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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Tuesday, September 9, 2008 - Vol. 40 N° 44

Consultations particulières sur le projet de loi n° 92 - Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté qu'il y a quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Domingue (Bellechasse) est remplacé par M. Camirand (Prévost); Mme Leblanc (Deux-Montagnes) est remplacée par M. Roy (Montmagny-L'Islet); et M. Deslières (Beauharnois) est remplacé par M. Trottier (Roberval).

Le Président (M. Bergman): Merci. Alors, l'ordre du jour, aujourd'hui, on commence avec les remarques préliminaires. Après, on va entendre Amis de la vallée du Saint-Laurent; après, Association des aquaculteurs du Québec, ce matin; et, cet après-midi, Fédération des producteurs maraîchers du Québec; Association des embouteilleurs d'eau du Québec; et Conseil de l'industrie forestière du Québec. Et on finit par l'Association québécoise pour un contrat mondial de l'eau.

Remarques préliminaires

Alors, nous allons commencer avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous avez 10 minutes pour vos remarques d'ouverture.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous. Je tiens à saluer les membres de cette commission, des différentes formations politiques, vous souhaiter la bienvenue. Et je prendrai quelques instants à la fin pour vous présenter les personnes qui vont nous accompagner tout au long de l'étude, en fait de cette consultation préliminaire à l'étude du projet de loi, et également vous souligner l'immense travail qui a été fait par ces personnes pour qu'on ait ce projet de loi n° 92 devant nous.

n (9 h 40) n

C'est donc avec beaucoup de fierté que j'ai déposé, le 5 juin dernier, à l'Assemblée nationale un important projet de loi ? à mes yeux ? qui vise à affirmer avec force la propriété collective des ressources en eau et à doter le Québec des outils législatifs permettant de protéger de façon durable cet héritage. En effet, il ne suffit pas d'affirmer que l'eau est le patrimoine de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, encore faut-il mettre en place les instruments nécessaires pour que l'État, fiduciaire de cette ressource au nom de tous les citoyens du Québec, puisse en assurer une gestion durable et pérenne qui permettra de léguer cet héritage aux générations futures.

Le dépôt de ce projet de loi s'inscrit dans une série de gestes, d'actions que mon gouvernement a posés pour mettre en valeur cette ressource inestimable et pour concrétiser plusieurs engagements de la Politique nationale de l'eau réalisée par M. André Boisclair, à l'époque, du Parti québécois.

Je vous rappelle que, depuis avril 2003, le gouvernement du Québec a investi plus de 1,4 milliard de dollars dans la mise en oeuvre des engagements de la Politique nationale de l'eau. À cela s'ajoutent des investissements additionnels de plus de 3 milliards de dollars pour les infrastructures d'eau et près de 30 millions de dollars supplémentaires, dans le dernier budget 2008-2009, pour la gestion par bassin versant et pour l'acquisition de connaissances sur l'eau par la mise en place du Bureau des connaissances sur l'eau.

Le premier ministre a par ailleurs signé, le 13 décembre 2005, l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent avec son vis-à-vis de l'Ontario et avec les gouverneurs des États américains limitrophes des Grands Lacs, soit l'Illinois, l'Indiana, le Michigan, le Minnesota, New York, l'Ohio, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Le projet de loi n° 92 permettra de mettre en oeuvre cette entente qui, rappelons-le, a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en novembre 2006.

Ce projet de loi, par la clarification juridique du statut de l'eau, est une étape nécessaire à l'application d'une redevance sur l'eau qui deviendra non contestable devant les tribunaux. Parmi les autres étapes nécessaires pour instaurer les redevances sur l'eau, mentionnons que, dès cet automne, nous procéderons à la publication préalable d'un projet de règlement sur la déclaration obligatoire des prélèvements d'eau. En effet, à l'heure actuelle, l'information disponible sur l'utilisation de l'eau au Québec est partielle et incomplète. Il est donc essentiel de faire l'inventaire de tous les premiers préleveurs d'eau afin de parfaire les connaissances sur les quantités d'eau réellement prélevées sur l'ensemble du territoire. Sur la base de ces données, le gouvernement pourra établir une tarification et identifier les utilisateurs qui seront au départ visés pour verser une redevance à l'État. Tel que je le disais lors du dépôt du projet de loi, cette tarification sera instaurée au cours de l'année 2009, consécutivement à l'établissement de l'inventaire et après un bon, un sain débat public, qui est incontournable. Pour moi, la redevance sur l'eau est un outil nécessaire, essentiel mais pas une fin en soi. Il faut se rappeler que notre objectif commun doit demeurer, doit être la préservation de la ressource et sa gestion efficace.

Aujourd'hui, nous sommes conviés à un rendez-vous, un rendez-vous important, qui est placé sous le signe donc de la préservation des ressources en eau du Québec. La tenue de cette commission parlementaire nous permettra d'entendre près d'une trentaine de groupes et d'associations préoccupés par la préservation de cette ressource vitale, et c'est dans un réel esprit d'ouverture que j'accueillerai les commentaires et les propositions.

Avant de céder la parole aux représentants des deux autres formations politiques, je veux prendre quelques minutes pour rappeler les grandes orientations de ce projet de loi. Premièrement, le statut juridique de l'eau comme ressource collective des Québécois est clairement énoncé afin notamment de reconnaître expressément qu'à l'état naturel l'eau de surface ou souterraine appartient à la collectivité et ne peut donc être un bien de propriété privée ou publique, afin également de préciser les droits et les devoirs de la collectivité ainsi que les responsabilités du gouvernement à titre de gardien de ce patrimoine national, de reconnaître le droit de chacun d'accéder à une eau de qualité en quantité suffisante pour satisfaire ses besoins essentiels et de fournir à l'État un régime juridique pour lui permettre d'assurer, pour le XXIe siècle, une protection efficace et une saine gouvernance de cette ressource. Grâce aux nouveaux pouvoirs qui lui sont conférés par le projet de loi, l'État pourra jouer pleinement son rôle de gardien et de gestionnaire des ressources en eau en exerçant un meilleur contrôle des prélèvements d'eau.

Le projet de loi imposera au gouvernement d'importantes obligations pour encadrer l'exercice de son pouvoir: d'abord, l'obligation d'assurer la protection des ressources en eau en tenant compte notamment du principe de précaution et des effets des changements climatiques; ensuite, l'obligation de satisfaire en priorité les besoins de la population au niveau de la santé et de la sécurité et de l'approvisionnement en eau potable; et, par la suite, de concilier les besoins des écosystèmes et ceux des activités humaines.

Les autorisations seront aussi limitées à 10 ans, sauf dans le cas de rares exceptions, comme pour les ouvrages d'alimentation en eau potable d'une municipalité, et le gouvernement pourra revoir périodiquement les conditions rattachées aux autorisations délivrées et aussi bien sûr intervenir en cas d'urgence. De plus, lorsque des dommages significatifs sont causés aux ressources en eau par l'activité humaine, le Procureur général du Québec aura la capacité d'intenter, au nom de la collectivité québécoise, un recours judiciaire de nature civile contre le responsable de ces dommages afin d'obtenir réparation.

Le projet de loi prévoit aussi l'obligation de réaliser une gestion de l'eau concertée et intégrée sur la base de l'unité qu'est le bassin versant. Le projet de loi mettra aussi en oeuvre les dispositions de l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, dont je vous ai parlé précédemment. La principale mesure de cette entente, qui est déterminante, vise à interdire des dérivations à l'extérieur du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Les prélèvements en amont seront en effet gérés en tenant compte de leur impact sur l'écosystème du Saint-Laurent.

Le projet de loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à améliorer leur protection sera sans contredit une pièce maîtresse dans la législation environnementale du Québec pour les décennies à venir. Il contribuera à assurer aux générations actuelles et futures un accès à une eau de qualité et en quantité suffisante pour permettre le développement durable de la société québécoise. Je nous invite donc à travailler de concert maintenant, parce que l'eau indéniablement fait partie de l'histoire du Québec, mais l'eau, c'est bien sûr aussi notre présent et notre avenir.

Je vous invitais à ce qu'on travaille de concert. Vous me permettrez donc de vous présenter quelques membres de notre orchestre pour ce travail de concert. Je voudrais vous présenter, derrière, M. Bob van Oyen, sous-ministre adjoint aux politiques, Me Mario Denis, de la Direction des affaires juridiques du ministère, Yvon Maranda, directeur adjoint de la politique de l'eau, et également, oui, nous avons aujourd'hui Mme Madeleine Paulin, qui est la sous-ministre en titre au ministère de l'Environnement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le représentant de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires, pour un maximum de 10 minutes. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Claude Roy

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. D'ailleurs, je tiens à vous saluer et vous dire qu'en cette belle journée je suis ravi de commencer les commissions parlementaires avec ce dossier-là. Parler de l'eau, pour moi c'est naturel. Non pas que j'aie l'air d'un poisson, mais j'ai vécu avec les poissons, donc je suis d'emblée intéressé au dossier de l'eau. Je tiens à vous saluer bien bas ce matin, chers consoeurs et confrères, et j'espère que ces consultations vont nous permettre d'avoir un avis très éclairé sur le dossier qui nous incombe et le projet de loi qui va nous être soumis.

Il y a plusieurs années, les gens jetaient à peu près tout dans les rivières en pensant que ça allait disparaître. Aujourd'hui, on doit même se questionner en jetant des choses dans les rivières, à se dire qu'effectivement elles peuvent disparaître. Les eaux sont plus acides qu'elles l'étaient, donc on est en mesure de dire qu'auparavant c'était propre. Aujourd'hui, notre eau est de moins bonne qualité, et on se doit de reprendre les choses en main.

Même si on a eu de grandes précipitations cet été, on nous demandait si l'eau, c'était renouvelable. Et je dois vous dire qu'à la lumière de ce que je fais comme travail, comme loisir plutôt ? je travaillais, mais maintenant comme loisir ? je suis en mesure de vous dire que, même si on a beaucoup d'inondations, même s'il y a de l'eau partout, ça ne fait pas remonter les barrages, ça ne donne pas plus d'eau dans les rivières, les bassins souffrent énormément. Et il faut faire attention à l'eau, parce que ce qui s'évapore nous retombe inévitablement, et pas de la bonne façon, et bien des fois avec un amoncellement de pluies acides qui n'aident en rien la nature.

Quand on pense que j'ai un ami africain qui est venu cet été et qui... le député de Marguerite-D'Youville nous l'avait mentionné, 10 à 12 litres par jour, pour un Africain... Quand je passais dans les villes, dans différentes municipalités pour lui faire faire le tour de la ville puis qu'il voyait des gens arroser leur asphalte, il me demandait: Qu'est-ce qu'ils font là?, bien je disais simplement: Ils veulent mettre leur asphalte plus belle que celle du voisin. Quand tu regardes la baraque, c'est un peu normal, on est tous fiers et on arrose notre gazon abondamment avec de l'eau publique, ce qui devrait être carrément interdit. Donc, pour lui c'était un gaspillage. Il voyait déjà des gens dans sa famille et dans son village souffrir simplement à l'effet qu'on gaspillait l'eau comme ça.

n (9 h 50) n

L'attrait de l'eau, les chalets qu'on a construits... Parce qu'on a toujours eu un attrait pour l'eau. C'est beau, l'eau, on veut se construire proche de l'eau. Et, en se construisant proche de l'eau, on a éliminé en même temps tout ce qu'il y avait comme arbres de protection pour les sols. Tous les beaux grands lacs avec les grandes municipalités, sans les citer, vous les connaissez tous, au Québec, bien, aujourd'hui, ils font face à un grave problème. Et, les maires qui m'en parlent, je dis: Bien, vous avez voulu avoir les taxes sans avoir de protection, vous avez voulu que votre ville soit plus belle au niveau touristique, donc vous avez accepté tout ça. Aujourd'hui, vous devez en payer le prix. Mais il fallait avoir une conscience bien au-delà de ça, ce qu'on n'avait pas.

Et j'ai toujours de la difficulté à dire: On n'avait pas l'expérience. On est rendu assez grand, en tant que gouvernement, il y a eu tellement de politiques qui sont passées avant nous que je ne comprends pas que des villes... ou le gouvernement ait donné possibilité aux villes sans leur donner les restrictions. On ne devait pas être aussi incompétent que ça il y a quelques années passées. Puis, quand je dis quelques années, on ne va pas loin, là, les gouvernements antérieurs. Donc, on ne peut pas... il faut qu'on ait une responsabilité personnelle face à ces problèmes-là.

Quand on parle aux bateaux touristiques à Montréal, où on a mis des pilules rouges dedans pour voir que tout se déversait dans le fleuve, alors qu'on prélève l'eau du fleuve pour la traiter à grand coût et la redonner à la population... Puis, dans certaines municipalités, ils ont des petits lacs de surface pour avoir de l'eau pour la ville, puis on leur interdit d'avoir des lacs de surface. Puis on oblige presque même des usines de filtration. C'est ce qui se passe dans le comté chez nous. Bien, à 199 personnes qui vivent dans un village comme Lac-Frontière, où les infrastructures municipales sont finies, puis ça coûte 2,5 millions, je ne vois pas comment ils sont capables de payer ce montant-là.

Donc, on est rendus, aujourd'hui, avec un problème majeur d'eau, et on se penche sur cette question-là, et je pense que c'est bien de le faire, mais il va falloir aller vraiment plus loin.

L'Alberta produit du pétrole avec de l'eau. Donc, ça prend de l'eau pour nettoyer le sable, puis le lac qu'on fait derrière est rendu tellement important qu'il ne sera jamais capable d'être dépollué. Et, encore une fois, même si on pense à nous autres ici, au Québec, il faut penser au Canada dans son ensemble, puis l'eau qu'on gaspille ou que tout le monde gaspille, c'est l'eau qui pourrait nous revenir à nous aussi.

Statut juridique de l'eau, ça va-tu donner des dents, ça va-tu donner une force additionnelle? Nous, on l'espère, parce qu'il va falloir que les pollueurs paient un jour, puis là on ne peut plus attendre, on ne peut plus dire: dans 10 ans. Maintenant, il faut que ce soit concret, il faut qu'on passe de la parole aux actes. Il va y avoir une vraie politique où les pollueurs vont devoir payer, et malheureusement peut-être que ça va faire mal, mais il faut comprendre que, si on reconnaît l'eau puis que, moi, c'est ma valeur pour les enfants qui vont suivre, et les enfants présents, et notre génération à nous, bien il va falloir vraiment qu'on soit conscients de ça et qu'on fasse payer ces gens-là. Puis ça va leur déplaire, c'est vrai, ça va peut-être tourner le monde à l'envers, c'est vrai, mais il va falloir quand même prendre des décisions qui vont être dures.

Plusieurs groupes vont venir défendre leurs propres intérêts, et j'espère qu'ils vont penser à l'intérêt public au lieu de leurs propres intérêts. Donc, il va y avoir beaucoup de groupes qu'on va rencontrer, qui vont venir nous parler, et j'espère qu'ils vont avoir une grande ouverture, que, nous, on va avoir une grande écoute et qu'eux vont avoir une grande ouverture. Parce qu'on parle ici d'un statut juridique, on parle de l'eau comme reconnaissance pour la nation, donc ça va être important que ces gens-là prennent en compte qu'aujourd'hui on pense à demain et on ne pense pas à hier, on ne pense pas à nos poches, on ne pense pas d'une façon pécuniaire, on pense vraiment aux générations qui vont nous suivre. Pour plusieurs personnes, on dit toujours: Ce n'est pas grave, là, je ne serai plus là. Mais il ne faut pas penser comme ça, parce que, du haut des airs, quand on va regarder en bas, on va regretter ce qu'on a fait, et on va être jugés, et on va être durement jugés pour ce qu'on n'a pas fait.

Faire une loi qui va être vraiment étanche, à l'abri de ceux et celles qui vont vouloir la détourner pour être capables de dire: Ah, regarde, j'ai trouvé une faille dans... il ne faut pas. Il faut faire un mur de béton tellement étanche qu'ils ne pourront pas trouver de faille. Il va falloir qu'ils passent par un petit trou. On va ouvrir la porte, c'est la seule place... Puis, quand on va fermer la porte, il va falloir que tu paies.

La prochaine guerre... On l'a dit, il va y avoir une guerre. La prochaine guerre va être sur l'eau, elle ne sera pas sur le pétrole. C'est une denrée qui va tellement être rare. J'ai eu la chance cet été, parce que j'avais un voyage à faire, de voir que le Colorado est plus bas de 48 %. Il ne remontera pas à 48 %. Quelqu'un qui va voir Hoover Dam, c'est catastrophique de voir comment le barrage est bas. Et ça alimente des municipalités aux États-Unis. Un pays comme les Américains, j'espère qu'il va respecter l'entente que vous avez établie avec eux, parce qu'ils sont beaucoup plus forts que nous autres puis, quand ils vont prendre l'eau dans le lac Supérieur ou dans les Grands Lacs, c'est nous autres qui va écoper. Déjà, on écope dans le fleuve Saint-Laurent. Ça prend une marée haute pour que les bateaux puissent passer en dessous des lignes d'Hydro de Beaumont, pour votre information, puis on n'est plus capable d'avoir de grands bateaux qui viennent parce qu'on manque d'eau dans le fleuve Saint-Laurent, et déjà c'est actuel. Donc, quand on nous dit qu'il pleut beaucoup, ça n'augmente pas, ça ne fait absolument rien. Donc, l'eau, on la perd, on continue de la perdre.

Simplement pour vous mentionner aussi que, les redevances sur l'eau, il va falloir que ce soit vraiment important pour nous autres, c'est notre or bleu. Et, quand on dit qu'à l'heure actuelle les gens achètent de l'eau de New York embouteillée parce qu'on se donne bonne conscience d'acheter de l'eau puis qu'on achète une bouteille d'eau ? je ne donnerai pas la marque pour ne pas avoir de blâme, mais elle est quand même là, sur nos tablettes, on achète de l'eau de New York embouteillée ? je trouve ça un peu ridicule, alors que nos municipalités nous donnent une eau de qualité. Donc, il ne faut jamais avoir peur de boire de l'eau qui vient des municipalités. Comme ça, on va réduire un peu le transport, on va réduire le camionnage, on va réduire les gaz à effet de serre pour avoir de l'eau qui vient de l'extérieur. On n'est pas obligés.

Mais ceux qui viennent de la terre de chez nous, ceux qui ont pris ou qui prennent encore de l'eau de chez nous, les municipalités, les régions dans lesquelles cette eau-là est prise devraient avoir leur partie des redevances, devraient partager avec le gouvernement, puis le gouvernement devrait partager avec eux. C'est notre or, c'est notre richesse, comme on le fait dans les territoires où on a des mines, où on a des forêts.

Je vous dirai simplement, en terminant, que j'espère que ces consultations-là vont apporter un bon éclairage sur ce que devrait être le projet de loi, que les groupes qui vont nous donner des bonnes idées puissent être écoutés. Moi, je dirais: Maintenant, c'est le temps de passer aux choses très sérieuses. Il va falloir écouter, il va falloir prendre des notes, il va falloir poser des questions puis surtout il va falloir passer de la parole aux actes. Et c'est ce que j'espère pendant ces consultations-là. Et j'espère que les gens du ministère vont donner la chance aux partis de l'opposition de leur faire des suggestions pour faire de cette loi-là une loi qui va être profitable aux Québécois et non pas simplement une loi partisane qui va venir d'un gouvernement. Il va falloir que la loi vienne de l'ensemble des citoyens. On l'a bien mentionné, la ministre l'a dit, il faut qu'il y ait une grande consultation publique, il faut que ce soit une volonté générale de la population.

Donc, je tiens à vous remercier infiniment puis je remercie d'avance les groupes qui vont venir nous présenter leur travail qu'ils ont fait pour aider la population du Québec à conserver son eau aujourd'hui et à jamais. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 10 minutes. M. le député de Roberval.

M. Denis Trottier

M. Trottier: Oui. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, chers collègues, distingués invités et membres de la commission. Nous nous réjouissons d'être réunis aujourd'hui pour entendre différents groupes sur un enjeu qui est fondamental pour l'avenir de la société québécoise mais également pour la planète, car, tout le monde le sait, l'eau est bien entendu le bien le plus indispensable à la vie. Nous sommes très heureux de faire un pas de plus dans l'appropriation collective de notre richesse eau.

Depuis fort longtemps, le Parti québécois est préoccupé par la question de l'eau. Nous avons, entre autres, mis en place la politique de l'eau en 2002, nous avons présenté un projet de loi récemment, et je pense que... J'ai été très heureux d'entendre les propos de Mme la ministre ce matin, et on souhaite que ça puisse aller rondement.

Nous partons de loin en ce qui regarde la gestion de l'eau, notamment au Québec. Dans un passé pas si lointain, j'ai connu la période du tout-à-l'égout sans aucun traitement, que ce soient les déchets industriels, municipaux ou individuels. Dans les années soixante et soixante-dix, j'ai vu des sites de déchets, ce qu'on appelait des dompes, sur le bord des rivières. J'y ai vu des tracteurs qui poussaient dans la rivière les déchets, quels qu'ils soient, que ce soient des résidus de table, en passant par des vieux frigidaires, des réservoirs à eau chaude et même des vieilles autos et des camions. Je peux vous dire que fort heureusement ça a beaucoup changé. Mais ce qu'on faisait à l'époque, c'est qu'on poussait, on rejetait tout dans l'eau, et ça disparaissait. Du moins, c'est ce qu'on croyait ou c'est ce qu'on espérait croire. Et, comme je le disais, fort heureusement nous avons fait du chemin depuis ce temps, grâce notamment aux organisations bénévoles en environnement qui ont pris la défense de l'eau dans les dernières décennies. N'eût été de l'intervention régulière de groupes de bénévoles, je ne suis pas certain qu'on aurait fait autant de chemin depuis ce temps-là.

M. le Président, quand on vit dans un pays d'eau comme le nôtre, qui possède des milliers de lacs et de rivières et un fleuve majestueux comme le Saint-Laurent, on peut se croire choyé. C'est le cas sur certains aspects. Mais ce qui est le plus important, c'est d'être responsables, tant pour nous que pour nos descendants... à la gestion. D'autre part, devant l'importance de l'eau dans la vie des gens, nous comprenons aisément que l'ensemble des Québécois et des Québécoises sont grandement préoccupés par l'avenir de notre eau. On l'a vu régulièrement dans les sondages, les gens sont opposés à l'exportation de l'eau, les gens sont très inquiets de ce qui se passe par rapport à ça.

L'eau a toujours été très importante dans le passé au Québec. Que ce soit pour le transport, l'industrialisation, que pour l'alimentation, son rôle a été des plus essentiels. On fête, cette année, le 400e de Québec, mais, si Québec n'avait pas été, sur le bord du fleuve, un endroit stratégique, il n'y aurait sans doute pas eu de 400e. Ainsi, s'il ne devait y avoir qu'un seul élément à mentionner dans notre histoire et qu'on devait choisir le plus important, nul doute que ce serait l'eau. Nous sommes un pays d'eau, et plus que jamais ce sera l'élément le plus important de la construction de notre avenir. On n'a pas fini d'entendre parler d'eau ici et ailleurs.

n (10 heures) n

L'eau, de par son importance, a été source de conflits dans le monde et le sera de plus en plus dans l'avenir. Dans le passé, nous avons vécu dans l'abondance de l'eau, un peu comme l'abondance de l'industrie forestière, de la forêt, mais, comme tout le monde, l'abondance n'est pas toujours bonne conseillère.

Les gestes que nous allons poser pour l'eau sont cruciaux pour notre avenir, tant pour nous que pour nos descendants, de même que pour les habitants du reste de la planète. Ce n'est pas pour rien que plusieurs voudraient en faire un bien commun de l'humanité. L'eau deviendra une ressource de plus en plus convoitée dans l'avenir, ce qui nous oblige à assurer ici, au Québec, d'abord sa protection mais aussi d'avoir une plus grande efficacité dans la gestion de cette ressource, car, M. le Président, il faut le rappeler, même si l'eau est abondante au Québec, il n'en demeure pas moins qu'il est loin d'être facile d'avoir une eau de qualité. Combien de nos rivières sont polluées à des degrés inacceptables? Combien de nos lacs sont touchés par la problématique des cyanobactéries? On peut toujours dire qu'il ne s'agit que d'une minorité de lacs, mais, lorsque l'on est en 2008 et que la situation se détériore plutôt que de s'améliorer, on ne peut se féliciter. Quand on sait qu'il y a, au Québec, plus de 170 municipalités dont le système d'eau potable n'est pas conforme à nos normes, on sait qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.

Enfin, M. le Président, si le projet de loi qui est présenté aujourd'hui comprend les orientations de la Politique nationale de l'eau, qui a été déposée en 2002, il n'en demeure pas moins qu'il manque d'importants engagements de celle-ci que nous comptons bien faire ajouter à la présente loi suite aux travaux de la commission. Vous pouvez penser notamment à ce qui regarde le statut du Saint-Laurent, la question des redevances, les pouvoirs de la ministre, une stratégie d'économie d'eau potable, la valorisation de l'eau de l'aqueduc, et bien d'autres. Cependant, ce qui compte le plus à cette étape-ci, c'est d'entendre les différents intervenants qui sont préoccupés par la gestion de l'eau au Québec, des gens qui ont travaillé fort afin de présenter leur avis et qui nous permettra de bonifier ce projet de loi. D'autre part, s'il y avait des gens qui n'avaient pu être entendus, je puis les assurer que, si ces organisations ou des gens individuellement nous font parvenir leur opinion, nous allons en prendre connaissance et tenir compte de leur avis.

L'avenir de l'eau au Québec est une pièce maîtresse en ce qui regarde notre avenir collectif. C'est pourquoi il faut y consacrer tout le sérieux nécessaire à l'aboutissement d'un projet de loi conforme aux intérêts, tant à court terme qu'à long terme, de la société québécoise, dans le cadre d'une vision durable et équitable du développement.

Dans le cadre de cette commission, nous aurons l'occasion de discuter de ces choix avec la ministre mais également avec plusieurs acteurs de la société québécoise qui sont préoccupés par les enjeux relatifs à la gestion de l'eau et qui ont beaucoup de choses à nous proposer dans notre intérêt collectif. Je nous souhaite donc une excellente commission et je puis vous assurer notre entière collaboration en vue de faire de l'eau un véritable patrimoine commun, qui doit devenir l'une des grandes fiertés du peuple québécois. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Bergman): Merci, M. le député. Collègues, je vous remercie pour ces remarques préliminaires. Je souhaite la bienvenue aux représentants des Amis de la vallée du Saint-Laurent. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission pour un autre 45 minutes. Alors, je vous demande de vous identifier, et vous avez maintenant le micro pour les prochaines 15 minutes. Bienvenue, M. Stainier et M. Désilets.

Les Amis de la vallée du Saint-Laurent

M. Stainier (André): Merci, M. le Président, et bonjour. Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je suis André Stainier, le président de cet organisme, Les Amis de la vallée du Saint-Laurent. Avec moi, M. Louis Désilets, biologiste et membre de notre conseil d'administration.

Nous vous remercions bien sûr de nous accueillir et de nous entendre quant à nos représentations sur le projet de loi n° 92. C'est un honneur pour nous, c'est un honneur et un privilège d'être les premiers à ouvrir cette commission, et je me permets de dire que cet honneur n'est pas tellement pour notre organisme que pour le Saint-Laurent lui-même, le Saint-Laurent qui est la ressource en eau majeure, principale du Québec. Ceci est vraiment un honneur dont je me permets de dire qu'il lui revient. Et, si vous me permettez le jeu de mots: Pourquoi lui revient-il? Parce qu'on peut le qualifier, me semble-t-il, le Saint-Laurent, de vaisseau amiral du réseau hydrographique du Québec. Et je suis donc heureux d'être le premier à vous en entretenir, les Amis de la vallée du Saint-Laurent, un organisme qui existe depuis 1986, qui se voue à la protection et à la promotion des richesses environnementales du Saint-Laurent et des ressources qu'il offre pour le développement durable.

Si vous me permettez, vous avez une présentation de nous-mêmes et de nos activités en annexe au mémoire, mais je me permets de signaler notre dernière initiative. La semaine prochaine, le lundi, nous inaugurons une Semaine de la navigation sur le Saint-Laurent et des carrières maritimes, voulant encourager les jeunes à s'intéresser au Saint-Laurent et à l'offre qu'il fait de carrières. C'est dans le port de Québec, en liaison avec le 400e de Québec, que nous tenons cette semaine.

Si j'en viens au projet de loi, notre propos devant vous est que, considérant l'objet du projet de loi, d'affirmer le caractère collectif des ressources en eau et de renforcer leur protection, nous nous proposons de traiter de la pertinence et de l'intérêt de faire place au Saint-Laurent dans cette démarche législative. J'ajoute même que cet enrichissement du projet de loi contribuera de manière importante à renforcer la protection des ressources en eau du Québec, cette protection recherchée par le projet de loi, en même temps d'ailleurs qu'à renforcer la protection dont le Saint-Laurent a besoin.

Mentionnons cependant, avant d'en venir à notre propos principal, que nous appuyons les principes et les dispositions énoncés dans le projet de loi quant à la propriété publique de l'eau, la nécessité de la rendre disponible à des fins d'alimentation et d'hygiène, en assurer la protection, la restauration, la mise en valeur, en contrôler les transferts et les prélèvements. Nous sommes particulièrement heureux de ce que le projet de loi statue sur la mise en oeuvre, au Québec, de l'Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, quoique nous regrettions que cette entente, en limitant ce bassin à la hauteur de Trois-Rivières, ne tienne pas compte des effets qui s'exercent sur l'ensemble du cours du Saint-Laurent.

Un premier thème: L'eau du Québec et le Saint-Laurent. L'eau du Québec se répartit entre deux ou trois grands bassins hydrographiques. Parmi ceux-ci, le plus important, dans la partie habitée du Québec, est le bassin du Saint-Laurent. Pour être exact, il faudrait parler du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, mais il est admis, pour des raisons à la fois géographiques et politiques, de parler de façon distincte du bassin du Saint-Laurent. Le bassin du Saint-Laurent se présente, comme tout bassin, avec deux types de composantes: d'une part, les sous-bassins et, d'autre part, le Saint-Laurent lui-même, fleuve, estuaire, golfe. Les sous-bassins constituent des unités hydrographiques distinctes, indépendantes les unes des autres, essentiellement sans relation les unes avec les autres. Le Saint-Laurent, lui, est une composante unique, ne se situant pas à côté des sous-bassins mais à leur embouchure à tous, en faisant ainsi, par le recueil de leurs eaux, les parties intégrantes d'un système hydrique unique.

Le Saint-Laurent est donc une des composantes du système hydrique du Québec. Il n'est cependant pas une composante comme les autres. Non seulement il est l'aboutissement et le recueil de toutes les autres composantes de son bassin, mais, considéré dans l'ensemble de ses caractères, des fonctions qu'il exerce, des usages qui s'y développent, il joue un rôle déterminant et d'une ampleur extrêmement vaste pour l'ensemble du Québec, ce qui n'est le cas d'aucune des autres composantes de ce système. La ressource eau du Québec habité, c'est, pour une très grande part, quantitativement d'abord, tous usages confondus ensuite, le fait du Saint-Laurent. Il est, en tant même que ressource eau, l'axe central et structurant tant des écosystèmes que des établissements humains, des développements économiques et sociaux et de l'histoire politique et culturelle du Québec.

n (10 h 10) n

Compte tenu de cette situation, il apparaît que légiférer sur l'eau du Québec, c'est aussi légiférer en grande partie sur le Saint-Laurent, et qu'au regard de cette démarche législative le Saint-Laurent se présente comme une ressource d'un statut, d'une importance, d'une richesse, d'une polyvalence, d'une ampleur tout à fait particulières et spécifiques au sein de la ressource en eau considérée dans sa totalité. Cela postule, au sein du traitement de l'eau considérée dans sa totalité, un traitement législatif particulier et spécifique.

C'est d'ailleurs ce que la Politique nationale de l'eau a perçu et proposé. Et notons tout d'abord ce fait remarquable qu'au sein d'une approche gouvernementale d'ensemble de la question de l'eau comme la politique de l'eau, cette politique consacre un chapitre distinct et spécifique au Saint-Laurent, ce qu'elle ne fait pour aucune autre ressource en eau particulière. Et que dit la politique?

Je cite: «Le gouvernement du Québec reconnaît l'importance du Saint-Laurent, son caractère historique, économique, social, culturel et patrimonial ainsi que la richesse de ses milieux naturels.

«Les problématiques, enjeux, stratégies et objectifs généraux précisés et développés dans les différents plans de mise en valeur ou de gestion du Saint-Laurent [...] ont permis de mettre de l'avant les axes majeurs suivants[...]: reconnaître un statut particulier au Saint-Laurent, afin de rendre compte de l'importance de sa valeur intrinsèque pour les Québécois et les Québécoises; mettre en oeuvre la gestion intégrée du Saint-Laurent.

«Ainsi, le gouvernement s'engage à:

«Traduire, par une reconnaissance officielle, sa vision du Saint-Laurent comme un patrimoine national à protéger, à développer et à mettre en valeur», et s'engage à:

«Mettre en oeuvre la gestion intégrée du Saint-Laurent.»

Il nous paraît donc qu'une législation sur l'eau au Québec ne peut omettre de légiférer sur le Saint-Laurent et que ceci doit s'orienter vers la reconnaissance d'un statut distinct et spécifique, propre à rendre compte de sa valeur intrinsèque particulièrement éminente, supérieure, ample et diversifiée et, j'ajouterais, propre aussi à donner un fondement juridique à des dispositions qui seraient spécifiques au Saint-Laurent, d'où notre première recommandation.

Nous recommandons que le projet de loi n° 92 reconnaisse le caractère distinct, unique, éminent et déterminant du Saint-Laurent à titre de ressource en eau et le déclare patrimoine national à protéger, à développer et à mettre en valeur.

Pour notre deuxième thème, je passerais la parole à M. Désilets.

M. Désilets (Louis): Merci, M. Stainier. Alors, nous allons regarder maintenant le projet de loi sous un autre aspect: la démarche législative. Et, pour entrer dans les délais de 15 minutes qui nous ont été alloués par le président, je vais résumer et me concentrer sur la recommandation.

Alors, l'idée maîtresse, c'est que, quand on regarde dans son ensemble le projet de loi, ce qui ressort, c'est qu'on dispose ici d'un outil qui nous permet d'avoir une vision globale sur la gestion de l'eau au Québec comme ressource collective, et, quand on l'examine dans le détail, on constate que le projet semble se limiter, dans les sections de fond, sur les sous-bassins du Saint-Laurent. Alors, il est théoriquement applicable au Saint-Laurent lui-même, quand on regarde la structure, mais à condition de ne pas vouloir le traiter autrement que le reste du système. Alors, pour nous, c'est un peu comme oublier quelque chose d'important, parce que le fleuve Saint-Laurent n'est pas un sous-bassin comme tel, ce n'est pas une rivière conventionnelle, c'est la rivière qui intègre toutes les autres rivières et qui a été le plus au coeur du développement économique et historique du Québec. Alors, de notre point de vue, ce statut particulier du fleuve doit se répercuter dans les dispositions touchant à sa gestion.

Alors, ce que nous proposons ? c'est la recommandation n° 2 ? c'est que le projet de loi spécifie que le Saint-Laurent doit être l'objet, à l'intérieur de la gestion des ressources en eau par unité hydrographique, d'une gestion distincte et spécifique en même temps qu'intégrée et concertée, dont les paramètres de référence seront notamment son statut de patrimoine national, sa polyvalence en matière de richesses, de ressources, d'usages et de rôles, son unité et sa fragilité. Alors, ça demande comme un encart, si vous voulez, dans le projet de loi actuel.

Là-dessus, je repasse la parole à M. Stainier pour la troisième partie du mémoire. Merci.

M. Stainier (André): Oui. Il s'agirait donc de la gestion de l'eau par plans directeurs. Le projet de loi spécifie que la gestion des ressources en eau doit être réalisée de manière intégrée et concertée dans les unités géographiques. Il spécifie aussi que cette gestion doit se faire en référence, d'une part, aux orientations fondamentales d'une gestion intégrée et concertée éventuellement établies par le ministre, en référence, d'autre part, à un plan directeur de l'eau élaboré par une instance représentative dont on énumère les catégories. Il fait également une liste de plusieurs des éléments dont le ministre peut préciser que le plan directeur doit en traiter, mais il ne va pas plus loin que les nommer.

En ce qui a trait à la mise en oeuvre du plan directeur, le projet de loi énonce qu'elle fera partie, sans plus de précision, de la mission de l'instance représentative du milieu. Il énonce aussi que le plan sera transmis aux instances responsables afin, sans plus, qu'elles le prennent en considération.

Nous avons recommandé que le projet de loi intègre le Saint-Laurent mais de façon distincte et spécifique, comme une des unités hydrographiques pour lesquelles il légifère, et qu'il dispose que le Saint-Laurent doit être l'objet, à l'intérieur de la gestion des ressources en eau, d'une gestion distincte et spécifique. Pour compléter la démarche en harmonie et en liaison avec les dispositions énoncées pour les autres unités hydrographiques, il reste et il suffit de disposer que cette gestion du Saint-Laurent doit se faire en référence à un plan directeur aux paramètres distincts et spécifiques, élaboré et mis en oeuvre par une instance représentative du Saint-Laurent, aux composantes relevant de catégories en partie spécifiques, et approuvé par le ministre. Il reste et il suffit également de disposer que ce plan sera transmis aux instances gouvernementales et nationales dont les attributions ont un lien avec le Saint-Laurent et aux instances régionales et municipales qui en sont riveraines. Il reste et il suffit enfin de faire une liste d'un certain nombre d'éléments dont le ministre peut préciser que ce plan directeur doit en traiter. Ces éléments pourront certainement être...

Le Président (M. Bergman): Conclusion, s'il vous plaît.

M. Stainier (André): ...en partie les mêmes que pour les plans directeurs des unités hydrographiques indistinctement prises mais, en référence notamment aux paramètres que nous avons proposés, il devra y en avoir d'autres. Et nous énumérons ici quelques volets du développement d'une société comme la nôtre qui tiennent spécifiquement à la présence du Saint-Laurent comme unité hydrographique au coeur du Québec et au rôle d'axe central et structurant qu'il y joue.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé.

M. Stainier (André): En recommandation donc, dans la ligne de ce que je viens de dire: nous recommandons que le projet de loi n° 92 spécifie que la gestion du Saint-Laurent doit se faire sur la base d'un plan directeur élaboré selon le même patron général que les autres mais intégrant des dispositions spécifiques. Celles-ci devront être inspirées de son statut de patrimoine national et des autres paramètres de référence déjà mentionnés quant à la composition, quant aux instances gouvernementales auxquelles il sera transmis et quant aux éléments qu'il traitera.

Nous recommandons que le projet spécifie que le plan directeur du Saint-Laurent doit traiter notamment des éléments suivants: l'eau du Saint-Laurent dans sa dépendance, pour ses débits et ses niveaux, de l'eau des Grands Lacs; les écosystèmes du Saint-Laurent en tant qu'exposés au trafic maritime; le lit du Saint-Laurent et son appropriation; le territoire riverain du Saint-Laurent et son aménagement; l'accès public au Saint-Laurent; le transport maritime intérieur comme élément de la lutte aux gaz à effet de serre et au gaspillage énergétique; le tourisme...

Le Président (M. Bergman): Merci.

n(10 h 20)n

M. Stainier (André): ...maritime et fluvial et le développement durable du tourisme; les paysages du Saint-Laurent, leur qualité, leur fragilité. Nous recommandons donc que le Saint-Laurent soit traité, dans le projet de loi n° 92, conformément aux engagements pris à son sujet dans la Politique nationale de l'eau. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. Stainier, merci, M. Désilets. Le temps alloué à chacun des groupes est le suivant: le groupe formant le gouvernement, 17 minutes; l'opposition officielle, 15 minutes; et le deuxième groupe d'opposition, 13 minutes. Alors, Mme la ministre, vous avez les prochaines 17 minutes.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. D'entrée de jeu, je veux vous remercier pour cette présentation et un mémoire vraiment de très grande qualité et, je dirais, surtout si empreint de sagesse, sans nul doute. J'ai déjà lu en quelque part la statistique qui dit que 80 % des Québécois vivent le long du Saint-Laurent. J'en fais partie, je suis née dans un village au bord du Saint-Laurent et je partage avec vous cette préoccupation, je dirais, cet amour de ce grand fleuve et cette préoccupation, puisqu'il s'est inscrit, là, carrément au coeur de notre histoire.

Je ne veux pas être trop réductrice dans mes propos, mais, je dirais, l'essence de votre mémoire est de venir nous interpeller par rapport à la section IV de la loi, donc beaucoup essentiellement autour de la notion de la gouvernance de l'eau. Ça me permet de souligner, puis vous l'avez fait, de dire que je pense que c'est une section qui a sa propre valeur. Il y a beaucoup d'autres sections dans la loi, mais c'est une section dont, moi, je suis assez fière, puisque, à mon arrivée au ministère et en échangeant avec bon nombre des acteurs dans le domaine de l'eau, j'ai bien compris leur message que, pour eux, bien qu'on décrivait, dans la Politique nationale de l'eau, ce principe de gestion par bassin versant, par bassin hydrographique, sous-bassin, qu'il y avait un souhait qu'il y ait là-dedans une reconnaissance légale de ce principe de gestion par bassin versant et une reconnaissance légale de la notion d'un plan directeur de l'eau. Et c'est ce que vient inscrire formellement dans la loi... la loi vient inscrire ces principes, donc légalement des principes de gestion intégrée par bassin versant et de plans directeurs de l'eau.

C'est M. Désilets, je crois, qui indiquait que donc théoriquement, puisque la loi reconnaît la gestion intégrée par bassin versant, reconnaît que le gouvernement, le ministre peut recenser et décrire les unités hydrographiques qui doivent faire l'objet d'un plan directeur de l'eau. Vous avez dit: Bien, théoriquement, on comprend que théoriquement ça peut comprendre le Saint-Laurent. Mais là vous venez plaider pour qu'il y ait, je dirais, une intégration officielle, qu'on officialise aussi le fait que le Saint-Laurent lui-même doit faire l'objet d'une gestion intégrée. C'est ce que j'ai compris, ce sur quoi vous venez plaider aujourd'hui.

Ma question, elle est très... en fait elle est très, très pragmatique. Vous savez... Parce qu'honnêtement j'accueille bien vos propos, je pense que j'y suis très sensible, j'aimerais ça vous entendre, parce que, derrière ce chapitre sur la gouvernance, on sait qu'il y aura donc, et on chemine avec certaines organisations, dont les organismes de bassin versant, le Regroupement des organismes de bassin versant.... Vous savez, dans le dernier budget, il y a eu une somme de 15 millions de dollars, on a multiplié par 150 % le budget disponible pour la gestion par bassin versant à l'échelle du Québec, puis on doit parler d'un redécoupage donc du Québec méridional pour cette gestion par bassin versant.

Lorsqu'on arrive au Saint-Laurent, vous savez, donc, dans les discussions, il y a donc cette reconnaissance du rôle des organismes de bassin versant à l'échelle du Québec, mais, par ailleurs, de façon concomitante, existe l'entente que nous signons depuis bon nombre d'années avec le gouvernement fédéral, qu'on appelle le Plan Saint-Laurent. Donc, il y a effectivement, ensuite, des mécanismes de gestion dédiés au Saint-Laurent. Et, avec ces mécanismes de gestion pour le Saint-Laurent a été mise en place toute une série d'organismes, qu'on appelle familièrement les ZIP, les zones d'intervention prioritaire. Puis vous me permettrez un petit brin de fierté, parce que, moi, j'ai été celle qui a fait adopter les lettres patentes pour la ZIP dans l'est de l'île de Montréal, au début des années quatre-vingt-dix.

Mais donc, je veux juste qu'on se comprenne bien ici, là, pour voir qu'est-ce que ça veut dire. Il y a les organismes de bassin versant, il y aura un redécoupage du Québec; ensuite, il y a les zones d'intervention prioritaire, ces organismes de concertation qui découlent des ententes signées avec le gouvernement fédéral pour la gestion du Saint-Laurent. Et là je veux vous entendre, de façon pragmatique, pour me dire comment, vous, vous voyez ça lorsque vous venez plaider, et j'y suis très sensible, pour qu'on officialise... d'un point de vue légal, qu'on officialise le fait qu'il y aurait une gestion intégrée du Saint-Laurent, avec, vous dites, la production d'un plan directeur également pour le Saint-Laurent, comment vous voyez l'articulation de tous ces acteurs, finalement. Parce que chacun des OBV pourrait dire: Bien, j'ai mon influence sur le Saint-Laurent, parce que, si je gère mieux mon bassin versant, c'est l'eau du Saint-Laurent qui est gagnante. Vous comprenez le sens de ma question, hein?

