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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Tuesday, September 23, 2008 - Vol. 40 N° 47

Consultations particulières sur le projet de loi n° 92 - Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

La Présidente (Mme Ménard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leurs sonneries de téléphone cellulaire.

Alors, le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dubourg (Viau) remplace Mme Gonthier (Mégantic-Compton); Mme Ménard (Laporte) remplace M. Reid (Orford); M. Deschamps (Saint-Maurice) remplace Mme Leblanc (Deux-Montagnes); et M. Trottier (Roberval) remplace M. Deslières (Beauharnois).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, j'invite le premier groupe, l'Ordre des géologues du Québec, à prendre place.

Je vous rappelle que le temps alloué pour la période de présentation et la période d'échange est de 15 minutes pour la présentation et de 45 minutes pour l'échange avec les membres de la commission. Alors, je demande maintenant au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de présenter les gens qui l'accompagnent.

Ordre des géologues du Québec (OGQ)

Mme Cadieux (Isabelle): Est-ce que vous m'entendez bien? C'est comme ça? C'est bon?

La Présidente (Mme Ménard): Oui.

Mme Cadieux (Isabelle): D'accord. Je me présente, je suis Isabelle Cadieux, je suis présidente de l'Ordre des géologues du Québec. Je suis accompagnée d'experts hydrogéologues avec moi qui sont aussi membres de l'Ordre des géologues du Québec et aussi qui font partie de la commission sur... pas de la commission mais du comité Environnement. Il s'agit ici de M. Martin Poulin, hydrogéologue, et d'Yves Leblanc, et ça va être eux qui vont pouvoir répondre à vos questions parce que, moi, ce n'est pas mon domaine, moi, je suis plutôt dans les ressources minérales. Mais je représente l'ordre en tant que présidente.

Bon, je voulais remercier Mme la ministre, Mme la Présidente ? et vous dire bonjour aussi à vous, Mmes et MM. les députés ? de nous avoir permis de déposer ce mémoire. Donc, on va présenter brièvement les grandes lignes de notre mémoire, particulièrement les recommandations donc durant la présentation orale, et puis après ça les questions pourront être posées à M. Poulin ou à M. Leblanc.

Alors, un peu qu'est-ce que c'est que l'Ordre des géologues du Québec, c'est la mission de protection du public, comme les autres ordres, et puis en surveillant l'exercice de la géologie. L'OGQ, comme on l'appelle, l'Ordre des géologues du Québec, comprend à peu près 900 membres qui oeuvrent donc dans le domaine des ressources minérales, naturelles, minérales en exploration minière, en exploitation minière et aussi évidemment en aménagement et en protection de l'environnement. Particulièrement pour ici l'intérêt, les hydrogéologues, c'est des professionnels de l'eau souterraine. Leur rôle, c'est de découvrir finalement la ressource, qui est l'eau souterraine, d'élaborer des moyens pour l'exploiter et aussi la protéger.

Comment on voit le projet de loi n° 92? Évidemment, ça modifie le statut juridique de l'eau, qui devient un bien collectif sous la garde de l'État, ça crée un bureau de l'eau, ça établit certains principes mais sans toutefois préciser les balises réglementaires, puis ça propose de financer certaines activités de recherche.

Les constats sur les ressources en eau souterraine au Québec, ceux qu'on peut faire. L'eau souterraine approvisionne environ le quart de la population du Québec. Elle est de très bonne qualité. Surtout quand on la compare à travers le monde, on a une très, très bonne qualité de l'eau. Les sources de contamination sont bactériologiques ou chimiques, hein? Ça peut être soit des bactéries soit des éléments comme l'arsenic ou autres, et puis elles sont causées par des activités agricoles, industrielles ou simplement par des processus naturels.

Au Québec, il n'y a pas de gestion autre que ponctuelle, en tout cas c'est le constat qu'on en fait, et de façon générale ça implique 250 000 captages d'eau souterraine, puis l'exploitation est appelée à croître, l'exploitation de l'eau souterraine est appelée à croître, comme partout dans le monde.

L'autre constat qu'on fait, c'est qu'il y a deux règlements pour le captage: le captage des eaux souterraines, qui existe déjà, qui concerne des captages pour plus de 20 personnes ou plus de 75 000 litres par jour, puis il y a aussi un règlement qui concerne les eaux embouteillées, qui vise la production et la distribution.

Il y a six autres règlements qui ont certaines exigences, puis qui parlent de l'eau souterraine, et qui nécessitent des études hydrogéologiques en ce qui concerne les sols contaminés, les eaux usées résidentielles, les carrières, sablières, la réhabilitation des terrains, les matières résiduelles puis les produits pétroliers. Mais, dans ces lois-là ou dans ces réglementations-là, même quand on demande des études, disons, hydrogéologiques, il n'y a pas d'encadrement professionnel. Ça veut dire que les services concernant l'exploitation et la protection des eaux souterraines peuvent être offerts par n'importe qui. Ça, c'est quelque chose qu'on a relevé, là. C'est une situation qui est unique au Québec. Partout ailleurs, c'est encadré parce que ça concerne la protection du public.

n (9 h 40) n

Notre constat général, c'est qu'il y a un manque flagrant de connaissances sur l'eau souterraine. Ça, tous les hydrogéologues le déplorent, puis ça avait été aussi un constat qui avait été fait par le BAPE en 2000, puis, en 2008, on constate qu'il n'y a pas eu beaucoup d'amélioration. Les informations sont incomplètes puis dispersées sur les puits existants, sur la qualité de l'eau, sur le potentiel et la vulnérabilité des aquifères.

Bon, sur les connaissances encore, les efforts ont été selon nous dérisoires, hein? Il y a moins de 5 millions investis sur la connaissance, hein, sur la connaissance du potentiel de l'eau souterraine de 2003 à 2008, au Québec, versus plus de 25 millions en Ontario. À vrai dire, les chiffres sont plus grands, mais on attribue à peu près ce montant-là sur la connaissance au cours à peu près de la même période. Donc, il y a eu un effort important dans les années soixante-dix, hein, puis on considère que les efforts qui avaient été faits à cette époque-là ont été abandonnés. Et c'était un effort de répertorier, de prendre les caractéristiques des eaux, de les cartographier et puis de les rendre disponibles. Cet effort-là qui avait été fait en 1970 a été plus ou moins abandonné, puis le peu d'efforts récents n'est pas orienté vers la gestion de la ressource, c'est de la recherche non appliquée.

Bon, les recommandations de l'ordre en ce qui concerne le Bureau de l'eau. Nous, on aimerait ça que la mission soit scindée en deux puis qu'il y ait deux organismes: un qui s'occupe des ressources en eau avec des professionnels qui connaissent ça et puis un autre pour les écosystèmes, qui fait appel finalement à des compétences différentes, hein? Puis ça concerne plus les eaux de surface, les écosystèmes, puis les ressources en eau, l'eau souterraine, ça n'a rien à voir, finalement. On pense que ça devrait être géré par deux organismes qui pourraient se parler évidemment mais que ce soit scindé, cette mission-là.

On recommande également... Il existe des outils, au ministère des Ressources naturelles, qui s'appellent SIGEOM. C'est des outils géoréférencés. Donc, on peut questionner la banque de données. N'importe qui peut aller là-dessus, sur Internet, puis, sur un secteur donné, questionner la banque de données puis avoir toutes les informations. C'est des outils qui existent déjà, puis on recommande que l'information sur l'eau soit gérée un peu de la même façon, avec les mêmes peut-être... bien, en tout cas, peut-être avec le même système, peut-être par les mêmes personnes mais surtout de la même façon puis que toute l'information soit sur un système comme ça puis accessible à tous.

On fait aussi la recommandation qu'on doit faire appel à des professionnels qualifiés pour la gestion et l'analyse des informations collectées, donc à des hydrogéologues, des gens qui connaissent ça, qui étudient là-dedans puis après ça qui pratiquent, qui font la pratique là-dedans, qui comprennent bien la ressource, et puis pour aussi, bon, cartographier puis avoir une meilleure connaissance de la ressource, apporter un financement à la hauteur des besoins. Puis, bon, ce qu'on devrait faire, finalement, c'est fixer des objectifs dans l'acquisition et la diffusion des connaissances, puis se donner le moyen d'y arriver, et puis avoir un organisme qui gère cela et puis qui s'assure de bien colliger, répertorier et rendre disponibles les données.

En ce qui concerne la réglementation, on aimerait modifier le cadre réglementaire pour que toutes les études hydrogéologiques soient déposées et publiques, harmoniser la réglementation en précisant le rôle des professionnels qualifiés. Dans certaines lois, c'est dit que les études hydrogéologiques doivent être faites par des professionnels qui sont peut-être membres de l'Ordre des géologues ou membres des ingénieurs, puis, dans d'autres cas, on dit: Oui, vous devez faire des études hydrogéologiques, mais à peu près n'importe qui peut les faire, ce n'est pas réglementé. Donc, amener les services processionnels en hydrogéologie sous le giron du Code des professions parce que finalement les ordres, c'est des organismes d'autoréglementation. Une fois que les gens font partie de ça, on peut s'assurer qu'ils font leur boulot correctement, hein? Ils peuvent être réprimandés, ils ont un code d'éthique. On a des moyens, si jamais les gens ne sont pas professionnels, de les sortir de leur... ou enfin de sévir.

Développer des outils réglementaires pour protéger les zones d'exploitation de l'eau. Bon, renforcer les mesures de protection du Règlement sur le captage des eaux souterraines, qui est un des gros règlements: la collecte d'information sur les captages et la qualité de l'eau avec contrôle sur le terrain, puis amener tous les captages sous le régime de ce règlement-là en 10 ans, y compris les carrières, les mines qui doivent pomper de l'eau, les irrigations, les infrastructures. Tout le monde devrait être appelé à se conformer à cette réglementation, pas juste les nouvelles demandes mais les gens qui ont déjà ces permis-là, qu'ils soient appelés à se conformer à cette loi, ce Règlement sur le captage des eaux souterraines. Étendre la protection du système professionnel aux utilisateurs de l'eau. Voilà. C'était... Excusez-moi.

Bon, les besoins immédiats ou les priorités immédiates. On a changé un petit peu notre présentation avec celle que vous avez, alors, je m'excuse, là, j'ai passé une diapo un peu rapidement. Donc, les besoins immédiats: documenter tous les captages de façon fiable et rendre l'information accessible; contrôler la qualité de l'eau des captages pour l'alimentation humaine et assurer un suivi approprié pour la protection de la santé; puis, gestion de l'exploitation de l'eau souterraine au niveau régional selon des schémas de protection. Ça, c'est nos recommandations toujours. Sur un horizon plus long, donc moins prioritaire, cartographier les aquifères exploités puis prospecter et caractériser les aquifères pour les besoins futurs, hein? Ça, c'est à plus long terme qu'on peut voir ça.

Donc, on finit avec cet énoncé: pour prendre soin d'un bien collectif, il faut d'abord le connaître. C'est avec ça qu'on voudrait que vous restiez. Donc, il faut le répertorier, il faut le gérer, il faut qu'il y ait des gens, des professionnels qui le fassent puis qui s'assurent que c'est bien fait, qu'on protège les populations aussi et puis que l'eau, ce soit pour tout le monde puis que ce soit géré. Voilà.

Sur ce, je vous remercie de votre attention puis je vous invite, j'imagine, aussi à poser les questions qu'il faut, puis ça va être M. Poulin puis M. Leblanc qui vont pouvoir vous répondre.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup, Mme Cadieux. Alors, maintenant est arrivé le temps des échanges. Alors, le temps, je vais vous le dire pour la première fois ce matin. Alors: 17 minutes au groupe formant le gouvernement; opposition officielle, 15 minutes; et le deuxième groupe d'opposition, 13 minutes. Alors, nous allons débuter. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Je voudrais saluer mes collègues parlementaires, vous remercier d'être là, vous souhaiter une bonne journée puis aussi vous souhaiter la bienvenue à vous, représentants de l'Ordre des géologues du Québec.

J'ai peut-être une première question pour vous. J'aimerais vous entendre de façon plus détaillée et plus explicite. Pour moi, ça fait maintenant plusieurs mois, mais c'est moins que vous, que j'ai à creuser la question, notamment, là, plus précisément parce que vous y avez consacré une bonne partie de votre mémoire et de vos commentaires, la question de l'acquisition des connaissances sur l'eau, et bien honnêtement, je vous le dis en toute transparence, là, c'est une des premières fois que j'ai devant moi une recommandation pour scinder carrément les notions, là, de connaissance des eaux souterraines par rapport à la notion de connaissances sur les écosystèmes. Jusqu'à maintenant, là, à la lecture même du rapport Beauchamp, du BAPE, ou encore à la lecture des recommandations qui découlent de la Politique nationale de l'eau, on n'a pas vraiment jamais mis en exergue le fait qu'il fallait distinguer ces deux catégories de connaissances. Si vous retournez voir le rapport du BAPE ou si vous retournez lire la Politique nationale de l'eau, on parle plutôt d'un grand système de collecte d'information bien sûr qui doit être le plus accessible possible aux citoyens. C'est ce qu'on prévoit avec notre notion d'un portail, là, sur l'eau.

Et même, lorsqu'on a fait l'annonce sur le Bureau des connaissances sur l'eau, on l'a faite aussi en présence, par exemple, de la Commission géologique du Canada. Il y a des hydrogéologues au ministère, et je me suis assise avec des experts du ministère, et, je vous le dis, là, on ne m'a jamais fortement recommandé, on n'a même pas porté à mon attention le fait que le Bureau des connaissances sur l'eau, ça devrait être divisé.

n (9 h 50) n

Et donc je veux vous entendre un peu plus, là. Votre position m'intrigue, comme je peux dire, là, et je vais essayer de bien comprendre vos intentions, vos recommandations, tout ça mis dans un grand contexte, je pense, qu'il faut camper, c'est le fait que, de façon claire, évidente, puis on l'a mentionné lorsqu'on a fait l'annonce du Bureau des connaissances sur l'eau, moi, je reconnais sans problème ? en fait, il y a un problème, et je reconnais un problème ? qu'il y a un retard à combler et notamment qu'on a de besoin, de façon assez urgente, d'acquisition de connaissances au niveau de l'eau souterraine au Québec.

Donc, c'est ça, je veux vous entendre sur cette recommandation où vous nous invitez à scinder les choses et même à créer deux organismes, alors que bon nombre de représentations que j'ai eues m'invitaient plutôt à dire: Bien, écoutez, ces deux systèmes-là ? je vais employer les mots, là ? mais le système souterrain et l'eau de surface, ça se parle. Un jour, ça se parle, ces deux systèmes-là. Et pourquoi vous nous invitez, même à aller jusqu'à dire qu'il faudrait scinder les choses au sein de deux organismes?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Oui, je vais... En fait, ça, c'est à l'image... On considère que les eaux souterraines, c'est comme une ressource minérale, hein, et on a géré nos ressources et on continue de gérer nos ressources minérales de cette façon-là, et on applique le même système pour l'eau souterraine. C'est-à-dire que, tout le domaine minier et tout le domaine de l'exploitation, on n'a pas fait un bureau des mines qui va avoir comme responsabilité d'établir les connaissances et d'établir aussi l'exploitation, la gestion et la protection. Au même titre, les eaux souterraines, si on les met dans le même giron que le Bureau de l'eau, il va y avoir des priorités qui vont toujours diverger et on n'aura jamais un focus sur les connaissances sur l'eau.

Les connaissances sur l'eau, ce sont des documents qu'on établit, ce sont des cartes qui sont toujours valables pendant des 50, 60 ans. Ça ne change pas parce qu'on établit la ressource en eau. Et, si vous exploitez ça sur le ministère de l'Environnement, la mission du ministère de l'Environnement n'est pas la même mission que la mission de connaissance ou la mission des richesses naturelles qui établissent les cartographies des ressources minérales. C'est pour ça qu'on suggère que ce soit scindé en deux organismes et que les objectifs de l'un soient très spécifiques, qu'ils ne soient pas mis dans un bureau de l'eau qui doit gérer les eaux de surface, les eaux d'irrigation, les eaux... C'est peu pratique. C'est ça.

M. Leblanc (Yves): Je voulais simplement rajouter que, bon, les écosystèmes, c'est plutôt d'ordre biologique. On parle des animaux qui s'abreuvent à l'eau, des plantes, etc., donc ce n'est pas nécessairement la même catégorie, là, d'experts qui s'occupent de ces cas-là en particulier, là. Mais je rejoins Martin là-dessus.

M. Poulin (Martin): Et c'est un peu la tradition. Dans les années soixante-dix, c'était géré de cette façon-là au Québec, hein? Dans les années soixante-dix, le Service des eaux souterraines était dans le ministère des Richesses naturelles. Avec voisins, ils avaient le Bureau des mines, le Bureau des claims. C'était géré dans cette optique-là, et on a, au cours des années, divergé. On a mis ça sur le ministère de l'Environnement, et qu'est-ce qui est arrivé? C'est qu'on a oublié que la mission qu'ils avaient, c'était d'établir les connaissances. Ils ont pris comme mission la gestion plutôt qu'établir des connaissances. C'est ça.

Alors, si on veut vraiment établir des connaissances, ce serait préférable qu'il y ait des organismes différents avec des objectifs différents. Et ça n'empêche pas d'avoir un organisme sur les écosystèmes qui intègre les eaux de surface et les eaux souterraines, mais il doit y avoir un organisme qui procure les données de base, hein, et avec un budget différent.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Vous soulignez que, dans les années soixante-dix, les eaux souterraines étaient sous la responsabilité du ministère des Ressources naturelles. Vous savez comme moi que par la suite ça a été un des aspects fortement critiqués. On me le souffle, on me le rappelle parce que j'avais été également, dans mes devoirs que j'ai faits, j'avais été prendre connaissance sommairement mais quand même pris connaissance du rapport Legendre signé en 1970. J'ai l'impression que, derrière le message que vous nous envoyez, il y a comme... J'ai l'impression, et sûrement que vous allez rectifier mes dires, mais j'ai comme l'impression que c'est plutôt une vision basée sur les notions... Vous-mêmes, vous comparez l'eau souterraine à une ressource minière, minérale, que c'est comme une notion d'exploitation, d'avoir les bonnes connaissances pour être capable de dire comment... que ça, ce soit basé sur des notions d'exploitation, alors que le contexte de la loi, c'est bien sûr pour encadrer la gestion, mais il n'y a pas essentiellement, autour du Bureau des connaissances sur l'eau, une mission première qui serait des conditions d'exploitation de l'eau au Québec, c'est vraiment la notion de connaissance large sur les questions de l'eau.

Mais en même temps vous avez sûrement pris connaissance du fait que nous avons écrit en toutes lettres que la priorité des sommes publiques allouées devait aller vers l'acquisition de meilleures connaissances, de connaissances plus complètes au niveau des ressources souterraines. Ça, c'est évident. Je pense que là-dessus on se rejoint, il y avait un besoin de meilleures connaissances au niveau des ressources souterraines. Mais c'est comme si je continuais à mal comprendre la finalité de pourquoi vous poussez, au fait, dire: C'est deux questions différentes entre les connaissances pour l'eau souterraine et les autres aspects dont les écosystèmes, d'autant plus que j'ai l'impression, nous, qu'on s'est basés sur les recommandations écrites assez largement endossées, là, à travers les travaux notamment de la commission Beauchamp et de la Politique nationale de l'eau.

Peut-être qu'une bonne façon, là, que je puisse encore mieux comprendre votre intention puis la volonté que vous voulez exprimer... Vous savez comme moi que jusqu'à maintenant on a pu compléter, je dirais, le tableau des études au niveau, entre autres, notamment, des eaux souterraines. Par exemple, prenons le cas de la Châteauguay ou le cas de la Chaudière. J'aimerais vous entendre. Ça, ces données-là sont publiques et tout. Est-ce que vous considérez que les études réalisées jusqu'à maintenant sont des études bien faites, sur la bonne voie, utiles ou si même les études produites jusqu'à maintenant, vous dites, ce n'est même pas de ça dont on a besoin puis, même ces études-là, on s'est trompé de voie en les produisant jusqu'à maintenant?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Oui. Il y a plusieurs questions. Ces études récentes là, elles ont été produites par des organismes peu universitaires. Elles sont moins pratiques pour nous d'utilisation que les études qui ont été produites il y a 10, 15 ans, hein, et elles ne sont pas disponibles... elles sont difficilement disponibles. Elles ne sont pas sur un site comme on pourrait avoir, comme le SIGEOM, le SIGEOM qui permet de connaître les ressources minérales. Ce n'est pas géré d'après nous efficacement.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: O.K. Bien, on tombe dans des sujets techniques, mais, moi, j'ai besoin de comprendre. Il y a, par exemple, en ce moment, sur le site du ministère, un des portraits réalisés. Prenons le cas de la Châteauguay. Vous avez là une étude complète, et honnêtement, sincèrement, là, au moment où on se parle, ça sert un peu, je dirais, de référence par rapport aux besoins qu'on veut remplir par rapport à d'autres systèmes d'eau souterraine. Là, vous semblez me dire... Parce que, premièrement, cette étude-là, prenons le cas de la Châteauguay, toutes les informations sont publiques et disponibles. Vous me dites: Nous, ça ne répond pas à nos besoins, ça fait que peut-être qu'on aurait... J'aurais besoin, moi, de mieux comprendre pourquoi vous émettez ces critiques sur les exemples d'études produites en ce moment. Qu'est-ce qui manque?

Puis honnêtement aussi vous semblez beaucoup critiquer le fait qu'on a la... qu'on a eu, je dirais, la volonté de travailler avec le milieu universitaire. Vous semblez faire une distinction entre la production d'études menées par le milieu universitaire et une autre sorte d'études, et c'est là que je veux vous entendre, là. Moi, je n'ai pas de parti pris, on s'est fiés sur plusieurs recommandations qui nous étaient faites. Je pense qu'on aurait dit qu'on mettait un bureau des connaissances sur l'eau sans le monde universitaire, je pense qu'il y a aussi plusieurs questions qui se seraient posées.

n (10 heures) n

Ce qu'on a tenté de faire, c'est que cet argent-là serve d'effet de levier, et on a même fait en sorte que le monde universitaire doive répondre à un besoin identifié par une communauté, doive avoir un lien de travail avec soit une MRC, une CRE, un conseil régional de l'environnement, un organisme de bassin versant. Pour moi, là, c'était ma façon de m'assurer que j'étais capable de dire que ça répondait à un besoin, puisque les projets déposés doivent être en lien avec la communauté.

Mais bien honnêtement on dirait que j'ai de la misère à comprendre qu'est-ce qui manque dans les études produites jusqu'à maintenant et que vous souhaitez voir réalisé à l'aide des sommes réservées pour le Bureau des connaissances sur l'eau.

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Premièrement, la mission d'une université, c'est de former des gens, former des professionnels qui vont oeuvrer dans le public, et la plupart des hydrogéologues actuellement qui travaillent au Québec et au Canada ne sont pas dans le milieu universitaire. Le milieu universitaire, c'est moins de 5 % à 10 %... c'est moins de 5 %. Alors, de donner à tout ce milieu-là une responsabilité de faire les connaissances, je ne crois pas que ce soit réaliste. On devrait ouvrir ces études-là à tous les gens compétents, incluant les universités, et c'est ce qui se fait en Ontario, c'est ce qui se fait aux États-Unis. Quand on fait des cartographies ou des rapports sur un bassin, on fait un appel public, et ce n'est pas nécessairement les universités qui soumissionnent et qui ont le contrat. Ils peuvent le faire, mais il ne faut pas empêcher ceux qui ont été formés par les universités il y a une dizaine d'années, là, de ne pas faire ça parce qu'ils ne sont plus des étudiants; il faut ouvrir ça à tout l'ensemble de la profession. Ça, c'est mon premier point.

Et les critiques qu'on a sur ces études-là, c'est qu'on a des cartes, mais, quand on vient du côté pratique, on a besoin d'avoir les données de base, les données initiales, les données qui ont servi à faire ces études-là, et ceux-là ne sont pas disponibles. On nous donne simplement le résultat, on ne nous donne pas les moyens qu'ils ont utilisés pour arriver à ce résultat-là. Parce que, pour un hydrogéologue, c'est important aussi d'avoir ça. Comme c'est fait par le milieu universitaire, ils ont tendance à faire des choses de recherche, hein? Ils oublient le côté pratique. C'est simplement ça. Je ne dis pas que le travail qui a été fait sur la Châteauguay ou dans le nord de Montréal ne sert absolument à rien, mais il ne faut pas s'orienter dans cette direction-là pour le futur. C'est ça, notre message.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. 10 secondes, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, on m'indique effectivement que malheureusement mon bloc de temps est terminé, mais peut-être juste, sur une note plus rassurante, vous dire qu'il est prévu un partenariat avec la Commission géologique du Canada, il est prévu la présence d'hydrogéologues dans les comités de sélection des projets, juste pour ne pas laisser sous-entendre que votre profession est complètement écartée.

M. Poulin (Martin): Je parle dans le domaine minier. On ne donne pas à la Commission géologique du Canada... de faire toute la recherche minière.

Mme Beauchamp: Non.

Mme Cadieux (Isabelle): Ça reste de la recherche. La Commission géologique du Canada, c'est recherche aussi. Les universités et la Commission géologique, ça fait partie un peu de la recherche et moins des gens, là, impliqués.

M. Leblanc (Yves): C'est le travail des hydrogéologues de quantifier les ressources et de bien les délimiter, etc. C'est dans notre mission. C'est ça, notre travail quotidien. Et puis, pour donner un exemple concret, sur le bassin versant de la Châteauguay, bien une petite municipalité dans ce bassin versant là...

Mme Beauchamp: Je veux juste être bien claire par rapport à mes collègues, hein? C'est parce qu'on doit aller de l'autre côté. Ça fait que peut-être que vous pourrez en profiter pour compléter. Je voulais juste ne pas créer d'impair. Je me permettais un dernier commentaire final, mais c'est divisé par blocs de temps et...

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle, le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente, et bonjour. Merci pour votre rapport, pour votre mémoire, qui est très bien étoffé, très bien documenté.

J'aimerais vous référer à la page 9, qui fait l'objet de ma première question. À la toute fin de cette page-là, vous faites mention, au paragraphe 2.4.4, de l'acquisition parcimonieuse des connaissances, notamment sur les aquifères, et puis vous me faites la mention suivante, qu'en 2006-2007 seulement 72 000 $ avaient été consacrés à ces études. Et puis, écoute, c'est une donnée, ça, qui, à moi qui n'est pas un initié, ne me dit pas grand-chose.

Est-ce que vous pourriez me faire l'état de la situation par rapport aux besoins qu'on devrait déployer afin d'avoir des connaissances complètes?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Cette donnée-là provient du site Web du gouvernement du Québec et qu'on établit... Il y a une section, ça s'appelle les budgets sur la connaissance de l'eau. Naturellement, il y a des années qu'il y avait des millions de dollars, mais, une année, il y en avait 72 000 $. Par hasard, c'est arrivé comme ça. Et, nous, on fait la remarque que ce montant-là est dérisoire par rapport aux besoins, hein?

On a fait l'annonce d'un budget de 18 millions réparti sur cinq ans. C'est-à-dire, ça fait 3 millions de dollars par année. D'après nous, ça en prendrait au moins trois à quatre fois plus, c'est aussi simple que ça. Pour être comparable, dans une superficie de recherche, à l'Ontario, hein, et pour être comparable aux autres provinces, c'est à peu près le budget que ça prendrait, un budget un peu plus réaliste. 3 millions de dollars par année, c'est une ou deux études, et la province, elle est grande, hein?

Je vais vous faire une comparaison, un cas de contamination des eaux souterraines, juste un cas: pour le gérer puis pour le réparer, ça coûte 20 millions et 40 millions de dollars, hein, un cas. Alors, on applique un budget comme ça pour l'ensemble des connaissances sur tous les bassins versants. Ce n'est pas négligeable, mais c'est très peu.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Vous avez fait référence à d'autres provinces, notamment l'Ontario qui semble avoir plus de fonds. Et puis, pendant votre présentation aussi, j'ai été intéressé par le Bureau de connaissances sur l'eau, que vous prévoyez scinder en deux, pour les redevances, tout ce qui est souterrain de tout ce qui est superficiel.

Est-ce que vous pourriez nous parler de son équivalent en Ontario, par rapport au budget, par rapport aux méthodes, par rapport à la proportion du territoire ontarien, qui est investi?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Je vais essayer d'être bref là-dessus. L'Ontario n'est pas aussi... Je ne dis pas que l'Ontario est parfaite, là. Ils ont eu un problème de contamination bactériologique d'un puits municipal, et après ça, après cet événement de Walkerton là, ils ont dépensé 50 millions en recherche et en gestion uniquement sur les aquifères, hein, de 1999 à 2003, pendant une période très précise.

n (10 h 10) n

Maintenant, l'Ontario, ils avaient négligé les eaux de surface, ils investissent un peu plus vers les municipalités puis l'eau de surface. Mais ils ont fait leurs devoirs concernant les eaux souterraines, c'est-à-dire qu'ils ont procédé par bassins, et ils ont fait l'acquisition de l'ensemble des connaissances, ils ont mis ça accessible sur un site Internet qui est beaucoup plus complet que celui qu'on a au Québec et qui est un peu comparable au site du SIGEOM. En Ontario, ils ont procédé par des processus d'appel d'offres pour chacun des bassins. Ils ont ouvert la candidature pour faire ces études-là à l'ensemble du marché, incluant le marché privé et le marché universitaire. En Ontario, ça a été effectué majoritairement, ces études-là, par le domaine privé, majoritairement, en très grande majorité. Les universités ont aussi contribué, mais ce n'est pas eux qui ont fait la majorité du boulot parce qu'ils ne pouvaient pas, parce qu'ils n'étaient pas assez nombreux, simplement ça.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Et combien pouvait coûter une étude faite par le marché privé pour un bassin versant?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Vous dites: Combien ça coûte pour un bassin versant? C'est de l'ordre du million de dollars, dépendant de la grandeur du bassin, si le bassin est situé en milieu urbain, en milieu plus éloigné, qui est la complexité géologique. Ça peut se situer d'après nous entre 1 million et 3 millions, hein, à peu près?

Des voix: Oui.

M. Poulin (Martin): Oui. C'est l'ordre de grandeur, oui.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Auriez-vous une estimation globale des montants qui ont été investis par le gouvernement ontarien dans ces études?

M. Poulin (Martin): Pardon?

M. Diamond: Auriez-vous une estimation globale du montant investi, en millions, là, par le gouvernement ontarien dans tout ce qui est l'acquisition de connaissances?

M. Poulin (Martin): Connaissances concernant les connaissances souterraines, hein?

M. Diamond: Souterraines ou superficielles, un des deux, là, ce n'est pas... Les deux ensemble.

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): L'ensemble, c'est des centaines de millions, hein? Oui, plusieurs centaines. Les eaux souterraines, c'est autour de 50 millions qu'on a dépensés à la dernière période, depuis 2000 environ, oui.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Poulin (Martin): Ces données-là sont disponibles sur les sites Internet. C'est difficile d'interprétation. Naturellement, ça prend un peu de recherche. Mais les chiffres que je dis, c'est des chiffres... bien, globaux, ce n'est pas des chiffres précis.

La Présidente (Mme Ménard): Il vous reste sept minutes.

M. Diamond: Je vais me permettre une dernière question avant de céder la parole à mon collègue. Je vous amène à la page 13 de votre mémoire, où vous avez abordé le sujet de la réglementation, les recommandations que vous y faites avant cela. Premier paragraphe de la page 13, vous faites référence aux personnes qualifiées, vous faites mention qu'évidemment le gouvernement, peut-être à l'instar du gouvernement ontarien, ne peut pas réussir à faire toutes les études soi-même, et puis vous abordez justement la notion des professionnels habilités.

Est-ce que vous pourriez nous dire actuellement ça ressemble à quoi si la situation est convenable? Si ce n'est pas le cas, quelles modifications qu'on devrait faire à cette définition-là des personnes qualifiées ou habilitées?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Bien, je veux dire, dans certains règlements, on demande... Il y a certains articles qui disent que, pour, mettons, le règlement sur la protection des terrains, une telle étude doit être faite par un professionnel habilité, membre de l'Ordre des ingénieurs ou de l'Ordre des géologues, parce que c'est eux qui ont les connaissances pour faire ces études-là. Dans certains règlements, c'est spécifié, dans d'autres, ça ne l'est pas, dans certains, ça l'est, ça ne l'est pas, alors ce qui fait que ça amène un flou. Qui doit faire ces études-là? Est-ce que c'est... Et, si ce n'est pas spécifié dans la réglementation, alors c'est fait souvent par n'importe qui.

Et, pour empêcher que ce soit fait par n'importe qui, on a créé, dans une réglementation, des experts pour essayer de pallier, surtout dans le domaine de l'environnement. Mais, dans le domaine des connaissances sur l'eau et des études hydrogéologiques, c'est vraiment clair, ce n'est pas comme des études environnementales, c'est des études qui concernent une spécialité qui s'appelle l'hydrogéologie, et ces hydrogéologues-là, qui sont formés par des universités, proviennent de certains ordres professionnels. Et, comme on a des ordres professionnels au Québec, il faut les intégrer dans notre réglementation. C'est ça.

La Présidente (Mme Ménard): Est-ce que je reconnais le député de Saint-Maurice?

M. Deschamps: Mme la...

La Présidente (Mme Ménard): Le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: Mme la Présidente, il y a un point particulièrement qui me touche sur l'harmonisation de la réglementation en précisant le rôle des professionnels qualifiés. Je vais vous donner un exemple pratique là-dessus. Suite à la tragédie de Walkerton, on a fixé des nouvelles normes pour les villes, puis là on donne des contrats exorbitants à des firmes d'experts, supposément experts dans l'étude de l'utilisation de l'eau, puis là, là, ça amène des dépenses d'environ... quelquefois près de 100 millions pour certaines municipalités du Québec. Par contre, il y a d'autres études qui sont contradictoires, qui disent le contraire des études que les villes ont fait faire, puis là on se demande qui qui est vraiment apte... les connaissances de l'eau pour dire aux villes: Bien, vous allez dépenser 100 millions pour vous conformer aux nouvelles normes du ministère, alors que la plupart des firmes d'experts-conseils sont surtout des ingénieurs en construction, ou des ingénieurs en habitation, ou autres. Il n'y a pas d'expert pour l'eau là-dedans. C'est pour ça que je me demande... On devrait beaucoup insister sur préciser le rôle des professionnels qualifiés avant de donner ces contrats faramineux aux villes, là. Est-ce que vous comprenez bien ce que je veux dire? C'est ça, là.

M. Poulin (Martin): Oui. Oui.

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Bien, on abonde en votre sens, c'est aussi simple que ça, et ça a simplement à être spécifié, dans les demandes de contrat, qui doit les réaliser. On a un ordre des géologues. C'est parce que, dans la réglementation actuelle, il y a l'Ordre des géologues et l'Ordre des ingénieurs, mais l'Ordre des géologues, ils ont comme pouvoir uniquement les ressources minérales. Les ressources en eaux souterraines ne sont pas réglementées dans notre Code des professions, hein, ce n'est pas...

Mme Cadieux (Isabelle): Un exercice réservé.

M. Poulin (Martin): ...ce n'est pas un exercice réservé.

M. Leblanc (Yves): N'importe qui peut faire une étude hydrogéologique. Ça fait que tous les règlements qui demandent la réalisation d'une étude hydrogéologique, comme le Règlement sur les carrières et sablières, qui demande une étude hydrogéologique... S'il y a un puits à moins de 1 km d'un projet de sablière, en théorie n'importe qui pourrait aller faire cette étude hydrogéologique là parce que ce n'est pas réglementé. Donc, pour pallier à ça, il faudrait harmoniser le règlement, lui faire dire que, l'étude, il faut qu'elle soit faite par quelqu'un qui est membre d'un ordre professionnel, l'Ordre des ingénieurs ou l'Ordre des géologues.

La Présidente (Mme Ménard): Rapidement, M. le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: De là ma remarque que les firmes d'experts et les montants faramineux qui sont présentement engagés dans les villes... Peut-être qu'il y aurait peut-être un moratoire à exercer là-dessus, parce que ces firmes-là ne prouvent en rien... il n'y a aucune personne qualifiée pour nous dire comment agir, où puiser l'eau, dans la rivière ou dans les lacs en haut, puis il y a des études contradictoires. Je pense qu'on devrait peut-être revoir la politique pour des professionnels qualifiés dans l'exercice de l'utilisation de l'eau. Merci.

La Présidente (Mme Ménard): Un commentaire, M. Poulin?

M. Poulin (Martin): Mon seul commentaire, c'est qu'ici on est là pour faire un mémoire sur la loi n° 92, on n'est pas devant l'Office des professions. Mais on fait cette demande-là à l'Office des professions depuis longtemps. Et c'est comme d'autres dossiers.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, je reconnais le deuxième groupe d'opposition. Le député de Vachon.

n (10 h 20) n

M. Bouchard: Merci, Mme la Présidente. Mme Cadieux, M. Leblanc, M. Poulin, bonjour. J'ai particulièrement apprécié la lecture de votre mémoire. Je trouve que vous soulevez des questions extrêmement importantes et en plus je pense que vous élevez le niveau de connaissance d'un bon nombre d'entre nous, là, sur simplement la description de ce qu'on a comme richesse en eau au Québec.

J'aimerais revenir sur la question du Bureau des connaissances, si vous permettez, d'abord pour résumer ce que j'ai compris de votre position. Vous proposez de scinder le Bureau en deux directions, deux missions, une mission plus descriptive puis une mission qui comporte plus l'étude des dynamiques entre les systèmes, ou des interactions dynamiques entre les systèmes. Alors, je pense avoir bien compris ça. C'est ça?

Bon, dans un autre domaine, on pourrait faire la comparaison avec les biologistes et les éthologues qui quelque part se découpent la réalité de la description du monde animal et de leur interaction éventuellement. Mais ce monde-là se parle, et j'imagine que, dans un même bureau, les gens peuvent avoir ce type d'interaction là, mais ça va quand même nous faire réfléchir à ce que vous avez proposé.

D'autre part, à l'article 14, troisième alinéa, en page 9 du projet de loi, ce qu'on entend par le Bureau des connaissances sur l'eau, on dit ceci: «Les municipalités et les communautés autochtones ainsi que tout ministère, organisme, établissement d'enseignement ou de recherche ou groupe ? et là on ne dit pas quel groupe, si c'est un OSBL ou si c'est un groupe à but lucratif, un bureau de consultants, peu importe ? dont la mission, les fonctions ou les activités concernent en tout ou en partie le domaine de l'eau sont, sur invitation ou à leur demande, associés au développement de ce système d'information.»

Alors, ce que je comprends, moi, en tant que parlementaire, de la lecture de ce texte-là, c'est que les universités et les centres de recherche ne sont pas vus comme des institutions qui ont l'exclusivité de la demande ou de l'invitation mais que, par exemple, un bureau de consultants privé d'hydrogéologues pourrait être invité ou pourrait faire une demande de subvention à l'effet d'étudier, ou de cartographier, ou de documenter un système d'eau ou une unité aquatique. Alors ça, c'est ma compréhension de la chose. Je ne sais pas si vous comprenez la même chose que moi. Mais vous avez cependant une inquiétude.

M. Poulin (Martin): ...ça, c'est écrit sur papier, oui, on est d'accord, mais c'est la pratique et même les annonces qu'on nous a faites récemment et c'est ce qui se fait depuis quelques années. On n'a pas donné ça au privé au Québec, on a donné ça presque beaucoup aux centres de recherche.

M. Bouchard: Bon. Alors, revenons là-dessus, si vous permettez, parce que... Donc, on comprend la même chose en ce qui concerne l'intention du projet de loi. Vous y voyez là la même interprétation que j'y vois.

M. Poulin (Martin): Oui. Oui. Oui.

M. Bouchard: O.K. Mais vous dites cependant dans votre mémoire, et c'est ce que vous venez d'aborder, en page 6, troisième paragraphe: «...les annonces récentes du MDDEP ? communiqué du 4 septembre 2008 ? concernant l'attribution de fonds pour des programmes d'acquisition de connaissances n'ont rien pour réduire nos inquiétudes à ce sujet.» Donc, vous tirez de la lecture de ce communiqué l'impression que ou alors vous observez que ? vous me direz si c'est l'impression que, vous observez que ? les argents sont distribués de telle sorte à ce que la majeure partie des sommes qui sont consenties seraient dirigées vers les universités et vers les centres de recherche universitaires. C'est ce que vous concluez de cette annonce.

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Ce n'est pas uniquement de cette annonce, on conclut de la pratique qui se fait depuis quelques années et on réitère cette intention-là dans cette annonce-là. C'est une annonce faite par la ministre, mais ce n'est pas écrit dans le projet de loi.

Mme Cadieux (Isabelle): C'est ça, les faits.

M. Poulin (Martin): C'est ça, les faits. Si on mettait plus en application cet article-là, ce serait plus valable que ce qui se fait actuellement. C'est ça. C'est une constatation.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui. Est-ce que vous avez une petite idée de l'état des partenariats entre les chercheurs universitaires, centres de recherche, Institut de recherche scientifique du Québec et les bureaux de consultants privés, chercheurs sur le terrain, lors du déploiement de ces programmes de recherche? Est-ce qu'il y a des consortiums qui sont formés de l'un et de l'autre?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Pas au Québec. Actuellement, pas au Québec.

M. Bouchard: Pas au Québec?

M. Poulin (Martin): Non, pas au Québec. Je n'en connais pas. Dans ma firme, il y a beaucoup d'hydrogéoloques qui viennent de ces universités-là, qui ont travaillé à ces études-là, mais, aussitôt qu'ils deviennent dans le domaine privé, ils ne sont plus aptes à les réaliser. Mais, quand ils étaient à l'université, ils pouvaient le faire. Alors, c'est un peu étrange. C'est tout.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Vachon.

M. Leblanc (Yves): Le travail de cartographie, qui est à la base des études, est principalement fait par des étudiants qui n'ont pas l'expérience encore, qui sont encore en période d'apprentissage, là. Donc, si plus tard on va se baser là-dessus pour dire: Toi, tu arrêtes de consommer de l'eau parce que, selon les prévisions du bassin versant, tu vas excéder... il y a un problème, à notre avis.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Dernière petite question là-dessus. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'à titre, par exemple, de consultants dans une firme, lorsque la recherche est faite par une université ou un centre de recherche, vous avez accès au produit fini, c'est-à-dire à la carte, mais non pas au matériel numérique qui sous-tend la carte. C'est ça?

M. Poulin (Martin): Aux données de base, oui.

M. Bouchard: Aux données de base. Donc, au matériel numérique.

M. Poulin (Martin): Oui. C'est ça.

M. Bouchard: Est-ce qu'il y a des dispositions en quelque part avec l'université qui permettraient un accès à ces données-là? Est-ce qu'elles sont considérées comme étant publiques ou privées lorsque les universités publient leurs rapports de recherche?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): C'est ce qu'on dit, c'est que ça appartient aux clients et que ce n'est pas disponible à l'ensemble des hydrogéologues. C'est simplement ça.

Et, avant que ça termine, dans le projet de loi, on ne l'a pas fait dans notre mémoire, mais il y a la première ligne du projet de loi qui parle de «considérant que l'eau est indispensable à la vie et qu'elle est une ressource épuisable». On considère, nous, que ce mot «épuisable» là devrait être modifié, hein? L'eau, si elle était épuisable, Hydro-Québec aurait beaucoup de problèmes. C'est une ressource peut-être vulnérable, c'est une ressource renouvelable mais vulnérable, mais pas épuisable. Et ça donne une mauvaise... Ça part mal le projet de loi. C'est simplement un mot. On ne comprend pas d'où il vient et c'est quoi, la philosophie qu'il y a derrière ça.

La Présidente (Mme Ménard): Je reconnais le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Bonjour. Vos interventions sont très pertinentes par rapport à notre projet de loi.

Je voudrais savoir, vous mentionnez, à la page 5 de votre mémoire que, dans de nombreux cas, les utilisateurs d'eau sont subventionnés par la collectivité, car ils ne paient pas l'eau qu'ils utilisent: Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples? Je voudrais savoir également aussi, ce qui va un peu dans le même sens: Par rapport, je pourrais dire, à un traitement fiscal, vous ne parlez pas beaucoup des redevances; quelle est votre position par rapport aux redevances sur l'eau?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Vous répétez la première question? C'est concernant des exemples sur le?

M. Trottier: Oui, des utilisateurs, que vous dites, qui sont subventionnés par la collectivité, car ils ne paient pas le coût de l'eau qu'ils utilisent.

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Bien, les utilisateurs industriels, les utilisateurs qui produisent de l'eau pour la vendre, ils ne paient pas de droit actuellement, mais il devrait y avoir un recours qu'il ne peut pas... Ce n'est pas un droit sur la quantité d'eau, c'est le... Il devrait y avoir un processus pour payer cette gestion-là, hein? Le droit du gouvernement de percevoir de l'argent, ce n'est pas pour vendre l'eau comme on vend de l'or, mais c'est pour plutôt la gérer et la protéger. On n'a pas fait de recommandation à cet effet-là parce que le projet de loi, c'est un projet un peu qualitatif, ce n'est pas quand la mise en application... Il devrait y avoir un processus pour que les très grands utilisateurs paient plus que les petits utilisateurs. C'est ça.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Donc, je comprends que vous êtes d'accord avec le principe qu'il y ait des redevances sur l'eau éventuellement.

