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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, May 16, 2017 - Vol. 44 N° 120

Special consultations and public hearings on Bill 132, An Act respecting the conservation of wetlands and bodies of water


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Nature Québec

Ouranos inc.

Association des biologistes du Québec (ABQ)

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Association des aménagistes régionaux du Québec (AARQ)

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Ville de Montréal

Centre de la science sur la biodiversité du Québec (CSBQ)

Intervenants

M. Alexandre Iracà, président

M. Marc H. Plante, président suppléant

M. Guy Bourgeois, président suppléant

M. David Heurtel

M. Ghislain Bolduc

M. Sylvain Gaudreault

M. Mathieu Lemay

M. Serge Simard

*          M. Christian Simard, Nature Québec

*          M. Michel Bélanger, idem

*          M. Alain Bourque, Ouranos inc.

*          Mme Chantal d'Auteuil, ABQ

*          Mme Kim Marineau, idem

*          M. Benoit Limoges, idem

*          Mme Hélène Lauzon, CPEQ

*          M. Robert Daigneault, idem

*          M. François Lestage, AARQ

*          M. Francis Provencher, idem

*          Mme Prunelle Thibault-Bédard, CQDE

*          M. Jean-François Girard, idem

*          M. Lionel J. Perez, ville de Montréal

*          M. Daniel Hodder, idem

*          Mme Sophie Lavallée, CSBQ

*          Mme Monique Poulin, idem

*          Mme Caroline Roberge, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures deux minutes)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et appareils électroniques.

Je vous souhaite un très bon début de semaine, un très bon mardi. J'essaie de commencer le plus tôt possible pour qu'on puisse respecter les temps. On va terminer à midi pile. Il y a des caucus après, donc on ne pourra pas extensionner le temps. Alors, on ajustera les temps en conséquence. Alors, on va essayer d'y aller, dans le transfert des groupes, le plus rapidement possible.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Vous faites très bien ça.

Alors, cet avant-midi, nous entendrons les groupes Nature Québec, Ouranos, Association des biologistes du Québec.

Auditions (suite)

Et je souhaite la bienvenue, bien évidemment, au premier groupe ce matin. Bienvenue chez vous. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que... Je crois qu'il y a une personne qui va vous accompagner et qui est prise sur le pont de Québec, qui va arriver éventuellement.

Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.

Alors, sans plus tarder, monsieur, la parole est à vous.

Nature Québec

M. Simard (Christian) : Merci, M. le Président. Oui, Me Michel Bélanger va sans doute se joindre, le président de Nature Québec, à moi pendant la présentation. Puis je lui ai demandé, il n'a pas changé d'opinion sur le troisième lien.

Donc, bonjour. Je suis heureux de pouvoir témoigner aujourd'hui devant la commission. C'est un important projet de loi qui est présenté. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il était attendu, hein? On se rappelle qu'en 2012 il y a eu une loi dite d'urgence suite à un jugement, là, Atocas de l'Érable versus le Procureur général. Et c'est un projet de loi qui a été extensionné à deux reprises. Et enfin on a le dépôt d'un important projet de loi, qui modifie beaucoup de lois et qui reconnaît des principes...

Bien. Je commence à peine. M. Bélanger.

M. Bélanger (Michel) : Excusez-moi.

Le Président (M. Iracà) : Bonjour. Bienvenue. On nous avait avisés de votre léger retard.

M. Simard (Christian) : Donc, il n'y aura pas de troisième lien. Et toujours est-il que, donc, c'est un projet de loi qui était attendu, qui était suite à un jugement qui grosso modo disait que les directives qui étaient utilisées jusqu'à maintenant pour interpréter la loi n'avaient pas d'encadrement dans la loi, qu'il n'y avait pas de définition de «milieux humides». Donc, il y avait nécessité, et on a pallié par la loi d'urgence. Maintenant, on arrive avec un corpus législatif conséquent.

Nous, on voit des progrès très grands. La reconnaissance du principe, là, d'aucune perte nette — on dit souvent zéro perte nette — donc, c'est un élément qui est important. Maintenant, on parle de protéger des milieux naturels, des milieux humides et des milieux hydriques d'intérêt et on modifie la Loi sur la conservation du patrimoine naturel pour ce faire.

Dans la question des milieux humides, ce qui est fondamental, il y a, oui, certainement des éléments juridiques, des éléments législatifs et réglementaires à améliorer, mais il y a surtout un signal, un signal de communication, un signal politique qui doit être clair : Les milieux humides et hydriques sont essentiels à la qualité de vie des citoyens, sont essentiels, on s'en aperçoit maintenant, pour la protection en cas d'inondation, pour la filtration de l'eau, pour la biodiversité. C'est des milieux qui nous aident en période de sécheresse, qui nous aident en période d'inondation en emmagasinant l'eau, en régularisant l'eau et en permettant de lutter contre l'érosion. Donc, ce sont des milieux qui sont essentiels. Et il faut avoir un message que ce n'est pas des milieux qui sont essentiels tant qu'il n'y a pas de projet. Et, dès qu'il y a un projet, qu'il soit agricole, forestier ou immobilier, bien, on doit avoir un régime d'exception, on doit avoir un régime de compensation. On doit pouvoir faire le projet, puis on conservera à côté.

Pendant très, très longtemps, on considérait même comme compensation valable le fait de détruire un milieu humide et protéger celui qui est à côté, tout juste à côté, en attendant qu'on puisse le développer, et c'était considéré comme une compensation, alors qu'il y avait véritablement une perte nette. Il y a une étude qui est connue, là, l'étude Pellerin, si on peut dire, du centre de biodiversité, qui dit qu'entre 2006 et 2010 la compensation réelle était à peine... était beaucoup moins que 1 %. Donc, on avait 99 % de perte nette, ce qui n'est pas rien. Donc, il faut renverser la vapeur, et la loi peut le permettre.

Mais là où le bât blesse, selon nous, c'est les responsabilités très grandes qui sont laissées au monde municipal. Me Bélanger qui est là va pouvoir le développer. À un moment donné... La première question, quand on s'est dit : À qui on devrait donner la responsabilité de la protection des municipalités?, peut-être que la première réponse, ce serait : Pas aux municipalités, parce que, sans parler de la proximité des promoteurs de certaines municipalités, on l'a déjà vu, parlons simplement de conflit d'intérêts, si on peut dire, basé sur la fiscalité municipale. La fiscalité municipale, la fiscalité foncière est basée sur une assiette immobilière très forte et favorise un développement de tous les milieux naturels. Et il y a une réticence extrêmement forte pour les municipalités...

(Interruption)

M. Simard (Christian) : Je m'excuse, c'est parce que je ne m'écoutais pas... c'était bruyant. Donc, pour la... Donc, ce que je disais, c'est qu'au niveau de la mise en oeuvre, les municipalités... Je vais vous donner un exemple. Il y a eu un gros combat, lors du PMAD, plan d'aménagement métropolitain et de développement...

(Interruption)

M. Simard (Christian) : J'ai un peu de misère à me concentrer, monsieur...

Le Président (M. Iracà) : ...juste baisser le son. Allez-y, monsieur... Baissez le son, s'il vous plaît.

• (9 h 10) •

M. Simard (Christian) : Donc, le PMAD, ce que fait le PMAD, il n'y a pas eu d'objectif dans le premier PMAD de Montréal sur les milieux humides, il y a simplement eu un désir exprimé, pour les gens, de faire un plan d'action sur les milieux humides. Et savez-vous qu'après cinq ans — ça fait déjà cinq ans, le PMAD à Montréal — il y a seulement 12 municipalités sur 82 qui ont un plan d'action sur les milieux humides, à géométrie — oh! excusez-moi — très variable — vraiment, là, ce matin! — à géométrie très variable, au niveau des plans d'action sur les changements climatiques... pas sur les changements climatiques mais sur les milieux humides et hydriques, je vais reprendre un peu... et donc c'est très, très, très faible.

Donc, de mettre des plans régionaux, de confier à la CMM, ça peut être bien, mais on peut, et ce n'est pas précisé dans le projet de loi... mais ça peut devenir... Il y a un plan régional par les MRC, il y a le PMAD qui met des objectifs. Ensuite, il faut que ce soit intégré dans la réglementation municipale. Ça risque de prendre beaucoup de temps.

Maintenant, il semble y avoir, ce qu'on entend parler, un genre de grogne, au niveau municipal, en disant : L'argent qui va être issu de la compensation, on aimerait que ce soit dépensé dans notre ville. Si l'argent vient de notre ville, on voudrait que ça revienne à notre ville. Bien là, à un moment donné, tu ne peux pas avoir nécessairement l'argent... tu sais, le beurre et l'argent du beurre. Et c'est des choses qui seraient dommageables.

Donc, c'est pour ça qu'on appuie beaucoup le Regroupement des organismes de bassins versants, parce que le ROBVQ parle d'intégrer... et le Commissaire au développement durable, d'intégrer la question du bassin versant, de mettre un rôle beaucoup plus déterminant. Et on pense qu'il devrait y avoir... D'ailleurs, le ROBVQ fait des propositions très précises d'amendement à cet égard-là. Et c'est l'échelle du bassin versant qui devrait être considérée. Le plan directeur de l'eau devrait être, d'une certaine façon, contraignant. Et, les compensations, s'il y en a — il faudrait qu'il y en ait le moins possible — doivent se faire à l'échelle du bassin versant. Et c'est ce qu'on réclame dans notre mémoire.

Dans notre mémoire, aussi, on parle, à la toute fin, des mesures transitoires. Oui, il peut y avoir une période transitoire, ça peut être intéressant d'avoir une période transitoire, mais il y a un signal clair à donner, et peut-être que le signal clair, ce serait : Tant qu'on n'a pas de plans régionaux, tant qu'on n'a pas établi le bilan des milieux humides, là, l'an 1, là, de zéro perte nette, eh bien, il y a un moratoire sur le développement. C'est ce que demande le CQDE, le conseil québécois... le centre québécois de l'environnement, et donc... du droit de l'environnement, c'est le CQDE — je devrais faire attention à ce que je dis parce que son fondateur est à mes côtés. Donc, il réclame un moratoire. Et, à ce moment-là, ça pourrait envoyer un signal très clair que ce n'est pas «business as usual» tant qu'il n'y a pas de plans régionaux puis que, le zéro perte nette, on ne sait pas trop c'est quoi, son an 1.

Dans la période transitoire, aussi, on constate avec, vraiment, surprise que les cannebergières qui... La dernière année, on nous dit qu'il y a eu jusqu'à 200 hectares de pertes de tourbières, là, dues à des projets de cannebergière. Depuis 1966, 25 %, là, des tourbières de la rivière Bécancour, on parle de 5 500 hectares... Tu sais, les hectares, là, 200 hectares l'an passé, c'est 400 terrains de football de tourbières, là, qui sont perdus. Et, quand on fait des cannebergières sur des tourbières, c'est irréversible. Peut-être qu'on aurait pu dire : Les tourbières existantes ou les cannebergières existantes, on les maintient, mais, pour les nouvelles, il y a des options, il est possible d'éviter... il y a des possibilités d'exploiter comme... Partout dans le monde, on exploite en terrain sablonneux, plutôt qu'en terrain humide, plutôt qu'en milieu humide, plutôt que dans des tourbières, le développement de cannebergières. Donc, ça nous apparaît que notre principe zéro perte nette, dans un élément qui est un des plus destructeurs des milieux humides, est déjà dans un régime d'exception pendant la période transitoire. Donc, ça nous apparaît...

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste une minute, M. Simard.

M. Simard (Christian) : Donc, pour nous, c'est un projet de loi qui est ambitieux, qui est important, qui a des principes qui sont majeurs qui sont exprimés, mais qui peut rater sa cible s'il ne se donne pas les bons moyens pour être efficace. Et, jusqu'à maintenant, malheureusement, le monde municipal, à qui on confie une bonne partie de sa réalisation, n'a pas démontré sa véritable volonté de préserver les milieux naturels.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Simard. Ceci met fin à votre exposé de 10 minutes. Nous allons débuter une période d'échange avec la partie gouvernementale, et je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Premier point que j'ai relevé... M. Simard, vous parlez de signal de communication important. Au-delà du projet de loi, est-ce qu'il y a quelque chose qui devrait être modifié dans le projet de loi pour aller plus loin? C'est parce que déjà, puis de par vos propres mots, il y a quand même un signal qui est envoyé par ce projet de loi là. Quand vous parlez d'un signal de communication, je sens qu'il faudrait que ce soit encore plus important. Concrètement, ça voudrait dire quoi par rapport au projet de loi?

M. Simard (Christian) : Il y a des choses qu'on ne met pas nécessairement dans un projet de loi, qui est toutes les campagnes de sensibilisation, d'éducation et de promotion. Ça peut toujours être encadré légalement, mais ça peut se faire en dehors.

On le voit, d'ailleurs, qu'il y a une prise de conscience — puis j'ai peur qu'elle s'oublie dans le temps assez rapidement — avec les inondations actuelles, que construire en zone inondable, puis de payer des fortunes, puis de créer des drames humains... Parce que moi, dans une autre vie, j'étais dans un cabinet, et, à un moment donné, c'est fou, le nombre de députés, le nombre de promoteurs qui demandaient une exception, même le ministère des Transports, les municipalités, un terrain de balle, un centre de loisirs : La zone inondable, c'est du terrain pas cher, le milieu humide, c'est la même chose, donc pourquoi on ne peut pas?, puis là forcer pour qu'il y ait une exception à la cartographie continuellement. Donc, moi, je me dis, une campagne publique, une campagne télévisée, mais peut-être... J'ai toujours pensé, personnellement, là, que la plus belle campagne de sensibilisation, là, c'est des règles claires, facilement applicables, et les promoteurs, ils savent que, s'ils veulent aller dans les milieux humides, ça va leur coûter très cher, donc des mesures dissuasives. Nous, on propose trois pour un.

Donc, la meilleure campagne, c'est comme, vous vous souvenez... Moi, je suis dans une époque où on buvait en conduisant. Je suis un peu honteux de dire ça, là, puis j'espère que mes enfants ne sont pas à l'écoute, là, mais, quand j'étais jeune, j'ai fait ça. Et c'est fou, là, comme quoi, maintenant... Quand ça a été criminalisé, là, c'est terriblement fou comme tout le monde s'est senti vertueux puis ont toujours pensé que ça n'avait pas de maudit bon sens, de conduire avec... éméché. Bien, c'est un peu ça. Quand les règles sont claires, ça favorise, mais rien n'empêche, et c'est majeur, de dire... Les milieux humides, il y a encore une perception que c'est malsain, que ça pue puis que c'est un endroit que, si on ne le remplissait, ça ferait donc des belles maisons. Et ça, il y a vraiment un travail à faire, qui a été fait encore à la marge, puis ça, pour répondre à votre question, je ne sais pas si...

M. Bélanger (Michel) : Oui, des mesures très concrètes, vous avez énoncé quand même, dans le projet de loi, des éléments intéressants, parce que je ne sais pas qui va gagner la bataille de qui va s'en charger, là, parce qu'il y en a... tout le monde est là, mais on ne sait pas qui fait quoi précisément, mais ce qui va être important, c'est la transparence dans la mise en oeuvre de cette politique-là et de ce programme-là. Et, les mesures d'accès à l'information que vous avez mentionnées, notamment, là, les conditions qui vont être énoncées au certificat, les endroits où est-ce que la réhabilitation va se faire, c'est fondamental d'avoir un suivi très serré, d'ailleurs. On a vu dans certains dossiers... moi, je suis moins sur le terrain que d'autres groupes qu'on a consultés pour préparer les mémoires, mais il y a des endroits où on a compensé trois fois le même milieu. Alors, à quelque part, il y a quelqu'un qui fait de l'argent, certain, et c'est bizarre, tu sais. Donc, on concentre, à un moment donné. Donc, si on a une plus grande transparence, il va y avoir une imputabilité peut-être supérieure donnée aux différents acteurs qui vont avoir ces responsabilités-là.

La question de la reddition, je dirais, aux 10 ans, on l'a mentionné, peut-être ce serait bien de le ramener aux cinq ans. C'est un peu long, 10 ans, pour faire le point sur est-ce qu'on s'en va à la bonne place. Parce que Christian est plus optimiste que moi. C'est-à-dire que, dans l'introduction, on avait... j'avais quand même un principe qui... je me disais : Si on réécrit, en ce moment, si on distribue les responsabilités aux plus d'intervenants possible, c'est parce qu'on a quand même été 30 ans de temps à... c'est un des... Si la loi, elle est quand même bien faite, il y a comme un trou majeur au niveau des milieux humides. Le bilan, il n'est pas positif, au contraire. Donc, si on corrige, il faut être sûr de ne pas recommettre les mêmes erreurs. Donc, la structure, elle est en place, mais il faut s'assurer, justement, par ces mesures de reddition de comptes et de transparence qu'on puisse corriger en cours de route.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Bélanger. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Pour la transparence, je tiens quand même... je veux dire, je suis d'accord avec les principes que vous avancez, là, dans votre propos, je crois qu'on ne peut pas être contre une reddition de comptes puis la transparence. Je tiens quand même à souligner qu'en termes de transparence le nouveau régime de transparence qu'on a adopté avec le projet de loi n° 102 va s'appliquer, je tiens quand même... pour le bénéfice de tout le monde. Je sais que... Vous le savez sans doute, Me Bélanger. Mais il va quand même y avoir un gain là aussi. Je sais qu'on a des... plusieurs sujets sur lesquels on ne s'entend pas, mais, sur la question de la transparence, je trouve qu'on a fait un pas quand même important avec le nouveau registre des autorisations environnementales. Et ce qui est proposé dans 132 va être inclus, parce que c'est une modification... oui, il y a plusieurs lois qui sont modifiées, mais la Loi sur la qualité de l'environnement, justement, si on adopte ce projet de loi, va intégrer un régime spécifique, et ce régime spécifique là sur les milieux humides et hydriques va être soumis au régime du registre environnemental, donc quand même une transparence accrue, un accès à l'information accru tant pour les municipalités, les groupes que les citoyens et citoyennes. Donc, je tiens quand même à dire ça.

Pour, justement... Puis, oui, un des débats qui ressort déjà, là, c'est, bon, le rôle des municipalités, MRC, communauté métropolitaine versus OBV, conseils régionaux en environnement, Canards illimités, bon, ce genre de rôle. Dans les échanges, bon, ça va d'un extrême à l'autre, hein, je veux dire, ça va jusqu'à l'UMQ qui parle d'intrusion et de... dans les compétences municipales jusqu'à l'autre inverse, que, je trouve, vous incarnez un peu, dire : Bon, bien là il ne faut pas donner trop de pouvoirs aux municipalités.

Dans nos échanges avec les organismes de bassins versants, on nous a parlé de concertation, mais ultimement les OBV nous disaient : Bien, ultimement, la décision revient aux municipalités. Puis ils ont reconnu qu'ultimement la décision revient aux municipalités.

L'esprit du projet de loi, c'est d'intégrer véritablement une prise de conscience concrète de l'importance des milieux humides, s'assurer que les municipalités intègrent l'expertise des OBV, Canards illimités, autres experts, CRE dans la réflexion pour que ce soit ultimement intégré au schéma d'aménagement. J'essaie de voir où est-ce qu'on peut atteindre l'équilibre. Parce que, là, je crois comprendre que vous dites : Bien, le décisionnel ultime, ça ne devrait pas être les municipalités. Peut-être je comprends mal, mais ultimement il faut que quelqu'un décide, il doit y avoir une prise de décision. Dans nos échanges avec les OBV, les OBV disaient : On a besoin d'un rôle accru, mais ultimement les municipalités décident. Alors, votre position là-dessus, je crois la comprendre — s'il vous plaît, la préciser — mais aussi, encore une fois, dans le concret... Je comprends les préoccupations que vous soulevez, là, mais, dans le concret, comment on règle ça dans le projet de loi?

• (9 h 20) •

M. Simard (Christian) : Je vais peut-être risquer une réponse, et Michel complétera. C'est une très bonne question, c'est une question qui est très pertinente. Peut-être je vais permettre de compléter, tout à l'heure, qu'on appuie aussi, tu sais, le fait de ramener à cinq ans le bilan pour voir si le programme est efficace, là, le bilan, et de mettre l'information à jour annuellement comme le demande le ROBVQ.

Oui, c'est peut-être le rôle des plans directeurs de l'eau. Peut-être que la solution vient dans la recommandation qu'avait faite le Commissaire à l'environnement. On fait des plans directeurs de l'eau, puis, à un moment donné, c'est un peu comme... les municipalités doivent s'en inspirer, et c'est un petit peu vague, s'en inspirer, là. Et, les orientations gouvernementales, hein, il y a des orientations gouvernementales puis des schémas d'aménagement très clairs, très précis. Ça peut passer par les orientations gouvernementales.

Un peu, le danger qu'on voit, c'est, oui, à l'échelle de la MRC, qui n'est pas une région naturelle, donc, qu'elle puisse directement, là... pas nécessairement s'inspirer, mais doit intégrer les paramètres, les objectifs du plan directeur de l'eau. Donc, techniquement, ça demeure la MRC qui décide, et le milieu municipal, parce que c'est comme ça qu'administrativement c'est fait. Et, dans les OBV, ce n'est pas des élus. Mais en même temps c'est du bon travail de concertation puis d'intégrer.

Donc, je pense que la clé est dans la recommandation du Commissaire au développement durable. Et la clé, aussi, c'est que ça demeure des plans régionaux. Et des fois, les plans régionaux, à un moment donné il y avait des plans de conservation des milieux humides dans les municipalités, je me souviens, Thomas Mulcair disait : Ce n'est pas des plans de conservation, c'est des plans de destruction, parce qu'ils faisaient des plans de conservation en fonction de ce qu'ils voulaient construire puis ce qu'ils voulaient garder, mais ils priorisaient ce qu'ils voulaient construire, ça fait qu'au bout du compte, le plan de conservation, c'était un plan de développement. Et on ne voudrait pas que ça arrive au niveau d'un plan régional au niveau des MRC puis de la CMM.

Mais aussi est-ce que... Et là je n'ai pas de... peut-être Michel est plus au fait de ça, là, mais, le fait que c'est intégré au schéma d'aménagement, des fois, avant que ce soit intégré... Il y a des schémas d'aménagement, là, ils ont pris 15 ans, puis il y en a qui ne sont même pas encore intégrés dans les municipalités, là. La Côte-de-Beaupré, pour les zones inondables, là, c'était une véritable joke, au niveau, là, du ministère des Affaires municipales, parce que jamais ils n'adoptaient le schéma d'aménagement, dans leurs municipalités, pour continuer à empiéter sur le Saint-Laurent. Est-ce qu'on va avoir le même jeu? Je voudrais qu'on évite ce jeu-là, là. On n'a plus le temps, on a tellement perdu. C'est ce que, essentiellement, on veut éviter.

Je ne sais pas si Michel...

Le Président (M. Iracà) : Oui, Me Bélanger.

M. Bélanger (Michel) : Oui, je vais être bref. Je pense que ce serait intéressant d'avoir une imputabilité sur la tête d'un acteur en particulier, à savoir, je pense, le ministre lui-même. Vous avez ultimement le dernier mot dans le cadre des autorisations. Que les municipalités... Qu'il y ait des plans régionaux pour établir la carte, ça va, on l'avait déjà avec la politique de protection des rives, puis il y a quand même eu des... En fait, il faut vraiment essayer de fermer aux endroits où est-ce qu'il y a eu des lacunes et se donner un moyen de contrôle à cet endroit-là. Et, si vous posez la question, la réponse qui me vient le plus rapidement, c'est effectivement de centraliser ça sur la tête du ministre.

Puis une des façons de contrôler l'efficacité, l'efficience des municipalités, je vous suggère une chose, qui a été enlevée par le projet de loi n° 102, et, c'est drôle, ça nous est revenu en réfléchissant. Puis ça, ce n'est pas dans le mémoire de Nature Québec, mais c'est dans la réflexion de celui du CQDE. Peut-être qu'un moyen, un mécanisme, juste, peut-être, pour les fins des milieux humides, parce que c'est probablement là que le bât blesse plus, c'est de revenir avec le certificat de conformité environnementale.

Le Président (M. Iracà) : En complémentaire, M. le ministre.

M. Heurtel : Est-ce que vous suggérez, Me Bélanger, que le ministre détienne un pouvoir discrétionnaire?

M. Bélanger (Michel) : Non, un pouvoir de contrôle. Non, un pouvoir de contrôle sur la mise en application du programme.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Alors, M. le député de Maskinongé, vous avez une question ce matin?

M. Plante : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, bonjour, bon matin.

Dans votre mémoire, vous recommandez, à la page 3... «Nature Québec recommande de reconnaître le caractère d'aire protégée aux milieux naturels d'intérêt désignés et d'amender en conséquence l'article 17 du projet de loi.» Bon, c'est nommément inscrit.

Alors, deux questions sous-jacentes. Premièrement, la journée où est-ce qu'on reconnaît une aire protégée, qui en est propriétaire, donc? Le gouvernement, je présume. Et, sous-jacent à ça, si, oui, c'est le gouvernement ou, voire, si on déclare beaucoup d'aires protégées, avez-vous évalué les impacts financiers au gouvernement face à ceci?

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Simard.

M. Simard (Christian) : Oui, si je peux, disons, répondre, ce n'est pas... une aire protégée n'est pas nécessairement publique, il y a des aires protégées en terre privée. Si une terre n'est pas constructible, hein, parce qu'elle n'est pas constructible... Normalement, ça ne devrait pas être constructible, un milieu humide. Puis, dans les faits, là, en modifiant la loi sur le patrimoine naturel, bien, le projet de loi crée pratiquement une nouvelle catégorie d'aire protégée qui est le milieu humide d'intérêt, là, ça va être de facto une certaine forme d'aire protégée par le projet de loi. Mais on voudrait éviter, là, toutes les exceptions qu'il contient et qui permet éventuellement de faire des travaux à l'intérieur des milieux naturels d'intérêt pour des raisons x ou y, des remblais, des trucs. Ça fait qu'on voulait limiter ça. Puis il y a une certaine forme de reconnaissance d'aire protégée, puis ça ne veut pas dire expropriation, ça ne veut pas dire coûts, ça ne veut pas dire nécessairement tout ça, c'est simplement... Si c'est un milieu qui est exceptionnel, on parle d'un milieu vraiment d'intérêt, là, au niveau de ces milieux humides là, bien, il y a une cartographie, c'est ça, puis c'est intégré dans les schémas d'aménagement, c'est intégré dans... Donc, il y a une protection. Mais on ne voudrait pas qu'une fois que ce soit reconnu il soit trop facile pour un projet x, pour un projet y... Donc, comme le ROBVQ, on recommande de resserrer ça pour que ça devienne une certaine forme d'aire protégée, parce que ça le mérite, hein, on n'appelle pas ça des milieux humides et hydriques d'intérêt pour rien, là. Donc, c'est pour quelque chose, souvent... des espèces menacées. Donc, de toute façon, on va vers là, le projet de loi va vers là, et donc il s'agit de le renforcer, selon nous, d'enlever des possibilités encore d'éviter...

Puis, certains milieux naturels d'intérêt, là, il n'est pas vrai qu'on peut les reproduire. Dans certains cas, on peut restaurer, on peut créer des milieux humides, mais, dans le cas de tourbières, là, ça prend des centaines et des milliers d'années à la nature de créer des tourbières, là, on ne peut pas dire, là : On les scrape puis on recommence à côté.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Oui?

M. Bélanger (Michel) : Si je peux me permettre un complément de réponse, derrière votre question je décèle quand même une partie de la réponse, en ce sens que, quand vous dites : Oui, mais, qu'est-ce qu'on fait quand c'est privé?, je comprends mal comment on peut se poser cette question-là parce que, le fait de décréter aire protégée certains milieux humides, c'est parce qu'ils sont exceptionnels. Et j'ai compris du projet de loi que l'ensemble des milieux humides doivent être protégés, on parle de zéro perte nette. Alors, il est clair que, si le milieu humide se trouve sur une propriété publique ou privée, un promoteur a perdu le contrôle de cette zone-là, un promoteur, un propriétaire aussi. Et il faut que ce soit bien intégré que les milieux humides, même privés, on ne pourra pas rien en faire.

D'ailleurs, à preuve, avec les inondations, c'est un message qui vraiment... Vous avez une belle opportunité. Il y a une conjoncture, les astres se sont placés pour inonder tout le Québec au moment où vous adoptez ce projet de loi là. Mais, la sensibilité, elle est là, et il n'y a plus personne qui doit faire fi de ça, puis il faut mettre ses culottes. Et effectivement il va y avoir des mesures très sévères à mettre en place.

Puis je ne vous cacherai pas que, derrière votre question, quand vous dites : Qu'est-ce qu'on fait des propriétaires privés... Que ce soit un milieu exceptionnel que le ministre a désigné, que ce soient simplement ceux qui sont cartographiés par les municipalités, le mémoire du CQDE a un gros chapitre sur l'expropriation, et, selon nous, il n'y a pas de... La Cour d'appel a confirmé qu'effectivement, dans certains cas, on l'a appliqué à l'égard du zonage agricole, on s'est fait exproprier les terres agricoles pour les fins d'un développement x, et ça a passé, hein, pour des enjeux environnementaux. Donc, je pense que c'est inévitable. Oui, il va y avoir des grincements de dents, mais, sur ces zones-là, on ne peut pas rien faire.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Bélanger. M. le député de...

M. Simard (Christian) : Les zones inondables...

Le Président (M. Iracà) : Oui?

M. Simard (Christian) : Pardon. Les zones inondables sont souvent en terrain privé, mais, tu as un terrain privé en zone inondable, ça ne te donne pas le pouvoir de le développer puis de le construire quand c'est contre l'intérêt commun, comme c'est contre l'intérêt public. Et c'est contre l'intérêt public de détruire des milieux humides parce qu'ils ont une fonction majeure.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Simard. M. le député de Maskinongé.

M. Plante : Oui. Pour combien de temps?

Le Président (M. Iracà) : Six minutes.

• (9 h 30) •

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. Question bien simple en ajout à ma question, bon, j'aimerais savoir qu'est-ce que ça va ajouter... Parce que, vous le dites, nommément, dans la loi, on parle de milieux hydriques exceptionnels, etc., on en fait déjà une mention puis une caractérisation. J'aimerais savoir : Pour vous, quel est l'ajout essentiel de mettre des aires protégées nommément dites? Première question.

Deuxième question, quand je vous disais, tantôt : On sait que, les aires protégées privées, il y a une certaine volonté aussi du propriétaire privé, là, et on peut définir... Et vous le dites, que le projet de loi mentionne : Aucune perte nette. Je pense que c'est une grosse avancée, c'est un projet de loi ambitieux. Vous l'avez... M. Simard l'a même dit lui-même. Mais ce que j'aimerais savoir, c'est : Pourquoi ajouter un vocabulaire différent ou rajouter un vocabulaire, tu sais, aires protégées, en plus de ce qu'on a déjà dans le projet de loi. Qu'est-ce que ça va donner? Puis c'est quoi, la différence, là? Parce qu'entre moi puis vous on le dit, dans le projet de loi, qu'on va les mettre comme milieux hydriques exceptionnels, ou etc. Donc, j'aimerais savoir c'est quoi, l'ajout ou la valeur qu'on va gagner.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le député de Maskinongé. M. Simard.

M. Simard (Christian) : Ce n'est pas l'essence de notre mémoire, mais ça donne un message que ce n'est pas réversible à volonté pour un projet x. Si c'est un milieu naturel d'intérêt, on a modifié la loi pour ça, on pense qu'il y a des espèces menacées, c'est important, le message est clair qu'il est non constructible. Donc, il y a un côté de non-réversibilité. Pas nécessairement besoin de le taguer absolument «aire protégée», mais il y a besoin de refermer des exceptions qui sont mises dans le projet de loi, qui peuvent devenir la règle. Malheureusement, on a vu ça dans le passé : à un moment donné, le régime d'exception devient la règle. Et ça devient des zones d'intérêt d'opérette si on permet une réversibilité puis de dire : Ce n'est pas grave, on va construire autre chose à côté. C'est le sens de notre intervention, ce n'est pas... Mais c'est un message qui doit être clair, que, quand c'est zéro perte nette, c'est zéro perte nette. Puis, quand c'est un milieu naturel d'intérêt, bien, c'est zéro perte nette, vraiment zéro, dans le milieu d'intérêt.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Simard. Alors, je vais céder la parole au député de Maskinongé pour une période de quatre minutes... excusez, de Mégantic, j'ai mal lu. Alors, M. le député de Mégantic, la parole est à vous.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous rencontrer ce matin.

J'ai deux commentaires puis je voudrais vous entendre là-dessus. Le premier, c'est que vous semblez nous parler d'interférence des milieux humides en relation avec le développement. Pour ceux qui sont des députés de région, là, dans les régions...

Premièrement, vu de Québec, c'est très difficile d'identifier les milieux humides, dans leur identification même, sur les territoires privés, dans les forêts, en fait, dans les zones agricoles et forestières. Et une des raisons fondamentales de confier les schémas d'aménagement dans les MRC, les municipalités, bien, c'est justement la connaissance du milieu et cette capacité d'identification.

Je comprends le délai que vous parlez, puis là il y a une zone de vulnérabilité entre les deux, mais je ne suis pas convaincu ou ce n'est pas clair dans ma tête, ce que vous nous donnez comme message. Est-ce que vous croyez que les municipalités et les MRC peuvent faire la gestion de ces milieux-là ou les protéger puis faire un travail adéquat une fois qu'ils se seront organisés? Puis c'est le fond de ma question.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Simard.

M. Simard (Christian) : On aurait peut-être pu dire ça il y a 15, 20 ans, mais maintenant les outils, là... Puis Canards illimités fait un travail extraordinaire de cartographie, beaucoup, beaucoup de travail. Je ne dis pas qu'il faut... Je pense, accompagner le projet de loi de budgets, là, pour compléter la cartographie, là, et de faire une cartographie très, très, très pointue et très poussée...

Mais on a déjà... Mais souvent, souvent on utilisait, à l'échelle de la MRC : Ah! bien, on ne les connaît pas. Il y a des discussions : C'est-u vraiment un milieu humide ou c'est-u pas un milieu humide, c'est-u une forêt mouilleuse ou... Puis là, les tribunaux, ce n'était pas clair, mais là je pense que la loi, là-dessus, a fait un pas important en mettant une définition très claire et opérationnelle des milieux humides. Maintenant, les MRC doivent faire cartographier. Je pense qu'il y a des recommandations qui sont claires, la cartographie est presque complétée.

Donc, ce n'est pas un argument pour encore «postponer», comme on dirait en mauvais... pour remettre dans le temps, là, constamment. On a toujours temporisé sur les milieux humides pour pouvoir développer le dernier terrain avant que ce soit interdit, pour pouvoir permettre un dernier projet. Il faut arrêter de temporiser, là. Il y a une certaine urgence. On a perdu... Et je vous ramène au mémoire, là; les chiffres sont vraiment catastrophiques, là. Puis c'est pour nos propres enfants, c'est notre capacité d'avoir une eau de qualité, d'avoir des berges qui ne sont pas érodées, protéger notre territoire. C'est des rôles qui sont fondamentaux, puis on ne peut pas jouer avec ça. Et on a beaucoup joué avec ça.

Donc, c'est pour ça qu'il y a un message, dans les orientations ministérielles, clair, il y a un message dans le pouvoir de refuser l'autorisation si le projet est mal fait. Oui, il y a un pouvoir de contrôle, pouvoir, par exemple, de faire remettre en état un milieu qui aurait été détruit illégalement. Me Bélanger en a parlé. Depuis des années, on aurait dû... Il y a un seul ministre qui l'a fait puis il a perdu son poste, dit-il, à cause de ça, là, qui était Thomas Mulcair, à Laval, où il y avait... pas à Laval, mais je pense que c'était... c'était à Laval, et qui avait perdu son poste à cause de ça.

Donc, il y a un message vraiment clair à donner, puis je sens qu'il n'est pas intégré, là, il n'est pas intégré du tout, puis il faut qu'il soit intégré dans les municipalités et dans les communautés.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Simard. M. le député de Mégantic. 50 secondes.

M. Bolduc : On va essayer de faire ça rapidement. Me Bélanger, vous avez parlé, tout à l'heure, des inondations. Il faut faire une différence très claire entre les milieux humides et les plaines inondables, puis là vous avez un peu confus le système, là. Les plaines inondables sont des endroits qui sont secs à 99,9 % du temps. Le problème, c'est quand on s'y construit puis qu'il y a... l'événement, il y a ça, mais ce n'est pas des milieux humides en soi. Je veux juste être sûr, là, qu'on s'entend là-dessus, là.

Le Président (M. Iracà) : En 10 secondes.

M. Bélanger (Michel) : Bien, c'est-à-dire, oui et non, parce que, les milieux hydriques, je veux dire, à plusieurs endroits il va y avoir du chevauchement entre les deux, là. Je veux dire, entre ce qui est protégé aux fins du projet de loi n° 132 et puis la plaine inondable, c'est certain qu'on est à la même place, grosso modo.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Bélanger. Nous allons procéder à un autre bloc d'échange avec l'opposition officielle, et je vais céder, en ce beau mardi matin, la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour à Nature Québec. Bonjour, M. Bélanger. Bonjour, M. Simard. Toujours intéressant de vous entendre.

Bien, moi aussi, je veux revenir sur cette fameuse, comment je pourrais dire, situation entre les municipalités, les MRC, les OBV. On peut dire que présentement on a comme trois sphères, là. On a les milieux humides, on a les plans directeurs de l'eau. Présentement, on a les inondations qui nous éclatent en pleine face à travers le Québec. Je comprends de ce que vous dites également qu'au fond, idéalement, vous souhaiteriez une gestion par bassin naturel d'écoulement des eaux, d'écoulement des rivières. Moi, je veux juste essayer de cibler concrètement, là, comment trouver la bonne piste d'atterrissage, le bon terrain d'entente. Vous nous parlez évidemment du mémoire du ROBVQ, vous nous parlez du Commissaire au développement durable. J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus. À quel rapport vous faites référence précisément? Mais comment on peut essayer de concilier tout ça, là? Puis là, présentement, on a justement ces trois sphères, milieux humides, PDE, les inondations, en même temps, qui sont en toile de fond.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Simard, Me Bélanger?

M. Simard (Christian) : ...répondre juste à la première partie, pour le côté, là... En page 17 du mémoire du ROBVQ, on parle... c'est le rapport du Commissaire au développement durable de 2013 et...

M. Gaudreault : ...projet de loi transitoire? Non?

M. Simard (Christian) : Non, c'était, je pense... Je me demande si ce n'était pas le mémoire sur l'eau, la gestion... Mais ce n'est pas... c'est vraiment son rapport, du commissaire, de 2013 qui disait que l'eau n'est pas encore gérée de façon intégrée sur la base de bassins versants. Il recommandait à ce sujet : «Assurer la coordination des interventions gouvernementales et la complémentarité de leurs actions en matière de gestion intégrée de l'eau afin de maximiser leur impact sur la qualité de l'eau. Définir des orientations qui expliquent comment doit être prise en compte la gestion intégrée de l'eau dans la révision et la mise à jour des schémas d'aménagement et de développement.»

Le chaînon manquant, il est là. Comme je disais tantôt, là, on doit s'inspirer des plans directeurs de l'eau, là, les orientations gouvernementales doivent reprendre et être contraignantes au niveau des plans directeurs de l'eau pour que ce soit intégré par les municipalités. Là, il y a un genre de monde parallèle où même les mêmes personnes, quand elles siègent aux OBV, agissent différemment quand elles siègent comme maire ou comme préfet de MRC, et là on a deux mondes parallèles qui ne se rejoignent pas puis qui ne marchent pas en gestion intégrée de l'eau. Donc, c'est vraiment la gestion intégrée de l'eau...

Le Président (M. Iracà) : M. le député de Jonquière.

• (9 h 40) •

M. Gaudreault : Oui, mais je vous suis parfaitement. Gestion intégrée de l'eau, ça, c'est le principe, c'est ce que j'entends depuis le début de votre présentation. Dans son mémoire, le ROBVQ nous dit : Au lieu de parler de consultation, on aimerait mieux parler de concertation. Bon, O.K., une fois qu'on dit ça, on parle de gestion intégrée de l'eau, on parle de concertation, mais on la tire où, la ligne, à un moment donné, là? C'est qui, le décisionnel? C'est qui, l'imputable, également? Les municipalités nous ont dit ici de façon assez ferme, particulièrement l'UMQ : Il faut mettre de côté les OBV parce qu'ils n'ont pas de... ce n'est pas des représentants élus par la population, ils n'ont pas d'imputabilité. Alors, on a été capables de les ramener un peu plus, là, en disant : Bien, est-ce qu'on ne peut pas travailler un peu plus ensemble? C'est sévère, de les retirer complètement. Alors, il y a quand même cet aspect-là, là. Les OBV, bon, les municipalités ne veulent pas se faire spolier leurs responsabilités. Alors, moi, ma question, c'est : On la tire où, là ligne, là?

M. Simard (Christian) : La ligne, là, c'est que le plan directeur de l'eau doit être repris par le ministre et intégré dans des orientations contraignantes auprès des MRC. C'est-à-dire qu'il y a eu un plan directeur de l'eau fait en concertation, ce n'est pas pour le fun, on ne fait pas des plans directeurs de l'eau qui n'ont pas de suite, là. À quoi ça sert de faire de la gestion par bassin versant si c'est juste une série d'idées dans lesquelles on peut puiser à volonté quand on est...

Donc, on a toujours manqué de politique de territoire, au Québec, une politique claire du territoire : lutte à l'étalement urbain, favoriser le transport en commun, le développement autoroutier. À un moment donné, quand on a des orientations claires, basées sur des résultats... Et les plans directeurs de l'eau, là, à ce moment-là, doivent devenir partie intégrante des orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire et de conservation, et là je pense qu'on a le chaînon manquant, on a l'élément. Selon moi, il y a une piste là.

M. Bélanger (Michel) : Parce qu'on ne peut pas se permettre un autre 20, 30 ans d'essais. Et un des problèmes qu'on soulève, là-dedans, c'est qu'on veut gérer le territoire en fonction de sa réalité environnementale mais par le biais d'institutions qui sont créées en fonction de géographie ou de contexte administratif essentiellement. Un même bassin versant qui a plus qu'une municipalité, plus qu'une MRC, qui partage... Il va falloir, à un moment donné, d'abord, un, qu'ils déterminent dans leurs plans régionaux qu'est-ce qu'ils entendent protéger. Puis là où ça marche moins, c'est à partir du moment où on parle de compensation. Chacun va vouloir aller compenser sur le terrain de l'autre pour développer sa propriété, et le décideur n'est pas le même nécessairement que celui qui a la gestion par bassin. Si la réalité, elle est concentrée... En fait, les structures administratives ne correspondent pas nécessairement aux enjeux environnementaux que vise la question des milieux humides. Alors, c'est pour ça que, de dire : On s'en remet aux institutions municipales telles qu'existant, j'ai peur qu'on est en train de créer un nid de chicanes entre eux, sans ligne directrice, sans guide. Et, je pense, le guide, en ce qui concerne les milieux humides, c'est les plans directeurs de l'eau.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Bélanger. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Bien, vous avez raison. Puis c'est l'éternel débat, là, on en parle depuis le début de cette commission, des difficultés d'arrimage entre les différents territoires de MRC, de municipalités, de bassins versants.

Donc, je comprends de votre propos que, pour vous, les compensations doivent être nécessairement dans le territoire de l'OBV, du bassin versant, disons, et non pas nécessairement par MRC ou région administrative.

M. Bélanger (Michel) : En fait, tout doit être dicté à l'avance dans un périmètre géographique identifié. Autant, le zéro perte nette, il ne faut pas qu'on le comptabilise sur l'ensemble du Québec. Il faut qu'on dise à quelle échelle on le comptabilise. Et, à partir du moment où on calcule, on comptabilise le zéro perte nette, aussi, il y a le quand, où on commence à tirer la ligne. Est-ce que c'est quand les plans régionaux vont être établis, dans cinq ans? On a soulevé quelques questions. Mais, si on s'entend que zéro perte nette, c'est par bassin versant, bien, la décision devrait... la planification se fait comme ça. La compensation doit être à l'intérieur du même bassin, on n'ira pas compenser sur la Côte-Nord pour quelque chose ailleurs.

M. Gaudreault : D'une certaine manière... Je pense, c'est M. Simard qui parlait de la règle et l'exception, là. Parfois, c'est l'inverse, malheureusement, qui prend le dessus. C'est comme si... Si je comprends bien ce que vous nous dites, c'est que la règle doit être le bassin versant, le territoire du bassin versant, avec zéro perte nette en fonction de cette grille d'analyse qui est le territoire du bassin versant, et on doit... Au fond, la piste que vous nous donnez pour régler le fameux dilemme entre les municipalités et les OBV, on va dire ça comme ça, je ne veux pas antagoniser davantage, mais, pour les fins de la discussion, là, donc, votre poigne, si on veut, pour régler ce dilemme-là, c'est par le PDE.

M. Simard (Christian) : Les PDE et orientations gouvernementales en matière d'aménagement, contraignants, mesurables, etc. C'est un des éléments. Il y aurait eu la banque de compensation à l'échelle du bassin versant. Ça clarifierait, là. Il y a eu beaucoup de flou là-dedans, j'imagine que ça va être clarifié par réglementation, là. Mais les gens de la Côte-Nord ne veulent pas payer pour des milieux humides de Laval, d'autres ne veulent pas payer pour les milieux humides de... puis que l'argent de ma région va aller dans une autre région. Si on règle ça à l'échelle du bassin versant ou du sous-bassin versant... ou s'il y a une problématique particulière de destruction vraiment à proximité, dans la région naturelle, donc, déjà, là, on vient... Mais je pense qu'actuellement, là, c'est comme si on confie encore la clé du poulailler au renard, parce que, dans la fiscalité foncière, la municipalité est tentée, là, ce n'est pas beaucoup... Il y a des municipalités, des fois, c'est arrivé récemment à l'île aux Foins, là, ils paient pour ne pas se développer, là, puis des fois les citoyens acceptent ça, là. Mais ce n'est pas facile.

Et il y a une certaine abdication là. Ça ne dit pas que le ministre doit décider toutes les choses, mais une orientation claire sur la territorialité et la prise en compte obligée par les MRC des principales conclusions des plans directeurs de l'eau, là, il y a de la concertation, ça ne devient pas juste de la discussion, là. Le ROBVQ dit : On se concerte, mais ce qu'on sort comme plan directeur de l'eau, là, ce n'est pas pour la galerie, là, ça veut dire, ce qui en sort, vous allez être tenus par obligation gouvernementale de l'intégrer dans vos schémas d'aménagement. On n'est pas loin de la solution, là, si on fait ça. Puis il faut absolument éviter, là, qu'on prenne cinq ans à intégrer le plan régional dans les municipalités, parce qu'ils ont trop de plaisir à procrastiner, là — c'est mieux que «postponer».

M. Gaudreault : Mais effectivement je pense que... En tout cas, moi, je ne veux pas me mettre dans une situation où je dis que les municipalités sont toutes le renard, pour reprendre votre expression, là, dans le poulailler, parce que je pense que les municipalités ne sont pas nécessairement anti-milieu humide, là, mais je pense que le problème est plus structurel, au sens où... Puis on a essayé de l'aborder un petit peu avec des groupes précédents, mais on a manqué de temps, là. Le problème est structurel au sens où les municipalités sont extrêmement, voire quasi uniquement dépendantes du foncier, donc elles ont beaucoup, beaucoup de pression, et ça a fait en sorte que ça a développé un réflexe comme de quoi que, le développement, la notion de développement ne dépend que du développement foncier, puis vendre des maisons, puis faire des condos, alors que le développement pourrait se conjuguer autrement, aussi avec une mise en valeur des milieux humides, par exemple, ou autrement. Bon. Alors, je pense qu'on...

M. Simard (Christian) : ...caricatural, là.

M. Gaudreault : Non, non, non, mais je comprends ce que vous voulez dire.

Je veux vous entendre un peu plus sur... Bon, il y aurait beaucoup de choses, là. Mais, sur la période transitoire, vous nous avez parlé des canneberges. Je veux vous entendre un peu plus sur la période transitoire, comment vous voyez ça entre l'adoption du projet de loi et sa mise en oeuvre, là, comme telle, là.

Le Président (M. Iracà) : En 2 min 50 s. M. Simard.

M. Simard (Christian) : Très rapidement, bon, on peut saluer qu'il y ait des mesures transitoires. Des fois, il n'y en a pas, dans les projets de loi, c'est un peu un règlement de contrôle intérimaire. C'est bien. Les montants qui sont là, ils sont salués, mais ils ne sont pas suffisamment, selon nous et beaucoup d'organismes, dissuasifs, parce que dès maintenant on aurait dû envoyer en période transitoire un ratio d'au moins trois pour un ou vraiment quelque chose... on envoie un signal que c'est mieux de chercher à éviter, ailleurs, ça coûte moins cher que de construire en milieu humide et hydrique. Ça, je pense que le message...

Puis, dans le cas des cannebergières, là, c'est franchement à l'opposé de l'objectif de zéro perte nette de permettre le développement de nouvelles cannebergières en tourbière, là, dans les mesures transitoires, là, c'est un recul. C'est, encore là, quelque chose... dire, bon... alors qu'il y a possibilité d'évitement, il y a possibilité de développer en terrain sablonneux, il y a des statistiques là-dessus, elles sont claires, et peut-être un petit peu plus dispendieux, mais tout le monde le fait. Aux États-Unis, partout, plus personne ne travaille en tourbière pour faire des canneberges. Ce serait bien de tomber dans un monde moderne puis de tout de suite envoyer le signal, là.

Et là, nous autres, ça nous envoie le signal que l'exception va encore devenir la règle et qu'éviter, minimiser, ah oui! où on compense, à quelle place j'envoie le chèque devienne le réflexe, qui a toujours été le réflexe. Éviter, minimiser, ça, c'est pour la galerie, mais, dans les faits, à quelle place que j'envoie le chèque? Puis j'aimerais qu'il soit le plus petit possible.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Jonquière. 1 min 20 s.

M. Gaudreault : Oui. Dans cette optique où vous dites d'envoyer un signal clair puis des règles claires aussi, vous nous dites, à la page 8 : «Nature Québec recommande que le projet de loi établisse clairement au chapitre des sanctions que sera privilégiée la remise en état des lieux.» Donc, pour vous, c'est un genre de remise en état. Comme sanction, là, il faut que tu le remettes comme s'il n'y avait jamais rien eu.

• (9 h 50) •

M. Bélanger (Michel) : Oui, absolument. En fait, si on veut lancer plusieurs sons de cloche clairs comme quoi la situation... la récréation est terminée, entre le projet de loi et ce qu'il y avait avant, bien que les textes de loi, avant, n'étaient pas, somme toute, si mauvais que ça, je pense qu'au niveau de la sanction c'est vraiment le message le plus clair, parce que moi, je l'ai entendu aussi, puis ce n'est pas juste de source indirecte, là, il y a des promoteurs qui préfèrent prendre le risque de, intégrer le prix de l'amende à leur sanction et aller de l'avant. Et ça a été longtemps, longtemps la pratique. Et ce qui est étonnant, c'est que cet instrument-là dans la Loi sur la qualité de l'environnement a été pratiquement... bien, n'a été jamais utilisé, et particulièrement dans le cas des milieux humides. Et je ne vous cacherai pas qu'en droit, c'est ma déformation, mais, lorsqu'on regarde la sanction utilisée par le gouvernement dans différentes infractions, ça laisse entendre quand même quelle est l'intention derrière. Est-ce qu'on prend au sérieux réellement l'atteinte à l'environnement? Et ce qui malheureux, et puis on parle d'économie de ressources, ça prend une seule cause où le ministère va avoir décidé d'utiliser ce mécanisme-là en annonçant que ça va être le cas dans le futur, et vous allez avoir du respect de la politique «across» le Québec au complet. Et donc il n'y aura pas besoin de multiplier les mesures, et les avocats vont être en vacances.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Bélanger. Ceci met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Je sais que vous êtes patient, M. le député de Masson, mais c'est à votre tour de poser les questions. On débute un nouveau bloc d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. La parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Donc, M. Bélanger et M. Simard, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je sais que vous en avez déjà discuté avec le ministre et avec l'opposition aussi, mais j'aimerais revenir quand même sur ce qu'on parle depuis tantôt, là, de ne pas donner tous les pouvoirs aux municipalités puis d'inclure plus les OBV dans la décision, pour la gestion des milieux humides sur le territoire des OBV. Mais moi, j'aimerais poser la question une étape plus loin, parce que ce qui me préoccupe beaucoup, c'est quand on parle de certains endroits dans le territoire du Québec où on peut dire qu'on est en surplus de milieux humides, tu sais, moi, j'aimerais avoir un peu un guide d'utilisation versus d'autres endroits aussi où qu'on est en déficit de milieux humides. Puis là vous nous donnez dans votre exemple : Bien, il faudrait que ça reste au moins dans le territoire naturel ou, tu sais, dans l'OBV, mais moi, j'irais un peu plus loin, à savoir : Est-ce que, dans le cas qu'on a un surplus de milieux humides, dans un OBV, ce ne serait pas plutôt... on ne devrait pas préciser, de dire : Bien, dans ce cas-là, on ne veut pas que ce soit dans le même OBV, mais on irait plutôt dans un autre endroit où est-ce qu'on est en déficit pour justement pouvoir restaurer des milieux humides de façon... convenablement sur le territoire? Je voudrais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Iracà) : Me Bélanger.