Donc, je veux vous entendre, parce que je reçois vos commentaires avec, je pense, beaucoup de sensibilité, mais je veux vous entendre sur, à la fin... Parce que... Puis je finis là-dessus, je ne voudrais pas être trop longue, mais un citoyen ordinaire pourrait nous reprocher qu'on est en train de multiplier des structures, hein? Il regarde ça puis il se dit: Il y a les OBV, il y a les ZIP, est-ce que, par-dessus ça, il faut installer une grande table pour le Saint-Laurent? Et, moi, je ne suis pas du tout dogmatique à ce point de vue là, mais je veux vraiment vous entendre sur l'organisation, ensuite, pragmatique: À quoi ça ressemblerait, votre volonté qu'il y ait cette reconnaissance du Saint-Laurent carrément comme étant une unité hydrographique?

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Bien, si vous voulez bien, je crois être tout aussi pragmatique par les propos que je vais tenir, par la réponse que je vais vous faire. Nous, ce dont nous sommes convaincus, c'est que la gestion du Saint-Laurent doit être une gestion spécifique, distincte, et que le commencement de cela, c'est de donner un statut particulier au Saint-Laurent, un statut d'éminence, que nous appelons, par sa reconnaissance comme patrimoine national. Nous sommes convaincus qu'en ayant cette première base, ce premier fondement, ça va donner au Saint-Laurent et à tous les intervenants du Saint-Laurent déjà une motivation, une orientation supplémentaires et spécifiques pour traiter le Saint-Laurent, sur cette base de reconnaissance du fleuve comme patrimoine national. Deuxième stade: Énoncer par un mode aussi clair que possible de la part du gouvernement les grandes spécificités du Saint-Laurent, celles que nous avons notamment énumérées, par exemple. À partir du moment où on disposerait de cet instrument législatif, les intervenants sur le Saint-Laurent, comme les comités ZIP, disposeraient de plus que ce dont ils disposent actuellement, qui sont des dispositions purement administratives, même pas réglementaires.

Le Plan Saint-Laurent, c'est de l'administration très intéressante, très motivante. D'ailleurs, nous participons nous-mêmes à plusieurs comités ZIP et à Stratégies Saint-Laurent dans son ensemble, mais il nous semble que nous devons batailler continuellement, devant n'importe quelle autorité administrative, pour lui faire reconnaître le Saint-Laurent. Ce n'est pas la même chose que le reste: le Saint-Laurent, ça vaut la peine de vous en occuper un peu plus que vous vous en occupez. Le Saint-Laurent passe devant chez vous, c'est une partie de votre territoire et une partie tout à fait spécifique et éminente de votre territoire. Occupez-vous-en donc. Oui, mais on a tellement d'autres choses; le Saint-Laurent, ça coule tout seul, on n'a pas...

Depuis 20 ans que nous sommes dans le dossier, nous nous rendons compte que le Saint-Laurent a besoin de cette reconnaissance éminente. Je prends un exemple: le lac Saint-Pierre. Depuis qu'il est reconnu réserve mondiale de la biosphère, il y a tout un dynamisme économique qui s'est développé dans la région pour le mettre en valeur comme unité, comme unité éminente. Donc, vous me demandez du pragmatique, je dis, pragmatiquement parlant: La première chose, c'est de donner un statut particulier d'éminence au Saint-Laurent. Ensuite, déterminer un certain nombre de... déterminer ce qui est spécifique au Saint-Laurent, et puis élaborer un plan directeur de base, un plan directeur pro forma qui soit beaucoup plus engagé, beaucoup plus agressif, je dirais, qu'actuellement, ce avec quoi les comités ZIP pourront alors travailler, élaborer leurs plans de secteur d'une façon beaucoup plus documentée, beaucoup plus fondée, beaucoup plus riche.

n(10 h 30)n

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

M. Stainier (André): C'est notre réponse.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Ce sur quoi je voulais vous entendre un peu plus, c'est la partie de votre mémoire où vous plaidez pour qu'il y ait une instance. Vous-même, vous dites «mis en oeuvre»... Vous dites que «cette gestion doit se faire en référence à un plan directeur aux paramètres distincts et spécifiques», et là vous parlez... «mis en oeuvre par une instance représentative du Saint-Laurent». Parce que votre réponse, je la comprends bien, vous me dites: Déclarer, reconnaître un aspect patrimonial au fleuve va donner une impulsion à plusieurs des acteurs de l'eau. Vous me dites: Ça va influencer, par exemple, les comités ZIP. Mais j'avais cru lire dans votre mémoire le fait que vous voyez autre chose que tout simplement les comités déjà en place ayant des références plus claires dans leurs actions. Vous nous parlez... «mis en oeuvre par une instance représentative du Saint-Laurent». Et honnêtement c'est là que je vous disais: de façon pragmatique, vous plaidez pour une instance. En ce moment, dans la loi, la gouvernance de l'eau, même de façon très claire, tout le monde voit le modèle avec les organismes de bassin versant qui doivent produire des plans directeurs de l'eau. On sait que, pour le Saint-Laurent, ensuite il y a les fameux comités ZIP.

La question que je me posais, c'est: Dans votre mémoire, êtes-vous en train de plaider pour qu'il y ait une structure, une instance additionnelle qui devra aussi, elle, produire un livrable qui s'appelle un plan directeur de l'eau pour le Saint-Laurent? Est-ce que c'est comme ça que je dois voir le mode de gestion que vous proposez quand vous me parlez d'une gestion intégrée du Saint-Laurent? C'est là où j'avais de la difficulté à voir, à la fin, là. La gouvernance telle qu'on la décrit dans la loi, moi, je la vois bien, je vois le rôle des comités ZIP, et tout ça, mais, par rapport à votre reconnaissance que vous demandez légalement puis la notion d'une instance, autrement dit vous plaidez pour qu'il y ait un plan directeur de l'eau pour le Saint-Laurent. Qui va donner ce livrable-là, dans votre esprit?

M. Stainier (André): Alors, nous avons participé aux...

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Pardon. Nous avons participé aux consultations sur ce projet de gestion intégrée du Saint-Laurent et nous appuyons l'idée d'un comité Saint-Laurent national. Il faut une instance à la base qui couvre l'ensemble du Saint-Laurent, un comité de concertation, lui aussi, donc très représentatif, d'une part, et, d'autre part, un comité dont le mandat serait du type de ce qui est dit dans le projet de loi, les grandes orientations à donner au Saint-Laurent, non pas élaborer, au plan national, un plan détaillé, aussi détaillé qu'un comité de bassin le fait, mais donner les grandes orientations, les grands thèmes sur lesquels chaque secteur régional doit produire un... est invité en tout cas à produire un plan.

Donc, une instance nationale, c'est en fait la consécration du Plan Saint-Laurent, qui, comme je le disais, n'est qu'une réalité administrative actuellement peu connue, pas toujours appuyée, donner un statut à ce qui se fait depuis 20 ans de façon concertée en matière fédérale, provinciale, communautaire pour le Saint-Laurent et lui donner comme mandat de dégager les orientations que doit avoir la gestion du Saint-Laurent dans l'ensemble de son bassin, orientations faites des grands thèmes justement qui sont propres au Saint-Laurent et qui sont la chair même de son statut de patrimoine national.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: O.K. Donc, ce que j'ai compris de votre réponse, M. Stainier, c'est que vous dites: Oui, une grande table. Je pense qu'au moment où on se parle c'est plus, en ce moment, au niveau des consultations dans le cadre d'une resignature d'une entente avec le fédéral pour une gestion intégrée du Saint-Laurent, au moment où on se parle ? vous me corrigerez, M. Maranda; mais ? on appelle ça une table de concertation, dans les discussions et les consultations informelles. Je ne sais pas si je vous ai bien compris, mais je crois... Vous me dites: Bien, dans le fond, le livrable n'est pas nécessairement un plan directeur de l'eau comme on l'entend en ce moment dans la loi, qui doit être produit pour des unités hydrographiques, mais des orientations dont, après ça, les différents acteurs devront tenir compte. C'est plus ça que j'ai compris de votre réponse.

Puis, parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, je vais tout de suite... Vous pourrez clarifier. Je comprends que je vous ai mal compris, donc ça sert à ça. Et, tout de suite après, je voudrais juste vous entendre aussi, parce que M. Désilets avait dit: Bien, ça prend des dispositions juridiques pour qu'il y ait des dispositions particulières pour le Saint-Laurent. Puis, là aussi, je voudrais, pour les fins de la discussion que nous aurons ensuite entre parlementaires par rapport à l'objet de votre demande, que vous nous donniez des exemples plus précis de ce serait quoi éventuellement, une disposition particulière pour le Saint-Laurent, à partir de la reconnaissance juridique que vous venez demander aujourd'hui?

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): D'abord, ce que nous proposons pour le Saint-Laurent va dans la ligne du projet de loi, qui justement... nous avons remarqué que le projet de loi reste quand même assez général. Le plan directeur, dans le projet de loi, on en dit une seule chose: on en énumère les thèmes qu'il devrait peut-être traiter, et c'est au ministre qui peut dire de quels thèmes. À partir du moment où on aura dit la même chose pour le Saint-Laurent, quels sont les thèmes qui devraient être traités dans le plan directeur du Saint-Laurent, le projet de loi serait pour nous complet. Ce serait ensuite dans des éléments de réglementation peut-être de préciser, et encore je pense que les précisions devront plutôt venir secteur par secteur, parce que le Saint-Laurent, du fait de son immensité, peut difficilement être l'objet de prescriptions réglementaires détaillées valant pour l'ensemble de son lit.

Mais je crois que M. Désilets voulait ajouter.

M. Désilets (Louis): Oui.

Le Président (M. Bergman): M. Désilets.

M. Désilets (Louis): Merci, M. le Président. D'un point de vue toujours pragmatique, quand on regarde la gestion du fleuve, ça ne peut pas être géré exactement comme les bassins versants conventionnels, parce que, quand on parle de bassins versants conventionnels, on fait appel un peu à une notion de territoire, hein, qui est autour d'un cours d'eau donné. Ça se délimite assez bien d'un point de vue géographique, et on a déjà en place un système, au Québec, un cadre avec les MRC pour gérer le territoire. Donc, il y a une concertation à faire entre les utilisateurs d'un bassin qui peut couvrir deux, trois ou quatre MRC en tout ou en partie et les MRC concernées. Donc, on a quand même une certaine structure pour gérer ça.

Quand on arrive du côté du fleuve, c'est un petit peu plus compliqué parce que c'est un bassin qui intègre les autres bassins. Ensuite, on est vraiment dans un cours d'eau d'intérêt national, donc le fédéral a une place...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.

M. Désilets (Louis): D'accord. Alors, essentiellement, l'idée, ce serait non pas de mettre une structure par-dessus les autres, parce qu'il en existe déjà plusieurs, mais de bien utiliser celles qui existent déjà. Et on peut pousser plus loin l'idée, là, du Plan Saint-Laurent dans ce sens-là, en ayant un mandat fort du côté du Québec quant à l'intention de faire quelque chose. C'est ça que ça prendrait.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Pour vivre, pour avoir passé ma vie auprès du fleuve Saint-Laurent et avoir, dans les dernières années, assisté à différents colloques sur l'érosion des berges, je vous dirai que je me rends compte que, dans la région de Montmagny, où on vient, je l'ai vu, le fleuve, changer, au même titre qu'on voit des rivières changer. On voit le fleuve qui a excessivement évolué avec les années.

On avait une quantité... et je l'ai mentionné déjà, on avait des quantités incroyables d'oies blanches qui venaient au bord du fleuve se nourrir; maintenant, elles ne viennent plus parce qu'elles ne retrouvent plus la nourriture qu'elles avaient. On a un fleuve qui s'est érodé. On assiste à une érosion des berges, autant chez nous que sur la Côte-Nord, de façon incroyable. Pourquoi? C'est que, le fleuve ayant diminué, baissé, les vagues dans l'eau peu profonde sont beaucoup plus violentes que les vagues qui sont dans l'eau beaucoup plus haute. Donc, on a vu une érosion des berges qui est constante et qui est dommageable et dramatique dans nos régions.

Maintenant, la question qu'on doit se poser: Comme le fleuve est partagé entre le fédéral et le provincial, les quais, à l'heure actuelle, on a vu le gouvernement fédéral donner la gérance ou de nouveaux quais à partir de Gaspé en montant ? il y a eu un grand débat concernant le quai de Trois-Pistoles, qui a duré et qui vient juste de se régler ? donc, qui va, d'après vous, gérer les infrastructures qui sont aux abords du fleuve? Comme autant Saint-Jean-Port-Joli que L'Islet, que Berthier-sur-Mer se sont créé de petites marinas pour essayer d'attirer les touristes, autant nous, avec le bassin qu'on a, qui s'appelle le bassin de la rivière du Sud, on n'a plus d'eau, on n'a plus de... on n'a pas les moyens pour le draguer, on n'a pas les moyens de faire venir des bateaux, donc la marina, c'est presque terminé.

On vit au bord du fleuve, puis, vous le disiez, l'accès public au Saint-Laurent, il n'y en a plus, d'accès public au Saint-Laurent. Les gens qui... Même si ça n'a pas d'importance pour plusieurs personnes, je vous dirais que ça en a pour d'autres. Les pêcheurs du Saint-Laurent, les gens qui font de la pêche non pas commerciale, mais sportive sur le Saint-Laurent, parce qu'il y en a beaucoup, n'ont aucun accès public au Saint-Laurent. On se doit... Ou dans les marinas qui ne veulent pas nous avoir parce qu'on n'est pas des voiliers, mais plutôt des bateaux qui vont aller à la pêche, donc on n'a pas de reconnaissance en tant que personnes au niveau économique. Donc, l'accès public, on n'en a pas.

n(10 h 40)n

Qui va payer pour ces accès-là? Qui va avoir le mandat, dans votre reconnaissance du fleuve? Est-ce que c'est le gouvernement qui va devoir payer des infrastructures ou si c'est chacun des bassins versants et des MRC? Moi, j'en ai deux, puis je dois vous dire que ce n'est pas l'amour entre les deux, là, on ne peut pas avoir une grande coercition entre les deux MRC pour faire du bassin de Montmagny un bassin important, là. La MRC de L'Islet, la MRC de Montmagny, qu'on n'essaie pas d'avoir une grande communion entre les deux, là, ce serait utopique de le penser, là.

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Je voudrais préciser, monsieur, comment, nous, nous concevons les choses au plan des juridictions. Je crois que le plus clair, c'est de dire: Le Saint-Laurent, le lit du fleuve, l'eau du fleuve appartient au Québec, est de juridiction provinciale selon la Constitution. Le gouvernement fédéral a dans sa juridiction la navigation et les poissons ou, disons, la faune. Je pense que la meilleure façon de comprendre les choses, c'est de dire: Le gouvernement fédéral est un utilisateur du Saint-Laurent et non pas un propriétaire du Saint-Laurent. Donc, les responsabilités principales, les pouvoirs de décision doivent selon nous revenir beaucoup plus au Québec, et c'est d'ailleurs ce que la Constitution et ce que les lois actuelles... ce dont elles disposent.

Bon, à côté de ça, il y a la question du financement des usages, et il se fait que ce sont bien sûr les usages dont le fédéral a la juridiction, la navigation et la pêche, qui sont les plus dispendieux. Il est beaucoup plus dispendieux de construire un port, hein, que d'aménager une plage ou que de permettre à une petite marina de draguer son chenal. Enfin, là, je ne prends pas un bon exemple avec la marina, puisqu'elle aussi relève du fédéral, mais je crois que c'est ça qui aide à mettre les choses en place: le gouvernement fédéral est utilisateur mais l'utilisateur des infrastructures et des usages les plus dispendieux, donc les besoins financiers de l'usage du Saint-Laurent devraient surtout être assurés par le gouvernement fédéral. C'est ce qui se passe pour la navigation commerciale, mais ce n'est peut-être pas aussi étendu et aussi suffisant pour tout ce qui n'est pas de ce registre-là, par exemple les quais régionaux, les ports régionaux. Et là le Québec a justement fait un gros effort pour, lui, développer les ports régionaux, avec le gouvernement fédéral, dans le respect des juridictions de chacun.

Donc, moi, je souhaiterais que le gouvernement du Québec continue à insister auprès du gouvernement fédéral pour qu'il ne se préoccupe pas seulement de navigation internationale, mais qu'il se préoccupe aussi de navigation intérieure, du développement portuaire régional et du développement de la plaisance dans ce qui relève de ses juridictions.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, Mme la ministre en a fait mention aussi: la ville de Québec, qui a fêté son 400e, le Canada dans son ensemble a évolué, a su s'adapter, est venu au monde grâce au Saint-Laurent. On a dû avoir recours au Saint-Laurent, et le patrimoine qui s'est installé au bord du Saint-Laurent est toujours en place, est toujours là. Mais les gens qui ont bâti le Québec à coups de sueur, à coups de travail, qui se sont établis de village en village en remontant vers Québec pour permettre à ces grands découvreurs de venir découvrir une ville comme Québec et aller plus loin sur le fleuve, pour Montréal, etc., aujourd'hui, ils se sentent un peu délaissés parce qu'ils voient leurs maisons au bord du fleuve en train d'être déménagées parce que l'érosion a fait son travail, dans la région de Baie-Comeau. Dans certaines municipalités, on n'a plus d'accès, on a perdu les accès à cause de l'érosion des berges.

Est-ce que vous avez senti, est-ce que vous sentez qu'on est à l'aube justement de la prise en charge du Saint-Laurent? Il va falloir qu'on le prenne vraiment en charge, parce qu'on est en train de subir les affres du temps. Puis, le Saint-Laurent, même si les gens le voient tout le temps en train de couler, pour ceux qui vivent au bord du Saint-Laurent, les pieds dedans, les municipalités comme chez nous, les bâtisseurs du Saint-Laurent, la famille Lachance, qui construisait des bateaux et qui les mettait à l'eau directement, là ne peut plus le faire, il n'y a plus d'eau. Quand on parlait, tantôt, que l'eau, ça se renouvelle, bien, dans le fleuve Saint-Laurent, il n'y en a plus. Il y en a de moins en moins. Les berges qu'on avait sont rendues immenses. On est à 1 km dans le fleuve avant d'être capable de sortir pour la traverse de l'île aux Grues. Il n'y a même plus assez d'eau, le bateau sort le fond accoté à toutes les marées.

Donc, il y a un problème qui est là. Et est-ce que vous... C'est sûr que vous êtes conscients de ce problème-là. Est-ce qu'on est rendu à une étape où autant le provincial avec le fédéral doivent travailler énormément pour... on ne peut pas le refaire, le Saint-Laurent, mais au moins essayer de conserver les acquis qu'on a?

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): C'est ce que fait, ce que cherche à faire le Plan Saint-Laurent, ce plan fédéral-provincial dont on a parlé et qui cherche à faire, depuis une vingtaine d'années, avec des moyens extrêmement limités et un statut justement assez peu reconnu, et même assez peu connu, d'abord... Je pense aux comités ZIP, la difficulté qu'ils ont à vraiment se faire reconnaître, encore que là les choses ont pas mal progressé.

Mais ce que je dirais, monsieur, c'est qu'il me semble, à des dimensions comme celles dont nous parlons ici, qu'il faut voir les choses à long terme, et à long terme la priorité doit être la protection, la restauration, la préservation des écosystèmes dans leur dynamique écosystémique globale. L'érosion des berges, là-dedans, est un aspect de cette dynamique écosystémique, un aspect qui malheureusement semble accentué par des causes anthropiques, hein, par des causes humaines, mais je pense qu'il faudra avoir le courage de prendre assez de recul pour dire: On ne va pas traiter les problèmes un à un, localement, paroisse par paroisse, quai par quai. On va essayer de comprendre ce qui se passe au plan écosystémique et on va faire les choses pour que les écosystèmes du Saint-Laurent se maintiennent le plus possible dans leur plus grande intégrité possible, car c'est ainsi que les usages humains à long terme en profiteront le plus.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci beaucoup. Vous parlez aussi, dans vos recommandations, bien sûr du cabotage, du transport maritime. On sait qu'on est rendu là. Il existait avant. C'est drôle qu'on revienne toujours avec ce qui existait, qu'on a laissé tomber en pensant qu'on pourrait réinventer la roue, et, aujourd'hui, on revient avec quelque chose qui était là d'emblée. Le Québec s'est développé avec le cabotage. Le Saint-Laurent a bien servi la cause, on s'en est servi abondamment. L'a-t-on respecté pour autant? Je ne le crois pas, simplement qu'on a pris pour acquis cette masse d'eau qui coule, qui émerveille tant les Européens qui viennent. Les gens du monde entier, quand ils vont dans Charlevoix et qu'ils s'en vont un peu plus loin, à Baie-Comeau, ils ne voient pas la berge de l'autre côté, ils se disent: Bien, on ne peut pas imaginer une telle masse d'eau, on ne peut pas imaginer les marées qui remontent jusqu'à Trois-Rivières, on ne peut pas imaginer un tel fleuve. Puis, nous, on ne le voit plus. On est rendu qu'on ne le voit plus. Les Québécois ne le voient plus comme une richesse, comme vous tentez de le démontrer.

Donc, le cabotage doit redevenir important sur le fleuve, et ça fait partie de vos recommandations. J'aimerais juste que vous m'en parliez un petit peu, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Oui. Le mouvement environnemental dans son ensemble, je crois, au Québec, est de plus en plus acquis à l'importance de donner une beaucoup plus grande place au transport maritime intérieur, hein, en raison de ses avantages environnementaux, notamment.

Il y a aussi bien sûr tous les avantages commerciaux qu'il pourrait y avoir à un retour à un cabotage intense, à un transport maritime courte distance intense. Mais, du point de vue du Saint-Laurent, le Saint-Laurent, il est sous-exploité, hein? Du point de vue de la navigation, bien sûr il y a la navigation internationale, mais, du point de vue de la navigation intérieure, il y a place pour encore beaucoup de choses, tant au plan touristique qu'au plan proprement industriel.

Et je vous dis: Nous organisons, la semaine prochaine, une semaine où nous voulons encourager les jeunes à adopter les carrières maritimes. Tous les représentants du transport maritime intérieur, comme le Groupe Desgagnés, comme Fednav, etc., seront là. Ils disent: C'est vrai, il faut que se développe le transport maritime intérieur au Québec.

n(10 h 50)n

Donc, c'est vraiment une des priorités de nos mouvements actuellement, en raison des avantages environnementaux, mais plus largement c'est un mode de transport qui doit retrouver une place beaucoup plus normale, enfin la place qu'il mérite et qu'il n'a pas.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Deux minutes. Quand on parle du cabotage, bien sûr on dit toujours: Si les bateaux reviennent, on fera des quais, mais on sait aujourd'hui, dans la situation actuelle, qu'il faut que ce soit le contraire. Il faut qu'on implante les infrastructures, il faut que les infrastructures soient en place pour qu'on puisse espérer que ça revienne. Sinon, ça va rester entre un quai, Sept-Îles, et le quai de Québec. Entre les deux, on ne peut pas accoster partout, les quais ne sont pas conformes ou malheureusement pas accessibles pour ce genre de bateaux là. On peut le faire avec des petits bateaux sur la Basse-Côte-Nord, qu'on alimente de façon séquentielle.

Mais, de l'autre côté, est-ce que vous pensez que, le cabotage, les deux paliers de gouvernement vont devoir s'y attarder, puis rapidement, pour être sûrs de mettre en place les infrastructures éventuellement au cabotage sur le Saint-Laurent?

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Oui. Et nous avons l'honneur de faire partie du Forum permanent de concertation sur le transport maritime, qui est mis en place par le gouvernement du Québec, et une de nos principales réalisations en ce forum est justement l'élaboration d'un réseau stratégique national du transport maritime intérieur. Et bien sûr ça coûte très cher, c'est très dispendieux, sauf que, de nouveau, dans une vision un peu plus large et à plus long terme des choses, quand on regarde les investissements qu'on met dans le routier, si on mettait une proportion équivalente à développer le transport maritime, on disposerait de pas mal de ressources dont on ne dispose pas actuellement.

Alors, nous plaidons de fait pour que plus de ressources soient mises dans le développement du réseau portuaire régional parce que...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion, s'il vous plaît.

M. Stainier (André): Notre conclusion sur l'ensemble...

Le Président (M. Bergman): Pour cette question, pour cette question.

Une voix: Non, sur cette question-là.

M. Stainier (André): Sur cette question-là. Donc, nous favorisons le développement du cabotage par l'investissement de plus grandes sommes dans le développement portuaire régional.

Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier nos intervenants pour leur implication. Je dis souvent que, s'il y avait plus de gens qui s'impliquaient, au Québec, puis moins de gens qui critiquaient, on serait dans une société meilleure. Vous faites partie des gens qui contribuez à améliorer notre société, et on vous en remercie grandement.

Votre mémoire est très intéressant à plusieurs points de vue parce qu'il apporte des éclairages sur des éléments qui à mon avis sont assez essentiels dans la construction du projet de loi. J'aurais quelques explications complémentaires par rapport à votre mémoire. Je sais que vous n'aviez pas beaucoup de temps pour pouvoir l'expliquer. Entre autres, vous parlez, un peu avant la recommandation n° 2, que «la grandeur et la richesse du Saint-Laurent sont aussi sa fragilité», et vous expliquez un petit peu. Est-ce que vous pourriez m'indiquer, d'après vous, quels sont les plus grands dangers qui guettent le Saint-Laurent?

M. Stainier (André): Le plus grand danger actuellement, ce sont les effets du réchauffement climatique, donc la baisse des niveaux d'eau et des débits d'eau dans un fleuve consacré beaucoup au transport maritime international et qui a donc... ce qui se concrétise par cette présence d'un chenal au coeur du Saint-Laurent, qui détermine beaucoup, hein, la capacité des écosystèmes de se maintenir. Donc, premier problème, la baisse prévisible des niveaux d'eau. Et donc la solution ou les solutions sont du côté des ententes, les solutions à portée humaine, hein, sont du côté de cette entente avec les Grands Lacs, non pas de l'entente dont on a parlé aujourd'hui, mais de celle que gère la Commission mixte internationale, mais dont le gouvernement s'est également préoccupé. Donc, une gestion responsable et équilibrée des eaux des Grands Lacs et du Saint-Laurent, orientée vers le maintien des usages permettant de continuer à travailler dans le sens du développement durable.

L'autre grand problème, ça reste quand même les restes de pollution, encore, de l'eau du Saint-Laurent. La pollution municipale reste importante en raison des problèmes de surverse des grandes villes: Montréal, Longueuil, Québec, Lévis. On n'a pas encore entièrement résolu ces problèmes, et malheureusement le tronçon, particulièrement entre Trois-Rivières et Montréal, subit encore fortement les effets de cette pollution d'origine municipale. J'y adjoins tout de suite la pollution d'origine agricole, qui est beaucoup plus difficile à cerner dans ses causes, dans ses causes physiques précises. Donc, il faut continuer à travailler sur comment diminuer la pollution des eaux du Saint-Laurent d'origine agricole.

Et enfin il y a ce gros problème que plusieurs ont évoqué de l'érosion des rives, qui prend une ampleur, je crois, qu'on ne connaissait pas et qui, elle, semble aussi d'origine anthropique, enfin qui est renforcée par les activités humaines, qui seraient contrôlables pour quand même diminuer cette érosion. Ce qui est la principale chose à rechercher, c'est de la diminuer bien sûr et de protéger les gens qui en sont victimes, mais c'est surtout de faire en sorte qu'elle ne se prolonge pas.

Enfin, je vous ai quand même énuméré plusieurs points.

M. Trottier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Dans votre recommandation n° 4, vous parlez que le projet de loi devrait... on devrait traiter plus spécialement, là, des éléments suivants, entre autres la question du lit du Saint-Laurent et de son appropriation. Vous en avez parlé un peu tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage?

M. Stainier (André): L'appropriation du lit du fleuve?

M. Trottier: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Alors ça, c'est un problème que nous soulevons depuis notamment la Commission sur la gestion de l'eau, de 1999. Le lit du fleuve concrètement est géré, au Québec, par la Loi sur le régime des eaux, dont on m'a dit, de source tout à fait autorisée: C'est la loi la plus ancienne et la moins mise à jour. Et nous plaidons pour la mise à jour de la Loi sur le régime des eaux.

Pourquoi? Parce que c'est en vertu de cette loi qu'il est encore permis que des particuliers s'approprient le lit du Saint-Laurent soit par mode d'achat, soit surtout par mode de location, ce qu'on appelle les lots de grève. Alors, au XIXe siècle, c'était tout à fait normal de permettre à des entreprises, notamment tous ces chantiers de construction de la région de Québec, ici, ou les chantiers qui traitaient le bois amené par les cageux, il était tout à fait normal de permettre à ces entreprises d'être propriétaires d'une partie du lit du fleuve riverain de leur entreprise à cause du jeu des marées, à cause des besoins d'accostage et d'appareillage. Mais on n'est plus au XIXe siècle.

Or, actuellement, nous sommes encore au XIXe siècle, dans le lit du fleuve. C'est au point que vous avez un certain nombre de... Dans certaines parties, le lit du fleuve est propriété du riverain, du villégiateur riverain jusque 100 pi, 200 pi, 300 pi dans le fleuve. C'est le cas à Deschaillons. C'est le cas ici, en face, à Saint-Romuald. En face du boulevard Champlain, vous avez Saint-Romuald. À Saint-Romuald, à marée basse, vous ne pouvez pas vous promener sur la grève parce qu'elle appartient aux gens qui habitent là, à côté, cela en vertu de prescriptions donc anciennes des droits d'héritage. Les entreprises qui avaient acquis cela, qui en a hérité? Bien, un tel, puis ça a été vendu avec les droits, avec les droits, avec les droits. Et il faut donc que la Loi sur le régime des eaux soit changée de façon à ce que le lit du fleuve soit propriété publique inaliénable, sauf cas exceptionnels et tout à fait justifiés.

Comme je vous dis, actuellement on peut encore louer un lot de grève, et nous avons plaidé contre le renouvellement d'un lot de grève dans une région particulière, et c'est l'administration elle-même qui nous a dit: Vous n'avez aucun droit à demander cela. Ces gens-là sont chez eux en vertu de la loi, le lit du fleuve leur appartient. Ne venez pas nous ennuyer avec cela. Là, je m'excuse de m'exciter un peu, mais c'est aberrant d'être encore au XIXe siècle, dans le lit du fleuve.

n(11 heures)n

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Vous nous avez parlé d'individus, d'entreprises, mais il y a aussi parfois des entreprises publiques ou, disons, certains partenaires. Entre autres, la question du Port de Québec, là, est-ce que vous pourriez nous expliquer un petit peu plus quelle est la situation du Port de Québec?

M. Stainier (André): Le Port de Québec?

M. Trottier: Le Port de Québec. On me dit que...

Une voix: ...

M. Trottier: Par rapport aux lots de grève, justement, est-ce qu'il n'y a pas justement un bel exemple qui pourrait être énoncé ici?

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Oui. Alors, enfin je ne sais pas. Ce que nous savons, ce que nous croyons savoir, c'est qu'en vertu d'un acte passé avant 1867, je crois, vers 1864, avant la Confédération et la Constitution, le lit du fleuve a été accordé au Port de Québec sur 18 km, depuis pratiquement Cap-Rouge jusqu'à la rivière Montmorency. Donc, actuellement, ce n'est pas le bord du lit du fleuve qui appartient au Port de Québec, c'est tout le lit du fleuve, et ça, c'est une situation unique. Nulle part ailleurs, ni à Montréal ni ailleurs, les ports ne sont propriétaires de tout le lit du fleuve devant eux. Bon. C'est une situation de fait qui autorise de fait le Port de Québec à refuser tout ce que la population peut être amenée à lui demander ou à lui accorder de bon gré. C'est un peu pénible pour les mouvements environnementaux et les comités de citoyens d'être traités avec autant de condescendance par quelqu'un qui, en vertu du XIXe siècle, est propriétaire du lit du fleuve et fait ce qu'il veut avec. Enfin, je ne veux pas exagérer, parce que les relations sont de plus en plus meilleures avec le Port de Québec.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Vous avez parlé du transport maritime comme étant un... intérieur, là, au niveau du Québec, comme élément de lutte aux gaz à effet de serre, puis je pense que c'est un élément très important que vous soulignez et sur lequel on devrait appuyer, parce que je pense qu'on n'a pas justement suffisamment appuyé ce secteur-là, et, moi, je vous en remercie d'en faire la démonstration.

Vous avez mentionné également, au niveau des paysages du Saint-Laurent, qu'il y a une grande fragilité des paysages. Est-ce que vous pourriez nous indiquer quelles sont les priorités qu'on devrait avoir, en termes de priorisation, là, pour protéger les paysages du Saint-Laurent?

Le Président (M. Bergman): M. Stainier.

M. Stainier (André): Bien, c'est d'abord de les reconnaître. On n'est vraiment pas très avancés, hein, au Québec, en matière de paysages, et, nous, depuis nos origines, nous sommes nés d'une lutte, comme on dit dans le milieu, pour la préservation des paysages du Saint-Laurent. On n'est pas encore très avancés. Ce que nous prônons, nous, c'est que tout d'abord il y ait une politique du paysage au Québec, et nous avons participé aux États généraux du paysage, et ce qui s'appelle maintenant le conseil québécois du paysage travaille très bien et fait avancer les choses. Mais, à l'intérieur de cette reconnaissance des paysages du Québec, nous demandons, là aussi, qu'on reconnaisse de façon spécifique que les paysages du Saint-Laurent sont des paysages beaucoup plus éminents, beaucoup plus particuliers, tout à fait particuliers, qui méritent une protection encore accrue. Donc, les paysages du Saint-Laurent, ce que nous prônons, c'est d'abord d'en faire un inventaire, et un inventaire raisonné, c'est-à-dire fondé sur une méthodologie, par exemple celle dégagée par le conseil québécois du paysage, et, au-delà de cet inventaire, alors identifier les paysages d'intérêt, comme on dit, les paysages principaux, et, troisièmement, donner ensuite, de préférence, nous semble-t-il, aux MRC mais peut-être conjointement au ministère et aux MRC, le pouvoir de réglementer l'aménagement du territoire paysagé. Donc, ce serait la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, là, qui devrait avoir des clauses sur le paysage en général et sur les paysages du Saint-Laurent en particulier.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval, il vous reste une minute.

M. Trottier: Est-ce qu'en dehors de ce que vous nous avez mentionné il y aurait des choses que vous auriez voulu discuter? Par exemple, comme sur la question de l'exportation de l'eau, est-ce que vous avez des inquiétudes par rapport à ça?

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, vous avez seulement 30 secondes.

M. Stainier (André): Oui. Enfin, nous n'avons pas plus d'inquiétudes que la communauté québécoise et canadienne en général là-dessus, c'est-à-dire que nous avons les mêmes... c'est-à-dire que de fait nous sentons bien que les Grands Lacs, et donc le Saint-Laurent, sont convoités par les États-Unis et risquent donc de se voir imposer des transferts, des prélèvements, malgré tout ce qu'on aura pu décider, et...

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, M. Stainier, M. Désilets, merci pour votre présentation. Et je demande les gens de l'Association des aquaculteurs du Québec de prendre leurs places à la table. Je suspends nos travaux pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 9)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association des aquaculteurs du Québec. M. Roy, M. Boulanger, M. Lanctôt, M. Gilbert et M. Lareau, merci beaucoup pour votre présence ici, aujourd'hui. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission pour un autre 45 minutes.

n(11 h 10)n

Alors, faites votre identification, et vous avez le micro maintenant pour votre présentation.

Association des aquaculteurs
du Québec (AAQ)

M. Roy (Normand): Merci, M. le Président. Je ne prendrai probablement pas 15 minutes pour faire la présentation parce que vous avez déjà reçu le mémoire qu'on avait présenté, là, au niveau de l'association. Je vais plutôt permettre un échange avec les membres de cette table, là, puis en même temps donner un peu nos inquiétudes face à cette loi-là. Mais par contre je dirais que l'association est d'accord sur le principe de la protection de la ressource.

Nous sommes ici pour discuter avec vous des lacunes qui peuvent nuire à notre secteur et précariser notre industrie. Les droits acquis sont mis en péril. Nos droits de production sont reliés avec un certificat d'autorisation et un droit d'utilisation de l'eau. Également, les valeurs de nos entreprises sont étroitement reliées à l'usage de l'eau.

Pour assurer le développement, en 2004, les partenaires, soit le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Agriculture et notre association, sont parvenus à une entente. Dans le document... Je vais peut-être prendre le temps de lire l'entente qui est intervenue entre les trois partenaires en 2004. C'est à la page 9 de notre mémoire.

En 2004, le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Environnement et l'association signaient la Stratégie du développement durable de l'aquaculture en eau douce au Québec. Cette entente tripartite a pour but d'assurer la viabilité d'industries piscicoles en améliorant les performances environnementales des entreprises existantes. Elle permet, par le biais de subventions du ministère de l'Agriculture, de réduire d'environ 40 % les rejets de phosphore de l'industrie en imposant une cible de 4,2 kilos de phosphore par tonne de production. Les piscicultures participantes auront en échange un nouveau certificat d'autorisation qui assurera la pérennité de l'entreprise. L'adhésion des pisciculteurs à la Stratégie de développement durable est volontaire. De son côté, le ministère de l'Environnement s'engage à leur délivrer un nouveau certificat d'autorisation qui reconnaîtra, entre autres, leur niveau de production, celui qu'ils avaient à la date de la signature, et à leur permettre de vendre leur entreprise sans que de nouvelles conditions ne soient demandées dans la cession du certificat d'autorisation. Un programme de subvention du ministère de l'Agriculture spécifique à la Stratégie de développement durable a été instauré, mais plusieurs producteurs auront quand même des sommes importantes à investir.

Il faut se rappeler que cette adhésion est volontaire et qu'elle n'est pas nécessairement stimulée par un besoin de régulariser une situation. Actuellement, le taux de participation est d'environ 80 %. L'aquaculture est donc un secteur dynamique qui a décidé de se prendre en main afin de réduire ses impacts sur l'environnement afin d'assurer le développement durable de l'industrie et la pérennité des entreprises.

En terminant... Ce ne sera pas plus long que ça. Après ça, on pourra discuter avec vous. En terminant, je voudrais féliciter l'implication de votre gouvernement pour avoir investi dans la région un montant de 16 millions de dollars dans la station gouvernementale à Baldwin pour conserver certaines espèces en voie de disparition. Aujourd'hui, nous vous demandons d'en faire autant pour sauver un secteur en voie de développement. Merci.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. Roy. Pouvez-vous identifier les membres de votre groupe, s'il vous plaît?

M. Roy (Normand): Oui. À mon extrême droite, M. Yves Boulanger, qui est vice-président et propriétaire de la ferme... la pisciculture des Alléghanys. Ici, Sylvain Lareau, qui est notre directeur de l'association. Moi-même, Normand Roy, je suis président de l'association, également copropriétaire de la ferme piscicole des Bobines, dans la région de l'Estrie. Puis M. Christian Lanctôt, propriétaire de la ferme des Arpents verts, à Sainte-Edwidge, qui est dans l'Estrie également. Puis M. Boulanger, lui, il est dans le comté de Bellechasse.

Le Président (M. Bergman): Merci. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous, puis merci pour votre mémoire qui effectivement est très étoffé. Je pense qu'une des préoccupations les plus importantes exprimées dans votre mémoire, c'est l'impact qu'aurait le projet de loi qu'on étudie devant nous, l'impact que ça aurait sur la valeur de vos entreprises. Vous terminez votre mémoire en disant même que selon vous ça va compromettre ou rendre difficile le transfert d'entreprises. C'est comme si vous disiez: Bien, cette loi-là a un impact sur la valeur de mon entreprise.

Je vais vouloir vous entendre un peu plus longuement là-dessus parce que, par ailleurs, au moment où on se parle, et peut-être que vous pourrez nous donner des chiffres plus précis là-dessus, mais il y a de vos membres qui utilisent de l'eau souterraine, je ne sais pas la proportion, en tout cas vous nous le direz, mais il y a certains de vos membres qui utilisent de l'eau souterraine et d'autres utilisent de l'eau de surface. Ceux qui utilisent...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: Les deux. Ceux qui utilisent l'eau souterraine. Il y a maintenant un règlement, depuis 2002, si je ne me trompe pas, depuis 2002, il y a maintenant un règlement qui spécifie que, lorsqu'on utilise de l'eau souterraine, on doit obtenir un certificat d'autorisation, et, ce certificat, le règlement dit qu'il est renouvelable après 10 ans. Donc, c'est déjà le cas pour l'eau souterraine.

Dans le fond, ce que vient faire la loi, ici, c'est de dire: Bien, dorénavant, tous les grands préleveurs d'eau, que l'eau soit souterraine ou que l'eau soit de surface, dorénavant ce principe que l'autorisation est renouvelable après 10 ans, donc, après 10 ans, on fasse un peu l'étude de la situation hydrographique puis qu'on se pose la question: si les besoins de base, dont la priorité qu'identifie la loi, qui est l'approvisionnement en eau potable des populations, les notions de santé et de sécurité, si c'est compromis, effectivement le certificat peut être non renouvelé, questionné.

Donc, ce que je veux bien comprendre, c'est, lorsque vous venez dire que votre principale... bien je ne veux pas être réductrice, mais une de vos importantes préoccupations, c'est l'impact qu'aurait la loi sur la valeur de vos entreprises, et que, moi, je me dis: Bien, déjà, pour l'eau souterraine, il y a cette notion de renouvellement de l'autorisation après 10 ans, je veux bien comprendre...

Puis l'autre chose que je veux juste mettre en lumière, c'est que... Par exemple, il faut toujours se comparer. En Ontario, c'est le cas aussi, c'est renouvelable après 10 ans, pour l'eau souterraine et l'eau de surface. En quoi la loi vient vraiment ajouter, je dirais, une pression indue ou aurait un tel impact, quand je me dis: Bien, déjà, pour l'eau souterraine, ça existe déjà, cette notion de renouvellement après 10 ans?

Parce que c'est comme si vous veniez dire: Parce que le certificat d'autorisation est sur 10 ans, vous venez dire: Bien, ça compromet notre stabilité, on ne sait pas si, après 10 ans, on va continuer à pouvoir être en affaires. C'est un peu comme ça que je résumerais votre appréhension. Donc, je me répète, là, mais c'est déjà le cas pour l'eau souterraine. Ça fait que j'ai de la difficulté à voir en quoi ça change à ce point votre climat d'affaires, alors que c'est déjà le cas pour l'eau souterraine, et c'est tout à fait le cas et pour l'eau souterraine et l'eau de surface en Ontario.

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): Un petite question. Moi, j'ai un certificat d'autorisation, puis je n'ai jamais vu, là, que mon certificat d'autorisation était renouvelable pour une période de 10 ans. C'est n'est pas inscrit dans mon...

M. Lareau (Sylvain): Je peux peut-être répondre. C'est que la loi sur le captage, si je ne me trompe pas, et vous l'avez mentionné, c'est en quelle année? C'est très récent.

M. Roy (Normand): 2002.

M. Lareau (Sylvain): Puis, la plupart des piscicultures ont des droits acquis, ont déclaré leurs puits, puis je ne pense pas que ce renouvellement aux 10 ans s'applique, à ce moment-là, si je ne me trompe pas. Puis, depuis l'application de la loi, je pense qu'il n'y a pas eu beaucoup de développement dans le secteur. En fait, si vous regardez le graphique de production, on a eu une grosse baisse de production depuis les années 2000 à peu près, due à différentes problématiques, des problèmes environnementaux qu'on a eus parce que le secteur s'est développé trop rapidement et que les... disons, que les certificats d'autorisation ont peut-être été mal évalués dans certains cas. Je pense que c'est pas mal corrigé. Mais il y a eu une grosse baisse de production à cause des fermetures d'entreprises puis aussi des problèmes de rentabilité. Mais, depuis les années 2000, il n'y a presque plus eu de développement dans le secteur à cause, entre autres, des règlements qui sont très, très stricts maintenant dans le secteur.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

n(11 h 20)n

Mme Beauchamp: O.K. Vous-même, vous admettez que cette série de règlements découle de situations qui ont été problématiques du point de vue environnemental. Il y a eu cette entente signée. Je répète quand même ma question: L'orientation de la loi est une orientation qui s'inspire notamment des règles du jeu établies chez notre voisin, en Ontario, qui a aussi fait par une loi qu'un certificat pour des grands utilisateurs d'eau, le certificat d'utilisation, est renouvelable après 10 ans. Est-ce que vous êtes capables de me dire si vous avez perçu, en Ontario, chez notre voisin que ça avait eu un impact sur la valeur des entreprises en aquaculture et sur la possibilité de vente ou de revente d'une entreprise?