M. Poulin (Martin): Oui, oui, mais adaptées à l'utilisation.

M. Trottier: Vous mentionnez qu'on estime que la proportion de l'eau souterraine qui va être utilisée va être de plus en plus en augmentation. Est-ce que vous pouvez nous donner davantage d'explications sur ce fait-là? Pourquoi est-ce qu'on va utiliser de plus en plus l'eau souterraine dans l'avenir?

La Présidente (Mme Ménard): M. Poulin.

n(10 h 30)n

M. Poulin (Martin): Bien, simplement que l'eau souterraine, quoi qu'elle est vulnérable à la pollution, à la contamination, elle est de meilleure qualité et elle est plus facile et plus économique à exploiter que de l'eau de surface. Et ce n'est pas unique. Le Québec actuellement, on a peut-être 25 % de la population qui utilise l'eau souterraine, parce qu'il y avait beaucoup d'eau de surface de disponible, mais, avec la qualité de cette eau de surface là qui va aller en diminuant, naturellement ça va être l'eau souterraine qui va augmenter. Et, juste à comparer en Amérique du Nord, c'est 50 % d'utilisation aux États-Unis, c'est 50 % à 60 % dans les Maritimes, c'est 30 % à 40 % en Ontario. C'est moins au Québec, mais ça va augmenter. Ça ne peut pas diminuer. C'est ça qu'on veut dire.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval, il vous reste une minute.

M. Trottier: Vous mentionnez que ça devrait prendre autour de 75 millions pour avoir une étude qu'on pourrait qualifier de sérieuse par rapport aux eaux souterraines. Si on garde le 15 à 18 millions, quelles seraient les priorités qu'on devrait avoir par rapport à ça puis quelles seront les conséquences si on n'ajoute pas davantage d'argent dans ces études-là, au niveau des connaissances de l'eau?

La Présidente (Mme Ménard): Rapidement, M. Poulin.

M. Poulin (Martin): Les priorités naturellement, moi, les priorités, c'est de concentrer ces études-là aux endroits que la population est la plus importante, autour de Montréal. Et on a toujours l'impression qu'à Montréal ils n'utilisent pas d'eau souterraine, mais, dans le secteur autour, il s'en utilise beaucoup et il s'en utilise pour d'autres usages que de l'eau potable. Il s'en utilise pour la géothermie, il s'en utilise dans les mines, dans les infrastructures et il pourrait dans le futur s'en utiliser plus. Alors, il faut mettre les priorités d'après nous vers les grands secteurs urbains.

La deuxième partie de la question...

M. Trottier: Non, il n'y avait pas de deuxième partie.

La Présidente (Mme Ménard): Ça va? Alors, c'est terminé. Mme Cadieux, M. Poulin, M. Leblanc, merci pour votre présentation.

Nous allons suspendre brièvement pour laisser la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

 

(Reprise à 10 h 36)

La Présidente (Mme Ménard): Alors, on continue. Je souhaite la bienvenue au Réseau Environnement. Alors, j'apprécierais que le porte-parole s'identifie, identifie les gens qui l'accompagnent, et vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation. Merci.

Réseau Environnement

M. Boily (Michel): Alors, merci. Alors, mon nom, c'est Michel Boily. Je suis membre bénévole et vice-président du secteur eau à Réseau Environnement. Je vous présente Mme Martine Lanoue, qui est directrice des opérations chez Réseau Environnement, et ainsi que M. Philippe Kouadio, qui est coordonnateur du secteur eau, sols et matières résiduelles.

Alors, nous tenons en premier lieu à vous présenter l'organisation de Réseau Environnement. Réseau Environnement, c'est un organisme qui regroupe plus de 2 000 membres dans la province de Québec, dont plus de 1 400 professionnels oeuvrant dans tous les domaines, c'est-à-dire microbiologistes, ingénieurs, hydrogéologues, et j'en passe. Nos principales activités sont reliées directement à la matière résiduelle, l'eau, l'air, les eaux usées, et nous avons déjà intervenu à plusieurs reprises pour la connaissance du domaine de l'environnement et établi des consensus notamment sur des modifications législatives et réglementaires comme on fait aujourd'hui.

Alors, pour débuter, nous allons vous faire part de nos commentaires. Nous vous remercions d'avoir accepté notre présence au sein de votre Assemblée.

Pour débuter, nous voulons reconnaître le bien-fondé de la loi n° 92 proposée par Mme Line Beauchamp, ministre de l'Environnement. Le projet de loi n° 92, pour nous, c'est très important de reconnaître l'eau, la ressource hydrique comme un bien collectif qui doit être protégé dans son intégrité par la mise en place d'un mode de gestion intégré par bassin versant. La présente législation intervient, ce qu'on trouve très bien, en encadrant l'élaboration d'un plan directeur de l'utilisation de l'eau, en établissant un régime d'autorisation pour son utilisation tout en permettant aux instances concernées d'intervenir, si nécessaire, en mettant fin aux prélèvements si ces derniers représentent un danger pour la collectivité ou les écosystèmes.

Nous nous sommes penchés sur ce projet de loi et apportons, aujourd'hui, nos commentaires. J'ai élaboré le projet en grands thèmes, c'est-à-dire qualité, organisme inversé, son utilisation, etc.

Pour commencer, gestion et utilisation de la ressource, sa qualité. La préservation de la ressource doit nécessairement passer par une gestion de la quantité, comme prévoit aussi le présent règlement, mais aussi on doit nécessairement se préoccuper de sa qualité et de son intégrité. Le présent texte de loi met beaucoup d'emphase sur la quantité d'eau prélevée. Il serait souhaitable, de notre point de vue, que la notion de qualité de la ressource occupe une plus grande place dans le présent texte de loi. À titre d'exemple, aucune précision n'est apportée quant au type de dommages et à la définition de l'«état initial des ressources». Alors, on sait très bien que, s'il y a déversement, aujourd'hui, dans un lac ? je pense au lac à la Tortue, qui est dans un état d'eutrophisation avancé ? bien comment est-ce qu'on va faire pour mesurer un impact sur ce lac-là?

Dans cette lancée, pour gérer adéquatement la qualité de la ressource, il serait nécessaire d'instaurer un système de classification ? ça, c'est très important ? pour la qualité des eaux et de mettre en place un processus de suivi. C'est qu'actuellement peut-être que les organismes de bassin versant ont déjà eu ce rôle en main, mais il n'y a pas de structure établie pour encadrer le tout. Cette mesure permettrait de vérifier que l'intégrité de la ressource n'a pas été altérée par des activités humaines ou des modes de prélèvement déficients.

L'utilisation. L'article 2 mentionne que toute personne a le droit d'accéder à l'eau potable. La portée de cette déclaration donne-t-elle le droit de poursuite à des citoyens dans le cas où ces derniers n'auraient pas accès à cette ressource? On s'est posé beaucoup de questions. Entre autres, les membres de municipalités se sont interrogés beaucoup sur cet article de loi puis ils souhaiteraient que cet article soit balisé.

n(10 h 40)n

L'eau, comme ressource, a de nombreuses utilisations. Dans le texte de loi, on fait mention que des prélèvements inférieurs à 75 m³ par jour sont exclus de la loi. Je comprends que 75 m³ par jour, ce n'est pas une quantité qui est très importante, mais pour notre part nous considérons que tous les prélèvements d'eau doivent être assujettis à cette loi, particulièrement ceux à vocation commerciale.

Il y a un règlement sur les eaux de captage d'eaux souterraines actuellement qui avait une partie qui traitait nécessairement, entre autres, des puits privés, mais actuellement cet article-là n'est pas utilisé. Ça aurait été une bonne source d'information au point de vue du gouvernement aussi. C'est une parenthèse.

De plus, il est mentionné dans le présent texte de loi qu'une nouvelle augmentation de consommation d'eau inférieure à 19 000 m³ d'eau par jour... C'est quand même assez... Quand on parle d'utilisation, on ne parle pas de débit ici, là, on parle de perte. On trouve que ce chiffre-là est quand même assez important. Ça a été tiré de l'Entente des Grands Lacs. Si on prend pour acquis que cette mesure-là a été établie pour un système hydrologique comme les Grands Lacs puis le fleuve, on s'entend que c'est peut-être justifié. Mais, pour tous ceux qui sont en aval de la région de Trois-Rivières, qui ne sont pas inclus dans l'Entente du Saint-Laurent, nous croyons que le législateur devrait se questionner par rapport à des petits tributaires du fleuve Saint-Laurent qui sont soumis à un prélèvement d'eau, actuellement.

Dans la même pensée, nous souhaitons que les activités de ballastage des navires ? parce qu'on va même, dans le règlement, au niveau du ballastage des navires ? soient incluses dans le projet. Actuellement, certaines municipalités, en Méditerranée, puisent leur eau, sont alimentées en eau à partir de navires, entre autres la municipalité de Barcelone. Nous croyons qu'exclure les activités de ballastage du règlement, ça peut éventuellement, avec les conditions climatiques puis les changements climatiques qu'on vit, faire des prélèvements illicites d'eau douce et même d'eau potable. Nous croyons que cette pratique sera de plus en plus utilisée, comme je vous disais, vu les changements climatiques et le manque d'eau potable dans plusieurs régions du monde.

Le présent texte de loi spécifie que les prélèvements d'eau autorisés pour une période de 10 ans... Actuellement, vous voulez autoriser les prélèvements d'eau pour 10 ans. Vu la forte possibilité que la demande d'eau augmentera dans les prochaines années, Réseau recommande, à partir de ses membres, que la période de validité pour les prélèvements de l'eau proposée ici soit ramenée à cinq ans. Je crois qu'il y avait un texte qui parlait déjà d'une mesure de cinq ans. Ça fait qu'on voudrait que ce soit unifié, puis que la portée de 10 ans soit ramenée à cinq, puis que cette autorisation-là soit sous l'approbation du ministre ou d'un organisme responsable, que ce soit révisé.

Dans le texte, il est bien mentionné: Puisque cette ressource est considérée comme épuisable, le présent projet reconnaît pour une première fois ? on considère que c'est très important ? l'importance de l'économie d'eau. Il serait souhaitable que cette volonté de préserver la ressource soit accompagnée d'une mise en oeuvre d'un programme d'économie d'eau formel. Ce dernier pourrait même faire partie intégrante d'un processus d'autorisation de prélèvement. On comprend que, pour les municipalités, qui sont quand même des bons consommateurs d'eau, bon, ce serait peut-être important de mettre en place des programmes d'économie puis, à ce moment-là, de préserver la ressource.

Alors, en ce qui a trait à des organismes impliqués dans le mécanisme de préservation de la ressource et financement, nous considérons que ces derniers sont essentiels à la gestion globale de la ressource, entre autres pour les bassins versants. L'encadrement et l'identification des différents bassins versants par le ministre sont souhaitables pour régir et délimiter les interventions de chaque entité. Ça, on a trouvé ça très bien. C'est que c'est le gouvernement qui va délimiter quel type de bassin versant va être visé puis quels sont ses secteurs de responsabilité.

Les organismes de bassin versant sont souvent cités dans le projet de loi. Toutefois, nous constatons que leur rôle, et leur niveau d'intervention envers les autres organismes, n'est pas défini. On aimerait que, ces organismes-là, leur rôle soit vraiment bien défini au niveau de l'article de loi.

Il en va de même pour la création du Bureau des connaissances de l'eau, qu'on trouve que c'est quand même une bonne idée. Il y a beaucoup d'informations qui sont dans le municipal, aux bureaux des firmes d'ingénieurs, au niveau des bureaux de bassin versant, qui sont disponibles mais qui ne sont pas regroupées puis qui ne sont pas disponibles à tous les citoyens ou à toutes les instances.

Pour notre part, encadrer ces organismes en définissant leur rôle et leur niveau d'intervention est essentiel à leur bien-fondé. C'est sûr et certain que, si on parle de connaissances de l'eau, si on parle de bassins versants qui vont être des organismes qui vont prendre part entière au projet, bien on trouve que c'est important que la loi les définisse.

Nous suggérons en plus, pour que tous les intervenants de tous les milieux interviennent, du milieu municipal, économique et communautaire, nous recommandons qu'un comité national de l'eau soit créé afin de tout intégrer les groupes qui ont un rapport avec l'eau potable, l'eau usée, l'eau souterraine.

Le financement. Dans le projet de loi, nous constatons que le ministre a la volonté d'impliquer les organismes de bassin versant et de créer un organisme intégrateur, le Bureau des connaissances de l'eau, ce qu'on trouve très bien. Comme mentionné préalablement, nous considérons que ces organismes sont essentiels à la bonne gestion de la ressource hydrique au Québec. Toutefois, nous constatons que le présent projet de loi ne définit pas comment le financement de ces organismes sera assuré.

Nous suggérons qu'une redevance pour l'utilisation de la ressource soit mise en place en appliquant le principe utilisateur-pollueur-payeur. Ça, c'est des phrases qui ont déjà été mentionnées à plusieurs reprises dans des textes de loi puis à l'Assemblée nationale. Ce mode de financement par redevances pourrait être mis en place facilement par l'obligation de mesurer les prélèvements ? puis on parle ici de prélèvements, on parle de tous les utilisateurs d'eau, aussi bien le public que la parapublic ? en établissant de façon claire la portion des sommes versées au Fonds vert et au Fonds des générations pour le financement de la préservation des ressources hydriques. Actuellement, il y a beaucoup de fonds qui s'en vont au Fonds vert, mais il n'y a rien de consacré au niveau de l'eau.

Conclusion et observations générales. Comme mentionné préalablement, nous sommes ravis que le texte de loi se préoccupe de la préservation de la ressource hydrique. Nous avons signalé, dans ce document, nos principales remarques et préoccupations. Pour conclure, nous aimerions vous souligner que la gestion par bassin versant est essentielle pour la préservation de la ressource et qu'il est nécessaire que le législateur définisse clairement leur rôle et leur synergie à travers des structures qui sont déjà établies.

Concernant la volonté du ministre d'inclure dans ce projet de loi tous les bassins versants, nous nous interrogeons concernant le sort réservé au fleuve Saint-Laurent en aval de la région de Trois-Rivières. Actuellement, il n'y a personne ou pratiquement personne qui s'occupe du fleuve. Il y a quelques comités TIF qui vont faire un peu de travail, mais le fleuve est resté orphelin, à ce moment-ci, dans le projet de loi.

Dans la même lancée, pour l'intégrité du projet, pour que le projet soit conçu de façon intégrale, l'intégrité du projet, nous recommandons que tous les types de prélèvement d'eau soient inclus dans cette législation, de même que tous les organismes et industries publics ou parapublics utilisant cette ressource. Alors, on dit: On voudrait que la loi encadre tous ceux qui utilisent l'eau, que ce soit du commercial, que ce soit le privé, que ce soit le municipal ou peu importe, que tous les utilisateurs soient touchés. Cette façon unifiée d'appliquer cette législation nous donnera sûrement une crédibilité accrue et ne provoquera pas de clause d'exclusion, comme on a déjà vue dans l'ancienne loi, où est-ce que, bon, à ce moment-là, il y a des clauses d'exclusion puis, à ce moment-là, bien, il y a plusieurs clauses qui deviennent orphelines, qui ne sont pas maintenues.

Ce projet de loi à notre vue est d'une grande importance par sa portée et son essence, c'est bien certain. Nous souhaitons que ce projet de loi prenne en considération, en plus de ce qui est mentionné ici, l'ensemble des sujets abordés par la Politique nationale de l'eau, qui a déjà été rédigée, et l'Entente des ressources en eaux du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent afin d'intégrer dans cette loi les meilleures moyens de préserver la ressource hydrique au Québec.

Dans un ordre d'idées général, nous remarquons qu'à plusieurs reprises, dans le présent projet de loi, on cite que le ministre pourrait, peut, bon, des phrases dans ce sens-là. Pour nous, ça peut apporter certaines ambiguïtés quant à la volonté du ministre et des instances pour appliquer cette politique-là. On voudrait, à ce moment-là, que les textes de loi soient rédigés de façon plus affirmative et non pas de façon nébuleuse.

Alors, merci beaucoup. Ça fait qu'on est ouverts à votre période de questions.

La Présidente (Mme Ménard): Merci, M. Boily. Nous allons maintenant échanger avec les membres, avec les invités, alors en commençant par Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à vous et merci pour la contribution de Réseau Environnement à l'étude de ce projet de loi. Et vos commentaires sont précieux. Pour ma part, en 17 minutes, je vais avoir un commentaire, puis ensuite il y a trois grands blocs, je pense, de préoccupations que vous soulevez dans votre mémoire. Je vais essayer, moi, d'être brève et, vous, efficaces, là. On devrait y arriver.

Mon premier commentaire, c'est: je prends bonne note de ce que vous écrivez sur la question des redevances, et juste vous dire que j'endosse tout à fait, d'autant plus qu'on l'a déjà maintes fois dit publiquement, la démarche que vous nous proposez, à savoir que bien sûr le principe de la redevance est déjà reconnu dans une autre loi. Il faut monter des marches pour y arriver. La clarification du statut juridique de l'eau est, selon nos légistes, une marche qu'il fallait monter pour être sûr qu'un principe de redevance soit inattaquable devant les tribunaux. Mais, plus encore, j'endosse votre recommandation que la prochaine étape devrait donc être ce règlement sur la déclaration obligatoire au niveau des prélèvements d'eau, et c'est une étape qu'on devrait franchir cet automne pour ensuite être vraiment très bien outillés légalement et, je dirais, en termes de données réelles pour mener ce débat qui devrait avoir lieu sur l'application de la redevance, qui doit arriver en 2009.

n(10 h 50)n

Maintenant, je trouve que vous soulevez trois grands blocs de questionnement dans votre mémoire. Selon moi, il y a tout l'aspect de la question de l'encadrement des prélèvements, leur quantité et la durée de l'autorisation. Ensuite, vous soulevez des questions sur la gouvernance de l'eau au Québec, puis ensuite vous avez des commentaires sur la notion de l'économie d'eau. Je vais essayer d'être rapide mais de vous entendre un peu plus en profondeur sur chacun de ces aspects.

J'aimerais vous entendre lorsque vous nous faites deux recommandations qui, je dois vous le dire, m'étonnent. Il n'y a pas beaucoup de monde qui se sont présentés jusqu'à maintenant notamment en invitant le gouvernement, à travers cette loi, à assujettir à une démarche d'autorisation tous les prélèvements d'eau au Québec. Et vous savez comme moi que la commission Beauchamp, le rapport du BAPE, avait identifié le fait que la norme du 75 000 litres et plus par jour était déjà une norme dans le fond qui était ressortie du rapport du BAPE.

Plusieurs des intervenants qui sont venus devant nous jusqu'à maintenant ont, je dirais, plutôt endossé cela, d'autant plus qu'on disait que, par exemple... Derrière votre commentaire, quand vous dites «tous les prélèvements d'eau», ça laisse supposer à mon sens que, par exemple, un citoyen utilisateur d'eau avec son puits devrait venir chercher un certificat d'autorisation auprès du gouvernement. Ça fait que je veux savoir, si c'est bel et bien ça que vous nous recommandez, pourquoi quand on travaille sur la base de la commission Beauchamp, avec cette grande commission générique, et lorsqu'on connaît également les législations comparables, si je pense à l'Ontario, qui a aussi fixé une norme mais qui n'est pas allé jusqu'à dire qu'on va assujettir tous les prélèvements d'eau à toute cette démarche d'autorisation auprès du gouvernement.

L'autre chose sur laquelle je veux vous entendre sur la question donc du mécanisme d'encadrement d'autorisation de prélèvement d'eau, c'est lorsque vous recommandez de mettre le certificat sur un délai de cinq ans. Deux choses. Notre voisin immédiat, l'Ontario, c'est un certificat sur 10 ans. L'actuel règlement, adopté depuis 2002, sur les eaux souterraines au Québec est sur 10 ans. Il y a plusieurs intervenants qui sont venus dire... certains nous invitant à raccourcir le délai mais plusieurs autres se montrant inquiets des impacts que ça avait sur leurs entreprises respectives, déjà le fait qu'on imposait, pour tous les prélèvements d'eau supérieurs à 75 000 litres d'eau par jour, un délai de 10 ans. Donc, je veux vous entendre un peu plus sur ces deux recommandations que je qualifierais d'audacieuses, là, dans le contexte de l'étude de cette loi.

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Merci. Alors, pour ce qui est de tous les prélèvements, oui, effectivement on trouve que c'est quand même important de gérer tous les prélèvements d'eau qui sont au niveau de la province de Québec. Actuellement, il y a un règlement sur le captage des eaux souterraines qui inclut, lors d'un nouveau point de captage d'une résidence privée, de caractériser cette eau-là, de prendre les débits puis de les retourner au gouvernement. Ça a deux impacts. Premièrement, ça assure au citoyen que la qualité de son eau actuellement est de très bonne qualité, parce qu'on parle, à ce moment-là, des principaux paramètres intégrateurs tels que l'arsenic, les analyses bactériologiques. On parle aussi du fer, du manganèse. Il y a beaucoup d'endroits au niveau de la province qui ont des problèmes.

En plus de s'assurer que le citoyen a une qualité d'eau qui est quand même respectable puis que ses installations sont bien faites, en fin de compte, cette donnée-là, transmise au gouvernement comme c'était prévu, permettrait, entre autres, de caractériser, à plus grande échelle, les nappes d'eau souterraine de toute la province de Québec. Ça, on trouvait que, si c'était le but initial de ces articles de règlement là, bien on trouvait que c'était quand même une très bonne idée.

Pour tous les prélèvements, oui, effectivement, surtout ceux qui sont d'utilisation commerciale. 75 m³ d'eau par jour, c'est 7 500 litres. Écoutez, on a des inquiétudes, c'est sûr. Les sources aquifères au Québec, dans la nappe phréatique, dépendamment de la situation géologique, c'est une source qui peut être, à notre point de vue, épuisable, puis il faut avoir des contrôles sur les quantités qui sont puisées, puis il faut avoir aussi une information sur la capacité de recharge de ces sources-là. C'est pour ça qu'une gestion intégrée de toutes les sources de captage d'eau à notre avis est importante.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Ce qu'on m'indique, ce qu'on me souffle ici, là ? je vais être bien humble et vous indiquer qu'on vient de me souffler à l'oreille ? c'est que, quand vous faites référence au présent Règlement sur le captage des eaux souterraines et que vous faites référence à cette transmission d'information, on parle bien d'un certain régime, je vais dire ça comme ça, prévu par règlement, de transmission d'information, tel d'ailleurs que c'est toujours prévu à notre loi, à l'article 20, le paragraphe qui... en tout cas qui commence par 2.7°, 4°, où on dit que, par règlement, on peut prescrire les documents ou les renseignements qui doivent être acheminés au gouvernement. Juste faire la distinction donc entre le fait qu'il y a un régime où des citoyens ou des entreprises doivent transmettre de l'information et un régime d'autorisation, qui est deux choses différentes. Je voulais juste dire donc que l'exemple que vous donniez à partir du présent Règlement sur le captage d'eaux souterraines est un régime qui reste en place par rapport à cette transmission d'information mais non pas un assujettissement à un régime d'autorisation de la part du gouvernement. Juste distinguer les deux.

Je veux vous entendre maintenant sur vos commentaires sur la grande question de la gouvernance de l'eau. Il y a eu ici vraiment plusieurs, je dirais, bons débats, plusieurs bonnes contributions à cette question. Deux, trois éléments. Vous nous demandez de préciser le mandat des organismes qui doivent veiller à la gestion par bassin versant, maintenant dûment reconnue légalement. C'est quand même un pas important par rapport à la Politique nationale de l'eau. Mais vous nous parlez d'un comité national sur l'eau, vous nous parlez du fleuve Saint-Laurent. Je veux vous entendre peut-être de façon plus spécifique sur comment vous voyez l'organisation, si je peux dire, de la gouvernance sur l'eau.

Si vous avez suivi nos travaux, vous savez sûrement aussi que le monde municipal est venu nous interpeller en disant parfois que la MRC était mieux placée, parfois la CRE. Bien, c'est vraiment une question qui est soumise en ce moment à un débat légitime, et je veux vous entendre un peu plus, d'autant plus qu'il y aura donc ce redécoupage de la carte du Québec méridional puisqu'il y a une somme supplémentaire, là, de 15 millions pour la gestion par bassin versant, il y a cette entente avec le gouvernement fédéral pour la gestion intégrée du fleuve Saint-Laurent.

Mais par ailleurs plusieurs sont venus nous dire qu'il fallait que la loi intègre mieux une vision par rapport à la question du fleuve Saint-Laurent. Et j'essaie d'être courte, mais on réalise aussi que ce que ça fait à la fin, c'est plusieurs niveaux d'intervention possibles entre le comité ZIP, l'organisme de bassin versant et les plus grands territoires hydrographiques possible. Donc, je vous laisse aller. Je voudrais vous entendre sur, pour vous, votre scénario idéal en matière de gouvernance de l'eau.

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Merci. Alors, je crois que, en tout cas pour ma part... Philippe pourra peut-être élaborer sur ce point-là après. Moi, je crois que c'est au ministre de définir les rôles de façon précise au niveau des bassins versants. Moi, d'une façon critique puis de peut-être mon esprit scientifique, là, où est-ce que j'ai travaillé à recueillir beaucoup de données, je crois qu'actuellement les meilleures instances qui sont capables de regrouper, en fin de compte, toutes les informations par rapport aux bassins versants, de gérer les activités, de planifier, je pense que c'est les bassins versants. Il s'agit de mettre les bonnes personnes en place par une structure de fonctionnement qui a été vraiment bien établie, c'est quoi, leur rôle, c'est quoi qu'ils vont faire, c'est quoi, leur latitude au niveau des interventions, puis, à ce moment-là, ce sera à eux, au niveau des organismes de bassin versant, de recueillir, en fin de compte, toutes les données, qui viennent aussi bien du milieu municipal, du milieu industriel, du milieu récréotouristique, afin de mieux gérer la ressource.

Parce qu'on se comprend bien que, si on ne met pas... si on va chercher, en tout cas pour ma part à moi, si on va chercher des organismes qui sont impliqués financièrement ou qui vont être impliqués sur le prélèvement de la ressource ? je pense, entre autres, à des industries, je pense, entre autres, aux municipalités ? excusez-moi l'expression, mais tout le monde va tirer la couverte de son côté. Ça fait que ça prend quelqu'un qui a une vision qui est quand même assez neutre au niveau de la gestion de l'eau, qui est capable d'intégrer toutes ces informations-là puis, à ce moment-là, avec le comité de connaissances de l'eau, où j'imagine qu'il va y avoir différents professionnels impliqués, qui va être capable de rentrer en concertation puis, à ce moment-là, de mieux diriger puis de mieux orienter l'utilisation de l'eau ainsi que la gestion de sa qualité.

n(11 heures)n

Mme Beauchamp: Est-ce que vous pourriez nous aider à un peu mieux comprendre votre recommandation quant à l'aspect du fleuve Saint-Laurent? J'ai bien compris votre position, là, qui était sans équivoque, qui était quand même un assez fort appui à la façon de fonctionner jusqu'à maintenant, c'est-à-dire plus une gouvernance par bassin versant et par le soutien financier à des organismes de bassin versant qui regroupent autour d'une table tous les grands... les utilisateurs de l'eau. Mais par ailleurs vous dites, sûrement avec raison, qu'à la fin, là, ça laisse une question en pan, qui est la vision au niveau du fleuve Saint-Laurent.

Vous dites qu'il y a quelques comités ZIP, etc., mais je voudrais vous entendre plus spécifiquement. Un coup qu'on a établi, si on suit votre recommandation, une gouvernance par bassin versant avec le soutien financier à des organismes de bassin versant, vous voyez comment, dans la vraie vie, là, de tous les jours, l'articulation avec la mise en place, depuis maintenant bon nombre d'années... Ça fait au moins presque une vingtaine d'années. Moi, j'ai aidé à mettre en place un comité ZIP, là, dans ma région de l'est de l'île de Montréal. Comment vous voyez l'articulation ensuite avec la stratégie de gestion intégrée du Saint-Laurent, avec la place des comités ZIP en ce moment?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Bien, pour ma part à moi, je crois qu'il faudrait former un comité qui serait responsable, au même titre que les bassins versants, au niveau du fleuve. Il ne faut pas oublier que le fleuve, actuellement c'est lui qui va ramasser tous les tributaires. Le fleuve, actuellement il alimente en eau potable la ville de Bécancour, il alimente la ville de Québec, il alimente une partie de la ville de Montréal, il va alimenter la centrale nucléaire puis différentes industries, surtout dans le coin de Sorel-Tracy, en tout cas Montréal en descendant. Il y a beaucoup d'industries qui sont au niveau du fleuve.

Je crois que, du point de vue scientifique, l'impact de tous ces contaminants puis de toutes les sources d'eau... Je ne pense pas que le fleuve manque d'eau, loin de là, mais c'est surtout au niveau de l'impact, de la synergie des contaminants puis de tous les utilisateurs, à ce moment-là, qu'il devrait être géré. Pour vous citer, on sait très bien que les bélugas actuellement, dans l'estuaire du Saguenay puis dans une partie du fleuve, sont considérés comme étant des déchets dangereux, tellement que la contamination est importante. Mais cette contamination-là, elle vient, à ce moment-là, aussi des Grands Lacs puis elle vient aussi des utilisations de l'eau qui sont faites au niveau du fleuve, puis des rivières, puis de toutes les industries qui sont tributaires du fleuve. Ça fait qu'il faudrait nécessairement, pour ma part à moi... On veut effectivement qu'il y ait un vrai leadership au niveau du fleuve pour intégrer toutes ces notions-là qui sont pour notre part, actuellement, orphelines.

Mme Beauchamp: En fait, c'est là où je veux bien comprendre, parce que, premièrement, comme vous le savez fort bien, une bonne partie du projet de loi devant nous est quand même consacrée à un régime particulier de protection pour le fleuve Saint-Laurent, puisque sont intégrés, d'un point de vue légal, tous les considérants de l'entente signée pour le grand bassin Grands Lacs?Saint-Laurent. J'ai un petit peu de difficultés, moi, à terminer en disant «le Saint-Laurent est orphelin» par rapport à ce projet de loi là quand c'est un régime plus sévère même que sur le reste du territoire.

Maintenant, l'autre chose où je veux bien vous comprendre, c'est que vous dites «le fleuve est orphelin», alors que, dans les faits, dans la vraie vie, il y a ces comités ZIP, il y en a 16 en ce moment sur le territoire québécois. Est-ce que vous dites qu'ils sont inadéquats? Ou encore comment est-ce qu'on peut bien raccorder, je dirais, le travail par bassin versant avec la réalité des comités ZIP? Vous comprenez, moi, je suis assise là, je me dis: Il y a une bonne partie de ma loi qui traite du fleuve. Je sais qu'on finance, qu'on soutient, avec le gouvernement fédéral, les comités ZIP. Pour moi, c'est plus une question de comment on rattache tous ces fils dans une vision très cohérente, alors que, vous, vous terminez en disant: Le fleuve est orphelin. J'ai de la difficulté à réconcilier cela, mais surtout je veux surtout vous écouter puis bien vous entendre sur ce que vous souhaitez.

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily, 45 secondes.

M. Boily (Michel): Merci. Écoutez, le mot, le terme est peut-être fort, au niveau «orphelin». Ce que je veux vous mentionner, c'est un peu... Au même titre que les bassins versants actuellement, c'est qu'il n'y a pas de ligne directrice puis que les comités, bien ils dirigent de façon qu'ils pensent être le mieux. Moi, je crois qu'il faut nécessairement avoir un bureau, une instance pour le fleuve Saint-Laurent qui va s'occuper un peu de ce que je vous mentionnais tout à l'heure. Pourquoi? Parce qu'actuellement votre loi est tirée en grande partie sur le bassin versant du, si je comprends bien, là, du bassin... des bassins des Grands Lacs et du fleuve, et, à ce moment-là, si je comprends bien, ça s'arrête à la région de Trois-Rivières, je crois. Qu'est-ce qui arrive, qu'est-ce qu'il y a en aval de la région de Trois-Rivières, c'est-à-dire Québec, l'estuaire du Saguenay, le golfe, l'île d'Anticosti, en tout cas peu importe? Bien, je crois que cette partie-là, bien, est moins bien traitée dans votre texte de loi. C'est ce que je voulais mentionner.

Mme Beauchamp: Qu'est-ce que vous suggérez?

M. Boily (Michel): Un peu que ce soit un organisme intégrateur, un organisme intégrateur, au même titre que les bassins versants, qui regroupe, en fin de compte, tous les comités qui sont actuellement formés dans le fleuve Saint-Laurent pour qu'il y ait une ligne directrice qui soit mentionnée, qui soit tenue, au même titre que la politique et l'énoncé de ce que vous voulez mettre en place.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Nous allons passer maintenant du côté de l'opposition officielle. Alors, je reconnais le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: Merci, Mme la Présidente. Il y a un point dans lequel... Vous excluez les barrages hydroélectriques dans la loi présente. Je me demande si vous pourriez m'expliquer que des barrages privés comme Rio Tinto Alcan, qui prennent des débits d'eau extraordinaires sur le Saguenay, ne puissent pas être soumis à la loi, question de redevances, et aussi les petits barrages privés qui se multiplient au Québec. La loi prévoit d'exclure aussi tout ouvrage qui dérive ou... retenir l'eau à produire de l'hydroélectrique. Vous appuyez cette chose-là. Expliquez-moi pourquoi vous excluez les barrages dans votre recommandation.

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily. Ah! M. Kouadio?

M. Kouadio (Philippe): Oui. Je ne pense pas qu'on demande d'exclure le fleuve Saint-Laurent. Dans la loi, on ne demande pas qu'on exclue l'utilisation hydroélectrique de l'eau. Dans la loi, l'hydroélectricité est exclue. Et ce que nous ajoutons, c'est que, si l'hydroélectricité doit être exclue, on demande qu'aussi l'utilisation de l'eau pour la géothermie soit exclue. Parce qu'on s'est posé la question à savoir: Pourquoi est-ce que l'hydroélectricité est exclue? On n'a pas trouvé la réponse. Dans ce cas, si on doit exclure l'hydroélectricité, pourquoi est-ce qu'on n'exclurait pas l'utilisation de l'eau en géothermie, qui est considérée comme une énergie durable?

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: Je vois mal comment on exclurait Rio Tinto, qui utilise des milliards de gallons d'eau, d'une redevance sur la rivière Saguenay. Je ne comprends pas le pourquoi d'enlever les barrages privés, de les exclure de la loi.

M. Kouadio (Philippe): En fait, nous, on ne recommande pas de l'exclure, mais, dans le projet de loi, d'après ce qu'on a compris, l'utilisation de l'eau en hydroélectricité est exclue. C'est ce que, nous, on a compris à travers le projet de loi. Donc, on dit: Bien, si on exclut l'hydroélectricité, ce que nous trouvons que ce n'est pas normal, alors il faudrait exclure d'autres utilisations de l'eau, dans le sens du développement durable.

M. Deschamps: Advenant une privatisation d'Hydro-Québec, si la loi s'appliquait, on aurait un manque de revenus assez évident, là, pour les redevances.

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Oui. Effectivement, je ne pense pas que, dans notre présentation, on mentionne qu'il faudrait exclure Hydro-Québec, au contraire. On parle de toutes les instances, là, on parle de... bien publiques et parapubliques aussi. C'est sûr et certain qu'Hydro-Québec puis les autres barrages qui utilisent de l'eau, c'est sûr qu'il y a une perte, au même titre que les textes de loi mentionnent, il y a une perte par évaporation, puis il y a un frais d'utilisation, à ce moment-là, puis il y a une altération. Toute utilisation de l'eau représente une altération. Je ne crois pas que Réseau va entériner cette décision-là d'exclure Hydro-Québec et les autres utilisateurs de barrages hydroélectriques, loin de là, là. Je ne pense pas qu'on a visé ça dans nos recommandations.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: Merci. Ça va, madame. Je passe la parole à monsieur...

La Présidente (Mme Ménard): Ça va? M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Dans vos commentaires spécifiques, à l'article 4, vous faites référence de certaines balises qu'on retrouve notamment en France, des balises sur la pollution directe et la pollution diffuse, des balises sur la redevance. Je ne sais pas si vous pourriez amener plus de détails sur ce que sont ces balises-là: C'est quoi, leur vocation, et comment on pourrait s'en inspirer?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Bien, je vais vous apporter un commentaire et laisser Philippe ou Martine continuer après.

Je pense que ce qu'on veut appliquer ici, c'est le principe pollueur-payeur. Actuellement, dans plusieurs lois aux États-Unis ou en Europe, ailleurs, ces principes-là sont définis, c'est-à-dire qu'il y a des balises. C'est que, si tu pollues, si tu détériores la ressource, bien, à ce moment-là, tu as des redevances à payer, ça, c'est bien certain.

Je crois que Philippe pourrait peut-être...

M. Kouadio (Philippe): Bien, en fait, oui, on a pensé à cet aspect en considérant le fait que toute utilisation ? on généralise ? mais toute utilisation de l'eau à long terme pourrait affecter un cours d'eau. Bien, si toute utilisation peut affecter un cours d'eau, comment est-ce qu'on se place pour pouvoir définir si cette pollution est directement émise par une personne ou une autre? Est-ce que c'est une pollution diffuse? En fait, en France, c'est quand même assez spécifié, en faisant la part des choses. En recommandant cette politique de pollueur-payeur, ils font la différence entre le fait que ce soit une pollution diffuse ou une pollution directe. Donc, c'est en fait à ça qu'on voulait revenir.

La Présidente (Mme Ménard): O.K. Oui, M. Boily.

n(11 h 10)n

M. Boily (Michel): Oui. Juste pour vous donner un éclaircissement sur ce qu'on entend par pollution directe puis pollution diffuse. On peut parler de tous les sols agricoles actuellement, il y a des drainages agricoles qui entraînent, au niveau de plusieurs rivières, une pollution qu'on appelle diffuse. Ce n'est pas un déversement spécifique d'une usine dans un émissaire connu. Ça fait qu'à ce moment-là la loi, en France, fait vraiment la partition des deux, puis, à ce moment-là, il y a une législation puis des tarifications qui sont établies en fonction de ces types de pollution là, ce qu'on n'a pas ici.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: La raison pourquoi je vous posais cette question-là, c'est qu'en page 6 de votre mémoire vous faites référence à un certain problème, d'ailleurs d'un manque de connaissance face à l'état initial. Donc là, lorsqu'on a besoin de remettre en état un cours d'eau, il faut savoir évidemment comment il se trouvait avant. Et là, sans ces balises-là, sans la connaissance sur l'eau était comment, est-ce que c'est possible pour nous de faire adéquatement une protection de nos ressources en eau?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Oui. Écoutez, c'est sûr qu'il y a une partie des... il y a déjà de l'information qui est disponible au niveau de l'eau. Il y a le municipal, il y a l'agriculture, il y a différents ministères qui ont apporté plusieurs projets. Il s'agirait d'intégrer en partie cette information-là pour l'avoir. C'est sûr qu'il reste encore beaucoup de plans d'eau puis beaucoup de choses qui sont orphelines, ça, on l'accorde. Mais, écoutez, pour le meilleur exemple, on parle plus d'impact au niveau de la contamination.

Je vais vous parler d'un lac comme le lac à la Tortue, entre autres, dans la région de la Mauricie qui est en état d'eutrophisation très avancé. Si on a un déversement supplémentaire d'ammoniac, ou d'azote, ou peu importe sous quelle autre forme, de phosphore, quel impact ça va avoir sur le lac à ce moment-là? Puis qu'est-ce qu'on définit comme état initial? Est-ce qu'on définit l'état initial du lac comme étant eutrophisé ou est-ce qu'on définit l'état du lac avant qu'il y ait des citoyens qui soient installés autour du lac puis qu'ils aient, à ce moment-là, apporté les problèmes d'eutrophisation qu'on connaît actuellement? Ça fait que ça, il faudrait que ce soit défini, ça, au niveau de l'altération.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: J'aimerais vous entretenir sur le comité national de l'eau, qui est l'une des recommandations que vous avez en page 8 de votre mémoire. Jusqu'à maintenant, on a eu des intervenants qui nous mentionnaient qu'il y avait beaucoup d'organismes, beaucoup d'acteurs dans le milieu de l'eau, ce qui compliquait la vie, ce qui compliquait les actions concrètes, ce qui faisait qu'il y avait beaucoup de doublons, là, tu sais, si je peux me permettre. Et puis d'ailleurs vous mentionnez vous-mêmes l'inconvénient du bureau national... bureau d'étude de l'eau qui reprend en partie les responsabilités des organismes de bassin versant. Vous mentionnez que ça prendrait un peu de clarté là-dedans. Vous, vous rajoutez une autre structure.

Est-ce que vous trouvez que ça complique les choses ou si c'est pour le mieux-être de la qualité de l'eau au Québec?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Bien, c'est parce que, moi... Nous croyons que le milieu économique, le milieu municipal, le milieu des affaires, tous les intervenants au niveau de l'eau, hein, comme je disais tantôt, ils ont un peu... ils ont leur mot à dire au niveau de l'utilisation. C'est sûr et certain que ça prend un comité qui est directeur, comme les bassins versants ou le Bureau de connaissances de l'eau qui va être formé, mais non... une voie démocratique. Puis, pour impliquer tous les intervenants, je crois que ça devient nécessaire, à ce moment-là, pour avoir l'opinion de tous les gens. Je crois que c'est un...

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Je vais vous poser une dernière question sur un élément qui m'a beaucoup intrigué, qu'on retrouve en page 11 de votre mémoire, et puis c'est sur la question de l'exportation de l'eau. Vous dites qu'il y a toute une question de ballastage des navires. C'est une situation que je n'étais pas au fait. Est-ce que vous pourriez me dire un peu ce qu'il en est puis me dire aussi si c'est une tendance qui est lourde ou si c'est encore marginal?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Je vous dirais que, dans le sens de ce qu'on a proposé, c'est qu'on a proposé que toutes les utilisations de l'eau, dans notre texte, soient réglementées. Actuellement, il y a des exclusions qui sont mentionnées dans le texte de loi, entre autres le ballastage, puis on apporte comme exemple que... Ça peut être important de le mentionner, c'est que le ballastage de l'eau se fait lorsque les navires... Bon, ils vont compenser leurs charges en augmentant une charge d'eau. Puis, comme mentionné dans ma présentation en préambule, il y a des municipalités comme Barcelone actuellement qui sont alimentées en eau à partir de navires-citernes. Ça fait qu'on se demande à la limite, si cet aspect de ballastage là n'était pas réglementé, entre autres si un pétrolier arriverait ici, rincerait ses cuves puis, sous le principe d'un ballastage, irait s'installer dans un tributaire du fleuve, pomperait indûment l'eau puis s'en irait en Europe sans redevance. C'est ce qu'on veut apporter comme point, qu'il faut vraiment, à ce moment-là, que tous les aspects de l'utilisation de l'eau soient réglementés puis encadrés.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: C'est une forme d'exportation de l'eau indirecte, mais actuellement ce n'est soumis à aucune réglementation. Donc, le ballastage, on n'est pas au courant de quelle quantité d'eau est prélevée, on n'est pas au courant de cette eau s'en va à quel endroit. C'est un peu anarchique. C'est ça que je comprends actuellement.

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Pour ma part à moi, à moins que je me trompe, oui, effectivement.

M. Diamond: Donc, il y aurait lieu, si redevances il y a, d'appliquer évidemment une redevance sur le ballastage ou ce n'est pas dans votre ordre de pensée?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Peut-être pas nécessairement appliquer des redevances, mais que ce soit encadré, tout simplement.

M. Diamond: Merci.

M. Boily (Michel): Je pense que Philippe a un mot à rajouter.

M. Kouadio (Philippe): Oui. J'aimerais tout simplement dire que le problème de l'alimentation des villes par bateau n'est pas encore un problème d'envergure en Amérique du Nord, mais c'est à titre préventif. De plus en plus, ça se fait. Ça se fait ailleurs. Pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas arriver ici? Parce qu'ici aussi, en Amérique du Nord, je vais dire, il y a des endroits où il y a un manque criant d'eau. Donc, on aimerait que le ministère fasse un peu plus attention et que la réglementation permette de peut-être aller faire des vérifications au niveau du ballastage des navires, quelle quantité d'eau est prise, quelle quantité d'eau est rejetée. Donc, c'est vraiment pour attirer l'attention du ministère sur cet aspect-là.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Non, c'est beau. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Ménard): Alors, nous allons passer au deuxième groupe d'opposition. Je reconnais le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue. Écoutez, j'aimerais revenir sur la question de la gouvernance de l'eau parce que, suivant la conversation que vous avez eue avec... les échanges que vous avez eus avec la ministre, je n'ai pas tout à fait bien compris comment pourraient s'intégrer l'action des organismes de bassin versant et celle des zones d'intervention prioritaire. Est-ce que vous suggérez que les zones d'intervention prioritaire... À ce que j'ai compris, c'est que vous suggérez qu'elles couvrent l'ensemble du littoral du Saint-Laurent, donc au-delà de Trois-Rivières et tout l'aval. Mais cette intégration-là devrait-elle être faite en regard des organismes de bassin versant des affluents ou devrait-elle être faite en regard de l'ensemble des zones d'intervention prioritaire entre elles?

Je vais vous donner un exemple. Cet été, il y a eu une recrudescence des algues de la marée rouge, qui essentiellement est un produit des tributaires du Saint-Laurent, hein? C'est le ruissellement des eaux de surface qui éventuellement arrive en trombe dans les affluents, ce qui augmente la quantité d'eau douce dans le fleuve et qui accentue la prolifération des algues rouges. Alors, quelle est votre option? Est-ce que c'est une option qui est plus d'intégration des zones d'intervention prioritaire entre elles ou une intégration des zones d'intervention prioritaire avec les organismes de bassin versant des affluents?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): Bien, je pense que tous les organismes doivent avoir... doivent vouloir intervenir, à tout le moins, pour partager l'information que je crois que le... Si on forme un organisme au niveau du fleuve Saint-Laurent, je crois qu'il doit s'intégrer dans les bassins versants des tributaires du fleuve, c'est bien évident.

