(Onze heures cinquante-trois
minutes)
La
Présidente (Mme St-Pierre) :
O.K. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons commencer les travaux. Donc,
je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques,
mais auparavant je pense que j'ai besoin d'un consentement pour pouvoir commencer les travaux puisque les affaires
courantes ne sont pas terminées. Est-ce que c'est ça, Mme la secrétaire?
Oui? Alors, est-ce que j'ai un consentement pour commencer les travaux? Oui.
Alors donc,
la commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi... sur le projet de loi n° 17, Loi concernant le transport
rémunéré de personnes par automobile.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Lemay (Masson) sera remplacé par Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)
et Mme Montpetit (Maurice-Richard), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Remarques préliminaires
La
Présidente (Mme St-Pierre) : Merci beaucoup. Donc, nous débutons avec
les remarques préliminaires. M. le ministre des Transports, vous
disposez de 20 minutes.
M. François Bonnardel
M.
Bonnardel :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Je prendrai un peu moins de temps, je pense que
j'ai parlé énormément sur ce projet de loi dans les dernières semaines, mais, quand même, il serait important,
premièrement, de saluer mes collègues de l'opposition, mes collègues ministériels,
qui sont dans cette nouvelle salle Pauline-Marois, on est très, très
fiers d'être ici, de l'inaugurer, en tout cas pour moi, et, nécessairement,
d'amener... débuter donc les travaux de l'étude détaillée du projet de loi n° 17, qui est une étape importante dans
le processus parlementaire pour en arriver à l'adoption finale dans les
prochaines semaines, nécessairement.
Vous
comprendrez qu'on a reçu plusieurs organismes, gens qui sont venus discuter
avec nous, qui nous ont expliqué certaines
améliorations qu'eux souhaitaient, donc, dans ce projet de loi. Le transport
adapté pour les personnes vulnérables, handicapées a été un des sujets, je
pourrais dire, presque dominant, dans une certaine mesure. Alors, vous
comprendrez que, pour nous, il serait
important, puis je l'ai mentionné depuis le début, de rassurer ces gens, que,
pour nous, il sera important de bien
nommer, s'il le faut par amendements, de modifier, s'il le faut aussi, encore
une fois, pour que ces gens se considèrent bien traités dans cette
perspective.
Et, pour
nous, il sera important donc, par la suite, de travailler... Et je le dis
ouvertement, sans gêne, aux députés de l'opposition, pour ceux qui me
connaissent, je serai pragmatique. Maintenant, je serai prêt à accepter des
amendements de l'opposition, mais il faut tenir compte aussi des principes
mêmes de cette loi. Sans mettre en péril, nécessairement, les tenants et aboutissants de cette loi, je serai
prêt à accepter des amendements qui vont faire avancer cette loi puis qui vont
nécessairement tenir compte de certaines situations. Puis je pense qu'on aura peut-être
les mêmes sujets à amener, mais, dans
ces conditions, je veux bien expliquer aux oppositions que, pour moi, il
sera important de travailler, j'espère, en collégialité pour qu'on soit
capables de faire avancer, encore une fois, cette loi de la meilleure des
façons.
Donc, le transport adapté, je l'ai mentionné. Je
ne veux pas réitérer, mais, simplifier et uniformiser, donc, les exigences pour l'ensemble des personnes qui
souhaitaient devenir chauffeurs de
taxi, et même ceux qui le sont présentement, je pense que tout le monde m'a entendu dans les dernières semaines,
abaisser les charges administratives et financières de l'industrie du taxi, cela, pour moi, était
important, était partie prenante de l'engagement que je souhaitais mettre de
l'avant pour les taxis mêmes, pour
ces chauffeurs dans l'avenir. Donc, on n'a qu'à penser au permis de classe C, à
la plaque T, à l'abolition, donc, des
dessertes d'agglomération pour réduire le nombre d'autos solos, d'être capables
aussi d'assurer, puis pas au détriment
de la sécurité... J'ai souvent entendu plein de gens nous dire : Ah mon
Dieu! La sécurité va être abaissée; les exigences d'antécédents
judiciaires, il n'y en aura plus. C'est complètement faux. C'est complètement
faux. On va s'assurer... Malgré le fait qu'on réduit les exigences
administratives, cela ne se fera pas au détriment de la sécurité des usagers, ceux qui utilisent le taxi traditionnel,
qui le font à coups de millions de courses année après année, et même ceux
qui vont souhaiter un jour utiliser les nouvelles technologies. Dans ces
conditions, pour moi, ça, c'est non négociable.
Il y aura de la formation uniforme partout au
Québec pour tous les chauffeurs de taxi. Il y aura une formation additionnelle
si certains répondants le souhaitent. Il y aura assurément aussi une formation
nécessaire pour ceux qui font du transport
adapté. Ça, c'est non négociable non plus. Et, dans ces conditions, pour nous,
il sera important, encore une fois,
comme je le mentionnais, de s'assurer que... les antécédents judiciaires, tout
le monde devra y passer. Le permis de conduire,
c'est normal que... Un permis de conduire de classe 5 avec un an
d'expérience, c'est ce que nous demanderons pour tous ceux qui
souhaitent un jour faire du taxi, s'ils le souhaitent, nécessairement.
Alors,
formation, permis de conduire, antécédents judiciaires, ce sont des étapes qui
seront importantes pour la suite des
choses. La formation, je l'ai mentionné, ça variait un peu partout au Québec,
entre sept et 150 heures. Donc, on va uniformiser tout ça. Les dessertes d'agglomération, on l'a maintes et
maintes fois mentionné, autant du côté de l'industrie, qui le souhaite dans une certaine mesure...
Maintenant, on n'est plus certain si, oui ou non, on souhaite abolir ces
dessertes. Moi, je reste persuadé que
cela donnera des outils aux chauffeurs, premièrement, qui feront plus de sous,
de courses solos qui vont être
réduites dans le futur et, nécessairement, aussi des sociétés de transport et
municipalités qui pourront signer des
ententes avec les sociétés de taxi puis, dans un certain cas, peut-être même
les mettre en compétition s'ils le souhaitent. Encore une fois, je le
mentionnais, il y a peut-être un quart... il y a peut-être un peu moins, un
cinquième du service qui était peut-être
inégal partout au Québec. Alors, j'ai le même discours qu'au début, mais,
encore une fois, je pense qu'on donne
des outils intéressants pour assurer la pérennité de l'industrie du taxi dans
le futur et de s'assurer aussi de penser à une personne : l'usager,
avant toute chose, le client.
Donc, encore une fois, Mme la Présidente, je
suis persuadé qu'on réussira. Ce n'est pas un petit projet de loi. C'est 275 articles. On aura beaucoup de
travail dans les prochaines semaines. Mais, encore une fois, je reste persuadé
qu'on sera capables de faire un travail intéressant en collégialité avec les
oppositions pour être capables de faire avancer le projet de loi au
bénéfice de l'industrie, des nouvelles technologies et de l'usager. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme St-Pierre) :
Merci, M. le ministre. M. le député de La Pinière, vous avez
20 minutes.
M. Gaétan Barrette
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Alors, salutations à tous les collègues de la partie
gouvernementale, mais également, aussi, des autres oppositions, et
évidemment mes collègues, et à vous, Mme la Présidente. Alors, on aura à travailler ensemble, comme le ministre vient de le
dire, pendant une probable assez longue période de temps, non pas qu'on veut
prolonger les choses, mais, comme le ministre l'a dit, il y a beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'articles dans son projet de loi. Et ça, en soi,
c'est quelque chose de significatif pour les travaux qu'on a à faire.
• (12 heures) •
Mme la
Présidente, M. le ministre, je m'en vais m'excuser de mon retard, parce que,
comme tout le monde le sait, il y a actuellement, dans nos relations, là,
certaines difficultés d'organisation de l'horaire. Il y a beaucoup, beaucoup
de projets de loi qui se bousculent. On
sent, du côté de la partie gouvernementale, qu'on voudrait aller très vite, et,
pour aller très vite, bien, il faudrait que certaines conditions soient
remplies, et souvent ces conditions-là ne sont pas remplies, malheureusement. Et, Mme la Présidente, vous avez
eu la chance, en n'étant pas en Chambre, d'assister à un débat très particulier
sur la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui plutôt qu'une autre
journée, parce qu'il y a l'enjeu de la loi n° 26, qui
est une loi très importante, qui apparemment vient bousculer la vie
professionnelle du ministre des Transports.
