(Neuf heures trente-six minutes)
La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Bonjour à nos invités, aux membres de la commission. On va se souhaiter une bonne journée. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leur sonnerie de téléphone cellulaire.
Le mandat de la commission est de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques à l'égard du document intitulé Une première liste des indicateurs de développement durable.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Aujourd'hui, à 9 h 30, nous recevons la Chaire de responsabilité sociale... de développement durable, Centre de droit international et du développement durable. Bienvenue. À 10 h 30, Option Consommateurs; 11 h 30, Équiterre, Fondation David-Suzuki; et, à 14 heures, la Coalition québécoise contre les ateliers de misère; l'Union des producteurs agricoles, à 15 heures; pour les remarques finales à 16 heures.
Nous vous informons que vous avez un 10 minutes pour l'exposé de votre organisme ainsi que 25 minutes pour les représentants du gouvernement et 25 minutes pour l'opposition officielle. Si la deuxième opposition se présente, le temps réparti sera de 20 minutes pour l'opposition officielle et de cinq minutes pour la deuxième opposition.
Madame... Monsieur... ou Mme Gendron, je vous demanderais de présenter votre organisme, de présenter les gens qui sont avec vous, de bien vouloir vous identifier si... qui prendra la parole, à fins du transcript, et la parole est à vous pour les prochaines 10 minutes.
Auditions (suite)
Chaire de responsabilité sociale et de
développement durable (CRSDD)
et Centre de droit international du
développement durable (CDIDD)
Mme Gendron (Corinne): Merci bien, Mme la Présidente. Alors, Corinne Gendron, de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable. Je suis accompagnée par le Pr Richard Janda, de l'Université McGill, plus spécifiquement du Centre de recherche en droit international du développement durable. Et nous sommes accompagnés par Chantal Hervieux, qui est à ma gauche, candidate au doctorat en gestion à l'UQAM, et par Émilie White, qui est à l'extrême droite, candidate au baccalauréat en droit civil et common law, à McGill, et assistante de recherche au Centre de droit international du développement durable.
Alors, tout d'abord, j'aimerais commencer en disant que c'est un honneur pour nous de participer aux travaux de cette commission et que nous souhaitons pouvoir apporter un éclairage qui se veut constructif à ces travaux. Et, d'entrée de jeu, nous voulons féliciter tout le travail qui a été accompli par l'équipe du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, depuis maintenant plus de cinq ans, avec l'adoption de la loi, de la stratégie et maintenant des indicateurs, qui constituent la troisième pièce maîtresse du système de gouvernance de développement durable du Québec.
Nous aurons trois ordres de commentaires concernant cette première liste d'indicateurs de développement durable: tout d'abord, sur le processus; ensuite, sur la liste elle-même; et, enfin, sur des propositions que nous aimerions faire.
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(9 h 40)
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Alors, en ce qui concerne tout d'abord le processus, nous aimerions mentionner que nous ne sommes pas convaincus que le processus d'élaboration de la première liste d'indicateurs donne l'assurance que les préoccupations et les valeurs de la société québécoise sont prises en compte dans les indicateurs, tel que l'exige l'article 8 de la loi, et c'est la raison pour laquelle nous recommandons ? donc, c'est la recommandation 2 de notre mémoire ? que le gouvernement devrait mettre en place une table de concertation permanente où seraient représentées les différentes populations du Québec, notamment urbaine, rurale et autochtone, avec pour mission de recevoir les préoccupations des différents acteurs sociaux en matière de développement durable et de documenter ces préoccupations en vue de l'élaboration et de la révision de la liste d'indicateurs, mais aussi de la stratégie, puisque la stratégie aussi doit être révisée.
En ce qui concerne maintenant notre deuxième point, c'est-à-dire la liste proprement dite d'indicateurs, la première liste, nous aurions trois commentaires plus spécifiques à formuler. Tout d'abord, nous aimerions mentionner que nous sommes tout à fait d'accord avec l'architecture qui a été retenue par le gouvernement concernant les trois niveaux d'indicateurs. Cela nous semble être tout à fait clair et pertinent, respecter aussi l'esprit de la loi quant aux besoins d'avoir des indicateurs qui proposent un portrait de la situation du développement durable du Québec et, de l'autre, des indicateurs qui permettent de façon plus spécifique de faire un suivi de la stratégie et des actions qui ont été mises en oeuvre, ainsi qu'une troisième série d'indicateurs qui est plus spécifiquement dédiée au suivi des actions et des gestes des différents ministères et organismes qui sont impliqués dans la démarche.
Donc, nous recommandons, et il s'agit de la recommandation 6, qu'en conformité avec la Loi sur le développement durable, le gouvernement doit maintenir son système d'indicateurs hiérarchisé en trois niveaux, dont les niveaux distincts d'indicateurs de développement durable visant à fournir un portrait de la situation en matière de développement durable au Québec et d'indicateurs de suivi de la stratégie d'autre part, donc ce qu'on appelle le deuxième niveau dans le document.
Notre deuxième commentaire concerne l'approche par capitaux.
À cet égard, contrairement à la hiérarchie qui a été adoptée pour le système d'indicateurs global, nous n'adhérons pas du tout à l'approche par capitaux, et ce, pour trois raisons principales. Tout d'abord, elle nous apparaît être très controversée sur le plan scientifique, selon les analyses que nous avons faites.
D'autre part, il nous semble que le Québec, en adoptant cette approche pour structurer son approche, et là on ne parle pas de faire référence à quelques indicateurs éventuels de stock mais bien d'utiliser une approche par capital pour structurer son système d'indicateurs de premier niveau, il nous semble que le Québec fait cavalier seul au niveau mondial en adoptant une telle démarche et que, par conséquent, cette trajectoire s'avère risquée.
Enfin, il nous semble que cette déclinaison en cinq capitaux du développement durable est incohérente avec la définition du développement durable qui a été véhiculée jusqu'à maintenant dans les différents outils de gouvernance qui ont été adoptés par le gouvernement, qu'il s'agisse du Plan de développement durable en 2004, de la loi en 2006, et, enfin, de la stratégie en 2007.
Et, pour terminer, il nous semble que l'approche par capitaux ne résulte pas d'un consensus, au niveau de la population, pour adopter une telle approche.
Donc, pour toutes ces raisons, nous suggérons fortement au gouvernement de délaisser l'approche par capitaux. Et nous avons formulé une recommandation en ce sens, qui est la recommandation 8: Le gouvernement devrait délaisser l'approche par capitaux, controversée sur le plan scientifique et non endossée par les citoyens du Québec, pour adopter une approche davantage en cohérence avec la perspective du développement durable développée notamment dans la Loi sur le développement durable.
Enfin, comme troisième élément concernant la première liste d'indicateurs, nous aurions aimé que le gouvernement explique davantage comment est-ce que cette liste d'indicateurs s'inscrit dans le système de gouvernance de développement durable du Québec. Alors, par exemple, nous aurions aimé savoir comment est-ce que le résultat que va nous fournir... ou les données que vont nous fournir les indicateurs vont être prises en compte au moment de la révision de la stratégie. Et c'est en ce sens que nous avons formulé la recommandation 5 ? 5, oui, c'est ça, la recommandation 5, c'est ça, donc ? qui s'énonce comme suit: Le gouvernement devrait préciser comment il entend prendre en compte les données générées par les indicateurs de développement durable pour informer la stratégie et la prise de décision en général; bref, il devrait préciser le rôle et l'utilité de la liste d'indicateurs dans le système de gouvernance québécois.
Pour terminer, j'aimerais simplement avancer quelques propositions. Tout d'abord, concernant l'architecture du système d'indicateurs, nous suggérons que le gouvernement adopte, par exemple ? évidemment, ce n'est qu'une suggestion ? une structure plutôt par dimensions qui serait arrimée aux principes de la loi, donc chaque... les principes de la loi peuvent être organisés en fonction des différentes dimensions du développement durable, et j'entends par les dimensions du développement durable l'environnement, le social, l'économie mais aussi l'équité, qui est une dimension transversale, ainsi que la gouvernance, qui fait l'objet d'un bon nombre de principes dans l'article... 6 ? c'est bien ça? ? de la Loi sur le développement durable.
Une voix: Oui.
Mme Gendron (Corinne): De plus, cette architecture devrait s'appuyer sur une distinction entre indicateurs d'avant-plan et indicateurs d'arrière-plan. Les indicateurs d'arrière-plan peuvent être très nombreux. On en dénombre généralement, dans les systèmes européens, à peu près une soixantaine, si je ne me trompe pas, et ces indicateurs d'arrière-plan visent à collecter le plus de données possible, et c'est au sein de ces indicateurs d'arrière-plan, ou par des opérations faites à partir de ces indicateurs d'arrière-plan, qu'on va choisir un nombre très limité d'indicateurs clés. Donc, on a ainsi deux niveaux d'indicateurs qui nous permettent d'assurer la continuité du système d'indicateurs dans le temps. Même si éventuellement on doit changer d'indicateurs clés, on continue à collecter les données et donc on met en place un système d'information qui est requis et qui est nécessaire pour une gouvernance du développement durable.
Et notre seconde proposition concerne la mise sur pied, dès aujourd'hui, d'une table de concertation qui puisse d'une part réviser ce qui se veut une première liste d'indicateurs. Donc, on se dit qu'il serait peut-être bon d'immédiatement mettre sur pied les mécanismes de révision de ces indicateurs, d'autant plus qu'une telle table pourrait servir aussi à la révision de la stratégie tel que le prévoit la loi.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Alors, merci. C'est fait?
Mme Gendron (Corinne): C'est fait. Et je voulais simplement dire que, même si c'est moi qui faisais la présentation, le Pr Janda et moi-même seront heureux de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, Mme Gendron. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre. Vous avez la parole pour les 25 prochaines minutes. Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Mes meilleures salutations à mes collègues parlementaires et puis bien sûr bienvenue à toute l'équipe de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, particulièrement Mme Gendron. Et j'ai remarqué et je vous en félicite: très souvent, vous prenez le temps d'être accompagnée de postulants au niveau soit doctoral, ou j'ai compris baccalauréat également, et je tiens à vous en féliciter. Je pense qu'on connaît votre préoccupation par rapport à l'engagement citoyen, l'approche citoyenne, et, je pense, de permettre, comme ça, qu'il y ait des rencontres également entre des étudiants experts et ici les parlementaires, c'est très heureux puis je tiens à vous en remercier et à vous en féliciter.
Comme j'ai pris le temps de le faire assez souvent avec d'autres organisations qui sont venues devant nous pour cette consultation sur la première liste d'indicateurs de développement durable, je tiens à souligner, je dirais, votre assiduité, hein, votre partenariat dans toutes les étapes qu'a menées le gouvernement du Québec dans cette démarche de développement durable. Vous avez constamment et heureusement fait entendre votre point de vue, et je tiens vraiment à vous en remercier, c'est toujours un éclairage extrêmement intéressant.
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(9 h 50)
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Je pense qu'aujourd'hui nous allons peut-être avoir deux organisations, dont la vôtre, qui vont venir proposer au gouvernement de laisser tomber complètement l'approche proposée dans le document, qui est l'approche donc par capitaux. Et je veux juste y revenir en disant donc que je pense, je ne veux présumer de rien de notre journée, mais, à la lumière des mémoires reçus, que nous serons donc devant deux organisations par rapport à la vingtaine d'organisations reçues où, là, vraiment la... parce que, moi, c'est ça qui me frappe dans votre mémoire, c'est que la principale recommandation à mes yeux, c'est quand même... elle est fondamentale, c'est de dire: Vous devriez rejeter l'approche par capitaux. Je vous disais donc, bon nombre des autres organisations que nous avons reçues ? je dirais même la très grande majorité ? je pense qu'on peut se dire plutôt endossent avec peut-être parfois plus ou moins d'enthousiasme, mais endossent l'approche par capitaux dans le sens suivant, je dirais que les... en tout cas, de ce qu'on a entendu ici, au Québec, par cette consultation qui est une consultation donc citoyenne.
Parce que, même si parfois il y a un certain degré de malaise avec les indicateurs retenus ou encore... Et, moi, ça m'a bien frappée, moi-même, la première fois qu'on m'a expliqué cette approche et que j'ai lu le document, bien, qu'il y a peut-être aussi des fois un certain degré de malaise avec, je dirais, le paradigme transporté par cette approche, qui est le vocabulaire utilisé, hérité du monde économique, l'approche donc, la notion de capital, la notion de stock. Même si j'ai bien compris que certains exprimaient un malaise par rapport à ça, je dirais que je pense que le degré de confort était quand même assez élevé par rapport à la notion de dire que le développement durable, les bons indicateurs peuvent se traduire...
Et, moi, là, je ne suis pas initiée comme vous, là, je prends le temps de vous le dire. J'exprime ça avec vraiment mon regard de citoyenne puis de parlementaire. Mais de dire que le développement durable peut à la fin, je dirais même... dire peut-être, doit se décliner, se voir comme étant la notion d'héritage, la notion de legs aux générations futures, et que, dans ce sens-là, l'approche par capitaux que, moi, maintenant, j'aime bien décrire «l'approche par legs» ? je trouve qu'il y a une notion qui rejoint encore plus les citoyens lorsqu'on l'exprime ainsi ? mais cette approche par capitaux, qui dit quel est le legs de la société québécoise vers les générations futures, moi, jusqu'à maintenant, quand je... je pense que le degré de confort était assez élevé lors de notre consultation.
Je prends aussi le temps de vous dire ? et je pense que le document le décrivait ? que le travail fait par nos experts au niveau gouvernemental, donc l'équipe de développement durable au ministère, que vous connaissez bien, je sais que les échanges sont nombreux, mais eux me disent, et ils l'ont écrit dans le document, qu'il y a quand même eu des démarches et des consultations faites avec d'autres États.
Moi, j'ai devant moi un tableau qui me dit qu'une approche avec la notion vraiment de legs, la notion d'indicateurs par capitaux, que c'est en ce moment même endossé par la Belgique, la Suisse, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Pays-Bas. Ça fait que, là, je me dis: Qui je crois, là? Là, vous, vous venez me dire: C'est une approche hautement contestée. Puis vous avez même dit: Le Québec fait cavalier seul. Puis, moi, moi, je ne suis pas une experte, vous venez me dire ça, puis, moi, j'ai un tableau, devant moi, qui me dit que bon nombre d'États récemment...
Nous sommes devant des actions posées par ces États en 2008, en 2009. On me dit aussi que l'équipe OCDE-ONU-Eurostat travaille sur cette base-là. Ça fait que, moi, je suis une parlementaire, là. Je suis là, je me dis: Bon, bien, qui je crois? Vous me dites qu'on fait cavalier seul, et l'équipe du ministère, que je respecte, me dit: Après consultation, c'est une approche, en ce moment même, endossée par plusieurs États. Donc, voilà ma grande question, et je pense que c'est là-dessus que je dois vous entendre, c'est: Comment se fait-il que, vous, vous en arriviez à dire qu'on fait cavalier seul, alors que, moi, j'ai lu le contraire? Et aussi, fondamentalement, pourquoi, là, fondamentalement, le rejet d'une approche par capitaux? Bien que le vocabulaire puisse heurter, je vous le disais, là, mais pourquoi le rejet d'une approche qui est une notion donc de... le développement durable, c'est bel et bien ce qu'on lègue aux générations futures? Une belle grande question ouverte, mais je veux vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron.
Mme Gendron (Corinne): Oui. Alors, je vais commencer, le Pr Janda complétera au besoin. Je suis très contente que vous posiez la question parce que ça nous permettra de clarifier ce qu'on entend quand on dit que le Québec fait cavalier seul. Il est vrai ? on tente de l'expliquer dans notre mémoire ? que plusieurs pays font référence à l'approche par capitaux ou à des mesures de capitaux dans leur approche, mais aucun pays, des pays que vous avez cités, n'utilise l'approche par capitaux pour structurer son système d'indicateurs. Et, pour nous, c'est là que le bât blesse, c'est-à-dire qu'il se peut que certaines mesures de stock et certains capitaux puissent être pertinents, mais de définir le développement durable en le déclinant en fonction de cinq capitaux différents, ça n'a pas été fait par les différents pays que vous avez mentionnés.
Vous pouvez regarder dans notre mémoire, aux pages 20, 21 et 22, nous avons reproduit la structure des indicateurs adoptée par la Suisse, par la Norvège et par la Belgique, et vous constaterez qu'il n'y a pas de déclinaison en fonction des cinq capitaux tel que le Québec le fait. C'est pour ça qu'à notre avis le Québec, en adoptant cette structure, est en train de faire cavalier seul, et il nous semble que cette démarche est risquée parce qu'elle ne correspond pas à la définition du développement durable telle qu'elle a été véhiculée dans les différents documents qui précèdent.
Et, oui, je comprends et je suis d'accord avec vous que la notion de legs est intéressante, mais, dans la notion de legs, on laisse, disons, dans l'ombre beaucoup d'aspects du développement durable qui sont plus facilement compréhensibles par, d'une part, la définition qui est mentionnée dans la loi et les 16 principes qui sont déjà déclinés. Alors, on aurait trouvé plus productif que les indicateurs s'inspirent de ce qui a déjà été précisé comme définition du développement durable, le réorganise éventuellement, mais, de mobiliser ainsi une toute nouvelle approche pour définir le développement durable, ça nous semble problématique. Il nous semble qu'il y a un peu une incohérence avec les outils déjà développés.
Je ne sais pas si tu veux...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Pr Janda.
M. Janda (Richard): La seule chose que j'ajouterais, c'est que, comme la Pre Gendron a expliqué, dans les autres pays, on se sert de l'approche par capitaux pour informer une autre structure... la structure des capitaux. Vous allez dire: Mais c'est quoi, la différence? Si, eux, ils se servent de l'approche par capitaux pour aider à décliner les indicateurs autrement, puis ils se servent de ça, donc il y a un certain consensus là-dessus. Mais, si on regarde, par exemple, le document de l'OCDE, ils sont très, très... même s'ils sont prêts à utiliser l'approche par capitaux, ils soulignent que ce n'est pas la seule façon de créer et de structurer les indicateurs. Et c'est exactement sur ce point où le Québec ferait cavalier seul de dire: Non seulement ça contribue ou ça nous aide à chercher les indicateurs nécessaires, mais ça structure notre approche.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Vous devez voir ma perplexité dans mes yeux. Je suis désolée. Sincèrement, c'est parce que j'ai... J'ai sincèrement de la difficulté à comprendre, mais vous allez m'aider. Parce que je suis quand même partie de... où vous dites: Le Québec fait cavalier seul; après ça, vous me dites que vous reconnaissez que l'approche par capitaux est utilisée dans d'autres États. Vous me dites... Et là vous semblez vouloir vraiment faire une différence en disant: Bien, dans d'autres États, c'est comme un outil mais qui n'est pas la base... ? c'est comme ça que je vais résumer ce que j'ai compris, puis vous me corrigerez ? mais qui n'est pas la base de l'approche proposée de mesures.
Je vais vous donner un exemple. Quand on a... Dans notre tableau, dans le document, on parlait de la Norvège, je vais juste vous donner le titre du document qui a fait dire à nos experts au ministère pourquoi on dit qu'ailleurs c'est l'approche par capitaux. En Norvège... et vous excuserez mon accent anglais, mais ça s'appelle The Norwegian Model of Sustainable Development. A Policy Oriented Capital Framework for Measurement and Policies. Ça, c'est le titre. Ça, ça dit vraiment le modèle norvégien de développement durable, une politique orientée vers «capital framework», une structure par capitaux. Là, je suis là, je me dis: Comment est-ce que, devant un tel titre, quand, moi, les gens de mon ministère m'amènent un tel titre, comment est-ce que je ne peux pas conclure que la Norvège utilise une approche par capitaux? Je me dis: Il me semble que le titre est très, très, très parlant. En tout cas, j'ai de la misère à conclure que ce n'est pas une approche par capitaux quand je suis devant un tel titre. Et c'est daté de 2007. Donc, j'essaie de vraiment...
Parce que, si vous me dites: Dans d'autres États... si on reconnaît ensemble que, dans d'autres États, récemment l'approche par capitaux est utilisée, vous me dites: Elle n'est pas utilisée de la même façon que ce qu'on propose au Québec, mais, si on s'entend pour dire qu'elle est utilisée, pourquoi par ailleurs votre recommandation va jusqu'à dire qu'il faut rejeter l'approche par capitaux?
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(10 heures)
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La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron.
Mme Gendron (Corinne): Notre recommandation est de rejeter l'approche par capitaux comme structure du système. Quand on regarde le système norvégien, pour la structure des indicateurs, c'est structuré par thèmes. Donc, vous avez le climat, la biodiversité, les ressources naturelles, les substances dangereuses, l'économie et les conditions sociales qui sont inhérentes au développement durable. Donc...
Mme Beauchamp: ...permettez...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: ...juste pour qu'on essaie de bien suivre votre... Est-ce que vous ne trouvez pas que ça, c'est l'équivalent de nos dimensions?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron.
Mme Gendron (Corinne): Non, pas du tout. Le climat, le climat ne correspond pas à un capital particulier, c'est un thème. La biodiversité, qui est un autre thème dans le système norvégien ? donc, au sein de la structure, ce sont deux éléments séparés ? est un autre thème qui se décline en quatre indicateurs différents.
Donc, c'est simplement pour vous mentionner que, même si le mot «capital» est utilisé, on peut faire référence à l'approche par capitaux dans la philosophie dans laquelle on a voulu développer le système, mais il n'y a aucun système qui est mentionné qui ne structure son système d'indicateurs en fonction de cinq capitaux différents, et à notre avis c'est un détour pour définir le développement durable qui complexifie en fait la démarche que le gouvernement est en train de déployer.
M. Janda (Richard): Je ne vais pas...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Janda.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup. Je ne veux pas me présenter comme expert sur la Norvège, je ne suis même jamais allé là-bas, mais, selon nos recherches...
Mme Beauchamp: Moi non plus.
M. Janda (Richard): Oui. Selon nos recherches, il y a une spécificité en Norvège, vous êtes certainement au courant, Mme la ministre, c'est que, là-bas, tout ça relève du ministère des Finances, et donc le document que vous citez est effectivement dans le langage du ministère des Finances. Mais, si on regarde de près qu'est-ce que la Norvège fait en réalité avec cette approche, vous allez voir que les cinq composantes de capital font juste partie de ce qu'ils appellent «National Wealth» en anglais, du patrimoine, en fait, financier, mais il y a d'autres catégories de thèmes qui sont séparées de leur structure de... des capitaux.
Donc, je pense que, si on regarde de près qu'est-ce que la Norvège fait, ce n'est pas le cas qu'ils utilisent la structure des capitaux comme base de déclinaison, comme le dit la Pre Gendron. Et je pense que, si on regarde ça vraiment de près, vous allez voir qu'effectivement le Québec serait unique à cet égard.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: O.K. Donc, je vais revenir à l'approche... à la question fondamentale. Je veux juste vous réentendre. Lorsqu'on me propose, moi, comme ministre, des indicateurs avec l'approche par capitaux que je vous définissais tantôt, une approche... Je ne veux pas continuer le débat sur est-ce qu'on est unique ou pas, là. Même dans une hypothèse où on serait unique, l'approche par capitaux que... Et changeons de vocabulaire, l'approche par legs, je... C'est parce que, je le disais tantôt, j'étais très consciente dès le départ qu'on était dans un contexte où le vocabulaire semble orienté, là, là, qu'il y a un paradigme derrière le vocabulaire, je le comprends bien, le paradigme capitaliste, financier, etc., mais faisons même l'effort de dire, pour l'exercice, là, mais que je change le vocabulaire et que je dis «une approche par legs», quel est le problème fondamentalement d'une telle approche proposée comme indicateur de développement durable? En quoi se poser la question: Qu'est-ce que je lègue aux générations futures en termes humain, en termes du patrimoine naturel, en termes économique, en termes de cohésion sociale?, en quoi une approche basée philosophiquement, je dirais, sur une notion de «legs», en quoi ça ne convient pas comme indice de mesure de développement durable?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron.
Mme Gendron (Corinne): En fait, le «legs» est une notion très intéressante et cette notion-là est incluse dans l'idée de l'équité intergénérationnelle. Donc, on veut s'assurer effectivement que les générations futures, et c'est le concept... un principe fondamental du développement durable, pourront avoir au moins autant de ressources, de bien-être, etc., que les générations qui précèdent.
Mais le développement durable ne contient pas uniquement ce principe d'équité intergénérationnelle. Dans le développement durable, qui s'avère plus riche que simplement ce principe-là, qui est fondamental et avec lequel bien sûr nous sommes tout à fait en accord... mais le développement durable comporte d'autres éléments qui sont très importants, par exemple le développement en tant que tel, c'est-à-dire le niveau de bien-être des individus et des sociétés. Il comporte aussi un élément qui est fondamental, c'est l'efficience de l'économie. Donc, est-ce qu'on peut avoir une économie qui est peu intensive sur le plan écologique et dont on puisse maximiser les retombées sociales? Et évidemment il y a toute la composante de l'environnement. Donc, ces composantes-là peuvent être, si on veut, traduites par l'idée de léguer quelque chose aux générations futures mais pas entièrement, c'est-à-dire que le legs apparaît comme un principe réducteur si on ne s'en tient qu'à ça pour définir le développement durable.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Janda.
M. Janda (Richard): Je souligne deux autres éléments. D'abord, on cite, dans notre mémoire, un article de Hinterberger qui nous conseille d'éviter le terme «capitaux» à cause, entre autres, de ce que ça évoque concernant la substituabilité entre différentes choses, c'est-à-dire qu'on peut toujours mettre une valeur monétaire sur culture ou sur des éléments qui sont dans les cinq dimensions que vous avez proposées.
L'approche par legs est intéressante, comme dit Pre Gendron, mais il faut constater que ce n'était pas non plus discuté dans le document, ça sortirait un peu du cadre qu'on a pour la consultation, et il me semble que ce serait difficile à ce stade-ci tout simplement de transposer le vocabulaire de «capitaux» vers le vocabulaire de «legs».
Finalement, il faut souligner qu'en 2007 votre ministère, dans le document préparatoire, avait souligné une approche par thèmes, qu'on suggère de continuer. Donc, l'approche par capitaux sort aussi de nulle part vis-à-vis les documents préalables que le ministère a proposés.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Enfin, comment je dirais ça, c'est parce qu'on est en consultation pour confirmer ou infirmer le résultat de travail de ceux qui ont travaillé, là. Je veux dire, ce serait un peu... en tout cas, ce serait un peu injuste de reprocher aux gens de ne pas avoir amené ça avant, quand, la consultation, elle sert à ça. On est exactement dans le processus prévu par la loi.
Peut-être que je ressemble à... Peut-être que je me fais un peu maternelle, mais c'est parce qu'en même temps je connais la somme de travail abattu par une équipe au ministère puis je me dis: Il faut... Je veux juste qu'on... Je pense que le document écrit était un document qui a voulu au maximum... et même on lui fait le doux reproche d'être trop lourd et pour initiés, mais qui a tenté avec beaucoup de transparence à la fois d'indiquer toute la démarche faite par l'équipe au ministère... Et tout était précisé: sur à qui ils ont parlé, quel type de rencontres a été mené, etc., et aussi donc le débat sur des approches à retenir.
Le débat est intéressant. Je veux juste qu'on... Je ne sais pas combien de temps il reste, mais, maintenant que...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste cinq minutes.
Mme Beauchamp: ...maintenant que vous dites: On ne doit pas retenir l'approche par capitaux, je pense qu'on se doit de vous laisser le temps, encore plus de temps pour nous expliquer avec plus de temps, plus en détail l'approche que vous nous recommandez et surtout peut-être de vous entendre sur quels sont les autres États... quels exemples vous me donnez d'États qui retiennent exactement l'approche que vous recommandez.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron, vous avez quatre minutes.
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(10 h 10)
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Mme Gendron (Corinne): On va être efficaces. On va essayer. Alors, écoutez, nous, on a fait une proposition dans le document, étant entendu que, pour nous, les indicateurs devraient résulter de groupes de travail... d'un processus beaucoup plus structuré de dialogue social où les acteurs sociaux doivent négocier des indicateurs. Donc, ce que nous avons proposé, c'est davantage un cadre... ou des balises à l'intérieur desquelles puissent être choisis des indicateurs.
Et, comme illustration, nous avons voulu rester très simples, alors on a utilisé une approche par dimensions, bien que ce ne soit pas une approche qui soit beaucoup utilisée. La raison pour laquelle on a choisi cette approche-là, c'est que le gouvernement, de par la loi, distingue les indicateurs d'état, si on veut, qui sont les indicateurs de développement durable, des indicateurs davantage de suivi qu'on peut assimiler à des indicateurs d'objectifs, qui sont, eux, plutôt réservés à la stratégie.
Il y a beaucoup de pays qui associent de façon directe leurs indicateurs de développement durable nationaux à la stratégie. Donc, ces pays s'avèrent un peu moins pertinents, il nous semble, pour le Québec puisque, nous, on doit vraiment, de par la loi, avoir des indicateurs d'état qui précèdent la stratégie puisqu'ils doivent pouvoir l'informer au moment de sa révision.
Alors, la structure que nous suggérons, c'est tout d'abord des indicateurs qui concernent l'environnement, et, pour définir cette dimension-là, nous suggérons au gouvernement de revenir aux différents principes qui sont énoncés dans la loi ? donc, protection de l'environnement, préservation de la biodiversité et respect de la capacité de support des écosystèmes ? pour penser cette dimension-là.
Pour la dimension de l'économie, encore une fois, on a beaucoup de principes très intéressants dans la loi pour penser cette dimension-là, parce qu'il ne s'agit pas, là, simplement de reprendre le PIB ou des mesures économiques traditionnelles, mais plutôt de tenter par ces indicateurs-là de qualifier la croissance économique au niveau de son impact environnemental et au niveau de ses retombées sociales. Donc, il s'agit de qualifier la croissance et non seulement de rendre compte d'un niveau d'activité économique donné. Alors, évidemment... Par exemple, des principes comme pollueur-payeur, internalisation des coûts s'avéreraient pertinents pour mieux définir cette dimension.
La dimension sociale, on comprendra de façon relativement simple, est définie par plusieurs principes encore une fois: équité, solidarité sociale, santé et qualité de vie, accès au savoir, pour ne nommer que ces principes-là.
Et nous suggérons fortement d'ajouter, de façon séparée de la dimension sociale, parce que la dimension sociale concerne le développement et le bien-être des individus et des sociétés, tandis que l'équité concerne la répartition ou le caractère équitable de ce bien-être... donc, nous suggérons fortement de traiter l'équité comme une dimension à part entière, et on a un principe évidemment qui est essentiellement dédié à ça dans la loi.
Et enfin, parce qu'il y a beaucoup de principes, dans la loi, qui concernent cet aspect-là et parce que cet aspect-là est nécessaire à une bonne mise en oeuvre du développement durable, nous suggérons aussi d'ajouter la cinquième dimension, de façon explicite, de la gouvernance.
Se juxtaposerait à ça ou, si vous voulez, de façon matricielle, l'idée que nous évoquions, au moment de la présentation, d'indicateurs d'avant-plan et d'arrière-plan. Donc, de mettre sur pied un système d'information qui soit complet pour aller collecter une somme assez considérable d'indicateurs ? par exemple, une soixante ? et ensuite, l'autre structure, donc, avec des indicateurs clés. Voilà. Merci.
La Présidente (Mme L'Écuyer): On vous remercie, Mme Gendron. Votre temps est écoulé. Je passe maintenant la parole au député de L'Assomption, porte-parole officiel de l'environnement.
M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bien, bonjour, chers collègues, et bonjour à nos invités.
Bien, je vous remercie, je vous remercie infiniment d'avoir pris la peine de nous soumettre un mémoire qui est extrêmement étoffé, qui a mis à contribution de nombreuses ressources, plusieurs personnes qui sont indiquées dans le mémoire, deux groupes de recherche. Et déjà donc, je pense, vous donnez des... démontrez... vous prêchez par l'exemple en ayant développé justement une assez grande concertation à l'intérieur même de votre processus, là, pour élaborer le mémoire.
Et je joindrais ma voix à celle de la ministre pour justement féliciter d'intégrer aussi, dans votre démarche, des étudiantes, parce que... Enfin, je sais que, lorsque, moi, j'étais à l'université, les étudiants, on avait toujours un peu de difficultés à... on était toujours un peu, un petit peu frustrés parce qu'on avait l'impression de travailler et d'être toujours laissés en arrière, dans l'ombre, et je vois que les choses changent positivement. Alors, je vous en félicite, moi aussi.
Écoutez, je pense que vous faites la démonstration quand même, de façon éloquente, que... moi, en tout cas, mon interprétation comme membre de mon groupe parlementaire, je constate qu'il y a une interprétation... J'avais noté «interprétation laxiste du gouvernement de la Loi sur le développement durable», mais, disons, je suis peut-être un peu sévère. Je dirais qu'à tout le moins vous démontrez que le gouvernement prend de grandes libertés dans l'interprétation de ce que nous avons adopté ici, comme Parlement du Québec, de la Loi sur le développement durable et, je vous dirais, particulièrement dans tout ce qui concerne l'aspect de concertation, de mobilisation populaire, de l'aspect démocratique et l'aspect de gouvernance. Et ça, quand je dis ça, je pense que ça ne...
