To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Transportation and the Environment

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Transportation and the Environment

Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Thursday, November 29, 2007 - Vol. 40 N° 17

Consultations particulières sur les projets de loi n° 42 - Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Règlement sur les points d'inaptitude, et n° 55 - Loi modifiant de nouveau le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Onze heures huit minutes)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à tous les membres de la commission ainsi qu'au public de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pendant la séance.

Le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 42, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Règlement sur les points d'inaptitude, et sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant de nouveau le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouellette (Chomedey) remplace M. Reid (Orford); M. Tomassi (LaFontaine) remplace M. Sklavounos (Laurier-Dorion); et M. Grondin (Beauce-Nord) remplace M. Diamond (Marguerite-D'Youville).

Auditions

Le Président (M. Bergman): Merci. Nous allons entendre, aujourd'hui, Me Jean-Pierre Rancourt et le CAA-Québec. Me Rancourt, vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivies d'un échange avec les membres de la commission et Mme la ministre. Alors, Me Rancourt, c'est à vous pour faire votre présentation.

M. Jean-Pierre Rancourt

M. Rancourt (Jean-Pierre): Merci, M. le Président, et merci à tout le monde de me recevoir aujourd'hui. Je ne l'avais pas nécessairement demandé, mais on m'a convoqué. Je suis bien content d'être ici. Alors, on me convoque, et je veux bien que ce soit clair, en tant qu'avocat criminaliste.

n (11 h 10) n

Alors, juste pour vous dire un petit peu ma carrière parce que c'est peut-être important que vous le sachiez quand je vais vous donner mon opinion. Ça fait plus de 30 ans que je suis avocat criminaliste. J'ai commencé à la couronne, à Montréal, procureur de la couronne. J'ai fait également Sherbrooke à la couronne avant d'ouvrir mon bureau en défense. Je n'ai fait que du droit criminel, et à toutes les instances ? à la Cour du Québec, Cour supérieure, Cour d'appel du Québec, Cour suprême ? et j'ai pratiqué et je pratique encore dans beaucoup de régions au Québec, également, depuis 15 ans, au Nunavut, plus particulièrement à Iqaluit, toujours en droit criminel, et également en Ontario, à quelques occasions. On a ce qu'on appelle des «occasional appearances», des permissions occasionnelles, alors j'ai été en Ontario. Et je représente aussi beaucoup de Canadiens depuis plus de 15 ans, aux États-Unis. Donc, j'ai eu l'occasion de voir les systèmes américain et canadien, qui se ressemblent beaucoup au niveau criminel, malgré qu'il y a certaines différences. Alors, je voulais simplement vous dire ça et vous dire que le droit pénal fait partie de notre compétence, hein? Quand on parle de droit pénal, on parle des lois statutaires, comme le Code de sécurité routière ou les autres lois statutaires provinciales.

Alors, j'ai eu l'occasion de lire avec beaucoup de plaisir le projet de loi n° 42 et le projet de loi n° 55. J'y ai vu plusieurs problèmes, mais le problème fondamental sur lequel je veux m'attarder ce matin, c'est le fait que ces deux lois-là vont permettre encore davantage à l'État de punir ses citoyens sans forme de procès, et je vais m'expliquer. Ça existait, ça, au Moyen Âge, hein, parce qu'on arrêtait quelqu'un qu'on soupçonnait d'avoir commis un crime puis on le pendait sans procès. Et je ne vous dis pas qu'on s'en va vers ça, mais, il y a quelques années, il y a eu une brèche dans le principe fondamental qui dit qu'un citoyen est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire, et c'est à l'État à prouver hors de tout doute raisonnable qu'un citoyen est coupable d'une infraction, et ça, c'est un principe établi, qui a toujours existé et qui a commencé à être brimé lorsque l'État a accepté d'amener un article du code permettant d'enlever le permis de conduire à un citoyen qui était arrêté, pour une période de 30 jours, et qui testait, d'après une machine, l'éthylomètre, qui testait plus de 80 mg.

Je peux vous dire que je fais partie des avocats au Québec qui font à peu près le plus, depuis une dizaine d'années, de procès de facultés affaiblies avec la preuve contraire, et on a beaucoup d'acquittements. Et ça fait drôle de pouvoir dire à un individu: Vous êtes acquitté, six mois ou un an après, d'une infraction et vous avez été puni quand même pour, avant même d'être jugé. Ça, c'est une brèche au principe bien établi, et qui est sacré à mon avis, à l'effet qu'on ne peut pas condamner quelqu'un sans qu'il soit coupable.

Quand je lis ces deux projets de loi là, comme les citoyens ne se sont pas battus... Parce que, moi, j'ai toujours dit que c'était inconstitutionnel de sentencer quelqu'un avant procès. Et, si ça ne s'est jamais fait, je vais vous dire pourquoi. Un, ça coûte énormément cher, pour un citoyen lui-même qui se fait enlever son permis pendant 30 jours, de contester la loi au niveau constitutionnel parce qu'on va aller en première instance, on va s'en aller à la Cour d'appel du Québec, puis on va aller à la Cour suprême. Ça va prendre quatre ans, cinq ans et ça va coûter peut-être 100 000 $ à l'individu pour aller là. Ça ne s'est jamais fait. Mais je peux vous dire que tous les criminalistes avec qui je travaille dans la province de Québec, on a tous cette impression-là que ça n'a aucun sens de condamner quelqu'un avant.

Et on me dira: Oui, mais c'est dans l'intérêt public. L'intérêt public, là, c'est de protéger à mon avis le public à l'instant même. Si vous arrêtez quelqu'un sur la route, et que vous le voyez avec des symptômes de facultés affaiblies ? je parle des policiers ? et que vous avez un test qui est au-dessus de 80 mg, on saisit l'automobile, hein, et, le lendemain, quelqu'un pourra récupérer ce véhicule-là. On l'a saisi parce que, dans l'intérêt public, on ne veut pas que l'individu continue l'infraction. Mais d'enlever le permis pendant 30 jours, quelle est la protection du public, à ce moment-là, alors que le gars est présumé innocent?

Alors, qu'est-ce qu'on fait dans ces deux projets de loi là? Dans le projet de loi n° 42, on va faire passer ça de 30 jours à 90 jours pour quelqu'un qui va tester 80 mg et plus. Alors là, on va sentencer, punir un citoyen québécois encore davantage, à 90 jours, avant même d'être déclaré coupable. On va également enlever le permis d'un individu pendant 24 heures s'il teste entre 0,05, hein... 50 mg à 80 mg. Je vais vous reparler de ça tantôt, mais on va enlever le permis pendant 24 heures. Si l'individu teste plus que 160 mg, en plus de lui enlever son permis, on lui enlève son automobile pour 30 jours. Vous savez qu'il est possible qu'il soit acquitté, cet individu-là. Je reviens là-dessus. Je voudrais simplement vous dire ça, qu'il est possible qu'il soit acquitté.

Moi, je pense que ces deux lois-là dans le moment vont donner des pouvoirs arbitraires davantage aux policiers, qui amènent la possibilité d'abus de pouvoir, et je m'explique. Dans le projet de loi n° 55, on va donner le pouvoir aux policiers de faire des tests physiques. On va arrêter quelqu'un parce qu'on sait qu'avec le Code de la sécurité routière les policiers ont le pouvoir d'intercepter un véhicule, ils n'ont pas besoin de motif. Pour vérification, on peut intercepter n'importe qui. Que ce soient votre ami, votre père ou votre mère qui est à 72 ans, qui conduit, on a le droit de les intercepter, et le policier va avoir le droit, avec cette loi-là, hein, à sa propre discrétion, d'exiger les tests physiques.

Qu'est-ce qui arrive si on fait affaire avec une personne plus âgée qui a de la misère à passer les tests? Ah! vous allez me dire, la discrétion des policiers. La discrétion des policiers, nous autres, on est à la cour avec ça à tous les jours, et on peut contre-interroger les policiers, et parfois on s'aperçoit dans un dossier qu'il y a eu de l'exagération ou il y a eu des termes qui ont été mis dans le rapport, qui ne sont pas tout à fait exacts. Quand on a affaire à un handicapé qui conduit son véhicule, par exemple, un léger handicap, qu'on a affaire à quelqu'un qui a pris une bière et qui se fait intercepter, qui est extrêmement nerveux et qui ne performe pas les tests, il va perdre son permis 24 heures. Or, moi, je pense que c'est donner, de façon arbitraire, des pouvoirs à des policiers qui... Et, quand on donne des pouvoirs comme ça, c'est dangereux, l'abus de pouvoir.

Je vais aller plus loin. On parle de cinémomètre photographique, hein, dans le projet de loi n° 42. Quand je lis ce projet de loi là, je trouve qu'il y a un non-sens, et je m'explique. On va déclarer coupable le propriétaire d'un véhicule, véhicule qui aura commis une infraction, mais on sait que ce n'est pas un véhicule qui commet une infraction, c'est le conducteur. La seule échappatoire, pour le propriétaire du véhicule, pour se défendre... On sait bien que, s'il s'est fait voler son véhicule ou s'il n'a pas donné son consentement, c'est une défense, mais on sait que c'est très rare dans la vie. Habituellement, c'est parce que le mari a prêté son véhicule à sa femme, ou à son fils, ou à un ami. Or, qu'est-ce qui va arriver? La loi prévoit que, si vous ne voulez pas être déclaré coupable, système de délation, hein, le propriétaire du véhicule va dénoncer le conducteur. Et ce n'est pas tout. Le conducteur devra être déclaré coupable, sinon c'est le propriétaire qui le sera. Non-sens parce que le conducteur qui est dénoncé, par exemple, par le propriétaire aura le droit de se défendre. Il va se défendre et il va être acquitté de l'infraction. La loi prévoit à 592.1 que, si, par exemple, le conducteur n'est pas déclaré coupable, le propriétaire va l'être. Ça veut donc dire que l'infraction n'aura jamais été commise parce qu'il va être acquitté, le conducteur. Ça veut donc dire que le propriétaire va être déclaré coupable. Ça n'a aucun sens.

Je pense qu'il s'agit là de mesures extrêmement dangereuses, qui ouvrent la porte... La brèche commence à s'ouvrir davantage pour permettre aux policiers, un, d'exercer leur discrétion, mais non pas de façon totalement judiciaire, parce que, comme dans n'importe quelle profession, que ce soit avocat, que ce soit policier, que ce soit dans n'importe quoi, il y a des gens qui abusent du pouvoir qui leur est donné, et, moi, c'est ce qui me fait peur dans cette loi-là que de demander à des citoyens de passer des tests physiques.

Si on se retrouve dans une petite municipalité... Et je ne vous la nommerai pas, mais on a, nous, les criminalistes, beaucoup de causes, avec ces policiers-là, de facultés affaiblies, et les policiers sont tannés de voir que les gars sont acquittés. Et c'est drôle que, dans les rapports, on remarque qu'à chaque fois que le citoyen est arrêté, est amené au poste de police il y a trois marches pour monter, puis, dans tous les rapports, les gars s'enfargent tous dans les marches. Dans tous les rapports, ils se tiennent tous après la balustrade. Dans tous les rapports, ils s'accrochent l'épaule au cadre de porte. Ça ne se peut pas, mais on est tellement tanné, dans cette municipalité-là, de voir que les gens sont acquittés qu'on met des symptômes... Plus on va mettre de symptômes, moins il a de chances d'être acquitté. Or, il y a danger d'abus.

Imaginez-vous, dans cette même municipalité là, le maire de la municipalité se fait intercepter ? on est en négociation pour une convention collective ? se fait intercepter par un policier qui dit: Monsieur, vous allez passer le test. Comment arbitraire est ce test sur la ligne blanche, les doigts au nez... Bon, on le sait exactement, il y a trois, quatre tests, là, qu'on fait sur... Je vous donne l'exemple, qui est peut-être exagéré, du maire, mais, que ce soit n'importe quel citoyen dans cette petite municipalité là, je ne peux pas penser qu'on va permettre à des policiers d'exercer un pouvoir aussi important de façon aussi arbitraire. Je pense que cet article-là ne devrait pas exister.

Je termine en vous disant qu'on prévoit des sentences plus importantes, par exemple des amendes pour des tickets, des points de démérite. Je n'ai aucun problème avec ça. D'ailleurs, nous, les avocats, on est toujours contents quand les lois sont plus sévères parce que les clients viennent nous voir davantage. Mais je peux vous dire que ça, c'est la façon, je pense, de prévenir le crime, d'avoir des sentences plus importantes. Pourquoi? Parce que, là... Et je n'ai rien à dire contre ça parce que l'individu aura été déclaré coupable, à ce moment-là. Mais, qu'on sentence quelqu'un avant même qu'il soit déclaré coupable, je pense que c'est une injustice. Il faut faire très attention d'ouvrir encore davantage cette brèche-là.

n (11 h 20) n

Moi, j'ai vu dans un article ? et je vais terminer là-dessus ? dans un pays dont je ne me souviens pas le nom, un individu, le monsieur qui est arrêté pour une faculté affaiblie. Il s'en va directement en prison, et sa femme aussi, et sa femme aussi. Il y a un pays, je ne sais pas si c'est en Afrique, où c'est ça. La femme s'en va en prison avec. Qu'est-ce que vous diriez ici, au Québec, si on instituait ça? Il me semble que ça aurait du bon sens. Est-ce que ça a du sens? Ça n'a aucun sens. Bien, c'est la même chose. Qu'on punisse, par exemple, un propriétaire d'un véhicule... Et ce n'est pas au même niveau. On ne parle pas de prison, à ce moment-ci. Mais qu'on punisse un propriétaire de véhicule et qu'on lui dise: La seule façon de t'en sortir, c'est d'entrer dans un système de délation et de nous dire qui est-ce que... Je pense qu'on peut, autrement que par ces cinémomètres-là, arriver aux mêmes fins.

Alors, les sentences peuvent être plus importantes. Je vous donne l'exemple dans la loi où on dit: L'individu qui revient la deuxième fois, qui teste plus que 160 mg et qui est déclaré coupable, bien à vie il devra avoir un éthylomètre dans son véhicule après avoir purgé son trois ou cinq ans de révocation. Je ne peux pas rien dire contre ça, je ne peux pas dire que ce n'est pas correct parce que c'est justement les gens qu'il faut... s'attaquer à ces gens-là parce que c'est eux autres qui sont les gros buveurs, les gros consommateurs, les alcooliques habituellement qui vont se retrouver... et c'est eux autres qu'il faut attaquer, non pas celui qui est à 0,05. Alors, c'est un peu ce que je voulais vous soumettre aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. Rancourt. Mme la ministre.

Mme Boulet: Alors, merci, Me Rancourt, pour votre présence. Alors, ce que j'aimerais dire d'entrée de jeu, si on résume votre position, c'est qu'il ne faut pas permettre de punir sans forme de procès. Donc, il faut qu'il y ait des procès pour tout et rien, finalement. Alors, on ne devrait pas légiférer, il devrait toujours y avoir recours à une procédure légale puis à un procès avec juge et avocats. Alors, je comprends que c'est le résumé de votre position.

Ce que je tiens à dire, Me Rancourt, c'est que, ces pistes de solution là, on ne les pas inventées. On ne les a pas inventées. On a mis en place, depuis un an et demi, la Table québécoise de la sécurité routière, autour de laquelle on retrouve tous les organismes, les partenaires qui sont impliqués de près ou de loin à la sécurité routière au Québec, 41 organismes. Alors, ce n'est pas une personne qui a pensé ça, ce n'est pas deux personnes, c'est 41 organismes qui oeuvrent dans le secteur de la sécurité routière qui nous ont fait des recommandations, qui nous ont proposé des choses. Et, dans ce sens-là, tout ce qui est proposé là se fait d'ailleurs partout ailleurs dans le monde et au Canada. Alors, si on est à côté de la track, si c'est inconstitutionnel, si ça ne respecte pas la charte, bien il y a quelque chose, là, parce que, partout ailleurs, ça se fait au Canada, ça se fait partout ailleurs en Europe, ça se fait dans même des États américains. Alors, ça se fait ailleurs.

Alors, j'aimerais juste vous dire également ? vous parlez beaucoup d'abus de pouvoir de la part des policiers et d'abus de pouvoir de toutes les personnes, à la limite ? vous dire qu'il y a des ordres professionnels qui sont là pour sanctionner les abus. Ça existe au Québec. Au niveau des policiers, on peut porter plainte en déontologie policière. Alors, je pense qu'il y a des processus au Québec qui protègent les citoyens contre ces abus-là. Je pense qu'il y a des organismes qui sont mis en place, il y a des encadrements qui sont très rigoureux. Alors, je pense que de prétendre qu'il y aura de l'abus... Il y en aura peut-être, ce sera marginal, monsieur, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas légiférer puis qu'on ne peut pas intervenir.

Alors, moi, j'aimerais tout simplement que vous me donniez des pistes de solution. Si celles-là ne sont pas les bonnes, qu'est-ce que vous dites aux parents, aux mères et aux pères qui perdent leurs enfants parce que c'est un alcoolique qui les a tués sur la route, sur les routes du Québec? Qu'est-ce que vous leur dites et quelles sont selon vous les avenues qui auraient été intéressantes pour nous comme gouvernement?

M. Rancourt (Jean-Pierre): C'est la même chose, un vol à main armée, hein, c'est la même chose pour un meurtre, c'est la même chose pour un vol à l'étalage, quand il y a un crime de commis et que l'individu est déclaré coupable, ça prend des sentences importantes. D'ailleurs, hein, moi, je me souviens, il y a 20 ans, quand un homme d'affaires, par exemple, en boisson avait un accident et tuait quelqu'un, hein, on l'accusait d'homicide involontaire ou on l'accusait de facultés affaiblies causant la mort. À l'époque, les juges donnaient une sentence suspendue parce que les juges disaient: C'est un homme d'affaires qui n'a pas de dossier judiciaire, qui le regrette, il ne recommencera pas. Justement, à cause que la population s'est un petit peu révoltée de ça en disant: Écoutez, ça n'a pas de bon sens, c'est criminel de conduire en boisson, qu'est-ce qui est arrivé? La jurisprudence maintenant, une affaire comme ça, peu importe si le gars a un dossier judiciaire, qu'il a toujours été un bon citoyen, c'est de quatre ans à sept ans de pénitencier.

Qu'est-ce que ça fait, ça? Ça fait que je lisais dans le journal, ce matin, que 87 % des jeunes qui prennent de la bière ? je lisais ça dans votre journal, ce matin, ici ? ils ont une solution pour s'en aller chez eux. On n'avait pas ça dans notre temps, hein? L'éducation fait en sorte qu'il y a beaucoup moins de gens... Ça ne veut pas dire qu'on va prévenir qu'il y ait des accidents avec des soûlons, mais on va diminuer les accidents avec l'éducation, la prévention et avec des sentences beaucoup plus importantes, et c'est ce qui se passe dans le moment.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Boulet: Oui. Vous savez mieux que moi que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir politique. Alors, moi, je ne peux pas aller dire aux juges quelles sentences ils doivent donner. Je comprends que ? et ça a été fait par mon collègue le ministre de la Sécurité publique ? on a demandé au Procureur du Québec d'être plus sévère dans les sentences. Vous comprenez, ce n'est pas ici qu'on peut régler ce problème-là. Alors, il faut faire la distinction entre les deux choses. Que les juges soient plus sévères, on en convient tous. Les cas de récidive doivent être traités de façon beaucoup plus rigoureuse, et ça, je pense qu'ici on est tous d'accord avec cet élément-là. Maintenant, pour les excès de vitesse, Me Rancourt, il faut faire quoi? On a une preuve quand on est capable d'identifier la vitesse du véhicule. Il faut aller devant un procès?

M. Rancourt (Jean-Pierre): Je pense que oui parce que le principe... Bien, écoutez, vous semblez dire, Mme la ministre, qu'il y a des petits procès. Il n'y a pas de petit procès, il n'y a pas de petite cause. Moi, j'ai vu des gens venir nous rencontrer pour un ticket au Code de la route ou un ticket en vertu de la loi de la chasse, de la faune, puis c'est important. C'est aussi important. Nous autres, on nous a toujours appris à l'université qu'il n'y a pas de petite cause puis que, quand on représente un client qui a une cause au criminel ou au pénal, bien c'est important. Alors, moi, je pense que les sentences, comme je vous disais tantôt au niveau des tickets...

D'ailleurs, dans votre projet de loi, vous augmentez les amendes, les points de démérite. Je pense que tout ça est très valable pour la sécurité du public. Que vous augmentiez également les cours obligatoires, d'accord avec ça. Il y a des façons de le faire. Mais, que de dire: Pour la sécurité du public, il faut bannir le principe de la présomption d'innocence d'une personne, je pense qu'on va un petit peu trop loin, et je ne pense pas que le résultat va être concluant en bannissant un principe aussi important au Canada.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Bonjour, Me Rancourt. Moi, je veux revenir à votre prétention à l'effet que présomption d'innocence et... les dispositions à l'intérieur des deux projets de loi seraient en violation de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Normalement, le Barreau du Québec est un habitué de nos instances des commissions parlementaires sur l'ensemble des projets de loi. Ils émettent, la plupart du temps, des opinions sur l'ensemble des projets de loi. J'ai vérifié avec le secrétariat tantôt, ils n'ont pas demandé à intervenir. J'ai comme un peu de réserves par rapport à ce que vous nous dites parce que normalement, si votre prétention était partagée par le Barreau du Québec, ils seraient les premiers à demander d'intervenir devant la commission parlementaire pour dire: Ça n'a pas de bon sens, le projet de loi, vous allez en violation de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Et ils ont même une section, je pense, les avocats de la défense. Pourriez-vous m'éclairer là-dessus? Je veux juste mesurer dans le fond en quoi c'est vraiment partagé, cette opinion-là, par l'ensemble des juristes.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, écoutez, je ne peux pas vous dire pourquoi le Barreau n'est pas là. Je sais que le Barreau, habituellement ils sont là pour vérifier le travail des avocats versus la population, et ils n'ont pas décidé de s'impliquer dans le dossier, alors je ne peux pas parler pour eux. Moi, tout ce que je peux vous dire, c'est que, moi, je côtoie beaucoup de criminalistes au Québec, et la majorité... pas la majorité, tous ceux que je rencontre sont de la même opinion que moi, et on aurait donc aimé pouvoir avoir les moyens d'attaquer ce 30 jours là avant aujourd'hui, et on ne l'a pas fait. Alors, l'État, voyant que les bons citoyens du Québec acceptent les provisions ? «provisions», c'est anglais, là ? mais les articles à mon avis inconstitutionnels, aujourd'hui décide que, ah! on ne se plaint pas, on continue. On va élargir encore et bafouer, si vous me passez l'expression, bafouer le principe qui est bien établi, qui est clair. Et ce n'est pas parce que, dans d'autres pays, on bafoue ce principe-là qu'on devrait le faire ici. Il y a une présomption d'innocence, et sentencer quelqu'un avant qu'il ait le droit de se défendre...

Et je reviens à mon exemple, monsieur. Quand je vous dis que je défends un individu sur une faculté affaiblie, un homme d'affaires, par exemple, qui gagne sa vie avec son véhicule, et qui, pendant 30 jours, est privé de son véhicule, et qui par la suite est acquitté, comment peut-on, juridiquement parlant, penser que c'est correct de l'avoir sentencé, de l'avoir privé de son droit de conduire, qui est un droit pour lui, pendant 30 jours alors qu'il est acquitté de l'infraction? Nous, les criminalistes, on a de la misère à comprendre et à accepter ça.

n (11 h 30) n

M. Ouimet: Sauf que, comme vous le disiez tantôt, il n'y a pas de jurisprudence, ni au Québec... Et je ne sais pas si vous avez vérifié la jurisprudence au niveau des autres provinces canadiennes. Vous l'avez vérifié, il n'y a pas de jurisprudence.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de... Il n'y a personne à ma connaissance, là, au Canada... parce que j'imagine que je l'aurais su, parce qu'à ce moment-là on aurait pu s'en servir comme précédent dans d'autres dossiers.

Mais, vous savez, la difficulté de ça, c'est que, quand, par exemple, un individu est arrêté à minuit le soir, appelle son avocat le lendemain puis il dit: Écoute, j'ai perdu mon permis pour 30 jours, qu'est-ce qui arrive?, bien, monsieur, c'est la loi comme c'est là, il faut l'attaquer, hein, on ne peut pas dire que... elle est là. Alors, voulez-vous attaquer la loi? Vous allez comparaître dans deux mois. Là, on va s'occuper de votre faculté affaiblie à la cour, on va comparaître pour vous, puis on va fixer une date de procès, puis on verra. Mais, au niveau du 30 jours, oui, monsieur, on peut faire une requête pour casser cet article de loi là, mais ça va prendre des mois et des mois, et on explique ça à notre client ? et beaucoup d'argent ? et il n'y a personne qui veut y aller. Alors, le bon citoyen dit: Correct, on va accepter ça.

Mais on va aller jusqu'où? Jusqu'où, à un moment donné, on va dire: Bien là, pour le bien-être de la population, pour la sécurité... Jusqu'où on va aller? C'est ça, ma crainte là-dedans, jusqu'où on va aller dans le problème de mettre de côté cette présomption d'innocence là, hein? Quand on dit: On arrête quelqu'un... Et quel genre d'appareil on va avoir? Je me questionne sur l'appareil qu'on va avoir dans l'automobile pour vérifier si le gars teste 50 mg ? quand je dis «le gars», la personne ? 50 mg, 55, 60. Je me questionne là-dessus alors qu'on sait, et tous les chimistes-biologistes vont le dire, qu'il y a 10 mg d'erreur sur les machines au poste de police. Alors, quelle machine on va avoir sur les lieux? Alors, l'individu teste 55 mg et dans le fond il teste 45 mg, vous me comprenez, hein, parce qu'il y a 10 % de marge d'erreur dans les meilleures machines. Alors, il teste 45 mg et il va perdre son permis 24 heures alors qu'il est innocent complètement, même en fonction de votre loi. Alors, c'est dangereux.

M. Ouimet: On me signale, Me Rancourt, qu'il y a eu un jugement favorable à la suspension administrative au Canada, plus particulièrement en Alberta, qui appuyait le 90 jours. Ce qu'on me dit, c'est que c'est une question qui a été réglée depuis de très nombreuses années.

M. Rancourt (Jean-Pierre): J'aimerais avoir le jugement. Vous me parlez probablement d'un jugement d'une cour... De l'Alberta, vous dites?

M. Ouimet: De l'Alberta. Je ne sais pas si c'est en cour...

M. Rancourt (Jean-Pierre): Mais qui n'a pas été en appel parce que justement, comme je vous dis, on n'a pas les moyens d'aller en appel, hein? Le citoyen n'a pas les moyens d'aller en appel, alors...

M. Ouimet: Quand même...

M. Rancourt (Jean-Pierre): Non, non, mais ce n'est pas un jugement de la Cour suprême...

M. Ouimet: Non, non. D'accord.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Moi, quand je parle d'un jugement, là, en inconstitutionnalité d'une loi, on parle de la Cour suprême. Qu'il y ait un jugement territorial ou de l'Alberta, d'une cour municipale, on ne peut même pas s'en servir ici, au Québec. Alors, ça ne m'impressionnera pas.

M. Ouimet: Mais, à mon point de vue, on ne peut pas prétendre, parce que selon vous il y a absence de jurisprudence, que ça viole la charte. On peut tout aussi bien prétendre que ça respecte la charte puisqu'il n'y a pas de jurisprudence.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, ça dépend comment on...

M. Ouimet: L'argument a contrario demeure tout à fait valide.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Non, bien, moi...

M. Ouimet: Et ce qui m'étonne beaucoup, c'est que, dans l'ensemble des provinces canadiennes, les mesures sont en application depuis 15 ans, 20 ans, ça n'a jamais été testé devant les tribunaux. Il y a sûrement quelqu'un de bien nanti qui s'est fait prendre avec une infraction, qui aurait voulu tenter d'aller jusqu'au bout du processus, qui ne l'a pas fait.

M. Rancourt (Jean-Pierre): En tout cas, moi, je n'en ai pas rencontré puis j'en ai défendu, des biens nantis. Je peux vous dire que j'en ai eu qui étaient extrêmement bien nantis. Mais, prendre 50 000 $, 60 000 $, 75 000 $, 100 000 $ alors que le 30 jours est terminé puis amener ça à la Cour suprême, je ne vois pas grand citoyens au Canada qui vont faire ça. Heureusement, si on pouvait en avoir un, on le ferait.

Mais je reviens à votre idée. Vous dites: Ça peut être d'un côté comme de l'autre. Il y a un principe qui existe en droit criminel et en droit pénal, qui est la présomption d'innocence. Elle existe. Alors, je ne peux pas comprendre votre raisonnement en disant: Bien, vu que ça n'a pas été testé, en fonction de la Charte canadienne, ça peut être accepté. Non, non. La présomption d'innocence, elle existe, et ce n'est pas parce qu'elle n'est pas testée qu'on dit: Ah! bien, dans le cas du Code de sécurité routière, si on pénalise quelqu'un avant jugement, bien ce serait correct parce que ça n'a pas été testé. Je ne peux pas suivre ce raisonnement-là.

M. Ouimet: Moi, ce que je dis, c'est que la présomption d'innocence semble être respectée parce que ça n'a jamais été contesté devant les tribunaux, et ça fait 20 ans, 25 ans que ça existe. C'est ça qui est ma prétention. Mais j'accepte de diverger d'opinion avec vous. Merci.

M. Rancourt (Jean-Pierre): C'est pour ça qu'on est là.

Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Blainville.

