(Onze heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme Doyer): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! D'ailleurs, l'ordre était déjà là. Bonjour, mesdames, messieurs. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes, dans la salle, de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat pour lequel nous sommes réunis aujourd'hui, à la Commission des transports et de l'environnement: elle est réunie pour poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du document intitulé Le Québec et les changements climatiques ? Quelle cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020? M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Boucher (Johnson) est remplacé par Mme Bouillé (Iberville).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Doyer): Merci. À l'ordre du jour, nous recevons ? et d'ailleurs je vous souhaite la bienvenue ? M. Christian Lacasse, président général de l'Union des producteurs agricoles du Québec, et M. Daniel Bernier, agronome et agent de recherche et d'information. Alors, messieurs, la parole est à vous et, compte tenu de l'heure, je vais devoir vous annoncer qu'il faut absolument terminer à 1 heure et... parce que nous avons un caucus, et on ne pourra pas poursuivre au-delà de 1 heure malheureusement. Et nous allons essayer de faire ça pour les deux groupes, dans un espace qui va être partagé, selon les règles que M. Henley va nous... qui sont établies. À vous la parole, M. Lacasse.
Union des producteurs agricoles
du Québec (UPA)
M. Lacasse (Christian):Mme la Présidente, Mme la ministre, Mme et MM. les commissaires. Alors, bonjour tout le monde. Merci de nous... encore une fois de nous donner l'occasion de nous faire entendre, là, sur un sujet, je dirais, qui préoccupe de plus en plus les agriculteurs, puis qui comporte aussi un enjeu important, là, pour l'agriculture du Québec, lorsqu'on parle, là, des gaz à effet de serre, mais surtout des impacts, là, qui pourraient être reliés... qui pourraient découler au niveau des changements climatiques, puis les perturbations qu'on pourrait connaître, là, concernant les rendements de nos cultures, la capacité, aussi, là, de faire... d'aller chercher des rendements puis une bonne qualité pour nos produits au Québec dans les prochaines années, les prochaines décennies.
L'essentiel, là, de notre propos ce matin va porter, bon, quelques considérations qu'on veut vous transmettre concernant la cible de réduction des émissions, là, de gaz à effet de serre pour la période 2012 à 2020 et, ensuite, quelques propositions, là, en fait trois propositions qui... de moyens de réduction de gaz à effet de serre, là, qui pourraient être mis en oeuvre au cours des prochaines années et qui faciliteraient, si on veut, l'adaptation, mais aussi, là, une meilleure atteinte, là, de réduction de gaz à effet de serre pour les prochaines années.
n(11 h 20)n En commençant d'abord pour... sur... peut-être un petit état de situation sur l'agriculture et les gaz à effet de serre en vous disant que, bien sûr, là, les émissions de gaz à effet de serre dans le... pour le domaine agricole sont de nature biologique, c'est-à-dire reliées aux gaz, là, qui proviennent de la digestion des animaux, au niveau de la gestion des fumiers et aussi, là, des sols cultivés.
On prend conscience aussi qu'on a connu une augmentation d'émissions des gaz à effet de serre pour ce qui est de l'agriculture depuis... entre 1990 et 2006, une augmentation de 4,9 %. Mais ce qui est important de retenir, c'est que cette hausse-là, essentiellement, est attribuable au fait qu'on a connu une croissance, là, de la production au Québec, qui est associée évidemment à l'augmentation des besoins de consommation alimentaire au Québec et aussi par le fait qu'on a favorisé beaucoup l'entreposage étanche des fumiers en constructions de fosses pour l'entreposage des fumiers et lisiers depuis les 10, 15 dernières années. Alors, des gains... des gains qui ont été observés évidemment par rapport à la qualité de l'eau, lorsqu'on entrepose de façon étanche les fumiers. Par contre, il y a une augmentation... il y a un petit peu plus, là, d'émissions de gaz à effet de serre lorsqu'on entrepose de façon étanche les fumiers. Alors, essentiellement, l'augmentation est due à ça.
Concernant la cible de réduction de gaz à effet de serre, là, 2012-2020, alors l'UPA n'est pas dans... n'a pas l'expertise et, je dirais, là, de façon très... sans prétention, là, on considère, là, que ce serait assez hasardeux pour nous de se prononcer sur quelle serait la bonne cible parce que, quand on regarde le débat, bon, il y a toutes sortes de cibles, là, qui pourraient être, là... toutes sortes d'échelles de cibles, là, qui pourraient être retenues. Et on sait, là, qu'il va y avoir une rencontre, là, très bientôt à Copenhague, là, sur toutes ces questions-là. Alors, on ne veut pas... on ne se prononcera pas de façon claire et nette là-dessus.
Quand même, on va faire quelques commentaires. Il faut être conscients que le Québec, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, ça représente 0,2 % des émissions mondiales, ce qui fait qu'il faut quand même être réalistes au niveau, là, des objectifs, là, de la cible de réduction comme telle, en ayant en mémoire que, si on s'impose... même si on s'imposait une norme draconienne, une norme très drastique, ce n'est pas ça qui va avoir un effet significatif, là, sur les changements climatiques.
Néanmoins, les considérations qu'on veut vous transmettre, c'est que... d'abord, c'est que le Québec doit faire sa part, doit faire sa juste part. Puis, dans ce sens-là, je dirais, le Québec est... a fait preuve, depuis nombre d'années quand même, avec les décisions, les choix de société qu'on a faits, de tenir compte, là, de... je dirais, là, de ces préoccupations-là en termes, là, de gaz à effet de serre.
La cible, bien sûr, doit prendre en considération ? pour nous, c'est un élément essentiel ? que... elle doit tenir compte des objectifs de réduction de nos compétiteurs. Puis là je parle... quand je parle de compétiteurs, évidemment, c'est l'agriculture à l'extérieur de nos frontières, être conscients que, si on s'impose une norme de réduction beaucoup plus ambitieuse qu'à l'extérieur de nos frontières, bien sûr ça met en péril nos exploitations agricoles ici, notre compétitivité, là, pour nos entreprises.
Il faut aussi tenir compte que les coûts de l'énergie en agriculture sont non négligeables et que... et particulièrement dans certains secteurs de production. On parle particulièrement au niveau de la production en serre, alors les serriculteurs, pas l'acériculture, mais la production en serre, et aussi la production... nos productions céréalières qui quand même consomment, là, une bonne partie... des quantités assez importantes, là, d'énergies fossiles.
Alors, il faut aussi considérer qu'en agriculture la capacité pour les agriculteurs de reporter ou de... je dirais, de faire en sorte que ces augmentations-là de coûts de production puissent être réparties à l'ensemble de la chaîne, de la filière, que ce soit au niveau des transformateurs, ou des distributeurs, ou même des consommateurs, est à peu près nulle. Alors ça, c'est toujours une considération importante spécificitée en agriculture: on peut difficilement, si on a des coûts de production supplémentaires, les répartir aux autres maillons de la chaîne, ce qui fait que, si c'était le cas, bien, on s'attendrait, bien sûr, à ce qu'il y ait des mécanismes, là, de restitution de la taxe pour un secteur aussi sensible, là, que l'agriculture.
Concernant, et je vais terminer avec ça, les moyens de réduction, là, de gaz à effet de serre qui devraient être mis en oeuvre pour le Québec, bon, le premier, on... l'accroissement de l'autonomie alimentaire, dans le sens où on donne la statistique, là, on reprend la statistique que les aliments voyagent 2 600 kilomètres en moyenne entre le lieu de production et le lieu de consommation, ça signifie que, pour chaque aliment, là, vous imaginez qu'il doit partir de Montréal pour se rendre à Orlando, là. Vous imaginez la distance. Alors, c'est facile à déduire que, si on pouvait favoriser une plus grande autonomie alimentaire, favoriser la consommation de produits alimentaires de proximité, réduire les circuits de distribution nous permettrait de faire des gains importants au niveau, là, d'émission de gaz à effet de serre.
Deuxième chantier important, c'est l'accroissement de la part des énergies renouvelables. Il y a un potentiel important, un potentiel méconnu d'énergie à développer au niveau de l'agriculture et de la foresterie. Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est que: Mettons l'agriculture et la foresterie à contribution dans ces objectifs-là. Faisons en sorte, là, qu'on mette en valeur ce potentiel-là à différents niveaux.
Là, je vais vous donner quelques exemples, mais je vais le prendre par le biais de l'incohérence à travers certaines décisions parfois qui sont prises... Vous savez, au niveau de l'agriculture, au niveau principalement de faire en sorte qu'on utilise, on... on fait... on remplace les huiles à chauffage par d'autres combustibles, là, qu'on parle de la biomasse, bien, il y a même des programmes qui viennent encourager ce développement-là à la ferme. Par contre, le Règlement sur la qualité de l'atmosphère interdit encore l'usage de la biomasse agricole dans les systèmes d'une capacité calorifique inférieure à 3 mégawatts. Alors, vous comprenez que, ce règlement-là, il est complètement dépassé, là. Si on encourage des nouvelles techniques à la ferme, il faudra aussi que les règlements suivent. Alors, ce règlement-là doit être modernisé. Ça s'est fait en Europe. Alors, je pense que le Québec doit le faire, là, rapidement.
Concernant la... il y a une autre incohérence, là, qu'on soulève au niveau du programme de l'Agence de l'efficacité énergétique, où on réserve aux utilisateurs de biomasse résiduelle forestière l'aide... les aides financières. Il faut être conscients que, lorsqu'on fait ça, on encourage l'utilisation de, je dirais, résiduels de forêt de plus en plus loin des lieux de consommation. Et, pendant ce temps-là, les producteurs pourraient développer des productions, je dirais, de biomasse, là, de panic érigé. Alors, il y a d'autres cultures qui sont maintenant en... je dirais, en recherche présentement, et qui permettraient, là, avec une... avec une meilleure cohérence, de faire en sorte qu'on utilise, on valorise la biomasse à la ferme.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Lacasse...
M. Lacasse (Christian): Je comprends que le temps est écoulé...
La Présidente (Mme Doyer): Oui. Vous avez compris à mes signes. Le temps est écoulé. Avec les échanges avec les parlementaires, je pense que vous allez pouvoir vous exprimer.
Alors, je donnerais la parole, à partir de maintenant, à Mme la ministre des Transports... de l'Environnement, pardon.
n(11 h 30)nMme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à tout le monde et bienvenue, donc, à nos représentants de l'UPA.
Je vais commencer avec une question très générale, et sur laquelle je veux avoir vos commentaires. Je comprends avec beaucoup de respect le fait que vous disiez: Bien, on n'est pas des grands spécialistes, là, de la question des GES, et que vous ayez choisi de ne pas vous prononcer, je dirais, de façon formelle sur la cible que le Québec devra atteindre pour 2020, mais néanmoins, je ne sais pas si vous avez pris connaissance comme moi d'un article qui a été publié le 23 octobre, donc il y a quelques jours, c'était dans le journal Le Devoir, sous la plume de Louis-Gilles Francoeur, où il relatait une étude. Et je vais juste, si vous me permettez, juste prendre le temps de lire un extrait, puis je vais vous demander de commenter. On est dans un univers où les études sur les gaz à effet de serre sont multiples, se multiplient. On essaie, dans toutes ces études, avec... parfois certaines étant peut-être produites par le camp des sceptiques aussi, là, il faut se le dire. Donc, vous comprenez qu'on fait... C'est extrêmement exigeant mais passionnant d'essayer de bien... bien suivre l'actualité scientifique sur cette question-là.
Mais je voulais avoir vos commentaires parce que, moi, cet article-là m'a frappée. Ça disait: Le bétail serait responsable de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Et M. Francoeur cite une étude de deux chercheurs, aux États-Unis, qui disent que «les différents cheptels de bétail domestique [...] pourraient être responsables non pas de 18 % des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine, mais de 51 %». Il nomme ici les chercheurs, là, M. Goodland et M. Anhang, et ça dit: «Cette mauvaise nouvelle en cache ? peut-être ? une bonne [...] car on peut agir beaucoup plus rapidement sur les émissions du bétail qu'en voulant changer la structure de production d'énergie actuelle [...] des combustibles fossiles. Des changements radicaux dans les diètes et l'imposition de taxes sur le carbone sur les produits d'élevage seraient plus compatibles avec l'urgence de réduire les émissions planétaires. [...]Cela permettrait à cette industrie agricole de se transformer avant d'être frappée par la hausse inévitable des produits pétroliers.» Je vous le dis, là, moi, je n'ai pas été en mesure de... en quelques jours, d'essayer d'aller voir le bien-fondé de cette étude, mais elle nous est quand même rapportée et relatée par M. Louis-Gilles Francoeur, qui, on le sait, là, suit ça de très, très, très près. Compte tenu que ça a été publié il y a quelques jours à peine, je me demandais... en tout respect de votre capacité de tenter, comme nous, de suivre ça dans le détail, mais voulez-vous commenter cette... je dirais, là, cette affirmation de chercheurs, mais un petit peu commenter cette vision des choses où on entend très souvent...
Vous le savez, là, on entend très, très, très souvent différents intervenants et parfois des experts scientifiques dire que cette question de la contribution du bétail aux émissions de GES est quelque chose qu'on passe peut-être trop sous silence. Certains le reprochent en disant: Vous parlez des hydrocarbures, vous parlez du secteur industriel, mais il faut se pencher sur cette réalité. Quelle est votre opinion? Et comment pouvez-vous guider les parlementaires et le gouvernement du Québec sur cette question de la contribution du bétail aux émissions de GES?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, vous comprenez au départ que c'est des choix de consommation, des choix alimentaires qui sont faits, puis je pense que la production mondiale s'est développée en fonction, là, de ces choix alimentaires là. Puis ce n'est pas rare qu'on nous dit que plus les sociétés évoluent, plus le développement économique se réalise, bien les choix alimentaires vont plus, là, vers la consommation de viande, alors, évidemment avec certaines conséquences. Mais je pense que ces choix-là ne seront pas remis en question dans les prochaines années.
Par contre, moi, je pense, dans... face à un enjeu comme celui-là, ce qu'il faut, ce qui est important, c'est de regarder: Est-ce qu'il y a des solutions, est-ce qu'il y a des opportunités, des alternatives qui permettraient de... bon, avec le même cheptel, de faire en sorte, là ? cheptel mondial que je parle, là ? de quand même faire certains gains en termes de réductions?, puis en vous disant que, si on creuse un petit peu plus loin, on réaliserait que la façon qu'on alimente les animaux est déterminante, là. Daniel pourrait vous en parler davantage, mais, lorsqu'on utilise, comme on le fait ici, au Québec, des aliments, là, qui sont encore plus digestibles, ça fait en sorte que le bétail va émettre moins de gaz à effet de serre. Ça fait que ça, là, quand on a une meilleure connaissance de ces phénomènes-là, alors comment on peut mieux alimenter, avec des meilleurs aliments, nos animaux, ça a... ça comporte des gains.
Alors... Et le Québec se qualifie très bien, je dirais. Avec le développement de l'agriculture, toute la recherche qui se fait au niveau de l'alimentation animale depuis les dernières années, avec nos centres de recherche, on a... je dirais, si on se compare avec ailleurs dans le monde, on aurait une meilleure performance mondiale si on utilisait... les autres pays avaient la même capacité d'une meilleure alimentation animale, là, la meilleure... une alimentation comparable à celle du Québec.
Il y a aussi... Tout à l'heure, je n'étais pas rendu là, mais, je dirais, d'un autre côté, il faudrait voir aussi comment on peut, à partir des fumiers, des lisiers... Bon, à partir de ces élevages-là, on peut valoriser le méthane de façon à ce qu'on puisse faire du remplacement d'énergie fossile par des gaz qui sont renouvelables, tout à fait renouvelables. Alors, c'est vrai que le Québec est une production... est une province de production animale, mais allons dans les alternatives, allons dans l'autre volet qui est comment on peut valoriser ces fumiers-là et lisiers de façon à ce qu'on puisse remplacer l'énergie fossile. Alors, c'est une couple de commentaires que je voulais faire.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Je pense qu'on aura l'occasion, de part et d'autre, d'approfondir les propositions que vous nous faites par rapport à la production d'énergie plus verte, à partir de votre type de production. Je vais aussi avoir une question pour vous, tantôt, sur la question du transport. On a eu des échanges avec d'autres intervenants qui nous ont parlé de vous et de vos besoins en termes de transport, de l'utilisation du mazout.
Mais, juste avant, je voudrais que vous nous donniez un éclairage encore plus approfondi quand vous nous dites qu'au Québec... qu'on est assez performants, je vais dire ça comme ça, là, dans les... dans les techniques qu'on a mises en place en termes d'alimentation du bétail, donc notre type de production en termes d'élevage. Vous dites quand même que c'est une part importante de notre structure agricole au Québec.
Est-ce que... Est-ce que je dois comprendre que, selon vous, au moment où on se parle, sur cette stricte question du type d'élevage que l'on fait, là, je parle... Est-ce que vous dites... Est-ce que j'ai encore de la marge de manoeuvre? Puis est-ce que c'est un secteur où on devrait approfondir comment est-ce que je peux aller chercher des réductions de GES, ou si vous nous dites que, vous... Quand on se compare, vous dites: On est déjà pas mal performants, et ce n'est pas là qu'on peut aller chercher nos meilleures réductions de GES, c'est plutôt en lien, par exemple, avec les questions associées au transport, la mise en place de circuits courts ou l'utilisation des possibilités agricoles en termes de production d'énergie alternative. Je voulais juste voir si, carrément au niveau de nos techniques d'élevage, si vous considérez qu'on a encore des gains à aller chercher ou pas, qui pourraient être reconnus, par exemple, dans le cadre de mécanismes de crédits compensatoires dans les marchés du carbone. C'est-u un secteur sur lequel on devrait mettre de l'énergie, selon vous?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Moi, je suis convaincu que, si on... Il faut encore faire... il faut faire des efforts supplémentaires. Il faut amener de la cohérence, comme je le mentionnais, là, surtout entre, des fois, certains programmes, certaines réglementations, de façon à ce qu'on tire tous dans la même direction.
Mais je reviens sur la question de... votre question sur, bon, le Québec est une province qui fait... qui a quand même un bon niveau de production animale, mais on est loin d'être autosuffisants par rapport aux besoins de consommation intérieure, là, du Québec, ce qui fait que, si on ne le produit pas ici, au Québec, là, il va venir des provinces de l'Ouest ou des États-Unis, alors il va se produire des gaz à effet de serre quand même puis, en plus, il va y avoir beaucoup plus de... Le phénomène que je disais tantôt, c'est que, pour amener ces aliments-là ici, ça va émettre encore plus de gaz à effet de serre, ça fait qu'on n'a pas... on n'a pas avantage à réduire ou plafonner la production.
n(11 h 40)nMme Beauchamp: Moi, je veux être bien claire, d'ailleurs, je ne pense pas que j'ai fait allusion, hein, au fait de réduire la production en tant que telle. Je me posais plus des questions sur le fait de dire, dans les techniques d'élevage... Vous faisiez vous-même référence au fait de dire qu'au Québec le choix que l'on fait dans le type d'alimentation, par exemple, du bétail fait une différence dans les émissions de GES. Ma question était plus là-dessus. Est-ce que c'est un secteur, ça, où on a encore, par de la recherche et développement ou par peut-être une meilleure diffusion de connaissances... Est-ce qu'on a, selon vous, des gains appréciables à aller chercher là, ou si vous dites: Franchement, on est pas mal performants et on est mieux d'aller regarder dans d'autres secteurs qui concernent, là, votre industrie agricole, mais on est mieux de chercher dans d'autres secteurs?
Je dis ça toujours en mettant en lumière le fait que, selon certains scientifiques, la question du bétail prend peut-être plus de place que ce qui est... ce qui est habituellement entendu dans la contribution aux GES au niveau de la planète. Puis, encore là, je vous le dis, là, moi, je ne l'affirme pas, là, c'est... tout est en... c'est des questions scientifiques assez complexes, puis on a vu même que... Hier, on parlait... Juste au niveau de la forêt, par exemple, le degré de connaissance que l'on a de la contribution ou de l'apport de la forêt pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est en grande évolution au moment même où on se parle.
Donc, je ne veux pas passer trop de temps là-dessus, mais je voulais juste savoir si vous pensez que ça, c'est un élément sur lequel on devrait se pencher. Ce n'est pas vraiment abordé dans votre mémoire. Vous nous donnez des belles pistes, là, mais je voulais juste terminer sur cette question-là.
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): ...préciser ma réponse. Alors, sur, je dirais, est-ce qu'il y a encore beaucoup de possibilités d'améliorer nos régimes alimentaires animaux, là, pour faire des gains, je dirais, pour émettre moins de gaz à effet de serre, la réponse, c'est non. Il n'y a pas vraiment de gains beaucoup à espérer de ce côté-là parce que les régimes alimentaires qu'on a développés ici, au Québec, pour aller chercher une meilleure production, une meilleure productivité, nous ont amenés à utiliser des aliments plus digestibles qui font que déjà les gains sont réalisés, là. Je vous dirais, quand M. Francoeur soulève ça, c'est... il interpelle davantage d'autres pays qui n'ont pas la... connu l'évolution qu'on a connue ici puis qui n'ont pas nécessairement la disponibilité d'aliments de la qualité qu'on retrouve ici, au Québec. Alors, où il y a des gains, c'est... je pense qu'il faut regarder davantage la question de valoriser les fumiers et lisiers pour le développement de gaz méthanier.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
M. Lacasse (Christian): C'est plus clair?
La Présidente (Mme Doyer): Oh! Aviez...
Mme Beauchamp: C'est très clair, et je vous remercie pour la clarté de votre réponse. Et, comme on dit, j'enregistre, là, j'écoute attentivement et j'enregistre votre réponse.
Je voudrais parler d'un élément, d'un enjeu qui nous a été soulevé par les distributeurs de mazout que nous avons rencontrés en début de semaine. Eux disent que... déjà que leur secteur a été touché, mais ils nous disaient qu'il fallait faire attention pour qu'il ne soit pas touché, je dirais, de façon brutale ? je pense que c'est l'expression qu'ils prenaient ? en disant que leur circuit de distribution, le maintien d'une forme de circuit de distribution du mazout sur le territoire québécois était important en termes de sécurité énergétique.
Et un des exemples qu'ils nous donnaient, c'était la question, donc, du monde agricole, en disant: Bien, dans le monde agricole, donc, il y a l'utilisation de différentes formes de mazout. Et là vous voyez bien que, moi, je ne m'y connais pas de façon précise, mais ils parlaient donc d'un mazout coloré et ils parlaient du fait que c'était une nécessité, je vais dire ça ainsi, là, que c'était une nécessité dans le monde agricole, cette question-là, que le type d'équipement utilisé l'exigeait, je vais dire ça comme ça. Et donc ils disaient: Faites attention avant de dessiner un modèle où vous diriez: On est complètement indépendants de distribution de mazout sur le territoire québécois. Puis ils nous allumaient une lumière rouge en disant: Le secteur agricole serait durement touché si vous réduisiez à un point tel la distribution du mazout que vous compromettriez la survie de distributeurs régionaux. Je vais résumer ça ainsi, là, ce que, moi, j'ai compris de leur intervention.
Je pense qu'on doit profiter de votre passage pour que vous nous donniez un éclairage, parce que vous comprenez bien que, quand on parle de réduction de GES, c'est sûr que le premier réflexe, c'est de dire ? et déjà on a des programmes pour ça ? c'est de dire: On doit favoriser un passage du mazout vers d'autres types d'énergie. Donc, c'est sûr qu'on cible avant tout la question du mazout, là, c'est quelque chose d'important. Vous-mêmes, vous y faites référence en disant: Il faut permettre le développement de d'autres types d'énergie.
Mais qu'en est-il de la vraie nécessité, là, pour le monde agricole, d'avoir des distributeurs de mazout sur le territoire québécois d'ici 2020?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Tout à fait. Bien, en fait, quand on regarde l'agriculture, c'est une multitude de fermes, hein, 30 000 fermes à travers le Québec. Alors, il y en a en Abitibi, il y en a en Gaspésie. Alors, c'est clair que... Puis ces producteurs-là, je le mentionnais tantôt, ont besoin de carburant, là, de... ils ont besoin de diesel, puis ce n'est pas deux jours de délai, ce n'est pas une semaine, il faut que le diesel arrive, là, quand le producteur en a besoin, là. Alors, c'est sûr qu'il y a des impératifs, là, à ce que le diesel soit quand même accessible à la grandeur du territoire et de façon rapide.
L'autre élément que je veux mettre sur la table, c'est que, moi, j'observe ça, là, tu sais, on utilise nos autos, puis les autos... Bon, moi, j'ai un hybride, là, ça fait que déjà, on le voit, il y a une certaine tendance, mais il reste quand même que... Je regarde nos tracteurs agricoles, nos tracteurs, je n'ai pas connaissance s'il y a de la recherche qui se fait à ce niveau-là, là. Ça fait que, moi, ma crainte, c'est que les technologies évoluent pour, je dirais, changer ou remplacer les carburants pour les autos, les automobiles, éventuellement pour les camions, mais les tracteurs, si ça arrive, en dernier recours, tu sais, que la technologie ne change pas, n'évolue pas au niveau de nos tracteurs puis que, nous, on reste dépendants de cette... du diesel. Bien là, c'est clair, la question de la distribution va se poser davantage parce que ces entreprises-là, ils doivent être... ils doivent être répartis sur le territoire, puis il y a une question économique, là, pour eux, là, d'efficacité économique.
Alors, je pense que je comprends leurs préoccupations, ce qu'ils ont soulevé, mais... Puis, moi, je mets... je rajoute encore là-dessus le fait que probablement que les tracteurs vont être les derniers équipements sur la terre qui vont avoir... qui vont avoir des nouvelles technologies qui permettraient des alternatives. Alors, je pense que je rajoute, là, à ce point de vue là qui était émis, par le fait qu'effectivement, là, il va... en tout cas pour de nombreuses années encore, on va avoir besoin de tracteurs, puis probablement qu'ils vont marcher encore au diesel encore longtemps, là.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre, il vous reste environ deux minutes.
Mme Beauchamp: D'accord. Je veux parler, donc, de la question de la production d'énergie à partir de la biomasse. Puis je n'aurai pas le temps de poser toutes les questions que j'avais. Mais vous faites référence, donc, au fait qu'il y a des possibilités, avec de nouveaux types de culture, avec des espèces qui connaissent une croissance très rapide, et tout, et tout... Bien, je vais essayer de...