M. Bélanger (Michel) : Un élément pour commencer, puis Christian complétera.

Dans votre question, un élément qui m'échappe, c'est que, si vous mentionnez qu'on est en surplus et en déficit dans certaines régions, ça va un peu à l'encontre du principe de base de zéro perte nette, selon nous. Si c'est zéro perte nette qu'on vient fixer à partir de la date magique, là, de la mise en oeuvre... déjà, on avait ce principe-là, mais il n'y a pas de régions qui sont en surplus, il y a juste des régions qui sont en déficit, parce que le principe de zéro perte nette fixe la ligne partout étant la même, estimant — puis ça, c'est la décision du législateur — que ce milieu particulier là ne doit plus être développé. Donc, il y a un morceau de réponse qui est derrière le concept même de zéro perte nette. Et, à l'inverse, si on commence à ouvrir cette porte-là, effectivement, là, on va rentrer dans une négociation puis... Comme je disais, à quel moment on fixe la ligne du zéro? Et est-ce qu'on peut se permettre de fixer la ligne, mettons, à 10 % de destructible dans telle région, et ça va devenir notre barème de zéro? C'est pour ça que je disais : Il faut faire bien attention dans la description des principes de base au départ, puis, après ça, ça devrait débouler.

Mais là je ne réponds pas vraiment à votre question, mais je fais juste la camper. Est-ce que Christian veut ajouter?

M. Simard (Christian) : Bien, il y a un point sur... Je ne pense pas qu'il y ait aucune région en surplus. On estime que jusqu'à 80 % des milieux humides ont disparu dans les basses terres du Saint-Laurent depuis la colonisation, proportion qui atteint 85 % dans la grande région de Montréal. Sur une période de 22 ans, là, il y a eu 567 kilomètres carrés de milieux humides qui ont été perturbés.

Moi, je viens de la Côte-Nord. Même sur la Côte-Nord, en Basse-Côte-Nord, on fait la route 132, on a drainé, là, des centaines et des centaines, pour ne pas dire des milliers de kilomètres carrés de milieux... de tourbières, et aussi avec les VTT, et tout ça. Donc, on a rendu inopérationnel même pour la culture des petits fruits des pans entiers de région parce qu'on a drainé des milieux humides, même dans une région qu'on pourrait penser : Ils en ont en masse, là, sur la Côte-Nord, particulièrement sur la Moyenne-Côte-Nord, là, parce qu'il y a énormément de tourbières là.

Donc, l'idée qu'on pourrait faire une bourse des milieux humides avec des régions en surplus, puis qui favoriserait des régions en déficit, ça ne correspond pas à la réalité, là. On n'a pas trop de milieux humides, il n'y a pas trop de milieux naturels pour prévenir l'érosion, épurer, et tout ça. Il y a une façon de se développer en intégrant et en faisant en sorte de ne pas les détruire, en densifiant, en prévoyant l'aménagement différemment pour les préserver, parce qu'ils rendent des services écologiques. On parle du plus grand objectif du ministère de l'Environnement, du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques : la lutte aux changements climatiques. On parlait des cannebergières, tantôt, qui sont les très grandes... Les tourbières sont des séquestreurs de carbone. Et on a-tu les moyens d'en perdre des centaines d'hectares par année, des milliers d'hectares, alors que ça fait partie de la lutte aux changements climatiques, cette séquestration du carbone? Puis le projet de loi envoie un message de zéro perte nette mais semble dire : Est-ce qu'on ne pourrait pas faire ça puis faire zéro... puis «business as usual», par ailleurs, ne pas trop changer nos façons de développer, par ailleurs? C'est un peu comme... Des fois, on reproche, maintenant, au nouveau gouvernement Trudeau de vouloir lutter contre les changements climatiques et de faire la promotion des sables bitumineux.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Simard. Je pense que le député de Masson... J'essaie d'équilibrer la longueur de la question avec la longueur de la réponse. M. le député de Masson, la parole est à vous.

M. Lemay : Merci, merci. Non, je comprends ce que vous dites, là. Effectivement, là, en fait, on parle surtout d'équilibrer, là, en termes de... Il y a des régions, si on veut, qui sont peut-être... Quand on parle de surplus, on s'entend que c'est vraiment plus dans le nord du Québec, là, c'est... Je ne voulais pas donner cet exemple-là, je ne l'ai pas mentionné au départ, là, mais, bref, il y a des régions qui sont encore plus en déficit que d'autres, si vous voulez, si vous préférez ce terme-là. Mais, bref... O.K. Merci pour cette réponse.

Vous avez mentionné que vous vouliez avoir un ratio de trois pour un. Dans le projet de loi, présentement, on parle de un pour un ou de deux pour un, dans le régime transitoire, là. Mais, le trois pour un, il y a des gens qui sont venus nous mentionner que ce serait un frein au développement, surtout comme sur l'île de Montréal ou peu importe, considérant la valeur des terrains en soi. Je voulais juste savoir, trois pour un, vous... Je comprends qu'on veut éviter en premier, là, puis... mais vous vous basez sur quelles études pour dire que trois pour un, vraiment, ça aurait un effet significatif comparativement à ce qui est proposé présentement?

Le Président (M. Iracà) : Oui, merci, M. le député.

M. Simard (Christian) : Bien, rapidement, je vous réfère au mémoire, très bien fait, du ROBVQ, qui explique les bases. Même, dans certains États américains, c'est 15 pour un avec des banques de compensation; dans les Provinces maritimes, trois pour un, recommandé au niveau d'Environnement Canada, des statuts de quatre pour un. Pourquoi? Parce que, quand on recrée un milieu humide, il n'a pas la même valeur que le milieu humide existant en termes de productivité. Puis avec... Il y a un effet dissuasif d'aller dans le milieu humide s'il y a un coût suffisant et que ce coût-là permet le remplacement complet, la gestion du projet puis la création d'une superficie plus grande pour au moins rendre les mêmes services. Donc, c'est très documenté, ça, et c'est même appliqué dans des provinces du Canada, ce n'est pas inventé. Souvent, on parle de quatre pour un. On a été quand même assez conservateurs d'arriver avec... Mais il faut qu'il y ait un message clair. Si c'est juste... À une certaine époque, là, on disait : On va donner 500 $ à un organisme de conservation, ça va-tu être correct? Il y a eu ça, là. On ne veut plus ça. Si on pense que c'est important, il y a un coût, puis le coût est dissuasif. Sinon, on va aller tout de suite à la compensation, et tout le concept de zéro perte nette tombe.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Simard. M. le député de Masson.

M. Lemay : O.K. Bien, c'est ça, parce qu'effectivement, comme vous l'avez mentionné, il y a certains endroits que ça va jusqu'à 15 pour un, ça fait que je voulais juste savoir... Votre trois pour un, dans le fond, c'est dans un esprit conservateur, parce que vous auriez pu aller faire une recommandation à quatre ou six pour un. Mais je comprends maintenant que, pour être conservateurs, vous y allez avec trois pour un. C'est un peu le...

M. Simard (Christian) : Il faut qu'il soit dissuasif, suffisamment important. Et il y a... Puis ça fait un peu... Les meilleures pratiques vont dans ce sens-là. Mais ça aurait pu être quatre pour un aussi.

M. Lemay : Parfait, parfait. J'aimerais vous entendre un peu plus sur la désignation des milieux humides d'intérêt. Vous semblez dire, là, que ce n'est pas tout à fait, l'idéal là-dedans, là, que c'est un peu flou. Il faudrait attribuer des titres d'aire protégée peut-être. Je ne sais pas si vous voulez mentionner un petit peu plus de détails sur cet enjeu.

Le Président (M. Iracà) : Oui, Me Bélanger, M. Simard.

M. Simard (Christian) : Des milieux humides d'intérêt, il y a une description qui est faite, même qui est faite dans le projet de loi. Selon nous, il faut faire attention... Puis vous avez raison jusqu'à un certain point. Jusqu'où on commence et on arrête dans le milieu naturel d'intérêt? Le projet de loi parle de milieux exceptionnels. Nous, jusqu'à un certain point, on pense que tous les milieux humides sont exceptionnels parce qu'ils permettent de lutter contre l'érosion, contre les inondations, servent de tampon, font un travail écologique qui est essentiel, même s'ils ne contiennent pas une espèce menacée ou une espèce rare ou qu'ils n'ont pas une dimension aussi énorme. Mais, à un moment donné... Puis il y a des définitions qui existent, et à un moment donné on devra établir... Mais souvent on parle des milieux moins fragmentés, d'une bonne dimension qui ont un rôle stratégique dans la région où ils se trouvent. Et souvent on peut le définir. Je pense qu'il doit être défini largement. Et, une fois qu'on l'a défini, on le protège, là, ça fait partie de notre patrimoine naturel, c'est important, et on essaie d'éviter, là, toutes les exceptions ou la tentation.

Il y a encore beaucoup... Même, encore aujourd'hui, dans les aires protégées ou les parcs nationaux... On a une aire protégée, là, au mont Hereford, qui est une aire protégée en milieu privé, une zone de conservation, puis Hydro-Québec veut rentrer dedans parce que ça coûte moins cher, là, et c'est... Donc, les tentations sont fortes même quand il y a un haut niveau de protection. On veut qu'il y ait le meilleur niveau de protection et que le milieu naturel d'intérêt soit compris le plus largement possible, parce qu'on est en perte nette énorme, là.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Simard. Ceci met fin au bloc d'échange. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 heures)

(Reprise à 10 h 2)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue au prochain groupe. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que... s'il y a des personnes qui vous accompagnent, mais je vois que vous êtes seul. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.

Alors, on reçoit le groupe Ouranos. M. Bourque, la parole est à vous.

Ouranos inc.

M. Bourque (Alain) : Bonjour. Alors, mon nom est Alain Bourque, je suis directeur général du consortium Ouranos, qui est un organisme à but non lucratif qui est à la fois un centre de recherche appliquée et un réseau de chercheurs experts praticiens qui coréalise et cofinance des projets sur les changements climatiques et surtout sur les façons d'éliminer, de réduire ou de gérer les impacts des changements climatiques en cours et qui vont sérieusement s'amplifier.

Alors, pour débuter, je dirais qu'Ouranos se réjouit de voir la nouvelle loi — et aussi les lois qu'elle modifie — qui met de l'avant la conservation des milieux humides et reconnaît spécifiquement et prend en considération l'importance des services écologiques et leurs bénéfices pour la société, parce que, dans le contexte des changements climatiques, la conservation des milieux humides, et on en a entendu parler tout à l'heure, doit être privilégiée, dans la stratégie gouvernementale, la lutte contre les changements climatiques, autant dans une perspective d'adaptation aux risques climatiques que de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Alors, en support à mon intervention, opportunité pour laquelle j'aimerais d'ailleurs vous remercier, plutôt que, Ouranos, de produire un... voyons, un document... un mémoire, on a plutôt produit un avis d'Ouranos sur un sujet ciblé. Donc, je pense que vous avez reçu, là, ce document, que j'aurais aimé qu'il soit un «one-pager», mais finalement, c'est un «two-pager». C'est quand même intéressant. Et donc l'objectif de ce «two-pager» là, c'est, premièrement, de contextualiser le rôle important des milieux humides dans l'adaptation, adaptation aux changements climatiques, vous comprenez bien, là, c'est... oui, il y a la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour réduire à la source les changements climatiques; l'adaptation, c'est pour apprendre à vivre avec notre nouvelle réalité que l'on voit se concrétiser de jour en jour au Québec.

Donc, en deuxième lieu, vous avez aussi, dans le document, une liste d'une série d'études passablement importantes, dont plusieurs qu'Ouranos a cofinancées, supportées, etc., avec de nombreux autres partenaires, qui rappellent le rôle des milieux humides dans un contexte d'adaptation aux risques climatiques.

En troisième lieu, on identifie plusieurs enjeux reliés aux changements climatiques, notamment l'importance des services écologiques offerts par ces milieux, qui sont souvent, parfois, perçus par certains, par la population, même, parfois, comme étant des milieux qui ne valent pas tant que ça. Et aussi la fiche poursuit... Bien, en fait, parmi les services écologiques importants à rappeler, là, c'est vraiment cet effet tampon contre les extrêmes météorologiques, qui vont d'ailleurs devenir plus fréquents avec les changements climatiques. D'ailleurs, dans le contexte de récent, c'est assez frappant de se poser la question, là, puis se dire : Si les inondations, si les pluies abondantes, la fonte printanière avaient eu lieu dans les années 60, est-ce que l'ampleur des inondations aurait été aussi importante, compte tenu des milieux humides beaucoup plus importants, qu'il y aurait eu sur les bassins versants affectés?

Les retombées en lien avec la qualité de l'eau. Alors, la qualité de l'eau va devenir de plus en plus problématique, avec une eau qui est de plus en plus chaude, dans un contexte de changements climatiques; la protection naturelle offerte par les marais côtiers, notamment, en lien avec l'accélération de l'érosion, en lien avec le rehaussement du niveau de la mer, la disparition de l'englacement, etc.; dans les milieux urbains, l'effet de rétention, de filtration, de création ou de maintien d'habitats et de biodiversité — on sait que la biodiversité, dans les secteurs urbains, est déjà mise à mal, et donc ces milieux sont particulièrement prioritaires dans un contexte d'adaptation aux changements climatiques, où la biodiversité va subir de plus en plus de pression; et le rôle de stockage de carbone important des milieux humides, et dans le contexte, en plus... dans le contexte nordique, où la fonte de milieux humides... en fait, la dégradation du pergélisol, qui se déroule aussi dans certains milieux humides, va faire en sorte qu'on va avoir de la réactivation de milieux humides, qui vont générer du méthane et qui vont amplifier l'effet de serre, et donc le Québec va y contribuer. Peut-être pas autant qu'en Sibérie, où, là, c'est vraiment un problème majeur, mais il va quand même y avoir contribution.

Alors, la fiche, dans la deuxième page, poursuit aussi pour résumer l'importance de conserver les milieux humides qu'il reste afin de réduire les impacts à venir des changements climatiques et souligne la valeur économique rendue par ces milieux. Alors, quelques exemples de projets, d'activités qu'on a faits en lien notamment avec, un, les espaces de liberté, qui est un concept différent de la période de retour, les plaines inondables, un 20 ans, un 100 ans qui sont, d'ailleurs, utilisés en Angleterre pour gérer les plaines inondables. Et donc on a regardé qu'est-ce que ça aurait l'air, au Québec, si on utilisait les espaces de liberté plutôt que les plaines inondables, et le constat, en général, c'est qu'au niveau de la valeur économique, des gains en lien avec les milieux humides, les écosystèmes, etc., bien, on aurait... le système, en fait, vaudrait plusieurs milliers de dollars de plus, grâce à l'utilisation de ce type d'approche là, qui met, donc, beaucoup l'emphase sur les services rendus par les écosystèmes plutôt que de mettre l'emphase, un peu comme on a fait par le passé, là... d'avoir tendance à rendre nos rivières le plus droites possible plutôt que de laisser l'espace naturel, avec les méandres qui ont tendance à gérer les inondations, les apports en eau importants.

L'autre exemple est en lien avec les milieux humides, où on a fait, encore une fois, des analyses coût-bénéfice avec la valeur rendue par les écosystèmes et on a conclu que les milieux humides permettaient de générer une valeur ajoutée de 10 000 $ à 20 000 $ par année, par hectare, en services rendus par les écosystèmes. Et, encore une fois, pour les milieux humides, ce qu'on a eu tendance à faire au cours des dernières décennies, c'est plutôt d'avoir l'impression que les milieux humides ne valaient pas grand-chose. On remblaie, puis, en bout de ligne, on se ramasse à payer plus en traitement d'eau potable et en toutes sortes de protections contre les inondations, en infrastructures, etc., et on ne réalise pas qu'en quelque part on dépense là où on a détruit auparavant.

Alors, la fiche se termine avec quelques conclusions et quelques recommandations qui ont été pas juste développées par des employés d'Ouranos, là, c'est vraiment par l'environnement de recherche qu'Ouranos tente de créer avec les praticiens, les experts, plusieurs experts, d'ailleurs, du gouvernement du Québec qui sont très compétents en la matière, des gestionnaires aussi. Et donc quelques messages importants de ces conclusions et de ces recommandations-là : L'adaptation basée sur les écosystèmes devrait toujours être considérée prioritaire dans le cadre de l'aménagement durable du territoire à l'échelle régionale. Il s'agit d'une approche sans regret, qui se fait à moindre coût, même si souvent les analyses coût-bénéfice classiques qui sont faites ont tendance à négliger ces valeurs du capital naturel là, qui nous apporte des services importants. Donc, dans toute analyse coût-bénéfice, on devrait toujours davantage intégrer les services offerts par l'environnement naturel, et qui sont, comme je le disais, beaucoup moins coûteux, dans bien des cas, que des solutions de génie, et qui permettent la stabilisation des berges, de réduire les impacts des inondations, de maintenir davantage d'eau dans le bassin hydrographique pour faire face aux périodes de sécheresse lors des fins d'été et débuts d'automne.

Deuxième point : Il est important que les études d'impact et les processus d'autorisation qui encadrent la réalisation de grands projets de toutes sortes prennent en compte les changements climatiques et les effets cumulatifs sur les milieux humides dans les zones d'influence directe et indirecte. On a remarqué que, dans le projet de loi, on parle de l'impact direct ou de l'emplacement direct spécifique d'un milieu humide. Nous, on pense qu'il faut aussi regarder les milieux avoisinants, qui peuvent mettre à risque, donc, les services écologiques rendus par ces écosystèmes importants là.

Notre troisième point, c'est qu'il est essentiel de poursuivre la R&D, la recherche, le développement sur les milieux humides, dans un contexte de changements climatiques, ne serait-ce que pour offrir des outils qui vont permettre aux différentes organisations de rencontrer les critères autour de la loi et faciliter l'aménagement du territoire.

Dernier point dans la fiche : Alors, sans se prononcer sur le rôle et les responsabilités des différents acteurs, Ouranos insiste sur l'importance de la cohérence des actions aux échelles locales, régionales et nationales. Je vais donner une couple d'exemples. Le premier exemple, par exemple, on travaille avec la CNQ en lien avec la gestion de l'eau sur le bassin versant, alors ce qui implique beaucoup de municipalités. Et on comprend bien que, quand on veut une eau de qualité, pour une ville, par exemple, comme Québec, il faut penser bassin versant, ça va très clairement au-delà des frontières municipales. D'ailleurs, vous pouvez aller juste au sud, là, nos voisins dans l'État de New York, ce que la ville de New York a fait par rapport à la protection des sources d'eau potable... ou même ce que l'Ontario fait. Naturellement, l'Ontario, ils ont payé avec une petite catastrophe à Walkerton à un moment donné, là, mais ce qui se fait chez nos voisins est particulièrement intéressant à regarder.

Et l'autre point aussi, c'est que... Naturellement, on a quelques commentaires supplémentaires par rapport à la loi. Très rapidement, on est tout à fait d'accord...

• (10 h 10) •

Le Président (M. Iracà) : ...secondes, M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Oui. On est tout à fait d'accord à ce que le ministre ait le pouvoir, par exemple, de mettre en place des programmes pour restaurer, pour favoriser, etc., mais je pense qu'il faut, en quelque part, que chacun ait le goût de le faire aux différentes échelles, et donc c'est important d'être inclusif, et de passer le message, et de donner le goût, de rappeler l'importance et éliminer les perceptions négatives, parfois, qu'il peut y avoir avec les milieux humides. Naturellement, il faut y dédier les ressources par la suite pour pouvoir bien respecter ces lois-là, ce qui est toujours un peu un défi.

La compensation doit être l'absolu dernier recours, le présentateur précédent l'a mentionné. Les milieux humides qui se sont développés naturellement au cours des dernières décennies valent beaucoup plus cher que ce qu'on peut réussir à compenser.

Et donc je vais peut-être juste conclure en disant, surtout en lien aux événements récents des inondations, aux problèmes d'érosion côtière qu'il y a eu en Gaspésie pendant l'hiver dernier, on a vu des centaines de milliers de personnes se faire évacuer en Californie suite à un barrage qui menace de menacer parce qu'il avait trop de précipitations, mon point ici, c'est de dire : Oui, il faut qu'on lutte, lutter aux changements climatiques, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais Ouranos a quand même de plus en plus une inquiétude par rapport aux défis de l'adaptation. Les risques climatiques croissent assez rapidement. Ce que l'on voit présentement est la pointe de l'iceberg. On a beau vouloir réduire les émissions de gaz à effet de serre pour éviter le pire des changements climatiques, on pense que l'ampleur des événements qui s'en viennent, qui pointent à l'horizon nécessite que la réglementation et les actions terrain pour réduire les risques doivent sérieusement s'accélérer davantage.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Merci beaucoup, M. Bourque. Ceci met fin à votre exposé. Nous allons débuter une période d'échange avec la partie gouvernementale, et je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bourque. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Poursuivant sur vos derniers commentaires, bon, je ne crois pas que vous ayez eu le temps encore de faire une étude scientifique spécifique sur les inondations qui nous occupent, mais, néanmoins, êtes-vous raisonnablement confiant qu'il y ait un lien entre les changements climatiques et ce qu'on vit présentement, depuis quelques semaines?

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Bourque.

Une voix : Ah! la question qui tue.

M. Heurtel : Je l'ai souvent.

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, on a rapidement développé, avec certains collaborateurs de recherche, une liste de questions et réponses sur notre site Web, et, vous allez voir sur notre site, on dit que ce n'est pas l'événement classique attendu en lien avec les changements climatiques. Ce qu'on attendrait, avec les changements climatiques, c'est davantage des pluies abondantes en lien avec des orages violents pendant la saison estivale ou encore des canicules importantes, etc. Et là je dois vous avouer que, pour cet événement spécifique là, il y a un débat dans la communauté scientifique à savoir est-ce que le changement climatique joue un rôle majeur ou mineur dans ce type d'événement là, parce que présentement nos études nous disent qu'en moyenne, puis là c'est là qu'il faut faire bien attention, en moyenne, les crues printanières, au Québec, sur l'extrême sud du Québec, auront tendance à être devancées de quelques semaines et de diminuer, en moyenne.

Alors là où on ne sait pas et là où il faut faire davantage d'études, c'est par rapport aux extrêmes dans un nouveau régime climatique, au cours des prochaines décennies, parce qu'il est certainement possible que, bien que la moyenne diminue... Puis d'ailleurs, si vous regardez, au cours des 20, 30 dernières années, c'est ce qui s'est passé, la moyenne des crues printanières a eu tendance à diminuer. Mais il est bien possible, compte tenu que nos scénarios de changements climatiques pointent vers davantage de précipitations à l'automne, à l'hiver et au printemps, bien, que, dans des conditions très particulières où la température se serait quand même maintenue relativement sous zéro pendant la saison froide, bien, on arrive dans des conditions où on a le potentiel plus élevé d'avoir les événements plus marquants. Donc, il y a un potentiel, là, qui est là. Mais présentement, dans... je dirais que la science est encore à faire des études plus approfondies pour quantifier ce risque-là.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Bourque. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Est-ce qu'on pourrait dire, par exemple, la quantité abondante... Moi, ce que j'ai comme information, c'est que cet hiver on a eu beaucoup plus de neige que d'habitude, et comme beaucoup plus, on est dans des scénarios de 150 % et plus dans le nord du Québec, ce qui a contribué à l'abondance d'eau. Ce n'est pas seulement une question de précipitations, hein, qui cause la situation actuelle, bien que les précipitations, c'est un extrême, là, il y a eu un extrême météo en avril, mais la quantité de neige était très importante aussi. Alors, est-ce qu'on peut faire un lien entre ça et les changements climatiques?

M. Bourque (Alain) : Bien oui, c'est ça. Donc, comme je le mentionnais, le fait qu'avec nos scénarios de changements climatiques on appréhende des augmentations de précipitations pour les trois saisons précédant la fonte printanière... Je dirais que c'est à peu près ce qui s'est produit pendant cette année-ci. Puis, vous avez raison, dans le sud du Québec il y a plusieurs stations qui, à date, depuis le début de l'année, ont des records de précipitations, là. Donc, très clairement, il y a eu beaucoup de précipitations.

Je suis aussi d'accord avec le fait que l'événement de pluie qu'il y a eu ce fameux vendredi et samedi là n'était pas en soi impressionnant, mais ça faisait quelque chose comme le quatrième événement secondaire, si on peut dire, là, qui n'était pas si important que ça, qui s'ajoutait en plus sur une quantité de neige accumulée qui était particulièrement importante.

M. Heurtel : O.K. Alors, ramenons ça de plus près aux milieux humides. Alors, j'aimerais ça... parce que vous avez couvert énormément de terrain dans votre présentation, je l'apprécie, mais là, maintenant, au niveau... les services que nous rendent les milieux humides, par rapport à ce qu'on vit en matière d'inondations, j'aimerais ça, de votre point de vue... parce qu'on l'a entendu de plusieurs autres organismes, mais vous, d'un point de vue scientifique, et évidemment avec la lentille des changements climatiques, le rôle que jouent les milieux humides dans l'atténuation ou peut-être même, en certains cas, la prévention des impacts de ces crues importantes là qu'on vit.

Le Président (M. Iracà) : M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Oui. Bien, si on regarde en amont des bassins versants, les milieux humides permettent d'entreposer une certaine quantité d'eau qui ne va pas dévaler trop rapidement le bassin versant pour arriver vers la région de Montréal, par exemple, etc. Donc, ça, c'est un effet accumulateur. C'est pour ça qu'on parle souvent de l'effet tampon des milieux humides, parce qu'ils ont tendance à diminuer l'ampleur des extrêmes, tant l'extrême grande quantité de précipitations, d'apport en eau, que manque d'eau sur le bassin versant. Donc, ça absorbe à cet endroit-là.

Quand on s'en va plus en aval du bassin versant, bien, ce qu'on constate, c'est que les milieux humides sont souvent des zones tampons entre le système hydrique et la terre ferme et qui, donc, constituent une forme de lieu où on peut absorber une certaine partie des inondations. Et, naturellement, l'un des problèmes, c'est qu'au cours des années on a eu tendance à aménager le territoire afin d'exploiter au maximum cette surface-là pour pouvoir avoir, j'imagine, la plus belle vue sur le bord de l'eau possible, là, puis aller s'installer, faire du remblayage, etc., qui fait en sorte qu'en bout de ligne on se met à risque. Et naturellement, aussi, si on y pense, à plus grande échelle, le fait de transformer tous ces milieux humides là font en sorte qu'on change le comportement hydraulique de la rivière et on fait en sorte que les apports en eau sur l'ensemble du bassin versant arrivent beaucoup plus rapidement à son point final qu'ils ne l'auraient fait si on avait eu des milieux humides un peu partout sur le bassin versant. Alors, je ne sais pas si ça répond à...

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Bourque. M. le ministre. 16 minutes.

M. Heurtel : Oui, oui. Merci, M. le Président. Tout à fait, ça répond. Donc... Parce qu'évidemment on commence, bon, on commence, dans certaines régions du Québec, à voir les eaux reculer. Puis là on est dans l'accompagnement de nos concitoyens et concitoyennes, sur l'immédiat, là, se remettre debout après ces événements très, très, très difficiles. Mais la question qui nous attend très bientôt, c'est... On ne va pas ravoir ça dans 100 ans, on risque de revoir ça, malheureusement, bientôt. Vous êtes d'accord avec ça? Bon, je vois que vous hochez de la tête positivement. Le point, la question, c'est : Comment s'assurer, donc, qu'on tienne compte des milieux humides dans cette planification? Le projet de loi pose des gestes importants dans ce sens-là avec le principe zéro perte nette, l'intégration.

Mais vous amenez un concept très intéressant. Je crois que vous êtes les premiers, là, à vraiment chiffrer la valeur économique des services écologiques des milieux humides et hydriques. Vous évaluez ça... Et je vous cite, donc, je cite votre document : «Les valeurs économiques normalisées se situent dans une fourchette comprise entre 10 000 $ et 20 000 $ par hectare par an.» J'aimerais ça que vous élaboriez davantage sur comment vous arrivez à ce genre de chiffre là. Peut-être expliquer davantage la notion de valeur économique et le lien que vous faites entre cette valeur économique là et qu'est-ce qu'on doit faire, en termes de prévisions, sur comment on se prémunit pour l'avenir.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Oui. Alors, bien, là, mon premier défi ici, c'est que c'est surtout des chercheurs de l'Université de Sherbrooke qui ont travaillé avec nous pour faire le projet, donc, voyons, j'oublie son nom, Richard Fournier, Richard Fournier, de l'Université de Sherbrooke, qui a travaillé sur ce projet de loi, qui l'a piloté. Le premier truc qu'il faut dire et le premier truc que Richard dirait, c'est qu'ici c'est une étude de cas bien précise pour le bassin de la Yamaska, alors, et Bécancour, qui ont été deux bassins versants qui ont été étudiés. Et donc l'un des défis des analyses coût-bénéfice, justement, c'est que ça dépend des bassins versants, ça dépend du système, etc. Donc, ça, c'est un premier point important.

L'autre truc, naturellement, ici l'objectif du projet, c'était d'analyser tous les gains, pour ce bassin versant là, que les différents milieux humides pouvaient générer. Nous, dans notre perspective, ce n'était pas tant le chiffre en soi qui est important, quoique j'admets que, dès qu'on a des signes de dollar, ça a tendance à être bien perçu et devenir très intéressant à l'échelle locale, c'est plutôt de développer la recette sur comment intégrer dans des analyses économiques, que beaucoup de scientifiques trouvent trop classiques et qui n'incluent pas les coûts complets, les externalités, etc., les coûts pour la société de faire des transformations... c'est donc de développer la recette et certains guides, certaines premières évaluations qui pourront être potentiellement transposés pour mieux chiffrer ce que l'on dit fréquemment au niveau des services écologiques, mais pour lequel on a rarement des chiffres. Donc, c'était vraiment ça, notre objectif, de générer une première banque de données, de chiffres qui pourront être utilisés par la suite.

Puis, quand je mentionne qu'il faudrait poursuivre les efforts de recherche appliquée pour tenter d'avancer sur... pour développer des outils et des informations pertinentes, bien, ça, c'est un des exemples que je parle, là, c'est-à-dire de faire davantage d'études de cas pour se monter une belle banque de données, pour que, quand, par exemple, des promoteurs peuvent arriver et décider... et dire qu'ils veulent... qu'ils ont un très beau projet à proposer qui va permettre de faire ceci ou cela, endommager un écosystème naturel que nous on juge très pertinent... bien, qu'on puisse mettre à jour ces chiffres-là, inviter le promoteur à intégrer les coûts complets des impacts du projet pour peut-être constater, en bout de ligne, que le projet devrait peut-être même être carrément ailleurs si on veut que, pour la société, le bénéfice économique soit positif et non pas négatif.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Bourque. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Alors, est-ce qu'il est... J'en comprends qu'il faut poursuivre les recherches, que, là, on parle d'un cas de figure, mais, bon, prenant pour acquis qu'on va poursuivre les recherches, qu'on va poursuivre le développement de cette trajectoire, là, de recherche. Croyez-vous que ça devrait être intégré dans la formule de compensation qui est proposée, là, par le projet de loi? C'est-à-dire que, là, une des transformations majeures du projet de loi, c'est qu'on arrête de passer à une formule de compensation basée sur des terrains, de l'immobilier, là, c'est-à-dire, si on a fait un milieu humide, bien, il faut du trois pour un, du quatre pour un en terrains, mais plutôt on parle d'une formule financière qui tient compte de certains facteurs. Puis je comprends, là, vous n'avez pas pu, là, faire l'arrimage entre la formule qui est proposée par le projet de loi et la formule de la recherche qui a été faite par l'Université de Sherbrooke. Mais, avec ce que vous avez comme information présentement, pensez-vous qu'on devrait tenir compte de ce qui est proposé par la recherche dans l'élaboration de la formule de compensation?

M. Bourque (Alain) : Oui, avec... Oui, donc, ma réponse est oui, avec par contre le défi que, de compenser par un nouveau milieu humide ou par une valeur, il faut réussir à intégrer la pleine valeur d'un milieu humide mature versus une potentielle compensation, qui ne donnera probablement pas ou pas nécessairement une pleine compensation dans le temps, là. Mais, en gros, oui. La réponse est oui.

Le Président (M. Iracà) : Oui.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Ma dernière question avant de... Je crois que le député de Mégantic a des questions, M. le Président. Donc, dans notre planification, non seulement par rapport au projet de loi, d'y aller, bon par... on parle beaucoup d'y aller par bassin versant, mais, si on regarde les milieux humides, je veux encore... Par rapport aux inondations, à quel point est-ce essentiel, à votre avis, dans une planification moderne, sachant qu'on va avoir des extrêmes météos de plus en plus fréquents qui vont causer soit, d'un côté, une absence d'eau ou beaucoup trop d'eau, tout dépendant, mais on va être dans les extrêmes sur une base plus régulière... à quel point, selon vous, il est essentiel, là, de faire une planification intégrée par rapport à l'aménagement du territoire, par rapport à la planification par bassin versant, de s'assurer qu'au coeur de cette démarche-là, selon vous, les milieux humides sont essentiels? Je veux vraiment que... Je vous donne la chance, là... Non, mais c'est parce que c'est important qu'on ait l'apport scientifique. On a beaucoup de différents groupes qui viennent nous voir, représentant divers intérêts, mais là on a la science à l'état pur, là, devant nous, là. Je veux vraiment donner la chance de frapper fort sur la nécessité, surtout après ce qu'on vient de vivre, là, et ce qu'on vit encore, et ce qu'on vivra encore, la nécessité, le caractère essentiel de revoir notre planification et notre protection des milieux humides.

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, de tous les milieux écologiques, lorsqu'on regarde la littérature sur les services écologiques, les milieux humides sont ceux qui valent généralement le plus. Alors, je pense, c'est assez clair. C'est le milieu qui est, selon nous, prioritaire, le deuxième étant le milieu forestier, et puis on peut continuer ça, les milieux. C'est celui qui rend le plus de services écologiques pour une panoplie de choses.

Et donc, compte tenu, en plus, de la dégradation qu'il y a eu au cours des dernières décennies, c'est absolument majeur pour la suite des choses, en lien avec l'impact des changements climatiques et sur une variété de facteurs qu'on a déjà mentionnés... c'est vraiment, selon nous, là, déterminant que de maintenir ces systèmes-là.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Alors, M. le député de Mégantic, la parole est à vous pour des questions.

M. Bolduc : Merci. Bonjour, M. Bourque. En fait, rebonjour. Moi, j'ai une question qu'on a entendue précédemment et que j'ai entendue dernièrement, puis je voudrais savoir si vous avez un contexte pour supporter ces données-là. On nous dit que les milieux humides représenteraient, au Québec, des puits de carbone de plusieurs ordres de grandeur, plus grand que la forêt du Québec dans son entièreté. Est-ce que vous avez des données ou des références sur lesquelles on pourrait valider ce type de données là? Parce que, rien que par définition, ceci donne une valeur significative aux milieux humides.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Bourque, s'il vous plaît.

• (10 h 30) •

M. Bourque (Alain) : Alors, Ouranos, on travaille moins sur le bilan du carbone, le cycle du carbone, etc. Naturellement, c'est une donnée très importante, très fondamentale. J'aurais tendance à pointer vers certains spécialistes comme Michelle Garneau, de, voyons... de l'UQAM, l'Université du Québec à Montréal; Serge Payette aussi, de l'Université Laval, qui a fait beaucoup de travaux là-dessus; Nigel Roulet, de l'Université McGill. Donc, ils ont une bonne compréhension du bilan de carbone, et donc ces personnes-là seraient à même de valider les chiffres. Moi, je ne peux pas le faire, surtout qu'Ouranos ne travaille pas sur la question des puits de carbone en lien avec ces milieux-là. Clairement, c'en est un extrêmement important.

Par contre, ironiquement, pour les milieux humides, c'est que le fait, comme je le mentionnais, que dans le moyen nord du Québec, là... je ne sais jamais trop comment on nomme le nord du Québec de nos jours, là, mais, disons, dans le coin d'Umiujaq, au nord de Kuujjuaq, etc., c'est plein de marais, de milieux humides qui sont à moins 1 °C, la température sous le sol, et qui sont en train tranquillement de passer au-dessus de zéro, et donc qui vont faire en sorte que ces milieux humides là vont se réactiver et vont générer des gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies.

Donc, on est dans une situation un peu particulière où, pour le sud et pour les milieux humides qui sont... actuels, il y a un entreposage de carbone qui se fait, et, en parallèle, suite aux impacts des changements climatiques, il y a certains milieux humides qui étaient congelés et qui n'étaient pas tellement actifs qui vont redevenir actifs au cours des prochaines décennies puis qui vont contribuer à l'augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

M. Bolduc : Vous avez abondamment parlé aussi des milieux humides comme un inventaire d'eau... en fait, une espèce de coussin qui absorbe les intrants et qui relâche tout doucement, puis ça a pour effet de régulariser les débits, en fait, minimiser les extrêmes, en plus, et augmenter les minimums. Est-ce que vous avez des études là-dessus, qui nous démontrent cette corrélation-là entre la destruction des milieux humides et les extrêmes dans des bassins versants? Vous avez parlé, entre autres, de la Yamaska, la Bécancour, mais est-ce que cette corrélation-là a été établie?

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Bien là, je ne peux pas vous répondre... Bien, c'est sûr que, dans les projets que l'on a faits, pour bien évaluer les services écologiques, il y a certaines corrélations qui ont été faites. Mais je vois que votre question, elle pointe vraiment vers une association ou une corrélation directe entre un bassin versant... avec ou sans marais, etc. Il y a des outils qui existent, donc, des outils de modélisation hydrologique sur des bassins versants qui ont, par corrélation statistique, déterminé des facteurs. Et donc, oui, il y en a, d'une certaine façon.

Est-ce que, par contre, il y en a, des corrélations directes, pour certains bassins spécifiques? Ça, je suis moins certain. Mais c'est sûr que la littérature scientifique peut offrir des corrélations qui sont utilisées dans des simulateurs pour tenter de mieux représenter le débit de l'eau selon si c'est un bassin versant avec des milieux humides ou sans milieu humide, avec des facteurs de corrélation.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. M. le député de Mégantic, pour une période de trois minutes.

M. Bolduc : Merci. On a abondamment parlé, dans la rencontre précédente, des tourbières, la situation des tourbières que je qualifierais en dormance, là. Dans le sud du Québec, en tout cas, on en a beaucoup, de ces tourbières-là.

Est-ce que vous avez une opinion sur l'activité réelle de ces tourbières-là dans le contexte de puits de carbone puis d'absorption en comparaison avec quand on les transforme en production de canneberges? Puis est-ce que vous voyez un effet positif, négatif? Est-ce que vous avez une opinion sur cette espèce de développement là?

M. Bourque (Alain) : En fait, c'est une question trop spécifique, je ne pourrais pas vous répondre là-dessus.

M. Bolduc : Maintenant, quand vous nous parlez aussi de milieux humides et puis, j'en ai parlé précédemment, de plaines inondables, vous savez, la ligne devient grise à quelque part entre les deux.

Est-ce que vous avez, selon vous, une définition ou un contexte dans lequel on peut dire : La plaine inondable, finalement, c'est un milieu humide sec, ou je ne sais pas trop, là? Est-ce qu'il y a une continuité à travers cette étendue de spectre là où on part d'un lac à un milieu humide, à une plaine inondable? Puis est-ce qu'ils sont tous reliés ensemble de façon indissociable?

Le Président (M. Iracà) : Merci.

M. Bourque (Alain) : Alors, le concept de plaine inondable a été pas mal, en fait, développé par nous, là, pour essayer de gérer les risques d'inondation, etc. Les cartes de plaines inondables, souvent, elles datent quand même de plusieurs décennies, là, je pense, c'est dans les années 70, souvent, qu'on en a fait, et elles représentaient elles-mêmes un état du bassin versant x qui n'est clairement plus l'état du bassin versant de nos jours. Alors, moi, j'avoue que, dernièrement, toutes les discussions autour de la plaine inondable 0-20 ans puis 20-100 ans me fait beaucoup réfléchir, parce que, premièrement, est-ce que c'est réellement la récurrence réelle aujourd'hui, compte tenu des changements qu'il y a sur le bassin versant? J'ai des doutes. Mais encore plus, puis ça, à date, il n'y a vraiment personne qui en parle : dans un contexte de changements climatiques, la plaine inondable 0-20 ans, elle va changer dans le temps. L'hypothèse de base, pour les plaines inondables, c'est de dire que le climat des 100 dernières années est stable et stationnaire. On prend des données, on fait les statistiques puis on fait des lignes limites. Cette hypothèse-là, qui est assez fondamentale pour la détermination de plaine inondable, elle n'est plus valide, et donc il faut, puis ça, ça fait partie des projets que l'on veut développer... et puis il commence à y avoir des développements là-dessus, maintenant que les modèles climatiques et hydrologiques sont rendus bien meilleurs qu'avant, dans un contexte de changements climatiques... il faut donc intégrer le fait que les régimes de température et de précipitation là vont changer, et là — puis ce n'est pas pour simplifier les choses, là, dans la gestion des plaines inondables — et là arriver avec un concept de plaine inondable qui va être davantage dynamique et qui va refléter le fait que, dans 100 ans, les plaines inondables, au Québec, ne seront plus au même endroit qu'elles le sont aujourd'hui.

Alors, moi, j'aurais tendance à dire... Puis c'est drôle parce que je ne reste pas loin, personnellement, de la rivière des Prairies, là. Je ne suis pas dans le 0-20 ans ni dans le 20-100 ans. Si j'apprends que je suis dans le 0-200 ans, là, bien, moi, je pense que je vais être rendu dans le 50 ans d'ici quelques décennies, là, puis...

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Bourque. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons débuter un autre bloc d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, bonjour, M. Bourque. Merci beaucoup d'être ici. J'ai beaucoup de reconnaissance envers le travail que vous faites, vous et votre groupe, c'est extrêmement éclairant, particulièrement sur ce que vous nous présentez, là, quant à conserver des milieux humides pour réduire nos vulnérabilités aux changements climatiques, les enjeux reliés aux changements climatiques et l'importance des services écologiques dans un contexte de changements climatiques et d'adaptation, l'importance des milieux humides dans ce contexte-là, parce que ça ne paraît pas évident pour tout le monde. Il y a encore beaucoup de préjugés, je dirais, à l'égard des tourbières, que ça sent mauvais, que c'est des marécages, c'est de la bouette, bon, etc., là. Donc, je trouve ça extrêmement intéressant.

Je pense que mes collègues en ont parlé beaucoup, sur les liens entre les milieux humides et les changements climatiques. J'en prendrais encore, mais on a un travail de législateur, nous, à faire ici, puis il faut qu'on s'inspire et qu'on se colle, autant que faire se peut, à la science. Vous êtes là pour ça.

En fonction de ce que vous nous dites quant au rôle des milieux humides dans l'adaptation ou l'adaptabilité aux changements climatiques, et même dans les freins que ça peut apporter en termes de changements climatiques, est-ce que vous avez fait, je dirais, une lecture attentive de la définition qui nous est proposée dans le projet de loi n° 132 à l'article 46.0.1, qui est introduit par l'article 24 du projet de loi? Et, en fonction de ce que vous nous dites quant au rôle des milieux humides et les changements climatiques, est-ce que vous nous dites également que nous devons revoir ou adapter, si vous me permettez l'expression, cette définition-là en fonction du rôle précis des milieux humides dans les changements climatiques? Je ne sais pas si ma question est suffisamment claire à ce stade-ci.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Oui, bien, la question est suffisamment claire. Naturellement, je représente une organisation très multidisciplinaire, qui a de l'expertise à gauche et à droite dans toutes sortes de domaines. En plus, on travaille avec la communauté universitaire, puis il y a plein de spécialistes. Donc, moi, ici, mon défi, c'est souvent d'essayer de vulgariser puis de ramasser tout ça pour faire un message.

Alors, en gros, la définition des milieux humides qui est offerte là nous semblait la bonne. On trouvait que c'était une progression extrêmement intéressante de reconnaître spécifiquement plein de services écologiques rendus par ces écosystèmes-là, ce qui n'a pas tendance à être très bien reconnu. Comme vous l'avez mentionné vous-même, la perception autour des milieux humides a tendance à être parfois négative. Et donc on pense qu'il y a une évolution très intéressante sur ce front-là.

Alors donc, je ne sais pas, je pense que je réponds globalement à la question.

• (10 h 40) •

M. Gaudreault : En fait, bien clairement, là, dans la définition qui nous est proposée dans le projet de loi n° 132, devrions-nous inclure le rôle des milieux humides dans les changements climatiques, soit dans l'adaptabilité ou dans les causes ou les impacts?

M. Bourque (Alain) : Bien, oui, ça devrait être inclus. Mais, à partir du moment où on reconnaît que les milieux humides offrent des services écologiques de réduction, d'atténuation des extrêmes hydrologiques, d'amélioration de la qualité de l'eau, et etc., implicitement ça veut dire qu'on les considère dans la lutte aux changements climatiques, puisque les changements climatiques vont amener davantage d'extrêmes. Et donc on dit, dans le document, que les milieux humides ont l'une des fonctions intéressantes de réduire l'ampleur de ces extrêmes-là.

Bon, est-ce que ça peut être davantage mentionné pour être une stratégie de lutte spécifique en lien avec les changements climatiques? Oui, ça pourrait fort probablement être une bonification. Mais, tu sais, vous savez, même nous, les gens en adaptation aux changements climatiques, on n'aime même pas nous-mêmes le terme «adaptation» aux changements climatiques. Et donc on aime s'intégrer. On appelle ça, en anglais, là, dans la communauté scientifique, le «mainstreaming» de l'adaptation aux changements climatiques. Dans les politiques courantes, moi, de voir que, par exemple, on intègre les milieux humides dans les stratégies d'aménagement du territoire, dans les stratégies de développement économique, des trucs du genre, ça, c'est quelque chose qu'il faut absolument viser, plutôt que de créer une loi exclusivement spécifique à des milieux humides qui ne s'arrimerait pas aux autres lois fondamentales au développement socioéconomique du Québec. C'est ça qui nous tient particulièrement à coeur et qui nous apparaît prioritaire pour avoir des succès, là, pour avoir des retombées concrètes.

M. Gaudreault : Je voulais y venir, justement. Tout à l'heure, là, on y reviendra, parce que votre dernière recommandation est intéressante, mais, dans le projet de loi n° 132, le préambule mentionne dans un considérant, là : «Considérant l'apport fondamental des milieux associés à la ressource en eau, notamment quant à la [...] lutte contre les changements climatiques.» On pourrait peut-être aller plus loin pour spécifier sur les milieux humides, là, comme tels et leur rôle. Vous avez parlé, entre autres, de l'effet tampon, etc. On pourrait peut-être aller un peu plus loin, là, tout en étant quand même sensible à l'importance de vulgariser.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Oui, je suis d'accord. Puis je veux peut-être en profiter pour mettre l'emphase sur quelque chose d'autre aussi. Nous, dans notre perspective, cette notion de compensation devrait être un peu le dernier recours, là. Ce qui est particulièrement prioritaire, c'est la conservation de ce que l'on a, de ce que l'on a déjà, qui ne devrait absolument pas être touché, puisque ces écosystèmes-là, en plus, ils ont une certaine complexité, on ne sait pas tout de ces écosystèmes-là, mais ils sont là, ils sont efficaces et rendent des bons services écologiques. Ils sont absolument critiques à garder, encore une fois, comme je le disais, compte tenu de ce qui a été détruit, là, au cours des précédentes décennies avec le développement... Et les notions de compensation viennent par la suite, là, pour... Puis on le voit bien, hein, même nous dans certaines de nos études, surtout en foresterie. En foresterie, il y a eu quand même pas mal d'études, puis, tu sais, on reboise, il y a des stratégies de reboisement, etc., mais un des trucs qu'on constate, là, c'est que le taux de mortalité des arbres, une fois qu'on fait le reboisement, là, peut être assez élevé, et là, souvent, ça, on le manque peut-être un petit peu, là, dans le calcul, dans les stratégies de reboisement.

Je veux dire, on le voit même dans les milieux urbains. On a des stratégies pour planter des arbres, donc on a des stratégies pour planter 56 000 arbres, 100 000 arbres pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on a toute la bonne logique et la bonne justification de ce que la science dit. Par contre, si on retourne sur le terrain cinq ans plus tard, on réalise que le tiers des arbres sont morts ou des trucs du genre.

Ça fait qu'en bout de ligne il faut s'assurer de faire un suivi. Il faut bien réaliser que ce qu'on va mettre en place pour tenter de compenser ne sera pas un succès nécessairement éclatant et qu'il faudra donc l'intégrer dans tout ça.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Bourque. M. le député de Jonquière. Six minutes.

M. Gaudreault : Le taux de mortalité infantile des arbres est très élevé. Donc, vous nous dites de tenir compte de ça. Je suis d'accord.

M. Bourque (Alain) : Et il va évoluer avec les changements climatiques.

M. Gaudreault : En plus. Bon, je veux vous amener sur votre tout dernier picot, là, où vous insistez sur l'importance de la cohérence des actions aux échelles locales. Je comprends que vous ne voulez pas mettre le doigt sur les municipalités versus les OBV, etc., mais, de votre point de vue de scientifique, habitué, évidemment, avec Ouranos, de naviguer dans les mesures d'adaptation aux changements climatiques, etc., parlez-nous d'en quoi cette cohérence-là est donc importante, là, dans les différents acteurs sur le milieu qui sont interpelés dans la lutte contre les changements climatiques, dans l'adaptabilité ou l'adaptation aux changements climatiques. Et en quoi ça doit nous inspirer, là, dans la réflexion qu'on doit faire dans la modification ou la bonification du projet de loi n° 132?

M. Bourque (Alain) : Bien, en fait, je vais débuter en disant que ce dernier «bullet» là, il n'est pas là parce qu'Ouranos n'a pas le goût de se mouiller, c'est parce que ça interpelle vraiment davantage les sciences sociales, d'organisation de la société, etc. Et Ouranos, dans son approche multidisciplinaire, avec un spectre disciplinaire qui s'élargit avec le temps, va de plus en plus aborder les sciences sociales, dans le futur, et, oui, éventuellement on va davantage se prononcer, avec des experts de la gouvernance, etc., pour pouvoir essayer de regarder ce qui se fait ailleurs, par exemple, et déterminer : Voici un modèle intéressant de gouvernance qui intègre les différents défis d'échelle. Parce qu'un des défis de l'adaptation aux changements climatiques est justement un défi d'échelle. Souvent, les impacts, on le voit bien pendant les inondations, les impacts se vivent aux échelles locales, mais c'est parfois des décisions régionales, nationales ou même planétaires, là, qui dictent l'ampleur des impacts. Donc, il faut absolument regarder ce facteur d'échelle là.

Alors, nous, notre point ici, c'est surtout de dire que clairement il y a des choix de société là-dedans, en matière de comment est-ce qu'on veut gérer l'eau, comment qu'on veut gérer notre territoire, etc. Notre point ici, c'est de dire que, peu importe le choix de société que l'on fait, sur qui les rôles et les responsabilités des différentes organisations, il faut mettre l'emphase sur la complémentarité des différents acteurs et du fait que les acteurs doivent avancer ensemble dans un plan de match.

Alors, est-ce que c'est les municipalités... puis là moi, je n'ai pas pu m'empêcher de lire les articles de journaux qui ont sorti au cours des derniers jours, mais est-ce que c'est les municipalités, le gouvernement du Québec, ou le gouvernement du Canada, ou même les individus, là, les développeurs, etc.? Je pense que tout le monde a un rôle à jouer. Il faut trouver la structure pour...

