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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, May 7, 2019 - Vol. 45 N° 10

Special consultations and public hearings on Bill 17, An Act respecting remunerated passenger transportation by automobile


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Table des matières

Auditions (suite)

Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec (ARUTAQ)

Association des transports collectifs ruraux du Québec (ATCRQ)

Regroupement des intermédiaires de taxi du Québec (RITQ)

Taxelco

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Association haïtienne des travailleurs
du taxi (AHTT), Regroupement des propriétaires de taxi de Montréal (RPTM) et Regroupement
des travailleurs autonomes métallos (RTAM)

Association des taxis des régions du Québec (ATRQ)

Intervenants

Mme Christine St-Pierre, présidente

Mme Agnès Grondin, vice-présidente

M. François Bonnardel

M. Claude Reid

M. Gaétan Barrette

M. Gregory Kelley

M. Frantz Benjamin

Mme Ruba Ghazal

M. Joël Arseneau

M. Richard Campeau

Mme Marie-Louise Tardif

*          Mme Rosanne Couture, ARUTAQ

*          M. André Lavoie, ATCRQ

*          Mme Thérèse Domingue, idem

*          M. Abdallah Homsy, RITQ

*          M. Pierre Karl Péladeau, Taxelco

*          M. Frédéric Prégent, idem

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          M. Kamal Sabbah, RTAM

*          M. Edgard El-Kalaani, RPTM

*          M. Jean Feeld, AHTT

*          M. Carlo Hector, idem

*          Mme Carole Dallaire, ATRQ

*          M. Serge Lebreux, idem

*          M. Maroun Basbous, idem

*          M. Serge Leblanc, idem

*          M. Jean-François Tremblay, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais de prendre place, de fermer la sonnerie de vos appareils électroniques. Je vous souhaite une très bonne journée. Ça sera une très grande journée parce qu'on va terminer tard ce soir, mais c'est un sujet important.

Alors, j'ai constaté que nous avons le quorum. Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 17, Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Montpetit (Maurice-Richard) sera remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je salue le ministre et son équipe, également les collègues de l'opposition officielle, du deuxième groupe et du troisième groupe d'opposition.

Cet avant-midi, nous entendrons l'Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec et l'Association des transports collectifs ruraux du Québec. Nous avons présentement devant nous Mme Jacob, je pense. C'est bien ça?

Une voix : ...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme Couture? Vous, c'est Couture, alors Mme Rosanne Couture, directrice générale de l'Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec. Mme Couture, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation.

Alliance des regroupements des usagers du
transport adapté du Québec (ARUTAQ)

Mme Couture (Rosanne) : Merci beaucoup. Mme la Présidente, M. le ministre des Transports, Mmes et MM. les députés et parlementaires, mon nom est Rosanne Couture. Je suis la directrice générale de l'Alliance des regroupements des usagers de transport adapté du Québec. Et nous tenons tout d'abord à vous remercier de votre invitation à cette audition sur le projet de loi n° 17.

L'ARUTAQ est un organisme provincial existant depuis 31 ans, et voué à la défense des droits des 122 000 personnes handicapées admises à ces services, et qui les requièrent pour se déplacer de façon sécuritaire et de qualité. Notre mission est donc en lien direct avec tout développement visant à améliorer ces services, et nous appliquons notre mission avec la liberté nécessaire à son exercice.

Et, si vous me le permettez, Mme la Présidente, nous souhaitons, M. le ministre, vous exprimer notre plus sincère compassion pour le drame qui s'est vécu très récemment dans votre circonscription, alors que des appels à l'aide d'une fillette dans un état d'une profonde vulnérabilité n'auront pas suffi à lui conserver sa vie. Nous partageons votre désarroi face à une telle situation, vraiment.

Alors, Mme la Présidente, revenant au sujet qui nous réunit aujourd'hui, précisons d'emblée qu'au Québec tout citoyen devrait pouvoir se prévaloir d'un mode de transport lui permettant de se déplacer en fonction de ses besoins. Un projet de loi du gouvernement du Québec qui se veut plus moderne, et donc en réponse à des besoins diversifiés de déplacement en transport pour tous les citoyens, doit contenir une prémisse fondamentale, qu'est la clientèle, et doit arriver avec une imputabilité dans l'assurance de la sécurité et de la qualité des déplacements des personnes, dont les plus vulnérables, qui composent la clientèle que nous représentons.

Pour les personnes handicapées, ce droit au transport est déjà enchâssé dans la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration et de leur participation sociale. Cette loi engage au premier chef le gouvernement du Québec et tous ses ministères, sans exception, dans les lois, les politiques et les programmes, parce que le transport public est d'abord une aventure humaine qui va se vivre selon l'attention, la préoccupation, la bienveillance et l'humanité dont se seront assurés nos élus politiques.

On sait déjà que le transport adapté est le moyen par lequel s'applique concrètement l'ensemble des déplacements que les personnes handicapées requièrent pour aller à l'école, au travail, pour recevoir leurs soins de santé, visiter leur famille et leurs amis, fréquenter des activités de loisirs, et, pour un nombre important de nos aînés, s'exerce ainsi la possibilité de vivre le plus longtemps possible dans leur domicile. Le transport adapté est le dernier maillon de l'autonomie d'un nombre important de ces personnes. Déjà, en 2011, l'Institut de la statistique du Québec prévoyait qu'en 2031 les personnes de 65 ans et plus auront augmenté de 80 %. Nous sommes à mi-chemin de cette prévision et nous constatons déjà que le nombre de personnes handicapées qui nécessitent un transport adapté s'accroît de façon fulgurante chaque année.

En 2019, l'ensemble des services de transport adapté, incluant les neuf sociétés de transport, planifient environ 9 millions de déplacements, dont 70 % requièrent une industrie du taxi encadrée et qualifiée en vertu d'une loi et d'un règlement qui en précise les modalités. Les services des chauffeurs de taxi sont requis pour assurer l'offre de service en tenant compte des besoins particuliers de déplacement des personnes, ce qui fait inévitablement référence à la formation des chauffeurs, à des attitudes et des comportements assurant la sécurité des passagers, à la disponibilité des véhicules requis, dont des véhicules universellement accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Et je salue nos collègues de l'industrie du taxi qui sont dans cette salle. Précisons que les 9 millions de déplacements en transport adapté au Québec ne sont ni improvisés ni spontanés, ils sont planifiés.

Parlons maintenant du projet de loi n° 17, dont le but est de moderniser le transport rémunéré de personnes par automobile. Non seulement il amène la disparition de la loi actuelle concernant les services de transport par taxi, mais il occulte complètement les dispositions concernant le transport des personnes handicapées, notamment en ce qui a trait à la formation obligatoire des chauffeurs, mais également concernant l'accessibilité universelle de véhicules taxis. En ne reconnaissant plus l'industrie du taxi actuellement réglementée, qui est le principal fournisseur de services de transport adapté au Québec, le projet de loi n° 17 rend vulnérables la planification, l'organisation et la réalisation des services de transport adapté dans les différentes régions. Ce faisant, le gouvernement du Québec se soustrait de son obligation que lui dicte la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

Ce projet de loi témoigne d'une insensibilité à l'égard de personnes vulnérables qui ne disposent d'aucun autre moyen de se déplacer que le transport adapté. Dans les dernières semaines, nombreux sont les organismes à avoir exprimé publiquement et directement au ministre leur dénonciation du libellé du projet de loi n° 17 et son impact négatif anticipé dans l'offre de service que sont une réduction, dans les différentes régions du Québec, du nombre de chauffeurs de taxi, une augmentation encore plus grande de la pénurie d'une main-d'oeuvre qualifiée pour réaliser les déplacements, un effritement de l'offre de service et une réduction de la sécurité dans les déplacements, une réduction du nombre de véhicules universellement accessibles pour le transport des personnes en fauteuil roulant et l'arrivée de voitures non conformes à leurs particularités de déplacement, un isolement encore plus grand des personnes vulnérables et un impact sur leur santé globale, dans un contexte où la population du Québec vieillit.

Les personnes handicapées qui nécessitent un transport adapté ne sont pas une clientèle volatile. Toute leur vie et leur projet de vie dépendent de ce transport. Ainsi, dans le but que soit assurée une offre de service de transport par automobile sécuritaire, accessible et de qualité à l'ensemble des citoyens du Québec et qui tienne compte des particularités de déplacement de clientèles, dont notre clientèle, que sont les personnes handicapées, nous recommandons, premièrement, le retrait du libellé du projet de loi n° 17; deuxièmement, l'élaboration d'un nouveau libellé, dont je vais vous parler dans quelques secondes; troisièmement, le maintien d'une industrie encadrée, qualifiée et formée pour l'offre de service en transport adapté, en y incluant des véhicules universellement accessibles; quatrièmement, la reconnaissance, bien sûr, d'autres modes de transport et de chauffeurs qualifiés, encadrés par des obligations et des responsabilités pour le transport des personnes handicapées, dont celle de se prémunir de voitures universellement accessibles, et qu'ils soient formés pour les desservir adéquatement; cinquièmement, la nomination d'un ombudsman mandaté pour faciliter la résolution des plaintes de la clientèle et jouissant des pouvoirs à cet effet.

Et, en précision à notre deuxième recommandation concernant l'élaboration d'un nouveau libellé, puisque la clientèle n'est nommée nulle part à l'intérieur du projet de loi n° 17 qui, précisons-le, s'adresse davantage à des nouveaux entrepreneurs, sans obligation ni responsabilité à l'égard du transport de notre clientèle, eh bien, ce que nous demandons, c'est que la clientèle, incluant les personnes handicapées, devra être la préoccupation fondamentale du nouveau libellé du projet de loi.

Ainsi, elle composera l'entièreté du chapitre I du projet de loi et elle devra se reconnaître dans la motivation du gouvernement à moderniser le transport rémunéré par automobile. Elle devra se reconnaître également dans les dispositions touchant à sa sécurité et à la qualité des services qu'elle requiert. Et ces dispositions seront donc précisées non seulement dans le chapitre I, mais, par la suite, démontrées dans le libellé entier du projet de loi.

Nous souhaitons que le nouveau libellé de loi s'inspire des travaux qui ont été élaborés par l'ensemble des partenaires, dont l'ARUTAQ, impliqués dans l'organisation et l'utilisation des services de transport adapté au Québec et qui se retrouvent à l'intérieur du guide de référence des pratiques en transport adapté. Et, Mme la Présidente, nous souhaitons que ce guide soit consigné à notre présentation.

Et, en terminant, nous demandons à M. le ministre des Transports s'il accepte ou non... Beaucoup de gens vous écoutent ce matin, M. le ministre. Nous demandons si vous acceptez ou non nos recommandations et notre proposition concernant le nouveau libellé du projet de loi n° 17. Et nous vous remercions de votre attention.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci, madame. Je comprends que vous avez un document à déposer. Alors, on va faire le nécessaire. M. le ministre, vous avez 23 min 30 s.

• (10 h 10) •

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Alors, salutations aux collègues ministériels, aux collègues de l'opposition. Mme Couture, bienvenue. Je me souviens très bien qu'on s'est rencontrés à Montréal juste avant Noël. Pour moi, il était important de vous rencontrer parce que ce n'était pas juste pour vous rassurer, c'était pour vous expliquer jusqu'à quel point, pour moi et pour notre équipe, il était important d'assurer les services à la population.

Quand on parle de transport adapté, les plus démunis, les personnes handicapées, vous comprendrez qu'on... Puis je le répète, on ne s'est pas levés un matin en se disant : Tiens, on va faire une loi puis on va s'arranger pour que ça aille mal. Ça n'a jamais été notre intention, jamais. Et jamais, au grand jamais, on n'a voulu... Et j'ai entendu maints détracteurs qui disaient : Ah! la sécurité et la formation ne seront plus là. Complètement faux, complètement faux. La formation, oui, est inégale partout au Québec, sept heures, 35, 110, 160. Pour nous, il va être important de l'uniformiser et de donner une formation minimale et une autre formation pour ceux qui vont faire du transport adapté. Ça, c'est indéniable, on ne coupera pas là-dessus. On veut s'assurer que les personnes qui vont recevoir des personnes handicapées ou autres seront bien formées.

Les véhicules, il sera important d'assurer la sécurité de ces voitures ou ces vans, comme tel. Ce n'est pas vrai, comme certains l'ont mentionné, que, soudainement, il n'y aura plus d'inspections. Par règlement, vous comprendrez que, pour moi, il y a une différence entre un véhicule neuf qui vient d'arriver sur la flotte qu'un autre qui a 80 000, 100 000, 150 000 kilos. On va le définir en bonne et due forme. Minimalement, ce sera une fois par année. Minimalement, on sait qu'un taxi peut faire entre 40 000, 70 000, peu importe, 100 000 kilos par année. Ce n'est pas vrai qu'on va dire qu'il y aura des inspections seulement aux deux ans. On va assurer la sécurité de la flotte.

Maintenant, je pense que vous êtes d'accord comme moi qu'une grande majorité des sociétés qui offrent le service de transport adapté au Québec font un bon travail. On pourrait même dire un très bon travail. Vous êtes d'accord avec ça? Ceux qui sont venus depuis le début de ces auditions nous ont mentionné qu'il y avait un service, dans une certaine mesure, qui était inégal dans certaines régions. La problématique que l'on pouvait avoir, c'était un monopole où certaines sociétés de transport ou municipalités ne pouvaient pas signer des contrats autres qu'avec une société X et d'autres endroits où il n'y avait pas du tout de service, parce qu'il y a de la demande, mais il n'y avait pas d'offre.

Est-ce que vous considérez qu'avec la loi qu'on a déposée, demain matin, ces sociétés... Soit dit en passant, je pense, 75 %, selon moi, de l'industrie fait un très, très bon travail. Est-ce que vous considérez, demain matin, avec les règles que l'on a déposées, ces sociétés, demain matin, n'auraient plus la possibilité... ou de contrats avec ces fournisseurs qui sont les sociétés de transport en commun et les municipalités?

Mme Couture (Rosanne) : M. Bonnardel, merci de votre question. Vous me permettrez de répondre à votre premier énoncé.

Lorsque vous exprimez votre préoccupation à l'endroit des personnes handicapées et que vous dites : Tout va continuer, ne vous inquiétez pas, l'obligation de la formation, nous allons nous préoccuper de la clientèle, n'en doutez pas... Comment se fait-il qu'il aurait été beaucoup plus simple... Puisque ces dispositions existaient déjà dans la loi et que les toutes premières dispositions datent de 1984, comment se fait-il que, dans un projet de loi qui se modernise, qui veut répondre à des nouveaux services, des nouvelles demandes et qui veut inclure tous les citoyens, on prend la peine ou enfin, par hasard ou... Enfin, je ne sais pas comment c'est arrivé, mais une chose est certaine, cette clientèle-là, elle est complètement évacuée du projet de loi, qui se veut rassembleur, mais, au contraire, qui divise.

Alors, évidemment, lorsque vous parlez de l'offre de service, nulle part, à l'intérieur du libellé, il n'y est question que vous souhaitez que le service poursuive... Alors, il aurait été tellement facile de rassurer tout le monde et de nous ramener nos dispositions qui faisaient en sorte que la clientèle des personnes handicapées constituait une préoccupation pour le gouvernement. Et, à cet égard-là, nous tenons à rappeler l'obligation du gouvernement en matière de transport adapté pour les personnes handicapées. Alors, il aurait été facile de le rapporter.

Alors, nous, c'est plutôt une question que nous vous posons. Comment se fait-il que les dispositions ont été occultées, alors qu'elles s'y trouvaient déjà?

M. Bonnardel : Mme Couture, ce que je comprends, c'est que vous ne considérez pas que ces sociétés de taxi, qui offrent un bon service, vont perdre le travail. Puis ma sous-question reliée à ça... Tous ceux qui sont venus ici nous ont dit une chose... Grosso modo, je le répète, trois quarts, selon moi, des sociétés au Québec qui font du transport adapté vont continuer de le faire parce qu'ils offrent un très bon service, parce que les municipalités, les sociétés de transport sont satisfaites.

De l'autre côté, c'est le quart... Je peux me tromper dans certaines régions, là, je prends un pourcentage qui est peut-être commun partout au Québec. Hormis Montréal, où il y a plus, nécessairement, d'offre, on nous dit : Il n'y a pas possibilité de signer d'autres contrats avec d'autres sociétés voisines dans le territoire d'à côté, qui, elles... Je n'haïrais peut-être pas ça d'avoir une offre additionnelle, ou une concurrence additionnelle, ou être capable de signer un contrat avec une société X qui pourrait venir desservir des gens dans le besoin parce qu'il n'y a personne, parce qu'il y a cette notion de territoire d'agglomération qui, pour moi, en 2019, ne devrait même plus exister. Alors, vous dites quoi à ça?

Mme Couture (Rosanne) : Alors, c'est assez simple. D'ailleurs, à nul moment nous ne remettons en question le travail fantastique que font les sociétés de transport. Nous ne sommes pas ici pour faire le procès des sociétés de transport. Vous avez entendu M. Mario Gagnon, hier, parler du taux de satisfaction de la clientèle. Et il faut se rappeler que 70 % au Québec, plus de 80 % à Montréal, les services sont rendus par l'industrie du taxi. Alors, quand on parle du taux de satisfaction de la clientèle, ça fait égard aussi aux fournisseurs de services. Alors, ça, ce n'est nullement remis en question.

Ce que nous anticipons, tout comme vous l'a dit hier M. Varin de l'ATUQ, c'est l'insécurité que laisse profiler le projet de loi quant à la maintenance des services tels qu'ils sont offerts présentement. Parce que vous savez bien, M. Bonnardel, quand on écoute l'industrie du taxi et comment elle est touchée présentement par le projet de loi, il est certain qu'on peut anticiper un abandon ou, à tout le moins, une transformation au niveau de la fiabilité sur laquelle on peut compter présentement pour organiser l'offre de service. Il va y avoir un abandon des chauffeurs, ça, c'est certain. Il suffit d'écouter les chauffeurs de taxi qui sont un peu exacerbés par le fait que la loi enlève leur... que le projet de loi vienne occulter leur loi, et c'est certain qu'il va y avoir un impact là-dessus.

Et ça, si on ajoute ça maintenant à la pénurie de main-d'oeuvre qu'on connaît déjà... Ce n'est pas juste les sociétés de transport, mais entre autres, M. Gagnon en parlait hier aussi, il y a une pénurie déjà qui est constatée à la STM, de Montréal, de plus de 4 000 chauffeurs, de 2014 à 2018. Ce qui n'a pas été précisé hier, mais qui a été précisé dans une autre présentation publique, c'est en raison notamment de l'arrivée d'Uber depuis quatre, cinq ans.

Alors donc, c'est certain que l'offre de service que vous... enfin, que vous voulez mettre sur pied, donc, des chauffeurs qui n'ont pas d'obligation, qui n'ont pas de responsabilité en matière de transport adapté... Ce ne sont certainement pas eux qui vont être choisis ou appelés à desservir ou à venir bonifier les rangs de la pénurie d'une main-d'oeuvre qui va être augmentée pour desservir les personnes handicapées, parce qu'ils ne seront pas qualifiés. C'est pour ça que nous, nous demandons que le libellé soit transformé pour donner à l'intérieur de ça des rôles, des obligations et qu'ils soient encadrés, formés pour desservir la clientèle des personnes handicapées, parce qu'autrement l'offre de service en transport adapté, elle ne pourra pas être organisée telle qu'elle l'est actuellement, même si actuellement on est déjà dans une pénurie de main-d'oeuvre.

• (10 h 20) •

M. Bonnardel : Mme Couture, vous avez répété que certains chauffeurs ne pourraient être pas qualifiés. Je vous le répète, là, ce n'est pas n'importe qui qui peut faire du transport adapté au Québec. Ce sont, encore une fois, les municipalités, les sociétés de transport qui définissent, qui choisissent avec qui ils font affaire. Si un secteur, heureusement ou malheureusement, dans un contexte de vieillissement de la population... On est la deuxième nation au monde la plus vieillissante après le Japon. On veut garder nos gens à la maison, où... On me disait hier, à l'ATUQ, qu'il y avait une augmentation de 5 % par année de la demande. S'il y a un secteur, assurément, dans le taxi, dans le service, où ça va continuer de faire ça, c'est bien dans le transport adapté. Et c'est bien un créneau ou un secteur où, dans des périodes plus creuses, on a une assurance d'avoir une demande de gens qui veulent être transportés.

Alors, vous, vous me dites : Ce qu'on fait aujourd'hui, ce n'est pas bon. Certains nous disent... Bien, vous dites, en réalité : On revient au statu quo, c'est un peu ça, une gestion des permis. Moi, je vous dis : L'appellation «taxi», la protection... L'appellation comme telle d'un taxi traditionnel reste. C'est vrai qu'il n'y a plus de permis. C'est vrai qu'il n'y a plus de quota.

De l'autre côté, je donne des outils. Moi, je me dis : S'il y a 75 % du service qui est très bien fait au Québec... pas le 25 % qui m'interpelle. Dans des régions au Québec où il n'y a aucun service, dans des régions au Québec où l'offre n'est pas adéquate, pour toutes les questions que vous posez puis que je me pose, services inégaux, qualité — je pourrais vous en énumérer pendant 10 minutes, je ne le ferai pas, vous le savez très, très bien — on dit quoi à ce 25 %? Ce 25 %, présentement, n'a pas les outils autres que de dire : Je suis obligé de négocier avec lui parce que c'est le seul sur le territoire et, quand je n'en ai pas dans mon territoire, je ne peux même pas aller négocier avec le territoire d'à côté pour lui dire : Es-tu capable de venir m'offrir un service chez nous?

Mme Couture (Rosanne) : M. Bonnardel, je vais répéter ce que j'ai dit tantôt. À aucun moment nous ne disons que l'offre de service n'est pas bonne aujourd'hui, au contraire. Alors là, ça va être entendu pour le reste de cette commission.

Maintenant, évidemment, lorsque vous parlez du 75 %, oui, le 75 %, il est très bien fait, mais c'est justement cet aspect de 75 %... Et nous disons même le 100 % parce que c'est... Vous savez, 75 % de la planification ou de ce qui est rendu par l'industrie du taxi... Il y a d'autres clientèles aussi, de personnes, d'aînés qui ne sont pas admis au transport adapté et qui vont nécessiter des mesures, des mesures de formation, des mesures de responsabilité et des mesures aussi d'encadrement pour qu'elles soient bien desservies sans qu'il y ait des situations préjudiciables et qui rendent les personnes encore plus vulnérables.

Maintenant, j'en reviens au 75 %. Ce 75 %, comme je l'ai dit précédemment, il est mis en relief, dans une réduction anticipée d'une main-d'oeuvre qui est nécessaire pour rendre ce 75 % ou le 100 % de l'offre en transport adapté, par le fait que les chauffeurs dont vous voulez... que vous voulez qu'ils soient autorisés, désormais... les nouveaux chauffeurs n'aient pas cette obligation d'avoir des véhicules accessibles, ne soient pas formés pour les personnes handicapées, on a bien dit, et aussi qu'ils n'ont pas de... auxquels il n'y a pas de responsabilité qui soit déjà dictée.

Alors donc, on est déjà... Vous et moi, on est très au fait, avec cette phrase-là, qu'il y a une anticipation d'une vulnérabilité plus grande au niveau des services qui doivent être élaborés par les sociétés de transport. Et évidemment, je pense que l'ATUQ vous l'a clairement dit hier, il y a cette inquiétude par rapport à l'insécurité de comment va se vivre... qui va composer cette offre de transport, avec qui vont-ils faire affaire pour la gestion de services, quand on parle de répondant. Nous, nous maintenons la notion d'intermédiaire parce que l'intermédiaire est déjà quelqu'un qui dispose d'obligations. Il a des responsabilités concernant un nombre de véhicules pour assurer la fiabilité du service.

Alors, vous comprenez que toutes ces dispositions qui s'envolent tout à coup... et, en plus, qui vient ne plus nommer la clientèle dont le ministère... dont le gouvernement doit être, je dirais, le plus imputable, ce sont les plus vulnérables dans notre société. Alors, vous pensez bien qu'on est au fait de ce qui est susceptible de se produire avec le projet de loi, tel que libellé actuellement.

M. Bonnardel : Mme Couture, le lendemain de l'adoption de cette loi, grosso modo, pour le transport adapté, rien ne va changer au Québec. Ceux qui nous écoutent et qui reçoivent un service aujourd'hui vont recevoir le même service. On est d'accord ou à peu près sur le pourcentage, au Québec, des sociétés de taxi qui offrent un très bon service. Vous êtes d'accord avec moi? Vous ne m'avez pas répondu sur le 25 %, les gens qui nous écoutent et qui n'ont pas de service de transport adapté parce que les municipalités ou les MRC ne peuvent signer de contrat, parce que, dans le territoire d'à côté, on ne peut pas demander à un de venir chez nous à cause de ces territoires d'agglomération ou ces zones où ceux qui offrent un service avec les sociétés de taxi, mais qui ne font pas bien le travail... Et certains nous ont dit : On aimerait ça... Hier, là, il y avait les gens de Québec, il y avait les gens de Montréal qui nous disaient : Je n'haïrais pas ça, moi, être capable de négocier avec un autre juste pour établir les prix. Au service de qui? Le client et l'usager.

Alors, moi, le 25 %, là, le pourcentage que je nomme à peu près tout le temps, vous en dites quoi, vous? Est-ce que je donne des bons outils aux sociétés et aux municipalités d'être capables d'offrir un service à ceux qui n'en ont pas présentement?

Mme Couture (Rosanne) : Alors, puisque vous faites le lien entre des services qui n'existent pas dans des régions ou dans des milieux qui ont moins de personnes et que vous faites le lien immédiatement avec l'abolition des agglomérations, alors plus que jamais il y a une incertitude que l'abolition des agglomérations va pourvoir en transport les services à la population, parce qu'à plusieurs reprises il a déjà été soulevé que c'est particulièrement dans des régions éloignées, qui peuvent être comprises dans le 25 % que vous mentionnez, que c'est précisément là où la vulnérabilité va être encore plus grande, par rapport au fait que, ce qui est sûrement très légitime pour des chauffeurs de taxi... d'aller exercer dans des milieux où la concentration est plus grande.

Et, vous savez, on a parlé beaucoup du transport adapté, mais on n'a pas encore parlé des personnes qui nécessitent un transport adapté sur une base spontanée, parce que j'ai précisé tantôt que l'entièreté de ce qui est planifié au niveau des sociétés de transport est planifiée, justement, mais, quand il s'agit d'une demande de transport spontanée, les gens ont besoin de s'adresser aussi à l'industrie du taxi. Mais présentement, parce que les transports sont, je dirais, pris à l'intérieur des contrats de service, il y a très peu de disponibilité le soir, les fins de semaine, la nuit. Alors donc, c'est certain qu'on n'aura pas, en région, une provenance, tout à coup, du ciel qui va venir combler des services, alors que présentement ça n'existe pas et que l'industrie du taxi n'est pas touchée par le fait qu'on la relève, si on veut, de sa loi.

M. Bonnardel : Mme Couture, vous ne m'avez pas répondu quand je vous ai demandé pour le 25 %, mais c'est correct. Vous avez le droit de ne pas répondre.

Je vais aller à un dernier point puis je passe la parole à mes collègues. Vous dites que la formation pour le transport adapté n'est pas suffisante. On doit aller jusqu'où?

Mme Couture (Rosanne) : On doit couvrir l'entièreté des services, M. Bonnardel, non seulement pour maintenant... Et ça, ça fait des années qu'on le demande aussi. Ce n'est pas seulement au niveau financier que ça doit aussi s'actualiser, mais on doit... Parce qu'évidemment tout ce qui est la provision financière est intimement en lien avec l'exercice de la couverture. Je pense que les sociétés de transport vous l'ont indiqué hier. J'étais présente. Et ça fait des années qu'on le dit que le financement doit être en lien avec la couverture à 100 % des services.

Évidemment, quand on parle de tarification dynamique, vous rentrez dans le sujet, ce n'est pas ça qui venir augmenter l'offre de service qui est organisée par les transports adaptés, parce qu'aux heures de pointe, évidemment, une tarification qui va se modifier en vertu du transport des personnes et des moments qui sont les plus charnières, on peut s'attendre à n'importe quoi.

• (10 h 30) •

Alors, c'est toute cette insécurité qui fait que... Quand vous dites : Oui, il y a 25 % qui ne sont pas couverts... mais nous, nous anticipons que ce sera pire après, avec les paramètres qui sont à l'intérieur du projet de loi : tarification dynamique, formation qui n'existe pas, qui n'est pas obligatoire pour les nouveaux chauffeurs et qui seraient susceptible... là, je vais faire un résumé pour être sûre qu'on s'entende bien, et qui vont venir bonifier une offre de service et bénéficier d'une formation d'obligation de responsabilité, parce qu'il faut penser que, même si ce n'est pas en transport adapté, là, les nouveaux chauffeurs, ils vont transporter qui? Des personnes, des aînés, des gens qui auront dû abandonner leurs véhicules. On en parle à tous les jours de ça. Des personnes arrivent à 80 ans et elles doivent faire le choix de laisser leur véhicule parce qu'elles n'ont plus les capacités. Alors, elles doivent s'en remettre... et particulièrement en région éloignée. Est-ce qu'on va laisser des personnes être transportées par M. et Mme Tout-le-monde qui n'aura pas de responsabilité? C'est ce qu'on pourrait appeler le transport bénévole... maintenant rétribué pour le faire. C'est un peu ça, alors, mais sans responsabilité, c'est absolument inacceptable, et sans obligation non plus. Et là je parle pour l'entièreté du 100 %. Et on ne devrait pas revenir sur le 75 % maintenant puisque nous couvrons l'ensemble des besoins du Québec.

M. Bonnardel : Le député de Beauharnois...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Une voix : ...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Bien, c'est parce que je l'ai vue lever la main en premier.

M. Reid : Je vais y aller, si vous me le permettez, Mme la Présidente. Oui?

La Présidente (Mme St-Pierre) : Bien sûr. M. le député de Beauharnois.

M. Reid : Parfait. Merci beaucoup. Moi, j'ai une question. Je vous écoute depuis tout à l'heure, puis, quand on vous écoute, on a l'impression que c'est la fin du monde pour le transport adapté. Puis ça me préoccupe, ce que vous dites, ça vient me chercher.

Ma question est très simple. Comment ça fonctionne, le transport adapté en région?

Mme Couture (Rosanne) : D'abord, monsieur, on n'est pas en train de dire : la fin du monde. Vous savez, il y a des lapsus qui existent, des mots-clés comme ça qu'on semble vouloir nous attribuer. Nous sommes pour une offre de services pour tous les citoyens. Nous ne prédisons pas la fin du transport adapté, nous voulons une offre bonifiée et nous pensons qu'elle va être davantage fragilisée.

Alors, comment se passe le transport adapté en région? Il se passe comme à peu près partout. Il y a des organismes de transport adapté qui ont cette obligation donnée par les municipalités de desservir les personnes handicapées, et ça, c'est sur la demande auprès d'un répartiteur. Donc, il y a une personne, d'abord...

M. Reid : Par contrats de service.

Mme Couture (Rosanne) : Par contrats de service, mais ce sont des personnes qui ont été admises au transport adapté en fonction d'une politique d'admissibilité. Et évidemment, à l'intérieur de ça...

M. Reid : Mais le contrat de service, qu'est-ce qu'il prévoit entre la municipalité puis le transporteur? Il y a des clauses qui sont dans le contrat?

Mme Couture (Rosanne) : Et là vous touchez un point super intéressant. C'est justement là où on veut qu'il y ait bonification. Vous savez, depuis les 20 dernières années, on a fait un travail considérable, l'ensemble des partenaires, les sociétés de transport, les chauffeurs de taxi, et les autres organismes, et le gouvernement du Québec aussi, hein, qui a très bien compris ses obligations, alors nous avons fait des efforts pour que justement cette offre soit bonifiée.

Quelque chose avait été demandé, depuis 2015, et c'est précisément concernant une uniformisation des contrats pour qu'on retrouve, à l'intérieur de ces contrats, des paramètres qui tiennent compte des coûts, des distances à parcourir pour que ce soit... enfin, hier, on parlait d'équité, là, on ne rentrera pas dans ce mot-là, mais qui assurent quelque chose qui soit en lien avec la loi actuelle. On connaît, bon, les services au taximètre, on connaît aussi la notion de contrat, mais il ne faut pas qu'un seul... Hier, on parlait...

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...secondes.

Mme Couture (Rosanne) : Pardon?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 30 secondes.

M. Reid : Il reste 30 secondes. Rapidement, y a-t-il des...

Mme Couture (Rosanne) : On parlait de monopole, hier. Alors, il faut qu'il y ait un contrat uniformisé à l'intérieur du Québec pour s'assurer...

M. Reid : ...mais le contrat existe déjà avec les municipalités.

Mme Couture (Rosanne) : Le contrat existe déjà. La seule chose...

M. Reid : Puis il y a des endroits... moi, il y a des endroits qu'on me disait... où, justement, l'offre, elle n'est pas... il y a des handicapés qui attendent sur le coin longtemps avant d'être...

Mme Couture (Rosanne) : Bien, pourquoi?

M. Reid : C'est parce qu'ils sont pris en otage.

Mme Couture (Rosanne) : Parce que l'offre financière est insuffisante. Et on prend notamment la MRC de La Jacques-Cartier, présentement, qui attend...

La Présidente (Mme St-Pierre) : C'est terminé, madame...

Mme Couture (Rosanne) : C'est terminé? Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...pour cette portion. Alors, maintenant, je passe la parole au député de La Pinière pour 15 min 40 s.

M. Barrette : Madame, bienvenue. Et vous étiez sur votre lancée, continuez, s'il vous plaît. La MRC de La Jacques-Cartier...

Mme Couture (Rosanne) : La MRC de La Jacques-Cartier, depuis février, nous avons fait appel au ministre des Transports pour régler cette situation où des gens sont réduits dans leurs services parce qu'on a décidé de changer tout à coup la, comment je dirais, desserte de services, de s'adresser davantage au collectif et de soustraire des déplacements aux personnes handicapées, alors qu'il y a une obligation. Vous savez, c'est des personnes âgées.

Nous avons reçu à notre bureau une quantité de plaintes énorme, et deux pairs se sont adressés à M. Bonnardel pour leur demander : S'il vous plaît, rétablissez le service. C'est depuis le mois de novembre que ce service est déficient, et le service n'est pas... La réponse à cette demande n'a toujours pas été accordée. Ils n'ont reçu aucun accusé de réception de leur lettre, et nous non plus d'ailleurs. Alors, nous demandons que cette MRC soit, dans des délais rapides, compensée, c'est-à-dire que les usagers soient rétablis dans leur service qui est nécessaire pour aller requérir leurs soins, etc.

M. Barrette : Et pourquoi c'est arrivé? Est-ce qu'il y avait un contrat avant et le contrat...

Mme Couture (Rosanne) : Parce que la gestion, tout à coup, a décidé... une nouvelle gestion a décidé en octobre, avec l'ensemble des maires de la MRC, que désormais il y aurait du développement en transport collectif. Et évidemment, étant donné que le budget était insuffisant pour faire une nouvelle offre de service ou une offre plus répandue en transport collectif, alors ce sont les usagers du transport adapté qui ont fait les frais de cette nouvelle nomenclature, si on veut. Et évidemment, nous avons demandé au ministre d'intervenir rapidement, et finalement, écoutez, dans les derniers jours, les gens se demandent encore ce qu'ils devront faire pour que ça agisse à ce niveau-là.

M. Barrette : Je ne veux pas mettre des mots dans votre bouche. Je comprends donc que ça, c'est un exemple parfait de ce que vous craigniez qui pourrait arriver.

Mme Couture (Rosanne) : Du 25 % dont M. Bonnardel parle.

M. Barrette : Exactement, c'est ce que je... Et là je suis content que vous le disiez, madame, parce que moi-même, qui siège ici, on ne sait jamais exactement, du 25 %, de quoi il parle. Mais là vous venez de nous donner un exemple qui est très précis. Je vous en remercie.

Puis je vais vous dire une chose de plus, là. Vous pouvez être certains que je vais vous rappeler, moi, pour une raison qui est très simple... je n'ai pas entendu de vous d'aucune manière que vous annonciez l'apocalypse. J'ai entendu de vous qu'il y a un service qui fonctionne, qui est de qualité dans la très grande majorité des circonstances. Le 25 %, bien, on ne le sait toujours pas exactement si c'est une absence de desserte ou une mauvaise qualité de desserte. Mais il y a une chose qui est certaine, vous exprimez une inquiétude d'une détérioration du service qui est de bonne qualité dans les circonstances actuelles, et que ce service-là est donné en majorité par des taxis, selon la région. C'est comme ça, là.

Mme Couture (Rosanne) : Exactement.

M. Barrette : Alors, moi, là, pour moi, c'est limpide, ce que vous dites.

Et vous voyez aussi, dans l'expérience, qu'il y a une fuite des conducteurs ou, on peut le prendre dans l'autre sens, ils ne viennent pas, ou ils s'en vont ou ils ne viennent pas, ou ils s'en vont et ils ne viennent pas, mais, au bout de la ligne, il y a un problème potentiel qui est visible à l'horizon. C'est comme ça que je le vois, moi, par opposition à la position gouvernementale selon laquelle, ce n'est pas compliqué, on le déréglemente, il va y avoir des tonnes, et des tonnes, et des centaines, et des milliers de chauffeurs bien formés qui vont venir donner vos services. Et ce n'est pas ça qui va arriver.

Donc, vous, là, si je vous comprends bien, vous plaidez pour, essentiellement, une réglementation, vous l'avez dit, uniforme, claire, nette partout. Vous identifiez aussi une problématique de financement. Est-ce que je me trompe?

Mme Couture (Rosanne) : Absolument.

M. Barrette : Bon. Et, en quelque part, je pourrais aller jusqu'à dire... Puis là c'est une question que je vous pose puis je ne vous reprocherai pas de ne pas répondre à la question, là. Vous savez, nous, on a beaucoup d'expérience sur les non-réponses. On vient de faire une étude de crédits pendant deux semaines, des non-réponses, on en a eu beaucoup. Alors, je ne vous reprocherai pas ça. Mais je comprends que, quand vous regardez la situation d'aujourd'hui, là, avec ce qui s'en vient, vous souhaiteriez qu'il y ait une protection de ce qui se passe aujourd'hui, là, à la limite qu'on protège le monde du taxi, qui fait sa job correctement, que vous souhaitez qu'elle continue, que ces gens-là continuent à donner ces services-là, oui, sur la base de contrats améliorés. Moi, j'en suis, puis d'ailleurs ça serait intéressant qu'on puisse se parler pour ça. Mais ces gens-là, ils devraient continuer dans un environnement que je qualifierais de protégé.

• (10 h 40) •

Mme Couture (Rosanne) : D'ailleurs, M. Barrette, c'est que nous nous posons toujours cette question : Comment se fait-il qu'il ait fallu, pour, je dirais, abolir la loi sur le taxi, une autre loi ou faire entrer une industrie nouvelle, que sont Uber et compagnie, qui aurait pu être fait simplement par décret? Parce qu'à l'heure actuelle, je veux dire, Uber bénéficie d'un projet pilote. On sait que l'essayer, c'est souvent l'adopter. Alors, il a vu son projet confirmé pour une troisième année, et finalement il aurait pu très bien joindre les rangs de ceux qui donnent déjà du service et qui le donnent très bien, par le biais d'un décret et non pas en abolissant une industrie et en rayant du même coup les dispositions qui concernent notre clientèle.

Et, M. Barrette, lorsque vous parlez de la protection de notre clientèle, notre rôle, c'est exactement ça. Et vous savez quoi? Nous avons entendu beaucoup de représentants qui sont venus autour de la table et, si nous ne le faisions pas, nous pourrions être extrêmement inquiets. Parce qu'on nous parle beaucoup plus en termes de technologie, d'innovation, et ça va de plus en plus dans l'ésotérisme, alors... et de voitures autonomes — j'emploie l'expression de M. Arseneau d'hier — et à tel point que la personne est complètement oubliée et, qui plus est, les personnes les plus vulnérables du Québec et dont le rang va s'agrandir de façon effarante. Et bientôt nous allons en faire partie, vous savez, hein? Que souhaiterons-nous pour nos services lorsque viendra notre tour? C'est la question qu'il faut se poser parce que c'est ça, aujourd'hui, que nous préparons.

Et, vous savez, la clientèle des personnes handicapées, le programme d'aide gouvernementale, il commence à l'âge de six ans, il ne commence pas à l'âge de 65 ans. Ces enfants-là ont besoin d'avoir un transport adapté pour les amener à l'école, les amener à l'hôpital. Et, vous savez, il y a eu tellement de parents qui sont venus parler, justement, des situations pénibles de leur enfant handicapé, dans les dernières semaines, depuis que le budget est sorti. Alors, nous ne sommes pas désincarnés de cette réalité.

Alors, que souhaitons-nous, comme société québécoise, pour nos aînés, pour les personnes les plus vulnérables, dites-moi, alors qu'il y a des nations dans le monde dont c'est la priorité, de s'occuper de leurs aînés et de tout mettre de l'aval pour s'assurer que ces gens-là, qui ont été contribuables toute leur vie, et que les... Les personnes handicapées, il faut le rappeler, ce sont des contribuables. On a souvent... D'ailleurs, ce sont des gens de la MRC qui me le faisaient penser, ils me disaient : Rosanne, n'oublie pas de dire que notre monde sont aussi des contribuables du Québec. Voilà, c'est fait. Mais alors qu'attendons-nous pour faire valoir cette importante disposition à l'égard des plus vulnérables, au Québec, dont nous allons joindre les rangs tôt ou tard?

M. Barrette : J'aime beaucoup votre formule, madame. Je vais rajouter à ça, dans le sens de ce que vous dites, les... C'est vrai qu'on parle beaucoup de technologie. Depuis le début, on parle de technologie puis on ne parle pas des gens. Puis je suis bien content que vous soyez là ce matin, parce que, comme vous... et j'en suis convaincu, l'auto autonome ne va pas transporter des gens en perte d'autonomie, là. Ça n'arrivera pas, là. Alors, il faut quelqu'un, là, pour s'occuper de ces gens-là, et, à un moment donné, vous avez bien raison d'aborder ça. Je vous félicite, là, pour votre intervention, madame, c'est vraiment... C'est clair, c'est limpide, et, non, vous n'annoncez pas la fin du monde.

Je sais que mes collègues veulent intervenir, Mme la Présidente. Alors, je vais passer la parole à mon collègue si vous le permettez.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, M. le député de Jacques-Cartier, allez-y.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Je trouve que vous êtes tellement zen pour quelqu'un qui croit sur la fin du monde, comme le ministre a critiqué. Mais hier, je sais que vous étiez ici pour écouter des autres témoignages, puis le ministre a fortement critiqué la ville de Montréal parce que le mot «client» ou «clientèle» n'était pas au coeur de leur mémoire. Mais, pour vous, c'est vraiment le contraire, et le mot «client» et «clientèle» est vraiment partout dans votre mémoire, et vous représentez une clientèle très vulnérable. Alors, merci pour votre engagement puis votre travail.

Mais je veux juste poser une question, un petit peu, sur la formation et la proposition, dans votre mémoire, pour le libellé. Est-ce que, selon vous, si on prend ça mot pour mot, on change ça complètement, est-ce que ça répond à vos inquiétudes envers la formation des chauffeurs, pas juste des taxis, mais des autres chauffeurs d'Uber et de Lyft?

Mme Couture (Rosanne) : Bien, vous avez vu, dans notre mémoire, la proposition que l'on fait au niveau de la deuxième recommandation, qui est la réécriture du libellé. D'ailleurs, j'en profite pour dire que nous voulons que ce libellé soit écrit avec l'ensemble des partenaires avec lesquels nous avons l'habitude de travailler et qui sont impliqués dans cette offre de services auprès des usagers. Ça veut dire les sociétés de transport, les autres organismes de transport et nous-mêmes.

Et donc, écoutez, le nouveau libellé qu'on propose... Et vous me permettez...

M. Kelley : Bien sûr, bien sûr.

Mme Couture (Rosanne) : Et je vous remercie de me permettre d'en parler. Évidemment, ce premier chapitre qui commence, à l'heure actuelle, par «le chauffeur» est complètement désincarné de qui... Vous savez, s'il n'y a pas de clientèle, à quoi sert de faire une loi avec des objets? Ça n'a aucune teneur. Alors, il faut que la clientèle comprenne très bien que cette modernisation s'adresse à elle, qu'elle va amener de la sécurité, davantage de sécurité, davantage d'automobiles, mais davantage aussi de responsabilités parce qu'on amène des nouveaux chauffeurs.

Et évidemment, il faut que, dans ce chapitre, le gouvernement motive qu'est-ce qui fait qu'il modernise cette loi. Comment se fait-il que, tout à coup, on abolisse une industrie qui est le principal fournisseur et que, finalement, on abolisse une loi dont dépend le principal fournisseur et en pensant que tout va se passer très bien? Alors, il va falloir que la clientèle comprenne très bien qu'est-ce qui se passe dans la tête du gouvernement pour en arriver là. Où veut-il en venir? Et ce n'est certainement pas par l'article 138, qui est un règlement. Et ça, nous tenons à le préciser, l'article 138 va dans un règlement.

Par définition, un règlement doit se rattacher à une loi dont le libellé est suffisamment limpide et clair pour qu'on puisse le bonifier par des dispositions complémentaires dans un règlement. Un règlement qui est désincarné d'une loi n'existe pas. Enfin, il est comme ça un peu dans l'univers sans être attaché à quoi que ce soit. Alors, ça demande d'abord un libellé qui soit limpide, clair, qui rassure la clientèle, et qui soit inclusif, et non pas qui exclut une clientèle au bénéfice de nouvelles clientèles, pour qui nous avons la plus grande des sympathies.

Tout le monde... Moi, je viens de la région du Bas-Saint-Laurent, et mes collègues le savent, comment j'ai souffert qu'on n'ait pas de transport collectif. Mais nous souhaitons que tout le monde puisse en bénéficier. Mais ce n'est pas en déshabillant Pierre — et j'espère qu'il n'y a personne qui s'appelle Pierre ici — que nous pouvons habiller Jacques. Vous comprenez? Il faut que ce soit inclusif de toute la clientèle. Pour nous, c'est assez clair, c'est la cohérence de tout ce que ça veut dire, moderniser le transport par automobile pour les citoyens au Québec. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Kelley : Oui. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Viau, il reste 2 min 30 s.