J'aurais eu plusieurs questions, mais je vais juste vous poser la question sur: Dans votre vision d'ici 2020, quel est le point d'équilibre entre le fait de favoriser ce type de culture, qui servirait nommément à de la production d'énergie, par rapport à d'autres types de culture qui doivent servir à la sécurité alimentaire du Québec?
Et je termine en vous donnant l'exemple, bien sûr, de l'éthanol à partir de maïs. Moi, ça m'a bien frappée, moi, dans ma vie, là. Donc, il y a eu une époque où ce n'était que cela, et, 10 ans plus tard, de façon très, très, très rapide, on a vu qu'on avait créé une crise alimentaire à travers le monde à partir de cette filière-là. Ça fait que je veux vous entendre sur: Oui, j'entends bien le message, mais c'est... Comment... C'est quoi, le point d'équilibre, selon vous, entre les différents types de production agricole pour l'alimentation et production agricole pour favoriser des nouvelles énergies renouvelables?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse, en moins de deux minutes.
M. Lacasse (Christian): Oui. Alors, il y a...
Mme Beauchamp: ...
M. Lacasse (Christian): Mme la ministre est limitée dans sa question. Regardez, il y a beaucoup de considérations dans ça. La première des choses, c'est que ça m'amène à relativiser. C'est sûr, quand vous faites référence à la crise alimentaire, c'est certain que la politique américaine, là, où ils ont construit des centaines d'usines aux États-Unis, a eu un impact, là... Je dirais que ça n'a aucune comparaison avec le Québec ou même le Canada. Je pense, ça, au départ, il faut relativiser ça, là. Le Canada ou le Québec n'est pas responsable, là, de ce... de ce phénomène-là. Je pense, les États-Unis en ont pris... en sont responsables pour une large part.
Maintenant, l'équilibre. Il faut être conscient qu'on a des terres en friche au Québec. Alors, ces terres-là peuvent être valorisées, là, facilement et rapidement avec des nouvelles cultures qui sont adaptées. Puis c'est ça qui est intéressant, c'est que, bon, quand on parle de Montérégie, bien, c'est le maïs qui est favorisé, mais, quand on parle de panic érigé, de saule, de peuplier, là on peut utiliser des terres en friche qui sont dans d'autres régions, dans nos régions plus périphériques. Alors ça, c'est à considérer.
Le point d'équilibre, pour moi, là, il ne se pose... il ne se pose pas présentement pour le Québec. Je dirais, l'utilisation des terres, là, la proportion, là, autrement que pour l'alimentation soit animale ou humaine, c'est aux alentours de 0,5 %, 1 %, hein?
M. Bernier (Daniel): ...
M. Lacasse (Christian): Alors, c'est dans ces... Alors, 0,5 %, 1 % des superficies agricoles au Québec. Alors, c'est... c'est vraiment non significatif, ce qui fait que le... Il n'y a pas de... La question d'équilibre ne se pose pas présentement. On a un potentiel de terres en friche qu'on peut valoriser.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, merci beaucoup, M. Lacasse. Merci, M. Bernier. Je répète que vous étiez là pour l'UPA, l'Union des producteurs agricoles du Québec. Merci.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Doyer): Ah, excusez! Mon Dieu! Pardonnez-moi, je... Et mon rôle est justement l'expression des partis. Alors, je donne bien sûr la parole à mon collègue de L'Assomption.
n(11 h 50)nM. McKay: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Doyer): Quel oubli!
M. McKay: Mme L'Écuyer me traite mieux que ça, d'habitude.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Doyer): Bien, bravo, Mme L'Écuyer! Allez-y.
M. McKay: Oui, merci. Alors, bonjour, M. Lacasse et votre invité, M. Bernier. Dans le fond, vous nous dites, en quelque part, là, quand on parle de la cible... Bon, vous ne voulez pas... vous ne pouvez pas... vous ne vous sentez pas, disons, suffisamment d'expertise, là, dans le domaine des gaz à effet de serre pour vous prononcer sur une cible comme telle, mais est-ce que vous nous dites ? bon, le Québec doit faire sa part, l'agriculture doit faire sa part: Bien, on a déjà pas mal fait notre part?
Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous considérez que vous en avez fait suffisamment ou vous êtes en train de nous dire que vous êtes prêts à en faire plus, mais vous avez besoin d'un soutien du... pas d'un soutien, mais de plus de cohérence de la part des interventions gouvernementales? Parce qu'en lisant... peut-être trop rapidement, mais on a un peu l'impression que vous dites... vous nous appelez un peu à mettre les freins, là.
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Moi, je le dirais, là... Regardez, le Québec déjà a une position, je dirais, assez avantageuse par les choix qu'on a faits, l'hydroélectricité puis... Alors, je pense qu'il y a un bilan quand même intéressant, puis on est en bonne voie d'atteindre les objectifs de réduction qui avaient été fixés par Kyoto. Mais il faut continuer, parce qu'évidemment les pays ne s'arrêteront pas là. Ça, je pense que c'est assez clair, là. On va le voir, ils vont sûrement se redonner d'autres objectifs de réduction, puis le Québec doit collaborer, doit contribuer à ces objectifs-là. Par contre, il doit le faire de façon réaliste, de façon, je dirais, responsable aussi, parce que, si on se donne un objectif trop ambitieux, bien, évidemment, il va y avoir des impacts économiques et qui risquent de mettre un secteur comme l'agriculture dans une situation de non-compétition.
Alors, c'est ça, la mise en garde qu'on met. Alors, il va falloir être très attentifs, regarder c'est quoi, les objectifs qu'ils se donnent ailleurs, pour s'assurer que le Québec va... qu'on va s'assurer que... Nous, on est prêts, on va continuer à faire des efforts, y compris en agriculture, mais, si on se retrouve avec des objectifs trop ambitieux qui se traduisent par des taxes supplémentaires pour décourager ou pour favoriser d'autres alternatives et que l'agriculture serait pénalisée, on n'aura pas fait de... on n'aura pas fait un bon choix.
Puis l'autre élément que... justement par rapport à ça, quand on parle de fuites de carbone, là, bien, c'est certain que, si, à un moment donné, on se met des règles tellement sévères que les entreprises vont se développer ailleurs, bien, il va y avoir quand même émissions de gaz à effet de serre, puis on n'aura pas les avantages, là, d'une production ou d'un développement économique, là, ici, au Québec.
Ça fait que je pense qu'il y a des... C'est quelques lumières qu'on veut allumer, mais dans un objectif de continuer, de collaborer à des réductions de gaz à effet de serre.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Parce que vous savez que les... dans le fond, les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, ce n'est pas pour se donner bonne conscience ou pour bien paraître, c'est pour éviter que le CO2, les gaz à effet de serre deviennent trop concentrés dans l'atmosphère, et que la température augmente, et qu'on perde le contrôle du climat.
Est-ce que, du côté... J'imagine que, du côté des effets, si on ne réduit pas suffisamment les gaz à effet de serre, donc, le climat va s'emballer. On parle de... on parlait de réchauffement climatique auparavant, mais là on parle plutôt de changements parce que c'est plutôt ça qui est dangereux, là, c'est le dérèglement. Le réchauffement en général, si c'était juste le réchauffement, on ne s'en plaindrait pas trop au Québec, je pense, mais... Donc, vous avez probablement déjà évalué aussi quelles sont les menaces à l'agriculture au Québec.
Et donc est-ce que... Par rapport à ces deux balances-là, là, comment vous voyez l'équilibre entre la menace d'être... que les prix de production augmentent et la menace de voir vos récoltes détruites par des événements climatiques extrêmes?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Regardez, les producteurs sont de plus en plus conscients, là, que... des effets, là, je dirais, des gaz à effet de serre sur les changements climatiques, bon, et dans ce sens-là je pense que les producteurs sont... sont motivés, là, à voir... eux aussi, à contribuer, collaborer, là, pour minimiser, là, ces impacts-là.
Maintenant, il faut voir comment ça va s'exprimer en agriculture. Je parlais en tout début... Puis on ne l'aborde pas beaucoup dans notre document, sur les effets, là, mais c'est clair que, si, bon, c'est... ça se retrouve par des perturbations plus, là... bon, des excès de pluie ou bien des périodes, là, comme on... Bon, on a connu dans les dernières années, là, est-ce que c'est relié aux gaz à effet de serre? Probablement que les experts, là, s'obstineraient pas mal là-dessus. Mais sur une longue échelle, évidemment, si ça affecte les rendements, si ça... la qualité de nos produits, bien, il va falloir avoir... il va falloir s'adapter à ça. Moi, je pense que, regardez, ça... sur une longue période, là, ça va être des changements qui vont se faire tranquillement, mais il faut s'assurer que la recherche, le développement des connaissances va nous permettre, va permettre aux agriculteurs, à l'agriculture de s'adapter à ces changements-là. Il y a peut-être des opportunités aussi qui vont se créer aussi, là. Alors, on verra, là.
Moi, je pense qu'on est à un niveau de conscience, les agriculteurs, qu'il faut... Ça pourrait avoir des impacts sur nos cultures. Dans ce sens-là, on est motivés à faire des efforts, à changer, à s'adapter, mais il faut le faire de façon responsable.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui, merci. Vous avez parlé du Règlement sur la qualité de l'atmosphère. Je veux juste, en passant, noter que, je pense, ça fait depuis 2006 qu'il attend, là, sur une tablette pour être finalement mis à jour et adopté, alors espérons que vos appels vont faire en sorte que... vont contribuer au fait qu'on puisse mettre à jour ce règlement-là dans les meilleurs délais.
On a aussi des gens qui sont venus... Vous nous avez parlé, bon, d'agriculture et de foresterie. On sait que souvent les agriculteurs sont aussi des producteurs de bois et ont... des producteurs de bois privés, et d'ailleurs, sur les parcelles de bois qui sont en fait les plus productives au Québec parce qu'elles sont situées plus... plus au sud, là, par rapport à la forêt boréale, des essences aussi qui sont intéressantes potentiellement, qui ont plus de valeur commerciale.
Est-ce que vous pensez que... Parce que j'ai assisté récemment à un colloque, là, dans ma circonscription, où on parlait d'agriforesterie. Et je sais que ça a été... Cet été, lorsque j'étais en Gaspésie, il y avait aussi l'Université Laval, là, là-bas, qui a des projets pour améliorer la rentabilité des fermes dans ce secteur-là, qui propose aussi d'intégrer de la culture, donc, d'arbres à travers les... à travers la production agricole, directement, là, comme entre les rangs, puis il y a toutes sortes d'avantages environnementaux à ce niveau-là, économiques, mais aussi en termes, donc, de captation de gaz à effet de serre. Est-ce que c'est quelque chose que vous regardez?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
n(12 heures)nM. Lacasse (Christian): Oui. Moi, ce que... C'est toute la question de la multifonctionnalité de l'agriculture, tu sais, que... Puis ça, là, même la... Je veux dire, on est dans... C'est de plus en plus, je dirais, un aspect de l'agriculture qu'on... qui est reconnu à travers le monde, là, le fait que l'agriculture peut, au-delà de nourrir les populations, avoir d'autres usages, d'autres fonctions que de nourrir, puis on en a un bel exemple.
Avec l'agroforesterie, bien, il y a un potentiel énergétique d'énergies renouvelables et puis qui est réparti sur le territoire. Puis... Mais là c'est un appel à la cohérence, là, d'un autre domaine, mais en disant: Regardez, il faudrait que les programmes puissent favoriser ce développement-là. Parce qu'évidemment, pour le producteur, lui, il va faire des choix économiques, là, hein, il va faire des choix économiques dans ses choix de culture. Mais s'il y avait... il y avait quand même un peu plus de support, tu sais, pour être en mesure de développer ces nouvelles productions là, le temps que ça... que la commercialisation se fasse, que les technologies s'installent, bien, à un moment donné, ces productions-là vont devenir tout à fait rentables. Mais je pense que ça prend un petit coup de pouce, là, au départ.
Puis c'est d'être cohérent, parce qu'il y a déjà de la recherche qui a amené des agriculteurs à déjà les utiliser, déjà à en faire l'expérimentation. Mais le producteur ne fera pas de l'expérimentation chez lui pendant trois, quatre ans, en espérant qu'à un moment donné ça va déboucher, là. Alors, il faut que les programmes, je dirais, là, travaillent tous dans la même direction pour arriver à ce qu'on ait un plan concerté qui va faire qu'on va utiliser un peu plus le potentiel agroforestier au Québec en termes d'énergies renouvelables.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, avant de vous demander de céder la parole à ma collègue, la porte-parole en agriculture, je voudrais juste peut-être, justement, souligner ce fait-là qu'effectivement je pense qu'à la lumière de beaucoup de choses que nous avons entendues au cours de ces travaux il y aurait assurément lieu d'effectuer une révision assez en profondeur des programmes et de la fiscalité gouvernementale dans différents domaines, là. La foresterie, l'agriculture en sont, la distribution de... aussi de certains produits énergétiques, de façon à cesser de décourager des pratiques qui iraient dans le bon sens par rapport à l'environnement et aux gaz à effet de serre, puis... dans le sens de réconcilier, en fait, là, l'aspect économique et environnemental. Alors, bien, ce serait tout pour moi, je pense, je... Madame...
La Présidente (Mme Doyer): ...les réactions de M. Lacasse, ou, ça va? C'étaient des remarques que vous faisiez, M. le député?
M. McKay: Bien, je ne le sais pas... Combien de temps il reste?
La Présidente (Mme Doyer): Il reste 11 minutes... Non. Excusez. On a fait 11 min 46 s. Il reste la balance de 20 minutes, donc, sept, huit minutes.
M. McKay: Bon, bien, je ne sais pas si M. Lacasse aurait quelque chose à ajouter.
La Présidente (Mme Doyer): Une courte... peut-être une courte, M. Lacasse, intervention pour laisser les collègues s'exprimer en questionnement.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, moi, il y a un point que je n'ai pas abordé, là, c'est la... freiner l'étalement urbain, là. Là, je m'attendais à des questions là-dessus, mais, si vous n'en avez pas, là, je ferais un petit commentaire pour compléter.
Non mais vous comprenez que plus... plus d'étalement urbain, plus de déplacements, plus de gaz à effet de serre. Là, ça, c'est... Regardez, il y a une équation directe, là. Alors, c'est sûr que ce n'est pas une question qui est nouvelle, c'est un... On a souvent... On... C'est souvent une question qu'on soulève pour d'autres considérations, là. Mais je trouvais que c'était pertinent de la ramener pour cette considération-là: il faut être conscient que, quand on favorise, là, ou quand on laisse faire l'étalement urbain, ça va... on va à l'encontre de nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Alors ça, c'est fondamental. Et il y a des moyens, là, de rendre plus efficace le développement de l'urbanisation au niveau de la fiscalité, au niveau d'une meilleure... meilleure gestion, meilleure planification de l'urbanisation, meilleure densification. Alors, utilisons ces moyens-là. Ça va avoir un effet direct sur les gaz à effet de serre.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Lacasse. Je donnerais la parole à Mme la députée d'Iberville. Il reste un peu moins de sept minutes.
Mme Bouillé: Merci, Mme la Présidente. Donc, M. Lacasse, M. Bernier, bonjour. Merci de prendre le temps de venir discuter avec nous de la question des réductions... de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, particulièrement parce que vous avez plein d'autres dossiers. On est dans un contexte assez difficile au niveau l'agriculture actuellement au Québec, et je vous remercie donc de prendre le temps ce matin. C'est sûr que, l'énergie, c'est un enjeu fondamental. Quand on est dans une agriculture nordique, comme celle qu'on pratique au Québec, là, c'est vraiment quelque chose qui a un impact direct sur les coûts de production. Et je pense que vous l'avez bien souligné tantôt.
J'étais contente aussi de votre dernière intervention sur freiner l'étalement urbain, là, et ce que ça entraîne comme coûts de transport, entre autres. Et... Et je voulais aussi souligner l'utilisation... On ne fait pas assez d'utilisation du bois. Puis là, étant donné que vous représentez aussi les producteurs de boisés privés, je pense, comme union, on a eu une démonstration hier, un groupe de parlementaires du Parti québécois, de l'opposition, sur... du comité sectoriel de main-d'oeuvre dans le bois, sur l'utilisation du bois à d'autres fins, puis ils nous démontraient, comme, quand on utilise le bois, c'est quand même un matériau qui est beaucoup moins énergivore pour la production que, par exemple, le béton ou l'acier, puis qu'on devrait beaucoup plus l'utiliser. Puis ils nous ont montré toutes sortes de démonstrations très intéressantes.
Moi, je voudrais plus que... Vous ne nous avez pas parlé... Vous avez pris l'initiative à l'Union des producteurs agricoles, il y a quelques années, de faire un plan agroenvironnemental et de faire le portrait dans chaque production, bien, dans une grande partie des productions au Québec, du portrait agroenvironnemental, et vous faites un suivi de ce portrait-là.
Est-ce que vous avez un indicateur de réduction d'émissions de gaz à effet de serre dans votre portrait et, sinon, envisagez-vous éventuellement d'en avoir un pour faire un suivi par production? Et, dans votre mémoire, je vais poser tout de suite l'autre question. C'est... vous parliez d'encourager le secteur agricole au marché du carbone, mais avez-vous des pistes à nous suggérer comme commission?
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): O.K. Sur... Il n'y a pas d'indicateur, on n'a pas d'indicateur précis sur l'indice de réduction des gaz à effet de serre. Il faut comprendre aussi que, ce plan-là, il origine il y a 15 ans, alors... bientôt 15 ans, ça fait qu'à ce moment-là on en parlait... on parlait moins de ce phénomène-là, Je dirais les objectifs, à ce moment-là, étaient de réduire l'impact sur l'environnement, faire... voir l'évolution des pratiques agricoles, mais comment est-ce qu'on constate, puis ce que Daniel me dit souvent, c'est que les efforts qu'on fait pour protéger l'environnement souvent contribuent de façon directe en même temps à la réduction des gaz à effet de serre.
Alors, c'est... le travail qu'on fait depuis 15 ans pour améliorer nos pratiques par rapport à l'environnement, bien, ce n'est pas du travail qui était perdu, au contraire, ça a collaboré à la réduction des gaz à effet de serre. Ça fait que, ça, c'est encourageant. Maintenant, on le voit, là, dans... Les derniers chiffres qu'on a dévoilés en février dernier, février 2009, démontraient qu'au niveau de l'amélioration des pratiques de conservation des sols, diminution des labours, travail réduit du sol, laisser plus de résidus au sol, ça, ça évolue, là, de façon très significative dans les pratiques agricoles. Alors, les efforts sont là, c'est très encourageant.
Sur le marché du carbone, je dirais, le commentaire, là, qu'on fait, c'est que, jusqu'à maintenant, je dirais, pour le type de fermes ici, au Québec, ce n'est pas un marché qui a été très, très... qui n'est pas très, très en vue pour les producteurs. Tu sais, le fait qu'on ait de petites superficies, tu sais, une moyenne de 100 hectares, par... à peine 100 hectares par ferme, il faut comprendre que, je ne sais pas, moi, si c'est 1 $ ou 2 $ de l'acre ou de l'hectare, ça ne fait pas un gros changement, ça ne change pas grand-chose, là.
Ça fait que ce n'est pas d'un grand intérêt pour le moment pour les agriculteurs, d'autant plus que, bon, je dirais, c'est de la façon que... il y a encore beaucoup de questionnements sur la façon que ça va être géré, sur la façon que ça va être reconnu, transigé, je dirais, puis comment les pratiques agricoles vont pouvoir vraiment être reconnues dans ça, les pratiques autant passées qu'à venir.
Alors, ça soulève beaucoup plus de questions présentement chez les agriculteurs que de réponses, de sorte que, nous, ce qu'on dit, c'est, quand même, il y a un potentiel, là, d'agrégation du carbone au niveau agricole, et on ne peut pas fermer la porte. Je pense qu'il faut s'assurer qu'on laisse les portes ouvertes puis qu'éventuellement, si on répond à ces nombreuses questions-là puis qu'il y a une certain logique, il y a une certaine reconnaissance de l'agriculture, là, avec un marché de carbone qui est, je dirais, qui est appliqué de façon efficace, bien l'agriculture pourra faire sa part, pourra en retirer certains avantages. Or, ce qu'on dit: Gardons la porte ouverte.
La Présidente (Mme Doyer): Il vous reste un peu moins de une minute. Très courte question, très courte réponse. M. le député de...
M. Villeneuve: De Berthier.
La Présidente (Mme Doyer): ...Berthier. Pardon. Berthier.
n(12 h 10)nM. Villeneuve: Alors, je ne sais pas... je vais essayer d'être très court pour que vous puissiez répondre à tout le moins. On voit dans votre document que vous préconisez la mise en place... la mise en avant des nouvelles énergies avec le lisier notamment, avec un bio... pas un bioréacteur, mais plutôt un digesteur anaérobique. Alors, on voit qu'il se profile à l'horizon des opportunités pour l'agriculture.
D'un autre côté, je vous entends dire qu'on veut tout de même voir venir les choses, et puis on comprend que le Québec doit être un leader, mais on n'est pas certain de votre position clairement là-dessus quand on regarde la Norvège, quand on regarde l'Allemagne qui, eux, ont vraiment... se sont lancés de belle façon dans cette grande aventure, si on peut dire ça comme ça, là, donc des changements climatiques et qu'ils ont des résultats probants au niveau de l'économie. Au niveau de l'agriculture, il serait intéressant de voir ce que ça donne chez eux.
Mais, moi, j'aimerais savoir de votre part: Est-ce qu'il n'y a pas là réellement des opportunités pour l'agriculture? Parce que les changements qui se présentent sont aussi des changements qui peuvent être source de renouvellement et de belles occasions, finalement.
La Présidente (Mme Doyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Moi, je crois qu'il faut quand même... tu sais, il faut être conscient de la réalité du Québec, là, où on a fait déjà un choix au niveau de l'hydroélectricité, là. Et ça, ça fixe comme une barre en termes, là, de c'est quoi, les coûts d'énergie au Québec, là. Alors, quand on fait le choix d'aller... Puis, moi, je suis convaincu qu'il faut aller... qu'il faut continuer dans cette voie-là, vers des énergies renouvelables. Mais quand même avec les tarifs... tu sais, je dirais, les coûts de l'énergie ici, au Québec, il faut être conscient que ça pose un méchant défi aux énergies renouvelables, là.
Ça fait que, dans ce sens-là, moi, je pense que ça va prendre du support, là, tu sais, ça prendre comme un levier pour être en mesure qu'on continue. Parce qu'on ne peut pas rester assis, là, sur ce qu'on a. Oui, on a fait des beaux choix de société, mais là il faut continuer d'aller plus loin, mais ça pose un défi de développer des énergies renouvelables qui vont être compétitives, là. Pour moi, comme agriculteur, là, quand je fais mes choix d'énergie, il y a une question de coûts, là.
Alors, pour s'assurer qu'on va développer ces autres énergies renouvelables là, ça va prendre des programmes pour le favoriser puis qu'éventuellement on va y trouver notre compte, là. Ça fait que vous comprenez que c'est pour ça que... Peut-être qu'on met beaucoup de prudence dans nos propos, mais ils sont relatifs, là, vraiment, à la situation du Québec, les choix de société qu'on a faits. Oui, il faut continuer, mais avec des objectifs responsables et réalistes.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Lacasse, M. Bernier, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la Commission des transports et de l'environnement. Et j'inviterais mes collègues à être diligents dans leurs salutations pour qu'on puisse passer à l'autre groupe. Je suspends quelques secondes pour permettre à l'autre groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 12 h 14)
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Pierre Vézina, directeur, Énergie et Environnement, M. Guy Boucher, vice-président d'environnement pour Domtar. Vous représentez le Conseil de l'industrie forestière du Québec. Je vous souhaite la bienvenue. Peut-être que vous pourriez nous dire le nom de la dame qui vous accompagne et sa fonction. Et ensuite je vais donner la parole... je vais vous donner la parole pour que vous puissiez, en 10 minutes, nous présenter votre position concernant le document qui est à l'étude.
Conseil de l'industrie forestière
du Québec (CIFQ)
M. Vézina (Pierre): Bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, messieurs et mesdames de la commission. Je suis également accompagné de ma collègue Rachel Thibault, qui est directrice adjointe, Environnement, au Conseil de l'industrie forestière du Québec.
La Présidente (Mme Doyer): Merci.
M. Vézina (Pierre): Alors, bon, rapidement... En commençant, je vais vous faire mon «pitch» de vente, comme on dit. Une réalité qui teinte de manière importante la vision de l'industrie papetière québécoise, c'est qu'elle réduit de près de 41 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, grâce, notamment, à une utilisation accrue de la biomasse et des mesures d'économie d'énergie dans les procédés de fabrication. L'année de référence 1990 est au coeur de ces excellents résultats. Selon l'industrie, elle doit être retenue par le Québec.
Pour les fins de cette présentation, nous avons regroupé les éléments importants de nos commentaires sous les thèmes proposés dans le document de consultation.
D'abord, sous le thème des autres principes ou critères que ceux déjà énoncés dans le document de consultation que le gouvernement avait... devrait considérer dans la détermination de la cible des réductions du Québec, il nous apparaît clair que les conséquences économiques et sociales découlant des réductions ou limitations doivent être évaluées. Des principes, comme l'équité entre les secteurs d'activité et les secteurs industriels du Québec, doivent être intégrés en mettant aussi en perspective les réductions passées. L'équité et les conditions de marché dans les différentes juridictions est un enjeu de premier plan pour assurer la compétitivité des entreprises québécoises. Dans le cas contraire, il y aurait déplacement de la production, de nombreuses pertes d'emploi pour le Québec, mais sans réductions.
Toujours en lien avec le principe d'équité, le CIFQ soutient qu'advenant la coexistence de deux instruments économiques, un système de plafonnement et d'échange et une redevance sur les combustibles fossiles, les entités soumises au système de plafonnement et d'échange devraient être exemptées du paiement de la taxe sur le carbone pour les carburants utilisés pour la combustion stationnaire. Sans cette exemption, les entreprises visées seraient doublement pénalisées. Le CIFQ tient aussi à rappeler qu'il est nécessaire que les gouvernements fédéral et provincial s'entendent afin de ne pas soumettre les entreprises, dont celles du secteur des pâtes et papiers, à deux obligations réglementaires. Les membres du CIFQ le répètent encore, ces coûts seraient inutiles et contre-productifs.