M. Gingras: M. le Président, tout d'abord remercier Me Rancourt de sa présence ce matin pour éclairer la commission sur les projets de loi qu'elle s'apprête à adopter.

Juste rectifier quelque chose, si vous permettez, Mme la ministre. Quand vous avez parlé effectivement du 0,05 et de la recommandation de la table de concertation, vous savez fort bien, Mme la ministre, que le 0,05 n'est pas une recommandation de la table de concertation des 41 organismes mais bien une décision que votre ministère a prise. Ça ne se retrouve pas... Il y a cinq mesures que la table de concertation nous recommandait, que vous n'avez pas cru bon retenir à l'intérieur de votre projet de loi. Et c'est la même chose pour le cellulaire au volant.

Je vous entendais tantôt, maître, dire qu'il faut viser les bonnes cibles et qu'effectivement entre zéro et 0,049 c'est 10 % des gens qui sont interceptés. Entre 0,05 et 0,08, c'est 6 %. Si on se fie juste aux chiffres, là, ça veut dire: après avoir pris une bière, il faudrait peut-être en prendre une deuxième pour être plus apte à la conduite. Mais ce que vous dites, c'est effectivement 84 % de gens qui conduisent avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08. Et je vous cite une étude de Beirness et al. en 2005 qui disait: Au Canada, 84 % de tous les déplacements où le conducteur dépasse la limite légale de CAS sont réalisés par moins de 3 % des détenteurs de permis de conduire. Donc, il faudrait effectivement viser la bonne cible.

Mme la ministre, et sans agressivité, Me Rancourt m'a ouvert les yeux à l'effet que de laisser le policier user de sa discrétion... Mme la ministre, je n'ai pas de chauffeur, je ne peux pas dormir à l'arrière de mon véhicule, mais...

M. Ouimet: M. le Président, question de règlement. Le ton, il est cordial. Le député de Blainville a souhaité que les débats se fassent dans une certaine harmonie. Moi, je l'invite tout simplement à ne rien provoquer ici. On est ici pour entendre des témoins qui viennent s'exprimer sur le fond d'un projet de loi.

M. Gingras: ...M. le Président, mais il n'a pas à juger mon opinion.

M. Ouimet: Avec respect, cher collègue.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Blainville, je vous demande juste d'avoir de la prudence avec vos mots.

M. Gingras: D'accord. Donc, M. le Président, je suis atteint de sclérose en plaques et je ne sais pas si vous m'avez vu marcher, mais effectivement il y a des gens qui des fois disent que j'ai peut-être pris un petit verre, que je marche peut-être croche. Et effectivement, si un policier m'intercepte, s'il me demande de débarquer de mon véhicule, je vais être le premier à perdre mon permis pour 24 heures parce que je ne pourrai sûrement pas réussir les tests d'aptitude du policier, pas parce que j'ai pris un verre, pas parce que j'ai plus de 0,05, parce que ma mobilité effectivement peut être difficile. Et votre témoignage est à l'effet qu'effectivement un jugement avant procès pourrait me pénaliser sans être jugé. Est-ce que vous pourriez commenter un peu?

Le Président (M. Bergman): Me Rancourt.

M. Rancourt (Jean-Pierre): C'est exact. Et, moi, j'ai eu l'expérience... Je travaille beaucoup avec des biologistes-chimistes qui témoignent dans nos causes et qui font des expériences. On voit des gens à 175 mg qui n'ont aucun problème de démarche alors qu'on va voir quelqu'un à 100 mg avec un problème de démarche. On va voir quelqu'un qui n'a pas pris de boisson qui va avoir un problème de démarche.

Mais je veux revenir sur votre 0,05, 0,08. Mon chimiste-biologiste, lui, il a l'opportunité de tester en laboratoire des centaines, voire des milliers de candidats par année parce que, dans notre preuve de défense contraire, après avoir une évaluation sommaire, on demande à notre client de se présenter chez le biologiste-chimiste pour être testé en laboratoire pour savoir comment il élimine, à quelle fréquence il va éliminer, à 15 % à l'heure, 10 %. Alors, c'est important. Mais, lui, il les teste, il fait prendre de l'alcool, il va les tester avec des prises de sang. Et je jasais encore avec lui hier pour être bien sûr de ce que je vous dis aujourd'hui. Il dit: Écoute, entre zéro et 80 mg, on n'en voit pas, de symptôme, nous autres. O.K.? Je ne dis pas que, dans des cas particuliers, il n'y aura pas quelque chose qui va se passer. Et là il dit: Si vous prenez un jeune de 14 ans qui n'a jamais pris une bière de sa vie, qui teste 0,05, bien peut-être que son jugement ou sa vision va être altéré un peu. Mais ça, c'est, hein... On sait qu'à 16 ans, 17 ans ils ont des permis, c'est zéro tolérance. Alors ça, c'est viser tellement une minorité que la majorité de la population entre zéro et 0,08 n'ont pas de symptôme et n'ont pas aucun problème de vision et de jugement, ils ne sont pas altérés.

Peu importent les études qu'on veut bien nous amener, moi, je pense que c'est sur le terrain qu'on le voit, et ces biologistes-là... D'ailleurs, si on prenait des biologistes qui sont payés par la couronne, ils vous diraient la même chose. Alors, entre zéro et 0,08, il n'y en a pas, de symptôme pour 95 % de la population, à mon avis.

n (11 h 40) n

M. Gingras: Merci, maître.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Blainville.

M. Gingras: Pour le droit du policier de retirer... entre 0,05 et 0,08, on sait que le Code criminel, c'est 0,08. Est-ce que l'utilisation fréquente, où plusieurs personnes sont interceptées à moins de 0,08, va pouvoir mettre en péril même le 0,08 au niveau de la Cour supérieure ou la Cour suprême?

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, écoutez, là, on est un peu en attente du projet de loi C-2 de M. Harper, qu'on est en train d'étudier aussi, qui va probablement changer bien des choses sur le 0,08, là, et plus. Mais je ne pense pas que ça change grand-chose là-dessus, à mon avis.

M. Gingras: Et parlez-nous du projet de loi, là, qu'on est en attente.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Le projet de loi C-2, particulièrement au niveau de la défense, au niveau de l'ivressomètre... Parce qu'on sait qu'il y a une machine qui s'appelle... Bon, peu importe, là, il y en a plusieurs, mais on appelle ça un ivressomètre, en gros, là, et, cette machine-là, dans le moment il y a une présomption que, lorsqu'elle nous dit, par exemple, que l'individu teste 110 mg, elle est en bon état de fonctionnement. Il y a une présomption, présomption que la défense peut, par une preuve contraire, contrer. Alors, dans le moment, on fait une preuve contraire avec le témoignage de l'accusé et le témoignage de l'expert, l'expert s'appuie sur l'accusé, sur son témoignage, sur sa consommation, et le juge, s'il croit la version de l'accusé, sur sa consommation, bien, à ce moment-là, peut acquitter l'individu. Alors, le projet C-2 veut enlever ça et forcer l'accusé à démontrer que la machine, l'ivressomètre, au moment où on l'a testé, ne marche pas, était en mauvais état de fonctionnement, et, une fois qu'on aura prouvé ça, maintenant on pourra faire notre preuve contraire.

Alors, comment ça va se faire? Ça veut dire... D'ailleurs, on est en train, à Montréal, de vérifier, plusieurs criminalistes, on essaie de voir comment on va réagir à ça. Alors, il va falloir saisir les machines. Alors, comment on va faire ça? Vous m'appelez à minuit, le soir. Vous me dites: Je viens d'être arrêté, je dois souffler dans l'ivressomètre. Parfait, monsieur. Immédiatement, il y a une mise en demeure qui va être envoyée au poste de police, on va saisir les machines pour les faire évaluer. Ça va être de cette façon-là.

Je ne suis pas certain que ça va passer. J'espère que ça ne passera pas, mais j'ai peur un peu que ça passe, parce qu'on a entendu parler que M. Harper avait dit aux libéraux que, si ça ne passait pas au complet comme ça, il y aurait peut-être des élections. Alors, en tout cas, on verra. Mais ça, en gros, c'est ce qui s'en vient. Il y a beaucoup, beaucoup d'autres articles dedans, mais ce qui nous concerne, nous autres, au niveau de l'ivressomètre, c'est ça.

M. Gingras: Merci. Quels sont les autres problèmes dans le projet de loi que vous avez notés tantôt? En début de votre intervention, vous avez dit: Il y a plusieurs problèmes, là. Le cellulaire au volant, faire la preuve de ça, là...

M. Rancourt (Jean-Pierre): Le cellulaire au volant, c'est une question de preuve encore. Évidemment on ne peut pas être contre la vertu. Est-ce qu'il va y avoir une grosse différence ? moi, je ne suis pas spécialisé là-dedans ? une grosse différence d'attention, par exemple, si vous avez votre Bluetooth ou si vous avez l'appareil... C'est sûr qu'à prime abord on va se dire qu'on est toujours mieux d'avoir deux mains pour conduire que d'en avoir une, mais le fait de permettre quand même d'avoir le Bluetooth ? moi, j'appelle ça le Bluetooth, là, le mains-libres ? est-ce que ça va changer dans l'attention portée par l'individu lors de sa conduite? Je ne le sais pas. Je n'ai pas de commentaire davantage là-dessus.

M. Gingras: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Concernant les cellulaires au volant, moi, je me demande, comme quelqu'un qui va arriver en cour, comment ça va se défendre. On va avoir les cellulaires... Mettons, les chauffeurs de van, les chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de taxi, les policiers, les pompiers, tous les services d'urgence ont des cellulaires, ont des appareils pour être rejoints n'importe quel temps, et le simple citoyen qui va vouloir utiliser un cellulaire, lui, va être pénalisé? Tous les autres organismes publics ou qui rendent des services, ils vont être libérés de cette loi-là? Comment ça va se défendre, ça, en cour?

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, on ne pourra pas probablement, là, aller aussi loin que je disais tantôt, de dire que c'est inconstitutionnel. Je ne pense pas qu'on puisse aller là. Je pense que, nous, en tant que criminalistes, ce qu'on va faire, c'est qu'on va les prendre cas par cas, hein? Ça va être une question de preuve. Est-ce que les policiers sont capables de prouver que l'individu avait le téléphone cellulaire? Est-ce qu'on va prendre une photo à ce moment-là? Je ne pense pas. Ça va être une question de crédibilité. C'est la même chose que la ceinture de sécurité, hein? Moi, j'ai fait des causes où l'individu disait: Je la portais, ma ceinture, puis j'avais un chandail bleu, ma ceinture est bleue, puis le policier ne l'a pas vue, tu sais. Alors, ça peut être une défense. Mais, au niveau du cellulaire, ça va être une question de preuve, à ce moment-là, que les policiers devront faire.

M. Grondin: Mais, si on compare le cellulaire, les chauffeurs de camion, qui ont tous des CB, qui communiquent entre eux autres, c'est aussi dangereux que le cellulaire, là. Je ne vois pas quelle différence qu'on peut apporter. Si on enlève les cellulaires au volant ou... laisser les mains-libres, ça veut dire que, tous les autres appareils qui peuvent déranger ou qu'on peut prendre dans nos mains, dans un véhicule, il va falloir tous les enlever.

M. Rancourt (Jean-Pierre): C'est parce qu'on va prétendre que, le chauffeur de camion, c'est dans le cadre de son travail, hein? Il a besoin de ça, puis c'est dans le cadre de son travail. Je suis bien d'accord, mais, moi aussi, c'est dans le cadre de mon travail quand je voyage parce qu'il faut que je fasse des entrevues à la radio ou... Parler aux journalistes, ça fait partie de ma job. Il faut que je parle à mon client, c'est ma job. Alors, pourquoi, moi, en tant que citoyen, dans mon véhicule, je n'aurais pas le droit de ça, alors que le camionneur a le droit? Ou bien donc il n'y a personne qui en a, hein, à moins que ce soit l'ambulancier ou le policier. Mais je pense qu'il faut faire attention à la discrimination dans ce dossier-là.

M. Grondin: Je dois vous dire que ça fait partie de notre job aussi, comme députés, le cellulaire dans nos autos.

J'aurais aimé savoir, moi: Aujourd'hui, là, la loi d'aujourd'hui, à 0,08, les gens qui ont beaucoup d'argent, est-ce qu'ils peuvent déjouer le système ou, à un moment donné, être capables de passer par-dessus la loi? Parce que, ça, on entend dire ça souvent: Si tu te fais arrêter à 0,08 et plus, si tu as 10 000 $ pour te défendre, tu vas le garder, ton permis. Celui-là qui n'a pas d'argent, il passe dans le beurre.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Non, ce n'est pas vrai. Je vais vous dire d'où ça vient, là, parce que je sais ça vient d'où. Oui, si vous avez de l'argent, vous allez pouvoir vous payer le meilleur avocat et vous allez pouvoir vous payer le meilleur expert. Mais vous n'allez pas payer le procureur de la couronne, vous n'allez pas payer le juge. O.K.? Et je vais vous dire d'où ça vient. Il y a des cas où l'individu teste, par exemple, 100 mg, aucun symptôme, O.K., et là, la veille du procès, l'avocat parle avec le procureur de la couronne puis il dit: Écoute, tu sais, M. le juge qui est sur le banc, là, il va l'acquitter, hein? Tu as 100 mg, on a une preuve contraire. Alors, on soumet la preuve contraire par écrit au procureur de la couronne, et le procureur de la couronne dit à l'avocat à 4 heures de l'après-midi: Parfait, écoute, ça ne vaut pas la peine de se battre; demain, je laisse tomber. Et là l'avocat...

Ce n'est pas moi, là, hein? Mais il y a eu des avocats qui ont abusé de ça en disant à leur client: Regarde, ça va coûter 5 000 $ de plus parce que je suis après m'arranger, là. O.K.? Mais ce n'est pas vrai, il n'y a pas d'arrangement, et ça, je le dis à mes clients, il n'y en a pas, d'arrangement avec la couronne. Ça existait, ça, il y a 30 ans, quand il y avait des procureurs de la couronne ad hoc, hein, parce que les procureurs de la couronne n'étaient pas nommés comme aujourd'hui. Ça pouvait exister, mais ça n'existe pas aujourd'hui, d'aucune façon. Alors, l'argent, oui, pour un avocat puis un chimiste-biologiste, mais ça ne change rien dans votre défense que vous allez amener à la cour.

Le Président (M. Bergman): Merci, M. le député. M. le député de Beauharnois.

M. Deslières: Merci, M. le Président. M. Rancourt, bienvenue. Ce matin, dans le fond, vous venez nous rappeler, à nous qui siégeons au Parlement, que nous sommes dans une société de droit et que par le passé on a adopté certaines lois qui allaient déjà à l'encontre du principe de présomption d'innocence, et ce que vous venez nous dire ce matin, c'est que, si éventuellement les deux projets de loi étaient adoptés, vous amplifiez tout ce principe de la présomption d'innocence, et là le projet de loi dans le fond est sur la mauvaise cible, est de mauvaise tendance, et nous poursuivons ce premier faux pas, s'il y en a eu dans d'autres législations. C'est ce que vous venez nous rappeler, là, qu'on s'est battus pour une société de droit, qu'il y a un principe de présomption d'innocence et que, ça, on fait fausse route avec certaines mesures de ce projet de loi là.

M. Rancourt (Jean-Pierre): Absolument. C'est dangereux. Moi, je me questionne parce que c'est dangereux d'ouvrir la brèche encore plus et en ciblant la mauvaise cible, hein? 0,05, c'est la mauvaise cible. Ce n'est pas ça qu'il faut attaquer, c'est celui de 160, 180 et 200. Alors, je pense qu'il y a un juste milieu à faire, avec une loi comme ça, pour protéger le droit individuel de chacun des citoyens du Canada et du Québec et en même temps la protection du public.

M. Deslières: Pour s'attaquer à ce que vous dites, les alcooliques, les récidivistes, tout ça, vous avez, vous, là, des solutions que vous voudriez voir apparaître dans le projet de loi, qui n'apparaissent pas?

n (11 h 50) n

M. Rancourt (Jean-Pierre): C'est très difficile. Je vais vous dire que l'expérience nous démontre... Moi, j'ai des clients, on a tous des clients, des alcooliques. Eux autres, là, ils vont en prison, et pas nécessairement parce qu'ils ont eu un accident, mais ils se sont fait reprendre trois, quatre, cinq, six fois. Il n'y a rien à faire avec l'alcoolique. Il n'y a rien à faire. Que ce soit la sentence qu'on lui enlève son permis, qu'on lui enlève son char, il va reconduire. Ça, c'est un problème important de société, hein, qui ne se réglera pas à mon avis avec des mesures coercitives dans une loi comme ça. Il faut aller plus loin, hein, à d'autres niveaux. Alors, c'est eux autres qu'il faut «targeter» et aussi ? je termine là-dessus ? ceux qui ne sont pas alcooliques nécessairement mais qui se foutent de la loi et qui se promènent avec 120 mg, 130 mg, 140 mg. C'est eux autres aussi qu'il faut «targeter». Comment? Par des sentences plus importantes.

Quand j'ai commencé à pratiquer, c'était 50 $ d'amende pour la première infraction, et on ne perdait pas son permis. Le juge disait à monsieur: Vous travaillez, je vous donne un permis restreint immédiatement. Aujourd'hui, c'est un an de perte de permis. Vous êtes camionneur, vous n'avez pas d'antécédent judiciaire, vous avez 10 enfants à nourrir et vous dites au juge: Si je perds mon permis pour un an, ma famille s'en va sur le bien-être, et le juge dit: Écoutez, je n'ai pas le choix, c'est le minimum. Ça, ça fait mal. Ça, ça fait mal et ça, ça dit à tout le monde de faire attention. C'est pour ça qu'aujourd'hui les gens vont dans des partys de plus en plus avec des «designated drivers», vont là, ils s'organisent. On voyait l'article dont je vous ai parlé ce matin. Alors, c'est ça qui fait en sorte à mon avis qu'on va éduquer les gens à ne pas prendre leurs véhicules avec de la boisson.

M. Deslières: Mais, pour ce faire, M. le Président, M. Rancourt, est-ce que vous croyez, vous... Vous voyez, vous pratiquez votre métier depuis des dizaines d'années. Est-ce que vous croyez qu'actuellement les forces policières sont en assez grand nombre pour, exemple, solutionner cette partie de notre problématique en termes de sécurité routière, les récidivistes, les alcooliques, tout ça? Je veux dire, est-ce que vraiment, là, on est en mesure de faire face et vraiment de corriger... Parce qu'on veut bien faire faire le... mais, s'ils ne sont jamais arrêtés, il n'y a pas de suite.

M. Rancourt (Jean-Pierre): C'est évident qu'il faudrait plus de forces policières, et surtout aux heures où ça arrive, ça, parce qu'à part de M. le juge, là, c'est rare que c'est à 4 heures de l'après-midi que ça arrive, hein? C'est habituellement le soir, hein, à la sortie des bars, à partir de 11 heures jusqu'à 3 heures, 4 heures. Moi, j'ai des alcooliques qui m'appellent à 5 heures du matin, ils viennent de se faire arrêter, 6 heures du matin. Comment ça se fait, tu sais? Bien oui, c'est ça. C'est eux autres. Puis c'est drôle que les forces policières sont surtout là le matin, hein, puis, le soir, rendu à cette heure-là, il y en a moins. Quand je parle... dans les petites localités. Alors, c'est sûr que plus on aura de la présence policière dans ces heures stratégiques là, c'est une solution qui va aider.

M. Deslières: Ma dernière question avant de passer la parole à mon collègue: M. Rancourt, est-ce que vous jugez, entre guillemets, anticonstitutionnelle la présence de photoradars sur nos routes?

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, écoutez, ce que je juge non constitutionnel là-dedans, c'est le fait de trouver quelqu'un coupable qui n'a pas commis d'infraction. Ça dépasse l'entendement, hein? Et on va dire comme Mme la ministre l'a dit tantôt, ce n'est pas grave, c'est juste le Code de la route puis c'est juste des petites sentences. Non, il n'y a pas de petite sentence. Que ce soit une peine d'emprisonnement ou que ce soit la révocation d'un permis, c'est aussi important pour l'individu lorsqu'il n'est pas coupable de ça. Alors, il est clair que le propriétaire de l'auto qui n'a pas commis le crime ? j'appelle ça un crime ? il va être déclaré coupable.

Et là on amène, pour régler ça, un système de délation. Je n'aime pas tellement ça. Mais on va plus loin: un système de délation où le conducteur n'aurait plus le droit de se défendre. Vous savez, ce n'est pas parce que vous êtes accusé que vous êtes coupable, hein? J'espère qu'on comprend ce principe-là. Alors, l'individu qui est le conducteur pour lequel on dirait qu'il a commis une faute ? excès de vitesse ? et qui dirait: Non, non, je suis innocent de ça, n'aurait pas le droit d'aller se défendre. C'est un principe de droit qu'on dirait: Vous, le conducteur, vous n'avez plus le droit d'aller vous défendre parce que, si vous vous défendez et vous gagnez, le propriétaire, lui, il est trouvé coupable. Il n'y a pas de crime de commis, le propriétaire est trouvé coupable. C'est là, l'inconstitutionnalité. Qu'on ait des cinémomètres et qu'on puisse identifier le conducteur avec ça, puis qu'on puisse pénaliser le conducteur après qu'il a eu droit à son procès, je n'ai pas de problème avec ça.

Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.

M. Ferland: Merci, M. le Président. Merci, M. Rancourt, pour votre présentation. Je reviendrais au début parce que vous vous attardez sur des éléments importants, là. On parle de cinémomètres, photoradars et la question de présomption d'innocence, ces choses, les droits, la charte des droits de la personne. Dans l'ensemble, dans le projet de loi, il y a 23 recommandations, je pense, si je ne me trompe pas. Outre celles que vous soulevez, les autres recommandations, est-ce que le projet de loi serait acceptable ou... de modifier ou de remplacer ces éléments-là qui à votre avis font de ce projet-là un projet inconstitutionnel ou irrecevable par rapport aux droits de la personne?

M. Rancourt (Jean-Pierre): Je vais vous répéter comme j'ai dit un peu tantôt: tout ce qui concerne l'augmentation des sentences, hein, des amendes, des points, etc., je n'ai aucun problème avec ça. Mais, à chaque fois qu'on va punir quelqu'un avant même son procès, j'ai un problème. Donc, si on amende ça, si on enlevait ça et si on punissait davantage celui qui est coupable à la fin, je n'aurais pas de problème.

M. Ferland: Parce que vous arrivez un peu à la même conclusion... on a reçu d'autres groupes ou personnes qui ont déposé des mémoires hier. Et je reviens aux policiers parce qu'eux étaient contre aussi, mais pas pour les mêmes raisons, eux veulent plus de ressources. Mais vous les rejoignez un peu parce que vous dites: Oui, c'est vrai, ils ont raison, s'il y avait plus de ressources... Parce qu'au lieu d'aller vers l'arbitraire, où on pénalise encore... À mon avis, on pénalise encore une fois la population moyenne ou les gens et on n'attaque pas le vrai problème, les récidivistes, ceux que ça fait six, sept, huit puis 12 fois que... Et vous les appeliez tantôt les incorrigibles, vous avez raison là-dessus. Donc, à ce moment-là, est-ce qu'on devrait plutôt aller vers plus de moyens de sensibilisation, d'information, d'éducation que des moyens arbitraires, à ce moment-là?

M. Rancourt (Jean-Pierre): Oui, je pense qu'il faut avoir un juste milieu entre l'éducation et la punition, hein? La punition est très importante. Et je reviens, même si je suis avocat de défense...

Une voix: ...

M. Rancourt (Jean-Pierre): Non, non, la punition, surtout dans ce genre de dossier là, est le début de l'éducation des gens. Alors, oui, les punitions peuvent être beaucoup plus importantes, que ce soit au Code de la route ou au Code criminel. D'ailleurs, ça s'en vient, ça va être de plus en plus important au Code criminel. Ça, ça va éduquer les gens. Mais «targetez» les bons là-dedans. Et, quand on parle de 0,05, je pense qu'on se trompe complètement de cible, et, moi, c'est pour ça que je suis contre ça.

M. Ferland: Est-ce que j'ai le temps?

Le Président (M. Bergman): M. le député d'Ungava.

M. Ferland: Oui. Tantôt, vous avez parlé de... je ne me rappelle plus comment vous l'avez nommé, le projet de loi au fédéral.

Une voix: C-2.

M. Ferland: O.K., C-2. Et c'est important, ce que vous avez dit. À ce moment-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu pour nous, ici, comme députés, peut-être d'attendre si ce projet-là, au fédéral, va être adopté? Et ça va avoir un impact, là, majeur sur... Si on adoptait aujourd'hui, tel qu'il est, le projet de loi, là, ou les projets de loi, dans ce sens-là, on aurait un problème, tout à l'heure, à...

M. Rancourt (Jean-Pierre): Bien, écoutez, peut-être pas parce que le Code de la sécurité routière, c'est un, puis le Code criminel, c'est deux. Je ne pense pas que ça peut interférer l'un dans l'autre. Je ne vois pas grand problème là. Comme je vous disais, au niveau des facultés affaiblies ? parce que c'est là-dessus que je me suis attardé le plus ? c'est au niveau de la défense, qui n'est plus là. D'ailleurs, nous, on va attaquer la constitutionnalité de ça parce qu'on ne peut pas priver un citoyen d'une défense. Avec ça, on prive le citoyen, on dit: Il y a une machine, tu es coupable, bonjour, c'est fini.

M. Ferland: Mais vous allez régler le problème, vous allez saisir les ivressomètres, tantôt. Les policiers ne pourront plus faire leur job, là, ils ne pourront plus faire souffler la...

M. Rancourt (Jean-Pierre): Non, non. Je n'ai pas dit ça. Vous l'avez interprété comme ça. Moi, j'ai dit qu'on saisirait les machines. Ça ne veut pas dire qu'ils ne pourront pas en acheter d'autres.

Le Président (M. Bergman): Merci.

M. Ferland: Moi, je n'ai plus de question, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci. Me Rancourt, merci pour votre contribution.

Et je demande les gens de CAA-Québec pour prendre leur place à la table. Je suspends pour seulement quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

 

(Reprise à 12 heures)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à CAA-Québec. M. Lapointe, bienvenue. S'il vous plaît, identifiez les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivies d'un échange de 45 minutes avec les membres de la commission et Mme la ministre. M. Lapointe, c'est à vous.

CAA-Québec

Mme Landry (Paula): Ça va être moi qui vais... Bonjour. Alors, c'est moi qui vais faire la présentation, pour laisser par la suite les questions peut-être être dirigées à M. Lapointe. Je me présente, Paula Landry, je suis directrice de la recherche et des communications à CAA-Québec. Je vous présente donc les personnes qui m'accompagnent: Isabelle Godbout, qui est recherchiste-analyste à CAA-Québec, et M. Yvon Lapointe, directeur de la recherche automobile et de la sécurité routière à CAA-Québec toujours.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, bon midi. Alors, d'entrée de jeu, je pense qu'on ne peut que se réjouir que l'année 2007, de la sécurité routière, donc, se termine ainsi, c'est-à-dire par des mesures concrètes qui, combinées avec l'adoption prochaine, on le souhaite, de la nouvelle politique de sécurité routière du gouvernement, devraient faire en sorte qu'on voie vraiment une vraie différence au niveau de notre bilan routier québécois, différence attendue non pas seulement par l'ensemble des intervenants en sécurité routière, mais aussi par toute la population en général.

Alors, pour les fins de cette rencontre-ci, aujourd'hui, on a choisi de nous concentrer seulement sur certains points de la réforme proposée par le ministère des Transports dans son projet de loi n° 42, que nous estimons être les plus en lien avec les intérêts de nos membres et de la population automobile en général. Alors, nous n'avons malheureusement pas été en mesure de vous faire parvenir à l'avance copie de notre mémoire, donc je vais donc vous résumer pour l'essentiel les commentaires que vous y retrouverez. Je pense qu'il vient de vous être déposé.

Alors, d'abord, au niveau de la vitesse excessive, ici on ne peut que réitérer notre appui quant aux propositions de la ministre des Transports. On propose donc de doubler les amendes, on parle de doubler les points d'inaptitude, de suspendre immédiatement le permis pour sept jours, voire même un mois en cas de récidive. Alors, on pense que voilà de quoi qui devrait faire réfléchir ceux qu'on ne peut convaincre autrement. Le seul point qu'on désire rappeler dans tout ça, c'est que l'efficacité de toutes ces mesures ne sera vraiment au rendez-vous que dans la mesure justement où on aura mis en place une surveillance routière véritablement à la hauteur du projet.

Maintenant, l'alcool au volant, donc une des questions suscitant le plus de polémiques peut-être sur la place publique, on le constate. En fait, ça n'a jamais été une recommandation comme telle de CAA-Québec que de suggérer le 0,05. Cependant, on a toujours démontré notre intérêt pour toute mesure susceptible de changer les comportements des gens.

Par ailleurs, soulignons que, déjà en 2005, on s'intéressait à la question du 0,05. On a sondé l'opinion de nos membres sur la question, et déjà près de 60 % de ceux-ci s'étaient révélés d'accord avec l'idée d'avoir une suspension administrative de 0,05. D'abord, c'est sûr que ça peut apparaître contraignant, mais qu'on regarde le fait que ça n'entraîne pas de conséquences, tels amendes, points d'inaptitude ou ouverture de dossiers au criminel. En fait, quand on regarde bien le 0,05, c'est une mesure strictement administrative qui renforce en fait le choix qu'on a à faire entre boire ou conduire, et dans les faits, à CAA-Québec, c'est justement ce qu'on prône depuis longtemps: si on boit, on ne devrait pas conduire.