M. Benjamin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, madame, pour votre présentation.

Vous savez, c'est une présentation très claire, limpide. Vous venez de faire tomber un des arguments refuges du ministre des Transports par rapport à ce projet de loi. L'argument refuge, c'est la clientèle. Or, vous qui représentez les usagers... et vous avez noté que ce projet de loi a une absence d'humanité. C'est vous qui le dites. Vous parlez aussi d'insensibilité par rapport à ce projet de loi, et je vous cite : «La clientèle, qui devrait être au coeur même d'une aussi vaste réforme, n'y est nullement nommée ni présente, de sa première à sa dernière page.»

J'aurais plutôt le goût de poser la question à M. le ministre pour lui demander, tout de suite, est-ce qu'il est prêt à rouvrir son projet de loi pour garantir aux personnes les plus vulnérables de la société les droits d'avoir accès à un transport, transport adapté, mais je laisserai le soin à mon collègue de La Pinière de lui poser ça en période de questions.

Vous mentionnez à quelques reprises dans votre mémoire, madame : L'offre globale de service de transport adapté n'est pas et ne peut être improvisée. Selon vous, quel rôle peut et doit jouer un gouvernement dans cette planification globale? Une libéralisation vous semble-t-elle, ou une déréglementation, un bon moyen de planifier à grande échelle une offre de service de qualité et surtout accessible et sécuritaire?

Mme Couture (Rosanne) : C'est-à-dire, écoutez, la nuance qu'on apporte, c'est qu'une déréglementation d'aspects qui ne touchent pas à la sécurité de la clientèle ou à la fiabilité des services... On peut toujours déréglementer les aspects qui ne touchent pas à ça. Ce qu'on fait profondément, dans ce projet de loi, c'est qu'on déréglemente l'industrie des fournisseurs sur lesquels repose l'offre de services.

Alors, s'il n'y a pas un impact là, bien, je me demande bien qu'est-ce que c'est qu'on souhaite et qu'on ne dit pas dans cette loi. Alors donc, c'est certain que ça a un impact important, et puis, donc, il faut se soucier, et nous allons continuer à nous en soucier jusqu'à la fin de nos temps. Mais une chose est certaine, c'est notre prérogative, et, oui, le projet de loi vient rendre plus vulnérable...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Et vous avez terminé, ma chère madame.

Mme Couture (Rosanne) : J'ai terminé? Bon, excusez-moi, je...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Oui. Alors, maintenant, la parole est à la députée de Mercier. Vous avez 3 min 55 s.

Mme Ghazal : Je vous remercie. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je peux vous laisser continuer.

Mme Couture (Rosanne) : Allez-y, j'aimerais entendre vos questions.

• (10 h 50) •

Mme Ghazal : Très bien. En fait, souvent, quand on... Le projet de loi parle de modernisation, et souvent, quand on parle de modernisation, le ministre nous montre toujours ça, parce que ça, ça représente la modernité et la modernisation, aujourd'hui, et les jeunes, qui sont très impressionnés par cette technologie, peut-être autant que M. le ministre. Mais moi, je considère, puis vous l'avez dit aussi dans votre exposé, que la modernisation et une société moderne, c'est aussi une société qui prend soin des gens les plus vulnérables, ceux qui ont besoin de l'État. L'État doit prendre soin de tout son monde, mais encore plus des personnes aînées et des personnes vulnérables. Et le transport adapté est un des moyens, un des outils fondamentaux, importants, parce que le transport de ces personnes-là, qui ont le droit d'aller à leurs soins ou de sortir tout simplement de chez elles pour briser leur isolement, est extrêmement important.

Et moi, ce que je comprends, c'est que le transport adapté, ce que ça prend, c'est qu'il faut que ça soit un service fiable, stable, la stabilité pour qu'on puisse le planifier, et aussi de qualité. Et tout ça doit rester rentable, selon... Si, par exemple, on ouvre à tout le monde, ceux qui vont être intéressés à signer des contrats, il faut que ça reste rentable. Et, en libéralisant totalement comme ça le marché, vous l'avez dit, il y a des gens qui vont peut-être être beaucoup plus intéressés de ne pas aller dans le transport adapté ou d'aller dans des endroits où il y a une plus grande densification, si on pense, par exemple, aux personnes handicapées en région.

Je voulais... La loi actuelle permet... Parce que souvent le ministre a une inquiétude que, par exemple, les municipalités ne puissent pas signer des contrats avec des municipalités voisines parce qu'elles sont en dehors de l'agglomération, et donc il n'y a plus rien à faire. Et c'est pour ça que le projet de loi est là. Il enlève toute la notion d'agglomération, partout au Québec, il règle ça, alors que la loi actuelle, vous pouvez peut-être nous en parler, il y a des dispositions qui permettent aux commissaires d'émettre un permis à un titulaire qui veut, par exemple, opérer dans une agglomération voisine. La loi actuelle permet ça, peut régler le problème des gens qui ne peuvent pas faire affaire avec quelqu'un qui est en dehors de leur agglomération.

Est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu des dispositions actuelles qui pourraient régler ce problème?

Mme Couture (Rosanne) : C'est qu'à l'heure actuelle ce qu'on semble propager, c'est que, s'il n'y a pas de service, la libéralisation des agglomérations va tout régler. Ce n'est pas ce qu'on pense, évidemment.

Et, vous avez raison, dans les dispositions, actuellement, c'est que, si un organisme... D'ailleurs, il ne peut pas y avoir un organisme de transport dans tous les petits villages, sauf qu'il y a une obligation au Québec, c'est que toutes les personnes handicapées ont le droit d'être desservies en transport adapté. S'il n'existe pas d'organisme de transport adapté, alors ça veut dire que la municipalité va contracter avec un voisin qui dispose déjà d'une infrastructure de transport adapté pour s'assurer que le transport adapté va pouvoir être donné dans sa municipalité par le biais de ce voisin. Ça, ça existe déjà. Alors, ça vient déjà, je dirais, enfin, éteindre un peu cette crainte ou, enfin, cet argument qui dit : Nous devons absolument nous préoccuper des régions parce que, sans ça...

Mais ça ne veut pas dire que toutes les ressources sont présentes. Ça ne veut pas dire ça. Et ça, ça s'explique par beaucoup de choses, mais ça va devenir encore plus vulnérable par le fait d'une loi qui déréglemente non seulement l'industrie qui pourrait desservir... Parce que, vous savez, on le dit très bien dans le mémoire, là où il y a... beaucoup de municipalités n'ont qu'un seul chauffeur de taxi. Évidemment, lui ou elle, c'est une personne qui vit dans cette communauté. Ce n'est pas, là, quelqu'un qui vient...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois vous couper la parole encore. Je m'excuse. Je passe la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Vous avez aussi 3 min 55 s.

M. Arseneau : Nous avons presque quatre minutes. Je vais vous poser deux questions.

La première, c'est pour vous entendre sur la loi dans son principe. Si je vous ai bien compris, là, vous dites que plutôt qu'améliorer la situation, globalement, votre appréciation, et c'est aussi la nôtre, on risque... enfin, on joue un peu à l'apprenti sorcier et on va créer plus de tort que de bien.

Mme Couture (Rosanne) : Bien, écoutez, d'abord, on ne parle pas de la loi, mais du projet de loi, parce que...

M. Arseneau : Projet de loi, oui.

Mme Couture (Rosanne) : Merci. Alors donc, bien sûr, parce qu'on enlève les dispositions... On enlève d'abord... On abolit la loi sur le taxi à l'intérieur de laquelle il y a la majorité des fournisseurs de services, et on ne sait pas ce qui va arriver avec nos fournisseurs de services. Alors, c'est certain que ça rend vulnérable l'offre de service elle-même, ça insécurise les planificateurs. Et la clientèle, vous pensez bien qu'elle a peur de perdre ses services. Sans ces services, elle est captive chez elle, et on oublie souvent que le maintien à domicile est permis et rendu possible en raison du transport adapté. Alors, les personnes qui... Là, je vous laisse continuer avec votre autre question.

M. Arseneau : Non, bien, en fait, vous auriez pu continuer. Mais, dans le même sens, que comprenez-vous, parce que vous l'avez entendu, du point de vue de la Fédération québécoise des municipalités qui, à ma grande surprise, semble accueillir le projet de loi comme une bénédiction? Vous représentez aussi des gens des régions. Quel serait votre discours à l'égard des services qui sont offerts en région?

Mme Couture (Rosanne) : Bien, si vous me permettez... parce que j'ai déjà vu ce matin les responsables qui étaient ici, hier, de la FQM, et puis je me suis permise de leur dire qu'évidemment les municipalités sont les responsables, hein, de... Elles ont une responsabilité, c'est une obligation en vertu de l'article 48.39 de la Loi sur les transports, d'organiser les services de transport adapté. Elles ne peuvent se soustraire de cette obligation.

Alors, évidemment, j'ai vu les deux représentants ce matin, je leur ai dit que... j'ai dit : Écoutez, j'ai dit, nous avons trouvé un peu ésotérique, effectivement, votre présentation d'hier. Et j'ai dit : Permettez-moi de vous dire que votre président, M. Lehoux, qui était là dans les dernières années, aurait eu sans doute une tout autre analyse de la situation.

Alors, je ne sais pas qu'est-ce qui se passe présentement au Québec, mais on dirait qu'on est porté vers la techno et on pense de façon très ésotérique de la manière dont ce projet de loi risque d'avoir des retombées. Sauf que nous, on dit : Attention, attention, rien n'est assuré dans le service que vous escomptez recevoir. Tant mieux si quelque chose tombe dans les régions éloignées, mais, à l'heure actuelle, ça vient vulnérabiliser, fragiliser ce qui existe déjà, pas seulement dans les régions, mais partout au Québec.

M. Arseneau : Et peut-être, en terminant, si j'ai encore le temps...

La Présidente (Mme St-Pierre) : 50 secondes.

M. Arseneau : J'aimerais vous entendre davantage parler du transport que vous avez qualifié de transport... ou des besoins spontanés. Parce qu'on a beaucoup parlé des taxibus ou du transport collectif, mais les citoyens qui ont des besoins de transport adapté peuvent aussi avoir besoin d'un transport individualisé à certains moments.

Mme Couture (Rosanne) : Oui, et merci de poser cette question, c'est la précision qu'il fallait donner.

Vous savez qu'avec la déréglementation des agglomérations, évidemment, quand un nombre de taxis sont dans une région ou dans une agglomération, les usagers qui font un appel, ce qu'on appelle personnalisé, privé, ont plus de chances d'avoir... Et encore, les chances sont minimes parce que déjà ils sont pris dans l'offre de service, les chauffeurs de taxi, mais ils ont plus de chances d'avoir quelqu'un sur leur territoire. Imaginez...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Et vous avez terminé, malheureusement. Alors, écoutez, merci beaucoup pour votre présence ici ce matin.

Alors, nous allons prendre une courte pause, et j'appelle l'Association des transports collectifs ruraux du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

(Reprise à 11 heures)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous devons continuer, nous devons poursuivre nos travaux. S'il vous plaît, à l'ordre!

J'invite l'Association des transports collectifs ruraux du Québec à venir s'asseoir, prendre place, s'il vous plaît.

Des voix : ...

La Présidente (Mme St-Pierre) : S'il vous plaît! Il faut poursuivre nos travaux. Donc, nous accueillons M. André Lavoie, qui est président de l'Association des transports collectifs ruraux du Québec, et Mme Thérèse Domingue. Voilà. Veuillez prendre place. Bienvenue. Alors, merci beaucoup. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation.

Association des transports collectifs ruraux du Québec (ATCRQ)

M. Lavoie (André) : C'est bon, on va faire ça. D'habitude, j'arrive à 10 min 45 s, ça fait que... Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs dames les députés, tous les autres, bien, en fait, merci de nous recevoir ce matin, en fait, de nous recevoir au nom de l'Association des transports collectifs ruraux du Québec. Je me présente, je suis André Lavoie, je suis le président de l'association, et je suis accompagné de Thérèse Domingue, qui est une des administratrices, une ancienne D.G. de notre association et une experte au Québec, là, sur tout ce qui est transport en milieu rural.

Rapidement comme ça, l'ATCRQ, notre mission, c'est de représenter puis d'accompagner nos membres, contribuer au développement des politiques et règlements qui régissent le transport collectif de personnes, et, depuis le début qu'on opère, on le fait en mettant au centre de nos interventions l'usager, le citoyen et la citoyenne. On est contents d'ailleurs que ça se reflète, d'ailleurs, dans la Politique de mobilité durable, cette approche-là. Ça fait que, dans le fond — hier, vous avez rencontré l'ATUQ, je parlais avec le directeur de l'ATUQ tout à l'heure — l'ATUQ représente les sociétés de transport, l'ATCRQ représente pas mal les autres organisateurs de transport au Québec, les 80 autres. En fait, on travaille beaucoup avec les associations nationales et principalement, d'ailleurs, avec les associations qui sont issues du milieu municipal. On a participé aussi au comité consultatif de la Politique de mobilité durable, on fait partie du comité de suivi. On va laisser faire notre C.V. pour aller un peu plus loin.

En fait, bien, rapidement, je veux juste rappeler c'est quoi, les régions au Québec. Il y a une personne sur trois qui reste en dehors des régions métropolitaines de recensement, donc qui reste, ce qu'on pourrait dire, en dehors des grands centres. On parle d'un territoire, en excluant les territoires non organisés, de 550 000 kilomètres carrés versus 16 500 kilomètres carrés pour les régions métropolitaines de recensement. Ça fait qu'assurément on a une densité de population qui est basse, on a des distances à parcourir qui sont très longues en région et, malgré tout ça, on a une augmentation marquée de l'utilisation du transport collectif en région. On est passés, en 2007, à 220 000 déplacements à environ 1,2 million en 2016. Étant donné que la question a été posée à peu près à tous ceux qui sont passés ici, un déplacement sur quatre en région en transport collectif se fait via un taxi. D'ailleurs, il y a certains centres, d'ailleurs, que c'est uniquement du taxibus, c'est 100 % des déplacements qui se font en taxibus.

En fait, quand on a évalué le projet de loi n° 17, on s'est dit : C'est intéressant, on s'intéresse principalement à l'industrie du taxi, mais on ne peut pas regarder ça d'une façon... rien qu'en silo, on pourrait dire, uniquement le taxi. Il faut prendre en considération les impacts que ça peut avoir aussi sur le transport collectif, sur le covoiturage, etc. Et puis, en regardant le projet de loi n° 17, on a sorti quatre enjeux principaux. Le premier et le plus important, c'est la transition et les modifications du cadre réglementaire et législatif. En fait, le succès ou non du projet de loi n° 17, c'est assurément la transition. Les lois et les règlements qui gèrent le transport au Québec sont légion, puis, si on ajoute le municipal et le fédéral dedans ça, ça devient vraiment une cacophonie.

Le cadre législatif, peu importe à quel palier, prend malheureusement peu en compte les spécificités régionales. Souvent, on essaie de trouver... on prend les problèmes qu'on retrouve dans les métropoles et on essaie d'appliquer ces mêmes solutions-là en région. Et pourtant, ça fait plusieurs années qu'on le demande, il faut éviter de faire du mur-à-mur. Mais c'est certain, on est conscients que de mettre un cadre légal avec une flexibilité, ce n'est quand même pas facile. 

Dans la loi, présentement, il y a quand même plusieurs zones grises, ce qui crée parfois... Il y a beaucoup de créativité dans le milieu pour combler ces zones grises là. Ça fait que, parfois, on joue sur les mots pour réussir à organiser des choses qui sont plus ou moins dans l'esprit des règlements actuels. Ça fait que c'est certain que nous autres, dans les recommandations qu'on a, une des premières choses, ça serait non seulement de voir... oui, le p.l. n° 17 est intéressant, c'est un premier bon pas, mais il faut revoir l'ensemble des lois, l'ensemble des règlements et l'ensemble des programmes qui touchent le transport de personnes au Québec.

Entre autres, à l'article 194 du projet de loi, on parle que les municipalités peuvent s'abroger certains pouvoirs, mais on ne parle pas de MRC. Et les MRC, c'est eux autres qui organisent le transport en région. Alors, il faudrait minimalement inclure les MRC là-dedans. Il faudrait inclure les MRC, d'ailleurs, dans toutes les lois et règlements dans lesquels on parle du transport de personnes.

On pense aussi que, pour que ça ait du succès, on a besoin de prévoir une enveloppe financière pour les imprévus qui pourraient arriver. Ça, c'est une première chose, mais il faut prévoir un accompagnement auprès des MRC pour le changement, un accompagnement opérationnel, mais un changement aussi pour les aspects législatifs; revoir rapidement, entre autres, le PADTC, parce que, sinon, il pourrait y avoir des manques au niveau du financement; puis, bien entendu, rapidement, consulter les organismes régionaux lorsqu'on va s'attaquer au cadre réglementaire.

Le deuxième enjeu, c'est les différences entre les milieux urbains, ruraux puis leur complémentarité. Dans la vraie vie, lorsqu'on parle de déplacement des personnes, les frontières administratives, ça n'existe pas. Quelqu'un peut sortir de sa MRC, ou de la région administrative, ou d'une municipalité, puis ce n'est pas ça qu'il va considérer, le territoire naturel de déplacement. Malheureusement, présentement, l'organisation ou la planification de l'offre se fait souvent en fonction des frontières administratives, ça fait qu'il faut trouver un moyen de décloisonner tout ça.

Je ne reviendrai pas beaucoup là-dessus, parce que ça a été dit à maintes reprises, la desserte en taxi, présentement, au Québec, est à géométrie très variable. Vous savez qu'il y a des déserts de services, qu'il y a des services qui sont partiels, il y a des refus de services, il y a des monopoles. On pense que le projet de loi n° 17 peut permettre d'améliorer l'offre et principalement, et c'est ce qui ressort beaucoup dans notre mémoire, en donnant la compétence de l'organisation de ce transport-là, entre autres, aux MRC.

On parlait de manques au niveau technologique. Effectivement, il y a des places que la téléphonie, ça ne se rend pas, il y a des places qu'Internet, ça ne se rend pas. Ça fait qu'on ne peut pas se baser rien que là-dessus. Ça fait que notre recommandation, ça serait de soutenir l'implantation, parce que, de toute façon, que ça soit à cause du projet de loi n° 17, je pense que tout le monde aurait le droit de se téléphoner dans la vie, «anyway». Ça fait qu'on donnerait un horizon de trois ans pour l'implantation de tout ça.

Tant qu'à donner les compétences aux MRC, on voudrait qu'il y ait des mécanismes pour favoriser l'interconnexion entre les municipalités, les MRC, les régions administratives et les régions rurales, urbaines et métropolitaines. Et on recommande aussi que les MRC et les sociétés de transport favorisent la complémentarité des modes et des services.

Un petit mot rapide sur le covoiturage. L'article 147 du projet de loi parle d'un maximum de 100 kilomètres par jour. En région, c'est totalement irréaliste. Il y a plein de monde qui font plus que 100 kilomètres pour aller travailler à chaque jour. Puis je parle d'un aller, ça fait que l'aller-retour, assurément que ça dépasse le 100 kilomètres. Ça fait que, pour nous autres, la recommandation serait d'abandonner tout simplement cette clause-là.

Troisième enjeu, l'avant-dernier, c'est la couverture puis la livraison de services. La couverture, présentement, est variable, la qualité du service est variable. Je pense que le projet de loi n° 17 est un bon moyen d'améliorer le tout, et on a une opportunité de s'assurer que le territoire au complet soit couvert. Et notre recommandation... on l'a mentionné tout à l'heure, le transport adapté, il y a une obligation de services, présentement, auprès des municipalités. On pense que, si on veut atteindre les objectifs de la Politique de mobilité durable, si on veut s'assurer que tout soit fait dans l'ordre et qu'il y ait une transition qui se fasse bien, on considère l'obligation d'offrir un transport collectif incluant un transport à la demande dans chacune des MRC.

L'enjeu quatre, la tarification et le transport illégal, on en a parlé plusieurs fois. En fait, le transport illégal, je tiens à vous dire que ça existe depuis très longtemps en région, le monde est très débrouillard, ça se fait très bien. On se dit que... Tout à l'heure, on nommait souvent 75 % qui a des bonnes dessertes, 25 % qui n'en a pas. En fait, il y a 75 % des places où est-ce qu'il y a des choses qui sont légales, mais ça ne veut pas dire qu'il y a des choses illégales qui ne se font pas en même temps. Je tiens à vous rassurer. Ça fait que le 75 %, d'accord, mais il y a des notes qui sont plus basses à des places que le 75 %. Et la tarification, c'est sûr qu'il peut y avoir un risque en cas de monopole ou en cas de transport illégal, on se comprend, mais, au-delà de ça, si on donne, encore une fois, la compétence aux MRC, ça va jouer comme baromètre, on pourrait dire, pour la tarification dans les régions.

Ça fait qu'en conclusion, rapidement, je pense que les MRC doivent en prendre un bon bout. En fait, c'est la position de l'ATCRQ, et je pense que c'était pas mal aussi la position de la FQM. On est d'accord que c'est pour un bien commun et non pas pour le bien-être d'une entreprise ou d'une industrie. Il faut mettre le citoyen au coeur de tout ça, il faut mettre l'usage au coeur de tout ça. Et le projet de loi n° 17, comme je disais encore puis comme conclusion, c'est un premier pas, mais rapidement il va falloir s'attaquer aux autres modes de transport puis aux autres services de transport, je pense, pour avoir une toile intéressante et atteindre les objectifs qu'on s'est fixés. Voilà. Je suis disponible...

• (11 h 10) •

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci. Il reste 50 secondes. Est-ce que, madame, vous voulez dire un mot? Vous avez 50 secondes.

Mme Domingue (Thérèse) : Ça va. Je vais attendre de répondre aux questions. Je vous remercie.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Ça va? D'accord. Alors, M. le ministre, c'est à vous.

M. Bonnardel : ...merci d'être là. Je pense que vous avez suivi un peu le dépôt de ce projet de loi et les consultations qui ont débuté voilà quelques jours, sinon quelques semaines déjà. Je pense que vous comprenez un peu les principes, tenants, aboutissants de la loi, où on veut aller, et je pense qu'une grande majorité... C'est normal qu'on ne puisse pas plaire et satisfaire tout le monde par cette loi, c'est impossible. Mais le statu quo, pour nous, ne pouvait plus tenir. Il fallait aller plus loin. Il fallait aller donner des outils à vous pour être capable d'aller chercher ce 25 %, pourcentage que je donne qui n'est peut-être pas exact, là, mais, grosso modo, je pense, vous pouvez me dire que je ne suis pas trop loin de la donne.

Et quand je dis ça, bien, vous comprenez que... Quand vous dites : principaux problèmes qu'on a, c'est des refus de service, un monopole, un service variable, qualité, quels sont les principaux... J'imagine que vous allez me répondre ça, là, mais élaborez un peu plus, à savoir vos membres, là, quand ils vous disent, là : Nous, là...

Puis je répétais ça à la dame tantôt, je reste persuadé que le service qui est bien donné partout au Québec à hauteur de x, il n'y a aucune raison, demain matin, que ce service ne puisse être desservi, continuer à être donné par ces sociétés qui le font très bien. Je pense que vous êtes d'accord là-dessus aussi, là. Il n'y a aucune raison demain matin. Puis encore une fois, je le répète, dans des périodes plus creuses de l'année, c'est un service, c'est une demande qui va être égale ou à peu près. Donc, on s'attend nécessairement à ce que... et ça se pourrait qu'il y ait consolidation, là. Ça se pourrait qu'il y ait certains qui se disent : Bien, ça ne me tente peut-être plus, sauf que c'est des actifs quand même importants, avoir des vans adaptées, spécifiques à des besoins x. Là-dessus, bien, je suis persuadé qu'il y aurait peut-être un autre joueur qui lèverait la main puis qui dirait : Moi, je vais aller le faire, ce service, moi.

Est-ce que je me trompe quand j'évoque tout ça? Quels sont les principaux problèmes que vos membres à vous vous disent, là, face à l'avant et à l'après loi?

M. Lavoie (André) : Je vais commencer puis, après ça, je vais laisser ma collègue continuer. Je veux juste rajouter quelque chose, parce qu'en fait on parle beaucoup des problèmes de certains services de taxi, mais je tiens à dire aussi qu'il y en a qui sont excellents, hein? Ça fait qu'il ne faudrait juste pas penser que tous les services de taxi ne sont pas bons. Au contraire, on travaille avec eux autres, puis ils sont précieux, puis effectivement il faut les soutenir dans tout ça.

Maintenant, pour ce qui se passe indirectement avec les membres, je vais laisser la parole à Thérèse. Merci.

Mme Domingue (Thérèse) : Je vous dirais que déjà, peut-être, on va faire une distinction, parce que le 75 %, on l'a vu aussi, là, mais à savoir si vous l'appliquez en transport adapté ou en transport collectif... parce qu'il y a une grande différence, quoique la majorité de ceux qui offrent du transport collectif offrent aussi du transport adapté ou vice et versa.

Mais je vous dirais que c'est un fait qu'une des problématiques, je pense, la plus importante, c'est le manque de desserte dans plusieurs régions du Québec. Et, quand on parle de régions éloignées, on va faire la distinction, on va parler de ruralité, et la ruralité, là, elle n'est pas si loin que ça des grandes villes non plus, là. Donc, régions éloignées, c'est une chose, mais la ruralité, elle est présente à proximité des grands centres aussi. Et une des problématiques que l'on rencontre au niveau de l'offre, elle est au niveau de la ruralité, pour des raisons que l'on peut comprendre, mais je vous dirais qu'il y a énormément de besoins qui ne sont pas répondus, considérant tout simplement le fait que les coûts de services en milieu rural sont trop élevés.

Donc, quand on regarde le projet de loi, ce qui est intéressant, les agglomérations, les quotas, tout ça, ça ouvre une porte à être capable d'avoir des éléments, je vous dirais, qui vont peut-être permettre d'aller plus vers des spécificités régionales qu'un mur-à-mur. Parce que, même si on ne veut pas, officiellement, il y a de grandes distinctions entre des centres urbains avec des taxibus... puis il y a des territoires, il y a des MRC qui ont moins de population qu'une petite ville urbaine. Et c'est ça, la réalité du Québec, et c'est... bravo. Donc, c'est avec ça qu'on doit conjuguer.

Donc, ce qu'il faut voir... en tout cas, ce que nous, on voit, dans le projet de loi, c'est cette possibilité-là, justement, d'être capable de rendre accessible à des coûts abordables... juste la possibilité d'avoir accès, aux gens en milieux ruraux, d'aller travailler, aux études. Les soins de santé, ça va de soi, là, mais pour d'autres raisons qu'uniquement les services de santé... et la réalité du monde rural fait en sorte que c'est un frein. Il y a beaucoup de gens, comme je vous disais, que les besoins ne sont pas répondus tout simplement parce que l'industrie n'y est pas, puis elle n'y est pas pour des raisons que l'on peut comprendre, là. Parce que, si, avant d'aller chercher la première personne... En principe, là, la loi fait dire que, quand la personne s'assoit dans la voiture, le taximètre embarque. Si je fais 35 kilomètres pour aller la chercher, mon problème, il est là. Mais c'est ça, le Québec. Donc, on se dit, à ce moment-là, qu'il faut être capable d'avoir une latitude pour être capable d'offrir des transports particuliers à ces gens-là parce qu'ils y ont droit.

Pour nous, en transport adapté, la municipalité a l'obligation de l'offrir. En transport collectif, on espère que l'élu a une bonne volonté, hein, parce qu'on est comme ça... Ce qu'on voudrait... à partir de ce projet-là, que ça devient même une obligation. Mais ces gens-là, au niveau de la ruralité, ont les mêmes besoins, ils ont les mêmes droits que les gens à mobilité réduite, et on se dit : Comment... Et probablement que c'est notre façon de l'interpréter, parce qu'on peut interpréter plein de choses, et, quand on lit le projet de loi, il y a des endroits qu'on semble pouvoir comprendre qu'on pourrait adapter des éléments pour la ruralité pour offrir des services de qualité, sécuritaires, mais à des coûts abordables, en tenant compte de la capacité. Et je vous dirais que, dans certaines régions et dans des milieux ruraux, il y a des entreprises de taxi, on dirait, traditionnel, présentement, qui elles-mêmes seraient des porteurs. Il y a des années qu'on demande des guichets uniques partout, et je vous dirais que, pour nous, quand on regarde ça, on se dit : Mais pourquoi pas? Parce que, même si on demande de confier à la MRC, qu'elle en soit responsable... mais déjà, plusieurs MRC, ce n'est pas eux qui gèrent, qui exploitent le transport collectif ou adapté. Ils le confient à des mandataires. Ils peuvent le confier déjà à quelqu'un qui a un centre d'appel de taxis et ainsi de suite, là.

Donc, quand on parle de mettre la MRC au centre de, ça ne vient vraiment pas exclure ceux qui ont des permis, mais qui sont déjà... ils ont fait leurs preuves qu'ils ont une volonté de répondre au milieu rural.

Je ne sais pas si ça répond ou je suis partie trop loin, là, parce que je me suis permis... mon rêve, c'est ça.

M. Bonnardel : Oui, oui, oui. Juste, là, il y a un petit flash, là. Vous avez parlé de guichet unique. Faites juste m'élaborer là-dessus, là, que je comprenne.

Mme Domingue (Thérèse) : Oui, bien, je dirais, depuis des décennies, ça fait très longtemps, ce que le transport collectif demande en région, c'est d'avoir des guichets uniques. Parce que, je vous dirais, quand on regarde l'offre de transport, il y a énormément de lois, là, quand on prend tout ça, mais on va convenir qu'il y a énormément de services. Donc, si je prends le citoyen puis je le mets au coeur de... puis là je lui dis : Je t'offre un service, bien, premièrement, s'il n'est pas vraiment impliqué dans le milieu communautaire, il ne connaît pas les services. S'il ne sait pas ce que peut offrir le transport adapté, il ne le sait... On s'entend, là, qu'à chaque mot que je dis j'ai à peu près une offre de transport possible. J'ai des types de transport, et les gens s'y perdent.

Donc, on a des gens qui ont des besoins, qui s'imaginent qu'il n'y a rien qui peut y répondre. C'est tout simplement par la multiplication. C'est ce que l'on dit depuis des années, qu'il devrait y avoir un endroit où toutes les demandes peuvent converger puis que, de là, il y ait eu une répartition. Là, le citoyen, là, il serait sûr d'avoir une réponse.

Donc, je vous le dis, on a ajouté une compréhension au projet de loi qui ouvrait des portes, en tout cas, qui pouvait faire en sorte... Une telle démarche ne nuit pas aux gens qui sont en milieu urbain, mais fait en sorte de faciliter la vie des gens en région, en milieu rural et vient aussi permettre de faire des liens avec les sociétés de transport, les centres urbains pour faire de l'interconnexion.

Comme André, le président le mentionnait, bien, je veux dire, il est clair que, je veux dire, au niveau de la mobilité, le territoire de MRC ou d'une région administrative, il n'y a pas de frontière en transport. Et donc souvent on réalise qu'on a, dans les régions puis dans nos MRC, comme des trains, hein? Il y a un circuit qui arrête à un endroit, mais il... Donc, on s'entend que ce qu'il faut vraiment, c'est avoir une vision horizontale, et là, à ce moment-là, on va augmenter l'offre pour le citoyen puis la citoyenne.

M. Bonnardel : Vous savez, bien, je l'ai répété puis je le redis, lors de nos multiples rencontres avant le dépôt de cette loi, on a vu beaucoup de monde, puis le principal problème auquel on m'amenait une réflexion, c'est l'offre de service qui n'était pas nécessairement... soit pas adéquate ou il n'y en a pas pantoute. On va le dire de cette manière. Et, pour moi, le but premier avec le dépôt de cette loi, c'était de continuer d'assurer le service en bonne et due forme, qui se fait très bien, en grande majorité, ailleurs. Mais, de l'autre côté, on fait quoi? Si on continuait comme ça, bien, on se serait reparlé dans quatre ans, puis il ne se serait rien passé.

Puis encore une fois, je le répète, vous le savez, une population vieillissante où on dit aux gens : On veut que vous restiez à la maison en santé, puis tout ça, puis bouger, bien, ces gens ont besoin aussi d'un service pour être capables d'être transportés pour des raisons x, y, z.

Est-ce qu'on vous donne assez d'outils dans cette loi pour répondre à cette problématique, présentement?

• (11 h 20) •

M. Lavoie (André) : Oui. En fait, je peux commencer puis je vais te laisser terminer. En fait, on croit que la déréglementation va aider l'offre de services. En fait, j'oserais même dire que, pour certains endroits, ça ne pourra pas être pire que présentement. On va le dire comme ça. Par contre, on croit que la déréglementation nécessite un encadrement, et c'est pour ça qu'on pointe les MRC, parce que ça ne donnerait rien de créer quelque chose d'autre. Les entités existent, c'est les organismes de gouvernement de proximité. Ça fait que je pense qu'une déréglementation, oui, mais avec un encadrement fait par les MRC. Je ne sais pas si...

Mme Domingue (Thérèse) : Non, mais ça va. C'est beau. C'est beau.

M. Lavoie (André) : J'ai lu dans sa tête.

M. Bonnardel : Quand on dit que la survie de l'industrie est menacée, pour vous, ce n'est pas quelque chose qui... Vous, vous êtes persuadés, au-delà du pire, là, ce qui se fait de mieux, là... pour vous, demain matin, ce qu'on fait, le service va être donné. Encore une fois, là, moi, je reste persuadé que ceux qui nous écoutent, là... le service comme on le connaît aujourd'hui au Québec va continuer d'être... Ça se peut, là, je le répète, il y a un petit pourcentage, je pense que tout le monde est d'accord, ça se pourrait qu'il y ait consolidation ou changements dans certains secteurs, j'en conviens, mais je reste persuadé que ce service spécifique, adéquat, donné par les sociétés de taxi... Il y en a un ou deux qui vont peut-être arriver puis ils vont dire : Tu es tanné de faire ça? Parfait. Tu n'acceptes pas la réglementation ou ce qui aujourd'hui, là, a été fait, a été déposé par cette loi? Nous, on va embarquer dedans.

Donc, pour vous, c'est utopique de penser que demain matin, toute l'industrie en région, puis on va le dire comme ça, là, n'offrira plus le service ou tout va disparaître.

Mme Domingue (Thérèse) : Ah! non, non, au contraire. Moi, je vous dirais, je pense qu'il y a là des opportunités de proximité qui vont se faire. Cette reconnaissance d'un statut, je vous dirais que souvent, une des problématiques qu'on rencontre, c'est de faire en sorte de voir l'industrie du taxi ou... en tout cas, on a encore des détenteurs de permis comme il y a des années en arrière, là. Aujourd'hui, le taxi, on voit, là, qu'il s'est vraiment adapté au niveau du transport adapté, sans jeu de mots, avec les personnes à mobilité réduite, il a pris un marché. Le transport collectif en région, il y a là un marché pour l'industrie du taxi. La problématique, c'est que, dans plusieurs régions puis en milieu rural, il manque des joueurs. Et on s'entend que, pour arriver et s'adapter à la clientèle de personnes à mobilité réduite, ils ont revu de leurs pratiques. Donc, ça fait très longtemps que le transport collectif en région existe, où on espère que l'industrie du taxi va justement revoir son plan d'affaires et pouvoir arriver et s'ajuster.

Le projet de loi, donc, il va faire en sorte de solliciter tous les acteurs de l'industrie qui sont prêts à faire en sorte de revoir pas nécessairement l'ensemble de leurs gestes, mais s'adapter aux besoins du milieu. Présentement, là, c'est les horaires que l'industrie, dans plusieurs régions, fixe : du lundi... pas les fins de semaine, pas les week-ends. Et on dit que finalement, en principe, l'offre de transport au Québec, elle devrait répondre aux besoins du citoyen, de là où on s'est posé une question : Est-ce qu'un service de transport et tout ça pour les gens à mobilité réduite ou en collectif... si c'est l'industrie, si c'est le privé qui vient dicter ses règles, comment peut-on prétendre mettre le citoyen au coeur, hein? Et pour nous, la question, elle est là, là.

Donc, pour nous, là, il n'y a aucun risque pour l'industrie. Au contraire, il y a là une opportunité d'un nouveau marché à développer. C'est évident, avec des conditions qui vont être différentes, il va falloir tenir compte du fait que, pour aller chercher un client, il y a peut-être plus qu'un kilomètre à effectuer, mais ce sera aux organisateurs à y pourvoir. Puis l'autre avantage, c'est qu'à partir du moment où je prends les offres et que je les concentre à un endroit, bien, peut-être, au lieu d'envoyer le taxi pour une personne, là, dans nos centres de gestion, à l'interne, ce qu'on va avoir, c'est des demandes multiples, qui officiellement... Je veux dire, il va y avoir plus qu'une personne. Donc, on va réduire le nombre de voitures, les GES.

Mais je vous dis que, pour nous, là, il n'y a vraiment aucune menace de l'industrie. Il y a un marché, et, pour nous, ce qu'on espère, c'est qu'il est temps que l'ensemble des propriétaires voient ce qu'ils ont devant eux. On a certaines régions au Québec qui ont pris le tournant et on espère que ce sera pour l'ensemble du Québec.

M. Lavoie (André) : Si je pouvais juste rajouter bien, bien rapidement, quand on parle que la transition va être importante, la transition auprès des MRC qui organisent le transport, mais la transition aussi auprès de ceux qui donnent le service présentement, je pense, est importante.

M. Bonnardel : C'est certain que je suis content de vous entendre dire ça, parce que je reste persuadé, avec le discours que vous dites là... c'est celui que j'ai aussi, c'est celui que j'avais, même avant le dépôt de cette loi, en me disant : Les possibilités sont immenses. Puis je le répète, vous m'avez sûrement entendu le dire, il y a 50 millions de courses au Québec qui sont faites par l'industrie, 10 millions par les nouvelles technologies, 40 millions par le taxi traditionnel. Moi, je vois encore plus loin. Ils sont capables d'en faire 41, 42, 43 dans le futur. C'est l'ATUQ qui nous disait hier : Il y a une augmentation de 5 % par année, 25 % sur cinq ans. Les besoins vont être énormes, la demande va être énorme encore dans le futur, puis je reste persuadé que l'industrie du taxi avec les professionnels qui accompagnent l'industrie vont faire le boulot.

Puis encore une fois, les opportunités... Moi, c'est le 25 % qui m'interpelle. Parce que, si je vous demandais aujourd'hui : Le territoire qui n'est pas desservi, vous l'évaluez à combien?, je ne sais pas si vous êtes capables de me le dire, mais moi... c'est ce bout-là où, à quelque part, tu dis : Il y a des affaires à faire dans ces territoires qui sont mal desservis et d'autres où il n'y en a pas du tout. Alors, à quelque part, les opportunités, elles sont immenses, pour moi, pour que, demain matin, l'industrie du taxi se dise : On va aller desservir tout le territoire.

Puis ce territoire, êtes-vous capable de le définir? L'avez-vous établi? Combien de MRC au Québec où eux, ils se disent : L'offre est mauvaise — on parle, encore une fois, du petit quart, selon moi, là — puis, de l'autre côté : On n'a rien puis on ne peut pas aller signer parce que soit qu'il y a un frein, la CTQ dit non ou quelqu'un d'autre a dit : On ne veut pas embarquer là-dedans? Est-ce que ce territoire mal desservi, ou pas desservi, ou peu desservi, on peut le définir?

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, si vous permettez, là, je ne vais pas répondre à votre question, là, j'en suis d'accord, mais je veux juste revenir. Je comprends votre enthousiasme devant notre réaction, mais on a des petites réserves, puis je vais vous dire où on a notre inquiétude. C'est à partir du moment où, quand on voit le projet... Je vous l'ai dit, là, que nous, la lecture qu'on en fait, on a fait un portrait et, là-dedans, on dit : On est gagnants en ruralité au Québec. Si, en ruralité, je gagne, je vous dirais : Il n'y a pas grand monde qui peut être perdant parce que c'est toujours les... En tout cas, on connaît toute la situation.

Quand on voit... comme les strates que vous avez, là, on parle, bon, d'un conducteur régulier, bon, quelqu'un, il a sa classe 5, là, puis, pouf, il devient... en tout cas, là, je vous dirais : Là, on a plus que des problèmes. On a des problèmes, parce qu'on s'entend que des gens qui vont s'improviser... Le fait de détenir un permis de conduire, là, on s'entend que c'est de l'improvisation. Donc là, là-dessus, on a énormément de difficultés. On comprend que la SAAQ doit arriver puis délivrer des permis, mais on pense qu'il doit y avoir d'autres critères pour s'assurer que la personne qui va être au volant d'un véhicule... Parce que cette personne-là, quand on lit le projet, on comprend puis on se dit : Moi, je suis un centre de gestion, là, ça fait que je vais avoir son nom dans ma liste de personnes à qui je pourrais donner des courses, éventuellement, parce que je ne lui confie pas ça. Notre confiance, je vous dirais qu'elle est limitée parce que... Mais on veut qu'il y ait vraiment des critères puis que cette personne-là soit reconnue.

Là, on a nommé la MRC, mais on s'entend qu'il pourrait y avoir un centre de répartition qui soit mandaté. Ces gens-là, pour nous, ils doivent avoir plus qu'un permis 5 pour qu'on puisse leur faire confiance. Et on trouve que, dans le projet de loi, là, c'est quand même assez large et flou, où il pourrait y avoir... En tout cas, il y a place à interprétation du projet de loi, mais il y a place à improvisation de la part des conducteurs. Comme le volet de répartition, là, pas trop de répartition, je vous dirais que... on s'entend que nous, la répartition, on veut la ramener un peu plus proche. On ne dit pas que, dans 10 ans, ça ne sera plus nécessaire, mais, à court terme, là, on pense qu'un territoire de MRC ou d'une région administrative, là, c'est le minimum qu'on peut aller pour une répartition adéquate, là.

Donc, il y a ces deux aspects-là qui, dans le projet de loi, je vous dirais, font en sorte qu'on ne pourrait pas le porter à bout de bras, parce qu'on se doit, et c'est une question de sécurité... mais ça prend une place importante dans nos réserves. Mais pour le reste, officiellement, pour nous, c'est un moyen de répondre à ça.

M. Lavoie (André) : Puis, si je pouvais aller en complémentarité, en fait, quand on parle du pourcentage de non-couverts, on pourrait dire... Tu sais, c'est difficile à interpréter, parce qu'on parle-tu de superficie de territoire, on parle-tu de population? Quand est-ce que c'est bon puis quand est-ce que ce n'est pas bon, c'est très subjectif, mais on comprend qu'il y a des endroits que c'est déficient.

Mme Domingue (Thérèse) : Où la ruralité est présente.

M. Lavoie (André) : Où la ruralité est présente, effectivement. Et c'est certain que présentement, il y a des permis de taxi qui dorment, ça, on peut se passer l'expression comme ça, mais c'est certain que la MRC qui offre puis qui va offrir un contrat pour du transport à la demande à quelqu'un, bien, c'est beaucoup plus motivant de partir en affaires quand tu sais que tu as un contrat au bout que si tu es devant rien.

C'est pour ça qu'on pense que... Puis c'est déjà ce qu'on fait aussi, de toute façon, avec le transport collectif puis les transporteurs par autobus. Ça fait que de le faire aussi puis de passer en appel d'offres, ça va assurément stimuler les gens à se lancer en affaires, là, dans ça. Ça fait que ça répond peut-être à votre question aussi, M. le ministre.

M. Bonnardel : Le député de Bourget, je pense.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Bourget, vous avez une question?

M. Campeau : Il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il reste 4 min 45 s.

M. Campeau : Ah! bien, c'est bien, ça. Bien, moi, j'ai aimé, M. Lavoie, ce que vous avez dit, parce que beaucoup de groupes qui viennent nous voir sont soit très pour ou soit très contre, et vous avez bien mentionné qu'il y a beaucoup de bons services qui sont donnés, puis, de temps en temps, on dirait qu'on oublie ce bout-là.

Moi, je reste très sensible quand vous parlez de l'importance des MRC en région. J'ai trouvé ça intéressant. Quand vous parlez d'un guichet unique, j'ai l'impression que ce guichet unique là va être plus utile, en particulier pour les personnes vulnérables qui ne sont peut-être pas toujours capables, comme disaient certaines collègues, de se servir d'un téléphone cellulaire.

Vous avez aussi parlé de transport illégal. Est-ce que vous voyez que ce projet-là va aider, régler ou... Ça va-tu régler le transport illégal? Ça va-tu lui donner des ailes? Vous voyez ça comment par rapport à ça?

• (11 h 30) •

Mme Domingue (Thérèse) : O.K. C'est ça. Si vous permettez, honnêtement, là, ça ne peut pas être pire que c'est là. Et ça, il l'a dit, mais, même si c'est redondant, c'est un fait, là, parce que je vous dirais, ce type de transport là, dans nos régions puis en milieu rural, ça existe plus qu'on peut le penser.

À partir du moment où déjà on a des conducteurs qui n'ont pas officiellement le permis de... ils n'ont pas fait la démarche de permis de taxi, là, ces gens-là, c'est le côté facile. Notre crainte, là, pour eux, c'est comme que ça devienne facile. Ils vont aller chercher leur permis de classe 5, mais finalement il va y avoir d'autres critères que... ils pourraient peut-être éventuellement devenir des conducteurs pour un service de transport. Pour eux, tout ce que ça peut faire, c'est les inciter peut-être à faire en sorte d'arriver puis de faire des courses correctement, parce qu'ils vont être payés pour leurs courses. On ne leur demandera pas de faire ça bénévolement, là, ils vont être payés.

Donc, à ce moment-là, on pense qu'il y a là un moyen... pas de tous les récupérer, ce n'est pas vrai. Il y en a qui ont des circuits, il y en a qui gagnent... ils font leur année avec le transport illégal. Mais tout ce qu'on... on est certains qu'on va en récupérer un pourcentage puis, en même temps, on va sécuriser les services qui vont être offerts.

M. Campeau : O.K. Mais pourriez-vous nous dire un peu plus comment vous voyez la formation? Parce qu'on a... d'autres groupes nous en ont parlé. Est-ce que vous voyez, dans le projet de loi, une absence de formation? Moi, je ne l'ai pas vue comme telle, là, loin de là. Mais est-ce que vous voyez qu'actuellement, la façon dont le projet de loi est présenté, il y aura un problème de formation? Et je parle surtout... quand vous parlez de transport collectif, je parle surtout adapté à ce moment-là.