Et je suis certain que, pour vous, dans votre mémoire en tout cas, je pense que vous prenez grand soin aussi de souligner et d'apprécier de façon positive l'importance des travaux qui ont été investis par les différents ministères et organismes du gouvernement du Québec. Et de venir à ce moment-ci apporter une critique constructive, je pense que ce n'est pas du tout de dénigrer le travail du ministère du Développement durable, ce n'est pas non plus dénigrer le travail de l'Institut de la statistique du Québec. Bien au contraire, c'est de faire en sorte que justement toute l'ampleur de ces travaux-là va vraiment être utile, va vraiment s'inscrire dans la démarche qui a été entreprise, depuis plusieurs années, en ce qui concerne le développement durable.
Et, lorsqu'on parle... lorsque vous mentionnez que cette approche... pas l'approche par capitaux, mais le fait de tout baser sur l'approche par capitaux, que c'est quelque chose qui arrive de nulle part et que la ministre nous répond que, bien, elle est là, la consultation, bien, je veux dire, on nous rappelle, dans le document, qu'il y a eu trois consultations publiques qui ont eu lieu, au printemps 2005, à l'automne 2005, à l'automne 2007, qui ont permis à de nombreuses organisations d'exprimer leur vision à l'égard des indicateurs de développement durable. Puis une centaine l'ayant fait de façon plus explicite dans le dépôt de mémoires, bien, j'aimerais bien voir l'analyse de cette centaine de mémoires qui ont parlé, qui ont traité des indicateurs de développement durable, et voir si effectivement il y a un consensus autour de l'approche par capitaux.
En tout cas, au sein... ? et je vous rassure, là, par rapport à votre position ? il n'y a pas eu de consensus, loin de là, sur cette approche-là depuis que cette commission a commencé ses travaux. Au contraire, la principale critique que nous avons entendue, concernait... je pense, il y a... Presque tous les intervenants qui sont venus jusqu'à maintenant ont critiqué d'une façon ou d'une autre cette approche par capitaux. En tout cas, il n'y a à peu près personne qui est venu dire: Oui, c'est l'approche par capitaux uniquement, il faut tout baser, tout structurer là-dessus. Les gens sont plutôt venus dire: Bien oui, c'est intéressant, mais il faut croiser ça avec d'autres dimensions de façon à ce qu'on ne voie pas ça comme un bloc, une approche, là, réductrice.
Alors donc, moi, je pense que... Effectivement, je suis d'accord avec votre constat qu'il n'y a pas de consensus de la population au Québec sur le fait de tout faire passer par... tenter de tout faire entrer dans le moule. Et d'ailleurs je pense qu'il y a plusieurs personnes qui sont venues nous dire qu'effectivement, en essayant de tout faire entrer dans le moule, on passait à côté d'un certain nombre de choses importantes.
Ce que je voudrais peut-être vous demander à cette étape-ci... parce que vous avez appuyé, donc, le fait d'avoir trois niveaux d'indicateurs, donc une architecture, là, d'indicateurs basés sur trois différents niveaux, le niveau qui est devant nous aujourd'hui, qui fait l'objet de nos travaux étant le premier niveau, qui sont des indicateurs d'état, donc, «état» pas nécessairement avec un... pas avec le «E» majuscule, mais d'état de la situation. Et, par contre, vous nous avez parlé d'indicateurs d'avant-plan et d'arrière-plan, et là je n'ai pas très bien compris si, dans le fond, ce que vous proposez, c'est de maintenir les trois niveaux, mais, dans le premier niveau, d'avoir, à l'intérieur de ça, deux niveaux. Il me semble que, si c'était le cas, que ça compliquerait un petit peu les choses. En tout cas, moi, je ne le comprends pas très bien à ce moment-ci.
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(10 h 20)
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La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron.
Mme Gendron (Corinne): Oui. Alors, tout d'abord, je profite de votre intervention pour réitérer notre admiration par rapport au travail qui a été réalisé jusqu'à maintenant par l'équipe du ministère. Nous avons l'occasion d'échanger régulièrement avec eux, et, comme vous le dites très bien, nos commentaires n'ont aucunement pour objet de discréditer ce travail. Ce que nous espérons, c'est que les efforts qui ont déjà été consentis puissent avoir encore davantage d'impact en essayant d'offrir notre expertise d'universitaires. Alors, je vais simplement dire quelques mots sur... voilà, l'approche.... en fait, la distinction entre indicateurs d'avant-plan et d'arrière-plan. Le Pr Janda, qui est plus spécialisé sur la question, pourra préciser davantage.
Effectivement, si vous regardez à la page 34 de notre mémoire, vous allez voir que nous proposons une déclinaison au niveau des indicateurs d'état, les indicateurs de développement durable, donc d'indicateurs d'avant-plan et d'indicateurs d'arrière-plan. Ce qui peut peut-être sembler complexifier la démarche, en fait, est une façon de s'assurer de la qualité de la démarche, parce que, quand on veut avoir des indicateurs d'état pour offrir un portrait complet et juste de la situation, ça prend plus que 17 indicateurs. Ça... Et, si on regarde l'expérience des pays européens, les systèmes tournent plutôt autour ? j'ai dit tout à l'heure, une soixantaine? ? d'une soixantaine d'indicateurs pour essayer d'offrir un portrait complet de la situation de développement durable.
Alors, si on comprend par ailleurs que c'est important d'avoir un système d'indicateurs beaucoup... avec un nombre beaucoup plus restreint pour les besoins de communication et les besoins éventuellement de certaines prises de décision, donc, c'est important d'avoir ces deux niveaux-là: un système d'information qui soit complet et qui soit basé sur un nombre d'indicateurs... le nombre qu'on jugera nécessaire, hein, ce qui est nécessaire pour qu'on estime qu'on a assez d'information pour prendre des décisions, et un autre niveau, qui sont donc ce qu'on appelle les indicateurs d'avant-plan, les indicateurs-phares, les indicateurs clés ? ce sont toutes des expressions qui sont utilisées ? qui permettent donc de cibler plus précisément des indicateurs à un moment donné.
Alors, je ne sais pas si, Richard, tu veux compléter.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Pr Janda.
M. Janda (Richard): Oui. Alors, cette division, je veux souligner d'abord, est une division qui est utilisée dans d'autres pays. C'était souligné par l'Europe dans le rapport Eurostat. Donc, ce n'est pas notre invention, c'est quelque chose qui sort d'une étude comparative de ce qui se passe ailleurs.
Déjà, même dans le document de consultation, on envisage évidemment la deuxième génération puis la troisième génération des indicateurs. Les indicateurs sont aussi des legs à la société québécoise. Il faut faire en sorte que ce qu'on pense, c'est important aujourd'hui, ne limite pas pour les générations dans l'avenir ce qu'on va saisir comme important pour le développement durable à cette époque. Donc, une des raisons principales pour avoir des indicateurs d'arrière-plan qui peuvent éventuellement aussi devenir des indicateurs-phares, des choses que la société québécoise pense est vraiment important, c'est d'avoir cette transition entre les générations d'indicateurs pour l'avenir.
Je donne un exemple pour illustrer. Ce n'est peut-être pas évident aujourd'hui pour la société québécoise de mesurer l'état du permafrost dans le Grand Nord, mais, quand on commence à voir les enjeux du changement climatique, peut-être éventuellement que ça va devenir quelque chose qui sera très important. Aujourd'hui, peut-être que ça va rester en arrière-plan comme une des choses qu'on va récolter comme renseignement, mais on veut faire en sorte que ce système d'indicateurs soit durable aussi.
J'ajoute un dernier mot, si vous permettez. On trouve ça problématique que cette première génération d'indicateurs s'est arrêtée sur ce qui est déjà disponible. En fait, l'exercice se fait à partir des indicateurs qui sont déjà récoltés par le gouvernement. On exclut dès le départ ce qu'on appelle l'approche procédurale, à la page 20 du document de consultation, parce que ça peut donner lieu à la nécessité de chercher des indicateurs qui ne sont pas déjà en place.
Malheureusement, si on prend le développement durable au sérieux comme une démarche de société qui peut transformer notre façon de faire, il y aura des indicateurs qui ne sont pas déjà en place, et, parmi les indicateurs en arrière-plan, peut-être qu'il y a des indicateurs où on n'a pas encore ce qu'il faut pour tenir compte de la situation québécoise.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui, merci. Bien, je vous remercie de ces précisions parce que, moi, je saisis mieux, effectivement. Je pense que c'est une préoccupation qui est largement partagée, du côté des membres de la commission, qu'on voudrait avoir un nombre d'indicateurs relativement limité, bon, pour pouvoir avoir un tableau de bord, là, qu'on peut saisir de façon... Enfin, on a critiqué le fait que, s'il y avait trop d'indicateurs, on perdrait, à un moment donné, une vision d'ensemble, et donc on est d'accord avec ça.
Et l'autre chose, bien, c'était de privilégier des indicateurs qui sont basés sur des données qui existent déjà. Ça, je pense que ça fait pas mal consensus aussi au niveau de la commission, puis pas mal les gens qui sont venus nous voir nous ont dit que c'était... que c'était plutôt une bonne chose qu'on se base là-dessus.
Ce que vous venez... amenez... ce que je comprends, ce que vous apportez, c'est une nuance dans le sens où on peut avoir nos indicateurs d'avant-plan, mais des indicateurs d'arrière-plan qui sont des indicateurs qu'on... même s'ils n'ont pas toutes les qualités actuellement pour être nos indicateurs forts, bon, on va quand même les traîner avec nous et éventuellement nos systèmes d'acquisition de données vont se raffiner, d'une part.
Aussi, ce que vous avez dit et qui a trouvé écho chez d'autres gens auparavant, d'autres présentations, c'était le fait qu'actuellement il ne faut pas non plus figer, dans ce système-là, nos valeurs, des valeurs actuelles, parce qu'on veut un système qui va pouvoir évoluer dans le temps, et, dans 20 ans, bien, ce ne sera plus nécessairement les mêmes valeurs et, comme vous le soulignez aussi, ce ne sera plus nécessairement non plus les mêmes enjeux. Et là quelque chose qui est intéressant mais pas majeur aujourd'hui pourra devenir majeur, et quelque chose qui est majeur aujourd'hui pourra devenir un petit peu moins important. Alors, je comprends bien ça.
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(10 h 30)
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Maintenant, j'aimerais ça peut-être vous entendre sur les liens entre les trois niveaux d'indicateurs, parce que ce qu'on nous a présenté ? je cherche mon document ? en quelque part, le ministère a préparé un tableau qui ne vous a peut-être pas été remis, qui a été remis aux membres de la commission hier, à notre séance d'hier, et dans le fond on rattache les indicateurs de deuxième niveau aux indicateurs de premier niveau. Alors, ce n'est pas parfait, parce que, dans mes... ce que j'ai calculé, c'est qu'il y avait peut-être 60 indicateurs de deuxième niveau qui trouvent un lien au premier niveau, mais il y en a quand même une vingtaine d'autres qui sont orphelins à ce titre-là. Donc, je ne sais pas, pour vous, est-ce que c'est important qu'il y ait un lien direct entre les indicateurs de deuxième niveau et de premier niveau ou si c'est tout simplement deux approches en parallèle qui ne doivent pas nécessairement être parfaitement imbriquées?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Gendron.
Mme Gendron (Corinne): Écoutez, c'est une question importante que vous posez là. Puis, pour avoir consulté les débats que vous avez eus antérieurement, on a vu que cette question-là revenait souvent, la raison pour laquelle d'ailleurs vous avez déposé ce tableau. On n'en a pas pris connaissance, mais on va vous expliciter notre position à ce sujet-là.
En ce qui nous concerne, sur le plan conceptuel, les indicateurs précèdent la stratégie. Alors, le problème auquel on fait face ici, c'est que nous avons adopté la stratégie d'abord et les indicateurs après, et c'est pour ça que peut-être les gens se demandent: Il devrait y avoir un lien. Mais, à notre avis, les indicateurs qui doivent montrer un état de la situation au Québec, c'est eux qui doivent par la suite informer.
Donc, les indicateurs de la stratégie doivent être... doivent se justifier par rapport à... pardon, les objectifs de la stratégie doivent se justifier par rapport aux indicateurs d'état, donc les indicateurs de premier niveau, mais nous ne voyons pas de nécessité qu'à ce stade-ci il y ait une correspondance, si ce n'est que normalement les deux listes devraient refléter les mêmes préoccupations, puisqu'on est dans la même société, on est à la même époque, donc normalement il devrait y avoir une convergence. Mais, sur le plan de l'architecture, nous ne pensons pas qu'il devrait y avoir de lien explicite.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le Pr Janda.
M. Janda (Richard): Je tiens à ajouter qu'on souligne un problème de gouvernance concernant l'arrimage entre ces deux niveaux. C'est pour ça qu'on vous recommande une table de concertation: justement pour faire en sorte que, quand on se penche sur la deuxième, troisième génération des indicateurs d'état, comme vous avez dit, on va aussi prendre en compte l'évolution de la stratégie, et vice versa, que la stratégie va refléter l'évolution des indicateurs. Il faut donc avoir quelque chose entre les deux. On pense qu'une table de concertation peut remplir ce rôle.
Une raison, je pense, je n'ai pas vu votre tableau, le tableau qui a été distribué, mais des indicateurs orphelins, je spécule peut-être, mais on a noté qu'il n'y a pas, dans le document de consultation, des indicateurs qui touchent l'équité ou gouvernance. Et, dans la stratégie, je sais qu'il y a un bon nombre d'indicateurs qui peuvent toucher ces éléments-là. Ça peut souligner une lacune dans les indicateurs proposés au premier plan.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, je vais saisir un peu la balle au vol. Lorsque vous parlez d'équité... Parce qu'il y a un indicateur qui base l'équité sur l'équité dans les... sur la base de l'écart entre les niveaux de revenus. Alors donc, c'est probablement... Lorsque vous dites qu'il n'y a pas d'indicateur qui touche à l'équité, c'est probablement parce que vous avez une définition différente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le Pr Janda.
M. Janda (Richard): Ce qu'on souligne, c'est qu'on n'a pas comme thème, dans les indicateurs, la question de l'équité. C'est vrai que l'index Gini reflète une partie des enjeux concernant l'équité. Il y en a d'autres, évidemment, il y a aussi la question des régions... la distribution dans les régions, la question des autochtones. Alors, il y a d'autres dimensions de la problématique de l'équité qui ne sont pas reflétées.
Et d'ailleurs l'approche Gini est, si je me souviens bien, un des indicateurs de la dimension sociale selon ce qui était proposé dans le document de consultation. On dit que c'est important non seulement d'avoir, si vous voulez, les thèmes environnement, société, économie, mais aussi gouvernance et équité.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. En tout cas, je peux vous confirmer que, par rapport au concept de gouvernance, votre intuition est bonne, parce que, lorsque je regarde les indicateurs qui sont justement orphelins, il y a tous ceux qui concernent, par exemple, l'état d'avancement de la politique pour un gouvernement écoresponsable, le taux des ministères ayant adopté un cadre ou un système de gestion environnementale, un ratio des... bon, taux des ministères et organismes contribuant à l'adoption de pratiques d'acquisition écoresponsables, un certain nombre de concepts comme ceux-là qui effectivement ne se retrouvent pas au niveau des indicateurs de premier niveau.
En ce qui concerne le mécanisme de concertation que vous proposez, moi, il y a une première chose ? combien de temps il nous reste? deux minutes? ? une chose qui me frappe, c'est qu'on a souvent... En tout cas, on a au Québec un bureau qui s'appelle le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, mais nous n'avons... et qui est limité... bien, pas limité, mais qui a un cadre bien circonscrit dans la Loi sur la qualité de l'environnement, mais il n'y a pas de mécanisme de concertation, disons, sociale ou socioéconomique. Et donc est-ce que... Là, vous en proposez un, mécanisme, une table là-dessus. Est-ce que vous ne voyez pas que... Est-ce que vous considérez que... En tout cas, pouvez-nous nous dire un petit peu davantage sur comment vous voyez ce mécanisme fonctionner? Et, peut-être, est-ce que ça ne soulève pas le fait qu'il n'y a pas justement au Québec un bureau ou un organisme qui nous permette d'avoir justement une concertation en continu sur le développement durable?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Vous avez à peine une demi-minute pour répondre.
Mme Gendron (Corinne): Bien. Alors, très rapidement: on imagine une table de concertation permanente où siégeraient des représentants de différentes populations du Québec, dont les autochtones, dont les régions, etc., qui serait chargée de recevoir les préoccupations des acteurs sociaux. Alors, en recevant ces préoccupations-là, il pourrait y avoir une négociation donc entre les personnes qui siègent sur cette table pour définir une perspective concrète du développement durable à la fois dans le but de la révision de la stratégie, pour interpréter les indicateurs, pour choisir les indicateurs, etc.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Merci. Je tiens à vous remercier, Mme Gendron, M. Janda, Mme White et Mme Hervieux, de votre présence.
Nous allons suspendre quelques minutes. Et j'invite Option Consommateurs à bien vouloir s'approcher.
(Suspension de la séance à 10 h 38)
(Reprise à 10 h 39)
La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons les travaux de la commission. Je veux souhaiter la bienvenue à Mme Reed et à M. Décary-Gilardeau. Nous vous rappelons que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et suivra une période de questions: 25 minutes pour le gouvernement; 25 minutes. La parole est à vous. Et bien vouloir vous identifier quand vous prenez la parole. Merci.
Option Consommateurs (OC)
Mme Reed (Geneviève): Bonjour. Je me nomme Geneviève Reed. Je suis responsable de la recherche et de la représentation chez Option Consommateurs. Et je suis accompagnée ce matin de François Décary-Gilardeau, analyste agroalimentaire.
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(10 h 40)
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Mme la ministre, Mme la Présidente, Mme la vice-présidente... ou le vice-président plutôt, Mmes et MM. membres de la commission, permettez-moi de vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire part de nos observations sur cette première liste des indicateurs de développement durable pour surveiller et mesurer les progrès réalisés au Québec en matière de développement durable.
Option Consommateurs existe depuis 1983. Nous sommes une association à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir et de défendre les intérêts des consommateurs et de veiller à ce qu'ils soient respectés. Notre siège social se situe à Montréal, et nous avons aussi un bureau à Ottawa. Chaque année, nous rejoignons directement 10 000 consommateurs à qui nous venons en aide par le biais des consultations budgétaires, de visites en efficacité énergétique ou que nous sensibilisons grâce à des séances d'information budgétaires et juridiques.
Option Consommateurs porte une attention particulière aux questions qui touchent les consommateurs en situation de vulnérabilité tant économique que sociale. Ainsi, nous intervenons régulièrement sur l'accès aux services financiers de base, sur la sécurité alimentaire, sur l'impact des hausses tarifaires des biens et services essentiels et sur les problématiques de consommation liées aux faibles niveaux de littératie et de numératie.
Option Consommateurs a tenu à participer à cette consultation puisqu'elle croit qu'il est de son devoir de contribuer à un exercice si important, mais également parce que nous pensons pouvoir apporter un éclairage nouveau à la Commission des transports et de l'environnement de l'Assemblée nationale à ce sujet. Notre regard sera tourné résolument sur les questions au confluent de l'économie et du social. Évidemment, si nous ne nous penchons pas sur divers aspects pourtant incontournables du développement durable, ce n'est pas parce que nous ne reconnaissons pas leur importance, mais simplement parce que ceux-ci sont au-delà de notre expertise.
La notion de développement durable demeure toujours sujette à débat. Bien que la définition retenue par le gouvernement du Québec s'inspire grandement de la définition de Mme Brundtland dans Notre avenir à tous, elle omet de traduire la notion de besoins essentiels des plus démunis. Nous croyons effectivement que la démarche de développement durable dans laquelle s'est engagé le Québec doit s'accompagner d'actions concrètes pour s'assurer que l'ensemble de la population puisse répondre à ses besoins fondamentaux en toute dignité. La première liste des indicateurs de développement durable doit donc accorder une grande priorité à mesurer l'évolution de cet aspect.
Selon le document de consultation, les indicateurs ont quatre principales fonctions, dont celle d'informer le citoyen. Nous regrettons le choix de l'approche par capitaux non seulement parce que peu utilisée à travers le monde, mais également parce que cette terminologie ne répond certainement pas à la fonction pédagogique et mobilisatrice des indicateurs de développement durable. Malgré cette critique, nous jouons le jeu et réfléchissons avec vous aux divers capitaux et indicateurs.
L'identification d'indicateurs idéaux n'est pas une mince tâche, mais nous croyons qu'ils doivent répondre aux critères suivants: clairs, fiables et spécifiques, pertinents, transparents, sensibles et, dans la mesure du possible, transversaux. Vous trouverez une explication de chacun de ces critères dans notre mémoire.
En ce qui concerne tout d'abord les trois indicateurs du capital humain, nous croyons que la mesure du taux d'activité telle que proposée est limitée dans un contexte de développement durable. Cette mesure doit nécessairement être accompagnée de données sur la qualité des emplois et sur la capacité des personnes à se sortir de la pauvreté avec le revenu disponible. L'indicateur sur l'espérance de vie en bonne santé devrait aussi être décliné par quintile de revenus.
L'indicateur de distribution du plus haut niveau de diplomatie constitue une donnée intéressante mais incomplète, à notre avis. Nous suggérons des indicateurs mesurant le niveau de littératie et de numératie de la population québécoise. En effet, la diversité et la complexité des produits et services offerts aux consommateurs québécois nécessitent qu'ils possèdent un niveau minimum d'alphabétisation et de capacités financières.
Ensuite, nous nous sommes penchés sur l'indicateur de répartition du revenu en tant que mesure d'équité. Cet indicateur nous semble assez réducteur, l'équité devant être une dimension transversale à plusieurs capitaux. Par ailleurs, la notion de revenus, bien que constituant un élément de contexte de la société québécoise, ne permet pas seule de déterminer le développement durable de cette même société si elle n'est pas accompagnée de l'état des dépenses de base des ménages. Lorsqu'on regarde du côté de l'indicateur actif des ménages, nous suggérons d'utiliser des indicateurs tels que l'endettement des ménages et le taux d'épargne des ménages afin d'évaluer plus adéquatement la santé financière des membres d'une population et le potentiel d'investissement de cette même population.
Enfin, nous avons été très étonnés qu'une dimension pourtant incontournable du développement durable semble avoir été omise, celle de l'énergie. Nous recommandons notamment l'ajout d'un indicateur mesurant les diverses formes de production d'énergie et la consommation d'énergie des ménages.
Nous aurions bien sûr aimé avoir davantage de temps pour préparer ces quelques observations. De plus, nous encourageons le gouvernement à diversifier le type d'intervenants invités à participer à de telles consultations sur le développement durable. Nous lui recommandons aussi de créer un groupe de suivi multidisciplinaire afin d'analyser et d'actualiser les indicateurs de développement durable.
Enfin, il nous paraît incontournable qu'une fois les indicateurs adoptés ils soient largement diffusés auprès des intervenants et de la population québécoise. Nous souhaitons fortement que cette diffusion ainsi que celle des bilans périodiques soient faites de manière simple et claire afin que nous partagions tous le même objectif de vivre dans le présent de façon responsable afin de préserver l'avenir.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre attention. Et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Mme la ministre, la parole est à vous pour les 25 prochaines minutes.
Mme Beauchamp: Merci, Mme la Présidente. Et je veux souhaiter la bienvenue donc à M. Décary-Gilardeau puis Mme Reed.
Peut-être le savez-vous, mais, moi, j'ai eu une première vie, j'ai eu une première vie donc où j'ai travaillé à ce qui s'appelait à l'époque l'ACEF-Centre, qui est devenue Option Consommateurs. J'ai donc siégé sur votre conseil d'administration aussi pendant quelques années. Et je veux juste prendre le temps donc... Parce que souvent, comme parlementaires, c'est important de dire qu'on a eu des premières vies. J'ai beaucoup de collègues ici, autour de la table: parmi leurs premières vies, il y a eu des expériences dans le monde municipal, par exemple, et tout, et tout. Ça fait que, hier, on a pu en entendre parler, et là c'est à mon tour de lever la main puis de dire: J'ai d'autres vies et... quelques-unes donc, et, parmi celles-là, ma toute première expérience professionnelle, pendant quelques années, a donc été dans le milieu des associations de protection des consommateurs, puis notamment donc avec ce qui est devenu Option Consommateurs.
Je vous raconte ça juste pour vous dire que, quand j'ai pris connaissance de votre mémoire, j'ai retrouvé le niveau de qualité puis de réflexion qui a toujours existé à Option Consommateurs puis à travers la revue, les enquêtes et également, bien sûr, tout, je dirais, le travail légal, je vais dire ça comme ça, là, tout l'accompagnement légal. Et vous avez gagné, vous avez remporté de belles victoires légales, notamment pour les consommateurs, et tout ça est le reflet, vraiment, je dirais, d'une culture d'organisation chez vous qui est de très grande qualité. Et, bien que j'aie perdu un peu de vue le quotidien puis les réalisations quotidiennes d'Option Consommateurs, je peux constater en tout cas que la culture d'organisation qu'une génération a tenté d'implanter... que vraiment c'est relevé avec brio. Je dirais même que c'est mieux que jamais puis... Vous comprenez.
Donc, je veux vous remercier pour votre mémoire, qui est un mémoire important. Je pense que l'enjeu principal que vous voulez soulever ? et j'y suis extrêmement sensible ? c'est l'enjeu que les indicateurs puissent éclairer la société québécoise et donc les générations futures sur les notions d'inégalité. C'est à ce point important que c'est un des objectifs de la stratégie de développement durable adoptée, c'est cette notion qu'on puisse avoir un éclairage sur les questions d'inégalité.
Et puis là je ne veux pas partir sur des débats trop philosophiques, mais quand même... mais ce que je veux dire, c'est que votre mémoire, il est intéressant quand également on le met dans la perspective d'un mémoire discuté hier, qui provenait de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Puis je veux juste donc qu'on puisse creuser ça, parce que je suis sensible aux arguments, mais je ne suis pas sûre que... presque au nom d'une même prémisse de base, qu'on s'en va tout à fait à la même place. Ça fait que...
Tout ça pour vous dire donc que, vous-même, vous dites que l'indice qu'on appelle le coefficient de Gini est très approprié ? est-ce qu'on dit «Geni» ou «Gini»? Gini ? mais en même temps vous nous proposez tout de même, je dirais... je ne veux pas pervertir, là, ce que vous dites, mais, si je ne me trompe pas, vous en venez quand même presque à proposer qu'on y renonce pour plutôt d'autres indicateurs. Et en fait vous comprenez que ce que je veux vous dire, c'est que la Fédération des chambres de commerce hier, dans un mémoire vraiment également très documenté, est venue un peu proposer la même chose, qu'on abandonne ce coefficient de Gini, et c'est là, je vous disais, je veux juste voir si, derrière cette recommandation-là... Un peu ma réflexion ? c'est à chaud, là: moi, à quelque part, j'ai le réflexe de me dire: Il y a comme un effet pervers aussi peut-être derrière tout ça. Bon.
Là, je vais essayer d'être claire. Ce que je veux dire par là, c'est que, premièrement, l'indice de Gini, on me dit ici... Moi, je ne suis une experte en rien, là, c'est que je vais... Des fois, je suis un perroquet, mais, quand je me tourne puis que je me dis: C'est un bon commentaire, là, ça m'interpelle...
Une voix: Ha, ha, ha!
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(10 h 50)
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Mme Beauchamp: Léopold rit, mais des fois je suis un perroquet, il faut le dire. Humblement, il faut le dire. Ce qu'on me dit, c'est: Le coefficient de Gini est, semble-t-il, très largement utilisé dans les indicateurs de développement durable, là, dans... Vous me dites même?
Une voix: Sur la planète.
Mme Beauchamp: Sur la planète ? c'est rendu, là, je suis un vrai, vrai perroquet, là ? sur la planète. Et là j'étais devant la recommandation, hier, de la Fédération des chambres de commerce, et là vous aujourd'hui. On pourrait presque présenter ça comme sur un angle d'un spectre, là, je suis... En tout cas, les clichés veulent que ce soit à deux extrêmes, mais je suis devant la même recommandation.
Quand vous me... Je voudrais que vous m'expliquiez un peu mieux quelle sorte d'indicateur vous me proposez à la place du coefficient de Gini, quand, par exemple, l'argumentaire de la Fédération des chambres de commerce est plus un argumentaire... Bien, la base ressemble à vous, c'est de dire: Une vraie société, en termes de développement durable, devrait se préoccuper de la situation des plus démunis, mais je trouve qu'une fois que je porte l'éclairage, je vais dire, uniquement là-dessus, est-ce que par ailleurs j'ai le bon indice, le bon indicateur pour, en termes de société... de m'interroger sur les écarts de richesse? Et, moi, je pose la question. Honnêtement, par principe, moi, je n'ai pas rien contre le fait qu'on veuille... qu'on puisse s'enrichir, et que ça prend, dans une société, des gens qui puissent s'enrichir, mais par ailleurs, bien honnêtement, en termes plus philosophiques, je me dis: Je... Alors qu'eux n'avaient pas ce paradigme-là, moi, honnêtement, j'ai plus un paradigme qui dit: Je veux quand même vivre dans une société où j'évite de très grands écarts, de très grands écarts entre des membres d'une même société, ce qui ne veut pas dire prêcher à la fin pour une égalité totale. Ce n'est pas ça, le principe. Et donc, là, vous comprenez, je suis là puis je me dis: Est-ce qu'à la fin je ne perds pas de vue, en portant un éclairage, j'allais dire, strictement sur une question qui est absolument légitime, qui me parle beaucoup, qui est la situation des démunis dans notre société, est-ce que je ne perds pas de vue un autre type de questionnement? Je pense que, quand on lit les deux mémoires, là, la question se pose.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Reed.
Mme Reed (Geneviève): Merci. Je vais laisser François commencer, puis j'ajouterai si...
M. Décary-Gilardeau (François): En fait, on...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Décary-Gilardeau, allez.
M. Décary-Gilardeau (François): Pardon, Mme la Présidente. En fait, on ne retire pas nécessairement l'indicateur Gini, on veut juste le complémenter d'une mesure qui va prendre en compte les dépenses qu'on pourrait qualifier d'obligatoires, en fait. Puis ça nous vient vraiment de... Dernièrement, on a regardé les chiffres: les chiffres changent beaucoup, puis il y a eu de nombreuses initiatives gouvernementales, je pourrais dire, dans la dernière décennie, qui ont eu un impact significatif sur les revenus les plus bas, là, le quintile inférieur, puis ce qui a amélioré la qualité de vie de nombreux citoyens, il faut le reconnaître. Mais il y a quand même... On a regardé le coût de la vie évoluer grandement dernièrement aussi, puis ce qui fait qu'il y a beaucoup de gens qui se retrouvent dans des situations qui sont relativement... qui sont extrêmement difficiles.
Puis en fait c'est pour un petit peu combler à ça. On voulait compléter, parce que l'indice Gini va regarder le revenu seulement, alors que, nous, on dit: Pour avoir l'équation complète, oui, il faut regarder ce qu'on a acquis, mais aussi ce que ça nous coûte pour vivre d'une manière digne. Ça fait qu'en fait ce qu'on voudrait, c'est de prendre l'indice Gini, mais aussi de le rendre plus global pour rentrer à l'intérieur de lui-même cet aspect-là qui est aussi les coûts minimaux pour vivre décemment dans une société comme au Québec. Donc, c'est... on ne propose pas de le retirer mais beaucoup plus de le rendre plus parlant de la situation qui est réellement vécue par le ménage, par la jeune famille. Voilà.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Madame...
Mme Beauchamp: Et...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Excusez, vous avez quelque chose à rajouter, Mme Reed?
Mme Reed (Geneviève): Oui, j'aimerais...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y.
Mme Reed (Geneviève): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais rajouter que, depuis quelque temps, on fait... Je prends pour exemple l'exemple de l'alimentation, des coûts de l'alimentation. Depuis un an et demi, on surveille la situation du coût de l'alimentation au Québec et au Canada et on s'aperçoit que, dans les statistiques, on peut retrouver des choses intéressantes, en ce sens que, pour les gens du premier quintile de revenus, la proportion qui est donnée au budget de l'alimentation est plus grande que la proportion des gens qui sont plus nantis, et, évidemment, la marge de manoeuvre des gens les moins nantis, elle est nulle. Alors, si cette proportion-là en termes, mettons, des coûts d'alimentation n'arrête pas d'augmenter pour les gens du premier quintile, ce n'est pas une bonne chose. Donc, c'est un peu, comme l'a dit François, de préciser cette notion-là de répartition du revenu avec aussi une répartition des dépenses par quintile.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Puis je sais, là... je ne veux pas vous transformer en experts des indicateurs, là, je comprends ça, mais est-ce que vous avez une recommandation à nous faire? Est-ce que votre recommandation, c'est vraiment de voir si ça se décline par... que différents indicateurs se déclinent par quintile de revenus quand vous dites: N'abandonnons pas l'indice de Gini ou si vous proposez: Additionnons d'autres indicateurs? Et, si c'est le cas, est-ce que vous avec des suggestions sur lesquels?
