(Quinze heures sept minutes)
La Présidente (Mme Doyer): Alors, mesdames messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques à l'égard de la loi... du projet de loi n° 71, Loi modifiant de nouveau le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. McKay (L'Assomption) est remplacé par M. Bergeron (Verchères) et M. Grondin (Beauce-Nord) est remplacé par M. Bonnardel (Shefford).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci. MM. Vincent, Gaudreault et Meunier, bienvenue à la commission. Nous allons vous écouter avec grande attention. Vous avez 10 minutes. Peut-être présenter les gens qui vous accompagnent, avec les fonctions qu'elles occupent, M. Vincent?
Association des restaurateurs
du Québec (ARQ)
M. Vincent (Mario): Oui. Bien, dans ma présentation, je vais vous faire en même temps la...
La Présidente (Mme Doyer): Parfait. Alors, vous avez 10 minutes avant l'échange.
M. Vincent (Mario): Parfait, merci. Mme la Présidente de la commission, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, au nom de l'Association des restaurateurs du Québec, l'ARQ, merci de nous recevoir aujourd'hui. Mon nom est Mario Vincent, je suis président du conseil d'administration de cet important regroupement qui, depuis plus de 70 ans, représente les restaurateurs et restauratrices du Québec. Je suis aussi copropriétaire de quatre restaurants en Mauricie et dans le Centre-du-Québec: les restaurants Maman Fournier, le Vincenzo Pasta-Grill et le restaurant Blanchet. M'accompagnent aujourd'hui, à ma gauche, M. Pierre Gaudreault, vice-président du conseil d'administration de l'ARQ et copropriétaire du Restaurant Bar Mario Tremblay, d'Alma; à ma droite, M. François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales, de l'ARQ.
L'ARQ compte dans ses rangs près de 4 200 membres corporatifs exploitant plus de 6 500 établissements au Québec, et ce, de toutes les catégories et dans toutes les régions. Ces entreprises ont généré l'an dernier des ventes totalisant au-delà de 5 milliards de dollars, soit plus de 50 % du chiffre d'affaires total de l'industrie au Québec. Depuis 1938, l'ARQ assure un rôle de promoteur et de protecteur des intérêts de l'industrie dans la restauration québécoise. Aussi, en matière de service responsable d'alcool, notre engagement n'a plus à être démontré. C'est donc à titre de porte-parole d'une industrie de premier plan que l'ARQ participe à cette consultation générale et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 71. Merci donc de nous permettre de vous résumer rapidement notre position.
Encore aujourd'hui, l'ARQ comprend la volonté du gouvernement de vouloir rendre nos routes plus sécuritaires et souscrire à cet objectif. Cependant, nous ne sommes pas d'accord avec les moyens privilégiés par le projet de loi n° 71 pour y arriver, plus particulièrement ceux visant à imposer une sanction administrative aux personnes prises à conduire une automobile avec un taux d'alcoolémie entre 50 et 80 mg par 100 ml de sang. Nous continuons de croire que l'on fait fausse route en voulant apporter une telle modification au Code de la sécurité routière.
Force est de constater que les arguments visant à appuyer notre position sont aujourd'hui exactement les mêmes que ceux que nous avions avancés dans le mémoire déposé il y a deux ans à peine lors de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 42. Parce qu'ils consomment essentiellement vins et bières et non des spiritueux, et ce, principalement en mangeant, nous avancions que les Québécois ont une relation sereine avec l'alcool. Nous constations déjà une amélioration marquée du bilan routier québécois en matière d'alcool au volant. Nous étions aussi fermement convaincus, et nous le sommes encore aujourd'hui, que les restaurateurs sont tout à fait conscients de leur rôle en matière de service responsable d'alcool.
Finalement, il nous apparaissait évident que le gouvernement, en imposant une sanction administrative aux personnes conduisant avec une alcoolémie entre 0,05 et 0,08, allait s'attaquer aux mauvaises personnes.
Ce qui précède a gardé tout son sens, à un point tel que nous aurions pu déposer à cette commission l'intégralité de notre mémoire de 2007 et sans même changer une virgule. Toutefois, depuis 2007, un constat saute aux yeux: le bilan routier québécois ne s'est pas détérioré. Au contraire, il s'est même amélioré, le Québec ayant connu, l'an dernier, le meilleur bilan routier de son histoire.
Je vais demander à M. François Meunier de poursuivre.
**(15 h 10)**La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier, à vous la parole.
M. Meunier (François): Alors, bonjour, tout le monde. Alors, en effet, MM., Mmes les députés, depuis plusieurs années, on observe au Québec une tendance marquée à l'amélioration du bilan routier. Vous le savez, depuis 1973, le Québec a connu une diminution de 75 % du nombre de décès sur les routes. La régression se chiffre à 41 % depuis 1993. Pour la même période, le nombre de décès de conducteurs où l'alcool a été retrouvé dans leur sang a diminué quant à lui de 54 %.
Alors, parlons-en, de l'alcool au volant. En 2007, les conducteurs ayant un taux entre 0,05 et 0,08, ceux qui vont être principalement touchés par l'article 5 du projet de loi n° 71, ne représentaient que 6 % des décès liés à l'alcool, alors que ceux ayant un taux dépassant la limite légale de 0,08 ont représenté 83 % des décès. Au total, il y a 24 conducteurs décédés qui présentaient un taux d'alcoolémie entre 0,081 et 0,15 et 41 conducteurs décédés qui avaient un taux supérieur à 0,15.
De notre point de vue, il est évident que l'amélioration de la sécurité routière passe par des interventions auprès de ceux qui dépassent la limite légale actuelle. C'est donc vers ces personnes que les efforts devraient être dirigés. Cinq décès ont été attribués à des personnes affichant un taux d'alcoolémie entre 0,05 et 0,08 en 2007. Les rapports du coroner relativement à ces cinq décès pointent du doigt d'autres facteurs aggravants que l'alcool pour les expliquer. Dans quatre des cas, la cause principale de l'accident n'est pas attribuée à la présence d'alcool mais à des facteurs tels que la fatigue, la vitesse, l'insouciance, les conditions routières et l'absence de port de la ceinture de sécurité. Dans le cinquième cas, bien qu'un taux d'alcoolémie à 52 mg par 100 ml de sang ait été détecté, le coroner signale la présence de drogues et de médicaments en forte quantité.
Finalement, les témoignages recueillis par le coroner soulignaient l'absence de sommeil chez le conducteur. Nous affirmons donc, sur la base des rapports du coroner, que, même si la pression d'une suspension administrative avait eu pour résultat que ces conducteurs auraient pu avoir un taux d'alcoolémie inférieur à 0,05, l'ensemble des autres facteurs mis en cause dans ces accidents auraient fait en sorte que ces décès n'auraient sûrement pas pu être évités.
Un autre aspect qu'il est important pour nous de considérer se trouve au niveau des effets de l'ajout de cette règle sur la productivité des corps policiers. Nous décrivons dans notre mémoire la situation prévalant en Ontario, où une suspension du permis de conduire est en vigueur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette mesure a sans doute ajouté beaucoup de pression sur l'appareil gouvernemental et donc des coûts additionnels. En outre, on ne cesse de répéter, vous le savez, que le Québec est la seule province où aucune sanction administrative n'est imposée à partir de 0,05. Il serait donc dans l'ordre des choses, dit-on, d'aller dans cette direction pour améliorer le bilan routier. Rien n'est moins sûr, selon nous, car, selon les dernières données de Statistique Canada, la corrélation entre une limite d'alcoolémie à 0,05 et un faible taux de mortalité ou un faible taux d'infraction en matière d'alcool au volant ne peut pas être faite. Le Québec affiche en effet un bien meilleur bilan routier que bien des provinces où le 0,05 est la norme.
Comme démontré à la figure 3 de la page 17 de notre mémoire, avec un taux de 0,59 décès par 100 000 habitants pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort, le Québec occupe le cinquième rang des 10 provinces canadiennes. Nous savons que M. Jean-Marie De Koninck vous a dit qu'elle faisait mieux que le Québec, mais on persiste à vous dire que la Saskatchewan, qui a le plus bas taux d'alcoolémie permis au Canada avec 0,04, est la pire province canadienne, avec un taux de 2,46 décès par 100 000 habitants.
J'invite maintenant M. Pierre Gaudreault à conclure.
M. Gaudreault (Pierre): Bonjour, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Doyer): Oui, M. Gaudreault, allez-y.
M. Gaudreault (Pierre): S'il adopte cette mesure, le gouvernement se trouvera encore une fois à faire du tort à une industrie de plus de 18 000 petites et moyennes entreprises, une industrie qui donne de l'emploi à plus de 190 000 personnes dans toutes les régions du Québec, une industrie qui perçoit par année 731 millions de dollars en taxes de vente pour le gouvernement du Québec et qui achète pour plus de 2,7 milliards de dollars de produits alimentaires, mais c'est aussi une industrie lourdement affectée par le contexte économique actuel: décroissance réelle des ventes moyennes par restaurant avec service aux tables, il y a 5,6 % en 2009; 18 000 emplois perdus; 47 % de toutes les faillites de restaurants au Canada ont eu lieu au Québec.
En modifiant le Code de la sécurité routière tel que proposé, les gestionnaires des restaurants ne craignent pas seulement une diminution de leurs ventes d'alcool, ils s'inquiètent aussi légitimement d'une baisse marquée de la fréquentation de leurs établissements, les citoyens honnêtes et responsables préférant rester chez eux plutôt que de risquer de se voir considérés comme des criminels de l'alcool au volant. Parce qu'elle se trompe de cible, parce qu'elle n'a pas prouvé son efficacité à réduire significativement le nombre de décès sur les routes et parce qu'elle obligera les policiers à consacrer temps et ressources pour contrôler M. et Mme Tout-le-monde ayant bu une ou deux consommations de boisson alcoolisée, l'Association des restaurateurs du Québec ne peut appuyer l'article 5 du projet de loi n° 71 visant à suspendre pour 24 heures le permis de conduire d'un conducteur ayant une alcoolémie entre 50 et 80 mg d'alcool.
Pour nous, la tendance lourde de l'amélioration du bilan routier québécois au cours des dernières... des deux dernières décennies ne justifie pas cette intervention gouvernementale. Nous estimons plutôt qu'une réduction du nombre de décès causés par l'alcool au volant passe par l'ajout de ressources policières et par des interventions ciblées vers les personnes dépassant déjà la limite légale en vigueur et nous ne sommes pas les seuls à penser de cette façon.
Le détail de nos recommandations se trouve dans le mémoire déposé à la commission. Nous vous remercions de l'attention que vous y accorderez et de nous avoir reçus et écoutés aujourd'hui. Nous sommes maintenant disponibles pour la période des questions.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Gaudreault. Alors, MM. Vincent, Meunier et Gaudreault, merci de votre présentation. Alors, dès à présent, je vais donner la parole à la ministre pour un échange d'environ 24 minutes.
Mme Boulet: Alors, merci beaucoup, M. Gaudreault, M. Vincent et M. Meunier, merci beaucoup de venir représenter les gens qui sont membres de votre association. Alors, évidemment, on apprécie vos commentaires puis on apprécie parce que vous nous donnez vraiment une lecture, là, de ce qui se passe dans vos établissements, votre lecture à vous, évidemment.
Je vais juste revenir sur certaines choses que j'ai entendues, parce que vous dites: Parce que le bilan routier s'est amélioré, le Québec n'a pas besoin de ça et le Québec fait bien. C'est vrai qu'on s'est améliorés, pour toutes sortes de raisons. Il n'y a pas juste une raison. Il y a eu la mise en place de la Table québécoise de la sécurité routière en 2007. Il y a eu beaucoup, beaucoup de sensibilisation, de campagnes d'information, de campagnes de publicité. Il y a eu la table où il y avait 70 partenaires qui ont travaillé, depuis 2007, qui travaillent activement avec des rencontres à établir et à définir les besoins en termes de sécurité routière. Il y a le travail de tous les policiers, de tous les corps policiers au Québec, il y a les contrôleurs routiers. Il y a eu les projets de loi qui... en fait, les lois qui sont devenues les lois nos 42 et 55.
Donc, tout ça a servi. Et on n'a pas la prétention de croire qu'il y a un seul élément qui va faire en sorte que notre bilan va s'améliorer.
Si notre bilan s'est amélioré au Québec, c'est parce qu'on a mis en place tous ces éléments-là, tous ces éléments-là. Dans le dernier projet de loi ou la loi n° 55... la 55, on a axé, de façon très importante, sur les récidivistes, donc il y a eu des mesures très sévères, très rigoureuses qui ont été ajoutées pour contrer le phénomène des récidivistes. On sait que c'est une portion qui est responsable d'un certain nombre de décès sur les routes. Mais il y a également entre le 0,05 et le 0,08 où on a des études, là. On a beau penser, là, que ce n'est pas significatif, là, mais il y a des études partout à travers le monde qui démontrent que ça nous permettrait de réduire de 8 % le nombre de décès et de 4 % le nombre de blessés au Québec.
Quand on sait que conduire entre 0,05 et 0,08, ça peut être entre quatre fois et neuf fois plus important le risque d'être impliqué dans un accident, on ne peut pas dire que ce n'est rien. Et ce n'est pas parce que 8 %... 8 % des décès au Québec, c'est 40 personnes. Alors, ce n'est pas parce qu'on a fait d'autre chose puis qu'on s'est améliorés qu'il faut s'arrêter puis penser que tout va continuer à bien aller. Si on peut sauver 40 personnes par année mais si on peut en sauver 10, je vous dirais...
**(15 h 20)** Alors, l'objectif du gouvernement est de sauver des vies humaines et de mettre en place, avec les moyens, les partenaires, avec l'encadrement, avec la sensibilisation, mais aussi des moyens législatifs qui vont nous permettre d'atteindre ces objectifs-là, parce que la consommation d'alcool et la conduite automobile, ça ne va pas ensemble.
Alors, moi, j'aimerais juste savoir, de votre part... Vous dites qu'il y a des études qui démontrent que ça va avoir un effet néfaste pour les entreprises de votre secteur. Alors, nous, on a des études qui nous démontrent qu'à 0,05 beaucoup de gens ont une perte au niveau des habilités à conduire, des problèmes de coordination, des problèmes au niveau des réflexes. On a des études qui démontrent ça. Est-ce que vous avez des études que vous pourriez nous déposer aujourd'hui, séance tenante ou peut-être dans les jours qui viennent, qui nous indiquent qu'est-ce que ça aurait comme impact économique pour vos établissements? Est-ce que vous avez des études qui prouvent qu'il y aurait des impacts économiques chez vous? Et à la hauteur de combien ils sont, ces impacts-là?
La Présidente (Mme Doyer): M. Vincent.
M. Vincent (Mario): Oui. Écoutez, moi, je suis sûr... je ne suis pas un scientifique, je suis un restaurateur, mais je peux vous parler de mes 30 ans d'expérience en restauration. J'ai eu des bars, j'ai eu des restaurants, j'en ai vu, du monde au point de vue de... qui prennent de la consommation. Ce que je peux vous dire, c'est qu'entre 0,05, 0,08 il y a une différence au point de vue... Quelqu'un qui prend un...
Si je prends un couple qui vont prendre une bouteille de vin, ils ne peuvent plus la prendre à 0,05. Puis, de là à dire qu'ils vont perdre leurs facultés, moi, je pense qu'il y a bien plus de danger avec une personne qui... la distraction. Quand on prend la conduite automobile, et qu'on a deux enfants en arrière, et qu'on se revire de bord pour voir comment que les enfants vont ou qu'on prend un CD, qu'on le met, c'est aussi dangereux, je pense. Je prône aussi, avec la... dans mes employés aussi, pour avoir vu souvent les clients... Les clients sont très sensibilisés aujourd'hui, ils font très attention. En tout cas, dans mes établissements, moi, de 0,05 à 0,08, je peux vous dire que le monde, ils ne veulent pas, ils ont peur, ils s'inquiètent, alors ils n'en prennent... ils vont être bien plus... ils vont faire attention ou quoi au débit. Puis en plus on a un service de raccompagnement où on a mis à tous les gens... On a sensibilisé notre personnel.
Alors, c'est sûr que, des études, on n'en a pas fait, mais je peux vous dire par expérience que 0,05 à 0,08, il est important pour nous, mais ce n'est pas... je ne crois pas qu'il va changer gros de quoi au point de vue routier. Peut-être...
La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier.
M. Meunier (François): ...peut-être en complément, là, il est clair que, comme M. Vincent l'a exprimé, là, on n'a pas la capacité d'évaluer la crédibilité des études qui... sur lesquelles la table sur la sécurité routière s'est basée pour identifier notamment l'augmentation des risques ou encore d'identifier le pourcentage de réduction du nombre de décès. Par contre, on sait lire, et ces études-là, comme bien d'autres, indiquent presque chaque fois qu'on ne peut attribuer seul à l'abaissement du taux d'alcoolémie à 0,05 l'amélioration du bilan routier. Ces mesures-là, un peu partout dans le monde, ont été mises en vigueur au même moment où, par exemple, il y a eu un resserrement extrêmement important de la coercition en ce qui concerne la sécurité routière, que ce soit l'augmentation des contrôles policiers, que ce soient des radars photo.
Alors, il est évident, pour nous, que le 0,05 seul n'aura très certainement pas les résultats escomptés.
Pour revenir sur la question des études, bien sûr, ce qu'on aurait peut-être pu évaluer, par exemple, c'est quelle est la situation avec l'Alberta ou avec la région de l'Atlantique, par exemple, mais ce serait trompeur, selon nous, de comparer le Québec avec ces régions-là. En Saskatchewan, notamment, là, on boit 2,9 litres de spiritueux par année, puis 0,08 litre de vin par année. Pour le Québec, on boit 1,1 litre de spiritueux et 2,4 litres de vin. Ce sont des marchés totalement différents, et le marché du Québec est... de l'Ontario est similaire. Les ventes de la Société des alcools ici, c'est 75 % du vin. En Ontario, c'est le contraire, c'est 75 % de spiritueux.
Ici, au Québec, on a intégré la consommation d'alcool avec la prise d'un repas. Nous, on considère, et je pense que M. Vincent et M. Gaudreault peuvent en témoigner, que les consommateurs québécois agissent de manière responsable, sont modérés dans leur consommation d'alcool. Il y a plusieurs études, je vous invite à regarder les études réalisées par Éduc'alcool, qui démontrent que finalement les gens au Québec ont un comportement et ont une relation qui est sereine avec l'alcool et que finalement on ne peut appliquer ici les modèles qu'on a pu appliquer ailleurs.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Meunier. Mme la ministre.
Mme Boulet: Oui. Alors, je vais reprendre un des éléments que vous dites, parce que souvent les gens pensent qu'à 0,05 on ne peut plus boire. Bien, moi, j'ai un tableau ici de MADD, là, qui nous indique -- MADD va venir nous voir tantôt -- qui nous indique, selon notre poids, combien on peut consommer, en combien de temps, de consommations soit en termes de bière ou de verres de vin, et, moi, je peux prendre deux verres de vin en deux heures, puis ça veut dire... ce qui m'indique très bien, là, que mon mari peut en prendre un peu plus que moi. Donc, moi, je peux facilement aller souper au restaurant avec une bouteille de vin, si je prends deux heures pour manger, puis ni l'un ni l'autre, on va taper le 0,05, là. Ni l'un ni l'autre.
Puis on va passer le tableau, là, parce que j'aimerais ça que mon collègue voit; je ne sais pas quel poids il pèse.
M. Ouellette: ...pas sur le tableau, Mme la ministre.
Mme Boulet: Mais ce que je veux vous dire, c'est que, premièrement, 0,05, ça ne veut pas dire qu'on ne consomme pas. Deuxièmement, les gens ont développé, depuis quelques années, le principe du chauffeur, du conducteur désignés. Alors, à partir du moment que le principe du conducteur désigné tient la route ou est pratiqué par l'ensemble des... en tout cas par le plus grand nombre de personnes, parce que c'est ce qu'on souhaite, bien, finalement, les gens qui sont avec le conducteur désigné, rien ne les empêche de consommer, je vais dire, à volonté, là ce n'est pas ce que je souhaite, là, mais rien ne les empêche de consommer librement.
Alors, il y a de l'éducation à faire, et je pense qu'on a grandement évolué au Québec en mettant en place un chauffeur désigné. Là où est notre crainte, c'est qu'il y a des gens qui conduisent entre 0,05 et 0,08, qui ne sont pas aptes, et c'est démontré par les études qu'ils ne sont pas aptes à conduire leurs véhicules. Et tantôt vous me dites: Même à 0,05, il y a d'autres ingrédients: le port de ceinture, les gens n'ont peut-être pas mis leur ceinture, les gens sont peut-être fatigués. Je voudrais juste vous préciser que, quand on est en... quand on a consommé de la boisson, c'est là qu'on met le moins souvent notre ceinture de sécurité. Quand on a également consommé de l'alcool, c'est souvent un additif à la fatigue d'une personne, c'est souvent quelque chose qui ajoute à la fatigue d'un être humain, d'un corps humain. Alors, c'est... on le sait, qu'il n'y a pas juste une mesure. On le sait et on le dit depuis le début. C'est: la sécurité routière, ce n'est pas un élément, c'est l'ensemble des éléments qu'on peut mettre en place, c'est comme un puzzle, puis, quand on place un morceau, bien ça nous permet de gravir un échelon puis de sauver des vies humaines. Alors, c'est... Et je ne m'attendais pas non plus, là... je comprends que vous avez des inquiétudes à l'égard de vos commerces. Il y a un impératif économique, puis je le comprends parfaitement.
Mais comment vous... Est-ce que vous auriez des pistes de solution? À savoir, si ça passe, qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour aider les commerces? Est-ce que ce serait de donner de la formation aux serveurs dans les restaurants? Est-ce qu'il y aurait d'autres choses, des éléments, là, qui pourraient faire partie des interventions, ou de la formation, ou des campagnes de sensibilisation? Comment vous voyez ça, si éventuellement, parce que peut-être que... on ne sait jamais, là, mais tous les pays s'en vont vers une tendance de diminuer. Tous les pays... ou beaucoup de pays sont déjà à 0,05. La Suède, la Norvège et la Pologne sont à 0,02 actuellement. La Suède, dans son bilan routier, la Suède, en six ans, elle a diminué, depuis qu'elle est à 0,02, de 10 % le nombre de décès sur son réseau routier en passant de 0,05 à O,02.
