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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, November 4, 2009 - Vol. 41 N° 32

Consultations particulières sur le document intitulé Le Québec et les changements climatiques - Quelle cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020?


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures dix minutes)

La Présidente (Mme Doyer): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du document intitulé Le Québec et les changements climatiques ? Quelle cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020?

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Boucher (Johnson) est remplacé par Mme Beaudoin (Rosemont).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Alors, j'appellerais les représentants de l'Union des municipalités du Québec, pour qu'ils nous fassent leur présentation. Vous avez 10 minutes. Bienvenue à M. Denis Lapointe et à Mme Marieke Cloutier. À vous la parole pour une présentation de 10 minutes, M. Lapointe.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Lapointe (Denis): Mme la ministre, Mme la Présidente de la commission, Mmes et MM. les députés, d'abord, merci de nous recevoir à nouveau. Nous avons presque une passe de saison avec cette commission. Et ça nous fait plaisir de pouvoir échanger à nouveau avec vous.

Vous me permettrez d'abord de vous présenter la personne qui m'accompagne: Mme Marieke Cloutier, qui est conseillère aux politiques à l'UMQ. Et, comme on a abondamment parlé de ses exploits à la dernière rencontre de la commission, je passerai outre au retour sur la question.

Alors, l'Union des municipalités du Québec est heureuse de prendre part à la commission parlementaire sur les changements climatiques et la cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. Un nombre croissant de municipalités s'engage dans la voie de l'efficacité énergétique, de la lutte aux gaz à effet de serre et de l'adaptation aux changements climatiques par l'entremise de projets, notamment l'achat de voitures hybrides, la modernisation des infrastructures, la valorisation des matières organiques, et en adoptant aussi des pratiques nouvelles visant à contrer l'émission des gaz à effet de serre, comme l'opération Coupez le moteur!, pour ne nommer que ceux-là.

Néanmoins, les municipalités québécoises demeurent vulnérables aux changements climatiques. C'est pourquoi l'Union des municipalités du Québec est proactive dans ce dossier. De 2003 à l'an 2006, l'union initiait, avec l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie, le programme GES Énergie-Municipalités, pour inciter les municipalités à dresser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, soit une caractérisation des infrastructures, des équipements et des flottes de véhicules et élaborer un plan de réduction en matière de gestion de l'énergie et des émissions de GES.

En 2007, l'Union des municipalités adoptait une résolution sur les changements climatiques afin de soutenir la mobilisation des conseils municipaux, eu égard aux actions à poser par rapport au phénomène de changements climatiques. Au printemps 2008, l'union lançait sa politique de mobilité et transport durable. Cette politique propose une réflexion et un engagement du milieu municipal pour réduire les gaz à effet de serre liés au transport des personnes et des marchandises. L'union a également présenté aux intervenants municipaux des ateliers politiques au sujet de la mobilité du transport durable de même qu'aux changements climatiques. Elle a aussi paraphé deux ententes partenariales avec Hydro-Québec et Gaz Métro au chapitre de l'efficacité énergétique. L'Union des municipalités est ouverte à l'instauration d'un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission en gaz à effet de serre.

L'union a commandé, en 2007, une analyse des potentiels de crédits compensatoires et réduction des gaz à effet de serre pour le secteur municipal au Québec. Bien que la mise en place d'un tel système soit très complexe à l'échelle québécoise, les municipalités qui souhaitent participer à ce système, après une analyse de risques et d'opportunité exhaustive, devraient, selon nous, avoir la possibilité de le faire. L'augmentation pressentie de la taxe verte sur les carburants et combustibles fossiles devra nécessairement contribuer à financer des mesures concrètes en faveur de la cible de réduction des gaz à effet de serre retenue.

Dans ce contexte, un financement accru du transport collectif permettrait de mener à bien une foule de projets municipaux visant à améliorer les réseaux ruraux et urbains existants et à en développer de nouveaux. Le transport collectif et l'intermodalité jouent un rôle fondamental dans la mobilité durable, l'environnement notamment, la diminution de gaz à effet de serre et de la consommation des ressources non renouvelables, le développement économique et les échanges commerciaux ainsi que la qualité de vie.

L'Union des municipalités a plusieurs idées pour encourager la contribution municipale dans l'atteinte de la prochaine cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et de la lutte contre les changements climatiques: on pense au transport, aux bâtiments durables. à l'agriculture, à la gestion des matières résiduelles, aux terrains contaminés et à l'adaptation aux changements climatiques.

Au niveau des transports et mobilité durable, avec sa politique de mobilité et de transport durable, l'Union fait valoir que les municipalités et les MRC sont des agents de première ligne dans ce domaine. D'une part, parce qu'elles sont responsables au premier chef de l'aménagement du territoire ainsi que de l'application des lois et règlements en rapport avec certains aspects du secteur. Elles jouent également un rôle clé en matière de mobilité par les choix qu'elles font à titre de pourvoyeuses de services à la collectivité.

Par ailleurs, les municipalités devraient être le niveau de référence privilégié de la mise en oeuvre de la mobilité durable, puisque c'est à l'échelle de leurs territoires que se définit une part essentielle des enjeux auxquels nous sommes confrontés, dont celui concernant les changements d'habitude en regard des déplacements de proximité.

Les municipalités participent largement au déploiement de la mobilité et du transport durable. En 2007, ce sont plus de 1,2 milliard qui ont été dépensés pour le transport collectif au Québec, qui ont été... Cependant, la contribution financière du milieu municipal a atteint un plafond: de 29 % qu'elle était en 1992 lors de la réforme du cadre fiscal québécois, elle est passée à 38 % en 2005 et à plus de 50 % aujourd'hui dans certaines municipalités. Au total, pour l'année 2008, c'est plus de 600 millions de dollars qui ont été investis par les seules autorités organisatrices de transport.

La politique québécoise du transport collectif intitulée Pour offrir de meilleurs choix aux citoyens fixe comme objectif une augmentation de 16 % de l'offre de services, établie pour arriver à créer une hausse de 8 % de l'achalandage du transport en commun. Pour atteindre ces objectifs de développement du transport collectif, il faudra y mettre les moyens. L'atteinte d'une véritable mobilité et d'un transport collectif durable passe par les ressources qu'on y consacre. C'est pourquoi il est essentiel d'investir dans leur développement partout au Québec, tant dans les municipalités à caractère rural qu'urbain.

Compte tenu des besoins croissants de financement dans le transport collectif, des revenus supplémentaires obtenus par une hausse de la taxe verte sur les hydrocarbures devront nécessairement servir à bonifier et à améliorer les programmes existants ayant un horizon de long terme, tels que le Fonds vert et le transfert de la taxe sur l'essence. Il faut tout mettre en oeuvre pour faire émerger une nouvelle offre de transport durable au Québec.

Les investissements massifs dans le transport collectif, autobus, métro, autopartage, taxi, train et avion sont un pas dans la bonne direction, sans compter qu'ils contribuent à la productivité nationale, à la création d'emplois et à la qualité de vie. Le transport collectif représente une réponse à des enjeux de société, qu'ils soient environnementaux, sociaux ou économiques. Le gouvernement doit donc en assurer un financement stable, prévisible, suffisant, équitable et à long terme.

Au niveau des bâtiments durables, consciente que les municipalités du Québec veulent saisir les opportunités offertes par les bâtiments durables et les différentes certifications écologiques, l'union a adopté, le 19 juin dernier, une résolution visant à sensibiliser le gouvernement au fait qu'il doit encourager la construction de bâtiments durables. L'union demande au gouvernement de créer des programmes d'incitatifs financiers qui encourageraient le milieu municipal à mettre de l'avant des projets à ce niveau.

L'utilisation, dans les règles de l'art, du bois provenant de l'industrie forestière québécoise pour la construction et la rénovation des bâtiments peut être un excellent moyen d'allier le développement durable, le développement économique local et la réduction d'émissions de CO2. Dans son quatrième rapport, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat souligne la contribution tangible du bois de construction à la réduction des gaz à effet de serre.

Au niveau agriculture, le Québec est un vaste territoire, et les distances à parcourir pour la distribution des aliments peuvent atteindre 3 000 kilomètres. Les impacts sont importants en termes de protection des gaz à effet de serre... de production, dis-je, de gaz à effet de serre et de coûts de transport dans le contexte de l'augmentation du coût du pétrole.

Dans le cadre de son plan d'action sur le suivi des recommandations de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, l'union a participé aux chantiers de travail mis en place qui conduiront à l'élaboration d'une politique agricole et agroalimentaire québécoise. L'union a déjà fait valoir au gouvernement qu'elle appuie une telle politique et a demandé qu'elle comprenne un volet territorial axé sur l'appui du développement régional, l'occupation et l'habitation dynamiques du territoire.

En termes d'occupation et d'habitation du territoire, il existe un consensus selon lequel l'aménagement du territoire serait une des clés de voûte du développement durable et de la lutte contre le changement climatique. L'orientation 6 de la stratégie québécoise de développement durable visant à aménager et développer le territoire de façon durable et intégrée devrait prendre en compte les nouvelles cibles retenues par Québec en termes de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation aux changements climatiques. En effet, les schémas d'aménagement et le développement sont des véhicules tout indiqués de la démarche de développement durable et, par ricochet, de la lutte contre les changements climatiques. Rappelons à cet effet que la mobilité et le transport collectif constituent des véhicules essentiels à l'aménagement durable d'un territoire. L'union a adopté, en l'an 2006, un plan d'action sur l'occupation du territoire et réalisé plusieurs actions en lien avec cet enjeu.

En termes de gestion de matières résiduelles, cette année, l'Union des municipalités a demandé et obtenu du gouvernement du Québec la mise en place d'un nouveau programme pour les infrastructures de valorisation des matières organiques. Elle a adopté une résolution afin que programme de biométhanisation soit rendu accessible rapidement aux municipalités et demandant la création d'autres programmes d'infrastructures, de valorisation biologique des matières organiques pour les municipalités qui ne pourront pas profiter du programme de biométhanisation.

n(11 h 20)n

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe, il vous reste 10 secondes.

M. Lapointe (Denis): Je termine.

La Présidente (Mme Doyer): Terminez...

M. Lapointe (Denis): Alors, j'arrive à la conclusion. L'union a demandé au gouvernement...

La Présidente (Mme Doyer): ...capable de faire ça.

M. Lapointe (Denis): Pardon? Ça va?

La Présidente (Mme Doyer): Je suis sûre que vous êtes capable de le faire succinctement.

M. Lapointe (Denis): Alors, l'union a demandé au gouvernement, en septembre dernier, de reconduire et de bonifier les programmes ClimatSol afin d'accélérer la réhabilitation des terrains contaminés. Par conséquent, l'union offre sa collaboration au ministère du Développement durable et des Parcs pour moduler les critères de programmes ClimatSol afin de les rendre davantage accessibles aux municipalités.

Alors, j'en suis à la conclusion. Je n'aurais pas nécessairement besoin de la lire. Je pense que vous avez vu dans l'ensemble ce qui nous anime comme organisation représentant les municipalités. Alors, je me mets à votre disposition pour répondre aux questions.

La Présidente (Mme Doyer): Merci beaucoup, M. Lapointe, Mme Cloutier. Et la parole est à la ministre, pour un échange qui peut durer 22 minutes.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Bienvenue, Mme Cloutier. Bienvenue, M. Lapointe. On doit commencer en vous offrant nos félicitations pour votre réélection comme maire de Salaberry-de-Valleyfield. Et, comme vous le savez, donc, c'est mon coin natal, et c'est toujours avec beaucoup de fierté qu'on vous accueille ici comme porte-parole de l'Union des municipalités du Québec. En fait, je viens de Saint-Timothée, mais, O.K., je me résigne à dire que...

M. Lapointe (Denis): ...savais que vous alliez le dire.

Mme Beauchamp: Ma mère va être fière. Je viens de Saint-Timothée, puis, d'accord, d'accord, ça fait partie de Valleyfield. Et je vous taquine en vous disant ça.

Peut-être une première question. Sur la question de la cible que le Québec doit se donner pour 2020, vous dites: Ça devrait être une cible ambitieuse. Est-ce que vous êtes capables de nous en dire plus? Le gouvernement a pris le temps de modaliser quatre scénarios. Qu'est-ce qu'on doit comprendre? Vous comparez cela à la prise de position de plusieurs regroupements de maires, de municipalités et de maires qui, à l'échelle de l'Europe, et tout ça, ont pris des positions. On doit comprendre quoi, là? Dans les scénarios supérieurs... Parce qu'il y en a qui sont venus nous dire, des groupes industriels sont venus nous dire que moins 10 %, moins 12 %, c'était ambitieux dans le contexte nord-américain.

Moi, je veux savoir de l'Union des municipalités du Québec, là: Est-ce que vous êtes capables de nous en dire un peu plus sur comment vous voyez la question, là, de la cible que doit se donner le Québec?

Et d'autant que, comme vous l'avez dit, vraiment à juste titre, la question de l'aménagement du territoire, au Québec, va être au coeur des changements, là, des efforts ou des changements qui doivent être faits pour 2020. Chez nous, ce n'est pas fermer des centrales de production de l'électricité à partir de charbon ou de mazout, chez nous, ça va être une question beaucoup, beaucoup de transport culture, une autre façon de vivre. Et, vous, comme municipalités, vous êtes des partenaires, mais vous allez être directement interpellés.

Ça fait que, moi, j'ai besoin de plus vous entendre sur un peu comment vous voyez la question de l'adoption de la cible par le gouvernement du Québec.

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Je vous dirais que, dans un premier temps, ce qu'on convient, nous, c'est que c'est la responsabilité du gouvernement d'établir une cible. Et, lorsqu'on parle pour nous d'une cible généreuse ou d'une cible ambitieuse, ce qu'on constate, c'est qu'on parle depuis fort longtemps de la réduction des gaz à effet de serre et on estime qu'on a accumulé un certain retard comme gouverne, pas seulement qu'ici, à l'échelle, je pense, aussi nationale, canadienne. Ce n'est pas tout le monde qui s'est investi de façon aussi ambitieuse dans une démarche visant à prendre le taureau par les cornes et d'y aller à fond de train à ce niveau-là.

Les cibles, chaque fois qu'on a parlé d'une cible, chaque fois que l'État et le Canada en particulier a parlé d'une cible, les cibles ont toujours été modifiées parfois... surtout à la baisse, de façon à protéger tel ou tel marché ou l'industrie en particulier. Et, ce faisant, en fait quand je vous parle d'un retard, bien on a accumulé un certain retard à ce niveau-là, et de rejoindre les objectifs de Tokyo, de rejoindre les objectifs qui se sont... qui ont été identifiés subséquemment à Tokyo, c'est devenu presque impossible.

Donc, comme je vous le disais tout à l'heure, il faut prendre le taureau par les cornes, aller assez loin à ce niveau-là. Ce n'est pas grave si on ne réussit pas à atteindre, au bout d'un certain temps, la cible qu'on s'est fixée. Mais elle doit être suffisamment ambitieuse pour que les programmes qu'on met en place pour nous faire cheminer jusqu'à l'atteinte d'un objectif ultime, bien il faut qu'ils soient adaptés à ces objectifs ambitieux là. Alors, c'est pour ça qu'on parle d'y aller de façon généreuse et ambitieuse dans ce contexte-là. Sans nécessairement fixer les paramètres là, je pense qu'on doit avancer et avancer rapidement maintenant et plus souvent qu'autrement, lorsqu'on a des règles ou un encadrement qui est très strict et qui est très... dont les cibles sont très, très élevées, l'effort en bas de l'échelle, on le met à ce moment-là pour dire il faut atteindre ça. Et, bien, c'est dans ce sens-là qu'on veut s'exprimer, nous.

C'est une réponse bien souvent de politicien, vous allez me dire, à ce niveau-là. On n'a pas donné spécifiquement d'encadrement à ce niveau-là, mais on pense qu'on doit aller aussi loin que vous l'avez mentionné tout à l'heure.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais vous êtes plus proche d'une cible à moins 20 % qu'à moins 10 %. Ça ressemble à ça, comme commentaire.

M. Lapointe (Denis): Ça ressemble fortement à ça.

Mme Beauchamp: Donc, si on est capable de lire entre les lignes. Toute la question de l'aménagement du territoire maintenant. Plusieurs viennent nous rencontrer à juste titre, je le mentionnais, là, en disant que, s'il y a une dimension de notre vie en société qui va connaître de profondes modifications avec une cible ambitieuse d'ici 2020, c'est la question de l'aménagement du territoire.

Je veux vous entendre sur les possibilités que vous voyez, la notion... Hier, on se disait: Il faudrait trouver... C'est M. Turgeon de Vivre en ville qui nous disait: Il faudrait bien trouver un vocable qui parle aux citoyens puis bien traduire la notion de «smarth growth». Mais, à défaut de ne pas encore avoir un vocable qui s'est imposé dans l'imaginaire, mais que vous nous parliez un peu de où est-ce que vous voyez les possibilités donc de cette croissance intelligente qu'on aurait pour vivre ensemble dans notre société.

Et aussi, je veux vous entendre... Je veux entendre vos réactions face au fait que certains, quelques groupes environnementaux notamment qui ont développé une très belle expertise, sont venus nous dire: Écoutez, vous allez devoir, là, serrer la vis, là. Vous allez devoir avoir une démarche avec le monde municipal où vous allez devoir leur imposer un cadre. Par exemple, certains invoquaient même un cadre réglementaire, les notions d'aménagement du territoire. Il y a eu des propos parfois qui ont dit: Vous n'aurez pas le choix parce que sinon ça ne bougera pas assez vite.

Je vous invite, là, à reprendre connaissance des propos donc, par exemple, de M. Turgeon, c'est bien ça, de Vivre en ville, hier soir. On a la chance de vous avoir parmi nous aujourd'hui. L'aménagement du territoire va être au coeur des changements qu'on doit vivre pour aller vers une société plus verte, une économie plus verte. Vous êtes directement... vous avez un champ de responsabilités quant à cette question d'aménagement du territoire. Comment vous voyez ça et notamment sur les rapports, sur l'encadrement nécessaire par le gouvernement du Québec sur ces questions-là?

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe.

n(11 h 30)n

M. Lapointe (Denis): J'aurais un mot que je pourrais utiliser qui résume fondamentalement l'image qu'on a justement de la gestion du territoire, c'est l'étalement urbain. Et ça, ça concerne chacune des municipalités.

Dans les réformes territoriales qui ont été faites depuis 2002, 2004, les regroupements municipaux ont fait qu'on se retrouve dans beaucoup de cas avec des villes où les portions agricoles qui sont intégrées aux portions urbaines et la dichotomie qu'il y a entre certaines zones de développement et certaines hautes zones agricoles qui sont en pleine exploitation dans un ensemble urbain, il y a un déséquilibre qui est important à ce niveau-là. Et dans bien des cas encore, l'adaptation des lois, des réglementations reliées à la gestion agricole et la gestion municipale, ce n'est pas adapté à cette nouvelle... à cette réorganisation municipale là. Donc, on se retrouve avec des territoires à exploiter où il y a de grandes différences, dépendant de la partie de la municipalité où on se retrouve.

L'étalement urbain est encore présent dans beaucoup de décisions ou dans beaucoup d'orientations de développement qui sont adoptées par les centres locaux de développement, par les villes aussi. On veut développer d'immenses projets dans des zones agricoles, et chaque projet a sa raison d'être. Mais dans le contexte, lorsqu'on implante un projet dans un secteur, on crée une nouvelle entité qui va nous amener à recréer encore ou à accélérer l'étalement urbain dans bien des niveaux. Et il y a bien des endroits dans chacune des villes qui n'ont pas été remplis, bien des territoires qui n'ont pas été remplis, où on n'a pas valorisé, par la densification de ces territoires-là, le développement urbain.

Alors, il faut travailler sur toute cette question d'étalement urbain là et essayer... Si vous voulez aider les villes à mieux gérer, c'est certainement de leur donner les outils nécessaires pour arriver à ce qu'on puisse réunir les parties de zones urbaines qui sont séparées les unes des autres, mais faire en sorte de consolider les territoires agricoles qui sont apparus importants dans ces regroupements municipaux là.

Ça, c'est un élément qui est surtout important. Donc, densifier le territoire, favoriser la mixité des usages à l'intérieur de nos propres territoires, même les territoires urbains. Nos règles du jeu quant à l'aménagement ou à l'urbanisation de nos territoires sont assez sévères, assez contraignantes aussi; il y a moyen d'arriver à faire, à mixer les usages à l'intérieur des territoires, des zones blanches qu'on occupe actuellement.

Et, ce faisant, on pourrait encore une fois améliorer l'utilisation de ce territoire-là, faciliter les accès ou le transport entre ces différentes parties de nos territoires-là, les zones industrielles, les zones résidentielles. Et ça, c'est un grand chantier sur lequel on pourrait s'investir, nous, et travailler avec vous à faire en sorte que nos milieux, nos zones urbaines et nos zones rurales qui sont intégrées à nos zones urbaines puissent survivre, mais bien se développer, bien se densifier. Si on réussit à faire ça, je pense que déjà on aura travaillé à l'amélioration des conditions environnementales ou d'exploitation de notre territoire.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Comme je vous disais, M. Lapointe, certains sont venus nous dire, par ailleurs, vous nous avez donné de bons exemples intéressants, mais il y en a qui sont venus nous dire, vous savez, le rapport, nous, on aime mieux le mot «partenariat», mais certains nous invitent à plus voir ça comme un rapport de force entre le gouvernement du Québec et le monde municipal. Il y en a qui nous disent: Vous allez devoir, là, ne pas attendre et imposer des règles du jeu. Je voulais vous entendre un peu plus sur ces questions-là. Donc, il y en a qui nous demandent de serrer la vis autour de l'urbanisme et de l'aménagement urbain.

Et peut-être ça m'amène à vous poser aussi la question sur des principes d'écoconditionnalité. Dans votre mémoire, dans les pistes d'action, vous dites: Il faut continuer à imposer des principes d'écoconditionnalité au monde agricole, ce qui se fait en ce moment à travers La Financière agricole. Mais je me pose la question: Comment vous réagissez à des principes d'écoconditionnalité par rapport au milieu municipal?

Je vais vous donner un exemple. Dans votre mémoire, vous dites, vous parlez du programme ClimatSol, puis aussi, plus loin, vous dites qu'il y a une résolution passée au printemps qui veut sensibiliser le gouvernement à l'importance de favoriser des bâtiments plus verts dans la construction d'édifices publics. Or, le programme ClimatSol est un programme qui avait une forme d'écoconditionnalité. On disait: Une municipalité a droit à des argents de tous les Québécois pour décontaminer un terrain, mais à la condition que l'édifice qui sera construit dessus soit un édifice vert correspondant aux normes Rénoclimat, ou encore que ce soit un terrain sur lequel il y aura plus de boisement, donc plantation d'arbres.

Moi, j'ai des municipalités qui sont venues me dire: Aïe, c'est bien trop sévère. Il y en a qui voulaient qu'on assouplisse ces règles-là. Moi, j'ai dit: Non, là. On en arrive à des notions comme ça où, si j'utilise l'ensemble de l'argent des Québécois, c'est en imposant certaines conditions.

Donc, je veux vous entendre, parce qu'il y a un niveau d'attente qui dit: Si je veux avoir une cible ambitieuse, parlons de moins 20 %. Si je veux parler d'aménagement du territoire, il y en a qui viennent nous dire: Il faut serrer la vis. Et il y a différentes façons: qu'on dicte les règles du jeu en termes d'aménagement du territoire à partir de Québec, ou encore il y a le principe d'écoconditionnalité, qui est un principe pour faire bouger le monde municipal. Mais je veux avoir vos commentaires sur ces questions-là.

Puis, comme je vous dis, je le sais que vous le savez, puis ce n'est pas un reproche, c'est la vraie vie, mais le programme ClimatSol, c'est un programme qui dit: Vous allez construire des bâtiments plus verts. Puis il y en a qui sont venus me dire: Vous êtes bien trop sévères. Mais il y a une résolution qui dit: Le gouvernement devrait encourager les bâtiments plus verts. Mais c'est une façon d'encourager la construction de bâtiments plus verts. C'est une bonne... L'approche de l'écoconditionnalité, si on veut vraiment changer les choses en 2020, est-ce que c'est une approche que vous seriez prêt à regarder, par rapport au programme de financement du monde municipal?

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Je vous dirai que oui, c'est une approche qu'on pourrait considérer, parce que je reprends même votre exemple des sites qui ont été contaminés, qui sont décontaminés ou qui pourraient recevoir des bâtiments, ou se voir donner une vocation tout à fait particulière. Déjà, actuellement, dans les règles du jeu sur l'application, ou l'utilisation, ou l'obtention de permis pour construire, là-dessus, c'est assez inégal, dépendant de la région où se situe actuellement. Il n'y a pas de véritable cadre d'application nous disant: Écoutez, si on décontamine jusqu'à tel niveau tel site, voici ce qu'on peut faire puis voici les règles d'application pour la réalisation d'un projet de construction sur ce site-là. Comme il n'y a pas de règles précises là-dessus, c'est plutôt l'application ou la perception de ceux qui ont à donner les autorisations sur les usages de ces sites-là qui prend force.

Alors, il n'y a pas d'uniformité actuellement, puis je pourrais vous donner des exemples. On en a un chez nous, un projet qu'on essaie de réaliser depuis je ne sais pas combien d'années. Et, à chaque fois, on se bute, dans le fond, à des règles qui changent dépendant des personnes qui ont à donner les autorisations, ou dépendant de leur perception. Et c'est... Quand je dis ça, ce n'est pas nécessairement négatif. Je pense qu'ils veulent protéger en fait le cadre de gestion. Mais leur perception du cadre de gestion ou de ce qu'il leur est permis d'autoriser n'est pas la même, dépendant de la région où on se situe et dépendant des individus qui interviennent dans ces dossiers-là. Alors...

Mme Beauchamp: Monsieur, je ne veux pas rentrer dans les détails. J'ai plus entendu une description d'une telle dynamique autour de la question des milieux humides.

M. Lapointe (Denis): Oui. Et...

Mme Beauchamp: Mais, par rapport aux sols contaminés, je pense que les règles de décontamination, à ma connaissance, là...

M. Lapointe (Denis): Moi, je vous dirais... je vous dirais...

Mme Beauchamp: ...après deux ans et demi à mon ministère, sont bien, bien claires.

M. Lapointe (Denis): Je vous dirais qu'elles... La perception ou la compréhension...

Mme Beauchamp: Mais, enfin.

M. Lapointe (Denis): ...des règles qui sont fixées, elle n'est pas la même dépendant des régions où on se situe. Ça, je vous dirai ça, et on pourrait élaborer sur des cas bien spécifiques à ce niveau-là.

Mme Beauchamp: Oui. Mais est-ce que...

M. Lapointe (Denis): Et ça, c'est malheureux, parce qu'à des endroits on pourrait réaliser tel ou tel projet, et en d'autres endroits, on ne peut les réaliser, et pourtant le cadre ou le type d'application est le même. Mais...

Mme Beauchamp: Ça va me faire plaisir de... sur cette dynamique-là, de poursuivre mes échanges avec vous, mais ce que je retiens de votre réponse, c'est: la notion d'écoconditionnalité serait une piste intéressante, si on veut faire bouger les choses en termes d'aménagement du territoire. C'est... Je pense que c'est un apport intéressant à la commission par rapport au fait de dire quel est le niveau de la cible que le Québec peut atteindre.

Je voudrais prendre le temps avec vous de parler de transport collectif, de transport actif, parce que ça aussi, bien sûr, le monde municipal est un joueur premier. Comme vous le savez donc, le secteur du transport est le premier secteur qui occasionne des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle du Québec. Vous-même, vous avez pris le temps, je crois, dans votre mémoire, de mentionner qu'à travers le plan d'action sur ces changements climatiques... donc à travers la redevance que l'on collecte en ce moment même, il y a beaucoup d'initiatives. Les deux tiers des sommes vont vers le transport collectif et actif, puis il y a d'autres programmes qui touchent le monde municipal: le programme Biogaz, par exemple, le programme Climat municipalités qui permet aux municipalités de faire des diagnostics et aussi des plans d'action ou d'adaptation par rapport aux changements climatiques. Quand on regarde ça, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de choses qui va vers bien sûr le monde municipal.

Mais je... j'avais besoin par rapport au domaine du transport collectif... Il y a donc eu, je pense, plus que jamais, des projets à l'échelle de certaines régions qui ne connaissaient pas le transport collectif. Puis il y a eu différentes initiatives de taxi collectif, vraiment des projets assez innovateurs qui ont été soutenus financièrement par le ministère des Transports.

Mais j'avais besoin de vous entendre un peu plus. Puis je ne voulais pas que ma question soit trop longue, mais quand on parle de ça, je trouve que très souvent, en termes de perception publique, les gens vivent ça un peu comme une opposition à des milieux plus urbanisés. Donc, des villes qui ont souvent une fonction de ville centre, où on parle carrément de métro, de tramway, de tout ça, et que les gens qui sont dans des milieux plus ruraux vivent ça comme une forme d'opposition, en disant: O.K., vous allez augmenter la redevance, je vais peut-être payer plus cher le litre d'essence, mais est-ce qu'il y aura quelque chose pour moi, pour m'aider en termes de transport collectif?

Je pense que vous êtes bien placé pour qu'on essaie de défaire cette opposition puis que vous nous donniez des exemples, d'ici 2020, de types de projet qui peuvent se faire, notamment, notamment vers des milieux plus ruraux qui, en tout cas en ce moment, sont pas ou moins desservis par le transport collectif.

n(11 h 40)n

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Je vais, je vais vous donner, je vais vous donner des exemples, mais au départ, la perception d'origine des milieux ruraux par rapport aux centres urbains était à l'effet que, si on mettait en place des transports collectifs, ça allait vider le village. On va vider, avec le transport collectif, on va vider le village puis, bien, les gens viendront nous voir en bus ou en taxi, et il n'y a pas d'avantage. C'était ça, à l'origine, cette perception-là.

La venue des transports adaptés intermunicipaux a fait en sorte de donner une autre compréhension à cette dynamique du transport collectif là. Donc, les gens qui veulent vivre dans des milieux urbains plus petits, des milieux urbains où fondamentalement la qualité de vie, la nature est plus, est plus au coeur des préoccupations des gens, ils se rendent compte qu'aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit: un transport mieux adapté, un transport collectif qui nous permettrait d'aller chercher les services qui existent dans les centres urbains qui sont à proximité va faire en sorte de nous faciliter la vie, donc je peux rester dans mon milieu rural et obtenir un certain nombre de services. Et cette dynamique-là est en train de changer.

Et même vous avez parlé des actions du ministère du Transport. Il est atterri, il n'y a pas tellement longtemps, dans les MRC qui ont... du moins qui ont une forte composante rurale, un programme qui vise, à tout le moins, à étudier cet aspect-là et à voir comment on pourrait mettre en place un transport collectif modeste tout simplement, mais qui permettrait de renforcer, renforcer, d'une certaine façon, les noyaux villageois et de permettre aux gens qui vivent dans ces milieux villageois là de pouvoir bénéficier des services urbains là-dessus.

Alors, on commence, dans beaucoup de MRC, un certain nombre d'études à ce niveau-là, puis je pense que ça va avoir une portée extrêmement intéressante dans ce contexte-là. Et ça en est un, bon exemple, qu'on peut donner justement sur cette possibilité-là de bien aménager notre territoire, de faire en sorte qu'on renforcisse ou qu'on consolide un certain nombre de zones urbaines, même dans des lieux ruraux, mais de faire en sorte qu'il y ait un partage des services vers l'extérieur, et il y a une ouverture de la part des municipalités, des MRC, à ce niveau-là, puis je pense que c'est dans la bonne voie.