On me soufflait à l'oreille, par exemple... on me disait que l'indicateur sur le prix du panier, bien, qu'il n'existe plus depuis quatre ans, on m'indique, au niveau de Statistique Canada. C'est pour ça que je vous dis: Moi aussi, là, je ne suis pas une experte, je ne vous demande pas de vous transformer en superexperts. Mais, par ailleurs, avez-vous eu le temps de regarder s'il y avait des... Parce qu'on est sensibles à deux choses, c'est le fait qu'on veut que la première liste d'indicateurs soit à partir d'indicateurs qui existent déjà, que l'Institut de la statistique du Québec est capable de produire, mais ça ne nous empêche pas... Bien sûr, on le sait, la démarche de se doter d'indicateurs de premier niveau est une... j'insiste là-dessus, c'est une démarche en soi, et donc elle va se poursuivre dans le temps, puis il y a beaucoup de recommandations dans différents mémoires qui est plus que les gens puissent se pencher, là, sur le développement d'indicateurs. Et sûrement que... Et à la fois l'équipe du ministère ici puis l'équipe de l'Institut de la statistique du Québec, qui a assisté à tous nos travaux, prennent bonne note des souhaits, là, exprimés sur des idées.
Tout ça pour dire: Est-ce que vous avez des précisions à m'apporter sur des indicateurs qui illustreraient encore mieux ce que vous souhaitez? Parce que, je vous le répète, là, ce que vous recherchez, l'illustration de la situation des plus démunis, c'est quelque chose qui me parle beaucoup, là. Je suis très sensible à la recommandation première, que j'appelle, de votre mémoire.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Reed.
Mme Reed (Geneviève): Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, en fait, notre première recommandation est justement que les... parmi les indicateurs les plus pertinents, qu'ils soient tous déclinés par quintile de revenus. Donc ça, c'est une de nos premières recommandations.
Pour ce qui est du coefficient de Gini et de la répartition du revenu, il y a justement... Statistique Canada fournit ? et c'est sûr que l'Institut de la statistique du Québec a ces chiffres-là ? justement une répartition des dépenses des ménages et selon les quintiles, donc, et avec les... Donc, on peut peut-être utiliser cet indicateur-là, mais c'est vraiment... n'étant pas une experte en méthodologie et en indicateurs, mais c'est peut-être une piste à explorer à ce moment-là.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Oui, je veux dire, moi, je vais demander à l'équipe ici de réfléchir à ça. Puis je veux juste que vous compreniez que ce sera toujours en ayant aussi en tête une des recommandations premières, que plusieurs ont reprise, qui est de dire qu'il faut... qu'on ne peut pas additionner un grand nombre d'indicateurs si on veut continuer à être capables de tirer des conclusions lorsque viendra le temps d'en tirer, puis qu'elles parlent. C'est qu'il va falloir trouver l'équilibre. Et on le savait. Dès mes remarques préliminaires, j'avais dit: C'est évident qu'on va être devant des recommandations d'additionner des indicateurs ou d'en développer. Mais je suis très sensible à l'argumentaire que vous nous amenez.
Je voulais aller sur un élément qui... sur lequel peut-être, en tout cas, moi, j'ai moins interrogé, c'est l'angle que vous amenez sur la question... vos commentaires sur la question de la superficie du territoire zoné agricole, que, vous, vous transformez, je dirais ça comme ça, là, vous transformez dans la mesure... dans une mesure d'autosuffisance alimentaire. Puis là je voulais voir si on parlait de la même chose ou pas, parce que l'indicateur de la superficie du territoire zoné agricole est un indicateur qui apparaît dans la dimension Capital naturel au même titre qu'un indicateur sur la forêt. Tout ça a été critiqué, là, sous d'autres angles, mais je veux juste vous dire qu'il est plus vu sous une forme d'indicateur du capital naturel, donc, je dirais, de l'état du territoire légué aux générations futures.
Vous, vous l'amenez... Certains nous ont dit, et je pense que les indices, les indicateurs n'existent pas nécessairement, mais qu'il faudrait réussir à qualifier ça puis d'être capable de parler du type d'agriculture mené. On reçoit des gens de l'UPA un peu plus tard, les questions se posent. Mais je trouve juste que, vous, quand vous amenez la recommandation que ce soit plutôt le niveau d'autosuffisance alimentaire, je me dis: Est-ce qu'un tel indicateur resterait dans ma dimension de capital naturel? J'ai comme l'impression que je viens de vivre un déplacement de préoccupation entre le fait que ça, c'est utilisé pour illustrer le legs, en termes de capital naturel, par rapport à votre angle à vous qui est correct, que je respecte beaucoup, mais qui est plus une orientation de la... questionnement sur les situations d'inégalité sociale.
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(11 heures)
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La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Gilardeau.
M. Décary-Gilardeau (François): Merci. Mme la ministre, c'est une question extrêmement pertinente et puis qui m'avait trotté dans la tête, effectivement, puis j'oserais répondre que... En fait, on a essayé de trouver des indicateurs quand on a réfléchi ? puis on a passé quelques sessions à réfléchir à ça ? mais des indicateurs symptomatiques, qu'on aimait appeler. Puis ce que je trouvais intéressant de cet indicateur-là d'autosuffisance alimentaire, c'est qu'en fait sans être un indicateur très, très défini dans le béton, ça reste quand même des symptômes de la qualité du territoire.
Si on dégrade nos sols... Le Midwest américain est en train de dégrader ses sols aussi, d'épuiser ses ressources en eau. Si on dégrade nos sols par des pratiques agricoles qui ne sont pas adéquates ou si on transforme nos sols en zones résidentielles, en fait, puis qu'on fait de l'étalement urbain en fait, nécessairement, à long terme, comme pour les changements climatiques, nécessairement, à long terme, on va s'amputer aussi d'une certaine façon de notre capacité productive.
Ça fait qu'en fait l'autosuffisance alimentaire est effectivement une mesure sociale et est en fait... est un indicateur qui existait depuis fort longtemps. En fait, au Québec, on le mesurait avant. Je ne sais pas si on le mesure aussi... mais je me rappelle d'avoir entendu M. Garon, ancien ministre de l'Agriculture, parler de niveau d'autosuffisance alimentaire. Mais en fait, en abordant ce thème-là, c'est vraiment un indicateur qui peut être symptomatique de la capacité à produire, donc de l'état de notre capital naturel qui est le territoire agricole. Donc effectivement, c'est peut-être tirer un petit peu l'élastique, mais ça reste des symptômes, en fait. Si on n'a plus ces capacités productives là, bien, évidemment que notre autosuffisance alimentaire va descendre. Donc, c'est un indicateur qu'on appelle d'une certaine façon transversal parce qu'il aborde plusieurs thèmes.
Et puis aussi, ce qu'on aime bien, c'est que c'est imagé, ça a des capacités pédagogiques pour les consommateurs, et puis ça a des capacités éducatives aussi. On n'est pas pour l'autarcie alimentaire, ce n'est pas ça qu'on propose du tout, mais quand même c'est un indicateur qui est imagé puis qui peut être en relation aussi avec le capital naturel, selon nous.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Juste avant, j'ai oublié de faire le commentaire, là, sur le fait qu'à la lumière de votre souhait qu'on regarde la possibilité de décliner des indicateurs par quintiles de revenu disponible... Je ne suis plus sur le même sujet, là, je voulais juste revenir. Je voulais juste vous dire que j'ai demandé qu'on essaie de me dire, là, par rapport à ce qui existe déjà comme indicateurs, ce qu'on me propose, lesquels sont déclinables de telle façon, et on pourra peut-être y revenir en tout cas si on a une séance de travail, et tout ça. Je voulais juste vous le dire, là, la question se pose.
On nous a demandé aussi parfois de décliner par région. Ça a été jusqu'à par municipalité. Il y a la notion par sexe. Ensuite, ça a été par âge; hier, on nous a dit: Il faudrait décliner par âge. Mais c'est un questionnement intéressant, toute cette question de déclinaison. En tout cas, je vais vous donner un exemple: la notion d'autosuffisance alimentaire déclinée par région, là, on... est-ce que ça parle autant que de se poser la question comme société québécoise... C'est un peu différent.
Je veux aussi vous faire sourire en vous disant que vous avez une autre recommandation qui est exactement la même que la Fédération des chambres de commerce, ça fait que vous êtes faits pour vous entendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Beauchamp: Non, mais je veux que vous développiez un peu... qu'on puisse vous entendre, là, développer votre argumentaire autour de la recommandation «de retirer l'indicateur de valeur foncière du parc immobilier». Vous l'avez traité mais trop sommairement à mon goût, puis je veux vous entendre nous expliquer pourquoi vous nous faites la même recommandation que la Fédération des chambres de commerce du Québec.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Reed.
Mme Beauchamp: C'était juste pour vous taquiner, là.
M. Décary-Gilardeau (François): Bien, en fait, un des objectifs à prime abord qu'on s'est donnés quand on a fait l'exercice... Parce qu'on a vraiment vu ça comme un exercice pour nous aussi, pour se positionner par rapport au développement durable, qui est un enjeu qui préoccupe beaucoup de consommateurs, donc, pour nous, c'est très enrichissant comme démarche, ce qui est tout à fait à l'extérieur de la question aussi, je m'excuse.
Mme Beauchamp: Ah non! Si vous me permettez de... Savez-vous quoi? C'est peut-être le commentaire qui est le plus au coeur...
Des voix: ...
Mme Beauchamp: ... ? bien oui! ? de la démarche, parce que vous venez de confirmer que la démarche proposée à l'ensemble de la société québécoise, bien, elle marche puis qu'il y a un ensemble d'acteurs de la société québécoise qui sont en train d'être en démarche. Moi, je trouve que c'est à peu près le commentaire le plus pertinent qu'on pouvait se faire sur la finalité de l'exercice, en tout cas.
M. Décary-Gilardeau (François): Bien...
Mme Beauchamp: Allez.
M. Décary-Gilardeau (François): Donc, par rapport à ça, en fait, un des exercices qu'on s'est donnés, c'est la parcimonie. Ça nous semblait très important, puis, bon, on l'a expliqué un petit peu dans une démarche pédagogique, d'avoir un nombre d'indicateurs limité qui va pouvoir donner une image réelle. Donc, les indicateurs qu'on trouvait moins pertinents, on essayait soit de les substituer ou soit tout simplement... comme lui, on proposait de l'enlever.
En fait, je n'ai pas eu le temps de consulter toutes les présentations qui ont été faites ici, mais je sais que l'Ordre des architectes vous a parlé un petit peu de cet indicateur-là. En fait, ce qu'on trouve et puis ce qui est plus particulier peut-être à nous, c'est que l'indicateur pourrait amener à penser, puis c'est... Quand on définit un peu les critères qu'on a utilisés pour définir nos indicateurs, un qu'on trouvait important, c'est que l'indicateur ne nous donne pas l'illusion qu'on est en train de se diriger dans une direction de développement durable, alors que ça peut être expliqué par d'autres facteurs qui ne sont pas nécessairement ça. Puis en fait la valeur foncière des maisons est très fortement influencée... dernièrement, on l'a vu très clairement avec la bulle immobilière. Ça peut être beaucoup de facteurs qui, au bout du compte, pour les gens et pour les populations futures, n'est pas très, très interrelié avec des critères de développement durable.
D'autre part, pour nous ? puis, nous, ça nous inquiète beaucoup, beaucoup en ce moment ? c'est tout le surendettement des consommateurs qu'on observe de manière extrêmement... puis pas juste des classes les plus démunies, mais aussi de la classe moyenne et même des fois des personnes extrêmement, extrêmement riches, qu'on pourrait dire, qui se retrouvent pratiquement en faillite technique ou qui se retrouvent avec des hypothèques qu'ils ne seront pas capables de rencontrer. Donc, en fait, il y a des mesures de promotion de développement immobilier, des mesures d'accès à l'immobilier qui peuvent avoir des effets pernicieux sur la capacité des gens de payer et de vivre une vie adéquate et de répondre à leurs besoins primaires.
Donc, on ne voyait pas la corrélation entre une démarche de développement durable et la valeur foncière des maisons du parc immobilier, je crois, que vous utilisez comme terminologie ? pardon, ce n'est pas mon domaine ? mais on ne la comprenait pas d'une manière très directe, donc on a vraiment proposé en fait de retirer cet indicateur-là pour nous laisser un peu plus d'espace pour d'autres indicateurs qu'on trouvait plus pertinents. Donc, c'est un petit peu la logique qui était derrière. Effectivement, on l'a faite assez vite, là, la déclinaison de notre argumentaire sur cet indicateur-là.
Je ne sais pas, Geneviève...
Mme Reed (Geneviève): Non.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Et, finalement, je voudrais vous entendre aussi, là, développer un peu votre position quant à l'indicateur taux d'activité. Ce que j'en comprends, c'est que, pour vous, vous me dites que c'est un concept ambigu. Et vous terminez avec une recommandation où vous pouvez... vous me dites... vous nous proposez de «décliner l'indicateur "taux d'activité" en termes de ? là, vous faites deux suggestions, là ? part de la population active pouvant sortir de la pauvreté [et la] qualité du travail offert à la population».
La question que je me pose encore là, là, c'est: À votre connaissance, est-ce que j'ai des indicateurs produits actuellement, là, par nos... par exemple l'Institut de la statistique du Québec, qui illustrent ça, qui pourraient au moins se rapprocher de ça, ou encore si je dois voir cette recommandation comme un souhait que ça s'inscrive dans des démarches futures de développement d'indicateurs au Québec?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Rapidement. Il vous reste 2 min 30 s... deux minutes. Mme Reed.
Mme Reed (Geneviève): Écoutez, je ne suis pas sûre... Quand on parle de la qualité du travail offert, je crois que les... ça existe... les données existent en termes de travail saisonnier, travail à temps partiel, travail, etc. Donc ça, je pense qu'on peut l'avoir à ce niveau-là.
Au niveau de la population active pouvant sortir de la pauvreté, je sais que, dans plusieurs pays, on mesure d'une part le taux de pauvreté de la population comme un indicateur de développement durable, mais on... nous espérons que nous pourrions aller plus loin, c'est-à-dire de faire justement une corrélation ou un indicateur agrégé entre le revenu disponible et la capacité de sortir de la pauvreté. Puis ça, je pense que ce serait un beau travail à accomplir.
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...
Mme Reed (Geneviève): Oui.
Mme Beauchamp: En termes d'indicateurs à développer...
Mme Reed (Geneviève): À développer.
Mme Beauchamp: ...ou même d'indices, là, qui...
Mme Reed (Geneviève): Oui. Exactement.
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(11 h 10)
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Mme Beauchamp: Peut-être juste un commentaire. Parce que vous nous disiez au niveau de la qualité du travail offert... Est-ce que je dois comprendre, dans votre commentaire, que, quand vous me dites: Bien, on pourrait savoir, le travail saisonnier ou à temps partiel, que c'est un indice de qualité? Parce que, je me dis, on est dans une société, on dit, «vieillissante» ? il faudrait peut-être trouver un autre terme ? mais sûrement que la participation au marché du travail à temps partiel, par exemple, mais d'individus âgés de plus de 65 ans... ou encore, je pense, là, je ne veux pas avoir des propos sexistes, mais en parlant des femmes qui... peut-être bon nombre d'entre elles peuvent avoir des enfants, choisir d'avoir une occupation à temps partiel, pour moi, il n'y a pas nécessairement une connotation de qualité là-dedans. Ça fait que je voulais juste voir si on s'entendait bien ou pas...
Mme Reed (Geneviève): Bien, je...
Mme Beauchamp: ...plus sur ce que, vous, vous recherchez avec votre notion de qualité. Excusez-moi.
Mme Reed (Geneviève): ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): 20 secondes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Reed (Geneviève): Non, je crois qu'on parlait plus en termes de revenus pour les heures travaillées, en termes de stabilité d'emploi, en termes... C'est plus ce type d'indicateur là, effectivement.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Le temps est écoulé. Je vais maintenant passer la parole au député de L'Assomption. M. le député.
M. McKay: Merci, Mme la Présidente. Alors, souhaiter à mon tour la bienvenue à nos invités d'Option Consommateurs. Effectivement, il faut souligner l'importance de cet organisme dans notre société. Je peux en témoigner. Comme un nouveau député dans la circonscription de L'Assomption, j'ai eu déjà à rencontrer vos représentants dans la région de Lanaudière et de les soutenir. Et, en tout cas, je pense que l'ensemble des députés à l'Assemblée nationale peuvent témoigner du fait que vous apportez un soutien extrêmement crucial, là, à nos concitoyens partout à travers le territoire... ou presque partout, en tout cas.
Je veux témoigner aussi de vous avoir vu à l'oeuvre dans certaines structures, certains organes du gouvernement du Québec à caractère un peu légal, dont la Régie de l'énergie où vous intervenez régulièrement pour pouvoir faire... ajuster un certain nombre de décisions extrêmement importantes... en tout cas, en ce qui concerne notamment les augmentations de tarifs d'électricité qui ont été importantes et qui n'ont pas nécessairement été suivies de mesures sociales pour pouvoir compenser le manque à gagner des gens les plus démunis.
Et aussi je vous ai vu à l'oeuvre, notamment... Il y a une table dont je ne me souviens pas... je me souviens difficilement du nom exact, mais qui est présidée par le président de Jeunesse au soleil, et c'est la table sur, bon, l'exclusion sociale. Probablement que vous connaissez le nom exact. Mais, en tout cas, j'ai eu l'occasion de participer à une journée de travail de cette table qui discutait des impacts des augmentations des tarifs dans deux secteurs qui nous touchent de près dans le secteur du développement durable, c'est-à-dire les transports et l'énergie, et donc Option Consommateurs avait encore une fois une contribution très constructive.
Et je sais aussi que vous êtes un partenaire de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec, avec le programme Éconologis. Et je profite de l'opportunité, aujourd'hui, pour souligner comment ce programme-là, Éconologis, est extrêmement bénéfique, extrêmement utile parce qu'il s'adresse... Souvent, les programmes d'efficacité énergétique s'adressent à des gens qui sont propriétaires de résidences ou de bâtiments et... Bien, dans beaucoup de cas, les gens qui sont locataires subissent les inconvénients d'un appartement mal isolé, et, dans les cas où ils paient eux-mêmes le coût du chauffage, bien, ils sont doublement dépendants parce que, bon, le coût du chauffage est une part très importante de leurs dépenses, d'un côté. L'autre côté, bien, il y a relativement peu de choses qu'ils peuvent faire pour... en tout cas, eux ne peuvent pas décider d'isoler la maison dans laquelle ils louent un logement. Alors, les interventions de ce programme-là sont très importantes, et je veux déplorer ici le fait qu'il n'y ait pas suffisamment de ressources dévolues à ce programme-là, et qu'au rythme actuel, au rythme où on va, on aura couvert peut-être l'ensemble des ménages à faibles revenus au Québec dans un horizon, genre, de 20, 25 ans, alors que c'est la pointe de l'iceberg. S'il y a un secteur où on peut avoir des résultats très rapides et très importants avec relativement peu d'investissements publics, bien, c'est bien dans le programme Éconologis. Et donc je pense que le gouvernement devrait intensifier ses efforts grandement à ce titre-là. Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vois que vous semblez d'accord; vous pourrez me le signifier plus tard.
Peut-être, justement pour faire le lien avec toute cette question de l'impact de l'augmentation des tarifs sur les ménages à faibles revenus, j'aimerais peut-être vous entendre sur... Bien, vous avez eu l'occasion, là, d'élaborer un peu sur toute la question de l'équité, qui ne devrait pas être seulement la distribution du revenu, mais comment par rapport... surtout par rapport aux mesures économiques où on ne voit pas nécessairement l'endettement...
Bien, peut-être juste vous situer, là, par rapport à ma question. Dans tout le débat sur les plans de relance économique face à la crise financière et les impacts que ça a eus sur l'économie réelle, on a déploré un peu le fait que, si on avait des mesures qui donnaient des revenus aux ménages, ceux-ci pourraient s'en servir pour de l'épargne, et ça, c'était vu comme quelque chose de vraiment nuisible à l'économie que l'épargne augmente. Alors donc, comment est-ce que vous voyez l'ajustement ou la compensation qu'on peut faire avec ce type d'indicateurs de développement durable pour compenser ces biais, disons, dans l'interprétation, là, des mesures économiques?
Le Président (M. Carrière): Mme Reed.
Mme Reed (Geneviève): En fait, comme nous le disions, l'important quand on parle de... c'est l'indicateur... Quel indicateur, donc? Excusez-moi. Sur l'actif des ménages, notamment. Pour nous, quand on parle des facteurs de réduction de pauvreté et d'inégalités sociales, c'est, oui, une question de revenus, mais c'est une question de ce qu'on fait avec les revenus qu'on gagne.
Pour certaines populations, il n'y a pas de possibilité d'épargne parce que, déjà, elles sont serrées à la gorge. Pour d'autres populations, notre culture de l'épargne, au Québec, a mangé un sapré coup depuis les 15, 20 dernières années, et donc cette culture-là de l'épargne doit revenir dans nos... je crois, notamment au niveau de l'éducation. Et donc, si on veut investir ? je pense que je n'apprendrai rien à aucun économiste ? si on veut investir, il faut d'abord pouvoir avoir les sous pour investir. Et, quand on parle: l'indicateur devrait mesurer, bon, les possibilités de croissance économique en favorisant l'investissement et réduction de la pauvreté et des inégalités sociales, nous croyons qu'il est très important de savoir quel est le niveau d'endettement et quel est le taux d'épargne des gens parce que ça, c'est une photo de l'état de la société, de la population québécoise, des ménages québécois.
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(11 h 20)
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On le voit quotidiennement, des gens... Tout à l'heure, on parlait à propos de l'habitation, mais les gens que nous rencontrons, de plus en plus ne sont plus uniquement des gens qui sont peu scolarisés et qui ont des emplois à temps partiel, ce sont souvent des gens... Et, de plus en plus, ce sont des retraités ou des nouveaux retraités qui nous arrivent et qui ne diminuent pas leur rythme de vie avec une... Ils connaissent une diminution de revenus, mais ils ne diminuent pas leur rythme de vie et ils se retrouvent endettés jusqu'au cou. Certains sont obligés de faire faillite. Et, pour nous, une société durable, c'est une société qui peut justement s'assurer que les ménages épargnent suffisamment et ne sont pas trop endettés par rapport à l'actif... bien sûr par rapport à l'actif qu'ils possèdent.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, j'ajouterais peut-être le fait que c'est une situation effectivement dont je peux témoigner comme député, là, dans ma circonscription, circonscription que je représente, L'Assomption, et bon, en grande partie, la banlieue, là, nord-est de Montréal, la ville de Repentigny. Et on a assez peu de logements, donc les citoyens de Repentigny sont propriétaires en grande proportion et... Mais le fait d'avoir justement une maison à sa charge, d'avoir des véhicules et tout ce que ça comporte, ça rend les gens relativement vulnérables à...
La pauvreté que l'on voit dans mon comté, c'est une pauvreté déguisée, dans le sens où les gens ont quand même une maison, mais, une fois qu'ils ont payé tout ça, s'ils sont... si une des deux personnes perd son emploi, bien là ça devient dramatique parce qu'effectivement très peu d'épargne, puis l'endettement est élevé. Donc, je pense qu'effectivement ça va dans le sens, là, de: On devrait remplacer cet indicateur-là de l'avoir net des ménages pour inclure quelque chose sur davantage qui traduit l'endettement ou l'épargne. Je vois que M. Décary-Gilardeau aimerait ajouter quelque chose?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y, la parole est à vous, M. Gilardeau.
M. Décary-Gilardeau (François): Merci, M. le député de L'Assomption. En fait, vous avez mentionné la question de crise en fait, et puis de mesure, en fait. Par rapport à ça, en fait, nous, ce qu'on remarque, c'est que beaucoup de gens mettent beaucoup d'argent pour leur logement, et puis ça, ça a aussi beaucoup explosé dans les 10 dernières années, puis c'est un des principaux postes budgétaires, là, pour une grande partie de la population, qui peut aller jusqu'à même 50 %, jusqu'à 80 %.
Puis mon humble avis... en fait, vous demandiez des opportunités d'investissement puis de relancer. C'est sûr que le logements sociaux au Québec est... vraiment, vraiment, on est en manque de logements sociaux. Puis je suis sûr qu'avoir eu des comités logement ici, ils vous auraient abordés, ils auraient parlé de ça comme un indicateur potentiel aussi de logements abordables, de logements... de personnes qui paient moins... En fait, c'est un indicateur de personnes qui paient moins de 30 % de leurs revenus dans leur logement, que ce soit une maison, que ce soient des propriétaires ou que ce soient des locataires. Comme une grande partie de la population plus urbaine, effectivement, il y a certains comtés que c'est moins une réalité, quoi que ça reste quand même une réalité... Donc, je voulais juste mentionner cette question-là du logement qui était quand même un poste budgétaire important, puis des façons probablement de stimuler, mais ce n'est certainement pas mon domaine de compétence.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Par rapport aussi à l'ensemble de votre mémoire ou l'esprit, disons, dans lequel il est... ou qui s'en dégage, moi, ce que je remarque... C'est parce qu'on a eu, tout à l'heure, le débat sur... où on a abordé la question de l'approche par capitaux versus d'autres approches, et là vous aussi, bon, vous rejetez l'approche par capitaux. Par contre, vous acceptez de jouer le jeu et donc vous venez apporter des suggestions pour améliorer cette approche. Donc, je pense qu'en quelque part ce n'est pas un rejet total et je pense que ça concorde beaucoup avec ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, c'est-à-dire que... même ce qu'on... Et vous me direz si mon interprétation est exacte. Dans le fond, ce que vous rejetez, ce n'est pas tant l'approche, d'utiliser l'approche par capitaux, ce que vous rejetez, c'est de tout baser finalement sur cette approche-là et que ça devienne, en quelque part, réducteur. Parce que ce que je remarque, c'est qu'une grande partie de vos recommandations vise à venir comme qualifier des indicateurs.
Bon, on vient de parler, par exemple, de l'endettement versus l'avoir net des ménages. J'avais parlé plus tôt de toute la question de la distribution des revenus versus est-ce qu'on a suffisamment de revenus pour répondre à nos besoins de base. C'est le cas aussi avec d'autres. Donc, est-ce que c'est exact que, dans le fond, ce que vous souhaitez, ce n'est pas nécessairement tant de rejeter complètement l'approche par capitaux que de faire en sorte qu'on ait un mixte, un peu un mélange qui permette d'avoir une meilleure lecture de l'état de la situation?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Madame... M. Gilardeau.
M. Décary-Gilardeau (François): Oui. En fait, l'important pour nous, c'est vraiment les indicateurs, c'est d'avoir une vision globale. Comme approche par capitaux ? on est loin d'être des experts dans ces domaines-là ? on trouvait ça un peu confus. Ça fait que c'est pour ça qu'on a dit que, pour nous, c'est un peu confus, mais on voit ça comme une typologie. Pour nous, c'est d'avoir des indicateurs qui sont parlants, qui sont clairs, qui vont nous donner un état véritable de la situation puis qui nous démontrent est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction ou on ne va pas dans la bonne direction. Par rapport à l'approche par capitaux, on trouvait ça un petit peu confus. Même, pour moi, le capital social, je le comprends relativement peu. Donc, c'est vraiment... on l'a vu comme une typologie qui ne nous apportait pas grand-chose de plus. Pour nous, c'est d'avoir des indicateurs solides, bien déclinés qui indiquent dans quelle direction on va.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Merci. Il y a quelques questions que j'avais qui ont déjà été abordées plus tôt. Peut-être un aspect dont on n'a pas suffisamment parlé, l'aspect énergétique ou l'efficacité, l'efficience énergétique. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus, là, ce que vous... Votre dernière recommandation donc «recommande l'ajout d'un indicateur mesurant la consommation d'énergie par ménage et de choisir d'autres indicateurs pertinents touchant la production et la consommation d'énergie au Québec».
Bien, on a vu pas plus tard qu'avant-hier, cette semaine, il y a une coalition qui a démarré une campagne virale, là, sur le Web, qui s'appelle Avec Énergie. Donc, leur site Internet, c'est Avecenergie.org, et l'objectif de cette coalition-là est, si j'ai bien compris leur message, que le Québec diversifie ses sources de production énergétique et qu'on ne continue pas à tout simplement investir strictement dans le harnachement de plus en plus de rivières, mais qu'on puisse avoir aussi... être beaucoup plus agressifs en matière d'efficacité énergétique et de d'autres types d'énergie verte.
Alors, je pense que ces gens-là nous disaient que l'investissement qui se fait en efficacité énergétique au Québec, c'est plutôt du caractère presque cosmétique, ou en tout cas à la marge, versus tout ce qu'on met comme investissement dans les projets hydroélectriques. Et on donnait l'exemple: Bon, plutôt que un projet à 8 milliards, est-ce qu'on ne peut pas avoir 1 000 projets à 8 000 $? Alors, je ne sais pas si on doit lire votre recommandation un peu dans cette perspective-là.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Reed.
Mme Reed (Geneviève): En fait, vous aurez tout à l'heure les gens d'Équiterre, qui sont certainement plus connaissants sur les différentes formes d'énergie. Nous, pour l'instant, ça ne fait pas partie des critères premiers d'Option Consommateurs. Nous, les critères qui sont importants pour nous, c'est l'accès à des formes... à de l'énergie, premièrement, et ainsi que la stabilité de l'approvisionnement.
Donc, quand on parle... En fait, je pense que... Je ne sais pas si on est les premiers et les seuls ? peut-être pas ? à vraiment être surpris qu'il n'y ait aucun indicateur concernant la consommation d'énergie au Québec. Nous estimons que c'est quelque chose qui est quand même assez fondamental quand on parle de développement durable surtout, et il y a une quantité vraiment phénoménale d'indicateurs qu'on pourrait utiliser: la dépendance au pétrole, les formes... les différentes formes d'énergie, et tout ça. Je pense que le principal indicateur qui est important pour nous, d'une part, si on veut un indicateur fort, c'est évidemment la consommation d'énergie par habitant.
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(11 h 30)
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Il y a aussi... Mon analyste en énergie me parlait aussi peut-être d'un indicateur qui est par pied carré. Mais je vous lance ça comme une idée, parce que je ne sais pas exactement quelle est la différence entre les deux ou quel est le degré de précision entre les deux.
Donc, il y a ça, mais il y a aussi toute la notion... Et on revient à la notion d'équité et de justice sociale, qui doit être une notion, pour nous, qui est transversale à tout développement durable. Il y a aussi des indicateurs comme le nombre d'abonnés en interruption de service, des choses comme ça, qui, pour nous, sont une donnée importante du développement durable. Si on a la consommation des ménages, l'investissement en efficacité énergétique, d'une part, et, d'autre part, la quantité de personnes, de Québécois qui... Si les interruptions de service diminuent, pour nous, c'est un gain en termes de société. Ça veut dire que les gens sont capables de payer leurs factures d'électricité, qu'ils sont capables d'être chauffés selon leur confort. Donc, pour nous, c'est aussi une notion qui est importante.
Dans certains pays, comme en Grande-Bretagne, on parle de «fuel poverty», mais ici ça n'existe pas parce que, bon, tout le monde est... généralement quand même a le service d'électricité, Hydro-Québec ne peut pas débrancher durant l'hiver, etc., mais il reste encore beaucoup d'amélioration, de ce côté-là, à faire.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, je pense que mon collègue le député de Berthier avait aussi des questions.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de Berthier, la parole est à vous.
M. Villeneuve: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous deux. Écoutez, tantôt, lorsque vous parliez justement, là, des indicateurs et vous disiez qu'ils n'étaient pas ? on parlait des capitaux ? suffisamment pédagogiques, et, si... En tout cas, moi, ce que j'ai compris des intervenants avant vous, ils allaient un peu dans le même sens, et beaucoup d'intervenants ont soulevé cette inquiétude-là quant à peut-être la connotation péjorative qu'on pourrait donner aux mots «capitaux», «capital».
Si on regarde les raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui, on se rend compte que toute la réflexion et tout le travail qui se fait présentement en développement durable émane d'abord et avant tout de la population. Moi, je pense... et suite à des consultations qu'on a pu tenir, je pense qu'il faut s'assurer, il faut s'assurer que toute cette démarche, tout ce travail-là demeure accessible et demeure porté par la population, du Québec notamment, évidemment.
Alors, en ce sens-là, moi, j'aimerais ça vous entendre, parce que, tout comme le groupe avant vous, sauf que le terme est différent, vous avez parlé donc de mettre en place un groupe multidisciplinaire, alors que le groupe avant vous parlait d'une table de concertation. Moi, là où j'aimerais vous entendre, c'est à savoir: Est-ce que vous avez l'impression que la direction ou la façon dont le gouvernement présentement fait la démarche, bien qu'il y ait des consultations publiques aujourd'hui, malgré tout ça, il ne faudrait jamais perdre de vue le fait que la population doit rester au centre, au coeur de toutes les décisions qui vont se prendre dans ce domaine-là? On parle ici d'un enjeu important et crucial, on parle de développement durable, on parle de ce qu'on va léguer aux générations futures. On parle évidemment des pertes comme des progrès, hein, qu'il va y avoir, donc.
Alors, moi, j'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus. Est-ce que pour vous ce qui se fait présentement, ce qui a été fait et ce qui... ce que vous voyez qui s'en vient en fait en termes de... Parce qu'il ne faudrait pas non plus que le gouvernement assujettisse la population à un quelconque concept ou à une quelconque loi ou définition. Je pense que d'abord... En tout cas, à mon avis à moi, c'est que ça doit d'abord et avant tout rester vraiment au coeur de la société, donc que les gens puissent bien s'approprier toute la démarche.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme Reed, il vous reste trois minutes.
