ça trouver des réponses aussi à ça, mais on se pose des questions. Est-ce que de regrouper Transition énergétique Québec, c'est-à-dire le budget de Transition énergétique Québec, avec le nouveau Fonds d'électrification et de changements climatiques... est-ce que ça ne viendrait pas simplifier certains aspects, notamment pour les entrepreneurs, notamment pour le développement des innovations et pour la démonstration de nos innovations ici qui nous permettraient de réduire nos émissions de gaz à effet de serre? Nous, on pense que oui. On aimerait ça, on pourrait très bien en discuter par la suite.

La deuxième recommandation, c'est de se dire... et, pour nous, ce n'est pas nouveau, là, il y a trois ans, au moins trois ans qu'on dit : L'économie verte, ça touche tous les ministères, c'est transversal. Et, il y a trois ans, on vous disait : Ça nous prend un secrétariat à l'économie verte qui relève du Conseil exécutif. Aujourd'hui, on regarde nos deux sociétés d'État, hein, il y a TEQ et le Fonds vert, deux sociétés d'État, puis on se disait : Est-ce qu'on peut créer... pas recréer, mais adapter une des deux structures pour avoir une société d'État qui gère ces deux fonds-là ou qui gère tout l'aspect de changements climatiques? Et on se disait : Pour avoir de l'impact sur l'ensemble des ministères concernés, est-ce que ça ne devrait pas relever du Conseil exécutif? On se pose la question si ça, ça n'aurait pas plus d'impact que... Puis, en tout respect avec le ministre de l'Environnement, c'est : Comment on s'assure qu'il y ait un impact concret et tangible?

La troisième chose, c'est que, ces fonds-là, on ne demande pas la charité. Les entrepreneurs ne demandent pas la charité, ne demandent pas des subventions. Les entrepreneurs, ce qu'ils cherchent, c'est d'avoir des capitaux privés. Alors, ils veulent utiliser l'argent public, notre argent, nos taxes, mais notre argent public comme un levier pour aller chercher des capitaux privés. Alors, c'est pour ça qu'on parle d'un processus d'appariement du capital investi par des investisseurs privés. On pourra élaborer davantage.

Et finalement comment le gouvernement peut montrer l'exemple? Le gouvernement, par ses organismes, notamment le ministère... pas ses organismes, son ministère de l'Économie et de l'Innovation, et par l'entremise d'Investissement Québec, on investit dans des entreprises industrielles, dans des projets industriels. Est-ce qu'on peut convaincre ces projets industriels de venir détecter, dans l'écosystème des innovations du Québec, des façons de faire, des produits, des technologies qui vont leur permettre de faire deux choses : un, d'être plus compétitifs, parce qu'une technologie propre, il ne faut pas ça soit seulement écologique, il faut que ça soit logique, alors logique aussi dans le concept financier, alors améliorer leur compétitivité tout en améliorant leur bilan environnemental, leur bilan carbone?

Alors, M. le Président, en tout respect, nous, on se dit : Écotech Québec, on est la plateforme idéale pour aider le gouvernement à améliorer les projets dans lesquels on investit, puis on investit pour la croissance du Québec et la création de richesse. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci pour votre exposé. Donc, nous allons commencer la période d'échange. J'invite donc le ministre à prendre la parole. M. le ministre.

• (14 h 10) •

M. Charette : Merci beaucoup, messieurs. Tout d'abord, bon après-midi. Merci de le commencer avec nous, donc, pour nous, c'est en agréable compagnie. Écoutez, on au l'occasion, à quelques reprises, sinon à plusieurs reprises, ces dernières semaines, ces derniers mois, d'échanger sur les défis qui étaient les nôtres. Vous avez aussi participé à différentes étapes de la consultation qu'il y a eu cours au cours de l'automne dernier. Je vous dirais, à ce moment-ci, deux choses. Parmi les recommandations, effectivement, elles ont été réitérées par différents groupes, différents intervenants au cours des dernières semaines, des derniers mois, peut-être faire déjà une nuance entre le projet de loi n° 44 et le plan que l'on soumettra pour la prochaine décennie dans les prochaines semaines.

Si on regarde au niveau des effets de levier pour les capitaux privés, si on parle d'exemplarité de l'État, c'est clairement des notions qui interpellent davantage le plan d'action qu'on soumettra que le projet de loi lui-même, mais c'est très bien et très intéressant de vous réentendre sur le dossier. Au niveau de la société d'État ou un TEQ plus, en quelque sorte, il y a d'autres groupes qui ont pu nous interpeler sur la question, c'est une question qui mérite réflexion de notre côté. Mais là où je serais curieux de vous entendre davantage, c'est cette demande de transférer la responsabilité au MCE, sinon au premier ministre. Plusieurs ont échangé dans ce sens-là, mais, moi, la dynamique qui est la nôtre, celle d'un gouvernement dans notre système parlementaire en particulier, le premier ministre va naturellement désigner ses ministres, à qui il confie une responsabilité x, et le ministre est imputable du résultat qu'il livre. S'il ne livre pas, bien, le premier ministre a tous les droits de le remplacer.

Donc, c'est de cette façon-là que le premier ministre, au quotidien, suit l'ensemble des dossiers du Québec. Mais, personnellement, je vois très mal un premier ministre s'arroger un dossier. Si, par exemple, il dit : Moi, je vais spécialement m'occuper d'environnement, d'autres vont dire : Oui, mais on a des problèmes dans nos urgences, on a des problèmes avec les médecins de famille, pourquoi ne prenez-vous pas aussi la responsabilité des médecins de famille? D'autres diront : Oui, mais on a un problème au niveau de la pénurie d'emploi, pourquoi ne devenez-vous pas le ministre?

Donc, c'est un petit peu la façon dont fonctionne notre système gouvernemental au Québec. Mais soyez assurés d'une chose, si je ne livre pas comme ministre et si le projet de loi ne nous donne pas les moyens pour atteindre les objectifs ambitieux qu'on s'est donnés, c'est moi qui serai imputable et c'est moi qui serai remplacé, là, par le premier ministre.

Donc, c'est peut-être autour de ce concept-là que j'aimerais vous entendre davantage, voir quelles sont vos attentes par rapport au ministère du premier ministre versus le ministère de l'Environnement, en quelque sorte.

M. Leclerc (Denis) : M. le Président, en tout respect aussi avec les fonctions du ministre de l'Environnement et des Changements climatiques, bien sûr, on ne veut pas diminuer l'importance du ministre et vos successeurs aussi, hein, mais on vit une urgence climatique. Est-ce qu'on peut être d'accord pour se dire qu'on a une urgence politique aussi? Est-ce qu'on peut trouver une façon de faire qui est différente parce qu'on a besoin des résultats différents?

La mécanique... vous me parlez du premier ministre, qui pourra aussi aller en éducation, je comprends très bien, il y a un ministre de l'Éducation. En changements climatiques, ça touche aussi le ministre de l'Éducation. Ça touche aussi les ministres, alors c'est transversal. L'enjeu que l'on vit en ce moment, c'est un enjeu transversal, ça touche tout le monde. Alors, dans cette perspective-là, on se disait : Quel est le meilleur chef d'orchestre pour s'assurer des résultats? Et, dans les discussions que l'on a eues, on essayait de trouver... de l'imager, hein, puis on est revenus au hockey. Bon, on s'est dit : Un joueur instructeur, ça marche-tu, ça, puis on a-tu déjà essayé ça? Je vais vous dire, j'ai fouillé, puis, oui, les Nordiques de Québec ont déjà essayé Jean-Claude Tremblay comme entraîneur adjoint quand il était joueur, O.K.? Mais, à part ça, je n'en ai pas trouvé d'autres, exemples.

Alors, on se disait : Tu sais, si Claude Julien jouait au hockey, là, est-ce qu'il aurait autant d'autorité derrière le banc? Pas certain. Ça fait qu'on se disait : Il y a-tu une autre façon de le voir? Et, pas plus tard que la semaine dernière, j'étais avec... c'est un réseau international, International Cleantech Network, et j'étais avec des grappes de 14 pays. Et on se posait la question : Quelle est l'importance du leadership... ils appelaient ça régional, nous autres, on parle de ça national, au Québec, mais dans différentes régions? Et, de plus en plus, je peux vous dire qu'on voit la personne, la plus haute autorité de la région, prendre les devants là-dedans, prendre la place.

Et, je me dis, ce n'est pas parce que ça ne se fait pas aujourd'hui qu'on ne devrait pas le faire. Je pense qu'il faut regarder d'autres modèles ou en créer un nous-mêmes, un modèle, pour pouvoir avoir de l'impact. Puis je ne dis pas que, sous l'autorité du ministre de l'Environnement et des Changements climatiques ou des futurs ministres, on n'aura pas d'impact, mais je me demande si on pourrait peut-être accélérer les impacts, les bénéfices, si c'était au niveau du Conseil exécutif.

Puis je comprends très bien qu'il y a une mécanique, là, au niveau de notre façon de faire, mais c'était la genèse de notre réflexion, ce qui nous a amenés à cette recommandation-là.

M. Charette : Vous parlez de l'importance des capitaux privés comme effet de levier. D'autres nous ont interpelés aussi à ce niveau-là, et je comprends très bien le bienfait que ça pourrait apporter et quelle forme ça pourrait prendre. J'ai posé essentiellement la même question aux gens de la CSN, du Fondaction de la CSN, ce matin : Est-ce que c'est à travers des prêts remboursables? Est-ce que c'est à travers une prise de possession partielle d'une entreprise? Est-ce que c'est la fin ou la fin souhaitée de la simple subvention telle qu'elle est accordée maintenant? Peut-être nous parler un petit peu du moyen ou du potentiel que ça pourrait représenter, là, pour la société québécoise.

M. Leclerc (Denis) : Quoi de mieux que de passer la parole à un entrepreneur?

M. Painchaud (Richard) : Oui, c'est une bonne question. Le financement est un défi de tout instant pour une entreprise au Québec, et dans le secteur du Cleantech en général. L'entrepreneur, en tout cas, dans mon entourage puis dans l'écosystème, ne demande pas nécessairement de la subvention. L'offre est actuellement la subvention, et la subvention est atteignable, il y a des fonds fédéraux et des fonds provinciaux. Technoclimat est un exemple de Transition énergétique Québec qui fonctionne très, très bien, TDDC à Ottawa. Mais on en vient à un certain point où 75 % en subvention, c'est pas mal le maximum qu'on peut atteindre, et il y a plusieurs projets qui ne se réalisent pas. Dans notre écosystème, c'est le 25 % qui manque. Donc là, on va chercher plus du capital de risque. Et là on vient d'arriver, comme Fondaction disait, avec un risque équivalent à celui des autres, puis c'est difficile d'aller chercher ces fonds-là.

Donc, il faut trouver une façon d'amener ces joueurs-là dans ces montages financiers là en diminuant leur risque, et c'est là que je pense que l'État peut jouer un rôle important, parce que l'État a une mission différente de ces fonds-là à plusieurs égards. Donc, oui, il y a une formule qui devrait et devra être faite. Est-ce que c'est du prêt? Est-ce qu'on diminue la subvention, on augmente du prêt? Est-ce qu'on fait de l'équité? L'entrepreneur québécois en Cleantech est très ouvert à ces options-là actuellement.

M. Charette : Et le rôle d'Investissement Québec, TEQ, ministère de l'Environnement, dans cette dynamique-là de financement des différentes entreprises ou des différentes Cleantech, quel serait-il, selon votre vision?

M. Leclerc (Denis) : Nous, on ne peut pas devenir, du jour au lendemain, connaissants dans ce secteur, qui est passablement complexe, parce que l'écosystème des technologies propres touche différents secteurs, que ce soit l'eau, l'air, matières résiduelles, vous savez, l'énergie, qui ont chacun leurs spécificités. Alors, il faut que ça soit vraiment une entité — vous parliez d'Investissement Québec ou le ministère de l'Économie par entremise d'Investissement Québec — qui pourrait très bien jouer ce rôle-là d'analyser, d'évaluer, de pouvoir accompagner.

Et ce qui est intéressant aussi, dans la formule qu'on parle, soit d'appariement, où on parle de fonds mixte... Hein, fonds mixte, c'est... puis, encore là, on veut s'en servir comme levier. Ça fait que, si on se sert de leviers pour aller chercher du privé, il va y avoir un retour. Ce retour-là, peut-être que... Moi, idéalement, comme payeur de taxes, là, j'aimerais ça que le Fonds vert soit «evergreen fund», comme ils appellent... c'est-à-dire qu'il se fasse rembourser aussi. Parce que, si l'entrepreneur a du succès, quoi de mieux que de rembourser la participation de l'État, que l'État pourra, par la suite, financer d'autres innovations? Là, vous allez me dire que je rêve un peu, mais je pense que c'est réaliste de voir ça, de quelle façon on est en mesure d'aider concrètement à devenir un levier, puis pas plus... Vous avez parlé aux gens de Fondaction, ils vous ont sûrement... bien, vous étiez là, à la conférence de presse, bien sûr, au niveau de la Société de financement et d'accompagnement en performance énergétique. Là, vous avez un exemple concret de l'argent public, nos taxes, à l'oeuvre pour aller chercher des capitaux privés pour avoir un impact réel au niveau énergétique.

M. Charette : Peut-être, je pense que ça vaut la peine, quelques petites secondes. Effectivement, j'avais le privilège d'être à cette conférence de presse. Sans accaparer trop de temps pour nos collègues, résumez, là, en quelques mots, quel est le concept derrière ça, qui nous semble, effectivement, bien porteur, là, de notre côté.

• (14 h 20) •

M. Leclerc (Denis) : En deux mots, là, des investissements, des fois, dans des projets... là, on parle de performance énergétique, mais, le retour sur l'investissement pour un privé, hein, pour un investisseur privé, bien, ils ont, eux autres, des barèmes de retour sur l'investissement. Alors, à ce moment-là, si l'argent public vient soulager ce retour sur l'investissement pendant une certaine période de temps, ce qui permet à l'investisseur privé d'avoir le retour désiré, ça vient réduire le risque également de sa participation. Alors, ça demanderait plus de temps d'explication. Puis je ne suis pas un expert là-dedans, mais on se dit toujours : Si on est en mesure d'attirer des investisseurs privés, bien, c'est là qu'on est en position d'avoir un impact réel sur la faisabilité et la réalisation d'un projet. Et, là-dessus, je salue TEQ, qui a joué ce rôle-là avec Fondaction et Econoler dans la création de cette nouvelle société.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget.

M. Campeau : Merci. Merci de votre présentation. Vous n'êtes pas les seuls à avoir parlé d'un secrétariat. Ce n'est pas tout le monde qui en a parlé, mais il y en a quand même pas mal qui en ont parlé. Encore une fois, je ne veux pas essayer de défendre le projet de loi, là, parce qu'on est ici pour écouter, mais, si on a un secrétariat qui relève du Conseil exécutif, oui, on va avoir plus de visibilité. Avez-vous des inquiétudes de lenteur bureaucratique avec un niveau de plus qu'on rajoute? Avez-vous des inquiétudes d'efficacité?

M. Leclerc (Denis) : C'est drôle, moi, c'est tout le contraire. Moi, dans ma carrière, quand j'avais des collègues qui me demandaient mon aide, je contribuais selon le collègue et selon ce qu'il me demande. Quand mon patron me demandait de mon aide, j'étais là. Puis peut-être qu'on simplifie trop, là, mais c'est un petit peu le même contexte. Si vous êtes collègues, c'est sûr que vous avez des mandats, puis du premier ministre, puis c'est pour ça que vous avez des responsabilités. Mais on se disait : Si on veut vraiment donner le coup, là, marquer le coup, est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose qu'on pourrait faire? Tu sais, c'est pour ça qu'on parle de société d'État... peut-être que vous allez arriver avec une autre forme, là, mais de vraiment démontrer que tout le monde est embarqué, tous les ministères et les sociétés d'État sont embarqués dans cet objectif, dans ce défi-là, et que, nous, le défi des changements climatiques, là, c'est une opportunité incroyable de développement économique. Incroyable. Alors, comment on est capable de créer de la richesse, j'allais dire, aux dépens des changements climatiques? Je pense qu'on a aussi... Au Québec, avec la matière grise, l'ingéniosité, la créativité des gens et ce que je vois aussi à l'international, je pense qu'on est très bien placés pour réussir. Il faut accélérer ce que l'on fait, puis on essaie de trouver de façon très constructive et progressiste une façon de pouvoir l'accélérer.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Bourget, permettez-vous que votre collègue député de Rivière-du-Loup—Témiscouata pose une question?

M. Campeau : Bien sûr.

Le Président (M. Polo) : Oui.

M. Tardif : Merci, M. le Président. Merci de votre présentation.

M. Leclerc (Denis) : Bonjour.

M. Tardif : Bonjour. Moi, j'aimerais parler au niveau du financement impact bonifié. Et puis j'aimerais... Ma question est très simple, mais, en même temps, elle peut être lourde, là, de conséquences : Pour créer de la richesse, comme vous venez de mentionner, comment voyez-vous la recommandation n° 4, là, quand il est question de «démarches nécessaires afin d'identifier et d'adopter des technologies propres québécoises visant à réduire une empreinte environnementale et de carbone»? Je comprends bien votre proposition, mais je voudrais comprendre un peu ce que vous avez dans...

M. Leclerc (Denis) : Qu'est-ce qu'on a en tête?

M. Tardif : Bien, en tout cas, à quelque part, oui. S'il vous plaît.

M. Leclerc (Denis) : Très bien. Oui, oui, oui. Bien, avec plaisir. Puis, déjà, on a eu cette discussion-là avec Investissement Québec et avec d'autres. Dans le fond, là, ce n'est pas compliqué. D'ailleurs, j'avais cette discussion-là pas plus tard que dimanche avec une entité, un projet dans lequel l'État est le plus grand actionnaire. Et je lui parlais de ce que je faisais. Je lui disais : Aïe! Peut-être que je peux t'aider.

<R>La Présidente (Mme Grondin) : M. Leclerc, je suis désolée, je dois vous couper.

M. Leclerc (Denis) : Ah! vous me coupez?

La Présidente (Mme Grondin) : Oui. Le temps est écoulé, donc nous allons... Je suis désolée.

M. Leclerc (Denis) : O.K. Non, non, mais ça va. Je veux dire, c'est dommage, il n'y a plus d'horloge, là. Avant ça, on voyait le temps, mais...

Une voix : ...

M. Leclerc (Denis)T : Ah oui! Mais en arrière.

La Présidente (Mme Grondin) : Elle est derrière.

Des voix : ...

M. Leclerc (Denis) : Ça nous prendrait un miroir, tu sais, pour pouvoir voir en arrière.

La Présidente (Mme Grondin) : Donc, je cède la parole à la députée de Maurice-Richard. Mme la députée.

Mme Montpetit : Oui, je vous remercie, Mme la Présidente. Puis c'est un bon commentaire sur l'horloge. Je pense que ça fait partie des petits changements qui pourraient être ajoutés, vous n'êtes pas le premier à nous le dire en commission.

M. Painchaud, M. Leclerc, bien, déjà, merci d'être avec nous aujourd'hui. Vous faites partie des organisations qui sont importantes et significatives dans le réseau. Et très intéressant d'entendre vos recommandations, qui m'apparaissent, évidemment, des plus pertinentes.

Avant de... j'ai quelques questions pour vous, mais j'aimerais juste revenir... parce que c'est toujours l'occasion aussi, pour nous, d'entendre le ministre se prononcer en dehors de la conférence de presse où il a déposé son projet de loi, et donc de l'entendre plus précisément sur sa vision de son projet. Et je suis un peu surprise, puis j'aimerais quand même souligner ça, puis il aura l'occasion de le rectifier, le cas échéant, mais je l'entendais dire que le fait d'avoir une société d'État a un impact sur l'imputabilité du ministre. Et je trouve que c'est drôlement confondre imputabilité et responsabilité. Le fait d'avoir des sociétés d'État ne rend pas — en tout cas, je l'espère — nos ministres moins imputables. Sinon, c'est un drôle de message qu'on est en train d'envoyer. On a près de 60 sociétés... ou 60, je pense, sociétés d'État au Québec...

Une voix : 61.

Mme Montpetit : ...61, c'est ça — mon chiffre devait dater d'un an ou deux — qui jouent un rôle extraordinaire, je suis assez bien placée pour vous en parler. Comme ancienne ministre de la Culture et responsable de la Langue française, j'en avais 13, sociétés d'État, sous ma gouverne, dont le Conseil des arts et lettres du Québec, la SODEC, Télé-Québec, qui sont des sociétés d'État qui jouent leur rôle de façon extraordinaire. Et jamais, comme ministre, je ne me suis sentie moins imputable du travail que je faisais parce que j'avais des sociétés d'État qui étaient dédiées à des responsabilités très précises. Donc, déjà, pour moi, c'est une prémisse qui est dangereuse de dire : Parce qu'il y a une société d'État à laquelle on confie un rôle, on est moins imputables comme élus. Il ne faut pas mélanger les choses.

Et donc, pour continuer là-dessus, c'est ça, vous faites beaucoup référence... puis, bon, depuis ce matin, il semble y avoir une certaine communauté d'esprit des groupes qui viennent nous rencontrer, vous parlez, donc, de la mise en place d'une société d'État. Puis je veux juste bien comprendre, encore là, votre proposition, parce que TEQ est une société d'État, je pense qu'elle commence à faire ses preuves. La raison pour laquelle, justement, notre gouvernement avait mis en place une société d'État, c'était pour répondre à certains enjeux. Pour quelle raison vous proposez de faire une nouvelle société d'État? Est-ce qu'on n'aurait pas pu repartir... Justement, on parlait, ce matin, de bonifier TEQ, de fusionner... parce que, moi, réinventer la roue pour réinventer la roue puis avoir sa signature en dessous, je ne suis pas sûre que c'est très pertinent. Mais est-ce qu'on n'aurait pas pu repartir de ce qui est déjà en place?

M. Leclerc (Denis) : Peut-être que notre mémoire, qui a été terminé hier soir, à 10 h 30, aurait besoin d'un petit peu de précisions. Nous, je pense qu'on ne vous a jamais demandé de créer une nouvelle structure, je pense, dans l'histoire d'Écotech Québec, hein, à part le secrétariat d'État, mais on voulait... bon, secrétariat d'économie verte. Bien non, on a déjà deux sociétés d'État qui existent, hein? Bon, alors, on peut-u trouver une façon de les bonifier, de les agencer, de créer quelque chose à partir de ce qui existe déjà, hein? Parce qu'on ne recommencera pas à zéro, là. Si on recommence à zéro, on va attendre combien de temps avant que ça soit effectif puis efficace? Non, non, c'est tout de suite. Alors, il faut trouver une façon intelligente, simple, efficace, qui rallie tout le monde, de pouvoir utiliser ce qu'on a et d'accélérer. C'est la façon dont on le voit.

Mme Montpetit : Parfait. Non, c'est bien qu'on le clarifie, parce que je comprends que nous ne sommes peut-être pas à des années-lumière, dans le fond, dans notre analyse de ce projet de loi.

Puis, pour rester, justement... pour ne pas s'enfarger sur des questions de structure, les principes qui... parce que, justement, on faisait référence à toute l'importance de la reddition de comptes, de la transparence, puis on faisait référence, entre autres — les groupes avant vous l'ont fait, je pense que vous l'avez fait aussi — aux standards internationaux. Peu importe la forme que ça prend, quels sont les principes, selon vous, qui sont nécessaires à travers la structure ou la suite des choses, dans le fond?

M. Leclerc (Denis) : Pour un entrepreneur, je pense, c'est...

Mme Montpetit : L'efficacité aussi, j'imagine, l'efficience.

• (14 h 30) •

M. Painchaud (Richard) : C'est clair qu'un entrepreneur ne cherche pas des nouvelles structures, ce n'est clairement pas ce qu'on cherche. Je pense qu'il fallait proposer quelque chose. Ce qu'il faut se souvenir, c'est l'agilité. Donc, le gouvernement en place est arrivé avec beaucoup d'intentions de simplifier la machine. C'est de la musique aux oreilles d'un entrepreneur comme moi et ceux de mon écosystème. C'est clair que plus le système est efficace, plus il y a de synergie entre les ministères. Tout ça va faire du sens.

Quand on a eu le projet de loi... C'est clair que le ministère de l'Environnement prenne le Fonds vert. Pour nous, ça a été comme un fonds qui est inaccessible depuis plusieurs années en tant qu'entrepreneurs. Qu'il devienne accessible, c'est juste des bonnes nouvelles. Est-ce que le ministère devrait le gérer? C'est tout le temps une relation amour-haine avec le ministère de l'Environnement, avec nous. On cherche des règlements, oui, parce qu'ils vont renforcir notre industrie, mais il faut être efficace. Il faut aller de l'avant. Comment est-ce qu'on peut faire tout ça? Je suis en attente de voir comment est-ce qu'on va réaliser ça.

Ce qui est pour TEQ... ça fonctionne bien, TEQ. J'ai moi-même, comme entrepreneur, utilisé le programme Technoclimat à deux reprises. Ça fonctionne bien. Je pense qu'il manque de ressources chez TEQ, mais, jusqu'à maintenant, c'est quelque chose qui est satisfaisant pour un entrepreneur. Puis Dieu sait que je suis capable de dire des choses qui ne fonctionnent pas, mais ça, ça fonctionne bien. Alors, de dire que tout ça va retourner au ministère, bien, on est en attente de voir sous quelle forme ça va prendre, mais ça fonctionne déjà bien. Alors qu'on est dans un momentum où on avance, dans notre industrie, assez rapidement, je vois mal comment est-ce qu'on va revenir là-dessus.