Parce que, vous comprenez, je suis là en me disant: À la fin de l'histoire, si on devait vous écouter, ça veut dire que le Québec dirait: Non, on ne suit pas ce qui se fait en Ontario. Donc, je cherche à voir quel est... En fait, ce que je cherche à voir, c'est quel est le degré réel de préoccupation sur l'impact des entreprises? Avez-vous des exemples à me donner de cela? Parce que, comme je vous dis, en attendant, déjà, si quelqu'un voulait se lancer en affaires, il aurait cette autorisation renouvelable après 10 ans pour l'eau souterraine, c'est déjà le cas en Ontario. Donc, je voudrais que vous nous parliez plus longuement, je dirais, du fondement de vos préoccupations quant à l'impact qu'aurait la loi sur la valeur de vos entreprises.

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): Oui. Bien, au niveau de la valeur des entreprises, je pense qu'on... je vais peut-être laisser M. Lareau parce que, lui, il a travaillé passablement sur le document après consultation avec nous, là, mais je pense que, lui, il pourrait...

Au niveau de l'Ontario, la loi, je pense que c'est depuis l'année dernière, 2007, ça fait que... Puis la plupart de la production de truites en Ontario se fait dans les Grands Lacs, en élevage en cages, une production qui n'est pas permise au Québec. À ce moment-là, eux, je ne pense pas que ça influence, parce que c'est de l'eau de surface. Ils peuvent, à ce moment-là, être plus compétitifs que nous lorsqu'on a à utiliser l'eau souterraine, parce qu'on a des frais, là, qui nous... que l'eau souterraine nous coûte à aller soutirer du sous-sol. Puis, avant d'être capables d'utiliser cette eau-là, depuis 2002, même auparavant, on avait des études hydrogéologiques à faire faire par des spécialistes pour connaître la capacité de nos nappes. Ça, on avait ça avant 2002; on était censés, par des obligations de votre ministère, lorsqu'on avait une grande utilisation d'eau à faire, à utiliser des services des spécialistes pour utiliser cette nappe phréatique là... C'est des choses qu'on a faites. On a déboursé des coûts pour connaître la capacité des nappes phréatiques, on a fait les infrastructures en conséquence pour être capables de les utiliser. Votre ministère nous a émis des certificats d'autorisation pour être capables d'utiliser tant de débit journalier, puis, aujourd'hui, on dit: Là, on va émettre des certificats d'autorisation pour une période de 10 ans.

Ça fait que, moi, si je me tourne de bord, puis je vais voir mon financier, puis je lui dis: Là, maintenant, à partir d'aujourd'hui, j'ai une garantie d'utiliser l'eau souterraine pour une période de 10 ans, puis mon permis peut être même révoqué avant cette période-là, pour différentes situations, à ce moment-là, comment pensez-vous que je sois capable de convaincre mon financier de me prêter de l'argent pour être capable de me lancer ou de conserver mon entreprise? À ce moment-là, il n'y a pas personne qui va prêter de l'argent. Puis, si je veux aussi avoir une relève dans mon secteur, il n'y a pas aucune relève qui va être intéressée, là, à prendre... de décider d'acheter l'entreprise piscicole, parce que la garantie est trop à court terme. Puis, les investissements, comme vous le savez, c'est quand même assez important au niveau de l'aquaculture, ça représente des gros montants d'argent, avec très peu de rémunération pour les exploitants.

En Ontario, je sais que, eux, la plus grande production se fait en élevage en cages, puis, nous autres, ici, on n'a pas le droit de le faire ici, au Québec. Puis, le plus gros compétiteur sur le marché de consommation au Québec, c'est les Provinces maritimes et l'Ontario, puis il y aussi les provinces... pas les provinces, mais les autres pays, comme le Chili. C'est nos plus gros compétiteurs. Parce que présentement le produit consommé au Québec provient à 90 % de l'extérieur du Québec, alors qu'on a une richesse ici puis on ne peut même pas l'utiliser, avec toutes les contraintes qu'on connaît, avec tous les règlements, là, au niveau de la Loi sur l'aquaculture, au niveau des contraintes qu'on a au niveau des rejets.

Je pense qu'on a fait un grand pas en signant, avec le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Agriculture puis l'association, en 2004, en signant la Stratégie de développement durable. C'est parce qu'on voulait assurer une pérennité à nos entreprises, puis présentement ce n'est pas le cas, parce qu'au bout de 10 ans on est soumis à une nouvelle règle, à des nouvelles ententes avec le ministère, puis, à ce moment-là, ça met en péril notre secteur. Puis, notre secteur, il est déjà précaire présentement parce qu'il n'y a pas eu de développement: c'est 1 400 tonnes au Québec, alors que la consommation humaine est de 3 200 tonnes environ. Puis, là-dessus, il y a à peu près 1 000 tonnes qui va pour le repeuplement de nos eaux. Ça fait que ça représente à peine 10 % du besoin québécois, ce qu'on produit au Québec.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: J'essaie de bien vous écouter puis, je dirais, de le faire avec empathie, en me mettant à votre place. Puis par ailleurs, pendant quelques instants, je vais vous inviter à faire l'exercice contraire et juste essayer de voir, si vous étiez à ma place. Je suis ministre de l'Environnement, du Développement durable, et nous sommes, et ça, c'est une réalité que tous reconnaissent à travers la planète, nous sommes devant une situation où on sait que l'eau douce, l'eau potable va devenir une denrée extrêmement précieuse, j'ai envie de dire une denrée rare, d'autant plus que, même sur le territoire québécois, on commence à deviner, hein, on soupçonne les effets, par exemple, du changement climatique. Je vous invite à vous mettre quelques instants dans ma chaise en disant...

Dans le fond, ce que vient faire la loi lorsque la loi dit: Il faudra des certificats d'autorisation pour ce qu'on appelle les grands utilisateurs d'eau de surface ou d'eau souterraine, puis que ces certificats d'autorisation seront renouvelables après 10 ans, ce que la loi vient dire, c'est: Si jamais il y avait un conflit d'usage, si jamais la situation change à un point tel qu'il y a un conflit d'usage et que l'approvisionnement en eau d'une population de Québécois et de Québécoises était compromis à cause des différents usages qu'il y a autour d'une certaine source d'eau, qu'elle soit de surface ou souterraine, la loi, ce qu'elle vient dire, c'est qu'au nom des Québécois l'État va devoir dire: Bien, s'il y a conflit d'usage, la priorité doit être l'approvisionnement en eau de la population.

Dans le fond, honnêtement, on n'est pas... on n'est sûrement pas là d'ici cinq ans, d'ici 10 ans, mais c'est une loi qui vient mettre un contexte pour le XXIe siècle en se disant la chose suivante: Si, d'un point de vue extrême, j'étais devant une situation où, prenons le cas d'une nappe d'eau souterraine, l'approvisionnement en eau de la population était compromis, est-ce que je peux maintenir ou pas le certificat d'un grand utilisateur d'eau? C'est ça que la loi essaie de venir clarifier en disant: Bien, il y a des priorités dans les usages, puis si c'est précaire puis si l'approvisionnement en eau de la population est compromis, oui, il faut réévaluer la situation à la fois parce que le certificat est renouvelable après 10 ans, mais à la fois, vous avez raison, parce qu'on se donne même le droit, en tout temps, de révoquer une situation si vraiment on considère que l'approvisionnement en eau d'une population est compromis.

Finalement, la question ultime, c'est: S'il y a vraiment un conflit d'usage autour d'une source d'eau... Prenons l'exemple le plus facile à comprendre. C'est une source d'eau souterraine... Puis, c'est déjà arrivé au Québec, c'est déjà arrivé qu'à cause d'utilisations industrielles d'eau il y ait des populations qui se sont vu compromettre leur approvisionnement en eau potable, on s'est donné, là, des moyens, des mécanismes pour pouvoir trancher. Ça demeure des situations qui, on le souhaite tous, vont être exceptionnelles, mais à la fin, si l'approvisionnement en eau d'une population est compromis, est-ce que vraiment vous dites: Bien, nous, notre autorisation est pratiquement à vie, puis c'est comme ça, puis on n'y touche pas? C'est ça, à la fin, le vrai débat. C'est: s'il y a conflit d'usage, est-ce qu'on peut... il faut trancher selon des principes, puis là on amène le principe de l'approvisionnement en eau de la population à des fins de santé, de salubrité, de lutte aux incendies, d'approvisionnement en eau potable.

Ça fait que je termine avec deux choses. Parce que, dans votre mémoire, vous concluez pratiquement en disant: Nous, on devrait être exclus de cela, alors que je me dis, à la fin: Quand il y a un problème de conflit d'usage, est-ce que je peux vraiment dire qu'il y a une catégorie de gens qui sont tout simplement exclus du débat? Je n'en suis pas certaine.

Et je finis avec une question, là encore, pragmatique. Donc, si on reconnaît ensemble la problématique des changements climatiques, si on reconnaît ensemble que, l'eau, on doit évaluer son évolution, je dirais, dans le temps, quelle serait la durée souhaitée des autorisations qu'on vous donne? Est-ce que vous êtes en train de plaider pour que les autorisations soient à vie, avec une forme de droit acquis? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre ou si vous avez une durée de temps que vous souhaitez nous soumettre?

n(11 h 30)n

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): C'est certain qu'on souhaiterait que ce soit à vie, parce qu'on a implanté nos entreprises avec la richesse qui était l'eau, parce que sans ça on aurait parti dans une autre production. Nous autres, on a visé l'élevage de la truite. C'est parce qu'on avait un besoin en eau qu'on a fait les recherches nécessaires. Dans notre cas, nous autres, on a déménagé trois fois pour trouver le bon site, là.

Ce qui est inquiétant, Mme la ministre, dans votre projet de loi, c'est que les permis sont révocables ou renouvelables aux 10 ans. Puis, si vous décidez, là... si le ministre décide de révoquer le permis, il n'y a pas de dédommagement pour les entreprises. Ça fait que comment voulez-vous qu'on ait une sécurité lorsque, dans votre projet de loi, vous avez inscrit qu'il n'y aurait pas de dédommagement pour les entreprises? À ce moment-là, on va avoir travaillé toute une vie pour monter une entreprise puis, demain matin, on se retrouve avec quoi? avec rien, tu sais. Est-ce qu'il y aurait un citoyen québécois qui accepterait qu'un jour le gouvernement décide de prendre de l'argent que la personne a accumulé avec des REER puis de le distribuer aux plus pauvres? Je ne pense pas qu'il y en ait, des gens qui accepteraient cette situation-là.

On a dit tantôt qu'on était d'accord avec le principe, mais il faudrait quand même respecter les droits acquis puis les infrastructures qui sont déjà en place pour ce secteur-là. Les gens qui vont démarrer en production vont connaître...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît. En conclusion, s'il vous plaît.

M. Roy (Normand): En conclusion, bien c'est que ceux qui vont démarrer en production, bien, à ce moment-là, ils connaîtront les nouvelles règles puis ils vont travailler avec les nouvelles règles. Mais, pour ceux qui sont là auparavant, bien je pense que ce serait difficile pour eux. Merci.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Vous comprendrez, je vais simplement... pour mettre en situation les gens qui nous écoutent, il y a aujourd'hui une demande incroyable au niveau de la truite mouchetée, la truite arc-en-ciel et différentes espèces, entre autres. On a vu qu'avec Baldwin, à cause de l'aménagement du fleuve Saint-Laurent et du bar rayé, on a donné un peu plus d'argent à Baldwin pour être capable de produire du bar rayé, pour être capable de faire l'ensemencement dans le fleuve Saint-Laurent, pour redonner au fleuve Saint-Laurent, d'ici quelques années, une place qu'il avait au préalable.

Mais je vous ai dit que ça avait évolué beaucoup. Dans la région de Montmagny, on avait des tournois de pêche au bar, puis il n'y en a plus. Aujourd'hui, ça revient parce que le gouvernement a fait un effort de remettre du poisson. On a donné à la réserve de Baldwin, à la pisciculture de Baldwin, de l'argent supplémentaire pour en faire plus. Mais, dans toutes les pourvoiries au Québec, qui rapportent de l'argent au gouvernement, énormément d'argent, on se doit de faire de l'ensemencement parce que, comme dans le temps des Romains, ce que les pêcheurs veulent, c'est du pain puis des oeufs, donc eux autres, ils veulent avoir du poisson. Et les pêcheurs québécois recherchent le poisson, et les seuls qui sont capables de le leur donner, ce sont les pisciculteurs.

Et là je ne prends pas simplement leur défense, je vais arriver avec quelques points aussi qui peuvent être négatifs à l'occasion. Mais on dit simplement: S'ils sont de grands consommateurs d'eau, ils se doivent de trouver des méthodes pour, premièrement... et je poserai la question tout à l'heure: Qu'est-ce qu'on fait avec leurs déchets? Parce qu'en même temps la production demande... produit des déchets. Et, de l'autre côté, on a des aquacultures dans le monde... Comme, par exemple, j'ai visité trois fois l'usine de tilapia au Costa Rica et celle de Floride; je suis allé dans les champs américains de poisson, où on fait du poisson-chat pour tout ce qui s'appelle les burgers de poisson que vous retrouvez dans les grandes chaînes de resto rapide. Donc, on a converti les champs de maïs en des champs de barbote. On a fait justement... on a évolué, au niveau de l'aquaculture, à travers le monde.

Et les pêcheurs québécois, ce n'est pas de la barbote qu'ils veulent, ce n'est pas d'autres poissons qu'ils veulent, c'est de la truite mouchetée puis de la truite arc-en-ciel. Et même le gouvernement, dans ses parcs et réserves, ils font de l'aquaculture. Donc, ils ont leurs propres sites d'aquaculture qu'ils vont devoir régir au même titre que les vôtres parce qu'ils prélèvent, dans la réserve faunique des Laurentides, une quantité d'eau pour leur aquaculture, pour leur production même. Donc, est-ce que le gouvernement va être régi par les mêmes lois? Ça, c'est une question qu'on va devoir leur poser.

Puis, de votre côté, est-ce que les pisciculteurs... Parce que vous êtes tous des producteurs de truite, d'après ce que je peux comprendre, non?

Le Président (M. Bergman): M. Lareau.

M. Lareau (Sylvain): Je suis chimiste de formation et directeur de l'association.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): O.K. Donc, qu'est-ce qui se passe avec les rejets? Une des piscicultures que j'ai visitées dernièrement, c'est la pisciculture d'Altmar, dans l'État de New York, qui se veut une pisciculture incroyable où on met du poisson dans le lac Ontario. Vous savez, les gens qui ont des idées un peu, là, bien on va en Ontario, on va aux États-Unis, puis on voit qu'ils ont des idées pour que l'économie marche bien, au niveau de la pêche, là. Donc, on met du poisson dans le lac Ontario, puis on ne met pas des alevins, on met du poisson. On les met à quatre, cinq livres, comme ça on passe outre le fait de se faire manger par les autres, puis ça rapporte, parce que le bord du lac Ontario est plein. Quand on veut pêcher du gros poisson, on ne va plus au Québec, on va en Ontario. C'est plate à dire, j'aimerais mieux dire qu'on va au Québec, mais ce n'est plus le cas. Donc, vous autres, vous le vivez, ça. Est-ce que vos rejets... Qu'est-ce que vous faites avec vos rejets? Et est-ce qu'on vous a donné des solutions pour vos rejets de pisciculture?

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): Oui. Bon, en fin de compte, on va toujours revenir en 2004, là. Les constructions des piscicultures anciennes, il y avait une exigence d'envoyer les eaux usées dans un bassin de sédimentation. Ça sédimentait pendant deux heures puis ça retournait dans le cours d'eau naturel. Présentement, les nouvelles installations, les eaux sont filtrées par des filtres mécaniques, elles sont acheminées dans... les boues sont entreposées dans un endroit qui est à l'abri des intempéries, puis, deux fois par année, ces boues-là sont épandues sur le sol, là, qui sert de... là, pour engrais. Il y a certaines piscicultures présentement qui travaillent pour améliorer un petit peu plus, pour avoir encore moins de rejets de phosphore, en stabilisant ces boues-là. Mais vous comprendrez qu'au Québec ce n'est pas tellement avancé, là, au niveau des étapes, là, pour stabiliser nos boues. On est en train de travailler là-dessus, puis, d'ici un an ou deux, on va avoir atteint un autre cheminement au niveau des rejets. Mais ça, c'est pour les piscicultures qui ont adhéré à la stratégie de développement durable puis qui veulent diminuer passablement les rejets en conservant également leur type de production.

Comme tantôt j'ai dit, là, au Québec, vous avez une production de 1 400 tonnes qui est composée principalement d'ombles de fontaine et de truites arc-en-ciel. Il y a environ 900 à 1 000 tonnes de truites, ombles de fontaine qui vont pour le repeuplement des pourvoiries, que vous avez souligné, qui est un potentiel important pour l'économie québécoise. Puis l'autre 400 tonnes, il y a une partie de la truite arc-en-ciel qui est destinée pour le repeuplement et l'autre va pour le marché de la truite de table. Ça fait que la production présentement se situe à 1 400 tonnes. Le potentiel au niveau de la truite de consommation, comme je l'ai dit tantôt, c'est 3 200 tonnes, au niveau provincial. Ça fait que le reste, ça vient de l'extérieur.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Je voudrais simplement... Oh, excusez!

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci. Je voudrais simplement porter à votre attention le fait que les genres de petites piscicultures qu'on peut avoir dans nos régions, j'en ai une dans ma région, j'en ai même deux, et une, on a parlé d'abattoirs, donc faites attention au grand terme «abattoir». Mais effectivement, au niveau du poisson, on se doit d'envoyer des truites dans un abattoir. Et le monsieur en question faisait des pâtés à la truite, chez lui, avec de la truite qu'il élève lui-même. Les inspecteurs ont passé chez lui, ont dit: Non, non, non, ça ne marche plus, ça. Il faut que tu prennes tes truites, tu les envoies à Saint-Gabriel-de-Brandon, à l'abattoir, et là tu vas les ramener ici une fois mortes, et là tu vas pouvoir faire tes pâtés. Parce que tu n'as pas le droit d'abattre des poissons. Tu sais, tu n'as pas le droit de la prendre, lui casser le cou puis dire: Je l'éviscère, puis... On va où? Parce que, là, les pisciculteurs sont rendus avec une problématique où des contraintes...

Je suis d'accord qu'il faut qu'on établisse des contraintes, et je vous remercie des explications que vous m'avez données concernant vos boues et la filtration de vos eaux, mais en même temps il faut être conscients de l'apport économique. Et, depuis... N'oubliez pas que, l'année passée, on a eu une maladie au niveau des aquaculteurs et des piscicultures, puis, rendre une truite à terme, pour certaines pourvoiries qui vendent du poisson de trois, quatre livres, ils pourront vous dire comment c'est dangereux. Parce que, dès qu'on a dépassé une certaine grosseur, il y a tous les risques de contamination. Donc, c'est un travail de longue haleine, c'est un travail de moine, élever de la truite, c'est presque comme faire du vin, pour ceux qui en font. Donc, quelqu'un qui pense que de l'aquaculture, c'est facile, ce n'est pas facile. Je suis obligé de plaider en leur défense parce que l'apport économique au Québec est très important. En même temps, il faut qu'ils évoluent au même titre que les autres. Et, leurs besoins en eau, c'est vrai qu'ils ont un grand besoin en eau. Et là, la question, on l'a posée, Mme la ministre l'a posée. Demain matin, vous tombez sur la même nappe phréatique, vous ne le savez pas, mais du village voisin, puis il y a un besoin d'eau. Moi, je suis à Saint-Cyrille-de-Lessard, dans mon comté, ils n'ont pas d'eau, ils sont en recherche d'eau, et il y a une pisciculture qui n'est pas loin qui, elle, a de l'eau. Qu'est-ce qu'on fait avec l'eau? La municipalité n'a pas d'eau, là, pas du tout, n'est pas capable d'avoir de l'eau. Qu'est-ce qu'on fait?

n(11 h 40)n

M. Lanctôt (Christian): Moi, je vais répondre partiellement...

Le Président (M. Bergman): M. Boulanger.

M. Lanctôt (Christian): Bien oui. C'est qu'actuellement, là, les piscicultures, comme on explique, il n'y a pas eu de développement suite à la nouvelle entrée de loi sur le captage de l'eau, sauf que les gros débits qui étaient prélevés, le ministère de l'Environnement exigeait des promoteurs des études hydrogéologiques, puis ça, il exigeait aussi des tests de pompage avec des rayons, certains rayons où il fallait qu'ils aillent faire du mesurage dans les puits avoisinants. Ça fait que, moi, je crois qu'actuellement le ministère de l'Environnement, il a déjà en main un outil qui est très efficace, très bon, puis, même, les fonctionnaires étaient déjà proactifs un peu en exigeant, lorsqu'on parlait de gros débits, des études hydrogéologiques, qui probablement ont été rapportées dans le projet de loi de 2002.

Puis, à ce moment-là, quand on parle de conflits d'usage, là, il faudrait vérifier toute l'expansion aussi, là. Quand les piscicultures ont été faites, ça a été construit dans les années soixante-dix. La municipalité comptait peut-être, je ne sais pas, moi, un petit village de 1 000 personnes; il y en avait à peu près ? d'habitude, c'est les deux cinquièmes ? 400 qui habitent au village, puis que les normes de l'eau étaient différentes à l'époque, où est-ce qu'ils permettaient de prendre les eaux de surface, dans les sources, tout ça. Après, il y a eu l'histoire, en Ontario, de Walkerton, je ne sais pas trop la place, en tout cas vous savez de quoi je parle, puis là les règles du jeu ont changé pour le municipal. Mais le noyau peut avoir grossi, aussi, là, tu sais. Il faut tout vérifier, tout peser, tout balancer. Mais une chose qui est sûre, c'est qu'il y avait déjà des demandes pour des études hydrogéologiques qui venaient éviter, lorsqu'il y avait des nouveaux forages de faits, un conflit d'usage, puis c'est ça, notre irritant est à ce niveau-là. C'est qu'on a tous bien répondu aux procédures, puis on a une conformité, puis l'étude hydrogéologique, si le ministère de l'Environnement, il acceptait l'exploitation du puits, c'est parce qu'il n'y avait aucun danger sur les conflits d'usage, sans ça il n'aurait jamais autorisé des prélèvements dans la nappe, là. Ça fait que, là, c'est là où que, nous, on trouve que ce n'est pas correct qu'il n'y ait aucune compensation financière dans le document, lorsqu'on est blindé, en réalité, là, avec les autorisations du ministère de l'Environnement, qui n'ont aucune limite dans le temps.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Prévost.

M. Camirand: Oui. Bonjour, monsieur. Juste pour compléter, j'aimerais avoir l'information: Pourquoi tantôt vous avez demandé un droit acquis pour les exploitants en ce moment et pas pour les nouveaux? Parce que la ministre vous a dit qu'il y avait un conflit possible d'usage pour une durée de 10 ans. Pourquoi donner un droit acquis, quand on explique l'importance d'une pisciculture et, tantôt, enlever à un nouveau qui va arriver, avec la nouvelle réglementation, pourquoi laisser un droit acquis?

M. Lanctôt (Christian): Bien, actuellement, je pense que... J'avais-tu le droit de prendre parole, là? Je fais ça rapide, là.

Une voix: ...

M. Lanctôt (Christian): Oui? O.K. Qu'est-ce qui arrive, là, c'est qu'on comprend bien la loi: en 2002, dès que tu fores un puits, là, il y avait une entrée en vigueur, qui était au mois de juin ou mai 2003, de ce règlement-là, puis, après cette date, c'est très clair dans le règlement, on est soumis ? tous les fonctionnaires, c'est ce qu'ils appliquent aussi ? au nouveau règlement, sauf qu'antérieurement, je vous le dis, c'était à la discrétion du fonctionnaire qui était en face de nous, qui exigeait ces études-là. Ça fait que, là, c'est tout à fait légitime ? puis c'est correct aussi ? que les nouveaux exploitants, lorsqu'ils s'installent... ou si, moi, chez moi, je fais un nouveau forage, bien c'est normal que ce forage-là soit soumis aux nouvelles lois. Ça, je n'ai pas de trouble avec ça, là, parce que de toute façon, pour l'exploiter, il faut que le fonctionnaire, au ministère de l'Environnement, nous donne un certificat d'autorisation, puis j'ai des conditions à remplir, puis ça, c'est tout à fait normal, légitime. Sauf que les forages qui ont été faits antérieurement, bien le ministère de l'Environnement, il s'est penché.

Juste vous donner comme cas, chez moi, l'entreprise, là, on a des... au C.A., il y a un débit d'inscrit dessus pour l'eau de surface, là, qu'on peut prélever, avec aucune condition dedans, là. Mais ça, moi, ça a une valeur, parce que, comme on l'expliquait, toutes les entreprises, en majorité, là, les entreprises, on a quelque chose qui apparaît et qui, du jour au lendemain, avec le nouveau projet de loi, tombe sans compensation financière.

Moi, quand je me suis en allé là-dedans, j'avais une formation en génie civil, je n'avais pas besoin d'aller en aquaculture. J'ai été intéressé par ça parce que, écoute, c'est... je suis fils d'agriculteur, puis, si on m'aurait dit que ça s'en venait comme ça, je ne suis pas sûr que j'aurais été là-dedans, là, tu sais, c'est... On ne fait pas exprès, là, mais c'est comme... Moi, j'ai mis mon argent là-dedans. J'ai commencé, j'avais 21 ans. Maintenant, je suis rendu à 34 ans, je vais avoir 35 bientôt, puis ma vie est avancée là-dedans, là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Simplement pour encore une fois intercéder en votre faveur, je vous dirai simplement que, si vous pensez qu'il va y avoir des nouveaux aquaculteurs au Québec aujourd'hui, détrompez-vous, c'est un travail, comme je l'ai mentionné, c'est un travail de moine. J'espère qu'il y en aura d'autres, mais, pour nourrir la population, il va falloir y penser tantôt, que ces gens-là vont être importants.

Est-ce qu'il y en a, entre vous autres, qui ont pensé justement à évoluer? Parce que vos rejets d'eau peuvent servir pour du tilapia, hein, parce que le tilapia, ce n'est pas un poisson qu'on produit. Là, à l'heure actuelle, il nous vient de partout ailleurs. Est-ce que personne n'a pensé, au Québec, se lancer dans cette culture-là?

M. Lareau (Sylvain): Je vais répondre à la question. L'élevage du tilapia au Québec est interdit par la loi, par la Faune, à cause du règlement de zonage. Donc, il y a beaucoup d'espèces comme ça. Il faut faire les espèces qui sont dans la zone pour... Donc, l'espèce permise pour l'élevage est zonée.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Donc, simplement pour dire aux gens: Demain matin, si l'aquaculture disparaît, vous pouvez mettre la clé dans 350 à 400 pourvoiries au Québec, parce qu'il n'y en aura plus, de poisson. Il faut qu'il soit produit à quelque part, puis, s'il n'est pas produit en pourvoiries, qui vont être régies avec les mêmes lois, il va falloir qu'il soit produit à quelque part. Puis, s'il n'est pas produit à cet endroit-là, la pêche, vous l'oubliez. La nature n'a pas été capable de suffire, les pêcheurs ont trop prélevé, et aujourd'hui on se retrouve devant un problème, puis la seule solution vient de l'aquaculture.

Donc, je suis conscient qu'il faut qu'on mette des contraintes. Je crois que vous saviez qu'il va y avoir des contraintes. De là à dire qu'on les pénalise, je pense qu'il faut faire la part des choses. Il faut voir quel apport économique qu'ils ont par rapport à ce qu'ils dépensent. Et je pense que... Bien, en tout cas, de mon côté, c'est le souhait que je ferais auprès du gouvernement: Voyez-vous, ce qu'ils viennent de dire, c'est qu'on n'a pas le droit de produire du tilapia ici, mais il y en a plein les épiceries. Si on avait des aquacultures... On pourrait en avoir à Montmagny, même si on a de la truite; ils ne s'en iront pas dans les lacs tout seuls, ça ne sautera pas en dehors du champ, ça ne se promène pas dans le bois, ça. Donc, je pense qu'on pourrait produire dans des endroits. Même s'il y a de la truite, on pourrait... je pense qu'on pourrait avoir une ouverture d'esprit qu'on n'a pas à l'heure actuelle, auprès des biologistes du gouvernement. Donc, merci, messieurs, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): Une chose pour compléter un petit peu ce que le monsieur disait. C'est qu'ici, au Québec, on prône présentement la souveraineté alimentaire puis on prône aussi les produits du Québec, puis 90 % de l'aquaculture vient de l'extérieur. Ça fait qu'on aurait un secteur à développer, puis on a plein de contraintes. D'autant plus que c'est un secteur...

Des voix: ...

Le Président (M. Bergman): S'il vous plaît!

M. Roy (Normand): ...qui peut se développer dans les milieux ruraux, où on a besoin vraiment, là, de développer le milieu rural, puis on ne pourra pas le développer si on a des contraintes, là, comme le présent projet de loi.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'apport que vous faites dans la compréhension du projet de loi. Ça va nous aider à trouver des solutions qui vont apparaître équitables au plus de gens possible.

Je sais également que c'est un secteur qui n'est pas facile. Je connais des gens qui ont abandonné justement le secteur de la pisciculture récemment. Ça fait que je sais un peu ce que vous éprouvez.

J'aurais un certain nombre de questions par rapport à votre mémoire. Vous indiquez que la relève est très... c'est très difficile au niveau de la relève. Vous nous avez expliqué un certain nombre de situations, mais est-ce que vous pouvez nous donner un petit peu plus de détails par rapport à ça?

M. Roy (Normand): Au niveau de la relève, là, c'est que la moyenne d'âge, tel qu'on le stipule dans le document, la moyenne d'âge est de 58 ans. Puis, au niveau des investissements présentement, là, c'est quand même des investissements qui sont importants, au niveau de l'aquaculture, avec des risques qui sont passablement élevés.

Au niveau du financement, ce n'est pas évident d'avoir un financement au niveau de l'aquaculture, étant donné qu'on n'a pas de... Au niveau du ministère de l'Agriculture, on n'a pas de sécurité de revenu. On n'a aucune assurance, là, qui peut survenir, là, si jamais on a une perte partielle ou une perte totale au niveau de...

Puis, après ça, bien c'est le travail assidu aussi au niveau de surveillance constante. On ne compte pas les heures pour avoir... Pour être capable de réussir en production, là, il faut mettre beaucoup d'heures. Puis, la plupart du temps, c'est un travail familial, ça fait que ton épouse vient t'aider, les enfants viennent aider. C'est ça qui fait qu'on vient à bout d'arriver à la fin de l'année pour avoir un certain revenu décent pour l'entreprise. Ça fait que la relève, là, c'est un peu le problème dans tous les secteurs. Mais, au niveau de l'aquaculture, nous autres aussi, on le vit, là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Pour assurer une meilleure rentabilité, est-ce que vous avez examiné des solutions du type d'avoir des... on pourrait dire, des ajouts complémentaires, par exemple, au niveau soit de l'agriculture? Bon. Vous utilisez l'eau souterraine. Est-ce que vous avez regardé des solutions au niveau de la géothermie, puis d'essayer d'avoir des serres à côté de ça, en fait essayer de faire des projets qui pourraient se compléter, qui pourraient améliorer la rentabilité?

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): Moi, je vais parler pour mon entreprise. Pour améliorer l'efficacité ou la rentabilité de notre entreprise, nous, on est équipés d'une usine de transformation. On transforme à la ferme notre produit. C'est un peu ça qui nous a permis, là, d'évoluer puis d'agrandir notre ferme. Mais, pour les autres secteurs, là, à savoir si on a travaillé sur la géothermie, puis tout ça, je pense que peut-être... M. Boulanger, il serait peut-être capable de vous parler de ça parce que, lui, il a été avant-gardiste, là, dans l'industrie.

n(11 h 50)n

Le Président (M. Bergman): M. Boulanger.

M. Boulanger (Yves): En fait, c'est que ce n'est pas parce qu'on exploite une pisciculture qu'on est vraiment dans un site qui est favorable à une autre exploitation. Par exemple, si on veut exploiter des serres, ça prend d'abord des unités thermiques qui sont favorables, ça prend une exposition, une protection. Normalement, c'est des choses qui sont incompatibles, là. On va se retrouver où on va avoir de l'eau dans des zones qui ne sont pas favorables, c'est marécageux, ou des choses de même. Puis, ce qu'il est important de savoir aussi, qu'on fasse de la revalorisation de l'entreprise, si les droits ne sont pas... autrement dit, on n'a pas de moyens financiers ou si les acquis ou les droits d'exploitation sont restrictifs pour la pisciculture, ils vont l'être autant pour... Donc, ça va être doublement difficile à financer parce que c'est des coûts importants. Donc, le noeud est dans... autrement dit, dans... l'exploitation est dépassée, la pisciculture n'est pas capable de s'exploiter, avoir les droits d'exploitation conforme. On aura beau essayer de faire de la revalorisation de nos rejets, ça va être aussi difficile.

Moi, j'aimerais revenir avec une réflexion à Mme Beauchamp, c'est pour répondre à une de ses questions. Je vais la lire, la réflexion: Comment expliquer, dans un contexte de bien commun dans lequel vous devez évoluer, que l'État indemnise des citoyens lorsqu'ils sont expropriés, soit pour le passage d'une ligne hydroélectrique, soit pour un passage de la voirie, et par contre que le citoyen qui investit dans le respect de son certificat d'autorisation puisse être privé de son droit de produire, puis jusqu'à un certain point son entreprise expropriée sans indemnisation?

C'est le noeud de l'histoire, c'est ça qui nous fait mal. C'est qu'on ne conteste pas... Si, pour des raisons de bien collectif, on doit être exproprié ou on doit arrêter de produire, qu'on compense les entreprises. Elles ont travaillé à l'intérieur des barèmes que l'État... On a investi puis on a travaillé dans les... on a respecté les barèmes que l'État nous a donnés. Donc, pourquoi qu'un promoteur, un citoyen serait pénalisé, dans le contexte d'un droit collectif, lorsqu'il a suivi les paramètres des droits collectifs pour être capable de fonctionner? Je ne sais pas si vous comprenez ma question?

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval, c'est le temps de M. le député de Roberval.

M. Trottier: Ça m'aurait fait plaisir que Mme Beauchamp puisse répondre, que Mme la ministre puisse répondre, je n'ai pas de problème avec ça. Je pense que la question est importante de la part des gens.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: On est ici pour écouter et consulter. Je disais qu'on écoute avec beaucoup de sensibilité vos préoccupations. Il y a une dimension importante ici, c'est qu'on parle d'une loi où le gouvernement devient un gardien, un fiduciaire d'une substance qui s'appelle l'eau, qui est nécessaire à la vie. Et c'est là où, dans le contexte, on s'attend, sur des dizaines et des dizaines d'années, à cause notamment des changements climatiques, à d'importants bouleversements sur notre territoire, et on ne peut plus regarder ce contexte-là de l'utilisation de la ressource en eau comme étant quelque chose qui est figé, qui est statique, puis que les certificats d'autorisation que l'on donne font partie d'une espèce de droit qui devient un droit acquis. Pas dans une situation où notre environnement, puis là c'est le cas de le dire, où l'environnement est appelé à se transformer grandement. Et on ne parle pas donc de projets qui sont comparables à d'autres lorsque je parle de la protection d'une ressource qui est nécessaire à la vie.

Donc, quand vous me dites: Ce sont des entreprises qui travaillent dans un contexte de respect de certificats d'autorisation qui leur sont délivrés, moi, je reconnais qu'il y a un changement dans les règles du jeu, c'est le fait que maintenant les certificats d'autorisation sont sur 10 ans. Mais j'en profite pour vous dire, parce qu'on parle beaucoup de cela comme si la loi, elle était figée de son côté, alors qu'elle ne l'est pas, puisque, dans le même article qui parle de certificat sur 10 ans, on introduit la possibilité que le ministre puisse émettre des certificats soit plus courts, soit plus longs pour justement tenir compte de situations particulières où, par exemple, un projet de type commercial ou industriel est un projet très coûteux, demandant des investissements très importants, où on sait, par exemple, votre argument par rapport aux financiers, qu'il faut arriver en étant capable de montrer une certaine stabilité.

Excusez-moi, M. le député de Lac-Saint-Jean. Vous m'avez proposé de répondre, mais c'était complexe.

M. Trottier: J'espérais une réponse courte à une question claire.

Mme Beauchamp: Bien, à ce moment-là, utilisez votre temps. J'en suis tout à fait aise.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre, en conclusion. En conclusion, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Je cède la parole à M. Trottier.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: On va assurer un suivi de votre questionnement lors de l'étude du projet de loi. Je pense que votre question mérite réponse.

Est-ce que vous avez examiné la possibilité d'avoir un label écologique ? on sait que, de plus en plus, les produits de l'avenir vont être des produits écologiques ? faire en sorte que vous puissiez dire: Nous, les produits qui sont faits au Québec ne sont pas des produits qui sont faits dans des conditions moins intéressantes qu'ailleurs? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de développer ce créneau-là? Puis, est-ce que vous avez du support par rapport à ça, pour pouvoir développer un produit spécifique pour le Québec qui aurait une valeur ajoutée?

M. Boulanger (Yves): C'est parce que, nous autres, dans le cadre de notre entreprise, c'est quelque chose qu'on cherche à faire. Mais ça, ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain. Un label, si on veut qu'il ait son efficacité, qu'il soit reconnu, il faut que... il y a des efforts à faire, il faut faire des... Autrement dit, on ne peut pas faire un label juste en fonction de notre entreprise, il faut qu'elle rejoigne l'ensemble des entreprises, qu'elle rejoigne les besoins puis les préoccupations des clients.

Donc, c'est quelque chose, je pense, qu'on doit tendre à faire, parce que, si on veut que... Juste au niveau de... au point de vue environnemental, je pense qu'on a quelque chose, c'est... on peut acheter le poisson d'ailleurs, mais on sait que les tendances sont là, au point de vue environnemental, c'est qu'on attend, tant, au point de vue de l'innocuité du produit, tant, au niveau du coût environnemental, qu'à aller chercher du poisson à l'extérieur, c'est... il y a des aspects qu'on doit exploiter puis qui pourraient être avantageux pour... de produire au Québec, dans ce sens-là. Mais c'est sûr qu'on regarde dans cette voie-là, mais il y a...

Puis d'ailleurs la Loi sur l'aquaculture va dans ce sens-là. Elle nous encourage fortement d'aller dans ce sens-là. Et les règlements qui nous sont imposés à l'intérieur de la Loi sur l'aquaculture ont tendance à vouloir nous donner des façons d'agir pour être capables... qu'on réponde à certains besoins.

Le Président (M. Bergman): M. Lareau.

M. Lareau (Sylvain): Oui. Je voulais dire que je siège sur le comité de pilotage de la STRADDAQ, avec les partenaires du ministère de l'Environnement et du MAPAQ, et justement la STRADDAQ vise à réduire les rejets des piscicultures, entre autres. Et c'est une préoccupation de faire reconnaître ces entreprises-là qui font des efforts justement à ce niveau-là. Donc, on travaille pour qu'il y ait une certaine reconnaissance des participants de la STRADDAQ, entre autres dans cette optique-là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: En matière de recherche et développement, si vous aviez des priorités, quelles seraient vos priorités pour vous aider à développer votre industrie, on pourrait dire... Dans le cadre d'un développement durable, ce serait quoi, vos principales priorités?

Le Président (M. Bergman): M. Roy.

M. Roy (Normand): Bon, en 2004, lorsqu'on a signé la Stratégie de développement durable, on est allés voir à l'extérieur qu'est-ce qui se passait. On s'est rendus au Danemark. Le Danemark, c'est le troisième plus grand producteur de truite arc-en-ciel. On est allés justement regarder qu'est-ce qu'ils faisaient pour diminuer les impacts, là, au niveau de l'environnement. Puis, eux autres, la façon de diminuer les rejets dans l'environnement, c'était d'utiliser des moulées performantes à basse teneur en phosphore.

Puis, nous, lorsqu'on est revenus ici, on a fait... certaines entreprises ont fait des essais à la ferme, puis on a convaincu nos fabricants canadiens à avoir une moulée de haute qualité, puis ç'en est une, une des choses qu'on a faites, là, présentement pour diminuer les impacts environnementaux.

Puis, au niveau de la SORDAC, il y a des petits projets. La Société de recherche, là... continentale, eux autres, ils font des petits projets justement pour améliorer la situation de nos entreprises ou du secteur tel quel.

Puis je voudrais aussi, juste pour... lorsque vous demandez, là, au niveau... est-ce qu'on a un label pour représenter la truite du Québec, c'est que présentement c'est un volume de masse qui parvient sur nos marchés, puis on n'a pas le volume pour compétitionner ces volumes de masse là. Nous, on a une table filière en aquaculture en eau douce qui travaille présentement, là, à valoriser surtout des marchés de niche qui seraient des marchés régionaux, puis tout ça. C'est la façon...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Roy (Normand): En conclusion, c'est que, si on veut avoir un label, ça prend un produit de masse, puis on ne l'a pas.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. Roy, M. Boulanger, M. Lanctôt, M. Lareau. Merci pour votre présentation.

Les membres de la commission peuvent laisser leur documentation ici pendant la suspension. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Oui. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on a un quorum. Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 92, Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection.

On va entendre quatre groupes cet après-midi. Alors, pour votre information, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission pour un autre 45 minutes. Je vous demande d'identifier les personnes qui vous accompagnent, et le micro est à vous pour les prochaines 15 minutes.

Fédération des producteurs
maraîchers du Québec (FPMQ)

M. Douville (Yvon): Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Louis Gosselin, producteur de fraises, Ferme François Gosselin inc., président de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec; M. François Cousineau, producteur maraîcher, Les Jardins Paul Cousineau inc. & Fils; M. Stéphane Verner, au bout, spécialiste en irrigation, la ferme Vert Nature. Et je me présente: Yvon Douville, coordonnateur de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec, agronome, maîtrise en sciences.

Nous saluons tout d'abord le gouvernement pour son initiative de vouloir protéger cette ressource vitale qu'est l'eau. Nous remercions la présente commission de nous donner l'opportunité de présenter nos préoccupations.

La Fédération des producteurs maraîchers du Québec défend les intérêts de plus que 1 000 producteurs maraîchers au Québec. Par «maraîchers», nous entendons des légumes et des fruits, comme le brocoli, la laitue, la carotte, etc., la fraise, framboise, qui sont cultivés en plein champ. La culture maraîchère s'étend sur environ 25 000 ha dans l'ensemble du Québec. L'objectif principal de nos producteurs est de fournir les produits les plus sains possible aux consommateurs.

Le présent projet de loi interpelle indiscutablement nos producteurs. Ils nous ont transmis plusieurs commentaires face à ce projet de loi. L'essentiel de ces commentaires porte sur l'éventualité d'une redevance sur l'eau. Ce mémoire se concentrera donc sur cette question. En tout premier lieu, il faut savoir que, pour les producteurs maraîchers, l'eau, c'est le moins possible. Les productions maraîchères ont besoin d'eau pour pouvoir se développer. Par leur nature, les fruits et légumes contiennent une large part d'eau. Si on prend la laitue, par exemple, on est environ à 96 % du contenu en eau. C'est une différence quand même assez appréciable lorsqu'on se compare avec du blé ou du maïs, qui est vendu à 15 % d'humidité en eau. Lorsqu'on achète un fruit ou un légume, la composante principale, c'est de l'eau. Règle générale, il faut 2 à 3 cm d'eau par semaine de croissance des plantes pour combler les besoins des plantes maraîchères. La régularité de l'approvisionnement est très importante. Il ne suffit pas d'un grand coup d'eau au printemps, mais ça prend un apport léger mais régulier en eau.

La principale utilisation de l'eau en production maraîchère est donc l'irrigation des cultures, bien qu'on utilise également l'eau pour le lavage. Une récente enquête du Groupe AGECO, qui est situé à Québec, qui a été financée en partie par un programme du gouvernement du Québec, a permis de dresser un portrait fidèle de cet aspect. On y apprend que 70 % des producteurs maraîchers irriguent leurs terres. Les moyens les plus communs d'irriguer les terres, c'est par aspersion, c'est-à-dire par des gicleurs qui projettent de l'eau à partir de peut-être une hauteur de 4 à 5 pi, et par goutte-à-goutte; ça, on pourrait dire simplement que c'est comme un tuyau percé qui laisse des gouttes directement au pied des plantes.