Donc, un premier exemple qui peut nous donner des avantages ultérieurement: transport, mobilité des personnes, des travailleurs aussi, des étudiants. Ça veut dire qu'un étudiant qui vit dans un milieu rural, il n'aura pas besoin de s'en venir en appartement en ville, il pourra avoir un service qui lui permette de vivre chez lui et de continuer ses études dans des milieux urbains plus importants. Et c'est un petit peu vers ça qu'on doit tendre, d'une certaine façon, pour maintenir en top de liste la qualité de vie, puis de faire en sorte que les milieux villageois soient aussi vivants et continuent à être vivants.

La Présidente (Mme Doyer): Il vous reste 40 secondes, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oh là! J'ai bien pris note, dans votre mémoire, de l'appui à la notion d'un marché du carbone, donc un plafonnement des émissions. En échange, j'ai bien noté votre appui à l'augmentation de la redevance dans les scénarios. Je veux juste vous indiquer, dans votre mémoire, vous dites: Il faudrait que le monde municipal ait accès à la notion de crédits compensatoires dans des... par rapport au marché du carbone. Je veux juste prendre le temps de vous dire que ce sera tout à fait possible, hein. À l'intérieur du WCI, un des secteurs non assujettis puis qui va pouvoir faire l'objet donc de crédits compensatoires, c'est, par exemple, le secteur de la gestion des déchets; ça va concerner le monde municipal. Et en passant, on me souligne qu'à Montréal il y a déjà un projet de crédits compensatoires entre la compagnie Gaz Métro et la ville de Montréal. Donc, c'est des exemples.

Moi, je prends note qu'il y aura sûrement un effort à faire au cours des prochains mois, des prochaines années, pour une meilleure connaissance de toutes ces possibilités qu'offre le marché du carbone au monde municipal, parce que c'est une autre source de financement possible, tout à fait, on serait d'accord là-dessus.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, je prends ça comme un commentaire et je vous donne 10 secondes.

M. Lapointe (Denis): 10 secondes?

La Présidente (Mme Doyer): 10 secondes, pas plus.

M. Lapointe (Denis): On peut même penser que les unions pourraient être des gestionnaires de cette banque... de ces banques de carbone là, éventuellement. On y pense actuellement comme source de financement, et comme les petites municipalités n'ont pas les ressources pour éventuellement gérer ces gains-là, alors les unions pourront s'investir éventuellement, comme elles le font dans les assurances et dans bien d'autres domaines.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Lapointe. Alors, la parole est...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Doyer): La parole est au représentant de l'opposition officielle, M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lapointe et Mme Cloutier. Bien, moi, je pense que je joins ma voix à celle de la ministre, premièrement, pour vous féliciter pour votre réélection encore une fois. Bravo! Et bravo aussi pour votre mémoire aujourd'hui, et je pense que c'est encourageant, je dirais même enthousiasmant de constater que, pour vous et comme pour d'autres qui sont venus aussi auparavant, une cible ambitieuse, vous ne voyez pas ça comme étant une contrainte, une nuisance ou un empêchement de faire des choses, mais au contraire comme étant une source d'émulation, comme étant quelque chose de stimulant. Et je pense qu'effectivement c'est encourageant en tout cas de voir ça, parce que l'appui du monde municipal, lorsqu'on entreprend des réformes importantes au niveau de la nation québécoise, je pense que c'est absolument essentiel. De la même façon, si le monde municipal devait s'opposer à une telle réforme ou à de tels gestes, bien ça aurait la capacité de paralyser, je pense, les gestes gouvernementaux. Donc, je pense que c'est extrêmement encourageant pour l'ensemble des parlementaires de constater l'appui de l'Union des municipalités du Québec à tout ce projet. Et le fait aussi que vous embarquiez dans la partie la plus ambitieuse, vous nous encouragez à l'être, bien je pense que c'est effectivement extrêmement important pour nous.

On dénonce depuis... Bon. Vous avez parlé de l'étalement urbain, et, bon, j'ai été un élu municipal à une certaine époque, et ça fait déjà... Je pense que j'ai été élu, c'est en 1986, et on dénonçait déjà l'étalement urbain, et j'étais à ce moment-là... je représentais la... j'étais élu à la ville de Montréal, donc une ville centre qui souffre de l'étalement, mais maintenant je représente, comme député de L'Assomption, un secteur qui est dans la première couronne autour de Montréal, et nous souffrons aussi de l'étalement urbain à Repentigny, et à L'Assomption, puis aussi à Saint-Sulpice. Donc, je me demande... Ça fait 20 ans qu'on le déplore, sinon qu'on le dénonce, et qu'on voit que ça se poursuit encore. Qu'est-ce qu'il va falloir faire?

Parce que, je comprends, il y a comme un... nous sommes tous dans un... Puis je ne pense pas qu'on ait de personnes à pointer du doigt, là, dans... C'est un peu un système qui s'est établi, que ce soit au niveau des promoteurs ? bon, bien, on continue à faire ce dans quoi on est bon ? et les municipalités ont besoin de sources de revenus supplémentaires, elles sont dépendantes au Québec presque à 100 % donc de la taxe foncière, et, si on veut développer une municipalité, bien il faut élargir la base de taxation.

Au niveau du gouvernement, bien, le ministère des Transports continue à construire de... Non seulement ils ne réussissent pas tout à fait à bien entretenir puis à maintenir sécuritaire le réseau actuel, mais ils continuent à en développer et à augmenter la capacité routière. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour vaincre, pour arrêter de s'en plaindre puis de le déplorer, mais vraiment pour réussir à vaincre l'étalement urbain une fois pour toutes, qui nous coûte si cher comme société?

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe.

n(11 h 50)n

M. Lapointe (Denis): Bien, en fait, dans le commentaire, le propos que vous avez tenu, vous avez déjà là une réponse. En fait, la majeure partie des revenus des villes sont associés à la taxe foncière. Et évidemment, qui dit taxe foncière, bien, si on veut avoir des revenus supplémentaires, il faut développer, continuer à développer. Si on ne veut pas devoir augmenter les taxes d'une façon extraordinaire à ceux qui habitent déjà sur un territoire, bien il faut voler du terrain, il faut aller développer vers les parties qui sont extérieures au noyau urbain. Et, en fait, on continue à... on envahit des territoires, on s'approche des territoires agricoles. Et évidemment, pour continuer la démarche, on demande des dézonages agricoles.

À quelque part, moi, je pense que la solution ou la réponse à la question que vous soulevez, ça passe aussi par une diversification des revenus, donc changer le modèle de taxation, faire en sorte de favoriser la densification des territoires par des modèles de taxation particuliers à ce niveau-là. Donc, ce jeu-là, l'apport de nouveaux revenus qui permettraient justement des croissances de revenus sans pourtant axer notre développement sur l'étalement urbain, sur l'exploitation d'autres territoires.

Moi, je pense que toute la solution ou toute la démarche passe en grande partie par cette révision du modèle financier de gestion des villes, du modèle de taxation des villes. Et, je pense, ça ne se fait pas à court terme, ça se fait à moyen et long terme. Déjà, dans le partenariat qu'on a maintenant, le partenariat fiscal qu'on a avec le gouvernement, on commence à voir apparaître des nouveaux revenus qui viennent d'autres champs d'activité, d'autres champs de taxation. Puis, je pense, c'est la bonne voie à faire. Donc, de s'assurer que les villes auront du financement adéquat provenant de différentes formes de taxation, mais qu'on ne sera pas assujettis d'une façon maximale à la taxe foncière comme source de revenus.

Ça passe par là, moi, je pense. Puis le commentaire que vous avez fait est tout à fait pertinent. Je ne sais pas si...

La Présidente (Mme Doyer): Mme Cloutier, ça va?

Mme Cloutier (Marieke): Ça va. C'est excellent.

La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Merci. Mais effectivement, c'est un... c'est aussi une question, la fiscalité municipale, qui fait l'objet de discussion depuis longtemps. On avance, mais il me semble que ça fait 20 ans qu'on le dit, et il va falloir trouver des façons de... peut-être d'accélérer ça. Mais, en tout cas, c'est certain que, du côté de l'opposition officielle, nous sommes très... très intéressés à contribuer à cette... à participer puis à contribuer à cette réflexion là, et avec vous. Et, à cet égard, vous mentionnez dans votre mémoire, c'est à la page... aux pages 25 et 26, où vous parlez d'occupation, d'habitation du territoire, de l'orientation 6... je pense que vous faites référence à la stratégie de développement durable, là, du gouvernement du Québec, donc où on rappelle qu'aménager et développer le territoire de façon durable et intégrée... oui, de la stratégie québécoise de développement durable, devra prendre en compte les nouvelles cibles retenues par Québec. Donc, si nous nous donnons des cibles effectivement ambitieuses, comme vous le souhaitez, ça implique qu'on va faire plus en termes d'aménagement du territoire. Et vous nous dites que l'UMQ prépare actuellement un document d'orientation pour une politique gouvernementale du territoire, et aussi en parallèle à l'élaboration d'un plan d'action à court terme. Alors là, je dois avouer que vous nous mettez l'eau à la bouche pas mal.

Est-ce que... sans dévoiler, là, le contenu de... de toute façon, votre démarche n'est pas complétée, mais qu'est-ce que vous pouvez nous dire de plus, là, sur cette documentation... ce document d'orientation et votre plan d'action à court terme? Puis ça, je pense, c'est intéressant de parler pas seulement de grandes orientations à long terme, mais, à court terme, qu'est-ce qu'on peut faire?

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Bien, écoutez, moi, je pense, l'idée derrière notre réflexion est certainement de repenser l'aménagement ou la forme d'urbanisation de nos villes, d'en arriver à de meilleurs usages dans nos quartiers ou un meilleur déploiement des activités de vie dans des quartiers, ou dans des villes complètes ou même dans des villages. Puis je vais vous donner un exemple.

En fait, depuis je ne sais pas combien d'années, depuis les années soixante, les années soixante-dix, où on... l'approche industrielle ou la transformation, la Révolution tranquille s'est amenée, l'industrialisation et toutes ces choses-là. Alors, qu'est-ce qu'on a... qu'est-ce qu'on a fait? Comment on a développé nos villes? On a créé des... on a créé des zones industrielles qui sont à l'extérieur des périmètres urbains. Et c'était correct pour ça, parce qu'il y avait des conditions environnementales à exploiter, mais on a continué dans notre démarche à développer des zones commerciales qui sont à l'extrémité... à l'extrémité... dans les extrémités de nos villes, ce qui fait en sorte que... On a fait en sorte que les gens ne marchent plus, les gens, pour aller utiliser, ou obtenir un service, doivent prendre l'automobile, s'en aller dans une destination qui est parfois à un, deux, trois kilomètres, et qui reviennent. Et finalement, on n'a pas... on n'a pas tenté de développer des zones de confort ou des quartiers où on pouvait, à tout le moins, retrouver les services de base essentiels, et qui font qu'on n'ait pas besoin d'utiliser, ni un transport en commun, ni une voiture, qu'on puisse le faire éventuellement à pied, qu'on puisse en fait développer les aires vertes, ou les accès, ou les zones piétonniennes dans tout ça.

C'est sûr que, du jour au lendemain, on ne peut pas dire: Bien, comme on a fait tout ça, tout ce cheminement-là, pendant 30 ans, puis pendant 40 ans, on ne peut pas se remettre à rebâtir toutes sortes de... toutes sortes de... de quartiers. Mais regardez les exemples qu'on a maintenant de villes qui repensent leurs structures ou leur façon de vivre la ville, et qui offrent à leurs citoyens des zones piétonniennes dans les zones... dans les quartiers, les petits quartiers commerciaux, les centres-villes qu'ils avaient. On commence à revenir à cette forme, cette approche d'aménagement là, et c'est peut-être vers ça qu'il faut aller: repenser nos villes en fonction de l'usage des humains qui vivent dans ces villes-là.

On a un problème d'obésité dont on a parlé depuis longuement, mais pourquoi on en est arrivé là? C'est parce que finalement, dans le développement de nos villes, il n'y en a plus, de pratique sportive normale ou des occasions de marcher ou des obligations qu'on se donne parce qu'on peut, par des sentiers un peu partout, accéder aux services de base qu'on a. Donc, à quelque part, l'image qu'on a et la démarche qu'on est en train de faire, c'est de repenser nos villes, de se donner des projets à moyen et long terme, revoir notre façon d'aménager les villes pour faire en sorte qu'elles soient plus vivables, plus humaines encore, mais qu'elles soient susceptibles aussi de contribuer à notre mise en forme puis à notre santé, à notre santé comme individu, comme citoyen, à ce niveau-là.

C'est vers ce modèle-là qu'on se dirige actuellement. Puis notre réflexion va en partie porter sur ces modèles d'aménagement là. On ne pourra pas tout transformer en l'espace de cinq ans, de 10 ans. Mais, si on commence à repenser nos villes, bien, dans le 15 ans, 20 ans, il y aura déjà des exemples à se donner dans chacune de nos villes, dans chacun de nos villages, qui seront en fait des milieux de vie encore plus adéquats pour chacun de nous.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Merci. Oui, mais je pense qu'il y aura... ça va être à suivre certainement, mais il y a aussi toute la question... vous avez parlé de fiscalité municipale tout à l'heure aussi, je pense les deux sont sûrement intimement liés. Et il faut voir comment, dans le fond, on peut augmenter les revenus, les revenus fonciers des villes, tout en réduisant les gaz à effet de serre en densifiant.

Vous avez parlé tout à l'heure d'une problématique qui concerne, si j'ai bien compris, bon, le fait que, notamment avec les fusions municipales, on s'est retrouvé à mettre dans la même agglomération des parties déjà urbanisées avec des parties agricoles et, dans certains cas, bien ça donne un puzzle qui n'est pas nécessairement le plus fonctionnel. Donc, on a des parcelles de territoire agricole, des parcelles de territoire plus urbanisé enclavées, et donc ça implique nécessairement qu'il y a des petits bouts... enfin, c'est difficile à voir comment on peut optimiser l'aménagement pour favoriser soit le transport en commun ou, comme vous le mentionniez, les services de proximité.

En même temps, bien, il faut protéger les territoires agricoles parce qu'ils subissent des pressions très importantes. Comment est-ce que vous voyez ça qu'on puisse procéder au remembrement, je vous dirais, dans certains secteurs?

Je sais qu'à Repentigny on a une problématique à cet effet-là. Si on propose à la Commission de protection du territoire agricole des échanges de terrain, ça ne cadre pas dans la loi actuelle, semble-t-il. Alors, je ne sais pas si vous avez des propositions que vous avez déjà faites ou que vous envisagez à cet effet-là?

n(12 heures)n

La Présidente (Mme Doyer): M. Lapointe. Et je vous ferai remarquer qu'il vous reste environ sept minutes, un peu moins de sept minutes. Et j'ai une question de la députée de Rosemont. Alors, M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Bien, en fait, dans ces remembrements-là municipaux, on s'est retrouvé, plusieurs villes centres se sont retrouvées avec, pour donner des exemples, des parcs industriels qui sont dans... des petits parcs industriels qui étaient au service du noyau villageois. Donc, on se retrouve avec, s'il y a trois ou quatre municipalités qui sont mises ensemble, mais avec deux, trois parcs industriels qui étaient issus de la ville principale et deux, trois autres parcs industriels qui sont issus des autres municipalités qui ont été intégrées. Alors, vous vous retrouvez encore à exploiter ou à développer un certain nombre de parcs industriels qui sont justement dans des... sont séparés dans certains cas par des zones agricoles. Alors, on continue ou on perpétue cet étalement urbain là ou on perpétue une... ce manque de cohésion là qu'on pouvait avoir du fait qu'à une certaine époque des parcs industriels étaient en compétition les uns avec les autres.

À quelque part, il faut certainement revoir l'aménagement du territoire en changeant un certain nombre de vocations puis en faisant en sorte qu'à moyen ou à long terme, bien des zones qui étaient dévolues à des petits parcs industriels puissent être remobilisées ou réorganisées en zones d'habitation possiblement pour renforcir un noyau villageois, mais faire en sorte d'éviter qu'on continue un étalement industriel un peu dispersé sur un plus large territoire à ce niveau-là.

C'est un exemple qu'on peut donner, mais on retrouve cette situation-là dans beaucoup de villes actuellement qui... où on a favorisé, par le regroupement municipal, une... où on a souhaité une nouvelle cohésion entre le milieu agricole et le milieu urbain là-dessus.

Alors, il y a un travail énorme à faire au niveau de l'aménagement du territoire à ce niveau-là, à redéfinir un certain nombre de règles du jeu puis à faire en sorte qu'on détermine des vocations tout à fait particulières pour des territoires, mais qu'on cesse de perpétuer les mêmes conditions qu'à l'époque d'une... à l'époque d'avant la fusion comme telle. Donc, il y a un travail énorme à faire au niveau de l'aménagement du territoire, à ce niveau-là, et réglementaire aussi, puis des conditions d'exploitation, des changements de vocation, et tout ça.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Cloutier. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bonjour, M. Lapointe, Mme Cloutier. Oui, pour revenir à l'étalement urbain, je pense que c'est en effet une question extrêmement importante dans le contexte de ce dont on discute à cette commission parlementaire.

Moi, j'ai fait le chemin inverse du député de L'Assomption: j'ai représenté pendant huit ans et demi une circonscription de banlieue, donc Chambly qui... Ça me frappait d'ailleurs parce qu'il y avait Chambly, bon, Saint-Bruno et, au-delà de Chambly, Saint-Mathias sur le Richelieu, qui est vraiment un milieu très agricole. J'avais l'impression d'être carrément, complètement, ailleurs que dans un milieu très urbanisé comme Chambly ou Saint-Bruno. Alors déjà, donc il y avait une première couronne, mais la deuxième était présente. Et puis éventuellement, j'imagine, on doit être rendus à la troisième couronne.

Maintenant, je représente une circonscription sur l'île de Montréal dans l'est de Montréal, c'est extrêmement différent. Puis les enjeux justement sont souvent sinon contradictoires, en tout cas tout au moins mis dans des contextes qui ne se ressemblent pas beaucoup. Mais justement l'impôt foncier, moi, la première fois où j'ai entendu parler que l'impôt foncier favorisait l'étalement urbain, ça fait au moins 40 ans. Je calculais ça, là, depuis...

Une voix: Ça ne vous rajeunit pas.

Mme Beaudoin (Rosemont): Non, ça ne me rajeunit pas, mais c'est la réalité et... Que l'impôt foncier avait cette conséquence-là pour les raisons que vous avez très, très bien exprimées puis que je vois encore, parce que je vis le plus souvent que je peux, pas tout le temps malheureusement, mais aux Éboulements. Et là le maire des Éboulements nous a présenté un grand projet de développement parce que, je vois bien, il était tout content, il nous expliquait, le maire Bouchard, comme ça amènerait de l'argent à la municipalité, comme ça serait extraordinaire, formidable, alors qu'il y avait beaucoup d'opposants qui disaient: Mais enfin, Les Éboulements, c'est le plus beau village à peu près du Québec, comment se fait-il qu'on accepte donc, en tout cas pour certains, de le défigurer? La réponse, c'était l'impôt foncier.

Mais, dans le fond, je me demande d'où vient... Ça fait 40 ans qu'on dit que ça a cette conséquence-là et qu'on veut, en tout cas tous, en principe, la vertu, c'est-à-dire faire en sorte qu'il y ait moins d'étalement urbain pour mieux densifier puis pour les bonnes raisons que vous avez expliquées. Puis surtout, aujourd'hui, on est si sensibles à l'environnement puis aux gaz à effet de serre. Mais la résistance...

J'ai bien entendu qu'il y a... tranquillement, d'autres sources de revenus pour les municipalités, mais, la résistance, est-ce qu'elle vient des citoyens? Est-ce qu'elle vient des municipalités? Est-ce qu'elle vient des gouvernements successifs? Dans... Est-ce que ça demanderait une si vaste réforme de toute la fiscalité des individus, des entreprises, comme celle des municipalités, si on abolissait, par exemple, l'impôt foncier pour faire autre chose? Que c'est pour ça donc que ce grand chantier n'a pas été mis sur pied et, en tout cas... ou mené à bien. Mais c'est pourquoi qu'on continue, pourquoi continue-t-on en favorisant l'impôt foncier pour les municipalités...

La Présidente (Mme Doyer): Mme la députée...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui?

La Présidente (Mme Doyer): Si vous voulez avoir une réponse...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ha, ha, ha! Oui.

La Présidente (Mme Doyer): ...il reste moins d'une minute.

M. Lapointe (Denis): Bien, évidemment, il y a une résistance des individus, mais il y a une résistance des administrations municipales à vouloir augmenter les taxes aussi, et c'est toujours... et c'est la même chose pour... c'est la même chose pour les gouvernements, qu'ils soient du Québec ou d'ailleurs. Chaque fois qu'on parle d'augmentation de taxes, alors c'est l'horreur. Et ce qu'on essaie de faire, c'est un peu tous de s'enfuir par en avant en disant: Mais, si on développe, si on va chercher des nouveaux revenus, bien évidemment, ça, ça nous empêchera d'avoir à remonter les taxes de ceux qui vivent déjà sur le territoire. Et on va continuer comme ça.

Mais, à un moment donné, on le fait, on le fait et on le fait, et c'est ce qui a occasionné que tout l'argent qu'on avait d'une certaine façon pour pouvoir, par exemple, entretenir les routes sur nos territoires, mais on le prenait pour aller développer d'autres territoires parce que, ça, ça amenait de nouvelles taxes. Et on se retrouve, 40 ans plus tard ou 50 ans plus tard, avec des infrastructures dont on n'a pas pris la responsabilité de corriger.

Il y a des mea-culpa à faire partout. Puis, moi, je pense que, pour arriver à changer cette démarche ou cette approche fiscale là, c'est un chantier où, tout le monde, il faut s'y mettre. Puis il faut que tout le monde prenne la même décision ou la même orientation en même temps, de sorte qu'il n'y en a pas un qui pourra dire: Bien, moi, je la prends, l'autre ne suit pas et l'autre ne suit pas. Alors, il faut que ce soit une démarche, un chantier qui est tout à fait collectif. Et il y a une réflexion définitivement à faire à ce niveau-là: Comment favoriser une approche fiscale qui a plus d'équilibre et qui amène plus de revenus.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Lapointe. Merci, Mme Cloutier. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission pour ce mandat-là. Et bravo pour votre réélection.

M. Lapointe (Denis): Merci.

La Présidente (Mme Doyer): Puis je vais suspendre quelques minutes pour permettre aux gens qui vous suivent de prendre place, c'est-à-dire les personnes de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM.

(Suspension de la séance à 12 h 8)

 

(Reprise à 12 h 10)

La Présidente (Mme Doyer): ...Mme Rochette, Mme Gagnon-Turcotte, Mme Hervieux et Mme Berthelemy à prendre place.

Alors, Mme Rochette, bienvenue en commission. Je vous invite à présenter les dames qui vous accompagnent et... et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, avant les échanges.

Chaire de responsabilité sociale
et de développement durable (CRSDD)

Mme Rochette (Annie): Merci. Bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre. Je suis Annie Rochette. Je suis... professeure au Département des sciences juridiques à l'UQAM et je suis aussi chercheure associée à la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable. Et je suis accompagnée aujourd'hui d'une super équipe d'étudiantes. À ma droite, Sarah Gagnon-Turcotte, qui est candidate à la maîtrise en droit international et coordonnatrice du Réseau Entreprises et développement durable et collaboratrice à la chaire. À ma gauche, ici, Chantal Hervieux, qui est candidate au doctorat en gestion à l'UQAM et chercheure également à la chaire. Et à l'extrême gauche, Nathalie Berthelemy, qui est candidate à la maîtrise en sciences de l'environnement et qui est responsable du Défi Climat pour l'Association étudiante du secteur des sciences à l'UQAM. Toutes des expertes en changements climatiques. Je suis bien entourée.

Alors, d'abord, j'aimerais remercier la commission pour cette opportunité de participer, et, nous l'espérons, contribuer à ses travaux quant à la fixation de la cible globale de réduction des gaz à effets de serre pour l'année 2020. J'aimerais aussi remercier l'équipe du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs pour tout le travail accompli dans l'élaboration du document de consultation et des différents scénarios qui ont été présentés aux fins de la consultation publique. Dans la même veine, j'aimerais féliciter le gouvernement de s'être doté des outils nécessaires à la lutte aux changements climatiques avec l'adoption des nouvelles dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui ont passé en juin dernier.

Or, pour aujourd'hui, nous avons deux points principaux à communiquer. Le premier concerne les exigences, justement, que s'est données le gouvernement dans la Loi sur la qualité de l'environnement pour la fixation des cibles, et le second sera présenté par ma collègue Chantal Hervieux, et concerne les cibles envisagées dans le document de consultation.

Donc, tout d'abord, j'aimerais examiner les nouvelles dispositions de la LQE avec vous, plus particulièrement l'article 46.4, qui dicte que les critères que le gouvernement doit prendre en compte lors de la fixation des cibles de réduction de gaz à effet de serre. Le deuxième alinéa de l'article 46.4 nous dit que le gouvernement doit prendre en compte, et je cite, «l'évolution des connaissances scientifiques et technologiques» dans la fixation des cibles de réduction des émissions de GES. Le document mentionne le rapport du GIEC à la page 7. Par contre, la liste des critères que l'on retrouve à la page 33 du document omet le critère de l'évolution des connaissances scientifiques et technologiques. De plus, la cible maximale envisagée par les différents scénarios est de 20 %, soit de 5 % à 15 % en dessous des cibles de réduction exigées par le même rapport du GIEC qui est cité à la page 7.

On peut donc douter que le gouvernement ait réellement pris en compte ce critère dans la fixation des cibles de réduction. À cet effet, nous recommandons donc, et il s'agit de la première recommandation au mémoire, que le gouvernement prenne en compte l'évolution des connaissances scientifiques et technologiques lors de la fixation des cibles, et que celles-ci continuent d'évoluer en fonction des avancements de la science et de la technologie.

Je passe au troisième alinéa de l'article 46.4, qui exige que le gouvernement prenne en compte, lors de la fixation des cibles, «les conséquences économiques, sociales et environnementales des changements climatiques ainsi que celles découlant des réductions ou limitations des émissions nécessaires pour atteindre ces cibles».

Donc, premièrement, nous soulignons le fait que le document est silencieux quant aux impacts économiques et sociaux des changements climatiques, et non des scénarios, là. Alors, on peut se poser la question: Quels seront les coûts associés au réchauffement climatique pour le secteur agricole, par exemple, ou pour l'industrie forestière, s'il y a plein de feux de forêt? Quels seront les impacts sur la santé des Québécoises et des Québécois?

En plus, le rapport est assez maigre quant à l'étude des impacts environnementaux des changements climatiques pour le Québec. Par exemple, on ne mentionne pas l'impact environnemental du dégel du pergélisol dans le nord du Québec. Il y aura des impacts assez désastreux sur l'émission d'autres gaz à effet de serre, et si ça continue. Ainsi, quels sont les impacts sur les lacs, les rivières, les milieux humides? Quelles espèces deviendront menacées par le réchauffement climatique? Alors, le document est assez maigre quant à ces données.

Deuxièmement, le document n'étudie que les impacts économiques des différents scénarios envisagés, comme l'indique le titre de la section qui commence à la page 21, Les impacts économiques des quatre scénarios de réduction des émissions de GES. Donc, les impacts environnementaux et sociaux ne sont pas vraiment étudiés pour chacune des cibles qui sont proposées. De plus, les impacts potentiellement positifs de la lutte aux changements climatiques ne sont que brièvement mentionnés à la page 32: là, il y a deux lignes.

Alors, afin d'impliquer la population québécoise dans, ce qui est à notre avis, un véritable débat de société, la cible globale qu'on veut adopter, il est important, à notre avis, d'avoir toutes les données, donc d'avoir étudié tous les impacts environnementaux, sociaux et économiques de tous les scénarios proposés ainsi que d'une action mitigée par rapport aux changements climatiques. C'est important. Et la Loi sur la qualité de l'environnement le croit important aussi, c'est pour ça qu'elle l'a mentionné à l'article... au troisième alinéa de l'article 46.4.

De plus, en vertu de la Loi sur le développement durable, le gouvernement, dans sa lutte aux changements climatiques, doit respecter les trois pôles du développement durable, notamment la protection de l'environnement, le développement social et le développement économique, ainsi que les principes qui sont énumérés à l'article 6 de cette loi, notamment le principe de prévention, le principe de précaution et celui du pollueur-payeur.

En résumé, nous recommandons donc, et je réfère ici aux recommandations 2, 3, 4, 7, 8 et 9 de notre mémoire, que le gouvernement effectue une étude approfondie de l'ensemble des impacts environnementaux, sociaux et économiques des changements climatiques ainsi que des cibles envisagées dans les différents scénarios, afin de respecter les exigences qu'on retrouve dans la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur le développement durable.

En plus, pour faire une étude approfondie, il ne faut pas réinventer la roue; il y a plusieurs études excellentes qui ont déjà été produites. Je pense, entre autres, aux études effectuées par Ouranos, par l'excellent rapport qui vient de sortir d'Équiterre, de même que celui de l'Institut Pembina et de la Fondation David-Suzuki et le rapport Stern qu'on connaît bien. Donc, les ressources sont là, il faut les utiliser, à notre avis.

De plus, pour des raisons qu'exposera ma collègue Chantal Hervieux, à notre avis, le gouvernement se doit d'étudier des scénarios prévoyant des cibles plus ambitieuses que celles qu'on retrouve au document de consultation. Alors, je céderais la parole avec votre accord à Mme Hervieux.

La Présidente (Mme Doyer): Bien sûr. Mme Hervieux.

Mme Hervieux (Chantal): Oui, merci. Le document de consultation mentionne bien des choses qui doivent être considérées pour la portée qu'elles ont. En fait, on regarde le consensus international. On dit qu'il y a une nécessité de contenir la hausse de température moyenne mondiale à un maximum 2 °C, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de changements climatiques, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de conséquences. En fait, en limitant à un maximum de 2 °C, ce qu'on fait, c'est qu'on veut éviter les effets négatifs les plus néfastes et les plus irréversibles. On n'évitera pas certains des effets. Donc, en fait, le 2 °C, c'est comme le maximum, maximum qu'on veut éviter. Donc, il faut absolument viser des cibles ambitieuses. On n'a vraiment pas le choix. C'est un objectif de société parce qu'on ne peut pas aller plus loin, on a peur d'aller plus loin.

De plus, on regarde le GIEC qui dit: Bon, bien, d'ici 2015, pour cela, les GES doivent culminer. On ne peut pas continuer à augmenter. On doit vraiment arrêter les émissions. On doit vraiment commencer à se stabiliser pour vraiment qu'on n'ait pas plus que 450 parties par million de CO2. Mais en fait d'autres études disent 350. Donc, laquelle est vraie? Et, si c'est 350, on sait qu'on est à 388 aujourd'hui, donc est-ce qu'on a dépassé la possibilité d'un 2 °C maximum? Donc, vraiment, on a une certaine urgence du côté du consensus scientifique, de ce côté des préoccupations d'un dommage irréversible à notre environnement, et donc à notre économie et à notre société.