Alors, je suis en retard, j'en suis fort désolé, ce qui m'a empêché d'entendre
les commentaires introductifs du ministre.
Maintenant, je
disais à l'instant puis je vais le redire qu'il y a une gestion, que je vais
qualifier, disons, irrégulière de nos
travaux parlementaires. C'est assez difficile de se dire les choses. Mme la
Présidente, ce matin, à cette heure-ci, on était censés de traiter du
projet de loi n° 14, et, à 22 h 40, hier, on était avisés que
nous allions parler du projet de loi
n° 17. Alors, c'est un peu étonnant. Et on arrive aujourd'hui, ce matin, à
9 h 30, avec ce volumineux cahier des députés, qui est un
outil de travail fondamental pour l'étude détaillée. Et ça, je déplore, je le
déplore, Mme la Présidente, parce qu'il y a
des projets de loi qu'on étudie ici, au parlement, qui sont importants pour la
société québécoise, c'est clair, et ça demande un maximum de collaboration.
Et, dans ladite collaboration, bien, il y a un maximum de temps préparatoire qu'on doit apporter à nos interventions, comme on
le fait ce matin. Et là, évidemment, on les fait à la dernière minute. Moi,
ça ne m'embête pas vraiment, je peux le
faire pendant des heures. Là, j'ai 20 minutes, Mme la Présidente, je vais
prendre complètement mon 20 minutes, mais je vais quand même
souligner que, cette documentation-là, on aurait pu l'avoir précédemment.
D'ailleurs,
sur le même point d'intérêt, là, sur le même angle, Mme la Présidente, vous
savez, le ministre va vouloir que son
projet de loi avance vite. Alors, il est expérimenté, le ministre, Mme la
Présidente. Ses collègues le sont dans leur vie respective, parce que beaucoup ont été actifs au niveau municipal,
mais le ministre a été actif pendant de longues années au niveau
gouvernemental et il sait bien qu'il serait plus facile et plus rapide de nous
déposer en début d'étude détaillée, peut-être
pas aujourd'hui... Ça aurait été bien de le faire aujourd'hui si c'est prêt,
mais ce serait utile de nous déposer la liste des amendements que lui propose
de déposer. Ça nous permettrait de faire la réflexion nécessaire pour avoir un
débat ouvert et constructif pendant l'étude
détaillée de son projet de loi, qui lui est cher. Et je ne pense pas avoir
entendu ou, du moins, on ne me
rapporte pas, pour la partie à laquelle je n'ai pas assisté, que le ministre
avait annoncé qu'il déposerait ses amendements à l'avance, et, comme je
ne l'ai pas entendu, Mme la Présidente, j'en fais une demande formelle. Évidemment, le ministre n'a pas l'obligation de
répondre favorablement à ma demande, mais il peut le faire, il peut le faire,
il peut déposer de façon préalable ses
amendements. Pour nous, on en aura aussi, des amendements, mais on va quand
même faire le tour du cahier des députés.
Vous savez, Mme la Présidente, le cahier des
députés, pour ceux qui ne savent pas exactement de quoi il en retourne, bien, c'est un cahier qui reprend
article par article, c'est pour ça que c'est l'étude détaillée, et, à chaque
article, on indique des commentaires.
Les commentaires viennent de la partie gouvernementale et les commentaires,
essentiellement, illustrent la pensée ou la finalité qui a amené le ministre à
inclure dans son projet de loi tel ou tel article. Et c'est très
important. Dans une certaine mesure, ça va
reprendre d'une façon plus détaillée les commentaires introductifs que le
ministre a faits. Et c'est ça qui est
l'intérêt de la chose, arriver à l'article 172 et dire : Ah oui! C'est
ça qu'il voulait dire. Nous, on pense autrement et on va le débattre de cette façon-là,
l'accepter, l'amender, le sous-amender, et ainsi de suite. Alors, moi, j'invite
le ministre à nous présenter ses amendements.
Maintenant,
j'en viens au coeur de notre sujet aujourd'hui, qui est nos commentaires préliminaires sur le projet de loi. Mme la
Présidente, je l'ai dit, là, et je vais le redire aujourd'hui de la façon la
plus solennelle possible — je
l'ai tweeté, même — ce
projet de loi là n'est pas un mauvais projet... non, je m'excuse, l'intention
du projet de loi n'est pas nécessairement une mauvaise intention, nous-mêmes avions
souhaité qu'il y ait une modernisation de l'industrie
du taxi. On l'avait souhaitée, Mme la Présidente, nous avions choisi de le faire d'une façon progressive et en collaboration avec le milieu. Ce n'est pas le chemin qu'a choisi de prendre le
ministre, et le chemin qu'il a pris nous amène à la génération d'injustices.
Ça ne fait pas 25 ans, moi, Mme la
Présidente, que je siège au parlement. Dans mon expérience parlementaire, c'est certainement, sans aucune hésitation, le projet de loi qui, s'il est adopté, aura généré le plus d'injustices que j'aurai vu.
Je pèse mon mot, Mme la Présidente, c'est injuste. Ce n'est pas injuste de moderniser l'industrie
du taxi, c'est injuste de le faire de
la façon dont c'est fait. Il n'y a pas d'autre mot, là, il n'y a
juste pas d'autre mot. Et les gens qui sont dans l'industrie,
c'est ça qu'ils ressentent aujourd'hui, une injustice. C'est une injustice.
Et je vais
reprendre les éléments qui m'amènent à tirer cette conclusion-là, qui, au
demeurant, Mme la Présidente, ont
été exprimés de la même façon, pas avec le même mot, mais de la même façon, par
le Groupe Desjardins. Le Mouvement Desjardins,
là, ce n'est pas exactement, là, un mouvement d'extrême droite capitaliste à
l'extrême, non, et ce n'est pas non plus
un mouvement d'extrême gauche qui prône le communisme, et ainsi de suite, pas
du tout. Le Mouvement Desjardins, c'est probablement le mouvement politico-économique, au Québec, qui est le plus au
centre, du centre gauche, peut-être, que
je connaisse, et il reflète certainement les valeurs du Québec, sans aucun
doute, certainement les valeurs de sa clientèle, qui est à majorité francophone. Et là n'est pas l'enjeu de mon
commentaire, mais eux-mêmes sont estomaqués, là, ils sont déçus de ce
projet de loi là, non pas dans sa finalité de modernisation de l'industrie...
Et je vois mes collègues sourire en face de
moi, mais ils vont moins sourire, Mme la Présidente, lorsque je ferai mes
commentaires, un petit peu plus... Puis je ne veux pas insulter
personne, là, je veux juste remettre les points sur les i. Alors, le Mouvement
Desjardins l'a dit, Mme la Présidente, c'est
une expropriation, et une expropriation amène des compensations. Et, quand
l'expropriant est le gouvernement, bien, le gouvernement a la
responsabilité de compenser les expropriés. Et ce n'est pas ça qui se passe,
actuellement.
Vous
savez, dans toutes les revues qui traitent d'économie, Mme la Présidente, et
qui commentent sur la transformation de
l'industrie du taxi, et je parle ici principalement, aujourd'hui, parce que ce
sont les principaux joueurs, il y en a d'autres, mais ce sont les principaux joueurs quand ils adressent et analysent la
situation, de Lyft et d'Uber, il y a une seule question qui est posée : Comment peuvent-ils faire de
l'argent, O.K.? C'est l'apparition et la progression dans la société de Lyft,
d'Uber et de leurs semblables qui amènent
l'injustice, Mme la Présidente. Et les gens qui font ces analyses-là, ce sont
des économistes, ce sont des gens qui
ont une approche purement économique et/ou académique, mais dans le même
domaine. Ils regardent Uber et Lyft, et ils disent : La seule façon
pour eux de faire de l'argent, c'est la seule...
Et je fais
une parenthèse, c'est une industrie à but lucratif, ce n'est pas une
industrie... Ce n'est pas des entrepreneurs qui sont des OBNL, là, ce sont des
entreprises qui sont à but lucratif, cotées en bourse. Pour cette raison-là, pour
avoir... un, évidemment, amener du capital
pour faire développer leurs entreprises. Puis on est tous d'accord avec ça, ce
sont des entreprises... On vit en
Occident, dans des pays libres, qui vivent selon des règles qui sont convenues,
et c'est bien correct, ça. Mais les
règles selon lesquelles on vit actuellement ne leur permettent pas de faire de
profit, ça ne leur permet pas de faire
de profit. Et, quand les analystes regardent ces deux compagnies-là, ils les
voient de la seule et unique manière par laquelle on peut les regarder,
là.