Alors, c'est difficile de croire que toutes ces organisations-là, toutes ces provinces ou tous ces pays ont fait fausse route en mettant en place le 0,05. C'est qu'à quelque part ça a été prouvé qu'on pouvait sauver des vies. Alors, j'aimerais juste vous entendre si vous avez des commentaires à cet égard. Et, Mme la Présidente, si vous me permettez, je vais déposer le tableau.
La Présidente (Mme Doyer): Est-ce que c'est ce tableau-là?
Mme Boulet: Oui. Ça vient du mémoire de MADD, Mme Morin est ici avec nous. C'est-u dans le...
La Présidente (Mme Doyer): Bien, est-ce que vous le déposez, Mme la ministre, pour les parlementaires?
Mme Boulet: Oui, oui, tout à fait,
La Présidente (Mme Doyer): Parce que nous l'avons dans le mémoire qu'on va entendre tantôt. Alors, je ne le sais pas, si tous les collègues l'ont.
Mme Boulet: Vous l'avez? O.K.
La Présidente (Mme Doyer): On l'a.
Mme Boulet: Alors, c'est beau.
Document déposé
La Présidente (Mme Doyer): Alors, peut-être... Bien, peut-être le déposer, le rendre accessible à des personnes ici, dans la salle, ce serait correct.
Mme Boulet: Ça ne me dérange pas. Oui, tout à fait, on peut le rendre accessible.
La Présidente (Mme Doyer): Maintenant, s'il y a des gens qui le veulent.
Mme Boulet: Mais, moi, je voudrais juste entendre vos commentaires et après je vais laisser la place de toute façon à mes collègues. Je n'ai pas parlé de votre poids, M. le collègue.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, Mme la ministre, nous donnerions la parole à M. Vincent?
Mme Boulet: Oui, oui, tout à fait.
La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier.
M. Meunier (François): Oui. Comme le tableau n'apparaît pas dans notre mémoire, nous, on se réfère au tableau d'Éduc'alcool, et je veux juste...
La Présidente (Mme Doyer): ...à ce qu'on vous le rende accessible.
M. Meunier (François): Ah! Je peux vous le... Oui, puis je veux vous parler du mien qui est...
La Présidente (Mme Doyer): D'accord, allez-y.
M. Meunier (François): ...j'espère qu'il correspond à celui de MADD. Une femme de 125 lb, deux consommations, c'est 80 mg; une femme de 150 lb, deux consommations, c'est 68 mg; une femme de 176 lb, deux consommations, c'est 58 mg. Et là on va aller sur les hommes: un homme de 200 lb, trois consommations, 65 mg; 250 lb, trois consommations, 52 mg. On a...
Une voix: ...
M. Meunier (François): Alors, si ça intéresse la commission, nous aussi, on a un tableau, puis c'est un tableau qui est...
Des voix: ...
La Présidente (Mme Doyer): ...là, je vais vous demander de l'ordre. On entend les gens qui sont là, et, moi, là... je ne sais pas si c'est la même chose pour les autres, mais c'est vous qu'on entend.
M. Bergeron: ...Mme la Présidente. Est-ce que ce serait possible pour nos témoins de nous déposer leur tableau? Parce que je pense que ce serait bien de parler des données du...
**(15 h 30)**La Présidente (Mme Doyer): Vous ne l'avez...
M. Bergeron: ...de la ministre. Mais, si on est capables d'avoir toutes les données, ça va permettre...
La Présidente (Mme Doyer): Est-ce que vous l'avez mis dans votre mémoire?
M. Meunier (François): Non, c'est en complément d'information.
Document déposé
La Présidente (Mme Doyer): Bon. Alors, je reçois le tableau. Je fais distribuer le tableau de MADD que cela... que vous n'avez pas. Alors, je vous le fais distribuer. Et j'aimerais que vous nous rendiez accessible votre tableau pour voir si les données correspondent. Ça va nous aider dans notre évaluation. Alors, je le reçois officiellement, M. Meunier, votre tableau. Et j'invite les collègues à être un petit peu ordonnés dans l'écoute des groupes qu'on reçoit, vous en l'occurrence, pour l'instant.
M. Meunier (François): Alors, merci, Mme la Présidente. En fait, c'est juste pour s'assurer, là, que vous avez accès à toute l'information. C'est le tableau que véhicule, diffuse Éduc'alcool depuis de nombreuses années, qui fait référence ici au Québec, là, à ma connaissance. Peut-être que M. Gaudreault peut nous parler de ce que le gouvernement pourrait peut-être faire pour aider l'industrie en imposant une mesure comme celle-là.
M. Gaudreault (Pierre): Ce qu'on peut faire, nous... En tout cas, moi, je suis un intervenant de premier plan sur le plancher des vaches, comme on peut dire, là, ça fait 30 ans que je fais de la restauration, puis je pense que présentement un des meilleurs intervenants qu'il ne peut pas y avoir pour le taux d'alcoolémie auprès de la clientèle, c'est les restaurateurs. On est un partenaire de tous les jours. On rencontre les gens. Puis les mesures, ce n'est pas compliqué, c'est la formation de nos employés, c'est avoir une approche avec nos employés par rapport à l'alcool, puis la façon qu'on peut l'offrir dans nos établissements, puis la façon qu'on peut déceler également ceux qui peuvent dépasser le 0,08 présentement, qui est la loi légale.
Souvent, chez nous en tout cas, on fait du raccompagnement en taxi. On vit dans des régions éloignées, également. Il faut savoir que... Tantôt, on parlait, là, d'un conducteur accompagnateur, mais, dans les grandes régions éloignées, là, ce n'est pas toujours possible. 40 % à 50 % de notre clientèle également, il faut savoir que souvent ils sont tout seuls ou deux personnes. Ce n'est pas tellement intéressant d'aller au restaurant, deux personnes, puis quelqu'un consomme, puis l'autre ne consomme pas. Ça ne fait pas la même soirée. Ça fait que tu vas la faire à la maison, cette soirée-là, normalement. Et je pense qu'il y a moyen d'avoir un terrain d'entente en travaillant avec l'industrie de la restauration et les hôtelleries du Québec, avec l'ARQ. C'est sur le terrain que ça se passe. Puis, ce qu'on vit présentement, là, le 0,08 a fait un travail énorme au Québec. Les habitudes de consommation d'alcool ont changé radicalement, et les habitudes de conduite de véhicule ont changé radicalement aussi. On n'est pas obligés, du jour au lendemain, de 0,08 à 0,05... Les décès, on est tous d'accord pour ça, il faut sauver des vies. Puis, si on est ici aujourd'hui, c'est parce qu'on en est bien conscients.
Mais je pense qu'on devrait mettre sur table une approche avec les gens de l'industrie, avec de la formation auprès de nos employés pour avoir... le contact, on l'a avec les gens, mais continuer cette formation-là et cette information-là auprès de la clientèle. Je suis certain qu'ensemble on va atteindre nos objectifs visés, c'est de sauver le plus de décès possible sur les routes du Québec par rapport à 0,08.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Gaudreault. J'ai une demande d'intervention de M. le député d'Orford.
M. Reid: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais juste tester avec vous quelques idées, là, parce que c'est certain au départ que, dans le monde des affaires, que ce soit dans le commerce ou dans l'industrie, à chaque fois qu'il y a une nouvelle réglementation, une nouvelle loi, ça pose des problèmes et ça crée une certaine appréhension, puisqu'on ne sait jamais qu'est-ce que ça va changer dans les éléments qui font le succès d'une entreprise, ou d'une industrie, ou d'un marché.
Bon, évidemment, nous, après un certain nombre d'années, on a écouté beaucoup de monde, et puis il y a des fois où on est obligés de trancher dans un bord ou dans l'autre. Et puis on s'aperçoit des fois qu'il y a beaucoup d'appréhensions qui n'avaient pas nécessairement des raisons d'être quand on a vu les résultats de ça. C'est l'impression qu'on a eue, entre autres, pour, par exemple, la question de fumer dans les lieux publics, des choses comme ça. Moi, j'ai entendu, puis je n'ai pas pu répondre... je n'ai pas poser ma question à un autre groupe de restaurateurs. On a parlé de la question du conducteur désigné. Et, quand on... par exemple, la mesure qui... quand on parle de 0,05 au lieu de 0,08, quand on parle d'un groupe où il y a un conducteur désigné, ça ne touche ni le conducteur désigné ni les autres, parce que les autres sont... ils ne regardent pas le 0,08 puisqu'ils ne conduiront pas. Puis le conducteur désigné, bien, de toute façon, il n'en prendra pas, donc ça ne le touche pas non plus.
Et, moi, je me posais même la question, à savoir: Si, par exemple, on allait vers le 0,05, est-ce qu'en termes de marché que représentent vos entreprises, en termes de... par exemple, si on consomme plus, bien ça veut dire qu'il y a un chiffre d'affaires qui est plus gros? Si c'est fait en toute responsabilité, et on n'a rien contre ça, c'est bien évident, si on... Est-ce que, par exemple, la notion et l'application courantes, là, sur le plancher des vaches, on parlait tantôt de conducteur désigné, est-ce que c'est si répandu qu'on le dit? Est-ce qu'on parle de 50 % des groupes, de 25 %, de 75 % des groupes?
Et finalement, si on allait à une campagne pour augmenter et s'assurer d'augmenter cette application-là de cette notion, qui est simple mais qui n'est pas toujours facile à appliquer peut-être, est-ce qu'on n'irait pas vers quelque chose où ça n'aurait pas d'impact sur la consommation. Ou, même moi, personnellement, quand il y a un conducteur désigné, je prends un verre de plus. Je pense que je ne suis pas tout seul à faire ça au Québec. Et est-ce que, là, il n'y a pas une notion où, en travaillant ensemble pour appliquer davantage la notion de conducteur désigné, on règle tout le problème, là, d'une consommation qui pourrait varier ou pas en fonction du 0,05 ou du 0,08?
M. Meunier (François): ...répondre à ça de la façon suivante: le programme de conducteur désigné, c'est dans un mode, un contexte de surconsommation. Le 0,05, c'est une consommation, je sais qu'il y a des gens qui sont... qui n'ont pas cette idée-là, mais une consommation normale et modérée, et je suis convaincu que le programme de conducteur désigné va... ne s'appliquera pas pour des gens qui veulent prendre une deuxième bière ou un deuxième verre de vin. Ces gens-là vont cesser de consommer ou vont rester chez eux. Bien sûr, il peut... il va se développer, il va s'adapter, il y a des choses qui vont faire en sorte que dans le futur probablement qu'on ne parlera plus de ce problème-là, mais il va y avoir des conséquences directes, il va y avoir des impacts directs. Et, vous savez, on l'a déjà dit, mais ce qui nous inquiète, ce n'est pas les pertes des ventes d'alcool, ce n'est pas juste les ventes d'alcool, c'est les ventes de repas, tout court. C'est qu'il y a une partie de notre clientèle qui va... qui... elle va s'adapter autrement.
C'est la... on vous l'a dit, on va le répéter, c'est la Saint-Valentin dimanche: un couple, deux personnes qui ont plaisir à bien manger, à prendre une bouteille de vin à deux, une bouteille de vin à deux, c'est deux verres et demi par personne... pourquoi ces gens-là vont prendre le risque de voir un des... une des deux personnes voir son permis suspendu, de se voir considérée comme étant éventuellement une personne qui a des problèmes avec l'alcool au volant, plutôt que de finalement rester à la maison et profiter des bons plaisirs de la vie en s'achetant une bouteille de vin à la SAQ? C'est notre, nous, façon de voir le dossier, et on pense qu'on n'a pas besoin d'étude d'impact pour affirmer que, oui, il y a des gens qui vont préférer changer leurs habitudes de cette manière-là.
La Présidente (Mme Doyer): Merci. M. Meunier. J'ai une demande d'intervention du député de Vanier. À vous la parole.
M. Huot: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Moi, je vais faire ça rapidement. Je voulais vous entendre un petit peu plus sur vos recommandations 4 et 5.
Entre autres, bon, vous dites de soutenir et «encourager le développement de services de raccompagnement». Je voudrais connaître la réalité. On a eu la, bon, la chaîne des restaurateurs qui étaient là, les représentants des chaînes de restaurants. Vous, parmi vos membres, est-ce qu'il y a beaucoup de services? Bon, je présume qu'à peu près 100 % de vos membres ont Nez rouge, dans le temps des fêtes... ou tout près de 100 %, mais on connaît Tolérance Zéro ici, à Québec, un petit peu plus. Il y a d'autres services de raccompagnement qui sont présents. Est-ce qu'il y a une bonne partie de vos membres qui font affaire avec ces organismes de raccompagnement là? Et comment on pourrait le soutenir, l'encourager? Et en même temps, dans la réponse, j'aimerais vous entendre un petit peu plus sur Action Service.
Vous parlez de rendre la formation obligatoire pour certaines personnes. Je ne sais pas si vous, personnellement, vous avez suivi la formation certifiée Action Service ou sûrement qu'il y a plusieurs de vos membres qui en ont. J'aimerais ça... en quelques minutes, là, nous décrire un petit peu plus qu'est-ce que c'est, Action Service.
La Présidente (Mme Doyer): M. Vincent.
M. Vincent (Mario): Dans mon cas, moi, chez moi, en tout cas dans mes établissements, nous on a Tolérance Zéro comme ici vous avez. Alors, tous les employés sont responsables de ça et sont au courant.
Une voix: ...
M. Vincent (Mario): Pardon? Puis les coûts, c'est ce qu'on disait. Moi, ce qu'on avait apporté, c'est: s'il y avait une offense, quelqu'un, un hôtelier avait une offense contre lui, peut-être qu'on pourrait obliger l'opérateur à envoyer ses employés, mais envoyer tout le personnel, toutes les... c'est un coût énorme, écoute, c'est beaucoup, beaucoup d'argent, et je pense... puis chez nous dans la restauration, malheureusement, le personnel... il y a un «turnover», excusez l'expression, très grand dans la restauration. On sait qu'il y a les jeunes qui font leurs études. Ils viennent chez nous, travaillent les mois d'été, partent. Alors, ça serait toujours continuellement à recommencer, là.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député.
M. Huot: Mais la formation en tant que telle, Action Service, là, vous parlez... vous voudriez la rendre obligatoire pour ceux qui sont trouvés coupables, mais, le contenu, c'est quoi, cette formation-là? C'est quoi, comment ça fonctionne? C'est une journée complète pour le personnel? C'est quoi, exactement?
La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier.
M. Meunier (François): Je vous... j'apprécie beaucoup que vous posiez la question parce que je pense que ça nous permet de démontrer que l'industrie a vraiment adapté en tout cas ses pratiques commerciales visant à assurer un service responsable d'alcool. Et ça ne date pas de l'année passée, ça ne date pas d'il y a deux ans.
J'ai eu la chance... Ça fait 23 ans que je suis à l'ARQ. On a développé, en 1990, un programme de prévention de la conduite avec facultés affaiblies, du matériel pour le... pour l'employeur, pour le personnel. Il y a même une vidéocassette. Si ça vous tente, je peux vous la laisser. Mais aujourd'hui c'est des programmes qui maintenant se sont intégrés dans le programme Action Service d'Éduc'alcool. Le programme Action Service d'Éduc'alcool avait été développé à l'aide de La Ligue de la sécurité du Québec.
À l'époque, c'était un programme de formation, en entreprise, de quatre heures, qui vise à assurer d'outiller adéquatement le personnel qui est en relation avec la clientèle, ceux qui vendent de l'alcool, de s'assurer qu'ils ont les outils nécessaires pour être en mesure d'intervenir adéquatement et de s'assurer que les propriétaires d'établissement adoptent une politique de service responsable de l'alcool.
L'accessibilité...
**(15 h 40)**M. Huot: Êtes-vous en mesure de dire combien, la proportion de vos membres qui ont suivi... sans dire, disons, d'établissements... de personnes parmi les établissements qui ont pu suivre...
M. Meunier (François): Le programme étant géré par Éduc'alcool, je n'ai pas accès aux statistiques. Par contre, je vous dis que, depuis deux ans, ce programme-là est maintenant encore plus accessible, parce que c'est un programme qui est maintenant offert en ligne. Avec l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec. Maintenant, n'importe qui peut se présenter devant son ordinateur et être en mesure de suivre cette formation-là pour un coût relativement abordable, on parle peut-être d'une cinquantaine de dollars, et, en trois ou quatre heures, on est en mesure de faire l'ensemble de la démarche pour obtenir à la fin une accréditation ou une certification plus ou moins officielles comme étant serveur.
Mais il est important de rappeler ce que M. Vincent disait: on a 100 000 personnes, là, qui travaillent dans des établissements avec permis d'alcool, avec un taux de roulement qui est quand même extrêmement élevé. Demain matin, d'imposer à tout le monde une formation comme celle-là, c'est évidemment quelque chose d'irréaliste.
La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier...
M. Meunier (François): Excusez-moi.
La Présidente (Mme Doyer): ...j'ai la douloureuse fonction de vous arrêter, mais je veux vous remercier de votre présentation... mais de l'échange, c'est-à-dire, avec le parti au pouvoir. Et nous allons passer au groupe de l'opposition officielle pour un échange de 19 minutes. Vous allez probablement pouvoir compléter ce que vous vouliez dire. Je l'espère. Alors, à vous la parole, M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Merci, Mme la Présidente. Évidemment, l'objectif qu'on poursuit par ces consultations, c'est d'avoir le maximum d'informations, alors, si vous avez besoin de poursuivre votre réponse dans quelques instants, n'hésitez pas à le faire.
Je pense que ce qui nous préoccupe par rapport au 0,05, c'est quel impact ça peut avoir sur le bilan routier, certes, puis là je vais revenir là-dessus dans quelques instants, mais également sur la capacité d'un conducteur à pouvoir conduire de façon sécuritaire. Puis hier on a eu une discussion absolument fascinante sur les causes de distraction, vous en avez évoqué tout à l'heure: les marmots à l'arrière qui s'agitent un petit peu, on renverse du chocolat chaud ou du café sur ses genoux, tu sais, il y a plein de trucs qui peuvent... on met un CD, on change le poste de la radio, il y a plein de trucs qui peuvent occasionner des distractions passagères. D'aucuns diraient qu'avec l'alcool c'est une... il y a une atteinte aux capacités cognitives sur une plus longue période. Ce n'est pas une... ça n'affecte pas les... ce n'est pas une distraction passagère, c'est une distraction sur une certaine période, un niveau de distraction sur une certaine période.
Ce sur quoi manifestement on ne s'entend pas entre nous puis ce sur quoi on cherche un espèce de modus operandi, c'est qu'est-ce qui doit être mis en oeuvre pour s'assurer que le message passe dans la population, qu'à compter de 0,05 il y a des impacts sur les capacités cognitives, et il faut donc faire attention.
Bon. Alors, vous avez des recommandations. Je vais y revenir dans quelques instants. Mais je veux d'abord... Parce que la ministre nous présente un impact de 8 % sur le nombre de décès, donc 40 décès de moins. Dans votre document, vous parlez de 6 %. À un endroit, vous parlez de cinq décès. Dans notre présentation verbale, vous parlez plutôt d'une vingtaine de décès. Comment est-ce qu'on réconcilie tout ça, là? On n'a pas l'air d'avoir les mêmes chiffres. Alors, moi, je veux bien, là, mais j'ai demandé effectivement à la Société de l'assurance automobile puis au ministère des Transports de nous fournir les études puis ne pas simplement nous lancer des chiffres comme ça, là, on a besoin de savoir sur quoi ça s'appuie, mais malheureusement, dans ce genre de débat, on ne cesse de lancer des chiffres dans toutes les directions comme on l'a fait tout à l'heure avec le tableau de MADD puis le tableau d'Éduc'alcool. Puis l'idée, c'est d'essayer de réconcilier tout ça.
Alors, sur l'impact en termes de décès, encore une fois il semble qu'on ne se rejoigne pas entre les chiffres avancés par la ministre et les vôtres. Alors, comment peut-on expliquer que ces chiffres ne se rejoignent pas?
La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier.
M. Meunier (François): Je vais encore vous mélanger un petit peu.
M. Bergeron: ...
M. Meunier (François): Mais je pense que c'est assez simple. Ce que... du côté de Mme la ministre, on parle d'une réduction possible de 8 %.
Ça, c'est une étude, là, qui a été faite en Europe, avec des corrélations statistiques qui démontrent que le 0,05 peut diminuer le nombre de décès totaux de 8 %. Ce que je vous présente, moi, ce sont des statistiques, c'est des chiffres qui sont issus des rapports de la Société d'assurance automobile. Et je vais vous référer à la page 21 du dernier bilan routier de la SAAQ, et c'est pour ça que je dis que je vais vous mélanger, parce que finalement les cinq décès entre 51 et 80 mg, c'est 2,2 % de tous les décès. Quand je vous dis «six», c'est que, nous, on a enlevé ceux qui avaient zéro pourcentage d'alcool dans le sang. Parce que, quand vous considérez les zéros de taux d'alcoolémie, c'est 153 personnes qui sont décédées, 65,9 % du total; 1 à 50, c'est neuf personnes, 3,9 % du total; 50 à 80, c'est cinq personnes, 2,2 % du total; 80 à 150, c'est 24 personnes, 10,3 personnes... 3 % du total; et 151 mg et plus, c'est 41 personnes, avec 17,7 % du total. Page 21 du bilan routier de la SAAQ.
Alors le «six», c'était pour être davantage transparent. C'est-à-dire prenons juste les gens qui ont... qu'on a identifiés qu'ils avaient de l'alcool. Ceux qui avaient zéro, il n'en ont pas, mais, de un à plus de 151, ça fait un groupe de 232 moins 153. Donc, c'est pour ça que les cinq personnes, ça fait 6 % du total des gens qui ont consommé de l'alcool.
M. Bergeron: Donc, en d'autres termes, Mme la Présidente, si je vous suis bien, c'est que ce que vous dites, c'est que la ministre... le chiffre s'appuie sur une probabilité, un calcul de probabilités, alors que le vôtre s'appuie sur des résultats réels, tangibles: c'est cinq décès qui sont liés, selon vous, à la consommation d'alcool entre 50 mg et 80 mg d'alcool dans le sang.