Mme Reed (Geneviève): O.K. Je vais essayer de prendre juste 1 min 30 s pour que François puisse parler de la table de concertation ou du comité multipartite, etc.
En fait, le développement... la base du développement durable, pour nous, vous l'avez dit, évidemment c'est chacun de nous. Alors, c'est pour l'avenir, c'est pour l'avenir de mes enfants et de mes futurs petits-enfants. C'est pour l'avenir aussi de tous mes commettants. Et donc l'importance de cette démarche-là... Et c'est pour ça qu'on a décidé d'y participer, Option Consommateurs, bien que ce ne soit pas notre champ d'expertise, nous en sommes parfaitement conscients, mais nous souhaitons nous-mêmes participer à ça pour justement amener les gens ordinaires à suivre le débat, à suivre l'expérience.
Et il y aura, j'espère ? je n'ai pas pu en parler dans ce mémoire-là ? il y a aura aussi un mouvement quand on commencera à parler de consommation et de production durables, et là il va falloir s'assurer d'interpeller les consommateurs, les Québécois individuellement, et leur offrir de vraies opportunités, des vrais choix en matière de choix de consommation durable, et ça, c'est la... à mon avis, c'est la prochaine étape qui sera très importante. Je sais qu'il y a certains objectifs de la stratégie qui sont... qui vont dans ce sens-là, c'est un des axes prioritaires, si je me rappelle bien, et ça va être très important.
Je prends encore l'exemple de la Grande-Bretagne, vous me pardonnez, parce que c'est vraiment eux qui m'ont... c'est eux que j'ai rencontrés et avec qui j'ai discuté. Mais l'exemple de le Grande-Bretagne est très intéressant à ce point de vue là, c'est qu'ils ont mandaté une firme... un groupe de... une association de consommateurs, et je ne parle pas pour ma paroisse, là, ça pourrait être n'importe qui, mais... ça pourrait être aussi l'Office de la protection du consommateur, ça pourrait... Ils ont mandaté une firme pour faire des groupes de discussion à travers toute la Grande-Bretagne pour demander aux gens: C'est quoi, pour vous, le développement durable? Qu'est-ce que ça veut dire, faire des choix responsables? Est-ce que vous voulez changer de style de vie? Si vous ne voulez pas changer de style de vie, comment on peut faire?, etc. Ils ont fait une série de tables de discussion, etc.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, madame.
Mme Reed (Geneviève): Excusez-moi. Et donc, voilà.
La Présidente (Mme L'Écuyer): On sent que vous êtes convaincue. Mme Reed, M. Décary-Gilardeau, je vous remercie.
Nous allons suspendre quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme L'Écuyer): Bonjour. Bienvenue, MM. Duchaine, Séguin et Mayrand. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire ? vous identifier quand vous prendrez la parole ? Mme la ministre vous interrogera pour 25 minutes, et après, l'opposition officielle. La parole est à vous. Bienvenue.
Équiterre et Fondation David-Suzuki
M. Séguin (Hugo): Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM. les députés, M. le sous-ministre. Mon nom est Hugo Séguin. Je suis coordonnateur du dossier des choix collectifs pour l'organisme Équiterre. Je suis accompagné de Karel Mayrand, directeur général de la Fondation David-Suzuki au Québec, et de Thomas Duchaine, chargé de projet à l'équipe des choix collectifs, toujours chez Équiterre.
Nos organisations ont salué, dans le passé, la démarche dans laquelle le Québec s'est inscrit, où le gouvernement du Québec nous a inscrits, en faveur du développement durable. Chez Équiterre, en tout cas, on a soumis nos réflexions à la fois sur la loi et aussi sur la stratégie, toujours d'une façon constructive. On avait des éléments importants à souligner; c'est le cas aussi dans le cadre de la consultation actuelle sur les indicateurs. Notre intervention se veut aussi cohérente avec cette approche constructive là qu'on a eue dans le passé.
Sans être des spécialistes des questions qui nous sont amenées aujourd'hui pour la consultation, nos deux organisations ont analysé avec sérieux la proposition d'indicateurs de développement durable qui nous est soumise. La première liste d'indicateurs, pour nous, présente quatre types de problématique que nous aimerions discuter avec vous.
La première problématique ou le premier problème que nous voyons, c'est que cette liste ne respecte pas, à notre avis, les fondements mêmes du développement durable ou de l'interprétation que, nous, on en tire.
Deuxièmement, cette liste ne tient aucun compte ou encore trop indirectement compte des politiques et des stratégies que le gouvernement du Québec s'est données dans des grands éléments et des grands enjeux de développement durable. Conséquemment, elle occulte des grandes thématiques pourtant au coeur des enjeux du développement durable.
Finalement, vous verrez, on s'est appliqués à un exercice un peu de modélisation pour voir un peu qu'est-ce que l'application éventuelle de ces indicateurs-là pourrait donner. Pour nous, l'application éventuelle de ces indicateurs nous amènerait à une lecture souvent erronée de la progression ou de la non-progression de la société québécoise sur le chemin du développement durable.
On en a discuté, je pense, les intervenants avant nous en ont parlé: nos deux organisations arrivent à la conclusion que c'est l'approche retenue qui pose problème, pas tellement les indicateurs ? quoiqu'on peut y revenir, ils sont critiquables aussi ? mais l'approche retenue dans la détermination des 17 indicateurs proposés, soit l'approche par capitaux, ne permet pas de rendre compte, à notre avis, de l'avancement ou du recul de la société québécoise sur la voie du développement durable. Nous croyons que cette approche-là devrait être abandonnée au profit d'une approche par thèmes, qui est celle qui est retenue ? le document de consultation en fait mention ? dans plusieurs sociétés industrialisées.
Alors, je cède la parole, un peu pour expliquer ce que je viens de dire là en abrégé, à Karel Mayrand.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Monsieur... Vous identifier.
M. Mayrand (Karel): Oui. Alors, Karel Mayrand, de la Fondation Suzuki. Alors, je tiens à dire aussi au nom de la fondation qu'on applaudit l'idée que le Québec se donne des indicateurs de développement durable. D'après nous, c'est quelque chose de très important qui va nous permettre de mesurer non seulement la progression, là, des politiques gouvernementales ou de ce que l'État québécois peut faire, mais c'est des indicateurs qui permettent à la collectivité québécoise de mesurer son progrès sur la route du développement durable. Et c'est important, parce que, comme on dit: «What gets measured gets done», comme ils disent dans le milieu des affaires. Alors, d'avoir des indicateurs, c'est incontournable, et on appuie à 100 % l'idée d'avoir des indicateurs.
Ceci dit, j'ai, par le passé, moi, travaillé avec des organisations internationales, l'OCDE, les Nations unies, bon, et souvent sur des dossiers où il y a eu l'adoption d'indicateurs, et je peux vous dire que le sol de cette planète est jonché d'indicateurs qui ont été adoptés avec plein de bonne volonté, mais finalement qui n'ont été utilisés par personne. Et, dans le fond, c'est ce qu'on veut éviter. On veut se donner des indicateurs qui vont être pertinents et qui vont nous permettre vraiment de mesurer de façon très, très ciblée en quoi on progresse ou on régresse sur divers dossiers du développement durable.
La définition du développement durable qui est dans le... Je ne reviendrai pas sur la définition, on se réfère souvent au rapport Brundtland. Là où il y a un flou artistique sur le développement durable souvent, c'est: De quelle façon on organise les composantes sociales, économiques et environnementales du développement durable? Et ça, évidemment il y a des thèses de doctorat qui se sont écrites là-dessus depuis 20 ans. Mais notre approche, Équiterre et la Fondation David-Suzuki, c'est que l'environnement est une condition essentielle à tout développement socioéconomique, et l'économie est un moyen de créer de la richesse, de créer toutes sortes de choses, et l'équité sociale est, dans le fond, le but de tout ça. On doit produire un développement qui va permettre de répondre aux besoins des générations présentes et des générations futures, donc il y a une notion d'équité très importante. La finalité, c'est celle-là.
Mais, à la base, on oublie souvent que le Québec ou le Canada, en fait la plupart des pays du monde mais surtout les pays du Nouveau Monde, se sont construits justement à partir des ressources naturelles. Ça a commencé ? on en parlait tout à l'heure ? avec la morue, les fourrures, tout ça, et, de tout temps, notre développement socioéconomique a été tributaire de la richesse, des biens et services qui nous sont fournis par la nature, par notre environnement. Et donc il ne peut pas y avoir de développement socioéconomique, finalement, si tranquillement on coupe la branche sur laquelle on est assis ou si on détruit les fondements. Et c'est là où on pense que l'approche par capitaux qui est proposée ne fait pas cette pondération-là ou cette hiérarchisation-là des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Donc, c'est un premier commentaire.
La deuxième chose que je voudrais amener: alors, l'approche par capitaux qui est proposée, elle est très, très large. Quand on mesure des capitaux très, très... je dirais, des macrocapitaux comme ceux-là, c'est un peu comme regarder un paquebot très loin sur la mer plutôt que regarder très clairement dans les cabines qu'est-ce qui se passe. Alors, il y a divers niveaux dans les indicateurs, on sait, c'est bien expliqué dans le document, sauf que ce qu'on questionne en ce moment, nous, c'est la pertinence de mesurer justement de très, très, très haut ou de très loin tous ces capitaux-là et en quoi ça va nous permettre de mesurer concrètement notre avancement sur le développement durable.
Alors, ce qu'on a fait, parce que, dans notre réflexion, à un moment donné, on essayait de regarder les indicateurs un par un, on réfléchissait à l'approche, donc on s'est penchés là-dessus, mais, à un moment donné, ce qu'on a fait, on a soumis les indicateurs proposés à un test routier. On s'est fait des scénarios puis on a dit: Qu'est-ce que ça donnerait avec certains scénarios plausibles? Qu'est-ce que les indicateurs proposés nous donneraient, nous renverraient comme image de nous-mêmes, hein? C'est ce qui est important là-dedans.
Alors, je vais vous donner un exemple, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. On pourra revenir, mais, dans notre mémoire, on a soumis cinq exemples. Un exemple qu'on pourrait même... qui est un exemple des dernières années même, une croissance économique, période de croissance économique soutenue avec forte progression des indicateurs de capital produit et financier, progression modérée des indicateurs de capital humain et social.
Alors, nous, on a noté, avec une période de croissance économique normale, là, qu'on espère qui va revenir bientôt, mais... donc comme on a vécue dans les dernières années, qu'il y a 11 indicateurs sur 17 qui sont au beau fixe. Mais par contre, parallèlement, les émissions de gaz à effet de serre croissent de 1 % par année, en raison notamment d'une croissance de 3 % des émissions de GES provenant de la croissance du parc automobile. Ça augmente la congestion dans la région de Montréal, on construit de nouvelles infrastructures routières. Et donc, au bout de ça, on a un problème, on est en train de perdre la bataille des changements climatiques, et pourtant nos indicateurs nous disent qu'on progresse, parce qu'il n'y a même pas... on ne mesure pas les gaz à effet de serre dans ce niveau d'indicateurs là.
Alors, il y a un risque, cet exemple-là, mais il y en aurait d'autres, il y a un risque qu'on perçoive... que la perception de notre progrès soit erronée en fonction des faits ou de ce qui se déroule vraiment, tout simplement parce qu'on mesure des choses qui sont très larges et qui ne sont pas toujours très ciblées sur le développement durable. Là-dessus, je vais passer la parole à Thomas.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Duchaine.
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(11 h 50)
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M. Duchaine (Thomas): Alors, merci. Thomas Duchaine. Je voudrais juste faire un bref rappel de ce que doit faire la liste, comme c'est prévu au document de consultation, c'est-à-dire mesurer le progrès de la société québécoise en matière de DD, informer le citoyen, faire le lien aussi avec les politiques et les plans d'action du gouvernement. Comme mes collègues l'ont exprimé, on pense, Équiterre et la Fondation Suzuki, que la présente liste ne fait pas le travail adéquatement.
En parallèle, nous recommandons une approche par thèmes, qui s'apparente à l'approche qui est un peu retenue dans la stratégie, une approche par objectifs ? c'est parent ? comme l'ont fait donc plusieurs pays développés, notamment au sein de l'Union européenne, une approche donc qui, en conséquence à ce qu'on a exprimé préalablement, laisse une place prépondérante à la mesure des pratiques qui compromettent l'intégrité de l'environnement, fidèlement aux fondements du concept de développement durable. C'est lié donc à des défis, les défis que nous pose... pose à notre société le développement durable.
Les changements climatiques et l'énergie, les transports durables, la production et la consommation responsables sont des défis qui sont directement au coeur de la question du développement durable et qu'une approche par thèmes permet de cibler. Ça donne aussi la place...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste quelques secondes. Merci.
M. Duchaine (Thomas): Parfait. Bien, alors, écoutez, je ne prendrai pas nécessairement plus de temps. J'ai exprimé le... J'ai bien conclu, en fait. Je vous remercie.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Beauchamp: Merci. Il y a beaucoup de sujets soulevés.
Premièrement, je veux vous souhaiter la bienvenue, vous remercier de nouveau. Je dis «de nouveau» parce que je trouvais ça important de souligner à chaque fois qu'il y a des organismes comme le vôtre, des organisations comme la vôtre qui ont toujours été présents, accompagnant cette démarche, qu'a proposée le gouvernement, de développement durable, et je tiens vraiment à vous remercier de nouveau de votre contribution, du travail effectué puis de votre contribution.
Je vais essayer... Je vais vous annoncer à l'avance de quoi je veux discuter avec vous. On va essayer de se garder du temps pour... Je pense que je vais dire qu'il y a deux grands sujets que je veux aborder avec vous.
Le premier, c'est la notion de hiérarchisation. Je pense qu'on doit y revenir, parce qu'à la limite j'ai envie de dire: Peu importe l'approche retenue... puis ça, j'y reviendrai, mais je pense que c'est au coeur de votre recommandation, c'est cette notion de hiérarchisation.
Puis je vais tout de suite vous annoncer: Ensuite, mon deuxième questionnement, ce sera sur... À la limite, je trouve que vous nous amenez à nous questionner, puis je veux échanger avec vous sur le fait de dire: À la limite, moi, ma conclusion, en vous écoutant, c'est: Est-ce que j'ai besoin de trois niveaux d'indicateurs? Dans le fond, là, si je résume ça à quelque chose de bien simple, là, je ramène ça.
Donc, je voulais vous l'annoncer à l'avance puis avoir votre complicité pour qu'on se garde du temps d'échanger sur les deux dimensions.
Sur la dimension de la hiérarchisation, je connaissais bien votre position. Je pense qu'on peut se dire que... Puis je veux que... Pour que tout le monde comprenne: pour vous, c'est un courant très fort, c'est un courant dans le domaine du développement durable. Ça dit que la protection de l'environnement est une condition sine qua non à, je dirais, l'épanouissement des deux autres dimensions, qui sont sociale et économique. En tout cas, je... Mais disons que c'est une condition, et ça s'appelle la hiérarchisation.
Et je veux juste revenir avec vous en disant: Je ne sais pas si un jour on va être capables de se rejoindre. Parce que, vous le savez, vous avez amené cet argumentaire-là lorsqu'il y a eu l'avant-projet de loi avec Tom Mulcair, ça a été débattu, et j'ai envie de dire: Les parlementaires québécois, à l'unanimité, ont voté une loi qui ne retient pas ce principe de la hiérarchisation et qui dit que les trois dimensions se côtoient. Et je vous comprends, mais je me comprends aussi.
Tu sais, je me dis: Vous, vous revenez, puis je comprends ça, avec le principe de la hiérarchisation, mais, vous-même, vous plaidez pour le souci de cohérence entre la loi, la stratégie et ses indicateurs. Je suis là puis je me dis: Bien, je l'ai votée, la loi, j'étais là. Tous les collègues de l'Assemblée nationale ont voté la loi après un débat qui, je pense, n'a pas souffert d'économie, on n'a pas fait une économie de débat à l'époque, là, avec l'avant-projet de loi et la loi, et l'Assemblée nationale du Québec n'a pas retenu cette approche.
Et je pense néanmoins que... Puis je ne suis pas en train de dire que c'est parfait, mais je pense néanmoins qu'on vit un niveau d'adhésion, tu sais, de plus en plus fort. Quand je regarde qu'est-ce qui se passe, le député de L'Assomption l'a souvent souligné, au niveau du milieu des affaires au Québec, au niveau municipal, je me dis: On fait des avancées. Je ne suis pas en train de dire qu'on est un modèle, rien de ça, mais on peut voir qu'après cinq ans de loi... ou presque cinq ans de loi, il y a une démarche entreprise. Et donc, vous comprenez, je veux revenir en disant: Vous avez un mémoire où une des orientations principales, c'est de revenir avec une critique fondamentale, mais qui, à quelque part, pour moi, revient à critiquer la loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Ça fait que je veux juste qu'on... Est-ce qu'on peut faire une lecture comme ça, puis en disant: Bien, écoutez, tout ce principe de la hiérarchisation... Parce que, même quand vous nous dites: Abandonnez l'approche par capitaux et prenez une approche par dimensions, j'ai compris que, même dans une approche par dimensions, le principe de la hiérarchisation est toujours là pour vous.
Ça fait que, là, je veux juste dire: Bon, hem, hem, je suis là, on a bien entendu ce commentaire-là, mais, moi, j'ai un souci de cohérence avec la loi, puis le débat a été fait, puis la loi a été adoptée. Donc, on peut-u s'entendre sur le fait de dire... Je vous comprends d'insister puis de taper sur le clou, mais on peut-u se comprendre pour dire: Ce n'est pas l'approche retenue par l'Assemblée nationale du Québec?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Monsieur...
M. Séguin (Hugo): ...dire que c'est vrai qu'on réitère le fait que, pour nous, il y a, dans la définition même qui nous est proposée dans le rapport de la commission Brundtland, Notre avenir à tous, cette idée même de hiérarchisation. Elle est au coeur du document de Notre avenir à tous. C'est notre compréhension à nous.
Nonobstant le fait que l'Assemblée nationale en a débattu, il y a eu des consultations, et qu'elle arrive à un certain constat, ça ne nous empêche pas, comme organisation, de réitérer le fait qu'on pense que c'est une erreur et que cette erreur-là nous amène dans certaines errances où notre effort de scénarisation nous amènerait à conclure faussement que le Québec avancerait sur le chemin du développement durable, alors qu'on pourrait individuellement devenir tellement riches qu'on augmente notre empreinte écologique et qu'on rate tous les objectifs que les ministères et organismes se sont donnés dans différentes politiques ou stratégies en fonction du développement durable.
Donc, il y a quand même une dérive possible et plausible dans l'adoption des indicateurs qui sont amenés, et nous pensons que cette dérive-là, elle vient du fait qu'il n'y a pas de hiérarchisation dans la démarche gouvernementale.
La Présidente (Mme L'Écuyer): N'oubliez pas de vous identifier, s'il vous plaît.
M. Mayrand (Karel): Bien, peut-être que vous voulez réagir déjà à...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, non, on est là avant tout pour vous écouter. Allez-y, M. Mayrand.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y.
M. Mayrand (Karel): Alors, Karel Mayrand, de la Fondation David-Suzuki. J'ouvrirais... Oui, on va maintenir cette position-là, parce que, pour nous, c'est... En fait, c'est tout simplement de reconnaître qu'on est une espèce animale puis qu'on vit avec un écosystème. Donc, à la base, c'est fondamental, et puis ça ne changera pas.
Mais il reste qu'on ne retournera pas faire les débats de la loi, puis on peut travailler à l'intérieur de la loi, O.K.? Et, moi, je pense qu'il y a deux aspects importants qui permettraient... C'est qu'il y a toujours une hiérarchisation de facto qui existe. Je veux dire, ils sont à peu près égaux, les trois aspects du développement durable, peut-être, on les veut égaux, mais, dans les faits, ce n'est pas toujours comme ça.
Il y a deux endroits où je pense, moi, qu'on peut faire des progrès sur les indicateurs sans nécessairement en revenir à réécrire la loi. La première chose, c'est la qualité relative des indicateurs qu'on a, socioéconomiques et environnementaux. On a une centaine d'années d'expérience dans les mesures de nature sociale et économique. Il y a l'Institut de la statistique du Québec qui fait ça depuis très longtemps, Statistique Canada fait des recensements. On est capables maintenant de mesurer, par exemple, le niveau de soutien social des personnes, on est capables de mesurer énormément de choses sur le plan économique et social avec des méthodologies qui sont développées à coup de millions de dollars depuis des années.
Quand on va voir les indicateurs environnementaux, par exemple, ce qu'on constate, c'est que c'est encore jeune, ça ne fait pas si longtemps qu'on est capables de... comment je dirais, de mesurer l'état de l'environnement, et, même quand on a des bonnes mesures, l'état des données est souvent très, très, très déficient.
Alors, on se retrouve avec des mesures de grande qualité pour les aspects économiques et sociaux puis des mesures qui sont plus difficiles à... On le sait, là, ne serait-ce qu'en matière de changements climatiques, comment la science a progressé depuis 15 ou 20 ans, mais il y a un paquet d'autres endroits en environnement où on est très en retard sur les mesures de nature sociale et économique. Donc, il y aurait peut-être lieu de dire: Une façon de donner plus de place à l'environnement, ça serait aussi de saisir l'occasion de se donner des moyens de mieux mesurer notre capital naturel. Ça, c'est un premier commentaire.
La deuxième chose que je dirais, c'est que l'approche par capitaux compartimentalise, hein? Par exemple, on mesure la valeur foncière du parc immobilier, mais personne ne sait là-dedans c'est quoi, l'efficacité énergétique de notre parc de bâtiments. On va mesurer notre capital construit, mais on ne nous dit pas si, le capital construit, ce qu'on a, c'est des quartiers qui sont viables ou si ce sont, je ne sais pas, moi, des autoroutes à huit voies. Alors, il faut être capable de qualifier ce qu'on quantifie avec des notions qui sont issues du développement durable. Et ça, je pense qu'en faisant ça on se trouverait à réinsérer la notion environnementale. Puis, sans nécessairement en arriver à avoir une hiérarchisation claire, au moins on se donnerait les moyens de mesurer les bonnes choses, et donc l'environnement serait présent partout. Voilà.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, sur le dernier commentaire, plusieurs intervenants devant nous ? la consultation a été très précieuse à cet égard ? sont venus apporter un commentaire très pertinent sur les notions d'élément qualitatif derrière certains indices. Soit qu'il faut aller voir s'ils existent pour qu'on soit capables de les ajouter, parce qu'on veut partir d'indicateurs existants déjà, ou soit de prendre le temps de se dire qu'il faut les développer. Et ça, je partage votre avis, je retiens vraiment cet élément-là.
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(12 heures)
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Peut-être pour... Dans vos commentaires, il y a eu des éléments bien importants. La première chose que je retiens... C'est parce que, moi, je suis quand même appelée à un souci de cohérence. Je pense, ma... une de mes tâches ici, c'est la cohérence avec le respect de la loi.
Je voulais juste repréciser ça en disant: Ce débat-là a été fait sur la hiérarchisation, M. Mayrand, et là ce que... parce que c'était mon autre question, tantôt, quand j'ai failli vous interrompre, mais c'était de dire: Bien, est-ce que, à la limite, vous nous demandez de revenir à la loi, de changer la loi, puis d'essayer de plaider pour qu'on rouvre la loi? J'ai compris, avec votre intervention, M. Mayrand, que vous dites: Non, on ne va pas jusque-là. Puis, à la limite, j'ai envie de dire que ce que je comprends de votre intervention, c'est que la notion de hiérarchisation, ce n'est plus tant de l'amener à l'intérieur même d'une approche, même qu'elle soit par capitaux, par dimensions. Vous êtes en train de plaider pour que la hiérarchisation soit au niveau du développement d'indicateurs. C'est-à-dire, la notion de priorisation ou de condition, vous dites: Bien, mettez le développement d'indicateurs au niveau de la protection de l'environnement, au niveau de l'indice, pour les fins de la discussion, capital naturel, ça, mettez la bonne hiérarchie puis mettez votre énergie à développer des bons indicateurs solides, parlants, à ce niveau-là. C'est un petit peu comme ça qu'en ce moment, moi, je résume votre intervention.
Je veux revenir sur la question ? puis vous pourrez me corriger, hein, si je ne l'ai pas bien résumé ? je veux revenir puis je veux garder du temps sur la question fondamentale aussi qui est l'approche. Vous dites: Vous devriez rejeter l'approche par capitaux et prendre une approche, on dit, par dimensions, mais les exemples que vous donnez... revient, je pense, un peu... Parce que vous donnez l'exemple de l'Union européenne. Vous dites: C'est une approche par objectifs. Quand je regarde ça, quand vous prenez dans votre mémoire même l'approche de l'Union européenne... Pour juste qu'on se mette au bon niveau, tout le monde, l'approche de l'Union européenne est basée... c'est des indicateurs par objectifs pour mesurer leur stratégie. Moi, je suis là, je dis: Bon, moi, j'ai une stratégie, puis l'approche retenue par le gouvernement du Québec pour mesurer la stratégie, c'est une approche par objectifs, comme l'Union européenne. Je suis en train de... Mais l'Union européenne n'est pas dictée par une loi; elle a une stratégie. Moi, j'en ai une, j'ai la même approche qu'eux autres.
Au gouvernement du Québec, on s'est donné une loi qui dit: C'est un projet de société, et là je discute d'une série d'indicateurs qui doivent être le reflet du projet de société puis de la vision du développement durable contenue dans la loi. Et là c'est vrai, là, je ne suis pas au même niveau que l'Union européenne, je suis à un autre niveau, avec une approche par capitaux, que bon nombre de pays membres de l'Union européenne sont en train de développer aussi. Je pense que... Là, que ce soit le fondement même, chose certaine, il y a plein de documents, puis on est capables de le démontrer, de pays qui en tout cas intègrent des notions d'indicateurs par capitaux.
Moi, ce que je retiens de votre démonstration avec la série de scénarios... je ne veux pas... je voulais juste commenter en disant: Pour moi, 11 bons indicateurs sur 17, ça ne fait pas conclure: Je suis dans une approche de développement durable. Moi, personnellement, là, ce n'est pas ça, la conclusion que j'amène. Ma conclusion, c'est: Très nettement, il y a une des dimensions sur laquelle on n'est pas dans une approche de développement durable; c'est la bonne conclusion à apporter de 11 indicatifs sur 17. Ça veut quand même dire nettement qu'il y a un volet... Parce que l'approche de développement durable, pour nous, c'est justement une approche où les choses devraient être sur toutes les dimensions en progrès, pour utiliser cette expression. Ça fait que, moi, je ne partage pas la même conclusion que vous sur qu'est-ce que ça donnerait, 11 indicateurs sur 17. Moi, je dis: Non, ça dit juste qu'il y a des dimensions où on n'est pas en progrès, donc on n'est pas en démarche de développement durable.
Mais je finis en disant: Quand je regarde certaines suggestions que vous nous apportez, je suis là, là, puis je me dis... Je vais vous donner un exemple. Parce qu'à des fins justement de transparence puis de pédagogie, on a déposé hier le document sur les objectifs associés à la stratégie du gouvernement suite aux travaux du Comité interministériel de développement durable, puis je vais vous donner, là, des exemples de ce qu'on y retrouve, et là je pense qu'on est très, très, très proche de ce que vous recherchez.
Sur la question climat, par exemple, dans la stratégie, les indicateurs de la stratégie du gouvernement, ça se décline ainsi: «taux de réduction de la consommation de carburant par les ministères et organismes; taux de réduction de la consommation d'énergie des bâtiments publics[...]; consommation énergétique par habitant; intensité énergétique; consommation finale [des] produits pétroliers, de gaz naturel et d'électricité; nouvelle capacité de production [d'hydroélectricité] et éolienne; quantité d'énergie renouvelable de source hydroélectrique et éolienne produite au Québec; achalandage du transport en commun; émissions de gaz à effet de serre», puis ça, c'est juste pour mesurer, là, l'axe Climat de la stratégie gouvernementale.
Vous comprenez ce que je veux dire? Moi, je suis là, là, je me dis: Peut-être qu'il en manque encore, mais, par rapport à ce que vous recherchez, je me dis: Nettement, on parle des indicateurs de la stratégie, puis ça m'amène à dire... Je suis là, là, après avoir reçu beaucoup de groupes, puis je suis en train de dire: Bien, peut-être qu'on se complique la vie, puis peut-être que ce que tout le monde cherche, c'est uniquement qu'on dise: Bien, il y a 83 indicateurs de la stratégie du gouvernement du Québec, puis que c'est là-dedans que les gens se retrouvent, puis que, quand on parle des indicateurs associés plus à la loi, puis c'est plus des indicateurs à long terme, puis d'un projet de société où on veut mesurer les progrès sur les cinq dimensions, je suis peut-être en train de me dire: Bien, peut-être que, fondamentalement, c'est là où les gens ne nous suivent plus.
Mais je finis en disant: Pour les gens du ministère, quand ils relisent la loi, puis à la lumière de ce qu'on nous a demandé lorsqu'on a discuté de la stratégie, pour l'équipe du ministère, responsable de la notion d'indicateur selon la loi, la lecture qu'on fait, c'est que ça nous demandait trois niveaux d'indicateurs. Je vais vous donner très rapidement... puis pour les fins de la discussion, puis je sais qu'après ça il faut qu'on discute, nous, en séance de travail. Mais, la loi, son article 12 parle... pour l'adoption et pour «mesurer les progrès réalisés au Québec en matière de développement durable». On dit que, suivant l'adoption de la stratégie, il faut adopter des indicateurs ? pour nous, on est là-dedans ? indicateurs permettant de «mesurer les progrès réalisés au Québec en matière de développement durable».
En page 7, on nous dit qu'il faut réviser la stratégie... À l'article 7, pardon, on nous dit qu'il faut réviser périodiquement la stratégie à partir d'indicateurs de développement durable. Pour nous, ça voulait dire que ça prenait aussi des indicateurs liés à la stratégie.
Puis finalement, juste pour l'éclairage de tout le monde, l'article 17 dit qu'il faut aussi mesurer les actions des ministères, les plans d'action des ministères. Puis là, vous savez, on est presque rendu à 1 000... 1 600 indicateurs, et c'est normal... je dis ça, mais ça a l'air épouvantable, mais c'est tout à fait normal, on est dans des plans d'action extrêmement précis. C'est tout à fait normal.
C'est que, nous, c'est la lecture qu'on fait de la loi. Donc, en tout cas, vous comprenez ma grande question, c'est qu'à la fin, quand je regarde ce que vous nous demandez de faire ? et je laisse tomber tout le débat sur la hiérarchisation ? mais quand vous demandez que les indicateurs, au niveau notamment de la protection de l'environnement, soient plus nombreux, plus solides, etc., je regarde ma liste des 80 indicateurs, puis je me dis: C'est de ça dont vous me parlez, les 80 indicateurs par objectifs associés à la stratégie. Mais ils sont là, là, on les a rendu publics. Mais est-ce qu'on se comprend? Est-ce qu'on parle de la même chose ou pas?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.
M. Séguin (Hugo): Je pense qu'on reconnaît l'objectif qui est poursuivi, de faire un peu le ménage dans les 80 indicateurs de la stratégie, puis de trouver un nombre plus limité d'indicateurs qui vont faire oeuvre de pédagogie pour la population. On comprend ça. On s'est posé la question, on a regardé ça, comme on vous a dit, on a essayé de regarder chacun des indicateurs que vous avez proposés, essayé de modifier, bonifier, mettre des critères qualitatifs à certains indicateurs, en remplacer certains par d'autres. On a essayé ça, puis on s'est aperçus qu'effectivement on a un problème avec le cadre, qui n'est pas un cadre qui est porteur de hiérarchisation. Donc, votre question montre bien que vous avez compris notre position.
La question fondamentale que vous nous posez, c'est: Si jamais il n'y avait pas de troisième niveau d'indicateurs, est-ce que ça nous empêcherait de... est-ce que ça nous plongerait dans... est-ce qu'on serait très déçus?
Une voix: ...
M. Séguin (Hugo): Oui. Est-ce qu'on serait très déçus? La réponse, c'est non. Je pense qu'on pourrait très bien vivre, nous, avec les indicateurs qui sont déjà en place, ceux qui sont dans la stratégie, nonobstant tout ce qu'on a dit sur la stratégie, puis les choses qu'on voudrait bien y modifier, mais vous ne reviendriez pas avec des indicateurs de troisième niveau qu'on...
Mme Beauchamp: Ceux qu'on appelle de premier niveau, là, pour les fins du document, pour que tout le monde se comprenne.
M. Séguin (Hugo): Ah oui, effectivement. Oui. Mais en fait on vivrait bien avec vos indicateurs, que vous appelez, de référence.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il reste une... M. Mayrand, vous vouliez compléter?
M. Mayrand (Karel): Oui. J'ajouterais...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez, il vous reste 1 min 30 s.