Le 0,05, ce que ça fait réellement, ça vise à dissuader, à influencer les gens au bon moment, à leur faire refuser le dernier verre avant la route, qu'on ne devrait pas prendre, à toujours remettre en question notre capacité de conduire, à ne pas prendre de chance, et c'est dans ce sens-là que nous donnons notre appui à la mesure.

On note qu'il y a peut-être une certaine confusion dans tout ça. La mesure est souvent associée aux conséquences pénales du 0,08. Alors, si on veut aller chercher un nouveau consensus social autour de cette nouvelle règle là, je pense qu'il s'agirait de bien faire comprendre aussi aux gens ce dont il s'agit, mais sans toutefois banaliser effectivement l'effet dissuasif que l'on veut donner à la mesure.

Ceci dit, même si M. Tout-le-monde ou Mme Tout-le-monde constituent la plus grande proportion des gens qui sont arrêtés pour conduite avec facultés affaiblies, il est important de dire qu'on ne met pas de côté pour autant les récidivistes et tous ceux qui présentent un taux d'alcoolémie très élevé, en fait moins nombreux mais très préoccupants pour CAA-Québec, ces personnes-là. Donc, on est satisfaits de constater que la réforme ne les a pas oubliés, au contraire. On insiste encore une fois ici sur l'importance de la surveillance routière à ce chapitre et sur la nécessité de barrages routiers toujours plus fréquents. Enfin, l'objectif n'est pas de prendre le plus grand nombre de personnes mais de plutôt donner l'impression qu'on peut se faire prendre. C'est ça qui est important.

Maintenant, autre point, le photoradar et les caméras au feu rouge. Déjà dès l'an 2000, lors de la présentation du livre vert par un précédent gouvernement, encore là, fort de l'appui d'une majorité de nos membres en ce sens, nous avions appuyé l'utilisation de ces nouvelles technologies de contrôle, quand la présence policière est impossible, cependant. Alors, déjà à l'époque, on préconisait que ça ne pouvait pas se faire n'importe comment, n'importe où, et notre appui demeurait conditionnel au respect d'un ensemble de conditions qui n'ont pas changé, qui sont toujours tout aussi importantes pour nous et qu'on retrouve à certains égards dans le projet de loi que le gouvernement vient de déposer.

Par exemple, pour nous, s'entend qu'on doit déployer ce type d'équipement seulement dans les endroits où le risque est important pour la sécurité routière, des endroits où la présence policière est impossible en raison de la configuration routière ou, voire, où ça peut constituer un danger même pour les policiers. On demande un affichage clair, un affichage qui prévient à l'avance. Il ne faut pas prendre les gens par surprise.

Une autre condition et non la moindre: une transparence complète sur la gestion et l'utilisation des amendes, des sommes perçues. Cette utilisation-là doit être destinée de façon exclusive à la sécurité routière, et c'est important. C'est une condition essentielle en fait pour assurer toute la crédibilité nécessaire pour aller chercher l'adhésion de la population. On parle d'un suivi administratif qui se doit d'être rapide et efficace. On demande aussi à ce qu'on puisse constater, en dehors des zones de radar, une présence policière efficace au cas où des gens auraient le goût finalement, après avoir traversé ces zones-là, d'enfoncer un petit peu l'accélérateur.

Donc, ça vous donne un exemple des conditions qui pour nous sont essentielles. On appuie le projet pilote et on l'appuie à condition évidemment qu'il n'y ait aucune exception pour quelque type d'usager de la route que ce soit, par exemple, au niveau de l'importance d'amendes, etc. Alors, tout le monde devra être traité de façon égale.

Il y a un point cependant avec lequel on a peut-être un petit peu de difficultés, c'est l'intention du gouvernement de donner accès aux municipalités à ces technologies-là. En fait, je m'explique, on a déjà prévu un encadrement au niveau de la loi, dans le projet de loi: contrôle des sites, des appareils, etc. Ça, ce bout-là, c'est prévu. Mais cependant on ouvre beaucoup la porte, d'entrée de jeu, ou on semble l'ouvrir, au fait que les municipalités pourraient, sur demande, pouvoir utiliser ces appareils. On pourrait même craindre une prolifération soudaine qui pourrait peut-être faire perdre le contrôle. En fait, ce n'est pas qu'on dit non, c'est qu'on dit que ça nous semble prématuré, à ce stade-ci.

On parle d'un projet pilote, présentement. Ce qu'on suggère, c'est de laisser celui-ci faire ses preuves, et on a une période de 18 mois pendant laquelle on va regarder aller les choses. Il va devoir y avoir des conclusions, on va regarder l'expérience qu'on en a eue. Si les résultats sont bons, à ce moment-là, dans une deuxième étape, là on pourrait évaluer la pertinence d'ouvrir ça plus largement à l'ensemble des municipalités puis de voir comment on va faire pour garder le contrôle sur tout ça. Alors, pour nous, ce serait bien qu'on se concentre sur les 15 sites que va déterminer Mme la ministre, et on pourra attendre par la suite.

Il est même possible que, dans le cadre du projet pilote, il y ait déjà une ou plusieurs municipalités qui y soient associées, par exemple dans le cas des tests reliés aux caméras radar. À ce stade-ci, on n'a pas de problème avec ça du tout, bien sûr. L'important, c'est que, dans le cadre de ce projet pilote là, toutes les sommes perçues soient destinées à des fins de sécurité routière. À cet égard-là, il faut souligner la création du fonds de sécurité routière, qui est une excellente démarche de transparence, quant à nous, quant à l'utilisation des amendes, ce qu'on veut en faire. C'est sine qua non pour la crédibilité du projet. Or, dans le projet de loi, ce qu'on peut lire cependant, c'est que les amendes provenant du milieu municipal seraient exclues de ce fonds-là. On peut comprendre que les municipalités désirent conserver de leur côté ces sommes-là, mais ce qu'on estime, c'est que, l'obligation d'affecter tous les revenus perçus au Québec grâce à des photoradars ou des caméras feu rouge, on doit retrouver ça de façon claire dans une législation et non seulement dans probablement des ententes éventuelles qui seraient signées entre les municipalités et le ministère. C'est une question éminemment importante de transparence pour nous et ça doit même commencer avec les projets pilotes si déjà des municipalités y sont associées.

Entre autres recommandations, on recommande qu'il y ait un comité permanent de suivi sur l'utilisation de ces technologies qui soit mis en place, par exemple, à l'image du comité aviseur sur l'implantation du photoradar qui va être mis par la Table québécoise de sécurité routière.

Donc, en conclusion, nos membres et le public en général semblent favorables, des sondages le confirment, mais il y aura toujours une perception négative à l'effet que le but de ça, c'est faire des revenus pour le gouvernement. C'est toujours latent. Il faut bien asseoir la crédibilité définitive de ces équipements en tant que des outils de sécurité routière, et c'est là le grand défi.

n (12 h 10) n

La question des cellulaires, maintenant. Alors, d'entrée de jeu, disons que, dans l'optique où le gouvernement se dirige vers une législation interdisant le cellulaire, nous trouvons que le projet en fait ne règle malheureusement qu'à moitié les choses. Pour nous, il aurait été souhaitable de lui donner une portée beaucoup plus large, c'est-à-dire d'inclure aussi le mains-libres parce que c'est prouvé que c'est la concentration liée à la discussion qui crée la distraction et non pas seulement le fait de tenir son combiné. Alors, à notre avis, d'ailleurs, c'est tout le grand phénomène de la distraction au volant en entier sur lequel il faut travailler. D'ailleurs, et vous l'avez peut-être vu, on vient de réaliser une étude sur la distraction au volant, où on a pu recueillir des résultats et des témoignages de personnes très révélateurs quant au fait que bien des gestes de la vie courante grugent de façon inquiétante la distraction lorsque l'on conduit.

Pour revenir aux cellulaires, pour terminer là-dessus, on peut comprendre qu'il puisse sembler difficile pour les policiers d'appliquer un règlement d'interdiction totale, mais on pense quand même que le projet actuel envoie un mauvais message à la population à l'effet que le mains-libres serait sécuritaire. On craint que ça engendre un faux sentiment de sécurité chez les individus. À la limite, on verra peut-être même plus de personnes qui vont utiliser un cellulaire au volant ou même parler plus longtemps sur leurs cellulaires, donc peut-être l'inverse du résultat recherché.

Enfin, l'accès à la conduite automobile, qui est une grande préoccupation chez nous. On est très, très actifs au niveau de la formation, la formation des jeunes, la formation en entreprise. M. Lapointe pourra d'ailleurs vous en parler davantage si vous le désirez. Alors, quoique le retour de l'obligation n'est pas en fait une recommandation directe ni de la Table de sécurité routière ni de CAA-Québec, nous nous rangeons derrière la décision du gouvernement de rétablir l'obligation de suivre un cours de conduite pour tout nouveau conducteur. Il va de soi que nous appuyons par ailleurs tout à fait le processus d'accès graduel à la conduite, tel que le propose le gouvernement aussi.

Cependant, telle que formulée dans le projet de loi, cette obligation de suivre un cours de conduite aurait cependant intérêt pour nous à être clarifiée parce qu'on laisse entendre que les futurs élèves pourront avoir le choix d'avoir suivi avec succès soit l'aspect théorique soit l'aspect pratique des cours de conduite, voire peut-être même en être exemptés. En fait, pour nous, tant qu'à faire revenir l'obligation des cours de conduite, c'est clair que ça va devoir s'appliquer à tous, tous, tous les aspects de la formation, tant les théoriques que les pratiques.

Autre point important, recommandation que l'on aurait à faire, c'est qu'on suggérerait au gouvernement d'attendre un peu pour mettre l'obligation en vigueur, attendre qu'on ait pu procéder à la révision en profondeur de toute la formation théorique telle qu'elle se donne actuellement. Ce n'est pas que la formation n'est pas bonne, mais ça fait longtemps que ça n'a pas été revisité, regardé. Il faut la faire évoluer pour aider à changer les comportements des jeunes conducteurs. En fait, il faut s'assurer qu'on ne leur inculque pas juste des connaissances, mais qu'on s'assure de leur inculquer aussi les attitudes nécessaires non seulement pour bien conduire, mais pour bien se conduire. Ça commence par là. Alors, cette réforme des cours de conduite est pour nous un préalable essentiel avant l'implantation de l'obligation.

Autre point, on suggère que la date d'entrée en vigueur de l'obligation soit fixée non seulement une fois que le nouveau programme de cours va être élaboré, mais aussi en fonction de tout le personnel, les instructeurs, les moniteurs, les gens qui vont former donc tous ces jeunes conducteurs là. Il faut leur donner le temps d'assurer leur propre formation, assurer une juste diffusion de tout ce nouveau programme là aussi, bien sûr.

Enfin, on devra aussi s'assurer, c'est important, de modifier, dans les meilleurs délais, les normes de reconnaissance des écoles de conduite afin de faire en sorte que les nouvelles écoles... Il y a des gens qui vont être intéressés à se lancer dans ce domaine-là, à offrir des cours de conduite. Il faut qu'on s'assure que toutes ces écoles-là disposent de l'infrastructure nécessaire, à commencer par des locaux adéquats et tout le personnel nécessaire pour bien dispenser la formation théorique et pour permettre aussi à l'ensemble des écoles qui existent déjà dans le milieu des écoles de conduite... leur laisser le temps de s'ajuster pour répondre à la demande nécessaire puis offrir un service de qualité.

Enfin, dernier point et point déterminant, les examens qui mènent à l'obtention du permis de conduite quant à nous devront aussi être revus, leur niveau de difficulté devra être rehaussé.

Alors, je pense que je suis dans les temps. J'arrête ici. Je vous laisse donc nous poser toutes vos questions, et spécialement à M. Lapointe, notre spécialiste des questions de sécurité routière à CAA-Québec.

Le Président (M. Bergman): Merci, Mme Landry. Mme la ministre.

Mme Boulet: Alors, merci, Mme Landry, M. Lapointe et Mme Godbout. Alors, merci d'être présents ce matin, devant la commission. Je voudrais également remercier le CAA-Québec d'avoir participé aux travaux de la Table québécoise de la sécurité routière depuis les tout débuts, d'avoir été un partenaire exceptionnel, un collaborateur. Assurément, vous nous avez apporté des éléments, là, qui vont être constructifs dans l'analyse de notre projet de loi.

Alors, je vais revenir spécifiquement sur quelques points. Vous avez parlé des cours de conduite, Mme Landry, et je veux vous dire que notre intention, c'est de revoir complètement la formule, le contenu. Ce qu'on veut ici par les cours de conduite, ce qui est important pour nous, c'est de rejoindre cette clientèle-là. Vous savez, les jeunes, c'est 10 % des titulaires de permis, et ils sont représentés à la hauteur de 24 % dans les accidents, 47 % pour la vitesse, 43 % pour l'alcool. Donc, pour moi, c'est important qu'on rejoigne ces jeunes-là, qu'on se serve de cette tribune-là pour les sensibiliser davantage aux problématiques de vitesse, d'alcool, de drogue, de fatigue, de témérité au volant. Alors, ils vont être revus complètement, les examens également. Alors, tant que ce ne sera pas prêt, tout ça, c'est certain, là, qu'on n'ira pas de l'avant. Il faut que ce soit très structuré, très encadré, et ça, on va faire ce travail-là. C'est un défi, mais je pense qu'on doit tous le relever, ce défi-là. Alors, je voulais juste d'une part vous rassurer.

Je suis contente de voir que le CAA est en accord avec la grande... en tout cas avec plusieurs des recommandations, plusieurs des recommandations qu'on trouve à l'intérieur du projet de loi. Je vais apporter également une petite précision pour l'accès à la conduite, parce qu'on parle des cours théoriques et pratiques. Alors, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a toujours des cours théoriques et pratiques pour tous les véhicules. Pourquoi on a mis l'un ou l'autre? Ça s'adressait aux cyclomoteurs. Alors, pour les cyclomoteurs, c'est des cours théoriques qu'on vient rendre obligatoires ici, alors qu'avant il n'existaient pas. Alors là, on rend obligatoire un cours théorique pour les cyclomoteurs. Alors, c'est l'élément nouveau, mais il n'y a pas de cours pratique pour ce qui est du volet du cyclomoteur. Alors ça, c'est une précision, là, je pense, qui mérite d'être apportée suite au questionnement que vous avez soulevé.

Moi, j'aimerais vous entendre, M. Lapointe ou Mme Landry, là, peu importe, sur la position du CAA par rapport aux pneus d'hiver, parce que l'opposition nous a posé cette question-là. Je sais que le CAA a une lecture, a des choses à dire par rapport à l'utilisation des pneus d'hiver. Est-ce qu'on devrait légiférer? Est-ce qu'on devrait obliger tous les utilisateurs ou une partie des utilisateurs, les locateurs de véhicules, les taxis, est-ce qu'on devrait obliger ces gens-là à se conformer à une règle, à une loi qui les obligerait à poser des pneus d'hiver?

M. Lapointe (Yvon): Bon, en fait, vous savez qu'il y a déjà eu un comité qui s'est penché sur la question de l'obligation du pneu d'hiver, un rapport a été publié à cet effet. Nous faisions partie de ce comité-là. Les conclusions du comité étaient à l'effet de ne pas rendre obligatoire le pneu d'hiver, de favoriser davantage la promotion de l'utilisation d'un pneu d'hiver, de vanter ses mérites, puis on sait que c'est très important.

Mais la contrainte ? et, nous, on a fait des tests aussi qui l'ont démontré ? la contrainte de l'obligation du pneu d'hiver, c'est que, s'il n'y a pas une loi qui vient encadrer la période de l'usage, beaucoup d'automobilistes, par souci d'économie, vont garder leurs pneus d'hiver en été, et les tests que nous avons démontrés, c'est que la distance de freinage en cas d'urgence peut être allongée jusqu'à 30 %. C'est une mesure très importante. Et, nous, on s'est dit, donc: On n'est pas contre le pneu d'hiver, on est très favorables, mais il faut s'assurer que, si on le fait, on ne déplace pas le problème, se retrouver avec des gens qui vont avoir des pneus aussi parfois très usés, des pneus d'hiver très usés en été parce que finalement ils ont fait quelques hivers, puis là on veut les terminer durant l'été, avant l'automne prochain, pour acheter des pneus neufs. Donc, il y a toute cette contrainte qu'il faut se pencher, puis je pense que c'est un sujet qui va revenir à la Table québécoise également. Donc, j'imagine que ce sera une occasion d'en débattre et de voir dans quelle mesure, si jamais il y avait une législation sur les pneus d'hiver, il y aurait lieu de l'encadrer de manière à s'assurer que, l'hiver, on est en sécurité, mais l'été aussi. Alors, c'est ça, la position que nous défendons là-dessus.

Mme Boulet: Et d'ailleurs c'est dans les sujets que la table devrait traiter ultérieurement, M. Lapointe, si je ne me trompe pas.

M. Lapointe (Yvon): Voilà. Oui.

n (12 h 20) n

Mme Boulet: Il y avait tellement de sujets qu'on ne voulait pas attendre trop longtemps pour faire des recommandations. Mais il reste des sujets sur lesquels la table va se pencher, là, à très court terme.

Je vais revenir sur le cellulaire parce que, Mme Landry, vous avez dit dans votre allocution que... Bon, on est très conscients, que ce soit le mains-libres ou que ce soit le cellulaire, le combiné, que les deux dérangent la concentration, que les deux affectent le champ de vision. On est très conscients que les deux ont cette problématique-là. Maintenant, à la table, je pense ? M. Lapointe pourra peut-être confirmer ? l'interdiction du mains-libres semblait difficile pour deux raisons essentiellement, un, pour certaines industries ou même certains types de véhicules d'urgence qui devaient utiliser cet outil-là dans leur travail au quotidien, et, deuxièmement, les corps policiers sont venus nous dire que de mettre en application une législation interdisant le mains-libres, c'était difficile pour un policier. Comment faire la démonstration ou la preuve que la personne parle à un mains-libres? Alors, c'est dans ce sens-là.

Il y a 50 pays à travers le monde qui ont légiféré sur le cellulaire. 48 d'entre eux sur les 50 ont légiféré seulement au niveau du combiné. Alors, on comprend que ce n'est pas parfait, par contre c'est un pas dans la bonne direction, et je pense que, si on rejoint un bon nombre d'utilisateurs qui vont cesser d'utiliser le cellulaire, le combiné, je pense qu'on aura déjà marqué un point au niveau de la sécurité routière. Alors, notre objectif à nous, c'est de sauver des vies humaines puis de se doter de tous les outils qui vont nous permettre d'atteindre cet objectif-là. Alors, je ne sais pas si c'est votre position par rapport au cellulaire, M. Lapointe.

M. Lapointe (Yvon): En fait, nous, on est conscients que le problème n'est pas entièrement réglé parce qu'on le sait très bien, et on l'a démontré encore récemment, c'est la conversation qui est le gros des problèmes. Le fait d'avoir une seule main au volant et de tenir le combiné à l'oreille, on est capables de contrôler la voiture quand même, de façon générale, sauf que, si on veut dire quelque chose d'intelligent quand on parle au cellulaire, c'est certain que ça nous demande de la concentration, hein? On va se concentrer sur ce qu'on est en train de réfléchir et de discuter avec notre interlocuteur, et, cette attention qu'on accorde à la conversation, c'est bien de valeur, mais, moi, je n'ai pas encore réussi à trouver le moyen de la doubler pour en avoir autant à la conduite. Donc, c'est un problème d'attention partagée, et, si je consacre davantage d'attention à ce que je dis, je ne peux pas avoir cette attention pour conduire, et la conduite, on le sait, c'est la tâche humaine la plus complexe.

Alors, c'est là, notre problème, nous. Voyez-vous, on se dit: On légifère partiellement, on envoie un mauvais message. Notre position à nous, c'était: réglementons complètement ou ne réglementons pas du tout et faisons de la sensibilisation. Et donc je pense qu'actuellement la sensibilisation ne doit pas être écartée, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup de campagnes de sensibilisation sur les contraintes de la distraction au volant, même pas du cellulaire, à l'exception d'un petit dépliant éventuellement qui a été rendu public, mais c'est à peu près tout. Donc, je pense que, si on continue dans cette législation partielle, donc cette interdiction partielle, il faudra qu'il y ait un accent très important de mis sur la sensibilisation, l'éducation, démontrer aux gens les risques que comporte l'attention partagée au volant, mais garder toujours comme objectif que, si on veut vraiment atteindre ce qui est visé par le projet de loi, donc l'objectif de sécurité routière actuel de réduire les blessés et les décès, il faudra arriver à l'interdiction complète, c'est bien certain, et, nous, on va continuer à le défendre, dans ce sens-là.

Mme Boulet: O.K. M. Lapointe, j'aimerais vous entendre sur le 0,05. Alors, on le sait, M. De Koninck nous a dit qu'à 0,02 les facultés de certaines personnes pouvaient déjà être affectées. Il nous a également dit qu'entre 0,05 et 0,08 on avait jusqu'à cinq fois plus de chances, ou de risques, d'être impliqué dans un accident. On sait également que, partout au Canada, cette mesure-là existe déjà, qu'il y a une tendance internationale à diminuer à 0,02. Alors, j'aimerais juste vous entendre sur la mesure entre 0,05 et 0,08, qui est une mesure réglementaire, comme le disait Mme Landry.

M. Lapointe (Yvon): Alors, évidemment, on est forts de l'appui de nos membres aussi là-dessus parce que, déjà en 2005, comme le disait Mme Landry, nos membres se montraient favorables à une mesure administrative à 0,05. Mais là où, nous, on pense que ça va avoir un effet positif, Mme Landry l'a dit dans sa présentation, c'est qu'on pense que ça va amener les gens, si c'est bien expliqué...

Il y a quand même de la confusion, actuellement. Beaucoup de gens pensent, même des médias pensent que le 0,05, c'est une mesure pénale, alors que dans le fond c'est une mesure administrative uniquement. Donc, il y a un bout de chemin à faire là. Mais là où on va faire du chemin, c'est que, les gens qui vont prendre un verre, la question qu'ils vont devoir arriver à se poser ? et je pense que la promotion, s'il y en a qui est faite de ce côté-là, devra amener ça aussi: Est-ce que c'est le verre de trop que je vais prendre qui va faire en sorte que je vais atteindre 0,05 puis risquer de me faire prendre tantôt? Et, si on réussit à amener à se questionner là-dessus, comprenez-vous qu'on va aussi réduire le nombre de gens qui vont avoir 0,08 sur la route? Alors donc, nous, on pense que c'est un pas très important en avant.

On comprend qu'il y a des organismes et des bars qui peuvent se sentir un peu touchés parce que bien sûr les gens vont peut-être consommer moins. Mais y a-tu quelqu'un qui nous oblige à aller dans un bar avec notre voiture? On peut y aller autrement. On peut y aller en taxi, on peut y aller en autobus, on peut se faire conduire. Et je pense que, de ce côté-là, le message du 0,05, s'il est bien compris, nos membres l'appuient.

Alors, on est quand même représentatifs de la population avec 900 000 membres. C'est certain que c'est une voix importante. Alors, dans ce sens-là, le 0,05, il est intéressant, mais ça prend de la promotion et de l'éducation, dire aux gens c'est quoi, le 0,05, et le comparer avec le 0,08 pour vraiment le distinguer.

Mme Boulet: Moi, je veux vous remercier ? et je vais laisser la parole à mes collègues ? le CAA pour le beau travail, l'excellent travail qu'il fait depuis de nombreuses années, à aider, à accompagner les automobilistes du Québec. C'est assurément un élément de sécurité important chez nous, au Québec. Alors, merci pour le travail. Continuez à le faire. On est très fiers. Alors, je vais laisser la place à mes collègues.

Le Président (M. Bergman): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Gonthier: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, mesdames, messieurs, écoutez, moi, je suis députée d'un comté rural, qu'on appelle, où nos policiers ont des milliers de kilomètres de route à surveiller, finalement. Alors, je voudrais vous entendre encore. Est-ce que vous ne pensez pas que justement le photoradar, ces choses-là, surtout en milieu... Sortons des milieux urbains, là, allons nous promener à la campagne, où on sait qu'il y a quand même des excès de vitesse qui se font sur nos routes, à 90 km/h, tout ça. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un outil qui nous aiderait à atteindre un meilleur contrôle, d'une part, une meilleure sensibilisation des gens? Est-ce que ce n'est pas un outil additionnel qui servirait à implanter des concepts de sécurité et puis tout ça?

M. Lapointe (Yvon): Tout à fait. C'est notre position, dans le fond. Nous, on pense que le radar photo est un moyen de contrôle complémentaire. Il ne doit pas remplacer le policier, et il doit se situer à des endroits où le policier n'est pas en mesure d'exercer ses fonctions de façon sécuritaire, pour toutes sortes de raisons, et il doit vraiment venir exercer un contrôle à un endroit où il y a un réel problème de sécurité routière aussi. Alors, écoutez, il doit...

Nous, on exclut le radar photo sur les autoroutes. On n'a pas d'affaire à avoir un radar photo sur l'autoroute 20 ou l'autoroute 40, ce n'est pas l'endroit. Les policiers ont suffisamment d'espace pour exercer leurs fonctions, et ce n'est pas là non plus que se produisent le plus grand nombre d'accidents mortels et avec blessés graves. Alors, qu'on utilise des endroits vraiment où on va faire des gains. Et, le photo radar donc bien utilisé à cette fin-là, c'est sûr que...

On le sait, la France a fait des gains considérables avec le photo radar. On peut être en accord ou en désaccord avec la façon dont ils l'utilisent, mais, nous, on est assez grands pour choisir les bonnes façons d'utiliser ces appareils-là, et je pense que... en tout cas ce qu'on ressent dans la philosophie qui est dégagée par le projet de loi, ça semble aider dans ce sens-là.

Le Président (M. Bergman): M. le député de LaFontaine.

M. Tomassi: Merci, M. le Président, et bienvenue, M. Lapointe. Nous nous retrouvons dans cette même commission un an après, peut-être pas jour pour jour, mais...

M. Lapointe (Yvon): Presque.

M. Tomassi: ...lors d'une belle commission parlementaire où est-ce qu'on avait eu le plaisir de vous accueillir et de parler de la sécurité routière, même avant la mise en place de la Table de la sécurité routière. Je vois quelques-uns de mes collègues qui étaient avec nous lors de cette commission parlementaire, qui avaient émis de très bonnes propositions, propositions qui se retrouvent à même le rapport de la table, rapport qui, il faut le répéter, avait été unanime des membres des trois partis politiques et même du député de Beauce-Nord, qui était membre de cette commission, et qui faisait partie de cette commission, et qui était en accord avec les propositions qu'on avaient mises, de la table, dont le photoradar, que vous aviez parlé tantôt. Et, pour dire, vraiment dire, les rapports et les propositions qui avaient été émises lors de cette commission parlementaire étaient un projet pilote, et je pense que le député de Beauharnois avait fait un point précis pour dire qu'il fallait que ce soit un projet pilote dans certaines régions du Québec, mesure qu'il soutient encore, là, son idée n'a pas changé.

Moi, je voulais vous parler un peu de l'alcool au volant parce que je pense que c'est un élément important. On a entendu des chiffres, tantôt. Hier et aujourd'hui, le député de Blainville nous parlait qu'avec le 0,05 on ratait la cible. On parlait de seulement 6 % des gens qui étaient accidentés qui étaient entre le 0,05 et le 0,08. Je lui relancerais la balle pour lui dire que c'est 36 victimes, et 36 victimes qui auraient pu faire diminuer nécessairement... Or, le but ultime de ce projet de loi, c'est de sauver des vies, et je pense que la Table de la sécurité routière, vous avez planché là-dessus. Le but ultime, ce n'est pas de faire de la politique, c'est de sauver des vies. Alors, je voudrais peut-être vous réentendre parler là-dessus, sur la problématique et sur l'importance du 0,05.

n (12 h 30) n

M. Lapointe (Yvon): Bien, en fait, je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure: c'est que pour nous le 0,05, c'est un message. On aurait aimé que, pour le cellulaire au volant, ce soit le même genre de message. Mais c'est un message clair qui dit: On boit ou on conduit, on ne peut pas faire les deux. Et les gens qui pourraient être tentés de prendre un verre... Bien des gens, en dînant ce midi, prennent peut-être un verre de vin puis ils pourraient peut-être être portés à en prendre deux. Mais la question qu'ils devront se poser, c'est: Est-ce que je peux me permettre d'en prendre deux? Et, si on arrive à créer chez les gens cette réflexion-là de faire en sorte que les gens se questionnent sur le dernier verre, hein, n'oublions pas ça, déjà on va faire des gains considérables. On va se retrouver avec des gens sur la route qui auront un taux très faible d'alcoolémie, s'ils en ont un, idéalement pas du tout. Et, comme je le disais tantôt aussi, ça va avoir une influence sur le 0,08 parce que celui qui serait tenté à prendre un deuxième verre ou un troisième verre en discutant avec un collègue, bien peut-être qu'il ne se rendra pas là, puis on va se retrouver avec des gens qui auront encore un taux d'alcoolémie plus bas, et on va faire des gains d'une façon considérable. En tout cas, c'est ce qu'on souhaite.