M. Leclerc (Denis) : Et le questionnement que l'on entend beaucoup des entrepreneurs, c'est : On ne comprend pas pourquoi TEQ s'en irait au ministère de l'Énergie et Ressources naturelles pour plus d'agilité — comment ils vont être plus agiles dans un ministère? — et pour créer plus de synergie... quelles sont les synergies qu'ils ne sont pas capables d'avoir en ce moment, O.K.? Alors, ça, là, c'est l'écho que l'on a dans l'écosystème. Celle-là, on ne la comprend pas.

Mme Montpetit : Nous non plus, on ne la comprend pas, si ça peut... de toute évidence. Puis mon inquiétude, puis je le dis en toute transparence au ministre, puis c'est le ton que j'utiliserai... Là, on est en mode collaboration, je comprends, comme je l'ai souligné, puis ce n'est pas... Je veux dire, ce n'est pas... Ça n'aide personne de faire l'autruche, là. Il y a eu des problèmes avec le Fonds vert. Il y a eu des bonnes choses qui ont été faites aussi. Je pense que tout est perfectible, tout doit être amélioré, mais je ne pense pas que la solution qu'on a sur la table est la bonne. Je suis contente de vous entendre dire... parce que moi... C'est ce qu'on entend. TEQ est une structure qui est jeune, qui est nouvelle, mais qui fait ses preuves. Donc, je comprends, aussi, mal pourquoi on décide de la virer, là.

M. Leclerc (Denis) : Ça, nous autres, on est ici aussi pour discuter avec vous, pour bonifier. On n'a pas la science infuse, mais, avec nos yeux, notre perspective, on essaie de voir de quelle façon on peut le bonifier. On parle de TEQ. On peut parler... C'est sûr qu'au niveau du Fonds vert, bien, ça va dépendre aussi du plan, le PECC. Ça, c'est vrai, M. le ministre l'a mentionné, on a été très impliqués dedans.

D'ailleurs, là-dessus, j'ouvre une parenthèse. En termes d'innovation, là, attendez-vous qu'on mette beaucoup d'efforts sur l'innovation, l'électrification au niveau des industries. C'est là... Au niveau des transports, ça va, on le sait. Au niveau des bâtiments... Mais, au niveau de l'industrie, des procédés, il y a des pays qui sont déjà très impliqués dans l'électrification des industries, là. J'ai en tête les Pays-Bas, l'Australie, qui ont déjà débuté plusieurs de ces travaux-là. Comment nous, au Québec... Un, on ne réinventera pas le velcro, là. Comment on est capable de s'accaparer aussi des innovations qui existent et comment les bonifier, bien sûr, pour qu'on puisse décarboniser notre économie ici, au Québec?

Mme Montpetit : Il doit me rester un petit peu moins de temps que j'en avais, mais...

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste, Mme la députée, 1 min 45 s

Mme Montpetit : Ça passe toujours très vite. Donc, je vais faire ma question assez courte, parce que... Bon, c'est ça, vous proposez, dans le fond, de placer la nouvelle structure ou la structure, appelons-la comme on veut, au sein du ministère, du MCE, là, du ministère du Conseil exécutif. Je comprends qu'encore là, si on parle de principe, ce que vous suggérez... Parce que, là, ce qu'on a sur la table, c'est de remettre ça dans le... au sein d'un ministère. Je comprends que le principe de votre proposition, c'est d'avoir quelque chose qui s'élève au-dessus et qui vient, dans le fond, être parapluie pour tout le Conseil des ministres, pour l'ensemble des ministres, là.

M. Leclerc (Denis) : Ce qu'on voit, c'est à deux ministères, hein, TEQ, ministère des Ressources naturelles, le FECC au niveau du ministère de l'Environnement. Puis on se posait la question. Il y a assez de zones... pas de grises, des zones vertes, ça, c'était bien, des zones vertes dans... Est-ce qu'il y a un moyen de faire plus plus vite avec ce qu'on a? Alors, c'est pour ça qu'on a imagé, là, une structure qui va donner des coudées franches. Oui, on parlait d'imputabilité. Ça, c'est superimportant. C'est notre argent qu'on met dedans. Alors, comment on est en mesure de pouvoir accélérer les bénéfices des fonds et de TEQ? C'est ça, notre objectif.

La Présidente (Mme Grondin) : 30 secondes, Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, non, mais je... Bien, je vais juste vous remercier, parce qu'honnêtement c'est fort pertinent. Donc, je retiens agilité, efficience en ce qui vous concerne. Merci beaucoup pour vos propositions.

La Présidente (Mme Grondin) : Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Ce que vous nous exposez comme vision de la façon que la transition doit être menée par le Québec, c'est exactement la façon aussi qu'on le voit. Vous n'êtes pas le premier à parler d'une société d'État. Il y en a qui disent... un super TEQ ou TEQ 2.0, peu importe. L'important, c'est qu'on sorte ça du politique puis que ça soit fait de la bonne façon pour arriver à atteindre, à viser, à arriver vers cette transition. Vous parlez aussi que c'est important d'investir dans les technologies propres dans la transition. Qu'est-ce que vous pensez, par exemple, quand il y a des investissements dans des projets qui seraient du dernier siècle, contraires à la transition, comme par exemple GNL Québec? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Leclerc (Denis) : Bien, je suis mal placé parce que je n'ai pas toutes les informations sur le projet, mais c'est parce qu'il faut le regarder d'un angle très grand, très large, avec l'objectif que l'on a, de changements climatiques. C'est sûr qu'au niveau du gaz naturel on est beaucoup plus intéressés à du gaz naturel renouvelable parce qu'un gaz naturel renouvelable vient nous aider, comme société, à résoudre un autre problème que l'on a, c'est-à-dire les matières résiduelles, notamment.

Alors, c'est pour ça que, lorsqu'on regarde... Nous, chez Écotech, on regarde ce qu'il se passe dans l'actualité, mais on ne prend jamais position pour un projet ou contre un projet. C'est démocratiquement que c'est décidé, s'il y a un investissement qui se fait dans un projet. Une fois que l'investissement est fait, c'est là qu'on lève la main, puis là on dit... On a décidé, collectivement ou le gouvernement qui est élu, d'investir dans un projet. Nous, Écotech, on lève la main puis on dit : Très bien, comment on peut aider à réduire l'impact sur l'environnement d'un projet? On ne voit pas notre rôle de critique dans l'investissement que le gouvernement pourrait faire dans des projets.

Mme Ghazal : Vous ne vous mouillez pas là-dessus, mais je comprends que l'objectif, ça serait qu'après coup comment est-ce que ces technologies propres ou les procédés pourraient être faits de façon moins dommageable pour l'environnement.

M. Leclerc (Denis) : Bien, c'est ça, notre mission.

La Présidente (Mme Grondin) : Vous avez cinq secondes.

Mme Ghazal : Bon, bien, merci beaucoup. J'avais d'autres questions, mais, bon...

La Présidente (Mme Grondin) : Je suis désolée. M. le député...

M. Gaudreault : ...de Jonquière.

La Présidente (Mme Grondin) : ...de Jonquière. Je suis désolée.

M. Gaudreault : Ça va.

La Présidente (Mme Grondin) : Vous avez deux minutes.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci beaucoup de votre présence toujours extrêmement pertinente. Moi, je sens, en tout cas, depuis ce matin, une forme de convergence vers un rôle plus transversal soit au premier ministre ou au Conseil exécutif, ce qui revient au même, là, mais davantage concentré au sein du ministère du Conseil exécutif, avec, après ça, des mandats plus clairs pour éviter, là, de tomber dans des silos, pour reprendre l'expression consacrée. Si ce n'est pas ça, par ailleurs, est-ce que vous voyez un risque, tel que le projet de loi est présenté, d'une dérive vers l'utilisation d'un pouvoir discrétionnaire trop grand du ministre dans l'allocation des fonds du nouveau fonds?

M. Leclerc (Denis) : On n'a pas eu cette question-là dans le cadre de l'écosystème. On l'a regardé de l'autre façon, comment on peut bonifier, et on ne l'a pas regardé en disant : Quelles sont les craintes associées au projet de loi? Alors, on n'a pas d'opinion à ce niveau-là.

M. Gaudreault : O.K. Recommandation n° 4 : exiger que les entreprises qui bénéficient de contributions entreprennent les démarches nécessaires. Comment?

• (14 h 40) •

M. Leclerc (Denis) : O.K., très bonne question aussi de votre collègue. On a dit «exiger». L'année passée, on disait «inviter» ou «encourager». Là, on exige. Non, il y a une urgence, ça fait qu'on exige. Alors, comment on fait? Ça peut être une clause, lorsqu'Investissement Québec investit dans un projet, qui dise : Bien là, tu t'en vas voir Écotech Québec, on définit c'est quels enjeux que tu as, puis, après ça, Écotech regarde dans l'écosystème, va mettre en lien... On est souvent appelés le Tinder des Cleantech, là. On met en lien, à ce moment-là, les entrepreneurs avec des besoins, et c'est comme ça qu'on est en mesure de créer ce lien-là qui pourrait être très, très profitable pour l'ensemble du Québec.

M. Gaudreault : O.K.

M. Leclerc (Denis) : Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

M. Gaudreault : Le Grindr, peut-être?

M. Leclerc (Denis) : Oui, bien, vous savez, aujourd'hui, on fête le drapeau du Québec. Ça serait fort intéressant qu'un jour une des fleurs de lys soit verte pour montrer le leadership du Québec au niveau des changements climatiques.

M. Gaudreault : Oui. On a du vert dans le drapeau du Saguenay déjà. Alors, ça fait un bon...

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste 15 secondes, M. le député.

M. Gaudreault : Bien, 15 secondes pour vous dire merci. Je sais que vous plaidez depuis plusieurs années aussi sur les vitrines technologiques. Alors, pour vous, c'est une occasion qu'il ne faut pas rater, là.

M. Leclerc (Denis) : Oui, oui, dans le TEQ, on a... oui.

M. Gaudreault : Merci.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci, messieurs. Merci beaucoup d'avoir contribué à l'exercice.

Donc, je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 41)

(Reprise à 14 h 43)

La Présidente (Mme Grondin) : Messieurs, mesdames, donc, nous reprenons les travaux.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des municipalités du Québec. M. Luc Simard, je vous invite à vous présenter, ainsi que votre collègue. Vous savez que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Et, par la suite, j'imagine que vous... Bienvenue à l'Assemblée nationale. Et, par la suite, vous allez échanger avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Simard (Luc) : Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Luc Simard. Moi, je suis préfet élu de la MRC de Maria-Chapdelaine, au Lac-Saint-Jean. Je suis sur le conseil d'administration de la FQM puis aussi président du Regroupement des communautés forestières de la FQM. Je suis accompagné de Kevin Morin, qui est conseiller politique à la FQM.

Donc, la FQM a été fondée en 1944. La Fédération québécoise des municipalités s'est établie comme un acteur crédible qui, par ses actions, vise constamment à défendre l'autonomie du milieu municipal et à favoriser le développement de l'ensemble des régions du Québec. Comptant plus de 1 000 municipalités locales et régionales membres, la FQM s'appuie sur une force de 7 000 élus. Ses structures décisionnelles et consultatives lui permettent de prendre des positions visant le développement durable du territoire québécois.

L'introduction. À titre de porte-parole des régions, la FQM a multiplié, au fil des ans, ses démarches auprès du gouvernement afin que le milieu municipal collabore à l'élaboration des mesures visant à lutter contre les changements climatiques. D'entrée de jeu, il est important de rappeler que les municipalités sont les premières impactées, au même titre que la population, lorsque surviennent des sinistres. Considérant que ces sinistres augmentent en fréquence et en intensité, la volonté du gouvernement du Québec de réformer le Fonds vert pour en faire un outil efficace contre la lutte aux changements climatiques est saluée par la FQM.

Nos commentaires sur le projet de loi. Tout d'abord, il y a deux commentaires qu'on aimerait vous faire part à l'égard du projet de loi.

Le premier concerne la volonté du ministère de mettre en place un comité consultatif. Comme vous le savez, plusieurs municipalités et MRC membres de notre organisation comptent parmi leur personnel des professionnels en aménagement du territoire ayant une expertise en matière de changements climatiques. Pour éviter que le milieu municipal ne soit oublié, la FQM souhaite avoir une voix au chapitre. Donc, ce qui est recommandé, c'est que la FQM... La FQM propose qu'un professionnel ayant une expertise en matière d'aménagement du territoire et de changements climatiques, qui provient d'une municipalité ou une MRC membre de la FQM, siège au comité consultatif.

Notre deuxième commentaire est sur l'importance d'une organisation comme Transition énergétique Québec, et la quantité, et la qualité du travail qu'elle a fait avec les municipalités pour supporter techniquement et financièrement la transition énergétique dans les bâtiments et les flottes de véhicules des municipalités. Nous aimerions que TEQ soit maintenu dans sa forme actuelle et non intégré au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, pour s'assurer qu'il continue de jouer pleinement son rôle.

Donc, les propositions de la FQM. Pour atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre, la FQM propose que chaque MRC élabore son propre plan de lutte aux changements climatiques. Il existe déjà des belles initiatives municipales à cet égard, par exemple, la ville de Nicolet, qui a réduit ses émissions de GES de 20,9 % entre 2012 et 2020. On a aussi la MRC d'Argenteuil, qui, dans son plan stratégique 2013‑2017, déterminait que la lutte contre les changements climatiques était une priorité, ou encore la MRC de Vaudreuil-Soulanges, qui a élaboré son plan d'action régional 2020‑2026 afin de réduire de 13 % d'ici 2026 ses émissions de GES de 2016.

La MRC est le meilleur palier décisionnel pour élaborer ces plans puisqu'elle a une expertise en aménagement du territoire et connaît bien son territoire. Une analyse préliminaire démontre que plusieurs MRC ont déboursé plus de 100 000 $ pour élaborer leurs plans. C'est pourquoi la FQM souhaite qu'une aide financière soit accordée aux MRC pour élaborer ces plans. Par la suite, les mesures qui apparaîtront dans ces plans et qui respecteront les orientations gouvernementales, bien entendu, pourraient faire l'objet d'un financement du Fonds d'électrification et de changements climatiques.

Permettez-moi maintenant de vous présenter chacun des volets de notre proposition-cadre.

Le premier volet, c'est l'adaptation aux changements climatiques. Puisque le Québec est composé de plus de 1 109 municipalités locales ayant des réalités distinctes, un plan d'adaptation unique, élaboré par le gouvernement pour l'ensemble des municipalités du Québec, est voué à l'échec. Pour cette raison, la FQM propose de confier ce mandat aux MRC et que ces plans soient intégrés au schéma d'aménagement et de développement des MRC afin que les prochaines décisions qu'elles prendront soient davantage orientées vers la lutte aux changements climatiques.

Le volet 2, réduction de l'empreinte écologique. Certaines régions ont une empreinte écologique qui provient d'un secteur industriel et de transport dynamique, alors que, d'autres régions, c'est l'exploitation des ressources qui caractérise davantage leur bilan d'empreinte écologique. Ce clivage se transpose également à l'échelle des MRC d'une même région. Cette réalité commande que le ministère confie aux MRC le mandat de produire des plans de lutte contre les changements climatiques comportant un volet sur la réduction de l'empreinte écologique découlant des activités municipales sur leur territoire ou, à tout le moins, des activités sur lesquelles les municipalités et les MRC peuvent avoir un certain contrôle.

Le troisième volet, c'est le reboisement des secteurs habités des MRC, c'est qu'on propose de planter plus d'arbres sur le territoire habité des MRC afin d'obtenir des gains environnementaux, mais aussi en tirer avantage dans d'autres sphères de notre vie quotidienne. Parmi les zones les plus intéressantes, il y a, notamment, près des routes pour agir comme haies brise-vent et diminuer la force des vents latéraux et la puissance des tempêtes de neige — donc il y a un élément de sécurité civile ici — près des périmètres urbains, où la température est supérieure en été, afin de créer des îlots de fraîcheur, près des cours d'eau pour stabiliser les rives, dans les zones agricoles pour redonner vie aux terres en friche qui ne sont plus cultivées ou impropres à l'agriculture ainsi que comme haies brise-vent pour diminuer les risques de sécheresse et de gel hivernal, comme ça se fait déjà dans certains secteurs. Pour mener à bien cette opération, la FQM propose que les MRC en soient les maîtres d'oeuvre. Donc, la deuxième recommandation, c'est que le FECC appuie financièrement les MRC pour élaborer et mettre en oeuvre les volets 1, 2 et 3 des plans municipaux de lutte contre les changements climatiques.

Le quatrième volet est un volet très important, c'est la construction de bois des bâtiments municipaux. Donc, il y a déjà des choses qui se font là-dessus, puis c'est pour ça que ce n'est pas nécessairement dans nos plans de lutte aux changements climatiques, mais c'est un élément très important qui touche le monde municipal. Même si les experts évaluent qu'un mètre cube de bois permet de retirer 0,9 tonne de carbone de l'atmosphère, certaines municipalités hésitent à construire des bâtiments en bois pour des considérations financières. Pour certains projets municipaux, le choix du bois peut représenter une dépense supplémentaire pour les contribuables de plusieurs dizaines de milliers de dollars même avec une aide financière majorée de 5 % du MAMH. Donc, la troisième recommandation, c'est que le fonds majore jusqu'à 15 % l'aide financière du MAMH accordée aux municipalités qui construisent des bâtiments en structure de bois.

• (14 h 50) •

La forêt, un outil efficace de lutte contre les changements climatiques. À l'occasion de notre deuxième Forum des communautés forestières, tenu l'an dernier, en 2019, plusieurs experts ont mentionné la nécessité de dynamiser l'industrie forestière si le Québec veut atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre qu'il s'est fixées. Nous profitons donc de l'occasion pour vous proposer des mesures gouvernementales qui devraient être financées par le FECC.

La première mesure vise à réaliser davantage de travaux forestiers. Lors du Forum des communautés forestières de 2017 et celui de 2019, les signataires des déclarations communes proposaient au gouvernement du Québec de financer des travaux d'aménagement forestier à partir du Fonds vert. La FQM s'est réjouie que sa demande ait été entendue dans le budget 2019‑2020 avec une somme de 75 millions sur cinq ans. Nous souhaitons donc voir bonifier ces investissements. Donc, notre recommandation, c'est que le FECC finance des opérations forestières de reboisement, éclaircie précommerciale, acériculture, et autres, afin d'augmenter la séquestration de carbone.

Notre deuxième mesure vise à récolter le bois des secteurs forestiers difficiles d'accès. Le ralentissement dans l'industrie forestière amène certaines usines à ne plus récolter du bois dans les secteurs forestiers difficiles d'accès puisqu'il coûte trop cher à transporter et nuirait à leur rentabilité. La volonté du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs de récolter le bois dans ces secteurs pourrait être financée dans le cadre du FECC puisqu'à terme celui-ci libérera les GES qu'il a emmagasinés s'il tombe et qu'il n'est pas récolté. Donc, la cinquième recommandation, c'est que le FECC finance les méthodes de récoltes écoresponsables dans les secteurs forestiers difficiles d'accès afin d'éviter que les forêts ne libèrent les GES qu'elles ont emmagasinés.

Notre troisième mesure vise à développer la filière de la biomasse forestière. Les projets municipaux de chauffage à la biomasse forestière en opération confirment les gains environnementaux et financiers. C'est le cas, entre autres, de la municipalité de Saint-Léon-le-Grand, qui a remplacé sa consommation de mazout et d'électricité. Depuis, elle économise annuellement 14 000 $, en plus de réduire ses émissions de GES de 78 tonnes par année. Même si les gains financiers pour les municipalités sont présents, plusieurs hésitent pour des raisons d'approvisionnement. L'absence de garantie d'approvisionnement, causée par un volume d'opérations forestières variable d'une année à l'autre, freine plusieurs municipalités. Donc, la sixième recommandation, c'est que le fonds finance des mesures visant à augmenter la production de biomasse forestière et à sécuriser l'approvisionnement des clients municipaux.

Donc, en conclusion, à titre de porte-parole des régions, la FQM se fait un devoir de collaborer avec le gouvernement du Québec et les membres de l'Assemblée nationale sur les enjeux qui interpellent ses 1 000 membres partout sur le territoire. L'enjeu des changements climatiques est un bel exemple d'un sujet d'intérêt national pour lequel les solutions doivent être aussi régionales et locales. Comme nous l'avons démontré dans ce mémoire, la somme des efforts régionaux et locaux dans la lutte contre les changements climatiques surpassera le fruit d'une démarche gouvernementale centralisée. Merci.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. Simard. Le groupe parlementaire du gouvernement a 16 minutes. Donc, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présence, pour vos commentaires. Vous avez tout juste lorsque vous présentez le milieu municipal comme étant un partenaire incontournable. On l'a dit, on l'a répété, les cibles à atteindre sont ambitieuses. Le temps devant nous est, somme toute, limité. On veut atteindre un objectif précis d'ici 2030. Mon collègue de Bourget le répète sur toutes les tribunes, à juste titre, sans la mobilisation de la population, on n'y arrivera pas. Et j'ajouterais : sans la mobilisation du milieu municipal, on n'y arrivera pas non plus. Donc, on voit dans le milieu municipal des partenaires incontournables pour la suite des choses.

D'ailleurs, dans le projet de loi lui-même, on fait référence à un certain pouvoir de délégation. Moi, à travers ça, je vois la possibilité de créer des partenariats, notamment avec le milieu municipal, pour mettre de l'avant certaines initiatives. Ce que j'entends comme possibilité, de votre côté, je trouve ça très intéressant, confier le mandat à chacune des MRC d'établir leur propre plan, en quelque sorte, d'adaptation aux changements climatiques, d'une part, mais également de réduction de gaz à effet de serre.

L'adaptation aux changements climatiques, vous allez me permettre cette petite parenthèse, Mme la Présidente, c'est une des grandes oubliées, malheureusement, du discours ambiant, et ce n'est pas un jugement que je fais. On parle beaucoup et on mise beaucoup sur la réduction des gaz à effet de serre. On y est tous. C'est un défi auquel on est tous associés. Mais il ne faut pas perdre de vue aussi cette nécessaire adaptation aux changements climatiques. Qu'on ait le meilleur plan en soi, il faudra s'adapter aux changements climatiques, parce qu'il y aura, de toutes les façons, certains changements climatiques. On peut travailler fort à les réduire, mais ils sont là. Ils sont incontournables. Donc, j'accueille l'idée, et quelle forme ça pourrait prendre, selon vous? C'est-à-dire, confier un mandat aux différentes MRC, c'est la FQM qui pourrait coordonner le tout? Comment produire ces rapports-là dans chacune des MRC? Quel est l'accompagnement que le gouvernement pourrait assurer?

M. Simard (Luc) : Bien, bien entendu, des cadres gouvernementaux devront être mis en place au niveau du contenu d'un tel plan. Ça, on en est parfaitement conscients. Mais on croit qu'avec le ministère de l'Environnement, jusqu'à maintenant, un peu comme les plans régionaux de développement de milieux humides et hydriques qui sont un peu encadrés par le ministère... mais, quand même, c'est les MRC qui ont la responsabilité d'élaborer ces plans-là d'ici 2021. Ça peut être un mandat qui peut ressembler à cet élément-là.

Puis, chaque MRC, vous l'avez bien mentionné tout à l'heure... Il y en a qui ont des défis d'adaptation aux changements climatiques qui sont complètement différents d'autres MRC. Mon collègue des Îles-de-la-Madeleine devait être là. Il n'a pas pu se présenter. Mais il y a des défis extrêmement importants, aux Îles-de-la-Madeleine, à ce niveau-là, qu'on n'a pas chez nous, au Lac-Saint-Jean. Donc, c'est qu'en demandant aux MRC de produire un plan avec un cadre, avec un canevas, bien, chaque MRC va y aller avec sa réalité économique aussi, son écosystème économique, les entreprises qui sont présentes. Donc, tous ces éléments-là devront être pris en compte, mais on pense que les MRC sont les mieux positionnées.

On n'a pas non plus des bâtiments municipaux très élaborés, les MRC, mais on travaille de concert avec les municipalités pour élaborer ces plans-là, donc, de travailler... Je pense que ça peut très bien se faire, de travailler avec le ministère de l'Environnement d'une façon ouverte. Jusqu'à maintenant, il y a quand même des bonnes discussions qu'on a eues au niveau des milieux humides avec vous. D'ailleurs, on va sûrement se reparler à ce niveau-là, mais ça pourrait être un peu similaire à ce genre de plan là.

M. Charette : J'aime le parallèle effectivement que vous faites avec cet outil-là qu'on a mis à votre disposition. Et, si on parlait MRC versus municipalités elles-mêmes, selon vous, on peut s'attendre à une bonne entente? Les municipalités ne souhaiteront pas recevoir un mandat spécifique? Elles seraient disposées à travailler au sein de cette entité territoriale là?

M. Simard (Luc) : Bien, moi, mes boss, c'est des maires, là, à la MRC. Je n'ai pas le choix de travailler de concert avec eux, puis ça va très bien. On a une belle entente. Mais effectivement il y a des municipalités puis il y a des plus grandes municipalités qui auront des responsabilités, qui agissent comme villes-MRC, mais, pour nous, il n'y a aucune inquiétude, là. Mais on a déjà eu d'autres exemples... Au niveau du cannabis, par exemple, les sommes nous ont été dévolues, aux MRC, puis on travaille très bien avec les municipalités à ce niveau-là pour élaborer un plan pour les deux prochaines années pour la légalisation du cannabis. Donc, c'est un des exemples, là, mais on a une très belle relation. De toute façon, on a des bons liens avec les municipalités. C'est nos boss, on va le dire.