M. Mayrand (Karel): Ah, tout à fait. Ça ne sera pas très long. J'ajouterais qu'en fait on peut vivre sans un premier niveau d'indicateurs, mais le deuxième niveau comprend des indicateurs qui portent plus sur, par exemple, ce qui est sous... bon, les bâtiments publics, des choses qui sont sous l'emprise du gouvernement et des choses qui concernent l'ensemble de la société québécoise. Alors, il y a comme deux niveaux là-dedans et... Mais je pense que ce serait utile quand même d'avoir un certain nombre d'indicateurs qui pourraient démontrer au public si on avance ou on recule par rapport au développement durable. Alors, peut-être pas que... les gens ne s'y retrouveraient peut-être pas dans 83 indicateurs, mais dans le fond ce qu'Hugo disait, c'est que... peut-être avoir un nombre plus limité d'indicateurs clés qui seraient pris dans la liste des 83, ou je ne sais pas, mais qui concerneraient la collectivité québécoise. Ça pourrait interpeller les citoyens, et les entreprises, et les municipalités, ou en fait ce qui n'est pas directement sous l'égide de l'État québécois.
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(12 h 10)
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La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. Une demi-minute.
Mme Beauchamp: O.K. Mais on se comprend que, dans les 80 indicateurs, ce ne sont pas tous des indicateurs de l'action gouvernementale. Il y en a répondant à votre voeu.
Une voix: ...
Mme Beauchamp: O.K. Je voulais juste être sûre qu'on se comprenait bien, parce que tantôt... L'achalandage dans le transport en commun, c'est un exemple. Le gouvernement est un acteur, mais le résultat est une représentation du changement de comportement dans la société québécoise, O.K.? Je pense qu'on s'est compris. Mais je finis juste en vous disant: Par ailleurs, j'ai une loi, moi, avec laquelle je dois être cohérente. C'est un beau défi, là, avec les commentaires que vous nous faites.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à nos honorables invités. On a déjà vu un certain nombre de gens, un certain nombre d'intervenants, et, à chaque nouveau, comme vous, on pourrait penser qu'on a fait le tour de la question, mais vous nous amenez encore des pistes de réflexion absolument importantes et fondamentales. Alors, je vous en remercie et aussi je vous remercie de l'effort que vous avez fait pour... de concertation, là, pour vous regrouper, les deux organismes, qui sont très importants par ailleurs. Donc, qu'ils se mettent ensemble, ça donne, je pense, encore plus de force et d'impact à votre mémoire, à vos interventions.
Une peut-être des limites, c'est que, le temps étant relativement court pour votre présentation, il y a un des intervenants qui n'a pas pu parler beaucoup, alors, moi, je lui céderais peut-être déjà une partie de notre temps pour... M. Duchaine, peut-être pour pouvoir compléter votre intervention que vous avez dû interrompre tout à l'heure.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Duchaine.
M. Duchaine (Thomas): En fait, j'avais terminé, tout à l'heure, mon intervention, mais je vous remercie du temps que vous me donnez, je vais le prendre quand même. Simplement pour juste revenir en arrière.
En fait, j'ai quelque chose qui me trotte sur l'esprit, là, depuis l'idée de la hiérarchisation. En fait, la définition qui est présente dans la loi, à mon sens, n'empêche pas l'idée de la hiérarchisation. En fait, pour nous, l'idée de la hiérarchisation est au coeur même de la définition en elle-même, qui est celle de Brundtland, qui est récupérée dans la loi, presque mot pour mot. À partir de là, c'est la vision qui s'est transformée au sein de la stratégie où on arrive avec une vision qui part de la définition, mais là on intègre des nouveaux éléments de qualité de vie et différents éléments comme ça. Simplement, je voulais juste... je ne pense pas que la loi soit incompatible avec l'idée de la hiérarchisation, là. La définition qui est à l'intérieur de la loi permet cette ouverture-là. C'est simplement ce point-là que je voulais faire.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci.
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Merci. Alors, bien, je ne sais pas, peut-être que je n'ai pas la même lecture que la ministre, puis c'est sûr que je n'étais pas là comme député au moment où toutes ces discussions-là ont eu lieu sur le plan, la stratégie et la loi, mais en tout cas vous venez d'être interpellés à quelques reprises par la ministre là-dessus, et je ne vous ai pas entendu remettre en question la Loi sur le développement durable et les principes qui sont là, donc je prends pour acquis que vous avez intégré tout ça.
Par contre, je veux dire, ça n'empêche pas le fait que je pense que fondamentalement, s'il y a une loi sur le développement durable qui a été adoptée... et d'ailleurs les premières prémisses, les premiers mots de la loi sont pour mentionner qu'il doit y avoir un virage, hein, il doit y avoir un changement. Donc, ça part... tout ça, là, tout ce bâtiment a été bâti sur une fondation qui dit que les pratiques actuelles de notre société, puis on n'est pas tout seuls, de nos sociétés, actuellement ne sont pas des pratiques viables, et, si on continue sur le même rythme où nous sommes lancés, sans rien changer, bien, à un moment donné, il va y avoir un point de rupture, et nous allons dépasser... on va se retrouver dans un gros, gros problème parce qu'on va avoir dépassé notre capacité à pouvoir laisser à nos enfants un legs, justement, un patrimoine qui fait en sorte qu'ils vont pouvoir avoir une qualité de vie acceptable ou, en tout cas, idéalement au même niveau que nous ou même mieux.
Donc, si la loi part de cette prémisse-là, ça veut dire qu'effectivement... on l'a appelée hiérarchie, mais il y a quand même, tu sais, des points de non-retour qu'il ne faut pas dépasser. Et le système d'indicateurs, à mon sens, doit pouvoir nous donner une image suffisamment juste pour nous dire: Est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction ou on continue à s'en aller dans la mauvaise direction? Et ça, bien, ça a été soulevé depuis le début des consultations, on essaie de voir du sens dans des indicateurs.
Et, bon, c'est sûr que c'est important... On nous dit: Ce sont des... on veut dégager, voir des tendances à long terme, bon, bien, comme le disait Keynes: À long terme, on est tous morts, alors donc, il faut que ça puisse dégager des grandes tendances, mais pas, tu sais, qu'on reçoive de l'information quand il sera trop tard. Donc, il faut quand même que tout ça nous aide. Même si on a tous les indicateurs de deuxième niveau par rapport à la stratégie qui nous disent que, la stratégie, on l'applique bien ou on ne l'applique pas bien... puis là, bien, ça, vous pouvez être sûrs que les députés de l'opposition, qui que soit au pouvoir, vont suivre de près tous ces indicateurs-là et pouvoir ramener le plus souvent possible le fait qu'on ne suit pas tout ça.
Alors, vous m'avez sûrement entendu soulever le manque de cohérence du gouvernement lorsqu'ils adoptent des objectifs de Kyoto mais que l'on continue à construire des ponts puis à faire en sorte qu'on veut intensifier, augmenter la densité de la circulation automobile. Alors, il y a tout l'aspect de la stratégie, mais, au bout du compte, on veut savoir: Est-ce que ça va mieux... dans cinq ans, quand on pourra regarder les indicateurs, savoir si ça va mieux ou pas mieux.
Et là, le test que vous avez fait, il projette dans le futur. Bon, vous avez dit: Bon, si on a un scénario où il y a une croissance économique accrue mais avec une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, qu'est-ce que ça va donner sur les indicateurs? On peut regarder aussi les tendances passées, puisque nous savons qu'actuellement... En tout cas, là, avec la crise économique, c'est un peu plus difficile, il y a eu des ralentissements économiques dans certains secteurs, ce qui fait que les émissions de gaz à effet de serre ont diminué, donc il n'y a pas de lien vraiment avec la stratégie gouvernementale, mais, si on regarde sur un horizon un peu plus long, les 10 dernières années, quelle est la tendance? Et, moi, j'ai vu que la tendance, si on les applique, on regarde l'évolution passée, bien, il y en a 10, bon, qui sont plutôt positifs. Vous, vous me dites: Si on regarde le futur, il y en a 11 qui sont plutôt positifs. Et la ministre nous dit: Bien, il ne faut pas regarder ça comme ça, parce que vous allez... s'il y en a un certain nombre qui ne vont pas dans le bon sens, ça veut dire que ça ne va pas bien, parce qu'il faut que tout aille bien. Mais, je veux dire, c'est quand même... Moi, je veux bien le croire, mais, quand je vais être pris pour l'expliquer à mes concitoyens, je ne suis pas certain que les gens vont bien nous suivre, d'une part, et je ne suis pas certain que, par exemple, dans un contexte de campagne électorale, quel que soit le parti au pouvoir, un gouvernement n'aura pas tendance à mettre de l'avant les indicateurs qui vont bien et à minimiser ceux qui vont moins bien. C'est la logique même des communications que d'aller vers des choses qui s'expliquent facilement, et ça, c'est contre-intuitif, c'est très contre-intuitif. Tellement que vous n'êtes pas les seuls qui sont venus nous le dire, là, ces indicateurs-là risquent de ne pas nous donner un portrait juste de si on avance ou on recule.
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(12 h 20)
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Alors, il va falloir que j'arrête de parler si je ne veux pas prendre tout le temps. Les questions que j'avais... C'est parce que, là, plus on avance, plus on arrive au point où on commence à faire des constats, là. Alors, vous excuserez le fait que je mobilise tant du temps de question. Je vous demanderais peut-être: Qu'est-ce qui est... Parce que, là, on va devoir éventuellement procéder. Comment voyez-vous l'avenir donc du travail sur ces indicateurs-là? Vu que vous êtes là depuis le début de la démarche, comment vous voyez-vous être associés à la suite des événements et comment on peut faire en sorte que ces indicateurs-là continuent d'évoluer et qu'ils évoluent dans le bon sens? Des gens ont parlé de tables de concertation, vous avez parlé... fait une proposition aussi. Pouvez-vous élaborer davantage?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin ou M. Duchaine?
M. Séguin (Hugo): C'est-à-dire... Je pense que...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Séguin.
M. Séguin (Hugo): Oui. Écoutez, la façon dont nous souhaitons contribuer à cette discussion-là, c'est effectivement de répondre présent lorsqu'il y a une consultation comme celle-ci. On vous amène une proposition, hein, dans le fond, on dit: Ce qui est sur la table pour nous devrait être retiré pour autre chose ou pour rien du tout. C'est un peu ce qu'on vous dit. S'il y avait une table de concertation pour aller plus loin dans cette réflexion-là, nos organisations vont se poser la question. Il est plausible que nous nous y associions, à une démarche comme ça, mais ça reste un travail parlementaire. Je veux dire, c'est à vous de voir s'il y a une vie après... à ces indicateurs-là et quelle forme ça devrait prendre.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption. Ah! M. Mayrand.
M. Mayrand (Karel): Bien, j'ajouterais que, dans le fond, vers où on va à partir de maintenant, c'est une question de vision. J'aimerais ça vous présenter une petite métaphore. Les indicateurs, si on se donne des indicateurs de premier niveau, c'est essentiellement un tableau de bord relativement simple qui nous permette de regarder vers où on s'en va. Puis, si on prend une métaphore ou une analogie avec un tableau de bord d'un véhicule automobile, bon, qu'est-ce que j'ai? J'ai ma vitesse, j'ai la vitesse à laquelle mon moteur tourne, bon, l'indicateur d'essence. J'ai une couple de choses là-dedans qui me permettent de rouler, mais, moi, ce qui me fascine là-dedans, c'est qu'on n'a pas notre consommation d'essence en temps réel, puis il ne faut pas sous-estimer la valeur d'un indicateur pour changer, induire des changements de comportement et faire en sorte que les gens non seulement se sensibilisent, s'éduquent, mais ensuite changent leurs comportements.
Et c'est clair et net que, si demain matin, sur tous les tableaux de bord des automobiles, on avait la consommation d'essence, il y en a qui pèseraient moins fort, puis ils dépenseraient probablement moins d'essence pour faire les mêmes trajets en voiture. Si on n'a pas l'information, si on n'a pas les bons indicateurs sur notre tableau de bord, on n'est pas en mesure de corriger nos comportements, puis ça s'applique autant pour le gouvernement que pour toutes les autres organisations au Québec. Alors, je pense que c'est cette vision-là qui devrait nous inspirer à se donner vraiment quelques indicateurs simples, des bons enjeux qui sont précis, puis, quand on conduit notre auto, on sait exactement où on va avec ça. C'est ce que je dirais.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Duchaine.
M. Duchaine (Thomas): Je veux juste rajouter à ça le fait qu'en matière de développement durable il y a des défis incontournables qui sont devant nous, et ce qui est inspirant, par exemple, dans la liste de l'Union européenne entre autres, c'est qu'on fait état des défis, on a fait un diagnostic. On s'est dit: Les changements climatiques et l'énergie, les transports durables, la consommation responsable, ce sont des... Si on ne prend pas des virages, on part dans la mauvaise direction. Et donc c'est des indicateurs liés à ça qu'on utilise, de premier plan, dans une liste de premier niveau, pour informer les gens, et non une autre approche qui crée une cassure dans la démarche qu'on a sous les yeux, finalement: les plans, la stratégie et là un changement de méthodologie pour arriver avec des indicateurs qui donnent un message un peu cassé par rapport aux deux autres niveaux.
M. Séguin (Hugo): J'ajouterais un point sur l'interprétation que vous faites de l'hypothèse où on arrive à 11 indicateurs sur 17 en croissance et les six autres en décroissance, puis ça rejoint un peu ce que vous disiez tout à l'heure, M. le député de L'Assomption, c'est instinctif pour la population, hein, 11 sur 17, c'est la note de passage, c'est 60 %. Tu sais, les gens vont se dire: Ah! bien, regarde, ce n'est pas si pire.
Je comprends que la bonne interprétation, c'est la vôtre, Mme la ministre, mais, dans la population, les gens vont dire: Ah! bien, on a 11 sur 17, et ça envoie le mauvais message, en fait, dans le sens où... Puis vous l'expliquez bien encore, M. le député de L'Assomption, si on fait une loi sur le développement durable et une stratégie, c'est parce qu'il y a un virage à prendre.
Une voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Non. M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Alors, je ne sais pas s'il y a d'autres choses que vous aimeriez dire à la ministre. Bien, je reviendrais peut-être un peu à essayer de resserrer un peu le débat pour nous aider éventuellement à pouvoir, espérons-le, s'entendre sur des conclusions.
On nous a dit un peu plus tôt que l'approche des capitaux, ou du legs, ou du patrimoine, si on veut forcer tous les indicateurs dans ce même moule là, ça devient réducteur. Bon. Vous, vous avez tendance à dire: Il faut prendre une autre approche. Il y a d'autres gens aussi qui nous ont dit ça, mais il y a aussi des gens qui nous ont dit: Dans le fond, ce qui nous donnerait la meilleure lecture, c'est de pouvoir avoir un croisement de ces deux approches, donc certains indicateurs qui nous parlent de capitaux au sens de legs, bon, sans avoir sur le tableau de bord... donc, les éléments sur le tableau de bord qui ne nous indiquent pas la consommation d'essence, où on va, mais qui nous indiquent l'état, le niveau d'essence, puis des choses comme ça. Ça, si on vendait l'auto, c'est ce qu'on vendrait à quelqu'un, à l'acheteur. Par contre, la façon d'utiliser l'auto, bien, c'est une autre partie qui est importante puis qui n'entre pas vraiment dans cette approche-là. Donc, pensez-vous qu'il y a moyen d'avoir un genre d'approche mixte qui nous permettrait à la fois d'avoir un état de... dans le fond l'état de stock statique mais aussi l'état de: Est-ce que nous sommes dans une bonne position comme société pour aborder les enjeux qui sont inscrits dans la loi sur le... qui sont à la base de la Loi sur le développement durable?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Mayrand.
M. Mayrand (Karel): Ce n'est pas inintéressant comme question. Malheureusement, je ne serai pas capable de vous donner une réponse claire là-dessus, parce qu'il faudrait voir qu'est-ce que ça donnerait comme liste d'indicateurs. L'important, c'est qu'on couvre tout. Mais je pense entre autres à des indicateurs comme le PIB ou des choses comme ça, qui sont des indicateurs classiques qu'on a déjà, qui sont un peu nos indicateurs de vitesse, hein, à quelle vitesse on... ou le kilométrage qu'on parcourt, peu importe, mais qui sont des indicateurs qui sont à la fois un indice d'un stock, hein, la quantité de biens produits dans notre économie, puis à la fois, bien, un indice de croissance, et c'est en mouvement aussi. Donc, des fois il y a déjà des indicateurs, probablement, qui sont compris dans la présente liste, des indicateurs de capitaux qui sont aussi des indicateurs de comportement, dans d'autres cas, non. Alors, tu sais, c'est difficile de donner une réponse très claire, là. Mais je n'exclurais pas cette option-là, mais je ne peux pas non plus vous dire si ça fonctionnerait.
M. McKay: Ça pourrait peut-être faire partie de l'objet d'une table multisectorielle que de pouvoir raffiner ça.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça va? Il vous reste 30 secondes.
Une voix: 30 secondes, c'est important.
M. Villeneuve: Merci, Mme la Présidente. Peut-être juste vous dire que je ne suis pas tout à fait en désaccord avec l'approche de hiérarchisation, si on veut, parce que, moi, je pars du principe que ? puis M. le député de L'Assomption l'a précisé tantôt ? la loi vient dire: Si on ne fait pas de changement majeur dans nos façons de faire, on se dirige vers un mur. Donc ? au golf, on appelle ça un handicap ? on part avec un déficit environnemental important, et idéalement ce serait un équilibre, ce serait une osmose entre l'économique, le social et l'environnemental, ce qui n'est pas le cas présentement, d'où l'idée, effectivement... et je pense qu'une liste bien faite d'indicateurs va nous permettre d'identifier ce déséquilibre-là et de l'ajuster. Voilà. Merci.
La Présidente (Mme L'Écuyer): On vous remercie, messieurs, on vous remercie de votre présence, et nous suspendons jusqu'à 14 heures cet après-midi. Merci et bon appétit!
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 14 heures)
La Présidente (Mme L'Écuyer): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs cellulaires.
Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du document intitulé Une première liste des indicateurs de développement durable.
Je crois que nous avons devant nous la Coalition québécoise contre les ateliers de misère. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé, et le temps est réparti entre les deux groupes de parlementaires: 25 minutes pour le groupe gouvernemental et 25 minutes pour l'opposition officielle. M. François Michaud.
Coalition québécoise contre
les ateliers de misère (CQCAM)
M. Michaud (Jean-François): Jean-François Michaud.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Jean-François Michaud et M. Patrick...
M. Rondeau (Patrick): ...Rondeau.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Rondeau.
M. Rondeau (Patrick): Oui.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Je vous souhaite la bienvenue, et le temps de parole vous appartient pour les 10 prochaines minutes.
M. Rondeau (Patrick): Merci.
M. Michaud (Jean-François): Parfait. Merci, Mme la Présidente. Merci à la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire dans le cadre de cette liste des indicateurs. Donc, Jean-François Michaud, coordonnateur de la Coalition québécoise contre les ateliers de misère, que j'appellerai la CQCAM pour faciliter.
Tout d'abord, la CQCAM est une organisation qui regroupe une trentaine d'organisations syndicales, ONG et associations étudiantes dont le mandat est de sensibiliser la population québécoise à l'existence des ateliers de misère ici, au Québec, et ailleurs dans le monde. De plus, on développe des alternatives dans le but de contrer ce phénomène. Pour nous, le développement durable, nous sommes au coeur de cet enjeu, puisque le respect des droits du travail a été maintes fois repris comme une condition essentielle au développement durable.
Je vais vous présenter le mémoire. Il s'agit du second présenté par la CQCAM, le premier avait été lors de la Stratégie gouvernementale de développement durable. Ce mémoire, Pas de développement durable sans solidarité avec le reste du monde!, vise à: rappeler les principes fondamentaux du développement durable; présenter notre position quant aux limites et choix de certains indicateurs; soumettre nos préoccupations quant à la méthodologie. Et finalement je vais présenter les principales recommandations de la CQCAM que nous souhaiterions voir mettre en oeuvre.
Tout d'abord, dans le cadre de référence pour l'élaboration d'un système d'indicateurs du Québec, nous pouvions lire à la page 7: Le but ultime de la démarche de développement durable demeure de répondre à nos besoins présents tout en sauvegardant le potentiel d'amélioration de la qualité de vie et du bien-être des générations futures au Québec et ailleurs dans le monde. La CQCAM se demande pourquoi la première liste des indicateurs ne tient plus compte des actions posées par le Québec, qui influence le reste du monde.
Pour la CQCAM, comme spécifiait la définition du développement durable du rapport Brundtland ainsi que René Deblois, le développement durable est un concept global qui vise à répondre prioritairement aux besoins des plus démunis. C'est pourquoi la CQCAM ne croit pas que l'on puisse raisonnablement considérer une démarche de développement durable valide celle qui ne prend pas en considération les effets de débordement des activités québécoises sur le reste du monde, principalement les pays du Sud.
Pour vous donner un exemple, l'importance de considérer les effets de débordement, je vais prendre l'indicateur 2, Espérance de vie en bonne santé. En effet, si l'état de santé de la population québécoise s'améliore parce que l'on délocalise les activités nuisibles pour la santé vers les pays du Sud, le Québec aura-t-il pour autant contribué au développement durable? Il est important de définir un indicateur qui permet d'évaluer non seulement la santé des Québécois, mais aussi celle des travailleurs et travailleuses à travers le monde qui travaillent pour le Québec. Il existe des lignes directrices pour évaluer cette démarche; le Global Reporting Initiative est un exemple.
Mieux encore, la CQCAM considérerait comme un grand pas sur la voie du développement durable pour... l'obtention d'une politique d'approvisionnement responsable rendue obligatoire pour les ministres et les organismes qui travaillent avec le gouvernement. Le gouvernement aurait ainsi un effet de levier sur la santé des travailleurs et travailleuses du Québec et ceux partout dans le monde.
De plus, un autre exemple qui a été repris par la Norvège est lié à l'indicateur 11, Actifs du gouvernement. La Norvège a fait le choix d'avoir comme un indicateur le pourcentage du PIB consacré à l'aide au développement. Voici un indicateur clair dont les données sont facilement mesurables et qui sont disponibles quant à l'impact du Québec sur les plus démunis.
Maintenant, il y a certains autres indicateurs qui sont directement liés au Québec, que nous souhaiterions soulever. Premièrement, l'indicateur 1, le taux d'activité. Est-ce que le fait d'avoir un emploi garantit que l'on vit bien? Que dire des caissières de supermarchés qui doivent vivre avec des horaires hyperflexibles, à un salaire de misère? Les luttes que les employés de Wal-Mart ont faites au Québec démontrent bien cette précarité d'emploi. Il faudrait donc connaître non seulement le taux d'activité, mais aussi le statut d'emploi, tel que la durée indéterminée, durée déterminée, partielle, choisie ou non. Certaines de ces données sont déjà répertoriées par l'Institut de la statistique du Québec.
En ce qui concerne la méthodologie, là encore nous avons certaines préoccupations. Il n'est pas clair pour la CQCAM comment ces indicateurs permettront d'évaluer l'évolution du développement durable de la société québécoise. Comme nous le savons, une approche par capitaux nécessite de calculer le stock pour chacun des capitaux pour ensuite les agréger de manière à obtenir un stock de capital pour définir le bien-être. Il s'agit donc de trouver l'unité de mesure commune qui pourrait nous permettre de comparer les stocks entre eux.
De plus, pour atteindre une durabilité forte, il est essentiel d'identifier des seuils critiques de capitaux. Ces seuils critiques sont des planchers qui nous assurent que certains capitaux essentiels sont maintenus, par exemple le fait d'avoir de l'argent et aussi d'avoir de l'eau, et ainsi de suite. Donc, on se demande où sont ces seuils critiques de capitaux, comment les stocks de capitaux seront transférés à une unité de mesure commune.
Le document de consultation de la première liste de développement durable laisse un certain flou quant à l'utilisation des indicateurs, et, comme ceux-ci seront utilisés pour surveiller, mesurer et communiquer les progrès du Québec en matière de développement durable, nous y voyons là certaines choses qui pourraient être améliorées.
Donc, voici nos principales recommandations:
Développer des indicateurs de liste qui permettent d'évaluer les impacts d'une démarche de développement durable au Québec non seulement sur la société québécoise, mais aussi sur les autres pays, particulièrement les pays du Sud;
Obliger les ministères, et organismes, et entreprises subventionnées par l'État à adopter des politiques d'approvisionnement responsable. On peut noter les exemples de Vancouver, Ottawa, Toronto, la province du Manitoba. Ces politiques d'approvisionnement responsable doivent inclure des normes sociales, des normes environnementales, des mesures de contrôle et vérification, ainsi que l'obligation de transparence.
Développer des indicateurs précis pour évaluer la mise en oeuvre de la stratégie de développement durable de la liste II par le gouvernement et les soumettre à une consultation.
À plusieurs reprises, dans le document, on nous dit que les indicateurs de flux seront trouvés dans les indicateurs de la stratégie. Étant donné que ça fait partie d'une approche par capitaux, on aimerait savoir qu'est-ce qu'il en est. De plus, c'est à travers la stratégie qu'on est capables d'évaluer les actions qui seront menées par le gouvernement.
Les dernières recommandations sont basées sur les travaux de Statistique Canada, de l'ONU et d'Eurostat. Donc:
Réviser l'approche par capitaux présentée dans le document de consultation afin de s'assurer qu'elle s'appuie bien sur les bases scientifiques actuellement connues. Elle pourra ainsi mieux rendre compte des avancées du Québec sur la voie du développement durable.
Et finalement établir un calendrier officiel en vue de la mise en place d'un système de comptabilité nationale socialement et environnementalement ajusté pour le Québec. Un système de comptabilité sert comme cadre de référence, qui est la base même d'un système d'indicateurs de capitaux.
Donc, nous vous remercions pour cette période et nous sommes à votre écoute.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. Michaud. La parole est maintenant à Mme la ministre pour les 25 prochaines minutes.
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, MM. Michaud et Rondeau, et merci pour cette haute contribution. Vous-mêmes, dans votre mémoire, vous soulignez qu'on a eu la... Je ne crois pas que c'était avec vous par contre, mais j'ai eu la chance d'échanger avec des représentants de la Coalition contre les ateliers de misère. Est-ce que c'était vous en 2007?
M. Michaud (Jean-François): C'était avec Mme Marie-Noëlle Roy...
Mme Beauchamp: C'est ça, hein?
M. Michaud (Jean-François): ...qui était ma prédécesseure.
n
(14 h 10)
n
Mme Beauchamp: D'accord. D'accord. Mais je me souviens très bien de cette participation pour commenter la stratégie, lors de la consultation, en 2007, sur la stratégie, et il me fait plaisir de vous recevoir à nouveau. On avait insisté pour que vous soyez sur la liste d'invités, parce que déjà en 2007 je trouvais que votre mémoire avait apporté un éclairage important parce qu'il aide à la compréhension de tous que le développement durable, ce n'est pas seulement la protection de l'environnement, que ce n'est pas seulement du développement économique, mais il y a bien cette dimension sociale et cette dimension d'équité, on peut même dire, là, qui doit transparaître à travers la démarche de développement social. Et, dans ce sens-là, on ne s'est pas trompés en vous réinvitant à participer à la consultation de cette année sur les indicateurs.
J'ai peut-être une première question d'ordre très général, mais... Vous critiquez de façon très pertinente différents éléments du document déposé à des fins de consultation. Ma première question d'ordre général, c'est l'approche par capitaux qui est proposée dans le document. Quand je lis votre mémoire, j'ai l'impression que le reproche est plus sur le fait que les indicateurs choisis à travers l'approche par capitaux, ce sont des indicateurs qui ne permettent pas d'évaluer les effets que vous appelez, vous, de débordement, si je ne me trompe pas... Je ne me souviens plus, dans le document, comment on appelait ça.
Une voix: ...
Mme Beauchamp: De débordement aussi, ou les notions de flux. Est-ce que je vous comprends bien si je résume ça ainsi ou si, fondamentalement, vous remettez en cause une approche qui est dite par capitaux et où il y a la notion de stock, là, cette notion qui dit qu'est-ce que je lègue aux générations futures en termes de stock, qui est le capital humain, social, naturel, etc.? Je voulais juste... je veux juste bien comprendre, et malheureusement, à travers votre mémoire, je ne suis pas sûre s'il y a une remise en question fondamentale de l'approche par capitaux ou si on est plus en train de se dire... ou si vous acceptez plus...
Un autre groupe avant vous a dit quelque chose comme: On n'est pas sûrs, mais on accepte les règles du jeu ? «on va jouer le jeu», c'était leur expression ? en se disant que, tout comme le mémoire le disait, c'est une première liste, sûrement qu'il faut en venir à ajuster ça ? si je ne me trompe pas, le document parlait de ces effets de débordement ? mais en disant, là: C'est assez exigeant comme démarche déjà, ce que fait le gouvernement, donc on verra à développer cette approche-là dans d'autres étapes.
Donc, je vous pose la question carrément, là: Est-ce que je suis devant un mémoire qui remet en question l'approche par stock, par capitaux, ou si vous dites plutôt: Elle est incomplète, c'est une base, on joue le jeu, mais elle est incomplète et on vous dit qu'on s'attend à ce que d'autres... les bonifications tiennent compte des effets de débordement?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud.
M. Michaud (Jean-François): Parfait. Donc, ce mémoire-là et la position de la coalition, c'est comme... on ne remet pas en cause l'approche par capitaux. Nous considérons que l'approche par capitaux est la bonne. C'est l'approche qui est privilégiée au Canada, en Norvège, par d'autres pays. Elle est très pertinente.
Par contre, comme vous avez mentionné, c'est peut-être dans certaines des mesures qui sont prises à l'intérieur de l'approche par capitaux... qui devraient être bonifiées. Parce que, comme vous savez, l'approche par capitaux, on doit évaluer le stock de chacun des capitaux et, avec ces stocks, on doit avoir des indicateurs de flux qui nous permettent d'expliquer la variation de ces stocks dans le temps. Et c'est à ce niveau-là qu'on n'est pas tout à fait certains de comprendre comment la méthodologie a été faite.
Ce qu'on amène comme point, on s'est basés sur plusieurs travaux. On s'est, entre autres, référés sur un document de M. Robert Smith, qui travaille chez Statistique Canada et qui explique très bien la méthodologie préconisée à travers l'approche par capitaux. Même certains documents officiels qui sont présentés par le gouvernement de la Norvège le présentent très bien. Donc, nous sommes d'accord avec l'approche par capitaux. On considère aussi que c'est l'approche la plus intéressante. Maintenant, on ne sait pas comment ces indicateurs-là vont être utilisés; pas qu'on ne considère pas que ça va être bien utilisé, mais on ne comprend pas encore, avec ce document-là, comment est-ce qu'on va arriver à les interpréter pour évaluer, mesurer et expliquer à la population notre avancée par rapport au développement durable.
Quant aux effets de débordement, c'est le terme qui est utilisé dans... nous, on se base sur le terme qui est utilisé dans le document qui nous a été présenté. On comprend très bien que c'est extrêmement complexe d'inclure les effets de débordement. D'une part, comme j'ai présenté dans la définition qui avait été faite en avril 2008, on considérait dans la définition, déjà là, que c'est l'impact du Québec et ailleurs dans le monde. Donc là, on arrive avec un deuxième document ou ce «ailleurs»-là n'est plus présent, qu'on nous dit que les effets de débordement sont complexes. On est d'accord qu'ils sont complexes, mais pour l'instant, avec ce document-là, on ne nous dit pas qu'est-ce qui s'en vient pour arriver de les inclure.
Bon, par exemple, j'ai donné l'exemple de la Norvège qui, eux, c'est un premier indicateur ? ça ne doit pas être le seul ? mais l'aide qui est consacrée... le pourcentage du PIB qui est consacré à l'aide publique au développement pourrait être une forme d'indicateur. De plus, ce qu'on souligne aussi, c'est qu'il existe des cadres de référence au niveau international, tels que le Global Reporting Initiative, qui est le GRI, qui se base sur les travaux, entre autres de l'ONU, qui est un comité multipartite qui, eux, émettent des lignes directrices très claires sur qu'est-ce qu'on peut s'attendre sur les impacts d'une... dans ce cas-ci, d'une entreprise ou d'un pays sur d'autres populations. Donc, il existe des cadres de référence, et en ce moment, dans ce document-là, bien qu'il est dit qu'ils seront... on va tenter de les considérer dans un futur, en ce moment, c'est difficile pour nous de voir comment est-ce que ça va être fait. Et on a beaucoup de préoccupations par rapport à ça parce que c'est l'essence même du développement durable.
Le développement durable est fait pour venir subvenir aux besoins des plus démunis, et c'est sa raison d'être. Il ne faut pas mélanger les concepts, et là en ce moment, oui, on aurait une image de la société québécoise, mais la société québécoise est en pleine interaction avec une multitude de facteurs, qu'ils soient environnementaux, sociaux, et, lorsqu'on parle du social, on considère principalement les enjeux des travailleurs et des travailleuses dans le monde parce que les documents officiels présentés, dans toutes les conférences internationales, nous disent qu'on doit les considérer pour atteindre les objectifs de développement durable. Donc, c'est sur cette base-là qu'on porte notre critique, et nous souhaitons vivement que l'approche par capitaux soit maintenue et qu'on aille dans cette direction-là, mais il y a un cadre méthodologique qui doit à notre avis être renforcé.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, je vous remercie beaucoup. Votre réponse est extrêmement claire et... au bénéfice de l'ensemble des parlementaires. Et je prends bonne note de votre demande. Il est vrai que le document dit beaucoup que c'est une première liste d'indicateurs de développement durable. Le document insiste pour dire qu'autant le développement durable doit être présenté comme une démarche pour les indicateurs eux-mêmes, il y a une notion de démarche, mais vous avez sûrement raison qu'en déposant la première liste d'indicateurs officiellement, il faudrait être capables d'indiquer à l'ensemble des acteurs intéressés et à mobiliser de la société québécoise, je dirais, la façon dont les travaux pourront se poursuivre.