M. Tomassi: Une autre petite question sur les photoradars. Je pense que c'est assez important. Un des éléments de votre mémoire, vous nous dites que tous les usagers de la route devraient être sur le même pied d'égalité. On va entendre, cet après-midi, l'Association du camionnage et de l'industrie forestière, qui va nécessairement, je crois, venir me dire qu'il faut voir une autre vision pour eux, là, une autre... C'est quoi, votre position? Je sais que vous l'avez marquée, là, mais pourquoi de cette façon vous l'abordez?

Le Président (M. Bergman): Très, très courte réponse.

M. Lapointe (Yvon): D'accord. Pour nous, c'est impensable qu'il y ait deux poids, deux mesures. On implante des radars photo, c'est pour faire réduire la vitesse, et, quel que soit le type d'usager, il doit passer dans le même moule, autrement on créerait un problème majeur, une confusion majeure, puis on s'objecterait d'ailleurs parce que ça n'a pas de bon sens. Donc, c'est la réponse la plus courte que je peux faire, là. Pour nous, c'est tout ou rien.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Blainville.

M. Gingras: Merci, M. le Président. Premièrement, bonjour à Mme Landry, M. Lapointe et Mme Godbout. Merci de votre présence.

J'aimerais d'abord vous entendre sur la présence policière. Est-ce que vous pensez que l'ensemble des mesures qui ont été proposées peuvent actuellement être mises en place, ces mesures-là, avec la présence policière actuelle ou ça va prendre des policiers supplémentaires?

M. Lapointe (Yvon): Écoutez, on a un bilan qui s'améliore en 2007. Pas sûr qu'il y a eu beaucoup de policiers d'ajoutés en 2007. Et pourquoi il y a eu une amélioration en 2007? On peut se poser la question, hein? Ça a été une année où on a parlé beaucoup de sécurité routière, mais ça a été une année aussi où on a vu davantage les policiers sur la route. Donc, est-ce que c'est le nombre de policiers? Nous, on ne le sait pas, on n'a pas la réponse à ça, on n'est pas gestionnaires des policiers au Québec. Mais évidemment est-ce qu'il y en a plus ou s'ils ont été affectés différemment? Je pense que c'est ça, la question qu'il faut se poser. Il faut que les policiers soient là au moment où il faut et aux endroits où il faut. Et, s'ils doivent être là entre minuit et 6 heures le matin pour intercepter davantage de délinquants de la route, bien il faut que l'affectation qui est faite des effectifs, bien, soit en conséquence. C'est ça, dans le fond. Donc, est-ce que ça en prend plus? On n'a pas la compétence pour le dire.

M. Gingras: Effectivement, cette année, avec la réduction, en 2007, de 17 % des décès et de 22 % des victimes de blessures, c'est une présence policière ciblée, accrue sur les routes du Québec, et M. De Koninck le notait, vous l'avez noté, sensibilisation, législation et contrôle, et je peux vous dire qu'on a atteint, cette année, en 2007, ces résultats-là avec la même législation qui existait avant, pas la nouvelle. Donc, on est capables de réduire les accidents sur nos routes avec une présence policière accrue.

J'aimerais revenir, si vous le permettez, sur le 0,05, 0,08. Vous savez qu'en Grande-Bretagne la limite est de 0,08, et leur bilan routier est très bon, même excellent, on parle de 5,6 décès par 100 000 habitants versus 9,6 décès au Québec. Quand on prend la recommandation que vous faites, pourquoi 0,08 en Grande-Bretagne, c'est bon, puis ce ne serait pas bon au Québec? On sait que notre culture de l'alcool est très bonne, au Québec, comparativement à certains autres pays, puis j'y reviendrai tantôt.

M. Lapointe (Yvon): Pourquoi notre culture est moins bonne que la leur? Je ne peux pas répondre à ça. Cependant, il y a quand même 200 décès à peu près, si je ne me trompe pas, là, qui sont occasionnés par l'alcool au volant, puis ce n'est pas nécessairement des gens qui ont un haut taux d'alcoolémie, c'est des gens comme M. et Mme Tout-le-monde, qui ont un taux un peu plus élevé que 0,08 mais qui n'est pas à 0,16 non plus. Alors donc, je pense que le message que, nous, on lance là-dedans et ce que je répète, c'est qu'il faut amener chez les gens cette réflexion à savoir: Si j'ai bu, est-ce que je peux conduire? Puis, si je prends un verre de trop, qu'est-ce que ça va avoir comme effet sur mon comportement puis sur mon taux d'alcoolémie? Parce que c'est ça, la mesure, là, actuellement.

Donc, est-ce que notre culture est plus délinquante naturellement qu'ailleurs? Prenons l'Ontario, hein? Ils ont un bilan routier pas mal meilleur que nous puis ils ont pas mal plus d'automobilistes que nous sur les routes. Pourtant, on est voisins. Est-ce que c'est le contrôle? On pourrait extrapoler, là, puis... Mais voilà.

M. Gingras: Et ils n'ont pas de photoradar.

En Suède, au Danemark et en Australie, boire modérément, c'est inhabituel. Au Québec, et effectivement on l'a dit et vous l'avez dit, 84 % des décès, c'est en haut de 0,08 et non pas en bas de 0,08. Les chiffres nous donnent 0,06 entre 0,05 et 0,08 et 10 % entre 0,0 et 0,49. Donc, il y a des études qui disent effectivement que... Mais, la norme de 0,08, vous serez d'accord avec moi qu'elle n'est pas tombée du ciel, là. C'est le taux d'alcoolémie, selon les études, à partir duquel les effets de l'alcool augmentent sur une base exponentielle. Et il a une base scientifique, le 0,08, ça ne vient pas du ciel.

Mais j'aimerais vous entendre, si vous le permettez, sur un autre élément. Vous parlez des photoradars et vous savez que le non-respect de la vitesse au Québec... 80 % dépassent les limites de vitesse dans les zones de 100 km, 90 % dans les zones de 50 km. Dans le milieu rural ? Mme la députée est partie, là ? c'est 90 % qui dépassent la vitesse et 65 % qui dépassent la vitesse dans les zones de 90 km/h. Ma question serait: À quelle vitesse allez-vous mettre les photoradars? Parce qu'il y a aussi des études qui nous disent que le fait ? et même M. De Koninck le mentionnait ? de définir une marge uniforme nécessite que les limites de vitesse sur les routes soient crédibles et adéquates, voire cohérentes avec l'environnement. Donc, quand on dit que 90 % des gens... 80 % des gens, sur la 40, circulent entre 118... C'est à peu près ça, là. On va mettre le photoradar à quelle vitesse?

M. Lapointe (Yvon): Pourquoi les gens circulent à cette vitesse sur les autoroutes ou ailleurs? Il faudrait se poser la question aussi, hein? Moi, si je décide de rouler 120 à un endroit, bien c'est parce que probablement je n'ai pas très, très, très peur d'être intercepté. Donc, on se donne une marge de tolérance. Est-ce qu'elle est correcte? Est-ce qu'elle n'est pas correcte? On n'est pas des scientifiques, on n'est pas capables de la déterminer. Mais je pense que, une marge de tolérance, on prend la marge qui nous est offerte et ça finit là. Alors, si, à un moment donné, on décide d'être tolérant...

Je pense que, une tolérance, ça en prend toujours. Ne serait-ce qu'à cause de l'imprécision des indicateurs de vitesse sur les véhicules, ça prend une marge de tolérance. Et on est aussi dans un système permissif, on n'est pas dans un système répressif, donc il faut permettre aux gens d'évoluer avec des mesures répressives. Mais à quelle vitesse, donc on doit mettre les photoradars? On doit accorder une marge de tolérance qui est équivalente à celle que les policiers accordent, j'imagine, sinon on fait encore une fois deux poids, deux mesures. Puis encore une fois le photoradar vient compléter le travail des policiers, il ne vient pas le remplacer. Donc, le photoradar va permettre de sauver des vies là où le policier ne peut pas le faire. Donc, voyez-vous...

n (12 h 40) n

M. Gingras: O.K. Et, sur le même sujet, parce que, dans votre rapport... J'ai lu aussi votre rapport plus volumineux, le premier que vous avez, je crois, présenté à la table, et, à un certain moment donné, vous nous mentionniez, et aujourd'hui, qu'avant de permettre un élargissement d'un projet pilote tel qu'il avait été proposé initialement par la ministre... On a entendu Mme la ministre nous mentionner qu'il pourrait être disponible aussi aux municipalités. On a entendu M. De Koninck... qu'il pouvait être plus grand encore, hier. Mais ce que je voudrais savoir, c'est: vous nous dites qu'il est trop tôt pour prévoir cette ouverture-là du dossier, donc restreignons le projet pilote déjà de la ministre. Et, que la ministre veuille l'ouvrir, c'est trop tôt pour faire ça, aux municipalités, puis etc. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lapointe (Yvon): Nous, évidemment, le rapport de la table proposait de mettre en place un projet pilote de photoradar. Dans les mesures que Mme la ministre a annoncées le 5 juillet dernier, on parlait de 15 sites. Nous, on trouvait que c'était intéressant, 15 sites, parce que ce n'est pas trop lourd à gérer, ça permet de voir dans ces endroits spécifiques quel sera l'effet de la mesure de contrôle automatisé et puis après d'être capables de bien analyser la situation. Et, qu'on ouvre, nous, ça nous inquiète parce que, là...

On prend souvent comme comparatif, nous, dans nos discussions, le virage à droite au feu rouge. Quand le projet pilote du virage à droite au feu rouge a été mis en place, il y avait quelques endroits qui ont été déterminés au Québec. Le projet pilote s'est fait vraiment à ces endroits-là, et c'était limité à quatre ou cinq lieux. Et donc, le Comité d'implantation du virage à droite au feu rouge, nous, on siégeait sur ce comité-là, et vraiment ça nous a permis de voir qu'il y avait... il y a toujours un risque lorsqu'on tourne à droite à quelque part, mais ce n'était pas un risque qui était aussi important qu'on pouvait l'envisager. Le projet pilote a permis ça. Donc, ça nous a permis de prendre la décision d'aller de l'avant.

C'est un peu la même chose avec le projet pilote du radar photo. Donnons le temps, avec des sites limités, de bien le tester, aussi de permettre à la population d'adhérer à cette mesure-là. On sait qu'il y a quand même une faveur assez populaire, mais il y a encore le soupçon de la machine à piastres. Donc, ce sera peut-être une belle occasion de démontrer que le radar photo n'est pas là pour ça, qu'il est là pour des mesures de sécurité routière. En le limitant, ce sera plus simple de le gérer aussi.

M. Gingras: ...dernière question au niveau de l'alcool au volant. Comme vous avez fait partie de la table, il y a des mesures qui ont été écartées, dans le projet de loi, par la ministre. Donc, la mesure de 0,05 n'était pas à l'intérieur de la recommandation de la table sur laquelle vous étiez. Donc, les 41 partenaires n'en sont pas venus à une recommandation à cet égard-là. Mais il y avait des mesures comme, premièrement, augmenter la perception du risque d'être arrêté ? ça, on dit «policiers supplémentaires» ? accroître la sensibilisation et la formation au niveau des dangers, formation des serveurs. Les autres mesures, là, vous ne nous en parlez pas, celles que vous aviez recommandées. Est-ce que ces mesures-là seraient utiles et nécessaires?

M. Lapointe (Yvon): Bien, écoutez, il y avait 23 mesures dans le rapport.

M. Gingras: ...l'alcool au volant.

M. Lapointe (Yvon): Bon, l'alcool au volant, je pense que, nous, on est à l'aise avec les actions qui ont été mises de l'avant. Il faut comprendre que, si on... Probablement que Mme la ministre aurait pu décider de faire un projet de loi avec les 23 mesures, puis là probablement que les audiences publiques auraient duré deux semaines, et puis ça aurait été encore plus difficile de s'entendre. Tu sais, on discute beaucoup autour de cinq mesures, et le 0,05 est un pas de l'avant. On va aussi de l'avant avec les récidivistes, avec les grands buveurs, si on veut, les 0,16 et plus. Ce sont les deux extrêmes, je pense, où on va faire des gains, bien sûr, mais où on va faire réfléchir ceux qui sont entre les deux, qui sont des buveurs sociaux, M. et Mme Tout-le-monde. Alors, nous, on est à l'aise avec les mesures qui sont là, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas une suite à ça, hein? Les 23 mesures, là, elles ne seront pas tablettées, je suppose, Mme la ministre, hein?

Mme Boulet: ...M. Lapointe. Alors, tout ne passe pas par un projet de loi, il y a des actions qui se font pour le reste des recommandations.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Beauce-Nord.

Une voix: Il y avait le...

Le Président (M. Bergman): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Je passe mon droit de parole à mon voisin.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Maskinongé.

Des voix: De Bellechasse.

Le Président (M. Bergman): Bellechasse, je m'excuse.

M. Domingue: Alors, bonjour à vous trois. J'ai travaillé, pendant 20 ans, auprès des jeunes de 12 à 17 ans, alors j'ai pu voir que toute l'éducation qui se faisait apportait des bienfaits. Moi, j'ai vraiment une interrogation sur le 0,5... du 0,05 au 0,08 parce que, par l'expérience, je voyais en moyenne environ 300 à 400 jeunes par année. Alors, ces jeunes-là sont devenus des adultes, et j'ai vu effectivement tout l'effet de l'éducation. Maintenant, dans le quotidien, moi, je suis député de Bellechasse en milieu rural. Je peux vous dire que je vois que ça change. Et, les études qu'on fait, pour avoir travaillé au niveau de la santé, on prend toujours des études qui datent de quelques années et après ça, par la suite, on se fie sur ces études-là pour appliquer nos mesures. Mais, dans la réalité, dans le concret de tous les jours, moi, je pense qu'il y a des avancements déjà avec le 0,08 et je ne suis pas convaincu personnellement que cette mesure-là va contribuer à diminuer tant que ça... parce que l'éducation se fait, parce qu'elle se vit au quotidien. Alors, j'ai une interrogation sur ce point-là et je voudrais vraiment vous entendre sur votre point de vue et sur le fait que vous insistez pour passer de 0,05 à 0,08.

M. Lapointe (Yvon): La mesure de 0,05, elle va avoir un effet à une condition: à la condition qu'elle soit réellement contrôlée. C'est certain que, si on annonce cette mesure-là, qu'elle devient en vigueur et que, dans l'année qui suit, jamais personne n'a été pris avec un taux d'alcoolémie entre 0,05 et 0,08, jamais personne n'a été sanctionné pour ça, c'est sûr que plus personne ne va prendre ça au sérieux, puis oublions l'affaire, on va prendre le verre de trop, là. Le dernier verre qu'on ne veut pas que les gens prennent, ils vont finir par le prendre.

Donc, toutes les mesures qu'on vous... Vous nous amenez celle du 0,05, mais toutes les autres mesures vont avoir un effet dans la mesure, c'est le cas de le dire, où les gens vont avoir le sentiment que le risque d'être pris en défaut va être élevé. Ça, on s'entend tous là-dessus, d'accord? Donc, 0,05, il va y avoir cet effet du dernier verre, il va y avoir cet effet de permettre aux gens de réfléchir avant de prendre le volant alors qu'ils ont bu parce qu'on ne le sait pas, hein, on peut prendre un verre puis avoir 0,06 parce que notre condition physique, physiologique fait en sorte qu'on absorbe moins l'alcool, hein, alors qu'on pourrait avoir zéro d'alcool puis être en facultés affaiblies au volant, hein? On le sait, le Code criminel le prévoit. On pourrait être condamnés pour conduite avec facultés affaiblies alors qu'on n'a rien dans le sang, autre qu'on est fatigués, on a pris autre chose, ce qui fait qu'on n'est pas aptes à conduire, nos capacités sont affaiblies. Alors, nous autres, qu'on ne puisse pas conduire à plus de 0,05 ? et d'ailleurs nos membres nous appuient, on est forts de ça ? c'est bien certain qu'on est très à l'aise avec ça.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Beauharnois.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bienvenue pour une ixième fois à ces audiences. C'est un sujet qui nous préoccupe, qui nous préoccupe tous. Importante, votre contribution, même si on n'est pas toujours en accord avec tout ça, et ça fait partie de notre système démocratique.

Votre organisme est souvent associé, puis vous l'avez mentionné, madame l'a mentionné, avec la question de la sensibilisation, l'éducation, la prévention, et vous êtes souvent associés à différentes campagnes avec d'autres organismes, même avec le gouvernement, tout ça, et c'est des centaines de milliers de dollars qui sont investis. Mais par contre, d'un autre côté, puis je vous le dis, là, en toute amitié, en tout respect, jamais on n'entend votre organisme dénoncer les compagnies d'automobiles qui, eux, prennent des millions de dollars pour faire un petit peu l'apologie du concept, là, jeunesse-vitesse-liberté, hein? C'est de moins en moins subtil, d'ailleurs. Je regardais ça au cours des 10 dernières années, là, c'est de moins en moins subtil, toutes ces choses-là.

Il me semble en tout cas qu'on peut être d'accord, puis c'est correct, pour la prévention, et tout ça, mais par contre on est un petit peu charriés par des millions de dollars qui viennent contrer à peu près tout l'effet concernant ce que je viens de vous décrire, et, moi, en tout cas je l'ai dit dans mes notes préliminaires, et c'est certain qu'à d'autres étapes du processus parlementaire... moi, il m'apparaît très correct qu'on introduise vraiment des mesures pour contrer, j'allais dire «pour éliminer», mais au moins contrer ou baliser toutes ces campagnes très agressives qui viennent à l'encontre de la sécurité routière. Je vous cède la parole, M. Lapointe.

M. Lapointe (Yvon): Vous avez tout à fait raison. Et d'ailleurs, pendant de nombreuses années, nous avons fait partie d'un comité qui était conjoint, Société d'assurance automobile et CAA-Québec, où on dénonçait justement des publicités comme celles-là, exemple Tasse-toi, mononcle, hein? Ça a été une des publicités qui a fait que d'ailleurs elle a été retirée à cause des pressions que nous avions faites conjointement. Mais évidemment je pense que vous avez tout à fait raison en disant qu'il y a certaines promotions de vitesse encore qui sont faites par les fabricants automobiles, mais ils le font maintenant avec tellement de finesse que même les normes de publicité considèrent que c'est devenu correct, dans une certaine mesure, parce qu'il y a ce petit caractère dans le bas qui dit que c'est fait dans un contexte hors route, par des conducteurs professionnels, et à ne pas répéter ou quelque chose du genre.

n (12 h 50) n

Donc, c'est certain que, tant et aussi longtemps que le Conseil de la publicité recevait les demandes qu'on faisait puis pouvait faire pression auprès de ces manufacturiers-là, ça avait un effet. Maintenant, il faut prendre d'autres moyens, puis on se questionne là-dessus, nous autres. D'ailleurs, il n'y a pas plus longtemps que quelques mois, là, justement on se disait: Qu'est-ce qu'on peut faire pour faire en sorte justement de dénoncer? On sort-u le prix coco? On sort-u quelque chose du genre pour dire aux constructeurs automobiles: Écoutez, orientez donc votre publicité autrement? On a Honda actuellement qui fait de la publicité intéressante, qui est peut-être à copier, avec Martin Matte, entre autres. Ce n'est pas la vitesse qu'ils préconisent, hein, c'est la sécurité routière.

M. Deslières: Mais, face à ce phénomène, M. le Président, face à ce phénomène, M. Lapointe, mesdames, est-ce que le législateur, à ce moment-ci... On l'a constaté, bon, puis on a fait des pressions, puis bon. Tout ça pour vous dire que ça n'a pas changé grand-chose. Même, je pense qu'ils en mettent encore plus, en termes de millions, pour augmenter les ventes, etc. Est-ce qu'on ne devrait pas, à ce moment-ci, au moment où on parle de sécurité, dire: Un instant, on va agir au niveau législatif?

M. Lapointe (Yvon): D'ailleurs, c'est une des recommandations de la table aussi, hein, de tenter de voir qu'est-ce qu'on va faire avec ça. Mais c'est une des recommandations qui va être reprise, j'imagine. D'ailleurs, la table va siéger encore. C'est sûr que, si, nous, on considère qu'il y a des actions qui devraient être poussées plus rapidement, qui devraient être mises de l'avant plus rapidement, on va le demander, c'est sûr. Donc, ça fait partie des 23 recommandations de la table, mais elle n'a pas été retenue au moment où on se parle. Ça aurait peut-être été intéressant, effectivement.

M. Deslières: Par contre, il y a certaines mesures qui n'avaient pas été retenues qui apparaissent dans la loi, présentement.

Juste pour une dernière question, afin de permettre à mes collègues de questionner le CAA, dites-moi donc, pour fins de ma curiosité, là, vous représentez 900 000 membres, je crois, 800 000, 900 000 membres.

M. Lapointe (Yvon): 925 000, oui.

M. Deslières: Bon, 925 000. Je n'étais pas loin. Et vous faites référence souvent, là... vos membres vous appuient. Quel est le processus de consultation pour venir vous appuyer, tout ça? Rapidement, là. C'est 900 000 membres, et vous faites différentes représentations où vous prenez certaines positions. Vous nous dites que les membres, l'ensemble des membres doivent vous appuyer, sinon ce ne serait pas votre position. Comment est-ce que vous faites? C'est quoi, les mécanismes que vous faites pour consulter, avoir l'avis de vos membres?

Mme Landry (Paula): On a en fait plusieurs façons de faire. On a des sondages à plusieurs reprises par année, on a des sondages plus scientifiques, papier, qu'on leur fait parvenir, leur posant des questions qui intéressent l'ensemble de l'organisation, dont le secteur des affaires publiques, sécurité routière, etc. Dernièrement, on a été capables aussi, avec nos membres, avec leurs adresses courriel aussi, de regarder, parmi les gens qui veulent bien évidemment recevoir nos sondages... Et on a un bulletin électronique qui part de façon régulière, peut-être une dizaine de fois par année. Là-dedans, avec ça, on rejoint peut-être 150 000 personnes membres chez nous. Donc, on utilise ces listes-là, ces envois-là pour demander aux gens s'ils veulent bien répondre à nos sondages. On s'est assurés effectivement que c'est très représentatif de la population. Ce sont des sondages par la suite qui sont pondérés, qu'on a comparés même avec d'autres outils qu'on fait de façon différente, les outils papier, par exemple. Donc, on a les outils.

C'est sûr qu'on ne peut pas, à tous les jours, être en train de revenir à ces gens-là sur des questions. Mais on regarde un peu ce qui se passe. Puis, les points majeurs, les questions qu'on sait très bien qu'elles vont faire l'objet de débats ou qui ont une importance assez capitale, on va en principe s'assurer qu'on va être soutenus par nos membres avant de se prononcer. Donc, on le fait de façon régulière, pas hebdomadaire, mais on va le faire sur des questions qui ont une importance, comme celles dont on discute aujourd'hui, c'est sûr. Il peut arriver qu'on n'ait pas le temps nécessairement, avec ce qui ressort dans les médias, de valider la question immédiatement. On fait le bout qu'on fait, mais en précisant qu'on va aller retourner...

M. Deslières: Dernière question rapidement, Mme Landry: Est-ce que vous avez consulté vos membres, cet été, par rapport aux pistes d'action qui avaient été présentées sur ce projet de loi là?

Mme Landry (Paula): Ce qu'on a fait, c'est qu'on avait déjà, par le passé, au cours des ans... Je pense que, si on remonte à 2004-2005, on a sans cesse consulté nos gens sur le photoradar. Quand je parlais même de l'an 2000, on s'était prononcés pour. Déjà, on avait commencé, à ce moment-là. On s'assure de façon régulière que les membres nous supportent toujours dans ça. Puis on peut remarquer des fois que même les appuis vont augmenter, mais on s'assure de garder ça vivant.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui. Merci, M. le Président. M. Lapointe, les études concernant le photoradar, là, sont assez convaincantes sur l'efficacité de leur présence dans l'environnement dans d'autres juridictions, et c'est peut-être une bonne idée de voir comment les automobilistes québécois réagissent ici. On parle d'une quinzaine de photoradars qui seraient disposés à des endroits les plus dangereux, avec un panneau avertissant l'automobiliste de la présence du photoradar. Moi, ça me laisse perplexe un peu. Je vais vous dire pourquoi. C'est parce que, si on installait 15 panneaux avec des photoradars et 15 autres avec seulement des panneaux, à la fin je vous prédirais qu'il y aurait un effet absolument semblable entre les deux groupes. Alors, vous préconisez l'installation de photoradars avec un avertissement. J'imagine que ce n'est pas seulement pour le projet pilote. C'est: une fois le projet pilote terminé, vous préconisez qu'il y ait un panneau qui avertit l'automobiliste de la présence d'un photoradar, même si on étend cela après le projet pilote, hein, dans l'utilisation usuelle, là. O.K.? C'est ça?

M. Lapointe (Yvon): Tout à fait.

M. Bouchard: Donc, on ne saura jamais si c'est le panneau qui a un effet ou le photoradar, mais on sait que la combinaison des deux a un effet. Cependant, dans votre mémoire, puis je pense que vous avez raison de le faire, vous dites: Dans les intersections où on n'aurait pas cela, on n'aurait pas cette combinaison, on devrait poster des policiers juste après, là, juste au cas où les gens redeviennent à des comportements délinquants.

Alors, la question qui se pose, c'est: Qu'est-ce que les automobilistes apprennent, dans le fond? Ils apprennent à éviter des amendes là où il y a des avertissements de photoradar, et vous soupçonnez qu'ils apprennent à discriminer, puis ils vont aller plus vite à d'autres endroits. Alors, est-ce que vous avez une solution à ce problème-là? Est-ce que ça voudrait dire qu'on doive tapisser l'ensemble des intersections dangereuses, au Québec, d'avertissements et de photoradars?

M. Lapointe (Yvon): Quel est l'objectif visé par le photoradar, hein?

M. Bouchard: C'est ça.

M. Lapointe (Yvon): On le dit depuis tantôt, c'est de réduire les décès et les blessés. Bon, bien, si ces photoradars sont installés à des endroits stratégiques et que, parce que les gens ont peur de se faire prendre, parce que c'est annoncé puis parce que le photoradar est là puis ils ne veulent pas se faire prendre, ils réduisent la vitesse puis on atteint l'objectif, est-ce qu'on ne sera pas contents, tout le monde? Si après ils décident de rouler plus vite puis de se faire prendre par le policier qui sera là, tant mieux, tu sais, dans le fond. Tant pis pour eux puis tant mieux en même temps.

M. Bouchard: Mais est-ce que vous n'avez pas peur qu'on déplace les endroits dangereux tout simplement d'intersection avec ça? Ça, c'est la première question. La deuxième, c'est: Est-ce que le panneau d'avertissement ne devrait pas plutôt livrer le message qu'il pourrait y avoir un photoradar?

M. Lapointe (Yvon): Bien, dans les faits, là, voyez-vous, il va y avoir un panneau qui annonce le photoradar. En principe, il va y avoir une petite boîte dans laquelle pourrait se trouver un photoradar. Est-ce que ça veut dire qu'il va y en avoir un nécessairement? À notre avis, non, parce que ça peut se déplacer. C'est un leurre, dans le fond. Peut-être qu'il y en a un aujourd'hui, peut-être qu'il n'y en aura pas demain. Mais ce qu'il faut faire, c'est que les gens craignent de se faire prendre dans ces endroits-là. Et, à partir du moment où on a permis aux gens d'acquérir cette attitude, c'est certain qu'on vient de faire les gains qu'il faut. Alors, voilà.

M. Bouchard: Oui, mais, écoutez, la disposition que vous entrevoyez, là, d'avoir un panneau, c'est pour informer correctement le citoyen, et, si le panneau est un leurre, vous ne l'informez pas correctement. Mais je pense que vous nous avancez dans la réflexion, à l'effet de ce qui devrait être inscrit sur le panneau, parce que, si on inscrit qu'il y a un photoradar sans qu'il y en ait un, les citoyens vont dire: C'est un leurre. Ils vont l'apprendre puis ils vont s'en foutre, éventuellement. Alors, je pense que c'est important qu'on puisse rentrer dans le détail de ce panneau, là, puis voir vraiment quel type d'information dont le citoyen va disposer.

M. Lapointe (Yvon): Moi, quand je parlais...

Des voix: ...

Le Président (M. Bergman): Excusez, Mme la ministre. M. Lapointe.

M. Lapointe (Yvon): Quand je parlais d'un leurre, je ne parlais pas du panneau, je parlais de la petite boîte qui va renfermer l'appareil. Mais le panneau doit annoncer la présence possible d'un photoradar. Je ne sais pas qu'est-ce qui sera libellé, hein, on n'en est pas là, nous. On est dans l'annonce, il faut annoncer...

Des voix: ...

Mme Boulet: Ça, c'est ce qu'il dit. Ce n'est pas ce qu'il y a dans la...

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre. M. le député. M. le député de Vachon, vous avez à peu près 30 secondes.

M. Bouchard: Bien, écoutez, moi, je soulève le problème parce qu'on sait très bien, dans les sciences du comportement, que, lorsque vous associez un stimulus à la présence d'un autre, les gens se conforment à ça. C'est-à-dire qu'il voit le premier, puis il dit: Bon, bien, là, je suis mieux de réduire ma vitesse. Bon. Et, si ce n'est pas ce qu'on entrevoit vraiment éventuellement, il faut donner la bonne information, puis la meilleure information possible, c'est de dire ce qui est vraiment. La ministre nous dit: Il n'y aura pas de leurre. Alors, s'il n'y a pas de leurre, il faut savoir ce que ça va donner comme conséquence éventuellement sur le comportement des automobilistes. Mais, moi, je veux ouvrir cette conversation-là pas parce que je suis contre les photoradars, c'est parce qu'au contraire je pense que ça devrait être efficace, mais en termes de généralisation du comportement des automobilistes et non pas que nous apprenions, comme automobilistes, qu'il y a un danger, là, d'être pris, puis après ça on se sauve à pleine vitesse parce qu'il n'y a plus de danger. Bon. C'est tout.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Landry, Mme Godbout, M. Lapointe, merci pour votre contribution.

