(Onze heures trente minutes)
La
Présidente (Mme Grondin) : Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de
l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre, évidemment, la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder à des
audiences publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 17, Loi concernant le transport rémunéré de personnes par
automobile.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Montpetit
(Maurice-Richard) est remplacée par
M. Kelley (Jacques-Cartier).
Remarques
préliminaires
La
Présidente (Mme Grondin) : Parfait. Cet avant-midi, nous allons débuter par les remarques
préliminaires puis, par la suite, nous allons entendre un premier groupe
qui s'est inscrit à cette audition, soit le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec. Je cède donc la
parole au ministre des Transports pour ses remarques préliminaires. M. le
ministre, vous disposez de six minutes.
M. François
Bonnardel
M. Bonnardel : Merci,
Mme la Présidente. Salutations à mon collègue
de La Pinière, ma collègue de Mercier, mon collègue des Îles-de-la-Madeleine.
Je suis très heureux de participer aujourd'hui,
donc, au début des consultations parlementaires sur le projet de loi n° 17
concernant le transport rémunéré des personnes par automobile.
Le
20 février dernier, j'ai confirmé l'intention du gouvernement du Québec de moderniser l'industrie du
transport rémunéré de personnes par automobile. J'annonçais également
l'éventuel dépôt d'un projet de loi qui allait jeter les bases d'une vaste
réforme en atteignant quatre objectifs, soit mettre fin à la gouvernance par
des projets pilotes, rendre l'industrie plus équitable, alléger les fardeaux administratifs,
réglementaires et financiers des entrepreneurs et faciliter l'émergence des
innovations. C'est pour répondre à ces quatre objectifs qu'un mois plus tard,
le 20 mars, j'ai déposé à l'Assemblée nationale cet important projet de
loi, afin d'encadrer de façon globale l'industrie du transport rémunéré des
personnes.
Ce projet de
loi, nous l'avons d'abord pensé pour le bénéfice des usagers et tous les
usagers, incluant les démunis, les
personnes handicapées. Nous souhaitons qu'ils aient accès à plus de services,
qu'ils profitent d'une saine concurrence au sein de l'industrie et d'une plus grande transparence sur le prix des
courses. Nous avons également la volonté d'assurer une transition
harmonieuse et assurer la vitalité de l'industrie traditionnelle du taxi à long
terme.
Les
consultations parlementaires qui s'amorcent aujourd'hui permettront aux acteurs
du milieu, à la société civile ainsi qu'aux parlementaires d'apporter
leur éclairage sur ce projet de loi actuel. Il s'agit d'un exercice
démocratique important, et, comme ministre, je réitère mon ouverture à bonifier
la réforme qui est devant nous.
D'entrée de
jeu, je me permets un rappel des grandes lignes du projet de loi n° 17.
D'emblée, le projet de loi se base sur
le principe général selon lequel l'ensemble des chauffeurs et des automobiles
doivent répondre aux mêmes normes. Nous visons non seulement à assurer un équilibre entre les différents
joueurs, mais également une équité dans leur traitement, tout en allégeant les contraintes administratives.
Ainsi, tous les chauffeurs seront obligatoirement tenus de se soumettre à
une vérification de leurs antécédents judiciaires par un corps policier, de
détenir un permis de conduire de classe 5 depuis au moins une année,
d'avoir suivi la formation prescrite et avoir réussi un examen sur les
connaissances requises.
Le projet de
loi donnera aussi la possibilité à l'industrie du taxi d'introduire... d'offrir
une tarification dynamique lorsque la
course est demandée à partir d'un moyen technologique, par exemple, d'une
application mobile permettant de connaître
le prix maximal et d'y consentir avant d'être mis en relation avec le chauffeur.
De plus, tous les chauffeurs auront la possibilité d'offrir leurs
services partout au Québec puisque le projet de loi propose d'abolir les quotas
de permis par agglomérations.
L'industrie du taxi traditionnelle est également
préservée. Partout au Québec, seuls les taxis tels que nous les connaissons pourront offrir un déplacement demandé
par téléphone ou hélé dans la rue ou à un poste de taxi, ce qui
représente la grande majorité des demandes de transport rémunéré de personnes.
De plus, ils seront les seuls à pouvoir apposer un lanternon et utiliser un
taximètre. Nous protégeons donc les artisans du taxi.
En terminant,
je tiens à réitérer mon enthousiasme à l'idée d'entendre au cours des prochains
jours et des prochaines semaines des
propositions constructives qui nous permettront de bonifier et d'adopter une
nouvelle loi assurant entre tous les joueurs de l'industrie... et ce, au
bénéfice des usagers. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Grondin) : Merci,
M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport et député de
La Pinière à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de quatre
minutes.
M. Gaétan Barrette
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de saluer le ministre pour son
premier projet de loi. Je pense qu'il va
trouver ça intéressant, nous aussi, les collègues de l'aile parlementaire du
gouvernement, salutations également à nos collègues des oppositions.
Alors, nous, de notre côté, au Parti libéral, je suis accompagné du député de Viau
et du député de Jacques-Cartier, qui va se joindre à nous dans quelques
instants puisqu'il parle actuellement en Chambre.
Alors,
Mme la Présidente, je vais aller directement au point. Oui,
nous allons participer de façon constructive à l'étude de ce projet de loi là. Oui, parce
que c'est nécessaire
pour un certain nombre de raisons. Bon, d'entrée de jeu, et je
l'ai dit, je vais le redire, et c'est important de le dire, le ministre a
choisi de séparer les deux dossiers qui sont les plus importants dans ce projet de
loi là. Le ministre
nous l'a dit d'une façon claire, nette et précise, son projet de loi, il est centré sur l'usager,
et, en quelque part, c'est tellement asymétrique comme position qu'on peut se demander
si l'enjeu... des acteurs actuels de
l'industrie du taxi ne sont pas oubliés. C'est comme ça qu'ils se sentent aujourd'hui et c'est la raison pour laquelle ils manifestent aujourd'hui. Il y a une asymétrie dans le poids relatif que le ministre
donne, dans son projet de loi, à ces différents intervenants là, et ça,
c'est une réalité qui est incontournable.
Alors,
la question de la compensation, le ministre
a choisi de la sortir du projet de
loi. Je trouve ça malheureux, je l'ai dit aujourd'hui. C'est quelque chose dont on ne peut pas faire
abstraction. On n'en discutera peut-être pas aujourd'hui, ça se peut qu'on le ramène, mais il y a une chose qui
est certaine aujourd'hui, on n'a pas d'engagement de la part du gouvernement
à compenser de façon pleine et entière les propriétaires de permis qui sont
lésés là-dedans.
De
l'autre côté, il y a le projet de loi, mais le projet de loi... je viens
d'entendre le ministre, Mme la Présidente, et le projet de loi, encore une fois, ne dit pas grand-chose sur ce que
sera l'industrie du transport de personnes rémunéré, autre que de dire que ce sera sur des applications,
hein? Alors, c'est un projet de loi qui est un projet de loi de
déréglementation pure et simple. Je l'ai dit
à plusieurs reprises, partout où on a fait des déréglementations massives, on a
fini par revenir avec un minimum de
réglementation, et ce n'est pas surprenant. La déréglementation absolue n'est
pas un principe économique viable. Il est viable pour les peu nombreux
qui y trouvent leur compte, mais il y a trop de gens qui, au bout de la ligne,
sont lésés d'une manière ou d'une autre, et ça, ce n'est pas quelque chose qui
est acceptable.
Alors, c'est sûr
qu'on va faire une étude détaillée. On va entendre les gens qui, dans quelques
minutes, vont commencer à s'exprimer et qui eux-mêmes soulèvent ça, même s'ils
sont en faveur du projet de loi. Ce n'est pas adressé — c'est un anglicisme — dans le projet de loi. Soyez assurés que
nous y serons et que nous allons tout faire pour que ces sujets-là
soient traités de façon adéquate, ce qui n'est pas là.
J'entendais
le ministre nous dire qu'on va, dans le projet de loi, assurer la vitalité de
l'industrie traditionnelle du taxi. Lorsqu'on a eu notre séance de
breffage, j'ai posé la question à son sous-ministre et à ses
fonctionnaires : Où est l'avantage du taxi? La réponse a été des postes
d'attente, on peut héler puis on peut avoir une commande au téléphone. Franchement, ça, là, si c'est ça qui est
l'avantage, bien, je peux vous dire, Mme la Présidente, qu'on va passer des
heures à exiger une explication claire, une
démonstration claire de l'avantage que ça donne, procure aux gens qui sont
actuellement dans le taxi.
Il
me reste quelques secondes, Mme la Présidente. Je termine en disant encore une
fois notre volonté de faire en sorte que le projet de loi atterrisse
d'une façon adéquate pour tout le monde, alors qu'au point de départ ça ne
l'est pas, et on ne pourra pas faire abstraction de la compensation. Merci, Mme
la Présidente.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. le député, pour vos remarques. J'invite
maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de
transport et députée de Mercier à faire ses remarques préliminaires. Vous
disposez d'une minute.
Mme Ruba Ghazal
Mme Ghazal :
Très bien. Alors, bien, bonjour, tout le monde. Merci à tout le monde d'être
présent. De mes 60 secondes que j'ai,
je veux aussi profiter pour saluer les chauffeurs de taxi, les travailleurs du
taxi qui sont en train de manifester aujourd'hui et je veux leur dire
qu'ils ne sont pas seuls et ils ont raison.
Ils
ont raison, et, contrairement à la façon qu'on le dépeint, ce ne sont pas des
dinosaures, ce ne sont pas des gens qui sont contre la modernisation. Au contraire, les travailleurs du taxi ont
présenté plusieurs propositions pour moderniser leur métier, avec un
principe d'équité et de cohabitation qui ne se retrouve pas, mais alors là pas
du tout dans le projet de loi n° 17. Et ce que j'essaie de comprendre, et
j'espère qu'on va essayer de le comprendre : pour quelle raison le projet
de loi n° 17 démontre autant l'empressement du gouvernement à anéantir
cette industrie. Ça avait commencé avec le gouvernement précédent, où les gens
du taxi n'ont pas été entendus et... en fait, alors que ces gens-là, pendant
les 40, 50 dernières années, ont respecté toutes les lois qu'on leur a
imposées.
On parle beaucoup des
usagers, mais il y a un angle mort. Maintenant, le gouvernement, on sent qu'il
le reconnaît, j'espère que le projet de loi va le permettre, c'est le transport adapté et aussi toute la question
de la sécurité. Le rôle du gouvernement est de prendre soin de son
monde, de tout son monde, comme les chauffeurs de taxi.
La Présidente (Mme Grondin) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant
le porte-parole du troisième
groupe d'opposition en matière de transports et député des Îles-de-la-Madeleine à faire ses remarques pour un maximum d'une minute.
M. Joël Arseneau
M. Arseneau :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi aussi, je suis heureux de participer à
l'étude de ce projet de loi et je remercie tous les gens qui sont présents.
Avec 60 secondes pour des remarques
préliminaires, je dirais que, d'entrée de jeu, nous, on s'inscrit en faux contre le principe de déréglementation à
tout crin, qui va constituer essentiellement à anéantir une industrie
qui fonctionne quand même relativement bien et qui avait déjà entrepris le processus
de modernisation.
Et
ce qu'on a de la difficulté à comprendre, c'est pourquoi... c'est une question
idéologique, pourquoi on tient tant à saper les bases d'une industrie
qui existe, et qui est déjà dans un processus de modernisation, et qui fait
vivre environ 30 000 familles au
Québec, plutôt que d'écouter les propositions qui permettraient à l'industrie
de continuer son expansion et peut-être d'ouvrir les portes, là, à une
plus grande concurrence, mais tout en s'assurant que l'ensemble des clientèles
sont desservies.
On a beaucoup parlé,
actuellement, de l'impact dans les milieux urbains, les milieux régionaux...
La
Présidente (Mme Grondin) : Si vous pouvez conclure, s'il
vous plaît.
M. Arseneau :
...les clientèles handicapées, et ainsi de suite, devront être prises en
compte. Merci.
(Interruption)
M. Arseneau :
Ah! Voilà, c'était ma minute.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Auditions
La Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. le député. Je souhaite maintenant la
bienvenue à la représentante du Regroupement des jeunes chambres de
commerce du Québec. Mme Langlois, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et nous
procéderons par la suite à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter. La parole est à vous. Bienvenue.
Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec
(RJCCQ)
Mme Langlois
(Audrey) : Parfait. Merci. Donc, Mme la Présidente, Mmes et MM.
députés de l'Assemblée nationale, bonjour.
Je me présente, Audrey Langlois, directrice aux affaires stratégiques et
membership du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.
Pour faciliter le discours, je vais utiliser l'acronyme RJCCQ.
Alors, qu'est-ce que
le RJCCQ? Nous existons depuis maintenant plus de 27 ans et nous
représentons plus de 40 jeunes chambres et ailes jeunesse, ce qui inclut
également 13 culturelles tout au travers de la province. Donc, c'est
également une représentation de plus de 12 000 membres, qui sont des
cadres, des travailleurs autonomes, des jeunes professionnels ou encore des jeunes entrepreneurs qui sont âgés entre 18
et 40 ans. D'ailleurs, le regroupement est unique en son style. Il
s'agit d'un seul système comme tel qui existe au Québec, d'ailleurs au Canada
également. Le RJCCQ encourage fortement les
start-up et l'innovation, ainsi que les jeunes entreprises à s'adapter à leur
environnement changeant, et cela est l'un de nos maîtres mots.
Aujourd'hui,
nous tenons à vous remercier de votre invitation pour notre participation à la
consultation particulière portant sur
le projet de loi n° 17, la Loi concernant le transport rémunéré des
personnes par automobile. En prenant compte du projet de loi, le RJCCQ
vous a soumis un document qui inclut quatre recommandations à prendre en
considération.
Tout
d'abord, le RJCCQ considère que l'industrie du transport des personnes rémunéré
fait partie de ce que l'on appelle
aujourd'hui l'économie collaborative. Elle peut être également connue sous
l'expression «économie du partage». Le RJCCQ a d'ailleurs été un
précurseur en ce qui a trait à cette approche économique et nous continuons de
l'étudier depuis 2016, où nous avons tenu un forum économique de la relève
d'affaires, que nous appelons affectueusement le FERA. Et, lors de cet événement, nous avons pu discuter avec différentes
figures politiques, des acteurs du milieu entrepreneurial ainsi que nos membres de l'importance de favoriser
l'économie collaborative. Nous sommes arrivés devant certains faits
concernant ce type d'économie.
Il y a un point à
prendre en considération, il s'agit d'une absence d'une définition uniforme en
ce qui a trait à l'économie collaborative.
C'est d'ailleurs une recommandation que nous avons formulée en 2016 auprès du
gouvernement, pour laquelle nous croyons qu'il serait pertinent de travailler
ensemble pour trouver une définition uniforme.
Donc,
en ce sens, vu qu'il n'y a pas vraiment
de définition précise, je vais vous... permettez-moi de vous donner les
grandes lignes de qu'est-ce qu'on entend par économie collaborative.
Généralement, ça inclut l'utilisation d'un aspect technologique, par exemple une plateforme, pour faciliter le partage de
services ou encore de ressources dans le but d'obtenir un montant
d'argent. L'économie collaborative se décline sous différentes formes, et, à
terme, plus aucune industrie n'échappera à ce nouveau phénomène qui est à
présent mondial.
Ce qui est ressorti du
FERA en 2016, c'est l'importance de favoriser un Québec innovant et florissant
en encourageant l'inclusion de la technologie au sein des différents secteurs du Québec. C'est d'ailleurs un
sujet qui a été encore une fois soulevé cette année, le 15 mars 2019,
lors de notre FERA pour les entreprises traditionnelles qui encouragent un virage numérique. Bien sûr, l'industrie
du transport de personnes n'est pas une exception. Le modèle d'affaires
traditionnel de l'industrie du taxi, qui a été mis en place en 1970, ne peut
que bénéficier d'une modernisation de son approche commerciale, et cela doit
inclure la technologie pour s'assurer qu'il y ait une création de richesse.
Au cours des dernières années, nous avons
assisté à une prolifération de l'économie collaborative, ce qui a mené à une diversification ainsi qu'à une amélioration des services offerts par les différentes industries, dont notamment
celle du transport des personnes. Il est vrai que le tout a mené à un accroissement
de la compétitivité dans le secteur, mais il ne faut surtout pas oublier que la
concurrence favorise l'amélioration des entreprises.
En ce sens, le RJCCQ appuie le projet de loi n° 17, car nous croyons que celui-ci est un pas dans la bonne
direction et que nous devons favoriser la flexibilité au sein de l'industrie du
transport des personnes. Il faut regarder le tout sous une perspective de
développement économique et s'assurer que les paradigmes du passé cessent
d'accentuer les bouleversements économiques que nous expérimentons
malheureusement aujourd'hui.
L'apport de la technologie a été démontré à
plusieurs niveaux et également au sein de plusieurs entreprises qui ont pu tirer profit des nouveaux outils, qu'ils soient
d'ordre numérique ou encore qu'ils soient tout simplement innovants. Par
le fait même, il est de notre
responsabilité, à titre de société, de favoriser une meilleure synergie entre
les entreprises et d'encourager
l'innovation pour que nos compagnies puissent continuer de se démarquer, non
seulement dans la province du Québec, mais qu'elles puissent rayonner à
l'international.
En ce
sens, nous croyons qu'il est essentiel d'encourager l'entrepreneuriat québécois
et qu'il est d'ailleurs très important de
maintenir le projet de loi n° 17 pour envoyer un message fort que le
gouvernement supporte le développement d'affaires et l'entrepreneuriat
québécois.
Il est, d'autre part,
essentiel pour le gouvernement de revoir la façon dont les Québécois consomment
et produisent, pour s'assurer que les entreprises soient en mesure
d'effectuer des transformations technologiques nécessaires pour continuer de
demeurer compétitives dans un environnement où il y a une augmentation de
joueurs clés internationaux sur le marché.
Il faut être réaliste, la compétition ne se limite pas seulement à un seul
secteur géographique. À présent, la compétition est d'ordre mondial.
•
(11 h 50) •
Le
RJCCQ est conscient des effets du projet de loi sur la vie des chauffeurs de
taxi. Nous comprenons que la situation est
très délicate et que, pour plusieurs, ce projet de loi représente une
impossibilité. Cependant, nous ne pouvons pas limiter l'apport de la technologie au sein de cette industrie, de
même que des autres. Les personnes travaillant dans le secteur des transports des personnes sont tous et
toutes des entrepreneurs dans l'âme, ils nous l'ont prouvé. Et nous croyons qu'une meilleure flexibilité
de ce secteur pourra leur permettre de développer de meilleurs offres et
services pour satisfaire les nouveaux besoins de la clientèle.
Le carcan rigide qui entoure l'industrie du
transport de personnes, et son inflexibilité, a accentué les distorsions économiques
et amplifié le drame humain que les détenteurs de permis de taxi expérimentent aujourd'hui. C'est d'ailleurs pour ces
raisons que le projet de loi est
nécessaire et que nous devrions également nous servir de cette expérience
malheureuse pour lancer le débat sur
l'économie collaborative, car nous savons que cette nouvelle approche commerciale
sera de plus en plus présente dans
notre société. Il s'agit également pour le gouvernement d'agir beaucoup plus en
amont plutôt que d'être réactif lorsqu'il y a des nouvelles tendances
commerciales sur le marché actuel.
En ce qui
concerne la compensation financière, le RJCCQ ne commentera pas cette partie du
dossier, car nous ne sommes pas des
experts, mais nous croyons que la compensation devrait être traitée séparément
du projet de loi n° 17 pour que le projet de loi soit appliqué le
plus rapidement possible. Le RJCCQ sera prêt à être partenaire, une fois le
projet de loi derrière nous, à travailler de
concert avec l'ensemble des élus et des représentants de l'industrie pour
déterminer de meilleures approches pour la collectivité et également pour
s'assurer qu'il n'y ait pas d'effet de contagion au sein des autres industries.
Mme la Présidente, MM. et Mmes députés de l'Assemblée, merci de votre écoute.
La Présidente
(Mme Grondin) : Merci, Mme Langlois. Merci pour votre
exposé. Nous allons maintenant amorcer la
période d'échange. Nous avons 47 minutes, et la répartition va se faire
comme suit : le gouvernement a 24 minutes pour échanger avec Mme Langlois; l'opposition
officielle, 16 minutes; le deuxième groupe d'opposition,
quatre minutes; et le troisième, quatre minutes. M. le ministre.
M. Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Mme Langlois, merci d'être là, d'avoir préparé
ce mémoire.
Vous savez,
je le répète avant de vous poser la première question, c'est une industrie qui
n'a pas été modernisée depuis les
50 dernières années, au-delà de quelques modifications, d'ajouts et
d'applications mobiles que certains répartiteurs ou sociétés ont mis en place. Vous savez, quand on
est arrivés à préparer cette loi, il n'y a personne ici présent qui s'est
dit : Comment on pourrait mettre à mal
l'industrie du taxi? Jamais, jamais, jamais nous n'avons eu cette discussion.
Ce qui était, pour nous, important, au-delà de l'usager qui va
bénéficier de cette loi, avec plus de concurrence, plus de transparence, c'est
d'en arriver à trouver un équilibre entre ce que l'industrie du taxi
traditionnelle, avec des charges administratives réglementaires et financières importantes... versus les nouvelles
technologies que l'on connaît tous, pour ne pas les nommer, que ce soit
Eva, Lyft, Uber et autres qui pourraient apparaître.
Et, dans ces
conditions, le premier réflexe que j'ai eu, qu'on a eu, c'est : Comment on
va être capable... Comment on pourrait
alléger le fardeau réglementaire? Et ce fardeau, je l'ai mentionné maintes et
maintes fois, c'était nécessairement d'abolir
le permis 4C, c'était d'enlever le coût d'une plaque T, de
1 000 $ par année, c'était de permettre à l'industrie du taxi,
qui souhaitait de la
tarification dynamique, comme Uber le faisait, donc, de mettre fin au monopole,
nécessairement, d'Uber, d'avoir une
formation pas équitable, mais avoir une formation qui est minimale entre les
régions, où on avait une formation de sept heures; Uber, 35; 110 à
Québec; 160 à Montréal.
Et, dans ces
conditions, je l'ai répété maintes et maintes fois, je pense qu'on a réussi à
trouver un bel équilibre pour réduire
ces coûts, ce fardeau et, de l'autre côté, de permettre à l'industrie du taxi,
le lendemain de l'adoption de cette loi, de faire plus d'argent. Parce que c'est ça, le défi. L'industrie, les gens
qui me disent : «Demain matin, on n'a plus de job», c'est faux. Ces gens ont un travail le lendemain matin,
et un travail qui va être encore plus simple, où ils vont être capables
de se mettre plus d'argent dans leurs poches le lendemain de l'adoption de
cette loi.
Donc, j'ai
une première question, c'était dans votre page 1 : Est-ce que vous
trouvez qu'on a mis en place une concurrence
ou une offre, vous dites, loyale, adéquate? Est-ce qu'on a trouvé un équilibre
intéressant entre les nouvelles technologies
qui font leur place au Québec versus l'industrie du taxi traditionnelle, qui...
soit dit en passant, sur 50 millions de courses au Québec,
40 millions sont faites par l'industrie du taxi traditionnelle.
Mme Langlois
(Audrey) : Votre question, c'est sûr, comme nous avons
mentionné, nous, ce qu'on encourage fortement,
c'est bien sûr l'innovation, la technologie. Je ne peux pas m'avancer sur la
question de la compensation financière, car nous ne sommes pas des
experts en la matière, mais il est très important de favoriser la flexibilité, effectivement,
auprès du projet de loi et de s'assurer de soutenir tout de même l'industrie de
même que de répondre au besoin, qui est pressant, par la société. Donc, il faut
qu'il y ait un équilibre, à cet effet, assez réel, oui.
M. Bonnardel : Plus précisément, trouvez-vous qu'on a trouvé un équilibre
entre la pérennité et la vitalité du taxi traditionnel comme on le connaît depuis les dernières décennies avec
cette loi, avec les applications, donc cette forme de charge administrative,
financière de moins que l'on met à profit, donc, par la suite, parce que c'est
nécessairement moins de charges, plus
d'argent dans la poche des chauffeurs et de la clientèle, nécessairement?
Est-ce que vous trouvez qu'on a un équilibre intéressant entre la
protection du taxi traditionnel versus les nouvelles technologies qui
souhaitent s'implanter au Québec?
Mme Langlois
(Audrey) : Je peux me lancer
au niveau du processus de la réglementation. Au RJCCQ, on favorise une plus grande flexibilité, donc on parle
principalement de réglementations qui sont beaucoup plus souples et qui
permettent d'ailleurs l'arrivée de nouvelles
technologies pour encourager la flexibilité, que les gens puissent s'adapter
plus rapidement. Donc, au niveau de
votre question portant sur l'offre, je n'ai pas les chiffres devant moi
actuellement, donc je ne peux pas me prononcer officiellement
aujourd'hui.
M. Bonnardel :
À la page de votre mémoire, vous parlez d'iniquité. Vous dites : «En
effet, les effets négatifs pour les
propriétaires et les chauffeurs de taxi se sont amplifiés en laissant la
situation d'iniquité entre ceux-ci.» Voulez-vous expliquer un peu?
Mme Langlois
(Audrey) : D'iniquité entre ceux-ci...
M. Bonnardel : ...marché
des joueurs internationaux.
Mme Langlois
(Audrey) : Oui. À vrai dire, on parle...
M. Bonnardel :
...l'ancien régime nécessairement, là.
Mme Langlois
(Audrey) : On parle surtout de l'apport de la technologie.
Donc, on sait que la technologie va favoriser
l'accroissement de l'industrie du taxi, qu'elle peut également se répercuter
sur d'autres secteurs. C'est en ce sens que l'on parle. Et d'ailleurs, comme nous avons discuté depuis plusieurs
années, que ça soit lors de nos forums économiques ou même dans notre livre blanc, qui sera
disponible aujourd'hui en ligne sur notre site Web, nous parlons de
l'importance d'amener la technologie, parce que, oui, ça pourrait résulter en
une iniquité et même créer un certain retard dans certains secteurs.
M. Bonnardel :
Pourquoi, selon vous... Quand je parlais, tantôt, de 50 millions de
courses, il y en a 40 millions qui sont faites par le taxi traditionnel. Humblement, je crois qu'on va
sauvegarder ces courses, même qu'on peut aller chercher plus loin encore en termes de nombre de courses
dans les prochaines années en donnant les outils additionnels. Et je le
mentionnais bien respectueusement à l'industrie du taxi, dans le futur, il va y
avoir consolidation, et, dans le futur, si on veut compétitionner de nouvelles
technologies...
Vous le
savez, les jeunes, dans une certaine mesure, ont migré vers ces technologies
qui sont sur nos téléphones. Et je
crois personnellement que l'industrie ne pourra pas fonctionner,
nécessairement, avec plusieurs applications au Québec. Je pense personnellement qu'une application mobile
où l'industrie va se dire : C'est avec cette application où on
pourra, avec notre téléphone, choisir un
taxi du Québec, qu'on soit à Rimouski, qu'on soit à Granby, qu'on soit au
Lac-Saint-Jean, pour moi, c'est
l'avenir, et c'est 40 millions de courses versus les 10 millions qui
sont faites par taxi... pas par taxi mais par application mobile.
Pourquoi,
selon vous, ces jeunes ont délaissé, dans une certaine mesure, et ont utilisé
ces applications? Est-ce que vous
considérez qu'on peut encore aller plus loin dans ce qu'on a dévoilé? Est-ce
que vous considérez que c'est assez ou on peut aller encore plus loin pour laisser de la
place... Quand je parle des applications mobiles, ce n'est pas
nécessairement les Eva, Lyft et Uber. Moi,
l'industrie du taxi comme je la vois, là, a sa place pour compétitionner les
grands joueurs de l'industrie, et c'est là que je veux les amener.
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, c'est sûr
qu'il y a matière à se poser question sur le sujet, mais moi, je vais
vous amener une autre approche, celle des entrepreneurs québécois. Lorsqu'il y
a un carcan qui est trop rigide au niveau réglementaire,
ça peut décourager les jeunes entrepreneurs à se lancer en affaires. Donc, en
promouvant la flexibilité, on pourrait
avoir, justement, de nouvelles start-up qui pourraient créer des nouveaux
supports technologiques pour l'industrie du taxi et qui seraient québécois. Donc, la richesse serait québécoise
et ne viendrait pas d'ailleurs, et on pourrait même faire en sorte de la
faire rayonner à l'international. En ce sens, nous devons les appuyer, et
d'ailleurs le regroupement, le RJCCQ est prêt à le faire de concert avec le
gouvernement.
• (12 heures) •
M. Bonnardel :
Depuis que l'industrie du taxi existe, il y a eu des permis qui ont été
octroyés, nécessairement, des permis
qui étaient transférables avant l'année 2000, monnayables, nécessairement,
spéculation, et tout ça. Quand on regarde la courbe entre les années 70, où il y avait 20 taxis,
exemple, pour 10 000 habitants, bien, on voit qu'avec cette forme
de quota, nécessairement, bien, aujourd'hui,
en 2019-2020, il y a moins de taxis pour une population qui a nécessairement
grandi. Considérez-vous qu'on devrait permettre à plus de permis... plus de
chauffeurs de faire le travail ou de garder ce contingentement à 7 000, à 7 500 permis? Présentement au
Québec, il y a 6 200 propriétaires qui possèdent
7 500 permis. Est-ce que vous considérez qu'on devrait aller plus
loin, le protéger? Avez-vous une réflexion là-dessus?
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, oui, le
regroupement a une réflexion sur le sujet. On favorise, en ce sens, le
libre marché parce que nous savons que,
lorsqu'il y a des limitations, ou des contraintes, ou même des quotas, ça
accentue les bouleversements économiques. Ça crée même des distorsions.
Et c'est quelque chose que, malheureusement, on se rencontre pour ça aujourd'hui. Donc, il faut éviter de revivre cette
situation dans les années futures. Donc, nous favorisons d'ailleurs
cette plus grande flexibilité au niveau réglementaire et au niveau du marché.
M. Bonnardel :
Qu'est-ce qui a amené les jeunes à utiliser ces applications au détriment, pour
certains, de l'industrie du taxi traditionnelle?
Mme Langlois
(Audrey) : Il peut y avoir plusieurs approches au sujet. C'est
sûr que la technologie est beaucoup plus
intéressante. Elle est beaucoup plus rapide. Et je ne vais pas m'avancer trop
dans le dossier parce que je n'ai pas, encore une fois, tous les
chiffres devant moi, mais l'apport de la technologie est de plus en plus
intéressant pas seulement pour les jeunes,
mais également pour les personnes qui sont un peu plus âgées. Et, en ce sens,
nous devons offrir, autrement dit,
une éducation sur l'apport des technologies, l'expliquer, et s'assurer que les
gens le comprennent bien pour qu'ils ne soient pas réfractaires aux
changements.
M. Bonnardel :
Est-ce que vous considérez que d'offrir une offre globale d'une application
mobile unique pour l'industrie du
taxi serait une bonne idée? Parce que, si vous m'amenez là, je vous dis, pour
moi, je pense, comme client, c'est impossible
d'avoir 32 applications dans les différentes régions du Québec. Je me dis
que, si on veut concurrencer ces grands joueurs, l'industrie doit se
dire une chose : De quelle façon je vais amener tous ceux qui utilisent
ces téléphones, ces applications... Il y a
une concurrence directe. Croyez-vous qu'on devrait inciter l'industrie à se
consolider et d'avoir une application unique pour que... le futur, en
2030, 2040, bien, qu'on sache que, quand on prend une application x, qu'on
l'appelle Taxi Québec ou autre, c'est un taxi québécois qui vient nous chercher?
Mme Langlois
(Audrey) : Je ne peux pas
m'avancer sur l'industrie du taxi à cet effet-là. Mais par contre je
peux encourager l'industrie du taxi à
collaborer avec différentes start-up qui travaillent sur des plateformes,
justement, numériques ou technologiques. Et le RJCCQ serait prêt à les
appuyer en ces démarches-là. Donc, ça, ça serait vraiment une très belle
opportunité pour l'entrepreneuriat québécois.
M. Bonnardel : Je
vous ramène là-dessus encore, le touriste, celui qui sort de l'avion et qui,
peut-être, a une application autre sur son
téléphone, mais qui veut nécessairement avoir un taxi du Québec. Je pense
qu'encore une fois c'est au risque
qu'ils débarquent au Québec, qu'ils vont faire une tournée, qu'ils viennent au
zoo de Granby, qu'ils s'en vont à
Québec, qu'ils s'en vont dans Charlevoix, qu'ils ne veulent peut-être pas
héler, mais qu'ils veulent avoir un taxi par application mobile. Je reste persuadé que l'avenir, pour eux, c'est là,
c'est par une application unique où ils vont pouvoir s'unifier, se consolider puis d'être capables
d'affronter les grandes industries de ce monde. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça?
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, vous
relevez un point que j'ai déjà mentionné. Au niveau des touristes, ce
serait très important qu'on puisse faire
rayonner nos compagnies à l'international. Donc, si c'est une plateforme
numérique avec l'industrie du taxi,
oui, on devrait travailler de concertation avec l'industrie du taxi, le
regroupement et le gouvernement pour s'assurer que justement les
touristes soient au courant que l'application existe ou que le service est
disponible.