M. Bouchard: Alors, c'est important, ça, ce que vous nous dites maintenant, là. Il devrait être intégré dans l'organisme... ou dans les organismes de bassin versant des affluents au point de départ...

M. Boily (Michel): Oui.

M. Bouchard: ...ce qui voudrait dire quelque part qu'il doit y avoir un maître d'oeuvre de l'ensemble des analyses, et des descriptions, et des plans directeurs qui reviendrait selon vous aux organismes de bassin versant dont feraient partie les zones d'intervention prioritaire?

M. Boily (Michel): Oui.

M. Bouchard: C'est ça qu'on doit comprendre?

M. Boily (Michel): Oui, avec le Bureau de connaissances de l'eau effectivement, là, qui pourrait être, comme là, comme source, qui pourrait être la source pour recueillir toutes les informations pertinentes, à ce moment-là, puis pourrait être un bureau, à ce moment-là, qui pourrait aider à diriger, en fin de compte, avec les spécialistes déjà en place, les bassins versants de tous les tributaires du fleuve et celui du fleuve aussi. Je pense que c'est un... On ne peut pas dissocier des activités de tous les tributaires du fleuve du fleuve comme tel, là.

M. Bouchard: Non, non.

M. Boily (Michel): Je pense que ce ne serait pas logique de le faire.

M. Bouchard: Mais ce que je comprends, en tous les cas, à la lecture du projet de loi, c'est qu'il y a une clarification à faire à cet égard-là parce que...

M. Boily (Michel): Oui, effectivement parce que, le fleuve, actuellement on en parle... Comme je le disais, comme je l'ai mentionné, c'est qu'on va en traiter aller jusqu'à la région de Trois-Rivières, mais, en aval de Trois-Rivières, bien il n'y a rien de mentionné parce qu'actuellement... C'est sûr qu'en amont de Trois-Rivières, les Grands Lacs, et tout ça, bien, à ce moment-là, c'est sous l'entente des Grands Lacs puis du fleuve Saint-Laurent, là. Mais, en aval de Trois-Rivières, il n'y a rien de mentionné. Qu'est-ce qu'on fait? On applique déjà ce qui est déjà écrit pour l'entente des Grands Lacs puis du fleuve avec des quantités de prélèvements, comme j'ai mentionné, de 19 000 m³ qui ne sont peut-être pas nécessairement adaptés à des tributaires qui sont beaucoup plus petits, là, comme, je ne sais pas, moi, certaines rivières qu'on retrouve en Gaspésie ou encore des rivières qu'on retrouve dans le Bas-Saint-Laurent, là.

M. Bouchard: Merci.

n(11 h 20)n

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Bonjour. Vous mentionnez à la page 3 que le projet de loi n° 92 ne parle pas assez de certains éléments, dont le rôle que vont jouer les organismes de bassin versant de même que les moyens qui seront mis à leur disposition. En ce qui concerne les moyens, est-ce que vous avez des indications sur des moyens, on pourrait dire, adéquats qui pourraient être mis de l'avant? Ce serait quoi, des moyens adéquats, là, qui pourraient permettre aux organismes de bassin versant de bien jouer leur rôle?

M. Boily (Michel): Bien, premièrement, c'est de reconnaître les organismes de bassin versant comme les leaders du bassin comme tel. C'est comme les personnes qui vont recueillir, en fin de compte, toutes les informations, qui vont recueillir, en fin de compte, tous les plans de développement intégrés du bassin versant, c'est-à-dire avoir un groupe qui va s'occuper de la communauté qui vit sur le bassin versant.

Les moyens, écoutez, on sait très bien que ça prend des spécialistes, ça prend des hydrogéologues, ça prend des ingénieurs, ça prend un paquet de monde. Je ne crois pas que les bassins versants vont aller intervenir jusqu'à comment est-ce qu'une ville doit puiser son eau, de quelle façon. Mais, à ce moment-là, les bassins versants, je crois, dans leurs moyens, avec le Bureau de connaissances de l'eau, doivent s'assurer que les activités économiques reliées à la rivière ne nuiront pas et ne causeront pas de synergie au niveau de la contamination pour qu'on ait des problèmes un peu plus bas, là. Je pense que c'est là que leur rôle... ils doivent intervenir.

Puis je crois que le rôle des bassins versants, dans une structure encadrée, est dans des rôles bien définis, c'est-à-dire de leaders, de gens qui vont recueillir les informations, qui vont être en mesure d'aller chercher des outils pour... des outils et des spécialistes pour, en fin de compte, faire l'analyse des structures qui sont déjà présentes sur le bassin versant. Bien, à ce moment-là, je pense que, le Bureau de connaissances de l'eau, ce serait un de ses beaux mandats, en plus de recueillir tout ce qui se fait au niveau des bassins versants, mais d'avoir en place des instances qui pourraient aider ou, à tout le moins, diriger les choix de spécialistes en fonction des différentes situations qu'on va retrouver sur les bassins.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Vous mentionnez dans vos recommandations qu'on devrait avoir une stratégie d'économie d'eau potable, de l'eau de manière générale. Quelles seraient les grandes lignes de cette stratégie-là?

M. Boily (Michel): Bien, je l'ai déjà mentionné, c'est qu'il va y avoir des certificats d'autorisation ? je parle, entre autres, pour les municipalités ? des certificats d'autorisation pour le puisement. On sait très bien qu'actuellement, bien, l'eau potable, il y a plusieurs municipalités qui... leurs systèmes actuellement d'aqueduc bien sont très déficients, il y a des pertes de l'ordre de 20 % à 25 % au niveau de l'eau potable qui s'en retourne à la nappe phréatique. Ça, écoutez, c'est très important. Entre autres, les eaux de surface comme la ville de Québec, entre autres, je pense que c'est eux qui ont déjà mis en place plusieurs mécanismes pour pallier à ces situations-là, à tout le moins, au niveau de leurs infrastructures, s'assurer que l'eau traitée n'est pas perdue. Mais je pense aussi, entre autres, à un besoin qui est beaucoup plus criant puis qui est peut-être plus pointu, je pense aux municipalités qui sont alimentées par des nappes d'eau phréatiques, c'est-à-dire des sources aquifères, à ce moment-là, qui sont beaucoup plus vulnérables en fonction des structures géologiques puis des charges d'alimentation en eau.

Ça fait que je crois que, oui, c'est important, à ce moment-là, de vérifier, là, puis de quantifier, puis de s'assurer, en fin de compte, que la ressource n'est pas utilisée à outrance. C'est pour ça qu'un programme d'économie d'eau, à ce moment-là, bien ça devient primordial pour, à tout le moins... et régler les paramètres physiques qui sont connus, comme les structures d'aqueduc déficientes ou encore des choses aussi simples que la sensibilisation, comme Réseau Environnement fait à tous les ans, là, au niveau de l'économie de l'eau, parce qu'il y a un coût rattaché à ça, c'est bien certain.

M. Trottier: Vous posez comme question...

Une voix: ...

M. Trottier: O.K.

M. Kouadio (Philippe): Je voudrais juste rajouter quelque chose parce que, dans la Politique nationale de l'eau, l'engagement 49 du gouvernement, c'était de développer une stratégie québécoise d'économie d'eau qui subordonnerait toute aide municipale à la condition de mettre en place un programme de contrôle des fuites et d'économie d'eau. Donc, cet engagement-là, on n'en a pas vu vraiment la réalisation depuis que la Politique nationale de l'eau a été mise en vigueur. Donc, on voulait rappeler au gouvernement qu'il y a des choses à faire avant... Lorsqu'on demande de limiter les certificats d'autorisation à cinq ans, c'est pour que le gouvernement puisse aller vérifier que, oui, ils ont peut-être besoin de plus d'eau, mais est-ce qu'ils ont fait au moins un effort au niveau du contrôle de leurs fuites? Est-ce qu'ils ont essayé de contrôler certaines choses qui peuvent arriver dans un réseau de distribution et qui peuvent affecter la quantité globale d'eau que la population consomme?

On a quelques données concernant la consommation moyenne du Québécois par jour, et ces données sont vraiment très élevées. Pourquoi? Parce qu'on pense qu'il y a beaucoup d'eau qui passe au niveau des fuites. C'est vrai que la population globalement utilise beaucoup d'eau, mais il y a une forte proportion de cette quantité d'eau... la consommation qui nous place parmi les leaders, les leaders dans le sens... ceux qui consomment plus d'eau en Amérique du Nord, et on trouve que ce n'est pas reluisant pour nous autres, Québécois, ce qui fait qu'il faudrait faire un effort dans ce sens-là, et on veut que le gouvernement aille dans ce sens pour encourager les municipalités. Et même pourquoi pas les obliger à faire certaines choses qui pourraient nous permettre de baisser cette consommation-là?

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval, deux minutes.

M. Trottier: Merci. Vous mentionnez que... vous posez comme question: Est-ce qu'un propriétaire de résidence isolée pourrait avoir le droit d'exiger qu'une nappe soit décontaminée si ça avait été le cas? Quelle est votre réponse? Est-ce que vous pensez que le propriétaire pourrait exiger... Est-ce qu'il pourrait avoir des compensations?

La Présidente (Mme Ménard): M. Boily.

M. Boily (Michel): C'est ce qu'on veut savoir, nous aussi. C'est une remarque qu'on a apportée au texte de loi, c'est qu'on veut que ce soit balisé. C'est qu'actuellement la loi cite que tout citoyen a le droit à avoir accès à une eau potable, mais, bon, on sait très bien que ce droit-là à tous les gens... Il y en a qui n'en ont pas, d'eau, c'est sûr et certain. Y ont-u un droit de recours, à ce moment-là, par rapport à cette loi-là? Est-ce que cet énoncé-là est un voeu pieux? C'est ce qu'on veut définir, parce que ça peut avoir des impacts majeurs au niveau des municipalités.

Par exemple, en cas d'avis d'ébullition, est-ce que le citoyen va revenir contre la municipalité parce qu'il est obligé de s'acheter des bouteilles d'eau? Est-ce que les nappes d'eau qu'on connaît ici, au Québec, qui ont des problèmes au niveau du fer et du manganèse, qu'on est obligés de traiter et qui sont quand même un problème important, là, ou du fluorure, ou des nitrites-nitrates, peu importe le problème... À ce moment-là, l'eau devient impropre en fonction des normes qui sont déjà établies. Est-ce que ce citoyen-là va avoir un droit d'exiger ou d'avoir des compensations du point de vue du gouvernement ou de sa municipalité pour avoir accédé à un traitement ou, à tout le moins, à une eau potable? Ce n'est pas défini, puis là on trouve que cette... On veut que ce soit encadré puis que ce soit défini parce que, écoutez, ça peut avoir des ampleurs qui sont immenses, là. Je ne sais pas jusqu'à quel point l'article de loi va aller, mais on a trouvé ça très gros, puis c'est les municipalités qui nous ont apporté ce point-là. Elles ont dit: Écoutez, nous, qu'est-ce qu'on fait avec ça, le citoyen qui n'est pas alimenté par un réseau d'aqueduc parce que le réseau ne se rend pas encore à son domicile, puis il y a du fer et du manganèse à outrance dans son eau? Est-ce qu'il va demander à la municipalité de... les obliger de prolonger le réseau d'aqueduc? Est-ce qu'il va demander un traitement d'eau? Regarde, on ne le sait pas, là. C'est ce qu'on demande qui soit défini, que ce soit encadré.

La Présidente (Mme Ménard): Il reste 30 secondes. Vous avez un autre commentaire court?

M. Trottier: Vous dites qu'en 2007 vous avez produit un document, Mesure et comptabilisation des prélèvements d'eau. Quelles étaient les principales recommandations? Vous dites qu'elles n'ont pas été appliquées. Ce serait quoi, les principales recommandations qu'on devrait mettre de l'avant?

M. Boily (Michel): En 2007, j'étais absent de Réseau. Je pense que je peux parler aux gens, les permanents.

M. Kouadio (Philippe): Oui. Le document traite des différents moyens qu'on peut utiliser pour mesurer l'eau prélevée. Donc, en fait, nous, le gouvernement nous a demandé de faire ce travail-là pour leur donner de l'information sur les différents équipements qu'on peut utiliser pour mesurer l'eau. Donc, avec ce document, le gouvernement a tous les moyens pour pouvoir mesurer l'eau prélevée, pour pouvoir imposer que les utilisateurs de l'eau puissent mesurer le prélèvement. Une fois qu'on mesure la quantité d'eau prélevée, c'est plus facile de mettre un tarif là-dessus. Donc, c'était vraiment l'objectif de ce document-là.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, Mme Lanoue, M. Boily, M. Kouadio, merci de votre présentation.

Et nous allons maintenant suspendre pour laisser la chance à l'autre groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

 

(Reprise à 11 h 32)

La Présidente (Mme Ménard): Alors, nous allons continuer nos présentations. Bienvenue au Barreau du Québec. Alors, je demanderais, le porte-parole, d'identifier les gens qui l'accompagnent et je vous invite à votre présentation. Vous avez 15 minutes. Merci.

Barreau du Québec

M. Tremblay (Gérald R.): Alors, merci. Alors, mon nom est Gérald Tremblay, je suis le bâtonnier du Québec. Je suis ici, aujourd'hui, avec le président du Comité du droit de l'environnement du Barreau du Québec, Me Jean Piette, et également Me Michel Yergeau, membre du même comité. Les deux sont comme... bon, ont comparu souvent en commission parlementaire. Ce sont deux grands experts en matière de droit de l'environnement. Et Me Marc Sauvé, qui est le directeur du Service de recherche du Barreau et qui est souvent à l'origine de la qualité de la documentation qui vous est remise. Je dis «souvent» parce que je veux laisser un peu de crédit à d'autres, y compris votre humble soussigné.

Alors, je voudrais vous remercier de votre invitation. Et, comme vous le savez, le Barreau du Québec appuie le principe du projet de loi, tel que notre documentation écrite le dit. Le Barreau salue l'initiative du législateur visant à confirmer le caractère collectif de l'eau comme ressource naturelle. Cependant, nos commentaires... Et nous sommes ici comme membres du Barreau et comme organe supérieur du Barreau, nous sommes ici pour faire une critique constructive du projet de loi et vous recommander des interrogations et des améliorations au projet de loi qui nous semblent nécessaires.

Premièrement, dans la section I du projet de loi, on énonce des principes qui s'appliquent à l'eau comme ressource collective et accessible. Il est cependant difficile de mesurer la portée précise de ces énoncés de principe à cause de l'utilisation d'expressions qui en balisent la portée, par exemple l'expression «sauf dans les conditions définies par la loi», à l'article 1, et «dans le cadre de la loi», à l'article 2.

Nous comprenons que les prélèvements importants d'eau de surface ou d'eau souterraine seront encadrés par cette nouvelle loi. Ce sont essentiellement les municipalités, les industries et les entreprises agricoles qui sont susceptibles d'être affectées par ces nouvelles dispositions, la production et l'exportation hydroélectriques en étant exclues.

L'article 1, nous y souscrivons comme principe qui affirme le caractère collectif des ressources en eau, qui était d'ailleurs déjà codifié à l'article 913 du Code civil du Québec. L'article 2 cause peut-être problème. Je le lis: «Dans le cadre de la loi, chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable.» Ça a été un peu touché par ceux qu'on a entendus il y a quelques secondes. Il faut noter qu'il ne s'agit pas d'un droit à l'eau potable mais plutôt d'un droit d'accès. Ce nouveau droit, de facture un peu inusitée, laisse songeur.

Qu'est-ce que ça veut dire exactement, le droit d'accès à l'eau potable? Est-ce que les droits sont accordés à chaque personne physique? Quel est le débiteur de cette obligation? Quand on crée un droit, quelqu'un en est le débiteur, normalement. Est-ce que c'est les municipalités, le gouvernement, les propriétaires de terrain? Comment se traduira concrètement ce droit pour les citoyens? Est-ce que ce nouveau droit obligera les personnes, des entreprises ou des municipalités à ériger les infrastructures d'accès, des tuyaux ou d'autres équipements pour permettre l'exercice de ce droit? Les citoyens pourront-ils recourir aux tribunaux pour accéder à l'eau potable sur la base de cette nouvelle disposition?

On a un exemple dans le Code civil, par exemple le fonds enclavé. Alors, le fonds enclavé a le droit de demander un droit d'accès au voisin qui le mène au chemin public. Donc, c'est une servitude, une servitude de passage, et là c'est le mot «accès». Alors, est-ce que, dans des circonstances que l'on ne peut pas définir maintenant, mais est-ce qu'on peut imaginer des cas où un citoyen va dire: Il y a un lac qui contient de l'eau potable, c'est le seul endroit où je peux en prendre à 500 milles à la ronde, donc je demande aux tribunaux de m'accorder un droit d'accès à cette eau potable, qui est le lac sur le terrain du voisin? On peut imaginer dans des terrains dans le Grand Nord ou bien en Abitibi, enfin dans les endroits où il n'y a pas de service d'aqueduc tout près. Est-ce qu'un tribunal, un jour, va dire: On va donner un sens à cette disposition-là? C'est une question que l'on se pose. Alors ça, c'est un principe sur la... c'est-à-dire que c'est un commentaire qu'on voulait faire sur l'article 2.

Le deuxième commentaire que je voulais faire, c'est celui sur la responsabilité sans faute, sur lequel il y aura une plus grande élaboration tantôt par l'un d'entre nous. Ça, c'est également une préoccupation majeure parce que ça crée une distorsion importante dans notre droit civil, notre droit civil qui a toujours les mêmes conditions: faute, dommage et lien de causalité. Et là, woup! on ajoute le mot «fait». S'il y a le mot «fait», il y a le mot «faute», il y a le mot «action illégale». «Fait» tout seul, ça veut dire qu'on exclut les deux autres ou ça peut vouloir dire «responsabilité sans faute».

Troisième point, prescription de 10 ans de la connaissance. Ça, honnêtement ça me semble exorbitant du droit commun, je le dis en tout respect, que, si... D'ailleurs c'est un mauvais exemple pour le citoyen. Si le gouvernement a connaissance, à partir du moment où le gouvernement a connaissance de faits qui lui permettraient de prendre action, on ne peut pas justifier au citoyen que le gouvernement peut s'asseoir pendant 10 ans et prendre son action au bout de neuf ans et demi, alors que la prescription générale du Code civil, c'est de trois ans. Pourquoi le gouvernement, l'immense machine étatique aurait, elle, une prescription de 10 ans?

Il y a des dispositions un peu plus particulières sur la gouvernance de l'eau, la protection, la gestion de l'eau et les mécanismes de consultation. Alors, c'est à grands traits les domaines sur lesquels nous voudrions élaborer davantage, et je vais d'abord demander à Me Jean Piette d'élaborer sur la partie où il s'est préparé davantage.

n(11 h 40)n

M. Piette (Jean): Mme la ministre, MM., Mmes les députés, mon intervention portera sur certains aspects du projet de loi, et évidemment mon collègue Michel Yergeau aura l'occasion d'élaborer de façon plus particulière sur d'autres aspects. Je vais d'abord vous parler des mécanismes de consultation qui sont prévus ou pas prévus dans la loi, où il nous semble, comme Barreau, y avoir un besoin de préciser ou même d'inscrire des mécanismes de consultation à certains moments clés, dans cette loi, où ces mécanismes sont présentement absents.

D'abord, il y a la question, à l'article 12, des fameux organismes de bassin. Je sais que plusieurs autres intervenants vous ont formulé des commentaires à ce sujet-là. Nous, nous avons une interrogation sur ce pouvoir que posséderait le ministre, en vertu de l'article 12, de constituer de nouveaux organismes. Il a aussi le pouvoir d'en désigner certains qui existent. Mais ces nouveaux organismes, c'est pas mal flou quant à nous, ça va être quoi, son pouvoir. Est-ce que ça va être un pouvoir de susciter la création d'un organisme? Est-ce que lui va être partie de cet organisme-là? Est-ce que cet organisme-là aura une personnalité juridique comme une personne morale constituée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies du Québec? Alors, voilà autant de questions qu'on se pose.

Et on s'intéresse aussi... on s'interroge, pardon, sur les pouvoirs de cet organisme-là. On dit qu'il aura le pouvoir de réaliser et mettre en oeuvre... Pour nous, ça nous semble bien ambitieux comme pouvoir, surtout quand on sait que, sur le terrain, dans les bassins, ceux qui ont les véritables pouvoirs, ce sont les municipalités locales, les municipalités régionales de comté. C'est également les ministères qui ont les pouvoirs de dépenser importants, et des fois il y a des régies intermunicipales. Alors, il existe plusieurs instruments, plusieurs organismes publics qui sont présents sur le terrain, et ici en voir un nouveau qui, lui, va réaliser et mettre en oeuvre... Normalement, il faut avoir de l'argent pour mettre en oeuvre. Alors, on se pose beaucoup d'interrogations, là, sur ces nouveaux organismes là.

Ensuite, on parle ? l'article 12 toujours ? d'un pouvoir qu'on confère au ministre de prévoir des modalités de consultation pour l'élaboration des plans directeurs de l'eau. Bien, ces plans directeurs de l'eau là, selon nous ça va être des instruments de planification importants. Il faudrait, croyons-nous, prévoir de façon plus explicite, dans la loi elle-même, un mécanisme de consultation et de participation du public et non pas simplement laisser ceci à la discrétion du ministre. Alors, voilà donc un commentaire sur l'article 12.

Ensuite, si on passe plus loin à des commentaires sur les pouvoirs d'autoriser les prélèvements d'eau, nous voyons, dans les articles 31.76 et 31.77, de bonnes dispositions. On est heureux de voir des critères apparaître, des critères qui seront ceux utilisés par le ou la ministre pour rendre ses décisions dans l'intérêt public. On voit, parmi tous ces critères, qu'à peu près tout ce qu'il est possible d'imaginer est prévu: on parle de la qualité des écosystèmes, de l'équilibre des écosystèmes, on parle des besoins des utilisateurs, on parle du développement régional, on parle des développements économiques, on parle de toutes les préoccupations des pouvoirs publics.

Alors ça, on trouve que c'est bon que ces critères soient mentionnés, d'autant plus que ça va permettre d'aller plus loin que le pouvoir discrétionnaire que possède présentement le ministre en matière d'autorisation de prélèvement d'eau, pouvoir qu'on trouve à l'article 32 de la loi actuelle. Alors donc, il y a un élargissement de l'article 32. Les critères sont là. On trouve que c'est bon et que c'est sain que des critères soient présents parce qu'on va voir, le citoyen va voir: En fonction de quels critères le ou la ministre va-t-il rendre une décision?

Par contre, là, on s'inquiète beaucoup d'une autre chose, c'est un pouvoir qu'on trouve à l'article 31.79, où, là, il y a une nouvelle notion qui est introduite par-dessus les critères énumérés à 31.76 et 31... bien 31.77: le pouvoir de rendre une décision dans l'intérêt public. Alors là, on introduit une notion d'intérêt public et ? d'accord, je vois vos trois minutes ? une notion d'intérêt public dont la ministre ou le ministre est le seul décideur. Et pourtant, tous les autres paramètres qui servent à rendre une décision, le ministre doit les conjuguer, ces paramètres-là, et rendre décision dans l'intérêt public. Et là on lui dit: Par-dessus tout ça, on va vous donner d'autres pouvoirs d'intérêt public, puis ça, personne ne va pouvoir revoir ça, le Tribunal administratif du Québec ne pourra pas réviser cette décision-là, c'est l'apanage du ministre. Ceci, ça nous semble excessif dans les circonstances. On s'objecte à l'attribution d'un tel pouvoir discrétionnaire en sus de tous les paramètres décisionnels prévus à 31.76, 31.77.

Nous nous interrogeons également sur la validité des permis de prélèvement de 10 ans, et ceci, essentiellement pour des raisons économiques. Il nous semble que beaucoup de gens vont faire des investissements importants, des investissements qui devront être amortis sur des périodes de 15, 20, 30 ans, dans certains cas, dans le cas de grands investissements industriels par exemple, et, le fait d'avoir une limitation à 10 ans, on craint que ça crée de l'insécurité auprès des prêteurs qui vont prêter des millions ou des milliards de dollars à des entreprises qui voudront s'implanter au Québec.

Autre sujet de préoccupation, la révocation sans indemnité de permis de prélèvement. Même s'il y a des motifs, des bons motifs de mentionnés, ceci constitue une dépossession d'un droit, et il nous semble que toute dépossession de droit de la part d'une personne qui, lui, a toujours respecté la loi, a toujours respecté les règlements, a toujours respecté les permis, c'est inique, que c'est inacceptable et que ceci devrait donner lieu à une indemnité comme dans le cas d'une expropriation.

Pour terminer, je veux mentionner d'autres endroits où il nous semble qu'il faudrait qu'il y ait plus de consultations de prévues. D'abord, en ce qui concerne la levée du moratoire prévue à l'article 31.106, il faut prévoir une consultation publique avant que le gouvernement ne décide de lever un moratoire aussi important. Et également on suggérerait au gouvernement d'inscrire un mécanisme de consultation dans le cadre de l'article 31.77. On dit que le ministre a le pouvoir de rendre des décisions ici, de prendre en considération les observations du public, mais il n'y a pas de mécanisme de prévu pour permettre au public de s'exprimer.

Alors, voilà mes commentaires pour l'instant.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Le temps passe vite, hein?

M. Tremblay (Gérald R.): Est-ce que vous... Je sais que vous êtes très rigide sur le temps, mais ce serait dommage que vous vous priviez de l'excellente courte présentation de Me Yergeau.

La Présidente (Mme Ménard): S'il y a consentement de tous les groupes. Parfait. Deux minutes.

M. Yergeau (Michel): C'est beaucoup me demander, mais mettons... Est-ce que je peux négocier pour trois et demie?

La Présidente (Mme Ménard): D'accord, allez-y.

M. Yergeau (Michel): Écoutez, vous aurez compris que le Barreau considère que c'est une excellente initiative législative qui est présentée là, qui vient colmater un certain nombre de questions qu'on pouvait avoir, et notre intérêt, et notre but, en se présentant devant vous est d'abord de souligner la qualité de l'initiative législative.

Toutefois, nous avons une inquiétude fondamentale, et j'utiliserai une expression de mon bâtonnier bien-aimé lorsqu'il dit que la législation est une cathédrale. L'ensemble du corpus législatif québécois est une cathédrale. On a, pendant des générations, souvent pour ne pas ébranler la cathédrale, négligé de légiférer. Mais Me Piette et moi, qui participons à ces commissions parlementaires dans des lois en matière d'environnement depuis maintenant plusieurs années, sommes témoins que, tout particulièrement en matière d'environnement, nous voyons apparaître beaucoup de nouveaux concepts qui ne sont pas non plus sans nous inquiéter sur la solidité de la cathédrale à long terme.

Lorsqu'on introduit une notion qui peut être aussi porteuse que celle d'un patrimoine commun, à notre sens il faudrait que la législation pousse plus loin le travail. Et tout ce que nous suggérons, ce n'est pas de biffer cette notion mais de l'enrichir parce que ce n'est pas le domaine de l'État. Le domaine de l'État, on sait ce que c'est. Mais, lorsqu'on parle du patrimoine commun ? et je fais grâce de la nation québécoise, qui est une autre notion ? mais juste de patrimoine commun, il faut que la loi soit plus précise parce qu'il faut instrumenter pour ne pas laisser à l'initiative des tribunaux ou des plaideurs le soin de donner un sens ou une portée au concept, sur lequel l'Assemblée nationale va perdre le contrôle. Or, c'est ça qu'on craint dans des choses comme ça, de la même façon que la notion d'appropriation... Quand s'approprie-t-on de l'eau? Lorsqu'on remplit sa piscine dans la cour, est-ce qu'on s'approprie de l'eau, de l'eau qui fait partie du patrimoine commun? Donc, c'est juste une invitation peut-être à enrichir la loi pour essayer de baliser les concepts.

n(11 h 50)n

Autre chose qui nous préoccupe, c'est que, par exemple, on a eu une pluie de concepts qui nous sont arrivés avec la Loi sur le développement durable. On voit que le pollueur-payeur se retrouve à l'article 4 sans référence à la définition qui en est donnée dans la Loi sur le développement durable, ce qui est probablement normal puisque, si on veut donner le même sens à deux mots, on n'a pas à le définir comme tel la deuxième fois. Par contre, on donne au principe de prévention une nouvelle définition qui n'est pas exactement celle qu'on retrouve dans la Loi sur le développement durable. Pourquoi? Et ensuite on retrouve le principe de réparation qui nous semble couvrir ce qu'est le principe du pollueur-payeur, mais on en donne une définition. Un tribunal non pas malavisé mais un tribunal utilisant ses réflexes normaux va dire: Puisque le législateur l'a défini à nouveau, c'est qu'il doit y avoir quelque chose d'autre que ce à quoi on pouvait penser. C'est juste une invitation à la prudence.

Et je termine en soulignant que surtout notre grande préoccupation, c'est, à l'article 7, l'introduction de la notion de «fait» comme étant justificatif de dommages, et là-dessus on a mis 20 ans à réformer le Code civil du Québec. À l'intérieur de ces 20 ans là, on a passé je ne sais pas combien d'années à discuter de la responsabilité sans faute. On a écrit des pans de bibliothèque entiers sur cette notion. Et le législateur, lorsqu'il a modifié le Code civil par un acte absolument solennel, parce que c'est l'outil législatif de base qui nous régit, n'a pas retenu la notion de «responsabilité sans faute». On l'a écartée et on ne retrouve pas cette notion nulle part. Pourquoi réintroduire par la porte et faire un trou dans le Code civil, alors que ce débat a déjà eu lieu et que, s'il devait avoir lieu à nouveau, il faudrait le faire dans le cadre d'une modification au Code civil et non pas l'introduire par la porte d'une loi sectorielle comme la loi que nous étudions aujourd'hui? C'est un concept qui nous semble très, très dangereux. Merci.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Merci. Alors, c'est maintenant le temps des échanges avec nos invités, en commençant par Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente, et bienvenue à nos distingués invités.

J'aimerais peut-être vous entendre. On prend très, très bonne note de l'ensemble des considérations que vous nous apportez aujourd'hui. Il y a peut-être un élément sur lequel je vais vous inviter à développer un peu plus à fond, que vous nous amenez en page 6 de votre mémoire, c'est vos commentaires sur le fait qu'on peut mettre fin à une autorisation sans indemnité. Et je ne vous ai pas beaucoup entendus là-dessus, je voudrais que vous y reveniez parce que voilà la question: vous amenez comme justificatif, je dirais, à votre opposition à cette proposition que contient la loi en disant que pour vous ça constitue une forme d'expropriation et que ça devrait donc être indemnisé. Une des problématiques qu'on a avec l'eau, c'est que l'eau est inappropriable. Donc, je dédommage pour avoir cessé de donner une autorisation d'usage, de prélèvement. Vous voulez qu'on dédommage pour quelque chose qui par ailleurs n'a jamais appartenu, n'a jamais été la propriété de quelqu'un. On ne le prive pas d'une propriété, ce n'est pas donc une forme d'expropriation.

L'autre chose sur laquelle je voudrais que vous développiez, c'est: Pour vous, quelle est la situation dans un cas de figure où le gouvernement, en vertu du nouveau régime d'autorisation qu'on se donne, doit en venir à diminuer la quantité d'eau prélevée par, par exemple, une industrie? Compte tenu des connaissances que nous avons sur la situation, par exemple, d'un aquifère donné, nous sommes dans l'obligation, après 10 ans, ou, par exemple, après 20 ans, ou dans 40 ans, de dire à une entreprise qu'elle ne peut pas prélever la même quantité, que ça doit être revu à la baisse. Est-ce que vous nous invitez à un régime de dédommagement pour tout changement à un certificat d'autorisation d'une entreprise?

La Présidente (Mme Ménard): Me Tremblay.

M. Tremblay (Gérald R.): Oui. Simplement un mot, ensuite je vais passer la parole à Me Piette.

Vous savez, il y a une distinction fondamentale entre le droit de propriété, par exemple, de l'eau et toute l'infrastructure qu'on a mise en place pour exercer une activité licite, commerciale, avec des revenus anticipés qui correspondent aux investissements qui ont été faits, et de dire ? c'est un raccourci qui, je pense, est trop court ? que, vu que l'eau n'appartient à personne, le fait d'arrêter quelqu'un, d'enlever à quelqu'un son droit de l'utiliser, ce n'est pas de l'expropriation. Mais ce qu'on exproprie, dans un sens, c'est mettre fin à une activité économique licite qui a nécessité des investissements, alors que tout a été respecté de A à Z. Alors, c'est comme si vous... C'est comme la nationalisation de l'Hydro-Québec, c'est une activité commerciale qu'on enlève à quelqu'un. C'est produit par l'eau, là.

En 1960, bien il a fallu exproprier quelqu'un. Il a fallu dédommager quelqu'un. C'est une activité licite qu'ils ont exercée pendant de nombreuses années. On coupe le cordon ombilical. On ne dit pas: Vous avez le droit à l'électricité jusqu'à la fin de vos jours, mais on dit: On vous arrête maintenant, on vous enlève le droit de faire une activité qui est licite, et puis qui a nécessité des investissements, et sur laquelle vous aviez des perspectives de gains. Alors, normalement, on devrait dédommager la personne qui, entre guillemets, n'a rien fait de mal.

Me Piette, avez-vous de quoi à ajouter à ça?

M. Piette (Jean): Essentiellement, notre préoccupation, c'est que, vous savez, l'article 913 du Code civil édicte ou stipule que l'eau est un... que tout citoyen a un droit d'usage de l'eau. On dit que l'eau est une matière qui est à l'usage commun de tous. Or, si quelqu'un se voit, en cours d'existence de son autorisation, pendant ses 10 ans d'autorisation... Disons que c'est 10 ans. Si jamais il avait 15 ans, pendant les 15 ans. Tout d'un coup, alors qu'il a respecté la loi, respecté les règlements, respecté ses permis, on le prive de son droit d'usage, qui est quand même prévu à l'article 913 du Code civil, alors que cette personne-là, sur la foi d'une autorisation accordée par l'Administration, a procédé à des investissements de millions ou de dizaines de millions de dollars, et on se dit: Si quelqu'un est privé de son droit d'usage après avoir fait des investissements importants, est-ce qu'il devrait subir seul tous les désavantages et toutes les pertes reliées à la révocation de son droit de prélèvement? Alors, il nous semble que, parce que la personne de bonne foi a sollicité un permis, elle a respecté toutes les exigences du gouvernement, si après, tout d'un coup, on trouve des connaissances nouvelles et on veut lui enlever ce droit-là, il nous semble que cette personne-là effectivement se trouve privée d'un droit qu'elle avait, là, auparavant, et elle doit subir une perte qui peut être énorme, et il nous semble qu'il devrait y avoir une expropriation de prévue dans de tels cas, question d'équité.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui, parce que là où je diffère d'avis avec vous mais sans être avocate et sans avoir fait mon droit, rien, c'est que vous parlez beaucoup d'un régime de droit, alors que très clairement ce que vient amener la loi est de camper un régime d'autorisation et non... Parce que dans le fond, si je vous suis, une fois un certificat d'autorisation délivré à une entreprise, ça devient comme un droit acquis, et, au nom de dire qu'elle a fait des investissements sur la base d'une certaine autorisation délivrée, ça devient une forme de droit acquis. Parce que je ramène le cas de figure, puis je voudrais vous entendre. 10 ans après un premier certificat, à cause d'une situation problématique dans un aquifère donné, on doit diminuer la quantité d'eau autorisée pour prélèvement. Je dois dédommager l'entreprise?

La Présidente (Mme Ménard): Me Piette.

M. Piette (Jean): Écoutez, il n'y a pas nécessairement de solution miracle. Ce sur quoi nous voulons, comme Barreau, attirer l'attention du ministre, c'est qu'il y a des citoyens qui auront de bonne foi, après avoir respecté toutes les exigences de la loi, obtenu leur droit de prélèvement, et, quand on prive cette personne-là de son droit après qu'elle ait fait des investissements importants, pour nous il nous semble que ça mériterait effectivement une indemnité.

Vous savez, je prends le cas, par exemple, de quelqu'un qui obtient un permis de construction. Si la municipalité décide de changer les règles de zonage et désormais de ne plus avoir de construction résidentielle dans un secteur et que le secteur devienne commercial, ou le contraire, bien on va respecter les droits acquis de la personne qui a obtenu son permis de construction et on ne lui demandera pas de démolir sa maison ou de démolir son usine. Alors, c'est un peu quant à nous, là, en fonction de ce principe-là que ça nous semble devoir mériter indemnisation.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

n(12 heures)n

Mme Beauchamp: Comme je vous disais ? et je vais devoir passer à un autre sujet ? mais comme je vous disais, c'est parce que, derrière la notion d'indemnité, il y a une notion de propriété, qu'on prive quelqu'un de l'usage de la propriété. Or, l'eau est inappropriable. Et l'autre chose, c'est que je pense que la loi campe très clairement le fait que le nouveau régime de gouvernance de l'eau au Québec, d'autorisation, est donc sur la base d'autorisations conditionnelles. Il y a une notion effectivement de risque à assumer pour ceux qui viennent chercher un certificat d'autorisation, mais c'est l'esprit même que c'est des autorisations conditionnelles à l'état du milieu, puis on parle ici d'une ressource vitale à la vie, vitale, oui, vitale. Et, vous-mêmes, vous me disiez que la réponse ne sera pas simple dans les cas, qui vont peut-être survenir, où on aura à diminuer la quantité d'eau prélevée.

Je vais juste enchaîner avec ma question. Si vous voulez, vous, reprendre ce sujet-là, vous y êtes bienvenus, mais je veux être sûre et certaine de pouvoir vous entendre plus longuement par rapport à vos commentaires sur la responsabilité sans faute, je vais l'exprimer ainsi. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu une évolution ? vous-mêmes, vous l'avez noté ? au cours des dernières décennies, plus particulièrement au cours des 20 dernières années, sur les différentes législations à travers le monde quant à la protection de l'environnement. Cette notion de «responsabilité sans faute» a été introduite en Europe. L'exemple tout récent, 2008, de la législation française qui introduit nommément cette notion de «régime sans faute», je veux un peu plus longuement vous entendre sur pourquoi nous ne devrions pas suivre ces exemples, et peut-être aussi vous entendre un peu plus longuement sur comment vous réagissez au fait que... Puis je pourrais vous donner l'exemple de notre législation puis de notre appareil réglementaire autour de la question des terrains contaminés, où même le gardien d'un terrain peut en venir à devoir décontaminer un terrain. N'est-ce pas là aussi une notion d'intervention, une notion de responsabilité sans faute qui serait... Même si c'est imparfaitement comparable, l'esprit quand même se compare à ce qu'on retrouve ici sur la loi sur l'eau.

Une voix: Me Yergeau.

La Présidente (Mme Ménard): Me Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Oui. Écoutez, je connais les précédents européens, mais je suis toujours un peu craintif à invoquer des précédents étrangers dans cet aspect très spécifique qu'est la responsabilité civile, qui ne devrait pas être dirigée par les lois sectorielles mais par le Code civil. Comme je disais tantôt, ce débat, nous l'avons eu en long et en large, au Québec, pendant de très nombreuses années.

Si on prend maintenant le texte tel qu'il est rédigé puis le texte du Code civil ? je ne me sépare jamais du Code civil ? donc la personne, «lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, [est] responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute». Et donc il est inscrit... On ne parle pas de lois qui sont égales, là, on parle du Code civil qui normalement devrait servir de guide aussi à l'ensemble de la législation. Et donc on associe... Après bien des discussions, on a maintenu cette notion de faute après avoir étudié la possibilité de l'écarter.

Maintenant, prenons le texte tel qu'il se lit à l'article 7. On dit: «Lorsque, par le fait, la faute ou l'acte illégal d'une personne, des dommages sont causés...» Donc, «le fait» est un terme neutre. L'acte illégal ou l'acte criminel est une faute civile. D'accord? Et on précise donc la faute civile, l'acte illégal. Ça, c'est tout à fait normal, c'est dans le droit fil de l'économie de notre droit civil. Et on introduit la notion de «fait». Donc, quelqu'un qui est pleinement autorisé à poser un acte, qui ne cause aucune faute, qui respecte les conditions des autorisations ou qui respecte ce que la loi prévoit, je ne sais pas, moi, quelqu'un qui, par exemple, a fait aménager l'installation septique de sa résidence isolée, qui respecte en tous points ce qui a été autorisé et par malheur cause un problème au lac sur le bord duquel il est construit, ça voudrait donc dire que cette personne-là deviendrait, par son fait, responsable.

Tout ce que nous faisons appelle à l'équilibre au sens de l'équilibre du législateur. Et est-ce qu'on a bien pensé à ce que l'introduction du mot «par le fait» représente dans l'économie générale du droit? Là-dessus, on est peut-être très frileux, mais la législation européenne est une chose, mais excepté que nous sommes au Québec, et c'est une notion que nous n'avons pas retenue. Et, avant de la retenir, nous répétons que c'est à travers le Code civil qu'il faudrait l'introduire et non pas petit à petit par le biais de lois sectorielles.

Je vous soumets respectueusement que la question des sols contaminés me semble diverger considérablement du texte que nous avons là, mais je veux laisser la parole à Jean Piette, qui voudrait compléter, et au bâtonnier lui-même. Je m'excuse.

M. Tremblay (Gérald R.): Le bâtonnier voudrait dire juste une petite chose, c'est la suivante: quand je regarde le fait... Vous réalisez, par exemple, que le ministère de l'Environnement permet à une entreprise d'émettre dans ses boues de rejet tel degré de quelque chose. C'est écrit noir sur blanc, 0,02, c'est permis par le ministère de l'Environnement. Le Procureur général du même État, l'État québécois, peut dire: Je vous poursuis pareil parce que ça a changé les propriétés chimiques de la rivière, puis, même si je vous ai permis de le faire, c'est votre fait, ce n'est pas un acte illégal, et je vous poursuis pareil. Alors là, tu dis: Voyons donc! C'est vous qui m'embarquez là-dedans, puis vous me poursuivez. Lu comme ça, il faudrait peut-être avoir des sauvegardes autour, là, pour que ce soit plus que l'exemple que je viens de vous donner.

M. Piette (Jean): ...si vous me permettez d'ajouter.

La Présidente (Mme Ménard): Oui. Juste un instant, Me Piette. Juste un instant! Je vais devoir demander le consentement pour qu'on puisse dépasser l'heure. Ça va? O.K. Alors, il vous reste une minute pour conclure ce bloc.

M. Piette (Jean): D'accord. Sur cette question-là, mes collègues ont parlé de la cohérence avec le droit civil. Il ne faut pas oublier que, dans le Code civil du Québec, on mentionne le mot «faute» dans 61 articles du code. C'est pour vous souligner l'importance de la notion de «faute» dans notre régime de droit civil.

Les notions de «prudence» et de «diligence», elles, sont codifiées dans 13 articles du Code civil et également elles ont été codifiées, comme vous l'avez mentionné à juste titre, Mme la ministre, à l'article 31.43 de la Loi sur la qualité de l'environnement en matière de terrains contaminés. Et là c'est un moyen de défense qui est accordé au gardien, au gardien qui respecte les règles de prudence et de diligence. Lui, il bénéficie d'une exonération de responsabilité. Et c'est tout à fait cohérent avec notre droit civil, on associe la responsabilité à la commission d'un acte fautif.

Dernière chose, je voudrais vous souligner ou attirer votre attention sur l'inéquité que ceci va introduire dans notre régime de responsabilité civile. Il arrive un accident dans une usine. Cet accident-là a deux effets: il va polluer l'eau et il va causer des dommages à une personne humaine. La personne humaine, elle, elle est obligée de prouver la faute pour avoir droit à des dommages. Ça, c'est la personne humaine. Le Procureur général qui va plaider pour l'eau, il n'a pas de faute à prouver. Le citoyen, en plus de ça, lui, il doit agir dans les trois ans pour les dommages à sa personne ou à ses enfants. Le Procureur général, lui, il a 10 ans pour prendre son recours. On voit donc l'inéquité qui existe entre les citoyens et l'eau, et il nous semble que, dans notre système de valeurs partagées dans notre société démocratique, la personne humaine a plus d'importance que les choses. Alors, voilà.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, nous allons passer au groupe de l'opposition officielle. Alors, le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Bien, je tiens à vous saluer et à vous remercier aussi parce qu'une fois n'est pas coutume, à chaque fois que le Barreau du Québec se déplace en commission, ça fait toujours place à des très, très beaux débats.

Vous avez soulevé une multitude de points qui méritent mon attention, mais, si vous me le permettez, je vais consacrer mes questions sur un ou deux éléments qui m'apparaissent être la pierre angulaire d'ailleurs du projet de loi, celui du patrimoine commun et celui de la responsabilité sans faute. Effectivement, d'amener une responsabilité sans faute dans le droit civil actuellement, ça pourrait créer une incohérence que vous avez soulevée vous-mêmes pendant votre présentation. Mais il m'apparaît que, dans ce cas-ci, il y a une volonté du législateur de vouloir changer de paradigme.

n(12 h 10)n

Vous avez mentionné dans votre mémoire, en page 2: «Nous souscrivons à l'article 1 du projet de loi qui affirme le caractère collectif des ressources en eau qui est d'ailleurs codifié à l'article 913 du Code civil du Québec», et il m'apparaît que c'est ici qu'il y a une scission entre mon interprétation des choses et la vôtre, puisqu'il me semble que ce que le projet de loi amène actuellement, c'est un nouveau concept juridique qui est effectivement basé sur l'exemple européen, qui est celui du patrimoine commun de la nation québécoise, qui diffère du caractère collectif du Code civil.