Le Président (M. Plante) : M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, mais, c'est ça, j'ai le goût de vous dire, parce que le temps file... Mais mouillez-vous, justement, là. Si vous dites que vous voulez de plus en plus, avec Ouranos, intégrer les sciences sociales, nous, ça va nous éclairer, là. Parce que, là, on a beaucoup parlé de la complexité du territoire. Il y a un chevauchement des différentes limites, là, MRC, municipalités, organismes de bassin... les bassins versants, territoires de bassin versant. Là, on est sur une loi sur les milieux humides. On n'est pas sur une loi sur la décentralisation de pouvoirs municipaux, on est sur une loi sur les milieux humides. Est-ce que vous croyez que le territoire, le seul territoire qui devrait nous préoccuper, c'est celui des bassins versants?

Le Président (M. Plante) : M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Bien, scientifiquement parlant, c'est clair que la... une logique de gestion autour de l'unité du bassin versant fait plein de bon sens, là. Au niveau scientifique, au niveau de la gestion de l'eau, au niveau de la compréhension du système hydrique et de sa gestion de façon à minimiser les impacts négatifs puis optimiser les services rendus par les écosystèmes, c'est clair que l'unité bassin versant est une unité intégratrice qui devrait normalement rassembler tous les acteurs pour tenter de, comme je le disais, minimiser les risques et maximiser les retombées.

Alors, nous, à Ouranos, on a une structure de développement de priorités et de projets qui est très participative. On a beaucoup de comités de programmes, qui inclut les municipalités, les organismes de bassin versant, l'UPA, plein... toute une ribambelle d'organismes, afin de refléter les différents acteurs sur les bassins versants. Mais c'est clair que les organismes de bassins versants du Québec sont un, je pense, de nos acteurs privilégiés que l'on aimerait qu'ils jouent un rôle croissant, pas nécessairement dans un rôle de... rôles et responsabilités très précis, mais certainement et minimalement dans un fort rôle de concertation des différents acteurs pour pouvoir mieux planifier l'usage de l'eau, là.

Le Président (M. Plante) : M. le député de Jonquière, pour 1 min 30 s.

M. Gaudreault : Oui, une minute. Vous avez piqué ma curiosité en mentionnant, puis je ne sais pas si ça apparaît dans votre mémoire comme tel... La recherche et développement, là, sur les milieux humides, est-ce que vous nous dites que c'est insuffisant puis qu'il faut... Parlez-nous un peu plus de ça, là, parce que vous êtes dans ce secteur-là universitaire, la recherche et développement, l'innovation sur les milieux humides. Vous nous avez dit : Il faut soutenir davantage.

Le Président (M. Plante) : M. Bourque.

• (10 h 50) •

M. Bourque (Alain) : Bien, pour les milieux humides spécifiquement, je ne pourrais pas vous dire, parce que je ne sais pas l'ampleur, la vigueur de la recherche là-dessus. Moi, je parlais surtout, en particulier de la recherche autour de l'adaptation aux changements climatiques.

Puis à chaque fois qu'on me pose la question : Est-ce que vous avez assez de ressources pour faire de la recherche?, bon, premièrement, l'attrape, là, c'est qu'on demande à un chercheur s'il a assez d'argent pour faire des projets, là, je veux dire, c'est clair qu'on va vous dire qu'on n'en a pas assez. Mais le point, par contre, c'est que, tu sais, c'est sûr que le Québec est une législation qui a mis quand même particulièrement... pas mal plus d'efforts que les voisins en Amérique du Nord en matière de changements climatiques et même d'adaptation aux changements climatiques, sauf qu'on regarde quand même, là, l'ampleur de ce qui s'en vient, et ça nous semble honnêtement insuffisant, là. Je pense qu'il faut en faire plus. Je veux dire, vous m'avez probablement entendu, là, par rapport aux plaines inondables, par rapport à ceci, par rapport à cela. C'est clair qu'il y a beaucoup plus à faire pour bien anticiper les risques et...

Le Président (M. Plante) : Merci beaucoup, M. Bourque. Le temps imparti à l'opposition officielle est maintenant terminé. Je cède maintenant la parole à M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous à l'Assemblée nationale. Toujours un plaisir de vous revoir.

Vous savez, vous avez parlé un peu de la réactivation des milieux humides, tout à l'heure, puis on parlait, avec la dernière question du député de Jonquière, aussi du milieu universitaire, ça fait que je veux vous amener au niveau des cartographies puis la nécessité de savoir... Est-ce qu'on devrait réfléchir à avoir une certaine cartographie de façon périodique, ne serait-ce que pour des besoins universitaires ou pour refléter la réactivation des milieux humides?

M. Bourque (Alain) : Bien, écoutez, la communauté de la recherche en général vous dirait que, oui, il faut davantage de cartographie. Ouranos, nous, tu sais, on est un organisme à but non lucratif qui est à mi-chemin entre le monde universitaire puis les acteurs, les preneurs de décision, ceux qui développent les politiques, et personnellement on a tendance à avoir une position un peu plus modérée, parce qu'à un moment donné ce n'est pas réaliste de croire qu'on va tout cartographier tout le temps avec des mises à jour à tous les cinq ans, ce n'est pas non plus tellement réaliste.

Ce qui est possible, par contre, c'est, oui, de faire des exercices de cartographie ponctuels ou dans le cadre de projets et de trouver des moyens de généraliser ces informations-là pour faire des interpolations et obtenir une information qui ne sera pas telle quelle les observations sur le terrain, mais qui permette au moins d'avoir une bonne connaissance, ne serait-ce qu'une évaluation raisonnable de tout ce qui est présent comme milieux humides ou comme n'importe quelle caractéristique, d'ailleurs, l'état des choses.

Alors, nous, on pense qu'il devrait y avoir davantage d'efforts faits en ce sens-là. Il faut quand même, donc, modérer un peu ses ardeurs et ne pas penser à tout cartographier tout le temps, surtout pour un territoire comme le Québec, là. Ce n'est pas comme États-Unis. Lorsqu'on regarde toutes les cartographies qui se font aux États-Unis, et qui font rêver la majorité des scientifiques au Québec, ce n'est pas réaliste de penser à ça au Québec. Donc, il peut exister des façons, là, pour cartographier plus efficacement et comprendre.

Le Président (M. Plante) : M. le député de Masson.

M. Lemay : Lorsque vous parlez, là, d'exercice ponctuel, là, je peux prendre comme exemple... Vous avez cité ici le rapport qui a été fait en 2013 par Fournier, les Outils d'analyses hydrologique, économique et spatiale des services écologiques procurés par les milieux humides des basses terres du Saint-Laurent, notamment pour l'OBV de Yamaska. Ça peut être un exemple, là, de projet typique pour lequel on pourrait, après ça, extrapoler pour l'ensemble du territoire.

M. Bourque (Alain) : Oui. Puis vous me donnez l'opportunité de dire quelque chose. Nous, un truc, on trouve, qui est passablement problématique, au Québec, c'est qu'il y a de la science qui se développe, il y a des nouveaux outils qui se développent, puis on constate que le monde de la consultation, les firmes de génie-conseil, etc., semblent avoir pas mal de difficultés à intégrer cette nouvelle science là et ces innovations-là. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de projets scientifiques que l'on a faits où parfois on fait appel à des firmes de génie-conseil pour nous faire des évaluations ponctuelles, etc., et on nous propose souvent des méthodes, là, qui datent un peu d'une autre époque, où on n'utilise pas pleinement les connaissances scientifiques et la science de disponibles, à l'intérieur de ces firmes de génie là, qui font en sorte que parfois on trouve que l'un des points importants à aborder, c'est l'innovation à l'intérieur de ces firmes-là.

Je ne sais pas si c'est à cause des procédures d'appel à projets, où c'est le plus bas soumissionnaire, qui ont déstimulé les firmes de génie-conseil à faire de l'innovation, mais il y a même certains cas, là, ce n'est pas des blagues, où on a dû faire appel à des firmes ontariennes pour pouvoir faire des projets, parce qu'on sentait, là, que, dans le milieu des firmes québécoises, les compétences n'étaient pas vraiment là. Puis ça, je pense, ça pose un petit peu problème pour la suite des choses. Il faut vraiment réussir à générer ce transfert d'information, ce transfert de technologie là vers les firmes.

Le Président (M. Plante) : M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci. M. Bourque, vous avez parlé... bien, je ne sais pas, vous avez parlé des plaines inondables, tout à l'heure, mais je comprends... je voudrais juste savoir... Est-ce que Ouranos, en tant que tel, aurait une opinion sur ce qui devrait être fait de la gestion des milieux humides en terre agricole, tu sais, est-ce que vous auriez un peu des bonnes pratiques de gestion à recommander?

M. Bourque (Alain) : Bien, écoutez, je suis convaincu que, dans les références qui sont indiquées là, il y en a plein, là, mais moi, je ne me lancerais pas, là, à essayer de me rappeler ou d'improviser ce qui a été dit dans les rapports.

Le Président (M. Plante) : M. le député de Masson.

M. Lemay : C'est bien correct. Et puis, si on fait un lien avec... Tout à l'heure, vous avez aussi fait mention que, quand il y a compensation de milieu humide, on a peut-être une problématique au niveau du suivi. Puis, moi, ce qui me préoccupe, c'est... Puis vous avez parlé des plantations d'arbres, entre autres, là, tu sais, puis qu'il pouvait y avoir des problématiques là-dessus. J'aimerais vous entendre davantage, parce que ça me préoccupe, puis je veux juste m'assurer... Selon vous, ce serait quoi, la meilleure... Est-ce qu'on devrait, justement, avoir un suivi systématique, plus efficace ou plus encadré? Ça devrait-u faire partie des règlements, par exemple, ou être inclus dans le projet de loi? Je ne sais pas, je pense... Est-ce qu'on devrait plutôt encadrer comment on doit faire le suivi lorsqu'il y a compensation?

Le Président (M. Plante) : M. Bourque.

M. Bourque (Alain) : Bien, honnêtement, je pense que oui, là, parce que, si on veut s'assurer que la compensation est bel et bien une compensation, avec le même horizon-temps que le milieu naturel d'origine aurait fait, je veux dire, il faut absolument, à mes yeux, en tout cas à nos yeux, là, faire un suivi pour s'assurer de maintenir les services, le plan de match qu'on avait initialement promis.

Nous, notre expérience, dans le constat de plein d'études historiques, etc., c'est qu'en général on a tendance à être trop optimiste par rapport aux résultats réels de ce qu'on avait anticipé. Ça ne se déroule pas toujours comme prévu, on comprend parfois mal le système, et, en fait, comme dans le dossier des changements climatiques en général, même les scientifiques ont tendance à être trop conservateurs, et ça a tendance à se dérouler un peu moins bien qu'on l'anticipe, là, à chaque fois, là. Et donc il faut trouver un moyen pour bien mesurer ça, pour pouvoir réagir au fur et à mesure qu'on le veut.

D'ailleurs, ce serait intrigant de savoir si toutes les différentes mesures de compensation vont aussi pouvoir durer avec les changements climatiques. Nous-mêmes, on a une forêt expérimentale où on suit des arbres, on les asperge de précipitations sur des scénarios de changements climatiques, etc., puis l'été dernier on a perdu une partie de notre forêt, qui s'est fait dévaster par des bestioles qui sont venues infester les arbres, etc. Ça fait que ça affecte même la science puis nos sites d'étude, là. Puis c'est arrivé aux États-Unis, alors, un site légendaire qui était réputé pour un suivi depuis 50 ans, que tous les arbres sont morts de sécheresse, là. Je veux dire, ça nous arrive aussi à nous, les scientifiques.

Le Président (M. Plante) : M. le député de Masson, pour deux minutes.

M. Lemay : Bien sûr. En restant dans les possibles réglementations qui pourraient découler de ce projet de loi là, on pourrait aussi voir... Vous avez mentionné aussi, tout à l'heure, puis vous le mentionnez dans votre avis, là, je pense, c'est au tout début, comme quoi que les milieux humides, ils agissent comme un effet tampon, puis il y a aussi le Réseau Environnement qui est venu nous parler de cette notion de zone tampon en commission parlementaire, la semaine dernière, puis ils nous mentionnaient que, selon eux, ça devrait être inclus dans les règlements. Donc, vous, est-ce que vous croyez qu'on devrait inclure la notion de zone tampon dans les règlements ou dans le plan directeur de l'eau? Je ne sais pas, est-ce que vous voyez une place, justement, pour ces zones tampons dans le projet de loi?

• (11 heures) •

M. Bourque (Alain) : Bien, n'étant pas un législateur moi-même, là, et un expert dans ce domaine-là, je ne suis pas certain de comprendre l'implication de l'inclure explicitement, cette notion de zone tampon là. Mais c'est clair que le résultat final, peu importe si c'est inclus ou pas, doit effectivement garder ce rôle de zone tampon là des milieux humides.

Si on parle de zone tampon spatiale, par exemple, je veux dire, le long des côtes, à l'est de Québec, tout le long de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent, sont vraiment un exemple remarquable, là, il y a présentement plein de milieux humides qui sont là. Et nous, on a fait un projet en lien avec les gens de l'UQAR, en lien avec le «coastal squeeze». Alors, d'un côté, tu as le développement urbain qui s'approche toujours de plus en plus des zones côtières puis, de l'autre côté, tu as de moins en moins de glaces protectrices puis le rehaussement du niveau de la mer qui agit. Et donc souvent on a ces écosystèmes-là qui n'ont plus la flexibilité et les dimensions requises pour se développer. Et donc ce qu'on dit, c'est : Il faut arrêter ce développement-là qui s'approche des zones côtières pour laisser la nature gérer une partie de la problématique d'érosion côtière.

Puis, en passant, il est bien possible que, certains de ces marais-là, il y en ait même plusieurs, dans 50 ans, qui ne seront plus là, ils ne seront même plus là. Puis moi, parfois, je dis même aux gens : O.K. pour les conserver, là, mais faites-vous pas d'illusion; dans 50 ans, ils ne seront plus là, ils vont avoir été engloutis par le rehaussement du niveau de la mer. Mais d'ici là ils auront limité l'érosion et ils auront donné des services écologiques pendant quelques décennies.

Le Président (M. Plante) : Merci beaucoup, M. Bourque. C'est ce qui mettait fin au temps qui était imparti à nos échanges. Je vous remercie de votre contribution.

Et je vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe, l'Association des biologistes du Québec, de s'installer. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 4)

Le Président (M. Plante) : Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants des biologistes du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite nous procéderons à des échanges avec les parlementaires. Donc, vous pouvez commencer.

Association des biologistes du Québec (ABQ)

Mme d'Auteuil (Chantal) : Merci beaucoup, M. le Président... enfin, représentant du président. Mme la commissaire, MM. les commissaires, M. le ministre, merci beaucoup de nous avoir invités à cette consultation particulière sur un important projet de loi pour nous, le projet de loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques.

Alors, je me présente : je suis Chantal d'Auteuil, la directrice générale de l'Association des biologistes du Québec. À ma droite, Mme Kim Marineau, qui est consultante en écologie et en botanique, et, à ma gauche, M. Benoit Limoges, qui est consultant en biodiversité et en services écologiques. Alors, je pense que je suis bien entourée.

Nous allons commencer par féliciter le gouvernement et M. le ministre Heurtel de proposer un projet de loi qui va permettre de mieux encadrer la gestion des milieux humides au Québec. Comme on le sait, depuis plusieurs années, on n'a pas à vous le répéter, on a perdu des superficies très importantes de milieux humides, en particulier dans le sud du Québec, pour différentes raisons, que ce soit du développement résidentiel, agricole, forestier, des transports et tout. On ne peut pas revenir en arrière, alors nous allons aller de l'avant. Et nous croyons que ce projet de loi fait, évidemment, un grand pas vers l'avant pour la protection des milieux humides et des milieux hydriques au Québec.

Pour ce qui est de notre premier enjeu — nous allons vous présenter les enjeux, donc, les recommandations de l'association — l'enjeu important, c'est aucune perte nette de milieux humides et hydriques, qui est très important dans ce projet de loi. Alors, comme recommandation, l'ABQ recommande que les évaluations des milieux humides reposent toujours sur une approche scientifique, en utilisant un indice de quantité représentant la qualité des milieux humides et hydriques, afin d'adopter des ratios de compensation qui tiennent compte de l'importance des milieux humides et hydriques perdus en termes de services écologiques ainsi que de la difficulté technique et au risque d'échec associé à la création de certains types de milieux humides et hydriques.

En effet, on sait que c'est très difficile d'évaluer la qualité des milieux humides et hydriques, on vous en a sûrement déjà parlé. Au niveau d'aucune perte nette de milieux humides et hydriques, M. Benoit Limoges pourra vous détailler une méthode de calcul qu'il a présentée en annexe de notre mémoire, tout à l'heure.

Ce qu'on aurait aimé, par contre, c'est que cet objectif d'aucune perte nette de milieux humides et hydriques soit chapeauté par un principe d'aucune perte nette de biodiversité. Alors, selon nous, ça pourrait faire l'objet, par exemple, d'une recommandation auprès du gouvernement, pour que ce principe-là puisse s'appliquer à différentes lois et puisse chapeauter le aucune perte nette de milieux humides et hydriques.

Au niveau des ratios de compensation, l'important, c'est d'évaluer la qualité du milieu qui est perdu de façon à reproduire... si on ne peut pas reproduire un milieu de même qualité, d'en avoir une superficie qui est augmentée pour bien compenser la qualité du milieu humide qui est perdu. Puis il y a certains, évidemment, risques d'échec associés à la création des milieux humides parce qu'il y a des risques au niveau technique et au niveau de l'efficacité et la qualité de ces milieux-là.

Maintenant, si on passe à notre section sur la gestion et les différentes responsabilités, la recommandation 2, l'ABQ demande à ce que la nouvelle loi sur les milieux humides et hydriques assure une protection réelle et pérenne des milieux humides et hydriques basée sur une gestion intégrée par bassin versant et non pas seulement par des plans régionaux de milieux humides et hydriques afin d'assurer les fonctions hydrologiques permettant une conservation des nappes phréatiques, du réseau hydrographique en place ainsi que des écosystèmes qui en dépendent.

En effet, on sait qu'au niveau des réseaux hydrographiques, incluant les milieux humides, tout est relié. Les eaux souterraines alimentent les cours d'eau, les milieux humides rechargent les nappes phréatiques. Et tout ceci se déroule sur l'ensemble d'un territoire d'un bassin versant qui est limité par la ligne de partage des eaux.

C'est sûr qu'au niveau, comme on va le voir tantôt, des plans régionaux, c'est important de faire des plans régionaux, mais nous pensons qu'il devrait y avoir une coordination au niveau du bassin versant. Et on a compris que le rôle des organismes de bassin versant était un rôle de consultation, alors que nous aurions peut-être recommandé que ce soit plus un rôle de collaboration, pour la réalisation des plans régionaux de milieux humides et hydriques, comme nous allons le voir.

Au niveau, maintenant, de ces plans régionaux, notre recommandation, c'est que les plans régionaux devraient être réalisés par des biologistes, inclure l'identification des mesures de protection des milieux humides et hydriques dans le bassin versant et déterminer des zones de protection adéquates pour chacun de ces milieux hydriques et humides là.

• (11 h 10) •

Si on regarde ce qui est demandé dans le plan régional réalisé par soit les MRC ou les municipalités, que ce soit... l'identification des milieux humides, ça va, mais, présentant un intérêt particulier pour la conservation, ça doit être déterminé par des spécialistes, comme vous vous en doutez, améliorer l'état et les fonctions écologiques des milieux humides et hydriques, des mesures d'encadrement, identifier les milieux sur le territoire présentant un potentiel pour la création de milieux humides et hydriques. Ça, c'est au niveau technique. Il peut y avoir des risques importants. Évidemment, quand on crée des zones qui ne sont pas vraiment utilisées, c'est une perte d'argent importante, etc. Donc, ce plan-là est basé sur des considérations biologiques très importantes, et nous croyons que des biologistes devraient être impliqués directement dans l'élaboration de ces différents plans là. Et nous souhaitons que les municipalités et les MRC puissent avoir les ressources humaines nécessaires, évidemment, pour réaliser ces plans régionaux.

L'ABQ, recommandation 4, se dit prête à collaborer à la réalisation de guides, de lignes directrices, de critères d'évaluation de qualité ainsi que de modalités réglementaires qui découleront de la mise en oeuvre de la loi afin d'assurer l'atteinte de l'objectif d'aucune perte nette de milieu humide et hydrique par le gouvernement. En fait, nous considérons que peut-être juste de fournir un guide pratique pour élaborer ces plans régionaux de milieux humides et hydriques, ce ne sera pas suffisant. Il faudrait des directives plus précises, des définitions claires au niveau des différents critères, même aussi des caractérisations, là, des différents spécialistes qui vont participer à l'élaboration de ces plans régionaux, parce que ce ne sera pas fait juste par un seul type de spécialistes, que ce soient des biologistes ou autres, là, mais par une équipe multidisciplinaire sûrement. Alors, l'ABQ peut effectivement aider le gouvernement à participer à la mise en place de ces différentes règles. Et peut-être que Mme Kim Marineau pourra vous en parler, par rapport à la caractérisation. Elle est spécialiste de caractérisation et d'évaluation de milieux humides.

Pour ce qui est de notre recommandation 5, maintenant, c'est sur le programme de compensation. Alors, les compensations devront être permises seulement dans les cas où les projets ne peuvent absolument pas être déplacés — alors, pour nous, c'est important, là, que les compensations ne soient pas effectuées pour tout l'ensemble des projets — et dans le cas où les milieux humides et hydriques affectés n'ont pas une grande valeur écologique, tel qu'évalué par un biologiste, et que les promoteurs demeurent responsables de s'assurer du succès des mesures de compensation. Donc, on a considéré qu'effectivement, au niveau de la compensation, il ne faut pas déresponsabiliser les promoteurs en disant simplement : Bon, nous allons détruire un milieu humide, nous allons payer la compensation, et d'autres personnes feront la réalisation des travaux. Si ça ne fonctionne pas, est-ce que le promoteur est encore responsable ou non au niveau de cette compensation-là?

Et, pour terminer, sur le rôle du biologiste, notre recommandation 6 — on pourra la détailler tout à l'heure — l'ABQ recommande fortement que seuls les biologistes ayant les connaissances suffisantes et les aptitudes reliées à la reconnaissance, la caractérisation et la délimitation des milieux hydriques et humides soient autorisés à effectuer de tels travaux ainsi que la réalisation et le suivi des mesures de restauration et de création de milieux humides et hydriques. Parce qu'on sait que, même au niveau des biologistes, il y a eu des erreurs, dans le passé, il y a eu des milieux qui ont été créés qui n'ont pas fonctionné. C'est un domaine qui est en voie d'expansion, c'est évidemment un domaine qui va prendre de l'expansion avec le projet de loi en question, mais il faut s'assurer que la compétence soit là au niveau des biologistes qui vont travailler sur ce dossier-là. Et qui va établir cette compétence? En fait, la compétence en biologie n'est pas encadrée au niveau professionnel encore, au Québec. Alors, c'était notre préoccupation par rapport au rôle du biologiste.

Pour ce qui est de la suite de notre mémoire, nous avons effectivement fait une analyse de chacune des lois qui allaient être modifiées par le présent projet de loi sur les milieux humides et hydriques, ce qui est quand même assez complexe. Et je crois que nous avons soulevé les points, dans notre introduction, dans notre sommaire, là, qu'on retrouve dans la description, là, qui suit. Je vous remercie.

Le Président (M. Plante) : Merci beaucoup, Mme d'Auteuil. Donc, nous allons procéder maintenant avec des échanges. Nous allons débuter avec le bloc du gouvernement. Alors, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames monsieur. Merci beaucoup pour votre présentation ainsi que votre mémoire et votre contribution, là, à tout ce processus-là. Vous avez participé aux préconsultations, vous avez été très actifs. Je vous en remercie.

Sur la définition de milieu humide et hydrique dans le projet de loi, j'aimerais vos commentaires, plus spécifiquement, là. Je sais que vous avez tracé un vaste tableau, vous aviez beaucoup de choses à dire, mais, si on pouvait approfondir, vous, comment vous voyez la définition qui est proposée dans le projet de loi?

Mme d'Auteuil (Chantal) : Les définitions sont toujours un peu réductrices. Mais je vais laisser la parole à Mme Marineau, qui a traité plus spécifiquement de ce sujet.

Mme Marineau (Kim) : Globalement, ça ressemble à qu'est-ce qui existait déjà. Donc, il n'y a rien de nouveau. Il nous semble peut-être y avoir l'oubli des prairies humides, là. Les prairies humides sont quand même un des types de milieux humides qui existent au Québec. Dans le contexte, justement, des changements climatiques, nous, on n'aborde pas tellement ce sujet-là à l'intérieur de notre mémoire, on savait qu'il y avait Ouranos qui était là, etc., mais il faut comprendre qu'il faut être assez global dans l'intégration de tous les types de milieux humides qui existent au Québec.

Peut-être que le législateur s'est dit que les prairies humides étaient incluses à l'intérieur des marais, par exemple. C'est des petits trucs de typologie. Les biologistes, entre nous, on a chacun notre vision de ça. Mais effectivement on veut être certains que, dans cette définition-là, ce soit très intégré, que tous les types sont pris en compte, compte tenu du fait qu'on n'aura pas nécessairement une protection, justement, des zones tampons, tout ce qui est bandes riveraines, zones tampons.

Vous savez qu'une goutte d'eau qui tombe sur le Québec, elle ne tombe pas nécessairement dans un milieu humide d'un coup, elle peut arriver dans la forêt à côté, dans le milieu agricole à côté, s'en aller dans le ruisseau ou le milieu humide éventuellement. Donc, c'est important d'être assez large dans la protection qu'on va vouloir accorder à certains milieux qui seront, évidemment, concertés, si on comprend bien, dans les organismes de bassin versant ou les tables qui seront mises en place.

Donc, c'est sûr que, nous, notre vision, c'est très écosystémique. On pense qu'on ne peut pas juste dire : On conserve juste les milieux humides, au Québec, ça va bien marcher. Ça ne marchera pas, O.K., parce que, globalement, le territoire capte une quantité d'eau, puis il faut recharger nos... Il y a beaucoup de job à faire pour ces milieux humides là. Il faut recharger les nappes phréatiques, il faut recharger les cours d'eau, il faut dépolluer l'eau.

Puis ça, c'est pour quoi? Ce n'est pas juste pour les grenouilles, c'est aussi pour les humains, pour la qualité de l'eau puis la quantité d'eau, puisqu'on s'attend à ce qu'il y ait des fluctuations importantes au niveau de la pluviométrie dans les prochaines années, dans ce siècle-ci.

Le Président (M. Plante) : M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Au niveau de... J'ai entendu, dans votre présentation, vous avez parlé... puis ça, c'était en lien, je crois, aussi à la compensation, là, l'importance de tenir compte de l'importance des milieux humides, les services qui sont rendus par les milieux humides. Puis là vous avez parlé de difficultés techniques qui sont liées aux milieux humides.

Un des objectifs du projet de loi, c'est de remédier à une situation qui faisait en sorte qu'on avait un problème majeur de prévisibilité, dans le régime... Le régime actuel a beaucoup de problèmes, ça, il y a consensus là-dessus, mais un des grands problèmes, c'était la question de prévisibilité. C'était très difficile de pouvoir savoir où on pouvait s'en tenir par rapport à un projet.

Et ça, je n'exclus pas, là... je ne veux pas minimiser l'importance du principe de commencer par éviter, puis après ça minimiser, puis là, si les deux premiers ne peuvent se faire, comme vous le dites, bien, là, de penser à compenser, mais, dans le contexte de la compensation, je n'ai pas eu le temps, là, de parcourir l'ensemble de votre mémoire, mais j'aimerais ça encore approfondir la notion de la formule de compensation. Comment... C'est parce que c'est bien beau en termes généraux, tout ça, mais il faut être capable... Puis, bon, au risque d'être réducteur, malheureusement on n'a que les mots comme outil, comme législateurs. Comment intégrer cela?

Vous voyez, Ouranos a commencé des travaux, il y a des projets, mais ils ne sont encore pas assez avancés pour en faire une règle comme telle, mais de tenter de quantifier le service économique dans les milieux humides. Mais, vous, de votre côté, comment intégrer ça de sorte qu'on puisse avoir une certaine forme de prévisibilité? Comment on définit ces termes-là? Comment on les quantifie, ces termes-là?

Mme d'Auteuil (Chantal) : Vous voulez dire pour un promoteur, quand il y a un projet dans un milieu?

M. Heurtel : Pour un promoteur, pour une municipalité, pour vous, pour n'importe qui. C'est parce que, si on se dit... Tu sais, quand on parle de l'importance du milieu humide, des services qu'ils rendent, des difficultés techniques, comment on quantifie ça? C'est ça, mon défi, là.

Mme d'Auteuil (Chantal) : Oui, c'est un beau défi. Et je vais passer la parole à M. Benoit Limoges, qui est spécialiste du domaine.

• (11 h 20) •

M. Limoges (Benoit) : Bonjour. Je comprends que, pour les promoteurs, c'est important d'avoir une voie balisée pour qu'ils puissent planifier leur développement, etc., mais ce qui nous inquiète un petit peu, nous, dans le projet de loi, tel qu'il est rédigé en ce moment, c'est que le promoteur qui doit détruire un milieu humide, il ne peut pas éviter, il ne peut pas minimiser, il doit le détruire, il doit le compenser, alors, on lui demande de payer un certain montant d'argent, avec une formule sur laquelle je reviendrai tout à l'heure, mais, à partir de ce moment-là, il est comme dégagé de toute responsabilité. Et là cet argent-là va dans un fonds qui est dédié à la restauration, etc.

Mais, si on regarde sur la scène internationale, ce qu'on voit... j'ai eu la chance de travailler dans différents projets de compensation à l'étranger, puis on voit que le promoteur, il n'est jamais complètement déresponsabilisé. On voit qu'il y a souvent des contrats qu'on appelle triangulaires, c'est-à-dire qu'il y a un contrat entre le promoteur qui détruit un milieu humide, et le gouvernement, et celui qui va recréer ou restaurer le milieu humide.

Alors, ce contrat-là triangulaire, dans le projet de loi, il est comme... il n'est pas présent, c'est vraiment le gouvernement qui prend à sa charge la responsabilité de recréer éventuellement un milieu humide. Et là, au bout du compte, il va y avoir un bilan, il va y avoir un programme qui va être mis en place pour recréer le milieu humide. Tout ça, c'est bien beau. Mais, au bout du compte, au bout de 10 ans, on va avoir un bilan. Et est-ce qu'on aura réellement réussi à compenser la perte ou non? On ne le sait pas. C'est juste dans 10 ans qu'on va le savoir. Le promoteur, lui, ça fait longtemps qu'il a fait son projet, qu'il est passé à autre chose.

Nous, on pense qu'on doit garder une certaine façon de responsabiliser le promoteur pour s'assurer que, si ça ne marche pas, la compensation, ou quoi, bien, il soit encore responsable. Et puis cette responsabilité-là, elle est nécessaire parce que, vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure avec M. Bourque, la restauration d'un milieu humide ou la création d'un milieu humide ou milieu hydrique est encore à ses balbutiements, hein, on commence à faire ça, et les projets qu'on peut voir, de compensation, qui ont lieu en ce moment, de création de milieux humides, des fois c'est un peu décevant. Bon, les biologistes et les autres, on travaille à améliorer la qualité des milieux qu'on recrée, qu'on restaure, mais je pense que, là, il y a vraiment un axe de recherche, un axe de développement à mettre en place.

C'est pour ça que, si on tombe dans le calcul puis la façon, là, de compenser, vous avez introduit dans la méthode de calcul un ratio, un ratio R, là, qui peut être égal à... entre 1 ou 2. 1, c'est pour les zones où est-ce que c'est moins prioritaire, puis 2, donc, on double deux fois, on demande le double de la superficie pour les projets qui compensent des milieux humides, qui sont dans les régions métropolitaines, par exemple. Ça, c'est très bien. Encore une fois, si on regarde sur la scène internationale les bonnes pratiques en matière de compensation, le ratio est augmenté dans trois cas, dans le cas où il y a une rareté ou il y a un plan national comme, par exemple, celui que vous utilisez, mais, dans les deux autres cas, il y a deux cas où le ratio pourrait être augmenté, et justement c'est quand on a des grands risques d'échec.

Par exemple, si on veut recréer une tourbière, on sait que recréer une tourbière ou restaurer une tourbière, c'est très difficile, alors il faut augmenter le ratio, parce que, si on veut compenser 10 hectares de tourbière puis on essaie de compenser juste par 10 hectares de tourbière restaurée, bien, on risque d'avoir des problèmes puis on risque d'avoir des pertes au bout du compte. Ça fait qu'il faut avoir un ratio qui va dire : On va restaurer 30 hectares de tourbière, pour être sûr qu'au bout du compte, malgré les échecs, malgré les difficultés techniques, on arrive avec zéro perte nette, hein, c'est toujours dans l'optique qu'on réussisse à avoir zéro perte nette. Donc, ce ratio-là, d'après nous, il devrait être modulé en fonction du risque associé au type de création... aux difficultés techniques de création de différents milieux humides.

Et la deuxième raison — puis je termine avec ça — la deuxième raison pour laquelle le ratio devrait être augmenté, c'est quand un milieu humide génère beaucoup de services écologiques. Et là on tombe vraiment dans le sujet d'actualité qui est les inondations. Si vous avez un milieu humide, par exemple, de 100 hectares qui est détruit, à ce moment-là il ne peut pas générer ses services écologiques. S'il n'y a pas beaucoup de services écologiques, ce n'est pas grave, mais, s'il génère beaucoup de services écologiques, pendant toute la période où ce milieu-là va être détruit, parce qu'on sait qu'il ne sera pas remplacé tout de suite, ça va prendre du temps à travers le programme, tout ça, s'il y a une période de 10 ans avant que ce milieu humide là soit remplacé, avec ses services écologiques, bien, pendant ces 10 ans là, les personnes qui bénéficiaient de ce service écologique là, elles sont à risque, hein? Il faut imaginer que, si on détruit, mettons, un grand milieu humide, puis qui met à risque parce que le milieu humide ne peut plus jouer son rôle d'atténuation des inondations, bien, ces gens-là, ils sont à risque pendant, mettons, 10 ans, jusqu'à tant qu'on reconstruise ou qu'on restaure le milieu humide.

Alors, les bonnes pratiques, au niveau international, c'est de dire, bien... quand il y a beaucoup de monde qui dépendent des services écologiques générés par un milieu humide, c'est qu'on va faire un ratio aussi supplémentaire comme pour s'excuser d'avoir mis à risque ces gens-là. C'est comme si, pendant 10 ans, on vous a privé de votre protection des inondations, mais là, dans le futur, mais qu'on le refasse, on va vous en donner plus pour compenser, pour se faire pardonner.

Donc, c'est les deux raisons pour lesquelles je trouve que le ratio devrait être augmenté à un certain moment donné.

Donc, juste conclure. Donc, la difficulté technique, compenser la difficulté technique, puis compenser la perte de services écologiques.

Le Président (M. Plante) : Merci beaucoup, M. Limoges. Je cède maintenant la parole au député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Ça me fait plaisir de vous écouter sur ces sujets-là aujourd'hui parce qu'il y a beaucoup de choses... Vous nous parlez de modulation en fonction, finalement, du service écologique, de l'intensité des impacts, etc., mais est-ce que vous préconisez une analyse par bassin versant, là? Puis je pense... Bien, vous dites ça, là, mais est-ce qu'on va analyser chacun des bassins versants? Parce que, par exemple, la Yamaska, ou le bassin de la rivière Chaudière, ou une autre rivière a définitivement des impacts complètement différents et des comportements complètement différents par la nature des terrains. Comment vous voyez ça, ces choses-là puis ces analyses-là pour évaluer la compensation et... la mesure d'une compensation?

Le Président (M. Plante) : M. Limoges.

M. Limoges (Benoit) : Oui. Je pense que les biologistes, on prône l'approche par écosystème ou l'approche écosystémique. Donc, évidemment, l'écosystème dans lequel on joue aujourd'hui, c'est le bassin versant, ça fait que c'est évident que ça prend une évaluation à l'échelle du bassin versant. Les services écologiques se calculent aussi par bassin versant, l'atténuation des inondations. Alors, il faut que l'on prenne en compte les différents services écologiques et puis il faut que ce soit quantifié, il faut que ce soit pris en compte dans la délimitation puis l'évaluation des milieux humides. Je pense que c'est évident, là, que c'est à cette échelle-là que ça doit se jouer.

Le Président (M. Plante) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Vous nous parlez, dans votre deuxième recommandation, que... une protection efficace et pérenne des milieux hydriques et humides basée sur la gestion intégrée par bassin versant. Donc, est-ce que vous préconisez que les OBV soient le mandataire, au lieu des MRC, des municipalités ou du gouvernement? Je voudrais vous entendre là-dessus. Parce que les OBV, actuellement, sont des groupes, finalement, de concertation. Et, les PDE, les plans directeurs de l'eau, puis les sous-plans, parce qu'il y a les sous-bassins, etc., qui, dans certains OBV, sont déjà pas mal structurés, en place et, en fait, en application, où vous vous insérez là-dedans, là? Comment vous insérez le rôle de l'OBV en rapport des contextes gouvernemental, municipal et MRC?

Le Président (M. Plante) : Mme d'Auteuil.

Mme d'Auteuil (Chantal) : Merci beaucoup. Alors, je peux répondre à la question. J'ai travaillé dans un OBV pendant 12 ans, alors je connais assez bien le système.

Effectivement, au niveau de la gestion, les OBV sont des organismes de concertation, tandis que les municipalités sont des organismes décisionnels. Alors, au niveau de la décision, c'est sûr que, pour vraiment protéger les milieux humides, les milieux hydriques sur les territoires, ça doit demeurer au niveau municipalités et MRC, au niveau de la décision. Donc, même si on fait des plans directeurs de l'eau, si ce n'est pas tenu en compte par les municipalités, effectivement, il n'y aura pas de protection des milieux humides et des milieux hydriques.

Mais ce qu'on a fait, dans la gestion par bassin versant, c'est d'intégrer le monde municipal à l'élaboration du plan directeur de l'eau. Donc, en théorie, les MRC sont partie prenante de ces plans directeurs de l'eau là. Et ce qu'on aimerait, c'est que les plans régionaux des milieux humides et hydriques réalisés par les municipalités soient intégrés aux plans directeurs de l'eau, qu'il y ait vraiment une collaboration, une harmonisation, si on veut, entre le plan directeur de l'eau, qui, lui, est plus global au niveau de la description des réseaux hydrographiques, des eaux souterraines, etc., et les plans régionaux pour la gestion des milieux humides.

Et c'est quand on passe à l'action. Alors, quand on veut passer à l'action, effectivement, il faut savoir qu'est-ce qu'on a à faire comme protection, établir des zones tampons pour chacun des milieux humides. Ce n'est pas nécessairement le rôle de l'organisme de bassin versant de faire cette détermination-là, mais, dans les organismes de bassin versant, on a déjà fait la caractérisation du territoire du bassin versant, incluant la délimitation des milieux humides sur la cartographie, etc. Ce qui manquait, ce qui manque toujours, c'est l'évaluation de la qualité, comme M. Limoges le disait, et des services écologiques, où, là, ça prend beaucoup plus de spécialisation pour effectuer ce travail-là, qui n'est pas nécessairement du ressort des organismes de bassin versant, effectivement.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Mégantic.

• (11 h 30) •

M. Bolduc : Merci, M. le Président. En fait, ce que vous nous dites ici, c'est que les bassins versants, les municipalités... Puis, si vous avez participé pendant 12 ans dans un OBV, vous savez très bien que les municipalités, les MRC, en fait, les riverains, les acteurs du milieu, en fait, il y a toute une série d'intervenants. Même, dans certains cas, on a du personnel du service hydrique du ministère. Donc, il y a quand même une quantité de personnel. Puis vous semblez nous dire que ces gens-là n'ont pas vraiment la compétence pour en arriver à des plans directeurs... ou il manque des joueurs là-dedans. Comment...

Mme d'Auteuil (Chantal) : Peut-être que je pourrais passer la parole à Mme Kim Marineau pour ce qui est des évaluations des milieux humides, des milieux hydriques, au niveau de la compétence qui est nécessaire pour faire cette évaluation.

Le Président (M. Iracà) : Mme Marineau, la parole est à vous.

Mme Marineau (Kim) : Merci. En fait, je vois que vous avez beaucoup de questions techniques sur les seuils, les seuils. Combien ça en prend, de milieux humides, pour faire les jobs qu'on s'attend qu'ils fassent dans un bassin versant? Puis ça, on peut comprendre que ce n'est pas pareil d'un bout à l'autre du Québec parce que la géologie, la géomorphologie, les types de sol, tout l'historique d'usage, aussi, agricole, etc., jouent un rôle dans tout ça.

Je voyais que M. Bourque, d'Ouranos, n'était pas au courant, mais il y a un assez gros projet de recherche qui se fait actuellement dans les Laurentides pour le territoire d'une municipalité. On veut savoir quels sont les rôles des milieux humides et comment l'intégration, la conservation d'une partie du territoire en milieu naturel a une influence sur la recharge des eaux souterraines parce qu'on se rend compte qu'il y a des seuils, là-dedans, puis que, quand on en a perdu trop, les services environnementaux, écologiques qui sont faits ne fonctionnent plus, à un certain moment. Puis ça, ce seuil-là, il est peut-être de 40 % à Mégantic puis il est peut-être de 20 % ailleurs ou de 75 % ailleurs. Ça, là, ces chiffres-là, on ne les a pas pour l'ensemble des municipalités du Québec puis on ne les a pas pour les bassins versants non plus. Donc, c'est un peu de l'essai et erreur, actuellement. Donc là, il y a de l'érosion des milieux humides, et on ne sait pas jusqu'à quel point on en... si on en perd trop, si on n'aurait plus les services rendus parce que, là, il y en aura plus assez pour faire ces services-là.

Donc, le travail de cartographie, je ne pense pas que c'est un gros problème. Il y a assez de monde, justement, entourant les OBV, il y a des consultants qui font ça, etc. Le problème, c'est plus au niveau de l'application des règles en place, c'est plus là qu'il y a une problématique, parce qu'on continue d'en perdre, puisque les règles ne sont pas nécessairement appliquées ou assez modulables d'un endroit à l'autre pour qu'il y ait des pertes importantes dans certains milieux... Est-ce que je réponds à la question ou... Ça va? Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Mme Marineau. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Oui, vous répondez en partie à la question, mais vous nous avez ajouté ici des éléments très intéressants. Puis l'hydrogéologie, entre autres... en fait, l'évolution de la pénétration de l'eau, finalement, dans le sous-sol, étant donné que la vaste majorité du Québec s'alimente en eau souterraine — il y a quand même de l'eau de surface, là, mais l'eau souterraine est très, très importante — on n'a pas vraiment d'idée du bilan sommaire de ça, c'est-à-dire est-ce que l'eau arrive en quantité suffisante, est-ce qu'il y a un déploiement ou un abaissement, finalement, du niveau d'eau dans le sous-sol. On l'a vu au Mexique, on le voit aux États-Unis; où l'eau de mer rentre dans le sous-sol, il y a des phénomènes très, très, très connus qui nous permettent de définir ça. Mais, quand vous nous arrivez puis vous nous dites... Vous m'amenez à la question de comment on va redéfinir le milieu humide. Puis je vous donne des exemples. Dans nos régions, on a des cédrières qui, à l'année, il y a trois ou quatre pouces d'eau là-dedans. Je ne peux pas vous dire quel est le flux d'eau qui pénètre dans le sous-sol puis qui alimente en aval les multiples municipalités, ce rôle spécifique là par rapport à un autre milieu humide.

Comment vous voyez ce genre d'évolution là? Est-ce qu'on doit faire beaucoup plus de recherche? Comment on va faire avancer ces connaissances-là?

Le Président (M. Iracà) : Merci. Alors, une des deux dames.

Mme Marineau (Kim) : Je vais y aller.

Le Président (M. Iracà) : En trois minutes.

Mme Marineau (Kim) : Oui, on y va rapidement. C'est sûr que ça prendrait de la recherche. Comme je vous dis, il y a un projet de recherche de l'Université de Montréal, actuellement, à Saint-Hippolyte. Ils vont arriver avec des chiffres, des taux de recharge, comment ça s'infiltre exactement. Et effectivement c'est assez variable. Un des constats du projet de recherche, c'est ça. Donc, c'est certain qu'avoir, probablement, des réplicats ailleurs au Québec serait une bonne idée.

Nous, on n'est pas des chercheurs ici, autour de la table, on représente les biologistes de tous niveaux. Il y a des ornithologues, dans nos rangs, il y a des chercheurs aussi, il y a des fonctionnaires, etc. Mais c'est certain qu'actuellement c'est difficile, je pense, pour les villes, les MRC de prendre les bonnes décisions, puisqu'on n'a pas assez de ce type d'information là. Donc, il y a un problème parfois de cartographie, qui commence à être un peu moins un problème parce que, là, les cartographies se sont beaucoup améliorées, dans les 20 dernières années, il y a eu beaucoup de travaux de Canards illimités, entre autres, pour la vallée du Saint-Laurent, puis ça commence à être pas mal fiable, même si moi, je trouve toujours des erreurs dans ces choses-là, mais ça commence à être fiable et assez utile pour prendre des bonnes décisions. Là, maintenant, il faut comprendre un petit peu mieux comment ça fonctionne, l'hydrologie dans les bassins versants. Et ça, je crois qu'il y a encore un peu de travail à faire au niveau de la recherche. Et ce n'est pas là qu'il y a beaucoup d'argent, je pense, actuellement, au Québec, en recherche, mais il y a des spécialistes dans les universités, c'est certain, qui peuvent répondre à ça.

Mais c'est certain que c'est difficile d'aller de l'avant avec des bonnes décisions quand on n'a pas toutes les informations. Donc, ça, c'est certain. Puis, s'il n'y a pas de biologiste dans le portrait, c'est-à-dire que, si, par exemple, les décisions sont prises seulement par des firmes d'ingénierie assises avec des municipalités, donc, des fonctionnaires en urbanisme, c'est certain que les phénomènes biologiques... ou même l'hydrologie n'est pas tenue en compte dans les décisions qui sont prises actuellement à l'intérieur des territoires municipaux.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Alors, il vous reste 1 min 30 s, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : En fait, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que vous préconisez des équipes multidisciplinaires pour faire les évaluations.

Donc, j'en reviens un peu à l'évolution des compensations, parce que, finalement, on a parlé beaucoup et abondamment, ce matin, de compensation dans le cas de développements. Je pense qu'il ne faut pas oublier deux autres variables, l'agriculture et l'industrie forestière, qui sont autour de ces milieux-là, et les propriétaires de terrain privé... Parce que, si vous regardez les bassins versants, c'est rare qu'ils démarrent en ville, ils sont généralement dans les montagnes, ou dans les collines, ou dans les forêts, etc. Comment vous voyez, en fait, l'impact de ces gens-là ou l'impact, par exemple, de la forêt privée et de l'agriculture sur les milieux humides au Québec? Parce que vous êtes biologistes, là, vous devez...

Le Président (M. Iracà) : Alors, je ne sais pas si vous... Il vous reste 30 secondes.

M. Bolduc : On manquait de temps.

M. Limoges (Benoit) : Bon, très, très rapidement, moi, je pense que les milieux humides en milieu forestier et milieu agricole doivent être protégés aussi, ils sont d'autant plus importants là, et la cartographie prend d'autant plus d'importance. Et, cette cartographie-là, deux points, rapidement, sur cette cartographie des milieux humides là. D'après moi, il faut inclure l'aspect dynamique. Puis on a parlé tout à l'heure, avec M. Bourque, de l'évolution. Alors, il faut que, d'après moi, le projet de loi prenne en compte... il faut qu'il y ait un article qui dise que ces milieux humides là sont flexibles, ils vont évoluer dans le temps, et puis que ça va changer. Et cette cartographie-là doit être faite aussi régulièrement. Si on la fait, par exemple, aux 10 ans et on se rend compte qu'il y avait un beau milieu humide dans un territoire agricole, et le milieu humide a disparu, alors, il faut avoir un mécanisme pour aller dire au propriétaire : Aïe! écoute, tu avais un milieu humide, qu'est-ce que tu as fait?, pour être capable d'aller le coincer, lui, là, parce qu'il ne peut pas... Et on a vu dans l'étude publiée par l'Université Laval, là, que la majorité des pertes de milieu humide, c'est à cause du milieu... des agriculteurs, c'est l'agriculture qui les a fait disparaître, en grande partie, ainsi que le forestier.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Limoges. Ceci met fin au bloc d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons débuter une période d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

• (11 h 40) •

M. Gaudreault : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme d'Auteuil, M. Limoges, Mme Marineau. Merci beaucoup d'être ici.

Je veux juste avoir, d'abord, un portrait de votre présence sur le terrain, notamment via les municipalités. Vous nous dites, à la page 7 de votre mémoire, dernier paragraphe, que les biologistes, au fond, ne sont pas toujours présents parmi les agents municipaux. Alors, moi, j'aimerais que vous nous traciez un portrait. Moi, je suis nouveau, là, dans votre secteur, là. Alors, est-ce que les municipalités ont des biologistes? Si oui, à quelle hauteur, à peu près? Est-ce que les grandes municipalités, les petites municipalités, les MRC, essentiellement... Alors, j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

Le Président (M. Iracà) : Merci.

Mme d'Auteuil (Chantal) : Merci beaucoup de nous permettre d'intervenir là-dessus. L'ABQ, nous avons 850 membres. Là-dessus, il y a beaucoup, effectivement, de membres qui travaillent au niveau de l'écologie, dans ces domaines-là. Et plusieurs sont dans des municipalités, puis des municipalités quand même assez grandes, on peut penser à Trois-Rivières, Longueuil, des municipalités de cette envergure.

Pour les plus petites municipalités, malheureusement, il y a peu de biologistes qui sont engagés par les municipalités. Ça ne veut pas dire qu'ils ne font pas appel à des biologistes. Les municipalités ont commencé, depuis quelques années, l'inspecteur municipal entre autres, à demander au propriétaire, quand vient le temps de délimiter la ligne des hautes eaux ou des milieux humides sur son terrain, de faire appel à un biologiste. Et les citoyens, un peu dépourvus, ne savent pas à qui s'adresser pour obtenir un biologiste, alors appellent l'Association des biologistes du Québec, et de plus en plus on se rend compte que ça fonctionne très bien. Alors, au niveau des biologistes, ils obtiennent un mandat de la part de ce propriétaire-là, et c'est la municipalité qui l'exige. Alors, comme ça, la municipalité s'assure que la ligne des hautes eaux, le milieu humide qui va être déterminé l'a été par un biologiste, donc quelqu'un qui a la compétence pour le faire.

Mais je ne peux pas vous dire des chiffres au niveau de combien de municipalités, sur l'ensemble des municipalités au Québec, là, engagent des biologistes, mais c'est sûrement très peu.

Pour ce qui est des MRC, depuis les dernières années, les MRC engagent des agents de cours d'eau, dont certains sont des biologistes. Alors, les agents de cours d'eau ont pour tâche d'appliquer la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, alors, au niveau de la MRC. Alors, cette pratique-là fait en sorte que, oui, dans certaines MRC, il y a des biologistes qui sont impliqués plus directement, au niveau du personnel.

Le Président (M. Iracà) : Merci.

M. Gaudreault : O.K. Donc, je comprends que, considérant que le projet de loi qu'on a devant nous donne quand même une certaine place aux municipalités, une certaine responsabilité aux municipalités pour la gestion des milieux humides, on va dire ça comme ça, vous souhaiteriez que les municipalités soient mieux dotées également en ressources professionnelles pour être capables de traiter des enjeux reliés aux milieux humides.