Il nous apparaît impératif que le gouvernement documente les coûts et le réel impact économique des cibles de réduction pour le Québec et les entreprises en particulier. Bien sûr, le Québec doit faire sa juste part, mais, pour établir sa cible, une vision d'ensemble sur la situation budgétaire s'impose, puisque, dans les décennies à venir, l'État devra rétablir l'équilibre dans les finances publiques, faire face à des augmentations de dépenses importantes dans la santé, notamment, mais probablement aussi au service de la dette.
Pour l'industrie forestière, il est clair que le gouvernement devrait moduler ses interventions selon les secteurs. Ils n'ont pas les mêmes moyens, tant technologiques que financiers. Il n'est cependant pas simple d'identifier les principes qui guideront cette répartition. Par exemple, la prise en compte de la réalité des secteurs en décroissance nous apparaît importante. La considération des émissions provenant des fermetures d'usines est essentielle dans l'établissement de la cible de plafonnement sectorielle des pâtes et papiers. Il faudrait même envisager que les permis d'émission, à l'horizon 2020, d'installations fermées demeurent la propriété de l'entreprise et qu'elle puisse en disposer sur le marché ou à des fins de conformité en contrepartie d'un engagement d'investissement au moins équivalent dans ses autres usines du Québec.
Pour l'industrie... L'industrie forestière, excusez, connaît des difficultés financières importantes, tant du côté papetier que des produits du bois actuellement. Des éléments conjoncturels, structurels et des modifications comportementales liées à l'évolution des technologies de communication et d'information s'additionnent actuellement pour nuire à la compétitivité des usines. Ces questions devraient être prises en compte dans l'établissement des cibles sectorielles.
Enfin, les membres du CIFQ attendent du gouvernement du Québec un engagement clair pour la reconnaissance de la neutralité des émissions du carbone provenant de la combustion de la biomasse. Cette condition est essentielle à la reconnaissance des efforts passés de l'industrie, mais également pour ses réductions futures.
Quant à la grande question, à savoir: Quelle cible de réduction le gouvernement devrait-il privilégier à l'horizon 2020?, notre réponse est que, devant l'importance de l'enjeu climatique, l'industrie forestière évalue qu'il existe un potentiel de réduction de ses émissions de GES et qu'elle désire participer à cette lutte contre les changements climatiques de manière responsable et dans la mesure de sa capacité financière.
En lien avec l'établissement de la cible du Québec, le CIFQ appuie depuis l'utilisation de... excusez-moi, appuie l'utilisation de l'année 1990 à titre de référence et demande que les réductions atteintes depuis par leurs entreprises soient pleinement reconnues dans l'approche à venir.
La prudence devrait guider l'approche québécoise en proposant une cible raisonnablement accessible et en adéquation avec le profil des émissions québécoises. La fourchette 10-12 % apparaît nettement plus en ligne avec les moyens financiers du Québec. Le CIFQ suggère qu'elle soit revue dans quelques années, soit une fois qu'une analyse approfondie des potentiels et des coûts de réduction des différents secteurs d'activité aura été complétée et que certaines orientations sur le plan international se soient précisées.
Finalement, quelques initiatives qui permettraient au Québec d'atteindre ou de tendre vers la cible choisie. Tout d'abord, il faut que l'on maximise la séquestration du carbone dans les forêts ainsi que dans les produits du bois. Le Québec doit donc s'engager concrètement dans une politique d'utilisation des produits issus de la forêt. Les membres du CIFQ sont convaincus qu'une augmentation du captage du carbone de la forêt et de son stockage dans les produits forestiers durables doit faire partie des moyens pour réduire les émissions nettes de GES pour le Québec.
Il va de soi que le CIFQ est favorable au développement de la filière énergétique utilisant la biomasse, mais dans une approche intégrée de développement de l'ensemble du secteur forestier. Maintenant, je vais passer la parole à M. Boucher pour qu'il nous parle un peu de son expérience et de ce que Domtar a réalisé au cours des dernières années.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Vézina. Alors, M. Boucher.
n(12 h 20)nM. Boucher (Guy): Mme la Présidente, Mme la ministre, membres du conseil... de la commission, je désire vous remercier en premier lieu pour nous donner l'occasion de témoigner dans ce cadre de consultations touchant à la réduction des gaz à effet de serre.
Domtar est le plus grand fabricant intégré et distributeur de papier fin non couché en Amérique du Nord et le deuxième au monde. De plus, Domtar produit du bois d'oeuvre, en plus de gérer des ressources forestières.
Au Québec plus particulièrement, Domtar opère une usine de pâtes et papiers située à Windsor. Cette usine, une des plus modernes en Amérique du Nord, génère des retombées majeures dans la région de l'Estrie avec quelque 4 000 emplois directs et indirects, une contribution économique locale d'environ 170 millions par année.
Au Québec, Domtar exploite également deux scieries et une usine de seconde transformation. Enfin, par son engagement en faveur d'une gestion responsable de la forêt selon les normes les plus exigeantes, particulièrement la certification FSC, Forest Stewardship Council, Domtar est un chef de file dans la production du papier écologique.
Domtar est conscient de l'ampleur du défi touchant les changements climatiques. C'est d'ailleurs un défi que nous avons commencé à relever depuis plusieurs années partout où nous sommes présents, entre autres à notre usine de Windsor. Sous l'angle des changements climatiques, l'usine de Windsor présente une performance exemplaire de réduction des gaz à effet de serre de plus de 44 % entre 1990 et 2008 et de 60 % sur une base d'intensité. Jumelée à cette performance, l'usine de Windsor consomme moins de 38 mètres cubes d'eau par tonne de production, ce qui la classe parmi les plus faibles utilisateurs d'eau de l'industrie de l'Amérique du Nord et, par ce fait même, améliore grandement son efficacité énergétique.
Ces performances sont rendues possibles par une utilisation optimum de la biomasse et la recherche de l'excellence en matière d'efficacité énergétique. En 2008, Domtar est devenue membre du Chicago Climate Exchange, s'engageant de façon formelle et légalement contraignante à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2010.
Je me dois de souligner que Domtar est signataire du communiqué de Copenhague sur les changements climatiques et... qui fait appel à un cadre climatique solide, efficace et équitable. Un cadre solide sous-entend des objectifs basés sur la science et un objectif primaire de réduction des gaz à effet de serre; un cadre efficace sous-entend une approche non prescriptive à un coût-bénéfice optimum; et un cadre équitable sous-entend tenir compte de la compétitivité par secteurs et par produits compétitifs.
Dans un contexte de croissance durable, les principes directeurs de l'élaboration d'une cible doivent essentiellement couvrir les éléments suivants. Premièrement, tenir compte de la compétitivité des marchés et pallier au transfert de production vers d'autres régions. Les...
La Présidente (Mme Doyer): Pardon, M. Boucher, il reste une minute pour conclure.
M. Boucher (Guy): D'accord. Les statistiques démontrent que les produits Domtar de pâtes et papiers sont sujets à une grande compétition internationale qui va en s'accroissant.
Deuxièmement, continuer à promouvoir le développement économique par une approche sectorielle incluant la reconnaissance de sous-secteurs en fonction des produits. Il est opportun de reconnaître trois grands acteurs industriels majeurs, soit: les fournisseurs d'électricité, les fournisseurs d'énergie et le manufacturier. Ce dernier, en amont, risque de subir toutes les charges de ses fournisseurs sans pouvoir autant retransmettre ces charges en aval. Et ceci serait d'autant plus vrai pour nos produits sujets à compétition internationale. Un autre joueur important est celui du transport qui aura un impact similaire. Il faut éviter l'effet des jeux de dominos.
Troisièmement, les actions hâtives sont capitales et primordiales dans ce sens qu'une usine comme Domtar, qui est reconnue pour sa performance environnementale, est sujette à une réduction... si elle est sujette à une réduction similaire à une usine n'ayant pas démontré une réduction des gaz à effet de serre, nous exposerait à des coûts-bénéfices hors proportion et aurait un impact négatif sur la compétitivité, sur notre compétitivité.
Quatrièmement, la reconnaissance de la neutralité de la biomasse. Pour Domtar, l'usine de Windsor émet plus de 92 % de ses gaz à effet de serre à partir de la biomasse. Cette reconnaissance doit être maintenue.
Et finalement, l'allocation de crédits doit se faire dans un contexte de compétitivité. Les États-Unis discutent d'une allocation gratuite pour le secteur des pâtes et papiers, et le Québec se doit d'emboîter le pas.
Le tout vous est soumis respectueusement, Mme la Présidente, et soyez assurée de la collaboration de Domtar dans l'élaboration de cibles équitables pour son secteur. Merci.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Vézina, M. Boucher, Mme Thibault, merci. Et je vais donner la parole à Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci, et bienvenue donc à vous trois, pour un mémoire qu'on doit lire et des interventions qu'on doit écouter avec d'autant plus d'attention que l'on connaît tous les enjeux, on pourrait dire les difficultés, que doit traverser votre industrie.
Je veux mettre en lumière votre... et peut-être que je fais trop d'économie de mots, mais je dirais que je résumerais... si j'avais à résumer votre mémoire en un mot, j'utiliserais le mot «prudence». J'ai l'impression que, dans votre mémoire, il y a un très grand appel donc à la prudence. Vous nous invitez à adopter une cible de 10 % à 12 % de réduction de gaz à effet de serre. Vous ajoutez à cela un appel à la prudence, même en nous invitant d'examiner si ce n'est pas possible d'y aller par étapes, et je reviendrai sur cet élément. Mais vous comprenez, je pense, donc pourquoi je me dis: L'impression qui se dégage de votre mémoire, pour moi, c'est la notion de prudence.
Or, hier, dans la journée d'hier, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion soit de l'écouter ou d'avoir des échanges, mais on a reçu les gens de la Coalition Bois, et moi... et encore là, peut-être que je vais faire trop d'économie de mots, mais je vous dirais que l'impression dégagée par les intervenants, des représentants de cette coalition ? dont vous faites partie, si je ne me trompe pas ? était plutôt un message, bien honnêtement, là ? je résume ainsi ? non pas un appel à la prudence, mais plutôt un appel à un très fort leadership que pourrait exercer le Québec, puisqu'hier ils nous ont dit, à cette table, que, selon eux, et sur un horizon de 2020 ? parce qu'on leur a fait préciser ? selon eux, juste des interventions dans le secteur du bois pouvaient équivaloir à des réductions de 15 mégatonnes de GES.
Une voix: ...
Mme Beauchamp: Pardon?
M. McKay: ...de 15 à 30.
Mme Beauchamp: Oui, mais quand on leur faisait préciser sur l'horizon de 2020, ils ont dit: La moitié, 15 mégatonnes.
Moi, là, je vous pose la question: On écoute qui? C'est-à-dire je suis... Vous comprenez qu'en quelques heures à peine Coalition Bois, puis là, vous, de l'industrie forestière, j'ai comme deux signaux qui, à mes yeux à moi, apparaissent un peu contradictoires ce matin. Donc, je veux vous entendre. Comment je réconcilie les deux positions entre une espèce de signal qui dit: Il y a de très grandes possibilités puis...
Quand je me fais dire par un secteur que je peux aller chercher quasiment toutes mes réductions d'une cible de moins 20 %, et vous qui m'invitez à être à moins 10 % et à moins 12 %, j'avoue que j'essaie, là, de bien, bien saisir les enjeux reliés à votre industrie, puis donc... et donc la capacité de votre industrie de réduire... de participer à la réduction des GES au Québec.
La Présidente (Mme Doyer): M. Vézina.
n(12 h 30)nM. Vézina (Pierre): Oui. Ça va me faire plaisir de répondre à cette question-là. Écoutez, je pense qu'au départ vous avez tout à fait raison, notre mémoire, il est empreint de prudence et, comme on l'a déjà mentionné, c'est peut-être teinté avec un peu les conditions dans lesquelles nous devons opérer actuellement, d'une part.
Mais je vous dirais qu'il n'y a pas de contradiction fondamentale entre ce que la coalition est venue vous présenter et notre position. Si vous remarquez, dans notre mémoire, il y a de nombreuses pages sur la question de la séquestration, que ce soit tant dans l'aménagement forestier que du côté des produits du bois. Ce que je note, c'est que, dans l'enthousiasme de la coalition, ils ont teinté, je dirais, leurs objectifs de volontés qui ne sont pas encore complètement arrêtés et qui feront l'objet de discussion dans les prochains mois et dans les... peut-être même les prochaines années.
Alors, il n'est pas encore évident que l'ensemble des scénarios qui sont avancés, quant à un changement quand même profond dans la façon de comptabiliser le carbone dans les produits du bois séquestré par rapport à ce qu'on connaît actuellement, dans le cadre de Kyoto, devrait s'opérer. Mais tant qu'on ne sait pas qu'effectivement il va s'opérer ou pas, je vous dirais... Écoutez, nous, on reste prudents face à ça.
Remarquez aussi que ces questions-là sont vraiment toutes récentes et que la position de l'Union européenne devra être aussi débattue. Mais, là-dessus, j'inviterais le gouvernement du Québec à y aller à fond, puisqu'on est tout à fait là, nous aussi, dans le sens où la reconnaissance du carbone séquestré dans les produits du bois nous semble une avenue formidable pour réussir à atteindre des objectifs plus importants.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: J'ai l'impression... Mais je regrette peut-être que je n'ai pas eu l'occasion et nous n'avons pas eu l'occasion de poser aussi directement la question, hier, à la coalition du bois. Je n'ai pas posé la question: Est-ce que vous êtes favorables à une cible de moins 10 % ou moins 12 %? Mais l'état de... comme vous disiez ? je pense que je vais emprunter votre mot ? leur enthousiasme m'amène à penser qu'ils n'auraient pas dit: Ça, c'est la bonne cible. Je ne leur ai pas posé la question, mais je... dans leur intervention, je ne crois pas qu'ils nous incitaient à adopter des cibles à moins 10 % et à moins 12 %.
Vous, par ailleurs, vous avez pris la précaution de dire: Les choses évoluent donc très, très, très rapidement, notamment sur cette question de la reconnaissance de la séquestration de carbone par le bois. Mais est-ce que, vous, par ailleurs, vous nous confirmez qu'avec toutes les conditions que vous venez de dire, à savoir que ce soit bel et bien reconnu dans la négociation internationale qui a cours en ce moment, est-ce que, vous, malgré cette condition, est-ce que vous nous confirmez les chiffres de la coalition d'hier, à savoir que vous estimez que, si toutes les conditions étaient en place, vous estimez que c'est un potentiel de 15 mégatonnes d'ici 2020?
La Présidente (Mme Doyer): M. Vézina.
M. Vézina (Pierre): Malheureusement, on n'a pas eu l'occasion de faire les chiffres qui ont été réalisés par la coalition. Écoutez, on est quand même... on a été très récemment informés de ces discussions-là, hein, et la rédaction du mémoire s'est faite sur les conditions actuelles que l'on connaît et qui sont négociées ou entendues internationalement. Qu'il y ait un potentiel de 15 mégatonnes, écoutez, c'est possible. Maintenant, j'imagine qu'ils ont fait l'exercice de la manière correcte. Ça reste qu'on vit avec des partenaires, des partenaires américains, entre autres, et européens, et que, dépendamment des orientations, on prendra... Parce que, là, on parle ici, aussi, de WCI, de partenaires d'États américains, dans laquelle... coalition dans laquelle le Québec se retrouve. Il faut que l'ensemble des discussions et des décisions qui pourraient être prises même, à la limite, par l'Europe ou d'autres pays le soient également par les États-Unis pour reconnaître qu'effectivement le crédit irait au producteur plutôt qu'à celui-là qui l'utiliserait. C'est un changement, vraiment, d'approche. Et sur le plan international, actuellement, même la séquestration du carbone dans les produits du bois n'est pas reconnue, hein, c'est bien clair.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Oui. Bien, je pense que... C'est ça, je disais que vous... C'est donc un appel à la prudence. Vous faites bien de redire: C'est en négociation, mais qu'au moment où on se parle, effectivement, ce n'est pas reconnu. Puis il y a... il y a aussi deux visions des choses, hein, c'est que le producteur se voit reconnaître les crédits carbone, puis il y a une autre vision, si je peux me permettre, qui dit que, si c'est... je vais appeler ça l'acheteur, là, pour les fins de la discussion, c'est un bon incitatif au développement de marché, qui a ses impacts économiques positifs pour celui qui propose le bois. Donc... Mais je comprends que votre position à vous, comme industrie, est de dire: Nous, on serait plus favorables que... non seulement que ce soit reconnu, la question de la séquestration de carbone dans le bois, mais que les crédits aillent aux producteurs.
Je pose la question parce que je veux enchaîner sur... C'est M. Boucher, vous faisiez référence dans votre intervention à toute la question de la compétitivité internationale puis au fait que c'est additionné, je dirais, au fil du temps, à beaucoup, beaucoup d'enjeux et de critères, je vais appeler ça comme ça, là, des éléments faisant partie même d'une certification des produits du papier. Vous y avez fait référence, là, rapidement. Certains vont dire que d'être situé sur le territoire d'un État qui est exigeant en termes de développement durable, qui impose des conditions dans les aménagements durables de la forêt, etc., que ça... à la fin, que l'établissement de ces critères d'une économie plus verte devienne des avantages commerciaux parce qu'il y a maintenant un niveau d'attente de la part des consommateurs, non seulement les particuliers, mais j'entends bien les acheteurs, les autres acheteurs industriels, que les produits qu'on achète proviennent donc d'une industrie capable de démontrer le respect de toute une série de règles environnementales.
Je vous pose la question en disant: Vous nous invitez à la prudence. Certains autres intervenants, ici, ont dit: Mais non, c'est un appel au développement d'une économie sur des bases plus vertes, et allons-y à fond parce que ça va devenir un avantage même compétitif d'être capable de dire que notre produit est...
Illustrons ça carrément par la notion du prix carbone, là, en disant: Bien, on va être capables de dire, au Québec, que notre produit est fait sur un territoire où c'est de l'hydroélectricité, où c'est... un territoire où on respecte le Protocole de Kyoto, où on a des cibles très ambitieuses de réduction puis que ça pourrait se refléter dans une forme de prix carbone ou de certification des produits.
Qu'est-ce qu'on doit écouter? Quelles... Je dirais, quelles orientations devons-nous entendre? Puis quelles sont les... Je comprends bien votre message à la prudence, là, je veux être bien claire, je le comprends très, très, très bien, mais je veux juste vous entendre sur... Par ailleurs, plein de groupes environnementaux, notamment, nous demandent de plutôt envisager ça comme étant des opportunités, non seulement une nécessité environnementale, mais des opportunités économiques qui se dessinent derrière des cibles qui seraient plus ambitieuses que celles que vous nous suggérez. Pouvez-vous commenter cela?
La Présidente (Mme Doyer): M. Boucher.
M. Boucher (Guy): Oui. Je le positionnerais de cette façon-ci. L'industrie est confrontée à deux grands défis au niveau environnement, vis-à-vis sa clientèle internationale, nationale et locale. Un, c'est la pérennité, en fait, de la forêt, de s'assurer que la forêt est soutenable, un, qu'il y a un certain respect de la biodiversité, etc. C'est une grande demande qu'on a de nos clients. C'est pour ça qu'on a pris l'engagement, chez Domtar, de se certifier FSC, c'est pour ça même que nos produits sont homologués par WWF puis Rainforest Alliance, deux groupes verts très connus qui ont endossé. On s'est aperçus, dans cette pratique-là, que même nos clients se sentaient plus confortables d'avoir cet endossement-là que la certification comme telle. Alors, on certifie une certification.
Alors, jusqu'où on y va, je ne le sais pas, mais il y a encore ce dilemme et cette perception, en Amérique du Nord, que les forêts d'Amérique du Nord ne sont pas soutenables. Nous, la science nous le démontre autrement, nos activités sur le terrain nous le démontrent autrement, mais la perception continue à exister. C'est clair qu'il faut avoir un appui, et ça aide, d'avoir un appui du gouvernement, d'avoir une réglementation qui permet cet encadrement des certifications beaucoup plus facilement.
Je vais donner un exemple très simple. Dans l'État du Wisconsin, qui... où l'industrie forestière est très présente et très active, eux, il y a deux ans, ont décidé que toutes leurs forêts devaient être certifiées FSC. Ils l'ont fait pour la protection de leur industrie, fondamentalement. Et il faut continuer cette avenue qui est très... extrêmement importante.
Sur le côté des changements climatiques, on voit tranquillement des produits qui sont classifiés, entre guillemets, carbone neutre, là. Est-ce que notre clientèle est... recherche ça? En général, ils commencent à chercher ça. Ce que nous nous avons aperçu, c'est que tous les sondages démontrent que les gens veulent tous des produits plus verts. Ce que les sondages ne démontrent pas, c'est que les gens ne sont pas prêts à payer plus cher pour un produit plus vert. Alors, il faut tranquillement s'intégrer dans cette approche-là. Nous, on a l'approche produit; tout ce qu'on fait et on pense est en fonction de notre clientèle. Et, oui, la demande commence à s'accroître, mais à petite échelle, si je peux dire. Mais c'est une démarcation qu'on a utilisée dans le passé puis qu'on va continuer à faire. On n'a pas de produit actuellement carbone neutre, mais on a la possibilité de le faire, si on regarde la performance de certaines de nos usines.
Alors, dans ce sens-là, quand j'écoute les groupes verts, c'est oui. Nous, le défi qu'on a lorsqu'on leur parle, c'est: Est-ce que vous achetez plus de papier chez nous? Puis on ne le voit pas tout le temps. Alors, il faut que les discours concordent avec ce qui se passe vraiment sur le marché. Ça se développe, ça s'en vient, c'est une opportunité, oui. Je crois que l'industrie peut être protégée lorsqu'elle... si elle peut rendre ses produits plus verts ou de perception plus verte. Mais fondamentalement, je pense, c'est une chose qui doit évoluer tranquillement, par opposition à dire que, demain matin, ça va arriver. Mais, oui, la tendance est là.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre, question courte, réponse courte.
n(12 h 40)nMme Beauchamp: Oui. C'est parce que vous venez de dire, donc: Ça évolue dans le temps, et vous nous invitez, dans votre mémoire... Vous êtes un des premiers à le faire, à dire que ça devrait être par étapes, l'adoption d'une cible québécoise. D'autres vont plutôt... ont peut-être plus fait allusion au fait de dire que ça pourrait être accompagné de conditions. Tu sais, je vous donne un exemple, on vient d'avoir un échange sur: Si c'est reconnu, la séquestration du carbone dans le bois, ça change les perspectives, etc. Mais, vous, vous mettez ça en termes d'étapes dans le temps.
Je voudrais vous entendre un petit peu plus sur cette optique-là, d'autant plus que je me dis: 2020, dans mes yeux à moi, là, 2020, c'est demain matin. Le temps de mettre un vrai plan d'action avec des vrais moyens financiers pour atteindre une vraie cible pour 2020, est-ce que j'ai vraiment le temps... tant de temps que ça pour y aller par étapes, en termes chronologiques, là? Ça fait que je veux... je veux vous écouter sur cette perspective-là que vous nous proposez.
La Présidente (Mme Doyer): M. Vézina.
M. Vézina (Pierre): Oui, d'accord. Pourquoi on la propose par étapes? Parce qu'effectivement il y a des choses qui vont évoluer; parce qu'actuellement on est dans une crise économique; parce que, dans un horizon, on le souhaite, pas si lointain, peut-être que le positionnement de l'industrie sera meilleur, mais le positionnement de l'économie en général sera meilleur.
Je vous comprends de dire que 2020, c'est demain matin, je suis tout à fait d'accord avec vous. D'ailleurs, cet horizon-là malheureusement est, pour certaines technologies, finalement à beaucoup trop court terme. Si on regarde, de manière plus spécifique, le transport, il y a des transformations vraiment très profondes qui s'annoncent puis qui se préparent dans le transport, et, d'ici cinq ans, on va commencer à les voir arriver, sauf qu'à l'horizon 2020 elles n'auront pas été pleinement adoptées. Et ça, ça peut changer de manière très significative le portrait de ce qui va se passer dans le secteur du transport, que ce soit au Québec ou ailleurs.
Donc, c'est un peu dans cet esprit-là. On dit: Bon, il faut... il faut s'adapter au fur et à mesure que les opportunités technologiques s'amènent, mais également des grands résultats des négociations internationales, particulièrement sur la question de la séquestration du bois dont on... du carbone dans les produits du bois. Donc, tout ça, c'est des choses qui vont évoluer dans le temps, et c'est pour ça qu'on vous invitait... on disait: Bon, bien, actuellement, là, dans le contexte, on aura beaucoup de... c'est-à-dire que le Québec puis les Québécois, qui vont devoir en bout de ligne payer, hein ? il y a quelqu'un qui doit payer ? donnons-leur... donnons-nous un peu une... un peu de temps pour voir venir tout ce qu'il y a sur la table.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Vézina. Alors, je passerais à l'opposition officielle. M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Et bonjour à vous, merci de venir aujourd'hui contribuer à ces travaux.
Peut-être commencer avec M. Boucher, parce que, chez Domtar, bon, vous avez pris... vous nous avez fait part d'initiatives quand même très intéressantes, notamment en ce qui concerne, bon, la certification FSC, là, pour la forêt et vos produits du bois. Il semble que ça porte fruit, cette stratégie donc de... ou ce choix d'aller dans ce sens-là.
Moi, je voudrais savoir... Parce qu'on parle, d'une part, de la difficulté de pouvoir investir dans le... dans, disons, la protection de l'environnement, là, entre guillemets, dans votre industrie, dans votre secteur industriel, et, d'autre part, vous nous avez mentionné que la performance que vous atteignez aujourd'hui, c'est justement grâce au fait que vous avez... vous avez fait ces choix-là dans le passé, entre autres au niveau énergétique, vous avez optimisé la performance.
Donc, comment... comment est-ce qu'on doit voir ça? Est-ce que d'investir... donc de faire ces choix-là, ça vous a mis dans une mauvaise position par rapport à la concurrence ou est-ce que ça vous a mis plutôt dans une bonne position, maintenant que, vous, vous avez pris les devants par rapport aux autres?