Pour les producteurs maraîchers, l'irrigation n'est pas une activité gratuite. Il y a, entre autres, des frais d'infrastructures, de conformité réglementaire et de pompage avant même qu'une seule goutte d'eau soit placée dans les champs. Voici un exemple qui est fourni dans le mémoire que vous avez: infrastructures: ligne hydroélectrique 550 V, 1 km, 40 000 $; le puits, creusage, 6 000 $; pompe et tuyaux d'amenée, 8 000 $ ? ce sont des chiffres de 2008; conformité réglementaire: 20 000 $ pour une étude hydrologique; autorisation gouvernementale, 4 000 $; et les frais de pompage de l'eau: simplement en électricité, 3 $ de l'heure. L'ampleur de ces frais nous amène à affirmer que les producteurs n'irriguent qu'au besoin seulement. D'ailleurs, une irrigation excessive favoriserait le développement de maladies qui emmèneraient une diminution de la qualité des plantes.

Un souci d'efficacité a fait prendre aux producteurs un certain nombre de décisions d'affaires pour réduire la consommation d'eau. Un de ces moyens-là, c'est utiliser des appareils qui permettent de déterminer quand on a besoin vraiment d'irriguer. Deuxièmement, il y a un changement au niveau des techniques d'irrigation. Le goutte-à-goutte, que j'ai mentionné tout à l'heure, est maintenant employé sur 40 % des fermes maraîchères du Québec. Troisièmement, des changements culturaux ont eu lieu dans la production maraîchère au cours des dernières années. Je pense ici au plastique qui permet de couper l'évaporation de l'eau et de conserver l'eau près des plantes.

J'aimerais également vous dire que les producteurs maraîchers sont très proactifs dans la gestion de l'eau. Ils s'intéressent à cette question depuis très longtemps. Ils ont mené des études sur les problématiques environnementales, ils ont présenté un mémoire à la Commission de l'avenir de l'agriculture, ils sont également directement concernés par les nouvelles exigences en salubrité des grandes chaînes, qui demandent une qualité d'eau importante.

Les producteurs maraîchers ont été également très proactifs pour réaliser des projets permettant de mieux connaître et de mieux gérer l'eau. Si on prend le Conseil de développement de l'agriculture du Québec, qui est un organisme important au Québec pour développer l'agriculture, on se rend compte, et j'ai fait venir les statistiques pas plus tard qu'hier, que 181 projets ont été menés au cours d'environ, je dirais, les deux à trois dernières années, dans le cadre d'un projet d'approvisionnement en eau Canada-Québec. Ça correspondait à des investissements de 2,7 millions. De plus, il y a eu des études hydrologiques et de pompage qui ont été faites dans les principales régions maraîchères du Québec, pour une valeur de 6,4 millions. On aimerait mentionner ici respectueusement que ce conseil-là du développement de l'agriculture, qui est connu sous le nom du CDAQ, ce n'est pas seulement des producteurs qui sont autour de la table pour décider des projets, mais également on retrouve le ministère de l'Environnement du Québec et du Canada, et on retrouve des intervenants aussi comme le ministère de l'Agriculture. On croit, nous, les producteurs, que ces mesures-là sont facilitantes pour trouver des méthodes pour réduire l'usage de l'eau. Et la preuve est faite que les producteurs vont embarquer vastement dans ces programmes-là, et on en est très heureux et on tenait à le mentionner.

n(14 h 10)n

Laissez-moi maintenant vous parler de l'utilisation de l'eau sur les terres maraîchères. Une chose très importante à comprendre: Lorsqu'on irrigue les terrains maraîchers, on n'irrigue pas la plante, mais on irrigue le sol. L'eau part des gicleurs, tombe au sol, et il y a une partie qui est absorbée par la plante, une partie, on estime à environ 15 %, qui est évaporée dans l'atmosphère, et une partie va directement dans le sol. La même dynamique s'installe également avec le goutte-à-goutte. Le goutte-à-goutte, la seule différence, il y a beaucoup moins d'évapotranspiration, étant donné que le tuyau est directement au sol. Donc, l'eau pompée est recyclée à maints égards et retourne en bonne partie là où elle est puisée. On irrigue le sol. Compte tenu de cette dynamique de recyclage sur le site même et de la quantité moyenne de précipitations reçues au Québec, les maraîchers n'observent pas de problème d'épuisement de leur ressource d'eau. Dernièrement, hier, je suis allé justement au Conseil de développement de l'agriculture. On m'a remis des études qui ont été faites sur l'hydrologie. Il y avait des études de 1 000 pages chacune, et chacune de ces études-là mentionne qu'il n'y a pas d'effet sur la réserve de l'aquifère dans les zones maraîchères.

Laissez-moi vous parler maintenant des avantages de nos concurrents. La référence en matière de concurrence étrangère en milieu maraîcher, c'est la Vallée Impériale, en Californie, également la zone adjacente en Arizona. Dans ce lieu de production majeure, donc nos compétiteurs, des canaux d'eau ont été aménagés par les gouvernements afin de fournir les producteurs. L'an passé, on a effectué des visites qui nous ont permis de constater que les producteurs ne versaient aucune redevance au gouvernement pour la ressource eau en tant que telle. Il y a un montant simplement qui est chargé pour l'entretien du système de canalisation, soit 12,50 $ US pour une quantité de 1 224 m³, ce que les Américains appellent des acres-pieds. Je vais vous épargner le reste, on va parler de mètres cubes, si vous voulez bien. En d'autres mots, cela représente 0,01 $ du mètre cube. La même quantité d'eau coûte 40,50 $ ici, au Québec, en frais de pompage, en électricité seulement. Ça, c'est basé sur le calcul précédent que je viens de vous citer. Ainsi donc, notre principal compétiteur jouit d'absence de redevances gouvernementales sur l'eau, en plus de payer 3,24 fois moins que nous minimalement pour avoir accès à l'eau d'irrigation. D'autres compétiteurs importants, comme la Floride et l'Ontario, ne paient pas également de redevances.

Nous pensons que l'imposition de redevances sur l'eau au Québec, en milieu maraîcher, diminuerait notre capacité concurrentielle. La nature de notre industrie faisant que le prix est un critère très important, il en découlerait la perte de certains marchés sensibles et une plus grande présence de fruits et légumes étrangers sur nos tablettes.

J'aimerais vous parler maintenant d'un changement important qui s'est passé dans la société depuis un certain temps: les fruits et légumes sont maintenant rendus le pilier de l'alimentation du Québec. Ce fait est concrétisé par le nouveau Guide alimentaire canadien qui, pour la première fois, a placé les fruits et légumes en avant des produits céréaliers et laitiers comme base de l'alimentation. C'est dans ce contexte que de vastes campagnes comme mangezquébec.com, Mettez le Québec dans votre assiette! font la promotion de la consommation des fruits et légumes du Québec. L'intention est claire: augmenter la consommation de légumes et de fruits provenant du Québec, et ce, afin de favoriser une alimentation saine pour le plus grand nombre.

Dans ce contexte, nous pensons que l'imposition de redevances sur l'eau aura des répercussions négatives dans l'atteinte de ce but. Les redevances sur l'eau au Québec et pas ailleurs forceront les maraîchers à augmenter leurs prix de vente, et ce sera finalement le consommateur qui paiera la facture. Il pourrait, entre autres, en résulter que les plus démunis de la société pourraient être tentés de diminuer leur consommation de produits de base que sont devenus maintenant les fruits et légumes. Ces prix plus élevés des produits québécois pourraient aussi entraîner une plus forte présence de fruits et légumes en provenance étrangère sur nos tablettes. Dans les deux cas, l'objectif d'augmenter la consommation de fruits et légumes cultivés ici serait amenuisé. Plus fondamentalement encore, nous croyons qu'il faut favoriser l'accès au plus grand nombre d'aliments requis pour le maintien d'une bonne santé. Les aliments comme les fruits et légumes ne sont pas des biens de luxe, mais des biens de base. En ce sens, il nous est inadmissible que des mesures qui pourraient en restreindre l'accès directement ou indirectement soient mises en place. C'est pourquoi nous pensons que le gouvernement devrait exempter les producteurs de fruits et légumes du Québec des redevances prévues sur les prélèvements et l'utilisation de l'eau, comme cela se fait en Ontario.

En guise de conclusion, la Fédération des producteurs maraîchers du Québec est heureuse de constater que le gouvernement a l'intention de mettre en place une loi dont l'une des conséquences sera de protéger la ressource de l'eau. En tant que producteurs de fruits et légumes qui sommes en contact quotidien avec l'eau, nous sommes positivement interpellés par cet objectif. Cependant, en raison même de la nature des produits que nous produisons, dont nous souhaitons favoriser la consommation par le plus grand nombre, nous pensons qu'il est éthiquement inapproprié pour le gouvernement d'exiger des redevances sur l'eau pour les producteurs maraîchers. Une telle mesure réduirait de surcroît la capacité compétitive de nos producteurs en comparaison des États ou provinces qui ont exempté le secteur agricole de telles redevances.

De plus, nous croyons que cette mesure pourrait entraîner une diminution de la consommation des fruits et légumes d'ici en raison des coûts plus élevés de production, ce qui représenterait une contradiction avec les programmes gouvernementaux actuels qui favorisent l'achat local. La nature même de la réalité de la production maraîchère fait en sorte que nous désirons irriguer le moins possible. Notre désir est de prendre le moins d'eau possible, et c'est pourquoi les maraîchers mettent de plus en plus en place des mesures d'économie d'eau. Nous sommes ouverts à accueillir des suggestions ou incitatifs gouvernementaux qui permettraient de réduire encore davantage notre usage de l'eau.

En conclusion, nous sommes des producteurs d'aliments de base qui répondent aux besoins les plus fondamentaux de l'être humain.

Le Président (M. Bergman): Merci pour votre présentation. Maintenant, pour la période d'échange, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Merci beaucoup, MM. les représentants de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec. Votre mémoire est bien intéressant et, jusqu'à un certain point, éclairant, puisque vous prenez le temps de nous décrire les différentes techniques d'utilisation d'eau dans votre domaine.

Maintenant, comme vous le disiez vous-même, une bonne partie de votre mémoire porte sur des éléments... un argumentaire en fait pour un éventuel débat que nous devrons avoir, au Québec, sur une redevance sur l'eau. Mais on se comprend bien qu'ici la loi, la portée de la loi est d'amener un certain éclairage juridique qui va nous donner de meilleures assises juridiques pour parler d'une redevance sur l'eau au Québec, puisque la loi clarifie le statut juridique de l'eau et en fait une propriété collective de l'ensemble des Québécois. Ça, ça nous donne une meilleure assise juridique pour des travaux puis un débat, je pense que c'est clairement, puis vous indiquez que vous allez y participer, un débat que nous devrons avoir, au Québec, au cours de l'année 2009 assurément, sur un peu quelles sont les conditions à mettre en place puis quels sont les arguments dont il faut tenir compte pour l'imposition d'une redevance sur l'eau. Et j'imagine donc que déjà vous avez écrit un certain nombre de vos arguments, qui sont intéressants, dont on devra sûrement débattre au cours de l'année 2009, dans le bon forum qui sera approprié à ce moment-là.

Pour le moment donc, j'aimerais ça revenir sur plus la loi en tant que telle, puisque le gouvernement a déjà, par des lois antérieures, hein, la capacité d'amener une redevance. Moi, quand je suis arrivée au ministère, j'ai demandé: Qu'est-ce qu'il manque pour qu'on puisse le faire, et dans quel contexte? Puis, une des choses qu'il manquait, c'est cette meilleure assise juridique du statut juridique de l'eau, pour qu'on avance en terrain bien solide. Et je prends le temps de vous dire qu'on a bien compris vos arguments, je les ai entendus, sur le fait... de pourquoi vous vous positionnez contre le fait qu'une telle redevance soit appliquée à votre secteur.

Mais par ailleurs la loi, elle amène aussi toute une notion de la gestion, plutôt, hein, d'une gestion moderne de l'eau au Québec pour le XXIe siècle, et, entre autres, donc elle dit que des grands... ce qu'on peut qualifier, là, la loi ne parle pas ainsi, mais dans notre jargon à nous, des grands utilisateurs d'eau, des utilisateurs de 75 m³ et plus par jour, devront venir chercher un certificat d'autorisation qui... la loi le décrit comme devant être valide pour 10 ans mais devant être renouvelable. Dans le contexte de cette loi puis la portée de ce que prévoit la loi comme mode de gestion sur vos membres, j'aimerais ça un peu plus vous entendre.

Donc, dans votre mémoire, vous dites que vous avez environ 1 000 membres. Je ne sais pas si vous comprenez ou pas vraiment la très grande majorité ou pas des producteurs maraîchers, mais j'imagine que c'est un bon nombre. Est-ce que vous êtes en mesure de nous éclairer sur vos membres ou l'ensemble de cette industrie maraîchère? Vous estimez que combien devront dorénavant venir chercher un certificat d'autorisation parce qu'ils utilisent plus de 75 000 m³ par jour? Et êtes-vous en mesure de nous dire un peu plus quelle est la réaction de vos membres par rapport à cette obligation qu'introduit la loi, notamment pour l'utilisation de l'eau de surface, là?

n(14 h 20)n

Le Président (M. Bergman): M. Douville. M. Gosselin.

M. Gosselin (Louis): Mme la ministre, moi, je vous parlerais peut-être... Je suis de la région de Québec, je suis de l'île d'Orléans, je parlerais pour l'ensemble des producteurs maraîchers, mais c'est sûr qu'il y a différentes... chaque région, je dirais, a ses problématiques puis a ses techniques d'irrigation. Dans la région ici, lorsque vous faites référence aux eaux de surface, c'est vraiment plus notre cas. Puisqu'on n'a pas la capacité de creuser des puits, forer des puits puis avoir des quantités d'eau suffisantes pour irriguer, on doit y aller par bassins. Donc, c'est des bassins de rétention. On creuse des bassins sur nos fermes, de dimension... normalement, c'est autour de 5 000 m³ d'eau environ, en moyenne, qu'il peut y avoir dans ces bassins-là. C'est des bassins qui sont peu profonds, là, de deux à trois mètres de profond seulement, où on retrouve principalement, au printemps, bon, l'eau de la fonte des neiges, puis, durant l'été, l'eau de pluie, l'eau de ruissellement, puis quelquefois l'eau des drainages agricoles qui peuvent se jeter dans ces bassins-là.

On n'était pas touchés dans la réglementation, auparavant, au niveau des certificats d'autorisation. Si on touche à ça, je dirais qu'au niveau maraîcher on va toucher, je dirais, presque 100 % des producteurs, parce que des maraîchers qui ne font pas d'irrigation du tout, en tout cas, s'il y en a, il y en a excessivement peu, là, c'est sûrement moins de 1/2 de 1 %, puis, à partir du moment où on parle de certificat d'autorisation pour le captage des eaux de surface, on vient de toucher tout le monde. Je crois.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, c'est parce que j'espère qu'on se comprend bien, puis c'est pour ça que je posais la question. On ne parle pas que n'importe qui qui vient prendre de l'eau de surface a besoin d'un certificat d'autorisation, on cible ceux qui doivent utiliser 75 m³ et plus par jour. Et, lors des travaux de la commission Beauchamp, un peu de cette commission générique, ce BAPE générique sur l'eau ? est-ce que je prends le temps de redire?, ce n'est pas moi, la commission Beauchamp, c'est quelqu'un vraiment d'émérite, André Beauchamp, qui a mené cette commission ? à ce moment-là et lorsqu'aussi il y a eu les débats entourant les principes adoptés dans le cadre de la Politique nationale de l'eau, déjà la notion qu'une autorisation devait s'appliquer pour 75 m³ et plus par jour ? en passant, en Ontario, c'est 50 m³ et plus par jour, mais le 75 m³ semblait faire consensus au Québec, sous la commission Beauchamp ? à ce moment-là, déjà, les premiers chiffres transmis par le ministère de l'Agriculture puis, je crois, à cette époque-là, quand même, je dirais, acceptés par, par exemple, l'UPA, on disait que 94 % du secteur, du monde agricole était exclu de cette notion de venir chercher un certificat d'autorisation, parce que bon nombre donc des gens étant considérés comme faisant partie du secteur agricole de par nos lois et politiques, là, donc je dirais sous la gouverne du MAPAQ, donc 94 % n'étaient pas assujettis à venir chercher un certificat d'autorisation. C'est laisser un 6 % de gens qui, oui, là, utilisent plus de 75 m³ par jour. Peut-être un bon exemple de ça, c'est les personnes qui vous ont précédés, qui étaient les aquaculteurs, où de façon évidente ils prennent plus que 75 m³ par jour.

Donc là, je suis un peu étonnée de votre réponse et je voulais donc voir si, vous, vous aviez fait ou pas certaines évaluations de cela, parce que, justement ici, là, il faut être bien précis, c'est vraiment ce qu'on peut qualifier d'assez bons utilisateurs, 75 m³ par jour, et voir un peu donc quel est... Parce que je ne crois pas que c'est 100 % de vos membres, je ne le croirais pas, mais enfin je vous relance la question. Je voulais juste voir qu'on s'était bien compris, parce que bien sûr des utilisateurs d'eau dans votre domaine, c'est 100 %, mais 75 m³ et plus par jour?

Le Président (M. Bergman): M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Bonjour, Mme la ministre. La réponse, c'est qu'à l'UPA il y a des producteurs maraîchers, mais il y a les producteurs de grain, les producteurs des animaux et compagnie, ce qui fait qu'on est une petite partie de l'UPA. Mais, dans notre groupe... comme les pisciculteurs dans leur groupe, c'est 100 % qui sont des consommateurs en haut de 75. Dans notre groupe, ce n'est peut-être pas 100 %, mais le volume, la production réelle, on peut avoir 1 000 producteurs, mais des vrais producteurs, il y en a peut-être 300, 400 qui sont vraiment en haut volume, qui en vivent; eux, c'est 100 %. C'est ça que... ou 98 %. C'est ce qu'on voulait dire.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Parce que je ne sais pas, là, si les termes sont tout à fait comparables ou pas, mais des éléments que j'avais devant moi, là, qui sont des données qu'on m'avait fournies au moment où on a commencé à travailler la loi, on parle ici d'entreprises horticoles, puis on me signalait que, des entreprises risquant de consommer 75 m³ et plus par jour, on estimait que c'était environ 34 % des entreprises horticoles. Ça fait que je voulais donc... Moi, je voulais un petit peu valider auprès de vous ce chiffre parce que, là, vraiment on est devant une... La réalité transportée par les chiffres est très, très différente entre ce que vous me parlez, de presque 100 %, puis 34 %. Et néanmoins, parce que malheureusement le temps court, je voulais juste donc vous réentendre sur le fait qu'il y a donc cette notion de certificat d'autorisation renouvelable aux 10 ans pour les consommateurs de 75 m³ par jour, peut-être vous laisser le temps de nous dire quelle est un peu votre réaction par rapport à ce régime de gestion que nous proposons par la loi.

Le Président (M. Bergman): M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Bien là, je voulais juste répondre à la première question. La deuxième... La première question, c'est qu'à un moment donné il y a peut-être 1 000 producteurs, mais ceux qui sont des producteurs, disons, qui en vivent réellement, tous ceux qui restent, c'est peut-être 300, 400 producteurs. Où est-ce qu'on tranche la limite entre en vivre réellement et ne pas en vivre réellement? Mais, eux, c'est 100 % d'irrigation, parce que c'est un critère de qualité. On n'a pas le choix, si tu n'irrigues pas, tu n'as pas de qualité; pas de qualité, tu n'as pas de vente. Ceux qui vendent à des chaînes de magasins ou vendent à des clients d'une certaine importance, ça leur prend de la... puis même les petits clients, ça prend de la qualité, puis l'irrigation, c'est... C'est sûr, cette année, en 2008, c'est une année un peu spéciale, là, on n'a pas vraiment utilisé beaucoup d'eau, là, mais normalement on devrait en utiliser plus que ça. Et votre deuxième question, c'était?

Le Président (M. Bergman): M. Verner.

M. Verner (Stéphane): Oui. Je peux faire suite à lui à la première question: Y a-t-il eu... Bien, bonjour, Mme la ministre. 75 m³ par jour, savez-vous c'est quoi, la quantité, mettons, si on compare ça en gallons par minute? Ça représente 13,76 gallons par minute. Une hose à jardin, c'est à peu près cinq gallons/minute. Ça fait que, sur une ferme, ce n'est pas gros, 13,76. C'est pour ça que monsieur, au bout, dit que ça va rejoindre quasiment tout le monde, parce que 13,75 gallons/minute, c'est vraiment minimum pour une ferme. On parle pour une ferme, on ne parle pas d'un jardin de maison, là.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Mais, comme je vous disais, écoutez, bien nettement, là, vous connaissez mieux le secteur que moi, là, c'est indéniable, mais justement je profite de cette consultation pour valider certains chiffres. Vous comprenez que je pense que le chiffre que j'ai devant moi résulte quand même d'une évaluation sérieuse faite. Peut-être, ce que j'aimerais, c'est peut-être que vous tentiez de m'obtenir quelque chose, de valider, là, parce que, quand vous me dites: pratiquement 100 %, mais 100 % de ceux qui en vivent complètement, et tout ça... Juste parce que, lorsqu'on va se mettre, nous, à étudier le projet de loi article par article, juste pour qu'on soit capables d'avoir une... qu'on soit sûrs qu'on travaille sur la base de données que tout le monde accepte et que tout le monde comprend de la même façon. Parce qu'avant de vous parler, moi, mon chiffre que j'ai, c'est environ 34 % des horticulteurs touchés.

M. Cousineau (François): ...

Le Président (M. Bergman): Monsieur.

M. Cousineau (François): ...pas de la production. Excusez.

Mme Beauchamp: Non, des producteurs, des producteurs bien sûr. De ceux qui vont devoir venir chercher un certificat d'autorisation.

M. Cousineau (François): Ce qu'on vous argumente...

M. Douville (Yvon): Est-ce que je peux parler?

Le Président (M. Bergman): M. Douville.

M. Cousineau (François): O.K., vas-y, vas-y.

M. Douville (Yvon): Le chiffre de 34 %, là, c'est très intéressant si on parle d'entreprises horticoles, hein? Peut-être avez-vous devant vous la notion d'entreprise horticole. Il y a une différence entre l'horticulture et le maraîchage. L'horticulture concerne, par exemple, les pommes de terre, concerne les serres, concerne les vergers, etc. Il y a plusieurs de ces productions-là que le besoin en eau est très minime. Les producteurs de pommes de terre, par exemple, ne sont pas là aujourd'hui pour vous parler de leurs besoins en irrigation parce qu'ils s'en servent très peu. Nous, dans le contexte de la production maraîchère, on parle même de 757 entreprises, potentiellement, horticoles, qui utiliseraient ça, qui seraient visées par le 75 m³ et plus, une très grande majorité de ces entreprises-là vont être des fermes maraîchères.

Je pense que c'est ça qu'on essaie de vous dire, étant donné que 75 m³, si on fait le calcul avec ce que je vous ai expliqué tout à l'heure, le 2 à 3 cm par jour d'irrigation, on arrive que ça prend simplement 2,1 ha irrigués, puis voilà, c'est terminé. Alors, des fermes de 2,1 ha, c'est tout petit, au Québec, pour... On est incapables de vivre avec un 2,1 ha. Ça nous porte à dire qu'une très vaste majorité des fermes maraîchères vont être touchées par cette mesure-là de 75 m³ par jour.

n(14 h 30)n

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Il reste malheureusement à peine, peut-être, environ trois minutes, j'ai deux questions, je vais essayer de résumer très rapidement. Donc, on vient de mieux se comprendre, et je vous remercie beaucoup de vos éclaircissements.

Mais maintenant quels sont les avantages et les désavantages que vous voyez au fait que... Compte tenu que la ressource, elle est essentielle pour tout le monde, parce qu'à la fin elle est aussi essentielle pour vous, c'est un projet de loi sur la préservation de la ressource, quels sont les avantages et les désavantages que vous voyez à ce régime de gestion de l'eau de surface, qui dit: Il faut venir chercher un certificat d'autorisation si je fais partie des grands utilisateurs d'eau, à 75 m³ et plus par jour?

Puis ma dernière question, rapidement, c'est: dans la loi, on établit aussi une hiérarchisation, hein, en cas de conflit d'usage de l'eau, il y a une hiérarchie sur l'utilisation de l'eau. Je voulais savoir si vous aviez des commentaires ou pas sur cette hiérarchisation.

Le Président (M. Bergman): M. Douville. M. Cousineau, il vous reste deux minutes.

M. Cousineau (François): Deux minutes, O.K. Bon, première question, c'est un peu comme les gens de ce matin avec la pisciculture, c'est sûr qu'il y a un problème au fait de savoir que peut-être que tu pourrais perdre le droit à pomper, qui est un besoin essentiel pour les entreprises qui sont vraiment... qui en vivent. Ceux qui en font un passe-temps légèrement payant, on pourrait dire, même pas, bien, eux, c'est moins grave, ils n'en vivent pas vraiment. Mais, ceux qui en vivent, c'est vraiment un besoin essentiel. C'est toujours la question si un jour tu perdais ce droit-là ou il serait changé.

Et, pour la deuxième question ? parce qu'il nous reste une minute, je pense; pour la deuxième question ? le seul problème que, moi personnellement ? là je parle pour moi ? je vois, dans la loi, il faudrait au moins inscrire une chose qui est vraiment importante: si on peut pomper, nous, x mètres cubes à l'heure, ou par jour, ou par minute, si le voisin ne peut pas le pomper, c'est souvent à cause de l'installation et absolument pas à cause de la ressource. Moi, j'ai vu souvent des conflits où est-ce que l'eau était... Là, vous parlez en mètres, mais, pour une seconde, on va parler en pieds. Une pompe qui aspire peut aller difficilement plus bas que... elle ne peut pas aller plus bas que 25 pi. Si l'eau est à 22 pi, puis le gars a une pompe qui est en mauvaise qualité, l'eau, elle est là, c'est juste que son installation... Moi, à côté, je peux pomper ? quand je dis «moi»... On peut pomper facilement, c'est juste qu'on a l'appareillage. Donc, dans la loi, c'est un peu... disons, ça nous fait un petit peu peur de dire... C'est écrit dans la loi que l'utilisateur, disons, le consommateur, le résident a une priorité sur la ferme. Oui, mais, un instant, il faudrait au moins écrire dans la loi que, si le consommateur ne s'est pas installé comme il faut, on ne peut pas m'arrêter de pomper parce que lui est mal installé. Excusez si je vous vise, je ne vous vise pas.

Le Président (M. Bergman): Il vous reste une demi-minute.

Mme Beauchamp: ...permettez, mais je pense qu'on peut tout de suite vous rassurer, parce que ce n'est pas au cas par cas, c'est l'État... La décision va être prise sur la situation globale de la disposition puis du renouvellement de l'eau, par exemple, dans une nappe phréatique. Ce n'est pas sur la base d'une installation, c'est: Est-ce qu'il y a assez d'eau ou pas dans la nappe... dans l'esker ou...

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Bienvenue à vous, chers travailleurs maraîchers, agricoles et autres. On l'a évoqué un peu tout à l'heure, avant la commission, on est confronté à un marché qui est difficile, où vous vendez vos fruits et légumes, je devrais dire, à rabais, en ce qui me concerne. Les gens trouvent toujours que tout est trop cher, mais il faut voir, à ce temps-ci de l'année, quand on va se promener dans les marchés publics, quel chemin on peut faire avec 25 $, 30 $ et comment on peut faire de provisions de fruits et légumes, pour les prochains mois d'hiver, pour 25 $ à 30 $.

La culture, ça devient important, difficile, complexe aussi; vous êtes confrontés à différents secteurs. Mais ce droit de pompage ou cette eau-là que vous avez et que vous semblez... on ne veut pas vous l'enlever, mais est-ce que vous trouvez que le 10 ans peut fragiliser vos investissements, vos fermes, vous mettre une épée de Damoclès sur la tête en vous disant: On risque de? Est-ce que c'est ça qui vous préoccupe? C'est ce qu'on semblait me dire ce matin. Est-ce que c'est la possibilité d'avoir ça dans 10 ans, là, qui vous préoccupe?

Le Président (M. Bergman): M. Gosselin.

M. Gosselin (Louis): Moi, je ne pense pas que le 10 ans, là, c'est vraiment une grosse préoccupation pour nous, là. Moi, il y a deux choses, moi, qui me préoccupent. D'abord, il y a toute la paperasse, la bureaucratisation de ça, là, tu sais, à partir du moment où on va dire: Là, ça prend des certificats d'autorisation pour tout ce qu'on pompe. À partir du moment où tu es un maraîcher, si tu prends plus que 75 m³ d'eau par jour, peu importe où tu le prends, ça prend un certificat. Bon. Mais, à partir du moment où ça prend un certificat, il y a toute la paperasse qui va avec ça. Je ne suis pas sûr que c'est toujours justifié, surtout dans le cas où c'est des étangs privés très peu profonds, alimentés par de l'eau de surface. Je pense que c'est totalement injustifié. Le fait de revenir à tous les 10 ans, pour ceux qui... D'abord, la loi l'exige déjà dans le cas des captages d'eau souterraine. C'est déjà dans la loi, c'est déjà présent, puis ça, je pense que ce n'est pas une embûche. Puis, il n'y a pas personne qui ne peut pas vivre avec le stress que, dans 10 ans, peut-être qu'ils vont me l'enlever, là. En tout cas, je ne pense pas que ce soit majeur.

Mais ce qui est préoccupant, c'est quand vous me dites, tout à l'heure: Aujourd'hui, on ne parlera pas de l'intention du gouvernement, de la façon qu'on va peut-être facturer l'eau que vous prélevez, mais on va en parler plus tard, au cours de 2009. Ça, ça me préoccupe beaucoup, parce que, moi, je pense qu'à partir du moment où on met le projet de loi sur la table on devrait tout de suite commencer à établir les règles. Moi, j'aurais aimé entendre aujourd'hui que: en agriculture, on n'a pas du tout l'intention de vous tarifer sur l'eau que vous utilisez. C'est ce que je m'attendais d'entendre aujourd'hui, c'est ce qui m'aurait rassuré.

Que ce soit de renouveler le certificat dans 10 ans, ça, ça ne m'empêchera pas de cultiver demain, ou d'acheter une autre terre, ou de transférer ou de vendre mes choses. Mais par contre, si je ne suis pas capable de me faire assurer que, dans un an ou dans deux ans, dans trois ans, on va nous arriver avec une tarification qui va faire en sorte qu'on ne sera plus compétitifs... On a déjà de la misère à l'être. Je prends un secteur comme le mien, dans la fraise, là, nos compétiteurs étant les gens de Californie... Dans le moment, avec un plant de fraises, ils réussissent à produire 7 lb de fraises, alors que, nous, il faut être très performants pour en produire une. Mais, à chaque fois qu'on rajoute des contraintes monétaires, bien à quelque part on est de moins en moins compétitifs.

En Ontario, vous l'avez évoqué ce matin, Mme la ministre, ils ont complètement exclu l'agriculture des redevances sur l'eau. Puis M. Douville, dans la présentation du mémoire, je pense qu'il l'a bien exprimé, on ne consomme pas de l'eau... on utilise l'eau pour créer un bien de consommation essentiel aux consommateurs. Ça fait qu'au départ, lorsque vous implantez cette loi-là, je pense que ça devrait déjà être prévu. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question?

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Donc, vous l'avez souligné dans votre explication, c'est que... On en a parlé ce matin, et j'ai bien compris Mme la ministre quand elle nous disait: On n'est pas rendus à l'étape d'exclure ou d'inclure ou de déjà établir d'avance qui va être dedans et qui ne sera pas dedans. Il va peut-être y avoir une consultation générale qui va nous apporter cet éclairage-là. Moi, je comprends bien que l'agriculture, c'est essentiel, tous les projets ont été votés, tous les programmes sont là, sont en place, et votre apport au niveau de nourrir le Québec est indispensable. Donc, si l'eau, c'est une source de vie, si on n'a pas d'eau pour produire, vous ne pourrez pas produire ça, et on va l'acheter d'ailleurs. Donc, comment vous l'amèneriez auprès de la population, en disant: Il y a des groupes d'exclus? Et là il va y avoir peut-être un questionnement auprès des gens, en disant: Pourquoi, eux autres, ils sont exclus? Oui, on le comprend, nous, vous l'avez très bien expliqué. Et probablement que je vais avoir un complément à ma réponse, là. Mais comment on va expliquer ça à la population, qu'à travers une grande consultation sur l'eau on veut protéger l'eau...

Puis surtout, vous le savez, à tort, je dis bien «à tort» ? peut-être à raison il y a quelques années, mais à tort aujourd'hui ? on met toujours tout ce qui s'appelle ferme, tout ce qui s'appelle producteur responsable de la contamination des cours d'eau. Mais j'ai bien dit «à tort». Vous avez eu votre part de responsabilité. On vous a tellement mis de contraintes sur le dos qu'aujourd'hui vous êtes des ardents défenseurs de cette situation-là, mais auparavant vous étiez... vous faisiez partie de ces genres de personnes qui étaient toujours pointées du doigt sur la contamination.

Donc, comment vous allez pouvoir indiquer au gouvernement puis à nous, parlementaires, le fait de vous exclure d'une situation où on veut protéger l'eau pour l'ensemble de la nation?

n(14 h 40)n

Le Président (M. Bergman): M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Dimanche matin, je suis allé sur Internet pour voir si je pouvais trouver quelque part une place qui marquait où est-ce qu'on pouvait trouver que l'eau était... avait un prix, dans le sens... avait une charge au producteur. Tout ce que j'ai trouvé, c'est: partout dans le monde... Puis j'ai fouillé, là, j'ai passé quatre, cinq heures, j'ai trouvé une chose, c'est que les producteurs ne payaient jamais le prix que ça coûtait pour amener l'eau à cause des barrages, des canaux. Ça, c'est de un.

Deuxièmement, nulle part dans le monde, l'eau est chargée. Parce que l'eau pour la production agricole, j'oserais dire, mais en tout cas on va y aller pour «maraîchère» dans notre cas à nous, là ? on va défendre au moins notre côté ? c'est que c'est pour la production d'un bien essentiel. Ce n'est pas la production d'un bien de luxe. Ce n'est pas la production d'un bien qui est exporté, c'est pour la production... ou bien... un bien de luxe pour exporter, c'est pour un bien essentiel. Vous taxez 1 $ sur l'eau en agriculture, c'est 1 $ directement au consommateur. Directement.

Vos commettants sont ceux qui votent contre ou pour vous. Je ne pense pas qu'ils pourraient vous être redevables de dire: On n'a pas chargé parce que ça vous serait, à la fin, tombé dans vos poches, et au détriment du plus pauvre, en plus. Celui qui fait des sous, payer son chou 0,03 $ de plus, ça ne le dérange pas trop, mais, celui qui n'a pas de sou, là, lui, 0,03 $ ou 0,05 $ de plus, ça le dérange, parce qu'au bout de l'année ça fait tant de dollars, puis il ne les a pas, ces dollars-là. Je pense que c'est une des bonnes raisons que vous avez pour... C'est un bien essentiel, tout simplement, pour la production d'un bien essentiel.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): J'aurai une question, après ça je vais passer la parole à mon confrère de Prévost. Je l'ai mentionné d'entrée de jeu, j'ai toujours une préoccupation, quand on vit dans un milieu rural et qu'on s'adresse à des maraîchers, des cultivateurs, des producteurs de toutes sortes et qu'on voit l'ampleur des fermes d'aujourd'hui, le taux d'endettement de ces mêmes fermes là pour suivre le marché, toujours dans le but d'essayer de contrer la concurrence, donc on s'est établi une norme où on essaie de contrer la concurrence, et on s'endette pour contrer la concurrence, et on est rendu avec des monstres dans l'ensemble, des fermes bien gérées, j'espère bien, mais des monstres dans l'ensemble, des fermes qui sont importantes.

Et également on regarde le prix de ces mêmes fruits et légumes, puis je l'ai maintes fois répété et je vais continuer à le faire, où je trouve vraiment les prix très, très bas. Donc, comment on va être capables d'établir une redevance, en fonction des prix très bas qu'on va acheter? On a manqué de fraises cet été ? bien, on en a peut-être encore, excusez-moi, là, si je doute, mais on en a eu, on n'en a pas eu, il y a eu tellement d'eau, on s'est posé la question. On est envahis de fraises de la Californie qui sont grosses comme la table et qui ne goûtent rien mais que les gens sont attirés à acheter de par leur grosseur, en pensant qu'on va en avoir plus pour notre argent. Mais, dans le compte, comment on va faire pour établir une redevance sur les coûts très, très bas des fruits et légumes actuels?

Le Président (M. Bergman): M. Verner.

M. Verner (Stéphane): Oui. Si je prends... tiens compte de ce que M. Douville a dit, si 75 m³, c'est comme 2,1 ha, moi, ce qui me fait bien peur ? j'en fais une, étude, dans le moment ? c'est sûr que je suis quand même d'une moyenne grandeur, mais c'est quand même 20 000 $ plus l'autorisation de 4 000 $, je ne vois pas que mon petit maraîcher voisin de 5 ha soit capable de payer ça. Avant 2002, tu n'avais pas besoin. C'est un coût que tu n'avais pas avant. Là, c'est énorme comme étude pour faire un puits.

Puis c'est sûr qu'il y a beaucoup de producteurs qui sont dans la zone de 2.1 et plus, puis ça, ça n'amène pas tes coûts... Puis après ça il faut que tu amènes l'électricité, il faut que tu pompes l'eau. Juste l'étude, je trouve ça très, très dur à avaler dans le moment, là, parce que je suis obligé de la faire parce que j'ai creusé un puits dans les deux dernières années. Mais j'espère que les... En tout cas, ceux que c'est l'eau de ruisseau ou l'eau de lac, comme M. Tessier, ou les ceux qui ont déjà des droits acquis, ils pourraient l'avoir, au moins. Parce que, tu sais, moi, je fais une étude, bien mon étude est quand même bonne pour une grande région. C'est-u tout le monde qui... les ceux qui vont faire des nouveaux puits, qui vont être obligés de payer ces prix-là? Ça a comme... Tu sais, c'est quand même des organismes qui le font, là, tu sais, comme les hydrogéologues, là, c'est de la grosse argent qu'on donne pour ça, là. Ça, ça va limiter beaucoup les petits maraîchers, ça va les étouffer, c'est sûr, sûr, sûr. Ils ont déjà de la misère dans le moment.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Prévost.

M. Camirand: Merci. Bonjour à vous quatre.

Le Président (M. Bergman): Vous avez quatre minutes.

M. Camirand: Merci. On a appliqué une redevance au niveau des carrières, sablières dernièrement, dans un autre projet de loi, parce qu'ils brisaient les routes, et les carrières, sablières maintenant devront payer une redevance versus la tonne de sable. J'aimerais savoir l'impact sur vous, les maraîchers, si on met une redevance, peu importe quelle qu'elle soit, au niveau de la consommation d'eau, au niveau des impacts sur les marchés extérieurs, au niveau de la compétition. Ça, c'est important à entendre, parce que, si on vous met une redevance, quelle qu'elle soit, hein, on a mis une redevance sur les carrières, sablières au niveau des exploitants parce qu'ils brisaient les routes, la redevance, est-ce qu'elle pourrait servir à réparer les infrastructures au niveau des aqueducs, des villes, etc., du gouvernement, peu importe? Mais j'aimerais avoir l'impact, si on vous met une redevance, qu'est-ce qu'il faut avoir versus le marché extérieur, et ainsi de suite, peu importe quel qu'il soit. Merci.

Le Président (M. Bergman): M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Bien, si on prend... Je prends l'exemple que vous me donnez, les carrières, je verrais mal une carrière américaine envoyer du sable au Québec, parce que, juste pour traverser la frontière, on va le manger en transport. Automatiquement, ce qui se produit à l'intérieur du Québec... Si tout le monde a la même redevance, il n'y a pas de problème. Le problème est qu'en Californie, aussi étrange que ça peut être ? c'est 3 000... 5 000 km, 3 000 mi d'ici ? la Californie nous compétitionne à tous les jours, à tous les jours, ce qui fait que... Puis la preuve, dans les fraises, bien on l'a mentionné il y a quelques secondes. Mais ce n'est pas juste les fraises. Selon la voie... Parce que c'est identifié, mais, nous autres, on ne voit pas parce que ça ne l'est pas, identifié.

Donc, on se bat contre des compétiteurs comme la Californie, comme l'Ontario, peu importe, qui, eux, n'ont pas la même règle du jeu, et c'est ça qui est le problème. Vous allez en Californie puis, si... Je connais des producteurs, moi, qui ont arrêté de produire parce qu'ils avaient ce qu'on appelle des droits d'eau. C'est carrément l'inverse de ce qu'on parle ici. Le producteur a le droit de l'eau puis de vendre son droit d'eau à la ville. Mais je ne suis pas contre la loi, pas du tout, mais juste pour montrer la différence de concept, totalement différente.

Mais, si c'est comme ça pour l'eau, c'est comme ça pour l'agriculture aussi. On supporte ici, on supporte, oui, mais moins fort que là-bas, disons, on va le dire comme ça, là, beaucoup moins. Là-bas, c'est vraiment, là... C'est plus que supporté, c'est soulevé, tu sais, il y a des... Les prix d'eau là-bas... En plus que l'eau est rare, l'eau leur est apportée presque gratuitement. Moi, j'aimerais ça payer 12,50 $ l'acre-pied, j'adorerais ça parce que ça me coûte peut-être comme 50 $, 60 $ l'acre-pied pour avoir un acre-pied d'eau chez nous, qui est 1 233 m³.

Le Président (M. Bergman): M. Douville.

M. Douville (Yvon): J'aimerais répondre directement à votre question. J'étais, ce matin même, sur un comité qui établit... On discute de prix dans une denrée qui est la carotte, d'accord? On évolue dans le secteur dans lequel les marges sont très faibles. Pour une cenne, tu peux perdre un marché. L'acheteur va se revirer de bord et va aller chercher un produit, même s'il vient de l'étranger. Parce qu'on n'a pas de système, dans le système maraîcher, dans lequel on a un système fermé comme dans le lait. Voilà.

Le Président (M. Bergman): En conclusion.

M. Douville (Yvon): C'est tout.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Bonjour. C'est très intéressant comme débat. Tout d'abord, je voudrais vous dire qu'on est très conscients de l'apport que vous apportez à la société québécoise. Quand on parle du concept de souveraineté alimentaire, c'est bien d'en parler, mais on pourrait dire: d'agir dans ce sens-là, c'est encore mieux. C'est évident qu'une société comme la nôtre ne peut pas se passer des agriculteurs. Être dépendante de l'agriculture de tous les autres pays, c'est assez inquiétant. Et, dans ce sens-là, je comprends vos inquiétudes.

J'aurais un certain nombre de questions par rapport à... Est-ce que vous avez une idée de la quantité d'eau pour produire une tonne de légumes ou de fruits, par exemple? Est-ce que vous avez déjà fait des études par rapport à ça? Est-ce que vous pourriez nous indiquer combien ça prend d'eau pour... de mètres cubes, là?

Le Président (M. Bergman): Monsieur... M. Gosselin.

n(14 h 50)n

M. Gosselin (Louis): Moi, j'aurais peut-être une petite réponse, là. Donc, environ 8 000 m³ d'eau pour une saison, pour 4 ha de fraises. Donc, si vous voulez l'avoir en volume de produit, 4 ha, mettez-les à 15 000 kg/ha, donc pour 60 000 kilos de fraises dans une saison, environ 8 000 m³ d'eau.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: O.K. Présentement, vous dites qu'il y a... Ce qui est un peu bizarre au niveau du monde, c'est que l'eau est de plus en plus rare, puis on voit des pays comme les États-Unis qui transforment des déserts en jardins. Est-ce que ça va arrêter un jour, ça? Est-ce qu'on peut penser qu'un jour il y a des gens qui vont devoir cesser certaines productions parce qu'ils manquent d'eau, ou si ça va continuer éternellement? Comment vous voyez ça par rapport à cette problématique-là, là, de gens qui ont des cultures qui consomment de plus en plus d'eau, puis ils sont en train d'en manquer? Il n'y a pas une espèce de contradiction ou un problème à moyen terme qui s'en vient là-dedans?