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais qu'on va faire abstraction, parce que moi, je pense que la formation, là, est essentielle. Dans le projet de loi, officiellement, on comprend que, pour nous, elle a été réduite. En même temps, on peut comprendre que pour certains propriétaires, en tout cas, de taxi, ça devient lourd, la formation, et dans l'appareillage actuel, le temps, les délais d'avoir tout ça, on peut comprendre que ça peut être un frein. Mais on pense qu'il faudra trouver d'autres mécanismes mais ne pas réduire la formation. La formation est essentielle, puis les gens ne seront jamais trop formés.

M. Campeau : Ça, c'était particulièrement vrai pour le transport adapté.

Mme Domingue (Thérèse) : Tout à fait.

M. Lavoie (André) : Il faut comprendre, si je peux rajouter... mais on parle de transport adapté, parce qu'il y a une formation un peu psychosociale, peut-être, puis il y a une formation, tu sais, de manipulation des clients, etc. Mais le transport collectif, tu as besoin aussi d'avoir des formations. Je suis certain que l'ATUQ pourrait dire que leurs chauffeurs sont formés, parce que des cas particuliers, il y en a dans toutes les régions puis il y en a, peu importe...

Mme Domingue (Thérèse) : Même dans le métro.

M. Lavoie (André) : ...même dans le métro, on va le dire comme ça. Ça fait qu'en fait je pense que la formation est nécessaire, ne serait-ce que parce qu'ils vont donner une offre de service public. Ça fait qu'on ne peut pas laisser ça à n'importe qui.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il reste 50 secondes.

M. Reid : En fait, concernant Acti-Bus, la... souligne qu'on ne permettrait pas... «16 jugements dans le territoire de la MRC de Coaticook donnent raison à Acti-Bus». Pouvez-vous élaborer là-dessus, s'il vous plaît?

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais parce que... si vous permettez, M. Lavoie a mentionné, là, je veux dire, ce qui fait légion au Québec, les lois... les lois en transport, on en a partout. Donc, présentement, je vous dirais que c'est flou quand on regarde ce que peut faire une MRC, une municipalité, un organisme en régie. Donc, à ce moment-là, ce qui peut... quand je suis en transport collectif, quand... Je suis une MRC, là, je suis en transport collectif, je n'ai pas le droit d'être propriétaire puis d'exploiter ce que j'ai, donc je dois le faire à contrat. Quand je...

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...c'est terminé. Je m'excuse...

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, c'est une belle annonce quand même.

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...de vous couper dans cette lancée. M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Lavoie, Mme Domingue, bienvenue. Très intéressants, les échanges que vous avez à date.

Vous savez, quand on présente un projet de loi quand on est ministre, là, on est très enthousiaste. Alors, comme rien n'est parfait, je vous invite à ne pas être trop enthousiaste parce que ça amplifie l'enthousiasme du ministre. Puis là je trouve que c'est trop, à un moment donné, surtout quand vous nous dites un certain nombre de choses comme vous avez dit il y a quelques minutes, là. Et là on finit par commencer à comprendre que quand le ministre nous dit... Puis là on va faire abstraction du 50 puis du 40 millions, parce que je pense qu'on a compris, là, puis ce n'est même pas sûr que c'est vrai, là, mais ce n'est pas grave.

Alors, quand le ministre nous dit, là, il nous dit ça à répétition : Il y a 75 % des circonstances, ça va bien, puis il y a 25 % des circonstances, là — je dis «circonstances» parce que je ne sais pas quel mot utiliser — où ça ne va pas bien. Bon, il y a des moments où je comprends que le 25 %, c'est parce que c'est une absence de desserte ou une desserte insuffisante. Et là je comprends que ça, c'est géographique, et je pense que ça vous concerne. Je ne me trompe pas? Bon, je vous vois hocher de la tête, alors je pense que c'est oui, la réponse. Alors, je suis content d'entendre ça.

Maintenant, il y a des moments où vous dites que le 25 %, il y a peut-être un problème de qualité. Les gens des villes, à Montréal, à chaque fois que quelqu'un a eu à parler des grandes agglomérations, les grandes villes, là, Montréal, Québec, tout ça... Bon, juste une petite parenthèse, là, ce que vous représentez géographiquement, là, vous dites rural, là... On n'est pas... Rural, c'est rural, là. On n'est pas à Sherbrooke, Trois-Rivières. On est dans plus petit que ça, là.

Mme Domingue (Thérèse) : Tout à fait.

M. Lavoie (André) : Mais on inclut par contre... Certaines MRC ont des villes moyennes, on va dire, là, Drummondville et Victo, etc., de ce monde-là, ça fait que...

Mme Domingue (Thérèse) : Tout à fait, tout à fait, oui, oui, tout à fait.

M. Lavoie (André) : Mais tout ce qui est extérieur à RMR.

Mme Domingue (Thérèse) : Aux sociétés de transport. Tiens, voyons-le comme ça.

M. Barrette : Parfait, parfait. C'est clair. Alors donc, là, on n'entend pas ça, des problèmes de qualité, dans les grandes agglomérations. Alors, avez-vous des exemples à nous donner? Parce que moi, j'ai... le 25 %, si c'est un enjeu d'abord et avant tout de quantité, c'est une chose, c'est compréhensible. Si c'est un enjeu de qualité, c'est une autre chose. Alors, dans le 25 %, là, c'est quoi? 90-10, 80-20, 50-50? C'est quoi, la répartition des problèmes?

Mme Domingue (Thérèse) : Parfait. Tout d'abord, je vous remercie de la question, mais je pense que la réponse, ça va être assez flou parce que...

M. Barrette : Non, mais c'est correct, là, mais c'est «ball park», là, «ball park», «ball park», oui.

Mme Domingue (Thérèse) : Non, mais je vais vous dire pourquoi. Parce que le 75-25, là, nous, on le cherche. Bon, non, mais c'est comme... Mais on le cherche dans le sens qu'on ne sait pas à quoi vraiment l'attribuer, nous non plus, le 25 %. Parce que je vous dirais, là, si je regarde les organisations que l'on peut représenter et que je parle de la desserte et du service par l'industrie du taxi en ruralité, je vous dirais, là, qu'il y a énormément de personnes qui n'ont pas de service, tout simplement, de clients qui n'ont pas accès à un transport, parce que l'organisme n'a tout simplement pas les moyens d'envoyer la voiture-taxi ou le taxi n'est pas là.

Donc, c'est pour ça... En tout cas, on tentait de voir c'était quoi, le 25 %, là, parce que, pour nous, il y a beaucoup plus de gens que ça qui n'ont pas de service.

M. Barrette : Bon, donc, on est dans le même club, on ne sait pas trop c'est quoi. Parfait. Ça existe, ça existe.

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais pour nous, c'est supérieur à 25 %.

M. Barrette : O.K., parfait. Alors là, vous avez dit quelque chose, madame... monsieur, je ne veux pas minimiser votre intervention, là, mais vous avez dit quelque chose, madame, qui m'a beaucoup impressionné. Vous avez dit : Ça ne peut pas être pire que maintenant. Vous vouliez dire quoi, exactement, là?

Mme Domingue (Thérèse) : Bon, mon Dieu, il me semblait que ça ne portait pas à interprétation, ce que j'avais dit, mais...

M. Barrette : Non, non, non, mais c'est parce que... Non, non, non, j'ai compris très bien ce que vous...

Mme Domingue (Thérèse) : Je sais que vous avez compris, oui, oui.

M. Barrette : C'est parce que, quand vous dites : Ça ne peut pas être pire que maintenant et que le remède, c'est la loi n° 17, je veux comprendre l'adéquation entre le remède et la maladie, une déformation professionnelle.

Mme Domingue (Thérèse) : Parfait. Moi, je vais traiter la maladie. Bon, moi, mon seul pouvoir, c'est de traiter la maladie. La loi, c'est vous autres, hein? Donc, je vais traiter juste la réponse.

Quand je dis : Ne peut pas être pire que c'est maintenant, ça fait référence à l'offre, à ce qui est possible présentement en milieu rural et, je vous dirais, de façon... à pourcentages différents, d'une ruralité à l'autre, mais à travers le Québec. Donc, ce n'est pas spécifique à un, là. Donc, officiellement, c'est vrai qu'il y a des endroits où il n'y a pas de service. Quand on parlait de qualité, là, bien, il y a aussi ça. Il y a les horaires, hein, où officiellement c'est comme des horaires de bureau que les gens ont. Donc, ça, là, ça en fait partie et ça, là, c'est... Présentement, ce que l'on a, là, c'est un peu de tout ça, hein? Donc, je vous...

M. Barrette : Parfait. Je comprends, madame, ce que vous me dites, là... Parce que moi, quand vous l'avez dit, là, je me suis dit... Parce que, quand je vous écoute : Ça ne peut pas être pire que maintenant, ce n'est pas une question de qualité, ce n'est pas une question de réglementation, c'est une question de quantité en premier.

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais, il faut faire attention, la quantité pour les endroits où il en manque. Ça, c'est une chose. Mais là où il y a des endroits... Parce que je vous dirais, il y a des gens qui ont la possibilité de faire du taxi, parce que, si mon taxi touche telle agglomération, à partir du moment où, chez le voisin, il n'y en a pas, je peux y aller. Donc, officiellement, je pourrais dire : Il n'en manque pas vraiment, je vais y aller, sauf que, dans la réalité, ce n'est pas comme ça. Ils n'y vont pas, c'est trop loin. Ça, c'est une chose. Ça fait que le nombre, c'est relatif.

L'autre aspect, la qualité, bien, je vous dirais que ça, ce n'est pas une question de nombre. À partir du moment où on a des gens qui détiennent des permis mais qui conviennent que leur plage horaire, c'est tel type de clientèle, ça ne leur tente pas, le soir puis le week-end, ils ne travaillent pas, ce n'est pas le nombre qui me crée un problème, c'est l'approche.

• (11 h 40) •

M. Barrette : C'est bon. C'est bon, c'est clair, ce que vous me dites. Je l'apprécie. Alors donc, là... Mais là je vais vous poser une question qui... Regardez, la question que je vous pose, là, c'est sûr que la réponse se trouve dans le fait qu'il y a des limitations territoriales, ne pas aller dans la région d'à côté. Ça, c'est sûr que c'est une des réponses à la question que je vais vous poser à l'instant.

La question que je vous pose, là, c'est : Dans les... Le ministre nous dit tout le temps, là, et il l'a encore dit il y a quelques minutes, que le projet de loi n° 17, lorsqu'il va être adopté... Ils sont majoritaires, là, ils peuvent le bâillonner. C'est ça, le pouvoir. Vous savez, on ne discute pas du pouvoir, on exerce le pouvoir. Alors là, on discute, mais, à la fin, il va être exercé. Alors, au bout de la ligne, là, le ministre nous dit qu'il y a une infinité de possibilités suite à l'adoption du projet de loi n° 17. Vous savez, infinité, c'est beaucoup, c'est vraiment beaucoup.

Alors, qu'est-ce que c'est qui fait qu'aujourd'hui vous, comme organisation, vous n'êtes pas capable d'aller chercher ces opportunités-là et régler les problèmes, là? Moi, là, je ne vois pas comment que le projet de loi n° 17, particulièrement sur la base géographique, où le premier problème, c'est le nombre de joueurs, je pense, là, peut-être que je me trompe, vous allez me le dire... Puis là je fais abstraction, là, je fais exprès de dire : le bout du territoire... On se comprend, là. Mais, même quand on a réglé le bout de territoire, ça ne va pas multiplier les joueurs. Ça va rendre les joueurs plus efficaces, mais j'ai de la misère à voir que ça, là, ça va tout régler, parce que ça vient d'arriver, la loi n° 17.

Et là je vous pose la question a contrario, là. Je ne veux pas vous piéger du tout, là, mais je vous dis : Vous êtes là, vous autres, là, là, vous avez de l'imagination, puis je vous ai entendus, là, c'est clair que vous avez de l'imagination, puis c'est clair que vous avez des idées, puis c'est clair que vous voulez régler des problèmes. Comment ça se fait qu'actuellement vous n'avez pas pu passer par quelque chose d'autre puis régler vos problèmes? Je vais aller aussi loin que de dire : Mais coudon, là, le taxi, là, traditionnel, pourquoi vous ne les avez pas... là, ils sont en arrière, là, ce n'est pas une intention, là, et je ne veux pas qu'ils fassent un malaise, là. Pourquoi vous ne les avez pas tassés pour faire ce que vous voulez? Ce n'est pas ça que je veux, là. Je veux que ça soit clair, là.

Mme Domingue (Thérèse) : Là, je ne me virerai pas, mais je sais très bien que pour des personnes qui sont en arrière, que je connais bien, là, avec qui je fais des affaires... Donc, vous voyez, il n'y a pas...

M. Barrette : Vous voyez qu'on est sur la même page tout le monde.

Mme Domingue (Thérèse) : Mais je vais surtout répondre à votre question, par exemple. Ce qui vient faire la différence, pourquoi il y a... Je pense que c'est au début des années, en tout cas... il y a déjà eu une commission, justement, sur le transport et l'environnement, et on avait présenté un mémoire. Je ne pourrais pas me rappeler si c'est ici, mais je vous dirais que c'est le même environnement. Et ce que l'on disait, c'était exactement ça. Les problèmes qu'on a soulevés aujourd'hui, c'est ce qu'on a soulevé il y a à peu près huit ans. Donc, officiellement, on... Même, dans notre mémoire, on vous remercie de nous donner une deuxième opportunité de redire ce qu'on a déjà dit. Et là ce n'est pas méchant, là, mais vous comprenez... Bien, votre question était à propos pour la réponse, là.

Donc, dans ce sens-là, je vous dirais, qu'est-ce qui fait qu'on... Tantôt, d'entrée de jeu, je vous ai bien dit que nous, on l'avait lu. Est-ce qu'on l'a interprété à excès? Peut-être, mais on l'a pris comme un projet de loi, on en a fait la lecture. Quand on dit qu'à partir du moment où il n'y a plus d'agglomération, il n'y a plus de quota, déjà là, je vous dirais que c'est une valeur ajoutée parce qu'on... la problématique des agglomérations, c'est une chose. Les quotas maintenant. Quand je suis dans une région ou bien quand je suis dans une MRC où la ruralité est majoritairement présente, comment je peux démontrer à la Commission des transports que les permis que je vais demander vont être... On s'entend que tout cet environnement-là fait en sorte qu'on a accès à très peu de permis. Même si on pourrait en avoir plus, le problème, c'est une démonstration de viabilité financière. Donc, avec le projet de loi, on réussit à passer à côté de ça.

L'autre élément, bon, il y a des portes qui s'ouvrent, des portes qui s'ouvrent au niveau, en tout cas, de la desserte. Le projet de loi fait en sorte que, si je n'ai plus d'agglomération, je vais être un peu moins confrontée avec mes appels d'offres, hein, parce que même les municipalités ont l'obligation de l'appel d'offres, et des contrats à plusieurs années font en sorte que je suis obligée d'y aller vraiment ouverte, là, pas sur invitation. Et là on s'entend que, quand je fais un appel d'offres puis que je suis dans un environnement où je dois vivre avec les règles de l'industrie du taxi, que j'ai des gens qui ont des permis sur mon territoire, j'en ai d'autres à côté, donc on s'entend que... ce n'est pas méchant, là, mais je vais faire attention... mais, à l'occasion, le résultat qui en résulte pour le territoire, ce n'est pas nécessairement avoir la meilleure offre, aussi à la meilleure... au plus bas coût, avoir le meilleur service. Donc, je vous dirais qu'il y a cette problématique-là. Donc, on se doit... parce que, vous l'avez dit, on est en milieu rural, on n'en a pas beaucoup, ça fait que souvent on a l'obligation de travailler avec les gens en place. Je ne voulais pas le dire comme ça, mais je l'ai dit, c'est comme ça. C'est comme ça.

M. Barrette : Ah! non, non, non, mais je comprends bien la ligne et entre les lignes. Alors, je comprends bien ce que vous me dites. Ceci dit, madame et monsieur, vous êtes dans une situation rurale, donc vous êtes dans une situation, puis là je ne pense pas me tromper si je dis, peu importe le domaine, de pénurie d'emplois. Bon. Alors, quand vous faites des appels d'offres, évidemment, vous n'avez pas nécessairement une tonne de soumissions.

Alors, moi, je regarde le projet de loi n° 17, là, bon, c'est sûr qu'il change la réglementation, il change... c'est une déréglementation, on le comprend. Mais il me semble, puis là c'est une question que je vous pose, il me semble qu'au bout de la ligne, là, en quelque part, vous êtes contents parce que là vous avez un degré de liberté supplémentaire pour organiser des affaires. Mais vous allez rester quand même avec la problématique de la pénurie qui, techniquement, quand on entend les gens, votre prédécesseur, par exemple, il y a quelques minutes, ce n'est pas sûr qu'il va y avoir une tonne de personnes qui vont venir se présenter là.

Vous avez mentionné le mot vous-même, «improvisation». Vous avez abordé la question de la formation. Et, pour arriver au bout de la ligne, là, avec le service qui soit adéquat, selon vos termes, puis je vais dans le même sens que vous, je suis d'accord avec vous, le monde qui vient, les chauffeurs, la formation de ces gens-là, des horaires qui sont appropriés, comme ceux que vous recherchez, donc 24 heures par jour, sept jours par semaine et ainsi de suite, puis là je ne déclinerai pas toutes les possibilités, à un moment donné, là, il est très probable que vous ayez une problématique de main-d'oeuvre. Et là la main-d'oeuvre qui est existante, elle, pourrait quitter l'activité. Alors, il est possible qu'il y ait un méchant problème après. Parce que, là, on a la vision optimiste. Je fais exprès d'indiquer la vision pessimiste, je ne la souhaite pas, mais elle est possible.

Alors, au bout de ça, il y a un enjeu, puis vous le dites vous-même, vous l'avez dit, madame, il y a un enjeu aussi de revenus, de ce qu'on paie pour le service. Alors, il faut appeler du monde, l'appel d'offres, on appelle du monde. Il faut qu'il y ait du monde qui vienne. Ils vont venir si c'est rentable. Si c'est rentable, c'est parce que c'est payé adéquatement. Et vous voulez quelque chose qui est intégré et exhaustif pour la période à être couverte. Je comprends que le projet de loi rend optimiste, mais il me semble qu'il y a des enjeux devant nous.

Alors, en réponse à ça, il n'y a pas quelque chose qui devrait être discuté, à savoir des garanties de volume à des gens, un financement adéquat et ainsi de suite? Ça, on n'aborde jamais ça. Puis ce n'est pas une critique que je vous fais, là, je parle de l'ensemble de la réflexion commune que l'on a en cette Chambre. On ne l'aborde pas, mais il me semble que c'est un vrai problème.

Le projet de loi n° 17, c'est «one size fits all», là, mais c'est parce que... Je ne pense pas que c'est comme ça que ça devrait marcher dans votre monde. Vous êtes une particularité où il y a plus de problèmes qu'ailleurs, et la loi n° 17 ne semble pas donner des réponses à tout. Est-ce que je me trompe? Puis allez-y, faites des commentaires, je suis invexable. Vous pouvez me dire que je suis dans les patates, ne vous en faites pas, allez-y, lâchez-vous.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il reste peu de temps, 1 min 40 s.

Mme Domingue (Thérèse) : Une minute? Ah mon Dieu! Rapidement...

M. Barrette : Mais vous êtes efficaces.

Mme Domingue (Thérèse) : Non, mais l'élément, en tout cas, au niveau de la main-d'oeuvre, là, je vous dirais, ceux qui présentement, là, sont tous des travailleurs, en tout cas, au noir ou comme... peu importe comment on les appellera, ce que l'on espère puis que l'on pense être en mesure... c'est que ces gens-là vont être intéressés d'arriver puis de faire une démarche, d'aller chercher leur permis puis d'avoir une formation pour avoir un revenu de façon, je veux dire, légale, plus sécuritaire. Je veux dire, on s'entend, ce n'est pas qu'ils n'ont pas d'intérêt, c'est que, là, ils le font présentement comme ça parce que c'est possible.

Tantôt, quand j'ai bien dit : Il faut être enthousiaste de notre réaction, mais qu'on a des bémols, un de nos bémols, et c'était justement cet élément-là... On fait quoi? Parce que, pour nous, c'est trop facile que quelqu'un n'ait qu'à aller chercher un permis de classe 5 puis, tout à coup, devenir un conducteur régulier. Pour nous, ça prend des mesures additionnelles parce que, selon nous, là, ça vient comme à peu près tout détruire des aspects positifs qu'on peut avoir pour la main-d'oeuvre. Ça, là-dessus, je vous remercie, parce que c'est correct de le répéter, parce que c'est plus qu'important.

Et je mentionnais aussi également que, dans toute cette démarche-là, ça prend un financement parce que quand... rapidement, là, je ne veux pas voir le temps... si j'ai six personnes qui sont intéressées à joindre, à suivre la formation, le permis, puis ainsi de suite, puis je peux les avoir pour travailler, mais si j'ai des compagnies de taxi, peu importe comment elles s'appelleront, ça, pour moi, c'est un détail, il faut tenir compte que, pour aller chercher mon premier passager, ils ont 35 kilomètres à faire à vide. Ça, ce n'est pas au client à le payer. Ça fait qu'il faut repenser l'offre de services quand je suis en ruralité parce qu'il y a un coût additionnel. Et c'est pour ça, je disais qu'il faut que le financement soit là également pour l'industrie du taxi.

M. Barrette : Et il n'y est pas.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Cette période est terminée.

Mme Domingue (Thérèse) : Pardon?

M. Barrette : Il n'y est pas.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Cette période est terminée.

Mme Domingue (Thérèse) : Non, non, mais c'est la raison pour laquelle je le soulevais.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, je passe la parole à Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci. J'ai combien de temps? Quatre minutes?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 3 min 55 s.

• (11 h 50) •

Mme Ghazal : Très bien. Bon, écoutez, ce que j'entends dans ce que vous dites — merci pour votre présentation — c'est que c'est important pour vous qu'il y ait une autonomie aussi régionale, que le contrôle de l'industrie soit dans les mains aussi des MRC, des instances qui existent déjà, puis vous êtes dans la ruralité. Mais hier, j'entendais un petit peu la même chose mais plus des gens de Montréal qui disaient que c'est important aussi de respecter l'autonomie de la ville de Montréal, alors que, là, c'est vraiment la grande ville, la plus grande ville du Québec, puis on parle de... exception Montréal, mais ce n'est pas ça qui est demandé. Ce qui est important, c'est l'autonomie pour garder le contrôle, et on ne parlera pas d'exception de la ruralité non plus. Donc, j'entends un peu la même chose, alors que le projet de loi fait du mur-à-mur, ce qui est impossible, parce que les situations sont différentes. Donc, vous convenez de ça.

À la page 4 de votre mémoire, vous dites qu'il n'y a aucune donnée précise qui est disponible pour, par exemple, le covoiturage organisé, parce qu'on n'a pas les statistiques, on ne les compte pas pour les déplacements. Et c'est un petit peu aussi la même chose que ce qu'à Montréal ils voulaient faire. Ils ont commencé à mettre en place un registre pour comptabiliser les déplacements et, après ça, suite à ces données-là, faire une grande réforme. Donc, est-ce que vous dites que le projet de loi a été fait un peu sans... il aurait fallu attendre d'avoir ces données-là, d'avoir des informations, un portrait juste avant d'entreprendre une réforme comme celle-là, au lieu de faire les choses à l'envers et de se croiser les doigts que les choses vont bien aller après?

M. Lavoie (André) : Oui. En fait, j'allais dire que, de toute façon, déjà plusieurs MRC favorisent le covoiturage puis mettent en place des services de covoiturage. On pourrait aller plus loin. En fait, ce ne sera pas la même clientèle, de toute façon, qui vont prendre un service ou l'autre.

Quand on parle que c'est transversal, votre question va dans ce sens-là. En réalité, présentement, on regarde l'industrie du taxi, c'est une chose, mais il faut regarder tout, hein, sans dire tout en même temps, parce que c'est impossible, mais rapidement il faut s'attaquer au reste. Puis je n'aime pas le terme «attaquer», mais, écoutez, ça a sorti de même pareil. Ceci dit, on va...

Une voix : ...

M. Lavoie (André) : Parce que, parfois, ça prend un peu ça. Ceci dit, il faut quand même s'assurer, je pense, de donner les outils puis donner une plus grande liberté. Puis oui, effectivement, Montréal a demandé ça, ils veulent avoir plus de liberté, un peu plus de contrôle. Les sociétés de transport veulent avoir ça, tu sais, on dit tous la même chose. Ça fait qu'il faut juste mettre des mécanismes d'encadrement. On ne veut pas réglementer quelque chose qui va être déréglementé. On veut qu'il y ait un pouvoir d'encadrement puis que ce soit fait de bonne façon, en fait.

Mme Ghazal : Puis que vous ayez, c'est ça... Oui, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Domingue (Thérèse) : Non, ça va.

M. Lavoie (André) : Ça va.

Mme Ghazal : Un contrôle, O.K., puis c'est ça aussi... là, je ne sais pas si c'est la première fois que vous le demandez, dans votre mémoire, vous demandez aussi que le MTQ, dans le fond, réalise un portrait exhaustif des services de transport et de la mobilité. Vous le demandez depuis très, très longtemps.

Est-ce que vous dites qu'il faudrait faire... Est-ce qu'on va trop vite avec le projet de loi n° 17? Est-ce qu'il faudrait faire ce portrait-là avant, vous donner plus de pouvoirs pour faire l'encadrement et plus tard... attendre pour... après ça, peut-être, là, on sera prêts pour le projet de loi n° 17?

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais, je pense que ce n'est pas une obligation de retarder, à partir du moment où on aura un projet de loi qui nous permettra d'arriver, puis d'être efficaces, puis de répondre davantage aux citoyens puis aux citoyennes...

Mme Ghazal : Ce qui n'est pas garanti avec le projet de loi actuel.

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, en tout cas, je vous dirais... parce qu'officiellement, je vous l'ai dit, on avait quand même des réserves, là. Il ne faut pas l'oublier, tout l'aspect, en tout cas, de savoir qui fait quoi, qui reconnaît les conducteurs puis le financement, c'est... il y a des valeurs... C'est très intéressant, mais on a quand même des réserves avec lesquelles on va maintenir notre position.

Mais je vous dirais, le portrait, c'est parce qu'officiellement, depuis toujours, longtemps, on travaille en silo, hein? Bon, là, on voit le taxi, il va y avoir les minibus, l'interurbain, on a le transport hospitalier, on a le scolaire, mais tout ce qu'on... Quand on parle de mobilité et de transport, d'accompagnement, il y en a plus que le client n'en demande.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Cette période est terminée.

Mme Domingue (Thérèse) : Ça m'a fait plaisir.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Je dois passer la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. On a peu de temps.

Ma première question : Concernant le fait qu'il y ait des régions qui sont non desservies ou mal desservies, des territoires, j'essaie de comprendre et puis j'aimerais votre interprétation sur le fait que des entreprises de taxi, actuellement, ne sont pas intéressées à desservir ces territoires. J'imagine que, comme tout entrepreneur, une entreprise de taxi va souhaiter aller faire des opérations profitables. Vous dites que ça peut être parfois 35 kilomètres de distance à parcourir. Et tout ça, évidemment, ça a un coût, et il ne faut pas que le coût soit absorbé par l'entrepreneur, sinon il jugera que ce n'est pas rentable.

Comment pouvez-vous imaginer qu'un nouveau joueur, dans les mêmes paramètres qui existent aujourd'hui, soit davantage intéressé, surtout s'il y a une compétition plus grande, donc, qui peut amener une espèce de jeu sur les prix pour aller chercher un contrat? Est-ce que ce n'est pas le problème? Est-ce que le problème, c'est le cadre actuel ou c'est le manque de rentabilité?

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais que les deux, je pense, ne sont pas... Officiellement, le cadre actuel est problématique, mais je vous dirais aussi la situation, là... Quand je suis à développer mon offre globale de transport, je veux que les conducteurs individuels de l'industrie du taxi soient, eux aussi, des partenaires, au même titre que d'autres. Et je vous dirais que je le négocie avec des autobus, des minibus. Donc, je la fais, la négociation, mais par contre, il faut, comment je vous dirais ça, être en mesure d'avoir cette approche de laisser de côté le taxi individuel puis viser le transport collectif.

Pourquoi on y arrive quand je change de type de véhicule ou avec certaines entreprises de taxi? Parce qu'ils ont cette approche puis cette compréhension du taxi collectif qui est à l'extérieur. Et pourquoi on ramène souvent le collectif avec le taxi? Parce qu'en ruralité, une des façons, en tout cas... puis en région, pour les déplacements, il y a des transports individuels, mais on vise à développer le transport collectif pour en réduire les coûts. Mais on comprend également l'entrepreneur qui n'est pas intéressé d'aller faire une course puis que, sur une course de 14 $, il va avoir à défrayer 70 kilomètres. On le comprend, mais, en même temps, je ne peux pas refiler ça au citoyen non plus. Donc, on a la problématique.

M. Arseneau : Bien justement, est-ce que la problématique, à ce moment-là, vous l'avez mentionné, ce n'est pas plutôt une problématique de financement? C'est ce que vous dites. Ici, dans un cadre actuel modernisé, sans nécessairement faire table rase de l'industrie du taxi, si on avait davantage de financement, il y aurait davantage d'entreprises déjà actives qui seraient intéressées à prendre les contrats. Enfin, chez nous, c'est comme ça. Les contrats se négocient à partir du moment où ça devient rentable pour l'entrepreneur et que c'est gagnant-gagnant pour le donneur d'ordres et pour celui qui effectue le service.

Mme Domingue (Thérèse) : Bien, je vous dirais que ce que l'on retrouve dans un très grand nombre de territoires, là, dans l'organisation du transport collectif, c'est qu'il y a des offres globales, hein? Et, à ce moment-là, mon offre de transport, elle, elle est soutenue à un pourcentage par le ministère des Transports. Et ce que l'on espère pouvoir faire, c'est qu'avec différents joueurs de l'industrie du taxi, mais dans un contexte où même avec le... j'oublie son nom, le régulier, en tout cas, je ne sais plus comment, là, mais lui, là, parce que je ne sais pas trop comment il s'appellerait, mais on va prendre le chauffeur de taxi, qu'il fasse partie de mon offre. Ça veut dire que le manque à gagner, là, c'est mon offre qui va l'assumer, ce n'est ni le fournisseur ni le client. Et c'est pour ça... Et le projet de loi n° 17 nous permet d'arriver puis de l'englober dans une offre globale, ce qui veut dire que ce n'est pas l'individu au volant de la voiture qui va assumer la perte puis ce n'est pas le client qui va payer.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il reste 10 secondes.

M. Arseneau : 10 secondes. Bien, je vous remercie beaucoup et je vous félicite pour votre présentation.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, merci.

Donc, nous allons suspendre les travaux et nous allons reprendre après la période des affaires courantes. Bon appétit à vous tous et à vous toutes. Merci, monsieur, madame, pour votre présence à cette commission.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 15 h 40)

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, ayant constaté le...

Une voix : ...

La Présidente (Mme St-Pierre) : O.K. Parfait. Alors, tout d'abord, bienvenue à cette commission parlementaire. Ayant constaté le quorum, nous allons reprendre nos travaux.

Nous recevons maintenant le Regroupement des intermédiaires de taxi du Québec. Alors, bienvenue ici, et je vous donne 10 minutes pour vos remarques préliminaires. Ensuite, vous aurez des échanges avec le ministre et les oppositions.

Regroupement des intermédiaires de taxi du Québec (RITQ)

M. Homsy (Abdallah) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Abdallah Homsy. Je suis président du Regroupement des intermédiaires de taxi de Québec et, à l'occasion, je suis porte-parole de l'industrie du taxi.

Dans tous les débats autour du projet de loi n° 17, il y a deux... Ah! je m'excuse. Je vous présente M. Mario Vézina, à ma droite, président de Taxi Coop Beauport; M. Jaouad Bouchrik, taxi coop Charlesbourg, et Mohamed Dardari, président de 5191, à Québec.

Dans tous les débats autour du projet de loi n° 17, il y a deux certitudes. Il y a des opinions bien campées des deux côtés, mais il y a peu de faits ou des études sérieuses qui reflètent la réalité du Québec. Deux, le gouvernement justifie tous les changements proposés en disant constamment mettre le client au coeur de ses préoccupations. Pourtant, le gouvernement ne fournit aucune étude en ce sens.

L'industrie du taxi au complet est contre le projet de loi. La ville de Montréal est contre. Les usagers du transport adapté sont contre. Les chauffeurs d'Uber vont manifester contre leurs horribles conditions de travail. Pour le gouvernement, toutes ces objections ne comptent pas. Seul le client compte. Alors, dans ce contexte, nous aimerions vous présenter nos données sur les clients de la région de Québec et que ces données nous disent ce que le client désire vraiment, sans idéologie.

L'application mobile Taxi Coop fonctionne dans la région de Québec depuis bientôt cinq ans. En matière de transport de personnes, l'application est ce qui se rapproche le plus d'Uber. On peut commander une course par application. On n'a pas besoin de savoir sur quel territoire on se trouve. On peut connaître l'identité du chauffeur de la voiture avant d'embarquer. On peut géolocaliser le véhicule sur une carte numérique. On peut payer à travers son cellulaire. On peut même réserver une course à l'avance, ce qu'Uber n'offre pas. Bref, l'application Taxi Coop fonctionne comme celle d'Uber, avec une distinction principale : elle respecte le cadre actuel des permis de taxi. Pour tout le reste, l'application Taxi Coop est aussi performante que celle d'Uber et elle est accessible pour les non-voyants.

Maintenant, voici nos données depuis le mois d'août 2016. Le RITQ a traité, à travers l'application Taxi Coop, un demi-million de courses, près de 200 000 clients. 45 % des clients ont donné une note à leur chauffeur, exactement comme dans l'application Uber. La note moyenne pour les chauffeurs est de 4,8 étoiles sur cinq. La note moyenne des véhicules est de 4,8 étoiles sur cinq. Bref, les taxis de Québec obtiennent une note de 96 %, de la part des clients, en respectant le cadre actuel des permis de taxi. M. le ministre, les clients, ils vous disent qu'ils sont satisfaits.

Nous ne sommes pas parfaits, mais nos défauts ne justifient pas de détruire un système au complet et d'exproprier les détenteurs de permis de taxi. Même si on cherche des bibittes, si on examine nos données en se concentrant uniquement sur les clients mécontents, la raison qui revient le plus souvent : J'ai attendu trop longtemps pour obtenir un taxi. Environ 2 % des clients de l'application font cette plainte, et nous sommes d'accord avec eux. Il arrive aussi qu'on attend chez le médecin, qu'on attend dans les urgences, dans les restaurants, dans les hôtels. Pourtant, le gouvernement ne propose pas d'abolir toutes ces industries-là. Avec l'arrivée d'Airbnb, le gouvernement n'a pas détruit le cadre des hôtels, il a intégré le nouveau joueur dans le cadre renouvelé.

Présentement, les courses via l'application mobile présentent environ 10 % de toutes les courses de la région de Québec. Nous voyons une croissance presque à tous les mois. Chaque mois, 15 000 clients utilisent l'application Taxi Coop et sont satisfaits. Plus de 80 000 personnes l'ont déjà téléchargée. Bref, l'application fonctionne très bien, et respecte toutes les exigences du cadre réglementaire, et les clients sont contents.

Selon nous, ce que les clients veulent vraiment, ils ne veulent plus se faire dire qu'ils ne sont pas sur le bon territoire de taxi. Ça se corrige facilement en fusionnant les territoires de taxi. Pas besoin d'imposer de loi pour changer ça, le ministre a déjà tous les pouvoirs nécessaires. Les clients veulent avoir des voitures plus rapidement. Il suffit de fusionner les territoires sans altérer le système de gestion de l'offre. Si on veut en ajouter davantage, on pourrait émettre des permis pour des voitures d'Uber. Pas besoin d'un projet de loi pour changer ça, le ministre a déjà tous les pouvoirs nécessaires. Les clients veulent des applications mobiles qui géolocalisent et qui leur envoient un véhicule sans passer par une téléphoniste. Pas besoin d'un projet de loi pour changer ça, le ministre a déjà tous les pouvoirs nécessaires.

En résumé, les clients sont généralement très satisfaits. Ils demandent des changements qui ne nécessitent pas une nouvelle loi, et, malgré tout, on va détruire le système en place. Le gouvernement se propose de détruire un investissement local de 1,3 milliard de dollars, d'exproprier et d'appauvrir près de 9 000 propriétaires d'un permis qu'ils ont acquis à l'exigence de l'État, de précariser 22 000 familles de taxi en permettant à n'importe qui de faire du taxi avec n'importe quel véhicule, de prendre 800 millions de dollars d'argent des contribuables pour dédommager de manière insuffisante les propriétaires de permis au lieu de faire payer une multinationale milliardaire. On fait tout ça au nom d'un client qui est satisfait. Mme la Présidente, les membres de RITQ ne comprennent pas. À part Uber, qui gagne dans le projet de loi n° 17? Est-ce qu'Uber a exigé du ministre tous ces changements pour rester au Québec?

Parfois, pour justifier son action, le gouvernement demande : Si ça va bien dans le taxi, pourquoi Uber a-t-elle pris 20 % des courses en deux ans? M. le ministre, pour répondre à votre question, je n'ai qu'un mot : le dumping, la vente à perte de ces services pour casser la concurrence. Depuis son arrivée au Québec, Uber casse les prix, même en bas du prix coûtant. Pour ceux qui en doutent, en 2017 et 2018, la multinationale a fait un déficit de presque 10 milliards de dollars, et, selon ses administrateurs, c'est un gage de succès parce que plus qu'Uber fait des déficits, plus qu'on pousse ses concurrents à la faillite. D'ailleurs, si le client demande tellement du taxi amateur, pourquoi Eva ne connaît-elle pas plus de succès? Selon nous, c'est parce qu'Eva ne pratique pas le dumping comme Uber. La seule raison pour laquelle Uber est populaire, c'est le prix.

D'ailleurs, ce faible coût a des conséquences. Les travailleurs d'Uber partout dans le monde veulent se syndiquer contre une multinationale qui les exploite sans respect. Uber ne se préoccupe pas d'eux. Elle prend sa part de 25 % sur chaque course, et c'est au chauffeur d'assumer les frais de véhicule, de voiture, les assurances, les entretiens, ainsi de suite. Les chauffeurs d'Uber restent à l'emploi de la multinationale généralement entre trois semaines et trois mois. Quand les coûts d'entretien ont détruit toutes les illusions de profit, les chauffeurs d'Uber quittent. Donc, la seule raison pour laquelle on abolit le cadre actuel, c'est pour qu'Uber puisse exploiter plus de pauvres joueurs.

En terminant, nous aimerions lancer deux défis au ministre. L'industrie du taxi est largement constituée de véhicules hybrides. Dans certains secteurs, ce sont 90 % des taxis qui sont hybrides. Il est presque certain que le projet de loi n° 17 va augmenter les gaz à effet de serre et les bouchons de circulation. Nous le mettons au défi de créer un nouveau cadre carboneutre pour le transport rémunéré de personnes. De plus, nous mettons au défi le ministre d'augmenter la mobilité des personnes handicapées. Son projet de loi ne contient pas une seule ligne sur nos concitoyens qui dépendent du transport adapté pour se déplacer et s'intégrer.

Franchement, Mme la Présidente, sans ces gains et sans le respect des membres de l'industrie du taxi, nous ne voyons pas de justification suffisante derrière le projet de loi n° 17. C'est pourquoi nous demandons son rejet. Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci, monsieur. Alors, M. le ministre, je vous passe la parole pour 23 min 30 s.

• (15 h 50) •

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue... messieurs dames, parce que je sais qu'il y a des dames dans la salle.

M. Homsy, on s'est rencontrés maintes et maintes fois, depuis avant Noël, avec certains membres qui sont ici. Il y en a d'autres qui se sont ajoutés dans les dernières semaines. Et, je vous l'ai déjà mentionné, je ne me gêne pas de le redire, cette loi n'a pas été écrite pour faire mal à l'industrie du taxi. Cette loi a été écrite pour assurer la pérennité future et la vitalité de l'industrie du taxi. Cette loi a été écrite parce que, dans les 40 dernières années, jamais on n'a pensé à réduire les coûts, charges fiscales, administratives, financières de l'industrie du taxi.

J'avoue que, quand il y a des changements, il peut y avoir des bouleversements. Je l'ai répété maintes et maintes fois. Certains d'entre vous ont été bouleversés. On a répondu par des sommes considérables pour répondre à l'insécurité de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'entre vous. Maintenant, au-delà de tout ça, la majorité — c'est certain qu'on ne pouvait pas plaire à tout le monde nécessairement, pas à vous — des gens qui sont venus ici y ont vu une opportunité, une opportunité d'affaires additionnelle.

Vous m'avez entendu maintes et maintes fois répéter qu'il y a 50 millions de courses au Québec. Il y a 40 millions qui sont faites juste par vous et, là-dessus, il y en a quelques-unes aussi, par les téléphones, que vous faites très, très bien, très, très bien. Et là-dessus je reste persuadé qu'avec les éléments que nous avons dans cette loi l'avenir de l'industrie est pérenne.

Vous pouvez penser le contraire. La ville de Montréal me demandait hier un peu... vous l'avez mentionné, je me permets de le répéter, m'a demandé un peu de revenir à une forme de statu quo. Il faut gérer notre propre offre à Montréal. Vous m'avez entendu maintes et maintes fois dire qu'il y a moins de taxis par habitant en 2019 au Québec, principalement à Montréal, que voilà 40 ans. C'est un choix que l'industrie a fait, voilà quelques années, de racheter des permis pour assurer un revenu adéquat à l'industrie, mais il reste qu'aujourd'hui il y a moins de taxis que voilà 40 ans.

Vous avez énuméré plusieurs choses. J'ai entendu plein de choses. Vous dites qu'il n'y a plus de sécurité, il n'y a plus de filet de sécurité comme tel, il n'y a plus de formation. Pourtant, je l'ai mentionné maintes et maintes fois et je débutais à peu près à chaque fois avec les mêmes interventions.

On va commencer par le transport adapté. Il n'y en aurait plus, de transport adapté, selon vous, selon ceux que j'ai entendus tantôt, l'ARUTAQ. Bien, tous les autres nous ont dit, les municipalités, les sociétés de transport, que le transport adapté est là pour rester. Et, je ne suis pas gêné de le dire, demain matin, il n'y a rien qui va changer, à 90 %, parce que c'est un service qui est très bien desservi par vous, en majorité. Mais l'outil qu'on donne, si on commence par ça, à ces municipalités, à ces sociétés de transport, c'est de dire comment on répond à ce 25 % que j'ai énuméré depuis le début, à savoir service inégal dans certaines régions et incapacité d'avoir une forme de concurrence dans certaines régions parce qu'il existe des territoires d'agglomération.

Alors, je vous dis bien respectueusement, on commence par ça. Est-ce qu'avec la loi aujourd'hui on va permettre de desservir mieux certaines régions du Québec où il n'y a pas de service de transport adapté, avec la loi que nous déposons aujourd'hui, versus ce que vous connaissez comme règlements, comme règles depuis les dernières années? Je vous laisse répondre.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Vous avez la parole.

M. Homsy (Abdallah) : Merci, M. le ministre. Écoutez, avant tout, ce n'est pas qu'on ne croit pas en vous ou en nous, ce n'est pas une question personnelle. Nous, on s'adresse au ministre des Transports, qui est pour tout le Québec, puis on regarde une industrie de taxi. Mais il y a quelque chose que, visiblement, vous mettez sur nos épaules, et c'est faux, vous dites que nous, nous disons... et ça, c'est faux, parce que normalement, dans un conflit, c'est la loi qui doit trancher. Le p.l. n° 17 ne fait pas référence, dans ça, dans... Vous dites que le taxi va rester.

Je vais donner un exemple. Le p.l. n° 17 ne fait même pas référence au mot «taxi» dans le titre de la loi. On a fait une proposition, on n'a pas de réponse encore. Alors, quand vous dites que le taxi n'est pas dans le titre de la loi, quand, dans la loi, n'existe pas le transport adapté...

Je comprends votre volonté, au fond de vous, mais est-ce que ça va être fait? Je ne sais pas. Il faut que ça soit écrit dans loi pour qu'on croie ce qu'on est en train d'entendre. Et je comprends très bien, mais moi, je ne m'approprie rien. Moi, la seule chose que je n'ai pas vue... vu que je ne suis pas capable de lire... Il n'est pas dans la loi. Alors, pour moi, il y a une absence de la loi, et là c'est grave. C'est grave pourquoi? Parce que vous avez pris, au départ, en disant que vous voulez moderniser l'industrie du taxi...

Nous voulons moderniser l'industrie du taxi, mais on n'a jamais cru que la modernisation de l'industrie du taxi passe par raser l'industrie au complet. Même, je trouve qu'Uber lui-même, il n'a pas demandé ça. On est allés beaucoup plus loin. On a pris la façon la plus facile. On extermine l'industrie telle qu'elle est, la loi telle qu'elle est, puis on commence à bâtir.

Si votre volonté est de protéger, par exemple, les handicapés, si votre volonté est de protéger l'industrie du taxi, pourquoi il n'y a pas des études qui ont prouvé ce que vous avez mis là-dedans? Et pourquoi le transport adapté et le taxi n'est pas dans le projet de loi? Est-ce que vous avez vraiment besoin de nous, de s'asseoir sur la table, pour vous dire : Mettez le mot «taxi» dans le libellé? Est-ce que vraiment vous attendez qu'on vienne ici, en commission parlementaire, pour voir le mot «taxi», pour vous demander ce mot-là, pour qu'il soit dans le libellé? Est-ce que ce n'est pas une honte, une loi n° 17 qui demande à des dizaines de milliers de personnes qui ont passé des décennies à préparer le terrain pour des gens comme Uber ou d'autres, de les effacer de cette façon-là? Puis on ne voit pas dans le titre, ne serait-ce dans le titre, le mot «taxi», et vous voulez qu'on soit certains qu'on va être protégés?

Quelle donnée nous dit que, vraiment, on a 50 millions de voyages? Quelle donnée nous dit ou quelle étude va prouver... Moi, je suis prêt à vous croire sur parole, mais comment les autres personnes vont croire leur avenir? Comment les investisseurs vont croire que cette industrie va continuer s'il n'y a aucune étude qui prouve que cette industrie-là va perdurer?