M. Boucher (Guy): Dans une usine, il faut...
La Présidente (Mme Doyer): M. Boucher.
M. Boucher (Guy): Oui, Mme la Présidente. Dans une usine, il faut regarder son ensemble. Et puis l'usine de Windsor, qui est très fière de sa performance mais fondamentalement aussi très fière des produits qu'elle fait, dans ce cadre-là, elle a baissé sa consommation d'eau, qui a un effet sur l'énergie, elle a optimisé le tout, et c'est relié à un coût. Je ne nierai pas qu'il y avait un retour sur investissement de toutes ces activités qui ont été entreprises. L'industrie aussi... Chez nous, chez Windsor, c'est certain, parce qu'il a un aspect régional lié à tout ça, c'était la disponibilité de la biomasse pour l'utiliser à son maximum. Alors, comme j'ai dit tout à l'heure, sur les 100 % de gaz à effet de serre émis à cette usine-là, 92 % vient de la biomasse. On a transféré l'utilisation de mazout à la biomasse, on a maximisé cette utilisation-là parce qu'on contrôlait cette matière première là, dans un premier temps; deuxièmement, ça nous rendait plus compétitifs au niveau des coûts aussi, à court terme. Alors, on a maximisé cette usine qui est, un, moderne, deux, efficace.
Au niveau... sur une base d'Amérique du Nord, sur le comparatif que nous avons, elle se classe parmi les quatre premières... les cinq premières en Amérique du Nord, en termes d'efficacité. Alors, on a fait un grand bout chemin, on avait la capacité de le faire, on avait l'endroit ou la localisation pour pouvoir le faire puis on a optimisé tous ces intrants-là de façon à arriver avec les résultats qu'on a aujourd'hui, par une grande diminution.
Si je me retrouve à définir, en 2006 ou en 2008, que... Laissez-moi me replacer d'une autre façon. Je voyais, dans les dernières années, les années de base changer. À un moment donné, on parlait de 1990, on parlait de 2000, on parlait de 2005, on parlait de 2006. On ne s'est pas fiés à ces références-là, parce qu'on a fait ce qu'on devait faire dans l'usine de Windsor, s'assurer qu'elle est compétitive, qu'elle demeure compétitive et aussi retirer davantage sur un plan performance globale. Si on fait des références à 2006, là, Windsor, tout d'un coup, se met dans le... en difficultés, surtout par rapport à ceux qui n'ont rien fait jusqu'ici ou qui ont décidé de faire des choix ailleurs qu'où Domtar a voulu les faire. Puis on était conscients des problèmes... de la problématique des changements climatiques. Chez nous, depuis 1997, on fait des calculs des émissions à effet de serre dans chacune de nos usines. Alors, on connaît par coeur d'où vient... d'où proviennent les intrants, les émissions de gaz à effet de serre, dans chacune de nos usines. Ce n'est pas un mystère, puis on le dit publiquement, c'est quoi, comme réponse.
Donc, ce qu'on a peur, nous autres, c'est de voir des changements puis pas de reconnaissance des actions hâtives et dire: Mais tout d'un coup c'est un peu... Je donnais l'exemple à quelqu'un justement, hier, qui me disait: C'est un peu comme si, moi, je venais d'acheter une Prius puis je faisais six litres pour le 100 kilomètres, puis j'ai mon voisin qui est à 15 litres du 100 kilomètres, puis sa voiture, il en prend soin, etc., puis là, tout d'un coup, on me demande... on dit: Bien, faites-en donc un peu plus, mais ma technologie m'a poussé à l'extrême, puis je n'ai plus de place, j'ai tout changé ce que je devais changer pour être au diapason avec les objectifs de Kyoto, fondamentalement, et même plus.
Alors, nous, je veux dire, comme résultat final, Windsor, c'est de devenir compétitive pour deux raisons fondamentales, aussi: pallier au taux de change et au coût de la fibre, extrêmement élevé au Québec. Les données le démontrent, je veux dire, on... c'est le cas. Alors, forts de ça, il fallait au moins contrôler son énergie et l'efficacité de nos systèmes.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Vézina, je pense que vous vouliez compléter.
M. Vézina (Pierre): Oui. Bien, peut-être un petit complément de réponse. C'est intéressant de voir qu'est-ce qui s'est fait à l'usine de Windsor, quand même une des dernières grandes usines construites au Québec. Il faut dire que, si on regarde les chiffres de l'ensemble de l'industrie, c'est près de 41 %, on l'a mentionné, à l'horizon 2006, qui... entre 1990 et 2006, qui a été réussi. Donc, c'est un résultat quand même enviable, et pour l'ensemble de l'industrie. Tout le monde a fait des efforts, on a augmenté l'utilisation de la biomasse. Et ce qu'on vous dit... Puis ce document-là, il met la table aux négociations sectorielles, c'est bien clair pour nous, mais ce qu'on vous dit, c'est que, oui, on peut probablement faire encore un petit bout de chemin. On a beaucoup fait, mais, comme Guy vient de le mentionner, s'il fallait que l'année 2005 ou 2006 devienne notre référence, eh bien, malheureusement, on aurait assez peu de résultats à présenter.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
n(12 h 50)nM. McKay: Oui, merci. Bien, pour faire un parallèle avec ce que la ministre mentionnait tout à l'heure, parce que vous semblez... bon, vous plaidez en faveur, les deux ensemble, là, pour une cible évolutive, alors que, dans le fond, lorsqu'on vous écoute, c'est peut-être plutôt une cible conditionnelle, dans le sens où, bon, vous optez ? puis on peut vous comprendre, très bien vous comprendre, dans la situation difficile dans laquelle se trouve l'industrie actuellement ? pour la prudence, sauf qu'en même temps les critères que vous... que vous... que vous énumérez, en partie, sont déjà couverts, en tout cas dans le système que le gouvernement du... que la loi n° 42 met en... que nous avons adoptée en juin, met en place le cadre général, donc, pour le système de plafonnement et d'échange. Et tous les éléments, je vous dirais, sont là pour répondre positivement aux craintes que vous... que vous énumérez. Naturellement, ce n'est pas encore traduit en règlement, et ça, bien, je pense que le gouvernement, sûrement, entend le fait qu'il faudra que les règles du jeu se clarifient le plus rapidement possible, mais à tout le moins, je vous dirais, on a mis en place les balises pour qu'il puisse y avoir justement des...
Bon, on base le système sur 1990, donc il y aura une reconnaissance pour les gestes précoces, il y aura aussi des mesures de protection pour l'industrie qui est sujette à la compétition. Donc, ce que je comprends, en tout cas, c'est qu'il faudrait qu'on puisse voir cette réglementation-là ou au moins des signaux peut-être plus clairs... pardon, de la part du gouvernement, dans le sens... dans la direction dans laquelle ils veulent aller.
Une des choses que je tentais de mettre aussi en lumière avec ma question précédente, c'est... C'est vrai que les investissements que vous avez faits, donc, puis vos concurrents ne les ont pas faits, ça fait en sorte qu'il pourrait y avoir un déséquilibre. Par contre, le fait que, vous, vous les ayez faits, ces investissements... Par exemple, bon, vous avez mentionné... vous avez converti, au point de vue énergétique, du mazout à la biomasse. Bien là, à partir du moment où on va voir... Et, bon, c'est une incertitude pour l'instant, c'est un risque pour l'instant de voir le prix des produits pétroliers augmenter, mais c'est un risque, disons, qui apparaît quand même relativement certain, là. En tout cas, les prévisions les plus récentes montrent que, de 60 $ le baril, on est rendus plutôt autour de 100 $, et peut-être entre 100 $ et 120 $, donc presque le double. À ce moment-là, votre usine va se trouver dans une position concurrentielle avantageuse par rapport à ceux qui sont demeurés... qui n'ont pas fait ces investissements-là dans le passé.
Donc là, ce à quoi on nous invite ou certains nous ont invités, incluant la Coalition Bois, c'est de se dire: Bon, bien, essayons de... développons, mettons-nous dans les pays qui ont des cibles ambitieuses, qui misent justement sur la carboneutralité du bois, d'énergies renouvelables. Et on a déjà l'hydroélectricité, mais on a tout le potentiel de la biomasse qui pourrait s'y ajouter. Donc, si on voyait les bémols ou les précautions auxquelles vous nous appelez, là, à... que vous nous appelez à prendre en compte, est-ce qu'on pourrait plutôt les... parler d'une cible conditionnelle, c'est-à-dire de mettre... Si les mesures sont effectivement mises en place pour faire en sorte que l'industrie forestière puisse profiter de ce nouvel environnement économique, là, qui serait une économie à faible teneur en carbone, est-ce qu'à ce moment-là une certaine partie de vos... de votre prudence tomberait, ou de votre appel à la prudence?
La Présidente (Mme Doyer): M. Vézina.
M. Vézina (Pierre): Alors, écoutez, vous avez bien raison de mentionner les incertitudes. C'est, dans un premier temps, une partie, je pense, que l'on considère importante, de savoir comment va évoluer le cadre réglementaire. Ça fait maintenant plus de 10 ans que je bourlingue dans les questions de gaz à effet de serre. On a vu, au fédéral, passer toutes sortes de choses, on a négocié avec le fédéral, en bout de ligne, des choses qui n'étaient pas du tout ce qui à l'origine était prévu. Donc, vous comprendrez à ce moment-là notre crainte et les incertitudes.
En plus de ça, il faut voir que, quand même, les modalités d'un système de plafonnement et d'échange, bien qu'elles acceptent, bon, peut-être les actions passives... actives, excusez, et d'autres aspects, l'utilisation de la biomasse, il reste que ça coûte cher à implanter, et il y a des coûts inhérents aux systèmes de validation, de vérification, de transaction. Tout ça entraîne des coûts très nets, là, et évidents pour les entreprises, coûts dont on ne connaît pas encore exactement la nature, c'est certain. Répartition du fardeau entre les différents secteurs, également secteurs industriels, mais secteur de l'économie aussi, sont des éléments qui sont effectivement amenés dans le cadre de la loi mais pour lesquels actuellement on n'a vraiment aucune indication de... quant à la charge ou le fardeau que chacun des secteurs industriels auront à faire face.
Donc, vous comprendrez que, nous, notre position, c'est de dire: Bon, avançons là-dedans; quand on aura peut-être une vision un peu plus claire de l'ensemble des éléments, bien là, on pourra probablement plus facilement donner notre appui à des cibles qui seraient plus élevées.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, je ne sais pas si...
M. Boucher (Guy): Est-ce que je pourrais ajouter juste un point?
M. McKay: ...M. Boucher voulait compléter.
M. Boucher (Guy): Je pense qu'il ne faut pas oublier, lorsqu'on définit l'industrie forestière, c'est extrêmement large, puis il y a plusieurs activités qui se déroulent à l'intérieur et non nécessairement directement connectées. Lorsqu'on regarde le cycle de vie d'un produit qui part de la forêt, qui, au Québec, en général à 70 %, va passer par les scieries, ensuite les copeaux vont se rediriger au niveau des pâtes et papiers, ensuite il va y avoir les... Alors, chaque secteur ou chaque activité a une dimension différente et des possibilités et des défis différents.
Alors, ça fait partie un peu de la notion de prudence. Je veux dire, je n'ai pas de problème, moi, si quelqu'un vient me dire ici: Je crois que je peux aller chercher x mégatonnes en la forêt. Moi, je peux dire que cette forêt-là ne fournit pas nécessairement les fibres que j'ai besoin pour l'usine. Alors, je l'entends, je peux respecter tout ce qu'il mentionne, je lis les rapports comme bien des gens, mais sa dynamique et comment l'amener à pouvoir réaliser ça, comment elle va me toucher, je ne le sais pas.
Alors, l'effet de... Regarder en silo, c'est dangereux, et, comme j'ai parlé au début, l'effet domino est aussi extrêmement important. Alors, si nous sommes le dernier, au niveau de la pâte et papiers, le dernier au bout de la chaîne, mais... quel est l'impact qu'il va y avoir sur les scieries, qu'il va y avoir sur la foresterie au niveau des pâtes et papiers, je ne le sais pas.
Puis je vais aller encore plus loin pour un peu mélanger un peu tout... je peux vous dire que le carbone est aussi dans la feuille de papier, il n'est pas juste dans le deux-par-quatre. Alors, si on veut parler du papier aussi, je suis bien ouvert à avoir cette discussion-là de produits de bois. Je veux dire, le CO2 va disparaître de cette feuille-là seulement qu'une fois qu'il est brûlé ou décomposé. Alors, il y a encore un peu de science à jouer alentour de ça, mais je pense que ce qui nous fait aussi très peur, si je regarde les différents secteurs, puis même nous, au niveau papier impression, papier blanc... Et ceux qui produisent le papier journal ont des marchés différents, donc une dynamique différente et un procédé différent. Alors, on peut parler de l'industrie en général, mais il y a beaucoup d'intrants à considérer. C'est ce qui nous rend un peu, je dirais... pas nerveux, mais...
M. Vézina (Pierre): Prudents.
M. Boucher (Guy): ...prudents.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption, il vous reste 1 min 30 s.
M. McKay: Oui. Bien, c'est une petite question très pointue, parce qu'on parle justement d'objectifs à long terme, et tout ça, mais il y a peut-être certaines mesures relativement simples qui nous permettraient aussi de continuer à avancer au niveau de l'amélioration de la performance énergétique. Parce que je sais... Dans ma vie antérieure à ma vie de parlementaire, j'étais dans le domaine justement de la mise en marché de procédés environnementaux, disons, un peu novateurs, entre autres pour mettre en valeur les boues des stations d'épuration, qui peuvent devenir des combustibles. C'est de la matière organique qu'actuellement on enfouit, en général, ou qu'on brûle mais qui pourrait servir, qu'on incinère mais qui peuvent servir. Mais malheureusement, comme il y a beaucoup d'eau, le potentiel calorifique n'est pas... n'est pas suffisant, il faut les sécher. Et dans... et avec différents procédés que nous avions envisagés ? et c'était à votre usine de Domtar, là, mais j'ai eu le même cas ailleurs, avec d'autres entreprises ? le retour sur l'investissement, même lorsqu'on arrive proche de un an, des fois, la situation de l'industrie est tellement difficile que, lorsqu'on parle de montants élevés, là, en capitaux, c'est quand même des projets de quelques millions de dollars.
Est-ce qu'il y a... vous voyez une mesure, par exemple une mesure fiscale, qui pourrait permettre de stimuler, dans le contexte actuel, la... de continuer à stimuler l'innovation et vous permettre de continuer à investir pour améliorer votre performance?
n(13 heures)nLa Présidente (Mme Doyer): Très courte réponse, messieurs, madame.
M. Boucher (Guy): Oui. Je veux dire, je crois que...
M. McKay: ...
M. Boucher (Guy): Je crois que les défis... je crois que les défis, dans tous les objectifs, sont justement l'enlignement. Alors, c'est beau d'avoir un objectif, mais il n'y a pas de doute que la recherche et développement fait partie de l'équation, l'équation fiscale aussi fait partie de l'équation, et la compétitivité, et les trois doivent s'enligner de façon à pouvoir optimiser l'utilisation de l'énergie... d'énergie verte ou de créer l'énergie verte. Alors, nous, dans nos discours, souvent... Puis je ne l'ai pas fait juste au Québec, en Ontario puis aux États-Unis. On me dit: Parlez-moi pas de la fiscalité, on est ici pour parler changements climatiques. Bien, je m'excuse, je crois qu'ils se marient ensemble, puis les politiques qui sont prises, que ce soit la réglementation, que ce soit... je vais utiliser le mot «subvention», mais il faut faire attention avec NAFTA, mais de tous ces programmes-là, ça prend un enlignement. Puis l'aspect fiscal...
La Présidente (Mme Doyer): C'est terminé.
M. Boucher (Guy): ...c'est bon, mais, comme disait un CEO d'une compagnie, si on n'a pas d'argent, la fiscalité n'aide pas non plus.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Vézina, M. Boucher, Mme Thibault, je vous remercie.
Et je suspends la commission jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Doyer): Alors, mesdames messieurs, bonjour. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du document intitulé Le Québec et les changements climatiques ? Quelle cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020? Et je demanderais aux personnes qui représentent ENvironnement JEUnesse de prendre place pour que la séance puisse débuter. Alors, M. Jérôme Normand, qui êtes directeur général, et Mme Amélie Côté, agente de mobilisation d'ENvironnement JEUnesse, à vous la parole et bienvenue à la commission.
ENvironnement JEUnesse inc. (ENJEU)
M. Normand (Jérôme): Merci. Bonjour à tous et à toutes. Alors, ENvironnement JEUnesse, c'est un organisme d'éducation relative à l'environnement national, qui travaille avec les jeunes depuis 1979. On essaie d'apprendre de fois en fois de nos présentations, et donc on va essayer d'être très concis et rapides pour présenter l'essentiel de nos recommandations, donc un survol de nos recommandations qui sont à travers le mémoire, puis on va vous laisser évidemment nous poser des questions par la suite.
Donc, d'abord, un petit point sur la démocratisation du processus de consultation. On voulait juste signifier que le communiqué qui a annoncé la tenue de la commission a été émis à moins de un mois de la présentation, donc un délai très court pour des organismes comme le nôtre, où bien souvent c'est des bénévoles qui font la recherche et qui rédigent les mémoires. Et l'autre aspect, c'est... Vous le savez tous, on aime beaucoup venir vous présenter nos positions, et cette fois-ci on n'avait pas été invités à le faire. Donc, on se demandait quels étaient les critères qui déterminaient que, d'une fois à l'autre, on soit ou on ne soit pas invités, et vous signifier à nouveau notre grand intérêt à vous présenter nos positions.
Mme Côté (Amélie): Alors, plus directement, pour expliquer un peu le contenu du document, du mémoire qu'on a rédigé, tout d'abord, concernant les quatre scénarios qui avaient été présentés dans le document de consultation, étant donné que les cibles étaient de 12 %... 10 %, 12 %, 15 % et 20 % de réduction d'émissions de GES, alors que le GIEC s'entend pour dire que les cibles doivent être de 25 % à 40 % par rapport aux émissions de 1990, ENvironnement JEUnesse n'a pas nécessairement... ne s'est pas positionné pour un des scénarios qui étaient proposés. On vous propose plutôt qu'il y ait donc une réduction de 30 % des GES qui soit ciblée d'ici 2020 et que, s'il y a une entente qui est signée à Copenhague, qu'on s'engage, à ce niveau-là, à suivre le niveau qui va être fixé par rapport à ça.
Alors, on pense que le Québec a donc des avantages quand même compétitifs très importants, donc, notamment: la population qui est très éduquée et conscientisée, une économie du savoir à développer. Et donc on a beaucoup de sources d'énergie renouvelable, donc ce serait intéressant de développer à ce niveau-là. Il ne faut pas voir ça non plus comme une dépense que d'essayer de développer l'économie... Excusez-moi.
Une voix: ...
Mme Côté (Amélie): Alors, par rapport aux différents secteurs, on a décidé de ne pas nécessairement hiérarchiser les priorités, mais de plutôt... que l'action soit à tous les niveaux, étant donné que, oui, le transport, c'est le principal émetteur de GES mais que c'est important de voir à tous les niveaux parce que, si on agit seulement sur un secteur, on risque de se retrouver, donc, plusieurs années en arrière par rapport aux autres.
M. Normand (Jérôme): Ensuite, évidemment, bien qu'il n'y ait pas de hiérarchie dans les secteurs, on sait que le secteur du transport est peut-être le plus grand contributeur à l'émission de gaz à effet de serre. Donc, si on survole un peu ce secteur, il y a un aspect important par rapport au camionnage qui est responsable à lui seul d'une grande partie des émissions de gaz à effet de serre pour le transport. Donc, on recommande l'adoption de règlements limitant les charges des camions pour désengorger le trafic autoroutier des camions provenant des États-Unis. Et plusieurs autres mesures pourraient être mises en place pour favoriser l'utilisation de modes de transport des marchandises alternatifs, par exemple le ferroutage, donc de favoriser l'utilisation du réseau ferroviaire pour les longues distances par les camions, comme ça se fait beaucoup en Europe. C'est une des stratégies qu'on peut adopter.
Autrement, pour l'aspect des charges, c'est que, pour les mêmes camions ou trains routiers, on accepte, au Québec, beaucoup plus de charge qu'aux États-Unis. Pour vous donner une idée, le plus grand train routier possible a une charge maximale au Québec de 92 593 livres, et au Michigan, de 65 000 livres. Donc, il y a plusieurs détours qui sont faits par le Québec à cette fin.
Ensuite, l'étalement urbain est une grande préoccupation aussi. Plusieurs États se sont dotés de frontières d'expansion urbaine, donc de moyens qui limitent l'agrandissement de la zone urbaine au-delà d'une ligne fixée par le gouvernement. Suivant cette approche, ENvironnement JEUnesse recommande de modifier la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles en y ajoutant des mesures tenant compte des enjeux énergétiques et climatiques actuels. Évidemment, ça doit être accompagné d'incitatifs fiscaux pour densifier le tissu urbain actuel et augmenter l'offre de transport collectif et actif.
n(15 h 10)n Évidemment, aussi, on croit qu'on doit mettre un terme à l'aménagement d'autoroutes urbaines et viser une diminution rapide du nombre de véhicules individuels motorisés dans les grands centres du Québec. De la même manière, nous souhaitons évidemment que le ministère des Transports du Québec révise le projet de réfection de l'échangeur Turcot et des autres autoroutes urbaines afin de limiter la circulation automobile en ville et désengorger le réseau.
Ensuite, la bonification significative de l'offre de transport collectif nous semble incontournable, donc on recommande de suivre l'exemple de la Suède et viser... de se fixer une cible et de viser une augmentation de 30 % du nombre de déplacements effectués en transport collectif d'ici 2020. Il y a plusieurs mesures qui sont nécessaires à cette fin; on les énumère dans le mémoire.
Et finalement ? j'en ai parlé légèrement tantôt ? le réseau ferroviaire. On a un grand réseau ferroviaire qui est sous-utilisé, ou en fait qui est marginalisé pour le transport des individus. Donc, on recommande de développer le réseau ferroviaire pour minimiser l'utilisation de la voiture lors de déplacements interurbains et, au niveau des marchandises, d'étudier différents modèles de développement qui pourraient être mis de l'avant afin que le transport par voie ferrée devienne une alternative plus intéressante pour les entreprises.
Mme Côté (Amélie): Donc, étant conscients que toutes ces mesures qui sont proposées nécessitent des sources de financement, quand même, il y a des propositions qui sont faites à ce niveau, comme l'introduction d'une taxe au carbone, d'une taxe sur le stationnement ou encore de péages dans les centres-villes... dans les centres urbains.
Au niveau du secteur du bâtiment, ENvironnement JEUnesse recommande la mise en place d'un programme... de programmes additionnels en termes d'efficacité énergétique, donc qu'il y ait des incitatifs qui soient mis dans ce programme pour qu'il y ait de plus en plus de construction de bâtiments répondant à des normes ambitieuses, comme les normes LEED, ou l'intégration de systèmes de mécanique d'aération, de ventilation et de chauffage moins néfastes pour l'environnement, comme le géothermique et le solaire, donc via la diversification de l'offre d'énergie.
Au niveau des secteurs industriels, le gouvernement du Québec avait fait un document identifiant, en 2005, les différentes industries qui étaient les principales émettrices de GES. Donc, ce qui serait intéressant à ce niveau-là, ce serait d'évaluer le potentiel de réduction d'émissions de GES de ces industries et donc les différentes mesures d'efficacité énergétique qui pourraient être mises en place à ce niveau et évaluer l'intérêt d'éventuelles reconversions d'industries qui seraient de secteurs qui sont polluants et pas nécessairement à valeur ajoutée, là, au niveau entrepreneurial.
M. Normand (Jérôme): Au niveau du secteur agricole, on recommande: de poursuivre le projet pilote de l'Agence de l'efficacité énergétique pour l'optimisation énergétique en milieu agricole et l'expansion du projet qui est présentement seulement pour les serres, de l'expandre à tous les secteurs agricoles; également, de promouvoir l'agroforesterie et la recherche qui y est reliée, donc ce qu'on appelle aussi le compagnonnage, de cultiver les bonnes espèces avec les autres pour qu'elles s'aident mutuellement. ENvironnement JEUnesse recommande de mieux informer les consommateurs également sur les impacts de leurs choix alimentaires, par une mesure qui est de plus en plus mise en place à travers le monde, soit, notamment, par l'étiquetage des produits par rapport à leurs émissions de GES, donc la traçabilité.
Mme Côté (Amélie): Pour ce qui est de l'électricité, ENvironnement JEUnesse recommande d'améliorer la sécurité énergétique sur son territoire afin d'éviter l'utilisation de la centrale de Tracy qui fonctionne au mazout et qui est seulement activée en période de pic de demande énergétique. Donc, s'il y avait des mesures d'efficacité énergétique qui étaient prises... qui étaient mises de l'avant, donc, notamment au niveau du secteur résidentiel, puis qu'il y ait des incitatifs fiscaux pour favoriser l'efficacité énergétique, on éviterait justement que la centrale de Tracy fonctionne, et donc également par le rachat par Hydro-Québec de quantités d'énergies qui sont produites à domicile par les citoyens.
La Présidente (Mme Doyer): ...qu'il reste une minute à votre présentation.
M. Normand (Jérôme): Parfait, on va être bons. Au niveau des matières résiduelles, évidemment mettre l'emphase sur la réduction à la source. On est en attente d'une nouvelle politique québécoise qui nous promet de le faire. Et on suggère aussi d'interdire l'enfouissement des matières putrescibles, qui est le principal facteur d'émissions de gaz à effet de serre dans les lieux d'enfouissement technique.
Mme Côté (Amélie): Pour ce qui concerne l'achat d'émissions, ENvironnement JEUnesse considère que la part de réduction des émissions des GES qui y seraient associées ne devrait pas excéder le tiers de la totalité des émissions de GES. Donc, si c'était 30 %, la cible, par exemple, un maximum de 10 % qui serait associé à l'achat d'émissions.