La Commission des transports et de l'environnement suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Domingue): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on va reprendre les travaux de la commission. La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je demande à tous les membres de la commission ainsi qu'au public de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pendant la séance.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 42, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Règlement sur les points d'inaptitude, et sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant de nouveau le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Nous allons entendre, cet après-midi: l'Office des personnes handicapées du Québec; l'Association du camionnage du Québec, le Conseil de l'industrie forestière et Travailleurs autonomes du Québec pour une audition commune; et la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec. De plus, nous allons entendre, à 20 heures, l'Union des tenanciers de bars du Québec.

Alors, je vais convier les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à prendre place à la table. Vous êtes déjà là? Alors, M. Hébert, je vous demanderais de vous identifier... Mme Hébert plutôt, excusez-moi, de vous identifier et ceux qui vous accompagnent.

Office des personnes handicapées
du Québec (OPHQ)

Mme Hébert (Anne): Je suis Anne Hébert, directrice générale adjointe à l'Office des personnes handicapées du Québec, et je suis accompagnée de M. Michael Magner, qui est conseiller, qui était le représentant de l'office à la Table québécoise sur la sécurité routière.

D'abord, je voudrais que vous me permettiez de transmettre les excuses de Mme Céline Giroux, qui est notre directrice générale, qui ne pouvait pas être ici, aujourd'hui, pour des raisons personnelles hors de son contrôle. Il me fait plaisir de présenter les commentaires et les recommandations de l'office concernant les projets de loi nos 42 et 55 portant principalement sur des modifications proposées au Code de la sécurité routière. Nous avons déposé un bref mémoire, que je vous invite à consulter.

Aujourd'hui, on va mettre l'accent sur seulement deux éléments de notre mémoire. Bien, je pense qu'il convient en premier lieu, avant d'aborder ces deux éléments, de vous présenter l'organisme que je représente et les raisons pour lesquelles il nous importe de vous adresser, aujourd'hui, ces quelques commentaires.

L'Office des personnes handicapées du Québec a pour mandat de veiller à la coordination des actions relatives à l'élaboration et à la prestation des services qui concernent les personnes handicapées et leurs familles. Il doit également promouvoir leurs intérêts et favoriser, sur une base individuelle et collective, leur intégration scolaire, professionnelle et sociale.

Si l'office intervient aujourd'hui, c'est avant tout en vertu de la nécessité de réduire les facteurs de risque liés aux déplacements et... les préventions des déficiences et des incapacités. Donc, c'est le premier aspect qu'on va toucher. En effet, diminuer le nombre et la gravité des accidents de la route se traduit toujours, fort heureusement, par la diminution du nombre de personnes qui ont à vivre avec des incapacités importantes. C'est donc dans cette perspective que se situe notre première intervention.

Et d'emblée je dois dire que l'office souscrit aux objectifs poursuivis par le dépôt des projets de loi nos 42 et 55, est en faveur de leur adoption. Et je voudrais souligner qu'on est d'accord avec les projets pilotes, et on est particulièrement ravis des clarifications apportées en matière de stationnement pour les personnes handicapées. Notre conseil d'administration à maintes reprises est intervenu pour solliciter des resserrements quant à l'utilisation des stationnements. Ça fait souvent l'objet de préoccupations dans les médias, on a beaucoup de pression, notre organisme, sur cette question-là. Donc, on est ravis des clarifications qui sont apportées dans le projet de loi n° 55 sur la question du stationnement.

En sus de cette préoccupation générale pour la prévention ? et là j'aborde notre deuxième sujet de préoccupation ? nous aimerions aborder nos recommandations qui permettent d'assurer une meilleure sécurité pour les personnes handicapées dans leurs déplacements. Il est de notoriété publique que la population du Québec va connaître, d'ici quelques années, des changements importants en raison d'une augmentation significative de la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus. Ces personnes sont touchées plus que les autres par l'apparition de diverses incapacités, et on peut supposer que le profil des usagers de la route que nous connaissons aujourd'hui va être modifié. Je conviens qu'il est difficile de prévoir les mesures qui pourraient répondre aux besoins de cette population vieillissante dans le cadre de leurs déplacements. Cependant, nous aimerions vous faire quelques suggestions sur ce sujet.

n (15 h 10) n

D'abord, il nous apparaît souhaitable qu'une définition du «piéton» soit introduite dans le Code de la sécurité routière. Cette définition devrait notamment tenir compte des modes de déplacement des personnes handicapées. Actuellement, lorsqu'on utilise un quadriporteur ou un fauteuil roulant motorisé, ces équipements ne sont pas considérés... ceux qui les utilisent, pardon, comme des piétons au sens strict du terme et des dispositions du code relatives aux piétons. Il est incontestable que les aides à la mobilité motorisées, comme les quadriporteurs, les fauteuils roulants motorisés, facilitent les déplacements des personnes à mobilité réduite. Elles constituent, dans certains cas, le seul moyen qui leur permette de se déplacer d'une manière autonome. Ainsi, la question de la sécurité de ces personnes dans leurs déplacements nous préoccupe, et l'application des règles de circulation routière aux personnes qui se déplacent avec de telles aides est présentement sujette à interprétation. Le statut fort problématique de ces utilisateurs rend notre travail de promotion de la prévention à l'égard de la sécurité routière fort difficile. De même, il est plus ardu, pour les autorités responsables de la sécurité routière, d'intervenir efficacement. Ce flou réglementaire peut aussi expliquer en partie la méconnaissance des règles de circulation routière de la part des usagers de ces équipements.

L'office a déjà soulevé cette question lors de sa participation aux travaux de la Table québécoise de la sécurité routière. Nous réitérons qu'il est essentiel qu'une réglementation encadre les déplacements des personnes utilisatrices de ces aides sur le réseau routier. En outre, les personnes qui utilisent ce type d'aides à la mobilité rencontrent des difficultés en matière de sécurité lorsqu'elles empruntent le transport en commun et adapté, ne serait-ce que des questions, là, d'être attachées puis de pouvoir heurter d'autres personnes, compte tenu du poids de ces équipements, entre autres. Encore une fois, l'office juge approprié de recommander que soit élaborée une réglementation relative au transport des aides à la mobilité motorisées et des autres équipements à bord des véhicules de transport en commun et de transport adapté.

En conclusion, assurer, de façon sécuritaire, les déplacements des personnes handicapées est très certainement une condition qui contribue à leur intégration sociale. L'office ne peut que saluer les efforts qui sont faits dans les projets de loi en ce sens. Toutefois, une approche orientée vers l'avenir doit tenir compte des changements démographiques, tel le vieillissement de la population. Par conséquent, la sécurité des piétons et des personnes utilisant les aides à la mobilité motorisées devrait faire partie des actions prioritaires.

Nous espérons que ces brefs commentaires et nos recommandations permettront de nourrir cette réflexion, et notre objectif, tout comme le vôtre, est d'assurer la sécurité de la population, incluant celle des personnes handicapées, sur l'ensemble des voies publiques du Québec. Merci.

Le Président (M. Domingue): Merci, Mme Hébert. Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole pour une période de 17 minutes.

Mme Boulet: D'accord. Alors, Mme Hébert et M. Magner, merci beaucoup d'être présents. Merci également parce que, il faut le dire, c'est plus qu'un travail, ce que vous faites, c'est une mission, parce que c'est une bataille, souvent c'est une bataille perpétuelle de défendre les intérêts d'une minorité souvent qui vit des difficultés particulières. Alors, je veux vous dire merci parce qu'on y croit tous, à l'intégration de ces gens-là, et on a tous un devoir et une obligation de poser des gestes qui vont leur permettre d'être plus facilement intégrés et de pouvoir se déplacer comme tout le monde, avec le moins de contraintes possible. Alors, je vous offre ma pleine et entière collaboration parce que je sais que, suite aux travaux de la table, autour de laquelle vous étiez d'ailleurs comme membres participants de la Table québécoise de la sécurité routière, le déplacement des personnes à mobilité réduite était dans les mesures à évaluer dans un deuxième temps, ultérieurement.

Par contre, l'état de situation, c'est qu'on me dit: Une recherche doit être faite pour documenter la problématique de la circulation des triporteurs, des quadriporteurs et des fauteuils roulants électriques, la population visée, les pratiques législatives et l'infrastructure en vigueur ailleurs, et l'incidence dans les accidents. Alors ça, ce sont des éléments, là, qui mériteraient d'être documentés, parce que tantôt M. Collerette me disait: Aujourd'hui, il y a même des gens qui achètent des triporteurs ou des quadriporteurs sans être nécessairement des personnes à mobilité réduite, mais ça facilite les déplacements. Alors, c'est une réalité et un contexte qu'on aura à vivre dans les années à venir. J'imagine qu'il sera de plus en plus grand, alors c'est important.

Et là-dessus la SAAQ me disait qu'elle s'apprête à donner un... On a contacté l'Institut de la santé publique, l'Institut national de la santé publique, et on s'apprête à confier un mandat de recherche à l'Institut national de santé publique pour documenter la problématique, le nombre d'utilisateurs, les accidents, identifier les meilleures pratiques, la législation et les infrastructures. Alors, on fait un pas de plus, et la SAAQ est déjà en train de mettre en place cette initiative-là pour avoir des éléments qui vont nous permettre d'orienter les actions que nous devons porter suite à la réalité ou au portrait que nous aurons de la Santé publique. Alors, je tiens à vous dire qu'on sera toujours là, je pense que c'est un élément important.

J'aimerais ça par contre vous entendre. Je sais bien que vous avez une préoccupation particulière pour le déplacement de ces personnes-là, par contre j'aimerais vous entendre sur quelques éléments du projet de loi, parce que tantôt l'opposition disait: Bon, on s'écarte, il y a trop de mesures. Alors, je tiens à rappeler qu'il y a six mesures qui sont législatives, on a eu 23 recommandations de la table. Ce n'est pas chez vous, c'est... Alors, il y a six mesures législatives, il y a eu 23 recommandations de la table, et je tiens à dire, au bénéfice du collègue de Beauharnois, que, dans les 23 recommandations, comme notamment la publicité, ce n'est pas nécessairement des actions législatives qui doivent être mises en place à court terme, mais ça ne veut pas dire que le ministère ne fait pas des actions, ne pose pas déjà des gestes dans le sens d'améliorer la publicité qu'on fait à la télévision. On est tout à fait d'accord avec ça. Au lieu de faire la promotion de la vitesse, de la puissance, je pense qu'il y a des actions, et déjà, au ministère, on est après mettre ce genre de mesures là en place, il y a des actions qui sont déjà en train de se réaliser. Ça ne passe pas tous par une loi, mais ça ne veut pas dire que les recommandations qui ne sont pas dans les six mesures ne sont pas retenues et qu'il n'y aura pas des actions concrètes qui vont être posées à l'égard de ces recommandations-là.

Alors ça, c'est important pour nous de dire que les 23 recommandations... que le travail que fait la Table québécoise de la sécurité routière est un travail exemplaire ? il y a un travail qui a été fait pendant 18 mois ? et qu'on a réussi à trouver un consensus autour de cette table-là. Alors, c'est extraordinaire d'avoir su rallier tous ces gens-là à une cause commune qu'est la sécurité routière parce qu'on a tous comme objectif de sauver des vies humaines. Alors, que ce soit une, deux, 10, 20 ou 100, je pense que, chaque vie qu'on aura sauvée, on pourra dire mission accomplie, comme législateurs.

Alors, moi, j'aimerais vous entendre notamment sur... Je pense que pour vous c'est important, les photoradars, mais surtout les caméras feu rouge. Je pense que, pour vos gens, c'est un outil sécuritaire qui est fort appréciable et qui va assurément, là, permettre d'améliorer la qualité de vie de vos gens lors de leurs déplacements. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

Mme Hébert (Anne): Pour nous, cette mesure-là est importante dans le cadre des projets pilotes proposés parce que d'une part elle permet probablement de réduire des accidents qui peuvent avoir des impacts importants, d'éviter des accidents avec blessés graves. Donc ça, c'est le premier élément, là, qui pour nous est très, très important comme impact préventif de cette mesure-là. Et aussi ça assure une plus grande sécurité pour les piétons. Donc, c'est un autre effet préventif, d'autant plus pour les personnes handicapées qui se déplacent, parce que souvent les personnes handicapées qui se déplacent peuvent se déplacer plus lentement ou avec d'autres types d'outils, ont besoin d'autres repères. Donc, le fait, là, qu'il y ait une diminution de... cette mesure-là peut avoir un effet d'assurer une plus grande sécurité pour la circulation des piétons.

Dans notre mémoire, on a voulu relever la question d'essayer d'introduire aussi la possibilité d'introduire les signaux sonores et les signaux numériques pour assurer aussi cette plus grande sécurité dans les déplacements pour les piétons, notamment pour les piétons qui ont une déficience visuelle, ou une déficience auditive, ou une lenteur dans la mobilité, parce que ce seraient des mesures qui augmenteraient d'autant plus leur effet préventif, là, de la mesure.

Mme Boulet: Alors, vous avez tout à fait raison, là, les feux à décompte numérique sont normés depuis 2003, et on parle des...

Une voix: Le signal sonore.

Mme Boulet: ...le signal sonore également. C'est des choses qu'on regarde pour mettre en place le plus rapidement possible. Je pense que c'est une mesure qui peut nous apporter un élément...

Mme Hébert (Anne): Déjà, les signaux sonores et puis les signaux... sont déjà implantés dans un certain contexte. Ce qu'on aimerait, c'est, dans le cadre des projets pilotes, qu'on puisse aussi expérimenter davantage ces mesures-là pour faire une sensibilisation plus grande à l'avantage de ces équipements-là pour la sécurité.

Mme Boulet: À l'intérieur des projets pilotes des photoradars et des caméras feu...

Mme Hébert (Anne): Oui.

Mme Boulet: Bien, plus des caméras feu rouge.

n (15 h 20) n

Mme Hébert (Anne): Oui. Caméras feu rouge, oui.

Mme Boulet: O.K. Alors, on prend bonne note de ça.

Maintenant, de façon générale, Mme Hébert, les mesures... Évidemment, vous, votre préoccupation, c'est: moins il y a d'accidents, moins j'aurai de clients, à la limite, moins j'aurai de gens qui auront à vivre avec une restriction ou avec une diminution de leurs capacités. Alors, j'aimerais juste vous entendre au niveau de l'alcool. Est-ce que vous pensez que le Québec doit faire un pas de plus et sensibiliser, aller encore plus loin pour sensibiliser les gens, leur dire que la consommation d'alcool, ça ne va pas avec la conduite automobile, comme le font toutes les autres provinces canadiennes, comme est la tendance au niveau international également, de baisser la limite pour faire en sorte que les gens soient plus attentifs à leur consommation d'alcool? Est-ce que vous pensez que c'est une mesure qui mérite, au Québec... Est-ce qu'on est rendus là? Est-ce que vous pensez que c'est un...

Mme Hébert (Anne): Sans être un expert de la question, l'office est en faveur de toute mesure qui peut avoir un effet préventif, de toute mesure qui peut assurer une plus grande sécurité et diminuer le risque d'apparition d'incapacités graves. Donc, nous, oui, je vous répondrais oui à votre question parce que c'est fait dans cet objectif-là. Donc, on appuie toutes les mesures de prévention. Tout ce qu'on peut faire comme modifications à des normes, à l'infrastructure, à l'environnement pour diminuer les facteurs de risque, l'office va les appuyer et les appuie.

Mme Boulet: Alors, moi, je vais juste terminer, Mme Hébert, en vous disant que, tous les projets ? soit qu'on refait une route, là, comme Notre-Dame ou comme l'échangeur Dorval ? tous les projets où on investit de façon importante, il y a des audits de sécurité qui vont être faits. Il y a également une préoccupation très présente d'intégrer autant une piste cyclable qu'un sentier piétonnier pour permettre à vos gens de se déplacer, et je veux vous donner ici la garantie ou l'engagement du ministère à l'égard de cette préoccupation-là. On ne peut pas, aujourd'hui, penser faire un nouveau projet soit de développement ou de rénovation d'une infrastructure au Québec sans s'attarder à cette préoccupation-là, et soyez assurée que ça fera partie de tous les projets qui vont être pensés et qui vont être réalisés au cours des prochains mois et des prochaines années, au ministère. C'est une préoccupation pour nous et c'est une clientèle qui assurément mérite qu'on lui accorde ce moyen de transport là et cette capacité de se déplacer au Québec.

Alors, je voulais juste vous donner mon impression, mon engagement, je vous dirais, moral envers le MTQ parce que je pense que c'est important. Et, comme vous le dites, la population, elle est vieillissante. Tantôt, ce seront des gens qui ont vieilli qui auront besoin de cette façon, de ce mode de déplacement là. Alors, dans ce sens-là, je pense qu'ici on est tous d'accord sur cette question-là, sur cet élément-là, on doit, à chaque projet, à chaque fois qu'on interviendra sur un secteur ou un tracé, regarder la possibilité d'y intégrer un sentier piétonnier pour permettre à vos gens de se déplacer et d'y avoir accès.

Alors, je voulais vous donner cet engagement-là, vous dire merci pour votre beau travail. Et, regardez, assurément ces gens-là peuvent compter sur de fidèles et loyaux, des ardents défenseurs, et assurément ils sont privilégiés de vous avoir à leurs commandes. Alors, merci beaucoup. Et, moi, je vais garder du temps, M. le Président.

Le Président (M. Domingue): M. le député de Blainville.

M. Gingras: Merci, M. le Président. Premièrement, moi aussi, vous dire merci de vous être déplacés et de l'excellent travail que vous faites, Mme Hébert, M. Magner.

Quelques questions juste pour éclaircir ma perception sur ce que vous nous avez indiqué. À la page 7 de votre mémoire, vous parlez de l'application des règles de circulation routière aux personnes qui se déplacent avec une aide à la mobilité motorisée, que ça laisse place à interprétation des règles par différentes personnes. J'aimerais juste connaître c'est quoi, la problématique plus précise.

Mme Hébert (Anne): En fait, M. Magner pourra vous donner plus de précisions, mais, comme je l'ai souligné très brièvement dans ma présentation, c'est l'interprétation de ce que c'est, un piéton. Les personnes qui utilisent des quadriporteurs ou des fauteuils roulants motorisés sont-elles considérées comme des piétons ou comme un véhicule? Il y a un flou d'interprétation, et c'est ça qu'il faut essayer de préciser pour assurer davantage de sécurité à la fois pour les personnes qui utilisent ces aides mais aussi pour les autres véhicules qui circulent, puis comment se fait l'interaction entre ces utilisateurs. Je vais demander à M. Magner de préciser davantage.

M. Magner (Michael): Bon, si vous permettez, si on regarde le Code de la sécurité routière, on s'aperçoit que cette loi, ça commence par un nombre de définitions. On nous présente c'est quoi, un vélo, on nous explique c'est quoi, un véhicule, on sait c'est quoi, un cyclomoteur. Cependant, le mot «piéton», qui apparaît pourtant dans le code, n'est pas défini. Or, on prend ça au sens usuel, dans le sens de «personne qui se déplace à pied». Or, ce n'est pas nécessairement la condition que vivent certaines personnes handicapées. Et, si on regarde d'autres dispositions du code qui traitent des piétons, on s'aperçoit qu'il y a un certain problème.

Je vais vous donner un exemple très simple, deux personnes qui se déplacent en fauteuil roulant, qui se trouvent, au trottoir, dans le sens contraire. À un moment donné, quelqu'un doit reculer. Dites-moi qui. Selon quelles règles ces personnes doivent se déplacer sur les trottoirs en pleine conformité au code?

Un autre problème qu'on voit, et bien souvent, les pistes cyclables. C'est de la juridiction municipale. Est-ce que le quadriporteur est autorisé de circuler sur une piste ou pas? Si oui, quelles règles la personne devrait suivre? Je peux vous dire que c'est un peu embêtant. Les centres de réadaptation attribuent les quadriporteurs, l'État québécois subventionne ces aides à la mobilité dans le cadre de plusieurs programmes, soit le ministère de la Santé, soit la RAMQ, soit la SAAQ. Or, la personne qui reçoit une telle aide n'obtient aucune information concernant la façon de se déplacer. On lui dit: Circulez de façon sécuritaire, ou: L'équipement que vous recevez est destiné à un usage hors route. Or, on sait très bien qu'il y a des quartiers où il n'y a pas de trottoir. Il y a des endroits où c'est impossible de se déplacer d'une autre façon qu'en prenant le chemin public. Si on parle, par exemple, de précipitation de neige, on sait très bien que les personnes sont forcées de prendre la route. On ne sait pas vraiment quelles règles elles devraient suivre et on n'a pas d'indice clair à cet égard.

M. Gingras: Quelles seraient vos suggestions à cet égard?

M. Magner (Michael): La première suggestion qu'on serait prêts à formuler, c'est de s'assurer que ces personnes-là puissent bénéficier d'autonomie que ces aides à la mobilité leur offrent. C'est sûr qu'interdire ce type d'aides à la mobilité, ce serait contraire à toutes les dispositions contre la discrimination parce que ça permet à de nombreuses personnes de se déplacer et que souvent ça constitue le seul moyen qui leur permet de se déplacer. Donc, on ne peut pas interdire ces aides, ça, c'est certain.

Maintenant, la deuxième préoccupation, c'est la sécurité. Si on permet de circuler, il faut s'assurer que ces personnes-là puissent suivre des lignes directrices claires qui leur assurent une sécurité dans leurs déplacements.

Maintenant, les dispositions plus particulières. Bon, c'est certain qu'on a ici, au niveau du gouvernement du Québec, des ministères et des sociétés qui sont mieux placés que nous pour édicter ces règlements. Par contre, on s'aperçoit qu'il y a une nécessité. D'ailleurs, vous voyez, dans notre rapport, on parle d'un rapport du Bureau du coroner où on nous invite de faire de la sensibilisation. On aimerait bien, mais, dites-moi, selon quelles règles je devrais le faire? C'est beaucoup plus compliqué. On n'est pas outillés à ce niveau. Merci.

M. Gingras: Merci. Effectivement, et surtout dans le milieu rural. On parlait du milieu rural ce matin où les accotements ne sont pas asphaltés, où les accotements ne sont pas toujours disponibles pour permettre aux personnes à mobilité réduite de pouvoir se déplacer.

Je suis d'accord aussi avec votre commentaire, et mes confrères, consoeurs comprendront, de vouloir faire des personnes autonomes. Nous, on est parfaitement d'accord avec ça. L'autonomie, c'est ce qu'on recherche.

Pour profiter de votre présence, dans les analyses et les suggestions au niveau du code, et Mme la ministre parlait tantôt du Code de la sécurité routière, il y a des personnes à mobilité réduite qui se déplacent aussi en véhicule. Le Code de la sécurité routière viendra leur imposer certaines règles comme le 0,05. Comment vous trouvez que ça va pouvoir s'appliquer au niveau de ces personnes-là?

n (15 h 30) n

Mme Hébert (Anne): Bien, comme pour toutes les autres personnes. Il n'y a pas de mesures particulières qui s'adressent aux personnes handicapées. On fait toujours la promotion de l'adaptation des services réguliers qui sont offerts à l'ensemble des citoyens pour les personnes handicapées. C'est-à-dire, si une personne est sourde, il faut tenir compte de son incapacité dans l'évaluation de ses capacités de conduire, tout ça, mais elle ne doit pas, dans un esprit d'égalité, ne pas être soumise à des règles auxquelles sont soumis l'ensemble des citoyens.

M. Gingras: Mais je parle du test de coordination pour les 0,05.

Mme Hébert (Anne): Le test de coordination, il y a des centres de réadaptation au Québec qui sont spécialistes pour ces tests-là, pour les personnes qui doivent acquérir un permis de conduire, évaluer leur capacité de conduire. Donc, c'est juste de tenir compte...

M. Gingras: ...les policiers auront à appliquer et devenir juge et partie donc de cette mesure-là. Comment vous voyez que le policier puisse faire appliquer un test de coordination à une personne handicapée?

M. Magner (Michael): C'est sûr que les personnes qui conduisent doivent quand même posséder certaines capacités de conduire. Même si vous avez un permis de classe P pour la conduite avec les commandes manuelles, c'est la question de coordination. Puis c'est des citoyens à part entière, ils sont soumis aux mêmes règlements. Donc, s'ils ne possèdent pas des capacités de conduire, c'est les mêmes règlements que pour n'importe qui. La question de sécurité routière, conduire un véhicule, c'est un privilège, on en convient. Puis, la personne pour qui l'état de santé ou les médicaments, la médication peuvent avoir un impact, c'est au médecin de la sensibiliser, à l'informer que même la limite 0,05 peut avoir un impact. Je parle ici de personnes qui utilisent des médicaments. Ça, c'est une question... Mais, pour les personnes qui ne sont pas handicapées, c'est la même question, c'est la même chose. Il n'y a rien de discriminatoire par rapport à la personne handicapée.

M. Gingras: Comme vous, je comprends que les personnes handicapées ou à mobilité réduite sont des personnes égales aux autres personnes. Et je vous reprends l'exemple de tantôt: une personne avec la sclérose en plaques ou une personne qui a une difficulté au niveau de la mobilité, je ne sais pas si vous connaissez bien le projet de loi, là, le policier va faire faire un test sur place, et c'est lui qui va juger, à la minute où il fait faire ce test-là, si la personne a effectivement les facultés affaiblies ou non en faisant un test qu'on appelle un test de coordination. À l'égard des personnes handicapées, un test de coordination, ça peut être une difficulté.

Mme Hébert (Anne): Nous, on prend pour acquis que, s'ils ont eu leurs permis de conduire puis s'ils ont passé cette capacité-là qui a été évaluée, ça veut dire qu'ils vont être capables de passer un test régulier quant à la coordination, mais ce qui n'empêche pas qu'il peut y avoir des mesures d'adaptation. Mais on préfère promouvoir des mesures d'adaptation que de ne pas soumettre les personnes handicapées aux mêmes exigences que l'ensemble des citoyens. Les personnes handicapées revendiquent l'égalité. C'est ça que ça veut dire. Mais on prend pour acquis que, s'ils ont eu leurs permis de conduire, c'est qu'ils ont été capables de passer ce genre de test.

M. Gingras: Je vais laisser, M. le Président, mon confrère...

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci. Oui. Merci, M. le Président. On parle, depuis... en tout cas depuis l'étude de ce projet de loi là, beaucoup de ce qui se passe en Europe, dans plusieurs pays. Moi, je n'ai pas voyagé beaucoup, mais j'ai été en Europe à quelques reprises, et puis, les piétons en Europe, autant, j'imagine, que les personnes handicapées à mobilité réduite, quand on arrive sur le bord d'une route ou une rue où il y a un passage pour piétons, tous les automobilistes s'arrêtent et nous laissent passer. Ici, au Québec, je leur ai dit souvent: Ne venez jamais essayer ça à Québec parce que vous êtes morts. Est-ce que vous ne voyez pas qu'on pourrait aller dans ce sens? Est-ce que vous avez vu en Europe qu'est-ce qui se passe avec les piétons? Est-ce que vous connaissez l'attitude?

Mme Hébert (Anne): Mon collègue est d'origine européenne, donc il va être en mesure de faire la comparaison.

M. Magner (Michael): Bon, écoutez, je pense qu'effectivement il y a des leçons qu'on pourrait prendre en Europe. Mais ce que je voulais vous dire, ce qu'on propose ici pour faciliter, sécuriser les déplacements des personnes handicapées... On parle des personnes handicapées, mais on vise l'ensemble de la population. C'est sûr que tout ce qui est fait pour faciliter les déplacements au niveau de l'accessibilité des infrastructures, des équipements, c'est bénéfique pour l'ensemble de la population.

Je vous donne un exemple, un autobus à plancher bas. Essayez maintenant d'introduire des autobus avec des marches. Personne ne veut les utiliser. À l'origine, c'était pour des personnes handicapées, puis finalement c'est tout le monde qui en bénéficie. Si vous regardez des adaptations des infrastructures pour les piétons, tout ce qui se fait pour des personnes handicapées facilite les déplacements des piétons, facilite aussi tout ce qu'on appelle des modes de transports alternatifs, donc à pied. Donc, c'est certain que ce qu'on veut faire, c'est non seulement de favoriser le déplacement des personnes handicapées, mais les déplacements des piétons en général, puis je pense que les exemples de certains pays européens sont très parlants. Puis on peut faire ça bien sûr au niveau de la réglementation, au niveau de la sensibilisation.

La question que vous avez soulevée, que les automobilistes s'arrêtent, bon c'est quelque chose qu'on souhaiterait voir aussi plus souvent au Québec, mais c'est clair que, si les démarches sont faites en ce sens, les effets vont être positifs pour l'ensemble de la population.

M. Grondin: Je crois que, dans certaines provinces du Canada, cette loi-là existe; je ne sais pas, cette loi ou un règlement existe. Je ne sais pas si c'est en Ontario ou dans l'Ouest canadien que, quand une personne arrive à côté d'une rue, vis-à-vis des traverses, là, pour piétons, les automobilistes s'arrêtent. Je crois qu'au Québec on est pas mal les derniers à ne pas faire ça.

M. Magner (Michael): On fait quand même des choses. Si je regarde au niveau municipal, la ville de Montréal s'est dotée d'une charte des piétons, récemment. Il y a des démarches intéressantes qui sont en cours, puis je pense qu'il faut les encourager.