Donc, en plus de ces constatations, en fait ce qu'on se demande quand on regarde le document de consultation qui est plein d'informations, c'est pourquoi ne pas avoir fait des scénarios sur des cibles de 25 %, de 30 % et de 40 %? Pourquoi ne pas avoir fait ça alors que le GIEC dit 25 % à 40 %? Oui, on peut étudier d'autres cibles, mais, au moins, étudier des cibles extrêmement ambitieuses pour voir au moins... envisager qu'est-ce que ça pourrait donner.

En fait, selon nous, ce qu'on dit, c'est que le Québec a beaucoup à gagner avec des cibles ambitieuses. Selon nous, on a une production d'électricité qui... sur laquelle on ne doit pas agir. Donc, oui, il est vrai, les autres pays vont réduire leurs émissions d'effet de serre dans les énergies renouvelables, mais nous, on n'aura pas à le faire. Donc, nous sommes avantagés. On n'a pas de dépenses à faire dans les énergies renouvelables. Clairement, on a des dépenses. Et puis, si on constate que, pour atteindre les objectifs de 2050, les autres pays aussi, les autres communautés, la terre entière va devoir investir dans des autres lieux que les énergies renouvelables, ce n'est pas le seul endroit à agir. Eux autres vont le faire quand? Ils vont le faire quand ils vont pouvoir, alors que le Québec, lui, il peut agir aujourd'hui, donc il peut être leader. Il peut être leader sur cette cause-là.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, Mme Hervieux, je m'excuse, c'est terminé. 10 minutes.

Mme Hervieux (Chantal): Parfait.

n(12 h 20)n

La Présidente (Mme Doyer): Alors, avec les échanges, vous allez pouvoir compléter, c'est sûr. Mme Rochette, mesdames, merci. Et la parole est à Mme la ministre pour un échange de 20 minutes.

Mme Beauchamp: Alors, bienvenue à vous quatre. Et vous devinez que votre présence à cette table fait en sorte qu'on a beaucoup d'espoir pour l'avenir du Québec, puis notamment... ? puis là on porte mon chapeau de femme parlementaire ? mais, n'empêche, de voir des représentantes d'une institution de recherche, de votre chaire de recherche, de voir quatre femmes ? je vais vous dire «jeunes femmes» prenez le compliment, c'est un compliment quand je dis ça ? mais de vous voir ici, présentes à l'Assemblée nationale, participer à nos débats, de le faire avec autant de sens, je dirais, le sens de la responsabilité sociale, le sens de l'engagement, je tiens à vous en remercier, puis à vous en féliciter puis juste prendre... de dire que votre seule présence est une source d'inspiration, puis est une source de motivation, je suis certaine pour l'ensemble des parlementaires.

Je voudrais... Il y a beaucoup de sujets à aborder, puis il y a certains sujets, puis c'est tout à fait normal qu'à l'intérieur du 10 minutes allouées pour présenter le mémoire, qui n'ont pas été soulevés. Puis si vous permettez, parce que je prends le temps de vous dire que j'ai pris bonne note de vos commentaires, mais il y a certains enjeux que vous soulevez dans votre mémoire que je voudrais aborder... prendre le temps de nos échanges pour aborder aussi de nouveaux enjeux.

Et quelque chose que ça m'intéresse de discuter avec vous, c'est la perspective de votre chaire quant à la notion de l'indépendance du Québec vis-à-vis les hydrocarbures, mais plus spécifiquement, c'est la question, dans votre esprit à vous, la question de la place du gaz naturel. Vous avez un commentaire dans votre mémoire où vous dites... vous dites, dans le fond, que la vraie perspective, avec une cible ambitieuse comme vous la proposez, vous dites: C'est une perspective d'encourager les énergies propres et renouvelables et de diminuer donc la dépendance du Québec.

Mais on a eu un débat hier avec les gens de l'AQLPA, puis ensuite on recevait Gaz Métro, sur un peu la notion de dire: D'ici 2020, en fait, comment on doit voir cette question de l'indépendance du Québec vis-à-vis les ressources hydrocarbures? Mais, vous, dans votre perspective à vous, la question du gaz naturel, parce que certains viennent nous dire: Il ne faut pas miser sur ça. D'autres disent: Bien, c'est presque une mesure de transition. Vous, vous avez une phrase où vous dites ? j'espère je vais la retrouver rapidement, excusez-moi ? vous dites, à la fin de votre mémoire, vous dites: Nous pouvons viser l'élimination de l'utilisation du mazout, là, vous dites, pour le chauffage résidentiel et commercial et une diminution substantielle de l'usage du gaz naturel.

Hier, on avait des échanges là-dessus où certains venaient nous dire, certains venaient nous dire: Bien, la vraie perspective, c'est encourageons l'utilisation du gaz naturel qui est moins dommageable, moins dommageable en termes d'émissions de GES que le mazout et, même si on encourage le gaz naturel sur le territoire québécois, ça nous permet de plus vendre de l'hydroélectricité vers les États-Unis.

Mais je... c'est parce que c'est des questions, j'ai envie de dire, après ça dans la vraie vie, c'est le genre de décision qu'on a à prendre quand on veut appliquer des cibles ambitieuses. Parce que, quand vous dites: On est chanceux, on a déjà l'hydroélectricité. Je comprends tout à fait la vision que vous proposez. Il y en a qui vont vous dire: D'autant plus qu'on est dans notre production d'énergie, à 97 %, on repose déjà sur des ressources non émettrices de GES, où est-ce qu'on va chercher les autres diminutions avec une cible ambitieuse?

Et là, dans la vraie vie, c'est toute la question donc du portefeuille énergétique, comment je réalise une diminution de la dépendance aux hydrocarbures qui émettent des GES. Puis, moi, je trouve qu'il y ait une maudite bonne question, si vous me permettez l'expression familière, sur comment on doit voir la place du gaz naturel. Comment est-ce que vous le voyez comme une forme de transition ou pas? C'est quoi, votre vrai message? Comment je dois comprendre, d'ici 2020, là, votre vrai message par rapport à la place d'une forme d'hydrocarbure qu'est le gaz naturel?

La Présidente (Mme Doyer): Alors, Mme Rochette, et ensuite je crois que Mme Berthelemy veut aussi prendre la parole.

Mme Rochette (Annie): Juste rapidement, je vais laisser la parole assez rapidement à Nathalie.

La Présidente (Mme Doyer): D'accord.

Mme Rochette (Annie): Je pense qu'il faut l'objectif de 2020 comme étant une période de transition, comme vous l'avez dit, vers une économie qui, à notre avis, pourrait être décarbonisée et qui ne dépendra plus des hydrocarbures.

Par rapport à la place au gaz naturel, c'est quand même un gaz à effet de serre, je crois que, s'il y a priorités à mettre, peut-être qu'il faudrait les mettre dans les autres énergies renouvelables comme l'éolienne, on a déjà commencé, ou la géothermie ou l'énergie solaire.

Alors, je crois qu'il ne faudrait pas prioriser le gaz naturel comme étant une solution. Oui, il est moins dommageable que le mazout, que le pétrole, mais si on s'en va vers une économie qui est décarbonisée, il ne faut pas l'envisager comme étant la solution, à mon avis. Mais je vais passer la parole...

La Présidente (Mme Doyer): Mme Berthelemy.

Mme Berthelemy (Nathalie): Oui. Bonjour. Mon avis est similaire. En fait, ce qui se passe, c'est que, si on se décide de tout remplacer par du gaz naturel ou de développer d'autres nouvelles choses en gaz naturel, il faudra ensuite passer à une autre étape. Au lieu de passer par cette étape-là, qui va nous demander des investissements, pourquoi ne pas directement viser une transition.

Moi, je pense que le Québec, en ayant choisi d'avoir des ambitions de réduction de 75 % à l'horizon de 2050, prend là la véritable mesure des enjeux qu'il faut. Je pense que c'est dans ce sens-là qu'il faut s'orienter. Mais, si on ne s'oriente pas dès à présent, 2020, c'est dans 10 ans, 2050, c'est 30 ans plus tard, on ne pourra pas commencer une transition réelle de notre... de nos systèmes, de notre mode de développement. Donc, je pense qu'il faut d'ores et déjà regarder quels sont, à long terme, les vraies solutions. Le gaz naturel n'en est pas une. Le gaz naturel, ça produit à hauteur de 14... ça produit à peu près deux fois moins que le mazout, mais ça produit beaucoup, beaucoup de gaz à effet de serre.

Donc, ce qui est important, c'est d'avoir une méthodologie quand on se donne des cibles. D'abord, savoir où est-ce qu'on peut gagner, qu'est-ce qu'on peut obtenir comme gains au niveau des secteurs. Donc, c'est sûr qu'une analyse des différents secteurs nous permettra de savoir quels sont les types de politiques qui peuvent s'appliquer en fonction des secteurs, et, quand je dis «secteurs», de n'est pas juste au niveau industriel, mais ça va être au niveau de l'urbanisation, au niveau du transport. C'est, à mon avis, au niveau du transport qu'on pourra faire des gains rapidement, en particulier, de manière assez facile.

Mais ensuite le fait de se donner une cible importante à moyen terme, c'est aussi le fait de se donner une bonne dynamique et une bonne démarche. Si on part sur une petite cible, on ne va pas mettre en place les politiques nécessaires, on ne va pas mettre en place la dynamique et la synergie qu'il faut, on ne va pas donner un message fort à la population québécoise. Les personnes ne vont pas vraiment savoir qu'est-ce qu'ils vont devoir faire, est-ce qu'ils ont des efforts à faire ou est-ce qu'ils peuvent ou ce n'est pas vraiment le cas, alors qu'ensuite on sait qu'on aura à réduire bien plus derrière, et en plus on perd notre place de leadership en faisant ça.

Donc, pour moi, le gaz naturel, comme d'autres éléments, ça rentre dans cette conception, c'est-à-dire d'abord voir la méthodologie, voir où est-ce qu'on peut faire de la réduction. Si on peut un jour remplacer du mazout par du gaz naturel et que ce soit un petit projet qui ne coûte pas cher, c'est très bien, mais en... la vision à long terme, là, elle ne sera plus bénéfique.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Moi, je comprends, puis bien sûr on partage la vision à long terme, puis je partage votre avis là tout à fait sur les bases de la science: on n'a pas le choix. On n'a pas le choix, puis il faut bouger dans la lutte aux changements climatiques, ça, c'est évident. Mais c'est cette question, parce que je voulais vous entendre... en tout cas...

Puis j'ai bien compris votre position, mais j'ai envie de la résumer en disant: Même à l'horizon 2020, votre réaction est de dire qu'on ne devrait pas voir, dans les actions à mettre en place pour atteindre une cible, on ne devrait pas voir un gouvernement qui appuie une substitution du mazout vers le gaz naturel. Parce que vous dites... bien, vous avez dit «pour des petits projets». Mais, moi, je voulais savoir: Vous qui êtes des expertes en développement durable, ce serait quoi, votre réaction si vous voyez, en 2011, 2012, 2013, un plan d'action du gouvernement du Québec qui dit: D'ici 2020, on a un programme de substitution encore du mazout lourd vers le gaz naturel. Moi, j'ai l'impression, quand je vous entends, vous allez dire: Vous êtes à côté de la plaque parce qu'il ne faut pas aller vers ça. Vous, tantôt, vous avez fait une moue en disant: Non, non, ce n'est pas tout à fait ça qu'on dit. Mais, c'est pour ça que je vous disais: La question, aussi, c'est pour 2020.

Mais je vais résumer ça en disant que, si, vous, vous voyez ça dans un plan d'action 2012-2020, vous allez dire: Vous êtes à côté de la plaque, si on favorisait le projet.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Rochette.

Mme Rochette (Annie): Oui, on va vous dire ça parce que, si on regarde à long terme, on ne veut pas... on ne veut pas mettre des investissements là où ça ne paiera pas plus tard.

Mme Beauchamp: O.K.

Mme Rochette (Annie): Alors, si après on met des investissements dans le gaz naturel puis qu'on... qu'il va falloir faire une autre transition, à ce moment-là ce n'est pas logique.

Mme Beauchamp: Mais hier, c'est parce qu'il avait...

Mme Rochette (Annie): Alors, regardons à long terme le gaz naturel comme substitut au mazout, à long terme, ça ne marche pas. Donc, ça ne devrait pas être une priorité, puis quand il y en a tellement d'autres. Je veux dire, il y a d'autres solutions, en fait, et surtout que le Québec est tellement bien parti par rapport aux énergies renouvelables. Il faut le dire, il faut l'utiliser à notre avantage et ne pas s'en aller dans la mauvaise direction. Donc, oui, vous résumez bien notre position.

n(12 h 30)n

Mme Beauchamp: C'est parce qu'hier il y avait des échanges, je comprends, avec le député de L'Assomption, là je le dis vraiment sous un thème pour essayer de voir tous les points de vue parce qu'il y avait cette notion de transition. Mais en même temps... c'est ça. Enfin. J'ai épuisé ce sujet-là.

Je vais aborder un autre sujet que vous n'avez pas eu le temps d'aborder dans votre présentation, puis qui est bien intéressant à mes yeux. C'est quand vous abordez, vous, les notions d'analyse de cycle de vie des produits puis d'écolabellisation, là, des produits. Puis, je vais vous dire le lien que je fais puis je voudrais... je vais prendre le temps, là, de votre présence puis de votre expertise pour que rapidement, mais vous nous disiez un peu comment vous voyez l'évolution de ça en ce moment à travers le monde, d'un point de vue international.

Je vais vous dire pourquoi ça m'intéresse. Parce que je me dis, et j'ai eu l'occasion d'avoir des échanges avec le négociateur français qui sera à Copenhague sur ces questions. Vous savez qu'il y a des États qui disent, s'il y a un échec à Copenhague, on va devoir se résoudre à mettre en place des pénalités tarifaires. Et on a un choix, là, de pénalités tarifaires sur la base d'État ou de pénalités tarifaires sur la base des produits.

Ce que je veux dire par là, c'est que non seulement ça outille des consommateurs de savoir si un produit contient plus de carbone qu'un autre dans tout son cycle de vie, mais ça devrait peut-être être la vraie question. Parce que je peux être sur le territoire d'un État qui s'est donné des cibles ambitieuses puis qui respecte ses objectifs, mais peut-être que, moi, comme entreprise, je suis quand même en bas de... je suis en bas du lot si je me compare à d'autres par rapport aux produits que j'offre sur le marché.

Donc, je me dis il y a là une piste intéressante à regarder. Ce qu'on me dit, là, je veux dire, je vais vous le résumer bien vite, c'est qu'on me dit: Ah! C'est bien, bien, bien compliqué, puis on n'est pas rendu proche à vraiment voir ça de façon standardisée, puis un vrai principe d'écolabellisation à une échelle internationale. Je veux vous entendre. Vous en parlez dans votre mémoire, vous voyez comment l'évolution de cette question d'un point de vue international?

La Présidente (Mme Doyer): Mme Hervieux, je crois.

Mme Hervieux (Chantal): Je vais commencer puis je vais passer à ma collègue. En fait, il y a des normes qui existent qui peuvent nous aider. Les normes ISO qu'on a mentionnées brièvement, parce que vraiment on n'a pas le temps de parler de tout dans le mémoire, mais encadrent une démarche dans l'analyse de cycle de vie et permettent de justement dire quelle étape, comment on procède, où qu'on procède. Et l'avantage de faire une analyse de cycle de vie en prenant des normes qui sont internationales, c'est justement que ça nous permet d'avoir une démarche légitime qui vont pouvoir dire: Bien, si on prend une démarche qui est déjà reconnue avec un processus, eh bien, on va au moins savoir par où est-ce qu'on s'en va et on va pouvoir justifier notre démarche et avoir une valeur ajoutée à notre démarche.

Mais pour ce qui a trait de l'analyse du cycle de vie exactement pour dire ce que ça donne, je vais quand même passer à notre experte là-dessus.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Berthelemy.

Mme Berthelemy (Nathalie): Oui. Moi, je trouve que l'analyse par cycle de vie est très intéressante parce que ça donne, au lieu d'avoir une vie sectorielle, on a une vue transversale et ça donne aussi une vue qu'on n'a pas autrement sur l'utilité du produit, finalement, parce qu'on va pouvoir voir avec tel produit qu'est-ce que ça coûte en carbone, tel autre produit, qu'est-ce que ça coûte, quelle est son empreinte carbonique, et puis finalement de quoi est-ce que j'ai vraiment besoin? De l'un ou de l'autre? Donc, ça donne une autre vision des choses, et, moi, je trouve que les choses se complètent bien, de regarder les choses au niveau sectoriel et au niveau transversal.

Donc, je trouve que la démarche par cycle de vie, ça vaut la peine de continuer à la promouvoir. Mon directeur de recherche fait justement des recherches sur le cycle de vie, et c'est effectivement très difficile à mettre en place parce que ça nécessite une traçabilité de l'ensemble du cycle, justement. Mais ça se fait, et c'est intéressant de voir que le fait de le faire, ça donne beaucoup d'information sur de nombreux niveaux d'information en fait, autant les gaz carboniques que d'autres, là, aspects sociaux et autres. Et ça peut permettre de réduire là où on n'aurait pas pensé réduire, comme réduire les transports, fabriquer les choses plus locales pour justement réduire les gaz à effet de serre.

Donc, ça nous amène dans une nouvelle dynamique de réduction qui peut être très enrichissante par rapport à la dynamique qui est faite plus classique par secteurs. Et en plus, on se trouve, au lieu de se retrouver secteur par secteur, donc en face soit d'Hydro-Québec, soit de Gaz Métro, soit etc., de partenaires bien définis, on se retrouve avec un panel de partenaires puisque chacun met sa... enfin participe à la construction et à la consommation des produits.

Donc, je trouve que c'est très intéressant de fonctionner comme ça. Et effectivement rien n'empêcherait, en cas d'échec à Copenhague, que certains pays qui font beaucoup d'efforts en matière de réduction de gaz à effet de serre ne veuillent, par ce biais, se servir des accords commerciaux pour éviter d'acheter des produits trop polluants. Donc, je pense que ça serait très positif pour le Québec de progresser dans cette voie-là.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci pour ces informations. Je pense que c'est Mme Gagnon-Turcotte, si je ne me trompe pas, qu'on n'a pas eu l'occasion d'entendre encore... Et ça serait trop dommage, ça fait que je vais m'essayer. J'ai remarqué donc vous êtes postulante au doctorat.

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): À la maîtrise en...

Mme Beauchamp: À la maîtrise en relations...

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): En droit international.

Mme Beauchamp: En droit international. Et donc, sans vouloir dicter qui prend la parole, là, mais je voulais juste un peu vous entendre sur comment... parce que je sais que la chaire s'intéresse au processus de mondialisation aussi dans le domaine du développement durable, de l'environnement.

Pouvez-vous commentez, si vous êtes en mesure de le faire, là, comment vous voyez la situation aux États-Unis? La question du projet de loi qui a été déposé, qui est devant le Sénat. Parce qu'en même temps, donc on est là en train de dire: Il faut que le Québec ait des cibles ambitieuses, puis il y a un changement de société à opérer vers donc une société plus verte puis une économie plus verte, puis vous le savez, là, je ne vous apprends rien en disant que nombre de groupes qui ont défilé devant nous, notamment des secteurs industriels, qui sont venus dire: Le Québec n'est pas une île, et la planète évolue dans une sphère socioéconomique et environnementale où les choses sont beaucoup interreliées.

Donc, comment vous voyez cette question-là d'un Québec avec une cible très ambitieuse par rapport à ce qui se passe aux États-Unis? Vous avez peut-être vu comme moi, là, qu'on semble dire que, pour la première fois, les États-Unis, là, disent que le projet de loi qui a traversé la Chambre des représentants, Waxman-Markey, ils disent que c'est une... ce serait l'équivalent d'un moins 7 %. Enfin. D'autres disent que: Non, non, c'est un peu supérieur à ça.

Bon. Je me tais. Je veux juste voir si vous pouvez commenter cette question, qui est plus d'ordre de relations internationales et des perspectives internationales qu'on doit avoir dans ce secteur-là.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Gagnon-Turcotte.

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): En fait, vous êtes vraiment très bien tombée sur mes sujets d'intérêt. Alors, ça tombe vraiment bien.

En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est: En effet, les États-Unis sont en voie de, on espère vraiment, de passer un projet de loi. Que ce soit moins 7 %, que ce soit un peu plus, un peu moins, l'important, c'est qu'il y ait un début d'effort qui soit engagé par les États-Unis.

Puis vous l'avez très bien dit aussi, le Canada, le Québec n'est pas une île. Donc, on vit dans un milieu, dans un univers qui est de plus en plus compétitif, où les entreprises québécoises doivent se démarquer sur la scène internationale. Puis c'est justement un sujet qu'on aborde dans notre mémoire, c'est-à-dire: On voit l'opportunité d'adopter des cibles ambitieuses comme une façon de faire un pas en avant pour accélérer le progrès technologique au Québec.

Donc, la transition qui est nécessaire, à l'horizon de 2020 mais également 2050, voire 2100, est fondamentale, puis va nécessairement reposer sur des bases technologiques importantes. On parle d'éco-innovation, on parle de croissance verte, on parle de technologies environnementales. Ça passe... C'est transversal en même temps que sectoriel, c'est-à-dire: On parle de cimenteries qui doivent améliorer leurs procédés, leurs façons de générer des produits, et on parle aussi de nouvelles technologies, comme les nanotechnologies, comment on va améliorer les composantes utilisées dans nos voitures, en passant par comment on construit nos maisons. Donc, en... pour générer les investissements nécessaires pour opérer cette transition-là, il faut avoir des prix clairs et élevés sur le carbone. Sinon, il n'y a pas d'incitatifs pour les entreprises, les investisseurs, à mettre l'épaule à la roue.

Ensuite, en plus des prix, il faut avoir des politiques ciblées qui vont combiner une vision environnementale de la société qui s'avance dans le développement durable, mais également technologique. Il y a beaucoup... de plus en plus de villes à travers le monde qui cherchent à développer des secteurs de leur industrie. Montréal entre autres fait ça avec la biotechnologie. On cherche à concentrer nos industries ensemble. En anglais, on appelle ça des «clusters»; je crois qu'en français, c'est «grappes», des grappes technologiques, donc on... Est-ce que je vais trop loin?

Mme Beauchamp: Bien, en fait, si vous permettez...

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: ...je... parce qu'il me reste une minute.

La Présidente (Mme Doyer): Oui, oui. Allez-y.

Mme Beauchamp: Je veux juste que vous concluiez. Vous, vous répondez quoi aux secteurs industriels qui viennent nous dire: Dans le projet de loi américain, le prix de la tonne de carbone est aux alentours, je mets à peu près 35 $ canadiens. Puis, mettons la cible, on le voit dans la modélisation, là, une cible à moins 20 %, là. Moi, je collecte à peu près 14 milliards de dollars dans l'économie québécoise que je retourne en mesures en transport, soutien technologique, etc.

Vous répondez quoi aux industries qui disent: Je vais être sur deux planètes, et vous allez me charger beaucoup trop cher l'équivalent de la tonne de carbone par rapport aux États-Unis? Je veux entendre votre argumentaire, là-dessus.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Gagnon-Turcotte.

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): J'ai deux choses à répondre. La première, c'est: J'aimerais en fait entendre les industries et leurs réponses. Est-ce qu'ils seraient prêts à investir dans des nouvelles technologies avec une tonne à 35 $? Probablement que la plupart vont dire: Ah! Bien, on va attendre quelques années et, quand ça va atteindre 100 $, bien là, on va faire les investissements nécessaires. Si la tonne, demain matin, est à 100 $, ils vont tout de suite faire les investissements en prenant de l'avance.

Mme Beauchamp: ...Québec. Il y a eu des efforts du secteur industriel manufacturier, au Québec, dans le contexte qu'on connaît actuellement, sans même un marché du carbone, même avant une redevance, puis ils ont fait des investissements. Je pense que c'est ça qu'ils vous répondraient.

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): Dans ce cas-là, ce serait de négocier des crédits pour des actions qui ont déjà été faites dans le passé dans le cadre d'accord international comme la WCI.

Mme Beauchamp: Ça ne donne pas des diminutions...

n(12 h 40)n

La Présidente (Mme Doyer): Alors, je vais arrêter votre échange ici. Merci. Et je vais donner la parole à M. le député de L'Assomption, pour un échange de 20 minutes.

M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Et je souhaite la bienvenue à notre tour aux travaux de cette commission. En effet, la chaire participe régulièrement, on a eu l'occasion de voir certaines d'entre vous, au moins une personne, lors des travaux sur les indicateurs de développement durable, et c'est toujours à la fois un plaisir de prendre connaissance des concepts que vous mettez de l'avant et aussi stimulant, parce qu'effectivement on voit qu'au Québec on a de la relève au niveau intellectuel et on n'a pas à rougir de nos institutions d'enseignement supérieur autour de tout ce concept de développement durable et d'intégration des entreprises dans le processus.

Je suis... on est, de ce côté-ci, aussi particulièrement heureux d'entendre le rappel à l'ordre que vous faites ce matin au gouvernement par rapport aux exigences imposées par ses propres lois. La loi... donc une loi toute récente, la loi n° 42, qu'on a souvent qualifiée de la loi sur la bourse du carbone, là, parce qu'elle met en place les paramètres pour l'établissement d'un système de plafonnement et d'échange, mais aussi la Loi sur le développement durable, cette loi si avant-gardiste et à la fois si malmenée au Québec. Et aussi je vous dirais... on est heureux d'entendre votre appel à l'ordre par rapport aux conséquences aussi d'un réchauffement de 2° C et plus. Parce que, lorsqu'on examine les coûts de l'action, bien il faut aussi les comparer, et vous nous le rappelez, avec les coûts de l'inaction. Et les coûts de l'inaction, ils sont élevés en termes de dollars, mais ils sont aussi élevés en termes de conséquences sur la santé des êtres humains et sur tout le milieu de vie dans lequel on va évoluer, la biodiversité, etc. Donc, je vous remercie de nous le rappeler.

La ministre a tout à l'heure parlé d'un échange qu'on avait eu hier avec Gaz Métropolitain, puis juste rappeler que... bien, en fait, lorsque je leur ai posé la question, bon, bien, quelles sont les raisons pour lesquelles, si une entreprise au Québec devait convertir son mode de combustion, ses technologies qui utilisent le mazout actuellement, pourquoi est-ce qu'ils convertiraient plus vers le gaz naturel que vers l'électricité qui, elle, en émet très, très peu de gaz à effet de serre?

Dans le fond, la réponse était qu'il y a certaines technologies quand même qui sont disponibles à court terme, et l'exemple qu'on nous a donné, c'est celui des véhicules lourds. Alors, je pense qu'effectivement, si on parle d'une transition, il y a certains domaines où le gaz naturel peut jouer un rôle. Je ne pense pas qu'il y ait encore beaucoup de véhicules lourds... en tout cas, il y a sûrement des prototypes ou de la recherche qui se fait. qui fonctionnent entièrement à l'électricité actuellement. Alors, je voulais juste faire cette petite mise au point.

Au niveau des questions, je regardais dans la présentation, et vous l'avez mentionné lors de la présentation des gens, il y a Mme Gagnon-Turcotte qui est aussi coordonnatrice du Réseau Entreprises et développement durable, alors je me demandais, bon, qu'est-ce que c'est, ce réseau-là? Je ne sais pas si vous pourriez nous en parler un petit peu, surtout voir...

Vu que nous avons entendu ici plusieurs secteurs industriels qui sont venus nous faire part de leurs craintes par rapport à l'avenir, si le Québec se donnait effectivement une cible ambitieuse, et je me dis: Est-ce que ce réseau pourrait avoir un rôle à jouer dans soit la sensibilisation ou l'accompagnement de certains secteurs industriels pour mettre en valeur finalement ce que, vous, vous nous proposez comme étant... comme étant non... pas tant des contraintes qu'un stimulus pour innover.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Gagnon-Turcotte.

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): En fait, le Réseau Entreprises et développement durable s'adresse principalement à des gestionnaires de développement durable en entreprises, donc qui cherchent à développer des plans de mise en oeuvre du développement durable, et à des chercheurs en milieu académique qui font de la recherche sur le développement durable en entreprises. Et c'est de créer des lieux de rencontre et des lieux de partage de connaissances entre ces gens-là. On n'a pas vraiment d'expertise en ce qui est de l'application de technologies ou l'amélioration. C'est davantage un lieu de rencontre pour le moment. C'est tout récent, là, ça fait un an et demi environ que ça existe.

Mme Rochette (Annie): Est-ce que je...

La Présidente (Mme Doyer): Oui, Mme Rochette.

Mme Rochette (Annie): Est-ce que je pourrais rajouter, parce que ça semble être un thème qui revient: les industriels sont inquiets.

D'abord, peut-être faire un point que, quand on a fixé une cible globale, après, on se retourne vers chaque secteur pour voir comment on pourrait, à l'ensemble, atteindre notre cible globale. Donc, s'il y a des secteurs qui ont fait plus d'efforts que d'autres et que c'est plus coûteux, à ce moment-là peut-être leur cible, on ajuste en conséquence.

L'autre possibilité aussi, c'est l'achat de droits d'émissions à l'étranger, là, en vertu du développement... du Mécanisme de développement propre, qui font que c'est rentable à court et moyen terme pour certaines industries de faire cette transition-là. Donc, dans le rapport Pembina qu'on mentionne aussi... le rapport Pembina mentionne des investissements dans certains secteurs justement qui vont être plus touchés, puis on se permet ces investissements-là parce qu'on va chercher, ou par une taxe sur le carbone ou par un marché sur carbone, on va chercher ces revenus-là.

Donc, il y a des moyens de, si vous voulez, rassurer les industriels, et tout ça, sans avoir nécessairement à compromettre une cible ambitieuse. Mais... c'est ça. Alors, il y a des moyens de pallier à ces inquiétudes-là à mon avis tout en ayant des cibles ambitieuses.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui, merci. Bien, je dois vous dire que je partage en effet ce que vous venez de dire. Et d'ailleurs, je pense qu'on doit le partager tous, puisqu'on a... nous avons voté à l'unanimité la loi n° 42 où, dans le système de plafonnement et d'échange, il y a toutes sortes de dispositions en effet pour pouvoir pallier aux problèmes de compétitivité dans certains secteurs et pour pouvoir reconnaître aussi des gestes précoces qui ont été posés. Donc, on a... je pense qu'on a un bon... on s'est doté d'un bon coffre à outils.

Maintenant, il va rester au gouvernement à travailler, faire cet effort là secteur par secteur et d'impliquer les entreprises, aussi les organisations syndicales qui sont venues ici nous dire qu'elles étaient prêtes à collaborer et à s'impliquer activement. Donc, je pense que la balle est dans le camp du gouvernement beaucoup plus que dans celui des entreprises pour passer les messages et pour aussi accompagner ces entreprises-là.

J'étais aussi très intéressé quand vous avez parlé, bon, les questions d'analyse de cycle de vie, d'écolabellisation. C'est vrai que c'est encore peut-être un petit peu... un petit peu ésotérique, là, toute cette question-là, mais ça se précise quand même assez rapidement.

Il y a une... des... certaines personnes qui ont proposé, dans un passé récent, de pouvoir moduler la taxe de vente du Québec en fonction des émissions de gaz à effet de serre. Bon. Par exemple, on pourrait... avec l'ensemble de la taxe de vente du Québec, on pourrait exempter certains produits ou activités économiques, comme par exemple la culture, les... même à la limite la restauration, des secteurs d'activité qui ont très peu d'impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre et avec... par rapport... et ce manque à gagner là, en termes de revenus fiscaux, on pourrait aller le chercher sur des produits qui, eux, émettent beaucoup de gaz à effet de serre.