M. Charette : Une dernière question, pour ma part, avant de céder la parole à mon collègue. Vous parlez justement de cette collaboration villes-MRC, qui est incontournable. Si on parle maintenant davantage d'électrification, on parle, à travers le plan, de cette volonté d'électrifier non seulement nos transports, notre économie, les bâtiments municipaux. Mais, si on parlait des véhicules eux-mêmes, des flottes municipales, comment transposer cette responsabilité ou comment s'attendre à ce que le milieu municipal embarque dans la danse pour aussi faire des efforts substantiels au niveau de leurs flottes de véhicules à essence actuellement?

M. Simard (Luc) : Bien, ça peut prendre la forme d'une aide financière, effectivement, au niveau de l'installation, oui, de bornes, mais aussi de transition des véhicules vers des véhicules électriques, mais il y a déjà beaucoup d'initiatives qui sont prises en ce sens-là. Il y a des MRC... Même chez nous, on songe déjà à électrifier nos transports même si on n'a pas vraiment une grosse flotte de véhicules, mais on a tellement de travail de concertation important. On se déplace tellement sur le territoire que je pense que ça serait une action très, très payante pour le gouvernement d'aider les MRC, les municipalités à électrifier leurs transports. Les véhicules seraient sur la route cinq jours sur cinq, je peux vous le garantir, et l'efficacité des mesures serait réelle.

La Présidente (Mme Grondin) : Parfait. M. le député de Bourget.

M. Campeau : Bien, merci de votre présentation. Je trouve ça très intéressant, ce que vous faites, de... parce que j'ai l'impression qu'en rapprochant les plans d'action d'une MRC on rapproche aussi la visibilité puis on donne — je fais du pouce sur ce qui vient d'être mentionné — une mobilisation beaucoup plus proche. Puis je vois juste l'exemple qui m'a l'air tout petit. La récolte de bois dans des régions difficiles d'accès, bien, il n'y a pas grand monde qui voit l'importance de ça par rapport aux GES, et pourtant il y en a une de façon bien évidente. Il y a une question que je me pose, par exemple. Si une MRC est à côté de l'autre MRC, puis les projets ne sont pas toujours sur la ligne, là, il n'y a pas un danger de «double counting» sur les effets de GES d'une place à l'autre?

M. Simard (Luc) : De compte en double, vous dites?

M. Campeau : Oui. J'aurais pu le dire en français. Je m'excuse.

• (15 heures) •

M. Simard (Luc) : Oui. Non, c'est... Vous l'avez dit rapidement. J'avais mal saisi. Non, moi, je ne vois pas nécessairement de problématique face à ça. On a des projets en commun. On travaille déjà à des projets régionaux communs, mais beaucoup, beaucoup d'actions se déroulent vraiment chez nous. Entre autres, on a des fonds puis on veut adapter nos fonds qu'on investit dans les entreprises en mettant des obligations, par exemple, d'avoir des objectifs pour la lutte aux changements climatiques. C'est un des exemples, mais on a beaucoup de projets en commun, mais on a aussi beaucoup de projets individuels. Puis je ne vois pas les problématiques face à cet enjeu-là dans nos MRC, je ne sais pas si vous avez un exemple concret, là, moi, je n'en vois pas.

M. Campeau : Dernièrement, est-ce que vous voyez les MRC, dans le cadre d'une réduction de GES, s'occuper de stopper l'étalement urbain?

M. Simard (Luc) : On a déjà des cadres pour travailler ces éléments-là. Puis on ne se le cache pas, dans nos plans, on met notre tête sur la bûche, oui, on veut qu'il y ait des plans puis on veut qu'il y ait des obligations aussi pour que les MRC élaborent leur plan au niveau de la lutte contre les changements climatiques. Dans leur planification, il y aura des objectifs à atteindre, au niveau de la réduction des cibles, qu'on devra... avoir des indicateurs fiables et mesurables aussi, et ça va inclure tout ce qui est élément de transport, ça va inclure aussi d'intégrer ces plans-là dans nos schémas d'aménagement. On en a parlé beaucoup, à la FQM, on est prêts à mettre notre tête sur le billot, il faut qu'on contribue, mais il faut qu'on ait aussi... oui, faire des plans, mais il ne faut pas que ce soient des plans complaisants. Donc, cet élément-là devra être traité.

Il y a déjà des paliers aussi au niveau des grands centres. Moi, je viens du Lac-Saint-Jean, on n'a pas ces problématiques-là, mais on est conscient des problématiques plus dans le secteur Montréal. Mais il y a déjà des mécanismes, mais oui, ça devra être pris en considération.

M. Campeau : Merci beaucoup.

M. Simard (Luc) : Merci.

La Présidente (Mme Grondin) : M. le député de Portneuf.

M. Caron : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous également. J'avais une petite question concernant votre recommandation numéro un. Vous émettez le souhait qu'un professionnel ayant une expertise siège sur ce comité. Je voulais bien comprendre, d'une part, on ne parlait pas d'un élu, est-ce que c'est ma bonne compréhension? Ça, c'est la première question.

Mais la seconde, compte tenu... quel serait finalement le candidat idéal pour vous, compte tenu que la taille des municipalités est différente, la réalité des municipalités est différente, il y a les secteurs ruraux, etc., mais ce candidat que vous proposez, quel serait-il dans un monde idéal?

M. Simard (Luc) : On n'a pas regardé le profil exact.

M. Caron : Bien, je ne vous parle pas... je ne vous demande pas de me citer un individu, bien entendu, mais un profil idéal.

M. Simard (Luc) : Oui, bien, on en a discuté un peu au niveau même de la réalisation de nos plans. Il y a des MRC où est-ce qu'il y a des problématiques d'inondations récurrentes et des problématiques qui sont plus du génie. Il y a des MRC que c'est beaucoup plus des gens en environnement, des biologistes qui devront être embauchés. Donc, il y a une variabilité, au niveau des MRC du Québec, d'établir un profil précis, on n'en est pas là, mais ça devra être discuté. De toute façon, je pense que ce comité-là devra aussi être complémentaire, avoir des gens qui ont des formations et des expertises complémentaires, mais on n'a pas identifié nécessairement de gens avec une formation ou une expertise précise, mais on sait que cette personne-là devra être au fait des problématiques de l'ensemble des MRC et des municipalités du Québec.

M. Caron : Merci.

La Présidente (Mme Grondin) : Il reste encore 5 minutes. Y a-t-il des députés qui ont des questions?

M. Charette : ...mes collègues, sinon, volontiers. Je vais peut-être juste faire une nuance que je faisais, d'ailleurs, ce matin. On travaille actuellement à un projet de loi, le projet de loi n° 44, qui vise à préciser les rôles de chacun, qui en est un beaucoup de gouvernance, pour nous assurer d'atteindre les résultats. Dans vos recommandations, il y a beaucoup de principes très, très précis qui sont très précieux pour nous, mais c'est juste faire la distinction entre le projet de loi et la planification sur la prochaine décennie qu'on va présenter, là, au cours des prochaines semaines. Donc, c'est deux étapes distinctes qui vont se rejoindre, effectivement, là, à terme, il n'y a pas à en douter, mais juste relativiser un peu les attentes. Ce n'est pas à travers le projet de loi n° 44 qu'on pourrait, par exemple, préciser un mandat à la FQM pour mettre en place des plans dans chacune des MRC.

Cependant, ce qu'il est important d'avoir à travers le projet de loi, c'est la latitude nécessaire pour arriver à cette fin-là, et, comme je vous le mentionnais, il y a cette possibilité, à travers le pouvoir de délégation, qu'on reconnaît dans le projet de loi. Sinon, au niveau de la gouvernance elle-même, votre interlocuteur, lorsqu'il est question de changements climatiques, lorsqu'il est question d'adaptation aux changements climatiques naturels, ça demeure le ministère de l'Environnement, j'imagine, en collaboration aussi avec le MAMH au niveau des affaires municipales. Je vous regarde, donc je devine que vous faites affaire avec ces deux instances-là, peut-être vous rassurer sur la façon dont procède le gouvernement actuel. Vous avez fait mention, à juste titre, aux problèmes de crues récurrentes dans certaines régions. On travaille, on élabore avec le MAMH une politique d'aménagement du territoire et une politique aussi visant à mieux protéger nos rives. C'est un petit peu l'objectif du projet de loi de dire : Oui, l'Environnement est présente... est présent, c'est-à-dire, mais en collaboration avec d'autres ministères, si on parle d'inondations, on va parler de la Sécurité publique. Donc, la transversalité qui est recherchée, on la transpose dans le projet de loi lui-même parce que jamais l'Environnement ne sera votre seul interlocuteur pour une dynamique ou une problématique à multiples facettes comme celle-là. Donc, la place de la transversalité ou de la communication entre les différents ministères pour mieux vous servir, quelle doit-elle être, selon vous?

M. Simard (Luc) : On n'a pas eu une réflexion très, très poussée sur la gouvernance liée à ça, mais on travaille beaucoup avec le ministère des Affaires municipales, effectivement, puis on pense qu'à travers nos plans qu'on veut réaliser de la lutte aux changements climatiques, ça risque d'être intégré au schéma d'aménagement. Donc, beaucoup de travail devra être fait avec ce ministère-là.

Mais on a le ministère des Forêts aussi, nous, on pense qu'il devrait être interpelé, parce que, dans notre mémoire, on pense que le Fonds vert devrait servir à investir en forêt, et on a une grande forêt au Québec. Et le Forestier en chef a, maintes fois, émis des avis qu'on pourrait produire beaucoup plus de bois avec cette forêt-là et séquestrer beaucoup, beaucoup plus de carbone qu'on ne le fait actuellement. Donc, ça peut être un outil de lutte aux changements climatiques très important. Donc, oui, il y a plusieurs... on est conscient qu'il y a plusieurs ministères, et on travaille avec les ministères en fonction des différents dossiers.

M. Charette : Au niveau de la foresterie, naturellement, j'écoutais et recevais vos propos avec beaucoup d'intérêt, parce que c'est un secteur qui est important, naturellement, pour l'économie du Québec. On se le fait dire en région, en fait, dans plusieurs régions. Mais, en plus de l'économie du Québec, il y a une plus-value très, très nette au niveau environnemental qu'on n'exploite pas suffisamment ou sans doute pas suffisamment actuellement, donc bien content, là, que vous ayez pu poursuivre votre réflexion à ce niveau-là.

Et, peut-être, pour ma part, vous remercier et vous réitérer que le projet de loi est un premier pas pour une collaboration encore plus grande, et très intéressé à vous présenter ultimement le plan d'action et à faire, autant des municipalités, là, que des MRC, là, des partenaires de premier plan, là, pour arriver à nos fins. Merci beaucoup pour votre présence.

M. Simard (Luc) : ...de vous rencontrer.

La Présidente (Mme Grondin) : Donc, nous allons passer au groupe parlementaire de l'opposition officielle. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Simard. Juste une question, dans le projet de loi présentement dans... excusez-moi, présentement, dans la loi, deux tiers des sommes du Fonds vert sont dédiés au transport en commun. Je sais, pour vous autres, à la FQM, le transport collectif intermunicipal est très important, vous avez quand même passé une résolution, en novembre, sur le sujet. Alors, le projet de loi va modifier ça. Ça donne au gouvernement un petit peu plus, on peut dire, de flexibilité, mais on ne sait pas si on va aller au-dessus des deux tiers ou en... mais bref, il y a moins de... c'est moins prévisible maintenant parce qu'on ne sait pas combien de ces sommes-là vont être dédiées au transport en commun. Est-ce que ça, c'est une crainte pour vous autres? Est-ce que vous avez des suggestions si, ça, c'est le cas, qu'il y a plus d'argent mis dans un autre fonds, peut-être dans... mais dans le transport en général? Mais, pour moi, je veux juste savoir : Est-ce que vous avez regardé cette partie du projet de loi puis dit : Ah! peut-être que ça, ce n'est pas notre affaire, parce que c'était une somme importante pour les municipalités du Québec?

M. Simard (Luc) : Bien, pour ce qui est des transports en commun, bien entendu, c'est souvent dans les grands centres, ça touche beaucoup moins les municipalités plus petites qui sont membres de la FQM. Mais on a aussi des problématiques de transport collectif dans nos milieux qui sont très difficiles à financer, puis qu'on a des grands besoins dans notre MRC. Puis à peu près toutes les MRC du Lac-Saint-Jean, pour parler d'un secteur que je connais bien, le service est à développer. Là, on dessert les petites zones urbaines, mais, entre les petites municipalités, il n'y a pas beaucoup de service qui est élaboré actuellement. Mais on ne veut pas non plus qu'une trop grande part, bien entendu, aille au niveau du transport en commun, parce que des besoins, il va y en avoir énormément.

Actuellement, on met peu de sous au niveau de l'adaptation aux changements climatiques, mais on pense que, dans les futurs plans, il devrait y avoir quand même pas mal de sous qui soient investis à ce niveau-là, et les besoins en région seront grands aussi. Si on veut avoir des plans de lutte aux changements climatiques efficaces, si on veut les réaliser, mais surtout les mettre en pratique, il devra y avoir du financement qui va venir. Donc, il faut qu'il y ait une marge de manoeuvre au niveau des MRC pour être capable de mettre en application les plans. Donc, si trop de sous vont au niveau du transport en commun, bien, il peut y avoir des problématiques, surtout, le transport en commun peut être financé aussi avec des taxes sur l'essence, il y a plein de moyens de le financer, là. Donc, ça devra être un équilibre entre les différents besoins.

• (15 h 10) •

M. Kelley : Parfait. Je suis... je sais qu'on a déjà, une fois, discuté le dossier de l'industrie des forêts, et c'est très intéressant de voir que vous avez trois recommandations là-dessus. Juste une question : Selon vous, est-ce que, des fois, l'industrie s'est sentie un petit peu oubliée par le Fonds vert, ou est-ce que c'est maintenant que plusieurs technologies ont été développées depuis plusieurs années, que, maintenant, peut-être, c'est plus opportun pour l'industrie d'avoir plus d'un accès ou des cibles plus précises pour l'industrie concernant le Fonds vert? Parce que je sais que vous avez des propositions qui sont un petit peu en lien avec le PECC, mais, quand même, je trouve ça bien, bien intéressant, parce que, c'est sûr, je suis d'accord avec le ministre, c'est une industrie très, très importante, dans les régions, pour l'économie régionale.

Alors, juste encore, est-ce que, selon vous, vous avez eu des difficultés d'avoir l'accès au Fonds vert dans le passé?

M. Simard (Luc) : Bien, le Fonds vert a investi... bon, on l'a mentionné tout à l'heure, il y a un montant qui a été investi, 75 millions sur cinq ans pour collaborer... pour faire davantage de travaux forestiers, de travaux sylvicoles, de travaux qui vont permettre d'augmenter la possibilité forestière. Et le Forestier en chef a émis des avis très clairs là-dessus, qu'il y a de la place, il y a en masse de place de faire des travaux supplémentaires, qui vont permettre... puis c'est des investissements, ce n'est même pas une dépense, parce que les travaux qu'on met pour produire davantage de bois, ça rend du bois rapidement disponible, au niveau de la possibilité forestière, et c'est du bois qui est transformé ici, qui apporte une... qui fait rouler l'économie, qui crée des emplois, donc, ce n'est pas négligeable. C'est très rare où est-ce qu'on va investir... puis ça va directement rapporter au niveau économique, investir pour l'environnement, que ça va rapporter pour l'économie.

Donc, au niveau de la forêt, il y a des secteurs difficiles d'accès, on ne se le cache pas. Souvent, les secteurs les plus faciles à récolter ont été faits, des secteurs... On a une expérimentation au nord de Girardville, cette année, par exemple, où est-ce que c'est récolté, avec une pente forte, avec un téléphérique, un exemple, mais c'est des coûts très, très élevés au niveau de l'industrie, mais c'est des secteurs qui permettent de remettre en production des sites aussi dans des endroits où est-ce que la densité n'est pas suffisante pour avoir des opérations forestières qui s'autosuffisent au niveau économique. Mais, si on va récolter ces secteurs-là, si on aide, on donne un coup de pouce au niveau financier pour aller récolter ces sites à faible densité, par la suite, on les reboise, c'est de la séquestration de carbone directement qu'on peut faire.

Puis l'Université du Québec à Chicoutimi a fait beaucoup de travaux au niveau des landes forestières de ces secteurs mal régénérés, et il y a un très gros potentiel, au niveau des gaz à effet de serre, de séquestration de carbone.

Le Président (M. Polo) : Parfait. Merci.

Mme Montpetit : Bonjour, monsieur. Merci pour votre témoignage et vos recommandations. Il ne me reste pas énormément de temps, mais j'aimerais ça vous entendre sur deux petits points précisément, notamment, puis je suis vraiment très contente que vous puissiez venir témoigner ici, parce que je pense que c'est un sujet dont on ne parle peut-être pas suffisamment, et j'espère qu'on aura l'occasion de le faire dans ce projet-là. Mais c'est, justement, tout le... à quel point les municipalités, les MRC sont particulièrement affectées puis vont l'être, de plus en plus, par les changements climatiques, là. On n'a qu'à penser à l'érosion des berges notamment, mais aux inondations, qui reviennent année après année. Et je pense que c'est un sujet qui a fait... qui a été soulevé dans les... autant chez vous qu'à l'UMQ, les coûts astronomiques, dans le fond, pour les municipalités, qui vont être engendrés au cours des prochaines années.

Et j'imagine que vous allez... Bon, il y a un des groupes qui l'a mentionné dans les consultations ce matin, qui suggérait notamment que le projet de loi qui parle de lutte aux changements climatiques parle peut-être davantage aussi d'adaptation et de résilience. Je présume que, vous, c'est le genre de recommandation que vous auriez pu faire, mais je sais que vous avez parlé d'adaptation, entre autres, mais peut-être que ça pourrait être plus présent dans le projet, là.

M. Simard (Luc) : À travers nos plans, effectivement, c'est des plans de lutte aux changements climatiques, mais il y a un volet d'adaptation aussi, au niveau des changements climatiques, qui est très important, puis diminuer notre impact aussi. Donc, il y a trois volets, mais il y a un volet, effectivement, qui touche de l'adaptation aux changements climatiques dans nos plans. Puis ce qu'on veut, c'est qu'il y ait des sous pour aider à financer ces actions-là qui sont identifiées dans nos plans.

Mme Montpetit : Parfait. Donc, vous verriez d'un bon oeil, dans le fond, c'est ça, que ce soit ajouté dans le projet. Aussi, c'est ça, vous avez des recommandations qui sont très précises, puis je sais que vous connaissez bien, justement, le dossier, mais est-ce que le projet, dans sa forme actuelle, là, qui est déposé par le ministre, est-ce que vous voyez... est-ce que ça va venir améliorer, est-ce que ça va venir, pour vous, faire une différence pour les municipalités? Est-ce que ça va être utile pour les municipalités?

M. Simard (Luc) : Oui, je pense que les changements vont être utiles. Dans sa forme actuelle, on veut être partie prenante de ces changements-là, puis, s'il y a de la souplesse dans la loi, si on a une liberté d'action de réaliser des plans, de travailler au niveau des MRC, oui, le plan va être efficace, puis le projet de loi va être efficace pour les municipalités.

Mme Montpetit : Je ne vous demande pas un projet bonifié en fonction des recommandations que vous faites, je vous demande, le projet qu'on a sous les yeux présentement, qui suggère, donc, de ramener les pouvoirs au ministère de l'Environnement, au ministère des Ressources naturelles, d'abolir TEQ, d'abolir le conseil de gestion, est-ce que, pour vous, ça va faire une différence, concrètement, pour les municipalités?

M. Simard (Luc) : Bien, c'est sûr qu'on propose des mesures pour améliorer le projet de loi, mais on pense que c'est une grande amélioration quand même par rapport à ce qu'il y avait auparavant, où est-ce qu'on a vu les mesures qui ont été très inefficaces pour le Fonds vert, que ça a été un peu géré tout croche, on peut dire ça comme ça. On pense que c'est des mesures, oui, qui vont être efficaces, mais, bien entendu, on propose des bonifications, ça va rendre le projet encore plus intéressant pour les municipalités.

Mme Montpetit : La gestion du Fonds vert, vous répondiez à mon collègue aussi qu'il y avait eu des sommes extrêmement importantes qui avaient été données en foresterie puis que c'était intéressant. Donc, c'est peut-être un peu dichotomique. Mais je comprends que les bonifications que vous suggérez sont importantes pour vous et doivent faire l'objet de considérations dans le projet de loi.

M. Simard (Luc) : Oui.

Mme Montpetit : D'accord. Ce sera tout.

Le Président (M. Polo) : C'est tout? Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. J'ai 2 min 40 s. Donc, vous avez... bien, merci pour votre présentation, puis j'ai vu que le comité d'experts vous intéresse beaucoup et vous trouvez que c'est important qu'il y ait une place pour les gens des régions. Justement, comment est-ce que vous le voyez, qui devrait être dessus pour l'élargir? Il y a les gens des régions, mais est-ce qu'il devrait y avoir d'autres personnes que seulement des experts ou des scientifiques nommés par le ministre? Comment est-ce que vous le voyez, puisque ça a attiré votre attention dans le projet de loi?

M. Simard (Luc) : On n'a pas analysé non plus le contenu exact de tous les membres de ce comité. Tout ce qu'on demandait, c'est d'en faire partie, parce qu'on peut apporter une expertise, on a des gens qui ont beaucoup de vécu, là, pour ce qui est de l'adaptation aux changements climatiques, mais pour ce qui est de la gestion aussi des municipalités ou des MRC. Donc, on pense apporter une très bonne contribution au comité, mais, pour ce qui est de la composition, on ne s'est pas penché là-dessus, on n'a pas analysé, là, qui devrait être présent ou s'il devrait y avoir des élus. On n'en est pas là, on pense que c'est un comité d'experts, puis on trouve que c'est quand même bien comme ça, ça enlève un élément de politisation.

Mme Ghazal : Mais vous trouviez qu'il y avait une opportunité là pour que des gens des régions, des experts des régions ou, par exemple... C'est pour ça que moi, j'ouvre la réflexion, parce que je me dis, peut-être qu'il pourrait y avoir des gens aussi de la société civile, je ne sais pas, des travailleurs, des gens de la jeunesse, etc., qui pourraient le composer, ce serait quelque chose peut-être... une opportunité que le ministre pourrait voir.

Dans votre mémoire aussi, vous parlez des plans d'aménagement territoriaux, plans de transition territoriaux, c'est une mesure qu'on appuie beaucoup, puis c'est quelque chose aussi qu'on avait présenté dans notre plan de transition, parce que c'est important aussi que ça soit appliqué aux réalités régionales, donc on appuie ça. Puis, quand je regarde dans vos recommandations, il y a la recommandation 4 et 5 qui ne touchent pas vraiment ce qui est écrit dans le projet de loi n° 44, et ça concerne, justement, la foresterie. Vous savez, toute la question de la récolte forestière, vous appelez ça écoresponsable, j'inviterai juste à faire attention, ce n'est pas nécessairement des mesures qui permettent de lutter contre les changements climatiques, c'est plus des mesures de développement économique. Ça peut... les mesures de développement économique peuvent servir aussi la transition, mais celle-là particulièrement...

Vous savez, j'ai été à la COP, avec mes autres collègues, et le ministre aussi était présent, il y avait un spécialiste, un expert qui avait présenté une étude de M. William Moomaw, des États-Unis, qui a fait une étude, et ce qu'il avait dit, c'est que, bien, ce n'est pas si clair que ça. En fait, lui, il est totalement en désaccord avec le fait que... de faire la récolte de la forêt, que ça, ça va permettre de réduire les gaz à effet de serre, de la façon de la gérer, c'est-à-dire, faire de la coupe forestière, ça ne permettra pas de réduire les gaz à effet de serre, ça, c'était tout à fait clair dans son étude. Puis donc je ne crois pas que le FECC, un fonds qui doit aller à la lutte aux changements climatiques, doit aller dans des mesures comme celles-là.

Le Président (M. Polo) : Merci. Je cède la parole au député de Jonquière, malheureusement.

M. Gaudreault : Oui. On va parler du Publi-Sac, O.K., il est produit en bonne partie chez vous, à l'usine de Dolbeau. Il est produit en partie chez moi aussi, à l'usine de Kénogami. C'est un bel exemple d'une industrie qui fait travailler du monde, l'industrie de la fabrication du papier. Il faut penser à une transition. Publi-Sac peut être un produit qui est appelé à disparaître à terme, à moyen ou à long terme. Il y a des endroits, notamment à Montréal, où ils voudraient le faire disparaître plus rapidement.

Est-ce que ce n'est pas un bel exemple ou le premier exemple de ce qu'on pourrait appeler de transition juste? Parce que vous avez des municipalités extrêmement dépendantes d'une seule industrie, mono-industrielles. Il y a d'autres intervenants, entre autres, Fondaction CSN, qui nous en a parlé, également, de la transition juste. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là ne serait pas une occasion d'utiliser des fonds pour aider des communautés, souvent mono-industrielles, à passer à un autre type d'industrie, exemple, Publi-Sac?