M. Grondin: C'est bien. Merci.

M. Gingras: Je vais garder le temps pour la fin. Merci.

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Beauharnois.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Madame messieurs, bienvenue à cette commission. Je vais vous le dire bien franchement, je suis un peu déçu qu'encore une fois les personnes handicapées, les personnes à mobilité réduite ne trouvent pas leur compte et que vous soyez remis un petit peu à plus tard encore une fois. Je ne sais pas si vous ne partagez pas ce point de vue là. Il y a eu du travail, du bon travail de fait. La table a été mise sur pied il y a 18 mois. Vous avez été à la table tout au long de ces mois. Expliquez-moi pourquoi qu'il n'y a aucune mesure sur 18 mois de travail qui touche les personnes handicapées ou les personnes...

Mme Hébert (Anne): Dans le projet...

M. Deslières: Qu'est-ce qui a fait que c'est si difficile? Il y a eu 18 mois, là, pas deux mois, là, 18 mois de travail. Puis je comprends qu'on a travaillé sur d'autres aspects. Vous étiez à la table, vous êtes un témoin direct. Expliquez-moi pourquoi. Qu'est-ce qui a été si difficile de répondre à certaines de vos demandes, à certains des besoins, que vous exprimez partiellement dans votre mémoire? Expliquez-moi, là, qu'est-ce qui s'est passé... et j'arrête là, là, dans l'annexe 4, on nous dit: Woup! les mesures pour les personnes à mobilité réduite sont réétudiées, étudiées, ça viendra plus tard, plus tard. Mais j'ai comme l'impression... Je ne sais pas si vous partagez mon sentiment. Je suis un peu frustré, je suis un peu impatient de dire: Bien, il y a de la réglementation, il y a des points et éléments. On ne peut peut-être pas tout avoir, mais il n'y a rien dans le projet de loi.

Mme Hébert (Anne): Ce n'est pas notre perception. Je pense qu'il faut distinguer deux types de mesures, les mesures de type préventif, qui ne s'adressent pas nécessairement aux personnes handicapées elles-mêmes mais qui visent à diminuer le nombre d'accidents, et, sur ce point-là, nous sommes satisfaits.

M. Deslières: Je n'en disconviens point. L'autre point.

Mme Hébert (Anne): Et c'était notre objectif principal, je dirais, dans la participation à la Table sur la sécurité routière, d'introduire, d'insister sur cette préoccupation-là.

Quant à l'autre aspect, qui est plus sur le déplacement des personnes handicapées de manière sécuritaire sur d'autres... il y a des questions qui ont été abordées dans les mesures à examiner à la table, et bien sûr, des fois, les solutions ne sont pas toujours évidentes. Notre préoccupation, c'était d'inscrire... le travail se poursuive et qu'il y ait des travaux... Et j'ai entendu, tout à l'heure, la nouvelle concernant la réalisation de l'étude possible avec l'Institut national de santé publique, sur les aides à la mobilité motorisées. Pour nous, c'est très important.

Donc, nous, on a senti qu'il y avait un intérêt sur les mesures. Bien sûr, plus vite ça se fait... Puis l'office va être là pour s'assurer que ce travail-là se poursuive. Mais je pense qu'il faut distinguer ces deux types de mesures là. Il y a une préoccupation plus sur la prévention et plus sur des mesures liées à la sécurité, et il y avait quelques mesures qui étaient prévues, dans la table, dans les recommandations, sur cet aspect-là. M. Magner pourra vous en donner un peu plus de précisions.

n (15 h 40) n

M. Magner (Michael): Si vous permettez, aussi peut-être situer ça dans une perspective plus internationale. Si on regarde, par exemple, la circulation des personnes en fauteuil roulant, si Québec se dote d'une réglementation à cet égard, ce serait la première mondiale. On touche un sujet qui, il y a encore 10 années, était absolument inconnu. C'est vraiment des problématiques en émergence. Et puis c'est sûr que le taux de croissance du nombre z est assez impressionnant, puis ça nous incite à agir. Cependant, ça prend vraiment des études pour bien baliser notre intervention, puisque, si on sort avec une réglementation en plus, si on parle de question véhicules, on touche à la juridiction fédérale, ça va être la première jurisprudence là-dessus au Canada et probablement une des premières, sinon la première au monde. Donc, on touche à quelque chose d'assez novateur, et je pense que c'est beaucoup plus prudent de prendre un recul, prendre du temps pour faire des études, bien baliser notre intervention.

Parce qu'on est les premiers, on ne peut pas se baser sur un exemple qui a été cité tout à l'heure, des exemples de ce qui se fait en Europe parce qu'à ce niveau-là il n'y a pas d'exemple encore. Donc, on explore un terrain nouveau, et je pense que c'est intéressant aussi d'avoir ça en vue.

M. Deslières: Mais je comprends les études, je comprends que c'est complexe, dans le sens qu'il y a un environnement routier, il y a un environnement socioéconomique, tout ça. Je comprends ça. Mais quelles seraient, là... Vous êtes ici, là, je vais profiter de votre présence. Vous avez réfléchi, vous êtes devant nous autres. Quelles seraient les principales mesures, actions qui pourraient être faites, exemple, pour améliorer la mobilité, sans m'en décrire 25, là?

Mme Hébert (Anne): Dans une perspective de prévention, c'est sûr qu'on aimerait, dans les projets pilotes sur les feux rouges, là, que soit introduite l'utilisation du décompte numérique et des signaux sonores. Ça, ce serait très important parce que ça va améliorer aussi le... ça va faciliter le déplacement pour les personnes handicapées. C'est ce qu'on a suggéré dans le mémoire.

L'autre élément sur lequel on aimerait qu'il y ait une réflexion, c'est sur la définition du «piéton» dans le Code de sécurité routière, qui pourrait être un élément facilitant, particulièrement dans le cadre de la réflexion sur les aides à mobilité réduite. Et tout ce qui a trait au stationnement, l'utilisation du stationnement réservé pour les personnes handicapées, aussi ça nous apparaît très important. Il y a des mesures prévues dans le projet n° 55, là. On accueille ça très favorablement, les resserrements. J'ai passé ça vite, mais notre conseil d'administration, à chaque séance, nous parle de ce sujet-là, les personnes handicapées ont beaucoup de difficultés à faire respecter l'usage des stationnements réservés.

M. Deslières: C'est le sens de ma deuxième question, là. Mais, avant d'aller à cette question-là, est-ce que vous avez l'assurance, là, que les travaux, les études sont commencés, sont élaborés, vont être faits au cours du processus, pas dans un an, dans deux ans, dans trois ans? À la table, est-ce que vous avez reçu un signal, des signaux du gouvernement, du ministère, de la ministre en disant: Oui, oui, ça, là, au cours de 2008, nous entreprenons un vaste chantier afin de répondre à certaines de vos préoccupations ou recommandations pour qu'on puisse aboutir éventuellement à des modifications réglementaires ou législatives?

Mme Hébert (Anne): Particulièrement sur les aides à mobilité réduite, ça a été identifié comme des mesures à examiner ultérieurement, et il y a eu des échanges avec notre organisation, la SAAQ, le ministère du Transport pour que des études se fassent. Puis j'ai entendu tout à l'heure que ça se concrétiserait assez à court terme. On attend une invitation pour participer aux travaux, puis notre collaboration est assurée.

M. Deslières: Dernière question avant de céder, Mme la Présidente... à mon collègue. Parlez-moi, là, de toute la situation des stationnements pour les personnes handicapées dans les municipalités. Comment est-ce que vous vivez ça, là, les personnes... Comment vous vivez ça? Décrivez-moi, là... Moi, je vous dis, là, j'ai vu des choses. Je n'ai pas le temps d'élaborer sur ça, là, mais j'ai vu et je vois des choses où vraiment, là, il y a une perte de contrôle totale.

Mme Hébert (Anne): Je vais donner la parole à M. Magner, qui est un spécialiste, qui a rédigé un guide sur la question. Je vous dis, c'est extrêmement fatigant. Le problème, c'est qu'on ne prend pas au sérieux... Il y a beaucoup de citoyens qui se permettent de stationner dans les stationnements réservés, et on perçoit le stationnement réservé comme étant un privilège, c'est-à-dire quelque chose, ah! un privilège pour les personnes handicapées. Mais ce n'est pas un privilège, le stationnement réservé, les gens ont besoin de ça pour être capables de sortir de leurs voitures en toute sécurité et avec aisance. Et le problème, c'est vraiment le non-respect de ça et aussi peut-être une perception que, les gens qui ont le permis, c'est très facile à obtenir et que ce n'est pas toutes des personnes handicapées qui ont le permis, alors que la situation est un peu plus nuancée que ça. C'est-à-dire, une personne handicapée, ce n'est pas seulement une personne en fauteuil roulant, et les incapacités des personnes ne sont pas toujours visibles. Ça peut être des incapacités liées à l'orientation, ça peut être certaines difficultés de vision ou de sécurité.

Et il y a tout un processus très sérieux pour l'attribution de ces permis-là. Donc, on a aussi des difficultés beaucoup avec cette perception négative que c'est donné un petit peu à n'importe qui, ce qui fait que peut-être les citoyens n'auront pas tendance à respecter ça, mais c'est extrêmement important pour les personnes handicapées.

Je vais passer la parole à M. Magner, qui va vous donner des cas plus précis qui préoccupent particulièrement, je le répète, les membres de notre conseil d'administration.

M. Deslières: M. Magner, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer la situation? Profitez de votre passage ici.

M. Magner (Michael): ...les changements qui sont proposés dans le cadre du projet de loi n° 55, ça va permettre notamment l'élargissement de la portée de l'article 308 du code, qui va faire en sorte que les centres commerciaux ouverts à la circulation du public seront assujettis à la même réglementation en matière de signalisation routière. On salue ces changements.

Pour ce qui est des vignettes, je pense qu'il y a une question importante, c'est de voir ça parfois dans une perspective internationale. Si on se compare notamment avec des provinces canadiennes, on s'aperçoit que les critères qui sont utilisés au Québec sont assez sévères par rapport aux autres provinces canadiennes. On est la troisième province qui délivre le moins de vignettes par rapport au nombre de citoyens. Donc, ce n'est vraiment pas le problème.

Le problème, c'est le manque de civisme, c'est la question de la surveillance policière dans certains endroits, et notamment les centres commerciaux, qui vont être maintenant assujettis à la même réglementation, et c'est aussi la question un peu d'une certaine ambivalence, d'un certain flou judiciaire, si on regarde le Code de la sécurité routière et le Code du bâtiment, parce que ce n'est pas les mêmes panneaux qui sont prescrits dans les deux cadres légaux, ce qui fait en sorte que les aires de stationnement à l'intérieur des bâtiments, ce n'est pas la même signalisation que celle qui est prescrite par le code. Donc, il y a encore des petits bouts de législation qu'on devrait faire à ce niveau-là, mais ce n'est pas nécessairement la question de la sécurité routière. Nous, l'élargissement de l'article 308, ça élargit la portée et ça couvre quasiment l'ensemble des terrains visés.

Je voulais aussi souligner qu'à l'office on a produit un guide à l'intention des municipalités, les municipalités qui sont visées par des articles de la Loi assurant l'exercice des droits, pour les encourager notamment à réglementer de façon plus stricte ou de façon plus cohérente parfois la question des stationnements pour les personnes handicapées. Donc, ça, on peut dire que les municipalités de 15 000 habitants et plus ? et c'est surtout là, le problème, le clou du problème ? sont déjà bien équipées pour pouvoir faire un bout de chemin dans ce terrain.

M. Deslières: Mais, même s'ils sont informés, mon collègue me dit, même s'ils sont informés, est-ce qu'ils font quelque chose?

M. Magner (Michael): Ce n'est pas une obligation, c'est une responsabilité qui se trouve dans le cadre de leur plan d'action. Donc, c'est une autre question, c'est les dispositions d'une autre loi qui régissent...

M. Deslières: Donc, une modification législative. J'ai compris votre réponse. M. le Président, merci, j'ai terminé.

M. Ferland: Merci, M. le Président. Je vais poursuivre dans un peu le même angle que mon collègue et...

Le Président (M. Domingue): ...d'Ungava, il vous reste une minute.

M. Ferland: Une minute? O.K. Bien, je vais aller directement, d'abord, parce que...

Bon, merci pour le mémoire. Je pense que tout le monde ici, on est sensibles et, comme députés, comme législateurs, on est là pour vous aider dans votre démarche. Mais je vais vous demander de nous aider à vous aider parce que, dans votre mémoire, vous félicitez la démarche, mais j'aimerais que vous nous parliez... Quand vous dites ici, dans les recommandations, qu'une définition du «piéton» tenant compte des particularités de modes de déplacement des personnes handicapées soit introduite au code de loi... Et après vous recommandez que soit élaborée une réglementation en matière de déplacement des personnes qui utilisent... Mais est-ce que vous avez des choses concrètes à proposer pour qu'on s'assure, nous, que ce soit inscrit dans le projet?

Le Président (M. Domingue): Alors, merci, M. le député. Je vais donner la parole au député de LaFontaine.

n (15 h 50) n

M. Tomassi: Merci, M. le Président. Et je voulais peut-être revenir un peu sur le questionnement de l'alcool au volant ? merci d'être ici, avant tout ? un des questionnements, puis peut-être reprendre un peu ce que mon collègue de Blainville faisait mention tantôt pour ne pas laisser une perception ou un doute vis-à-vis votre clientèle et la clientèle qui nous écoute. Quand on dit que les policiers seront juge et partie dans la nouvelle réglementation par rapport aux tests de coordination, ces tests de coordination, c'est une technique qui existe déjà. À 0,08, là, il y a des outils que le policier peut utiliser, il n'y a pas seulement l'alcootest, mais il y a aussi le test de coordination, faire marcher les gens tout droit, toucher le nez. C'est des techniques policières, alors des choses qui existent déjà, là. On ne rajoute rien dans le projet de loi qui va venir à l'encontre de ce qui est déjà fait, pour mettre les choses au clair, pour ne pas qu'on laisse la perception aux gens que le projet de loi vient rajouter une autre procédure aux policiers parce qu'on baisse le taux d'alcoolémie à 0,05.

C'est une mesure du projet de loi qui, vis-à-vis les partis politiques... Quelques-uns adhèrent, quelques-uns n'adhèrent pas. Vous nous avez bien dit, vous, tantôt que c'est une mesure qui vous semble correcte, d'aller dans ce pas-là, qui est une norme pancanadienne, là, à travers le Canada. Le 0,05 est adopté. Seulement, ici, au Québec, on est à 0,08. Est-ce que c'est bien ça? Vous pouvez peut-être faire un résumé de votre position.

Mme Hébert (Anne): On est en faveur de toute mesure qui a un effet préventif. On considère que cette mesure-là a un effet préventif.

M. Tomassi: Merci beaucoup.

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Blainville. Il reste 2 min 10 s.

M. Gingras: M. le Président, pour remettre les choses au clair aussi et pour ne pas qu'il y ait aucun doute sur ce que nous avons énoncé tantôt... vient dire qu'à l'heure actuelle ça existe, mais, à 0,08, c'est aussi le suivi d'un test éthylométrique. Donc, à l'heure actuelle, quand on parle de mettre une mesure à 0,05, donc le policier, sur ce seul test, actuellement, va pouvoir effectivement enlever le permis de conduire d'un conducteur et remiser sa voiture pour un 24 heures. Donc, c'est une mesure additionnelle, donc un pouvoir additionnel donné aux policiers. Et, comme le disait le juriste ce matin, Me Rancourt, c'est tout à fait clair que maintenant le policier sera juge et partie, et qu'il condamnera des citoyens, et qu'il imposera la peine avant qu'ils ne soient jugés. Donc, la présomption d'innocence n'existe pas. Merci.

Le Président (M. Domingue): Alors, il reste trois minutes pour la partie ministérielle. Alors, merci, Mme Hébert. Merci, M. Magner. Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

 

(Reprise à 15 h 56)

Le Président (M. Domingue): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vais convier l'Association du camionnage du Québec, et le Conseil de l'industrie forestière, et les Travailleurs autonomes du Québec à se présenter.

Vous avez un temps maximal de 15 minutes.

Association du camionnage du Québec inc. (ACQ),
Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ)
et Travailleurs autonomes Québec inc. (TAQ)

M. Cadieux (Marc): Merci, M. le Président. Merci tout d'abord aux membres de cette commission de nous permettre d'être entendus. Je salue aussi notre ministre, Mme Julie Boulet, ministre des Transports, et son adjoint parlementaire, M. Ouimet.

Mon nom est Marc Cadieux, je suis président-directeur général de l'Association du camionnage du Québec. Je suis accompagné de l'avocat de l'association, qui est Me François Rouette, de M. Jacques Bégin, qui est directeur adjoint au Conseil québécois de la foresterie, et de M. Mario Sabourin, Travailleurs autonomes Québec, Fédération des travailleurs du Québec.

Je vous fais un bref exposé, puis vous avez évidemment une description plus exhaustive de qui nous sommes, mais je vais aller au plus rapide.

Alors, l'Association du camionnage est une association qui a été fondée en 1951 et qui compte plus de 1 000 membres, dont 700 transporteurs du secteur public et privé, locateurs de véhicules et aussi fournisseurs de produits et services à l'industrie du camionnage. Bien sûr, notre vocation est celle de la défense et des droits et des intérêts de nos membres. Nous avons aussi une mission de formation et de perfectionnement, et nous fournissons aussi à l'industrie lois, documentation nécessaire à l'exercice de leurs activités.

Le Conseil de l'industrie forestière du Québec, il est le porte-parole de l'industrie forestière au Québec, évidemment. Il est appelé à représenter des entreprises de sciage résineux et feuillus, de déroulage, de papiers, de pâtes, de cartons et de panneaux oeuvrant au Québec. Il se consacre bien sûr aussi à la défense des intérêts de ces entreprises, à la promotion de leur contribution au développement socioéconomique, à la gestion intégrée et à l'aménagement durable de nos forêts. Il est bien sûr un donneur d'ouvrage très important au sein du monde du transport, donc du camionnage, et c'est l'intérêt pour lequel ils sont ici, aujourd'hui, avec nous.

Travailleurs autonomes Québec, qui a été créée en 2005, regroupe, au niveau de sa section camions, plus de 2 500 membres répartis dans le transport de marchandises, vrac et forestier. Il y a aussi une section taxi. Quant à elle, elle représente plus de 3 500 membres. Afin d'assurer une représentation adéquate et solide, rapport de force pour ses membres, Travailleurs autonomes Québec est associée au Syndicat des métallos, qui regroupe plus de 60 000 membres au Québec, et à la Fédération des travailleurs du Québec, qui, elle, regroupe plus de 500 000 membres.

n (16 heures) n

Bien sûr, aujourd'hui, on veut vous parler de sujets qui nous préoccupent de façon beaucoup plus particulière, soit évidemment la mise en place de caméras feu rouge, cinémomètres photographiques, utilisation du cellulaire au volant et activation du limiteur de vitesse sur les véhicules lourds. Je vais vous donner tout de suite le ton: nous ne sommes pas contre, mais nous avons évidemment certains aménagements que nous avons présentés déjà auprès de la ministre et sur lesquels nous aimerions revenir.

Les associations cosignataires du présent mémoire et leurs membres ont été évidemment des chefs de file incontestés en matière de sécurité routière. Nous investissons énormément en formation et en équipement de sécurité. Nous sommes d'ailleurs une organisation qui participe à de multiples tables gouvernementales, dont la Table gouvernement-industrie sur la sécurité des véhicules lourds, et ce, depuis les 10 dernières années. Nous avons bien sûr été à la Table québécoise de la sécurité routière. Nous sommes aussi au Forum des intervenants de l'industrie du camionnage général, auquel j'ai déposé une lettre ce matin qui contient aussi d'autres appuis face à nos prétentions à l'égard de l'application de caméras feu rouge et cinémomètres. Vous retrouvez aussi d'autres syndicats membres, des donneurs d'ouvrage, des représentants des tiers, donc le côté syndical, et le côté patronal, et le secteur manufacturier, qui appuient et qui ont demandé à être entendus aussi à l'égard des mêmes prétentions.

Pour l'industrie du camionnage, la mécanique proposée par le projet de loi n° 42, qui sanctionne des infractions constatées, pour nous, telle quelle, est du domaine de l'ingérable. L'industrie a proposé des moyens pour la rendre plus gérable et évidemment atteindre le but ultime, celui de changer des comportements.

Les nombreux échecs vécus par les différentes juridictions, qui ont dû faire marche arrière... Et bien sûr je sentirai venir la question et l'argument, mais nous pourrons, en échange avec vous, vous apporter des appuis face à nos prétentions. C'est surtout la manière de sanctionner le contrevenant qui chez nous est un irritant. Le fait que l'État se décharge de ses fonctions et mette le dos sur le citoyen ou le citoyen corporatif, en l'occurrence, dans bien des cas, chez nous fait de nous évidemment un enquêteur, une personne qui devra obtenir possiblement un aveu ou soit délater son employé, et, par le fait même, nous met aussi dans un rôle, si je peux m'exprimer ainsi, de greffier éventuellement, bien sûr, et on va en parler tout à l'heure, probablement de témoin.

Bien sûr, on comprend que, dans nos principes de droit, le conducteur a le droit de refuser de s'inculper, et nous croyons que l'application de la loi en tant que telle, par le principe de l'aveu... Je serais porté à vous dire: Qui pouvons-nous être pour obtenir un aveu, alors qu'un policier ou un agent de la paix ne peut lui-même forcer une personne à rendre un aveu en vertu de nos droits constitutionnels et de nos chartes? Bien sûr, il y a toujours le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable, et personne ne peut contraindre... et encore moins un employeur envers un employé, pour obtenir un aveu à l'égard d'une présumée infraction qui aurait pu être commise. Le fait évidemment de nous mettre dans ce rôle nous met dans une situation de relations de travail à venir fort précaire.

Dans le projet de loi en tant que tel, nous n'avons pas évidemment de garantie que l'État poursuivra le véritable contrevenant parce qu'au sens de l'édicté des articles nous comprenons que l'État se garde toujours un privilège de revenir vers l'immatriculé. Si le propriétaire évidemment échoue dans sa démarche d'obtenir soit un aveu ou de se mettre dans l'approche de la délation, évidemment il a toujours le choix, à titre de citoyen corporatif, de régler l'infraction. Est-ce là le but recherché? J'espère que ce n'est pas le but recherché, parce qu'on comprendra vite qu'une telle approche sera plutôt interprétée, auprès des transporteurs et des corporations, comme une forme de taxation et non un correctif envers un comportement délinquant.

Nous croyons, étant nous-mêmes déjà inscrits dans un processus qui est celui de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds, que ce processus est celui qui serait approprié envers notre industrie. Je parle de la loi n° 430 dans sa révision et dans sa mise à jour, devenue la n° 129. La n° 430 nous interpelle déjà à titre de citoyens corporatifs. Donc, nous ne sentons pas que nous serions une classe de citoyens différents, à ce moment-là, car ce ne serait qu'une infraction ou une gestion supplémentaire à travers ce même processus, qui est celui de la loi n° 430-129.

Nous croyons que ce processus permet d'atteindre deux buts: de vérifier s'il y a une faille au niveau de l'exploitant. C'est-à-dire, l'exploitant, le propriétaire a-t-il pris toutes les mesures afin qu'une situation comme celle-là ne se produise? Et, si la Commission des transports, qui est le tribunal administratif qui gère cette loi, en vient à la conclusion que le fautif est effectivement le conducteur, elle a, en vertu de ses pouvoirs, le privilège et le pouvoir de convoquer cette personne et de l'entendre pour comprendre et connaître les raisons pour lesquelles il est cité devant la Commission des transports à l'égard d'une infraction au Code de la sécurité routière. Nous prétendons qu'évidemment cette approche-là rejoint immédiatement la personne concernée.

Je reviendrai au cellulaire par la suite et à l'activation du limiteur. Je vais laisser Me Rouette développer un peu plus l'argumentaire que j'ai lancé.

M. Rouette (François): Merci. Bonjour à tout le monde. Et je me fais l'écho des paroles de M. Cadieux pour vous remercier pour notre présence ici.

La préoccupation première qui émarge selon nous du projet de loi tel qu'il est présenté, c'est qu'on semble ne pas viser la bonne cible. La personne qui devrait être atteinte est celle qui effectivement ne sera pas poursuivie. Dans son projet de loi, le législateur se réserve la possibilité, si on parvient à identifier un conducteur, de lui émettre un constat d'infraction. Il peut. Le poursuivant peut. Le poursuivant n'est pas tenu, ni si la personne s'est identifiée volontairement ni si on l'a identifiée puis on a fourni l'information. En bout de piste, la personne va se donner tout le trouble requis pour identifier qui était le conducteur ? et je reviendrai sur cette notion de trouble ? et éventuellement le poursuivant a une discrétion totale: Vous m'avez dit que le conducteur, c'était telle personne, celui qui s'est commis, la personne fautive, vous me l'avez donnée, mais, nonobstant tout ça, je ne poursuivrai pas cette personne. Et, s'il vous plaît, envoyez votre chèque à l'adresse habituelle.

Pour nous, cette façon de faire est complètement à côté des efforts qui existent depuis l'adoption de la loi concernant les propriétaires et exploitants, et maintenant les conducteurs, de véhicules lourds, où on a cherché à responsabiliser les gens au premier chef, au niveau de l'entreprise d'abord, et tous les échelons de l'entreprise, chacun devant répondre de son comportement puis de son engagement à l'égard de la sécurité routière.

Une entreprise de camionnage qui se retrouve effectivement à avoir un billet d'infraction constaté par un cinémomètre photographique, ou un système photographique de contrôle de circulation au feu rouge ? on va l'appeler caméra au feu rouge, là, pour simplifier la chose ? va devoir être capable d'identifier à l'interne, pour pouvoir agir, qui était le conducteur, et ses efforts vont peut-être l'amener, et souvent l'amener, à découvrir que ce n'était pas un de ses conducteurs ou que ce n'est pas un de ses employés ou un conducteur dont il utilise les services, ça pouvait être le conducteur d'une autre entreprise dont le tracteur servait, à ce moment-là, à tirer sa remorque, ça pouvait être un conducteur à l'emploi d'une agence de main-d'oeuvre qui est venu, pendant un certain temps, venir remplacer les vacances ou autrement. À ce moment-là, il va pouvoir peut-être référer l'information à la personne qui avait la gérance, si vous voulez, de cette personne-là, mais, lui, son devoir va être fini. Mais c'est lui qui a le billet, c'est lui qui est pris quand même à payer l'amende, alors qu'on suggère des mesures de cohérence. C'est ce qu'on recherche, la cohérence dans l'action.

n (16 h 10) n

Tous les thèmes, au cours de l'Année de la sécurité routière, parlaient de conduite: J'adopte une conduite responsable. Et, dans ce cas-ci, on passe à côté de la question et on semble accorder effectivement aux infractions avec cinémomètre photographique une importance moins grande qu'une infraction constatée par un policier. Je donnais l'exemple à M. Bégin hier. J'ai dit: S'il doit partir d'urgence de son bureau, qui est situé sur le chemin Saint-Louis, dans le coin de Lavigerie, et qu'il circule à 85 dans une zone de 50, et qu'il y a un cinémomètre photographique, il aura une amende à payer. Si, au même moment, je quitte mon bureau de la Grande Allée et je dois me rendre à Sainte-Foy, parti en retard pour un rendez-vous, et qu'il y a une opération policière dans le coin de Cartier...

Le Président (M. Domingue): En conclusion, M. Rouette.

M. Rouette (François): ... ? oui ? dans le coin de Cartier, moi, je vais me ramasser avec des points d'inaptitude et pas lui.

Alors, on veut quelque chose de cohérent et on veut que ça se rattache à la loi qui gouverne notre entreprise, qui est déjà un régime d'exception dans lequel on vit.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Rouette. Merci, M. Cadieux.

Une voix: ...

Le Président (M. Domingue): Je vais céder la parole à Mme la ministre.

Mme Boulet: Alors, merci, M. le Président. Alors, merci, MM. Cadieux, Rouette, Bégin et Sabourin, d'être présents parmi nous cet après-midi. Alors, si je comprends bien, là, parce que vous avez parlé essentiellement des photoradars et des caméras feu rouge ? puis d'ailleurs on s'en est déjà parlé ? alors vous n'êtes pas contre le principe. Parce que l'objectif des photoradars et des caméras feu rouge, c'est de ralentir la population, de dire aux gens: Écoutez, respectez les limites de vitesse, parce qu'à la limite ils peuvent être interceptés par un photoradar ou une caméra feu rouge.

Je tiens à vous rappeler que vous représentez des camionneurs. Donc, les camionneurs, c'est évidemment un véhicule avec une masse importante. Ils sont impliqués dans 20 % des accidents, au Québec. Également, quand ils sont impliqués dans un accident, les dommages corporels pour les citoyens, pour les individus sont d'autant plus importants. Un camion, ce n'est pas comme un véhicule de loisir.