D'ailleurs, ce qui m'a frappé ce matin, vous avez dit une chose, M. le ministre, vous avez dit à Mme Couture, vous avez dit : Demain, le taxi va rester. Là, j'ai de la misère, parce que vous, vous faites de la vision jusqu'à 2030, 2050, sur le plan de mobilité durable, et tout ce que vous voyez sur le taxi, c'est juste demain, dans un mois, dans un an, dans cinq ans. Êtes-vous capable de me dire, avec le projet de loi tel qu'il est, que notre industrie va perdurer?

M. Bonnardel : M. Homsy, si vous voulez qu'on parle du futur, il y en a certains qui nous disaient ici, voilà trois ans, que le véhicule autonome n'existerait pas avant 2030. Il est à nos portes. L'Ontario l'étudie déjà et déjà d'autres provinces. Aux États-Unis, ça roule déjà. L'industrie du taxi, M. Homsy, dans cinq ans, elle sera faite de quoi? Je ne peux même pas le prédire. Vous ne pouvez même pas le prédire, mais vous le savez très, très bien. Au-delà du procès des Uber de ce monde, et des Lyft, et des Eva, et d'autres, d'assurer la pérennité pour réduire les charges, vos charges à vous, c'est ce qu'on fait.

Vous dites plein de choses publiquement. J'ai entendu, vous dites... Premièrement, vous êtes conscients que chaque véhicule, au-delà d'un véhicule neuf, sera inspecté. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Homsy (Abdallah) : Dans le projet de loi n° 17?

M. Bonnardel : Oui, par règlement, on va le définir...

M. Homsy (Abdallah) : Là, je ne vois rien, là. Là, il n'y a rien.

M. Bonnardel : Par règlement, par règlement. Je l'ai mentionné des dizaines de fois. Vous dites qu'il n'y aura aucune exigence de formation réelle, ce qui est faux. Vous le savez très bien qu'ailleurs au Québec il y a une formation minimale de sept heures, 35 pour les technologies, 110, Québec, 150, 160... Vous dites qu'il n'y aura aucune exigence pour les véhicules spécifiques. Bien, n'importe qui qui, oui, aura un permis de classe 5, qui aura passé au travers des antécédents judiciaires, qui va suivre une formation, pourrait, demain matin, oui, faire du taxi avec un lanternon, un taximètre, s'il le souhaite. Il pourrait.

Alors, je vous dis bien respectueusement, moi, quand je vois des dépliants comme ça ici, que vous remettez à vos clients, où vous dites : N'importe qui pourra faire du taxi avec n'importe quel véhicule, aucune exigence pour les véhicules, aucune exigence de formation réelle, aucune vérification mécanique et même aucune interdiction sur l'alcool, vous ne trouvez pas que vous poussez un peu loin?

M. Homsy (Abdallah) : Je peux vous répondre?

M. Bonnardel : Oui.

M. Homsy (Abdallah) : C'est simple, normalement, ce n'est pas à moi de vous répondre, M. le ministre, c'est à la loi n° 17 que vous déposez. Dites-moi où est-ce qu'ils sont, ces règlements-là que vous dites, parce que, là, vous interprétez ce que moi, je pense. Moi, j'ai le droit d'intervenir. Dans l'absence de la loi... Moi, ce que j'ai besoin de savoir, dans une loi et dans un règlement qui va être adopté : de quelle manière ils vont être faits et comment... Ils ne sont pas devant moi. Je comprends votre volonté, M. le ministre, je n'ai pas de misère avec ça, là, mais qu'est-ce qui va arriver? Est-ce que c'est ça, ce qui va arriver? Je ne le sais pas. Comment elles vont être adoptées, les lois?

Vous dites que vous faites ça pour le client. Vous le savez très bien que les fusions d'agglomérations et tout ça, vous pouvez les faire présentement. Alors, pourquoi on a besoin de changer tout ça? Si c'est la formation, je suis d'accord avec vous. Disons que la formation n'est pas... D'ailleurs, on vous a proposé... D'ailleurs, il y avait un projet pilote, à Montréal, de 35 heures. Vous avez 35 heures. Est-ce qu'on a besoin du projet de loi n° 17 pour enlever tout ça?

Tout ce que vous énumérez de bien, j'ai besoin de savoir pourquoi on a besoin d'enlever ou détruire une industrie au complet pour répondre. On était capables, très bien, nous, les industries, nous, les usagers du transport adapté, les fournisseurs de transport... on aurait pu s'asseoir sur la même table et avoir un meilleur projet de loi que ce qui est présentement. Mais ce n'est pas ce qu'on a présenté.

• (16 heures) •

M. Bonnardel : M. Homsy, ce matin, l'Association des transports collectifs ruraux du Québec, la dame qui était assise à votre gauche a dit : La fin des quotas et des territoires d'agglomération, c'est une valeur ajoutée pour nous. Vous pouvez ne pas être d'accord pour les quotas de permis, j'en conviens. C'est les gouvernements de l'époque qui ont amené cette forme de quotas, ces permis, qui n'étaient pas, soit dit en passant, un placement comme tel. Maintenant, vous ne pouvez pas dire que ces territoires d'agglomération, ces dessertes, comme on les appelle, ce n'est pas désuet en 2019.

On donne la possibilité à tous ceux qui sont venus ici, qui nous l'ont mentionné, là, d'être outillés pour être capables de vous donner des opportunités d'affaires additionnelles. Je vous l'ai répété maintes et maintes fois, pour moi, l'industrie de demain, là, ce n'est pas juste les 40 millions de courses, c'est 42, 43. Puis vous êtes les professionnels de cette industrie pour combattre toutes les nouvelles technologies que le monde pourrait apporter, amener au Québec. Ça, je reste persuadé, puis vous le savez que je ne bluffe pas quand je dis ça. Vous le savez où je veux aller, où je vois l'industrie du taxi dans le futur.

Maintenant, quand j'entends : On rase l'industrie, je ne comprends pas. Je ne comprends pas. C'est un discours qui, ma foi... Je peux comprendre que vous soyez bouleversés par des changements que vous n'aviez même pas imaginés ou prévus, mais les nouvelles technologies, le demain... Oui, j'y pense à 2030 puis à 2040. Puis on se reparlerait dans cinq ans puis on se dirait : On n'a même pas imaginé où l'industrie aurait pu être ou sera.

Alors, je vous le dis, ce que vous dites, O.K., c'est un discours public qui peut faire peur, qui peut sembler donner des éléments de force à une industrie qui veut se sentir épaulée par vous, les porte-parole. Je comprends tout ça. Mais dites-vous une chose, puis vous m'avez entendu, on ne s'est pas levés un matin, l'équipe, en se disant : Tiens — puis je le répète — comment on pourrait faire mal à l'industrie? Notre but premier, ça a été : Comment on va l'épauler, la préparer pour demain? Et ce discours, vous savez, ce que je vous dis là, c'est ce que je vous ai dit en privé avec ceux qui étaient là. C'est le même, même, même raisonnement que j'ai pour demain.

Alors, je vous le répète, transport adapté, la tarification dynamique, les agglomérations... J'ai même entendu certains d'entre vous nous dire : Du jour au lendemain, la plaque T, finalement, le 1 000 $, on ne veut pas que vous nous l'enleviez, on veut que vous la laissiez là. Alors, je ne comprends plus. Puis certains me disent : Tarification dynamique, dans votre industrie, on la veut. D'autres nous disent : On ne la veut plus.

M. Homsy (Abdallah) : Vous êtes fort, M. le ministre, parce que je vous ai dit en partant qu'on veut les fusions d'agglomérations, et vous me répétez comme de quoi on ne veut pas les fusions d'agglomérations. Ce qu'on dit, c'est que la modernisation que vous voulez, vous n'avez pas besoin du p.l. n° 17... de l'avoir.

Mais, quand on parle de raser ou non, je vais vous donner un exemple qui est simple. Je ne sais pas si vous m'entendez, là.

Une voix : ...

M. Homsy (Abdallah) : O.K., parfait. Là, vous êtes ministre des Transports. En rentrant à votre bureau, c'est marqué : Ministre des Transports, François Bonnardel. Demain matin, on dit : Ministre des Transports, puis on efface votre nom. Est-ce que vous gardez votre job? Ici, le projet de loi, on efface le nom des taxis. Et vous nous dites qu'on ne veut pas raser l'industrie de taxi?

D'ailleurs, on s'est assis à plusieurs reprises avec le ministère et on a demandé des études. Elles sont où, les études pour voir où est-ce qu'on est rendus? Pour répondre... Peut-être qu'on se trompe et, si on se trompe, on va faire amende raisonnable. On veut que les gens survivent. On veut que nos amis, nos collègues de taxi continuent à survivre. Et, si vous avez raison, on va vous féliciter, mais rien dans ce qu'on a devant nous nous dit qu'on va survivre plus tard. C'est aussi simplement que ça.

Puis la modernisation, oui, on veut l'avoir. Est-ce qu'on veut avoir... Est-ce qu'on parle... Pourquoi on est contre la mondialisation du prix? Parce qu'il n'y a pas de prix plancher. Ça ouvre la place à du dumping. Le dumping, M. le ministre, c'est illégal, et nous, on est en train d'ouvrir la porte au dumping. Alors, on collabore. Vous dites qu'on est les professionnels. On vient pour collaborer, mais on n'a rien senti, à date, qui va modifier ce projet de loi là.

M. Bonnardel : L'appellation taxi, je vous l'ai déjà mentionné, on la protège. Pour nous, ce qui définit un taxi... par le lanternon, par le taximètre, par le Bonjour, à Montréal, défini par le bureau de taxi. J'ai même entendu, là, depuis 36 heures, qu'on allait abolir le Bureau de taxi de Montréal, ce qui est complètement faux, complètement faux.

Vous m'avez demandé, certains d'entre vous, le 13 décembre dernier, certaines choses, un seul régime pour tout le monde. Moi, je fais un seul régime pour tout le monde, qui ne vous satisfait pas, j'en conviens. Vous avez demandé un accès à la tarification dynamique. Je le mets. Certains d'entre vous maintenant me disent : Ce n'est plus bon. L'ouverture des frontières d'agglomérations, c'est vrai que vous aviez demandé un projet pilote pour Québec, mais on va plus loin. On va plus loin pour réduire l'auto solo, qui est en lien direct avec notre politique de mobilité durable. Certains d'entre vous le savent très bien que vous deviez revenir à vide, selon le territoire où vous alliez déposer un autre client. Vous le saviez. On donne des outils à tous ceux qui sont passés en nous disant que, pour le transport adapté, qui est bien fait, aux trois quarts, par l'industrie du taxi... Autre quart, il est peut-être le temps, là, qu'on signe des ententes avec d'autres sociétés qui pourraient nous fournir ce service, et ça va être à vous de le faire. Quand je parle d'opportunités d'affaires, c'est ça. La vérification des antécédents judiciaires, tout le monde va passer au travers de ça. Tout le monde va passer au travers de ça. L'uniformisation de la formation, tout le monde aura une formation minimale, demandée pour tous, avec, pour le transport adapté, une formation additionnelle.

On ne veut plus de freins et de barrières à l'entrée. On veut donner toutes les possibilités possibles à l'industrie d'assurer sa vitalité dans le futur. Puis je vous l'ai répété puis je vous le répète, vous avez tous les outils, vous, l'industrie du taxi, pour compétitionner toutes les nouvelles technologies du monde. C'est à nous de vous aider, puis je suis persuadé qu'avec cette loi, aujourd'hui, on va vous aider à passer au travers des craintes que vous avez présentement.

M. Homsy (Abdallah) : Merci, encore une fois. Vous dites, M. le ministre, qu'on est des professionnels de taxi, alors on va vous donner notre expérience. Vous dites que l'appellation taxi, vous la réservez au véhicule taxi qui met un lanternon puis qui met un taximètre. Savez-vous, M. le ministre, que, pendant le projet de loi... le projet pilote d'Uber, on a prouvé qu'il y a des vacants, des dômes de taxis sont achetés sur Amazon et mis sur des voitures? Comment, nous autres, on va savoir comment, la voiture, elle est, si elle n'a pas de plaque en arrière?

Vous dites que vous combattez l'auto solo. S'il n'y en a pas d'étude, je vais vous donner une étude. À New York, ça a augmenté, ils ont même été obligés de mettre un taxi spécial. Ils étaient obligés même de mettre un quota pour les véhicules d'Uber, parce que l'auto solo... ça n'a pas combattu, ça a augmenté le niveau de véhicules à San Francisco, à New York.

Quand vous dites qu'on ne veut pas... Nous autres, on veut un cadre équitable. Pourquoi vous ne regardez pas qu'est-ce qui se passe en Angleterre? Pourquoi vous ne regardez pas qu'est-ce qui se passe en Irlande, où est-ce que tous les Uber de ce monde-là doivent travailler avec des véhicules taxi? C'est ça, un cadre équitable et égal. On n'a pas besoin de prendre l'industrie, qui a travaillé pendant des décennies, et l'envoyer à l'oubliette en espérant.

• (16 h 10) •

D'ailleurs, votre étude, même si elle est partielle, l'étude d'impact... Vous dites que l'industrie du taxi, dans les prochaines années, ça va être fini, là, les intermédiaires, ils vont disparaître au profit d'une compagnie ou deux. Et même, je vous dis, là, l'étude d'impact que vous avez, elle est très, très, très simple. Ce n'est pas une vraie étude d'impact, puis elle dit pareil, elle prédit que, dans les cinq prochaines années, c'est fini pour l'industrie du taxi. Alors, sur quoi on va se baser?

Nous, on veut collaborer, en passant. C'est pour ça qu'on était là avec vous à chaque réunion. On a collaboré, on a fait des propositions, on voulait comprendre. Mais je pense que la seule chose qui peut répondre, entre nous puis vous, le meilleur exemple, c'est avoir une étude. Est-ce qu'il y a des vraies études qu'on peut se fonder là-dessus, sur le projet de loi n° 17?

M. Bonnardel : Mme la Présidente, vous savez, j'ai entendu maintes et maintes fois que les études n'étaient pas adéquates. Les études ont été préparées par des fonctionnaires des différents ministères, pas juste du Transport, là. Peu importe la couleur politique, là, que ce soit eux, que ce soit le Parti québécois ou autres, ce sont les fonctionnaires qui sont au gouvernement qui épaulent les différents ministères depuis des années. C'est des gens qui sont ici, là, ou qui nous écoutent, qui ont préparé ces études.

Est-ce qu'on peut prévoir ce que sera l'avenir? Assurément, non. C'est pour ça qu'on s'est gardé une petite place pour le véhicule autonome. Vous ne pouvez pas prévoir, je ne peux pas prévoir, mais on sait que ça s'en vient puis on sait que ça va chambouler votre industrie, peut-être encore plus qu'on peut imaginer.

Vous le savez, ce que je pense aussi de votre industrie pour le futur. Vous m'avez parlé tantôt de votre belle application. Vous le savez, ce que je pense. Il faut aller beaucoup plus loin. Certains d'entre vous sont ici aujourd'hui, on s'en est parlé en privé. Je vous ai dit où je vois l'industrie dans cinq ans, 10 ans. Ça va être à vous d'aller plus loin ou de rester, l'industrie comme on l'a connaît aujourd'hui, avec différentes applications. Je vous l'ai mentionné que, pour moi, votre avenir, c'est plus loin encore. On sera ailleurs demain, parce qu'on vous donne des outils pour assurer cette pérennité puis répondre minimalement à l'insécurité que certains avaient, nécessairement, certains d'entre vous.

Alors, je vous le répète, que ce soit pour le transport adapté, la tarification dynamique, les charges fiscales moindres... On n'en parle pas beaucoup, là, mais les chauffeurs locataires, eux, demain matin, c'est quand même des sous assez importants dans leurs poches.

M. Homsy (Abdallah) : ...c'est faux, non.

M. Bonnardel : Ah! peut-être pas. Ils auront une voiture à acheter, j'en conviens. Mais, vous le savez, entre un paiement de 300 $, 500 $ ou 600 $ par semaine, il y aura quand même pas mal, pas mal de chauffeurs qui vont se réjouir.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il reste 1 min 30 s à votre échange.

M. Homsy (Abdallah) : Oui. Mais vous savez, M. le ministre, j'ai énormément de respect pour vous, je ne veux pas être impoli ou quoi que ce soit. Je pense, parce que vous êtes nouveau dans le ministère des Transports, vous oubliez la charge de 25 % qu'ils paient pour Uber. Vous, vous dites qu'on est professionnels puis on sait de quoi on parle, alors je vais vous le dire. Pour qu'un chauffeur soit rentable, il faut qu'il fasse minimum 1 000 $ par semaine pour enlever les frais, et tout. Uber prend 25 %. En partant, c'est 250 $. Uber loue... Il faut que tu achètes une voiture pour travailler avec Uber. Alors, on fait quoi?

Et ce n'est pas vrai qu'on est en train de sauver de l'argent aux chauffeurs. Pourquoi vous ne l'avez pas demandé? On aurait pu vous donner toutes ces statistiques-là. D'ailleurs, depuis tantôt, je vous demande : Les études que vous faites référence, aux fonctionnaires, ça me fera plaisir... Donnez-moi au moins une étude qui prouve ce qui est dans le projet de loi n° 17. Puis si, nous, on a tort, bien, c'est parfait. Mais il n'y en a pas d'étude. On a eu des rencontres, on a donné des propositions, mais elles sont où, les propositions?

On est capables de faire des belles choses, M. le ministre, ensemble, avec la loi actuelle. Vous n'avez pas besoin de tout ça. Mais vous pouvez toujours compter sur notre collaboration parce que c'est nous qui connaissons les chiffres. Vous n'avez pas tous les bons chiffres.

La Présidente (Mme St-Pierre) : 19 secondes. Ça va? Alors, je vais passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, bienvenue ici aujourd'hui. Une mention particulière pour vous, M. Vézina. Je suis content que vous soyez de retour en bonne santé avec nous.

Alors, on a moins de temps, nous autres, alors on va être un petit peu plus expéditifs... pas expéditifs, mais plus précis, là, dans les échanges.

Je vais vous confirmer une chose. Quand il y a eu le breffage que l'on a, nous, les ministres... pas les ministres, mais les députés, lorsqu'un ministre dépose un projet de loi, j'ai posé la question aux fonctionnaires qui sont ici dans la pièce : Est-ce que vous réalisez que vous détruisez l'industrie traditionnelle du taxi? La réponse a été oui. Alors, pour ce qui est de cette question-là, on va la régler tout de suite, là, le gouvernement est parfaitement au fait que l'implication de la loi n° 17 est l'annihilation du mode traditionnel du taxi. On va régler ça tout de suite.

Puis je fais ça comme ça, là, pour une raison qui est bien simple. Ce n'est pas vrai qu'il y a un paquet de monde qui est venu nous dire ici, là, aujourd'hui que, voilà, c'est le nirvana en avant, là. Il y a des problèmes. Les problèmes sont pressentis. Je comprends qu'il y aura des problèmes, que ce n'est pas simple. Ce que je trouve malheureux, par exemple, c'est qu'essentiellement on ne parle pas exactement de la même chose, je pense.

Et je vais vous demander une simple question, là. Pour le public qui nous écoute... parce qu'on mélange beaucoup de concepts, là : les propriétaires, les chauffeurs et ainsi de suite. Vous êtes le regroupement des intermédiaires. Pouvez-vous nous donner la définition de ce qu'est un intermédiaire?

M. Homsy (Abdallah) : Oui. Un intermédiaire, comme dans une coopérative, c'est des propriétaires qui se regroupent pour former une entité, faire de la répartition... qui s'appelle un intermédiaire. Alors, pour faire de la répartition, pour prendre l'appel du client et le transférer dans un véhicule de taxi, pour un chauffeur, ça prend un intermédiaire entre les deux. Puis il a beaucoup d'exigences et de responsabilités, cet intermédiaire-là.

M. Barrette : Donc, pour moi, ce qui m'apparaît très important... Je pense que le public a compris qu'il y avait la répartition là-dedans. Mais vous êtes des propriétaires. Alors, je ne me trompe pas si je dis qu'un propriétaire et un chauffeur ne font pas face à la même situation financière.

M. Homsy (Abdallah) : Exact.

M. Barrette : Bon. Alors, c'est sûr que le projet de loi n° 17 vient impacter d'abord et avant tout le propriétaire de permis de taxi. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus?

M. Homsy (Abdallah) : Exact.

M. Barrette : Parfait. Alors, un coup qu'on a dit ça et un coup qu'on comprend que l'industrie va être changée à tout jamais, comme dans... je l'ai posé puis j'ai eu comme réponse : C'est terminé, là, l'industrie classique du taxi, avec la loi n° 17. Le joueur qui le plus impacté de tous les joueurs, c'est le propriétaire. Alors, moi, quand j'entends le ministre, évidemment, je vous comprends. Parce que le ministre voit un avenir radieux, qui pourrait être radieux, sous certaines conditions, pour le chauffeur, mais certainement pas, nécessairement, et probablement jamais pour le propriétaire. Est-ce que je suis correct quand je dis ça?

M. Homsy (Abdallah) : Oui.

M. Barrette : Bon, on avance, c'est très, très bien. Savez-vous ce qui m'intrigue là-dedans, là, dans l'échange que vous venez d'avoir? Et on l'a eu à plusieurs reprises, là. Le ministre, il dit souvent qu'il vous a dit... il a dit publiquement qu'il vous avait dit sa vision idyllique de l'avenir. C'est quoi, la vision du ministre pour l'avenir, pour vous autres?

M. Homsy (Abdallah) : C'est quoi, sa vision?

M. Barrette : Oui. Bien, ce qu'il dit, là. Lui, il voit pour vous, là, quelque chose qui apparaît assez joli, là. Je l'ai entendu, il y a quelques instants, il vous a dit : Je vous l'ai dit, ma vision pour le taxi, vous la savez, puis c'est quelque chose qui est plein de possibilités. Pouvez-vous m'expliquer ça? Parce que moi, je ne le comprends pas.

M. Homsy (Abdallah) : Mais c'est simple. Mon sentiment honnête, c'est que le ministre, il a une volonté, mais il n'y a pas d'étude qui a prouvé tout ça. Et c'est là où on a de la misère. Ça fait que, quand le ministre nous dit comme de quoi on va avoir un avenir meilleur... Par exemple, quand on lui dit qu'il va y avoir, dans la ville de Québec, il va y avoir 1 000, 1 500 véhicules de plus, la réponse... Mais il n'a rien dit contre... le contraire. Prouvez-nous. On ne peut pas, il n'y a pas de preuve. Selon lui, selon le ministre, il n'y a rien qui va changer.

Mais, avec tout le respect que je lui dois, c'est selon lui. Mais, entre moi puis lui, c'est qui, le professionnel de taxi? C'est moi qui fais le taxi, c'est moi qui sais qu'est-ce que ça fait, c'est moi qui sais c'est quoi, l'impact, quand il va y avoir 100 véhicules de plus dans le territoire, quand il n'y a pas d'ouvrage.

Et c'est moi qui sais que, quand ces gens-là ne seront pas là pendant les tempêtes, et le beau temps, et le mauvais temps, alors que les chauffeurs qui ont besoin de nourrir leur famille aujourd'hui, qui le font professionnellement, qui travaillent 60, 70 heures, beau temps, mauvais temps... Bien, eux autres, là, s'il n'y a pas une rentabilité, c'est ce que j'ai dit au ministre, c'est ce que je dis à tout le monde, s'il n'y a pas de rentabilité, bien, ces gens-là vont aller chercher une job ailleurs.

Alors, qu'est-ce qui va arriver? On va avoir des chauffeurs occasionnels qui vont être là quand il fait beau, peut-être quand il va y avoir un congrès, mais, aussitôt qu'il va y avoir une tempête, aussitôt où est-ce que les gens vont avoir besoin d'un taxi, il n'y aura pas de taxi. C'est aussi simplement que ça.

M. Barrette : Alors donc, ce que je comprends, là, c'est que, quand le ministre vous parle d'un avenir radieux pour votre industrie, là, il n'y a pas de document, là, ou il n'y a pas de modélisation, il n'y a pas de projection qui vous ont été présentés, là.

M. Homsy (Abdallah) : Non, du tout.

M. Barrette : Alors, il faut le croire sur parole.

M. Homsy (Abdallah) : Oui.

M. Barrette : Alors, c'est comme un rêve que l'on doit accepter, qui va devenir absolument réalité. Bon, je comprends votre inquiétude, c'est tout à fait normal. Il a dit aussi, il y a quelques instants, qu'il voyait un avenir fantastique pour votre application. Il vous a dit qu'il vous avait dit qu'il avait une vision. C'est quoi, sa vision de votre application?

• (16 h 20) •

M. Homsy (Abdallah) : Bien, je pense que l'application a été citée à plusieurs reprises. Je ne sais pas si M. le ministre, il a pris le taxi avec l'application, mais ils l'ont testée parce qu'elle est sous projet pilote. L'application, elle est fonctionnelle sur les propriétaires de taxi, elle est sur le nombre de véhicules d'aujourd'hui. Je ne sais pas si le ministre, il fait référence qu'il va y avoir beaucoup plus de véhicules qui vont embarquer sur ça.

Mais il faut savoir une chose. Pour qu'un intermédiaire ou une application soit bien, il faut qu'il y ait beaucoup de chauffeurs, il faut qu'il y ait des chauffeurs qui travaillent. Et, pour qu'il y ait des chauffeurs qui travaillent, il faut qu'il y ait une rentabilité. Quand la rentabilité n'est plus là, il n'y aura pas de chauffeur pour servir cette application-là. C'est bien beau d'utiliser une application, quand il n'y a pas de véhicule...

Tout ce qu'il fait, ce projet de loi là, il frappe la rentabilité. Il la baisse au plus bas niveau puis il donne plus de force à des grosses entreprises qui sont prêtes à faire du dumping, aussi simplement, comme Uber et tout. C'est comme ça qu'on le voit. Ce n'est pas parce que...

Regardez Uber, il est déjà là, il a des milliards. Pensez-vous sérieusement que 9 000 PME, dans la province de Québec, vont être capables d'être en compétition avec une entreprise comme Uber, qui perd 10 milliards de dollars, puis ils ne veulent même pas payer 1,5 milliard pour le taxi? Mais ils sont prêts à perdre 10 milliards de dollars pour nous écraser. Alors, s'il n'y a pas de loi... D'ailleurs, je pense qu'il y en a une, loi qui protège contre le dumping, mais on l'ouvre avec le projet de loi n° 17. Il y a un problème.

M. Barrette : Très bien. Alors, allons-y sur le côté financier pour qu'on s'éclaire les uns les les autres, là. Moi, la lecture que je fais d'Uber, au moment où on se parle, elle est très simple. C'est une entreprise qui baisse les prix, qui, à la course, fait peu ou pas de profit, et vous êtes, vous, en compétition avec ces gens-là et vous ne pouvez pas, vous, vivre avec peu ou pas de profit, alors qu'eux autres peuvent le faire par leur structure. Est-ce que j'ai à peu près compris votre univers?

M. Homsy (Abdallah) : Exactement. Et je vais vous dire mon intuition. Pourquoi on abolit la loi actuelle pour le projet de loi n° 17? Parce que, dans toutes ces décennies-là, il y avait un facteur important pour émettre un permis, c'est assurer la rentabilité. Dans le projet de loi n° 17, il n'y a rien qui assure la rentabilité pour le propriétaire ou le permis de taxi. Peut-être les grosses multinationales, oui, mais, pour assurer la rentabilité, je mets tout le monde au défi de me dire si demain, avec 5 000 permis de plus dans la ville de Québec, 40 000 de plus dans la province, tous ces gens-là vont faire de l'argent.

M. Barrette : Bon. Alors, c'est dans cet esprit-là que... Quand vous parlez de dumping, c'est là où vous êtes désavantagés.

M. Homsy (Abdallah) : Absolument.

M. Barrette : Le ministre nous a dit régulièrement, là, hein, parce que, là, c'est l'autre versant de la montagne... Tout va bien, selon certains, mais pas toujours. Alors, à plusieurs reprises, quand vous n'étiez pas là, mais je pense que vous avez suivi ça sur la chaîne parlementaire, il nous dit : Les chauffeurs, les propriétaires vont sauver 1 000 $ sur un permis de taxi.

Donc, moi, je regarde, j'ai obtenu, là, la facture... Puis là je n'ai pas le droit, là, M. Homsy, de poser la question au ministre, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Mais, quand je regarde la facture qui vous est envoyée, l'immense majorité de la facture, c'est une contribution pour l'assurance. Sur 1 100 $, là, je pense que ce que je vais dire là... c'est comme, pour tout le monde la même affaire, là. Alors, là-dessus, il y a 803 $ qui va à l'assurance, il y a 4,60 $ qui est en frais d'administration, il y a seulement 118 $ pour le droit d'immatriculation, qui est moins qu'une automobile ordinaire ou presque, le droit pour le taxi, 109 $. Ça veut dire qu'essentiellement, là, près des trois quarts du coût du 1 000 $ que vous allez sauver, là, c'est l'assurance.

Est-ce que le ministre vous a indiqué, ou ses fonctionnaires, qu'à partir de la loi n° 17 vous n'aurez plus besoin de payer d'assurances?

M. Homsy (Abdallah) : Non. Moi, la question que j'ai demandée, lors de notre rencontre, ils nous ont dit qu'ils sont en discussion avec la SAAQ pour évaluer le coût des assurances. Parce que, vous savez, ce genre d'assurances là, un véhicule que ça fait, à l'année, 70 000 kilos sur la route, pour eux autres, pour la SAAQ, il s'expose plus, alors les assurances doivent être plus élevées. C'est là, la question qu'on se demande : Si, sur les 1 000 $, il y a 900 $ d'assurances, alors tout ce qu'on est en train d'enlever, c'est enlever juste la plaque T, puis on va continuer à payer pareil ou c'est le contribuable qui va payer? Un des deux.

M. Barrette : ...c'est ça. Donc, quand le ministre dit : Vous allez sauver 1 000 $ parce que vous n'avez plus de plaque, bien, si vous sauvez 1 000 $, bien, c'est parce que quelqu'un compense pour votre assurance. Et on ne vous a donné aucune indication à l'effet que l'État compenserait pour votre assurance, que la SAAQ ne va pas faire disparaître. Elle ne vous fera pas ce cadeau-là, là.

M. Homsy (Abdallah) : Non, je ne pense pas. C'est pour ça qu'on ne va pas...

M. Barrette : Bon, c'est ce que je pense, moi aussi. Maintenant, quand arrive la question du coût du véhicule, quand un chauffeur loue, là... bien, quand il loue, le chauffeur, vous devez, vous, dans votre monde, avoir un revenu qui permet de couvrir votre achat et entretien de votre véhicule. Ça m'apparaît normal.

Maintenant, dans la loi n° 17, quand il n'y aura plus de permis puis que tout le monde va être heureux, quelqu'un va devoir payer quelqu'un d'autre pour la location du véhicule. Moi, dans les informations que j'ai aujourd'hui, là, on voit, on entend qu'Uber, lui, se dirige vers une activité où lui-même dirige des chauffeurs pour aller chercher une auto à un concessionnaire, une marque. Il y a un prix, il y a une cote. Et ce beau monde là va faire un profit, et le chauffeur, parce qu'à la fin il va rester juste des chauffeurs. Il va lui rester de moins en moins d'argent lui aussi. Est-ce que je lis comme il faut la situation?

M. Homsy (Abdallah) : Oui, exactement. C'est comme ça qu'on voit les choses arriver puis c'est comme ça qu'il va avoir le contrôle.

M. Barrette : Bon. Coudon, au bout de la ligne, essentiellement, là, est-ce que le projet de loi n° 17 est organisé pour donner l'industrie à Uber?

M. Homsy (Abdallah) : Je peux dire plus que ça. Sans nommer Uber, ça peut être quelqu'un d'autre. Je peux dire que le projet de loi... Il parle d'abolition de monopole. Au contraire, il crée un ou deux monopoles dans l'industrie du taxi. Il va donner à des grosses multinationales le monopole total et le contrôle de l'industrie. C'est aussi simplement que ça.

Je vous donne un exemple très rapide. Quand on parle d'histoires de répondants, je ne comprends pas, jusqu'à aujourd'hui, pourquoi on enlève le droit à la SAAQ. C'est un droit uniforme. Tout le monde va remettre les affaires de sécurité ou tout à la SAAQ. Aujourd'hui, on l'éparpille puis on le donne à des répondants qui vont devenir eux-mêmes un monopole.

M. Barrette : Moi, honnêtement, là, j'essaie d'imaginer le futur, là, j'ai de la misère à imaginer que ça n'arrivera pas comme ça. Mais, en même temps, j'essaie d'imaginer des moyens pour que vous autres, dans ce que le ministre appelle l'industrie du taxi qui va être protégée... j'essaie d'imaginer des moyens qui vont vous permettre de survivre économiquement, dignement, c'est-à-dire gagner votre vie correctement. Puis gagner votre vie correctement, ça veut dire que vous avez une certaine garantie raisonnable, un, de rentabilité puis de volume. Est-ce qu'il y a des chemins, là, qui feraient en sorte que vous auriez ça, là?

Parce que, là, moi, je l'ai dit à tout le monde qui est passé devant nous, là, depuis le début de ces consultations : Là, ils sont majoritaires, ils vont le faire. Mais là, à un moment donné, nous, on est là pour éviter les abus, les conséquences abusives. Mais là j'en vois, des conséquences abusives. Est-ce que des marchés protégés, là, pour vous autres, est-ce que c'est une source raisonnable, pas parfaite, raisonnable de revenus dans des circonstances à être définies?

M. Homsy (Abdallah) : Je pense que oui. Les marchés réservés doivent être là. On pense à plusieurs marchés réservés, plusieurs contrats qui doivent rester dans l'industrie du taxi. D'ailleurs, c'était une des demandes, aussi, qu'il faut protéger, puis on n'a pas encore reçu de réponse là-dessus.

M. Barrette : Ah! Par exemple?

M. Homsy (Abdallah) : Bien, on a demandé, par exemple, le transport adapté, qu'il soit dans l'industrie, reste dans l'industrie du taxi. Nous nous sommes, je pense... Regardez, dans toute industrie ou même une entreprise qui se respecte, quand on forme des gens pendant des années, on les garde précieusement parce qu'ils ont de l'expérience. Nous, ce qu'on est en train de faire, dans le projet de loi n° 17, c'est dire aux gens d'expérience : Tassez-vous, on va amener des nouveaux.

Je pense, pour de la clientèle comme le transport adapté, les usagers de transport adapté, ils ont besoin de gens qui ont de l'expérience, qui connaissent leur mobilité, leurs besoins et comment on peut les aider. Ça, c'est des gens qu'on peut les aider quand on est à proximité, quand on... Si M. et Mme Tout-le-monde qui vont commencer, à chaque fois, on a un nouveau qui rentre pour aider une personne, bien, les usagers de transport adapté, en général, ils ne se reconnaissent plus puis ils n'aiment pas ça. Alors, la proximité est importante. C'est pour ça que les gens de l'industrie doivent rester là.

M. Barrette : Et je dois vous dire que les représentants des usagers ont dit exactement ça. Ils apprécient votre travail. Maintenant, je vais vous poser une question : Est-ce que, vous, dans votre industrie... Vous regardez ce qui se passe ailleurs, hein?

M. Homsy (Abdallah) : Oui.

M. Barrette : Vous regardez les conséquences d'Uber. Y a-tu un endroit dans le monde où les Uber, Lyft et compagnie se sont précipités sur le transport adapté?

M. Homsy (Abdallah) : Non, pas beaucoup.

M. Barrette : C'est ça que je pense, moi aussi, parce que je n'en ai pas trouvé bien, bien. Mais actuellement les circonstances sont telles que, là aussi, vous allez disparaître, parce que vous n'avez aucune garantie ou proposition formelle d'en arriver à ça. Est-ce que je me trompe?

M. Homsy (Abdallah) : Non, vous ne vous trompez pas. Moi, je vous le dis, la base de la réussite d'une industrie, c'est sa rentabilité.

M. Barrette : Ça, je suis d'accord.

M. Homsy (Abdallah) : Si on lui enlève la rentabilité, que ce soit dans le Nord, que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent, que ce soit partout, si les chauffeurs ne gagnent pas bien leur vie, ça ne marchera pas. Je vous donne un exemple. Les chauffeurs, même, qui sont...

La Présidente (Mme Grondin) : ...en terminant.

M. Homsy (Abdallah) : Oui, en terminant. Les chauffeurs qui travaillent dans la société de transport, ils sont bien payés. Pourquoi? Parce qu'on veut qu'ils donnent un bon service. Et la rentabilité doit être toujours là.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Mme la députée de Mercier, vous avez 3 min 55 s.

Mme Ghazal : Très bien. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci. Merci d'être présents aujourd'hui parmi nous.

Vous savez, les propos du ministre, ça fait plusieurs fois, là, ça fait longtemps que ça dure... nous laissent croire que l'industrie du taxi, bien, c'est-à-dire vous, que vous êtes des dinosaures — il ne le dit pas comme ça, je le paraphrase — des gens qui ne veulent pas évoluer, qui êtes contre le projet de loi n° 17, donc, automatiquement, vous êtes contre la modernité, contre le progrès et que vous êtes bouleversés par le changement. Qu'est-ce que vous voulez? Quand on veut faire une omelette, il faut casser des oeufs. Et là, maintenant, ça tombe sur vous, on veut casser l'industrie du taxi. C'est ce qu'on entend souvent de la bouche, malheureusement, du ministre.

Je sais que ce n'est pas vrai. J'ai rencontré des gens de l'industrie, des gens qui me disent que, pendant des années, ils se sont battus, l'industrie du taxi, contre les lois actuelles qui ne leur permettent pas d'évoluer dans la technologie. Et j'aimerais savoir, pour enlever, justement, cette image-là de dinosaure, de laquelle on veut vous dépeindre, simplement parce que vous êtes contre la technologie... Vous avez parlé un peu de Taxi Coop. Mais est-ce que vous pouvez nous dire les efforts, les investissements que vous avez faits, en termes monétaires, tout ce qui a été fait depuis les dernières années, même avant l'arrivée d'Uber, pour moderniser cette industrie du taxi?

• (16 h 30) •

M. Homsy (Abdallah) : Bien, merci pour la question. Elle est très judicieuse. D'ailleurs, je fais référence à un des projets pilotes qui est aujourd'hui en fonction, c'est le projet pilote d'application Taxi Coop. Alors, il y avait Taxi Coop, il y avait Téo Taxi, qui était projet pilote, puis il y avait Uber. Il y avait deux taxis. Alors, il y avait deux volontés majeures d'avancer et de se moderniser.

L'industrie du taxi... pas juste une application. L'industrie du taxi, c'est des véhicules. Les véhicules, ils sont à 90 % des véhicules hybrides, O.K.? L'industrie du taxi, elle a rehaussé, dans les dernières années... elle est montée, de ce qu'on est en train d'amener maintenant dans le projet de loi n° 17, à un sens... à dire, minimum, le véhicule, il faut qu'il ait, je pense, entre trois et cinq ans, O.K.? Alors, la majorité des flottes de taxis dans la province, ils sont à un minimum, en moyenne, de trois ans de vie.

L'application mobile, la répartition, elle a commencé dans l'industrie du taxi entre 2008 et 2009, mais la loi nous a permis... parce qu'avant on n'avait pas le droit à des GPS dans les véhicules. C'est la loi qui nous empêchait d'arriver là. C'est en 2014 qu'on a commencé à mettre des tablettes, parce que c'était illégal... Ce n'est pas parce que nous, on ne voulait pas ça, là. C'était illégal. Alors, quand on arrive avec des tablettes comme cela... On est arrivés avec la répartition automatisée. Plus que ça, même, la téléphonie, c'est rendu des répondeurs automatiques. On fait la géolocalisation par la centrale. Les radios n'existent même plus, c'est du data qui est envoyé. La géolocalisation, elle est là, O.K.? Alors, si on dit que l'industrie du taxi n'a pas fait des efforts...

D'ailleurs, je vous donne un exemple avec les sociétés de transport. Avant, là, on recevait des papiers gros de même pour nous dire, notre tournée, comment ça va se faire. Aujourd'hui, la société de transport, elle fait un profit raisonnable sur ça, autrement dit, en sauvant des communications. Ils peuvent modifier une personne... d'embarquer en dedans de trois minutes. On arrive sur place, et ils peuvent enlever, live, un client et... Autrement dit, même la connexion avec les sociétés de transport, ça se fait automatiquement, live.

Alors, aujourd'hui, ce qu'on dit : Non, ce n'est pas ça, on est des dinosaures. Une chance que ma conjointe ne l'entend pas.

Mme Ghazal : Bien, c'est ça, c'est ce qu'on essaie de dépeindre, de votre part. Donc, vous, ça fait longtemps que vous voulez changer. En fait, le problème, c'est que la loi d'avant vous mettait des bâtons dans les roues, puis vous avez voulu changer puis vous moderniser. Vous n'avez pas attendu Uber, qui... Là, vous avez parlé, par exemple, de l'âge des voitures, alors qu'Uber, avec le projet de loi n° 17, par rapport à l'âge des voitures, là, il n'y a pas de limite. Donc, on peut se retrouver avec des vieilles voitures qui ne sont pas hybrides. Donc, ce n'est pas nécessairement la modernité, simplement parce qu'on a une application. Ce n'est pas ça, la définition de «modernité». Le projet de loi n'amène pas ça, même s'il y a ça dans le titre.

M. Homsy (Abdallah) : Exact, et c'est là qu'on dit que la modernisation...

La Présidente (Mme Grondin) : Désolée, c'est terminé. Je suis désolée, on doit respecter le temps. Merci, Mme la députée. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, la parole est à vous.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Je vais continuer sur la même lancée que ma collègue. Moi, j'ai cette merveilleuse petite application de Taxi Coop. Qu'est-ce qu'elle a à envier à Uber?

M. Homsy (Abdallah) : ...les réservations, qu'Uber n'a pas, O.K.? La seule chose que vous allez... Mais moi, je suis sérieux en vous disant ça. Uber, l'argent qui... Nous, le client, quand il paie, tout cet argent, le transfert d'argent reste au Québec. Uber, lui, c'est à l'extérieur. C'est la seule différence qu'il y a entre nous puis Uber.

M. Arseneau : C'est ce que je croyais comprendre. D'ailleurs, je n'ai jamais pris Uber et j'en suis très fier. Je voulais vous demander quelle est votre appréciation des propos du ministre, si on résume, qui dit qu'il va y avoir plus de véhicules, plus de chauffeurs, plus de compétition, plus de revenus pour tous, et ça sera plus économique pour l'ensemble de la clientèle. Est-ce que la mathématique, pour vous, fait sens?

M. Homsy (Abdallah) : Non, c'est plus... Quand on dit... plus que ça, ça ne marche pas, parce que ce n'est pas en mettant plus de véhicules qu'il va y avoir plus de rentabilité. Au contraire, c'est moins... La seule chose que je demanderais au ministre : Si on va avoir plus de véhicules sur la route, comme il dit, en quoi on est en train d'aider notre mobilité durable? Puis on demande à baisser les gaz à effet de serre. Si on augmente... de plus de véhicules sur la route...

M. Arseneau : Puis, Mme la Présidente, du point de vue de la clientèle... parce qu'on parle beaucoup des chauffeurs, puis on est très empathique par rapport à ce qui se passe chez vous, mais j'aimerais vous entendre parler de la clientèle. En quoi est-ce que le projet de loi, s'il était adopté tel qu'on l'a présenté, peut avoir un effet sur eux? Parce que les citoyens du Québec se demandent si, effectivement, il n'y a pas un gain. La tarification dynamique, on a l'impression que ça va faire plonger les prix puis que ça va être des vallées verdoyantes.

M. Homsy (Abdallah) : C'est ce qu'on a proposé. S'il n'y a pas un plafond ou un plancher pour ça, ça va être un gros risque. Avant tout, c'est pour le dumping. Quand on monte le prix beaucoup, ça va arriver. C'est comme... est arrivé avec la madame qui est partie à Laval, de Montréal à Laval, elle va payer 450 $ pour un voyage. Alors, c'est un élément de sécurité. Un jeune adolescent, dans la vingtaine, quand il s'en va prendre de l'alcool sur la Grande Allée puis il va retourner, si, pour retourner chez lui, ça coûte 20 $, pour retourner chez lui à la maison, puis il va voir que ça va lui coûter 200 $, pensez-vous qu'il va prendre le taxi ou Uber... Non, il va prendre son véhicule. Est-ce que c'est comme ça qu'on en train d'encourager les gens pour prendre le taxi?

M. Arseneau : Donc, si je comprends bien, à l'heure actuelle, Uber peut couper les prix pour tenter de prendre le marché, là, comme ça se fait dans certaines industries. Mais, une fois qu'il va dominer le marché, il va dominer aussi les prix et la fixation des prix.

M. Homsy (Abdallah) : Devenir un monopole.

M. Arseneau : Exactement. Maintenant, on a parlé hier du fait qu'acheter un permis de conduire, ce n'était pas un investissement. Ça ne devait pas faire partie, là, bien, enfin, du capital ou de... ce n'était pas un placement. Quel est votre point de vue là-dessus? Parce que, d'un point de vue d'entrepreneur, j'imagine qu'il y a non seulement un rendement au quotidien... On doit gagner sa vie, mais vous aviez effectivement l'impression que c'était, en quelque sorte...

M. Homsy (Abdallah) : Je vais parler juste... Dans les 10 dernières années, l'industrie du taxi, la majorité des investissements qui ont été faits, c'est par des gens immigrants qui achetaient des jobs. On achetait des emplois. On n'achetait pas pour investir en espérant qu'on va vendre à 200 000 $. Quand on achète une maison, on ne l'achète pas en espérant que, dans cinq, six ans ou 10 ans... Oui, il prend de la valeur. C'est normal que ça prenne de la valeur, il le mérite. Mais la base, c'est l'emploi qu'on est en train de préserver pour ces gens-là. Il n'y a aucune chance, après ça, après ce projet de loi n° 17, de dire à ces gens-là qu'est-ce qu'ils vont faire. Il n'y a rien. Il n'y a pas d'étude pour protéger ces emplois-là.

La Présidente (Mme Grondin) : En 15 secondes, O.K.?

M. Arseneau : J'aimerais que vous me parliez, en 15 secondes ou en 10 secondes, de l'importance d'avoir des chauffeurs professionnels.

M. Homsy (Abdallah) : Ah! c'est très important. Je vous donne un exemple. Dans une situation de stress, où est-ce que vous avez un client qui est en détresse ou il a besoin de quelque chose, vous n'avez pas le temps de rentrer dans le GPS et aller lui dire : Amène-moi à l'hôpital, le CHUL de Québec. Il faut connaître la ville puis...