Mme d'Auteuil (Chantal) : Effectivement, parce que, si une municipalité, évidemment, va décider de faire faire le plan régional des milieux humides et hydriques par un consultant, il va quand même falloir qu'elle évalue le consultant, qu'elle évalue son travail. S'il y a des suivis à faire au niveau des projets de restauration, quand il y aura le programme de restauration et de création des milieux humides, ça va être encore plus difficile, au niveau technique, d'effectuer le suivi de ces projets-là de restauration et de création de milieu humide. À ce moment-là, qui va déterminer la compétence des biologistes chez les consultants? Est-ce que c'est le gouvernement qui va avoir des critères très précis établis, au niveau réglementaire, je présume, pour la réalisation de ces plans régionaux de milieux humides et milieux hydriques ou c'est le professionnel lui-même qui est responsable de sa compétence? Mais, comme on le sait, en biologie, les actes des biologistes ne relèvent pas d'un ordre, alors, au niveau du code de déontologie, il n'y a pas de code de déontologie. À l'ABQ, nous avons un code de déontologie, évidemment, mais ce n'est pas obligatoire pour les membres de respecter le code de déontologie. Alors, toute cette procédure-là, ce processus-là d'établissement de la compétence, de vérification de la compétence au niveau de ceux qui vont réaliser les plans, ça nous inquiétait beaucoup.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, je veux vous amener un peu plus sur l'aire de gestion, disons. Dans votre mémoire, page 6, vous vous positionnez carrément, là, que la caractérisation des milieux humides et des milieux hydriques doit se faire par bassin versant. Donc, vous êtes vraiment, un peu comme on disait tantôt, je pense que vous étiez là quand on a discuté avec les témoins précédents, là, d'avoir une gestion par bassin versant.

Ça m'amène à vous questionner... Parce que, je pense, vous y avez fait mention tout à l'heure en réponse à un de mes collègues, là, au ratio, bon, pour les compensations. Comment vous voyez ça, là, l'échelle... j'appellerais ça l'échelle du ratio, là? Est-ce que c'est au cas par cas? Est-ce que c'est par bassin versant? Est-ce qu'on doit tenir compte de l'ensemble du Québec? Ça devient un peu complexe, là. Puis en même temps, par définition, les territoires ne sont pas tous pareils, mais on doit en même temps tenir compte d'objectifs nationaux. Alors, comment on se démêle là-dedans?

Mme d'Auteuil (Chantal) : J'ai deux personnes pour répondre...

M. Limoges (Benoit) : Oui. Le ratio, j'en ai parlé tout à l'heure, moi, je pense qu'il faut moduler le ratio en fonction des deux critères que j'ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire les difficultés techniques pour compenser et puis les services écologiques. Mais les ratios, aussi, peuvent inclure la qualité du milieu humide, et là c'est important d'introduire ça, la question de qualité. Jusqu'à maintenant, la loi québécoise, elle obligeait d'évaluer la qualité du milieu ou la valeur écologique du milieu humide, puis on demandait une compensation d'un milieu humide équivalent, mais ça, en ce moment, ce à quoi on assiste, c'est que les différents consultants qui travaillent là-dessus ont tous des méthodes différentes d'évaluer le milieu humide, et sa qualité va être : Très beau, très bon, moyen, bon, on n'a pas une façon standardisée de le faire.

Il faut arriver avec une méthode quantifiée sur la qualité, parce qu'on veut compenser la même quantité de milieux humides perdus, mais on ne peut pas juste se fier à la superficie. Imaginez-vous si on a un milieu humide de très, très grande qualité avec des espèces menacées, beaucoup de services écologiques, et tout ça, que moi, j'appellerais qualité 100 %, puis on compense par un milieu humide 50 %, la même superficie, mais 50 % de qualité, qui n'a pas d'espèce menacée qui est envahie par d'autres espèces envahissantes, etc. On a une perte. Donc, il y a toute la question de la qualité.

Et ce qu'on observe, encore une fois, sur la scène internationale, c'est qu'il y a des gabarits qui sont créés par les pays. Le meilleur modèle, c'est peut-être celui de l'Australie, où on a vraiment pour chaque type de milieu... mettons, pour nos tourbières, on aurait des critères bien définis qui disent : Un critère de telle catégorie, avec tel critère, telle caractéristique, on aurait une qualité de 50 %; telle caractéristique, on aurait 60 %, 70 %. J'ai donné un petit exemple générique dans le mémoire. Mais il faut absolument introduire cette question-là de la qualité.

Alors, c'est pour ça que, si on a, par exemple, une perte de 10 hectares d'un milieu humide de qualité 100 %, il faut compenser par 10 hectares de milieu humide 100 % ou bien donc par 20 hectares de milieu humide de 50 %. C'est là que le ratio peut changer.

M. Gaudreault : Bien, je ne sais pas si vous êtes en mesure de me renseigner sur... Vous faites référence à la loi en Australie, là, bon, ou en tout cas le régime en Australie, on va dire ça comme ça. Est-ce que, justement, c'est dans une loi ou est-ce que c'est par réglementation ou c'est à l'intérieur d'une autre loi? Est-ce que vous le savez? Est-ce que c'est le gouvernement fédéral australien ou ce sont les États qui gèrent ça, sur l'exemple dont vous nous parlez en Australie?

M. Limoges (Benoit) : Je ne serais pas en mesure de donner les détails juridiques ou législatifs, mais je sais qu'il y a des gabarits qui ont été adoptés, et c'est ceux-là qui sont utilisés par tous.

M. Gaudreault : Ce que je comprends de votre idée de gabarit... Parce que je trouve ça intéressant, parce qu'on se dit : Comment qualifier la quantité, d'une certaine manière? Tu sais, c'est ça que vous nous dites. Ce n'est pas juste la quantité, là, parce qu'il peut y avoir une qualité différente, même si on a la même quantité de territoire. Alors, comment qualifier la qualité? Je ne sais pas si ça se dit, là, c'est un peu un pléonasme, mais, en fin de compte, vous comprenez ce que je veux dire. Et là vous nous parlez d'un gabarit. Donc, ce serait une certaine manière, là, justement, d'arriver à cet objectif, c'est ça que vous nous dites. Et l'exemple australien peut être inspirant.

Le Président (M. Iracà) : M. Limoges.

M. Limoges (Benoit) : En fait, ça fait longtemps qu'on a un enjeu pour quantifier la biodiversité. Et maintenant les écologistes plus pragmatiques utilisent la formule... bien, l'indice qualité-hectare, c'est-à-dire la superficie multipliée par la qualité. Vous allez voir, dans l'annexe, là, du mémoire, je l'ai expliqué avec toutes les références scientifiques. C'est ça, ça explique... Si vous parlez de quantité, c'est la superficie, puis la qualité, bien, on la mesure de 0 à 1 ou de 0 % à 100 %. Et ça, ça doit être... c'est utilisé couramment à l'international pour, justement, s'assurer que la perte de milieu humide est équivalente au gain de milieu humide, pour qu'au bout du compte on ait la même quantité, et ce n'est pas nécessairement la même superficie.

M. Gaudreault : Autrement dit, ce que vous dites, c'est : Il faut qu'on se donne les moyens, et le gabarit en est un, d'arriver à une vraie zéro perte nette.

M. Limoges (Benoit) : Exactement.

M. Gaudreault : Parce que ça peut avoir l'air d'une apparence de zéro perte nette à cause de la dimension du terrain, mais ce n'est pas une vraie zéro perte nette si ce n'est pas la même qualité du milieu humide qui est compensée. Je traduis bien, biologie 101, oui?

M. Limoges (Benoit) : Tout à fait, oui. Vous apprenez vite.

Mme d'Auteuil (Chantal) : Est-ce que je peux permettre à Mme Marineau de compléter?

M. Gaudreault : Oui.

Mme Marineau (Kim) : Moi, je voulais juste compléter parce que vous étiez aussi sur le chemin régional, c'est-à-dire l'aspect régional. En Montérégie, on a perdu plus de 80 % de ce qu'il y avait, là, il y a 200 ans. Est-ce qu'on va encore continuer de donner des CA dans une région comme ça? Donc, une région comme la région de Montréal, toute la vallée du Saint-Laurent, est-ce qu'on veut encore en perdre dans ces régions-là, alors qu'effectivement, dans le nord du Québec, plus de 50 % du territoire, c'est des tourbières, on pourrait se permettre d'en perdre un petit peu dans ces régions-là, si on veut faire du développement, par exemple?

Donc, effectivement, régionalement, les contextes historiques et d'usage sont très différents, puis effectivement je pense qu'il y a une réflexion à faire sur une... si on veut, s'adapter aux réalités régionales en fonction, effectivement, de ce qui existe, puis qu'est-ce qui a été perdu aussi, puis des besoins. Parce qu'en Montérégie je pense qu'on est rendus vraiment à restaurer, parce que, là, il n'y a pas beaucoup de zones tampons, il n'y a pas beaucoup de possibilités d'accumuler de l'eau, tout a été reprofilé au profit de l'agriculture. Je reviens avec notre histoire d'agriculture. 40 % des milieux humides ont été perdus à cause de l'agriculture et 30 % à cause des travaux de drainage forestier. Donc, quand on parle des promoteurs, là, ce n'est pas juste des condos, là, qui font perdre des milieux humides, c'est aussi les usages en région, qui ont fait beaucoup de travaux de redressage, drainage, etc., O.K.? Donc, il faut regarder ça un peu régionalement.

Le Président (M. Iracà) : M. le député de Jonquière. Il vous reste 2 min 30 s.

M. Gaudreault : Bon, 2 min 30 s. J'aimerais ça vous entendre un peu sur les cannebergières. Ça a été abordé par d'autres collègues et par moi-même aussi avec des groupes précédents. Alors, c'est quoi, votre analyse là-dessus? Parce qu'il y a quand même une disposition de la loi, durant la période transitoire, qui permet de les exclure d'une certaine manière. Alors, j'aimerais ça vous entendre, les biologistes, sur les canneberges.

Mme d'Auteuil (Chantal) : Alors, Benoit pourrait répondre.

• (11 h 50) •

M. Limoges (Benoit) : O.K. Moi, je voudrais répondre à ça et en même temps toucher la question qui n'a pas été résolue tout à l'heure avec M. Bourque quand on parlait de carbone dans les tourbières. O.K.? Il y a une chercheure, Michelle Garneau, que je vous inviterais vraiment à inviter, qui a fait une étude récemment sur la quantité de carbone dans les milieux humides, et puis de mémoire, là, je ne me souviens plus exactement du chiffre, mais ça ressemble à ça, c'est que toute la quantité de gaz à effet de serre qui est produite par le Québec en un an, bien, c'est l'équivalent de 300 fois cette quantité-là qui est stockée dans les milieux humides. Alors, c'est 300 fois nos émissions annuelles qui est stocké dans les tourbières, surtout les tourbières du nord. Bon, le 300, c'est peut-être un peu plus, un peu moins, mais c'est dans cet ordre de grandeur là, si je me souviens bien. Alors, les tourbières surtout mais les milieux humides aussi ont du stock de gaz à effet de serre à l'intérieur d'eux, donc c'est très important. Mais aussi ils ont un autre service écologique, c'est qu'ils capturent chaque année un petit peu de gaz à effet de serre. Donc, la surface de la tourbière augmente, monte tranquillement et capture ce gaz carbonique là.

Si on fait une cannebergière, bien, évidemment, peut-être qu'il y a certaines fonctions hydrologiques qui se maintiennent, mais le petit film en surface qui capture les gaz à effet de serre, d'après moi, lui, il ne le fait plus. Et là on se met à larguer, on se met à larguer des gaz à effet de serre par les cultures parce que le sol se dégrade, et tout ça, on n'a plus le mécanisme, là, des sphaignes qui sont en surface.

Alors, il faut faire attention avec les cannebergières. Moi, d'après moi, on devrait aussi les soumettre à la loi et compenser, et surtout compenser les gaz à effet de serre, les services écologiques associés aux gaz à effet de serre.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député. Il vous reste 30 secondes.

M. Gaudreault : Bien, peut-être juste... Non, ça va. Je pense que ça fait le tour pour l'instant. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Ça fait le tour. Merci. Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. Nous allons procéder à un dernier bloc d'échange avec le dernier mais non le moindre, le député de Masson. La parole est à vous.

M. Lemay : Oui, merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui à l'Assemblée nationale.

Vous savez, parmi les groupes qui sont venus nous parler, je n'ai pas cru saisir, dans les mémoires des autres groupes, qu'on parlait de la notion de biologiste. Puis vous autres, vous venez puis vous nous avez dit que ça prenait une certaine compétence, puis qu'il fallait que ce soit défini, mais que ce n'était pas le cas présentement.

Pouvez-vous me parler de, selon vous, ce serait quoi, la formation spécifique qui pourrait déterminer qu'effectivement le biologiste est compétent en matière de milieux humides et hydriques, qu'on devrait retrouver?

Mme d'Auteuil (Chantal) : Je vais passer la parole à Mme Marineau, si vous permettez.

Le Président (M. Iracà) : Mme Marineau, la parole est à vous.

Mme Marineau (Kim) : Merci beaucoup de nous donner la chance aussi de parler de ça parce qu'effectivement, le fait que les biologistes ne sont pas intégrés dans la loi sur les professions, bien, évidemment, vous, vous pouvez vous dire biologiste demain matin et aller faire beaucoup d'argent en caractérisant des milieux humides. L'affaire, c'est que, le jour que vous êtes là, et puis vous mettez vos bottes d'eau, puis vous allez vous faire piquer par les maringouins, évidemment, vous allez trouver que ce n'est pas si simple que ça, et effectivement ce n'est pas tous les biologistes qui peuvent faire ça non plus, O.K.?

On pense que ça prend les compétences de base des biologistes, c'est-à-dire la botanique, l'étude des sols, pour comprendre comment différencier la zone humide de la zone terrestre. Parce qu'en plus ce n'est pas coupé au couteau. Quelqu'un qui connaît... qui va à la chasse — je ne sais pas s'il y a beaucoup de chasseurs dans la salle, ici — quand on se promène dans la nature, il y a des hauts et des bas, il y a des zones, oh mon Dieu! on met le pied dans l'eau, etc. Ce n'est pas simple de déterminer et de détecter quelle est la zone humide parce que l'eau n'est pas toujours en surface, elle peut être sous la surface, par exemple, et elle peut être là seulement lors des fontes printanières. Donc, il y a beaucoup de compétences scientifiques à avoir, entre autres la reconnaissance des 375 espèces de la liste du ministère du Développement durable qui nous permet de dire que c'est des espèces hydrophytes, qui aiment avoir les pieds dans l'eau, et ce n'est pas n'importe qui qui peut faire ça non plus.

Donc, nous, à l'ABQ, on offre des formations pour les biologistes qui veulent avoir cette reconnaissance-là et cette compétence-là, puisque ce n'est pas offert à l'université, ce n'est pas dans les bacs en biologie qu'on offre. On offre certains éléments de cette compréhension-là et de ces connaissances-là, mais on n'a pas la globalité. Et, maintenant qu'il existe une méthode, une méthode qui a été, si on veut, mise sur papier par le ministère de l'Environnement, bien, évidemment on l'utilise, cette méthode-là, elle fonctionne très bien, mais il faut la comprendre, il faut l'avoir testée et il faut l'utiliser, quand même.

Donc, c'est ça, les compétences sont assez uniques, si on veut. Ce n'est pas tout le monde qui peut faire ça.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. M. le député de Masson.

M. Lemay : Bien, merci, Mme Marineau, pour cette explication, ça nous permet de mieux saisir un peu toute l'étendue des connaissances qu'on doit avoir sur le terrain, parce qu'effectivement, sur le terrain, quand on veut bien quantifier et qualifier un lieu humide, on doit tenir compte de tous ces facteurs. Donc, merci.

Vous avez aussi mentionné... Vous avez fait mention que vous ne vouliez avoir aucune perte nette de la biodiversité aussi, et puis ça, c'est un autre... ça m'a saisi. Je voulais savoir un peu plus de détails là-dessus. Dans le fond, ce serait quoi, votre recommandation que vous auriez à faire en ce qui concerne la valeur ajoutée de mettre aucune perte nette de la biodiversité?

Mme d'Auteuil (Chantal) : Bien, c'est sûr que ça encadre au niveau de la biodiversité. La biodiversité, on ne la retrouve pas seulement dans les milieux humides et hydriques, mais aussi dans les milieux terrestres.

Alors, je vais laisser la parole à M. Benoit Limoges.

Le Président (M. Iracà) : M. Limoges.

M. Limoges (Benoit) : Merci d'ouvrir sur cette chose-là, qui est ma passion.

Alors, en ce moment, on a toutes sortes de pressions, à l'échelle internationale, qui demandent à des projets, des grands projets, zéro perte nette de biodiversité. Je dis toujours comme exemple : Une minière canadienne financée par une banque canadienne qui s'installe au Pérou, on lui demande zéro perte nette de biodiversité. La même banque qui finance la même minière qui s'installe à la Baie-James, on lui demande seulement zéro perte nette de milieu humide. Alors, il y a toute une différence parce que, quand on est à la Baie-James, comme dans un des projets que j'ai en ce moment, ce qui est rare, ce n'est pas les milieux humides, c'est les forêts, les forêts sont extrêmement rares. Alors là, on évite les milieux humides, on passe dans les forêts alors que c'est complètement fou, c'est le contraire qu'il faudrait faire. Pourquoi? Parce qu'il y a... la responsabilité des différents éléments de la biodiversité, des différents écosystèmes est répartie entre les différents ministères. Le ministère de l'Environnement s'occupe des milieux humides, les forêts sont de la responsabilité d'un ministère, les habitats fauniques sont de l'autre, le fédéral se mêle de ça. Donc, tout ça est réparti dans toutes sortes de ministères. Il faudrait que tout ce monde-là se parle puis dise : O.K., on adopte zéro perte nette de biodiversité de façon générale.

On assiste à des compensations de l'habitat du poisson en détruisant des forêts, et etc. C'est comme complètement fou, là, la situation. Alors, si on avait ce cadre-là, qui est un cadre très bien documenté, qui est très utilisé à l'échelle internationale, où, là, on entre avec des quantifications de biodiversité, comme j'expliquais tout à l'heure, des qualités-hectare, des choses comme ça, et on focusse sur les vrais problèmes... À la Baie-James, d'après moi, il n'y a pas de raison de compenser les milieux humides, mais il faudrait compenser d'autres choses.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. M. le député de Masson. Quatre minutes, un peu moins de quatre minutes.

M. Lemay : Merci, M. Limoges. Ça me fait penser à un point, effectivement, on va le tenir en considération. Merci pour cette explication-là.

Tout à l'heure, j'ai abordé avec M. Bourque, d'Ouranos, la notion de zone tampon ou dite périphérique puis je vous ai vu hocher de la tête, vous sembliez intéressé par ce sujet. Dans le fond, c'est quoi, votre opinion sur la question d'inclure ou non la notion de zone tampon dans la loi?

Mme d'Auteuil (Chantal) : Alors, je pense que je vais passer la parole à Mme Marineau.

Le Président (M. Iracà) : Mme Marineau.

Mme Marineau (Kim) : Oui, j'ai émis quelques commentaires par rapport à ça tout à l'heure, c'est-à-dire qu'une goutte d'eau qui tombe à quelque part sur le territoire va se ramasser dans un milieu humide ou dans un cours d'eau, par exemple, donc c'est certain que les zones qui sont autour des milieux humides... Puis actuellement, avec la loi actuelle, c'est que les milieux humides qui ne sont pas en lien avec un cours d'eau n'ont pas de bande riveraine applicable, donc on peut aller se construire jusque sur le bord du milieu humide, on n'a pas à respecter de bande riveraine. Et effectivement c'est un problème parce que, là, la recharge de ce milieu humide là, si elle est coupée parce qu'on a fait une route ou n'importe quoi, ça ne fonctionne plus.

Donc, la zone tampon devrait être au moins de 10 mètres autour... Bon, on a certaines règles un peu plus conservationnistes, par exemple, pour les sablières. Donc, dans la loi qui encadre, si on veut, les sablières et les carrières, il y a des règles un peu plus restrictives. Mais, si on veut, dans le milieu municipal régulier, il n'y a pas de zone tampon obligatoire pour certains milieux, dont ceux qui sont déconnectés, si on veut, des réseaux hydrographiques de surface. Donc, c'est certain que ça crée effectivement deux types d'application au niveau réglementaire. C'est assez complexe à justifier même pour des praticiens, avec la clientèle, avec... Bon, là, ici, tu peux aller jusqu'au bord; là, non. Puis, en fait, moi, j'essaie toujours de dire aux gens : Prévoyez une zone tampon, justement, pour prévoir l'avenir et qu'il n'y ait pas de dommages aux infrastructures. Donc, c'est une question de prévention, c'est une question de sécurité publique, c'est une question de recharge de l'eau, des fonctions écologiques, etc.

Donc, effectivement, au niveau des nouvelles règles à mettre en place, je pense qu'il faut prévoir un espace de liberté, comme on dit, globalement pour les cours d'eau. Donc, il faut prévoir assez d'espace autour de ces milieux-là pour que leurs fonctions puissent se maintenir à long terme.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Mme Marineau. M. le député de Masson, il vous reste quelques secondes.

M. Lemay : Est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose, M. Limoges?

Le Président (M. Iracà) : M. Limoges.

• (12 heures) •

M. Limoges (Benoit) : Bien, l'approche par bassin versant est encore plus importante dans ce cas-là, dans le cas qu'on décrit, parce que certains milieux humides sont alimentés en eau par leurs propres petits bassins versants, par la zone tampon qu'on va garder autour, l'eau va couler dans la petite forêt autour puis va alimenter le milieu humide. Dans d'autres cas, le milieu humide est alimenté par un petit chenal ou un petit ruisseau, quelque chose comme ça. Donc, si on veut maintenir la qualité puis l'intégrité du milieu humide, il faut savoir d'où vient son eau, parce que, si on coupe son apport d'eau, on ne l'a plus. Donc, l'approche, puis ça a été beaucoup la question, l'approche par bassin versant est extrêmement importante là-dedans pour déterminer si, oui ou non, on a besoin d'une grande zone tampon ou une petite zone tampon.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Limoges. Merci pour votre contribution, mesdames monsieur.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci. Au revoir.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Nous reprenons nos travaux. Veuillez, s'il vous plaît, éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires et appareils électroniques. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : Conseil patronal de l'environnement du Québec, l'Association des aménagistes régionaux du Québec et le Centre québécois du droit de l'environnement.

Alors, je souhaite la bienvenue au premier groupe, le Conseil patronal de l'environnement du Québec. Bienvenue chez vous. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous allons procéder à des échanges avec la partie gouvernementale et les groupes d'opposition. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Conseil patronal de l'environnement du Québec (CPEQ)

Mme Lauzon (Hélène) : Merci, M. le Président. M. le ministre, bonjour. MM. les parlementaires et madame, bonjour, Mme la parlementaire aussi. Nous vous remercions de nous donner cette occasion à nouveau de vous faire part de la position du Conseil patronal de l'environnement du Québec.

D'abord, nous souhaitons féliciter le gouvernement. M. le ministre, vous avez déposé un nouveau projet de loi après en avoir fait adopter un premier récemment qui était très ambitieux. Celui-ci est attendu depuis longtemps. On vous félicite d'être aussi productif, dans la possibilité de nous permettre aussi de vous faire des commentaires, mais d'aller de l'avant avec un projet de loi qui était attendu.

C'est un projet de loi qui... dont on salue sa venue parce qu'il offre un encadrement qui améliore la sécurité juridique et la prévisibilité réglementaire pour les promoteurs qui ont des projets qui peuvent éventuellement affecter des milieux humides. Nous sommes d'accord avec deux principes fondamentaux que nous retrouvons dans ce projet de loi, qui est aucune perte nette et l'approche éviter-minimiser-compenser, nous l'appuyons. Nous sommes aussi en faveur des nouvelles orientations fondamentales de la gestion intégrée des ressources en eau. Ça nous permet, encore là, d'avoir une prévisibilité sur la gestion de l'eau au Québec. Donc, nous saluons cette initiative.

Nous aurons des commentaires, aujourd'hui, qui visent principalement à être constructifs pour essayer de vous aider à améliorer le projet de loi. Donc, nous commençons avec des commentaires sur les définitions. Je voudrais vous présenter Me Robert Daigneault, qui est avocat principal chez Daigneault Avocats et qui aussi est biologiste. Donc, je suis très reconnaissante à Me Daigneault de m'accompagner, puisque nous avons une double compétence ici. Et donc Me Daigneault prendra la parole pour vous expliquer nos commentaires portant sur les définitions.

• (15 h 20) •

M. Daigneault (Robert) : Alors, pour ce qui est de la définition, comme c'est mentionné, là, dans le mémoire du CPEQ, d'un point de vue de législation, c'est une définition qui pose un certain problème pour le justiciable parce que c'est un peu difficile de saisir quel sera l'objet de la loi, parce que, si on pousse l'analyse à l'extrême, tout endroit qui peut présenter de l'eau en surface ou en saturation dans le sol, à tout moment de l'année, que ce soit de l'eau stagnante, de l'eau courante, que ce soit temporaire, permanent ou autres, serait soit un milieu hydrique soit un milieu humide, de sorte que... Et c'est un peu en boutade, là, mais l'ornière de tracteur avec un peu d'eau ou encore une piscine municipale serait un milieu hydrique ou un milieu humide au sens de cette définition. Et je pense que ça illustre la difficulté de saisir le concept que veut encadrer le législateur. Et je pense que, si ce n'est pas clair à ce point, ça va être difficile ensuite pour le justiciable de s'y retrouver.

Cette définition-là sert de base à toute l'ossature du projet de loi. Que ce soit pour ce qui est de la planification régionale, alors, on fait référence à cette définition. Dans la loi sur la protection du... conservation du patrimoine naturel, on fait référence à cette définition. Et c'est seulement dans des textes réglementaires qu'on verra les concepts définis.

Alors, ma crainte, c'est que, finalement... permettez l'expression, c'est comme une non-législation, ça met en relief la difficulté de cerner le concept, et je pense qu'il faudrait qu'il y ait des éléments dans la loi elle-même pour le faire, ne serait-ce que pour guider les municipalités par la suite. Est-ce que les règlements qui seront adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, dans le nouveau pouvoir réglementaire... ce qui définirait les termes de la définition serait transposable, par exemple, dans la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau ou dans la Loi sur la conservation du patrimoine naturel?

L'autre difficulté dans la définition, c'est qu'on inclut les milieux anthropiques et les milieux naturels, mais ensuite l'énumération qu'on en fait... Parce qu'on fait une certaine énumération des milieux. Par exemple, les lacs, les cours d'eau, les tourbières, ainsi de suite, ce sont des milieux naturels. Puis ensuite on a une exclusion qui vise un milieu anthropique, c'est-à-dire les fossés. Alors, on n'a pas de repère, si vous permettez, pour bien cerner qu'est-ce que le législateur a en tête dans ce concept de milieux hydriques et de milieux humides.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Est-ce que vous vouliez compléter? Il vous reste 4 min 30 s. Vous allez les prendre?

Mme Lauzon (Hélène) : Oui, si possible. La notion de fossé, également, la loi, le projet de loi fait référence à la notion de fossé que l'on retrouve dans la Loi sur les compétences municipales. Or, cette définition est restreinte à une superficie de 100 hectares, dans la Loi sur les compétences municipales, et ce que l'on comprend, c'est que le calcul de la superficie d'un bassin versant, en vertu du nouveau projet de loi, se ferait sur la totalité du parcours du fossé, qui peut excéder 100 hectares. Donc, nous vous recommandons de préciser que tout fossé, indépendamment de sa superficie, soit exclu.

Il y aurait peut-être lieu également, dans la définition de plaine inondable, qui, pour l'instant, est perçue ou est plutôt vue, dans la loi actuelle, comme étant un milieu terrestre... Et l'exemple des inondations actuelles vous démontre qu'il s'agit d'un milieu terrestre, mais parfois il y a une crue centenaire, comme en ce moment, qui n'en fait pas pour autant un milieu humide ou hydrique. Donc, peut-être préciser aussi cette difficulté par rapport à la notion de plaine inondable.

Et nous voyons un critère de valeur écologique pour les milieux humides mais pas pour les milieux hydriques. Donc, nous nous interrogeons sur pourquoi il n'existe pas un critère de valeur écologique pour les milieux hydriques.

L'expertise. Pour faire une étude de caractérisation, on fait recours... on a recours, plutôt, aux professionnels qui sont visés par le Code des professions. Nous vous recommandons de limiter cette notion de professionnel, parce qu'en vertu du Code des professions même un médecin pourrait faire une étude de caractérisation. Donc, ce serait peut-être bien de venir préciser la notion de professionnel visé ici et peut-être recourir au même outil que vous avez mis en place pour le dossier des terrains contaminés. Vous avez une liste d'experts, il pourrait peut-être y avoir une liste d'experts également pour ce dossier.

Mécanismes de compensation. Nous saluons la flexibilité qui est offerte éventuellement au promoteur, lorsqu'une somme devient exigible, lorsqu'une compensation est exigible, de permettre au promoteur également de faire des travaux. Et nous saluons également le régime qui sera applicable aux tourbières et aux cannebergières.

Pour ce qui est de la méthode de calcul de la contribution financière, nous comprenons bien qu'elle est déterminée selon l'approche éviter-minimiser-compenser, puis on y ajoute un facteur multiplicateur. Mais, comme vous l'avez peut-être lu de notre mémoire, un de nos membres a procédé à un exercice sur le territoire de Montréal avec un hectare. Si nous appliquons cette formule, nous arriverions à une valeur de 500 000 $, ce qui pourrait décourager les entreprises de verser une compensation et de réaliser plutôt des travaux, mais ça ferait aussi en sorte que le fonds ne serait pas alimenté, le fonds protection de l'environnement et hydrique.

Et, finalement, simplement un mot sur la question de la durée d'autorisation, qui en ce moment est de deux ans. Nous savons très bien que les permis municipaux, parfois, pour les lotissements et autres, peuvent s'échelonner sur une plus longue période. Donc, oui, il y a la possibilité d'étendre la durée de la validité du certificat ou du permis, mais, si c'était possible de le prévoir dans la loi d'emblée, peut-être, en accordant un délai plus long.

Alors, on vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Lauzon, M. Daigneault. Alors, nous allons débuter un bloc d'échange avec la partie gouvernementale, et je cède de ce pas la parole à M. le ministre.

• (15 h 30) •

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Sur la définition, vous nous soulevez plusieurs interrogations, mais je cherche les propositions de solution. Alors, on a des gens qui nous disent, souvent : Ce n'est pas un problème s'il n'y a pas de solution. Alors, c'est quoi, votre définition?

M. Daigneault (Robert) : Alors, si vous permettez, M. le ministre, des définitions, il y en a plusieurs. Et d'ailleurs, votre ministère, une de ces autorités, c'est Tiner, aux États-Unis, qui en a recensé plusieurs, peut-être, je pense, une dizaine de définitions différentes, pour finir par conclure que ces définitions-là, ce sont des guides pour éventuellement permettre à l'État d'identifier les milieux qu'il veut protéger.

J'ai déjà écrit là-dessus. Je trouve que la formule la plus claire, c'est la cartographie, c'est la délimitation. Il y a des outils, comme dans la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, qui permettent de le faire. C'est quelque chose qui est clair aussi pour le justiciable. D'ailleurs, l'effort qui est prévu ici au niveau de la planification régionale pourrait amener à ça.

Mais, pour ce qui est de la définition, il faudrait trouver des balises, des limites à la portée qu'on y met. Par exemple, une plaine inondable, Me Lauzon parlait de la récurrence 0-100 ans, qui reste une simple statistique. La même inondation peut se reproduire deux années de suite comme elle pourrait ne pas se produire pendant 150 ans, c'est de la pure statistique. Est-ce qu'on est toujours, dans le cours d'eau, dans le milieu humide, dans le milieu hydrique, à ce degré de... fréquence d'inondation, de statistique?

Alors, il s'agirait, finalement, de tracer des limites. La notion de sol hydromorphe en est un. Il y a des définitions techniques de sol hydromorphe, puis, même là, à l'intérieur... dans la littérature, on n'applique pas nécessairement ça à tous les sols hydromorphes. On va faire une relation entre la période d'inondation du sol en question s'il y a de l'eau stagnante pendant une bonne période de croissance de la végétation.

Alors, il existe, dans la littérature, des repères, qui sont au choix du législateur en fonction de l'étendue qu'il veut donner à la définition. C'est juste qu'ici on n'a pas tracé de limites, selon la lecture que j'en fais, si vous me permettez.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Daigneault. M. le ministre.

M. Heurtel : Pas tracé de limites... En tout cas, je comprends, là, ce que vous proposez, mais je veux en même temps mettre de l'avant l'idée qu'il faut faire attention à sortir la définition du texte puis juste la lire de façon abstraite. Le projet de loi, quand même, encadre. Il y a déjà des guides. Il va y avoir des guides, il va y avoir une réglementation, il va y avoir des plans de conservation. Ça s'intègre également dans une cartographie. Tout ça va faire l'objet, également, de consultations. Il va y avoir des expertises externes, l'implication des autorités municipales, des groupes comme les OBV, Canards illimités.

Puis, justement, la discussion qu'on a, c'est d'y aller par une approche par bassin versant. Donc, cette définition-là va devoir avoir assez de flexibilité.

C'est parce que ce ne serait pas la première fois qu'une définition suscite des questionnements, en droit. Le problème, c'est que... Je crois qu'il y a un consensus, quasi-unanimité, au Québec, qu'un des grands problèmes du régime actuel, c'est l'absence de définition. Alors là, je trouve particulier que, là, vous m'arriviez et vous disiez : Bien là, la définition... On fait un effort.

Là, je vous demande... je vous tends la main, je vous dis : Comment je l'améliore? Vous me dites : Je trouve ça vague. Alors, moi, je dois mettre une définition dans le projet de loi, je fais ce choix-là. Alors, ce que je vous demande, s'il vous plaît, c'est de me dire... Vous m'expliquez pourquoi elle n'est pas bonne. J'aimerais ça que vous m'aidiez en me disant comment je l'améliore concrètement. Parce que le choix, il est fait, il va y avoir une définition dans le projet de loi, alors là je vous demande comment je l'améliore.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Daigneault, Mme Lauzon, la parole est à vous.

M. Daigneault (Robert) : Bon, alors, vous avez raison, il y a des indices dans la loi sur ce que le législateur cherche à encadrer. Le plus bel exemple, c'est l'article 6 qui introduit l'article 13.1 dans la Loi affirmant un caractère collectif, là, des ressources en eau, où on énumère les fonctions écologiques des milieux hydriques et humides. Donc, on sent, à travers ça, que le législateur a quelque chose de clair à l'esprit. C'est cet élément-là qu'il faudrait, à mon avis, retrouver, dans une certaine mesure, dans la définition.

Par exemple, il y a des législations fédérales où on a défini, par exemple, les milieux humides, «wetlands», en anglais, comme un degré, une période de saturation en eau d'un terrain donné et non pas simplement le fait qu'à un moment donné dans l'année il puisse être saturé en eau. Est-ce qu'on devrait dire... Bon, saturé en eau, selon une période qui sera définie par règlement, c'est une chose. De simplement donner par délégation au gouvernement le soin de définir tout terme ou expression dans la loi, c'en est une autre. Vous voyez un peu, là. C'est que je pense qu'on pourrait donner au gouvernement le pouvoir de les fixer, ces balises-là, que ce soient des balises temporelles, des balises géographiques, des balises de superficie. Alors, il y a plusieurs paramètres qui peuvent permettre au législateur de dire : Voici les milieux humides, les milieux hydriques qui vont être visés par la législation. Parce que, la municipalité régionale qui va devoir faire son plan régional, ça va être ça, sa définition.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le ministre.

M. Heurtel : Votre point que vous soulevez sur la question de quels types de professionnels peuvent intervenir, même genre de question. Pouvez-vous nous proposer une liste? Pouvez-vous nous proposer... Je comprends que vous ne voulez pas que des médecins interviennent. Ça, c'est clair. Ce que je voudrais... Avez-vous une idée... Je comprends, là, l'idée de la liste de professionnels. Ce n'est pas quelque chose qu'on exclut, loin de là. Mais on a eu le même genre de conversation avec les biologistes cet avant-midi. Même au niveau des biologistes, ils nous disent : Bien, ce n'est pas tous les biologistes qui peuvent intervenir. Alors, si vous pouvez approfondir cette notion-là, s'il vous plaît, encore dans le but de nous aider, là, à améliorer le projet de loi.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. Daigneault, Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Je vais débuter, puis mon collègue pourra également poursuivre. Ce que je vous dirais, M. le ministre, c'est qu'effectivement la liste, comme une liste que vous avez, bien, quelle devrait être cette liste, vous avez déjà un début dans votre projet de loi. Je pense, les biologistes, ça va de soi, c'est naturel. Puis il y a des techniciens. Moi, ce que les membres nous ont expliqué, chez nous, c'est qu'il y a des techniciens qui ont des particularités qui peuvent faire ce genre de caractérisation. Donc, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un profil qui serait dressé par voie réglementaire, puis ce profil-là, par la suite, serait imposé pour pouvoir avoir une liste d'experts? Je ne sais pas si, Me Daigneault, vous voulez renchérir.

Le Président (M. Iracà) : Me Daigneault.

M. Daigneault (Robert) : Oui. Bien, justement, vous parliez de l'Association des biologistes, dont je suis membre depuis au-dessus de 30 ans certain. Et j'ai travaillé aussi à essayer d'avoir une reconnaissance professionnelle pour les biologistes, qui, à mon avis, s'impose, surtout avec ces nouvelles législations. Mais je pense qu'il faut y aller par champ de compétence. On parle ici de notions d'hydrologie, on parle de notions de botanique, on parle de notions de pédologie, là, la science des sols. Alors, c'est pour ça, l'idée de critères comme ceux que le ministre a publiés pour les experts, là, en vertu de l'article 31.65 de la Loi sur la qualité de l'environnement, où on énumère des champs de compétence, des expériences, des années d'expérience dans les domaines précis pour pouvoir être reconnu, avoir cette reconnaissance. Alors, c'est un exemple de ce qui pourrait être fait.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Daigneault. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Maintenant, sur le point de... Je suis à la page 7 : «Le CPEQ salue le fait que la gestion de la compensation versée par le promoteur sera dévolue au ministère», et le ministère pourra ensuite déléguer. Un des grands débats qui se dessine, depuis le début de nos travaux sur ce projet de loi, c'est tout le fonctionnement de cette délégation-là, et plus particulièrement, bon, qui tient le crayon puis qui, ultimement, prend la décision. Est-ce que c'est le monde municipal? Puis même à l'intérieur du monde municipal on dit : Bien, est-ce que ça devrait être plus les MRC que simplement les municipalités, versus les communautés métropolitaines? Est-ce que ça va être encore plus les MRC? Puis il y a même d'autres groupes qui nous disent : Bien, il faudrait résister et remettre ça peut-être soit aux OBV soit aux organismes qui sont plus versés dans ce type de planification là. Il y a des questions relatives à s'assurer que l'argent reste soit dans le bassin versant soit dans la municipalité. Bref, avez-vous des opinions sur ces divers sujets?

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre.

Mme Lauzon (Hélène) : Ce que nous pensons, M. le ministre... Là, il s'agit d'une question de compétence municipale, mais ce que nous pensons, c'est qu'il faut que ça demeure à l'échelle régionale pour qu'il y ait une cohérence avec le schéma qui sera éventuellement préparé puis avec votre plan directeur. Donc, nous ne pensons pas que ça devrait être délégué à l'ensemble des municipalités. Et, encore là, ça prend une vision cohérente pour ce qui est de l'administration du fonds. Si on commence à faire des projets par municipalité, on perd l'objectif, votre objectif de départ d'avoir un plan directeur puis des schémas aussi à l'échelle régionale. Donc, nous favorisons ce que vous avez déjà mis en place.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Mme Lauzon. J'ai le député de Dubuc qui désire vous interpeler. Alors, M. le député de Dubuc, la parole est à vous.

• (15 h 40) •

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. D'abord, je vous salue, Mme Lauzon, M. Daigneault. Bienvenue. Dans votre mémoire, vous parlez que «le projet de loi ne prévoit pas de distinction entre les impacts temporaires et les impacts permanents pour le déclenchement de l'obligation de fournir une compensation». Maintenant, vous savez pertinemment, également... en tout cas, je crois que vous savez que, dans le projet de loi... que, dans la loi n° 102, qui a été, bon, décrétée dernièrement, il y a une notion d'impact élevé, modéré, faible et négligeable. Donc, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Ne croyez-vous pas que cette notion dans la loi n° 102 vient couvrir le fait de ne pas prévoir de distinction entre l'impact temporaire ou un impact permanent?

Le Président (M. Iracà) : Merci. Il y a un petit consensus. Alors, ce sera Mme Lauzon, j'imagine... ou Me Daigneault?

Mme Lauzon (Hélène) : Ce sera Me Daigneault, ce sera Me Daigneault.

M. Daigneault (Robert) : Bon. Alors, on convient vite... Effectivement, je pense que ça pourrait être un outil, ce volet-là de la loi n° 102, là, maintenant ce qui sera dans la Loi sur la qualité de l'environnement, là, d'ici moins d'un an, une gradation selon les impacts. Ce qu'il faudra définir, c'est : Est-ce que ce sont des impacts en termes de superficie, en termes de transformation du milieu, de perte de fonctions écologiques? Déjà, les fonctions écologiques qui sont énumérées à l'article 6, c'est déjà un bon guide, à mon avis.

Ce qui m'interpelle, par exemple, c'est lorsque, par exemple, le ministre peut refuser un projet parce qu'on n'aura pas fait la démonstration que les impacts vont être réduits au minimum. La question que je me pose, c'est : Quel minimum? Est-ce que c'est un minimum en fonction du type d'activité, en fonction du milieu, en fonction de sa sensibilité? Ce n'est pas clair, là, qu'est-ce qu'on entend par «réduire les impacts au minimum».

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Daigneault. M. le député de Dubuc.

M. Simard (Dubuc) : Maintenant, M. le Président, j'aimerais savoir si, en tout cas, Mme Lauzon ou M. Daigneault, bien sûr, considèrent que le projet de loi constitue une amélioration significative pour clarifier, simplifier, tout au moins, puis baliser le régime d'autorisation entourant les milieux humides et hydriques. Est-ce que c'est une bonne chose qu'on fait... ou encore il y a des améliorations à faire? On peut penser, bien sûr, qu'il y a amélioration, ce que je pense qu'on peut entendre lors des consultations, mais, au moment où on se parle, dans l'ensemble, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Je regardais pour voir si le micro était... Oui. Alors, ça a pour effet de venir préciser ce qui demeurait très ambigu depuis le jugement qui avait été rendu dans le dossier des Atocas. Ça vient consacrer ce que ce jugement-là avait conclu, donc plus de directive mais de la clarté au sein de la législation, aussi de la prévisibilité. Alors, en ce sens-là, je pense que ça atteint l'objectif, autant ce que nous cherchions que d'autres intervenants, j'ai l'impression. Je ne sais pas si, Me Daigneault, vous voulez compléter.

M. Daigneault (Robert) : Non, je pense que c'est un peu la même conclusion qu'on peut tirer. Il y a un encadrement, peut-être qui est perfectible, mais il y a un encadrement maintenant qu'on n'avait pas auparavant.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Daigneault. M. le député de Dubuc, il vous reste cinq minutes.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. Une petite question courte : S'il y avait une action, un volet du projet de loi à concrétiser dans les plus brefs délais, d'après vous, suggestion, quel serait-il, d'après votre analyse?

Mme Lauzon (Hélène) : L'adoption de la loi.

M. Simard (Dubuc) : Bon. Ça, c'est une chose.

Mme Lauzon (Hélène) : Non, non, mais je vais répondre quand même plus exactement à votre... Ce que vous me demandez, c'est qu'est-ce qui devrait aller de l'avant maintenant ou bien comment...

M. Simard (Dubuc) : Maintenant, rapidement.

Mme Lauzon (Hélène) : Maintenant, rapidement, en dehors de la loi dans son intégralité. Je ne suis pas certaine que je puisse répondre à ça. C'est-à-dire un élément qui serait extrait du projet de loi pour...

M. Simard (Dubuc) : Que vous n'avez pas vu. Ou que vous avez vu, mais que vous ne voudriez pas que ça retarde.

Mme Lauzon (Hélène) : Non, je pense que... Sinon, je le disais à la boutade au départ, mais je ne suis pas capable de dire qu'on devrait extraire un élément du projet de loi pour le faire avancer seul. Je pense que, si vous allez de l'avant avec ce projet de loi, il faut aller dans son intégralité.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. M. le député de Dubuc. Quatre minutes.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. Bien, je vais laisser la parole, maintenant, à mon collègue, le député de Mégantic.

Le Président (M. Iracà) : Oui. M. le député de Mégantic, il vous reste quatre minutes pour vos questions.

M. Bolduc : Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur.

Vous nous dites que... l'acquisition de connaissances préalable du territoire avant d'en permettre quelque nouvel usage ou aménagement. Est-ce que vous nous proposez d'avoir une cartographie complète du territoire bien établie?

Le Président (M. Iracà) : Merci. Me Daigneault.

M. Daigneault (Robert) : Bon, alors... Oui, j'attendais le micro. Bien, en fait, je pense que l'outil de planification territoriale par excellence, c'est certainement ça, ce qu'on retrouve, d'ailleurs, dans les schémas d'aménagement, au niveau des grandes affectations des terres, et tout. Alors, c'est, je pense, un outil qui est exigeant, c'est sûr, ça demande des ressources. Et puis il faut que ça se fasse non seulement à l'échelle locale, mais à l'échelle régionale et, je dirais, à l'échelle nationale aussi. Mais ça permet au justiciable de savoir où concentrer ses efforts, où seront possibles les projets, les endroits où de toute façon il faut laisser tomber. En tout cas, pour ma part, l'outil cartographique reste un outil préférentiel.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Mégantic.

M. Bolduc : Puis je voudrais juste... Puis je m'en vais à la page 33, puis...

Une voix : 33 du projet de loi?

M. Bolduc : Non, de votre texte. Puis on me dit... vous dites qu'un milieu...

Une voix : ...

M. Bolduc : Je n'ai pas le bon? De toute façon... Ça se peut-u? Ça se peut. «Anyway», ce que moi, je voulais dire, c'est que l'identification des milieux humides, en regard avec leur reconnaissance par la clientèle, soit les municipalités soit les forestiers puis à une moindre mesure, généralement, l'agriculture, il y a une ambiguïté dans la reconnaissance de la nature de ces terrains-là puis... Est-ce que vous avez une façon d'envisager ça? On parle de la nature des sols, on parle de tourbières, mais souvent il y a des sols, de la terre noire, des sols qui... ou, par exemple, une cédrière, etc. Est-ce que vous avez un encadrement, dans votre vision, qui peut nous permettre de clarifier ce processus-là? Il y a des gens, là, ils sont dans le bois, ils coupent des arbres, là, puis là : Est-ce que je suis correct, je ne suis pas correct? Comment on fait ça?

Le Président (M. Iracà) : Merci. En une minute.

M. Daigneault (Robert) : Alors, vous soulevez un point très intéressant et puis qui me rejoint dans des situations que j'ai vécues autant aussi à une certaine... dans une autre vie, où j'enseignais la botanique forestière. C'est qu'il ne faut pas juste voir cette loi-là comme une loi qui vise les promoteurs, c'est une loi qui vise M. et Mme Tout-le-monde. Puis M. et Mme Tout-le-monde ne sait pas ce que c'est, un sol hydromorphe, ne sait pas ce que c'est, une hydrophyte. La définition d'«hydrophyte», il y a des variantes, ainsi de suite.

Alors, on ne peut pas demander à n'importe quelle personne dans n'importe quel milieu d'être obligée d'aller donner des coups de pelle pour savoir si, finalement, c'est un milieu humide ou pas, on n'en sortirait jamais. Et c'est pour ça encore que je reviens avec cette mention que la cartographie, ça reste encore l'outil le plus sûr pour que le justiciable s'y retrouve, parce qu'il y a des gens qui, bien intentionnés, n'avaient vraiment aucun indice pour constater qu'ils étaient dans un marécage selon des critères botaniques, selon des critères pédologiques. Ce n'est pas à la portée de la personne ordinaire.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Me Daigneault. Ceci met fin à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons procéder à un autre bloc d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour, Me Daigneault, Mme Lauzon. Ça fait plaisir de vous accueillir ici.

Je voudrais poursuivre, moi aussi, sur la question de la définition. Vous êtes assez critiques quant à la définition. Le ministre est intervenu là-dessus tout à l'heure. J'essaie de bien comprendre ce que vous voulez dire. Je me demande si vous êtes d'avis qu'on doit inclure dans la définition ou ailleurs dans la loi, mais particulièrement dans la définition, le rôle que jouent les milieux humides et hydriques dans la lutte contre les changements climatiques. Est-ce qu'on doit faire référence à cet objectif-là dans la définition?

Le Président (M. Iracà) : Merci. Allez-y.

M. Daigneault (Robert) : Alors, à mon avis, ce n'est pas tellement sa place, dans une définition, c'est plus dans le pourquoi d'une intervention, dans le pourquoi d'un encadrement de ce qui peut se faire dans un milieu humide ou dans un milieu hydrique. Mais ce n'est par ces caractéristiques-là qu'on peut définir le milieu humide, parce que beaucoup d'autres milieux naturels peuvent être des puits de carbone, et il n'y a pas... Pour ma part, non, je ne vois pas comment ça pourrait être associé à la définition.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Iracà) : Merci.

M. Gaudreault : Sur la question des compensations, des territoires de compensation, je veux être sûr de savoir ce que vous envisagez, là, comme meilleure piste d'atterrissage, on va dire ça comme ça, là. Parce que plusieurs groupes sont venus ici pour nous dire : Bien, il faut travailler en fonction d'un bassin versant, parce que c'est quand même le cadre d'intervention, si on veut, dans les milieux humides et hydriques, en fonction d'un bassin, d'un bassin versant, mais il y a d'autres groupes, comme les municipalités, qui sont venus nous dire, par exemple la FQM : Bien, il faut penser en fonction de la MRC, sinon la région administrative. Alors, moi, je veux être sûr de bien comprendre. Vous avez parlé tout à l'heure... je pense que c'est Mme Lauzon qui a parlé de région, mais là c'est une expression large, là. Quand on parle de région, vous parlez de quoi précisément? Est-ce que c'est la région administrative? Est-ce que c'est la région MRC? Est-ce que c'est la région du bassin versant? Parce qu'il va falloir qu'on se campe, là, nous autres, à un moment donné. Là, on entend toutes sortes de choses, mais il va falloir qu'on tire la ligne à la fin, là. Donc, vous pensez quoi à cet égard?

Le Président (M. Iracà) : Merci. Allez-y.

Mme Lauzon (Hélène) : Ce que j'avais à l'esprit en répondant à la question, tantôt : À l'échelle régionale, c'est l'autorité qui est chargée d'élaborer le plan. Donc, dans ce cas-là, ce serait soit une communauté métropolitaine ou la MRC. Et la compensation...

Mais je ne pense pas qu'une compensation doit être attitrée à une région donnée. C'est une compensation qui s'en va au fonds, puis ensuite, de déterminer quel le meilleur endroit pour exécuter des travaux, ça se fait à l'échelle... bien, quant à moi, mais peut-être que je me trompe. Je ne sais pas, Me Daigneault, ce que vous en pensez, on n'en pas discuté, mais ce serait à l'échelle provinciale, ce ne serait pas à l'échelle régionale ou même municipale, là, de savoir quels seraient les travaux qui pourraient être exécutés.

Le Président (M. Iracà) : Me Daigneault. Allez-y.

M. Daigneault (Robert) : Bien, ça pourrait être en fonction de certaines grandes unités physiographiques. Parce qu'il est évident que restaurer un milieu naturel dans la vallée du Saint-Laurent, ce n'est pas la même chose comme le restaurer dans la plaine abitibienne ou encore dans les Laurentides. Alors, il y a les conditions climatiques qui entrent en ligne de compte. Ça peut être des grandes régions de cet ordre-là qui pourraient être définies dans la planification régionale ou dans les orientations du ministre.

M. Gaudreault : O.K., mais c'est parce que, on pourrait dire, il y a comme deux façons de voir ça. On peut le prendre sous l'angle du territoire de l'écoulement naturel, disons, d'une rivière ou d'un bassin hydrographique, d'un bassin versant, ou on peut voir la loi sous l'angle de divisions administratives, de gouvernance politique, là, comme une MRC. Mais les deux ne sont pas des copies carbone, c'est le cas de le dire, des calques exacts, là, du même territoire. Les MRC ne respectent pas nécessairement un bassin versant, et vice versa.

Donc, c'est pour ça que la question est importante, parce qu'il peut y avoir plusieurs MRC qui touchent un bassin versant, il peut y avoir plusieurs bassins versants dans une MRC. À l'échelle régionale, c'est encore plus grand. Là, vous me parlez de bassins hydrographiques ou, en tout cas...

Une voix : ...

M. Gaudreault : ...physiographiques, exactement, des grandes unités physiographiques, là, c'est encore plus... Si je me mets dans la peau du justiciable, dont vous parlez depuis le début, là c'est vrai qu'on se perd, là.