Le Président (M. Bergman): M. Gosselin? M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Juste pour vous donner une idée, dans la Vallée centrale, en Californie ? parce que c'est un peu de ça qu'on parle, des États-Unis; dans la Vallée centrale, en Californie ? on fait du blé, on fait du foin irrigué où est-ce que les villes manquent d'eau, puis le producteur a priorité. Vous me dites: Quand ça va arrêter? C'est quand qu'à un moment donné on va arriver au bout de la ressource. Mais ils ne sont pas encore au bout de la ressource, là. Ils sont quand même sur la limite, là. De temps en temps, ils vivent des épisodes... Comme là, présentement, dans la Vallée centrale, il manque d'eau, là les producteurs sont rationnés. Comme la ville est rationnée au prorata.

Où est-ce que ça va arrêter? Je ne le sais pas. Mais je ne pense pas qu'un jour on va manquer assez d'eau... peut-être en Californie, oui, mais, dans le centre des États-Unis... je pense au Texas peut-être, mais, dans les États du centre, parlez-leur pas cette année, ils vont vous dire: On en a trop, d'eau, et non pas: On en manque, tu sais. Parce que c'est une question de quantité d'eau dans le sous-sol, puis il y en a pleinement.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Il y avait... Monsieur voulait ajouter quelque chose, je pense. M. Gosselin.

Le Président (M. Bergman): M. Gosselin.

M. Gosselin (Louis): Oui. Moi, j'aurais aimé vous dire que ? un peu pour vous rassurer, là ? ici, au Québec, ce que je constate, moi, depuis... Moi, ça fait 20 ans, là, que je suis en production fruitière, là, puis je constate que ce qu'on faisait voilà 20 ans, par rapport à ce qu'on fait aujourd'hui... Je dirais qu'on utilise probablement peut-être 30 % de l'eau qu'on utilisait pour faire la même chose voilà 20 ans. On utilisait, au début, l'aspersion par canon, là, avec un jet d'eau de 1 po, 11/2 po, on avait une perte incroyable au niveau de l'atmosphère, de l'évaporation, on avait du ruissellement, ça coulait, ça s'en allait dans les canaux, ça prenait les fossés de rue puis ça descendait.

Aujourd'hui, l'eau ? on l'a dans le mémoire ? en horticulture, c'est vrai, en culture de petits fruits, le pourcentage est encore plus élevé, mais on utilise de plus en plus l'irrigation goutte à goutte. Bon, c'est un tuyau qui est installé sur chaque rang, qui laisse aller l'eau goutte à goutte. Du ruissellement, il n'y en a pratiquement plus; au niveau de l'irrigation, la perte par évaporation, il y en a très peu. On utilise les outils... On a des systèmes de tensiomètre électronique par transmission sans fil. Ce n'est pas rien de magique, là: on plante ça dans la terre, il nous donne la lecture, le besoin de la plante en eau de façon... À toutes les trois, quatre minutes, il nous envoie un signal sur l'ordinateur.

Donc, avant ça, on irriguait, moi, je me souviens, on irriguait, bon, et on regardait l'eau qui avait tombé dans les derniers jours, on irriguait à tous les jours, à tous les deux jours, on mettait deux heures, on mettait trois heures d'eau. Aujourd'hui, on est presque comme dans les serres: on irrigue si le sol nous indique qu'il y a un besoin, il y a une tension suffisante puis que la plante a besoin d'eau. On utilise l'eau seulement à ce moment-là.

Ça fait que je pense que notre besoin en eau, il n'a pas diminué, parce que c'est sûr que notre production, au Québec, elle s'est développée, puis c'est bien que ce soit comme ça, parce que le territoire, il faut l'occuper, puis je pense que l'autosuffisance alimentaire, c'est important, là, mais on est beaucoup, beaucoup plus rationnels qu'on l'était dans l'utilisation de l'eau. Puis ça, ça ne va pas en diminuant, je pense que ça va toujours en augmentant, puis c'est aussi bon pour nous que pour l'ensemble des citoyens.

C'est pour ça qu'on n'a pas de problème avec la gérance de la ressource. Je pense que tout ce qui va être fait dans le sens de la gérance de la ressource de façon positive, des programmes pour aider les agriculteurs à implanter des systèmes comme ça, même si on est petits... Parce que c'est sûr que, si on a 2 ha en production, on ne peut pas toujours se permettre ces outils-là. Puis on va encore moins pouvoir se permettre des certificats d'autorisation pour les petits producteurs, puis c'est ceux-là qu'il faut garder en place si on ne veut pas que les villages ferment tout partout.

Ça, là, à un moment donné, il faut y penser avant de faire les choses. Parce que les jeunes se découragent. Moi, je vois des jeunes des fois, par chez nous, pour des... À force d'avoir des contraintes administratives puis des contraintes financières, toujours des embûches, bien le petit producteur, là, des fois il a tendance à dire: Bien, regarde, je vais la vendre, ma terre, à mon voisin, puis... Tu sais, il faut faire attention quand on s'en va tout le temps dans de la réglementation.

M. Cousineau (François): Je voudrais juste rajouter...

Le Président (M. Bergman): M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Est-ce qu'il y a des places que l'eau est vraiment en manque? À ma connaissance... C'est sûr que, dans les pays autour du Sahara, peut-être, là, mais, si on parle des pays, disons, un peu plus agricoles, je vois juste l'Israël que, là, vraiment il y a une bataille pour l'eau ? puis là je le crois, mais il faut avoir vu... bien, je ne l'ai pas vu, le Jourdain, mais on me l'a dit, c'est gros comme la Châteauguay, là, il n'y a pas d'eau là-dedans, il n'y a vraiment pas de volume, puis il faut que... il y a des millions de personnes qui vivent de ce petit courant d'eau là ? quelque peu en Californie, puis à peine, parce que c'est la ville qui se développe. Ce n'est pas l'eau qui manque à cause des changements climatiques, c'est le contraire, ils ont plus d'eau qu'avant, ils ont beaucoup plus de... Bien, on a une preuve, là, Katrina et compagnie qui vient de passer deux «back» à «back», là, deux fois, un après l'autre, là, sur le Texas; puis un peu le Texas.

À part de ça, je ne vois pas les pays qui sont vraiment en problème de manque d'eau, que réellement la nappe d'eau descend. Elle va descendre occasionnellement: oups! il arrive une année plus humide, oups! remonte. On ne vivra pas assez vieux pour voir ça, je pense, sur une manière générale dans les pays, disons ? je ne peux pas dire civilisés, parce que ce n'est pas ça que je veux dire, là ? producteurs.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: C'est parce que... Dans le fond, c'est que vous avez des incitatifs à économiser l'eau, ce qui n'est pas toujours le cas pour le citoyen, qui, lui, peut en abuser parce qu'il y a moins de contraintes, là.

Est-ce que la... Moi, je comprends que, quand on va faire notre politique, notre loi, il va falloir qu'on tienne compte de d'autres aspects, comme l'occupation du territoire, comme vous mentionnez. Est-ce qu'une des solutions ça pourrait être ? je pose la question ? d'exclure les fermes familiales et d'exclure ce qui est produit pour le Québec, et qu'à ce moment-là on pourrait garder des grandes productions pour l'extérieur? Est-ce que ça, ça pourrait être une piste de solution? Qu'est-ce que vous pensez d'une idée comme ça?

Le Président (M. Bergman): M. Verner.

M. Verner (Stéphane): Vous voyez, on est à peu près là-dedans, je me sens un peu visé là-dedans. Je regarde, on produit en Floride, l'hiver. En Floride, l'eau ne nous coûte rien. On a le «water management»: si tu veux de l'eau, on ouvre la porte, on prend l'eau, il y a de l'eau en masse. Eux, c'est le contraire, ils ne veulent pas que tu en enlèves de ta terre pour avoir... de ta ferme pour avoir le taux de phosphore. Eux, tu es bonifié. Si tu gardes le plus possible ton eau chez vous, tu es bonifié pour ça. Ça fait qu'à quelque part, en Floride, ils encouragent l'agriculteur à préserver les sources d'eau potable.

Moi, sur ma ferme, on a beaucoup de jeunes, comme génération Y, puis, eux, bien vous n'avez pas besoin de les convaincre, ils veulent les conserver, l'environnement puis l'eau. Ça fait qu'à la maison souvent j'ai plein de nouvelles affaires, comme monsieur... Louis disait: les tensiomètres, semer les berges. J'ai les contrôles de nappes d'eau chez nous, sur la ferme. On capte les puits. Parce que, le printemps ou à l'automne, les puits vont se mettre à déborder. On remonte les puits, on les capte parce qu'on ne veut pas que l'eau sorte du puits. Ça sort par pression, il y en a en masse. La préparation de terrain, on le fait au minimum, tu sais, pour essayer de garder notre humidité. Là, dernièrement, on est en étude, on est après poser du plastique pour garder notre humidité. Le plastique va me représenter 10 % de mon coût de production, mais ce n'est rien à comparer... Juste en main-d'oeuvre, dans le moment, c'est 6 % de mon coût de production pour installer l'équipement d'irrigation, puis tout mon équipement d'irrigation, c'est 25 % de ma machinerie au complet. Ça fait que c'est sûr qu'on va la préserver, l'eau. On fait tout pour essayer de conserver, pour diminuer nos «costs». C'est évident, là, on ne fait pas exprès du tout, du tout, là. Il y a un gros «cost» à ça, irriguer, là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval...

M. Cousineau (François): M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Bergman): M. Cousineau.

M. Cousineau (François): Juste pour répondre à votre question, c'est que, dans la plupart des fermes, il y a une partie qui est faite aux productions, disons, livrées au Québec, on pourrait dire, locales, ou l'Ontario et semi-locales, puis l'exportation, c'est une composante, dépendamment de ce que le marché veut ce matin. Si, ce matin, il y a une avarie qui se produit à quelque part aux États-Unis, le marché demande du produit vers le centre, après demain, ça peut être le contraire. Donc, on ne peut pas appliquer une loi.

Puis disons que, pour une seconde, Stéphane n'exporterait pas puis, moi, j'exporterais. Pourquoi pénaliser l'exportateur quand le local, lui, ne l'est pas? C'est une composante qui fait que l'ensemble des producteurs a besoin d'un peu de tout pour venir à bout de passer. Puis présentement les fermes ne prennent presque plus d'expansion parce que c'est trop difficile. C'est vraiment... Il y a beaucoup plus de fermes qui tombent qu'il y en a qui... Bien, il n'y en a pas qui décollent, c'est trop difficile.

n(15 heures)n

Le Président (M. Bergman): M. Gosselin.

M. Gosselin (Louis): Il restait un élément de votre question, la ferme familiale. À l'UPA, moi, ça fait quelques années quand même que je suis à l'UPA, puis on n'a pas encore réussi à s'entendre avec les gens du MAPAQ, entre autres, puis tout le monde... juste en famille, je dirais même, à l'UPA, qu'est-ce qu'est une ferme familiale. Parce qu'au début, quand on a parlé de ferme familiale, on parlait d'unité travail-personne. Dans notre secteur, là, des unités travail-personne, là, hors de la famille, c'est juste de ça. Il y a des fermes avec 200 employés, 100 employés, 90 employés, mais ça reste quand même que le propriétaire, sa femme, ses enfants, son père, souvent tout le monde travaille sur l'entreprise, puis des frères, tu sais, ça fait que ça ne peut pas être plus familial que les entreprises qu'on a là. Ça fait que, la définition de «ferme familiale», dans le moment je pense qu'on ne l'a pas encore trouvée, là, puis je pense que ça ne devrait pas être un critère, à mon point de vue.

Le Président (M. Bergman): Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Merci, Fédération des producteurs maraîchers du Québec. Merci, M. Douville, M. Cousineau, M. Gosselin, M. Verner, pour votre présentation. Et je demande à l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec de prendre leurs places à la table. Je suspends nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

 

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Bergman): Je demande à l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec pour prendre leurs places à la table. Alors, M. Gagné, Mme Lelièvre, M. Gauthier, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez une période de 15 minutes pour votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Si vous pouvez vous identifier, vous et vos membres, et faire votre présentation.

Association des embouteilleurs
d'eau du Québec (AEEQ)

M. Gagné (Pierre): Bonjour. Pierre Gagné, président de l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec.

Mme Lelièvre (Nicole): Bonjour. Nicole Lelièvre, vice-présidente de l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec.

M. Gauthier (Ghislain): Ghislain Gauthier, vice-président de l'Association des embouteilleurs et embouteilleur d'Eska, usine d'embouteillage en Abitibi.

Le Président (M. Bergman): Merci. Alors, vous pouvez faire votre présentation pour les prochaines 15 minutes.

Mme Lelièvre (Nicole): L'Association des embouteilleurs d'eau du Québec a été fondée en 1975. Elle regroupe aujourd'hui quelque 24 petites et moyennes entreprises spécialisées dans le captage d'eau de source et le commerce de l'eau embouteillée ainsi que des fournisseurs de services et d'équipements.

Il n'existe pas actuellement, au Québec, une problématique de pénurie de la ressource qui imposerait une rationalisation et une priorisation de son usage mais bel et bien une problématique liée à l'absence d'un système efficace de gestion, exploitation, protection des eaux souterraines. En effet, un tel système, bien développé et bien implanté, garantirait au Québec un accès à tous et en tout temps à la ressource en eau souterraine, et ce, en qualité et quantité largement au-dessus de la moyenne internationale.

Bien sûr, l'eau douce est une ressource précieuse et fragile susceptible d'être compromise par la pollution ou une utilisation abusive. Les études confirment que l'eau douce est à prime abord une ressource renouvelable et que le Québec n'en utilise actuellement qu'une infime partie. En effet, le Québec détient 3 % de l'eau douce renouvelable du globe, soit 1 000 milliards de m3, ou 1 000 km² à chaque année. Or, le Québec n'utilise que 0,5 % de ces 1 000 milliards de m3 d'eau douce renouvelable, que ce soit pour son agriculture, ses industries, ses utilisations domestiques ou autrement.

Quant aux eaux douces souterraines, on évalue les stocks en réserve actuels du Québec à 2 000 milliards de mètres cubes, lesquels stocks seraient réalimentés chaque année par un apport d'eau douce renouvelable de 15 milliards de mètres cubes. Or, moins de 0,43 % de cette recharge annuelle des eaux souterraines de 15 km³ serait présentement capté dans l'ensemble du territoire du Québec chaque année, toutes utilisations confondues. Et la part de l'industrie de l'eau embouteillée frise le non-lieu, avec un maigre 0,08 % de ce 0,43 %, ce qui représente une quantité inférieure à la consommation de quelque 900 foyers. Ainsi, à chaque année, il y a 995 milliards de mètres cubes d'eau douce renouvelable qui sont non utilisés et qui finissent leur cours dans l'océan en eau salée.

L'AEEQ soumet donc que le projet de loi n° 92 devrait être révisé pour qu'on reconnaisse les formidables ressources d'eau renouvelables dont dispose le Québec.

Quant aux redevances envisagées par le projet de loi n° 92, l'AEEQ s'y oppose, à moins que tout éventuel régime de redevances soit équitable, ce qui requiert au moins trois choses:

1° que tous les utilisateurs d'eau, qu'ils soient commerciaux, industriels ou agricoles, doivent être traités substantiellement de la même façon;

2° que toutes les entreprises commercialisant au Québec de l'eau embouteillée doivent être traitées aussi de la même façon, parce que les 24 petites et moyennes entreprises québécoises spécialisées dans le captage et l'embouteillage d'eau de source ou minérale se font déjà livrer une féroce concurrence par une poignée d'entreprises multinationales d'eau embouteillée, qu'elle soit traitée, de source ou minérale, venant d'autres provinces, venant des États-Unis ou de l'extérieur du pays. Ces entreprises occupent pas moins de 70 % du marché québécois des formats de quatre litres et moins. Pour éviter de tuer dans l'oeuf la toujours jeune et fragile industrie des embouteilleurs d'eau de source ou minérale du Québec, toute redevance éventuelle sur l'eau devrait être imposée à toutes les entreprises commercialisant au Québec de l'eau embouteillée, que cette eau provienne d'une source québécoise, d'un aqueduc ou de l'extérieur du Québec, soit par l'entremise de redevances sur la distribution au Québec d'eau embouteillée, soit par l'entremise d'une redevance aux réels utilisateurs de l'eau embouteillée, en l'espèce le consommateur au point de vente;

3° afin d'éviter que l'industrie québécoise des embouteilleurs d'eau de source ou minérale ne devienne non compétitive, les redevances qui seraient imposées sur l'eau embouteillée ou commercialisée au Québec devraient demeurer à des niveaux symboliques.

Le projet de loi n° 92 envisage aussi la mise en place de nombreux, nouveaux, restrictifs critères en ce qui a trait aux autorisations de prélèvement et limite celles-ci à 10 ans. Or, contrairement aux autres utilisateurs commerciaux, industriels et agricoles, les embouteilleurs d'eau, devant comptabiliser l'eau utilisée, sont déjà soumis à une sévère réglementation et doivent déjà obtenir l'autorisation de la ministre, en vertu du chapitre IV du Règlement sur le captage des eaux souterraines, via un dispendieux processus d'autorisation, dont dépôt d'une multitude d'informations et préparation d'une étude hydrogéologique établissant l'impact du projet sur l'environnement, sur les autres usagers et sur sa sécurité alimentaire.

n(15 h 10)n

Compte tenu de ce qui précède, des droits de propriété et des droits acquis des membres de l'AEEQ, des larges pouvoirs et recours de la ministre en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, y compris ceux de révoquer, suspendre ou modifier une autorisation déjà accordée ? donc, la ministre a déjà ce pouvoir-là ? et de l'importance critique, de points de vue économique et financier, pour les embouteilleurs d'eau de source et minérale déjà en opération de détenir des autorisations de captage à long terme, l'AEEQ propose: que le projet de loi soit modifié de façon à ce que les exigences additionnelles applicables à l'émission des autorisations de prélèvement ne soient pas applicables aux exploitations d'embouteillage d'eau de source ou minérale déjà en opération à l'entrée en vigueur du projet de loi n° 92; ensuite, que ce projet-là soit modifié de façon à ce qu'il soit confirmé ou clarifié que les autorisations de captage émises en vertu de l'article 34 du Règlement sur le captage des eaux souterraines sont et seront réputées conformes et suffisantes aux fins des nouvelles exigences des nouveaux articles et ne requièrent pas la mise en marche d'un autre processus d'autorisation, ce qui est très coûteux; enfin, que, pour toute autorisation de prélèvement ou de captage, la limite de 10 ans imposée d'office en vertu de l'article 38 du Règlement sur le captage des eaux souterraines... et non applicable... ? pardon, j'ai perdu le fil.

Une voix: ...

Mme Lelièvre (Nicole): Vous en êtes là, vous?

Une voix: Vous aussi.

Mme Lelièvre (Nicole): Oui; non applicable aux... non applicable, monsieur, qu'on a dit ? aux embouteilleurs d'eau de source ou minérale, ces autorisations demeurant cependant toujours sujettes aux grands pouvoirs, comme on l'a dit tout à l'heure, de révocation, de suspension ou de modification d'une autorisation déjà accordée. D'un point de vue strictement économique, la limitation de 10 ans sur les autorisations est très préjudiciable pour les embouteilleurs d'eau de source et minérale. L'Association des embouteilleurs d'eau a essayé, dans ces quelques observations que vous retrouverez dans le mémoire, de faire part à la ministre de quelques préoccupations qui l'habitent, certaines d'ordre général et d'intérêt pour l'ensemble des Québécois et d'autres plus spécifiques à notre association, à l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec.

En conclusion, pour les embouteilleurs québécois d'eau de source et minérale, l'Association des embouteilleurs d'eau demande simplement que ses membres soient traités de façon équitable. Merci.

Le Président (M. Bergman): Merci pour votre présentation. Maintenant, l'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Premièrement, bienvenue. J'ai essayé de vous écouter très attentivement tout en feuilletant le mémoire, là, qui nous a été remis séance tenante. Il y a peut-être un premier élément sur lequel je veux vous entendre plus à fond, et qui me semble fondamental, et pour lequel honnêtement j'ai l'impression que nous sommes devant des positions qui sont très différentes, vous et moi, c'est sur la définition juridique de l'eau, cet éclaircissement sur le statut juridique de l'eau introduit par l'article 1 du projet de loi n° 92.

Vous avez sûrement, comme moi, pris connaissance du rapport de la commission Beauchamp, ce BAPE générique, où on expliquait qu'il y avait donc peut-être un problème, je dirais, d'interprétation possible du Code civil du Québec sur le statut juridique de l'eau, où on disait que l'eau était une chose commune, mais par ailleurs on disait que quelqu'un qui était propriétaire d'un terrain est propriétaire de ce qu'il y a dessous, ce qui amenait certains, dont je pense que vous en êtes, à prétendre que l'eau était donc... pouvait être de propriété privée. Très clairement, et je veux... j'interpelle mes collègues parlementaires, mais sur cette question je pense que très clairement il y a une volonté de procéder à l'éclaircissement de cette chose-là et de dire clairement que l'eau, qu'elle soit de surface ou souterraine, est une chose commune en vertu du Code civil québécois.

Vous faites une recommandation ? je vais voir, je suis en page 25 de votre mémoire ? où vous nous demandez d'introduire, à l'article 1 de notre loi, le fait qu'on «ne modifie pas le régime de propriété des eaux souterraines actuellement en vigueur en vertu du Code civil du Québec», et vous nous demandez d'ajouter les mots «faisant partie du domaine public» après les mots «eau souterraine». Je veux vous entendre là-dessus, parce que, si ce que vous exprimez par ce paragraphe est une volonté de dire que l'eau qui se retrouve sous un terrain privé est la propriété de la personne qui est propriétaire du terrain, je vous dirais, là, on est vraiment devant un grand écart dans nos positions respectives, parce que vraiment l'essence même du projet de loi est basée sur cet article 1, qui a plutôt voulu éclaircir ? je vais dire ça comme ça; éclaircir ? le Code civil en confirmant et affirmant très clairement que l'eau, même souterraine, doit être vue comme une chose commune.

Donc, moi, je vois ce paragraphe-là comme nous demandant de faire l'inverse et je veux vous entendre, à savoir: Est-ce que c'est moi qui lis mal le paragraphe ou si vraiment vous vous présentez ici en nous demandant de confirmer que, si on est propriétaire d'un terrain, on est propriétaire de l'eau qui est dessous?

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

Mme Lelièvre (Nicole): Voyez-vous, en tant qu'entrepreneurs, parce qu'on est tous entrepreneurs, quand on exploite une source d'eau sur laquelle source d'eau on construit une usine d'embouteillage, on procède à toutes les démarches qui sont requises et exigées par le gouvernement. Quand on va voir notre banquier puis si on lui disait: Écoutez, on n'est pas propriétaires de l'eau qui est en dessous de notre usine mais juste de notre usine, puis là on est situés en région puis on fait travailler des gens de la région, le banquier, là, je ne suis pas certaine qu'il va accepter de nous prêter la moindre cenne puis je ne suis pas certaine que, nous, on va pouvoir être en affaires, tout simplement.

Le Président (M. Bergman): Madame, continuez.

Mme Lelièvre (Nicole): Donc, on est devant une situation qui pour nous est un droit acquis, parce que les banquiers... les entrepreneurs, on a toujours pensé que, du fait qu'on soit sur une source d'eau, qu'on puisse exploiter cette source d'eau là, qui, en passant, n'est pas du tout exploitée de façon exponentielle et non respectueuse... Au contraire, on s'est soumis à une réglementation qui est très, très coûteuse pour nous, mais on est d'accord pour le faire parce qu'on est respectueux du voisinage, et on ne voudrait pas que notre voisin manque d'eau. Mais, commercialement parlant, oui, on a besoin d'être propriétaire de cette source d'eau là, comme je l'ai dit précédemment. Ghislain.

Le Président (M. Bergman): M. Gauthier.

M. Gauthier (Ghislain): J'aimerais rajouter un point pour la commission. Les 24 entreprises qui embouteillent au Québec ont été assujetties à toutes les étapes de l'autorisation d'un permis de captage, et une de ces étapes-là, qui est très, très importante et cruciale, c'est l'obtention de notre environnement. Donc, les citoyens dans les municipalités dans lesquelles on veut exploiter une source ont participé à la mise en place de cette autorisation-là, et on a dû démontrer une appellation qu'il y a dans le règlement au niveau des conflits d'usage et le renouvellement de la nappe. Donc, c'est une chose que... dans la mentalité et dans notre culture d'entreprise, c'est bien évident qu'on fait partie de nos communautés, et nos communautés ont toujours été les vérificateurs de ça. On a tellement vu de choses au Québec et ailleurs, qu'il y a eu des plaintes des citoyens et des craintes. Mais c'est une étape qu'on est obligés de faire et c'est une étape qui est très onéreuse pour les entreprises.

Et je rajouterais juste un point financier: lorsqu'on regarde, avec les grands bureaux de comptables au Canada, une source d'eau n'a aucune valeur s'il n'y a pas une entreprise d'embouteillage dessus. Donc, par la force des choses, il faut que l'eau qui se retrouve sur les terrains où on a bâti nos usines soit, jusqu'à certain point, considérée comme un actif de la société. C'est une facette importante au niveau de nos entreprises.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

n(15 h 20)n

Mme Beauchamp: Oui. M. le Président, je pense qu'ici il faut être bien clair. Vous interprétez le Code civil d'une certain façon. Il pourrait y avoir, sur votre interprétation, un débat et un débat important du point de vue juridique, puisqu'il y a tout un lot de juristes qui, sur la base de l'actuel Code civil, tel qu'écrit, vous diraient que vous n'avez jamais été propriétaire de l'eau qui est sous votre terrain, puisque l'eau est une chose commune. Je ne veux pas rentrer dans un grand, grand, grand débat juridique et je veux passer à une autre question, mais je pense que nous affirmons ici, nous clarifions que l'eau souterraine est de chose commune, comme certains ont dit que c'était déjà le cas, mais, compte tenu qu'il y avait ces différences d'interprétation entre juristes, nous avons tenu a le clarifier.

Et dans le fond ce qu'introduit la loi, c'est effectivement une forme de droit d'usage, comme, même si les comparaisons ne sont pas parfaites... mais c'est comme, par exemple, le fait qu'on accorde des droits d'exploitation sur la forêt, qui, elle, n'est pas une chose commune, la forêt publique qui appartient à l'État, mais la compagnie qui investit des millions n'est pas formellement propriétaire de l'arbre. La forêt appartient à l'État, qui cède des droits d'exploitation sur un certain nombre d'années. Donc, je veux juste vous dire que l'argument qui dit: Notre usine n'a une valeur que sur la base que je suis propriétaire de l'eau, si je compare au secteur de la forêt ou des mines, là aussi où il y a des droits d'utilisation, je ne crois pas que ce soit un argument qui puisse tenir la route.

Je comprends la préoccupation sur le fait, comme on a entendu dans d'autres secteurs, le fait que le certificat d'autorisation est sur 10 ans. Est-ce que c'est assez long, pas assez long? Est-ce que c'est préjudiciable ou pas? Il peut y avoir des questions là-dessus. Mais je trouvais ça bien important... Ou en fait je veux vous dire... et je suis prête à entendre mes collègues parlementaires, mais pour moi, là, l'objet même de la loi, quelque chose qui est très important, est d'affirmer que l'eau ne peut pas être appropriée au Québec. Elle n'est même pas la propriété de l'État. Elle est une chose commune, indispensable à la vie. Parce que plusieurs ne comprennent pas pourquoi on ne dit pas que c'est l'État qui en est propriétaire. Mais l'État ne se l'approprie pas, puis encore moins donc un privé peut se l'approprier. C'est donc une chose commune essentielle à la vie, puis c'est ce qu'on veut clarifier par la loi.

Je veux vous entendre, là aussi, rapidement, mais vous avez affirmé, comme d'autres aussi, qu'il n'y a pas de pénurie de ressource. Mais par ailleurs je voudrais vous entendre sur le fait que, même dans l'histoire du Québec et l'histoire récente du Québec, il y a eu des conflits d'usage par rapport à des nappes d'eau souterraine. Donc, c'est une chose de dire qu'il n'y a pas de pénurie de la ressource, bien qu'avec les changements climatiques on est dans un contexte avec le principe de précaution, mais il y a quand même eu des conflits d'usage où, dans certains cas, il y a même eu... et ce n'est pas parce que je vise les embouteilleurs, mais, dans ce cas-là, c'était la présence d'un embouteilleur, la présence d'un embouteilleur a compromis l'approvisionnement en eau potable d'une population.

Donc, le projet de loi... Autrement dit, ce que, moi, je recherche, c'est que les outils dont dispose le gouvernement pour pouvoir répondre clairement à la question: Qui a priorité lorsqu'il y a un conflit d'usage d'une nappe d'eau souterraine?, qu'on puisse dire que c'est l'approvisionnement, entre autres, là, dans tout le respect des écosystèmes, l'approvisionnement de la population. Donc, je veux vous entendre, parce que c'est quelque chose de décrire la situation globalement, mais il y a du monde au Québec qui doit vous dire que, dans certains villages, il y en a eu, des problèmes d'approvisionnement en eau potable de populations dus à la présence d'une certaine industrie ou, par exemple, à la présence d'une industrie comme la vôtre, d'un embouteilleur. Donc, on fait quoi dans ces cas-là, si ce n'est pas de hiérarchiser les priorités d'usage s'il y a conflit dans les usages?

Vous devez sûrement comprendre que c'est difficile de répondre à une population qui a une problématique d'approvisionnement en eau potable: Vous n'y avez pas droit parce qu'il y a un embouteilleur. Donc, c'est à ça que la loi cherche à répondre, et je veux vous entendre, si vous reconnaissez que localement, pour certaines nappes d'eau souterraine, il peut y avoir des conflits d'usage et qu'une loi doit répondre à cette notion de conflit d'usage.

Le Président (M. Bergman): M. Gauthier.

M. Gauthier (Ghislain): Bien, moi, je vous dirais, Mme la ministre, que, pour avoir vécu la situation d'aller au public, je crois que, depuis une quinzaine d'années, puis je l'ai dit souvent, sur le marché international, qu'un des endroits les plus difficiles pour obtenir un permis de captage pour fins d'embouteillage, c'est le Québec. Et je pense qu'au niveau des différents ministères impliqués, qui est l'Environnement et l'Agriculture, la loi a été changée. Et aujourd'hui les cas que vous mentionnez, sans parler de cas précis, on pourrait les analyser puis les régler séparément. Et des situations comme ça, avec la loi existante aujourd'hui, avec la démonstration qu'un futur embouteilleur investisseur voudrait faire au Québec, ça ne pourrait plus arriver. Je pense que la loi est rendue tellement difficile, il faut que les gens font tellement de démonstrations au niveau du potentiel de renouvellement de nappe qu'une situation comme ça ne pourrait plus arriver.

Et je vous dirais que, si, autour d'un embouteilleur qui est un peu dans une région urbaine, il viendrait que la population grandirait tellement et que ça viendrait en conflit, moi, je peux vous dire que la loi vous permet d'éliminer ça demain matin. Donc, je ne pense pas que des situations que vous faites allusion vont se reproduire au Québec, sincèrement.

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

Mme Lelièvre (Nicole): C'est ça, parce que, depuis, il y a eu cette réglementation-là pour justement éviter tout conflit d'usage. Donc ça, ça a été vu puis corrigé. Et, nous, on doit se conformer à cette réglementation-là, qui est très, très sévère, d'ailleurs.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci. Mais vous comprenez que la loi ne s'intéresse pas uniquement à la question de l'eau souterraine, elle vient aussi clarifier les choses par rapport à l'utilisation de l'eau de surface. C'est presque comme si vous étiez en train de dire que la loi ne change pas beaucoup votre réalité parce que déjà vous êtes assujettis à un règlement sur la captation d'eau souterraine, avec un renouvellement aux 10 ans. C'est ça que je comprends. Vous dites: Pour nous, ça ne change pas beaucoup les choses. Mais c'est vrai que la loi, elle introduit ensuite des conditions d'usage par rapport à l'eau de surface.

Je termine peut-être donc en vous demandant ceci: Dans le fond, le système qu'on introduit, il y a des différences, mais essentiellement, le fait qu'il y ait un certificat d'autorisation à aller chercher pour 10 ans pour l'utilisation d'eau souterraine ou d'eau de surface, honnêtement, quand on regarde ça, on est très, très, très collé, très proche du modèle qui a été adopté en Ontario. Donc, je me dis: Nos voisins le font, pourquoi vous croyez que le Québec ne devrait pas prendre le même chemin, d'imposer ces certificats d'autorisation qui auraient une durée de 10 ans, si l'Ontario le fait?

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

Mme Lelièvre (Nicole): La Colombie-Britannique est allée encore plus loin, parce qu'eux, ils touchent tous les secteurs, tandis que l'Ontario met quand même quelques limites pour le moment. Mais la Colombie-Britannique, et vous allez le voir d'ailleurs dans notre mémoire, on en parle, ils imposent... oui, ils donnent... ils vont reconnaître le principe d'application de redevances, mais à tous. Donc, là-dessus, sur l'usage de l'eau, on est d'accord, on l'a dit, on était d'accord de contribuer à payer des redevances sur l'utilisation de l'eau qu'on allait prendre, mais en autant qu'on soit traités de façon équitable, que tout le monde soit touché. Alors, si tout le monde est, disons, touché par la même loi...

Mme Beauchamp: Est-ce que vous permettez?

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Si vous permettez, c'est parce que j'ai bien compris votre message par rapport aux discussions que nous aurons à avoir sur la question de la redevance. Moi, je dis: Le projet de loi éclaircit le statut juridique de l'eau, puis on va pouvoir avancer sur des assises juridiques solides pour parler d'une redevance sur l'eau. Mais la question que je vous posais était plus... pas sur la question de la redevance, c'était plus sur le régime d'autorisation pour ceux qui font des prélèvements. Parce que, dans votre texte, vous dites carrément que le projet de loi vous impose, amène des contraintes et des difficultés exagérées. Vous concluez sur ça en page 28.

Et je suis là puis je me dis: Vous êtes déjà assujettis à un règlement qui vous donne un certificat d'autorisation renouvelable après 10 ans, vous êtes déjà assujettis à ça. J'essaie de voir, là, dans le contexte de cette loi ? puis l'Ontario fait la même chose, assujettis de, vos compétiteurs ontariens, un certificat d'autorisation sur 10 ans; j'essaie de voir, là ? à part le fait que vous me dites: Une redevance devra être équitable, etc., puis on fera le débat éventuellement, la loi en tant que telle, sur le régime de certificat d'autorisation, quand je vais puiser de l'eau dans une nappe souterraine, en quoi est-ce que ça vous amène des contraintes et des difficultés exagérées, puisque vous êtes déjà assujettis à un régime d'autorisation.

Le Président (M. Bergman): Il vous reste une minute.

Mme Lelièvre (Nicole): On est obligés, au bout de 10 ans, de refaire le même exercice.

Mme Beauchamp: Mais c'est déjà le cas, madame. Le règlement actuel vous impose de revenir nous voir dans 10 ans.

Mme Lelièvre (Nicole): C'est-à-dire que, de par toutes nos installations, on doit, on est capables, on est en mesure de prouver qu'on n'exagère pas, qu'on est, disons, vraiment en fait respectueux de ce qui a été établi par toutes les études hydrogéologiques. Donc, c'est en place, c'est là. Si le gouvernement nous oblige à refaire tout ça au bout de 10 ans, c'est très coûteux.

M. Gauthier (Ghislain): Est-ce que vous me permettez? Je pense que...

Mme Beauchamp: Oui, parce que vous semblez contester le règlement déjà en place, là, vous ne me parlez pas de la loi. C'est déjà le cas, vous êtes assujettis à venir nous revoir dans 10 ans. La loi ne serait pas adoptée, là, que vous êtes assujettis à revenir nous voir dans 10 ans. En tout cas, pour les autorisations délivrées à partir de 2003.

M. Gauthier (Ghislain): De 2003, c'est ça.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Ça fait partie de l'expérience passée, j'ai été directeur, deux ans, d'une compagnie d'embouteillage d'eau de source, donc j'ai vu comment on captait, comment on vendait et les profits qui étaient faits avec cette même eau de source. Il ne faut pas oublier qu'on en boit aujourd'hui, puis c'est de l'eau de la ville, puis ça fait très bien le travail. Le fait qu'on a voulu commercialiser de l'eau puis la vendre en bouteille, pour qu'on retrouve ces bouteilles de plastique là un peu partout et que, dans un autre débat, on soit obligés de gérer les bouteilles dans nos sites d'enfouissement, ça, c'est un autre débat, mais qui vous touche également.

n(15 h 30)n

Moi, demain matin, j'ai un terrain, chez moi, et, parce qu'on n'a pas fait d'étude géologique avant, on découvre, grâce à différentes méthodes, que j'ai une mine d'or incroyable sur mon terrain. Je ne pense pas que je vais être propriétaire du fond de terrain puis de la mine d'or, parce que l'or qui est là appartient aux Québécois, appartient à l'ensemble. J'ai le terrain, qui est là. Oui, le gouvernement peut faire à l'inverse, me payer une redevance parce qu'ils ont découvert une fortune. Oui, peut-être que je vais tomber riche, mais le fond de terrain, l'or qu'il y a là ne m'appartient pas. Et je ne donnerai pas la permission... Et je ne pense pas que les Québécois puis les Québécoises, nos enfants, nos descendants... Ce qui est passé avant est passé avant; on vit aujourd'hui les conséquences de ça.

Mais, pour l'avenir, de prétendre qu'on va vendre de l'eau en bouteille à des gens sous prétexte que ça fait nature, ça fait beau, ça fait le fun, puis que les gens ne paieront pas de redevances, puis on va puiser allégrement... Parce que vous dites que l'eau, il y en a en masse. Je dois vous dire que... Je vais vous emmener avec moi à quelques places, vous allez voir que, si vous pensez qu'il y en a tant que ça, il n'y en a pas tant que ça. Et, même si vous dites qu'il y en a, vous pensez, encore une fois... vous avez une vision comme on a eue pendant 100 ans, des visions à court terme, des visions où on n'a pas pensé à l'avenir. Il faut penser un peu plus loin que le temps que, nous autres, on va partir. Il faut penser que plus tard il va y avoir du monde, puis, quand on dit, plus tard, c'est plus tard. Donc, si on veut vraiment être actuels, bien je m'excuse, mais vous êtes à côté de la track, parce qu'il va falloir penser plus loin que ça.

Et je dis simplement que, quand vous dites que vous ne voulez pas... Ça, ce qui est là, c'est à vous. Le règlement ne fait pas nécessairement votre affaire. Bien, je ne comprends pas, il voulait que ce soit équitable envers tout le monde. Bien, moi, je comprends aussi que des Québécois, sous prétexte d'acheter de l'eau de source, vont acheter une eau embouteillée à New York ou à Toronto, puis ils ont mis ça en bouteille, puis on achète ça en pensant qu'on a de l'eau de source parce qu'on n'a pas eu une loi assez forte pour nous avertir de tout ça, il a fallu qu'on le découvre avec le temps, et que, en bout de ligne, si on vous demande une redevance, on sait très bien que c'est encore le consommateur qui va payer parce que vous avez gardé votre même profit. Donc, ça change en quoi, le fait que, demain matin, on vous charge une redevance ou qu'on vous dit que vous allez vous conformer aux lois, et vous allez demander un permis? Ça va changer en quoi dans vos industries, à l'heure actuelle, qui ne sont pas en péril? Je concède que vous donnez des emplois au Québec, je concède que vous êtes des gens... économiquement, vous êtes des gens qui ont une certaine valeur, mais, moi, je veux savoir en quoi ça changerait. Dans votre mémoire, là, que de ne pas retourner aller chercher un permis, c'est déjà dans la loi; éventuellement, de payer une redevance, ce qui est un peu normal, comme tout le monde va la payer tantôt, donc ça va changer quoi, dans votre mémoire?

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

Mme Lelièvre (Nicole): Pierre, vas-tu répondre?

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): En fait ? vous m'excuserez, j'ai le rhume...

M. Roy: Ça va.

M. Gagné (Pierre): En fait, ça ne changera pas beaucoup de choses, sauf que l'eau embouteillée, je dois dire, répond à un besoin. C'est un besoin essentiel, l'eau, puis il y a des consommateurs pour l'acheter. L'eau de la ville, l'eau de l'aqueduc est là pour répondre aussi aux mêmes besoins, mais le consommateur a toujours le choix de prendre un ou l'autre.

Tous les produits manufacturés utilisent de l'eau; que ce soit de l'eau souterraine ou de l'eau d'aqueduc, tous les produits en utilisent. Dans le mémoire, vous avez un peu une idée avec l'agriculture. À la télévision, ils passent des annonces: pour bâtir une auto, ça prend 148 000 litres. Ça fait qu'à tous les niveaux toutes les personnes utilisent de l'eau chaque jour, ça fait que c'est toujours un choix de prendre l'eau embouteillée ou ne pas prendre l'eau embouteillée.

Lorsqu'il y a des problèmes d'aqueduc, l'eau embouteillée est bienvenue, puis les municipalités recommandent de prendre l'eau embouteillée pour répondre à ce petit problème là temporaire, mais on est là puis on satisfait... on répond à ce problème-là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Donc, s'il n'y a pas de contrainte, votre mémoire, pour dire que... je ne dis pas que vous êtes contre, mais, quand même, vous dites: éventuellement, de retourner demander des permis, c'est onéreux, ça coûte cher. Il peut y avoir des contraintes. Il peut y avoir... Justement, vous dites: Quand il y a des problèmes d'aqueduc, mais il peut y avoir des problèmes au niveau du puits aussi. Nous autres, notre puits qu'on avait, malheureusement, je dois vous dire qu'il n'était pas conforme, mais ils trouvaient le moyen de le rendre conforme pour que l'eau, rendue à l'usine, soit correcte. Je ne vous dis pas que c'est détourner la loi, mais je vous dis que c'est juste à la limite de la loi. Donc, quand on travaille au niveau de la santé des gens, bien vous semblez me dire que l'eau de la ville... pourtant, elle est bonne partout, elle a été prouvée, on a fait beaucoup de campagnes là-dessus.

Vous dites que vous répondez à un besoin. Effectivement, on répond à un besoin quand on s'en va en quelque part puis il n'y a pas de possibilité d'avoir de l'eau de la ville, mais en bout de ligne ça ne vous coûtera rien de plus, parce que finalement vous allez nous refiler la facture. D'une façon ou d'une autre, si on a une redevance, si vous payez une redevance, vous ne ferez pas moins de profits, vous allez nous la refiler. Donc, le besoin va venir simplement. Vous dites que les gens ont établi un besoin. Vous, de l'industrie, vous avez établi le besoin, mais les gens vont payer la facture en bout de ligne, donc ça ne vous coûtera pas un sou de plus.

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): Oui. Une autre question aussi: c'est compétitif. Si on a des redevances au Québec, puis l'eau vient de l'extérieur, puis qu'ils n'ont pas de redevances, c'est une chose, mais, si on a une redevance à payer au Québec, puis l'eau vient de... Actuellement, 70 % de l'eau qui se vend, au Québec, en format de 4 litres et moins ne vient pas du Québec. Donc, il y a 70 % des redevances qui vont se perdre, parce qu'il y a 30 % qui sont vendus par les Québécois, de qu'est-ce qui est consommé.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Donc, vous seriez mieux de faire des pressions au fait que l'eau embouteillée à l'extérieur subisse les mêmes contraintes que vous. De l'eau, c'est de l'eau.

Encore une fois, on est très petits de penser que l'eau du Québec... Là, nous, on va faire reconnaître l'eau du Québec parce qu'on veut prendre les devants, on veut prendre le leadership. J'espère que, dans le reste du monde, ils feront la même chose et qu'on aura le même respect, parce que c'est de la même eau, hein, de l'eau communicante.

Hydro-Québec pensaient qu'en faisant les barrages ils garderaient de l'eau, mais ils se sont rendus compte tard qu'il y avait... les tourbières retenaient une quantité importante d'eau, qui ne retournait pas dans le barrage. Donc, c'est la même eau, mais elle n'est pas utilisable, il faut trouver un autre moyen pour l'utiliser.

Donc, si, vous, vous dites que vous avez de la compétition de l'étranger, surtout de l'eau de la ville de New York vendue au Québec, là, en bouteille, vous devriez faire des pressions dans ce sens-là, que ces gens-là soient obligés de payer une redevance au Québec pour rentrer ici. Ça, ce serait plus logique.

M. Gagné (Pierre): C'est ce qu'on demande dans notre mémoire.

Mme Lelièvre (Nicole): C'est ce qu'on demande...

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

Mme Lelièvre (Nicole): C'est ce qu'on demande, monsieur.

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): C'est une de nos recommandations, dans le mémoire, de charger une redevance à tout le monde, à toute l'eau commercialisée au Québec, embouteillée ou non, mais qui est vendue au Québec.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Prévost.