Je vais juste peut-être vous donner un éclairage, et peut-être avez-vous pu regarder un peu ou lire les retranscriptions de nos travaux, parce qu'en même temps, et on le savait, là, je savais que ça arriverait, mais il y a beaucoup de demandes pour qu'on poursuive le travail autour des indicateurs. Il y a des enjeux liés, par exemple, au développement de nouveaux indices, carrément, donc la notion même d'agrégat, là, d'indicateurs permettant de développer des indices. Il y a la notion de développer carrément des nouveaux indicateurs. On nous fait le reproche que je dois écouter... que les indicateurs, dans le domaine du capital naturel, ne sont pas assez nombreux et développés. Il y a des demandes aussi pour qu'on soit capables de vraiment... que les indicateurs puissent être déclinés par exemple, soit par tranches de revenus, soit par sexe, soit par... Qu'est-ce que c'est déjà?
Une voix: ...
Mme Beauchamp: Par région, c'est ça. Et vous-même qui me questionnez. À juste titre, je dois me questionner sur la suite du plan de travail à donner. J'ai envie de vous relancer un peu la question parce que, vous, vous arrivez en disant: Et n'oubliez pas de... toute la question de continuer à développer la réflexion et de s'assurer qu'on tiendra compte des effets de débordement dans l'avenir. Si vous étiez devant toutes ces demandes... Je suis là puis je me dis: Vous, le plan, la suite du plan de travail qui doit tenir compte de tout ça, quel est le poids de chaque chose?
Ou enfin, je vais plus poser ma question plus clairement. Vous, vous dites: C'est les effets de débordement qui... vraiment, vous dites ça, là, il y a une lacune, et on doit en tenir compte. Est-ce que vraiment vous trouvez que c'est prioritaire par rapport aux autres demandes que nous avons eues de continuer le travail de développement d'indicateurs? Où est-ce que je place ça sur l'ensemble? Parce que certains l'ont mentionné, mais personne n'a insisté autant que vous sur la question des effets de débordement.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud.
n
(14 h 20)
n
M. Michaud (Jean-François): Parfait. Donc, la question est très pertinente, parce qu'on en convient, que la question, elle est complexe. Pourquoi qu'elle est complexe? Parce que le thème en soi, il est complexe. On parle de développement durable, on parle de définir aujourd'hui ce qui... on tente de minimiser notre impact sur les générations futures pour qu'ils aient des meilleures conditions de vie. Donc là, aujourd'hui, on tente de prendre les décisions, d'avoir des indicateurs sur potentiellement qu'est-ce qui pourrait se passer dans le futur, et ainsi de suite. Donc, c'est sûr que la question est complexe.
Nous, ce qu'on souhaite à travers tout ça, c'est qu'il y ait un dialogue avec peut-être l'ensemble des parties prenantes, qu'il y ait un comité multipartite qui soit mis de l'avant pour qu'on puisse en discuter ensemble. Mais une chose qu'il est... il est certain que, pour répondre clairement à votre question, donc, qui était que... à savoir: Est-ce qu'on doit mettre peut-être plus d'emphase sur la redéfinition des indicateurs ou aller peut-être sur les effets de débordement?, de notre point de vue, les effets de débordement sont le fondement même des principes de développement durable pour tous les exemples que je vous ai nommés et ceux que vous allez retrouver dans le mémoire, parce que ça, sans ces effets de débordement là, on a une image partielle de la réalité. Et, lorsqu'on parle de développement durable, on veut avoir une image globale de la réalité.
Et beaucoup des impacts, avec tout ce qui se passe en ce moment avec la mondialisation, beaucoup des impacts de nos choix qu'on fait sur notre territoire, ont une... beaucoup des choix sur notre territoire ont un impact sur l'ensemble de la population. Et ça, il faut être en mesure de le mesurer pour être capable de l'évaluer. Et, de notre point de vue, il est certain que les effets de débordement, qu'ils soient sociaux ou environnementaux, doivent faire partie d'une démarche intégrée et soutenue de développement durable.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Et est-ce que vous pouvez développer un peu sur... Vous avez fait référence, dans votre mémoire, à des exemples de d'autres États qui sont en démarche dans le développement de tels types d'indicateurs. Est-ce que vous pouvez développer un peu, me... nous donner des modèles ou des références qui devraient nous inspirer?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud.
M. Michaud (Jean-François): Oui. Bien, tout d'abord, le document que vous avez présenté en fait déjà mention. On parle de Statistique Canada. On est allés fouiller nous aussi de notre côté. Malheureusement, on n'a pas trouvé tellement d'information, mais on a trouvé certains articles qui étaient directement liés à leur politique. La Norvège aussi, ils ont développé des cadres très rigoureux. Donc, vous allez retrouver, à l'intérieur de notre mémoire, les références sur les documents de Statistique Canada et de la Norvège. Et de même on considère qu'à l'intérieur du document que vous nous avez présenté, il y a d'excellentes références auxquelles on pourrait s'inspirer. Parce qu'une des choses qu'on remarque à travers le document, c'est qu'il y a beaucoup des enjeux liés aux indicateurs par capitaux qui sont soulevés, mais on pose beaucoup de limites à ces enjeux-là, alors que d'autres documents présentent certaines solutions qui commencent à pouvoir être appliquées. Je vais vous donner un exemple concret.
On sait que le capital social est extrêmement difficile à définir comparativement aux autres. On le mentionne dans le document. C'est très bien. Mais par contre, sur les autres capitaux, il y a des... en ce moment il y a des mécanismes qui existent pour être capables de les évaluer et de les ramener sur un stock avec des indices... avec un indice commun. Et ça, en ce moment, on ne sent pas qu'à travers ce document-là on table dans cette direction-là, mais, en se référant aux travaux de Statistique Canada dont vous faites mention, de l'ONU, on a plus de détails et, si vous voulez, on pourra vous les faire parvenir.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Je voulais peut-être... Je vais me permettre un ou deux commentaires avant d'aller sur une autre question de fond. Dans vos recommandations, certaines d'entre elles, je vais prendre l'exemple de la recommandation 3 où vous parlez du deuxième niveau d'indicateurs qui devraient être mieux connus, etc., je voulais juste prendre le temps de vous dire: Peut-être avez-vous, là, pris connaissance qu'hier... donc, la semaine passée, j'avais bien entendu ce message, et, hier, on a donc déposé la liste des 84 ? si je ne me trompe pas, j'ai toujours dit 82, 83, puis finalement le vrai chiffre, c'est 84 ? indicateurs associés à la stratégie de développement durable. Et peut-être, là, juste à des fins de...
Moi, je n'essaie pas de prétendre que tout est parfait, je dis qu'on est dans une démarche, mais peut-être... vous pointer, par exemple, un des indicateurs qui, je pense, je pense, vous pourrez me le dire, va dans le sens souhaité. Par exemple, on parle du nombre de ministères ou d'organismes ayant acheté ou possédant, dans une proportion d'au moins 80 %, des micro-ordinateurs et des écrans répondant aux critères EPEAT. Moi, on semblait m'indiquer que ce critère était un critère qui tenait compte d'éléments liés à... en tout cas, je dirais, au lieu... aux conditions de...
Une voix: ...
Mme Beauchamp: Pardon?
Une voix: Parmi les 23 critères qui étaient là.
Mme Beauchamp: ...de cet indicateur-là, donc prenant en compte les conditions, je dirais, de fabrication ou le lieu de fabrication. Je suis consciente que la liste a été déposée hier, là, mais je voulais juste tout de même vous l'indiquer par rapport à ce souhait-là que vous exprimez, et, si vous avez des commentaires, éventuellement on sera heureux de les entendre.
Comme les questions de politique d'approvisionnement responsable sont aussi intégrées dans la stratégie... Vous le savez, là, il y a un volet sur les politiques de... Ici, c'est dans l'orientation 3, Produire et consommer de façon responsable, et où on a intégré la dimension de l'éthique, de l'écoconditionnalité puis de la responsabilité sociale, et où les ministères doivent en tenir compte dans leur plan d'action et dans leurs indicateurs liés à leur plan d'action. Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait, je suis en train de dire que la démarche, elle est là, par exemple. Bien, ça a déjà bougé depuis l'adoption de la stratégie.
Je veux revenir finalement sur votre recommandation 4, on est toujours sur la question... Vous dites: «Réviser l'approche par capitaux...» Mais tantôt on a bien compris, là, ce que... le fait qu'il y a une adhésion à l'approche par capitaux, mais vous dites: Elle est perfectible. Mais ensuite, ce sur quoi je m'interroge, c'est le reste de la phrase, vous dites: «...afin de s'assurer qu'elle s'appuie bien sur toutes les bases scientifiques actuellement connues.» Et, très honnêtement, le reste de la phrase, le reste du paragraphe, j'ai un peu de difficulté à le comprendre: «...il convient de s'assurer que les indicateurs retenus puissent tous être ramenés à une même unité ? vous y faisiez allusion un peu plus tôt, là, mais ? qu'à chaque indicateur de stock corresponde un indicateur de flux et que toute cette information puisse être présentée dans un cadre comptable complet et rigoureux.» Ce sur quoi je me questionne, c'est qu'est-ce que vous voulez exactement dire par la notion de bases scientifiques? Parce que, derrière votre commentaire, c'est comme s'il y avait... moi, je l'interprète comme si vous disiez qu'actuellement la proposition n'est pas sur une base scientifique, alors que je me dis: Elle n'est peut-être pas parfaite, ne tenant pas compte encore des effets de débordement, mais est-ce qu'on peut aller jusqu'à dire que ce ne serait pas sur des bases scientifiques? Ça, c'est quelque chose où je me questionne.
Puis ensuite je veux juste revenir, parce que personne ne nous en a parlé, c'est quoi, cette notion de pour qu'ils «puissent tous être ramenés à une même unité»? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement par ça?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud.
M. Michaud (Jean-François): Parfait. Tout d'abord, je vous remercie d'avoir rendu disponible cette liste des 84 indicateurs. Bien sûr, on va en prendre connaissance et nous pourrons émettre nos commentaires.
Tout d'abord, par rapport à ce que vous parliez, d'inclure des critères d'écoconditionnalité et de responsabilité sociale, nous sommes conscients qu'il s'agit d'un premier pas et nous en sommes... nous trouvons que c'est un pas important. Bien sûr, notre recommandation à nous, c'est que ça devienne une loi, hein, que ça oblige les ministères et les organismes à intégrer ces critères-là dans leurs processus d'achat. En ce moment, c'est fait de démarches volontaires, c'est ce que j'en comprends, c'est ce que nous en comprenons.
Pour répondre à votre autre question, c'est qu'au niveau des bases scientifiques ? c'est ce que je disais tout à l'heure ? c'est par rapport à trouver des indicateurs de stock et de flux qui vont nous permettre de prendre chacun des stocks... Et, lorsqu'on parle d'une unité commune, on parle, par exemple, de les ramener sur une unité monétaire, par exemple, donc évaluer chacun des stocks en fonction d'une unité monétaire. C'est ce qui est généralement la base d'unité commune la plus utilisée pour évaluer chacun des stocks.
Ceci dit, on comprend très bien qu'une unité monétaire n'est pas nécessairement l'approche préconisée de tous, il existe d'autres unités. Certains chercheurs se basent sur l'unité d'énergie, donc c'est une unité eMergétique. Donc, cette unité-là permet d'identifier sur une base commune chacun des stocks de capitaux pour être capable de les ramener à une unité ? parce que c'est ça, l'approche par capitaux. C'est comme, par exemple, le PIB, le produit intérieur brut, on arrive avec une unité qui permet d'évaluer le stock global et, avec les flux, d'évaluer sa progression dans le temps. Donc, c'est par rapport à ça, notre commentaire.
n(14 h 30)n Et, lorsqu'on dit s'appuyer sur des bases scientifiques, on ne dit pas qu'en ce moment il n'y a aucune base scientifique et c'est fait de manière purement aléatoire, ce n'est pas l'objectif de notre commentaire. Mais par contre, pour arriver à avoir cette approche-là par capitaux qui est d'une durabilité forte, il y a certains principes que j'ai déjà soulignés dont je vous ai invités à vous référer, soit aux travaux de Statistique Canada dont vous faites déjà mention, qui mèneraient vers une approche plus rigoureuse. Et ça... Et c'est à travers un peu ce questionnement-là que, nous, lorsqu'on arrive pour regarder le document, qu'on se pose... et c'est par rapport à ces bases-là qu'on arrive à émettre ce commentaire-là.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Vous avez, on le voit, là, travaillé fort. Je trouve que, dans vos réponses, vous êtes un de nos invités avec le plus haut degré, je dirais, de compréhension des termes que, nous-mêmes, après plusieurs jours, là, maintenant, on n'est pas... ce n'est pas si évident qu'on les maîtrise encore.
Je vais me permettre une question: Quand... Parce que, pour revenir à la base de votre mémoire, sans vouloir le réduire à une seule chose, mais c'est quand même cette notion, je trouve, des effets de débordement, là, en tout cas, qui est très caractéristique de votre mémoire. Vous avez creusé, vous nous amenez à vouloir aller consulter donc de nouveaux documents ? je prends bonne note, là ? le ETI, le Global Reporting Initiative, auxquels vous avez fait allusion.
Mais, à votre connaissance, à partir de la recherche que vous avez vous-même faite, les indicateurs tenant compte d'effets de débordement, est-ce que vous considérez que la communauté internationale les reconnaît? Est-ce qu'on est rendu à une étape, selon vous... Je sais que vous avez fait allusion à des États qui en avaient intégré quelques-uns, mais je me pose juste la question: Selon vous, quand vous jetez un regard... Moi, je comprends le souhait exprimé, je le comprends très, très bien. Je veux juste que vous m'aidiez à tenter d'évaluer ou à... excusez l'expression, mais à challenger, là, nos propres équipes. Selon vous, donc, quel est le degré de... j'ai envie de dire, de maturité? Je vais dire ça comme ça, ce n'est peut-être pas la bonne expression, mais... ou, je pense, en termes statistiques, c'est plus quasiment des notions de robustesse, là, puis de solidité des indicateurs tentant de tenir compte des effets de débordement.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud, il vous reste trois minutes.
M. Michaud (Jean-François): Trois minutes. Très bien. Donc, en ce moment, je pense que, bien, il est clairement écrit dans le document qu'aucun État n'a réussi à intégrer de manière satisfaisante les effets de débordement. On est d'accord avec le fait que d'inclure les effets de débordement dans les indicateurs n'est pas une tâche qui est simple, que certains États, donc que ce n'est pas tous, ont tenté de le faire.
Par contre, ce qu'on remarque à travers ce document-là, c'est qu'on se pose... et ça revient un peu à ce que je disais tout à l'heure, on se pose la question: Mais à quel point qu'on va arriver pour les inclure? Et c'est pour ça qu'on considère que des initiatives multipartites, comme le ETI, le GRI, permettent justement d'arriver à faire avancer les choses au plan international, parce que ce sont des initiatives qui sont multipartites, et c'est pour ça qu'il faut s'en inspirer. Parce que, lorsqu'on arrive pour identifier les indicateurs, tout le monde est autour de la table, et, lorsque tout le monde est autour au table, on est capables d'avoir des perspectives différentes et de faire avancer les travaux. Et c'est dans cette optique-là que nous souhaitons à ce qu'il y ait... les effets de débordement soient intégrés, et il faut aller dans cette direction-là. C'est à nous de savoir qu'est-ce qu'on veut en faire, de ce développement durable là. Une chose qui est certaine: ignorer les effets de débordement, ignorer ce qui se passe à l'extérieur du Québec ne fait pas partie d'une approche intégrée de développement durable.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Il vous reste une minute, Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, si je fais un commentaire... Puis je sais que mon exemple est imparfait, je prends le temps de le dire. Mais, avec ce que vous racontez, je veux juste dire: Personnellement, il y a maintenant plus d'une quinzaine d'années, j'étais en développement socioéconomique dans l'est de l'île de Montréal, et à l'époque on a travaillé fort, ça n'a pas marché, mais pour amener l'usine d'éthanol fait à partir de maïs dans la zone pétrochimique de l'est de l'île de Montréal, alors que le choix finalement a été Varennes. Mais tout ça pour dire que j'étais profondément convaincue à l'époque que c'était vraiment, vraiment la bonne chose. Et ça m'a toujours frappée, puis aujourd'hui, comme ministre, je retiens toujours la leçon, quand, à peine en une dizaine d'années, toute la pression mise pour le développement de l'éthanol, et c'était à partir de maïs à ce moment-là, a provoqué comme effet de débordement, la hausse du prix du maïs, la crise alimentaire qu'on connaît, la perte d'emplois dans certains autres pays. Et, comme je vous disais, je comprends votre message sur cette notion-là.
Ça fait que je termine en disant... Je veux juste dire... Je vais prendre... Je comprends très bien que votre questionnement est pour qu'on vous rassure sur la poursuite de la démarche quant au développement d'indicateurs tenant compte des effets de débordement.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de L'Assomption.
M. McKay: Merci. Bien, bonjour. Merci de prendre le temps d'avoir préparé ce mémoire, de venir nous le présenter cet après-midi. Comme on discutait un petit peu avant l'ouverture de la séance, vous me rappeliez que, bon, c'est votre deuxième mémoire, donc vous êtes déjà impliqués dans cette démarche depuis, on peut dire... depuis pas mal le début, et donc on peut vous remercier, vous féliciter de continuer à venir enrichir les travaux de la commission ici, de cette démarche du Parlement ou du gouvernement québécois mais qui implique effectivement toute notre société. Et effectivement les préoccupations que vous amenez complètent bien puis apportent du nouveau, là, à ce que nous avons déjà entendu.
Alors, je le mentionnais un petit peu tout à l'heure, on a l'impression, après quelques jours d'audiences, que, dans le fond... on pense qu'on a fait le tour puis qu'on a tout entendu, mais voilà qu'à chaque fois qu'un intervenant arrive on a des nouvelles perspectives. Alors, c'est très stimulant. Alors, on vous remercie aussi pour ça, de nous garder sur la touche jusqu'à la toute fin.
Et, moi, je pense qu'on a été très sensibles, de notre côté, justement à cet aspect des effets de débordement. Puis, dans le fond, vous nous ramenez à... On a tendance peut-être, ça doit être une tendance un peu naturelle, mais quand même à se retourner un peu vers nous-mêmes, comme société, et de voir cette démarche de développement durable, bon, entièrement centrée sur notre population, puis notre territoire, puis les enjeux problématiques qu'on a ici, mais vous nous ramenez justement aux fondements un peu de toute cette démarche internationale par rapport au développement durable.
Lorsque Mme Brundtland a amené et développé ce concept-là, c'était justement autour du programme des Nations unies sur le développement et les plus démunis de la planète, pas seulement de notre société, au Québec. C'était beaucoup ce qui alimentait, donc ce qui a alimenté au départ tout ce mouvement international, et, bien, après, avec les années, on finit peut-être un peu... on a tendance un peu à le perdre de vue, mais, vous, vous le gardez directement dans votre mire, dans votre collimateur, et puis vous nous rappelez, je pense, à juste titre à l'ordre.
Alors donc, je pense qu'il y a eu une ouverture qui a été manifestée de la part de la ministre pour peut-être faire un effort supplémentaire de ce côté-là. Vous pouvez être assurés que notre groupe va pousser dans ce sens-là aussi.
Vous avez mentionné un système, là, qui s'appelle le Global Reporting Initiative, vous avez aussi donné comme exemple le système de la Norvège, et je voulais juste être certain d'une chose. Je sais qu'un peu plus tôt... Il semble y avoir différentes interprétations, là, sur l'approche par capitaux. On nous a dit un peu plus tôt, d'autres intervenants avant vous, que l'approche par capitaux n'avait pas été retenue par aucun des États. Ce qu'on a compris au fil de la discussion, c'était qu'il n'y avait pas d'États qui avaient centré complètement leurs systèmes sur cette approche-là. Et on a discuté un petit peu du cas de la Norvège, et ce qu'on nous a dit, bien, ce qui est particulier en Norvège, c'est qu'ils ont un système de comptabilité nationale qui est basé sur une approche plus par capitaux et qui est justement dirigé par le ministère des Finances, et, parallèlement à ça, il y a une série d'indicateurs de développement durable qui est un peu différente, là. C'est inclus dans un mémoire qu'on a reçu plus tôt, vous pourrez le retrouver. Je pense que c'était le mémoire de l'UQAM.
n(14 h 40)n Et donc j'aimerais ça peut-être que vous nous parliez un peu de ce que c'est, cette Global Reporting Initiative, et c'est quoi vraiment le lien, là, avec les indicateurs de développement durable. Est-ce que c'est un système d'indicateurs ou si c'est un système... Enfin, si vous pouvez me l'expliquer un peu davantage.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud.
M. Michaud (Jean-François): Parfait, très bien. Tout d'abord, pour commencer avec le Global Reporting Initiative, c'est un système d'indicateurs dans le but de rédiger des rapports de développement durable de responsabilité sociale d'entreprise. Donc, le Global Reporting Initiative, dans le fond, nous explique qu'est-ce qu'on doit retrouver à travers les principes de développement durable en termes d'environnement et en termes de droits, des enjeux sociaux tels que les droits des travailleurs et travailleuses.
Donc, ce n'est pas un système qui serait... qu'on reprend et qu'on met directement dans le système d'approche par capitaux. Par contre, il y a là des éléments desquels on peut s'inspirer pour essayer d'intégrer des préoccupations internationales sur les actions qui sont menées par les entreprises et la société québécoise en lien avec le reste du monde. Bon, ça nous permet, avec le GRI, de rédiger les rapports, de comprendre ces rapports-là et d'intégrer à travers ces rapports-là qu'est-ce qui se passe au point de vue international, quel impact qu'on a sur l'environnement, quel impact qu'on a sur les droits humains, les droits des travailleurs. Donc, c'est dans le but de s'en inspirer, pas nécessairement de le reprendre intégralement. Donc ça, c'est un côté.
D'un autre côté, le système de comptabilité nationale dont vous avez fait mention, qui existe en Norvège, il est développé ici aussi, au Canada. Donc, ce système-là doit être parallèle, comme vous l'avez mentionné, à un système d'approche par capitaux, et il permet de considérer non seulement les enjeux économiques, mais de considérer les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux, de les comptabiliser. Donc, à la fin de l'année, on n'arrive pas seulement avec un chiffre de données économiques, mais qu'est-ce qui s'est passé avec l'environnement, qu'est-ce qui s'est passé avec le social.
Donc, ces données-là, pour arriver à faire un système de comptabilité nationale ? c'est le point 5, dans le fond, qu'on a mis ? elles existent pour les enjeux... pour les capitaux financiers et de produit, elles sont déjà là, étant donné qu'on évalue déjà les données économiques. Pour le système de... Pour les capitaux naturels, il y a un système qui est développé par l'ONU, auquel certains États américains y font déjà référence, et au Canada on y fait référence. Maintenant, il reste le capital humain, qui n'est pas complété, mais déjà on a des indicateurs qui nous permettraient, à l'intérieur d'un système, ce système de comptabilité nationale, de s'y référer.
Donc, dans le fond, c'est un système parallèle qui permet d'avoir des données qui sont claires et qui permet de communiquer aussi avec la population. Donc, c'est ces deux choses. Donc, j'espère que je réponds à votre question.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui, je crois que oui. En tout cas, c'est beaucoup plus clair du côté du système de comptabilité nationale, donc qui est en parallèle avec le système des indicateurs et qui, lui, est beaucoup plus axé sur donner une valeur un peu... revenir à des unités de valeur comparables, là, que ce soit une unité monétaire ou autres.
Par rapport à ça, il y a le système d'indicateurs, donc parallèlement à ça il y a le système d'indicateurs, et je regardais dans votre mémoire ce que vous... Vous souhaitez, bon, un système d'indicateurs par capitaux, une approche par capitaux qui reflète une durabilité forte, versus une autre qui exprimerait une durabilité faible.
Puis je veux juste prendre le temps de lire la petite note. Souvent, c'est comme les contrats, il faut lire les petits caractères. On dit: «Dans le premier cas ? donc durabilité faible ? on retient l'hypothèse que, peu importe comment varient les différents stocks de capitaux, ce qui compte, c'est le maintien du stock global de capital qui est l'indicateur du bien-être.» O.K.? Donc, le stock global, on peut utiliser «capital» ou «le legs», comme on l'a aussi mentionné. Donc ça, c'est la durabilité faible.
Dans le cas de la durabilité forte: «Dans le second cas ? donc ? on considère qu'on ne peut accepter la parfaite substituabilité ? donc de substituer ? entre les différentes formes de capitaux et qu'il existe des capitaux critiques dont le niveau ne devrait pas passer sous un certain seuil si l'on souhaite assurer le maintien du bien-être pour les générations actuelles et futures.» Bon. «Par exemple, le fait d'avoir plus d'argent n'aura que peu d'intérêt si l'on n'a plus d'eau de qualité à boire ou encore si on n'a plus de réseau social et qu'on se trouve totalement isolé.» Donc, vous introduisez... Pour vous, la durabilité, bien, vous adhérez à la durabilité forte. Vous dites: Bon, ça prend une approche... L'approche par capitaux est bonne, mais là pour la compléter il faut qu'il puisse y avoir une certaine hiérarchie ou la reconnaissance de seuils. Est-ce que j'interprète bien? Puis est-ce que vous pouvez nous l'expliquer un peu?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud.
M. Michaud (Jean-François): Oui. Très bien. Donc, vous faites bien de lire les petits écriteaux, parce que, c'est vrai, ça nous éduque beaucoup sur ce genre de chose là. Moi, je vais vous ramener à la dernière page du mémoire, au petit écriteau n° 16, où vous avez une référence, et je vous invite à consulter cette référence-là ? malheureusement, elle est en anglais, mais je suis certain que vous allez trouver le moyen de vous y référer ? qui explique très bien toute cette méthodologie-là.
Lorsqu'on parle de durabilité forte versus la durabilité faible, premièrement, on se base sur les thèmes qui ont été présentés dans les cadres de référence précédents, où on présente l'approche par capitaux de durabilité forte ? et ça, je fais référence au cadre de référence pour l'ébauche de la consultation interministérielle, à la page 14, et c'est repris aussi dans l'ébauche pour les rencontres d'information ou d'échange ? donc on dit: L'approche par capitaux est d'une durabilité forte, alors que l'approche par objectifs est d'une durabilité faible.
Nous, ce n'est pas comme ça qu'on le comprend au niveau méthodologique. On se dit que... L'approche par capitaux de durabilité forte, qu'est-ce que ça veut dire? Bon, vous avez les cinq capitaux, qui ont chacun un poids. Donc, ce qu'on veut faire, c'est évaluer le poids de tous ces indicateurs-là ensemble, de tous ces capitaux-là. Donc, une approche par durabilité faible fait en sorte qu'on ne considère pas le poids de chacun des capitaux, mais on les met les cinq ensemble, et ça nous donne un poids global. Donc, vous pouvez avoir le capital financier qui est extrêmement élevé avec un capital naturel qui est extrêmement bas; le poids total va toujours rester le même. Et c'est là lorsqu'on dit: On peut avoir beaucoup d'argent mais pas d'eau potable à boire. Tandis qu'une durabilité forte va faire en sorte qu'il y a certains capitaux qui sont des seuils critiques. Ça met un plancher. Ces seuils critiques là ne peuvent pas aller en deçà. Donc, le capital naturel ne devra jamais descendre en deçà d'une certaine unité, qu'on prenne l'argent ou qu'on prenne un autre type d'unité, parce que, si on descend en bas de ça, on n'arrive plus à une approche de développement durable, parce que, là, on ne sera plus capables de subvenir à certains des besoins de générations futures.
Dans ce cas-ci, prenons l'eau. Donc, si la qualité de l'eau diminue à un point tel qu'elle n'est plus potable, ça fait en sorte qu'on ne parle plus de développement durable, même si le capital financier est très, très élevé. Donc, la durabilité forte fait en sorte que, sur les seuils critiques, sur les capitaux critiques, on met un niveau plancher, et ce niveau plancher là nous assure d'avoir une approche de durabilité forte.
Donc, j'espère que cet exemple vous a éclairés un peu. Mais le but, c'est de comprendre qu'il y a certains capitaux sur lesquels... qu'on ne peut pas toucher, qu'on ne peut pas tabler. Et, à travers le document que je vous ai mis en référence, la référence 16, vous allez... Ils sont très bien indiqués, vous allez les comprendre, et c'est principalement lié aux enjeux naturels. Donc, ceux-là, on ne peut pas y toucher, parce que ça, ça va du bien-être de notre société et de l'ensemble de la population.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Donc, oui, je pense, ça devient quand même pas mal plus clair, parce qu'on a... C'est un peu bizarre comment d'autres intervenants avant... comme cette hiérarchie-là n'était pas présente. Eux rejetaient l'approche par capitaux à cause de ça, et, vous, vous dites: Bien, dans le fond, l'approche par capitaux qu'on a ici, elle devrait être davantage développée pour pouvoir intégrer cette hiérarchie-là. Alors, je ne sais pas comment on va réussir à concilier tout ça, mais c'est intéressant.
n(14 h 50)n Mais est-ce que je peux conclure quand même de ce que vous dites que, comme le système d'indicateurs qui nous est présenté actuellement ne reconnaît pas de seuil critique, ne reconnaît pas de... le fait que, bon, par exemple, le capital naturel, jusqu'à un certain point, est inaliénable, que l'approche qui est proposée est de durabilité faible, là, dans ce système-là... ou je ne suis juste pas dedans? Ça se peut, puis gênez-vous pas. Il y a peut-être...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud, vous allez sauver la mise?
M. Michaud (Jean-François): Donc... Ce n'est pas les termes que j'utiliserais.
Donc, en fait, ce que... je ne dis pas que c'est d'une durabilité faible, ce qu'on fait, mais, en ce moment, il n'y a rien qui nous indique dans le document qu'on va vers la durabilité forte. Dans le document, on nous dit qu'il existe... qu'il faut avoir des seuils critiques; on ne nous dit pas lesquels. Donc, c'est important. Si on me dit qu'il doit y en avoir, par la suite on doit m'indiquer lesquels pour que je sois en mesure de les évaluer. Donc, c'est pour ça qu'on dit qu'il y a une certaine méthodologie qui pourrait être renforcée, et c'est dans cette direction-là.
Et je me permets aussi de rajouter, parce que, là, on parle beaucoup de la méthodologie, les indicateurs par capitaux, mais je pense que notre message principal, même si peut-être qu'il va... par rapport à ça, il est différent d'autres présentations, ce qui aurait... Pour revenir, ce qui aurait peut-être été intéressant, c'est qu'on nous la présente, cette méthodologie-là, pour qu'on puisse poser des questions aux gens qui ont... aux comités qui l'ont mise en place pour que, nous, on puisse se l'adhérer et qu'on puisse voir un peu. Parce que, là, si on arrive chacun de notre côté avec une certaine réflexion, bien sûr qu'on peut arriver à des conclusions différentes, mais, à partir du moment qu'on participe, on est en mesure d'échanger et de mieux se... de développer un langage commun. Parce que, là, pour l'instant, c'est: chacun de notre côté, nous développons notre propre analyse.
Mais ce qu'il est important de comprendre à travers ce mémoire-là, c'est vraiment ce dont on a parlé tout à l'heure, c'est vraiment au niveau des effets de débordement, qui, à notre avis, est le point central du... est un des points centraux du développement durable sur lesquels, pour nous, on ne peut pas passer à côté. Du moins, si on accepte le fait qu'il s'agit d'un processus et qu'il y aura amélioration dans le futur, nous sommes d'accord, on comprend qu'il s'agit d'un processus, qu'il s'agit d'une démarche. Ça, ça ne sert à rien de vouloir tout prendre la bouchée d'une seule fois. Par contre, les questions qui nous viennent en tête, c'est: Comment... Quelle sera la suite des choses? Et, lorsqu'on aura la suite des choses, est-ce qu'on pourra à nouveau présenter nos critiques, positives ou négatives, nos recommandations? Parce que, là, c'est ça qui nous reste un peu en plan en ce moment, où ce document-là nous mène vers beaucoup de questions, beaucoup de préoccupations, mais quelle est la suite des choses?
Et c'est pour ça qu'on dit qu'on souhaite participer à cette liste d'indicateurs de la stratégie. Même si ça a déjà été adopté, là, maintenant qu'on l'a, on est capables d'évaluer, d'avoir une meilleure idée et de poursuivre nos recommandations, qui, on comprend, ont été prises en compte, parce que, comme Mme la ministre l'a souligné, plusieurs choses ont été faites. Mais c'est un travail sur lequel on... qu'à ce moment-ci on ne considère pas qu'on peut s'arrêter, il faut continuer, parce qu'il y a quand même beaucoup de travail à faire.
Et, moi, j'aimerais vous ramener aussi au point 2, qui est d'adopter des politiques d'approvisionnement responsable, parce que c'est à travers la consommation et la production de biens et services au Québec et ailleurs dans le monde qu'on arrive à créer une société où les droits humains, les droits du travail sont respectés, et les enjeux environnementaux. C'est un enjeu majeur en ce moment au niveau mondial, donc il faut continuer à aller dans cette direction-là. Et, pour adopter des politiques d'approvisionnement responsable, des gens l'ont fait dans le passé, et il y a du travail qui se fait au Québec, entre autres avec l'espace de concertation sur les politiques d'approvisionnement responsable. On tend dans cette direction-là.