Alors, moi, j'aimerais juste corriger certains éléments parce qu'effectivement, au départ, vous étiez soucieux du fait que le citoyen corporatif ait l'obligation de payer. On vous a écoutés, on vous a entendus et on a réussi à intégrer au projet de loi une mesure qui va vous permettre d'identifier le chauffeur qui est au volant du véhicule. Alors, c'est important de dire que ça ne se fait pas sur le dos des citoyens corporatifs. Alors ça, c'est totalement faux. Vous allez pouvoir identifier... Et c'est faux de prétendre que l'État ne va pas... On dit: Vous allez pouvoir identifier le chauffeur du véhicule et le dire à l'État ou le dire au poursuivant, qui, lui, va réémettre un billet d'infraction. Alors, c'est faux de prétendre que l'État ne poursuivra pas l'intervenant ou la personne qui est en infraction. Alors, vous allez identifier le conducteur. Le billet d'infraction, dans un délai très rapide, va être réémis au nom de la personne qui est en infraction. Alors, j'aimerais juste vous dire que, quand on parle de mesures de cohérence, c'est cette façon-là qui est la plus cohérente. C'est qu'il faut faire le même traitement à M. Tout-le-monde qu'au chauffeur qui conduit vos camions, qui est pris en infraction.

Alors, à l'heure actuelle, quelqu'un qui se fait prendre en excès de vitesse, il y a deux mesures qui s'appliquent à lui: il a des points d'inaptitude et il a une amende. Avec les photoradars et les caméras feu rouge, on passe à une mesure. Alors, il y a juste l'amende, il n'y a pas de point d'inaptitude. Ça, on en convient. Idéalement, ce serait de mettre des points d'inaptitude, mais on n'est pas capables de le faire en vertu de la Charte des droits. Mais ça, c'est partout pareil, où il y a des photoradars, il n'y a qu'une amende qui est donnée. Alors, pour M. Tout-le-monde, on passe de deux mesures à une, alors l'amende plus les points d'inaptitude. Avec le photoradar, on parle ici d'une amende seulement.

Pour ce qui est des conducteurs de véhicules lourds, actuellement il y a trois mesures: il y a les points d'inaptitude pour le conducteur, il y a l'amende pour le conducteur et il y a des pertes de points PEVL pour le propriétaire de la flotte automobile. Alors là, on passe de trois à deux. Alors, il y a une cohérence: de deux à un pour M. Tout-le-monde, de trois à deux pour les conducteurs de véhicules lourds. Donc, il y aura toujours l'amende et les points PEVL qui seront portés au dossier du propriétaire de la flotte automobile. Donc, la cohérence, elle ne peut pas être plus là. C'est la seule façon qu'on a d'avoir la procédure la plus équitable et qui fait en sorte que M. Tout-le-monde, qu'il soit un conducteur de véhicule ordinaire, dans son véhicule à lui, ou le conducteur d'un véhicule lourd, il soit traité de façon équitable. On a la même cohérence de deux à un pour M. Tout-le-monde, de trois à deux... Donc, il y a une mesure qui s'élimine en vertu du fait qu'on n'est pas capables de définir des points d'inaptitude par les photoradars et les caméras feu rouge.

Vous nous dites également qu'au niveau administratif c'est compliqué. Alors, je tiens à vous dire: Premièrement, il y a des photos qui seront prises à l'avant puis à l'arrière, quand on parle d'une remorque et puis du tracteur. Alors, il y aura des photos qui seront prises et du tracteur et de la remorque. Donc, en principe, s'il y a des conducteurs ou des propriétaires différents pour le tracteur et la remorque, les photos vont nous permettre d'identifier qui est la personne qui est en charge.

Et j'aimerais savoir de la part de M. Cadieux... Quand on sait qu'aujourd'hui une van ? je vais dire une van ? ou un camion transporte des charges ou des marchandises qui peuvent être très dispendieuses, j'aimerais que vous m'expliquiez c'est quoi, votre «logbook», puis en quoi c'est difficile d'identifier la personne qui est en charge d'un transport de marchandises qui vaut très cher. J'imagine qu'avec votre «logbook» vous savez précisément à quelle heure, à quel endroit, qui conduit tel véhicule, il est rendu où, c'est quoi, la destination, le point de départ, le point d'arrivée. Je suis convaincue que vos entreprises, vos flottes de camions, aujourd'hui, grâce au «logbook», aux nouvelles technologies qui sont appliquées chez l'industrie du camionnage, on est capable très rapidement d'identifier qui est responsable ou qui conduit une charge qui peut valoir 100 000 $, 200 000 $, 300 000 $. Ce n'est pas vrai qu'on laisse partir des camions et qu'on ne sait pas qui est responsable ou qui conduit une van qui peut avoir une charge qui est très importante en termes d'investissement ou en termes de valeur.

Alors, moi, je veux savoir, M. Cadieux: Vos «logbooks» vous permettent de faire quoi? Ça existe pour quoi, des «logbooks»? Et en quoi... Parce que je sais... J'aimerais juste que vous me donniez des précisions. Mais en quoi c'est compliqué, si vous avez des «logbooks» qui sont efficaces, et ce que je pense que tout le monde a aujourd'hui, en quoi c'est difficile d'identifier quelqu'un, de dire: C'est telle personne qui conduisait, réémettez le billet d'infraction au nom de cette personne-là, pour que finalement la personne qui était au volant, qui a fait l'infraction, reçoive elle-même l'infraction, comme tout citoyen au Québec? Alors, j'aimerais juste que vous me donniez un peu d'éclaircissements.

Peut-être que je ne comprends pas bien comment ça fonctionne, un «logbook», puis peut-être qu'il y a encore des compagnies qui ne sont pas à l'ère moderne puis qui n'ont pas tout ce système-là avec eux, mais je comprends difficilement qu'on laisse partir une van ou une charge qui est très importante, qui a une valeur importante, et qu'on ne soit pas capable d'identifier facilement, rapidement qui conduit le tracteur ou qui achemine cette marchandise-là du point A au point Z. Alors, j'aimerais juste qu'on m'explique comment ça fonctionne dans votre industrie.

M. Cadieux (Marc): Mme la ministre, vous comprenez très bien. Ce n'est pas que vous ne comprenez pas. Le «logbook» effectivement est le document contemporain qui nous permet de retracer le chauffeur, mais vous nous demandez, à titre de citoyens corporatifs, de gérer cette enquête-là dans le temps, dans le nombre d'équipements que nous gérons. Et, bien qu'on me dise que nous transportons de grandes valeurs, nous revenons aussi à vide. Les équipements ont des valeurs aussi sans avoir nécessairement des contenus de grande valeur. Ce n'est pas ça, le point. C'est faisable. Il n'y a rien de pas faisable. Mais vous nous demandez de le gérer... vous nous demandez d'obtenir des aveux, vous nous demandez de délater nos employés ou de prendre le puck, de payer l'amende. Vous nous demandez de contrevenir à des principes de charte de droits et de libertés, d'obtenir un aveu d'un employé. Vous nous mettez dans une situation, à titre d'employeurs et en relation avec notre employé, dans une situation qui précarise le lien entre l'employé et l'employeur dans une industrie qui est en pénurie de sa main-d'oeuvre.

n (16 h 20) n

Dans un autre ordre d'idées, vous nous demandez soit de devenir un délateur, donc... De par les principes de droit en tout cas que j'ai étudiés à l'Université de Sherbrooke quand j'ai fait mon cours, on peut encore contraindre quelqu'un à titre de témoin. Donc, vous me demandez, à titre d'employeur, d'être contraint de venir à la cour témoigner contre mon employé, d'apporter la pièce justificative à l'appui de la prétention pour avoir mis la personne en accusation, ou vous me demandez, en bout de piste, si je n'aime pas ces deux choix-là, de payer la facture. Moi, je vous dis qu'on vous offre la façon de corriger le comportement de la personne et de pouvoir remonter jusqu'à elle. Il y a un organisme, il y a un tribunal administratif qui s'appelle la Commission des transports du Québec, et qui fait cette job-là, et qui, depuis la révision de sa loi, permet de citer le chauffeur ? et d'ailleurs nous avons une liste d'exemples de chauffeurs qui seront convoqués à la Commission des transports au cours des prochains mois justement pour des non-respects de sécurité et de conformité ? et d'apporter des sanctions à ces personnes-là, et vous me déchargez alors de ce fardeau-là.

La loi telle quelle en ce moment m'oblige à faire la job, de devenir l'enquêteur, le délateur, d'obtenir un aveu. Je comprends que je ne l'obtiendrai pas par la menace et par la torture, mais vous nous demandez de contrevenir à des principes de charte et de droits fondamentaux dans notre droit. Puis je vais laisser François Rouette, qui est en pratique active, illustrer mieux ces choses-là.

Le Président (M. Domingue): Attendez, M. Cadieux. Mme la ministre aimerait intervenir. Alors, je vais reconnaître la ministre.

Mme Boulet: Alors, M. Cadieux, je vais vous répliquer, là. Premièrement, ça ne contrevient pas à la charte, là, je tiens à vous le dire. Alors, il faudrait arrêter de sortir cet argument-là. Ça ne contrevient pas à la charte, puis ça a été vérifié, puis ça se fait ailleurs, puis c'est accepté. Alors, ça ne contrevient pas à la charte.

Deuxièmement, je vous demande d'identifier... vous ne voulez pas identifier quelqu'un qui a fait une infraction, vous aimez mieux protéger quelqu'un qui fait une infraction au Code de la sécurité routière en ne l'identifiant pas. C'est ça que ça veut dire.

Et une autre chose: si un de vos chauffeurs, un de vos conducteurs reçoit un billet d'infraction pour un stationnement, vous recevez le billet d'infraction comme propriétaire de la flotte. Vous devez bien le trouver, celui qui était stationné au mauvais endroit. Vous devez le trouver. J'imagine que ça, dans ce cas-là, vous le cherchez, hein? Quelqu'un qui est stationné au mauvais endroit, puis vous recevez le billet d'infraction comme propriétaire de la flotte ou du camion, là, j'imagine que vous devez le chercher, qui qui était mal stationné. Pourquoi c'est différent quand c'est un photoradar?

Et j'ai une autre chose: vous me dites que ça devient très lourd. Est-ce à croire qu'il y a tant de billets d'infraction que ça chez les conducteurs de camions, hein? Alors, s'il n'y en a pas tant que ça, si c'est un billet par mois ou par semaine... Regardez, elle est où, la charge administrative de regarder votre «logbook» puis d'identifier le conducteur, la personne qui était au volant? Alors, moi, là, je comprends, M. Cadieux, que ce n'est peut-être pas le monde idéal puis que ce n'est pas ce que vous auriez aimé, je comprends ça, puis j'ai été très à l'écoute de ce que vous avez demandé. Maintenant, les citoyens, au Québec, doivent être tous traités de façon équitable. Et bien honnêtement, avec toute l'équipe du ministère, de la SAAQ, on a regardé toutes les avenues, toutes les pistes de solution et, en vous permettant d'identifier la personne, on est même allés bien au-delà de ce qu'ailleurs on... Les gens ailleurs envoient le ticket au propriétaire de la flotte, et, nous, on est allés une coche plus loin pour vous dire: Vous pouvez identifier, identifier le conducteur, faire réémettre un billet d'infraction, et cette personne-là sera elle-même responsable de son infraction. Alors, je pense que, de cette façon-là, c'est équitable envers tous les citoyens du Québec et que c'est la personne qui est responsable de son infraction qui devra payer le billet.

Alors, moi, je vais laisser la parole, M. le Président, si vous me permettez, à mon collègue de... le collègue de LaFontaine, s'il vous plaît.

Le Président (M. Domingue): Je vais... Une courte réponse.

Mme Boulet: Bien, ça va aller dans le même sens, M. Cadieux, ça fait que...

M. Cadieux (Marc): Bien, Mme la ministre, je comprends que, dans l'interprétation d'un article... Et vous me dites que ça ne contrevient pas à des principes de charte. C'est tout dépendant de la façon dont on veut bien l'interpréter. C'est sûr que, si l'aveu est libre et volontaire, je suis d'accord avec vous. Mais, dans un principe de délation ou dans un principe d'aveu et de relation employé-employeur, on repassera lorsqu'on gère des conventions collectives aussi.

Pour ce qui est de l'identification du contrevenant, j'aimerais que Me Rouette puisse ajouter un élément de réponse, s'il vous plaît.

Le Président (M. Domingue): Monsieur, avant je vais reconnaître le député de LaFontaine pour une intervention.

M. Tomassi: Merci. Merci beaucoup, M. le Président, et bienvenue à vous tous. Tantôt, vous avez parlé... Puis je pense que c'est un point majeur que vous parlez, la délation, là, où est-ce que le point de la délation est problématique. Actuellement, sous le PEVL ? puis vous en avez fait mention tantôt ? la Commission de transport du Québec peut vous convoquer pour un dossier dit problématique où est-ce que votre cote est en suspens. La commission vous convoque. Si vous avez un chauffeur qui est responsable de cette situation-là, vous avez dit tantôt que la CTQ peut le convoquer. La Commission de transports du Québec, à ce que je sache, n'est pas au courant de qui est-ce, le chauffeur. Vous devez nécessairement faire une délation en disant: C'est ce chauffeur-là qui conduisait ce camion-là, appelle-le pour qu'il vienne témoigner. C'est à peu près comme ça que ça marche. Alors, quelle est la différence, avec cette situation-là du photoradar où est-ce qu'on vous dit: On vous envoie le billet d'infraction? Avec votre «logbook»...

Puis je pense que je suis un peu la ministre, là. Vous avez de la marchandise qui vaut des millions, et actuellement, là, je vais vous dire, je vais vous lancer des fleurs, je vais vous lancer des fleurs, vous avez une très bonne moyenne au bâton: en 2005, 400 000 infractions pour excès de vitesse, les chauffeurs de camions en sont responsables pour seulement 4 409; 2006, 562 000 billets d'infraction pour excès de vitesse, les chauffeurs sont responsables de 5 300 infractions. Vous avez une excellente moyenne au bâton. Alors, je me dis, on a un projet pilote. On va aller de l'avant, on va regarder si le processus gouvernemental fonctionne de la manière... Si par la suite, là, après 18 mois, ça ne fonctionne pas, on pourrait revenir. C'est là le but.

Le Président (M. Domingue): M. Cadieux.

M. Cadieux (Marc): Je vais laisser Me Rouette... parce qu'après que j'ai terminé il n'y a plus de temps.

Le Président (M. Domingue): Alors, je reconnais M. Rouette.

M. Rouette (François): M. le député de LaFontaine, effectivement, le PEVL, comme vous appelez, à l'heure actuelle, de la façon dont il fonctionne, tous les chauffeurs sont déjà identifiés parce qu'ils ont été interceptés et qu'un policier a pu regarder le permis de conduire, et notre dossier PEVL nous révèle, à chaque fois qu'on le demande, quelles sont les personnes qui ont pu commettre des infractions. Présentement, on ne fait pas 72 000 recherches, on l'a identifié comme étant un chauffeur dont nous utilisions les services. Quand nous allons devant la Commission des transports du Québec, elle a déjà l'ensemble de cette information-là.

Dans le contexte de ce qu'on suggère, il y a deux éléments qu'on veut éviter. Deux. D'abord, il y a un délai de 10 jours. Bon, moi, ça fait 32 ans que je pratique dans le domaine du droit, et plus particulièrement du droit des transports. Les délais de 10 jours, vous savez, ça passe extrêmement rapidement, premièrement. Là, on va nous faire parvenir un billet dans les 30 jours de son émission. J'ai hâte de voir. Là, j'ai 10 jours pour trouver la personne.

On me dit qu'on va avoir pris la photo en avant. On en parle dans notre mémoire. On a fini par nous dire ça, à un moment donné, lorsque nous discutions de la problématique propre à l'industrie. J'ai des difficultés avec ce principe parce qu'effectivement on va prendre la photo à l'avant pour le tracteur parce que la plaque est là, mais on va prendre une photo à l'arrière. Mais, s'il est suivi par une auto, qu'est-ce qu'on fait? On lui reprend une photo devant puis on reprend une photo du derrière? Et comment vous allez faire pour identifier les occupants de l'autre véhicule? Venez-vous me dire que vous allez vous servir strictement de la photo de l'arrière pour poursuivre? Oui, mais la photo du véhicule avec les occupants va avoir été prise, et ça, c'est une transgression puis une intrusion dans la vie privée. Alors, vous m'excuserez, mais, quand on me dit de façon systématique qu'on va prendre les photos en avant puis en arrière, je demeure perplexe. En aucune circonstance...

Le Président (M. Domingue): En conclusion, M. Rouette.

M. Rouette (François): ...tous les travaux que nous avons eus, nous a-t-on montré comment tout ça pourrait marcher et que les droits fondamentaux seraient respectés.

Alors, si on va devant la Commission des transports du Québec, c'est un processus disciplinaire, ce n'est pas un processus pénal. Les règles de droit pénal ne s'appliquent pas, les garanties fondamentales fournies par la charte ne s'appliquent pas pour être capable de pouvoir témoigner. Et on nous demande: Qu'est-ce que vous avez fait? Et avez-vous pu identifier quelle est la personne? Je n'ai pas...

Le Président (M. Domingue): Merci. Merci, M. Rouette. Je vais reconnaître...

Une voix: ...M. le Président.

Le Président (M. Domingue): Oui. Il vous reste... Il ne reste plus de temps. Alors, je vais reconnaître le député de Blainville.

M. Gingras: Vous pouvez terminer.

M. Rouette (François): Je pourrai, lorsque je comparaîtrai devant la Commission des transports du Québec, expliquer à la Commission des transports du Québec quel a été mon comportement à l'égard de l'infractionnaire, du véritable contrevenant, que j'aurai pu finalement identifier, si j'ai été capable de l'identifier, et je vais le dire à la Commission des transports. Mais je n'aurai pas vécu sous le joug d'une amende. Parce que regardez bien ce qu'il dit, le projet de loi, O.K.? Il dit: «Le poursuivant peut ? il peut, il n'est pas tenu de le faire, hein; le poursuivant peut ? signifier un nouveau constat au conducteur.» Pourquoi le législateur n'a pas dit qu'une fois que le contrevenant était identifié le conducteur, le poursuivant signifie alors un constat d'infraction? Et pourquoi n'a-t-il pas dit qu'à ce moment-là le constat d'infraction contre le propriétaire était abandonné? Non, on dit qu'il ne pourra pas être trouvé coupable, le propriétaire, si le contrevenant, le conducteur, lui, a été trouvé coupable. Donc, on a trois si pour ne pas que je me ramasse avec une amende, alors que je ne suis pas le contrevenant. Trois: si je parviens à l'identifier, si le poursuivant décide d'intenter un recours et s'il est trouvé coupable. Juste à ce moment-là, va-t-on me décrocher de l'hameçon de l'amende que j'ai à payer?

n (16 h 30) n

De là à croire que le but de l'exercice, c'est de percevoir l'amende, il n'y a qu'un pas que j'ai tendance à franchir. Bon. Alors, c'est ça, notre préoccupation. Mais on vous dit par contre, au départ... Et tout le monde qui a travaillé avec nous, face à nous ? vous avez remarqué que je n'ai pas dit «contre nous» ? savent que nous avions comme position au départ que nous étions fondamentalement contre les cinémomètres photographiques et contre les caméras au feu rouge. Mais on nous a invités ? «on nous a invités», c'est un euphémisme ? à arriver avec une solution de rechange, puisque la volonté était carrément exprimée de les utiliser puis d'avoir un projet pilote, et, dans un effort de collaboration, nous avons soumis quelque chose qui s'insérait à l'intérieur du processus qui était le nôtre et qui était propre à nous: si je n'agis pas comme entreprise, j'aurai des sanctions; si le conducteur est identifié et que j'ai agi, je n'en aurai pas et il devra répondre de ses actes. Il me semble que c'est là la formule idéale pour avoir, de A à Z, une intervention qui force à adopter une conduite responsable. C'est tout simplement ça qu'on pense.

M. Gingras: Et, si vous me permettez, donc, après vous avoir laissé répondre...

M. Rouette (François): Je m'excuse.

M. Gingras: J'espère que je vous ai permis d'exprimer clairement votre pensée. Mais effectivement, si l'objectif premier en est un de sécurité et non pas de perception d'amendes, je pense que...

Vous êtes déjà dans un régime d'exception pour les propriétaires et exploitants, conducteurs de véhicules lourds, et ce que vous avez demandé, c'est essayer d'incorporer l'utilisation à un régime déjà existant où effectivement le conducteur est déjà fiché, est déjà sous emprise de la commission. Donc, ce que je vois, c'est que le projet de loi ajouterait des étapes. Et parlez-moi donc de délation puis parlez-moi donc des relations de travail qui pourraient...

M. Rouette (François): À l'heure actuelle, on est... On parlait de classe de citoyens; bien, je pense qu'on est déjà une deuxième classe de citoyens, on a créé un régime d'exception strictement pour nous. Peut-être qu'il était nécessaire, on ne le remet pas en question, mais c'est un fait indéniable.

Quand je parle de délation, ce qu'on me dit... Moi, dans un système de droit, O.K., dans un système de droit comme celui dans lequel on vit au Canada, c'est toujours à la charge de l'État de pouvoir prétendre que quelqu'un transgresse les règles publiques. Là, on nous dit: Regarde, j'ai ton véhicule qui a été intercepté. Mais fondamentalement un véhicule qui par lui-même commet un excès de vitesse ? si vous en avez vu, vous me le direz ? c'est donc un conducteur. Cette infraction-là ne peut pas se commettre autrement que par le conducteur. Donc, on nous dit: Je ne suis pas capable, je ne l'ai pas arrêté, j'ai juste pris une photo, puis vous ne pouvez pas voir les occupants. Donc, toi, citoyen ? fût-il corporatif ? tu vas l'identifier puis, si tu ne veux pas avoir à payer l'amende, tu vas me dire c'est qui. Tu vas me dire c'est qui.

Là, immédiatement, si j'identifie que c'est un employé, on me donne l'option de demander à cet employé de signer un document par lequel il reconnaîtra qu'il était bien le conducteur au moment où la photographie du véhicule en excès de vitesse, par exemple, a été prise. Je ne suis pas à ce point naïf pour croire qu'effectivement la personne qui me répondrait non ne serait pas fondamentalement autorisée à me répondre non. Mais, si, d'un autre côté, je dis: Je ne veux vraiment pas payer cette amende-là, ce n'est pas de ma faute, j'ai des politiques qui n'ont pas été respectées, ce n'est pas moi qui vais irriter de ça, je dois donc lui dire: Bien, dans ce cas-là, moi, je vais dire qui tu es, et là ça va créer un très beau climat parce qu'on entre quelqu'un dans le système pénal, et les relations de travail... Parce que, quand un policier vous intercepte, il n'a pas besoin de venir témoigner. Si c'est lui qui a constaté... on peut déposer ses documents, c'est la preuve documentaire. Ça n'existera pas dans notre cas, ce n'est pas permis par le Code de procédure pénale, ça. Donc, il va falloir qu'il fasse venir l'employeur ou le représentant de l'employeur puis qu'il vienne dire comment il l'a identifié. Mais, encore là, il va dire que c'était lui qui avait le véhicule cette journée-là, selon les documents, mais ça ne prouvera pas nécessairement hors de tout doute raisonnable que c'était lui qui conduisait au moment où la photo a été prise.

M. Gingras: Je comprends très bien. Si vous permettez, je pense qu'on a fait le tour au niveau des photoradars et des caméras feu rouge.

Au niveau des limiteurs de vitesse, environ 80 % à 90 % des camions, des tracteurs produits soit par Peterbilt ou autres possèdent déjà la technologie. Vous me corrigerez si je me trompe. À l'heure actuelle, la ministre et les gouvernements des autres provinces se parlent déjà, et il y a déjà un rapport qui est attendu au printemps 2008, à ce sujet. Les gouvernements des autres provinces, dont le Québec, doivent poursuivre des discussions avec les... parce qu'on parle, dans le cas du limiteur, de compétitivité, etc. Les autobus, le transport en commun nous en parleront, eux aussi, un peu plus tard dans d'autres séances. J'aimerais vous entendre sur le limiteur de vitesse. Je sais que vous êtes en faveur, mais on sait qu'il y a certaines préoccupations que vous avez aussi. J'aimerais connaître vos préoccupations.

M. Cadieux (Marc): En effet, il y a eu une consultation qui a été faite, province par province, à l'égard des associations, et ces consultations ont été rapportées, au niveau national, auprès de la fédération, que nous appelons l'Alliance canadienne du camionnage pour une position nationale. Nous sommes effectivement... Et je m'adresse évidemment, aujourd'hui, au niveau de notre industrie, au niveau du transport de marchandises, du camionnage. Je ne veux pas entrer dans les susceptibilités de d'autres types de véhicules lourds, mais notre position s'adresse évidemment à nous. Ce sera à la députation et au gouvernement de décider vers qui ils s'adresseront par la suite. Mais effectivement c'est un consensus général. Au Québec, je peux vous dire que la majorité était très forte au niveau de la mise en vigueur, et, depuis février 2006, nous avons fait parvenir auprès des autorités du gouvernement la position que nous avions obtenue dans chacune des provinces, et chapeautée de... Nous avons même aussi obtenu un appui de l'American Trucking Association. Si je ne me trompe, j'ai fait parvenir cette documentation-là auprès des parlementaires, de la ministre afin de faire comprendre qu'il y a aussi une volonté du côté américain pour emboîter le pas.

Déjà, 75 % à 80 % de notre industrie est déjà limitée en deçà de cette vitesse-là, sans nommer les transporteurs, plus certaines grosses flottes, dont la troisième plus grosse, au Québec, est à 95. Celle qui serait la première, s'il n'y avait pas un groupe dirigé par une fiducie de revenu, est déjà à 100 km/h. Ce sont déjà des décisions de compagnie. Oui, je m'inscris à ça à l'égard de plusieurs vertus. Il n'y en a pas uniquement une. Il y a la sécurité bien sûr et il y a aussi des devoirs corporatifs au niveau de l'environnement, il y a de la sécurité, il y a des principes d'assurabilité, il y a des principes d'économie de carburant et d'échelle fort importantes.

L'importance de la mise en vigueur de ce projet de loi là est bien sûr d'avoir le plus grand nombre de joueurs à bord pour ne pas créer d'inéquité au niveau compétitif. Alors, je sais et je crois savoir que la ministre peut nous confirmer que sa collègue aussi de l'Ontario a déposé un projet de loi similaire à celui-là, et nous encourageons évidemment tous les parlementaires ici, aujourd'hui, à reconnaître cette approche-là comme étant appuyée fortement par notre industrie. Mes collègues sont des gens qui sont venus appuyer aussi cette approche.

n (16 h 40) n

M. Gingras: Merci. Vous terminez par... Parce qu'effectivement le limiteur va être bon sur les autoroutes, bien sûr, mais vous savez que les limites de vitesse sont enfreintes à 80 % dans les zones de 50 km et les zones de 70 km. Vous notez qu'une présence policière est essentielle. Donc, est-ce que je comprends qu'actuellement, si on veut assurer la sécurité et assurer le respect des règlements, vous souhaitez une présence policière additionnelle?

M. Cadieux (Marc): Il est certain, M. le député, que la présence policière est importante au Québec. Elle remplit d'ailleurs plusieurs rôles, pas juste celui de la vitesse. Mais on pense évidemment, avec le limiteur à 105... Puis, pour ce qui est du Québec, ce n'est pas une carte blanche pour aller à 105, on doit respecter les vitesses qui sont la vitesse supérieure au Québec. Le 105, on comprend que c'est pour entrer dans un principe de compétitivité avec certaines provinces canadiennes et les États américains. Au niveau de la vitesse inférieure à cela, nous croyons évidemment que la présence policière est une source importante d'intervention auprès de la problématique de la vitesse.

D'ailleurs, je pense que la ville de Montréal a vite compris cette façon de faire, et elle a dédié une escouade particulière à la circulation, et je pense que son directeur ne peut qu'en témoigner des grandes vertus, à ce moment-ci. Donc, je pense qu'effectivement... On ne pourra jamais remplacer la présence policière parce que ? je vais revenir encore avec le photoradar ? quand celui qui passe sur le photoradar continue à aller à la même vitesse, on n'a pas encore corrigé le problème. Par contre, quand on l'a intercepté avec un policier puis qu'on lui a remis une amende, là je pense qu'on vient pas mal de réduire ses ardeurs.

Le cellulaire, bien je vais attendre d'autres questions.

M. Gingras: Merci. Je vais conserver le deux minutes. Merci.

Le Président (M. Domingue): Alors, je vais reconnaître le député de Beauharnois.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Bienvenue à cette commission. Ce matin, on a eu un exposé de M. Rancourt qui nous a fait valoir tous des arguments contre le... différents points du projet de loi. Aujourd'hui, sur le plan juridique, sur le plan constitutionnel, aujourd'hui, vous nous apportez votre argumentation particulièrement concernant la question du photoradar et vous nous dites que, vous, vous ne voulez pas jouer à la police, vous, vous ne voulez pas jouer aux délateurs, vous, vous ne voulez pas jouer aux enquêteurs, puis tout ça, et vous nous dites: Nous, on a une proposition à faire, laissez-nous donc, nous, conduire avec la loi n° 430, la loi concernant les propriétaires, exploitants et conducteurs, qui a déjà fait ses preuves et qui, avec les modifications faites à la Commission des transports, peut maintenant étendre son pouvoir aux chauffeurs de camions.

Et vous nous dites dans votre mémoire qu'il y a plusieurs États, plusieurs provinces qui font marche arrière, qui ont déjà installé un tel équipement, des photoradars, et qui sont revenues en arrière. Vous pouvez préciser votre... Parce qu'on nous dit: Écoutez, là, un des arguments... Puis je veux bien me faire comprendre, un des arguments qui est évoqué, on nous dit: C'est utilisé dans... Je ne sais pas le chiffre exact, je pense que c'est 70, 72 pays, provinces, États qui ont déjà mis en force un tel système. Mais vous nous dites dans votre mémoire, vous, puis je n'ai pas entendu ça souvent, là: Woups! il y a plusieurs États qui reviennent en arrière, pour toutes sortes de raisons, je suppose. Pouvez-vous m'en faire une... Sans m'en faire une liste exhaustive, là, avez-vous des cas précis, récents, des administrations? S'il y en a un ou deux, c'est peut-être l'exception qui confirme la règle.