M. Camirand: Oui. Pour continuer ce que vous venez de dire là, dans votre mémoire, vous dites que la redevance va être égale partout, pour tous les consommateurs d'eau. Est-ce que vous voulez dire par là seulement les embouteilleurs? Et tantôt on a reçu les producteurs maraîchers. Est-ce que, pour vous, une équité au niveau des redevances, ce serait une redevance pour tous ceux qui consomment de l'eau, ou tous les embouteilleurs d'eau?

Parce que tantôt on a parlé des maraîchers, qui ont un besoin d'eau particulier pour faire une production, tandis que, vous, vous allez directement prendre l'eau, l'embouteiller et charger un prix pour l'eau que vous avez puisée à même votre source. Est-ce que vous voulez que tout le monde soit égal au niveau de la redevance ou si c'est seulement au niveau d'une redevance d'embouteillage?

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): En fait, ce qu'on demande, c'est que tous les utilisateurs d'eau, s'il y avait une redevance, paient une redevance, que ce soit le simple citoyen ou la compagnie au coin qui fabrique des chaussures, ou n'importe quel utilisateur d'eau. En fait, les 7 millions de Québécois utilisent de l'eau tous les jours, c'est toutes ces personnes-là qui devraient payer.

Mme Lelièvre (Nicole): Mais, pour apporter...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Prévost.

M. Camirand: Pour ajouter: la municipalité ? parce que j'étais conseiller municipal d'une ville ? on charge une taxe aux citoyens pour l'eau qu'on doit traiter. On a déjà une taxe qu'on doit payer, en tant que citoyens, pour consommer de l'eau. Tandis que, vous, vous consommez de l'eau, hein? On a parlé tantôt d'une ressource naturelle ou une ressource de citoyens, et vous ne payez pas de taxe sur votre prélèvement, et la redevance servirait justement à pouvoir peut-être réparer certaines infrastructures au niveau des municipalités ou au niveau des principes d'aqueduc, de besoins au niveau de la population. Vous, vous puisez directement à la ressource naturelle.

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

n(15 h 40)n

Mme Lelièvre (Nicole): Monsieur, on n'a pas dit qu'on était contre la vertu. On ne peut pas être contre la vertu, monsieur. On a dit qu'on était d'accord pour payer une redevance en autant qu'il y ait équité.

Maintenant, quand on vend de l'eau, on vend un service, on vend une production. On vend une mise en bouteille, on vend un contenant qui est propre. On vend des conditions idéales pour une eau de très bonne qualité, et on est tenus par des règlements, comme j'ai dit tout à l'heure, à se conformer à cette présentation d'eau. Alors, c'est un service qu'il faut considérer que l'on fait aussi, c'est une vente de service, mais avec de l'eau.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Drummond.

M. Schneeberger: Bonjour. Vous nous avez dit qu'en ayant une redevance sur l'eau vous aurez peut-être des problèmes au niveau d'être compétitifs. Moi, j'ai un gros problème avec la vision que vous nous soumettez. Parce qu'au Québec on a quand même énormément d'eau comparativement à ailleurs dans le monde, et aussi des gros embouteilleurs, comme les marques de boisson gazeuse, qui se sont lancées dans la distribution d'eau. Alors, ces gros embouteilleurs qui font des milliards et des milliards, là, on les connaît, c'est parce qu'il y a de l'argent à aller chercher en quelque part, là. Ils n'ont pas fait pas ça pour: Ah! bien là, on pourrait distribuer de l'eau aussi.

Et puis, si on regarde sur les bouteilles, c'est de l'eau qui vient... je ne veux pas nommer la marque, mais il y a une bouteille d'eau... l'eau vient de l'usine de filtration de la ville de Mississauga, en Ontario, puis elle est vraiment vendue en grande quantité au Québec. Je ne suis pas sûr que l'embouteilleur a l'eau gratuite de la ville, là, il y a sûrement une entente commerciale qui a été conclue. Alors, moi, je trouve que votre approche de dire que ça vous occasionne... en tout cas, vous ne seriez pas compétitifs, j'ai beaucoup de misère à croire ça, là.

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): C'est que, pour avoir... Il y a deux sortes d'eau, là: vous avez de l'eau traitée en bouteille, puis vous avez l'eau de source, puis de l'eau minérale en bouteille. Pour l'eau de source, ça nous prend des autorisations, ça nous prend des études hydrologiques, etc. Je veux dire, c'est des sommes énormes qu'il faut répartir sur plusieurs années.

Mais, lorsqu'un embouteilleur ? je vais dire comme celle que vous parlez ? s'approvisionne au point de vue d'une municipalité, à ce moment-là il n'a aucune autorisation à demander, il est connecté sur l'eau de la municipalité; il la prend, il la traite de la manière qu'il veut, comme il veut, puis ensuite de ça il se sert de son réseau de distribution pour la revendre. Puis c'est bien identifié sur les bouteilles que c'est de l'eau traitée.

Mais peut-être que cette eau-là est plus disponible que la nôtre, les petits embouteilleurs d'eau du Québec. Mais le consommateur a toujours le choix de prendre celle qu'il veut, mais souvent, c'est celle-là qui est disponible. Puis c'est l'eau...

Le Président (M. Bergman): M. le député de...

M. Gagné (Pierre): Puis c'est l'eau de la municipalité de Mississauga. Mais, au départ, c'est ça: ils la traitent, ils la revendent, ils la mettent disponible, elle est prête à vendre.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet, il vous reste 2 min 30 s.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Oui. Oui. En terminant rapidement, vous comprendrez que, quand on a de l'eau de source, la véritable eau de source identifiée «eau de source», et que les gens prennent leur contenant de quatre litres, qu'ils le mettent dans la valise d'automobile plein de poussière, qu'ils s'en vont au dépanneur se faire remplir une bouteille avec l'eau de la ville qui est supposée être traitée par de l'osmose inversée dans des filtres qui n'ont pas été nettoyés, il n'y a pas une grande qualité d'eau, là, qu'on vend au public, là.

Donc, même vous autres, les embouteilleurs privés, qui embouteillez de l'eau de source, vous devriez peut-être partir non pas en guerre, mais pour avoir une certaine marque de reconnaissance, parce que là on est rendus qu'on sait que l'eau, là, c'est le «free-for-all» dans ça.

Le Président (M. Bergman): Il reste une minute. M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): Absolument, puis c'est ce qu'on veut, on voudrait développer l'eau québécoise, que les gens soient plus sensibilisés à boire l'eau du Québec que boire l'eau de l'extérieur, c'est ce qu'on voudrait...

Une voix: ...

Mme Lelièvre (Nicole): C'est notre but. C'est le but de notre association.

M. Gagné (Pierre): ...et non se mettre des bâtons dans les roues, puis essayer de développer l'industrie, puis d'essayer d'avoir le potentiel qu'on est capables d'avoir, c'est ce qu'on veut.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci. Alors, bonjour, Mme Lelièvre, M. Gagné, M. Gauthier. Simplement une série de petites questions d'information pour commencer. Quel est le chiffre d'affaires des 24 entreprises que vous représentez, le chiffre d'affaires annuel? M. Gagné (Pierre): ...existe aux alentours de 225 millions.

M. Bouchard: 225 millions. Et les coûts de certification d'autorisation dont on parle, qui pourraient revenir à tous les 10 ans, ça pourrait représenter quel pourcentage du chiffre d'affaires? Parce que vous dites que c'est onéreux, j'aimerais avoir une idée de l'importance de ce que ça peut représenter dans votre chiffre d'affaires.

M. Gagné (Pierre): C'est que les études...

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): ...les études hydrologiques puis ces documents-là, c'est cas par cas, c'est selon chacun puis c'est selon chaque débit des sources, aussi. Ça fait qu'il y a des sources qui ont des gros débits puis il y a des sources qui ont des plus petits débits, comme les embouteilleurs ont des petits marchés, des plus gros marchés. Ça fait que chacun...

M. Bouchard: Oui. Mais, sur...

M. Gagné (Pierre): ...chacun amortit comme il peut.

M. Bouchard: Mais, sur un chiffre d'affaires...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Sur un chiffre d'affaires, vous êtes dans l'ordre de 200 quelques millions, là. En pourcentage, globalement, ça pourrait représenter quoi comme investissement, les certificats d'autorisation?

M. Gagné (Pierre): Bien, sans aller sur le chiffre d'affaires, c'est une chose, là. 225 millions, là, c'est le global, c'est toutes les eaux.

M. Bouchard: ...oui, oui.

M. Gagné (Pierre): Ce n'est pas uniquement... Il y a 70 % qui ne vient pas d'ici, O.K., ça fait qu'on peut réduire.

M. Bouchard: Attendez voir, là. Vous dites qu'il y a 230 millions de chiffre d'affaires, dont 70 %...

Mme Lelièvre (Nicole): Ne vient pas du Québec.

M. Gagné (Pierre): Ne vient pas du Québec.

M. Bouchard: Non, non, je parlais de 24... Je parlais du chiffre de vos 24 entreprises que vous représentez, que vous représentez.

Mme Lelièvre (Nicole): C'est 30 % de ça.

M. Bouchard: Donc, c'est 30 % du 225 millions. C'est ça? O.K. Alors, sur ce 30 %, que peuvent représenter les coûts de certification ou certificat d'autorisation, d'après vous?

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Bouchard: Disons qu'on est autour de 80 millions de chiffre d'affaires, là, hein?

M. Gagné (Pierre): Oui.

M. Bouchard: Pour les 24 entreprises.

M. Gagné (Pierre): Ça coûte... Je vais dire: Ça peut coûter de 300 000 $ à 1 million, 1,5 million, 2 millions.

M. Bouchard: O.K.

M. Gagné (Pierre): Ça dépend...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Gagné (Pierre): ...selon la situation puis selon...

Mme Lelièvre (Nicole): Les études.

M. Gagné (Pierre): ...selon le cas.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Deuxième petite question, puis je vais arrêter là parce que je sais que mon collègue de Roberval a beaucoup de questions à poser. Mais, lorsqu'on lit votre mémoire, on a l'impression que vous déplorez le fait que l'eau douce retourne dans l'océan, que c'est un vrai gaspil du fait qu'on n'exploite pas cette ressource renouvelable en termes de ressource renouvelable économique. À quoi pensez-vous? À quel projet pensez-vous, un projet d'exportation d'eau en vrac?

Mme Lelièvre (Nicole): Nous, ce n'est pas la mission de l'association.

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

Mme Lelièvre (Nicole): Merci. Ce n'est pas le but de l'association. Le but de l'association, c'est de défendre les projets d'eau embouteillée, que ce soit de l'eau de source ou minérale. Ça fait partie de possibilités mais qui ne regardent pas l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec comme telle.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. M. le Président, à la lecture de votre mémoire ? d'abord, il y a des statistiques très intéressantes, là, je pense qu'il y a des données qui peuvent servir à bien des gens, mais ? on sent une attitude qui est assez négative, on pourrait dire. Puis même, vous dites, à la page 24, là: «...est-ce que la ministre veut vraiment anéantir le développement de l'industrie québécoise de l'eau embouteillée?» C'est un jugement qui est quand même assez sévère.

Je voudrais savoir: Comment vous percevez ça avec le fait que la population du Québec croit que c'est comme inadmissible qu'il n'y ait pas de redevance sur l'eau? Comment on peut concilier ça, là, que vous dites: Bien, nous autres, vous nous mettez en péril, alors que l'ensemble de la population québécoise dit que c'est tout à fait normal, et ils sont prêts à payer une redevance sur l'eau? Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Bergman): M. Gauthier.

M. Gauthier (Ghislain): Merci. Moi, je vous dirais, là, ça fait 18 ans que je suis dans le domaine de l'eau, partout, et je peux vous dire que je ne pense pas que la population du Québec s'attend à une redevance. Je peux vous dire, moi, que la population du Québec a besoin d'éducation dans le domaine de l'eau. Actuellement, on l'a mentionné, il y a sept bouteilles sur 10 qui se boivent, de la part des Québécois, qui viennent de l'extérieur de nos frontières. Dans notre livre à nous, c'est inadmissible. Et il y a une question beaucoup de compétitivité.

On a parlé tantôt... Mme la ministre a parlé de la culture ontarienne et de la culture québécoise. Moi, je peux vous dire: Je suis un fervent porte-parole partout pour dire que, chez nous, on a de l'eau embouteillée d'une qualité exceptionnelle, ce qu'on n'aura jamais en Ontario ? sans dénigrer, là, mes collègues ontariens.

Les embouteilleurs du Québec font la promotion d'une eau de source et par région. La majeure partie des 24 embouteilleurs du Québec sont dans les régions. Ils sont dans les régions parce que c'est là que la source elle est. C'est là que la source elle est protégée et c'est là qu'il y a le renouvellement de cette nappe-là. Et c'est un peu notre quotidien, la démarcation de là.

Et, quand on regarde un peu les eaux québécoises ? puis j'ai fait imprimer les rapports des 52 dernières semaines ? au Québec, l'eau, le prix de vente de l'eau, en moyenne, est de 0,27 $ le litre. Donc, on peut voir, une petite bouteille, le prix moyen que les Québécois paient, c'est 0,14 $. Donc, les embouteilleurs du Québec qui, normalement, des plus petites entreprises en région ont un coût de transport, vont vendre deux à trois fois ça quand ils peuvent vendre ça. Donc, on se bat contre des géants pour survivre, et je pense que c'est l'aide qu'on a besoin.

n(15 h 50)n

Le citoyen du Québec, quand on explique ça, quand on explique que l'eau vient de la région de la Mauricie, vient de l'Abitibi, vient du Lac-Saint-Jean, vient de la Gaspésie, on vient à adapter et prend un produit, on a une fidélité de la marque. Je pense qu'au Québec on veut que les gens achètent québécois. Bien, on véhicule, nous autres, le fait qu'on est des embouteilleurs au Québec. Mais on est très petits, au Québec, et, si on n'a pas le support, si on ne se met pas tous ensemble pour dire que chez nous on a une eau exceptionnelle, puis venez investir chez nous, c'est ça, la problématique qu'on essaie de vous passer dans notre mémoire. Ce n'est pas un message négatif.

Sans nommer de nom, je vais vous dire, moi, que le dominant au Québec, ça fait 15 ans qu'il n'a pas embouteillé une bouteille au Québec. Est-ce que c'est normal? On dit que ce n'est pas normal. On dit: Il faut favoriser cette industrie-là. C'est le message que, nous, on fait, parce que c'est notre pain puis notre beurre, on a de l'eau dans nos veines. Donc, il faut qu'on soit ensemble et non pas un contre l'autre.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Bien, je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il faut encourager l'utilisation de l'eau québécoise. Je pense que tout le monde sait qu'il y a beaucoup plus de retombées, que ce soit en région ou ailleurs; ça, je pense qu'on est d'accord avec ça. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a des questionnements à avoir sur la question de l'eau en bouteille.

Entre autres, on dit qu'il y aurait des centaines de millions de bouteilles d'eau qui finissent dans l'environnement. Comment vous voyez ça? C'est quoi, vos préoccupations par rapport à ça? Et est-ce que vous envisagez de faire quelque chose à cet effet-là, pour diminuer ces quantités-là? Parce que je pense que vous avez une responsabilité. Je comprends que ce n'est pas toutes vos bouteilles, mais est-ce que, comme Association des embouteilleurs d'eau québécoise, est-ce que vous pourriez vous démarquer par rapport à ça?

Mme Lelièvre (Nicole): On fait déjà partie...

Le Président (M. Bergman): Mme Lelièvre.

Mme Lelièvre (Nicole): Merci. On fait déjà partie... on est déjà très, très conscients, nous, à l'association, du trajet que doivent prendre les bouteilles une fois utilisées. Je parle ici des petites bouteilles, hein, d'accord, et on fait partie de RECYC-QUÉBEC. Donc, il y a des logos de Recyclez-moi! sur chaque bouteille. Quant aux autres bouteilles de format plus grand qui sont utilisées en région, là-dessus, Pierre Gagné va pouvoir... est mieux placé que moi pour répondre à cette question.

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): Oui. On a appuyé la ministre dans des démarches pour éliminer les 15 litres, qui était une bouteille retournable... non retournable, plutôt, bouteille d'eau, versus les 18 litres et 11 litres, qui était une bouteille récupérable, réutilisable. Ça fait qu'on pouvait sauver de 50 à 75 bouteilles avec une, on a appuyé ça. Je veux dire, on est très contents que cette loi-là a passé pour l'environnement, puis pour notre industrie aussi, parce que la plupart des membres embouteilleurs de l'Association des embouteilleurs sont dans le 18 litres.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Les entreprises ontariennes, elles ont réagi comment avec la redevance sur l'eau? Puis je voudrais savoir également, aussi: Est-ce qu'il y a des exemples que vous pourriez nous indiquer de pays ou de provinces qui pourraient être un exemple à suivre, par rapport à d'autres qui ne seraient pas à suivre, justement?

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): Vous avez, dans le mémoire, selon nous, la meilleure province, ce serait la Colombie-Britannique, qui ont touché à tous les secteurs; tous les secteurs ont une redevance à payer. Puis ils ont une redevance selon le volume aussi. S'il y a à avoir une redevance, selon nous, la meilleure application serait celle de la Colombie-Britannique parce que tous les secteurs sont touchés.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Est-ce qu'il y a des exemples à ne pas suivre?

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

Mme Lelièvre (Nicole): Tout est à faire.

M. Gagné (Pierre): Tout est à faire. Selon moi...

Mme Lelièvre (Nicole): On est au début, là, tout est à faire.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

Une voix: ...

Mme Lelièvre (Nicole): Pardon?

M. Trottier: Comment vous voyez votre participation dans la solution? C'est sûr que, bon, vous dites: Il faut que ce soit tout le monde, etc. Vous savez comme moi que, dans la vie, parfois il faut faire des exceptions, pour toutes sortes de raisons, mais comment vous voyez votre contribution à ce que l'ensemble des Québécois puissent trouver que c'est une bonne formule? Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Bergman): M. Gagné.

M. Gagné (Pierre): Chacun est utilisateur d'eau, O.K.? Si on part avec le principe que c'est un bien commun, chaque utilisateur se sert du bien commun, que ce soit à la maison, que ce soit à l'industrie. Dans l'industrie, à tous les niveaux, on se sert de l'eau, O.K.? Dans l'eau, la seule différence qu'il y a, c'est que, pour obtenir un litre d'eau, on va utiliser 25 % à peu près, c'est-à-dire 1,25 litre pour obtenir un litre d'eau. C'est à peu près le ratio le plus bas de tous les produits manufacturés. Pour un litre de bière, ça vous prend au moins huit litres d'eau.

Une voix: De bière?

M. Gagné (Pierre): De bière, O.K.? Mais... C'est parce que le problème avec l'eau, c'est que vous voyez l'eau. L'eau, vous la voyez. Un litre d'eau, vous le voyez. Un litre de bière, vous ne voyez pas d'eau, vous devriez voir huit litres d'eau avec, O.K.? Une tomate, bien vous devriez voir la même chose. Puis un pneu, la même chose. Vous voyez le pneu, vous ne voyez pas toute l'eau qui suit. Il y a de l'eau virtuelle là-dedans.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Dans vos membres, c'est quoi, le pourcentage de gens qui ne font uniquement que de l'eau embouteillée, par rapport à embouteiller de la bière ou embouteiller de la liqueur ou quelque chose...

M. Gagné (Pierre): 100 % ou presque. Mettons qu'il y en a un qui fait d'autre chose, là. Mettons, 90 %, c'est uniquement de l'eau, le volume qu'on utilise. Ce n'est pas beaucoup, hein?

Mme Lelièvre (Nicole): C'est 0,08 %... une recharge.

M. Gagné (Pierre): Ce n'est pas tous les embouteilleurs d'eau, là, puis attendez-vous pas que tous les embouteilleurs d'eau vont financer le Québec demain matin, là.

M. Trottier: Non, j'ai l'impression...

M. Gagné (Pierre): Oubliez ça, là.

M. Trottier: Je ne penserais pas que... je ne penserais pas qu'on... bien je ne penserais pas qu'on puisse penser que les redevances sur l'eau vont faire baisser les impôts, là. Je pense qu'on n'en est pas là, mais il y a un principe d'utilisateur d'une ressource. Parce que, dans le fond, il y a beaucoup de secteurs qui paient déjà des redevances pour leurs produits, que ce soit l'industrie forestière, que ce soit l'industrie...

Le Président (M. Bergman): En conclusion.

M. Trottier: ...que ce soit l'industrie de l'aluminium, par exemple, qui paient des redevances, et c'est là que dans le fond les gens se disent: Si on utilise une ressource qui amène profit, c'est tout à fait normal qu'il y ait une redevance qui va profiter à l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, M. Gagné, Mme Lelièvre, M. Gauthier, merci pour votre présentation, et je demande les gens, le Conseil de l'industrie forestière du Québec, pour prendre place à la table.

Je suspends nos travaux pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

 

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue au Conseil de l'industrie forestière du Québec. M. Chevrette, M. Vézina, M. Maltais, Mme Thibault, bienvenue. Si vous pouvez vous identifier spécifiquement, M. Chevrette. Et vous avez 15 minutes pour votre présentation.

Conseil de l'industrie forestière
du Québec (CIFQ)

M. Chevrette (Guy): À ma droite, c'est M. Vézina, qui est directeur au ministère... au Conseil de l'industrie forestière ? la déformation professionnelle! ? qui est au niveau du secteur pâtes et papiers et énergie, et Mme Thibault est notre spécialiste en environnement.

Tout d'abord, je ne vous lirai pas le mémoire, je vais vous le présenter un peu, tout en vous citant certains paragraphes, en vous lisant certains paragraphes, mais je n'ai pas l'intention de le lire au complet.

Tout d'abord, d'entrée de jeu, on veut dire à Mme la ministre, à Mmes et MM. les députés que nous sommes en accord avec le bien-fondé du projet de loi. C'est clair, on ne vient pas ici s'objecter fondamentalement au projet de loi. Mais on a des réticences majeures qu'on va vous faire connaître, et on va vous dire pourquoi.

Tout d'abord, je vous dirai que, d'entrée de jeu, on sait que l'eau est un bien collectif et qu'il faut la protéger. Et j'en profite un peu pour démontrer ce qu'on a fait, comme Conseil de l'industrie forestière, avec l'ensemble de l'industrie. On a la critique facile, au Québec, surtout quand on n'est pas populaire, comme une industrie comme la nôtre, mais il faut regarder les efforts qui ont été faits pour protéger l'eau au Québec.

Tout d'abord, je prends le secteur des pâtes et papiers. Depuis 1980, entre 1980 et 2006, il y a eu une baisse de 45 % de l'eau utilisée, 45 % de l'eau utilisée, malgré une augmentation de 35 % de production. C'est quelque chose. Trouvez-moi un secteur qui a fait pareil! Ça prend 49 m³ d'eau pour produire une tonne de papier, donc une diminution réelle de 60 % comparativement aux années quatre-vingt. Également, 80 % des papetières possèdent leurs propres usines de traitement d'eau. Depuis 1981, 91 % de moins de particules ou de matières en suspension au niveau des rejets. C'est quelque chose qu'on peut souligner, je pense, comme effort fait en matière environnementale. De temps en temps, un directeur du ministère ose dire que les pâtes et papiers, c'est un secteur témoin important ? de temps en temps. Donc, on ne se cachera pas pour vous dire qu'on est fiers d'une diminution de 96 % de la demande en biochimique et également en oxygène, malgré une augmentation toujours de 35 % dans la production.

Et je vous dirai qu'au niveau du sciage, bien tout le monde a vécu la péripétie. Moi, j'ai connu la drave, j'ai connu là où les billes flottaient, des moulins à scie qui s'abreuvaient en bas d'une chute. Vous n'avez plus, à peu près pas de scieries qui utilisent le pouvoir hydraulique maintenant et vous n'en avez plus non plus à la vapeur. Il n'y a à peu près plus de bassin de trempage. Il y a une foule de choses qui sont disparues effectivement, et je pense que l'industrie, en consommation nette d'eau, malgré le grand pompage qu'on peut faire, c'est à peine entre 6 % et 8 % d'eau. Il en retourne entre 92 % et 94 %, d'eau qu'on prend. Et je vous dirai qu'on la traite, on paie donc pour la traiter, et qu'on a même une redevance sur le rejet. Et les craintes qu'on a maintenant, c'est qu'on nous impose une redevance pour partir, pour aller la pomper. On la traite, on la retourne, puis on a une autre redevance pour la retourner, et on veut ? le ministre des Ressources naturelles l'a déclaré à plusieurs reprises ? nous voulons une industrie compétitive.

Donc, je prendrai deux minutes pour vous expliquer ce que c'est que la compétitivité, parce que j'écoutais les embouteilleurs tantôt un peu parler de ça en comparaison avec l'Ontario. C'est évident que ce qui coûte, nous, ici, au Québec, entre 7 $ et 8 $ en Ontario, nous coûte entre 12 $ et 15 $ ici. Il n'y a pas seulement qu'une crise conjoncturelle dans la construction, il y a une crise structurelle ici, au Québec, et la compétitivité n'est plus là. Pourtant, chaque jour, tous les parlementaires se plaignent qu'il manque de l'argent dans les garderies, qu'il manque d'argent en santé, qu'il manque d'argent en éducation, qu'il manque d'argent pour les transports, mais il va falloir qu'on comprenne que, si on veut en faire, de l'argent, à partir de nos richesses naturelles, il va falloir permettre à notre industrie d'être compétitive pour pouvoir précisément alimenter nos services collectifs au Québec.

Ceci dit, ça fait du bien de le dire. Je l'ai dit. Mais j'en arrive tout de suite aux réticences que nous avons.

Tout d'abord, certains principes énoncés sont imprécis et qui risquent des interprétations qui peuvent nous être préjudiciables. Il y a des pouvoirs discrétionnaires donnés autant à la ministre qu'au gouvernement qui peuvent contribuer à créer l'incertitude pour un climat d'affaires serein. Il y a l'introduction ? je l'ai dit tantôt, mais je vais le répéter; l'introduction ? de la redevance basée sur l'utilisation de l'eau plutôt que sur la consommation réelle. Eh bien, c'est intriguant pour nous, et encore plus intriguant, c'est que le libellé laisse croire que le coût pourrait intégrer les coûts liés à la protection, la restauration, la mise en valeur, la gestion, donc, en d'autres mots, le principe du pollueur-payeur.

Une redevance est déjà versée, je l'ai dit, sur les rejets. Le projet de loi est muet sur les objectifs qui sous-tendent d'éventuelles redevances et également sur les utilisateurs visés ? on ne sait pas trop qui. L'alourdissement du fardeau fiscal, déjà lourd, nous inquiète à mort, il n'y a pas de cachette.

Concernant les redevances sur l'eau, bien le CIFQ demande d'éviter, tout comme les embouteilleurs l'ont fait avant nous, là, d'éviter toute iniquité entre les différents utilisateurs ? on pense que c'est raisonnable d'exiger d'éliminer les iniquités ? deuxièmement, de prendre en considération la notion de consommation d'eau, comme je l'ai dit également, et, dans le régime des redevances, de ne pas nuire à la compétitivité de nos entreprises.

Je voudrais également parler de l'encadrement législatif et réglementaire. On ne le remettra pas en question, je l'ai dit au début, l'eau, c'est une nécessité. Il faut assurer sa protection, sa pérennité, tout cela, ça va. Mais le CIFQ croit cependant que les pouvoirs discrétionnaires sont tellement importants qu'ils viseraient carrément à augmenter l'incertitude qui est déjà très grande dans notre industrie. Le CIFQ demande donc au gouvernement de définir un cadre très clair et prévisible qui permettrait aux utilisateurs de connaître les normes et les exigences qui devraient être respectées, d'autant plus qu'un peu plus loin dans le projet de loi on remarque qu'il n'y a même plus d'obligation d'indemniser. On aurait suivi tout le processus pour obtenir les certificats, les autorisations, tout légal; du jour au lendemain, tu arrêtes, pas d'indemnité. On ne voit pas ça dans beaucoup de législations. J'espère que ce sera corrigé au niveau de l'Assemblée nationale du Québec, parce que même le projet de loi sur la table, ou l'avant-projet de loi, ou le livre vert de M. Béchard prévoient l'indemnité quand on enlève des CAAF, des contrats d'approvisionnement. Ça devrait revenir, ça, puis se conformer à peu près à ce qui se fait de normal dans toute société normale. On ne demande pas à un individu d'injecter des millions et des centaines de millions dans l'industrie, l'arrêter... pour des raisons fort valables probablement, ça, puis je n'en doute même pas, mais qu'il y ait un pouvoir d'indemnité. Parce qu'on ne demande pas à des promoteurs, à des entreprises d'injecter des sommes pour ensuite, de façon unilatérale, sans compensation de quelque nature que ce soit, mettre fin aux engagements légaux votés dans un Parlement.

Également, bien la redevance, j'en ai parlé. Je pense que je vais plutôt attendre vos questions. Il y a des concepts à définir, mais j'aimerais vous lire les deux paragraphes importants dans notre mémoire et également pour les articles, là, 31.78, 31.79, 31.81, 31.82, 31.85 et 31.86 qui octroient au ministre et au gouvernement des pouvoirs au cas par cas tant en regard de l'autorisation que de sa modification, voire de la cessation du prélèvement. Du point de vue d'une entreprise, ces pouvoirs discrétionnaires s'ajoutant ou se substituant aux règles édictées par règlement créent une incertitude et peut... et peuvent, dis-je, engendrer des iniquités.

n(16 h 10)n

Les articles 31.85 et 31.86 introduisent quant à eux la mention qu'aucune indemnité ne sera versée de la part de l'État suite à une décision du ministre ou du gouvernement de modifier ou de faire cesser un prélèvement prise en vertu de ces articles. Regardant cela du point de vue d'une entreprise qui dépend de ce prélèvement pour ses opérations et sa production, cela paraît complètement inacceptable. L'incertitude financière et/ou d'affaires qui en découle vient détériorer davantage le climat, qui est loin d'être rose pour nous autres.

Je réponds à vos questions.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. Chevrette. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Merci beaucoup et merci pour cette présentation.

J'aurais une série de questions, mais peut-être la première, elle sera plus... effectivement un petit peu plus générale. Un des principaux reproches faits à la loi telle que libellée actuellement, vous avez beaucoup en tout cas insisté là-dessus dans votre présentation, vous avez conclu avec ça, vous dites: Elle devrait être plus claire au niveau de ses normes et exigences. Vous trouvez qu'il y a trop d'éléments laissés à la discrétion du ministre ou du gouvernement pour intervenir et remettre en cause, je dirais, remettre en question une autorisation octroyée d'utiliser de l'eau au Québec.

Je vous écoute, et honnêtement on est vraiment ici pour ça, hein? Moi, je l'ai toujours dit, je ne suis vraiment pas dogmatique, j'essaie de voir comment ce projet de loi peut être amélioré. Et en même temps je me dis: Vous savez, parfois ? je pense que vous avez connu ça, M. Chevrette ? parfois des gouvernements arrivent avec des choses extrêmement normées, et là l'appel fait par plusieurs secteurs industriels, manufacturiers, c'est de dire: Bien, voyons donc, vous venez d'essayer de nous enfermer dans des carcans qui ne reflètent pas, qui ne peuvent pas être le reflet de la réalité. Parce qu'en même temps que vous dites qu'il y a beaucoup de discrétionnaire, je vais vous donner un exemple de discrétionnaire qui est à l'avantage possiblement de grands projets manufacturiers, c'est, par exemple, ce discrétionnaire où le ministre peut décider d'octroyer une autorisation sur un laps de temps plus lointain, plus long que 10 ans. C'en en est un, discrétionnaire introduit dans la loi, mais c'est pour tenir compte qu'effectivement il y a des projets majeurs demandant des investissements majeurs où on est conscients qu'un horizon de 10 ans compromet peut-être, je dirais, l'équilibre financier ou la recherche de capitaux d'un projet, puis qu'il faut être pragmatique, puis il faut peut-être accompagner cette industrie dans ses investissements et en tenir compte. Ça fait que je me dis: Ça, c'est un discrétionnaire à l'avantage d'un secteur industriel comme celui que vous représentez.

Je voudrais que vous me donniez des exemples d'exigences ou de normes plus précises que vous souhaitez, parce que je trouve que, dans le domaine de l'eau, quand on parle de l'eau, un des défis que l'on a, c'est de parler d'un secteur... Comme on l'a souvent répété depuis le début de cette journée, première journée d'audiences, c'est un secteur qui touche tout le monde. Ça touche, là, le citoyen, ça touche la municipalité, ensuite ça touche les agriculteurs. Ça touche vraiment, vraiment beaucoup de secteurs industriels. On l'utilise. Et en plus la situation de l'approvisionnement ou la disponibilité ? je vais dire ça comme ça ? de la ressource peut être très variable d'une petite localité sur un territoire donné à un plus grand ensemble sur un autre territoire.

Ça fait que je me dis: Devant le fait que ça touche beaucoup de monde puis que c'est peut-être très variable sur le territoire québécois, pensez-vous vraiment que la solution est de passer beaucoup de temps à se donner des normes hyperprécises, dans un contexte où l'utilisation faite est très variable, où la situation de la disponibilité de la ressource est très variable, par rapport donc au fait de dire: Bien, on s'est mis des éléments qu'on pourrait qualifier de discrétionnaires mais qui vont permettre au gouvernement d'être capable d'accompagner les différents usagers de l'eau en tenant compte des contextes, je dirais, pragmatiques, là, qu'on va côtoyer?

Donc, je vous écoute, je respecte votre opinion, mais j'essaie d'en saisir la faisabilité dans un contexte où on a à gérer l'eau pas juste dans un contexte industriel, ici, là; on a à se donner un cadre de gestion qui touche tous les usagers de l'eau dans toutes les régions du Québec. Je ne sais pas, je me dis: Peut-être que l'approche où on a introduit un élément de discrétion, et je le reconnais, peut-être que c'est l'approche la plus pragmatique et la plus porteuse d'un État capable d'accompagner ses citoyens, ses industries, ses agriculteurs mais avec toujours un souci de la préservation de la ressource, de la protection des écosystèmes, de l'approvisionnement en eau de la population.

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): D'abord, je vous avoue que je suis peut-être influencé par la crise actuelle qu'on traverse. Je pourrais vous entretenir 20 minutes sur ce que vous venez de me dire, par exemple, quand on regarde le citoyen, la municipalité, parce que j'ai lu votre politique aussi avant, puis les municipalités semblent très bien exclues de cela. Pourtant, c'est des taxes de tous les citoyens qui ont payé pour la consommation d'eau des citoyens. Puis dites-moi si c'est eux autres qui économisent en faisant couler le robinet pour rien puis en flushant la toilette je ne sais pas combien de fois par jour. Là-dessus, je pourrais discuter, mais je ne suis pas venu pour ça. Je vais vous parler exclusivement de l'incertitude créée au niveau de l'industrie forestière.

On paie déjà une taxe de rejet. On paie selon vos normes à vous autres pour traiter l'eau. Si on ne traite pas conformément à vos normes, on est pénalisés. On remet dans le paysage 92 % à 94 % de l'eau qu'on va pomper, et qu'on la traite, et on arriverait avec une autre redevance alors qu'on n'est déjà pas compétitifs? C'est sous cet angle-là. Je n'essaie pas de vous faire des remontrances. Et, s'il fallait qu'on arrive avec des coûts additionnels, alors que ce qui coûte, bon an, mal an ? puis je l'ai dit tantôt ? 7 $, 8 $ en Ontario nous en coûte 12,15 $, puis on est obligés de compétitionner avec eux autres, je pense que c'est pire.

J'apprenais de la bouche des embouteilleurs québécois que 70 % de l'eau est embouteillée de l'extérieur, en plus. On paierait une redevance que l'Ontario ne paiera pas, en plus, vis-à-vis ces compagnies, on ne ferait qu'accentuer le décalage en compétitivité avec l'Ontario. Moi, ça m'apparaît... Je ne sais pas quel moyen prendre. Je veux juste attirer votre attention sur le fait qu'on se doit d'avoir les choses les plus claires possible. En économie, tu ne marches pas sur des à-peu-près ou sur des volontés spontanées. On bâtit avec la connaissance des faits. C'est juste ça.

Mme Beauchamp: Bien, moi, je...

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: D'abord, je crois comprendre que votre notion de clarifier les normes et les exigences se rattache à ce débat qu'on devrait avoir sur la redevance, c'est-à-dire... Parce que, moi, j'ai cru, à la lecture de votre mémoire, j'ai cru que votre souhait de clarifier les normes et exigences était plus lié à la notion de pouvoirs discrétionnaires que contient la loi, octroyés au ministre ou au gouvernement, donc non pas sur la redevance, mais sur le nouveau régime qui exige des certificats d'autorisation et la notion d'un 10 ans, et tout ça. Je pensais que c'était plus relié à ça, votre commentaire.

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): Oui, c'est relié à ça. Mais on va faire ajouter par Pierre et Rachel, si elle veut. Oui, Pierre.

Mme Thibault (Rachel): Peut-être par rapport aux incertitudes, je vais juste clarifier une chose. En fait, c'est vrai que, quand on parlait du cas-par-cas, on faisait référence aux autorisations de prélèvement. En fait, dans les annonces, puis peut-être un peu dans les communiqués de presse, on sentait le besoin de mieux protéger la ressource, beaucoup plus peut-être que d'accommoder ou d'accompagner des entreprises ou des besoins particuliers. Donc, c'était au niveau des autorisations qu'on parlait d'incertitude. Le besoin de clarification, effectivement, là, c'est autre chose.

Je peux peut-être laisser Pierre...

Le Président (M. Bergman): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Oui. Alors, peut-être pour remettre ça en contexte, il faut bien comprendre que la lorgnette qui nous préoccupe, nous, naturellement c'est les problématiques d'opération de l'industrie forestière. Je comprends que le gouvernement a peut-être des visées plus larges.

Toutefois, ces possibilités que se donne la ministre, entre autres de réduction et de cessation des prélèvements, nous apparaissent plus comme une menace que comme une opportunité. Vous comprendrez bien que, de ce point de vue là, pour les entreprises, ça devient une certaine incertitude quant à leur avenir, d'une certaine façon. Et c'est en ce sens-là, là, qu'on mentionne que ces pouvoirs discrétionnaires là peuvent être, je vous dirais... un peu mettre à risque l'industrie.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Écoutez, bien, moi, de mon côté, je veux aussi appeler un chat un chat. Ça fait partie des qualités qu'on vous attribue, M. Chevrette, et je vais m'en inspirer. Honnêtement, nous sommes devant un projet de loi qui est sur la préservation de la ressource. Si je ne me trompe pas, c'est même inscrit dans la loi, la notion de la protection et de la préservation de la ressource. Et donc, par mes propos... parce que j'ai cru comprendre tantôt que vous sembliez dire: Ah! bien là, vous avez dit que c'était un projet de loi pour accompagner les acteurs. Bien oui...

Mme Thibault (Rachel): ...là-dessus, quand même.

Mme Beauchamp: ...on va accompagner les acteurs de l'eau, mais honnêtement toute la loi, je pense, elle est transparente, puis je pense que mes communications et celles de mon gouvernement par rapport à cette loi-là l'ont été aussi: le vrai contexte dans lequel on travaille est un contexte de protection de la ressource, notamment de ses écosystèmes, en vue d'être capable de répondre à une priorité en tout temps qui est l'approvisionnement en eau des populations.

n(16 h 20)n

En même temps, je veux vous entendre sur deux choses ? puis le temps file trop vite; mais ? sur le fait que le régime que nous amenons, qui est donc une espèce de nouveau régime de certificat d'autorisation pour l'eau de surface, alors qu'il en existe un maintenant, depuis 2002, pour l'eau souterraine, c'est très, très, très calqué, c'est pratiquement un reflet de la législation, la nouvelle législation adoptée en Ontario. Et, dans ce contexte-là, je me demande si on ne doit pas plus voir ça comme quoi on est sur les bons rails par rapport à une législation moderne, parce que l'eau, vous en avez aussi besoin donc, vous aussi, pour vos affaires, donc si on n'est pas sur les bons rails par rapport à une législation moderne.

Et ma dernière question, puis elle est importante parce que peut-être qu'il y aura assez peu de personnes qui vont le soulever, et on doit en profiter pour en débattre, vous nommez, là, textuellement dans votre mémoire votre préoccupation par le fait qu'on dit qu'il y aura... par rapport au fait qu'on puisse intenter des poursuites au civil. Vous dites que vous nous demandez de retirer la notion que contient l'article 7, là, la notion «par le»... On dit: «Par le fait, [par] la faute ou l'acte illégal», qu'on peut demander réparation, par exemple, ou indemnité. Puis vous nous demandez d'enlever la notion «par le fait». Et je veux juste vous faire remarquer que c'est une notion qui est par ailleurs nommée dans les directives de l'Union européenne. C'est une notion qu'on retrouve dans la dernière législation française. C'est donc une notion qui dit: En matière d'environnement puis de protection de l'eau, qui est vitale à la vie, on ne peut pas juste demander à un gouvernement de prouver la faute ou un acte illégal. S'il y a un fait, puis un fait, par exemple, qui dit qu'il y a un fait que l'eau est contaminée, on doit pouvoir exiger réparation. Et, dans les législations plus modernes, ça été introduit.

Donc, je veux vous entendre, parce que, moi, je suis confortable avec le fait que c'est inscrit dans la loi...

M. Chevrette (Guy): Je vais faire un petit bout sur la dernière question. Je vais commencer par votre dernière question.

Mme Beauchamp: ...mais je dois entendre vos arguments. Pourquoi vous, vous êtes inconfortables avec ça?

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): Comment conciliez-vous quelqu'un qui respecte toutes les normes, absolument toutes les normes, il se conforme à tout, et comment conciliez-vous cela avec le fait, par exemple, que, dans un tel contexte, là, tout a été respecté, comment expliquez-vous qu'il n'y aurait pas d'indemnité, par exemple, s'il y a un arrêt, pour n'importe quelle raison, même si c'était pour une raison de santé publique? Le type, il n'a pas fauté, l'industriel n'a pas fauté, il a respecté toutes vos normes, intégralement, dans le processus de certification, dans le processus de traitement, dans le... Comment conciliez-vous cela?

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, je pense que ça veut couvrir... Je pense que la directive de l'Union européenne et le fait que les États européens sont en train de l'intégrer dans leurs propres législations vient couvrir un aspect qui est... Peut-être l'exemple ? puis, s'il le faut, je vais faire appel à Me Denis qui m'accompagne; mais ? je pense que l'exemple qu'on donne le plus commun, c'est la notion, par exemple, d'un bris d'équipement qui est carrément un bris d'équipement entraînant certaines formes de déversement. C'est un fait.

Une voix: ...une faute.

Mme Beauchamp: Ça ne veut pas dire qu'il y a faute, ça ne veut pas dire que l'équipement a été mal entretenu, ça ne veut pas dire que c'était illégal parce que c'est un bris, mais en même temps il y a un fait qu'un équipement s'est brisé puis qu'il y a contamination, par exemple, de l'eau. Je pense que c'est cette réalité-là que ça veut couvrir, et là je l'explique dans mon jargon à moi sans être moi-même juriste...

M. Chevrette (Guy): ...déjà heureux...

Mme Beauchamp: ...mais c'est ça que ça veut couvrir.

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): ...déjà heureux que ça se dise ici, parce que théoriquement le libellé de la loi, il est catégorique là-dessus. On ne peut pas concevoir, dans une société moderne ? moi, c'est ma conception à moi, vous n'êtes pas obligés d'être d'accord puis respecter ça ? que quelqu'un qui respecte toutes les règles, du jour au lendemain, se voit pénalisé sans qu'il ne sache pourquoi. Là, vous me dites: Un bris. Bon, bien, au moins, dans les procès-verbaux de l'Assemblée nationale, il sera dicté qu'un bris pourrait avoir occasionné un problème majeur et il pourrait donc être la cause de, peut-être.

Mme Beauchamp: Je l'ai donné à titre d'exemple.

M. Chevrette (Guy): Mais je dois vous avouer que, tel qu'écrit là, moi, ça m'apparaît disproportionné comme pouvoir. Pierre.

Le Président (M. Bergman): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Oui. Alors, j'ajouterai, j'ajouterai sur cette question-là avant de passer aux précédentes. Notre compréhension de la chose, c'est que la notion dont vous avez fait état tantôt, entre autres d'un bris, pour nous est plutôt encadrée par la faute. À partir du moment où on fait un déversement qui est illégal, qui est de la contamination, c'est déjà traité par, bon, un certain nombre de règlements et de lois déjà existantes.