• (12 h 10) •
En tant que
compagnies qui, un jour, vont vouloir faire des profits, il va falloir qu'un
jour disparaisse un poste de dépenses.
Et le poste de dépenses qui aura à disparaître pour que Lyft et Uber soient des
compagnies qui fassent d'immenses profits,
c'est le jour où les chauffeurs disparaîtront. C'est comme ça. Et ça, ce n'est
pas moi qui le dis, là. Amusez-vous à
regarder tous les reportages, toutes les analyses qui se font sur cette
industrie, Lyft et Uber, si, demain matin, il advenait que les chauffeurs disparaissent avec leurs coûts,
les compagnies deviennent éminemment profitables. Je ne connais aucune compagnie, dans notre monde
occidental, qui ne veut pas faire de l'argent, je n'en connais pas. Et je ne les critique
pas pour ça, Mme la Présidente, c'est ça,
leur essence. Et le jour où ils vont réussir à faire de l'argent,
c'est le jour où Lyft et Uber ne seront que des véhicules autonomes. Oh
surprise!
Alors,
«véhicules autonomes», c'est l'expression qui a été utilisée je ne compte plus
le nombre de fois... j'allais dire «ad nauseam», mais je n'ai pas eu la
nausée, Mme la Présidente. J'étais triste d'entendre ça. C'est l'expression qui a été utilisée, le ministre. Je ne le lui reproche
pas, mais je considère que le ministre a été convaincu, convaincu par les
représentants d'une industrie, que, dans un jour plus prochain dans son esprit
que je le considère, moi, mais il y a un jour devant nous que le ministre... — à mon avis, je déduis de ses
commentaires — où il
n'y aura que des voitures autonomes qui seront sous l'égide d'Uber et de Lyft,
et ce jour-là sera un moment charnière irréversible à partir... après lequel
ces compagnies-là feront de l'argent,
beaucoup d'argent. Allez vous acheter des actions en bourse si vous croyez que
c'est dans trois, quatre ans, dans
cinq ans, bien là... où ce sera très lucratif, et l'action va monter. C'est ça,
Mme la Présidente, qui est la
logique. Et je l'ai entendu nombre de nombre, de nombre de fois de la part du
ministre : la voiture autonome s'en vient. Parlez aujourd'hui à
Uber et Lyft, rencontrez-les en privé, ils vont vous dire que c'est exactement
là où on s'en va, et, dans un plan
d'affaires, c'est exactement ça qui est dessiné. On veut, chez Uber, non pas
enlever les chauffeurs, on veut qu'ils disparaissent par la technologie, qu'ils
s'en viennent... Et ce n'est pas leur finalité dans la vie. Leur finalité,
c'est de faire des profits, et les
profits vont venir par la disparition des chauffeurs. Alors, la voiture
autonome va faire ça. C'est ça qui est en jeu ici.
À
partir du moment où on comprend ça, Mme la Présidente, et qu'on fait un projet
de loi pour transformer l'industrie du taxi,
bien, il me semble qu'on a la responsabilité, Mme la Présidente, de s'assurer
de compenser ceux qui sont lésés. On
a certainement aussi la responsabilité de ne pas suggérer que tout va être plus
rose après qu'avant. Parce que ça a été dit à plusieurs reprises, ça :
Vous allez faire plus d'argent après qu'avant. Faites-vous-en pas, MM. et Mmes
les chauffeurs, vous n'en ferez pas
plus, vous ne serez plus là. Dans 10 ans, là, il est très possible que
vous ne soyez plus là, parce que,
l'industrie, c'est vers ça qu'elle veut, souhaite, fait tout pour s'en aller,
c'est vers là qu'elle s'en va. Alors, quand on comprend ça et quand on le voit clairement, on s'attend à ce que
cette transformation-là se fasse en partant, à la case départ avec une
compensation appropriée des propriétaires de taxi, ce qui n'est pas le cas, Mme
la Présidente.
Et
ça, Desjardins le dit... Mme la Présidente, je souhaite que le ministre puisse
porter attention à mes commentaires préliminaires,
là. Je peux comprendre que ça ne va pas dans le sens qu'il souhaite, mais
j'aimerais bien quand même avoir un minimum d'attention, parce que le
sujet est grave. Il est grave, le sujet, parce que, quand le Mouvement
Desjardins est venu ici, là, il est venu ici
dire exactement ça, il est venu dire exactement ça, et c'est la raison pour
laquelle, dans le Mouvement Desjardins, Mme la Présidente, on a proposé
au ministre, et on va l'amener dans l'étude détaillée du projet de loi, qu'il y ait un groupe d'experts neutres
qui soient externes au gouvernement pour faire l'appréciation dans le temps
de la compensation appropriée à apporter aux
propriétaires de taxi, compensation qui est tributaire d'une date, et la date
doit être entre maintenant et 2014. Et je
peux vous assurer, Mme la Présidente, qu'on va se battre pour ça, parce que ça,
c'est le bon sens, parce que ça, ça doit précéder l'analyse de tout le
reste.
J'ai été très
indisposé quand plusieurs des collègues de l'aile parlementaire ont insinué
toutes sortes de choses, particulièrement, incluant le ministre, quand on a
posé des questions sur les enquêtes de Revenu Québec. J'ai beaucoup apprécié...
Et je ne m'étendrai pas là-dessus, mais les insinuations étaient claires, et le
Mouvement Desjardins, ça a été les seuls à y
répondre : Oui, mais, dans tel ou tel autre secteur de la société,
n'y a-t-il pas la
même chose? Et, s'il y a
la même chose, exproprieriez-vous
les gens de la même manière ou non? Et je rappellerai à mes collègues de
l'aile parlementaire qu'aux
crédits il a été difficile d'avoir des réponses jusqu'à ce qu'un fonctionnaire
puisse venir répondre à une question simple :
Vous expropriez comment dans le monde du transport? À la valeur marchande.
Alors, évidemment, ici, ce n'est pas à la valeur marchande. Et, quand bien même le ministre
dit que c'est la valeur marchande, c'est pour ça que le ministre... Le Mouvement Desjardins a
dit : Prenez un groupe d'experts, faites une analyse, tout le monde va
être content, il y aura quelque chose d'objectif. Et on a refusé ça.
Mme
la Présidente, ayant fait cette partie-ci de mes remarques préliminaires, je vais
aller maintenant dans le détail du
projet de loi, pas nécessairement dans le détail article par article, on est
ici pour les regarder tous, un par un. Bien oui, c'est bien évident que je m'attends à ce que le ministre... Et il l'a
dit, puis d'ailleurs je l'en remercie, il est conscient actuellement qu'il doit y avoir des compensations... je
m'excuse, qu'il doit y avoir des mesures qui fassent en sorte qu'il y ait une
protection de l'activité des chauffeurs existants, des propriétaires existants,
et que cette protection-là doit être enchâssée dans la loi.
La question de la
formation et ce genre de choses là, c'est une chose simple à régler. Ça ne sera
pas un grand problème. Mais de déterminer
quel sera exactement le territoire, et je le dis au sens professionnel du terme
et non territorial, protégé pour les
chauffeurs de taxi... pas les chauffeurs, mais les propriétaires de taxi, ça,
c'est une autre chose à laquelle il va falloir s'adresser. Je comprends que le
ministre est sensible à la chose. On l'est. Et je vois difficilement comment
on ne pourrait pas s'entendre. Mais, dans le
projet de loi, il y a aussi un certain nombre d'éléments sur lesquels nous
allons, de façon très forte,
insister. Pour nous, on souhaite que... Si jamais le ministre avait raison et
que moi, j'avais tort, donc il reste des chauffeurs chez Uber et Lyft pendant
les 30 prochaines années, bien, on va se souhaiter que la loi fasse
en sorte que, le terrain sur lequel tout le
monde joue, entre guillemets, parce que ce n'est pas vraiment un jeu, bien, les
chances soient égales pour tout le monde.