• (15 h 20) • 

M. Simard (Luc) : Bien, le Publi-Sac est un exemple, c'est un exemple qui, je pense qu'il y a encore... on en a parlé beaucoup, ces derniers temps, du Publi-Sac, il y a quand même de l'avenir encore, je pense, là-dedans. Le Publi-Sac, on ne rentrera pas dans le débat du Publi-Sac non plus, mais, oui, ça peut aider des municipalités à faire des transitions, ça peut aider aussi des entreprises à faire des transitions, hein? Il y a eu des investissements d'annoncés chez vous cette semaine. Donc, c'est des nouvelles qui sont très intéressantes, c'est des nouveaux produits. Je pense que les produits de la forêt sont des produits renouvelables, des produits qui peuvent séquestrer du carbone, pendant des longues périodes, entre autres, au niveau de la construction, hein, on a travaillé beaucoup la construction en bois. Puis ça, c'est un élément extrêmement important, parce que le bois qui est dans les constructions, il est là pour des centaines d'années, puis c'est du carbone qui est directement retiré de l'atmosphère.

Donc, oui, je pense que le fonds peut aider certaines entreprises à une certaine transition. On a des belles entreprises, entre autres, Chantiers de Chibougamau, qui ont développé une expertise extrêmement importante dans la construction en bois, qui est un leader mondial. Puis je pense que, si on soutient davantage la construction en bois, par exemple, on peut devenir des leaders mondiaux là-dedans, on peut devenir des leaders nord-américains, prendre notre place. Avec la qualité de bois qu'on a, on peut faire des constructions fantastiques, solides. Vous irez fouiller, il y a des avantages indéniables à construire en bois, que ce soit au niveau du feu, au niveau de l'isolation.

Donc, je pense que, oui, le fonds pourrait nous aider si on travaille dans des créneaux porteurs, des créneaux novateurs et des... un peu comme on a mentionné tout à l'heure, que ce soit au niveau des pâtes et papiers ou au niveau de la construction en bois.

M. Gaudreault : Il me reste du temps, oui?

Le Président (M. Polo) : Huit secondes.

M. Gaudreault : Bon, huit secondes. Alors, merci, merci de votre présence.

Le Président (M. Polo) : Merci, merci, chers invités.

Alors, nous allons prendre une pause avant d'inviter nos prochains exposants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 22)

(Reprise à 15 h 25)

Le Président (M. Polo) : Alors, bonjour à tous. Chers collègues, nous allons reprendre.

Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Sylvie Chagnon, présidente-directrice générale du Conseil de gestion du Fonds vert. Et j'informe également mes collègues que Mme Chagnon a... on est en train de faire distribuer une copie de son allocution à l'instant même. Donc, Mme Chagnon, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis, par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Conseil de gestion du Fonds vert

Mme Chagnon (Sylvie) : Alors, Sylvie Chagnon. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, alors, le Conseil de gestion du Fonds vert vous remercie de votre invitation. Nous permettrons de rappeler les raisons de la création du conseil de gestion et de brosser un tableau sommaire de ses réalisations. Nous espérons ainsi contribuer de façon constructive à la réflexion de la commission. Le président de notre conseil d'administration, M. Gilles Robillard, est retenu par des problèmes de santé. Il vous prie de l'en excuser.

Alors, en avril 2017, le conseil de gestion est né de la volonté du gouvernement de mener en profondeur une réforme du Fonds vert dans la foulée de deux rapports accablants du Commissaire au développement durable. Dans son rapport de juin 2014, le commissaire sonnait l'alarme quant à la gestion du fonds. Entre autres, il constatait que l'information rendue publique était éparse et incomplète. Il soulignait les absences de cadre de gestion axé sur les résultats, d'objectifs, pour certains projets, qui n'étaient pas mesurables et de plan de suivi des résultats de divers programmes.

Dans son second rapport, publié en février 2016, le commissaire faisait le suivi sur ses recommandations de 2014. Il a constaté que le progrès accompli était insatisfaisant. Le constat du commissaire ainsi que les multiples critiques, portant sur la gestion déficiente du fonds, ont eu un impact direct sur l'image et la crédibilité de ce dernier. Plusieurs observateurs, scientifiques et journalistes, qualifiaient alors le fonds vert de bar ouvert pour ses ministères et organismes bénéficiaires. C'est pourquoi le gouvernement a engagé, en février 2016, une réforme en profondeur de la gestion du Fonds vert. Un nouvel organisme de gouvernance, indépendant, a été appelé à instaurer rigueur, transparence et reddition de comptes au fonds, conformément aux recommandations du commissaire.

Le projet de loi n° 102, portant notamment sur la création du conseil de gestion vert, a été déposé en juin 2006 et adopté en mars 2017. Rappelons que ce projet de loi a été pleinement appuyé par les premier et deuxième groupes d'opposition. Depuis, le conseil de gestion a travaillé à réformer la gouvernance du Fonds vert. Notre tâche a été lourde et tout un chacun s'est pleinement investi. Notons que les membres du conseil de gestion sont des bénévoles dévoués à la cause environnementale. De plus, rappelons que le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques n'a jamais renoncé à son rôle de gestionnaire du Fonds vert.

Permettez-moi maintenant de vous présenter quelques-unes de nos réalisations au titre de nos trois fonctions stratégiques : la première, qui est d'établir des règles de gouvernance et s'assurer de leur respect; la deuxième, qui est d'optimiser la performance du Fonds vert; et enfin effectuer une reddition de comptes pertinente et transparente quant à l'utilisation des sommes du Fonds vert. Alors, la première fonction, le renforcement des règles de gouvernance a été au coeur de nos interventions. Dès nos premiers mois d'existence, nous avons amélioré le cadre de gestion du Fonds vert. Le nouveau cadre renforce la gouvernance du Fonds vert en fixant des balises pour la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation d'actions financées par le fonds. Ce nouveau cadre de gestion fait partie intégrante des 15 ententes administratives que nous avons signées avec les ministères et organismes du fonds.

Nous avons développé les premières lignes directrices que le Fonds vert ait eues, axées, pour cette première version, sur la lutte contre les changements climatiques. En permettant de mieux définir la nature et la portée des actions pouvant être financées par le fonds, elles renforcent l'adéquation entre les objectifs du gouvernement et les actions appuyées. Nous avons également bonifié nos grilles d'évaluation des demandes de soutien financier à la lutte contre les changements climatiques. Enfin, nous avons préparé un renforcement des règles encadrant les frais d'administration pouvant être imputés au Fonds vert. Ces règles de gouvernance visent à assurer une transparence accrue.

• (15 h 30) •

En ce qui concerne l'optimisation de la performance du Fonds vert, nous avons effectué divers travaux. En février 2018, nous avons déposé un avis sur le bilan mi-parcours du Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques, communément appelé le PACC 2013-2020. En novembre 2018, nous avons recommandé des ajustements budgétaires au PACC 2013‑2020. Nous avons procédé à une étude d'étalonnage auprès d'autres fonds verts et de banques vertes à travers le monde afin de dégager des stratégies pouvant améliorer la performance du Fonds vert.

En fin de deuxième année financière, le 31 mars 2019, 100 % des actions en cours étaient assorties d'au moins un indicateur et une cible, et ce, autant les actions de la lutte contre les changements climatiques que de gestion des matières résiduelles et de gouvernance de l'eau. Toutes ces actions peuvent maintenant être évaluées au regard des résultats escomptés.

Notre troisième fonction stratégique, qui est d'assurer la reddition de comptes, va de pair avec la transparence. Tous les six mois, nous assurons un suivi de l'état d'avancement des actions que finance le fonds, conformément à l'une des recommandations de la Commission de l'administration publique en juin 2016. Deux fois l'an, notre suivi de l'état d'avancement des actions financées est publié sur notre site Web. Le délai de traitement des suivis a été réduit de 60 % et la qualité de leur contenu a été améliorée à la grande satisfaction de nos partenaires.

Depuis le printemps de 2019, nous publions le tableau des émissions annuelles de gaz à effet de serre réduites ou évitées pour les 21 actions du PACC 2013‑2020 et le tableau des émissions cumulées depuis l'année 2013‑2014.

Nous avons conçu une première maquette de tableau de bord des actions de lutte contre les changements climatiques. On y retrouve notamment des informations sur l'évolution des revenus et dépenses, sur l'utilisation des budgets ventilée par partenaire et sur les émissions de gaz à effet de serre réduites ou évitées.

Finalement, en conformité avec sa législation habilitante, le conseil de gestion a produit deux rapports annuels de gestion.

En conclusion, j'aimerais souligner que le conseil de gestion a, d'entrée de jeu, ressenti une forte résistance au changement. Une réforme nécessite une évolution des façons de penser et des modes de travail. Certains, dont le ministère de l'Environnement, n'ont pas vu l'arrivée du conseil de gestion d'un bon oeil, préférant à cela le maintien du statu quo. Nous avons pu le constater rapidement.

Il importe également de remettre en perspective la création du conseil de gestion. En 2017, nous arrivions en fin de parcours du PACC 2013‑2020. Il est difficile de réorienter un train déjà en marche, bien que certaines règles de gouvernance auraient dû être mises en place dès l'élaboration des plans d'action. On aurait été en droit d'espérer, par exemple, une gestion axée sur les résultats. Cela dit, les actions financées par le Fonds vert pouvaient difficilement être remises en question à quelques années de la fin du PACC. C'est dans ce contexte que nous avons joué notre rôle de gardien du Fonds vert pour assurer une saine gestion des deniers publics. Nous avons jeté les bases d'une gouvernance pouvant assurer la rigueur et la transparence du Fonds vert, qui avait fait couler beaucoup d'encre. Ces bases peuvent maintenant servir à instaurer un nouveau fonds capable de financer la nouvelle politique-cadre sur les changements climatiques. Nous souhaitons également que nos travaux d'analyse et de réflexion sur le modèle d'affaires du Fonds vert servent à alimenter les discussions à venir.

Par ailleurs, le conseil de gestion s'interroge sur la disponibilité de plus de 1,5 milliard. Il s'agit de surplus dormant quelque part dans les coffres du gouvernement. Ces sommes devraient, avant tout, servir à financer la plus urgente d'entre toutes les priorités : la lutte contre les changements climatiques.

Il est malheureux d'avoir à constater que la direction du conseil de gestion et les membres de son conseil d'administration n'ont jamais été mis à contribution pour résoudre le problème allégué dans le budget 2019‑2020. Loin de chercher une solution au problème allégué, on est intervenu de la façon la plus drastique qui soit en abolissant le conseil de gestion. À noter que les membres du conseil d'administration ont appris cette nouvelle par les médias.

Nous espérons que l'abolition du conseil de gestion ne signale pas un retour aux pratiques déficientes du passé, mais marque un pas vers la saine gestion d'un fonds efficace qui vise l'atteinte de cibles fixées par le gouvernement.

M. le Président, je profite de ce moment pour remercier ceux qui, au jour le jour, ont assuré le travail du conseil de gestion. Les membres de son conseil d'administration et ses employés n'ont jamais ménagé leurs efforts pour assurer la meilleure gestion possible du Fonds vert. Je les en remercie sincèrement. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci, Mme Chagnon, pour votre présence avec nous cet après-midi. Je pense, c'est important pour moi de réitérer un principe qu'on a eu l'occasion, là, de discuter sur différentes tribunes. Pour nous, l'abolition du Conseil de gestion du Fonds vert n'est nullement un désaveu à l'égard de la qualité des gens qui y siégeaient, nullement un désaveu par rapport à la qualité de l'engagement que vous y mettiez. Pour nous, c'est réellement un souci d'efficacité, un souci également d'imputabilité.

Et un exemple, un exemple parmi tant d'autres que je pourrais vous donner : j'ai été nommé en janvier 2019, quelques semaines après, on m'a demandé de signer une convention entre TEQ et le conseil de gestion, et je vois rapidement décembre 2017, je me dis : Il y a erreur, ça doit être décembre 2018 que la discussion a débuté entre TEQ et le conseil de gestion. Et non, c'était réellement une année, plus d'une année avant. Et pourquoi je donne cet exemple-là? Ça illustre sans doute les difficultés d'arrimage entre les différentes parties responsables au dossier, que ce soit le conseil de gestion, que ce soit TEQ, que ce soit le ministère de l'Environnement. Donc, c'est un petit peu ce genre de situation que l'on tente de corriger avec projet de loi n° 44, là, qui est présenté et qui est étudié à l'instant.

Avec le recul, comment expliquer qu'il y ait eu tant de difficulté à manoeuvrer, autant pour vous que les gens de TEQ, que les gens du ministère, ensemble? Est-ce que c'était une définition des rôles de chacun qui n'était pas suffisante ou comment expliquer, par exemple, des délais de cette nature-là, de plus d'une année, pour décaisser des sommes tout de même importantes?

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, premièrement, l'entente avec TEQ... Je suis surprise, là. C'est parce que l'entente avec TEQ, ça fait longtemps qu'elle a été signée. Elle n'a pas été signée en janvier, là. Elle est même sur notre site Internet, alors je suis un petit peu surprise d'entendre que vous avez signé l'entente. De toute façon, l'entente...

M. Charette : ...pour un décaissement de somme.

Mme Chagnon (Sylvie) : ...signait le conseil de gestion. Les ententes, selon la loi, sont signées par le Conseil de gestion du Fonds vert. Alors, on n'avait pas à faire signer l'entente, là, par vous, M. le ministre, alors, ça, je tiens à le préciser, là, du tout.

Maintenant, par rapport au rôle, je pense, certains d'entre vous étiez là même au moment de l'étude du projet de loi n° 102, où est-ce qu'il y a eu réforme de la gouvernance du Fonds vert, où est-ce qu'on a créé... le législateur voulait créer un organisme indépendant pour s'occuper de la gestion. La mission était claire, c'était d'encadrer la gouvernance et d'assurer la coordination de sa gestion.

Or, est-ce que le conseil de gestion avait pleinement la gestion de ce fonds-là? Non. Il y a beaucoup d'activités qui ont été retenues par le ministère de l'Environnement. Alors, c'est sûr qu'à un moment donné il y a énormément de confusion. On a mis en place un organisme qui est le conseil de gestion, qui est le gardien du Fonds vert. Et, pour être sûrs qu'il y a une gouvernance accrue, on lui a même mis un conseil d'administration de neuf personnes qui proviennent de la société civile, et il y avait aussi des sous-ministres.

Le Président (M. Polo) : Mme Chagnon.

Mme Chagnon (Sylvie) : Oui.

Le Président (M. Polo) : C'est juste qu'il y a un principe où on... en fonction du temps de la question, on demande un temps de réponse.

Mme Chagnon (Sylvie) : Ah! d'accord.

Le Président (M. Polo) : Donc, si c'est possible de redonner la...

Mme Chagnon (Sylvie) : O.K. Alors, je laisse... D'accord. Oui, allez-y.

M. Charette : Malheureusement, les délais sont très courts. Juste une petite précision. Je faisais référence à une convention de décaissement, et non pas l'entente-cadre entre le conseil de gestion et TEQ. Mais sinon, dans votre conclusion, lorsque vous parlez d'une résistance à l'arrivée du conseil de gestion, à quel moment avez-vous senti cette résistance-là au sein du ministère de l'Environnement? De longue date ou c'est quelque chose qui s'est développé?

Mme Chagnon (Sylvie) : Dès le départ — je m'excuse — alors, écoutez, dès le départ, au moment de la création du Conseil de gestion du Fonds vert, ça a été très difficile, en ce sens que même... il y avait... on était supposés de recevoir des employés du ministère... (panne de son) ...Conseil de gestion du Fonds vert, mais ça a pris huit mois avant qu'il y ait le transfert de ces employés-là, et employés où est-ce qu'on n'a même pas eu un mot à dire. Alors, déjà là, on se disait : Bien voyons! Qu'est-ce qu'il se passe? Pourquoi on n'avait pas accès à l'information financière?

Alors, toute l'information financière est restée au ministère. Je veux dire, comment ça se fait que les états financiers du Fonds vert ne sont pas encore sortis, ne sont pas encore audités par le Vérificateur général? Depuis 2017‑2018, 2018‑2019, les états financiers du Fonds vert ne sont pas sortis. On n'a jamais voulu nous céder la comptabilité. Tout l'aspect de la comptabilité, c'est gardé au ministère. Bon, alors, est-ce que le conseil... est-ce qu'on gère à 50 % ou on gère à 100 %?

Alors, tout ça a fait que, oui, ça a entraîné beaucoup de confusion. Mais, après ça, on arrive, on dit : Mais la P.D.G. est imputable devant l'Assemblée nationale. Je m'excuse. Je dois venir commenter devant une commission ou quoi que ce soit, je n'ai pas pleinement le... j'ai le portrait global de la gestion du Fonds vert. Alors, oui, dès le début, il y a eu difficulté dans l'interprétation des rôles de chacun.

• (15 h 40) •

M. Charette : C'est là où on se retrouve au niveau de la conclusion, c'est-à-dire une certaine confusion des rôles de chacun, parce que, si on regarde au niveau des rôles et responsabilités du conseil de gestion, c'était de préparer annuellement les comptes du Fonds vert en collaboration avec le ministre et le ministre des Finances, donc ce n'était pas une responsabilité qui revenait au conseil de gestion de façon exclusive, et c'était aussi beaucoup un rôle de recommander au ministre de l'Environnement les ajustements requis pour mettre en place les bonnes mesures.

Et c'est là où je me questionne par rapport... Je vous parlais d'une des premières expériences, ce décaissement de fonds qui m'avait interpelé. Une autre des premières expériences que j'ai eues comme ministre de l'Environnement, c'est la réception de cet avis juridique que vous aviez fait faire remettant en question la responsabilité du ministère dans la gestion du Fonds vert. Donc, vous comprendrez que, comme ministre, comme personne imputable de ces fonds publics somme toute importants, me faire questionner sur le rôle que je peux jouer ou que le ministère peut jouer, c'était interpelant. Et c'est là où je me demande si votre propre rôle au sein de l'organisation n'a peut-être pas été reçu ou compris comme il se doit ou comment la loi instituant le conseil de gestion avait été élaborée et adoptée ultimement.

Mme Chagnon (Sylvie) : Vous savez, M. le ministre, premièrement, je tiens à préciser, le Conseil de gestion du Fonds vert n'a jamais, jamais, jamais contesté votre responsabilité. Ça, c'est très clair.

Bon. Vous faites référence à une opinion légale. Je pense que vous en avez eu d'autres aussi de la part du ministère. On n'a jamais contesté votre responsabilité. L'opinion légale qu'on vous a remise, c'est une opinion légale qui démontrait la responsabilité dévolue au Conseil de gestion du Fonds vert, mais on n'a jamais contesté votre autorité.

Alors, je veux dire, je pense que c'est normal, premièrement, un nouvel organisme... Les administrateurs ont demandé une opinion légale pour savoir quelles étaient leurs responsabilités dévolues. C'est dans la chose d'une bonne gouvernance. On commence un nouvel organisme, les administrateurs veulent vraiment savoir où sont leurs responsabilités, en quoi consistent leurs responsabilités. Alors, je veux dire... Mais jamais, jamais le conseil de gestion n'a contesté l'autorité du ministre. De toute façon, c'est clair dans la loi, on le dit, vous êtes responsable du fonds, l'organisme se rapporte à vous. On est le gardien du Fonds vert, on vous protège, on protège le gouvernement.

M. Charette : Vous me permettez, pour ne pas qu'il y ait d'interprétation à partir de nos simples propos, de déposer devant le secrétariat cet avis juridique que vous avez fait parvenir au ministère? Est-ce qu'on peut avoir votre consentement à ce niveau-là?

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, moi, j'ai eu tout récemment l'accord du président du conseil d'administration de déposer cette opinion légale là, oui.

M. Charette : C'est bien gentil, j'apprécie. Sinon, parce que le temps file, juste faire référence à un autre élément qui m'interpelle au niveau de la conclusion, c'est-à-dire cette disponibilité de plus de 1,5 milliard. Si j'avais à ma disposition ce 1,5 milliard-là, je serais ravi; si le gouvernement avait à sa disposition ce surplus-là, nous serions ravis. Mais, dans les faits, ces sommes-là ont été réallouées lors du dernier budget pour remettre l'emphase sur des initiatives financées par le Fonds vert qui étaient plus porteuses que d'autres.

Il faut savoir, il y avait un certain nombre de mesures, hein, on pouvait les compter en dizaines. Certaines avaient épuisé très, très rapidement leurs fonds, alors que d'autres ont été très, très peu sollicitées ou produisaient peu de résultats. Donc, il n'y a pas de 1,5 milliard de dollars de disponibles, ces sommes-là ont été réaffectées dans le dernier budget à différents niveaux. Donc, c'est peut-être une correction, là, qui est importante à apporter. Mais, si on parle de financement, si on parle de budget, peut-être vous rassurer et nous rassurer comme Assemblée nationale, le futur FECC et la future politique au niveau de l'électrification et des changements climatiques auront à leur disposition des financements conséquents. Et le FECC ne sera pas, à lui seul, en mesure de financer l'ensemble de la politique, tellement les besoins en financement seront importants. Mais, malheureusement, je ne peux pas, à ce jour, ajouter 1,5 milliard de dollars, parce que ces sommes-là sont déjà réallouées, à ce moment-ci, pour des projets, justement, en matière de changements climatiques ou, sinon, de diminution de nos émissions de gaz à effet de serre.

Là, je vois, j'ai mon collègue de Bourget qui voudrait intervenir, donc je vais lui laisser la parole, tout simplement.

Le Président (M. Polo) : M. le député.

M. Campeau : Merci beaucoup. Bonjour, Mme Chagnon. Très content que vous soyez là aujourd'hui, parce qu'on a dit beaucoup de choses du Conseil de gestion du Fonds vert, et vous auriez pu choisir de ne rien présenter puis, au contraire, vous êtes là. C'est très apprécié. Je trouve que, dans ces conditions-là, ce que vous présentez, c'est intéressant, ce n'est pas complaisant.

J'aime beaucoup ce que vous avez ajouté, du fait que les gens qui travaillent au Conseil de gestion du Fonds vert sont des bénévoles, et on oublie ça parfois, que, quand on a des conseils de gestion, il y a des gens qui y vont par conviction.

J'ai une drôle de question à vous poser. Dans votre rapport, bizarrement, ça me surprend, vous avez deux lignes, vous parlez d'un renforcement encadrant les frais d'administration. Ça a été fait, c'est correct. Je suis un peu surpris que vous ayez ciblé ce sujet-là. Est-ce que c'était un problème à ce point-là pour le cibler à l'intérieur d'un rapport?

Mme Chagnon (Sylvie) : Oui. Bien, premièrement, ça fait partie de la loi où est-ce qu'on doit s'attarder aux frais d'administration qui sont débités au Fonds vert. D'autre part, les frais d'administration, ça représente de grosses sommes d'argent, de très grosses sommes d'argent. Si on prend juste, quand on regarde le PACC, juste la mesure 31, là, ce ne sont que des frais d'administration et, en plus, dans toutes les 185 initiatives, là, qui sont mises dans le PACC, il y a aussi des frais de gestion qui sont chargés.

Ce n'est pas évident. Le Conseil de gestion du Fonds vert a essayé de voir clair, même le conseil d'administration a demandé au ministère de nous expliquer les frais d'administration qui passaient dans la fameuse mesure 31 du PACC et, à ce moment-là, c'est de l'ordre d'à peu près 75 millions, là, ça. Et assez qu'on n'y comprend... on ne comprend pas, le conseil de gestion ne comprenait pas qu'est-ce qu'il se passait dans ces frais-là. Même le conseil d'administration a demandé au VGQ de faire une vérification spéciale sur les frais d'administration, chose qui nous a été refusée, là, et le VGQ a dit qu'il ferait ça dans une vérification éventuelle. Mais c'est pour vous dire quand même, sur le conseil d'administration, là, on a des comptables, on a des «investment bankers», on a des avocats ferrés en environnement, tout ça, et on ne les comprenait pas.

Alors, tu sais, je veux dire, ce sont de grosses sommes, on a ce devoir-là aussi de transparence, d'avoir une rigueur. Et c'est certain, ça faisait partie aussi des recommandations du VGQ, dans ses anciens rapports, de clarifier tout l'aspect des frais d'administration, de mieux encadrer les frais d'administration. Alors, on a commencé à camper des choses, ce n'est pas terminé, il reste encore beaucoup de travail à faire, mais il faut voir clair dans qu'est-ce qui est chargé comme frais d'administration au niveau du Fonds vert.

M. Campeau : Est-ce qu'il y a d'autres collègues qui veulent?

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Bonjour. Merci, merci pour votre... j'allais pour dire merci pour votre audace, parce que de venir déclarer ça aujourd'hui, et on apprécie beaucoup, mais mon collègue a soulevé une petite couverte puis il y avait beaucoup d'argent en dessous, donc c'est inquiétant. Vous dites que vous ne savez pas où ça allait, 75 millions de dollars. Vous ne comprenez pas. Ça va où, cet argent-là? Qui prend le 75 millions de dollars pour la gestion des frais d'administration?

• (15 h 50) •

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, ce sont les ministères, ce sont les ministères qui débitent. En gros, le 75 millions de la mesure 31, c'est le ministère de l'Environnement, c'est lui qui est le propriétaire de cette mesure-là. Alors, ce sont des frais qui sont chargés pour accomplir différentes choses. Alors, oui, il peut y avoir des gens qui travaillent auprès des mesures de changements climatiques, mais la mesure 31 appartient au ministère de l'Environnement, c'est lui qui est le propriétaire de cette mesure-là.

Mme Tardif : Mais, pour mettre ça en perspective, c'est sur un an ou c'est sur plusieurs années, là?

Mme Chagnon (Sylvie) : C'est sur la durée du PACC, c'est sur la durée du PACC.

Mme Tardif : Qui est de...

Mme Chagnon (Sylvie) : Sept ans.

Mme Tardif : Sept ans.