Je ne sais pas si c'est quelque chose qui... auquel vous avez déjà réfléchi ou s'il y a des choses, des études ou des expériences qui sont faites ailleurs, qui pourraient nous inspirer par rapport à...

La Présidente (Mme Doyer): Alors, madame...

n(12 h 50)n

M. McKay: ...cette avenue.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Berthelemy.

Mme Berthelemy (Nathalie): En effet. D'ailleurs, c'est intéressant, quand on regarde quel type de politique on peut mener, d'aller s'inspirer de ce qui se fait ailleurs.

Mais, par exemple, en France, on a aussi différents types de véhicules comme ici, même si les véhicules qui consomment beaucoup sont quand même beaucoup moins présents sur le territoire en proportion. Donc, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont donné une taxe en fait qui était reversée aux véhicules non polluants, c'est-à-dire que les véhicules de type VUS et 4x4, etc., coûtaient à l'achat... En fait, c'était... Par exemple, un véhicule VUS coûte à l'achat 3 500 euros de plus et, en échange, étaient reversés aux quatre, cinq véhicules automobiles économiques 700 euros par véhicule économique, parce qu'il y en a un plus grand nombre, en fait; donc, c'est pour ça. Et ça a fonctionné tellement bien que finalement c'est devenu un peu ringard, expression française, d'acheter un véhicule qui consommait beaucoup, ça a passé comme démodé puis ça a vraiment permis une transition même dans les mentalités de faire ça.

Donc, oui, c'est un très bon procédé de faire comme ça, d'associer à une taxe sur le produit le prix du carbone qui va avec.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Rochette.

Mme Rochette (Annie): Je voulais juste rajouter. Si on pense, à long terme, qu'il faut transitionner vers une économie décarbonisée complètement, ce sont des mesures qui effectivement pourraient remplacer... Donc, une taxe sur les produits qui sont plus dommageables par rapport aux changements climatiques pourrait être envisagée, de même que peut-être éventuellement remplacer les impôts sur le revenu par d'autres formes de revenus. Je veux dire, c'est Équiterre qui fait un très bon plaidoyer là-dessus dans leur rapport.

Mais donc, à long terme, si on regarde, c'est ça, on veut s'en aller vers une économie décarbonisée, ce sont des types de mesures qui, à mon avis, probablement seraient très efficaces.

La Présidente (Mme Doyer): Oui. Il vous reste huit minutes, M. le député.

M. McKay: Oui. Alors, juste avant de vous demander de passer la parole à mes collègues, qui brûlent d'envie aussi de poser des questions, je voudrais juste mentionner que, dans le fond, il existe déjà, on a déjà un peu des embryons de ça au Québec. Par exemple, sur le montant des immatriculations... est modulé en fonction des... de certains plus gros consommateurs, mais c'est effectivement un tout début et... Donc, vous pensez que c'est une avenue sur laquelle on pourrait miser davantage.

Mme la Présidente, je sais que mon collègue...

La Présidente (Mme Doyer): Lequel? Parce qu'on a...

M. McKay: ...du Lac-Saint-Jean...

La Présidente (Mme Doyer): Ah bon!

M. McKay: ..faisait des gestes désespérés.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, avant de vous donner la parole, je vais demander le consentement des collègues membres de la commission. Consentement?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Doyer): Ah! T'es membre? Pour participer aux travaux, à ces travaux-ci. Ça va? Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Vous savez que sur le territoire québécois, on a parlé tout à l'heure du transfert du mazout vers le gaz naturel, mais vous savez que probablement en fait sur le territoire québécois se retrouve, semble-t-il, un potentiel immense en développement d'hydrocarbures. On fait souvent référence au schiste de l'Utica de même qu'à une réserve qu'il y aurait dans le golfe du Saint-Laurent, qui s'appelle la réserve de Old Harry.

Pensez-vous qu'on peut trouver une façon de concilier l'atteinte d'objectifs importants en matière de réduction de gaz à effet de serre tout en, du même souffle, développant les hydrocarbures au Québec puis imaginer un système où, je ne sais pas moi, moi, une partie de cet argent-là serait utilisée pour des nouveaux projets en développement durable ou d'une autre façon?

En fait, j'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que, dans le dernier budget du gouvernement du Québec, on a mis en place des nouvelles mesures fiscales pour encourager le développement des hydrocarbures, ou du moins peut-être pas le développement mais certainement la recherche sur ce qui se fait sur le territoire québécois. Puis je me demande si on peut analyser ça dans une approche d'ouverture en se disant que, bien, peut-être que, même si on procédait à ce développement-là, bien on pourrait trouver une façon originale pour qu'en bout de course, bien on réussisse quand même à atteindre des objectifs efficaces, entre autres parce qu'on pourrait retirer des revenus importants de ça.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Hervieux.

Mme Hervieux (Chantal): Oui. Ça serait un peu contreproductif si on veut diminuer les gaz à effet de serre d'aller chercher à en produire plus sur notre territoire, mais en fait, bon... Si les véhicules tels que Subaru PZEV qui offrent 95 % d'émissions qui sont très bonnes... Dans le fond, avec les normes californiennes, on a la norme, le top qui est de 10, qui est le véhicule zéro émission. Puis l'autre véhicule, c'est... le 9, c'est le PZEV. Bon, si tous les véhicules étaient comme ça, de produire notre propre... de développer... bon, ça aurait une certaine logique, mais, dans le fond, on ne peut pas se permettre d'aller vers des dépenses qui vont augmenter notre capacité de produire des émissions de gaz à effet de serre.

Je ne crois pas... Je pense que c'est contre-productif. Personnellement, je ne vois pas la logique. C'est comme le développement des autoroutes, qu'ils ne prennent pas en considération le fait qu'ils vont augmenter le nombre de voitures sur l'autoroute, alors qu'on veut diminuer des émissions. Est-ce qu'on veut diminuer des émissions? La réponse est oui? Eh bien, on devra faire des actions qui vont nous permettre de diminuer les émissions. C'est aussi simple que ça.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Je vais donner la parole à Mme la députée de Rosemont.

M. Cloutier: Oui, mais je veux juste...

La Présidente (Mme Doyer): Ah! Tu avais... Tu voulais compléter? Ah! Excusez.

M. Cloutier: Rapidement.

La Présidente (Mme Doyer): Vous vouliez compléter, M. le député?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cloutier: Mais, dans une...

La Présidente (Mme Doyer): Quand ça fait 15 ans qu'on est en politique, on les connaît beaucoup. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Merci, Mme la Présidente. Je m'interroge. Dans une perspective de transition des choses, où de toute évidence on peut penser du moins qu'au cours des 10 prochaines années ça va être extrêmement difficile de complètement éradier la présence... l'utilisation des hydrocarbures sur le territoire, est-ce qu'on ne pourrait pas penser que... Puisque de toute façon, une certaine partie, on devra de toute façon avoir accès aux hydrocarbures, est-ce que ce ne serait pas préférable de... Tant qu'à faire venir de l'extérieur les hydrocarbures, pourquoi ne pas utiliser celles qu'on a sur notre territoire?

La Présidente (Mme Doyer): Mme Rochette.

Mme Rochette (Annie): On est en consultation, ici. C'est parce que probablement que ça requerrait des investissements énormes, de développer ça, parce que ce n'est pas déjà développé. Donc, si on est pour investir et faire des investissements énormes, pourquoi les faire là, quand à long terme on veut se débarrasser des hydrocarbures, de notre dépendance sur les hydrocarbures? Alors, je vous dirais: Ce n'est pas cohérent, si on... Même... Parce que c'est une question de priorités. Si on dit qu'on s'en va vers une... qu'on veut combattre les changements climatiques, puis qu'on développe, puis on met des investissements massifs pour développer... Oui, on réduit notre dépendance au pétrole qui vient de l'extérieur, ce qui n'est pas une mauvaise chose, mais on ne priorise pas... on n'est pas cohérents avec nous-mêmes, à ce moment-là.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci, Mme la Présidente. Vous avez tout à l'heure, Mme Gagnon-Turcotte, parlé donc des États-Unis en disant: Bien, que ce soit moins sept, ou un peu plus, ou un peu moins... mais en tout cas c'est quand même un grand bond en avant, si on peut dire. Et puis, bon, le Québec n'a pas, contrairement à ce que nous ont dit effectivement un certain nombre de représentants d'entreprises, à attendre que les autres se déterminent et se décident. Et certains même recommandaient de ne pas prendre de décision avant la conférence de Copenhague, pour voir comment nos principaux partenaires économiques, eux, vont se positionner. Oui, on a beaucoup entendu ça. Et par conséquent...

Mais vous n'avez pas parlé du Canada. Il me semble que le Québec fait encore ? malheureusement, en ce qui me concerne ? partie du Canada et que donc le Canada, lui, qui semble, de ce que je lis, en tout cas, et de ce que je vois, s'en aller vers quelque chose qui serait moins 3 %, par rapport à 1990, bon, pour 2020, sans cadre réglementaire d'ailleurs avant de se pointer à Copenhague.

Donc, comment est-ce que vous voyez... En effet, bon, les principaux partenaires économiques du Québec, c'est bien sûr le Nord-Est des États-Unis, là où certains États ont quand même pris des décisions, il y a quelques provinces canadiennes, je pense, qui déjà aussi, se sont donné des cibles, mais le Canada dans son ensemble, qui va prendre la parole en conférence plénière au nom de tous les Canadiens, dont nous sommes, ici présents, des citoyens. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Doyer): Mme Rochette. Puis vous avez une...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Doyer): Oh! Mme Gagnon-Turcotte, pour une minute.

Mme Gagnon-Turcotte (Sarah): En fait, c'est sûr que c'est très important que le Québec ne soit pas pénalisé pour avoir fait les premiers pas. Ça, c'est sûr qu'il faut négocier ça avec nos partenaires.

D'un autre côté, si personne ne bouge, on n'avancera jamais. Donc, il faut... Déjà, si on prend de l'avant, on risque d'entraîner les gens derrière nous, que ce soit au Canada, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs. Donc, peu importe si on n'est pas certains du futur, il faut quand même probablement prendre position, à tout le moins à Copenhague et ailleurs, pour des cibles ambitieuses.

Puis aussi il faut peut-être davantage réfléchir dans une optique où il va y avoir des bienfaits qui vont découler de notre action. C'est sûr qu'il y a des coûts, mais les coûts servent à... les coûts qu'on... les investissements qu'on va faire aujourd'hui vont servir à pallier des catastrophes possibles au niveau environnemental ou vont aider à développer notre économie de façon plus technologique et plus durable.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci beaucoup, mesdames, Mmes Rochette, Gagnon-Turcotte, Hervieux et Berthelemy. Vous avez fait une contribution extrêmement intéressante à cette commission. Merci.

Et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Vous pouvez laisser vos effets dans cette salle.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 3)

La Présidente (Mme Doyer): Mesdames, messieurs, comme je constate le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du document intitulé Le Québec et les changements climatiques ? Quelle cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020?

Et nous recevons M. Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David-Suzuki, Mme Catherine Orer et Mme Sylvie Trottier. Alors, bienvenue en commission. M. Mayrand, si vous pouvez présenter... vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent, et ensuite vous allez avoir 10 minutes pour votre présentation. Allez-y.

Fondation David-Suzuki

M. Mayrand (Karel): Tout à fait. Je vous remercie. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, ça me fait plaisir d'être ici. Alors, à ma gauche... à ma droite, pardon, j'ai Catherine Orer, qui est spécialiste des communications à la Fondation David-Suzuki au Québec et qui a été impliquée de près dans le lancement de l'étude qu'on a rendue publique la semaine dernière; à ma gauche, Sylvie Trottier, qui est à la recherche chez nous et avec qui j'ai travaillé à la rédaction et à la recherche pour le mémoire que je vous présente aujourd'hui.

Je vous remercie d'abord de nous avoir conviés à ces consultations. On est très heureux d'être ici. Et, d'entrée de jeu, enfin je peux vous dire que c'est rafraîchissant de se retrouver ici aujourd'hui parce qu'hier j'ai eu la chance d'avoir une rencontre avec le ministre Jim Prentice et je suis certain que les discussions aujourd'hui vont être un peu plus ouvertes sur le sujet des réductions d'émission de gaz à effet de serre.

Et, d'entrée de jeu, je veux dire aussi que nous sommes ici pour soutenir la volonté du gouvernement d'adopter une cible pour 2020. Quand on est venus faire nos représentations... en fait, le mémoire qu'on avait avec Équiterre sur la loi n° 42, on a invité le gouvernement à faire connaître rapidement ses cibles pour 2020. Et vous le faites. Et, pour nous, c'est quelque chose de très positif. Et on souhaite soutenir cette décision.

Vous savez aussi, la semaine dernière, et c'est un concours de circonstances, ça n'avait pas du tout été prévu comme ça, mais on a publié une étude sur des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada pour 2020. Et donc on va pouvoir en parler aujourd'hui puisque ça a été rendu public il y a quelques jours. Et donc ça va constituer, si on veut, une partie importante de nos recommandations ou en fait notre analyse aujourd'hui.

Notre mémoire consiste en trois parties. La première partie vise à montrer qu'une cible de réduction de 25 %, c'est-à-dire la cible qui est mise de l'avant par le groupe intergouvernemental d'étude du climat, le GIEC, donc pour éviter une augmentation de la température sur terre de plus de 2 oC, donc une cible de moins 25 % est réalisable, et est réalisable dans le cadre d'une économie qui est prospère. Et c'est essentiellement ce que notre étude disait à l'échelle canadienne, mais qui peut être largement transposée à l'échelle québécoise.

La deuxième... le deuxième... la deuxième portion de notre mémoire essaie d'illustrer certains des bénéfices de l'adoption d'une cible ambitieuse pour l'économie québécoise et pour les particuliers, pour les Québécois eux-mêmes, parce qu'on a fait état évidemment des coûts, ce qui est tout à fait normal et responsable, mais il faut aussi penser aux bénéfices, et on y reviendra dans quelques minutes.

Et finalement la dernière partie de notre mémoire cherche à inscrire les décisions que le gouvernement va prendre dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois... les prochaines années aussi, dans le long terme, c'est-à-dire qu'on doit aussi commencer à planifier pour des réductions au-delà de 2020 qui vont requérir des investissements importants dans la prochaine décennie et non seulement après 2020.

Notre mémoire fait trois recommandations. Alors, la première, c'est... est d'adopter une cible de réduction d'émissions de 25 % pour 2020, assortie de la possibilité de hausser cette cible à 30 % si un accord multilatéral est conclu. En fait, adopter un peu l'approche que l'Europe a adoptée, de dire: On fait un paiement tout de suite, et puis, s'il y a un accord qui est satisfaisant, on est prêts à aller un peu plus loin.

Deuxième recommandation: De réaliser une analyse coût-bénéfice indépendante de l'adoption d'une cible de moins 25 %, c'est-à-dire mettre sur la table des chiffres qui permettraient aux gens non seulement de voir les coûts potentiels, mais aussi les bénéfices pour eux en termes de... en termes économiques, mais en termes de qualité de vie aussi.

Et finalement d'adopter dès maintenant une cible de réduction des émissions de GES de 45 % en 2030 et de 80 % en 2050. Dans le fond, une cible qu'on appelle aspirationnelle ou en fait, comme certains pays ont choisi de le faire, de tout de suite inscrire des objectifs dans l'horizon 2050. Ici, on est un peu plus... on rapproche ça à 2030 pour tout de suite conditionner les investissements dont on a besoin pour réussir à poursuivre le travail au-delà de 2020.

Si vous voulez, maintenant, je vais prendre quelques minutes tout simplement pour résumer certains des aspects de ces trois volets-là de notre mémoire.

D'abord, évidemment, vous avez... si vous avez suivi les médias la semaine dernière, vous avez vu la parution de notre étude, qui s'intitule Protection climatique et prospérité économique. En gros, l'étude a regardé deux cibles: celle fixée par le gouvernement Harper, donc de réduction de 3 % des émissions de GES en 2020 par rapport au niveau de 1990, et une réduction de 25 % par rapport au niveau de 1990. Une des choses qui est surprenante, qui ressort du rapport, c'est que les coûts ne sont pas tellement plus élevés pour une réduction de 25 % que pour une réduction de 3 %. Évidemment, la façon dont ça a été joué dans les médias au Canada anglais, c'est beaucoup plus qu'il y aurait des différences importantes dans le niveau d'efforts d'une région à l'autre du pays, ce qui est tout à fait normal puisqu'il y a des régions qui ont des émissions en forte croissance et des régions qui ont des émissions qui sont beaucoup moins en croissance.

n(15 h 10)n

Mais, dans l'ensemble, pour le Canada, on parle... si on prend seulement la cible scientifique de moins 25 %, on parle d'une moyenne... d'une croissance de 2,1 % par année, donc une croissance de 23 % entre 2010 et 2020, ce qui est tout à fait... ce qui est très bon, et donc une réduction de la croissance qui ne serait pas tellement dommageable pour l'économie canadienne.

Évidemment, ce qui a été si controversé, c'est que notre étude a fait des distinctions par provinces ou par régions du pays. Et, si on regarde spécifiquement le Québec, on voit que le Québec, dans une cible de moins 25 % qui serait répartie ? un effort ? sur tout le Canada, s'en tirerait relativement bien. En fait, seulement l'Ontario fait mieux que le Québec dans ce... et le Manitoba a fait mieux que le Québec. Donc, pour le Québec, ça voudrait dire une réduction, en 2020, cumulative, de 1,3 % du PIB, donc plus élevée évidemment que ce que les modèles... la modélisation qui a été faite par le gouvernement du Québec démontre, là, qui est, pour moins 20 %, qui serait de 0,16 % du PIB.

Mais ce qu'on vient vous dire, c'est que, d'une certaine façon, on sait que ça va s'inscrire dans une fourchette qui va être entre 0,16-0,20 du PIB et un virgule quelques pour cent du PIB, ce qui n'est quand même pas énorme. Je me souviens, à l'époque, on avait dit que la tempête de verglas coûterait 3 % du PIB québécois, en quatre-vingt-dix-huit. Donc, dans l'ensemble, ce n'est pas autant que la tempête de verglas.

Deux aspects peut-être que vous voudrez approfondir durant la période de questions. D'abord, le prix du carbone. Dans cette étude-là, le signal de prix qui doit être envoyé, à l'échelle canadienne toujours, parce qu'on ne peut pas toujours... dans le cadre canadien, le prix envoyé sur le carbone doit probablement être plus élevé que celui qui serait appliqué strictement au Québec si le Québec était dans un univers clos, là, et donc, le prix de la tonne de CO2 commence à 50 $, dès 2010, et augmente, dans un scénario de moins 25 % jusqu'à 200 $ la tonne, en 2020. Donc, des prix beaucoup plus élevés évidemment que ce qui a été présenté dans le document de consultation. Mais, encore là, il faut toujours faire la nuance quand on se situe à l'échelle pancanadienne ou quand on se situe à l'échelle québécoise.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est: Dans notre étude, on a redistribué les revenus du carbone de manière à soutenir les secteurs de l'économie qui seraient affectés par la transition vers une économie qui est, disons, plus contrainte en émissions de gaz à effet de serre et aussi en réduction du taux d'imposition des particuliers. Et c'est de cette façon-là, en réduisant le taux d'imposition des particuliers, que nos économistes ont démontré qu'il y aurait augmentation de l'emploi finalement, et création d'emploi supérieure, dans ce scénario-là, à celui du statu quo.

Finalement, comme le choc pour l'économie canadienne de faire une transition aussi grande que ça en seulement 10 ans est très, très important, on a eu recours à l'achat de crédits d'émissions. Et, pour la Fondation David-Suzuki, les crédits d'émissions sont un mécanisme de flexibilité qui est essentiel et aussi un mécanisme de solidarité internationale qui est important. Alors, on pourra y revenir aussi.

Dans la deuxième... Il me reste, j'imagine, une minute ou deux?

Une voix: ...

M. Mayrand (Karel): Une grosse minute? Ça va bien. Alors, on dit: Il y a des bénéfices pour les Québécois d'adopter une cible ambitieuse. Il y a des coûts, c'est évident. Mais c'est une décision qui doit être prise dans une analyse de coût-bénéfice. Les coûts de l'inaction, évidemment, on les connaît; le rapport Stern a démontré les coûts de l'inaction sur la lutte aux changements climatiques. Mais il y a des coûts pour mettre en place ce virage-là, il y a des bénéfices pour l'économie québécoise.

Si on prend seulement la réduction de la dépendance au pétrole et à l'automobile, on a fait des petits calculs maison seulement pour montrer les coûts de l'essence, de l'achat de véhicules et de la congestion routière dans la région de Montréal. Et, d'après nous, ça atteindrait dans les 16, 17 milliards par année, en 2020. Et en réduisant l'utilisation de l'automobile et du transport, on peut réduire ces coûts-là à, à peu près, 7,5 milliards par année, en 2020. Donc, il y a des gains qui peuvent être faits; c'est simplement ce qu'on voulait illustrer. Les chiffres peuvent être nuancés, mais il y a des gains qui peuvent être faits. Et aussi, pour le revenu des Québécois, on a pris tout simplement la distance parcourue par les véhicules, le nombre de véhicules par personne au Québec, l'efficacité énergétique des véhicules, et on a regardé ce que ça signifiait si on améliorait tous ces facteurs-là pour le portefeuille du Québécois moyen, et on arrive à la conclusion qu'avec une cible de moins 25 % on pourrait remettre dans les poches de Québécois jusqu'à 4 500 $ par année, tout simplement parce qu'on aurait moins de véhicules et on consommerait moins d'essence.

Et je termine rapidement. Il faut inscrire...

Une voix: ...

M. Mayrand (Karel): Comment vous me dites? C'est terminé?

La Présidente (Mme Doyer): Terminé.

M. Mayrand (Karel): Ma grosse minute est finie? Parfait.

La Présidente (Mme Doyer): Oui. Puis de toute façon, je suis assurée qu'avec les échanges, vous allez pouvoir compléter votre présentation.

M. Mayrand (Karel): Je vous remercie.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, je vais donner la parole à Mme la ministre, pour 25 minutes.

Mme Beauchamp: Merci. Si vous me dites que vous avez besoin d'encore une minute pour compléter, je peux prendre de mon temps pour vous offrir de compléter votre présentation. Ça me semble important. Vous vouliez conclure?

M. Mayrand (Karel): Oui. Est-ce que... Bien, tout simplement...

La Présidente (Mme Doyer): Oui? Alors, c'est beau.

Mme Beauchamp: Mais, une minute, là...

M. Mayrand (Karel): Ah! Une minute.

Mme Beauchamp: ...j'ai beaucoup de questions pour vous.

M. Mayrand (Karel): Ça va être très, très simple. C'est que pour aller... Après 2020, on risque de frapper un mur. Ça va être très difficile d'aller plus loin, puis vous le savez, on a eu ces discussions-là déjà, en transport, en aménagement du territoire, puis je ne suis pas le seul à être venu dire ça, mais c'est... Les investissements qu'on doit faire en transport, en aménagement du territoire vont porter fruit, probablement, si on commence dans la présente décennie, vont porter fruit au delà de 2020, et c'est pour ça qu'il faut commencer dès maintenant pour créer les conditions qui vont nous permettre d'aller plus loin, et donc, c'est pour ça qu'on dit qu'il faudrait dès maintenant adopter une cible pour 2030, pour conditionner nos investissements dans les cinq ou 10 prochaines années pour aller plus loin en 2020. Voilà.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, à vous la parole, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et je veux vraiment vous souhaiter la bienvenue à vous trois, puis vous remercier pour une contribution qui est très importante, puis vous remercier, je pense, au nom de bien des Québécois, là, pour une contribution qui est sur des bases extrêmement, je dirais, crédibles et pertinentes, là, votre contribution générale, je vais dire ça ainsi, aux enjeux puis au débat sur les changements climatiques, Puis à travers vous, M. Mayrand, vous permettrez qu'on prenne le temps de vouloir saluer de nouveau Dr Suzuki, et prendre le temps de dire, entre autres, que la présence de la Fondation David-Suzuki sur le territoire québécois, c'était une très bonne nouvelle, un très bon signal, puis on vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.

D'entrée de jeu, je voudrais... je dirais que j'ai peut-être trois grands volets que je tiens absolument à aborder avec vous. Ça fait que je vais essayer de collaborer puis que vous collaboriez, ça fait à peu près trois blocs de discussion, mais... La première c'est par rapport à votre étude, qui a connu le retentissement que l'on connaît. Juste pour vous dire l'anecdote, moi, j'étais à Kingston, Ontario pour le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, le matin où l'étude faisait la première page, et du Devoir au Québec et du Globe and Mail, et c'était... J'ai remarqué comment les copies circulaient aux différentes tables du Conseil canadien des ministres de l'Environnement. Et vous avez fait allusion aux commentaires qui en sont... qui en a résulté dans les médias.

Moi, il y a quelque chose sur lequel je voudrais un peu plus vous entendre, qui a été une... je pourrais même dire, un peu, une critique de votre étude, puis je veux vous offrir, aujourd'hui, de pouvoir amener votre argumentation un peu plus loin. C'est la question du coût associé à la tonne de carbone, là, dans votre étude.

Premièrement, il y a une première chose. Comme principe, vous, vous affirmez que, bien sûr je connais votre position, vous dites: Ça prend un marché du carbone, et, oui, par rapport à notre modélisation qui parle d'une redevance, donc qui a un coût associé à la distribution d'hydrocarbures puis qu'il y ait une redevance puis un coût associé au carbone, j'ai compris que, comme principe de base, vous, c'est de dire: Oui. Ça prend un prix, ça prend un indice du prix sur le carbone. Mais j'ai lu, en réaction à votre étude et le fait, donc, qu'on ait beaucoup joué sur la notion que, dans votre modélisation, ça revenait à dire que la tonne de carbone aurait une valeur de 200 $ CAN en 2020. Plusieurs ont voulu mettre ça en opposition avec le fait que, dans le projet de loi américain actuellement débattu devant le Sénat, dans le projet de loi américain, on parle plus d'une valeur associée à la tonne de carbone autour de 30 $ US, puis pendant ce temps-là, au niveau de l'Union européenne, ou si on prend juste, en tout cas, la base de calcul de l'imposition d'une taxe sur le carbone par le gouvernement français, par le Président Sarkozy, ils ont établi ça à la hauteur de 19 euros. Je sais bien qu'on parle en euros 2009, là, je le conçois, mais on voit aussi, quand même, la très, très grande marge, la grande différence.

Ça fait que je veux vous entendre, c'est-à-dire, on a dit avec d'autres invités: Le Québec et le Canada n'est pas dissocié, là, d'un continent sur lequel nos modes de vie puis nos économies puis nos environnements sont intimement liés. Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent: Bien, comment, à l'échelle canadienne, puis par exemple au Québec, on pourrait avoir une valeur associée au carbone à 200 $ la tonne, tandis que nos voisins américains, dont des compétiteurs économiques, eux, transigeraient à la hauteur de, prenons l'exemple, là, de ce qui est associé au projet de loi Kerry-Boxer, là, autour d'une trentaine de dollars US la tonne? Ça fait que je veux vous entendre nous expliquer comment vous voyez ça, la cohabitation de deux systèmes. Comment vous voyez ça?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

n(15 h 20)n

M. Mayrand (Karel): Il y a deux aspects à la question. Merci. La première, c'est, dans le fond, l'espèce d'écart qu'il y a entre ce que, nous, on affirme dans l'étude et ce qui est prévu dans des projets de loi qui sont sur la table ou des projets qui sont concrètement sur la table, c'est une modélisation économique.

Alors, nous, on dit: Qu'est-ce que ça prend pour arriver, soit à l'objectif du gouvernement fédéral ou à l'objectif scientifique de moins 25%? Et les économistes nous reviennent en nous disant: Le signal de prix doit être de 50 $ la tonne jusqu'à 200 $ pour le moins 25 %, et les chiffres sont un peu plus faibles quand on parle de moins 3 %. Donc, c'est ce que ça prendrait pour y arriver vraiment en termes de signal de prix. Donc, c'est un travail d'économiste, c'est un travail de modélisation.

Quand on prend le problème par l'autre bout de la lunette, on vire ça de bord et, à l'autre bout, ce qu'on voit c'est des parlementaires qui travaillent sur quelque chose qui serait acceptable politiquement, hein, et donc jusqu'où on est capables d'aller pour atteindre un consensus bipartisan au Sénat américain, donc à peu près 30 $ la tonne. WCI était à peu près à 30 $ la tonne, ça a été... dans le fond, c'est le résultat d'une négociation et non pas d'une modélisation économique.

Donc, ce que ça nous dit, c'est que peut-être qu'un prix de 30 $ la tonne ne nous mènera pas à atteindre les objectifs qu'on souhaiterait atteindre. Dans la modélisation que vous avez faite, ici, ça nous montre qu'on peut y arriver. Des gens disaient peut-être que le signal de prix est peut-être trop faible pour y arriver, mais vos modélisations semblent avoir démontré que c'est faisable. Mais, à l'échelle canadienne, ce n'est certainement pas faisable à 30 $ la tonne de ralentir, si on veut, le développement des sables bitumineux ou des choses comme ça.

Maintenant, notre étude, et là je ne suis pas un spécialiste, je ne suis pas un économiste moi-même, mais notre étude avait fonctionné à l'intérieur de deux scénarios: un scénario où les pays de l'OCDE s'entendaient ensemble et un scénario où le Canada agissait seul. Et je pense que, dans le scénario où le Canada agissait seul, il y avait un certain nombre de mesures qui étaient mises en place pour, si on veut, soutenir l'industrie face à la concurrence internationale. Puis, dans le fond, ça devient un enjeu de soutien de développement économique et de fiscalité. De quelle façon on va utiliser les revenus de la taxe sur le carbone pour soutenir des secteurs qui seraient plus mis, je dirais, qui seraient rendus vulnérables? Parce que c'est clair qu'il va y en avoir de ces secteurs-là, puis on ne peut pas les laisser tomber.

Alors, c'est évident que c'est préférable d'agir quand plusieurs pays agissent ensemble que seul, parce qu'évidemment les coûts d'ajustement économique ne sont pas les mêmes, mais notre étude a démontré que c'est faisable d'agir seul quand même, mais, à ce moment-là, ça demande un train de politiques qui viennent avec.

La Présidente (Mme L'Écuyer): ...Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Et, en fait, peut-être ça m'amène à vouloir très rapidement que vous commentiez le projet de loi américain. Tu sais, ce que je veux vous dire, c'est que, comme vous le savez, plusieurs le voient en disant: C'est un bon pas dans la bonne direction quand on compare à l'administration précédente. Mais enfin, moi, je comprends, parce que nous-mêmes on a fait l'exercice. Je comprends très bien votre explication de dire: C'est une modélisation économique de ce que ça prendrait. Je comprends votre message qui dit: Bien oui, c'est bien plus intelligent de fonctionner en étant en partenariat, un certain groupe d'États ensemble. Mais le scénario de dire: On serait seul, par exemple, et seul à 200 $ la tonne en 2020, quand vous me dites: C'est un scénario qui montre que c'est possible...

Je veux juste aussi vous entendre, c'est possible parce que vous dites: À 200 $ la tonne, il y a un retour, un peu comme dans notre propre modélisation, il y a un retour soit en revenus fiscaux, soit en investissements dans l'économie canadienne et notamment sur le territoire québécois qui donnent les résultats que vous donnez sur le PIB. C'est un peu dans ce sens-là que vous dites... que vous dites...