M. Meunier (François): Ce n'est pas selon nous, c'est selon le bilan de la société...
M. Bergeron: Non, mais, selon ce que... selon les chiffres que vous avez présentés, là.
M. Meunier (François): C'est ça. Tout à fait.
M. Bergeron: O.K., donc ça place les choses dans une perspective.
M. Meunier (François): Oui, tout à fait.
M. Bergeron: Ça nous dit donc que ce n'est pas les 40 personnes. C'est sûr qu'un décès, c'est toujours un décès de trop.
M. Meunier (François): Ce sont... c'est une hypothèse.
M. Bergeron: On est tous d'accord là-dessus. Mais ce n'est pas les 40 décès dont nous parle la ministre. Ce serait plus de l'ordre de cinq décès par année qu'une telle mesure permettrait d'éviter. Je vous suis bien?
M. Meunier (François): Tout à fait.
M. Bergeron: O.K.
Une voix: ...
M. Bergeron: Oui, oui, absolument, absolument. Je sais que vous allez avoir d'autres occasions, Mme la ministre, de pouvoir revenir là-dessus.
Mme la Présidente, il y une citation, je ne crois pas que vous l'ayez livrée de vive voix, mais il y a une citation dans votre mémoire, que j'ai... qui m'a particulièrement attiré, qui a particulièrement attiré mon attention. Parce que je ne sais pas si c'est le calendrier au complet, mais je ne crois pas que nous aurons l'occasion d'entendre des représentants de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec dans le cadre de ces consultations publiques, mais vous faites état de quelques éléments qu'ils ont soumis aux membres de la Commission des transports et de l'environnement en 2007. Et, à la page 15 de votre mémoire, vous citez un passage du mémoire de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec où ils disaient: Puisqu'un taux d'alcoolémie se situant entre 50 et 80 mg d'alcool par 100 ml de sang n'implique pas nécessairement qu'un conducteur aura une conduite erratique ou qu'un véhicule zigzaguera sur la route, le nombre d'interceptions visant à vérifier les facultés de conducteurs devra être accru. Sinon, cette nouvelle disposition risque de ne pas donner les résultats escomptés.
Depuis plusieurs jours, sinon même depuis plusieurs semaines, une des préoccupations qui me... que je mets en évidence par rapport à comment j'analyse, comment j'interprète toute cette problématique... Puis, hier, on nous le disait, ça prend trois composants: sensibilisation, la norme puis les mesures visant son implication. Si on n'est pas capable, à partir de... Un policier est sur le bord de la rue, là, puis là il voit un véhicule. Si tu n'es pas capable, parce qu'il a une conduite un peu erratique, si tu n'es pas capable de déceler que le conducteur a un taux d'alcoolémie entre 50 mg et 80 mg, ça prend d'autres mesures ou ça prend d'autres moyens pour s'assurer qu'on puisse vérifier s'il a entre 50 et 80 mg parce qu'autrement on ne peut pas le savoir.
Donc, de fixer la norme seulement, ce n'est pas une garantie d'efficacité. La meilleure preuve de ça, c'est l'exemple de la Saskatchewan, que vous invoquez, qu'on a invoqué hier, à l'effet qu'on a bien beau avoir mis 0,04 comme norme d'alcoolémie acceptable, ça n'a pas eu un impact aussi positif qu'on aurait pu le souhaiter sur le bilan routier. C'est donc dire que ce n'est pas tout de dire: On va mettre la norme à 0,05, il faut également que le tout s'accompagne d'une campagne de sensibilisation et des mesures pour voir à leur application, et la meilleure façon de l'évoquer, c'est cette citation de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Je vous en prie. Mme la Présidente?
**(15 h 50)**M. Meunier (François): Je veux juste, en complément de ce que... Pour appuyer ce que vous dites, je pourrais les laisser à l'attention des membres de la commission, il y a le cas de la France qui est intéressant à regarder. La France a adopté le taux d'alcoolémie à 0,05 depuis longtemps, et on a réduit de 40 % les accidents de la route entre 2001 et 2007. Or, l'étude que j'ai entre les mains, qui est probablement aussi bonne que celle de la ministre, indique qu'il y a eu une augmentation de 10 % de l'infraction de conduite en état d'ébriété. Et il est clair là-dedans qu'on ne peut... Pourquoi? C'est que la France a investi dans les radars photo, a davantage fait des interventions policières pour s'assurer que les gens réduisent la vitesse mais ne s'est pas préoccupée de la question de la conduite en état d'ébriété. Or, les gens ont continué à sévir sur les routes et ont continué à conduire malgré la baisse du taux d'alcoolémie à 0,05.
La Présidente (Mme Doyer): ...M. Meunier, est-ce que je comprends que vous nous le déposez?
M. Meunier (François): Tout à fait.
Document déposé
La Présidente (Mme Doyer): On va le rendre disponible aux membres de la commission. Merci.
M. Meunier (François): Et là aussi ce sont des hypothèses, des évaluations, mais je pense que c'est aussi intéressant que...
M. Bergeron: Ce que vous me dites, là, bien, excusez, je veux être bien certain d'avoir bien compris puis que nos collègues ont bien compris, ce que vous dites, c'est qu'en France, après avoir mis en oeuvre, depuis bon nombre d'années, le 0,05 de taux d'alcoolémie permis, le bilan routier s'est amélioré de 40 %, mais que le bilan au niveau des infractions quant au taux d'alcoolémie s'est accru de 10 %.
M. Meunier (François): C'est ce qu'indique l'étude que je vous ai laissée.
M. Bergeron: Ce n'est quand même pas négligeable. C'est donc dire que, si on fait juste mettre la norme sans qu'il y ait de sensibilisation puis sans qu'il y ait de mesures comme ils l'ont fait pour la vitesse, ça n'a aucun impact. Parce qu'un autre élément que soulignait le mémoire des policiers, puis en fait c'est plus le... Vous faisiez état d'un sondage de Léger Marketing, qui fait en sorte que tant qu'on a le sentiment qu'on ne se fera pas tester, que le taux... la probabilité qu'on soit testé est faible, c'est là que ça se joue. C'est que le citoyen, il se dit: De toute façon, je peux bien boire, il n'y a personne qui va m'intercepter.
Alors, c'est donc dire que ça corrobore les chiffres que vous nous présentez par rapport à la France.
M. Meunier (François): ...ça, c'est... Il y a plusieurs études qui tendent à démontrer que finalement ce qui a le plus d'impact, c'est la crainte de se faire prendre. C'est ce qui a le plus d'effet pour réduire la conduite en état d'ébriété sur les routes. Et vous avez déposé hier le chiffre en ce qui concerne les récidivistes, mais je vous rappelle que c'est quand même 8 671 personnes qui se sont fait prendre avec un taux d'alcoolémie à 0,08 en 2008, et il y a certainement du travail à faire pour empêcher ces gens-là de prendre le volant, avant de s'attaquer à ceux qui prennent deux verres de vin avec une pizza ce soir. C'est notre raisonnement.
La Présidente (Mme Doyer): ...M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Merci, Mme la Présidente. Si le gouvernement décidait d'appliquer rigoureusement, de façon sérieuse, votre recommandation n° 2, de cibler les conducteurs les plus dangereux, soit ceux conduisant avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite actuellement autorisée, et si le gouvernement mettait en oeuvre de façon rigoureuse votre recommandation 3, d'augmenter de manière significative les contrôles policiers pour faire croître la perception que l'on peut se faire arrêter si l'on conduit après avoir bu plus que la limite permise, si le gouvernement était sérieux, là, si on disait: On ne fait pas juste mettre une norme pour se donner bonne conscience, dire qu'on travaille pour le bien public puis qu'on améliore le bilan routier, mais qu'on prend des mesures... Parce que c'est facile, ça, de dire: On va fixer ça à 0,05, ça ne demande pas grand-chose au gouvernement, mais de devoir s'assurer de sa mise en oeuvre, ça, c'est autre chose.
Mais, si le gouvernement était sérieux puis qu'il mettait en oeuvre votre recommandation n° 2, votre recommandation n° 3, seriez-vous d'accord ou plus d'accord... ou moins en désaccord, devrais-je dire, avec le fait qu'on introduise le 0,05?
La Présidente (Mme Doyer): M. Meunier.
M. Meunier (François): En fait, on juge à ce moment-là que c'est quelque chose qui ne serait pas utile. On est convaincus qu'on va améliorer le bilan routier de manière significative si on applique ces deux recommandations-là et que ça rend non justifié d'aller de l'avant en ce qui concerne le 0,05.
M. Bergeron: Vous êtes convaincus que ça aurait comme impact que les gens ne se rendraient pas à 0,05 de taux d'alcoolémie dans le sang.
M. Meunier (François): Je peux peut-être vous donner un exemple concret, là. On fait souvent des barrages routiers pour l'alcool au volant pendant la période des fêtes, parfois au début de l'été, et souvent ça arrête là. Et vous avez été témoins comme moi ou entendu comme moi des témoignages à l'effet qu'on a tel soir à tel endroit arrêté 2 000 voitures et que finalement une ou deux personnes avaient un taux d'alcoolémie qui dépassait le 0,08. Il y a certainement quelque chose à faire en dehors de ça, de mieux cibler les heures d'intervention, les endroits problématiques. Il y a des gens qui conduisent en état d'ébriété, et finalement personne ne se fait prendre dans les barrages. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, là.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Ça va, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Doyer): Ça va aller? Alors, on passerait au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Shefford.
M. Bonnardel: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Rapidement, je vais essayer de valider, là, les tableaux avec lesquels on a eu donc la documentation tantôt de la ministre sur le fait que, bon, je prends deux consommations, je suis dans un bar, un restaurant, 1 h 30 min, 2 heures, est-ce que je suis à 0,05, à 0,06, 0,07? Je ne le sais pas parce que je n'ai pas de machine pour souffler, dans le restaurant. Puis c'est là que je veux essayer de comprendre, parce que l'aspect financier est un point important auquel vous définissez votre... le fait que vous êtes contre le projet de loi. Vous êtes des restaurateurs depuis longtemps. On prend en considération que les jeudis, vendredis, samedis soir, là, c'est les soirées les plus intéressantes de la semaine. C'est quoi, la tablée moyenne? Bon, premièrement, c'est-u plus des gens à deux qui vont manger, un couple, deux gars, deux filles, des tables à quatre, des tables à six?
Je pense que c'est des tables à deux. Est-ce que je me trompe?
M. Vincent (Mario): Oui, c'est des tables à deux ou des tables à quatre, puis je pourrais répondre. Tout à l'heure, lorsque Mme la ministre a dit, quand elle va... je veux juste...
M. Bonnardel: Est-ce que... Vous allez voir où je veux en venir après ça, là. Je veux essayer de faire une moyenne. Donc là, on est conscient que c'est une table à deux qui est la plus populaire, plus souvent qu'autrement.
M. Vincent (Mario): ...la question.
M. Bonnardel: O.K., une table à deux. Une tablée moyenne, là, dans un restaurant, exemple, de cinq heures à minuit le soir... ou cinq heures à 10 heures, vous faites combien de tablées? Vous êtes cinq, six serveuses, vous avez un 60 places, c'est-u deux? C'est-u trois? Parce que, vous, vous dites: Le couple, là, au bout de 1 h 30 min, là, la facture, on est sur le bord de la donner, 2 heures, puis ils sont partis. C'est quoi, à peu près la tablée moyenne d'un couple ou de deux personnes? C'est-u 1 h 30 min, 2 heures? Comment vous fonctionner, là, dans la restauration?
Une voix: ...
M. Gaudreault (Pierre): C'est environ 1 h 30 min, 2 heures. On a...
M. Bonnardel: C'est à peu près...
Une voix: C'est M. Gaudreault.
M. Bonnardel: Bien, peu importe qui va répondre, allez-y, là. Moi, je veux juste essayer d'accélérer pour être capable de comprendre vos tableaux puis de valider si le fait... là, qu'un couple est vraiment en situation d'ébriété ou ne l'est pas pantoute, là.
M. Vincent (Mario): Ça va dépendre de la soirée. C'est sûr que, si on prend la soirée de la Saint-Valentin, ça va durer plus longtemps, mais, dans le temps normal, moi, je dis que 1 h 30 min, maximum, ça va...
M. Bonnardel: O.K. Ça fait que ça, c'est une moyenne, jeudi, vendredi, samedi, 1 h 30 min, le petit couple est parti. Ils ont pris une bouteille de vin, sûr. La plupart du temps, ils l'ont finie.
M. Vincent (Mario): Mais ce que je voulais répondre tout à l'heure aussi, dire: S'ils sont rien que deux, ils ne peuvent pas amener leur conducteur avec eux.
M. Bonnardel: C'est là où je m'en vais, là, c'est exactement où je m'en vais. Sur le tableau, c'est l'aspect financier. Puis là je vais revenir sur la recommandation 4 du député de Vanier, à savoir l'accompagnement, après ça.
Là, on dit: Donc, une table à deux, plus populaire; 1 h 30 min, les gens sont partis. Ils ont tous pris une bouteille de vin, on s'entend, c'est ça en général... ou monsieur prend deux, trois bières ou madame prend de l'eau. Ça fait que c'est soit le monsieur qui... la madame qui va conduire. Mais en moyenne une bouteille de vin, c'est pris, 1 h 30 min, parti. Donc, si on prend en considération que le tableau qui en moyenne est fait indique deux consommations, deux consommations et demie... vous disiez tantôt: Si madame, monsieur se partagent la bouteille, à deux verres et demi chaque, il y en a un des deux, peut-être plus madame parce que le poids est inférieur, qui... ce qui ne marche pas, là. Ça, on est conscient de ça. Alors, à la base de tout ça, prenez-vous... avez-vous déjà fait donc des sondages, à savoir, dans votre clientèle, demain matin, là, les gens, là, le 0,05 embarque lundi matin, ils vont-u vraiment y aller ou, là, à la question du député de Vanier: Les services de raccompagnement au Québec, y en a-tu assez? Parce que, moi, je vais me dire, je m'en vais manger avec ma blonde, au bout de 2 heures, je le sais, que je suis peut-être un petit peu comme ça parce que j'en ai pris plus qu'elle. Y a-tu un service de...
Des voix: ...
M. Bonnardel: Un petit peu de décorum, s'il vous plaît, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Doyer): On aime vous taquiner, M. le député de Shefford, vous le savez.
M. Bonnardel: Oui, je le sais, Mme la Présidente, mais c'est sérieux, là, on a un projet de loi important pour le Québec. C'est sérieux, là.
La Présidente (Mme Doyer): Oui, oui, c'est sérieux, vous avez raison.
M. Vincent (Mario): ...vécu par expérience, même si on a Tolérance Zéro, c'est sûr que ça ne suffira pas à la demande tout le temps. Ça prend plus d'interventions. Et ça dépend aussi dans quelle région on est, parce que ce n'est pas tout le monde qui ont des services de raccompagnement.
M. Bonnardel: Ça fait qu'on peut certainement considérer aujourd'hui que, le projet de loi, s'il est en place demain matin, là, il n'y a...
M. Vincent (Mario): Ça va nuire, définitivement.
M. Bonnardel: ...nuire définitivement puis qu'il n'y a certainement pas assez de services de raccompagnement au Québec...
M. Vincent (Mario): Non, ça, c'est sûr, sûr.
M. Bonnardel: ...pour se dire: Moi, je m'en vais manger. Peu importe avec qui je suis, je prends une chance de reprendre mon auto.
**(16 heures)**M. Vincent (Mario): Et aussi ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est l'industrie de la restauration qu'on affecte aussi. Puis, comme on dit, on n'est pas pour les... on n'est pas pour le danger sur la route, on ne veut pas ça, là, mais, je veux dire, les gens sont tellement tannés de se faire mettre des réprimandes ou de faire attention qu'ils... on va les encourager à rester chez eux. Ça, je suis certain de ça, par opinion de mes clients, déjà. Parce que je peux vous dire que c'est à peu près la discussion qu'on a le plus, là, présentement, là, depuis quelques jours au point de vue... dans les journaux, n'importe quoi. Et je parle avec des policiers que j'ai à tous les matins au restaurant, chez moi, je parle avec des clients. Eux, ils disent: Comment on va faire? On va arrêter, on va rester chez nous? Qu'est-ce qu'on fait?
M. Bonnardel: ...
La Présidente (Mme Doyer): Dernière question très courte, dernière réponse très courte.
M. Bonnardel: ...oui, rapidement. Ce serait bien, messieurs, pour valider un peu les effets financiers que la position de la ministre... ou que le projet de loi pourrait être adopté rapidement, que vous cibliez une clientèle, que vous mettiez des sondages. C'est certain que ce n'est pas le fun quand vous allez souper puis de remplir un petit papier vite, vite, vite, mais je pense qu'il peut se poser deux questions, à savoir: Le projet de loi rentre en place demain matin, allez-vous venir nous revoir la semaine prochaine ou vous allez avoir besoin absolument d'un service de raccompagnement? Parce que c'est ça, l'enjeu, que vous mettez en place, là, c'est le fait que les gens n'iront plus, on va aller s'acheter une petite bouteille à la SAQ, on va rester à la maison, cocooning, puis on ne fait rien d'autre, là. Ça fait qu'en quelque part, si vous voulez valider encore plus fort le fait que ce projet de loi là, selon moi, ne doit pas être adopté comme il est là aujourd'hui... que vous soyez capables de cibler votre clientèle, leur dire: Bien, voici ce que nos gens répondent en réalité, là.
M. Vincent (Mario): Bien, c'est... Moi, je vous donne les commentaires justement qui ont été dits depuis plusieurs semaines.
M. Bonnardel: Mais c'est toujours mieux, vous le savez, c'est toujours mieux quand on a une étude qui est... Ça, il n'y a rien de mieux que de le déposer au gouvernement, puis dire: Voici ce qu'il en est, ce que nos gens disent. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, je vais terminer votre présentation et l'échange ici. M. Vincent, M. Meunier, M. Gaudreault, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends quelques instants pour permettre au gens de Vélo Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 2)
(Reprise à 16 h 3)
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Pronovost, Mme Lareau, bienvenue à la Commission des transports et de l'environnement. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Peut-être vous présenter avec les fonctions par rapport à votre organisme, Vélo Québec. Bienvenue.
Vélo Québec
Mme Lareau (Suzanne): Merci, madame. Bonjour, Mme la ministre, Mme la Présidente. Mon nom est Suzanne Lareau, je suis présidente-directrice générale de Vélo Québec et je suis accompagnée de mon collègue Jean-François Pronovost, qui est directeur général de Vélo Québec Association. À nous deux, nous cumulons 50 ans d'expérience dans cette organisation.
Je vais donc commencer en vous présentant un peu qui est Vélo Québec. Depuis sa création, en 1967, Vélo Québec fait la promotion du vélo et de la sécurité. Impossible de faire la promotion du vélo sans faire la promotion de la sécurité. Notre organisation a d'ailleurs contribué, en 1979, à l'importante refonte du Code de la sécurité routière en apportant son lot de mesures qui ont enfin donné un statut au vélo, qui était alors considéré comme un jouet pour enfants. Au cours de ces 43 années, l'organisme est demeuré fidèle à sa mission: améliorer la santé, l'environnement et le bien-être des citoyens par la création, la production et la promotion d'activités de biens et de services dans le domaine du vélo et du transport durable.
Acteurs de premier plan dans le développement d'infrastructures cyclables, nous agissons comme experts-conseils auprès de diverses instances québécoises en plus d'être le maître-d'oeuvre de la route verte, un réseau de 4 300 km de voies cyclables. Vélo Québec a en outre contribué à nourrir une véritable culture cycliste dans la province en créant des événements d'envergure comme le Tour de l'île de Montréal. Notre organisation nourrit directement une communauté cycliste de 100 000 personnes qui participent à nos événements et à nos activités. Vélo Québec est devenu, au fil des ans, l'organisation cycliste non seulement la plus importante au Canada, mais la plus importante en Amérique du Nord.
Nous agissons aussi comme conseillers pour la conception de plans de déplacement urbain et l'aménagement de voies cyclables auprès des municipalités. Dans le domaine du transport actif, Vélo Québec a mis sur pied, en 2005, un programme, Mon école à pied, à vélo!, qui fait la promotion du transport actif auprès des jeunes afin de diminuer la navette parentale en automobile entre l'école et la maison. En quatre ans, ce programme a pris beaucoup d'ampleur. Il rejoint aujourd'hui 125 000 personnes, enfants et parents.
C'est donc grâce à notre travail, à l'intervention du gouvernement du Québec et à la collaboration des municipalités que le Québec s'est imposé comme le leader vélo en Amérique du Nord. Nous sommes tellement préoccupés par la sécurité des cyclistes et la création d'environnements favorables à la pratique que nous publions, depuis 1990, des guides techniques d'aménagement des voies cyclables afin d'apporter des solutions concrètes aux problèmes de confort et de sécurité des cyclistes. Nos guides ont été diffusés à travers le Canada et dans plus de 30 pays. Un nouveau guide d'aménagement en faveur des cyclistes et des piétons sera lancé le mois prochain. Cette fois-ci, nous y avons ajouté un volet pour les piétons afin de toucher les deux facettes importantes du transport actif: la marche et le vélo. Qu'est-ce qui distingue le Québec du reste de l'Amérique? Le Québec compte 3,6 millions de cyclistes. 93 % des jeunes de 6 à 17 ans font du vélo. Le taux de cyclistes au Québec est près du double des autres provinces canadiennes et près du triple des États-Unis. On comprend l'envie et l'admiration que suscite le modèle québécois ailleurs au Canada et aux États-Unis, mais comment en sommes-nous arrivés là?
Des actions concrètes, tout d'abord, l'aménagement d'infrastructures cyclistes qui, depuis 30 ans, invite à la pratique sécuritaire du vélo. Le Québec compte plus de 8 000 km de voies cyclables. La deuxième chose, la promotion de la pratique sécuritaire de la bicyclette via la participation des Québécois aux nombreux événements cyclistes qui se déroulent sur son territoire.
Il y a donc une véritable culture du vélo qui s'est développée au Québec, et c'est cela l'approche québécoise, une approche progressiste basée sur des environnements favorables à la pratique et une animation cycliste sans précédent, qui donne une image positive du vélo.