Mme Chagnon (Sylvie) : Oui.

Mme Tardif : Parfait. Ça remet un peu en perspective. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci. On va céder la parole à la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, Mme Chagnon. J'ai beaucoup de questions à vous poser à la lumière de ce que vous venez de nous présenter.

Dans un premier temps, juste pour que je comprenne bien, vous avez évoqué le fait qu'il y avait beaucoup de réticence au niveau du ministère de l'Environnement. Est-ce que vous sous-entendez ou est-ce que votre lecture, votre lecture de la situation, c'est que, dans le fond, il y avait justement, et il y a encore, dans le fond, une réticence de la part des gens qui sont au ministère, et que... je ne le sais pas, si c'est le changement de gouvernement, est-ce que c'est le contexte, est-ce que c'est la situation qui fait, dans le fond, que ça crée une opportunité pour, dans le fond, abolir le conseil de gestion et ramener l'ensemble des pouvoirs au niveau du ministère. Je comprends que vous n'avez jamais senti une ouverture à lui laisser faire son travail.

Mme Chagnon (Sylvie) : Non, mais, écoutez, c'est sûr que, lorsque le conseil de gestion a été créé, on disait : Il faut faire une réforme, une réforme. On ne peut pas s'attendre à ce qu'on fasse du copie-colle, naturellement. Et si on avait besoin de réformer, c'est parce qu'il y avait quand même... Je veux dire, le Commissaire au développement durable disait qu'il y avait des failles importantes dans la gestion de ce fonds-là. Alors, quand vous modifiez certaines façons de faire ou certaines façons de penser, c'est sûr que ça dérange. C'est certain que ça dérange. Ça, c'est ce qu'on appelle de la gestion de changement.

Vous savez, quand on a commencé, qu'on a demandé, là, régulièrement, deux fois par année, là, suite à une recommandation de la CAP, là, dire : Deux fois par année, on veut avoir des suivis. Ce n'était pas mis en place de façon rigoureuse, ça, ces suivis-là. Mais nous autres on arrive, puis on dit à tous les ministères, 15 ministères partenaires, là : Vous nous faites votre reddition puis rapide, puis tout ça. Je veux dire, ça dérange. Et ce n'est pas tout le monde qui veut, aussi, divulguer au grand public les résultats, mais on a ce devoir-là de transparence. Alors, oui, ça dérange. Oui, on l'a senti. Mais c'est ça, de la gestion de changement.

Mme Montpetit : Et c'est le mandat qui vous avait été donné.

Mme Chagnon (Sylvie) : Et c'est le mandat qui nous avait été donné également pour réformer. Si le Conseil de gestion du Fonds vert avait fait du copie-colle par rapport au travail que le ministère, anciennement qui était le gestionnaire du Fonds vert, bien, aujourd'hui, peut-être que vous m'auriez dit : Mme Chagnon, le Conseil de gestion du Fonds vert n'a pas fait sa job. Probablement que c'est ça que vous m'auriez dit aujourd'hui. Mais là, vous voyez, les travaux qu'on a faits, on a lancé les bases de la gouvernance. Ce n'est pas facile. Transiger avec 15 ministères où est-ce qu'ils ont des... puis je ne veux pas porter... je ne veux pas critiquer les ministères, parce que je le sais qu'ils font un travail énorme, extraordinaire, mais, entre nous là, je veux dire, à un moment donné, peut-être que ces ministères-là vont passer leurs priorités ministérielles avant de passer peut-être des mesures sur les changements climatiques. Et ça, on me l'a dit à maintes reprises dans ma tournée de l'été 2018, on m'a dit : Sylvie, on comprend, là, mais tu n'es pas notre priorité.

Alors, oui, on dérange. Là, on reçoit des appels, là, c'est la fin du PACC qui arrive, là : Bien, on va changer les objectifs. Bien, pourquoi tu veux changer les objectifs? Bien, c'est parce que nos résultats ne sont pas tout à fait au rendez-vous. Mais c'est le travail du Conseil de gestion du Fonds vert d'être transparent. Les ministères, expliquez-vous, pourquoi vous n'avez pas atteint vos cibles. Mais est-ce qu'il faut... On est dans une année, l'année 2020, qui dit «l'année des changements climatiques», et vous voulez faire disparaître le gardien du Fonds vert. C'est une décision du gouvernement. Ça vous appartient. Le futur vous appartient, là. C'est vous, les élus, mais posez-vous la question. Oui, on a dérangé. Oui. Vous me posez la question? On a dérangé, c'est certain.

Mme Montpetit : Vous avez dérangé puis c'est le mandat qui vous était confié. En 2017, la raison pour laquelle le comité a été mis sur pied, justement, c'est pour changer les façons de faire. Donc, changer les façons de faire veut dire, forcément, déranger des façons de faire. J'entends que ça n'a pas plu. Et là ce qui est... avec le projet de loi n° 44, dans le fond, ce que le ministre suggère, c'est de se substituer au travail que vous faites, que vous faisiez, et de revenir à ce qu'il se faisait à l'époque. Et on a déjà fait le constat que cette façon de faire ne fonctionnait pas. Moi, je continue de croire qu'il faut des organisations et des sociétés indépendantes avec une certaine indépendance dans ce dossier-là.

Sur des questions plus précises, est-ce qu'au niveau du conseil, vous avez été mis à contribution? Parce qu'il y a différentes choses qui ont été annoncées, justement, dans le projet de loi... puis là je fais un très, très court aparté, mais le nouveau, justement, groupe... le nouveau comité-conseil sur les... le comité sur les changements climatiques qui a été annoncé comme si c'était quelque chose de nouveau, alors qu'il y a un comité qui existe depuis 2013, puis même avant ça, effectivement, je pense qu'il était enchâssé depuis 2013, et on avait déjà fait la demande l'année dernière à ce que ce comité-là avait été convoqué depuis l'entrée au pouvoir du nouveau gouvernement, il avait été dissous ou, à tout le moins, pas convoqué. Est-ce que, dans le cas de votre comité, est-ce que vous avez été mis à contribution pour trouver des solutions aux problèmes qui ont été soulevés notamment lors du budget l'année dernière?

Mme Chagnon (Sylvie) : Non, on n'a pas été mis à contribution, là. Nous autres... Bon, ce qui a été dit dans le budget, je l'ai appris au discours du budget, là. Il n'y a personne non plus du conseil d'administration qui était au courant, là, du tout.

Pour revenir au comité-conseil, on travaillait avec eux autres. Maintenant, bon, ça a été dissous, ce comité-conseil, de ce que j'ai pu comprendre, mais on travaillait avec ça. Preuve, c'est que, lorsqu'on a soumis notre rapport, nos recommandations, le rapport du mois de novembre 2018, personnellement, je suis allée m'asseoir avec ce comité-là puis on a revu toutes les recommandations qui étaient dans le rapport. Alors, on travaillait avec eux autres.

Mme Montpetit : Est-ce que le ministre a déjà participé ou demandé à rencontrer le Conseil de gestion depuis sa... dans le cadre, vraiment, d'une réunion statutaire depuis son entrée en fonction?

Mme Chagnon (Sylvie) : Non.

Mme Montpetit : Donc, vous n'avez pas eu d'échange, pas de rencontre statutaire, là.

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, on a eu la rencontre, c'est-à-dire, lorsque M. le ministre a été nommé ministre de l'Environnement, alors, naturellement, il y a eu rencontre avec lui. Je lui ai donné mon «briefing book», là, qu'on appelle, et j'ai eu une rencontre au mois d'avril suite au discours du budget, là, et c'est tout.

Mme Montpetit : Donc, vous avez appris non seulement, c'est ça, dans le cadre du budget, les problèmes qui ressortaient, vous avez appris que vous étiez abolis dans les médias. Je comprends qu'il n'y a pas eu d'échanges, justement, sur les différents projets. Est-ce qu'il a demandé à vous rencontrer, justement, pour discuter de ces problématiques de rôles, de responsabilités qui sont ressorties dans, justement, toutes ces questions-là de conflits de rôles entre le ministère puis le comité? C'est parce que moi aussi... on a été les premiers à être surpris de l'abolition du jour au lendemain de cette proposition-là qui est faite. Est-ce qu'il y a eu des échanges? Est-ce qu'il y a eu des discussions? Est-ce que vous avez été consultés? Est-ce qu'on vous a demandé des solutions ou est-ce qu'on vous a demandé votre vision?

Mme Chagnon (Sylvie) : Non, on n'a pas été consultés, là. Que ce soit le discours du budget 2019‑2020, que ce soit le projet de loi, on n'a jamais été appelés ni... j'ai encore confirmé avec le président du conseil, on n'a pas été appelés à commenter.

Mme Montpetit : Donc, je comprends que... Je ne sais pas si je dois en déduire ça, mais que c'est une décision qui a été prise avec peut-être seulement un volet de la médaille. En tout cas, je trouve ça très curieux comme façon de procéder. Je vous remercie de venir nous éclairer là-dessus.

Puis je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais j'aurais aimé ça... Vous avez souligné, tout à l'heure, que les états financiers du Fonds vert n'ont pas été publiés pour les deux dernières années. Comment vous expliquez ça? Puis, j'imagine, forcément, ça a été extrêmement problématique pour pouvoir jouer votre rôle, hein?

• (16 heures) •

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, écoutez, tout ce qui est l'aspect comptabilité, ça n'a jamais été transféré au Conseil de gestion du Fonds vert, c'était gardé par le ministère. Alors, même le plan d'audit des états financiers qui est soumis par le VGQ ne nous a jamais été présenté. Les membres du conseil d'administration ont demandé au VGQ : On veut voir le plan d'audit. Ils ont dit : Non, ça appartient au ministère.

Alors, c'est le ministère qui fait les états financiers du Fonds vert. Alors, posez-vous la question, là. Là, on retourne tout ça au ministère. Mais comment ça se fait que les états financiers, depuis deux ans, même le VGQ... vous allez le voir demain, vous lui demanderez... le VGQ a arrêté ses travaux? Alors, moi, je n'ai pas à commenter, là, mais je pense que vous avez une réflexion à faire.

Alors, on n'a pas les états financiers, et le conseil de gestion qui, selon la loi, doit publier, dans son rapport annuel, O.K., les états financiers du Fonds vert, on n'a pas pu les publier. Et, d'ailleurs, dans notre dernier rapport annuel de gestion, on a mis une note au lecteur. On ne les a pas. On n'a rien de l'aspect financier.

La Présidente (Mme Grondin) : 15 secondes. Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, je vous remercie. Ça apporte... Ça soulève beaucoup de questions, votre témoignage, puis je suis contente que vous passiez au début de nos consultations. Ça nous permettra de poser davantage de questions. Merci beaucoup, Mme Chagnon.

La Présidente (Mme Grondin) : Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci pour votre présentation. En tout cas, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a vraiment mésentente depuis le début, depuis la création du Conseil de gestion du Fonds vert, en 2017, et aussi avec le ministère.

Moi, ce que je vois... je ne sais pas comment appeler ça, mais le fait que vous n'ayez pas accès à ces informations importantes, c'est de l'obstruction pour que vous puissiez faire votre travail. C'est ça qui a été fait. C'est comme si on vous a donné un cheval mais jamais les rennes, puis débrouillez-vous, et, après ça, on vous abolit sans... comme ça, comme lettre à la poste.

Est-ce que vous pensez que ces tensions-là qui existent ont ralenti l'action climatique du Québec?

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, écoutez, on a quand même fait des recommandations dans deux rapports. Maintenant, nous, on ne fait que des recommandations au ministre. Les décisions, par la suite, c'est le ministre, là, et le Conseil des ministres, parce que n'oublions pas que ces argents-là, c'est voté par le Conseil des ministres, là. Tout ce qui est le plan d'action sur les changements climatiques, c'est le Conseil des ministres qui opte pour ça.

Alors, nous, on est là, on est le gardien du Fonds vert, on regarde qu'est-ce qui va bien, qu'est-ce qui va moins bien, où est-ce qu'on pourrait réallouer les sommes d'argent, des choses comme ça. Alors, on fait des recommandations, et ça, c'est notre devoir de faire ces recommandations-là, mais, par la suite, ça appartient vraiment au ministre et au Conseil des ministres de prendre les décisions.

Mme Ghazal : Juste pour être sûre, les tensions existaient depuis le début, là. Ce n'est pas juste uniquement depuis octobre 2018, là.

Mme Chagnon (Sylvie) : Non, non, non. Depuis le début, oui.

Mme Ghazal : O.K. Et aussi, pour le plan stratégique que vous avez déposé au début de l'année, mais que, malheureusement, nous, nous n'avons pu l'avoir que récemment... Je n'irai pas dans tout le cafouillage. On a eu le temps d'en jaser avec le ministre, sur le fait que nous, on n'a pas pu voir vos recommandations qu'avant le temps des fêtes.

J'aimerais quand même revenir là-dessus, parce que, une des choses que vous dites, c'est que c'est important que vos analyses servent à alimenter les discussions qu'on a aujourd'hui. Donc, c'est important de l'avoir. C'est quoi, les éléments qui sont là-dedans et les recommandations que vous trouvez qu'il serait important qu'ils soient insérés dans le projet de loi n° 44?

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien...

La Présidente (Mme Grondin) : Mme Chagnon, vous avez à peine 30 secondes pour répondre.

Mme Chagnon (Sylvie) : O.K. Bien, écoutez, à peine... Écoutez, je pense, tout là... Vous l'avez. Ce sont tous des aspects de gouvernance, mais, de grâce, la transparence, la transparence, la transparence. À l'heure actuelle, il y a encore des problèmes de transparence dans la reddition de comptes. Il n'y a pas une place où est-ce que trouver l'information de façon uniforme... Il faut, il faut absolument qu'il y ait un organisme, oui.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Désolée de vous couper. Donc, nous poursuivons avec le député de Jonquière pour 2 min 40 s.

M. Gaudreault : Oui. Je suis scandalisé, Mme la Présidente. Moi, je suis scandalisé, parce que j'ai l'impression qu'on piétine. Moi, là, j'étais ici, autour de la table, en 2017, avec des collègues de la CAQ qui ont voté pour la création du Conseil de gestion du Fonds vert. Pourquoi? Parce qu'il y avait des gros problèmes de gestion. Des gros problèmes de gestion.

Là, on s'aperçoit, là, qu'après la création du Conseil de gestion du Fonds vert, juste pour avoir du personnel transféré du ministère au conseil, ça a pris huit mois à la direction. Huit mois. Huit mois. Pendant ce temps-là, les deux pires atteintes, c'est quoi? Un, à la confiance du public, qui est l'ingrédient essentiel pour être capable d'atteindre notre défi climatique, et, deuxièmement, sur le fond des choses, pas de réduction de gaz à effet de serre, puis des subventions qui partent de tous bords tous côtés dans la gestion du Fonds vert. Je n'ai pas besoin de vous revenir là-dessus.

Ça a pris un ordre de l'Assemblée nationale, qu'on a proposé, pour envoyer le Commissaire au développement durable et le Vérificateur général pour faire un tour. Puis lui-même nous dit : J'ai besoin d'un peu plus de temps parce que je n'ai tellement pas de collaboration de la part des ministères concernés et du Fonds vert. Alors, on est en train de briser la confiance. Puis le pire, le pire, c'est qu'on est en train de recréer le même problème, de recréer le même problème parce que, Mme Chagnon nous le dit, on... Elle craint un retour aux pratiques déficientes du passé. C'est quoi, ça? C'est une plus grande politisation. C'est un plus grand problème de gestion, moins de transparence. Puis c'est pour ça qu'en 2017, avec l'appui de la CAQ, le projet de loi du gouvernement libéral, à l'époque, avait été adopté.

Alors, il y a un problème, méchant problème. Et moi, c'est là que je veux savoir la vérité. Est-ce que c'est un problème politique, les blocages qu'il y a eu? Est-ce que c'est un problème administratif, où la machine de l'administration publique est plus grosse que la volonté politique, puis là ils gardent, puis ils maintiennent leur statu quo? Ou c'est un mélange des deux?

Puis là il faut qu'on s'inspire de ça pour ne pas répéter, encore une fois, la mauvaise chose puis l'erreur. Alors, je ne sais pas il reste combien de temps pour la réponse, là, sinon, Mme Chagnon peut en ajouter puis nous renvoyer ça à la commission.

La Présidente (Mme Grondin) : 30 secondes, Mme Chagnon.

Mme Chagnon (Sylvie) : Bien, écoutez, vous l'avez dit, M. le député, je veux dire, il y a deux ans, on voulait créer un organisme indépendant pour s'occuper de la gestion. Ça aurait été quoi, tout simplement, de dire : Bien, on a un organisme qui relève du ministre? Donnons le plein pouvoir à cet organisme-là et ne gardons pas la moitié des travaux du côté du ministère, et puis on en donne...

La Présidente (Mme Grondin) : Merci, Mme Chagnon, je suis désolée. Merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains représentants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 07)

(Reprise à 16 h 14)

La Présidente (Mme Grondin) : Donc, nous reprenons nos travaux, s'il vous plaît.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Messieurs, je vous invite à vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et que, par la suite, vous allez amorcer des échanges avec les différents groupes parlementaires. Donc, la parole est à vous. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Bolduc (Denis) : Alors, merci. Merci de nous accueillir, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Mmes les députées, MM. les députés, bonjour. Alors, je me présente, Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ. Je suis accompagné de Patrick Rondeau, conseiller technique, spécialiste à l'environnement à la FTQ.

C'est avec grand plaisir que la FTQ participe aujourd'hui à cette commission pour discuter du projet de loi traitant de la lutte contre les changements climatiques et l'électrification. La FTQ compte 600 000 membres issus de toutes les régions du Québec et de tous les secteurs d'activité économique. Ses membres oeuvrent dans les industries parmi les plus intenses en carbone. Nous sommes présents dans les cimenteries, les alumineries, les pâtes et papiers, les aciéries, les transports, l'agroalimentaire, les mines, etc. Alors, plusieurs de nos membres travaillent directement dans le secteur de l'énergie, que ce soit pour l'hydroélectricité, le pétrole ou le gaz naturel. Comme on dit, on a un certain intérêt, si ce n'est un intérêt certain dans le défi qu'est la transition énergétique. Nous la voulons juste, équitable pour les travailleuses et travailleurs.

Le Québec, comme le reste du monde, d'ailleurs, est confronté à une crise environnementale d'une ampleur inédite. Cette crise exige des transformations aussi rapides que profondes dans toutes les sociétés. Les cibles gouvernementales elles-mêmes visent à réduire de 37,5 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Le gouvernement doit absolument atteindre ces cibles de réduction de GES et considérer même les recommandations du GIEC qui demande aux États d'être encore plus ambitieux. Il est à prévoir que les façons de consommer, de produire, d'échanger des biens et services demanderont un important effort de coordination, de transparence et de financement pour pouvoir mobiliser la société québécoise dans ce sens.

Dans ce contexte, les travailleuses et travailleurs de nombreux secteurs, particulièrement dans les industries les plus polluantes, seront à l'avant-scène de transformations dans les entreprises. Ils risquent de faire les frais d'une transition inéquitable si des mesures et des mécanismes adéquats de financement ne sont pas mis en oeuvre pour les soutenir dans la transition énergétique à entreprendre.

Les défis sont historiques et la tâche est immense. La bonne nouvelle, c'est que le gouvernement n'est pas seul dans cette aventure. La population est prête pour des changements importants. En septembre dernier, 500 000 personnes étaient dans les rues de Montréal et vous demandaient, M. le ministre, d'agir rapidement et concrètement. M. Rondeau y était, j'y étais. Et évidemment qu'on accueille avec intérêt le projet de loi. Cependant, et il y a toujours un «mais», plusieurs éléments devront être précisés et bonifiés pour permettre à cette loi de répondre à ses objectifs. J'y reviendrai dans un instant.

Mais permettez-moi d'abord de démontrer qu'il ne s'agit pas d'un intérêt soudain de la FTQ pour la chose. La FTQ est la centrale syndicale la plus active depuis plusieurs années dans la lutte contre les changements climatiques. Nous faisons la promotion d'une transition juste. Les transformations et les adaptations économiques et industrielles doivent être planifiées de manière à ne pas faire porter par les travailleurs et les travailleuses le fardeau et les coûts humains, économiques et sociaux de cette transition énergétique.

Nous avons déployé d'importants efforts ces dernières années pour nous positionner comme un acteur et un interlocuteur important de la transition juste au Québec, au Canada et même sur le plan international. Voici quelques exemples. Nous avons, à la FTQ, un comité environnement composé de membres provenant de divers syndicats et de secteurs d'activité concernés par la transition énergétique. Nous avons pris part aux consultations qui ont entouré l'élaboration du premier plan directeur de Transition énergétique Québec, le TEQ, et, plus récemment, de celles visant la préparation du prochain Plan d'électrification et des changements climatiques.

On a tissé des liens avec de nombreuses organisations environnementales. On a joint le Front commun sur la transition énergétique pour favoriser le rapprochement et le dialogue constructif entre le mouvement écologiste et les préoccupations des travailleurs et des travailleuses. La FTQ a participé, depuis 2015, aux différentes conférences des parties, les COP, organisées dans la cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

En mai 2018, avec la CSN, la Fondation David-Suzuki, Greenpeace, le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction, la FTQ a convoqué les partenaires de la société civile québécoise et des Premières Nations au Sommet pour une transition énergétique juste. Durant deux jours, 300 participants se sont donné un temps de réflexion et d'échange sur l'état de la transition énergétique au Québec.

D'octobre 2018 à juin 2019, en collaboration avec le Fonds de solidarité et l'Institut de recherche en économie contemporaine l'IREC, la FTQ a effectué une tournée provinciale pour favoriser l'émergence d'initiatives et d'un leadership syndical dans les communautés et régions autour de la transition énergétique.

• (16 h 20) •

Alors, comme vous pouvez le constater, la question des changements climatiques et des défis qui se pointent nous préoccupe grandement, et cela, depuis plusieurs années. Les travailleuses et travailleurs que nous avons rencontrés et avec qui nous avons échangé partout au Québec ont manifesté un grand intérêt à appuyer la transition énergétique dans leur milieu de travail, leur secteur industriel et leur communauté. Ils sont convaincus qu'il en va de leur bien-être. Ils et elles ont cependant insisté sur la nécessité que des mesures structurantes soient mises de l'avant pour assurer une transition juste des milieux de travail et organiser le dialogue social au niveau régional.

L'absence de lieu et de mécanisme de dialogue ou de concertation accroît le risque que des tensions sociales, conjuguées à l'urgence climatique, dégénèrent, comme les événements intervenus ces derniers mois en France avec les gilets jaunes, au Chili ou au Liban l'ont démontré. Dans chacune de ces situations, une simple augmentation du prix de l'essence, du prix du transport en commun ou encore des tarifs de télécommunications ont suffi à changer un climat d'incertitude et de méfiance en crise sociale. Je devine facilement, M. le ministre, que vous ne voulez pas d'un tel scénario. Nous aussi.

Et la FTQ entend prendre les devants de la transition et favoriser la mise en place à l'échelle des entreprises de mécanismes de dialogue social pour permettre à ses membres d'amorcer des changements constructifs et équitables en concertation avec les employeurs. Il faut que tous puissent bénéficier des opportunités de la transition énergétique, et que celle-ci soit porteuse de justice sociale, d'avenir et d'emploi durable pour les communautés.

Le Québec doit travailler sur quelques grands axes. D'abord, le gouvernement doit se donner les moyens d'atteindre des cibles de réduction. C'est sur cela qu'il doit se concentrer. La volonté d'atteindre des cibles fixées doit être inébranlable.

Pour relever le défi climatique, la FTQ est convaincue de la nécessité d'effectuer une transition vers des énergies propres et renouvelables, ainsi que vers une économie verte. Les autorités doivent s'assurer du respect des droits économiques et sociaux des travailleurs et travailleuses, de la pérennité et de la viabilité des emplois et de la durabilité des communautés dans la transition.

Le comité consultatif sur les changements climatiques qui est proposé peut jouer un rôle déterminant. Les critères pour établir la composition du comité appelé à alimenter le ministre sur les gestes à poser doivent être précisés. La société civile et les syndicats doivent pouvoir y trouver une place importante. C'est une condition essentielle, car la transition énergétique ne pourra se faire que si elle repose sur trois forces complémentaires : la volonté politique, le dialogue social et le financement.

Ce doit être clair que ce comité soit doté de certains pouvoirs, qu'il puisse présenter des recommandations et des solutions que le ministre devra nécessairement prendre en considération. Il est intéressant de constater que les recommandations ou conseils que le comité donnera au ministre devront être rendus publics pour une plus grande transparence.

La FTQ travaille déjà en étroite collaboration avec des groupes de la société civile qui font la promotion d'une transition énergétique. Nous l'avons dit, le gouvernement doit jouer un rôle de leader dans la lutte aux changements climatiques s'il veut réussir et atteindre les cibles de réduction. Le gouvernement doit utiliser les groupes qui font, depuis longtemps, de nombreuses années, la promotion d'une transition énergétique.

La FTQ souhaite que le financement pour accompagner les initiatives soit au rendez-vous. Le pire scénario qui pourrait arriver au Québec serait qu'un fossé continue de se creuser entre une partie de la population qui exige des actions radicales pour répondre à l'urgence climatique et une autre partie de la population qui se braque contre le changement, faute de solutions appropriées, viables et justes à sa portée.

La FTQ est en contact quotidiennement avec la travailleuse et les travailleurs qui sont au coeur des transformations nécessaires dans les entreprises. Les efforts de décarbonisation dans les entreprises doivent être réels et concrets, et les incitatifs financiers pour la lutte aux changements climatiques devraient être conditionnels à la formation dans les entreprises mêmes de comités dans lesquels les travailleurs et travailleuses seront partie prenante.