M. Normand (Jérôme): Et, pour conclure, un aspect ultra-important, pour nous: de ne jamais mettre de côté l'importance de l'éducation relative à l'environnement. Donc, l'information, la sensibilisation, l'éducation sont la pierre d'assise vers une citoyenneté active. Il importe donc de soutenir les organismes ? adéquatement ? qui en font la promotion.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, M. Normand. Merci, Mme Côté. Mme la ministre, à vous la parole pour 25 minutes.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et à mon tour, donc, je veux vous saluer, Mme Côté, M. Normand, vous souhaiter la bienvenue. Et, je pense, j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire dans le passé, mais, lorsqu'on parle d'enjeux environnementaux, au Québec, puis lorsqu'on parle de développement durable, la vraie perspective qu'on doit adopter est la perspective du développement durable. Ou la question qu'on doit se poser, c'est: Qu'est-ce qu'on lègue aux générations futures? Et dans ce contexte-là, effectivement, être à l'écoute de la position que vous représentez, à savoir particulièrement la voix des jeunes, c'est bien important.
J'ai une première question. Je veux juste savoir si j'ai bien compris votre position ou pas. Et je veux peut-être vous entendre... c'est Mme Côté, vous avez dit: Nous souhaitons une cible à 30 %. C'est ce que j'ai compris. Puis après ça vous avez ajouté une phrase en disant: Ou s'il y a entente à Copenhague, la cible fixée à Copenhague... Comment je dois... Comment je dois entendre ça? C'est-à-dire, est-ce que c'est 30 % mais que, si une cible fixée à Copenhague pour 2020 devait être moindre, là vous invitez tous les États à être moindres ou... Je veux juste... je veux juste que vous m'expliquiez, là, comment on devait comprendre l'intervention, là, que vous avez faite un peu plus tôt.
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Je peux y aller. En fait, c'est de la même manière que la Commission européenne le fera: c'est de s'engager à bonifier l'offre de réduction de 10 % advenant la signature d'un accord global sur le climat. Donc, ça a été... en tout cas, ça n'a pas été expliqué de la bonne manière, j'imagine, dans la rapidité du survol. Mais donc c'est de se fixer, nous, 30 % et, advenant qu'il y ait la signature d'un accord, de le bonifier de 10 %. C'est la position de la Commission européenne.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: En fait... Parce que, là, est-ce que vous êtes rendus à 40 %?
M. Normand (Jérôme): ...
Mme Beauchamp: O.K. Vous êtes rendus à 40 %.
M. Normand (Jérôme): Advenant la signature d'un accord à Copenhague.
Mme Beauchamp: Parce que l'Union européenne, juste pour qu'on se comprenne bien, là, l'Union européenne a pris un engagement à 20 % et elle dit: Si d'autres le font, on est prêts à aller jusqu'à 30 %.
M. Normand (Jérôme): L'Union européenne, oui.
Mme Beauchamp: Oui, mais... Parce que vous semblez... vous sembliez comparer votre position à l'Union européenne. Ce n'est pas calqué sur l'Union européenne.
M. Normand (Jérôme): Non. L'idée de la bonification de 10 %.
Mme Beauchamp: Vous, vous dites: 30 %. Puis en plus vous dites: S'il y a une entente là, l'entente, on voudrait que tout le monde dise: C'est plus un 10 %, à 40 %.
M. Normand (Jérôme): Voilà, voilà.
Mme Beauchamp: O.K. L'autre question que j'ai pour vous, c'est: Une fois que vous... que vous dites cela, vous dites, et à juste titre, vous dites: Le GIEC, qui est un regroupement vraiment extrêmement crédible... Et j'en profite pour dire qu'il faut tous qu'on s'intéresse de près aux travaux du GIEC. Je considère qu'on est chanceux, ça a été bien pensé que d'avoir cette structure très crédible, qui a une démarche qui va autant du haut vers le bas que du bas vers le haut. Donc, c'est vraiment la rencontre de deux types de démarche scientifique qui donne des positions du GIEC qui sont très crédibles. Vous dites donc que le GIEC dit: Il faudrait que les États à travers le monde se donnent des cibles entre moins 25 % et moins 40 % pour 2020, moins 80 % pour 2050. Et on ne nie pas ça. Maintenant, la communauté internationale ajoute aussi un élément qui dit: Et, autour de cette cible, on doit reconnaître un principe d'une responsabilité commune mais partagée.
Je veux vous entendre sur cet autre principe là, parce que, donc, il y a le principe de prendre en compte la connaissance scientifique, mais il y a cet autre principe. Parce que... Puis corrigez-moi si je me trompe, là, je ne veux pas du tout vous mettre des mots dans la bouche, mais, quand vous dites, donc: C'est parce que le GIEC dit moins 25 % à moins 40 %, il faut que ce soit ça, est-ce que je comprends que votre position par rapport à Copenhague, c'est: Tous les États devraient être donc à moins 25 % à moins 40 %, ou même à moins 40 %, ou si vous admettez qu'il y a un principe d'une responsabilité commune... donc tout le monde doit participer à l'effort, bien sûr, y compris l'État québécois, mais qu'il peut y avoir des notions, donc, d'une responsabilité commune mais différenciée dans l'effort, considérant...
Habituellement, ce qu'on entend par là, c'est souvent la dynamique entre les pays développés, qui ont vécu une période d'essor autour de la révolution industrielle, puis les pays qu'on qualifie en voie de développement. Donc, il y a la contribution historique aux gaz à effet de serre dans l'atmosphère, mais il y a aussi habituellement, là-dedans, une notion de reconnaître des efforts... des efforts déjà faits par certains États.
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
n(15 h 20)nM. Normand (Jérôme): Oui, tout à fait, on reconnaît les deux principes. Je pense que l'idée de la référence du GIEC pour le 25 % à 40 %, c'était pour justifier que, nous, au Québec, on se fixe ce que l'on suggère, une réduction de 30 %, donc qui est dans le bassin proposé par le GIEC et qui est, selon nous, atteignable par le Québec. D'un autre côté, oui, il y a la responsabilité partagée, c'est vrai, puis différenciée, c'est vrai aussi. Puis c'est vrai aussi dans la mesure où des États qui sont en développement peuvent... Il faut leur laisser aussi les moyens de se développer économiquement puis que d'autres États qui ont la capacité d'en faire plus le fassent aussi. Donc, ça va dans les deux sens. Mais, oui, je suis... on endosse tout à fait la position que vous soumettez, tout en se disant: Au Québec, par contre, on peut avoir le cran de se fixer un objectif de réduction de 30 %.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Dans ce contexte-là, donc, vous... Parce qu'on a eu droit un peu plus tôt à... Un autre invité, plus tôt dans la journée, prenait la comparaison de deux propriétaires de voitures, un propriétaire d'une Prius puis le propriétaire d'une voiture qui serait plus âgée et consomme plus d'essence, et en disant: Si on fixe la même cible aux deux, il y en a un qui va dire: Bien, écoutez, là, vous ne trouvez pas j'ai déjà fait mon effort? Moi... Puis peut-être que je n'étais pas à la mode, mais, moi, mon exemple, c'étaient souvent les coureurs de marathon, en disant: Si j'ai un coureur de marathon qui court... qui ne s'est jamais entraîné et qui court en sept heures à sa première tentative de courir un marathon, par rapport à quelqu'un qui s'entraîne depuis 15 ans et qui court déjà en 3 h 30 min, si je demande le même effort, c'est beaucoup plus dur pour quelqu'un qui est déjà performant, qui court en 3 h 30 min, là, couper la demi-heure qui fait passer de 3 h 30 min à trois heures, quand on court un marathon, c'est vraiment plus difficile que si je demande de couper une demi-heure quand je cours en sept heures et que je ne me suis jamais entraîné.
Il y a... Vous le savez, vous représentez un groupe avec... un groupe environnemental, vous le savez que, durant notre commission, votre position, elle est confrontée à d'autres qui représentent d'autres secteurs, notamment des secteurs industriels ou manufacturiers, qui vont dire: Une telle approche nous pénalise parce que, nous, on a déjà fait des efforts, on est en concurrence mondiale et internationale, et vous êtes en train de nous mettre sur les épaules une charge qui est... qui va faire en sorte qu'on ne sera plus capables de compétitionner.
Donc, je veux juste vous entendre, parce que vous savez que c'est le coeur du débat, c'est le coeur du débat au niveau international, c'est le coeur du débat ici aussi, par rapport à la cible que doit se fixer le Québec. Même des gens comme de l'UPA, ce matin, revenaient aussi avec ces questions de dire: Il faut... Finalement, le grand défi, c'est que le Québec établisse sa juste cible. Donc, qu'est-ce que vous répondez aux gens ? vous les avez sûrement entendus, ces arguments-là ? les gens qui viennent dire: On est déjà assez performants quand notamment on s'inscrit dans le contexte nord-américain? Et comment est-ce qu'on peut exiger la cible la plus ambitieuse, à moins 40 %, à un État comme le Québec qui, dans son contexte socioéconomique, est déjà assez performant? Je voudrais entendre votre argumentaire en réponse à ce qu'on a ici entendu en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Bien, je pense qu'il y a... il y a bien des secteurs qui font des efforts, c'est vrai. Puis par contre je pense qu'il y a bien des secteurs qui vont dire: On fait déjà des efforts, ça va nous pénaliser, mais qui sont bien conscients aussi qu'il y a une opportunité de développer des nouvelles pratiques qui soient beaucoup plus performantes puis qui ne représentent pas des investissements... en fait, qui représentent des investissements mais pas des dépenses.
Justement, si on parle du réseau de transport par camions, on est en retard d'à peu près 30 ans sur l'Europe, sur l'utilisation maximisée d'un réseau ferroviaire qui est existant et qui est mal utilisé. On a tout mis, dans les 60 dernières années, à développer les réseaux routiers, avec toutes les problématiques récurrentes de nids-de-poule, de resurfaçage qu'on connaît, puis il y a d'autres moyens que ça. Oui, ça représente des investissements à la base, mais d'établir un réseau où les camions embarqueraient pour les longues distances sur des réseaux ferroviaires puis feraient les courtes distances, comme ça se fait partout en France, en Italie, dans plein d'autres pays, c'est quelque chose qui est majeur, au niveau du portrait, au niveau de la coupure dans les émissions de GES, mais qui, dans les faits, doit être fait à un moment donné, là. On est en retard, puis, moi, je pense qu'on a besoin...
Pour vous conter une anecdote, là, on était à Donnacona en s'en venant, puis il y a quelqu'un qui a vu notre tasse ENvironnement JEUnesse qui m'a demandé: Ça fait-u des bonnes affaires, ça? J'ai dit: Certain que ça fait des bonnes affaires, ENvironnement JEUnesse! Il dit: Qu'est-ce que vous faites? Puis là j'ai parlé d'éducation un peu, puis il a dit: Vous croyez vraiment à ça, quand vous voyez très bien que c'est nous qui payons le 0,05 $ pour chaque sac, que c'est nous qui payons... puis le gouvernement fait juste dire: Oui, mais on ne peut pas, on ne peut pas, c'est trop difficile, puis les industries, elles démolissent tout ce que les citoyens bâtissent? Donc, c'est la perception, là, de M. Tout-le-monde, qui m'a dit: Puis vous direz ça, là... Puis là j'en profite, je le dis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Normand (Jérôme): Si les industries puis le gouvernement pourraient en faire plus, la population est prête à suivre. Il manque de leadership. Présentement, les citoyens ont l'impression que les gouvernements puis les industries s'assoient sur leurs lauriers, ne sont pas prêts à faire des efforts. C'est le sacro-saint économique qui prône, on voit ça comme des dépenses, alors que ce n'est pas le cas, que les État qui se démarquent dans le monde actuellement, c'est qu'ils ont pris une chance, qu'ils ont eu du cran, qu'ils ont fait preuve d'audace, de vision, qu'ils se sont dit: On veut un projet pour dans 50 ans, on ne veut pas juste penser en termes de mandats de quatre ans.
C'est ça aussi, le noeud du problème, là, c'est... Est-ce qu'on veut dire: On en fait déjà assez, c'est aux autres à en faire plus, ou on veut dire: On veut montrer l'exemple dans l'Amérique du Nord? Moi, comme citoyen, j'aimerais ça que mes industries puis mon gouvernement montrent l'exemple en Amérique du Nord.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Donc, je veux revenir. Vous disiez qu'on a une cible globale. Je veux juste comprendre. Quand je vous posais la question: Vous répondez quoi aux industriels qui viennent nous dire: Soyez prudents?, vous me répondez: Par la voie du transport. Mais, par après, vous... Bien, si j'ai bien compris. Mais, par après, ce que vous me dites, c'est: Ce qu'on pense, c'est que les industries et le gouvernement pourraient en faire plus. Puis ça me laisse comprendre... Puis là je veux vous permettre d'interpeller les citoyens. C'est parce que, moi, je suis devant une réalité qui dit aussi qu'il y a une partie des émissions de GES qui relèvent aussi directement ? puis ça va être notre défi, comme Québécois ? qui relèvent du comportement des citoyens.
Bien... Donc, je veux juste qu'on s'entende bien sur le message. Vous êtes un organisme de sensibilisation. Est-ce que le message aujourd'hui de votre part, c'est vers le gouvernement et les industries...
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
Mme Beauchamp: ...ou si vous admettez avec moi qu'il faut aussi, bien sûr, qu'on parle de changements de comportement chez les citoyens?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Certainement, certainement. Si on prend l'exemple, par exemple, du vélo en libre-service, on peut faire beaucoup de campagnes de sensibilisation, on en fait, on le prône, le transport actif individuel. C'est un exemple parfait, là. Puis, oui, nous, on croit qu'il y a de plus en plus de cyclistes ? puis on le voit statistiquement ? qui individuellement vont à l'école, au travail, font des activités en vélo, plus qu'il y a 10 ans. C'est un volet de l'éducation puis de la sensibilisation. L'autre volet, c'est de donner les moyens aux citoyens de le faire. Même chose pour le compostage, même chose pour l'autopartage. C'est des incitatifs, qu'ils soient fiscaux ou autres, donc de montrer qu'en donnant de l'infrastructure puis en faisant confiance au citoyen, oui, il peut mettre, lui aussi, la main à la pâte.
Donc, on a mis une flotte de vélos en libre-service. Plusieurs disaient: ça ne marchera pas, ça va faire banqueroute, c'est... Non, les citoyens étaient prêts à ça. Mais, si l'infrastructure n'existe pas, c'est difficile ou c'est un travail de plus longue haleine d'amener tout le monde à changer à 100 % leurs comportements, s'acheter un vélo, l'entretenir, le... Là, on a mis en place une structure qui favorise, qui encourage, c'est un incitatif. Donc, c'est un peu de la même manière que je vois ça, là. Le compostage, on pourrait accélérer un petit peu puis donner des moyens aux citoyens de s'engager, plus que juste faire la sensibilisation qu'on va continuer à faire, que le compostage doit nécessairement se faire domestiquement, à petite échelle. Donc, c'est la même façon.
Puis, quand je disais: C'est la responsabilité du gouvernement puis des industriels d'en faire plus, ce n'est pas d'en faire plus, de se contraindre plus puis de faire plus de sacrifices, non, d'avoir plus de vision, puis d'avoir de l'ambition, puis de changer des pratiques, pas de sacrifier des pratiques polluantes actuelles qui sont rentables, mais de changer de pratiques pour un meilleur rendement, une meilleure image de marque, une meilleure crédibilité, plus de reconnaissance.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, je veux revenir sur les notions, donc, de comment est-ce qu'on peut amener ces changements sociétaux... c'est ça, sociétaux. Et vous, votre optique, ce que vous nous proposez, c'est la notion d'incitatif. Maintenant, je vais vous donner des exemples.
Hier, le Regroupement national des conseils régionaux en environnement, leur position était de dire: Ça prend de la... des carottes ? donc, je vais appeler ça les incitatifs dont vous nous parlez ? mais en... Très clairement, ils nous ont dit: Ça prend aussi le bâton. Puis à ce moment-là on parle, par exemple, qu'il y ait un prix associé au carbone puis qu'il y ait un reflet du prix du carbone, par exemple, à la pompe, qui est donc une notion de... qu'on pourrait appeler, entre guillemets, le bâton, mais des notions de découragement, de désincitatif à l'utilisation, par exemple, de la voiture solo. La Société de transport de Montréal est venue aussi nous dire: Ça prend une taxe sur le carbone ou ça prend un prix associé au carbone.
Je veux vous entendre là-dessus. Est-ce que, vous, à partir de votre expérience, est-ce que vous estimez que, pour entraîner ces changements de comportement puis pour pouvoir pas seulement endosser, mais réaliser la vision que vous nous proposez, est-ce que... ou non, comme le regroupement des CRE, vous dites: Il faut qu'il y ait un reflet de cela au prix à la pompe?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
n(15 h 30)nM. Normand (Jérôme): Oui. Donc, dans les sources de financement qu'on a identifiées puis qu'on supporte en toute franchise et sans se cacher, oui, on croit que l'établissement d'une taxe sur le carbone est nécessaire, d'une taxe sur le stationnement, de redevances sur l'essence, sur les autres produits pétroliers et même, à la limite, de systèmes automatisés de péage à l'entrée des centres urbains, comme on l'a vu, par exemple, à Londres, qui ont soulevé une grogne énorme au départ parce que, comme vous le dites, ça semble être un frein, ça semble être une contrainte, au départ, qui finalement s'est soldée par un achalandage réduit au centre-ville par les véhicules individuels, donc un désengorgement total ou presque. Et on s'est même rendu compte dans ce cas-là, à Londres, qu'on n'avait pas besoin d'ajouter d'autobus, qu'il y en avait suffisamment lorsque le trafic était réduit. Donc, ça a solutionné des problèmes qui étaient en amont, qu'on ne soupçonnait pas. Et le maire en question, qui était... qui avait chuté à 12 % des intentions de vote, est repassé, trois ans plus tard, haut la main parce qu'il a eu le courage de mettre en place une mesure qui semblait être un grand dissuasif puis qui ne faisait pas la joie de personne mais qui a eu les résultats escomptés.
Donc, oui, il y a aussi le bâton à court terme.
Mme Beauchamp: Puis en avez-vous jasé avec votre monsieur de Donnacona...
M. Normand (Jérôme): Ah! Bien, on...
Mme Beauchamp: ...de qu'est-ce qui...
M. Normand (Jérôme): Vous savez, nos deux dernières expériences...
Mme Beauchamp: Non, mais je vais poser la question plus... plus concrètement.
M. Normand (Jérôme): Nos deux dernières expériences... En s'en venant ici, on était pas mal limite dans notre arrivée à temps, donc, oui, on en a jasé, puis...
Mme Beauchamp: Ma question, plus sérieusement, donc, c'est... Vous dites que le monsieur a dit: C'est l'affaire des gouvernements, c'est l'affaire des industries. Puis, une fois qu'on dit que c'est aussi l'affaire des citoyens puis que ça prend donc des incitatifs mais aussi le bâton qui ferait qu'il paierait plus cher son essence, il répond quoi, selon vous?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Bien, d'après moi, d'après moi, il n'est pas content, hein, de la même manière que le citoyen qui se rendait au centre-ville en voiture, à Londres, n'était pas content non plus, à la base. Donc, oui, c'est vrai. Mais c'est pour ça que, lorsqu'il me disait ça...
Mme Beauchamp: Il faut quand même...
M. Normand (Jérôme): ...lorsque je discutais avec lui, moi, je revenais avec l'aspect: Ce n'est pas uniquement les industries puis le gouvernement, c'est aussi à la population d'être éduquée et sensibilisée à ça, qu'elle connaisse... Évidemment, lorsqu'on ne sait pas pourquoi on fait quelque chose, hein, ça... c'est difficile de l'endosser. Quand on sait quelles sont les retombées...
Mme Beauchamp: Mais je comprends très bien votre message, je l'accueille très bien. Je pense que le document qu'on a produit illustre ça, que ça prend un certain courage pour dire aux citoyens qu'il faut qu'il y ait un prix associé au carbone, il faut qu'il y ait des incitatifs mais aussi un bâton puis que ça peut ressembler à une notion de: Ça nous coûte un peu plus cher pour nous décourager d'utiliser, par exemple, la voiture solo, mais sans bien sûr que ce soit un choc tarifaire, puis qu'il y ait le modèle où il y a un retour fiscal vers les citoyens.
Mais je comprends bien votre message. Ça prend un certain courage pour le dire. Je pense... Dans notre document, on le dit, ça prend un système de plafonnement et d'échange de crédits carbone, ça prend une redevance sur l'essence. Ça, ça paraît dans les dépenses des familles, par rapport à leur consommation d'essence, il faut le dire. Puis il faut le dire, qu'on essaie de le faire en... qu'il y ait des incitatifs de transport puis qu'il y ait aussi, bien sûr, l'effet le plus neutre ? je mets des guillemets ? possible d'un point de vue fiscal.
Dans votre document, il y a quelque chose qui me... sur lequel je veux plus d'explications de votre part. C'est un peu technique, mais vous êtes les premiers à l'aborder. C'est carrément dans la question du camionnage. Quand vous nous dites... La question de la charge sur les camions. Je vous le dis, là, moi, je ne suis pas une experte dans tous les secteurs que ça implique, là, mais c'est parce que ma réaction, c'est de dire... Vous nous dites: Nos camions sont trop lourds par rapport à la norme américaine. Deux choses... Puis là vous nous... Moi, je me dis: Si on changeait cette règle-là, ça pourrait, à court terme, entraîner plus de camions...
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
Mme Beauchamp: ...si nos camions transportent moins de marchandise. Puis l'autre chose, c'est que vous nous dites: Il y a un impact... Mais je comprends bien, puis c'est dans notre plan d'action sur les changements climatiques, comme vous le savez. On a 60 millions de dollars associés à du transport intermodal. Mais je veux juste vous comprendre, parce qu'en plus...
Puis après ça vous nous dites: Les camions des États-Unis empruntent les routes du Québec parce qu'on est moins sévères. Mais, s'ils partent des États-Unis, ils respectent les règles américaines. C'est que j'essaie de bien, bien, bien comprendre l'impact de ça puis quels gestes exactement vous nous invitez à faire par rapport à... par rapport à la question de la charge. Je comprends l'argument de: Il faut passer du camion au transport maritime ou au transport ferroviaire, puis on a des mesures précises là-dessus, puis il faut en prévoir d'autres pour 2020. Mais c'est concernant le fait de toucher à la question de la charge, là, j'essaie de voir quels seraient les bénéfices qu'on aurait de le faire.
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand. Et je vais vous dire qu'il reste cinq minutes à l'échange.
Mme Côté (Amélie): Je vais répondre. Et fait, en constatant que les charges sont plus lourdes sur les... les charges plus lourdes sont acceptées sur les routes du Québec, ça fait en sorte qu'il y a plus d'intérêt de passer par ces routes-là parce que les camions peuvent transporter plus. Évidemment, peut-être qu'à court terme le fait de réduire les charges pourrait augmenter le trafic routier. Par contre, peut-être qu'à moyen et à long terme ce que ça ferait, c'est qu'on essaierait de trouver des alternatives, donc d'utiliser les autres modes de transport et de limiter, à cet effet-là, le transport sur le réseau routier.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre...
Mme Côté (Amélie): Par contre, je ne suis pas une experte non plus dans le domaine, là, mais...
Mme Beauchamp: O.K. On va creuser cet aspect-là avec le soutien de nos experts du ministère du Transport.
Je veux... J'ai une dernière question pour vous. C'est... Vous êtes des acteurs extrêmement importants en termes de sensibilisation, d'éducation populaire, de sensibilisation. On parlait tantôt qu'au Québec, au contraire de d'autres États voisins où on sait que leurs perspectives de réduction de GES, c'est, par exemple, la fermeture de centrales au charbon... Comme je dis toujours, ce n'est pas facile à faire, ça coûte très cher, mais ça a peut-être un avantage, c'est que c'est simple, c'est une décision, puis: Je ferme une centrale au charbon. Chez nous, nos réductions de GES vont passer par des notions de changements de comportement, notamment, bien sûr, changer les modes de transport, que ce soient des particuliers ou du secteur du transport des marchandises. Donc, on parle de changements de comportement comme un grand défi pour la société québécoise de 2020.
Selon vous... Pouvez-vous nous dire, nous expliquer là où vous trouvez les secteurs les plus prometteurs en termes de changements de comportement, là où vous croyez que la population québécoise, elle est prête, elle est ouverte en termes de changements de comportement. Puis peut-être, bien sûr, ma question, elle s'intéresse plus à la question du transport, peut-être que vous puissiez nous raconter... vous avez commencé à le faire, mais les histoires à succès où vous avez été en mesure d'observer des changements de comportement qui seraient prometteurs dans notre vision à développer pour 2020.
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): En tout cas, ma perspective, c'est de voir qu'effectivement je pense que la population est consciente, conscientisée, particulièrement en ce qui a trait aux changements climatiques. On sait qu'au Canada on a... bon, on répond beaucoup plus favorablement... sous forme de sondages, bien sûr, là, on ne passe pas à l'acte dans un sondage, mais on est conscients des impacts que ça a, on croit dans la nécessité d'agir rapidement, de manière plus poussée. Moi, j'ai... Évidemment, on couvre tous les enjeux environnementaux, dans nos activités en jeu, puis on voit des bons coups partout, que ce soit en termes de gestion des matières résiduelles où, là aussi, je pense que la population a fait un grand pas.
Il y a eu le colloque Consommer et produire autrement de RECYC-QUÉBEC, qui montrait plusieurs bons coups, entre autres au niveau de la collecte sélective, le taux de participation, etc. Encore là, ça dénote toujours le même problème, qui est la réduction à la source. Donc, on génère tellement de matières à enfouir que, même si on fait beaucoup mieux en termes de récupération, on n'arrive pas à rattraper ce qui s'en va dans le trou, comme dirait un de mes collègues. Mais je pense que, dans tous les aspects, il y a vraiment une grande place puis une grande demande de la part des citoyens d'en faire plus. Dans le métro, à Montréal, on le voit aussi. On nous parle depuis cinq ans de mettre des pôles où recycler le papier. Il y en a à quelques stations. Toutes les autres stations débordent de papier, mais celles où il y en a, ça marche à fond. Bon, on a parlé du transport actif, etc.