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution aux travaux de la commission. On m'informe que le prochain intervenant sera en retard.

Donc, je suspends les travaux jusqu'à 17 heures et je vous invite à être ici cinq minutes avant pour qu'on commence à 17 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

(Reprise à 16 h 58)

La Présidente (Mme Grondin) : Nous allons débuter les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Taxelco. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. M. Péladeau, la parole est à vous.

Taxelco

M. Péladeau (Pierre Karl) : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le ministre des Transports, messieurs dames les députés et membres de cette commission, bonjour à tous et à toutes. Alors, je dois vous dire que je suis très heureux de me retrouver, donc, dans cette salle cet après-midi pour la présentation du mémoire de Taxelco. Comme vous l'avez mentionné, Mme la Présidente, c'est à mon tour de vous présenter la personne qui m'accompagne. Il s'agit de Frédéric Prégent, qui est vice-président opérations chez Taxelco.

• (17 heures) •

Alors, comme vous le savez probablement, ou sinon, bien, je vais vous le mentionner, j'ai déposé, à titre personnel, donc, une offre d'achat sur les actifs de Taxelco le mois dernier, offre qui a été retenue par le contrôleur ou le syndic, qui est Richter. Après l'acceptation, donc, de cette offre, nous devrions poursuivre pour clôturer la transaction, qui va être entérinée par la Cour supérieure du Québec avant ou le 31 mai prochain. Alors, c'est Placements Saint-Jérôme, je pense que vous savez probablement d'où vient cette entreprise, et ce n'est pas une entreprise dans une fiducie. Alors, Placements Saint-Jérôme deviendra propriétaire de Taxelco, qui compte quand même un certain nombre d'activités, dont notamment Taxi Diamond, Taxi Hochelaga et Téo Techno.

Alors, ce ne sera pas une surprise pour personne si je vous dis que je suis très heureux de cette transaction. J'ai toujours été convaincu de l'importance pour le Québec, fort de notre richesse collective, de miser sur l'électrification des transports comme avenue d'avenir pour notre planète ainsi que pour notre économie. Notre électricité est un puissant levier de développement économique, et nous devons continuer à l'exploiter de la meilleure façon possible. Taxelco est une référence en électrification des transports et il pourra ou elle pourra assumer un rôle important dans la poursuite responsable et nécessaire de la migration verte et électrique des services de transport par taxi, pour démarrer, à Montréal, et nous souhaitons bien évidemment élargir les services par la suite au Québec tout entier.

Nous sommes ici aujourd'hui pour manifester notre volonté de travailler avec ouverture et collaboration avec le gouvernement du Québec et les joueurs déjà établis de l'industrie. Taxelco constate la décision du gouvernement de procéder à des changements majeurs et à un redéploiement important de l'industrie du transport rémunéré de personnes par le biais du projet de loi n° 17. Ce projet de loi est un pas très important dans la bonne direction de la modernisation de l'industrie en misant sur l'efficacité, la sécurité, la modernité, l'électrification et l'équité entre les modes de transport.

Dans le mémoire qui vous a été remis, Taxelco, qui place tous les clients, et ça, c'est extrêmement important, tous les clients au coeur de la solution, énonce des recommandations pour faciliter l'implantation de certains changements proposés. Taxelco expose également des préoccupations sur des enjeux spécifiques importants pour la population et l'industrie, comme la tarification, la formation, les mesures de contrôle, le transport adapté et, bien évidemment, encore, l'électrification des transports. Précisons que Taxelco prend acte de la décision du gouvernement de mettre en place un nouveau processus d'autorisation des chauffeurs et des véhicules.

Maintenant, pour vous présenter plus en détail certaines des recommandations de Taxelco, je cède la parole à mon collègue Frédéric Prégent.

M. Prégent (Frédéric) : Merci. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, MM. et Mmes les députés de la commission. Merci pour l'introduction. Donc, juste à titre de rappel, Taxelco, dans le fond, c'est le plus gros intermédiaire de transport de taxi au Québec. On a 1 500 membres qui se rassemblent, dans le fond, chez Taxi Hochelaga et Taxi Diamond.

Originalement, la plateforme technologique Téo a été créée. Aujourd'hui, on sait que Téo n'est plus en activité au niveau de la gestion des véhicules électriques, sauf que Téo a participé à redéfinir l'industrie, et ce, en respectant la réglementation générale encadrant l'exploitation des taxis au Québec et plus spécifiquement à Montréal. Malheureusement, bon, effectivement, Téo est arrêtée aujourd'hui, mais, bon, ce n'est pas parce qu'aujourd'hui on est sur la glace que ce n'est pas un projet qui va revoir le jour éventuellement.

Dans un premier temps, j'aimerais rappeler que les applications mobiles ne sont, en fait, qu'un nouveau canal de commande. Elles ne sont pas la modernisation de l'industrie. C'est l'ensemble des mécanismes d'amélioration de l'expérience client et du temps de transport pour les usagers qui constitue la vraie transformation. Les nouvelles technologies doivent offrir des solutions qui sont plus performantes collectivement, pas seulement dans les transports individuels. Elles doivent aussi favoriser l'optimisation de l'utilisation des véhicules et la diminution de l'utilisation des voitures uniques, pour ainsi réduire le trafic et les émissions de gaz à effet de serre. N'oublions pas aussi celui qui a été oublié pendant les dernières décennies : le client.

Donc, puisque vous venez de recevoir le mémoire, en fait, je vais revoir rapidement les différentes thématiques et aborder les sujets, là, qui méritent d'être soulignés dans ce cadre-ci. Donc, tarification, formation, contrôle, transport adapté, autorisation des chauffeurs et des véhicules, électrification des transports puis évidemment les mesures transitoires, tous ces éléments-là ont un impact sur le client. Bien intégrés, ils vont transformer positivement l'industrie. Mal intégrés, bien, ils vont former une base parfaite pour... je ne veux pas dire le chaos, mais pour un environnement qui pourrait être vraiment pas optimal.

La tarification dynamique, de notre point de vue, ça va permettre l'ajustement du service pour les clients, c'est-à-dire qu'avec une tarification dynamique on risque d'être en mesure de mieux contrôler l'offre, de gérer l'offre. Quand il va y avoir plus de demande, bien, il y aura plus d'offre. Cette tarification dynamique devrait être applicable à tous les moyens de commande — dans le projet de loi, ce n'est pas ce qui est indiqué — sinon, il risque d'y avoir un système à deux vitesses. On considère qu'un prix plancher de 90 % et un prix plafond de 200 % du tarif établi par la CTQ va permettre de s'assurer un minimum de revenus pour les chauffeurs puis de laisser une compétitivité aussi avec le transport en commun. S'il y avait une réduction de prix trop grande, bien il y a des usagers qui pourraient commencer à utiliser seulement le service de transport par taxi, délaisser le transport en commun, ce qui serait un mauvais comportement.

Après ça, on veut ramener le concept d'utilisateur-payeur. Il faut absolument permettre le fait de moduler les frais en fonction du type de véhicule, de pouvoir aussi payer une réservation ou même d'exiger un frais minimum pour les courses qui sont commandées par application.

Un des points vraiment importants qu'on veut mettre en lumière, c'est la question de la formation. En termes d'intermédiaire de taxi, Téo et Hochelaga Diamond sont les seuls intermédiaires de taxi au Québec à s'être prévalus de la formation de 35 heures qui avait été autorisée, là, dans le projet de loi qui avait été adopté en 2015... en 2017, je m'excuse, puis va prendre fin en 2019. Selon notre expérience, une formation de 35 heures est minimale. C'est ce qu'on avait chez Téo Taxi. On a décidé de faire de la formation aussi chez Hochelaga Diamond. On a décidé d'augmenter à 45 heures ce nombre d'heures de formation nécessaire.

Juste pour vous dire qu'est-ce qu'un chauffeur doit apprendre... fonctionnement de l'application et de la répartition, ça ne s'apprend pas en 15 minutes. La qualité des services offerts, gérer de la qualité, offrir de la qualité, ça se forme, ça se transmet. La conduite, c'est bête, mais ce n'est pas parce qu'on a un permis de conduire qu'on conduit nécessairement bien et de façon sécuritaire. Ça fait que c'est quelque chose d'important pour ceux qui font du transport de personnes. La toponymie, au départ, c'était l'élément qu'on avait réduit, du côté de Téo, pour finalement le ramener parce que ça prend des gens qui peuvent se déplacer de façon efficace. Celui qui perd, quand il n'y a pas une formation adéquate là-dessus, c'est toujours le client. Après ça...

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...

M. Prégent (Frédéric) : Pardon?

La Présidente (Mme St-Pierre) : Il vous reste une minute.

M. Prégent (Frédéric) : Parfait. Donc, je vais passer à... Il n'y a pas de problème.

Une voix : ...

M. Prégent (Frédéric) : Oui, c'est ça, exactement. Il y a un élément qu'on voulait amener, puis, de toute façon, les éléments sont dans le mémoire. Au niveau des mesures transitoires, aujourd'hui, il n'y a pas de mesures transitoires qui ont été vraiment spécifiées dans le projet de loi. Nous, on considère que ça prend des mesures. Il faut absolument les définir pour s'assurer que la transition se fasse bien.

Puis l'autre chose, évidemment, il faudrait pérenniser le projet pilote concernant le permis et la formation de certains chauffeurs effectuant du transport rémunéré de personnes sur l'île de Montréal, qui doit prendre fin le 21 septembre. Donc, si le projet de loi est adopté en juin, mais qu'il n'est pas entériné avant l'année suivante, bien, ça prend des mesures pour pouvoir permettre ces actions-là qui ont été mises en place.

Dernier point, il faut juste garder le client au coeur de la solution. C'est tout. Voilà.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous pour 23 min 30 s.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Quand vous terminez avec le client avant tout, ça, ça vient me chercher, puis c'est la base même de la loi.

Vous parlez de formation. Je veux juste vous rassurer, il y aura... Vous le savez qu'il y avait des disparités, partout ailleurs au Québec, des formations de sept heures, 35, 110, 150. Il y aura une formation minimale. Est-ce qu'elle sera de 15, 20? Je n'ai aucune idée, mais elle sera minimale, on va la définir par règlement. Mais, si vous devenez un répondant, vous aurez cet outil additionnel pour dire : Nous, on souhaite donner un 15 heures de plus ou un 12 heures de plus. Ce sera à vous de le définir, ça, ça va vous appartenir.

Mais je n'ai pas le choix de vous poser une première question, à savoir : Taxelco, Téo comme on l'a connu, l'avant, qu'est-ce qui ne fonctionnait pas, de par les règles que vous aviez, que nous avions, comme législateurs, mises en place depuis... L'avant, qu'est-ce qui ne marchait pas?

• (17 h 10) •

M. Prégent (Frédéric) : Oui. C'est sûr et certain que, dans le projet de loi, il y a beaucoup d'éléments qui ont été repris des différents mémoires que les différentes équipes de Taxelco ont donnés au gouvernement. Donc, pour Téo, en fait, on essayait de donner un service supérieur de façon plus optimale, plus complète, dans le fond, une expérience client qui était contrôlée du début, donc le moment où est-ce que vous pensez à commander une course taxi jusqu'à temps que vous soyez débarqué. Puis, pour offrir ça, bien, on a décidé d'offrir des véhicules comme la Tesla, d'offrir un système où est-ce que les chauffeurs étaient employés.

Donc, en termes de... disons, par rapport au projet de loi qui est là, la tarification dynamique, c'est un des éléments qui faisaient en sorte de venir plomber le modèle. Fournir des Tesla... Puis on prend juste le contexte de Tesla, Téo, là, mais la même chose est applicable aujourd'hui dans le contexte du taxi traditionnel. On offre une minivan, la minivan coûte plus cher à opérer, mais on ne peut pas charger plus cher pour ce véhicule-là. Donc, ça, c'est sûr et certain que c'est venu plomber le modèle. Mais ce n'est pas le seul élément, là, c'est un cumul de raisons qui ont fait en sorte que Téo n'a pas fonctionné. Mais ça, ça vient répondre en partie à cette problématique.

La question de la formation, vous y avez déjà répondu, dans une première phase, en adoptant le... bien, en fait, l'ancien gouvernement, là, en adoptant la loi sur la formation... parce qu'il y avait un enjeu aussi d'aller chercher des ressources, là, pour travailler dans l'organisation. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Permettez, M. le ministre, un petit mot rapidement. Si on doit résumer, c'est qu'il y avait donc une réglementation désuète et obsolète qui avait certainement, à une certaine époque, sa raison d'être. Mais entre-temps, donc, le paysage a évolué de façon significative. La mondialisation est arrivée, les entreprises étrangères, les applications qui ont bouleversé, comme dans de très nombreuses autres industries également, les façons de faire. Malheureusement, la réglementation est toujours à la remorque des évolutions technologiques, et, selon moi, c'est ce qui s'est produit.

Et je vais vous donner un exemple bien personnel. Moi, j'adorais Téo. J'ai été probablement parmi les premiers clients de Téo. Mais, quand je n'étais plus capable de réserver une voiture à la maison à 7 h 30 pour mon fils, à l'école, bien j'ai été obligé de prendre un taxi, effectivement, en l'occurrence Diamond, qui n'était pas un véhicule électrique. Alors, ce sont des éléments, tu sais, qui illustrent, mais la liste, là, et la nomenclature est très importante de considérations de cette nature-là qui ne devraient plus exister.

M. Bonnardel : Là, vous m'expliquez l'avant. L'après, l'après ce qu'il y a dans la loi aujourd'hui, les outils que l'on donne, qu'on met en place pour être capable d'assurer la vitalité, vous le voyez comment, cet après? Je pense que vous pouvez autant répondre les deux, là, mais...

M. Péladeau (Pierre Karl) : Bien, le fait que vous vous engagiez de la façon dont vous le proposez, c'est-à-dire, donc, une libéralisation, là... Puis il n'y a rien de péjoratif, là, bien au contraire. Il y a une libéralisation et, en même temps aussi, il y a, excusez-moi l'expression française, le «level playing field», c'est-à-dire que tout le monde va être assujetti aux mêmes conditions, il n'y aura pas deux vitesses, un régime à trois vitesses. Il va y avoir, donc, une volonté exacerbée de l'ensemble des partenaires de l'industrie d'offrir les meilleurs services et les meilleurs produits aux clients, mais ça aussi, ça requiert, évidemment, la rentabilité et la viabilité des entreprises. Mais, s'il y a quelqu'un qui est trop gourmand, bien alors, à ce moment-là, il y a quelqu'un qui va revenir lui dire que son modèle d'affaires ne fonctionne pas, et c'est vrai également de l'autre côté.

Alors, il va y avoir un équilibre qui, en général, s'établit parce que les forces du marché entre le client et celui qui fournit la prestation ou le service vont être en mesure de s'acclimater aux exigences et aux expectatives de la clientèle.

M. Prégent (Frédéric) : Tout à fait. Je ne peux pas rien rajouter à ça, je pense que c'est la base de... Ça va mettre la table pour que tout le monde joue sur la même patinoire, comme certains membres de votre équipe ont utilisé comme terminologie.

M. Bonnardel : J'ai entendu plusieurs, plusieurs, plusieurs nous dire que l'industrie du taxi, on la rasait, c'était terminé. Comment vous voyez l'industrie du taxi de demain? C'est drôle de vous poser la question comme ça parce que, vous, vous êtes un homme d'affaires. Il y a des gens hier qui nous disaient : L'abolition des permis, des territoires d'agglomération, c'est une valeur ajoutée, que la dame nous a dit, une valeur ajoutée. Alors, vous êtes un homme d'affaires, vous avez pris une décision. Vous vous dites, vous, là... Demain, là, l'industrie du taxi, vous la voyez comment?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Alors, mon sentiment, c'est qu'encore une fois, à l'image de toutes les autres industries, elle doit évoluer au fur et à mesure que les technologies s'implantent, là. On ne peut pas retarder ou freiner la technologie, elle est plus forte que nous. Elle nous emporte, et celui ou celle qui veut la freiner va toujours se faire prendre, d'une façon ou d'une autre, parce que la technologie s'impose, est en mesure de pouvoir combler des besoins des citoyens et des citoyennes. Alors, on peut toujours la combattre, mais la combattre, c'est un combat qui vous mène à l'impasse.

J'aurais plutôt tendance à dire : Bien, utilisons la technologie pour le bénéfice de notre industrie, de ceux et celles qui ont évolué dans cette industrie-là, de faire en sorte, justement, de capitaliser sur les nouvelles modalités qui sont en mesure d'être offertes par la technologie, et elles sont nombreuses. C'est vrai pour le taxi, mais c'est vrai pour toutes les autres industries. Moi, je peux utiliser l'exemple de la câblodistribution, je peux utiliser l'exemple de la presse écrite. Je ne le ferai pas ici parce que ce n'est pas le sujet, mais toutes les industries sont logées à la même enseigne, à l'enseigne de la nécessité d'évoluer en fonction de la technologie qui est dorénavant offerte.

M. Bonnardel : J'imagine que quand vous avez pris cette décision... Vous connaissez les modèles ailleurs, législations ou les nouvelles technologies qui sont entrées dans différents États, aux États-Unis, au Canada, ici, chez nous. Il y aura l'arrivée d'autres joueurs, vous le savez. Eva est arrivée sur le marché, elle se développe. Il y aura peut-être Lyft, dans un an, il y en aura peut-être d'autres dans deux ans. Comment vous êtes capables... Vous avez pris une décision, encore une fois, je le répète, de vous dire : On reprend ce que Taxelco était. De quelle façon vous pensez être capables de vous définir dans un marché où on dit : À Montréal, présentement, il y a peut-être trop de chauffeurs?

Je répète ce que j'ai déjà dit, le seul endroit, à part le Nord-du-Québec, où il y a le moins de véhicules immatriculés, au Québec, c'est à Montréal, petite baisse. Là, vous dites, vous : On est un joueur, déjà, qui existe, avec Hochelaga Diamond. On prend un modèle, on va le modifier, on a une loi qui est différente, puis ça va nous permettre — on pense, si vous l'avez prise, cette décision — de pérenniser notre avenir, notre achat, votre investissement. De quelle façon vous pensez... pas concurrencer, mais être un joueur différent face à l'offre à Montréal présentement?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Tout à l'heure, on a insisté sur le client, nous avons insisté sur le fait que, donc, tu sais, ultimement, celui qui prend la décision, ça va être, donc, celui qui souhaite se déplacer. C'est vrai, mais ce n'est pas complètement vrai, dans la mesure également aussi où il y a une offre qui est faite, dorénavant, à ceux et celles qui se sont consacrés à l'industrie du taxi durant les années précédentes. Il n'y a rien qui, aujourd'hui, assujettit, tu sais, à l'éternité un chauffeur à une entreprise de taxi. Il peut, excusez-moi l'expression, faire du shopping aussi. Et les applications vont être de plus en plus nombreuses. Alors, ça va être aussi à ces applications-là de faire en sorte de séduire le plus grand nombre de chauffeurs pour faire en sorte que, justement, l'entreprise dans laquelle elle a souhaité évoluer puisse avoir du succès.

Donc, d'un côté, il y a le client, mais également aussi, de l'autre côté, il y a le chauffeur. Il va y avoir une espèce, excusez-moi l'expression, de dialectique de l'application entre l'utilisateur et celui qui va rencontrer la prestation. Et ça, c'est très important et c'est comme ça, je pense, que nous allons être en mesure aussi d'assurer la qualité du service, parce que celui qui va avoir pris des responsabilités d'assumer des espèces de cahiers de charges qui seraient susceptibles d'être appliqués... parce que vous faites partie d'une entreprise qui va proposer et en même temps aussi... je ne dirais pas imposer, mais certainement, tu sais, il va y avoir des règles dans lesquelles on va être amenés à offrir une prestation. Et, si cette prestation-là est déficiente, bien là, à ce moment-là, il va y avoir, du côté de celui qui reçoit le service, bien, pas nécessairement une démission, mais le fait de dire... Bien, il va voter avec ses pieds, excusez-moi l'expression, puis il ne reprendra pas l'application dans les utilisations subséquentes. Donc, il va y avoir une réaction naturelle qui va s'imposer.

• (17 h 20) •

M. Bonnardel : Donc, pour vous, c'est intéressant parce que vous ne semblez pas craindre les nouvelles technologies, si vous faites ce choix de redémarrer Taxelco avec un modèle d'affaires qui va être nécessairement différent, des règles législatives qui vont être différentes.

Vous dites une chose, à la page 3 du mémoire : «Toutefois, à elles seules, ces nouvelles technologies ne peuvent constituer l'aboutissement d'une transformation de cette industrie.» Vous dites, après : «Elles ne sont pas la réponse absolue à tous les problèmes de mobilité. C'est l'ensemble des mécanismes d'amélioration de l'expérience client et du temps de transport pour les usagers qui constituent la vraie transformation.» Ça, c'est le fun à lire. Expliquez-moi votre vision face à...

Parce qu'encore une fois, je vous le répète, le discours que certains ont, puis c'est normal, je le répète encore une fois... Quand il y a des changements, il y a des bouleversements, je comprends que l'industrie, qui n'a pas été modernisée depuis 40 ans, se dise : On est attaqués. C'est un peu ça. Je reste persuadé qu'on donne des outils à l'industrie pour assurer sa pérennité, sa vitalité. Puis je pense que, respectueusement, vous en êtes la preuve, dans une certaine mesure. Si on n'avait pas donné ou on ne donnerait pas des outils, vous auriez peut-être dit : On ne va peut-être pas là. Ça, c'est votre propre décision d'affaires.

Mais l'explication que je vois, dans ce libellé, c'est l'ensemble des mécanismes d'amélioration de l'expérience client et du temps de transport auprès des usagers. Vous poussez plus loin votre réflexion, là, vous dites : Pour moi, là, ce n'est plus juste du taxi — je ne veux pas être méchant, là — conventionnel, traditionnel comme on le connaît. Où vous voulez aller, quand vous écrivez ceci, pour peut-être amener tout le monde, là, dans l'industrie traditionnelle à se questionner et à se dire : Si eux vont là, c'est peut-être là qu'il faut aller?

Parce qu'encore une fois, je le répète, vous ne semblez pas dire que les nouvelles technologies, pour ne pas les nommer, ceux qu'on connaît, puis qui sont ici, puis qui vont apparaître, puis ça ne nous dérange pas, on va les combattre puis on va y gagner. Explications.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Je vais laisser Frédéric, donc, donner les détails, M. le ministre, parce que, donc, Frédéric est dans cette industrie-là depuis de très nombreuses années. Ce n'est pas pour rien qu'il est vice-président opérations de Taxelco. Il le connaît jusqu'au bout de ses doigts. Et la vie quotidienne d'un dirigeant, bien, c'est lui qui la connaît. Il va vous en donner toutes, je dirais, les modalités.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, en fait, ce qu'on voulait mentionner, c'est que l'application mobile, c'est ce qui revient tout le temps dans les conversations comme étant la panacée, là, ce qui fait en sorte que l'industrie du taxi se modernise. Dans les faits, l'application mobile, là, celle où est-ce qu'on commande un taxi, aujourd'hui, ce n'est qu'un remplacement du téléphoniste qu'il y avait avant dans une centrale téléphonique. Je veux dire, il n'y a rien de plus. Il y a une facilité pour le client, mais il n'y a rien de plus en termes d'organisation du travail puis d'optimisation.

Nous autres, ce qu'on dit dans cette affirmation-là, qu'il faut optimiser, qu'il faut améliorer la chaîne au complet, c'est, un, prendre la chaîne de valeurs du début à la fin. Ça veut dire prendre son client à partir du moment où est-ce qu'il veut être transporté jusqu'à tant qu'on le laisse puis qu'il ait terminé le paiement. L'autre chose, c'est qu'il faut arriver avec des solutions novatrices qui vont venir réduire le nombre de véhicules dans lesquels il y a seulement un usager, un passager.

Aujourd'hui, il y a d'autres compagnies, entre autres, qui font comme Netlift, qui promouvoient une certaine forme de covoiturage rémunéré. Bien, ce genre d'actions là sont positives. Les versions Uber, les versions Lyft, aujourd'hui, ils ne viennent pas contribuer positivement ni à la modernisation de l'industrie ni à l'économie. Aujourd'hui, ils viennent juste rajouter des véhicules supplémentaires sur la route parce qu'il y a tout le temps un chauffeur avec une personne transportée. L'objectif, c'est d'arriver avec des solutions novatrices qui vont nous permettre d'optimiser ça. Ça répond à votre question?

M. Bonnardel : Donc, si on abolit les permis... Hier, Montréal me demandait — vous allez être à Montréal — d'avoir sa propre gestion de l'offre, si je peux le dire ainsi. Pour moi, il est inconcevable d'aller à l'encontre des principes mêmes de la loi qui dit : Bien, demain matin, on abolit les quotas, les permis comme tels et les territoires d'agglomération parce qu'on veut permettre, encore une fois, de réduire l'auto solo avec plus de compétition, plus de transparence et de concurrence, nécessairement, dans le marché comme tel.

Je le répète, vous m'avez entendu, là, mais je le répète, il y a 50 millions de courses, selon les statistiques que nous avons, au Québec, grosso modo, 10 millions par application mobile, 40 millions par le taxi traditionnel. Il y a des opportunités encore immenses pour la suite. Alors, vous êtes donc d'accord avec le fait que d'abolir cette offre, ces permis, ces quotas comme tels et de permettre, donc, à vous comme propriétaire de Taxelco, d'aller servir des clients dans les territoires d'agglomération qui n'étaient peut-être pas le vôtre... Vous êtes d'accord avec ça?

M. Prégent (Frédéric) : Bien, la question de l'abolition des agglomérations, ça fait partie des demandes de Taxelco depuis le début, là. Ça fait que... Pour Téo, c'était un enjeu. Il y avait eu une certaine dérogation qui avait été émise, là, pour nous permettre de faire une course dans un territoire qui n'était pas le nôtre. C'est sûr et certain que l'abolition des agglomérations, pour nous autres, c'est beaucoup d'opportunités, c'est sûr et certain.

M. Bonnardel : Pour vous, c'est une bonne chose de... Bien, moi, je reste persuadé... Je pense que je vous donne des fois, peut-être, la réponse, là, mais il était important pour nous de... L'appellation taxi réservée, comme on la connaît, avec les stands, avec le taximètre, avec le lanterneau, héler un taxi, ça, c'est une protection qu'on va donner à l'industrie. Personne d'autre ne pourra faire ce que le taxi traditionnel offre.

M. Prégent (Frédéric) : C'est une protection dans la mesure où est-ce qu'on donne aussi accès à ces gens-là à faire d'autres choses, comme la tarification dynamique. Un des éléments qu'on amène, c'est la tarification dynamique. Ça ne devrait pas seulement être réservé aux applications. Ça devrait être réservé à toute forme de course...

Une voix : ...

M. Prégent (Frédéric) : ...à toute forme de commande, exactement, parce qu'on ne veut pas que les chauffeurs de taxi se retrouvent dans une situation où est-ce qu'ils sont désavantagés parce qu'ils ont un dôme. L'objectif d'avoir un dôme, puis je pense que c'est l'esprit de la loi, l'objectif de garder le véhicule taxi, c'est d'avoir des véhicules qui sont reconnaissables, qui sont encadrés, qui permettent d'amener de la sécurité aux passagers, de s'assurer d'être bien encadrés, ce que, disons, certaines organisations, là, qui ne passent que par l'app mobile auraient peut-être moins.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, peut-être...

M. Bonnardel : Député de...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Mme la députée de Laviolette m'a fait signe en premier. Ce matin, j'ai donné la parole au député de Beauharnois. Maintenant, Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.

Mme Tardif : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous, messieurs, d'être ici aujourd'hui. C'est un plaisir de vous rencontrer en personne.

Donc, ma question est toute simple. Parce qu'on regarde souvent la réalité de Montréal, mais en région, les réalités sont tout à fait différentes. Et, à savoir, est-ce que ce qu'on apporte dans la loi... est-ce que ça va tout à fait décimer le taxi traditionnel? En ce sens que moi, dans ma région et dans plusieurs autres régions du Québec, il y a des grands secteurs où il n'y a pas d'Internet. Les personnes âgées ne sont pas nécessairement toutes habituées, quoiqu'il y en a beaucoup qui le sont. Mais croyez-vous que le taxi traditionnel devrait vous craindre en région?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Je vais me permettre, donc, probablement, ce qu'on pourrait considérer être un début de réponse, là, parce que je n'ai pas la prétention de répondre de façon définitive, mais tout ça aussi... Et d'ailleurs, dans ce que Frédéric a mentionné un petit peu plus tôt, c'est un des éléments qu'on souhaite aborder aussi avec le ministre, ce sont les mesures de transition.

Alors, comment ça va se produire? Est-ce que tout va se produire? Est-ce qu'il va y avoir un grand soir? Il n'y aura pas de grand soir. Comme n'importe quoi, dans la vie, il va y avoir une évolution. Il y a un modèle d'affaires qui va s'implanter et il va y avoir, donc, une inclusion. Et c'est vrai, évidemment, où est-ce qu'il va y avoir une densité importante, comme dans la grande région de Montréal, mais par la suite il n'y a rien qui nous interdit de penser que cette évolution-là ne se produira pas ailleurs. Elle va se produire à Sherbrooke, à Québec, à Trois-Rivières puis ensuite, probablement, donc, dans des secteurs qui sont un peu plus éloignés des centres urbains.

L'Internet, il n'est peut-être pas disponible à haute vitesse, là, mais il devient de plus en plus disponible, et la téléphonie mobile aussi l'est. Il y a quand même des montants significatifs — j'en sais quelque chose — pour l'investissement en cette matière, la construction des tours et des réseaux. Selon moi, il n'y aura pas, donc, à l'intérieur de la population, là, des laissés-pour-compte en matière de technologie. Parce que c'est une avancée, selon moi, que d'avoir la possibilité d'avoir une application, de savoir quelle voiture vous allez avoir, de connaître votre tarification à l'avance. Donc, toutes les modalités qui sont aujourd'hui disponibles par le biais de l'application, qui vont aussi continuer d'être disponibles par téléphone, peut-être pas entièrement parce que, bon, peut-être qu'on va pouvoir calculer à distance et transmettre l'information par téléphone au fur et à mesure et ensuite gérer adéquatement la transition sur l'application... Je ne sais pas si, Frédéric...

M. Prégent (Frédéric) : Bien, moi, c'est sûr et certain que, quand on dit : Devrions-nous nous craindre?, bien, ça m'inquiète parce que Taxelco, jusqu'à maintenant, s'est toujours positionnée pour travailler dans les cadres réglementaires, dans le cadre du taxi, puis on fait du taxi. Aujourd'hui, on ne se positionne pas comme étant une compagnie qui veut faire du transport de personnes rémunéré uniquement. Nous, on tient au fait qu'on est du taxi. Ça fait que, si on avait la chance d'aller travailler dans d'autres régions, je ne vois pas pourquoi on arriverait avec un modèle qui est 100 % différent de maintenant. Je pense que, puis M. Péladeau l'a dit aussi, c'est qu'à un moment donné il y a une question de marché. Si on arrive avec une offre qui n'est pas intéressante pour les gens... qui est là, bien, ça ne marchera juste pas.

Ça fait que moi, je pense qu'on est là vraiment dans le but d'améliorer les choses, puis de faire avancer l'industrie, puis de la transformer. M. Péladeau parlait des mesures transitoires, puis ça, je pense que c'est vraiment important. Il ne faut pas les négliger. Il faut avoir des mesures transitoires qui vont permettre à tout le monde de s'adapter.

Mme Tardif : ...ces mesures transitoires là vont aussi être bonnes pour le taxi traditionnel.

M. Prégent (Frédéric) : Mais il faut qu'elles soient bonnes.

Mme Tardif : Donc, les mois et les années où il va y avoir la transition vont être utilisés aussi pour... Donc, tout le monde va avoir sa chance, et le client va être gagnant. C'est ce qu'on en retient.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, c'est essentiel.

Mme Tardif : Bien oui, c'est ça.

M. Prégent (Frédéric) : Il faut que le client soit gagnant.

Mme Tardif : C'est ce qu'on veut.

M. Prégent (Frédéric) : Puis la seule façon que le client soit gagnant, c'est qu'il y a des gens qui vont accepter de conduire puis de transporter des gens. S'il n'y en a plus de chauffeurs de taxi ou de transport rémunéré, bien, c'est la population qui va en souffrir.

• (17 h 30) •

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Beauharnois.

M. Reid : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci d'être là. Combien de temps il me reste, deux minutes?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 2 min 15 s.

M. Reid : O.K., d'accord, on va les utiliser au complet. En fait, je reviens sur les mesures transitoires qu'a évoquées ma collègue ici. En vertu de l'article 275 du projet de loi, une tarification dynamique et le projet pilote, à partir du moment de la sanction de la loi, sont mis en application. Le reste va suivre un an après. Moi, je voudrais vous entendre sur ce que seraient des mesures transitoires. Qu'est-ce que vous proposez? Parce qu'ici on dit : Elle ne détaille pas des mesures transitoires. Mais, pour que l'industrie du taxi puisse s'adapter, est-ce que pouvez élaborer là-dessus, s'il vous plaît?

M. Prégent (Frédéric) : Bien, c'est sûr qu'en termes de mesures transitoires il faut permettre aux différents joueurs de cohabiter dans un environnement où est-ce que... Bien, en fait, M. Homsy parlait de saccager l'industrie d'une shot, là. Si la loi est adoptée en juin puis qu'elle est sanctionnée dans son entièreté en juin 2019, en même temps, bien, je pense que ça, c'est ne pas avoir de mesures transitoires. Je crois que, par mesures transitoires, nous, ce qu'on veut amener...

M. Reid : Vous avez un an, là.

M. Prégent (Frédéric) : Oui, bien, c'est ça. Donc, pendant cette année-là, il faut que ce soit clair, tu sais, les différents jalons qui vont arriver, les différents... bien, en fait, pas les adoptions, mais la sanction des différents règlements et autres, qui se passe de façon successive, de façon à ce que tout le monde puisse se préparer. Ça, c'est un des éléments. Puis l'autre chose, c'est... Puis là, évidemment, on parle pour nous. Il ne faut pas non plus perdre les acquis qu'on a aujourd'hui. Dans le contexte où est-ce qu'il y a eu des règlements... Bon, il y a encore des projets pilotes, là. Le projet pilote Téo est toujours en vigueur. Il faut s'assurer que le jour où est-ce que la loi est adoptée puis elle est sanctionnée, bien, les projets pilotes, le temps de la transition soient maintenus.

La Présidente (Mme St-Pierre) : 30 secondes.

M. Bonnardel : Vous faites du taxi traditionnel. Vous avez fait le choix, comme homme d'affaires, le modèle que vous connaissez aujourd'hui, d'aller plus loin. Vous êtes à l'encontre un peu de l'industrie traditionnelle qui nous dit : Il n'y a pas d'avenir demain avec cette loi. Vous avez fait ce choix. Qu'est-ce que vous dites à ceux qui vous disent : Il n'y en a plus, d'avenir, avec la loi?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Bon, je vais vous répondre puis je l'ai fait à plusieurs reprises publiquement. Donc, il y a plusieurs éléments qui m'ont amené à faire en sorte de m'y intéresser.

Mme St-Pierre : Je dois malheureusement vous couper parce que le temps, de ce côté-ci, est terminé. Nous allons passer à mon collègue député de La Pinière...

M. Péladeau (Pierre Karl) : Ah! avec plaisir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme St-Pierre) : ...qui est de l'opposition officielle et qui a 15 min 40 s.

M. Barrette : Merci. M. Péladeau, vous comprenez que je ne peux pas passer à côté du fait que vous souhaitez d'éviter un... donc, des mesures transitoires. Je ne peux pas la rater, celle-là, là. C'était la pointe du...

M. Péladeau (Pierre Karl) : Ah! vous avez toujours la ligne, M. le député.

M. Barrette : Toujours, toujours. Alors, M. Prégent, bienvenue.

Alors, on va parler de Taxelco, O.K.? J'ai tenté, par mes différentes sources d'information, de faire le tour de la question, et le mémoire, malheureusement... Bon, je comprends que vous avez eu des empêchements qui ont fait que vous êtes arrivé plus tard aujourd'hui. On a quand même reçu le mémoire. Là, je l'ai regardé en diagonale, et puis j'ai constaté un certain nombre de choses qui m'étonnent, et j'aimerais qu'on fasse le tour un peu là-dedans, de ça. Puis vous allez comprendre plus, là, avec les questions que je vais vous poser, en fonction de la lecture rapide de votre mémoire que j'ai faite et en fonction aussi... puis ça va peut-être permettre de répondre à des questions que le ministre a posées, là, parce qu'il y a des choses pour lesquelles on n'a pas de réponse.

C'est sûr que Téo Taxi avait des problématiques organisationnelles, notamment en ce qui a trait à la recharge des batteries et ainsi de suite, mais vous aviez d'autres problèmes aussi. Vous aviez un problème avec des chauffeurs, pour lesquels vous aviez choisi... Je m'exprime, là... Je m'explique. Là, il y a des chauffeurs qui avaient la possibilité de jouer certaines choses, puis ils n'étaient pas toujours disponibles parce qu'ils avaient compris que... C'était une problématique que vous avez vécue. Ils n'étaient donc pas toujours disponibles. Puis j'imagine que, dans le futur, dans votre vision, ça serait corrigé. Je vous vois hocher de la tête. Je ne veux pas entrer dans le détail là-dessus. Il y avait ce problème-là.

Il y avait un autre problème aussi. Téo Taxi était centré au centre-ville de Montréal et n'avait pas vraiment d'effet ou de succès en dehors du centre-ville de Montréal. Pourquoi? Parce que vous n'aviez pas assez de données. La donnée était essentiellement un problème chez vous. Pour arriver à un taux d'occupation équivalent à Uber, il vous fallait avoir une quantité de données gérées que vous n'aviez pas atteinte encore. Est-ce que je peux dire que ça, c'est quelque chose de correct, comme analyse?

M. Prégent (Frédéric) : Non, je ne pense pas. En fait... Oui, j'ai pris sur moi de répondre. Taxelco, en fait, est l'intermédiaire de taxi qui a le plus de données en ce moment, probablement, au Québec, en matière de déplacements, parce qu'on a toute la donnée de...

M. Barrette : Bien, à ce moment-là, quelle est votre analyse du fait que vous n'arriviez pas à avoir un taux d'occupation... Ce n'est pas une critique que je fais, là, mais vous allez comprendre pourquoi je vous pose la question après. Mais vous n'étiez pas arrivés à un taux d'occupation équivalent à celui d'Uber, entre autres, selon les informations que j'ai glanées à gauche et à droite, à cause de la quantité de données qui étaient disponibles.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, moi, je pense que c'est faux, là. Ce n'est pas une question de données, c'est une question de capacité véhiculaire. Ça, c'est un des éléments, puis l'autre chose, c'est d'avoir assez de demande. La difficulté de Téo, c'était d'arriver à aller chercher une demande supplémentaire en fonction des véhicules supplémentaires qui étaient mis sur la route, ce n'était pas une question de données. La donnée sur les gens qui sont transportés à Montréal, on l'a.

Ça fait que moi, je pense que... Bien, en fait, je suis convaincu, ce n'est pas une question de données, c'est une question de gestion d'offre et demande, puis il y avait une disparité entre les deux. Il fallait que ça se fasse par phases puis, bien, chaque phase coûtait considérablement beaucoup d'argent, parce que, si on décide d'augmenter la demande, ce qui se passe, c'est qu'on crée beaucoup d'insatisfaction, ça fait qu'on perd des clients. Si on décide d'augmenter l'offre, ça nous coûte considérablement plus cher, ça fait qu'on perd encore plus d'argent. Ça fait que l'adéquation entre les deux devait être parfaite.

Ça fait que la question de la donnée, moi, sincèrement, je l'éluderais, parce qu'aujourd'hui on est l'intermédiaire qui a accès au plus de données au Québec. On a 10 ans de données chez Diamond, 10 ans de données chez Hochelaga.

M. Barrette : Oui, mais c'est trop technique, là. Je pense qu'on ne pourra pas régler ça avec le temps que j'ai, là.

M. Prégent (Frédéric) : O.K., désolé. C'est beau.

M. Barrette : Mais selon les informations que j'ai, il y avait une problématique.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Je me permets un commentaire également, M. le député. Rapidement, à propos, donc, de l'envergure ou du périmètre dans lequel, donc, pouvait évoluer Téo, de plus en plus, et, là aussi, c'est pour ça que c'est dynamique et c'est transitionnel, c'est qu'il va y avoir, donc, un réseau de recharge de plus en plus important. Vous savez, les initiatives qui ont été prises d'Hydro-Québec...

M. Barrette : On s'entend là-dessus, M. Péladeau. Je ne veux juste pas rentrer là-dedans, là, parce que j'ai tellement peu de temps que je veux aller dans d'autres éléments de votre mémoire. Vous, là, vous proposez un modèle où le chauffeur est payé à salaire, c'est-à-dire qu'il y a une rémunération prévue... Je m'excuse, je n'ai pas le bon terme, là, dans votre mémoire, là, mais vous avez un mode de rémunération particulier pour le chauffeur.

M. Prégent (Frédéric) : C'est faux.

M. Barrette : Bien, moi, c'est ça que je vois là-dedans, là.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, non, on n'a pas parlé d'aucunement... Dans le mémoire qu'on a remis, là, on n'a pas parlé d'un mode de rémunération de chauffeurs. Téo, avant, avait un mode de rémunération où est-ce que c'étaient des employés qui étaient payés à l'heure, et ça, c'était le modèle de Téo.

M. Barrette : Et ça, vous ne le souhaitez plus?

M. Prégent (Frédéric) : Aujourd'hui, on est en train de faire l'évaluation des différents modèles, des différentes opportunités pour Téo, pour la renaissance de Téo. Mais aujourd'hui, on n'ira pas dire qu'on veut partir avec un modèle employé...

M. Barrette : Maintenant, vous proposez un prix plancher, quand même.

M. Prégent (Frédéric) : Non, mais le prix plancher, si vous parlez du 7,50 $ qui est mentionné dans le mémoire, ce n'est pas du tout la même chose. Le 7,50 $, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des courses qui sont demandées aujourd'hui, par application, qui ne font pas... qui ne demandent pas la course de... le point de départ puis le point de destination, ce qui fait en sorte qu'il y a des chauffeurs qui pourraient se retrouver à se déplacer sur de longues distances pour aller faire une course qui ramène 2 $.

M. Barrette : Je comprends, mais ce qui est écrit dans votre mémoire, là, vous parlez de l'imposition d'un frais minimum de 7,50 $ sur toutes les courses commandées par application pour compenser les pertes de temps des chauffeurs associés aux petites courses.

M. Prégent (Frédéric) : Oui, exactement.

M. Barrette : Donc, il y a un plancher, là, qui est 7,50 $.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, aujourd'hui, là, c'est...

M. Barrette : C'est parce que, quand on regarde certaines régions, il est au-dessus de ça, le 7,50 $. Il est plus grand que ce que vous proposez.

M. Prégent (Frédéric) : Oui, bien, vous avez raison, puis c'est une des raisons pourquoi, dans le mémoire, il a été mentionné que toutes nos considérations étaient principalement basées sur la réalité montréalaise puisqu'aujourd'hui on travaille plus dans le monde...

M. Barrette : C'est exactement ce que j'ai dit il y a quelques instants. Votre modèle, il est basé sur des données qui sont celles de Montréal, et plus précisément du centre-ville de Montréal, et qui ne sont pas nécessairement applicables ailleurs. C'est exactement là où je voulais aller. Alors, vous me le confirmez. C'est correct.

Maintenant, quand je regarde votre mémoire, là, essentiellement, là, vous nous dites... Ce n'est pas compliqué, là, vous avez une modulation de la tarification pour à peu près tout : le rendez-vous à l'avance... En tout cas, je ne les passe pas tous, là, mais vous en avez un paquet, là, dans votre mémoire. Il y a une tarification qui n'est pas juste dynamique, dans le sens de l'heure et de l'achalandage, mais qui est aussi modulée en fonction de ce qu'on demande. C'est correct?

M. Prégent (Frédéric) : Tout à fait, l'utilisateur-payeur.

• (17 h 40) •

M. Barrette : C'est bon. Mais là où ça me fatigue, puis je vais vous dire que, là, ça me fatigue un petit peu, là, c'est quand vous arrivez... Attendez une minute que je retrouve ça. Vous demandez, là, dans votre mémoire, à ce... vous parlez de marché de niche et vous demandez... Et c'est écrit comme ça : «Bien que le gouvernement propose l'ouverture du marché dans son projet de loi n° 17...» On continue. «Parmi ces marchés niches, le transport adapté, les contrats gouvernementaux et les aéroports internationaux et nationaux doivent s'ajouter à ceux déjà prévus comme le hélage, les postes d'attente et les appels téléphoniques.»

Si des gens reprochent au ministre... Là, je vais prendre le bord du ministre. C'est un choc, là, je le sais. S'il y a des gens qui reprochent au ministre de vouloir éliminer l'industrie du taxi... Vous, vous demandez à être partout. Et, en plus, ce paragraphe-là est dans le transport adapté, où vous voulez être. Ça fait que ce que vous nous proposez, c'est d'avoir accès à tout, avec une modification de la tarification, à partir d'une base de 7,50 $ et qui est modulée en fonction d'une multitude de possibilités.

M. Prégent (Frédéric) : Tout à fait.

M. Barrette : Ça, là, c'est de la libéralisation encore, je pense, plus grande que ce que le ministre souhaite. Là, je ne veux pas lui mettre les mots dans la bouche, là, mais là vous demandez toute une libéralisation, là. Ça veut dire que vous dites à l'industrie du taxi traditionnel : Nous demandons que vous n'ayez pas, vous, l'industrie traditionnelle, des marchés réservés sur la base x, y, z. Vous demandez un accès total, parce qu'on s'entend, là, que les aéroports, le transport adapté, les contrats gouvernementaux, là... Là, votre proposition, c'est vraiment, là, la disparition de l'industrie traditionnelle, en tout cas les individus qui sont là-dedans.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, en fait, c'est peut-être juste un problème de compréhension, là. Nous, on demande...