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste 30 secondes.

M. Bolduc (Denis) : Pour conclure...

La Présidente (Mme Grondin) : Parfait.

M. Bolduc (Denis) : ...la participation ou non de la société civile dans la mobilisation du Plan d'électrification et des changements climatiques sera décisive. Un dialogue social large et constructif doit intervenir le plus tôt possible et il doit se structurer à tous les échelons, de manière cohérente et efficace, pour permettre une voie de passage collective viable à une transition réussie. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. Bolduc. Nous allons maintenant amorcer la période d'échange avec les membres de la commission formant le gouvernement. Et vous avez 16 minutes. M. le ministre.

M. Charette : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Messieurs, merci d'être avec nous cet après-midi. Merci également pour tout le travail que vous faites à cet égard-là, au niveau de la transition juste, au niveau des changements climatiques. J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs de vos membres, votre conseiller à plusieurs reprises. Donc, merci pour cette implication-là.

Vous allez me permettre, dans un premier temps, une réflexion. Le débat, depuis quelques années, porte beaucoup sur la diminution des gaz à effet de serre. On y est tous. C'est un défi collectif. Mais ce que je dis souvent, il y a beaucoup de domaines qui sont malheureusement occultés lorsque ce défi-là prend autant de place médiatique. On va moins parler, par exemple, de biodiversité, on va moins parler d'un paquet de sujets qui, en matière environnementale, sont tout aussi importants et on va moins parler aussi de transition juste. Donc, je suis très content de voir que vous insistiez beaucoup sur cet enjeu-là. Pour moi, il est au coeur du défi que devra relever la société québécoise.

Vous avez mentionné que vous aviez plusieurs dizaines de milliers de membres dans plusieurs secteurs. Est-ce que vous avez pu évaluer un petit peu, par exemple dans le domaine des énergies ou sinon des ressources naturelles, combien de membres vous avez? Et je ne demande pas un chiffre précis, mais est-ce que vous avez une petite idée? Est-ce que c'est 500, 10 000, 15 000? Est-ce qu'il y a une évaluation qui a pu être faite à ce niveau-là?

M. Rondeau (Patrick) : Je n'ai pas les chiffres devant moi, là, mais on avait évalué que c'est à peu près 170 000...

M. Charette : 170 000.

M. Rondeau (Patrick) : ...quand on prend les sous-secteurs, et ainsi de suite. Mais on a évalué aussi que les emplois qui pourraient être impactés de façon positive ou négative par les changements climatiques se situent, puis ce n'est pas très scientifique, là, entre 400 000 et 700 000.

M. Charette : Mais... voilà.

M. Rondeau (Patrick) : Donc, c'est très vaste. Mais c'est difficile d'avoir un chiffre juste là-dessus.

M. Charette : Je comprends.

M. Rondeau (Patrick) : Mais c'est clair qu'on ne s'en sort pas avant de 200 000.

M. Charette : Et ce n'était pas du tout une question piège, mais, en même temps, je ne suis pas surpris de la réponse. Ça veut dire qu'on parle de centaines de milliers de personnes au Québec qui peuvent être, de près ou de loin, impactées positivement, sinon négativement. Donc, pour le gouvernement, ce que ça veut dire, on ne peut pas parler d'une rupture radicale de nos façons de faire du jour au lendemain. Sinon, c'est l'économie du Québec, littéralement, qui serait affectée de façon négative.

Cette transition énergétique là, selon vous, pour qu'elle soit juste, prend combien de temps? Pour des travailleurs, que ce soit à travers une nouvelle formation offerte, que ce soit à travers d'autres opportunités, est-ce que vous avez pu estimer? Est-ce qu'on parle, là, de quelques années, de plusieurs années? Est-ce que c'est une évaluation qui est faite de votre côté?

M. Bolduc (Denis) : Une chose est certaine, on n'a pas l'éternité devant nous compte tenu de l'urgence actuelle. Évidemment, ça va prendre quelques années. Combien d'années exactement? C'est difficile à dire. Mais il faut s'assurer, puis je pense que j'ai mis beaucoup d'accent là-dessus, là, dans ma présentation, que les travailleurs, les travailleuses soient consultés puis fassent partie prenante, là, des décisions qui vont être prises notamment contre la réduction des gaz à effet de serre, des plans puis des projets qui vont être mis... qui vont être intégrés dans les entreprises, et tout ça. Mais, combien de temps, c'est difficile à répondre, mais quelques années. Il faut s'y mettre rapidement, ça, c'est clair. Le plus tôt sera le mieux, et il y aura toujours amélioration, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail à faire. On a tellement tardé à se mettre en marche.

Je pense que, dans la dernière année, la dernière année en a été une de conscientisation — et je ne veux pas m'enfarger dans le mot — mais de la population sur cette question-là. Vraiment, là, 2019, on pourra faire une croix sur le calendrier puis dire : C'est en 2019 que la population a réellement, réellement compris, là, qu'il fallait faire quelque chose. Quand 500 000 personnes... parce que, moi, ça fait 30 ans que je milite syndicalement, et quand... J'ai vu ça une fois, 500 000 personnes dans les rues, puis c'est à l'automne dernier, pour la marche sur les changements climatiques et sur le climat, avec la jeune Suédoise, là, et ça, c'est significatif, c'est-à-dire que le gouvernement a toute la légitimité qu'il faut pour agir sur cette question-là puis agir fortement.

La Présidente (Mme Grondin) : M. Bolduc, il y a un principe où le temps de questions versus le temps de réponse devrait...

M. Bolduc (Denis) : On va essayer.

La Présidente (Mme Grondin) : Je vous remercie.

• (16 h 30) •

M. Charette : En même temps, je ne peux pas être en désaccord avec ce que vous mentionnez, le défi est colossal, il faut agir rapidement de façon costaude, mais ça ne peut se faire du jour au lendemain, spécialement si on parle de plusieurs centaines de milliers de travailleurs.

Moi, ce que je souhaite éviter... et, malheureusement, on a déjà des échos, le travailleur ou la travailleuse qui se lève le matin et qui, de bonne foi, va travailler, elle n'a pas l'intention... ou sa mobilisation, ce n'est pas d'aller polluer, elle est peut-être dans un polluant. Ce secteur-là doit être accompagné. Cette personne-là, s'il y a des possibilités, doit être accompagnée pour une formation supplémentaire ou autre. Mais tout ce que je veux dire à travers ma démonstration, c'est que ça ne se fait pas en 24 heures, donc cette transition-là, elle doit être planifiée, elle doit être orchestrée pour éviter de faire des victimes collatérales. Et ça, c'est un discours qui, malheureusement, à l'occasion, est occulté comme celui, je le mentionnais, de la biodiversité, ou autres. Donc, merci de le porter et soyez assurés que c'est dans l'intention du gouvernement, à travers le projet de loi n° 44, notamment, à travers le plan d'action qui va en découler aussi, de se donner les moyens nécessaires pour arriver à cette transition énergétique là, qui est tout simplement incontournable.

Sinon, à travers vos comités, quel rôle souhaitent-ils jouer? Vous avez parlé du comité... Je dois vous avouer, le comité ne sera pas composé de dizaines de personnes, donc il va peut-être y avoir un petit embouteillage au niveau de la composition du comité. Mais, sinon, quel est le rôle des comités que, vous, vous avez mis en place, de cette mobilisation? Vous parliez d'une tournée, j'ai pu effectivement en témoigner au niveau de ses résultats. Moi, c'est tous des éléments que j'accueille extrêmement favorablement, mais quel rôle que vous souhaiteriez jouer, que ce soit à travers le plan d'action à venir, que ce soit à travers la mobilisation citoyenne? Bref, où peut-on développer encore davantage un espace de collaboration qui est déjà excellent, là, ceci dit?

M. Bolduc (Denis) : En faisant cette tournée-là du Québec, on s'est quand même exposés à la critique de la part de nos membres, parce qu'il y a une crainte, hein, et je le disais dans la présentation, si on pose des gestes sans impliquer d'abord les travailleurs et les travailleuses, ils vont se rebuter. Il faut qu'ils comprennent pourquoi. Il faut que les gens comprennent pourquoi on pose tel geste, et c'est important, dans ce sens-là, qu'ils fassent partie du processus décisionnel, des discussions qui vont être mises en place.

Alors là, on a un comité consultatif et on vous demande que le mouvement syndical soit partie prenante de ce comité consultatif là, parce que c'est important, parce qu'il faut qu'on soit... sinon, ça va être difficile d'aller chercher la collaboration. Dans les présentations qui ont été faites partout au Québec, dans la tournée qui a été faite, il y a des gens qui se sont dit : Wo! Moi, ma job, j'y tiens, là. Le discours... ce que vous nous disiez, il y a quelques minutes, là, on l'a entendu de la part de nos propres membres.

Il faut prendre le temps de leur expliquer. Oui, il faut s'occuper des gens et il faut prendre aussi le temps, c'est pour ça qu'on parle d'une transition juste. Il faut prendre le temps de faire une transition vers des moyens qui vont être efficaces, qui vont réduire les gaz à effet de serre, mais dans lesquels les travailleurs, les travailleuses ne seront pas perdants. Il ne faut pas que ce soit eux qui paient le prix des changements qui vont être amenés.

M. Charette : Auriez-vous une façon de m'aider ou de nous aider dans la composition du fameux comité indépendant? Je vous expose la situation suivante. J'ai le milieu universitaire, par contre, par exemple, qui nous dit : On veut y être. On a cinq, six universités au Québec, donc, si chaque université est représentée, du coup, j'ai déjà cinq, six places du comité qui est occupé au niveau syndical. Si on veut faire une place au niveau syndical, on a plusieurs grandes centrales syndicales. Si je donne une place à chacune de ces centrales-là, on aura un comité essentiellement composé de recteurs, rectrices et de représentants du milieu syndical. C'est toutes des présences qui sont pertinentes, mais est-ce que le milieu syndical serait capable, peu importe l'affiliation, peu importe la centrale, de désigner, par exemple, un représentant, ou chaque centrale, à votre sens, devra être représentée sur ce comité-là?

M. Rondeau (Patrick) : Écoutez, quand on parle, en fait... si je peux me permettre... quand on parle des sièges réservés au mouvement syndical, c'est sûr qu'on fonctionne déjà par collège au niveau du monde syndical, donc de déléguer une centrale syndicale au nom des autres, c'est quelque chose qui est possible. Ceci étant dit, une seule centrale syndicale, ça devient difficile. C'est pour ça qu'on se dit minimalement deux parce qu'il y a des différences majeures dans le monde syndical. La FTQ est une bête à part un peu parce qu'on est la seule centrale syndicale... de un, de loin la plus grosse au Québec, on est plus de 650 000; la CSN, par la suite, un peu moins de 300 000; et, après ça, bon, c'est beaucoup moins. Mais on est le seul qui représente l'ensemble des secteurs énergétiques dans tout le Québec. On est celui aussi qui représente le plus le secteur privé, contrairement aux autres, qui sont plus de nature publique, mais ils ont une importance à ce niveau-là que nous n'avons pas. Donc, c'est pour ça qu'on s'interpose comme un acteur incontournable et on ose aussi se présenter comme experts sur la transition. Juste depuis 2014 que nous travaillons le dossier, on ne compte plus le nombre d'interventions où on nous a demandé d'intervenir, faire des conférences, des ateliers, etc., autant au Québec, au Canada qu'à l'international. Donc, c'est un sujet qu'on connaît bien.

Et, peut-être, en terminant, pour nous, la transition juste n'est pas simplement de comprendre quelle formation que les gens auront lorsqu'ils perdront leur emploi. Ce n'est pas ça qu'ils veulent entendre, les gens. Ils ne veulent pas savoir, en fait, qu'est-ce qu'on va faire de leur perte d'emploi, ils veulent savoir où est-ce qu'ils peuvent interagir pour préserver leur emploi, améliorer leurs conditions et créer des opportunités économiques et au milieu des communautés face à leur emploi.

Et ça, je vous dirais qu'il y a juste la FTQ qui peut le faire, parce que c'est notre membership, il est représentatif, et nous représentons ces gens-là. Donc, c'est à ce niveau-là d'expertise, comment est-ce qu'on peut mettre en action ces travailleurs-là dans un dialogue et les mobiliser vers des solutions qu'on offre, en fait, notre expertise; et qu'on demande, en fait, à ce que les... Autrement, bien, on va avoir des gens qui vont parler pour nous, et, à ce moment-là, bien, on ne règle absolument pas le problème, on le crée encore plus.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. Rondeau. Je cède maintenant la parole au député de Bourget. Il vous reste... il reste, en fait, quatre minutes.

M. Campeau : O.K. M. Bolduc, M. Rondeau, merci. Je pense qu'il y a autant des commentaires que des questions. La marche qui a eu lieu en septembre, j'y étais aussi. En fait, nous y étions, des membres du ministère, des membres de mon bureau aussi et, oui, j'ai vu une mobilisation fort intéressante. Quand je regarde le nombre de VUS, je ne pense plus la même chose. Alors, j'ai l'impression qu'on est à un point important où il faut que ce message-là passe, que les gens ressentent que c'est leur mode de vie qui vient affecter le climat, et juste marcher dans la rue n'est pas suffisant. Alors, je reviens toujours à mon dada de mobilisation, on va finir par trouver que je me répète.

Je vous dirais, aussi, vous parlez de la transition juste. J'ai toujours trouvé ça intéressant, puis, en même temps, ça fait longtemps que je me dis : Je ne comprends pas. Moi, j'ai vécu des usines de pâtes et papiers. On avait investi pour faire du papier photo. Après deux ans, il n'y en avait plus, de papier photo. Alors, la transition juste, ça se produit dans un cadre qu'on essaie de contrôler. Puis à certains moments, quand on parle de cet exemple-là qui est arrivé de façon très rapide, c'est dur à contrôler. On voudrait le contrôler. La même chose que ce qui peut arriver avec le Publi-Sac, les Pages Jaunes. Évidemment, je prends des exemples dans un domaine que je connais plus, vu que c'est pâtes et papier.

Ce n'est pas facile à faire. Tout le monde la souhaite, cette transition juste, mais ce n'est pas simple. Et, de temps en temps, même une transition, parfois, on la voit négative, mais ça peut être bénéfique aussi, parce que ce n'est pas tout le monde qui est affecté négativement. Alors, j'aimerais ça vous entendre plus, mais j'avoue que je ne sais même pas trop comment poser ma question. Comment vous voyez ce côté juste? Comment on le définit?

La Présidente (Mme Grondin) : Vous avez deux minutes pour y répondre, et moins parce qu'il y a d'autres députés qui souhaiteraient poser des questions aussi.

M. Bolduc (Denis) : Oui, en fait, bien, sur la première partie, là, il y a des efforts d'éducation du public à faire, des efforts très, très importants, c'est évident, pour amener les gens à penser comme ça puis d'acheter une voiture électrique, hybride ou... encore faut-il que ce soit disponible, là, de façon plus large. On y arrive. On y arrive, mais je donnerais l'exemple, par exemple, du recyclage, là. Au début, là, les gens jetaient tout et il y a eu des campagnes publicitaires à répétition pour amener les gens à déposer le verre, le papier dans le bac à recyclage, et, aujourd'hui, on y est arrivés. Les gens ont pris cette habitude-là. Ça a été long, j'étais petit garçon puis on commençait à parler de ça, là, et, aujourd'hui, on y est arrivés.

Et je pense que c'est pour ça qu'on aborde la question dans notre mémoire concernant l'éducation, qui est nécessaire auprès de la population, pour les amener à faire des changements dans le comportement. Vous savez, les gens ont souvent la remarque, quand ils entendent parler... je l'entends souvent dans mon entourage : Bien, on ne me dira pas quoi manger, on ne me dira pas quoi conduire, puis on ne me dira pas... C'est un réflexe naturel. Bien, il faut que les gens se fassent dire qu'il y a des changements qui sont nécessaires, puis de le répéter continuellement. Puis ça va prendre une grande campagne d'éducation auprès du public, c'est certain.

• (16 h 40) •

<17827 >17827 La Présidente (Mme Grondin) : Donc, il reste à peine 20 secondes. Je sais que, Mme la députée de Jean-Talon, vous voulez intervenir, mais êtes-vous capable en à peine 15 secondes?

Mme Boutin : Ils n'auront pas le temps de répondre à ma question. C'était concernant votre recommandation n° 6, sur votre politique industrielle, recommandation fortement intéressante.

La Présidente (Mme Grondin) : Donc, je suis désolée. Nous allons maintenant céder la parole à l'opposition officielle. Donc, ils disposent de 10 min 40 s. Mme la députée... Ah! M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous voulez répondre juste rapidement à la question de ma collègue de Jean-Talon.

M. Rondeau (Patrick) : C'est-à-dire que, quand on parle de synergie industrielle, c'est-à-dire qu'on a un royaume, un peu, de PME au Québec, donc de supporter tout le fardeau de la transition énergétique est impossible pour certaines PME. Mais, si on les met en synergie ensemble, notamment sur les extraits industriels, et qu'on récupère notamment les déchets pour en faire de la bioénergie, bien là, il y a une autre logique qui se met en marche. Donc, c'est un petit peu ça. Il faut absolument organiser ça au Québec et de faire en sorte que le fardeau de la transition puisse être appuyé par différentes industries. En réponse très, très courte.

M. Kelley : Parfait, merci. Puis, juste une question, je veux juste bien comprendre votre première recommandation. C'est quoi, le lien, exactement, avec le Fonds vert et c'est quoi, votre proposition, exactement, sur les tarifaires... sur le carbone, sur les importations?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, écoutez, essentiellement, c'est la provenance du FECC. On a un problème de compétitivité, et notre crainte, c'est que, si on met beaucoup de pression sur les industries — notamment, par exemple, les aciéries, c'est un exemple sur lequel on a beaucoup de craintes au niveau des métallos, qui est un de nos affiliés — c'est que, finalement, bien, on va cesser de produire de l'acier, ou on va faire importer certains matériaux qui sont plus polluants, ou on va faire carrément de l'importation de matériaux. Donc, à ce moment-là, on n'a absolument pas réglé le problème. On a réglé le problème pour le Québec, mais on ne règle pas du tout la question des gaz à effet de serre, puis on vient nuire d'un point de vue économique, et on vient nuire au niveau des travailleurs.

Donc, il faut absolument trouver d'autres mécanismes, comme, par exemple, des barrières tarifaires au niveau du carbone, aux frontières, mais, naturellement, ça ne peut être fait par le Québec, ça doit être fait par le fédéral. Donc, la recommandation, c'est que le gouvernement du Québec fasse des pressions en ce sens pour s'assurer, là, qu'on a des règles de jeu économique justes.

M. Kelley : Et c'est juste une question... parce qu'on vient de signer une entente avec les États-Unis puis le Mexique, puis, malheureusement, c'était quelque chose qui a été laissé à côté, je pense, puis ce n'était pas une question de volonté du Canada, je pense, c'était un petit peu une question de nos voisins, le sud. Mais est-ce qu'il y a d'autres mesures que le Québec peut prendre, ou que même le Canada peut prendre, pour créer cette égalité que vous parlez?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, il faut avoir la réflexion à ce sujet-là. C'est pour ça que nous, on recommande, absolument, le plus rapidement possible, qu'on commence à plancher là-dessus et voir ce qui peut être fait, parce que, même là, les accords de libre-échange ne nous le permettent pas nécessairement. Il faut absolument qu'on se donne des règles à ce niveau-là. Donc, ce qu'on demande concrètement, c'est que le gouvernement du Québec entame cette réflexion-là pour déposer un projet concret au niveau du fédéral.

M. Kelley : Parfait, merci. C'est correct pour moi.

La Présidente (Mme Grondin) : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à tous les deux, rebonjour, en fait. Quelques questions, notamment, dans le mémoire que vous avez déposé, vous nous soulignez que vous êtes mitigés concernant... mitigés ou partagés, en fait, concernant l'abolition de TEQ, qui est proposée dans le projet de loi n° 44. Vous évoquez, entre autres, l'importance d'expertise puis d'une indépendance importante, là, de TEQ, là, à l'heure actuelle. Puis j'aimerais ça que vous puissiez... parce que, vraiment, vous l'avez survolé dans votre mémoire, mais est-ce que vous pouvez nous préciser davantage, justement, ce qui fonctionne, ce qui, à vos yeux, doit absolument être conservé? Juste pour bien comprendre où votre coeur balance, justement, là.

M. Rondeau (Patrick) : Bien, en fait, ça revient aux commentaires que mon collègue a dits tantôt au niveau du comité consultatif. En fait, c'est la place des syndicats et des représentants des travailleurs, parce que, si on veut parler de transition juste, il faut que ça soit par ceux qui travaillent le dossier et qui en subissent les impacts, qu'ils puissent en parler. Et c'est quelque chose qu'on ne retrouvait pas au niveau de TEQ, notamment au niveau de la table des parties prenantes, où la représentativité de la société civile était quasi inexistante. Donc, ça, c'était notre critique principale, et on ne veut pas recréer cette situation-là spécifiquement. Et, par le fait même, c'est que, du moment où on a des gens différents autour d'une table, bien, la réponse va être différente et va toucher plus de gens aussi par le fait même. Quand on regarde la synergie qu'il y avait peut-être entre TEQ et les entreprises, bien, ça se passait beaucoup uniquement au niveau de programmes qui sont importants, puis on est contents qu'ils soient maintenus, mais qui se passaient au niveau des employeurs, et les organisations de travailleurs où les travailleurs n'avaient pas voix au chapitre à ce moment-là. Et moins ils ont voix au chapitre, et plus ils se braquent contre la transition énergétique. Donc, c'est à ce niveau-là. Mais on sait aussi, on est tout à fait conscients que d'autres ont demandé aussi à ce que ce soit scindé, à ce que ce soit peut-être une société d'État. C'est d'autres propositions aussi auxquelles on est à l'aise avec, mais le plus important derrière ça, c'est qu'il faut absolument que le mouvement syndical soit présent là où il y a des décisions qui se prennent.

M. Bolduc (Denis) : Et j'ajouterai que la présentation juste avant nous, là, a fait en sorte qu'on a raison, je pense, de s'inquiéter de l'indépendance, là, concernant les décisions qui sont prises, puis du comité, et tout ça. Je pense que c'est assez intéressant, ce qu'on entendait précédemment.

Mme Montpetit : Je ne vous le ferai pas dire, c'était très intéressant, puis j'ai l'impression qu'on n'a pas fini la discussion qui a été commencée avec le groupe qui vous précédait, effectivement. Puis ce que je comprends, dans le fond, c'est ça, de votre présentation... Puis on avait eu l'occasion, on s'était rencontrés, justement, à la dernière COP, hein, à Madrid, on a eu cette discussion-là sur la transition juste. Puis je trouve ça très intéressant, vous saisissiez chaque occasion, justement, pour venir en parler puis le mettre de l'avant, parce que c'est vrai qu'on s'apprête ou on devrait s'apprêter, à tout le moins, probablement, à vivre quelque chose d'aussi important que la révolution industrielle, là. Donc, c'est des centaines, milliers d'emplois qui, potentiellement, seront touchés.

Je pense que c'est important — en le sachant à l'avance, on ne devrait pas être surpris, là, de la direction qu'on est en train de prendre — de s'assurer, justement, que le volet social, hein, dans le développement durable, économique, environnemental et social, soit pris en compte, justement, pour que les travailleurs de ces différents milieux, que ce soit le milieu minier ou autre, fassent partie d'un plan. Et je comprends que votre demande, elle ne concerne pas seulement le projet de loi n° 44, mais aussi au plan tant attendu du gouvernement que, quand il y aura un plan de déposé, justement, qu'il y ait un volet social très important aussi, là.

Puis, juste pour clarifier, parce que vous venez de le répéter, là, sur la présence des mouvements syndicaux, justement, sur le comité, puis le ministre vous a posé quelques questions sur votre vision de ça, mais combien de — dans le fond, là, plus précisément, parce qu'on va avoir ces échanges-là à faire — combien de représentants devraient être sur le comité? De quelle façon vous voyez ça? Parce que, très rapidement, la réponse va sûrement être... bien, elle l'était déjà, là : il y aura embouchure à la demande. Donc, je pense que c'est important que vous profitiez de l'occasion pour nous dire, vous, à ce niveau-là, le nombre ou, en tout cas, un indice de grandeur, là.

M. Bolduc (Denis) : Bien, au moins deux. Je pense, Patrick a bien donné l'explication tout à l'heure. C'est sûr qu'on est la plus grande centrale. On dit: S'il y en a juste un, ça doit être nous, là. La FTQ, ça, c'est sûr qu'on va toujours dire ça, mais il y a quand même des particularités d'une centrale à l'autre, et on est bien différents, par exemple, de la CSN, qui est la deuxième plus grande centrale au Québec. Nous, on est beaucoup dans le privé, et les autres centrales oeuvrent beaucoup dans le secteur public, bien qu'on ait du public à la FTQ, on en a quand même pas mal. Et donc je crois que ça prend au moins deux représentants, et on doit y être.

M. Rondeau (Patrick) : Mais, dans tous les cas, ça doit être représentatif de ceux qui vont subir les impacts et ceux pour qui une solution est à leur portée. Et on doit offrir cette solution-là, à défaut de quoi, encore une fois, ils vont se braquer.

Mme Montpetit : Parfait, je vous remercie beaucoup.