Donc, moi, je pense qu'il y a effectivement un enjeu où, lorsqu'on met en place des infrastructures dans un contexte réfléchi, avec un plan puis des cibles à terme, ça fonctionne, puis le citoyen embarque. C'est sûr que, si on mettait, par exemple, une taxe sur le carbone pour finalement la retirer deux ans après parce qu'il n'y avait pas vraiment de plan, puis les sous sont allés dans le pavage de routes plutôt que dans des mesures de réduction de gaz à effet de serre ou... Bon, ça prend un plan concerté, mais effectivement j'ai l'impression que la population avec laquelle, nous, on travaille, qui sont les jeunes, les jeunes de moins de 30 ans ? en tout cas, c'est notre cible ? sont très, très à l'affût de ça puis n'attendent que des mesures pour participer encore plus activement.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, le temps imparti est terminé. Nous allons passer à l'opposition officielle avec M. le député de L'Assomption.
n(15 h 40)nM. McKay: Merci, Mme la Présidente, et bonjour à nos invités cet après-midi. Je suis heureux de voir que vous profitez de vos déplacements pour faire de l'éducation aussi ou à tout le moins entamer des dialogues avec certains citoyens.
J'aimerais ça que... Parce que, moi, je vous ai vus à l'oeuvre depuis quand même passablement d'années, mais j'apprécierais si vous pouviez rappeler un peu, ENvironnement JEUnesse, là, qu'est-ce que ça mange, quelle est votre base, parce que vous faites quand même des propositions assez audacieuses. J'imagine que ces propositions-là sont quand même assises sur une base, là, d'un certain nombre de jeunes, là, et de groupes qui sont actifs au Québec.
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
Mme Normand (Jérôme): Oui. Bien, rapidement, on est un réseau environnemental québécois qui regroupe plus de 800 membres individuels répartis à travers toutes les régions du Québec et 160 regroupements collectifs, principalement des écoles. La plupart du temps... Bien, en fait, on a trois axes d'intervention prioritaires qui sont: la formation, donc transmettre des connaissances, engager le débat, la discussion, montrer que toutes les positions doivent être nuancées, qu'il faut savoir animer une rencontre, etc., sur toujours le milieu de vie, notre relation avec notre milieu de vie, donc ce qui est pour nous l'environnement, au-delà du gazon et des oiseaux; ensuite, l'aspect projet, donc de monter des projets à moyen terme qui impliquent les jeunes, donc, par exemple, l'instauration du compostage, la collecte multimatières, d'activités de ce type-là en milieu scolaire ou autre; et finalement l'aspect mobilisation qui est peut-être le plus important, puis on entend par «mobilisation» la participation citoyenne active, comme participer à des consultations, à des audiences et rédiger des mémoires, monter des pétitions, organiser des rassemblements, faire des communiqués de presse, etc., donc être capable de prendre les outils démocratiques qui sont à la portée de tous et de les utiliser pour faire passer ses opinions.
De cette manière-là, le travail qu'on fait lorsqu'il y a des auditions de ce type-là, c'est toujours de manière concertée avec nos membres. Les membres de notre conseil d'administration sont en grande partie des anciens membres jeunesse, donc qui y étaient, à l'école secondaire, au cégep, qui faisaient partie de l'organisme, qui se sont finalement spécialisés, qui ont étudié en environnement à l'université puis qui viennent... qui reviennent dans l'organisation donner un coup de main bénévolement sur le conseil d'administration. Donc, on a des gens qui ont participé à la rédaction de ce mémoire et aux autres qui sont sur le C.A. puis qui se sont spécialisés soit en santé publique, en géographie, en santé environnementale, etc.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, merci, parce que c'est pour... Des fois, les députés un petit peu plus vieux... Ça fait 30 ans que vous existez, donc, moi, j'étais déjà un peu passé date.
Vous nous rappelez... Parce qu'on a entendu souvent, effectivement, ici, puis la ministre est revenue là-dessus, sur le fait qu'au Québec, bien, on a déjà fait des gros efforts, et tout ça. Vous nous rappelez, vous, que l'Union européenne, quand même, dans la période de Kyoto, donc d'ici 2012, s'est donné un objectif ou a un objectif de 8 %.
Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus? Est-ce que... 8 %, versus 6 %, est-ce que ça... est-ce que ça a créé des catastrophes économiques en Europe?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Bien, non. Mais évidemment c'est délicat parce que, bon, il y a plusieurs États dans la commission... dans l'Union européenne, puis c'est très changeant d'un État à l'autre. Mais disons qu'on... il est facile de cerner les bons coups puis de voir lesquels ont fait le plus d'efforts puis qui ont plutôt décidé d'adapter les pratiques puis... pour profiter de l'opportunité qui est devant nous, justement, de faire preuve d'innovation, donc d'investir dans l'innovation, le développement de nouvelles technologies, de voir à long terme, d'impliquer la population active puis de s'assurer de léguer aux populations futures un État duquel ils sont fiers puis qui a fait des progrès rapidement. Donc, il y a beaucoup d'États qui ont des «success stories» puis qui ont... qui ont fait preuve de beaucoup d'audace, mais évidemment c'est difficile de résumer pour l'Union européenne en son entièreté. Mais justement, moi, je pense qu'on a une occasion, là, de faire preuve de vision, puis de... de surtout ne pas niveler par le bas en se contentant de ce qu'on fait déjà où de ce qu'on a fait par le passé.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. En tout cas, jusqu'à maintenant, dans les gens qui sont venus devant la commission, je pense que vous êtes le groupe, définitivement, qui proposez la cible la plus ambitieuse, là, jusqu'à maintenant. Beaucoup de gens reviennent aux objectifs du GIEC, là, du groupe intergouvernemental sur le climat, avec le moins 25 % à moins 40 %, et on se dit: Bien, au Québec, comme on est déjà... on est déjà dans une position supérieure à celle de nos voisins immédiats, on a plutôt tendance quand même à se tenir dans le... vers... dans le moins 25 % plutôt que vers le moins 40 %. Vous, vous partez déjà à moins 30 % en disant: On peut... on peut sauter plus haut encore.
Est-ce que... comment... Je sais que vous l'avez expliqué un peu, déjà, tout à l'heure, mais j'aimerais ça que vous reveniez un petit peu là-dessus parce qu'on a... on a parlé, notamment, du fait... Je ne sais pas, moi, quand on me dit que, par exemple, des entreprises ont déjà fait des efforts pour être plus efficaces en matière énergétique, j'ai plutôt tendance à penser qu'ils se retrouvent dans une meilleure position au point de vue économique pour affronter les défis de l'avenir que dans une moins bonne, parce que ça veut dire qu'en général ils ont de la technologie plus avancée et ils vont être aussi moins dépendants des chocs pétroliers qui risquent d'arriver, en tout cas des variations, des fluctuations qui sont historiquement importantes dans les prix du pétrole et de l'énergie en général.
Donc, est-ce que... sur quoi vous vous basez pour avancer qu'au Québec on ne devrait pas se tenir dans le... si on... advenant... Disons, en prenant le cas qu'on accepte les données de la science puis on veut éviter les pires conséquences des changements climatiques... Donc, ce qu'on nous dit, là, le consensus scientifique international, c'est moins 25 % à moins 40 % pour les pays développés. Qu'est-ce qui fait que, vous, vous estimez que le Québec est dans une position pour assumer de moins 30 % à moins 40 %, être dans la partie supérieure, là, des... Est-ce que... Puis je vous le demande... Je pense, vous avez déjà expliqué un petit peu en termes de potentiel puis d'opportunités, mais vous faites toute une série de recommandations.
Est-ce que vous avez eu l'occasion de les chiffrer un peu? Est-ce que vous voyez qu'il y a même, tu sais, techniquement la possibilité d'atteindre ça?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Bien, en tout cas, c'est la conclusion à laquelle on en vient. Évidemment ? puis on le répète à chaque fois, comme plusieurs autres groupes ? on n'est pas des experts puis on n'a pas la capacité du GIEC pour arriver avec un rapport de 500 pages puis de chiffrer avec le potentiel clairement indiqué. Par contre, comme vous le dites, on énumère une série de mesures qui, pour l'instant, ne sont pas... soit pas totalement appliquées, soit inexistantes, qui nous laissent croire qu'il y a beaucoup de place à continuer l'amélioration. Par contre, je suis tout à fait conscient puis très d'accord avec le fait que, dans le principe d'amélioration continue, les mesures les plus importantes sont toujours faites au départ, puis que par la suite, comme on dit, couper dans le gras, c'est facile, puis qu'ensuite une entreprise ou peu importe quel secteur qui est déjà performant, c'est plus difficile de continuer à couper. Par contre, c'est... d'où l'importance de le faire, d'appliquer ce principe d'amélioration continue. Puis, comme vous le dites, les entreprises qui ont déjà fait des avancées, habituellement, sont déjà dans un contexte où elles peuvent le faire, donc de réévaluer l'atteinte ou non des objectifs, d'aviser en fonction de ça, de se mettre un nouveau plan d'action en oeuvre, et ainsi de suite, ce qu'on appelle l'amélioration continue.
n(15 h 50)n Présentement, c'est loin d'être un principe... L'ISO 14001, il est appliqué dans une pléiade d'industries, dans une pléiade de secteurs, donc c'est quelque chose qui serait à faire. Par contre, oui, c'est vrai, on est conscients que les... ceux qui le font déjà, c'est difficile que ça paraisse autant que lorsqu'ils ont commencé à le faire, mais ce n'est pas une raison pour ne pas continuer à peaufiner puis à affiner.
Nous, on le voit beaucoup, pour faire un parallèle avec notre projet dans les cégeps, une certification verte pour les collèges et cégeps québécois, à laquelle souscrivent, là, plus de la moitié des cégeps du Québec pour lesquels on met en place une structure de gestion environnementale structurante, justement, qui va en étape et qui fait en sorte qu'un cégep qui commence, qui a peu ou pas d'activité de gestion environnementale, va voir des gros bénéfices dès la première année. Évidemment, un cégep comme le collège de Rosemont, le collège Ahuntsic et plusieurs autres qui font ça depuis plusieurs années, bien c'est plus difficile de voir un gros changement d'année en année, mais ça n'empêche pas qu'ils sont toujours plus performants puis qu'il y a une immense mobilisation dans la communauté collégiale de ces établissements-là pour en faire toujours plus puis bénéficier de cette crédibilité-là, de rayonner grâce à ça, d'avoir une crédibilité, de profiter de ce statut-là pour organiser des colloques, des visites, etc.
Donc, c'est un bel exemple où, lorsqu'on est déterminés et qu'on met les mesures en place, un, on a une reconnaissance exceptionnelle, deux, l'adhésion de la communauté est très forte, puis ça mène à un engouement où il est très facile ensuite d'inclure, par exemple, une décision majeure comme d'avoir des couverts qui seront durables, donc qui sont durs, en porcelaine, alors qu'à d'autres endroits, lorsqu'on commence, ça semble impossible à faire.
Donc, oui, ça paraît moindre, mais c'est beaucoup plus facile d'avoir l'adhésion de la communauté, puis de continuer ce mouvement-là, puis d'en bénéficier autant économiquement qu'en termes de visibilité. Donc, une belle opportunité, comme vous dites, puis plusieurs mesures à mettre en place encore.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. On a parlé justement de, bon, les deux aspects, les... toutes les mesures incitatives. Premièrement, peut-être ramener un peu les choses dans leur contexte, parce qu'on a parlé... on parle quand même beaucoup de l'industrie, c'est extrêmement important. Dans le... dans le bilan des émissions de gaz à effet de serre du Québec, il y en a 34 %, des gaz à effet de serre, qui viennent de l'industrie, d'après le tableau qui est à la page 14 du document de consultation. C'est quand même plus de 50 % de ces émissions-là qui viennent de la combustion. Et l'autre secteur qui est... Le secteur qui est le plus important, en fait, c'est le transport, puis on sait que le transport, les émissions de gaz à effet de serre augmentent beaucoup dans ce secteur-là. Et il y a... vous avez parlé de mesures de transport collectif pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le transport.
Est-ce que vous n'entrevoyez pas aussi des... On a entendu, de plus en plus, de certains... certains organismes et même certaines publications, là, qui ont... qui sont... qui ont été diffusées récemment au Québec: Rouler sans pétrole et Indépendance énergétique, et tout ça, Maîtres chez nous ? 21e siècle. Pensez-vous que, dans cette utilisation encore assez massive des hydrocarbures dans l'industrie et dans le transport, que, dans une perspective... dans la perspective qui est... qui est devant nous, là, qu'on pourrait faire des transferts qui nous permettraient de réduire sensiblement? Parce que les transports collectifs, c'est hautement souhaitable, puis tout le monde nous a dit qu'il y a aussi d'autres bénéfices, là, en termes de santé, en termes de développement urbain, et tout ça. Par contre, c'est quand même relativement coûteux. Donc, est-ce que, vous, le credo qui a été un peu lancé par Équiterre, là, il y a quelques semaines, de se... libérer le Québec du pétrole, est-ce que vous croyez à ça?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Oui, tout à fait. En fait, c'est peut-être... c'est peut-être là le plus grand argument économique, justement: c'est la perte de capitaux liés aux hydrocarbures qui ne sont évidemment pas produits sur notre territoire. On pense effectivement qu'on a une belle occasion ici de faire d'une pierre deux coups, comme le disait Équiterre plus tôt cette semaine. Puis je pense que c'est quelque chose qui est inévitable de toute façon, ça va arriver.
Dans l'histoire du Québec, on va devoir se rendre... être indépendants des hydrocarbures. On le sait. Il y a une fin à ça; ce n'est pas une ressource renouvelable, puis ça va se faire. Maintenant, ce qu'il faut voir, c'est: Est-ce qu'on attend d'être devant le mur ou est-ce qu'on en profite pour justement faire des conversions puis utiliser cette conséquence inévitable là pour se préparer adéquatement, ne pas être pris au piège, mettre en place tôt des mesures incitatives pour faire des conversions, pour changer nos pratiques, pour amener des nouvelles infrastructures?
Donc, c'est un petit peu ça qu'on a ici comme défi, c'est toujours le même, c'est: Est-ce qu'on veut faire preuve de leadership ou on veut attendre d'être pris pour le faire?
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bon, on a... on parle à juste escient, là, de changements de comportement auprès des citoyens. Moi, je suis toujours abasourdi quand je repense à juste quelques années plus tôt, quand, moi-même, j'étais, par exemple, dans le réseau collégial au Québec et qu'on pouvait encore fumer la cigarette dans nos salles de classe. Même, je m'en confesse ici publiquement, j'ai déjà fumé la pipe dans un cours de français.
Des voix: ...
M. McKay: Et... Mais quand même, quand on regarde ça... Puis ça ne fait pas un... ça ne fait pas si... ça ne fait quand même pas si longtemps que ça, et le chemin qu'on a parcouru est assez phénoménal. Il y a eu beaucoup de sensibilisation, mais il y a eu beaucoup... il y a eu de la réglementation aussi. On est... Tu sais, l'État est intervenu dans la vie privée des gens pour... et même, maintenant, les force à sortir dehors, en hiver, pour aller... pour aller fumer. Alors, je pense qu'en termes de changements de comportement on est quand même capables de faire pas mal de choses.
Et Mme la ministre aime ça en parler beaucoup, mais, pendant ce temps-là, il y a aussi les gens qui regardent ce que le gouvernement fait et qui s'attendent à voir, sinon l'exemple, du moins un minimum de cohérence, c'est-à-dire que, lorsqu'on... qu'on ne parle pas des deux côtés de la bouche en même temps ou, une expression qu'on entend souvent, que les bottines suivent les babines.
Vous mentionnez, là... puis c'est revenu à quelques reprises, mais je veux en profiter pour vous demander de... peut-être d'en parler, de revenir un peu là-dessus, sur la question des investissements dans le secteur du transport et le fait que, dans une infrastructure majeure qui nécessite des investissements publics très importants et très structurants pour des dizaines d'années à venir, comme l'échangeur Turcot... On sait que le projet a été devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Le rapport n'a pas été rendu public par la ministre de l'Environnement encore. Lorsqu'il le sera, elle devra aussi commenter, prendre position. Pendant ce temps-là, elle a, en tout cas je l'espère, à en discuter avec différents de ses collègues au Conseil des ministres.
Est-ce qu'il y a quelque chose... Qu'est-ce qu'il faut ajouter dans ce dossier-là pour espérer voir... Ou qu'est-ce que vous espérez voir comme changements, sinon dans vos rêves les plus fous, au moins ce qui est le plus réaliste, là? Qu'est-ce que les jeunes veulent voir pour les... pour les décennies à venir?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand.
M. Normand (Jérôme): Dans mon rêve le plus fou, je fume la pipe dans mon cours de français.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Normand (Jérôme): Ensuite...
M. McKay: ...
n(16 heures)nM. Normand (Jérôme): En fait, vous... oui, vous cernez l'exemple de Turcot, puis je pense que c'est un bon exemple où on a besoin de mieux communiquer entre les différents ministères et organismes. L'impression que ça a donné, avec toute l'affaire de Turcot, c'est que le MTQ avait travaillé en vase clos puis est arrivé avec quelque chose de pondu, qui était vraiment tout droit sorti des années soixante, alors qu'on n'en est plus là puis que justement il y a un ministère, tout à ses côtés, qui gère un Fonds vert pour lequel la majeure partie des fonds s'en vont au ministre des Transports. Donc, on a un grand besoin de cohésion à ce niveau-là entre les ministères.
Je pense que la consultation a eu un impact. Je pense que la mobilisation des citoyens face à un projet qui est passé date, tel qu'il était présenté au départ, s'est fait entendre aussi. Donc, pour nous, ça va un petit peu dans le sens de nos aspirations, c'est-à-dire de... que les citoyens prennent la parole, montrent leur désaccord avec ça puis qu'on arrive, qu'on ne soit pas traités d'immobilistes comme on l'a déjà fait par le passé, alors que la position des environnementalistes, ce n'est pas qu'il n'y ait pas d'échangeur puis que... mais c'est de favoriser le transport en commun, de donner la possibilité aux résidents du quartier de ne pas subir les conséquences, et environnementales et sociales, d'une réfection qui serait complètement dépassée et mal adaptée.
Donc, c'est de proposer des alternatives. Évidemment, on l'a fait, on a participé à ces consultations-là puis on souhaite que la majeure partie de nos recommandations soient retenues, qu'il y ait un nouveau projet de déposé complètement, qu'il soit intégré, qu'on se base sur des bons coups qui sont faits ailleurs. Ça, on y revient toujours. Il y a plusieurs grandes villes qui ont sorti les autoroutes urbaines de leur centre, qui... pour en faire des boulevards bien aménagés où il fait bon vivre puis où le citoyen n'est pas en danger de mort puis ne croule pas sous la pollution atmosphérique. Donc, ça se fait, ça existe. C'est un très bon exemple. Puis on... Tout l'aménagement urbain doit être pensé en fonction de l'apaisement de la circulation, des transports actifs, des transports alternatifs, puis ce n'est pas encore fait à tous coups.
La Présidente (Mme Doyer): Le député de L'Assomption.
M. McKay: Bien, juste pour en terminer...
La Présidente (Mme Doyer): Trois, quatre minutes.
M. McKay: ...avec ce dossier-là. Est-ce que vous êtes d'accord... Je pense qu'on a entendu plusieurs personnes pour... qui ont dit, dans ce dossier-là, qu'on devrait séparer l'axe nord-sud de l'axe est-ouest dans le cadre de l'axe... il y a l'axe nord-sud qui, lui, est dangereux et que... c'est reconnu qu'on se dit: Bien, il faut faire ça au plus vite. Par contre, dans l'est-ouest, il y a peut-être un peu plus de temps pour mieux planifier, et planifier avec des objectifs des années actuelles et futures et non des années cinquante et soixante.
La Présidente (Mme Doyer): En trois minutes.
M. Normand (Jérôme): Ça pourrait être envisagé effectivement. Nous, ce qu'on a proposé, c'est... puis c'est toujours rassurant pour la population aussi, c'est qu'on ait un plan intégré pour l'ensemble de la ville de Montréal. Donc, ce qu'on a vu dans les dernières années, c'est des projets isolés, comme s'ils étaient indépendants, alors que l'entrée sur l'île puis tout le... tout le réseau autoroutier motorisé doit être pris en considération. Donc, le pont de la 25, on le sait, il y a plusieurs problèmes majeurs au niveau de comment ça a été pensé et sa projection dans le futur. Même chose pour le... Notre-Dame. Même chose pour l'échangeur Turcot. Donc, une des propositions, nous, qu'on avait, c'était de prendre le temps avant d'arriver avec des projets ponctuels, d'avoir une vision d'ensemble qui soit porteuse puis qui soit convaincante pour les décennies à venir, et non pas réaliser un projet là parce qu'il s'effrite puis...
Donc, c'est d'avoir une vision intégrée. Je pense qu'on peut tout à fait transposer ça au document qui nous intéresse en ce moment. C'est d'avoir une vision intégrée et non pas juste se fixer une cible pour fixer une cible, mais avoir des intentions avec ça puis de... pour chacun des secteurs, comme on le disait, même s'il y en a qui contribuent plus que d'autres à l'émission de gaz à effet de serre, ne pas en prendre un puis de travailler avec un seul des secteurs, mais d'avoir une vision d'ensemble. Comment faire pour que, de front, on puisse travailler avec tous les secteurs et que chacun soit encouragé et pénalisé, dans une certaine mesure, à en faire beaucoup plus.
La Présidente (Mme Doyer): 1 min 30 s, monsieur... député.
M. McKay: Oui, merci. Bien, peut-être un autre domaine où la ministre va trouver que je me répète ou que je reviens un peu sur les mêmes choses, mais on doit quand même constater que ça fait près de... je dirais, probablement près de deux ans maintenant, où le rapport de la... de cette commission-ci, où... je ne siégeais pas à l'époque, mais a remis un rapport unanime de tous les partis pour une... pour la poursuite de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles.
Il y avait, à l'intérieur de ce rapport-là, un objectif qui était justement d'aller vers le zéro enfouissement. Vous reprenez aussi cette proposition-là dans le cadre de la... de la lutte aux émissions de gaz à effet de serre. Qu'est-ce que vous voyez qu'on peut faire à court terme, là, pour... dans ce secteur-là?
La Présidente (Mme Doyer): M. Normand. Et il reste une trentaine de secondes.
M. Normand (Jérôme): Bien, évidemment, comme on le mentionne, en ce qui a trait aux changements climatiques puis aux émissions de gaz à effet de serre, la problématique majeure des sites d'enfouissement, tels qu'on les connaît actuellement, c'est l'enfouissement de matières organiques, qui représentent près de 40 % du sac-poubelle, donc une grande partie à laquelle on ne s'est pas encore attaqués de manière intégrée. La décomposition de ces matières-là sans air, donc de manière comprimée dans un site d'enfouissement, ce sont elles qui créent les biogaz, donc entre autres le méthane et le CO2 qui sont la source de 5,4 % de nos émissions de gaz à effet de serre au Québec.
Donc, nous, notre position, c'est de bannir l'enfouissement des matières organiques, ce qui amènerait nécessairement, au fil de quelques années, à la mise en place d'infrastructures pour le compostage au-delà du seul compostage domestique qui n'est pas à négliger non plus, mais qui n'est la solution au problème qui est d'envergure.
Les deux autres choses qu'on attend de la politique, c'est la clarification de la notion de valorisation. Présentement, il y a un grand dérapage sur ce qu'est la valorisation énergétique qui, en fait, n'est seulement que la récupération énergétique de l'élimination et, finalement, une vraie place à la réduction à la source et non pas que ce soit un précepte théorique, mais qu'on tente réellement de réduire en amont la consommation de biens inutiles.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Normand, Mme Côté, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission, et je vais demander aux personnes qui suivent de venir s'installer, c'est-à-dire les gens de l'Institut canadien des produits pétroliers.
Je vais suspendre quelques instants pour l'installation des nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 8)
La Présidente (Mme Doyer): M. Carol Montreuil, vice-président de l'Institut canadien des produits pétroliers et M. Louis Forget, vice-président des Affaires publiques et gouvernementales à Ultramar, bienvenue en commission, et vous avez 10 minutes pour faire votre présentation avant les échanges.
Institut canadien des
produits pétroliers (ICPP)
M. Montreuil (Carol): Merci, Mme la Présidente. Mesdames messieurs les commissaires, merci de permettre à notre organisation de vous présenter son point de vue dans le cadre de la commission. Je suis Carol Montreuil, vice-président de l'Institut canadien des produits pétroliers. Au cours des 10 prochaines minutes, nous vous résumerons les enjeux principaux pour l'industrie pétrolière. Je suis accompagné de M. Louis Forget, vice-président aux Affaires publiques et gouvernementales chez Ultramar.
Permettez-moi quelques mots sur notre organisation. L'Institut canadien des produits pétroliers est une association de 11 compagnies canadiennes opérant dans le raffinage ou la commercialisation. Les membres de l'ICPP exploitent 16 raffineries au Canada représentant plus de 80 % de la capacité de raffinage du pétrole brut et des opérations de commercialisation. Les sociétés membres au Québec et actives dans le raffinage ou la commercialisation sont la Compagnie pétrolière Impériale, Produits Shell Canada, Suncor Énergie, Ultramar, donc les compagnies que vous connaissez.
Mme la Présidente, en ce qui a trait à la question des cibles dont le Québec doit se doter pour 2020, notre organisme désire traiter trois enjeux, soit la question de l'équité avec les programmes avoisinants, de l'importance que les voies de solution existent réellement et finalement de la flexibilité que le système de plafond et échange devrait permettre. Nous avions souligné en début d'année, lors de l'étude du projet de loi n° 42, que les pétrolières avaient une longue tradition de collaboration avec le gouvernement du Québec et que la mise en place d'un système de plafond et échange de gaz à effet de serre ne ferait pas exception. Nous avions également souligné que l'approche plafond et échange, contrairement à d'autres modèles proposés ailleurs au Canada et dans le monde, avait le vent dans les voiles, ici, en Amérique du Nord, en Asie, en Australie et en Europe.
n(16 h 10)n En adhérant au WCI, nous comprenons que le Québec ait misé sur le système plafond et échange. Certains de nos membres soutiennent cette approche pour les grands émetteurs et la considèrent comme la plus efficace et la plus économique pour l'atteinte de cibles de gaz... de réduction de gaz à effet de serre.
D'autres de nos membres ne sont pas tout à fait d'accord sur l'approche plafond et échange par rapport à d'autres outils économiques, telle qu'une taxe de carbone.