M. Bonnardel :
Je vous pose une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues,
si certains ont des questions. Vous
dites : «De plus, nous appelons le gouvernement à travailler à
l'allègement réglementaire pour l'ensemble des industries pouvant être affectées par
l'effervescence d'économie collaborative dans un avenir rapproché...» Avez-vous
juste deux, trois exemples où le gouvernement devrait s'attarder à alléger la
réglementation?
Mme Langlois (Audrey) : C'est quand même assez large. Donc, donner deux,
trois exemples, c'est un petit peu plus
pénible pour le moment. Par contre, je pourrais vous inviter à aller consulter
notre livre blanc, qui est disponible sur notre site Web, donc le
rjccq.com. Nous faisons allusion justement à l'importance d'un virage
technologique. Et nous avons reçu plusieurs personnes de différents secteurs
d'industrie traditionnels lors de notre dernier FERA. Des vidéos seront
également disponibles en ligne.
M. Bonnardel :
Merci. Si mes collègues ont des questions...
La
Présidente (Mme Grondin) : Oui, M. le député de
Beauharnois.
M. Reid :
Merci. Bonjour, madame. Vous avez
mentionné... Tout à l'heure, dans votre mémoire, en fait, vous parliez
des avantages à encourager l'innovation, favoriser l'économie collaborative, ce
qui est très intéressant. Mais, à la lumière
de ce que vous avez mentionné puis ce qu'on... pas ce que vous avez mentionné,
mais ce qu'on entend dans les médias...
C'est que plusieurs ont mentionné que l'industrie du taxi allait disparaître
avec le projet de loi. Mais, de votre côté, est-ce que vous croyez que
le projet de loi qui est actuellement à l'étude mette fin à l'industrie du taxi
dit traditionnel?
Mme Langlois (Audrey) : Nous ne croyons pas que l'arrivée de la
technologie va mettre fin à aucun secteur que l'on considère traditionnel, et cela inclut
effectivement l'industrie du taxi. Nous croyons cependant qu'une modernisation
et qu'une inclusion des technologies est nécessaire pour justement assurer leur
pérennité. Donc, en ce sens, nous recommandons fortement une avancée
technologique au sein de ces différentes industries.
M. Reid : Je reviens à «encourager l'innovation». À titre d'organisme, quels seraient vos conseils aux acteurs de
l'industrie du taxi pour qu'ils puissent, en fait, exploiter le potentiel du projet de loi qui est à l'étude présentement puis que l'industrie puisse faire
compétition avec les nouveaux joueurs sur le terrain?
Mme Langlois (Audrey) : Donc, la compétition pousse à l'amélioration,
comme j'ai mentionné. C'est d'ailleurs nécessaire. En ce sens, je crois et nous croyons que l'industrie du taxi pourrait regarder ce qui se fait ailleurs et également concerter peut-être avec différentes start-up québécoises
qui se penchent sur la situation et qui pourraient amener des nouvelles
solutions qui ne sont pas encore connues à l'étranger. Donc, c'est une manière
où est-ce qu'il pourrait y avoir une concertation entre une industrie traditionnelle et
des jeunes entrepreneurs qui désirent faire avancer le Québec
et le faire rayonner partout dans le monde.
M. Reid :
Merci.
Mme Langlois
(Audrey) : Merci.
La
Présidente (Mme Grondin) : M. le
député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.
M. Tardif :
Bonjour.
Mme Langlois
(Audrey) : Bonjour.
M. Tardif : Moi, face aux start-up, très intéressé, ça m'interpelle. J'aimerais quand même...
Face au projet de loi que le gouvernement dépose, je voudrais développer un petit peu plus... si vous pouviez développer un
petit peu plus... Je comprends, là, que vous venez de répondre à une
partie de la réponse. Mais on peut-u aller un petit peu plus loin dans
votre vision ou dans ce que vous souhaitez
comme orientation, toujours par
rapport aux start-up, là, dans l'industrie du taxi puis notre projet de loi?
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, par rapport aux start-up, il y a un travail de
concertation avec les différentes industries traditionnelles. C'est sûr qu'il peut y avoir différents
événements où est-ce
qu'on peut inciter à la communication.
Là, c'est sûr que je pense, entre autres, à notre Forum économique de la relève d'affaires, le FERA, qui vient
d'avoir lieu, où est-ce que justement différentes entreprises émergentes
ont pu s'assire et discuter avec des plus grands joueurs des entreprises
traditionnelles. Je sais qu'il y a un échange d'information. C'est des bonnes
pratiques à maintenir. Il faut favoriser des discussions entre les deux. Le
regroupement le fait déjà par différentes manières. Et je crois qu'il y aurait
matière à travailler conjointement, entre le RJCCQ et le gouvernement, pour
ouvrir justement un nouveau débat sur le sujet et favoriser les échanges
d'idées.
M. Tardif :
Merci.
Mme Langlois
(Audrey) : Merci.
La Présidente
(Mme Grondin) : Mme la députée de Laviolette.
Mme Tardif :
Merci. Vous parlez d'avancées technologiques et de l'importance de la haute
technologie, de la nouvelle technologie, de l'innovation pour l'ensemble
des industries, dont l'industrie du taxi. Vous parlez de cette importance-là. Vous parlez des start-up, et c'est
extrêmement important pour le développement du Québec. Vous voyez ça, j'imagine, à court terme. Quel est le terme?
Est-ce qu'on doit attendre dans quatre ans, dans cinq ans ou c'est préférable
de commencer et de le faire maintenant?
Mme Langlois
(Audrey) : Alors, par
rapport à l'évolution technologique et à leur progression, non, nous ne
le voyons pas à court terme. Nous le voyons sur le long terme, parce qu'à court
terme...
Mme Tardif : Pour débuter?
Mme Langlois
(Audrey) : Ah! pour débuter,
à vrai dire, le plus rapidement possible en ce sens. C'est d'ailleurs
pour cette raison que nous encourageons le
projet de loi n° 17, qu'il soit adopté le plus rapidement possible, et que
la compensation soit traitée par la suite séparément pour s'assurer que
le gouvernement et que les acteurs prennent le temps de focaliser sur un point
à la suite de l'autre.
Mme Tardif : Bien, merci.
Mme Langlois
(Audrey) : Merci.
• (12 h 10) •
La Présidente
(Mme Grondin) : M. le député de Bourget.
M. Campeau : Merci pour votre présence ici aujourd'hui. Ce que je trouve toujours quand on écoute tout ce qui se passe sur un projet de loi, il sort toujours
les côtés négatifs. Vous avez contribué aujourd'hui à faire ressortir
les aspects plus positifs d'un projet de loi, parce qu'il y en a beaucoup.
Une chose que je me demande, c'est : Si 40 millions des
50 millions de courses sont faites par
l'industrie du taxi, est-ce que vous voyez, dans la présence actuelle des
voitures disponibles pour ces
40 millions de courses là, une opportunité pour l'industrie du taxi de
justement embarquer de plein fouet dans le côté collaboratif? Est-ce que
vous voyez ça comme un avantage à l'intérieur du projet de loi?
Mme Langlois
(Audrey) : Pour le
regroupement, nous croyons que l'économie collaborative est nécessaire.
Donc, nous encourageons, en ce fait, l'industrie du taxi à effectuer ce virage
le plus rapidement possible et nous croyons fortement qu'il va y avoir un gain
pour eux lorsqu'ils vont faire le saut au complet. Donc, oui, c'est très
important.
M. Campeau : Merci.
Mme Langlois
(Audrey) : Merci.
La Présidente (Mme Grondin) :
Donc, il reste cinq minutes. Donc, c'est terminé. Donc, la parole va être...
M. Barrette : S'il y a
consentement, on va prendre le cinq minutes qui n'est pas utilisé, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Grondin) :
Oui, on va se le partager. Est-ce qu'il faut...
M. Barrette : Il n'y a pas
consentement?
La Présidente (Mme Grondin) :
Il n'y a pas consentement?
M. Barrette :
Bien, c'est parce qu'ils n'utilisent pas du temps. J'ai proposé qu'avec
consentement on le prenne.
Une voix : ...
M. Barrette : Bien, oui, oui,
mais ils ne veulent pas.
La Présidente (Mme Grondin) :
Il n'y a pas de consentement.
Une voix : Oui, oui, ils
pourraient le partager avec vous.
M. Barrette : Oui, oui.
La Présidente (Mme Grondin) :
Donc, il n'y a pas de consentement.
M. Barrette :
Il n'y a pas de consentement? C'est dommage parce que c'est du temps
parlementaire qui aurait pu être
utilisé démocratiquement, utilement, mais on a choisi de l'empêcher. Que ce
soit noté. Je trouve ça malheureux, vraiment, vraiment, là. C'est cinq
minutes. Alors, allons-y quand même.
Alors,
Mme Langlois, bien, bienvenue encore une fois à cette commission
parlementaire qui est sur le projet de loi n° 17. Nous ne ferons pas de philosophie, mais nous voulons entendre vos
points de vue sur le projet de loi n° 17, surtout quand vous écrivez vous-mêmes... Vous prenez une
position claire, et je vais vous citer. Vous mentionnez les effets
négatifs, pour les propriétaires et les
chauffeurs de taxi, qui sont amplifiés. Alors, vous parlez de la situation qui
découle du projet de loi n° 17, n'est-ce pas?
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, pour revenir sur ce que j'ai dit, j'ai fait
allusion aux bouleversements économiques,
donc lorsqu'il y a des distorsions économiques qui sont provoquées par un
manque de modernisation. La mise en place de l'industrie du taxi a été
faite en 1970...
M. Barrette :
...de vous interrompre.
Mme Langlois
(Audrey) : Oui?
M. Barrette :
Vous constatez que le projet de loi n° 17 entraîne
des perturbations significatives. C'est juste oui ou non.
Mme Langlois (Audrey) : En ce sens, nous croyons que le projet de loi n° 17 est nécessaire. Mais ce que nous vivons aujourd'hui est
malheureux et c'est un découlement de tout ce qui est arrivé.
M. Barrette :
Très bien. On s'entend là-dessus. Vous acceptez que ce que vous avez écrit
signifie que la situation actuelle amène et amplifie ce qui se passe
actuellement chez les propriétaires de permis. Oui?
Mme Langlois
(Audrey) : Si vous me permettez?
M. Barrette :
Bien sûr.
Mme Langlois (Audrey) : Si on continuerait et que le projet de loi n° 17 ne serait pas adopté, les bouleversements économiques que nous
vivons aujourd'hui perdureraient.
M. Barrette :
Je comprends votre réponse. Mais il y a un point de départ. Vous parlez du
futur, mais, au point de départ, il y
a une perturbation. Dans votre texte, vous parlez de... et vous dites même
qu'il ne faut pas répéter l'expérience actuelle,
et c'est important. Vous nous dites que vous n'avez pas l'expertise, mais vous
dites qu'il faut quand même travailler en
parallèle. Mais il y a une phrase que vous avez écrite qui me titille un peu,
puis ça, je ne la comprends pas et j'aimerais que vous nous l'expliquiez. Vous dites que c'est
nécessaire d'éclaircir l'interrelation entre les nouvelles formes
d'entrepreneuriat et la précarité de
l'emploi qui affecte notamment les jeunes et les jeunes adultes d'ici et
d'ailleurs. Est-ce que vous parlez de précarité
d'emploi dans l'industrie du transport de personnes ou vous parlez de précarité
de l'emploi au sens général du terme?
Mme Langlois
(Audrey) : Nous parlons généralement au sens général du terme,
nous, la précarité de l'emploi. Nous avons
pu regarder, justement, que plusieurs personnes restent en moyenne quatre ans
au sein d'une même entreprise et qu'après
ça il y a rotation. Et encore, quatre ans, c'est peut-être généreux, tout
dépendant des personnes. Donc, c'est une perspective générale.
M. Barrette :
Très bien. Mais, dans votre expérience, là où il y a eu... Parce que vous
faites la promotion, ici aujourd'hui, d'un
modèle. Vous savez, on peut en faire la promotion, mais, à un moment donné, il
faut regarder objectivement les
choses. Dans votre analyse, n'avez-vous pas constaté qu'une telle
transformation peut être bénéfique pour un entrepreneur mais peut
générer, spécifiquement dans cette industrie-là, une précarité d'emploi?
Mme Langlois (Audrey) : Donc, pour répondre à votre question, au niveau
de la précarité de l'emploi, c'est sûr qu'en ce sens il va y avoir un
changement qui va s'opérer. Nous ne pouvons pas déterminer l'impact qu'il va y
avoir. Cependant, ce qu'on peut affirmer,
c'est que, s'il n'y a pas de changement pour inclure la technologie, la
situation n'ira pas en amélioration. La technologie, de par ce fait,
encourage la création de la richesse, et nous devons continuer dans cette
direction.
M. Barrette :
Est-ce que vous pouvez me donner des données claires? Vous dites : On peut
affirmer. Très bien. Pourquoi vous
pouvez affirmer que ça va être bien, mais vous ne pouvez pas affirmer qu'il y
aura peut-être ou non de la précarité dans l'emploi?
Mme Langlois (Audrey) : Donc, pour répondre à la première partie de votre
question, au niveau des données, je ne l'ai
pas sous les yeux. Je sais qu'il y a plusieurs études qui sont présentement en
cours. Et, au niveau de la précarité, c'est comme dans tout milieu, il y
a toujours des données à prendre en considération, que je ne peux pas expliquer
aujourd'hui en commission.
M. Barrette : Très bien. Alors,
je vais vous soumettre quelque chose. Vous savez, le ministre, tantôt, là, nous
a dit des nouvelles choses qu'on ne savait
pas. C'est normal, elles ne sont pas dans le projet de loi. Alors, quand j'ai
dit dans mon
commentaire introductif qu'il n'y avait rien qui expliquait le futur dans le
projet de loi, le ministre nous en a donné lui-même un magnifique
exemple. Ce qu'il souhaite, hein, il l'a dit à peu près comme ça, il rêve de
ça, qu'il y ait une application universelle
au Québec. C'est ça qu'il a dit : Vous arrivez au Québec, puis il y a une
application universelle. Vos start-up, ils vont vivre comment avec ça,
parce que ça, c'est une quasi... Dans le concept, là, c'est l'équivalent d'une nationalisation de l'outil. Est-ce que c'est ça
que le ministre veut mettre en place? Peut-être que oui, peut-être que non.
Mais là il ne peut pas répondre parce qu'il
n'a pas le droit de parole. Mais il y a une chose qui est certaine, Mme Langlois,
ce qu'il rêve, là, c'est l'absence de
compétition. Et actuellement ce dont il rêve, c'est une uniformisation d'une
application qui ne va pas venir de la
concurrence, mais qui va venir d'une conquête d'une entreprise qui va arriver
au Québec. Vous, là, qui faites de la
promotion des start-up qui vont vivre le bonheur total dans la concurrence,
avec ce que le ministre vient de dire, vous ne pensez pas que les gens
que vous représentez vont vivre cette expérience-là difficilement, ou, si vous
préférez, vous ne trouvez pas que le ministre a pris une position contraire à
vos positions?
Mme Langlois
(Audrey) : À ce moment-ci,
je vais me prononcer sur le fond du projet de loi et non pas sur les discussions qui ont été tenues lors de la
commission aujourd'hui. Donc, comme j'ai mentionné aujourd'hui, nous
continuons d'encourager le libre marché et nous croyons réellement que nous
devons encourager les start-up. Mais je ne vais pas m'avancer sur les propos
qui ont été tenus par le ministre aujourd'hui, malheureusement.
M. Barrette : Pourtant, le
ministre... Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, mais on est ici dans une
séance d'échange. Alors, j'imagine que vous avez peut-être, à ce moment-là, été
surprise par le propos du ministre?
Mme Langlois
(Audrey) : À ce niveau-ci,
c'est sûr que, oui, ça peut poser une légère surprise. Mais il y a
toujours un travail de concertation que le
regroupement est prêt à effectuer avec le gouvernement pour justement s'assurer
que nos start-up, que nos PME continuent de rayonner et qu'il y ait
vraiment un très bel équilibre.
M. Barrette :
Je vais terminer là-dessus. Je vais passer la parole à mon collègue le député
de Viau. Mais vous avez entendu du ministre que lui, il s'en allait pas
mal vers une concertation, vers un joueur. Mais on en redébattra pendant
l'étude détaillée du projet de loi.
M. Benjamin : Merci beaucoup.
Donc, il nous reste combien de temps?
M. Barrette :
9 min 20 s.
M. Benjamin :
Parfait. Bien, écoutez, merci beaucoup, Mme Langlois, pour votre
présentation. Vous avez évoqué le mot «technologique» exactement neuf
fois. J'ai l'impression qu'il semble y avoir un genre de glissement presque sémantique entre la modernisation et la
technologie, parce qu'à mon humble avis la technologie peut être une
composante de la modernisation, mais la
technologie n'est pas la modernisation. La question que j'ai le goût de vous
poser : Puisque vous parlez
beaucoup de technologie, dans le cadre de la préparation de votre mémoire, vous
êtes-vous penchés sur ce qui a déjà été réalisé, en termes de travail
sur la modernisation, par l'industrie du taxi, oui ou non?
Mme Langlois
(Audrey) : Très bien. Donc,
pour répondre à votre question, nous avons procédé à différentes études,
dont une beaucoup plus globale, sur
l'économie collaborative en 2016, et d'une manière encore... sur le niveau de
l'apport de la technologie et de la
modernisation — parce
que, oui, nous réalisons les deux ensemble — lors de notre livre blanc, qui est d'ailleurs disponible, mais, sur
l'industrie du taxi comme telle, non. Par contre, il faut prendre en
considération que l'industrie du taxi est un secteur de service qui
n'est pas unique, qu'il y en a d'autres aussi, et que ça vaut la peine de
regarder les différents experts, les différents milieux en ce sens.
• (12 h 20) •
M. Benjamin : Donc, je comprends que
vous n'avez pas... vous ne vous êtes jamais penchés sur ce que cette
industrie-là a déjà réalisé. Donc, merci pour votre réponse.
Deuxième
question que j'ai le goût de vous poser, vous avez mentionné tout à l'heure...
En parlant des gens qui travaillent dans cette industrie-là, vous dites,
et je vous cite : Ils sont des entrepreneurs dans l'âme. Des entrepreneurs
québécois, j'imagine. Maintenant, pour vous,
j'aimerais vous entendre là-dessus, comme représentants du Regroupement des jeunes chambres de commerce, vous semble-t-il
normal, pour vous, que, si un entrepreneur ou un commerçant qui a toujours respecté les règlements, qui a toujours
respecté la loi, que, cet entrepreneur-là, on vienne lui dire tout
bonnement, du jour au lendemain : Vous savez, les lois que vous avez
respectées ne tiennent plus, et c'est «too bad»?
Maintenant,
pour vous, pourquoi vous tenez absolument à ce que les questions relatives à la
compensation ne soient pas incluses dans le projet de loi?
Mme Langlois
(Audrey) : Très bien. Alors,
je vais débuter par le dernier point que vous avez mentionné, le volet
de la compensation. Nous croyons que le projet de loi doit aller de l'avant le
plus rapidement possible pour qu'il y ait un ajustement auprès de l'industrie
du transport de service. En ce qui a trait les compensations, elles sont
pertinentes, elles sont nécessaires. Mais,
comme je l'ai mentionné, nous ne sommes pas des experts. Nous n'avons pas les
chiffres sous les yeux. Alors, en ce
sens, c'est réellement des experts en la matière qui vont pouvoir travailler de
concertation avec l'industrie du
taxi. Et d'ailleurs nous continuons, encore une fois, l'échange entre le
gouvernement et l'industrie du taxi pour trouver une solution à cette
situation.
M. Benjamin :
Merci pour votre réponse. Autre élément, en fait, qui m'intéresse beaucoup,
notamment par rapport à votre première intervention, sur l'économie
collaborative, il me semble que vous avez convenu qu'il n'y a pas de définitions sur lesquelles tout le monde s'entend,
sur l'économie collaborative. Mais vous semblez souligner deux
aspects : l'aspect technologique et partager les services et les
ressources. Pour vous, actuellement, tenant compte que votre regroupement, vous défendez, j'imagine, les
entrepreneurs québécois, et vous soulignez aussi que les gens qui sont
dans cette industrie-là, ce sont des entrepreneurs québécois, comment ce projet
de loi là... J'aimerais savoir en quoi ce projet de loi là vient répondre aux
besoins et aux demandes de ces entrepreneurs québécois.
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, comme j'ai
dit, la société a des nouveaux besoins. La société
a continué d'évoluer. Les entreprises
traditionnelles se doivent de suivre la modernisation. Et, comme j'ai mentionné
plus tôt et tout au long de mon
discours, cela se réalise avec l'utilisation de la technologie. Donc, il ne faut pas oublier que la technologie est un outil qui est très nécessaire,
que ça soit sous différentes plateformes. Donc, ça peut être aussi banal qu'un
téléphone cellulaire.
M. Benjamin : Vous savez, Mme Langlois,
donc, c'est la 10e fois que vous utilisez le mot «technologie».
J'ai l'impression qu'il y a
un credo autour des questions relatives à la technologie. Je veux bien.
Mais cependant la question
que j'ai le goût de vous poser, c'est en
lien avec... Vous êtes-vous attardés sur ce que c'est, qu'un chauffeur de taxi,
et ce que... par rapport à ce projet de loi là, la perte qui sera éventuellement
engendrée par, justement, ce projet de loi là?
Mme Langlois
(Audrey) : Le regroupement, le RJCCQ, a pris connaissance de
tout ce que cela pouvait engendrer. Nous en sommes conscients. Et, comme
nous avons dit, d'ailleurs, nous constatons qu'il y a effectivement un drame humain, mais que nous devons tout de même aller de
l'avant avec l'inclusion des technologies pour envoyer un message fort
aux entrepreneurs en général, et cela inclut également les personnes de
l'industrie du taxi.
La Présidente (Mme Grondin) :
Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley : Merci, Mme
la Présidente. Il y a combien de temps qui reste?
Une voix : ...
M. Kelley : Quatre
minutes? Trois minutes? Merci.
La Présidente (Mme Grondin) :
Merci.
M. Kelley :
Je veux juste poser une question. Comme une jeune, vous aussi, quand vous
regardez... Quand une entreprise
comme Uber arrive, Amazon, les autres, c'est sûr qu'on parle d'élévation...
C'est des compagnies qui ont créé des technologies,
des services qui sont extraordinaires, ont vraiment changé le monde. Mais moi,
je pense toujours que ça a un impact,
toujours, sur des travailleurs. Et c'est sûr qu'il y a certaines personnes qui
vont devenir plus riches avec la création de ce type de technologie. Mais je pense plutôt que des jeunes personnes
qui sont présentement des gens qui conduisent pour Uber... Puis on parle un petit peu de leur salaire par heure, puis il y a
des différentes études, des différents articles qui disent : C'est
à 20 $ par heure, d'autres qui disent que c'est environ 5 $. Mais,
c'est juste une question autour de vos discussions là-dessus, l'impact de l'innovation sur les travailleurs, c'est quoi exactement, sur leur salaire annuel? Est-ce que vous
avez des craintes pour des gens qui ne sont
pas bien rémunérés pour leur travail à cause des impacts de l'innovation des
grandes entreprises comme ça?
Mme Langlois
(Audrey) : D'accord. Donc,
votre question soulève plusieurs points qui sont réellement importants.
Donc, le regroupement, le RJCCQ, sur quoi on se penche aujourd'hui, c'est bien sûr
la formation. C'est important que les
gens soient éduqués, qu'ils comprennent vraiment c'est quoi, leurs
tâches, qu'ils comprennent la nécessité de la technologie et qu'ils ne
soient pas réfractaires. Donc, on se doit de les soutenir et de bien les
former.
Et je ne peux pas malheureusement mentionner
l'impact financier au niveau des salaires, car je n'ai pas les données devant
moi.
M. Kelley : Merci.
La Présidente (Mme Grondin) :
Terminé? Il vous reste deux minutes.
M. Barrette : Oui, il reste
1 min 45 s. Tu avais fini, Greg?
Écoutez,
Mme la Présidente, Mme Langlois, je comprends que vous n'avez
pas les données, puis c'est vrai, là, c'est difficile de venir en commission
parlementaire avec toutes ces
données-là. Mais, de façon quand même approximative, là, il y a quand
même une... La tendance, dans le cas
présent, là... Le projet de loi n° 17, qui est un projet de loi de
déréglementation, on ne peut pas nier que
c'est un projet de loi de déréglementation... Oui, l'objet, c'est
d'avoir des nouvelles applications, correct,
et le ministre l'a dit. Vous êtes d'accord avec ça. Puis
savez-vous quoi? Je ne suis pas contre ça. Il n'y a personne qui est
contre ça, là. Même l'industrie du taxi n'est pas contre ça. Mais il n'en reste
pas moins que, quand on regarde l'expérience
mondiale, lorsqu'il y a absence de réglementation, ce que l'on
constate — puis
là, même si vous n'avez pas vos
chiffres devant vous, vous avez réfléchi à ça, vous avez lu là-dessus, vous
avez étudié là-dessus — l'employé,
là, qui va être
le chauffeur de taxi, à la fin de la journée, il ne gagne pas plus. Il gagne,
en général, moins. Ce n'est pas le nirvana. Pour vous, là, vous trouvez, là, que, s'il n'y a pas de réglementation, il y a vraiment une opportunité d'enrichissement pour la personne
qui est en bas de l'échelle de l'industrie en question, qui est le chauffeur
propriétaire de l'automobile?
Mme Langlois (Audrey) :
Donc, comme j'ai mentionné, on encourage encore une fois le libre-échange. Nous
croyons que, lorsqu'il y a un carcan trop
rigide, cela nuit fortement aux différentes industries, que, par ailleurs, la
flexibilité est à promouvoir, de même que la
formation et l'éducation, pour s'assurer que les gens continuent de s'enrichir
en ce sens.
M. Barrette : Oui, mais qui
s'enrichit?
Mme Langlois
(Audrey) : La société également. Ça pourrait être...
M. Barrette : La société?
Mme Langlois
(Audrey) : Et, si vous me
permettez, pour terminer, ça pourrait être également les personnes qui
sont détenteurs de permis de taxi, également, en ce sens.
M. Barrette : Merci.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci, les députés de l'opposition officielle. Nous allons poursuivre
nos échanges avec la porte-parole du deuxième groupe d'opposition. Mme
la députée de Mercier, vous disposez de 4 min 10 s.
Mme Ghazal : Très bien, merci.
Merci beaucoup pour votre présentation et d'être ici aujourd'hui.
Moi, j'ai ici un article devant moi, de
Radio-Canada, daté du 5 avril 2019, et le titre, c'est New York,
Toronto, Paris : partout où Uber passe,
l'industrie du taxi en sort bouleversée. Ça me ferait plaisir de vous le remettre à la fin, surtout que
vous parlez de bouleversement de l'industrie. Et là c'est à l'envers de ce que
vous disiez.
J'ai une question pour vous. Vous parliez aussi
beaucoup de start-up dans votre mémoire et pendant la discussion. Vous n'avez pas peur qu'un géant comme Uber, qui n'a pas
peur de perdre des millions de dollars pour casser un marché puis avoir le monopole, parce que c'est ça,
sa vision, il est pour la concurrence mais sa vision à long terme, c'est
ça, vous n'avez pas peur qu'il puisse un
jour acheter, par exemple, une start-up québécoise qui marche bien, comme ils
l'ont fait à Dubaï, où est-ce qu'ils ont
payé un gros montant d'argent pour acheter Careem, qui était leur application,
l'application maison, si on veut, qui était
utilisée au Moyen-Orient? Donc, ça ne vous inquiète pas, quand on regarde ce
qui s'est passé ailleurs, que la même chose se produise au Québec?
Mme Langlois
(Audrey) : En ce sens, c'est
une discussion qui est vraiment intéressante, pour laquelle on pourrait continuer d'argumenter, qu'on pourrait même
travailler de concertation ensemble, si vous voulez bien. Mais je crois
que c'est en dehors du projet de loi n° 17. C'est sûr que nous devons promouvoir, justement, les start-up,
l'innovation des entreprises québécoises, et tenter de les faire
rayonner le plus au Québec de même qu'à l'international. C'est un sujet qui est
très près de nos coeurs, oui.
• (12 h 30) •
Mme Ghazal : Donc, vous
considérez que, dans le projet de loi n° 17, par
exemple, il pourrait y avoir des dispositions
pour empêcher ce genre d'action là, parce que, si ça arrivait, on serait
perdants. Si, par exemple, une start-up, comme Eva, qui va bien, et qu'Uber voit que ça va très bien, ils veulent
l'acheter, donc on ne serait pas plus avancés pour les start-up
québécoises dont le sort vous tient tant à coeur.
Mme Langlois
(Audrey) : Je ne souscris pas à votre question en ce sens,
parce que c'est une décision qui se fait
auprès de deux acteurs, soit un acteur privé et un autre acteur commercial.
Donc, je ne peux pas m'avancer sur qu'est-ce qui pourrait être possible
dans le futur.
Mme Ghazal :
Donc, le rôle du gouvernement... vous ne voyez pas que le gouvernement puisse
agir. On laisse les lois du marché faire leur oeuvre et manger nos
entreprises québécoises?
Mme Langlois
(Audrey) : Donc, il y a, de
toute apparence, différentes pensées en la matière. C'est sûr que la
RJCCQ prône une meilleure flexibilité pour
justement s'assurer que des start-up, des jeunes entrepreneurs aient les outils
nécessaires pour se lancer en entreprise. Donc, c'est vraiment le fondement de
notre regroupement.
Mme Ghazal :
Donc, ce n'est pas une inquiétude que vous partagez. Par exemple, moi, j'ai
cette inquiétude-là, que vous ne partagez pas. Vous n'êtes pas inquiète
de ça, que ça se produise.
Mme Langlois
(Audrey) : Encore une fois,
je ne peux pas parler pour le futur, certainement pas sur cette
industrie.
Mme Ghazal : Moi, même si je
suis de moins en moins jeune, j'utilise aussi des...
Des voix : ...
Mme Ghazal :
Vous devez dire non.
Des voix :
Non, non, non!
Mme Ghazal :
J'utilise des applications comme par exemple...
Des voix :
...
Mme Ghazal :
J'utilise des applications. Quand j'arrive à Québec, par exemple, Taxis Coop, à
laquelle... parce que je n'ai pas envie de parler au téléphone, j'ai
envie d'utiliser une application, même chose à Montréal. Est-ce que, selon votre définition... puis vous avez parlé beaucoup
de technologie puis d'innovation. Selon vous, cette application-là, dans
laquelle les chauffeurs de taxi ont investi
beaucoup, beaucoup d'argent pour la développer, est-ce que vous considérez
que ça fait partie de l'économie collaborative?
Mme Langlois (Audrey) : Donc, comme j'ai mentionné, l'économie
collaborative, la définition n'est pas encore uniforme, elle n'est pas encore précisée. C'est sûr qu'on peut prendre
l'exemple de plateforme pour l'intégrer. Mais vous avez soulevé un très bon point, que d'ailleurs...
que j'aimerais peut-être renchérir sur ce que vous avez mentionné. La
plateforme que vous parlez que vous utilisez
est nécessaire. Il faut d'ailleurs continuer à aller voir plus loin, parce qu'on sait que les technologies nous forcent à changer et sont de plus en plus rapides. Donc, il faut s'assurer de soutenir nos entreprises,
nos jeunes entrepreneurs, l'industrie du taxi pour développer des nouveaux supports technologiques, et, oui, c'est une 11e fois que je mentionne
le mot «technologique» aujourd'hui. Alors, il faut continuer à aller de l'avant,
vraiment les soutenir, continuer la
discussion, et justement de partie peut-être avec le regroupement des chambres
du commerce, pour élaborer de nouvelles mises en oeuvre pour aller de
l'avant. C'est dans cette voie-là, oui.
La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Nous poursuivons les échanges avec
le député des Îles-de-la-Madeleine, porte-parole du troisième groupe
d'opposition. Vous disposez de quatre minutes également.
M. Arseneau :
Merci, Mme la Présidente. Moi, je vais continuer sur la même lancée, parce que
j'allais aussi vous montrer la
plateforme qui est utilisée par, évidemment, beaucoup de gens à Québec, que
j'ai utilisée pour la première fois vendredi dernier, Taxis Coop, et...
Vous la connaissez?
Mme Langlois
(Audrey) : Oui. J'ai habité à Québec, donc oui.
M. Arseneau :
Donc, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous souhaitez appuyer le
projet de loi n° 17 en parlant
d'une nécessité de moderniser absolument et de façon urgente l'industrie, alors
qu'actuellement il y a cette plateforme technologique qui nous permet de solliciter un taxi et de l'obtenir dans
les minutes qui suivent absolument de la même façon, à ce que je sache,
que toutes les autres compagnies internationales dont on a parlé.
Mme Langlois (Audrey) : Donc, si vous me permettez, je vais encore une
fois parler de notre Forum économique de
la relève d'affaires, parce que nous avons d'ailleurs discuté des nouveautés
technologiques, des plateformes entre autres, et nous avons pu noter que nous devons continuer l'amélioration parce
que généralement les nouveaux outils technologiques deviennent très
rapidement désuets. Donc, il faut toujours aller plus loin en ce sens.
M. Arseneau :
...qu'est-ce qui vous donne à penser que le propriétaire de cette
technologie-là a fermé boutique et ne voudra
pas lui-même améliorer sa plateforme, d'autant plus qu'il offre déjà des modes
de paiement qui ne sont pas offerts par Uber, par exemple, que ce soit le paiement comptant, soit le paiement
par carte de débit et évidemment la carte de crédit, qu'il offre aussi
une plateforme... En fait, si on regarde, par exemple, les différentes options,
elles sont plus nombreuses qu'Uber. J'ai de la difficulté à suivre votre
raisonnement à l'effet que cette compagnie-là ne voudrait pas suivre le
mouvement.