Et,
pour que les chances soient égales pour tout le monde, ça devient une question
d'accès à la donnée. L'enjeu de l'accès
en ligne à la donnée est primordial. Il est primordial pour les chauffeurs-propriétaires
eux-mêmes et les propriétaires aussi,
pour les organisations municipales, qui en ont besoin pour faire leur
planification, parce que le transport de personnes, ça va bien au-delà
de simplement le taxi.
Alors,
évidemment, tout le monde aura compris qu'on arrive, en disant ça, sur le thème
du transport adapté et bien d'autres
choses. Même le transport en commun, les municipalités ont besoin de cette
donnée-là. Et l'État aura, à mon avis, le
devoir de s'assurer que les données en ligne dont ont besoin les organismes
municipaux qui traitent du transport et du déplacement, la mobilité au sens large... puissent être dotées de ces
informations-là, alors qu'on va voir très vite que les compagnies en
question vont vouloir garder leurs données ou ils vont vouloir proposer de
donner des données en différé. Et les données en différé, ça a une utilité qui
est limitée lorsqu'on arrive dans un environnement où il est essentiel — essentiel — de le
gérer en ligne, en direct.
La Présidente (Mme
St-Pierre) : ...plus qu'une minute, M. le député.
M. Barrette :
Oui, j'ai vu ça, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
St-Pierre) : Ah! vous avez votre décompte. Excusez-moi.
M. Barrette :
Merci, oui.
La Présidente (Mme
St-Pierre) : Je voulais vous guider.
M. Barrette :
Alors donc, c'est un des éléments, il y en aura d'autres, Mme la Présidente, il
y en aura d'autres. Le projet est vaste. Les
conséquences sont précises, mais elles sont dures pour bien des gens. Et je
pense que, comme législateurs et
comme parlementaires, nous avons la responsabilité d'agir avec le plus de
souplesse et de précision possible pour
s'assurer que, un, le moins de monde possible soit lésé par la mise en
application du projet de loi et le maximum de gens qui ont besoin de ces services-là les reçoivent en quantité et en
qualité appropriées. C'est ça, notre devoir, c'est comme ça qu'on va l'aborder. Nous serons collaborateurs
dans l'esprit que je vous ai mentionné ici pendant les 20 dernières
minutes. On n'est pas contre, je l'ai
dit au début, je le dis encore aujourd'hui, on n'est pas contre, mais on pense
qu'il doit y avoir des aménagements pour les raisons que j'ai clairement
exprimées. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors,
merci beaucoup, M. le député. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de
transport et députée de Mercier à faire ses remarques préliminaires. Vous avez
une durée maximale de 20 minutes.
Mme Ruba Ghazal
Mme
Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations au ministre, et aux
députés de la partie gouvernementale, et à mes collègues des partis
d'opposition.
Écoutez, j'ai parlé longuement durant l'adoption
de principe au salon bleu par rapport à ce projet de loi puis qu'est-ce qu'on en pensait suite aux interventions
des différents groupes qu'on a entendus. Et le ministre n'était pas présent,
donc il n'avait pas entendu les
interventions. Peut-être qu'il les a entendues sans avoir été présent, je ne
sais pas, mais je vais résumer ce que j'avais dit à ce moment-là, puis à
différents moments, puis qu'on va pouvoir continuer.
• (12 h 20) •
Donc, en
fait, aujourd'hui, si on se retrouve avec ce projet de loi n° 17, ce projet de loi qui met à terre toute une industrie, en tout cas, si ce n'est pas demain,
après-demain, à moyen, long terme, ça, c'est clair, s'il n'est pas amendé, s'il
est adopté tel quel... mais là je vois qu'il
y a une ouverture, de la part du ministre, à des amendements, et ça, c'est une
très, très bonne chose. Donc, si on se retrouve aujourd'hui dans cette
situation-là... Bien, ça a commencé il y a trois ans, en 2016, lors de l'adoption sous le bâillon de la loi n° 100 qui a donné un avantage indu à Uber, où est-ce qu'on a ouvert la
porte à Uber, c'est-à-dire qu'on a
légalisé sa situation, alors qu'il était depuis un certain temps dans...
plusieurs années, dans une situation illégale sur le territoire du
Québec, et on a laissé traîner ça, on a laissé traîner ça.
Et, les
chauffeurs de taxi, ce n'est pas la première fois qu'ils se mobilisent, les
propriétaires et chauffeurs, qu'ils se mobilisent contre des décisions
gouvernementales, ils en ont l'habitude. Et là, malheureusement, ils se
retrouvent aujourd'hui... En fait, ils
voient le projet de loi n° 17 comme... ils le reçoivent comme une brique
sur la tête, parce que c'est leur
avenir, l'avenir de leurs enfants, de leurs familles qui est mis en jeu. Mais
ce n'est pas nouveau, ils ont vu ça venir avant, mais pas à ce point-là,
cette déréglementation totalement sauvage qu'on voit dans ce projet de loi.
Alors qu'Uber, il a été bien, bien silencieux, sauf quand il est venu, quand il
a été invité... Les représentants, quand ils ont été invités à intervenir lors
des consultations particulières, ils n'avaient pas beaucoup de commentaires à
faire, pas beaucoup de changements, ils ont
été silencieux parce qu'ils étaient satisfaits, ça répondait exactement à
toutes leurs exigences, toutes leurs demandes qu'ils avaient formulées
auparavant.
Donc, moi, ce
que j'ai senti lors de ces discussions-là... J'ai beaucoup entendu évidemment
le ministre parler, que ce soit lors
de la commission ou dans les médias, et, moi, ce que je ressens, à force de
répéter toujours les mêmes choses, peut-être
à part pour la question du transport adapté, où là on sent une ouverture...
parce qu'il y a eu un oubli, puis j'espère qu'il va être corrigé, mais ce que
je sentais, c'est beaucoup d'incompréhension de la situation, des conditions de
travail, de vie des chauffeurs et des
propriétaires de taxi. Et, peut-être parce qu'il n'est pas familier avec
l'industrie, c'est... Il en a rencontré, je le sais, il a rencontré les
chauffeurs de taxi depuis qu'il est ministre des Transports, mais je sens ça.
Quand je suis allée dans les différentes
manifestations — et
aussi, moi, c'était la première fois, ici, en tant que porte-parole en matière de transports, mais il y avait aussi l'ancien
député de Mercier qui était toujours présent auprès de cette industrie, de ces chauffeurs, à côté
d'eux — il y
avait un chauffeur qui m'a beaucoup marquée, et j'en avais parlé aussi lors de l'adoption de principe, qui est arrivé
avec sa voiture qu'il a achetée, dont il est propriétaire, et qui a travaillé
très, très fort, il est arrivé avec ses diplômes, des diplômes
évidemment pas en matière de chauffeur de taxi, des diplômes en ingénierie et des diplômes du Maroc, parce
qu'il est originaire du Maroc, des diplômes qu'il a obtenus ici pour pouvoir
avoir un travail. Et ça, c'est un exemple
qu'on donne beaucoup, beaucoup, beaucoup, des chauffeurs de taxi qui ne
trouvent pas de travail à la hauteur de leurs compétences, à la hauteur
de leurs diplômes et qui décident... qui se tournent vers l'industrie du taxi pour mettre du pain sur la
table, pour nourrir leurs familles, pour éduquer leurs enfants. Et je trouvais
que ce chauffeur-là, bien, il était
emblématique. Et c'est un propriétaire, donc ce n'est pas... parce que souvent
on a voulu opposer chauffeurs, propriétaires, c'est un propriétaire qui
n'avait, en tout cas, pas payé peut-être son permis, mais qui disait :
Pourquoi on ne nous laisse pas tranquilles? Pourquoi on ne nous laisse pas
travailler — surtout
quand on pense au projet de loi n° 9, au projet de loi n° 21, qui touchent
des travailleurs, des honnêtes travailleurs qui veulent simplement
travailler — pourquoi
on ne nous laisse pas tranquilles faire notre travail? Et moi, je suis
extrêmement touchée par ça.
Puis on peut
dire : Oui, mais la vie change, c'est la modernité, c'est la loi de
l'offre et de la demande, la loi de la jungle, où il y a des gens qui perdent,
il y a des gens qui gagnent. Bien, on est au Québec, puis, au Québec, on a
décidé qu'on allait avoir un filet
social, et c'est important pour nous, c'est ce qu'on a choisi de faire, et de
ne pas laisser tomber personne. Oui,
on peut aller vers la modernité, vers la modernisation, même les chauffeurs
ont... les propriétaires, l'industrie a
fait des efforts pour ça, mais ça ne veut pas dire qu'il faut qu'on laisse
tomber des travailleurs puis : Débrouillez-vous, vous êtes les
perdants des choix qu'on a faits, débrouillez-vous, et nous, on continue, on
avance vers la modernité.