Alors, je veux que ce soit clair, là. Est-ce qu'on travaille en fonction des municipalités ou est-ce qu'on travaille en fonction des bassins versants? Et ça, de ça va pouvoir découler, après ça, la gouvernance qu'on veut donner à la façon de faire un plan régional.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Me Daigneault.

M. Daigneault (Robert) : Bon, écoutez, je pense qu'avec les exemples que vous donnez, là, comme celui du bassin versant... Est-ce que l'approche, ce ne serait pas en fonction, justement, des fonctions écologiques, là, qui sont énumérées à l'article 6, là, l'article 13.1 de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau? C'est-à-dire que, si la fonction écologique qui est en cause, c'est une question de régularisation de débit ou de niveau d'eau, je pense que, là, l'approche par bassin versant serait appropriée. Si c'est une autre fonction du milieu humide qui est en cause, ce serait pour être une autre approche, par exemple la protection d'une espèce menacée ou vulnérable. Je pense qu'il faudrait adapter ça à la fonction écologique du milieu visé par la demande d'autorisation ou dans le travail de planification régionale de la municipalité.

M. Gaudreault : Est-ce que vous croyez que les plans directeurs de l'eau ne seraient pas une bonne base pour bien établir où on veut intervenir?

M. Daigneault (Robert) : S'ils sont faits par bassin versant... Bon, vous le mentionniez. Les MRC, le découpage municipal, que ce soit local ou même régional... J'ai moi-même étudié cette question-là, il y a, je pense, une MRC au Québec qui englobe un bassin versant, là, visé par les organismes de bassin versant, mais autrement c'est très découpé. Parfois, c'est un très petit territoire d'une MRC en tête de bassin qui va être dans un bassin versant. Parfois, une MRC va avoir plusieurs bassins versants qu'elle partage avec d'autres MRC. Ce n'est pas évident de...

M. Gaudreault : C'est pour ça que je pose la question.

M. Daigneault (Robert) : Mais c'est vrai que le plan directeur a l'avantage de toucher le bassin versant, donc englober à peu près tout. Mais comment va se faire l'interaction avec les acteurs municipaux?

M. Gaudreault : Oui. Bien, c'est ça, il y a un comité, là... l'article 15.3 parle de concertation régionale, là, en tout cas. Il y a peut-être matière à fouiller ça davantage. En tout cas, c'est ce que nous suggère le ROBVQ. Mais je veux vous amener ailleurs parce que je sais que le temps file.

Le Président (M. Iracà) : Quatre minutes.

M. Gaudreault : Quatre minutes. Je veux absolument vous entendre. Vous êtes le Conseil patronal de l'environnement, donc je veux absolument vous entendre sur votre compréhension de l'article 15.2 qui est introduit par l'article 8 du projet de loi, deuxième alinéa, paragraphe 3°, concernant la nécessité de tenir compte des droits accordés par l'État en vertu de la Loi sur les mines et de la Loi sur les hydrocarbures. Est-ce que, pour vous, ça donne une préséance sur la question des milieux humides, une préséance aux droits accordés en vertu de la Loi sur les hydrocarbures et de la Loi sur les mines?

Le Président (M. Iracà) : Oui. Mme Lauzon, Me Daigneault.

Mme Lauzon (Hélène) : Non, bien, écoutez, c'est parce qu'on regardait à nouveau...

Le Président (M. Iracà) : Oui, oui, oui, prenez votre temps. Il vous reste trois minutes, par contre.

Mme Lauzon (Hélène) : Vas-y, Robert, vas-y.

M. Daigneault (Robert) : Alors, moi, je pense qu'il faut tenir compte des interventions qui sont prévues sur le territoire, surtout dans ce domaine-là. Et pourquoi dans ce domaine-là en particulier? C'est parce que, dans ces deux domaines-là, on parle de l'exploitation de gisements, donc on parle de quelque chose de topique, quelque chose qui est localisé et, donc, qui va nécessairement avoir une interférence avec la protection des milieux humides. Alors, si on le fait dans l'abstrait, on va se retrouver avec des conflits potentiels. Alors, moi, je pense que c'est nécessaire de tenir compte de cette préséance, oui, préséance, parce que, comme je le mentionne, ce sont des projets qui sont topiques, qui visent un gisement, un endroit précis, soit le gisement minier, le gisement d'hydrocarbures, le cas échéant.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : O.K. Mais est-ce qu'il n'y a pas une contradiction quant à la protection des milieux humides, là, par exemple, avec les nappes phréatiques ou les bassins versants, peut-être même les lieux de compensation éventuels? Alors, pour vous, c'est vraiment une préséance des droits miniers et des droits sur les permis d'hydrocarbure? Votre compréhension.

Le Président (M. Iracà) : Oui, Me Daigneault.

M. Daigneault (Robert) : Bien, en fait, il faut faire attention. Préséance, ça ne veut pas dire que ça se fait sans tenir compte du milieu humide. Il y a des obligations de restauration qui sont prévues dans la législation, que ce soit pour exploiter un gisement minier ou autres. Alors, ce sont des projets qui sont finis dans le temps, d'abord. Donc, au terme de l'exécution des travaux, il y a une remise, on peut recréer le milieu humide. La loi prévoit la recréation, la restauration d'un milieu humide après des travaux. Alors donc, on en tient compte déjà, même, dans la loi.

M. Gaudreault : Oui, mais, dans ce cas-là, si on relit bien l'article 15.2, c'est le plan régional des milieux humides qui doit tenir compte des droits accordés par la Loi sur les mines et la Loi sur les hydrocarbures. Donc, ce n'est pas la Loi sur les mines ou la Loi sur les hydrocarbures qui doit tenir compte des plans d'action sur les milieux hydriques mais bien l'inverse.

Le Président (M. Iracà) : Me Daigneault, Mme Lauzon.

Mme Lauzon (Hélène) : Vas-y. Vas-y, Robert. Non, non, vas-y.

• (16 heures) •

M. Gaudreault : Vous pouvez y réfléchir davantage et nous faire parvenir le fruit de votre réflexion, si vous le souhaitez.

M. Daigneault (Robert) : Oui. Je pense que c'est souhaitable, oui.

M. Gaudreault : Je l'ai suggéré... nous l'avons suggéré, comme commission, à d'autres groupes. Puis on serait bien heureux de l'entendre, d'autant plus que vous représentez quand même un groupe économique important, là. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Iracà) : Il reste 30 secondes.

M. Gaudreault : 30 secondes, c'est quand même pas mal. Vous savez que je défends mes 30 secondes, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Oui, je le sais. Et il reste 20 secondes.

M. Gaudreault : Comment on évalue la valeur écologique? Vous parlez, à la page 6, là, de tenir compte, là, dans le milieu de la page, là... de s'intéresser davantage à la valeur écologique des terrains. En 10 secondes.

M. Daigneault (Robert) : Bien, la valeur écologique, déjà il y a des outils qui sont même utilisés couramment, là, par les professionnels. C'est des pointages qui sont attribués à différentes fonctions, différentes caractéristiques du milieu, la présence, par exemple, d'espèces menacées ou vulnérables, l'étendue du milieu, est-ce qu'il a subi des perturbations ou non.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Merci, Me Daigneault. Écoutez, j'ai une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle. La mauvaise, c'est que nous sommes appelés pour voter au salon bleu. Nous sommes des députés, il faut voter de temps en temps. Et la bonne nouvelle, c'est que nous allons revenir pour poursuivre avec vous avec le dernier bloc pour le deuxième groupe d'opposition.

Alors, je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 25)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous étions à la fin de la période d'échange avec l'opposition officielle et nous étions également au début d'un nouveau bloc d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Le député de Masson, la parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Donc, on s'est quittés sur la question du député de Jonquière, puis vous étiez en train de répondre sur... en ce qui a trait à la valeur écologique des terrains. Vous avez fait une énumération rapide parce que vous n'aviez plus le temps, mais est-ce que vous aviez terminé votre définition de la valeur écologique des terrains?

M. Daigneault (Robert) : Bien, en fait, ce que j'indiquais, simplement, c'est que la détermination de la valeur écologique, c'est déjà une démarche qui existe, qui a différentes... il y a des méthodes qui sont appliquées par des spécialistes. C'est souvent des formules de pointage. Certains facteurs vont se voir attribuer des points plus importants que d'autres, là. Alors, je donnais l'exemple, justement, de la présence d'espèces menacées ou vulnérables, de la superficie, le caractère non perturbé, ainsi de suite. Alors donc, on n'est pas en terrain inconnu, là.

M. Lemay : Parfait.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Masson.

M. Lemay : Merci. Toujours à la page 6 de votre mémoire, là, vous mentionnez, après ça, que, quand on fait une compensation, là... vous dites que, le projet de loi, il n'y a pas de différenciation ou de distinction entre un impact temporaire et un impact permanent dans le déclenchement de l'obligation de fournir une compensation. Je ne sais pas si vous avez un mot supplémentaire à mentionner. Parce que je n'ai pas noté ça dans les autres mémoires des groupes qui sont venus nous rencontrer.

Le Président (M. Iracà) : Merci.

M. Daigneault (Robert) : Bien, en fait, ça revient un peu à ce que je mentionnais tout à l'heure concernant les projets miniers. C'est qu'il y a des projets qui, eux, vont avoir un impact permanent, par exemple, je ne sais pas, là, si on couvre un milieu humide d'un stationnement, c'est fini pour toujours, là, pour le milieu humide, tandis que, si on parle d'un projet d'exploitation minière, par exemple, le projet va avoir une durée de vie finie dans le temps, et à la fin, et de toute façon c'est déjà prévu, même, dans la Loi sur les mines, il faut qu'il y ait un plan de restauration du site, et ce plan-là pourra inclure la remise en état de... la création d'un milieu qui se rapproche de celui qui pouvait être là auparavant.

Et d'ailleurs, sur la question des mines, si vous permettez, sur la question de l'article 15.2 puis les droits qui sont octroyés, on parle quand même de droits qui sont accordés par l'État. Alors, ce serait particulier, là, qu'un plan régional fasse échec à des droits qui sont accordés par l'État, des droits miniers ou des droits pour les hydrocarbures.

Et le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles a le pouvoir de soustraire des territoires au jalonnement, à l'exploration, à l'exploitation. Alors, c'est déjà... Il y a un arrimage possible ici, là.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Daigneault. M. le député de Masson.

M. Lemay : Oui. Parfait. Dans votre conclusion, vous nous mentionnez que la méthode de calcul qui est proposée quand il y a compensation, justement, devrait être revue car elle risque de dissuader les promoteurs de verser une compensation financière. Il y a certains groupes qui sont venus nous voir que ce n'était pas suffisant, puis comme notamment l'OBV ou Nature Québec, ils nous ont dit : On devrait majorer à la hausse, puis ils ont même suggéré d'y aller à trois pour un, en termes de compensation. Vous, vous semblez dire que c'est déjà élevé, comme, en termes de... bon, les valeurs foncières. Je ne sais pas si vous voulez expliquer votre point de vue.

Mme Lauzon (Hélène) : Oui. Ce que j'expliquais précédemment, c'est qu'un de nos membres a procédé à une espèce d'étude pour savoir, là, comment on pourrait appliquer cette compensation, puis l'exemple que nous donnons, c'est l'exemple d'un hectare. Donc, un hectare sur le territoire de Montréal, puisque le facteur multiplicateur est un facteur relié à l'évaluation foncière plutôt qu'à la valeur écologique, ça ferait en sorte que le coût... la valeur de la compensation serait aussi élevée que 500 000 $. Donc, ce que nous disons, c'est que, pour un promoteur qui voudrait éventuellement verser une compensation, 500 000 $ pour un hectare, ça s'avère un peu trop élevé. Donc, ça voudrait dire qu'un promoteur qui aurait la possibilité de soit verser une compensation, soit procéder à des travaux de restauration ou de valorisation, il choisira sûrement de procéder à des travaux de valorisation.

Donc, au fond, c'est d'essayer de revoir la méthode de calcul pour s'assurer qu'il y ait des incitatifs à verser la compensation. Pourquoi il faut qu'il y ait des incitatifs? Parce qu'éventuellement on voudra... l'État voudra garnir le Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique. Si, finalement, au bout du compte, tous les promoteurs se disent : Bien, nous préférons procéder à des travaux de restauration et de valorisation plutôt que de verser une compensation, ça veut dire que ce fonds-là ne sera jamais garni, et donc les projets ne se feront pas.

• (16 h 30) •

M. Lemay : Justement, on nous mentionnait... certains groupes sont venus nous mentionner qu'il devrait y avoir un montant de départ dans le Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État. Est-ce que vous êtes... J'imagine que vous seriez sûrement en faveur d'avoir une bonification initiale, dans ce fonds-là, justement, pour pouvoir réaliser certains travaux. Est-ce que vous avez une suggestion à faire en ce sens?

Mme Lauzon (Hélène) : Bien, ce que nous espérons... Parce que vous savez que les entreprises contribuent substantiellement au Fonds vert déjà. Donc, s'il y avait un montant de départ... Je ne sais pas si ce serait l'État qui verserait ce montant-là, mais on espère que ce ne seraient pas les promoteurs qui seraient, tout d'un coup, obligés de verser cet argent-là comme point de départ, puisqu'il y a déjà un versement substantiel au Fonds vert.

M. Lemay : Parfait.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Masson. Deux minutes.

M. Lemay : Bien, monsieur... En fait, je ne sais pas si vous avez quelque chose d'autre à mentionner. J'ai essayé de faire ça court parce que je me sens un peu pressé dans le temps, là.

Mme Lauzon (Hélène) : Bien, je dirais qu'il y aurait deux éléments auxquels... un élément auquel je n'ai pas référé, qui est le bilan, parce que le projet de loi prévoit un bilan aux 10 ans, et on se demandait... 10 ans, ça nous apparaît un peu éloigné dans le temps. Est-ce que ce ne serait pas possible d'avoir un bilan quinquennal plutôt qu'un bilan sur une base de 10 ans?

M. Lemay : Assurément, c'était déjà «highlighté» dans notre...

Mme Lauzon (Hélène) : Dans votre lecture.

M. Lemay : Merci beaucoup. Merci.

Mme Lauzon (Hélène) : Merci à vous.

Le Président (M. Iracà) : Ça fait le tour?

M. Lemay : Oui.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. le député de Masson. Alors, je vous remercie énormément de votre présence ici et d'avoir contribué à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'installer. Merci beaucoup de votre présence.

(Suspension de la séance à 16 h 31)

(Reprise à 16 h 34)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à l'Association des aménagistes régionaux du Québec. Bienvenue chez vous. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à des périodes d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous. Merci.

Association des aménagistes régionaux du Québec (AARQ)

M. Lestage (François) : Merci, M. le Président. Donc, François Lestage, aménagiste régional pour la MRC de Marguerite-D'Youville en Montérégie. Et je suis accompagné de...

M. Provencher (Francis) : Francis Provencher, MRC de Rouville, directeur de l'aménagement.

M. Lestage (François) : Alors, M. le Président, M. le ministre — excusez le retour de son — MM. les députés...

Le Président (M. Iracà) : ...problèmes de son.

M. Lestage (François) : Alors, dans un premier temps, l'association vous remercie de l'opportunité de venir vous rencontrer et de venir aussi vous déposer un mémoire.

Donc, l'aménagiste régional, peut-être pour faire un petit tour d'horizon, vous expliquer ce que fait un aménagiste. Je crois que la plupart le savent, mais, je pense, c'est bon de le mentionner.

Donc, l'association est créée en 1984 et a comme mission de regrouper les professionnels du domaine de l'aménagement du territoire oeuvrant principalement au sein des MRC et des autres organisations municipales supralocales. Donc, notre mandat est de faire correspondre les aspirations des élus municipaux dans le respect des orientations gouvernementales et du cadre législatif. Donc, l'aménagiste régional oeuvre à ce que le développement des territoires s'effectue en respectant un équilibre entre les variables sociales, environnementales et économiques des milieux de vie.

D'entrée de jeu, je dois vous dire que les aménagistes régionaux ont toujours eu et ont toujours été préoccupés par les milieux humides dans leur pratique. Je vous ai déposé, un peu avant notre audition, un document qui en fait foi, et le mémoire aussi, en préambule et en introduction du mémoire, explique un peu l'expérience de ce qui s'est réalisé en Montérégie. Je ne le résumerai pas au complet, mais ce que vous avez entre les mains est un outil d'aide à la décision au niveau des milieux humides, de la prise en compte des milieux humides, initiative qui a été prise au sein de la commission régionale des ressources naturelles et du territoire de la CRE Montérégie-Est, feue CRE Montérégie-Est, où neuf aménagistes ont initié l'élaboration de cet outil-là. Et je fais juste pointer ou préciser davantage ici aux membres que cette démarche-là a été faite conjointement avec des gens de l'OBV, des gens des ministères, des gens de l'UPA, des représentants de l'UPA, le ministère Faune et Parcs, le ministère de l'Environnement, bureau régional, bureau central. Donc, c'est une activité qui s'est faite, qui s'est réalisée, qui a débouché, si on veut, avec ce document-là en 2015.

Depuis, bien, c'est sûr que vous avez connu... on a connu tous les changements au niveau de la gouvernance, au niveau des CRE, mais également il y a eu, je vous dirais, de surplace, parce qu'après toutes ces années de travail de la part des aménagistes, bien, il manquait un élément essentiel, donc une orientation claire du gouvernement par l'adoption d'une législation afin de répondre à la prise en compte, la protection, la conservation des milieux humides.

Donc, aujourd'hui, on peut juste vous confirmer que l'AARQ, l'Association des aménagistes régionaux du Québec, souscrit à l'élaboration d'un plan des milieux humides et hydriques au niveau régional, et ce, au sein des MRC.

On questionne aussi, dans notre mémoire, certains éléments, dont toute la question de la responsabilité qui est donnée aux communautés métropolitaines. On fait référence à la loi n° 58, où, par le passé, le législateur est venu confirmer la responsabilité de l'aménagement du territoire aux MRC. Et on questionne aussi toute la question de la cohérence gouvernementale avec l'adoption... le dépôt des projets de loi nos 122, 121, la sanction de la loi n° 109, où le législateur, le gouvernement est venu donner un mandat clair de gouvernement de proximité au niveau municipal. Donc, pour nous, il est essentiel que le gouvernement confirme la responsabilité de la réalisation des plans des milieux humides et hydriques, et ce, à toutes les MRC, sans exception.

Quant au Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État, l'association se questionne sur la rétribution des sommes amassées et toute la question aussi de la participation ou de la contribution, là, des milieux contributeurs pour le financement. À cela, l'association propose une priorisation dans son mémoire, et on a un schéma qui l'explique bien. Donc, essentiellement, ce qu'on met de l'avant, c'est de prioriser une rétribution des fonds au niveau du milieu contributeur. Donc, après ça, on pourra s'expliquer, si vous voulez, et je pourrai le préciser par la période qui vous est réservée par la suite.

Il est évident que, pour réaliser des plans régionaux de conservation des milieux humides, bien, c'est une tâche qui s'ajoute aux tâches qui sont déjà assujetties aux MRC. Donc, pour nous, il est important qu'il y ait du financement de prévu, un financement qui pourrait éventuellement être modulé selon les territoires, selon les connaissances, selon les particularités des territoires, à l'exemple, le mémoire en fait état... à l'exemple des plans de... des schémas de couverture de risques en matière de sécurité incendie, des plans de développement de la zone agricole, plans de matières résiduelles et même des premiers schémas, où le gouvernement avait prévu du financement pour la réalisation de ces tâches au niveau des MRC.

Pour l'instant, je céderais la parole à M. Provencher.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Iracà) : Oui. M. Provencher. Quatre minutes.

M. Provencher (Francis) : Merci. Les résultats d'une étude récente sur les milieux humides dans les basses terres du Saint-Laurent, commandée par le ministère de l'Environnement et produite en 2013, sont significatifs de l'inefficacité des mesures actuelles en matière de conservation et de protection des milieux humides. Je pense que ce n'est pas une surprise pour personne. Dans cette étude, il est fait mention que les activités agricoles sont presque absentes des certificats d'autorisation délivrés en vertu du deuxième alinéa de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement, dans les basses terres du Saint-Laurent, et ces activités sont pourtant responsables de la perturbation de 240 kilomètres carrés de milieux humides dans les basses terres du Saint-Laurent. C'est majeur.

Aucune mesure dans le présent projet de loi ne permet d'entrevoir un réel changement en ce qui concerne les milieux humides dans les zones agricoles. Alors, dans un souci de poursuivre l'objectif d'aucune perte nette, l'AARQ insiste pour que le gouvernement s'assure de la préséance des dispositions législatives en matière de milieux humides et hydriques sur les dispositions de la Loi sur la protection du territoire agricole.

Au sujet des mines et des hydrocarbures, le projet de loi n° 132 prévoit que le plan régional de conservation des milieux humides et hydriques doit comprendre un plan d'action présentant une liste d'interventions à réaliser pour certains milieux identifiés, lequel doit tenir compte des droits accordés en vertu de la loi sur les mines et sur les hydrocarbures ou des demandes présentées pour obtenir de tels droits. Si l'on poursuit réellement l'objectif d'aucune perte nette des milieux humides et hydriques, il y a lieu d'assimiler les milieux humides et hydriques à une activité de conservation lorsque viendra le temps de délimiter les territoires incompatibles avec les activités minières ou les activités d'exploration ou d'exploitation des hydrocarbures. La délimitation de ces territoires-là incompatibles est prévue par le biais de la mise en oeuvre des orientations gouvernementales sur les activités minières et des futures orientations gouvernementales sur les hydrocarbures.

À la lecture du projet de loi n° 132, tout porte à croire que la mise en oeuvre et le suivi du plan régional de conservation des milieux humides et hydriques restent, à notre avis, à peaufiner. Comme il revient aux MRC d'élaborer ce plan, le gouvernement doit profiter de l'occasion pour introduire à l'article 79.1 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme la possibilité pour une MRC de régir les milieux humides par le biais d'un règlement régional, au même titre qu'il est possible de le faire actuellement au niveau de l'abattage d'arbres.

Je recède la parole à M. Lestage.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 40 secondes.

M. Lestage (François) : Pour conclure, donc, comme on l'a mentionné et comme plusieurs intervenants sont venus vous le dire à ce micro, donc, il y a plusieurs éléments du cadre réglementaire qui ne sont pas précisés dans le présent projet de loi. Et, pour un avenir très rapproché, on le souhaite, on désire vous offrir toute notre collaboration, à l'équipe gouvernementale, au ministère, pour la poursuite du travail et notamment peut-être l'élaboration du guide qui encadrera l'élaboration de ces plans.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter un bloc d'échange avec la partie gouvernementale. Et je cède la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire.

Première question, bon, vous parlez de confirmer la responsabilité de l'élaboration et de la mise en oeuvre du plan régional des milieux... de la planification régionale des milieux humides et hydriques à toutes les MRC, qu'elles soient comprises ou non dans une communauté métropolitaine. Juste permettre d'approfondir ce point-là, vous l'avez mentionné, là, votre raisonnement là-dessus. Parce que, vous comprendrez, on a eu plusieurs points de vue par rapport à ça. Alors, pourquoi les MRC? Pourquoi pas les municipalités? Pourquoi pas les communautés métropolitaines? Pourquoi les MRC?

M. Lestage (François) : Je vous répondrais...

Le Président (M. Iracà) : Allez-y.

M. Lestage (François) : Pardon, M. le Président. Je vous répondrais d'entrée de jeu que, dernièrement, les MRC comprises en partie ou en totalité dans les communautés métropolitaines, en tout cas pour la portion Montréal, parce qu'on est deux MRC dans la Montérégie... Moi, je suis complètement, totalement... mon territoire est totalement dans la Communauté métropolitaine de Montréal, donc je peux vous parler d'exemples très concrets. Mon confrère ici, à côté, lui, y est en partie, donc il est en porte-à-faux dans la CMM et en dehors de la CMM. Mais, si je fais référence à un exercice qui vient... qui est assez récent, c'est les plans de développement de la zone agricole. La responsabilité était dans les MRC. Et, la communauté métropolitaine, on ne veut pas avancer... dire qu'elle n'a pas de rôle à jouer, bien au contraire, mais la communauté métropolitaine a joué un rôle un peu parapluie, par la suite, pour se doter d'un plan d'action, au niveau de la zone agricole, mais un plan d'action métropolitain.

Donc, c'est sûr que la responsabilité, pour nous, elle est importante, au sein de la MRC, c'est l'aménagement du territoire, c'est de l'aménagement du territoire qu'on fait, avec un paquet de particularités, et on descend au niveau des territoires de nos municipalités. Par la suite, il peut y avoir une collaboration, il peut y avoir une intervention métropolitaine pour des enjeux qui seront métropolitains.

M. Heurtel : Et comment vous voyez leur rôle? Alors, suivant votre hypothèse de travail, quelle est l'interaction entre ce que ferait, donc, la MRC qui est au sein d'une communauté métropolitaine et cette planification-là? Comment s'arrimerait-elle avec le PMAD?

M. Lestage (François) : Bien, essentiellement, on travaille le plan de... on fait l'élaboration de nos plans. Et la CMM n'est pas vraiment loin, on peut le travailler aussi en équipe. C'est sûr que ce n'est pas 82 municipalités, mais... je ne me souviens pas par coeur le nombre de MRC qu'il y a au niveau de la...

Une voix : ...

M. Lestage (François) : Non, mais, au niveau des MRC, on en a moins. Ça fait qu'il y a moins de joueurs, je vous dirais, autour de la table.

M. Heurtel : Ah! des MRC! Non, non. Je parlais des municipalités.

M. Lestage (François) : Mais après ça il peut y avoir une coordination en même temps, mais elle n'a pas nécessairement... En tout cas, on voit mal le rôle de la CMM, dans un premier temps, dans cette élaboration-là pointue. On sait d'ores et déjà que la CMM a entamé un travail, on l'a su dernièrement, dans les discussions, quand on a pris un peu position, je vous dirais, mais on n'était pas au courant de ce travail-là non plus, M. le ministre. Donc, ça fait déjà, je pense, plus d'un an que la CMM travaille sur un projet, une ébauche de plan de protection des milieux humides, et on n'était pas nécessairement impliqués non plus.

M. Heurtel : Je comprends. Votre position par rapport à une approche par bassin versant, c'est-à-dire que... Donc, si, encore une fois, je suis votre raisonnement, donc, les MRC, donc, on en a parlé plusieurs fois, là, maintenant, depuis le début de nos travaux, on peut se retrouver avec une MRC qui fait une planification, mais que ses limites ne couvrent pas nécessairement un bassin versant en entier, donc l'idée que le principe de gestion par bassin versant s'applique à la planification faite par une MRC.

M. Lestage (François) : ...il va falloir en tenir compte dans l'élaboration de nos plans. Il faut regarder les caractéristiques de ce qu'on a sur notre territoire. Le document que je vous ai déposé initialement, c'est neuf MRC qui avaient plusieurs niveaux de bassin versant. Depuis ce temps-là est venue la création des tables, les TCR, les tables de concertation régionales. Mon territoire fait partie d'une TCR. Il fait partie aussi du COVABAR, donc j'ai deux entités hydrographiques. Je pense qu'on est amplement bien placés, au niveau de la MRC, pour... C'est notre rôle, hein, c'est de faire un arbitrage, si on veut, des fonctions, dépendamment aussi de la tenure des terres, que ce soit public, que ce soit privé. Donc, c'est tout indiqué, d'après moi, d'être capable de travailler avec ces éléments-là.

On pourrait même aller... Je pense qu'ici Canards illimités en a fait mention. Au niveau du paysage, des unités de paysage, donc, une MRC ou un groupe de MRC pourrait travailler sur les cadres écologiques de référence également, donc de faire intervenir plusieurs niveaux de territoire pour l'analyse de ces milieux qui sont si importants, là, sur le territoire.

M. Heurtel : C'est un document très impressionnant, là. Bravo!

Rôle des OBV, rôle de Canards illimités, rôle des conseils régionaux en environnement, encore une fois, on poursuit dans l'hypothèse que vous présentez, comment vous voyez cette interaction-là se dérouler? On nous a parlé de biologistes, le monde agricole. Bref... Il y a beaucoup de ça qui est réglé par les TCR, là. Mais je veux quand même vous entendre sur comment ça fonctionne avec ce que vous proposez. J'imagine, c'est la MRC, ultimement, qui prend la décision finale, qui tient le crayon, si vous me passez l'expression, mais je voudrais voir comment la consultation se fait. Comment vous envisagez ça, là, concrètement, là, de par l'expérience que vous avez vécue?

• (16 h 50) •

M. Lestage (François) : Bien, c'est sûr qu'un guide pourrait venir donner des suggestions, si on veut, de composition de comités de travail. Mais, pour vous faire un exemple très concret, dans les plans de développement de la zone agricole, dépendamment des problématiques qui étaient vécues sur un territoire d'une zone agricole en particulier, vous aviez autour de la table des représentants de l'UPA, des membres du CCA, vous aviez des gens du forestier, vous aviez des gens des groupes environnementaux, des clubs agros, au niveau du MAPAQ, etc. Donc, au niveau des MRC, c'est dans notre pratique courante de s'outiller et de s'entourer des personnes qui sont impliquées sur le territoire. Je n'ai pas la prétention de marcher le terrain de ma MRC à tous les jours; j'ai besoin d'être alimenté par les gens qui sont sur le terrain. Donc, on s'entoure et on forme... J'ai-tu dit quelque chose de drôle?

Une voix : Non, ça...

M. Lestage (François) : On s'entoure des gens qui sont sur le terrain pour nous alimenter puis prendre la meilleure décision. Et, encore là, M. le ministre, la décision ou la recommandation que l'humble professionnel que je suis... C'est vraiment les élus, dans une prise de décision politique, l'aménagement du territoire étant politique, c'est l'élu qui va prendre l'ultime décision. Et, comme on vous l'a déjà mentionné dans d'autres rencontres que vous avez eues avec des organismes précédents, bien, c'est eux qui sont imputables aussi au niveau du territoire.

M. Heurtel : Donc, vous êtes d'accord avec ce principe-là, qu'ultimement ça revienne aux MRC de finaliser la planification.

M. Lestage (François) : Tout à fait.

M. Heurtel : La question... Mais je veux juste poser, complémentaire... Je veux juste être sûr de rentrer ce point-là, puis peut-être vous pourrez compléter avec votre réponse, mais on a eu, dans certains échanges, une préoccupation, peut-être même une crainte que, bien, les MRC vont faire ça un peu, tu sais, du revers de la main, là, consulter, mais ultimement qu'on ne tiendra pas vraiment compte de ce que nous diraient les OBV, les Canards illimités, les CRE. Alors, par rapport à, encore une fois, votre expérience, ce que vous recommandez, comment vous voyez ça?

M. Lestage (François) : ...laisser mon confrère répondre.

M. Provencher (Francis) : Si vous permettez. Merci. Les MRC intègrent déjà des préoccupations et des mesures qui sont issues des PDE, actuellement, dans leurs schémas d'aménagement. La MRC de Rouville est une des MRC où il y a un schéma d'aménagement qu'on peut qualifier de troisième génération, et on a des dispositions sur les changements climatiques, les saines habitudes de vie, les milieux humides. Donc, il y a déjà des préoccupations qui sont intégrées. Et ça se fait à la table de concertation qu'est la MRC, dans le fond.

M. Heurtel : Alors, juste... Qu'est-ce qui arriverait, mettons, là, une MRC, ultimement, décide de... tu sais, mettons, là, Canards illimités, l'OBV ou les OBV touchées, le ou les CRE disent une chose, puis la MRC dit non, puis ils y vont diamétralement opposé? Concrètement, là, ça se joue comment, ça? Ça se jouerait comment?

M. Provencher (Francis) : Bien, j'imagine que... Dans les principes d'élaboration des plans de conservation des milieux humides, pour qu'ils soient, entre guillemets, acceptés ou entrer en vigueur, ils doivent quand même respecter certaines balises gouvernementales, des orientations, des façons de faire, et je pense que... la dérive est très peu probable, à mon point de vue, si c'est assez bien encadré par des orientations gouvernementales et par une loi qui est bien ficelée. Moi, je pense que c'est des éléments importants.

M. Lestage (François) : Peut-être en complément, si vous me permettez, dans la procédure, on fait référence aussi à la procédure d'adoption du plan, M. le ministre, au niveau du plan régional des milieux humides, et on y va de certaines suggestions, dans le mémoire, de peut-être venir encadrer davantage l'adoption du plan. Le plan, on vous le dépose, vous le regardez. Vous ne consultez pas nécessairement tous les ministères, il y a certains ministères qu'on considère qu'ils sont manquants, entre autres le MAMOT. Le ministère des Affaires municipales, qui aura à, par la suite, juger des conformités de nos documents de planification, devrait dès le départ interagir, si on veut, dans l'avis gouvernemental. Et je crois qu'il devrait y avoir aussi probablement une consultation publique, je ne sais pas, mais, dans le projet de loi, il n'est pas fait mention qu'il y a une consultation publique au niveau du plan. Donc, on vous suggère bien humblement peut-être de s'inspirer de l'article 48 et suivants de la LAU, où il y a une mécanique avec laquelle on est habitués, bon, c'est la LAU, on la sait très mécanique, mais qui donne quand même des étapes assez importantes, là, pour bien suivre l'élaboration des plans et leur adoption. Il y a un principe où le ministre pourrait demander aussi des corrections et certains avis, là, intersectoriels des ministères et organismes, là, qui pourraient vous faire des recommandations par rapport à certains plans.

Mais, à mon point de vue... Je vois très mal cette...

M. Heurtel : Dérive.

M. Lestage (François) : Je ne la vois pas, cette dérive-là, pardon, oui, je la vois très mal.

M. Heurtel : O.K. Il me reste peu de temps. Deux dernières questions, qui sont liées. Vous parlez de... «Toute rétribution doit prioritairement retourner au milieu contributeur.»

Une voix : ...

M. Heurtel : Bien, je vais compléter ma question. Je vous demande justement de préciser. Si je me trompe, parfait.

Alors, ça, je voudrais votre commentaire par rapport à une gestion par bassin versant. Est-ce que... Nous, on envisagerait... Il y a des réelles possibilités que des cas... puis j'en ai même vus, là, sous le régime actuel où la compensation et le travail ne peuvent pas, pour des raisons physiques très claires, se faire dans la municipalité. Ça arrive, ça. Ce n'est pas nécessairement souhaitable, mais, juste... si on va dans un régime de gestion par bassin versant, il est possible que l'intervention doive être faite ailleurs, nécessairement. Alors, ça, votre commentaire là-dessus.

Puis le lien : au niveau de la compensation, vous parlez d'un système de péréquation. J'aimerais, rapidement, là, ces deux points-là, si vous pouvez y toucher.

M. Lestage (François) : Je vais peut-être laisser mon confrère parler plus de la péréquation, mais, dans un premier temps, ce qu'on vous propose, dans le mémoire, c'est de prioriser davantage le milieu contributif. Mais on est très, très conscients qu'il peut...

Mais, les membres, quand on a consulté les membres pour la préparation de ce mémoire-là, ce qu'on nous disait, c'est qu'on ne veut pas nécessairement non plus que ça aille contribuer dans un milieu... au Grand Nord, ou etc. Puis ça vous a déjà été mentionné.

L'autre élément... Puis je me suis fait plaisir, j'ai écouté certaines interventions en commission qui nous ont précédées, et c'est souvent le noeud, c'est comment on va faire atterrir cette contribution-là sur le territoire et comment... Je pense qu'il faut qu'il y ait des balises. Est-ce que les balises doivent être dans la loi? Je ne suis pas nécessairement prêt à affirmer ça cet après-midi. Mais je pense qu'il y aurait peut-être une possibilité, dans le guide, de bien encadrer la question du fonds. Je pense qu'il faut étayer davantage toute la... pas la mainmise, mais la gestion de ce fonds-là, là, le terme est plus juste, et il y aurait peut-être un lien dans le plan. Je pense que le milieu, dépendamment de ce qu'il a sur son territoire, pourrait éventuellement avancer, dans son plan d'action, comment ce fonds-là ou la rétribution pourrait être en... prioriser, si on veut, la rétribution sur son territoire dépendamment des caractéristiques propres à son territoire.

M. Heurtel : Parfait. Sur la péréquation?

M. Lestage (François) : Sur la péréquation, écoutez, il faudrait que je relise mes notes, là, mais...

M. Heurtel : ...il ne reste pas beaucoup de temps, j'imagine.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste quand même 1 min 40 s.

M. Heurtel : 1 min 40 s. Juste comprendre la mécanique. Parce que la mécanique du système qu'on connaît plus est très complexe. Alors, j'aimerais juste comprendre, là, oui.

M. Lestage (François) : On pourra répondre, peut-être, à cette question-là et on vous l'adressera, à Mme la secrétaire.

M. Heurtel : Oui. Je voulais juste voir, là... C'est parce que l'enjeu ici, là, vous comprendrez, c'est vraiment de nous aider, parce que, là, on est vraiment dans la mécanique d'un projet de loi. Alors, je trouve vos commentaires très intéressants. Puis des fois... Puis c'est arrivé dans d'autres cas. Le projet de loi n° 102, il y a eu des suggestions qui ont été faites, lors de consultations particulières, auxquelles on n'avait pas pensé et qu'on a ultimement intégrées au projet de loi. C'est un exercice très utile pour nous.

Alors là, vous soulevez une idée, une question de péréquation. Je veux juste voir... Ce serait intéressant juste de voir comment ça fonctionnerait, là, concrètement, parce que vous avez un point de vue privilégié. Je veux juste voir la mécanique de ça.

M. Lestage (François) : ...c'est le milieu contributeur. Si on part du principe que le milieu contributeur doit être priorisé, qu'est-ce qu'on fait des milieux où il n'y aura pas de compensation? Mais on va vous revenir en complément.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Iracà) : C'est très bien, c'est très bien. Alors, ça met fin au bloc d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons débuter une autre période d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

• (17 heures) •

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bienvenue à cette commission parlementaire.

Bon, effectivement, votre présentation et votre mémoire sont très intéressants. Là, je veux vraiment être sûr de bien comprendre, parce qu'on cherche le graal depuis le début de cette commission, là, en cherchant la bonne piste d'atterrissage pour ce que j'appellerais, au sens large, la gouvernance, là, des milieux humides. Il y a les milieux humides en eux-mêmes, mais il y a la manière de gérer ça. On est plus dans la manière de gérer ça.

Puis effectivement vous avez produit un excellent document. Si le gouvernement n'avait pas aboli les CRE, peut-être qu'on pourrait en avoir d'autres à travers le Québec, ce type de document, de ce genre-là. Ça, c'est un autre débat.

Mais, si on prend votre carte à la page 18, 19, là, les milieux humides de la Montérégie-Est, là c'est comme bien clair parce qu'en plus on voit les divisions des MRC, et les taches rouges sont les milieux humides de toutes classes. On pourrait ajouter par-dessus cette carte-là un autre filtre ou un autre...

Une voix : Acétate.

M. Gaudreault : ...acétate, oui — merci de l'expression — qui serait les bassins versants. Là, je suis allé voir sur le Regroupement des OBV, il y a au moins trois bassins versants : celui de la rivière Missisquoi au sud, celui de la rivière Richelieu à l'ouest et celui de la rivière Yamaska à l'est. Donc là, il y a trois bassins versants. Il y a — un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit — neuf MRC, il y a plein de petits... bien, de petits, en tout cas, si on regarde la carte, là, mais... de milieux humides, il y a plein de municipalités là-dedans, il y a même l'État du Vermont, au sud, avec le lac Champlain. Donc, c'est un bel exemple, là, visuellement parlant, là, du problème qu'on essaie de régler.

Et là, si je regarde les milieux humides, toutes classes, donc les taches rouges de votre document, il y en a plusieurs, là, qui chevauchent deux MRC. Par exemple, il y en a un, là, j'en vois un très bien, là, qui chevauche La Vallée-du-Richelieu et Les Maskoutains, j'en vois d'autres qui chevauchent la MRC de Brome-Missisquoi avec le Haut-Richelieu au sud, j'en vois d'autres ici qui chevauchent la MRC des Maskoutains avec la MRC d'Acton, la MRC de La Haute-Yamaska avec la MRC des Maskoutains. Il y a plusieurs milieux humides qui chevauchent. Puis, en plus, si on regarde un petit peu plus à l'ouest, il y a même une pression, dans La Vallée-du-Richelieu, Rouville, reliée à l'étalement urbain. Je pense que j'explique bien...

M. Lestage (François) : Ce n'est peut-être pas nécessairement précisément Rouville, pour ne pas vexer mon confrère...

M. Gaudreault : En tout cas, oui, peut-être que je vais un peu trop au sud, là, mais, dans La Vallée-du-Richelieu puis dans Marguerite-D'Youville, il y a une pression d'étalement urbain assez importante.

M. Lestage (François) : Oui, tout à fait.

M. Gaudreault : Bon. Alors là, admettons qu'il y a une tache rouge, là, un milieu humide, là, entre deux MRC. Comment on gère ça, là, puis là, en plus, en ayant à l'esprit qu'il y a le bassin versant, dans ce cas-là, là, de La Vallée-du-Richelieu? Concrètement, là. Là, il y a deux enjeux, là, entre La Vallée-du-Richelieu puis Les Maskoutains, entre les deux MRC, et il faut que le conseil des MRC, en bout de ligne, tranche... Parce que vous, vous dites : Il faut qu'en bout de ligne ce soit la MRC qui tienne le crayon, pour reprendre l'expression que d'autres collègues ont employée. Alors, il y a deux MRC qui tiennent le crayon dans ce cas-là, là.

M. Lestage (François) : Peut-être deux éléments. Le premier élément, c'est que les professionnels en aménagement du territoire, par l'association, on se réunit fréquemment en zone administrative. Donc, déjà, il y a une table de discussion. Donc, si on adresse certaines questions au niveau de la protection des milieux humides, c'est quelque chose qui peut se discuter au sein d'une région administrative, au niveau technique, j'entends.

Par la suite, quand on arrive au niveau politique, au niveau de la décision finale, quand on parle d'un schéma d'aménagement, si on se réfère à l'article 48 et suivants de la LAU, il y a une série de procédures, dont l'envoi aussi de notre plan pour consultation, dans la période de consultation, aux MRC adjacentes. Donc, il y a cette validation-là, où on essaie d'avoir une certaine cohérence avec la voisine dans notre planification respective.

C'est la même chose pour les affectations. Un boisé comme le bois de Verchères, comme on le voit, le bois du Fer-à-Cheval, qu'on appelle, qui couvre Marguerite-D'Youville, qui va jusque dans La Vallée-du-Richelieu et qui fait même un corridor écologique important avec le mont Saint-Bruno, bien, les MRC, on a à se parler, puis nos affectations doivent idéalement s'arrimer pour avoir le même degré de conservation juste sur les espaces boisés.

Donc, cet outil-là qu'est le schéma d'aménagement est tout indiqué pour prendre en compte la protection des milieux humides. Peut-être en complément, mon confrère...

M. Provencher (Francis) : En complément, il y a aussi les tables des préfets, évidemment, les tables des préfets dans les régions administratives. Et moi, évidemment, sur mon territoire, j'ai une bonne partie du mont Rougemont. Le mont Rougemont est un milieu naturel reconnu pour sa valeur écologique. Et on a évidemment des relations avec les MRC voisines de La Vallée et des Maskoutains pour essayer d'harmoniser les mesures, notamment en matière d'abattage d'arbres et d'autres mesures, pour éviter que les propriétaires qui ont des propriétés de chaque bord de la ligne, bien, aient différents régimes réglementaires.

M. Gaudreault : Mais, en bout de ligne, il peut arriver, malgré tout cela, que deux conseils de MRC différents concernés par le même milieu humide prennent des décisions différentes.

M. Lestage (François) : En théorie, oui. En pratique, c'est sûr que, s'il y a un assentiment gouvernemental sur les deux plans, bien, j'imagine aussi que le gouvernement, les ministères et organismes auront aussi cette cohérence-là à appliquer au niveau des plans pour ne pas qu'il y ait nécessairement un poids, deux mesures dans chacun des territoires, dépendamment du milieu impliqué, là.

M. Gaudreault : Donc, vous, ce vous dites, c'est que le travail que vous faites comme aménagistes, préparation des schémas d'aménagement, etc., va faire en sorte que normalement, en bout de ligne, là, à la fin de l'entonnoir, là, les deux MRC concernées, mettons qu'on prend ce cas d'espèce là, vont arriver à partager à peu près la même vision.

M. Lestage (François) : Puis idéalement, aussi, il y a la contribution de la direction régionale, qui va être probablement très impliquée, j'imagine. Il y a d'autres groupes...

M. Gaudreault : ...du MAMOT?

M. Lestage (François) : Du ministère de l'Environnement.

M. Gaudreault : De l'Environnement.

M. Lestage (François) : C'est vraiment le premier téléphone que je ferais si j'avais, comme aménagiste, le mandat de réaliser l'élaboration d'un plan.

M. Gaudreault : O.K. Et le plan régional, lui? Avant tout ça, là, il faut faire un plan régional sur les milieux humides. Là, on confie un mandat ou un rôle particulier aux OBV, à l'OBV? Comment vous voyez ça, là, le plan régional?

M. Lestage (François) : Bien, c'est ça, comme je l'expliquais, la façon qu'on procède, de façon générale, il peut y avoir des petites nuances dépendamment des territoires, des MRC, mais, de la façon qu'on procède, c'est qu'on se met en place un comité de travail, où, là, il y aura des joueurs clés qui vont venir alimenter les discussions puis les réflexions pour l'élaboration du plan.

M. Gaudreault : Mais ce plan-là, il est sur la base du bassin versant, dans votre esprit à vous?

M. Lestage (François) : Comme je l'ai expliqué, on pourrait se mettre d'entrée de jeu d'accord aussi sur une délimitation. Parce que vous parliez de trois OBV pour le projet qu'on a sur la table, ici, la carte, mais maintenant j'ai une TCR, moi, donc, j'ai un nouveau joueur, ça fait qu'il faut que la TCR soit aussi mise à contribution. Donc, il y a une portion TCR, il y a une portion bassin versant. Est-ce qu'on prend juste... Bien, la TCR tient compte aussi des bassins versants. C'est sûr que le bassin versant serait, je vous dirais, d'entrée de jeu un territoire de référence, mais après ça on pourrait aussi l'aborder... Il faut faire des constats, il faut se donner un territoire de référence. Le bassin versant peut l'être, mais on pourrait tomber aussi dans des unités paysagères. Je vous dirais que, dès le départ, il faut donner une certaine souplesse au niveau de l'organisation, de l'organisme qui va élaborer le plan pour bien camper son territoire de référence. Mais on...

M. Gaudreault : Mais, si le territoire de référence, c'est le bassin versant, disons, pourquoi, à ce moment-là, la contribution... Vous dites qu'elle doit aller aux municipalités d'abord. Est-ce que ça ne devrait pas aller en fonction du territoire de référence?

M. Provencher (Francis) : Bien, justement, si c'est dans la municipalité, de façon générale, c'est dans le même bassin, bien, on privilégie le site même, l'endroit où il y a des interventions. Après ça, la municipalité, qui devrait, sauf exception... Je pense que Saint-François-du-Lac est peut-être l'exception, là, avec les deux bassins, mais je vous dirais que, de façon générale, ça va être dans le bassin versant. Mais ça pourrait être indiqué aussi, dans la municipalité, en autant que ce soit le même bassin versant; par la suite la MRC, en autant que ce soit dans le même bassin versant, et ainsi de suite. Je pense que, rendu là, on pourrait très bien s'assurer qu'au niveau environnemental ce qui est pris à une place est remis dans le bassin, là, en autant que ce soit le plus proche du site visé.

Donc, l'unité la plus proche, c'est le site, ensuite la municipalité et la MRC dans le même bassin. Ça peut se faire.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Ceci met fin à la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons débuter une autre période d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Le député de Masson, la parole est à vous.

M. Lemay : Parfait. Merci. Pour poursuivre sur la question du député de Jonquière, là, justement, quand vous posez la question sur, justement, les sommes amassées... Puis là vous avez fait votre diagramme au niveau de... vous faites une priorisation, vous faites : municipalité, bassin versant, MRC. Mais ça, j'ai l'impression que vous parlez des sommes pour la compensation. Mais est-ce que c'est le même diagramme qui s'applique si on parle de restauration? Est-ce que, selon vous, là, tu sais... Au niveau de la compensation, ça, c'est votre diagramme. Mais, s'il y avait restauration, est-ce que c'est le même diagramme qui s'applique?

• (17 h 10) •

M. Lestage (François) : Bien, écoutez, c'est sûr que, là, on parle beaucoup de façon théorique, là, on est vraiment en amont de l'élaboration d'un plan. Moi, je suis un professionnel de plans, de schémas, etc., et c'est souvent à partir du diagnostic qu'on va faire du territoire, à différentes échelles. On peut faire un diagnostic par municipalités pour voir quel est le pourcentage de milieux humides. Par la suite, on peut l'analyser dans le bassin versant, parce qu'il peut y avoir des impacts, puis les interventions auront des impacts dans le bassin en amont et en aval, plusieurs intervenants sont venus vous en parler. Puis moi, je ne suis pas l'expert hydrologique, là. Mais, pour la question de la...

M. Lemay : Compensation.

M. Lestage (François) : Restauration.

M. Lemay : C'est ça.

M. Lestage (François) : Ce n'est pas le mot qui me venait à l'esprit. Pour la restauration, encore là, je pense qu'il faut réaliser le plan, il faut l'élaborer, puis après ça on va voir, en termes de diagnostic, quels vont être les territoires à prioriser aussi dans l'ensemble hydrographique qu'on a sur le territoire en termes de... C'est difficile pour moi de vous dire que, là, c'est obligatoirement la ville. Si j'ai une municipalité qui n'a vraiment pas de milieu, il faudrait éventuellement analyser le pourquoi qu'il n'y en a pas, puis après ça...

Une voix : Comme chez moi.

M. Lestage (François) : Oui.

M. Lemay : Et, quand vous parlez de l'ensemble du territoire, là, est-ce que vous êtes en train de...

M. Lestage (François) : C'est le territoire d'une MRC, pour moi, là...

M. Lemay : Le territoire de la MRC? O.K. Parfait.

M. Lestage (François) : ...oui, qui va tenir compte des différentes délimitations de territoire, différents territoires de référence. Ça peut être le bassin versant, ça peut être l'unité paysagère.

M. Lemay : Parfait. Merci pour la précision.

Quand on va à la page 12... Puis tantôt vous aviez la discussion avec le ministre, justement, en termes... On parle, ici... Vous mentionniez, bon : Il pourrait y avoir une diminution, pour une municipalité, des activités économiques occasionnée par une conservation de milieux humides... ça va accentuer la dévitalisation de ces milieux. Puis vous dites que «l'augmentation des superficies protégées occasionnera une annulation des taxes foncières et scolaires dans certains cas».

Certains groupes sont venus mentionner que... ils parlaient de cet enjeu-là comme une expropriation déguisée, tu sais, dans le sens que... Là, vous autres, ce que vous dites, vous semblez dire que ça va de soi que, quand on va déclarer un milieu humide ou hydrique, on va devoir annuler les taxes foncières et scolaires pour, justement, qu'il n'y ait pas une expropriation déguisée, c'est ce que je comprends.

M. Lestage (François) : Je dirais que ça va dépendre sous quel régime on va venir protéger le milieu en tant que tel. Si ça devient une aire protégée selon la loi, évidemment, là, après ça il y a des répercussions au niveau foncier. Et c'est là qu'on a amené l'hypothèse de la baisse de revenus. Donc, des aires protégées, souvent, n'ont pas nécessairement le même régime foncier ou le même régime de taxation. Donc, la municipalité se voit amputée d'un certain revenu. Donc là, après ça, c'est la partie plus municipale, vous l'avez déjà abordé par le passé avec d'autres groupes, c'est le fameux enjeu de toute la fiscalité municipale. Ce n'est pas moi aujourd'hui qui vais vous proposer de le faire, mais je pense que ça fait longtemps que c'est attendu, que... Il y a une grande réflexion qui devrait être faite sur la question de la fiscalité municipale. Je ne sais pas si tu veux compléter, Francis. Mais c'est de la façon... sur quel régime on va venir protéger ces milieux-là. C'est sûr que, le document ici, on pourrait dire : C'est pour le protéger, mais il n'y a pas de valeur nécessairement légale sur chacune des propriétés foncières, là, c'est vraiment un outil de connaissance. Ça fait que, quand on va aller plus loin dans l'élaboration du plan, s'il y a des milieux qu'on veut protéger, qu'on veut conserver selon la loi, c'est sûr que, là, il y a des impacts.