Mme Langlois (Audrey) : Donc, je voulais juste spécifier, vous voulez
dire que cette entreprise-là ne pourrait pas suivre le mouvement...
M. Arseneau :
Bien, c'est que vous semblez dire qu'il faut s'améliorer constamment, et je
crois que les entreprises québécoises qui sont dans le domaine des nouvelles
technologies veulent aussi améliorer leurs systèmes et leurs logiciels de façon
perpétuelle.
Mme Langlois (Audrey) : Très bien. C'est parce que vous... Je vais un peu reformuler votre question, c'est que vous avez débuté avec
le propriétaire d'entreprise qui, à présent, a fermé son entreprise?
M. Arseneau : Absolument pas, non. Je disais que cette compagnie-là est toujours
active, et donc est toujours
en perpétuelle recherche d'innovation. Et votre propos semble dire que le Québec n'est pas à la hauteur
de ce qui se fait sur le plan technologique dans l'industrie du taxi, alors que
cette plateforme-là semble tout à fait adéquate à l'heure actuelle, et vraisemblablement va s'améliorer avec le temps.
Est-ce que vous pensez... Est-ce que vous avez des raisons de penser que
l'entreprise Taxis Coop ne voudra pas améliorer son produit?
Mme Langlois
(Audrey) : Bon, nous encourageons toujours l'amélioration. Je
ne vais pas parler pour des entreprises en
particulier. C'est très bien que vous ayez un modèle d'entreprise devant nous.
Donc, très bien. Ce serait très important
d'ailleurs de continuer de la faire rayonner et de la faire connaître dans le
reste du Québec, ce serait une valeur ajoutée pour la société
québécoise.
M. Arseneau : Est-ce que vous
connaissez la firme Fraxion?
Mme Langlois
(Audrey) : Je ne peux pas dire que je suis au courant de la firme
Fraxion.
M. Arseneau :
Elle dessert 5 000 clients, véhicules-taxis et sociétés de transport
avec des plateformes électroniques. C'est
une compagnie québécoise et c'est l'une des compagnies québécoises qui est
active dans le domaine. Or, je voudrais juste qu'on puisse saisir l'occasion, parce que vous avez beaucoup parlé
de technologie, pour dire qu'il se fait aussi des technologies, au
Québec, qui sont performantes, d'accord? Puis j'ai une dernière question, le
temps file.
La Présidente (Mme Grondin) :
En terminant, M. le député, s'il vous plaît.
M. Arseneau : Ah! d'accord.
Bien, en fait, je vais terminer ici, puisque vous m'incitez à le faire.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci. Merci beaucoup pour les échanges et pour votre contribution à
nos travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures, cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Grondin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Nous allons poursuivre les
travaux. La Commission des transports et de
l'environnement reprend ses travaux.
Je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils
électroniques.
Nous poursuivrons les auditions publiques dans
le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 17, la Loi concernant le transport rémunéré de personnes
par automobile.
Cet
après-midi, nous entendrons la Fédération des chambres de commerce du Québec, l'Institut
économique de Montréal et M. Guillaume Lavoie, chargé de cours à
l'École nationale d'administration publique.
Je voudrais,
avant de commencer, vérifier s'il peut y avoir consentement pour qu'on puisse
poursuivre au-delà de
18 heures, donc cinq minutes de plus. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
La
Présidente (Mme Grondin) : Parfait. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Fédération des
chambres de commerce du Québec. M. Forget et M. Noël, à vous la parole.
Vous disposez de 10 minutes.
Fédération
des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
M. Forget (Stéphane) : Merci beaucoup. Merci de nous recevoir aujourd'hui. L'arrivée
de nouveaux joueurs comme Uber dans le
paysage de la mobilité en 2015 a eu l'effet évidemment d'un tremblement de
terre. C'est depuis aussi quelques années que la fédération s'intéresse à l'évolution du transport rémunéré de personnes par automobile au Québec. En 2016, nous avions été appelés à réagir à deux
occasions, dans le cadre des consultations puis à l'occasion du projet
de loi n° 100 qui portait sur ce sujet. Nous avions alors
demandé l'instauration d'un nouveau cadre réglementaire. Pourquoi? Eh bien,
parce que l'évolution de la technologie et de ses nombreuses opportunités et la saine
concurrence rendaient le cadre réglementaire de l'industrie du taxi
inévitablement brisé.
C'est dans ce
contexte que la fédération appuie les principes du projet de loi n° 17. Elle constate que l'objectif du gouvernement est d'adapter le
cadre législatif au nouveau modèle d'affaires innovant pour ainsi augmenter
l'offre de transport et lever les
barrières. Mais on rappelle également l'importance de compenser équitablement les
titulaires de permis de taxi pour la perte de valeur encourue par ces
changements législatifs.
La FCCQ a
abordé cet enjeu en étant guidée par trois grands principes : encourager
l'innovation et l'utilisation
des nouvelles technologies au bénéfice des clients tout en étant soucieux de
leur sécurité, compenser adéquatement les propriétaires de permis de taxi et
assurer une équité fiscale réglementaire entre tous les joueurs du secteur économique
de la mobilité.
L'arrivée sur
le marché d'Uber, Eva, Lyft, Netlift, etc., ont bouleversé ou vont bouleverser
les façons de se déplacer. Ces nouveaux modèles d'affaires ont rendu le
changement inéluctable. Il valait mieux imaginer un nouveau modèle économique
du XXIe siècle pour le transport des personnes.
Pour
la FCCQ, la solution doit prendre en considération les intérêts de toutes les
parties prenantes dans l'équation. On
parle beaucoup des Uber de ce monde, on parle beaucoup des propriétaires de
taxi, mais il y en a d'autres : les clients, les chauffeurs de taxi
traditionnel non propriétaires, les chauffeurs des nouveaux joueurs
technologiques du transport, les prêteurs, évidemment, sans oublier les gouvernements et aussi le
milieu du transport collectif. C'est pourquoi notre message principal aujourd'hui est celui-ci : pour le
transport rémunéré par automobile, innovation, modernisation et équité
peuvent et doivent coexister.
Alors, comment faire
pour que les technologies innovantes soient aussi au service de la mobilité
durable? L'innovation est au coeur de tout
système économique sain et concurrentiel. De nouvelles entreprises rivalisent
d'ingéniosité et proposent à leurs clients des idées, des produits ou des
services en valeur ajoutée. À l'inverse, dans les secteurs lourdement réglementés ou contingentés, la saine
concurrence est souvent bloquée à l'entrée. Cela a pour effet de réduire
l'innovation et se fait systématiquement à
l'encontre des intérêts des consommateurs ou, dans certains cas, des
citoyens. L'ouverture aux nouvelles applications technologiques et l'arrivée
d'entreprises innovantes sont des occasions à saisir pour moderniser les
balises en place.
Le
projet pilote réalisé de 2016 à 2018 à Montréal, Québec et Gatineau nous permet
la discussion que nous avons aujourd'hui.
L'approche du projet de loi fait preuve de flexibilité dans le cadre législatif
proposé pour permettre l'existence de ces nouveaux modèles. Peu importe
le domaine d'activité économique, l'environnement d'affaires et le contexte législatif québécois, ils doivent permettre
l'émergence de solutions technologiques innovantes, permettre également
la mise en place d'une concurrence saine et juste.
• (15 h 10) •
En plus d'encadrer
les règles à suivre pour les nouveaux joueurs technologiques du transport
rémunéré par automobile, les acteurs de l'industrie
du taxi conserveront, quant à eux, des champs d'application qui leur sont
propres. Par exemple, la tarification
dynamique, s'ils le désirent, les lanternons, le taximètre et surtout la course
hélée leur resteront réservés.
Pour
nous, évidemment, la sécurité des usagers est non négociable. Nous saluons donc
le fait que le projet de loi uniformise
les normes de sécurité et mette une emphase sur la formation des chauffeurs en
incluant une formation spécifique, nous le souhaitons, pour répondre aux
besoins du transport adapté.
On constate également
que des dispositions retrouvées dans le projet de loi prévoient une baisse du
fardeau administratif, ce qui correspond à
nos principes. Le remplacement du permis par une attestation de chauffeur
qualifié délivrée par la SAAQ, renouvelable aux deux ans, en est un
exemple.
Maintenant, pour les
compensations. À l'instar de ce que nous affirmions en 2016, la FCCQ appuie le
principe d'une indemnisation des titulaires de permis de taxi pour deux raisons. Premièrement, un grand nombre de titulaires de permis sont de véritables
victimes de ce progrès. Nous pouvons nous imaginer à leur place, et la société
ne doit pas les laisser tomber.
Deuxièmement, l'indemnisation peut atténuer la résistance au changement chez des
acteurs ayant perdu aux mains d'une innovation ou d'une réforme.
Les
montants des compensations, les modalités de versement ainsi que les sources
utilisées pour leur financement doivent
être mûrement réfléchis. Elles devront être établies en fonction de critères
rigoureux et de principes justes et équitables. Il s'agit, d'abord et
avant tout, d'une question de principe.
Les
acteurs de l'industrie du taxi ont opéré avec les règles en place et ne
devraient pas être pénalisés indûment par un changement soudain au cadre réglementaire. Gardons en tête que les
propriétaires de permis, également chauffeurs pour la plupart, sont des entrepreneurs qui ont pris des
risques d'affaires afin de gagner leur vie au meilleur de leurs
connaissances et en fonction des règles qui étaient en place.
Aussi,
par le système de gestion de l'offre qu'il a mis en place dans les
années 70, le gouvernement est, dans une certaine mesure, responsable de l'effet de rareté ayant résulté dans la
gestion des permis de taxi. Cela dit, la responsabilité de cette situation est partagée, puisque
l'industrie elle-même souhaitait à l'époque geler l'émission de permis pour
garantir une juste part de marché aux exploitants.
Donc,
le gouvernement ne devrait pas pour autant être tenu seul responsable d'un
effet de spéculation élevé qui a entraîné
une hausse drastique de la valeur des permis dans le marché de la revente.
Néanmoins, il est important de prévoir des compensations justes, suffisantes, équitables pour les titulaires de
permis et s'assurer que les propriétaires dans les régions puissent
également être indemnisés équitablement.
Deux
derniers éléments. D'abord, le projet de loi vient abroger la Loi concernant
les services de transport par taxi, qui
disposait d'articles pour assurer le transport des personnes âgées ainsi que
les personnes à mobilité réduite, entre autres. Le transport adapté est un service important, notamment pour le
fonctionnement du marché du travail québécois. En effet, plusieurs travailleurs d'entreprises, partout sur
le territoire québécois, requièrent du transport adapté au quotidien à des
heures régulières. C'est sans compter la
clientèle qui compte sur ces déplacements pour se rendre dans différents
services publics, dans leurs activités de loisir ou encore simplement pour
effectuer leurs achats.
On recommande de
conserver les dispositions spécifiques et applicables au transport adapté
retrouvées dans la loi actuelle. On incite également le gouvernement à prévoir
les ressources financières nécessaires pour répondre aux besoins de
déplacement.
Ensuite,
le projet de loi amène la disparition de la notion d'agglomération, ce qui
suscite des inquiétudes dans certaines régions
québécoises. Cette disparition aura pour effet, peut-être, de déréglementer les
territoires protégés par les services de taxi et peut ainsi réduire la couverture des municipalités éloignées des
grands centres urbains en région. En théorie, on permet à un chauffeur
de couvrir l'ensemble du territoire du Québec, mais, en réalité, sera-t-il
incité à devoir couvrir des plus petites
municipalités ayant moins de potentiel d'achalandage? Quelles pourraient être
les solutions qui permettraient de maintenir une couverture adéquate des
services de taxi et de transport rémunéré par automobile dans ces municipalités
éloignées?
Nous demandons au
gouvernement de procéder, à moyen terme, à une analyse d'impact quant à la
couverture régionale des municipalités éloignées des grands centres urbains en
région.
En terminant, nous
souscrivons aux objectifs du projet de loi, soit augmenter l'offre de transport
rémunéré de personnes par automobile en
levant les barrières à l'entrée de l'industrie, en facilitant l'arrivée en
affaires de nouveaux joueurs et en augmentant ainsi la concurrence et
l'effet de marché dans l'industrie de la mobilité.
Bien que le développement des transports
collectifs et actifs doit rester la priorité en matière de mobilité, les différentes formes de transport jouent un rôle
important pour combler des besoins ponctuels et des besoins
complémentaires. Cela permettra de stimuler l'innovation et de paver la voie à
de nouveaux modèles d'affaires, toujours à l'avantage du consommateur. Aussi, nous croyons qu'il est de la
responsabilité du gouvernement de trouver des positions équilibrées et sensibles afin de dédommager les intérêts
particuliers des personnes qui sont pénalisées par des changements et de les
aider dans leur nécessaire transformation.
Il en va de l'acceptabilité sociale des nouveaux modèles d'affaires
technologiques qui apparaissent, dérangent, mais ultimement augmentent
l'offre de transport et les choix pour les consommateurs. Merci beaucoup, Mme
la Présidente.
La
Présidente (Mme Grondin) : Je vous remercie, M. Forget, pour votre exposé. Nous allons
maintenant amorcer la période
d'échange. La procédure que nous allons suivre est : 24 minutes pour
le gouvernement; pour l'opposition officielle, 16 minutes; et les deux partis d'opposition, deuxième et troisième
opposition, vous aurez quatre minutes. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Messieurs,
bienvenue. Merci pour votre mémoire. Je
pense que vous avez bien suivi ce
dossier, cette loi qui a été déposée, la déclaration ministérielle que j'ai
faite, voilà quelques semaines déjà, pour amener l'industrie à se préparer et surtout à vivre des changements
que je considère immensément importants pour la vitalité et la pérennité de l'industrie du taxi puis pour les nouvelles
technologies aussi qui sont apparues, qui sont devant nous et qui seront
encore devant nous dans les prochaines années.
J'ai toujours
pensé depuis que je suis à l'Assemblée
nationale et surtout depuis l'arrivée
de ces projets pilotes que l'ancien gouvernement a mis en place qu'on se devait d'aller plus loin et de réduire le
fardeau administratif réglementaire et surtout fiscal des taxis, des
propriétaires. Connaissant quand même assez bien l'industrie, je me suis toujours
dit : Pourquoi on ne va pas plus loin?
Puis aujourd'hui, dans cet équilibre que je crois, bien
humblement, avoir trouvé pour assurer la
vitalité puis la pérennité, que ce soit par une formation adéquate donnée par
la SAAQ ou, nécessairement, un répondant...
Vous savez, il y a
des disparités : une formation de sept heures, une formation de
35 heures, il y en a de 100 ici, à Québec, il y en a de 160, il
y a des coûts jusqu'à
1 200 $ pour suivre une formation d'un mois, le permis de la CTQ,
qu'on a enlevé, la plaque T, qu'on a enlevée, qui coûte 1 000 $, le 4 C
sur le permis de conduire, les voyages solos. Du jour au lendemain, là... Comment ça se fait qu'en 2019 on
ne s'était pas posé la question, à savoir comment ça se fait qu'un taxi peut revenir vide en laissant un client du point A
au point B? Grosso modo, plus souvent qu'autrement, le taxi revient
vide. Dans une politique de mobilité durable, pour moi, c'était ridicule.
Cet
équilibre, donc, je pense qu'on l'a trouvé. Est-ce que ce projet de loi est parfait? Peut-être pas. Est-ce
qu'on peut l'améliorer? Assurément.
Dans votre
mémoire, au point 1.3, vous dites être venus ici, à l'Assemblée, à
l'époque du projet de loi n° 100, en 2016. Vous cibliez, à la
page... donc, au point 1.3, au deuxième paragraphe, vous disiez : «En
2016, à l'occasion des consultations sur le
projet de loi n° 100, la fédération affirmait que le cadre réglementaire
du taxi, fondé sur la gestion de l'offre, avait échoué sur deux
objectifs importants, soit d'assurer un revenu "décent" aux
chauffeurs et d'encourager l'innovation.»
Considérez-vous aujourd'hui, avec ce qu'on met en place... Bien, expliquez-moi
ce qui était le mot «décent» pour
vous, avant. Puis aujourd'hui considérez-vous qu'on met plus d'argent dans les
poches de ces chauffeurs locataires, chauffeurs de taxi, et qu'on permet
à tout le monde d'avoir sa place sur la patinoire au Québec?
M.
Forget (Stéphane) : Bien, le
constat qu'on avait fait en 2016, quand on regardait les revenus des chauffeurs
de taxi, la démonstration était faite à
l'époque que c'étaient des revenus qui étaient relativement faibles. Ça avait
beau d'être des microentrepreneurs...
Il y avait deux types de gens qui chauffaient les taxis, il y avait les
propriétaires, il y avait ceux qui louaient
à d'autres leurs permis. Et on avait une préoccupation à l'égard des chauffeurs
locataires, dont je vous mentionnais tantôt
dans les parties prenantes, puis bien souvent... si on se fie aux derniers
chiffres, avant de faire une cenne, devaient être capables d'en ramasser 500 $ ou 600 $
et, dans certains cas, même jusqu'à 700 $. Alors, évidemment, on
considérait que ces gens-là n'avaient
pas des revenus adéquats. De l'autre côté, il y a un nouveau modèle d'affaires
qui arrivait, qui permettait à des
gens, de façon soit temporaire ou de façon permanente, de devenir des
travailleurs autonomes, se créer une microentreprise, si on veut, et
aussi de profiter.
Donc, déjà,
les revenus étaient peu élevés pour les chauffeurs de taxi, puis là il y avait
un nouveau modèle d'affaires qui
arrivait et surtout de plus en plus de consommateurs qui adhéraient à ce
modèle-là. Alors, pour nous, c'était évident que les revenus des chauffeurs de taxi traditionnels, inévitablement, s'en
allaient vers une baisse, déjà que ce n'était pas très élevé, et qu'il fallait absolument revoir le cadre
réglementaire, à l'époque, pour permettre ça, parce que la démonstration
était faite que les revenus n'étaient pas suffisants.
M. Bonnardel :
Pourquoi, selon vous, beaucoup de gens ont migré vers ces nouvelles
technologies?
• (15 h 20) •
M. Forget (Stéphane) :
Bien, je pense qu'il y a la barrière à l'entrée, dans un premier temps, c'est
un élément important. Le deuxième, c'était
la flexibilité qu'offrait ce système-là. Évident aussi. Une tarification qui
était différente, une approche qui
était différente. Et surtout, puis ça, c'est le principe que tout le monde
connaît, quand on en a peu besoin ou moins
besoin, des chauffeurs de taxi, ils sont à leur poste et ils attendent qu'il y
ait du monde, et, à l'opposé, quand on en a besoin de beaucoup, bien là, ils ne sont pas
disponibles parce qu'il n'y a pas assez de chauffeurs de taxi sur le réseau.
Alors, tout le monde finissait par être perdant.
Donc, je pense qu'une des raisons pour laquelle,
pour répondre à votre question, les gens ont eu un intérêt, notamment,
pour l'autre système, bien, c'était évidemment la tarification dynamique mais aussi l'opportunité de savoir
à quel moment de la journée l'offre et la demande étaient plus importantes.
M. Bonnardel : Est-ce
que, selon vous, avec ce qu'on a mis
en place... Il y a 50 millions de courses, au Québec, qui sont faites,
grosso modo, 40 millions par l'industrie
du taxi traditionnelle, 40 millions, 10 faites par application mobile,
par des sociétés de taxi, aussi, qui ont des
applications, mais, grosso modo, 40 millions de courses faites de façon
traditionnelle. Considérez-vous qu'on a fait
assez pour assurer la vitalité puis la pérennité de l'industrie? Pensez-vous,
encore une fois, qu'avec ce qu'on met sur la table, dans ce projet de
loi, qu'on assure la vitalité et la pérennité de l'industrie du taxi?
M.
Forget (Stéphane) : Bien, je
vous dirais deux choses. Tout d'abord, évidemment, il faut régler l'enjeu de la compensation
de ceux qui vont perdre. Et ça, je pense que, si on ne trouve pas une solution
adéquate à cela, ça pourrait menacer plusieurs joueurs dans cette industrie-là.
Ça, c'est le premier élément.
Deuxième
élément, il y a des nouveaux joueurs, sur le marché, qui ont des
nouvelles technologies, qui ont des moyens technologiques autres et qui sont plus... qui sont
très modernes. Donc, il va falloir,
puis je pense que vous l'avez déjà... Le précédent gouvernement et vous avez la même réflexion, il faut avoir des
moyens de permettre à cette industrie-là de continuer sa modernisation
parce que, dans un nouveau cadre plus ouvert, où la compétition va être plus
forte, il va falloir les appuyer. Donc, je pense que vous avez à l'esprit cette
préoccupation-là.
Il faudra
s'assurer, comme je le mentionnais, pour une bonne acceptabilité sociale, qu'on
ait une compensation juste et qu'on les aide à se moderniser parce que
la compétition va être, je pense, assez forte.
M. Bonnardel :
Quand je regarde les chiffres du nombre de permis au Québec par
10 000 habitants voilà 40 ans à aujourd'hui, il y a moins
de taxis versus la population qui augmente. Est-ce que, selon vous, on devrait
contingenter? Il y a
6 200 propriétaires présentement, là, pour 7 500 permis.
Est-ce qu'il y en a assez? Je vois trop, moi, malheureusement, des
situations où des gens arrivent à la gare Sainte-Foy ou à la gare du
Palais — je
prends Québec comme exemple, là — il y a 40, 50 personnes qui sortent
du train, il manque de taxis. Il y en a-tu assez?
M.
Forget (Stéphane) : En fait,
je pense que, comme je l'ai mentionné, on est favorables au projet de loi parce
qu'on met fin au contingentement. Je pense
que, si on ouvre à une saine concurrence, il y aura le jeu de l'offre et la
demande qui va s'implanter. Bon,
est-ce qu'il y aura, au début, une certaine instabilité? On le verra. Mais je
pense qu'il faut avoir confiance dans
le fait que cette déréglementation-là, comme dans tous les autres secteurs, va
faire en sorte qu'il y aura de l'offre pour une demande qui va
s'exprimer, j'en suis convaincu.
Comme je le
mentionnais tantôt, souvent ce n'est même pas la faute de l'industrie du taxi.
Il y a actuellement un contingentement.
En période de pointe, il n'y en a pas assez puis, en période de creux, il y en
a de trop nombreux qui sont installés
à des arrêts ou en train de circuler à ne pas avoir de clients. Donc, je pense
qu'une nouvelle formule va permettre, avec les nouveaux outils
technologiques, d'avoir une meilleure option de l'offre et la demande.
M. Bonnardel :
C'est important pour vous qu'on mette dans la loi, ce qu'on a fait, le partage
des courses, réduire le nombre d'autos solos? Est-ce que, pour vous, ça,
c'était un point qu'il est important de faire?
M.
Forget (Stéphane) : Je pense
que les technologies permettent aussi aux consommateurs de voir d'autres
options, et je pense que oui. Dans le fond,
il ne faut pas oublier que le transport par voiture, c'est une offre dans le
cocktail de transports, dans le
cocktail de la mobilité. Alors, tout ce qu'on va être capable de mettre en
oeuvre pour favoriser cette mobilité-là et peut-être réduire l'usage de
l'auto solo, bien, ce sera des moyens qui seront aussi, de toute évidence,
pertinents et intéressants.
M. Bonnardel : On
me demandait, nécessairement, quand on a rencontré l'industrie du taxi... On le
sait, qu'il y avait un monopole du côté
d'Uber pour ce qui est de la tarification dynamique. Nécessairement, quand je
prends mon téléphone puis je vais voir toutes les applications que les
sociétés de taxi du Québec nous offrent, il n'y avait pas de possibilité pour eux d'avoir cette tarification
dynamique selon l'offre et la demande, nécessairement, d'un événement à l'aréna, un spectacle, peu importe. On souhaite,
dès l'adoption de la loi, permettre à l'industrie du taxi, qui utilise
nécessairement une application mobile, de faire de la tarification dynamique.
Est-ce que c'est un enjeu, pour vous, qu'il, selon vous, est important de
mettre de l'avant pour eux?
M.
Forget (Stéphane) : Bien,
j'allais vous dire aussi, pour ajouter, à votre question précédente : Je
pense que, dans le modèle présenté
par la compétition au taxi plus traditionnel, il y a plusieurs éléments qui les
intéressaient mais que le cadre réglementaire dans lequel ils évoluaient
ne leur permettait pas. La tarification dynamique, c'est un bel exemple.
Peut-être qu'il y a des chauffeurs de taxi qui auraient eu intérêt ou la
volonté de ne pas faire... d'embarquer plus qu'un passager en cours de route. Donc, ce que d'autres permettent, eux, dans
certains cas, certainement le voyaient comme une opportunité mais que le cadre réglementaire leur
empêchait de mettre de l'avant. Alors, ça, vous avez certainement eu plus de discussions avec
eux que nous, mais je pense qu'en déréglementant ça va permettre à tout un
chacun d'aller chercher ce qui est le plus profitable pour eux.
M. Bonnardel : Quand je parlais tantôt de réduire le fardeau
et de rendre plus simple, dans une certaine mesure, ce n'est pas
contraire au fait que je veux assurer la sécurité de l'usager, du client, qu'il
utilise un Uber, qu'il utilise un Lyft, un
Eva ou le taxi traditionnel. Et, de là, on s'est dit : On enlève le 4C.
Celui qui veut devenir chauffeur de taxi, qui veut utiliser l'application mobile puis veut nécessairement faire du Lyft
ou du Uber doit posséder un permis classe 5 depuis un an, doit passer au travers des antécédents
judiciaires confirmés par un corps de police, nécessairement, suivre une
formation minimale, et, nécessairement,
l'inspection d'un véhicule, selon l'année, selon le kilométrage qu'on va définir par règlement,
là, on ne va quand même pas faire inspecter
des véhicules qui sont neufs. Mais considérez-vous que cette enveloppe
comme telle est sécurisante pour ceux qui vont utiliser, peu importe
l'application ou la société qu'ils vont prendre, l'application technologique? Est-ce que c'est assez, selon vous,
de mettre ces règles précises, équitables, uniformes pour tout le monde?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, la sécurité du consommateur, on l'a
mentionné, c'est quelque chose qui est fondamental
pour nous. Je pense que ce sont des obligations importantes que vous mettez de
l'avant, qui sont, de notre point de
vue, pertinentes. Est-ce qu'il faudrait en avoir plus? Je vois dire sincèrement
qu'on n'a pas fait cette réflexion-là. Mais, minimalement, ce que l'on retrouve dans le projet de loi est assurément
un pas dans la bonne direction. Est-ce qu'il en faut plus? Honnêtement, on n'a pas fait cette
réflexion-là, mais ce qu'on sait par ailleurs, c'est que, si on veut que ça
fonctionne, il faut que la sécurité soit au
rendez-vous, que la formation soit pertinente. Et, comme on l'a mentionné, on
vous le souligne, une formation pour tous, aussi, pour le transport
adapté, ça, c'est très important.
M. Bonnardel :
Considérez-vous que... Vous connaissez quand même l'industrie du taxi, vous
êtes à l'Assemblée nationale quelques
fois par année parce qu'on vous demande de venir comme groupe, vous avez une
connaissance fine. Est-ce que vous
considérez... Le fardeau administratif, j'ai souvent entendu ce principe,
depuis que je suis à l'Assemblée, autant
pour les entrepreneurs. Puis, pour moi, un propriétaire unique, un artisan de
taxi, c'est un entrepreneur puis qui voit des charges qui ne finissent plus. Puis ça lui coûte de l'argent, vous
l'avez dit tantôt. Avant de faire un premier dollar, souvent, c'est un
premier 500 $, 600 $ pour amortir le coût, le taximètre, et tout, et
tout. Est-ce qu'on pourrait ou devrait aller plus loin? Est-ce que vous
considérez qu'on en a fait assez pour baisser le fardeau administratif, les
charges?
Je
pense que vous avez pris connaissance un peu de ce qu'on... le cocktail que
j'ai mis en place, qu'on a mis en place pour être capables de dire : Avec ça, c'est certain que, demain
matin... Puis, je le répète, quand on a préparé cette loi, la seule chose qu'on avait en tête et que j'avais en tête,
c'est : comment, demain, je peux m'assurer que ce chauffeur de taxi
va faire plus d'argent puis qu'il va
assurer, là, une pérennité puis une vitalité de son propre taxi, lui-même, en
se disant... Il y avait beaucoup de peurs, il y avait beaucoup
d'insécurité, il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'interrogations face à
cette loi, puis il y en a, puis je les comprends, je les comprends.
C'est une industrie
qui n'a pas été modernisée depuis très, très, très longtemps, et aujourd'hui je
pense, bien humblement, qu'on leur donne
beaucoup d'outils, beaucoup d'outils. Et, demain matin, le travail de chauffeur
de taxi, à moins que vous me disiez
que je me trompe, va continuer. Puis c'est 40 millions de courses. C'est
encore eux, là. Parce qu'on protège
l'appellation «taxi», héler un taxi, là, le lanternon. Donc, est-ce qu'on va
assez loin? Selon vous, c'est assez avec ces charges administratives et
financières qu'on leur donne et qu'on met dans leurs poches?
M. Forget (Stéphane) : Je dirais deux choses. D'abord, je l'ai mentionné
plus tôt, je pense qu'en réduisant le fardeau administratif comme vous le faites ça va enlever la barrière à l'entrée.
Ça, c'est important. Premier élément. Le deuxième, vous avez parlé de notre expérience de l'Assemblée
nationale, je dois vous dire que ce qu'on constate généralement, c'est
que le vrai fardeau administratif se trouve dans les règlements qui suivent
l'adoption d'une loi. Alors, c'est à la lecture du projet de règlement que je
serai en mesure de répondre parfaitement à votre question, M. le ministre.
M. Bonnardel :
Vous êtes expérimenté. Mais je vais m'en souvenir, ne vous inquiétez pas. Je
n'ai pas l'intention que ce soit plus compliqué à la fin que ce que je
vous dis là...
M.
Forget (Stéphane) : ...de l'entendre dire. Je suis heureux de
vous l'entendre dire.
• (15 h 30) •
M. Bonnardel :
...soyez-en assuré. Mais les dessertes d'agglomération, mettre fin à ces
dessertes, permettre à un chauffeur
qui rentre dans un autre secteur... Avant, il revenait vide, maintenant il va
pouvoir revenir avec un client. Vous parlez
des régions, les disparités, de compliqué, pouvez-vous juste élaborer peut-être
sur ce point que vous m'amenez, où vous dite : Peut-être, là, il y
a un petit point négatif, là, sur ça, là?
M.
Forget (Stéphane) : Vous permettez, je vais laisser mon collègue...
Philippe va répondre.
M. Noël (Philippe) : Oui. En fait, ce qu'on entend beaucoup
depuis le début... en fait, depuis le dépôt du projet de loi, les chambres de
commerce, notamment, qui nous ont interpelés, nos membres, nous
disent qu'ils ont une préoccupation
en ce qui a trait à la desserte des municipalités à l'extérieur des grands
centres urbains dans les régions, c'est-à-dire des municipalités à 30,
45 minutes. Parce que, pour un chauffeur de taxi, la fin de cette obligation-là,
de couvrir une région, bien, ça rend plus attrayant d'aller vers les municipalités
qui sont plus peuplées, où est-ce qu'il y a plus d'achalandage.
Donc,
il y a une espèce d'incertitude qu'il
y a actuellement concernant ces
plus petites municipalités là qui sont à une certaine distance. Et, nous, ce qu'on propose, c'est qu'il y ait
une analyse qui soit réalisée après un certain temps en ce qui a
trait à la desserte et la couverture
de ces municipalités-là. Est-ce
que les plaintes, par exemple, à la Commission des
transports du Québec vont avoir augmenté quant à la desserte? Donc, je pense
qu'il y a lieu, là, au moins de produire une analyse
puis de s'assurer que ça n'affecte pas la couverture puis la desserte régionale
des plus petites municipalités.
La
Présidente (Mme Grondin) : M. le
député de Beauharnois.
M. Reid : Merci
beaucoup. Merci. Bonjour. Bien, en fait, je reviens sur la réponse que vous
venez de donner au niveau des régions. Ça me préoccupe un peu.
En fait, ici, vous avez mentionné... donc, c'est : procéder à moyen
terme à une analyse d'impact. Et vous posez
la question : Quelles pourraient être les solutions qui
permettraient de maintenir une couverture
adéquate des services de taxi et de transport dans ces municipalités ou des régions? Moi, je peux dire que je proviens d'une région.
Mais quelles pourraient être des solutions, outre une étude d'impact?
M.
Forget (Stéphane) : En fait,
c'est justement... en fait, ça fait depuis, je dirais, une
dizaine de jours, là, qu'on a commencé
à entendre ce genre de préoccupation là. On n'a pas de solution à ce jour. Je pense qu'il faut
évaluer s'il y aura un réel problème.
Tu sais, j'ai toujours à l'esprit la desserte d'un aéroport régional où on va
aller vers une plus petite municipalité, par
exemple, tu sais, ce genre de situation
là. À moins que, Philippe, tu aies eu des suggestions qui sont venues de différents... mais on est vraiment
plus à l'étape de la préoccupation, à ce
moment-ci, qu'à l'étape de la
solution. Je m'en excuse, mais je pense qu'on va devoir travailler avec
des gens qui ont une plus grande spécialité à cet égard-là.