Comme
je le disais, il y a eu beaucoup... Moi, ce qui m'a beaucoup, beaucoup dérangée,
et je pense que ça a dérangé aussi
beaucoup l'industrie du taxi de façon générale, c'est le discours de la
division, c'est-à-dire qu'au début on mettait tout le temps en opposition les chauffeurs versus les
propriétaires. Les chauffeurs, eux, vont avoir beaucoup d'argent dans leurs
poches puisqu'ils n'auront plus rien à payer
aux propriétaires, ils vont pouvoir prendre leurs propres voitures ou s'en acheter une et, après ça, faire du taxi librement, sans
avoir à donner de l'argent aux propriétaires. Mais ça, je pense que cette
opposition-là n'a pas duré longtemps, parce
que, dans les rues, ceux qui sont
sortis, ceux qui se sont mobilisés... Moi, quand je parle avec des chauffeurs de taxi, je pose la question,
et les deux ont le même discours : C'est une industrie qu'on est en train de voir tomber, et on s'en va vers
l'ubérisation de cette industrie, et on sait comment Uber traite ses
chauffeurs, et eux, ils n'ont pas
envie d'aller là, d'entrer dans les griffes de cette compagnie multinationale
qui se fout totalement des chauffeurs, alors que, là, ils ont un
travail qu'ils vont pouvoir avoir pour longtemps.
Après ça, on
a essayé de diviser l'industrie versus les usagers. Donc, il y a
les chauffeurs de taxi versus les clients, qui, eux, n'en ont pas pour leur argent, ça coûte cher, la qualité
laisse à désirer, etc. Donc, on veut que les usagers puissent avoir beaucoup
plus de choix, alors que l'industrie du taxi a fait beaucoup de travail pour
satisfaire la clientèle. On l'a vu à Montréal
avec le Bureau du taxi de Montréal, où il y
a eu des efforts qui ont été faits
pour qu'il y ait plus de professionnalisation
de l'industrie, et les chauffeurs, les propriétaires... L'industrie est
embarquée là-dedans et a reconnu ses... a reconnu les choses
qu'elle devait améliorer.
Il y a
aussi, évidemment, les chauffeurs de taxi versus les chauffeurs
d'Uber. Uber, quand ils sont venus, nous ont parlé d'associés — moi,
j'appelle ça comme dans Walmart, on le sait comment ils traitent aussi leurs
employés — et
que les chauffeurs de taxi versus
Uber... Uber, ils vont être peut-être beaucoup plus libres, ils vont pouvoir travailler comme
ils veulent, etc. Ils n'auront rien à payer, sauf un certain montant à
Uber.
Donc, il y a
eu beaucoup ce discours de la division, et je suis contente
d'avoir vu que, bien, l'industrie s'est tenue debout pour dire... pour parler
d'une seule voix, et, non, on ne se laissera pas... on va se mettre ensemble,
qu'on va être solidaires, ensemble pour contrer ce projet de loi qui met
à mal notre gagne-pain.
On aura donc tout entendu, que les taxis
refusent de se moderniser, qu'ils préfèrent rester dans le statu quo. On a vu, je pense, aujourd'hui, que ce n'est pas
vrai. Il y a eu aussi... Je pense que c'était la chambre de
commerce ou... j'ai oublié quels intervenants sont venus dire qu'il y a eu une surenchère des
prix, que ça n'a pas de bon sens, les prix, à quel point ils sont rendus, les prix des permis de
taxi, à quel point ils sont rendus, qu'il
y a eu une surenchère, alors que les
gens de l'industrie du taxi, les
permis, on sait pourquoi ils ont existé. C'est parce qu'il y a eu une époque où il y avait énormément, énormément de taxis, c'était totalement le chaos.
Donc, aujourd'hui, on enlève les permis... parce qu'il n'y avait pas de permis. Aujourd'hui, on enlève le permis, on dit
que c'est une modernisation, alors que ce qu'on fait, c'est retourner en
arrière, dans le temps qu'il n'y avait pas
de permis. Et l'industrie aussi a contribué à ça. Ils ont injecté de l'argent,
et aussi le gouvernement, pour
pouvoir racheter les permis puis avoir moins de voitures puis qu'il y ait... de
mettre de l'ordre dans cette industrie.
Et aussi on
disait que c'étaient des gens d'affaires, que, quand on va en affaires, bien,
qu'est-ce que tu veux, il y a des
risques, et on peut faire faillite, alors que ce n'est pas du tout de cette
façon-là que l'industrie doit être vue. C'est plutôt comme un filet social pour pouvoir aussi avoir un
travail, puisque plusieurs n'ont pas pu trouver un travail ailleurs ou c'est
juste un choix. Ils veulent travailler dans
ce domaine-là, et donc le permis leur assure aussi une retraite, puisqu'ils
n'ont aucun autre avantage.
Donc, la
réalité, contrairement à ces mythes qu'on a entendus, c'est que... On l'a vu,
la modernité, on parle beaucoup des
applications. L'industrie a développé des applications, ils continuaient à
faire un travail pour en développer. Et, comme je le disais, moi, quand je prends le taxi, je ne me rappelle pas la
dernière fois où j'ai appelé quelqu'un pour pouvoir avoir un taxi, j'utilise
toujours des applications. Donc, il y a eu cet effort-là. Et la chose la plus
importante, c'est qu'ils ont respecté toutes
les lois et tous les règlements que le gouvernement leur a imposés. Ils ont
respecté toutes les règles et, même quand, par exemple, on a laissé
entendre qu'il y avait du travail au noir, oui, ils l'ont reconnu.
• (12 h 30) •
Il y a eu
beaucoup, beaucoup de changements, et l'industrie aussi continuait... Parce
qu'aujourd'hui, en plus, avec les
applications, c'est par carte de crédit, et donc ils se sont... Ils ont
travaillé à respecter toutes les lois encore plus, et c'est ce qu'ils ont fait
depuis toujours, et surtout la chose la plus importante, c'est qu'ils ont fait
confiance au gouvernement. Ils ont
fait confiance et ils ont vu qu'ils étaient menacés par cette multinationale et
qu'est-ce que les gouvernements précédents
ont fait, où est-ce qu'on a un petit peu prolongé, là, les projets pilotes,
alors qu'un projet pilote, c'est supposé durer un certain temps, ce n'est pas supposé durer plusieurs, plusieurs
années... Mais ils ont fait confiance, ils n'ont pas vu... Ils ont vu qu'il allait y avoir une modernité et ils
voulaient s'adapter, ils étaient prêts. Même que, dans la région de Québec, ils
ont travaillé à fusionner l'agglomération pour Québec... pas partout à travers
le Québec, qu'il n'y ait plus aucune agglomération... d'avoir une agglomération fusionnée à
Québec. Et d'autres auraient été aussi prêts à faire ça, à moderniser, dépendamment de leur situation
dans les régions, et non pas de faire du mur-à-mur comme le projet de loi fait, sans aucune considération des différences régionales.
On parlait
aussi beaucoup de la compensation. Écoutez, c'est clair, là, je veux dire, il n'y a
pas à chercher midi à quatorze heures, quand on exproprie quelqu'un...
Là, c'est les permis, c'est la même chose que quand on exproprie quelqu'un
de sa maison, il y a des règles. Desjardins nous l'a dit quand ils
sont venus en auditions particulières. Ils nous ont dit : Il y a des règles
d'expropriation qui existent. On n'a pas besoin d'inventer le pain tranché, on
a juste à les appliquer, et ça, ça veut dire une compensation pleine et
entière à la valeur marchande.
J'ai parlé avec un travailleur du taxi. Il
disait : C'est sûr que moi, j'aimerais mieux que le projet de loi n° 17
n'existe pas, qu'il n'y ait pas toute cette
fusion, qu'on n'ouvre pas à n'importe qui, aux travailleurs du dimanche, à
faire du taxi et à les concurrencer. C'est sûr qu'il préfère ça. Mais,
au moins, si on le compensait à la valeur juste, marchande, d'aujourd'hui, depuis que le permis...