La Présidente (Mme Doyer): ...Mme Lareau. M. Pronovost.
M. Pronovost (Jean-François): Alors, pour la quatrième fois en 17 ans, Vélo Québec se prononce en consultations gouvernementales sur une question prioritaire pour nous depuis notre fondation: la sécurité des cyclistes. Le projet de loi n° 71 a été déposé le jour où la Table québécoise sur la sécurité routière divulguait ses recommandations. Plusieurs de ces recommandations auraient réellement modernisé le Code de la sécurité routière, mais plusieurs n'ont pas été retenues. Pensons seulement à l'idée du Code de la rue ou au principe de prudence. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Le projet de loi remet à l'ordre du jour le port obligatoire du casque, alors que le port du casque n'a cessé de progresser, depuis 15 ans, au Québec, et ce, sans législation. Au-delà des quatre consultations qui ont eu lieu sur le sujet, la position de Vélo Québec est claire et inchangée: nous favorisons le port du casque chez les cyclistes, mais l'avenue législative ou réglementaire est une fausse piste. Il paraît utile de mettre en contexte le projet de loi. Le port obligatoire du casque pour les cyclistes, quel que soit leur âge, n'est pas un phénomène mondial auquel le Québec isolé, rebelle ou d'arrière-garde serait le seul à résister. Seuls deux pays, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont rendu le casque obligatoire pour tous, en tout temps, sur l'ensemble de leurs territoires. Quelques États américains et provinces canadiennes ont aussi adopté des règlements, les uns pour les cyclistes de moins de huit ans, les autres pour les moins de 12 ans, les moins de 16 ans ou les moins de 18 ans. La France, qui a récemment jonglé avec cette idée au cours de la dernière année, a reculé. Face aux effets négatifs d'une telle mesure, l'État français a jugé qu'il valait mieux calmer la circulation générale que d'obliger le port du casque à vélo, et cela, au moyen de la réduction des limites de vitesse et l'introduction de mesures d'apaisement dans les agglomérations.
Revenons à la question soulevée par ce projet de loi: Faut-il aujourd'hui légiférer pour rendre obligatoire le port du casque chez les cyclistes de 12 ans et moins? Toute personne qui répond à cette question a instinctivement en tête et à coeur la santé des enfants et leur sécurité. Une telle préoccupation est légitime et elle guide d'ailleurs l'intervention de Vélo Québec. Est-ce qu'une dramatique recrudescence du nombre d'accidents chez les cyclistes de moins de 12 ans serait à l'origine de l'intervention du ministère des Transports? Aucunement. Selon les données de la Société d'assurance automobile, le nombre de cyclistes de moins de 15 ans blessés gravement ou décédés a chuté de plus de la moitié, de la fin des années quatre-vingt au début des années 2000. Mieux encore, les données récentes indiquent une nouvelle baisse des blessés graves ou décès de plus de 50 % pour la période de 2005 à 2008.
**(16 h 10)** A-t-on démontré hors de tout doute que le port du casque aurait pu, dans la majorité des cas, sauver des vies ou prévenir des blessures graves? Pas du tout. Compte tenu des mises en garde des manufacturiers, on peut supposer qu'un casque offre une protection limitée lors d'un impact impliquant un véhicule qui se déplace à des vitesses supérieures à 25, 30 ou 40 kilomètres-heure.
Revenons donc à l'enjeu premier: Pourquoi une loi? En fait, le taux de port du casque est en augmentation constante au Québec. Selon les données de la SAAQ, il serait d'environ 40 %. Dans L'état du vélo au Québecen 2005, un document qui s'appuie sur les statistiques de la SAAQ, on constate que le taux de port du casque chez les cyclistes québécois se situe autour de 25 %, de 1996 à 2000. Il passe ensuite à 29 % de 2002... en 2002 et à 37 % en 2004, sans aucune mesure contraignante ou sans... et sans que la SAAQ entreprenne de campagne majeure sur le port du casque. Une telle progression invite plutôt l'observateur à l'optimisme. Les enfants se montrent-ils plus réfractaires au port du casque à vélo que les adultes? Pas vraiment, puisque le taux de port du casque atteint 66 % chez les enfants de moins de cinq ans, et, chez les enfants de 6 à 9 ans, on estime ce pourcentage à 60 %. Là encore, il s'agit d'une hausse appréciable depuis le début de la décennie, cette fois, de 9 %.
Face à des résultats aussi positifs, doit-on vraiment se montrer coercitif? Ne fait-on pas des gains évidents? Est-ce que, parce que des villes étrangères, où le vélo atteint des sommets de popularité, comme Copenhague, Amsterdam ou Munich... le port du casque est obligatoire ou que cette mesure a donné des résultats qui constituent une incontestable référence? Il n'en est rien, puisque le casque n'est obligatoire ni à Copenhague, ni à Amsterdam, ni à Munich, où on compte des parts modales à vélo de l'ordre de 25 % à 30 %. Donc, véhicule: moyen de transport.
Enfin, on dit qu'une image vaut mille mots, donc je vous propose celle-ci: un des fleurons de la pratique populaire du vélo, le Tour de l'île de Montréal, l'illustre bien, au fil des ans. Près de... maintenant on constate environ 80 % de taux de port du casque. On est un peu loin pour le faire circuler, mais ça me fera plaisir que vous les regardiez tout à l'heure. Donc, on a fait un petit exercice.
La Présidente (Mme Doyer): ...M. Pronovost.
M. Pronovost (Jean-François): 1985, 1992, 2000, 2009. Une image vaut mille mots. Sans aucune obligation ou quoi que ce soit, on voit que, quand les 200 000 Québécois qui participent dans des événements organisés chaque année... comment ils portent le casque protecteur.
La Présidente (Mme Doyer): ...une minute.
M. Pronovost (Jean-François): Merci.
Mme Lareau (Suzanne): Une loi obligeant le port du casque: une fausse bonne idée.
Tout d'abord, il faut miser sur la prévention des accidents. C'est le point le plus important, puisque le casque a une protection très limitée. Deuxième chose, une loi égale baisse de la pratique cycliste, et ici on a des chiffres extrêmement troublants. En Australie, la loi a passé en 1971, et, selon les données du gouvernement australien, en 2005-2006, 6 % de la population australienne fait du vélo. Au Québec, c'est 54 %. Si on se réfère à la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Zélande a passé une loi, et là j'ai les chiffres du ministère des Transports de la Nouvelle-Zélande. La loi est entrée en vigueur en 1994. Le temps hebdomadaire consacré à la pratique de la bicyclette a diminué de moitié dans l'ensemble de la population entre 1989 et 2007. Chez les enfants de 5-12 ans, en 1989, ils faisaient en moyenne 28 minutes de vélo par semaine et, en 2007, 9 minutes de vélo par semaine; chez les 13-17 ans, 52 minutes de vélo par semaine en 1989; en 2007, 13 minutes de vélo par semaine. En Alberta, la loi exige le port du casque chez les moins de 18 ans depuis 2002. Entre 2000 et 2004, il y a eu une baisse de 59 % du nombre d'enfants qui utilisent le vélo et de 41 % chez les adolescents.
Ceux qui doutent de l'impact d'une loi sur la baisse de la pratique... ces chiffres sont révélateurs et extrêmement troublants.
De plus, une loi comme celle-ci est tout à fait inapplicable. Verra-t-on un policier courir après un enfant de 11 ans non casqué plutôt que de courir après un automobiliste qui vient de brûler un feu rouge à 70 kilomètres-heure?
La Présidente (Mme Doyer): Mme Lareau, je vous inviterais à compléter, et avec les échanges vous allez pouvoir probablement donner de...
Mme Lareau (Suzanne): Parfait. D'accord. En complétant, Vélo Québec veut des mesures positives et progressistes. Le Québec a fait des pas de géant, on fait l'envie en Amérique du Nord avec la pratique cycliste et avec la culture cycliste qui s'est instaurée. Et on a réussi tout ça avec des mesures en valorisant le vélo sans obligation, sans répression mais en passant toujours des messages de sécurité. Pour nous, les deux choses les plus importantes: les environnements favorables à la pratique et la sensibilisation des cyclistes et de tous les usagers de la route.
Il y a des mesures extrêmement inspirantes en Europe, comme le Code de la rue, qui pourrait... dont on pourrait s'inspirer pour pouvoir enrichir notre Code de la sécurité routière. Nous avons au Québec une richesse collective. Notre culture cycliste, nous devons la protéger et nous devons la faire fructifier.
La Présidente (Mme Doyer): Merci beaucoup, Mme Lareau, M. Pronovost. Alors, je vais donner la parole à Mme la ministre pour un échange, avec le groupe Vélo Québec, de 24 minutes.
Mme Boulet: O.K. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, Mme Lareau, M. Pronovost, pour votre visite à la commission. Alors, je tiens à rappeler ici pour les bénéfices de ceux qui nous écoutent qu'ici on ne parle pas, dans le projet de loi, d'obligation à porter le casque, c'est un pouvoir de réglementer, donc. Et même on s'est engagés, Vélo Québec sait ça, on s'est engagés, pendant un an, à faire la promotion du port du casque, mais pas rien que du port du casque, à bien se comporter tout en respectant le Code de la sécurité routière quand on est un cycliste.
Alors, on s'est engagés à faire une campagne particulière pour les gens, les cyclistes, les gens qui se promènent à vélo pour qu'ils aient un comportement plus responsable, qu'ils aient un comportement plus respectueux du Code de la sécurité. Et, si, dans un an, il n'y avait pas d'amélioration au niveau du port du casque chez les jeunes enfants... Parce qu'on ne parle pas ici de tous les adultes, mais on pense que les enfants de 12 ans et moins sont particulièrement à risque parce que c'est des jeunes enfants. Si les parents n'ont pas la sagesse de les obliger à porter un casque, on pense que ces enfants-là sont... Puis on a toutes les statistiques qui démontrent qu'il y a beaucoup de traumatismes crâniens, que ce sont une clientèle qui est grandement touchée au niveau des traumatismes crâniens.
Donc, c'était dans le sens de dire: Si, après un an, la campagne de sensibilisation n'a pas donné les résultats, est-ce qu'on pourrait aller dans le sens d'une réglementation?
Maintenant, Mme la Présidente, si vous me permettez, avant de commencer, je vais laisser à Mme St-Cyr le soin de répondre, là, juste sur deux éléments rapidement, là, soulevés par le groupe précédent, là, juste pour le tableau, là. Ou on peut revenir après, je ne sais pas comment que vous... J'aimerais ça juste répondre. Tantôt, elle va prendre...
Une voix: ...
Mme Boulet: C'est ça, oui, tout à fait, alors elle va prendre un petit peu de temps pour répondre tantôt.
La Présidente (Mme Doyer): Oui, et avec le consentement...
Mme Boulet: Oui, tout à fait.
La Présidente (Mme Doyer): ...des collègues. Ça va? Allez-y.
Mme St-Cyr (Johanne): Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Mme Boulet: Elle a toutes les études, d'ailleurs, Mme St-Cyr a toutes les études.
La Présidente (Mme Doyer): Puis peut-être vous présenter puis...
Mme St-Cyr (Johanne): Oui. Je suis Johanne St-Cyr, vice-présidente, Sécurité routière, à la Société de l'assurance automobile du Québec. Avec votre permission, madame, j'aimerais, d'une part, déposer les études qui ont été demandées hier. J'en ferais une énumération très rapide, sans les titres, mais juste pour vous dire en gros ce que c'est.
Dans un premier temps, vous trouverez un document qui fait état de ce qui existe dans les différentes provinces canadiennes en matière de lutte, là, aux capacités affaiblies, de mesures contre les capacités de conduite affaiblies. Vous y trouverez l'étude dans laquelle on parle de la diminution totale des décès de 8 %. C'est une statistique qui est revenue très souvent. On y voit aussi un résumé des législations. C'est un extrait d'une publication de MADD, qui a trait aux législations existantes au Canada. On y trouvera également les résultats d'une étude, qui a été faite, sur le rôle de l'alcool et des autres drogues dans les accidents mortels de la route au Québec, une autre étude sur l'intoxication par le cannabis, une autre qui a trait aux risques liés à l'alcool, et les accidents, une autre qui a trait à l'impact de la diminution de la mesure du niveau d'alcoolémie en Australie, d'autres études d'impact également de différents pays et une qui aura trait aux effets de l'alcool comme tel sur le corps, des effets, différents effets.
La Présidente (Mme Doyer): ...que vous nous déposez toutes ces études...
Mme St-Cyr (Johanne): Oui, madame.
La Présidente (Mme Doyer): ...pour les rendre accessibles aux collègues de la commission.
Mme St-Cyr (Johanne): Absolument.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, je les reçois officiellement. Et nous allons continuer l'échange avec le groupe qu'on reçoit. Merci, madame.
Mme St-Cyr (Johanne): Et la dernière étude a trait... c'est l'avis de la santé... l'institut de santé publique, dont il sera question lors de leur présence, mais c'est sur cet avis-là notamment que la table québécoise s'était appuyée pour faire ses recommandations.
Quant au tableau de la SAAQ, Mme la Présidente, dont il était question tout à l'heure, je souhaiterais le déposer aussi, l'extrait. Vous pourrez y constater que les cinq décès dont il est question, ce n'est pas cinq décès par rapport aux 557 décès ou 600 quelques décès de l'année 2007, mais bien cinq décès par rapport aux 153 décès qui ont été l'objet d'une investigation par le coroner. Alors, c'était juste pour nuancer, là: quand le coroner fait un examen...
Une voix: ...
La Présidente (Mme Doyer): Alors, je reçois...
Mme St-Cyr (Johanne): ...le pourcentage ne change pas nécessairement, mais ce n'est pas quand... parce qu'on mettait un petit peu en opposition le 8 % et le 2 %. Alors, c'était juste pour vous dire: Ce tableau-là, il fait état du nombre de personnes qui ont été investiguées par le coroner, là, des conducteurs...
M. Bergeron: ...
**(16 h 20)**Mme St-Cyr (Johanne): Mais c'est parce que, là, quand on parle du 8 %, 8 % de diminution du décès, c'est en fonction d'une étude qui a été faite. Et toutes les études qui sont déposées là, à l'exception des recensions, naturellement qui font état des législations canadiennes, ce sont des études scientifiques qui ont été approuvées par des comités de pairs.
Documents déposés
La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci. Je reçois officiellement tout ce que vous nous avez remis, et on continue l'échange avec les gens qu'on reçoit, Mme la...
Mme Boulet: Alors, j'aurais une simple question. Après, je vais laisser la place à mes collègues.
Alors, essentiellement, ce que je voudrais faire... On a les données qui nous disent que les blessures à la tête sont à l'origine de 60 % des décès associés aux accidents des cyclistes, que les jeunes de 15 ans et moins sont deux fois plus élevés... ces accidents-là, deux fois plus élevés. Un cycliste qui ne porte pas son casque court 14 fois plus de risques en cas d'accident que celui-ci s'avère fatal. On a l'institut de la santé publique du Québec qui est d'accord avec le pouvoir réglementaire et on a également la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, en fait, SécuriJeunes. On a, en tout cas, on a beaucoup d'organismes, là, qui sont là, même la fédération des cyclistes du Québec. Alors, j'aimerais juste savoir pourquoi tous ces gens-là sont pour, parce que ce sont chez des jeunes enfants, en sachant également que plusieurs provinces... Tantôt vous parliez des pays qui n'ont pas réglementé. Moi, j'ai ici la liste des pays qui ont réglementé, je peux vous les nommer, et il y a six provinces sur dix, il y en a, puis il y a plein de pays, là, qui ont réglementé, même chez les adultes.
Alors, pourquoi tous ces gens-là pensent que c'est mieux, surtout quand on parle des médecins? Si les médecins pensent que c'est important parce qu'à l'urgence ils voient beaucoup de jeunes enfants arriver avec des traumatismes crâniens importants, qui, on le sait, un traumatisme crânien laisse des séquelles... Alors, les enfants qui ne décèdent pas gardent des séquelles, des fois, très importantes au niveau de la coordination.
Alors, ma question toute simple: Comment peut-on s'opposer au fait qu'on protège la tête et la vie de nos jeunes enfants?
La Présidente (Mme Doyer): Mme Lareau.
Mme Lareau (Suzanne): Vélo Québec ne s'oppose pas à la promotion ni au casque, Vélo Québec s'oppose à une loi. Ce n'est pas parce qu'on va avoir une loi que, demain, 100 % des gens vont le porter. C'est faux. Mais ce qu'il faut regarder, c'est la balance des inconvénients qu'une loi peut apporter. Et, quand je parle tantôt que le Québec a vraiment une culture cycliste très particulière, où il y a le double de cyclistes au Québec, comparé aux autres provinces canadiennes, et le triple aux États-Unis, je m'excuse, je ne trouve pas que les provinces canadiennes qui ont passé des réglementations sont des exemples à suivre.
Mais je voudrais revenir à quelque chose que vous avez dit tantôt, Mme Boulet. On vous avait rencontrée cet automne et on vous avait dit... vous nous aviez dit: On va, dans la prochaine année, faire une campagne de sécurité. On vous transmis, au mois de décembre, donc... on vous a dit ce qui était important. Quand on parle de sécurité aux cyclistes, ce n'est pas juste leur dire: Porte un casque. La sécurité, c'est global: c'est le comportement, c'est le respect des règles de la sécurité tourière, c'est rouler de façon responsable. Le casque, c'est une pièce d'équipement, mais ça ne suffit pas à protéger un cycliste. Et on vous a dit: Si vous souhaitez faire une campagne de sécurité, ne la faites pas juste sur le port du casque, mais faites-la sur l'ensemble des mesures qui vont réellement contribuer à la sécurité d'un cycliste. Vous nous... Vous vous étiez montrée ouverte à ça, on vous a envoyé nos recommandations, mais ici j'ai reçu une lettre, du 21 janvier 2010, de la Société d'assurance automobile du Québec, qui m'a dit encore une fois, pour la énième fois: «Ainsi, la Société travaille présentement à l'élaboration d'une campagne de sensibilisation au port du casque qui se tiendra au cours des prochains mois.» Encore une fois, la SAAQ nous prouve qu'elle ne s'intéresse pas à faire la promotion des éléments qui vont contribuer réellement à la sécurité des cyclistes, autre chose que le port du casque. Arrêtons de penser que le casque, c'est la panacée. Le casque, c'est une pièce d'équipement qui protège le dessus de la tête en cas de chute. Oui, ça peut être utile, mais ce qu'il faut faire, c'est travailler à la prévention des accidents. C'est la chose la plus importante. Et la prévention des accidents, c'est la création d'environnements favorables à la pratique, c'est la réduction de la vitesse des voitures en ville et c'est le respect du Code de la sécurité routière par tous les usagers de la route. C'est ça, les enjeux de la sécurité des cyclistes. Ce n'est pas juste de porter un casque, et, vlan, la question est close, et on a fini le débat.
C'est se leurrer si on pense que, d'obliger le port du casque chez les enfants, on vient de régler la sécurité des cyclistes. C'est se leurrer.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, Mme Lareau. M. le député de Chomedey.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Merci d'être là. Je vois que vous défendez votre dossier aussi avec beaucoup de passion, et on reçoit vos arguments, mais je veux vous entendre, moi, sur une autre chose. On parle beaucoup de prévention.
Des voix: ...
M. Ouellette: Non, je veux vous entendre sur une autre chose. C'est que dans la loi, vous avez sûrement lu le projet de loi n° 71... et, à son article 44, on parle de «permettre la circulation à contresens de bicyclettes, sur toute [...] partie d'une voie de circulation à sens unique d'un chemin public dont l'entretien est à sa charge». En tout cas, là, je vous fais grâce des détails.
Donc, si le projet de loi n° 71 est adopté tel quel, on permettrait, à certains endroits, la circulation des bicyclettes à contresens. Vous venez de me parler de prévention, vous venez de nous parler de prévention, vous venez de nous parler de campagnes de sensibilisation, la sécurité, puis tout ça, puis j'adhère à ça totalement. Ça fait deux jours qu'on en discute, mon collègue de Verchères et moi, et on se taquine beaucoup, mais on partage beaucoup d'idées dans beaucoup de domaines. Je veux voir, je veux vous entendre, quelle est votre position ou si vous avez regardé, entre autres, cette disposition-là, qui est dans le projet de loi n° 71, là, parce que ça va être un changement majeur pour les automobilistes qui roulent sur les sens uniques de voir arriver des... des bicycles, là, légalement en face d'eux autres.
Là, ça va amener toute une nouvelle dynamique, puis je veux avoir votre opinion là-dessus.
La Présidente (Mme Doyer): M. Pronovost.
M. Pronovost (Jean-François): Oui, M. le député. Donc, vous avez exactement la réaction que je craignais avec la mesure telle qu'elle est présentée actuellement dans le projet. Ça a été fait de façon assez précipitée, j'ai l'impression.
C'est une mesure qui existe ailleurs. Elle existe déjà, actuellement, dans quelques rues de Montréal, avec un marquage spécial sur la chaussée et une signalisation sur des rues locales où il y a très peu de circulation et très peu de mouvement de véhicules qui se stationnent et se déstationnenent. Donc, c'est... on parle, là, de situations... on est dans des environnements où il y a très peu de circulation, sens uniques, et, à un moment donné, pour quelqu'un à vélo ça permet de rejoindre deux liens cyclables ou deux pôles d'attraction, etc. Donc, ce n'est pas une mesure qui s'implante sur une route rurale ou sur un chemin à 70 kilomètres-heure, ou tout ça. Donc, ça a été très, très mal présenté, ce cas-là, et c'est une mesure qui... Nous, ce que nous avions proposé, c'est qu'elle soit... que... qu'il y ait des paramètres qui soient définis, ce qui a... ce qui n'a pas été fait, et que ce soit une mesure appliquée, comme le Code de la route est appliqué, à la grandeur du Québec, donc que ce ne soit pas une décision qui devient locale, c'est-à-dire qu'on fait en sorte que dans certaines conditions on permet ce type d'aménagement là avec la... avec les marquages et la signalisation qui doit être assortie avec un aménagement de ce type-là.