M. Reid : ...ça
peut ramener un retour au contingentement?
M. Forget (Stéphane) :
En fait, l'idée, ce n'est pas de contingenter de façon générale, parce qu'il y
a beaucoup d'avantages à ne pas le faire.
Dans certains cas, en région éloignée, est-ce
qu'il y aurait une réflexion à faire
sur des... je ne sais pas. Ah! écoutez,
je ne veux pas avancer de solution parce
qu'on n'a pas l'expertise que probablement l'industrie du taxi ou
l'industrie de la mobilité par automobile aurait, là, mais... Peut-être, tu
veux ajouter, Philippe?
M. Noël
(Philippe) : Bien, on est
convaincus, en fait, qu'après, disons, un an ou deux ans, on va être en mesure
de déterminer, en fait, les problématiques.
Puis, une fois que les problématiques vont être déterminées, bien, il va y
avoir des solutions qui vont émerger
de ça. Il faudra entendre les acteurs régionaux sur le terrain, qui vont être
en mesure de proposer peut-être des
alternatives, des incitatifs peut-être, aussi, aux chauffeurs à aller vers des
coins un peu moins desservis, puis leur démontrer : Écoutez, il y aurait de l'achalandage, là, dans ce
secteur-là, parce qu'il y a une demande. Donc, ce sera à évaluer, je
pense, après un an ou deux, après que la loi soit adoptée.
M.
Forget (Stéphane) : Et
peut-être que l'offre et la demande va suffire. Peut-être que les lois du
marché vont suffire à régler cet
enjeu potentiel là. C'est pour ça qu'on dit : Faisons une étude. Voyons à
terme s'il y a un enjeu. Ou peut-être que les lois du marché vont faire
le travail parfaitement. On ne le sait pas, à ce moment-ci.
M. Bonnardel :
Bien, c'est...
La Présidente (Mme Grondin) :
M. le ministre, vous voulez...
M. Bonnardel :
Oui, Mme la Présidente. Présentement, il n'y a pas de garantie de service,
présentement, au Québec, dans les différentes régions, là, c'est une
question d'offre et de demande. S'il y a de la demande demain dans un
secteur X, une municipalité X, il y aura nécessairement une offre.
M. Forget (Stéphane) :
...une agglomération.
M. Bonnardel :
Une agglomération, là, on va le prendre de cette manière. Donc, moi, je reste
persuadé que, oui, le marché va
s'adapter en se disant... Bien là, s'il y a des demandes, les applications
mobiles, excusez le terme ainsi, ça se met à «poper» x nombres de fois
par jour, à telle heure, à telle heure, bien, je pense que tout le monde va
s'adapter pour être capable...
Puis je
reviens un peu à ma question de ce matin à la jeune chambre de commerce sur les
différentes applications mobiles qui
existent au Québec. Je reste persuadé qu'avec 20, 24 applications... Moi,
je vois loin pour l'industrie, là, je me
mets en mode 2030, 2035. Je me dis, si on veut compétitionner demain... Puis
l'idée que j'amenais à matin venait de M. Jean-Paul, des métallos
de l'industrie du taxi à Montréal, où il disait : Notre avenir est
peut-être sur une application. Vous
comprenez que le touriste qui se promène, puis qui sort de l'aéroport, puis qui
a besoin de se dire : Bon, bien là... je ne peux pas télécharger
Taxis Coop, Taxi Laurier, Taxi Diamond, puis me promener, puis là avoir
36 applications sur mon téléphone,
c'est illogique. Donc, c'est une idée
que j'amène. Ce n'est pas nécessairement... ce n'est pas dans le projet de loi puis
ça ne le sera pas. Mais considérez-vous que ça, c'est une idée que l'industrie
du taxi traditionnelle devrait mettre en place?
M.
Forget (Stéphane) : Bien,
c'est certainement... C'est pour ça, tantôt, je mentionnais l'importance
d'accompagner l'industrie, parce que les
compétiteurs sont assez féroces. À l'opposé, et c'est intéressant, j'ai un
chauffeur, un peu plus tôt, qui nous
mentionnait que lui, le jour où il aura deux ou trois applications disponibles,
il serait intéressé à les avoir puis à desservir
tous ces clients-là. Alors, je pense que ça va se faire dans les deux sens. Je
dirais peut-être un peu ironiquement, mais en même temps pas
tellement : Il va falloir qu'on parle aussi aux ministères à vocation
économique pour s'assurer que les applications puissent être appliquées dans
toutes les régions du Québec, parce qu'on n'est pas desservi à 100 %
actuellement.
M. Bonnardel :
Ça, vous avez absolument raison. Puis présentement les chiffres nous disent
qu'il y a 1 000 chauffeurs de taxi qui sont chauffeurs mais qui
utilisent une application de technologie différente de la leur pour obtenir puis faire, nécessairement, plus d'argent.
Puis, bon, dans d'autres États, c'est exactement la même chose, là, tu
as le chauffeur traditionnel qui fait du Lyft ou qui fait du Eva ou autres
applications.
Mais
je vous ramène au transport adapté aussi. Il y a eu de la désinformation, pour
certains, en s'imaginant que, du jour au lendemain, parce qu'on avait
préparé cette loi, le service aux personnes démunies handicapées allait
baisser. Il y a 120 000 personnes,
au Québec, qui utilisent ce transport adapté qui est desservi par 70 %,
75 % de l'industrie du taxi en grande
majorité, grande majorité. Ces sociétés font un excellent travail. Les
municipalités signent année après année des ententes avec ces gens, puis
je voudrais conforter puis rassurer les gens qui se sont fait dire que,
soudainement, là, ça, ça tombait puis que, là, le marché était ouvert.
Considérez-vous
quand même... Moi, je reste persuadé que, si l'industrie, la société fait un
bon travail, bien, les ententes vont
continuer de se signer. Je ne vois pas pourquoi les municipalités diraient,
bien, du jour au lendemain... Mais de
permettre une offre additionnelle au cas où sur 20 %, 25 % de ce
transport dans les différentes régions, il peut y avoir les cas où l'offre, elle n'est pas adéquate,
qualité, peu importe, là, peu importe ce qui vient en ligne de compte,
considérez-vous qu'on va... Est-ce qu'on devrait le protéger? Tiens, je vais
vous poser cette question de cette façon : Est-ce que, pour vous, il
faudrait protéger le transport adapté comme c'est présentement?
M. Noël (Philippe) : En fait, ce qu'on entend beaucoup sur le terrain,
puis ce qu'on observe aussi, c'est que, comme le projet de loi vient
abroger la précédente loi sur le taxi, bien, il y avait des dispositions quand
même assez claires dans la précédente loi
qu'on ne retrouve pas dans la nouvelle version de la loi, et ça, ça inquiète
pas mal d'acteurs sur le terrain. Les gens, aussi, qui utilisent le
transport adapté, c'est quand même des travailleurs, c'est quand même des gens
qui utilisent aussi ces services-là pour
aller faire leurs achats. Puis, cette zone grise là, je pense qu'il y aurait
lieu de les rassurer. Je sais qu'il y a une disposition, puis je pense
que c'est à l'article 138, une disposition pour créer un projet de
règlement, justement on en parlait tout à
l'heure, mais il faudrait que ça soit préciser le plus rapidement possible pour
au moins rassurer cette clientèle-là qui est hyperimportante, je pense,
pour le Québec.
M. Forget (Stéphane) : Et, comprenez-nous bien, l'idée n'est pas de dire
de ramener le transport adapté dans l'ancien cadre réglementaire. Ce
n'est pas ce qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est que toutes les dispositions qui
touchent le transport adapté ne se
retrouvent pas dans le nouveau projet de loi. Je pense que les sociétés de
transport vont être ouvertes aussi à faire affaire avec les nouveaux modèles d'affaires. Ça, je pense que c'est
clair, puis ça pourrait avoir un impact très positif sur le nombre de
courses, justement. L'idée n'est pas de dire : On doit garder ça dans
l'ancien cadre. L'idée, c'est de dire : Assurons-nous
que les dispositions qui doivent être là pour protéger le transport adapté
soient bien connues et comprises.
M. Bonnardel :
Merci.
La Présidente (Mme Grondin) : Merci, messieurs. Merci, M. le ministre. J'invite
maintenant l'opposition officielle. M. le député de La Pinière, vous
avez, comme opposition, 16 minutes.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Forget, M. Noël, bienvenue. C'est vrai
que vous êtes des habitués. Moi, je ne suis pas habitué à d'être ce
côté-ci, là, mais ce n'est pas grave, je suis content de vous voir pareil.
Une voix :
...
• (15 h 40) •
M. Barrette :
C'est ça, vous avez raison. Écoutez, je vais reprendre quand même quelques
propos puis vous demander quelques
éclaircissements, là. Dans votre sommaire exécutif, là, vous mentionnez trois
fois, presque quatre, qu'il est
extrêmement important que les propriétaires de taxi soient indemnisés
correctement. Et le groupe qui vous précédait, bien que plus jeune, puis c'était intéressant, dans
tout le spectre des âges des observateurs économiques, bien, force est de
constater qu'ils ne le sont pas, là, et que,
là, il y a un tort qui est causé, puis vous insistez là-dessus. Moi, je suis
d'accord avec vous, là, puis, bon, je
vais le dire, là, le ministre ne semble pas sensible à ça. Il décide
arbitrairement que ce qui est sur la table est suffisant. Vous, là, vous êtes dans le commerce, vous êtes dans les
affaires, c'est votre environnement. Quelle est la formule de
compensation que vous envisageriez pour qu'elle soit équitable?
Puis
je vais tout de suite mettre mon biais
personnel, là. Quand vous avez dit que les gens qui sont entrés là-dedans, les gens de l'industrie avaient une responsabilité partielle, mais
je vous dirais aussi que cette responsabilité partielle là, même la portion est partagée avec le gouvernement qui l'a laissée aller. C'étaient des règles qui
étaient mises en place. Et, quand bien même l'industrie faisait des
pressions, à la fin, là, il y a quand même... il a fallu que le gouvernement accepte
de bon gré, de plein gré de le mettre en place. Alors, quelle formule vous
voyez, vous?
M. Forget
(Stéphane) : Écoutez, la formule mathématique
précise, on ne l'a pas, parce qu'on n'a pas cette...
M. Barrette :
Les principes, là.
M. Forget (Stéphane) : Tout
d'abord, je dirais, le ministre
a parlé de 500 millions. L'industrie parle de 1,4. Quand on lit l'analyse réglementaire du ministère, l'analyse d'impact réglementaire, on évalue ça à 745 millions. Alors, de
notre point de vue, on doit se retrouver en quelque part entre les deux. À quel
endroit? Je ne le sais pas précisément, mais, de toute évidence, il y a un
effort à faire.
Je le répète, on l'a dit tantôt, cette
compensation-là doit voir le jour, parce qu'il y a des gens qui ont joué dans un système, ont oeuvré — pas
joué, mais oeuvré dans un système — et
ce système-là tombe. Et, deuxièmement, si on
veut, et c'est un premier pas, là, dans ces
nouveaux modèles économiques là, si on veut qu'on continue d'être capable
d'en développer, il va falloir que les gens sentent qu'on a bien fait
les choses puis qu'il y a une acceptabilité sociale autour de cela.
M. Barrette :
D'accord.
M. Forget
(Stéphane) : Cette acceptabilité-là passe notamment, de notre
point de vue, par une compensation équitable,
qui se situe en quelque part, de notre point de vue, entre les deux. Mais,
au-delà de ça, on pense que chaque cas est différent aussi. Et ça, c'est
un travail assez particulier, parce que quelqu'un qui a oeuvré dans les dernières
années dans l'univers où Uber était installé
en projet pilote n'a peut-être pas eu le même effet sur la valeur de son permis
que quelqu'un qui était dans une autre région. Alors donc, quelle est
l'année où on va prendre... ou quel sera le moment où on va définir le critère
d'évaluation du permis? Ça, c'est un élément.
Alors,
comme je vous dis, on n'est pas... Je pense que l'industrie est beaucoup plus
spécialisée que nous pour faire ça, mais je pense qu'on est en quelque
part entre les deux. On pense qu'il y a du cas par cas, mais il faut que ça
soit juste et équitable dans cet univers-là.
M. Barrette :
Ce n'est pas une question, mais c'est juste un commentaire, je vous soumets que
le gouvernement, dans ces trois
formules qu'il a utilisées, il a choisi la formule qui désavantageait le
propriétaire, parce qu'il a pris la formule après l'effet Uber, qui, par définition, produisait un montant plus
petit à compenser. Et ça, c'est un choix du gouvernement. Mais je ne
vous demande pas votre opinion là-dessus. C'est juste pour l'échange.
Par
contre, je vais vous demander votre opinion sur un sujet différent. Moi, pour
moi, là, l'industrie du taxi... Vous avez
fait des commentaires qui étaient effrayants. Je comprends pourquoi vous les
avez faits, là, mais je vous soumets qu'ils étaient effrayants, puis je
vous le dis pourquoi. Quand vous nous dites : Bien ça se peut — M. Noël,
c'est vous qui avez dit ça — ça se peut que, dans un an, deux ans, là, on
ait à réajuster le tir, peut-être réajuster une réglementation, oui, mais c'est parce qu'un an, deux ans plus tard, les
joueurs du taxi vont peut-être être disparus puis ils ne reviendront
pas. Moi, il me semble que, quand on arrive
avec un projet de loi, il doit être bien fait et ne pas avoir à attendre dans
deux ans, réparer quelque chose qui aura été brisé à un point qu'il va
être irréparable.
Et là je fais la
corrélation avec les régions. En région, l'industrie du taxi, là, il n'y a
absolument rien qui dit qu'Uber va
apparaître là. Ça, il n'y a absolument rien qui prédit ça. Et par contre la loi
va avoir un effet immédiat en région. Il
y a des gens qui vont probablement disparaître, point final, parce que la
valeur de leurs permis, elle va être disparue, et ainsi de suite, mise à zéro, et ainsi de suite.
Puis, quand vous vous posez la question sur le territoire, et ainsi de suite,
vous savez que c'est une déréglementation complète. On va poser deux
questions : Est-ce qu'on peut déréglementer plus? Probablement que non.
Alors, moi, je pense que la question se pose.
Maintenant,
je prends le cas de Gatineau. À Gatineau, on n'a pas changé les territoires,
là, encore, là. Mais à Gatineau, on a un problème qui est réel, à savoir
que, lorsqu'on donne le choix aux chauffeurs, ils s'en vont au casino et ils délaissent le centre-ville, où il n'y en a plus,
de taxi. Ça, là, c'est un effet concret au Québec d'une situation de liberté
absolue. Vous avez quoi à répondre à ça? Je
prends l'exemple de Gatineau, là, puis, à Gatineau, c'est un exemple de
vendredi soir au casino, mais je
pourrais prendre l'exemple de Rimouski puis de Rivière-du-Loup, où c'est à tous
les jours où, si on perd ces services-là, il va y avoir un problème.
Alors,
comment peut-on dire demain matin, là, qu'en déréglementant au maximum, comme
le gouvernement le fait, demain
matin, automatiquement, ça va être le nirvana du transport de personnes
rémunéré puis que tout va bien aller? Moi,
là, je ne le comprends pas. Le ministre, il n'est pas capable d'expliquer ça, à
ma connaissance, à date. Vous qui avez une expérience là-dedans et qui
aviez déjà réfléchi, puisque vous êtes venus, c'est quoi, votre lecture de
cette situation-là?
M. Forget (Stéphane) : Bien, tout d'abord, pour la réflexion sur
l'analyse dans un an ou deux, on vous parlait de cas très particuliers
de régions éloignées où on devra l'évaluer. Ça, c'est une chose. Deuxièmement,
la situation que vous invoquez existe déjà
dans le cadre réglementaire actuel. Nous, on pense que les lois du marché vont
largement répondre à cet enjeu-là. Dans tous les autres domaines où les
lois du marché s'appliquent, il y a un équilibre qui s'installe, et on a confiance qu'en déréglementant on va augmenter
l'offre de transport par voiture. C'est la prétention que nous avons
avec les analyses que nous faisons aujourd'hui.
M. Barrette :
Et la prétention est basée sur quoi? Moi, je n'ai jamais vu de démonstration
que, sur tout le territoire du
Québec, il allait y avoir une offre augmentée. Je vous donne un autre exemple,
là, puis j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus. Sur quelle base le ministre peut-il affirmer qu'après
l'application de sa loi, qui est une déréglementation complète, parce
que plus que ça, ce n'est plus le règlement pantoute, là, tout le monde va
faire plus d'argent? C'est toute une affirmation,
là. Ça, c'est quasiment gagner à la loto. Alors que l'expérience dans le monde,
là, montre exactement le contraire.
Moi,
que le ministre affirme qu'après la déréglementation qu'il veut mettre en place
les chauffeurs de taxi vont tous faire
plus d'argent... Écoutez, là, d'habitude une affirmation comme ça, on entend ça
le 25 décembre. Là, le reste de l'année, là, c'est basé sur quoi, ça? Avez-vous, vous, une donnée, une
expérience, une analyse qui permet d'affirmer sans ambages, sans rien... tu sais, c'est fin de non-recevoir,
là, plaignez-vous pas, vous allez tous faire plus d'argent? Écoutez, moi,
si c'est ça, là, puis il y a une
démonstration, je vais vous dire : Bravo! On va signer tout de suite le
projet de loi. Tout le monde va faire plus d'argent, on est contents.
M. Forget (Stéphane) :
Non, on n'a pas cette démonstration-là. Ce n'est pas ce que nous affirmons.
M. Barrette :
C'est ce que je pensais.
M. Forget (Stéphane) : On n'a pas cette démonstration-là. Cela dit, on
est conscients que... C'est pour ça que, tantôt, puis ça, je veux que ce soit bien important, qu'on ait ça à l'esprit, je
vous ai parlé de différentes parties prenantes, M. le député. Oui, il y a l'enjeu des propriétaires
titulaires de permis, mais il y a la réalité aussi des chauffeurs locataires de
permis, et je pense que, dans ces cas précis
là, il est fort possible qu'en diminuant la barrière à l'entrée les probabilités
qu'ils... en tout cas, théoriquement, ils puissent faire plus d'argent,
elle est réelle. Ça, je pense que c'est important de le souligner.
Autre
chose, évidemment, je n'ai pas d'étude exhaustive, mais je peux vous dire que,
par expérience personnelle, dans les moments où l'utilisation du taxi
était saturée pour une raison de tempête de neige, ou autres, ou de soir de réveillon de Noël, ou etc., les alternatives qui
étaient en projet pilote sont venues assurément compenser pour répondre
à la demande à ce moment-là. Donc, ça, c'est
des expériences personnelles. Comment ils vont s'appliquer de façon
générale? Ce sera évidemment à voir dans le temps, mais je pense que les lois
du marché, comme je l'ai dit plus tôt, vont, dans ce cas-là, servir le consommateur.
M.
Barrette : M. Forget — bien, si vous le permettez, parce qu'on n'a
tellement pas beaucoup de temps — ce que vous venez de me répondre, c'est la réponse vue de votre angle
d'utilisateur, qui est le cheval de bataille du ministre. La raison que... la question que moi, je vous pose est du
côté de ce que vous appelez le chauffeur qui, au bout de la ligne, va
devenir un employé, tout simplement. Les
propriétaires, là, ils ne vont pas y trouver leur compte. Les chauffeurs vont
être des employés de quelqu'un. Et le
ministre nous dit que, selon lui, là, c'est clair, il n'y a aucun doute
possible, c'est sa religion, c'est un dogme,
c'est un idiome... un axiome, pardon, le chauffeur va faire plus d'argent sous
sa loi qu'avant sa loi. Vous me répondez, avec tout le respect que je
vous dois, sur votre expérience à vous, qui est sans aucun doute bonne, je n'ai
pas de doute là-dessus, mais il n'en reste
pas moins que ça ne démontre pas que le chauffeur va faire plus d'argent après
qu'avant, là.
Et, quand on regarde
l'expérience internationale et les dernières évolutions, ce n'est pas
compliqué, plus longtemps ce système-là est
là avec le gros joueur, donc, qu'on ne nommera pas pour le moment, aujourd'hui,
est sur place, moins les chauffeurs
en font. Mais ça, ce n'est pas dans le projet de loi. Je comprends votre point,
là, mais le marché totalement libre,
dans l'histoire de l'humanité, n'a pas toujours amené la personne qui est en
bas de l'échelle à gagner plus, bien au contraire. Puis je ne vous dis pas que ce n'est pas possible, ce que
vous nous dites là, je vous dis simplement qu'affirmer que c'est le nirvana, bien, ça ne marche pas de même. Donc, le projet de loi doit avoir certaines balises qui ne sont pas encore
là, et c'est ce que je vous dis. Puis je pense que, M. Noël, vous vouliez
me dire quelque chose de plus.
• (15 h 50) •
M. Noël (Philippe) : En fait, c'est sur l'offre de transport,
l'amélioration de ce qu'on appelle le cocktail de transport. D'avoir une plus grande offre, bien, ça répond...
en fait, à répondre aux besoins, à la demande des usagers, puis ça
répond aux orientations aussi de la Politique de mobilité durable qui a été
présentée en avril 2018, là, c'est-à-dire d'ouvrir notamment aux nouveaux modes de transport offerts par, notamment, les
nouvelles technologies, là, les nouveaux joueurs technologiques de transport par automobile rémunéré, notamment. C'était
une des orientations, d'ailleurs, de la politique.
M. Barrette :
Je ne conteste pas ça. Il y a la finalité visée et il y a le moyen mis en
place, avec ses garde-fous si nécessaire.
Vous-mêmes... Puis je vous ai bien compris, là, puis, à moins que je vous ai
mal compris, je vais vous répéter ce
que vous avez dit : Il y a la question de la compensation, qui n'est pas
du tout réglée, puis vous souhaitez qu'elle soit réglée. Bon, ça, c'est une bonne chose. On est d'accord
là-dessus. Je ne crois pas, moi, qu'on puisse affirmer que, bing, bang,
au bout de la ligne, là, tout le monde va
gagner plus. Une telle affirmation, dans un système déréglementé, là,
économiquement, la plupart du temps...
Surtout si on n'est pas dans le luxe. Ça marche juste dans le luxe, là, mais
pas dans les affaires banales comme
ça, là. «Banales», je ne dis pas ça méchamment. Mais vous avez vous-mêmes dit
que, dans le transport adapté, et ainsi de suite, là, ce secteur-là, il
y avait un problème dans la loi actuelle.
Alors,
je vous resoumets la question que je vous ai posée précédemment : Ne
prend-on pas un risque en allant, tête baissée,
de l'avant avec le projet de loi, en allant mettre ça en place, en
déréglementant puis en se disant : Bon, bien, dans deux ans, on réajustera le tir? Je le répète, là,
il y a du monde ici, qui sont dans la salle, là, qui sont dans le transport
de personnes, taxis, et ainsi de suite, qui
vont fermer. On ne peut pas nier le fait qu'il y a du monde qui vont fermer,
là. Ils vont quitter, ils vont s'en aller ailleurs et ils vont générer
un trou.
Moi,
je n'ai pas connaissance que les Uber, Lyft et compagnie de ce monde se
précipitent demain matin dans le transport
de personnes à mobilité réduite, je n'ai jamais vu ça. Peut-être que je me
trompe, parce que je n'ai pas la prétention d'avoir tout vu sur la planète, mais je ne pense pas que ça existe.
Éclairez-nous. Donc, il y a un risque, là. Ce projet de loi là, tel
qu'il est ficelé et présenté aujourd'hui, là, il est quand même basé sur des
prémisses discutables et il est écrit d'une telle manière qu'il y aura
quasiment obligatoirement des problèmes jour un.
M. Forget (Stéphane) : En fait, est-ce qu'il y a des gens qui vont
fermer? Est-ce qu'il y a des gens qui vont quitter? Vous avez
probablement raison. Est-ce qu'il y a de nouveaux joueurs qui vont arriver ou
de nouveaux travailleurs qui vont arriver
dans cette nouvelle industrie là? La réponse est probablement oui aussi. Alors,
dans un système déréglementé, je pense que, oui, il y aura des perdants,
il y aura des nouveaux joueurs, mais que globalement les lois du marché vont
équilibrer l'offre et la demande, parce que l'expérience démontre dans d'autres
secteurs que, lorsqu'on fait ça, il y a un équilibre dans le marché qui
s'installe.
M. Barrette :
Et là, là, on échange, c'est plaisant, c'est le fun, puis c'est vrai. Mais les
systèmes déréglementés ont aussi
comme caractéristique de délaisser les secteurs qui sont moins, entre
guillemets, rentables ou faciles à couvrir. Faisons abstraction du taxi,
là, dans n'importe quel domaine déréglementé, on délaisse les places qui ne
sont pas rentables.
Je
vais vous en donner un, moi, qui est pas mal déréglementé, à ma connaissance,
là, au sens du projet de loi actuel, c'est
la raison pour laquelle il n'y a pas d'Internet à haute vitesse dans les rangs
du Québec, là, c'est parce que le fil, il coûte tellement cher à mettre en place qu'il n'est pas là, le fil. Alors, les
compagnies distributrices qui donnent ce service-là ne le mettent pas, puis il faut les subventionner.
Alors, ça, c'est un marché déréglementé, c'est un libre marché, il y a plein
de compétiteurs, ils ne sont pas tout seuls, il y en a plein, et, sur le
rang XYZ, pas loin de Montréal, il n'y a pas d'Internet.
Pourquoi le
marché déréglementé du transport de personnes agirait différemment? Ça ne se
peut juste pas, parce que les règles du marché, lorsqu'il y a une
déréglementation entière, par définition économique, délaissent des secteurs. Ce n'est pas une critique, c'est simplement un
constat. Dites-moi que je me trompe, là. Je veux avoir une explication,
là.
M.
Forget (Stéphane) : Si vous
me permettez de reprendre votre exemple, vous avez raison sur les rangs,
notamment. On parle évidemment des
télécommunications. À l'opposé, un système déréglementé a fait en sorte que
la couverture et les nouvelles technologies sont beaucoup plus présentes
aujourd'hui que dans un système qui était 100 % réglementé, parce que celui qui avait le monopole n'avait
aucune pression pour améliorer son système ou améliorer son service.
Depuis ce temps-là, le service s'est
amélioré de beaucoup. Alors, oui, il y a des cas particuliers. Et je pense que
le rôle de l'État, ça sera de travailler sur ces cas particuliers là.
Mais, globalement, le consommateur va gagner parce que, lorsqu'on déréglemente,
on augmente...
M. Barrette :
Il me reste cinq secondes. Il me reste cinq secondes pour que je vous le dise.
Dans le monde actuellement
déréglementé, compétitif, ce n'est pas ça qui a amené la nouvelle technologie,
c'est la compétition dans le bout actuellement desservi. Mais j'ai terminé,
M. Forget.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci, messieurs. Merci, messieurs. Nous allons poursuivre nos échanges
avec le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Mercier, vous avez
quatre minutes.
Mme Ghazal :
Merci. Merci beaucoup d'être ici. Vous parlez de l'expérience. Moi, je vais
vous parler de l'expérience qui se
passe ailleurs. Par exemple, si on regarde à Toronto depuis l'évolution du
nombre de voitures à Toronto avant l'arrivée d'Uber et après, 5 200 à 78 800 voitures. À New York,
13 000 voitures avant Uber, 80 000 voitures après Uber.
Tellement qu'ils ont commencé même à donner des permis pour Uber, pour limiter
le nombre de voitures.
Dans votre mémoire, vous parlez que c'est
important, l'offre de transport pour les citoyens, pour combattre la congestion, pour que les gens délaissent l'auto
solo. Quand on sait que le coût de la congestion est de 4 milliards de
dollars par année pour 2018, pour le Québec,
ne craignez-vous pas avec l'arrivée de ces géants-là, bien, qui sont déjà là,
mais en déréglementant, que ce qui s'est passé ailleurs arrive ici, au
Québec?
M. Forget
(Stéphane) : On s'est posé cette question-là. On n'a pas la
prétention d'être des spécialistes de la congestion
du transport routier. Ce que je peux juste vous dire, c'est que, dans nos
recherches depuis quelques semaines sur cette question-là, on n'a pas trouvé d'étude concluante qui démontrait
de façon scientifique que l'arrivée de ces modèles-là était venue augmenter de façon importante
l'offre de congestion. Il y a des études qui circulent, mais, des études
concluantes, on n'en a pas vu à ce jour qui
démontraient hors de tout doute que l'arrivée de ces modèles-là venait
augmenter de façon importante la
congestion. Ce qu'on sait par ailleurs, c'est que ça a augmenté de façon
importante l'offre ou la disponibilité de l'offre pour l'usager du
transport.
Mme Ghazal :
C'est ça, ça a augmenté l'offre. Et là on parlait, par exemple, des revenus.
C'est sûr qu'en augmentant l'offre...
mais la demande, ici, va rester la même. Ce n'est pas parce qu'il y a plus
d'offres qu'il va y avoir plus de monde qui vont prendre le transport en
voiture. Ce qui va arriver, c'est nécessairement des gens qui vont disparaître.
Vous parliez, parce que j'ai peu de temps, de la
compensation juste et équitable. Vous avez parlé qu'il y a des différences.
Selon vous, peu importe le chiffre ou le montant sur lequel on compensera les
taxis, qui doit payer?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, l'État a
mis un montant d'argent sur la table. Il y a une redevance aussi qui
existe. Je vous dirais qu'évidemment c'est
toujours le même payeur. C'est toujours le même payeur à la fin, là.
Évidemment, dans le cas, ça peut être
l'utilisateur-payeur, dans le cas, ça sera... L'autre, c'est le contribuable,
de façon importante. Je vous dirais qu'il y a ces deux moyens-là. Où on
va être vigilant, c'est jusqu'où la redevance, par exemple, aura un effet
négatif sur le transport.
Mme Ghazal :
Je ne sais plus j'ai combien de temps. Pour la redevance, est-ce que vous
croyez, par exemple, que les chauffeurs de taxi aussi devraient payer
pour l'arrivée d'Uber? C'est-à-dire, la redevance devrait être appliquée
uniquement aux nouveaux joueurs ou aussi pour les courses qui sont faites par
taxi traditionnel?
M. Noël (Philippe) :
Bien en fait, le 0,20 $ par course qui est fait...
Mme Ghazal : Dans le projet de
loi, oui.
M. Noël (Philippe) : ...qui
est dans le projet de loi, trois ans, en fait, c'est fait pour améliorer et
moderniser, dans le fond, les
pratiques pour l'industrie du taxi. C'est principalement ce qui est sur la
table. Et ça représente environ 10 millions de dollars par année, là. Si on se fie à environ 50 millions de
déplacements, c'est 10 millions de dollars par année. Donc, ce n'est pas énormément pour
atteindre, peut-être, cette espèce d'écart là qu'on a d'un côté avec
500 millions qui est sur la table,
du gouvernement, actuellement et 1,4 milliard de dollars qui est réclamé
par l'industrie. Donc, c'est à quelque part entre les deux. Et, comme des deux côtés, bien, il y a une
responsabilité d'avoir créé le système de la gestion de l'offre, du côté
du gouvernement, mais aussi qui était demandé par l'industrie du taxi...
Mme Ghazal :
...juste que les taxis aussi, qu'il y ait cette redevance-là pour les courses
par taxi.
M. Forget (Stéphane) : Je veux juste faire une nuance, parce que, dans
le fond, ce n'est ni l'un ni l'autre qui va payer. C'est celui qui va utiliser le service. Donc,
c'est toujours l'usager qui va payer cette redevance-là. Donc, qu'elle soit
appliquée à un ou à l'autre...
Mme Ghazal :
L'usager... Oui, c'est ça.
M. Forget
(Stéphane) : ...c'est toujours l'usager
qui va la payer.
Mme Ghazal :
L'usager. Mais, si l'usager, par exemple, prend le taxi...
M. Forget
(Stéphane) : Il pourrait ne pas la payer. Voilà.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci, Mme la députée.
Mme Ghazal :
...c'est sûr que ça pénalise le taxi aussi.
• (16 heures) •
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci. Merci, Mme la députée.
Nous allons terminer nos échanges avec un membre du troisième groupe
d'opposition. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez quatre minutes.
M. Arseneau :
Merci beaucoup. Je vais continuer... Et je vous remercie d'être là, tout
d'abord. Je vais continuer sur
la même lancée, parce que vous venez de dire que les deux parties avaient une responsabilité
d'avoir mis en place le système de gestion de l'offre. Quelle responsabilité doit-on attribuer à celui qui fait tomber le système?
Vous semblez dire que ce n'est pas sa
seule responsabilité. Le gouvernement décide de saper les bases d'une entente avec l'industrie du taxi, et vous remettez une
partie de la responsabilité, si je comprends bien, aux chauffeurs de taxi pour
cet état de fait.
M. Forget (Stéphane) : La plus grande responsabilité appartient à
celui qui a instauré la gestion de
l'offre, et, de notre point de
vue, c'est l'État. Ceci dit...
M. Arseneau :
...de celui qui y met un terme.
M. Forget (Stéphane) : C'est
ça, c'est de lui que je vous parle.
Donc, c'est l'État qui a mis en place le système de gestion de l'offre, c'est lui
qui décide de l'enlever. Donc, la plus grande responsabilité, de notre point de
vue, appartient à l'État, d'assurer la compensation juste et équitable.
M. Arseneau : Bien, à
ce moment-là, quelle pourrait être la
part de ceux qui sont victimes de la décision gouvernementale?
M.