La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Oui. C'est comme ça que ça a été joué dans l'étude. Maintenant, pour le projet Waxman-Markey, encore là, je ne suis pas un spécialiste, puis la fondation, on intervient essentiellement au Canada et non pas nécessairement à l'échelle internationale, donc je n'ai pas des antennes à Washington qui me nourrissent là-dessus. Mais, ce qu'il faut comprendre, et c'est un peu ce qui est ressorti hier de la rencontre que j'ai eue avec le ministre Prentice, c'est évident que le Canada ne bougera pas tant qu'il n'y aura pas quelque chose de mis en place aux États-Unis. Donc, ça devient une pièce maîtresse, si on veut, c'est un peu la clé de voûte, le Sénat américain détient la clé de voûte de Copenhague et de ce qu'on va faire au Canada en même temps. Et le ministre Prentice m'a parlé beaucoup d'harmonisation des secteurs entre le Canada et les États-Unis.

Alors, notre secteur énergétique, notre secteur de, je ne sais pas, moi, des cimenteries, de quelle façon on peut harmoniser pour faire en sorte que, comme on est dans une économie intégrée, il n'y ait pas... nos industries ne soient pas pénalisées par rapport aux industries américaines, Mais, de la même manière, les Américains vont dire: Bien, il ne faut pas qu'on soit pénalisés par rapport aux Chinois, puis les Chinois par rapport aux Indiens. Et, dans le fond, tout le monde, c'est un peu comme un... ça me fait penser la théorie des jeux, qu'on appelait le dilemme du prisonnier là, où finalement tout le monde a un intérêt à ne pas collaborer ou à... mais si tout le monde collabore, on arriverait à plus. On est un peu dans un système comme ça qui est un peu... qui est dommageable, puis c'est dans ce sens-là que c'est intéressant parce que, quand des juridictions comme le Québec prennent les devants et disent: Nous, on est capables d'adopter une cible, on est capables d'aller de l'avant malgré que d'autres ne l'ont pas fait, ça démontre finalement... ça se trouve à déboulonner cet argumentaire-là.

C'est sûr et certain que la Fondation David-Suzuki, on n'est pas irresponsable au point de dire: Bien, alors, on va jeter l'économie par terre. Justement, c'est pour ça qu'on a mis sur papier cette étude-là justement pour montrer que c'était faisable sans jeter l'économie par terre. Dans le fond, c'est le message qu'on aurait aimé qui passe. Malheureusement, le Globe and Mail a choisi de jouer les différences régionales, mais pour l'essentiel le message aujourd'hui, c'est qu'on ne peut plus prétendre que ça mettrait le Canada en faillite d'adopter des émissions... des réductions... pardon, des objectifs de réduction ambitieux.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Et quand vous parlez du rôle d'un État comme l'État québécois, ça a été vrai par le passé avec les actions de concertation, par exemple, à l'intérieur du WCI pour mettre en place un marché du carbone, alors qu'aucun des États fédéraux sur le continent nord-américain, qu'il soit américain ou canadien, n'avait ça en tête. Et je pense qu'effectivement de dire qu'on est capable de montrer la voie, de dicter la marche même, c'est un... c'est une, je dirais, c'est un objectif que l'on veut atteindre. Et on aura une cible pour Copenhague. Et, au moment où on se parle, définitivement elle sera plus ambitieuse que celle du Canada; donc, on va sûrement la voie et montrer la marche.

Je voudrais savoir, dans votre étude, quand on analyse l'impact sur le PIB notamment au Québec, est-ce que vous pouvez juste me dire rapidement: Est-ce que, dans votre étude, la cible de moins 25 %, elle est appliquée également sur l'ensemble du territoire canadien ou si on est capable d'imaginer que le principe d'une responsabilité commune mais différenciée puisse s'appliquer sur le territoire canadien, un peu comme ça se fait sur le continent européen? Mais juste à des fins qu'on soit bien capables de lire vos chiffres, est-ce qu'au moment où on se parle, quand vous avez distingué par territoires l'impact de votre étude, est-ce que c'est en appliquant à tout le monde une cible de moins 25 %?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Je vais devoir aller vérifier dans l'étude pour être certain, mais je présume que ce qui a été fait, c'est d'appliquer une cible de 25 % à l'ensemble du Canada et, dans le modèle ensuite, de voir d'où viendraient les efforts. Ce que je n'ai pas, ce que je ne peux pas vous donner, c'est c'est quoi, le niveau d'effort qui viendrait de chaque province. Et je ne pense pas que c'est un effort uniforme pour chacune des provinces.

Et évidemment, ce qui fait que le PIB, comment je dirais, la différence sur le PIB est plus importante en Alberta puis en Saskatchewan en 2020, c'est évidemment que leur niveau d'effort va être supérieur à celui des régions du centre du pays ou qu'enfin le coût de ce niveau d'effort là va être supérieur forcément et... Mais il faut garder en tête aussi que, malgré ces réductions-là de leur croissance du PIB, l'Alberta et la Saskatchewan vont encore être les provinces qui vont avoir la plus forte croissance d'ici 2020. Et c'est de ça qu'il se sont insurgés, ce qui a été... ce que je trouve finalement du point de vue de... d'un point de vue québécois ? là, je vais enlever mon chapeau de la Fondation, mettre celui de citoyen du Québec ? un peu scandaleux, disons.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Et donc je veux juste vous dire: Si jamais vous êtes capable de nous fournir l'information dans votre modélisation si c'est appliqué également ou pas, ça serait intéressant pour nous de voir à quoi ressemble l'impact en termes de cible, là, de pourcentage sur le territoire québécois.

Vous étiez sur un élément qui est bien important. Vous avez vu comme moi que la réaction donc, vous venez de la commenter, là, dans la presse anglophone canadienne, est une réaction où on disait que votre modèle allait nuire à l'économie de l'Ouest canadien. Or, quand le gouvernement conservateur a lancé en 2007 le plan qui était... ? comment s'appelait-il déjà? «Turning the Corner» ? la réaction du Québec et de l'Ontario a été dire: Vous venez de mettre sur la table un plan qui est nettement équitable et désavantageux pour le Québec et l'Ontario. À ce moment-là, on a parlé d'une voix parce que, comme vous le savez, là, c'est un cadre réglementaire qui imposait justement non pas des cibles différenciées, mais tout secteur, peu importe où est-ce qu'il était établi et surtout peu importe leur effort précoce... c'étaient des secteurs qui étaient touchés, qui connaissaient un impact équivalent, ce qu'on considérait vraiment comme inéquitable.

Je veux vous offrir, là, la chance aujourd'hui de nous expliquer en quoi donc... comment vous répondez à cette analyse, à cette analyse faite dans la presse anglophone et de commenter pourquoi, vous, vous affirmez que le modèle comme vous le proposez est un modèle équitable à l'échelle canadienne.

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand. Excusez-moi, Mme la ministre. M. Mayrand.

n(15 h 30)n

M. Mayrand (Karel): Je ne saurais pas quoi répondre autre que de dire que c'est un modèle qui préserve la croissance économique de toutes les régions du pays et qui fait en sorte que l'Alberta continue d'avoir la plus forte croissance du PIB et d'avoir un PIB par habitant qui est à peu près 20 000 $ supérieur... de plus que celui des Québécois à la fin, là, de la période, là, disons en 2020.

On vit dans une fédération. Dans cette fédération-là, il y a des régions qui sont manufacturières, d'autres qui sont productrices de pétrole. En ce moment, la production de pétrole au Canada, oui, rapporte des revenus au gouvernement fédéral, oui, c'est redistribué sous forme de péréquation, il y a toutes sortes de choses intéressantes et il y a des revenus qui sont importants pour le... pour le Canada, mais d'autre part ça fait augmenter le dollar canadien, puis à ce moment-là on sait que ça vient heurter le secteur manufacturier dans l'ensemble du pays. Donc, il y a un équilibre à atteindre, et je ne serai pas celui qui vous dire exactement quel est cet équilibre-là, mais il nous semble que... Il nous semble que, pour... ce n'est pas un prix qui est si élevé que ça à payer pour des provinces comme l'Alberta et la Saskatchewan de continuer d'avoir la plus grande croissance économique au pays pour régler un problème des changements climatiques qui va affecter tout le monde, et tout le monde va contribuer à le régler, par ailleurs.

Donc, pour moi, l'équité, elle se retrouve là-dedans, mais je ne peux pas vous dire c'est quoi, les niveaux d'efforts précis, là, à un point de pourcentage près.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: La conclusion est donc de dire que l'interprétation qui disait que c'était un plan inéquitable pour l'Ouest canadien, on peut résumer ça, là, en disant... vous dites: C'est une interprétation qui s'est... qui se comprend mal quand on regarde la niveau de croissance ou, à tout le moins, je pourrais même dire le faible impact qu'a un scénario qui est une modélisation économique, là, mais qui est un scénario comme celui que vous proposez.

Je voudrais vous entendre si possible sur l'importance que vous accordez au fait qu'on établisse des cibles à plus long terme que 2020. Ce n'est pas un certain... peut-être un groupe avant vous, là, l'a évoqué, mais ce n'est pas quelque chose qu'on a beaucoup entendu et pourtant, lorsque, moi, j'ai eu la chance d'aller faire une mission en Europe, j'ai commencé à entendre le fait qu'il y avait peut-être... que parmi des pistes de solution pour établir un meilleur... une meilleure entente, là, entre les différents États pour Copenhague, qu'il y avait cette question qu'on commence aussi à établir une espèce de feuille de route un peu plus précise sur 2050. Et, je ne veux pas prendre trop de temps avec ma question, mais je vous dirais: Il y a deux interprétations à ça.

Il y en a qui vont dire: Bien, oui, il faudrait, puis c'est même une clé, il faut que même que l'entente à Copenhague, que ce soit un traité avec toutes les clauses ou, à tout le moins, une entente politique, là, il faudrait qu'elle évoque ça, parce que ça permet que les marchés économiques connaissent l'avenir sur une base plus stable et que ça encourage donc les investissements maintenant parce que les gens disent: Ça va être les mêmes règles du jeu en 2030 puis en 2050, on comprend bien cet argument-là.

Puis il y en a d'autres qui vont l'interpréter en disant: Bien, c'est ça, vous n'êtes pas arrivés vraiment à un traité avec toutes clauses. On est devant une déclaration politique, puis c'est bien plus facile pour des élus de dire qu'on va s'entendre sur 2030 et 2050 que s'entendre sur qu'est-ce qu'il faut faire pour dans 10 ans. Et il y en a qui l'interprètent pas très bien, cette possibilité que l'espèce d'accord politique qu'on souhaite tous, là... je dis «accord politique», mais on veut un traité, là, mais il y en a plusieurs qui disent: Il y aura sûrement un accord politique. Il y en a qui disent: Non, non, non, là, ça prend plutôt les cibles contraignantes pour 2020, puis c'est bien trop facile que vous vous échappiez avec une espèce de feuille de route encore avec des objectifs pieux pour 2050.

Ça fait que je veux vous entendre sur cette dimension-là puis comment, vous, vous voyez ces enjeux-là au niveau international. Puis comment ce serait vraiment interprété, ces cibles, à plus long terme.

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Alors, on est... C'est une excellente question parce que, oui, si on se donne des cibles aspirationnelles comme ça puis que c'est un peu comme la tarte aux pommes, tout le monde est pour, ça ne heurte personne et on ne fait rien pour les atteindre, ça ne sert à rien puis évidemment ça devient un peu une forme, là, politique de ce qu'on appelle «the green washing» ou... Et donc c'est inutile en ce sens-là.

Par contre, si on regarde... Une histoire qui m'avait frappé, il y a quelques années. Un chercheur, un grand économiste que j'avais rencontré avait dit: Il y a des centrales au charbon qui ont été créées au début du XXe siècle et qui fonctionnent encore. C'est dire comment une décision d'investissement qui est prise demain matin peut avoir des impacts qui se répercutent dans le temps.

Alors, la question qu'on doit se poser, c'est: De quelle façon est-ce qu'on peut déjà conditionner nos investissements pour créer un environnement qui va être propice pour atteindre des réductions d'émissions de gaz à effet de serre qu'on appelle, là, profondes ou plus ambitieuses au-delà de 2020?

On sait qu'au Québec notre problème en ce moment, c'est essentiellement l'étalement urbain et la croissance du parc automobile. Puis on sait qu'on va réussir à améliorer l'efficacité énergétique des véhicules, on sait qu'on va être capables de faire un certain nombre de choses, mais, dans l'ensemble, il y a un grand, grand virage à prendre parce que, si on continue comme ça pendant 10 ans, ça va être pratiquement... Les émissions, ce n'est pas impossible d'envisager que les émissions... que le transport représente 50 % des émissions de GES du Québec dans 12 ans ou dans 11 ans.

Et qu'est-ce qu'on fait? Rendus là, on ne peut pas rien faire parce que les gens sont installés loin de leurs lieux de travail, on a un système autoroutier qu'il faut entretenir. On ne peut pas laisser tomber les gens. Alors, il faut déjà commencer à créer des alternatives.

Et, pour ça, selon moi, ce qu'il faut faire, c'est non seulement adopter une cible à long terme, mais de l'inscrire quelque part dans un cadre, dans une politique-cadre ou dans un instrument de gouvernance qui permettrait au gouvernement de dire: Oui, un beau projet, mais est-ce qu'on peut... comment ça s'inscrit dans un horizon 2030 où on réduit les émissions de gaz à effet de serre?

Ou carrément de créer un lieu où enfin on étudie de quelle façon on pourrait travailler déjà pour au-delà de 2020 et commencer déjà à conditionner nos investissements. Parce qu'on le sait, là, un investissement en transport collectif, ça ne prend pas six mois, là. Le métro de Laval, on en a parlé pendant 15 ou 20 ans avant de l'avoir, et des choses comme ça. Donc, c'est important d'y réfléchir tout de suite.

Alors, c'est notre façon à nous, je dirais, d'alerter l'État québécois au besoin d'aller plus loin, au-delà de 2020, et de créer maintenant les investissements qui vont permettre de le faire parce que sinon, on n'y arrivera pas, on va frapper un mur.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: O.K. Donc, s'il en est question, là ce ne sera pas juste vu comme un échappatoire, à la condition qu'il y ait aussi des cibles fixées pour 2020 bien sûr, c'est ce je comprends.

M. Mayrand (Karel): ...

Mme Beauchamp: Je termine, il nous reste environ deux minutes. Et je voudrais vous entendre sur la partie de votre mémoire où il est question des crédits internationaux. Parce que ça a été soulevé. Certains, et notamment des groupes environnementaux, sont venus dire: Il faudrait que toutes les réductions soient faites sur le territoire québécois. Puis, par rapport à l'effort au niveau international, c'est vu comment étant un don. Je le dis respectueusement de cette idée, mais comme un don au niveau de la coopération internationale, etc. Et d'autres sont venus nous dire: Non, il faut permettre la flexibilité de ces mécanismes où des réductions puissent... peuvent être faites sur d'autres territoires.

Et vous avez vu que, dans notre modélisation, nous, on prévoit qu'il y a une partie de l'effort qui serait fait sous forme de compensation sur d'autres territoires. Et nous, c'était à hauteur environ de 25 % quand je regarde, par exemple, le scénario de moins 20 %.

Dans votre mémoire, vous prenez le temps de dire qu'il faudrait qu'on se fixe une cible. Vous dites: On devrait se fixer une limite de 25 % des réductions obtenues sur des marchés internationaux. Et je veux vous entendre: D'où vient cette notion? Puis, plus largement que ça, là, comment vous voyez ça, l'effort qu'on peut faire sur d'autres territoires que le territoire québécois dans le contexte québécois, dans le contexte différencié québécois où on a moins de marge au niveau, par exemple, de la réduction au niveau de notre production d'énergie ou... Je veux vous entendre sur cet enjeu-là.

La Présidente (Mme Doyer): En une minute, M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Mais d'abord, c'est un mécanisme qui est reconnu et qui est contenu dans le Protocole de Kyoto. Et donc tous les gens qui appuient le Protocole de Kyoto, en théorie, ont appuyé les mécanismes de développement propre. Nous, de la même façon. C'est un mécanisme qui permet une flexibilité, donc qui permet d'amortir, d'amoindrir le choc des réductions. On sait qu'une réduction de gaz à effet de serre, qu'elle ait lieu ici ou ailleurs dans le monde, a le même effet sur notre atmosphère.

La raison pour laquelle, nous, on dit: On devrait fixer une limite, c'est qu'effectivement on ne voudrait pas que l'État québécois commence à acheter 100 % de ses réductions ou 60 % de ses réductions à l'étranger, évidemment. Ce ne serait pas bon pour notre économie, on ne travaillerait pas dans notre productivité, dans notre propre productivité. Et d'autre part, bon, ce ne serait pas structurant à long terme, ça coûterait cher, et tout ça.

Par contre, nous, on considère que c'est une excellente... un excellent mécanisme de flexibilité et que c'est un excellent mécanisme de solidarité. Ce n'est pas seulement un don, ce sont des réductions d'émissions de gaz à effet de serre que le Québec obtient en finançant des projets qui réduisent des émissions ailleurs et qui contribuent au développement de pays pauvres. Et c'est essentiel qu'on le fasse, selon moi, parce que sinon, comment, nous, on peut espérer que les pays en développement puissent aller de l'avant si les pays riches disent: On garde tout notre argent chez nous, puis on n'achète pas de crédits à personne, on fait juste vendre nos technologies? Ça ne fonctionnera pas.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci, M. Mayrand. Nous allons passer au groupe de l'opposition officielle. M. le député de L'Assomption.

n(15 h 40)n

M. McKay: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bon après-midi à nos invités, Merci de vous être déplacés ici, à l'Assemblée nationale, pour venir contribuer aux travaux de la commission. Effectivement, nous avions déjà pris connaissance de votre étude, l'étude qui a été publiée par la fondation, en collaboration avec l'Institut Pembina, et, moi, je pense qu'il y avait certains commanditaires quand même assez prestigieux, là, comme La Banque Toronto-Dominion. Et ça donnait déjà le ton, notamment en adoptant cette cible de réduction de 25 % des émissions par rapport au niveau de 1990, ce qui est l'objectif qui a été retenu par notre groupe parlementaire, au Parti québécois. Et... bien, vous venez... en quelque sorte, ça nous a permis un peu de nous réconforter, je vous dirais, parce que, compte tenu que le gouvernement du Québec n'a pas cru bon de... malgré le fait que, dans la loi n° 42 qu'on a adoptée, là, au mois de juin, nous avions fait inclure les... comme critères d'établissement de la cible de réduction, les plus récentes données de la science et de la technique, malgré ça, donc, le gouvernement n'a pas cru bon de réaliser la modélisation avec cet objectif. Par contre, bon, comme, vous, vous l'avez fait, ça nous... ça vient nous réconforter un peu, puisque, avec cette modélisation-là, vous arrivez aussi à un impact... un impact, bon, disons, pas nul, mais quand même presque neutre. Et vous nous rappelez aussi qu'il ne faut pas seulement regarder les coûts, mais il faut regarder les bénéfices.

Moi, je vous... j'aimerais ça avoir quelques précisions par rapport à la... ce que vous mentionniez dans votre présentation. Bon, parmi les bénéfices donc d'adopter une cible de moins 25 %, vous mentionniez, bon, que le... il y aurait une réduction au niveau du coût. Est-ce que c'était de la congestion automobile? Vous avez parlé de 16 à 17 milliards de dollars par année en 2020, ce qui ne serait que de 7,5 milliards par année avec le scénario de moins 25 %. Pouvez-vous nous l'expliquer un petit peu davantage?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Tout à fait. Je vais juste retrouver la bonne page. En fait, ce qu'on a fait, on a tout simplement projeté les tendances actuelles sur l'horizon 2020 à trois niveaux.

D'abord, l'achat d'essence pour des véhicules légers. Donc, on a regardé les tendances des dernières années puis on a tout simplement... les a laissées aller jusqu'en 2020. L'achat de véhicules, parce qu'évidemment on ne produit pas d'automobiles au Québec, donc c'est des véhicules qu'on importe. Donc, c'est de l'argent aussi que les gens déboursent ici sur ces produits-là. Et les coûts de la congestion routière. On aurait pu prendre un certain nombre d'autres indicateurs. On a juste pris ceux-là pour illustrer, hein? Ce n'est pas une étude exhaustive... ce n'est pas le point final sur la question.

Et là ce qu'on s'est rendu compte, c'est qu'en 2008 les coûts de ces trois facteurs-là étaient d'à peu près 10 milliards par année. En 2020, ils risquent d'augmenter jusqu'à 17 milliards, mais, si on a appliqué une réduction de 25 % à ces trois facteurs-là et... on... ça nous fait descendre les coûts finalement à peu près à 7,5 milliards.

Évidemment, les relations là-dedans ne sont pas toujours linéaires. Alors, ça peut bouger un peu, là. Mais c'est simplement pour donner une illustration de... puis on sait que la congestion routière puis on le sait que les achats de véhicules puis d'essence, là, au Québec, ce n'est pas ça qui nous rend riches, là. Alors, on essaie de dire: Si on récupère cet argent-là dans nos poches, il va aller ailleurs, il va aller à consommer autre chose, il va retourner dans l'économie pour faire autre chose. Puis, si c'est de l'épargne, tant mieux.

M. McKay: Oui.

La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Et comment... quand vous parlez de 4 500 $ par année par ménage, est-ce donc ces sommes qui auraient été économisées essentiellement, ce que vous avez évalué par rapport à la réduction d'achat d'essence et la... le fait que les gens posséderaient moins ou... d'automobiles ou feraient moins de kilométrage?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Mais alors, là, on a fait un scénario un peu différent. On a même... on a pris un peu la même démarche. On a projeté des tendances récentes jusqu'à 2020, mais sur la distance moyenne parcourue par les véhicules, le nombre de véhicules par personne au Québec et l'efficacité énergétique des véhicules, l'efficacité énergétique moyenne. Et donc la distance moyenne parcourue par véhicule au Québec, on a projeté cette tendance-là, puis il y a une certaine diminution qui a été... qui est perçue, là, récemment, et donc ça diminuerait de toute façon, mais, si on applique des cibles plus ambitieuses...

Dans le fond, ce qu'on dit, c'est qu'il y aurait moins d'autos sur les routes. Ces autos-là parcourraient moins de kilométrage et... et en plus c'est qu'on sait qu'il va y avoir des nouvelles normes d'efficacité énergétique, donc les autos vont être moins énergivores. Et tout ça fait en sorte que, mettons, une famille moyenne, au Québec, il y a certaines familles qui, au lieu d'avoir deux autos, en auraient peut-être seulement qu'une, ou ils rouleraient moins avec, ou ils auraient des autos moins énergivores. Donc, c'est de l'argent qu'ils dépensent moins, soit en véhicule automobile soit en essence. Et, au bout du compte, ça peut représenter, là, dans ce scénario-là qu'on avait fait, 4 636 $ par ménage, en moyenne. Ça veut dire qu'il y en a qui vont abandonner une deuxième auto, et eux vont économiser peut-être jusqu'à 10 000 $, puis d'autres vont économiser moins parce qu'ils vont simplement rouler moins. Donc, ça va varier, là. Ce n'est pas chaque ménage québécois qui recevrait un chèque, mais dans l'ensemble, il y a des épargnes très importantes pour les Québécois, si on commence à leur fournir des alternatives à l'automobile. Et c'est...

Il faut le dire, parce que je pense que les gens sont plus conscients de l'augmentation du prix du pétrole, mais justement, on est prisonnier du prix du pétrole, hein? Quand il augmente, le prix, on est... On ne peut rien faire. Et c'est ça qui est le problème: on ne s'est pas donné les moyens, au Québec, depuis 25 ans, d'avoir autre chose que l'automobile.

La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Merci. Oui, effectivement. Ce que vous dites, dans le fond, ça donne tout son sens à l'expression «se libérer du pétrole». Est-ce que... Bon, il y a les gens de la Santé publique que je vois, qui sont déjà dans la salle, là, on les reconnaît assez facilement ces temps-ci, on les a vus souvent à la télévision, qui vont donc sûrement nous parler des coûts et des bénéfices au niveau de la santé. Mais est-ce que c'est un aspect que vous avez considéré aussi?

Hier, il y avait André Bélisle, de l'AQLPA, qui nous parlait de 4 500 décès, je pense, prématurés au Québec à cause de la pollution atmosphérique. J'imagine que dans... Donc, je vois que vous... vous opinez du bonnet. Donc quels sont ces bénéfices-là?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Bien, en fait, évidemment les gens qui vont nous suivre vont être capables de vous en parler avec beaucoup plus d'autorité que moi. Nous, on a simplement encore là illustré certains de ces coûts-là. La pollution de l'air, qui fait 1 540 morts prématurées par an à Montréal; les accidents de la route, 44 000 victimes, au Québec. Alors, en fait, conduire une automobile, c'est probablement la chose que je fais dans ma vie qui est la plus dangereuse, comme je ne suis pas un fumeur. Et donc, en 2000, on estimait que les accidents de la route coûtaient 2,6 milliards au Québec. En fait, là, je me suis... On n'a pas trop exploré la question de la qualité de l'air, qui est aussi très importante.

Je lisais récemment que, simplement en instaurant un système de péage rapide au Lincoln Tunnel, à New York... Avant les gens arrêtaient pour payer, puis il y avait des attentes, et ils ont fait instaurer un système de péage rapide. Avec ce système-là, dans un rayon de deux kilomètres, les bébés nés prématurés ont diminué de 12 %. Simplement qu'une petite carte E-Z Pass que les gens passent, là-bas. Alors, c'est dire à quel point il y a une incidence sur la santé. Mais évidemment les coûts ne sont pas toujours simples à faire. Ça prend des études, puis je sais que les gens qui vont me suivre vont être capables de documenter ça très bien, et la Fondation Suzuki, on essaie toujours d'apporter justement la perspective des enjeux sur la santé.

C'est sûr que, si après ça on met des signes de dollar au bout de ça, ça a une incidence sur les finances publiques aussi. Alors, mais principalement, ça a une incidence sur les populations très pauvres, surtout celles qui vivent proches des autoroutes. Et on sait que, quand il y a une autoroute, généralement, là, autour de ça, ce n'est pas les gens les plus riches qui s'installent, malheureusement, et donc il y a un problème d'équité sociale aussi important.

La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.

n(15 h 50)n

M. McKay: Oui. Bien, en fait, votre réponse introduit un peu ma prochaine question, parce que je me demandais... Bon, on met de l'avant beaucoup, plutôt que l'usage de la... des impôts sur le revenu, on a parlé surtout de, bon, de tarification ou d'augmentation des prix de l'essence, de péages. Et, quand même, il doit y avoir des impacts à ce moment-là sur les personnes à plus faibles revenus. Quand on pense aux gens qui ont deux voitures puis on se dit: Bon, bien, O.K, là, on peut réduire d'une voiture. Si on fait un certain nombre de kilométrage, on peut compenser.

Mais qu'en est-il pour les gens qui sont démunis et qu'on va affecter directement dans leur budget déjà extrêmement limité et puis dans leur mobilité aussi limitée? Donc, est-ce que vous proposez des mesures de compensation, disons, pour ces gens-là?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): C'est une excellente question. Dans des milieux urbains au Québec, l'accès plus grand à du transport collectif va bénéficier aux populations les plus démunies. Donc, et le meilleur financement du transport collectif normalement va bénéficier aux personnes plus démunies et, comme la plupart des gens chauffent à l'électricité, bien évidemment, si le prix du mazout ou le pétrole augmente, ça ne devrait pas avoir une incidence trop grande comme ça l'est... comme ailleurs au Canada ou aux États-Unis. Donc, là-dessus on est relativement protégés. C'est quand on arrive en région évidemment où les gens ont des voitures puis ont besoin de leurs voitures pour se déplacer qu'effectivement que les coûts peuvent augmenter. Et, oui, à cet égard-là, dans le fond, la première chose à faire, c'est de faciliter l'accès à des véhicules qui consomment moins d'énergie pour justement, d'une certaine façon, pour amortir ce choc-là.

Parce qu'il faut comprendre aussi, peut-être les Québécois ont besoin aussi de se faire dire que le pétrole pas cher, c'est terminé. On se l'est fait dire en 1970, en 1973, en 1980, et on se l'est fait dire encore en 2007, c'est-à-dire que le pétrole va continuer d'augmenter, ça va devenir plus coûteux de se déplacer. Alors, forcément, il faut aider les Québécois à s'ajuster à ça.

Il y a toutes sortes de mesures qui peuvent être mises en place, mais, la principale, c'est de les rendre moins dépendants à l'automobile ou d'avoir des véhicules qui sont moins énergivores. C'est beaucoup plus ça que d'aller vers des solutions où on diminuerait les taxes sur l'essence pour compenser l'augmentation du baril du brut, puis, à ce moment-là, il y a moins d'argent qui va dans les poches du gouvernement du Québec, puis plus d'argent qui va dans les poches des compagnies. Je ne vois pas comment le contribuable québécois y gagnerait, là.

La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption, et votre collègue de Rosemont a demandé la parole.

M. McKay: Oui. Alors, on pourra lui céder la parole...

La Présidente (Mme Doyer): Tantôt.

M. McKay: ...par la suite.

La Présidente (Mme Doyer): Voilà.

M. McKay: Parce qu'on a parlé aussi de l'impact du prix du pétrole dans la modélisation. Bon. Vous avez remarqué comme la plupart des gens que le prix du pétrole qui a été utilisé dans la modélisation du gouvernement du Québec est relativement faible. En fait, on prévoit que les prix du pétrole vont baisser, alors ce n'est pas... Il a été admis, là, qu'on n'avait pas eu... que depuis des nouvelles données ont été rendues disponibles, donc on s'attend à ce que les chiffres soient éventuellement mis à jour.

Mais, d'ici là, c'est peut-être quelque chose que vous avez regardé dans votre propre étude, ou je ne sais pas si vous pouvez nous informer un peu. L'impact d'un prix du pétrole plus élevé, qu'est-ce que ça aurait comme répercussions par rapport, par exemple, à l'achat de crédits d'émissions à l'étranger? Est-ce que, si le prix du pétrole est plus élevé, est-ce qu'on va devoir en acheter plus, en acheter moins? Par rapport au revenu des ménages, est-ce que ça va nous... est-ce que ça va rendre les Québécois plus riches ou moins riches, là, à l'horizon de 2020? Là, ça en fait pas mal, là, mais l'impact sur la productivité des entreprises aussi. Est-ce que... comment on devrait anticiper cet impact-là?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Bien, ce n'est pas très compliqué, je vais faire une réponse très simple. On ne produit pas de pétrole au Québec, alors, à toutes les fois que le prix du pétrole augmente, on s'appauvrit, que ce soient nos entreprises, les individus, la collectivité québécoise. Comme on a très peu, même pas, on a à peine un peu d'industries pétrochimiques, je veux dire, on a... alors, on n'y gagne pas quand le pétrole augmente. Et c'est ça qui nous rend vulnérables parce qu'on sait que le pétrole va continuer d'augmenter.

Nous, on a pris un baril de pétrole, je pense à 105 $, on a repris, dans le fond, ce qu'Équiterre avait fait dans leur document récent. Mais, bon, évidemment, hein, on pourrait deviner le prix du pétrole en 2020, ce n'est quand même pas évident d'y arriver, mais on sait que les conditions sont là pour que le prix du pétrole continue d'augmenter. Et ça va toujours faire mal à l'économie québécoise parce que le pétrole coule partout dans notre économie et, tranquillement, quand on se défait... quand on réduit, si on veut, notre dépendance au pétrole, notamment en transport, bien on règle deux problèmes en même temps: on règle le problème de notre vulnérabilité à une augmentation du baril de pétrole et en même temps on réduit nos émissions de gaz à effet de serre. Alors, ça vaut la peine d'essayer au moins.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Mayrand. Bonjour.