Mme Lareau (Suzanne): ...où il y a le plus de cyclistes, on pense à la Belgique, on pense à l'Allemagne, on pense à l'Europe du Nord, c'est une mesure qui est en vigueur dans ces pays-là. On s'est inspirés de ce qui se fait dans ces pays-là pour amener ça à la table de la sécurité routière.
M. Pronovost (Jean-François): Oui, mais, rassurez-vous, c'est vraiment dans des contextes très, très, très précis, comme je vous dis: vitesse très lente, des rues résidentielles, peu de mouvement de véhicules. Et l'expérience déjà qui existe à Montréal depuis plus de deux ans... depuis trois ans est très positive. Donc, ça fonctionne très, très bien.
Le Président (M. Huot): M. le député de Chomedey.
M. Ouellette: M. le Président, on nous habitue à des surprises depuis deux jours. Donc, si je suis votre raisonnement, et je vous ai écoutés attentivement, le libellé de 44, tel qu'il est là, pour nous qui aurons à légiférer, dans un futur très proche, sur le libellé de cet article-là, vous nous dites qu'il aurait besoin d'être amendé?
M. Pronovost (Jean-François): ...disons, un peu mieux présenté, à mon avis, là, avec tout le respect que j'ai pour l'institution.
M. Ouellette: J'aurais, M. le Président, j'aurais quasiment le goût de vous demander de nous faire des suggestions, de nous écrire, à la commission, de nous faire une suggestion en fonction, parce qu'à Montréal j'étais fort conscient, parce que ça se fait, ça se voit, etc., mais, quand on va mettre une disposition dans le Code de la sécurité routière, ça ne sera écrit juste pour Montréal. Donc, on peut compter sur vous pour nous faire des suggestions quand même assez rapides pour qu'on soit en mesure, quand on légiférera sur cet article-là, de le faire de la façon la plus éclairée possible.
M. Pronovost (Jean-François): Tout à fait.
M. Ouellette: Merci.
Le Président (M. Huot): Merci. Je reconnais maintenant le député d'Orford.
**(16 h 30)**M. Reid: Merci, M. le Président. Bonjour. Je suis cycliste, peut-être un petit peu moins depuis deux ans parce que j'attends que mon petit gars, mon nouveau-né pousse, pour en faire davantage.
J'ai fait beaucoup de vélo et j'ai soutenu dans mon comté les efforts qui ont été faits, notamment Les Sentiers Massawippi, qui reçoivent, depuis que je suis député, des montants importants, dans mon soutien à l'action bénévole, et donc ça veut dire que je considère que c'est plus important qu'un certain nombre d'autres demandes des groupes communautaires, de même que les efforts que je fais avec les gens pour rejoindre la route verte.
Et je dois vous dire que je suis un petit peu surpris, là, de votre position. J'ai un peu de... J'ai un certain malaise d'ailleurs par rapport au fait que preniez cette position-là, d'autant plus que je vous ai entendus dire tantôt, à moins que j'aie mal compris, que le casque n'offrait qu'une protection limitée. Moi, plus jeune, je ne prenais pas de casque, et, quand j'ai recommencé à faire du vélo sérieusement, quand je veux dire «sérieusement», c'est au moins plusieurs milliers de kilomètres par année, là, ou plusieurs cols par année, c'est un ami médecin qui m'a persuadé que le casque, c'était quelque chose qui était essentiel et que ça pouvait me sauver la vie ou en tout cas m'empêcher d'être légume le reste de mes jours si jamais j'avais un accident. Ça m'a convaincu, et, depuis ce temps-là, j'en ai convaincu beaucoup d'autres. Et, pour moi, le casque, ce n'est pas une protection très limitée. Et j'espère que j'ai mal compris.
Moi, je suis un peu surpris de votre position parce que, d'une part, là, il semble assez évident, c'est même des médecins qui le disent, que, si on rend obligatoire le port du casque pour les enfants, on aura des vies sauvées chez nos enfants. On peut dire, comme j'ai entendu tantôt, que, bon, bien ce n'est pas tout le monde qui va le porter, qu'on ne mettra pas les policiers à courir après tous les enfants qui n'auront pas de casque. Je comprends tout ça. Mais, si on prend, par exemple, un exemple, dans le passé, de quelque chose pour lequel il y a des similitudes, là, la ceinture de sécurité, par exemple, les études qui ont été faites à cette époque, où on a rendu la ceinture de sécurité obligatoire, si mes informations sont exactes, on plafonnait environ à 40 % de personnes qui mettaient leur ceinture de sécurité. Est-ce qu'aujourd'hui on a tout le monde qui met la ceinture de sécurité? On sait tous que non. Mais les études qui ont été faites montrent que, déjà depuis de nombreuses années, on a plus de 70 % maintenant des personnes, on a presque doublé le nombre de personnes, qui portent des ceintures de sécurité. C'est sûr qu'on a sauvé des centaines, peut-être des milliers de vies avec ça.
Et donc, moi, j'ai un peu de malaise avec des arguments qui me semblent un peu faibles, du moins en tout cas en rapport avec des informations, des faits comme ceux qui touchent à la ceinture de sécurité.
Et ce que j'ai aussi entendu, c'est qu'il y aurait une baisse. Bon, bien, nous, on est très fiers au Québec, là, puis on est bien contents, puis j'imagine que vous êtes encore plus fiers que tout le monde au Québec du fait qu'on a une grande fréquentation. C'est sûr que, si vous voyez quelque chose qui a un impact négatif sur la fréquentation, parce que ça en a eu ailleurs... Et d'ailleurs ce que j'ai pu avoir comme information, c'est que ce qu'il y avait eu ailleurs comme baisse de fréquentation, ça s'est... c'est revenu avec le temps, et il y a comme un choix à faire, là, et à faire entre plus de monde, et on est fier qu'il y ait plus de monde, puis on ne serait peut-être pas fier s'il y avait une baisse, et la sécurité. Et, moi, mon malaise, honnêtement, il vient du fait que... dans le doute, de quel côté penche-t-on? Et, moi, honnêtement, votre organisme, j'ai toujours trouvé que... j'ai toujours pensé que, dans un doute comme celui-là, vous pencheriez du côté de la sécurité, et là ce n'est pas ce que je vois. Et j'avoue que j'ai un petit malaise avec ça, j'aime mieux vous le dire.
Et j'aimerais vous demander: Est-ce que, par exemple, vous connaissez des faits, ces faits-là sur la ceinture de sécurité? Les éléments que ça a eus de rendre obligatoire la ceinture de sécurité, ça n'a pas causé... ça a causé au début, les premières fois, quelques amendes assez désagréables, ce qui m'est arrivé: mes deux filles en arrière, en plein milieu du parc des Laurentides, n'étaient pas attachées, et ça m'a coûté des sous. On recule assez loin dans le temps, mais il reste que la démonstration a été faite qu'on a sauvé des vies, par année, de nombreuses, de nombreuses vies grâce à ça.
Et, à la lumière de ces faits-là, ça ne vous dérange pas plus que ça de prendre votre position?
Une voix: ...
Mme Lareau (Suzanne): Bien, tout d'abord, la question de la sécurité, on est préoccupés par la sécurité, extrêmement préoccupés, la sécurité, c'est... ça fait partie de notre travail, et tout le travail qu'on a fait... était tout le temps là.
Là où on ne s'entend pas, c'est... bon, je reviens sur deux choses: tout d'abord, la ceinture de sécurité et le casque, ce n'est pas la même chose. Vous embarquez dans une voiture, la ceinture de sécurité, elle fait partie du véhicule, elle empêche le corps effectivement de pouvoir être expulsé de la voiture. Il y a eu des preuves là-dessus, sur l'efficacité. En ce moment, je peux vous dire une chose, il n'y a pas eu d'étude qui prouve l'efficacité du casque. Et ça, vous en sortirez, je vous le jure, il n'y a pas eu d'étude qui prouve ça. Deuxième chose, le casque n'est donc... c'est une pièce d'équipement que vous apportez et que vous pouvez oublier. Et ça, c'est extrêmement important. Deuxième chose, quand je vous ai dit tantôt: Le casque, ce n'est pas une protection à tout effet, c'est vrai. Le casque...
Une voix: ...
Mme Lareau (Suzanne): Très limité, c'est vrai, monsieur, parce que, si une voiture vous rentre à 60 kilomètres-heure, casque pas casque, vous y passez. Et ça, là-dessus les médecins le savent très bien, et, oui, c'est vrai. Donc, c'est ce qui fait que, quand on parle de sécurité, ce qui nous préoccupe, nous, c'est la question des environnements favorables à la pratique et la prévention des accidents. C'est ça, les données qui sont importantes.
Une voix: ...mais, écoutez...
Mme Lareau (Suzanne): On fait la promotion du casque dans nos activités. On fait la promotion du casque dans tout ce qu'on fait, mais on est contre une obligation qui aurait des effets, des inconvénients majeurs. Si on pense qu'au Québec on peut se permettre de perdre des gens qui sont actifs physiquement en faisant du vélo, je pense qu'on fait fausse route.
M. Reid: Écoutez, là, je ne veux pas être impoli, mais vous me dites des choses, là, que je suis vraiment surpris des arguments que vous prenez. C'est comme si, moi, je vous disais: La ceinture de sécurité... Tu sais, vous dites, là: Bon, si une auto te rentre dedans à 70 kilomètres à l'heure, ça ne te protègera pas, le casque.
C'est comme si vous me disiez que, si, je ne sais pas, moi, si un autobus écrase mon auto complètement, fait de la bouillie avec, la ceinture de sécurité ne me protégera pas. C'est bien vrai. Mais ce n'est pas sur cet exemple-là qu'on va avoir des gains de vies, là, c'est sur des exemples qui sont autres.
Mme Lareau (Suzanne): ...
M. Reid: Et je suis très, très surpris de votre attitude. Moi, honnêtement, je vous dirai, là, avec ce que vous représentez, je suis très surpris de votre attitude par rapport à ça, au niveau de la sécurité. Vous me dites, là... vous donnez un exemple qui, honnêtement, ne convaincra personne, que le casque est une protection limitée. Le casque est une protection, j'ai bien compris, moi, puis c'est léger, puis etc., mais, quand on tombe sur la tête, là c'est là qu'on peut éviter un traumatisme crânien. C'est pour ça que je le porte puis que je l'ai porté partout, dans des grosses chaleurs, même dans des cols que je n'étais pas capable de monter à plus que 6 kilomètres à l'heure, des bouts, dans les Pyrénées ou dans les Alpes. Mais je l'ai gardé pour ça. Et il me semble que ce n'est pas une protection limitée, ce n'est pas rien.
Moi, je ne comprends pas que vous réduisiez l'effet du casque pour amener votre argumentation. Donnez-moi des arguments meilleurs que ça, franchement.
La Présidente (Mme Doyer): M. Pronovost.
M. Pronovost (Jean-François): M. Reid, quand on parle de l'efficacité du casque, c'est sûr que, dans certaines conditions, ça peut prévenir des blessures, des traumatismes, puis, dans d'autres, non. Bon. Ça, je pense que...
M. Reid: ...
M. Pronovost (Jean-François): Bon. C'est ça, exactement. Sur la question: Mais est-ce qu'il faut une loi pour montrer aux gens comment porter le casque et le porter?, on a vu qu'à partir du moment où on multiplie les occasions pour les gens de rouler avec des amis, en groupe, dans des événements, tout ça, on crée une émulation qui agit au niveau de l'amélioration des équipements en général. Quand vous regardez... il y a 15 ans, par exemple, les gens se présentaient au Tour de l'île ou dans d'autres événements ici, à Québec, Le Tour de l'Île d'Orléans, tout ça, les gens se présentaient avec des vélos organisés tant bien que mal. S'ils annonçaient la pluie, vous découvriez que les gens avaient un sac à déchets qu'ils perçaient de chaque bord pour s'abriter. Donc, les événements, la participation, les sorties en club, et tout ça, ont fait que ça a beaucoup fait progresser l'amélioration des équipements et, par le fait même, le port du casque.
Donc, nous, on se dit qu'on prend le pari de continuer de miser sur l'émulation, sur l'imitation de... sur le fait que les gens s'influencent plutôt que d'avoir une loi, que de toute façon l'État ne pourra pas appliquer. Bon. Alors...
M. Reid: J'aimerais avoir votre réaction, avant de ne plus avoir aucun temps, là, sur la question que j'ai posée tantôt. Parce que, là, ce que vous dites, c'est... ça revient à dire, à toutes fins pratiques: La prévention, l'éducation, etc., c'est suffisant pour en arriver à avoir une bonne couverture. Et ma question, c'est: À la lumière des faits, qui se sont passés il y a déjà de nombreuses années, sur la ceinture de sécurité, est-ce que vous ne pensez pas que, dans un cas comme la ceinture de sécurité, c'est l'obligation, et on parle des mêmes êtres humains, là, c'est l'obligation de la ceinture qui a amené à 70 %, ou quelque chose comme ça, 70 % au lieu de 40 %? Est-ce que vous ne pensez pas qu'on pourrait avoir un effet similaire?
Avez-vous raison de croire que ça n'aurait pas pour effet d'augmenter considérablement, au-delà de ce que peut faire la promotion?
La Présidente (Mme Doyer): En une minute.
M. Pronovost (Jean-François): Malheureusement, la question... je répète la question, moi aussi, que la question de la ceinture de sécurité puis que le casque, ce n'est pas la même chose. J'ai deux enfants, des jeunes adolescentes qui portent le casque en vélo, quand on... et qui... et quand elles ont commencé à faire du vélo, quand on a commencé à faire du vélo, si je n'avais pas été là chaque fois pour vérifier comment le casque était installé, ça faisait comme si elles n'en avaient pas. Mais, à un moment donné, je les retrouvais avec le casque arrangé de même, des courroies comme ça. Ça ne donne absolument rien. Donc, le casque, c'est ça. Quand on dit: La fonction ou la protection limitée du casque, c'est aussi ça, c'est-à-dire que c'est compliqué à ajuster, ça se défait souvent, ça se désajuste souvent. Surtout sur la tête d'un enfant, ce n'est pas toujours adapté exactement à son format de tête. Il y en a qui pensent qu'un casque, c'est «one size fits all», là, tu sais, c'est le même format pour tout le monde.
Donc ce qu'on dit, là, c'est que c'est un ensemble de mesures qui fait en sorte qu'on augmente la sécurité, c'est un ensemble de mesures qui vont faire que les gens vont faire plus de vélo. Nous, on encourage toujours les gens à faire du vélo avec leurs enfants. Un vélo, là, ce n'est pas un cadeau qu'on donne à son enfant pour se débarrasser de lui toute la fin de semaine, c'est quelque chose avec lequel il faut être prudent, qu'il faut encadrer le début à vélo chez les enfants. Et ça, actuellement il n'y a personne qui fait ça. Dans le milieu scolaire, il n'y a personne qui fait ça. La SAAQ a quelques petits programmes. Mais, je veux dire, je regarde mes filles; au primaire, elles n'ont jamais eu plus que le petit dépliant annuel de la SAAQ, aucun exercice dans les cours d'école, rien de ça.
Donc, heureusement que... quand elles ont des parents qui font du vélo, c'est comme ça que les enfants peuvent apprendre à faire du vélo de façon sécuritaire.
**(16 h 40)**La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Pronovost. Alors, nous allons passer au représentant de l'opposition officielle, M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Mme la Présidente, moi, je ne voudrais surtout pas banaliser votre présentation, parce que vous êtes définitivement, incontestablement, l'une des organisations au Québec qui a permis cet accroissement exponentiel de la pratique du vélo chez les Québécoises et les Québécois et qui a même contribué à l'adoption de pratiques toujours plus sécuritaires, y compris le port du vélo.
Une voix: ...
M. Bergeron: Du casque à vélo.
Une voix: Sur le dos.
M. Bergeron: Sur le dos. Le port du casque à vélo. D'ailleurs, les photos que vous avez fait circuler tout à l'heure m'apparaissent tout à fait éloquentes. Les premiers événements, il y a de cela quelques années, sinon quelques décennies, il n'y avait personne... ou quelques-uns qui portaient le casque. Or, les derniers événements nous démontrent que la presque totalité des gens qui participent à vos événements portent le casque. Alors, pour moi, le point de vue que vous exprimez n'est pas un point de vue qu'on doit prendre à la légère. C'est un point de vue qui, je pense, est le résultat de nombreuses années d'expérience, de pratique, de nombreuses années à côtoyer le monde, les cyclistes puis le monde du cyclisme.
Alors, moi, je pense que vous connaissez ça pas mal plus que moi, là, ça, c'est clair. Et je dirais même que, dans cette période de l'histoire de l'humanité, où on assiste à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, à une raréfaction accélérée des produits pétroliers, il ne faut pas... il faut faire tout ce qu'on peut pour encourager les transports alternatifs, y compris les transports actifs, dont le vélo. Et je comprends que c'est dans cette perspective-là que vous vous situez, de ce qui doit être fait par le législateur pour favoriser la croissance exponentielle de la pratique du vélo et la croissance exponentielle du port du casque à vélo. Et ce que je comprends de ce que vous nous dites, c'est qu'une mesure coercitive ne s'appliquant qu'au casque risque d'avoir pour effet, l'exemple de l'étranger nous le démontre, risque d'avoir pour effet de faire baisser la pratique du vélo. Si on a plus de monde qui porte le casque, sur une population moindre de gens qui pratiquent le vélo, est-ce qu'on va avoir gagné, comme société? La question se pose. La question, quant à moi, elle se pose. Et une des questions que, moi, comme législateur, je me pose, c'est: Pourquoi c'est faire que la table de la sécurité routière ne nous a pas fait cette recommandation-là? La ministre nous arrive avec une proposition qui ne fait pas partie des recommandations de la table, alors qu'il y avait des recommandations de la table que la ministre a choisi de ne pas mettre en oeuvre, puis elle nous arrive avec une proposition qui ne faisait pas partie des recommandations de la table.
Alors, vous qui siégiez à la table de la sécurité routière, un, pouvez-vous nous dire pourquoi la table ne nous est pas arrivée avec cette recommandation-là? Deux, étiez-vous les seuls Gaulois à l'intérieur qui ne voulaient pas aller de l'avant avec le port du casque? Et, trois, j'y reviendrai plus tard.
La Présidente (Mme Doyer): M. Pronovost, je crois.
M. Pronovost (Jean-François): M. le député, effectivement ce n'était une mesure qui faisait consensus. Hier, M. De Koninck a dit qu'il n'y avait pas de consensus pour puis il n'y avait pas de consensus contre. En tout cas, il n'y avait pas de consensus, point, à mon avis. Et Vélo Québec n'était pas le seul Gaulois dans sa bourgade, là, donc il y avait... c'était très controversé. Et c'était autant sur les gains que sur l'applicabilité, et ça, le milieu municipal, les services policiers, d'autres organisations de promotion d'activités physiques... En fait, il n'y avait pas du tout... Bon, il faut dire que c'est une discussion qui s'est déroulée dans où la très grande majorité des membres étaient les représentants de sociétés d'État ou du gouvernement, tout ça, il y avait peu de groupes ou d'associations, là, comme nous, donc.
Mais, même à ça, d'une façon générale, il n'y avait pas de... on n'arrivait pas à voir, là, qu'il y a quelque chose qui se dégageait de ça.
M. Bergeron: Mme la Présidente...
M. Pronovost (Jean-François): Donc, il y avait une opinion favorable à la promotion, au développement de différentes mesures. Tantôt, on a parlé des questions que, nous, on a amenées, à l'exemple de pays, de la Belgique, de la France, le Code de la rue, le principe de prudence. C'est des choses qui se retrouvent dans le rapport de la table de sécurité routière, mais ça n'a pas du tout... Encore là, c'est un peu comme la mesure du double sens cycliste, c'est des choses qui ont été effleurées, qui n'ont pas été documentées et qui sont arrivées en catastrophe, là, à la table et puis dans le rapport... dans le deuxième de la table de sécurité routière.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Mme la Présidente, moi, j'aurais besoin de comprendre parce que ça, c'est le bout que je ne suis pas sûr de bien saisir, là.
Il n'y a pas eu consensus à la table. La table n'a pas présenté de recommandation en ce sens-là, la ministre est... a surgi avec la proposition, mais vous avez choisi, par mesure de rétorsion à l'égard de la table qui n'avait pas fait cette proposition-là, de quitter la table. Or, il me semble que vous êtes un organisme composé de gens raisonnables, de gens qui avaient fait la démonstration, au fil des années, de votre crédibilité, de votre sérieux. Qu'est-ce qui explique un geste aussi spectaculaire que de quitter la table de la sécurité routière?
Une voix: M. Pronovost.
M. Pronovost (Jean-François): Écoutez, on était à la table de la sécurité routière depuis sa création, par le ministre Després, en décembre 2005, si je me souviens bien, quatre ans à participer à ces rencontres, la grande table, les sous-comités, le comité des usagers vulnérables ensuite qui est devenu le comité du transport actif. Et puis, bien, à un moment donné, évidemment, quand on a lu dans La Presse, sous la plume de Denis Lessard, que la refonte du code amenait une possible réglementation sur la question du casque, alors que ça n'avait pas fait l'objet d'un consensus à la table ou au comité, bien là, nous, on s'est dit: Dans le fond, la discussion, ce n'est pas là qu'elle se fait, alors qu'est-ce que ça nous donne de mettre de l'énergie là-dedans? Parce que c'était quand même... on y a mis beaucoup d'énergie, beaucoup de temps, beaucoup de coeur. On a acheminé des documents, on a acheminé des propositions, qui ont été plus ou moins regardées.
Donc, à un moment donné, là, des fois les gens trouvent qu'on est la grosse organisation, mais on a beaucoup de... on abat beaucoup de besogne. Alors, à un moment donné, il faut, comme on dit, se retirer dans nos terres puis travailler sur les dossiers qui font en sorte qu'on peut développer des choses, donc, et c'est la raison, tout simplement, là, qui nous a amenés à quitter.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député.
M. Bergeron: Vous aviez l'impression, au fond, je ne veux pas vous mettre des paroles dans la bouche, mais vous aviez l'impression, au fond, que le travail que vous aviez fait n'avait pas vraiment été considéré puis que conséquemment il valait peut-être mieux tirer sa révérence, là.