<R>15407 Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Donc, on parle beaucoup de transition juste, vous en parlez beaucoup, vous y réfléchissez énormément, puis, des fois, comme le disait le député de Bourget, ce n'est pas clair de qu'est-ce qu'on parle, puis souvent... parce que tout le monde est pour que tout le monde garde son emploi tout en faisant la transition, ça, c'est sûr, mais, une fois qu'on a dit ça, comment est-ce qu'on le fait? Puis je trouve intéressante votre recommandation n° 12 et n° 13, où vous amenez, ce n'est pas la seule solution, mais un outil pour permettre la mise en place de la transition juste, qui est d'exiger des entreprises des plans de décarbonisation.

J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Concrètement, ça serait quoi, par exemple? Sous quelle forme ça serait mis dans les industries? Il y en a qui disent : Ça serait un peu comme des comités paritaires santé-sécurité. Est-ce que c'est déjà commencé? Est-ce qu'il y a des exemples où ça fonctionne, peut-être, au Québec ou ailleurs? Puis, au-delà d'exiger ça des compagnies... Puis le ministre vous demandait combien de temps ça va prendre, quel rôle le gouvernement peut jouer pour faciliter la mise en place de ces plans de décarbonisation.

• (16 h 50) •

M. Rondeau (Patrick) : Bien, il y a une question de financement, effectivement, mais, en fait, l'idée, derrière ça, c'est de mobiliser, en fait, les travailleurs et les travailleuses. En fait, quand on met le fardeau de l'effort sur des individus, ils vont faire l'effort d'essayer. Donc, si on fait l'inverse et qu'on essaie de régler pour eux, ils vont se braquer en disant : Bien, ce n'est pas des solutions qui sont à ma portée. Donc, c'est un petit peu ça, l'idée derrière ça. Et on l'avait offert, et on le réitère encore à M. le ministre, en fait, de peut-être mettre un groupe de travail sur la transition juste, qui pourrait être coprésidé par les syndicats et le Conseil du patronat, particulièrement nous, pour pouvoir creuser cette question-là. Et ça pourrait être un groupe de travail issu du PECC, là. Sinon, on l'avait proposé au niveau d'un sous-comité aussi du CCTM. Il y a différents endroits où on peut travailler là-dessus.

Donc, je pense qu'il faut travailler cette question-là, et on ne part pas de... ce n'est pas un concept qui est flou. C'est un concept qui est reconnu, il y a des principes directeurs de l'OIT qui existent sur la transition juste, il y a une déclaration sur le travail décent, il y en a une sur la justice sociale, qui définissent très bien la notion de «juste». Et je vous invite aussi... Au niveau de la FTQ, on a commencé à produire de la littérature aussi, on a produit un guide argumentaire sur la transition juste, c'est des étapes très concrètes pour l'atteindre. Donc, il y a de plus en plus de littérature qui existe, donc on est au service du Québec à ce niveau-là, parce que c'est important pour nos membres.

Mme Ghazal : Mais le plan de décarbonisation dans les entreprises, par exemple, comment est-ce qu'il pourrait être mis en oeuvre, tu sais, plus concrètement? Est-ce qu'il y a déjà des entreprises qui pourraient être suivies, qui le font de façon volontaire, sans que ça soit exigé?

M. Rondeau (Patrick) : On n'en a pas, pour l'instant, des exemples comme tels, mais on a beaucoup de discussions avec certains de nos secteurs, dans certains secteurs névralgiques, au niveau des raffineries, au niveau de la construction, au niveau du gaz naturel. On a ce dialogue-là avec nos membres pour l'instant. Ils se demandent eux-mêmes comment l'adresser face à l'employeur. Mais, je vous dirais, au niveau d'Énergir, il y a eu déjà de premiers contacts avec l'employeur, avec le Fonds de solidarité de la FTQ. Donc, il y a quelques synergies comme ça qui sont en train de se créer, mais je vous dirais qu'on est aux balbutiements, là, de ces étapes-là.

Mais, encore une fois, ce serait trop long pour le temps imparti, mais on a établi des étapes très précises à suivre pour pouvoir atteindre ces plans de décarbonisation là. Donc, on essaie de les suivre, là, il y en a cinq en tout et partout, là.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Je veux vous féliciter pour... je vais dire, courage de faire ce combat-là, parce que je suis sûr qu'à l'intérieur même de vos instances, ça ne doit pas toujours être simple. Parce que, dans le fond, les grands gains, quand on regarde historiquement, là, les dernières années, les grands gains qu'on a eus, pas suffisants, mais quand même, en réduction de GES, finalement, là, on va se le dire, c'est beaucoup relié à la crise financière de 2008, où on a perdu, malheureusement, des entreprises, ce qui a fait diminuer les GES. C'est un peu ça, la réalité. Donc, les prochains gains à faire dans le secteur industriel seront énormes, énormes, énormes, et je suis heureux de voir que c'est au coeur de vos discussions. J'ai eu l'occasion d'aller au congrès que vous avez tenu ici, l'autre bord de la rue, un peu avant les fêtes, et j'ai constaté ça.

Maintenant, il faut aussi faire la part des choses. Il y a les entreprises actuelles, mettons, la pétrochimie, les raffineries de l'est de Montréal ou, bon... mais il y a aussi des opportunités à ne pas saisir, dans le sens... GNL Québec, par exemple. Mais c'est sûr que c'est très attirant pour des travailleurs de la construction, mais il faut faire voir tout de suite les opportunités, par exemple, dans des programmes d'efficacité énergétique comme ceux qui nous ont été présentés à la COP25, avec nos amis de Fondaction CSN, je sais que vous collaborez avec eux. Alors, c'est un gros travail pédagogique, là, je n'ai pas vraiment de question, c'est plus un commentaire, mais comment vous voyez ça?

M. Bolduc (Denis) : C'est sûr, en faisant la tournée, là, je le disais, tout à l'heure, on s'est exposés, là, on s'est exposés pour avoir des...

M. Gaudreault : Des claques.

M. Bolduc (Denis) : Des claques, oui — je pensais à autre chose, ce n'était peut-être pas parlementaire — mais on l'a fait pareil. On l'a fait pareil parce qu'il y a un intérêt, il y a une nécessité, le Québec doit aller dans ce sens-là. Il ne faut plus se poser la question, il faut travailler dans ce sens-là, puis il faut faire en sorte qu'on mette en place des dispositions pour que les gens adhèrent à ce qu'on va leur proposer. Puis, s'ils ne sont pas dans le coup, bien, ils n'embarqueront pas. Ils n'embarqueront pas.

Le Président (M. Polo) : ...15 secondes.

M. Gaudreault : Oui, bien, 15 secondes, juste assez pour dire : Sur votre recommandation n° 1, sur les barrières tarifaires, vous auriez pu y faire une deuxième recommandation, c'est que le Québec soit un pays. Alors là, on serait autour de la table pour discuter des barrières tarifaires. Alors, moi, je vous recommande un amendement à votre mémoire pour ajouter cet élément, là, très, très important. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci, merci beaucoup. On prend une petite pause, merci.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Polo) : Parfait. Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association de l'industrie électrique du Québec. M. Tremblay, président-directeur général ainsi que M. François Toussaint, qui l'accompagne. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Association de l'industrie électrique du Québec (AIEQ)

M. Tremblay (Denis) : Merci. Alors, mon nom est Denis Tremblay, je suis P.D.G. de l'Association de l'industrie électrique du Québec et je suis accompagné de François Toussaint, qui est analyste à l'association.

Alors, l'AIEQ remercie la Commission des transports et de l'environnement pour son implication à cette consultation particulière, qui nous permet de nous faire connaître, faire connaître le point de vue de l'industrie électrique du Québec relativement au projet de loi n° 44. L'industrie que nous représentons est interpelée au premier degré par les efforts du gouvernement pour accélérer l'électrification de l'économie du Québec et contribuer à réduire son empreinte carbone.

Nos commentaires font écho à notre participation active au groupe de travail sur l'électrification pour conseiller le gouvernement sur le Plan d'électrification et de changements climatiques, le PECC. Ce groupe de travail avait pour mandat, comme vous le savez, de faire part des recommandations et d'identifier les actions prioritaires en ce qui a trait au potentiel d'électrification des secteurs transport, bâtiments et des industries et également de valider l'importance de mettre de l'avant un vaste chantier d'efficacité énergétique.

Un mot sur notre association. Alors, l'AIEQ est un organisme à but non lucratif qui a célébré ses 100 ans d'existence récemment. L'Association de l'industrie électrique du Québec regroupe les divers intervenants de l'industrie électrique du Québec, un secteur économique de premier plan qui emploie 63 000 personnes, qui contribue aux exportations du Québec à hauteur de 5 milliards annuellement et représente 4,4 % du PIB de la province. L'AIEQ contribue au rayonnement de l'expertise, et du savoir-faire, et de la capacité d'innover de l'industrie électrique du Québec partout dans le monde. Elle réunit des entreprises dans cinq grandes catégories, qui sont : les producteurs, transporteurs et distributeurs d'électricité, privés et publics, les fabricants d'équipements servant à la production, au transport et à la distribution, les fabricants de matériels électriques, les firmes de génie-conseil qui ont l'expertise liée à la production, au transport, distribution, les entrepreneurs en construction qui ont une expertise liée au même domaine.

L'AIEQ favorise le rayonnement au Québec et à l'international des entreprises québécoises oeuvrant en énergie tout en favorisant le développement des connaissances en production d'énergies renouvelables à faibles émissions de GES ainsi qu'en transport, distribution d'énergie électrique, et en gestion efficace de l'énergie. L'AIEQ encourage l'utilisation rationnelle des ressources énergétiques, dans le respect des collectivités. Nous sommes intervenus dans différents débats, que ce soit au BAPE, à la Régie de l'énergie ou lors de commissions parlementaires, comme aujourd'hui.

Alors, nous avons organisé nos commentaires selon quatre secteurs ou quatre enjeux. Le premier, évidemment, concerne la nécessité d'une gouvernance efficace à la hauteur du défi de réduction des gaz à effet de serre. À cet égard, l'AIEQ note que le projet de loi n° 44, évidemment, étend considérablement les pouvoirs et les responsabilités du ministre de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques. L'AIEQ reconnaît le droit au gouvernement de changer les structures de gouvernance de la lutte aux changements climatiques pour réaliser les objectifs de ses politiques et d'atteindre ses cibles de réduction de GES.

À notre avis, pour répondre aux attentes élevées du public à l'égard des enjeux liés au réchauffement climatique, les changements proposés par le projet de loi n° 44 doivent être accompagnés de mesures spécifiques afin d'assurer le maintien d'un haut niveau de transparence et d'imputabilité. Notamment, les mécanismes de reddition de compte quant à l'atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent être transparents et rigoureux. À cet égard, le Commissaire au développement durable devrait disposer de pouvoir accru, selon nous, pour pallier à la disparition du Conseil de gestion du Fonds vert.

Considérant l'intention gouvernementale d'abolir l'organisme de Transition énergétique Québec, TEQ, il nous apparaît essentiel que le travail considérable accompli par TEQ soit récupéré par le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Et, dans le même esprit, il est très important, selon nous, d'assurer la poursuite et la pérennité des programmes dont l'efficacité a été démontrée. L'AIEQ considère que le changement proposé à la structure de gouvernance et à l'élargissement des rôles du ministère de l'Environnement ainsi qu'au MERN doit être accompagné par une meilleure coordination des actions concrètes qui seront mises de l'avant au sein de nombreux ministères engagés dans la lutte aux changements climatiques. Le MELCC, ayant un rôle spécifique à cet égard, par le biais d'avis sur les mesures prises par d'autres ministères... nous croyons qu'il serait souhaitable de rendre publics ces avis, afin d'assurer une plus grande crédibilité au système.

L'AIEQ soutient que les mesures qui seront mises de l'avant par le MELCC et le MERN doivent tenir compte de l'état d'évolution rapide des technologies, notamment les technologies développées au sein d'entreprises québécoises qui offrent des solutions en matière de lutte aux changements climatiques. De plus, le gouvernement doit accompagner adéquatement les entreprises qui doivent améliorer leur bilan environnemental et énergétique.

L'AIEQ est d'avis que le changement de structure proposé par le projet de loi n° 44 peut ouvrir la voie à une implication active, au plus haut niveau, de nombreux ministères concernés dans la lutte aux changements climatiques, incluant le Conseil du trésor. Cette mobilisation pluriministérielle, appuyée par un leadership clair et affirmé au plus haut niveau du gouvernement du Québec, est essentielle, selon nous, pour assurer l'atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.

L'AIEQ salue l'initiative du gouvernement de constituer un comité consultatif qui réunit des experts de la société civile possédant des expertises significatives et variées afin de conseiller le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles dans l'élaboration de son plan directeur de la transition et innovation énergétique. L'AIEQ souligne que le choix des membres de ce comité devrait être fait en fonction des expertises variées et complémentaires et que ceux-ci soient en contact étroit avec les entreprises du secteur de l'énergie verte et de celui de l'environnement. L'AIEQ est ouverte à collaborer avec le gouvernement au sein d'un tel comité.

Le deuxième enjeu sur lequel nous aimerions nous prononcer, c'est l'électrification, l'innovation et l'efficacité énergétique au coeur de la transition énergétique. Au-delà des considérations légitimes pour améliorer la gouvernance, l'AIEQ est d'avis que le gouvernement doit jouer un rôle plus actif pour soutenir les efforts d'innovation qui sont à la base d'une meilleure utilisation de l'énergie sous toutes ses formes. L'AIEQ considère que le défi de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment en électrifiant davantage l'économie, constitue une opportunité pour de nombreuses entreprises d'innover davantage et, par le fait même, de mieux positionner l'industrie électrique du Québec sur les marchés internationaux.

L'AIEQ estime que la meilleure façon de tirer avantage du système québécois de plafonnement et d'échange des droits, le SPEDE, les droits d'émissions, est de soutenir activement l'innovation et le développement de nouvelles technologies. Sans la disponibilité de nouvelles technologies économiquement rentables, il y a un risque réel que les objectifs louables du SPEDE se transforment, pour certaines entreprises, en taxe additionnelle, sans effet réel souhaité sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'AIEQ est convaincue que le Québec a tout à gagner à accroître l'électrification de son économie. Rarement a-t-on vu autant d'intérêt pour les énergies renouvelables et plus particulièrement pour une utilisation accrue de l'énergie électrique verte, et ce, autant au Québec, au Canada qu'à l'international. La transformation du secteur de l'électricité à l'échelle mondiale, notamment pour accroître les disponibilités d'énergie électrique, offre de multiples occasions d'affaires à saisir pour les entreprises du Québec. De nombreux domaines, que j'ai cités dans le document que vous pourrez lire, sont concernés par ces opportunités.

L'enjeu n° 3, à notre avis, c'est de faire du Québec un leader mondial en transition énergétique. L'expertise, le savoir-faire des entreprises de l'industrie électrique du Québec sont des atouts majeurs propices à positionner le Québec parmi les leaders mondiaux de l'électricité verte sous toutes ses facettes. Le Québec a le potentiel d'être un carrefour d'innovation reconnu mondialement pour sa capacité d'accélérer le déploiement des technologies et des infrastructures favorisant l'utilisation intelligente de l'énergie électrique verte. En fait, beaucoup d'axes d'innovation importants ont été mentionnés dans le document. Je vous invite à aller en prendre connaissance.

Et le dernier enjeu sur lequel on aimerait se prononcer, sur la nécessité de mobiliser l'industrie en concertation avec les actions gouvernementales : à l'instar de ce qui a été fait dans certains secteurs économiques, on pense au secteur aéronautique via la mise en place d'AéroMontréal, l'AIEQ insiste pour que le gouvernement mette en place rapidement une stratégie concertée gouvernement-entreprises-institutions, pour tirer le plein potentiel des investissements massifs qui seront faits au niveau mondial en lien avec le vaste domaine de l'électricité verte.

Actuellement, le Québec compte plusieurs entreprises performantes dans le secteur de l'énergie électrique. L'AIEQ croit fermement qu'une telle stratégie est nécessaire afin d'accroître les collaborations en matière d'innovation et de mise en marché. Une étude d'opportunité réalisée en 2019 par la firme Deloitte, en collaboration avec l'AIEQ, le MEI, le MERN et TEQ, est venue confirmer ce besoin d'une stratégie concertée et la pertinence d'agir rapidement. Merci.

• (17 h 10) •

Le Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup. Nous allons débuter avec une période d'échange avec le ministre et la partie gouvernementale.

M. Charette : Merci, M. le Président. Messieurs, merci d'avoir fait le déplacement vers nous cet après-midi. Sans résumer à outrance votre mémoire, j'en décode effectivement quatre enjeux. La nécessité d'une gouvernance efficace, je vous dirais que c'est le coeur même du projet de loi n° 44. On l'a vu tout à l'heure, avec le Conseil de gestion du Fonds vert, TEQ et autres, il y a une grande confusion actuellement qui règne sur les rôles et responsabilités de chacun. Donc, lorsque vous parlez de gouvernance efficace, nous y sommes également.

Lorsque vous parlez de l'électrification et de l'innovation au coeur de la transition énergétique, vous ne serez pas surpris, en lisant le libellé que l'on souhaite donner à ce fonds-là, c'est-à-dire le fonds de l'électrification et des changements climatiques, que la stratégie va largement reposer notamment sur l'électrification. On parle beaucoup de l'électrification des transports, mais vous êtes bien placés pour savoir qu'il y a une électrification aussi possible au niveau, tantôt des procédés industriels, tantôt au niveau des bâtiments, tantôt au niveau de l'économie elle-même. Donc, cet enjeu, on le rejoint entièrement.

La volonté de faire du Québec un leader mondial de la transition énergétique aussi... Ce qu'on a eu l'occasion de mentionner ce matin, au cours des prochaines années, ce sont des milliers de milliards qui, à l'échelle planétaire, seront investis au niveau de la lutte aux changements climatiques. Donc, le plus tôt le Québec s'inscrit comme leader dans cette dynamique-là, le plus tôt il pourra effectivement être reconnu comme tel et en bénéficier au niveau de son économie.

Et enfin la nécessité de mobiliser l'industrie en concertation avec les actions gouvernementales, ça aussi, c'est fondamental. On n'y parviendra pas seuls. C'est un projet de société, là, certainement très emballant, et c'est comme ça qu'on le reçoit au niveau du gouvernement.

Déjà, peut-être pour vous rassurer... Vous parlez d'exigences au niveau des résultats, aussi d'une plus grande transparence, une efficacité plus grande. Je serais curieux de vous entendre. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous pencher directement sur cet enjeu-là ou sur ces propositions-là du projet de loi, c'est-à-dire instaurer un mandat spécifique pour le Commissaire au développement durable pour qu'il nous remette notre bulletin annuel, en quelque sorte, pour ne pas qu'on reproduise les erreurs du passé, c'est-à-dire se donner un plan sur plusieurs années et se rendre compte, à la dernière année, qu'on n'y arrivera pas, donc, une forme de bulletin annuel.

Également, ce comité indépendant... Tout à l'heure, vous mentionniez, là : Ce serait intéressant que le ministère rende publics ses rapports à travers le comité en question. C'est ce que l'on propose dans le projet de loi, c'est que le comité rende publics tous les rapports qu'il remettra, transmettra au ministère de l'Environnement. Donc, ces deux aspects-là, pour vous, sont des éléments encourageant pour la suite des choses ou, à tout le moins, comment vous les recevez?

M. Tremblay (Denis) : Bien, je pense que le... En fait, il y a plusieurs points de vue concernant la structure de gouvernance qui devraient être maintenus ou modifiés. Nous, on croit que la structure de gouvernance qui est proposée là peut, avec certains ajustements qu'on a suggérés tout à l'heure, finalement, contribuer de façon à rassurer peut-être beaucoup de parties prenantes qui peuvent avoir des inquiétudes par rapport à la reddition de comptes, à la transparence aussi, au rendre compte, finalement, qui est attendu par rapport au Fonds vert en particulier. Et, dans la mesure où ces mécanismes-là sont bien mis en place, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui doutent un peu actuellement qui vont être rassurés par ça. Donc, on insiste beaucoup sur l'idée de ramener peut-être... La gouvernance, vous savez, ce n'est pas seulement un organigramme, c'est aussi une intention qui doit être affirmée haut et fort au plus haut niveau d'une organisation. On parle d'une urgence climatique. Bien, une urgence climatique ou une urgence de quelque nature que ce soit, dans une organisation, bien, ça doit interpeler le plus haut niveau au sein d'une organisation, puis on est d'avis, nous, qu'on doit sentir cette, je dirais, cette affirmation-là, au plus haut du gouvernement du Québec, pour, finalement, induire ces changements-là qui ne concernent pas seulement les deux ministères dont on a parlé, mais, en fait, beaucoup d'autres ministères qui doivent être aussi interpelés à travers tout ça.

Et peut-être qu'au final, si on regarde tout ça, on pourrait peut-être constater que, dans le fond, en ayant ce leadership-là clair et affirmé, que les ministères qui reçoivent ce signal-là, finalement, par la bouche du Conseil des ministres ou finalement le Conseil du trésor, qui est extrêmement important aussi là-dedans, parce qu'on est bien conscient qu'il y a des enjeux aussi de fiscalité qui doivent être adressés à travers toute l'intention de réduire la consommation d'essence, en particulier, considérant les taxes qui sont associées... Donc, il y a beaucoup, beaucoup d'éléments qui doivent être éventuellement adressés. Et je pense que l'idée de base, c'est que c'est un projet, c'est un défi considérable de réduire les gaz à effet de serre et ça doit interpeler toutes les constituantes du gouvernement, à notre avis, dans un cadre d'une gouvernance nouvelle.

M. Charette : Vous avez parlé de taxes. C'était l'objet de ma prochaine question. À la page 6 du mémoire, vous faites référence au SPEDE et à votre inquiétude que ça devienne une forme de taxe déguisée, là, pour ce qui est des entreprises elles-mêmes. Peut-être, vous rassurer... ça, ça a été rendu public il y a quelques mois : on travaille, justement, pour la prochaine étape. Pour les prochaines années, on souhaite naturellement une prévisibilité, mais notre but est réellement d'accompagner les entreprises à ce niveau-là. Donc, dans les prochains mois, normalement, on pourra confirmer nos intentions. Et sachez qu'elles auront fait l'objet d'une large consultation au cours des derniers mois pour voir quel est le rôle et comment perçoivent le rôle des entreprises dans cette mécanique-là du marché du carbone. Mais est-ce que vous avez un cas particulier? Lorsque vous craignez que ce soit perçu comme une taxe, est-ce que, selon vos membres, actuellement, le SPEDE est perçu comme étant une taxe déguisée? Quelle est la nature de l'inquiétude à ce niveau-là?

M. Tremblay (Denis) : Bien, je pense que c'est une inquiétude qu'on entend d'une certaine façon. Puis je pense qu'il y a aussi des exemples. Ça dépend des secteurs aussi. Il y a des secteurs où les technologies sont disponibles, sont matures. Ce n'est pas le cas de tous les secteurs. Donc, il faut être conscient que peut-être il faut user de beaucoup de doigté au niveau de l'application éventuelle des mécanismes qui vont gérer finalement les droits d'émission. Je pense que c'est d'abord des mécanismes qui sont assez complexes. Je dois vous avouer qu'on n'est pas les plus grands spécialistes dans ce domaine-là, mais on comprend qu'il y a probablement un besoin aussi d'instruire un peu mieux l'ensemble de la population puis en particulier les entreprises sur la mécanique qui est proposée dans ce projet de loi là.

Ça, c'est peut-être une suggestion que, spontanément, j'aurais le goût de faire, c'est d'expliquer peut-être un peu plus en détail la mécanique puis peut-être rassurer aussi les entreprises qui vont peut-être avoir le réflexe trop rapide de dire : Bien, je vais la payer, la taxe sur le carbone, ou je vais acheter, puis ça va être «business as usual», d'une certaine façon.

Et, vous savez, la taxe n'est pas encore très élevée. Elle va peut-être augmenter au fil du temps, tu sais, je pense, c'est... Mais il reste que ce qui serait vraiment important, c'est que ce soit déjà, d'ores et déjà, une priorité que les entreprises saisissent l'opportunité plutôt que d'éviter finalement de se remettre en question par rapport à ça. Et ça, pour nous, ça passe beaucoup par l'innovation, la disponibilité des technologies, et ça ne se développe, dans certains cas, pas du jour au lendemain. Donc, il y a des délais qu'il va falloir considérer dans certains secteurs.

M. Charette : Et peut-être vous référer au projet de loi lui-même, sans rentrer dans le débat immédiatement, mais l'article 46.8.1 définit, justement, le pouvoir habilitant du ministère. Et la démarche qui est en cours actuellement en est une de consultation mais d'accompagnement aussi pour définir quelles seront les prochaines étapes au niveau des allocations, qu'est-ce qui sera exigé des entreprises, mais surtout, et ça, ça représenterait une belle innovation, voir ce que les entreprises pourront faire de leur propre argent mis dans le système. Donc, c'est des éléments, là, qui seront confirmés dans les prochains mois.

Et, enfin, une autre question pour ma part, là, qui s'avère aussi essentielle... Vous demandez un accompagnement encore plus fort de la part du gouvernement pour favoriser la transition énergétique des entreprises, et, pour vous, ça prend quelle forme? C'est à travers des programmes? C'est à travers des prêts? C'est à travers du financement?

On a eu, ce matin, notamment, le Fondaction de la CSN et d'autres qui nous ont dit : C'est le capital privé qui sera au coeur de la transition énergétique. Mais, souvent, il faut un effet de levier qui peut provenir de la part du gouvernement sous forme financière. Bref, votre perception à vous, quels sont les outils que nous aurions intérêt à développer pour mieux accompagner les entreprises?