Son permis a commencé à perdre de la
valeur depuis l'arrivée d'Uber. Au moins, oui, il va avoir perdu parce qu'il va avoir... Il va perdre son gagne-pain à moyen
et long terme, mais, au moins, il n'aura pas l'impression d'avoir tout
perdu.
Et ce n'est
pas aux contribuables de payer. Même l'industrie le dit et le répète, ce n'est pas à eux de payer.
Il existe une compagnie extrêmement énorme qui fait... Oui, elle ne fait pas de profits maintenant, parce qu'elle veut faire du... elle est prête à faire du dumping pour rentrer dans les
marchés. Mais ce n'est pas aux contribuables de payer. Il y a
des pays qui ont décidé de se tenir
debout et de dire : Bien, Uber aussi doit contribuer, ça ne peut pas être toujours
les mêmes personnes. Donc, là aussi,
l'autre discours, aussi, de division entre... je disais, entre l'industrie et les usagers, mais aussi entre l'industrie et les
contribuables. Ce n'est pas aux contribuables de payer. Il ne faut pas parler de leur capacité à payer. Il faudrait que ça soit aussi
les Uber de ce monde et Lyft de payer.
Je voudrais
aussi parler de quelque chose de très important, c'est le rôle du gouvernement. J'appelle le ministre à ne pas
succomber aux sirènes de l'économie de partage parce qu'il n'y a pas beaucoup
de partage dans cette économie. Il y a beaucoup d'économies, mais peu de partage. Ça, c'est uniquement
une façon de rendre les pratiques de cette industrie acceptables que de
parler de l'industrie de partage. Et Uber est tout sauf moderne, parce qu'il entre — comme
je l'ai dit, il l'a fait ici, il l'a fait ailleurs et il continue à le
faire — sauvagement
dans les marchés, dans l'illégalité, en ne respectant aucune loi, et ça, il n'a
aucun scrupule à le faire. Et il traite aussi, comme je disais, les employés
comme on traitait les employés, là, dans le
passé dans les industries du début du dernier siècle, c'est-à-dire en les appauvrissant totalement et en
disant que ce sont des gens totalement libres, ce sont des associés, qu'est-ce que vous voulez, alors que, pour vrai, c'est des travailleurs.
Et je pense
que, de plus en plus, on va entendre... Là, ils sont peut-être
inquiets, ils ne sortent pas assez. De
plus en plus, on va entendre ces
chauffeurs sortir, et, de plus en
plus, il va falloir peut-être
que le gouvernement aussi légifère pour leur donner un filet social pour qu'ils soient
reconnus comme... pour qu'Uber soit reconnu comme employeur et qu'ils arrêtent
de se cacher sous le couvert «ce sont des associés» et «l'économie de partage».
Donc, aujourd'hui, c'est l'industrie du taxi qui est touchée. Demain, ça va être peut-être
d'autres industries. Il y
a eu, aujourd'hui... Cette semaine,
on a parlé de l'intelligence
artificielle avec M. Bengio, qui
est venu faire... qui est venu nous parler
de l'intelligence artificielle et qui a dit... alors que lui, il est dans la
recherche, dans la recherche fondamentale, dans l'application, aussi, de l'intelligence artificielle,
mais il a voulu mettre en garde le gouvernement en disant : Faites attention, parce qu'on avance dans la technologie, il ne
faut pas opposer... il ne faut pas qu'on laisse tomber personne. Par
exemple, cette industrie-là, l'intelligence
artificielle, quand elle va
rapporter, il faut que la création de valeur soit faite ici,
premièrement, et non pas dans les Google
de ce monde. Il faut qu'on appuie des gens qui créent de la valeur ici
et qui créent des nouveaux produits
ici, et, après ça, d'imposer les grosses compagnies d'ailleurs,
et après ça qu'on puisse protéger les travailleurs. Donc, il y a
une préparation, oui, à la modernité, oui, mais il ne faut pas foncer tête
baissée et il faut le faire intelligemment pour ne pas qu'après ça on soit obligé de reculer puis qu'il y ait, par exemple, des poursuites pour le gouvernement et qu'on soit obligé, après coup, de mettre
en place des lois pour protéger les travailleurs.
Et je
voudrais terminer avec ce que Jacques Parizeau nous disait, ce grand homme
politique qui avait à coeur le... qui connaissait c'est quoi, la responsabilité
de l'État. Et il disait que le rôle d'un gouvernement, c'est de protéger son monde, c'est de prendre soin de son monde. Et
j'appelle le ministre, j'appelle le gouvernement de la CAQ à
écouter ça puis à dire : Oui pour la modernité, oui pour la
modernisation, oui on va avancer, mais ça se prépare. Et c'est très, très
important de prendre soin de son monde, et son monde, ce sont les chauffeurs,
ce sont les propriétaires du taxi. Merci.
La Présidente
(Mme St-Pierre) : Merci, Mme la députée. Alors, maintenant, j'invite le
porte-parole du troisième groupe
d'opposition en matière de transports et député des Îles-de-la-Madeleine à
faire ses remarques préliminaires. Vous avez 20 minutes.
M. Joël Arseneau
M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci, le ministre, de nous avoir convoqués aujourd'hui pour la reprise des travaux. Je salue tous mes
collègues, également, et également le public qui continue de suivre ces débats,
en particulier les représentants de
l'industrie du taxi que l'on a rencontrés pendant toutes les auditions et qui
se sont pliés aux règles malgré le projet de loi qui, dans son essence même,
risque d'anéantir leur industrie. On aurait pu s'attendre à des débordements. Fort heureusement, somme toute, la
voix des opposants à ce projet de loi a été formulée de façon totalement
rationnelle et adéquate dans le système qui est le nôtre. Alors, je tiens à les
remercier et à continuer, là, d'observer les travaux de notre commission.
Aujourd'hui,
donc, puisqu'on a déjà parlé de ce dossier-là il y a un certain temps, on va
s'y replonger pendant les prochains jours et peut-être les prochaines semaines,
donc je vais revenir un peu sur certaines des remarques qu'on a pu
formuler au cours des auditions et également lors de l'adoption de principe du
projet de loi.
Tout d'abord,
je veux rappeler que les préoccupations de ma formation politique sont à
l'effet de défendre, dans ce projet de loi, les travailleurs de l'industrie du
taxi et toutes les familles qui vont être touchées d'une façon ou d'une
autre, certains de façon très abrupte, par
le projet de loi, par les conséquences de l'adoption d'un éventuel projet de
loi. On peut parler non seulement,
là, des chauffeurs, des propriétaires, les mécaniciens, ceux qui sont dans
l'entretien, et ainsi de suite, les
répartiteurs, et tout, là, de plus de 25 000, certains avancent le chiffre
de 30 000, familles du Québec. C'est une industrie forte importante au
Québec. Donc, on a déjà mentionné les drames humains que pourrait provoquer la
loi une fois adoptée. Donc, pour nous
c'est important de défendre cette industrie et les travailleurs, qui, comme ma
collègue l'a mentionné tout à l'heure, ont toujours respecté les règles,
le cadre de loi qui était celui du Québec et qui se voient aujourd'hui un peu trahis par un projet de
loi comme celui-là qui, visiblement, les ébranle et qu'ils n'ont pas vu venir.
En fait, il y a peu de gens qui l'avaient vu venir.
La défense des travailleurs mais aussi la
défense des consommateurs, et ça, c'est peut-être la remarque que je voulais, d'entrée de jeu, faire valoir. C'est que,
dans tout ce débat-là, dans les auditions que nous avons tenues, chacun s'est
prononcé sur les effets éventuels d'une loi
sur le transport des personnes rémunéré... rémunéré des personnes en invoquant
ce que ça pourrait donner pour les
consommateurs, et je peux déplorer le fait que les associations de
consommateurs, les consommateurs eux-mêmes n'ont pas eu voix au
chapitre. On n'a pas pu entendre le point de vue dans le cadre de nos auditions, ce qui est assez malheureux. Nous
continuerons au cours de l'étude détaillée, article par article, de tenter
d'anticiper quelles seront les
conséquences de l'adoption d'une loi comme celle-là sur les consommateurs, sur,
finalement, l'ensemble des gens qui peuvent avoir recours, à un moment
ou un autre, aux services de transport et de taxi.