M. Pronovost (Jean-François): Bien, que la discussion ne se faisait pas là, que les décisions ne se prenaient pas là. Alors, à ce moment-là, nous, on aime mieux être dans l'endroit ou sur le lieu de la décision qu'à côté, c'est sûr.
La Présidente (Mme Doyer): Oui, M. le député de Johnson.
M. Boucher: Oui. Bien, bonjour à tous. J'aurais une question. Vous mentionnez qu'il y a certains pays qui avaient déjà adopté cette réglementation-là, à savoir d'obliger, là, le port du casque. Vous le mentionniez tantôt, que la sécurité en vélo, c'est la conséquence de tout un ensemble de mesures, tout un ensemble de comportements. Et est-ce que vous avez des statistiques, des informations à savoir que, dans ces pays-là, qui effectivement focussaient sur une mesure en particulier, c'est-à-dire le port du casque, les gens en sont venus à se dire que, lorsqu'ils portaient le casque, justement ils étaient donc en sécurité et ils pouvaient être amenés à abandonner certains comportements liés à leur sécurité à vélo, et donc... enfin, bon, je ne dirai pas «augmentaient le risque»... voyons, le risque qu'ils aient des accidents, mais bref qu'il y ait un sentiment de sécurité qui est un peu plus grand que ce que cela représentait, étant donné que la sécurité à vélo résulte de tout un ensemble de comportements?
**(16 h 50)**Mme Lareau (Suzanne): ...les chiffres les plus probants qu'on a, c'est quand on regarde l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Et, dans le fond, les chiffres de la Nouvelle-Zélande, du ministère des Transports de la Nouvelle-Zélande nous ont sciés quand on a découvert ça récemment, en disant que le temps hebdomadaire consacré à la bicyclette avait diminué de moitié dans l'ensemble de la population entre 1989 et 2007. Et la loi a passé en 1994. Juste ça, une diminution de la pratique, vous envoie un message clair qu'il y a des gens qui ont décidé d'abandonner de faire du vélo parce que, un, cette loi-là leur a fait dire: Vous savez, le vélo, c'est extrêmement dangereux, portez un casque, c'est dangereux. Ou ils se sont dit: Bien, c'est trop de troubles, je n'en ferai plus.
Donc, c'est difficile de savoir exactement qu'est-ce qui a motivé le comportement de ces gens-là, mais, quand on regarde la diminution de la pratique en Nouvelle-Zélande... En Australie, quand on s'est rendu compte que 6 % de la population faisait du vélo, alors que c'est 54 % au Québec... arrêtons de parler des mêmes sociétés. On ne parle pas des mêmes choses, et c'est ça qui est extrêmement important et inquiétant. Et au Québec on a développé une culture cycliste, et on a de quoi être fiers, et on ne voudrait pas qu'une mesure, qui ne donnera pas les résultats qu'on souhaiterait qu'elle donne, soit mise en place. Et, nous, on travaille depuis les débuts à faire que... à dire aux cyclistes: Vous savez, la sécurité, c'est un ensemble de choses.
Vous savez, en 1979, dans la refonte du Code de la sécurité routière, Vélo Québec a fait insérer dans le code l'éclairage sur les vélos. Ce n'était pas obligatoire. Maintenant, depuis 30 ans, c'est obligatoire: quand vous roulez le soir, vous devez avoir un feu blanc à l'avant et un feu rouge à l'arrière. Cette mesure-là n'a jamais été respectée. Il y a à peine 15 % des cyclistes qui l'ont. Or, quand je vois des gens casqués qui sont invisibles la nuit et qui roulent à vélo, je me dis qu'il y a un message qui n'a pas passé. La chose la plus importante quand vous roulez le soir, c'est que vous soyez visibles. Le casque, oui, mais, bon sang, c'est que vous soyez visibles.
Alors, il y a un tas de messages de sécurité qu'on n'a pas réussi à faire passer en 30 ans, et là on va arriver avec un nouvel... une nouvelle loi, alors que, d'autres données extrêmement importantes, comme le respect des feux rouges, comme l'éclairage, on n'a pas réussi à faire passer ça auprès des cyclistes. Et c'est là-dessus qu'on doit travailler et qu'on doit miser.
M. Boucher: Bien, simplement, je tiens simplement à saluer votre courage de prendre une telle position, alors qu'on est dans une société où le gouvernement a une tendance à agir de plus en plus en père de famille, disons qu'il étend ce concept-là. Alors, je laisse la parole à la présidence.
La Présidente (Mme Doyer): Merci. Vous avez encore d'autres questions, M. le député?
M. Bergeron: Oui, oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Doyer): Allez-y.
M. Bergeron: Il y a un point qui m'a un petit peu fait sursauter quand je l'ai lu, puis vous êtes revenus là-dessus en répondant à une question à mon collègue d'Orford... à une question de mon collègue d'Orford.
À la page 7, vous dites: «A-t-on démontré hors de tout doute que le port du casque aurait pu, dans la majorité des cas, sauver des vies ou prévenir des blessures graves? Pas du tout.» Alors, c'est très catégorique, là, vous dites qu'on n'a pas réussi à faire la démonstration, dans la majorité des cas, qu'on aurait pu sauver des vies ou prévenir des blessures graves. La ministre nous a cité tout à l'heure des études selon lesquelles de nombreux médecins disent qu'il y a eu des blessures graves à la tête, commotions, Dieu sait quoi, qui a causé des décès ou des séquelles permanentes. Ce que je comprends de ce que vous dites, c'est que vous ne contestez pas ça, vous ne contestez pas le fait qu'il puisse y avoir eu des blessures graves à la tête.
Ce que vous contestez, si je comprends bien, c'est que le fait de porter le casque aurait pu éviter ces blessures graves à la tête. Est-ce que je vous suis bien?
Une voix: Mme Lareau.
Mme Lareau (Suzanne): Tout d'abord, tout d'abord, quand on parle de blessures graves, il faut rappeler une chose, c'est que le casque protège le dessus de la tête. Je rappelle toujours cet accident.
Parce que, les accidents mortels et les blessés graves au Québec, si on pense que tous les gens qui sont morts et qui ont été blessés gravement ne portaient pas de casque, c'est faux. Plusieurs étaient casqués. Quand une voiture vous rentre à 50 km/h, 60 km/h, ce n'est pas juste le dessus de la tête qui est heurté par la voiture, c'est le corps en entier. Et, quand on regarde les données de la SAAQ plus précisément, on se rend compte que, oui, il y a des traumas crâniens, mais il y a des traumas multiples. Alors, ce qu'on veut dire, c'est que le meilleur choix qu'on a à faire, comme société, c'est essayer de voir comment on peut prévenir les accidents. C'est vrai qu'un casque, en cas d'accident, protège effectivement le dessus de la tête, il ne protège pas le cou, il ne protège pas le visage, il ne protège pas le corps. Alors, quand on sait ça, quand on est cycliste, on se dit: Bon sang, je vais être extrêmement prudent, je vais rouler dans des environnements qui vont me permettre, dans le fond, d'éviter des accidents plutôt que de me dire: Je mets un casque sur la tête, puis maintenant hop la vie, je n'aurai plus aucun problème. Et c'est ça qui est important, c'est là-dessus qu'on veut... et c'est là-dessus qu'on insiste sur toute la question de la prévention des accidents, parce que le casque ne protège pas le corps en entier, et, face à un impact de 50 km/h, 60 km/h, je vous le dis, casque pas casque, le cycliste va être extrêmement amoché.
Et je rappelle que, dans les décès qu'il y a eu dans les dernières années et dans les blessés graves, plusieurs étaient casqués.
M. Bergeron: En d'autres termes, ce que je comprends de ce que vous nous dites, c'est... puis vous l'avez précisé, vous n'êtes pas contre le casque, bien au contraire, vous en faites la promotion.
Mme Lareau (Suzanne): ...
M. Bergeron: Ce que vous nous dites, au fond, c'est: C'est une fausse... un faux sentiment de sécurité qu'on va donner aux citoyennes et aux citoyens du Québec en mettant l'emphase sur le casque puis en disant: C'est obligatoire, puis il faut le porter, puis une campagne de publicité sur le casque, mais il y a toute une foule d'autres éléments qui sont comme oubliés ou qui ne sont pas pris en considération dans des dispositions législatives et qui auraient eu peut-être, de façon combinée, un impact beaucoup plus important que le port du casque. Je vous suis bien?
Mme Lareau (Suzanne): Exactement. C'est exactement ça. La question de la visibilité de cyclistes, du respect des feux rouges, le respect des feux rouges aussi par les automobilistes, et ça, c'est extrêmement important. Donc, quand on parle de sécurité pour les cyclistes, c'est un ensemble de mesures, et c'est ça qui nous préoccupe, et c'est ça qu'on veut. Ça a été la méthode québécoise, le travail qu'on a fait, nous, au cours des 30 dernières années, ça a toujours été de parler de sécurité cycliste dans ensemble et non pas juste de dire aux gens: Portez un casque, la question est réglée. C'est un ensemble de mesures, la sécurité, et c'est là-dessus qu'il faut continuer à travailler et c'est là-dessus qu'on souhaiterait que le gouvernement travaille.
M. Bergeron: Vous soulignez dans votre mémoire, puis il semble que ce soit encore le cas cette année, là, à la lumière des informations que vous nous avez données par rapport à ce qui se passait à la table de la sécurité routière, mais vous soulignez dans votre mémoire, à la page 6, qu'en 1996 on avait ouvert le débat sur le casque protecteur et que plus des deux tiers des 35 mémoires provenant de partout au Québec s'opposaient à l'obligation du port du casque protecteur. Il n'y avait pas consensus à l'époque, et je comprends qu'il n'y a toujours pas consensus aujourd'hui.
Mme Lareau (Suzanne): ...
M. Bergeron: C'est sûr que les moeurs ont changé, ont évolué, puis on aurait pu s'attendre à ce que, les gens étaient... étant plus conscients de l'importance du casque, on aurait pu se dire: Oui, on va imposer le port du casque. Mais je vais vous poser une autre question, tiens. Si le gouvernement décidait tout à coup, là, de prendre en considération l'ensemble des autres mesures que vous proposez pour assurer la sécurité des cyclistes, seriez-vous plus réceptifs, à ce moment-là, à cette mesure, à laquelle ils semblent tenir, à l'effet d'imposer le port du casque?
Mme Lareau (Suzanne): Vous savez, on est toujours réceptifs à ce qu'il y ait promotion sur le port du casque, mais on n'est pas réceptifs à ce qu'il y ait une loi parce que la loi va avoir des conséquences et des inconvénients importants de baisse de pratique, comme on l'a démontré. Mais on n'a aucun problème, on fait nous-mêmes la promotion du port du casque dans nos documents. On le fait nous-mêmes. Et, vous savez, quand vous avez nommé tantôt des organisations qui sont en faveur du port du casque, la Fédération québécoise des sports cyclistes est en faveur du port du casque; je comprends, ils s'occupent de compétitions cyclistes. Vous savez, les compétiteurs automobiles portent un casque quand ils conduisent une voiture, mais, vous, quand vous conduisez votre voiture, vous n'en portez pas. Or, il y a certains types de pratiques qui... effectivement, on pourrait se dire: Le casque, c'est important. Mais la Fédération québécoise des sports cyclistes oblige déjà ses adhérents, lorsqu'elle participe à une course, à porter le casque. Je ne vois pas ce qu'ils feraient d'une loi. Ils l'obligent déjà.
M. Bergeron: Vous soulevez, à la page 8, puis vous l'avez fait en parlant à mon collègue de Johnson, vous soulevez, à la page 8, au fond, ce qui constitue, quant à moi, encore une fois le noeud du problème, c'est vrai pour le 0,05 puis c'est vrai pour le port du casque, c'est qu'il ne sert à rien, au fond, de mettre en oeuvre une mesure si on ne la fait pas appliquer.
Mme Lareau (Suzanne): Exactement.
M. Bergeron: Puis on le voit par rapport à l'éclairage, aux réflecteurs sur les vélos la nuit. C'est bien beau avoir mis en place une mesure, mais, si on ne la fait pas appliquer, ça ne donne rien. Puis c'est vrai pour le 0,05.
J'aimerais peut-être, en terminant, vous amener à élaborer sur deux choses: d'abord, sur la question, vous n'avez peut-être pas eu le temps de le faire dans votre présentation parce que vous avez effectivement manqué de temps, mais sur le Code de la rue, parce qu'au fond ce que vous souhaitez, c'est la mise en place d'une espèce de cadre réglementaire au niveau du code de la... si je vous suis bien, là, parce que j'essaie d'interpréter à partir du petit paragraphe qu'on a à la page 14, là, une espèce de cadre réglementaire au niveau du Code de la sécurité routière, qui, par une série de mesures, aurait un impact des plus significatifs sur la sécurité des cyclistes, ce que vous ne retrouvez pas dans le projet de loi n° 71, ce que vous ne retrouvez manifestement pas dans le code actuel de la sécurité routière puis ce que vous ne retrouvez surtout pas dans la seule mesure visant à faire la promotion du casque et éventuellement l'imposer aux enfants de sept ans. C'est bien ça?
La Présidente (Mme Doyer): Mme Lareau? M. Pronovost? M. Pronovost.
M. Pronovost (Jean-François): Je m'excuse, je suis un petit peu distrait. Votre question, c'est au niveau du code de la rue? Bon.
M. Bergeron: Oui.
**(17 heures)**M. Pronovost (Jean-François): Le Code de la rue, effectivement c'est un ensemble de... c'est un cadre effectivement qui fait en sorte qu'on renverse un peu... ou on rétablit un ordre de priorité entre les différents usagers de la route, donc. Et ce n'est pas ce qu'on a actuellement avec le Code de la sécurité routière. Donc, ça veut dire que les piétons sont numéros un. Les piétons, les cyclistes, le transport en commun, les automobilistes solos, etc., donc... Et donc c'est toute une philosophie, c'est tout un esprit qui demande effectivement un travail peut-être considérable dans le cas de la sécurité routière, mais actuellement ce qu'on étudie, là, actuellement, c'est des mesures, je veux dire, de... c'est des mesures un peu accessoires qu'on regarde, là, actuellement. Donc, il n'y a pas... on n'est pas en train de... Je me souviens, lorsque j'ai soulevé, à la table de la sécurité routière, que, si on... un élément qui favoriserait une amélioration du bilan routier, c'est un transfert modal. C'est vrai.
C'est peut-être théorique, mais, un transfert modal, si on a plus de transport en commun, transport collectif, donc, en théorie, on enlève des gens du réseau routier qui sont en transport collectif. Donc, possiblement qu'on améliore le bilan routier, mais c'est une notion, on dirait, qui est un peu abstraite, là, pour plusieurs. Donc, la même chose... le Code de la rue. Je pense que, si on rétablit un ordre logique de priorité entre les usagers plus vulnérables et les usagers plus lourds, entre guillemets, et plus rapides, bien c'est sûr qu'on améliore la sécurité routière puis la qualité aussi des déplacements actifs.
M. Bergeron: L'article 490, à la page 13, il y a un petit paragraphe que j'ai trouvé fort intéressant. Vous dites que vous n'êtes pas opposés au fait d'étendre le bras à... le bras droit à l'horizontal pour signifier qu'on va tourner à droite. Ça, jusque-là, ça va. Ce contre quoi vous en avez, c'est le fait de rendre cette signalisation la seule admissible puis que celle qui est en vigueur présentement devienne tout à coup, demain matin, je vais dire, illégale, là, mais inadmissible... disons, simplement inadmissible. Or, ce que vous dites, puis ça, je trouve ça fascinant comme argument, c'est que, partout ailleurs où on a mis en oeuvre d'étendre le bras droit pour signaler qu'on veut tourner à droite, on n'a pas nécessairement rendu inadmissible l'autre, l'autre mode de signalisation, qui est peut-être aussi connu, puisque c'était celui qui était en vigueur antérieurement. Puis là j'entends nos amis du gouvernement ne cesser de nous dire qu'à travers le Canada on a mis en oeuvre le 0,05. Tout le monde le fait, fais-le donc.
Pourquoi, tout à coup, on deviendrait distinct sur le fait d'interdire, de rendre inadmissible l'ancienne signalisation pour tourner à droite?
M. Pronovost (Jean-François): Oui, tout à fait. Je veux dire, écoutez, on ne s'est pas attardés beaucoup sur ces points-là parce qu'à notre avis, là, on ne faisait pas évoluer beaucoup le Code de la route avec ça, là, donc.
M. Bergeron: ...on fait, comme vous le disiez tout à l'heure, on est un peu sur les affaires superficielles.
M. Pronovost (Jean-François): Bien, c'est parce que ce n'est pas un «patchwork», le Code de la route, pour moi, en tout cas.
Le Code de la route, ça devrait être quelque chose qui évolue en fonction de l'époque, hein? Là, on est encore il y a 30 ans puis on ajoute des petites choses. Donc, c'est un document qui devient de plus en plus épais et dans lequel les policiers vont commencer à avoir de la difficulté à se retrouver. On l'a dit tantôt, il y a une mesure qui a été mise en place, l'éclairage sur les vélos. Ça a l'air facile, ça a l'air simple, là, l'éclairage sur les vélos, mais il n'y a pas... premièrement, les vélos ne sont pas vendus avec de l'éclairage. Le vélo, il y a 30 ans, les chanceux avaient l'espèce de petite dynamo, là, peut-être que vous avez connu. Quand on était petit, on avait ça. C'est devenu absent du marché. Et, pendant un certain temps, il n'y avait plus rien; des réflecteurs, simplement. Maintenant, pour 25 $, vous pouvez avoir un ensemble d'éclairage avant, arrière, mais encore une majorité de gens qui roulent après la tombée de la nuit... avec rien, monsieur et madame, invisibles. Je veux dire, je trouve ça fascinant. C'est une mesure qui existe, alors pourquoi on ne...
M. Bergeron: Elle est dans le code, mais elle n'est pas appliquée.
M. Pronovost (Jean-François): C'est juste de l'appliquer, on va sauver des vies, parce qu'on sait que les cyclistes qui roulent, la nuit, pas d'éclairage sont surreprésentés dans les statistiques d'accident. Alors, si on veut sauver des vies, là il y en a des vies à sauver là-dedans. Donc, voilà.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, je me permettrai quelques remarques, si vous permettez, comme présidente. Je n'interviens pas souvent.
Mais, il y a 14 ans, j'étais au Parlement, et on parlait exactement du même sujet et de la même façon. Et, moi, qui étais pour le port du casque à vélo, j'avais comme changé d'idée dans le sens de... on était vraiment partagés aussi, on ne savait pas trop, mais j'avais été touchée, par exemple, par des experts en traumatologie, des médecins spécialistes qui étaient venus nous dire que dans certains cas le casque aurait pu faire la différence entre de graves traumatismes crâniens et des traumatismes crâniens moins sévères ou des blessures moins sévères. Et, en termes d'applicabilité chez les jeunes enfants, par exemple, pensons à... dans un quartier où un jeune prend le vélo d'un autre, ne met pas le casque. Dans l'applicabilité, c'était extrêmement difficile.
Et, moi, je vous poserais juste une question et je terminerais très courtement comme ça: Comment ça se fait que les fabricants, quand vous nous parlez de toutes les mesures qu'on pourrait avoir, d'augmenter la sécurité, par exemple, sur... et vous avez raison que c'est entre 4 heures du soir et 8 heures du soir que les vélos... les accidents à vélo étaient le plus fréquents, et c'est encore le cas, à cause de la visibilité à la brunante. Et comment ça se fait que les fabricants... on n'oblige pas les fabricants ou on n'oblige pas justement les gens qui ont des vélos à être visibles, avoir des lumières devant, derrière et avoir une visibilité avec les vêtements? Déjà là, ça serait mieux. Très succinctement, parce que je ne veux pas...
Mme Lareau (Suzanne): Ce qu'il y a de plus visible, c'est l'éclairage actif, donc muni... avec une pile ou une dynamo, et ce serait au tour du législateur d'obliger la vente des vélos avec l'éclairage.
La Présidente (Mme Doyer): Bien, moi...
Mme Lareau (Suzanne): Vous savez, quand on va en Europe, on ne se pose pas une question à savoir si un vélo est éclairé ou pas, les vélos sont vendus avec de l'éclairage.
La Présidente (Mme Doyer): Alors ça, pour moi...
Mme Lareau (Suzanne): Ce serait le travail du législateur de le faire.
La Présidente (Mme Doyer): Ça, ça serait bien, d'obliger les fabricants, là. On en aurait plus. Ça serait déjà ça de...
Mme Lareau (Suzanne): Ça serait installé déjà sur les vélos.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci beaucoup de votre contribution, Mme Lareau, M. Pronovost. Et, vous étiez là, d'ailleurs. C'était vous, je crois, qui étaient venus...
Mme Lareau (Suzanne): Oui.
La Présidente (Mme Doyer): ...à cette époque.
Mme Lareau (Suzanne): Merci beaucoup de nous avoir écoutés.
La Présidente (Mme Doyer): Je vais suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 9)
La Présidente (Mme Doyer): ...parce que, hein, c'est jeudi soir, il est tard, et on reçoit Mme Morin.
Une voix: ...Mme la ministre.
La Présidente (Mme Doyer): Je m'excuse. Attendez. On a commencé, alors j'aimerais ça que vous preniez place et qu'on reçoive Mme Morin qui représente Les mères contre l'alcool au volant. Bienvenue en commission, Mme Morin. À vous la parole.
MADD Canada
Mme Morin (Marie-Claude): Merci. Je suis porte-parole de l'organisation MADD Canada, Les mères contre l'alcool au volant. C'est une organisation que, je crois, vous connaissez tous.
**(17 h 10)** Pour vous en faire un très bref résumé, MADD Canada, c'est 105 sections locales, plus de 7 500 bénévoles un peu partout au pays. C'est un organisme de bienfaisance qui est enregistré au niveau fédéral. Je me permets de préciser que ce n'est pas du tout une organisation prohibitionniste. On n'est pas contre la consommation d'alcool. Il y a beaucoup d'entre nous qui apprécient un verre de vin ou une bière avec des amis.