M. Lemay : Vous y allez d'une proposition puis vous mentionnez même que, puis je pense que c'était le sens de votre discussion avec la ministre tout à l'heure, là... vous dites que «le gouvernement doit mettre en place un système de péréquation afin de permettre une équité entre les municipalités». Est-ce que «péréquation», c'est vraiment le bon terme, là? J'ai l'impression qu'on aurait peut-être pu utiliser un autre terme que ça, mais ça se peut que ce soit exactement le mot que vous vouliez, là.

M. Lestage (François) : Bien, je vous dirais que, dans ma pratique, souvent les élus l'emploient, là, dans une MRC, entre une municipalité et une autre, celle qui a du développement, celle qui n'en a pas. Le terme «péréquation» revient souvent. Mais, comme je le disais au ministre, ça va nous faire plaisir, là, de venir préciser davantage, là, l'esprit derrière le terme «péréquation», là, dans les prochains jours.

M. Lemay : Ça, c'est quelque chose que, si c'est possible, vous feriez un dépôt à la commission?

M. Lestage (François) : C'est certain que ça va être adressé à madame, ici, là, la secrétaire pour que l'ensemble des commissaires...

Le Président (M. Iracà) : Excellent.

M. Lestage (François) : Et idéalement, le document, aussi, on me l'a demandé en PDF. Vous pourrez avoir l'ensemble, là, du document en PDF, là, que j'ai déposé.

Le Président (M. Iracà) : Ce sera transmis.

M. Lemay : On va aller à la page 14.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste une minute, quand même.

M. Lemay : Une minute, à peu près. Oui, je comprends. Alors, très rapidement, à la page 14, là, dans le fond, vous dites : Plus tard dans le projet, bon, tu sais, selon votre avis, ça va être difficile de faire le suivi pour le MDDELCC, qui devra agir à titre de chef d'orchestre. Puis là vous dites : «De nombreuses mesures restent à préciser plus tard et suggèrent un questionnement justifié.» Est-ce que vous anticipez des obstacles?

M. Provencher (Francis) : Bien, l'obstacle, c'est la tâche qui est demandée. Je pense qu'au niveau du ministère de l'Environnement il y aura certainement au moins un guide à produire sur comment on fait les choses. Il y a aussi à ficeler... Parce qu'on applaudit le projet de loi, évidemment, mais il semble que les procédures, et tout ça... Donc, le ministère devra s'impliquer dans la mise en oeuvre de la mécanique et aussi dans l'étude des plans qui vont sortir, dans l'analyse, et tout ça. Il devra aussi y avoir de la formation.

Et là on vient modifier, avec ce projet de loi là, plusieurs lois. Il est certain qu'au fil du temps il y aura des petits accrochages qu'il faudra régler au niveau législatif, mais également, sur le terrain, il y aura aussi de l'arbitrage, et tout ça. Et je pense que, dans notre esprit, si on part demain matin avec ça, il y a beaucoup d'ouvrage, là, à réaliser. On pense que le ministère devra s'attarder à la tâche de façon importante. Et nous, on vous donne un coup de main là-dessus, là, c'est certain.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Malheureusement, le bloc d'échange est terminé. Merci beaucoup de votre contribution à cette commission, merci d'être venus ici.

Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 18)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.

Bienvenue chez vous et merci à l'avance de votre contribution. La parole est à vous.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Merci. Prunelle Thibault-Bédard, avocate et membre du conseil d'administration du CQDE.

M. Girard (Jean-François) : Et Jean-François Girard, avocat et biologiste et représentant du CQDE aujourd'hui.

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Merci de nous recevoir.

Le CQDE accueille avec enthousiasme et soutient le projet de loi n° 132. Malgré notre enthousiasme, on ne peut s'empêcher de se poser la question : Est-ce que ça va suffire à freiner la destruction des milieux humides? Dans le fond, la LQE contenait déjà des outils juridiques appropriés pour protéger les milieux humides, ce qui n'a pas empêché, de toute évidence, l'échec de leur protection. Comment est-ce qu'on s'assure que cet échec-là ne se reproduise pas? C'est l'angle de notre intervention devant vous aujourd'hui, donc, s'assurer que le projet de loi produise pleinement et rapidement les effets attendus.

Un premier ingrédient de succès, c'est la fameuse définition, large et inclusive, des milieux humides. Le CQDE est satisfait de la définition incluse au projet de loi, à un détail près. Nous recommandons une modification au deuxième alinéa de la définition, qui, à notre avis, devrait se lire : Un milieu humide peut également être caractérisé par des sols hydromorphes ou une végétation dominée par des espèces hydrophytes. Nous aurons l'occasion d'en reparler davantage dans la période de questions si vous le désirez.

• (17 h 20) •

Parlons maintenant de la période de transition. Il existe un risque réel que certains acteurs profitent de cette période pour effectuer ce qu'on pourrait appeler une destruction hâtive des milieux humides, avant que la pleine protection, les pleines mesures, là, du projet de loi soient en vigueur. Ce risque-là est réel et il est d'ailleurs reconnu dans le projet de loi, qui impose aux autorités municipales l'adoption d'un règlement de contrôle intérimaire. Ce règlement, par contre, ne serait applicable qu'à compter de l'adoption des plans régionaux de milieux humides et hydriques. On se rappelle que les municipalités disposent... les autorités municipales disposent de cinq ans pour l'adoption de ces plans. De plus, sans vouloir faire les oiseaux de malheur, si on se fie à l'expérience passée du déploiement des mesures de protection applicables aux rives, au littoral et aux plaines inondables, il n'est pas déraisonnable de s'attendre à certains retards dans cette planification municipale.

Donc, on se retrouve face à une période de cinq ans ou plus durant laquelle la destruction de milieux humides pourrait avoir lieu en dehors de la planification et de la connaissance du territoire qui est envisagée par le projet de loi. C'est pourquoi le CQDE insiste sur l'importance de mettre en place un moratoire sur les projets occasionnant la destruction partielle ou totale des milieux humides et hydriques, et ce, à compter de l'entrée en vigueur du projet de loi jusqu'à l'adoption des plans régionaux de milieux humides et hydriques. Cette mesure servirait en même temps d'incitatif auprès des municipalités pour, disons, les encourager à faire preuve de diligence dans l'adoption des plans régionaux.

Autre condition du succès du projet de loi : Il faut faire en sorte que les compensations demeurent un outil de dernier recours et n'équivalent pas... ne deviennent pas un droit d'acheter le droit de détruire, là, les milieux humides et hydriques, d'où l'importance d'appliquer les étapes éviter et minimiser. À ce titre, le CQDE salue l'inclusion de ces étapes au projet de loi tant en tant que condition à la délivrance d'un certificat d'autorisation que motif de refus possible pour cette même autorisation. Il serait important toutefois de préciser les modalités d'application de ces étapes afin qu'elles soient appliquées de façon uniforme et prévisible par les directions régionales.

Le CQDE approuve également le choix de prioriser la contribution financière comme mode de compensation. Nous y voyons une façon de simplifier l'application du régime et donc de mener à une plus grande adhésion au régime.

Il y a toutefois deux pièges à éviter à cet égard. Le premier piège, c'est que les contributions financières soient versées au fonds et aillent grossir une espèce de cagnotte qui n'aurait pas nécessairement un lien avec ce qui se passe sur le terrain. Donc, on accumulerait une certaine somme d'argent, sans pour autant que les projets de restauration et de création soient menés au même rythme que la destruction sur le terrain. Malheureusement, il n'y a rien dans le projet de loi qui nous prémunisse contre ce risque. Tel que rédigé, le projet de loi semble permettre une situation où la quasi-totalité des milieux humides et hydriques des zones urbanisées du Québec, donc ceux qui sont les plus précaires, pourraient être détruits pour éventuellement donner lieu à une compensation dans deux, trois, quoi, 10 ans à l'autre bout de la province. Du point de vue des bassins versants affectés, on ne parle pas ici de compensation, c'est vraiment de la perte nette qu'on observe. Il est donc impératif de prévoir dans le projet de loi que, pour chaque projet occasionnant la destruction de milieux humides, il y ait un projet équivalent de restauration et de création dans le même bassin versant, le plus près possible du milieu affecté et dans les meilleurs délais. On recommande par conséquent que la conclusion d'une entente pour la restauration ou création de milieux humides et hydriques soit une condition préalable à la délivrance d'un certificat d'autorisation. Subsidiairement, la conclusion de cette entente pourrait également être faite à l'intérieur d'une échéance prévue dans la loi.

Finalement, le second piège à éviter, c'est celui que les contributions financières soient insuffisantes pour permettre l'atteinte de l'objectif de zéro perte nette. À cet égard, nous recommandons que la formule de calcul du montant de la contribution se base sur la valeur marchande des terrains plutôt que la valeur de l'évaluation foncière.

Je cède la parole à mon confrère, Me Girard.

Le Président (M. Iracà) : Me Girard.

M. Girard (Jean-François) : Merci. Merci, chère consoeur. Alors, pour développer le territoire, il faut d'abord le connaître et le comprendre. C'est le principe de la nécessaire connaissance préalable du territoire.

Historiquement, lorsqu'on constate la façon qu'on a fait le développement, force est de constater, donc, qu'on l'a fait sans connaître le territoire, sans le comprendre, sans savoir où étaient les milieux naturels, les milieux humides qui nous rendent des services environnementaux, avec les résultats catastrophiques, notamment, qu'on peut observer ce printemps-ci. Alors, le CQDE reconnaît la pertinence d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans régionaux de milieux humides, qu'on vous propose d'appeler des plans régionaux de conservation de milieux humides.

À quelle échelle, maintenant, doit s'articuler... ça doit se faire, tout ça? Le bassin versant est, à notre avis, la seule unité territoriale pertinente, à l'échelle de laquelle toute la mécanique de la loi doit s'articuler. À travers cette approche par bassin versant, le rôle des comités de bassins doit être à tout le moins celui d'agent de liaison, permettant de faire le lien entre l'amont et l'aval sur un même bassin versant lorsqu'il y a plusieurs intervenants, soit des MRC soit des municipalités locales, donc plusieurs intervenants municipaux.

Également, il faut bien comprendre qu'il n'y a pas une telle chose que des régions en surplus de milieux humides, comme on a déjà eu l'occasion d'entendre. Le territoire a été façonné par la géologie, suite à la dernière glaciation, et il en est résulté un équilibre hydraulique, un équilibre que chaque intervention humaine vient modifier. La question, c'est de savoir : Jusqu'où pouvons-nous aller? Et manifestement, dans plusieurs régions du Québec méridional, nous sommes allés trop loin. C'est pourquoi il faut changer l'approche, il faut même changer de paradigme. Et en cela on est d'avis que le projet de loi n° 132 propose ni plus ni moins qu'une réforme en profondeur de notre approche en aménagement du territoire puis nous tenons à souligner que c'est excellent.

Dans le cadre de ce changement de paradigme, il y a un certain nombre de prémisses à prendre en considération, et la première étant : Il n'y a pas un droit acquis au remblai, au développement de milieux humides. Ce n'est pas parce qu'on est propriétaire d'un milieu humide qu'on peut prétendre, aujourd'hui, nécessairement pouvoir le remblayer puis construire sur ce milieu humide là. Et, à l'inverse, on ne peut pas prétendre avoir droit nécessairement à une indemnisation pour la protection qu'on voudrait faire de ce milieu humide là. Pourquoi? Parce que nous ne serons jamais assez riches collectivement pour acquérir tout ce qui doit être protégé ou tout ce qui mérite d'être protégé. Et le législateur peut certainement imposer des mesures de protection applicables sur des terrains privés. On l'a déjà fait dans l'histoire. Notamment, pensons à la Loi sur la protection du territoire agricole, ou même à la protection des rives, du littoral et des plaines inondables via la politique.

En fait, l'urgence de la protection des milieux humides commande de recourir à un remède extraordinaire. On peut se poser la question : Quelle goutte fait déborder le vase? Est-ce que c'est la première goutte qu'on met dans le vase ou si c'est la dernière? Bien, on est obligés de constater aujourd'hui que, dans l'état de rarification important des milieux humides sur certains territoires méridionaux, on ne peut intervenir que sur la dernière goutte, d'où l'importance d'un projet de loi comme le projet de loi n° 132.

On trouve intéressant aussi l'arrimage entre l'exercice des rôles et compétences partagés entre les différents intervenants. En fait, les inondations de ce printemps dénotent notre quasi-échec collectif à occuper durablement notre territoire. C'est assez aberrant de constater qu'on a autorisé des constructions dans les zones de 0-20 ans et même de 0-2 ans.

Par contre, le CQDE reconnaît que les municipalités sont responsables de l'aménagement du territoire, donc... Et je pense que, le projet de loi, en reconnaissant ça, c'est une chose qui est intéressante dans la mesure où le ministre se conserve un pouvoir de surveillance et de contrôle.

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes. Désolé.

M. Girard (Jean-François) : On est aussi intéressés par le fait que plusieurs municipalités ont déjà fait des plans de conservation sur leurs territoires. Et on constate que le projet de loi est muet à cet égard-là. Il eût été souhaitable que ça propose déjà un arrimage entre ce qui existe et ce qui est à faire en termes de plans régionaux de conservation.

Et je prends 10 secondes pour vous dire... lancer un appel, c'est-à-dire, aux autorités centrales du ministère de l'Environnement à l'égard des servitudes de conservation qui ont été imposées par des directions régionales, ces dernières années, à titre de compensation. Je vous invite à lire le mémoire, notre analyse de ces servitudes-là fait en sorte qu'on arrive à la conclusion qu'elles sont totalement illégales, non conformes en droit, de sorte que ça, ça vient fragiliser la pérennité de la protection qu'on a voulu accorder à des milieux humides jusqu'à aujourd'hui.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Merci beaucoup. Alors, je vais céder la parole, pour un bloc d'échange, à M. le ministre.

M. Heurtel : Bonjour.

M. Girard (Jean-François) : Bonjour, M. Heurtel.

M. Heurtel : Chers confrères, chères consoeurs. Merci, M. le Président. Je ne vous ai pas remercié, je suis désolé.

Le Président (M. Iracà) : Ça me fait plaisir.

M. Heurtel : Sur la définition, vous aviez vu juste. Alors, c'est toujours intéressant quand... Là, on passe du : «...est [...] caractérisé par des sols hydromorphes ou une végétation dominée par des espèces hydrophytes» par un «peut être». Alors, pourquoi le «peut être»?

• (17 h 30) •

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Ce que je constatais, à la lecture de l'article 46.0.1, si ma mémoire est bonne, donc, qui prévoit la définition, on a le premier alinéa qui mentionne les critères applicables, donc définissant à la fois les milieux humides et hydriques, hein, donc les deux catégories. Ensuite, on a le deuxième alinéa qui, lui, ne vise que les milieux humides, le mot «hydriques» n'est pas présent. Ma compréhension, à la lecture de l'article, c'est que... En fait, je ne savais pas quoi en comprendre. Je me demandais : Est-ce que ce deuxième alinéa vient ajouter des critères obligatoires à la définition de «milieux humides» seulement, ce qui voudrait dire que l'effet de la définition serait de dire que la définition de «milieux hydriques» est plus large, puisqu'elle doit uniquement correspondre aux critères du premier alinéa, tandis que la définition de «milieux humides», elle, est plus étroite, elle doit répondre à la fois au premier alinéa et au deuxième, étant donné qu'on a le mot «également» qui est là? Je n'étais juste pas certaine de comment interpréter le mot «également», parce qu'on est d'accord que ça peut vouloir dire ça plus ça, ou ça peut vouloir dire, bien, ça, ou encore ça.

Donc, notre recommandation, c'est, dans l'optique de conserver une définition large et inclusive, de ne pas donner à ce mot «également» le sens additionnel, que, pour pouvoir être qualifié de milieu humide, on doit à la fois remplir tous les critères du premier alinéa et les critères du deuxième, parce que, là, on vient restreindre, donc plutôt de le voir comme quelque chose qui est alternatif. Donc, un milieu humide pourrait correspondre aux critères du premier alinéa ou du second, étant donné... on connaît la difficulté d'identifier ces milieux-là. Parfois, l'eau n'est pas nécessairement visible, etc., donc pour se donner un peu plus de marge de manoeuvre. Alors, c'est l'essence de notre propos.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Donc, le «peut être»... Là, j'essaie de bien comprendre votre raisonnement. Donc, le «peut être», ce serait... On enlève le «également»?

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Bien, nous n'imposons pas cette formulation-là. Si vous trouvez une meilleure formulation, on n'aura aucune objection...

M. Heurtel : Non, non, mais je...

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : ...l'objectif étant que le milieu humide ne doit pas correspondre à la fois aux critères du premier et du deuxième alinéa pour pouvoir être qualifié de milieu humide.

M. Heurtel : Donc, vous voulez élargir, vous voulez...

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : On veut élargir. On veut que ces critères-là soient alternatifs.

M. Heurtel : Vous voyez ça comme restrictif, là, c'est ça.

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Oui, par rapport à la définition d'un milieu hydrique, par exemple, qui, elle, n'a qu'à rencontrer les critères du premier, et ça suffit.

M. Heurtel : O.K. Donc, la question... Donc, vous ne voyez pas comme une condition d'être caractérisé par des sols hydromorphes ou une végétation dominée par des espèces hydrophytes, vous ne voyez pas ça comme une condition essentielle dans une définition de milieu humide.

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : En fait, la situation que j'essaie plutôt d'éviter, c'est une situation où on aurait présence de sols hydromorphes ou plantes hydrophytes, mais on ne serait pas nécessairement capable de se rattacher aux critères du premier alinéa. À ce moment-là, je veux qu'on soit quand même capable de dire que c'est un milieu humide.

M. Heurtel : O.K. Je comprends. Alors, prochain point, bon, vous parlez du régime transitoire, vous dites qu'il est insuffisant pour garantir une protection adéquate des milieux humides et hydriques existants. J'essaie juste de voir. Si je suis votre hypothèse de base... Les plans régionaux, il va nous falloir du temps pour les faire, là. Alors, votre réponse, si je vous comprends bien, c'est un moratoire. Donc, qu'est-ce que je réponds, moi, à... Parce qu'un plan, ça ne se fait pas en deux semaines, là, quand il n'y en a pas. J'essaie de voir qu'est-ce que je réponds au monde municipal, au monde économique, aux développeurs qui ont des projets qui sont avancés, des financements qui dépendent d'une conclusion ou d'un début de travaux. Il y a une question de prévisibilité, là. Déjà que notre analyse à nous, c'est que ça peut prendre des années avant d'avoir un plan. Alors, vous dites : On arrête l'économie, ce pan-là de l'économie pendant cinq ans. C'est ça, votre proposition?

M. Girard (Jean-François) : Je pense que c'est exactement ça, notre proposition. En fait, M. le ministre, il est...

M. Heurtel : Ça a le mérite d'être clair.

M. Girard (Jean-François) : Oui. Il est possible de moduler cette proposition-là. Vous nous permettrez d'avoir énoncé le principe. Maintenant, on vous fait confiance pour être capable de le moduler, s'il y a lieu.

Mais j'entends même de vos propos que ça pourrait prendre plusieurs années avant qu'on soit opérationnel avec des plans de conservation des milieux humides et toute la mécanique qui s'ensuit. Or, entre demain, quand vous aurez adopté le projet de loi et qu'il sera en vigueur, et que le tout sera pleinement opérationnel, force est de constater qu'il va se passer au minimum cinq ans, sinon plus.

Et, à cet égard-là, la mécanique par laquelle on a tenté de protéger les rives, le littoral et les plaines inondables était de cette même approche là, c'est-à-dire qu'on a demandé aux municipalités de mettre en oeuvre via les schémas d'aménagement la protection des rives du littoral et des plaines inondables. Et force est de constater, alors, que... Et on en réfère dans notre mémoire, la décision a été prise par le Conseil des ministres en 1978, d'interdire totalement la construction dans les plaines de débordement 0-20 ans. Cette décision-là n'aura été effective qu'à peu près complètement en 2005. Et ça, c'est sans compter le ministre Blanchet, à l'époque, qui a imposé à la ville de Laval et la MRC de la rive nord, de la rivière des Mille-Îles les cotes d'inondation de 2005. Et on sait fort bien que, dans la pratique, il peut y avoir une résistance, à l'intérieur... au sein des municipalités, de sorte que la mécanique qu'on trouve tout à fait appropriée, elle ne sera pas pleinement opérationnelle.

Alors, nous, on vous propose... Dites aux agents économiques : Vous voulez que ça fonctionne, vous voulez en faire, des projets? Bien, faites diligence dans l'adoption des plans de conservation. Ils ne sont pas obligés de prendre cinq ans, ils peuvent le faire en dedans de deux ans. Faites diligence. Et, une fois que ça, c'est adopté, là on sera en mesure de mettre en oeuvre pleinement le régime que vous proposez, qui, encore une fois on répète, est un excellent régime, pour éviter qu'on soit encore là, dans 20 ans, à discuter du fait qu'on est encore en train de remblayer des milieux humides puis de construire dans les zones d'inondation.

M. Heurtel : D'accord. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole au député de Dubuc pour ses questions.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. D'abord, M. Girard, Mme Bédard, merci d'être ici avec nous.

J'ai une question. Vous m'avez fait un peu sursauter tantôt. Dans votre mémoire, vous parlez que, bon, le projet de loi n° 132 pose un pavé supplémentaire sur la voie menant au véritable développement durable. Parce qu'on le sait, on a une loi sur le développement qui est extrêmement... quand même importante pour l'ensemble du Québec, l'ensemble des Québécois. Parce qu'on ne met pas fin à notre développement, dans ce projet de loi, mais on travaille ensemble avec l'environnement, le développement et, bien sûr, les gens qu'il y a alentour.

Maintenant, lorsque je vous entends, par rapport à vos propos de tout à l'heure, M. Girard, on le sait, les cours d'eau, depuis que le Québec est le Québec puis que le monde... puis la terre est la terre, les cours d'eau ont toujours servi, nécessairement, d'autoroute au développement ou encore... aux développements de toutes sortes, bien sûr, de routes, et permettaient le développement au niveau des différents milieux. Bon, maintenant, quand vous entretenez un propos... Lorsque le ministre vous a posé la question : Est-ce qu'on arrête le développement?, vous avez été assez... vous avez dit oui. Là, ça m'interpelle. On a mis en place, nécessairement, un projet qui s'appelle la Stratégie maritime, au moment où on se parle, et puis ça a été bien accueilli par l'ensemble des communautés. Pourquoi? Parce qu'on parle de développement économique, d'emploi et on parle aussi, bien sûr, de... Mais tout ça, ça va se faire en respectant un développement durable, on se comprend. Maintenant, quand vous dites : Un moratoire pour les cinq prochaines années, j'ai un peu de difficultés à comprendre où est véritablement le juste milieu dans vos propos, et c'est la raison pour laquelle je vous pose cette question, bien sûr.

M. Girard (Jean-François) : M. le député, est-ce que je dois comprendre que le développement du Québec est irrémédiablement et strictement lié au remblai des milieux humides dans les prochaines années?

M. Simard (Dubuc) : Ce n'est pas ça que je vous dis.

• (17 h 40) •

M. Girard (Jean-François) : Bien, moi, c'est la question que je vous pose, parce que votre question m'amène à ça. Le CQDE ne dit pas : Il faut absolument empêcher le développement économique. Il y a un paquet de territoires exondés qui sont encore ouverts au développement. La plupart de nos municipalités ont identifié des périmètres urbains qui sont propices au développement, et ce qu'on vous dit : Dans ces territoires-là, si d'aventure il y avait des milieux humides, bien, il faut aujourd'hui les protéger, parce qu'il y a des conséquences au développement dans les milieux humides.

Vous m'interpelez aujourd'hui sur la pertinence d'un moratoire alors que plusieurs régions du Québec sont actuellement sous les eaux. Et, au nom... C'est fascinant de constater comment le développement, le profit du développement, il est privé, mais, quand vient le temps d'assumer les coûts, c'est des coûts collectifs. Et, dans la mesure où je suis un des payeurs qui va être appelé à indemniser tous les gens qui sont sous les eaux actuellement, je pense que j'ai le droit de lever la main puis dire : Un instant, est-ce qu'on peut revoir notre aménagement du territoire? Et c'est ce que le projet de loi n° 132 propose, puis on l'applaudit. C'est quand même intéressant de se présenter ici, dire : Bravo, M. le ministre, c'est un legs fort intéressant que vous laisserez, si jamais vous quittez ce ministère-là, que vous laisserez aux générations futures! Et on est très intéressés par ce projet de loi là. Mais on est dans une situation où je pense qu'on la voit, la catastrophe liée à notre occupation inadéquate du territoire.

Alors, si vous me dites que le seul développement économique des cinq prochaines années est celui qu'on réussira à faire dans les milieux humides, je vous dis : On est sérieusement dans le trouble, sérieusement dans le trouble, au Québec.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Dubuc. 3 min 40 s.

M. Simard (Dubuc) : Ce n'est pas... Ma question, je vous dirai, n'est pas la confirmation de ce que vous venez de dire. Je vous dis tout simplement : Quand je regarde votre proposition, à quel endroit on fait du développement durable, maintenant?

M. Girard (Jean-François) : On fait du développement durable partout.

M. Simard (Dubuc) : Mais expliquez votre position.

M. Girard (Jean-François) : Bien, le développement durable... C'est parce qu'ici, là, on est ici sur une commission parlementaire qui parle de la protection des milieux humides et hydriques. Si vous voulez qu'on parle des objectifs de développement durable dans, par exemple, le soutien à l'économie verte ou la façon de mieux dépenser les sous qu'on a dans notre Fonds vert, on en aura plein, de suggestions, à vous faire.

Je vous avoue bien humblement qu'on n'a pas réfléchi à ces questions-là dans la perspective où vous nous le demandez. Mais certainement que le CQDE... Puis ce n'est pas la première fois qu'on est ici, hein, puis on se connaît, vous savez fort bien que le CQDE n'est pas un organisme qui dit : Il faut arrêter le développement au Québec, loin de nous. Et vous avez bien raison que le développement durable, c'est les aspects économiques, sociaux mais également environnementaux.

Ceci dit, quand le cas qui nous occupe, par rapport à la protection des milieux humides et hydriques, on est dans une situation de catastrophe... à moins que vous soyez capable de me faire la démonstration du contraire, là. Je pense que les événements parlent d'eux-mêmes. Et, par conséquent... Tu sais, à un malade important ça prend un remède de cheval, et c'est ce que vous nous proposez par le projet de loi n° 132. Puis je peux vous dire qu'on a été très surpris, agréablement surpris de voir l'audace du législateur dans ce projet de loi là, puis tout ce qu'on vous dit, c'est : Il faut aller de l'avant avec le projet de loi.

Mais on a identifié qu'il y a une période transitoire, qui nous pose problème, à savoir : Est-ce qu'avant même que toute la mécanique soit en place on pourrait en profiter pour empiéter encore davantage dans les milieux humides, avec des conséquences qui ne seraient qu'encore plus catastrophiques? C'est ça, le propos. Si vous n'êtes pas d'accord avec notre proposition de moratoire, c'est vous, le législateur, vous en ferez ce que vous voulez.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Dubuc. 1 min 30 s.

M. Simard (Dubuc) : Merci, M. le Président. Mais je ne veux absolument pas donner la perception que je suis en désaccord avec ce qu'ils disent. Je me fais l'avocat, justement, pour bien comprendre. Puis, en plus, je ne suis pas un avocat, ça fait que c'est encore mieux, hein?

Ça fait qu'à partir de ce moment-là, vous savez, il y a des régions, au Québec, où, vous en avez parlé... des régions qui sont trop humides, parce qu'en réalité il y a une surpopulation de milieux humides dans certaines régions du Québec. Mais la préoccupation de ces régions-là, c'est : Comment on va faire pour se développer quand on veut, nécessairement, rajouter des milieux humides? C'est un petit peu mon propos lorsque je parle de développement durable.

M. Girard (Jean-François) : Avec grand respect, monsieur, je ne suis pas d'accord avec vous. Il n'y a pas de surpopulation de milieux humides, il n'y a pas de milieux humides en trop grande quantité dans une région... Mais, on a bien dit, toute intervention humaine dans les milieux humides modifie l'équilibre hydrologique, alors la question étant : Comment on peut le faire avec le moindre impact? Une des façons proposées par le projet de loi n° 132, c'est d'abord savoir où ils sont puis quelles vont être les conséquences à l'intervention. Et ça, on va avoir ces connaissances-là dans cinq ans. Alors, on vous dit : Bien, d'ici ce temps-là, là, je pense que, si on veut être diligent et éviter qu'il y ait encore des situations comme celle-là dans les prochaines années, bien, il y a des moyens à prendre, qui ne sont pas dans le projet de loi.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Écoutez, ça met fin au bloc d'échange, désolé. Je suis le méchant gardien du temps. Donc, je vais céder immédiatement la parole à l'opposition officielle pour un deuxième bloc d'échange avec le député de Jonquière. La parole est à vous.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Merci aux représentants du CQDE d'être ici. Bienvenue.

Je veux vous entendre sur votre compréhension de l'article 15.2 introduit par l'article 8, deuxième alinéa, paragraphe 3°, sur les liens avec les lois sur les mines et les hydrocarbures. Certains nous ont alertés ou éveillés sur le fait qu'il pouvait y avoir une préséance sur les permis, une préséance, préséance des droits...

M. Girard (Jean-François) : Miniers?

M. Gaudreault : ...miniers, oui. Je voulais savoir si vous aviez eu l'occasion, à la CQDE, d'analyser ce volet.

M. Girard (Jean-François) : Non, on n'a pas analysé ça, mais je suis certain qu'il y a effectivement préséance des droits miniers.

M. Gaudreault : Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Girard (Jean-François) : Regardez, c'est comme ça que... c'est ça, le régime applicable, au Québec. Le CQDE est venu en commission parlementaire sur les modifications proposées à la Loi sur les mines pour dire qu'on n'était pas nécessairement d'accord avec les propositions, mais semble-t-il qu'afin de permettre les activités économiques — malheureusement, il est parti — il y a un biais, il y a toujours eu... M. Gaudreault le sait fort bien, là, il y a toujours eu un biais favorable à l'industrie minière, depuis le XIXe siècle, et c'est un biais qui fait partie encore de notre droit positif.

Moi qui... On a toujours eu un penchant favorable pour l'intervention des municipalités sur leurs territoires. Je me souviens qu'on a dit qu'il fallait que les municipalités aient leur mot à dire. Je pense que, même, on a déjà proposé l'abolition de l'article 246 point quelque chose de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme de façon à ce que les orientations prises en aménagement du territoire par les municipalités soient respectées, proposition qui n'a pas été retenue lorsqu'est venu le temps de modifier la Loi sur les mines. Et manifestement que l'élaboration de plans de conservation des milieux humides et hydriques ne viendra pas modifier quoi que ce soit à cet égard-là. En tout cas, c'est notre compréhension.

M. Gaudreault : Est-ce qu'on devrait agir au moins avec ce projet de loi là, pour changer ça, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les milieux humides?

M. Girard (Jean-François) : Le CQDE sera toujours d'avis qu'il faut davantage prendre en considération la protection de l'environnement puis l'amener à un degré supérieur. On est quand même sensibles... C'est ça, l'arbitrage qu'il faut faire entre les activités humaines et les activités... et la protection des écosystèmes, et la protection de l'environnement. Il y a toujours... Je vais revenir à ce que je viens de dire. On sait fort bien que les interventions dans les milieux humides sont vues par certains agents économiques comme étant une source d'activité économique, de profit, etc. Mais, quand il y a un coût environnemental et un coût social, alors que l'agent économique est disparu dans la brume, lui, là, il n'est plus là, là, et vous et moi, là, collectivement, on indemnise ou on... s'il vient le temps de traiter des déchets de mine... Il y a combien de sites orphelins de mine, au Québec, dont nous assumons... Il n'y en a plus?

Une voix : ...

M. Girard (Jean-François) : Il y en a pour 3 milliards. Et c'est nous, collectivement, qui...

Alors, moi, je n'ai rien contre l'activité minière, mais, en fait, il faut davantage tendre et toujours vers une internalisation des coûts environnementaux. Et ça, c'est une façon d'arbitrer. Vous voulez faire des activités économiques? Parfait. Mais vous allez assumer le plus possible ante facto le coût social et environnemental postérieur qu'on pourrait anticiper.

Et là je vous avoue que je n'ai pas la réponse à tout ça aujourd'hui, mais les idées de péréquation que nos prédécesseurs ont amenées sur la table, c'est une excellente idée. On eut aimé l'avoir, cette idée-là. C'est très intéressant.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, bien, justement, je veux faire référence à vos prédécesseurs à cette table qui, pour eux, le territoire de la MRC est le meilleur territoire, là, pour faire les arbitrages, pour, si on veut, gérer, là, l'atterrissage du plan régional des milieux humides. Comment vous voyez ça, vous, la gestion, là, des différents territoires? Je comprends que vous avez un biais favorable pour le territoire du bassin versant, mais, une fois qu'on dit ça, là, lui-même se subdivise en municipalités, il faut aussi interpeler le rôle des OBV, autant dans la planification du plan régional qu'en aval, dans l'application. Comment vous voyez ça?

• (17 h 50) •

M. Girard (Jean-François) : D'abord, le biologiste en moi répond : Il faut travailler avec des unités physiographiques cohérentes. Et, lorsque vient le temps de parler de bassin versant ou du sujet qui nous occupe, les milieux humides, c'est l'échelle du bassin versant qui est l'unité physiographique ou l'unité territoriale pertinente.

Maintenant, on reconnaît et on respecte les responsabilités en matière d'aménagement du territoire qui sont soit aux MRC soit aux municipalités locales. Et je trouve que le projet de loi est très intéressant à cet égard-là parce qu'il y a cette espèce... il y a cet effet de mise en concordance. On passe au niveau régional, et, par l'effet de la concordance, au niveau local, il y aura application effective des mesures de protection. D'ailleurs, la modification proposée au paragraphe 16° de l'article 113, LAU, c'est un bijou de rédaction. Bravo! On est très, très contents de voir apparaître cette disposition-là.

Quel est le rôle des bassins versants à travers ça? Je l'ai dit rapidement dans ma présentation, à tout le moins il doit jouer le rôle d'agent de liaison. Qui est le meilleur acteur de l'amont à l'aval, pour avoir une connaissance actualisée effective de l'état du territoire? À l'échelle du bassin versant, ce sont les comités de bassin. C'est pour ça qu'ils doivent être nécessairement partie prenante ou, le terme, les «stakeholders», là, c'est un «stakeholder» absolument essentiel à la bonne marche de ça. Et, regardez, on pense... on a proposé la gestion par bassin versant depuis la commission Beauchamp, au début des années 2000, et, de l'avis du CQDE, le gouvernement a toujours été timoré dans l'approche de reconnaissance d'un véritable rôle aux acteurs de la gestion par bassin versant.

M. Gaudreault : Bien, justement, si vous permettez, parce que je sais que le temps...

Le Président (M. Iracà) : Oui, 2 min 40 s.

M. Gaudreault : ...oui, le temps file. Pour faire un peu de pouce sur ce que vous venez dire là, comment vous le voyez, ce rôle? Parce que les OBV nous ont dit : Ah! concertation... c'est-à-dire : Consultation, ce n'est pas assez, on veut plus de la concertation. Qui on doit impliquer, là, dans ce groupe, là, pour établir les plans régionaux et, à un moment donné, tirer une ligne, là?

M. Girard (Jean-François) : En fait, il faut que le législateur légitimise davantage le rôle des comités de bassin, parce qu'ils sont mis un peu à la marge. Mais, une fois qu'on l'a fait... La commission Beauchamp avait dit : Il faut leur donner un pouvoir décisionnel. Je comprends qu'on est peut-être trop timoré, comme je viens de dire, pour aller jusque-là. Sauf que, si on dit : Il faut considérer et prendre en compte, inclure à l'intérieur des schèmes d'aménagement du territoire comment une MRC ou une municipalité locale met-elle en oeuvre des orientations d'aménagement du territoire qui, par exemple, émaneraient du plan directeur de l'eau, bien, par ces outils, son schéma d'aménagement, son document complémentaire, éventuellement par concordance, ça va se traduire au niveau local.

M. Gaudreault : L'UMQ nous dit : Ah! ils n'ont pas la légitimité, ils ne sont pas élus par la population, les OBV.

M. Girard (Jean-François) : Je ne leur demande pas d'être décisionnels. Je demande à ceux qui sont élus, les MRC, d'aller voir, d'écouter, de prendre en considération et de prendre pour ce qui s'applique à cette MRC là... puis dans une perspective où je travaille sur plusieurs MRC, là, parce que je travaille sur un bassin versant qui serait très étendu. Alors, pour qu'il y ait cette cohérence entre l'amont et l'aval, je vous le dis, le meilleur agent de liaison, ce sont les comités de bassin. Une fois qu'on est allé prendre en considération ce qu'il y a dans les plans directeurs de l'eau, mission qu'on leur a d'ailleurs confiée, il faut le traduire à travers nos outils d'aménagement du territoire que sont les schémas d'aménagement et plans d'urbanisme, règlements d'urbanisme locaux. Et cette mécanique-là, elle est incluse dans le projet de loi n° 132, puis moi, je trouve qu'elle est cohérente.

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes. M. le député de Jonquière, pour un commentaire de la fin.

M. Gaudreault : Oui. À la page 37 de votre mémoire, vous parlez d'un délai maximum, là, pour la réalisation d'un projet, à la recommandation 5. C'est quoi, le délai maximum, selon vous?

M. Girard (Jean-François) : À la page 37, vous dites?

M. Gaudreault : Oui, recommandation 5. Pour réaliser un projet de restauration et de compensation. Vous nous parlez d'un délai maximal, mais avez-vous une suggestion?

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : ...la parole?

M. Gaudreault : Oui.

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 5 secondes.

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Merci. On n'avait pas envisagé un nombre fixe d'années. L'important, pour nous, c'était que ce délai-là soit exprimé dans des termes contraignants. Donc, l'entente doit être conclue dans un délai x. Comme ça, si jamais il y a dépassement du délai, il y a des recours qui peuvent être pris.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange avec l'opposition officielle. Nous allons débuter le dernier échange avec le député de Masson. La parole est à vous.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici avec nous à l'Assemblée nationale. C'est toujours un plaisir de vous voir. Vous savez, lors de l'étude du projet de loi n° 102, on a utilisé votre mémoire abondamment, que ce soit de notre côté, de l'opposition officielle ou du côté ministériel. Bref, toujours beaucoup d'information, qu'on prendra le temps assurément de lire en profondeur, compte tenu qu'on l'a reçue quand même très récemment puis on n'a pas eu la chance d'y aller dans tous les détails. Mais je veux juste vous mentionner que c'est toujours un travail qui est très apprécié.

Et allons-y à la page 23 de votre mémoire, là. Vous parlez ici, dans le fond, que, bon, on parle... Est-ce qu'on peut prétendre protéger les milieux naturels sans indemniser leurs propriétaires? Puis là vous dites que oui puis effectivement que, si on veut commencer à indemniser ou à faire l'acquisition systématique par les autorités publiques, bien, on n'a pas les moyens de se permettre ça, puis que, dans le fond, les propriétaires ont un rôle à jouer. Il y a d'autres groupes qui sont venus nous mentionner que ça se trouve à être un peu une expropriation déguisée, assurément. Est-ce que vous d'accord, par contre, de dire que, si on vient définir un milieu exceptionnel ou une aire protégée, assurément, les taxes foncières ou les taxes municipales, ou peu importe, tu sais, on pourrait avoir une exemption, à ce moment-là, au niveau du propriétaire?

M. Girard (Jean-François) : Si vous me permettez, puis avec grand respect, il y a une profonde incompréhension de ce que c'est que l'expropriation déguisée. À partir du moment où le législateur prévoit dans la loi qu'il est possible de désigner, limiter, protéger, etc., comme le projet de loi n° 132 le propose, comme ce serait... on donnerait le pouvoir, donc, au ministre de le faire dans le cadre de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel et comme on donnerait le pouvoir aux municipalités de le faire par l'amendement qui est apporté au paragraphe 16° de l'article 113 de la LAU... Le paragraphe 16° de l'article 113 donnera aux municipalités le pouvoir de prohiber tous les usages pour des raisons de protection de milieux humides. Bien, prohiber tous les usages, ça veut dire : Il n'y a rien, il n'y a plus rien qui se passe. Pourquoi? Pour protéger un milieu humide. Et, ce faisant, dans la mesure où le pouvoir émane du texte même de la loi, ça ne peut pas être de l'expropriation déguisée. Et c'est pour ça que j'ai dit, dans ma présentation : Dans la mesure où on est dans une situation exceptionnelle, ça prend un remède extraordinaire, comme on l'a fait dans le temps, la protection du territoire agricole, comme on l'a fait quand ça a été le temps de protéger les rives, le littoral et les plaines inondables. Allez lire l'affaire Lalande, où M. Lalande, là, il disait : C'est de l'expropriation déguisée, c'est épouvantable, vous m'empêchez d'utiliser ma propriété! Bien oui. Pour quoi? Pour éviter ce qu'on voit aujourd'hui. Parce que ce sont des zones cruciales.

Et là, là, à un moment donné, il y a quelqu'un qu'il va falloir qu'il m'explique d'où vient l'idée qu'on peut absolument et irrémédiablement remblayer un milieu humide. Parce que, regardons le fleuve Saint-Laurent, là. C'est grand en maudit, ça, le fleuve Saint-Laurent. Pourquoi on n'en remblaie pas la moitié pour construire dessus? Pourquoi, un milieu humide, on a plus le droit?

Puis, regardez, on va se faire une petite image. Ceci est une montérégienne. Est-ce que vous la voyez bien? C'est une montérégienne, c'est une montagne. O.K.? Si je viens, aujourd'hui, dire : J'empêche... Parce qu'il y a quelqu'un qui pourrait dire : Je vais la raser, je vais mettre ça plat puis je vais construire dessus. Là, on dit : Bien non, il y a des règles qui empêchent de raser ça. Il n'y a personne qui conteste ça.

Je le vire à l'envers. Regarde donc, ça devient un milieu humide. Mais là, tout d'un coup, on a un droit irrémédiable à remblayer ça? Bien, voyons! Pourquoi on aurait le droit de remblayer les milieux humides? Ils sont partie de notre régime hydrologique.

Donc, ce n'est pas de l'expropriation déguisée. Et le fait que le législateur... Vous l'avez aimée, hein, celle-là, M. Gaudreault? Je les prépare d'avance. Le fait que le législateur le prévoit dans la loi, c'est ce qu'il fallait faire. Il fallait donner aux intervenants le pouvoir de dire : Bien, regarde, ces milieux-là seront protégés.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Masson.

M. Lemay : Bon, on est tous d'accord sur... qu'on doit éviter, atténuer puis après ça compenser, en dernier recours, mais... Puis, moi, c'était plutôt au niveau de la taxe que je voulais savoir si vous étiez d'accord; si on avait fait une désignation d'un milieu exceptionnel, si, à ce moment-là, on devait exempter le propriétaire d'avoir une taxe. Moi, je suis d'accord qu'effectivement, sur ce cas-là, le propriétaire ne pourra jamais faire de remblai, puis ça continue d'être sa propriété. Moi, je suis tout à fait à l'aise avec ces notions-là, là, je ne veux pas qu'on fasse du remblai, là. Je fais juste mentionner : Est-ce qu'on doit, à ce moment-là, l'exempter de taxes?

M. Girard (Jean-François) : Bien, en fait, c'est sûr que, si on vient restreindre fortement les possibilités d'usage d'un immeuble, bien, il faut que la taxation soit à l'avenant. Et ça, c'est le coût que, comme citoyen, je suis prêt à supporter, comme collectivité, je suis prêt à supporter. Plutôt que d'aller en acquisition totale, on vient... Un manque à gagner sur les taxes et les impôts, ça, c'est tout à fait pertinent.

M. Lemay : Bien, merci beaucoup. Le temps passe vite, M. le Président. Je crois qu'il me reste une minute, hein? C'est ça?

Le Président (M. Iracà) : Très vite. Quelques secondes.

• (18 heures) •

M. Lemay : Quelques secondes. Bon, bien, à la page 37, si on veut revenir là-dessus, là, il y avait deux pièges, là. Le premier piège, c'est surtout collecter des contributions financières et... Bon, en fait, ce que je voulais savoir, c'est, si jamais il y a trop d'argent dans le fonds, ça veut dire que, dans le fond, on n'a pas fait de restauration, donc c'est un mauvais signe. C'est ce qu'on doit comprendre?

Mme Thibault-Bédard (Prunelle) : Ce n'est pas tant qu'il y en ait trop, mais c'est qu'il n'y ait pas une correspondance entre ce qui se passe sur le terrain; que ça s'accumule, ça s'accumule puis qu'il peut se passer un certain nombre d'années avant qu'effectivement le manque à gagner soit repris et qu'on ait notre zéro perte nette.

Le Président (M. Iracà) : Je vous remercie pour votre contribution à cette commission. Merci d'être venus.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 19 h 32)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Veuillez, s'il vous plaît, éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires et appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 132, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques.

Ce soir, nous entendrons les groupes suivants : la ville de Montréal, les chercheures du Centre de la science sur la biodiversité du Québec.

Alors, je souhaite la bienvenue au premier groupe, la ville de Montréal. Merci beaucoup d'être présents ce soir. Je sais que ce n'est pas toujours évident, à des heures tardives, alors merci de votre présence dans votre demeure.

Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, messieurs, la parole est à vous.

Ville de Montréal

M. Perez (Lionel J.) : Merci, M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés. C'est un plaisir d'être là au nom de la ville de Montréal ainsi que de son maire, M. Denis Coderre. Il me fait plaisir d'être parmi vous ce soir. La ville de Montréal tient à remercier les membres de la commission de l'avoir conviée aux consultations particulières du projet de loi n° 132.

La dévastation que le Québec a connue au cours des dernières semaines, à la suite des inondations qui sont survenues, nous démontre à quel point les règles d'aménagement jouent un rôle critique dans la planification urbaine. Les experts s'entendent d'ailleurs sur le fait qu'en raison des changements climatiques de tels événements extrêmes sont appelés à se reproduire. Il importe donc de se prémunir adéquatement en se dotant de stratégies d'adaptation.

À la ville de Montréal, en raison de la densification urbaine de notre territoire, nous considérons que la protection des milieux humides et hydriques joue un rôle essentiel à cet égard. La ville de Montréal tient donc à saluer la volonté du gouvernement d'offrir un cadre strict pour la protection des milieux humides et hydriques d'intérêt.

Le principe d'aucune perte nette proposé dans le projet de loi n° 132, dans la mesure où il est compris dans un sens large, se situe... pardon, s'inscrit parfaitement, en parfaite cohérence avec les orientations de la ville en matière de protection des milieux naturels. La ville de Montréal comprend que l'intention gouvernementale à l'égard du nouveau modèle est de favoriser le maintien en se fondant sur la séquence éviter-minimiser-compenser. La ville est également favorable à l'approche d'une planification qui est mise de l'avant dans le projet de loi.

C'est toutefois avec un certain étonnement que la ville constate la volonté du gouvernement de faire acheminer le présent projet de loi aussi rapidement. Cela est d'autant plus préoccupant dans le contexte où le déploiement d'un nouveau régime d'autorisation environnementale est entamé et, d'un point de vue municipal, a certains écueils.

Je rappelle, la ville de Montréal appuie fortement les objectifs et les principes qui sont mis de l'avant dans l'actuel projet de loi. Toutefois, la ville est d'avis qu'un certain exercice d'analyse quant à l'opérationnalisation des mesures proposées reste quand même à bonifier. L'introduction d'un nouveau modèle de protection des milieux humides nécessite de solides arrimages avec les gouvernements de proximité, lesquels sont les meilleurs concernés pour sa mise en oeuvre. Dans une perspective de collaboration, la ville demande que des mécanismes d'échange soient dès à présent mis sur pied afin de tenir compte des préoccupations municipales légitimes à l'endroit du projet de loi.

La métropole constate également que le projet de loi n° 132 ne tient pas suffisamment compte de sa propre réalité et plus particulièrement de sa spécificité territoriale immobilière. La ville est particulièrement préoccupée par le fait que, pris dans un contexte montréalais, le régime proposé par le projet de loi risque de créer l'effet inverse de celui qui est recherché. Plutôt que de favoriser le maintien des milieux humides et de minimiser leur destruction, la formule proposée risque de favoriser le recours à la compensation, ce qui est évidemment contraire à nos objectifs communs.

Les recommandations de la ville en lien avec le présent projet de loi se situent donc à deux niveaux. En premier lieu, nous souhaitons porter à votre attention des recommandations relatives au nouveau régime d'autorisation environnementale. Et, deuxièmement, nous allons également pouvoir proposer l'introduction d'un chapitre Montréal afin de garantir la protection efficace des milieux humides à Montréal.

Le projet de loi n° 132 confirme la contribution du monde municipal à l'exercice de planification du territoire. Le nouveau régime, toutefois, a récemment retiré contre la volonté du milieu municipal un important outil, soit l'exigence qu'un promoteur obtienne un certificat de conformité à la réglementation municipale comme condition nécessaire à une autorisation environnementale. Le retrait de cette exigence va à l'encontre des objectifs de protection environnementale.

En vertu du nouveau régime d'autorisation, le ministère de l'Environnement peut désormais émettre une autorisation environnementale pour un projet qui serait non conforme à la réglementation municipale, comme par exemple un plan d'implantation et d'intégration architectural applicable pour un projet se déroulant sur un écoterritoire. Cette situation met directement à risque la protection des milieux humides d'intérêt et va à l'encontre des objectifs de la loi, en plus d'être incompatible avec le fonctionnement municipal. Ainsi, compte tenu du rôle crucial qui sera désormais assumé par les municipalités dans l'élaboration du plan de conservation des milieux humides et hydriques, la ville de Montréal demande que le certificat de conformité à la réglementation municipale comme condition d'obtention d'une autorisation environnementale soit réintégré.

D'autre part, en tant que gouvernements de proximité, les municipalités doivent être considérées comme des entités autonomes qui agissent sur la protection de l'environnement et en cohérence avec les orientations gouvernementales. Les interventions municipales seront nécessairement respectueuses du plan de protection des milieux humides qu'elles élaborent. Leurs interventions ne devraient donc pas être considérées comme des activités à risque élevé, mais elles devraient plutôt faire l'objet d'une déclaration de conformité.

Finalement, afin de pouvoir réaliser normalement ses opérations, la ville de Montréal demande qu'une précision soit apportée à la loi afin que les ouvrages municipaux construits qui sont reliés à la gestion des eaux soient soustraits de la définition donnée à l'expression «milieux humides et hydriques».

Comme je l'ai mentionné, nous pensons que le projet de loi ne traduit pas la réalité montréalaise en ce qui a trait... autant sur la réalité qui est le coeur de l'entente Réflexe Montréal qui a été signée au mois de décembre dernier. Or, l'insertion d'un chapitre dédié à la métropole est incontournable pour deux enjeux : premièrement, pour la formule de compensation et, deuxièmement, pour le territoire de référence.

Le recours à la compensation engendre un droit de développement sur un milieu humide qui autrement serait non développable. Le respect du principe d'aucune perte nette implique en contrepartie le retrait de ce même droit sur une autre propriété. Pour sa part, la valeur au rôle foncier illustre la valeur avant que le droit de développement ait été reconnu, et c'est pourquoi le recours à la compensation devient aussi attrayant aux yeux des promoteurs. La ville de Montréal s'inquiète donc de cette approche, qui risque, selon nous, d'entraîner un mouvement favorisant la vente à rabais de certains milieux, de nos milieux humides.

• (19 h 40) •

En outre, la formule de compensation ne doit pas se limiter à la superficie affectée. Il importe également de tenir compte du contexte spatial où les milieux humides et hydriques se situent, des services écosystémiques qu'ils fournissent et de leurs impacts sur l'économie et la qualité de la vie des citoyens, donc sur la localisation également. La ville de Montréal demande donc que la formule de calcul qui sera utilisée pour déterminer les coûts liés à la compensation tienne compte du coût véritable de la compensation, c'est-à-dire de la réalité du marché immobilier, de la rareté des milieux de remplacement disponibles, des fonctions écologiques réalisées et de l'impact économique.

Le projet de loi prévoit que les communautés métropolitaines auront la responsabilité d'élaborer et de mettre en oeuvre le plan régional des milieux humides et hydriques et que ces dernières pourront déléguer, avec l'autorisation du ministre, l'élaboration du plan régional à une municipalité. La ville de Montréal souhaite plutôt voir ce pouvoir lui être confié directement. La ville, en tant que gouvernement de proximité, considère être à même de protéger ses milieux humides et hydriques d'intérêt en tenant compte au premier chef des préoccupations citoyennes locales. Les élus locaux doivent continuer d'être imputables des décisions rendues en lien avec le développement territorial qui les concerne.