M. Barrette : Bien, c'est parce que vous l'avez écrit comme ça.

M. Prégent (Frédéric) : Non, mais nous, on demande ça pour les gens qui exploitent des véhicules taxis. Ça fait que ce qu'on demande, en termes des accès réservés à ces marchés-là, c'est pour les chauffeurs de taxi traditionnel, donc ceux qui ont un dôme, ceux qui exercent la profession de taxi puis qui sont facilement reconnaissables, là. Le jour où est-ce que vous commencez à faire du transport adapté, à la STM, avec un véhicule qui est non banalisé, là... La STM n'a peut-être pas eu l'occasion de vous expliquer, mais il y a des clients qui sont transportés par la STM, qui ont... bien, qu'ils catégorisent... psychiques ou avec des... intellectuelles.

M. Barrette : Mais c'est juste parce que c'est une question de gestion du temps, là.

M. Prégent (Frédéric) : Non, mais je pense que c'est important de clarifier ça.

M. Barrette : Non, non, c'est pour une compréhension de votre texte, la phrase d'avant, là. Les gens qui vont travailler chez vous, là, à Taxelco, est-ce que ce sont des chauffeurs de taxi formés adéquatement, conduisant un véhicule taxi dûment enregistré?

M. Prégent (Frédéric) : Oui.

M. Barrette : Bon, bien, c'est ça que vous demandez, là.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, c'est ça. Donc, ce qu'on demande, c'est un accès réservé à ces marchés-là, qu'on considère comme des marchés de niche, pour les chauffeurs de taxi qui ont une formation adéquate avec un véhicule taxi.

M. Barrette : Donc, pas les autres. Il y a une séparation. Il faut qu'il y ait deux groupes, là. Si vous demandez quelque chose de réservé, c'est parce qu'il y a un groupe qui fait une chose, l'autre groupe fait l'autre.

M. Prégent (Frédéric) : Oui, bien, nous, ce qu'on dit, c'est que des plateformes comme Uber et Lyft ne devraient pas avoir accès à donner du service au transport adapté comme à la STM.

M. Barrette : Ah bon! Alors, vous, est-ce que tout ce que vous proposez est différent d'Uber et Lyft? Vous considérez-vous totalement différents d'Uber et Lyft?

M. Prégent (Frédéric) : Nous, on considère que, si tout le monde joue sur la même patinoire, nous, on va pouvoir jouer sur la même patinoire que tout le monde. Ça veut dire qu'on va pouvoir avoir des chauffeurs de taxi, chez nous, qui sont totalement accrédités, avec des dômes et autres, qui vont pouvoir bénéficier du transport adapté. Et on pourrait avoir un chauffeur qui est seulement enregistré, qui ne fait que des courses par app, mais qui lui, parce qu'il n'a pas de dôme, bien, il n'a pas le droit d'aller faire du transport adapté.

M. Barrette : O.K. Donc, votre modèle peut s'approcher d'un monopole, si vous gagnez le marché.

M. Prégent (Frédéric) : Bien, je ne pense pas que l'objectif, c'est un monopole. Ça ne fait pas partie des discussions qu'on a eues. Je pense que l'objectif, c'est d'offrir le meilleur service à la population pour la desservir de façon la plus efficace, offrir un service qui répond aux besoins.

M. Barrette : Bon, au point 7 de votre mémoire, et je vais le lire, Taxelco est d'avis qu'une compensation juste, basée sur la valeur marchande, serait souhaitable.

M. Prégent (Frédéric) : C'est exactement ce qu'on a écrit dans le mémoire.

M. Barrette : Sur la base de quoi?

M. Prégent (Frédéric) : Qu'est-ce que...

M. Barrette : Bien là, en fait, je vous demande d'étayer votre argumentaire qui justifie la valeur marchande pour la compensation. Actuellement, là, ce qui est sur la table, c'est une valeur comptable.

M. Prégent (Frédéric) : Nous, on a mis dans le mémoire que...

M. Barrette : Allez-y, là, go, go, go, là!

M. Prégent (Frédéric) : Oui, oui. Non, mais nous, on a indiqué, dans le mémoire, que pour... On vient, mais je m'excuse de l'anglicisme, «disrupter» l'industrie au complet. Il y a des gens qui sont là depuis des années. On considère que l'abolition du permis de taxi fait partie des demandes puis du projet de loi du gouvernement. Dans cette mesure-là, ce qu'on dit, c'est : Il serait intéressant que les propriétaires de taxi soient compensés à la valeur marchande.

M. Barrette : Est-ce qu'il serait justifié qu'ils le soient?

M. Prégent (Frédéric) : Ça, ça va être une décision à prendre du côté du gouvernement. Nous, on considère que c'est une bonne idée de le faire.

M. Barrette : Bien, moi, écoutez, là, je vous ouvre la porte à utiliser une justification, soit par la loi, soit par l'expérience, soit par l'histoire, de rechercher une compensation à la valeur marchande. Ce n'est pas au gouvernement de décider. Si c'était au gouvernement à décider, il n'en donnerait peut-être pas, de compensation, là. Mais vous, vous le mettez puis vous êtes, honnêtement, là, je pense, de mémoire, à propos des mémoires, le premier groupe à nommer une compensation à la valeur marchande. Vous avez combien de permis, là, actuellement?

M. Prégent (Frédéric) : Nous, on n'est pas propriétaire de permis de taxi.

M. Barrette : Vous n'en avez aucun? O.K.

M. Prégent (Frédéric) : Non, mais on a 1 500 propriétaires qui travaillent chez nous.

M. Barrette : O.K. Donc, c'est la recommandation que vous faites, basée sur ce qui devrait se faire.

M. Prégent (Frédéric) : Oui, dans le contexte où est-ce qu'on vient changer les règles du jeu.

M. Barrette : O.K. Alors, quand on regarde ça, là, l'élément qui est étonnant, parce que les autres ne le demandent pas... Et là la question s'adresse à vous, M. Péladeau. Vous avez pris position publiquement pour souhaiter, je vais le dire comme ça, l'accès au Fonds vert. Pourquoi vous et pas les autres?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Bien, si les autres déposent des dossiers... Je n'ai pas dit ça de cette façon-là, M. le député. J'ai dit que Téo, parce qu'ils vont mettre en valeur et promouvoir le transport électrique, qui, à première vue puis même, je dirais, de façon définitive, est un mode de transport qui, justement, favorise la diminution des gaz à effet de serre, l'émission des gaz à effet de serre... Par définition, donc, lorsqu'on remplace un véhicule qui consomme des hydrocarbures par un véhicule qui consomme de l'électricité hydroélectrique, ça m'apparaît évident que nous rencontrons cet objectif de diminution des gaz à effet de serre.

Et mon expérience antérieure ici, dans cette salle et ailleurs, dans le salon bleu, nous a amenés à constater que le Fonds vert ne faisait pas nécessairement les investissements les plus brillants. Lorsqu'on investit 18 millions chez Bombardier pour procurer un fuselage aérodynamique, je pense que l'éventuel impact sur l'environnement était extrêmement éloigné, ce qui ne sera pas le cas en ce qui concerne, donc, le véhicule électrique. Alors, c'est pour ça que je pense qu'on va être en mesure de pouvoir rencontrer les critères qui sont ceux du Fonds vert.

M. Barrette : Puisque vous faites cette parenthèse-là, je vais la compléter moi aussi. Je pense que ceux dont les emplois ont été préservés étaient bien contents. Et la question qui vient par la suite : Est-ce que votre modèle... la participation du Fonds vert est nécessaire à la viabilité financière de votre modèle qui va, évidemment, créer des centaines d'emplois, n'est-ce pas? Alors, est-ce qu'il est nécessaire?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 45 secondes.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Il n'est pas nécessaire, mais, en même temps, il existe. Alors, s'il existe, il n'y a pas de raison qu'il ne devrait pas s'appliquer à une entreprise qui va être en mesure de rencontrer les critères beaucoup plus que les critères qui n'ont pas été rencontrés, selon moi, par de très nombreuses autres entreprises qui ont eu le bénéfice d'avoir des subventions ou des accompagnements de la part du Fonds vert.

M. Barrette : Très bien. Une dernière question : Êtes-vous disposés à partager vos données avec l'ensemble des autres compagnies?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Je pense, c'est prématuré de répondre à cette question-là, mais je serais enclin à dire non. C'est une propriété intellectuelle qui appartient à une entreprise, et, à cet égard-là, elle devrait être en mesure de l'exploiter, ou, s'il y a des gens qui veulent éventuellement y avoir accès parce que, malheureusement, trop souvent, ils l'ont gratuitement, alors qu'il y a eu des investissements considérables qui ont amené l'existence de ces données...

La Présidente (Mme St-Pierre) : Cette portion est terminée. Alors, Mme la députée de Mercier, vous avez la parole.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Donc, quatre minutes.

Là, je viens de vous entendre répondre au député de La Pinière. Vous dites que vous êtes pour la compensation, à la suite de l'adoption du projet de loi, s'il est adopté tel qu'il est, à la valeur marchande pour les propriétaires de taxis. Il y a aussi toute la question de qui devrait payer. En tant que nouveau joueur, est-ce que vous seriez prêts... Parce qu'on essaie aussi de vous placer, là. Est-ce que vous êtes comme les Uber ou est-ce que vous êtes comme les propriétaires? Où est-ce que vous vous situez? Est-ce que vous seriez prêts à accepter que la redevance qui va compenser les gens, qui vont perdre beaucoup, beaucoup avec la perte de valeur de leur permis en libéralisant le marché, que cette redevance-là soit demandée uniquement aux nouveaux joueurs, pas aux anciens propriétaires qui ont respecté toutes les demandes du gouvernement avant?

M. Péladeau (Pierre Karl) : Bien, moi, je vais vous répondre rapidement en vous disant qu'il y a le principe de la juste valeur marchande. En même temps, ce n'est pas parce qu'on dit qu'il y a un principe qui existe que c'est toujours simple de le définir. Comme on dit en bon français, des fois, le diable est dans les détails.

Alors, en quoi va consister la juste valeur marchande? Quels vont être les critères qui vont justement présider à la détermination de ces éléments-là? Il va falloir voir. Alors, ça, c'est un exercice que, je présume, le ministère, de toute façon, a peut-être déjà été effectué.

• (17 h 50) •

Mme Ghazal : Oui. C'est un exercice qui a déjà été fait par les gens de l'industrie du taxi. Ils ont regardé toutes les transactions des permis durant les dernières années puis ils ont pu déterminer la valeur marchande. Eux, ils disent que c'est 1,3 milliard. Ça, on peut en discuter longtemps, mais, après ça, il faut aller chercher cet argent-là par des redevances. Est-ce que vous, vous seriez prêts, au lieu que ça soit ces gens-là qui se compensent eux-mêmes pour la perte de la valeur de leurs permis, qui n'auront plus de rentabilité, que ce soit uniquement les nouveaux joueurs qui paient, notamment les Uber de ce monde, et vous, entre autres, pour un principe d'équité? Là, il me reste deux minutes. J'ai une autre question.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Oui, il faut faire attention, mais je comprends que... Tu sais, on peut aborder...

Mme Ghazal : Vous pouvez dire non aussi, hein? Vous pouvez dire non.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Non, non, mais là c'est parce que ce n'est pas simple, tu sais. Ce n'est pas oui puis ce n'est pas non. C'est plein de tons de gris, si je puis dire.

Mme Ghazal : Il faut aider le ministre, là, à prendre des décisions.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Mais ce que je peux vous dire, c'est : Oui, vous avez raison d'utiliser le terme «équité». Et, en même temps aussi, je suis certain, vous ne l'avez pas indiqué, mais nous sommes convaincus que la paix sociale doit régner. Et, à cet égard, trouvons les conditions qui vont faire en sorte qu'elle puisse demeurer, exister et que cette transition-là puisse se faire le plus efficacement possible, dans le respect mutuel des partenaires, parce que, d'un côté, il y a l'État, de l'autre côté, évidemment, il y a les propriétaires de permis, ceux qui ont investi, ceux qui travaillent. Ils sont salariés à l'intérieur de l'industrie. Ce n'est pas une industrie simple, hein? C'est une industrie dont les modalités sont nombreuses et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de solution simple non plus.

Mme Ghazal : Vous parlez de paix sociale, c'est extrêmement important. Et, en fait, avec ce projet de loi, ce qui va arriver, c'est que les propriétaires vont s'appauvrir. C'est leur retraite qui est en train de partir et tout ça. Avec Téo Taxi, M. Taillefer avait la prétention de concurrencer Uber avec un modèle qui est à visage beaucoup plus humain, à respecter ses travailleurs. Vous, est-ce que vous seriez... Quelle est votre vision de la relation employeur-employé? Est-ce que vous seriez prêts et ouverts à... si les employés demandaient, par exemple, d'être syndiqués comme l'étaient les employés de Téo Taxi?

La Présidente (Mme St-Pierre) : Vous avez 20 secondes.

Mme Ghazal : Toujours sauvé par la cloche.

M. Péladeau (Pierre Karl) : Non, non, en fait, pas... Vous avez mentionné, donc, une relation, mais, en même temps, Frédéric a dit que le modèle d'affaires n'était pas déterminé de façon définitive. Donc là, vous avez anticipé qu'il y aurait une relation employeur-employé. Je ne peux pas aujourd'hui vous affirmer que ça va être le modèle d'affaires qui va être retenu dans les semaines et les mois qui viennent.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Cette portion est terminée. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez la parole.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Moi, j'aimerais justement... Peut-être que ça a déjà été évoqué, mais pouvez-vous nous synthétiser la différence entre vous, ce que vous entrevoyez, dans l'avenir, comme intermédiaire, et un modèle comme celui d'Uber, pour qu'on comprenne et saisisse bien la différence, si différence il y a?

M. Prégent (Frédéric) : Oui. Bien, en fait, je pense que c'est bien important, là, vous avez... Vous tentez de nous polariser en ce moment, de nous mettre soit dans le camp d'Uber soit dans le camp du taxi traditionnel. C'est ce que le taxi traditionnel a essayé de faire dans les quatre dernières années avec Téo, en oubliant que Téo jouait pas mal dans la même talle que le taxi traditionnel, c'est-à-dire avec les règles et autres.

Ça fait que moi, ce que je dirais, c'est qu'aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi, on va avoir la possibilité de jouer sur une patinoire qui va être commune. Ça fait que je ne vois pas pourquoi on délaisserait ou on négligerait le taxi traditionnel dans son format où est-ce qu'il y a un dôme, où est-ce qu'il y a un suivi. Il y a de l'encadrement, il y a une formation nécessaire. Puis je ne vois pas pourquoi on refuserait de prendre des courses qui sont par application, avec des chauffeurs qui, à notre avis, devraient être aussi formés, mais avec moins de visibilité sur dôme et autres, là.

M. Arseneau : Mais puisque plusieurs chauffeurs de taxi ont estimé qu'Uber, dans le marché, aurait vraisemblablement un avantage, allait dominer le marché... Vous, vous voyez la compétition avec Uber comme étant à forces égales, c'est ce que je comprends, puis qu'on puisse tirer notre épingle du jeu avec un meilleur service, une meilleure qualité. C'est ce qu'il faut comprendre?

M. Prégent (Frédéric) : De mon point de vue, je crois qu'effectivement on est capables de rivaliser avec Uber. C'est vrai qu'Uber a des grands moyens en termes de publicité, d'accès et autres, sauf qu'ils ont très peu de moyens de contrôle sur leurs opérations, c'est-à-dire sur la qualité du service qui est donné. Ça passe seulement dans l'application. Les chauffeurs sont formés aujourd'hui avec une formation qui est plutôt boiteuse, là. 35 heures d'un texte qui défile, ce n'est pas de la formation.

Je crois que, oui, on a la capacité d'aller rivaliser avec cette business-là puis on l'a fait avec Téo. On a réussi à se tailler une part de marché qui était quand même intéressante, tout en respectant les règles en plus. Je pense qu'il faut se rassembler puis faire en sorte de compétitionner, oui, tout à fait.

M. Péladeau (Pierre Karl) : J'ajouterais également, M. le député, que, vous savez, nous sommes une entreprise locale, et ça, c'est notre force, la force de bien connaître son marché, de bien connaître les expectatives de sa clientèle, de bien connaître les tenants et aboutissants, donc, de ce qu'on souhaite.

De plus, le fait d'être un véhicule électrique, donc de faire la promotion du véhicule électrique, de faire la promotion de la protection de l'environnement et les moyens qui vont nous être donnés d'en faire la promotion, m'amène à penser, si nous avons une application, et nous allons y investir, aussi solide, aussi efficace et aussi, excusez-moi l'expression, sexy que les applications qui peuvent être offertes par des entreprises, donc, d'envergure internationale... mais il n'y a pas de raison de croire qu'on n'a pas tous les éléments pour réussir, si ce n'est, par ailleurs, encore une fois, mais, là aussi, je pense que c'est l'objectif du projet de loi, de mettre en place, donc, des modalités réglementaires et législatives équivalentes pour tous et chacun, ce qui n'était pas le cas antérieurement.

M. Arseneau : C'est la dernière question que je peux poser, j'imagine?

La Présidente (Mme St-Pierre) : 40 secondes.

M. Arseneau : 40 secondes? Est-ce qu'avec la tarification dynamique, le 90 %, le 200 %, globalement, le client y gagne véritablement? Est-ce que les prix vont baisser?

M. Prégent (Frédéric) : En fait, ce n'est pas tant que les prix vont baisser, c'est que l'offre risque d'augmenter dans les moments où est-ce qu'on en a de besoin. C'est surtout ça, l'objectif de la modification tarifaire. Ça fait que ça, on est sûrs que le vendredi soir, au moment où est-ce que certains pourraient être tentés de délaisser l'industrie, bien, qu'ils vont aller travailler parce que ça va être plus payant. C'est le concept d'amener de l'offre au moment où est-ce qu'il y a de la demande.

La Présidente (Mme St-Pierre) : Alors, ceci met un terme à cette portion de la commission parlementaire.

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup pour votre participation.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 19 h 31)

La Présidente (Mme Grondin) : ...poursuivre les travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, l'Association haïtienne des travailleurs du taxi, Regroupement des propriétaires de taxi de Montréal et le Regroupement des travailleurs autonomes métallos.

Messieurs, vous avez 10 minutes, et, par la suite, on entamera les échanges avec les différents partis. La parole est à vous. Je souhaiterais que vous vous présentiez, s'il vous plaît. Merci.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Association
haïtienne des travailleurs du taxi (AHTT), Regroupement des
propriétaires de taxi de Montréal (RPTM) et Regroupement
des travailleurs autonomes métallos (RTAM)

M. Boyer (Daniel) : Oui, merci, Mme la Présidente. Écoutez, Daniel Boyer, je suis le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, et je suis accompagné de Kamal Sabbah, qui est directeur Politique et relations publiques au Regroupement des travailleurs autonomes des métallos, affilié à la FTQ; de M. Carlo Hector, président de l'Association haïtienne des travailleurs du taxi; M. Jean Feeld, qui est également de la même association; de M. Edgard El-Kalaani, secrétaire-trésorier au Regroupement des propriétaires de taxi de Montréal.

J'aimerais d'abord remercier la Commission des transports et de l'environnement de nous accueillir afin que nous puissions présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 17. Nos organisations parlent aujourd'hui d'une seule voix pour défendre l'industrie, assurer le développement d'un service sécuritaire et de meilleure qualité ainsi que de favoriser des conditions de travail décentes.

Les chauffeurs et chauffeuses de taxi ont participé de bonne foi au système mis en place par le gouvernement et ont joué selon les règles. Ils ont investi temps et argent afin de se procurer un permis. Pour certains d'entre eux, il s'agit de leur seul patrimoine. Plusieurs le considéraient comme étant leur régime de retraite. Des personnes immigrantes dont les compétences ne sont pas reconnues ont rejoint cette industrie. Pour certaines communautés, comme la communauté haïtienne, le taxi occupe une place très importante.

La multinationale Uber a fait son entrée au Québec de manière cavalière en bafouant le cadre législatif et réglementaire en place. Aujourd'hui, elle se voit récompensée par le projet de loi n° 17. Ce sont maintenant les chauffeurs et chauffeuses de taxi traditionnel qui devront s'adapter à l'arrivée d'Uber et non l'inverse. J'arrive illégalement, et finalement c'est moi qui gagne.

Je dois vous avouer qu'on s'explique mal cette décision. Les différents acteurs de l'industrie ont pourtant montré qu'ils étaient capables de se prendre en main et de proposer des solutions concrètes, innovantes et peu coûteuses pour moderniser l'industrie. Avec ce projet de loi, le gouvernement balaie du revers de la main ces efforts et récompense une multinationale délinquante qui ne paie pas sa juste part d'impôt et qui contribue peu au développement économique du Québec.

Les travailleuses et les travailleurs québécois de cette industrie sont laissés de côté. Les objectifs poursuivis par le gouvernement sont louables, et nous les appuyons. Nous souhaitons tous et toutes un service plus sécuritaire, des prix transparents, une équité entre les joueurs et l'émergence d'innovations technologiques. Là n'est pas le problème. Il faut plutôt déplorer les nombreuses incohérences du projet de loi qui minent considérablement sa crédibilité. Laissez-moi vous donner quelques exemples de cette situation.

Tout d'abord, on ne comprend pas de quelle manière la tarification dynamique contribue à rendre les prix plus transparents. Les algorithmes à la base de cette forme de tarification sont plutôt synonymes d'opacité. On ne sait pas comment ils fonctionnent et surtout pas s'ils sont équitables. Le projet de loi ne semble donner aucun pouvoir à l'État québécois pour encadrer ces pratiques et limiter les possibles abus. J'insiste, comparativement au système actuel, le libre-marché n'offrira jamais des protections équivalentes aux consommateurs et aux consommatrices.

Il va falloir qu'on m'explique en quoi l'abolition de l'inspection mécanique annuelle obligatoire ne nous apparaît pas comme une mesure sage pour assurer la sécurité des passagers et des passagères. Nous émettons des doutes quant à la pertinence de la remplacer par des normes établies en fonction de l'âge du véhicule et du nombre de kilomètres. Nous tenons également à rappeler l'importance du rôle joué par les mandataires de la SAAQ en matière de sécurité.

Avec ce projet de loi, le gouvernement souhaite réduire les coûts assumés par les chauffeurs et chauffeuses de taxi. On constate rapidement qu'il s'agit d'un potentiel d'économie et non d'une certitude absolue. Prenons l'exemple de la contribution d'assurance de la plaque T. Elle ne disparaîtra pas mais sera plutôt versée différemment. Pour les chauffeurs et les chauffeuses du taxi, les avantages de cette réforme sont bien peu nombreux. Il va falloir également qu'on nous explique, parce qu'on n'est pas certains de comprendre, en quoi l'abolition de la plaque T et du permis de classe C améliore le fonctionnement de l'industrie. Au contraire, elles font émerger plusieurs problèmes, notamment en matière de sécurité et de droits acquis pour les taxis traditionnels. Aussi, le projet de loi reste complètement silencieux au sujet des limousines, un secteur qui représente pourtant 30 millions de dollars de chiffre d'affaires.

Cela étant dit, le principal problème du projet de loi, c'est l'abolition de la gestion de l'offre. Le parti pris idéologique du gouvernement pour la déréglementation et le laisser-faire semble lui faire oublier pourquoi ce système est essentiel pour l'industrie du taxi.

Tout d'abord, la gestion de l'offre permet aux chauffeurs et aux chauffeuses de vivre de leur métier en leur assurant des revenus décents. C'est la meilleure façon de créer des emplois de qualité dans ce secteur. L'histoire de l'industrie du taxi montre qu'une offre mal contrôlée entraîne des impacts dévastateurs en matière de conditions de vie et de travail. Avec cette réforme, nous craignons que les chauffeurs et chauffeuses soient condamnés à la pauvreté et à la précarité. La gestion de l'offre n'est aucunement un obstacle à un meilleur service pour les passagers et les passagères. Au contraire, la... professionnalisation — je savais que je m'enfargerais, là — du métier contribue à améliorer l'expérience des clients et des clientes.

De plus, l'abolition des permis vient détruire plus de 1 milliard de dollars de richesse, ce qui entre en contradiction avec les intentions gouvernementales. La déréglementation aurait également pour effet d'augmenter le nombre de voitures sur les routes, alors qu'il faut impérativement réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports. Que ce soit du point de vue social, économique ou environnemental, l'abolition de la gestion de l'offre ne représente pas un progrès pour le Québec.

Nos organisations sont persuadées qu'il est possible et souhaitable de moderniser l'industrie tout en respectant le principe de la gestion de l'offre. Tant d'argent, tant de centaines de millions pour acheter des permis, si on l'investissait dans le but de moderniser l'industrie, je pense qu'on créerait une belle et nouvelle industrie du taxi.

Depuis plusieurs années, le Bureau du taxi de Montréal travaille à l'élaboration d'une plateforme permettant de connecter tous les chauffeurs et chauffeuses de taxi. Mes collègues pourront vous en parler plus en détail. Nous proposons de poursuivre ces efforts et d'étendre la plateforme à la grandeur du Québec. Cela permettrait de mettre sur pied un système d'allocation dynamique des permis. Il serait ainsi possible d'allouer un permis à plusieurs voitures en cours de journée. Comme vous pouvez le voir dans notre mémoire, cette proposition rend le système de permis beaucoup plus flexible et permet aux nouveaux joueurs d'intégrer facilement l'industrie du taxi. Selon nous, il s'agit d'une proposition responsable, équitable et peu coûteuse. Pour la mettre en place, il ne manque que de la volonté politique.

Si le gouvernement s'entête à vouloir abolir la gestion de l'offre, il doit rembourser les permis à leur valeur pleine et entière. La proposition du gouvernement qui vise à rembourser les permis au coût d'acquisition est inéquitable. Il ne s'agit ni plus ni moins d'une expropriation sans compensation. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités. Rappelons que c'est d'abord et avant tout l'instauration et la prolongation du projet Uber qui ont fait chuter la valeur des permis au Québec. Nos organisations demandent que les permis soient compensés selon leur valeur avant l'arrivée de cette multinationale. La lutte se poursuivra sur le plan juridique si le gouvernement choisit de rembourser les permis au coût d'acquisition.

Dans toute cette discussion sur l'avenir de l'industrie du taxi, on a très peu parlé des droits fondamentaux des chauffeurs et des chauffeuses. Nous tenons à rappeler au gouvernement que la liberté d'association est protégée autant par la charte canadienne que par la charte québécoise. Cela inclut le droit de se syndiquer, de négocier collectivement et de faire la grève. Le projet de loi reste complètement silencieux à ce sujet. Pourtant, cette réforme soulève d'importantes questions.

• (19 h 40) •

L'abolition des permis et la disparition des propriétaires artisans pourraient modifier la dynamique de l'industrie. Quel sera le degré de contrôle et de surveillance des répondants par rapport aux chauffeurs et chauffeuses? Nous pensons que ce projet de loi risque de déséquilibrer profondément le rapport de force à la faveur des gros joueurs de l'industrie. Même les répartiteurs peuvent exercer un important contrôle. La plateforme Uber le démontre tous les jours. Elle fixe les tarifs, utilise la tarification dynamique pour influencer les comportements de sa main-d'oeuvre, utilise des indicateurs de performance, envoie des directives et va même jusqu'à désactiver le compte de ceux et celles dont l'évaluation est basse. Ça commence drôlement à ressembler à un employeur traditionnel.

Il est inconcevable que la liberté d'association reste dans l'angle mort de cette réforme. Plus que jamais, les chauffeurs et chauffeuses de taxi ont besoin d'avoir accès à une forme de représentation collective afin de défendre leurs intérêts et d'avoir un mot à dire sur leurs conditions de travail. Depuis plusieurs décennies, le mouvement syndical dénonce le fait que les lois du travail ne permettent pas à tous et à toutes de se syndiquer. Dans les années 80, le Syndicat des métallos a tenté de syndiquer les chauffeurs et chauffeuses de taxi. Les tribunaux de l'époque ont rejeté les requêtes en accréditation parce que ceux-ci n'étaient pas considérés comme des salariés au sens du Code du travail.

La Présidente (Mme Grondin) : En terminant, M. Boyer, s'il vous plaît. Merci.

M. Boyer (Daniel) : Je termine. Nos organisations pensent qu'il est grand temps de mettre fin à une injustice qui dure depuis beaucoup trop longtemps. On demande au gouvernement qu'elles soient reconnues comme association professionnelle des chauffeurs et des chauffeuses de taxi et de limousine. Ceux-ci seraient tenus d'y adhérer et d'y verser une cotisation, comme pour être membre d'un syndicat à l'heure actuelle. Il s'agit là d'une mesure nécessaire afin d'assurer la liberté d'association des chauffeurs et des chauffeuses.

Pour terminer, laissez-moi vous faire part de mon inquiétude pour l'avenir. Uber ne sera probablement pas la seule entreprise à bouleverser l'économie québécoise au cours des prochaines années. D'autres secteurs d'activité économique risquent d'être touchés par les nouveaux modèles d'affaires basés sur les technologies numériques. Avec la réforme du taxi, le gouvernement a montré qu'il est prêt à ouvrir la porte aux nouveaux joueurs sans considérer les impacts sur les travailleurs et les travailleuses. À la FTQ, on n'a jamais été contre les changements technologiques et d'innovation, mais le progrès ne doit pas faire de victimes. Les coûts de la transition doivent être répartis équitablement et non pas uniquement par les travailleurs et travailleuses ainsi que leur communauté. C'est une question de justice sociale. Merci.

Là, je suis accompagné de gens qui ont beaucoup de choses à vous dire, je vous le dis tout de suite.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonsoir. Vous m'avez entendu maintes et maintes fois. Certains d'entre vous étaient présents lors de nos rencontres plus privées, si je peux le dire ainsi. J'ai une première question fort simple. Majoritairement, pour certains d'entre vous, vous êtes à Montréal. À Montréal, vous le savez, aujourd'hui, il y a moins de taxis par habitant à Montréal que voilà 40 ans. Pourquoi?

M. Sabbah (Kamal) : Pourquoi il y a moins? Parce qu'il y a plusieurs façons de transporter le monde. C'est sûr qu'il y a beaucoup de changements qui ont suivi la route de la mobilité à Montréal. On parle de 747, on parle du Bixi, on parle du covoiturage, on parle d'Uber, et probablement il y en a d'autres qui vont venir. C'est sûr, il y a différentes façons, mais tout le monde ont toujours cherché les mêmes personnes. Donc, c'est la même clientèle qui est visée dans tout ça et c'est pour ça.

Le taxi, comme nous, les propriétaires ici, on n'a pas manqué aucunement à une modernisation, à un avancement, si c'est ça, la question que vous voulez arriver. S'il y en a moins aujourd'hui, je ne peux pas vous dire exactement le pourquoi, mais je peux vous dire que le taxi, c'est une entreprise publique. Ce n'est pas privé et ce n'est pas une entreprise qui a toutes les décisions. On comprend très bien que les décisions viennent toujours des règlements et des lois faites par le Parlement.

M. Boyer (Daniel) : Puis j'ajouterais, si on a besoin de plus de taxis, est-ce qu'on est obligés d'abolir l'ensemble des règles de l'industrie? Moi, je ne pense pas, là. Si on a un ajustement quant aux permis de taxi à délivrer, faisons l'ajustement mais n'abolissons pas l'ensemble des règles. Et n'importe qui peut faire du transport de personnes, là.

M. Bonnardel : Mais vous êtes conscients, quand vous parlez de gestion de l'offre, l'offre, le client qui veut se faire desservir, se faire transporter par un taxi du Centre Bell, de la Gare centrale, de la gare d'autobus... On se met au défi, là. On s'en va dans ces trois points puis on regarde le nombre de taxis qu'il y a pour les dizaines, sinon les centaines de passagers qui se cherchent un taxi... pour ne pas nommer Québec. Alors, je vous dis respectueusement, pour moi, ce n'est juste pas normal. Je le sais qu'à l'époque l'industrie a racheté un certain nombre, sinon près de 1 000 permis. Pourquoi? En se disant : On va s'assurer d'un revenu plus adéquat, mais au détriment de qui et de quoi?

M. Sabbah (Kamal) : ...je veux juste la comprendre comme il faut. Vous voulez savoir quoi, exactement? Pourquoi il y a beaucoup de taxis?

M. Bonnardel : Pourquoi il y en a moins aujourd'hui par le nombre...

M. Sabbah (Kamal) : Il n'y en a pas moins. À Montréal, ce n'est pas une réalité qui est vraie. Aujourd'hui, à Montréal, il y a un surplus de taxis. Avec même le plan de rachat qui a été fait entre 1985 et 1989, les gens... ou les propriétaires, avec l'aide du gouvernement dans un plan de rachat, ils ont payé de leur poche pour racheter des permis, pour que leurs permis seront rentables, et ils ne seront pas encore aujourd'hui rentables.

Et il y a un surplus de taxis à Montréal, comparé à d'autres régions que je ne connais pas. Mais, si on parle de Montréal, il y a un surplus de taxis. Ce n'est pas vrai qu'on manque de taxis à Montréal et c'est... D'ailleurs, on ne comprend pas pourquoi on veut ouvrir encore le marché pour avoir plus de joueurs, plus de taxis, tandis que les taxis existants, qui ont existé depuis longtemps, aujourd'hui ne sont pas rentables.

M. Bonnardel : Je ne peux pas m'empêcher de vous poser une question sur ceux qui étaient avant vous, Taxelco. Comment eux peuvent voir... Vous représentez près de 1 500 chauffeurs de taxi par Diamond Hochelaga. Comment eux peuvent voir des opportunités d'affaires, eux voient ça, et que vous, comme industrie, ceux qui sont passés avant, ceux qui vont passer après et qui vont me répéter qu'on rase l'industrie, qu'il n'y a pas d'avenir... comment eux peuvent en voir une et pas vous?

M. Sabbah (Kamal) : ...a montré un intérêt, Edgard, pour répondre à cette question.

M. El-Kalaani (Edgard) : M. le ministre, il y a une différence entre un propriétaire chauffeur qui travaille sur la route, et un investisseur, et une compagnie. Le propriétaire chauffeur, aujourd'hui, c'est lui qui paie les factures. Aujourd'hui, vous êtes en train d'abolir la valeur de ce propriétaire-là, tout ce qu'il a travaillé pendant toute sa vie, pour l'avantage des multinationales. Et c'est sûr que des grands joueurs québécois, lorsqu'ils vont voir que le marché est ouvert à tout le monde, ils vont pouvoir embarquer, mais ce n'est pas eux qui vont travailler sur la route, ce sont les chauffeurs. Et aujourd'hui, avec ce projet de loi, ce qu'on voit, c'est la transformation d'un chauffeur propriétaire, travailleur autonome, en esclave. Vous allez voir aujourd'hui... Je pense, vous avez entendu que même les chauffeurs d'Uber, ils sont en train de se manifester. Pourquoi? Parce qu'ils ont un revenu qui n'est pas décent. Ils ne peuvent pas vivre de leurs revenus. Ils sont en train de travailler comme des esclaves. Et c'est là où est-ce que vous amenez l'industrie aujourd'hui avec votre projet de loi.

M. Feeld (Jean) : Et le problème aussi, c'est que vous avez toujours essayé de voir l'industrie du taxi actuellement en fonction des intermédiaires, en fonction des compagnies. Par contre, le modèle actuel tourne autour de l'artisan. Donc, un artisan qui a investi directement pour acheter un permis, on ne peut pas le comparer avec M. Péladeau qui a investi, en tant qu'investisseur, pour acheter une compagnie intermédiaire. On n'a pas les mêmes intérêts. Dans le modèle actuel, une compagnie intermédiaire peut toujours fonctionner. Il peut entrer et faire de la business tout simplement en dispatchant des appels et en imposant des frais mensuels, et c'est l'une des raisons... Par exemple, Boyko ou autres, ils ont vu le potentiel en investissant dans ce modèle parce qu'ils disent : Il y a environ 5 millions ou plus par mois, parce qu'on paie 417 $ par mois, juste pour les frais d'appel. Donc, n'importe qui qui est intermédiaire peut dire : Il y a du potentiel là-dedans, mais moi, en tant qu'investisseur, petit investisseur, acheteur de permis ou artisan, je ne peux pas voir l'avenir de la même façon que M. Péladeau le voit.

M. Bonnardel : Je comprends votre argument, mais comment eux peuvent prétendre ne pas avoir peur? Vous êtes un regroupement, vous êtes plusieurs, vous représentez des dizaines, des centaines de propriétaires, artisans, chauffeurs ou certaines sociétés. Comment eux peuvent prétendre ne pas avoir peur des nouvelles technologies et vous, demain, prétendre que l'industrie sera complètement rasée?

• (19 h 50) •

M. Sabbah (Kamal) : ...on n'a pas peur, vraiment, M. le ministre, de la technologie. C'est le contraire, nous, on est des artisans qui ont travaillé très fort, pendant les dernières années, pour justement avoir de la technologie. Et je suis, moi, et un de mes collègues, qui siège sur le registre du Bureau de taxi... C'est moi qui a été là depuis le début. Ça fait trois ans que je suis là pour qu'on essaie de construire un registre qui pourrait être une bonne solution pour toute l'industrie du taxi aujourd'hui, pas justement juste à Montréal, mais ça pourrait être transporté partout au Québec. Et, à partir de là, on peut même choisir le rêve que vous, vous aviez quand vous avez dit : On veut une seule application partout au Québec. Mais justement cette plateforme-là qui nous permet de géolocaliser tous les chauffeurs de taxi partout au Québec... Et là après on va pouvoir intégrer une application client qu'on va pouvoir exactement... faire la publicité et la partager avec les clients qui nous visitent ou les gens locaux d'ici. Donc, on n'a vraiment pas peur de cette technologie-là, c'est justement le contraire.

M. Feeld (Jean) : ...dans la fin des années 90, l'industrie du taxi, il y avait une compagnie particulière qui a présenté un modèle, en allant jusqu'à Vancouver, pour avoir les tablettes et pouvoir les installer à l'intérieur des taxis, et c'est le gouvernement qui a refusé cette technologie-là, disant que ça appartient seulement aux pompiers et à la police d'avoir des tablettes à l'intérieur des taxis. On ne pouvait même pas avoir un cellulaire à l'intérieur d'un taxi au début des années 2000, pendant qu'on le voulait. Donc, ce n'est pas nous autres qui étaient des dinosaures, c'est le gouvernement qui était dinosaure dans ce domaine-là.

M. Bonnardel : Certains de vos collègues étaient pour la tarification dynamique. Ils semblent encore pour la tarification dynamique. Vous, vous êtes contre la tarification dynamique. Qu'est-ce qui explique qu'à Québec on peut être pour puis à Montréal on est contre?

M. Sabbah (Kamal) : Vous savez, M. le ministre, on est en train d'ouvrir le marché au «free-for-all», là. C'est comme... tout le monde peut faire ce qu'il veut. Et, comme vous le savez déjà, on a déjà vécu des soirées où est-ce que les clients que... Le but de ce projet de loi, c'est de servir la clientèle. Et là la clientèle sera-tu servie quand on charge 500 $, du centre-ville de Montréal jusqu'à Laval, pendant le Nouvel An?

Donc, on voit que ce système «free-for-all», qu'on donne la liberté à tout le monde de charger ce qu'ils veulent... qu'il a prouvé qu'il y aura des abus. On a des preuves. Le projet pilote d'Uber, qu'on a essayé depuis quatre ans, c'était... Il fallait vraiment se pencher là-dessus puis regarder les résultats de ce projet pilote, qu'est-ce que ça a donné. Puis une des choses que ça a données, le projet pilote, c'est qu'il y avait une injustice envers la clientèle, justement, que vous, vous êtes en train de défendre. Puis nous aussi, on veut que cette clientèle-là soit bien servie, mais je ne pense pas qu'il y a un client qui va être content de payer 500 $ au Nouvel An, en prenant une application, du centre-ville de Montréal jusqu'à Laval. Donc, nous, qu'est-ce qu'on croit? On croit que ce n'est pas une bonne chose, la tarification dynamique.

M. Boyer (Daniel) : Vous parliez tantôt, là, en sortant d'un spectacle ou d'un match de hockey au Centre Bell, c'est difficile d'avoir un taxi, là. C'est peut-être facile d'avoir un Uber, mais à quel prix? Donc, il n'y a pas plus de disponibilités, là. Moi, je m'excuse, si ça me coûte 300 $, 400 $, me rendre chez nous en taxi, alors que ça m'en coûterait 25 $, 30 $, normalement, en taxi, et, avec Uber, que ça m'en coûte 300 $, 400 $, je m'excuse, là, mais je n'ai pas d'offre, là. Ça ne marche pas, là.

M. Bonnardel : ...pour vous, là, si moi, je sors du Centre Bell puis j'ai une application Hypra Taxi, Eva, Lyft, Uber, peu importe, Taxi Québec, et c'est moi qui décide si, oui ou non, j'accepte, quand il n'y a pas de concurrence, c'est bien normal que le client se dit : Je l'accepte ou je ne l'accepte pas, c'est moi qui pèse sur le bouton. C'est moi qui pèse sur le bouton, alors...

M. Boyer (Daniel) : ...jamais sur le bouton à 300 $, 400 $. Tu sais, c'est...

M. Bonnardel : Ah! bien non, mais ça, c'est moi. Sauf que, si j'ai quatre applications qui me définissent, exemple, un coût x, parce que j'attends 16 minutes pour un taxi, ou peu importe, là, ou l'autre, ça me coûte deux dollars de moins, puis j'attends huit minutes de plus, c'est moi qui choisis. C'est moi, l'usager, le client, qui va définir si, oui ou non, j'utilise une plateforme ou l'autre, et c'est là que je vais mettre en concurrence les différentes plateformes que vous représentez.

M. Sabbah (Kamal) : ...vous avez la responsabilité, M. le ministre, aussi, en même temps, de s'assurer que les taxis qui n'ont pas cette option de tarification dynamique, qu'ils puissent survivre, parce que, là, si vous faites un système à deux vitesses, c'est sûr que ça ne marchera pas. Il faut que ça soit un seul système à tout le monde. On s'entend qu'on ne peut pas faire de la tarification dynamique juste pour Uber, puis les taxis sont pognés avec leur «meter». C'est sûr que ça ne marchera pas. Il y aura de l'injustice, inéquité.

M. El-Kalaani (Edgard) : ...M. le ministre. Aujourd'hui, tantôt, on a parlé de la tarification modulaire vers le haut. Qu'est-ce que vous en pensez de la tarification modulaire vers le bas? Aujourd'hui, une compagnie comme Uber, qui vaut 120 milliards de dollars, elle peut baisser 25 %, le prix, et pendant un an. Ça veut dire... elle peut faire du dumping. Nous autres, on n'est pas capables de survivre. Combien pensez-vous qu'on va survivre avec ça?

M. Bonnardel : Vous amenez un bon point, mais, si le coût est plus bas, et que l'Uber, je ne peux pas l'avoir avant 14 minutes, et que ça me coûte 2 $ de plus pour vous avoir, vous, en quatre minutes... c'est moi qui choisis, puis je vais peut-être cliquer pour...

M. El-Kalaani (Edgard) : Est-ce que je vais pouvoir survivre pour vous attendre à m'appeler pendant quatre minutes? C'est ça, la question. On vous a demandé des études. Qu'est-ce qui est arrivé avec le projet pilote d'Uber à Montréal? Ça fait quatre ans. C'est quoi, le résultat? On n'a pas des études qui expliquent exactement. Je comprends votre opinion, je la connais très bien, sauf qu'il n'y a pas des études qui peuvent prouver ce que vous êtes en train de penser, et c'est ça qu'il nous manque.

M. Sabbah (Kamal) : Ce qui risque d'arriver, M. le ministre, vous risquez de perdre les taxis traditionnels en ouvrant le marché de cette façon-là, si sauvage parce que... j'appelle ça sauvage puis je m'excuse du mot, parce que, c'est très important, quand on ouvre le marché, puis «sky is the limit», il y a un problème que les autres vont survivre si vous parlez du taxi traditionnel encore. Et vous parlez d'Uber, mais nous, qu'est-ce qu'on croit, il faut avoir un seul système qui est équitable à tout le monde.

M. Bonnardel : Vous m'avez entendu maintes et maintes fois dire qu'il y a 50 millions de courses au Québec. Il y en a 40 millions faites par vous. En quoi, demain matin, si vous offrez un bon service, le client qui prend son téléphone de façon conventionnelle, stand de taxi, hèle un taxi, va se dire : Ils sont où... Ils vont être là. Vous allez être là parce que je vous donne des outils pour être là encore plus loin dans le futur. Puis, je répète, vous faites 40 millions de courses. En quoi demain matin l'industrie se dit : Je n'ai plus de job? Expliquez-moi.

M. Sabbah (Kamal) : M. le ministre, on a décortiqué le p.l. n° 17 article par article avec des avocats puis avec des gens qui connaissent l'industrie, puis on s'est consultés, puis il n'y a rien, dans ce projet de loi, qui va nous avantager. Tout ce qu'on a découvert, et je peux vous citer, là... si on a le temps, là, on peut rester jusqu'à demain matin, je peux tout vous citer ça, là, que c'est tout à notre désavantage. Ce projet de loi a été bâti pour les Uber de ce monde et pour justement éliminer une industrie qui était là. Donc là, aujourd'hui, là, on est en train de dire que ça, ça nous avantage, mais je peux vous le prouver.

La plaque T, pourquoi on veut enlever la plaque T? Si vous avez quelqu'un qui part de l'aéroport de Montréal, il prend une voie réservée puis il n'a pas une plaque T, il a un dôme Pizza Pizza là-dessus, comment les policiers vont savoir si c'est un taxi ou si c'est un livreur de pizza? Dites-moi ça. Vous, c'est ça que vous avez suggéré, là, d'enlever la plaque T. Ça, c'est une des choses. Un dôme, ce n'est pas assez.

On prend d'autres exemples, là. Si on regarde le 4C... On a décidé d'éliminer le 4C. Vous savez qu'avec le 4C il y a un examen médical qui devrait être fait pour qu'on puisse conduire un taxi. À 50 ans et plus, là, parfois, il y a quelqu'un, il a une maladie, ineptie ou quelque chose, il est dangereux à conduire. C'était fait pour ça. Là, on l'élimine. Pourquoi on fait ça? Pour faciliter l'arrivée d'Uber au marché, O.K., puis là on pénalise le client que vous, vous êtes en train de défendre dans ce projet de loi. Le client ne veut pas quelqu'un qui est malade... de lui conduire. Il ne veut pas. Il veut être sûr que quelqu'un qui conduit un taxi, qu'il a fait des examens médicaux puis il est correct.