Moi, je me posais la question, après avoir entendu votre échange tout à l'heure avec la ministre, à propos, je dirais, du minimum qu'il faudrait atteindre absolument à Copenhague pour que ce soit, je dirais, utile, une conférence donc utile, efficace pour la suite et pas un truc pour rien, là. Et vous avez parlé d'un accord politique versus donc une entente internationale plus contraignante ou une convention plus contraignante. Mais je n'ai pas vu, là, les résultats parce que peut-être qu'ils sont encore en réunion à Barcelone, là, est-ce que ça avance, ça recule, je ne sais pas.

Mais, à Copenhague, qu'est-ce qui vous semble, là, le minimum nécessaire à... pour que ce soit une conférence réussie, disons?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Alors là, il faut aller travailler dans ma mémoire parce qu'il faut que je retrouve la position officielle de la fondation, hein? Évidemment, on voudrait avoir un accord qui est équitable, qui est contraignant et qui est ambitieux. Alors ça, évidemment, quand on parle des principes comme ça, le diable est dans les détails.

Notre interprétation, c'est qu'on sait depuis assez longtemps qu'on se dirige probablement vers un accord qui va être très faible et qui ne sera pas satisfaisant. On le sait... enfin, on ne peut pas prédire, mais j'entendais encore hier matin Steven Guilbeault dire que sa boule de cristal est aussi bonne ou aussi mauvaise que celle de n'importe qui. Alors, même les gens qui sont à Barcelone en ce moment ne peuvent pas le dire, puis le ministre Prentice, hier, avait l'air de nous dire qu'on s'enligne probablement vers un accord qui va être plus politique, qui va dire: O.K., on va jeter les bases d'une certaine architecture, puis ensuite on va continuer de travailler à la mettre en place. On se rappelle que le Protocole de Kyoto a été signé en 1997, mais il y a des choses qui ont été mises en place jusqu'en 2002, 2003, 2004. Alors, ça va continuer.

Ce qui serait satisfaisant pour nous, évidemment pour la plupart des groupes écologistes, c'est de respecter ce que la science nous dit. Comment est-ce qu'on évalue une politique publique? J'ai fait longtemps de la consultation en politique publique, puis, dans le fond, une politique publique doit résoudre le problème ou l'enjeu, hein, pour lequel elle a été conçue, et c'est le test ultime. Le test ultime, c'est: Est-ce qu'on a réglé le problème qu'on cherchait à régler. Et évidemment, bon, bien, Kyoto, a cette... n'a pas réussi à régler le problème des changements climatiques. Ça a été une première étape. On a appris des choses.

Alors, avec Copenhague, on espérait avoir l'accord ambitieux, parce qu'on sait maintenant qu'il y a une telle urgence que, si on manque cet échéancier-là, on risque de ne pas réussir, hein? Les scientifiques nous disent qu'en 2020, si on réussit à réduire les émissions de 25 % à 40 %, on a une chance sur deux seulement d'éviter des changements climatiques catastrophiques. Une chance sur deux d'éviter plus deux degrés. Et donc on occulte souvent cet... alors, on a très peu de chance d'y arriver, mais en même temps il faut être optimistes. Alors, c'est... qu'est-ce... Au lendemain, qu'est-ce qu'on va en dire? Je ne peux pas vous le prédire, mais j'ai l'impression qu'on va peut-être être un peu déçus, un peu amers puis en même temps avec encore de l'espoir qu'on puisse avancer.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais c'est très intéressant. Hier, vous avez rencontré la ministre Prentice. Si je comprends bien, il n'y a pas... il ne vous a pas donné des signes très encourageants quant à la position du Canada, donc à la volonté du Canada de jouer son rôle. Il a été plutôt, si je comprends bien, attentiste par rapport à la position américaine, par exemple, et puis il faut harmoniser, et puis il faut savoir, puis il faut attendre, etc. Donc, ce n'est pas... le Canada, en principe devrait être un joueur... un joueur pertinent dans cette conférence internationale; il l'avait été, en tout cas, à Kyoto. Puis là, bien est-ce que bien le sentiment que vous avez?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): En fait, non. Je vous dirais simplement, si vous voulez voir venir ce qui va se passer au Canada, il faut regarder du côté de Washington et de Fort McMurray. C'est les deux endroits où en ce moment les... si on veut, les choses... C'est sur ces deux villes-là que le présent gouvernement est branché pour prendre ses décisions.

Mais c'est une boutade d'une certaine façon, parce que c'est ce qui se passe au Sénat américain en ce moment qui, si on veut, l'enjeu qui bloque à la fois Copenhague et l'adoption de cibles au Canada.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. le député de L'Assomption, il vous reste six minutes.

M. McKay: Oui.

La Présidente (Mme Doyer): Cinq minutes.

n(16 heures)n

M. McKay: Oui. Peut-être pour revenir un peu plus près de chez nous, vous avez sûrement vu dans les médias aujourd'hui la bannière qui était... qui a été placée, là, à l'échangeur Turcot à Montréal pour demander plus de cohérence dans les gestes posés par le gouvernement du Québec, notamment en matière de transport. Peut-être profiter du fait que vous avez une perspective pancanadienne...

Il y a des gens aussi qui sont venus, lors de nos travaux, pour nous dire qu'en nulle part on n'avait réussi à juguler l'augmentation dans le transport individuel, que c'était une sorte de fatalité. Bon, quand on regarde les données ici, au Québec, malgré, bon, tout le pétage de bretelles qu'on peut faire autour de... dans plusieurs cas à juste titre, s'enorgueillir du fait qu'on a des meilleurs résultats qu'ailleurs, on doit quand même déplorer le fait que, dans le secteur des transports, il y a une tendance lourde, il y a une augmentation de 22 % des émissions par rapport à 1990, et on constate que le gouvernement continue, à coups de milliards de dollars, à nous... à faire des investissements puis, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, là, qui vont nous emprisonner ou qui vont avoir des conséquences en tout cas sur le long terme.

Donc, est-ce qu'il y a quand même des choses encourageantes dont vous pouvez nous parler, où... Bon, c'est certain qu'on a beaucoup d'exemples du côté plus européen. Il y a même certains endroits aux États-Unis où on a commencé à démanteler des autoroutes urbaines. Mais est-ce que... est-ce qu'il y a des choses positives que vous voyez, là, plus près de chez nous, dans notre contexte, qui peuvent nous donner espoir qu'on pourra... qu'on pourrait même rapidement, là, commencer, pas attendre 2012, commencer dès maintenant à agir de façon plus vigoureuse pour réduire donc les émissions dans le secteur du transport?

La Présidente (Mme Doyer): M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Bien, je vous dirais que c'est clair qu'il faut opérer un changement de culture au ministère des Transports. Il y a un grave problème là. Et j'ai écrit, dans une lettre ouverte aux journaux, au mois de mai, si je me souviens bien, que le problème, c'est qu'on fonctionne avec des solutions de 1950 en planifiant pour 2080, hein, parce que c'est un peu ça, là, on va se retrouver encore avec... Et le...

Il y a des exemples. Je trouve ça fascinant de quelle façon, quand, par exemple, l'autoroute... le viaduc de l'autoroute 19 est tombé, tout d'un coup on perdait une autoroute dans la région de Montréal, ça a été catastrophique pendant deux semaines, puis après ça les... il y a eu des palliatifs qui ont été... ça a été corrigé, et les gens ont trouvé la façon de se déplacer autrement. À Milwaukee, ils ont détruit complètement une autoroute qui se rendait au centre-ville. Les gens ont hurlé, ont dit: Qu'est-ce qui va se passer? Où vont aller les autos? Puis tout d'un coup ces autos-là sont disparues. Les gens ont utilisé d'autres façons de se déplacer.

À toutes les fois qu'on augmente l'offre, on augmente la demande. À toutes les fois qu'on diminue l'offre, on diminue la demande. C'est un peu comme ça que ça fonctionne. Alors là, en ce moment, on est dans une fuite en avant, où on essaie d'augmenter la capacité du réseau routier. Et, comme le réseau routier est accessible gratuitement, bien les gens le prennent, puis évidemment ça ajoute des autos, puis il y a toujours des autos. Et on est dans une espèce de cercle vicieux qui serait facile à corriger le jour où la décision va être prise que, O.K., à partir de maintenant, on construit différemment, on redensifie. Puis je pense que les gens de Vivre en ville sont venus vous parler de ça hier.

Alors... Je ne suis pas spécialiste non plus là-dessus, mais c'est clair que, dans notre mémoire, on dit que... et sur la base des chiffres du Conseil régional de l'environnement de Montréal, là... Je suis sur leur conseil d'administration, puis j'appuie beaucoup leur... en fait, j'appuie... la Fondation David-Suzuki appuie leur travail dans le dossier Turcot. Si on ajoute la capacité de 80 000 à 120 000 véhicules avec divers projets autour de Montréal, c'est certain que ça va se remplir, c'est sûr et certain que ça va se remplir, et on va être obligés de se reposer la même question dans 10 ans, alors que ce serait le temps de commencer à penser à déplacer des personnes. Il ne faut pas compter le nombre d'autos qu'on déplace, il faut compter le nombre de personnes qu'on déplace et comment on les déplace.

Alors, selon nous... Alors, moi, ma vision pour... disons, pour 2020 ou 2030, ce seraient des quartiers où les gens pourraient aller travailler à pied et rentrer à la maison pour le lunch, puis être avec leurs enfants plus longtemps. Ce n'est pas normal que les gens soient en auto pendant deux heures, 2 h 15 min par jour, dans le trafic, alors qu'ils ne sont pas à la maison avec leurs enfants. J'aimerais qu'on puisse parler... plutôt que dire aux gens: On va vous contraindre, on va vous mettre des péages, on va vous faire ci, on va vous faire ça, dire: On va vous construire des quartiers qui sont agréables à vivre.

Et je pense que c'est un peu ça, le chantier qu'il faut commencer à faire, à opérer, puis ça commence par le transport en commun. Partout où il y a des lignes de trains de banlieue qui ont été passées dans le nord de Montréal, tout d'un coup on voit ça, on voit la ville se densifier autour des lignes de train. C'est naturel. Alors...

La Présidente (Mme Doyer): Alors, ça vous fait une belle conclusion, M. Mayrand.

M. Mayrand (Karel): Merci.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, je vous remercie, M. Mayrand, Mme Orer, Mme Trottier, de votre présentation et de votre contribution aux travaux de cette commission.

Et je suspends les travaux quelques instants en attendant que le nouveau groupe s'installe.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 7)

La Présidente (Mme Doyer): Alors, mesdames messieurs, j'invite MM.  Alain Poirier et Richard Lessard à prendre place pour leur présentation.

Alors, Dr Alain Poirier, bonjour. Bienvenue en commission. Je vous inviterais à présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et on termine ces auditions, qui ont duré sept jours, avec vous.

Ministère de la Santé et des
Services sociaux, Direction de la
protection de la santé publique

M. Poirier (Alain): Je croyais qu'il y avait un groupe après nous. Non?

La Présidente (Mme Doyer): Non.

M. Poirier (Alain): C'est nous?

La Présidente (Mme Doyer): C'est vous, les derniers.

M. Poirier (Alain): Nous sommes la cerise.

La Présidente (Mme Doyer): Voilà.

M. Poirier (Alain): Merci beaucoup. Mon nom est Alain Poirier, je suis directeur national de la santé publique, au ministère de la Santé. À ma droite, Guy Sanfaçon, qui travaille... qui est spécialiste en toxicologie dans l'équipe de santé environnementale, au ministère de la Santé. Dr Louis Drouin, qui est de la Direction de santé publique de Montréal, qui est directeur de l'unité Environnement urbain et santé, qui est médecin spécialiste de la santé communautaire. Dr Lessard, qui devait être avec nous, qui est directeur de santé publique de Montréal et qui est retenu pour les dossiers qui m'occupent, moi aussi, de ce temps-là. Marion Schnebelen, qui est aussi dans l'équipe du ministère, dans l'équipe de santé environnementale du ministère de la Santé.

Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, de nous entendre. On va donner un peu une couleur santé, évidemment, à notre présentation. Comme je n'ai moi-même pas eu tellement de temps, ces derniers temps, pour revoir le dossier, quand la période des questions arrivera, vous comprendrez que je vais m'appuyer sur mes collègues, qui connaissent bien ce dossier. Même si évidemment les déterminants de la santé, comme notre environnement physique, pour ne parler que de celui-là, nous concernent beaucoup en santé publique, on s'intéresse à tous les aspects de l'environnement.

Alors, vous avez reçu notre mémoire. Merci beaucoup de nous avoir invités. On a bien aimé le document et d'être consultés. Le mémoire, je pense, est assez précis et donne des données, des informations sur le plan de la santé, que vous évoquiez tout à l'heure avec le groupe précédent. Ce que, nous, on a fait ressortir ici, pour le résumer en quelques minutes ? j'en ferai un petit bout, puis Dr Drouin pourra compléter pour un des volets ? c'est qu'évidemment, avec ce qu'on sait des impacts sur la santé, mais sur la planète, c'est que le... pour nous, le quatrième scénario, c'est-à-dire de réduction de 20 %, est à privilégier sans équivoque comme cible minimale pour atteindre 2020. Alors, quand je posais la question à mes collègues, nous, on serait allés plus loin, mais, en bons soldats, comme on parle de 10 %, 12 %, 15 % et 20 %, si je comprends bien, nous, on privilégie vraiment le 20 % pour obtenir des effets... des effets presque de... presque survie de planète. On se préoccupe beaucoup de la santé des gens un par un, dans notre réseau de santé et services sociaux, mais malheureusement nous n'avons qu'une seule planète, et là-dessus on ne peut pas... on ne devrait pas faire de compromis si on veut la garder belle, et bonne, et en santé.

n(16 h 10)n

Pourquoi une telle cible aussi élevée? Bien, si on veut avoir l'espoir de stabiliser les changements climatiques, pour lesquels on montre beaucoup d'impacts dans notre mémoire, il faudrait, comme le disent d'autres experts ? et on est d'accord là-dessus ? que pour 2020, il faudrait aller plus loin encore, même 25 %, 40 %, sous les niveaux de 1990; le consensus scientifique est assez clair là-dessus. Même, pour obtenir les réductions escomptées.

Et ce qu'on a fait valoir ici, c'est qu'il faut... on se préoccupe de toutes sortes d'impacts, mais il y a les impacts sanitaires qui sont bien documentés au niveau des traumatismes et des décès liés aux événements climatiques.

Les événements extrêmes dont notre planète est affectée depuis quelque temps: on parle de chaleur accablante, l'expérience des Français il y a quelques étés est évidente là-dessus, et les vagues de froid, verglas, inondations.

Les maladies infectieuses, certains vecteurs se retrouvent maintenant dans nos terres et même dans le Nord, qu'on ne voyait pas avant. Donc, il y a des maladies vectorielles qui vont nous... qui vont être transformées.

Des impacts sur la qualité de l'eau, les aliments, sont bien connus. De nouvelles allergies.

Et bien sûr on oublie toujours que nos maladies chroniques les plus fréquentes, maladies cardiaques, maladies respiratoires, sont aussi grandement affectées. On ne les mesure pas aussi facilement que des choses... que des habitudes de vie, comme le tabac, l'alimentation, la sédentarité, pour lesquelles c'est assez facile de mesurer individuellement les comportements et de leur attribuer un facteur de risque, mais on sait maintenant, par diverses études, que les composantes de notre environnement ont un impact sur ces maladies qui sont les plus fréquentes et qui touchent le plus notre population, donc les premières causes de dépenses. Sans parler de conséquences psychosociales.

On réfère aussi, dans notre mémoire, aux coûts de santé majeurs à éviter avec de telles réductions. Beaucoup d'études ont été faites. Ça prend des projections, des estimations pour arriver à une bonne réduction de problèmes de santé avec des améliorations de la diminution des gaz à effet de serre. On pourrait y revenir si vous voulez des chiffres plus précis. Mes collègues, en vous entendant tout à l'heure, ont ressorti les chiffres pour parler de milliards de bénéfices associés à la réduction des... en termes de coûts de santé directs et indirects pour améliorer la santé par la réduction des gaz à effet de serre.

Bien sûr, de façon plus globale, j'expliquais tout à l'heure qu'en santé publique on se préoccupe de tous les déterminants de la santé, y compris celui de l'économie, puisque la pauvreté, les inégalités sociales et économiques sont le... On parle maintenant de l'environnement, mais, dans notre environnement, il y a l'environnement social et économique, c'est un des... sinon le plus puissant déterminant de la santé.

Juste en années potentielles de vie perdue, si on réduisait les écarts de pauvreté dans une société comme la nôtre, ça deviendrait la deuxième cause de décès en années potentielles de vie perdue, après les maladies cardiovasculaires. Donc, ce n'est pas... Les impacts économiques, on ne peut pas dire qu'on ne s'en préoccupe pas; en santé publique, on s'en préoccupe. Et je pense que les améliorations en matière d'environnement doivent aussi considérer le fait qu'il y a des conditions... il y a de l'amélioration sur le plan économique, si le Québec choisit d'aller dans la réduction et en développement de nouvelles technologies.

On fait référence aussi à certaines conditions dans notre mémoire, conditions de succès où on dit que le gouvernement a un rôle majeur en matière de politique publique. La Loi de santé publique dit ça, dit que le ministre de la Santé doit aviser, il doit être consulté sur les lois et règlements qui ont un impact sur la santé. Un bel exemple ici où on est très heureux d'être consultés, de représenter une position de santé.

Mais le gouvernement donc, dans ses prises de leadership, doit aussi être un exemple. Il doit donner des politiques cohérentes. On a plein d'outils pour ça. Bien sûr, la stratégie de développement durable, le plan d'action sur les changements climatiques que vous connaissez tous, plan d'action sur le transport, qualité de l'air, stratégie énergétique, la Loi sur l'aménagement et urbanisme, tous les éléments qui, pour nous, sont très importants et qui se traduisent à notre niveau dans un programme national de santé publique et plus récemment dans un plan d'action sur les saines habitudes de vie où on fait beaucoup place au transport collectif; on va y revenir dans ce qu'on dit ici.

Parce qu'évidemment, quand on se préoccupe actuellement d'un déterminant important à l'augmentation de l'obésité qui est majeure dans notre population, il faut regarder les deux côtés de la médaille: l'alimentation mais l'activité physique. Puis, dans les quatre grandes zones d'activité physique qu'on peut améliorer, il y a celle pour nous transporter. Donc, le transport collectif et l'aménagement urbain sont des ingrédients importants. Puis mon collègue parlera plus spécifiquement des aspects transport.

On a insisté aussi dans notre mémoire sur l'intervention dans les grands secteurs avec certains critères. Vous-même, votre document est très clair là-dessus, sur les zones de contribution aux gaz à effet de serre dans les différents secteurs.

Et puis c'est clair que je laisserai Louis parler du secteur des transports, mais un autre qui nous apparaît important et où le gouvernement peut donner un exemple, y compris le réseau de la santé, c'est le secteur des bâtiments commerciaux et institutionnels. Donc, par exemple, le réseau de santé avec ses nombreuses institutions a une politique, une approche. Depuis quelques années, on est le troisième plus grand réseau, si on veut, dans le parc des bâtiments, le réseau de santé et services sociaux.

Donc, que ce soit en santé, d'autres ministères, on a, dans la façon, dans la conception durable des bâtiments, on a un exemple à donner. Il faudra qu'il y ait des directives semblables un peu partout. Ici, on est exemplaires. Je penserais... je faisais référence ici à une lutte qu'on a menée il y a déjà plusieurs années sur la lutte au tabagisme, quand on a commencé à vouloir dire aux gens qu'il faut réduire le tabagisme, on a commencé à se faire dire: Bien, commencez donc dans vos institutions de santé. On a dû donner l'exemple, cesser et éliminer le tabagisme dans nos hôpitaux avant de commencer à dire aux autres de le faire. Même chose dans l'amélioration de nos environnements en bâtiments commerciaux et institutionnels.

Alors, ça, c'est pour le secteur bâtiment commercial et institutionnel. Je laisserais maintenant Louis dire quelques mots sur un secteur important, comme je l'ai un peu introduit, le secteur des transports, parce qu'évidemment c'est le contributeur majeur aux émissions des gaz à effet de serre. Louis.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, Dr Drouin, j'aimerais que vous rappeliez votre fonction pour les galées.

M. Drouin (Louis): Je suis responsable du secteur Environnement urbain et santé à la Direction de la santé publique de Montréal. Donc, Richard Lessard s'excuse, compte tenu de la pandémie actuelle.

La Présidente (Mme Doyer): ...

M. Drouin (Louis): Le transport, c'est un déterminant majeur de santé publique, puis c'est la raison pour laquelle la DSP de Montréal a sorti un rapport en 2006, Le transport, une question de santé, qui a eu un écho assez important au niveau de la collectivité montréalaise. Pourquoi c'est un enjeu? Parce que c'est des gaz à effet de serre. C'est plus de 40 % pour le Québec, 50 % dans la région montréalaise. Et on voit une augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre, eu égard qu'on a près de 40 000 véhicules qui se rajoutent au parc automobile dans la région métropolitaine année après année.

Ça contribue à l'effet d'îlots de chaleur de façon extrêmement importante dans la grande région de Montréal. Ça contribue à une épidémie de traumatismes routiers qui est absolument importante. On répertorie 5 000 transports ambulanciers par année que sur l'île de Montréal, dont 2 000 piétons et cyclistes. Et, compte tenu qu'on a une augmentation continue des... ce qu'on appelle des véhicules-kilomètres parcourus, donc c'est le meilleur indicateur pour mesurer l'impact du transport sur la santé publique, on a une augmentation d'environ, depuis les 10 dernières années, de 20 % des traumas routiers à Montréal, parce que c'est intimement associé au débit de circulation. Et là où on remarque cette épidémie-là, c'est dans les quartiers centraux montréalais, où on a vraiment le mouvement pendulaire entre les extrémités de l'île, la banlieue, qui se rendent vers le pôle de destination majeur qui est le centre-ville.

On a aussi la problématique de l'exclusion, parce que, compte tenu que tout ce phénomène-là est associé intimement à ce qu'on appelle un aménagement orienté sur l'automobile, on a quand même près du tiers des Montréalais qui n'ont pas de véhicule automobile et qui ne dépendent exclusivement que du transport en commun, et compte tenu quand même d'un sous-investissement depuis les 30 dernières années dans les infrastructures de transport en commun, il y a beaucoup de Montréalais qui n'ont aucunement accès aux services de transport en commun. Je pense aux gens de l'est et de l'ouest de l'île et dans certains quartiers.

Donc, pour toutes ces raisons-là, évidemment, la plateforme qu'on a toujours mise de l'avant et qui est reprise continuellement, soit par nos collègues universitaires ou par différents groupes, c'est trois stratégies.

C'est qu'on veut réaménager la ville pour la rendre beaucoup plus dense, beaucoup plus connectée. Donc, c'est toute la question du... ce qu'on appelle en anglais du «smart growth», croissance intelligente.

L'autre dimension qui est absolument essentielle, c'est de réinvestir massivement dans les infrastructures de transport en commun. Parce que, ce qu'on considère, c'est que, dans une ville densément peuplée, la meilleure façon de se déplacer par... c'est par des infrastructures de transport en commun. Et j'ai déjà parlé d'un plan Marshall du transport en commun.

Et la troisième stratégie, c'est réduire les capacités routières ou à tout le moins de les stabiliser au niveau actuel. Et c'est la raison pour laquelle la DSP a pris position sur les projets actuels qui, malheureusement, vont contribuer à amplifier le problème.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, malheureusement, votre temps de présentation est écoulé. Mais, à travers les échanges, vous allez pouvoir présenter d'autres éléments de votre mémoire.

Alors, Mme la ministre, à vous la parole pour 25 minutes d'échange.

n(16 h 20)n

Mme Beauchamp: Merci beaucoup. Bienvenue, Dr Poirier, Dr Drouin, et aussi les personnes qui vous accompagnent. Merci beaucoup d'être parmi nous. Vous comprendrez qu'on va prendre quelques secondes pour vous remercier très sincèrement. À la limite, je pourrais quasiment dire: On est presque étonné de vous voir là, heureux mais étonné, quand on sait les défis qui sont devant l'équipe de la Santé publique dans toutes les régions du Québec... Et la façon de voir ça, moi, avec mon chapeau de ministre de l'Environnement, c'est... votre présence témoigne, là, de l'importance qu'accorde la Santé publique à ce qu'on soit capable, par ailleurs, même si, demain matin dans la région de Montréal, vous avez à gérer le début de la vaccination sur la pandémie (H1N1) pour la première phase des clientèles ciblées, vous venez discuter avec nous d'à quoi devrait ressembler le Québec en 2020. Puis je pense qu'effectivement ça fait partie de vos fonctions, de vos priorités. C'est extrêmement apprécié.

Alors, je prends le temps de vous le dire, de vous remercier sincèrement, puis en prenant aussi le temps de vous remercier pour les efforts que vous faites par rapport à la pandémie. On est conscients que c'est un travail gigantesque, une première dans l'histoire du Québec, et que ça veut dire une série d'ajustements qui vous demande d'avoir une grande écoute du terrain et d'avoir une capacité aussi de réaction. Et je prends le temps de vous remercier, avec mon chapeau d'élue de l'Assemblée nationale puis avec mon chapeau de citoyenne, pour vous remercier pour les efforts qui sont déployés en ce moment. On vous souhaite bonne chance, aussi, dans la suite des choses, puis que les Québécois, à Noël, soient en très, très, très grand nombre vaccinés et rassurés.

Je voudrais vous entendre... Dans votre mémoire, vous abordez un sujet qu'honnêtement, là, il n'y a à peu près pas personne d'autre que vous avec lesquels on peut discuter de ça, c'est la question de: Qu'est-ce qui arrive si on faisait rien? Et, il y a... certains sont venus nous dire: On peut modéliser, là, tous les impacts économiques, environnementaux, mais il y en a qui sont venus nous dire: Peut-être n'avez-vous pas mis assez l'accent sur la modélisation de: Qu'est-ce que ça veut dire pour le Québec s'il ne se faisait rien en termes d'efforts sur les changements climatiques?

Puis, je voudrais qu'on prenne le temps... donc, vous avez abordé le sujet, Dr Poirier, mais que vous nous donniez un petit plus d'informations sur les questions, carrément, là, les questions de changements climatiques, là. Vous avez appelé ça, je pense, les épisodes de canicule, notamment, et, dans le fond, nous dire: Comment ça se vit déjà? Parce que je pense que c'est important de dire qu'en ce moment même, sur la base de la redevance que... Il ne fait pas oublier que le Québec a été le premier endroit en Amérique du Nord à imposer un prix sur le carbone. On collecte une redevance, elle va dans un plan d'action sur lequel il y a un volet «adaptation», sur lequel d'ailleurs vous êtes un partenaire, dans ce plan d'action sur les changements climatiques, sur le volet «adaptation» du Québec, de son territoire.

Mais je voudrais que vous développiez un peu, puis peut-être que vous me donniez un petit peu plus d'informations. Dans votre mémoire, à un moment donné, vous dites que vous avez fait des simulations sur qu'est-ce que ça veut dire ne rien faire, puis vous dites qu'il y a une simulation qui suggère une augmentation de la mortalité estivale au Québec de 2 % d'ici 2020 dans plusieurs villes québécoises.

Je voudrais savoir, quand vous nous dites... quand vous nous donnez cette information, je dois la lire comment? C'est-à-dire, ça, c'est une modélisation à partir de quel scénario? Est-ce que je dois comprendre que c'était s'il ne se passait rien entre 2012 et 2020, puis que je restais au niveau de moins 6 % en 1990, là, comme diminution des gaz à effet de serre?

Parce que vous savez, quand on lit des chiffres comme ça, là, on prend ça au sérieux. Mais j'ai besoin de savoir: Ils reposent sur quelle sorte de modélisation? Puis, peut-être, je termine là-dessus, mais peut-être, donc, sur toute cette question des épisodes, notamment de canicule, parce que quand j'ai lu votre mémoire, là, je me suis rappelée que quand, moi, je suis arrivée au Conseil des ministres, le premier été où j'étais au Conseil des ministres, ça a été l'été où, en Europe et notamment en France, ils ont vécus une situation vraiment, vraiment dramatique, avec des mortalités, notamment chez les aînés, les gens de très grande vieillesse, des mortalités par milliers. Je vous dis ça parce que je me suis retrouvée au lancement du film de Denys Arcand Les invasions barbares qui... c'était le film invité par l'ex-première dame de la France, Mme Pompidou, qui voulait marquer le coup sur l'importance d'un système de santé efficace, et donc, c'était très, très, très frappant à cette époque-là.

Donc, sur toutes ces questions de canicule estivale, des scénarios que vous avez modélisés, je voudrais en savoir un peu plus sur qu'est-ce qui vous fait dire qu'on pourrait avoir une augmentation de 2 % de mortalité estivale, et sur quelle base on peut le dire ou l'affirmer comme vous le faites?

La Présidente (Mme Doyer): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Votre question est très spécifique et pointue, alors je vais avoir besoin de l'aide de mes collègues sur les modèles, et on va y arriver. Mais, je veux juste revenir sur, non pas le futur, est-ce qu'on peut anticiper, mais le passé.

On n'a pas été très bon. C'est une science assez jeune, d'évaluer les impacts environnementaux, je le disais tout à l'heure, parce que c'est plus facile de mesurer des facteurs de risque individuels dans des études de cohortes, des études de cas témoins de voir si les gens... qu'est-ce qu'ils fumaient, qu'est-ce qu'ils avaient comme cholestérol, qu'est-ce qu'ils mangeaient, le niveau d'activité physique, on peut associer ça. Quand on est dans des facteurs environnementaux, ce n'est pas si simple, mais ça prend des estimés, ça prend d'autres sortes de modèles. Puis, par exemple, quand on regarde l'amélioration de l'espérance de vie, on est capable de le mesurer avec des vaccins notamment et de dire de la mortalité infantojuvénile qu'elle a diminué.

Mais on ne réalise pas à quel point, dans le dernier siècle, le XXe siècle, la pollution, les changements environnementaux ont pu jouer une part importante dans les problèmes, l'augmentation de certains problèmes. Cancer, par exemple. On dit toujours: Ah! C'est le tabagisme qui a expliqué le cancer parce que, nous, on est capables de le mesurer individuellement. Mais il y a beaucoup d'experts qui pensent qu'entre 1900 et 2000 l'augmentation de la pollution de certains contaminants, de certains produits toxiques dans notre environnement qui ne sont pas faciles à associer un par un explique une bonne augmentation des niveaux de cancer. Donc, on dit... Il y avait très, très peu de cancers en 1900, beaucoup en 2000. Cette explication-là nous vient aussi... on estime qu'il nous vient aussi de notre environnement, mais la façon de l'associer demande des techniques autres que juste des questionnaires individuels. Donc ça, c'est très clair.