Toutefois, et c'est le premier point, l'idée que plusieurs juridictions cheminent dans une approche similaire, mais avec des objectifs, des mécanismes, des échéanciers différents, soulève un premier enjeu et des inquiétudes de taille pour notre secteur, et en particulier pour nos trois raffineries au Québec. On l'a dit et répété à maintes reprises, un système plafond et échange est d'abord et avant tout un outil économique pour permettre l'atteinte de réduction au meilleur coût possible pour la société. Il s'agit donc d'un outil ayant nécessairement des impacts économiques pour les juridictions participantes.
Dans notre monde de libre-échange et d'ALENA, où les produits pétroliers circulent, sont régulièrement importés au Québec en provenance de juridictions aussi éloignées que l'Europe et l'Afrique, il importe de s'assurer que les usines du Québec ne soient pas confrontées à des concurrents n'ayant pas les mêmes exigences environnementales. Cette équité passe également par la reconnaissance des actions passées qui expliquent la performance de notre secteur depuis 1990.
Par conséquent, notre première recommandation est la suivante: que la cible dont se dotera le Québec soit harmonisée dans son application envers les juridictions avec lesquelles nous faisons concurrence, de façon à préserver la compétitivité de notre industrie et reconnaître la performance de notre secteur depuis 1990. La cible de réduction de gaz à effet de serre du Québec, conjointement avec les dispositions du programme plafond et échange, doivent reconnaître les implications en matière de coût et de concurrence imposées au secteur du commerce.
La sélection de la cible et la conception du programme doit non seulement permettre la réduction des gaz à effet de serre, mais aussi alléger tout important dommage à l'économie du Québec et aux entreprises de raffinage au Québec. À cet égard, la méthode d'attribution des crédits d'émission sera un des aspects les plus importants pour assurer cette équité: en d'autres mots, ne pas imposer à nos raffineries locales un fardeau plus important que celui imposé aux raffineries dans des juridictions concurrentes.
Le deuxième enjeu que nous voulons soulever aujourd'hui touche plus spécifiquement la question de la cible que le Québec devrait se donner, et plus particulièrement du point de vue des solutions réellement possibles pour s'y rendre. La question du 10 %, du 12 %, du 15 % ou du 20 % de réduction, soumise dans l'excellent document de consultation produit par le gouvernement, est, quant à nous, secondaire, est, quant à nous, subsidiaire à la question suivante: les solutions vers l'atteinte de l'objectif existent-elles vraiment pour l'objectif et l'horizon choisi?
Le document du ministère met en exergue une situation particulière mais bien connue au Québec: l'importance relative du secteur transport à 40 % des émissions totales de GES en hausse de 22 % par rapport à 1990. Cet état de fait confirme que tout succès au Québec doit passer par une réussite et des accomplissements majeurs dans ce secteur. Or, à ce jour, aucune juridiction sur la planète n'a réussi à infléchir de façon durable la croissance du secteur transport. Les scénarios de réduction proposés dans le document de consultation vont dans le sens de notre expérience dans plus de 100 pays. Peu d'initiatives vraiment porteuses, à court horizon, en termes de réduction notable, durable et politiquement réalisable ne sont sur la table pour le moment.
En fait, comme d'autres observateurs, nous remarquons que les réductions récentes sont le lot du ralentissement économique planétaire auquel la plupart des nations sont confrontées. À lui seul, on estime que le ralentissement économique sera responsable d'une réduction de GES de l'ordre de 6 % en 2009. Des solutions se pointent à l'horizon, mais les défis technologiques et économiques sont de taille. Il est donc douteux que ces défis seront résolus et les solutions mises en place d'ici 10 ans, soit l'année... soit avant l'année 2020.
Le secteur industriel, quant à lui, représente 34 % de l'ensemble des émissions, en baisse de 7 % par rapport à 1990. Il est donc difficile d'imaginer de faire porter un fardeau relatif additionnel à ce secteur. D'où notre deuxième recommandation: la cible de réduction de GES choisie, quelle qu'elle soit, devrait être arrimée dans le temps et dans la finalité recherchée à ce qui est techniquement et économiquement réalisable pour l'échéancier choisi. En d'autres mots, il doit y avoir des voies de conformité qui permettront aux parties obligées de respecter les exigences de réduction de GES de... matière raisonnable. La tentation sera forte évidemment politiquement de choisir le chiffre le plus ambitieux des quatre options présentées dans le document de consultation, soit celui de l'Union européenne, de 20 % par rapport à 1990.
Toutefois, ne perdons pas de vue que le modèle européen est en place et en développement depuis 2005, donnant une période d'application de 15 ans à l'horizon 2020, alors que nous sommes déjà à l'aube de 2010 et que le plan québécois vise la période 2013-2020. Gardons donc à l'esprit que la cible du Québec sera choisie dans un contexte fort différent.
Le dernier point que nous voulons soulever aujourd'hui touche l'aspect échange du système plafond et échange et, en particulier, la question de la flexibilité qui sera intégrée au programme. Nous insistons sur le fait que la cible et l'horizon choisis ne représentent que la moitié du défi. Les enjeux de compétitivité touchant l'aspect échange du programme sont aussi sinon plus important que les cibles en tant que telles. Peu importe l'objectif de réduction choisi nationalement, on peut déjà admettre que l'effort déployé par tous les secteurs sera considérable et nécessitera obligatoirement le recours à l'échange de crédit.
Or, les modalités de ce système d'échange seront primordiales. Plusieurs questions se posent. Le cadre québécois favorisera-t-il l'accès au droit d'émissions d'autres juridictions? Permettra-t-il à un émetteur d'emmagasiner des crédits dans le but de les utiliser dans une période subséquente? Permettra-t-il l'emprunt de crédits, d'une période à une autre, tout en respectant l'objectif de réduction à terme? Permettra-t-il au secteur industriel exposé à des distorsions de balance commerciale ou d'importation inéquitable de bénéficier de crédits d'émission gratuits jusqu'à l'aplanissement des systèmes de plafond et échange entre les juridictions?
Ces enjeux nous interpellent et sont d'autant plus importants pour le secteur pétrolier que pour tout autre secteur. En effet, il semble, en vertu de la définition d'un émetteur du projet de loi n° 42, que notre industrie sera appelée à gérer les émissions du secteur transport en plus du secteur industriel que nous représentons, même si nous n'avons aucun contrôle sur les habitudes d'achat et de conduite des véhicules.
Nous ne sommes qu'une partie de l'équation et devons composer avec une demande pour nos produits qui n'a cessé de croître au cours des dernières années et qui est tributaire de l'activité économique non seulement provinciale, mais internationale. Le gouvernement, dans son document de consultation, cite même l'exemple européen et scandinave pour souligner, par exemple, à quel point les taxes sur les carburants constituent un fort incitatif aux économies d'énergie. Donc, nous croyons que le gouvernement devrait faire preuve de transparence.
Donc, les questions soulevées plus tôt revêtent une importance encore plus marquée quand on connaît les difficultés pour le secteur transport à réduire ses émissions, en particulier en période de prospérité économique. D'où notre dernière recommandation: que le gouvernement du Québec mette en place des mécanismes de flexibilité dans le système d'échange pour assurer que l'objectif de réduction choisi soit vraiment atteint au plus bas coût possible et de façon transparente pour le consommateur, en particulier dans le secteur du transport. Merci.
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil, 10 minutes, c'est parfait, 10 min 8 s. Merci aussi à M. Forget. Alors, je vais donner la parole à Mme la ministre pour 25 minutes d'échange.
n(16 h 20)nMme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Montreuil est capable d'arriver pile, parce qu'il commence à être un expert des commissions parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec. Je vous souhaite la bienvenue, M. Montreuil, M. Forget.
M. Montreuil, peut-être une première question, c'est... Dans le cadre de votre mémoire, vous prenez le temps de dire que certains de vos membres sont favorables à un système de plafonnement et d'échange de crédits carbone, alors que d'autres de vos membres sont plus favorables à l'imposition d'une taxe sur le carbone. Vous le présentez comme étant des scénarios, comment... j'allais dire, compétitifs, l'un ou l'autre.
Or, on voit, par exemple, qu'à l'échelle de l'Europe un État comme l'État français a annoncé, dans un contexte où il existe déjà un marché du carbone, donc un système de plafonnement et d'échange de crédits carbone. S'ajoute à ça l'autre scénario, la notion d'une taxe sur le carbone.
Donc, nous, la modélisation que l'on a faite est un peu sur cette base-là, à savoir que l'on dit que membre du WCI et espérons-le dans un contexte où il existerait sur une échelle plus continentale un marché du carbone, on dit, il y aura un système de plafonnement et d'échange de crédits carbone. Mais on dit aussi qu'il faudra qu'il y ait un prix fixé au carbone. On parle de la redevance, mais je pense qu'avec beaucoup de transparence... Il y a même un tableau qui illustre l'impact sur un ménage... différents types de ménages québécois, s'ils ne changeaient pas ses comportements et avant qu'on parle d'un retour fiscal vers ces ménages.
Donc, je pense qu'on est complètement transparents, mais vous voyez qu'à l'horizon 2020, nous, on dit: Bien, les deux mesures de type économique vont devoir cohabiter pour atteindre nos objectifs.
Je voulais donc vous entendre un peu plus. Est-ce que vos membres... Comment réagissent-ils au fait... comme vous dites vous-mêmes, au niveau de l'Europe, ils ont une expérience plus longue que la nôtre pour l'existence d'un marché du carbone. Maintenant, il y a des initiatives où s'additionne à ça l'arrivée ou l'imposition d'une taxe carbone. Est-ce que vos membres réalisent que, finalement, sur un horizon de 2020, c'est sûrement ce qui va arriver? Ou, en tout cas, comment réagissez-vous au fait que, nous, dans notre modélisation, c'est les deux systèmes qui vont cohabiter?
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
M. Montreuil (Carol): J'introduirais un élément de réponse et demanderais à M. Forget, comme compagnie étant présente dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, de compléter.
Il faut faire attention quand on dit que les deux systèmes peuvent coexister. Quand on parle de bourse ou d'échange entre partenaires, comme à la bourse pour les actions, il y a un processus qu'on appelle la découverte du prix. Et la découverte du prix d'une commodité vient du fait que des partenaires s'échangent, certaines veulent acheter, d'autres vendre, et qu'effectivement il y a une découverte de prix. Donc, on ne peut pas en même temps, dans un système, laisser un marché faire son oeuvre pour arriver à une découverte de prix qui va être de x et, d'autre côté, fixer ce x à un autre chiffre qui pourrait être fort différent.
Donc, oui, c'est possible probablement de les arrimer, mais il faut faire attention que dans les deux... Les deux systèmes, à la base, ont une approche différente où, d'un côté, on laisse un marché déterminer ce que sera cette taxe-là ou le prix de la tonne de carbone et, de l'autre côté, certains auraient laissé entrevoir, par exemple: Pourquoi pas éviter tout ce système-là et ne pas fixer à la source, dès le départ, le plus près possible du puits de pétrole, un chiffre qui, lui, sera garant de tout ce qui va... dans les comportements?
Une voix: M. Forget.
La Présidente (Mme Doyer): M. Forget.
M. Forget (Louis): Écoutez...
La Présidente (Mme Doyer): C'est moi qui donne la parole. Non, je vous le rappelle parce que... pour que les gens qui vont relire après sachent bien qui a parlé. Ça paraît fastidieux, mais il faut le faire. Alors, M. Forget, s'il vous plaît.
M. Forget (Louis): Écoutez, Ultramar favorise, pour plusieurs raisons, la taxe sur le carbone. Plafond échange va laisser beaucoup de place aux spéculateurs, à la spéculation, beaucoup d'incertitude face à qu'est-ce qui peut être échangé, avec quelle orientation, quelles compagnies, quels milieux, alors qu'une taxe sur le carbone est connue et beaucoup plus transparente vis-à-vis les consommateurs.
Il faut se rappeler qu'Ultramar, qui fait partie de la famille Valero, n'a que des activités dans le secteur aval, qui est le raffinage et la commercialisation.
Donc, nous, on n'a pas le choix comme d'autres entreprises qui sont dans les deux secteurs, soit l'amont, qui est l'exploration et la production, de concentrer leurs actifs vers l'exploration. Nous, on doit vraiment travailler au niveau du raffinage et de la commercialisation. Trop d'inconnues au niveau plafond échange, trop de spéculation probablement et beaucoup plus de côtés connus et de transparence du côté taxe sur le carbone.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: M. Montreuil, vous êtes accompagné donc d'un porte-parole d'Ultramar, que je comprends, M. Forget, vous vous êtes exprimé au nom d'Ultramar. Mais, M. Montreuil, dans votre mémoire, vous prenez le temps de dire que certains de vos membres sont favorables à un système de plafonnement et d'échange de crédits carbone. De l'autre côté, si, à votre gauche, vous aviez un des membres de votre institut qui était favorable au système de plafonnement et d'échange de crédits carbone, il utiliserait quels arguments pour nous en convaincre?
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
M. Montreuil (Carol): En fait, le danger, quand on veut choisir un prix pour la tonne de carbone qui, par exemple... Prenons l'exemple du Québec où on sait que le secteur transport a probablement des réductions importantes à faire, on le sait. C'est de loin le secteur qui ressort du bilan. Donc, vous posez la question comme législateur et vous dites: Ma foi! Est-ce qu'il y a un prix? Quel prix? Est-ce qu'il y a un prix possible pour une tonne de carbone qui permettrait d'amener des réductions de l'ordre de 15 %, 20 %, 30 %, 40 %? On a entendu beaucoup de chiffres?
On a vu, l'an passé, dans les rues de Montréal, dans les rues du Québec, un prix qui a atteint des records inégalés à la pompe. On le sait, on a approché du 1,50 $ le litre à la pompe. Et, dans les faits, la réduction de consommation des produits pétroliers a été somme toute modeste. Donc, les gens qui préfèrent laisser un marché avec le temps et permettre, dans un système plafond et échange, d'aller peut-être chercher les crédits qui ne sont pas réalisables dans le secteur transport, aller les chercher dans possiblement d'autres secteurs avec lesquels on pourra échanger, préfèrent ce secteur-là parce qu'ils ne voient pas comment une taxe de carbone ou ils ne voient pas à quel niveau cette taxe de carbone là devrait être pour amener le genre de réduction que vous avez besoin de voir pour le secteur transport.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Et donc je voulais juste, moi, ramener le fait que, dans notre perspective ? puis c'est important de le dire en toute transparence ? dans notre perspective, si le débat sur quel est le meilleur système peut-être avait cours il y a encore 18 mois, les choses ont évolué avec, par exemple, le modèle maintenant français où les deux systèmes vont cohabiter, puis avec des objectifs, je dirais, c'est le... Ce n'est pas le même type d'objectifs, c'est-à-dire que le marché du carbone est donc, pour que le secteur industriel et d'autres secteurs sous la forme réglementaire doivent respecter un quota d'émissions de carbone, alors que la notion de la taxe carbone est plus une notion, comme vous le disiez, d'atteindre une certaine valeur pour qu'il y ait un effet dissuasif chez le consommateur, sans que ça veuille dire nécessairement une, je dirais, nécessairement que ce soit une... à la fin, une pénalité financière nécessairement pour le consommateur, puisque le modèle, par exemple, prenons le modèle français amené par M. Sarkozy à partir du 1er janvier, dit bel et bien: On va refléter un prix du carbone à la pompe, mais il y a le retour par un chèque vert vers les familles.
Donc, ce n'est pas tout à fait la même... ce n'est pas la poursuite de la même finalité dans les instruments économiques. Et, dans ce sens-là, je veux juste rappeler qu'on s'en va... la démonstration, en tout cas, à l'échelle européenne semble nous dire, on s'en va vers la coexistence des deux instruments économiques. Bien sûr, la finalité, c'est toujours qu'on diminue notre consommation de carbone, ça, c'est évident, mais il y a donc deux instruments économiques pour nous aider à atteindre des réductions de carbone.
Et je voulais aussi, là, vous dire que, même depuis l'adoption de notre projet de loi au printemps, on voit que les choses, par exemple, sur le territoire américain, ont aussi avancé avec le fait que bien que je suis certaine qu'il y a eu de multiples représentations pour dire: On ne devrait pas mettre en place un système de «cap-and-trade», c'est trop lourd, trop fastidieux, on devrait se contenter, je dis se contenter, là, mais on devrait mettre en place une taxe sur le carbone, c'est le meilleur moyen pour diminuer la consommation d'hydrocarbures. On voit que la principale puissance économique mondiale, dans deux projets de loi, un qui a traversé la Chambre des représentants et l'autre qui est maintenant déposé devant le Sénat, confirme que la principale puissance économique mondiale choisit un mode de plafonnement et d'échange de crédits carbone dans les différents instruments économiques qui sont mis en place. Et je voulais juste le rappeler en disant: Il me semble que des États fédérés, comme le Québec ou la Californie, ont voulu montrer la voie, mais il semble bien que les choix sont en train d'être faits de ce point de vue là.
Ça m'amène aussi à vous demander d'avoir plus d'information sur l'aspect de la compétitivité des installations québécoises. On comprend bien le message. Je pense ici, là, tout le monde, on est sensibles au message que sont venus nous porter plusieurs secteurs, un message de prudence en disant: Il ne faudrait quand même pas qu'il y ait des règles du jeu telles au Québec qu'on ne soit plus en mesure de compétitionner avec des concurrents installés sur d'autres territoires.
On comprend ce message-là, mais en même temps ? puis c'est là que je veux avoir votre réaction ? je trouve un peu que c'est comme si vous dessinez la réalité comme si les choses n'avaient pas bougé alors qu'on voit, par exemple, dans le projet de loi américain qui a traversé la Chambre des représentants, la notion même de pénalités tarifaires sur des produits provenant d'États qui ne respecteraient pas les mêmes conditions qu'eux. Même chose où l'Union européenne nous dit aussi: S'il ne devait pas y avoir d'entente à Copenhague, nous, on ne lâchera pas, puis on pense à l'imposition de pénalités tarifaires.
Donc là, je veux vous entendre parce que... voilà encore un an et demi, on pouvait se dire: On ne peut pas être tout seul avec des règles du jeu différentes d'un point de vue économique. Mais là j'ai des voisins immédiats qui sont en train de dire: Si les autres ne suivent pas, il y aura des pénalités tarifaires. Donc, pouvez-vous nous faire un portrait à jour du contexte de la concurrence dans votre secteur, comment elle se vit sur le territoire américain, comment vous voyez le projet de loi Kerry-Boxer qui est maintenant devant le Sénat? Puis aussi, vous-même, dans votre mémoire, quand vous faites appel... quand vous nous interpellez au niveau de la concurrence, vous faites référence à l'Afrique, mais vous faites référence à l'Europe...
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
Mme Beauchamp: ...qui, de façon indéniable, qui semble...
La Présidente (Mme Doyer): Excusez-moi.
Mme Beauchamp: ...vouloir mettre des règles du jeu beaucoup plus sévères dans votre secteur. Donc, comment on doit lire la concurrence pour les installations québécoises?
n(16 h 30)nM. Montreuil (Carol): Bien, en fait, on dit beaucoup la même chose, Mme la ministre. Il est clair que, quand on se qualifie comme étant un secteur qui est exposé, dans la nomenclature, comme la nomenclature américaine... Parce que justement le Québec compétitionne dans ce qu'on appelle le bassin de l'Atlantique qui inclut, comme vous le disiez, l'Europe, l'Afrique, et donc il doit y avoir des mesures. Quand c'est avec un partenaire comme les Américains, si... et si les Américains continuent sur la voie sur laquelle ils sont présentement, à ce moment-là, il n'y a pas de problème, les gens adoptent un système, un mécanisme qui est semblable, et donc le marché est ouvert. Mais quand on pense qu'une partie importante...
Le Québec, pour l'instant, est une province clairement importatrice, et donc ces produits-là avec lesquels nous devons compétitionner, s'ils proviennent de secteurs du bassin de l'Atlantique qui ne font pas face ou qui feront face, comme on dit dans notre mémoire, peut-être à une période un peu plus lointaine, il faut s'assurer, durant cette période de transition là, la façon d'allouer les crédits d'émission tienne compte de ça, particulièrement en fonction de ces produits-là qui se retrouvent sur le marché québécois.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Juste à des fins de...
M. Forget (Louis): ...
Mme Beauchamp: Ah!
La Présidente (Mme Doyer): Oh! M. Forget.
M. Forget (Louis): Si je peux me permettre d'ajouter... Merci. Si je peux me permettre d'ajouter, la raffinerie d'Ultramar est très efficace lorsqu'on la compare à des raffineries européennes ou même américaines. Donc, si on impose un fardeau trop lourd aux usines d'ici ou, exemple, à une usine comme celle d'Ultramar, qui a pris beaucoup d'essor et a augmenté sa capacité dans les dernières années pour répondre à la demande, à ce moment-là on va imposer un fardeau additionnel, on devra importer pour répondre à la demande du Québec. Les gaz à effet de serre, ce n'est pas unique au Québec, c'est planétaire. Il faut en tenir compte.
L'autre chose que vous avez mentionnée beaucoup: les Américains regardent tel scénario, sauf qu'on commence à voir qu'à l'approche de Copenhague ils commencent à mettre un peu les pieds sur les freins et à baisser énormément les attentes parce qu'ils sont loin vraiment de la coupe aux lèvres. Donc là, il ne faut pas isoler le Québec, qui a des raffineries très efficaces, qui a un marché différent. On le compare souvent à certains États européens, mais il a des différences, le Québec. On compare le Québec à la Californie; on ne vit pas la même situation au Québec qu'en Californie. Le Québec n'est pas en concurrence avec la Colombie-Britannique non plus. Donc, il faut tenir compte de ces particularités-là.
Vous avez des usines très efficaces ici. Si on les pénalise davantage face à d'autres usines, que ce soit... qui sont beaucoup moins perforantes aux États-Unis ou dans certaines régions de l'Europe, ou de l'Afrique, ou même des Caraïbes, on va devoir importer pour répondre à la demande. Écoutez, nous, on répond à une demande, ici. Mon collègue l'a bien mentionné, on est une partie de l'équation, et ce n'est pas nous qui va freiner l'augmentation de la demande. On l'a constaté, il y a eu un frein sur la demande l'an dernier, lorsque les prix à la pompe ont atteint un sommet, et on a constaté rapidement que les gens changeaient, modifiaient leurs habitudes. Dès que les prix à la pompe sont revenus près du dollar, les gens sont retournés à leurs anciennes habitudes, que ce soit au niveau de conduite ou de choix de véhicule.
Donc, il faut faire attention. On a ici de bonnes usines, on a des usines qui ont investi, au fil des ans, des sommes colossales pour répondre à la demande, pour s'améliorer, pour réduire les gaz à effet de serre, mais, au même moment où vous devez répondre à une demande, vous augmentez certains gaz à effet de serre, vous produisez des produits qui sont beaucoup plus propres. Donc, il y a toujours ces dilemmes-là auxquels nous sommes confrontés.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, c'est pour ça que je voulais vous entendre de façon plus explicite sur la notion de concurrence. Puis bien honnêtement, moi, quand vous me parlez de bassin Atlantique, là, je ne sais pas de qui vous me parlez exactement, parce que je suis capable de vous défiler bon nombre d'États, aux États-Unis, qui ont adopté des cibles pour 2020. Parce que je trouve que parfois on a tendance à présenter ça comme si c'était quasiment de dire: Le Québec est en train de faire cavalier seul en se donnant une cible, alors que l'Ontario a sa cible à moins 15 %, fixée à l'intérieur du WCI. Bon nombre d'États de la Nouvelle-Angleterre ont leurs cibles qui avoisinent entre moins 10 % et moins 20 %. Et c'est pour ça que je veux vous entendre un peu plus.
Puis, vous-même, dans le mémoire, vous me parlez de la concurrence de l'Europe. Je me dis: L'Europe a... s'est donné une cible. Donc, on est conscients, là, on est très conscients qu'on fait partie de... bien sûr, de marchés économiques intimement imbriqués, on le sait, mais justement on a besoin d'en savoir un peu plus sur...
Quand, vous, vous nous dites: On ne peut pas agir comme si on était seul au monde, on comprend ça, mais vers qui vous voulez qu'on tourne notre regard? Est-ce que c'est vraiment le bassin Atlantique ou est-ce que finalement, dans ce que j'appelle familièrement, moi, la vraie vie, là, est-ce qu'on est en train de parler des pays du Maghreb, comme l'Algérie, dont on importe le pétrole? Tu sais, c'est... Vers qui se tourne notre regard, quand vous dites: On ne doit pas être pénalisés par rapport à notre concurrence?
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
M. Montreuil (Carol): Oui. En fait, c'est un... c'est un commentaire de prudence, d'être prudents par rapport... Alors, que ça provienne de l'Afrique du Nord, que ça provienne des Caraïbes, où il y a des raffineries, que ça provienne de l'Europe, qui devrait être couverte normalement par un système équivalent, c'est de s'assurer ? et le système plafond échange le permet ? de s'assurer de mettre en place les garde-fous que, s'il y avait ce genre de dumping là, entre guillemets, potentiel, que le système québécois permette de faire en sorte que les raffineries locales ne seraient pas défavorisées. Donc, peu importe d'où ça vient, si ça vient d'un système qui est équivalent, à ce moment-là, c'est équitable; si ce ne l'est pas, le système québécois permettrait de filtrer ces produits-là pour empêcher que ces produits-là compétitionnent de façon inéquitable avec nos raffineries. C'est ce qu'on dit.
La Présidente (Mme Doyer): M. Forget.
M. Forget (Louis): Si je peux me permettre, Mme la ministre, tantôt, vous avez fait allusion, dans la présentation des gens qui nous ont précédés... C'est vrai que l'Ontario a des cibles élevées, mais vous avez mentionné aussi que l'Ontario va viser, comme d'autres États américains, beaucoup la réduction du charbon, l'utilisation du charbon dans les centrales, et tout ça. Donc, possiblement qu'ils vont pouvoir faire des gains substantiels puis ils vont viser ces utilités-là, alors que les raffineries vont être moins pénalisées.