Si on va dans d'autres choses dans ça, là, je regarde un peu mes notes, là, puis je vois qu'il y a l'inspection mécanique. L'inspection est totalement éliminée de ce projet de loi. Pourtant, il y a des preuves et des études faites par les bureaux de taxi qui nous confient comme quoi, si on ne fait pas pendant plus qu'un an, il y a plus de risques d'avoir des accidents et plus de défectuosités. Donc, c'était nécessaire quand même d'avoir une inspection mécanique par année.

Et j'en ajoute, là, les amendes. Les amendes, là, quand vous parlez que vous êtes en train d'alléger le fardeau des chauffeurs et propriétaires, en regardant les amendes, là... Je vous donne un petit exemple ici. Pour un chauffeur conduisant un véhicule dont la carrosserie ou l'habitacle est malpropre, O.K., avec la loi, aujourd'hui, là, c'est entre 75 $ et 125 $. Dans la nouvelle loi, si elle est adoptée, c'est entre 500 $ et 1 500 $. Bien, comment ça peut alléger le fardeau d'un chauffeur de taxi, ça?

Je donne un autre exemple. Le chauffeur qui a en possession le rapport de vérification de départ... Avant le départ, on fait une vérification, nous autres, les chauffeurs de taxi. Donc, dans cette loi — et c'est entre 90 $ et 270 $, l'amende — ça sera entre 250 $ et 750 $. Bien, on ne voit pas nécessairement qu'est-ce que vous êtes en train de dire, que ce projet de loi va nous aider ou va nous mettre en meilleure forme.

Puis les 40 millions, là, je ne sais pas d'où vous avez cherché ces chiffres-là, les 40 millions de courses pour le taxi. C'est basé sur quoi, ça? On ne sait pas si on fait vraiment 40 millions par année. On ne sait pas.

• (20 heures) •

M. Feeld (Jean) : Et en disant 40 millions, vous vous basez sur le nombre de chauffeurs de taxi actuel. Mais maintenant, le lendemain du projet de loi... Ce que vous dites dans le projet de loi, n'importe qui peut désormais — il suffit qu'il fasse partie des chauffeurs qualifiés ou des voitures autorisées — décider d'avoir un dôme taxi. Maintenant, connaissez-vous exactement combien de voitures de taxi avec un dôme qu'il va y avoir, combien de personnes qualifiées qui vont faire du taxi en mode appellation taxi, que vous voulez protéger et à qui vous allez donner 40 millions de courses, donc combien d'argent qu'ils vont faire? Est-ce que ce sera toujours 40 millions? Parce que désormais ce marché sera ouvert à tout le monde.

Donc, quand, des fois, vous dites... Et, depuis le début de la commission, vous dites haut et fort qu'on va toujours avoir 40 millions de courses. Mais sur quoi vous vous basez pour dire qu'après le projet de loi on va l'avoir? Et combien de personnes qui vont répondre directement à ces 40 millions-là? Avez-vous des chiffres, s'il vous plaît, à nous donner?

M. Bonnardel : ...Mme la Présidente, je veux juste corriger certaines choses. Là, ça fait quelques fois que j'entends la plaque T, où on aurait l'impression qu'on ne sera plus capable de définir, tu sais, chauffeur de taxi, là. À l'article 24, on dit que «la société fait droit à la demande d'autorisation, elle délivre au propriétaire un document qui atteste que l'automobile est autorisée.

«Elle délivre de plus au propriétaire l'accessoire prévu par règlement du gouvernement qui permet de distinguer si l'automobile autorisée est utilisée ou non pour offrir du transport rémunéré de personnes.» On sera capable d'identifier ceux qui font du taxi.

Maintenant, vous dites... J'ai mentionné ce dépliant tantôt... ce dépliant, oui, que vous donnez, Mobilisation Taxi. Je veux juste rectifier certains faits encore une fois. Quand vous dites qu'il n'y aura aucune exigence pour les véhicules, c'est complètement faux, vous le savez; aucune exigence de formation réelle, complètement faux; aucune vérification mécanique, complètement faux. Et en plus, vous ajoutez : aucune interdiction sur l'alcool.

Alors, dites-vous une chose, là, on n'a pas fait une loi, baissé les règles administratives, financières, réglementaires au détriment de la sécurité des clients et des usagers. Jamais je ne baisserai d'un iota, un pour cent... le fait qu'on n'assure pas la sécurité. Alors, moi, quand je vois des choses comme ça que vous remettez à vos gens, aux clients, je vous dis juste une chose...

M. Sabbah (Kamal) : ...

M. Bonnardel : Peut-être, peut-être, mais c'est l'industrie du taxi. C'est l'industrie du taxi.

M. El-Kalaani (Edgard) : ...que ce document que vous avez, on n'est pas responsables parce que ce n'est pas nous qui avons distribué ça, là, juste pour...

M. Bonnardel : Je sais, mais je vous dis, j'ai étendu... Je comprends ça.

La Présidente (Mme Grondin) : On s'adresse à la présidence, s'il vous plaît. On s'adresse à la présidence à chaque fois. Merci.

M. Bonnardel : C'est une initiative de l'industrie du taxi. Alors, je vous dis juste une chose. Oui, on va protéger l'appellation taxi. Et moi, je vois encore plus grand, puis vous le savez, je vous ai répété le même discours, à certains d'entre vous, au-delà des 40 millions, moi, je vise 50 puis 60 dans cinq ans, 10 ans.

Les comportements qu'on veut changer, avec la Politique de mobilité durable, c'est d'amener les gens aussi à laisser leur voiture et d'utiliser peut-être le taxi. Et c'est dans ces conditions aujourd'hui qu'on écrit une loi, qu'on prépare une loi pour changer ces comportements. Et c'est à Montréal que ça va paraître encore plus, c'est la métropole. Vous serez les premiers acteurs à mesurer, le lendemain de l'adoption de cette loi, jusqu'où on ira. Alors, je vous laisse là-dessus.

M. Feeld (Jean) : ...je vais poser une question au ministre. Effectivement, c'est qu'actuellement on est en train d'aller la tête baissée dans un modèle qui ailleurs... d'autres villes témoins ou d'autres villes soeurs l'ont déjà essayé, et actuellement ils sont obligés de mettre des quotas parce que le nombre de voitures dépasse. Ça augmente les effets de serre, ça augmente... il y a beaucoup plus d'embouteillages.

Et, quand M. le ministre dit clairement que les gens vont délaisser la voiture pour prendre le taxi, ce n'est pas vrai, parce qu'aussi longtemps que le fait de posséder une voiture, au Québec ou dans le monde, reste un agrément à la richesse pour pouvoir montrer que je suis plus riche ou... par exemple, je viens de terminer les études, la première chose que je fais parce que j'ai un travail, j'achète une voiture. Donc, aussi longtemps que posséder une voiture, c'est une clé de richesse, il va toujours y avoir l'auto solo, il va toujours y avoir des places vides dans les voitures. Donc, abolir les permis ou ouvrir le marché complètement...

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste 30 secondes, monsieur.

M. Feeld (Jean) : ...ça ne va pas faire en sorte qu'il y a plus de gens qui vont prendre le taxi.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre les échanges. Il reste 20 secondes. M. le député de Bourget, 20 secondes.

M. Campeau : 20 secondes. C'est vraiment juste un commentaire. On voit de plus en plus de gens en bas de 30 ans, peut-être en bas de 25, qui n'ont plus de voiture. Alors, l'idée qu'on va aller... que je veux paraître riche en m'achetant une auto, je pense que c'est un modèle passé.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. le député de Bourget. Je suis désolée. Nous allons poursuivre les échanges avec M. le député de Jacques-Cartier. La parole est à vous.

M. Kelley : Je ne sais pas si vous voulez répondre au dernier commentaire du député. Non? Alors, merci d'être ici ce soir. J'ai une question très simple pour vous autres : C'est quoi, votre vision de l'avenir de l'industrie du taxi? Est-ce que c'est le statu quo?

M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, je pourrais laisser mes collègues répondre, mais moi, j'ai juste une réponse à ça. Puis M. le ministre qui mentionne qu'il y a 40 millions de courses qui sont faites par les taxis, les chauffeurs de taxi, et qu'il y en aura probablement plus... Vous avez devant vous... vous n'avez pas des gens qui dirigent une multinationale, là. Là, on vient abolir ou assouplir certaines règles qui vont permettre à des multinationales de venir jouer sur le terrain de petits joueurs québécois, petits entrepreneurs québécois, et c'est là, le danger.

Moi, je ne pense pas que ces gens-là sont capables de compétitionner des multinationales comme Uber, comme Lyft. Ils ne seront pas capables de le faire. Donc, moi, j'ai de la misère à croire qu'ils vont faire plus que... Si c'est 40 millions de courses qu'ils font, j'ai de la misère à croire qu'ils vont en faire plus que 40 millions. Et c'est là notre inquiétude. C'est pour ça qu'on dit que la déréglementation qui est proposée dans le projet de loi n° 17, c'est néfaste pour l'industrie actuelle, et ça va tuer l'industrie du taxi telle qu'on la connaît.

Maintenant, telle qu'on la connaît, est-ce qu'il faut qu'elle s'améliore, cette industrie-là? Bien oui, il faut qu'elle s'améliore. Et vous avez devant vous des gens qui sont prêts à l'améliorer, puis qui travaillent continuellement à l'améliorer, puis qui l'ont fait depuis maintenant plusieurs années, puis qui veulent continuer à le faire. Mais donnez-leur une chance.

En déréglementant de cette façon-là... je dis à la blague, là, demain matin, là, je m'achète un autobus puis je m'en vais faire une route d'autobus. Je n'ai pas le droit de faire ça, mais c'est ce qu'Uber a fait, là. C'est ce qu'Uber a fait quand ils sont arrivés ici. Moi, là, je vais charger... au lieu de 3,25 $ une route d'autobus, à Montréal, là, je vais charger 2,50 $ puis je vais embarquer le monde. Je n'ai pas le droit de faire ça. Puis, dans cinq ans, on va venir dire : Je déréglemente, puis toi, avec ton autobus, là, tu feras ce que tu voudras, tu pourras en faire du transport. Ça ne marche pas de même, ça ne peut pas marcher comme ça.

On s'est donné des règles. Elles peuvent évoluer, les règles, mais ce n'est pas vrai qu'on peut toutes les flusher du jour au lendemain. C'est comme si, à la fin d'une saison de hockey, vous dites : On vient de changer les règlements, c'est celui qui va marquer le moins de buts qui va gagner. Là, vous venez de tout changer la patente. Ça n'a pas de bon sens, là. Non, mais c'est parce que ça n'a pas d'allure.

Des voix : ...

M. Boyer (Daniel) : Je me défoule. Je me suis défoulé. Je m'excuse, Mme la Présidente. Des fois, je suis passionné.

M. El-Kalaani (Edgard) : L'industrie de taxi, c'est un service, et il est limité. On ne peut pas travailler plus que... Malheureusement, aujourd'hui, on travaille 14 et 16 heures par jour, mais on est limités avec le temps. Ça veut dire, pendant cette période, si on ne fait pas assez de clients pour être rentables, on a perdu toute la journée pour travailler pour rien.

Et d'ailleurs le gouvernement lui-même, dans les années 1980, il a créé un plan de rachat et il a obligé l'industrie à racheter. Pourquoi? Pour qu'on soit rentables. Aujourd'hui, on fait le contraire, on dit : Vous êtes rentables avec 8 000 permis, mais là ce qu'on va faire, on va émettre 120 000 permis, puis vous allez être rentables. Bien, écoutez, je suis comptable, mais un plus un, ça fait deux, ça ne fait pas 11. Donc, je ne comprends pas quelle modernisation qu'on va avoir dans notre industrie si l'industrie n'existera plus.

• (20 h 10) •

M. Feeld (Jean) : Et le lendemain du projet de loi, on appauvrit l'artisan, Mme la Présidente, pour enrichir et donner le monopole à des compagnies intermédiaires. Désormais, l'artisan ou le chauffeur qualifié est condamné à être asservi par l'intermédiaire, tout en assumant tout seul les charges liées à l'exercice du métier. Plus de 25 % de son revenu sera donné aux intermédiaires. Les frais liés à l'acquisition d'une voiture, les frais d'assurance, l'entretien et tous les autres frais que le répondant va lui charger, c'est lui qui va les assumer. Actuellement, le chauffeur régulier ou le chauffeur qualifié, il ne paie rien de tout ça. Il paie juste un frais de location et qui représente seulement, par exemple, 6 $ de l'heure.

Et, en plus de ça, c'est des propriétaires qui décident d'investir, à perte, dans une compagnie pour créer de l'emploi à des chauffeurs qualifiés. Quand on calcule exactement tout ce qu'on dépense pour posséder un permis de taxi à Montréal, quand ça valait 200 000 $, en louant le permis à un locataire, on n'avait pas assez d'argent pour payer tous les frais ou toutes les charges qui sont liées à l'acquisition de ce permis-là. Un permis, il peut coûter jusqu'à 1 000 $ par semaine, dans la poche du propriétaire, pendant qu'il peut le louer, maximum, 500 $, 600 $. Donc, les frais supplémentaires, il doit les sortir de sa poche directement pour payer à la banque. Mais il était prêt à faire ce sacrifice-là parce qu'il savait que tôt ou tard, dans les 10 prochaines années, il y avait un capital qui grandissait tranquillement, pas vite, malgré qu'il avait une entreprise à perte.

Donc, actuellement, on prend toutes ces charges-là, on les transfère au chauffeur locataire ou le chauffeur qualifié, qu'on appelle, en disant qu'on va lui donner plus d'argent dans ses poches. Ce n'est pas vrai. Et malheureusement, le projet de loi... ou le ministre ne peut pas prouver qu'effectivement qu'on va faire plus d'argent.

M. Barrette : Avant de passer la parole à mon collègue, juste une mise au point.

La Présidente (Mme Grondin) : M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Il y a plusieurs personnes qui ont mis en doute, là, les affirmations du ministre dans ses statistiques. Puis je réfléchis, là, depuis ce matin, puis... À un moment donné, j'ai décidé de faire la réflexion, là. Je suis comme vous autres, moi, je ne comprends pas d'où ils viennent, les 40 millions, là. Je ne le comprends pas. Vous êtes comptable, monsieur, ça fait que vous allez comprendre ce que je vais dire, là.

La population du Québec, démographiquement, ce n'est pas bien, bien compliqué, 20 % de la population a plus de 60 ans. Ce n'est pas les plus grands consommateurs de taxis, on peut le dire. Il y a 13 % de la population qui a entre zéro et 10 ans et 13 % entre 10 ans et 19 ans. À l'école primaire, on ne consomme pas beaucoup de taxis. Il reste, grosso modo, 58 % de la population adulte qui peut prendre le taxi, raisonnablement. Ça fait cinq millions, là. Pour arriver à 40 millions, il faudrait que ces 5 millions là prennent huit fois par année le taxi. Je lève la main, là, moi, j'en prends zéro fois. Puis, si on fait le tour des gens ici, dans la salle, là... Je ne sais pas d'où il vient. Même si les 16 millions de passagers à Dorval, à Pierre-Elliott-Trudeau prenaient tous le taxi, c'est 16 millions. Je ne sais pas d'où il vient, le 40 millions.

Je ne sais pas, encore moins, d'où vont venir le 50 millions puis le 60 millions. Je suis comme vous autres. Je veux juste dire ça à cette étape-ci, là, il n'y a pas d'étude, il n'y a pas de chiffre démontré. Il y a des chiffres lancés dans les airs. Il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Je passe la parole à mon collègue de Viau.

La Présidente (Mme Grondin) : M. le député de Viau.

M. Benjamin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je représente une... Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste huit minutes.

M. Benjamin : Quatre minutes?

La Présidente (Mme Grondin) : Huit.

M. Benjamin : Huit minutes? Merveilleux. Écoutez, je représente une circonscription, Viau, où, depuis les dernières semaines, en fait, depuis le dépôt de ce projet de loi, mes fins de semaine se composent presque essentiellement en rencontres, rencontres de plusieurs dizaines de chauffeurs propriétaires, qu'ils soient de la communauté haïtienne, des communautés maghrébines ou d'autres communautés et qui me parlent de leur désarroi.

Et, vous savez, avant vous, un peu plus tôt ce matin, il y a un regroupement qui est venu rappeler au ministre le caractère, et je cite, inhumain de ce projet de loi là. C'était le regroupement des usagers du transport adapté, usagers, d'ailleurs, pour lesquels il y a une absence complète de cette réalité des personnes handicapées.

Vous avez... le représentant de l'association haïtienne du taxi, vous avez évoqué l'historique, l'importance de cette industrie-là non seulement pour la communauté haïtienne, mais aussi pour différentes communautés au fil de l'histoire du Québec. Je pense entre autres aux communautés italienne, communauté grecque et, par la suite, communauté haïtienne, communauté maghrébine. J'aimerais peut-être vous entendre, M. le président, sur, justement, cet aspect humain. J'aimerais qu'on donne un visage à tout cela. Comment ce projet de loi a-t-il affecté, justement, les propriétaires de taxi?

M. Hector (Carlo) : Bien, merci pour la question, M. le député. Oui, moi, je suis Carlo Hector, le président de l'association haïtienne. Je vais vous dire, dans notre communauté, il y a à peu près 1 500 propriétaires de permis de taxi, qui valaient 200 000 $ chacun, donc un patrimoine de 350 millions de dollars. Maintenant, le permis est réduit à zéro. Je vais dire, l'impact social que ce projet de loi a sur notre communauté, je n'ai pas de mot pour décrire ça.

Il n'y a pas un Haïtien au Québec qui ne vit pas, de près ou de loin, de l'industrie du taxi. Tous les commerces haïtiens, maintenant, toutes les entreprises haïtiennes sont victimes. Le projet de loi n'est même pas encore adopté, on voit déjà les conséquences. Il y a des petits commerces qui sont en train de fermer parce qu'il n'y a pas le business. Juste le fait d'entendre que le permis ne vaut rien... Ce projet de loi n'affecte pas seulement l'industrie du taxi, ce projet de loi affecte toute la communauté haïtienne en particulier et les autres communautés.

C'est pourquoi je vous prie, M. le ministre, réfléchissez. Réfléchissez. On veut évoluer, on veut moderniser, mais on ne veut pas de table rase sur l'industrie, on veut continuer à donner le service qu'on continue à donner. S'il vous plaît, M. le ministre, réfléchissez à ce que vous faites, parce que vous êtes en train de détruire toute une communauté en abolissant les permis de taxi.

Moi, j'ai 64 ans, à la veille de ma retraite. J'ai travaillé durant 25, 30 ans pour avoir mon permis. Je l'ai acheté 190 000 $. Vous m'arrivez, vous me dites : Ça vaut zéro. Et c'était ma retraite. Je ne peux pas me reperfectionner pour aller faire d'autre chose encore, présentement. Maintenant, je dois vivre de quoi si mon permis vaut zéro? Il peut même passer à la banque pour dire : Et voilà, j'ai un problème, donne-moi 5 000 $. Ça vaut zéro. Il y a même, maintenant, des propriétaires de taxi même pas capables de louer un appartement parce qu'ils disent : Ça ne vaut rien. Voilà l'état où on est présentement avec ce projet de loi.

M. Benjamin : Autre question que j'aimerais vous poser, parce que, vous savez, souvent, il y a beaucoup de mythes, beaucoup de légendes urbaines qu'on entend autour de ce projet de loi. Une des légendes urbaines qu'on entend, c'est que ça se veut un prétexte à la modernisation. J'aimerais peut-être vous entendre, un de vous, parlez-nous un peu des efforts de modernisation que l'industrie du taxi a faits, les efforts au cours des dernières années.

M. Sabbah (Kamal) : Depuis 2014, l'industrie du taxi a fait beaucoup d'efforts, puis un des efforts, le premier, c'était quand le gouvernement a décidé de passer la loi sur les cartes de crédit. Donc là, à Montréal, c'est obligatoire d'avoir une carte de crédit. On est allés, après, nous demander, à nos frais encore une fois, d'avoir une image de marque, qui est le Bonjour, pour pouvoir travailler à l'aéroport. L'industrie du taxi a répondu. On nous a demandé... Dans le Bureau du taxi, on avait créé un comité pour créer une plateforme de modernisation qui va pouvoir connecter tous les taxis et les géolocaliser pour pouvoir, justement, avoir des applications là-dessus. On l'a fait.

Au fond, votre question, si elle s'adresse au propriétaire et chauffeur, le propriétaire chauffeur n'avait aucun mot à dire, dès le début, et il a toujours obéi ou toujours accepté toute modernisation ou tout changement. Donc, peut-être, cette question-là, ça devrait être posé plus aux intermédiaires de services. Mais pour nous, comme travailleurs de taxi, artisans de taxi, on n'a, premièrement, pas le choix que d'accepter, deuxièmement, on n'a jamais été fermés à aucune ouverture de technologie ou de modernisation.

M. Benjamin : Je comprends très bien effectivement que c'est une industrie qui a toujours vécu, grandi dans le respect des lois en vigueur.

Donc, maintenant, un autre argument du ministre, c'est au niveau de la réalité des chauffeurs. Le ministre clame haut et fort que le nouveau projet de loi mettra de l'argent dans les poches des chauffeurs locataires. J'aimerais vous entendre, M. Hector ou toute autre personne ici, pour nous dire quels sont éventuellement... Pouvez-vous nous faire la nomenclature des frais qu'auront à défrayer éventuellement, si ce projet de loi là venait à être adopté tel quel... par un chauffeur locataire?

• (20 h 20) •

M. Feeld (Jean) : Bien, c'est très simple. Actuellement, pour être chauffeur de taxi, présentement, on paie notre hypothèque, le propriétaire de taxi, on paie notre hypothèque, on achète l'auto, on paie l'assurance, on paie les frais aux intermédiaires, on paie aussi les frais de la SAAQ, on paie les frais d'entretien. Donc, tout est sur le dos du propriétaire, et le locataire n'a seulement qu'un frais de location à payer, qui est environ de moins de 5 $, des fois 6 $, maximum, par heure. Et il loue l'auto pendant 12 heures ou des fois toute la journée.

Donc, le lendemain du projet de loi, on enlève seulement l'hypothèque, mais tous les autres frais qu'on vient de citer vont être tombés sur le dos du chauffeur locataire ou chauffeur autorisé. Donc, dire que... J'ai déjà entendu le ministre dire : Il va seulement avoir son auto à payer, mais ce n'est pas vrai.

La Présidente (Mme Grondin) : M. Feeld, il faudrait... En conclusion. Il vous reste 30 secondes.

M. Feeld (Jean) : Exactement. Donc, non seulement qu'il a l'auto à payer, c'est vrai, les assurances, qu'il n'avait pas à payer, il va les payer, et aussi tous les autres frais qu'on a cités, excepté l'hypothèque, que le propriétaire payait dans les frais cités, c'est le chauffeur qui va le payer.

M. Benjamin : J'aurais aimé entendre M. Boyer sur la manifestation des chauffeurs d'Uber. Donc, j'aurais aimé vous entendre là-dessus, rapidement.

La Présidente (Mme Grondin) : En cinq secondes.

M. Boyer (Daniel) : Cinq secondes. Bien, écoutez, oui, les chauffeurs d'Uber sont aussi exploités. Et quand on déréglemente, c'est ce que ça donne. C'est l'exploitation des chauffeurs, des chauffeuses...

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Je suis désolée de vous couper. On va poursuivre les échanges avec Mme la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, monsieur, pour votre présence ici. Justement, on parle de l'impact sur les travailleurs, ceux d'Uber, les chauffeurs aussi de taxi. On demande, on continue à le demander, vous le faites, et on va continuer jusqu'à la fin à demander des études d'impact de ce projet de loi parce qu'on ne pourra pas bouleverser toute une industrie sans se baser sur des chiffres, sur des données. Et le ministre ne le fait pas.

On a eu un projet pilote d'Uber qui a duré trois ans. Je me suis tournée tout à l'heure vers mon collègue député de Viau pour lui dire : C'était quand même pendant les libéraux, peut-être que vous l'avez quelque part. Il me dit qu'il ne l'a pas. Il faudrait le rendre public, sinon à quoi sert le projet pilote? Tout ce qu'on a en ce moment, ce sont les paroles du ministre qui nous dit que la loi de l'offre et de la demande va tout régler. C'est David contre Goliath et que... je ne dirais pas le meilleur, mais que le plus fort gagne.

Je sais que la réalité, à Montréal, c'est 90 % des chauffeurs. Vous en avez parlé un peu. Vous avez parlé aussi de la communauté haïtienne, de l'impact sur ces gens-là. 90 % possèdent leur voiture, ils sont propriétaires, ils sont chauffeurs, ils ont acheté leur travail. Vu qu'on n'a pas les données de l'impact socioéconomique de ce projet de loi, on a juste une étude préliminaire, est-ce que, vous, vous avez fait une évaluation plus globale sur l'impact socioéconomique de ce projet de loi là? Et si vous pouvez nous en parler...

M. Sabbah (Kamal) : ...si vous permettez, Mme la Présidente. Je m'excuse, j'ai raté ça un peu la fois passée. On n'a pas d'étude, puis je me demande pourquoi on aurait des études, nous, les chauffeurs et propriétaires de taxi. Elles devraient être faites par le gouvernement ou par les gens intéressés à ces chiffres-là. Pour pouvoir prendre les bonnes décisions, pour pouvoir légiférer ou faire des projets pilotes, il faut être basé sur quelque chose de scientifique, quelque chose qui est concret. Nous, on ne l'a pas fait.

Mais je peux vous décrire un peu, socialement, qu'est-ce qu'on vit depuis qu'Uber est arrivé. C'est un déclin total de l'industrie de taxi, dès le début. C'est des cas de divorce, c'est des cas de faillite, c'est des gens qui se tournent vers eux-mêmes, c'est des dépressions, c'est... Je veux citer, mais là je ne veux pas faire un drame aujourd'hui, là. Tout ce que je voulais dire... que ça affecte tellement la communauté des gens de taxi et surtout que ces gens-là sont issus de l'immigration.

Donc, souvent, ces personnes-là, quand elles ont investi dans le taxi leur temps et leur argent, c'était parfois... Ce n'est pas un choix, il y avait... Ce n'était pas reconnu, leurs compétences, quand ils sont arrivés dans ce pays qu'on aime beaucoup. Puis dans un sens, ces gens-là, ils ont été obligés d'aller, dignement, investir dans une industrie pour ne pas aller quêter une job ou pour ne pas être sur le dos de la société, avoir de l'aide sociale ou du chômage. Donc, ils ont bien choisi, avec leur fierté, une certaine façon qui était disponible à eux, pas de l'État lui-même. Ce n'est pas eux qui ont choisi. C'était disponible à tout le monde.

Quand vous voudrez faire du taxi... Il fallait acheter un permis et il fallait probablement être chauffeur de taxi et avoir un... et suivre des règlements. On a suivi tous ces règlements-là, jusqu'à tant qu'aujourd'hui, depuis 2014, Uber a rentré illégalement. On n'a pas agi, comme gouvernement, que deux ans après. Mais, deux ans après, on les félicite avec un projet pilote et aujourd'hui on veut les rentrer dans la loi. Donc, on félicite les multinationales de venir nous voler notre argent pour sortir 25 % de chaque dollar en dehors — je m'excuse pour le mot «voler» — puis...

La Présidente (Mme Grondin) : M. Sabbah, en quelques secondes, s'il vous plaît.

M. Sabbah (Kamal) : En finissant, dire que je n'ai pas de statistique, mais j'ai des témoignages, que je peux en parler tant que vous voulez.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. On va poursuivre les échanges avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. 3 min 55 s?

La Présidente (Mme Grondin) : 3 min 55 s.

M. Arseneau : Merci. M. Boyer a dit tout à l'heure que c'était comme à la fin d'une saison de hockey, où on allait décider que c'était celui qui fait le moins de buts qui gagne. Moi, j'ai plutôt l'impression que c'est au milieu de la partie qu'on change les règles, et il y a déjà un pointage inscrit, là, et on dit : Maintenant, c'est celui qui fait le moins de buts qui gagne. Donc, on change les règles en milieu de partie. Vous avez acheté des permis, en milieu de partie, au milieu de votre carrière, on vient vous enlever ce sur quoi vous aviez bâti votre carrière et, éventuellement, votre fonds de retraite.

Mais je voulais donc vous remercier d'être là. Votre point de vue est très clair, mais j'aimerais avoir quand même une explication de votre part sur ce que je comprends être une espèce de confusion, depuis le début des audiences, entre la modernisation et la déréglementation, comme si la modernisation passait nécessairement par la déréglementation. Et je pense qu'il y a des gens dans le public, chez les citoyens, qui confondent les deux. Est-ce que vous êtes du même avis que moi?

M. El-Kalaani (Edgard) : Oui, Mme la Présidente. Une modernisation de l'industrie, à notre opinion, c'est : On prend la base de l'industrie puis on lui donne plus de pouvoir pour avancer, pour se développer. Aujourd'hui, dans ce projet de loi, ce qu'on voit, c'est : On détruit l'industrie pour recommencer quelque chose. Mais ce qui arrive... On ne sait pas, en premier, qu'est-ce qui va arriver. Ça, il n'y a pas d'étude.

Deuxièmement, lorsqu'on construit la nouvelle entité ou la nouvelle formule, on ne regarde aucunement la rentabilité de ces chauffeurs-là, de cette profession elle-même. Elle n'est plus connue une profession, c'est un travail à temps partiel, réellement. Parce que, si on n'est pas rentable, on doit aller chercher un autre travail, et ça sera un temps partiel en allant au travail, en revenant du travail. Ça sera du covoiturage au lieu d'un taxi.

M. Arseneau : ...alors, si vous permettez, finalement, ce dont on parle réellement, ce n'est pas de modernisation. L'enjeu clé, c'est la déréglementation. C'est exactement ce que le gouvernement veut faire. Et, si je comprends bien, dites-moi si j'interprète correctement votre point de vue, mais ce qu'on est en train de faire, c'est passer d'un régime du chauffeur propriétaire, en grande partie, au chauffeur locataire ou employé, éventuellement, avec le jeu des achats, puis des rachats, puis des grands de ce monde, pour finalement avoir simplement des employés chauffeurs de taxi qui vont moins bien gagner leur vie demain qu'aujourd'hui.

M. El-Kalaani (Edgard) : ...des modernisations, ça, on voit. Nous, on a proposé une modernisation et on ouvre le marché à tout le monde. Ils peuvent embarquer. Mais il y a 8 000 permis à Québec, on... Ils peuvent louer, ils peuvent embarquer sur cette plateforme. Si cette plateforme, elle est au niveau de tout le Québec, ils peuvent embarquer, jusqu'à 8 000. Si on a besoin et on voit qu'il y a une rentabilité pour ajouter, bien, on va en ajouter.

M. Arseneau : En complément?

M. Sabbah (Kamal) : Pour répondre à votre question, j'ai bien compris votre question...

La Présidente (Mme Grondin) : S'il vous plaît...

M. Sabbah (Kamal) : Si vous permettez... Non?

La Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste 30 secondes.

M. Sabbah (Kamal) : 30 secondes. Ce qu'on fait, on appauvrit les locaux pour le bénéfice des multinationales. Bref, il n'y a pas plus que ça.

M. Boyer (Daniel) : On veut favoriser l'entrepreneurship. On a de petits entrepreneurs québécois qui vivent de cette industrie-là et là, bien, on va favoriser des multinationales au détriment de ces petits entrepreneurs québécois.

La Présidente (Mme Grondin) : 15 secondes.

M. Arseneau : ...on a 15 secondes? Le fait de pouvoir téléphoner... On veut moderniser, mais on dit : On vous donne le téléphone, puis on vous donne le lanternon, puis héler les taxis. Vous dites quoi de ça? C'est un...

M. El-Kalaani (Edgard) : On ne donne pas le lanternon, même, parce que n'importe qui peut mettre un lanternon.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin que les représentants de l'Association des taxis des régions du Québec puissent prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 29)

(Reprise à 20 h 32)

La Présidente (Mme Grondin) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association des taxis des régions du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons aux échanges avec les différents membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, s'il vous plaît. La parole est à vous.

Association des taxis des régions du Québec (ATRQ)

Mme Dallaire (Carole) : Oui, merci, Mme la Présidente, M. le ministre, les députés. Mon nom est Carole Dallaire. Je suis membre de l'ATRQ, porte-parole des taxis pour la région du Saguenay. J'ai, à ma gauche, Serge Lebreux, membre fondateur et porte-parole de l'ATRQ, ainsi que M. Jean-François Tremblay, sur ma droite, M. Serge Leblanc, membre fondateur également de l'ATRQ, représentant la région de l'Outaouais, Maroun Basbous, qui devrait sans doute arriver, directeur général de Fraxion, compagnie technologique, représentant la région de Laval.

Pour commencer, je vais vous présenter un peu qu'est-ce que l'ATRQ, puisque c'est une association qui est assez nouvelle. L'Association des taxis des régions du Québec est un regroupement d'intermédiaires et de propriétaires de permis de taxi opérés en région. Le territoire de couverture des membres de l'ATRQ comporte tant des régions urbaines de grande taille, de moyenne taille, mais également des municipalités rurales de plus petite taille. L'ATRQ regroupe 38 villes présentement, qu'on parle de Gaspé, Sainte-Thérèse-de-Blainville, Sept-Îles, Trois-Rivières, Drummondville et Sherbrooke, et j'en passe.

Pour commencer, je voudrais faire un petit résumé. Qu'est-ce que le taxi en région? Le taxi en région est bien différent de celui des grands centres urbains. En effet, il s'agit souvent du dernier recours pour des personnes vulnérables ou en perte d'autonomie. Au fil des ans, le taxi s'est également forgé une place importante auprès des opérateurs de transport en commun, comme le taxibus qui a été démarré à Rimouski en 1993. De plus, le transport médical tant des usagers, de certains prélèvements, du personnel fait également partie de la gamme des services offerts par les sociétés de taxi en région, tout comme la livraison de colis. Il ne faut pas négliger également l'adaptation de certains véhicules pour le transport adapté et la desserte de cette clientèle particulièrement vulnérable.

Les taxis en région effectuent également le raccompagnement des personnes ayant des facultés affaiblies, service dispensé dans une perspective nettement d'intérêt public. Le taxi est devenu, au fil des ans, un service essentiel. Cette place enviable du taxi est due à sa disponibilité 24 heures par jour, et ce, 365 jours par année.

Je ne vous ferai pas la lecture complète du mémoire. Vous l'avez tous reçu. Nous profiterons du temps qui nous est alloué pour vous faire un résumé de nos recommandations.

La première recommandation, c'était de demander au gouvernement de mettre en place une véritable étude d'impact avant d'aller de l'avant avec l'abolition des agglomérations. Comme piste de solution, l'ATRQ propose de mettre en place... de mettre sur la glace la disparition de certaines agglomérations tant et aussi longtemps qu'une étude d'impact sur la clientèle ne sera pas réalisée. Si le ministre veut passer de la parole aux actes et mettre au centre de cette réforme le client, il se doit de procéder d'abord et avant tout à une étude d'impact afin d'éviter que celui-ci soit pris en otage et qu'il voie la couverture de services se dégrader en région.

L'ATRQ demande en deuxième recommandation à ce que le gouvernement reconnaisse et maintienne dans la loi la notion de chauffeur professionnel de taxi. Et qu'est-ce que c'est, un chauffeur professionnel de taxi? C'est quelqu'un pour qui c'est plus qu'un passe-temps de faire du taxi, c'est plus qu'une façon d'arrondir ses fins de mois. C'est un chauffeur qui, souvent, connaît sa clientèle et qui lui donne un service personnalisé. C'est quelqu'un qui gagne adéquatement sa vie.

L'ATRQ demande également le maintien des agglomérations en région, dans lesquelles les répondants offriraient une garantie de desserte 24 heures sur 24, sept jours sur sept, en échange de quoi les contrats publics disponibles sur ces territoires seraient réservés à ceux et celles s'engageant au maintien d'une telle garantie de desserte. Le pacte social des propriétaires de permis de taxi avec la Commission des transports du Québec ou cet engagement qui prévoyait l'obligation aux titulaires de permis de répondre à la demande des usagers en continu, c'est ce pacte que le gouvernement veut briser. Ce faisant, il laisse tomber l'usager.

L'ATRQ demande à ce que les actuels territoires soient maintenus, que les intermédiaires et chauffeurs d'un territoire donné au moment de l'adoption de la loi soient les seuls autorisés à exercer sur ce territoire et qu'advenant qu'un autre prestataire de services veuille desservir ce territoire, qu'il soit obligé de démontrer à la CTQ que la demande excède l'offre, que ce soit de façon permanente ou occasionnelle, que l'accroissement de l'offre permettra d'assurer la pérennité du service déjà existant. Si l'ensemble de ces conditions sont remplies, la CTQ pourrait alors autoriser une telle desserte pour combler le besoin ainsi démontré sur le territoire donné. Ce phénomène existe déjà beaucoup dans plusieurs régions du Québec où les agglomérations s'entraident déjà mutuellement, et tout cela, pour satisfaire la clientèle au maximum.

Au point 5, l'ATRQ demande à ce que l'exclusivité des contrats publics soit maintenue en faveur des chauffeurs de taxi professionnels. En premier lieu, dans le cadre des considérations réglementaires, le covoiturage urbain doit être traité comme un modèle de transport distinct des services traditionnels des taxis. L'ATRQ s'inquiète aujourd'hui de constater que les contrats publics, jusqu'alors réservés à l'industrie du taxi, pourraient être ouverts à tous. Il faut comprendre que, tout particulièrement pour l'industrie du taxi en région, les contrats publics sont souvent la différence entre être capable de générer un profit ou être à perte.

• (20 h 40) •

Au point 6, l'ATRQ demande à ce que le gouvernement s'assure que la formation obligatoire soit aussi disponible en ligne. Rien dans le projet de loi n° 17 ne semble permettre la formation en ligne. Imaginez un chauffeur de Gaspé qui doit se rendre la Rimouski ou celui de Saguenay à Dolbeau. Le chauffeur s'inscrit, on vient de lui donner une formation le mois précédent. On lui donne une attestation provisoire de 11 mois car ils ne viennent qu'une fois l'an présentement. Est-ce qu'on peut dire qu'un chauffeur est formé parce qu'il a une attestation provisoire dans son porte-monnaie?

Au point 7, l'ATRQ demande que soit maintenue l'immatriculation T et le permis de classe 4C, tout ça pour une question de sécurité. Alors, si le ministre dit avoir placé l'usager au centre de la réforme du système actuel, il doit revoir cet aspect.

Au point 8, l'ATRQ exige que si le gouvernement va de l'avant avec l'expropriation des permis de taxi, qu'il verse au préalable une indemnité juste et équitable basée sur les valeurs de permis en 2014. Comme on vous l'a déjà mentionné, l'ATRQ est aussi inquiète de voir le gouvernement proposer l'abolition du service de permis sans qu'une indemnité juste et équitable, basée sur les valeurs de permis en 2014... Elle considère que les propositions actuellement sur la table sont nettement insuffisantes.

En conclusion, au cours des dernières années, l'industrie du taxi a mis en place plusieurs initiatives d'électrification des transports. Elle n'a pas attendu la venue d'Uber ou d'Eva en région pour se tourner vers les nouvelles technologies, que ce soit par le développement d'outils technologiques, tels que les services de répartition automatisés ou même la mise en service d'application par téléphone intelligent, qui donne déjà une estimation du prix ou le délai d'arrivée du véhicule.

D'ailleurs, l'une de ces technologies est le fruit d'une entreprise québécoise, qui offre des services à plus de 5 000 taxis, 10 sociétés de transport, 70 compagnies de taxi au Québec. Fraxion Communications a développé un système intégré aux véhicules taxis, qui permet un contrôle en temps réel du positionnement GPS des véhicules qui en sont équipés, la répartition automatisée sans recours aux ondes radio et une meilleure gestion des postes d'attente et des zones de desserte.

L'ATRQ considère que l'industrie du taxi est en pleine modernisation. Elle est toutefois freinée par le cadre législatif et réglementaire actuel, mais l'ATRQ ne croit pas qu'il faille remettre en question toute une industrie pour arriver à un objectif de modernisation déjà en cours. Merci.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci pour votre exposé. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Messieurs dames, bonsoir.

J'ai lu votre mémoire. Je commencerais par un premier point, à la page 10, vous dites : «L'ATRQ s'inquiète de l'abolition des agglomérations...»

Une voix : ...

M. Bonnardel : À la page 10. «...et son corollaire, l'absence de garantie d'une couverture 24 sur 24, sept jours sur sept.» Je comprends qu'il y a des fois des appels chez des répartiteurs à deux heures du matin, en sortant d'un bar ou autre, et, plus souvent qu'autrement, il peut ne pas y avoir de taxi 24 sur 24. Comment vous pouvez dire ça?

Mme Dallaire (Carole) : C'est surtout s'il n'y a plus d'agglomération, il n'y a plus rien, si on ajoute... Quand vous parlez toujours d'ajout, quand on parle de petites régions, si on ajoute des personnes qui peuvent faire du transport, soit durant le jour ou dans les périodes les plus propices... donc, nous, ce qu'on se dit, c'est que, si on doit séparer la tarte pendant la journée ou pendant les heures d'affluence, bien il risque d'y avoir des abandons de services dans les heures où il y aura moins d'affluence.

Si, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on n'est pas capables de générer assez de revenus avec nos contrats publics, nos contrats avec les sociétés de transport, nos contrats avec les hôpitaux, bien, il sera difficile pour nous, en région, d'avoir soit de la main-d'oeuvre ou les revenus nécessaires pour les lundis soir, les fins de semaine, où vous comprendrez qu'il n'y a pas beaucoup d'affluence.

M. Lebreux (Serge) : Ce qu'elle cherche à vous dire, finalement, c'est que l'offre de services 24/7/365 fait partie de toute la tarte. Ça fait qu'il y a beaucoup de propriétaires en région actuellement qui assument de desservir et de donner une offre de services dans des heures où est-ce qu'il n'y a presque pas d'appels. Mais, en retour de ça, il se retourne de bord puis, le lendemain, il y a de l'ouvrage pour ses gars.

M. Bonnardel : Oui, mais là vous laissez croire aux gens que j'abolis une politique 24/24, 7/7, là.

M. Lebreux (Serge) : Il n'y a rien qui spécifie dans la loi n° 17 actuellement...

M. Bonnardel : Non, mais vous dites...

M. Lebreux (Serge) : ...qui oblige le propriétaire de permis actuellement à donner une desserte 24/7/365. Rien dans votre loi ne le spécifie actuellement et c'est ce qu'on déplore.

M. Bonnardel : Mais il n'y en a pas plus là, là, dans la loi.

M. Lebreux (Serge) : Dans la loi actuelle? Bien oui.

M. Bonnardel : 24 sur 24. Sept jours sur sept.

M. Lebreux (Serge) : On donne un service 24/7, nous autres, en ce moment, M. le ministre.

M. Bonnardel : Oui, mais attendez. Je comprends qu'il peut y avoir des appels chez des répartiteurs, mais un service de taxi comme tel, à deux heures, trois heures du matin, ça se peut qu'il n'y en ait pas. Ça se peut qu'il n'y en ait pas dans des régions, là. J'ai des députés qui me disent : Moi, la gare d'autobus ou de train à Drummond, à deux heures du matin, j'arrive, une heure du matin, il n'y a pas de taxi. Mais j'ai des exemples, c'est normal... bien, c'est normal... on voudrait qu'il y en ait ou qu'il y ait une offre additionnelle pour répondre à...

M. Lebreux (Serge) : ...c'est dans la loi actuellement? Ma question, je vais vous la poser, moi. Comment ça que ça se passe comme ça, d'abord? Si la responsabilité d'application de la loi est sous votre responsabilité actuellement, comment ça qu'il y a des zones qui sont mal desservies actuellement?

M. Bonnardel : Attendez, là, M. Lebreux. Les territoires d'agglomération, on les abolit justement pour être capable de permettre à des propriétaires, des sociétés de taxi de faire du transport entre différents territoires.

M. Lebreux (Serge) : Ce qu'on dit, c'est qu'actuellement les gens vont s'impliquer socialement auprès de leurs communautés en offrant une desserte 24/7. En ce moment, c'est ce qui se passe, c'est ce que les propriétaires de taxi essaient de faire dans la mesure du possible, quand ils sont capables et quand ils ont accès à un bassin de main-d'oeuvre potentiel.

M. Bonnardel : Ça, je suis d'accord avec...

M. Lebreux (Serge) : Avec la loi n° 17, vous venez enlever ça, puis il n'y a plus d'obligation. La population est exposée... C'est-u écrit dans la loi? Nous autres, on ne l'a pas vu.

M. Bonnardel : Mais pourquoi demain matin, vous ne pourriez pas continuer d'offrir ce service 24/7? Qu'est-ce qui empêche? Je ne comprends pas, là.

M. Lebreux (Serge) : Parce que le 24/7 fait partie de mes responsabilités, puis je l'assume parce que le lendemain j'ai 100 % de la tarte. Ce n'est pas compliqué à comprendre. Je fais mes frais là, je suis capable de me défaire... l'autre bout pour desservir ma communauté. Ce n'est pas compliqué.

La Présidente (Mme Grondin) : Est-ce que, s'il vous plaît, vous pouvez vous adresser à la présidence, s'il vous plaît? Merci.

M. Bonnardel : C'est une question d'offre et de demande aussi, là. À quelque part, moi, je me dis : Si le service, vous l'offrez de bonne façon, en quoi, demain matin, le client qui vous connaît, qui a peut-être l'application dans la région où vous êtes, qui l'utilise, ne pourrait pas le faire encore? En quoi...

M. Lebreux (Serge) : Elle vous l'a expliqué tantôt, le manque de rentabilité.

M. Bonnardel : En quoi abolir...

Mme Dallaire (Carole) : Mais si on ajoute... Je m'excuse, je vous ai coupé la parole, allez-y.

M. Bonnardel : Non, non, allez-y. Allez-y, allez-y.

Mme Dallaire (Carole) : Ce qu'on a essayé de vous expliquer, c'est que, s'il y a des joueurs qui s'ajoutent en région, qui prennent soit une application provinciale ou qui... mettons Uber s'installe à Saguenay, c'est sûr que ces gens-là vont venir lorsqu'il y a des heures d'achalandage. Donc, si on a plus de joueurs puis que, là, on fournit présentement, donc on sépare la tarte. Et si on n'a plus assez de rentabilité, bien, on ne sera plus capables de desservir nos agglomérations les heures où il y a de très faibles affluences.

M. Bonnardel : Vous savez, on parle de pénurie de main-d'oeuvre. Certains d'entre vous disent : On ne peut pas fournir. Moi, je persiste et signe, encore une fois, avec le nombre de courses que l'industrie fait année après année, depuis les cinq dernières années, qui va continuer, je l'espère, en augmentant...