Forget (Stéphane) : La part, ce qu'on dit, c'est que cette gestion
de l'offre là a été mise en place dans les années 70
à la demande de l'industrie pour justement contingenter. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit : L'État a une responsabilité, mais il a répondu à
une demande de l'industrie, à une autre époque, j'en conviens, on recule de
plus de 40 ans, donc. Mais l'essentiel
de la responsabilité, c'est sûr, revient à celui qui l'a mise en place
puis celui qui la fait tomber aujourd'hui.
M. Arseneau : Parce
que vous savez que, dans d'autres
domaines, notamment le domaine des pêches, que je connais très bien,
lorsqu'on décide de racheter des permis, on compense pleinement
la valeur du permis, pour la protection de la ressource, pour mettre en
place des... Il y a d'autres systèmes où on décide, lorsqu'on abolit un système,
de compenser pleinement.
Est-ce que
vous êtes contre l'idée de compenser pleinement à la valeur d'un chiffre qui serait convenu entre
les deux parties?
M. Forget (Stéphane) : Ma réponse est non. La question,
c'est : Quelle est la pleine valeur du permis? Je pense que
toute la question est autour de cela, et c'est pour ça qu'on dit
que ça va être du cas par cas, de notre point de vue, avant d'arriver à des conclusions sur la compensation des uns
et des autres.
M. Arseneau : D'accord. J'aimerais aborder un autre aspect, celui de la
loi du marché et particulièrement en région. On a parlé tout à l'heure, le député
de La Pinière, de la question de l'Internet, qui était un excellent
exemple. Moi, j'utiliserais celui du
transport aérien. Il y a également la tarification dynamique, du côté du transport aérien, et ça monte
toujours, comme les avions. Les problématiques sont telles que, justement, le
marché a été déréglementé.
Comment
pensez-vous que ça peut être différent dans le transport des personnes en
région, à savoir que la concurrence va régler le problème, alors qu'on
voit déjà que le problème, il est entier et il perdure depuis au moins 25 ans
dans les régions du Québec en transport
aérien? Pourquoi en serait-il différemment lorsqu'on a peu de volume pour
offrir un service rentable, que ce soit en taxi ou en transport aérien?
M.
Forget (Stéphane) : La
différence, pour ma part, je vous dirais, première réflexion, dans le transport
par avion, il y a un avion qui va
arriver à telle heure, telle journée ou peut-être deux, si on est chanceux,
dans la journée, peut-être une deuxième compagnie. Dans le cas du
transport par voiture, si l'offre est là, il risque d'y avoir plusieurs
personnes intéressées à donner du service.
Donc, dans ce cas-là, l'effet de la tarification dynamique, de mon point de
vue, va être différent que dans le secteur de l'aviation, compte tenu de
la disponibilité, là, de l'offre.
M. Arseneau : Puis je vais
aussi revenir, si j'ai le temps, sur la question...
La Présidente (Mme Grondin) :
40 secondes.
M. Arseneau :
...40 secondes, sur la question de cette demande en transport qui, si on
veut à la fois accueillir davantage de
services, davantage de taxis ou de différents modes de transport avec la même
tarte à se partager... Comment peut-on
imaginer que les chauffeurs vont faire davantage d'argent si on est davantage à
vouloir aller chercher l'argent dans les poches du consommateur?
M.
Forget (Stéphane) : Écoutez,
je ne peux pas répondre, ce n'est pas nous qui avons dit que les chauffeurs
feraient plus d'argent. C'est peut-être vrai, ce n'est peut-être pas vrai. Je
pense que le marché va s'établir.
Ce que je
sais par ailleurs, comme j'ai mentionné tantôt, c'est que le modèle actuel n'a
pas fait la démonstration qu'un grand
nombre des gens qui sont dans cette industrie-là font des revenus décents. Ça,
par contre, on le sait, c'est documenté. Est-ce que le nouveau système va être mieux? On le souhaite. Mais est-ce
que ce sera le cas? Bien, on n'est pas capables d'avoir une boule de
cristal aujourd'hui, là.
La
Présidente (Mme Grondin) : M. Forget, M. Noël, je vous remercie pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Je suspends
donc les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains
représentants de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 4)
(Reprise à 16 h 8)
La Présidente (Mme Grondin) :
Bonjour. Nous reprenons les travaux. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Institut économique de Montréal.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
et par la suite nous allons procéder à une
période d'échange avec les différents groupes, du gouvernement et de l'opposition, deuxième et troisième opposition également.
Bienvenue au parlement. La parole est à vous.
Institut
économique de Montréal (IEDM)
M. Belzile
(Germain) :
Merci. Alors, merci beaucoup de l'invitation. Mon
nom est Germain Belzile. Je suis, entre autres, chercheur associé sénior à l'Institut économique de Montréal. Je
suis avec mon collègue Vincent Geloso, qui va se présenter lui-même, je
pense.
On est très
contents d'être là. On travaille sur ce dossier depuis 2010, ensemble ou chacun
de notre côté. On a été invités, on a
participé à la commission parlementaire sur le sujet en 2016 et puis on va
défendre pas mal les mêmes points, je pense, qu'en 2016, avec peut-être
quelques ajouts, entre autres au niveau des données.
Alors, bien, premièrement, je vous dirais qu'on
est assez contents du projet de loi et qui reprend beaucoup des arguments qu'on avait apportés en 2016. Nous
pensons qu'une réforme est nécessaire dans le domaine du transport des
personnes. Cette réforme doit mettre l'emphase sur les raisons, les personnes
pour lesquelles ce service-là doit exister, c'est-à-dire
les consommateurs. C'est les clients, c'est pour eux qu'on devrait... et
malheureusement, ce sont des gens qu'on perd très souvent de vue, étant donné que les groupes bien organisés, en
général, ne comprennent pas les consommateurs. En général, il y a
d'autres groupes qui obtiennent, si on veut, plus de faveurs dans les lois qui
sont adoptées.
• (16 h 10) •
On est
contents aussi parce qu'on pense que le système... L'industrie du taxi a
beaucoup vieilli, ne s'est pas adaptée aux
changements, et on pense qu'un projet de loi qui permet l'innovation, qui permet
la concurrence, qui n'enferme pas l'industrie
dans un modèle qui ne bouge pas... on pense que c'est essentiel. Nous pensons
aussi que l'obligation d'acheter le droit
de travailler dans un secteur, ça ne
serait pas acceptable pour des journalistes, par exemple, qui devraient acheter
de quelqu'un d'autre qui prend sa retraite
le droit d'être journaliste à un endroit et ça ne serait pas acceptable dans
beaucoup d'autres domaines. Ce n'est pas
plus acceptable non plus pour conduire une voiture-taxi ou un autre moyen de
transport.
Une certaine forme de déréglementation se
produit un peu partout dans le monde depuis 10 ans et plus. Il y a beaucoup d'études qui ont été faites sur le sujet.
Entre autres, à l'OCDE, il y a une assez grande étude, qui porte sur un
grand nombre de pays,
qui a été faite, et, de façon très générale, très globale, on trouve que... à
l'OCDE et dans beaucoup d'autres études aussi, on trouve qu'une
déréglementation qui favorise les consommateurs, et qui favorise la
concurrence, et qui favorise l'innovation,
c'est extrêmement bénéfique et ça permet des développements, ça permet toutes
sortes d'innovations, qu'on ne
prévoit même pas, en fait. Et, pour cette raison-là, on pense qu'une bonne loi
serait une loi qui non seulement tient compte des nouveautés dans
l'industrie, mais tient compte de tout ce qu'on ne prévoit pas et qui va se
passer dans le futur. Donc, ça prend un
cadre réglementaire qui est très, très souple et qui va permettre justement aux
gens qui ont des idées, qui veulent innover d'arriver avec ces idées et
qu'on puisse en profiter.
Un petit mot...
parce qu'on était là il y a quelques minutes puis on écoutait les discussions
au sujet des revenus dans l'industrie,
bien, premièrement, il faut comprendre que la majorité des chauffeurs de taxi
actuels ne possèdent pas un permis de taxi. Ils louent le permis de
taxi. Alors, pour eux, la disparition d'un permis de taxi, on pense que c'est
essentiel de les faire disparaître. Ça va être vraiment une amélioration
notable dans leur situation.
C'est
anecdotique, mais je discutais la semaine dernière avec un chauffeur de taxi, à
Montréal, qui me disait qu'il louait
le permis, qu'il payait 450 $ par semaine pour louer son permis. Alors,
faites le calcul, c'est 25 000 $ par année. Donc, le premier 25 000 $ de revenu de cette
personne-là, ce n'est pas dans ses poches. Ça va à quelqu'un qui détient un
permis, un papier, tout simplement. Et donc,
pour les non-propriétaires, qui sont en général au bas de l'échelle, eux,
souvent, ce sont des gens qui
viennent d'arriver, qui viennent d'immigrer et qui n'ont pas les
qualifications, peut-être, requises et sont très heureux de conduire une
voiture, bien, eux, ils sont dans une situation qui n'est pas très enviable
actuellement.
Pour les
propriétaires de taxi maintenant, évidemment ils ne feront plus d'argent sur la
location de permis, ce qui est assez
intéressant pour eux. Mais il faut aussi comprendre que, pour ceux qui ne
possèdent pas le permis depuis 30 ans, mais qui possèdent le permis depuis beaucoup moins longtemps, eux, ils ont
emprunté 150 000 $, 175 000 $ à une institution et ils remboursent ça à un taux, si on ne s'est pas
trompés dans nos informations, qui est situé entre 5,9 % et 9,5 %, et
donc ils doivent financer ça à chaque année, et ça fait pas mal d'argent à
dépenser. Alors, une partie, aussi, des revenus des propriétaires de permis, de beaucoup de propriétaires de permis est
versée pour le financement d'un bout de papier, d'un permis qui n'est
pas requis dans la plupart des activités.
Alors, selon
les calculs, les propriétaires de permis qui financent actuellement leurs
permis verraient leurs revenus nets
augmenter de 40 % à 60 % si les prix ne bougeaient pas. Si les prix
du taxi ne bougeaient pas, c'est-à-dire les prix des courses ne bougeaient pas, mais qu'ils n'avaient
pas besoin de financer à chaque année ce montant-là, bien, c'est 40 %
à 60 % d'augmentation. Alors, évidemment, on peut prévoir qu'une ouverture
ferait baisser les prix, mais, tout de même, il n'y a pas de raison de penser
que les revenus nets des propriétaires de permis baisseraient, sauf ceux qui,
évidemment, sont dans une situation extrêmement favorable, c'est-à-dire le
permis, il est payé depuis longtemps, puis, eux, c'est du cash dans leurs
poches, tout simplement.
Peut-être un
dernier mot avant que je passe la parole à mon collègue, qui va parler de
compensations. Il a été question de
congestion. Je pense qu'il y a beaucoup d'études qui ont été faites sur le
sujet un peu partout. Il y a une étude extrêmement intéressante de
l'Université de Toronto, entre autres, qui est mentionnée dans une de nos
dernières études, qui démontre que la
congestion a plutôt diminué dans la plupart des villes où il y a beaucoup de
concurrence, où Uber, Lyft et d'autres compagnies sont entrées. Il y a
des doutes sur New York City au niveau de la congestion, mais, dans la plupart
des villes, y compris des grandes villes
comme Chicago, et autres, là, la congestion... en tout cas, les études
démontrent que la congestion a plutôt diminué.
Il faut
comprendre que l'arrivée d'une offre beaucoup plus variée, surtout à des moments où tout le monde veut avoir un moyen de transport, bien, ça permet à beaucoup
de gens de décider de ne pas utiliser leurs voitures pour venir en
ville. Ça permet même à des gens de prendre
la décision de ne pas avoir de voiture, parce que, s'ils ont besoin
d'une voiture, ils peuvent louer pour
une journée ou une demi-journée, Communauto ou un autre moyen de transport
comme ça. Et puis, pour se
transporter d'un lieu à l'autre, s'ils n'ont pas le temps ou si le transport en
commun n'est pas pratique, bien, ils savent qu'ils ne seront pas obligés d'attendre très longtemps
s'ils sont à l'heure de pointe, par
exemple, ou s'il pleut, parce que l'offre va s'adapter à la demande. Alors, nous pensons que
c'est une amélioration qui doit être faite avec une réforme, et la
réforme doit absolument faire disparaître les permis de taxi et doit absolument
être souple, assez souple pour qu'on tienne compte de toutes les innovations
actuelles, mais des innovations futures aussi.
Alors, je passe la parole à mon collègue.
M. Geloso
(Vincent) : Merci, Germain.
Vincent Geloso. Je suis professeur invité en économie à Bates College,
au Maine, et je commence une nouvelle
position à King's College, qui fait partie de l'université Western Ontario, à
partir du mois de juillet. Je suis aussi chercheur associé à l'Institut
économique de Montréal.
Maintenant,
le point qui est important, c'est que je suis très content d'être ici, parce que,
pendant plusieurs années, on a parlé
des bienfaits d'ouvrir la porte à la concurrence, d'enlever les barrières à
l'entrée, d'enlever ces barrières iniques à l'entrée, et, lorsqu'on parlait de ça, ce qu'on expliquait, c'est que le
débat ne devrait pas être sur si oui ou non un système archaïque comme celui qui existe présentement
devrait persister. La question aurait toujours dû... Comment est-ce qu'on fait pour se sortir du
mécanisme d'une manière équitable et juste pour les chauffeurs? Parce qu'après tout
le permis de propriétaire le dit dans le
titre, c'est une propriété, donc on ne peut pas retirer à des gens leur
propriété sans compensation juste et équitable.
Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des
mécanismes qu'on peut s'inspirer de l'international pour faire cette compensation-là. Les exemples, par exemple en
Australie, où est-ce que le «best practice», si vous me permettez
l'anglicisme, c'est de racheter les permis,
de financer ce rachat, de les racheter à la valeur comptable, c'est important
de souligner ce détail-là, de les
racheter à la valeur comptable, et de financer leur achat via une taxe
transitoire. Et, quand je dis transitoire, je mets vraiment l'emphase sur le fait qu'elle doit être inscrite de
manière législative avec un terme, donc un «sunset clause», comme disent les Américains, qu'elle doit venir à terme. Et
donc les revenus de cette taxe sont versés directement aux chauffeurs pour les
compenser de leur propriété qui, à toutes fins pratiques, leur est retirée.
Maintenant, les
modalités d'une telle taxe nécessitent énormément d'informations qui ne sont
pas facilement accessibles et qu'on devrait pouvoir discuter en grands détails,
qui devraient être rendues disponibles, parce que, pour guider le débat sur ça, il nous faut plus d'informations. Mais le
principe demeure le même, il faut compenser, et le «best practice» en
termes de compensation, c'est de financer le rachat via une taxe temporaire.
La
Présidente (Mme Grondin) : Vous avez terminé?
M. Geloso
(Vincent) : Je vous voyais prête à m'interrompre.
La Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup, messieurs, pour cet exposé. Nous
allons amorcer le début des échanges avec les membres de la commission
du côté du gouvernement. Donc, M. le ministre.
M. Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci d'être là. Vous m'avez peut-être
entendu, là, j'ai posé la même question aux deux intervenants avant
vous, à savoir... Je suis à votre première page, là, dans les points :
«Voici certains des effets du système de
quota et de permis de taxi», et, les points a, b, c, d, e, vous
dites : «Il a réduit de moitié l'offre
de taxis relativement à la population.» Je suis allé voir votre tableau, entre
1973, nécessairement, et aujourd'hui, je comprends qu'il y a la moitié
moins de taxis pour 10 000 habitants. Vous considérez donc l'offre de
taxis inadéquate, j'imagine, présentement, sur le territoire. Est-ce que ça,
c'était un des problèmes, à savoir pourquoi les gens ont migré vers d'autres
applications?
• (16 h 20) •
M. Geloso (Vincent) : Absolument. Puis, en fait, un fait qui est
rarement souligné, c'est qu'il y avait plus de taxis à Montréal en 1952 qu'il y en avait en 2009, alors
que Montréal était une ville à une fraction de ce qu'elle était en 2009.
Donc, pour vous montrer à quel point le
marché avait l'air de réussir dans une période précédente, 1952, ce n'est pas
les mêmes voitures qu'aujourd'hui, c'est des
plus gros véhicules qui sont moins efficaces en termes d'énergie, il y avait
une plus grande offre disponible, avec des modalités excessivement différentes,
qui complémentait le réseau existant de transport en commun qui existait à ce
moment-là.
Donc, clairement, le
fait que les derniers presque 50 ans du régime parlent d'eux-mêmes, les
consommateurs québécois ont bénéficié,
d'année en année, d'une baisse de l'offre de services disponibles, alors qu'il
n'y avait aucune raison pour ça.
Juste le fait qu'il y avait plus de taxis à Montréal en 1952 devrait être
suffisant comme détail pour nous
informer qu'entre 1952... relativement à 2009, devrait être suffisant comme
détail pour nous informer d'à quel point les Québécois sont mal servis.
M. Bonnardel :
Est-ce que ce n'était pas basé, ça, sur un principe, en se disant : On
garde le même nombre de permis parce qu'on va faire plus d'argent dans nos poches? Vous dites dans ce point, puis
oui, c'est ça, je m'en vais au point b, vous dites : «Il a
réduit de [28] % à [38] % le revenu net des nouveaux chauffeurs de
taxi.»
M. Geloso (Vincent) : Bien, écoutez, je suis en train... quand on
regarde le Journal des débats en 1973, lorsque les discussions se font, le mot «consommateur»
n'apparaît presque jamais. Donc, la discussion est largement sur les
méfaits de la concurrence et comment les
consommateurs ne sont pas bénéficiaires. Et peut-être c'était une croyance
qu'on pouvait avoir à l'époque, mais
la réduction de moitié, sur la période de 1973 à aujourd'hui, de l'offre de
services montre que c'était une croyance qui était erronée. Quand on
compare une faille du marché relativement à une faille de l'État, la faille de
l'État a été nettement supérieure.
M. Belzile (Germain) : Si je peux peut-être ajouter un point ici, quand
on crée un système de quota, comme notre système de taxi, et qu'on réduit l'offre, évidemment on fait monter les
prix puis on favorise les gens qui ont des permis, lorsque ça existe, mais ça, ça va... S'il y a un marché
secondaire qui existe pour des permis, les revenus supplémentaires vont
mettre une pression à la hausse sur la valeur des permis. Puis, ultimement, les
gens qui achètent leurs permis plus tard, bien, eux, ils font plus d'argent parce que les courses sont mieux payées,
puis ils ne perdent pas beaucoup de temps parce qu'il y a beaucoup de
clients, mais ils perdent ces gains-là par le financement de leurs permis.
Donc,
les seuls qui ont vraiment gagné dans tout ça, c'est ceux qui ont obtenu les
permis en 1973 ou tout de suite après,
et qui n'ont pas payé ou qui ont payé un montant dérisoire, et qui ont pu les
revendre par la suite. Mais, une fois que ce système-là est établi,
ensuite, bien, on est comme un chat qui court après sa queue, parce que plus on
fait d'argent, plus la valeur des permis
monte, plus la valeur des permis monte, plus ça coûte cher pour financer les
permis. Puis on n'est pas des gagnants. Alors, on est dans un système
actuel où il n'y a pas de gagnant, en fait, et c'est, je pense, la raison
importante pour laquelle il faut qu'on passe à autre chose maintenant.
M. Bonnardel :
L'industrie qui me demande encore de contingenter le nombre de permis, vous y
répondez dans une certaine mesure,
mais vous dites aux Québécois, à ceux qui utilisent un taxi, à ceux qui sortent
de la gare de train puis qui voient
malheureusement peut-être juste un ou deux taxis... puis malheureusement, le
débat au Centre Vidéotron, combien de fois
on a vu qu'il manque de taxis. C'est parce que le nombre ou le permis, les
quotas n'ont pas permis, encore une fois, de répondre à la demande de
l'usager.
M. Geloso
(Vincent) : Je trouve le point intéressant, M. le ministre, parce que,
lorsqu'on réduit le nombre de producteurs
disponibles sur un marché, ils vont décider de se segmenter dans les portions
qui sont les plus rentables. Donc, par
exemple, à Gatineau, quand on mentionne que c'est uniquement le casino qui est
servi, le peu de chauffeurs qui sont disponibles vont choisir les
segments qu'ils veulent discriminer en faveur et donc ne pas offrir de service
sur d'autres portions du marché.
En permettant
une entrée plus libre, ce qu'on fait, c'est qu'on va faire en sorte que les
autres chauffeurs vont décider d'aller,
justement, au casino et vont réduire le profit d'aller au casino, et là l'offre
va s'étendre davantage sur le territoire. L'importance de ce que je
mentionne, ce n'est pas de dire que le marché est sans faille. C'est pour ça
qu'on dit, qu'on mentionne fréquemment qu'il
faut garder certains standards de qualité, mais qu'il faut pondérer ça avec le
fait que le marché a beaucoup plus de mécanismes d'apprentissage et de
rétroaction qui permettent aux gens d'apprendre, d'absorber de la nouvelle information et donc de générer des
solutions aux besoins du client, la nature même de ce qu'ils ont besoin,
de survivre, beaucoup mieux que des appareils réglementaires et
bureaucratiques.
C'est pour ça
qu'on dit : Un cadre souple et supérieur, qui garde un minimum de qualité
pour la sécurité des clients. Mais,
au-delà de ça, le contingentement n'est nullement une solution qui devrait
persister sur la table. Elle devrait être balayée du revers de la main.
M. Belzile
(Germain) : Et je vais
ajouter, on n'a pas de raison, je pense, de contingenter quoi que ce soit dans
la société. S'il n'y a pas de demande pour
quelque chose, naturellement l'offre va diminuer. S'il y a une demande très
forte, bien, la demande va augmenter, et puis c'est ça.
M. Bonnardel :
Même en région?
M. Belzile
(Germain) : Même en région.
Écoutez, moi, je prends... Écoutez, moi, j'habite Montréal, mais je
prends l'avion, par exemple, pour l'Abitibi
au moins deux fois par année, et puis, quand j'arrive en Abitibi, si je n'ai
pas pensé de réserver mon taxi avant de partir de Montréal, bien, c'est
«just too bad». Je veux dire, je vais attendre parce que des... à Rouyn ou à Amos,
il n'y en a pas des tonnes.
Moi, je vois
très bien une situation où des gens peuvent décider : Bien, il y a un
avion qui arrive à telle heure, alors je
vais aller faire du Uber ou du Lyft, s'il y en a, ou autre chose, et puis donc
il va y avoir une offre qui va être plus grande au moment où on sait
qu'on va pouvoir accommoder des gens, mais aussi faire de l'argent.
M. Geloso
(Vincent) : Écoutez, juste
en exemple de région, je vis présentement à Lewiston, Maine, qui est le collège où est-ce
que je suis présentement situé. Ce n'est pas une grande ville, là. Jonquière est plus gros que
cette ville-là. Je n'ai jamais eu de problème à trouver un taxi là-bas, il y a
taxi, Uber, Lyft, Juno qui est disponible, il y a des limousines qui
existent, des services de... quand je dis «limousine», ils appellent ça un
service de limousine, mais c'est une auto à quatre portes normale, qui peut
nous amener jusqu'à Portland, Bangor, New York pour des prix absolument
dérisoires. L'entrée est absolument libre dans ce... presque libre dans ce marché-là,
et il existe une multitude de formes différentes qui existent pour de la compétition sur des services. Puis ce qui
est intéressant, c'est que, dans ce cas-là, ce n'est pas juste
sur les prix que la compétition se fait, c'est sur la forme.
Les
étudiants, par exemple, de mon collège ont accès à des navettes qui
servent directement avec l'aéroport, qui est à Portland, à
45 minutes. D'autres utilisent des transports avec des horaires, donc il y
a un taxi à horaire qui fonctionne comme un autobus, puis qui ont des heures
prédéterminées pour les amener entre point a et point b à l'intérieur de la ville. Les entrepreneurs sont des gens excessivement créatifs, qui sont alertes aux besoins d'une population, puis c'est parce que, s'ils ne sont pas alertes, ils ne font pas
de profit. Donc, en région, il n'y a aucune raison de croire que les régions
seraient mal servies.
M. Bonnardel : Vous dites, au point c, là : «...augmenté de
façon disproportionnée le coût d'entrée des chauffeurs dans l'industrie.»
Vous m'avez entendu : l'équilibre entre la protection et la pérennité du
taxi traditionnel versus les nouvelles technologies,
réduire le fardeau, que ce soit par la formation qui était disparate entre les
différentes régions, du sept heures au 160, le coût qui était de presque
de 1 200 $ pour une formation à Montréal de 160 heures, le
permis à la CTQ qui était annuel, la plaque T, le 4 C, le voyage solo,
nécessairement, à cause des cercles d'agglomération la plupart du temps. Trouvez-vous que... et la sécurité, la sécurité à
savoir que devenir chauffeur de taxi demain matin, utiliser ou vouloir
chauffer son... prendre son véhicule pour faire du Lyft ou du Eva, il fallait
trouver un point où on se disait : formation minimale, antécédents judiciaires, posséder son permis et
inspection du véhicule. Avec tous ces changements, trouvez-vous que je
vais... On va-tu trop loin? Est-ce que, pour
vous, la sécurité de l'usager est prouvée? Puis, de l'autre côté, est-ce que...
avec cette baisse des charges comme telle qu'on a mise de l'avant,
est-ce qu'on va trop loin ou si on pourrait même aller plus loin, selon vous?
M. Belzile
(Germain) : Je pense que
c'est très raisonnable. Je pense qu'une réglementation minimale est
bonne, n'est pas mauvaise. Ceci dit, quand
on regarde les normes d'Uber, par exemple, ou de Lyft, ils ont déjà des normes
assez sévères sur l'âge du véhicule,
sur l'état du véhicule, etc. En fait, les entreprises ont un intérêt à
garder... à ne pas mettre leurs clients en danger, à offrir des
véhicules de bonne qualité pour ne pas perdre leur réputation.
Moi, je pense que ça va être fait d'une façon
assez naturelle, mais, si on veut inclure ça dans la loi, si les contraintes ne sont pas majeures... Et je pense
que c'est ça qui est important, il ne faut pas introduire de contraintes
qui vont faire... par exemple, l'obligation de faire quatre semaines de cours à
temps plein, par exemple, bien, ça, ça serait une contrainte majeure qui ferait que quelqu'un qui
vient étudier à Montréal pendant un an ne ferait pas de taxi, ou Uber,
ou autre chose, parce que, bien, il n'a pas le temps de passer quatre semaines
à temps plein dans une formation.
Alors, je
pense qu'il faut garder ça minimal, mais, les contraintes au niveau du dossier
judiciaire, et tout le reste, je pense que c'est tout à fait adéquat.
M. Geloso
(Vincent) : Germain, je
voudrais juste ajouter quelque chose pour défendre ici les chauffeurs, parce
qu'on oublie quelque chose, dans ce débat-là
sur les chauffeurs, qui est très important, c'est que le cadre réglementaire
qui a existé pendant longtemps n'a
pas servi pour les protéger. Un des métiers, par exemple, aux États-Unis avec
les plus hauts taux de mortalité
occupationnelle, c'est les chauffeurs de taxi, qui sont généralement plus
souvent victimes de crimes que d'autres personnes et, grâce à
l'application Uber, qui a répondu à une demande de ces gens-là, a créé une
réponse... parce que, maintenant, à cause que les deux parties sont identifiées
dans la transaction via le fait que c'est sur les Internets, les deux parties sont divulguées l'une à l'autre,
aucune capacité de commettre un crime sans être trouvé responsable du
crime. Et les chauffeurs de... les gens
qui... une des raisons qui est souvent mentionnée des gens qui embarquent avec
Uber puis qui disent pourquoi est-ce
qu'ils ne faisaient pas tant d'heures que ça ou qui ont fait des fois le switch
de taxi vers Uber, c'est justement le bénéfice de sécurité.
Donc, quand
on parle d'à quel point, oui, il faudrait peut-être avoir un certain minimum
standard, bien, il ne faut pas oublier
que le marché a certaines incitations, qui permet et qui encourage la
découverte de solutions qui augmentent tant la sécurité du client que du
chauffeur.
• (16 h 30) •
M. Bonnardel :
Tantôt, on a eu une discussion sur est-ce que vous... Moi, je reste persuadé
qu'avec cette formule qu'on a mise en
place, les coûts moindres, le chauffeur de taxi aura plus de sous dans ses
poches. Vous dites, vous, là, que le revenu de ces chauffeurs pourrait
augmenter, vous avez dit tantôt près... entre 40 % et 60 %. Et
j'arrive à une des questions du député de
La Pinière, qui disait tantôt aux chambres de commerce : Sur quelles
bases vous pouvez dire ça, qu'une
déréglementation va amener plus d'argent? Vous dites dans un de vos
points : 19 études sur 28 démontrent qu'une forme de
déréglementation amène nécessairement plus de concurrence, transparence,
nécessairement, puis une pensée usager avant toute chose.
Mais, de
l'autre côté, au-delà de ça, moi, il est immensément important, puis je l'ai
mentionné maintes et maintes fois,
d'assurer la pérennité de l'industrie — il y a 50 millions de courses au Québec
présentement, 40 millions qui sont faites par l'industrie
traditionnelle — alors,
protéger, moi, cette industrie puis leur dire : On peut aller encore plus
loin, on peut aller chercher des parts de marché ailleurs. L'autre
10 millions, vous comprendrez que c'est les applications mobiles. Expliquez un peu pourquoi vous considérez, donc,
que ces revenus vont augmenter avec les mesures qu'on met en place,
puis, de l'autre côté, les études.
M. Geloso
(Vincent) : O.K. L'hypothèse
qu'on fait, on va imaginer que les prix sont fixes pour un instant,
c'est que... Combien est-ce que le fardeau,
pour les nouveaux chauffeurs, est, d'acquérir la licence, en termes de
paiements d'intérêts mensuels? Et le scénario, puis ça, ce n'est pas
le... Le taux le plus bas, de 5,9 %, qui représente à peu près
8 000 $ annuels, qui est grugé
dans les revenus nets d'un chauffeur, c'est considérable. Ça augmente... C'est
un 8 000 $ de plus dans leurs poches, c'est considérable.
Mais ça, ce
n'est pas le taux que les nouveaux chauffeurs ont généralement tendance à
payer. On a pris le plus bas et le
plus haut du marché. Quand on prend qu'est-ce que les gens ont tendance à payer
le plus possible, ça se rapproche, plus haut, du barème de 9,5 %, parce que la plupart des nouveaux joueurs
sont des gens que les institutions financières perçoivent comme étant plus à risque, donc, par exemple, des
nouveaux arrivants, des gens qui sont de minorités visibles, des gens
qui sont considérés avec moins d'actifs
financiers qui peuvent être utilisés comme collatéraux. Donc, ces gens-là, eux,
sont plus eux qui se rapprochent de payer le
9,5 %, donc beaucoup plus que 8 000 $ par mois...
8 000 $ par année, excusez-moi, pas par mois, 8 000 $ par année en paiements
additionnels qui doivent être faits. On enlève ça. C'est un coût d'opération en
moins si on peut complémenter la réforme.
Naturellement, on garde le «caveat» qu'il est
nécessaire de compenser justement, mais d'arriver avec d'autres mesures qui réduisent les coûts d'opération
mensuels pour un chauffeur, qui permettent de rendre la tâche plus facile
pour un chauffeur de taxi dans le format
traditionnel, mais aussi de pouvoir varier la forme, la manière dont le service
est produit. On lui donne le plus de
latitude possible pour s'adapter à sa clientèle en lui mettant le moins de
barrières financières dans les jambes. C'est un package deal, si je peux
me permettre encore une fois un anglicisme, qui serait nettement supérieur.
M. Belzile
(Germain) : Et peut-être
ajouter juste un point ici : N'oublions pas non plus que plus de la moitié
des chauffeurs n'ont pas de permis. Ils louent
un permis à quelqu'un d'autre. Alors, pour eux, la disparition des permis, ça
veut dire une amélioration considérable de
leur situation parce qu'ils n'auront pas besoin de louer... pas une voiture,
mais louer un papier pour avoir le droit de gagner leur vie.
M. Bonnardel :
Dernière petite question avant de laisser la parole à mon collègue de Bourget.
Sur une course, si je la paie 10 $, quelle portion de ce 10 $
sert uniquement à soutenir la valeur ou le système de permis, selon vous?
M. Geloso (Vincent) : Sur cette base-là, je ne l'ai pas calculé. Je
l'ai vraiment calculé sur la base du revenu, le revenu annuel. On
s'était servis de ça, des calculs qui étaient provenus de la flotte de Taxelco,
donc celle de M. Taillefer, qui avait
des données qui étaient internes à lui, donc des données qui n'étaient pas
basées sur des hypothèses. Donc, c'est des
données que lui-même avait générées à partir d'opérations propres. Donc, on
estimait que c'étaient des données qui étaient le plus proches de la réalité du marché.
Malheureusement, les données du genre, de M. Taillefer, n'ont pas été
mises à jour depuis un certain moment.
M. Bonnardel :
Le député de Bourget...
La
Présidente (Mme Grondin) : M. le député de Bourget. Merci.
M. Campeau :
Premièrement, merci à vous deux. Merci à l'Institut économique de Montréal
d'être venu présenter un mémoire. Je suis quand même un élu de Montréal.