Donc, il faut savoir quel message on veut envoyer avec ça. Et je souhaite vivement qu'on aille vers une approche qui est forte et qui nous permette de positionner le gouvernement... le Québec avec une approche de développement durable qui est proactive en ce sens.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bien, merci. Je voudrais... C'est vrai qu'on... il faut voir le système dans une approche évolutive, mais c'est vrai aussi qu'il faut s'assurer, comme, bon, je pense, vous le soulignez bien, qu'on parte sur le bon pied, finalement, que... Bon. C'est même indiqué dans la Loi sur le développement durable que les indicateurs devront être déposés à l'Assemblée nationale par le premier ministre, et donc on veut vraiment... Ce qui est inclus dans cette démarche-là, c'est vraiment d'aller au plus haut niveau, que l'exemple vienne du plus haut niveau dans le gouvernement, et donc, moi, je pense qu'il faut s'assurer que, lorsque ce moment-là va venir, on soit suffisamment confortable pour dire: Oui, c'est... O.K., ça va s'améliorer dans le futur puis ça va évoluer, parce qu'on ne peut pas prévoir ce qui va arriver dans 20 ans, mais on va déjà partir avec un système solide qui va permettre de mobiliser la population, qui va être compréhensible par la population.
Et donc, moi, je me demande: Quand vous demandez, dans votre présentation, qu'il faudrait préciser comment les indicateurs seront utilisés, vous, qu'est-ce que vous souhaitez? Comment vous voyez ça que... Comment devront-ils être utilisés, ces indicateurs? Et ça peut peut-être nous permettre aussi de nous assurer que, si on les révise, on révise ce qu'il y a devant nous pour s'assurer que ça corresponde justement à une utilisation adéquate, disons, des indicateurs.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Michaud, pour trois minutes.
M. Michaud (Jean-François): Trois minutes? Parfait. Donc, en fait, la raison pour laquelle on a émis ce commentaire-là, ça revient un peu à la méthodologie dont on parlait. Donc, là, comment ces indicateurs-là seront utilisés? Est-ce qu'on va les ramener à une unité de mesure commune? Est-ce qu'on va les ramener à évaluer le stock de chacun des capitaux? Donc, c'est par rapport à ça qu'on posait notre commentaire.
Donc là, maintenant qu'on a des indicateurs, qui, selon nous, comme on l'a dit, ont certaines limites, comment est-ce qu'on fait après ça pour rendre ça... Lorsqu'on va se poser la question, dans cinq ans: Est-ce qu'on a avancé, oui ou non?, et on va regarder les indicateurs, comment est-ce qu'on va les faire parler? Est-ce qu'ils vont être rendus sur une forme d'unités communes qui vont nous permettre de mettre un chiffre, qu'il soit monétaire ou autre, sur notre avancée, oui ou non? Et c'est par rapport à cette question-là qu'on posait le questionnement. Donc, qu'est-ce qui va arriver avec ces indicateurs-là? Comment est-ce qu'on va les... Comment on va les agréger? Est-ce qu'on va les agréger dans une valeur, oui ou non? Sinon, qu'est-ce que ça va représenter? Étant donné que c'est des indicateurs qui sont, bien entendu, très différents les uns des autres, comment est-ce qu'on va devoir les comprendre? Si la moitié des indicateurs s'améliore, et l'autre moitié diminue, est-ce qu'on est dans la bonne direction, oui ou non?
C'est tous ces questionnements-là qu'on a, qui ne sont pas tout à fait clairs pour nous, parce que les indicateurs ne vont pas tous se suivre nécessairement dans la même direction. Après ça, il y a une analyse qui est faite, et c'est par rapport à ça qu'on se pose des questions: Qu'est-ce qu'on va devoir en comprendre une fois qu'on va arriver à appliquer ces indicateurs-là et à les faire parler?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption, une minute.
M. McKay: S'il reste du temps, il y a mon collègue de Berthier, je crois, qui...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Un commentaire, M. le député de Berthier?
M. Villeneuve: Merci, Mme la Présidente. Je suis plutôt... Je ne dirais pas que je suis avare d'éloges et de compliments, mais je suis plutôt parcimonieux en ce domaine, et je vous dirais que c'est un des mémoires qui m'a frappé le plus. Vous mettez la dimension humaine à l'avant-plan et vous mettez aussi toute la dimension planétaire. Et ça, on a des fois tendance à l'oublier, et on se replie un peu sur nous-mêmes, et on pense qu'on va faire du développement durable en s'occupant du Québec, alors que ce n'est pas le cas. Il faut absolument développer, je pense, développer cette culture-là à l'international pour faire du développement durable sur la planète entière et non pas seulement se limiter au Québec. Il y a des pays qui se targuent d'avoir des pourcentages d'aires protégées incroyables sur leurs territoires, mais ils importent leur bois chez les voisins, et on a des problèmes, chez les voisins, de coupes à blanc tout à fait inacceptables. Alors, Merci.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Je vous remercie. Je remercie, M. Michaud, M. Rondeau, de votre présence à la commission.
Je suspends pour quelques minutes. Et je demande à l'Union des producteurs agricoles de s'approcher à la table, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 15 heures)
(Reprise à 15 h 2)
La Présidente (Mme L'Écuyer): Bonjour, M. Lacasse, M. Bernier. Ça nous fait plaisir de vous recevoir. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et suivra une période de questions: 25 minutes pour le parti gouvernemental et 25 minutes pour l'opposition officielle. La parole est à vous, M. Lacasse.
Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Lacasse (Christian): Alors, merci beaucoup. D'abord, bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre, messieurs... ? je ne vois pas de madame ? Mmes les commissaires. Alors, merci beaucoup de cette invitation, et aussi vous dire que l'UPA a décidé de participer à cette commission-là par intérêt, parce que, je dirais, pour l'Union des producteurs agricoles, on souscrit totalement aux principes de développement durable. Je pense que les efforts qui ont été consentis depuis les 10, 15 dernières années dans le monde agricole, et particulièrement par nos productrices... producteurs, productrices, témoignent bien de l'engagement qui a été pris à l'égard de l'environnement, de toute cette conscientisation, mais aujourd'hui qui se traduit par des gestes concrets pour adopter des meilleures pratiques environnementales.
On avait aussi, je pense, l'UPA, il y a quelques années, là, fait valoir l'importance, oui, des préoccupations environnementales mais tout en tenant compte des considérations économiques et aussi sociales. Et je pense que, dans ce contexte-là, le concept de développement durable, comme je le mentionnais, là, nous, on y souscrit totalement.
D'ailleurs, je vous dirais que, pour appuyer ce propos-là, si on regarde l'évolution de l'agriculture depuis les 20 dernières années, les recettes agricoles à la ferme ont presque doublé depuis les 20 dernières années, et il serait quand même intéressant... Et il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'avec les efforts qui ont été consentis par les producteurs et les productrices sur des questions d'environnement... moi, je suis convaincu qu'on a un bilan... malgré avoir doublé les recettes agricoles au Québec, on a un bilan qui est plus positif aujourd'hui qu'il ne l'était il y a une vingtaine d'années. Alors, c'est pour dire que, si on se donne des objectifs de développement durable puis on se donne ensuite les moyens, c'est possible de faire des progrès importants.
Écoutez, je ne passerai pas... je ne ferai pas la lecture, je pense que vous en avez une copie. Je vais faire... Je vais passer outre, là, la présentation de l'UPA, je pense que vous connaissez assez bien notre organisation, et j'irais directement à nos commentaires.
En fait, nos commentaires sont de deux ordres, le premier étant de faire quelques remarques sur trois indicateurs qui sont déjà suggérés sur la liste, bien sûr sur lesquels on a de l'intérêt et on pense avoir des commentaires intéressants, et aussi, ensuite, vous faire part de deux autres indicateurs qu'on souhaiterait voir ajoutés à la liste.
Alors, j'y vais d'abord avec un premier commentaire sur... concernant la superficie du territoire zoné agricole au Québec, en vous disant que, bien sûr, sur l'objectif d'avoir un tel indicateur, c'est... on y souscrit totalement. On sait très bien que le territoire agricole est très limité au Québec, à peine 2 % de la superficie du Québec est cultivable, et, de ce fait-là, en termes, là, de conditions essentielles au développement durable du Québec, c'est absolument essentiel qu'on ait un suivi de cette donnée-là, et aussi en regard de la souveraineté ou de l'autosuffisance alimentaire. Je vais y revenir plus tard, parce qu'on va faire un point assez particulier là-dessus, mais il reste quand même que, face à ce critère-là, cet indicateur-là rejoint ces deux notions-là, à la fois développement durable de l'agriculture mais aussi en termes d'autosuffisance alimentaire.
Par contre, ce qu'on... la remarque qu'on veut vous faire, et c'est très important: Si on fait un suivi uniquement des superficies zonées agricoles, on va remarquer qu'il n'y a pas beaucoup de changement au fil des années, la raison étant que, si on fait la somme des superficies qui sont incluses dans la zone agricole et les superficies qui sont exclues, il n'y a pas beaucoup de variantes. Par contre, il faut absolument considérer les superficies qui font l'objet d'une utilisation autre qu'agricole. Alors, autrement dit, il y a des usages qui se développent en zones agricoles, et qui ne sont pas dézonées. Elles font juste changer d'utilisation, changer d'usage. Le territoire est encore zoné agricole, mais on ne fait plus de l'agriculture parce qu'on a consenti ces superficies-là à l'urbanisation, en commerces, en résidences ou carrément, là, des industries. Alors, c'est essentiel de considérer cet élément-là.
Et, à titre d'exemple... Parce que ces données-là sont comptabilisées présentement, et depuis nombre d'années, par la Commission de protection du territoire agricole, et on vous donne l'exemple, là, dans le document, que, depuis 1994, c'est 44 286 hectares qui sont encore zonés agricoles mais qui sont maintenant utilisés à d'autres fins que l'agriculture. Alors, ça va être essentiel qu'on prenne en compte cette donnée-là. Ça représente une moyenne de 3 200 hectares. Alors, les superficies zonées agricoles n'ont pratiquement pas changé, mais on a quand même 44 000 hectares qui ne peuvent plus être utilisés pour l'agriculture. Ils ne sont plus cultivables, on a construit des bâtiments ou des routes sur ces superficies-là.
Concernant les écosystèmes, l'état des écosystèmes forestiers, le commentaire qu'on vous fait, bon, d'abord, sur... bien sûr que c'est essentiel aussi, là, qu'on le fasse. Ça nous semble être des indicateurs... une notion d'indicateur importante. Maintenant, de se baser seulement sur le volume marchand et sur la superficie productive totale, ce n'est pas suffisant. Ça va donner un portrait très partiel.
n(15 h 10)n Alors, nous, ce qu'on vous suggère, c'est d'ajouter deux indicateurs qui, selon nous, seraient beaucoup plus parlants, alors le premier étant le prélèvement des ressources forestières versus la capacité de renouvellement de l'écosystème. Alors, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il faut voir, là, si, en fonction de notre capacité, là, forestière présentement, qui comporte... Si on fait une évaluation pour les 10, 15 prochaines années, alors elle a une capacité de renouvellement, de régénération, et ce qu'il faut s'assurer, c'est que, dans la mesure du possible, le prélèvement qui serait pris à chaque année, et pour une période équivalente, ne soit pas supérieur à cette capacité de renouvellement. Sinon, bien, ça se traduit par, je dirais, une surexploitation, et qui aurait sans doute, là, un effet négatif, là, sur notre capacité forestière et sur un équilibre qui est nécessaire pour l'écosystème forestier.
L'autre point qui nous semble aussi important, ce serait de considérer... et là on rentre plus dans une valeur, là, plus de notion économique, en vous disant que, si on... il faudrait tenir compte des revenus ou des... ou en fait de la valeur des droits de coupe qui sont tirés de la vente des ressources forestières au Québec par rapport à leur réelle valeur économique. Parce que vous comprenez que, si ces deux valeurs-là ne sont pas équivalentes et que... Et même, nous, ce qu'on prétend, c'est que, la première étant inférieure, c'est-à-dire que les droits de coupe étant inférieurs à la réelle valeur économique du forestier, ça se traduit par une surexploitation ? seulement qu'une minute? Eh, tabarouette! Ça va vite! Alors, vous comprenez que c'est deux notions qui sont essentielles si on veut s'assurer d'un développement durable, là, de nos forêts.
Commentaire très rapide sur les tendances de température: Nous, on ne croit pas que c'est un indice qui est révélateur. Dans le fond, nous, on croit que les indicateurs doivent nous permettre de mesurer les progrès réalisés en fonction des politiques qu'on se donne ici, au Québec. On sait très bien que les changements climatiques, là, c'est des tendances qui sont... qui débordent de beaucoup nos frontières, alors, même si on faisait des changements énormes ici, au Québec, ce n'est pas ça qui va avoir un effet, là, nécessairement sur l'évolution de la température. Alors, on pense plutôt... on vous fait une suggestion: d'évaluer le nombre de tonnes d'équivalent CO2 par personne nous semblerait une donnée plus parlante.
La Présidente (Mme L'Écuyer): On vous remercie, M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): En tout cas, j'espère que vous allez revenir avec des questions sur l'autosuffisance alimentaire, parce que j'aimerais bien vous en parler.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Vous en avez pour les 50 prochaines minutes. Mme la ministre, pour 25 minutes.
Mme Beauchamp: Sans nul doute qu'on aura l'occasion de vous entendre. Peut-être de brefs... Bien, premièrement, bienvenue, bienvenue. Ça fait toujours plaisir de vous entendre et de vous rencontrer, et avec un mémoire qui est une fois de plus effectivement très pertinent.
Je voulais juste commencer avec de brefs commentaires, entre autres sur un des derniers éléments que vous avez abordés, qui est toute la question de l'indicateur qui parle des tendances de température par rapport à l'indicateur d'émissions de GES. Juste vous confirmer que d'autres à part vous sont venus avec le même questionnement, en disant: Est-ce que vraiment le niveau de température est le bon indicateur quand, à lui seul, le Québec est... ne sera peut-être pas capable d'influencer ce niveau de température?
En même temps, deux questionnements. Premièrement, peut-être vous confirmer que la question des émissions de GES apparaît dans la liste de 84 indicateurs associés à comment évaluer la stratégie de développement durable. Donc, je veux juste vous dire qu'il est là, ce n'est pas comme si on l'avait évacué, là, c'est un indicateur qui est là.
Mais juste vous dire un questionnement que j'ai, c'est qu'un peu avant vous on a reçu des gens qui insistaient sur la dimension des effets qu'on appelle de débordement, donc que le Québec soit capable de mesurer les effets de ses actions sur d'autres États, et je me dis en même temps: Pourquoi est-ce qu'on refuserait d'avoir un indicateur qui peut-être nous donne, par contre, le résultat aussi des effets des comportements de d'autres États sur nous, Québécois? Je suis en train de dire que, dans une perspective à plus long terme, être capable quand même de se dire quel est le niveau de température peut avoir un effet de mobilisation, notamment pour qu'on mène des actions à l'international, parce qu'on saurait... on sait qu'on est directement concernés, malgré, par exemple, le fait qu'on aurait chiffré nos efforts.
Ça fait que, moi, j'hésite à dire: Parce que c'est un indicateur où le Québec seul ne peut pas l'influencer... Je ne suis pas sûre que c'est un argument suffisant, là, à la fin, pour dire qu'il n'est pas utile à la société québécoise, parce que, le développement durable, on ne joue pas seuls. Donc, nous, on peut mesurer nos actions sur les autres, mais il faut aussi être capables donc de connaître l'effet des actions des autres sur nous. En tout cas, moi, je suis encore en questionnement par rapport à ça. Je voulais juste échanger brièvement avec vous là-dessus.
Mais je vais y aller avec une première question, puis je vous jure que je vais garder du temps pour l'autonomie... l'autosuffisance alimentaire, mais je veux juste commencer avec une première question un peu plus large et qui fait le lien avec des représentations que nous avons eues au cours de cette consultation. Il y a un certain nombre de personnes qui sont venues nous dire ? puis, moi, j'ai écouté attentivement cela ? que, pour bon nombre d'indicateurs, il manquait peut-être trop souvent des aspects qualitatifs. On nous disait, par exemple: Il y a des indicateurs par rapport au capital humain où on qualifie le type de développement qu'on veut. Par exemple, c'est l'espérance de vie mais en bonne santé, vous comprenez, donc un aspect où on ajoute, là, puis qui donne effectivement un aspect qualitatif à l'indicateur. Et certains sont venus commenter l'indicateur au niveau du capital naturel lorsqu'on a inscrit l'indicateur qui parle de la superficie, là, de territoires zonés agricoles. J'ai bien compris vos argumentaires pour avoir cette notion-là, mais avant tout je veux revenir avec un débat plus fondamental, où certains, eux, sont venus nous dire: Bien, ça non plus, ce n'est pas le bon indicateur, il manque des éléments qualitatifs.
Puis là vous me voyez venir. Peut-être avez-vous été trop modestes et trop brefs pour décrire la vision de l'UPA par rapport au développement durable puis même les efforts faits. Moi, j'en connais quelques-uns, notamment au niveau de la gestion de cours d'eau, etc. Mais ce que je veux vous amener, là, puis je pense qu'il faut qu'on ait le débat avec vous, c'est que certains sont venus nous dire: Dans une vision de développement durable, il faut parler d'indicateurs liés à l'activité, par exemple liés à l'agriculture qu'on dit biologique. Certains sont venus vraiment commenter sur le type d'agriculture même mené sur des terrains agricoles. Et je sais que ce n'est pas un débat nouveau pour vous, là, j'en suis consciente, mais je pense que vous devez... on doit profiter de votre présence pour que vous nous apportiez un éclairage sur ces notions, sur le type d'agriculture, intensive par rapport à d'autres types d'agriculture, et comment vous voyez la situation. Par rapport au type d'agriculture mené par la majorité de vos membres, est-ce que vous nous confirmez que, nous, on doit être vraiment à l'aise de considérer que ça fait partie d'indicateurs de développement durable?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bon, ce n'est pas... Je comprends que c'est une autre dimension, là, de notion d'indicateur, là, d'introduire plus la notion de qualitatif. Dans le domaine de l'alimentation, on y touche un petit peu, hein? Dans le point qu'on fait sur l'autosuffisance alimentaire, on donne aussi... on apporte la notion que, bon, il y a le fait que les gens sont... D'abord, il y a des gens qui sont mal nourris, soit qu'ils manquent d'alimentation, ils manquent de nourriture, ils n'ont pas de la nourriture pour se nourrir trois fois par jour, mais en plus c'est que cette nourriture-là n'est pas toujours saine. Alors, c'est un élément qualitatif qui, selon nous, mériterait, là, d'être évalué.
Maintenant, en ce qui concerne la production biologique versus l'ensemble, là, de la production agricole au Québec, moi, je vous dirais que, si on mettait un indicateur du niveau d'agriculture biologique par rapport à l'agriculture conventionnelle, là, il y a la notion de marché qui est essentielle, parce que vous comprenez que ce qu'on produit, c'est en fonction des besoins de consommation, c'est en fonction des marchés. Alors, si on se donne juste un indice de... puis qu'à cela il y a des gens qui souhaiteraient donner des objectifs en termes, là, de progression d'agriculture biologique, moi, je n'ai rien contre, qu'on progresse dans l'agriculture biologique, dans la mesure où les consommateurs recherchent ces produits-là et sont prêts à en payer le prix aussi, là.
n(15 h 20)n Alors, vous comprenez que c'est des notions qui... auxquelles, moi, j'aurais une certaine prudence, parce que les signaux de marché que les agriculteurs ont reçus dans le passé pour aller vers l'agriculture biologique, ils ont été, je dirais, à un niveau qui leur permet, là, de... nous a permis, au Québec, là, de s'orienter dans ça mais en ne répondant qu'au marché potentiel que ça comporte, parce que, si on se donne des objectifs au-delà de ce marché-là, ça ne sera pas avantageux pour personne, là.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Je voulais peut-être aussi, M. Lacasse, un peu plus vous entendre... je pense que ça mérite qu'on prenne le temps, qu'on vous entende un peu plus encore sur la vision et les gestes posés par vos membres en termes de développement durable. Et notamment je pense que, lorsqu'on entend les souhaits liés à... qualifiés vers l'agriculture biologique, et tout ça, c'est avec une vision où, notamment sous la dimension de protection de l'environnement, certains se questionnent encore sur, je dirais, l'engagement de vos membres.
Moi, j'en ai rencontré sur le terrain, là, je vous ai rencontré. Pour le bénéfice de tous, je veux juste qu'on prenne le temps de dire: Le monde agricole, est-ce qu'il est embarqué ou pas derrière le développement durable? Pouvez-vous nous en parler, qu'on se donne des exemples puis qu'on essaie de se donner ici au moins, autour de la table ici, une certaine vision commune sur qu'est-ce qui se passe exactement dans cette dimension-là? Ça va nous permettre d'encore mieux apprécier votre réponse par rapport à la question de: Est-ce qu'il faut aller encore plus précisément en qualifiant le type d'agriculture qui se fait au Québec?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, moi, je trouve ça incroyable, le changement qui a été réalisé par les agriculteurs. D'abord, je dirais, ça fait une vingtaine d'années, là, que les producteurs se sont conscientisés par, je dirais, une recherche, là, une évolution des connaissances qui a amené toute une conscientisation des producteurs, et aujourd'hui, les producteurs, ils posent des gestes concrets. Puis on dévoilait, là, l'hiver dernier, je pense que c'était au mois de février, là, les plus récents résultats de l'évolution des pratiques au Québec par rapport à l'environnement, et pour réaliser qu'en termes, là, je dirais, d'entreposage des fumiers, en termes, là, de gestion des fertilisants pour être en équilibre avec le besoin des plantes versus les engrais produits à la ferme, on a franchi des pas, là, très importants, de sorte qu'aujourd'hui, bon, par rapport à l'objectif d'atteindre l'équilibre au niveau du phosphore pour nos sols, bien, l'objectif qui était de 2010, bien, on est en bonne voie de l'atteindre, et je pense que ça, ça vient traduire tout l'effort qui a été consenti par les producteurs.
La gestion des cours d'eau, il y a énormément de comités de bassin aujourd'hui qui existent. Les producteurs sont engagés dans ces comités de bassin là, et on a plusieurs projets, là, en cours dans une trentaine de bassins, où déjà il y a une belle mobilisation des producteurs qui s'est réalisée. Parce qu'il faut comprendre que, si, pour une rivière ou un ruisseau, il y a un producteur qui s'engage à faire de l'aménagement sur son cours d'eau, mais que tous les voisins ne font pas aussi des efforts, il faut comprendre que ça n'aura pas un gros impact sur l'état du cours d'eau, là. Alors, c'est la réalisation, je dirais, c'est la mobilisation qu'on a voulu faire. Pour un seul... un bassin en particulier, on engage 200, 300 producteurs, et il y a tout un mouvement, là, qui se crée.
Alors, des exemples comme ça, j'en aurais. Au niveau de l'utilisation des pesticides, il y a encore du travail à faire, mais ce qu'on remarque quand même: les producteurs, je dirais, ce n'est peut-être pas les meilleures saisons, là, qu'on vit, qu'on traverse. Avec des saisons très pluvieuses comme on a connues en juillet, c'est difficile pour les producteurs, là, de contrôler les ennemis, là, les ravageurs quand les saisons sont très pluvieuses, mais, malgré ça, les producteurs font des très, très gros efforts.
Maintenant, moi, je reviens sur la notion. Alors, cet engagement-là, les producteurs l'ont pris mais dans une... vraiment dans une notion de développement durable et non pas, je dirais, par rapport à une agriculture, je dirais, dite écologique ou biologique. Il faut comprendre qu'il y a différents niveaux dans ça. Il y a des producteurs biologiques qui, eux, je dirais, dans un effort supplémentaire, atteignent un niveau de production, là, sans engrais minéraux, sans pesticide, sans antibiotique. Alors, c'est un effort supplémentaire, mais il faut comprendre que ce n'est pas l'ensemble des producteurs, et ce n'est pas non plus l'ensemble des consommateurs qui recherchent ces produits-là. Mais il n'en demeure pas moins que, même si on n'atteint pas le niveau de l'agriculture biologique, l'agriculture dans son ensemble, au Québec, évolue de façon très, très positive par rapport aux notions d'environnement et de développement durable.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Bien, je vous remercie pour les exemples que vous nous avez donnés, puis je pense que ça va éclairer nos débats par rapport donc à d'autres recommandations qu'on a reçues par le passé.
Là, vous allez être contents, là, la voilà, la grande belle question ouverte: Parlez-nous donc un peu de l'autosuffisance alimentaire.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, écoutez, c'est...
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Ce qu'on amène ici, là, c'est vraiment un élément de vision, hein? Nous, on est absolument convaincus qu'il faut... Pour nos générations futures, il faut être en mesure d'assurer une capacité de se nourrir à partir de l'agriculture puis de nos sols québécois. Puis je vais motiver ça par le fait que, je dirais, quand on regarde l'évolution du commerce, tu sais, des échanges commerciaux à travers le monde, il y a deux choses qu'on réalise. Oui, on augmente la quantité d'échanges, tu sais, il y a de plus en plus de produits qui sont transigés à travers le monde, des produits alimentaires, j'entends bien, hein? Moi, je m'en tiens aux produits alimentaires. Et il y a deux conséquences à ça, puis elles sont très démontrables. La première, c'est qu'on est rendus, aujourd'hui: entre le lieu de production d'un produit alimentaire et le lieu de consommation, c'est tout près de 3 000 kilomètres. C'est énorme. Et, si on s'amusait à calculer ce que ça représente en coûts de transport puis en impacts sur l'environnement par rapport aux GES, etc., on réaliserait qu'on est très loin du développement durable, là, hein? Alors ça, c'est le premier élément.
L'autre élément, en plus, c'est qu'il y en a qui soutiennent que ça, ça favorise un accès à des produits à bon marché, de sorte que l'ensemble de la population peut se procurer des aliments, parce que c'est un besoin fondamental de se nourrir... donne un accès, là, universel à la nourriture. Bien, il y a des statistiques qui démontrent que c'est complètement l'inverse. On est rendus à près de 1 milliard de gens sur la terre ? 1 milliard, c'est du monde, ça ? qui souffrent de la faim.
Alors, tout est là. C'est que, si on ne se donne pas un indicateur, là, d'autosuffisance alimentaire... Puis, moi, là, je ne suis pas en train de vous dire qu'il faut se nourrir à 100 %. On est réalistes, il y a des produits qu'on ne peut pas faire ici. Mais il me semble que ça serait très pertinent que... Je ne sais pas. Si aujourd'hui on est à 65 % d'autosuffisance alimentaire ? puis je ne l'ai pas, le chiffre précis ? mais qu'on ne réussit pas à maintenir, puis que... ne serait-ce que maintenir, puis tant mieux si on pourrait l'augmenter, mais, si on ne réussissait même pas à maintenir ce niveau-là, on est un peuple qui va être plus vulnérable, qui va être plus dépendant. Et aujourd'hui, quand on regarde, là, tout ce qui se passe, là, relié aux épizooties, tu sais, des genres de crises de maladie qui se produisent dans le monde, il faut être conscient que, quand tu es dépendant de la planète pour te nourrir, puis qu'il arrive ce genre de crise là, puis que tu n'as aucun contrôle, là, tu es dépendant de... pour te nourrir, tu es dépendant de l'extérieur, bien, tu sais, il y a des...
D'ailleurs, il y a des pays qui l'ont vécu, là. Tu sais, dans les deux, trois dernières années, il y a des pays qui ont vécu une crise alimentaire, là, et je peux vous dire que ces pays-là, aujourd'hui, réalisent toute l'importance de maintenir une bonne capacité de se nourrir.
Alors, c'est une longue explication, mais pour vous dire à quel point, pour nous, pour moi, c'est fondamental, et pour la société québécoise, pour son avenir, pour... Je pense qu'on a à assurer aussi pour nos jeunes, nos générations futures, là, une bonne capacité de se nourrir à partir d'ici, alors... Puis c'est une statistique, là, qui serait, selon nous, assez facile à obtenir.
n(15 h 30)n L'indicateur qu'on propose, là, ça serait en comparant la valeur totale des aliments achetés au Québec, au fond la consommation d'aliments qui se fait au Québec, versus celle qui est produite par le Québec et vendue au Québec. Alors, ça donnerait le niveau d'autosuffisance alimentaire.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: J'ai encore du temps, madame?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui, vous avez encore du temps.
Mme Beauchamp: Mais on se comprend bien, et, juste sur cet élément-là, je me posais la question: Au moment où on se parle, l'indicateur n'est pas disponible nécessairement. Vous dites: Il est... Il peut être, selon vous, simple à produire, à rendre disponible, mais... Et, je ne le sais pas, là, est-ce que je me trompe ou pas en disant: Au moment où on se parle, l'indicateur que vous proposez n'existe pas, n'est pas produit par l'Institut de la statistique du Québec?
M. Lacasse (Christian): Bien, d'après moi, il existe. Il existe, parce que, moi, j'ai déjà vu des statistiques, là, sur le niveau d'autosuffisance alimentaire du Québec.
Mme Beauchamp: Donc, c'est...
M. Lacasse (Christian): Ça, j'en ai... C'était quoi, la source? Ça, je ne suis pas capable de vous le dire, mais j'ai déjà vu des tableaux auxquels on avait cette statistique-là et qui même nous montraient une évolution, là, depuis les dernières années.
Mme Beauchamp: Donc, un peu... D'ailleurs, ça m'amène aussi à dire, un peu comme pour votre demande ou votre... votre demande qu'on précise la question du territoire agricole...
M. Lacasse (Christian): Oui?
Mme Beauchamp: ...en disant: Ce n'est pas celui seulement zoné, mais celui bel et bien cultivé. Je veux juste prendre le temps de vous dire... Je ne vous poserai pas beaucoup de questions là-dessus, votre mémoire était très clair, et je vais demander ici aux équipes du ministère, avec l'équipe du MAPAQ et sûrement la Commission de protection du territoire agricole, d'examiner cette question-là...
M. Lacasse (Christian): C'est essentiel, oui.
Mme Beauchamp: ...je veux juste prendre le temps de vous le dire.
Je voulais peut-être aussi vous entendre un peu plus... Quand vous commentez l'état des écosystèmes forestiers, là aussi vous nous proposez des indicateurs. Je voulais juste voir avec vous... Premièrement, le premier, vous dites: Le prélèvement des ressources naturelles versus la capacité de renouvellement de l'écosystème. Mais tantôt, verbalement, dans votre présentation, vous avez dit plutôt: Le prélèvement des ressources forestières.
M. Lacasse (Christian): Oui.
Mme Beauchamp: Je voulais juste savoir, ici, est-ce que vraiment il y avait une volonté d'élargir la notion ou si on est toujours dans la notion des écosystèmes forestiers?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): J'avais dit à Daniel: Je suis sûr que je vais me faire poser la question.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Bien, en réalité, j'ai dit «forestiers» parce que je suis plus à l'aise avec «forestiers». Moi, écoutez, ça pourrait être vu «ressources naturelles», mais c'est une notion qui est plus large. Puis, moi, je vous dirais, dans un premier temps: Étant donné qu'on parle d'état des écosystèmes forestiers, moi, je préférerais que vous lisiez, là, «ressources forestières». Pour moi, là... ça n'empêche pas peut-être d'élargir jusqu'à «ressources naturelles», mais, moi, il me semble, là, que, dans un premier temps, ce serait plus réaliste. Vous pouvez barrer «naturelles» puis mettre «forestiers», je ne vous en tiendrais pas rigueur du tout.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme L'Écuyer): Mme la ministre.
Mme Beauchamp: Puis, M. Lacasse, là, ça vient juste vraiment, là... Là, vous avez la démonstration vraiment évidente que je vous écoute.
M. Lacasse (Christian): Oui, oui. Ah oui! Tout à fait. Non seulement vous écoutez, vous lisez aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Beauchamp: Je veux juste, bien, aussi, par rapport aux notions que vous amenez là, vous savez... Bon, vous savez qu'en ce moment même ma collègue la ministre des Ressources naturelles est dans cette consultation sur le nouveau modèle forestier au Québec, et tout.
Ma question n'était quand même pas innocente, parce que je me disais: La notion de ressources naturelles, c'est quand même justement assez différent et, chose certaine, plus englobant. Et certains vont aller dire, exemple, que la question de l'eau devrait être prise en compte dans cette notion-là. Donc, c'est pour ça que je me dis: Je ne veux pas juste le traiter sous l'angle de l'anecdote, là, je voulais voir avec vous quelle était vraiment l'approche que vous proposez.