• (12 h 40) •
Il y a
également tout le volet de l'équité de service dans les différentes parties du territoire
québécois. Nous avons des
préoccupations très profondes sur ce que peut donner un projet de loi qui
laisse au libre marché le soin de réguler l'offre et la demande, d'adapter l'offre à la demande,
particulièrement dans les régions dites éloignées ou dans toutes les régions
rurales du Québec. Donc, dès qu'on sort,
finalement, des centres urbains comme Montréal, ou Québec, ou certaines autres
villes, on risque d'avoir des ruptures de
service et des problèmes significatifs, en fait une diminution du service par
rapport à la situation actuelle.
D'abord, les
remarques préliminaires pour rappeler un peu notre positionnement. Nous nous
sommes prononcés contre le projet de
loi et son principe parce que nous pensons qu'il repose sur un postulat qui
n'est pas clair, dans la mesure où il tend à confondre toute la question de la
modernisation du taxi et la déréglementation qu'on veut imposer à travers le
projet de loi qui est devant nous, et nous
pensons sincèrement qu'il s'agit de deux choses diamétralement différentes,
sans être opposées. Et de postuler que le système actuel ne peut pas être
réformé, mais doit être tout simplement aboli, pour nous, est une approche qui nous apparaît plutôt
idéologique et qui n'a pas été démontrée, d'aucune façon, là, en présentant le projet de loi ou lors des auditions, il ne s'agit
que de se pencher sur l'étude qui a été faite, l'étude du cadre réglementaire,
là, l'étude réglementaire sur ce
projet de loi, qui est très courte, qui est peu détaillée et qui, également,
mentionne un certain nombre d'affirmations qui ne sont pas ou très mal
appuyées.
Nous n'avons
pas, non plus, pu obtenir les résultats des projets pilotes, et ça, bien, je
pense qu'il s'agit d'une aberration dans
le système qui est le nôtre, où le gouvernement, comme l'ont mentionné certains
de mes collègues, a régularisé la situation
d'une entreprise étrangère avec une plateforme électronique, qui opérait de
façon illégale dans le cadre législatif du Québec. On a régularisé ses opérations dans le cadre d'un projet
pilote puis d'un deuxième. Et, selon la compréhension habituelle qu'on a
des projets pilotes, bien, il s'agit de mettre en place un cadre temporaire,
qui nous permettra ensuite d'étudier ce que
pourraient donner d'éventuels changements qu'on produirait mais en ayant
analysé les résultats de la période d'essai
dans le cadre d'un projet pilote. Ces informations-là sont sans doute
disponibles quelque part. Mais il est absolument impossible pour nous
d'anticiper ce que donnera le nouveau projet de loi ou le nouveau cadre si nous
n'avons pas l'information de base sur laquelle le gouvernement semble vouloir
s'appuyer pour proposer de tels changements, des changements draconiens, dans
le système, en fait l'abolition du système tel qu'on l'a connu jusqu'ici. Alors,
pour nous, à défaut d'avoir de
l'information, nous avons cette espèce d'appel à croire sur parole le ministre
et ses conseillers sur l'idée très
simple qui a déjà été avancée dans d'autres sphères, à d'autres égards, pour
dire que la libre concurrence réglerait de façon invisible et fluide
l'ensemble des problèmes dans la desserte du transport rémunéré des personnes
au Québec.
Donc,
l'absence d'études ou de données probantes pour proposer un tel changement, je
le rappelle, nous déçoit, de même que l'absence de comparatifs. Uber n'a pas
été introduit seulement au Québec, on a vu des expériences ailleurs. Et,
quand on lit ce qui se passe un peu dans
d'autres pays, on a des raisons de s'inquiéter, que ce soit au sud de la
frontière, que ce soit en Europe ou même ailleurs au Canada, l'information est parfois anecdotique. Mais je
pense qu'il aurait été plus prudent de prendre le temps de faire les choses,
de faire bien les choses, comme d'autres ont choisi de le faire, sans réagir à la
pression d'une entreprise multinationale comme Uber, pour ne pas la nommer, ou
Lyft, donc d'imiter peut-être une province comme la Colombie-Britannique, qui a pris plus
de deux ans... et, à ce que je sache, ils n'ont pas encore conclu sur la façon dont on peut introduire cette offre
nouvelle d'un transporteur sans créer le chaos, la confusion dans le service
de transport rémunéré des personnes chez
eux. Pourquoi réagir à la pression? C'est, pour nous, une chose qui n'était pas
nécessaire, qui n'était pas utile à ce moment-ci.
Donc, le fait
qu'on doive croire sur parole un certain nombre d'affirmations sur les effets
positifs du projet de loi sans
nécessairement qu'on voie à travers le projet de loi ou ses articles quelque
garde-fou que ce soit ou quelque condition... Il y a des choses qui seront réglées par règlement, on en convient.
Mais, pour nous, il est difficile non seulement de croire sur parole à l'effet positif du règlement dans
toutes ses dimensions et de se dire que ce qui ne sera pas réglé par le projet
de loi le sera aussi par des règlements,
dont on ne connaît pas encore la teneur, alors qu'il est déjà facile
d'anticiper certains dommages qui seront vraisemblablement
irréversibles, particulièrement pour les travailleurs de l'industrie...
Maintenant,
je dirais que l'utilisation du terme «modernisation», pour dorer la pilule...
m'a semblé être utilisé de façon
abusive tout au cours de la discussion, parce que, et on l'a entendu pendant
les auditions, le processus de modernisation, il est commencé, il était commencé déjà depuis nombre d'années. Des
témoins ont défilé pour nous en faire la preuve. Les plateformes qui ont été développées au Québec, les
plateformes numériques existent, elles sont à nous. Elles ont été développées dans le but de servir les
consommateurs et évidemment pour favoriser aussi l'achalandage chez les
transporteurs, chez les taxis, dans
l'industrie. On a reproché, à certains égards, à l'industrie du taxi de ne pas
avoir réagi assez rapidement, là, à ce monde moderne, au téléphone intelligent
qui était maintenant monnaie courante partout dans la société québécoise,
particulièrement chez les jeunes, alors que
la loi, elle-même, n'avait pas permis, pendant nombre d'années, aux taxis de
justement doter leurs voitures d'une
plateforme ou d'une tablette, par exemple, et ça leur était, pendant longtemps,
interdit.
On
a aussi des préoccupations sur tout ce qui est l'aspect conditions de vie des
chauffeurs, des chauffeurs de taxi de
demain et des chauffeurs occasionnels également, leur sécurité financière, donc
leurs conditions de travail, mais également, on l'a mentionné, la sécurité des passagers. Le ministre, d'entrée de
jeu dans ses remarques préliminaires, l'a mentionné, on est heureux de l'entendre, parce que c'est une
préoccupation qui est réelle pour nous comme pour la population, pour ceux qui ont comparu également. Et, toute la
question des services aux clientèles à besoins particuliers, disons,
particulièrement le transport adapté,
le ministre l'a aussi mentionnée. Nous en prenons note et nous allons vouloir
travailler de façon positive avec lui sur l'amélioration du projet de
loi à cet égard.
• (12 h 50) •
Il y a une
grande question qui a été aussi, je dirais, abordée sans nécessairement qu'on
puisse avoir de démonstration probante
sur la place qu'aura l'industrie du taxi de demain. On a beaucoup parlé du
nombre de courses qui était réalisé par l'industrie traditionnelle du taxi et on semble, encore une fois, dire
qu'avec le projet de loi, tel qu'il a été écrit, le fait de pouvoir continuer à utiliser le taximètre et le
lanternon était garant d'un maintien de la part de marché de l'industrie
traditionnelle du taxi dans l'écosystème, ce dont on peut douter
fortement.
Donc, nos
préoccupations de façon plus pointue, lorsqu'il sera question d'étudier article par article le projet de loi, c'est le transport adapté. Les modalités concernant ce secteur important du transport rémunéré de personnes ont été, à bien des
égards, oubliées ou occultées dans le projet de loi. Il faudra y porter une
attention toute particulière.
La sécurité, j'en ai déjà fait mention. La
déprofessionnalisation de l'industrie nous inquiète. Nous allons nous pencher là-dessus de façon plus pointue. Et, quand
il est question de sécurité, il y a la formation des chauffeurs, mais il y a
aussi cette espèce de mouvement à l'encontre
de tout ce qu'il se fait dans le monde moderne aujourd'hui, de l'autorégulation
de la sécurité et de l'entretien des véhicules. Pour nous, c'est un pas en
arrière qui peut, jusqu'à un certain point, mettre en danger la sécurité
des passagers et évidemment des chauffeurs. Et on a eu l'occasion déjà d'en
parler un peu, mais nous y reviendrons. Les
inspections doivent être maintenues de façon à rassurer l'industrie et les
passagers, les consommateurs sur sa sécurité.