Même chose pour les maladies cardio-vasculaires. La même difficulté d'associer des changements environnementaux, et ce n'est pas seulement parce que la population a vieilli. On sait que, pour un même groupe d'âge, à 65 ans par exemple en 1900 et à 65 ans en 2000, ces maladies-là, les maladies chroniques, maladies cardio-vasculaires et cancers, ont nettement augmenté et de façon importante. Donc, ce n'est pas seulement parce qu'on a vu... on a plus de gens de cet âge-là qu'on a plus de cancers. Il y a vraiment eu une transformation dans nos pratiques individuelles mais dans notre environnement qui explique que ces maladies-là ont augmenté en 100 ans. Donc ça, c'est pour la partie passée.

Maintenant, quand on essaie maintenant de faire des attributions des modèles futurs avec les transformations qui sont là, je vais laisser la parole à mes collègues pour vous expliquer comment on arrive à ces données.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, Dr Drouin.

M. Drouin (Louis): C'est basé sur, d'une part, de la modélisation du climat au Québec en fonction de la prédiction des émissions de gaz à effet de serre et des concentrations qu'on va atteindre de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Donc, ça se fait avec les gens d'Ouranos, selon un statut où ne fait rien. Donc, la communauté internationale laisse aller les choses, et cette modélisation des gaz à effet de serre se fait en fonction de la croissance démographique puis du développement économique au niveau international. Ça nous donne un chiffre en termes de concentration de gaz à effet de serre qui influe sur l'augmentation des températures.

Donc, il y a plusieurs scénarios qui s'adaptent au contexte québécois. On a la chance, avec le consortium Ouranos, d'avoir un modèle prédictible du climat qui soit très précis à l'échelle des différentes régions du Québec. Et c'est de la façon qu'on a pu estimer, dans un scénario où on ne fait rien, quels seraient les impacts, par exemple, sur les épisodes de canicule. Globalement, c'est très clair. Même si on ne fait rien, on est en changement climatique. C'est pour ça que c'est important d'agir maintenant parce que ces impacts-là vont s'amplifier avec le temps, et c'est la durée et la fréquence des épisodes de chaleur accablante, entre autres sur le sud du Québec, qui va se produire.

n(16 h 30)n

Lorsqu'on parle de la durée, je vais vous donner un exemple concret parce que c'est ce qu'on a mesuré à Montréal. On a eu trois épisodes de chaleur accablante avec mortalité, dont la principale était en 1994. Cinq jours consécutifs au-dessus de 33 °C le jour et 22 °C la nuit. Parce que ce qui est important, ce qui explique la mortalité en excès, c'est l'augmentation de la température le jour mais aussi le fait que la température la nuit reste élevée, parce que les gens n'ont pas de répit. Et lorsqu'on a eu cet événement-là en 1994, ce fut cinq jours consécutifs, et on a eu un excès d'environ 200 personnes.

Ce qu'Ouranos nous dit, c'est que le 33 °C risque de durer 10 jours plutôt que cinq jours puis qu'on risque d'être à 25 °C la nuit. Et ce qui s'est passé en France, où on a eu 15 000 décès, ça a duré 15 jours consécutifs au-dessus de 35 °C le jour et 25 °C la nuit ? 15 000. Et qui plus est, à Montréal, c'est pour ça qu'on lutte contre les îlots de chaleur, on est allé mesurer la température. Lorsqu'à Dorval on dit qu'il fait 32 °C le jour, centre-ville il fait 36 °C, puis vous rentrez dans le triplex du troisième étage de la rue Saint-Denis, vous avez des personnes âgées qui sont malades, il fait 42 °C. La nuit, ça descend à 39 °C. On l'a mesuré, ça. Parce qu'il n'y a pas de climatisation dans les pièces. Donc, il y a des populations extrêmement vulnérables, surtout les personnes âgées, chroniques, maladies chroniques, seules, le taux de solitude est très élevé et, qui plus est, la population vieillit.

Donc, c'est évident que, si on ne fait rien, ces épisodes-là risquent de s'amplifier de façon extrêmement importante. Il est important de s'adapter. Mais, moi, je dirais qu'il y a aussi une question d'éthique aux niveaux national et international parce qu'on a les moyens au Québec de s'adapter. On peut investir dans les plans de mesures d'urgence.

Je rencontrais récemment le maire de Port-au-Prince, en Haïti. Quand il y a un ouragan ou une pluie diluvienne qui est extrêmement importante, parce que c'est prédit dans le modèles climatiques, c'est de la boue qui tombe à Port-au-Prince, puis des morts, il y en a à la tonne, puis des plans de mesures d'urgence, ils ne sont pas capables d'en faire. Et ce sont les populations souvent qui vivent dans ces pays en voie de développement qui sont les plus vulnérables, un. Puis, deuxièmement, lorsqu'on regarde les émissions per capita, bien, vous le savez, il y a une inéquité. Les pays industrialisés contribuent à environ à 20 tonnes per capita, puis, dans les pays en voie de développement, c'est à 2 tonnes per capita ou même les plus pauvres, c'est 0,1 tonne per capita.

Donc, moi, je me dis: Ne rien faire comme collectivité riche dans un pays riche, c'est éthiquement amoral à mon avis. Il faut faire quelque chose. Il faut agir parce que ce problème-là des changements climatiques, c'est un problème qui ne se règle pas localement; c'est un problème qui est global.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, Dr Drouin. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Je vous remercie beaucoup, puis pour la clarté de vos propos. Je prends bonne note aussi des commentaires positifs que vous avez envers le consortium Ouranos. Malheureusement, je vous le disais, c'est à peu près juste avec vous qu'on pouvait parler aussi de ces notions d'adaptation du territoire, puis dans des contextes si on ne faisait rien.

Je prends le temps de le dire, parce que, comme vous le savez, là, dans le plan d'action sur les changements climatiques actuellement déployé, Ouranos est doté d'une somme de 10 millions de dollars pour faire ses travaux, et je suis contente de voir qu'avec votre oeil de scientifique et d'expert que vous les considérez comme pas seulement crédibles, mais utiles. C'est très important.

Rapidement, parce que j'aurai d'autres questions pour vous, mais vous-même, vous avez abordé la question des îlots de chaleur. Et on sait que, dans l'actuel plan d'action sur les changements climatiques, le ministère et la Santé publique ont un rôle à jouer. Je voudrais juste que rapidement, que pour le bénéfice de tout le monde, là, que vous nous décriviez actuellement quelles sont les actions menées. Je parle bel et bien d'actions, là, menées, et notamment, si je ne me trompe, vous avez une action précise qui prend la forme d'un programme par rapport aux îlots de chaleur. Rapidement, je pense, ça vaudrait la peine qu'on en entende parler parce que ça décrit, dans la... ce que, moi, j'appelle familièrement la vraie vie, là, qu'est-ce qu'on est en train d'essayer de faire pour... dans la lutte aux changements climatiques.

La Présidente (Mme Doyer): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Oui, évidemment, quand, je dirais... pas on s'est réveillés, mais je dirais que l'été 2003 effectivement nous a alertés sérieusement aux possibilités. On a demandé à toutes les régions évidemment de considérer... parce que ça existe aussi dans des centres-villes dans diverses régions, mais c'est clair que l'équipe de Montréal avait une avancée sur toutes les autres. Donc, le modèle... et le travail qui avait déjà été enclenché à Montréal a été, je dirais, disséminé un peu partout dans la province. Donc, toutes les régions ont travaillé dans les grandes villes où il y avait des possibilités d'impacts sur un plan à différents volets. Alors, je vais laisser Louis décrire ce que ça veut dire plus spécifiquement à Montréal, parce que c'est eux qui ont été, je pense, sans trop me prononcer, l'inspiration de la province sur ce plan.

La Présidente (Mme Doyer): Dr Drouin.

M. Drouin (Louis): Donc, on a un plan de mesures d'urgence, là, où qu'on a défini des seuils d'alerte, là, entre autres le 33 puis le 20, là. C'est notre seuil d'alerte pour mobiliser l'ensemble des CSSS et du Comité de sécurité civile de la ville de Montréal pour rejoindre les clientèles vulnérables que je vous décrivais. Donc ça, c'est ce qu'on appelle le volet Plan de mesures d'urgence.

On a un volet plus éducatif pour rappeler aux gens vulnérables les comportements préventifs à mettre de l'avant dès le début de l'été, notamment au niveau de la climatisation ou de rechercher des endroits climatisés, puis la question de l'hydratation.

Mais il y a un volet urbanistique qui est absolument essentiel, c'est ? je reviens à votre question ? la lutte aux îlots de chaleur parce que c'est vraiment là qu'il faut reverdir. C'est sûr que, si vous vous promenez à Westmount la même journée puis que vous êtes à Saint-Henri, vous n'avez pas la même température, et Montréal-Nord également. Et il y a un programme qui a été mis de l'avant par le ministère de la Santé et l'Institut national de santé publique, qui est un programme avec appels d'offres pour solliciter toutes les régions du Québec à déposer des projets de verdissement avec une contribution spécifique 50-50. Parce que verdir un quartier, ça coûte cher, c'est des infrastructures, c'est la plantation d'arbres, et déjà, dans la région de Montréal, il y a plusieurs projets qui sont en train d'émerger, qui vont être soumis aux premiers appels d'offres.

En même temps, là je parle pour Montréal, on travaille beaucoup comme Direction de santé publique avec la ville de Montréal dans le cadre... Vous avez sûrement dû entendre parler du Plan de développement durable de la collectivité montréalaise, qui était coordonné par M. DeSousa, dont une des cibles d'action prioritaires était la lutte aux îlots de chaleur. Donc, c'est un effort qui a débuté dès 2005 pour reverdir des cours d'école, les quartiers, le long des infrastructures routières, énormément de choses à faire. Et ce qu'on lance comme message à nos partenaires: Reverdissez dans les endroits où qu'il y a beaucoup de bâti et de résidences où que les personnes les plus vulnérables sont présentes parce que ce sont les endroits, du point de vue de la Santé publique, qui sont... doivent être priorisés. Peut-être, Guy... Guy, peux-tu rappeler le programme?

La Présidente (Mme Doyer): Dr Sanfaçon.

M. Sanfaçon (Guy): Oui. Alors, Guy Sanfaçon donc, du ministère de la Santé.

Donc, au niveau du pacte effectivement, là, on est en appel d'offres public où les groupes communautaires, les municipalités, les gens peuvent soumettre des projets pour pouvoir, pas uniquement verdissement, mais aussi regarder tout autre moyen qui ferait faire en sorte de diminuer les impacts des îlots de chaleur. Donc, tout ce qui peut amener la fraîcheur au niveau soit de leur maison, de leur bloc, de leur arrondissement.

Tous les projets peuvent être soumis au comité, et, à partir de là, donc on va évaluer la faisabilité de ces projets-là et, à partir donc de l'année prochaine, on pourra choisir les projets qui sont les plus prometteurs. Et, à partir de ce moment-là, donc donner les subventions à ces groupes-là pour qu'ils puissent mettre en place leur projet et ainsi donc voir, au bout d'un an, peut-être un an et demi, voir les résultats et peut-être à ce moment-là appliquer ces projets pilotes là à travers le Québec.

Parce que ce n'est pas uniquement à Montréal. L'appel d'offres a été lancé dans neuf régions du Québec où qu'on... il est susceptible d'avoir des îlots de chaleur parce que ce n'est pas uniquement dans les grands centres, donc il y en a aussi dans les petits centres, peut-être moins d'îlots de chaleur, mais il y en a un certain nombre, et à ce moment-là donc tous les gens peuvent participer à cet appel d'offres là. Donc, un appel d'offres qui est présentement valable jusqu'au 30 novembre. Et il y aura un deuxième appel d'offres pour les petits projets de 100 000 $ et moins, pour permettre justement à des petites groupes communautaires d'essayer de faire quelque chose quand même dans leur quartier.

La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.

n(16 h 40)n

Mme Beauchamp: Merci. On essaie de projeter notre regard sur 2020, mais c'est important aussi, je pense, de constater... parce que, dans le fond, vous nous en... le vrai signal que vous nous envoyez, c'est aussi ce... un signal d'urgence. C'est vraiment comme ça, je pense, qu'on doit le capter, puis c'est important qu'on prenne le temps de voir ce qui se faisait actuellement.

Dr Poirier, vous avez dit dans votre présentation que la Santé publique se préoccupait de tous les déterminants de la santé et en fait ce que vous avez nommé ressemble beaucoup aux éléments du développement durable, donc les aspects environnementaux, mais sociaux et économiques. Moi, je comprends très, très, très bien votre message que, dans votre perspective et légitimement, vous dites: Ça prend la cible la plus ambitieuse possible. Je comprends très bien ce message-là.

En même temps, je veux savoir comment... ou ce que, vous, vous répondriez à tous les intervenants qui ont défilé devant nous, puis notamment ceux qui provenaient des secteurs plus industriels, qui sont venus, eux, nous porter un message qui était quand même un message, hein, de collaboration, puis un message de vouloir être des acteurs, comme ils l'ont souvent été jusqu'à maintenant aux changements climatiques, mais une espèce de message de prudence. Et leur message de prudence était sur la base des volets économiques en disant: Tout est tellement en mouvance chez nos amis des États-Unis, au niveau international que, de ne pas... puis certains même sont même venus nous dire: Vous devriez peut-être attendre avant de fixer la cible parce qu'on ne connaît pas assez bien tout, je dirais, tout l'univers économique dans lequel on veut oeuvrer pour que le Québec s'engage et sans qu'on soit tout à fait capables de bien lire les conséquences, et notamment les conséquences économiques, sur les revenus, sur l'emploi. Je vais vous donner un exemple.

Auparavant, juste avant vous, on a reçu donc Karel Mayrand, de la Fondation David-Suzuki qui, dans une modélisation qu'ils ont faite à l'échelle du Canada dont j'imagine vous avez pris connaissance, là, vient dire que le Québec connaîtrait une diminution de son PIB de 1,3 %, dans un scénario, là, qu'eux ont modélisé à moins 25 % à l'échelle du Canada. Il y en a qui... Sur cette base-là, il y en a qui disent: Ce n'est pas si mal. D'autres vont réagir en disant: Bien, écoutez, une diminution du PIB, soyez prudents, qu'est-ce que ça veut dire quand même pour nos familles, nos travailleurs? Vous, vous faites quelle lecture de ça?

Et comment, lorsque je vous parle, par exemple, puis ce n'est pas tout à fait le résultat pour nous à moins 20 %, là, mais je vous parle de cette étude qui donnait, là, cet écart-là de moins 1,3 %, je me demandais, là, quand vous devez aussi faire une lecture, je dirais, des déterminants économiques sur la santé, comment vous interprétez cela? Et, dans un autre contexte que les changements climatiques, si on vous disait que le Québec s'enligne vers une diminution de son PIB, en 2020, dans un angle santé publique, vous le prendriez comment, puis vous réagiriez comment? Et puis c'est quoi, votre réponse, à tous ceux qui sont venus nous porter ce message de prudence, sur la base de ces considérations-là, économiques?

La Présidente (Mme Doyer): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): On peut en parler juste sur l'angle économique, mais bien sûr, la préoccupation de la production... Il y a différentes façons d'avoir une production. Dans le mémoire, on fait référence au fait qu'il y a des coûts aussi associés au fait de ne pas améliorer... Évidemment, comme on n'est pas les seuls à améliorer la situation des gaz à effet de serre, il y a aussi des coûts en prévention de façon générale et en santé publique.

Évidemment, nos dépenses actuelles, et là j'élargis dans le sens de la réduction des gaz à effet de serre, ce sont des coûts maintenant, mais on peut voir aussi, comme... des investissements et des diminutions des coûts de santé. Si on pense que la plus grande partie des dépenses du gouvernement provincial sont des coûts de santé, comme on le dit au tout départ, et évidemment de reporter les coûts à... Il y a des bénéfices importants en termes de coûts de santé, juste là-dessus, qui sont justifiés amplement par les actions en réduction de gaz à effet de serre. On ne les voit pas, on ne les comptabilise pas, et on pense aux changements industriels ou autres qu'il faudrait voir, mais qu'il faudrait mettre en place pour avoir cette réduction de gaz à effet de serre. Mais il ne faut jamais oublier que, dans toutes les propositions, notamment la transformation de l'aménagement bâti, ça ne se fait pas en un, deux, cinq, 10 ans. C'est sur des générations. Même chose pour l'amélioration des transports routiers, les transports collectifs, la construction de métros ou que sais-je. Bref, il y a énormément de développements technologiques en... et énormément de développement d'emploi dans une transformation, pas dans la prochaine année, mais sur plusieurs années, pour arriver à ces résultat-là.

C'est très fréquent qu'on se fait dire, dans des transformations de moyen ou de long terme, qu'on va faire du dommage à une industrie. Mais on en construit d'autres: l'hygiène publique a un jour interdit les chevaux dans la ville de Montréal, et finalement il y a eu des disparitions d'emplois, les allumeurs de réverbères sont disparus, l'industrie du tabac, on voudrait qu'elle disparaisse. Quand on n'investit pas dans la consommation de cigarettes, on l'investit ailleurs. Il y a des transformations, quand on le pense, ou des considérations de long terme, avec l'évolution. Il y en aura toujours. Pourtant, le produit intérieur brut continue de croître. Il peut s'ajuster, mais il y a des créneaux de développement que le Québec est capable de prendre, notamment en matière d'énergie.

Alors, moi, je... On est très préoccupés par l'économie, par l'emploi comme étant un puissant déterminant de l'état de santé. Mais il y a des types d'emploi et des types d'économie dans lesquels le Québec peut se permettre d'investir pour continuer d'avoir cette préoccupation qui est si puissante dans la définition de l'état de santé des gens. Puis les conséquences de santé, avec le coût, avec ce que ça nous coûte, avec le vieillissement, avec les impacts, on les mesure. On donne quelques chiffres dans le mémoire, et on en a d'autres, mes collègues m'en soufflaient d'autres à l'oreille tout à l'heure. Ce n'est pas banal donc; ça, on ne le calcule pas, on pense aux transformations de certains secteurs, on parlait tantôt du bâtiment, des transports, mais, pendant ce temps-là, on ne se pose pas de question sur l'augmentation des coûts de la santé. Et, si on ne fait rien, si on ne prend pas cet aspect-là aussi, bien le Québec, demain matin, ça ne sera qu'un hôpital en termes de dépenses.

Je ne sais pas si vous avez, sur le plan économique, des commentaires à ajouter, Dr Drouin?

M. Drouin (Louis): Bien, si on prend le rapport...

La Présidente (Mme Doyer): Succinctement, il vous reste peu de temps. Alors, Dr Drouin.

M. Drouin (Louis): En prenant le rapport Stern, ne rien faire...

Mme Beauchamp: Laissez-moi un peu de temps pour une dernière question.

M. Drouin (Louis): Le rapport Stern nous dit: Ne rien faire va coûter entre 20 % et 30 % du PIB, là. Ça, je pense que c'est acquis, ça a été bien documenté. Mais, si je reviens au secteur du transport, s'il y a un secteur où le Québec a une puissance économique, c'est bien dans le transport en commun. On a un des consortiums les plus reconnus mondialement. Et le fait de retransformer nos villes pour les axer plus sur une orientation de développement en transport en commun, on est gagnants sur tous les points de vue: économique, ça crée des emplois; au point de vue de la santé, vous savez que quelqu'un qui prend un métro ou un autobus, il marche près de 30 minutes par jour, cinq jours par semaine, puis c'est la recommandation de l'OMS pour prévenir l'obésité puis d'être physiquement actif. Si vous faites ça à l'échelle populationnelle, c'est des milliards d'économies de prévention sur le système de soins.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Alors, une question courte, réponse courte.

Mme Beauchamp: Donc, je comprends, puis c'est très bien qu'on finisse notre consultation avec vous, c'est toute cette notion des «coûts», de l'impact sur le PIB, en réponse à tous ceux qui viennent nous faire le message de prudence, c'est les coûts si on ne fait rien. Ça revient à cette notion-là.

Très rapidement, puis mon Dieu, excusez-moi, je pense que... j'avais ma dernière question, attendez. Ce sera... Non Dieu! mon Dieu! mon Dieu! je l'ai perdue. C'est la première fois que ça m'arrive en sept jours de consultations. Je suis désolée.

M. Poirier (Alain): ...vous devez vous faire vacciner?

Mme Beauchamp: Non, mais je vais y aller avec d'abord une question très globale. Ah! oui, je l'ai retrouvée: aménagement du territoire, transport. Vous avez une expérience, vous l'avez mentionné, de collaboration avec la ville de Montréal. Je suis juste... Je veux juste avoir vos commentaires sur les aspects réglementaires de tout ça en termes d'aménagement urbain.

Il y a des groupes qui sont venus nous dire: Là, là, il va falloir que serriez la vis au monde municipal, les règles d'aménagement, les règles d'urbanisme. Puis il y a le monde municipal qui dit: Bien, il y a quand même un champ de compétence à nous là-dedans. Et je veux juste avoir vos commentaires sur cet horizon-là, vous voyez comment, je vais utiliser l'expression «rapport de force»?

On est en partenariat avec les villes. Mais il y en a qui disent: Ça ne prendra pas juste un partenariat, il faut instaurer un rapport de force avec les villes sur la question d'aménagement du territoire, comment aider à la densification de certains quartiers.

Et je voulais vous entendre, là: Est-ce que vous, par exemple, à partir de votre expérience, vous dites qu'en ce qui concerne les villes, bien ils ont les bons pouvoirs, là c'est plus une question de volonté politique, ou si vous dites: Non, il y a un réaménagement à faire de nos lois, de nos règlements, pour dicter ou, je dirais, serrer la vis au monde municipal?

La Présidente (Mme Doyer): Mme Schnebelen.

Mme Schnebelen (Marion): Marion Schnebelen, Santé environnementale au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Concernant l'aménagement du territoire, l'aménagement et le développement durable, je dirais, du territoire, on a des outils actuellement au gouvernement du Québec: évidemment, la loi d'aménagement sur l'urbanisme qui est en révision actuellement, bien depuis quelques années d'ailleurs, là, et il y a des orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire.

Cette orientation gouvernementale là dicte d'une certaine façon aux municipalités régionales de comté, lorsqu'elles font la révision de leurs schémas d'aménagement, qu'est-ce qui est obligatoire, qu'est-ce qui doit figurer dans ces schémas d'aménagement là.

Ce qu'on retrouve actuellement malheureusement en caractères obligatoires, ce ne sont que des contraintes dites naturelles. Tout ce qui est contraintes anthropiques en termes d'occupation du territoire par des activités humaines, comme le transport et des choses comme on peut discuter aujourd'hui, les bâtiments, les institutions, ce n'est pas obligatoire.

Ça fait que je pense que, nous, en santé publique, on travaille de manière étroite avec le milieu municipal, avec le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Maintenant, dicter, serrer la vis, je pense que ce n'est pas du tout une opportunité à privilégier. Maintenant, fixer des orientations gouvernementales concertées, surtout dans le cadre de la Loi sur la santé publique, avec tout ce qui nécessite comme évaluations d'impact à la santé, des projets d'aménagement et de développement du territoire très localisés, c'est plus que nécessaire.

Donc, c'est amener en amont les municipalités à prendre des décisions de développement durable du territoire et les conscientiser à ce que finalement l'impact va être économique, oui, mais en bout de ligne, il va avoir des effets très, très positifs sur la santé des populations vulnérables sur le territoire.

Donc, serrer la vis, je ne pense pas que ce soit dans notre façon de procéder, nous, quand on travaille avec les municipalités.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci, Mme Schnebelen. Et je vous inviterais à laisser vos cartes avant de partir pour les personnes qui ne l'ont pas fait pour que le personnel de l'Assemblée nationale connaisse vos fonctions et vos noms. Maintenant, je vais passer la parole au représentant du groupe de l'opposition officielle. M. le député de L'Assomption.

n(16 h 50)n

M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bien, bonjour à vous tous. Je voudrais ajouter la voix aussi de mon groupe parlementaire pour vous remercier de votre présence cet après-midi, malgré le contexte extrêmement exigeant, là, dans lequel vous évoluez ces jours-ci. Effectivement, je pense qu'on doit l'interpréter comme étant un niveau d'engagement extrêmement élevé de votre part, de la part de votre équipe, par rapport à ces dossiers donc des changements climatiques et du rôle que le Québec peut jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

J'ai eu l'occasion de... en ce qui concerne notre agence... Moi, je suis député donc de L'Assomption dans la région de Lanaudière, alors j'ai eu l'occasion d'appeler directement notre... le P.D.G. de notre agence pour l'assurer de mon appui et de... s'il voyait un quelconque rôle de soutien que les élus locaux peuvent jouer. Alors, je pense qu'on peut vous assurer, l'ensemble des parlementaires, de ce soutien puis de cet appui-là. Effectivement, je pense qu'on pourra... on va faire le bilan dans quelques semaines, mais on sait qu'on a des bons éléments en tout cas pour continuer à s'améliorer.

Continuer à s'améliorer aussi dans tout ce secteur donc de la lutte aux gaz à effet de serre qui fait l'objet de nos travaux depuis quelques jours déjà. Et puis, bon, on avait, lorsqu'est venu le temps de dresser la liste des organismes qu'on allait inviter, puisque ce n'est pas une consultation générale mais ce qu'on appelle les consultations particulières, donc c'est sur invitation, bon, on a réalisé que ce n'était pas le premier réflexe, disons, d'inviter les gens du secteur de la santé puis, quand on a finalement allumé, on s'est aperçu qu'effectivement c'est peut-être le groupe le plus important finalement qu'on devrait inviter. Et vos propos après-midi viennent confirmer, je pense, cette analyse-là.

Donc, je voudrais... je m'en voudrais de ne pas souligner aussi, parce que le Dr Drouin ça fait... On a travaillé ensemble à l'époque, là, on avait fondé le Regroupement montréalais pour la qualité de l'air, alors saluer sa détermination, sinon son ? j'ai utilisé déjà le mot avec d'autres gens ? opiniâtreté à continuer à taper, à marteler sur ce même sujet, là, où il faut changer nos paradigmes et modifier les façons de faire. Et je sais qu'au ministère, comme à la DSP de Montréal, vous prêchez par l'exemple.

Ça m'amène à... Parce que, bon, j'ai vu dans votre mémoire, et on nous a dit, les gens de l'industrie forestière nous disaient comment, avec certains ministères, ils ont de la difficulté à promouvoir, par exemple, la conversion à la biomasse pour les chaudières au mazout, mais ils nous disaient qu'avec le ministère de la Santé et des Services sociaux ça allait très bien. D'ailleurs, il y a un projet pour convertir un hôpital, l'hôpital à Amqui, dans lequel... projet dans lequel Mme la Présidente est impliquée. Mais ils n'avaient pas le même appui, disons, de la part de d'autres ministères. Je sais que la DSP verte à Montréal qui fait toutes sortes d'initiatives, puis ça m'amène à vous demander... Mme la ministre vous a parlé tout à l'heure, bon, mais il y a tout le monde municipal, le secteur de l'aménagement, demandait, bon, est-ce qu'on doit serrer la vis, puis je trouvais ça un peu... Je trouvais ça un petit peu surprenant quand même parce que je n'ai pas nécessairement l'impression que le gouvernement du Québec lui-même donne l'exemple dans les questions d'aménagement, puis surtout en ce qui concerne les infrastructures routières.

Je sais qu'à Montréal vous avez organisé un colloque récemment sur les autoroutes urbaines. Alors, je ne sais pas si vous pouvez nous en parler un petit peu puis... Je ne veux pas vous poser des questions qui vous mettraient un peu dans l'embarras par rapport au gouvernement, mais peut-être un peu mettre en évidence le type de réponses que vous recevez du côté des... notamment du ministère des Transports. Puis je ne sais pas quel est l'état de vos réflexions sur comment on peut, bon, arrêter d'en parler, là, de tout ça et faire en sorte que les choses changent pour le vrai, là, et qu'on n'attende pas, qu'on ne continue pas à investir des milliards dans des infrastructures qui vont continuer à augmenter la capacité routière.

La Présidente (Mme Doyer): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Oui, mais, je vais certainement laisser Louis en dire un peu plus. Effectivement, j'ai assisté, moi aussi, à ce colloque parce qu'il était très instructif de voir comment des gens modernes, des gens... des villes modernes, des villes américaines... On peut penser que les Américains sont des grands consommateurs, mais ils ont réussi à faire des transformations avec beaucoup de bénéfices, encore une fois, pour l'économie. Des transformations où on change notre façon de penser, on change le modèle, le modèle autoroutier, le modèle de transport collectif, sans pour autant détruire l'économie d'une ville, et bien au contraire.

Alors, c'était fort instructif de voir qu'évidemment on ne fait pas ça, comme je le disais tout à l'heure, dans une nuit, mais il faut se mettre à réfléchir autrement. Évidemment, dépendamment du mandat et de l'objectif qu'on se donne, quand on l'intègre dans une perspective de développement durable, on ne voit plus le transport de la même façon. Quand on regarde les 15 critères... principes... 16, il m'en manquait un, de la stratégie...

Une voix: ...

M. Poirier (Alain): Ça doit être le seizième... Évidemment, pour nous, c'est de la musique de santé publique, ces principes-là, mais il faut les intégrer. Quand on réfléchit au transport, il faut aussi faire ça. Donc, c'est une politique... une stratégie intergouvernementale, et elle doit aussi avoir un impact sur les transports.

De la même façon que si un jour on retravaille ? j'ai des discussions de ce temps-là avec notre ministre sur une politique gouvernementale de santé ? bien sûr nous avons tous, dans nos ministères, nos planifications stratégiques. Mais, si on réfléchit globalement comme on le fait en parlant de santé publique, de santé et de transport, on peut faire la même chose avec tous les autres secteurs pour améliorer les grands déterminants de la santé. Si on est rendu 44 % des coûts de la province, il faut qu'en amont... avoir la contribution de tout le monde.

On l'a déjà dans les différents ministères, mais il faut aussi qu'aux transports, il y ait cette philosophie d'intégrer divers objectifs au-delà que de toujours améliorer la circulation des véhicules. Là-dessus, je vais laisser Louis mettre un peu plus de...

M. Drouin (Louis): En fait, c'est...

M. Poirier (Alain): Chair sur le pourtour...

La Présidente (Mme Doyer): Dr Drouin.

M. Drouin (Louis): Si on revient au colloque, c'est que, en fait, l'idée est venue d'un «think tank» à McGill, il y a un an, sur les stratégies de lutte à l'obésité. Et on a rencontré, c'était avec Mme Dubé, puis il y avait M. Ian Lockwood, qui était un ingénieur américain, consultant pour plusieurs maires de villes américaines, qui travaille en collaboration avec des urbanistes, pour recréer une ville marchable, une ville qui lutte contre l'obésité.

Et ce qu'il disait, c'est qu'on a eu tout le temps, historiquement, depuis les années soixante, le réflexe, quand il y a de la congestion, on rajoute une autoroute. Ça recongestionne, on en rajoute une autre. C'est ce qu'on a vécu à Montréal comme partout dans les grandes villes nord-américaines. On s'est retrouvé avec 12 ponts entre la Rive-Nord puis Montréal, et les ingénieurs, ce qu'ils nous disent, puis la recherche est très claire, on ne règle pas un problème de congestion par une augmentation de la capacité routière. Et, qui plus est, une autoroute en milieu urbain, ça tue le centre-ville, puis l'exemple qui nous était démontré c'était Détroit. On a vidé Détroit.

Des autoroutes ont été faites dans les années quarante pour relier les villes entres elles. Mais l'autoroute, le concept autoroutier n'était pas pour relier des centres-villes aux banlieues. Ça, c'est un concept qui tue une ville, qui créé la pauvreté, le sous-développement économique, et on le voit simplement à Montréal quand les gens vivent le long d'une autoroute, vous avez plus de criminalité, plus de délinquance, plus un paquet de problèmes.