Si je regarde votre
tableau 1 et je regarde quelle est l'évaluation que vous avez faite par
rapport à ça... Je me posais la question en
relation avec ce que le ministre vient de mentionner, le 40 millions de
courses. Il me semble qu'il y a un
très grand nombre de voitures disponibles actuellement, à l'intérieur de
l'industrie du taxi, qui fait ces 40 millions de courses là. Est-ce que vous voyez cette
industrie-là réagir, et aller profiter de la tarification dynamique, et de
faire monter ça à 45 millions de courses? Là, ils auraient, il me
semble, un avantage économique intéressant, une ouverture dans un marché fort
intéressante. Est-ce que vous voyez ça de cette façon-là? Est-ce que vous avez
un commentaire là-dessus?
M. Geloso (Vincent) : Écoutez, le fait que l'offre de taxis au Québec
ait diminué de moitié relativement à la population, on peut dire «la demande», nous laisse accroire qu'il y a
énormément de place, pour la taille du marché, de grandir. Mais c'est aussi important de souligner
que, quand l'offre augmente, il y a des fois des effets dynamiques qui
font augmenter aussi la demande. Donc, le
fait que les prix vont baisser va permettre à des nouveaux consommateurs
d'entrer, mais aussi à des gens de changer leur manière de consommer.
Je
vais vous donner un exemple qui est très personnel : un économiste
hypothétique, qui n'existe absolument
pas, qui n'a pas de permis de conduire
permanent et qui continue constamment — je pense que vous comprenez le sarcasme — qui continue constamment de refuser d'embarquer dans un plan, d'acheter une
automobile, d'acquérir un permis de conduire parce que ce n'est pas nécessaire de nos jours, que je peux utiliser la
capacité inutilisée de d'autres personnes, alors qu'auparavant, en l'absence de ces alternatives technologiques là, cet
économiste hypothétique n'aurait pas accédé à ces... aurait juste cédé à la tradition, à la manière
traditionnelle d'utiliser des services de transport. Alors, la taille du marché
peut clairement augmenter pour satisfaire
des gens qui sont, à la marge, non intéressés par la manière actuelle de
transportation, donc de substituer d'une
automobile vers ne pas utiliser cette automobile. Il suffit de regarder quel
groupe d'âge maintenant a le moins de taux de permis de conduire. Les
plus jeunes, quand on les compare au même groupe d'âge une génération
précédente, le taux, le nombre de gens qui ont un permis de conduire parmi
cette population-là était presque infime justement parce qu'ils embarquent dans
un marché qu'ils n'auraient généralement pas embarqué, grâce aux nouvelles
technologies.
M. Campeau :
Ce qui signifie que votre économiste hypothétique doit avoir en bas de 30 ans?
M. Geloso
(Vincent) : Non.
M. Campeau :
Non, même pas?
M. Geloso
(Vincent) : Malheureusement!
M. Campeau : Malheureusement. Je
pense, l'idée est excellente. Et ça
favorise... bien, ça permet d'éviter, en partie seulement, l'auto solo.
Donc, il y a un avantage environnemental en même temps.
M. Geloso (Vincent) : Oui. C'est pour ça qu'il y a plusieurs
études qui trouvent que les applications intelligentes sont des compléments au transport en commun. Donc, il y en a une qui est
sortie il y a quelques mois dans le Journal of Urban Economics, donc une étude qui est revue par les pairs, donc les plus hauts
standards scientifiques, et, en économie, c'est une des top revues
économiques... trouve justement que, dans la grande majorité des villes, c'est
un effet complémentaire. Donc, il vient
augmenter l'offre de transit, et, justement, ce que ça veut dire, c'est que les
gens utilisent moins leurs automobiles et que chaque automobile qui est
utilisée est utilisée à une plus haute capacité.
M. Belzile (Germain) : Et je peux peut-être ajouter,
complémentaire : Ça veut aussi dire que les gens utilisent plus le transport en commun parce qu'ils vont souvent
utiliser un moyen de transport, comme le taxi, ou Uber, ou autres, pour se rendre au transport en commun, par exemple. Et
donc ils vont remplacer une voiture par une voiture... ils vont
remplacer... une combinaison de taxi, Uber et transport en commun.
M. Campeau :
J'imagine que vous voulez parler de ce qu'on appelle le premier et le dernier
kilomètre, là, à ce moment-là. Oui? D'accord, ça va. Est-ce qu'il y a
d'autres questions ici?
Une voix :
...
M. Bonnardel :
Claude, vas-y. Vas-y, Claude. Non, non, vas-y.
M. Reid : Bien, voilà, alors, on est en mode hypothétique. Puis le taxi traditionnel, en fait,
a sorti dans les médias comme quoi
que, dans plusieurs situations, on était pour mettre l'industrie en faillite.
Moi, j'aimerais vous entendre, voir votre position. Comment on peut accompagner le taxi traditionnel? Comment il
peut migrer vers la nouvelle réalité qui est devant lui actuellement, tant avec l'arrivée des nouveaux
joueurs puis ce changement-là qui est vécu actuellement? Comment ça peut
se vivre, de par l'expérience que vous avez, de par les études que vous avez
faites antérieurement?
M. Belzile
(Germain) : Je peux commencer.
Une voix : O.K., bien, vas-y.
M. Belzile
(Germain) : Écoutez, je
pense qu'il y a déjà des choses qui sont faites. On a créé des applications,
plusieurs compagnies de taxi ont déjà créé
des applications. Le problème potentiel des gens qui arrivent à l'aéroport, ce
n'est quand même pas la plupart des
courses, là, mais ce n'est pas difficile d'avoir de la publicité. Et puis il y
a du wifi à l'aéroport. On peut se
télécharger une application assez rapidement. Moi, quand je suis arrivé...
Tiens, l'hiver passé, je suis venu voir un spectacle à Québec et puis je me suis téléchargé l'application pilote
pour me stationner ici. Ça n'a pas été compliqué. Ça n'a pas été long,
puis je l'ai fait, là.
Alors, il faut prendre le même virage. Il faut
prendre le virage technologique en premier, je pense. Je pense qu'on devrait songer sérieusement à permettre une
tarification dynamique pour les taxis comme on le fait pour Uber aussi,
et évidemment c'est plus facile avec les
applications qu'autrement. On peut peut-être penser à la possibilité, qui
existe dans plusieurs pays depuis
très longtemps, pour les taxis de négocier un prix d'une course aussi. Ça se fait
déjà, là, puis ça n'a pas créé de
catastrophe ailleurs. Moi, j'ai voyagé beaucoup au cours de ma vie, puis il y a
bien des endroits dans le monde où on peut négocier le prix de notre
course aussi, là. Et puis évidemment, si la demande est très, très forte, bien,
ça va avoir un impact, là.
Je pense
qu'il faut permettre qu'il y ait beaucoup de souplesse. Puis je pense que c'est
la souplesse qui va faire en sorte
que les gens vont prendre les opportunités. Ils vont voir : Voici les
opportunités, voici ce que je pourrais faire, puis ils vont trouver les solutions, en fait. Je ne pense
pas que ce soit au gouvernement de trouver la solution pour l'industrie
du taxi. Je pense que l'industrie va trouver ses solutions, mais si on lui
donne un peu de souplesse.
• (16 h 40) •
M. Reid :
Les taxis vont pouvoir faire cette tarification dynamique là, c'est dans le projet. Mais, moi, c'était plus au niveau
de l'industrie, comment elle... On parle du consommateur, mais comment elle, l'industrie,
peut embarquer là-dedans puis dire : O.K., j'accepte le projet de loi? Puis on procède à ce changement-là parce que c'est inévitable.
En fait, ça change partout dans le monde actuellement.
M. Geloso
(Vincent) : Il y a
une vieille expression en anglais : «There is nothing that focuses the
mind much more, right?» Le but de cette expression-là, c'est de dire...
Comme experts, nous, ce qu'on peut vous dire, c'est de vous parler des
principes économiques. Mais les gens dans l'industrie sont conscients de leurs
contraintes, ils sont conscients de leur environnement, ils sont conscients de leurs clients. Ils ont des détails qui sont des
connaissances tacites qui ne sont pas quantifiables facilement. Pour les
économistes, on peut les voir lorsqu'on les observe. Mais, puisqu'elles sont tacites,
eux en sont conscients beaucoup mieux que les gens qui sont à un niveau, à une
altitude plus élevée qu'eux.
Et c'est
mieux de leur laisser justement le plus de souplesse possible pour découvrir... Parce que
c'est ça, l'importance du mécanisme
de marché, c'est de laisser le processus de découverte fonctionner, d'essayer
des nouvelles choses, et, si ça ne fonctionne pas, on passe à une
prochaine tentative. Et, quand on dit souplesse, c'est justement de pouvoir
essayer constamment, réessayer constamment,
et, si on trouve quelque chose qui ne fonctionne pas, rapidement, se réajuster, et corriger le
tir, et ne pas être coincé dans une voie pendant un long moment, ce que les
permis de taxi font, d'ailleurs.
Une fois qu'un chauffeur... s'il découvre
qu'il n'aime pas le métier, que ce n'était pas ce qu'il pensait, il ne peut pas
sortir tant qu'il n'a pas vendu le permis. Ça, c'est une absence de
souplesse. Il faut avoir une souplesse justement pour avoir du dynamisme. Sans
souplesse, pas de dynamisme, que de la rigidité, et, à toutes fins pratiques,
de la taxidermie économique.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci. Nous allons poursuivre nos échanges avec l'opposition
officielle. M. le député de La Pinière, vous disposez de
15 min 20 s.
M. Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Alors, M. Belzile,
M. Geloso, je suis bien content de vous rencontrer tous les deux, particulièrement vous, M. Geloso. Vous avez écrit un livre.
Puis vous savez que je l'ai lu parce
que vous avez commenté mon commentaire
à un moment donné.
M. Geloso (Vincent) : Désolé
pour vous!
M. Barrette : Puis je vais le
recommander à tout le monde. Ça s'appelle Du grand rattrapage au déclin
tranquille — Une
histoire économique et sociale du Québec de 1900 à nos jours.
M. Geloso (Vincent) : ...sur
Amazon.
M. Barrette :
Je recommande à tout le monde de le lire. C'est très intéressant parce que vous
y parlez, dans ce livre-là, exactement de ce qui va se passer dans
l'industrie du taxi, un grand bouleversement économique qui a amené 1 million de
Québécois à s'en aller aux États-Unis. Et d'ailleurs je me demande si vous
n'êtes pas allé à Weston dans cet esprit-là,
parce qu'ils sont allés là, les Québécois, entre autres, et je trouve ça assez
amusant de voir que votre histoire fitte avec celle du siècle passé de
bien des Québécois francophones.
Ceci dit,
vous comprenez mon lien. Il y a eu un grand dérangement économique pour une
population au tournant de l'avant-dernier
siècle, là, pas le siècle dernier, évidemment — on a changé de siècle — et ça a amené les grandes
perturbations énormes qui ont obligé des
gens à plus que transformer leur vie parce qu'ils étaient dans un environnement
non viable pour toutes sortes de raisons. Je ne veux pas débattre des
raisons. Je veux juste vous dire que je vous ai lu, puis vous décrivez
aujourd'hui dans le taxi ce qui s'est passé en 1900 et quelques. C'est amusant,
n'est-ce pas? Vous ne vous attendiez pas à ça, hein?
M. Geloso (Vincent) : Je ne
m'attendais pas à ça, je vous le confesse.
M. Barrette :
Alors, je suis comme ça, moi, je suis toujours plein de surprises. Mais c'est
ça, la réalité. La réalité, moi, là... Honnêtement, là, le ministre aime
beaucoup parler du passé, tout le monde aime parler du futur. Moi, ce qui m'importe, c'est aujourd'hui. C'est ça qui
m'importe. Ce qui m'importe, ce sont les impacts sur les gens. Il n'y a
personne qui va contester, sur le plan
économique, le fait, et même les gens de l'industrie du taxi ne le contestent
pas, qu'il y avait des choses problématiques qu'il fallait régler,
changer. Même l'industrie du taxi admet, là, puis ce n'est pas une grosse
admission, là, que les temps changent. Il y a une pression. Elle est là. Vous
n'allez quand même pas me faire accroire que l'industrie du taxi n'est pas
prête à faire face à ça. Ils veulent le faire. En tout cas, c'est ça que
j'entends, moi, de l'industrie du taxi.
Maintenant,
comment qu'on le fait? Alors, vous avez certainement été heureux, me
connaissant, de vous avoir cité positivement
aujourd'hui à la période de questions. Je vous ai cité et je ne vais pas vous
reciter parce que vous savez ce que j'ai
dit. Mais ça, c'est important, il y a un enjeu fondamental qui est la
compensation. Et pas besoin de vous dire que, quand j'ai lu l'article puis j'ai vu, M. Geloso,
votre nom sur l'article, c'est Noël, c'est fantastique, c'est un cadeau du
ciel. Je pose la question. L'Institut
économique de Montréal, comme j'ai dit dans ma question, qui n'est pas
exactement à gauche, puis ce n'est
pas une critique, c'est un fait... de proposer de s'assurer de compenser
complètement les propriétaires de taxi par équité, écoutez, là, je n'en revenais pas. Je vous dis bravo, là, que
vous l'ayez dit comme ça. Vous êtes les premiers à le dire après moi.
Bonne affaire. Mais là vous êtes l'Institut économique, là.
Moi, je vais
vous soumettre ceci. Moi, je pense que votre
solution de la taxe, ce n'est pas la bonne solution. Et là on va parler économie, puis je vais vous dire
pourquoi ce n'est pas la bonne, O.K.? L'argument du ministre et du premier ministre,
c'est toujours le même, toujours le même argument,
là : On ne peut pas faire ça aux contribuables. Comme si l'enjeu du taxi était détaché, selon sa forme, des
contribuables, et, selon une autre forme, c'étaient les contribuables. Bien
non. C'est toujours le contribuable qui paie. Il paie pour la course, il
paie pour la compensation. Il paie par ses impôts pour la compensation, et
ainsi de suite. C'est toujours le contribuable.
On ne peut pas arriver puis dire : Bien, on
ne peut pas les compenser... Puis là je prépare ma question. Vous comprenez que
je suis rendu dans la question, là. On ne peut prendre l'argument des
contribuables. C'est toujours le contribuable.
Alors, quand on a à faire une compensation, bien, la compensation doit
s'inspirer du principe de l'assurance, donc
de la mutualisation de la compensation. La taxe est plus lourde pour le
contribuable qu'une compensation gouvernementale.
Dans tous les cas, là, c'est le contribuable qui paie. Si vous y allez... Vous
direz votre contre-argument, ça m'intéresse,
c'est un échange, là. Vous nous éduquez. Puis peut-être que j'ai tort, puis je
vais accepter d'avoir tort si j'ai tort, mais je n'ai peut-être pas
tort.
Alors, le
contribuable, lui, là, là, s'il paie par la taxe, il y a un montant plus grand
par contribuable pour compenser entièrement le montant à être compensé.
Si c'est par une mesure gouvernementale, bien, c'est mutualisé, c'est tous les contribuables. Je comprends, là, qu'on peut
débattre de ce que je vais dire, mais, pour simplifier l'argument pour que
ceux qui nous écoutent comprennent, bien, s'il y a 1,3 milliard de dollars
à compenser et que le gouvernement actuellement en compense pour 500 millions, il en manque essentiellement
800 millions à compenser. On s'entend, là, c'est une arithmétique
qui n'est pas trop compliquée. Bien, il y a 6 millions de contribuables,
hein? En fait, il y a 4 millions de contribuables. Il y a 37 % du monde qui ne paie pas de taxes et d'impôts. Il en
reste 4 millions. Je n'ai pas mis les entreprises à dessein
là-dedans pour simplifier le calcul. Sur 10 ans, ça revient à 20 $
par année par contribuable. Si c'est l'État qui le fait, là, ça revient à 20 $ par contribuable
pendant 10 ans, payeurs de taxes, pas contribuables qui ne paient pas de
taxes, parce que ce serait à peu près la moitié moins si on prenait tous
les contribuables, les 6 250 000 contribuables du Québec.
Alors, moi,
là, je suis très heureux de vous entendre dire qu'il faut les compenser
entièrement, bien d'accord avec ça.
Votre chemin, je trouve que c'est un chemin intermédiaire. Je ne vous dis pas
qu'il est mauvais. Je vous dis juste qu'il est plus lourd pour le contribuable, parce qu'il est au point de
service, que si c'est l'État. Et là je prends l'exemple que j'ai pris à plusieurs reprises. Écoutez, là, le
gouvernement, là, d'un chapeau de magicien, a sorti un lapin de 15 milliards
de dollars pour le PQI des 10 prochaines années, puis on ne sait
pas trop où est-ce qu'il va aller. On ne le sait pas trop, mais ils ont sorti
ça. Imaginez, là, s'ils avaient décidé, sur 10 ans, de dire : O.K.,
on va compenser les chauffeurs de taxi, les propriétaires de permis.
Alors, moi, je vous dis simplement la chose
suivante, là. Je vous pose la question maintenant plus précisément, là. Il y a
plusieurs chemins pour compenser les propriétaires de taxi. Vous avez proposé
le chemin de la taxe. Mais je comprends, là,
que, pour vous, là, ce qui est équitable, c'est de compenser complètement. Vous
avez dit tantôt qu'il fallait... C'est-u
vous qui avez dit ça, ou c'est le groupe précédent, que ça devait être fait à
la valeur comptable? Non, ça, c'est vous autres, ça, la valeur comptable. Oui, mais, la valeur comptable,
j'imagine que ce que vous voulez dire, c'est la valeur aujourd'hui, au
31 décembre 2018.
M. Geloso
(Vincent) : La valeur marchande.
M. Barrette :
Alors, la valeur comptable, comment l'identifiez-vous, là? Là, je le sais à peu
près, comment vous allez me le dire, mais juste pour le bénéfice de ceux
qui nous écoutent, qui ne sont pas rompus à ces principes-là, nécessairement.
M. Geloso
(Vincent) : Quand vous
achetez une maison, c'est la même chose que quand vous achetez un permis
de propriétaire, vous prenez une hypothèque.
Il y a une valeur qui est inscrite sur l'hypothèque. Cette valeur-là, c'est
la valeur comptable.
M. Barrette : Très bien. Ça, ça
donne... C'est à peu près ça que je dis, là.
M. Geloso
(Vincent) : O.K. Ça, ça veut
dire que les chauffeurs qui ont acheté un permis en 1985, par exemple,
vont recevoir la valeur comptable de ce
qu'ils ont payé, donc la valeur lorsqu'ils ont pris une hypothèque en 1985, et ceux
qui ont acheté cette année, donc les
derniers entrants, ceux qui ont payé le plein prix du système, sont compensés
pour le prix qu'ils ont payé. Donc, on les compense justement à la
valeur comptable. Mais ici ce qu'il faut comprendre...
Puis je vais faire deux nuances sur votre
propos, M. le député. Le premier...
M. Barrette : ...
M. Geloso (Vincent) : Pardon?
M. Barrette : Pas sur le livre.
M. Geloso (Vincent) : Non, pas
sur le livre, absolument pas. La nuance que je vais faire, c'est que, un, c'est
une propriété.
M. Barrette : Oui, oui.
• (16 h 50) •
M. Geloso (Vincent) : On ne
peut pas retirer à des gens leur propriété sans compensation. Aux États-Unis,
les Américains appellent ça «eminent domain,
but there must be just compensation». Bien, même chose ici, il doit y avoir
juste compensation. C'est la propriété de quelqu'un. On ne peut pas leur
enlever sans compensation. On dit que la valeur comptable est un bon point de
départ.
Et ensuite le
«best practice» international, c'est l'utilisation d'une taxe sur une période
de transition. Et le meilleur exemple,
c'est l'Australie. Donc, quand je dis «best practice», c'est... Tous les
exemples de ce quota de production ou de quota d'entrée ont toujours
été abolis, la grande majorité du temps, de cette manière-là, via une taxe
temporaire qui est assignée aux
consommateurs, donc ceux qui bénéficient le plus de la réforme. Donc, c'est-à-dire que ça, c'est très équitable. C'est très progressif parce que ça attribue le fardeau de la compensation à
ceux qui en sont les plus grands bénéficiaires. Donc, c'est un partage des bénéfices entre le
bénéficiaire et celui qui est le perdant. Donc, ça respecte certains concepts.
Quand j'enseigne finances publiques à mes
étudiants, il y a l'équité horizontale, il y a
l'équité verticale. Ça respecte tous les principes d'équité en matière
économique.
Et donc on
dit que c'est la meilleure manière de procéder. C'est pour ça que c'est le
«best practice», à l'international, d'utiliser...
de racheter les permis et ensuite de financer ce rachat via une taxe
temporaire. Ensuite, les modalités peuvent être définies sur une plus longue période si on veut rembourser plus que la
valeur comptable, si on veut le rembourser sur 10 ans, sur 15 ans, si on veut le rembourser en
donnant immédiatement des bons du Trésor aux gens. On peut faire une
multitude de possibilités qui sont
différentes. Mais le principe demeure, pour un économiste, juste des mots
additionnels autour du même squelette,
le squelette de base demeurant : On rachète les permis, et le financement
se fait via une taxe qui est attribuée sur ceux qui sont bénéficiaires
de la réforme.
M. Barrette : Est-ce que vous
pouvez confirmer à tout le monde qu'on ne s'est pas parlé avant, là?
M. Geloso (Vincent) : Je vous
ai rencontré une fois dans ma vie, au lancement de mon livre, je pense.
M. Barrette : Très bon livre.
C'est un très bon livre, je le répète. Mais il n'en reste pas moins que c'est
ça.
Je vais poser
une autre question qui est économique, là, qui est dans la théorie et la
pratique économiques. Est-ce que le
modèle que vous avez cité, celui de l'Australie, pour la gestion de l'offre du
lait, est-ce que... Mais ça, je n'ai pas la réponse. Ça, je ne vous piège pas, là, pas du tout, là. C'est vraiment
un échange pédagogique que je recherche. Est-ce que c'est le bon modèle parce que le montant compensé,
dans la gestion de l'offre, est tellement grand que c'est celui-là qui
est le meilleur, par opposition à la
situation actuelle, qui... On s'entend que, la gestion de l'offre en Australie,
là, on devrait être dans les milliards de milliards, là. Ça devait être
énorme, là.
M. Geloso
(Vincent) : Regardez, vous dites ça, M. le député, mais je vais faire
une nuance importante. La différence avec
l'Australie, c'était que, si on finançait de cette manière-là, il y avait
quand même des entrants étrangers qui pouvaient venir dans l'industrie via les
importations. Mais, dans le cas ici, tous les services sont produits de manière
locale. Donc, les
entrants... Dans ce cas-ci, si le chauffeur de taxi décide de conduire un plus
grand nombre d'heures, bien, lui, il reçoit
les revenus de cette taxe-là. Donc, lui, il est automatiquement bénéficiaire
de la chose. C'est-à-dire que, si, disons, on dit — on
va donner un cas hypothétique — il y a 1 $ par course sur une course de
10 $, bien, pour le chauffeur Uber, lui, le 1 $, il ne va
pas... Pour le chauffeur de taxi, le 1 $ qui va en revenus lui est dédié,
justement. Donc, ça peut se faire de cette manière-là et c'est donc, pour lui,
nettement plus efficace.
M. Barrette :
Intéressant. Là, j'aimerais ça qu'on aborde... Parce que, là, je pense que j'ai
fait mon point, puis vous l'avez fait avec
moi, là, d'une façon très claire, et on va le reprendre abondamment.
Maintenant, je voudrais parler du marché
et de ses distorsions, O.K., parce que, c'est sûr, là... Puis je vous
comprends, là, puis je ne m'obstine même pas sur ce que vous dites, O.K.? C'est sûr, là, que, demain
matin, là, il arrive un paquet de nouveaux joueurs pour donner de
l'offre de transport, puis une application,
puis tout ça. On est en 2019, je le sais. Mais, encore là, moi, ce n'est pas le
procès du passé qui m'importe ni les
louanges de ce qu'on pense être la perfection du futur. Moi, ce qui m'importe,
c'est les détails, ceux qui vont faire en sorte que ça va être
problématique.
Je
vous soumets la chose suivante. Moi, là, je suis convaincu que, si, cette
semaine, on était dans les séries, là, à la game de hockey des Canadiens au Centre Bell, là, il y aurait plein
d'étudiants qui auraient leurs permis d'Uber, qui ont une auto, là, ou
qui prennent l'auto de leur père, qui iraient faire 1 $ pendant trois
heures, là, le temps de la game de hockey, puis
ils disparaissent du marché après, puis là le prix va monter parce que c'est la
tarification dynamique. Bon, ça, pour moi,
c'est une distorsion du marché. Ça va arriver, cette offre-là de plus, il n'y a
pas de doute, zéro doute, puis c'est correct pour le consommateur, dans une certaine mesure. C'est correct pour le
consommateur, mais, pour le chauffeur qui gagne sa vie tout le temps, tout le temps, tout le temps là-dessus, là, dans
un système, puis, vous l'avez dit vous-même, qui, par la concurrence, vient baisser le prix de la course en
moyenne, comment le ministre, là, peut-il affirmer, puis je vous demande
si vous êtes d'accord avec ça, affirmer, là,
puis d'une façon catégorique, c'est les 10 commandements sur la montagne,
c'est la Bible : Avec ce système-là,
les chauffeurs vont faire plus d'argent après qu'avant? Moi, pour moi, là, je
ne le vois pas. Puis je n'ai pas l'expertise, vous l'avez plus que moi,
mais, quand on regarde ce qui se passe sur la planète, ça ne semble pas être le
cas.
M. Geloso (Vincent) : Bien, je vais me permettre une réponse. On baisse
leurs coûts. Les taux d'intérêt chaque mois... Non, c'est impossible qu'on ne baisse pas le revenu de... qu'on
n'augmente pas le revenu de quelqu'un si on ne baisse pas leurs coûts
d'opération. C'est la base.
M. Barrette : Je comprends ce que vous dites. Ça, c'est à la
condition que la grille tarifaire soit, en moyenne, la même qu'avant,
alors que la grille va être plus basse.
M. Belzile
(Germain) : La grille va être plus basse, mais les coûts vont
être significativement plus bas aussi.
M. Barrette :
Oui, mais, alors là, ça devient une question d'équilibre entre les deux. Ça
devient une question d'équilibre entre les
deux. Et moi, là, je n'ai jamais eu de démonstration qu'en moyenne le chauffeur
de taxi d'avant... Parce qu'Uber, là,
il ne va pas s'amuser... Ça, c'est comme la taxe scolaire, là, hein? La taxe
scolaire, là, on la baisse pour les propriétaires,
mais le locataire paie le même prix. Alors, moi, Uber, il est là pour faire des
sous. Moi, je ne vois pas pourquoi il raterait son coup là-dessus.
En
général, là, puis là c'est un jugement de valeur, là, que je pose, là, en
général, c'est celui qui est en bas de l'échelle qui écope, pas celui qui est au milieu et en haut. Ça, c'est le principe
de l'intégration verticale. Dans l'intégration verticale, vous le savez comme moi, c'est le milieu qui fait
l'argent, c'est les extrêmes qui perdent ou ne gagnent pas assez. Moi,
dans ce principe-là, là, je pense que celui qui est bas, dans la manière qu'on
aborde le problème, va potentiellement — je dis potentiellement, vous
voyez, je vous laisse une chance, je laisse une chance même au ministre — sortir
perdant. Dites-moi que j'ai tort.
M. Belzile
(Germain) : Moi, je vous dirais que les gens qui...
M. Barrette :
Vous voyez? Vous ne me dites pas que j'ai tort.
M. Belzile (Germain) : Écoutez, je vous suis là-dessus, les gens au bas
de l'échelle ne sont en général pas très bien dans beaucoup de circonstances. Mais les gens au bas de l'échelle, dans
le cas du taxi, c'est les chauffeurs qui louent un permis et qui paient
450 $ par semaine, et ils n'auront plus à payer 450 $ par semaine
maintenant.
M. Barrette :
...parce qu'il me reste 20 secondes. Je veux faire un dernier commentaire.
Puis, si ma collègue de Mercier veut vous laisser répondre, vous
répondrez. C'est parce que, dans le bas de l'échelle, qui est effectivement le
chauffeur, rien ne garantit que la structure d'intégration va générer les
revenus en bas. Il n'y a rien qui garantit ça.
M. Belzile (Germain) : Écoutez, actuellement, une grande partie du
revenu des chauffeurs dans le bas de l'échelle s'en va pour la location
du permis. Et puis il n'y a rien qu'on peut faire avec le système actuel si...
M. Barrette :
On change l'échelle.
La Présidente (Mme Grondin) :
Merci, M. le député de La Pinière. Merci. On va poursuivre les échanges...
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente, de ne pas m'avoir chicané.
La
Présidente (Mme Grondin) : C'est la dernière fois! On va
poursuivre les échanges avec le groupe du deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Mercier, à vous la parole.
Mme Ghazal : Merci. Donc, moi aussi, je vais aller sur, en
fait, les revenus. Ce que vous dites, selon le tableau que vous nous présentez, ce qui est extrêmement étonnant, c'est que les revenus vont augmenter, et le ministre
aussi nous l'a dit. Là, je ne vais
pas vous parler de quand vous dites de rembourser à la valeur comptable la
perte de retraite des veuves qui reçoivent
de l'argent, des héritages qui sont perdus, des gens qui
manifestent à l'extérieur. Je vais juste vous parler de ça.
Quand vous dites que,
par exemple, des chauffeurs de taxi que vous rencontrez... Parce que moi aussi,
j'en rencontre, mais on ne rencontre
visiblement pas les mêmes. Ce qu'ils me disent, c'est que, quand ils
louent... Oui, bien sûr, ils vont arrêter de louer le taxi, mais ils n'ont
aucune autre dépense. Ils ne se préoccupent pas d'inspecter le véhicule. Ce
n'est pas leur véhicule. Ils ne font que payer la location, et c'est tout. Mais
disons que leurs dépenses vont vraiment diminuer drastiquement, comme vous dites, ils vont avoir plus d'argent
dans leurs poches. Mais le problème, et ça a été démontré, là, partout, c'est qu'en augmentant l'offre la tarte
reste la même. Peut-être qu'elle va augmenter un peu,
mais on ne va pas créer plus de population
qui va se transporter. Donc, les revenus vont diminuer parce qu'il va y avoir beaucoup plus de
joueurs sur le marché. C'est la loi de
l'offre et de la demande dont vous parlez tout le temps. Donc, ça ne sera pas
viable. Ce que ça va faire, c'est que
les gens vont devoir travailler beaucoup, beaucoup plus d'heures pour peut-être
y arriver, ce qui est déjà le cas. Ça fait qu'imaginez avec l'arrivée
des géants comme Uber. Et donc ça ne sera pas viable.
Moi,
ma question, c'est... Peut-être, à court terme, ils vont faire plus d'argent
avec votre calcul simpliste et comptable. Mais, à moyen et long terme, ce qu'on va avoir, là, de plus, ça va être
ce que j'appellerais des chauffeurs du dimanche qui vont faire ce
service-là pour arrondir leurs fins de mois, mais on est en train de tuer, tuer
les gens qui vivent de ça, qui nourrissent
leurs familles. On l'a vu à New York, en Californie, les gens demandent d'avoir
le salaire minimum. À New York, il y a un règlement qui leur impose le
salaire minimum. Peut-être qu'ici on mange d'autres choses en hiver qui va
faire que ça n'arrivera pas ici, mais, si on regarde l'expérience d'ailleurs,
la même chose, ici, va se produire. Qu'est-ce que vous répondez? Allez-y.
M. Geloso
(Vincent) : Il y a tellement de faits à corriger dans ce que vous
venez de dire. Le premier, c'était...
Mme Ghazal :
Ah! moi aussi, j'en avais, mais je me suis retenue parce que j'ai juste quatre
minutes.
M. Geloso (Vincent) : Non, non, mais attendez, attendez, là. Un, c'est
que, par définition factuelle, la taille du marché ne va pas rester plus
petite si l'offre augmente. La quantité produite va augmenter.
Mme Ghazal :
Donc, plus de voitures, plus de pollution, plus de congestion...
M. Geloso
(Vincent) : Plus de courses... Non, non, puisque le service est
complémentaire.
Mme Ghazal :
...si on continue, à ce rythme-là, de développer le transport en commun.
• (17 heures) •
M. Geloso (Vincent) : Attendez, attendez, attendez. Les études, toutes les études «peer reviewed» le
montrent, O.K.? Et ce n'est pas des études de consultants.
Mme Ghazal :
On ne lit pas non plus les mêmes études.
M. Geloso
(Vincent) : Écoutez, Journal of Urban Economics, European
Economic Review, Quarterly Journal of
Economics, AmericanEconomic...
Mme Ghazal : Mais pourquoi vous ne regardez pas la réalité de
ce qui s'est passé ailleurs dans le monde? Qu'est-ce qui va faire qu'ici
ça va être différent?
M. Geloso
(Vincent) : Parce que ces gens-là se soumettent au processus de
révision par les pairs. Ils se laissent évaluer
par d'autres experts pour pondérer leurs opinions. Et ce qui arrive, c'est le
fait suivant, c'est que plus de courses sont faites, qui sont complémentaires au service existant... augmentent
l'offre de services totale, réduisent les coûts de manière considérable,
réduisent les externalités comme la pollution.
Mme Ghazal :
Je voudrais, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps...
M. Geloso
(Vincent) : Les bénéfices, c'est, «across the board»...
Mme Ghazal :
...parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps...
M. Geloso
(Vincent) : ...gigantesques.
Mme Ghazal : Ah! Oui,
c'est extraordinaire, écoutez, ça me donne le goût d'aller là-dedans puis de
voter pour ce projet de loi là, à vous entendre.