La ville demeure également la mieux placée pour identifier à l'échelle locale les critères de priorisation des milieux humides à protéger. Un tel exercice exige une expertise écologique spécifique et une articulation fine entre les différents intervenants appelés à agir sur le plan de la gestion hydraulique et urbanistique du territoire.

Des échanges et des négociations avec chaque promoteur ou propriétaire concerné devront également avoir lieu. L'agglomération montréalaise détient cette expertise et est certainement la meilleure instance pour réaliser ce type de démarche au nom de la ville.

Cette approche est par ailleurs compatible avec une planification plus globale réalisée à l'échelle métropolitaine qui est tout à fait complémentaire. Nous le faisons actuellement avec la CMM, concernant son plan métropolitain d'aménagement, et avec le schéma d'aménagement et de développement de la ville de Montréal.

Également, le projet de loi n° 132 ne prévoit pas de mécanisme assurant que la destruction d'un milieu humide sur le territoire de l'agglomération entraîne une création ou une restauration sur ce même territoire. Nous pensons que c'est vraiment l'objectif à viser. À notre avis, cette approche encouragera la réalisation de projets de compensation en dehors des limites de l'agglomération.

Donc, une telle approche peut avoir des effets pervers et entraîner des inégalités sociales si les services écologiques qui sont procurés par le nouveau site ne sont pas livrés à la population ou dans une zone territoriale qui en a besoin. Il y a de tels exemples aux États-Unis, notamment en Floride. La ville de Montréal s'inquiète donc d'une telle avenue et incite le gouvernement du Québec à tenir compte dès à présent de cette réalité.

L'introduction d'un chapitre Montréal dans le projet de loi devrait donc inclure la réalisation d'un plan régional de protection directement par la ville, par le territoire de l'agglomération, sans recours à un processus de délégation.

Le Président (M. Iracà) : 40 secondes, M. Perez, je suis désolé.

M. Perez (Lionel J.) : Je termine. L'application du principe d'aucune perte nette pour l'identification des terrains à compenser devra correspondre, dans ce contexte, au territoire de l'agglomération, et, par conséquent, la gestion des programmes devra faire l'objet d'une entente directement avec la ville. Et, sur ce, je termine. Et je vous remercie.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, M. Perez. Alors, nous allons poursuivre avec des échanges avec les membres de la commission, dans un premier temps, avec la partie gouvernementale. Et je cède la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, M. Perez. Je tiens à souligner le travail exceptionnel particulièrement des employés de la ville de Montréal durant les inondations. Je sais que la ville de Montréal a été particulièrement touchée et je tiens à souligner... Je l'ai vu moi-même de mes propres yeux sur le terrain. Alors, je tiens quand même à souligner le travail important de la ville de Montréal, de son équipe, de vous, de l'ensemble de l'équipe, et qui se poursuit, d'ailleurs, et qui va se poursuivre encore pendant, malheureusement, plusieurs semaines, voire peut-être quelques mois.

Sur vos commentaires... Bon, premièrement, merci pour votre contribution, votre mémoire, votre présentation. La question d'un certificat de conformité à la réglementation municipale, le projet de loi n° 102 sur la modernisation, puis on s'en était parlé il n'y a pas si longtemps que ça, parce que vous étiez venu faire, à ce moment-là, des représentations devant cette commission, lors des consultations particulières, bon, le projet de loi qui a été adopté et sanctionné le 23 mars dernier, en effet, enlève cette obligation d'un certificat de conformité provenant d'une autorité municipale. Cependant, en contrepartie, il y a une obligation d'information, c'est-à-dire qu'un promoteur doit informer la ou les municipalités touchées par un projet. Et le fait qu'il n'y a plus de certificat de conformité à être émis par une municipalité n'invalide pas la réglementation municipale et n'empêche aucunement une municipalité d'appliquer sa réglementation municipale.

Alors, ma première question là-dessus, c'est : Dans le contexte que, un projet touchant un milieu humide, une demande d'autorisation touchant un milieu humide sur le territoire de la ville de Montréal, la ville recevrait de façon concomitante à la demande de CA un avis, en quoi cette mécanique-là empêche la ville d'appliquer sa réglementation municipale et, si le projet n'est pas conforme à sa réglementation municipale, de tout simplement bloquer le projet?

M. Perez (Lionel J.) : D'abord, j'aimerais présenter la personne qui m'accompagne. C'est M. Daniel Hodder, directeur, Exploitation, du Service des grands parcs de la ville de Montréal.

Je comprends, M. le ministre... Et on sait qu'on a déjà eu des échanges à travers le mémoire qu'on a présenté sur le projet de loi n° 102. Pour nous, pour la ville de Montréal, nous pensons que l'exigence d'avoir un certificat de conformité est quelque chose qui est très important, important parce que ça fait partie d'un processus de planification. Dans le projet de loi n° 132, évidemment, vous soulignez à quel point que vous voulez, justement, déléguer aux communautés, aux MRC, aux municipalités. Bref, vous voyez l'apport. Pour nous, c'est une question de cohérence réglementaire à un certain niveau. On travaille déjà, d'emblée sur ces enjeux-là avec des promoteurs, avec le ministère, mais on voit qu'il y a vraiment une opportunité de maintenir ce...

Il y a aussi d'autres enjeux. C'est qu'on peut travailler plus en amont. En travaillant en amont avec les parties prenantes, des fois on peut encourager la bonification d'un projet. C'est quelque chose où tout le monde peut sortir gagnant. On peut éviter d'autres enjeux sur le terrain.

Il y a également le fait que, des fois, ça peut porter à confusion pour le promoteur. Le promoteur, il va venir... ou il a une autorisation ministérielle sur son projet, et là il va devoir travailler avec la municipalité. Pour ceux qui sont de bonne foi, on peut dire : C'est correct, mais, encore là, il y aura de la confusion. Ils vont dire : Mais c'est déjà approuvé, c'est déjà approuvé, vous devez, vous devez, vous devez. Et, nous, ce qu'on dit : Non, on a notre propre cadre réglementaire.

On reconnaît d'emblée, comme vous l'avez dit... La recommandation municipale n'est pas invalidée. Ce n'est pas ce qu'on a soumis et ce n'est pas qu'on soutient. Mais on pense que, dans un contexte où on veut prévenir, où on veut agir en planification, c'est un excellent outil. Il a marché dans le passé, on aimerait qu'il continue. On comprend qu'il y a une position qui a été prise dans la loi n° 102. J'apprends à l'instant même que les modifications, les amendements ont été mis sur le site Web aujourd'hui, donc on n'a pas eu la chance de les étudier encore, hein, alors c'est tout, tout frais, là-dessus. Mais nous, de notre expérience, de notre volonté, nous pensons que c'est tout à fait important, primordial.

Et dernier point également sur l'évaluation de risque. Très souvent, on va avoir le Service des incendies de Montréal qui est responsable pour les enjeux de sécurité civile... Vous savez, dans un milieu urbain, il y a énormément d'enjeux. En tant que le gouvernement de proximité, qui a, évidemment, une compétence sur l'aménagement, pour nous, ça fait partie de cette planification avec échange. Je comprends qu'il peut peut-être y avoir des préoccupations de délai. Nous, on est prêts à trouver une formule pour ne pas bloquer ou retarder les enjeux ou bien les projets, hein? Il y a toujours une façon d'obtenir une approbation du ministère, on peut travailler en parallèle avec la municipalité. Mais il faut s'assurer qu'on travaille de concert, comme on l'a fait dans le passé.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le ministre.

M. Heurtel : Merci. Je comprends votre position, je crois que... En tout cas, on va avoir de la difficulté, là-dessus, à trouver un terrain d'entente. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que, dans le projet de loi n° 132, il y a quand même cette obligation de planifier, de faire une planification des milieux humides et hydriques. Et je répondrais que cela, avec d'autres mesures, permet en grande partie de répondre à ce besoin de prévisibilité dont vous parlez. Mais, bon, je vais passer à un autre point.

Je veux mieux comprendre quand vous parlez que les interventions de la ville de Montréal en milieu humide ne soient pas considérées à risque élevé. J'essaie de comprendre c'est quoi, le raisonnement. Parce qu'encore une fois revenons à 102. Le projet de loi n° 102 établit des catégories de risque, hein, élevé, modéré, faible, négligeable. Alors, s'il y avait un projet dont le promoteur serait la ville de Montréal, et qu'il serait classé à risque élevé, et qu'il toucherait à des milieux humides, bien là il faudrait qu'il soit transformé en un projet à risque faible et donc automatiquement soumis... qu'à une simple déclaration de conformité. En tout cas, ce que je comprends, c'est parce que... Pourquoi soustraire, pourquoi... Quel pouvoir magique a la ville de Montréal, par rapport à tous les autres promoteurs de projets dans le reste du Québec, qui ferait en sorte que, ah! parce que c'est la ville de Montréal, quelque chose qui serait classé à risque élevé devient tout à coup à risque faible?

M. Perez (Lionel J.) : Ce n'est aucunement la prétention de la part de la ville de Montréal. La prétention de la ville de Montréal, c'est très simple : on présume que vous allez nous déléguer la planification de s'assurer de conserver les milieux humides. Nous, dans notre propre actualisation de nos projets, on va s'assurer de respecter cette planification. On va s'assurer que nos efforts, nos projets vont respecter l'encadrement établi par la loi, on ne veut aucunement se soustraire. Mais, d'emblée, nous pensons qu'il y a des interventions très ponctuelles, par exemple sur des enjeux de bassins de rétention, où, vous savez, lorsqu'on doit gérer ça au quotidien, on doit s'assurer... on ne doit pas nécessairement passer par un processus d'approbation ministériel.

Je vais peut-être demander à M. Hodder de donner des exemples plus précis encore, mais l'idée, ce n'est pas de se soustraire pour se dire : On a un passe-droit, loin de là. C'est que nos efforts vont respecter l'encadrement, les barèmes législatifs. Mais il y a aussi des réalités, dans un milieu urbain, qui nécessitent plus de flexibilité, tout en respectant nos engagements. Je ne sais pas si M. Hodder veut ajouter.

M. Hodder (Daniel) : En fait, c'est une demande qui nous vient du Service de l'eau, qui est préoccupé par la fonctionnalité des ouvrages hydriques qu'il gère et la nécessité d'intervenir souvent de façon assez urgente ou importante, et ils ne veulent pas être assujettis à un processus qui retarderait la fonctionnalité, parce que, tu sais, on est là pour empêcher les gens d'être inondés ou les alimenter en eau, donc il y a beaucoup, beaucoup d'ouvrages hydriques qu'on opère, et ils veulent avoir une pleine latitude pour assurer la fonction.

M. Heurtel : O.K. Juste pour être clair, on parlerait d'un cas en milieu humide. Là, une usine de traitement des eaux, ce n'est pas un milieu humide.

M. Hodder (Daniel) : Mais un bassin versant peut l'être...

M. Heurtel : Je veux juste terminer mon point, monsieur. Juste comprendre, là, que, si on parle de travaux d'urgence, il y a toute une mécanique de travaux d'urgence prévue dans la loi n° 102 qui permet aux municipalités d'aller de l'avant. Et on le voit présentement, là, je veux dire, des travaux majeurs, des travaux qu'on considérerait à risque élevé font déjà l'objet d'autorisations d'urgence en vertu de la loi n° 102 du ministère, et la loi n° 102 permet, donne des pouvoirs aux municipalités d'agir en cas d'urgence.

Si on parle de travaux mineurs, hors urgence, là, bien, il va y avoir... Puis c'est ça qu'on est en train de travailler. Au cours de la prochaine année, là, on va travailler sur un classement de ce qu'est un risque faible, risque modéré. Dans ce qui est risque faible, ce qui est soumis à la déclaration de conformité, si c'est vraiment des travaux jugés mineurs, bien, il est fort probable que ce ne soit pas classé à risque élevé, je veux dire. Mais je comprends la préoccupation.

Mais là, quand on parle de travaux en milieu humide, on parle véritablement... Il y a des travaux, puis on en a parlé... Dans un univers complètement différent, avec les propriétaires de forêts privées, on reconnaît qu'il y a des actions, il y a des interventions en milieu humide qui vont être à risque faible ou négligeable, et ils vont déjà être prévus dans la réglementation adoptée en vertu de 102 et ne seront donc pas soumises au régime particulier qu'on étudie présentement à 132.

Alors, je vous dis tout ça juste pour... Quand même, on prend en considération ce que vous nous dites, là, mais je tiens... C'est déjà quelque chose qu'on envisage, là. Alors, je crois qu'il y a moyen... Mais je vois difficilement le type d'enjeu que vous décrivez se retrouver tout à coup à risque élevé, là. Une situation d'urgence ou des travaux mineurs, bien, ça, c'est deux cas justement qui vont être régis différemment que par le régime.

M. Perez (Lionel J.) : Alors, on apprécie l'ouverture. Comme vous le mentionnez, les détails de la classification ne sont pas encore établis. Nous, on soulève cela justement par notre préoccupation. Comme vous le savez, on investit, avec les apports du gouvernement du Québec, énormément d'argent dans nos infrastructures d'eau, entre autres. On veut trouver cet équilibre. Et l'intention, ce n'est aucunement de se soustraire à ces enjeux-là. On sait que vous les connaissez...

M. Heurtel : Vous avez clairement bien établi ça, M. Perez. On n'entend pas ça du tout.

M. Perez (Lionel J.) : Et puis, donc, c'est une question de s'assurer qu'il n'y ait pas certaines nuances concernant notamment... pas seulement celles de la ville de Montréal, mais de toutes les municipalités, sur ces enjeux-là. Donc, si effectivement il y a une évolution sur cette classification, je pense, ce serait de bon augure, justement, avec la nouvelle ouverture considérant les municipalités comme un gouvernement de proximité, d'avoir peut-être des échanges très concrets sur cette classification et pour éviter éventuellement des changements. Comme on dit toujours, vaut mieux prévenir que guérir.

Il y a M. Hodder qui voulait rajouter un exemple, je crois.

M. Hodder (Daniel) : Simplement, c'est qu'on y voit un avantage de créer des milieux humides qui sont en même temps des bassins versants. Nos collègues au Service de l'eau sont un peu hésitants si les modifications qu'on leur fait apporter à leurs ouvrages enclenchent tout un processus environnemental. Je vous parle plus d'une préoccupation, disons, que... Si on veut les encourager à végétaliser les abords des bassins versants, à faire des ouvrages qui ont une double fonction, bien, il faut que ce soit simple pour eux à gérer.

M. Heurtel : ...c'est bon. Puis, l'échange, c'est en plein pour ça qu'on fait ce genre d'échange là, ça permet de clarifier les positions. Puis je comprends mieux.

L'autre point, justement, c'est la même chose. Une autre préoccupation : Que les ouvrages municipaux construits reliés à la gestion des eaux soient soustraits à la définition d'un milieu humide ou hydrique. Bien, c'est ça, encore une fois, précision... C'est parce que j'essaie juste de comprendre. Puis je crois que vous avez, avec votre dernier exemple, déjà précisé. Moi, quand je lis la définition qui est proposée dans la loi, je ne vois pas le lien direct, je ne vois pas comment une usine de traitement pourrait être confondue avec un milieu humide. En tout cas, je suis sûr qu'il y a un exemple plus précis, là, qui vous préoccupe, là.

M. Hodder (Daniel) : Encore une fois, ce n'est pas nécessairement une usine de traitement des eaux usées qui est en cause mais plutôt tous les ouvrages de rétention. Montréal, il y a un besoin de rétention, hein, c'est un territoire qui est très plat, et c'est des ouvrages de rétention des eaux pluviales qui sont surtout en cause. Et c'est là où la double fonction environnementale qu'on pourrait... serait intéressante.

M. Perez (Lionel J.) : ...ajouter là-dessus. Par exemple, dans ces cas de projets où justement on va avoir énormément d'exigences, il y a quand même des exigences importantes, dans un contexte où on est délégué par le ministère, par le ministre pour faire notre planification et oeuvrer dans ce sens-là, on trouve que ce serait intéressant de s'assurer qu'on n'ait pas des exigences qui sont trop lourdes pour la municipalité, ça va à l'encontre, justement, de vouloir accélérer les processus, mais, encore une fois, toujours dans le respect des objectifs et de la planification.

Le Président (M. Iracà) : Merci...

M. Heurtel : Le temps, s'il vous plaît, monsieur...

Le Président (M. Iracà) : Alors, il vous reste, M. le ministre, sept minutes.

• (20 heures) •

M. Heurtel : Merci. Juste pour... Encore une fois, vous le dites, j'apprécie que vous le dites. Puis je ne pense aucunement qu'il y a une tentative de soustraction ou de demande de soustraction à l'application de la loi de la part de la ville. L'idée, c'est vraiment de tenter de clarifier, là, les intentions de part et d'autre. Parce que ce qui est proposé par le projet de loi n° 132, c'est un régime de protection des milieux humides et hydriques dans le cas où un promoteur — ça peut être une municipalité, ça peut être un promoteur privé — veut affecter un milieu humide, veut construire un ouvrage qui va affecter la capacité d'un milieu humide de faire son travail, de rendre ses services écologiques. Les ouvrages dont vous parlez, ces ouvrages-là ont déjà fait l'objet de formes d'autorisation, dans la plupart des cas. Et également vous n'allez pas proposer de remplacer l'ouvrage de rétention par une autoroute à 14 voies. Tu sais, j'exagère, là, évidemment, mais, vous voyez, l'idée, c'est que, si, par exemple, on prenait un ouvrage de rétention qui est déjà en opération, puis que demain la ville de Montréal décide de proposer une nouvelle autoroute à 14 voies, là on parlerait de risque élevé, puis là vous comprenez que, là, je crois qu'on aurait un problème. Mais je crois que, dans les cas où l'ouvrage en question rend déjà des services écologiques, là il y a moyen de trouver une façon. Puis c'est plus par rapport à la définition de «milieux humides» qui est proposée par le projet de loi, mais après il y a toute une autre série de mesures, là.

Alors, tout ça, je vous dis ça pour vous rassurer, là, en quelque sorte, parce que, là, on commence avec la définition, mais la définition, c'est un point de départ, ce n'est pas une fin parce qu'après ça il va y avoir une planification. Il va y avoir des gens sur le terrain, ensuite, qui vont regarder, là, tu sais, il va falloir que des experts — puis vous en avez, des experts dans ce domaine-là, à la ville de Montréal — véritablement viennent confirmer si c'est un cas où, justement, il y a une problématique ou sinon, plutôt, bien, non, au contraire, ça confirme que ça rend un service écologique. Alors, je crois qu'il y a moyen d'arriver à une solution, là, mutuellement acceptable, là.

M. Perez (Lionel J.) : Alors, j'apprécie. Et puis évidemment c'est comme vous dites, c'est très important de s'assurer qu'on a les mêmes définitions des enjeux. Ce que je suggère, c'est que les services continuent à en discuter avec les membres de votre ministère, et peut-être, s'il y a des enjeux plus ponctuels, on pourra les soulever et les traiter, au besoin.

M. Heurtel : Pour ce qui est de la planification, justement, parce que ça va être un enjeu très important... Parce que, encore, la planification, le type d'ouvrage dont vous parlez ne se retrouvera pas, normalement, dans cette planification-là ou, si elle se retrouve, ça va être clairement identifié et de quel genre de type d'ouvrage ça comporte, le genre de services, donc, d'où l'utilité de la planification.

Au niveau de la gouvernance, où est-ce que vous vous situez, vous, par rapport au niveau? Je soupçonne que vous êtes favorables à ce que ça soit les autorités municipales qui tiennent le crayon et qui prennent la décision. Je soupçonne ça, mais le niveau... Alors, beaucoup de gens qui nous parlent que ce soit au niveau MRC, donc, dans votre cas, je crois, l'équivalent, c'est agglomération, êtes-vous d'accord avec ça ou vous voyez plus petit, vous voyez plus grand?

M. Perez (Lionel J.) : Bien, comme je l'ai mentionné dans mon allocution, comme je l'ai également... comme on le souligne dans notre mémoire, effectivement, nous, on préconise que ça soit l'agglomération de Montréal, et cela pour différentes raisons.

D'abord, c'est un territoire qui est uniforme. On a déjà l'expertise connue. C'est un territoire qui est identifiable, fixe. On a notre schéma d'aménagement également très bien établi. Donc, c'était tout à fait pertinent que ça soit l'agglomération de Montréal, mais cela, évidemment, c'est toujours dans une cohérence d'une vision globale avec la CMM. On travaille très étroitement avec la CMM, donc ce n'est pas une question de ne pas vouloir travailler avec la communauté métropolitaine, mais, tout simplement, ce sont les municipalités — dans le cas de Montréal, c'est aussi pour l'agglomération qui va traiter avec les enjeux très locaux — qui vont traiter avec les promoteurs, qui ont la connaissance fine du territoire.

Donc, pour nous, c'est tout à fait cohérent, évidemment, de s'assurer que ça soit au niveau l'agglomération. Et, encore une fois, on a l'exemple, par exemple, où la CMM, elle a son Plan métropolitain d'aménagement et de développement, la ville de Montréal a son schéma d'aménagement, et puis il y a une cohérence qui s'est faite. Mais, sur le terrain, ça doit être l'agglomération de Montréal.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le ministre, deux minutes.

M. Heurtel : Bon, je vous laisse les deux dernières minutes pour peut-être approfondir sur la formule de compensation. Vous voulez une formule de compensation particulière. Je n'essaie pas de vous faire répéter ce que vous avez déjà dit, mais, si on peut approfondir, aller plus loin... Et, avant que j'oublie, joyeux 375e, légèrement à l'avance! Jacques Martineau vient de me le rappeler, et c'est vrai. Mais, bon, pour la formule de compensation, outre... c'est le cadeau que vous aimeriez qu'on vous donne pour le 375e, ça fait que vous, si pouviez l'expliquer...

M. Perez (Lionel J.) : Je ne sais pas si c'est un cadeau pour Montréal mais tout simplement pour les milieux humides, peut-être. Mais, dans un contexte... Pour nous, c'est évident que, lorsqu'on utilise la formule qui est en place, on a vraiment la peur, la forte préoccupation que l'effet désiré, ça va être tout son contraire, il y aura un effet pervers. Et pourquoi? Parce que très souvent, notamment, la valeur foncière, c'est une valeur au rôle qui est représentative de la valeur, mais qui n'a pas encore pris en considération, entre guillemets, la plus-value d'un développement. Donc, dans un contexte où il y aura un développement, il y a évidemment un avantage financier qui est engendré, tandis qu'avec la compensation qui est à l'annexe présentement elle ne va pas vraiment refléter la réalité, et donc il y a certains promoteurs qui vont dire : Bien, on va pouvoir le faire à rabais.

Je vous donne un exemple, je vais essayer de faire une analogie. On a un immeuble de deux étages qui est zoné dans un territoire de deux étages. Valeur foncière : 1 million de dollars. Valeur marchande : 2 millions de dollars. Mais, s'il a le droit de payer pour qu'on la saute à un quatre étages, automatiquement la valeur de l'immeuble est beaucoup plus grande. Bien, c'est un peu le même scénario, que, si jamais on utilise la valeur selon la formule, bien, ça ne va pas être assez pour, justement, être représentatif de compenser et de remplacer, et donc il y aura peut-être une course à cet égard-là. Je comprends qu'il y a d'autres mécanismes, je comprends que c'est en dernier recours qu'on veut aller à cet égard-là, mais néanmoins, dans un contexte montréalais où déjà il y a énormément... il y a très peu de territoires et terres humides, nous pensons qu'effectivement... c'est une forte préoccupation à cet égard.

Le deuxième volet, rapidement, c'est sur l'aspect des coûts, des coûts, justement, si jamais on doit remplacer. Et on a fait l'analyse, on a fait l'analyse, on a des cas très concrets sur lesquels ça démontre... La valeur, elle est 40 $ le mètre carré. Eh bien, rien que pour la conversion, hein, ce serait le triple du prix, à Montréal, pour toutes sortes de raisons, d'abord, la valeur foncière et, pour terminer, également parce qu'on est dans un milieu urbain, il y a beaucoup d'ingénierie qu'on doit effectuer.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Perez. Alors, ceci met fin au bloc d'échange avec la partie gouvernementale. Nous allons débuter une période d'échange avec l'opposition officielle, et je cède la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire.

Présentement, la ville de Montréal, au moment où on se parle, travaille au sein de la TCR pour établir un plan de gestion intégrée régional de l'eau. Est-ce que ça se passe bien, de façon générale, avec les divers membres de la TCR? Est-ce que cette collaboration-là donne des fruits? Est-ce que la rédaction du plan de gestion intégrée régional a été correcte?

M. Perez (Lionel J.) : Donc, je vais demander à M. Hodder.

M. Hodder (Daniel) : Bien, en fait, il faudrait que je vous revienne là-dessus parce que ce n'est pas quelque chose sur lequel on travaille, nous, au service des parcs. On travaille avec les ZIP à Montréal. Il y a les ZIP Jacques-Cartier et ZIP Ville-Marie qui ont été fusionnées dernièrement, et c'est eux, l'organisme de bassin de référence qu'on connaît le plus. Je ne suis pas...

M. Gaudreault : Mais le ZIP est... La ZIP, le ZIP? La ZIP est membre de la TCR.

M. Hodder (Daniel) : Peut-être que c'est eux autres qui regroupent... Les ZIP, si vous parlez des ZIP, là, on les connaît. Ça, ça...

M. Perez (Lionel J.) : De façon générale, on a une bonne collaboration avec tous nos partenaires, avec tous les joueurs sur l'agglomération, avec la CMM, avec les CR. Donc, oui, on avance, on a des projets. C'est sûr qu'il y a toujours des discussions. Alors, pour nous, ça, ce n'est pas un enjeu.

M. Gaudreault : O.K. En fait, j'essaie juste de voir... Parce qu'à plusieurs reprises ici on a eu l'occasion de discuter avec d'autres groupes avant vous sur la grille d'analyse, je dirais, du projet de loi n° 132. Et, bon, c'est une loi sur la protection des milieux humides et hydriques, donc là, immédiatement, on pense à quel est le meilleur territoire adapté pour la protection des milieux humides et hydriques. Plusieurs nous ont dit : C'est les bassins versants. Alors, dans le cas de Montréal, de l'île de Montréal, là, il y a l'île de Laval juste à côté, puis plein d'autres... bon, l'archipel, en fait. Pour vous, quel est le bassin versant qui concerne en premier lieu l'archipel de Montréal?

M. Perez (Lionel J.) : Bien, ce serait Montréal, évidemment, c'est le bassin versant autour de Montréal. C'est une unité, à cet égard-là, sur laquelle on pourrait... qu'on devrait identifier au niveau du projet de loi.

M. Hodder (Daniel) : C'est une région hydrographique, ce n'est pas... Il y a plusieurs bassins, mais c'est une région hydrographique qui est autonome.

• (20 h 10) •

M. Gaudreault : Et, dans cette région hydrographique, il y a plusieurs entités municipales. Il y a Montréal, mais Montréal, l'île de Montréal elle-même... Bon, il y a les arrondissements, etc., et autour de Montréal il y a quand même des MRC, il y a la CMM qui regroupe tout ça. Alors, comment vous voyez cette gestion entre tous les différents acteurs? Parce qu'on ne peut pas non plus voir l'archipel de Montréal, ou plus précisément Montréal elle-même, juste dans sa bulle, là, surtout quand on parle... Puis là on le vit bien, malheureusement, de ce temps-ci, on le voit bien, dans le sens que la gestion de l'eau, ça touche forcément les entités environnantes.

M. Perez (Lionel J.) : Il n'y a aucunement de travailler de façon unilatérale à la ville de Montréal sur ces enjeux-là. On part d'abord de l'agglomération de Montréal. Donc, il y a déjà plusieurs municipalités sur l'île de Montréal, évidemment, mis à part la ville de Montréal. On travaille en concert. C'est de compétence d'agglomération. On travaille avec nos partenaires locaux. On travaille effectivement avec la CMM, mais, d'un point de vue de compétence, c'est évidemment la ville de Montréal, avec l'agglomération de Montréal, qui travaille. Et, comme c'est vraiment une région hydrographique qui est uniforme, c'est tout à fait logique et pertinent de s'assurer que ce soit ce territoire-là pour l'agglomération de Montréal. Le risque, évidemment, d'avoir trop un territoire qui est plus large, c'est que les enjeux très locaux, les élus qui sont les plus touchés, les services, l'expertise, il y a un risque à cela. Ça ne veut pas dire qu'on ne travaille pas en collaboration avec nos partenaires, loin de là. On travaille de façon très efficace avec la CMM. L'un n'empêche pas l'autre. Mais, pour des raisons que j'ai soulignées tantôt, nous pensons fermement que ça devrait être l'agglomération de Montréal.

M. Gaudreault : Mais, l'agglomération, pour préparer ou pour travailler... élaborer, en fait, le plan régional, qui sont les principaux acteurs que vous identifiez pour élaborer ce plan régional exigé par la loi éventuellement?

M. Perez (Lionel J.) : Bien, évidemment, lorsqu'on parle de l'agglomération de Montréal, on parle de la ville de Montréal qui agit en collaboration avec les autres municipalités du territoire, il y a 14 autres municipalités, de la même façon qu'on a effectué le schéma d'aménagement en 2015, hein? Il y avait toute une consultation qui a été effectuée. Il y avait des représentants, des élus de différentes municipalités qui étaient sur la commission. On est allés dans tous les territoires, on a amené cela. Évidemment, il y avait des échanges entre les différents services et de la ville de Montréal et des autres acteurs. On a développé ça, on a créé, selon les exigences législatives, cela. Nous on voit cela dans le même sens, dans la même cohérence. Et, encore une fois, le schéma d'aménagement, il respecte le PMAD de la CMM. Ce n'est pas l'une ou l'autre, c'est en collaboration, c'est une question de complémentarité.

M. Gaudreault : Et vous incluez les ZIP dans l'élaboration dont vous nous parlez, là?

M. Perez (Lionel J.) : Ils ont un rôle à jouer pour aviser. Mais évidemment, d'un point de vue décisionnel, à la fin de la journée, nous soumettons que c'est l'agglomération, tout simplement parce qu'on est les élus, il y a des enjeux d'imputabilité à cet égard-là. Mais on est toujours là à travailler avec tous les intervenants.

M. Gaudreault : Maintenant, concernant la restauration d'un milieu humide, vous en parlez, entre autres, à la page 14 de votre mémoire, de la restauration, bon, vous parlez évidemment de la formule de calcul, mais, précisément sur la restauration d'un milieu humide, considérant la densité, le caractère urbain spécifique à Montréal, comment vous voyez ça pour la restauration de... bien, plus, par exemple, pour la compensation sur un territoire, considérant la densité? J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Perez (Lionel J.) : Absolument. Comme je l'ai mentionné, et je vais pouvoir m'attarder de façon plus spécifique, nous soumettons qu'il est tout à fait pertinent de s'assurer que, si jamais il y a un territoire à compenser, à remplacer, donc, si effectivement on doit développer un milieu humide, que le nouveau milieu humide soit sur le même territoire, donc, de l'agglomération de Montréal. Et cela, évidemment, il y a certains défis parce que, justement, il y a très peu de territoires qui sont disponibles. Mais nous pensons que c'est tout à fait... d'un point de vue équité, c'est voulu, premièrement. Deuxièmement, ça vient en lien, justement, avec les enjeux de planification. La planification, si le territoire est effectivement l'agglomération, ça va simplifier cette possibilité. À l'intérieur même du même territoire de référence, on va devoir trouver ce nouveau territoire pour remplacer celui qu'on a développé. Donc, c'est tout à fait cohérent.

Si jamais on veut avoir un territoire de référence qui est plus large dans la CMM, il y a un risque, vu les coûts engendrés de compensation qui vont être plus élevés à Montréal, qu'il y ait peut-être une tendance à aller à l'extérieur de l'agglomération de Montréal pour essayer d'avoir plus pour son argent. Donc, il y aura effectivement une perte à cet égard-là.

Autre point, je pense, et le mémoire le souligne, qu'il y a aussi des enjeux concernant les inégalités sociales dans un contexte où on veut s'assurer que la population est desservie, celle qui a besoin d'être desservie, qu'elle ait effectivement les territoires remplacés, tandis que, si jamais ce n'est pas le territoire de l'agglomération, il y a des risques qu'on va aller donner plus de territoires humides dans un territoire qui peut-être n'en a pas autant besoin, tandis que, dans un milieu urbain, il y a des besoins criants à cet égard-là, on veut protéger, évidemment, ce qu'on a, on veut aller plus de l'avant. Donc, c'est tout à fait faisable de s'assurer que, si on fixe le territoire de référence comme étant l'agglomération, on va pouvoir s'assurer que tout projet de remplacement soit dans le même territoire. Et, nous, d'un point de vue d'équité et d'un point de vue social, c'est voulu.

M. Gaudreault : Mais vous êtes d'accord avec le principe de zéro perte nette?

M. Perez (Lionel J.) : Absolument.

M. Gaudreault : O.K. Et donc, considérant la particularité de Montréal, est-ce qu'on peut dire que la meilleure chose, au fond, dans ce contexte-là, avant de compenser, c'est d'éviter d'affecter des milieux humides?

M. Perez (Lionel J.) : Absolument. On est tout à fait en appui avec le principe qui a été proposé dans ce projet de loi par le gouvernement, par le ministre. C'est un principe établi. Ça va nous permettre de s'assurer de protéger les milieux humides et qu'il y a vraiment une conséquence à cela. Donc, on veut toujours éviter, hein? Compenser, c'est vraiment dernier recours. Donc, pour nous, si on peut maintenir cela, c'est tout à fait voulu et c'est tout à fait dans les orientations que la ville de Montréal a prises au fil des années.

M. Gaudreault : Et compenser, évidemment, comment je pourrais dire, c'est... La première règle, c'est d'éviter. Si on doit se rendre à la compensation, bien, c'est encore plus exceptionnel, considérant le caractère très dense et urbain de la ville. C'est ce que je comprends de ce que vous nous dites. J'aimerais ça... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Iracà) : Il vous reste 3 min 20 s. Il vous reste quand même un peu de temps.

M. Perez (Lionel J.) : Et puis, sur ce dernier point, monsieur...

M. Gaudreault : Oui, allez-y.

M. Perez (Lionel J.) : C'est tout à fait possible de trouver, justement, des endroits pour remplacer. Oui, évidemment, Montréal est développée à un très haut taux, mais néanmoins il y a des possibilités à cet égard. C'est sûr que les coûts sont plus importants, ça, il n'y a aucun doute, non seulement sur la valeur immobilière, mais aussi pour les coûts d'exploitation, de création de tels projets, à cause de la densité, à cause du fait qu'on va devoir utiliser très souvent de l'ingénierie à cet égard. Donc, c'est des coûts plus substantiels, plus lourds.

M. Gaudreault : La semaine dernière, on a reçu l'association de construction d'habitations, là, l'APCHQ, ici, en commission. Ils nous ont dit qu'un des dommages collatéraux de la formule de calcul pouvait être l'étalement urbain, donc que ça pouvait faire fuir, au fond, des propriétaires éventuels. Alors, est-ce que c'est quelque chose, peut-être, M. Hodder ou M. Perez, là, que vous avez estimé ou évalué, du côté de Montréal?

M. Perez (Lionel J.) : Vous parlez d'un point de vue qu'on va peut-être perdre certains développements?

M. Gaudreault : Oui.

M. Perez (Lionel J.) : Bien, moi, ce que je pense, c'est tout à fait dans la lignée... Comme vous dites, on veut éviter, minimiser, compenser. À Montréal, on ne fait pas seulement du développement, on fait du développement durable.

M. Gaudreault : O.K. Monsieur, oui.

• (20 h 20) •

M. Hodder (Daniel) : Oui, c'est tout à fait... je pense qu'il y a les bons projets aux bons endroits. Et, si c'est possible à un endroit et ça devient stratégique de compenser plutôt que de protéger, je pense qu'on peut le considérer. Et il y a des projets de compensation qu'on peut imaginer à Montréal. On en a déjà, il y en a déjà qui se réalisent dans d'autres circonstances, on en a. On a des objectifs de protection de nos milieux naturels, vous savez, qui sont assez importants. Donc, on peut jumeler ces objectifs-là avec ceux de notre politique de protection des milieux naturels.

M. Gaudreault : O.K.

M. Perez (Lionel J.) : Mais c'est n'est pas un souci sur l'enjeu d'un manque de développement. Comme on peut constater, il y a énormément de développement sur l'île de Montréal et dans les parties centrales, ainsi que dans d'autres arrondissements et d'autres villes liées. Nous voulons s'assurer, justement, de la protection des milieux humides et hydriques qui sont déjà en place. Et on préconise tout à fait d'éviter le plus que possible de les perdre. Et on a la capacité d'augmenter la densité dans plusieurs de nos développements. Donc, pour nous, ce n'est pas une préoccupation.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Jonquière. 47 secondes.

M. Gaudreault : Oui. En fait, l'APCHQ parlait de l'effet multiplicateur ou l'effet cumulatif, là, de la méthode de calcul en disant qu'ils considèrent que l'application sur les coûts des projets immobiliers pouvait avoir un impact négatif sur l'accès à la propriété et pourrait accentuer ainsi l'étalement urbain. Alors, ce n'est pas quelque chose que vous estimez possible ou probable?

M. Perez (Lionel J.) : Non. Bien, vous savez, on a énormément de différents programmes pour encourager, justement, l'acquisition des maisons. Évidemment, on est en train de discuter dans le contexte de projet de statut de métropole, où énormément de pouvoirs vont être délégués à la ville de Montréal. On va pouvoir établir des critères parce que les montants ne sont pas les mêmes. Il y a une forte demande à Montréal. C'est sûr qu'on veut retenir nos familles, on a différents programmes, et il y a énormément de développement à cet égard-là à travers la ville. Donc, pour nous, on ne craint aucunement cet enjeu-là.

M. Gaudreault : C'est bon. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Ceci met fin au bloc avec l'opposition officielle. On va débuter le dernier bloc avec le député de Masson, et la parole est à vous immédiatement.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci, M. Perez et M. Hodder, d'être avec nous ce soir. Vous savez, vous l'avez mentionné vous-mêmes dans votre mémoire, là, dans le fond, là, ce qu'on veut au début, on veut éviter de toucher aux milieux humides, après ça on veut minimiser puis à la fin on veut compenser. Puis le projet de loi, juste pour vous amener là-dessus, il introduit une nouvelle section dans la LQE. Puis j'aimerais savoir, d'un point de vue municipal, de votre municipalité, à Montréal, comment qu'on peut arriver à dire que, vu que le montant demandé pour une compensation est moindre que le coût d'une restauration, le promoteur va vouloir effectivement dire : Bien, moi, je vais vouloir payer pour, justement, faire la destruction du milieu humide puis... alors que vous avez déjà fait la cartographie des milieux humides à Montréal — ça, vous avez ces données-là — j'imagine qu'avec le projet de loi vous allez mettre en place votre plan de conservation des milieux humides puis que vous allez demander au ministre que certains milieux, là, à titre exceptionnel, soient protégés puis déclarés à titre exceptionnel, ce qui va éliminer la possibilité à plusieurs promoteurs de vouloir avoir une intention sur ces milieux-là.

Puis aussi, dans la loi, ce que je remarque, c'est que le promoteur doit faire «une démonstration qu'il n'y a pas, pour les fins du projet, d'espace disponible ailleurs sur le territoire compris dans la municipalité régionale de comté concernée ou que la nature du projet nécessite qu'il soit réalisé dans ces milieux». Donc, tu sais, je veux dire, un promoteur, pour pouvoir réellement se rendre au niveau compensation, il doit démontrer que c'est impossible pour lui de faire son projet ailleurs dans la MRC, donc, pour vous, à Montréal, on s'entend.

Et puis là, bien, dans le fond, avec tout ça en place, tu sais, considérant que vous êtes déjà beaucoup avancés dans les étapes, là, je ne vois pas comment que quelqu'un pourrait déjà arriver puis dire : Je vais payer pour faire une compensation, alors qu'il me semble que vous avez tous les outils en main pour empêcher, justement, la destruction des milieux humides.

M. Perez (Lionel J.) : On comprend qu'évidemment c'est le dernier recours, hein? On comprend, comme vous le mentionnez et comme on l'a mentionné, que c'est la dernière possibilité, et qu'il y a plusieurs étapes qui sont établies dans le projet de loi, et qu'évidemment le ministre, il aura, à la fin de la journée, la capacité de pouvoir accepter ou rejeter. Ce que nous, on préconise, c'est qu'on veut être prévoyants. On veut prévoir ça pas seulement pour un an ou deux ans, mais pour une décennie. Et nous, dans un contexte où on voit qu'il y a une réalité sur le territoire de Montréal, il y a une spécificité notamment sur la valeur immobilière, que la plus-value potentielle engendrée... Bien, vous savez, il y a beaucoup de personnes qui vont être très créatives dans leur analyse. Et il faut comprendre quand même que Montréal est développée sur une grande partie de son territoire. On me notait comme quoi les milieux humides, c'est 0,5 % du territoire sur l'agglomération de Montréal. Alors, oui, ce n'est pas un enjeu, dans le sens qu'il y aura une cacophonie là-dessus, mais c'est sûr qu'on veut protéger, on veut s'assurer d'avoir tous les outils à notre disposition et d'éliminer ce potentiel d'abus, hein, par certains individus.

M. Lemay : D'accord. Écoutez, juste pour vous faire un petit topo, là, quand l'UMQ est venue nous rencontrer la semaine dernière, je leur ai posé la question parce qu'ils demandaient le retrait du projet de loi n° 132, puis vous le mentionnez dans votre mémoire, vous aussi. Et à ce moment-là l'UMQ, ils ont dit : Non, non, finalement on est à l'aise avec le fait qu'on veut protéger puis conserver les milieux, puis ils ne demandaient plus le retrait. Ils ont dit : On l'a écrit, mais on ne le demande plus. Je ne sais pas si c'est toujours votre souhait à vous, à Montréal, qu'on retire le projet de loi n° 132.

M. Perez (Lionel J.) : Nous, on appuie fortement les principes, les objectifs, les valeurs de ce projet de loi. Le mémoire le note très clairement, je l'ai également dit, on souligne l'excellent travail qui a été mis de l'avant par le projet de loi, c'est un pas de géant concernant la protection des milieux humides au Québec. Mais nos préoccupations, c'est vraiment sur les enjeux d'opérationnalisation, c'est comment on va les mettre en oeuvre. Et, sur cela, on a des préoccupations. J'entends et j'accueille très favorablement les commentaires du ministre qu'il y a encore des choses à évoluer, qu'on pourra échanger et discuter, c'est rassurant, mais on voudrait s'assurer que ce soit vraiment dans le projet de loi et pas nécessairement attendre que ce soit réglé dans un règlement. Alors, pour nous, c'est quelque chose qui est très important, notamment sur la valeur de la formule de compensation, la formule d'évaluation. C'est quelque chose qui est très important. On entend sur les enjeux du territoire, bien que l'article 8 donne une pleine discrétion, mais il y a une ouverture que ça soit vraiment à l'agglomération ou au niveau des MRC. On est très à l'aise là-dessus. Le seul bémol, encore une fois, on revient, et le ministre, il a dit que peut-être qu'il ne faut pas retenir son souffle, mais c'est sur l'enjeu vraiment de certificat de conformité. Également pour nous, on voit ça dans un contexte de planification, d'exécution, de mettre en oeuvre nos responsabilités qui vont être déléguées.

M. Lemay : Justement, M. Perez, vous parlez de... en tout cas, d'opérationnaliser, bref, mais, vous savez, à la ville de Montréal, vous avez des arrondissements, vous avez, bon, comment que ça se passe, la gouvernance avec le conseil de ville. Puis là vous voulez opérationnaliser, voilà. Comment que vous voulez faire ça avec tous les paliers que vous avez en place? Est-ce que vous avez une petite idée de comment qu'on pourrait arranger le tout?

M. Perez (Lionel J.) : C'est pour ça que... Bien, d'abord, on peut dire qu'à la ville de Montréal on est cohérents et évidemment on a un service de l'environnement et des parcs, on a une capacité de travailler, mais quand même il y a certaines questions, c'est pour ça qu'on demande de réviser en profondeur. Ce n'est pas une question de retirer pour retirer, mais de réviser en profondeur les enjeux qui ne sont pas détaillés dans le projet de loi. Pour nous, c'est ça, l'enjeu qui est important à souligner. Mais, du point de vue de la ville de Montréal, on est très cohérents, on est très efficaces, on a un procédé avec les services centraux, avec les arrondissements, avec les villes liées, hein? Ce n'est pas seulement la ville de Montréal, mais c'est l'agglomération de Montréal.

M. Lemay : Parfait.

M. Perez (Lionel J.) : Tu voulais ajouter?

M. Hodder (Daniel) : Bien, simplement dire que le plan serait fait par les services centraux qui représentent l'agglomération, adopté à ce niveau-là, et l'exécution, les permis et le suivi de l'utilisation du sol est fait par les arrondissements et les villes liées directement mais en conformité avec un plan. Donc, tout ça est très... c'est comme fonctionne le schéma d'aménagement, c'est la même chose, là. C'est assez commun comme façon de fonctionner.

M. Lemay : Merci, M. Hodder.

Le Président (M. Iracà) : Merci. Oui, allez-y.

M. Lemay : Oui, parfait. Excellent. Donc, à la page 10 de votre mémoire, vous avez fait une recommandation puis vous nous demandez de soustraire de la définition, là, les ouvrages municipaux qui sont construits, qui est relié à la gestion des eaux, vous voulez que ça soit soustrait de la définition. Peut-être juste avoir une explication supplémentaire, là. Tu sais, dans une optique de gestion intégrée, là, comment vous voyez cette recommandation?

• (20 h 30) •

M. Perez (Lionel J.) : Donc, c'est en lien avec le questionnement qui a été fait par le ministre également. On ne veut aucunement se soustraire aux objectifs ou un passe-droit, c'est vraiment des préoccupations très concrètes. Je vais vous référer à la note 10, justement, de notre mémoire, qui est à la page 10... pardon, ce ne sera pas long... la note 6, je m'excuse, la note 6, à la page 10, qui parle justement de certains ouvrages : «Les ouvrages présentant des caractéristiques naturelles mais qui sont maintenus par des apports d'eau pompée de façon constante — par exemple des étangs artificiels, etc. — devraient également être soustraits de la définition.» C'est un exemple où, si ce n'est pas exclu, bien, il y aura des enjeux pour pouvoir faire la corrélation à cet égard-là.

Donc, pour nous, c'est tout simplement une possibilité, une volonté de pouvoir s'assurer qu'il n'y a pas trop de nécessité d'aller obtenir des approbations dans le contexte de travaux ou de choses qu'on va faire pour justement respecter notre propre planification.

M. Lemay : O.K. Puis, dernièrement...

Le Président (M. Iracà) : M. le député de Masson, il vous reste 30 secondes.

M. Lemay : 30 secondes? Est-ce qu'on a présentement des projets de restauration de milieux humides en cours à Montréal?

M. Hodder (Daniel) : Oui, on en a recensé trois qui sont en cours de réalisation ou qui ont été réalisés.

M. Lemay : Puis le cheminement va bien? Y a-tu des obstacles, des embûches?

M. Hodder (Daniel) : Oui. Le plus gros, c'est le gouvernement du Canada, qui est en train de le faire en compensation de remblaiement de... En compensation pour le pont Champlain, ils sont en train de faire une grosse restauration sur l'île Lapierre. Donc, c'est un gros chantier, là, de 5 millions de dollars d'aménagement sur un terrain qui vaut 5 millions de dollars. Donc, c'est un gros projet.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup de nous avoir présenté, ce soir... Merci pour votre contribution.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de s'avancer.

(Suspension de la séance à 20 h 31)

(Reprise à 20 h 33)

Le Président (M. Iracà) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue aux chercheures du Centre de la science sur la biodiversité du Québec, dernier groupe aujourd'hui mais non le moindre, j'en suis certain. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous, ce soir.

Centre de la science sur la biodiversité du Québec (CSBQ)

Mme Lavallée (Sophie) : Bonjour. Bonsoir, plutôt. Alors, nous nous présentons : Monique Poulin, professeure au Département de phytologie, qui est à ma gauche, de l'Université Laval; Caroline Roberge, qui est avocate et qui est doctorante à la Faculté de droit de l'Université Laval; et moi-même, Sophie Lavallée, avocate et professeure de droit à la Faculté de droit de l'Université Laval également. Alors, nous sommes, comme vous l'avez dit, chercheures au centre de la biodiversité du Québec. Nous remercions donc le ministre, tout son personnel du patrimoine écologique et les députés de l'opposition, les membres de la commission de nous permettre de nous prononcer sur le projet de loi n° 132.

Dans un premier temps, avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi un commentaire, là, qui ne porte pas directement sur le projet de loi n° 132, mais qui s'inscrit quand même dans son sillage. Étant donné, là, le nombre de lois environnementales que nous avons et la complexité des lois environnementales, et également compte tenu de l'activité législative récente en matière d'environnement au Québec, nous pensons que le Québec est peut-être mûr pour songer progressivement, tranquillement à resserrer ses lois autour d'un code de l'environnement qui regrouperait, donc, l'ensemble des lois environnementales en une seule pièce législative et qui rendrait les choses peut-être plus opérationnelles, plus lisibles et plus cohérentes pour tous les acteurs au Québec.

Ceci étant dit, concernant spécifiquement le projet de loi n° 132, tout d'abord, les chercheurs du Centre de la science et de la biodiversité vont faire des recommandations, on va vous faire part de certaines des recommandations qui sont dans notre mémoire dans deux objectifs principalement, nos recommandations visent deux objectifs : premièrement, que les mesures qui sont prévues dans le projet de loi n° 132 soient plus cohérentes avec l'objectif d'aucune perte nette qui y est annoncé comme étant la pierre angulaire, là, du projet et, d'autre part, que le projet assure une plus grande visibilité, une plus grande sécurité et une plus grande prévisibilité aux acteurs du milieu, non seulement les promoteurs, mais également les collectivités territoriales et les autres acteurs, les autres parties prenantes. Il y a encore un flou, là, qui entoure le projet de loi n° 132, qu'il faut essayer de clarifier pour rassurer tout le monde et aussi pour que le projet de loi fonctionne bien sur le terrain. Nous pensons que ce serait très regrettable, là, qu'après avoir mis tant d'énergie à élaborer un tel texte de loi cela tombe ensuite et que ça ne fonctionne pas du tout, là, en pratique.

Je cède la parole tout de suite à ma collègue Monique Poulin, qui va vous faire part de nos deux premières recommandations, la première qui porte sur la définition des milieux humides et hydriques et la seconde, sur l'objectif d'aucune perte nette. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Oui.

Mme Poulin (Monique) : Bonjour. Alors, le projet de loi n° 132 prévoit une définition claire des milieux humides et hydriques. Cette définition précise que, pour être qualifié de milieu humide, un milieu doit être caractérisé par la présence de sols hydromorphes ou d'une végétation dominée par des espèces hydrophytes. Nous recommandons de changer le terme «hydrophyte» par «hygrophile» — on précise pourquoi dans le mémoire — mais de maintenir vraiment la possibilité de définir un milieu humide à partir des sols ou de la végétation, comme plusieurs l'ont mentionné aussi au cours des autres audiences.

Nous appuyons évidemment la volonté du gouvernement d'établir l'objectif d'aucune perte nette, mais nous recommandons que cet objectif ne s'applique pas seulement aux superficies de milieux humides, mais également à leurs fonctions, aux services écologiques et à leur biodiversité. Nous rappelons ici que l'objectif d'aucune perte nette ne peut être atteint que par des mesures de restauration et surtout de création et non pas par des mesures de conservation comme ça a été le cas, là, dans la dernière décennie.

On attire aussi votre attention sur le fait que les superficies qui seront comptabilisées comme compensation devront être précisément celles ayant fait l'objet direct de mesures de restauration ou de création, par exemple, quand la restauration d'une tourbière est faite par le blocage d'un canal de drainage, de comptabiliser seulement la superficie qui était déjà affectée au départ par le canal, donc la zone d'emprise du canal, et non pas la superficie totale de la tourbière ou du milieu humide.