Donc, lui, il arrive avec une nouvelle vision de développement durable, c'est: Comment assurer une mobilité optimale en milieu densément peuplé? C'est par le transport en commun. Et il faut réparer les erreurs du passé.

M. Lockwood est consultant pour le maire d'Atlanta, il a été consultant pour Portland, San Francisco. Il y a tout un mouvement, actuellement aux États-Unis, où qu'on est en train de penser que ce n'est pas une bonne idée d'avoir des autoroutes en milieu urbain densément peuplé et qu'il faut changer de paradigme. Il faut réorienter le développement vers la diminution des capacités routières. Et c'est ce qu'il est venu nous présenter avec tous les bénéfices escomptés, tant économiques qu'environnementaux.

Le meilleur exemple à Montréal, c'est le rapport Secor sur la contribution économique d'un système de transport en commun nettement bien développé: c'est un plus économique. Pourquoi? Vous augmentez la qualité de vie du monde, puis les gens vont revenir à Montréal, les familles vont revenir à Montréal.

n(17 heures)n

Moi, je suis relativement optimiste parce qu'il y a un projet à Montréal qui s'en va vers ça. On est en train de détruire l'autoroute Bonaventure pour en faire un boulevard urbain. C'est extraordinaire. Il va y avoir une consultation publique en novembre ou décembre. Et, moi, je pense qu'il faut s'inspirer de cet exemple concret où qu'on recrée la trame urbaine, on recrée les échanges entre les quartiers. Et on pourrait fortement imaginer un tel exemple qui pourrait se refaire sur les deux grandes infrastructures qu'on est en train de réaménager, et c'est beaucoup moins dispendieux.

Et, lorsque je regarde le transport en commun, on peut avoir des infrastructures lourdes type métro. Mais j'ai un exemple, parce que j'ai eu la chance d'accompagner les gens de la ville de Montréal l'an dernier à New York où M. Bloomberg, le maire Bloomberg, présentait sa vision de sa ville. Il avait invité à peu près 80 villes du monde. Et, lui, il s'est dit: Ma stratégie de lutte aux GES ? parce qu'encore là l'enjeu, c'est le transport, c'est toujours le transport en milieu densément peuplé ? il dit: Moi, je réduis de 20 % mes véhicules-kilomètres parcourus ? 20 %. Moins 20 %. Et qu'est-ce que je fais? Je veux réinvestir dans le transport en commun, mais je veux également réduire mes capacités routières.

Et le maire de Bogotá est arrivé. Parce qu'en Amérique latine, le maire de Bogotá passe pour le «greenest», le maire le plus vert. Quand la Banque mondiale lui a dit: Il faut que tu bâtisses un métro pour régler ton problème de smog. Pour ceux qui sont allés à Bogotá, c'est en haut entouré de montagnes. Lui a dit: Je n'ai pas les moyens. Ça coûte cher. Mais ce que je vais faire, je vais monter un réseau d'autobus en voie propre avec des corridors en voie propre. Il a réglé ça de même en trois ans. Ça coûte bien moins cher. Puis il a mis un réseau de pistes cyclables. Et c'est devenu le système qui fait l'envie d'un paquet de villes sud-américaines.

À Montréal, ça, on pourrait le faire facilement: voie propre. Si on n'a pas les moyens d'investir dans les tramways et les SLR, on prend des systèmes d'autobus en accordéon, comme on a à Lyon, et on pourrait facilement rejoindre l'Est de Montréal, parce que c'est ça la volonté des gens de l'Est, pour provoquer le «shift» modal sur le transport en commun et recréer un boulevard Notre-Dame à échelle plus humaine que ce qui est actuellement dans les cartons. Donc ça, c'est le nouveau paradigme.

Et c'est sûr qu'on a des discussions en santé publique face à nos vis-à-vis du ministère des Transports. Je ne peux pas... C'est sûr que, si on parle à un ingénieur qui a fait toute sa vie des routes, c'est difficile de lui mettre une autre idée en tête. Souvent, c'est des pratiques professionnelles qui sont différentes. Et ce qu'on voit émerger dans les villes, c'est qu'il faut faire travailler les ingénieurs avec les urbanistes, avec les citoyens, avec les gens de Santé publique pour arriver avec un projet modèle. C'est ce qu'on a fait à Barcelone: on a recréé, on a réurbanisé tout le front de mer à Barcelone, on a démantelé l'autoroute. C'est ce qu'on a fait à San Francisco. C'est ce que Vancouver a fait en empêchant l'autoroute de rentrer au centre-ville et ce qu'on a fait, c'est une espèce de SLR entre l'aéroport. Et c'est le seul endroit au Canada où on a une réduction de 20 % de circulation automobile au centre-ville, et on est en train de recréer du développement économique au centre-ville de Vancouver. Donc, moi, il me semble... ça me semble tellement évident qu'on doit aller vers ça.

Et, à l'échelle métropolitaine, il est absolument essentiel, puis je reprends la recommandation du Vérificateur général du Québec, qu'il faut «merger» ou intégrer l'aménagement du territoire parce que c'est là que les gens... On doit orienter les gens où qu'ils vont habiter avec les infrastructures de transport routier ou de transport en commun. Il faut que... tout ça doit s'intégrer.

Et le meilleur exemple que M. Cervero, qui est l'expert international en planning urbain, qui est à l'Université de San Francisco, il donne toujours l'exemple de Copenhague. Copenhague s'est donné un plan métropolitain d'aménagement du territoire ou des transports dans les années cinquante. Et c'est ce qu'ils ont pu réaliser: c'est la protection d'une ceinture verte tout autour de Copenhague, puis toute la notion du «transit-oriented development» avec une densification urbaine le long des gares. C'est ce qu'ils ont réussi à faire. Et c'est une ville, quand tu regardes les indicateurs de dépenses énergétiques per capita, qui est une des meilleures en Europe, et vous avez 75 % des gens qui se rendent à pied, à vélo ou en métro au travail, et c'est là où vous avez le moins d'obésité, le moins de traumas routiers. À Montréal ou dans la région métropolitaine, on est à 70 % autos, 20 % transport en commun, 10 % à pied. Moi, ce que je vous invite, c'est ce qu'on a proposé dans le rapport annuel du directeur, 50-50 d'ici 2020. Et je suis convaincu que nos GES vont planter d'au moins 20 % en lien avec le transport.

La Présidente (Mme Doyer): Merci. Alors, M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Bien, ça pourra peut-être être finalement la contribution la plus concrète de la visite du premier ministre du Québec à Copenhague de pouvoir voir et, espérons-le, s'inspirer puis revoir son Conseil des ministres ou les priorités en tout cas du Comité des priorités en fonction de... en fonction de ces... de cette nouvelle, cette nouvelle façon de... ou cette façon plus moderne, disons, de voir les choses. Et, si ces changements-là effectivement se font au cours des prochaines années, je pense qu'on pourra dire que le Québec est vraiment un leader en tout cas en Amérique du Nord. Pour l'instant, tant qu'on augmente de 22 % nos émissions dans le secteur des transports, qui est notre principale source d'émissions de gaz à effet de serre, je vois un peu difficilement comment on peut donner des exemples aux autres et même à nos propres municipalités.

Et vous avez des propositions dans le mémoire que je dois...

Une voix: ...

M. McKay: ...que... je dois avouer qu'elles sont surprenantes.

Une voix: ...

M. McKay: Mme la ministre aura des notes finales tout à l'heure. Elle pourra faire ses commentaires.

Une voix: ...

M. McKay: Pour l'instant, je voulais vous poser des questions sur la page 6 de votre mémoire, parce que vous... La Direction de la santé publique, ça... la Santé publique, ça a des ramifications des fois même jusque dans des secteurs où on ne s'y attendrait pas nécessairement intuitivement. Quand vous parlez... vous faites des recommandations dans le secteur de l'agriculture.

Je ne sais pas, Dr Poirier, si vous pourriez nous expliquer ce que vous aviez présenté à la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire et qui touche les émissions de gaz à effet de serre.

La Présidente (Mme Doyer): Dr Poirier.

M. Poirier (Alain): Oui, il y a plusieurs éléments dans... À la commission, on avait parlé évidemment des liens entre le secteur agroalimentaire et la santé. Notamment, on a déjà une collaboration dans le plan d'action gouvernemental sur la lutte à l'obésité et les problèmes de poids, parce qu'il y a différents aspects en termes de production. Mais, dans toute la chaîne agroalimentaire, il y a différents secteurs.

Mais, si on se réfère spécifiquement à la production de gaz à effet de serre, il y a évidemment la notion du... l'agriculture de proximité, les courts circuits de distribution. Parce qu'évidemment on a beau manger des ananas, on ne produit pas beaucoup d'ananas ici. Et, si on fait le cycle de vie en termes de pollution ou de traces... je ne me rappelle comment on dit, c'est quoi le bon mot, mais de la trace...

Des voix: ...

M. Poirier (Alain): Comment?

Une voix: L'empreinte écologique.

M. Poirier (Alain): L'empreinte, oui.

Une voix: Écologique.

M. Poirier (Alain): Écologique. Voilà! C'est ce que je cherchais. Évidemment, l'ananas, qui est très bon pour la santé, ce n'est peut-être pas la meilleure formule pour la planète. Peut-être que c'est bon pour l'individu qui mange l'ananas, mais, pour la planète, ce n'est peut-être pas... Donc, toute cette notion-là d'une vision large, globale, de... on dit souvent, là, de la fourche à la fourchette, il faut se préoccuper de tout le secteur. Donc, quand on avait parlé...

Bien sûr, dans l'agroalimentaire, on peut penser aussi à d'autres aspects en termes de santé environnementale, l'utilisation des pesticides. Donc, on avait fait beaucoup de recommandations aussi là-dessus, l'utilisation des antibiotiques dans la production... Donc, dans une perspective du secteur agroalimentaire.

Mais spécifiquement en lien avec la production des gaz à effet de serre, c'est clair que le... dans le plan d'action gouvernemental et dans les actions du ministère de l'Agriculture, il y a aussi... et cette politique qu'on attend, politique agroalimentaire plus large qui a été annoncée par la commission et les travaux, il faut faire intégrer aussi cette réflexion-là si on veut améliorer la...

Notamment, nous, sur le plan de l'alimentation, c'est clair que c'est la consommation de fruits et légumes qu'il faut augmenter au Québec pour renverser notamment... améliorer l'alimentation, renverser l'obésité des Québécois, parce qu'elle est galopante actuellement, pas seulement des Québécois, mais à peu près partout sur la planète. Donc, en termes de...

Tous les autres facteurs de risque pour les maladies cardiovasculaires, les facteurs individuels, vont dans le bon sens. Il y en a deux qui vont dans le sens inverse, qui nous... On a eu des très bons résultats. Plus de... diminution de... 50 % de diminution des maladies cardiovasculaires, mais le diabète et l'obésité associée sont les deux seuls qui nous ont amenés dans le sens inverse dans les 25 dernières années. Donc, dans une agriculture qui favoriserait la proximité, circuits courts de distribution, c'est bien sûr pour augmenter la consommation de fruits et légumes et donc d'encourager la production des fruits et légumes québécois, notamment dans un... pour éviter la pollution, l'augmentation des transports associés à... aux différents modes de notre alimentation.

Je ne sais pas si Guy ou Marion avait des choses à rajouter là-dessus?

n(17 h 10)n

La Présidente (Mme Doyer): Est-ce que ça va? M. le député de L'Assomption.

M. McKay: Oui. Bien, vous avez aussi, dans votre mémoire, plusieurs propositions qui touchent le bâtiment, particulièrement les bâtiments commerciaux et institutionnels. Je ne sais pas si vous pourriez justement expliquer un peu, expliquer davantage, là, les différentes propositions qui sont dans votre mémoire?

La Présidente (Mme Doyer): Dre Schnebelen.

Mme Schnebelen (Marion): Je ne suis pas docteure, juste pour...

La Présidente (Mme Doyer): C'est ce que je voulais... c'est ce que je voulais vous faire dire.

Mme Schnebelen (Marion): Je ne veux pas vous obstiner, mais je ne suis pas docteure.

La Présidente (Mme Doyer): C'est ce que je voulais vous faire dire. Je voulais le savoir, alors là je le sais.

Mme Schnebelen (Marion): Je suis conseillère en santé environnementale. J'ai une maîtrise en santé communautaire.

La Présidente (Mme Doyer): Voilà.

Mme Schnebelen (Marion): Écoutez, principalement, les solutions, les pistes de solution qu'on amène dans le mémoire en ce qui concerne le secteur des bâtiments, c'est directement en lien avec une proposition qui est dans le document de consultation qui vise essentiellement les bâtiments résidentiels, des programmes, là, pour les bâtiments résidentiels.

Nous, ce qu'on indiquait, c'était que, écoutez, on ne peut pas dire aux gens quoi faire si, dans nos propres bâtiments institutionnels, si on prend «nous» en tant que troisième parc immobilier dans les bâtiments institutionnels, on ne fait pas des choses pour réduire notre empreinte écologique. Donc, tant au niveau de l'efficacité énergétique, on a une stratégie d'efficacité énergétique au Québec qui, nous, au MSSS, nous a donnés un objectif à atteindre de 14 %, là, de réduction de l'énergie consommée. De manière générale, je vous dirais que nous, le volet de réduction des gaz à effet de serre est surtout en lien avec nos bâtiments institutionnels. On a environ cinq actions dans notre plan d'action ministériel de développement durable 2009-2013 qui ciblent de manière très précise des actions qu'on pourrait faire.

Ça fait que je peux vous donner certains exemples qu'on n'a pas cités dans le mémoire, mais ça pourrait être, par exemple, la certification Viser vert, qui vise autant la réduction de la consommation d'énergie, la consommation d'eau potable, de gestion des déchets de construction, recyclage, gestion des produits dangereux, utilisation des matériaux sains recyclés, gestion des substances appauvrissant la couche d'ozone, qualité de l'air intérieur, la maintenance des systèmes de chauffage, de ventilation, de climatisation, et le programme de communication aussi au niveau des risques. Donc ça, c'est une certification Viser vert qui est faite au Québec par BOMA-Québec. Je vous inviterais, si vous voulez en savoir plus, à voir un petit peu en quoi consiste cette action. Nous, c'est l'action 6 de notre plan de développement durable qu'on a fixée d'ici 2013, notamment par l'adoption d'un cadre de gestion environnementale à même nos institutions, notre propre réseau de la santé.

Je vais vous donner un autre exemple: dans le cadre du plan d'action sur les changements climatiques, donc le volet Santé et adaptation face aux changements climatiques, actuellement, nous sommes en train de travailler avec la Corporation d'hébergement du Québec, la Direction des investissements ici au ministère de la Santé, au niveau du parc immobilier, pour retravailler le cadre normatif qui fixe des normes pour les constructions de bâtiments, mais aussi pour la rénovation des bâtiments. On sait que les événements météorologiques extrêmes qui s'en viennent, et on le voit déjà par l'érosion des berges, on le voit en Côte-Nord beaucoup, ont des impacts réels sur les institutions, les bâtiments institutionnels qui sont en train de tomber littéralement en ruines pour certains. Donc ça, c'est concrètement qu'est-ce qu'on doit faire très rapidement pour nos propres institutions qui, il faut le rappeler, abritent des populations vulnérables qui vont être fortement touchées, là, dans le cas des événements climatiques extrêmes.

D'autres actions qu'on fait actuellement, c'est évidemment la gestion des matières résiduelles dans nos propres institutions. C'est en lien avec le bâtiment quand même, parce qu'on émet des gaz à effet de serre quand on produit des matières résiduelles, là. Ça sort de l'institution, mais il reste que ça ne va pas dans un endroit enfoui sous la nature dont on n'entend plus parler, on en produit. Donc ça, c'est des choses qu'on fait actuellement pour favoriser et soutenir l'adoption de pratiques permettant une saine gestion des matières résiduelles dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Autre action qu'on fait, c'est de définir des critères d'écoresponsabilité pour les projets de construction. Donc, c'est toujours en lien avec le cadre normatif, mais ce n'est pas juste en lien avec l'adaptation aux changements climatiques. Donc, c'est très, très général. On invoque les critères d'écoresponsabilité dans tout ce qu'on fait en termes de production d'énergie, utilisation des matériaux, le chauffage. Et on soulève des particularités aussi de santé publique directement en lien avec des actions qu'on va prendre pour utiliser des énergies renouvelables pour dire aux gens: Attention! si vous voulez remplacer, par exemple, le mazout dans vos institutions et que vous voulez le remplacer par une autre énergie, il faut quand même que vous vous assuriez que la qualité de l'air ne sera pas mise à contribution, puis qu'on n'aura pas un effet pervers, là, de remplacement des énergies qu'on pourrait dire sales comme le mazout par des énergies renouvelables plus propres.

Donc ça, c'est notre rôle en santé publique de s'assurer de définir des critères d'écoresponsabilité pour les bâtiments. Dans le cas toujours du pacte en adaptation, en lutte aux îlots de chaleur urbains, on a dernièrement, cet été, l'INSPQ, l'Institut national de santé publique, a fait paraître une étude dans laquelle on a fait une revue de littérature des différents moyens et stratégies qu'on pouvait mettre en place pour réduire à peu de coûts les effets des îlots de chaleur urbains au niveau de nos bâtiments institutionnels, que ce soit par l'ajout de stores, par exemple, à des endroits orientés plein sud, où on se retrouvera avec une chaleur intérieure qui est trop difficile à supporter par les populations vulnérables. Donc, plein de techniques qui sont actuellement mises sur la table et qu'on regarde de plus près.

Et enfin, la dernière chose qu'on regarde, bien c'est plus en lien avec la promotion et le soutien des projets, c'est-à-dire que c'est bien beau de dire aux gens: Bien, faites donc... On vous recommande, après une revue de littérature, de poser tel et tel geste. Ce qu'on fait, c'est qu'on soutient financièrement, par l'attribution d'enveloppes budgétaires, notre réseau de la santé et des services sociaux pour mettre en place justement ces énergies renouvelables là. Donc, c'est dire, oui, on est capables de faire des choses, mais on sait que ça va coûter cher, bien, que ça va coûter une certaine somme à mettre en place, mais que ça va en même temps avoir des impacts très, très positifs à court, moyen, long terme sur la gestion interne du réseau de la santé. Donc, nous, ce qu'on suggère, c'est d'étendre ça chez nous à nos propres bâtiments du réseau de la santé et services sociaux, mais c'est que le gouvernement fasse de même au niveau de ses bâtiments institutionnels avant même de dire aux résidences: Enlevez votre système au mazout puis équipez-vous uniquement d'appareils de chauffage électrique.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, il ne reste plus de temps malheureusement. Et Mme Schnebelen, Dr Poirier, Dr Drouin, Dr Sanfaçon, merci beaucoup, d'autant plus qu'on sait que vous êtes très occupés, alors, Dr Poirier, avec la pandémie. Merci de votre contribution aux travaux de la commission parlementaire.

Et je vais suspendre pour quelques minutes avant que les collègues fassent les remarques finales.

(Suspension de la séance à 17 h 18)

 

(Reprise à 17 h 19)

Remarques finales

La Présidente (Mme Doyer): Nous en sommes maintenant à l'étape des remarques finales. M. le porte-parole de l'opposition officielle, vous disposez de sept minutes trente pour vos remarques.

M. Scott McKay

M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je pense que je voudrais d'ores et déjà remercier toutes les personnes qui se sont déplacées et celles aussi qui nous ont transmis un mémoire parce qu'il y a des gens qui, même s'ils ne pouvaient venir faire de présentation, nous ont aussi transmis des mémoires pour ces consultations. Alors, on voudrait remercier l'ensemble des gens qui ont pris la peine donc de nous écrire. Leurs commentaires ont été certainement d'un très grand éclairage.

n(17 h 20)n

L'importance de convier plusieurs des milieux de la société québécoise est évidente, puisque nous devrons tous, nous serons tous appelés à faire un effort dans l'atteinte de cet objectif commun. On l'a exprimé depuis le début, il y a quand même une... même si nous apprécions les efforts qui ont été faits au ministère du Développement durable et de l'Environnement et aussi au ministère des Finances, on déplore le fait que le gouvernement n'ait pas jugé bon de faire réaliser de modélisation autour de la cible qui est à la hauteur des attentes de notre formation politique. Et c'est cette cible, donc de 25 %, qui est également celle établie par le monde scientifique international par le biais du groupe intergouvernemental d'experts sur le climat. Et on... je voudrais saluer en passant le fait qu'ils sont corécipiendaires du prix Nobel de la paix.

Cette cible est, on l'a constaté au cours des audiences, Mme la Présidente, a été... est également partagée par plusieurs groupes et associations qui sont venus en commission. Donc, ces consultations qui se terminent auront permis aux députés de mon groupe parlementaire du Parti québécois de se conforter dans leur objectif de réduction d'au moins 25 % des émissions de gaz à effet de serre pour le Québec, par rapport au niveau de 1990. Alors, nous aurions voulu une cible aussi contraignante, alors que le gouvernement semble vouloir se draper sous l'égide de nos voisins qui ont moins d'ambition que nous. On l'a dit à plusieurs reprises, le gouvernement, ce gouvernement aime à se comparer avec les pires. Nous, ce que vous voudrions, c'est que... et nous sommes convaincus que le Québec a avantage à se comparer plutôt avec les meilleurs.

Il faut voir ça comme... ces objectifs de réduction de gaz à effet de serre, comme une opportunité. Je pense que le terme «opportunité» est plutôt un anglicisme. Parlons donc de nouvelles avenues de développement. Un objectif ambitieux permettra aux entreprises québécoises d'éviter notamment de potentielles pénalités commerciales de la part des pays qui, eux, auront adopté des cibles plus contraignantes, de profiter de nouvelles avenues de développement liées à la réduction de leur... de notre dépendance au pétrole. Les citoyens du Québec pourront profiter, et nous l'avons vu encore cet après-midi, d'une meilleure santé, d'une meilleure qualité de vie, et profiter de la création d'emplois verts partout sur le territoire du Québec.

Je réitère que, malgré le fait que nous soyons contraints de laisser le Canada parler en notre nom et défendre des valeurs et des cibles qui ne vont pas dans le sens des intérêts du Québec à Copenhague, le Québec a tous les outils pour devenir un leader mondial en matière de lutte aux changements climatiques. Il ne manque que la volonté politique pour y arriver. Nos invités sont venus le confirmer et nous encourager à agir rapidement.

Il ne fait plus aucun doute que le gouvernement devra prendre un virage majeur dans ses priorités en ce qui a trait aux transports collectifs, à la dépendance au pétrole, à l'électrification des véhicules et à l'aménagement du territoire. Non seulement, dans le cas du transport, s'agit-il du principal secteur émetteur de gaz à effet de serre au Québec, mais il est lié à l'importation, à grands frais, de pétrole et d'autres produits... d'autres hydrocarbures, alors que nous disposons d'importants surplus d'électricité et d'une grande disponibilité d'énergie sous forme de biomasse. À cet égard, nous appuyons les représentants de l'industrie forestière, eux qui misent grandement sur la reconnaissance, à Copenhague, du rôle du bois et des produits forestiers pour la relance de ce secteur d'importance stratégique au Québec.

Il faut aussi souligner les organismes qui ont demandé un moratoire, et encore cet après-midi, sur l'augmentation de la capacité automobile au Québec. Alors ça, c'est une façon par laquelle le gouvernement peut agir maintenant et arrêter d'hypothéquer notre avenir comme on persiste à vouloir le faire. Dans le cas, on l'a vu aujourd'hui, la bannière sur l'échangeur Turcot, je pense qu'on est en droit d'exiger dès maintenant davantage de cohérence de la part du gouvernement du Québec.

Les représentants des divers secteurs industriels particulièrement sensibles aux coûts de l'énergie sont venus appeler les parlementaires à la prudence pour éviter des fuites de carbone vers d'autres juridictions avec lesquelles les entreprises québécoises sont en concurrence. Alors, nous les avons bien entendus, et nous savons qu'une fois l'objectif global du Québec établi... Et nous invitons le gouvernement à faire son nid... pas à faire son nid puisqu'on pense qu'il l'a déjà fait, mais à annoncer sa cible le plus rapidement possible, et, suite à cette annonce, le gouvernement devra mettre en place, dans les meilleurs délais, des tables de concertation sectorielles avec les représentants de ces secteurs donc industriels, avec aussi les représentants syndicaux, qui sont venus annoncer leur intérêt et leur disponibilité pour travailler dans de telles tables sectorielles.

Nous attendons donc maintenant de la part du gouvernement et de la ministre qu'on accélère la cadence, et qu'on prenne des décisions à la hauteur des ambitions et des capacités des Québécois sur la scène internationale. Merci.

La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. le député de L'Assomption. Alors, Mme la ministre, vous avez maintenant, pour vos remarques finales, le temps pour une durée maximale de 7 min 30 sec.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, je veux saluer tous les intervenants qui ont participé à cette consultation. C'est 33 organisations qui ont été entendues, c'est 12 mémoires déposés, et je pense qu'on peut dire que c'est une contribution vraiment hautement estimable, extrêmement importante.

Et je pense que nous, du côté gouvernemental, on voulait prendre le temps d'écouter et de consulter avant d'établir une décision et une position. On a eu ce respect des différentes composantes de la société québécoise et, pour nous, on a pris le temps d'écouter. Et je pense que, pour nous, ça va être très profitable pour la décision qu'a à prendre le gouvernement au cours des prochaines semaines.

Ce qui me frappe, Mme la Présidente, c'est jusqu'à quel point il y a un engagement de la part de tout le secteur composant la société québécoise vraiment pour la lutte aux changements climatiques. Comparons à... de la situation sur le territoire américain ou ailleurs au Canada, il y en a qui parlent d'une situation où il y a des dénis, là; il y a du monde qui dénie la réalité scientifique. Là il faut le dire ici, là: on est drôlement chanceux au Québec, parce qu'il y a vraiment un très large consensus. Puis je vais aller plus que ça, là: il y a non seulement un consensus autour des réalités des données scientifiques, des réalités scientifiques, il y a un consensus sur le fait qu'il faut bouger.

Il faut participer bien sûr à l'effort international, et je pense que plusieurs ont marqué, dans leur mémoire, dans leurs interventions, qu'ils étaient fiers du Québec, du leadership historique du Québec dans la menée de la lutte aux changements climatiques, des résultats atteints actuellement sur le territoire nord-américain par le Québec, en termes de la contribution par capita dans les émissions de gaz à effet de serre. Il faut le répéter, qu'on est dans une position de leadership à l'échelle de l'Amérique du Nord.

Moi, j'ai bien compris... il y a deux mots clés, Mme la Présidente, que je retiens, qui va faire partie de ma réflexion et qui va alimenter celle du Conseil des ministres: le mot clé, c'est le mot leadership. Je pense qu'il y a vraiment un souhait largement exprimé de la part de tous qui est de dire que le Québec doit continuer à exercer son rôle de leader, jouer son rôle de leader, que c'est important non seulement en termes absolus de contribution à la diminution des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, que c'est important aussi, d'un point de vue stratégique et politique, pour influencer le cours des choses, pour montrer la voie, dicter la marche que doit prendre notre société, notamment sur le territoire nord-américain.

J'ai aussi entendu le message de prudence que nous a lancé aussi beaucoup d'organisations. Vous avez compris qu'il y a plusieurs produits diversifiés. Plusieurs acteurs sont venus nous parler de cibles à moins 20 % et moins 25 %, et même au-delà. Plusieurs acteurs se sont plus campés, notamment les secteurs industriels, autour d'une cible que je vais résumer courtement mais que je vais dire plus à moins 12 %. Vous vous souviendrez qu'il y en a qui sont venus nous dire: Vous ne devriez même pas vous commettre tellement la situation est dans un grand flou politique au moment où on se parle. Mais le Québec va choisir sa cible. Il va le choisir pour Copenhague. C'est un engagement pris et un engagement qui sera tenu. Je vais tout de suite écarter cette hypothèse. Donc, leadership et puis prudence, et on se retrouve devant une très grande diversité des points de vue exprimés.

n(17 h 30)n

Mais il y a des points de ralliement: c'est la confirmation de la modélisation faite par le ministère du Développement économique sur le fait qu'il y a des outils économiques à mettre en place pour influencer à l'avenir le cours des choses. Il faut donner une valeur économique à la tonne de carbone. Il faut avoir un marché du carbone, il faut imposer une redevance et il faut qu'elle soit visible aux yeux des consommateurs si on veut changer les habitudes, notamment au niveau du transport. Je pense qu'on peut dire qu'il y a largement un endossement du courage politique que ça peut demander, mais de ces outils économiques qu'il faut mettre en place.

Il y a eu une série de moyens ensuite identifiés, je veux en nommer quelques-uns, je ne pourrai pas tous les nommer, mais qui doivent contribuer à la réflexion et aux actions à mettre en place pour le futur plan de lutte aux changements climatiques qui sera basé sur, là, des moyens coercitifs, réglementaires, rappelons-le. Je pense, bien sûr, aux messages dans le domaine du transport, transport des marchandises, intermodalité, transport collectif, transport actif; les messages au niveau de l'aménagement du territoire, du chauffage des bâtiments résidentiels, institutionnels et industriels. Je ne veux pas faire ça trop court, mais disons qu'on sait, on a bien compris que c'est les grands secteurs sur lesquels on va être interpellés en termes de changements de société et de changements de comportements.

Il y a eu, je le disais, un soutien à la démarche et le leadership du gouvernement du Québec pour la mise en place d'un marché du carbone. Rappelons qu'il y a, en ce moment même, des discussions avec sept groupes industriels et il y a aussi cette table Québec-industries, avec laquelle on travaille, notamment pour la mise en place des conditions du WCI.

Mme la Présidente, on va donc conclure sur ces messages de leadership confirmé du Québec, qui sera confirmé à Copenhague, et ce message de prudence. Moi, je pense que c'est possible. Je pense, ce n'est pas contradictoire. Je pense, c'est possible de rappeler, sur la base de la science, sur la base des responsabilités communes mais différenciées, des différents États... c'est tout à fait possible que le Québec se présente à Copenhague dans une position de leader confirmé, qu'on confirme le rôle d'influence et, dans ses champs de compétence, le rôle important que mènent les États fédérés. Puis il faudra bien sûr, pour répondre aux critères de prudence, qu'on soit capables d'identifier les conditions de réalisation de la cible qui sera choisie par le Québec.

Voici ce qui me guide, après avoir entendu tous ces passionnés, tous ces experts. Et je peux vous garantir, Mme la Présidente, que le Québec sera très fier, les Québécois seront fiers. Non seulement ils sont fiers en ce moment de la situation de leadership du Québec, mais ils seront fiers du rôle que jouera le Québec à Copenhague. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci, Mme la ministre, de vos remarques finales. Et, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, Mmes et MM. les parlementaires, je veux vous remercier du travail que vous avez fait lors de ce mandat, remercier aussi tous les organismes et les personnes qui ont pris de leur temps pour soit nous envoyer des mémoires, toute contribution quelle qu'elle soit, et tous organismes qui se sont déplacés pour venir nous donner leurs positions sur cette question.

Mémoires déposés

Alors, avant d'ajourner les travaux, je veux déposer officiellement les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus.

Et, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die. Bonne soirée, mesdames, messieurs...

Et j'oubliais bien sûr ce personnel inestimable de l'Assemblée nationale et les recherchistes des deux côtés, sans lesquels notre travail ne serait pas le même.

(Fin de la séance à 17 h 33)


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