• (17 h 20) •

M. Tremblay (Denis) : Moi, je pense qu'on parle de supports, certainement, de supports financiers qui doivent être envisagés. Et peut-être aussi essayer d'arrimer aussi le support financier pour l'innovation avec les programmes fédéraux aussi qui peuvent aussi être très utiles dans ce contexte-là. Mais, d'une certaine façon, je pense, ça fait une grande différence pour une entreprise d'envisager des programmes récurrents, prédictibles, qui vont être finalement bien établis sur plusieurs années.

Et la prévisibilité des programmes est très importante aussi pour les entreprises. Il faut vraiment s'assurer que les programmes qui sont annoncés sont bien financés et que le financement va être là, finalement, pour une période suffisante pour leur permettre de bénéficier, finalement, de ces programmes-là. Oui?

Le Président (M. Polo) : Si vous souhaitez, j'ai la députée de Jean-Talon qui souhaiterait vous questionner également.

Mme Boutin : Oui. Dans l'enjeu n° 4, vous parlez de la nécessité de mobiliser l'industrie, dans le fond, et, dans l'objectif d'améliorer la collaboration, dans le fond, avec le gouvernement et l'industrie, notamment avec la nécessité d'élaborer une stratégie concertée. J'aimerais, premièrement, vous entendre un petit peu plus là-dessus, que vous élaboriez là-dessus, et, deuxièmement, si vous aviez des suggestions pour créer des véhicules ou des mécanismes pour améliorer la collaboration entre l'industrie et le gouvernement, outre le comité consultatif.

M. Tremblay (Denis) : Oui. Bien, je pense qu'on a... Puis on a fait référence à une étude, celle de Deloitte, qu'on a réalisée en 2019, donc assez récemment, pour regarder l'opportunité d'une grappe industrielle spécifique au secteur de l'électricité verte. Parce que, vous savez, on a une grappe, quand même, dans le domaine de l'électrification des transports. Et on sait qu'il y a beaucoup de grappes au Québec, donc l'idée n'est pas d'en créer une pour le fun d'en créer une, mais vraiment de regarder actuellement le contexte particulier dans lequel on se trouve.

Vous savez, le Québec est dans une position particulière actuellement par rapport à tout ce qui existe. On est probablement plusieurs années en avance sur à peu près... beaucoup de pays, d'une certaine façon, du fait que notre filière énergétique, électrique est déjà décarbonée. Je peux vous dire qu'il y a beaucoup de pays qui vont prendre plusieurs années avant de se rendre là et peut-être même une décennie complète. Donc, on est dans une position absolument extraordinaire actuellement au Québec pour essayer de considérer cette espèce de Saint-Graal là qu'est l'électricité verte pour en faire quelque chose dont ces pays-là vont avoir, d'une certaine façon, besoin en termes de technologie, en termes d'expertise, en termes de...

Et ce qu'on pense, c'est que l'idée d'une grappe serait sûrement à considérer là-dedans. Évidemment, on est conscients que ça peut prendre différentes formes. On est très ouverts à considérer ça. Et, surtout, on pense que ça ne nécessite pas la création de nouvelles structures. On peut utiliser les structures actuelles, juste en ayant cette conversation-là avec le gouvernement, puis bien identifier les besoins, puis éventuellement arrimer les choses pour une meilleure collaboration, une concertation, finalement.

Le Président (M. Polo) : La députée d'Argenteuil.

Mme Grondin : Oui, merci. Merci pour vos commentaires. J'aimerais ça revenir... Vous avez dit d'emblée, dans votre présentation, que, pour pallier, en fait, à la disparition du Conseil de gestion du Fonds vert, vous souhaiteriez que le Commissaire au développement durable puisse avoir des pouvoirs accrus. Pouvez-vous...

M. Tremblay (Denis) : Bien, en fait, ce qu'on dit, c'est que, dans un contexte comme celui-là, je pense qu'il y a beaucoup de préoccupations, de façon générale, pas seulement dans notre industrie. On a eu l'occasion d'échanger aussi avec d'autres gens qui vont faire des représentations chez vous. On sent qu'il y a une préoccupation par rapport à ça, la disparition du Fonds vert.

Nous, on n'a pas nécessairement la même inquiétude, mais on est conscients que ça doit être adressé, d'une certaine façon. On a suggéré cette façon-là. Peut-être, le Vérificateur général aussi pourrait avoir un rôle spécifique ou un mandat spécifique lors de la mise en place de cette structure-là, pour vraiment rassurer puis aller au fond des choses pour vraiment accentuer la transparence par rapport à ça.

La raison pour laquelle on est peut-être un peu moins préoccupés, c'est que, bon, on représente, évidemment, les entreprises, puis, dans les entreprises, je vous dirais, les structures de gouvernance sont beaucoup plus, on peut dire, «streamlinées», sont plus directes. On voit des similitudes avec l'approche gouvernementale actuellement. Et, d'une certaine façon, si on a un enjeu complexe dans une organisation, on a tendance à, comme on dit, «streamliner» la ligne d'autorité pour vraiment que les actions soient le plus rapide possible. Donc, on a peut-être un peu moins de craintes, bien honnêtement, dans notre cas. On prend acte que le gouvernement a fait... semble avoir signifié cette préférence par rapport à ça.

Mais, après tout ça, il va falloir démontrer que cette nouvelle gouvernance là, assez rapidement, est capable de rendre des comptes, est capable d'amener de la transparence. On a signifié peut-être un rôle spécifique pour le Commissaire au développement durable. Comment ça peut être articulé, vous êtes mieux placés que nous pour le voir, mais je pense qu'on a définitivement, là, l'impression qu'il y a quelque chose à faire là pour amener, rassurer finalement, effectivement.

Mme Grondin : O.K. Merci.

Le Président (M. Polo) : Merci. Il reste une minute. M. le député de Bourget.

M. Campeau : Je pense qu'il reste moins de deux minutes, je crois.

Le Président (M. Polo) : ...

M. Campeau : O.K. Je reviens à ce que vous venez de mentionner sur la transparence, puis ça vous inquiète moins le fait que oui, en industrie, les choses, normalement, sont plus en ligne. Est-ce que vous voyez un avantage ou un désavantage au niveau de l'imputabilité?

M. Tremblay (Denis) : Moi, objectivement, je veux juste vous dire qu'il peut y avoir des avantages à ça. En fait, il n'y a pas de structure de gouvernance, à notre avis, qui est parfaite, qui peut être parfaite en toutes circonstances, là. Je pense que, peu importe la structure de gouvernance, la question du leadership est essentielle, est centrale à la gouvernance, quelle qu'elle soit. À notre avis, le fait d'avoir peut-être rendu les lignes d'autorité peut-être plus directes avec les ministères concernés peut amener éventuellement un meilleur rendre compte au niveau du Conseil des ministres, au niveau, on peut dire, du noyau, du coeur central du gouvernement à cet égard-là.

Évidemment, il faut être conscient que ça doit s'accompagner de grandes précautions pour que la transparence soit au rendez-vous, qu'il y ait des rendre compte efficaces, mais, à la fin de la journée, on a peut-être une opportunité, là, une opportunité d'amener ces enjeux-là au plus haut niveau parce qu'on est conscients — puis je pense que la population du Québec est doublement sensibilisée, on a vu les manifestations récentes — il y a un enjeu qui préoccupe beaucoup de monde, actuellement. Puis moi, j'ai des jeunes enfants, je peux vous dire qu'on en parle abondamment puis je suis certain que c'est votre cas aussi. Il faut les rassurer, il faut leur dire qu'il y a de l'espoir aussi dans tout ça. Mais, dans le fond, il faut sentir aussi que le gouvernement est redevable puis il comprend l'urgence et manifeste son leadership au plus haut niveau.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, messieurs. Quelques questions. Depuis ce matin, dans le fond, il semble... bon, tu sais, je pense que c'est un peu tôt, mais il semble quand même se dégager un consensus assez clair par rapport à TEQ. Les groupes qu'on a rencontrés soulèvent beaucoup de questionnements sur cet aspect-là du projet de loi et, je pense, ont tous souligné qu'il n'y a pas vraiment de raison, en fait, d'abolir TEQ et de le réintégrer au niveau du ministère des Ressources naturelles. Je comprends que vous, vous semblez à l'aise avec cette proposition, puis là j'aimerais vous entendre un peu davantage là-dessus, là.

M. Tremblay (Denis) : Bien, merci de me donner l'opportunité de corriger, peut-être, cette impression-là, parce qu'en fait on n'a que des louanges pour TEQ, en passant. Puis, d'ailleurs, on mentionne plus qu'une fois l'importance de récupérer le travail considérable qui a été fait par TEQ, et je pense qu'on parle de gouvernance, actuellement, plus que de juger le travail. D'une certaine façon, nous, on a pris... fait acte de l'intention gouvernementale plus que d'autre chose, et on reconnaît que le gouvernement a le loisir d'ajuster sa structure de gouvernance en fonction de ça. Comme je vous dis, on est plus de l'impression qu'il n'y a pas de structure de gouvernance parfaite. Je ne pense pas qu'on puisse prétendre, aujourd'hui, que la structure du passé était parfaite en tout point, il y avait probablement nécessité de faire des ajustements.

Le gouvernement propose des ajustements qui nous apparaissent, à notre avis... qui lui appartiennent. On n'a pas à commenter ou à être d'accord ou pas d'accord, en tout cas, on ne se sent pas interpelés particulièrement par ça, ne serait-ce que pour dire qu'il ne faut pas se tromper, là, il faut le faire de telle façon que ça donne les résultats. Et ce n'est pas une structure de gouvernance qui donne des résultats, c'est l'intention après ça, qui va suivre, les plans d'action qui vont être mis en place, le sérieux, la récurrence, la discipline, la rigueur, c'est beaucoup, beaucoup d'éléments qui vont faire en sorte qu'on ait des résultats. Parce que je pense qu'on est tous à l'étape de... Au-delà des plans, il faut qu'il y ait de l'action, aussi, pour arriver à nos cibles.

Puis j'ai eu l'occasion, ce matin, de voir la présentation de M. Pineau, que vous avez probablement vue aussi, sur la mise à jour, c'est un peu préoccupant, là, au niveau de la tendance sur la réduction des gaz à effet de serre. On se dit : C'est l'heure de l'action, là, il faut vraiment entrer dans l'action.

Donc, une fois que la discussion aura été faite puis que le gouvernement aura fait son choix final sur la structure qu'il aura finalement retenue, nous, on est de l'école de dire : Bien, travaillons, maintenant. Travaillons ensemble pour que cette structure-là, quelle qu'elle soit, puisse donner les résultats qu'on souhaite, à quelque part. Parce qu'encore une fois il n'y a pas de structure parfaite, mais on doit... on est vraiment engagés dans l'idée de collaborer pour faire en sorte qu'on atteigne ces résultats-là.

• (17 h 30) •

Mme Montpetit : Bien, vous dites... je ne veux pas vous forcer à vous prononcer, mais le fait de vous présenter ici, en commission parlementaire, je pense que c'est une occasion de le faire. Vous dites qu'il ne faut pas se tromper, on l'a souligné à quelques reprises depuis ce matin, à quel point, justement, on est en train de reprendre une... on est en train de reculer, dans le fond, et revenir à la case départ, envers les opinions d'experts, envers la saine gouvernance puis les meilleurs standards internationaux. Puis je veux juste bien comprendre, c'est parce que vous nous dites : TEQ est efficace, c'est ce que vous venez de nous dire, TEQ est efficace dans sa forme actuelle.

Vous nous avez parlé... vous nous avez dit que ce qui était important pour vous, c'est de l'efficacité, c'est de l'efficience. Ce qui a été souligné, depuis ce matin, justement, c'est des inquiétudes, des préoccupations, justement, de ramener le travail que fait TEQ présentement au sein d'un ministère. Et je pense que les gens, encore là, étaient assez unanimes sur le fait qu'on allait perdre en agilité, qu'on allait perdre en efficacité, qu'on allait perdre en efficience. La force de TEQ, c'est, entre autres, d'avoir un conseil d'administration, donc j'essaie de remettre ce que vous dites dans un tout. Ce que je comprends, c'est que, dans sa forme actuelle, ça peut être parfait, là, au niveau de la coordination, au niveau de différents éléments, mais ce que vous nous dites, c'est que le travail qui est fait fonctionne.

M. Tremblay (Denis) : Oui, moi, je pense qu'on est tout à fait à l'aise de prétendre ça. Puis on tient à dire que la... je pense qu'une des plus grandes qualités que plusieurs ont mentionnée, c'est l'agilité de TEQ, la capacité de réagir rapidement. Je pense que le signal peut-être qu'on peut donner, c'est qu'il faut retrouver ces caractéristiques-là, quelle que soit la structure qui va être retenue ultérieurement. TEQ a montré ce qui... des éléments positifs qui doivent absolument être récupérés, pas seulement au niveau des contenus, mais au niveau de l'agilité, au niveau de la capacité d'écoute aussi par rapport au milieu, à l'industrie. D'une certaine façon, ça a mis la barre à un certain niveau, on peut dire, par rapport à la nouvelle structure, et je pense que c'est tout à fait juste de dire que la barre est assez haute, là, par rapport à ce, je pense, que TEQ a réussi à accomplir.

Ceci dit, une fois que le gouvernement aura fait ses choix, bien, nous, on vous dit qu'on va vivre avec la structure, quelle qu'elle soit, là, je pense, puis c'est pas mal vrai pour tout le monde. Et, demain matin... il n'y a pas de structure parfaite, de toute façon, nous, on est commis à collaborer avec le gouvernement pour assurer, si possible, l'atteinte de résultats plus concrets. Mais, honnêtement, je dois vous dire, TEQ, nous, on n'a rien à dire contre TEQ, ne serait-ce que des compliments puis, d'une certaine façon, certaines caractéristiques qui doivent être récupérées dans la nouvelle gouvernance, quelle que soit la forme qui va être retenue au final.

Mme Montpetit : O.K. Mais je pense que c'est important de...

M. Tremblay (Denis) : Oui, moi, je pense que c'est important.

Mme Montpetit : ...c'est important de le nommer pour la suite des travaux qu'on va faire. Je pense que changer des structures qui fonctionnent bien, c'est, à mon avis, une grande perte de temps déjà dans le contexte, là, mais changer des choses qui fonctionnent bien... en tout cas, bon. Ceci dit, vous, dans votre mémoire aussi, puis vous l'avez mentionné, que, puis j'en suis, là, abondamment, là, que le gouvernement va jouer un rôle très actif au niveau du soutien aux efforts... pour soutenir les efforts d'innovation. On avait Écotech qui était là, un petit peu plus tôt... Puis j'aimerais juste vous entendre. Je sais que ce n'est pas exactement dans votre domaine, mais, en même temps, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, Écotech avait suggéré, si je ne me trompe pas, c'est en... j'allais dire l'année dernière, mais on est déjà rendus en 2020, donc en 2018, la mise en place d'un NEXUS, ce qu'ils appelaient un NEXUS, là, c'était une voie rapide, dans le fond, pour l'analyse des projets qu'on pourrait appeler projets verts ou projets d'innovation. Je présume que vous verriez d'un bon oeil qu'il y ait des discussions, justement, sur l'intégration d'une telle mesure dans le projet de loi actuel, là, tout ce qui peut venir soutenir l'innovation.

M. Tremblay (Denis) : Non, nous on est certains que l'innovation, c'est une des clés vraiment importantes pour assurer le succès de l'opération. Je pense qu'Écotech a des idées très intéressantes au niveau de l'innovation. C'est une grappe industrielle qui, je pense, fonctionne très bien. S'il y a une chose, on souhaiterait que, dans notre domaine, qui est si important pour le Québec, on ait aussi ce genre de capacité de s'organiser de cette façon-là, avec des joueurs qui sont de classe mondiale, là. On a vraiment, au Québec, une machine de guerre, il ne faut pas se le cacher, en termes de développement économique par rapport au secteur, mais je ne suis pas certain qu'on en prend conscience puis qu'on prend pleinement conscience du potentiel dans le contexte de la transition énergétique qui bat son plein, pas seulement au Québec et ailleurs.

Je rajouterais peut-être une suggestion sur... qu'on aurait peut-être pu mentionner, sur l'importance du critère de choisir les projets en fonction de l'impact sur la réduction des GES. Je pense qu'il faut vraiment ramener constamment l'idée d'avoir, disons, une attention particulière sur... parce qu'il va y avoir des choix, évidemment, d'investissement à faire, mais de favoriser, en tête de liste, je pense, le critère de la réduction des GES... est, pour nous autres, une chose que le gouvernement devrait peut-être considérer dans ces critères-là.

Mme Montpetit : Je vous remercie beaucoup.

M. Tremblay (Denis) : Merci à vous.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : ...c'est en lien avec les questions de ma collègue de Maurice-Richard, c'est dans le même sens des risques. Quand même, s'il y a une évaluation d'un projet avec un lien avec les GES, je regarde juste dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de stockage, alors on pense des batteries, mais, on sait, il y a des autres juridictions qui versent beaucoup de l'argent aussi. Alors, c'est juste un commentaire, parce que les gens veulent qu'il y ait des résultats concrets, mais il y a toujours un risque pour un gouvernement, c'est ça, mais c'est la réalité.

M. Tremblay (Denis) : C'est «risk-reward», hein, il n'y a pas de... c'est difficile de séparer les deux. Mais, je dirais, l'idée d'avoir, je dirais, une politique particulière pour l'innovation, pour nous, c'est quelque chose de très important et qui va faire en sorte qu'on va être capable de... encore une fois, je fais le lien avec le marché du carbone. Si les technologies sont disponibles et économiquement rentables, avec un support adéquat de la part du gouvernement, c'est évident que les entreprises vont faire des choix logiques, c'est des entreprises qui sont intelligentes, qui vont s'adapter en fonction de ça. Si les technologies sont disponibles, mais elles ne sont pas économiquement rentables, même avec le support du gouvernement, probablement qu'elles vont être réticentes à... Donc, c'est vraiment important qu'on ait des technologies matures le plus rapidement possible pour atteindre... Et il y a des filières nouvelles actuellement au Québec qu'on doit considérer, j'en ai mentionné une en particulier, celle de l'hydrogène vert ou la filière verte de l'hydrogène, on devrait dire. Et nous, on considère que c'est une façon de stocker de l'énergie qui pourrait être vraiment, vraiment intéressante pour le Québec, qui pourrait créer une nouvelle filière industrielle. Il y a beaucoup d'éléments d'innovation qui peuvent être extrêmement porteurs pour le Québec puis pour l'aider à se positionner dans les marchés.

M. Kelley : Merci.

Le Président (M. Polo) : Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci pour votre présentation. Vous avez dit que, dans le fond, la structure que le gouvernement va choisir, vous, vous allez travailler avec. L'important, c'est que ça soit efficace et que ça réponde à vos besoins, aux besoins de vos membres. Mais vous êtes quand même préoccupés par la transparence et l'imputabilité, et donc vous disiez qu'il faudrait que le Commissaire au développement durable, qui va remplacer l'abolition du Conseil de gestion du Fonds vert... vous disiez que c'était quand même important qu'il ait des pouvoirs accrus. Est-ce que vous avez réfléchi à quels pouvoirs accrus, plus que ce qui est présenté par le projet de loi?

M. Tremblay (Denis) : Je vous dirais, on n'a pas nécessairement élaboré beaucoup notre réflexion, bien honnêtement, sur ça. Il y a évidemment le Commissaire au développement durable qui pourrait avoir un rôle, un rôle bonifié, à notre avis, par rapport au projet de loi. Je ne suis pas certain que le projet de loi va dans ce niveau de détail là, mais, je pense, c'est une voie qui pourrait être peut-être explorée dans les commentaires éventuellement par rapport au rôle du Commissaire au développement durable.

On a mentionné aussi l'idée de transparence, entre autres, le rôle particulier que le ministère de l'Environnement va jouer pour donner des avis, de par la loi et l'obligation de donner des avis aux autres ministères. Pour nous, c'est quand même un pouvoir qui peut être très, très intéressant dans la mesure où ces avis-là sont connus aussi, là, parce que la pression, évidemment, vient de façon plus importante, puis je pense que ça rajoute énormément de crédibilité à l'intention gouvernementale de renforcer le rôle du ministère de l'Environnement aussi dans ça.

Mme Ghazal : Merci. Puis j'étais contente de vous entendre sur l'efficacité, dans le fond, de vos membres qui ont eu à travailler avec Transition énergétique Québec, donc c'était important de le souligner. Là, maintenant, c'est sûr que vous dites que le ministère, ce qu'il veut... le gouvernement, ce qu'il veut faire, c'est un «bottom line», mais ce n'est pas si clair que ça, parce que, vous l'avez dit vous-même, la transition touche tous les ministères, pas juste Environnement, Énergie, on aurait pu mettre TEQ en dessous de ministère du Transport, en dessous de ministère de l'Économie, en dessous de n'importe quel ministère, ça touche tout le monde. Et d'où l'idée que des gens qui sont venus en commission nous présenter qu'il faudrait que ce soit au plus haut niveau, au Conseil des ministres, et non pas seulement dans un ministère particulier.

Donc, peut-être que, vous, ce n'est pas une préoccupation, mais là, maintenant, je veux quand même amener ça à votre attention, peut-être que ça devrait être une préoccupation, au lieu que ce soit une agence indépendante, ça va être dans un ministère, où c'est un peu plus obscur, disons. Peut-être que, pour vous, électrification, c'est plus logique que ce soit dans le ministère de l'Énergie, mais, pour d'autres secteurs, pourquoi le ministère de l'Énergie et pas un autre?

• (17 h 40) •

M. Tremblay (Denis) : Bon, j'en conviens, ce n'est pas...

Mme Ghazal : Pourquoi pas le ministère de l'Environnement, justement? C'est une question qui se pose.

M. Tremblay (Denis) : Mais on a entendu aussi ce genre de commentaires là d'amener... on pense que... dans le fond, on dit à peu près tous la même chose, c'est qu'il faut... ça doit être amené au plus haut niveau gouvernemental, au Conseil des ministres évidemment, et avec le Conseil du trésor, qu'on a tendance à oublier, mais qui est drôlement important, je pense, pour tout le monde, tous les ministères. Alors, je pense que le message qu'on passe, c'est que c'est un enjeu qui nécessite ce genre d'attention là gouvernementale.

Le Président (M. Polo) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre mémoire. Présentement, là, comment ça se passe entre l'industrie, votre industrie, et le gouvernement, est-ce que c'est la croix et la bannière? Si vous aviez, en quelques mots, là, à nous décrire, quand vous avez un besoin de soutien pour de l'innovation, etc., dans les énergies renouvelables, etc., vous cognez à plusieurs portes, et est-ce que c'est lourd?

M. Tremblay (Denis) : Bien, moi, je pense qu'on... moi, ça fait 40 ans que je travaille dans le domaine de l'énergie, en commençant au Saguenay pour Alcan, à l'époque, etc., division énergie, jusqu'à maintenant le rôle que j'assume. Je vous dirais, pour moi, c'est une industrie qui est mal connue encore actuellement. Curieusement, on est au Québec, où on parle d'électricité, etc., mais ce qu'on a tendance... c'est une industrie qui est assez complexe aussi. Donc, il faut peut-être aussi mettre en évidence le fait que ça a été une industrie qui a été un peu ramenée à être l'industrie des fournisseurs d'Hydro-Québec à quelque part. S'il y a 20 ans, si on avait dit... à qualifier notre industrie, on aurait dit : C'est l'industrie des fournisseurs d'Hydro-Québec. Et, 20 ans plus tard, en date d'aujourd'hui, c'est des entreprises, des PME qui développent, qui innovent, qui souvent n'ont même pas de client au Québec, qui ont des clients en Californie, qui ont des clients...

Nous, on a des PME, actuellement, qui sont en train de... qui ont des rondes de financement pour développer des nouvelles technologies. Ils n'ont même pas de client au Québec, ils ont des clients en Californie, ils en ont ailleurs, parce que c'est des clients qui sont peut-être plus ouverts à ça, là.

M. Gaudreault : La facilité d'accès, je m'excuse de vous interrompre, on n'a pas beaucoup de temps, la facilité d'accès à l'appareil gouvernemental.

M. Tremblay (Denis) : Bien, je vous dirais, je pense que c'est un reproche qu'on peut adresser à l'industrie, c'est une industrie qui a toujours été pas mal autonome, on peut dire, et on est rendu à un autre espace-temps actuellement, mais, je vous dirais, il y a beaucoup à faire à cet égard-là. Je pense qu'on sent que cette industrie-là n'a pas le même niveau d'attention gouvernementale que, par exemple, si on parle du secteur aéronautique, par exemple, dont on entend énormément parler, là. Mais, chiffres à l'appui, regardez cette industrie-là, elle est encore plus contributive à la richesse collective, puis on a tendance à la prendre pour acquise, alors qu'effectivement c'est une industrie qui était plutôt traditionnelle, conventionnelle, qui est confrontée à des choix... à des enjeux d'innovation absolument inédits par rapport à toute son histoire.

Il faut, puis le message qu'on passe aussi au gouvernement actuellement, il faut vraiment qu'on regarde cette industrie-là sous un oeil différent, puis on a pu le faire dans le passé, et je pense qu'on pourrait améliorer la relation gouvernementale, ce faisant.

M. Gaudreault : O.K.

Le Président (M. Polo) : Merci beaucoup.

M. Tremblay (Denis) : Merci.

Le Président (M. Polo) : Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 22 janvier, à 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 44)

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