Si
on regarde pour, par exemple, en région, on a parlé de la région, il n'y a
aucun moyen en ce moment pour vérifier, si éventuellement le projet de loi est mis en place, que les gens vont
faire... je parle du Uber parce que c'est lui qui va vouloir prendre le
marché... que ce sera du Uber légal. Il y a des gens en région qui m'ont dit
que c'est tellement... Maintenant, n'importe qui peut décider qu'il va faire ce
service-là, puis il n'y aura pas moyen pour, par exemple, la police de vérifier est-ce que c'est du Uber légal, est-ce
que c'est vraiment fait selon les normes ou est-ce que c'est tout
simplement quelqu'un qui décide d'arrondir
ses fins de mois. Donc, on va se retrouver avec des situations de plus en plus
illégales, et ça, c'est un risque pour la sécurité des consommateurs.
M. Geloso
(Vincent) : ...40 ans...
La Présidente (Mme Grondin) : Oui, on va arrêter. Je suis désolée, le temps est
écoulé. Nous allons terminer les échanges avec le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau :
Merci beaucoup. Moi, j'aimerais vous poser la question suivante, à
savoir : Est-ce que vous pensez que
l'industrie du taxi, telle qu'on la voit aujourd'hui, peut se maintenir dans un
environnement beaucoup plus compétitif avec l'arrivée des géants internationaux?
Et, si oui, comment?
M. Geloso
(Vincent) : Je pense que... Bien, en fait, Germain, veux-tu y aller?
M. Belzile (Germain) : Bon, O.K. Il n'y a pas de raison que l'industrie
du taxi ne s'adapte pas. Ils ont de l'expertise, ils ont des connaissances, puis il va falloir qu'ils prennent des bonnes
décisions aussi. Quand on est face à la concurrence, on n'a pas le choix de s'adapter à ce que les
autres font, puis aussi à réfléchir, puis à trouver des nouvelles façons de
fonctionner.
Mais vous êtes aux Îles-de-la-Madeleine, c'est ça?
Est-ce que vous savez combien il y a de taxis aux Îles-de-la-Madeleine? Il y en a huit, si je ne me trompe pas, là. Quand
l'avion arrive ou quand le bateau arrive, j'imagine qu'il doit y avoir
un peu de problèmes à se trouver un taxi si on n'y a pas pensé à l'avance, là.
Moi, je ne vois que
des avantages à ça, là. L'offre va s'adapter à la demande. Quand la demande va
être là, il va y avoir de l'offre. Il y a
des gens qui vont arrondir leurs fins de mois, je pense que c'est excellent.
J'ai embarqué avec une madame qui m'a
emmené dans le centre-ville il y a deux semaines, à une conférence. Elle avait
envoyé ses enfants à l'école et puis, quand ils sont partis à l'école,
elle est allée faire du Uber pendant quelques heures, dans les heures très
sécuritaires pour elle. Elle arrondit ses fins de mois.
Moi,
je ne vois pas pourquoi le gouvernement serait en train de réglementer qui a le
droit de faire quoi et quelle job doit être à temps plein, quelle job
doit être à temps partiel aussi. Je pense que ce n'est pas l'État qui doit
faire ça.
M. Arseneau :
...ça me fait penser, vous dites : Il va y avoir davantage de services,
probablement, y compris en région. La
tarification dynamique, vous ne semblez le voir que dans un seul sens,
c'est-à-dire pour la réduction des tarifs, alors que les témoignages abondent sur l'idée qu'entre le
centre-ville de Québec et l'aéroport on pourrait payer jusqu'à 90 $,
alors qu'aujourd'hui c'est 35,10 $,
compte tenu évidemment du jeu de l'offre et de la demande et des périodes dans
la journée. Est-ce que ça peut arriver ou vous pensez vraiment que les
prix vont toujours être à la baisse?
M. Belzile (Germain) : Les tarifications dynamiques, ça va dans les deux
sens, évidemment, là. Mais, si on a une tarification qui est multipliée par deux, ou trois, ou quatre,
normalement on l'indique à l'avance, les gens ont le choix de ne pas la
prendre. Puis l'alternative, c'est, bien, d'attendre et puis de ne pas avoir de
transport. Alors, moi, ça m'est arrivé d'ouvrir mon application puis de
dire : Oh! c'est multiplié par 2,4, alors, bien, là, je vais prendre un
autre moyen, tout simplement, là. Mais par contre, si je suis vraiment pressé,
je vais y aller, là.
M. Arseneau :
Mais est-ce que vous pouvez considérer qu'il y a des gens qui n'ont pas les
moyens de prendre d'autres moyens? Par
exemple, les personnes aînées, les plus jeunes qui sortent le soir :
20 $ pour venir sur la Grande Allée et, pour le retour, 90 $? je vais plutôt prendre ma voiture en état
d'ébriété. Est-ce que c'est possible qu'il y ait cette pression-là?
M. Belzile (Germain) : Écoutez, il y a des situations qui sont
relativement exceptionnelles, mais ça n'arrive pas souvent, des trucs comme ça, parce que justement
l'offre s'adapte à la demande. Si on se rend compte que, tous les
vendredis soirs, les prix montent beaucoup,
bien, il y a des gens qui vont décider : Bien, tu sais, moi, je vais
commencer à faire du taxi ou l'équivalent, et puis ça s'équilibre, tout
ça, là.
M. Arseneau :
...la question parce que, j'imagine...
M. Belzile (Germain) : C'est un peu comme le même problème qu'il y a,
par exemple, où... à ce temps-ci de l'année, le céleri est très cher. Vous n'êtes pas obligé de l'acheter, le céleri,
là, quand il est très cher. Mais il est très cher pourquoi...
M. Arseneau : ...exemple, mais je voudrais quand même
vous poser la question sur le céleri
parce qu'aux Îles-de-la-Madeleine, le céleri, il est cher à longueur
d'année...
M. Belzile
(Germain) : Mais le prix, c'est quelque chose qui est...
M. Arseneau :
...et Internet est cher à longueur d'année et pas toujours disponible...
M. Belzile
(Germain) : Mais il faut comprendre qu'un prix, c'est quelque
chose qui équilibre un marché.
M. Arseneau :
...et l'avion est cher à longueur d'année et n'est pas toujours disponible.
Qu'est-ce que vous avez à dire aux
gens des régions qui paient le céleri plus cher que partout ailleurs à l'année
et paient leur Internet, qui est à basse vitesse à l'année mais qui le paient plus cher que partout ailleurs?
Bref, l'ensemble des régions du Québec sont dévitalisées. Comment
pouvez-vous imaginer que le libre marché leur donne davantage de services à
moindre coût?
M. Geloso
(Vincent) : ...le cadre
réglementaire précédent a échoué pendant 40 ans. La réalité, c'est que le
cadre réglementaire a échoué pendant
40 ans. En soi, c'est un témoignage de preuve de... qui a les plus
grandes... Ce n'est pas de faire une
défense du marché. Je suis le premier économiste à dire qu'il existe des
failles de marché. Mais ces failles du marché doivent constamment être
prises en compte en contrepartie des failles de l'État. Et les failles de
l'État ont été vues pendant 40 ans dans l'industrie du taxi, notamment en
région, où est-ce que les services n'ont pas été suffisants...
La Présidente (Mme Grondin) :
Merci beaucoup. Merci. Merci beaucoup, messieurs, pour ces échanges.
Je suspends les travaux quelques instants pour
permettre au représentant ou...
Une voix : À M. Lavoie.
La Présidente (Mme Grondin) :
...à M. Lavoie de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 9)
La
Présidente (Mme Grondin) : Nous recommençons les travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Guillaume
Lavoie, de l'ENAP. Vous avez, M. Lavoie, 10 minutes. Je vous
informerai quand il vous restera une minute. Par la suite, on va avoir des
échanges avec les membres. Et, s'il vous plaît, veuillez vous présenter pour
les membres. Merci.
M. Guillaume Lavoie
M. Lavoie
(Guillaume) : Merci, Mme la Présidente. Bien, permettez-moi
d'abord de saluer M. le ministre et l'ensemble des membres de la commission.
Merci beaucoup pour votre invitation.
• (17 h 10) •
Je me
présente : Guillaume Lavoie. Je suis chargé de cours à l'École nationale
d'administration publique. Et j'ai aussi
eu le grand plaisir de présider le Groupe de travail sur l'économie
collaborative, qui a été constitué par un mandat du premier ministre M. Philippe Couillard. Nous
avons rendu notre rapport au gouvernement, et public, en juin dernier.
Et, bien que notre mandat était beaucoup
plus vaste que la seule question qui est ici, je vous assure qu'une partie
stratégique et majeure de notre rapport s'intéresse exactement au projet
de loi qui est devant nous. Et d'ailleurs, sur les points les plus majeurs, il
faut reconnaître que le projet de loi s'inscrit dans la foulée de nos
recommandations.
Quatre points que je veux partager avec vous
aujourd'hui. D'abord, pourquoi est-ce que ce projet de loi là est nécessaire?
Pourquoi est-ce qu'il est nécessaire maintenant? Pourquoi est-ce que des
éléments d'enregistrement... d'enrichissement, pardon, sont essentiels, et
pourquoi une compensation légitime et qui doit être juste pour tous est
également nécessaire?
Alors, d'abord, premièrement, pourquoi est-ce
que ce projet de loi là est nécessaire à ce moment-ci? C'est que l'objectif de politique publique le plus
important, au nom de l'intérêt général, c'est d'augmenter, de multiplier, de
diversifier, d'enrichir les options de
mobilité pour l'ensemble des Québécois. Et, juste pour qu'on prenne la mesure
ensemble du potentiel qui est devant
nous tous les jours au Québec, donc aujourd'hui, là, il y a 25 millions de
sièges de voiture vides en mouvement sur
nos routes. Pour la seule région de Montréal, on parle de 15 millions.
Dans la région de Québec, c'est 6 millions. Un réservoir extraordinairement énorme qui est
présentement bloqué exclusivement à cause d'un cadre réglementaire
inadéquat.
C'est aussi
une possibilité de catalyser l'action et l'offre de tout le réseau de transport
collectif parce que, grâce à des partenariats
avec les TNC et d'autres compagnies qui pourraient arriver dans le décor,
incluant les taxis traditionnels, on peut avoir là une manière
d'enrichir l'offre, notamment en créant des partenariats de premier et dernier
kilomètre.
C'est aussi
une opportunité d'enrichissement collectif pour les familles québécoises. Le coût
du transport et le coût de la dépendance à l'auto solo est
extraordinairement élevé au Québec. Posséder une voiture au Québec coûte entre 6 000 $ et 9 000 $ par année,
et, selon certaines études, vous pourriez même multiplier ce chiffre-là par
deux, sinon par trois.
Au Québec, vous savez que la première dépense
des ménages québécois, c'est le logement, la troisième, c'est la nourriture, la deuxième, c'est le coût de
transport. Au Québec, ça coûte plus cher pour se déplacer que pour se
nourrir. Augementer les opportunités de
mobilité, réduire le coût du transport, c'est enrichir l'ensemble des familles
québécoises.
C'est aussi
une opportunité d'améliorer, de catalyser nos stratégies d'occupation du
territoire parce que ça créera des opportunités
dans les régions plus rurales, dans les périphéries, là où il y a moins de
densité, parce que le transport collectif ne pourrait pas, là, être une
réponse.
Et
finalement c'est une opportunité de catalyser les stratégies d'aménagement
urbain moderne, comme par exemple les
structures d'apaisement, de développement immobilier, de verdissement,
d'infrastructures cyclistes parce qu'on trouvera à retirer des voitures
et créer de l'espace, ne serait-ce que le stationnement, créer de l'espace qui
pourra servir, un bien collectif beaucoup plus grand que des simples espaces de
stationnement.
Maintenant,
pourquoi est-ce que c'est nécessaire maintenant? Il y a un contexte d'urgence
ici parce qu'on se trouve à être sous
la gouverne du projet pilote actuel. Et le projet pilote est largement
inadéquat. Il crée même des enjeux d'intérêt collectif graves, pour
trois raisons essentielles.
D'abord,
c'est qu'il laisse en plan toute l'industrie du taxi traditionnelle prisonnière
d'un cadre réglementaire qui lui nuit, notamment l'interdiction de la
tarification dynamique, notamment des coûts de formation beaucoup trop élevés
par rapport à ce qu'elle peut offrir.
Deuxièmement,
parce que le projet pilote actuel empêche le meilleur des innovations des
plateformes de covoiturage et de covoiturage urbain, notamment les
courses partagées.
Et finalement, et c'est peut-être là où c'est le
plus fondamental, c'est que le projet pilote actuel crée un cadre tellement élevé au plan réglementaire pour la
seule compagnie qui est là présentement, qui est Uber, qu'il est devenu
un repoussoir pour les concurrents
potentiels d'Uber, tant étrangers et surtout, et c'est peut-être là le pire,
des organisations québécoises,
notamment des coops. C'est comme si le projet pilote avait créé un monopole de
facto pour Uber. Ceci doit cesser.
Et, dans le rapport, nous l'avons écrit comme ça : «Le projet pilote n'est
pas une réussite, mais il n'a pas à devenir un échec.» Et la
question : Est-ce que ce sera un échec?, c'est la vitesse avec laquelle
nous allons moderniser le cadre réglementaire.
Le projet de loi est relativement bon, mais il
est perfectible. Notamment, pourquoi est-ce qu'il faut ajouter des éléments
essentiels pour l'enrichir? En voici quelques-uns. D'abord, et c'est
probablement une des choses les plus importantes,
il faut exiger le partage des données de la part des plateformes qui voudront
faire affaire au Québec. Ce sont des données non nominatives sur, par
exemple, origine-destination, qui vont nous permettre de bien mieux concevoir
nos politiques de mobilité et de transport
et permettre aux joueurs du transport
collectif de bien mieux déployer leurs actifs sur le terrain et d'offrir
un meilleur service.
Il faut exiger ce que nous avons appelé dans le rapport
le sentier de la réhabilitation. La majorité de ces applications-là fonctionnent avec des systèmes de revue par les
pairs, ce qui fait que votre cote peut devenir, tant pour l'offreur de services que le consommateur, quelque chose qui peut vous exclure. Ce qui se défend. Mais il ne faudrait pas que
cette exclusion-là devienne une exclusion ad vitam aeternam.
Troisièmement,
exiger des garanties afin d'empêcher des mesures qui viendraient limiter la
concurrence, notamment des pratiques où les plateformes interdiraient à
certains chauffeurs d'aller sur d'autres plateformes si ça leur chante.
Et puis
j'inviterais aussi la commission à s'intéresser à l'article 147.3, où on
veut limiter le nombre de kilomètres. 100 kilomètres fait certainement
beaucoup de sens comme limite dans un cadre urbain comme Montréal ou Québec,
mais, dans certaines régions, ça pourrait devenir limitatif. Peut-être y
aurait-il lieu d'augmenter un peu cette limite-là.
Maintenant,
pourquoi est-ce
que la compensation est profondément légitime et doit être juste pour tous?
Ça a été dit précédemment, tout le
monde a une responsabilité dans le système que l'on a aujourd'hui, incluant le
gouvernement. C'est les propriétaires
et non les chauffeurs qui voient véritablement leur univers profondément
bouleversé, et le groupe de travail que j'ai présidé endosse totalement
le principe qu'il doit y avoir une compensation.
Ceci étant,
il faut reconnaître qu'il n'y a pas de clarté limpide sur le montant qui
devrait être versé, sur les pertes qui
pourraient être encourues. C'est pour ça que ça nous prend quelques principes,
notamment qui pourrait être en charge de
déterminer correctement quelle est la valeur dont il est question. Revenu
Québec me semble être le meilleur acteur pour faire ce travail-là et prendre en compte des principes comme, notamment,
est-ce qu'il restera des morceaux de marché, mais surtout des principes de conformité fiscale. Parce
qu'on ne pourrait pas prendre de l'argent public pour compenser une
partie d'une valeur qui aurait été gonflée par une non-déclaration fiscale.
En conclusion, il est très clair pour le groupe
de travail que j'ai dirigé que d'ouvrir la réglementation afin d'augmenter les options de mobilité s'inscrit
carrément dans une stratégie d'intérêt général pour avoir une mobilité
plus efficace, pour favoriser la capacité
d'entrée de nouveaux joueurs, pour créer des opportunités de concurrence et
surtout ouvrir le marché à des compagnies, des coopératives québécoises.
Et il y a manière de faire ça correctement. Merci.
La Présidente (Mme Grondin) :
Merci beaucoup, M. Lavoie. Nous allons amorcer nos périodes d'échange. M.
le ministre, la parole est à vous, vous disposez de 22 minutes.
M. Bonnardel :
Merci, Mme la Présidente. M. Lavoie, merci d'être là aujourd'hui. Juste
pour répondre à une de vos interrogations, le partage de données, à
l'article 80, on va se permettre d'aller chercher ces données d'origine-destination qui seront assurément importantes pour toutes les courses
effectuées de même que, dans une certaine mesure, leurs curriculum vitae. Je veux vous rassurer là-dessus
parce que je pense que pour la... notre politique de mobilité durable et
voir plus loin, on doit obtenir ces informations.
Vous m'avez sûrement maintes et maintes fois
entendu, là, sur cet équilibre entre l'allègement réglementaire, administratif et financier, nécessairement, que je
souhaite mettre de l'avant pour l'industrie du taxi traditionnel, trouver
un équilibre aussi pour amener les nouvelles
technologies à s'implanter, puis que tout le monde sur la patinoire ait son
terrain de jeu adéquat, intéressant, et que, sur les 50 millions de
courses présentement que le Québec... que les consommateurs demandent, par
l'entremise du taxi traditionnel, à hauteur de 40 millions et l'autre
10 millions pour les nouvelles... les technologies utilisées par téléphone
mobile.
• (17 h 20) •
Ma
question est fort simple, en deux volets. Trouvez-vous que l'équilibre est
important? Trouvez-vous qu'on assure la
vitalité, la pérennité de l'industrie du taxi? Et vous leur dites quoi, à tous
ceux qui disent : Bien, demain on n'a plus de travail, soudainement, on fait moins de sous? Bon,
vous avez entendu la chambre de commerce, vous avez entendu l'Institut économique dire : Bon, oui, il y aura
nécessairement plus d'argent dans leurs poches. Je reste persuadé que oui dans
son ensemble. Vous leur dites quoi, à
l'industrie du taxi, qui, je le comprends, là, vit de l'insécurité, vit de la
peur, se dit : On a un régime qui existe au Québec depuis 40,
50 ans? Je vois bien, moi aussi, qu'il y avait plus de véhicules de taxi
par 10 000 habitants en 1970
qu'aujourd'hui, ce qui, pour moi, est complètement ridicule dans une question
d'offre et de la demande. Vous leur dites quoi, à eux, demain matin, à
savoir comment...
Parce que,
c'est fort simple, on met en opposition le taxi traditionnel versus les
nouvelles technologies puis on dit : On ne pourra pas survivre dans
cet environnement si les nouvelles technologies prennent de la place. Moi, je
crois le contraire. Je crois que le taxi traditionnel...
L'industrie comme telle, c'est 40 millions de courses. La possibilité de
s'unifier, de se consolider, avec une
application — autre
question que j'aurai pour vous — je pense qu'il y a beaucoup de place
pour eux au Québec, d'être un concurrent féroce pour ces nouvelles
technologies... Vous leur dites quoi à eux?
M. Lavoie
(Guillaume) : Bien, d'abord,
il y a un côté profondément humain, de deux niveaux. Tout changement crée de l'insécurité. Il faut reconnaître ça et
être sensible à ça. Ce n'est pas que personne ne comprend. C'est : on
modifie un environnement dans lequel il y a des humains qui sont habitués de
fonctionner depuis très longtemps dans un système; soyons à l'écoute de ces inquiétudes-là et répondons-y de manière, là,
systématique. L'autre chose, c'est que ce n'est jamais arrivé dans
l'histoire qu'une industrie lève la main en disant : J'aimerais ça avoir
des concurrents. Alors, je comprends, là, un peu la réticence.
Ceci étant, on voit tranquillement un changement
de rhétorique dans l'industrie du taxi. À peu près toute la réglementation du taxi, historiquement, a été
construite pour élever des murs afin de se protéger contre des
concurrents : les heures de formation disproportionnées, l'inspection des
véhicules, très, très, très élevée, la classe 4C, et j'en passe. Et tranquillement on s'est rendu compte, surtout avec
l'arrivée des nouvelles technologies, qui sont soit ailleurs ou qui
arrivent ici, que ces murs-là sont devenus
une prison dans laquelle on ne peut plus sortir, qui nous empêche de devenir
davantage efficaces, qui nous empêche
d'offrir un service qui est à la hauteur de ce que le client veut et donc qui
nous crée des coûts qui nous rendent
non compétitifs. Et là-dessus, le projet de loi est une opportunité de
moderniser ou d'ouvrir les possibilités pour l'industrie du taxi traditionnel en réduisant ses coûts de manière
majeure : formation, inspection, tarification dynamique, types de véhicules. Voilà des opportunités qui vont
énormément aider leur industrie, incluant la possibilité de se lancer sur
une app, d'avoir la possibilité d'offrir et d'entrer dans ce marché-là.
Et en plus,
faut-il le rappeler, ce n'est pas une déréglementation complète. Il reste des
morceaux importants du marché qui
restent réservés, entre guillemets, aux taxis, par exemple le «hailing», qui
n'est pas exactement une petite portion du marché, par exemple tout le transport adapté, qui, aux dernières
nouvelles, leur reste encore. Et c'est des dizaines de millions de
dollars par année. Alors, on donne une base qui demeure, mais on vient d'ouvrir
des possibilités de modernisation qui sont non négligeables.
M. Bonnardel :
Est-ce qu'on va trop loin dans cette déréglementation, dans une certaine
mesure? Je vous le répète, pour moi,
il est important, depuis l'arrivée des nouvelles technologies... J'étais dans
l'opposition, là, quand le gouvernement a mis en place ces projets
pilotes. J'ai répété maintes et maintes fois au ministre des Transports de
l'époque qu'il devait agir, qu'il devait
prendre en considération que l'industrie était bouleversée puis, dans une
certaine mesure, comprendre leur dynamique, qui existe depuis les 30,
40, 50 dernières années au Québec.
Bon, avec ça, aujourd'hui, je me suis dit... on
s'est assis, on s'est dit : Comment on va amener l'industrie à être pérenne dans 20 ans, dans 10 ans, dans
15 ans, et se dire... Sur la patinoire, moi, je vois l'industrie, hein, je
vous le répète, je vois l'industrie encore plus forte demain, si elle
s'unit, si elle s'unit pour être capable de compétitionner les nouvelles
technologies. C'est le grand défi.
Puis, je vous
le dis encore une fois, j'entends le discours de tout le monde, c'est
l'opposition entre les deux. On ne pourra
pas survivre dans un environnement comme celui-là. On est insécure, on ne le
comprend pas trop. J'essaie de leur démontrer,
par cette déréglementation, des règles moins sévères, moins de charges
financières, réglementaires, administratives. Partagez-vous le point que
j'amène, à savoir : Est-ce qu'on est allés trop loin dans notre réflexion?
Est-ce que c'est un équilibre qui est
certain ou important pour assurer encore une fois la vitalité de cette
industrie puis d'aller chercher 45 millions de courses, au lieu de
40, d'ici cinq ans?
M. Lavoie
(Guillaume) : À mon sens, je
pense que... Peut-être que vous allez même plus loin que la recommandation du groupe de travail. Le groupe de
travail recommandait d'enlever complètement la formation. Je ne parle pas du transport adapté, bien sûr, vous n'êtes pas
allés jusque-là. Le groupe de travail disait : Bon, bien, il faudrait
peut-être justifier les inspections mécaniques,
dans quels cadres. Vous n'êtes pas allés jusque-là. On a certainement enlevé
les irritants les plus importants, qui vont ouvrir des possibilités pour
rendre l'industrie du taxi beaucoup plus efficace et beaucoup plus rentable à
ce niveau-là, certainement.
M. Bonnardel :
Certains disent, par cette déréglementation, que, soudainement, avec
l'industrie, où on va permettre d'autres
technologies d'arriver, Eva, peut-être Lyft un jour, ou autres, que
soudainement il y aurait plus de voitures, plus de congestion, on va même enlever, donc, des gens qui
utilisaient le transport collectif qui pourraient partager une auto le matin. Qu'est-ce que vous avez à nous répondre de
ces personnes qui nous disent : Bien, soudainement, il y aurait
20 000 chauffeurs de plus à Montréal?
Je
vous le dis, présentement, le projet pilote pourrait permettre à Uber, à Eva
d'avoir 10 000 chauffeurs de plus. Il n'y en a pas 10 000
de plus. Il y a encore une fois une question d'équilibre entre l'offre et la
demande. Qu'est-ce que vous répondez de ces
gens qui m'amènent une certaine réflexion sans étude spécifique, mais en
disant : Si on fait ça, c'est certain
qu'il y a x nombres de chauffeurs de plus à Montréal? On va prendre
l'exemple... et que, bien là, c'est congestions additionnelles, c'est le
transport collectif qui va en souffrir, plus de GES, nécessairement?
M. Lavoie
(Guillaume) : Prenons ça en tranche. D'abord, l'idée sur le
nombre de chauffeurs, c'est une vieille conception, et ça, c'est un choc
classique entre la réflexion de l'économie traditionnelle puis la réflexion de
l'économie collaborative. C'est de voir que
les gens vont se dédier à temps plein dans une seule fonction tout le temps.
Imaginons que... Vous avez dit 20 000 chauffeurs, qui est un
nombre effarant. Bien, ça ne serait pas 20 000 tout le temps. Ce serait probablement à la hauteur de la demande à ce
moment-là. Et ça, ça vient changer beaucoup de choses. Il faut arrêter
de voir ça comme des voitures qui seraient
en permanence là. Elles seront là quand la demande sera à la hauteur de ce qui
est nécessaire.
Au niveau de
la congestion et de ce qu'on pourrait appeler l'argument, qui ne tient pas, de
la cannibalisation du transport
collectif, il y a une étude qui circule, celle de M. Sheller, je pense,
qui traite de New York. Ce n'est pas une étude qui est exactement au même niveau que les études générales des autres.
D'abord, un, elle ne prend pas en compte les heures sur lesquelles ces voitures-là et ces
chauffeurs-là seraient sur la route. Par exemple, si, à la sortie des bars,
j'augmente le nombre de chauffeurs et
de voitures à Québec, je ne suis pas exactement en train de contribuer, à
3 heures du matin, à une congestion.
Alors, il faut le voir en fonction des moments de la journée. L'autre chose,
c'est que cette étude-là n'est pas «peer review» du tout.
Voici au
moins trois études qui me semblent très crédibles. La première, c'est celle de
l'American Public Transit Association,
qui est essentiellement l'association des RTC, STM et autres des États-Unis.
L'étude a les conclusions suivantes : plus les gens utilisent des courses partagées, plus ils utilisent le
transport en commun; moins ils possèdent de voitures, moins ils dépensent pour le transport, et plus les
compagnies de transport en commun ont des partenaires pour améliorer
l'offre de services. Deuxième étude très
intéressante, celle d'un conseil des ministres des différents pays de la
Scandinavie, qui arrive à la
conclusion que ce genre de choses là est une conclusion positive au plan du
bilan environnemental. Et une autre, plus récente, qui a été citée précédemment, qui est très majeure et très
crédible, c'est celle du Journal of Urban Economics, qui est très
claire : c'est complémentaire au transport collectif et ça augmente la
fréquentation du transport collectif.
Alors, ce
n'est pas un qui va cannibaliser l'autre. Le joueur qui perd en améliorant la
diversité des offres de transport et
mobilité, c'est l'auto solo, et c'est le plus grand problème de mobilité au
Québec, de finances familiales au Québec, et de bilan environnemental au
Québec. Alors, on a là une solution qui nous permet de frapper sur trois objectifs
majeurs, c'est-à-dire le revenu disponible des familles, le bilan
environnemental et notre capacité de mobilité.
M. Bonnardel :
Parlez-moi... L'industrie du taxi me demande de contingenter, encore une fois,
par quota, par permis. Selon vous, est-ce qu'on devrait tenir compte de
ça, une différence... il y a un facteur Montréal, il y a un facteur région? Certains disaient tantôt, à la chambre de
commerce : Il se pourrait que certaines villes, municipalités plus petites
soient mal desservies dans ces
conditions. Je reste persuadé que l'offre et la demande pourraient
nécessairement régler ce problème. Mais
vous voyez ça comment, quand, encore une fois, l'industrie nous dit : Il y
aura un problème majeur, peut-être pas à Montréal, peut-être pas dans
les grands centres, mais ailleurs en région?
• (17 h 30) •
M. Lavoie
(Guillaume) : Mais, d'abord,
sur la gestion de l'offre ou le nombre de permis, et ça, c'est la
question zéro qu'au Québec on ne s'est pas
posée au départ : Est-ce qu'on est pour ou contre la gestion de l'offre
stricte en transport? Et j'insiste,
je parle du transport, pas de l'agriculture. Fondamentalement, si on est pour,
la seule manière d'augmenter les opportunités de mobilité au Québec,
c'est de passer par-delà un système qui n'a pas donné de rendement positif
pendant les 40 dernières années. Pour ce qui est des régions — moi,
je suis quelqu'un qui vient du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
j'ai grandi route rurale n° 4, ça vous donne une idée de l'urbanité et de la densité, là — c'est un avantage extraordinaire de
pouvoir compter là-dessus, parce que jamais
le transport collectif ne sera capable de répondre aux demandes ou aux besoins
de ces gens-là.
C'est une
stratégie d'occupation du territoire, c'est une stratégie de développement
régional, c'est une stratégie de mobilité
régionale, en mobilisant... et c'est la base profonde de l'économie
collaborative, pas faire plus avec moins, faire plus avec ce qui existe déjà. Et, quand on a un
potentiel québécois de 25 millions de sièges vides en mouvement tous les
jours, ne pas utiliser cette ressource-là, c'est un potentiel gaspillé qui est
énorme.
M. Bonnardel :
Je vous amène justement... c'est à la page 45 du mémoire que vous avez
préparé, le rapport, là, le covoiturage.
Est-ce qu'on va assez loin? Est-ce qu'on peut aller encore plus loin dans cette
loi pour permettre, nécessairement, à plus d'utilisateurs, plus de gens
d'utiliser un seul véhicule, réduire le nombre d'autos solos sur le territoire?
M. Lavoie
(Guillaume) : Je pense que
oui, par exemple... Et il faut comprendre d'où vient la notion de
covoiturage. Le coeur de la réglementation
qui existait était de protéger le marché de certains. C'est la base, et, depuis
40 ans, les différents gouvernements
disent aux Québécois : Covoiturer, ce serait tellement mieux. La vérité,
c'est que c'est un échec patent de politique publique, parce que le
nombre d'autos solos augmente, la propriété individuelle de la voiture
augmente. La congestion augmente systématiquement depuis 50 ans.
Alors, pour
que les gens covoiturent, il faut reconnaître une chose : lorsque
j'embarque quelqu'un dans ma voiture, ça crée une contrainte. C'est bien
d'être seul dans sa voiture, je peux écouter la musique que je veux, je peux
faire de l'activité, je peux être avec mon
moi-même, mais juste le faire pour partager les coûts de transport,
c'est-à-dire l'usure du véhicule et l'essence, ce n'est pas suffisant. Imaginez que je parte de
Val-Bélair pour venir au centre-ville, qui se dit combien ça va coûter
d'essence ce matin? Personne.
Si l'objectif
principal, et je pense que ça devrait être ça, c'est qu'au Québec nous
réussissons à déplacer plus de gens avec
moins de voitures, toute mesure qui vient encourager, créer des incitatifs au
covoiturage est bonne. Et là-dessus on devrait,
je pense, changer notre définition du covoiturage, ne serait-ce que pour
reconnaître le véritable coût de la propriété automobile. Au lieu que ce soit le partage des coûts d'essence et
d'usure du véhicule, ça pourrait être le partage du coût du véhicule,
3 000 $, 6 000 $, plus, un peu moins, mais certainement pas
limiter au seul coût par kilomètre ou par essence.
M. Bonnardel :
Mon collègue de Bourget.
La Présidente (Mme Grondin) :
M. le député de Bourget.
M. Campeau : Merci, M. Lavoie,
de votre présence aujourd'hui. Merci à l'ENAP. C'est quand même un peu
paradoxal parce que, si je comprends bien, vous avez fait une longue étude sur
l'économie collaborative qui était demandée par le précédent gouvernement. C'est
ça?
M. Lavoie
(Guillaume) : Oui, mais
là-dessus permettez-moi une chose, parce que c'était très important. Vous
savez, le Québec, et c'est ma vision du
Québec, n'a qu'un seul premier ministre à la fois. J'ai accepté ce mandat-là
avec une grande fierté parce que je
servais le gouvernement du Québec. En anglais, on dirait «le gouvernement du
jour». Et, dans notre démarche, nous
avons consulté et rencontré tous les partis politiques représentés à
l'Assemblée nationale. Ils ont tous d'ailleurs salué les conclusions du rapport. Mais je voudrais absolument être très
clair, il n'y avait pas l'ombre d'une volonté partisane de servir un parti ou un autre dans le mandat que
nous avons fait. Moi, les vice-présidents, les vice-présidentes, les
membres du comité aviseur, nous avons fait ça pour servir le gouvernement du
Québec. Et, comme il y a maintenant un autre gouvernement du Québec, en fait,
il y en a toujours un, ce rapport-là lui appartient, comme à l'ensemble des
Québécois d'ailleurs, parce que j'avais
insisté, et ça a été accepté, le rapport du groupe de travail est devenu public
pour tout le monde en même temps.