La même chose du côté des États-Unis. On le sait, ils fabriquent beaucoup d'électricité, soit avec... encore là, avec du pétrole ou du charbon. Donc, c'est là où il faut faire attention que les usines d'ici ne soient pas pénalisées face à ceux avec qui on est en concurrence immédiate, parce que, oui, on achète des produits de l'Algérie, oui, on achète des produits qui viennent d'Europe, soit de la France, soit de certains États plus au nord, parce que les besoins doivent être comblés, donc vous allez chercher les produits là où vous pouvez avoir les meilleurs prix et le transport... le coût de transport le plus efficace pour l'amener ici.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Vous... Dans votre mémoire, vous dites carrément qu'à votre connaissance, à travers la planète, il n'y a eu aucun scénario appliqué de façon durable pour modifier la courbe, je dirais, là, le... du développement de la demande dans le domaine du transport. Pourtant, vous le dites vous-mêmes, que c'est l'enjeu numéro un au Québec.
Est-ce qu'on doit lire ce commentaire-là, dans votre mémoire, comme un signal où vous jugez que, sur un horizon de 2020, il n'y aura pas de modification majeure possible sur notre territoire, dans le domaine du transport? Est-ce que c'est ça, un signal que vous nous envoyez?
Et, dans le fond, ça m'amène à vous demander de commenter les... Je vais vous donner un exemple, là. Il y a encore 12 mois, peut-être que personne ne croyait que l'imposition des normes californiennes serait bel et bien une réalité à l'échelle des États-Unis, imposée par l'EPA. Pourtant, aujourd'hui, c'est à nos portes, c'est une décision de l'administration Obama. Le déploiement de la voiture électrique, encore il y a quelque temps, des gens disaient: C'est à très longue échéance. Pourtant, dans son plan de relance économique, le gouvernement américain a décidé d'y investir beaucoup d'argent comme étant un axe de relance économique pour son industrie automobile.
Donc, je vais vous donner l'occasion de m'en dire un peu plus long. Est-ce que, dans votre mémoire, vous nous lancez le signal, donc, que vous ne voyez pas l'arrivée d'aucun facteur, notamment d'ordre technologique, dans le secteur des transports, pouvant amener d'importantes réductions? Est-ce que c'est ça que vous vouliez nous dire? Puis, moi, je suis là puis je me dis: Pourtant, il me semble que je... il me semble que je vois les choses bouger autour de moi. Donc, je vais vous permettre d'approfondir un peu cette question sur, selon vous, c'est quoi, les perspectives de changement dans la consommation d'hydrocarbures dans le domaine des transports.
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
n(16 h 40)nM. Montreuil (Carol): Oui, effectivement. Malheureusement, c'est qu'il y a beaucoup de voeux pieux qui sont prononcés, et qui sont prononcés depuis 20 ans. On pourrait passer une heure ici en parlant de rendez-vous manqués, de promesses manquées venant évidemment de la Californie. Qui se souvient des ZEV, des «zero-emission vehicles», en Californie, qui devaient être en place à un taux de 10 %, 15 % pour une telle année? Ce qu'on a vécu depuis 15 ans, ce n'a été qu'une succession de promesses qui n'ont été que reportées plus loin, année ou décennie après décennie. Et le danger, c'est que les ambitions dépassent nos moyens.
Pour tous les défis technologiques et économiques auxquels on fait face, une des seules choses qu'on a besoin, habituellement, c'est du temps. Il faut... Ce n'est pas parce que quelque chose fonctionne dans un laboratoire qu'effectivement, en termes économiques et en termes d'acceptation de masse dans la société, qu'on est prêts. Et c'est un peu le problème qu'on a vécu au cours des dernières années: ça s'est fait... trop souvent des promesses qui n'ont pas été tenues. Et, quand on regarde un horizon aussi court que 2013 où, comme dans votre document de consultation, on mise beaucoup sur des changements comportementaux ou des investissements d'infrastructures qui, on le sait, souvent demandent des périodes très longues... On pense à des trains haute vitesse, par exemple, on pense à des nouveaux ponts ou des rails légers sur pont pour améliorer le déplacement, on pense à l'urbanisation. Ce sont des choses qui se passent sur des très longues périodes.
Donc, malheureusement, l'expérience que nous avons et qu'on observe dans plusieurs États qui tentent de faire comme le Québec, dans le secteur transport, malheureusement, il faut avouer un constat d'échec. Un jour, il y aura des véhicules électriques, personne n'en doute. Et tout le monde sait qu'en laboratoire la question de la pile pose un problème. L'économie hydrogène, on le verra peut-être un jour, mais encore une fois il y a des défis technologiques et économiques à surmonter. Ils seront surmontés, et nous sommes optimistes, mais habituellement pas dans les échéanciers que politiquement on voudrait qu'ils arrivent.
La Présidente (Mme Doyer): Mme la ministre, pour un dernier échange.
Mme Beauchamp: M. Montreuil, sûrement, vous êtes conscients que, lorsqu'on vous écoute, on ne peut pas s'empêcher de penser à la réaction de plusieurs joueurs industriels lorsque les gouvernements, en Amérique du Nord, ont voulu imposer des normes au niveau des émissions des pluies acides et qu'on a beaucoup entendu parler qu'il y avait des problèmes d'un point de vue de trouver la bonne façon d'un point de vue technologique, que les impacts seraient trop importants d'un point de vue économique, que ce n'était pas faisable, que ça prendrait plus de temps, qu'il fallait étaler les investissements nécessaires pour réaliser les objectifs. Et la fin de l'histoire, c'est que finalement, après avoir dressé beaucoup, beaucoup, beaucoup d'écueils, les gouvernements ont imposé des normes et que les objectifs ont été atteints avec un impact économique beaucoup moindre que ce que plusieurs joueurs des secteurs industriels prévoyaient.
Pouvez-vous me convaincre que, cette fois-ci, je ne suis pas dans le même scénario que les pluies acides?
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil, vous avez une minute pour nous convaincre.
M. Montreuil (Carol): Oui. Ce qui est très... ce qui est très différent... Il y a une chose: quand on connaît la voie de solution... C'est pour ça que la deuxième recommandation qui parle: Assurons-nous «que des voies de solution existent». Quand il a été question de pluies acides, il était question d'investissements importants sur le bout des cheminées, d'investissements importants sur des produits plus propres, ce que nous avons fait, mais les éléments de solution et la technologie pour y arriver étaient connus. Les drapeaux qui étaient levés, c'étaient des drapeaux: Est-ce qu'économiquement l'industrie, que ce soit l'acier, le pétrole, peut rester viable en mettant en place ces systèmes-là? Là, on fait face à un autre défi parce que les solutions ne sont pas devant nous. L'auto électrique ne sera pas sur nos routes en masse dans les 10 prochaines années, et, dans la plupart des juridictions, malheureusement, l'électricité n'est pas faite comme au Québec, avec de l'hydroélectricité.
Donc, ces défis-là sont d'autant plus importants dans le cadre des changements climatiques parce que du côté transport, à court terme, les voies de solution porteuses en masse ne sont pas à l'horizon. Un jour, elles seront là, mais elles ne sont pas dans un horizon de 10 ans.
La Présidente (Mme Doyer): Oui, monsieur...
M. Forget (Louis): Juste un... juste un dernier mot sur ça.
La Présidente (Mme Doyer): M. Forget, pour un dernier mot.
M. Forget (Louis): C'est que les pluies acides, vous avez... c'est un bon point que vous faites, mais c'est les industries qui étaient interpellées d'apporter des modifications, comme l'a expliqué mon collègue, sauf que, dans ce qui nous concerne aujourd'hui, vous demandez aux consommateurs de changer leurs habitudes, et ça, c'est très différent.
La Présidente (Mme Doyer): Merci, messieurs. Alors, je vais passer à l'opposition officielle. M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Et bonjour, M. Montreuil et M. Forget. Moi, j'aimerais ça... Vous aviez... vous l'avez expliqué un petit peu, mais j'aimerais ça comprendre un petit peu mieux toute la partie compétition, là, dont vous nous avez parlé, parce que vous nous dites, bon: «...les produits pétroliers sont régulièrement importés au Québec en provenance de juridictions aussi éloignées que l'Europe ou l'Afrique, il importe de s'assurer que les usines du Québec ne soient pas confrontées à des concurrents n'ayant pas les mêmes exigences environnementales.» Moi, ma compréhension, elle n'est peut-être pas... sûrement pas complète, de comment ça fonctionne, c'est que vous... bon, vous importez... Bon, au Québec, actuellement et depuis... Je pense, le transfert s'est fait autour de 2003. Depuis 2003, la valeur des importations de pétrole, au Québec, a augmenté de façon telle, en valeur, là ? en quantité, oui, puis aussi en valeur ? que ça fait... ça fait balancer, c'est le cas de le dire, notre balance des paiements dans le rouge. Donc, maintenant, on importe davantage, au Québec, de valeur que ce que nous exportons. Et donc... Et le principal item d'importation qui est responsable de ce phénomène-là, c'est le pétrole. Et le pétrole, bien, je pense, la plus grande partie nous vient d'Algérie, mais il y a un certain nombre de pays. Et, quand vous vous approvisionnez, là, il y a... c'est effectivement sur le marché international, mais ma compréhension, c'est que vous achetez le pétrole, vous l'acheminez ici, proche des... plus près des lieux de consommation pour le raffiner, et là vous vendez les produits raffinés dans un... dans un certain rayon, là, où c'est rentable de les transporter puis de les distribuer avec votre réseau de distribution, qui est un réseau extrêmement bien déployé sur le territoire puis très efficace.
Mais comment est-ce qu'on est... on aurait de la concurrence? Est-ce que vous nous dites que vous... que ce serait possible d'acheter de l'essence raffinée et de l'importer au Canada de façon... puis que ce serait plus rentable que de la raffiner ici même?
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil... Ah! M. Forget.
M. Forget (Louis): Oui. Premièrement, oui, on importe tout le pétrole brut que les raffineries doivent utiliser. On importe majoritairement d'Europe, la mer du Nord, ou d'Algérie, ou de cette partie-là du globe. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de pétrole brut au Québec, il n'y en a pas en Ontario. L'alternative, c'est l'Ouest canadien. Il n'y a pas de pipeline qui vient de l'Ouest canadien jusqu'au Québec pour amener du pétrole brut, et, même s'il y en avait, ce pipeline-là est plein actuellement. Les produits finis... Ce qu'on essaie d'expliquer, c'est que, si on a des coûts additionnels ici, comme usine, pour raffiner un litre d'essence ou un litre de carburant diesel, et que les concurrents d'Afrique, les concurrents d'Europe ou des États-Unis n'ont pas ces mêmes coûts là, le produit va être moins cher à l'importer qu'à le fabriquer ici, donc une entreprise va être beaucoup plus portée à importer le produit plutôt qu'à le fabriquer ici. Donc, c'est des emplois ici, c'est des taxes ici, c'est des investissements ici qu'on ne verra pas au Québec. Tout ça pour des usines qui sont moins performantes ailleurs dans le monde, mais qui peuvent produire à moindre coût parce qu'ils n'ont pas les mêmes... ils ne font pas face aux mêmes lois environnementales que nous, ici.
Donc, il faut être conscient. Lorsqu'on doit répondre à une demande, on regarde le coût: Quel est le meilleur coût pour répondre à ce marché-là? Oui, le Québec... En fait, le Québec et l'Ontario n'est qu'un marché, si vous voulez, et il s'importe ici 100 000 barils par jour de produits, que ce soit de l'essence, carburant diesel, carburéacteur, pour pouvoir répondre à la demande.
Donc, le coût, c'est la différentielle. Nos coûts sont en fonction de ce que ça coûte ici, des taxes, des impôts et des règlements environnementaux qu'il faut investir pour les rencontrer, ces normes-là. Si les pays voisins ou les pays où on peut s'approvisionner n'ont pas les mêmes coûts, ne font pas face aux mêmes normes environnementales, ça va être plus avantageux d'importer ce produit-là fini, de laisser aller les raffineries, laisser aller les emplois, laisser aller les investissements ici. Donc, c'est... Puis là, à ce moment-là, on va devenir complètement indépendants de la production ailleurs qu'au Québec.
On ne peut pas se permettre... le Québec n'a pas... ne peut pas se permettre de laisser aller son industrie pétrolière. On n'a pas les moyens, comme Québécois, de se permettre d'être complètement dépendants des importations.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Mais actuellement est-ce qu'on en importe, des produits qui sont raffinés ailleurs? Puis ça représente... C'est quel type de produits? Puis ça représente quoi, dans... par rapport à notre consommation, actuellement?
n(16 h 50)nM. Forget (Louis): Écoutez, au Québec, on importe 100 000 barils par jour, principalement d'essence et de carburant diesel, pour répondre à la demande des marchés du Québec et de l'Ontario. Pourquoi? Parce que les raffineries en place n'ont soit pas la capacité ou parce qu'actuellement ça coûte moins cher de l'importer de d'autres pays où le taux... si vous voulez, leur coût de production est moins élevé que le nôtre. Aller jusqu'à tout récemment, le Québec et l'Ontario, les raffineries en place n'arrivaient pas à répondre à la demande, donc il fallait importer. Aujourd'hui, compte tenu que la demande a baissé dans certains produits, exemple au niveau des distillats que sont les carburants diesel, le carburéacteur, les raffineries ont baissé leurs charges, leurs capacités de production, si vous voulez, parce que ce n'est pas payant, on perd de l'argent.
Quand vous regardez les résultats financiers des pétrolières, dans notre secteur à nous qu'est le raffinage et la commercialisation, on perd des centaines de millions de dollars par trimestre. Ce n'est pas volontaire, ça, on n'a pas le choix, les marges de raffinage ne sont pas là. Il n'y a pas de profit, on perd. Quand vous baissez la charge d'une usine comme la nôtre, à Québec, à ce moment-là, vous avez des coûts fixes. Vous baissez la charge, vos coûts fixes sont les mêmes, donc vous perdez de l'argent à chaque baril que vous raffinez. Donc, à un moment donné, vous êtes obligés, pour répondre à la demande, continuer de répondre à la demande, d'importer des produits. Ça devient moins dispendieux d'importer plutôt que de le produire ici, sauf qu'à long terme on ne peut pas se permettre d'être complètement dépendants de l'importation.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Merci. Donc, ce que vous nous dites, c'est que, dans de l'essence, là, de grade... pour les véhicules automobiles et les carburants diesel, actuellement, on importe. Est-ce que c'était le Québec seulement, 100 000 barils par jour?
M. Forget (Louis): 100 000 barils par jour, c'est pour répondre à la demande du Québec, le marché du Québec et de l'Ontario. C'est un marché. Québec et Ontario, c'est un marché.
M. McKay: Oui, oui, O.K., Québec et Ontario. Et combien... Et, par rapport à ce 100 000 barils par jour là qui est raffiné ailleurs, combien est raffiné ici, au Québec et en Ontario?
La Présidente (Mme Doyer): M. Forget.
M. Forget (Louis): Les trois usines au Québec... Écoutez, Ultramar peut produire... produit actuellement 200 000 barils par jour et a une capacité de 265 000. Vous avez deux raffineries, à Montréal, qui ont une capacité équivalente, je crois, de 130 000 barils par jour. Donc, 130 000, 260 000: 520 000 barils par jour de production au Québec. 80 %, 85 % de ça sont des produits légers, essence et distillat, carburant diesel.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: O.K., merci. Je comprends un peu mieux le portrait, là. Donc, c'est à peu près... un peu moins de 20 %, mais sauf qu'on ne veut pas... c'est difficile de faire des pourcentages, parce qu'à ce que vous nous dites il y a différents grades de produits, il y a des produits lourds, légers, il y a des lubrifiants, et tout ça.
M. Forget (Louis): ...c'est réparti de façon équitable, 50-50. Mais il faut mettre les raffineries aussi de l'Ontario, parce que le 100 000 qu'on importe au Québec n'est pas uniquement pour le Québec.
M. McKay: O.K.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Vous avez mentionné aussi, comme option qui est disponible actuellement, l'importation de pétrole de l'Alberta. Je sais qu'on a parlé d'un projet de pipeline, là, Trailbreaker, je crois, et ça a... ça a fait en sorte que certains groupes ont demandé à ce que soit le Québec empêche la réalisation de ce projet-là et/ou impose des normes d'intensité d'émissions de gaz à effet de serre sur les produits pétroliers.
J'imagine que ça ne doit pas être quelque chose avec lequel vous êtes tout à fait d'accord, mais quels sont vos arguments, à ce moment-là, par rapport aux émissions de gaz à effet de serre de ces produits-là qui viennent de l'Ouest du Canada?
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
M. Montreuil (Carol): Merci, Mme la Présidente. En fait, il y a eu un peu de confusion sur ce projet-là. D'abord, on parle de produit brut, là, on ne parle pas de produit fini, hein? Et ce qu'il était question avec ce projet-là, c'était que du brut transige par le Québec pour aller vers les États-Unis. Donc, à ma connaissance, il n'avait jamais été question d'une quantité nette et précise qui serait utilisée même au Québec. Donc, on parlait d'un projet essentiellement pour faciliter une voie d'écoulement de ce produit-là, parce que certains projets de pipeline dans l'Ouest, de l'Alberta vers les États-Unis, étaient retardés, on disait: Bien, il y a une voie de contournement, on pourrait passer par le Québec pour aller quand même sur... dans le golfe du Mexique.
Ceci étant dit, je pense qu'on a un peu galvaudé l'impact de ça d'un point de vue de gaz à effet de serre, parce qu'un baril de pétrole dans une raffinerie, au Québec, que ce baril-là vienne de la mer du Nord, du Mexique, des sables bitumineux, il n'y a pas de différence. Il n'y en a pas, de différence. Un baril qui passe dans les mêmes unités de raffinage, de distillation, de craquage, de fabrication d'essence, au niveau de la bulle qu'on appelle une raffinerie et des émissions de gaz à effet de serre pour le Québec, il n'y en a pas, de différence. Que ce baril-là déplace un baril mexicain ou déplace un baril de l'Afrique du Nord, il n'y a pas d'impact. Là où il y a un débat, c'est sur l'impact à la source de développer ces sables bitumineux là, mais ça, ce n'est pas un problème du Québec, c'est un problème de l'Alberta.
Donc, je dis à ces groupes environnementaux là: De quoi on se mêle, de présenter cet enjeu-là au Québec? C'est un enjeu que l'Alberta doit gérer. Mais d'utiliser ce baril-là dans une raffinerie du Québec, il n'y a aucune différence, que ce soit un baril qui vienne des sables bitumineux ou un baril qui vienne du Mexique ou de la mer du Nord.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Moi aussi... Bien, la ministre vous a posé la question, tout à l'heure, sur l'affirmation, là, où... bien, l'«affirmation»... je pense que c'est une réalité, mais que... à laquelle vous nous ramenez, le fait qu'aucune juridiction n'ait réussi jusqu'à maintenant à infléchir de façon durable la croissance du secteur du transport, et il semblerait que la technologie, là, n'est pas prête au niveau de l'auto électrique, tout ça. Il y a les voitures hybrides, qui permettent de réduire quand même une portion significative. J'écoutais à la radio, cette semaine ? je ne sais pas si vous l'avez entendu ? une discussion entre Jacques Duval et Daniel Breton: les deux ont fait... bon, ils ont fait ensemble un essai de... c'était la Honda Civic ordinaire, régulière, versus la Honda Civic hybride, et là il y avait un débat sur combien M. Breton avait dit qu'il réussirait à avoir d'économie. Quoi qu'il en soit, leur test, comme ils l'ont fait là, a donné environ 20 % d'économie. Et, moi, pour conduire une hybride moi-même, c'est à peu près ce que je calcule, là, même si je fais surtout du Montréal-Québec, alors ce n'est pas caractéristique de ce que la moyenne des Québécois font. Mais 20 %, c'est quand même... c'est quand même relativement significatif.
Vous ne pensez pas qu'il y aurait certains gains pour le Québec? C'est sûr que, vous, vous êtes dans le domaine des produits pétroliers et vous voulez en vendre, des produits pétroliers. En même temps, vous voulez rester en affaires pendant un certain temps. Je pense que... Je ne sais pas. Est-ce que ce n'est pas un autre modèle d'affaires, ça, que de miser et de se dire: Bon, bien, on n'attendra pas que la voiture toute électrique arrive et que le marché... que notre marché potentiellement s'effondre, mais on va y aller progressivement et on va... on va encourager l'introduction d'hybrides? Je ne sais pas qu'est-ce que... C'est peut-être des choses... Comme vous avez une perspective internationale, il doit y avoir des choses... vous devez voir des choses comme ça s'en venir, malgré tout.
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
M. Montreuil (Carol): En fait, je voudrais corriger, on se considère beaucoup plus comme des compagnies d'énergie que des compagnies pétrolières, et ça, les gens l'oublient. Les gens oublient que...
Par exemple, prenons l'éolien. Aux premières loges de l'éolien, dans les projets les plus gigantesques, c'étaient quoi? C'étaient des anciennes plateformes désaffectées, en mer du Nord, où on a mis des éoliennes en termes de turbines, qu'on n'avait jamais vues. Encore une fois, les pétrolières étaient aux premières loges. On n'a qu'à penser photovoltaïque dans le solaire. Regardons ce qui s'est fait en Allemagne. Qui était aux premières loges de la nouvelle technologie de développement de panneaux photovoltaïques en Allemagne? C'étaient BP Amoco puis Shell.
Regardons ce qui s'est fait dans les carburants alternatifs, par exemple. On parle d'éthanol de deuxième génération à base de biomasse, avec des firmes comme Biogen, en région d'Ottawa. Qui était là? C'étaient des firmes comme Shell, Petro-Canada, Suncor Énergie, donc des compagnies qui se... qui sont aux premières loges.
Je pourrais citer l'exemple de l'hydrogène. Les gens parlent d'économie éventuelle, une société basée sur l'hydrogène. Les projets avancés qui ont été faits en Californie. Encore une fois, qui était là? Des compagnies pétrolières avec des fabricants automobiles. Tout ça pour vous dire que nous sommes aux premières loges de ces développements-là.
n(17 heures)n Mais ce qu'on dit aux décideurs, c'est: Il faut regarder ça plus que dans une bulle autour d'un véhicule; regardons le cycle de vie complet de la gestion, et de la pile, et de la fabrication, et de la disposition de toute la technologie, et ne répétons pas ce qu'on a fait avec le maïs-éthanol, où ça a pris le Fonds monétaire international pour nous dire: Écoutez, là, on est peut-être allés trop loin, là; prendre de la nourriture pour faire de l'essence, ça ne fait pas de sens. Et là on s'est mis à faire plus de recherches dans l'éthanol de deuxième génération, à partir de résidus, ce qu'on avait toujours supporté.
Et donc ce qu'on dit, dans le fond, c'est qu'on n'est pas contre ces technologies-là, mais il faut apprendre à marcher avant de courir.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, vous parlez aussi d'initiatives, juste suite à l'affirmation dont on vient de parler, où il y a peu d'initiatives vraiment porteuses en termes de réduction notable, durable et politiquement réalisable. Est-ce que quand même... Bon, enfin, je ne sais pas, c'est parce que, dans le fond... Dans la perspective en tout cas où vous êtes effectivement... puis vous appelez à... vous nous appelez à vous regarder davantage comme des producteurs et des distributeurs d'énergie plus que de pétrole, qu'est-ce que vous voyez quand même comme... Vous dites: Bon, il faut apprendre à marcher avant de courir. Qu'est-ce... Quelles sont les initiatives les plus... les plus facilement réalisables, les plus porteuses à court terme que vous voyez pour continuer d'améliorer notre bilan de gaz à effet de serre et nous positionner avantageusement, là, par rapport aux défis qui s'en viennent.
La Présidente (Mme Doyer): M. Montreuil.
M. Montreuil (Carol): Oui. En fait, c'est ce qu'on a vu dans plusieurs pays, qui a donné des bons résultats: à court terme, c'est l'éducation. Quand j'entends «éducation», j'entends «choix de véhicule». Il n'y a pas... il n'y a pas une décision plus importante que le choix de véhicule, qui va influer sur les 10 prochaines années d'émissions de gaz à effet de serre, par la suite.
Ensuite, quand on parle de densification et d'urbanisation, on a laissé les gens faire ces choix-là et de s'étendre dans la deuxième et troisième banlieue, et ça, ça a eu des impacts. Même si les gens conduisent des Prius ou des petites voitures, s'ils doivent avoir trois voitures maintenant pour faire des distances qui n'ont plus de sens pour se rendre au travail, on n'a rien accompli. Moi, j'aime mieux avoir quelqu'un qui conduit un Hummer à 2 km du lieu de travail que d'avoir trois Yaris qui doivent faire 100 km par jour pour se rendre au bureau. Le résultat final, c'est les gaz à effet de serre qu'on émet, et non pas la grosseur du véhicule.
Donc, les solutions porteuses à court terme sont vraiment au niveau de l'éducation, du choix de véhicule, la façon de conduire ? on a parlé d'écoconduite ? qui donnent des gains, mais ce sont des gains à la marge. Puis il faut accepter qu'à court terme, avant qu'on ait vraiment un changement notable, ce qu'on appelle un «step change», avec une nouvelle technologie qui sera disponible pour M., Mme Tout-le-monde, il faut vivre avec le fait que les gains importants à court terme seront des gains à la marge, des gains qui vont dans la bonne direction: bon choix de véhicule, bonnes habitudes de conduite, bon choix de société en termes de densification et d'urbanisation. Et ça, ça va, avec le temps, donner des bons résultats. Et les solutions importantes qui font face à des défis technologiques, elles arriveront à terme, dans les années trente, quarante, cinquante.
La Présidente (Mme Doyer): M. le député de L'Assomption, il vous reste six minutes.
M. McKay: Encore six minutes?
La Présidente (Mme Doyer): Bien oui.
M. McKay: Bien, mon Dieu, j'ai... je pense que je n'ai... Je peux toujours me forcer pour trouver des questions, là, mais c'étaient vraiment les aspects qui me... qui me préoccupaient particulièrement. Je ne sais pas si le député de Berthier avait des questions.
Une voix: C'est beau.
La Présidente (Mme Doyer): Alors, M. Montreuil, M. Forget, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.
Et, compte tenu qu'il est maintenant 17 heures, la commission ajourne ses travaux au lundi 2 novembre 2009, à 14 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques à l'égard du document intitulé Le Québec et ses changements climatiques ? Quelle cible de réduction d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020? Merci, mesdames messieurs.
(Fin de la séance à 17 h 4)