Mme Lavallée (Sophie) : Donc, concernant l'arrimage des plans régionaux des milieux humides et hydriques avec les plans directeurs de l'eau, nous recommandons que le projet de loi n° 132 oblige les MRC, lorsqu'elles élaborent leurs plans régionaux des milieux humides et hydriques, là, à intégrer des éléments critiques lorsqu'ils sont intégrés au plan directeur de l'eau, soit les zones de sécheresse, les zones inondables et les zones de mauvaise qualité de l'eau. Et nous recommandons, dans la même veine, que le projet de loi n° 132 impose plus clairement aux plans directeurs de l'eau l'obligation d'identifier et de tenir compte de ces lieux hydriques, de ces zones-là.

Ensuite, concernant la gouvernance maintenant des plans régionaux des milieux humides et hydriques, nous souhaitons que le projet de loi n° 132 prévoie la mise en place d'un comité provincial aviseur pour soutenir l'élaboration des plans régionaux de milieux humides et hydriques et les plans directeurs de l'eau également. Donc, nous aurons l'occasion, j'imagine, tout à l'heure, de traiter de cette question avec vous.

Nous recommandons également que le projet de loi n° 132 soit modifié pour prévoir que des sommes issues du Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique servent à accompagner les OBV, les MRC, les communautés métropolitaines dans l'élaboration et la mise en oeuvre, d'une part, de leurs plans directeurs de l'eau et, d'autre part, de leurs plans régionaux des milieux humides et hydriques.

Je cède la parole à Monique.

• (20 h 40) •

Mme Poulin (Monique) : La Loi sur la conservation du patrimoine naturel vise à protéger certains milieux humides qui se distinguent par leur rareté, leur intégrité ou leur caractère exceptionnel. Ces sites désignés seront vraisemblablement peu nombreux. Cependant, j'attire votre attention sur le fait que le rôle des milieux humides, comme celui de réguler les débits en rivière, ne pourra être maintenu que si nous préservons des quantités suffisantes de milieux humides. Nous recommandons donc que les plans régionaux tiennent compte de la représentativité des milieux humides sur le territoire et non pas juste des milieux jugés exceptionnels. Les mots-clés ici sont quantité et localité des milieux humides dans le territoire et non pas la rareté ou leur valeur exceptionnelle.

Mme Lavallée (Sophie) : Ah oui! Nous proposons une modification à la loi... que le projet de loi, finalement, 132 modifie, comme il modifie déjà d'autres lois, la Loi sur la protection du territoire agricole à un article bien spécifique, l'article 62. Lorsque les travaux de restauration et de création de milieux humides ont lieu en milieu agricole, en zone agricole, les travaux ont besoin d'une autorisation préalable de la Commission de protection du territoire agricole. Et donc nous pensons, pour favoriser les travaux de restauration et de création de milieux humides en zone agricole, le projet de loi n° 132 devrait modifier l'article 62, et nous proposons un libellé, là, pour ajouter un critère potentiel, là, aux critères décisionnels que la commission utilise lorsqu'elle autorise des travaux autres que des travaux agricoles en zone agricole, des morcellements de lots aussi et des exclusions de lots de la zone agricole.

Également, nous recommandons que le mot «peut», à l'article 46.0.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est introduit par le projet de loi n° 132 dans la Loi sur la qualité de l'environnement, soit modifié par le mot «doit». En fait, à cet article-là de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est introduit par le projet de loi n° 132, il est indiqué que, lorsque les travaux ont lieu en milieu humide et qu'ils entraînent un impact résiduel négatif, le ministre peut imposer le paiement d'une contribution financière comme compensation. Nous souhaitons que le mot «peut» soit remplacé par le mot «doit».

Et enfin une autre modification législative que nous proposons aux articles 15.11 et 15.12 de la loi sur l'eau, qui sont introduits également par le projet de loi n° 132, nous soutenons... nous pensons que la responsabilité... Lorsque les programmes de restauration vont être effectués par des délégataires, lorsque le ministre va confier à un délégataire la responsabilité de ces programmes de restauration, nous pensons que ces articles-là ne sont pas assez clairs pour imposer une responsabilité de résultat au délégataire. Et également nous souhaitons qu'il soit ajouté à ces articles-là l'exigence d'une garantie financière devant être fournie par le délégataire en cas d'insuccès des travaux de restauration.

Mme Poulin (Monique) : Quant au programme de restauration et de création de milieux humides et hydriques, on recommande que les objectifs de restauration et de création de milieux humides incluent des facteurs d'équivalence des types de milieu humide. Il faudra s'assurer que les différents types de milieu humide soient bien restaurés... bien représentés, en fait, dans les travaux de restauration et éviter que seulement les milieux humides les plus faciles à restaurer le soient. À cet égard, il serait souhaitable d'ajouter un facteur de pondération dans la formule afin de prévoir des coûts de restauration ou de création plus élevés pour certains types de milieu humide qui sont plus difficiles à restaurer ou pour lesquels il y a un risque plus grand de ne pas atteindre les objectifs de restauration, comme par exemple pour les marécages. Ça aurait aussi comme conséquence de favoriser la première étape de la séquence d'atténuation, soit l'évitement, qui est très généralement escamotée dans la planification des projets. Nous recommandons que le projet de loi précise davantage quels sont les critères qui vont permettre aussi d'évaluer l'efficacité des programmes de restauration.

Le Président (M. Iracà) : 30 secondes. Désolé.

Mme Poulin (Monique) : Je termine, il nous en reste peu. On recommande aussi qu'il y ait des critères de régionalisation pour la planification de la restauration et, enfin, que les travaux de restauration effectués par le promoteur lui-même, ce soit le cas uniquement... que ce soit accepté uniquement lorsque le demandeur aura fait la démonstration par le passé de son expertise en matière de restauration.

Donc, je termine en remerciant le gouvernement de tenir ces audiences. On a suivi les autres, et on trouve que le travail se fait très sérieusement, puis on sera contentes de répondre à vos questions.

Le Président (M. Iracà) : Merci, mesdames. Alors, nous allons débuter un bloc d'échange avec la partie gouvernementale, et je cède immédiatement la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Merci pour la présentation ainsi que le mémoire très fouillé.

Par rapport à votre recommandation de changer le terme «hydrophyte» par «hygrophile», oui... Non, bien, ma question, c'est que... Moi, ma crainte, c'est que ça crée un élargissement important au niveau de la définition, qui pourrait faire en sorte que, là, au niveau de la cartographie... Je me demande si vous avez évalué les impacts sur la cartographie, ce que ça voudrait dire, concrètement, en termes de différence, là, de ce qui est considéré un milieu humide ou hydrique.

Mme Poulin (Monique) : En fait, je pense que c'est une question de définition du terme «hydrophyte». Je crois que, dans le guide de délimitation et d'identification des milieux humides, on parle de plantes hydrophytes, mais des hydrophytes, c'est des plantes qui sont aquatiques. Donc, dans les milieux humides, on n'a pas forcément des plantes immergées ou des plantes flottantes comme des nénuphars, on peut avoir des plantes terrestres, là, ce n'est pas forcément des hydrophytes.

M. Heurtel : Donc, si on change le terme... Moi, c'est juste l'impact, là. C'est parce que je comprends ce que vous dites, je comprends la notion que vous essayez d'introduire. Moi, c'est parce que, si je compare ça, par exemple, à d'autres discussions qu'on a eues avec d'autres groupes, déjà il y a plusieurs groupes qui craignent que tout va être un milieu humide, là, avec ce qu'on a écrit là, là. Ne vous en faites pas, je ne pense pas ça. Mais je veux juste essayer de comprendre. Encore une fois, est-ce que ce genre de transformation là aurait un impact majeur sur l'étendue, là, de nos planifications?

Mme Poulin (Monique) : Pas vraiment. En fait, je veux juste vous rassurer, c'est une question de termes. Mais la liste des espèces obligées et facultatives des milieux humides, elle est complète, i y a au-dessus de 800, 900 espèces dans votre liste au ministère. C'est sûr que cette liste-là peut être régionalisée, peut être aussi révisée, là, mais c'est juste une question de termes, de changer «hydrophyte» pour «hygrophile» pour être plus en lien avec ce que c'est vraiment, cette végétation-là.

M. Heurtel : Je comprends. Parfait. Votre troisième recommandation, les plans régionaux des milieux humides et hydriques devraient comprendre les zones de sécheresse, zones inondables et zones de mauvaise qualité de l'eau lorsqu'ils sont identifiés au plan directeur de l'eau, je ne vous ai pas beaucoup entendues là-dessus puis je trouve ça intéressant. Pourriez-vous approfondir, s'il vous plaît?

Mme Poulin (Monique) : En fait, je n'ai pas fouillé tellement les plans directeurs de l'eau, alors je ne peux pas... On a ajouté une section là-dessus. Ça nous a pris du temps à nous faire une tête là-dessus. Les plans directeurs de l'eau ont le dos large, en fait, là. C'est des plans qui incluent beaucoup de choses, mais qui n'atterrissent pas forcément sur le terrain, par manque de moyens surtout, là, des OBV, il manque de ressources dans les OBV. Mais ma préoccupation par rapport aux plans régionaux, c'est que ce que j'ai compris du projet de loi, c'est qu'il y aura la désignation de milieux humides importants ou exceptionnels ou des milieux rares ou qui ont une bonne intégrité, mais je pense qu'il faut voir aussi, les milieux humides importants... Les milieux humides ordinaires sont importants, puis ils sont importants collectivement. Leur rôle, là... On parle de services écologiques. J'ai entendu l'audience avec Ouranos. Ils ont un rôle majeur au niveau des bassins versants, et c'est ça qu'il faut prendre en compte dans les plans régionaux. La loi sur le patrimoine naturel désignera des milieux exceptionnels. La Grande plée Bleue en est un, c'est un joyau, c'est une tourbière où il y a 400 mares, c'est très rare dans le sud du Québec. Oui, on veut conserver ces joyaux-là. Mais, dans les plans régionaux, il faudra se définir des cibles, au-delà... des cibles à garder dans le bassin versant pour assurer la fonctionnalité des milieux humides dans le bassin versant.

À cet égard-là, Alain Rousseau, à l'INRS, a fait des travaux, justement, financés par Ouranos, puis peut-être que le monsieur d'Ouranos... j'oublie son nom, Alain... je ne sais plus... Il avait la tâche très difficile d'avoir tous les chiffres en tête, là, puis il n'a peut-être pas rapporté les chiffres d'Alain, mais, avec son étudiant, Maxime Fossey, qui a fait une thèse de doctorat là-dessus, sur le rôle des milieux humides, sur le contrôle des débits en rivière, ils ont montré que, pour la Bécancour et la Yamaska, si on détruit les milieux humides, on va hausser les débits en période de crue, les crues de récurrence deux ans, de 14 % à 18 %, c'est majeur, pour la Bécancour, pour la Yamaska c'est un peu plus faible, parce qu'il reste peu de milieux humides, donc, si on les détruit, le différent est moins important.

Ils ont montré aussi que, si on détruit les milieux humides de la Bécancour, en période d'étiage, les débits peuvent être réduits de plus de 50 %. Donc, c'est majeur parce qu'avec le réchauffement climatique, les changements globaux ce n'est pas tant les moyennes de précipitation qu'il faut regarder, mais c'est les événements extrêmes et les périodes de sécheresse. Les étiages vont s'allonger.

Donc, on voit déjà des rivières, là, qui manquent d'eau en plein été. Les gens veulent faire des voyages de canot puis ils doivent annuler leur voyage. Donc, ce n'est plus juste des préoccupations au niveau environnemental, mais c'est des préoccupations aussi de M. Tout-le-monde pour leurs activités. Les gens commencent à sentir, là, qu'il est un peu minuit moins une pour prendre des actions concrètes là-dessus.

Puis au forum, en 2012, le forum sur les milieux humides qui s'est tenu à votre ministère, ce n'était pas longtemps après les événements de la Richelieu, et Alain Rousseau avait sonné l'alarme par rapport à ça. On a les outils de modélisation pour l'hydrologie, pour, chacun des bassins versants, définir des cibles claires à atteindre, là, pour aller préserver ce rôle-là, ce rôle majeur des milieux humides pour le contrôle des débits en rivière.

• (20 h 50) •

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Iracà) : M. le député d'Abitibi-Est, on m'indique que...

M. Heurtel : Vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Lavallée (Sophie) : Oui.

M. Bourgeois : Bien oui, c'est ça. Allez-y.

Le Président (M. Iracà) : Oui, allez-y, allez-y.

Mme Lavallée (Sophie) : S'il vous plaît. En fait, à l'article 15.3 de la loi sur l'eau, pour compléter la réponse de Monique, donc l'article 15.3 qui a été ajouté par le projet de loi n° 132, on prévoit que, lors de l'élaboration d'un plan régional des milieux humides, la MRC ou la communauté métropolitaine doit au moins consulter les organismes de bassin versant afin de tenir compte de leurs préoccupations relativement à des éléments qui sont contenus dans les plans directeurs de l'eau. Nous, c'est ça, ici, là, qu'on... bien, on trouve que l'arrimage n'est peut-être pas assez fort puis on voudrait que cet article-là soit modifié. On souhaite que l'article soit modifié de manière à ce que les MRC soient obligées d'intégrer les zones critiques qui sont identifiées au plan directeur et qu'aussi il y ait une modification du projet de loi n° 132 qui soit apportée, aux articles précédents, là, concernant le plan directeur, pour que les OBV identifient ces milieux critiques là, ces zones de sécheresse, zones inondables et zones où la qualité de l'eau est mauvaise dans leur plan directeur de manière à mieux arrimer les plans directeurs et les plans régionaux.

Le Président (M. Iracà) : Oui, M. le ministre, en complément.

M. Heurtel : Oui. Avec ce nouvel élément que vous apportez, comment réconciliez-vous cette proposition-là que vous faites avec l'insistance que le monde municipal nous communique d'avoir le dernier mot sur la planification?

Mme Lavallée (Sophie) : Bien, en fait, l'insistance d'avoir le dernier mot, en fait, ils doivent consulter les organismes de bassin versant, mais les organismes de bassin versant ne deviennent pas décisionnels si les MRC doivent simplement intégrer certains milieux identifiés comme étant des zones critiques d'inondation dans les plans directeurs. Je veux dire, normalement, la MRC doit aussi identifier ces milieux critiques là.

M. Heurtel : ...la façon que vous l'avez présenté. C'est parce que, si ça vient du PDE, ça vient de l'organisme de bassin versant. Donc, c'est l'organisme de bassin versant... Moi, je me mets à la place de la municipalité ou de la MRC. La MRC dirait : Bien, c'est l'OBV qui vient de prendre une décision à ma place, de la façon que vous le présentez, là. J'essaie juste de bien comprendre.

Mme Lavallée (Sophie) : Bien, normalement, la très grande expertise des OBV, qui devrait être renforcée par le fonds, le financement de votre fonds, pourrait permettre de bien arrimer les deux, à notre avis.

M. Heurtel : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre.

Mme Lavallée (Sophie) : Dans d'autres pays, c'est le cas, d'ailleurs. En France, ce sont les comités de bassin versant qui créent les cartes, qui élaborent les plans. Donc, vous avez fait le choix que ce soient les MRC ici, dans ce projet de loi là.

De mettre complètement de côté ce que font les OBV dans les plans directeurs de l'eau ou de simplement dire que la MRC doit simplement consulter les OBV, c'est un choix de société. Maintenant, est-ce qu'on veut vraiment ce choix de société? Avec les inondations qu'on a ces jours-ci, on peut se questionner sur ce choix de société, en fait.

M. Heurtel : Je ne crois pas que le projet de loi mette de côté les OBV, là. Bien au contraire, il n'y a jamais eu autant de reconnaissance du travail des OBV, en droit québécois, que dans le projet de loi n° 102 puis ce qu'on fait là. Mais je vous entends. Merci.

Mme Lavallée (Sophie) : ...pas de les mettre de côté, ce serait simplement d'arrimer les deux plans.

M. Heurtel : Parfait. Merci.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Me Lavallée. M. le ministre, ça va?

M. Heurtel : Oui.

Le Président (M. Iracà) : Alors, M. le député d'Abitibi-Est, je sais que vous êtes en attente depuis longtemps, mais c'est votre tour, et il vous reste du temps, 13 minutes.

M. Bourgeois : Ah! parfait. Moi, je ne prendrai pas tout le temps. Mais vous avez répondu en partie à mon interrogation, mais, dans votre recommandation 12, vous parlez de la prise en compte de la régionalisation, vous parlez un peu plus des territoires nordiques, surtout en faisant référence... J'aurais aimé ça que vous élaboriez un petit peu plus là-dessus, compte tenu qu'il y a des gens du nord pas mal autour de la table, là. Parce que souvent on a eu des gens qui nous ont présenté la vision par rapport aux territoires plus au sud, mais, par rapport au nord, comment vous le voyez, ce phénomène-là, avec des vastes territoires aussi?

Mme Poulin (Monique) : C'est certain que, les compensations, ce qu'on suggère, c'est qu'il y ait une régionalisation des compensations. Il y a des pertes dans telle région, il doit y avoir des restaurations. Tout le monde s'entend là-dessus.

Pour le nord, c'est différent. Ça dépend des régions. Encore là, il y a quand même des choses à faire en restauration. On pense aux territoires laissés par les mines, entre autres. Mais est-ce que, là, ce genre de fonds là devra restaurer ces habitats-là laissés dégradés par des mines? Ça, c'est une autre question. Mais c'est certain que le fonds devra... s'il est alimenté par les régions nordiques, on devra garder de l'argent pour restaurer ces milieux-là en milieu nordique, mais, à l'heure actuelle, les enjeux sont criants dans le sud du Québec, là, on pense à certaines municipalités qui ont moins de 2 % de milieux humides.

J'ai commencé à réfléchir à cette question-là, si on doit amener les fonds du nord pour restaurer dans le sud. Je pense qu'il y a peut-être un arrimage à... des solutions mitoyennes à avoir, mais je n'ai pas une réponse claire sur ça, là, je ne peux pas... Je ne sais pas si vous avez des préoccupations précises, là, mais...

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député d'Abitibi.

M. Bourgeois : Oui, merci, M. le Président. Bien, effectivement je comprends votre interrogation, parce que l'aspect qu'on vit, nous, dans le nord, la réalité, c'est que des fois, avec les municipalités, pas juste avec les compagnies minières, bien, on leur demande déjà, actuellement, de faire des compensations des milieux humides, mais, quand ils regardent tout le tour, il n'y a que des milieux humides. Donc, on fait quoi, on prend des milieux secs pour les rendre des milieux humides? Il y a des enjeux, hein, vous comprenez, de ce côté-là, donc. Et il y a aussi... Ils ont des obligations de restauration après l'exploitation, à la fin, mais, pendant l'exploitation, effectivement, il y a des enjeux par rapport aux milieux humides puis l'impact que ça crée au niveau des bassins versants, au niveau des secteurs. Ça fait que ce que...

Mme Poulin (Monique) : Il y a peut-être lieu de faire de la conservation, dans le nord, de sécuriser des endroits parce qu'on n'est pas en déficit de milieux humides. Il y a certaines régions qui ont plus de 50 % ou 25 % de leur territoire en milieux humides, on peut en conserver en compensation puis aller aussi chercher de l'argent pour en restaurer ailleurs. Je ne sais pas, il y a sûrement des solutions combinées, là, adaptées aux territoires du nord, mais c'est clair qu'il faut les adapter pour les territoires nordiques. Ce n'est pas du tout la même situation que dans le sud, où on est en déficit.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Oui?

M. Bourgeois : M. le Président, j'ai encore une autre petite précision.

Le Président (M. Iracà) : Oui, allez-y, vous avez du temps.

M. Bourgeois : Vous nous avez parlé, tout à l'heure, par rapport aux tourbières dans le calcul de l'évaluation, et là je veux bien vous suivre parce que, dans le fond, les tourbières, après exploitation, le principe de les remettent en état, c'est un milieu humide que, dans le fond, on recrée de façon originale. Vous dites qu'on devrait ne tenir compte que d'une partie. Pourquoi?

Mme Poulin (Monique) : Ma préoccupation par rapport à ça, c'est que... Bon, au Québec, 90 % de nos milieux humides, c'est des tourbières. Ma préoccupation, c'est d'utiliser la restauration pour aller comptabiliser de la compensation. La tourbière qui a des canaux de drainage... À peu près toutes les tourbières, dans le sud du Québec, elles ont des canaux de drainage, là. Quand on se promène dans ces tourbières-là, on les marche, on rencontre des canaux. Si on va bloquer ces canaux-là pour les restaurer, oui, on restaure les fonctions, mais la tourbière, elle existe déjà au départ. Donc, si on la calcule dans son intégralité, si on calcule, par exemple, un 50 hectares, mais que le canal a une zone d'emprise sur seulement deux hectares, bien, si on calcule un 50 hectares en comptabilisation des compensations, là on sera en perte nette. Je ne sais pas si vous me suivez. Si on détruit 50 hectares à quelque part puis on restaure un canal de drainage dans une tourbière de 50 hectares, il ne faudra pas calculer 50 hectares. Le canal a son impact sur 20, 30 mètres de part et d'autre, ça dépend du degré de décomposition de la tourbe, mais il n'a pas un effet sur l'ensemble de la tourbière.

Il va falloir en rediscuter, parce que c'est des aspects techniques, mais...

M. Bourgeois : M. le Président, je veux juste bien comprendre, parce que, dans le fond, on recrée la tourbière, on recrée le milieu humide.

Mme Poulin (Monique) : Là, vous pensez à l'industrie de la tourbe, probablement, lorsque la... Moi, je ne parle pas... Il y a des tourbières perturbées sans qu'on ait exploité le dépôt de tourbe, là. Je parle de ces tourbières-là.

Mais effectivement, les tourbières qui sont exploitées pour la tourbe, on les restaure avec des techniques qui sont quand même assez efficaces, puis là on devra comptabiliser toute la tourbière qui est restaurée, effectivement. Je parle plus des tourbières naturelles dans lesquelles il y a des perturbations locales. Bien, il faudra calculer la compensation sur l'emprise de ces perturbations-là et pas sur toute la tourbière.

Le Président (M. Iracà) : M. le député de l'Abitibi.

M. Bourgeois : Donc, en précision, c'est peut-être comme, par exemple, quand tu as de l'exploitation forestière, où on affecte une tourbière par les opérations, où, là, à ce moment-là, on...

Mme Poulin (Monique) : ...il faut doser. Si la tourbière est quadrillée de canaux de drainage, on pourra calculer l'ensemble de sa superficie. Mais je veux juste éveiller les consciences par rapport à la zone qui sera comptabilisée comme compensation. Il faut vraiment que ce soit la zone qui était perturbée au départ et pas l'ensemble de la tourbière, ou l'ensemble du milieu humide, ou le complexe de milieux humides. Il faut calculer la zone... si on ne veut pas se trouver, encore là, en déficit de superficie.

• (21 heures) •

M. Bourgeois : Merci. Ça va pour moi.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Alors, M. le député de Mégantic, je pense que vous aviez une question.

M. Bolduc : Oui, merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Au début de votre présentation, vous avez fait une introduction qui parlait de resserrer les lois environnementales autour... Pourriez-vous me dire... juste expliquer ou clarifier un peu ce que vous voulez induire comme effet?

Mme Lavallée (Sophie) : Bien, en fait, rendues à un certain niveau de maturité législative, il y a certaines juridictions qui décident de codifier, en fait, certains secteurs d'activité. Ici, en droit de l'environnement, en fait, on a des lois éparses, au Québec, on a la Loi sur la qualité de l'environnement, la loi sur l'eau, la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, la loi sur les espèces protégées, la Loi sur le développement durable. Donc, pour l'accessibilité du droit, pour une plus grande lisibilité du droit, pour une systématisation du droit, il arrive qu'on codifie... et puis pour la pérennité aussi du droit.

Ce que ça fait, un code, en fait, c'est qu'on a... Comme le Code de l'environnement, par exemple, en France, à un moment donné la France s'est questionnée, la France avait beaucoup de lois. Donc, il y a un tronc commun, dans le Code de l'environnement, avec des principes directeurs — nous, on a des lois avec des principes qui sont épars d'une loi à l'autre — donc un tronc commun avec des principes pour toute la loi, des institutions aussi qui viennent soutenir le travail du ministère, donc, des agences, des comités. Et aussi il y a un principe d'information du public, d'accessibilité de l'information au public aussi qui... Ce sont donc des normes communes à l'ensemble des lois. Mais ça prend un niveau de maturité avant qu'on le fasse, évidemment.

M. Bolduc : Donc, vous prenez l'ensemble des lois et vous les rendez toutes cohérentes les unes avec les autres dans un vocabulaire, dans un contexte et dans, comme vous dites, un tronc commun qui permet à tout le monde de beaucoup mieux comprendre l'ensemble et leurs interactions, j'imagine, aussi.

Mme Lavallée (Sophie) : Effectivement. C'est pour rendre plus cohérentes l'ensemble des lois puis plus lisible pour les acteurs. Donc, effectivement, il y a un travail de vulgarisation. Donc, c'est des principes, quand même, puis des dispositions qui sont assez claires, là, normalement, là, qui sont dans un code. Le Code de l'environnement, en France, débute par des dispositions communes et des principes généraux : non-régression, précaution, prévention à la source, solidarité écologique, absence de perte nette et gain de biodiversité. Et ensuite il y a des principes d'information, participation des citoyens, puis il y a des institutions communes.

M. Bolduc : Merci. Le ministre a posé la question initialement, pour la différence entre «hydrophyte» et «hydrophile». J'ai accroché là, là, puis je n'ai pas décroché encore tout à fait, parce qu'«hydrophile»... Puis je vous donne l'exemple de la façon que je le vois, puis ça a des conséquences très sérieuses dans ma région, entre autres, parce que, si je considère que le fait d'être une plante hydrophile, vous venez d'inclure une grande quantité de forêts. Les hydrophytes, c'est clair que le cèdre n'est pas là.

Puis je veux juste que vous m'expliquiez que j'ai mal compris, là, parce que les forêts de cèdres, là, vraiment, s'il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de cèdre. Donc, c'est vraiment un hydrophile, mais ce n'est pas un hydrophyte. Puis je vois une différence très large entre les deux mots.

Mme Poulin (Monique) : En fait, je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur cette technicalité-là parce que, dans les faits, ça ne change pas grand-chose, là. C'est juste s'entendre sur un terme qui est dans le dictionnaire des sciences, là.

 «Hydrophyte», c'est une plante qui est aquatique, puis, dans la définition actuelle... Je ne vois pas nécessairement de plante aquatique dans une tourbière ombrotrophe, par exemple. On a des éricacées, c'est même des plantes qui vont se retrouver dans la forêt boréale. Puis, de toute façon, le guide d'identification et de délimitation des milieux humides utilise une liste de plantes qui ne sont pas forcément des plantes aquatiques, là. C'est vraiment juste une question de termes. Ça fait que...

M. Bolduc : Je vous explique un peu plus loin ou un peu plus en profondeur ma préoccupation. Je vis dans un milieu agricole et forestier. Donc, pensez aux travailleurs forestiers, là. Vous pourriez leur expliquer tout ça en italien, puis ça aurait à peu près le même effet. Puis c'est ça, la crainte, parce qu'à la fin de la journée, dans nos petites municipalités, dans nos secteurs ruraux, et nos travailleurs dans cet environnement-là, il va falloir trouver une façon de leur donner le bon niveau de compétence et de connaissance. Puis, ce genre de débat là, si on ne leur explique pas clairement, bien, ils vont s'en aller dans le bois inquiets, là, en ne sachant pas trop : Je peux-tu faire ça? Je peux-tu faire ça? Puis ça, c'est un peu là qu'est ma...

Mme Poulin (Monique) : Mais de toute façon la liste des plantes existe, on doit avoir une certaine quantité de plantes obligées ou facultatives de milieu humide pour déclarer le milieu comme étant un milieu humide.

Donc, changer ce terme-là dans la définition, ça ne changera rien dans... pratico-pratique, là. On pourra peut-être en débattre plus longuement. Je pensais que c'était plus un détail par rapport aux autres recommandations.

M. Bolduc : Non, je pense qu'il y a une importance relative dans des régions.

Vous avez parlé aussi des OBV et des MRC, là, le choix... puis c'est vrai que c'est un choix du législateur, à la fin de la journée, mais il semblait y avoir un peu une préoccupation, le fait que les OBV... en fait, dans la structure légale québécoise, les OBV sont des organismes de concertation. Je crois qu'en Europe ils ont un rôle différent.

Mme Lavallée (Sophie) : ...un rôle plus institutionnel. On les a institutionnalisés dans la loi et on en a fait vraiment des comités à part entière, là, décisionnels.

M. Bolduc : ...des opérationnels, tandis qu'ici c'est l'inverse, où la MRC, en fait, devient l'organe exécutif et un participant à la concertation dans les OBV. Je veux juste être certain que vous n'avez pas une préoccupation, là... Est-ce que vous voyez un problème avec la structure qu'on a là ou si c'était simplement une remarque que vous nous faisiez?

Mme Lavallée (Sophie) : On ne voit pas un problème avec la structure qui est proposée. Ce qu'on propose, c'est qu'il y ait un meilleur arrimage entre les plans régionaux de milieux humides et hydriques et les plans directeurs de l'eau. Donc, on propose que les MRC aient, bon, à tenir compte des plans directeurs et aient à intégrer certains éléments critiques dans les plans régionaux, les zones critiques, de sécheresse, inondables, de mauvaise qualité de l'eau.

Notre recommandation principale, au niveau de la gouvernance, c'est un comité, la création d'un... que le projet de loi crée un comité aviseur provincial pour accompagner l'élaboration de ces plans régionaux là par les MRC, les communautés métropolitaines et également les OBV dans leurs plans directeurs de l'eau.

M. Bolduc : Au niveau de l'étiage...

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Me Lavallée. M. le député de Mégantic, je sais que vous aviez beaucoup d'autres questions, mais malheureusement nous sommes limités dans le temps.

Nous allons de ce pas commencer un nouveau bloc d'échange avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonsoir et bienvenue.

Moi aussi, je veux commencer mon bloc de questions avec la gouvernance. Je veux juste être sûr de bien comprendre votre recommandation 3 : «Mieux arrimer les plans régionaux des milieux humides et hydriques avec les plans directeurs de l'eau.» Dans le fond, je comprends que vous voulez travailler également sur la base... Ce que vous nous proposez, c'est qu'on travaille sur une base de bassin versant et que les plans directeurs de l'eau soient mieux intégrés, là. Je répète un peu ce que vous me dites, mais j'aimerais ça que vous me le disiez davantage, là, que vous me répondiez davantage sur la mécanique pour intégrer ça. Puis après ça je veux aller sur votre suggestion de comité aviseur.

Mme Lavallée (Sophie) : D'accord. Alors, bien, en fait, on propose une modification législative à un article particulier, là, du projet de loi, là, qu'on a mentionné tout à l'heure, là, pour que l'article dont je parlais tout à l'heure, le 15... je m'excuse, 15.3, je crois...

M. Gaudreault : 15.3, oui.

Mme Lavallée (Sophie) : ...oui, 15.3, en fait, pour que, pour les zones critiques identifiées, là, au plan directeur, ce soit une intégration dans les plans régionaux. Puis on propose une modification aussi aux éléments que doivent comporter les plans directeurs de l'eau.

M. Gaudreault : Donc, c'est d'institutionnaliser, je pense que vous en parliez tout à l'heure...

Mme Lavallée (Sophie) : ...zones-là soient dans le plan directeur, tout simplement.

M. Gaudreault : C'est de donner aussi un peu plus de... en tout cas, d'institutionnaliser, à quelque part, le rôle des OBV, qui sont derrière les plans directeurs de l'eau, et de les intégrer davantage dans le plan régional. Et, en bout de ligne, bien, la municipalité ou la MRC doit autoriser, là.

Mais on a eu l'occasion de discuter avec les aménagistes, je ne sais pas si vous étiez ici ou si vous avez entendu leur point de vue, mais, eux, pour eux, en fin de compte, le niveau ou le territoire décisionnel était beaucoup attaché à la MRC, là.

• (21 h 10) •

Mme Lavallée (Sophie) : En fait, on veut travailler avec la structure de la loi telle qu'elle est parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait. On veut que le travail aussi... On propose que le travail des OBV soit davantage pris en compte, là, et que les plans directeurs s'arriment mieux avec les plans régionaux, tout simplement. Puis on propose un comité aviseur pour accompagner tout ce travail-là, un comité aviseur. Il n'est pas rare que des lois prévoient la composition de comités consultatifs et qu'elles laissent le soin au gouvernement, par décret, de faire ces nominations-là selon un mandat d'une durée de trois à cinq ans, renouvelable. Et c'est ce qu'on propose.

M. Gaudreault : Mais je veux juste savoir en quoi le comité aviseur, à ce moment-là, a une utilité. Qu'est-ce qu'il amène de plus? Est-ce que vous le voyez comme un arbitre, ce comité aviseur? Est-ce que vous le voyez comme un détenteur... il va détenir de l'information qui pourrait alimenter les plans régionaux? Pourquoi arriver avec une structure ou une instance pannationale, là, moi, vous comprenez que je n'aime pas le mot «provinciale», là, mais un comité aviseur à la grandeur du Québec, là? J'aimerais savoir c'est quoi, sa plus-value, là, dans la gouvernance.

Mme Lavallée (Sophie) : Alors, c'est une instance, que nous proposerons qui appuierait techniquement, scientifiquement l'élaboration et l'évaluation des plans régionaux et des plans directeurs.

M. Gaudreault : Mais, en bout de ligne, ils n'auraient pas un rôle décisionnel.

Mme Lavallée (Sophie) : Non. Un peu à l'image des comités consultatifs d'urbanisme, qui sont consultatifs, hein? L'article 146 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit que les conseils municipaux peuvent créer, donc, des comités consultatifs. Il y a un membre du conseil municipal puis ensuite des résidents qui sont nommés pour une durée x, un mandat de deux ans, je crois, là, maximum, renouvelable. Puis le comité consultatif se donne des règles de régie interne, la loi prévoit que le comité peut créer ses propres règles, et il y a un soutien financier qui peut être voté, là, pour pourvoir, là, à ses besoins, pour qu'il accomplisse son rôle.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, je veux vous entendre davantage sur votre recommandation 6, où vous faites référence à l'article 15.2... bien, en fait, à l'article 8 du projet de loi, là, qui introduit les articles 15, 15.1, 15.2, notamment sur la question de la préséance des droits miniers et des droits d'hydrocarbures, là, sur les hydrocarbures. J'aimerais ça vous entendre un peu plus. L'UMQ, entre autres, a eu l'occasion de nous en parler ici, sur la préséance de ces droits sur les plans régionaux, là, des milieux humides et hydriques.

Mme Lavallée (Sophie) : Bon, brièvement, depuis le 10 décembre 2013, la Loi sur les mines a changé, au Québec, et, en vertu de l'article 6 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, une MRC peut désormais délimiter dans son schéma d'aménagement un territoire qui est incompatible avec l'activité minière.

Pour les territoires situés dans les périmètres d'urbanisation, la MRC n'a pas à justifier, elle peut donc délimiter tout le territoire comme étant incompatible avec l'activité minière. Pour le territoire qui est hors périmètre d'urbanisation, elle doit justifier. Et le territoire peut devenir incompatible avec l'activité minière, mais alors la MRC, donc, doit justifier, à l'aide... elle doit le faire en utilisant les critères qui ont été spécifiés par les orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire pour les territoires incompatibles avec l'activité minière. Et, dans ces orientations, il y a une liste d'activités qui peuvent être incompatibles, ce sont les activités difficiles à déplacer pour des raisons techniques, économiques ou environnementales, donc, par exemple, un territoire d'intérêt patrimonial au sens de la Loi sur le patrimoine culturel, un territoire agricole dynamique.

Et, parmi ces activités-là, il y a des activités de conservation qui sont en fait des territoires de conservation qui sont désignés, au sens de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, comme étant des aires protégées. Donc, ça peut être des parcs nationaux, des réserves écologiques, des refuges biologiques. Et nous souhaitons donc que ces orientations gouvernementales là qui décrivent les activités incompatibles avec l'activité minière, qui permettent aux MRC de délimiter des territoires incompatibles avec l'activité minière, soient modifiées de manière à ce que les milieux humides qui sont identifiés dans un plan régional des milieux humides, et qui sont désignés comme aires protégées en vertu de l'article 13 de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, et que les milieux humides restaurés ou créés par le moyen des programmes de restauration prévus par le projet de loi n° 132, qui peuvent être également désignés comme aires protégées en vertu de l'article 13 de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, soient ajoutés dans ces orientations gouvernementales pour les activités incompatibles avec l'activité minière.

M. Gaudreault : Mais, pour faire ça, on n'a pas besoin de modifier le projet de loi.

Mme Lavallée (Sophie) : Non. Nous souhaitons que ce ne soit pas oublié.

M. Gaudreault : O.K. Mais est-ce que vous avez...

Mme Lavallée (Sophie) : Mais, en effet, ce serait possible d'ajouter simplement que...

M. Gaudreault : Mais avez-vous peur que l'article, tel qu'il est rédigé présentement, le 15.2, alinéa deux, paragraphe 3°, empêche de faire ça? Est-ce que vous pensez que la rédaction de 15.2, alinéa deux, paragraphe 3° empêche l'habilitation d'inclure les milieux humides dans les zones d'exclusion possibles?

Mme Lavallée (Sophie) : Caroline... J'allais dire «mon étudiante»! Caroline va répondre.

Mme Roberge (Caroline) : Non, je ne pense pas que ça empêche. En fait, ce qu'on demande, c'est que les orientations gouvernementales en matière d'activités minières soient... peut-être pas modifiées, là, mais, si jamais il y avait un addenda... ou bien les futures orientations gouvernementales en matière, là, d'activités d'hydrocarbures puissent prendre en compte, là, ou permettre, là, d'identifier des milieux humides d'intérêt comme étant des territoires où les activités minières pourraient être soustraites.

M. Gaudreault : C'est beau. C'est parce que je ne voudrais pas que, si, par exemple, un gouvernement fasse ça, il se retrouve contesté juridiquement par la disposition qu'on a devant nous à l'article 15.2, là. Vous comprenez ce que je veux dire? Donc, il faut s'assurer qu'on est béton pour qu'un gouvernement puisse inclure les milieux humides dans les territoires qu'une MRC peut protéger, là, peut exclure.

Mme Roberge (Caroline) : Peut-être juste pour souligner, c'est aussi prévu à l'article 304.1 de la Loi sur les mines et c'est aussi prévu au paragraphe 7° de l'article 6 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Donc, ce n'est pas la seule disposition habilitante, là.

M. Gaudreault : Oui, c'est ça. O.K.

Maintenant, les biologistes qui sont venus ici, de l'Association des biologistes, nous ont parlé de différentes expériences internationales, notamment d'un gabarit en Australie pour établir des ratios de compensation d'un milieu humide. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose ou si je parle australien en vous disant ça. Mais est-ce que vous êtes en mesure de nous éclairer davantage là-dessus ou sur d'autres pratiques internationales — j'imagine que vous êtes en lien avec des collègues un peu partout sur la planète — concernant le type de gabarit, ou de manière, ou d'outil pour évaluer des compensations, autant qualitatif que quantitatif? Les gens de l'Association des biologistes nous parlaient beaucoup de l'aspect qualitatif.

Mme Poulin (Monique) : On avait fait une section, dans notre mémoire, sur les ratios. Finalement, on l'a enlevée. On était un peu coincées dans le temps puis on ne l'avait peut-être pas assez étoffée. Mais c'est certain que, dans la littérature, on voit des suggestions de ratio beaucoup plus haut que du un pour un ou... C'est sûr qu'ici le critère de... le facteur R, dans la formule, permet d'établir un certain ratio, là, monétaire, du moins, mais, en termes de superficie, il faut garder en tête aussi que la restauration ou la création de milieux humides a plus de chances de succès si on crée des plus gros milieux humides. Donc, d'aller vers des ratios plus élevés que du un pour un, ce serait important, du moins pour assurer un meilleur succès des techniques de restauration. Parce que, les milieux humides restaurés, oui, on a de l'expertise, au Québec pour restaurer, créer des milieux humides. Au niveau des tourbières, des marais, les fonctions hydrologiques sont plus faciles à restaurer que les composantes de végétation, on doit attendre une trentaine d'années pour voir le système tendre vers des écosystèmes naturels, là, de comparaison, en termes des composantes végétales ou autres. Mais, si on crée des plus gros milieux humides, on aura plus de chances de succès.

Donc, oui, il y a des ratios de deux pour un, du quatre pour un, du sept pour un qui sont suggérés dans d'autres juridictions. On ne les a pas étoffés dans notre mémoire, mais il y a certainement un travail de réflexion au niveau des ratios.

Mme Roberge (Caroline) : ...compléter, si vous me permettez.

M. Gaudreault : Oui, allez-y.

Mme Roberge (Caroline) : Il y a plusieurs juridictions, l'Allemagne notamment, mais il y a les États-Unis aussi, avec leur méthode d'analyse, là, sur les habitats... Il y a l'Allemagne notamment aussi. Et ces méthodes-là ont comme avantage d'être qualitatives et ensuite de permettre de comparer certains milieux entre eux en se dotant de points. Donc, il y a certains habitats, certaines qualités, et ensuite ils se donnent comme... ils arrivent à un pointage, et ensuite ils sont capables de comparer des milieux avec des milieux. Et ensuite ils vont rajouter une couche de ratios de compensation pour éviter notamment les pertes temporaires ou encore les chances d'insuccès, tout ce qui touche l'incertitude vis-à-vis des mesures de compensation, là. Il y a des chiffres, là, je pense que c'est 25 % de fonctionnalité moindre. Donc, effectivement, là, il y a les États-Unis, l'Allemagne et en Australie aussi.

M. Gaudreault : Mais est-ce que vous trouvez que le projet de loi qu'on a devant nous, le projet de loi n° 132, permet de faire ça, par règlement, par exemple, ou est-ce qu'on devrait aller plus loin en termes de modifications législatives pour pouvoir atteindre ces standards-là qui sont américains, allemands, australiens et autres, là?

• (21 h 20) •

Mme Poulin (Monique) : En fait, ce qui manque dans le projet de loi, c'est un arrimage aussi des types de milieu humide. Comme on le mentionnait dans nos recommandations, il ne faudrait pas se ramasser avec simplement... créer des marais herbacés, des mares à quenouilles, là, si on pousse à l'extrême. Il faut restaurer la qualité des milieux qu'on a présentement, la représentativité ou la diversité des milieux humides, il faut que ça se retrouve dans les compensations, puis je ne vois rien là-dessus dans le projet de loi.

M. Gaudreault : Vous ne voyez rien là-dessus.

Mme Poulin (Monique) : Non.

M. Gaudreault : C'est où qu'on devrait le voir?

Mme Poulin (Monique) : Bien, on pourrait le voir...

M. Gaudreault : Dans la définition?

Mme Poulin (Monique) : En fait, dans le projet de loi, si je ne me trompe pas, les objectifs de restauration seront négociés à la pièce avec le mandataire qui fera la restauration. On a peu de détails là-dessus, probablement que ça viendra avec les règlements, là, dont on ne connaît pas trop les détails. Mais on suggère de mettre des choses un peu plus étoffées dans le projet de loi pour éviter des négociations à la pièce avec chacun des mandataires.

Et il n'y a rien non plus dans le projet de loi sur la reddition de comptes. Lorsque le projet de restauration aura... les travaux seront faits, qui s'assurera que la restauration a été bien faite et a donné des bons résultats? Et combien de temps après les travaux? Ça, c'est majeur. Aux États-Unis, on a beaucoup de retours d'expériences qui sont très mitigés.

M. Gaudreault : O.K. Bon, le président m'indique qu'il me reste à peu près 20 secondes, là. Donc, juste pour vous dire, je comprends que vous avez été bousculés, en quelques semaines, pour nous produire quand même un document qui est extraordinaire, alors, si vous voulez nous ajouter des choses, la commission est toujours intéressée à les recevoir. Comme par exemple, si vous avez des éléments internationaux, des exemples internationaux que vous voulez nous communiquer... ou justement vous dites : Il pourrait y avoir un article à modifier pour... votre suggestion, vous nous l'envoyez.

Mme Poulin (Monique) : Puis en même temps, si vous avez des questions précises...

Le Président (M. Bourgeois) : Merci. Merci. Malheureusement, c'est tout le temps dont on disposait. Mais effectivement on vous invite à déposer les documents au secrétariat de la commission pour pouvoir compléter les travaux.

Et je cède maintenant la parole au député de Masson pour notre dernière période d'intervention.

M. Lemay : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Lavallée. Merci, Mme Poulin et Mme Roberge, d'être avec nous.

Vous savez, nous autres, on l'appelle le fameux rapport Pellerin-Poulin, que vous avez fait en 2013, qui a été utilisé à bon escient par les membres de la commission, notamment dans le projet de loi n° 131 et autres, mais, bref, c'est une référence. Donc, de vous avoir ici aujourd'hui, c'est très apprécié, de pouvoir discuter avec vous et poser des questions.

Il y a plusieurs autres sujets qui ont déjà été traités par mes collègues. Vous comprendrez qu'on essaie de poser des questions qui n'ont pas encore été abordées... ou peut-être des fois qu'on va avoir des sujets similaires, on s'entend, c'est un sujet très spécifique, les milieux humides, aujourd'hui.

Mais je veux vous amener à votre recommandation 10, pour le moment. Et puis, vous savez, vous mentionnez que, pour les différents types de milieu humide, on ne veut pas voir des restaurations dans des milieux humides qui seraient plus faciles. Donc, j'aimerais savoir : Est-ce que... Dans le fond, selon ce que je peux comprendre, ce serait... si on affecte un marécage, alors, il faudrait qu'on fasse une restauration dans un marécage. Si on affecte un marais, ça devrait être dans un marais; une tourbière pour une tourbière. Est-ce que c'est un peu l'essence de votre recommandation, d'y aller pour favoriser les types de milieu humide?

Mme Poulin (Monique) : En fait, on a peu de détails sur comment seront gérés les fonds. Ce ne sera pas de l'arrimage site par site, là, il y aura de l'argent d'accumulé dans un fonds, et ils seront dédiés, ces fonds-là, à la restauration. Il faudra se donner des règles claires de ce qu'on a à restaurer. Puis ce qu'on proposait, c'est, dans la formule, d'ajouter un facteur de pondération à la hausse pour certains milieux humides. Je pense aux marécages. Si on détruit un marécage, c'est pas mal plus difficile de restaurer un marécage qu'un marais, on a plus d'expertise puis c'est plus... d'atteindre un stade arboré, là, dans un marécage riverain, par exemple, ce sera plus long et ce sera plus difficile à restaurer. Donc, pourquoi on n'irait pas augmenter un peu... Puis ça ferait en sorte qu'on mettrait plus d'emphase sur l'étape d'évitement, dans la séquence d'atténuation, qui, à l'heure actuelle, lorsqu'on analyse des projets de CA, c'est une étape qui est escamotée dans 99 % des cas. Donc, c'est un peu ça, le message qu'on voulait passer, là.

M. Lemay : Et ça va dans le sens de votre recommandation 11 aussi, où c'est que vous mentionnez, dans le fond, que ce serait intéressant d'inclure un facteur de pondération, justement, pour les milieux.

Mais moi, j'aimerais savoir : Est-ce qu'on devrait aussi considérer la capacité du milieu humide à effectuer la captation de gaz à effet de serre aussi? Est-ce que ça pourrait être un facteur qu'on pourrait considérer?

Mme Poulin (Monique) : Il y a des juridictions qui donnent des facteurs de pondération pour la valeur du milieu humide. Ça, j'avoue que ça commence à être un petit peu plus compliqué à faire. Ça peut être plus contestable aussi. Peut-être qu'on peut débuter, là, avec le système de compensation et le bonifier au fil des ans. Je pense que, là, ce serait de se rajouter un défi de taille, là, d'aller modifier la formule pour tenir compte de la valeur de certains milieux humides.

Puis c'est certain... Je regardais l'audience avec Ouranos puis je pense que ça vous inquiète beaucoup aussi, le rôle des milieux humides, leurs services écologiques, mais il faut juste... Je vois l'heure, là, il reste juste cinq minutes, puis peut-être que le message qu'il faudrait retenir — ou un des messages — c'est que les milieux humides sont des infrastructures vertes qui coûtent moins cher à conserver que si on les transforme. Ça, c'est dans la littérature, c'est connu, c'est quantifié, c'est... Il y a beaucoup d'études qui montrent que le coût de conservation d'un milieu naturel est moindre que le coût associé, par exemple, aux usines de filtration. New York s'est donné les moyens de protéger son eau, sa qualité de l'eau, avec les Catskill, il y a beaucoup d'exemples ailleurs dans le monde. Et je pense qu'il faut voir maintenant les milieux humides comme des infrastructures vertes qui coûteront moins cher à préserver que les dégâts qu'on connaît, par exemple, avec les inondations.

Il y a une étude que je lisais cette semaine dans une revue, Plos One, qui est quand même bien cotée, de 2016, qui ont évalué les milieux humides côtiers, leurs services de contrôle des vagues en période critique, là, d'événement extrême comme... on pense à Katrina. Bien, les milieux humides vont pouvoir réduire... les milieux côtiers comme les mangroves, les récifs coralliens, tout ça, vont réduire de 30 % à 70 % la hauteur des vagues. Quand on construit des infrastructures avec du béton, les infrastructures peuvent lâcher. Puis aussi, dans l'étude, ils montraient que les coûts de restauration étaient trois à cinq moindres que les coûts associés à la construction des infrastructures de béton.

Donc, il faut penser aux milieux humides comme des infrastructures vertes qui vont nous rendre des services, là, à la société, il faut les voir dans cette optique-là, je pense. Puis le projet de loi, c'est une belle occasion de se donner les moyens, en tant que société, là, pour les générations futures, du moins, là, on pense à nos enfants... Je pense qu'il faut leur laisser des bassins versants fonctionnels.

Le Président (M. Iracà) : Merci. M. le député de Masson.

M. Lemay : Parfait. On vous laisse parler parce que vous avez 100 fois plus de connaissances que nous.

Mais, bref, allons à votre recommandation 13. J'imagine que ça va être ma dernière question, compte tenu de l'heure. Mais vous parlez de mieux encadrer la responsabilité du délégataire et puis... En fait, vous en parlez dans votre recommandation. Moi, j'aimerais vous entendre. Je ne sais pas si vous voulez spécifier des points davantage, sur ce point-là. Parce qu'effectivement on veut faire un suivi efficace, là, tu sais, on ne veut pas juste dire : O.K., c'est beau, tu vas faire la restauration d'un milieu humide. Mais, concrètement, c'est comment qu'on le fait sur le terrain?

Mme Lavallée (Sophie) : Bien, en fait, l'article 15.12, là, de la loi sur l'eau... en fait, c'est les modifications aux articles 15.11 et 15.12 qui sont prévues. En fait, on prévoit que, lorsque le programme de restauration... que le ministre peut, par entente, déléguer soit à une communauté métropolitaine ou à une autre entité, là, la gestion de tout ou partie d'un programme de restauration. Et on dit ici que «l'exercice de pouvoirs par un délégataire dans le cadre d'une telle entente n'engage pas la responsabilité de l'État», et ensuite on mentionne, là, quels éléments doit au moins prévoir l'entente de délégation. On voit ici des mesures de surveillance, que l'entente doit prévoir des mesures de surveillance du ministre, une reddition de comptes sur l'atteinte des objectifs et les mesures de surveillance du ministre quant à la gestion effectuée par le délégataire, mais nulle part on ne voit de garanties financières qui peuvent être exigées, là, du délégataire, et nous pensons que ça, c'est un manque.

En fait, ce qu'on voudrait, c'est d'éviter aussi la disparité entre les exigences, au niveau de la responsabilité du résultat des travaux de restauration, d'une entente à l'autre, hein? Ça pourrait prêter le flanc à la critique. On voudrait que, finalement, les articles 15.11 et 15.12 norment un peu plus le contenu des ententes.

Donc, la possibilité pour le ministre d'exiger une garantie financière, c'est un élément, puis également aussi qu'il soit prévu spécifiquement que les mesures de restauration ou de création doivent se traduire par une obligation de résultat ou de nouvelles mesures de restauration, quand les mesures initiales de restauration n'ont pas fonctionné, et être effectives pendant toute la durée des atteintes au milieu perturbé pour lequel une autorisation a été délivrée par le ministre.

Donc, c'est juste pour encadrer davantage, là, la formulation de 15.11 et 15.12 dans ce sens.

Le Président (M. Iracà) : Me Lavallée, Me Roberge, Mme Poulin, merci beaucoup de votre contribution aux travaux de la commission.

Compte tenu de l'heure, et l'ordre du jour étant épuisé, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux à mercredi 17 mai, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 21 h 30)

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