Toute la question de la qualité des services
découle également de la formation adéquate ou non des chauffeurs. Quand on parle de déprofessionnalisation,
évidemment, et des conducteurs du dimanche ou de fin de semaine, il y a toute
la question de l'expérience et donc de la
formation pour les personnes à besoins particuliers, moins de contrôle, tout ça
nous préoccupe particulièrement.
J'ai déjà,
aussi, mentionné les conditions de vie des chauffeurs, mais je veux préciser
quand même de quoi il s'agit, dans la
mesure où, au moment même où nous écoutions les témoignages des différents
groupes lors des auditions, les chauffeurs d'Uber faisaient grève, et les
chauffeurs de Lyft également, dans d'autres cadres législatifs. Ce n'était
certainement pas parce qu'ils étaient
satisfaits de leur sort. Si c'est la direction que l'on veut prendre, il faut
quand même prendre note le fait que, lorsqu'on affirme que d'emblée les
conditions de travail seront améliorées et le revenu des chauffeurs le sera
également, on se permet d'en douter
fortement. En fait, l'industrie, actuellement, offre des salaires qui
permettent, à bien des égards, à des
chauffeurs, à des propriétaires, souvent issus de l'immigration, de se bâtir un
capital, de pouvoir finalement faire
vivre leurs familles, payer des études à leurs enfants, et accéder, je dirais,
à un statut social de génération en génération plus intéressant, toujours plus intéressant. Et aujourd'hui je ne pense
pas que la voie qu'on s'apprête à prendre nous promette le même genre de
succès pour les gens qui s'adonneront au transport rémunéré des personnes.
La disponibilité des services, que ce soit en
milieu urbain ou en milieu rural, les deux vont obéir à des logiques différentes. Nous ne croyons pas que les
conditions soient nécessairement réunies pour offrir toujours un service
optimal et au meilleur coût en toutes
circonstances. Nous avons eu certaines affirmations à cet égard,
particulièrement, là, dans les périodes où le service serait moins payant. On a déjà des tactiques, si on veut, de la part des prestataires de service pour justement ne pas offrir un service qui serait pour eux
moins rentable à certaines heures. Puis on peut imaginer, dans des conditions hivernales, que ce sera beaucoup
moins intéressant aussi. Et, dans les régions, évidemment, lors des périodes plus tranquilles,
saisonnières ou de la semaine, nous sommes convaincus que le service aura des
difficultés à être rentable et donc ne sera pas offert, et ce seront les
consommateurs et les populations qui en souffriront.
La question
de la tarification dynamique, qu'on tend à décrire comme n'ayant que
des effets positifs, pour nous, évidemment,
devra être regardée de plus près. Qui dit tarification changeante dit
difficulté à prévoir les déplacements pour des clientèles qui ne sont
pas nécessairement toujours en moyens. Je pense aux jeunes. Je pense aux
personnes les plus vulnérables, les plus démunies, qui devront faire un choix, peut-être,
entre différents...
La Présidente (Mme St-Pierre) : ...
M. Arseneau : Combien?
La Présidente (Mme St-Pierre) :
...minute.
M.
Arseneau : Je vais conclure.
Merci, Mme la Présidente. Donc, qui devront faire un choix, mais un choix
qui repose sur leur capacité de payer selon la période à laquelle ils ont
besoin d'un service. Parfois, ils ne choisissent pas d'aller à l'hôpital, à la pharmacie ou au travail. Et ce
choix-là reposera sur leurs capacités financières, s'offrir un service, par exemple, en période d'achalandage. Pour
nous, ce n'est pas une amélioration, là, des services à la clientèle.
Toute la question du partage de données a été
mentionnée également dans plusieurs auditions, lors de l'audition de différents groupes. C'est absolument
crucial pour la gestion et la planification d'un transport durable dans les
villes. Et, entre autres, la ville de
Montréal a fait des représentations à cet égard, que, sans
avoir la composante taxi ou transport rémunéré des personnes...
La Présidente (Mme
St-Pierre) : Merci beaucoup. C'est terminé.
M. Arseneau : ...ce serait
difficile. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme St-Pierre) :
Alors, vous savez, tous les députés peuvent parler lors des remarques
préliminaires. Donc, est-ce qu'il y a d'autres membres qui souhaitent faire des remarques préliminaires? Mme la députée... Saint-Henri—Sainte-Anne.
C'est ça. Merci.
Mme Dominique Anglade
Mme
Anglade : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, il ne me reste que quelques minutes pour prendre
la parole, alors je vais essayer d'y aller à l'essentiel, quitte à
revenir, de toute façon, la semaine prochaine.
J'aimerais
saluer les personnes qui nous écoutent et les personnes qui sont présentes également,
notamment les représentants des compagnies de taxi,
des chauffeurs de taxi qui sont avec nous.
Écoutez,
je vais y aller de manière générale sur ce que je crois être la responsabilité première d'un gouvernement. Cette
semaine, on a eu des exemples assez éloquents où le premier ministre a pris part à des débats où on choisit des gagnants, on choisit des
perdants. On parle beaucoup de salaire moyen que l'on veut augmenter. Les
salaires élevés, c'est ce qu'on va valoriser.
Bien, je pense que cette philosophie-là transparaît dans le projet de loi qui nous est présenté, comme si des salaires moins élevés, bien,
avaient moins de considération, que ça pouvait justifier un certain nombre de
choses.
Et, d'un point de vue principe, déjà là je me sens particulièrement interpelée. Il y avait
des règles du jeu qui étaient établies. Le gouvernement décide de changer
les règles du jeu. Soit. Il y a des milliers de personnes qui sont touchées
par ça, des milliers de familles qui sont
affectées par ça, des gens qui sont venus s'installer au Québec
dans les années 60, dans les
années 70, qui ont bâti une petite entreprise, une PME et qui sont touchés
par ça. Et ce que l'on répond, de la part du gouvernement, c'est
dire : On va tâcher de compenser d'une certaine manière, une certaine
forme, mais pas de manière complète. Et, là
où on regarde le résultat, c'est que... Lorsqu'on regarde les propositions qui
sont faites, bien, elles ne répondent pas aux besoins de la population.
Elles ne répondent pas aux besoins des personnes qui sont particulièrement touchées,
à toutes les familles à l'intérieur desquelles oeuvre un chauffeur ou une
chauffeuse de taxi.
Alors, les
compensations qui sont proposées, bien que le ministre pense qu'elles soient
suffisantes, ne le sont pas. Les
compensations qui sont proposées, au lieu d'utiliser une méthode qui, au moins,
s'approprierait, avec toute la question des expropriations... ne le sont pas.
Et la responsabilité première d'un gouvernement reste quand même
celle de s'occuper de l'ensemble de sa population.
Alors, nous, évidemment, lorsque nous allons
regarder le projet de loi article par article, nous allons tout faire pour faire
en sorte que les chauffeurs de taxi,
les familles puissent réellement tirer leur épingle du jeu, et c'est la raison
pour laquelle nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont est
présenté présentement le projet de loi.
D'autre part, Mme la Présidente, pendant les
quelques minutes qu'il me reste...
Une voix : ...
Mme
Anglade :
...30 secondes, j'invite le ministre, lorsque l'on parle d'économie collaborative et
d'innovation... Parce que j'en suis, de l'innovation, j'en suis, de
l'économie collaborative, j'aimerais vraiment qu'il puisse se pencher sur la véritable
économie collaborative. Il y a eu des rapports qui ont été faits au sein du gouvernement
précédent. Il devrait sérieusement en
prendre note, parce que ce qui est présenté, encore une fois, ne répond absolument
pas aux besoins qu'ont les propriétaires de taxi et aux besoins qu'ont
les chauffeurs de taxi. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme St-Pierre) :
Alors, merci. Donc, nous allons poursuivre la semaine prochaine.
Et j'ajourne
les travaux au 10 juin 2019, à 14 heures. Je vous remercie à
vous tous et à vous toutes. Je vous souhaite un excellent week-end.
Merci.
(Fin de la séance à 13 heures)