Je vais vous lire un mémoire qui a été... du moins un extrait d'un mémoire qui a été déposé par Mme Paule Halley, Faculté de droit de l'Université Laval, Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement, et puis je vais vous lire un extrait sur les effets juridiques: «Les auteurs français se sont aussi interrogés sur les conséquences juridiques concrètes de l'utilisation de la notion de patrimoine commun de la nation ? c'est ce qui nous concerne ici. Pour certains, il s'agit d'une disposition déclaratoire ne produisant aucun effet juridique. Ne traduisant [aucune] expression [de la] volonté politique, sa reconnaissance n'introduirait pas de devoirs contraignants pour l'administration publique ou n'importe quel autre membre de [sa] collectivité. Selon cette interprétation, son caractère déclaratoire n'en ferait pas une notion propre à assurer la protection des ressources constituant le patrimoine commun.» Moi, je souscris à la deuxième interprétation.

«Pour d'autres, le patrimoine commun de la nation est un principe qui conditionne le développement ultérieur des actions publiques et [ainsi] l'interprétation juridique.» C'est surtout l'interprétation juridique qui m'intéresse ici. J'ai l'impression qu'avec le projet de loi ici on amène un nouveau pan du droit qui diffère évidemment de l'article 913 parce qu'on veut y donner un caractère différent, un patrimoine commun de la nation qui selon moi contraste du caractère collectif, et c'est pour cette raison-là que d'amener une responsabilité sans faute pour moi ne vient pas brimer un souci de cohérence, vient ajouter un nouveau pan de notre interprétation du droit. Et puis j'aimerais savoir ce que vous en pensez, de cette vision des choses que j'embrasse.

M. Tremblay (Gérald R.): Me Yergeau va répondre à votre question, mais juste un petit préambule que je m'attribue. C'est que cette création d'un autre patrimoine, parce qu'on ne veut pas non plus que ça appartienne à l'État, ce n'est pas propriété de l'État. Parce que, là, c'est très simple, c'est connu, hein? À l'époque, on disait «les terres de la couronne» ou on disait «le domaine public», on avait toutes sortes de mots qui disaient que ça appartient à l'État. Mais là on ne veut pas que ce soit la propriété de l'État, on veut que ce soit propriété... Comme diraient les Américains dans leur Déclaration d'indépendance, «We, the People», on veut que ça appartienne au monde, aux gens, aux personnes. Mais l'État est le gardien de ce patrimoine qui n'appartient à personne en particulier mais qui appartient à tout le monde. Le choix des termes, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, peut-être.

Aujourd'hui, il y a des charges, il y a des charges émotives dans certains cas, dans d'autres cas, non, mais la notion, c'est qu'on veut créer un patrimoine qui n'appartient pas à l'État mais qui n'appartient pas à l'individu non plus, ça appartient à la collectivité. Mais ça, qu'est-ce que ça fait comme notion? C'est vrai que l'Europe a choisi ça, mais ça fait que... Supposons qu'un droit n'est pas respecté. Imaginez-vous un recours collectif où le requérant va dire: Qui a le droit? La nation, la collectivité ne peut pas ester en justice. Je ne peux pas me lever un matin puis dire: Je représente la... Comment ça s'appelle, la Française? Je représente la nation de, tu sais...

Une voix: Marianne.

M. Tremblay (Gérald R.): Marianne. Je représente la nation. Il n'y a personne qui va...

Une voix: ...

M. Tremblay (Gérald R.): Elle n'est pas vilaine. Ha, ha, ha! Mais il n'y a personne qui pourra se lever à la cour, un jour, puis dire: Je représente la... L'État, oui, l'État, c'est clair, l'État du Québec, tout ça, c'est une personne morale, mais l'autre, c'est autre chose. Alors, nous, ce qu'on se dit, c'est: Mais qui va exercer les droits de ce patrimoine-là? C'est l'incertitude, et tout ce qu'on demande, c'est peut-être faire un petit peu plus de réflexion pour savoir quel est l'effet juridique, à part de la déclaration de principes, quel est l'effet juridique pratique de cette introduction. Oui, Me Yergeau.

M. Yergeau (Michel): Écoutez, dans mon commentaire, tantôt, je vous ai souligné qu'une de nos inquiétudes était l'avalanche de concepts, et tout ce qu'on dit, c'est qu'à partir d'une idée qui est sans doute très bonne est-ce que la loi en dit assez? Parce que de fait, quand on lit côte à côte 913 et 1 du projet de loi, on se retrouve, à 913, à parler d'un usage commun, alors que, dans l'article 1, on parle d'un patrimoine commun, et ensuite on y ajoute la «nation québécoise», la notion de «nation québécoise», qui n'est pas définie non plus. Est-ce que ça exclut d'autres nations? Qu'est-ce qu'on met derrière ce concept-là? Mais on ne dit pas que de toute façon ce qui est à l'article 1 était à l'article 913. L'article 913 prévoyait déjà, qui est un article quand même relativement récent dans son concept, prévoyait la question d'usage commun, ce qui est plus facile à baliser que la notion de «patrimoine commun d'une nation».

Et tout ce qu'on dit, c'est: Attention, parce que c'est vraiment un concept tout nouveau, on n'a pas d'équivalent de ça et on ne peut pas se contenter juste de glisser une pierre nouvelle dans la cathédrale, de la faire entrer puis de dire: La cathédrale va tenir quand même. À notre sens, ce sont des termes beaucoup trop vastes. Et je me méfie de l'imagination des plaideurs brillants ? j'en ai un à mes côtés ? qui sont capables de sortir d'une notion comme ça toutes sortes de choses complètement inattendues, auxquelles on n'est même pas capables de penser présentement, parce que, lorsque le plaideur est confronté au fait spécifique d'un cas pratique, c'est là que naît l'étincelle, la créativité. Et, à partir de là, l'Assemblée nationale perd tout à fait le contrôle de ce qu'elle a voulu dire parce qu'on se retrouve, à un moment donné, qu'on se dit: Ah! tiens, on est rendus là avec cette notion. C'est à notre sens un jeu trop dangereux.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Est-ce qu'il y avait une volonté... D'ailleurs, au jour 1, lorsqu'ils nous ont présenté, le ministère nous a présenté le projet de loi qui est actuellement l'objet de consultations, il m'apparaissait manifeste que l'objectif était de protéger ce qui est propriété, entre guillemets, collective, ou, dans ce cas-là, ici, patrimoine commun, du moins, même s'il y avait une entreprise qui agissait dans les règles de l'art, qui n'avait apparemment pas fait de faute évidente mais qui manifestement avait pollué l'eau par un accident peut-être isolé. Il y avait une volonté du législateur de vouloir remettre en état le plan d'eau qui avait été pollué et puis évidemment pas de le payer soi-même mais de faire payer l'entreprise qui était à l'origine du problème, que cette personne-là ait été de mauvaise foi ou pas, qu'il y ait eu une négligence ou pas. C'est le concept de responsabilité sans faute.

Et puis il m'apparaît évident aussi que, là, ce qu'on souhaite, ce n'est pas de rajouter une pierre dans la cathédrale, mais c'est de faire un agrandissement à cette cathédrale-là, comme ça a été le cas dans les pays européens, qui l'ont fait d'ailleurs avec, je pense, la territorialité, puis après ça ils ont rajouté d'autres éléments. Nous, on a commencé avec l'eau, puis peut-être que d'autres éléments s'ensuivront. Mais il m'apparaît qu'ici un législateur ne fait jamais rien, tu sais, pour rien. D'ailleurs, c'est une règle d'interprétation. Mes cours de droit ne sont pas tellement loin, malheureusement. Et puis un législateur, tu sais, lorsqu'il décide de faire quelque chose qui déroge d'un concept comme celui du Code civil, il ne le fait pas par souci d'esthétisme, il le fait parce qu'il veut donner des incidences juridiques. Dans ce cas-là, l'ajout de «patrimoine commun»...

Et puis là je vous accorde que la question de la «nation québécoise» peut être sujette à débat, elle aussi, mais certainement pas celle d'un «patrimoine commun», qui est un concept étranger qu'on tente ici d'intégrer. Et puis, si c'est le cas et puis qu'on va de l'avant, dans ce projet de loi, avec «patrimoine commun», avec une incidence sur la responsabilité sans faute, est-ce que, vous, vous voyez là-dedans une incohérence ou vous voyez l'ajout d'un nouveau schème de droit?

M. Tremblay (Gérald R.): Personnellement, j'y vois... Écoutez, je regarde 1465: «Le gardien d'un bien ? du Code civil ? est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute.» Le maximum où le législateur est allé, c'est celui-là. Il y a une espèce de présomption: Sait-on bien qui l'a fait? Tu en es responsable, à moins que tu prouves n'avoir commis aucune faute. C'est le maximum, ça. Ça, c'est quand vous ne mettez pas les freins sur votre auto ou bien vous l'avez laissée sur le N, puis elle part de reculons, puis elle écrase quelqu'un. C'est le fait de la chose. Puis vous n'étiez pas dedans. Alors là, le fardeau est sur vous de prouver que vous n'avez commis aucune faute, donc que vous l'avez mise à P plutôt qu'à N. Vous n'êtes pas capable de le prouver, vous êtes responsable.

n(12 h 20)n

Alors donc, il y a les moyens raisonnables du bon père de famille pour bien gérer ses biens, mais d'arriver au concept que le Procureur général peut décider un beau matin qu'étant donné que l'état des lieux est différent de ce qu'il était il y a 20 ans, quand tu t'es installé, je t'ordonne de payer des dommages énormes sans que tu aies à démontrer que tu as dérogé aux règles qui te régissaient, alors là, moi, je pense que c'est... En fait, il y a même une question de rétroactivité là-dedans, là. C'est de la responsabilité rétroactive: j'ai agi selon les lois puis je suis responsable quand même à cause que ça vient d'entrer en vigueur. En tout cas, disons que c'est préoccupant.

M. Yergeau (Michel): Je vous mets en garde, toutefois. Nous n'avons pas parlé de la notion d'accident, parce qu'en général, s'il y a un accident, quand on creuse bien, il va y avoir une faute derrière, mais on parle vraiment de l'activité d'une personne ou d'une entreprise qui agit de façon parfaitement responsable et qui ne commet pas de faute. On décide qu'il va devoir payer des dommages et on lui enlève la possibilité même de prouver qu'il n'a pas commis de faute. On se place carrément en marge de l'économie générale de la responsabilité du Code civil. Or, dans le Code civil, la partie centrale de l'élément central de la législation québécoise, c'est la responsabilité. C'est là-dedans qu'on baigne tous les jours, tout le monde. C'est pour ça qu'on sert cette mise en garde et qu'on invite peut-être à y repenser à nouveau, parce qu'à notre sens l'article 7 serait tout à fait cohérent si on retirait les mots «par le fait».

La Présidente (Mme Ménard): M. le député, il vous reste deux minutes.

M. Diamond: M. Tremblay et M. Yergeau, je comprends le... Puis d'ailleurs c'est légitime, là, tout ce que vous m'amenez comme arguments. Mais, moi, la question que je vous pose, c'est: Admettons qu'on décide ? et puis c'est ce que je pense qu'on fait actuellement ? d'amener un nouveau concept qui va au-delà de ce qui a toujours existé, d'ailleurs des présomptions qui sont sans équivoque, l'article 913. Donc, il me semble qu'on va au-delà de tout ça puis qu'on agrandit la cathédrale avec un concept qui était étranger et qu'on veut assimiler ici. Est-ce qu'il y a un problème de cohérence si on le fait?

M. Piette (Jean): Regardez, le Barreau souscrit, on vous l'a dit, à l'article 1, à cette idée que l'eau est une ressource collective, que ça fait partie du patrimoine commun, même si on se rend compte qu'effectivement la notion de «patrimoine» va au-delà de la simple notion d'usage. Mais on souscrit à ça. On souscrit également, au Barreau, à l'idée de donner un recours particulier au Procureur général, gardien de la ressource, agissant au nom du gouvernement, et on est d'accord avec ça.

C'est qu'on pense que ce recours-là cependant devrait être soumis aux mêmes règles qui s'appliquent à tous les citoyens dans la société et à l'État lui-même. L'État lui-même, il doit respecter le délai de prescription de trois ans, il doit démontrer la faute d'une personne quand il recherche des dommages, et il nous semble que ce nouveau recours, avec lequel on est tout à fait d'accord, un recours en réparation de dommages écologiques, il devrait quand même être soumis aux mêmes règles qui s'appliquent à tous les citoyens. Pour nous, là, c'est le principe de l'égalité de tous devant la loi. Et la personne qui se fait poursuivre après 10 ans, alors que, pour des dommages que cette même personne là aurait causés à un humain, c'est trois ans, il faut prouver la faute, mais l'eau, ah! plus besoin de prouver la faute, et puis tu as 10 ans pour agir, il nous semble que ça introduit une inéquité dans notre système juridique.

Dernier petit commentaire sur la question des accidents, des rejets accidentels: il peut y avoir des rejets accidentels effectivement qui ne soient pas fautifs, bon, un accident qui arrive, quelconque, bon, il y a eu rejet. Là-dessus, pour s'assurer que l'environnement est réparé, je pense que le gouvernement pourrait utiliser ce pouvoir réglementaire. À l'article 31 de la loi, il y a un vaste pouvoir réglementaire, il y a le pouvoir d'adopter des normes de protection de l'environnement. Et d'ailleurs le gouvernement a adopté un règlement, Règlement sur les matières dangereuses, article 9, qui dit qu'en cas de rejet accidentel de matières dangereuses...

La Présidente (Mme Ménard): Très rapidement, Me Piette, ou en conclusion.

M. Piette (Jean): O.K. Alors, voilà. Donc, tout simplement vous dire: Utilisez le pouvoir réglementaire, faites une obligation préalable. Je pense que c'est du droit préventif. C'est mieux que des recours en justice.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, on passe au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais aborder la question de l'exclusion des exploitations hydroélectriques à laquelle vous faites allusion en page 2 de votre mémoire. Ce que vous dites, c'est: «Nous comprenons que seuls les prélèvements importants d'eau de surface ou d'eau souterraine seront encadrés par cette nouvelle loi. Ce sont essentiellement les municipalités, les industries et les entreprises agricoles qui sont susceptibles d'être touchées par ces nouvelles dispositions.» Et vous ajoutez: «La production et l'exportation hydroélectriques sont exclues.»

Lorsque, moi, je lis par ailleurs l'article 17, alinéa 31.74, la notion de «prélèvement d'eau» réfère à l'«action de prendre de l'eau de surface ou de l'eau souterraine par quelque moyen que ce soit», et on dit qu'elle «ne comprend pas les prélèvements d'eau effectués [...] d'un ouvrage [qui est] destiné à dériver ou retenir l'eau ou à produire de l'énergie». Donc, est-ce que ce n'est pas un peu abusif, l'interprétation que vous en faites, en disant que ça exclurait des redevances, par exemple, sur la production et l'exportation d'hydroélectricité? Parce que la redevance s'appliquerait non pas sur les revenus tirés de la production et de l'exportation, mais bien sur le volume de prélèvement, selon l'interprétation que je fais de l'article.

M. Yergeau (Michel): Mais je pense que voilà une rédaction prudente, parce qu'on ne peut pas lire cette loi sans lire aussi la Loi sur le régime des eaux.

M. Bouchard: Allez-y.

M. Yergeau (Michel): Parce que, le cours d'eau, Mme la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs en est en partie responsable, mais son collègue des Ressources naturelles et de la Faune en est aussi responsable. Il y a parfois une ligne difficile à tracer entre les deux responsabilités ministérielles. Mais la Loi sur le régime des eaux prévoit que c'est au gouvernement qu'il appartient de louer les forces hydrauliques du domaine de l'État, donc l'eau qui coule dans les rivières, ou bien, en vertu de la Loi sur Hydro-Québec, de mettre à la disponibilité... ou à la disposition d'Hydro-Québec les forces hydrauliques. Et on prévoit ensuite des redevances à l'article 3, à l'article 68, et ainsi de suite, de la Loi sur le régime des eaux. Donc, c'est déjà un domaine régi. La production hydroélectrique est un domaine qui est déjà régi par sa loi, et sa loi est une des plus vieilles du Québec, d'ailleurs. La Loi sur le régime des eaux, c'est une des toutes premières lois adoptées par la législature québécoise, qui s'appelait d'ailleurs Loi pour favoriser le financement de l'instruction publique.

M. Bouchard: Alors, l'expression «la production et l'exportation hydroélectriques sont exclues», on doit l'interpréter, dans votre mémoire, à l'effet qu'on en a déjà disposé ailleurs. C'est tout.

M. Yergeau (Michel): C'est exactement ça.

M. Bouchard: O.K. D'accord.

M. Yergeau (Michel): C'est exactement ça. Il faut lire les lois entre elles. Les lois sectorielles, il faut les lire entre elles, et ce domaine-là est déjà couvert par la Loi sur le régime des eaux.

Et je me suis penché, parce que je travaille souvent beaucoup dans ces questions-là, je me suis beaucoup penché entre la cohérence de la Loi sur le régime des eaux et le projet de loi, puis je pense que c'est correct, là, ça n'empiète pas et ça ne devrait pas créer de conflit.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Bonjour, messieurs. Vous nous apportez d'excellentes précisions qui vont nous aider à bonifier le projet de loi, puis ce que je comprends, entre autres sur la question de la responsabilité, c'est que vous nous demandez de ne pas demander aux citoyens d'être meilleurs que l'État lui-même, parce que dans le fond c'est ce que je comprends. Vous mentionnez à la page 2 qu'il faut faire attention en ce qui concerne le droit à l'eau potable, le droit d'accès, que c'est important, que ça peut causer une série de problèmes. Je le comprends bien. Est-ce que vous auriez des suggestions justement pour baliser la question de ce droit d'accès, qui pourraient faire qu'on pourrait éviter justement des problèmes futurs?

La Présidente (Mme Ménard): Me Piette.

M. Piette (Jean): Évidemment, c'est qu'on trouvait que le régime réglementaire et législatif actuel était adéquat. Pourquoi? Parce que ce régime-là, il oblige tous ceux, individus, municipalités, entreprises publiques, privées, qui distribuent de l'eau à des consommateurs à distribuer de l'eau potable. Alors, le droit à recevoir de l'eau potable est déjà prévu dans le Règlement sur l'eau potable, dans le Règlement sur les entreprises d'aqueduc et d'égout et également dans l'article 45 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, ça nous semblait suffisamment précis: le citoyen québécois a le droit d'exiger de toute personne qui lui donne de l'eau que cette eau-là soit potable.

n(12 h 30)n

Là, on ajoute une nouvelle chose à l'article 2: un droit d'accès à l'eau potable et pour des fins d'hygiène. Alors là, ça ajoute quoi, l'accès, par rapport au droit à l'eau potable? Et là on se pose des questions. On dit: C'est quoi, l'intention du législateur avec ce nouvel article là? On veut ajouter quoi au droit actuel des citoyens? Et notre crainte, c'est que, là, on passe d'un droit à l'eau potable à un droit d'accès à l'eau potable. Accéder, ça veut dire quoi? Est-ce que ça veut dire que j'ai le droit d'aller chez mon voisin chercher l'eau potable, d'aller ailleurs dans un lac privé ou sur un terrain? C'est quoi, ce droit d'avoir accès à l'eau potable?

On se pose des questions. On a une interrogation. Malheureusement, on n'a pas de solution miracle au niveau de la rédaction de cet article-là. On nous a dit: Faites-vous-en pas. Parce qu'on a eu des consultations, des contacts avec certains collaborateurs de Mme la ministre. Ils ont dit: Bien, écoute, c'est écrit «dans le cadre de la loi». Donc, il faut aller voir aux autres lois. Donc, c'est un article qui n'a aucune substance et qui finalement... la substance est dans les autres lois. Mais, là encore, là, c'est flou. On dit: Pourquoi est-ce qu'on rédige un article qui n'ajoute rien au droit actuel s'il faut aller dans les autres lois? Alors, on a beaucoup d'interrogations sur l'article 2. On n'a peut-être pas de solution, mais on souhaiterait que le ministère fasse une réflexion en fonction de nos interrogations, peut-être de celles de d'autres citoyens, pour peut-être préciser davantage la portée de cet article 2.

M. Tremblay (Gérald R.): En tout cas, moi, je vous dis en tant que vieux plaideur, là: Un jour, un juge va dire: «Dans le cadre de la loi», ça veut dire que, si ce n'est pas prévu à quelque part, ce n'est pas dans le cadre de la loi, ça veut dire que je vais donner un sens à cette disposition-là. À un moment donné, il y a un juge qui va rendre un jugement en disant: Il y a un vide, là. Bien ça, ça va remplir le vide.

«Dans le cadre de la loi», ça ne peut pas vouloir dire que ça n'ajoute absolument rien. Ça veut dire que je ne peux pas aller contraire à une loi qui est en existence maintenant, mais ça veut également dire que, s'il y a un blanc ou si quelque chose n'est pas prévu, là ça aura un sens et là, un jour, le juge va dire: Je donne accès à quelqu'un, puis ça, c'est le bulldozer qui va faire un chemin sur le terrain du voisin pour mettre un tuyau.

Alors ça, c'est un exemple que je donne, mais c'est ça qui me vient le plus facilement à l'esprit. Alors, peut-être qu'il faudrait préciser ce qu'on veut dire par «dans le cadre de la loi», peut-être. En tous les cas. Écoutez, c'est des préoccupations, mais il y a une chose pour laquelle je veux rassurer tout le monde ici, là, c'est que c'est un projet généreux, c'est un beau projet, c'est un projet qui est en accord avec ce qui se passe à travers le monde. Je trouve que c'est une très belle poussée vers l'avant, et tout ce qu'on fait, c'est: on vous met des... Parce que c'est toujours... Quand c'est trop tard, la crise éclate, puis il faut amender la loi, puis en tout cas il y a des jugements auxquels on n'avait pas pensé. Mais le Barreau du Québec vous offre toute son assistance, avec vos hauts fonctionnaires qui travaillent là-dessus, pour tenter d'améliorer le système et, je dirais, peut-être arriver à enlever les préoccupations que nous avons. Mais c'est vraiment une préoccupation d'amélioration du projet plutôt que de négation de son objet. Son objet est magnifique, et nous l'endossons.

M. Yergeau (Michel): Et, dans la foulée de ce que vient de dire M. le bâtonnier, puisque notre crainte est devant la multiplication des concepts nouveaux qui sont un peu laissés à eux-mêmes, la notion de «nation québécoise», moi, j'aurais tendance à dire: Est-ce qu'on a vidé cette question-là par rapport aux autres nations? Est-ce que les nations autochtones font partie de la nation québécoise? Ce n'est balisé nulle part. Tout ce qu'il y a, c'est qu'il y a déjà eu, au Parlement, une décision qui a été prise, une résolution qui a été prise, mais, quand on entre dans l'économie du droit autochtone, est-ce qu'on peut opposer les nations autochtones et la nation québécoise? Est-ce qu'on n'ouvre pas finalement une boîte de Pandore en introduisant cette notion qui ne nous apparaît pas absolument nécessaire? On peut s'arrêter après le mot «commun» si on veut introduire... mais est-ce qu'il est nécessaire de faire se télescoper deux notions non balisées qui sont le «patrimoine commun» et la «nation québécoise»?

M. Tremblay (Gérald R.): Bien, moi, je vais vous poser... Juste poser la question, vous allez voir dans quoi... Vous allez voir que la réponse à la question... Vous essaierez de l'apporter puis vous verrez dans quoi on s'embarque. Comment l'Ontario va rédiger le même projet de loi avec le même objet? On va tous être morts. Puis, il n'y a personne qui va lire dans une loi ontarienne: L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation ontarienne. Et pourtant c'est la même notion que le Manitoba, c'est la même notion qui existe partout. Alors, si l'Ontario n'est par capable d'écrire, pour atteindre les mêmes objets, «le patrimoine de la nation ontarienne», bien il y a peut-être moyen de trouver un terme qui est plus neutre et qui répond à la même notion.

La Présidente (Mme Ménard): O.K. M. le député de Roberval, il vous reste une minute.

M. Trottier: Je vous remercie beaucoup des précisions, puis je comprends bien que vous voulez bonifier, puis, si vous avez une suggestion, on va être très ouverts par rapport à ça.

Sur la question de la hiérarchisation des usages, est-ce que vous avez des éléments qui pourraient nous aider à mieux baliser ce concept-là qui va faire en sorte que la ministre pourrait décider que c'est tel usage qu'on privilégie par rapport à un autre?

La Présidente (Mme Ménard): Me Tremblay.

M. Tremblay (Gérald R.): Est-ce que vous référez, là, aux critères à l'article 31.76, 31.77?

M. Trottier: Bien, il y a beaucoup d'intervenants qui nous ont demandé... Puis même on parle, dans le projet de loi, de pouvoir hiérarchiser les usages. À ce moment-là, on pourrait dire: Bon, bien, quels sont les usages qui devraient être prioritaires par rapport à d'autres? Est-ce qu'il y a des balises que vous pourriez nous indiquer, qui feraient en sorte qu'on aurait le moins de problèmes possible avec cette notion-là?

M. Yergeau (Michel): La dernière fois que le Barreau s'est présenté dans ce même salon rouge pour proposer de hiérarchiser les principes de développement durable, la recommandation n'a pas été retenue. Semble-t-il que ça pose une difficulté de hiérarchiser les choses. Et je pense que, si la difficulté existait déjà, elle existe tout autant. Pour l'heure, je ne vois pas trop comment il est possible de hiérarchiser. Chacun voudrait sans doute mettre ses priorités en tête de liste, mais est-ce qu'il appartient à une loi qui est intemporelle de déterminer que telle chose est prioritaire par rapport à telle autre, alors que, dans 10 ans, peut-être que ce serait l'autre qui devrait être prioritaire? Il y a là un risque qui nous apparaît plus grand, en tout cas qui personnellement m'apparaît plus grand dans cette loi que dans la Loi sur le développement durable, dans la hiérarchisation des principes.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Alors, Me Tremblay, Me Piette, Me Yergeau, Me Sauvé, merci beaucoup pour votre présentation.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

 

(Reprise à 14 h 3)

La Présidente (Mme Ménard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.

Alors, nous avons quatre groupes cet après-midi. Alors, je vais demander beaucoup de discipline dans le temps. Alors, nous recevons tout d'abord le groupe Stratégies Saint-Laurent. Alors, je vais demander au porte-parole de s'identifier, identifier la personne qui l'accompagne. Et vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation. Merci.

Stratégies Saint-Laurent (SSL)

M. Charest (Louis): Bonjour, mesdames et messieurs. Mon nom, c'est Louis Charest, je représente Stratégies Saint-Laurent. Je suis trésorier de Stratégies Saint-Laurent. Je suis accompagné de notre directeur, Nicolas Audet. Je vais vous faire un petit peu d'entrée en matière, après ça Nicolas va présenter le mémoire.

En plus d'être sur Stratégies Saint-Laurent, moi, je suis président de la ZIP Les Deux Rives. Stratégies Saint-Laurent est comme le regroupement des ZIP, puis la ZIP Les Deux Rives, c'est entre Trois-Rivières et Deschaillons, les deux côtés du fleuve, pour à peu près une trentaine de kilomètres de chaque côté, dans les terres. Je suis aussi sur le bassin versant de la rivière Bécancour. Je suis trésorier au bassin versant de la rivière Bécancour et je suis aussi trésorier du Conseil régional en environnement Centre-du-Québec. Dans mon métier... plutôt dans nos bénévoles, on s'appelle les TLM: toujours les mêmes.

Stratégies Saint-Laurent, ça a été fondé, il y a près d'une vingtaine d'années, par rapport à une problématique qui existait pour le Saint-Laurent, et, au fil des années, il s'est rattaché à ça 14 ZIP. Il y en a, des ZIP, qui sont quasiment aussi vieilles que Stratégies Saint-Laurent, et les plus jeunes ont une dizaine d'années. Même si on a trois trous dans la couverture du territoire, c'est lié à un manque de financement que ces trous-là ne sont pas couverts, parce qu'il y a du monde qui aurait levé la main pour en partir, mais il n'y avait pas de financement possible.

La mission de Stratégies Saint-Laurent, ça consiste à favoriser, par des modèles novateurs, la protection, la réhabilitation et la mise en valeur du Saint-Laurent. On n'est pas purement des écologistes purs et durs, ça permet un certain développement, permet aussi évidemment, là, l'accès au fleuve aux riverains, etc.

Au niveau des ZIP ? moi-même étant président de ZIP ? il faut comprendre la ZIP, c'est un organisme de concertation et d'action qui regroupe des intervenants et des décideurs régionaux à l'intérieur d'un tronçon déterminé. Par exemple, dans ma ZIP, il y a un conseiller municipal de Trois-Rivières qui siège, il y a des représentants élus de la MRC de l'autre bord, et on a un collège électoral très strict qui fait qu'à peu près toute la société est représentée au niveau du conseil d'administration de la ZIP.

Quand je me suis en venu ce matin, j'ai pensé à une histoire que je veux vous conter. Moi, je demeure à Sainte-Angèle. De l'autre côté de la rue, c'est le fleuve. Je demeure en bordure du fleuve. En fin de semaine, la chasse aux canards a commencé. J'ai entendu boum, boum, boum! Mais, avant qu'il y ait le pont Laviolette, il y avait la traverse Trois-Rivières?Sainte-Angèle, où je demeure. Il y avait un quai, qui existe encore, et c'était la coutume, il y a 50, 60 ans, que le monde tirait des pièces d'argent au bout du quai. Il y avait des jeunes qui plongeaient pour aller chercher l'argent, puis ils le trouvaient.

Il y a deux ans, le collège, je ne sais pas, le collège des cadets, là, on a un collège de cadets à Sainte-Angèle qui font des tours de bateau, et ils ont échappé un moteur au bout du quai. Ils n'ont pas pollué, là, n'ayez pas peur. Puis ils n'ont pas été capables de retrouver le moteur avec des plongeurs, le moteur avait calé dans la bouette. Ça fait qu'ils ont pris un détecteur de métal pour être capables de le retrouver. Ça fait que, quand vous dites en page 20 que la loi n° 92 est là pour protéger et restaurer l'intégrité hydrologique et écosystémique de ce bassin, on a beaucoup de chemin à faire pour remettre ça comme c'était il y a 50 ans.

Je passe la parole à Nicolas.

M. Audet (Nicolas): Merci. Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, membres de la commission, on vous remercie de nous permettre de présenter notre position. Je vais faire un survol rapide de nos principales positions telles que présentées dans le mémoire, après quoi évidemment on pourra répondre à vos questions dans la période qui suivra.

Donc, essentiellement, Stratégies Saint-Laurent, on accueille très favorablement le projet de loi n° 92. On considère qu'il est cohérent avec plusieurs des recommandations qui étaient issues de la commission Beauchamp en 2000 et avec plusieurs engagements dans la Politique nationale de l'eau adoptée en 2002. On considère cependant que le projet de loi, malgré toutes les bonnes dispositions qu'il prévoit en regard de la gouvernance, en regard du statut de l'eau comme chose commune ou le caractère collectif des ressources en eau, malgré les dispositions souhaitables et nécessaires concernant l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs, malgré la création d'un bureau des connaissances sur l'eau, on considère que le projet de loi demeure beaucoup trop timide sur le plan de la protection du fleuve Saint-Laurent, qui constitue, avec le bassin des Grands Lacs, le plus grand écosystème d'eau douce de la planète, qui est un élément central et structurant pour le Québec. Et donc l'un des principaux messages qu'on veut porter ici, aujourd'hui, c'est qu'on considère que le Saint-Laurent devrait avoir une plus grande place dans ce projet de loi là. Donc, à ce sujet, on va vous expliquer pourquoi on considère qu'un statut particulier devrait être accordé au Saint-Laurent pour en reconnaître la valeur patrimoniale. Et on va parler aussi de la gestion intégrée du Saint-Laurent.

Ensuite, on va faire des commentaires aussi concernant l'implantation d'un régime de redevances et concernant les dispositions relatives à l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, et finalement concernant une proposition qu'on fait d'ajouter un principe général d'accès aux plans d'eau et concernant le Bureau des connaissances sur l'eau.

n(14 h 10)n

Donc, d'abord, concernant la reconnaissance du Saint-Laurent comme patrimoine national, compte tenu que le Saint-Laurent constitue en quelque sorte l'épine dorsale du Québec tant sur le plan environnemental, économique et social, compte tenu de l'importance sur le plan environnemental à titre... Pardon. Je veux revenir en arrière un petit peu pour dire que le Saint-Laurent figure parmi les grands fleuves du monde. Il se classe au 17e rang pour l'étendue de son bassin versant, au 16e rang pour son débit et au 13e rang pour la superficie de son bassin versant. Sur le plan environnemental, le Saint-Laurent est un patrimoine naturel exceptionnel, l'un des plus riches certainement en Amérique du Nord et même sur la planète. Il est classé au quatrième rang des grands fleuves du monde pour sa biodiversité. Je vais passer les détails quant au nombre d'espèces qu'on y retrouve et à la diversité des habitats, mais c'est vraiment un joyau naturel exceptionnel.

Autour du Saint-Laurent, il y a des centaines de sites qui ont été reconnus comme de valeur écologique exceptionnelle: on pense aux sites Ramsar, on pense aux réserves mondiales de la biosphère, on pense à des sites de patrimoine reconnus par l'UNESCO et on peut penser à beaucoup d'autres sites. Donc, sur le plan environnemental, un système extrêmement riche.

Sur le plan économique, évidemment le Saint-Laurent est un axe majeur de transport maritime, un axe majeur de développement industriel, urbain, agricole et économique, de façon générale. Il y a toute une industrie touristique et récréotouristique qui repose en grande partie sur la beauté du Saint-Laurent, sur la valeur de ses milieux. Et on peut ajouter aussi que le Saint-Laurent rend des services écosystémiques à la collectivité québécoise, notamment par sa capacité de dilution, sa capacité de filtration. On connaît le rôle que jouent, sur le plan écosystémique, les milieux humides. Et il y a là une valeur économique certainement méconnue aussi mais qui est associée au Saint-Laurent.

Sur le plan social, bien sûr le Saint-Laurent est une artère aussi rassembleuse. C'est près de 80 % de la population qui vit dans la plaine du Saint-Laurent, c'est des centaines de municipalités. Le Saint-Laurent est un milieu de vie. Les Amérindiens ont développé des modes de vie, des modes de subsistance basés sur le Saint-Laurent, historiquement. La découverte du Québec s'est faite par le Saint-Laurent. Il y a des centaines de sites archéologiques le long de son cours. Le Saint-Laurent abrite des paysages exceptionnels. Et donc, sur le plan social et culturel, le Saint-Laurent joue aussi un rôle majeur. Donc, nous considérons que le Saint-Laurent, au Québec, n'est pas un cours d'eau comme les autres et qu'il mérite une attention particulière et distincte dans le cadre d'un projet de loi comme celui qui est discuté ici, aujourd'hui. Nous recommandons donc, dans ce sens-là et comme je l'ai dit, qu'un statut particulier lui soit accordé, un statut de patrimoine commun ou de patrimoine national.

Et on recommande, dans cette perspective, d'adopter une approche étapiste, c'est-à-dire, dans un premier temps, procéder au geste symbolique d'accorder ce statut au Saint-Laurent pour ensuite se donner un calendrier de travail pour identifier et actualiser mais de façon progressive les politiques, les lois et les règlements qui devraient être mis à jour à la lumière de ce statut-là accordé au Saint-Laurent. On peut donner, à titre d'exemple, la Loi sur le régime des eaux et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme où certainement il y aurait place à prévoir des dispositions pour favoriser la mise en valeur et la protection du Saint-Laurent.

Concernant la gestion intégrée du Saint-Laurent maintenant, on va rejoindre ici une section du projet de loi qui concerne la gouvernance de l'eau. Alors, on appuie la majorité des dispositions prévues dans la section Gouvernance pour reconnaître la gestion par bassin hydrographique et pour reconnaître des organismes qui seraient, bon, dûment constitués ou désignés. Nous considérons cependant qu'il est important de reconnaître explicitement dans le projet de loi... de prévoir des dispositions pour mettre en oeuvre la gestion intégrée du Saint-Laurent. On comprend que la gestion par bassin versant en principe peut inclure celle du Saint-Laurent, mais, le Saint-Laurent étant ce qu'il est pour le Québec et d'ailleurs pour la communauté internationale, on pense qu'une attention particulière doit lui être accordée et qu'on doit mettre en oeuvre la gestion intégrée du Saint-Laurent, considérant aussi l'ampleur et la complexité des enjeux spécifiques qui touchent le Saint-Laurent.

Ceci entraîne une série de commentaires sur comment pourrait se faire la gestion intégrée du Saint-Laurent. D'abord, rappelons que, là aussi, on fait écho à des recommandations du Bureau d'audiences publiques de 2000 et à des engagements pris dans la Politique de l'eau de mettre en oeuvre la gestion intégrée du Saint-Laurent: on aimerait le trouver de façon plus explicite dans le projet de loi.

Maintenant, au niveau du comment, on considère que, comme pour la gestion par bassin versant, la gestion intégrée du Saint-Laurent devrait faire une place importante à un processus ou une dynamique de concertation tant au niveau national qu'au niveau régional dans les différents tronçons du Saint-Laurent.

Donc, au niveau régional ? je vais m'attarder davantage sur ça ? on considère que, comme sur les bassins versants, des organismes neutres, des organismes non gouvernementaux, neutres devraient coordonner le travail de concertation et que, sur le Saint-Laurent, eh bien, si on souhaite fonder une telle approche sur les acquis, on devrait envisager les comités de zone d'intervention prioritaire, qui, depuis plus de 15 ans, développent une expertise sur le Saint-Laurent, sur ses enjeux, sur les moyens d'adaptation, sur les pistes de solution mais une expertise aussi dans le domaine de la gouvernance, de la concertation et de la coordination d'un processus de concertation.

On considère que le gouvernement du Québec devrait reconnaître les comités ZIP et leur regroupement, Stratégies Saint-Laurent, au même titre qu'ils reconnaissent les organismes de bassin versant et le Regroupement des organisations de bassin versant dans la gestion de l'eau au Québec.

Le temps passe rapidement, mais on a une réflexion qui est faite sur l'arrimage entre les comités ZIP et les organismes de bassin versant. Essentiellement, on considère que les deux sont tout à fait complémentaires et que, dans une perspective écosystémique, il est nécessaire de prévoir des mécanismes d'arrimage entre les comités ZIP et les organismes de bassin versant, et, dans la période de questions, on pourra élaborer là-dessus.

On a une réflexion aussi au niveau de l'arrimage avec le secteur municipal. On considère que le secteur municipal a un rôle fondamental à jouer dans la gestion intégrée de l'eau, de par les responsabilités qui leur sont allouées et de par l'imputabilité qu'ils ont dans ce sens-là. Et donc je pourrai élaborer aussi à ce sujet-là pour préciser quel rôle on croit qu'il devrait jouer.

Sur le régime des redevances, on aurait aimé voir un projet de loi qui précise davantage le cadre légal d'implantation d'un régime de redevances, et essentiellement on considère qu'éventuellement le fruit des redevances devrait être géré dans un fonds axé sur l'eau et non pas dans un fonds consolidé. Et on va un pas plus loin en disant que les redevances qui seront récoltées de grands utilisateurs ou de pollueurs du Saint-Laurent devraient être réinvesties dans la protection et dans la mise en valeur du Saint-Laurent lui-même.

Pour conclure très, très rapidement, nous appuyons les dispositions légales sur l'Entente sur les ressources durables en eaux des Grands Lacs et du Saint-Laurent, mais considérons que le territoire d'application devrait être élargi à l'ensemble du Québec. Ensuite, on propose un principe d'accès aux plans d'eau et aux cours d'eau du Québec et on propose d'inclure un principe général dans le projet de loi, à la section II. Et enfin, au niveau du Bureau des connaissances sur l'eau, on recommande que les comités ZIP soient nommément ciblés comme organismes pouvant collaborer avec le secteur universitaire, notamment dans le cadre du programme d'acquisition des données prévu avec le Bureau des connaissances sur l'eau.

Et sur ce je termine en vous remerciant et en vous disant qu'on peut répondre évidemment aux questions pour élaborer. Merci.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Alors, j'invite maintenant les membres à échanger avec les invités, en commençant par Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente, et bienvenue à vous. Vous avez dit ça comment, là? Tout le temps occupé? Non.

M. Charest (Louis): Toujours les mêmes.

Mme Beauchamp: Toujours les mêmes. Ah oui! TLM.

Des voix: TLM.

Mme Beauchamp: On va la retenir, celle-là. On va vous donner votre droit d'auteur, mais on va la retenir.

Donc, il me fait bien plaisir de vous retrouver ici pour échanger formellement, cette fois-ci dans le contexte du salon rouge de l'Assemblée nationale, puis je vous remercie pour la qualité de ce mémoire déposé.

n(14 h 20)n

J'aurai essentiellement deux grandes catégories de questions. Le premier bloc sera sur la notion de «statut patrimonial» que vous souhaitez pour le fleuve Saint-Laurent, et je pense que le deuxième bloc ira essentiellement vers les questions de gouvernance. Et vous nous avez tendu la perche pour qu'on vous pose des questions sur les questions d'articulation entre les OBV, le monde municipal et vous, donc on y arrivera.

Peut-être commencer par la question du statut patrimonial que vous demandez pour le fleuve Saint-Laurent. À juste titre, vous faites référence à la Politique nationale de l'eau, où il est indiqué qu'on doit travailler cette reconnaissance patrimoniale du fleuve Saint-Laurent, puis j'ai déjà eu l'occasion d'échanger quelque peu avec vous par le passé. Ce qui m'a beaucoup frappée en échangeant avec des gens du ministère et d'autres intervenants, je dirais, c'est la panoplie de versions qu'on obtient lorsqu'on demande aux gens: Selon vous, quelle était la volonté exprimée dans le cadre de la Politique nationale de l'eau? Là, on voit différents éléments de réponse, allant de «il s'agit de poser des gestes symboliques» ? puis là je pourrais donner l'exemple même ici de la promenade le long du boulevard Champlain où les gens disent: Bien, voilà un geste qui aura donné accès à une population puis voici un geste qui pourrait être souligné comme étant une reconnaissance de l'importance du fleuve ? à d'autres qui y voient un contexte beaucoup plus légal et réglementaire, à l'image des notions de «patrimoine naturel» ou de «patrimoine culturel» qu'on retrouve, là, dans des textes de loi.

Ça fait que je veux savoir: Donc, vous, quelle est, je dirais, votre prétention, mais dans le sens noble du terme, là, lorsque vous parlez d'un statut patrimonial au Saint-Laurent? Et en quoi en fait votre souhait, en quoi ça viendrait affecter ou changer des façons de faire actuelles par rapport à des usagers du fleuve?

La Présidente (Mme Ménard): M. Audet ou monsieur... M. Charest.

M. Charest (Louis): Je peux en essayer un. Ils viennent de rénover le pont Laviolette. Le pont Laviolette, c'est entre Trois-Rivières et Bécancour. C'est à peu près à 5 km de chez moi et c'était une place qui était courue pour aller pêcher et aller mettre sa chaloupe à l'eau; bien, pas les gros bateaux, une chaloupe, là, avec un petit moteur puis... Ça fait que le ministère des Transports nous a consultés, puis, comme je suis dans plein d'affaires, ils m'ont invité à y aller, puis ils ont dit: Bien, dans les travaux, le monde ne pourra pas aller là. Puis c'est correct, c'est dangereux, des travaux, tu as de la machinerie, puis ils ne veulent pas se faire voler. Mais ils ont dit: On va peut-être bien avoir un problème après. J'ai dit: Comment, un problème? Ça fait que, là, ils ont installé une clôture, puis, maintenant qu'ils ont fini les travaux, c'est fini, on ne peut plus aller là. Ça, c'est le ministère des Transports du Québec.

Ça fait que d'un côté on se dit: C'est une richesse, mais on va défendre à la population d'y aller. Pour quelle raison? La peur d'avoir peur? C'est des exemples que... Si on disait: C'est une valeur patrimoniale collective, c'est des exemples qui devraient dire: Ce n'est pas correct. Il y a quelqu'un qui n'a pas suivi l'idée, le concept en arrière de ça. Ça fait que c'est des exemples que ça vous donne, quand tu es à l'intérieur du même gouvernement, que la main droite ne parle pas à la main gauche. Puis, si tu enchâsses ça dans une loi, que ça a une valeur patrimoniale collective, bien ça pourrait empêcher ce genre de situation là. Parce que, moi, je trempe dans beaucoup de choses. Le monde m'appelle, il dit: C'est quoi, l'idée? Oui, bien là, là, on va se battre contre le ministère des Transports. C'est un exemple terre à terre.

La Présidente (Mme Ménard): M. Audet.

M. Audet (Nicolas): Oui. Alors, en complément de réponse, la question est extrêmement pertinente parce que c'est vrai qu'on entend, bon, peut-être différentes visions ou différents discours sur la reconnaissance du Saint-Laurent comme patrimoine national. L'approche qu'on privilégie, nous, c'est une approche étapiste, donc, dans un premier temps, procéder à une reconnaissance symbolique, mais par la loi quand même, du Saint-Laurent comme patrimoine national pour cristalliser comme ça dans un texte de loi la volonté du gouvernement du Québec de jouer son rôle de fiduciaire et de garant de cet écosystème qui est fondamental pour le Québec, qui a été fondamental dans toute l'histoire du Québec mais qui est aussi un écosystème important à l'échelle planétaire, donc poser ce geste symbolique là mais effectivement en allant plus loin qu'une simple reconnaissance symbolique, en identifiant ensuite les lois, les politiques, les règlements qui devraient être mis à jour à la lumière de ce statut-là ou qui devraient être actualisés ou modernisés dans ce sens-là.