Mais surtout, là encore, je voulais juste vous entendre: Est-ce que vous avez pu vérifier ou pas si ces indicateurs existaient? Parce que, moi, je... il y a... et c'est compréhensible et c'est heureux, il y a toujours... il y a très souvent deux niveaux dans les mémoires que l'on reçoit. Il y a des propositions autour d'indicateurs existants et où on nous demande d'aller choisir un indicateur plus raffiné, comme je vous disais, avec un élément qualitatif et des indicateurs existants, et il y a un autre niveau de demandes qui est plus de dire: Dans la poursuite de la démarche où le Québec doit se donner des indicateurs, dans la poursuite de la démarche, il y a l'expression de souhaits, je vais dire ça ainsi, on dit: On devrait lire la réalité du développement durable en se dotant de tels types d'indicateurs. Et, moi, malheureusement, je ne connais pas tout, tout le type de statistiques qui est sur la table, ça fait que je voulais vous entendre un peu plus sur les deux propositions que vous nous faites. Est-ce qu'à votre connaissance ce sont des indicateurs actuellement produits puis, je dirais, qui ont un degré d'adhésion ou si vous mettez ça sur un peu une liste d'un plan de travail qu'on doit se donner pour le développement d'indicateurs?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Votre question est bonne. Sur le premier, prélèvement des ressources forestières versus la capacité de renouvellement de l'écosystème forestier, ces données-là, elles sont disponibles présentement au ministère des Ressources naturelles, elles sont déjà disponibles puis elles sont comptabilisées. Ça se traduit en fait par un pourcentage, là, quand on fait le ratio des deux.
Sur le deuxième, sûrement que vous connaissez, au gouvernement, les revenus tirés, là, de la vente des... en forêt versus leur valeur économique, et là, sur la valeur économique, bien sûr qu'il faut la déterminer. Alors, ça demande... Il faudrait convenir évidemment avec des agroéconomistes de voir comment on définit cette valeur économique là de la ressource forestière. Alors là, on comprend que c'est un calcul qui doit se faire, ce n'est pas... ce n'est pas une statistique, là. Bien sûr que, pour faire le calcul, on peut se baser sur des statistiques de... mais c'est un calcul qu'on doit faire de ce que représente... doit représenter la valeur, là, de la forêt, puis, je dirais, en fonction des différentes espèces de forêt, là, et de la valeur qu'elles représentent.
Mme Beauchamp: Juste curieuse d'avoir votre éclairage...
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...1 min 30 s.
Mme Beauchamp: O.K. Il arriverait quoi si j'applique ça au secteur agricole?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
Mme Beauchamp: Si je lis votre phrase en disant: Les revenus de l'État tirés de la vente des... on va dire des ressources agricoles, mais versus leur valeur économique, est-ce que ça s'applique aussi à la ressource agricole?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, en fait... Non, je ne pense pas que ça s'applique. Non, parce qu'il n'y a pas de droit d'exploitation de l'agriculture ou agricole. Il y a des droits de coupe, en ce qui concerne les ressources forestières, au niveau de la forêt publique, ce qui n'existe pas... On ne peut pas faire le parallèle avec l'agriculture, là. Vous comprenez?
La Présidente (Mme L'Écuyer): Une...
Mme Beauchamp: Mais il y a des revenus de l'État tirés de l'agriculture.
La Présidente (Mme L'Écuyer): ...
M. Lacasse (Christian): Non, parce qu'il n'y a pas de...
Mme Beauchamp: Mais je parle en termes de taxes, par exemple, taxe de vente.
M. Lacasse (Christian): Moi, je dis: Il n'y a pas de droits d'exploitation de l'agriculture, là, qui sont retirés par l'agriculture... qui sont retirés par le gouvernement, là.
Mme Beauchamp: Mais je pensais par exemple à la taxe de vente sur des produits agricoles.
M. Lacasse (Christian): O.K., au niveau des impôts et des taxes, là. Mais, nous...
Mme Beauchamp: Ce n'était pas ça.
M. Lacasse (Christian): ...ce n'est pas vraiment cette notion-là qu'on mettait là, là.
Mme Beauchamp: Excusez-moi.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Ça va?
Mme Beauchamp: Vous voulez vraiment que j'arrête, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Beauchamp: O.K. Je vais écouter, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Oui. Merci, Mme la ministre.
M. Lacasse (Christian): O.K.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption, la parole est à vous.
M. McKay: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacasse et M. Bernier. Très heureux que vous ayez pris de votre temps précieux pour venir nous rencontrer puis présenter ce mémoire qui rejoint beaucoup de nos préoccupations comme groupe parlementaire, mais aussi, je peux vous l'assurer, beaucoup d'autres intervenants qui sont venus aussi avant vous. C'est vous qui avez la chance mais aussi l'odieux, d'une certaine façon, de conclure nos travaux. Donc, il y a déjà beaucoup de choses qui ont été dites avant vous, c'est pour ça que je dis un peu «l'odieux». Par contre, je peux vous assurer que ce que vous apportez amène encore des nouveaux éclairages puis contribue vraiment à faire avancer notre réflexion et nos travaux.
Peut-être commencer par mentionner qu'effectivement, depuis... vous avez mentionné une vingtaine d'années, je pense, c'est pas mal le bon horizon, l'horizon dont on parle en général, l'engagement des agriculteurs, du monde agricole envers l'environnement a évolué de façon très importante.
n(15 h 40)n Vous savez, moi, comme député de la circonscription de L'Assomption, je suis justement au coeur... j'ai la chance d'abord de représenter une circonscription qui est à la fois urbaine, là, du côté de Repentigny, mais aussi agricole, du côté de L'Assomption et de Saint-Sulpice, et c'est une grande richesse qu'on a justement à pouvoir compter un grand nombre d'agriculteurs dans notre coin, mais aussi c'est la circonscription où il y a la... bien, c'est une des circonscriptions où coule la rivière L'Assomption, et ça a été l'objet de beaucoup de controverse mais aussi de beaucoup d'innovation.
Et, parmi les citoyens de ma circonscription, bien, je compte l'ancien président d'un mouvement qui s'appelait... qui s'est appelé À court d'eau, puisqu'il n'existe plus, M. Dubé, Arthur Dubé, qui a travaillé de près avec l'UPA notamment de Lanaudière. Puis il aime raconter des anecdotes justement où, au début de ce mouvement-là, peut-être voilà 20 ans, il dit qu'il ne se serait pas promené... ou ça lui aurait pris un tank pour se promener dans les rangs, et encore là il aurait eu encore un peu peur. C'était quand même à ce point, c'était un...
Disons, le choc qui est survenu à ce moment-là, par rapport au monde agricole et à la situation de la pollution de l'eau puis de la gestion des fumiers, et tout ça, a été assez dur, je dirais. Mais on est passés... Il aime aussi, M. Dubé, rappeler que nous sommes passés de cette situation-là à une situation maintenant où l'UPA de Lanaudière est ? puis je vois que vous semblez d'accord ? parmi les syndicats régionaux les plus avant-gardistes, là, ou les plus impliqués par rapport à l'environnement. Et je profite de l'occasion pour souligner l'apport de gens comme Annette Coutu, qui est extrêmement engagée.
Puis, je dirais même, depuis mon élection, j'ai développé... j'essaie de développer au moins un projet avec le secteur agricole, qui est un projet de compostage à la ferme, donc, où on va essayer de développer, parmi les solutions ou l'éventail de solutions pour une meilleure gestion des matières résiduelles, essayer de coupler le fait qu'on a beaucoup de matières organiques qui se retrouvent dans les sites d'enfouissement actuellement et qui proviennent de notre secteur urbanisé et d'en utiliser au moins une partie pour servir à améliorer la qualité des terres agricoles, là, en termes de leur contenu... son contenu organique, d'une part, mais aussi apporter un revenu supplémentaire aux agriculteurs. Parce qu'actuellement toutes ces matières qu'on transporte puis qu'on enfouit dans un site d'enfouissement, bien, on paie un certain montant de la tonne pour le faire. Et, si on demande ou on offre aux agriculteurs de pouvoir l'utiliser, bien, je pense qu'il faut aussi leur offrir le même... un montant équivalent pour pouvoir traiter cette matière-là et l'utiliser.
Donc, tout ça pour vous dire que maintenant on est dans une dynamique non plus de confrontation, mais une dynamique où les agriculteurs ne sont... De la façon qu'on tente de le voir, c'est qu'ils ne sont pas partie du problème mais partie de la solution, et il faut s'en réjouir. Le fait que vous avez mentionné une statistique, que je n'avais pas réalisée, là, que, dans le fond, dans ces 20 années là, on a réussi à doubler le montant des recettes agricoles tout en améliorant justement grandement le bilan environnemental, donc, c'est la preuve que le développement durable, ça fonctionne, ce n'est pas juste... puis ce n'est pas juste d'ajouter de l'argent puis de pelleter de l'argent sur un problème, c'est de changer les pratiques de façon à ce qu'on puisse faire mieux, et, dans certains cas même, faire mieux avec, dans certains cas, moins de ressources.
Puis, tout en disant ça, je ne voudrais pas non plus faire un portrait trop rose, là. Vous l'avez reconnu vous-même qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. On a vu récemment, et la commission ici, on va être saisis... on s'est dotés d'un mandat d'initiative sur la situation des lacs en regard des cyanobactéries. Et, si on regarde le film ? peut-être que vous l'avez vu ? le documentaire Nos lacs sous la surface, où il y a un de vos prédécesseurs, d'ailleurs, M. Proulx, qui parle, et bon, bien, il y a certains agriculteurs aussi qui parlent là-dedans, qui disent: Bon, bien, on a fait des efforts, on respecte les normes. Mais, si on respecte les normes et il y a encore des problèmes au bout du compte, bien, peut-être qu'il va falloir faire un pas de plus. Donc ça, je pense que...
Donc, pour en revenir au lien avec nos indicateurs de développement durable, bien, si je vous ai bien compris, je pense qu'on devrait avoir un système d'indicateurs qui nous permet justement de pouvoir mesurer est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction ou on s'en va dans la mauvaise direction. Puis, quand vous parlez de superficie zonée agricole, bien là, justement, on rentre de plain-pied dans un sujet qui est fort d'actualité, puisque le gouvernement actuel a annoncé son intention de modifier le système. Il y a eu le rapport...
M. Lacasse (Christian): Le rapport Ouimet.
M. McKay: Oui. Ouimet. Je les mélange un peu, mais il y a deux, trois rapports qui vous concernent.
M. Lacasse (Christian): Oui. Nous autres, on ne les mélange plus, là.
M. McKay: Non, c'est ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. McKay: Puis ça m'a frappé, j'aimerais ça que vous m'expliquiez comment c'est possible qu'on ait de la superficie zonée agricole mais qu'elle ne soit pas affectée à des utilisations agricoles. Puis j'aurais tendance à me dire: Bien, c'est peut-être parce que l'utilisation qui est non agricole actuelle, c'est parce qu'on pourrait revenir facilement à une situation d'agriculture, mais vous m'avez parlé de routes puis de bâtiments. Donc, j'aimerais comprendre qu'est-ce qui, dans notre système actuel, peut faire en sorte qu'on dézone des terres agricoles tout en... officiellement, dans les statistiques, les garder zonées.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. En fait, je vais vous expliquer ça, assez... C'est que la loi avait prévu au départ une zone agricole permanente. Alors, pour atteindre... pour rejoindre cet objectif-là d'une zone agricole permanente, donc qui ne bouge pas beaucoup, là, en fait, là, elle est permanente, la loi prévoyait puis, à travers les décisions de la commission, qu'il peut y avoir des exclusions ou des inclusions de la zone agricole, mais aussi il peut y avoir, tout en maintenant le statut d'une zone agricole, une demande... des demandes d'utilisation autre qu'agricole. Alors, le 44 000, c'est le résultat de plusieurs décisions rendues par la commission suite à des demandes d'utilisation autre qu'agricole.
Je vais vous donner un exemple, là. Il y a une municipalité où il y a un promoteur qui veut construire un centre d'achats. Il pourrait faire une demande d'utilisation autre qu'agricole sur une surface zonée agricole. Alors, la superficie va rester zonée agricole, mais elle ne pourra jamais plus être utilisée à des fins agricoles parce qu'on a construit un centre d'achats. Vous comprenez? Alors, c'est pour ça que la notion stricte de «zonée agricole» est peu révélatrice, tu sais, tenant compte de quelle façon la loi a été... et de quelle façon elle a été appliquée par la Commission de protection du territoire agricole.
Alors, ces superficies-là, qui sont maintenant d'usage non agricole, il faut les comptabiliser absolument parce qu'en réalité c'est elles, là, qui... et c'est elles qui déterminent le fait que... Ce qu'on remarque, c'est que les superficies réellement cultivables au Québec sont à la baisse; ça, c'est un fait. C'est un fait, et les statistiques plus récentes de la commission le démontrent très bien.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Donc, votre recommandation, à ce moment-là, serait d'utiliser une donnée... ou de soustraire du chiffre de la superficie zonée agricole les superficies qui ont été consenties à d'autres fins de...
M. Lacasse (Christian): Consenties, exactement, à des fins autres qu'agricoles. Et cette donnée-là, elle est répertoriée, je dirais, de façon continuelle et annuelle, là, par la Commission de protection du territoire agricole. C'est une donnée qui est tout à fait accessible.
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. le député de L'Assomption.
n(15 h 50)nM. McKay: O.K. Merci. Mme la ministre vous a demandé tout à l'heure un peu si vous voyez un intérêt à qualifier davantage... parce que c'est effectivement une demande qui nous a été faite à plusieurs reprises par d'autres intervenants. On dit: Bon, bien, c'est bien beau, on a un indice, on a une donnée comme, bon, la superficie de terrains zonés agricoles, là, si on précise et on enlève les territoires qui sont zonés à d'autres fins, est-ce qu'il n'y aurait quand même pas lieu d'amener un aspect qualitatif, disons, en plus? Bon, je pense que vous avez très bien expliqué... en tout cas, vous m'avez convaincu par rapport à la partie, bon: Est-ce que ce serait utile d'avoir un pourcentage... par exemple, suivre le pourcentage qui est dévolu à des fins d'agriculture biologique? Bon, ça pose toutes sortes d'autres questions. Premièrement, effectivement, ces pratiques-là ne sont pas nécessairement toutes pareilles ou avec toute la même intégralité, là. Les producteurs bio peuvent avoir différents degrés d'engagement par rapport à ça. Puis, d'autre part, bien, aussi, l'important, c'est d'avoir... Si ce qu'on veut mesurer, c'est la capacité de notre nation, là, à pouvoir se nourrir, bien, à ce moment-là, ça dépend des choix de la population. Et peut-être qu'à partir d'un certain pourcentage on va avoir rempli ce marché-là, et puis... bon.
Donc... mais quand même, si ça, ce n'est pas souhaitable, est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose qui nous... ou à votre connaissance qui pourrait nous indiquer l'état de qualité, par exemple, du sol? J'ai parlé tout à l'heure que le compostage à la ferme, on peut augmenter le pourcentage de matières organiques. À l'inverse, est-ce qu'une mesure des minéraux dans le sol... Je veux dire, je ne connais vraiment pas ce secteur-là suffisamment, là, mais je me dis: Il doit y avoir quand même quelque chose?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, il y a une idée qui me vient, là, en vous entendant, effectivement, puis relative au sol, à la qualité du sol. Tantôt, je vous ai parlé de l'effet inclusion-exclusion, hein? Dans la statistique de la commission, bon, dans la dernière année, je pense, c'est 400 ha qui ont été exclus de la zone agricole, puis un 300 ha qui ont été inclus dans la zone agricole. Là, je ne parle pas des utilisations autres qu'agricoles, là, je parle vraiment inclusion-exclusion. Ça serait peut-être intéressant qu'on fasse un suivi, là, de voir, entre les 400 ha qui ont été inclus ? je donne un exemple de l'an passé, mais on pourrait le prendre sur un historique des 10 dernières années ? en termes de qualité de sol, ce qu'on a exclu de la zone agricole, est-ce que c'était du sol zoné 2. Parce que ce qu'on réalise, c'est que c'est davantage vers le sud du Québec, sud-ouest du Québec que les superficies sont exclues, si on veut, là, et normalement de meilleure catégorie que dans des régions qui sont plus à l'est et au nord.
Alors, ça serait peut-être intéressant de faire un suivi, de voir, dans ce jeu-là d'exclusion et d'inclusion, est-ce que la qualité du sol... est-ce que, dans le fond, sur un historique de 10 ans, on a perdu davantage de sol de classe 2 et qu'on a récupéré davantage du sol de catégorie 4. Parce qu'évidemment, en termes de capacité potentielle... de potentiel agricole, il y a une différence. On ne peut pas comparer du 2 et du 4. Alors ça, ce sera un élément qualitatif, effectivement, une donnée supplémentaire qui permettrait d'évaluer ton potentiel agricole: Est-ce qu'il se maintient ou s'il est en diminution ou en progression? Effectivement, ça vaudrait... Moi, en tout cas, on a un feeling, là... Tu sais, moi, j'ai l'impression que, tenant compte de la pression qui se fait au sud-ouest, on a tendance à diminuer notre potentiel agricole. On le diminue en surface, mais probablement aussi en potentiel.
Le Président (M. Carrière): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Merci. Oui. Juste peut-être un peu un détail technique, là, mais est-ce que c'est toute la superficie des terrains agricoles dont on connaît la catégorie, là, en termes de qualité, ou si on fait cette évaluation-là strictement lorsqu'il y a un ajout ou un retrait de la zone?
M. Lacasse (Christian): Écoutez, à ma connaissance, je pense que tous les sols ont...
Le Président (M. Carrière): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Excusez. Des fois, je n'attends pas votre signal. À ma connaissance, tous les sols ont été catégorisés, là, au Québec, là. Peut-être pas dans une... à un niveau, là, de... je dirais, parce qu'il y a plusieurs critères, là, qui caractérisent, là, les classes de sols, mais je dirais, là, moi... en tout cas, en termes de catégorie 2, 3, 4, 5, là, selon moi, ça, c'est... le travail a été réalisé. Je ne sais pas, Daniel, si tu aurais...
M. Bernier (Daniel): Oui, effectivement. Pour la... bien, pour ce qui est de la plaine du Saint-Laurent, là, les sols ont été... sont classifiés. Mais là je ne pourrais pas vous dire, l'affirmer pour l'ensemble de la superficie zonée. Et pour les sols cultivables, là, ça, la cartographie est faite.
Le Président (M. Carrière): M. le député de L'Assomption.
M. McKay: Oui. Bon, juste peut-être faire un clin d'oeil sur... À la dernière session, on avait un dossier sur la ligne hydrique le long de la rivière Richelieu puis on a eu beaucoup de difficultés à trouver la classification des terres agricoles qui étaient dans ce secteur-là, mais j'imagine que ça se trouve quand même, là. Ça existe, en tout cas.
En ce qui concerne l'écosystème forestier, dans le fond, j'ai l'impression que les recommandations que vous nous adressez concernent le domaine forestier de l'État, mais est-ce que... Je pense qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui ont aussi des parties... dans certains cas, des sources de revenus importantes qui viennent de boisés privés. Est-ce que vous voyez donc ces deux types de forêts de façon séparée ou est-ce qu'on devrait avoir un indice? Les indices que vous proposez en termes de pourcentage de prélèvement par rapport à la capacité de renouvellement et aussi le pourcentage des revenus de l'État versus la valeur économique, est-ce que ça touche aussi les boisés privés ou est-ce que... ou si ce sont deux dynamiques différentes?
La Présidente (Mme L'Écuyer): M. Lacasse.
M. Lacasse (Christian): Ah! elles ne peuvent pas être différentes, là. Vous comprenez qu'elles sont... une influence l'autre évidemment, là, quand je vous dis du régime forestier actuel», qui... je dirais, par des droits de coupe qui, selon nous, sont inférieurs à la valeur économique du bois... du boisé, ça influence la vente du bois privé aussi: tendance à la baisse.
Bon. Écoutez, moi, je... le commentaire, je dirais, le questionnement qu'on a, c'est qu'en termes de développement durable par rapport aux notions de développement durable, si ces droits de coupe là encouragent une surexploitation, bien, ça va à l'encontre, là, du concept de développement durable. Je pense quand même que les producteurs en forêt privée, tenant compte que c'est leur boisé à eux, que c'est leur gagne-pain, pas juste présentement mais qu'ils doivent assurer la pérennité de ce boisé-là pour les prochaines années, eux, ils ont quand même le souci, là, de s'assurer d'une regénération parce que c'est le gagne-pain de leurs enfants puis de leur génération future. Mais, moi, je pense qu'il faut vraiment le regarder assez large pour vraiment voir jusqu'à quel point nos politiques, nos régimes ne viennent pas à l'encontre de notion de développement durable.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Une minute.
M. McKay: Oui. Bien, je pense que c'était important de le spécifier, effectivement, parce que les efforts qui sont faits dans la forêt privée au Québec, je pense qu'on n'en parle pas suffisamment, on ne le reconnaît pas suffisamment. Puis, si le gouvernement gérait sa ressource sur le domaine public de l'État aussi bien que les propriétaires de boisés privés le font, je pense qu'on n'en serait pas à la situation où on en est dans l'industrie forestière au Québec, là. On aurait probablement davantage d'emplois et une situation économique moins précaire. Alors, c'est donc un autre exemple, je pense, où l'environnement et l'économie vont tout à fait de pair et le bien-être social de la population aussi.
n(16 heures)nLa Présidente (Mme L'Écuyer): Merci, M. le député de L'Assomption. Je tiens à vous remercier.
Remarques finales
Nous sommes maintenant à l'étape des remarques finales. J'invite le porte-parole de l'opposition officielle pour les remarques finales. M. le député de l'opposition officielle, vous disposez de 7 min 30 s pour les remarques finales.
Des voix: ...
La Présidente (Mme L'Écuyer): 7 min 30 s, M. le député de l'opposition officielle.
M. Scott McKay
M. McKay: Bien, merci, Mme la Présidente. Oui, alors, je vais dire l'essentiel de ce que j'ai à dire et effectivement tenter de ne pas nécessairement tout utiliser. Mon but n'est pas d'utiliser toute la période. Bien, premièrement, je pense qu'on doit remercier l'ensemble des participants qui sont venus nous faire des présentations, qui ont déposé des mémoires très étoffés, très réfléchis. Ce n'était pas un sujet qui était particulièrement facile dans le sens où, on voit, on a jonglé avec des concepts, et je pense qu'ils les ont rendus, ils nous les ont présentés de façon intelligible, et on voit que ça a été bien... bien digéré dans la plupart des cas et sur la plupart des sujets.
Et je pense que ça nous rappelle comme parlementaires l'importance, dans ce type de dossier là qui interpelle l'ensemble de notre société, l'importance donc d'impliquer la population le plus largement possible à travers ces instances représentatives, et on a eu, je pense, un assez large éventail d'instances, et c'était... je pense que la ministre l'a fait remarquer, c'est intéressant de constater que, dans notre schéma un peu classique droite-gauche, bien, on a tendance à voir certains groupes à différents extrêmes, et puis pourtant, dans certains cas, ils ont dit exactement la même chose. Donc, on peut voir que ces valeurs-là autour du développement durable traversent l'ensemble des courants dans notre société, et, en tout cas, c'est un motif de réjouissance certainement pour tous les députés.
Peut-être soulever certains constats que, nous, on voit, qui sont apparus. Premièrement, le processus de concertation qui a mené à cette première liste d'indicateurs aurait pu être amélioré. J'ai noté, dans mes notes, déficient. Je pense qu'on nous a fait valoir qu'il y a des méthodes, des façons de faire qui impliquent, par exemple, des négociations entre différents acteurs. On a vu, si on se souvient, les sommets socioéconomiques au Québec. Au niveau macroéconomique, on avait différents acteurs qui devaient un peu négocier, bon, des priorités, et on arrive au bout du compte avec un système qui est consensuel et qui fait en sorte qu'on peut continuer dans l'avenir sans que des acteurs viennent remettre en question tout le temps. Donc, ça, ce processus de concertation là, qui d'ailleurs était bien décrit dans la Loi sur le développement durable, je pense qu'on l'a pris un peu à la légère.
Aussi, l'approche par capitaux qui a été retenue ne fait pas consensus, elle est critiquée par grand nombre d'intervenants pour différentes raisons, et il faudra voir lesquelles sont suffisamment importantes pour voir si ça va nous amener à modifier cette approche-là. Mais en tout cas il y a beaucoup de gens qui ont mentionné que les indicateurs aussi n'étaient pas suffisamment qualitatifs ou il faudra intégrer davantage de dimensions qualitatives. Alors, il ne s'agit pas juste de savoir si on a une forêt, la quantité de forêt, mais savoir si cette forêt-là est en santé. C'est-u des petits chicots ou bien c'est des bons arbres? Donc, cette dimension-là doit être intégrée. Puis les indicateurs, comme ils sont là, comme ils ont, selon la loi, même un caractère éducatif et un caractère mobilisateur de la société, actuellement, ils ne sont peut-être pas suffisamment parlants, disons, et, on l'a vu, là, c'est un peu complexe. Ça a pris plusieurs heures de travaux à la commission pour sembler avoir un peu fait notre tête là-dessus. Donc, c'est peut-être un peu trop complexe encore de la façon à tout le moins où s'est présenté, et ça nous amène à peut-être remettre en question aussi la pertinence du système comme il est là. Donc, comme la loi nous dit qu'il faut en avoir un, il va falloir l'améliorer et en se basant sur les critères qui sont dans la loi. Donc, quant à nous, il va y avoir certainement une révision qui sera nécessaire avant le dépôt des indicateurs devant l'Assemblée nationale et surtout que, comme le veut d'ailleurs la loi, c'est le premier ministre qui devra les déposer. Donc, le signal qui sera donné au plus haut niveau de notre système parlementaire devra être un signal clair, fort et consensuel.
Je voudrais, en guise de conclusion, Mme la Présidente, vous aviser que, tel que prévu au règlement, nous souhaitons donc la tenue d'une séance de travail afin que nous puissions soumettre des recommandations à la suite des consultations et que donc nous puissions avoir un certain nombre de conclusions que nous pourrons tenir comme membres de la commission. Espérons-le. Moi, je préjuge du fait qu'on va certainement être en mesure de s'entendre sur plusieurs points, là, entre les différents groupes parlementaires.
La Présidente (Mme L'Écuyer): En fonction de l'article 176, la commission sera convoquée par la présidence en conséquence. Mme la ministre, la parole est à vous pour 7 min 30 s.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, en conclusion, je veux vraiment remercier toutes les organisations puis les individus qui se sont présentés devant nous pour une contribution que j'estime vraiment, vraiment précieuse. On a vu la diversité des intervenants et donc la diversité des éclairages, et vraiment je pense qu'on va finir la démarche, celle qui veut que le premier ministre dépose une liste d'indicateurs à l'Assemblée nationale, on va la finir avec une meilleure liste d'indicateurs que celle proposée à la base dans le document. Ça me semble indéniable. Donc, c'étaient vraiment des mémoires de très grande qualité.
J'en profite pour dire qu'alors que tout le monde, qui a pris connaissance du document proposé par notre équipe, se disait... la première réaction, c'est-à-dire c'est lourd, c'est compliqué... Est-ce que c'est vraiment pédagogique? Moi, je pense que la fin de l'exercice de la consultation parlementaire par ailleurs répond à cette question-là. Le document, il était nécessaire comme rédigé. Il était nécessaire pour qu'au moins on puisse partager un certain nombre de concepts. Il nous a permis quand même à la base d'avoir des échanges qui étaient assez clairs sur les notions de capitaux, sur les notions d'approche par objectifs, approche par empreintes écologiques, etc.
Et ça m'amène tout de même à dire que, comme le député de L'Assomption et, je pense, bon nombre de parlementaires et d'intervenants, on est tout à fait conscients que, si, je pense, c'est un document nécessaire, tel que rédigé à la fin de cette consultation, dans des objectifs d'éducation, de mobilisation citoyenne, c'est évident qu'il faut faire un effort de... On a parlé pas juste de vulgarisation, de schématisation. C'est des grands défis, ça, mais il faut qu'on les relève.
n(16 h 10)n Moi, je dirais, et on pourra en débattre lors de la séance de travail... le député de L'Assomption disait: L'approche par capitaux n'a pas fait consensus. Moi, je dirais: Elle n'a pas fait unanimité, ça, c'est vrai. Il y a au moins deux intervenants qui sont venus nous dire: Il faut rejeter cette approche. Mais, par ailleurs, moi, je veux juste souligner qu'il y a beaucoup d'organisations, venant vraiment de milieux très différents, que je pense à la Fédération des chambres de commerce ou à la Coalition des ateliers de misère, qui est plus un regroupement syndical, qui sont venues assez fortement dire qu'il fallait conserver cette approche. Et donc, moi, je ne cherche pas l'unanimité. Je pense que, moi, je fais une lecture où je me dis: Le consensus est assez fort autour de l'approche du cadre conceptuel proposé, et, moi, pour ma part, je tire plutôt la conclusion que je ne pense pas qu'il faut la rejeter. Je pense qu'il faut conserver l'approche par capitaux, d'autant plus qu'on a expliqué qu'elle côtoie, chez nous, une approche aussi par objectifs associée à la stratégie puis qu'on a déposé les 84 indicateurs par objectifs associés à la stratégie.
Moi, je garde aussi en tête, et on pourra en parler en séance de travail, les notions liées au vocabulaire utilisé: est-ce que le Québec peut faire oeuvre aussi de pédagogie en associant parfois un autre type de vocabulaire ou en faisant se côtoyer le vocabulaire de l'approche par capitaux à des notions peut-être... Moi, j'aime bien la notion de legs, là, je pense que vous l'avez compris à la fin de la journée. Mais, tout ça, je le dis avec toujours en tête la préoccupation que notre système puisse être comparé et parler à d'autres systèmes d'indicateur, adoptés par d'autres États. Donc, nos équipes vont travailler là-dessus, peut-être vous faire des propositions lors de la séance de travail.
Je veux aussi mentionner qu'il y a beaucoup de propositions d'ajout d'indicateurs où finalement c'est avec la liste déposée hier qu'on voit qu'il y avait beaucoup de propositions qui finalement se retrouvaient dans la liste d'indicateurs accolés à la stratégie. Je pense que, en conclusion de nos travaux, on est plus à même, là, maintenant de mieux se comprendre par rapport à ça.
Je garde en tête les notions, comme le député de L'Assomption, les notions de la... Autant que faire se peut, à partir d'indicateurs déjà existants, est-ce qu'on peut faire un tour de roue de plus, un effort de plus pour voir s'il n'y a pas des indicateurs avec des connotations, je dis ça comme ça, mais avec des aspects qualitatifs qui pourraient être utilisés au même titre qu'il y en a déjà de proposés dans la liste des 17?
Il y a tout l'aspect de la régionalisation des indicateurs, où je pense qu'il va falloir qu'on soit un peu plus clair sur qu'est-ce qui existe en termes d'indicateurs régionalisés avec des indices régionaux ou pas.
J'essaie de faire vite, là, Mme la Présidente. Peut-être que je vais terminer en disant que, moi, je pense que le processus de consultation puis de concertation mis en place par le ministère, peut-être qu'il n'est pas parfait mais, quand on relit le document, on s'aperçoit des heures de rencontres mises en place par l'équipe du Bureau du développement durable. Mais, par ailleurs, moi, je tiens à dire qu'il est clair... j'entends bien le message sur le fait qu'on établisse... qu'on puisse être capables de communiquer clairement le processus par lequel le ministère va continuer son travail ? par la suite, là, même après le dépôt de la première liste d'indicateurs ? qu'on soit clairs sur la façon, et ça, je pense que vos recommandations seront les bienvenues au terme de cette démarche de consultation.
Je finis en disant que c'est un grand défi, le développement durable, mais mesurons le chemin parcouru. Quand, moi, j'ai fait de la consultation sur la stratégie, je pense qu'il y en a qui étaient très sceptiques que les 150 ministères et sociétés d'État auraient, au 31 mars 2009, adoptés des plans d'action; je peux vous dire que c'est fait pratiquement à 100 %, à part des organisations à deux personnes, et tout ça, puis chacune a sa série d'indicateurs mesurant son plan d'action.
Tu sais, je veux juste nous ramener dans la vraie vie, par ailleurs, même du... Comment je dirais ça? L'engagement, ne serait-ce que du gouvernement, autour de la démarche proposée, il est réel, et, dans ce sens-là, par rapport à nos grands débats, je me dis: Il y a vraiment une démarche qui est extrêmement encourageante, pas parfaite mais très encourageante, puis on va la poursuivre. Merci.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci...
Mme Beauchamp: Mme la Présidente, je peux-tu juste remercier les gens qui nous...
La Présidente (Mme L'Écuyer): Allez-y.
Mme Beauchamp: Léopold Gaudreau, Robert Lauzon, Lise Barrette, Maxime Bélisle, de notre Bureau donc de coordination du développement durable, qui nous ont accompagnés. Vous avez remarqué comme moi que bon nombre donc de fonctionnaires ou de représentants de différentes institutions... je pense à l'Institut de la statistique du Québec, à d'autres gens de d'autres ministères tout le long qui nous ont accompagnés. Merci beaucoup, ça aussi, c'est un signal de grand intérêt. Abdu Abkey, qui est mon conseiller politique sur ces questions, avocat, membre de mon cabinet. Mme la Présidente, merci aussi pour la qualité du déroulement des travaux. Merci aux parlementaires. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme L'Écuyer): Merci. À mon tour de remercier le monde. À mon tour de remercier l'équipe de Mme la ministre. Les travaux, en tant que membre de la commission, ont permis de clarifier. Le dépôt du document a réellement permis de situer où on en était rendus. Je veux remercier aussi l'opposition pour le travail, et la discipline du groupe.
La commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup et bonne fin de la semaine.
(Fin de la séance à 16 h 15)