Là où on est très tranchées dans nos opinions, c'est qu'on estime que la consommation d'alcool et la conduite automobile doivent être deux activités qui ne se mélangent pas. On doit choisir entre consommer ou conduire. Je précise aussi qu'au Québec notre organisation ne reçoit aucun financement gouvernemental ou corporatif de quelque industrie que ce soit. On n'a pas du tout de lien, par exemple, avec l'industrie des boissons alcoolisées. Notre financement au Québec provient strictement de donateurs privés, donc de gens soucieux de sécurité routière et qui appuient nos positions dans ce domaine.
D'entrée de jeu, je vous précise que je ne suis pas une scientifique. Je ne suis pas non plus une statisticienne. Je ne connais pas sur le bout de mes doigts les statistiques de toutes les juridictions, mais je suis quand même une experte dans mon domaine. Je suis en relation d'aide quotidiennement avec des victimes de la conduite avec facultés affaiblies, des gens qui ont été blessés, qui ont des séquelles graves, ou encore des familles qui ont perdu un proche, un enfant ou un conjoint et qui ont besoin d'aide et qui se tournent vers nous pour obtenir une aide qui ne vient pas d'autre source. Ces familles attendent de nous qu'on parle en leur nom et qu'on demande aux législateurs d'agir. Pour nous, et ça, c'est important aussi, on ne parle jamais d'accident. Pour nous, une collision attribuable à la conduite avec facultés affaiblies, c'est une décision irresponsable, ce n'est pas un accident et c'est évitable à 100 %.
Au Québec, on a fait des progrès, c'est vrai. Le bilan routier s'est amélioré, c'est vrai. Malheureusement, en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies, on accuse un certain retard, et il y a peu d'amélioration. Le gouvernement du Québec a fait des changements importants et novateurs. Je vous dirais que les mesures qui touchent les hauts taux d'alcoolémie et les mesures qui touchent les récidivistes présentement, ce sont des mesures qui sont... qui n'ont pas cours dans d'autres juridictions et qui deviendront probablement un modèle à suivre pour les autres juridictions canadiennes.
Pour continuer d'améliorer le bilan en matière de conduite avec facultés affaiblies, on croit très sincèrement qu'on doit mettre de l'avant les deux propositions qui touchent le taux d'alcoolémie, dans les amendements qui sont proposés, soit l'imposition de tolérance zéro pour les jeunes conducteurs jusqu'à l'âge de 21 ans et l'instauration d'un programme de suspension de permis de courte durée, ce qu'on a appelé, là, depuis hier, les mesures à 0,05.
Je vais commencer par les jeunes, c'est un petit peu plus simple. Je pense que la démonstration n'est plus à faire. On sait que les jeunes sont surreprésentés dans les statistiques. Malheureusement, les collisions automobiles demeurent la principale cause de décès chez nos adolescents, et on doit agir. On peut s'amuser de certains comportements et trouver plutôt amusant de s'empiler à sept dans une Kia. Malheureusement, ces gestes-là, ces décisions malheureuses ont des conséquences très graves. Dans le cas de la Kia, justement il y a une jeune fille de 14 ans qui est décédée et un garçon de 16 ans qui a été très gravement blessé. Et je me permets de mentionner le conducteur qui avait tous ces jeunes-là à bord, un jeune de 17 ans, dont la vie va être marquée à tout jamais. Alors, pour nous, c'est important que nos jeunes soient bien encadrés et qu'on leur permette, de cette façon-là, de faire l'apprentissage de la conduite automobile de façon positive et aussi de façon sécuritaire.
J'étais très heureuse hier d'entendre certains d'entre vous mentionner leurs propres jeunes qui ont des pratiques, qui ont des comportements qui sont sécuritaires. Malheureusement, ce n'est pas présentement la majorité au Québec, et on a encore, presque chaque fin de semaine, des décès reliés à la consommation d'alcool ou de drogues sur nos routes.
Alors, pour ces raisons-là et pour les statistiques qui sont très éloquentes, on recommande l'adoption de cette mesure de tolérance zéro jusqu'à 21 ans.
Maintenant, pour ce qui est du programme de suspension de permis de courte durée, le fameux 0,05, c'est un petit peu plus complexe, puis je le conçois. Ce n'est cependant pas une nouveauté. Comme vous savez, cette mesure-là existe dans d'autres juridictions depuis une vingtaine d'années. De notre côté, chez MADD Canada, depuis 2003, c'est une recommandation qu'on fait à toutes les juridictions du Canada, soit d'instaurer le programme ou de l'améliorer pour être en ligne, si vous voulez, avec la Stratégie nationale sur l'alcool.
Je vais me permettre un petit rappel important parce qu'on parle depuis hier beaucoup de la fameuse mesure de 0,08 et à quel point on fait fausse route en ne ciblant que les gens qui sont entre 0,05 et 0,08. Présentement, au Québec la situation est la suivante: si vous êtes un conducteur et que vous avez consommé, à moins que votre taux d'alcoolémie soit de 0,1, vous n'aurez aucune conséquence. Le 0,8... le 0,08, il est inapplicable pour la simple et bonne raison que nos cours de justice pénale reconnaissent un 0,02 de marge d'erreur. Et ça, on n'en parle jamais. Malheureusement, c'est une réalité. Bien souvent, les policiers, s'ils constatent que le conducteur est à 0,085 ou à 0,09, vont décider de ne pas porter d'accusation, de ne pas arrêter l'individu parce qu'ils savent pertinemment qu'ils perdent leur temps. Si les policiers, pour une raison quelconque, décident de porter des accusations et de demander au conducteur de revenir au poste de police et de faire d'autres tests d'alcoolémie, à ce moment-là, il est fort probable que le procureur de la couronne va refuser de porter des accusations parce qu'encore là on sait qu'on perd son temps.
Alors, la mesure de 0,05, elle est importante, pour nous, parce que ça nous permet d'agir sur une plus large... un plus large groupe, soit les gens qui conduisent entre 0,05 et 0,1.
Évidemment, cette solution-là, ce n'est pas une solution miracle, ce n'est pas une mesure qu'on peut utiliser isolément et espérer que ça va régler tous les problèmes. Ça n'est pas le cas. Et je pense que M. De Koninck a précisé dans sa présentation hier que dans les recommandations il y a évidemment une recommandation de communication, d'éducation du grand public sur qu'est-ce que c'est que cette mesure-là mais aussi qu'est-ce que c'est que le fameux 0,05, de quoi on parle quand on parle de 0,05. La mesure va nous permettre d'agir sur les conducteurs qui sont entre 0,05 et 0,08. Les études ont démontré que toute réduction du taux d'alcoolémie, peu importe du point où on part, au point où on se rend, a des bénéfices sur le bilan routier, et ces mesures-là agissent sur tous les niveaux de taux d'alcoolémie. Alors, on agit non seulement sur M. et Mme Tout-le-monde, qui peut prendre un risque en fin de soirée, mais on agit aussi, encore une fois, sur les récidivistes. Ça a un effet sur tous les niveaux d'alcoolémie.
La mesure a aussi le bénéfice d'enlever du réseau routier un conducteur qui est potentiellement dangereux pour une période de, dans le cas de la recommandation qui est faite, de 24 heures, ce qui n'est pas négligeable, parce que souvent ces gens-là représentent un danger. Je pense que le nerf de la guerre dans cette discussion-ci, c'est vraiment de déterminer si les gens ont les facultés affaiblies à 0,05, puis je vais y revenir dans quelques minutes. Il y a un certain nombre de mythes qui entourent la mesure de 0,05, puis j'aimerais en parler avec vous.
Le premier mythe, et on l'entend assez souvent, c'est que les lecteurs d'alcoolémie ne sont pas fiables, autrement dit, si le conducteur a mâché de la gomme ou s'il s'est rincé avec du Scope 15 secondes avant le test, que la lecture va être erronée. C'est faux. Alors, ça a été démontré, les lectures d'alcoolémie sont faites avec des appareils scientifiques qui sont très précis et qui font la différence entre de la gomme, une cigarette ou de l'alcool dans le système du conducteur.
L'autre mythe, c'est qu'à 0,05 nos facultés ne sont pas affaiblies et on est en mesure de conduire. Alors, je pense qu'on a eu des démonstrations depuis hier, les études scientifiques démontrent maintenant qu'on est déjà en situation de facultés affaiblies à des taux d'alcoolémie bien plus bas que le 0,08, qui est une mesure légale qui date des années soixante-dix. Alors, depuis les années soixante-dix, les recherches ont fait beaucoup, beaucoup de progrès, et on sait maintenant que certaines facultés qui sont essentielles à la conduite automobile sont affaiblies à des taux bien moindres que le 0,08 qui est inscrit au Code criminel.
L'autre mythe, et on en a parlé un petit peu tout à l'heure aussi, c'est que d'imposer une mesure à 0,05 va signer l'arrêt de mort de toute consommation sociale raisonnable et responsable. Encore là, je pense qu'il y a présentement une campagne de peur qui se fait au Québec, qui laisse entendre aux gens que plus personne ne pourra consommer raisonnablement si une mesure à 0,05 est imposée.
**(17 h 20)**La Présidente (Mme Doyer): ...Mme Morin.
Mme Morin (Marie-Claude): Oui?
La Présidente (Mme Doyer): Vous voulez qu'elle complète avec votre temps?
Une voix: ...
Mme Morin (Marie-Claude): Oui, ce n'est pas très long.
La Présidente (Mme Doyer): ...échange.
Mme Morin (Marie-Claude): Alors, j'allais vous référer au tableau qui est à la page 16 de notre mémoire, mais vous l'avez reçu, je pense, séparément. Pour nous, comme je le disais, c'est important que, si on consomme, on ne conduit pas, mais, si on choisit de consommer, si on le fait raisonnablement, et c'est ce qu'on croit être possible avec la mesure du 0,05, il y a possibilité quand même de consommer, par exemple, une bouteille de vin à deux personnes avec le repas sans être en infraction.
Finalement, puis je vais passer rapidement là-dessus, mais il y a certaines personnes qui ont douté de la constitutionnalité de cette mesure-là. Il y avait eu des représentations en 2007 en ce sens-là. Je voudrais juste préciser qu'en 20 ans d'application de cette mesure-là dans d'autres juridictions il n'y a aucune contestation légale de la constitutionnalité de la mesure, qui a réussi parce que les cours de justice ont reconnu que les provinces ont le droit de légiférer en matière de code de la route.
Alors, c'était essentiellement l'information que je voulais véhiculer.
La Présidente (Mme Doyer): Merci beaucoup, Mme Morin, de votre présentation. Alors, nous commençons un échange avec Mme la ministre. Mme la ministre.
Mme Boulet: Alors, merci beaucoup, Mme Morin, de vous être déplacée. Je pense que c'est important pour une commission, là, avec le projet de loi qui est devant nous, d'avoir votre organisme qui soit représenté, mais qu'il vienne nous faire part, là, de la pensée de l'ensemble de ses membres.
Mme Morin, vous avez émis un communiqué hier, je pense. Bon. Je veux que vous l'expliquiez concrètement parce que je pense que vous aimeriez ou vous souhaiteriez, puis c'est tout à fait légitime, que le gouvernement aille encore plus loin. Dites-moi c'est quoi, comment. C'est parce que c'est... il y a beaucoup de choses dans votre communiqué, je ne m'y retrouve pas comme il faut. C'est... Il y a beaucoup de choses dans un même paragraphe, là. Peut-être c'est une traduction de l'anglais au français, je ne peux... puis je n'accuse pas personne, là, mais expliquez-moi, là, concrètement, le 0,05, comment vous voyez ça. Est-ce qu'il faudrait y avoir des récidives? C'est quoi que vous vouliez dire, de façon plus précise, dans le communiqué? Quel message vous vouliez envoyer à la population?
Une voix: ...
La Présidente (Mme Doyer): Oui, ça va, Mme Morin. Allez-y, puis...
Mme Morin (Marie-Claude): J'aimerais signaler que le communiqué de presse qui a été émis hier n'a rien à voir avec les travaux de cette commission-ci.
Mme Boulet: O.K. C'est correct.
Mme Morin (Marie-Claude): Le communiqué de presse fait suite à des représentations d'une famille de la Nouvelle-Écosse, qui vit présentement une situation problématique avec un multirécidiviste.
D'ailleurs, la sentence doit tomber demain. C'est un individu qui a déjà 36 infractions au code de la route de la Nouvelle-Écosse, à son actif, qui a été incarcéré et qui, au sortir de la prison, a eu une autre collision avec un véhicule familial où se trouvaient quatre personnes, dont deux enfants. Alors, la famille a questionné à juste titre comment il était possible que cette personne-là soit encore derrière le volant d'un véhicule. Et c'est ce qui se passe présentement en Nouvelle-Écosse. Donc, ce document-là qui a été émis, j'avoue que c'est un très vilain timing, comme on dit, ça adressait cette situation-là. La première recommandation, c'est clair qu'elle est pour les juridictions qui ont déjà en place un programme de suspension de permis de courte durée. Alors, on ne parle pas du Québec, puisque je ne prends pas a priori que la mesure va passer. L'autre élément, ça relève du Code criminel, donc ça s'adresse vraiment au gouvernement fédéral.
Donc, je ne veux pas minimiser la portée de ce communiqué de presse là, puisqu'il est important, pour nous, mais ça ne touche pas... ce n'était pas en réaction aux travaux de la commission.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Boulet: Je vais laisser, parce que, moi, ça fait pas mal le tour, là. C'est très clair pour moi. Je vais laisser, puis, s'il le faut, je reviendrai, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de Chomedey. Merci.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Mme Morin, bonjour. Vous parlez de suspension de courte durée, là. C'est... On en entend parler depuis quelques jours. Et on s'est questionné sur les multirécidivistes du 0,05, des gens qui... Là, présentement, ce qu'on a de prévu, c'est une suspension administrative de 24 heures. On n'a pas rien de prévu sur s'il se fait arrêter toutes les semaines, parce qu'on nous a donné cet exemple-là, à un moment donné. Avez-vous une opinion? Avez-vous pensé à cette chose-là?
La Présidente (Mme Doyer): Mme Morin.
Mme Morin (Marie-Claude): En fait, d'imposer une suspension de permis de 24 heures sans qu'il y ait de gradation pour les récidivistes, pour nous, on manque un petit peu... une partie de la mesure, qui est quand même importante.
Un des buts de cette mesure-là, c'est vraiment de faire de la prévention et d'arriver à identifier les gens qui ont vraiment un problème de consommation d'alcool et de conduite automobile. Si on ne tient pas compte des suspensions de permis, si celles-ci ne sont pas enregistrées dans le dossier de conduite, on va manquer une occasion justement de repérer ces gens-là et de leur offrir de l'aide, ce qui était en fait la première recommandation du communiqué de presse hier. Alors, pour nous, la mesure devrait s'aligner avec la Stratégie nationale sur l'alcool. Dans notre mémoire, on a un petit deux pages, là, sur qu'est-ce que c'est, cette stratégie nationale là, à laquelle ont adhéré beaucoup d'organisations nationales qui représentent aussi des Québécois.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, madame. Monsieur... Mme la ministre.
Mme Boulet: Je vais juste... Est-ce que, Mme Morin, vous, vous pensez que... parce que, l'Ontario, je pense qu'elle va dans ce sens-là. Est-ce que vous pensez qu'après une deuxième fois, une troisième fois, au lieu d'être 24 heures, ça pourrait être 48 heures, ça pourrait être une semaine après cinq fois? Est-ce...
Une voix: ...
Mme Boulet: Non, non, mais... Mais, non, non, mais c'est... Est-ce que vous pensez qu'éventuellement, si on met en place le 0,05, il pourrait y avoir une gradation, une notion de récidive, également?
Mme Morin (Marie-Claude): Le modèle de programme qui a été proposé par la Stratégie nationale sur l'alcool allait en ce sens-là, c'est-à-dire qu'il doit y avoir, et ça fait partie du besoin de mettre en application cette mesure-là, il doit y avoir une gradation, il doit y avoir une façon de suivre ces gens-là. Ça n'aurait aucun sens, par exemple, d'avoir dans les médias un beau matin: Cette personne-là a eu 19 suspensions de 24 heures. Il faut être conséquent. Alors, si on veut que cette mesure-là ait toute la portée qu'elle peut avoir, bien il faut considérer les autres éléments. C'est clair, puis je vais être bien honnête avec vous, que, si la mesure passe telle qu'elle a été proposée présentement, on va être très content parce que c'est un pas dans la bonne direction. Mais vous dire qu'on va s'asseoir là-dessus, puis on va vous dire bravo, on ne pousse plus sur aucune mesure, ce n'est pas vrai. On est là pour être la voix des victimes. Et, tant et aussi longtemps qu'on aura 200 familles qui sont détruites chaque année au Québec et de façon constante, là, on le sait, qu'il n'y a pas de réduction de ce côté-là, il faut vraiment mettre toutes les mesures possibles et imaginables pour contrer ce fléau-là.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre... ou M. le député de Chomedey.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Je veux vous entendre sur une autre chose. Dans votre mémoire, vous parlez d'un tableau qui a été déposé à la commission, où on fait état de différentes consommations pendant une période de deux ou trois heures. Là, vous n'avez pas pris ça dans les nuages, là, je veux dire, c'est...
Mme Morin (Marie-Claude): ...c'est une étude.
M. Ouellette: ...abondamment documenté.
Mme Morin (Marie-Claude): Oui, oui, et vous avez les références à la fin du mémoire. C'est un document qui a été préparé en fait pour expliquer ce que représentait le 0,08 à l'époque, parce que, quand le 0,08 a été imposé, on a eu une réaction un petit peu similaire, c'est-à-dire que... Oh, mon Dieu! C'est fini, on ne pourra plus boire.
Alors, l'étude avait été faite pour montrer aux gens à quel niveau ils étaient susceptibles d'être en infraction au Code criminel. Alors, on a tout simplement pris la première section, celle qui touche jusqu'à 0,05, pour démontrer, selon cette étude-là, qui est une étude scientifique, là, bien documentée, qu'on peut quand même avoir une consommation raisonnable. Et, je vais me permettre de préciser, au cas où ça aurait été manqué en interprétant le tableau, on parle d'une consommation sur un estomac vide. Alors, on peut consommer ces quantités-là. Évidemment, chaque personne métabolise l'alcool de façon particulière. On ne peut jamais tirer une conclusion et dire: Bon, monsieur peut boire tant, madame peut boire tant. Et c'est pour ça qu'on est un petit peu mal à l'aise avec des systèmes comme les planificateurs de soirée, parce qu'il faut que les gens apprennent à connaître leur propre condition et qu'au moindre doute ils évitent de conduire. C'est tout simple, mais ça semble être extrêmement complexe. Alors, si on prend le contexte d'une consommation dans un restaurant, par exemple, avec un repas, ça signifie que, la bouteille de vin, on peut la partager avec son épouse et on ne sera pas en infraction. Et ça, c'est un peu dérangeant, pour nous, que cette information-là soit véhiculée parce que c'est une information qui est fausse présentement, à notre opinion, évidemment.
L'autre point que je tenais à préciser, c'est la question du 0,08. On en parle souvent: Commencez par appliquer le 0,08, que les policiers commencent par arrêter les gens à 0,08. Il faut comprendre qu'on ne peut pas appliquer le 0,08 présentement de la façon dont notre système de justice pénale fonctionne, et ça, c'est important, ce qui veut dire qu'on n'agit pas présentement sur les conducteurs qui sont entre 0,08 et 0,1.
Et, 0,1, pour vous donner un ordre de grandeur, pour un homme d'une corpulence normale, on parle de plus de... excusez-moi, elle était trop belle, on parle de...
n(17 h 30)**Des voix: ...
Mme Morin (Marie-Claude): ...on parle de plus d'une bouteille de vin au complet, sur un estomac vide, ou de 6 bières.
Moi, je ne sais pas pour vous, mais, sur ma petite route de campagne, je n'ai pas du tout envie de rencontrer quelqu'un qui vient de boire une bouteille de vin au complet. Et présentement c'est la réalité sur nos routes au Québec. Alors, il faut agir, il faut vraiment éduquer, et ça, c'est superimportant. On en a reparlé beaucoup dans les derniers jours, c'est important que cette mesure-là soit assortie d'un bon programme pour éduquer les gens sur qu'est-ce que c'est, exactement.
La Présidente (Mme Doyer): ...Chomedey.
M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Mme Morin, je vous ai fait spécifier, c'est parce que j'avais une idée en vous faisant spécifier la provenance de votre tableau et les études qui le... qui sous-tendaient votre tableau aussi, parce qu'on nous a aussi déposé tantôt un autre tableau qui nous donne uniquement des chiffres sans nous préciser de délai et sans nous préciser les informations scientifiques qui le sous-tendent, tout simplement en nous mentionnant que c'était fini de prendre du vin à la Saint-Valentin, là. Il y avait beaucoup de gens qui nous écoutent après-midi, qui étaient dans un état de tristesse, mais je pense qu'on a rétabli les faits.
Il y a une autre chose que je voudrais vous entendre. On a beaucoup entendu parler des multirécidivistes qui reviennent à plusieurs fois. On a déposé un tableau pour mentionner que, bon... où plus de 8 000, en 2008, qui ont été arrêtés, c'est à l'occasion d'une première occasion, et je pense qu'il y en a quatre ou cinq qui ont à plusieurs reprises été arrêtés. Votre organisme, vous, vous êtes-vous penchés sur des mesures additionnelles à celles qu'on a amenées avec les projets de loi nos 42, 55, là, dans 71? Mais, en partant du moment où le projet de loi n° 71 serait adopté, si vous avez d'autres mesures...
Mme Morin (Marie-Claude): ...
M. Ouellette: ...en 2010.
Mme Morin (Marie-Claude): Oh, excusez-moi.
Une voix: Allez-y.
Mme Morin (Marie-Claude): En fait, les mesures qui ont été spécifiées dans le communiqué de presse hier sont tout à fait valables. Je pense qu'en tant que société le fait d'avoir des récidivistes sur nos routes, c'est tout à fait inacceptable. Quand je parle à des familles, et, malheureusement, ça arrive dans certains cas que la personne qui a causé la mort était effectivement un récidiviste, il y a une très, très, très grande incompréhension et il y a un manque de respect pour le système en général parce qu'on a l'impression que rien n'est fait.