J'ai donné, tout à l'heure, très rapidement l'exemple de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et de la Loi sur le régime des eaux. C'est des réflexions, soit dit en passant, et je veux remettre à César ce qui revient à César, pour le nommer ainsi, mais je veux dire qu'on travaille cette réflexion-là en collaboration avec Les Amis de la vallée du Saint-Laurent, que vous avez déjà entendus il y a une semaine ou deux et qui ont fait une réflexion extrêmement riche dans ce sens-là, et on s'appuie aussi sur la réflexion qu'ils ont faite dans ce sens-là.

Mais donc, concernant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, sans vouloir entrer dans les détails, on peut imaginer que cette loi-là pourrait être actualisée pour prévoir des principes ou des dispositions qui porteraient spécifiquement sur l'organisation du territoire riverain, sur la mise en valeur du territoire riverain, sur la nécessité peut-être, pour le secteur municipal, les MRC et les municipalités, de protéger des zones de conservation, de prévoir des accès publics au Saint-Laurent.

On sait que l'enjeu de la privatisation des rives est une réalité, que parfois les municipalités sont bien tentées de privatiser les rives aussi parce qu'évidemment il y a des enjeux fiscaux ou fonciers derrière ça. Donc, une loi comme celle de l'aménagement et l'urbanisme devrait prévoir des dispositions pour protéger mais aussi pour mettre en valeur et pour favoriser l'accès au Saint-Laurent, par exemple. Bon, ceci viendrait toucher peut-être aussi les façons de voir et de revoir le zonage dans les schémas d'aménagement et dans les plans d'urbanisme.

La Loi sur le régime des eaux également historiquement a permis l'appropriation privée d'eau à même le lit du fleuve, alors que le fleuve devrait être une chose commune, mais il y a des contradictions entre cette volonté-là de reconnaître les ressources en eau et, entre autres, le fleuve comme ressource commune, ce qu'a entraîné comme situation la Loi sur le régime des eaux. Donc, il s'agit, encore là, d'une loi qui devrait sans doute être revue pour éliminer les possibilités qu'elle donne d'appropriation du lit de certains cours d'eau par différentes instances. Donc, c'est quelques exemples de ce comment pourrait se traduire progressivement la reconnaissance du Saint-Laurent comme patrimoine national, mais on voit ça vraiment en deux temps.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Si je peux me permettre un commentaire, moi, je suis très sensible à ce que vous nous invitez de faire par rapport à la question du Saint-Laurent et je pense que ça va vraiment mériter réflexion d'ici à ce qu'on commence l'étude du projet de loi article par article. Mais en même temps, si je peux me permettre un commentaire, autant, vous, vous nous indiquez, sur la question de la redevance, que vous souhaitez que les choses soient plus claires, bien que ce soit déjà intégré dans une loi déjà existante puis qu'on ait indiqué les gestes qu'on allait poser, il m'apparaît délicat et difficile d'en arriver, comme législateur, à dire: Nous poserons un geste, qu'on va qualifier pour le moment de symbolique, en annonçant du même souffle que ça devra être suivi de gestes de modifications légales et réglementaires de la portée que vous décrivez en ce moment.

C'est des étapes qui ne seront pas du tout évidentes parce que vous comprenez qu'il y a... C'est exactement l'écart que je décrivais tantôt entre une notion de portée symbolique puis du même souffle dire: Cette portée symbolique devra être suivie de modifications de tout un appareil législatif et réglementaire. Pour moi, en tout cas, on est dans un continuum à peu près aux deux extrêmes. Mais je dois vous dire, comme nous l'avons dit aux Amis de la vallée du Saint-Laurent, que je reste sensible à l'argumentaire qu'on soit capables de poser certains gestes par ailleurs, là, à l'égard d'une certaine forme de reconnaissance du Saint-Laurent.

Je voudrais vous entendre, maintenant; vous-mêmes, vous nous avez tendu la perche par rapport à ces questions d'articulation entre... ? là, je suis sur le grand thème de la gouvernance, là ? l'articulation entre différents intervenants dans le domaine de la gouvernance de l'eau. Il y a peut-être deux aspects, deux volets: il y a le volet de l'articulation du travail des organismes existants, comme les ZIP, leur articulation avec le travail des organismes de bassin versant, mais, vous-mêmes, vous mentionnez bien sûr qu'il y a toute une question qui a fait l'objet ici de débats, qui est l'articulation entre ces acteurs de l'eau que sont les ZIP, les OBV et le monde municipal.

n(14 h 30)n

Donc, j'aimerais vous entendre plus explicitement sur cette notion d'articulation que vous nous proposez, et peut-être en mettant en lumière la chose suivante, là: moi, je me dis: Il y a déjà des choses qui existent. Les organismes de bassin versant ont été reconnus dans le cadre de la Politique nationale de l'eau, les ZIP existent depuis... Je dis les chiffres de mémoire, là, mais ça doit faire au moins 20 ans, peut-être même...

M. Audet (Nicolas): Entre 15 et 20 ans.

Mme Beauchamp: Entre 15 et 20 ans. Il faut prendre acte de cela. Mais en même temps, quand je me mets dans le siège d'un élu ou d'un TLM, là, de toujours les mêmes ? mais disons que cette fois-là c'est un élu ? ça peut vouloir dire qu'on demande à un élu d'être à la fois dans sa CRE, investi dans sa MRC, et là, après ça, être au niveau d'un OBV, peut-être même au niveau d'une ZIP. Et il faut aussi entendre et comprendre cet appel que nous font également le monde des élus, qui finissent en disant: Puis à la fin c'est à nous à adopter des règlements puis prendre les responsabilités. Ça fait que je voudrais vous entendre. En fait, on a eu beaucoup de discussions ici, mais vous semblez, vous, avoir une proposition assez claire sur l'articulation, là, des efforts de tout le monde. Je voudrais vous entendre.

La Présidente (Mme Ménard): M. Audet? Charest? Audet?

M. Audet (Nicolas): Je peux commencer.

La Présidente (Mme Ménard): Allez-y.

M. Audet (Nicolas): Je peux commencer, et peut-être que M. Charest pourra compléter au besoin.

Alors, effectivement, on s'est posé ces questions-là, puis même ça fait quelques années. On est dans des réflexions sur le développement de la gestion intégrée du Saint-Laurent, le développement de la gestion intégrée par bassin versant, et déjà...

Je vais débuter, là, par l'arrimage qu'on peut envisager entre les ZIP et les organismes de bassin versant. On travaille en relation avec le Regroupement des organisations de bassin versant du Québec, donc qui est un peu notre vis-à-vis, Stratégies Saint-Laurent étant le regroupement des comités de zone d'intervention prioritaire du Québec. On a eu des discussions déjà à quelques reprises, on a organisé des rencontres, même une rencontre qui s'est appelée la Rencontre des grands courants, qui avait regroupé presque tous les organismes de bassin versant du Québec, tous les comités de zone d'intervention prioritaire mais aussi les comités de gestion intégrée des zones côtières, un autre réseau important de concertation mais axé davantage sur les zones côtières en milieu marin, et l'idée de cette rencontre-là était de faire des mises à niveau: Quels sont nos rôles respectifs? Quelles sont nos visions respectives? Et qu'est-ce qu'on peut envisager comme pistes de collaboration et d'intégration entre nous? Ça a été une rencontre riche qui nous a permis d'asseoir ou de prolonger la réflexion.

Nous, on reconnaît d'emblée la pertinence des organismes de bassin versant du Québec. On se réjouit de leur reconnaissance et de l'ampleur de leur réseau à travers les rivières du Québec. La majorité de ces tributaires-là étant justement des tributaires du Saint-Laurent, on ne peut qu'accueillir favorablement leur création, le soutien qui leur est accordé également, ça ne peut qu'être profitable pour le Saint-Laurent et pour les cours d'eau eux-mêmes.

Par ailleurs, on considère que, sur le Saint-Laurent, il y a des enjeux très particuliers qui ne sont pas toujours de la même nature que ceux qu'on trouve sur les cours d'eau intérieurs. Pensons aux effets des changements climatiques notamment qui se traduisent par des problématiques d'érosion très importante en Côte-Nord, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent. C'est des dynamiques écosystémiques qui ne sont pas du tout les mêmes que ce qu'on va retrouver sur les cours d'eau intérieurs. Pensons, bon, à la dynamique des marées, aux mammifères marins, à toute la faune spécifique au Saint-Laurent. Pensons au trafic maritime. Pensons aux espèces envahissantes. Je ne vais pas tout nommer, mais il y a toute une série d'enjeux propres au Saint-Laurent. C'est pourquoi on considère que le Saint-Laurent mérite un réseau d'acteurs experts dans les enjeux du Saint-Laurent et experts aussi dans la coordination de processus de concertation. Le réseau des ZIP a développé de beaux atouts dans ce sens-là, au cours des 20 dernières années, dans une vision qui à l'époque était certainement avant-gardiste.

On considère donc qu'il y a de la place pour les deux réseaux, pour le réseau des zone d'intervention prioritaire et pour le réseau des organismes de bassin versant, et que, dans une perspective écosystémique, ça nous semble logique et fondamental de reconnaître la complémentarité de ces deux réseaux-là et de favoriser un arrimage efficace et sain, d'un point de vue de gouvernance, entre les deux réseaux.

Donc, ce qu'on propose plus concrètement, c'est qu'on développe, par exemple, au niveau des mécanismes qu'on peut envisager, une table d'harmonisation qui réunirait le Regroupement des organisations de bassin versant du Québec, Stratégies Saint-Laurent et peut-être des représentants du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, qui pourrait développer une sorte d'entente-cadre de collaboration entre les deux réseaux. Cette entente-cadre-là pourrait permettre d'encadrer ou d'orienter des ententes plus spécifiques.

Ce qu'on propose, c'est qu'à l'échelle régionale on développe des ententes entre les OBV et les comités de zone d'intervention prioritaire pour préciser leurs rôles respectifs, leurs mandats mais les enjeux sur lesquels ils peuvent être appelés à collaborer dans les territoires où se chevauchent le territoire du bassin versant et celui du comité ZIP, pour être certains qu'ils travaillent ensemble, et, bon, des ententes qui seraient signées par les deux organismes, par exemple, et qui seraient développées évidemment à une table ou des rencontres, un mécanisme d'échange qui permettrait d'identifier les enjeux communs et les pistes de collaboration. Et voilà.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Ça passe vite, hein? Alors, on va passer au bloc de l'opposition officielle, le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Si vous le souhaitez, je vais poursuivre dans le volet de la gouvernance, là, parce que je ne peux pas dire que j'ai parfaitement compris ce que vous voulez avancer. On a eu le milieu municipal qui est venu nous dire que, parce qu'il y avait un taux de roulement assez important dans le personnel des organismes de bassin versant, parce qu'il n'y avait pas nécessairement des leviers d'intervention concrets, bien souvent, là, ça n'avait pas les résultats escomptés. Et puis il y a même des MRC qui sont venues nous dire: On va rapatrier ces pouvoirs-là, puis on va le faire nous-mêmes, puis on va avoir de meilleurs résultats avec le même budget. Et puis ça, c'était leur point de vue à eux.

Vous, vous semblez avoir une opinion là-dedans et puis vous amenez même votre intervenant à vous, là, qui est un troisième intervenant dans le portrait. Comment est-ce qu'on peut réussir d'arrimer tout ça concrètement pour que finalement vous travailliez de pair et non pas isolément et puis qu'en bout de ligne, à la fin de l'année... d'avancer plus rapidement, là?

M. Charest (Louis): Je vais l'essayer un peu, celle-là. J'ai les deux chapeaux, des OBV puis des ZIP. Bon. L'année passée, je faisais ma tournée, puis la MRC avait fait faire creuser un ruisseau. Bon, dans ma tête, un ruisseau, il coule de l'eau à l'année. La pire job que je n'avais jamais vue de ma vie: l'angle à peu près à 65°, huit pieds de profond, la terre remblayée de chaque bord, puis ils avaient coupé tous les arbres puis les arbustes qu'il y avait sur le bord. Ça fait que ça, c'est le travail d'une MRC en 2007. Ça fait que de dire: On va rapatrier tous les pouvoirs à la MRC, il y a un paquet d'affaires qui vont continuer dans ce style-là.

Les bandes riveraines, là, ça existe, ça fait longtemps, la réglementation. Puis les Q-2, r8, ça fait longtemps, puis ils ne les font pas appliquer. Ça fait qu'on va leur mettre ça dans les mains. Qu'est-ce qu'ils vont faire? Pas plus qu'ils font actuellement. Ils l'ont déjà puis ils ne le font pas. Ça fait que, là, ils voudraient l'avoir. Ils veulent quoi? Ils veulent avoir l'argent? Puis ils vont faire quoi? Moi, je les vois faire, là, puis ce n'est pas des mauvaises personnes, parce que c'est des élus, puis ils ont peur de ça terrible parce que c'est une affaire pour perdre des votes. Ça fait que c'est mieux de rapatrier ce genre d'affaire là à une organisation mélangée: UPA, municipalités, environnementalistes. Là on se parle, puis là ça avance. Mais, si tu remets ça dans les mains des MRC carrément, là, ça va tout arrêter. Parce que, là, ça a envie de grouiller un peu, ça fait que je ne suis vraiment pas chaud ? là, je mets mon chapeau vert ? à retourner ça: Tiens, occupez-vous-en, puis on recommence comme on faisait avant. C'est ça qui va arriver.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Je trouve que c'est un point de vue intéressant, mais comment on peut faire, quand on a deux, trois MRC qui sont mises à partie dans un dossier en particulier puis un bassin versant, comment on peut faire pour que le dossier débloque, évolue?

La Présidente (Mme Ménard): M. Charest.

M. Charest (Louis): Moi, je trouve ça intéressant d'asseoir du monde de différents secteurs. Là, ça se parle, puis là tout le monde veulent faire un petit peu leur bout, l'UPA, la MRC, puis ils s'entendent à huis clos devant des environnementalistes: Bon, on serait supposés faire ça à 1 m. On s'entend-tu pour essayer de faire 3 m puis de le faire dans le sens du monde un bout? Parce que ça existe, la réglementation. Il faut que tu assoies ce monde-là ensemble, puis pas dans un climat de confrontation, parce que ça ne marche pas. Ou bien donc l'UPA va dire: Bien, donne-moi de l'argent, puis ils vont dire au MAPAQ: Moi, je perds des acres d'agriculture, là, bien tu vas payer. Ce n'est pas le même climat quand tu assois tout le monde à la table.

Là, il y a des MRC qui vont dire: Bon, on s'entend-u que, moi, je commence à faire l'application de ces règlements-là? Ou, comme la MRC de Nicolet a dit: Maintenant, ce n'est pas juste les porteurs d'eau qui vont avoir à payer pour le creusage, c'est toute la population. Puis, à ce moment-là, on va inclure les mesures de mitigation, on va refaire la bande riveraine un coup qu'on va passer. C'est quand tu t'assois à table ensemble que tu te trouves à avancer comme ça.

n(14 h 40)n

La Présidente (Mme Ménard): M. le député.

M. Diamond: J'avoue qu'il n'y a pas lieu de modifier quoi que ce soit dans la gouvernance actuelle, là, tu sais, il faut continuer dans la concertation comme on l'a mise sur pied.

M. Charest (Louis): C'est certain qu'on est bien partis. Là, comme ils ont dit, là, les OBV, c'est structuré. Moi, je suis trésorier. On reçoit 65 000 $ par année pour une OBV. Ça paie le coordonnateur, des bureaux, puis c'est à peu près tout, là. Puis, le conseil d'administration, il faut le faire vivre, puis tu as de l'équipement. C'est un salaire de misère, puis tu es là pour te bâtir. La rivière Bécancour, on a cinq MRC. C'est grand. À 65 000 $, là, tu ne vas pas loin. Puis souvent, quand on va demander une subvention pour faire un projet ou des études, les subventionnaires paient 80 %, 90 %. Il faut que tu trouves l'autre 20 %. On n'a pas d'argent. Puis, quand tu as juste 65 000 $ par année, le roulement du personnel est élevé. Il faut que tu recommences ton réseau de contacts. C'est triste.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci. C'est très intéressant. Je vais devoir toutefois changer de dossier et me diriger vers la question de la redevance.

Il y a plusieurs intervenants, tu sais, qui ont amené des spécifications dans la question de la redevance: Qu'est-ce qu'on fait avec les individus? Est-ce que c'est assimilé au compte de taxes ou on les fait payer? Est-ce que les agriculteurs sont sujets à une redevance? Tout à l'heure, on avait la question de l'hydroélectricité, la question de la géothermie. Vous, votre point de vue là-dedans, est-ce qu'il est défini?

La Présidente (Mme Ménard): M. Charest.

M. Charest (Louis): Premièrement, il ne faut pas se le cacher, le ministère de l'Environnement, c'est à peu près le ministère le plus pauvre qu'il n'y a pas au Québec, tu sais. Que vous trouviez l'argent... C'est-u Hydro-Québec qu'il va falloir qu'ils paient? C'est-u les agriculteurs, les municipalités? C'est votre problème, ce n'est pas mon problème. Je n'ai pas d'opinion fixe là-dessus. Mais il faut que le ministère de l'Environnement trouve de l'argent pour alimenter le système pour qu'on s'améliore. Parce que, il ne faut pas se le cacher, le Programme berges neuves, là, c'était dans les années quatre-vingt. Ça a été arrêté, puis il n'y a pas d'équivalent qui a eu lieu depuis ça. Aïe! c'est une éternité, là. Ça fait 20, presque 30 ans, puis on n'est pas plus avancés. Vous n'avez pas plus d'argent. S'il y a de quoi, le ministère de l'Environnement est encore plus pauvre.

Ça fait que, partir la redevance, où vous allez le prendre, l'argent? Ça ne me dérange pas, moi, puis ce n'est pas à moi à dire c'est où parce que, là, je vais me faire des ennemis terrible. Si je disais: C'est à l'UPA à payer ça parce qu'ils utilisent beaucoup d'eau puis ils la maganent, ou nos municipalités... Ça, il pourrait y avoir des principes d'écoconditionnalité autant pour les municipalités que pour les agriculteurs, mais je ne me ferais pas d'amis à dire des affaires de même. O.K.? Puis ça pourrait être aussi au niveau du résident: Ta fosse septique, ton champ d'épuration n'est pas correct, on va te collecter. Tu la feras si tu veux ou si tu ne veux pas, mais on va te collecter sur l'eau que tu prends puis que tu rejettes de travers. Ça peut aller comme ça. Vous ne vous ferez pas encore beaucoup de votes à faire des affaires de même.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Je tiens à vous rassurer, là, on ne veut pas vous faire haïr.

M. Charest (Louis): ...conseiller municipal, je le sais, comment que ça fonctionne. C'est difficile de dire: Toi, tu vas payer parce que tu fais dur.

M. Diamond: Si vous voulez, je vais vous ramener... D'abord, je suis du comté de Marguerite-D'Youville, hein, c'est Boucherville, Sainte-Julie. Pas tellement loin, on avait l'île Charron où il y a eu un problème de déversement de coliformes fécaux qui a été noté l'année passée. Pas plus tard que ce matin, il y avait un dossier, tu sais, avec Pratt & Whitney. À pareille date, l'année passée, il y avait tout un dossier avec l'île des Soeurs, là: il y avait un bloc-appartements, tu sais, qui envoyait des coliformes fécaux aussi dans le fleuve Saint-Laurent. Et puis, bon, c'étaient trois cas isolés qui finalement... Tu sais, quand tu as plusieurs cas isolés, à un moment donné, tu te demandes si ce n'est pas une tendance lourde. Moi, j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous êtes intimement dans le dossier, là, pour ne pas faire de mauvais jeu de mots.

M. Charest (Louis): La ville de Montréal, il ne faut pas se le cacher, ne désinfecte pas leur eau. C'est épouvantable, les coliformes fécaux qu'ils envoient, tu sais. Oui, ils essaient de les tirer dans le milieu du fleuve, là, pour ne pas que ça attaque les prises d'eau en aval, mais il y a 200, 300 millions minimum à mettre là, là, pour désinfecter les eaux de la ville de Montréal. Puis ils ont fait leur usine d'épuration. Ça fait, quoi, 25 ans, M. Maranda, que l'usine a été faite à peu près? Ils attendent quoi, là? On dirait que c'est caché. Nous autres, on le sait.

Je voulais faire une plage à Sainte-Angèle. Ça fait que, là, j'ai fait faire un test d'eau par ma municipalité. J'étais conseiller municipal. Il dit: Louis, il dit, le marqueur est au bout de ce qu'il peut marquer. Il dit: Oublie ça, c'est impossible. Oui, mais, il dit, ils viennent d'où les coliformes? Ils viennent d'en haut. Ce n'est pas les vaches, il n'y a pas de vaches à Sainte-Angèle. C'est un problème municipal. J'en suis gêné. J'espère que je ne passe pas à la TV, là, mais c'est...

Une voix: Oui, oui, oui.

La Présidente (Mme Ménard): Vous passez à la télé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

M. Charest (Louis): Plein d'amis. Mais on dirait, là...

Puis, moi, ça fait longtemps que je fais de l'environnement. J'étais content l'année passée, les cyanobactéries. Enfin! Enfin, il y a un punch! Mais là, cette année, ce n'est plus les cyanobactéries, c'est les gaz à effet de serre. À cause du fédéral, c'est ça qu'on entend. Mais on a encore des problèmes d'eau dans le Saint-Laurent puis on a encore des problèmes de coliformes fécaux puis d'érosion des berges, et des pluies acides, jusqu'à un certain point, et puis c'est ça qu'on va léguer aux générations futures si on ne fait rien. Ça fait que, des redevances, tantôt vous l'avez dit, oui, on en a besoin pour cesser d'arrêter de dégrader avant de commencer à penser de dire: On va redonner le fleuve, les rivières au monde. On a une méchante marche, là, tantôt je vous l'ai dit. Ma bouette au bout du quai, là, c'est vrai.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député.

M. Charest (Louis): ...

La Présidente (Mme Ménard): Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Diamond: Bien là, dans ce cas-là, dernière discussion comme ça, une autre tranche de vie dans mon comté, à Boucherville. On a privatisé quasiment tout le bord de l'eau, hein, et puis des grosses maisons, des belles grosses maisons, là, évidemment, et puis l'accès au fleuve est de plus en plus restreint, et puis l'un des points d'eau qui est important, c'est toute la question, là... Il y a un club d'aviron à Boucherville qui a fait la joie de tout le monde, de tous les Bouchervillois durant l'été, qui a gagné des prix et des prix par-dessus prix, là, plusieurs courses, et puis l'accès au fleuve est de plus en plus menacé parce que, les belles journées, le dimanche après-midi, là, les bateaux à moteur sortent, puis, pratiquer l'aviron dans ces conditions-là, là, tu fais plus de la natation que de l'aviron, tu sais.

Et puis la réflexion m'est venue sans jamais trouver la réponse, et peut-être que vous pourriez m'aider à trouver la réponse. Bien, est-ce qu'il existe une stratégie pour que ce soit bien ordonné, tu sais, autour... que l'accès au fleuve soit bien ordonné, qu'on ait, tu sais, évidemment les sports non motorisés d'un côté, les sports motorisés de l'autre, qu'il y ait des plages qui sont propres et baignables, pas pleines de coliformes fécaux à certains endroits stratégiques? Est-ce qu'il existe des plans comme celui-là? Parce que jusqu'à maintenant, moi, je n'en perçois pas, du moins.

La Présidente (Mme Ménard): Vous avez une minute, là. Je ne sais pas lequel, là, M. Charest ou M. Audet...

M. Charest (Louis): Moi, c'est certain, quand il y a eu l'histoire des bouées sur le bord de l'eau, que les bateaux devraient aller moins vite à partir de la bouée ? parce que, moi, je fais beaucoup de natation ? j'ai trouvé ça intelligent. Ça a chialé un peu, ça s'est calmé. C'est correct. Il y a manière d'être imaginatif sans dire non à tout le monde ou sans dire non à des groupes.

Bien, il y a eu la course de canots à Trois-Rivières, et, ce que vous dites, là, il y en avait qui se promenaient avec leurs gros bateaux au travers de la course de canots puis il y avait des canots qui renversaient dans la course. Il y a du monde qui ne comprennent pas. Tu sais, c'est épouvantable. Il aurait fallu qu'ils posent des flotteurs, de dire: Tes bateaux, là, c'est limité à telle vitesse, puis qu'il y aurait eu des polices. Parce que tu as bien beau faire les plus beaux règlements que tu veux, si tu n'as pas des polices pour les faire appliquer, il y en a qui ne comprennent pas. Puis, quand tu as un ticket puis il faut que tu le paies, bien là ça comprend. C'est plate à dire, mais c'est comme ça qu'il faut que ça fonctionne.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. On doit passer au troisième bloc. Le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Bonjour, messieurs. Très intéressant. J'aurais des précisions à vous demander. Dans vos recommandations, vous demandez d'avoir une approche étapiste pour reconnaître le Saint-Laurent comme patrimoine national; bon, dans un premier temps, reconnaître le fleuve comme étant patrimoine national, puis ensuite, vous dites, un calendrier. Mais ce serait quoi, un calendrier... un échéancier raisonnable pour arriver à faire en sorte qu'on puisse se dire: Bon, on se donne cinq ans, 10 ans, c'est 25 ans? C'est quoi, un échéancier raisonnable pour faire en sorte que le Saint-Laurent soit vraiment un patrimoine national, qu'on puisse en être fiers puis qu'on puisse retrouver le moteur que vous avez perdu?

n(15 h 50)n

La Présidente (Mme Ménard): M. Charest ou... M. Audet? M. Audet.

M. Audet (Nicolas): C'est une bonne question. Qu'est-ce qu'un calendrier raisonnable? On n'a pas une réponse, on n'a pas un chiffre précisément à apporter, sinon on l'aurait mis dans le mémoire. Est-ce que c'est cinq ans? Est-ce que c'est huit ans? On a voulu y aller avec une approche étapiste pour ne pas procrastiner éternellement avant de poser le geste symbolique de la reconnaissance. Par contre, on considère que ce n'est pas suffisant de faire une simple reconnaissance symbolique, donc il faut que ça aille se traduire dans d'autres projets de loi. Maintenant, ce serait de faire un plan de travail, j'imagine, d'identifier d'abord les lois qui devraient être revues, peut-être de les prioriser, puis ensuite de procéder. Quel serait un calendrier réaliste? Je ne sais pas, mais j'imagine qu'en cinq ans il y aurait un bon bout de chemin possible à faire, par exemple.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Dans votre troisième recommandation, vous mentionnez que vous souhaitez que la gestion du Saint-Laurent soit coordonnée par un organisme neutre ayant l'expertise de la représentativité. Vous en avez parlé un peu tout à l'heure, mais est-ce que vous pourriez préciser davantage? Est-ce que vous avez une idée de qui ça pourrait être, cet organisme neutre là?

La Présidente (Mme Ménard): M. Audet.

M. Audet (Nicolas): Je peux commencer. Donc, en fait, on est au courant bien sûr que le secteur municipal a fait des représentations et a adopté des positions à l'effet que, pour certains, les MRC devraient jouer un rôle comme ça d'élaboration et de mise en oeuvre des plans directeurs de l'eau; pour d'autres, c'est les conférences régionales des élus. Nous, dans notre vision, on considère que c'est préférable et souhaitable que ce soient des organismes non gouvernementaux, neutres, qui soient mandatés spécifiquement pour ça, ce qui leur donne une certaine neutralité dans la façon d'appréhender les enjeux, de prioriser les enjeux, d'élaborer le plan directeur de l'eau. On pense à des organismes comme les organismes de bassin versant pour les tributaires et comme les comités de zone d'intervention prioritaire, par exemple, le long du Saint-Laurent.

On considère que le secteur municipal a un rôle fondamental à jouer, qu'il doit être assis à la table de concertation mais au même titre que les autres acteurs seraient appelés à participer à cette table de concertation là. Le secteur municipal a des responsabilités, a des pouvoirs, est affecté par un certain nombre d'enjeux, ils doivent apporter ça à la table. Cependant, est-ce à eux de coordonner l'exercice, de s'assurer que le PARE va refléter des enjeux qui sont tous les enjeux du territoire, pas seulement les enjeux qui touchent directement le secteur municipal?

Nous, ce qu'on constate, c'est que, quand on examine les plans d'action et de réhabilitation écologique, qui sont les outils de planification des comités ZIP, c'est qu'il y a des enjeux qui ne sont pas directement liés aux responsabilités du secteur municipal, il y a des enjeux qui vont au-delà de ça. Et donc, à notre sens, si c'était le secteur municipal qui coordonnait ces exercices-là, il y aurait peut-être un risque qu'il s'enferme ou qu'il se limite aux enjeux qui touchent directement la responsabilité, alors qu'à notre sens c'est plus large que ça.

On pense que le secteur municipal est fondamental pour s'asseoir autour de la table et, au moment de la mise en oeuvre des actions, que c'est un joueur fondamental aussi et qu'il n'en sera que mieux outillé, que mieux éclairé et que mieux accompagné parce qu'il y aura des organismes experts qui seront là pour développer des outils pour apporter du soutien en information scientifique et même pour travailler à engendrer l'action avec ces acteurs-là. Donc, on considère que ces organismes-là sont mieux positionnés.

Il y a d'autres raisons aussi, les territoires, en tant que tels, d'intervention. L'unité du bassin versant est importante pour appréhender tous les enjeux de l'eau, les enjeux amont, aval, les enjeux du bassin versant qui affectent le tributaire en tant que tel. C'est certainement la meilleure unité pour appréhender les enjeux. Donc, l'organisme de bassin versant, par définition, son territoire est collé sur celui du bassin versant. Et on considère que cette approche-là est préférable à une gestion qui serait coordonnée par des MRC, dont les territoires ne correspondent pas à ces unités naturelles là. Les comités ZIP, ou les zones d'intervention prioritaire, leurs territoires ont aussi été définis suivant une série de critères, notamment des considérations écosystémiques, mais aussi en tenant compte des limites administratives, notamment des MRC, des municipalités, pour découper les tronçons.

Je vous donne un exemple, qui va bien illustrer la chose, sur le lac Saint-Pierre. Le lac Saint-Pierre, il y a un comité de zone d'intervention prioritaire qui suit les enjeux et qui élabore un plan d'action pour le lac Saint-Pierre dans son ensemble. C'est une unité écosystémique en soi, qui est d'ailleurs reconnue mondialement. Il y a quatre MRC qui touchent au lac Saint-Pierre. Donc, si on confiait aux MRC la gestion de ce territoire-là, il se trouverait à être taillé en quatre pointes de tarte, entre quatre MRC, ce qui ne favoriserait pas la nécessité de jeter un regard écosystémique sur l'unité qu'est le lac Saint-Pierre. Même chose d'ailleurs si c'était confié aux organismes de bassin versant. Il y en a sept qui se jettent dans le lac Saint-Pierre, donc on découperait cette unité-là en sept puis on dirait: Gérez chacun votre petite portion.

Enfin, l'appartenance au territoire aussi. Le long du fleuve, lorsque vient le temps d'aborder les enjeux qui touchent le fleuve, les communautés riveraines ont une appartenance au fleuve, au Saint-Laurent. Ce n'est pas une appartenance à l'intérieur des terres, du moins lorsqu'on parle des enjeux du Saint-Laurent. Donc, pour toutes ces raisons-là, on pense que des organismes tels que les OBV sur les tributaires et tels que les comités de zone d'intervention prioritaire sur le fleuve, pour des considérations territoriales et de gouvernance, seraient mieux positionnés, d'un point de vue logique, pour faire le travail et qu'en fait ça aiderait les municipalités puisque ça leur apporterait des outils d'aide à la décision et un accompagnement dans leurs responsabilités qu'on reconnaît au plus haut point.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Vous avez mentionné, par rapport aux redevances, que vous ne vouliez pas vous faire d'ennemis en nommant des gens qui devraient payer des redevances. Mais est-ce que vous voudriez vous faire des amis en nommant des gens qui ne devraient pas être soumis aux redevances?

M. Charest (Louis): Tantôt, j'ai parlé des fosses septiques, des champs d'épuration. Il y en a qui font bien ça. Il y a des municipalités en 2008 qui jettent l'égout encore direct dans la rivière. Bien, dans ma tête, eux autres devraient payer plus cher que la municipalité qui a une usine de traitement d'eaux usées, qui fait la déphosphatation, c'est clair dans mon esprit. Mais ceux-là, là, qui se sont traîné les pieds pour Dieu sait quelle raison, ils vont vous remettre ça sur le nez, ils vont vous dire: Ah! je ne vous avais jamais dit oui à mes affaires. Mais ils se sont pris en retard parce qu'au début du programme ils payaient 90 %, puis, s'ils avaient levé la main, ils l'auraient eu. Ils ont traîné. Bien là, eux autres, ils devraient être pénalisés... de dire: Vous allez payer plus, vous autres.

Puis, c'est la même affaire, là, il y a du monde qui ont des maisons, là, il n'y a rien, c'est un puisard. Puis je me promène en bicycle puis je vois, là, le tuyau gros de même qui flushe, puis tu dis: Tiens, ils viennent de partir la toilette. Tu sais, en 2008! Ça fait que c'est facile de faire un inventaire.

Moi, je suis gestionnaire des poubelles, des matières résiduelles, Mme Beauchamp, puis on va obtenir normalement l'objectif, nous autres. Mais pourquoi qu'on est capables, nous autres, de faire la job, puis il y a des MRC qui ne sont pas capables? Ils vont se traîner les pieds jusqu'à temps qu'ils vont vous demander de l'argent. Ça fait qu'eux autres, ces MRC là, devraient payer plus cher de redevances que l'autre à côté qui a fait la job, qui a un système de vidange des fosses septiques puis de vérification des champs d'épuration, c'est clair dans mon esprit. Le bâton puis la carotte, c'est comme ça que ça s'appelle. Mais là ce serait plus le bâton.

Si vous ne faites pas ça, il ne va se passer rien. Rien. Tout ce que ça va faire: l'environnement va continuer à se dégrader. Parce que le poison avec ça, là... Bien, quand j'étais plus jeune, je me disais: Ce n'est pas grave. On pollue, puis, à un moment donné, bon, la crue du printemps va arriver, puis ça va tout flusher la patente. Mais le phosphore, et c'est poison pour ça, il se sédimente puis il reste dans le système. C'est l'enfer. Puis les sédiments, ils restent là. Puis plus que tu as des sédiments, moins que tu as de faune aquatique, c'est clair. Puis elle ne se flushera pas comme ça, la toilette. Ça fait que, là, j'ai compris que, là, il faut faire un coup de barre parce que ça va juste continuer à se dégrader. À un moment donné, il n'y aura plus de poisson, je vous le garantis, parce qu'il va y avoir trop de sédiments. Ça va être du sable, de la bouette partout. On va avoir des grenouilles, par exemple.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député, il vous reste trois minutes.

M. Trottier: Bon. Peut-être une question très brève, puis je vais laisser la parole après ça à mon collègue. Puis je voulais vous dire aussi que je vais devoir quitter, non pas parce que la commission n'est pas intéressante, mais il y a un événement assez important chez nous, à Roberval, il y a une partie de hockey du Canadien ce soir. Roberval a été nommée ville de hockey par excellence. Je vais devoir vous quitter et je reviens demain.

n(15 heures)n

Très rapidement, vous avez mentionné que vous voulez que les redevances servent à la mise en valeur du Saint-Laurent. Si vous aviez une ou deux priorités à mettre de l'avant par la mise en valeur du Saint-Laurent, ce serait quoi?

M. Charest (Louis): Premièrement, là, les redevances, ce n'est pas juste pour le Saint-Laurent, là. Les redevances, ça devrait servir à couvrir les problématiques des rivières aussi, là. Je ne veux pas que ce soit confus dans votre esprit, c'est la réhabilitation des ressources en eau. C'est ça, là. Ça fait que des priorités, là, moi, je vais vous dire, j'aimerais donc ça léguer à mes enfants qu'on puisse se baigner dans toutes les rivières de la province puis dans le fleuve. La priorité, là, réglez le problème de l'usine d'épuration à Montréal, vous allez voir ça que le fleuve, il va s'améliorer. C'est la moitié de la province... bien peut-être pas, mais le tiers de la province, là. C'est catastrophique. Là, M. Tremblay va m'aimer, mais c'est certain que la ville de Montréal devrait payer une partie, là, mais il y a une priorité là.

Des accès au fleuve, je le sais bien, que c'est... Moi, il y a une marina chez moi. Ils demandent un certificat d'autorisation pour pouvoir creuser pour ramener ça comme c'était avant. Le certificat d'autorisation, ça coûte deux fois plus cher que le creusage. C'est l'enfer. Ça fait que, là, qu'est-ce qui se passe? La marina est en train de... Ça va être fermé, à un moment donné. Mais ça fait partie de notre patrimoine, cette marina-là. Elle va être partie, puis après ça essayez d'avoir un promoteur qui va dire: Je vais en faire une, marina, mais, à tous les 10 ans, là, il va falloir faire faillite parce que le ministère va encore demander un certificat qui coûte les yeux de la tête puis... Ça n'a pas de bon sens.

Ça fait que l'accès au fleuve est bien important. L'état, la qualité de l'eau du fleuve est bien importante. Comment je vous dirais ça aussi? Je vais encore me faire aimer beaucoup, les pêcheurs commerciaux, ils vont pogner jusqu'au dernier poisson, de la manière qu'ils sont partis là, jusqu'à temps qu'on les achète tous au gros prix un après l'autre. Le pêcheur sportif, là, il ne lui reste rien, puis, lui, il est payant, puis c'est quelqu'un qui va proche du fleuve. Tu sais, il s'accapare le fleuve. Puis plus qu'on a de la population qui se mettent les mains dans le fleuve ou qui l'utilisent, plus que vous allez avoir des amis pour dire... Ils vont vous appuyer pour faire des mesures un petit peu moins populaires, que je dirais.

La Présidente (Mme Ménard): Alors, je suis obligée de vous arrêter. C'est intéressant, mais le temps est fini. Alors, M. Charest, M. Audet, merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons suspendre brièvement pour recevoir l'autre groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

 

(Reprise à 15 h 5)

La Présidente (Mme Ménard): Alors, nous allons souhaiter la bienvenue au groupe le Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation. Alors, nous vous souhaitons la bienvenue. J'aimerais que le porte-parole puisse s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent.

Conseil de la transformation
agroalimentaire et des produits
de consommation (CTAC)

Mme Cloutier (Sylvie): Alors, bonjour. Mon nom est Sylvie Cloutier. Je suis vice-présidente Communications et affaires publiques au CTAC. Je vous remercie d'abord de nous donner la chance, aujourd'hui, de venir présenter notre mémoire. Je suis avec des collègues: ici, à ma gauche, Sylvain Mayrand, vice-président, Opérations, chez A. Lassonde inc.; ici, à ma droite, Natacha Raphaël, directrice des affaires publiques pour les Embouteillages Coca-Cola; et finalement François Séguin, vice-président chez Mabarex. Donc, je vais lire une partie de notre mémoire et ensuite passer la parole à Mme Raphaël.

Donc, le Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation représente plus de 400 entreprises membres pour un volume annuel d'affaires de 12 milliards de dollars dans une industrie globale de 18 milliards. L'industrie de la transformation agroalimentaire québécoise est le premier employeur du secteur manufacturier au Québec et représente plus de 70 000 emplois directs qui se retrouvent dans plus de 1 300 établissements et plus de 125 000 emplois indirects. Le secteur est également le premier expéditeur manufacturier au Québec. Près de 70 % de la production agricole au Québec compte sur notre industrie comme principal débouché commercial. L'industrie de la transformation constitue le deuxième secteur manufacturier au Québec, avec 5,1 milliards de dollars de produit intérieur brut représentant 32 % du PIB total de l'industrie bioalimentaire au Québec.

La croissance du secteur de la transformation agroalimentaire dépend largement des exportations, qui croissent à un taux plus rapide que les expéditions. Le Québec a enregistré des exportations de l'ordre de 3,8 milliards de dollars pour le secteur de la transformation en 2006, bien que les exportations vers les États-Unis aient diminué de moins 1 % entre 2005 et 2006, dû largement à la hausse du dollar canadien.

Les États-Unis représentent le principal marché à l'étranger, totalisant plus de 62 % des exportations. Près de la moitié des transformateurs agroalimentaires québécois sont présents sur les marchés internationaux. Ces marchés desservis par le secteur de la transformation sont très diversifiés, soit près de 140 pays.

Le CTAC a pour mission, d'une part, d'assurer la représentation, la promotion et la défense des intérêts de ses membres auprès de l'ensemble des intervenants de l'industrie de la transformation et des produits de consommation et, d'autre part, de mettre en valeur la compétitivité de ses membres sur les marchés québécois, canadien et extérieurs. Le CTAC est membre de plusieurs groupes environnementaux, notamment Éco Entreprises, et on est un membre fondateur de la Table pour la récupération hors foyer, avec l'Association des viniculteurs négociants du Québec.

Donc, dans un premier temps, nous tenons à affirmer que nous appuyons l'esprit de ce projet de loi qui reconnaît l'eau comme une ressource faisant partie du patrimoine commun de la société québécoise et qu'il importe de la préserver et d'en améliorer la gestion pour répondre aux besoins des générations actuelles et futures. L'eau est un élément essentiel d'une stratégie de développement durable... et devra se traduire par des actions concrètes auxquelles sont conviés tous les acteurs de la société québécoise.

Avant d'aller plus loin, nous souhaitons faire un bref rappel de positions et d'actions de l'industrie de la transformation alimentaire en vue de protéger l'environnement. Comme vous le savez, les consommateurs d'aujourd'hui sont de plus en plus préoccupés par la qualité, la salubrité et l'impact sur l'environnement des aliments qu'ils achètent. Cette sensibilisation du consommateur à la santé va de pair avec les changements démographiques, les problèmes de santé et une prise de conscience de l'importance du choix des aliments face aux problématiques comme les OGM, les gras trans et la sécurité alimentaire. En réponse à ces enjeux, les transformateurs québécois prennent des actions proactives afin de protéger l'environnement et d'assurer la sécurité alimentaire et des aliments de meilleure valeur nutritionnelle. Grâce à leurs efforts, la réputation des aliments produits au Québec est excellente en termes de qualité et de salubrité.

n(15 h 10)n

Le gouvernement québécois pour sa part devance souvent les autres provinces en tentant de mettre en place des lois et réglementations obligatoires, alors que leur harmonisation est une condition essentielle pour maintenir la compétitivité des entreprises québécoises et éviter des coûts additionnels. En effet, entre tous les défis d'adaptation auxquels l'industrie est confrontée, les exigences en matière d'environnement, de qualité et de sécurité alimentaire sont parmi les facteurs ayant le plus d'impact sur la compétitivité de l'industrie, en particulier pour les PME.

Finalement, les transformateurs québécois, qui tiennent à protéger la santé du consommateur et l'image de la sécurité alimentaire au Québec, sont continuellement préoccupés par la qualité, la salubrité et la sécurité alimentaire des aliments importés, qui ne sont souvent pas conformes aux exigences canadiennes. Les transformateurs québécois sont sensibles à la protection de l'environnement et à la sécurité alimentaire, notamment en respectant les valeurs sociétales et environnementales tout en assurant un rendement adéquat. De plus, les problématiques environnementales et de santé touchent directement l'industrie de la transformation agroalimentaire dans de nombreux cas, notamment en ce qui a trait à la consommation de l'eau dans les procédés de production. Les entreprises de la transformation agroalimentaire prennent au sérieux toutes les préoccupations environnementales et de santé. C'est ainsi, grâce aux contributions de l'industrie et à l'environnement et à la sécurité alimentaire, que les aliments québécois ont acquis une excellente réputation en termes de qualité et de salubrité. Ces réalisations de l'industrie de la transformation peuvent être illustrées notamment par les points suivants: la mise en place de systèmes de récupération, exemple la collecte sélective, et la valorisation des matières résiduelles.

La transformation agroalimentaire québécoise a non seulement adhéré, mais surtout démontré une volonté de participation active dans ses initiatives. En somme, les entreprises de transformation misent sur les valeurs économiques, environnementales et sociétales à travers leurs activités. De ce fait, l'industrie est grandement impliquée dans le mandat de protection de l'environnement et de la santé publique. Elle est aussi d'avis que son mandat est de garder la confiance des consommateurs tout en maintenant sa capacité concurrentielle tant sur les marchés domestique qu'international.

À l'invitation de la commission, nous allons présenter nos commentaires sous les quatre grands thèmes suivants, soit: l'eau, ressource collective; les principes; la gouvernance de l'eau; et protection et gestion des ressources en eau.

L'eau, ressource collective. Le Québec possède 3 % des réserves mondiales d'eau douce, et on estime que près de 10 % du territoire de la province en est recouvert. L'eau est une ressource importante et renouvelable, et nous avons une responsabilité individuelle et collective d'assurer une gestion efficace de cette ressource en luttant contre le gaspillage et la pollution pour préserver la quantité et la qualité de l'approvisionnement.