M. Lebreux (Serge) : On est en région. On vit une dévitalisation en région, actuellement.

Mme Dallaire (Carole) : Je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord avec vous, si on garde... Mme la Présidente, si je peux... Je suis d'accord avec vous, si on garde les mêmes nombres de courses dans nos régions, si on garde les mêmes revenus, il n'y en a pas de problème. Mais on doute qu'il va arriver des nouveaux joueurs qui vont vouloir prendre une voiture, un retraité, avec sa belle voiture, qui va décider de venir faire des périodes d'achalandage du matin ou de l'après-midi, mais lui, il ne voudra pas sortir le lundi à deux heures du matin. C'est la même chose pour les jeunes qui vont peut-être vouloir venir le samedi soir. Mais si on n'est plus capables... s'il y a d'autres joueurs qui s'ajoutent, on n'ajoutera pas de personnes en région qui vont prendre plus de taxis, on n'ajoutera pas plus de téléphones.

• (20 h 50) •

M. Bonnardel : Bien, madame, c'est une question de demande aussi. Si vous me dites qu'il y a peut-être 20 chauffeurs de plus au Saguenay, demain matin, qui décident de faire ça à temps partiel, parce que vous n'êtes pas capables de fournir, dans des exemples x, un match de hockey aux Saguenéens ou peu importe, une sortie x, un spectacle x, ça se peut que vous ne soyez pas capables de fournir puis que certains se disent : Ce soir, je vais aller faire un quatre heures, parce que l'industrie, je le sais, ne fournit pas. J'ai été dans un match, là je cherche un taxi en sortant, il n'y en a jamais ou il y en a, mais ils sont pris. Mais en quoi, demain matin... l'offre et la demande vont s'ajuster. En quoi vous pourriez perdre face à ça? J'en conviens que vous en faites un travail professionnel, vous en faites peut-être pour 40, 50, 60 heures par semaine. Il n'y a rien, demain matin, qui vous empêche de continuer puis de le faire encore de meilleure façon avec des coûts moindres. Je ne vois pas...

Puis je pourrais vous reposer la même question. O.K., Taxelco, c'est un répartiteur, il y a des chauffeurs. Peut-être que ce n'est pas la même dimension pour vous, mais il y en a plusieurs qui sont venus tantôt ici, ce matin puis les autres journées, qui ont dit : L'abolition, là, des permis ou des quotas, les agglomérations, c'est une valeur ajoutée pour nous.

Je vais vous amener juste sur le transport adapté, tiens, tant qu'à ouvrir cette porte. Vos membres font beaucoup, beaucoup de transport adapté, beaucoup. Demain matin... je le disais encore avec des statistiques, 75-25, puis on va reprendre les mêmes chiffres, où 75 % de l'offre que vous offrez est excellente. On vous donne un B+ partout. L'autre 25 % est peut-être inadéquat ou il y a peut-être un service inégal, c'est ça que les gens ont utilisé comme mot, ou des services qu'on n'est pas capables d'offrir soit pour une question de coûts, parce que le transport est trop long, tantôt certains en parlaient.

Le transport adapté, demain matin, avec la loi comme on la dépose aujourd'hui, je reste persuadé que demain matin, l'offre que vous offrez, les municipalités, les sociétés de transport... parce que certains l'ont mentionné, c'est l'ATUQ... si je ne me trompe pas, 6 millions de courses, augmentation de 5 % par année depuis les cinq dernières années, et ça va continuer d'augmenter avec le vieillissement de la population. Garder les gens à la maison, c'est ce qu'on souhaite, en santé, et autres. Bien, ces gens vont avoir besoin de vous. En quoi, demain matin, vous ne pourriez plus offrir ce service?

Mme Dallaire (Carole) : Ça, je suis d'accord avec vous qu'on va continuer de l'offrir si on peut être les seuls à garder, justement, comme on le disait dans nos recommandations... si les véritables taxis, on peut garder la priorité de pouvoir soumissionner dans nos sociétés de transport pour ne pas qu'on se ramasse avec plusieurs joueurs indépendants qui veulent soumissionner. L'expertise, puis la formation qu'on a donnée, puis tout ça, on ne veut pas perdre ça.

M. Bonnardel : Vous savez, cette formation que vous avez, spécifique, là, est à vous, là. Puis vous êtes des bons joueurs, vous signez des ententes. Moi, je suis une municipalité, je suis une société de transport puis je fais affaire avec vous depuis huit ans, vous offrez un service «top-notch», demain matin, je ne vois pas pourquoi on changerait.

Maintenant, le 25 %, il y a des territoires où c'est mal desservi, on va le dire ainsi, et que, là, certaines municipalités nous disaient : On aimerait ça avoir une offre additionnelle, une concurrence additionnelle, parce que soit on paie trop cher ou le service est inégal. Puis je le dis en tout respect. Alors, abolir ces dessertes d'agglomération, c'est un peu pour ça aussi. Parce que vous, si vous le faites, ce travail, là... je ne sais pas ce que vous faites au Saguenay, vous faites peut-être du transport adapté, vous le faites, mettons, très, très bien, mais vous seriez peut-être capables de fournir la MRC d'à côté. Vous diriez peut-être : Il y a un volume d'affaires additionnel, je m'achète deux vans, je les modifie, je les prépare, j'ai deux chauffeurs qui sont formés, go, on y va. Ce n'est pas quelque chose qui est possible?

M. Lebreux (Serge) : Mme la Présidente, on l'a encore stipulé cet après-midi, la loi le prévoit déjà, ça, M. le ministre. C'est déjà dans la loi. O.K., ça, on n'a pas de problème avec ça. Ça, c'est déjà dans la loi, c'est déjà canné, puis on le fait déjà dans certaines régions du Québec. Ce n'est pas un problème, ça, pas pour «writeoffer» une industrie au complet.

M. Bonnardel : Attendez, M. Lebreux, je ne vous suis pas. Là, présentement, les dessertes...

M. Lebreux (Serge) : Si Carole n'a pas de taxi adapté chez eux, elle est mal... elle ne donne pas un bon service dans sa MRC, puis moi, je veux aller le donner, O.K., puis ce n'est pas dans ma MRC, je n'ai pas le droit. Mais, si Mme Dallaire accepte que j'y aille, il y a un commissaire qui va m'émettre l'autorisation de le faire, si les deux parties sont d'accord. Ça, il n'y en a pas de problème.

M. Bonnardel : Est-ce que ça se fait?

M. Lebreux (Serge) : Absolument. Bien, je ne vous dis pas que c'est toutes les compagnies de taxi qui le font, mais la possibilité, dans votre législation actuelle, elle le permet.

M. Leblanc (Serge) : Juste à titre d'exemple, si vous permettez, pour aider à comprendre, Mme la Présidente, moi, j'ai déjà eu un permis de transport adapté qui avait été émis pour la région du Mont-Tremblant, et il y avait vraiment une carence de véhicules. Alors, je pouvais desservir la région de Saint-Faustin, Val-David, Val-Morin, Saint-Sauveur, Sainte-Adèle. J'étais le seul. Parce qu'effectivement j'étais dans Tremblant, mais, vu qu'il n'y en avait pas ailleurs, j'avais cette autorisation-là de le faire.

Puis aussi, ce qui s'est dit ce matin, ce que j'ai compris, moi, c'est que les gens sont plus ou moins satisfaits aussi. On a parlé d'un problème de budget des organismes. Tu sais, si tu n'as pas les budgets, c'est sûr que ce n'est pas facile d'avoir du service. Je reviens encore à mon exemple de Tremblant, il n'y avait pas les budgets à l'époque, alors le matin je faisais à peu près 20 kilomètres pour prendre quelqu'un puis l'emmener à Sainte-Agathe pour six kilomètres, puis je m'en retournais chez moi et puis j'attendais l'après-midi pour aller la rechercher. Je faisais à peu près 50 kilomètres non payants puis j'en faisais six payants. Et c'est sûr que j'ai discuté souvent avec la personne. Elle disait : Crisse, elle dit, M. Leblanc, je n'ai pas de budget. Alors, en fin de compte, ce n'était pas du TA que je faisais, c'était du bénévolat en fin de compte, hein? Mais ce n'était pas une exception. Chez nous, il y a beaucoup d'endroits retirés comme ça. S'ils n'ont pas les budgets, ils ne peuvent pas demander à un chauffeur de taxi : Fais 20 kilomètres à vide, tu sais, pour faire 10 $, puis retourne-toi-z-en. Tu sais, si ce n'est pas rentable, tu fermes tes portes, hein?

Alors, c'est un peu ça, la problématique. Les gens ont dit, je pense, ce matin : Où ça va mal, donnez-moi un peu plus de budget, puis je pense qu'on va être capables de passer à travers.

M. Bonnardel : J'en conviens. Ça, c'est une discussion que certains ont eue ce matin. Maintenant, j'en conviens que vous pouvez dire : O.K., à la CTQ, on va dire à l'autre : Moi, je te permets de venir chez nous, correct, je sais que ça peut se faire. Mais, quand une municipalité demande un peu plus de concurrence pour des raisons autres, là, je pense que c'est adapté de se préparer à peut-être avoir une concurrence puis je le dis bien respectueusement. Si le quart du service est peut-être inégal puis qu'une municipalité nous dit : Moi, je n'ai pas le choix, il faut que je signe avec eux puis il n'y en a pas d'autres qui peuvent arriver sur le territoire, je pense que, là, c'est de permettre... c'est de penser, encore une fois, à l'usager. Vous n'êtes pas d'accord?

M. Lebreux (Serge) : Dans un monde parfait, oui, Mme la Présidente, sauf que l'équilibre financier est tellement fragile dans certaines régions du Québec qu'à partir du moment où est-ce que vous permettez à un joueur de me rentrer dedans, de me créer une compétition, le marché n'est pas assez grand pour ça. Ça fait qu'il y a des services de proximité qu'on offre actuellement, genre, le transport adapté, où est-ce qu'on cale de l'argent avec ça, mais on les maintient en place quand même parce qu'avec les profits qu'on fait avec nos berlines on vient éponger le déficit. Vous comprenez? Ça fait qu'à partir du moment... Si vous m'enlevez des revenus supplémentaires sur mes berlines, à un moment donné, il va y avoir une limite, là. Vous allez bien beau avoir les agglomérations que vous voulez ouvrir, il n'y aura pas personne qui va partir de Québec, venir mettre un truck de transport adapté à Gaspé ou à Chandler, je vous en... c'est sûr que non, alors que...

M. Bonnardel : Mais ça, je suis d'accord avec vous, là.

M. Lebreux (Serge) : Ça, c'est clair. C'est clair, mais...

M. Bonnardel : Mais là vous êtes en train de me dire : S'il y a un mauvais joueur, je le laisse là.

M. Lebreux (Serge) : Non. Convoquez-le en audience, M. le ministre.

M. Bonnardel : Bien, vous me dites, s'il y a un mauvais joueur, de...

M. Lebreux (Serge) : Si la municipalité n'est pas satisfaite de sa compagnie de taxi, convoquez-le en audience puis faites-lui un procès ou peu importe, mais c'est à vous autres d'impliquer, puis d'imposer les conditions, puis de sévir contre un titulaire de permis qui ne va pas de l'avant envers ses responsabilités. Comprenez-vous? C'est juste ça.

M. Bonnardel : Oui.

M. Leblanc (Serge) : D'ailleurs, juste aussi, je pense que... Prenons l'exemple de la ville de Montréal. Ils donnent 14 contrats de gré à gré. Lorsque quelqu'un respecte plus ou moins bien ses engagements, on baisse son quota, on remonte le quota de la personne qui est plus performante. Alors, ça fait une saine concurrence entre les compagnies de taxi. C'est sûr que, si on s'en va loin dans les territoires, il n'y a pas 10, 12 compagnies qui font du transport adapté, mais... exemple, dans l'Outaouais, je pense qu'il y a trois ou quatre compagnies qui en font. Dès que quelqu'un n'est pas performant, ne répond pas aux exigences, on le baisse puis on remonte l'autre. Moi, je pense, c'est de la bonne concurrence, ça force les gens à performer.

M. Bonnardel : Oui, je... persuadé que la concurrence, c'est encore la meilleure chose quand même pour ceux qui ne font peut-être pas le travail de façon adéquate, mais...

M. Lebreux (Serge) : Dans certaines régions du Québec, Mme la Présidente, notre compétiteur, le principal, c'est les compagnies d'autobus. En Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, le ratio d'autobus est deux fois plus élevé que le nombre de taxis qu'il y a disponibles. Ça, on pourra en reparler, de la concurrence, surtout quand c'est payé avec le Fonds vert.

M. Bonnardel : Donc, certains de vos collègues — je vous amène sur la tarification dynamique — certains sont pour, étaient pour, peut-être plus pour, d'autres qui ne le sont pas. Vous êtes où là-dedans, vous, pour la tarification dynamique? Parce que ça, c'était un des outils qu'on me demandait en début d'année. On le permet dès l'adoption de la loi. Vous en êtes où, vous, pour ce concept qui... En réalité, on met fin au monopole d'Uber, on vous permet de l'utiliser, mais là tout indique que, là, il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre.

• (21 heures) •

M. Basbous (Maroun) : Je pense... Bonsoir, Mme la Présidente, M. le ministre, tout le monde. Au nom de coop de Laval, que je représente aujourd'hui, on est contre le système dynamique, pour... l'unique raison que la priorité, c'est le client. Lorsqu'il sort de l'école, il a 5 $ dans ses poches, ça lui coûte 5 $ pour se rendre à la maison. S'il va sortir de l'école, et le taxi, il est dynamique, le prix est dynamique, ça va lui coûter 7 $, 8 $, il va rester devant la porte, il ne pourra pas se rendre chez lui.

Donc, la majorité des compagnies de taxi conventionnel sont contre. Il y en a une partie qui sont pour la facturation dynamique, mais la majorité sont contre. Et ça, c'est un enjeu, pour garder la clientèle, donner le bon service à la clientèle, de garder le même prix et ne pas utiliser le prix dynamique, même s'il y en a qui l'ont demandé. Moi, au nom de Taxi Laval, je vous annonce... Et toute le couronne nord, il y a du monde présent aussi, comme à Saint-Jérôme, ils sont prêts à garder le même prix, le même tarif, même si vous l'autorisez, dynamique. On va respecter le tarif de la CTQ parce que c'est le client qui est en premier.

M. Bonnardel : Mais vous êtes pour la modernisation, mais contre la tarification dynamique, et vous parlez de clients. Moi, je vous répète, si le client ou si le jeune a son téléphone et a trois applications sur son téléphone, je redonne le même exemple, ce sera à ce client de définir si je vous choisis, vous, parce que ça me coûte 8 $, un taxi qui arrive dans 12 minutes, ou que l'autre me coûte 6 $, mais le taxi va arriver dans 23 minutes.

M. Basbous (Maroun) : C'est le choix du client.

M. Bonnardel : Bien, voilà. Alors, pourquoi vous êtes contre?

M. Basbous (Maroun) : Nous autres, on est contre pour le taxi conventionnel que lui, le taxi... parce que, dans le nouveau projet de loi n° 17, ce qu'on comprend, il y a la modernisation, il y a la déréglementation. La modernisation, c'est tout ce qui est technologie de l'industrie du taxi. Et je suis bien... très placé, avec tout mon respect aux autres, parce que j'ai un autre chapeau. On est en train de moderniser, depuis l'an 2000, l'industrie du taxi. On a suivi... Depuis 2001, avec la coop de Laval, on s'est fait appeler pour développer des applications pour l'industrie du taxi. Maintenant, nous comprenons par modernisation tout ce qui est technologie. Et la déréglementation, ça, c'est le nouveau règlement, c'est le normatif et le formatif. Il y a deux choses à différencier.

Je ne suis pas aujourd'hui en train de parler d'un ordre ou quoi que ce soit. Ce qu'on souhaite... parce que ça fait des années, depuis 2001, depuis le 21 juin 2001, lorsque la loi n° 163 a été adoptée à l'Assemblée nationale, ici même, par l'ex-ministre Guy Chevrette, nous avons commencé à travailler à mettre en place la meilleure technologie possible. Et, depuis 2008, lorsque la loi nous a autorisés d'afficher et de mettre des écrans dans les taxis et dans les minibus... on est en pleine expansion au Québec. Et je me permets de dire qu'on est unique en Amérique du Nord parce qu'on se fait approcher par toutes les provinces canadiennes, aux États-Unis, en Europe, pour avoir les applications technologiques du Québec en matière de transport adapté, de transport collectif, de transport médical.

M. Bonnardel : Donc là, vous voulez maintenir la plaque T, vous voulez maintenir le 4C, vous voulez maintenir les territoires d'agglomération, vous voulez maintenir la tarification dynamique...

M. Basbous (Maroun) : Pas nécessairement maintenir les agglomérations. Il y a une formule, là, je peux dire, l'agglomération dynamique... Je donne un petit exemple. Laval, il y a 213 permis de taxi à Laval, mais il y a entre 1 700 et 2 000 chauffeurs et propriétaires de Montréal qui habitent à Laval. Donc, imaginez le matin qu'il va y avoir 2 500 taxis qui travaillent à Laval, il y a zéro taxi à Montréal.

Donc, on peut ouvrir le territoire pour tout ce qui est numérique et garder les agglomérations pour tout ce qui est conventionnel, parce que le conventionnel, c'est avec les chauffeurs de taxi, et le numérique, c'est avec les applications. Donc, il y a toujours un territoire de départ, une agglomération de départ. Et, à partir de l'agglomération de départ, avec le numérique, avec la localisation par GPS, la géolocalisation, on permet l'interéchange des agglomérations, parce que ce n'est pas logique que j'envoie quelqu'un...

Et je l'ai déjà vécu avec Exo, sur le territoire... Il envoie une voiture de Saint-Eustache, pour faire un appel à Lachenaie, pour monter à La Plaine. Pourtant, il y a une voiture qui finit à Lachenaie dans cinq minutes. Mais pourquoi envoyer une voiture parce qu'elle est libre à Saint-Eustache? Il cherche la voiture qui est libre. On ne cherche pas la géolocalisation. On n'utilise pas les systèmes technologiques existants actuellement. Il y a des systèmes qui disent : Je finis à telle place, donc je te donne le prochain appel à telle place s'il n'y a pas de voiture de disponible.

Donc, oui, on est pour une certaine façon de décloisonner les zones... mais qu'il y a toujours une zone principale par laquelle un chauffeur de taxi doit partir.

M. Bonnardel : Il me reste peut-être une minute.

La Présidente (Mme Grondin) : 30 secondes.

M. Bonnardel : 30 secondes? Je vous dis juste une chose pour la formation. Vous m'avez mentionné au début que, pour vous, c'était ridicule qu'on se déplace pour faire des centaines de kilomètres. C'est terminé, ça, là. La formation, on sera capable de l'avoir en ligne. Elle sera minimale. Elle sera définie par règlement. Mais ce n'est plus vrai qu'on va faire trois heures de véhicule pour aller passer une formation, qu'elle soit de sept heures, huit heures, 10 heures, 12 heures. Voilà.

M. Tremblay (Jean-François) : Mme la Présidente, si vous permettez, on est pour les quotas, on est pour la sauvegarde des agglomérations, parce qu'on croit que le filet social qui nous a été donné, le taxi, est un filet social qui protège les plus démunis actuellement. Puis on croit que, si le projet de loi n° 17 est adopté, ça va venir effriter ce filet-là et ça va exposer aussi les gens en région à prendre leurs voitures beaucoup plus. Tu sais, déjà, c'est en haut de la normale pour qui va représenter un risque davantage pour les accidents en état d'ébriété.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci. On va poursuivre les échanges, là, vous ne quittez pas. On va continuer les échanges avec l'opposition officielle. M. le député de — je reconnais — La Pinière, la parole est à vous.

M. Barrette : Pour 15 min 40 s. Il y a des moments où j'aimerais aller m'asseoir avec vous, sincèrement, là. En tout cas, aujourd'hui, à peu près avec tout le monde, là, j'aurais aimé ça être assis avec vous parce que... particulièrement, vous autres et les groupes comme vous, là, qui êtes dans une région moins urbaine, là. Quand j'écoute le ministre vous parler, c'est clair que sa vision des choses ne s'adresse pas à vous autres. Je pense que les prémisses sur lesquelles il base son raisonnement ne peuvent pas s'appliquer à vous, et le discours qui est tenu est un discours qui n'est pas sur le même sujet.

Je m'explique. La vision du ministre, dans son projet de loi, puis je fais une espèce d'éditorial, là, puis vous me corrigerez si je suis dans les patates, la prémisse du ministre, là, c'est qu'en libéralisant le marché, en déréglementant tout, il va y avoir une affluence quasi infinie de services. C'est peut-être vrai dans la grande région de Montréal, dans la grande région de Québec. C'est peut-être vrai. Moi, je pense que la prémisse ne peut pas s'appliquer en région et je ne pense pas... Puis il y a bien des gens qui l'ont dit ce matin, puis je pense que, si je vous demande si, en région, actuellement, à cause du projet de loi n° 17, qui est là sur la table, il y a du monde qui abandonne le taxi, probablement que vous allez me dire oui.

M. Lebreux (Serge) : Absolument. Puis vous avez juste à demander à M. le député de Rivière-du-Loup. Son propriétaire de taxi a perdu, dans les trois dernières semaines, environ entre sept et 10 chauffeurs, je ne suis pas sûr, là. Pour lui, c'est majeur.

M. Barrette : L'éléphant qui est dans la pièce, là, c'est que la prémisse du ministre, c'est l'affluence, alors que, vous autres, votre problème, c'est la rentabilité. Vous avez un problème de rentabilité. Quand je vous écoute puis que vous me dites : Je m'engage à donner un service 24 heures par jour, sept jours par semaine, parce que ce que je perds le soir et la nuit, je gagne le jour, ça s'équilibre, je donne le service, bien, ça, ça ne va pas être compensé par un paquet de monde qui vient.

Et moi, je vais dire la chose suivante, qui n'est jamais dite, c'est la première fois qu'elle va être dite depuis le début des commissions. Le chauffeur d'Uber et autres patentes de ce genre-là, là, il a une vie, lui, à côté. Il prend son char... Il gagne sa vie, lui. Il gagne sa vie. Son revenu lui permet d'avoir un char qu'il utilise dans du taxi, genre Uber. Ça s'appelle un revenu d'appoint. Vous autres, c'est votre revenu total, c'est votre vie. Vous n'avez pas un «sideline», là. En général, là, vous vivez de ça. Vous ne gagnez pas à la loto. Vous n'avez pas un condo en Floride. Vous êtes avec ça, là... Oui?

• (21 h 10) •

Mme Dallaire (Carole) : Je veux rajouter à ça que, contrairement à ce qui est dit depuis... je suis ici depuis hier, en région, les chauffeurs ne sont pas locataires, tous les chauffeurs sont à pourcentage. Puis moi, les chauffeurs, dans ma compagnie, chez nous, c'est des employés... que je paie des déductions à la source. Donc, c'est des salariés, en plus. Ça fait que c'est pour ça que, souvent, on ne se sent pas rejoints par la nouvelle loi. C'est trop des changements qui ne nous représentent pas, qu'on veut... Oui, je comprends, peut-être que la MRC de Saint-Honoré, dans le coin, chez nous, elle n'en a pas, de transport adapté, mais je ne peux pas faire 35 kilomètres à vide pour aller chercher quelqu'un qui va à deux kilomètres plus loin. Je vais le faire deux jours, puis le troisième jour, je vais arrêter.

M. Barrette : Bon, O.K. Oui, oui, je vous comprends, ce qui nous ramène à la rentabilité du propriétaire.

Mme Dallaire (Carole) : Il faut que je le paie, mon chauffeur.

M. Barrette : Alors, celui qui va venir, là, mettons qu'il y en a, là, qui viennent faire des revenus d'appoint pendant la game des Saguenéens, bien, c'est bien beau, là, mais ce gars-là, il travaille peut-être chez Rio Tinto, vient faire un revenu d'appoint, s'en retourne le lendemain à Rio Tinto, mais vous autres, vous n'êtes pas à Rio Tinto puis vous avez fait vos courses...

Mme Dallaire (Carole) : De toute façon...

M. Barrette : Non, mais on s'entend, hein? C'est ça, la patente, là, ce n'est pas le même univers. Et alors, à partir du moment où on libéralise en région, les chances d'avoir un effet délétère, négatif, sont très grandes, que les villes disent... parce que, contrairement à ce que le ministre a dit, là... Le ministre a dit : Ce matin, les villes, les municipalités sont venues nous dire qu'elles étaient toutes heureuses d'être contentes, il y avait plein, plein, plein d'opportunités. Mais elles ont toutes dit qu'il y avait un risque que ça soit le contraire.

Moi, quand je regarde ça, là, pragmatiquement, je pense qu'il y a plus de chance que ça aille mal après qu'avant, ça, c'est mon opinion, alors... parce que c'est vous autres qui le donnez, le service, là. Vous avez déjà un problème de rentabilité. N'importe quel joueur qui vient faire un revenu d'appoint va venir baisser votre rentabilité. Vous allez sacrer votre camp. Et il n'y a personne qui va partir de sa job de Rio Tinto pour venir faire du Uber ou du transport adapté. Est-ce que je me trompe quand je dis que, pour vous autres, là, en région, vous avez besoin, sur la base de la rentabilité, d'une protection minimale d'un volume d'activité, avec le financement approprié? Je suis-tu dans les patates, là, ou je suis à la bonne place?

M. Basbous (Maroun) : Pas seulement dans les régions, même dans les grands centres urbains.

M. Barrette : Ah non! Je suis d'accord avec vous, là. Je suis d'accord avec vous.

M. Basbous (Maroun) : La ville de Montréal, dans l'Est et dans l'Ouest, la ville de Laval, dans l'Est et dans l'Ouest, parce qu'elles sont en longueur, si les voitures se concentrent, et on l'a vécu, on l'a testé... si les voitures se concentrent au centre-ville de la grande ville, il n'y aura pas de service sur les extrémités.

M. Barrette : Le ministre va vous répondre, lui, là, que... Dans la ville, là, en question, plus urbaine, là, comme Laval, mettons, là, le ministre va vous répondre que la déréglementation va amener tellement de monde faire de l'appoint que vous allez être heureux puis vous n'allez rien perdre.

M. Basbous (Maroun) : Où ça va m'amener...

M. Barrette : J'ai de la misère à le concevoir, là. Puis je vais vous dire une affaire, je le conçois très bien, c'est sûr qu'au Centre Bell, là... puis là il va y avoir des engorgements, là, épouvantables, comme ça l'est déjà, mais il va y en avoir encore plus. Tout le monde va être content, on va trouver vite un taxi. Moi, j'en prends des taxis, rarement, là, mais ça m'arrive. Je n'ai jamais de problème, mais il peut y avoir des circonstances où c'est vrai que ça peut aider les choses. Mais l'effet total, même en ville, pas sûr que c'est «winner», là, puis, en région, je suis sûr que ce ne l'est pas.

M. Basbous (Maroun) : Ce que je peux vous répondre, là, ce n'est pas toujours évident que les grands événements, c'est des grands acheteurs de services de taxi. La Place Bell, à Laval, là, lorsqu'ils sortent d'une game de hockey, des fois, il n'y a même pas cinq appels, alors que la Place Bell, elle est pleine à craquer. Mais là le monde, les chauffeurs de taxi se garrochent tout autour de Place Bell, mais il n'y a personne qui sort.

Donc, chaque secteur, chaque région... Ce qu'il nous manque, c'est un dénominateur commun pour toutes les régions du Québec. Je suis d'accord avec ce qu'il a dit, M. le ministre, c'est que ça prend une formule pour tout le Québec, pas pour un secteur, pour une région, pour une ville. Donc, nous autres, on a présentement... Tantôt, il a dit, M. Frédéric Prégent, qu'ils ont, pour les 10 dernières années, des informations et des données que M. Péladeau a refusé indirectement de les donner.

M. Barrette : Ah! très directement, très directement.

M. Basbous (Maroun) : Poliment, je le dis, nous, on a en notre possession des informations. Je peux me permettre de dire, au nom de l'industrie du taxi, majoritairement, je les connais tous personnellement, si c'est du donnant-donnant, ils sont prêts à mettre entre les mains du ministère, pour faire une étude d'impact officielle, avec les 10 dernières années, des informations, des heures, de la mobilisation. On a les traces GPS, les numéros de téléphone, les adresses, les déplacements de tel point à tel point, en matière de transport adapté, transport collectif, appels réguliers, appels par l'application, qui, dans le cas de la ville de Laval, ne dépasse même pas 3 %

M. Barrette : O.K. Je vais passer la parole à mon collègue qui a un important sujet à adresser, là, mon collègue de Viau.

La Présidente (Mme St-Pierre) : M. le député de Viau.

M. Benjamin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Vous savez, c'est assez particulier, depuis qu'on a commencé ces séries de consultations, j'ai observé que les premiers concernés par ce projet de loi cherchent encore qu'est-ce que ce projet de loi a d'intéressant à leur offrir. Et quand j'entends... quand je parle de premiers concernés, je parle de vous, les professionnels de l'industrie du taxi. Je pense aussi aux clients, aux usagers, parce qu'il y en a qui sont venus rappeler au ministre, justement, le caractère... et, je le répète encore, puisque c'est leur mot, les usagers du transport adapté, qui ont parlé du caractère inhumain... Ce qu'on voit... Donc, vous avez évoqué les pertes d'emploi. Donc, à ce que je sache, Uber n'a pas créé d'emploi dans les régions, à ce que je sache.

Je vais vous amener, M. le président, donc, sur un exemple que vous avez rapporté dans votre mémoire. Vous évoquez un phénomène très préoccupant concernant le cas des chauffeurs de taxi, les chauffeurs de Mont-Tremblant. C'est un phénomène, c'est celui de voir à certains endroits de nouveaux acteurs qui viennent certains moments durant l'année où la demande est plus élevée. Malheureusement, ces acteurs temporaires laisseront le... aux chauffeurs professionnels établis à l'année à cet endroit. Pensez-vous qu'une personne qui vient de faire un transport un soir à Mont-Tremblant, durant un événement d'envergure, et qui repart après n'a pas une obligation aussi importante d'offrir un service de qualité puisqu'il peut revenir ponctuellement?

M. Leblanc (Serge) : C'est évident que vous citez Tremblant, qui est une région très particulière. Il y a une problématique sérieuse là. D'ailleurs, la chambre de commerce de Tremblant, je les ai rencontrés avec M. Lebreux. On a parlé avec les dirigeants de la ville, tout ça. C'est sûr que Tremblant, ce qui arrive, c'est qu'en temps normal il y a une dizaine de taxis, puis je pense qu'en temps normal ça répond bien à la demande. Lorsqu'arrive le soir, les week-ends, ce n'est pas 10 taxis qu'il faudrait, il en faudrait peut-être 25 et 30. Puis ça a créé toutes sortes d'événements, en tout cas, là, les bris de vitres de taxis, les gens se battent, les gens... En tout cas, c'est problématique.

Et moi, c'est là peut-être que je rencontre une des recommandations de M. le ministre. C'est que moi, je pense que, dans certaines agglomérations, il est temps de les revoir, parce que je pense qu'on peut réformer certaines agglomérations pour donner un meilleur service, parce qu'il faut dire que les agglomérations, tout de même, ça date de 1973, puis, depuis ce temps-là, il y a des villes qui sont venues au monde. Il y a des populations qui ont été prises en des endroits...

Alors, c'est bien évident que certaines agglos, dans le moment, ça ne peut pas répondre exactement... Mais, pour tout faire ça, nous, on recommande, comme tel, une étude d'impact. En 1973, quand ils ont parti les agglos, de 1970 à 1973, avec le rapport Bossé, ils ont étudié tout ça puis ils ont dit : Une agglo, ça a deux objectifs, répondre aux besoins de la population de l'agglo puis s'assurer de la rentabilité de ceux qui donnent le service. Et puis Tremblant est un exemple éloquent de ça aujourd'hui, où, honnêtement, on est ouverts à ça. Puis il y a peut-être d'autres places que Tremblant, mais ça demande des ajustements et ça demande des études.

Mme Dallaire (Carole) : Si je pourrais ajouter... Lorsque j'ai fait partie du comité de modernisation, on avait recommandé au ministre, dans le temps, que certaines agglomérations... pourquoi ne pourraient-elles pas ressembler aux nouvelles villes qui ont été fusionnées? Tu sais, comme nous, à Saguenay, on est... Saguenay, ensemble, on travaille mutuellement, une chance, mais parce qu'il y a trois agglomérations. Il y a La Baie, il y a encore Chicoutimi et Jonquière. Mais souvent, lorsqu'il y a des activités, bien, on se permet mutuellement de s'entraider, parce que la nouvelle ville, c'est Saguenay, dans le fond.

M. Benjamin : Vous savez, un des grands défauts de ce projet de loi, c'est le mur-à-mur, c'est la déréglementation et c'est le fait qu'aujourd'hui, quand on regarde l'industrie... et, au fil de vos présentations, on l'a vu, les réalités de Montréal ne sont pas les mêmes que celles de Laval, ne sont pas les mêmes que celles de Mont-Tremblant, de Lanaudière, des Laurentides.

Dans votre mémoire, d'ailleurs, vous évoquez le cas d'un secteur aussi petit que la municipalité de Saint-René-de-Matane, mardi soir. Vous écrivez : «Bienheureux celui qui peut prétendre connaître l'impact du projet de loi et de l'ouverture des marchés...» Moi, je pense que, comme Association des taxis des régions du Québec, qui dessert des membres de Gaspé jusqu'à Hull, en passant par Trois-Rivières et Rivière-du-Loup, vous êtes en mesure, par votre expérience, de nous dire ce qui va se passer.

Donc, je vous pose la question. Quel sera l'impact du projet de loi et de l'ouverture des marchés sur un secteur aussi petit, par exemple, que la municipalité de Saint-René-de-Matane, le mardi soir, par exemple?

• (21 h 20) •

M. Lebreux (Serge) : Bien, je vais prendre la ville d'Amqui. La ville d'Amqui, c'est juste à côté, pas loin, juste en arrière. Vous connaissez tous la ville d'Amqui. Ils viennent de remettre des taxis en fonction ça fait peut-être six mois. Ça faisait un an et demi, deux ans qu'il n'y en avait plus de taxis. Pourquoi? Parce que le transport illégal est tellement venu effriter l'offre de service que les propriétaires présents à ce moment-là ont dû abandonner leur permis de taxi.

C'est un cas frappant, mais Saint-René-de-Matane, aussitôt... L'équilibre est tellement fragile qu'en région, dans certaines régions, aussitôt que tu vas amener une certaine compétition, que ce soit avec des autobus, peu importe, c'est sûr qu'on va assister à un effritement de l'offre de service, c'est officiel. Puis ça, moi, j'aurais une question à Mme la présidente là-dessus.

Actuellement, en région, les gens, les contrôleurs... Et puis les contrôleurs routiers ne suffisent pas. Dans la législation, les gars nous le disent, quand même tu me ferais une plainte... fais-moi pas de plainte, on va monter le dossier, on va arriver en cour, puis ils vont nous débouter pareil. Ça fait que moi, ma question : Devant la multiplicité de ces joueurs actifs là qui vont s'en venir chez nous, comment le ministre pense-t-il contrôler l'incontrôlable?

La Présidente (Mme Grondin) : M. le député de La Pinière.

M. Barrette : La réponse, c'est le ministre qu'il l'a, c'est la loi n° 17. Tout va être réglé. C'est simple, la loi n° 17 crée une infinité d'opportunités, puis tout est réglé. C'est Amqui que vous avez dit... Est-ce que j'ai bien compris? Alors, qu'est-ce qu'elle a fait, la ville, pour pallier à ça? Pouvez-vous nous parler de tous les efforts qu'ils ont faits, qui ont été...

M. Lebreux (Serge) : ...assez le dossier, mais je sais que la dame a repris le service, en tout cas, la compagnie de son mari qui était décédé, mais il y a eu un gros laps de temps où est-ce qu'il n'y avait pas de...

M. Barrette : Mais la ville a fait des efforts.

M. Lebreux (Serge) : Aucune idée. S'ils ont des autobus, ils n'ont plus besoin de taxis.

M. Barrette : O.K. Mais vous, là, puis je reviens à la question que je posais, vous avez répondu, par le député de Rivière-du-Loup...

La Présidente (Mme Grondin) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Barrette : ...vous, vous voyez littéralement, aujourd'hui, là, puis peut-être les autres aussi...

M. Lebreux (Serge) : On observe.

M. Barrette : Vous observez des gens quitter cet univers-là à cause du fait que la loi n° 17...

M. Lebreux (Serge) : Oui, l'instabilité, les gens retournent à leurs anciennes professions.

M. Barrette : C'est ça, voilà. Alors donc, c'est un terreau propice à voir s'établir peut-être des Uber, mais pas partout. Voilà.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre les échanges avec la députée de Mercier.

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. En fait, ce que j'entends, c'est que, surtout dans les régions, le taxi, c'est un service qui répond à des besoins, aux gens, là, pour ne pas qu'ils soient isolés. Quand on pense au transport adapté, aux personnes aînées, ce n'est pas juste pour... L'objectif aussi en région, c'est que ça offre un service, même si ce n'est pas tout à fait rentable, alors que, là, en déréglementant, si c'est rentable... puis sinon, bien, «too bad» pour ceux qui n'y auront pas accès.

Il y a eu des gens des municipalités, notamment la Fédération québécoise des municipalités — vous avez assisté à leur présentation — qui ont parlé des réalités difficiles qu'ils ont en ce moment : pas assez de chauffeurs, pénurie de la main-d'oeuvre, que ce soit pour le transport adapté, aussi pour le transport intégré, par exemple les taxibus, parce que c'est aussi... le taxi offre du transport collectif. Puis où on a aussi entendu parler, puis, je sais, le ministre est sensible à ça, puis on est tous sensibles à ça... où est-ce qu'ils disaient que, par exemple, les taxis offraient peut-être un mauvais service puis ils laissaient les gens sur le bord du chemin parce qu'ils ne voulaient pas aller jusque chez eux.

Qu'est-ce qui est possible avec la loi actuelle? Vous en avez parlé un petit peu par rapport aux agglomérations. Qu'est-ce qui est possible de faire actuellement, avec la loi actuelle, de mettre en place pour régler les problèmes qui sont vécus, réels, par les gens qui sont venus ici témoigner en commission? Là, il y a le projet de loi n° 17. Il y a peut-être des éléments là-dedans qui sont corrects, mais là, en ce moment, il fait du mur-à-mur. Mais qu'est-ce qui seraient des mesures actuelles pour régler les problèmes des gens qui sont venus parler?

Mme Dallaire (Carole) : Bien, écoutez, j'entendais le monsieur hier qui parlait des municipalités. Quand il a parlé de Normandin, où il n'y avait pas de taxi, puis qu'avec la nouvelle loi, peut-être qu'il y en... s'il y aurait rentabilité, bien, c'est certain que le taxi, il serait là. Pourquoi le taxi de Normandin a abandonné, c'est parce qu'à un moment donné ce n'était plus rentable. Il n'était plus capable. Tu sais, à Saint-Félicien, il y avait beaucoup plus de taxis que ça avant. Il y a des places sur la Côte-Nord... À Sept-Îles, il y avait beaucoup plus de taxis que ça avant. Il y a moins d'usines, il y a moins de clientèle, donc il y a moins de taxis.

Donc, ce qui fait qu'on réussit à rester, c'est les contrats publics, les contrats avec les sociétés de transport. On essaie de se diversifier avec plein de nouveaux services, plein de choses, mais il faut quand même qu'il y ait une rentabilité. La personne qui a un permis de taxi à Normandin, si elle n'est pas capable de rentabiliser, elle abandonne. Et là c'est sûr que la municipalité, les MRC, tout ça, ne sont pas capables d'avoir de service, c'est certain, quand on est rendus dans des petites municipalités où la population n'est pas là.

Mme Ghazal : O.K., mais ce problème-là date depuis quand même longtemps. Est-ce qu'il y a des propositions que vous avez faites au gouvernement pour pallier à ça?

M. Lebreux (Serge) : Premièrement, on a demandé à avoir accès aux 570 000 membres de la FADOQ, qui demandent juste à faire un retour au travail, comme le président le stipulait voilà... D'ailleurs, on a rencontré le ministère du Revenu, moi, Serge puis un de nos confrères, l'été dernier. On a soumis une proposition au ministère du Revenu pour essayer de trouver une façon de créer un incitatif avec le système fiscal au lieu d'en faire un élément de répression. On a tenté, avec le ministère du Transport — à ce moment-là, c'était M. Martin Breault qui était là — de faciliter l'accès à la profession en nous donnant une période de trois mois, être capable de by-passer tous les délais interminables, administrativement parlant, pour être capable d'engager plus vite, d'embaucher plus vite. C'est des solutions qui ne coûtent rien puis qu'il va falloir aller de l'avant avec la loi... La loi n° 17 n'amène pas... Moi, les régions... Elle n'aidera pas nos régions, la loi n° 17, même s'il n'y a plus de «pocket», même s'il n'y a plus de 4C, là.

Mme Ghazal : ...les mesures que vous proposez puis qui ne coûtent rien, quelle a été la réponse? Le projet de loi n° 17?

La Présidente (Mme Grondin) : En quelques secondes.

M. Lebreux (Serge) : Ah! c'est tout le temps... Non, bien, pas pour l'instant, là. On n'a pas eu de réponse encore. Mais on n'a jamais eu de réponses à nos questions, même si on a fait des suivis par rapport à ça.

Mme Ghazal : ...vous étiez sensibles à cette réalité-là puis vous aviez des propositions. Merci.

M. Lebreux (Serge) : Absolument.

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Nous terminons les échanges avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Le ministre a comme un de ses objectifs celui de moderniser l'industrie du taxi. Pouvez-vous nous résumer ce qui est bon pour vous et qu'est-ce qui vous permet de moderniser l'industrie du taxi en région?

M. Lebreux (Serge) : Bien, actuellement, moi, je trouve qu'il n'y a rien de bon dans la loi n° 17. L'ennemi s'en vient là puis le ministère est en train de tirer là. Il ne tire vraiment pas sur la bonne «target».

La modernisation de l'industrie, ça passe par l'encadrement, la formation, le monitoring des chauffeurs de taxi. C'est par là que ça passe, M. le ministre. Si on pense être capables de prendre soin de nos aînés, à mobiliser nos aînés plus tard, dans cinq à 10 ans, ça ne sera pas avec Uber qu'on va être capables de le faire, Mme la Présidente, mais ça va être avec une industrie du taxi sérieuse, bien encadrée, bien réglementée, avec des bons programmes de formation, auxquels tout le monde va pouvoir avoir accès à distance. Ça, c'est ma vision personnelle à moi.

M. Arseneau : Donc, vous ne voyez aucun outil de modernisation, mais, au contraire, une menace liée à la déréglementation.

M. Lebreux (Serge) : M. le ministre m'a dit... qu'il enlève le 4C puis le «pocket», ça ne changera absolument rien parce que, fiscalement parlant, les gens sont toujours enclavés pareil puis ils n'ont plus d'argent. Donc, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Ça fait que, quand même que je lui proposerais... Ça ne peut pas... Le problème n'est pas au niveau du «pocket». Le problème est au niveau de la défiscalisation de nos travailleurs qui voudraient faire un retour au travail, mais il va falloir qu'ils paient pour travailler.

M. Arseneau : D'accord. Maintenant, j'aurais une deuxième question. Moi, je veux revenir sur la notion de pacte social, parce que j'y crois, parce que je le vois, moi, dans la région que j'habite.

Ce que je comprends, c'est qu'il y a un genre d'interfinancement entre les contrats que vous pouvez avoir pour des municipalités, des MRC ou différentes organisations et le service de taxi, disons, régulier, là, et que les compagnies de taxi fonctionnent dans un environnement assez fragile sur le plan économique, et l'un et l'autre permettent d'interfinancer le service. Et là ce qu'on vous dit, c'est qu'avec la libéralisation on va fragiliser une partie de vos revenus. Puis, par ailleurs, tout le monde va pouvoir soumissionner dans les contrats. C'est un peu ce qui se passe. Donc, le plus fort va gagner, mais vous, vous allez perdre, et, si je comprends bien, la clientèle va perdre beaucoup. Il va y avoir rupture de service bien des jours, bien des saisons, bien des heures. C'est ça?

M. Tremblay (Jean-François) : C'est ça. Si je peux me permettre, ce qui risque d'arriver, c'est que les surplus qu'on dégage en période, on va dire, du lundi au vendredi, de jour, où est-ce qu'il y a des contrats puis un bon roulement, si on risque de s'effriter dans cette période-là, bien, la nuit, on n'aura plus les reins assez solides pour faire du...

Moi, dans bien de mes régions, la nuit, je paie pour travailler. Ça me coûte de l'argent, travailler. Il y a des régions où — les gens ne me croiront peut-être pas — il y a 10 000 personnes, ça fait 15 ans que j'ai le numéro de téléphone, puis je réponds pour donner du service, puis il y a des nuits qu'il y a deux appels en 12 heures. Moi, je paie le chauffeur pareil, tout, pour rester fidèle au poste, comme on pourrait dire. Je me reprends sur les développements que je fais dans le jour puis la certitude que j'ai des revenus assez fixes dans le jour.

Même chose pour le développement que j'ai fait dans les véhicules adaptés, accessibles. C'est avec les profits que j'ai faits avec mes 10, 15 berlines que je peux me permettre de ne pas faire d'argent, pour développer et l'adapter pendant deux, trois ans, à ne pas faire un sou, mais je le développe parce que je me dis : Je fais un peu d'argent avec les berlines, je peux me permettre de développer d'autres secteurs peu populaires. Si on vient jouer dans mon petit crémage de mes véhicules plus berlines, si je perds ça, je ne suis plus capable de donner le service qui n'est pas payant.

La Présidente (Mme Grondin) : En 20 secondes.

• (21 h 30) •

M. Arseneau : En fait, ce que vous nous décrivez un peu, c'est un peu ce qui se passe dans le transport aérien en région ou dans le transport interurbain, là où la compagnie dit : Tel segment n'est pas rentable, je vais l'abolir. C'est ce qui va arriver. Tel segment n'étant pas rentable dans les régions, dans les territoires... Donc, le client va perdre en région, c'est définitif.

M. Basbous (Maroun) : ...

La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Je suis désolée. Madame messieurs, merci beaucoup pour votre contribution.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 8 mai, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 31)

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