Alors, c'est important, pour nous, effectivement d'agir sur les récidivistes mais tout en reconnaissant qu'ils ne sont pas le seul problème. Malheureusement, on en fait grand cas dans les médias, on en parle beaucoup quand c'est un récidiviste. On en parle très, très, très peu, sinon pas du tout quand c'est quelqu'un qui est impliqué pour la première fois. Et, malheureusement, c'est le cas. Dans la plupart, la grande majorité des cas, ce sont des gens qui en sont à une première accusation. Alors, il faut agir vraiment sur tous ces gens-là. Les recommandations qui ont été faites hier, puis c'est sorti dans les journaux un peu tout croche en disant: MADD recommande la prison à tout jamais, ce n'est pas exactement ça, mais il faut en venir à ça. Dans des cas comme... je vous ramène au dossier de M. Walsh, l'année dernière, qui a été reconnu comme délinquant à contrôler, c'est une personne qui n'est pas réhabilitable. Et j'étais là au moment du prononcé de la sentence, le juge a été très clair: les rapports présentenciels ont démontré que cette personne-là est incapable d'arrêter de boire et qu'il n'a aucun respect pour la société.
Alors, ces gens-là doivent être absolument contrôlés de la façon qu'on trouvera, mais le fait de suspendre leur permis de conduire ne suffit pas, et ça, on le sait. Les gens conduisent régulièrement avec des permis suspendus.
M. Ouellette: ...Mme la Présidente, avec votre permission. Mme Morin, on parle bien du communiqué, là, du 10 février, Priorité à la prévention de la récidive chronique?
Mme Morin (Marie-Claude): Oui.
M. Ouellette: Je me permettrais de déposer, pour les besoins de la commission. Et vous...
Mme Morin (Marie-Claude): Sans problème.
M. Ouellette: ...entérinez, dans les recommandations qui sont là, des choses qui pourraient aider les travaux de cette commission.
Mme Morin (Marie-Claude): Oui.
M. Ouellette: Donc, Mme la Présidente, je déposerais le communiqué de l'organisme de Mme Morin.
Document déposé
La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci, Mme Morin. Nous allons le déposer officiellement à la commission, le rendre accessible aux membres, et je vais donner la parole au représentant de l'opposition officielle, M. le député de Verchères.
M. Bergeron: Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Morin, d'être des nôtres aujourd'hui.
Écoutez, moi, il ne me viendrait même pas à l'esprit de remettre en question la validité du tableau que vous nous avez soumis tout comme il ne me vient pas à l'esprit de remettre en question la validité du tableau qui nous a été soumis par Éduc'alcool, qui d'ailleurs s'est prononcé contre le 0,05, et qui va comparaître à cette commission d'ici quelques jours, et qui aura certainement l'occasion de nous indiquer quelles sont ses sources, à ce moment-là.
Mais voyez-vous la difficulté? On se retrouve avec deux organismes crédibles, je pense qu'on ne peut pas douter de la crédibilité d'Éduc'alcool, deux organismes crédibles qui nous arrivent avec des chiffres différents, présentant des paramètres différents, et, même dans les tableaux où les paramètres sont plus détaillés comme dans le vôtre, on ajoute d'autres bémols en disant: Hum, ça dépend, ça dépend, s'il y a prise de repas, quel type de repas? On prend-tu notre verre en cul sec ou est-ce qu'on l'étire pendant une heure? Alors, le problème, pour le commun des mortels... C'est qu'à un moment donné vous disiez: L'importance, c'est de connaître ses limites. Moi, je vous dirais, premier commentaire par rapport à ça, c'est que la plupart des gens ne reconnaissent pas leurs limites, première des choses; puis, deuxième des choses, comment on en vient à connaître ses limites lorsque deux organismes aussi crédibles que les vôtres en viennent à des chiffres complètement différents?
Le commun des mortels, il s'y perd. Il se dit... il est devant son verre de vin à la Saint-Valentin, pour reprendre l'exemple, puis il se dit: Bon, bien j'ai cette corpulence, je devrais être installé ici pour une bonne heure, sinon davantage, je vais prendre, je ne sais pas, moi, un chateaubriand, je ne sais pas pourquoi, parce que ça doit être bon, et je vais peut-être me tenter avec un deuxième verre et m'en...
Comment est-ce qu'on finit par évaluer à quel niveau s'établit la limite? Et je pense qu'une des préoccupations qui nous ont été exprimées depuis un certain nombre de jours, c'est, justement, notamment par les restaurateurs, c'est de dire: Le commun des mortels, là, le citoyen ou la citoyenne qui, à un moment donné, se dit: C'est bien trop compliqué, je vais rester chez nous puis je vais prendre mon verre de vin à la maison, installé devant la télévision puis... ou un souper aux chandelles dans la cuisine ou dans la salle à dîner, puis ça va s'arrêter là, là. Alors, comment, de façon... puis, vous avez bien précisé, puis je pense que vous avez bien fait de le dire, c'est difficile de définir c'est quoi, les paramètres, parce que chaque individu, indépendamment de la corpulence, indépendamment du temps pris pour, disons, cuver le vin, indépendamment si on prend quelque chose à manger avec le verre de vin ou les deux verres de vin, ce n'est pas tout le monde qui métabolise l'alcool exactement de la même façon. Alors, ça va occasionner un certain nombre de problèmes notamment à nos amis restaurateurs.
Alors, comment est-ce qu'on va composer pour essayer d'imprimer des comportements plus responsables chez les gens, de permettre aux gens de connaître et de reconnaître leurs limites? Parce que le problème, ce n'est pas tant de les connaître mais de les reconnaître.
Une voix: Mme Morin.
Mme Morin (Marie-Claude): Bon, j'ai quelques commentaires. D'une part, il n'existe pas, à notre connaissance, de statistique ou de donnée qui démontrent que, dans toutes les juridictions où le taux d'alcoolémie a été réduit, par exemple, au Code criminel, comme c'est le cas présentement dans 80 pays, que ce changement de taux d'alcoolémie légal a eu une incidence sur l'industrie des boissons alcoolisées. Et ce sera intéressant de voir si les gens qui ont présenté des mémoires donneront de l'information complémentaire à ce sujet-là parce qu'à notre connaissance il n'y a eu aucune incidence sur cette industrie-là du fait d'avoir réduit le taux d'alcoolémie.
M. Bergeron: ...restauration?
**(17 h 40)**Mme Morin (Marie-Claude): L'industrie de l'hospitalité, en général. Il n'y a pas eu de diminution de consommation d'alcool dans ces pays-là non plus. Est-ce qu'il y a eu un changement de comportement? Peut-être. Mais il n'y a aucune donnée qui démontre, dans un sens ou dans un autre, que ça a eu un effet.
Pour ce qui est de la crédibilité des organisations, je ne mettrai jamais en doute la crédibilité d'Éduc'alcool, mais il faut bien comprendre que nos deux organisations viennent de deux points de vue diamétralement opposés. Je pense qu'on est, sur le fond, d'accord, mais on ne vient pas ne la même place. MADD est un organisme de bienfaisance financé par les gens, Écuc'alcool est un organisme sans but lucratif, financé par les ventes d'alcool au Québec. Alors, pour nous, il y a définitivement problème de conflit d'intérêts. Je pense que les gens qui sont sur le... qui siègent sur le conseil d'administration d'Éduc'alcool ont une position qui est défavorable à tout changement qui pourrait impliquer un changement au niveau de la consommation d'alcool. Mais ça, ce n'est pas démontré. Et je continue en disant que les producteurs d'alcool canadiens, les associations canadiennes ont approuvé cette mesure-là dans le cadre de la Stratégie nationale sur l'alcool.
L'Association des brasseurs, entre autres, et l'association des producteurs de vin, qui sont des gens qui sont quand même au fait de leur industrie, ces gens-là ont reconnu que c'était nécessaire et essentiel d'avoir une mesure à 0,05.
M. Bergeron: ...puis Éduc'alcool, qui est financé par la vente d'alcool, n'est pas d'accord. C'est parce que vous établissez un lien, là.
Mme Morin (Marie-Claude): Bien, apparemment pas, là. C'est là où c'est difficile un petit peu de comprendre. Si l'industrie et les associations qui s'occupent de cette industrie-là ont entériné cette mesure-là, ont... se sont dites en faveur de cette mesure-là, pourquoi est-ce qu'Éduc'alcool ne suis pas dans cette même pensée? Je ne sais pas. Je n'en ai pas discuté avec eux, à savoir pourquoi ils s'opposent. Je pense que, sur la base de leur mémoire présenté en 2007, ils préconisaient d'autres mesures avant d'en passer à 0,05. Mais je ne sais pas ce qu'ils vont présenter, là, cette année.
M. Bergeron: Et quant à la capacité pour le citoyen ou la citoyenne de connaître et de reconnaître ses limites?
Mme Morin (Marie-Claude): Bien, c'est clair que c'est difficile pour la plupart des gens, mais je vous dirais que la bonne vieille maxime, En cas de doute, s'abstenir, est tout à fait valide. On parle beaucoup de toutes les mesures alternatives pour rentrer à la maison en sécurité. Je pense qu'il y a un effort à faire de ce côté-là pour s'assurer que toute personne qui le désire pourrait avoir un moyen de rentrer à la maison en toute sécurité sans avoir à prendre son véhicule.
Je pense que la clé du succès, elle est là, c'est qu'il faut encadrer ce changement de comportement là de façon adéquate.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député.
M. Bergeron: J'aimerais aborder, un peu à l'instar de mes collègues, la question des récidivistes.
La question du 0,05 rencontre, à mon sens, une certaine résistance dans la population en raison, je pense, et là je vous livre mon analyse bien modeste, là, en raison, je pense, de la perception qu'a le public de l'importance des récidivistes et multirécidivistes dans le bilan routier du Québec, de la perception du public quant au caractère modeste des peines qui leur sont imposées et, deuxième élément qui est un peu le corollaire du premier ou vice versa, qui est ce sentiment qu'ont les gens que, quoi qu'on fasse, de toute façon on ne se fera pas pogner. Les gens ont le sentiment... qu'on soit à 0,08 ou à 0,09, les chances qu'on se fasse poigner, là, à part dans le temps des fêtes, là, où, là, il y a un petit peu plus de barrages, là, sont quasi nulles.
Alors, moi, j'aimerais vous amener sur deux questions. Je vais commencer par la première. J'apprécie les informations que vous donnez dans votre mémoire, mais je ne vous cacherai pas que j'ai été un peu déçu. Pas déçu parce que je ne suis pas en accord, ou je suis plus en accord, ou Dieu sait quoi. Je pense que ce n'est pas le moment de se prononcer de façon très définitive là-dessus. C'est le moment d'écouter les gens, d'écouter les arguments. Et ce sont des arguments qui sont, certes, pertinents, mais des arguments qu'on a déjà entendus. Moi, je m'attendais aujourd'hui à ce que vous veniez nous donner des indications sur les façons de jouer sur le premier élément de perception du public.
Dans la foulée du communiqué de presse qui a été émis hier, la ministre a posé hier une question à un groupe en disant: Qu'est-ce que vous nous suggérez de faire pour resserrer les règles par rapport aux récidivistes? J'ai senti qu'il n'y avait pas d'objection, du côté du gouvernement, de resserrer les règles. La question est juste de savoir comment on le fait. Alors, j'aurais aimé que vous nous arriviez avec quelque chose de costaud sur comment on le fait, de telle sorte de vaincre la résistance du public par rapport à cet argument-là. Bon. Je sais que la SAAQ puis le ministère nous ont donné des chiffres nous disant que somme toute les récidivistes, ce n'est pas si important que ça en termes d'impact sur le bilan routier. Je veux bien croire, mais, à l'instar de la ministre, à l'instar de mes collègues, je dis qu'un mort, c'est un mort de trop puis que, si on est capables d'en enlever, dus par les récidivistes puis multirécidivistes, puis si, en jouant sur ce facteur-là, on vainc un facteur de résistance, un élément de résistance au niveau de la population, bien allons-y. Pourquoi pas? Alors, j'aurais besoin que vous nous...
Puis, si vous n'êtes pas en mesure de le faire aujourd'hui, là, si vous vouliez, dans les jours subséquents, nous envoyer des suggestions de ce qui pourrait être fait pour resserrer le Code de la sécurité routière par rapport aux récidivistes et multirécidivistes, je vous le dis tout de suite, de façon unanime, de façon unanime, ça va être reçu à bras ouverts, de façon très positive. Parce qu'actuellement, dans le public, pour des raisons qu'on peut expliquer, là, généralement un 0,08 qui se fait pogner dans un barrage, ça ne fait pas les médias, mais un récidiviste puis un multirécidiviste, là, ça, c'est la page frontispice du Journal de Montréal le lendemain matin, puis ça, ça fait jaser. Ça fait que les gens ont la perception que le problème... le vrai problème, là, au niveau de la sécurité routière, c'est les récidivistes puis les multirécidivistes. Ça fait que qu'est-ce qu'on peut faire pour resserrer? Je ne sais pas si vous voulez répondre tout de suite ou j'y vais tout de suite avec la deuxième question?
Mme Morin (Marie-Claude): Non. Je peux répondre, si on me permet.
La Présidente (Mme Doyer): Allez-y, Mme Morin.
Mme Morin (Marie-Claude): Je pense que, votre réponse, vous l'avez dans le communiqué de presse qui vient d'être déposé. Pour nous, c'est clair que, si on veut agir efficacement sur les récidivistes, il faut que ça soit dans le cadre des mesures de suspension de permis de courte durée, d'abord, afin de dépister, de trouver ces gens-là d'abord, d'agir sur ces gens-là en leur offrant une thérapie, de l'aide, ce dont ils ont besoin, dépendant des cas, et ensuite de sévir.
Alors, ces recommandations-là, elles ont été émises par MADD. Vous les avez dans le communiqué de presse qui a été émis hier. Outre ça, je pense que les mesures qui viennent d'être adoptées, qui viennent d'être mises en application c'est-à-dire récemment pour justement toucher les gens avec un haut taux d'alcoolémie... va régler une partie des problèmes des récidivistes. Parce que les récidivistes, il faut comprendre que, dans beaucoup de cas, ce sont des gens qui ont des problèmes de consommation et qui n'arrivent pas à arrêter, pour toutes sortes de raisons. Il faut agir, il faut les encadrer. Ça, c'est clair. Notre société n'accepte plus la situation des récidivistes. Nos cours de justice n'acceptent plus la question des récidivistes. On a vu cette semaine une personne... ou la semaine dernière une personne recevoir une sentence de prison assez intéressante pour être tout simplement un multirécidiviste de l'alcool au volant.
Alors, il y a des choses qui sont déjà en place, il y a des changements au niveau de notre cour... de notre système de cour pénale. C'est clair que, de notre côté, on ne fait pas seulement des représentations au niveau du Québec, on fait des représentations au niveau fédéral pour que les instructions soient claires qu'on doit sévir à la pleine mesure du Code criminel. Présentement, c'est un secret de Polichinelle. Les gens savent très bien que, même si on a tué une personne parce qu'on était en situation de conduite avec facultés affaiblies... ou par la drogue, peu importe, que les sentences vont être ridicules comparativement au délit. Alors, pour nous, c'est important qu'on continue de travailler là-dessus pour donner justement à notre société un sentiment de justice. Mais ça, c'est vraiment au niveau fédéral. Quand on parle de l'application de sentences, par exemple, c'est... ça vient vraiment du gouvernement fédéral et de changements au Code criminel. Alors, il faut faire la différence entre les deux. Au niveau provincial, malheureusement, on n'a pas le pouvoir d'agir sur les sentences. Les instructions viennent du fédéral, du ministre de la Justice fédéral qui donne des instructions à tous les juges au niveau provincial d'appliquer la loi d'une façon x ou y.
**(17 h 50)** On a eu des précédents très importants, puis le Québec fait très bonne figure, je vous dirais, depuis un an, parce qu'on a eu des dossiers graves, importants, qui ont fait jurisprudence, et ça, pour nous, c'est important.
On a eu un dossier, entre autres, où il n'y avait pas eu de consommation d'alcool, on parlait strictement de drogues, et, malgré le fait qu'il n'y avait aucun précédent et aucune jurisprudence, la personne a eu trois ans de prison. Ça a fait... c'est une première, et ça a créé jurisprudence. On a eu aussi plus récemment le dossier de M. Walsh, qui a eu une peine d'emprisonnement à perpétuité, ce qui était une première au Canada. Ça ne s'était jamais fait. La plus grosse sentence qui avait été accordée avant, c'était 15 ans et c'était pour quelqu'un qui avait tué deux fois. Il avait été incarcéré et, au sortir de la prison, il avait tué une deuxième fois et il avait eu 15 ans de prison.
Alors, qu'on en soit venus l'an dernier dans le dossier Walsh à une condamnation de prison à perpétuité assortie de ce qu'on appelle l'étiquette, là, de délinquant dangereux à contrôler, on a fait des grands pas au niveau de notre système de justice pénale au niveau fédéral. C'est clair qu'il reste des choses à faire, puis il y a des dossiers qui sont sur la table. La question du 0,05 au niveau du Code criminel est en discussion. La question aussi de la possibilité de tester le taux d'alcoolémie de façon aléatoire aussi est en discussion. C'est des choses qui apporteraient des grands changements au niveau fédéral. Mais là présentement on parle de propositions d'amendement au niveau provincial, allons-y avec ce qu'on peut faire au niveau provincial. Hier, j'entendais quelqu'un dire: Oui, mais pourquoi ne pas criminaliser? On ne peut pas criminaliser, ça relève du gouvernement fédéral.
M. Bergeron: ...oui, on connaît les limites. On connaît les limites, ça, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, puis un jour on réglera peut-être... on réglera assurément ce problème-là.
Mais, cela étant dit, moi, je pense qu'il y a des choses qui peuvent et qui doivent être... elles doivent être faites. Je ne veux pas prolonger indûment sur la question des récidivistes puis des multirécidivistes, mais, tu sais, on a l'air de penser que l'antidémarreur avec éthylomètre, puis les balayages... les lecteurs à balayage de plaque, c'est la panacée à tous nos problèmes. Le problème, c'est que le multirécidiviste, très souvent il ne rembarque pas dans son char, il rembarque dans le char de quelqu'un d'autre puis il s'en va tuer quelqu'un d'autre sur la route. Alors, il y a des choses qui vont devoir être faites pour s'assurer que nous puissions encore davantage resserrer du côté des récidivistes, des multirécidivistes.
Maintenant, sur la question de la perception du public, comme quoi de toute façon le système est laxiste, puis je peux bien prendre un verre, de toute façon je peux bien me le permettre, cette fois-là je vais prendre une chance parce que de toute façon les chances que je me fasse prendre sont à peu près nulles, moi, je pense que c'est au coeur du problème. Ce n'est pas tout de fixer la norme à 0,05. S'il n'y a pas une vaste campagne de sensibilisation accompagnée de mesures pour s'assurer de la mise en oeuvre de cette disposition, ça ne demeure qu'un voeu pieux. Puis on n'a qu'à regarder les bilans routiers à travers le Canada pour voir que le Québec ne se situe pas trop mal par rapport à d'autres provinces qui ont en vigueur le 0,05. Donc, tout ne réside pas dans le fait de mettre en oeuvre le 0,05, il faut également regarder ce que les autres provinces font... puis les autres juridictions font en termes de sensibilisation puis en termes de mise en oeuvre de la mesure.
On a eu un exemple absolument remarquable aujourd'hui de la France, où on nous a dit que le bilan routier s'était amélioré de 40 % depuis qu'on a mis en place, il y a de cela plusieurs années, le 0,05, mais le taux de gens qui se sont fait prendre en état d'ébriété avait augmenté de 10 %. C'est donc dire que mettre la mesure seulement, ça ne change rien.
La Présidente (Mme Doyer): Mme Morin. Il reste à peu près 1 min 30 s.
Mme Morin (Marie-Claude): O.K. Alors, je vais faire ça rapidement. D'une part, on nous a proposé ces chiffres-là aujourd'hui, mais on n'a aucune idée d'où ces chiffres-là viennent, exactement. Pourquoi il y a eu une augmentation de 10 %? Est-ce que c'est parce qu'on a fait un effort pour appréhender les gens qui étaient en infraction? Moi, j'aimerais savoir d'où vient ce 10 % là.
Mme Boulet: On a la réponse ici.
Mme Morin (Marie-Claude): Oui? Bon, alors peut-être que vous pourrez nous le dire, ça m'intéresse. D'autre part, je n'ai jamais dit... et je me souviens très bien en début de présentation d'avoir dit que la mesure de 0,05 isolément ne changerait rien.
M. Bergeron: ...que vous aviez dit ça, là.
Mme Morin (Marie-Claude): C'est ça. Alors, il faut que ce soit très clair. Et j'ai même fait remarquer que c'était important, quand M. De Koninck a parlé hier de cette mesure-là, qu'elle soit assortie d'un programme de sensibilisation.
Pour la question des multirécidivistes, malheureusement, je fais mon petit bout de chemin là-dessus à chaque fois que j'ai une entrevue, à chaque fois que je parle à des gens, je répète que les multirécidivistes ne sont pas la principale cause de décès dus à la conduite avec facultés affaiblies sur nos routes. Comment on peut véhiculer ce message-là plus que ça? Je n'en sais rien. Vous nous demandez à nous, une organisation bénévole avec des moyens financiers minimes, comment on peut publiciser plus largement cette information-là. Je pense qu'il faudra s'en référer à des organisations qui sont mieux équipées que nous, là, pour éduquer le public, là.
M. Bergeron: ...que l'impact est moindre du côté des récidivistes et multirécidivistes, parce que ce n'est pas ça, la question. Comme je le disais, un décès, c'est un décès de trop. Mais il y a une perception dans la population, véhiculée par les médias que le gros problème, c'est les récidivistes puis les multirécidivistes.
Mme Morin (Marie-Claude): ...un mythe.
M. Bergeron: Ça fait qu'il faut travailler là-dessus.
Mme Morin (Marie-Claude): Oui. C'est un mythe, et il faut effectivement travailler là-dessus.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci, Mme Morin. Merci beaucoup de votre contribution.
Je mets fin aux travaux pour aujourd'hui. Et, compte tenu qu'il est maintenant 18 heures, la commission ajourne ses travaux au lundi 15 février 2010, à 14 heures, pour une séance de travail. Merci. Bon retour chez vous.
(Fin de la séance à 17 h 56)