L'eau est essentielle pour la plupart des activités humaines. Elle commande le développement des sociétés humaines ainsi que leur alimentation. Selon plusieurs sources de données, l'industrie agricole serait la plus grande utilisatrice de l'eau douce captée dans le monde, à raison de 70 %, suivie de l'industrie manufacturière à 20 % et des consommateurs à 10 %. L'eau douce est aussi essentielle à la production des aliments et au développement économique. Cependant, dans un contexte de population mondiale croissante, l'eau douce mérite une attention toute particulière dans les discussions globales sur l'utilisation durable des ressources naturelles. Le développement de bien des régions dans le monde est étroitement lié à leurs ressources en eau.

Finalement, l'eau est un moteur de développement économique très important pour le Québec. En effet, l'abondance des ressources naturelles telles que l'eau permet d'offrir un avantage compétitif aux investisseurs étrangers qui désireraient implanter leurs entreprises au Québec. Avec la mondialisation, il est devenu très difficile pour les manufacturiers canadiens de compétitionner avec le coût de main-d'oeuvre très bas ailleurs, tel qu'en Amérique du Sud ou en Asie, par exemple.

De façon plus concrète, mentionnons que le Secrétariat de l'investissement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada énumère, sur son site Internet, les avantages d'investir au Canada pour un investisseur étranger. Parmi ceux-ci, on retrouve une abondance de ressources naturelles, dont l'eau douce, les terres, etc.

Investissement Québec aussi mentionne, sur son site Internet, les avantages concurrentiels de l'industrie de la transformation alimentaire au Québec. Voici un extrait de ces avantages: un, «de l'eau potable de qualité en abondance»; deux: «le Québec est reconnu pour ses immenses ressources hydriques. Il détient près de 3 % des réserves mondiales d'eau douce. Le gouvernement du Québec a adopté, [à l'automne 2002,] une politique de l'eau afin d'assurer la protection de cette ressource, de la gérer dans une perspective de développement durable et de s'assurer de mieux protéger la santé publique et celle [de ses] écosystèmes.» Il faut donc continuer d'offrir les conditions qui permettront de garder notre industrie concurrentielle et d'attirer les investisseurs étrangers tout en gardant à l'esprit que notre Politique de l'eau a été mise en place dans le but d'assurer la protection de cette ressource.

En transformation alimentaire, l'eau consommée sert à la fabrication et à la salubrité des aliments, incluant l'hygiène, l'assainissement des locaux et des équipements, etc. Donc, l'eau utilisée est directement liée à la qualité de nos produits et à la santé des consommateurs. L'eau est indispensable pour l'industrie alimentaire. Pour certains produits, plus particulièrement les boissons, l'eau constitue l'élément de base essentiel pour le produit lui-même.

C'est important pour notre industrie de militer en faveur d'une bonne gestion des ressources de l'eau puisque l'eau est l'ingrédient principal de la majorité de nos produits transformés. L'utilisation responsable de cette ressource assure l'avenir de nos entreprises au Québec, et la prospérité de notre société. De plus, plusieurs efforts au sein de nos entreprises ont été déployés afin d'assurer une meilleure gestion de nos ressources d'eau. Il est important d'innover et d'investir dans nos équipements afin de réduire les pertes et l'utilisation inutile de l'eau dans nos usines de transformation. Nous croyons que ces efforts doivent être reconnus, et en voici quelques exemples au niveau des procédés: il y a le transport à sec; automatisation nettoyage en place; nettoyage haute pression à faible débit; réutilisation de l'eau à certaines étapes; il y a divers programmes de sensibilisation auprès des employés afin de réduire la consommation, etc.

Finalement, il est important de noter que la grande majorité des manufacturiers alimentaires québécois paient déjà aux municipalités pour la consommation d'eau ainsi que pour les rejets. L'industrie alimentaire est responsable, et ses efforts doivent être reconnus.

Alors, je vais maintenant passer la parole à Mme Raphaël.

La Présidente (Mme Ménard): Excusez-moi, juste vous aviser qu'il vous reste deux minutes.

Une voix: Ah! Go! Bien, vas-y.

Mme Raphaël (Natacha R.): O.K. Le principe de l'utilisateur-payeur. Les transformateurs alimentaires québécois sont très familiers avec le principe de l'utilisateur-payeur, car la plupart des municipalités ont une tarification pour la consommation et le rejet de l'eau. La majorité de ces transformateurs paient déjà pour la consommation d'eau, assument les frais du traitement des eaux usées et paient à nouveau pour les rejets.

L'eau consommée par le secteur de la transformation alimentaire sert d'abord à la fabrication des aliments ainsi qu'à leur salubrité, incluant l'hygiène, l'assainissement des locaux et des équipements, etc. L'eau utilisée est directement liée à la qualité de nos produits alimentaires et à la santé des consommateurs. L'industrie alimentaire québécoise nourrit le Québec.

Pour toutes ces raisons et dans l'éventualité de la mise en place d'un régime de redevances sur l'eau, nous demandons à ce que le secteur alimentaire soit exclu. L'industrie paie déjà des frais pour son utilisation d'eau potable ainsi que pour les rejets, en plus de payer pour le recyclage en usine des eaux usées. De plus, les normes et exigences sont souvent plus grandes pour les industries que pour les municipalités elles-mêmes, ce qui entraîne des investissements parfois importants en équipement et en infrastructures pour les industries.

Il est à noter que la loi ontarienne sur l'eau va plus loin en éliminant le secteur primaire de la loi et en imposant une redevance symbolique à l'industrie. Il faut rappeler que l'industrie de la transformation alimentaire transforme 70 % de la production agricole au Québec et que nous participons à nourrir le Québec. Les Québécois peuvent choisir de moins consommer certaines denrées, mais ils ont l'obligation de bien nourrir leurs familles. Donc, tout comme la production agricole, l'industrie de la transformation alimentaire nourrit le Québec. Toute loi, et règlement, qui impacterait l'industrie devrait être analysée avec ce principe.

Dans l'éventualité de l'assujettissement de notre industrie à un régime de redevances sur l'eau, nous demandons à ce qu'il soit réparti de façon équitable et cohérente entre tous les utilisateurs commerciaux et industriels d'eau tels que les terrains de golf, les papeteries, les produits agricoles, etc. Ainsi, les mêmes règles du jeu s'appliquent à tous tout en servant d'inspiration aux autres secteurs de la société.

L'imposition éventuelle d'une redevance sur l'eau pourrait générer des coûts additionnels importants pour les transformateurs du Québec. Le gouvernement québécois doit être davantage sensible au fait que chaque nouvelle loi ou règlement imposé à l'industrie de la transformation agroalimentaire implique des coûts d'application importants qui influenceront la compétitivité des produits québécois tant sur le marché domestique et extérieur. L'industrie alimentaire adhère aux principes de prévention et de répartition.

La Présidente (Mme Ménard): Si vous permettez, on va continuer les échanges, là. Vous allez couvrir probablement tous les volets, là, que vous vouliez faire. Alors, on va passer tout de suite avec Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup et bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Merci pour ce mémoire, qui, je n'en doute pas, là, va susciter beaucoup de questions.

n(15 h 20)n

Peut-être un premier commentaire. En page 10 ou... je ne sais pas, c'est presque effacé, à la section 4 en tout cas de votre mémoire, vous terminez en disant: «Nous demandons à ce que l'article 1 du projet de loi n° 92 soit reformulé de façon à ce qu'il ne modifie pas le régime de propriété des eaux souterraines actuellement en vigueur au Canada», mais en tout cas vous dites «en vertu du Code civil du Québec». Je voudrais bien comprendre qu'est-ce que vous nous indiquez par là, comment, vous, vous comprenez en ce moment l'application du Code civil du Québec et qu'est-ce que vous entendez, vous, par le régime de propriété actuel.

La Présidente (Mme Ménard): Monsieur... On vous regarde, M. Séguin.

M. Séguin (François): Oui. C'est bien, là. Moi, je ne peux pas répondre à cette question-là, je ne suis pas avocat, puis on devra... Écoutez, on peut vous revenir avec une réponse, mais je ne peux pas vous répondre.

Mme Beauchamp: D'accord. Auparavant, ici, nous avons reçu l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec et on a eu un échange sur cette question, et je vais juste en profiter pour vous dire: Je pense quand même qu'il y a un assez fort consensus qui s'est développé à l'intérieur de cette consultation ici puis même historiquement au Québec, à travers... Que ce soit le rapport Legendre en 1970, la commission Beauchamp ou la Politique nationale de l'eau, il y avait cette volonté qu'on éclaircisse le fait que l'eau n'est pas un bien, que l'eau n'est pas appropriable mais qu'elle est une chose commune en vertu du Code civil.

Ma question donc spécifiquement, puis vous pourrez éventuellement nous préciser, mais c'est de savoir si... Vous, vous venez de dire ici que vous souhaitiez qu'on dise que l'eau peut être appropriable, selon le Code civil. Si cela était le cas, je pense que j'ai envie de vous dire tout de suite, là, qu'il y a une forme d'incompréhension, parce qu'il y a vraiment, je pense, un très fort consensus au Québec pour que cette loi n° 92 serve notamment à clarifier le statut juridique de l'eau et à en faire une chose commune en vertu du Code civil, qu'elle soit eau de surface ou eau souterraine, et qu'elle soit donc inappropriable, si je peux préciser.

Maintenant, à la fin de votre mémoire, vous traitez largement de questions d'impact économique et vous dites que cette loi peut représenter un frein à l'investissement. Vous y consacrez de nombreux paragraphes. Mais par ailleurs, à la fin de votre mémoire, vous dites que, pour vous, là, vous tenez à réaffirmer votre souhait d'harmoniser les exigences au niveau canadien, nord-américain et même international. Comment réagissez-vous lorsqu'on vous dit que la loi que nous proposons, notamment au niveau des prélèvements... Et je pourrais ensuite vous dire que, du point de vue de la redevance, par exemple, en Ontario, ça inclut, à partir du 1er janvier, les fournisseurs de breuvages et de boissons, le secteur de la mise en conserve des aliments, par exemple. Mais, si donc je vous dis...

Vous dites que vous avez un souci d'harmonisation. Si je vous dis: Bien, nous, on a regardé la loi ontarienne sur les prélèvements d'eau, elle prévoit ce qu'on prévoit, elle prévoit un régime d'autorisation, elle prévoit un régime d'autorisation avec des certificats d'autorisation renouvelables après 10 ans et même, elle, elle est plus sévère que la nôtre puisqu'elle dit que c'est à partir de 50 000 litres et plus par jour, alors que, nous, on s'est reposés sur le consensus du rapport Beauchamp au Québec et on a dit que c'était 75 000 litres et plus, donc, ce souci d'harmonisation, je me dis, une fois que l'on vous dit: Bien là, on s'harmonise à l'Ontario, pourquoi venez-vous dire qu'on devrait exclure entièrement votre secteur, même non seulement de la redevance, ce qui est discutable et débattable, parce qu'il y a plusieurs régimes de redevances au Canada... Mais, chose certaine, vous venez même demander que ce soit exclu du régime d'autorisation en termes de prélèvement d'eau, alors qu'on s'harmonise à l'Ontario.

La Présidente (Mme Ménard): Mme Raphaël.

Mme Raphaël (Natacha R.): En fait, on ne demande pas d'être exclus de la redevance, on demande que, dans l'éventualité que d'autres industries, notamment d'autres joueurs dans l'industrie alimentaire, seraient exclus, nous voudrions avoir le même traitement parce que nous sommes aussi des transformateurs alimentaires.

Maintenant, en ce qui a trait à la loi ontarienne, nous croyons que ce modèle est intéressant et nous comprenons aussi que ça inclut la majorité des industries aussi, et c'est dans cette idée-là que nous croyons que cette redevance, s'il y a lieu d'avoir un régime de redevances, nous croyons qu'elle devrait être équitable pour toutes les industries.

Mme Beauchamp: Peut-être que je vais vous amener à la section 4 de votre mémoire, au milieu de la page, la section 4, là. Je veux juste voir si je comprends bien parce que, là, je n'étais plus... Je disais que la question des redevances, ça pouvait être discuté. Je comprends qu'il y a des provinces canadiennes qui ont choisi d'exclure le secteur. Il y en a qui l'appliquent: la Colombie-Britannique, l'Ontario. Mais ma question ne portait pas là-dessus, elle portait sur le fait que vous écrivez en toutes lettres: «...nous demandons à ce que les exigences applicables à l'émission des autorisations de prélèvement...» Là, je ne suis pas dans la question de la redevance, je suis vraiment dans le régime d'autorisation des prélèvements d'eau. Vous dites que vous demandez «à ce que les exigences applicables à l'émission des autorisations de prélèvement ne soient pas applicables aux entreprises qui prélèvent de l'eau destinée à être vendue ou distribuée comme eau de source ou eau minérale ou aux entreprises qui prélèvent de l'eau qui sert à la fabrication, [à] la conservation ou [au] traitement de produits [selon] la Loi sur les produits alimentaires».

Moi, je comprends de ce paragraphe-là que vous demandez d'être exclus totalement du régime que met en place, que propose la loi n° 92, qui est un régime qui encadre de certificats d'autorisation de grands prélèvements, avec des certificats d'autorisation sur 10 ans. C'est ça que j'ai compris, moi, de ce paragraphe-là. Dites-moi si je le lis comme il faut. Ça dit: Nous demandons d'être exclus. Et ce que je vous amène juste comme argumentaire, parce que nous sommes là pour cela, c'est de vous dire: Par ailleurs, l'Ontario a adopté une loi qui est vraiment, vraiment... qui inspire fortement les travaux de cette commission. Elle a instauré un régime d'autorisation sur tous les prélèvements d'eau, 50 000 litres et plus, sans exclure de secteur. Donc, je vous demande: Dans un souci d'harmonisation, pourquoi les gens comparables au secteur de l'embouteillage et le secteur de la transformation alimentaire seraient assujettis en Ontario, puis complète pour l'harmonisation, mais que, tout d'un coup, ici, on demanderait à être exclu?

La Présidente (Mme Ménard): Oui, M. Mayrand.

M. Mayrand (Sylvain): Juste pour faire un... il y a beaucoup de points qui sont encore... On n'a pas beaucoup d'information sur les redevances, par exemple, juste pour revenir un petit peu en arrière. Nous, on dit qu'il faut garder les industries compétitives. Moi, présentement je travaille pour Lassonde, et pour nous maintenant, avec le taux de change actuel, ça coûte moins cher de fabriquer aux États-Unis que de fabriquer au Québec. Donc là, c'est rendu qu'on envisage sérieusement de faire de la fabrication au New Jersey de jus d'orange pour l'amener au Québec. Le point d'ensemble qu'on veut faire, c'est qu'on ne veut pas être pénalisés par rapport à une taxation ou à des redevances qui risqueraient de pénaliser l'industrie dans l'ensemble.

Au niveau de concept, on parlait plus au niveau... Quand ça vient le temps de vendre, de construire une usine au Québec, les investisseurs, si on leur dit: Écoutez, après sept ans ou 10 ans, vous pouvez perdre votre permis de consommation d'eau, ça devient un point additionnel important à convaincre pour favoriser l'investissement. Donc, nous, on est... Ce n'est pas évident parce qu'on ne parle pas de... En Ontario, avec le niveau de taxation qui a été mis, ou de redevance, on est confortables avec ce qui a été mis, mais on ne sait pas ce qui s'en vient au Québec. Ça fait que c'est plus un point qu'il faut faire attention pour maintenir notre compétitivité, qui est rendue difficile au Québec, pour être capables de compétitionner contre les entreprises américaines et les entreprises à l'extérieur du Québec.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Si je résume votre point, vous dites que le système de redevances de l'Ontario pourrait aussi fortement nous inspirer au Québec. Et, si je comprends votre point, même malgré ce qui est écrit dans votre mémoire, vous dites que ce n'est pas le système de certificats d'autorisation qui vous inquiète, ce n'est pas l'encadrement du régime d'autorisation des prélèvements d'eau qui vous inquiète mais bel et bien le niveau de la redevance appliquée puis si elle est appliquée de façon équitable, malgré ce qui est écrit dans le mémoire, ici.

M. Mayrand (Sylvain): Bien, c'est les deux, mais les deux sont à des niveaux très différents. L'un va affecter la compétitivité journalière, et l'autre va affecter l'implantation long terme au niveau des industries.

M. Séguin (François): ...juste un point à rajouter, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Ménard): Oui, M. Séguin.

M. Séguin (François): Alors, ce qu'on demande, nous, c'est ça, une certaine équité, puis on veut aussi une certaine reconnaissance de l'effort environnemental que l'industrie a fait. Si on regarde sur le site du ministère, on voit qu'en 1995 il y avait 50 % seulement des usines agroalimentaires qui traitaient leur eau. Or, aujourd'hui, bien, il n'y a aucun projet qui est fait sans qu'il y ait une demande de CA et que les normes de rejet soient respectées.

n(15 h 30)n

Puis, au niveau des normes de rejet, on peut simplement rajouter une chose, c'est que l'industrie alimentaire répond à des normes plus sévères bien souvent que les municipalités elles-mêmes. Puis, juste pour prendre un exemple, présentement, on voit la plupart des rejets où on va dans un cours d'eau, on applique la norme, une norme sur l'azote. On regarde les OER, qui sont les objectifs environnementaux de rejet, puis on demande aux industriels de se normer à l'azote, alors que les municipalités ne le font pas. On a des normes très exigeantes au niveau du phosphore aussi, souvent plus sévères que les municipalités.

Notre but, nous, ce n'est pas pour demander un allégement ou quoi que ce soit, on n'est pas contre la vertu, puis pour nous l'effort est louable, on veut une certaine reconnaissance. Mais ce qu'on dit, c'est: ne pas tuer la poule. Présentement, l'industrie agroalimentaire se démarque bien, on voit la progression qu'il y a depuis les 20 dernières années. Puis ce qui fait qu'une industrie va se démarquer plus qu'une autre, souvent c'est très subtil, puis l'eau, bien, est un avantage. La plupart des municipalités vont... la plupart des industries vont déjà payer une taxe aux municipalités pour la consommation de leur eau. Alors, les industries vont traiter leur eau aussi.

Je n'ai pas les statistiques, quel est le pourcentage des industries agroalimentaires qui traitent leur eau présentement, mais il y a eu un bond énorme. Je serais curieux d'avoir le pourcentage. Je dirais facilement: Au-delà de 85 % des industries traitent leur eau aujourd'hui. C'est un chiffre qui est lancé comme ça, qui n'est pas appuyé. C'est simplement par connaissance personnelle. Alors, ce qu'on vous demande aujourd'hui, c'est d'être équitables, de faire attention pour ne pas ajouter un stress supplémentaire à l'industrie alimentaire, qui est un moteur économique important au Québec.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, je vais en profiter pour lancer aussi des chiffres parce qu'il y a un passage de votre mémoire qui, je pense, pourrait porter à confusion, et je veux être bien comprise. Ce n'est absolument pas un reproche que je vous fais, c'est des chiffres qui ont été repris aussi dans des médias. Mais vous reprenez des chiffres qui sont des chiffres à l'échelle du monde, là, où on dit que 70 % de l'eau utilisée à travers le monde est pour le secteur agricole. Et, si les chiffres sont vrais pour à travers le monde, je trouvais que c'était important de ramener les bons chiffres lorsqu'on parle du Québec. Tous secteurs confondus, c'est-à-dire l'utilisation de l'eau de surface et de l'eau souterraine par le secteur agricole, ça revient à peu près à 10 % de l'utilisation de l'eau, au Québec, par le secteur agricole. Je voulais juste le remettre dans sa perspective, là.

Donc, bien sûr, le secteur agricole peut utiliser... un certain pourcentage de l'industrie agricole utilise l'eau souterraine, à 39 %, mais par contre, dans l'eau de surface, le secteur agricole n'est presque pas là, ce qui fait un total, là, eau de surface, eau souterraine, tout mis ensemble... Le secteur agricole, je dirais, utilise, là, ou, parmi les utilisateurs d'eau, représente 10 % de l'utilisation de l'eau au Québec. Donc, je voulais juste remettre ça dans une juste perspective par rapport aux données que vous nous avez fournies.

Je voulais peut-être un peu plus... Je vous avoue que j'ai un peu de difficultés à bien saisir le sens de votre message entre ce qui est écrit dans le mémoire puis, là, ce que vous venez nous dire, carrément. Ce qui est écrit dans le mémoire noir sur blanc est une demande pour un régime d'exclusion du régime que j'appelle, moi, le régime d'autorisation sur 10 ans. Et là, quand je vous pose la question, vous revenez souvent en me parlant de vos inquiétudes sur l'application de la redevance. Je comprends ça, on l'enregistre, il va y avoir sûrement, comme je l'ai indiqué, sujet à débat, puis un sain débat de société, puis... prendre en compte que, dans certaines provinces, on l'applique au secteur agricole ou des transformateurs, dans d'autres, on a choisi de l'exclure et, dans d'autres, c'est très faible, etc.

Mais je veux revenir parce que le coeur de la loi, le système de redevances, est déjà prévu, depuis 2002, dans une loi au Québec. Ce n'est pas ça, la nouveauté de la loi qui est devant nous. Ce qu'amène la loi devant nous est un système de gouvernance puis de gestion des eaux avec l'attribution de certificats d'autorisation. Que ce soit de l'eau de surface ou de l'eau souterraine, lorsqu'on en utilise plus que 75 000 litres et plus par jour, donc il y a un système de certificats d'autorisation. Puis là je reprends ma question. Ici, vous venez demander... dans votre mémoire en tout cas, c'est écrit que vous demandez un régime d'exclusion, et là ce que j'entends, c'est de dire: Bien non, ce n'est pas tout à fait ça; non, finalement, c'est la redevance qui nous inquiète. Ça fait que je veux juste vraiment essayer de clarifier cela et bien vous entendre, parce que par ailleurs, comme je vous disais, à notre connaissance, en Ontario, par rapport à ce régime d'autorisation, il n'y a pas de secteur exclu. Et même, eux, c'est 50 000 litres et plus par jour et non pas 75 000 litres et plus par jour. Ça fait que je veux vous réentendre parce que, comme je vous disais, là, à chaque fois vous me répondez sur la redevance, et, moi, je veux revenir, juste pour clarifier le point, sur cette question-là du régime d'autorisation.

La Présidente (Mme Ménard): Mme Raphaël, rapidement. Il reste une minute.

Mme Raphaël (Natacha R.): Je vais tenter de répondre le mieux que je peux. Je vais être honnête avec vous, ce paragraphe-là spécifiquement, je ne l'ai pas écrit. Mais ce que je veux vous dire par rapport aux certificats d'autorisation, c'est que nous croyons qu'un délai de 10 ans est trop court pour justement garder la compétitivité de nos entreprises au Québec. Si nous tenons à soit avoir de l'investissement étranger soit garder nos entreprises au Québec, et rester de plus en plus compétitifs, et garder nos emplois au Québec, on croit que le délai de 10 ans est trop court. On ne demande pas particulièrement d'être exclus parce que nous comprenons que, dans la majorité des entreprises, au Québec, il y a déjà un système de certificats d'autorisation qui existe déjà.

Vous mentionnez particulièrement l'Ontario. Mais ce que nous disons particulièrement et spécifiquement sur le CA, l'autorisation, le délai est trop court pour garder la compétitivité de nos entreprises au Québec.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, on va aller sur le côté de l'opposition officielle, le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue. Je vais vous poser une très courte question sur le sujet dont il était question à l'instant et puis après ça j'irai avec le restant de mes questionnements.

C'est sur évidemment le délai de 10 ans. On a eu un intervenant qui nous expliquait que, dans son milieu, chez lui, bon, c'étaient des pourvoiries. Il a dit: Évidemment, ils ne sont pas propriétaires des lacs puis du bois, mais ils construisent des établissements puis ils exploitent évidemment les richesses qui y sont pour des fins touristiques. Puis c'était la même chose, les baux étaient de neuf ans, presque 10 ans, Mais il nous mentionnait que ce qui facilitait beaucoup le travail, c'est qu'ils pouvaient les renouveler à toutes les années s'ils le voulaient. Ce n'est pas tout le monde qui le faisait à toutes les années, là, mais... Tout ça pour dire que pour eux ça devenait excessivement facile de prévoir à long terme dans la mesure où il y avait toujours à peu près cinq, six ans devant eux, et puis quelqu'un de motivé, c'est qu'il renouvellerait, à toutes les années, son contrat. Il pouvait toujours avoir neuf ans devant lui.

Est-ce que ça pourrait vous convenir si vous aviez une situation semblable à celle-là?

La Présidente (Mme Ménard): Mme Raphaël.

Mme Raphaël (Natacha R.): Bien, c'est sûr que c'est très difficile pour nous en tant que... Nous représentons le CTAC présentement, c'est difficile pour nous de répondre spécifiquement pour chacune des entreprises que nous représentons, mais c'est sûr qu'on pourrait l'apporter à notre conseil d'administration.

M. Diamond: Ce n'est pas une fermeture d'esprit, là.

Mme Raphaël (Natacha R.): Non.

M. Diamond: De toute façon, les pourvoiries puis le secteur que vous représentez sont peut-être bien différents, mais je lançais l'idée comme ça.

Évidemment, les questions que j'ai, c'est essentiellement sur les redevances. J'apprécie beaucoup qu'en page 8 de votre mémoire vous plaidiez pour une exclusion de la redevance. Vous mentionnez quand même que, dans l'éventualité où ça devait arriver, bon... Puis vous avez des conditions. Je pense que ça dénote du pragmatisme surtout puis une certaine prévisibilité.

Ce que, moi, je voudrais savoir, c'est surtout mieux connaître votre industrie, parce que je ne peux pas dire que j'ai eu la chance d'aller en visiter beaucoup; certaines mais pas beaucoup. Je comprends qu'il y a eu des progrès de faits. D'ailleurs, en page 7 de votre mémoire, vous parlez du transport à sec, de l'automatisation nettoyage en place, de toutes sortes de procédés qui font qu'avec les années vous consommez de moins en moins d'eau. Mais je dois vous avouer que, tout ce qui est écrit là, là, je ne comprends pas ce que ça veut dire. Quand vous parlez de transport à sec, de nettoyage haute pression à faible débit avec un pistolet, je peux imaginer. Mais est-ce que vous pourriez me dresser un portrait de l'amélioration qu'il y a eu, dans votre industrie, des procédés, des technologies aussi qui ne sont peut-être pas mises en place parce qu'elles sont trop coûteuses aujourd'hui mais qui pourraient l'être éventuellement? Ça, ça pourrait m'aider à concevoir les besoins de votre industrie.

Mme Raphaël (Natacha R.): Oui, bien sûr.

La Présidente (Mme Ménard): Mme Raphaël.

Mme Raphaël (Natacha R.): Dans un premier temps, il faut comprendre que notre industrie paie déjà l'eau qu'on utilise dans nos usines. Nous payons l'utilisation, donc tout ce qui entre, et, les rejets, nous les payons aussi.

n(15 h 40)n

Vous demandez spécifiquement les technologies. C'est sûr que je peux uniquement parler pour mon industrie spécifiquement et vous donner un exemple d'une technologie qui s'appelle, excusez l'anglicisme, le Dry Lube. Ce que ça veut dire, ceci, c'est que, quand les contenants de breuvage arrivent à former une caisse de 12 ou une caisse de 24, à la fin du procédé, nous devons avoir des canettes et des bouteilles propres, et donc, avant, nous utilisons beaucoup de savon et d'eau. Nous utilisons maintenant la technologie Dry Lube, qui est dans le fond un lubrificateur à sec qui utilise un silicone pour tout ce qui est salubrité du contenant en tant que tel. Donc, tout est à sec. Nous n'utilisons plus du tout, du tout de l'eau. Et puis, une fois que ça passe dans ce procédé-là, bon, ensuite de ça, les fameuses caisses de 12 sont formées par la suite. Ça, c'est juste un exemple, mais M. Mayrand peut vous donner beaucoup plus d'exemples aussi.

La Présidente (Mme Ménard): M. Mayrand.

M. Mayrand (Sylvain): Ah! bien, écoutez, moi, je pourrais vous en parler pendant des jours, mais on va y aller rapidement parce que je comprends que le temps est précieux. Juste rapidement des exemples.

Moi, je travaille pour Lassonde. On fabrique les jus Oasis, Fruité, plusieurs marques de commerce. Le transport à sec des fruits: avant, on transportait les fruits dans de l'eau, à des bassins d'eau; maintenant, c'est fait sur des convoyeurs sans eau.

Automatisation nettoyage en place. Comme vous avez vu avec l'aventure Maple Leaf, c'est très important de stériliser comme il faut nos équipements. On doit laver, stériliser chacun des réservoirs, chacune des tuyauteries. Maintenant, c'est fait avec des ordinateurs qui vont tout contrôler les séquences de lavage pour s'assurer que l'employé n'utilisera pas trop d'eau, pour optimiser les procédés de nettoyage.

On se doit souvent de refroidir parce que le contenant va être rempli à chaud. Dans les années passées, on prenait de l'eau de la ville et on venait refroidir, et l'eau s'en allait à l'égout. Maintenant, c'est en circuit fermé, où on va réutiliser toujours la même eau et la refroidir avec un système de refroidissement.

Des exemples comme ça, on pourrait en avoir des centaines et des centaines, tout dépendamment des différentes entreprises représentées ici, alentour de la table.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député.

M. Diamond: Il n'y a pas si longtemps, justement dans la préparation de cette commission-là, je discutais avec quelqu'un dans l'industrie de la bière, là, et puis qui m'expliquait que... Puis là, bon, ce n'est peut-être pas vos membres, mais du moins les exemples peuvent se ressembler. Il m'expliquait que deux entreprises semblables avec sensiblement le même volume, l'une d'entre elles avait son propre réseau d'assainissement des eaux, d'épuration, et puis l'autre était connectée à un réseau municipal. Et puis il semblait dire qu'il y avait un problème avec l'application d'une éventuelle redevance, étant donné qu'il y avait deux procédés très différents. Et puis d'autres vont vous dire qu'au contraire le procédé n'est pas tellement important, c'est l'utilisation de l'eau qui, en fin de compte, est importante, et puis c'est à ça qu'on doit réussir à aller appliquer une redevance.

C'est quoi, votre opinion, vous, sur ce débat-là qu'il peut y avoir dans l'application de la redevance?

M. Mayrand (Sylvain): Je vais être honnête avec vous, je n'ai pas compris votre question.

M. Diamond: Est-ce qu'il y a d'autre monde qui l'ont comprise?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Diamond: Y a-tu quelqu'un... Rassurez-moi, y a-tu quelqu'un...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Diamond: Non? Je vais la répéter.

Une voix: ...

M. Diamond: Non, non, ça se peut que ce ne soit pas clair. Je vais la répéter.

Une voix: Répète-la pas, change le sens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Diamond: Non, mais ce que je disais, c'est que deux entreprises qui produisent un produit x, là, qui est excessivement semblable, l'une d'elles va utiliser de l'eau qui vient du réseau municipal, l'autre va utiliser de l'eau qu'elle-même a mise en valeur, a traitée, épurée. À ce moment-là, quand on applique une redevance d'un montant x, est-ce qu'on va avoir un traitement préférentiel pour l'entreprise qui traite elle-même son eau ou on ne devrait pas, tout simplement parce que c'est la quantité d'eau qui ultimement est utilisée, peu importent les procédés, qui est importante?

M. Mayrand (Sylvain): Bien, écoutez, c'est une question qui est très difficile à répondre. Je vous dirais que, bon, chez nous on utilise de l'eau de la ville. Donc, je serais bien content qu'un de mes compétiteurs ait une taxe additionnelle à payer s'il génère lui-même son eau. Mais par principe je crois que, si tu utilises l'eau de par ta propre source sur ton site ou de l'eau de la ville, je crois que le principe devrait être le même: tu utilises une eau qui est sur les terres du Québec.

M. Diamond: Parfait. Il faut croire que vous l'avez comprise, parce que c'était...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Oui. Dernière question. C'est sur votre introduction, le préambule. Vous disiez que d'ailleurs l'une des raisons qui pouvaient motiver les entreprises à s'établir au Québec, c'était notamment notre richesse en eau. Tu sais, c'était un facteur compétitif, là, les gens pouvaient... Et puis, pas longtemps après, dans votre même intervention, vous avez mentionné que, vous, à cause du taux de change, vous pensiez plutôt produire au New Jersey. Et puis là, bien, ça me fait penser que finalement l'importance de nos sources d'eau est peut-être un facteur excessivement ridicule comparativement à des données financières.

M. Mayrand (Sylvain): Le point est très simple, c'est qu'on ne veut pas affecter la compétitivité des entreprises. Si on parle de taxer davantage mais avec des redevances, ça va alourdir nos coûts de fabrication. C'est juste qu'on commence à avoir de la misère à compétitionner contre le monde, contre le monde entier, et le plus qu'on va avoir des coûts additionnels, à chaque année, à payer, bien le plus que ça vient alourdir nos coûts de fabrication. Ce n'est qu'un commentaire pour assurer la compétitivité des entreprises.

Mme Raphaël (Natacha R.): Peut-être pour ajouter, on est en train de dire, par des données que nous retrouvons soit au gouvernement du Québec ou au gouvernement du Canada: L'eau étant un trait afin d'attirer des investisseurs étrangers, donc c'est un petit peu contradictoire de dire: Ah! oui, venez ici parce que nous avons beaucoup d'eau et nous avons des infrastructures, ainsi de suite, mais, d'un autre côté, vous n'allez pas être compétitifs parce qu'on va vous surtaxer. C'est un petit peu ça qu'on est en train de dire. Nous, nous sommes déjà établis au Québec et nous tenons à rester ici, étant donné que nous employons proche de 70 000 personnes au Québec. Nous tenons à rester ici. C'est sûr que ce serait plus facile pour... M. Mayrand a parlé du New Jersey, mais, à l'intérieur du Canada, nous avons d'autres usines aussi. Ce serait facile pour nous de déménager ailleurs aussi, mais on tient à rester au Québec.

M. Diamond: Dernière question, puis, celle-là, je vous assure qu'elle va être très simple: Transport à sec, qu'est-ce que ça veut dire?

M. Mayrand (Sylvain): C'est l'exemple que je donnais tout à l'heure, à transporter des fruits. Avant, on les transportait... Bien, il y a plusieurs, plusieurs, plusieurs exemples. Tout à l'heure, on avait un exemple sur des convoyeurs à bouteilles. Avant, on venait lubrifier avec de l'eau; maintenant, on a des circuits en boucle fermée où est-ce qu'on réutilise les produits. Un autre exemple, le transport des fruits avant était fait avec de l'eau; maintenant, c'est sur des convoyeurs où il y a zéro consommation d'eau. Et encore une fois on pourrait avoir des centaines d'exemples, tout dépendamment des différentes usines.

M. Diamond: Vous faites référence à un procédé à l'intérieur de l'usine, pas nécessairement du transport routier.

M. Mayrand (Sylvain): Et voilà.

M. Diamond: Merci.

M. Mayrand (Sylvain): Et voilà. C'était une bonne question.

M. Diamond: Il n'y a pas de problème.

La Présidente (Mme Ménard): Alors, le député de Drummond, il vous reste une minute.

M. Schneeberger: Question rapide: Voyez-vous une différence entre une compagnie qui utilise de l'eau pour produire un bien et une compagnie comme un embouteilleur que, lui, l'eau est sa matière première dans le but de la vendre, dans le but d'en faire des profits? Moi, je ne vois pas ça de la même manière. Exemple, on avait les maraîchers. Eux, ils ont besoin d'eau pour arroser leurs plantes. Par contre, s'ils pouvaient enlever l'eau de leurs besoins, c'est sûr qu'ils le feraient, mais ils n'ont pas le choix, c'est la vie, on a besoin d'eau. Un embouteilleur, lui, sa principale, c'est qu'il met de l'eau dans une bouteille puis il la vend, c'est un profit direct. Moi, je ne vois pas ça de la même manière.

Mme Raphaël (Natacha R.): O.K.

La Présidente (Mme Ménard): Rapidement.

Mme Raphaël (Natacha R.): Rapidement. Il faut comprendre qu'une grande majorité des produits que vous consommez à la maison, que ce soit du pain, de l'eau, des contenants en canettes, beaucoup, beaucoup, beaucoup de produits alimentaires que vous avez à la maison sont faits à base d'eau. Même le pain que vous mangez à la maison, c'est fait à base d'eau. Donc, spécifiquement en ce qui concerne l'industrie des boissons, il faut prendre en considération, dans un premier temps, que nous employons des gens au Québec pour nos industries.

Deuxièmement, ces produits-là, c'est des biens de consommation que les consommateurs recherchent, ce n'est pas des biens... Nous innovons dans des produits de consommation que les consommateurs nous demandent de produire. Dans un troisième esprit, c'est tout des besoins d'hydratation que nous apportons au consommateur. Donc, ce n'est pas des profits directs. Nous devons avoir des équipements, nous devons avoir des usines, nous employons des gens au Québec. Donc, c'est tout des frais que nous avons de supplémentaires afin de pouvoir vendre ce produit ultimement.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, nous allons passer au deuxième groupe de l'opposition, le député de Vachon.

M. Bouchard: Vous n'avez pas le choix, Mme la Présidente, désormais.

La Présidente (Mme Ménard): Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Merci. Je n'aurai qu'une seule question. Si vous permettez, je vous ramènerais à la page 10 de votre mémoire, Gouvernance de l'eau, dernier paragraphe en bas, et on peut lire ce qui suit: «À l'article 23 du nouveau projet de loi modifiant l'article [93] de la Loi sur la qualité de l'environnement, on stipule que certaines décisions du ministre prises en vertu des articles [31.71], 31.81 ou 31.85 ne peuvent être contestées devant le tribunal. La notion de non-recours et d'absence d'indemnisations proposée par le projet de loi n° 92 ne sont pas acceptables par l'industrie.»

n(15 h 50)n

Si je lis 31.79, deuxième alinéa, je lis ceci: «Le ministre peut également refuser la délivrance ou le renouvellement d'une autorisation de prélèvement, ou en modifier les conditions de sa propre initiative, s'il est d'avis que ce refus ou cette modification [est d'intérêt] public.»

Et, le paragraphe qui suit, on peut lire ceci: «Toutefois, avant de prendre une décision[...], le ministre doit donner à l'intéressé un avis, [indiquer les] motifs qui la sous-tendent ainsi que l'occasion de présenter ses observations.»

Ce que je constate dans votre mémoire, c'est que cela ne vous rassure pas, le fait de pouvoir présenter vos observations. Alors, est-ce que vous voulez commenter là-dessus? Parce que l'expression... Et cette précaution-là, elle est adoptée dans les trois articles que vous citez. Autrement dit, le ministre émet un avis, vous êtes informés de l'avis, les motifs sont évoqués, mais celui qui reçoit l'avis a la possibilité de faire valoir son point de vue, il va faire ses observations. Ça n'a pas l'air à vous rassurer. Alors, je vous demande qu'est-ce qui vous rassurerait.

Mme Cloutier (Sylvie): C'est parce qu'on ajoute à ça que, malgré tout ça, on ne pourra pas aller contester au tribunal si la décision va à l'encontre de l'industriel.

M. Bouchard: Et vous lisez ça dans 31.79?

Mme Cloutier (Sylvie): Dans l'esprit de cette section-là de la loi.

M. Bouchard: Écoutez, moi, je veux bien... Je relis 31.79, 31.81 et 31.85, je ne vois pas ça dans le libellé, là. Peut-être que vous...

Mme Cloutier (Sylvie): Vous rapportez, là, comme pour la première question tout à l'heure, là...

M. Bouchard: ...

Mme Cloutier (Sylvie): Oui. Oui.

M. Bouchard: ...qui m'apparaît très affirmative, là. Par ailleurs, si l'industrie a l'occasion de présenter ses observations, est-ce que cela quelque part vous rassure quant au type d'influence que vous pourrez avoir sur la décision du ministre?

Mme Cloutier (Sylvie): Certainement, oui.

M. Bouchard: Ça vous rassure vraiment?

Mme Cloutier (Sylvie): Écoutez, on pourra vérifier auprès des industriels, là, mais...

M. Bouchard: Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais, si le ministre ou la ministre reçoit vos observations mais qu'elle n'est pas tenue de les considérer, je ne pense pas que ça avance beaucoup le processus.

Mme Cloutier (Sylvie): Effectivement.

M. Bouchard: Vous êtes d'accord avec moi?

Mme Cloutier (Sylvie): D'accord.

M. Bouchard: Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Ménard): C'est tout? Alors, Mme Cloutier, Mme Raphaël, M. Mayrand et M. Séguin, merci beaucoup. Nous allons suspendre brièvement pour recevoir l'autre groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

 

(Reprise à 15 h 55)

La Présidente (Mme Ménard): Alors, nous souhaitons maintenant la bienvenue à l'Union des municipalités du Québec. Alors, j'aimerais demander au porte-parole de présenter les gens qui vous accompagnent, et vous aurez 15 minutes pour faire votre présentation. Merci.

Union des municipalités
du Québec (UMQ)

M. Coulombe (Robert): Mme la vice-présidente, Mme la ministre, Mme et MM. les députés, j'aimerais vous présenter tout d'abord M. Denis Lapointe, maire de Salaberry-de-Valleyfield et aussi président de la Commission de l'environnement de l'UMQ, ainsi que Mme Marieke Cloutier, conseillère aux politiques de l'union.

L'UMQ a accueilli favorablement le dépôt du projet de loi n° 92, qui arrive à point nommé et dont l'esprit de principe fait déjà l'objet d'un consensus sociétal sur le développement durable. L'union se réjouit de la concrétisation prochaine du statut de l'eau comme patrimoine commun du Québec et également que l'eau de surface et souterraine constitue une ressource collective. De fait, l'union appuie les trois principes du projet de loi n° 92 concernant le statut de l'eau, les principes d'utilisateur-payeur, de prévention et de réparation.

Offrir une eau de qualité aux citoyens est au coeur de la mission des municipalités. La gestion de l'eau municipale implique des volets de traitement des eaux usées municipales, de traitement de l'eau potable, de distribution et de conservation de l'eau. Au fil des dernières décennies, diverses mesures ont été prises pour encadrer les infrastructures d'approvisionnement en eau potable ainsi que le traitement des effluents d'eaux usées municipales et industrielles. Les municipalités y ont d'ailleurs investi des sommes colossales et continuent de le faire par l'intermédiaire de programmes d'infrastructures. Les impacts dus aux changements climatiques, la prolifération des cyanobactéries, le nombre croissant d'espèces menacées, les substances chimiques diverses se retrouvant dans l'eau, voilà autant de défis auxquels nous avons à faire face.

La gestion pérenne de l'eau passe, entre autres, par une occupation dynamique du territoire, un enjeu qui me tient à coeur et qui est le thème central de ma tournée des régions qui a été lancée la semaine dernière, à Mont-Joli, et qui m'amènera dans 17 régions du Québec d'ici la mi-janvier. L'occupation dynamique du territoire, c'est plus qu'un concept pour moi. Cela signifie d'abord et avant tout de permettre aux gens, qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, de rester dans leur milieu de vie et d'y développer leur plein potentiel. L'occupation dynamique du territoire, c'est bien plus qu'un thème de tournée pour moi, car je m'engage à ce qu'il se traduise en réalisations concrètes.

Pour occuper le territoire de façon dynamique et durable, les municipalités ont besoin d'un coffre à outils notamment en matière de gestion de l'eau. Le rôle du monde municipal dans la gouvernance de l'eau fait de lui un acteur majeur à la fois par ses compétences en aménagement du territoire et de gestionnaire des services publics d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées mais également de catalyseur d'un développement économique viable. L'union considère que la gestion intégrée et concertée de l'eau à l'échelle du bassin versant ainsi que la prise en compte des principes de développement durable sont les paramètres-phares devant guider la gouvernance de l'eau.

D'ailleurs, en 2003, l'union a produit un guide pour la mise en place d'une organisation de bassin versant au Québec en collaboration avec le Regroupement des organisations de bassin versant du Québec. Conséquemment, il est incontournable pour les municipalités et les MRC d'être partie prenante des organismes de bassin de leur territoire et d'être associées à l'élaboration du plan directeur de l'eau. Sur la question du redécoupage du Québec méridional, l'UMQ demande que les municipalités et les MRC soient consultées dans une perspective d'occupation dynamique du territoire.

Au chapitre des infrastructures de gestion des eaux, j'aimerais vous rappeler qu'on estime à 18 milliards de dollars les sommes en investissement nécessaires à la réhabilitation et au renouvellement des infrastructures. Au cours des dernières années, l'UMQ a été très active auprès des gouvernements afin qu'ils reconnaissent l'importance d'investir dans la réhabilitation de nos infrastructures. Le message de l'UMQ a été entendu. Désormais, tant le gouvernement du Canada que le gouvernement du Québec, tout comme la population, d'ailleurs, reconnaissent que la qualité des infrastructures est une condition essentielle à l'occupation dynamique du territoire et la vitalité économique de toutes les communautés.

Au cours des dernières années, les gouvernements ont mis sur pied plusieurs programmes de financement des infrastructures. Nous avons fait des gains importants. D'ailleurs, le 3 septembre dernier, après des mois de négociation, les gouvernements du Québec et du Canada ont enfin conclu une entente-cadre, le Chantiers Canada. L'union a salué le signature de l'entente et a demandé à ce que les critères pour le transfert des sommes vers les municipalités soient connus rapidement. L'union demande également que les modalités qui s'appliqueront aux municipalités dans le cadre de différents volets de Chantiers Canada soient souples et qu'elles tiennent compte de leur capacité financière.

n(16 heures)n

Les programmes d'infrastructures exigent des municipalités qu'elles investissent une part minimale importante allant jusqu'au tiers de l'investissement total. Les municipalités ne disposent pas de tels moyens ni de nouvelles sources de revenus pour financer cette contribution, et c'est précisément là où le bât blesse. C'est pourquoi l'union réitère sur toutes les tribunes l'urgent besoin des municipalités d'obtenir de nouveaux outils financiers et fiscaux leur permettant de mieux planifier leur investissement dans les infrastructures.