La question qui nous préoccupe de manière un peu plus pointue lorsque vous mentionnez «par le fait» et aussi du fait que la ministre ou le procureur aura le droit de poursuivre après connaissance, on peut comprendre, dans cette orientation-là, que, dans la mesure où les entreprises opèrent dans un cadre légal, selon des normes bien précises, on respecte la loi, on respecte les conditions d'opération. Ce qu'on craint, c'est qu'a posteriori, si jamais les connaissances s'affinent et s'améliorent, on en vienne à conclure que cette opération-là a créé des préjudices, préjudices qu'on ne connaissait pas, que le gouvernement ne connaissait pas non plus. Mais là on se donne ici le droit d'intervenir et de réclamer soit des correctifs, mais également réparation. Ça, on estime que ça dépasse le caractère, je dirais, l'encadrement légal qu'on connaît ici, au Québec. Peut-être que vous pouvez regarder ce qui se passe ailleurs, c'est une chose, mais, ici, le principe de la faute a toujours été reconnu comme la base, du point de vue juridique, il me semble.

M. Chevrette (Guy): On peut prendre la bonne foi aussi dans ça. Les connaissances ne sont pas nécessairement toutes acquises à ce niveau-là, et il se peut que, dans cinq ans, 10 ans d'ici, on découvre qu'en vertu d'une découverte quelconque c'est inapproprié. Qui a été de mauvaise foi? Personne. Moi, je pense qu'il faut suivre le... Il y a une question de gros bon sens en dessous de ça. C'est ça qu'on a voulu souligner...

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui, bien je pense que vos commentaires vont nous aider à en débattre lors de l'étude de la loi, parce que, si, je pense, des législations comme les législations européennes introduisent la notion de «par le fait», c'est parce que trop souvent la notion de «par la faute» impliquait une malveillance, alors que, par exemple, je reprends l'exemple d'un bris d'équipement, parfois, là, il n'y a même pas eu malveillance, il n'y a même pas eu mauvais entretien, une entreprise a toujours entretenu ses équipements, etc., et il y a un bris tout de même et contamination. Bien, c'est ces cas-là qu'il faut aussi couvrir, parce qu'à la fin le gros bon sens nous dit: Mon Dieu! J'ai de l'eau contaminée, puis on sait d'où ça vient. Est-ce que je dois vraiment prouver la faute, la malveillance, etc.? La notion, c'est de dire: Non, il y a un fait et, sur la base du fait, au nom des Québécois, je dois exiger réparation ou indemnité.

Mais on verra le débat et, avec l'aide de nos juristes, on pourra poursuivre ça lors de l'étude article par article. Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

Le Président (M. Bergman): Non.

Mme Beauchamp: Il ne me reste pas de temps?

Le Président (M. Bergman): Non. Merci.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois.

L'industrie forestière est durement touchée depuis quelque temps. Elle le sera encore pour encore un peu plus de temps, malheureusement, on le sait. À la constatation de ce que j'ai fait, ce que j'ai vu à Baie-Comeau, entre autres ? et j'aurais pu donner bien des exemples, mais celui-là me vient tellement en tête ? quand on regardait les rejets qui sortaient de l'usine de Baie-Comeau à l'époque, et vous vous en rappellerez, ça sentait mauvais, il n'y avait pas de parc, toute la berge était contaminée. On le voyait, on passait là, c'était malheureusement désastreux. Mais les gens en vivaient, il y avait quand même beaucoup de monde qui vivait avec l'usine. Donc, on était complaisant avec ça.

Vous êtes arrivés avec des solutions, parce qu'aujourd'hui on a un parc qui est magnifique. On a la même rivière qui coule, on n'a presque plus d'odeur, je dirais même, à l'époque, plus du tout. Vous avez enlevé complètement le dravage du bois à l'aide de l'eau qui était fait dans la fameuse glissade d'eau qu'il y avait pour rendre le bois jusqu'à Baie-Comeau. Donc, on voit bien que l'industrie a su s'adapter.

Si on regardait aujourd'hui puis on regardait dans le passé, avec la drave, on sait très bien, et vous le savez, étant pêcheur vous-même, comment on a pu contaminer certains lacs et certaines rivières. Donc ça, c'est un fait. À qui revient la faute? On pourrait revenir loin, mais, aujourd'hui, on dit: Ça a été un peu décontaminé, et on espère que la Saint-Maurice va reprendre sa place.

Mais, de votre côté, au niveau de l'industrie, est-ce qu'il y a juste la pâte à papier ou c'est tout l'ensemble de votre industrie qui va être touché? Parce que les gros déversements sont principalement au niveau de la pâte. Donc, est-ce que c'est toute l'industrie qui va être touchée par ces redevances-là ou cette approche-là de responsabilisation?

n(16 h 30)n

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): Bien, moi, je pense, dans un premier temps, dans un premier temps, je vous dirai que la faute du passé, là, je pense qu'il y a eu de la bonne foi dans le passé, comme il peut y en avoir présentement. Chaque année ou chaque décennie a ses systèmes qui correspondent à l'époque, puis il y a une évolution normale.

Pour ce qui est de l'industrie, c'est bien évident que les pâtes et papiers, à court terme, avec 49 m³ d'eau à la tonne de papier, c'est eux autres qui sont les plus touchés, c'est les plus gros consommateurs, à court terme. Même si on en retourne 92 %, 94 %, il reste qu'on en pompe, de l'eau ? en bon québécois.

Pour ce qui est des scieries, des scieries, il y en a très peu maintenant. Il y a une utilisation, mais il ne se fait même plus d'arrosage, même dans les pâtes et papiers. J'ai oublié tantôt de vous dire qu'il ne se fait même plus d'arrosage de pitounes, là, comme on disait en bon québécois, quand vous passiez. Il y a quelquefois ici, à Québec, qu'on voit encore un arrosoir, mais très peu, très, très peu. Et je dois vous dire que des scieries, c'est à peu près pas. Les panneaux, il y en a un peu. Le panneau pourrait l'être également, dépendant de ce que les usines font, mais très peu par rapport aux pâtes et papiers, très, très peu. C'est les pâtes et papiers qui écoperaient. Puis, dans les pâtes et papiers, bien vous connaissez le système: le papier journal fait ça; les papiers fins, d'autre part, se maintiennent passablement intéressants; les papiers couchés, etc. Mais on est un gros consommateur, et on l'a dit. On ne se gêne pas pour le dire, c'est évident.

Une voix: Utilisateur.

M. Chevrette (Guy): Un gros utilisateur, excusez. Pas consommateur, parce qu'on... Le Parlement nous...

Une voix: Petit consommateur, mais...

M. Chevrette (Guy): ...éclaterait. Ha, ha, ha! Petit consommateur, gros utilisateur. Ça va-tu mieux, là? Parfait.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci. Tout simplement un aparté comme ça: si on parlait d'indemnisation pour des gens qui ont eu certains préjudices, on se rappellerait simplement les clubs privés, à l'époque, qui avaient été déclubés sans grandes redevances. Donc, il faut quand même s'en rappeler, de ça. Il y a eu quand même certaines erreurs qui ont été faites dans le passé.

M. Chevrette (Guy): ...de l'autre bord, je vous répondrais: Bonyeu! Ha, ha, ha!

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Ha, ha, ha! Est-ce que l'industrie, comme tel, est subventionnée à l'effet que... Quand je parle de «subventionnée», c'est réduction au niveau des coûts de bois, donc on peut... On sait qu'à l'heure actuelle il y a certaines compagnies qui ont eu des coûts moindres à payer sur les redevances données au gouvernement. Est-ce que l'industrie, comme tel, est subventionnée, dans le bois, ou si on paie vraiment la facture qu'on doit payer?

M. Chevrette (Guy): Je dois vous dire que d'abord le gouvernement ne peut pas subventionner le bois, à cause de l'entente avec les Américains, donc vous ne pouvez pas utiliser cette expression-là. Il se peut, par exemple, que des coûts de bois de feu, parce que vous savez très, très bien qu'aller bûcher dans le bois de feu, ce n'est pas toujours agréable, ça augmente des coûts, il y a des ajustements qui se font mais sans avantager l'industrie par rapport à la compétition nord-américaine. Ça, je pense que c'est assez clair. Il n'y a pas de subvention directe de quelque nature que ce soit pour le coût des bois. On est en train de revoir un régime forestier parce que... Le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord où il n'y a pas deux prix différents pour le bois, le bois de qualité pâte par rapport au bois de qualité bois d'oeuvre. Mais on ne l'a pas encore, donc on ne peut pas dire... c'est en discussion... c'était en discussion avec M. Béchard, et la discussion continue au niveau des fonctionnaires, mais ce n'est pas arrêté, ce n'est pas décidé. Et ça, ce serait admissible si ça venait parce que ce n'est pas du bois d'oeuvre. L'entente est sur le bois d'oeuvre, donc ça pourrait être admissible à un amendement pour un prix différent pour le bois de qualité pâte.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Une dernière question, M. le Président. On connaît l'industrie et on connaît la volubilité de M. Chevrette, donc je n'ai pas grand question parce qu'on sait d'avance presque les réponses qu'on va avoir. Donc, c'est un compliment que je vous fais. Je dis simplement: Au niveau des redevances que vous prévoyez, comment ça pourrait d'après vous influencer le marché? Est-ce que ça influencerait grandement le marché s'il y avait une redevance à payer au niveau de l'eau?

M. Chevrette (Guy): Bien, quand on vous dit d'avoir une équité, on ne vous dit pas qu'un jour ou l'autre on ne devra pas payer quelque chose. Ce n'est pas ça. Mais on dit: Tenez donc compte, dans l'établissement de vos règles, d'une certaine forme d'équité d'abord, puis aussi de ne pas affecter la compétitivité de l'industrie, qui est déjà mal en point. On ne vient pas ex cathedra vous dire: Ça n'a pas de maudit bon sens! Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Tenez compte de ces facteurs-là dans l'étude que vous avez à faire. Je pense qu'on se présente avec beaucoup de souplesse. Mais, nous, on prétend que c'est... Tout est dans le quantum. Si le quantum venait creuser davantage le fossé de la compétitivité avec nos plus proches, qui sont en Ontario, qui, eux, ne seront pas soumis à la taxe en 2009... Ils vont l'être en 2009? Peut-être, en 2009, qu'ils vont l'être? Mais c'est très minime. Mais je ne crois pas. Nous autres, on ne pense pas.

Une voix: ...

M. Chevrette (Guy): Bien, en tout cas, nos informations étaient à l'effet qu'ils ne seraient pas soumis, hein?

Une voix: Pas l'industrie forestière.

M. Chevrette (Guy): Pas l'industrie forestière. C'était l'information qu'on avait de bonne source, là. Peut-être qu'on se trompe. Pardon? On a raison, hein?

Une voix: Oui.

M. Chevrette (Guy): Ceux qui ne seront pas soumis à...

Mme Beauchamp: En Ontario, c'est dans une phase suivante qu'on parle des pâtes et papiers.

M. Chevrette (Guy): Oui, on ne sera pas soumis. Donc, vous voyez davantage notre inquiétude, quand on vous disait de tenir compte davantage de ça, parce que c'est déjà nos plus proches compétiteurs, puis déjà ils ne le seront pas, puis, nous autres, on va l'être. Et ça, ça s'ajoute à d'autres faits.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

Une voix: ...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Prévost.

M. Camirand: Oui. Pour continuer, mon collègue... Vous avez parlé de la compétition si on appliquerait une redevance. Est-ce que le fait d'appliquer une redevance aura un impact important sur la compétition, qui ferait en sorte que l'industrie des pâtes et papiers pourrait avoir une problématique au niveau de l'exportation ou l'importation versus la compétition? Est-ce que la redevance va avoir un impact majeur chez vous? Est-ce que vous voulez dire que... Il ne faudra pas appliquer de redevances chez vous?

M. Chevrette (Guy): C'est le quantum, c'est d'abord... c'est sûr. Mais, deuxièmement, là, écoutez, leurrons-nous pas, là, vous êtes aussi allumés que nous autres, là, vous savez très, très bien qu'il fut un 10 ans ou 15 ans passés où le dollar était à 0,69 $, 0,70 $ puis que, peu importe ce qui se passait, le dollar nous donnait suffisamment une marge de profit acceptable. Ce n'est plus le cas. On est au pair. Donc, tout ce qui est décalage maintenant, ça se comprend par tout le monde, ça, et c'est là-dessus que... Moi, j'ai été désagréable envers mes deux collègues, parce que je leur ai dit: Moi, je m'en vas parler de compétitivité, puis m'a leur en parler, m'a trouver tous les moyens de détourner les questions pour parler de compétitivité. On ne peut pas vouloir une industrie au Québec puis ne pas la mettre compétitive. C'est aussi clair que ça. Et ça me choque, moi, quand j'entends du monde... C'est quasiment un péché, faire 2 % de profit quand tu es une compagnie. Ça commence à m'agacer comme discours public. Donc, j'en profite, de la tribune, pour dire ce que je pense, en espérant que ça fera ses traces.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): D'après vous, quel écart il va y avoir, de compétitivité, entre nous et l'Ontario au niveau de notre...

M. Chevrette (Guy): Il ne devrait pas y en avoir.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Il ne devrait pas y en avoir, mais, à l'heure actuelle...

M. Chevrette (Guy): On devrait avoir, là, à peu près les conditions nous permettant de compétitionner. Quand c'est l'offre puis la demande, mais que nos coûts de production sont à peu près identiques aux leurs, on peut compétitionner. Là, on peut baisser de 1 %, arracher un contrat. Vous savez qu'est-ce que c'est, c'est mondialisé, l'économie. On n'est plus dans la cour de Saint-Éphrem de je ne sais pas où, là. On est dans une économie mondiale, puis il y a peu de frontières. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire que, si on n'est pas équipés pour produire à des bons coûts, que nos produits, bien on ne pourra pas en produire parce qu'on va crever. Il me semble que... Ce discours-là, il est absent. On gère des perceptions. On oublie la réalité.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Est-ce que l'industrie ne s'est pas modernisée suffisamment, M. Chevrette, depuis quelques années pour justement être compétitive? Vous avez visité, puis je les visite aussi, plusieurs moulins qui sont rendus très compétitifs et très performants.

M. Chevrette (Guy): Je ne ferai pas le procès de ceux qui me paient, mais je vous dirai ceci. C'est bien évident qu'il y a des contextes. En 1978, je pense, le dernier gros coup de... vous me reprendrez si je me trompe de date, là, mais je pense que c'était, à l'époque, le ministre Bérubé qui avait un programme gouvernemental conjoint avec l'industrie des pâtes et papiers. Ils ont modernisé pour plusieurs milliards, là. Le gouvernement avait mis 2 milliards, je crois, puis... 1 milliard; les industries, 2 milliards, et il y a eu une bonne modernisation. Mais actuellement, depuis cinq ans, vous avez raison, les investissements ont beaucoup baissé, beaucoup baissé, effectivement. Il y en a qui n'ont même pas les moyens de faire des réparations majeures. Donc, vous voyez comment on peut être squeezés.

n(16 h 40)n

Mais je pense que la crise nous fait réfléchir, c'est évident, puis je pense qu'il y a... Il va y avoir un virage, qu'on le veuille ou pas. Ce sera vers quoi? Ce sera peut-être vers la biomasse, ce sera peut-être vers l'éthanol, ce sera peut-être vers des huiles quelconques à base de bois. Il va y avoir sûrement... je le sens venir, je ne peux pas vous le décrire, mais je le sens, par mon travail quotidien, qu'il y a un grand virage qui va s'opérer. Il va y avoir des niches différentes qui vont nous protéger, par exemple, de... Cachons-nous-le pas, le gars qui a cinq enfants puis qui arrive chez Wal-Mart, il achète son set de cuisine à la hauteur de ce qu'il est capable de payer. C'est clair, ça. Mais, si on a des niches qui correspondent peut-être à des marchés très intéressants pour le Québec... On sent venir ça. Même si, en temps de crise ? puis Pierre peut en témoigner, avec nos membres, et Rachel... Ce n'est pas facile d'avoir les idées claires quand tu cours après ta survie, ce n'est pas facile d'avoir des projets ambitieux quand tu cours après ta survie. Quand on comprend ça, bien on comprend mieux l'industrie.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. M. Chevrette, très heureux de vous entendre dire que vous avez de la souplesse. Je pense que c'est ça qu'on recherche de toute façon pour trouver une solution équitable pour tout le monde. J'ai apprécié également, aussi, que vous ayez mentionné que dans le fond la modernisation des entreprises puis la diminution de la pollution ont été faites en partie grâce à l'État aussi. Je pense que l'État a été très accompagnateur dans ce sens-là.

Dans votre mémoire, il y a des éléments qui sont particulièrement intéressants. Entre autres, vous mentionnez, là, que vous avez des craintes par rapport au pouvoir discrétionnaire de la ministre. Je pense qu'il y a des éléments à fouiller davantage là-dedans. On l'entend bien, on l'avait même vu, moi, il y a... on avait souligné déjà, là, cet aspect-là parce que ça... C'est normal que vous ayez des inquiétudes. Je pense qu'on doit fouiller. Puis je pense que, si M. Vézina veut ajouter quelques éléments par rapport à ça, peut-être lui donner l'occasion.

Mais, juste avant, j'aurais... Vous amenez une dimension très intéressante par rapport à l'utilisateur puis le consommateur. Je pense que c'est important de faire la différence. Est-ce que vous seriez d'accord sur l'idée qu'il y ait une redevance différente? Par exemple, comme pour l'eau utilisée, qu'il y ait un tarif et que, pour l'eau consommée, il y ait un autre tarif. Est-ce que vous seriez ouverts à cette proposition-là?

M. Chevrette (Guy): Vas-y.

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): Non, je vais lui donner la chance. Il bouille d'impatience. Il aime ça, venir jaser ici.

M. Vézina (Pierre): ...chose, mais enfin.

Le Président (M. Bergman): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Écoutez, si on regarde... On vous a donné des chiffres, là. L'ordre de grandeur... On est le secteur industriel qui consomme, qui prélève le plus d'eau au Québec. C'est clair. On parle de 535 millions de mètres cubes. C'est beaucoup d'eau. Mais on en retourne également une très grande quantité.

Est-ce qu'on serait d'accord à ce qu'il y ait des paiements? Écoutez, je pense que Guy l'a mentionné, on est ouverts à discuter. Par contre, nos préoccupations sont justement à l'effet que l'ensemble des usagers partagent cette charge-là. Je comprends bien que le ministère puis le gouvernement cherchent à améliorer l'ensemble de la gestion et que, pour faire ces actions-là, il y a besoin d'argent.

Maintenant, nos préoccupations, c'est qu'on se retrouve avec seulement encore une fois quelques secteurs industriels ciblés qui seront les seuls à payer pour l'opération. On a annoncé ici quelques... près d'une... un peu plus d'une dizaine de millions, là, pour opérer... que ce soit la gouvernance sur l'eau, mettre en place des outils qui permettront de mieux suivre les prélèvements puis l'utilisation de l'eau. Mais, écoutez, il y a un ensemble d'usagers au Québec. Je pense qu'ici ce qu'on réclame, entre autres, c'est effectivement de prendre... d'abord d'établir une équité entre l'ensemble de ces usagers-là, et que les moyens qui seront pris pour mettre en place ces redevances-là seront fonction d'un certain nombre d'items.

Et ce que, nous, on met de l'avant notamment, c'est la question de la consommation nette, hein, d'une part. D'autre part, on questionne aussi, quand on parle de la valeur de l'eau: La valeur de l'eau est-elle la même pour tout le monde? Est-elle la même lorsqu'on fait des prélèvements en surface? Qu'on prélève de l'eau en face de Québec, dans le fleuve, est-ce que ça a exactement la même valeur que si on prélève de l'eau pour l'embouteiller dans un esker en Abitibi? C'est des questions, je pense, qu'il faut se poser, que les économistes se posent aussi. Et, de ce point de vue là, en tout cas j'inviterais sûrement le gouvernement à réfléchir dans ce sens-là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Ce matin, on avait les producteurs de pisciculture qui sont venus nous rencontrer, qui utilisent beaucoup d'eau, puis même, presque proportionnellement, par tonne, je pense qu'ils utilisent plus d'eau que vous ? ça m'a surpris même un peu ? puis ils ont des difficultés, également, financières. Est-ce qu'il n'y aurait pas... je sais que ce n'est pas toujours possible, mais est-ce que, dans l'avenir, on pourrait penser que ces deux entreprises-là, qui sont des grandes consommatrices d'eau, pourraient faire davantage équipe? Il y a déjà des projets qui existent un petit peu dans ce sens-là, mais est-ce qu'on peut penser que ça peut être une avenue dans le futur pour être capables de rentabiliser chacune des deux entreprises?

M. Chevrette (Guy): La diversification...

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette.

M. Chevrette (Guy): ...bien, peut-être. Je ne dis pas non, moi, je pense que ce n'est pas impossible, ce que vous dites. Mais je dois vous dire qu'il y a des compagnies qui cherchent à se diversifier, nous autres aussi. Je ne sais pas si vous avez remarqué, quelques compagnies qui sont rendues dans le vin, qui sont rendues dans diverses structures, ils cherchent à se diversifier pour ne pas tout mettre leurs oeufs dans le même panier, pour crever avec... dans un seul secteur. Moi, n'importe quelle idée, moi, j'ai une tendance à ne jamais trouver folle une idée nouvelle. Ce qui est fou aujourd'hui peut apparaître une solution demain.

Une voix: Tu es correct, Denis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: On dit souvent qu'heureusement... heureusement, ils étaient fous. Puis vous avez mentionné la question de la redevance, là, sur les prélèvements et les rejets. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage en quoi ça consiste? Comment ça fonctionne? C'est quoi, le principe? Vous l'expliquez un petit peu dans votre mémoire, mais si vous pouviez donner des détails par rapport à ça en disant: Bien, on paie déjà une redevance, nous autres. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails par rapport à ça?

Une voix: Sur les rejets?

M. Trottier: Sur les rejets, oui.

M. Vézina (Pierre): Je pense que ce qu'on a amené dans notre mémoire, et puis ça fait partie un peu des éléments qui nous semblent imprécis, particulièrement à l'article 4, où on parle à la fois de l'utilisateur-payeur et où on conclut aussi par le pollueur-payeur... Pour nous, on y voit vraiment une distinction, hein? C'est une chose d'utiliser l'eau et d'en retourner une grande partie, ça fait partie du prélèvement. Le rejet, c'est lorsque... Puis, on le mentionnait tantôt, on a fait des investissements majeurs, plus de 1 milliard de dollars, pour répondre aux normes gouvernementales sur les rejets des usines, et actuellement il y a trois secteurs industriels qui sont soumis à des redevances sur les rejets en relation avec la charge et l'impact environnemental de ces rejets-là.

Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire attention de ne pas mélanger tous les concepts, que, si on vient faire payer pour le prélèvement, que ce montant-là, cette ponction-là viendra également combler une partie de la valeur pour l'impact environnemental qui pourrait être associé au prélèvement. Alors, nous, ce qu'on dit: Attention, on paie déjà pour le rejet et, je dirais, la partie de l'impact environnemental; s'il faut payer pour le prélèvement, il faut que ce soit juste pour la portion de l'utilisateur-payeur et non pour la portion du pollueur-payeur. Ce sont deux notions qui nous apparaissent bien différentes.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Je vais laisser la parole à mon collègue de Vachon.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui. Bonjour. Alors, merci de votre contribution. C'est fort intéressant et significatif.

Le deuxième paragraphe de la page 5, à vrai dire, quand j'ai lu votre mémoire, là, je me suis dit: Mais non, mais ils sont en train d'essayer de nous convaincre que les redevances devraient être très élevées. Je lis ce paragraphe-là puis je ne le comprends pas très bien: «Le signal de prix, dans notre système économique, indique aux consommateurs la rareté d'un bien et en théorie le prix d'un bien engendre un comportement de restriction de la consommation.» Ça, ça va bien. «Cette question de sensibilisation des utilisateurs semble bien peu présente dans ce projet de loi.» Vous déplorez quoi, exactement? Qu'il n'y ait pas d'obligation de redevances? Que les redevances annoncées soient trop basses, s'il y en avait d'annoncées? Je ne comprends pas...

M. Vézina (Pierre): Écoutez, oui, bon, c'est parce qu'on revient un petit peu en arrière, on pense à la politique nationale, et je pense que, dans les préoccupations du gouvernement qui avaient été annoncées, cette bonne gestion de l'eau qui doit faire partie de nos préoccupations quotidiennes, en tout cas ça l'est du côté de l'industrie, parce que ce qu'on vous démontre, c'est que l'eau, elle nous coûte quelque chose, puis elle nous coûte même relativement cher... C'est que cet aspect-là n'apparaît pas dans le projet de loi, et on peut comprendre qu'elle provient de la politique et des intentions du gouvernement. Sauf qu'encore une fois la notion d'usager est vraiment importante, puisque, si on veut qu'il y ait une bonne gestion, il faut que, si on met en place des redevances, ce soit l'ensemble des usagers qui fassent face à cette redevance-là.

n(16 h 50)n

M. Chevrette (Guy): Mais Pierre, il ne dit pas que c'est un bonhomme versé en énergie, puis il sait très bien que... Il est de l'école de ceux qui pensent que, si on augmentait les tarifs d'électricité, le consommateur y penserait avant d'allumer. Donc, vous recevez sa... vous voyez, sa philosophie, elle est constante.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Mais c'est parce que vous situez tout le débat de la redevance dans un contexte où vous dites dans le fond: On est dans une culture où on n'a pas apprécié encore tout à fait la valeur de l'eau, et le projet de loi n'attaque pas ce problème-là de front. C'est ça que vous nous dites. Alors, comment le projet devrait-il attaquer ce problème-là de front?

Le Président (M. Bergman): M. Vézina.

M. Vézina (Pierre): Au départ, puis je me remémore un des arguments de la politique nationale pour exclure les municipalités de la redevance, étant à savoir qu'ils paient déjà une taxe pour l'eau. Oui, ils paient une taxe pour l'eau, mais ils paient une taxe pour leurs équipements, essentiellement, que ce soit pour le traitement à l'entrée pour la rendre potable et que ce soit pour le traitement à la sortie pour la rendre conforme à des normes qu'ils ont, semble-t-il, beaucoup de difficultés à rencontrer. Mais il semble que cet objectif-là d'essayer d'amener auprès des usagers, puis je dirais l'ensemble des usagers, une bonne gestion, bien, en excluant tout le secteur municipal, vous excluez aussi un grand nombre d'entreprises et de commerces qui font partie de ceux qui utilisent l'eau des réseaux municipaux et vous excluez aussi le consommateur moyen, résidentiel qui... On entendait monsieur, ce matin, qui parlait de ceux qui arrosent leur entrée, qui nettoient leur entrée au boyau d'arrosage, bien on a effectivement un problème à adresser, puis, jusqu'à maintenant, au Québec, c'est un problème qu'on... en tout cas, qu'on adresse assez timidement. Pour quelles raisons...

M. Chevrette (Guy): Il y a plusieurs industries, d'ailleurs, qui sont branchées sur les réseaux municipaux pour le traitement des eaux. Vous seriez surpris, puis ça représente... puis qui ont versé à l'époque, par contre, en même temps que les gouvernements investissaient pour le traitement des eaux... que la compagnie investissait en même temps que la municipalité. Est-ce qu'il y aurait équité, à ce moment-là? C'est un peu ça qu'on veut faire ressortir.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

Une voix: ...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Est-ce que vous auriez des exemples de pays qui ont une gestion à la fois responsable et équitable des redevances sur l'eau?

Le Président (M. Bergman): M. Chevrette...

M. Vézina (Pierre): On n'a pas fouillé énormément, à part... Bon, on sait qu'aux États-Unis actuellement il n'y a pas de redevances sur les prélèvements. Ça, c'est clair. Au Canada, il y a la Colombie-Britannique et l'Ontario qui s'avancent; à peu près rien du côté, naturellement, de l'Alberta et d'autres. Donc, je pense que, de ce côté-là, le Québec a quand même fait un pas, un pas peut-être avant d'autres, ça, c'est certain, mais à notre connaissance, à savoir de manière précise de quelle... comment on facture, ou en tout cas comment on assure le financement des prélèvements, on n'a pas une connaissance exhaustive et pointue.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Chevrette, M. Vézina, Mme Thibault, merci pour votre présentation. Et je demande les gens de l'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau pour prendre leurs places à la table. Je suspends nos travaux pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 54)

 

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau. Mme Roch, Mme Vega, bienvenue. Vous avez maintenant 15 minutes pour faire votre présentation suivie d'un échange de 45 minutes avec les membres de la commission. Si vous pouvez vous identifier et faire votre présentation.

Association québécoise pour le
contrat mondial de l'eau (AQCME)

Mme Vega Cardenas (Yenny): Merci beaucoup. Je me présente tout d'abord. Bonjour. Mon nom, c'est Yenny Vega Cardenas. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau. Je ne vous dirai pas mon origine tout de suite, peut-être vous le saurez à la fin de la présentation. Vous noterez un petit accent peut-être, mais... Bon. Et, moi, je suis aussi doctorante en droit à l'Université de Montréal, et ma question de recherche porte sur le statut de l'eau, principalement. Donc, merci aussi de l'invitation à cette commission. On est très honorées d'être ici avec vous et de pouvoir partager avec vous nos commentaires à propos de ce projet de loi. Et je passe la parole à ma collègue, Lysiane Roch.

Mme Roch (Lysiane): Bonjour. Mon nom est Lysiane Roch. Je suis vice-présidente de l'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau. Merci pour l'invitation. Je suis aussi, à titre personnel... enfin j'ai fait une maîtrise en sciences de l'environnement à l'Université du Québec à Montréal, dont le sujet de recherche portait aussi sur l'eau.

Alors, moi, je vais vous présenter brièvement notre association avant de débuter. L'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau, c'est une association sans but lucratif qui a été fondée il y a une dizaine d'années et qui repose sur le travail de bénévoles. Elle fait partie d'un réseau mondial d'associations qui ont pour mission d'informer, de sensibiliser et de mobiliser les citoyens autour des enjeux de l'eau internationaux.

L'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau défend quatre principes. Le premier principe, c'est le statut de l'eau. On revendique un statut de l'eau qui permet d'assurer sa protection et aussi qui permet de protéger son caractère non appropriable. Ensuite, on défend la reconnaissance et la mise en oeuvre du droit humain à l'eau. On demande aussi que l'accès à l'eau soit assuré par un financement progressif et collectif. Et finalement, selon nous, toute politique de l'eau doit être démocratique à tous les niveaux: local, national, international. Alors, c'est à la lumière de ces principes-là qu'on a fait la lecture du projet de loi. Je vais laisser ma collègue, Yenny, commencer par le statut de l'eau.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Tout d'abord, le statut de l'eau est le pilier du droit de l'eau. En fait, c'est une question préalable qu'on doit se poser avant d'adopter quelque politique publique que ce soit. Il a des conséquences sur les priorités d'usage, les modes d'appropriation et les modes de gestion. Voilà pourquoi on doit s'intéresser sérieusement à cette question avant d'aborder toutes les autres questions suivantes.

Tout d'abord, le BAPE a recommandé, dans la commission de 1999, d'étendre le statut des choses communes aux eaux souterraines dans le but de les protéger et d'éviter leur appropriation. Et on salue aussi l'intérêt, qu'on a vu dans les médias, de la part de la ministre de vouloir protéger le statut de l'eau. Cependant, on trouve que, dans la définition telle qu'elle est rédigée, il y a quelques petites ambiguïtés qui posent des problèmes. Donc, on se verrait face à une ambiguïté pas seulement pour les eaux souterraines, ce qui existe déjà actuellement dans la législation actuellement, mais aussi dans les eaux de surface.

Donc, si on voit le texte de la loi, et j'ai souligné quelques paragraphes: «Étant d'intérêt vital, l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation québécoise.» Jusqu'ici, on n'a pas une définition comme telle du statut comme tel. Le fait de dire qu'elle fait partie du patrimoine commun de la nation québécoise, on dit: Bon, c'est bien qu'elles fassent partie, mais on ne dit pas exactement c'est quoi, l'eau. En plus, le patrimoine commun, c'est une notion plus symbolique que juridique. Donc, il faudrait la définir avant de dire que c'est une... qu'elle fait partie du patrimoine commun de la nation québécoise.

Par la suite, on dit «et qui ne peuvent être appropriées, sauf dans les conditions définies par la loi, dont le Code civil». Quand on parle d'appropriation, ça peut mélanger un peu le concept actuel des choses communes non appropriables.

n(17 heures)n

Donc, étant donné que l'idée, c'est de clarifier le statut de l'eau actuel, on propose le texte suivant, on reprend les mêmes phrases au début: «Étant d'intérêt vital, l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état naturel, sont des choses communes non appropriables dont le statut est défini à l'article 913 du Code civil du Québec.» Avec cette définition, jusque-là, on définit clairement le statut de l'eau. Donc, qu'est-ce qu'est l'eau? C'est une chose commune, tant l'eau souterraine comme l'eau de superficie.

Par la suite: Elles «font partie du patrimoine commun de la nation québécoise», c'est correct, parce que le patrimoine commun, c'est comme une sorte de bassin; à l'intérieur, on trouve des choses non appropriables. Donc, on a défini des jalons et par la suite on passe au patrimoine commun de la nation. C'est assez important, ce terme de «patrimoine commun». Pourquoi? Parce qu'il y a plusieurs éléments intéressants. Tout d'abord, comme vous l'aviez déjà... déjà lu, j'imagine, dans plusieurs livres, le patrimoine commun fait appel à la protection. On vise à protéger, on vise à mettre une responsabilité mais non pas seulement sur les autorités publiques, mais aussi sur la collectivité. Donc, on va rendre responsables l'État, la collectivité et aussi les autorités publiques, aussi dans le but de le transmettre. Donc, il y a l'élément transmission, on va le transmettre aux générations futures, mais on va le transmettre dans l'état initial. Donc ça, ce sont des concepts importants qu'on vient ajouter avec le patrimoine commun de la nation québécoise.

Pour la suite, bon, je passe la parole à ma collègue qui va vous parler sur les droits d'accès à l'eau.

Mme Roch (Lysiane): Alors, sur le plan du droit d'accès à l'eau, on voudrait tout d'abord saluer le projet de loi, qui reconnaît le droit d'accès à l'eau potable. Pour nous, c'est un premier pas essentiel, de reconnaître le droit d'accès à l'eau potable, pour assurer l'accès à l'eau pour tous.

C'est évidemment insuffisant de reconnaître le droit d'accès à l'eau, il faut ensuite le mettre en oeuvre. Sur le plan de la mise en oeuvre, on a trouvé dans le projet de loi un mécanisme, à l'article 25, un mécanisme de protection des citoyens, qui dit: «Peut [...] requérir du ministre la tenue d'une enquête, toute personne qui estime que son droit d'accès à une eau potable pour les fins de son alimentation et de son hygiène est compromis par un prélèvement d'eau.» Alors, nous, on demanderait de rajouter «et par tout autre motif», parce qu'il n'y a pas seulement un prélèvement d'eau qui peut nuire aux droits d'accès à un citoyen, il pourrait y avoir, par exemple, si l'eau est polluée ou s'il y a un problème de manque d'infrastructures, ça peut affecter le droit d'accès à l'eau. Cette proposition-là, elle pose aussi un problème sur le plan de la gouvernance ? on va y revenir avec Yenny plus tard, quand elle va vous parler de la gouvernance.

Ensuite, un autre point que j'aimerais soulever, c'est que, dans le projet de loi, à l'article 17 qui modifie la Loi sur la qualité de l'environnement, on priorise clairement les besoins de base en disant: «...toute décision que prend le ministre dans l'exercice de ce pouvoir doit viser à satisfaire en priorité les besoins de la population en matière de santé[...], salubrité[...], sécurité civile et d'alimentation en eau potable.» Alors, c'est un premier pas essentiel pour le droit d'accès à l'eau que de reconnaître que les usages de consommation humaine de base passent avant les autres et c'est très clairement dit dans le projet de loi. Alors ça, c'est nos points positifs.

Ensuite, pour s'assurer du droit d'accès à l'eau des générations présentes et futures, il faut que cette eau-là soit protégée. C'était, entre autres, écrit dans l'observation générale n° 15 du Conseil des droits économiques et sociaux des Nations unies, parce que, si soit on surexploite la ressource ou qu'on la pollue, bien ça peut affecter évidemment le droit d'accès des générations présentes ou des générations futures. Alors, dans le projet de loi, on a regardé un petit peu cet aspect-là de protection de la ressource à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif. Sur le plan quantitatif, on a noté que la priorisation des usages serait à revoir. On a dit tout à l'heure qu'on était très heureux de voir qu'il y avait eu une première priorisation pour les besoins humains de base, mais ensuite on dit que les usages écosystémiques d'une part et les autres usages plus économiques: agricoles, l'aquaculture industrielle, etc., doivent être conciliés.

Nous, au-delà d'une conciliation, on demanderait une hiérarchie, c'est-à-dire qu'on répond d'abord aux besoins des écosystèmes, c'est-à-dire, on s'assure de la gestion durable de la ressource, de sa pérennité, et, quand il y en a assez, là, à ce moment-là on peut passer aux usages économiques. La conciliation de ces différents usages là économiques entre, par exemple, l'agriculture, l'industrie, le tourisme, ça, on demanderait que ce soit fait par délibération démocratique. Donc, on n'a pas, nous, ici de point de vue à ce niveau-là à vous présenter.

On voudrait souligner l'intérêt du Bureau des connaissances sur l'eau, qu'on propose à l'article 14. C'est un début de réponse à la revendication de la commission Beauchamp, le rapport du BAPE dont Yenny vous parlait, parce qu'évidemment, pour gérer la ressource de façon durable, il faut savoir dans quel état elle est, il faut savoir le taux de renouvellement pour s'assurer, par exemple, qu'on ne le dépasse pas, etc. Donc ça, on voulait saluer ça. Donc là, je vous ai parlé un petit peu plus de la dimension quantitative.

Sur le plan qualitatif, maintenant, on a noté des limites avec le principe pollueur-payeur et aussi de la façon que le principe est formulé dans le projet de loi. On voit deux limites. Tout d'abord, c'est le fait que le principe pollueur-payeur est inclus, à l'article 4, à l'intérieur du principe utilisateur-payeur. Alors, ça ouvre en quelque sorte la porte à considérer la pollution comme un usage légitime parmi d'autres. Donc, on peut utiliser l'eau, par exemple, pour boire, pour l'agriculture, pour l'industrie ou pour la polluer. Ça, ça nous apparaît un non-sens. Pour nous, la pollution, ce n'est pas un usage légitime, c'est un usage illégitime, puis la pollution puis les usages, ça ne demande pas le même traitement. Les usages de l'eau doivent être hiérarchisés, tandis que la pollution, elle, elle doit plutôt être prévenue, elle doit être réparée, elle doit être sanctionnée ou interdite. Alors, il faudrait vraiment les dissocier.

Un autre problème, c'est qu'à l'article 7 on parle de différents modes de réparation des dommages, mais ces modes-là sont interchangeables: Ça peut être soit l'un, soit l'autre, soit une combinaison de ceux-ci. Mais le patrimoine commun, comme Yenny vous en a parlé, ou même l'accès à l'eau, ça implique une responsabilité de protection. Ça veut dire qu'il faudrait hiérarchiser. Tout d'abord, on demanderait la remise à l'état initial et, lorsqu'impossible, une réparation ou des indemnités.

Maintenant, je vais aborder la question du financement. Dans le projet, le principal élément qui a trait au financement de l'accès à l'eau, c'est le principe général utilisateur-payeur, qui est utilisé, comme je vous dis, de façon générale. Ce principe-là, pour nous, pose problème. Selon nous, lorsque l'eau est utilisée au service de la santé et du bien-être de la population, elle devrait être financée collectivement. Par contre, évidemment, lorsqu'elle est utilisée à des fins de production agricole, industrielle, etc., finalement lorsqu'elle est utilisée à des fonctions de production, là, on pourrait envisager un principe utilisateur-payeur. Mais ça devrait être clairement dissocié, parce que le principe général, pour nous, ce serait un principe de financement collectif pour les besoins justement de base. Et ensuite, selon nous, l'argent de l'eau doit retourner à l'eau pour éviter, entre autres, que ça devienne avantageux pour l'État, par exemple, qu'il y ait surexploitation ou qu'il y ait pollution, dans le cas des indemnités, et pour assurer aussi des infrastructures adéquates.

Donc, dans le projet de loi, on parlait des indemnités qui étaient renvoyées au Fonds vert. Nous, on demanderait à ce que l'argent recueilli avec les indemnités retourne à l'eau pour financer l'accès notamment, et puis ce serait le cas aussi de toute forme de redevance.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Donc, je vais vous présenter sur la gouvernance de l'eau, et qu'il y a quelques petits problèmes qu'on a trouvés dans la loi à propos de l'équilibre des pouvoirs. Et on avait quand même une grande concentration des pouvoirs dans le pouvoir exécutif, et, étant donné qu'on est dans un système parlementaire, il faut conserver l'indépendance judiciaire, alors l'application de la loi relève du judiciaire, et ce serait bien que ce soit clair ou un petit peu... bien inscrit dans la loi. Excusez-moi. Excusez-moi.

Une voix: ...

Mme Vega Cardenas (Yenny): Merci. C'est parce que ce n'est pas mon cellulaire, je ne suis pas habituée à en avoir.

Le Président (M. Bergman): Ça va. Ça va.

Mme Vega Cardenas (Yenny): O.K. Excuse-moi. La mise en oeuvre du droit d'accès à l'eau. Les deux exemples qu'on a, c'est qu'on a, dans le projet de loi, la mise en oeuvre du droit d'accès à l'eau. Donc, à l'article 25, comme on dit, on a une demande d'enquête à la ministre pour étudier un cas où le droit à l'eau est compromis. Or, on propose de... qu'il y ait... ça consacre une action judiciaire pour la protection du droit à l'eau, surtout si c'est une action immédiate, de protection immédiate, étant donné que l'accès à l'eau... Oui?

Le Président (M. Bergman): Il reste une minute.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Parfait, merci. L'accès à l'eau, c'est une question de droit qui touche le droit à la vie. Alors, une action de protection immédiate serait la meilleure formule à consacrer dans le projet de loi pour protéger efficacement ce droit à l'eau.

n(17 h 10)n

Le droit de recours. Finalement, c'est que le droit de recours... Actuellement, le droit de recourir appartient au Procureur général. On vise aussi que les citoyens, toutes les personnes, tant physiques que morales, puissent aussi présenter cette action-là en poursuite et aussi participer comme intervenants dans les poursuites qui visent à protéger la qualité de la ressource. Donc, une ouverture à ce sujet-là.

Et, pour accélérer, la gouvernance de l'eau, on salue l'introduction des articles 11 à 13 quant à la gestion intégrée par bassin versant ainsi que la loi donne plus de moyens aux organismes des bassins. Cependant, il faut s'assurer qu'il va y avoir un vrai fonctionnement démocratique, et à ce sujet la hiérarchie des usages doit jouer un rôle très important pour assurer la durabilité de la ressource.

Finalement...

Le Président (M. Bergman): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Pardon?

Le Président (M. Bergman): En conclusion.

Mme Vega Cardenas (Yenny): En conclusion.

Mme Roch (Lysiane): En conclusion, on demanderait une plus grande participation citoyenne, entre autres dans la protection contre les transferts massifs, en demandant une consultation publique. Et, nous, par rapport aux transferts massifs, on s'oppose à ça parce que justement on a une perspective internationale, et puis on voudrait relever le fait que, quand on prend des décisions ici, au Québec, les répercussions peuvent dépasser nos frontières.

Le Président (M. Bergman): Mme Roch, Mme Vega, merci pour votre présentation. Maintenant, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Oui. Bonjour, et vraiment félicitations. Je le disais avec sérieux un peu plus tôt, vous avez fait un travail que je qualifie d'assez remarquable. On est très chanceux d'avoir votre contribution dans le cadre de cette consultation, et vous féliciterez l'ensemble des membres de votre conseil d'administration et vos membres. Vous avez apporté vraiment plusieurs éléments extrêmement intéressants.

Je prends le temps de vous dire que, par exemple, sans prendre d'engagement formel, mais je prends le temps de vous dire que, lorsque vous avez proposé de rectifier certains éléments de la définition donc de l'article 1, la définition qu'on veut donner à l'eau chose commune, qu'elle soit souterraine ou de surface, Me Denis ? vous avez compris que Me Denis est celui qui a tenu la plume de ce projet de loi ? disait qu'il allait regarder vos recommandations avec vraiment beaucoup d'intérêt, avec beaucoup d'ouverture, beaucoup d'intérêt. On va donc aller faire une analyse plus pointue, et ce commentaire-là, je pourrais le faire avec beaucoup d'autres éléments que vous avez apportés. De façon très pointue, nous allons les regarder, les considérer.