M. Campeau :
Merci de la précision. Et, si jamais il y avait l'ombre d'un commentaire
sous-entendu là-dedans, bien, il n'y
en avait pas. C'est juste factuel, c'est arrivé comme ça. Et vous avez parlé à
l'intérieur de votre présentation que vous semblez voir un avantage, que d'autres ne voient pas, sur le contexte
régional. Est-ce que vous le voyez en particulier en relation avec la
tarification dynamique dans les régions comme le Lac-Saint-Jean, pour prendre
un exemple?
M. Lavoie
(Guillaume) : Je vous
dirais, la tarification dynamique est une solution qui est bonne à toutes les
sauces parce qu'il y a toujours un prix.
Soit je le paie en dollars, soit je le paie en temps et là, selon ma situation,
je jugerai ce qui est meilleur pour
moi à ce moment-là. Mais au général, surtout dans un contexte régional ou de
faible densité, et même en périphérie urbaine, le problème numéro un, c'est qu'il n'y aura jamais d'offre en transport
collectif qui pourra répondre à ce besoin-là.
Alors, c'est
là où, par exemple, on parle du premier et du dernier kilomètre. Imaginez que
l'on parle du deuxième, troisième,
quatrième premier kilomètre et du deuxième, troisième, quatrième dernier
kilomètre, on vient là d'avoir presque un réseau capillaire qui va
dynamiser de manière extraordinairement structurante notre réseau de transport
collectif, peu importe où il se trouvera au Québec.
M. Campeau : J'imagine que ça
peut ressembler, comme ça existe déjà d'ailleurs à certains endroits, à une
voiture-taxi qui va chercher des élèves un après l'autre pour les amener à
l'école. C'est un peu l'équivalent.
M. Lavoie
(Guillaume) : C'est un bon
exemple de comment le taxi peut entrer dans d'autres versions
d'uniquement faire du «hailing» ou un
transport classique d'une course de taxi. Ça peut être un partenariat pour
faire ce qu'on appelle du taxibus ou du taxi-école. L'idée, c'est comment
je fais pour utiliser à un beaucoup plus haut pourcentage les voitures
disponibles et les sièges vides dans ces voitures-là.
M. Campeau : Merci.
La Présidente (Mme Grondin) :
M. le député de Beauharnois.
M. Reid :
Oui, merci. Merci d'être là aujourd'hui. Vous avez parlé tout à l'heure de la
vitesse, en fait, pour moderniser l'industrie. C'est un facteur
important que vous avez souligné. Vous avez parlé de carcan, on a parlé
d'équilibre.
En fait,
c'est de savoir deux choses, c'est comment on procède à la mise en place du
projet de loi pour un atterrissage, je
vais dire comme ça, en douceur pour l'industrie du taxi, puis quels seraient
vos conseils, vous, aux acteurs de l'industrie afin qu'ils puissent adéquatement exploiter le potentiel du projet de
loi. Qu'est-ce qui pourrait être fait de ce côté-là pour que ça puisse
atterrir en douceur puis que tout fonctionne rondement pour la suite des
choses?
M. Lavoie
(Guillaume) : Il y a un côté
de perception rhétorique, à savoir : on a l'impression que c'est juste
les autres joueurs qui vont prendre notre
marché. Qu'est-ce qui empêcherait un groupe de taxis de dire : Moi,
maintenant, là, je veux le
partenariat avec le RTC ou avec la STM pour faire davantage de taxibus? En
économie collaborative, c'est souvent ce que je recommande, de faire ce que j'appelle le
double audit. Quel est le niveau d'utilisation des voitures que l'on a,
qui est à peu près à 30 % dans
l'industrie du taxi? Les TNC sont au double de ça. Il y a une marge de manoeuvre
importante. On avait des coûts très, très importants et aucun incitatif
pour innover. Ces coûts-là vont descendre de manière dramatique. Il y a là donc une marge de manoeuvre qui vient de
se créer pour investir. Je comprends que, dans la redevance, il y aura
un incitatif encore plus important.
Permettez-moi un aparté sur la redevance, et je
doute que ça aille dans le sens de qui est recherché, mais les meilleurs revenus pour un gouvernement sont des
sources de revenus diversifiées. Un des grands problèmes du transport, c'est que les coûts sont essentiellement
collectivisés. C'est une bonne stratégie d'internaliser des coûts externes. Je
pense que la redevance devrait être
permanente, et voici pourquoi elle devrait s'appliquer tant aux taxis qu'à
n'importe quel autre joueur. Parce que prenons Uber et le taxi, ils sont
exactement pareils sur un aspect, ce sont deux modèles d'affaires privés qui utilisent le domaine public afin de générer un
profit privé. L'État, la collectivité, est tout à fait justifié d'exiger une
redevance pour ce qu'elle met à la disposition d'entreprises privées la
capacité de se développer et d'être rentables.
La Présidente (Mme Grondin) :
Une dernière question.
M. Bonnardel : Dernière petite question. Oui, il y a
des bouleversements quand il y a des changements. Ce qui s'en vient, on a gardé une place. J'ai toujours
dit qu'il ne fallait plus gérer par projets pilotes mais le véhicule autonome,
l'auto sans chauffeur. Vous voyez ça comment? Si vous aviez une dernière
réponse à donner à tout le monde, là, dans cinq ans, au-delà de l'industrie des
nouvelles technologies, l'auto sans chauffeur, vous voyez ça comment d'ici les
trois, quatre, cinq prochaines années?
• (17 h 40) •
M. Lavoie
(Guillaume) : Je ne sais pas
si ça va arriver dans les trois, quatre, cinq prochaines années, mais je
peux vous dire que le Québec
est largement en retard. La question n'est pas : Est-ce que
le véhicule autonome va arriver? La question est : Est-ce que l'on
a un environnement de politique publique qui va nous permettre d'encadrer afin
de mieux permettre, de maximiser l'ensemble des avantages et développer des
réglementations pour diminuer les inconvénients?
Le potentiel idéal de la voiture autonome, si
elle est réglementée correctement, c'est peut-être l'élimination de neuf
voitures sur 10. C'est majeur, mais, sans encadrement, ça pourrait déraper très
rapidement. Présentement, le leader incontesté
au Canada, c'est l'Ontario. Je pense, de mémoire, il doit y avoir une
cinquantaine de fonctionnaires qui ne travaillent exclusivement que là-dessus, parce que la
juridiction qui la plus rapidement développera un cadre réglementaire qui
fait du sens va non seulement attirer
énormément d'investissements... Parce que le problème, ce n'est pas de faire
rouler les voitures sur la route. Ça,
c'est un problème de technologie. De plus en plus, et c'est le classique avec
l'économie collaborative, ce n'est pas un enjeu de technologie, c'est un
enjeu de culture organisationnelle.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci beaucoup. Merci. Nous allons poursuivre les échanges avec
l'opposition officielle. M. le député de La Pinière, s'il vous plaît, la
parole est à vous.
M. Barrette : Pour
15 minutes?
La Présidente (Mme Grondin) :
Pour 15 minutes.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Alors, je prends la balle au bond. C'est sûr que
l'automobile autonome va arriver. Je
ne pense pas que ça va arriver dans cinq ans puis je ne pense pas que c'est une
simple question réglementaire, mais il
y a un enjeu technologique qui est certainement particulier à notre
environnement physique, et ça, ce n'est pas réglé. Ce n'est pas réglé, pas réglé, pas réglé, là, pas du
tout. Et je veux bien, là, qu'ici, dans l'étude du projet de loi n° 17, on
fasse de la philosophie, c'est correct,
c'est intéressant, ça fait des débats intéressants, c'est vrai, ça l'est, là,
mais là, à un moment donné, il faut revenir sur la terre, là, et là il y
a des enjeux, là, qui sont bien, bien, bien réels.
Je vous soumettrai,
M. Lavoie, que vous venez d'avoir un échange sur votre rapport qui est
beaucoup plus vaste que l'objet de
notre discussion sur le projet de loi. Là, votre rapport, là, il est sur
l'ensemble de l'oeuvre du transport. Puis c'est très bien, c'est un excellent rapport. Mais là, là, concentrons-nous sur
le projet de loi n° 17, parce que lui, il est très, très, très
circonscrit, sa portée est claire, ses enjeux le sont aussi.
Bon, vous
avez dit un certain nombre de choses, puis je vais dire une chose tout de
suite, d'emblée, là : Quand vous parlez d'urgence, moi, je viens
d'un milieu où «urgence», ça veut dire une autre affaire.
M. Lavoie
(Guillaume) : ...
M. Barrette : Hein?
M. Lavoie
(Guillaume) : Vous voulez dire «l'attente»?
M. Barrette :
Non, je veux dire «une urgence». On n'attend pas quand il y a une urgence. Là,
vous me montrez que vous mélangez
bien les concepts, parce que, lorsque vous avez un problème urgent, vous
n'attendez pas parce qu'«urgence» signifie que votre vie est en danger.
Croyez-moi, au Québec, vous n'attendez pas dans ces circonstances-là.
Alors, revenons au concept précis, ça va
agrémenter notre discussion. Vous avez aussi dit une chose qui m'a beaucoup, beaucoup, beaucoup intéressé, vous avez
dit que vous vous basiez sur des données qui étaient précises puis qui étaient vérifiées par des
pairs, et ainsi de suite. Vous étiez ici lorsque le groupe précédent,
l'Institut économique de Montréal, a
présenté. Vous avez eu une conversation avec un membre de l'équipe du ministre
et vous avez entendu les gens de l'Institut économique nous dire une chose très importante : la théorie
économique et la pratique fait en sorte que, dans la situation de la compensation, qui, dans le cas présent, est
nécessaire, qui doit être basé sur la valeur comptable, et, dans le cas
présent, sur la valeur à l'entrée,
devrait se faire sur la base, proposée par l'Institut économique, d'une taxe
sur une période de 10 ans. Et je vous
soumettrai que les gens qui ont fait ces affirmations-là étaient des experts
dans leur champ et que, quand on est rendus... C'est comme dans mon monde à moi, là, qui est celui de la santé, quand
on a établi les meilleures pratiques, ce sont des pratiques qui sont
établies par les faits.
Est-ce que
vous appuyez ou êtes d'accord avec l'affirmation de M. Geloso à l'effet
que, dans le passage de la gestion de
l'offre qui nécessite une compensation, la compensation doit être basée sur la
valeur comptable et faite entièrement sur une période étalée dans le
temps, qui comprend une taxe?
M. Lavoie
(Guillaume) : Bien, M. le député, il y a plusieurs séries de
questions dans votre question.
M. Barrette : ...mais je m'excuse, je me suis mal exprimé, j'en
ai juste une. Êtes-vous d'accord avec la position de M. Geloso ou non?
M. Lavoie
(Guillaume) : Je ne suis pas
en mesure de... D'abord, laissez-moi au moins mettre ça en contexte
très clair. Le groupe de travail a recommandé que la compensation est un principe légitime selon au
moins le critère... après ça, il faut justifier en fonction de la
conformité fiscale.
La méthode de financement, le groupe de travail
ne s'est pas porté là-dessus. Je pense personnellement que de financer cette compensation-là à travers les
utilisateurs de l'ensemble de l'industrie est la bonne pratique. Je vais
laisser aux gens précédents leur
présentation. Je soumettrai par contre qu'il y a une relation. Grande ou
petite? Je ne suis pas en mesure de vous le dire, mais il existe une
relation entre le niveau de conformité fiscale et la valeur des permis.
Je n'ai pas
la réponse à savoir, et je ne pense pas que personne ici n'ait cette réponse,
quel est l'impact entre les deux. Je
pense qu'il est... Lorsqu'on
est dans des montants en centaines de millions de dollars, voire plus, il est
juste et bon de s'en référer à quelqu'un qui pourrait faire cette analyse-là
de manière compétente, indépendante, indiscutable. Je crois et je soumets que Revenu
Québec est le meilleur acteur pour faire ce travail.
M. Barrette : Je ne veux pas m'étendre, là, et prendre tout mon
temps là-dessus, mais je vous répondrai à ça que la réponse de vos prédécesseurs était d'une
limpidité absolument sans faille. Il n'y avait aucun grain, là,
dans la solution, là, c'était
limpide. Il y a une valeur comptable... et j'ai posé la question,
vous l'avez entendue, c'est la valeur entrée, en fait, elle devrait même
être indexée, en ce qui me concerne, et on la compense entièrement par une
taxe.
Je vous
rappellerai que j'ai même posé la question... Ce sont des économistes, c'est des gens qui
ont une expertise que moi, je n'ai
pas. Je ne sais pas si vous l'avez, vous, là, je ne connais pas votre formation
de base, mais, eux autres, c'est clair, là, ce sont les meilleures
pratiques reconnues par le monde économique. Et je vais le dire comme je l'ai
dit précédemment, on ne peut pas taxer l'Institut économique
de Montréal d'être l'extrême gauche du Québec, là, et je ne
vise personne, là. On ne peut pas dire ça. Alors, si ce sont des bonnes pratiques
reconnues... ce sont des bonnes pratiques reconnues, moi, il me semble
qu'elles sont correctes.
Bien,
M. Lavoie, vous avez abordé un autre sujet, et, pour y aller, à cet autre
sujet là, je vais vous poser une question bien simple, puis je ne sais pas si vous avez la réponse. C'est pour ça
que je vous ai dit en introduction : Là, on a parlé du rapport qui
est le transport, là, des personnes, et tout, et tout, là. Ça, c'est une vision
de la société, puis c'est intéressant d'ailleurs, puis je
pense qu'il faut regarder ça, vous
avez raison. Mais, pour le projet de
loi qui nous intéresse aujourd'hui,
là, il y a des enjeux qui sont très importants. Vous avez dit une chose. Avant d'y
arriver, je vais vous poser la question : Téo n'a pas fonctionné, pourquoi?
M. Lavoie
(Guillaume) : Moi, vous
savez... et ça, je dois vous dire, ce n'est pas dans le rapport, alors je vais
vous répondre moi-même.
M. Barrette : ...je vous pose
la question.
M. Lavoie
(Guillaume) : Et ça va me
faire plaisir de vous donner la réponse, d'autant plus que j'ai été vocal
sur cet enjeu-là depuis le jour un. J'ai toujours pensé que c'était un modèle
d'affaires qui était non viable, essentiellement parce qu'il y avait une
structure de coûts beaucoup trop élevés par rapport à ses revenus, essentiellement parce que sa structure de ressources humaines ne
cadrait pas avec comment l'industrie fonctionnait.
M. Barrette : En français, s'il
vous plaît.
M. Lavoie
(Guillaume) : Bien, je vais vous le dire, ça coûtait trop cher
pour les faire fonctionner.
M. Barrette : C'est ça. Le char
coûtait trop cher, puis le chauffeur coûtait cher.
M. Lavoie
(Guillaume) : Ce n'est pas
tant que le chauffeur coûtait cher, c'est qu'on fonctionnait sur des
horaires fixes, prévisibles. L'industrie ne fonctionne pas comme ça. Et une des
choses qui est arrivée dans le modèle, qui rendait difficile le recrutement de chauffeurs, c'est qu'à
certains moments dans la semaine où le revenu est supérieur à 15 $ de l'heure, dans les moments de
grande demande, une partie des chauffeurs allaient sur d'autres plateformes
parce qu'elles suivaient leur intérêt. Ça rendait très difficile la gestion de
ce modèle-là.
M. Barrette : Mais il n'en
reste pas moins que ce que vous identifiez comme étant problématique n'est pas nécessairement solutionné par la proposition qui
est le projet de loi n° 17. Il y a une chose qui est solutionnée... je
vais juste...
M. Lavoie
(Guillaume) : Je ne suis pas sûr que je comprends, là.
• (17 h 50) •
M. Barrette :
Mais justement c'est pour ça que je vais préciser mon affaire. C'est sûr, là,
que, sur la question du coût, hein,
le char coûtait trop cher, on s'entend. La question des chauffeurs qui
n'étaient pas toujours à la place où ils devraient être, il y a une variante de ça, là, dans la
déréglementation complète, là. Moi, je le regarde dans l'angle, là, unique du
taxi qui existe aujourd'hui puis qui va se
retrouver dans un environnement qui va être complètement changé, pour lequel
on dit que ça va être mieux après qu'avant.
Moi, je n'en ai pas la démonstration de ça, versus le chauffeur des Uber de ce
monde qui, lui, est un... c'est un frappeur
de relève, c'est un «pinch hitter», là, qui arrive puis qui rentre, qui sort,
qui rentre, qui sort, qui rentre, qui
sort. Et l'autre qui est dans son environnement relativement fixe, il peut des
fois rentrer, des fois sortir. Je ne vois pas comment nécessairement on
peut dire qu'il va être mieux après qu'avant, je ne le vois pas.
Téo, par
exemple, a fait la démonstration que son modèle, qui était bien intentionné,
n'a pas réussi à donner un salaire de
15 $ de l'heure à tout le monde, là. Ça n'a pas marché. La compagnie, elle
a été obligée de vendre, là. Moi, ce que je dis simplement, c'est qu'il y a un enjeu de coûts, là. C'est correct, là, ça
coûtait très cher, mais j'ai dit précédemment à l'autre gang, là... On prend l'échelle actuelle puis on
dit : Ça va aller mieux parce que, par rapport à l'échelle actuelle, il y
a des coûts qui sont inférieurs. Oui,
mais, dans la nouvelle échelle, là, ça ne sera plus la même échelle. Les coûts
ne seront plus les mêmes. Il va y
avoir une pression à la baisse du coût, du prix. C'est bon pour le
consommateur, mais il va y avoir une pression à la baisse aussi de ce
qui est à l'intérieur du système, les salaires, et ainsi de suite.
Et la
conséquence probable, c'est qu'ils vont quand même devoir falloir faire bien,
bien des heures pour arriver à un salaire
décent. Tout le monde, le ministre en... excusez-moi, là, je ne veux quand même
pas exagérer, le ministre en premier, pas
le premier ministre en premier, le ministre en premier nous dit : C'est
automatique. C'est sûr, sûr, sûr, ils vont gagner bien plus parce qu'ils n'ont plus de coûts à payer.
Oui, puis, dans les coûts, là, ceux qui louent, bien, ils louent à un coût
élevé parce que, dans le coût élevé, il y a
le prix de l'automobile que le chauffeur n'a pas à payer, mais que là il va
devoir payer lorsqu'il va se ramasser dans Uber.
Alors, on
compare des choses qui ne se comparent pas. Comparer un chauffeur d'Uber avec
un chauffeur de taxi en disant que le
chauffeur locataire a des coûts élevés qui vont baisser parce qu'il n'y a plus
la licence, il n'y a plus ci, il n'y a pas ça, c'est nier le fait que, dans le prix de location, il y a le prix de
l'auto qu'on va retrouver après chez Uber. Ce n'est pas simple de même.
Je dis juste ça, et il n'y a pas d'évidence qui vous dit le contraire.
Téo a eu de
la difficulté pour un certain nombre de raisons et Téo, rappelons-le, Téo était
limité géographiquement à un secteur
qui était le centre-ville de Montréal. Il n'était pas capable, Téo, aller à
l'extérieur, et la raison pour ça, c'est la donnée. Et là je vais arriver à une question très précise. Vous avez
évoqué la possibilité... puis le ministre était tout heureux d'être content de dire que, dans la loi, il y
avait ça, on va partager des données. On va forcer le partage de données,
très bien, forcer le partage de données du
départ et de l'arrivée. Parfait. Mais ce n'est pas juste ça qui fait la force
d'un certain joueur, dont Uber, Lyft
et compagnie. Ce n'est pas juste l'origine et la destination. C'est qu'il y a
d'autres couches dans cette affaire-là.
Est-ce que
vous êtes conscient que, si on est pour faire une affaire de même, ça exige de
partager l'ensemble des couches de données, que je ne suis pas sûr que,
légalement, on peut imposer?
M. Lavoie (Guillaume) :
Je ne sais pas quel morceau de votre question vous voulez que je réponde.
D'abord...
M. Barrette :
Bien, commencez par le partage. Est-ce que vous êtes conscient... Puis là, à ce
moment-là, je vais être encore plus
précis. Téo ne s'est pas rendu à destination pour un certain nombre de choses
qui incluent aussi... Ils ne se sont
pas rendus à 60 % d'utilisation pour la simple et bonne raison qu'ils
n'avaient pas la base de données suffisante. Ce n'est peut-être pas la seule raison, mais c'est une des
principales. Ils n'avaient pas l'information. Et là, quand vous dites que
l'idéal serait de partager des données,
encore faut-il que vous puissiez le faire légalement. Et quelles données
allez-vous partager?
M. Lavoie
(Guillaume) : Bien, sur les
données, d'abord, rien n'est mieux qu'un État qui fait bien les choses
au jour 1, et c'était un des problèmes dans le projet pilote.
M. Barrette : On est d'accord
avec ça.
M. Lavoie
(Guillaume) : C'est un des
problèmes graves du projet pilote. La ville de Boston est un superbe
modèle. La ville de Boston n'a pas été la
première à négocier avec Uber, par exemple, mais la première chose qu'ils ont
exigée, c'est d'avoir les données
d'origine-destination. Les données d'origine-destination ne sont pas là en
priorité pour alimenter les autres joueurs
de l'industrie, elles sont là en priorité pour alimenter les milliards de
dollars d'actifs que l'État déploie à travers les différentes sociétés
de transport collectif.
Vous
savez, il y a des nouveaux quartiers dans les villes. Un test, souvent, pour
voir une ville qui connaît ça et une ville
qui connaît moins ça : si je vous donnais un seul autobus supplémentaire,
où est-ce que vous le mettriez? La ville de Boston peut vous répondre
précisément. D'autres villes au Québec, essentiellement, on déploie nos actifs
sur une base, une
enquête origine-destination aux trois ans, qui est un sondage. Des fois, c'est
aux cinq ans. On a le potentiel d'améliorer notre niveau de connaissance des déplacements des Québécois, et ça, ça
vaut une fortune lorsque l'on veut concevoir des politiques publiques correctement, déployer des moyens d'État
correctement. Le premier avantage, il est là. Il n'est pas nécessaire de
fournir cette information-là à d'autres joueurs.
M. Barrette :
Alors là, donc, on ne parle pas de la même affaire, là. Si vous dites, et je
pense que c'est une bonne chose de le
dire, que tout le monde doit avoir accès à la même donnée de référence
littéralement en ligne, bien, ça veut dire que le gouvernement doit exiger que des données soient partagées et que
toutes les données soient partagées. Puis je ne suis pas sûr que,
légalement, c'est une affaire qui est faisable, là.
M. Lavoie (Guillaume) : Tout ça se fait de diverses manières. Le plus
important pour régler un paquet d'enjeux légaux, il est très important que ce soit correctement encadré. Il y a
déjà des choses qui se font avec la Fabrique des mobilités, mais le plus important, c'est que ça demeure des
données non nominales, parce que personne ici ne voudrait que le
gouvernement sache où il se déplace, comment, à quelle heure et où.
Alors,
à partir du moment où ce sont des données non nominales, ça ouvre la voie à une
négociation complexe, mais tout à fait possible avec l'ensemble des
joueurs.
M. Barrette :
Je ne suis pas en désaccord là-dessus. Je dis simplement qu'il n'y a pas juste
la donnée origine-destination qui est utile pour en arriver à 60 % de taux
d'occupation des véhicules. Ce n'est pas juste cette donnée-là...
La
Présidente (Mme Grondin) : En terminant, M. le député, s'il
vous plaît.
M. Barrette : Oui, puis j'aimerais ça vous entendre plus
précisément sur le transport adapté. Actuellement, la loi, elle est
essentiellement muette là-dessus, là.
M. Lavoie (Guillaume) : ...pour le transport adapté, c'est une réalité un
peu différente. On peut décider d'ouvrir le marché ou de le garder tel qu'il est là. Ça reste un marché protégé pour
le taxi, disons, traditionnel, mais, très clairement, c'est là où le
niveau de formation a sa justification. C'est là où le niveau de choix des
types de véhicules a sa justification au nom de l'intérêt public, ce qui n'est
pas le cas pour le reste.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci, M. Lavoie. Nous
allons poursuivre avec le groupe de la deuxième opposition. Mme la députée de
Mercier, vous avez 3 min 45 s.
Mme Ghazal :
Ça diminue, c'est le fun. J'ai une question par rapport au covoiturage. Le
covoiturage, selon la définition, là,
usuelle, c'est l'utilisation d'une même voiture par plusieurs personnes qui
font le même trajet, c'est-à-dire que
ça prend pour acquis que le conducteur et le passager... aller naturellement
vers la même destination ou, en tout cas, emprunter une partie du même
trajet.
Est-ce
que, selon vous, le mot «covoiturage» utilisé aussi dans le projet de loi...
Selon vous, les Uber, Eva, Lyft, tous les nouveaux joueurs, est-ce que
ça fait partie de la définition du covoiturage telle que je viens de la nommer?
M. Lavoie (Guillaume) : Non, et, dans le rapport, on fait cette
distinction-là très importante. Dans le rapport, on parle... dépendamment à qui vous allez parler,
mais cette distinction-là est toujours la même dans l'industrie, le
transport compensé et le transport rémunéré. Dans le rapport du groupe de
travail, nous parlons du covoiturage et du covoiturage commercial. Il n'y a pas de bonne traduction en français. Ce n'est pas
un terme parfait, mais c'est lui qui a été retenu par le gouvernement fédéral. Et l'idée, c'est :
lorsque c'est du transport compensé, le niveau de la compensation est
présentement trop faible. Si ce n'est que le
partage des coûts d'usure et d'essence, les gens ne le font pas. Ça fait
40 ans que c'est comme ça. Relevons l'idée de qu'est-ce qui est la
compensation, ça peut être 1 000 $, 2 000 $, et là on fera
exploser les opportunités de covoiturage.
Mme Ghazal :
Mais est-ce que, dans le projet de loi actuel, parce que le mot «covoiturage»
est utilisé, il est utilisé de la
bonne façon? Parce que, selon ce que j'en comprends, c'est que les nouveaux
joueurs font du covoiturage, si je regarde... si je lis bien comment c'est mentionné dans le projet de loi. Je ne sais
pas si vous avez eu le temps de regarder ça. Ou est-ce qu'il y a une confusion qui fait que le
covoiturage ne serait pas... c'est-à-dire, dans le projet de loi, on n'en tient
pas compte de la bonne façon, on ne fait pas cette distinction que vous
faites?
M. Lavoie (Guillaume) : On ne la fait pas comme ça. Elle existe, par
exemple, parce qu'il serait très important de bien distinguer les deux et même d'utiliser le processus de la
commission pour relever le niveau de qu'est-ce qu'on comprend être une compensation. Ça, je pense que c'est
quelque chose qui doit être fait. Et on ne voudrait pas, par exemple,
lorsqu'on parle de formation, même si elle
est minimale, d'inspection des véhicules... Est-ce qu'on veut vraiment imposer
à des Québécois qui voudraient
planifier un covoiturage demain matin de devoir aller devoir faire inspecter sa
voiture ou de faire une formation pour ça? Mieux on va distinguer ces
choses-là, mieux les deux modèles vont être efficaces.
Mme Ghazal :
Là, je sais, je vais peut-être dans le projet de loi, on dit qu'il faut... on
ne peut pas avoir plus de quatre
trajets pour faire du covoiturage, qui vont totaliser 100 kilomètres par
jour. Donc, en ce moment, il existe du covoiturage qui se fait, par
exemple, entre Québec et Montréal. Donc là, il n'est plus dans le projet de
loi, donc il y a un trou là.
M. Lavoie (Guillaume) : En fait, et
c'est ce que je mentionnais d'entrée de jeu, il y a une opportunité pour la commission, et c'est parce que c'est... Le quatre
fois 100 kilomètres vise essentiellement à tracer une ligne entre,
disons, du covoiturage standard et du
covoiturage commercial. Tout ça fait tout à fait du sens dans un contexte
urbain relativement dense comme Montréal et, à la limite, Québec.
Si vous êtes dans des
régions plus vastes, le Saguenay—Lac-Saint-Jean,
la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, là peut-être
qu'il y aurait avantage à augmenter le nombre de kilomètres. Et donc on
pourrait rester sur le quatre trajets, mais avec un nombre de kilomètres plus important, parce qu'à la fin
l'objectif le plus important, c'est de déplacer plus de gens avec moins
de voitures. Et moi qui viens du Saguenay—Lac-Saint-Jean, Jonquière ou
Chicoutimi-Montréal, c'est plus que 100 kilomètres.
La Présidente
(Mme Grondin) : Merci
beaucoup. Nous allons poursuivre les derniers échanges pour
3 min 45 s avec le député des Îles-de-la-Madeleine. À vous la
parole.
• (18 heures) •
M. Arseneau :
Merci beaucoup. Je veux revenir sur le rang 4 que vous avez mentionné.
J'aimerais vous entendre sur la
tarification, par exemple, ce que vous envisagez comme tarification, parce que
vous semblez dire qu'à partir du moment où c'est ouvert, le covoiturage va se faire de façon plus naturellement, ça
va être plus attractif pour les propriétaires de voiture. Mais qu'en est-il de la tarification, par exemple,
en région, selon votre anticipation de ce qui pourrait se passer? Parce
qu'offrir un service, c'est une chose, l'offrir deux, trois fois, quatre fois
le prix d'un taxi, c'en est une autre.
M. Lavoie (Guillaume) : En fait, si on covoiture, on peut présumer que ce
sera moins cher qu'une course en taxi où on serait tout seul. Il y a
plein d'applications, d'ailleurs des applications québécoises, qui sont en
train d'émerger spécifiquement dans ce
créneau-là, Netlift pour ne pas les nommer, et ça, ça vient créer d'énormes
opportunités. Et là, en changeant le niveau de ce qu'on considère être
une compensation, qui n'est pas du transport rémunéré, on vient créer un
incitatif pour le chauffeur.
M. Arseneau :
O.K. Donc, à ce moment-là, vous parliez de covoiturage plutôt... j'avais mal
saisi, plutôt que du transport rémunéré à la Uber, par exemple. C'est
ça?
M. Lavoie (Guillaume) : Les deux sont possibles. Et quelqu'un pourra
dire : Si c'est sur mon chemin... Parce que, lorsque c'est du transport compensé, on est
habituellement sur du planifié. Parce que, là, il faut distinguer les deux. Si
je planifie ma course la veille, ce n'est pas la même chose que si je me
présente et que j'appuie sur un bouton pour partir maintenant. Et
habituellement ce sont des compagnies différentes qui agissent dans ces
marchés-là.
M. Arseneau :
Vous avez parlé beaucoup de... Vous avez parlé, à un moment donné, de l'urgence
d'agir dans le projet pilote actuel,
qu'on offre un monopole de facto à Uber. Comment voyez-vous le déploiement,
éventuellement, du libre marché quand
on sait que, la plupart du temps, au terme d'un certain temps d'acquisition, et
ainsi de suite, les plus gros mangent les plus petits? Est-ce que vous
ne craignez pas que ça crée des monopoles, justement, dans certaines...
M. Lavoie
(Guillaume) : Il y a toujours une possibilité, un risque
d'effet de réseau quand on est dans des technologies,
d'où l'importance de s'assurer qu'au moins dans la loi on ne crée pas des
barrières d'entrée tellement élevées qui
font que seuls les gros puissent entrer, c'est ça, le drame du projet pilote,
et de favoriser par tous les moyens possibles l'entrée de plusieurs
joueurs en même temps et voire de favoriser des joueurs locaux.
Parce
que voici le drame : plus on mettra des barrières d'entrée sévères, c'est
sûr que ce sera des joueurs étrangers, parce
qu'ailleurs ils ont réussi à devenir gros. Le petit, le local, la coop, eux ne
seront jamais en mesure de faire ça. Et c'est pour ça que je disais qu'on devrait être très, très, très attentifs aux
pratiques des différentes plateformes pour s'assurer qu'ils ne jouent pas à renforcer leur monopole en
empêchant un chauffeur d'être une journée sur une plateforme qui lui sied
et une autre journée sur une autre plateforme parce qu'il a de son intérêt. La
capacité à pouvoir accéder à une banque de chauffeurs viendra aider la capacité
d'avoir de la concurrence réelle.
M. Arseneau :
Vous avez parlé aussi de laisser émerger...
La
Présidente (Mme Grondin) : Pardon, monsieur...
M. Arseneau :
J'ai terminé?
La
Présidente (Mme Grondin) : Il vous reste 30 secondes.
M. Arseneau :
30 secondes? Vous croyez que les entreprises québécoises peuvent émerger
et se positionner par rapport aux grands de l'industrie? Vous avez des
indications à cet effet?
M. Lavoie (Guillaume) : Vous savez, je n'ai aucune espèce de doute sur la
capacité d'intelligence et le dynamisme des entrepreneurs québécois. J'en vois tous les jours dans ce
domaine-là. Mais n'oublions jamais que les Uber et Lyft de ce monde ont commencé petit. Ils ont réussi à devenir
gros parce qu'ils avaient un environnement réglementaire favorable. Il ne faudrait pas, nous, commettre l'erreur d'empêcher
l'émergence de futurs champions locaux parce qu'on a un cadre réglementaire qui
leur empêche d'être efficaces dès le jour 1.
La
Présidente (Mme Grondin) : Merci. Merci beaucoup. Merci, M. Lavoie. Je vous remercie pour
votre contribution à nos travaux.
Donc, la commission ajourne ses travaux au jeudi
11 avril, à 15 heures.
(Fin de la séance à 18 h 4)