En 2006, lorsque l'union a paraphé l'entente de partenariat fiscal et financier avec le gouvernement du Québec, elle a souligné qu'il s'agissait d'un point de départ et non d'arrivée. Elle a salué le fait que les municipalités étaient dorénavant considérées comme de véritables partenaires. Aujourd'hui, l'union souhaite un véritable partenariat économique avec le gouvernement du Québec. Il s'agit des conditions essentielles pour que les municipalités participent pleinement à la prospérité économique du Québec en assurant des services publics de qualité et en se dotant d'infrastructures performantes. C'est de cette manière qu'elles attireront les entreprises et assureront leur vitalité économique, et la vitalité des milieux, et la vie des citoyens.

Permettez-moi maintenant de passer la parole à mon confrère et président de la Commission de l'environnement de l'UMQ, M. Denis Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Merci, M. le président. Alors, Mme la vice-présidente, Mme la ministre, je poursuivrai cette présentation en vous parlant des redevances sur l'eau.

Bien qu'aucune allusion directe ne soit faite à un éventuel règlement sur les redevances de l'eau tout au long du projet de loi, la mise en place du Bureau des connaissances de l'eau et de son système d'information y pavent la voie. À cet égard, hormis le fait que, selon l'article 31, les municipalités sont apparemment exclues pour l'instant d'un tel système, il nous apparaît important de réitérer aux membres de cette commission que les municipalités ne doivent pas à l'avenir être visées par un système de redevances de l'eau pour le prélèvement et les rejets. Ce rappel va dans le sens de la Politique de l'eau, qui stipule clairement, et je cite: «En ce qui concerne la contribution des citoyens et des citoyennes, le gouvernement reconnaît que la grande majorité de ceux-ci paient déjà pour avoir accès à [de] l'eau potable et à l'assainissement des eaux usées à travers la fiscalité municipale. Cet effort financier les exclut de ce fait du régime de redevances.»

Rappelons qu'en l'an 2004 et 2005 l'Union des municipalités du Québec avait contesté fermement la mise en place d'une redevance de 0,01 $ par mètre cube d'eau prélevé à l'ensemble des utilisateurs municipaux et industriels de même qu'aux embouteilleurs. Cette nouvelle taxe se traduisait par une facture de 18 millions de dollars aux municipalités. L'union l'avait souligné à nouveau dans son mémoire de février 2005 sur l'avant-projet de loi sur le développement durable. Il y était question du Fonds vert qui devait servir, entre autres, au financement de la Politique de l'eau. Dans son mémoire, l'Union des municipalités du Québec rappelait au ministre qu'il est déjà difficile pour les municipalités québécoises de financer les multiples obligations auxquelles elles sont assujetties en cette matière. Finalement, selon l'Union des municipalités du Québec, les redevances de l'eau qui s'accumuleront dans le Fonds vert devront être dédiées aux besoins de la gouvernance de l'eau comprenant les volets municipaux comme les infrastructures municipales d'approvisionnement et de traitement de l'eau, la mise en oeuvre de la Politique de l'eau et la gestion intégrée de l'eau par bassin.

En ce qui a trait au prélèvement d'eau de surface ou souterraine ? et je réfère ici aux articles 31.74 et 31.87 ? nous comprenons l'emphase sur l'aspect prélèvement. Il ne faudrait pourtant pas occulter l'aspect assainissement des eaux, qui est tout aussi important, à notre avis, surtout dans le contexte actuel où le Conseil canadien des ministres de l'Environnement supervise le déploiement de la Stratégie pancanadienne des effluents d'eaux usées municipales, qui aura des incidences en termes de normes de rejet et, par ricochet, sur les infrastructures.

En ce qui a trait aux dispositions particulières applicables aux prélèvements d'eau dans le bassin du fleuve Saint-Laurent, l'Union des municipalités du Québec a déposé deux mémoires dans le cadre des consultations de l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent et fait la promotion de l'alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent. À ce niveau, je voudrais simplement souligner que la politique devrait certainement ouvrir ses horizons à tout ce qui nous vient de l'extérieur évidemment lorsqu'on parle des impacts des bassins des Grands Lacs sur le Saint-Laurent, sur la qualité de l'eau du Saint-Laurent, je pense, et lorsqu'on parle aussi, dans d'autres exemples, de la rivière Outaouais qui prend sa source à quelque part aussi dans la province de l'Ontario. Alors, à quelque part, il faudra regarder la gestion de cette politique-là avec des horizons beaucoup plus agrandis que celui du Québec.

Elle est donc satisfaite de la mise... l'Union des municipalités, dis-je, est donc satisfaite de la mise en oeuvre prochaine de l'entente et demande au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs d'être tenue au courant des actions du ministère pour concrétiser les dispositions particulières applicables aux prélèvements d'eau dans le bassin du fleuve Saint-Laurent.

Les besoins croissants en eau, l'étalement urbain, le tourisme et les loisirs reliés aux plans d'eau ainsi qu'une sensibilité accrue des collectivités locales et des riverains rassemblent autant d'enjeux socioéconomiques liés au fleuve et aux Grands Lacs. Ils continueront à faire partie intégrante de la gestion municipale des services d'eau.

Pour l'Union des municipalités du Québec, l'eau doit être considérée comme une ressource publique et collective sans ouverture à l'exportation massive d'eau. À l'article 31.105, paragraphe 2°, l'interdiction de transfert d'eau hors Québec n'est pas applicable aux eaux prélevées pour être commercialisées comme eau de consommation humaine, pour autant que ces eaux soient emballées, au Québec, dans des contenants de 20 litres ou moins. L'Union des municipalités du Québec réitère ici sa préoccupation quant à la croissance phénoménale des ventes de catégories de contenants à remplissage unique, et notamment les bouteilles d'eau. Elle demande au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs d'ajouter les bouteilles d'eau en plastique au système public de consignation.

En conclusion, l'Union des municipalités du Québec estime que le projet de loi n° 92 est un premier pas qui devrait paver la voie à une série de mesures concrètes dotées des ressources financières adéquates pour réaliser les actions de la Politique de l'eau sur le territoire québécois, notamment la mise en oeuvre d'une gestion intégrée et concertée de l'eau à l'échelle du bassin versant. Dans le même sens, en tant que gestionnaires de l'eau et dans la foulée des dernières exigences réglementaires, les municipalités doivent détenir les ressources humaines, matérielles et financières au maintien et au renouvellement des infrastructures d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées. Les municipalités doivent quant à elles poursuivre leurs actions en matière de protection de l'eau, et les acteurs des différents secteurs économiques doivent être davantage responsabilisés par l'application du principe de l'utilisateur-payeur.

Les municipalités québécoises, dans le contexte de l'occupation dynamique et durable du territoire, poursuivront leur implication pour conserver l'eau de surface et l'eau souterraine, car il s'agit d'un patrimoine commun à la base de la qualité de vie des collectivités, de la survie de nos écosystèmes et de la viabilité des activités économiques. L'union poursuivra ses représentations pour qu'elles aient tous les outils nécessaires pour le faire. Aussi, la diffusion des meilleures pratiques est une voie prometteuse afin de faire croître le sentiment d'urgence de préserver notre or bleu et ainsi décupler le degré de sensibilisation afin de diminuer la consommation exagérée et les pertes de l'eau.

Enfin, l'Union des municipalités du Québec remercie les membres de la commission d'avoir entendu ses commentaires et offre sa collaboration au gouvernement du Québec pour affirmer le caractère collectif des ressources en eau et renforcer leur protection. Nous vous remercions et nous portons attention à vos questions pour y répondre.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup.

M. Lapointe (Denis): Merci.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Alors, nous allons passer aux échanges avec les membres et vous. Alors, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour de vous saluer, M. le maire de Maniwaki, président de l'UMQ, M. Coulombe, M. Lapointe également, maire de Salaberry-de-Valleyfield. Et, quand je vous présente, je ne peux jamais m'empêcher de rappeler que c'est ma région natale. Mme Cloutier également, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec.

Déjà lors du dépôt du projet de loi, vous aviez indiqué que vous accueilliez assez favorablement les intentions du gouvernement derrière ce projet de loi, puis vraiment ce mémoire, il est très complet, très précis. Mais je note, là, que, dans les grandes orientations, dans les grandes lignes, d'avoir une meilleure gouvernance de l'eau, d'avoir ce régime d'autorisation au niveau des prélèvements et la mise en oeuvre, d'un point de vue légal, de l'Entente sur le Saint-Laurent?Grands Lacs, je pense vraiment, je dirais, que les esprits se rejoignent, là, et que vous confirmez en fait qu'on prend la bonne voie en agissant avec le dépôt de ce projet de loi n° 92.

Maintenant, messieurs, madame, sûrement que vous savez que, dans le cadre de cette consultation ? et elle sert à ça ? on a pu débattre avec des représentants d'organismes environnementaux mais aussi avec d'autres représentants du monde municipal de la grande question de la gouvernance de l'eau. Moi, lorsque je lis votre mémoire, par exemple lorsque je suis devant une recommandation comme «que l'UMQ et que ses membres soient bien impliqués», je dirais, là, consultés dans, par exemple, le redécoupage du Québec méridional sous la forme de bassins versants, implicitement, derrière une telle demande, qui est une demande d'être consultés, j'y lis un appui à la question du fonctionnement par bassin versant puis à l'existence d'organismes de bassin versant.

n(16 h 10)n

Vous mentionnez même que vous avez produit, il y a quelques années, il y a à peine cinq, six ans, lorsque sont arrivés les premiers organismes de bassin versant, un guide pour soutenir, dans le fond, les démarches que devait faire le monde municipal par rapport à l'arrivée de ces acteurs prévue, là, dans la Politique nationale de l'eau, et je comprends donc ce positionnement de l'UMQ. Mais par ailleurs je veux juste vous dire que nous avons entendu d'autres représentants du milieu municipal. Je pense, par exemple, aux représentants de la FQM, du président de la FQM, mais aussi directement il y a des représentants de la MRC de la Haute-Yamaska qui sont venus dire qu'eux questionnaient nos articles de loi, dont, vous en conviendrez un peu...

Je vais résumer ça rapidement, mais le principe autour de la gouvernance de l'eau s'inspire fortement de ce qu'il y a en place en ce moment, qui découle de la Politique nationale de l'eau, c'est la mise en place d'organismes à l'échelle d'un bassin versant à définir, et ce travail de redécoupage est en cours. On dit qu'il doit produire, réaliser un plan directeur de l'eau. On parle d'une mise en oeuvre. D'ailleurs, cette expression a semblé chatouiller des représentants du monde municipal. Et il y a aussi la notion de prendre en considération le plan directeur de l'eau lorsqu'on fait nommément allusion au pouvoir, aux autorités municipales.

J'aimerais avoir votre opinion, là, vous qui avez aussi cette expérience. Plusieurs de vos membres sont autour des tables des organismes de bassin versant ? et j'essaie de terminer. Au moment où on se parle, votre mémoire semble plutôt donner en ce moment, parce qu'on sait que les choses peuvent évoluer, mais une forme d'appui aux choses telles qu'elles sont prévues en ce moment. Mais j'aimerais quand même vous entendre un peu plus longuement si je lis bien votre mémoire ou si vous avez des considérations que vous voulez porter à notre attention sur la question de la gouvernance de l'eau.

La Présidente (Mme Ménard): M. Coulombe.

M. Coulombe (Robert): Mme la ministre, vous avez fait une très bonne lecture, c'est effectivement la position de l'UMQ que la gouvernance devrait passer par les organismes de bassin versant, puis je m'explique. On sait aussi qu'à un moment donné il avait été proposé possiblement peut-être que les CRE pourraient être un organisme qui pourrait être gestionnaire pour protéger effectivement ce qu'on dit la ressource en eau. Mais, encore là, on croit qu'au niveau des CRE il peut y avoir certains problèmes, puis je vais vous donner un exemple très précis. Je vais regarder la rivière Gatineau, qui est un affluent important de la rivière Outaouais. Cette rivière-là part dans la CRE Abitibi, passe par la CRE Mauricie pour finir en Outaouais. Ce qui concerne aussi l'ensemble des MRC, on a aussi...

Moi, je prends plus des exemples outaouais, là, parce que je suis plus familier. En Outaouais, il y a plusieurs plans d'eau qui de fait sont limitrophes à trois MRC ou deux MRC, ce qui rend encore la chose difficile, parce que plus il y aura d'intervenants pour s'entendre sur des points spécifiques... On considère que ce serait essentiel qu'un organisme de bassin versant, en concertation avec le monde municipal, les municipalités et MRC, qu'on puisse convenir de la meilleure façon pour effectivement protéger notre ressource en eau. Puis, nous, notre position, comme je vous ai dit tout à l'heure, vous en avez fait une bonne lecture, c'est effectivement: on souhaite que ce soit tel qu'il est proposé par les organismes de bassin versant.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Est-ce que monsieur...

La Présidente (Mme Ménard): Ah! Monsieur.

M. Lapointe (Denis): Rajouter peut-être un petit commentaire. Les premières expériences qu'on a vécues, au Québec, sur la gestion par bassin versant, ça date des années quatre-vingt. Les premières rivières ou les premiers bassins versants sur lesquels on avait travaillé à l'époque ? quand je dis «on avait travaillé», dans une autre vie, j'avais vécu au rythme de l'Association québécoise des techniques de l'eau, qui était à l'époque le leader dans la gestion de l'eau ? c'est sur des projets de la Saint-François, le bassin de la Saint-François, et par la suite le bassin de la Yamaska, qu'on s'était fait les dents sur la gestion d'ensemble des bassins, et la démarche était basée sur une responsabilisation élargie, donc un partenariat de tous les utilisateurs de l'eau et un partage de responsabilité entre à la fois les structures d'élus et la société civile aussi.

Je pense que ça a été un succès. Le modèle de départ avait été importé des territoires français et finalement a été adapté aux réalités québécoises, et je pense que le résultat, pour la plupart des bassins qui se sont développés ou des organisations de bassin qui se sont développées avec le temps à partir de ces modèles-là, nous permet de dire aujourd'hui que cette expérience-là est encore valable, quoiqu'encore là les ressources financières sont manquantes. Il y a donc une structure qui existe ici et qui vaut la peine justement d'être mise en évidence, et c'est ce que propose dans le fond le projet de loi, de mieux les structurer et probablement mieux les financer, mais de faire en sorte qu'il y ait une responsabilité partagée sur l'ensemble du territoire et que ce soit véritablement l'interaction entre les utilisateurs-payeurs, les gens qui utilisent, les gens qui profitent de ces bassins-là, des rivières qui sont intégrées à ces bassins-là, que ce soient finalement ces groupes-là qui puissent éventuellement les gérer. Ils les géreront mieux parce qu'ils en sont les utilisateurs, les bénéficiaires aussi et ceux qui sont susceptibles de tirer tous les avantages d'une meilleure gestion sur le territoire.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Votre commentaire, M. Lapointe, m'amène à préciser, puis je pense que, déjà dans votre communiqué, à la sortie du budget de ma collègue ministre des Finances, vous l'aviez souligné, que, comme vous le savez, moi, j'ai pris bonne note de la représentation même justement de MRC, donc du monde des élus municipaux, de d'autres acteurs qui avec raison avaient indiqué que sûrement que la structure des organismes de bassin versant était une structure qui méritait un meilleur financement si on voulait avoir une démarche efficace et crédible en termes de gestion par bassin versant. Et vous avez pris bonne note, je pense, d'une augmentation que, moi, je qualifie d'appréciable quand même, de 150 % par année vers les organismes de bassin versant. Il y a donc, dans le budget, une somme de 15 millions sur les cinq prochaines années strictement pour le financement de la gouvernance par bassin versant.

Je vous remercie de votre réponse parce qu'on a eu maints et maints débats sur la question de la gouvernance, et je vais vous faire une fleur et un compliment: jusqu'à maintenant, on a eu rarement une réponse aussi limpide sur le fait de dire: Bien, écoutez... Parce que ce que j'entends dans votre réponse, c'est de dire: Ce modèle a existé ailleurs. Il est assez jeune au Québec. Moi, je tiens à le dire et à le redire, c'est une expérience en fait de gouvernance de l'eau qui est jeune, et je comprends un peu, à l'image de d'autres intervenants qu'on a eus, que vous plaidez pour donner du temps au temps. C'est-à-dire, laissons mûrir cette expérience de gouvernance de l'eau.

Puis, surtout ce que j'apprécie puis qui me rassure, c'est que, derrière votre mémoire, il y a cette notion de forte collaboration puisque vous dites: Il faut assurer la présence des élus municipaux autour de la table des organismes de bassin versant, et je pense que, ça, il y a quelque chose là-dedans de très rassurant pour la suite des échanges que, nous, on devra avoir lors de l'étude article par article de la loi.

Je voudrais vous entendre un peu plus, et vous ne l'abordez pas beaucoup dans le mémoire, mais je pense qu'on doit avoir des échanges avec vous sur toute la dimension qu'aborde souvent, d'ailleurs, notre collègue le député de Roberval, à juste titre puis avec raison ? il a dû nous quitter pour d'excellentes raisons ? mais tout le volet de la question de l'économie d'eau potable, où je pense que, vous, du monde municipal, vous êtes interpellés, tout comme nous. J'aimerais ça vous entendre un peu plus longuement sur soit des expériences en cours soit le type d'accompagnement que vous souhaitez par rapport à des principes donc à mettre en place au niveau de l'économie d'eau potable.

J'ai pris bonne note de toutes les considérations que vous amenez quant au financement de meilleures infrastructures d'eaux usées, de traitement des eaux usées et d'eau potable. Vous avez mentionné la part qu'amenait le Programme d'infrastructures du Québec annoncé, l'année dernière, avec le 30 milliards de dollars. Il y a un 3 milliards, un peu plus que 3 milliards juste dans ce programme-là. Vous avez mentionné la contribution de Chantiers Canada. C'est vrai que de meilleures infrastructures peuvent sûrement contribuer aussi à ce qu'on puisse parler d'économie d'eau, mais j'aimerais vous entendre sur votre vision des choses lorsqu'il est question d'objectif d'économie d'eau potable au Québec et quel est le rôle des municipalités par rapport à ça.

La Présidente (Mme Ménard): M. Lapointe.

n(16 h 20)n

M. Lapointe (Denis): Je replonge dans le monde merveilleux de l'eau. Je vous en remercie. En fait, je pense qu'il faut reconnaître qu'au Québec nous sommes, comme citoyens et citoyennes, de très grands consommateurs d'eau, et, je pense, le fait que nos habitations... qu'on habite autour de lacs, près des rivières, qu'on ait développé l'ensemble du Québec à partir justement des cours d'eau qui s'offraient à nous, ça nous a fait des gens qui ont, d'une certaine façon, oublié les limites que présentent justement nos cours d'eau, les limites des installations qu'on met en place aussi pour arriver à corriger la pollution ou l'état qu'on a laissé avec le temps, l'état de ces cours d'eau là.

Or, évidemment, dans les villes, nous en sommes arrivés, avec les nouvelles réglementations, à s'obliger à corriger les installations de traitement d'eau potable et de traitement d'eaux usées. À une époque, quand on parlait des années quatre-vingt, encore là, les installations de traitement d'eaux usées, donc le retour des eaux usées, après traitement, au fleuve, ça ne date que de 25, 30 ans encore, donc on est tout nouveau, et on apprend encore, aujourd'hui, à découvrir que ce qu'on a récupéré comme cours d'eau, comme qualité de cours d'eau suite à ces investissements-là qui se sont faits avec le temps nous fait dans le fond découvrir qu'on avait raison peut-être de s'investir à ce niveau-là.

Qu'est-ce qu'on fait, maintenant? Parce qu'on en est arrivés à remoderniser ou à moderniser l'ensemble de nos installations. Évidemment, ça coûte nettement plus cher, et je pense qu'on a pris conscience, avec les pénuries d'eau qu'on retrouve ou qu'on apprend à connaître par le biais d'Internet, le biais de tous les réseaux, on apprend... Évidemment, je pense qu'il faut apprendre à corriger nos façons de faire, et notre responsabilisation au niveau environnemental, au niveau des villes, nous a aussi amenés à mettre en place des campagnes d'économie d'eau potable et à aller plus loin que ça, à montrer aux gens comment on pouvait utiliser les services d'eau municipaux tout en diminuant, d'une certaine façon, la consommation.

Je peux vous donner des exemples. Dans bien des municipalités, les écoconseillers commencent à faire apparition dans chacune des villes pour, d'une certaine façon, aider les gens, les citoyens à corriger leurs pratiques au niveau du traitement de leurs pelouses, à corriger leurs pratiques au niveau de l'utilisation de l'eau potable, à corriger leurs pratiques au niveau de la gestion des matières résiduelles, et tout ça. Donc, tous ces éléments-là sont un tout. Là-dessus, ils doivent, d'une certaine façon, nous conduire à... doivent nous conduire à une réduction de la consommation pour évidemment réduire, contrôler les coûts de production d'eau potable, de traitement d'eau potable, mais aussi réduire les coûts, parce qu'une fois qu'on a utilisé l'eau potable, bien, il faut éventuellement la retraiter aussi. Donc, là aussi, réduire les coûts de traitement d'eaux usées et s'assurer que ce qu'on va rejeter au fleuve ou aux rivières aura un niveau de qualité tout à fait adéquat là-dessus.

On est dans une démarche. Justement, M. le président de l'Union des municipalités me soulignait les infrastructures, la réhabilitation des infrastructures. On arrive à une deuxième vie des infrastructures ou une troisième vie des infrastructures qui ont été mises en place un peu partout.

M. Bissonnet, ça nous fait plaisir de vous saluer.

Une voix: M. le maire.

M. Lapointe (Denis): M. le maire.

Une voix: M. le maire.

La Présidente (Mme Ménard): Le nouveau maire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Denis): Un de nos nouveaux collègues.

La Présidente (Mme Ménard): Bien oui!

M. Lapointe (Denis): On va en prendre soin, ne vous en faites pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Denis): Alors, avec tous ces programmes, je pense que les gouvernements, les paliers gouvernementaux supérieurs ont compris qu'il y avait du travail à faire dans chacune de nos municipalités, qu'il fallait moderniser et s'adapter aux réalités technologiques nouvelles mais s'adapter aussi aux nouvelles réglementations à ce niveau-là. Donc, on investit de plus en plus. Et le coût associé à ces réhabilitations-là, les engagements financiers nous forcent nécessairement à produire moins d'eau, possiblement.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre, une minute.

Mme Beauchamp: Oui, oui, mais je vais la prendre. Je vais la prendre. Parce que vous commentez dans votre mémoire, je pense, avec satisfaction l'intégration dans la loi des dispositions de l'Entente sur les Grands Lacs et le Saint-Laurent. Vous précisez déjà que vous aviez déposé deux mémoires dans le cadre de la consultation au moment de la signature de cette entente, en 2005. Je veux juste en profiter et terminer pour vous annoncer une bonne nouvelle aujourd'hui: il tombe sur le fil de presse le fait que la Chambre des représentants du Congrès américain a entériné toutes les lois adoptées par les différents Parlements des différentes juridictions, les États qui avaient signé cette entente. Donc, après le Sénat et le Congrès, il ne reste plus qu'à avoir la signature du président des États-Unis. Et donc je veux juste vous dire qu'avec aussi, de notre côté, l'intégration dans une loi des dispositions de l'entente on est bien près, j'espère au mois de décembre prochain, si on adopte cette loi, de pouvoir souligner vraiment l'intégration, d'un point de vue légal... par tous les signataires de l'Entente sur les Grands Lacs et le Saint-Laurent. Je voulais juste vous l'annoncer en primeur.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, nous allons aller du côté de l'opposition officielle, le député de Drummond.

M. Schneeberger: Bonjour. Si on va dans le sens du projet de loi n° 92, qui dit en gros que dans le fond, l'eau au Québec, on ne peut se l'approprier, mais c'est un bien qui appartient à tout le monde, on sait que beaucoup de villages, au Québec, vivent actuellement, des fois, des problèmes d'eau au niveau de la qualité ou de la quantité d'eau, alors qu'un village voisin, l'eau, ils en ont amplement, ce qui fait en sorte que souvent il y a un village bien qui a des problèmes au niveau du développement, ils ne sont plus capables de se développer à leur juste valeur, alors que l'autre à côté, lui, il peut se développer. Souvent, les maires là-dessus, bien on ne veut pas... Un maire, il est là pour le bien de sa communauté, il fait en sorte que, bon, bien, venez chez nous, tu sais, n'allez pas chez le voisin. Mais, si on prend le sens de la loi, l'eau est à tout le monde.

Est-ce qu'il n'y aurait pas... Je voudrais savoir si, vous, à l'UMQ, vous avez un plan d'action, ou une entente, ou peu importe, à ce niveau-là, pour dire: Bon, bien, l'eau, je veux que ce soit un bien pour tout le monde, ou ce qui n'aura pas... au niveau de la loi pour justement faciliter ou introduire, au niveau des municipalités, qu'il pourrait y avoir une redistribution d'eau avec, peu importe, des villages voisins quand c'est le cas ou quand c'est possible éventuellement. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, voir s'il y a de quoi. Vous, avez-vous un projet ou un point commun là-dessus, une entente pour ça? C'est un problème, là, quand même, à quelque part, général, mais il y a quelques places au Québec où est-ce qu'il y a des problèmes comme ça.

La Présidente (Mme Ménard): M. Coulombe.

M. Coulombe (Robert): Oui, vous avez raison que c'est... Il y a des problématiques non pas généralisées, mais il y a certaines problématiques. Mais, de là, nous, à avoir un plan d'action spécifique sur des dossiers très particuliers, on n'est quand même pas rendus à ce point-là. Mais on est très sensibles. Mais c'est là qu'on voit toutes les ententes possibles intermunicipales, autant par approvisionnement par conduites ou peu importe la façon. Mais je vais vous avouer honnêtement qu'on ne pourrait pas, aujourd'hui, arriver avec une solution précise par rapport à la préoccupation que vous avez. Mais encore une fois, comme vous le dites, l'eau, c'est un bien collectif, puis il faut trouver une façon que chaque Québécois, chaque Québécoise puisse bénéficier et profiter de cette ressource eau là qu'on a au Québec, qui, premièrement, est de première qualité. Je ne sais pas si, Denis, tu pourrais ajouter quelque chose, mais on ne peut pas aller plus loin, je pense, là-dessus.

M. Lapointe (Denis): Vous avez été clair.

La Présidente (Mme Ménard): C'est clair? Alors, M. le député de Drummond.

M. Schneeberger: C'est beau.

La Présidente (Mme Ménard): Ça va?

M. Schneeberger: Oui.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Bien, je tiens à vous saluer. Je vais commencer mon intervention avec un sujet dont il a été mention à quelques reprises par d'autres intervenants, qui est toute la question des fuites dans les réseaux municipaux, qui peuvent avoir deux conséquences. La première, c'est une perte énorme de ressource, et puis la deuxième est qu'il peut y avoir une pollution, qu'il peut y avoir une pollution des eaux soit en coliformes fécaux ou autres. J'aimerais savoir, parce que j'ai posé exactement la même question à la FQM, je voudrais savoir un peu c'est quoi, l'état de la situation actuellement, les besoins que ça prendrait pour pouvoir s'assurer que cette situation-là soit prise en main, et savoir si ça se discute, tout simplement, parce que, bon, il y a toutes sortes d'autres dossiers, que ce soient les matières résiduelles et aussi des sujets très vifs, il y a des discussions très vives, des projets qui sont en cours. C'est un sujet qui est beaucoup plus discret, celui des infrastructures.

La Présidente (Mme Ménard): M. Coulombe.

M. Coulombe (Robert): De fait, on voit... Je vais peut-être scinder votre question. Lorsqu'on parle des fuites dans les réseaux majoritairement ou presque totalement, c'est dans le réseau d'eau potable. Ce qui concerne le réseau d'assainissement des eaux, il peut y avoir des fuites, mais c'est moins problématique. Mais de là revient, puis je suis content que vous nous interpelliez à ce niveau-là, tout le déficit des infrastructures au niveau du Québec.

n(16 h 30)n

Lorsque je mentionnais tout à l'heure qu'on avait un déficit d'infrastructures qui ne concerne pas juste l'eau, là, mais quand même 18 milliards de rattrapage à faire, puis c'est effectivement un des jalons qui, je dirais... Je me fais le porte-drapeau pour dire au gouvernement du Québec ainsi qu'au gouvernement du Canada qu'on a besoin de support à ce niveau-là pour la réhabilitation parce qu'effectivement, les chiffres que vous apportez, il y a certaines municipalités où il y a des fuites de réseau de 30 %, 40 %, et 45 %. Ça fait qu'à ce moment-là ça consomme énormément d'énergie, ces fuites-là, mais aussi toute cette richesse d'eau qui est déjà traitée, de fait qui n'est pas utilisée pour consommation... Ça fait que c'est pour ça que je vous dis que, nous, on est très sensibles à ça puis on a besoin de travailler en partenariat avec les gouvernements pour assurer cette réhabilitation-là. Parce que, lorsque je parle du 18 milliards, là, je parle uniquement de réhabilitation, je ne parle pas de nouvelles constructions.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville. M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): S'il vous plaît, je voudrais rajouter un petit point à ce niveau-là. Dans la modernisation, dans la planification de la modernisation des infrastructures, aujourd'hui, je vous donnerai l'exemple de la construction ou la modernisation d'une usine de traitement d'eau potable aujourd'hui. Dans ce qui est présenté et dans les règles du jeu d'aujourd'hui, on doit tenir compte justement des correctifs qui doivent être apportés sur les réseaux où il y a des fuites justement pour arriver à établir la production ou la capacité de production de l'usine. On ne peut plus obtenir, aujourd'hui, d'autorisation de construire pour augmenter une capacité quand on sait que l'évaluation de nos réseaux présente des pertes, des fuites de 30 % ou 35 %. Donc, les projets de réhabilitation des infrastructures doivent, aujourd'hui, tenir compte de ces aspects-là.

Et, pour la plupart des villes maintenant, et ça fait quand même une bonne dizaine d'années que les cloches ont sonné à ce niveau-là, que les municipalités ont entrepris de corriger ou de se doter de programmes de recherche des fuites et de correction des fuites, c'est payant de le faire quand on fait l'analyse des coûts reliés à la production d'eau, de ce qu'on perd et des réparations de route lorsqu'une route a été défoncée à cause de fuites dans le réseau. Alors, évidemment, c'est avantageux de le faire et c'est devenu une composante obligatoire de toute cette démarche de modernisation, de réhabilitation, autant pour la production d'eau potable que pour les eaux usées, parce que pensons que, dans bien des villes comme les nôtres, il y a des villes qui existent depuis des centaines d'années et des réseaux d'égout qui existent depuis 75 ans parfois et plus, et certains de ces réseaux-là se sont effondrés avec le temps et donc, finalement, présentent des déficiences qu'il faut corriger au moment de...

Une voix: ...

M. Lapointe (Denis): C'est ça. Il existe encore des conduites en bois, des conduites en brique aussi. Alors, dans le contexte, ça fait partie de la mise en application maintenant de ces programmes de réhabilitation, il faut en tenir compte, et les autorisations gouvernementales qui nous viennent pour investir nous demandent de les tenir en compte, et, si ce n'est pas tenu en compte, on n'a pas d'argent pour le faire.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: J'aimerais vous entretenir d'un dossier, d'un sujet qui, à ma grande surprise, n'a pas été abordé par les représentants municipaux, c'est celui de la réparation des dommages. Et puis, à ma première lecture du projet de loi, je pouvais constater que, s'il y avait pollution de l'eau importante, le Procureur général se mandatait le droit de pouvoir poursuivre pour s'assurer, tu sais... Et puis on a eu des discussions avec le Barreau justement, tu sais... qu'il y ait faute ou non de la part de l'intervenant, le devoir de réparer, et puis, dans l'éventualité où une conduite municipale pollue parce qu'elle est désuète...

Est-ce que vous avez déjà envisagé la possibilité de devoir remettre en état les cours d'eau du Québec justement à cause du projet de loi n° 92?

La Présidente (Mme Ménard): M. Coulombe.

M. Coulombe (Robert): Peut-être que je voudrais avoir plus de précisions, M. le député. Lorsque vous dites qu'il peut y avoir pollution par rapport aux conduites, là, je voudrais que vous m'expliquiez plus clairement. Là, je ne comprends pas, parce que normalement lorsqu'il va y avoir, exemple, une pollution dans un réseau, ça va être à la source, au captage, là. Mais je voudrais comprendre lorsque vous...

M. Diamond: ...des coliformes fécaux, des eaux de toilette, là, par exemple, qui pourraient se trouver...

M. Coulombe (Robert): Pardon?

M. Diamond: Les coliformes fécaux, par exemple, ou... Je crois qu'il y a eu des mentions assez nombreuses là-dessus. Parfois c'étaient des intervenants privés, d'autres fois c'est... Et puis j'ai posé la question à l'intervenant juste avant qui représentait Stratégies Saint-Laurent et puis qui nous mentionnait qu'à l'occasion ça pouvait être des conduites municipales qui étaient tout simplement désuètes, et puis le projet de loi qui est ici donne le pouvoir au gouvernement de poursuivre, même s'il n'y a pas de faute, dans le but de restaurer la qualité de l'eau. Et puis il ne faut pas extrapoler trop longtemps pour savoir que ça pourrait arriver qu'une ville, même s'il n'y a pas eu faute, simplement parce qu'il y a désuétude de ses installations, puisse être tenue responsable d'une pollution de l'eau.

Est-ce que c'est quelque chose que vous n'avez pas envisagé du tout ou...

M. Coulombe (Robert): De fait, pour répondre à votre question, lorsqu'il y a présence de coliformes, il faut être conscient que c'est à la source et c'est non le réseau lui-même qui va créer cette problématique-là. Mais, avec la nouvelle Politique de l'eau et aussi ce que le ministère du Développement durable, avec les nouvelles normes au niveau du captage... on vient éliminer, j'oserais dire... Ce n'est pas fait sur l'ensemble du territoire, là, il en reste beaucoup à faire encore, mais cette problématique-là est de moins en moins évidente. Mais, comme je vous dis, c'est toujours à la source, puis d'autant plus qu'on tente le moins possible de prendre du captage de l'eau de surface, c'est de l'eau souterraine. Mais, encore là, ça dépend du traitement qui peut être effectué si jamais il y a un captage soit d'eau de surface ou d'eau souterraine.

Je ne sais pas si, Denis, tu pourrais ajouter une explication.

M. Lapointe (Denis): En fait, il existe déjà un certain nombre de mesures à ce niveau-là. Lorsqu'il y a des rejets sauvages, lorsqu'il y a des rejets polluants, déjà là je pense que la population est la première à monter aux barricades, et bien des fois il y a dénonciation soit d'entreprises ou soit de villes dans certains cas, et les interventions du ministère, qui a la responsabilité de faire le suivi à ce niveau-là, sont en général assez rapides. Et, de cette façon-là, on a l'obligation de corriger à très, très court terme les situations qui se présentent à ce niveau-là, et on voit par la suite qui en a la responsabilité et qui doit assumer bien souvent les coûts de ces choses-là.

Il y a des urgences qui se présentent dans chacune des municipalités, des urgences industrielles, des urgences municipales à ce niveau-là, et chaque fois les problématiques ont été prises en charge. Plus souvent qu'autrement, c'est la municipalité qui a pris l'initiative de le faire. Et, dans certains cas, si la cause est issue d'une mauvaise opération d'une usine, par exemple, bien on s'assoit avec les gens et on procède. Déjà, il y a un certain nombre d'outils qui existent pour arriver à faire ces corrections-là. Et ce que je comprends beaucoup plus de la loi, c'est que maintenant on commence à l'encadrer ou on va faire en sorte qu'elle soit encadrée davantage, qu'il y ait plus de règles du jeu qui soient établies, de sorte que, bien, s'il y a des gens qui refusent la réparation, bien, à ce moment-là, on aura des outils éventuellement pour travailler à ce niveau-là.

Mais déjà, dans ce qui existe, on est en mesure de pouvoir intervenir et même de se faire pénaliser nous autres mêmes. Vous avez des cas qui sont parus dans les journaux de villes qui ont dû corriger ou remettre en état des milieux humides, par exemple, parce qu'ils n'avaient pas tenu en compte qu'un développement pouvait nuire à un environnement particulier sur un territoire, mais ce sont des citoyens qui ont sonné la cloche. Je pense que les gens sont beaucoup plus informés aujourd'hui et nous poussent dans le dos, poussent dans le dos des représentants gouvernementaux que vous êtes aussi et font en sorte qu'on arrive à mieux gérer par la mise en place de projets de loi comme ceux-là.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député, il vous reste une minute.

M. Diamond: Bien, finalement, je n'avais pas vraiment besoin d'extrapoler, là. Vos membres sont déjà très disciplinés. C'est ça que j'en déduis.

Une dernière chose, puis il me reste... Dans le fond, c'est quasiment ridicule, poser la question, avec le temps qu'il vous reste. C'était sur la recommandation 4, et 7, celle de la gouvernance. Je vais me consacrer simplement sur la question 4, qui stipule que les organismes de bassin versant devraient consulter et s'associer toujours, bon, aux MRC, aux municipalités dans l'élaboration d'un plan directeur de l'eau. Actuellement, de la manière que je peux comprendre ça ? parce qu'il y a eu des intervenants municipaux qui ont demandé même le fait inverse, là, de rapatrier certains pouvoirs ? vous, vous seriez en mesure évidemment, je vais dire un mot qui semble gros, là, mais de céder un peu de votre souveraineté si c'est pour faire avancer adéquatement les choses d'un plan directeur de l'eau.

M. Coulombe (Robert): Bien, je...

La Présidente (Mme Ménard): Très rapidement, M. Coulombe.

n(16 h 40)n

M. Coulombe (Robert): Écoutez, je ne pense pas que c'est de céder une souveraineté, c'est tout simplement de s'assurer d'atteindre les objectifs du projet de loi, que, nous, on considère comme extrêmement importants, de la protection de la ressource eau. Ça fait que je ne pense pas que ce soit en officialisant notre réponse, en disant que l'organisme de bassin versant serait peut-être l'organisme le mieux structuré pour s'assurer de l'atteinte de cet objectif-là... Je ne pense pas qu'on cède des pouvoirs, là, parce qu'on n'est pas ici pour en céder, d'aucune façon. Peu importe le niveau, on n'en cédera jamais. Mais, lorsqu'il s'agit... pour le bien de nos contribuables, des citoyens, on dit, à ce moment-là: Soyons quand même logiques dans notre raisonnement.

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Alors, nous allons passer maintenant au deuxième groupe de l'opposition, le député de Vachon.

M. Bouchard: Alors, merci, Mme la Présidente. Messieurs, d'abord excusez-moi, j'ai dû m'absenter quelques secondes pour une question urgente et j'espère que ce ne sera pas redondant comme question. Si jamais ça l'était, gênez-vous pas pour me le dire.

À l'article 12, troisième paragraphe, alinéa a, on mentionne que l'organisme dont on parle, là, qui gérerait éventuellement toute la question des bassins versants, aurait pour mission «de réaliser et de mettre en oeuvre»... Il y a deux verbes très importants, «réaliser et de mettre en oeuvre». Alors, je comprends que vous êtes sympathiques à l'idée que les organismes de bassin versant soient désignés comme ceux qui éventuellement intégreront l'ensemble des acteurs autour d'un plan directeur de l'eau.

Maintenant, c'est très différent de réaliser et de mettre en oeuvre un plan directeur de l'eau, et il y a des organismes qui sont venus nous dire... Par exemple, il y a eu un ajout de fait au mémoire du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, qui sont venus nous dire: Écoutez, nous, on peut concevoir que réaliser le plan, c'est-à-dire le décrire, ce soit confié à des organismes de bassin versant, mais par ailleurs la question de la mise en oeuvre, ça demande quelque part des organismes imputables d'une action législative envers les citoyens, etc., et qui ont les ressources donc pour mettre en oeuvre le plan en question. Et ça reviendrait, à ce moment-là, d'après ce que j'ai compris de cet ajout du regroupement, davantage aux MRC et aux municipalités.

Quelle est votre réaction vis-à-vis de ça?

La Présidente (Mme Ménard): M. Coulombe.

M. Coulombe (Robert): Le fait de dire que la mise en oeuvre du plan... Nous, on ne se retire pas carrément de notre responsabilité parce qu'on... C'est pour ça qu'on dit qu'on veut être directement associés. Mais, les décisions qui vont être prises par l'organisme de bassin versant, ce sera, je crois, normal, normal que, nous, on assume les responsabilités par rapport à la concertation qui va exister avec l'organisme de bassin versant, puis je pense que le monde municipal est prêt à accepter cette responsabilité-là. Denis?

M. Lapointe (Denis): Bien, peut-être une explication additionnelle. On a parlé, tout à l'heure, de notre adhésion au concept des organismes de bassin parce qu'on parlait de responsabilité partagée. Alors, il y a assis, autour d'une même table, à la fois des pollueurs mais des défenseurs de l'environnement, des utilisateurs d'eau pour les besoins industriels, les besoins de consommation domestique, et tout ça. Donc, tous ces utilisateurs-là, tous ceux qui tirent à quelque part un bénéfice de la rivière ou de ce bassin-là, ils sont assis autour d'une table. Alors, s'ils conviennent ensemble d'un plan d'amélioration puis d'un plan de préservation, de protection, pourquoi on ne leur donnerait pas les outils pour pouvoir le réaliser?

On a tous convenus... Il y a des élus assis à cette table-là. Il y a des gens de la société civile, il y a... En fait, tous les intervenants font partie de cette organisation-là. Alors, pourquoi on ne leur donnerait pas la responsabilité de réaliser le plan qu'ils ont mis en place? En fait, on les supporte, puis il y a, parmi ces gens-là, évidemment des gens imputables. Évidemment, si on est imputables comme élus, bien on va avoir intérêt à ce que les choses marchent rondement et que le plan puisse être observé à ce niveau-là. Si je passe la responsabilité de réaliser le plan à une autre organisation qui, bon, n'est seulement qu'une partie de la problématique, la partie dite politique, alors, moi, je pense qu'on aura peut-être des difficultés: il y aura confrontation sur les enjeux, les sommes d'argent qu'il faut y mettre et toutes ces choses-là. Or, à mon avis, il en existe une, structure. Donnons-lui les moyens et donnons-lui un certain nombre de responsabilités au travers des moyens qu'on va leur conférer. Voilà. Et on va être en appui à une démarche comme ça.

Ça se fait ailleurs, ça s'est fait chez nous jusqu'à maintenant, et, avec, comme je le disais tantôt, le peu de ressources au début qu'on a eues ? là, on nous parle de nouvelles ressources qui sont données à ce niveau-là ? je pense que les gens qui sont les bénéficiaires de ces bassins-là sont les plus susceptibles de s'assurer de leur protection à moyen et long terme. Alors, voilà.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Ça a des incidences extrêmement importantes sur la question budgétaire, et quel ministre, quel budget, évidemment? Parce que la réalisation d'un tel plan nécessite des ressources dont peuvent disposer les municipalités et MRC. Et, comme les organismes de bassin versant n'ont pas ces budgets, qui émanent, dans le fond, d'un fonds de taxation dont les municipalités et les MRC peuvent... auquel elles peuvent avoir accès, là on vient d'ouvrir soudainement tout le débat autour quasiment de l'assiette fiscale au niveau local et régional. C'est ce qu'il me semble.

M. Lapointe (Denis): Je pense que les élus sont là... Les élus sont là pour dans le fond permettre une redistribution de ce qu'ils perçoivent justement comme impôts, et tout ça. Or, évidemment, on peut développer ensemble un projet grandiose, si les ressources financières ne sont pas là pour le réaliser à court terme, on l'étendra dans le temps. Mais à quelque part ça nous prend, je pense, cet input-là de la part de tout le monde pour arriver à dire de quelle façon on peut arriver à justifier des participations municipales, par exemple, des participations de l'industrie, des participations des institutions qui utilisent ou profitent de cette eau-là, de ces bassins-là.

Moi, je pense qu'il y a une chimie à mettre en place. Il y a des outils à donner à des gens, des outils supplémentaires à donner à des gens, mais je pense qu'on peut y arriver, et c'est cette responsabilisation partagée qui peut nous amener à des succès. Et, le fait d'en donner, des responsabilités, seulement qu'à un organisme par rapport à un autre, je pense que ça peut conduire à un désengagement, puis finalement il n'y aura personne qui sera responsable, alors que tout le monde est responsable.

M. Bouchard: En fait, puisque vous abordez cette délicate question d'imputabilité puis de la responsabilité, l'article 13, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus parce que, lorsque je lis, moi, le deuxième paragraphe de l'article 13, ce que j'y lis, c'est qu'une fois le plan défini il est transmis éventuellement au ministre, qui ensuite le communique aux communautés métropolitaines, aux municipalités locales, aux MRC, etc., qui sont responsables des schémas d'aménagement ou de toute autre politique qui touche au domaine de l'eau ou aux domaines connexes qui peuvent avoir une incidence sur l'eau. Ce que je comprends de l'esprit dans lequel ça a été rédigé, c'est que finalement il y a comme une cascade d'opérations: d'abord, un plan, le plan est dirigé chez le ministre, le plan est fait par les organismes de bassin versant, puis ensuite les municipalités sont interpellées dans leurs fonctions d'aménagement, dans leurs fonctions d'application des lois qui peuvent avoir une incidence ou des règlements qui peuvent avoir une incidence sur la qualité ou la quantité d'eau sur leurs territoires.