Il y a peut-être juste certains éléments... Il y a peut-être au point de départ deux éléments qui m'ont fait un petit peu sursauter, puis je veux voir si je comprends bien. Quand vous dites, à la fin: Une participation citoyenne par rapport à des projets de transferts massifs d'eau, ça...

Mme Roch (Lysiane): On n'avait plus le temps, là, c'est pour ça que ça...

Mme Beauchamp: O.K. Bien, on entre dans la phase de discussion justement pour vous permettre de plus expliciter. Mais en fait j'aurais aussi une question pour finir, mais disons que c'est pour dire que, moi, ça m'a un peu surprise, parce que je me disais que la loi réintègre en totalité... puis, à des fins de simplification de l'appareil législatif, gouvernemental, on a repris littéralement les articles sur la loi sur la préservation des ressources en eau, qui interdit donc les projets d'exportation massive d'eau, les projets de dérivation. Et en plus vous avez vu que même, par rapport à des projets de prélèvement majeur, là, dans tous les États entourant le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, on a même une disposition supplémentaire où chaque État peut commenter et intervenir par rapport à des grands projets de prélèvement majeur. Donc, j'étais un petit peu étonnée de cela.

L'autre chose que je veux juste aussi vous dire, c'est que, pour moi, pour moi, je suis très, très confortable avec le principe que vous amenez, que l'argent de l'eau doit aller à l'eau. Et d'ailleurs je dirais que les mécanismes entourant la mise en place du Fonds vert ont prévu cela, et donc c'est très clair, d'un point de vue réglementaire, le règlement qui constitue le Fonds vert, c'est très clair qu'une redevance sur l'eau ira vers le Fonds vert et doit être utilisée à des principes de préservation, préservation de la ressource. Et, moi, je considérais qu'on a le bon mécanisme, parce que le Fonds vert est donc le fonds dédié. Nous sommes devant un fonds dédié qui reçoit les différentes redevances liées à la protection de l'environnement, que ce soit la redevance sur les hydrocarbures, la redevance par rapport à l'enfouissement des déchets et éventuellement, le plus tôt possible, on le souhaite, la redevance sur l'eau.

Mais j'avais, si vous permettez... Donc, je voulais juste dire vraiment que je respecte énormément votre travail, et vous avez fait un travail d'une précision que j'admire et que je respecte beaucoup. Mais je voudrais quand même profiter de votre présence ici pour que vous puissiez peut-être nous aider à faire preuve de pédagogie par rapport au monde qui nous écoute et qui vont relire nos débats. C'est que, si je ne me trompe pas, votre association, vous avez une position claire par rapport à un principe comme un principe de la nationalisation de l'eau, et qu'on soit capable de bien expliquer... Parce qu'il y a encore des gens qui se posent la question, il y a même des commentateurs politiques que je respecte mais qui encore écrivent en disant: Mais comment ça se fait qu'on ne parle pas? Pourquoi est-ce que la ministre ou le gouvernement refuse de parler de la nationalisation de l'eau? Des fois, ils disent: Aïe! Il faut quand même le faire, on n'est même pas capables de parler de nationaliser l'eau au Québec.

Alors que je sais que vous êtes des gens bien placés pour expliquer, pourquoi est-ce que vous nous invitez à ne pas parler carrément de la nationalisation de l'eau, toute cette notion d'appropriation? Et, compte tenu que vous êtes de grandes spécialistes et que vous expliquez bien les choses, je voudrais vous permettre d'expliquer pourquoi ce projet-là ne parle pas de nationalisation, et pourquoi vous n'êtes pas des ferventes, pourquoi votre association ne défend pas des principes de nationalisation de l'eau.

Le Président (M. Bergman): Mme Roch, Mme Vega.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Il y a trois questions, une sur la participation du citoyen...

Le Président (M. Bergman): Mme Vega, à vous.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Excusez-moi. Merci. Tout d'abord, je comprends trois questions: la première, c'est la participation du citoyen; la deuxième, sur le Fonds vert, et l'argent de l'eau doit revenir à l'eau; et la troisième, sur la finance et la nationalisation de l'eau. Je vais commencer par la partie de la participation du citoyen. Et, oui, on est conscients que l'article était rédigé de la même façon que la Loi visant la préservation des ressources en eau, cependant on a considéré qu'on pourrait améliorer ce qu'on avait déjà, étant donné qu'on profitait de ce moment-là pour améliorer la loi. O.K.? Étant donné ce qui se passe, c'est que, dans l'article, on parle que c'est le gouvernement qui peut décider de lever l'interdiction pour des questions d'intérêt public, donc on propose qu'il y ait une consultation publique préalable, étant donné que c'est une grosse question, c'est un gros enjeu qui touche vraiment l'intérêt des citoyens et des citoyennes du Québec, que ça tient à coeur pas seulement au Québec, mais aussi à travers le Canada.

Et on propose aussi que c'est une question avec une consultation publique. C'est pour ça que notre proposition est la suivante: Que le gouvernement... Parce que le gouvernement change avec les temps, l'intérêt public en soi, on peut dire, c'est que l'intérêt public aujourd'hui, mais, demain, ça peut changer. Donc, pour plus s'assurer ou préserver notre ressource, on propose d'écrire ou d'attacher plus la loi en disant: Le gouvernement doit informer le public de son intention de lever l'interdiction de transférer hors du Québec des eaux prélevées. Donc, l'intention doit être annoncée avant de prendre la décision; par la suite, il ne prendra cette décision qu'après consultation publique. Comme ça, on consulte à nouveau, étant donné qu'il y a eu consultation en 1999, le BAPE a consulté sur l'exportation de l'eau, les Québécois et les Québécoises ont dit non à l'exportation de l'eau. Donc, si ça a changé ou si le gouvernement, à un moment donné, songeait à le faire, qu'il implique une nouvelle consultation à ce sujet-là et que la décision dûment motivée devrait être publiée. Donc, c'est la question de transparence et de participation des citoyens. C'était à peu près ça, notre suggestion. Mais, oui, on avait vu qu'il était déjà actuellement dans la loi.

La deuxième question, sur le Fonds vert, je pense que...

Mme Roch (Lysiane): Bien, je ne crois pas que c'était une question. Je crois que vous nous informiez que vous comptiez de toute façon rendre l'eau à l'eau par l'intermédiaire du Fonds vert.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Je voulais juste préciser que le règlement constituant le Fonds vert le prévoit déjà, nomme expressément qu'une redevance sur l'eau doit aller au Fonds vert et qu'elle doit servir à l'eau.

Une voix: Mais pas à l'eau.

Mme Beauchamp: Ça dit: «Dans le cas de [la] gestion du fonds, le ministre veille à ce que les revenus découlant des redevances liées à l'utilisation, à la gestion ou à l'assainissement de l'eau, que prévoit l'article 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement ? parce que la question de la redevance est déjà prévue dans une autre loi ? soient affectés au financement de mesures qu'il peut prendre pour assurer la gouvernance de l'eau, entre autres pour favoriser la protection et la mise en valeur de l'eau ainsi que pour la conserver en qualité et en quantité suffisantes...» Donc, pour moi en tout cas, c'est un article qui vient dire que la redevance, ça va dans le Fonds vert, et son utilisation est prévue dans le contexte de la mise en valeur et de la gouvernance de l'eau.

Mme Roch (Lysiane): Ce serait aussi le cas pour...

Mme Beauchamp: C'est l'article 15.2 de la loi sur le ministère, qui a constitué le Fonds vert.

Le Président (M. Bergman): Mme Roch.

Mme Roch (Lysiane): Alors, sur la nationalisation, maintenant. On a effectivement pris une position claire, à l'Association québécoise pour un contrat mondial de l'eau, contre la nationalisation dans le cas de l'eau, parce que la nationalisation, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen qui peut dans certains cas être pertinent pour atteindre certaines fins, dans d'autres, non. Pourquoi, dans le cas de l'eau, la nationalisation pose problème? D'abord, parce que l'eau, c'est une ressource qui bouge, qui dépasse les frontières.

n(17 h 20)n

Mais en fait on s'est un petit peu posé la question à l'envers, on s'est dit: Qu'est-ce que ça donnerait finalement? Dans le sens qu'on n'a pas besoin de la nationalisation de la ressource pour la protéger, on n'a pas besoin de nationaliser la ressource pour imposer des redevances aux entreprises, par exemple, ou pour mieux connaître la ressource, pour la protéger, pour établir une hiérarchie des usages, pour interdire certains usages. La nationalisation ne permet pas ça... On peut le faire sans nationalisation.

Par contre, la nationalisation, elle pose aussi certains risques. Non seulement on n'y voit pas vraiment d'utilité, mais elle peut poser aussi certains risques, parce que la nationalisation, c'est une forme d'appropriation. C'est une appropriation collective. Peut-être que c'est mieux qu'une appropriation... que ce soit une ressource privée, mais ça reste une appropriation. Donc, ça rend sa commercialisation plus probable. Et puis il y a quand même certains exemples qui montrent qu'une société d'État peut, dans un contexte de mondialisation de l'économie, adopter certains comportements similaires à une entreprise. Donc, il y a un risque là qu'il n'y a pas avec le principe de «chose commune», où est-ce que l'État n'est pas propriétaire mais est fiduciaire et doit protéger la ressource. Alors, je ne sais pas si ça répond à la question, mais on a fait un document là-dessus qu'on pourrait...

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Je vous remercie. Puis, avec un sourire dans la voix, je me dis: Je vais envoyer votre réponse au commentateur qui critiquait le fait que je n'étais même pas capable de parler de nationalisation de l'eau et que je me disais: Ah! c'est compliqué, expliquer, quand même, hein? C'est compliqué, expliquer pourquoi, lorsqu'on dit que le gouvernement va devenir fiduciaire, que l'eau est une ressource commune, une chose commune, mais une ressource faisant partie du patrimoine collectif, tous ces termes-là sont exacts, mais à la fin que ça ne donne pas une nationalisation de l'eau. Et je comprends quand même... Une fois qu'on a tout dit ça, on dirait que la conclusion c'est: Bon, bien, ça s'appelle l'eau aux Québécois puis la nationalisation de l'eau, puis là il faut dire: Non, vous ne me ferez pas dire le mot «nationalisation», mais ça reste à la fin, là, en termes pédagogiques, ça reste difficile à expliquer, et je pense que je vais utiliser votre réponse. Peut-être qu'on vous croira plus que moi sur le fait pourquoi il ne faut pas utiliser le terme «nationalisation».

Je suis consciente que vos commentaires que vous nous amenez aujourd'hui sont extrêmement précis sur la loi. Je veux répéter que vraiment on va les étudier avec vraiment beaucoup d'intérêt. Mais vous êtes issues d'un mouvement qui est un mouvement mondial, et je vais peut-être profiter de votre présence pour aussi un petit peu plus vous entendre sur comment vous voyez les perspectives d'un débat démocratique, mais d'un débat à l'échelle mondiale sur la question de la préservation de la ressource en eau et la question qui devient un peu incontournable avec le temps, la question du commerce de l'eau. On est devant une loi qui vient dire, là: La priorité, c'est la préservation de la ressource pour les générations futures. Mais vous savez comme moi qu'il y a eu des représentations de l'Institut économique de Montréal et vous savez comme moi que par ailleurs le débat sur la question du commerce de l'eau, sur la question de la solidarité entre pays, entre continents, dans les cas de pénurie, tout ça, c'est un petit peu entremêlé.

Et personnellement j'aime bien la phrase qui dit: On ne va pas à la guerre avec les mêmes armes nécessairement. Chaque guerre est différente, chaque combat est différent, mais je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec l'expérience que j'ai connue lorsque j'étais au ministère de la Culture, le travail diplomatique qu'a fait le Québec pour faire reconnaître qu'un objet culturel, un bien culturel avait une double nature, qu'il avait une valeur commerciale indéniable mais qu'il était porteur de d'autre chose et qu'il était porteur d'identité. Et je suis là puis je suis en train de me dire: Bien, l'eau, je la vois un peu de la même façon. Il y a une valeur commerciale à travers le monde, il y a quelque chose d'indéniable derrière ça, mais c'est porteur de d'autre chose. On ne peut pas la catégoriser comme uniquement un bien commercial, ce serait tragique, puisque c'est un bien nécessaire, c'est une ressource nécessaire à la vie.

Et je suis là et je suis en train de me questionner sur comment se développe selon vous la réflexion au niveau mondial, comment vous voyez comment se positionnent les enjeux ? je sais que j'ai une belle grande question, là, mais ? puis un peu comment vous voyez le rôle du Québec dans un tel univers au moment où, je pense, on pose un jalon extrêmement important, avec un contexte d'une gestion plus moderne de l'eau. Mais comment voyez-vous ce grand contexte mondial? Parce que je pense que ça va être un éclairage extrêmement important pour toute la suite de nos discussions sur comment ça doit se passer au Québec.

Le Président (M. Bergman): Mme Vega.

Mme Vega Cardenas (Yenny): C'est une belle question. En effet, c'est tous des enjeux vraiment vastes, c'est un sujet très, très complexe, et en fait le Québec va avoir le leadership en ce qui concerne la protection de la ressource. Parce qu'à l'heure actuelle il y a un grand débat au niveau mondial. On voit d'une part les intérêts privés de commercialisation de l'eau qui se battent pour que les pays, les différents pays, adoptent l'eau comme un bien économique. À ce moment-là, ils veulent que l'eau soit régie par les lois de l'offre et de la demande, ce qui va bénéficier les plus nantis mais va aller contre les plus démunis. Alors, c'est vraiment un débat fort au niveau international. Il y a aussi les... Le Québec, à ce moment-là, va prendre un leadership pour protéger l'eau comme un bien commun, universel aussi, parce qu'on est partie d'un grand réseau. C'est un grand système, l'eau. L'eau qu'on utilise ici va avoir une conséquence sur l'Atlantique, sur les courants d'eau et sur le réchauffement climatique. Toute la planète est unie; c'est tout un ensemble.

Par exemple, ce que font les États-Unis avec le Colorado, combien eux utilisent... Ils l'utilisent comme un bien économique, ils polluent, ils détournent les eaux, et qu'est-ce qui arrive au Mexique? Ils se trouvent avec les eaux salées, le débit a diminué en grande quantité, ils n'ont pas d'eau ni même pour l'agriculture. C'est un développement qui nuit, un développement pas durable, qu'on le voit actuellement, qu'ils voulaient l'eau du Canada parce qu'ils ne l'ont pas gérée de façon durable. C'est quand même le troisième pays qui a le plus de ressources en eau douce au monde, mais ils n'ont pas su les gérer. À cause de la pollution, de la commercialisation et de la valorisation autrement, ou dévalorisation de la ressource, ils se voient actuellement avec des problèmes graves en eau. Et, ici, le Québec, ça va servir d'exemple au monde pour voir comment, ici, une société s'intéresse à la protection et montre vraiment l'intérêt d'avoir un développement durable, de concilier et de protéger les besoins des écosystèmes. Le droit à l'eau, c'est aussi un grand débat au niveau international.

Je pense que c'est vraiment le rôle du Québec d'avoir un grand leadership en ce qui concerne cette question. Je vous invite aussi à participer actuellement dans le Forum mondial de l'eau. Malheureusement, c'est aussi contrôlé par les grandes entreprises de l'eau qui viennent privatiser l'eau dans plusieurs pays en développement, et ils vont instaurer cette conscience de la marchandisation de l'eau. Ils viennent s'installer, donc ce sont eux qui gèrent un peu les débats. Donc, il faut avoir un contrepoids, et le Québec peut jouer un grand rôle dans cette participation au niveau international. Donc, je vous invite aussi à présenter votre proposition actuelle dans le Forum mondial de l'eau, où se réunissent beaucoup d'acteurs, et discuter dans ce sujet, à ce niveau-là. Je ne sais pas si tu veux complémenter là-dessus?

Mme Roch (Lysiane): Bien, je rajouterais que l'eau, ça ne peut pas être considéré, par exemple, comme un bien comme le pétrole, par exemple, ou comme le riz, comme les bananes, parce que, bon, le pétrole, pour produire de l'énergie, il peut être remplacé par le charbon, par l'électricité, par le nucléaire, un aliment peut être remplacé par un autre, mais l'eau, elle ne peut être remplacée par rien, ce qui fait que c'est pour ça qu'on demande de la rendre inappropriable, pour qu'elle ne soit pas répartie en fonction justement, comme Yenny disait, des lois de l'offre et la demande, mais qu'elle soit répartie en fonction de critères qui ont été déterminés démocratiquement. Ça ne veut pas dire que l'eau ne peut pas être utilisée pour des usages productifs. Comme on le disait, c'est parfaitement normal.

Le Président (M. Bergman): Conclusion, s'il vous plaît. En conclusion.

Mme Roch (Lysiane): C'est correct. Je vais m'arrêter là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman): Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. D'emblée, je vais vous dire que je suis étonné, surpris et ravi de voir le temps que vous avez mis à corriger les points et les virgules, d'apporter des petits détails. Vous comprendrez qu'on reçoit beaucoup de groupes, puis des fois on se fait presque une idée préconçue, à voir rentrer les gens, en disant: Ce qu'on va avoir, est-ce que ça va être intéressant? Est-ce que finalement ils vont apporter de bons points? Ou finalement on est des grands rêveurs et on arrive avec une grande idéologie finalement qui ne touchera pas personne. Et je dois vous dire que, moi, je suis agréablement surpris. Je ne veux pas reprendre les qualificatifs de Mme la ministre, mais c'est vrai que vous avez fait un travail remarquable. Ça doit être intéressant pour des passionnés comme vous l'êtes de pouvoir aller prendre un jus de pruneau au lieu d'une bière, une liqueur ou parfois même une bière avec vous autres, simplement pour être capables de discuter de l'eau et de voir des gens qui ont une telle passion à vouloir conserver une ressource mondiale.

Ici, on parle de notre commercialisation ou notre reconnaissance de l'eau comme patrimoine au Québec, mais, vous, vous en parlez d'une façon mondiale. Et, ce matin, on a apporté un peu... j'ai apporté ça parce que... Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, je l'avais lu à quelque part, où on... dans une prochaine guerre, on parlerait plus d'une guerre d'eau que d'une guerre de n'importe quoi, parce que c'est une ressource qui va manquer. Est-ce que vous sentez, dans toutes vos consultations ou dans vos approches, dans vos discussions, que c'est une denrée qui va devenir tellement rare que le monde entier va être à la recherche de l'eau?

n(17 h 30)n

Mme Vega Cardenas (Yenny): Mais en effet la rareté de l'eau, c'est un discours. C'est un discours qui a été créé aussi par la vision économique, parce qu'une fois qu'on raréfie l'eau on la devient... si elle est rare, elle devient ipso facto soumise aux lois du marché. Et c'est ça qu'ils veulent, faire la rareté de l'eau. Mais en effet on a beaucoup d'eau au monde. Ce qui se passe, elle est inégalement distribuée dans la planète. Ça, c'est normal, mais ça implique que c'est une gestion durable. Parce que, si on voit la rareté de la ressource actuelle, qu'ils parlent, c'est dû à la pollution et à la mauvaise gestion de la ressource. Ce que ça implique, c'est plutôt que toutes les sociétés du monde actuel repensent la façon de la gérer d'une façon durable. Actuellement, par exemple, au Mexique, ils passent par une difficulté hydrique, mais ce n'est pas qu'ils n'ont pas assez d'eau. Ils ont de l'eau surtout au sud, elle est mal répartie, mais ils ont pollué énormément et ont surexploité les ressources et les nappes phréatiques. Actuellement, ils sont en train de repenser la gestion de l'eau et ils font des grands efforts à ce niveau-là. Et c'est ça, eux, ils disent: Ce n'est pas qu'on n'en a pas assez, c'est qu'on n'a pas su la gérer, depuis longtemps. On a pollué les ressources, on n'a pas donné la valeur qu'il fallait. Et actuellement ils essaient de régler tout ce problème-là, que c'est un problème, à la base, de façon de gérer les ressources d'une façon durable. Voilà.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci. Vous m'avez peut-être... Si vous avez suivi les commissions, j'en ai parlé ce matin, où le fleuve Colorado est plus bas de 48 %. Il ne remontera pas. Il ne peut avoir un apport suffisamment en eau pour remonter le débit, tout comme nos grands barrages, qui sont bas et qui vont rester bas. Même si on pense qu'il pleut tout le temps puis que ça va remonter, ce n'est pas le cas. Et on sait que les Américains vont avoir éventuellement un problème parce que la population grandit, et leur besoin est grand. Leur attention n'était pas portée vers l'eau, on n'a pas priorisé ça. Mais on va devoir trouver un moyen parce qu'ils vont nous demander de les aider. Si on ne les aide pas, ils vont prendre un autre moyen et ils vont venir la prendre, comme ils l'ont peut-être prise au Mexique, sans nous la demander. Même si on a de beaux accords, on a de grandes idées, que je respecte puis que je salue, mais simplement comment on va pouvoir se préserver des besoins que les Américains ont et qui sont tellement proches de nous?

Mme Roch (Lysiane): J'aimerais donner deux réponses à votre question. La première, c'est qu'il y a eu des études qui montrent que, même sur le plan économique, ce n'est pas nécessairement très, très rentable de prendre de l'eau du Canada pour l'envoyer aux États-Unis. Donc, ça se peut que la menace dont vous parlez, on ne la constate pas dans la réalité, surtout qu'il se fait des progrès au niveau du désalement. Ceci dit, ça ne veut pas dire que le désalement est nécessairement une bonne solution. Mais peut-être que la menace est plus présente... Je comprends, c'est quand même quelque chose qui fait peur, mais ce n'est peut-être pas tout à fait aussi présent que ça paraît.

Mais, par rapport au Colorado qui diminue, j'aimerais vous répondre quelque chose par rapport à ça. C'est qu'il y a eu, en Espagne, un problème un peu similaire. Il y avait, dans le sud de l'Espagne, des problèmes de pénurie, de manque d'eau, avec un développement immense dans une zone semi-aride, puis au nord il y avait beaucoup d'eau. Alors, l'Espagne, c'est le pays au monde où il y a le plus de barrages par superficie. C'est un pays où il y a énormément de dérivations, de projets de toutes sortes, puis ils ont ce genre de débat là là-bas. Puis, il y a eu une dérivation d'une rivière comme ça, le Tage, qui a finalement augmenté les problèmes de manque d'eau dans les régions du sud, plutôt que l'inverse, parce que qu'est-ce qui est arrivé, c'est que, dès qu'on a annoncé ce transfert-là, il y a eu une multiplication des permis d'agriculture qui a fait que finalement, au bout du compte, le transfert a aggravé la situation.

Donc, ce n'est pas une solution durable, ça, c'est certain. De toute façon, le développement dans cette région-là, comme il est là, n'est pas durable. Donc, ce ne serait pas quelque chose de durable que de leur en envoyer, sans compter évidemment que ça aurait des conséquences ici, parce qu'on n'a pas trop d'eau non plus, au Canada.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci. Quand vous avez parlé de la notion «utilisateur-payeur», où vous sembliez ne pas être d'accord, à moins que j'aie mal compris, il y a... et je sais qu'il y a une notion de pollueur-payeur et utilisateur-payeur. On comprend encore une fois qu'on veut aller puiser auprès des gens un montant d'argent pour l'utilisation de l'eau. On veut bien, socialement parlant, respecter les gens qui ont moins les moyens, mais de l'autre côté parfois ? je dis bien «parfois» ? autant la classe huppée qu'une classe moyenne comme la nôtre, on ne sera pas sensibilisés tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas touché à ce qui est le plus important, c'est-à-dire notre portefeuille. Donc, je voudrais simplement que vous me redonniez vos critères sur l'utilisateur-payeur donc concernant l'eau. Est-ce que vous pensez que ça doit rester totalement gratuit ou si finalement il faut qu'on... En plus d'imposer des notions ou de dire aux gens: Voici ce qu'on doit préserver, est-ce qu'on ne peut pas leur charger quelque chose en disant: Si on t'habitue à réduire, peut-être qu'on va pouvoir le garder pour l'ensemble du patrimoine?

Le Président (M. Bergman): Mme Vega... ou Mme Roch.

Mme Roch (Lysiane): Vous me posez la question par rapport aux citoyens, c'est bien ça? Parce que tout à l'heure...

M. Roy (Montmagny-L'Islet): C'est bien ça.

Mme Roch (Lysiane): ...on disait que, pour les usages économiques, on pouvait l'envisager. Bon, je répondrais quelques points par rapport à ça. Tout d'abord, il y a l'idée, bon, du citoyen. Par exemple, je vous entendais tout à l'heure... quelqu'un parler qu'il arrose son asphalte, ou ce genre de problème là de gaspillage d'eau. Je n'ai pas le rapport du BAPE avec moi, mais, si on se fie à ses conclusions, le gaspillage citoyen, ce n'est pas un des problèmes majeurs au Québec, sur le plan de la gestion de l'eau. Il y a des problèmes vraiment beaucoup plus importants, qui sont ceux de la pollution et des connaissances.

Ceci dit, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas un travail à faire à ce niveau-là. Est-ce que le fait de charger l'eau est plus efficace que, par exemple, d'autres moyens comme l'éducation, la sensibilisation, l'implication du citoyen dans la gestion de l'eau? Ça, on a des doutes par rapport à ça. Ce n'est pas pour nous complètement inenvisageable qu'au-delà d'un certain seuil on puisse penser à avoir un tarif, mais il faudrait s'assurer que tous les besoins de base et même peut-être, je ne sais, par exemple...

Une voix: ...

Mme Roch (Lysiane): ...oui, les besoins essentiels mais les besoins, aussi, citoyens, le droit à avoir une petite plante dans sa maison, qu'on arrose, le droit de donner un bain à son enfant, etc., soient répondus. Puis aussi il faudrait prendre en considération le fait, par exemple, que c'est les plus démunis qui ont souvent des toilettes qui fuient, des robinets qui fuient, des vieilles infrastructures, qui n'ont pas les moyens de s'acheter des électroménagers qui sauvent de l'eau...

Une voix: ...

Mme Roch (Lysiane): ...oui, qui économisent l'eau. Puis il y a d'autres moyens. Par exemple, si on subventionnait l'achat d'appareils à économie d'eau, ça pourrait avoir un impact beaucoup plus intéressant que de faire payer l'eau.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): D'ailleurs, votre dernière remarque, vous savez qu'on l'a fait dernièrement avec les appareils électroménagers, où Hydro-Québec nous redonnait 50 $ pour changer laveuse-sécheuse, ou frigidaire, ou poêle, pour économiser, et c'est la même chose au niveau du Novoclimat, de la forme de construction Novoclimat, où on va mettre une toilette à débit de six litres au lieu de 13 litres. Donc, ça ne coûte pas cher, une toilette, donc le gouvernement pourrait définitivement inciter les gens. Donc, quand les gens le font, ils redonnent les vieux appareils moyennant le 50 $, et déjà il y a un incitatif qui est là pour que les gens comprennent bien. Mais, même si vous dites que ce n'est pas grave d'arroser...

Mme Roch (Lysiane): Ce n'est pas que ce n'est pas grave.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Non, non, mais on le comprend. Mais il reste quand même qu'on en est rendus... tout petit geste peut faire sauver de l'eau pour l'ensemble de la planète, quand même. On a beau dire que c'est chez nous, là, mais l'ensemble de l'eau est... tantôt on va en avoir besoin pour l'ensemble de la planète, là. Que ce soit au Mexique, que ce soit ailleurs, il y a quelqu'un tantôt qui va crier pour qu'on puisse apporter de l'eau. On en voit plein les images à la télévision quand il y a des catastrophes comme on voit dans les îles. La première chose qu'on voit arriver, c'est des camions pleins d'eau, de bouteilles d'eau. C'est ce qu'on voit transporter. Donc, l'eau est une richesse incroyable, et il faut qu'en tant que Québécois on soit fiers de cette richesse-là.

Le Président (M. Bergman): Mme Roch, un commentaire?

Mme Roch (Lysiane): Oui. Je ne suis pas en désaccord avec vous. C'est seulement que je remets en... Bien, je repositionnais le problème par rapport aux autres, parce que c'est sûr que, nous, notre travail, on l'a fait à la lumière des enjeux les plus importants qu'il y avait au Québec puis aussi avec la perspective du droit d'accès à l'eau en tête. Peut-être qu'il pourrait y avoir une réflexion à faire au niveau de la hiérarchie des usages. Est-ce que, quand... On parlait: les besoins humains de base en premier, écosystémiques alors, et peut-être que la conciliation des usages peut-être plus inutiles ou qui demandent des grandes consommations d'eau sur le plan individuel pourrait être conciliée avec les usages agricoles, économiques, etc., à ce moment-là. Mais effectivement peut-être que, s'il n'y a pas assez d'eau dans l'écosystème pour arroser son asphalte, ça pourrait être éventuellement quelque chose de soit interdit ou soit... Bon. Mais, les moyens précis, je pense que ça va être plus un objet de réglementation. Ici, on est plus allés sur les grands principes, là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Montmagny-L'Islet.

n(17 h 40)n

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. En terminant, on a eu tantôt des embouteilleurs qui sont venus dire qu'on avait des milliards de litres d'eau qu'on pouvait soutirer sans rien toucher, on ne touche à rien. Et, moi, je dis de mon côté que, de l'eau, on en manque. Je suis dans un autre domaine où je vois qu'il y a un manque d'eau. Et vous, de votre côté, vous dites qu'il faut faire attention parce qu'on n'a pas tant d'eau que ça non plus qu'on pourrait vendre à l'étranger. Donc, vous êtes en accord ou en désaccord avec les embouteilleurs qui disent que, de l'eau, on peut en vendre tant qu'on en veut, on peut en produire tant qu'on en veut, on n'en manquera pas?

Mme Roch (Lysiane): Je répondrais surtout qu'on manque de connaissances sur la quantité d'eau qu'on a, dans plusieurs cas. Et puis là il va y avoir peut-être des endroits où il y en a plus, des endroits où il y en a moins, d'eau; il y a peut-être des endroits où on en manque, mais, pour dire qu'il y en a trop, si on en a, ça ne veut pas dire qu'on en a trop. Il faut qu'il y ait assez d'eau pour faire vivre un écosystème. Une fois qu'il y a assez d'eau pour faire vivre un écosystème, pour remplir les usages de base, les usages domestiques, les usages agricoles, industriels, qui pourraient être considérés plus importants que l'embouteillage, alors peut-être que ça pourrait être quelque chose à envisager. Mais on a des très grosses réserves par rapport à ça. Je ne crois pas qu'on a le temps d'embarquer plus loin là-dessus, mais j'espère que ça répond à votre question.

M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: M. le Président, c'est difficile de répondre qu'est-ce que c'est que l'intelligence, mais, quand vous la rencontrez, vous savez ce que c'est. Merci d'être là et de nous informer puis d'inspirer le débat. Vous avez affirmé, je pense, sur une de vos diapositives qu'il fallait appliquer le principe d'utilisateur-payeur ou consommateur-payeur, dépendant des... sauf en ce qui a trait aux utilisations en vertu de la santé et du bien-être... ou enfin c'était peut-être... enfin, là, c'est-à-dire, où il y avait un financement public ou... qui n'était pas relié directement à un financement utilisateur-payeur. Ce matin, on a reçu des producteurs maraîchers qui sont venus nous dire: Nous contribuons significativement, vitalement au bien-être de la population, puisque nous produisons des aliments nécessaires à la vie de la population. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que votre notion de bien-être, là, ça peut être très large comme très restrictif, et j'aimerais vous entendre sur votre définition de «bien-être». Moi, je peux l'étirer, là, jusqu'aux aliments nécessaires à la santé.

Mme Roch (Lysiane): D'abord, j'aimerais peut-être rappeler qu'on est pour l'utilisateur-payeur, sauf dans le cas où il y a nécessité de répondre aux besoins de vie et de santé. C'était plutôt qu'on est pour un financement collectif particulièrement dans le cas des besoins... particulièrement pour la santé et la vie. L'utilisateur-payeur, on n'était pas a priori contre, mais on n'a pas d'opposition pour utilisateur-payeur nécessairement.

Par contre, peut-être que ce qui pourrait être envisagé... Je comprends un peu leur point de vue, des producteurs maraîchers. D'abord, il y a une réflexion à faire du point de vue de la hiérarchie des usages. Peut-être que démocratiquement ? ça, ce n'est pas nécessairement à nous de le dire ? on pourra décider que c'est plus important que l'eau aille d'abord aux producteurs maraîchers, par exemple, qu'à telle production industrielle ou au tourisme. Ça, ce serait l'objet d'un débat démocratique.

Pour ce qui est de faire payer l'eau aux agriculteurs, peut-être que ça pourrait être un moyen qui serait pris, dans la mesure où il y aurait telle autre subvention qui pourrait compenser. Par exemple, si on subventionne l'agriculture mais qu'on charge l'eau pour qu'il y ait un usage plus responsable, ça pourrait peut-être être envisagé, ou d'autres mesures qui favorisent les agriculteurs qui utilisent l'eau d'une façon plus responsable. Mais, encore là, je crois qu'on n'est pas allé si loin dans notre réflexion sur la réglementation, comme tel. Comme on vous disait, c'est plus au niveau des principes.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon... M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, M. le Président. Vous avez apporté des éléments extrêmement pertinents, qu'on n'avait pas toujours peut-être assez approfondis, et votre éclairage va certainement nous amener à bonifier le projet de loi. J'aimerais savoir... Vous avez parlé que l'eau devrait retourner à l'eau. Est-ce qu'il y a des éléments que vous pensez qu'on devrait prioriser là-dedans? Parce que, bon... Est-ce que vous voyez que ça devrait être utilisé pour des usines de traitement de l'eau ou davantage par rapport à ces accès publics? Ce serait quoi, vos priorités par rapport à ça?

Le Président (M. Bergman): Mme Vega.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Oui. Merci. C'est sûr que l'idée, c'est que toujours ce soit une décision démocratique, qu'on doit consulter toujours, et de faire une consultation par les différents usagers, et voir exactement qu'est-ce que priorise la société, comme tel: c'est quoi... où l'eau devrait aller en priorité, c'est où, les manques, c'est où... Par exemple, si le grand problème au Québec, c'est la pollution des ressources, donc on va commencer, par exemple, davantage dans ce processus-là. Donc, il faut voir avec le Bureau des connaissances sur l'eau. Ça va permettre d'identifier les faiblesses aussi. Et, deuxièmement, si, par exemple, on va remarquer que, les infrastructures, il manque d'investissement depuis plusieurs années, on va investir là-dessus. Mais ça, ça prend un débat. Identification des problèmes plus graves pour les prioriser et investir l'argent à ce moment-là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Un des aspects importants que vous amenez, c'est de donner davantage de pouvoirs aux citoyens, de faire en sorte que le citoyen soit participant aux décisions. Quand vous dites qu'on devrait annoncer à l'avance une possibilité d'exporter de l'eau puis qu'il devrait y avoir une consultation, est-ce que vous croyez qu'on devrait aller jusqu'à dire qu'il devrait y avoir un référendum national sur une question de la sorte?

Le Président (M. Bergman): Mme Vega.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Merci. Mais pour le moment je pense qu'il y a eu plusieurs sondages déjà, et la plupart des Québécois et Québécoises sont contre l'exportation de l'eau. Donc, je ne pense pas que, pour le moment, ça mérite un référendum sur cette question-là. Je pense qu'elle est plutôt claire. L'intention s'est plusieurs fois manifestée dans... l'intention des Québécois et des Québécoises de protéger les ressources avant de les exporter. Je ne pense pas que ce soit nécessaire.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Je suis d'accord avec vous, mais, si jamais, comme on dit... peut-être qu'il faudra se prémunir.

Par rapport à l'eau en bouteille, on en a parlé, vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, je sais que c'est peut-être difficile, mais, quand on sait la grande quantité d'eau en bouteille qui est utilisée par rapport à l'eau de l'aqueduc, qui est excellente au Québec, puis qu'on voit qu'il y a des centaines de millions de bouteilles qui terminent dans l'environnement, vous avez dit: Bien, la redevance, c'est peut-être une façon, peut-être l'éducation. Est-ce que vous pourriez préciser davantage? Puis est-ce que vous pensez que... Ça pourrait être quoi, une redevance, par exemple, sur une bouteille d'eau, qui pourrait être un incitatif qui ferait en sorte que les gens soit décideraient de ne pas utiliser de bouteille d'eau ou de ramener cette bouteille-là? Vous voyez ça comment? Ce serait quoi, la redevance ou la consigne qui pourrait être mise de l'avant pour diminuer la surconsommation et la, on pourrait dire, la détérioration de l'environnement qui s'ensuit?

Mme Roch (Lysiane): Quand je parlais de...

Le Président (M. Bergman): Mme Roch.

Mme Roch (Lysiane): Oui. Pardon. Quand je parlais de redevance, en fait je parlais de redevance pour les embouteilleurs, comme tel, qu'ils ne puissent pas puiser dans les nappes comme ça de l'eau gratuitement. Ce n'était pas nécessairement une redevance au consommateur. Est-ce que le fait de faire payer plus le consommateur, c'est le meilleur moyen? Peut-être pas. Il y a des villes, on a vu, qui ont carrément interdit les eaux embouteillées. En tout cas, on va voir les résultats que ça donne, mais c'est peut-être une voie encore plus intéressante.

Mais, nous, notre position par rapport à l'embouteillage, c'est que ça devrait prendre une place marginale. Ça devrait être déterminé ? comment je pourrais dire?; ça devrait être déterminé ? en fonction de la conciliation avec d'autres usages économiques. Ce n'est pas un besoin de base, l'eau en bouteille, c'est vraiment un usage économique, et puis peut-être qu'il y a d'autres activités industrielles, agricoles qui sont d'une plus grande utilité sociale, surtout étant donné les conséquences environnementales. Évidemment, ça ne doit pas se développer, cette activité-là, si ça pose atteinte à l'intégrité des écosystèmes ou aux autres usages. Et puis, pour nous, reste évidemment que la production puis la distribution publique de l'eau, c'est le meilleur moyen de rendre l'eau accessible à tous. Ça doit être garanti. Et puis il devrait aussi y avoir une promotion de la qualité de l'eau publique, en plus d'être garantie. Je ne sais pas si ça répond à...

Le Président (M. Bergman): Mme Vega.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Mais j'en profite pour ajouter que l'eau du Québec et du Canada est l'une des meilleures au monde. Donc ça, on pourrait faire fièrement la promotion pour que les gens lui donnent plus de valeur. Parce que parfois les gens ne savent pas et ils préfèrent l'eau en bouteille; quand il y a moins de réglementation, les exigences sont moindres que l'eau du robinet. Donc, une sensibilisation à cet égard-là serait très importante pour montrer à quel point l'eau est potable et de très, très bonne qualité. Alors, je pense qu'une éducation là-dessus, ça pourrait vraiment encourager les gens à reprendre confiance, à avoir confiance en l'eau du Québec, et à la consommer davantage, et éviter ces produits de luxe. Parce que, dans les études, on dit: Mais... Les gens ne comprennent pas pourquoi, quand on a une eau de si grande qualité, pourquoi la consommation en eau a monté depuis quelques années. Donc, il manque aussi la promotion, le marketing de l'eau aussi, de l'eau publique. Voilà.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

n (17 h 50) n

M. Trottier: Dans ce sens-là, j'ai l'impression qu'il y a comme une fausse sécurité d'avoir une bouteille d'eau, un peu comme si c'était une garantie que cette eau-là était meilleure. Mais, dans ce sens-là, est-ce que vous pensez que les efforts qui sont mis... Bien, est-ce que vous en voyez, des efforts qui sont mis pour justement valoriser l'eau potable de nos systèmes? Puis est-ce que vous pensez que ça devrait être beaucoup plus important, si c'est le cas? Sinon, comment vous envisagez ça, une campagne de promotion qui pourrait faire en sorte que les Québécois se diraient: C'est complètement aberrant de consommer autant de bouteilles d'eau, par rapport à une qualité de l'eau... Parce que normalement... Moi, j'avais vu, en France, il y a 25 ans... Parce que l'eau n'était pas de bonne qualité, je comprenais que les gens puissent acheter de l'eau en bouteille. Mais je comprends mal qu'au Québec on consomme autant d'eau, par rapport à une si bonne qualité.

Le Président (M. Bergman): Mme Roch.

Mme Roch (Lysiane): Ce qu'il faudrait d'abord, avant même la promotion, c'est de s'assurer que l'eau continue à rester de bonne qualité, notamment en faisant de la prévention sur le plan de la pollution puis en maintenant des infrastructures en bon état. Ça, c'est la première des choses. Sur le plan de la promotion, je ne connais pas tous les détails de ce qui a pu être fait au Québec, mais je sais qu'il y a eu, à Toronto, je crois, oui, à Toronto, une belle campagne sur l'eau publique avec... Notamment, il y avait, dans les festivals, un petit chariot avec des robinets, puis la ville de Toronto donnait des gourdes aux gens, qui pouvaient aller s'alimenter en eau potable. Peut-être plus de fontaines publiques aussi, dans les lieux publics, dans les villes, et tout ça. Peut-être que là ça relève plus du monde municipal, on est peut-être un petit peu plus loin des préoccupations à l'échelle québécoise, mais de façon générale c'est très important donc de garantir que l'eau demeure de bonne qualité puis de faire la promotion de cette qualité-là. Mais ça va...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Mais je pense que vous avez parfaitement raison, qu'il faut probablement élargir le débat de l'eau, pas seulement au ministère de l'Environnement, mais bien à l'ensemble des ministères qui ont une responsabilité, entre autres... Notamment, je pense qu'on pourrait avoir un incitatif pour que, dans chaque municipalité, dans chaque parc, il y ait des fontaines publiques, et, à ce moment-là, ce serait un signal intéressant.

Est-ce que vous avez des exemples de pays ou de... Vous avez mentionné Toronto. Est-ce que vous avez d'autres exemples qui pourraient nous inspirer au niveau soit de l'utilisation, on pourrait dire, correcte de l'eau? Est-ce que vous auriez des exemples qui vont dans ce sens-là, là, soit au Canada ou ailleurs, sur lesquels on pourrait s'inspirer?

Mme Roch (Lysiane): Des modèles d'embouteillage, là, que vous parlez, en général?

M. Trottier: Oui, c'est ça, sur la gestion globale de l'eau.

Le Président (M. Bergman): Mme Vega.

Mme Vega Cardenas (Yenny): Moi, j'ai vu un exemple intéressant. J'ai vu un exemple intéressant au Mexique, sans que je sois mexicaine. Je ne suis pas mexicaine, mais je suis allée là-bas et j'ai vu qu'eux, pour arroser le gazon, pour nettoyer les autos, ils n'utilisent pas l'eau purifiée, l'eau potable, ils utilisent l'eau assainie, mais à un autre niveau, et ils la vendent à part. Donc, comme ça, ils l'utilisent pour d'autres usages qui ne sont pas essentiels, pour garder l'eau potable vraiment pour les besoins de consommation humaine. Donc ça, c'est un, je trouvais, un bel exemple: pour arroser les gazons, les jardins. Et la municipalité même utilise l'eau de deuxième qualité pour ses autres usages. Donc, ça pourrait être un exemple aussi à suivre.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Puis, si vous aviez une seule priorité, quelle pourrait être la plus importante de vos priorités en matière de gestion de l'eau au Québec?

Mme Roch (Lysiane): Vous nous demandez de choisir entre nos quatre principes, là? Moi, je réponds... Bien, c'est-à-dire, ils sont tous... tout est tellement relié. Par exemple, si on dit... Moi, je dirais le droit d'accès à l'eau, parce que, pour assurer le droit d'accès à l'eau, il faut la protéger, il faut un statut qui permet sa protection, il faut la rendre inappropriable et il faut aussi faire un financement solidaire et collectif. Alors, je dirais le droit d'accès. Mais on pourrait répondre n'importe lequel, puis ce serait la même réponse. Mais s'assurer que tout le monde a accès à l'eau potable, mais générations présentes et futures, c'est-à-dire qu'on s'assure que l'eau va être encore aussi potable et qu'il va y en avoir assez pour les générations futures.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé.

Mme Beauchamp: M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Oui, Mme la ministre.

Mme Beauchamp: On ne peut pas finir sans demander à Mme Vega d'où vient son merveilleux accent.

Mme Vega Cardenas (Yenny): De Colombie.

Mme Beauchamp: Merci.

Le Président (M. Bergman): Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Roch, Mme Vega, merci pour une excellente présentation.

J'ajourne les travaux jusqu'à demain, 14 heures, où la commission sera ici même, à la salle du Conseil législatif, pour poursuivre ce mandat. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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