J'ai deux questions. La première, c'est: Est-ce que ce projet... Est-ce que la façon dont ce paragraphe est rédigé vous contraint? Est-ce que vous vous sentez imputables, étant donné la rédaction, ou est-ce que vous pensez que les communautés concernées, les municipalités locales ou MRC se sentiront contraintes par ce paragraphe? Enfin, ma perception à moi: c'est un paragraphe qui est très ouvert, là, c'est-à-dire que...

La Présidente (Mme Ménard): M. Lapointe.

M. Lapointe (Denis): Bien, je veux juste dire: Effectivement, c'est un détail... Bien, ce n'est pas un détail, c'est quand même un paragraphe qui effectivement donne...

M. Bouchard: ...nous concerner très gravement tout à l'heure. Ha, ha, ha!

M. Coulombe (Robert): Bon, bien, effectivement, comme M. Lapointe dit, je pense qu'on prend bonne note de votre questionnement, mais je pense que ce serait utopique d'arriver puis répondre aujourd'hui, là. On va analyser effectivement votre questionnement, puis on pourra faire parvenir à la commission notre réponse.

M. Lapointe (Denis): Je veux quand même...

La Présidente (Mme Ménard): Merci.

M. Lapointe (Denis): Je veux juste dire qu'on est aussi assis à cette table-là. Alors, s'il y a un plan qui se développe, on fait partie des organismes de bassin. J'ose croire que les élus que nous sommes vont aussi être assis à cette même table là. Donc, si on développe un plan dans son ensemble, on y est partie prenante, on fait partie des discussions. Donc, à quelque part, on est en mesure de le faire cheminer, là aussi. Alors, est-ce que c'est contraignant? Est-ce que ce n'est pas contraignant? Ça, on a évidemment à examiner d'une façon beaucoup plus précise cet élément-là. Mais, encore là, on est partie prenante, on est assis avec les principaux acteurs, les principaux utilisateurs de ces bassins-là.

M. Bouchard: Est-ce que j'ai encore du temps?

n(16 h 50)n

La Présidente (Mme Ménard): Oui, monsieur.

M. Bouchard: Je prendrais un cas d'espèce, une municipalité ou une MRC qui, vis-à-vis du plan qu'ils ou qu'elles reçoivent... qu'elle reçoit, décide de ne pas adhérer, pour une raison ou pour une autre, parce qu'il y a des dissidences, j'imagine, quelquefois, il y a des différences entre des perspectives que peuvent développer les différentes MRC. Ce que l'article 13 dit, c'est qu'elles doivent le prendre en considération, mais, si ce joueur-là ne veut pas danser le même tango, l'article 13 ne l'oblige à rien.

M. Coulombe (Robert): O.K. On va...

Une voix: ...

M. Coulombe (Robert): C'est ça. On va aussi prendre... on va prendre note du questionnement, là, puis on va vous revenir avec un commentaire à la commission.

M. Bouchard: Merci.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Vachon, terminé? Alors, merci beaucoup. Alors, M. Coulombe, M. Lapointe, M. Cloutier, merci infiniment de... Mme Cloutier, pardon, pardon, merci de votre présentation.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Ménard): Ah! Oui, allez-y, allez-y.

M. Coulombe (Robert): Je suis surpris de ne pas avoir eu le questionnement sur les redevances. Personne ne nous a parlé des redevances.

M. Bouchard: ...il ne faudrait pas que les municipalités...

M. Coulombe (Robert): ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Non, mais...

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Nous allons suspendre pour laisser la chance à l'autre groupe de se préparer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

 

(Reprise à 16 h 55)

La Présidente (Mme Ménard): Alors, nous poursuivons avec le dernier groupe de la journée, Eau Secours! Alors, la porte-parole ou le porte-parole présente l'autre, et vous avez 15 minutes pour votre présentation. Merci.

Coalition Eau Secours!

Mme Ouellet (Martine): Bien, merci. Donc, on se présente: Martine Ouellet. Je suis présidente de la Coalition Eau Secours!

M. Trudeau (Pierre-Louis): Pierre-Louis Trudeau. Je suis vice-président de la Coalition Eau Secours! et professionnellement je suis avocat.

Mme Ouellet (Martine): Donc, peut-être présenter un petit peu la Coalition pour les gens peut-être qui ne la connaissent pas ou qui la connaissent moins. Donc, Eau Secours! a été fondée, en 1997, par, je dirais, un mouvement spontané des citoyens et citoyennes qui ont décidé de se donner les moyens pour, à l'époque, empêcher la privatisation, là, de l'eau à Montréal, et on s'est donné comme but de revendiquer et de promouvoir une gestion responsable de l'eau dans une perspective d'équité, d'accessibilité, de santé publique, de développement durable et de souveraineté collective sur la ressource vitale et stratégique qu'est l'eau. Parce que, souvent on l'oublie, ça fait banal de le dire, mais l'eau, c'est vraiment la vie. Ce n'est pas comme une autre ressource naturelle.

Eau Secours! représente 270 groupes qui proviennent de comités de citoyens, de fédérations récréotouristiques, de comités et de groupes environnementaux, de groupes sociaux et communautaires, de syndicats, de centres de recherche et de coalitions régionales. Et de plus on a aussi avec nous 77 porteurs et porteuses d'eau qui acceptent de porter avec nous la cause de l'eau, donc de mettre au service de l'eau leurs connaissances et leur expertise.

Peut-être en introduction, en 1997, parce que ça fait un petit bout de temps que le sujet de l'eau, au Québec, là, est traité par différentes instances, donc en 1997, si vous vous rappelez bien, il y avait eu un symposium sur la gestion de l'eau, et Eau Secours! avait dénoncé l'accès élitiste, avait demandé un BAPE, qu'on a eu en 1999, avec un rapport remis par M. Beauchamp en 2000, un très bon rapport, là, sur la gestion de l'eau au Québec. Donc, Eau Secours! avait applaudi. Et, le 26 novembre 2002, il y a eu la Politique nationale de l'eau qui a été votée, là, ici, et qui a été appuyée, et qui a été votée, je pense, à l'unanimité par l'ensemble des partis, et, nous, on est très déçus de voir que le projet de loi n° 92 ne s'inscrit pas du tout dans cette continuité-là.

Le projet de loi n° 92, on considère que ce projet de loi là ne vise pas la protection des ressources et on est déçus de voir que le contenu écrit... parce que ce qui en est dit, c'est un chose, mais vraiment ce qui est écrit, c'est plutôt des conditions, une esquisse de conditions nouvelles de leur exploitation selon des orientations qui semblent ponctuelles du futur gouvernement. Donc, très, très déçus de ce projet de loi là.

Et je vais laisser, à ce moment-ci, Pierre-Louis Trudeau vous présenter, là, l'analyse plus détaillée qu'on a faite de ce projet de loi là.

M. Trudeau (Pierre-Louis): Oui. Alors, c'est le praticien qui va s'adresser à vous. Je représente et j'ai représenté très fréquemment, devant des tribunaux, des groupes communautaires, des populations locales et des groupements d'intérêts, et je me suis posé la question, et j'ai fait la lecture suivante du projet de loi: À quoi et pour qui ce projet de loi là serait-il utile? Pourrais-je me servir dorénavant d'une loi comme celle qui est annoncée par le projet de loi pour d'abord défendre les principes qu'il propose et, deuxièmement, dans des situations données, obtenir le redressement pour les parties que je représenterais?

Immédiatement, je peux vous dire, puis je le dis un petit peu plus loin, on le dit un petit peu plus loin dans le projet: Dans la mesure où le projet de loi évacue totalement les recours citoyens ou les recours individuels, quant à nous, en tout cas, cet aspect-là, qui est très important, mérite d'être souligné, puis je vais le faire en fin de discussion.

Excusez-nous de la tardiveté avec laquelle on vous a apporté le mémoire. Je vais en lire quelques extraits. C'est fastidieux, je n'ai pas envie de le lire au complet, je vais vous lire les extraits pertinents quant à moi, puis je répondrai par après aux questions.

n(17 heures)n

Alors, la coalition attendait du gouvernement qu'il suive les principes de la Politique nationale de l'eau en adoptant une vraie loi avec des normes et des effets obligatoires, car l'aspect le plus évident... En fait, l'aspect le plus évident de ce projet, c'est qu'il ne présente pas de loi nouvelle. Alors, je ne discuterai pas, là, la question de la gouvernance administrative, la question des mécanismes d'application de la loi, les nouveaux pouvoirs réglementaires que la loi octroie maintenant à la discrétion ministérielle. Je n'en discuterai pas. Ce n'est pas ça qui est l'objet. C'est n'est pas ça qui est ma lecture, de toute façon. Et, si ce n'était que ça, on n'avait pas à adopter une loi de protection de l'eau, on n'avait qu'à amender les lois existantes. Pour le reste, je me limiterai à discuter de la loi dans ses objectifs. Et, puisqu'une loi est une loi, c'est quand même sous ses aspects juridiques qu'on doit d'abord l'aborder.

Alors, la coalition, toutefois, consciente que des milliers d'emplois dérivent directement ou indirectement de l'usage et de la gestion des eaux du territoire québécois, clarifie sa position à cet égard et insiste pour que l'utilisation inévitable et nécessaire de la ressource soit encadrée par la gouvernance publique, publique, elle-même guidée par les principes de responsabilité et de précaution.

Tout d'abord, à cet égard-là, la lecture qu'on en fait, c'est que le projet de loi n'atteint pas ses objectifs annoncés. Alors, les déclarations ministérielles, les notes explicatives et le préambule du projet de loi laissent croire qu'il affirme le caractère collectif des ressources en eau, renforce leur protection, clarifie le statut juridique de l'eau, confirme sa participation au patrimoine collectif de la nation québécoise et qu'il en constitue gardien l'État, et, pour plus d'effet, on proclame que le projet de loi constituerait une véritable protection pour le XXIe siècle et qu'il préciserait les droits et responsabilités respectifs envers l'eau et ses usages. C'est de ça dont je devrais me servir si je devais représenter une partie lésée devant le tribunal.

Mais ces énoncés ne résistent pas à l'analyse, même sommaire. En conséquence, la Coalition Eau Secours!, qui réclame, depuis plus de 10 ans, l'adoption d'une loi fondamentale sur l'eau inspirée des orientations du rapport Beauchamp, ne peut souscrire avec enthousiasme à cet exercice. Pour la coalition, le texte ministériel ne répond pas aux attentes et laisse la fausse impression que la protection des ressources serait dorénavant protégée par des dispositions législatives fondamentales, ce qui n'est pas le cas.

La première critique qu'on en fait, c'est cette espèce de concept bicéphale de patrimoine commun-ressource collective qui s'oppose, dans les termes, à celui de notion de chose commune. Ce ne sont pas des choses différentes et ce n'est pas que de la sémantique, pour ceux qui en sont informés. Je n'ai pas d'hésitation à croire que tout le monde l'est. Chose commune, ce n'est pas un patrimoine commun; chose commune, c'est une chose d'usage commun. Le patrimoine commun impose une idée de propriété, au départ. Alors, amalgamé avec une proposition nouvelle et inusitée, celle de ressource collective, ce concept étonnant consacre dangereusement l'acceptabilité de l'idée même de propriété et pourrait tout autant conduire à la justification de la nationalisation de la ressource comme à celle de sa concession commerciale ? j'ajouterais à des intérêts privés.

Pour atteindre efficacement ses objectifs, le projet de loi devrait et devait décréter que l'eau du territoire québécois est chose commune, sans propriétaire, sous le contrôle de l'État. L'analogie avec une fiducie, dont la gestion prudente et intelligente s'oppose à l'idée d'exploitation utilitaire et commerciale, éclaire notre vision et lui donne son sens.

Plutôt que gardien de la ressource, l'État en est le fiduciaire pour tous les citoyens. En effet, le texte législatif proposé, par exemple, ne clarifie pas encore, ce qui était appelé par la commission Beauchamp, ne clarifie pas encore le statut des eaux souterraines ? c'est le principal problème actuellement, quant à nous ? dont la qualité certaine de chose commune n'apparaît toujours pas à la lecture des articles pertinents du Code civil et de sa jurisprudence. Je m'excuse d'être technique, mais il faut l'être un peu quand on arrive dans ces questions-là. Le rapport Beauchamp appelait à cet égard une clarification totalement absente du projet de loi, qui par ailleurs annonce paradoxalement des mesures d'encadrement de l'exploitation commerciale et le marchandage de la pollution. On parle ici des redevances. Il nous paraît ainsi qu'en regard des principes rassembleurs de son préambule cette loi vise d'autres fins, notamment la consécration des intérêts, incompatible avec l'idée même de «ressource collective», si encore cette dernière expression avait quelque sens compatible avec le sens de «chose commune».

Deuxième défaut ou deuxième incongruité quant à nous, c'est ce concept politique virtuel de la nation québécoise qui est joint à ce premier concept. Le projet fait grand état et éclat d'une nouveauté incongrue en droit constitutionnel: l'eau participerait du patrimoine commun de la nation québécoise. D'abord inacceptable comme principe juridique, voilà de plus qu'on désigne le titulaire de ce patrimoine: la nation québécoise. Et je la qualifie de fantôme juridique et de sujet de droit inexistant.

Un sujet de droit, c'est quelqu'un qui peut posséder des droits et les exercer. Alors, ici, qui est titulaire du patrimoine? C'est la nation québécoise, un concept. C'est un concept qui est désigné comme propriétaire. Malgré ses efforts, le gouvernement du Québec n'a pas encore convaincu la Cour suprême de l'existence même du peuple québécois, et l'arrêt sur la sécession du Québec ne soutient pas l'hypothèse d'une quelconque réalité nationale. Comment alors voir dans l'expression «patrimoine commun de la nation québécoise» autre chose qu'une formule en porte-à-faux, une sorte de voeu pieux ou d'incantation creuse?

Je dois vous dire que la loi française de 1992, qui, je veux dire, par coïncidence, réunit les mêmes désignations peut-être que le projet de loi n° 92 qui est devant vous, utilisait cette expression-là de «propriété de la nation française». Mais la nation française existe, et, au sens français du terme, «nation» signifie «État», ce qu'on n'a pas encore réalisé, il me semble, à ce jour. Alors, le projet suppose en effet définitif et chargé de sens juridique le postulat de nation québécoise, que l'on ne trouve nulle part dans les textes constitutionnels et qui résulte uniquement, à ce jour, d'une déclaration de principes du Parlement fédéral.

Si encore on avait écrit plus simplement, comme dans la loi française d'ailleurs, qui en parle également de cette façon-là, «propriété de l'ensemble des personnes physiques habitant le territoire de la province de Québec» plutôt que d'utiliser cette expression, nous pourrions comprendre, sans encore l'approuver, que l'on désigne un sujet de droit identifiable. Si d'aucuns peuvent souhaiter l'avènement d'une citoyenneté québécoise tangible, appuyée sur une appartenance nationale concrète, il n'en demeure pas moins que seul le rêveur éveillé croit en sa réalité présente.

Encore une fois, je me demande de quelle façon je pourrais utiliser, pour justifier de l'intérêt de quelqu'un, cette notion ou ce concept de propriété de la nation québécoise. Devant un tribunal, parce que c'est là qu'une loi finalement échoue et c'est là qu'elle se valide, de quelle façon je peux me servir de cette loi-là pour défendre les intérêts d'une collectivité en m'inspirant de la loi qui serait adoptée? Sous ces deux aspects que je viens de vous souligner, il me semble que c'est très défectueux et à la limite voué à l'échec.

Troisièmement, l'absence totale d'effet déclaratoire dans la loi. C'est quoi, un effet déclaratoire? C'est lorsque la loi a effet prépondérant sur toute autre disposition législative. Il nous semble qu'il ne fallait pas passer par un préambule aussi déclamatoire pour en arriver à une réforme des pouvoirs ministériels. On aurait pu s'en tenir à un projet d'amendement de la loi et des lois actuelles, soit la Loi sur la qualité de l'environnement ou des autres lois qui existent, et on aurait atteint le même effet. Parce que, pour le reste, c'est vide de sens. La déficience la plus évidente du projet de loi se trouve dans l'absence totale d'effet déclaratoire de ces principes, encore que, sur ces derniers, les plus grandes réserves s'imposent. On parle des principes directeurs.

Nous croyons fermement qu'aucune loi de protection de la ressource n'aurait d'effet ni de portée véritable autrement que dans un contexte constitutionnel. Et ici c'est à son sens large. Pour être valablement pertinente et exécutoire, encore que nous soyons sceptiques sur l'effectivité des principes directeurs du projet de loi n° 92, une loi sur l'eau devra être fondamentale, déclaratoire et interprétative, attributs qui manquent au texte ministériel.

Et je vais aller immédiatement, puisque le temps file, et on va certainement répondre à toutes les questions que, j'espère, mes remarques auront suscitées, sur les recommandations sur le plan de l'effectivité de la loi, et c'est à la dernière page de notre mémoire. Une loi, quant à nous... Ce qu'on demande, c'est de refaire le travail, essentiellement. Pour les amendements qui sont proposés actuellement, bon, on pourra en disposer, je veux dire, il pourra en être disposé comme il le faut, mais pour le reste il faut refaire le travail.

Alors, nous proposons que soit retiré ce texte, qui ne rencontre pas ses objectifs annoncés, et qu'un nouveau projet de loi soit déposé. À cet égard, une loi visant réellement la protection de la ressource devrait garantir à la personne physique la protection constitutionnelle du droit d'accès à une eau de qualité, en quantité suffisante pour ses besoins vitaux ? c'est partout où il y a de telles législations ? établir le statut de chose commune de toutes les eaux du territoire, privilégier le recours de chaque personne, prévoir l'imposition de dommages, déclarer le principe de la gouvernance publique et édicter la prépondérance de telle loi sur toute autre disposition législative ou réglementaire de l'autorité de l'Assemblée nationale du Québec. Voilà.

Mme Ouellet (Martine): Donc, peut-être juste...

La Présidente (Mme Ménard): Merci beaucoup. Alors, nous allons... Oui?

Mme Ouellet (Martine): Il nous reste encore un petit...

La Présidente (Mme Ménard): Ah! il vous reste 15 secondes.

n(17 h 10)n

Mme Ouellet (Martine): 15 secondes? Et, nous, ce qui nous inquiète aussi dans ce projet de loi là, c'est les dispositions transitoires avec un 10 ans de droits acquis qui sont donnés. Et de plus ce qu'on demanderait, c'est que, dès maintenant, et ce qu'on demande depuis longtemps, c'est d'avoir un moratoire sur tout nouveau permis de captage pour les eaux embouteillées. Il y a eu ce moratoire-là en 1998, et il a été levé depuis ce temps-là. Et, jusqu'à temps qu'on se positionne et jusqu'à temps qu'on ait un vrai projet de loi sur l'eau, on demande qu'il y ait un moratoire qui soit remis en place.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, nous allons passer aux échanges, maintenant. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, bienvenue, Mme Ouellet. Bienvenue, M. Trudeau. On va profiter de votre expertise pour, je pense, essayer de creuser un peu plus l'ensemble de vos commentaires sur la question du statut juridique de l'eau parce que pour moi, effectivement, ça m'apparaît fondamental. Vous le savez encore mieux que moi, vous oeuvrez depuis plus longtemps que moi avec intérêt sur ces questions de l'eau, vous savez comme moi que le rapport Legendre déjà invitait les gouvernements québécois à essayer de clarifier la question par rapport à ce que dit le Code civil québécois.

Ensuite, comme vous l'avez mentionné, la commission Beauchamp le faisait, la Politique nationale de l'eau invitait aussi le gouvernement québécois, dans son objet numéro un, à entreprendre ce chantier. À travers plusieurs rencontres que nous avons menées dans le cadre de cette consultation, on s'est aperçus... Je pense que c'est Mme Halley, de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement, qui parlait pratiquement d'un travail de dentelle pour bien camper des concepts où, vous le mentionnez, Me Trudeau, on doit éviter des notions d'appropriation et rendre les choses extrêmement claires.

Il y a peut-être une première chose que je voudrais vous inviter à commenter parce que, dans une... ou Mme Ouellet, dans une lettre ouverte que vous avez signée ? on est au mois de juin, c'est peu de temps après le dépôt de la loi ? vous établissez ceci. Puis là je veux bien comprendre pour savoir si, à partir de votre réponse, ça vaut la peine qu'on continue à en parler. Vous dites: «Le statut "juridique" de l'eau ne peut, dans le cadre constitutionnel canadien actuel, faire l'objet d'une loi provinciale puisque la compétence se limite aux cas de "prospection" des ressources naturelles "non renouvelables".» Vous citez l'article 92A de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Est-ce qu'on part de là? Est-ce que donc vous dites qu'une loi de l'Assemblée nationale du Québec serait inconstitutionnelle à vos yeux si elle parlait du statut juridique de l'eau? Parce que, je répète, là, c'est écrit: «Le statut "juridique" de l'eau ne peut, dans le cadre constitutionnel canadien actuel, faire l'objet d'une loi provinciale», puisque vous semblez dire qu'on n'en a pas la compétence.

La Présidente (Mme Ménard): Me Trudeau.

M. Trudeau (Pierre-Louis): J'ignore qui a rédigé le communiqué, là, mais il y a peut-être eu un malentendu ou une ambiguïté à cet égard-là. Il est évident que l'Assemblée nationale a compétence pour légiférer sur le statut de l'eau, ressource épuisable, et, dans cette mesure-là, elle peut le faire. Je me suis d'ailleurs posé cette question-là: Est-ce qu'en proposant le préambule de la façon qu'on le fait, est-ce qu'on ne récupère pas une compétence qui est revendiquée actuellement sur l'ensemble de la ressource, et pas seulement sur la ressource renouvelable? Je n'ai pas répondu pour moi-même à cette question-là. C'est quand même une question accessoire.

Pour le fond, il me semble que l'Assemblée nationale a le pouvoir de décréter que l'eau est chose commune à toutes les personnes physiques habitant le territoire de la province de Québec, puisque c'est le régime constitutionnel actuel, et ça ne fait aucun doute, quant à moi.

Mme Beauchamp: Compte tenu qu'on a seulement un bloc de 17 minutes, et c'est que c'est assez costaud comme sujet, je vais peut-être demander à Mme Ouellet... Vous savez, Mme Ouellet, là, je cite la lettre ouverte que vous avez signée en réaction à un éditorial dans le journal Le Devoir. C'est daté du 18 juin. C'est écrit: Une fumisterie! C'est sous votre signature. Est-ce que, vous, là, en date d'aujourd'hui, vous dites que, malgré ce qui est écrit là, vous dites: Oui, l'Assemblée nationale a le pouvoir de statuer sur le statut juridique de l'eau, ou si vous voulez nous expliquer quelque chose qui en ce moment m'échappe, là, par le fait que vous avez signé cette lettre qui dit: «Le statut "juridique" de l'eau ne peut, dans le cadre constitutionnel canadien actuel, faire l'objet d'une loi provinciale», puisqu'on n'en aurait pas la compétence?

La Présidente (Mme Ménard): Mme Ouellet.

Mme Ouellet (Martine): Ce qu'il faut faire attention, nous, ce qu'on dit, c'est qu'au niveau du statut juridique de l'eau ça doit se régler dans le Code civil, et ça, c'est sûr que le Québec a le pouvoir de le faire. Actuellement, dans le Code civil, l'eau de surface a un statut de chose commune, et, au niveau de l'eau souterraine, c'est ouvert à interprétation. Donc, ce qu'on dit: N'attendons pas d'avoir de la jurisprudence et clarifions donc dans le Code civil que le statut de l'eau souterraine a le même statut que l'eau de surface, donc chose commune.

Quand on parle au niveau des pouvoirs du fédéral là ça vient en ligne avec toute la question de l'exportation d'eau en vrac. Donc, au niveau de l'exportation d'eau en vrac quel sera le statut? Vous savez que le commerce de l'eau, c'est international, et donc cette partie-là relève du fédéral. Et d'ailleurs un des éléments, dans le projet de loi, qui nous inquiètent beaucoup, c'est l'ouverture à l'exportation d'eau en vrac pour des besoins jugés d'intérêt public autres que des besoins humanitaires et des besoins d'urgence. Donc ça, ça nous inquiète beaucoup, dans ce projet de loi là, de voir qu'il y a une porte ouverte à de l'exportation d'eau en vrac alors qu'actuellement on a une loi moratoire interdisant l'exportation d'eau en vrac. Et, même si on a une loi moratoire, au Québec, interdisant l'exportation d'eau en vrac, ce n'est pas suffisant parce que c'est de nature fédérale, le commerce international. Quand on parle d'exportation, c'est en dehors du Canada. Principalement, on va penser aux États-Unis. Donc, ce n'est pas suffisant que ce soit au Québec, il faut que ce soit aussi au niveau du fédéral.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: O.K. Donc, je comprends, Mme Ouellet, que nous pouvons continuer à parler d'une loi québécoise qui clarifie le statut juridique de l'eau malgré ce que vous avez écrit, qui disait qu'on n'avait pas la compétence pour le faire.

Mme Ouellet (Martine): Certainement, et c'est ce qu'on réclame. C'est ce qu'on réclame depuis longtemps.

Mme Beauchamp: Donc, je suis contente, on va pouvoir poursuivre nos discussions.

Votre dernier commentaire, j'ai toujours eu de la difficulté à le comprendre, puisque, sur les questions d'exportation, nous reprenons littéralement une loi qui, je pense... Je pense que vous l'avez saluée en 2002, quand elle a été adoptée. C'est la Loi sur la préservation des ressources en eau...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: 1999, pardonnez-moi. Et carrément, là, c'est juste à des fins de concordance juridique, les articles sont littéralement intégrés au projet de loi actuel, alors que vous présentez ça souvent comme s'il y avait eu un changement, une nouvelle ouverture, alors que c'est littéralement les articles prévus qui étaient déjà adoptés à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Je voudrais vous entendre, et peut-être que, là, je m'adresse plus à Me Trudeau. Vous avez des commentaires, qu'il faut écouter, vous êtes juriste, sur ce que... Je pense qu'on pourrait dire que votre mémoire, règle générale, et vos commentaires publics jusqu'à maintenant ont beaucoup critiqué le fait qu'à votre avis, selon votre expertise, les concepts dans la loi sont des concepts juridiques imprécis, et nommément vous critiquez l'utilisation de la notion de «patrimoine commun». Je me demandais si vous aviez eu le temps de prendre en compte d'autres mémoires que nous avons reçus ici.

Bien, je prends l'exemple... Ce matin, nous avons reçu le Barreau du Québec, qui par ailleurs disait quand même qu'il avait un degré de confort assez certain avec la notion de «patrimoine commun». Je pourrais vous citer la chaire de recherche du Canada en droit environnemental, je pourrais vous citer l'association pour un contrat mondial de l'eau, Québec solidaire, Nature Québec, qui a salué qu'enfin on utilisait le terme «patrimoine commun». Donc, honnêtement, jusqu'à maintenant, puis nos juristes à nous, de l'État québécois, se sont penchés sur cette question, mais jusqu'à maintenant, devant cette commission, les gens ont plutôt salué ou même précisé... parfois on me demandait des précisions, mais ont plutôt salué l'utilisation de cette notion de «patrimoine commun».

Donc, je me demandais: Par exemple, si on regarde les propos de Mme Halley, de la chaire de recherche du Canada en droit environnemental, qui venait dire que peut-être que l'utilisation de la notion de «patrimoine commun» venait justement clarifier la notion que l'eau est inappropriable par rapport même à la formulation que vous proposez, où l'eau pourrait être la propriété de chacun des citoyens du Québec, est-ce qu'il n'y a pas là une notion de propriété qu'on veut éviter? Et donc, à la lumière de tous les commentaires que nous avons eus du Barreau, du contrat mondial de l'eau, de Nature Québec, et tout ça, je me dis: Pourquoi, pourquoi cette crainte autour de l'utilisation de la notion de «patrimoine commun»?

La Présidente (Mme Ménard): Me Trudeau.

M. Trudeau (Pierre-Louis): Je n'ai pas eu le privilège ni l'avantage ? j'avais d'autres occupations ? d'entendre les représentants du Barreau ce matin. Il y a une certaine confusion sur les termes et sur l'expression. Vous venez de citer le contrat mondial de l'eau qui dérive de la déclaration du Groupe de Lisbonne de 1998, où l'eau est décrétée patrimoine commun de l'humanité. Ça s'oppose au départ à l'idée de patrimoine national. Et, lorsqu'on parle patrimoine, on parle définitivement, puisqu'on parle de question patrimoniale, on parle de biens, donc sujets de propriété. Pour nous, c'est la lecture que j'en fais et l'analyse que j'en fais.

n(17 h 20)n

Quand on utilise cette notion de «patrimoine», on l'oppose définitivement à l'idée de «chose d'usage commun», ce qui signifierait juridiquement que, l'État, par exemple, ce n'est pas toujours le Parti libéral ou d'autres qui sont à la tête du gouvernement à Québec ou ailleurs; d'autres gouvernements avec d'autres orientations politiques pourraient se servir de la même expression, par exemple, soit pour la nationaliser, l'eau, au bénéfice de la nation soit pour la concéder.

À partir du moment où ces choses-là sont possibles, à partir du moment où on peut les envisager ? et c'est facile de les envisager ? on ne peut pas accepter l'idée de «patrimoine» parce que définitivement un patrimoine... D'abord, un patrimoine sans maître, c'est une incongruité juridique totale et, deuxièmement, bien désignons un maître. Si on désigne un gardien, comme le projet de loi le fait, d'ailleurs, on désigne l'État québécois comme gardien de ce patrimoine, on utilise définitivement et sans ambiguïté, de cette façon-là, la notion de «propriété», à laquelle s'opposent toutes les conceptions communautaires de l'eau, et je ne peux pas l'accepter.

Je n'ai pas lu, je n'ai pas pris connaissance du mémoire du Barreau. Par contre, j'ai entendu les représentants de l'association du contrat mondial de l'eau qui ont fait des représentations ici. J'ai lu également d'autres juristes et je ne veux pas les citer, ce serait trop long, hein? Je peux vous dire que je ne suis pas seul à avoir cette philosophie et cette conception à l'égard de la propriété de l'eau.

Vous savez, là, l'eau, au départ on en a traité dans le Code civil avec une très vieille notion, qu'on n'exprime pas de cette façon-là mais que... Enfin, c'est l'article 913, je crois, là, qui le laisse supposer, que l'eau est à l'usage commun. On n'utilise pas l'expression, hein, «chose commune», on utilise l'expression «à l'usage commun». Et «l'usage commun» signifie... Bien là, de là on a passé à l'expression «res communis», «chose commune». Mais «res communis» ou «res nullius», «la chose commune» ou «la chose de personne», c'est la même chose. Alors, on doit nécessairement arriver à l'analyse fonctionnelle. Excusez-moi d'utiliser cette expression un petit peu trop jurisprudentielle. Et ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on doit absolument se demander dans quel contexte on va appliquer la formule ou le concept, puis on ne peut pas l'utiliser dans un autre contexte que dans un contexte où il serait question de propriété d'une ressource ou de son pouvoir sur sa gestion.

La Présidente (Mme Ménard): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. On a tellement peu de temps! Il nous reste cinq minutes. Il y a quelque chose que je veux bien comprendre parce que donc je vous disais qu'on a l'éclairage également d'autres juristes, que ce soit le Barreau du Québec ou, par exemple, de cette chaire de recherche du Canada en droit environnemental, qui sont plutôt venus exprimer un certain degré de confort ? je vais l'exprimer ainsi parce qu'ils avaient quand même des demandes de précision ? mais un certain degré de confort avec la notion de «patrimoine commun». Vous, vous venez insister en disant que, derrière cette notion de «patrimoine commun», vous y voyez, je dirais, une menace que ça déguise, qu'on pourrait plaider, comme vous disiez, devant un test ultime, devant un tribunal, que ça déguise une notion de «propriété», alors que ce que vous visez, ce qu'on vise, c'est une notion, je dirais, que l'eau est inappropriable, si j'ai bien compris votre intention.

Ce que je veux bien comprendre, c'est que votre proposition, c'est de reprendre un énoncé, une expression. Vous nous la proposez. Vous dites que vous nous suggérez plutôt l'expression «propriété de l'ensemble des personnes physiques habitant le territoire du Québec». Et là je suis un peu étonnée, et vous allez pouvoir me l'expliquer en terminant. Puis j'aurais eu bien d'autres questions pour vous. Mais en quoi est-ce que, la notion de «patrimoine commun», vous la craignez en disant: Ça laisse peut-être, dans l'esprit de certains, sous-entendre une notion de «propriété», alors que pour moi l'expression est «patrimoine commun»? Et pourquoi vous nous proposez plutôt carrément une expression où il y a carrément l'usage du mot «propriété»?

M. Trudeau (Pierre-Louis): Ce n'est pas ce que je propose. C'est ce que je vous dis, que le projet de loi, pour être conséquent et logique avec lui-même, aurait dû utiliser cette expression-là parce que c'est exactement ça qui est visé. Ce que je dis ici, c'est que, si encore on avait écrit plus simplement «propriété», etc., plutôt que d'utiliser l'autre notion de «propriété de la nation», nous pourrions comprendre sans encore l'approuver, et je ne suis pas d'accord avec ça. Ce que je vous dis, c'est que, le projet de loi, ce qu'il signifie actuellement, c'est ça. Ce n'est pas rédigé de cette façon-là, mais c'est comme si. Je n'approuve pas cette formule-là. Je pense que vous n'avez pas eu le temps, parce qu'on vient de vous le soumettre, là, de lire le texte au complet. Alors ce que je dis dans ce paragraphe de la page 7 de notre mémoire, c'est exactement l'explication que je vous donne.

Je ne suis pas d'accord avec cette expression-là, mais c'est synonyme et ça correspond exactement à ce que le projet de loi dit quand il parle de patrimoine commun de la nation québécoise. Sauf qu'ici, là, c'est «patrimoine de la nation québécoise». Encore une fois, je ne veux pas me répéter, mais la nation québécoise est un sujet de droit totalement inexistant, et je ne pense pas que ce soit effectif sur le plan juridique.

Mme Beauchamp: J'avoue qu'on a essayé de prendre connaissance de votre mémoire en même temps que vous le présentiez et de vous écouter. Donc, il y avait là une proposition de formulation à ne pas retenir.

M. Trudeau (Pierre-Louis): À ne pas retenir.

Mme Beauchamp: C'est ça qu'il faut que je retienne. Bon. O.K.

Mme Ouellet (Martine): Et ce que propose Eau Secours!, juste pour que ce soit très clair, c'est dans les recommandations. Si vous regardez à la fin, sur le plan juridique, c'est: «Établir le statut de chose commune de toutes les eaux du territoire et du domaine québécois au bénéfice des personnes physiques résidant au Québec.» Voici comment, nous, on le propose.

Mme Beauchamp: Je voudrais... Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Ménard): Oui, il vous reste 1 min 30 s.

Mme Beauchamp: Très rapidement, vous nous demandez, j'imagine, d'être plus clairs sur la notion de la «priorisation des usages». Quand je lis votre mémoire ? encore là, je vais le faire très rapidement ? vous, vous dites: «...fixer une priorisation des usages.» Et vous dites: «Il est essentiel que ressorte en premier l'usage pour la santé, pour la vie, donc [pour] l'usage résidentiel.» À mes yeux à moi, puis c'est pour ça que je veux vous entendre, je croyais que le projet de loi... Puis jusqu'à maintenant j'avais compris que les gens avaient compris qu'il y avait cette notion de prioriser les besoins pour eau potable, incendie, sécurité, etc., et qu'il y avait une notion ensuite de concilier d'autres usages. Donc, pourquoi vous ressentez le besoin de nous redemander de préciser ça, alors que je pense qu'on dit: Protection des écosystèmes, priorisation des usages liés notamment à l'eau potable et ensuite conciliation d'autres usages? Donc, pour vous il y a encore des imprécisions quant à cette priorisation des usages pour toujours être en mesure de prendre les bonnes décisions dans l'utilisation de l'eau?

La Présidente (Mme Ménard): Rapidement, Mme Ouellet.

Mme Ouellet (Martine): Oui. C'est sûr qu'il reste des imprécisions. On mettait, là, la priorité... et ça, je pense que c'est clair pour tout le monde au Québec, la priorité est pour les usages de la santé et de la vie. Mais, dans les autres usages, ce n'est pas spécifié, et, nous, là, dans le cadre d'un mémoire, je pense que ça devrait être l'objet d'un débat. C'est pour ça aussi qu'on demande de retirer cette loi-là et qu'il y ait une autre loi, qui soit mieux étoffée, qui soit déposée sur l'eau. Donc, on devra voir, après les autres usages, comment on les priorise, les autres usages, suite à ça. Donc, il doit y avoir un débat. On parle des usages et là on n'a pas voulu se positionner parce qu'effectivement c'est très délicat, mais je pense qu'on devra le faire au Québec. On parle de l'agriculture, on parle de l'industrie, et, dans l'industrie, est-ce qu'il y aura des priorisations? Donc, ce n'est vraiment pas facile à établir et ça devra se faire.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, nous allons passer au député de Marguerite-D'Youville, à l'opposition officielle.

M. Diamond: Merci, Mme la Présidente. Je tiens à vous saluer à nouveau, vous remercier pour votre mémoire. Je vais vous avouer qu'il m'apparaît très clair dans l'ensemble, surtout avec les explications qu'on a eues. Il y a simplement un concept sur lequel j'aimerais élaborer notre conversation, c'est évidemment tout le dossier de la participation citoyenne, puis il m'apparaît que, si... d'autant plus qu'on est dans un, et là je ne veux pas recommencer le débat que vous aviez, mais on est dans un projet de loi où on parle de patrimoine commun, ou de chose commune, ou d'usage commun. Il va de soi que tout ce qui utilise le terme «commun» se doit d'être un projet rassembleur qui repose sur la vigilance de la collectivité, sur la participation citoyenne, et puis actuellement la manière dont je comprends ça, c'est que le projet de loi va permettre au Procureur général de poursuivre pour réparation de l'eau, pour, bon, évidemment, toute la question des permis d'utilisation.

Est-ce qu'un citoyen qui ferait une plainte au Procureur général, ce serait suffisant comme participation citoyenne? J'imagine que vous pensez à d'autre chose. C'est ce je veux savoir.

La Présidente (Mme Ménard): Me Trudeau.

n(17 h 30)n

M. Trudeau (Pierre-Louis): Sur le plan pratique, c'est la lacune principale du projet de loi. Comme dans l'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement, d'ailleurs, le Procureur général a et fait le plein de tous les recours possibles au pénal, et maintenant il y a des réparations possibles qui peuvent être exigées par le Procureur général, à l'initiative probablement d'enquêteurs ou de plaintes privées ou administratives, on l'ignore. Ce qui est évident du projet de loi...

Puis j'ai commencé mes remarques en vous disant: À quoi pourrait me servir ce projet de loi si j'ai un citoyen, là, qu'on entend vider de son eau? Il y a un citoyen qui, à cause du captage souterrain tout près de chez lui, perd l'eau de sa ferme dans l'aquifère. Il peut faire quoi avec ce projet de loi ou avec la loi, là, qui suivrait le projet, dans les circonstances? À part les principes généraux de la responsabilité sous le Code civil, le projet de loi ne lui donne rien de plus, là. Le projet de loi ne lui donne rien de plus. C'est le propre d'une loi de protection, d'une loi qui décrète l'eau à l'usage commun des personnes du territoire de donner des recours efficaces. Je vous défie d'en trouver dans la loi qui est proposée.

Il nous reste les principes directeurs de la responsabilité civile, du droit des obligations, des règles de bon voisinage, et on s'en sert déjà, là. Il n'y a pas de nouveauté ici, là. C'est ce qui m'apparaît reprochable.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: L'eau ne pouvant s'approprier, comment est-ce qu'on peut faire reposer un concept juridique permettant au citoyen de s'enquérir de pouvoirs judiciaires pour obtenir, je le mets entre guillemets, justice, là?

M. Trudeau (Pierre-Louis): Oui. Soit collectivement soit individuellement. C'est le recours communautaire ou le recours d'une collectivité ou d'un groupe, là, qui, pour des raisons d'atteinte à un droit garanti par cette loi, que je dirais fondamental... Écoutez, le droit fondamental, il peut être inscrit, là, dans un document qui a un effet fondateur, par exemple la Charte des droits. La constitution du Québec n'est pas écrite encore, mais on a le pouvoir de le... Je veux dire, l'Assemblée nationale a le pouvoir de le faire, pourrait le faire. Ce n'est pas visible sur aucun radar encore, mais ça pourrait être fait. Mais en tout cas un document constitutionnel qui permettrait un recours par ceux... Et je l'exprime de cette façon-là dans des recommandations, soit par l'individu... Vous savez, c'est la mesure de l'intérêt juridique, que ce soit par un individu qui est directement affecté par une atteinte à un droit qui est garanti par cette loi-là, qui peut le faire lui-même pour lui-même et pour la collectivité...

Dans un exemple concret, par exemple, ça pourrait être un usage abusif de l'aquifère. Ça peut être une gestion totalement dérogatoire de la ressource. Je veux dire, on peut multiplier les cas, mais actuellement le citoyen n'a pas, là, n'a pas ces recours-là à sa disposition. Le Procureur général, oui, mais, le Procureur général, il faut qu'on le saisisse, et puis après ça il faut qu'il saisisse un tribunal.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député.

M. Diamond: Et puis ce qui me vient en tête, c'est évidemment l'accessibilité aux tribunaux, tu sais, qui n'est pas une chose facile. On peut donner le pouvoir juridique à une certaine participation citoyenne si ça devient hors de prix pour les citoyens ou pour une communauté. Et puis ce n'est pas toutes les communautés qui vont vouloir s'enquérir d'un dossier si un seul individu est victime du préjudice.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'un système de plaintes, peut-être pas au Procureur général, mais un système de plaintes ou une spécialisation d'un tribunal quelconque pourrait pallier à ce besoin-là?

M. Trudeau (Pierre-Louis): C'est une avenue, une régie administrative ou un tribunal administratif qui pourrait entendre ça. Je n'ai pas exploré cette possibilité-là, mais, sur le plan judiciaire ou sur un plan de justice administrative, vous savez, tout est possible, hein? Maintenant, là, on en a tellement multiplié, de ces régies et de ces tribunaux administratifs, qui d'ailleurs ont développé une expertise assez pointue dans toutes les matières. Il pourrait y en avoir une, une instance administrative sur l'eau. Je n'ai pas fait cette suggestion-là, mais, je veux dire, j'en discuterais favorablement, probablement.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: En ce qui me concerne, c'est tout, Mme la Présidente. Merci beaucoup. Peut-être mon collègue...

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: Il y a une question qui a été soulevée ce matin. On dit: «Le Barreau s'oppose à ce que le législateur change les règles d'application générale dans le cas des ressources [d'eau]. Le Barreau considère que les règles devraient être les mêmes pour tous, dans toutes les circonstances.» Est-ce que la loi n° 92 contrevient à cette...

M. Trudeau (Pierre-Louis): Je ne comprends pas la proposition, là. Je ne comprends pas.

M. Deschamps:«Le Barreau considère donc que le législateur ne devrait pas introduire un régime de responsabilité sans faute dans le cas des ressources en eau.» Est-ce que ça change la loi n° 92, le cas des responsabilités, là?

M. Trudeau (Pierre-Louis): Il n'y en a pas, de principe de responsabilité dans la loi n° 92. Il y a trois principes qui sont énoncés, là: l'utilisateur-payeur ? ça, ce sont les articles 4, 5 et 6, l'utilisateur-payeur ? prévention et réparation. Il n'y a rien de neuf là-dedans, là. L'utilisateur-payeur, si je comprends bien, dans le cadre de la loi qui est proposée, c'est ce qui permet au Procureur général d'exiger réparation dans le cas soit d'utilisation préjudiciable ou d'utilisation de quelque manière dommageable. C'est ce que je comprends. Ce n'est pas un régime sans faute, là, c'est un régime qui suppose un acte. Je ne pense pas que, l'utilisateur-payeur, de la façon qu'il est exprimé, de cette façon-là, ce soit un régime de responsabilité sans faute. D'ailleurs, il n'y a pas de faute ici, hein? C'est le régime des obligations. Vous devez payer la facture de ce que vous achetez, il me semble, sous cet aspect-là.

La Présidente (Mme Ménard): M. le député de Saint-Maurice.

M. Deschamps: Ça va.

La Présidente (Mme Ménard): Ça va? C'est tout? Alors, nous allons aller au deuxième groupe d'opposition, le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui. Merci, Mme la Présidente. À vrai dire, je n'ai pas la tête tout à fait à ça, je m'en excuse. J'ai peut-être une petite déclaration à faire, là, puis...

Cet après-midi, j'ai émis un communiqué et j'ai accusé la ministre d'avoir publié une liste erronée des plans d'eau qui sont affectés par la fleur d'eau. On l'a fait dans le brouhaha de ce que vous connaissez, et, à la relecture, cette affirmation s'avère totalement fausse. Alors, puisque le communiqué a été émis publiquement, je veux m'excuser publiquement auprès de la ministre et auprès de ses collaborateurs d'avoir mis en cause la véracité de la liste qui a été publiée. Alors, voilà tout, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Ménard): Merci. Alors, ça met fin à la session. Alors, Mme Ouellet, Me Trudeau, merci pour votre présentation. Alors, j'ajourne donc les travaux jusqu'à demain, jeudi le 24 septembre, à 14 heures, où la commission poursuivra ce mandat. Merci.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Ménard): Mercredi. Ah! Pardon. J'ai jeudi. Alors, c'est mercredi. Le 24.

(Fin de la séance à 17 h 37)


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