M. Rouette (François): Si vous me permettez, le premier exemple qui nous vient à l'esprit, c'est notre voisin, l'Ontario. L'Ontario a vécu cette expérience et a décidé de retirer l'ensemble des cinémomètres photographiques qu'il y avait sur son territoire, a remplacé ça par une addition substantielle de policiers. Dernièrement, l'Ontario est également allé dans le même sens toutefois que ce que le projet de loi suggère, une augmentation substantielle du montant des amendes et des pénalités immédiates, de saisie de véhicules, puis des choses comme celles-là, ce avec quoi vous voyez que nous pouvons être confortables, d'autant plus que le contrevenant aura été identifié. O.K.? Alors, l'Ontario s'est retiré. Il y a eu l'Alaska, il y a eu l'Illinois, il y a eu l'État du Texas, et c'est un État, je vous rappelle, qui permet le port d'armes. Il y a eu effectivement l'Utah, il y a eu Washington, il y a eu plusieurs États américains qui ont vécu l'expérience et qui se sont retirés. Là, je vous en cite quelques-uns. Et ça, c'est sans compter ceux qui n'ont jamais voulu aller là. O.K.?

M. Deslières: M. le Président, je veux poursuivre sur la même question. Moi, je suis sensible aux arguments que vous apportez, tout ça. Cependant, précisons. Face à vos arguments, à vos représentations, qui sont peut-être réelles et fondées, ce que nous disons, nous, de notre côté, de notre formation politique, tenant compte de vos remarques ? puis ce n'est pas la première fois que vous le faites, hein, depuis six, sept ans; j'ai lu vos mémoires, là, vous avez un peu le même genre d'arguments ? moi, ce que je dis, là: Êtes-vous prêts à aller... Puis il faut bien se comprendre, parce que les mots ont une importance, parce que, moi, personnellement, là, je ne laisserai pas passer n'importe quoi, mais je pense que ça a été réaffirmé de part et d'autre. On parle d'une expérimentation, on parle d'une expérience pilote. Ce n'est pas 16, là, ce n'est pas 14, c'est 15 puis ce ne sera pas 16. Avec une évaluation technique, scientifique, administrative sur les données, entre 12 mois et 18 mois ? puis ce ne sera pas 24 mois, ça va être 18 mois maximum ? pour tenir compte de tout ce qu'on entend... Et je suis sûr qu'on va en entendre, d'autres groupes, d'autres associations qui vont nous dire: Attention! danger, là, danger, là, ce n'est pas si sûr, puis tout ça. Est-ce que ça vous sécurise si on balise cet aspect-là de la loi en disant: Voilà comment ça va se comporter, voilà comment est-ce qu'on va introduire ca, voilà comment est-ce que... Puis on va faire très attention à chacun des mots de chacun des articles dans le projet de loi parce que je sais d'expérience que le diable se cache dans les détails. Et ça prendra le temps qu'on voudra, mais on va être très explicites, très clairs pour que ce soit balisé dans le sens que je viens de parler. Est-ce que cet élément-là, ces éléments-là pourraient vous rassurer face à cette mesure qui est contenue dans la loi?

M. Cadieux (Marc): En fait, on pensait que l'opportunité était rêvée de se laisser dans cette classe de citoyens que nous sommes, gérés par la n° 430, dans un projet pilote. J'y reviens et je vais y revenir toujours parce que j'y crois. C'est la façon d'interpeller le véritable fautif. Est-ce que c'est l'entreprise qui ne forme pas bien son monde? Est-ce que c'est l'entreprise qui n'encadre pas bien son personnel? Alors là, on va le savoir. Et c'est une question de prépondérance de preuve, ce n'est même pas un doute raisonnable. On atteint encore plus l'objectif. Si l'entreprise a un chauffeur belligérant dans son équipe, alors là la Commission des transports, encore dans un principe de prépondérance de preuve, pourra sanctionner, pourra le mettre au pas. Là, on va s'embarquer dans un dédale administratif de contestation juridique, de système de témoins, de comparution, de... Je veux dire, on a le droit de plaider non coupable, à venir jusqu'à aujourd'hui, là, dans un principe comme celui-ci. Alors, vous voyez dans quel dédale... Je comprends que ce qu'on propose n'entre pas d'amendes directement dans les coffres, mais je vais vous dire que, jusqu'à un certain point, il nous impose quand même un fardeau d'opération et de gestion administrative qui pourrait être bien au-delà de l'amende lorsque la Commission des transports nous convoquera à nous expliquer à savoir si nous sommes un bon exploitant ou si nous avons un chauffeur problématique dans notre équipe. Là, ça va coûter pas mal plus cher qu'une amende. Mais par contre on va atteindre le but.

n (16 h 50) n

Le principe du projet pilote à 15, c'est ce qui nous avait été proposé, mais on a ouvert l'éventail et on croit comprendre que toute municipalité ou toute organisation pourra éventuellement en faire la demande, et on ne sait plus si on est dans un système de bar ouvert ou dans un système de proposition qui nous avait été... On est demeurés à la Table de sécurité. On nous a suppliés d'arriver à une solution. Nous avons fait nos devoirs, on est arrivés avec une solution qui nous ressemble, qui est exactement la classe de citoyens que nous sommes. Il n'y a pas deux classes de citoyens, on est déjà à part, on est déjà gérés. Disons que ça va être la seule infraction qui ne sera pas gérée par le PEVL ou... Elle peut l'être en bout de piste, mais disons que ce sera la seule qui ne fera pas l'objet d'une convocation éventuelle à titre d'exploitant ou de chauffeur par la Commission des transports.

Si on avait eu à parler d'un projet pilote puis si le projet pilote ne fonctionne pas, bien là, écoutez, on serait obligés de baisser les bras puis de dire: Effectivement, ça n'a pas fonctionné, ce n'est pas ce qu'il faut. Mais ce qu'il faut, c'est d'atteindre l'objectif, c'est d'aller chercher l'individu, le problème, celui qui est sur le siège et qui tient le volant, celui sur lequel l'exploitant, s'il a tout fait, n'a pas pu lui tirer la jambe puis lui dire: Lève ton pied de l'accélérateur.

M. Deslières: Vous nous dites que ce n'est pas pédagogique, ça ne change pas les comportements.

M. Cadieux (Marc): Ça ne change pas un comportement.

M. Deslières: Ça ne changera pas les comportements.

M. Cadieux (Marc): Oui, je vais reconnaître les vertus que ça peut avoir. C'est certain que, si un photoradar est dans une courbe où on ne peut pas faire de radar de façon conventionnelle, ça va probablement ralentir les gens, à ce moment-là. Mais ça va réaccélérer par la suite, on est sorti de la zone, bon, on n'est plus là. On n'a pas réglé le problème. Ce qu'on veut, c'est régler le problème au niveau du comportement du chauffeur. Donnez-nous les munitions pour le faire. Ne nous imposez pas, alors qu'on est dans des périodes économiquement fort difficiles dans le secteur d'activité qu'on est, d'avoir encore des coûts d'opération et de gestion supplémentaires à ceux que nous avons en ce moment, d'enquêter, de nous mettre dans une difficulté au niveau de la relation de travail avec un employé. Parce que ça ne se fera pas dans la dentelle, là, un employé que vous convoquez dans un bureau puis dites: Regarde, si tu ne me donnes pas un aveu, j'ai un problème, je suis obligé de mettre ton nom puis de l'envoyer, sinon je suis pris avec l'amende. Pensez-vous, là, que ça va se faire dans un contexte aussi élégant que nous pouvons fonctionner aujourd'hui, là? Non. Sur le terrain, là, c'est pas mal plus rough qu'on pense, et surtout dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre où le chauffeur va lancer les clés et il va dire: Je m'en vais ailleurs.

M. Deslières: Merci, M. Cadieux. Je vais donner la parole à mon... parce qu'on veut vous entendre sur le cellulaire. Vas-y.

Le Président (M. Domingue): M. le député d'Ungava.

M. Ferland: Il reste comment de temps?

Le Président (M. Domingue): Il vous reste 2 min 30 s.

M. Ferland: Le cellulaire.

Des voix: ...

M. Ferland: On va vous entendre sur le cellulaire, mais, quand je lis, on constate facilement que vous êtes favorables à ça, vous proposez même des choses à cet effet-là. Donc, on voudrait un peu vous entendre, vous laissez le deux minutes qu'il reste pour vous exprimer sur le cellulaire.

M. Cadieux (Marc): Le cellulaire, je peux peut-être... Mon cher ami Bégin, je peux te passer la parole? Bien, c'est une position de compromis, hein, il faut comprendre. Au départ, il y avait beaucoup plus, mais je pense que, le cellulaire, sur ça, on est arrivés à avoir des accommodements. Puis je vais laisser Jacques expliquer l'utilité du cellulaire aussi dans notre industrie.

Le Président (M. Domingue): M. Bégin.

M. Bégin (Jacques): Alors, merci. Effectivement, c'est un outil qu'on a partout dans ce milieu-là, et le cellulaire, utilisé comme il l'est actuellement dans le transport, sert beaucoup à la transmission d'information sur des réseaux de transmission d'information. Il peut avertir le chauffeur qu'il y a un retard, ou un autre point de chute, ou quelque chose. C'est un outil de travail, ce n'est pas nécessairement un outil de placotage comme le citoyen moyen le fait. Alors, c'est déjà dans les moeurs. Et, nous, on vivrait relativement bien avec le fait que ce soit un appareil à l'oreille ou un mains-libres. Ce n'est pas un problème, c'est déjà même dans les moeurs. Alors, on n'a pas montré d'opposition là-dessus. Donc, ça ne nous pose pas vraiment de problème. Alors, je ne vois pas pourquoi est-ce qu'on...

M. Ferland: Au niveau technologique, au niveau des moyens de communication, il y a le GPS qui existe pour... vous parlez là-dedans au niveau de livraison, au niveau... Le conducteur peut être égaré, il cherche ou il y a d'autres... Ça a été soulevé par d'autres groupes avant vous, ça, ces choses-là. On n'en parle pas dans la loi, mais il y en a qui ont demandé à ce que ce soit...

M. Bégin (Jacques): Ils ont été reconnus actuellement dans je ne sais plus quel numéro d'article.

Une voix: 498.

M. Bégin (Jacques): 498. Donc, ils ont été reconnus comme des technologies qui sont utilisables. En fait, on est obligés de suivre la technologie parce que finalement elles sont rendues dans les voitures, elles sont rendues, de façon manifeste, partout, maintenant. Les voitures sortent avec ça. Alors, ce serait difficile de s'y opposer puis de les faire arracher de dedans la voiture.

M. Ferland: Une dernière question: C'est quoi, la différence entre parler au CB ou sur un cellulaire? Parce qu'on ne touche pas les CB.

M. Bégin (Jacques): C'est une fort bonne question, et je croirais que le CB qu'on doit aller chercher après le miroir, c'est plus dérangeant que de parler en mains libres. Alors, je ne vois pas le problème là-dedans, effectivement. On a des outils, là...

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Bégin. Je vais reconnaître le député de Blainville pour 1 min 30 s.

M. Gingras: Oui. Juste en terminant, on sait fort bien, que ce soit de parler au cellulaire, au CB ou autres, que la distraction est beaucoup plus cognitive qu'elle est mécanique. Donc, je pense qu'en terminant vous avez quand même répondu à la demande de la table d'arriver avec des compromis acceptables qui correspondraient à la volonté du gouvernement d'assurer une meilleure sécurité routière sur les routes, et vous nous avez exposé votre position très bien. C'est un projet qui se veut rassembleur, hein, la sécurité routière, et je pense que vous avez fait ce que vous aviez à faire là-dedans, parce qu'effectivement vous étiez contre les photoradars et vous étiez contre les caméras au feu rouge. Donc, vous avez fait preuve d'un compromis qui est jugé inacceptable, ce que je conçois ou ce que je reçois, par le gouvernement. J'ai pris bonne note de ça, et vous savez qu'à la table nous discuterons de ces articles-là et nous verrons les suites à y donner. Il faudrait respecter aussi le résultat de l'élection du 26 mars dernier, où le gouvernement ne se trouve pas en position majoritaire non plus, donc...

Le Président (M. Domingue): Merci, M. le député de Blainville.

M. Gingras: Merci à vous.

Le Président (M. Domingue): Alors, je vais... Merci.

M. Gingras: Merci à vous, en terminant. Merci de votre présence.

Le Président (M. Domingue): Et je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

 

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Domingue): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on reprend les travaux. Alors, je vais convier les représentants de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec à se présenter. Vous aurez une période de 15 minutes maximum.

Fraternité des constables du contrôle
routier du Québec (FCCRQ)

M. Beaudoin (Yves): C'est bon. C'est débuté. Mme la ministre des Transports, M. le Président, députés membres de la commission, d'emblée permettez-nous de remercier la Commission des transports et de l'environnement de nous permettre de faire valoir notre position dans le cadre des consultations particulières portant sur les projets de loi nos 42 et 55. Mon nom est Yves Beaudoin, président récemment élu à la tête de la Fraternité des constables du contrôle routier du Québec. Je suis accompagné de deux représentants de notre exécutif, M. Luc Parmentier, M. Jean-Claude Daignault, respectivement vice-président exécutif et vice-président à la fraternité. Je désire également souligner la présence, dans la salle, de deux autres membres de notre exécutif de même que certains contrôleurs routiers. Au cours des prochaines minutes, je procéderai à la présentation de notre position. Mes collègues prendront part aux échanges qui suivront.

n (17 h 10) n

Sans plus tarder, nous aimerions d'abord prendre quelques minutes pour encourager l'initiative de la ministre des Transports et du gouvernement de s'inspirer des recommandations du rapport de la Table québécoise de la sécurité routière avec la présentation des projets de loi nos 42 et 55. Ces derniers contiennent des mesures intéressantes qui contribueront certainement à améliorer la sécurité routière. Nous espérons pouvoir vous convaincre du rôle stratégique que peut jouer notre regroupement dans l'application desdites mesures et surtout de l'importance de rétablir la situation qui prévaut actuellement quant à nos pouvoirs d'intervention.

Fondée en 1982, la Fraternité des constables du contrôle routier compte 320 membres répartis dans l'ensemble des régions administratives du Québec. Formés à l'École nationale de police de Nicolet pendant 21 semaines, les constables spéciaux sont considérés comme des spécialistes de l'application du Code de la sécurité routière. En effet, cette formation nous prépare essentiellement à conduire des autopatrouilles, procéder à des interceptions, rédiger des constats d'infraction, témoigner devant le tribunal, effectuer des arrestations, intervenir sur des infractions criminelles et ultimement protéger le public. De plus, sachez que nous sommes soumis au Code de déontologie des policiers et policières du Québec.

Notre travail a, plus souvent qu'autrement, été sous-estimé, de même que ses impacts. En effet, notre rôle demeure méconnu du grand public. Plusieurs nous appellent la police des camions. Dans les faits, nous sommes le septième corp d'agents de la paix dédié à la sécurité routière au Québec, derrière le Service de police de la ville de Gatineau et devant celui de la ville de Sherbrooke. Plus spécifiquement, notre mandat consiste à contrôler l'application, sur les routes et en entreprise, des lois et des règlements qui régissent l'industrie du transport de personnes et des biens tout en contribuant à la sécurité routière. Ainsi, nous devons améliorer la sécurité des usagers de la route, assurer la protection du réseau routier et veiller à l'équité concurrentielle des transporteurs. Bien sûr, nous sommes aussi une organisation syndicale préoccupée par les intérêts de ses membres. C'est d'ailleurs en leur nom que nous nous adressons aux membres de cette commission aujourd'hui.

Outre les préoccupations syndicales, les 320 membres de notre fraternité ont un objectif commun: promouvoir la sécurité sur l'ensemble du territoire québécois. Notre formation nous dédie à jouer un rôle clé en cette matière. Malheureusement, le contexte législatif actuel limite notre capacité d'intervention, et ce, au détriment des citoyens. En théorie, nous avons toute l'expertise nécessaire et nous sommes habilités à le faire. D'ailleurs, nous avons déjà eu ces pouvoirs. C'est beau, avoir l'expertise, mais, si tu n'as pas de pouvoir habilitant, tu ne peux pas intervenir et faire respecter le Code de la sécurité routière. Bref, en pratique, notre expertise est sous-utilisée. Nous pourrions significativement contribuer au renforcement de la sécurité sur les routes du Québec et faire partie, nous aussi, des solutions mises de l'avant. C'est dans cette perspective que nous avons accepté l'invitation de la commission.

Historiquement, les contrôleurs routiers ont relevé du ministère des Transports, puis de la Sûreté du Québec de 1984 à 1990, année où il fut décidé de confier ce mandat à la Société de l'assurance automobile du Québec. En 1999, au terme de son enquête sur la tragédie des Éboulements, le coroner Luc Malouin recommandait de retourner le contrôle routier sous l'égide de la Sûreté du Québec. Le gouvernement en a alors décidé autrement en créant une agence autonome de service avec ses revenus, ses propres budgets, ses propres employés et son rapport annuel de gestion. Cette agence est rattachée à la SAAQ et au ministère des Transports. Il s'agit de Contrôle routier Québec. À souligner, il n'y a aucuns crédits budgétaires du gouvernement pour son fonctionnement.

Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, cette solution n'est pas optimale. Dans sa forme actuelle, la loi limite significativement les pouvoirs d'intervention d'une masse critique de gens spécifiquement dédiés à la route, soit 320 constables en contrôle routier. Notons qu'il s'agit des gens dont les coûts de formation sont entièrement assumés par l'État. À cet effet, des représentations ont été entreprises, mais, à ce jour, elles n'ont malheureusement pas connu d'écho. L'élection d'un gouvernement minoritaire, avec l'arrivée de plusieurs nouveaux élus, a nécessité que nous reprenions presque du début nos interventions. En outre, les ministères des Transports et de la Sécurité publique se renvoient la balle. En conséquence, le dossier stagne. Il s'agit d'un dossier gagnant-gagnant pour toutes les personnes concernées, que ce soient le gouvernement, les partenaires et ultimement les citoyens. Nous représentons une partie indéniable de la solution aux problématiques de sécurité routière, et notre contribution permettra d'améliorer le bilan routier.

Alors que nous sommes en plein processus de révision du Code de la sécurité routière, nous ne pouvons que constater que nous avons été complètement ignorés et que l'expertise et le point de vue des 320 agents entièrement dédiés à la route et surtout connectés en temps réel avec l'application quotidienne du Code de sécurité routière ont été mis de côté. Nous le répétons, nous sommes formés pour appliquer le Code de sécurité routière. Nous le maîtrisons dans les plus fins détails. Nos membres souhaitent contribuer au renforcement de la sécurité sur les routes, mais, en raison de nombreuses incohérences dans la loi, un effectif important de 320 personnes demeure sous-utilisé. Cette visibilité tant recherchée sur les routes du Québec, elle existe déjà. Le contrôle accru dont a parlé, hier, M. De Koninck et qui semble faire l'adhésion de plusieurs personnes, sinon l'unanimité, il existe déjà avec la brigade que les contrôleurs forment. Il suffit simplement d'accorder les violons.

Permettez-nous de vous illustrer ce que nous entendons par «incohérences». Par exemple, imaginons que le conducteur d'un véhicule de promenade dépasse un autobus scolaire arrêté, avec clignotants en marche, et que des enfants en descendent. Tous s'entendent pour dire qu'il y a infraction. Témoin oculaire d'une telle situation, un constable en contrôle routier en fonction ne pourra intervenir. Notons que dans le passé nous avions ce pouvoir d'intervention.

Poussons l'exemple plus loin. Ce conducteur prend le volant d'un camion ou d'un taxi et commet la même infraction quelques minutes plus tard. Cette fois, le contrôleur routier pourra intervenir et signifier une infraction. Dans les deux cas, il s'agit de la même infraction, du même conducteur, mais notre action est différente. Ce n'est pas notre expertise qui est mise en cause, puisque nous pouvons signifier l'infraction. C'est plutôt notre action, qui est limitée à certains types de véhicules, et ce, en raison des incohérences que nous dénonçons. Est-ce logique? Pas du tout. Et le projet de loi n° 55 ne résout pas le problème.

Permettez-moi un autre exemple ? ce sera le dernier. Dans le secteur de Sherbrooke, deux de nos membres constatent qu'un véhicule de promenade circule en sens inverse sur l'autoroute 10. Estimant la sécurité publique en danger, d'autant plus qu'un tel comportement résulte trop souvent d'une consommation importante d'alcool, les contrôleurs ont procédé à l'interception du véhicule en vertu des pouvoirs conférés par le Code criminel. Comme le conducteur était sobre, ils ont vite réalisé que le motif légal de l'interception était devenu caduc. N'ayant plus d'assise légale, nos membres auraient dû mettre fin à leur intervention. En bons pères de famille, ils ont invité le conducteur à circuler dans la bonne direction, mais c'est le plus qu'ils pouvaient faire. Notons que légalement le conducteur n'était pas tenu de respecter les consignes des contrôleurs routiers. Est-ce logique? Pas du tout. Et le projet de loi n° 55 ne résout pas le problème encore.

Bien sûr que les projets de loi nos 42 et 55 contiennent des mesures intéressantes. Les statistiques parlent d'elles-mêmes, la situation sur les routes du Québec est inquiétante. Le gouvernement a décidé de profiter de l'Année de la sécurité routière pour légiférer, et nous encourageons cette initiative. Toutefois, tant qu'à intervenir, faisons-le pour longtemps et assurons-nous d'avoir des résultats concrets rapidement. Ces résultats concrets ne se feront sentir qu'avec un contrôle accru.

Nous nous permettrons de reprendre les propos tenus, hier, par M. De Koninck, et je cite: «D'entrée de jeu, je voudrais que vous soyez d'accord avec moi que la formule gagnante en sécurité routière, c'est toujours sensibilisation, donc éducation, sensibilisation, promotion de la sécurité routière, ensuite législation et enfin [le] contrôle.» Dans cette perspective, notre fraternité s'inquiète de la façon dont le gouvernement entend assurer l'application des mesures prévues au Code de sécurité routière. Actuellement, il y a une problématique avouée de présence d'effectifs de patrouille sur les routes du Québec. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, les municipalités, les citoyens et certains corps de police sont sortis publiquement encore récemment à cet effet. C'est un secret de Polichinelle, la seule façon d'améliorer efficacement le bilan routier, au Québec, consiste à augmenter la probabilité d'être intercepté par un véhicule de patrouille, car, c'est prouvé, seule la peur d'être sanctionnés influence le comportement des conducteurs.

n (17 h 20) n

Mme la ministre, nous pouvons vous aider. Nous sommes formés pour appliquer l'ensemble des dispositions du Code de sécurité routière. Nous constituons une solution à la problématique actuelle de présence d'effectifs sur les routes. De plus, les aménagements nécessaires au renforcement de la sécurité sur les routes s'effectueraient sans coût additionnel pour les contribuables québécois. Malheureusement, dans la structure actuelle, nous sommes dans l'impossibilité de contribuer pleinement au renforcement de la sécurité sur les routes, car la situation est devenue trop ambiguë.

Ce que nous venons exprimer devant cette commission, aujourd'hui, n'a rien d'exceptionnel ni de bien nouveau. Nous souhaitons rétablir une situation, et ce, au bénéfice de la sécurité des Québécois et des Québécoises. N'est-ce pas là le coeur des enjeux en cause? Nous vous demandons le droit de récupérer des pouvoirs que nous avons toujours eus jusqu'en 2004. L'environnement légal dans lequel nous évoluons est en contradiction avec notre objectif de contribuer pleinement à la sécurité routière. Comment intervenir en tant que spécialistes du Code de la sécurité routière si ce même code nous l'interdit? Comment intervenir lorsque le cadre juridique de nos pouvoirs est partagé entre deux ministères? Nous sommes d'accord avec tout principe de la loi qui vise à assurer une sécurité routière accrue, mais, si on ne nous permet pas d'y participer pleinement, nous sommes convaincus que ce sera au détriment des citoyens et citoyennes.

La révision en cours du Code de sécurité routière constitue une opportunité unique de rétablir la situation, et, nous le soulignons, sans coût additionnel pour les contribuables. Ainsi, considérant que l'année 2007 a été décrétée Année de la sécurité routière par le gouvernement du Québec, considérant que l'objectif est de faire de la sécurité routière un véritable enjeu de société auquel toute la population est invitée à adhérer, considérant que l'établissement d'un processus autour de cet enjeu est primordial mais ne deviendra possible que grâce aux efforts concertés de l'ensemble des partenaires en sécurité routière, des services de police, des contrôleurs routiers ainsi que la participation des citoyens, citoyennes du Québec, considérant qu'on est tous responsables de notre conduite, nous faisons les recommandations suivantes: modifier l'article 519.67 afin que les contrôleurs routiers puissent retrouver les pouvoirs qu'ils ont toujours exercés dans le passé. Dans sa formulation, l'article 519.67 doit permettre aux contrôleurs routiers de pouvoir intervenir sur tous les types de véhicules routiers qui circulent sur l'ensemble du territoire du Québec. Nous le réitérons, en restreignant notre expertise à certains types de véhicules, la société québécoise se prive d'un apport important en matière de sécurité routière. Ce sera le cas si le projet de loi n° 55 est adopté tel quel.

Les amendements suivants sont donc proposés: à l'article 519.67, enlever du projet de loi «sauf celles relatives à la surveillance de la circulation des véhicules de promenade»; modification de 519.67 pour que les contrôleurs routiers puissent intervenir à l'égard de tout véhicule routier. Évidemment, il faudra aussi modifier tout autre article pertinent avec les modifications demandées à l'article 519.67 et étendues aux autres lois touchant les contrôleurs routiers.

Le Président (M. Domingue): En conclusion, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Yves): Considérant les courts délais menant à l'adoption du projet de loi n° 55 d'ici la présente session, nous demandons une création d'une table de concertation, composée des organisations concernées, afin d'évaluer la problématique liée au pouvoir d'intervention des contrôleurs routiers et de proposer des solutions en regard de leur mandat, et de leur environnement légal, et de leur appartenance à deux ministères. Les recommandations de cette table devront faire l'objet d'amendements en prévision de la reprise des travaux, au moment de l'étude article par article. On voudrait aussi mentionner qu'il serait très important pour nous de participer à toute table de discussion où la sécurité routière en est discutée.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Yves): Merci.

Le Président (M. Domingue): Avant de reconnaître Mme la ministre, je voudrais rappeler aux membres de la commission qu'après répartition du temps il y aurait 14 minutes pour le parti ministériel, 12 minutes pour le premier groupe de l'opposition officielle et, pour le deuxième groupe, 10 minutes. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Domingue): Alors, je reconnais Mme la ministre.

Mme Boulet: Merci, M. le Président. Alors, M. Beaudoin et les gens qui vous accompagnent, je voudrais vous remercier d'être là, vous féliciter, M. Beaudoin, pour votre récente nomination, là, à titre de président et vous dire également merci. Je le sais, que, dans le cadre de l'opération des 135 structures à dalle épaisse, vous avez été, vous et toute votre gang, là, de 320 contrôleurs routiers, vous avez été très présents. Vous nous avez permis, là, avec toute la vigilance requise, de surveiller, de faire en sorte que les camions ne traversent pas les structures qui avaient été identifiées. Alors, merci pour cette présence-là et ce soutien-là.

On vous a écouté attentivement, M. Beaudoin. Effectivement, il semble y avoir une... En fait, il y a deux problèmes qui semblent être importants pour vous: la reconnaissance finalement de certaines actions dans votre travail. Vous aimeriez avoir des pouvoirs accrus, des pouvoirs qui, semble-t-il, étaient... en fait qui n'étaient pas nécessairement là à l'époque, mais vous avez toujours pu vous en occuper ou les mettre en place jusqu'en 2004, là. Alors, ce n'étaient pas nécessairement des pouvoirs qui vous avaient été déférés, là, de façon officielle, mais je le sais, que vos gens opéraient de cette façon-là, et c'est ce que vous aimeriez pouvoir acquérir, là, ou avoir de nouveau.

M. Beaudoin (Yves): Oui.

Mme Boulet: Alors, on comprend. Vous allez dire: Encore une fois, on est pris entre les deux ministères, là. La problématique relève beaucoup également... ou la piste de solution devrait venir en principe du ministère de la Sécurité publique davantage que du MTQ. Mais je comprends bien la requête, M. Beaudoin, et je tiens à vous dire qu'on est très sensibles à cette requête-là.

L'autre élément, on me dit qu'il y avait une problématique avec les véhicules de 3 000 kg, là, si je ne me trompe pas, une ambiguïté. On me dit: «...soit clarifié afin d'éliminer les ambiguïtés qui existent actuellement à l'égard de certaines catégories de véhicules lourds ou de transport routier, comme des camions de 3 000 kg ou moins, les souffleuses à neige, les machineries lourdes qui ont toujours fait...» Ça vous dit-u de quoi? On me dit que c'est corrigé, là, ça, dans le projet de loi. On me dit que ce qui devrait éclaircir la situation, éviter qu'il y ait des ambiguïtés, c'est à l'intérieur du projet de loi n° 55.

M. Beaudoin (Yves): Ce qu'on peut passer dans le moment comme commentaire là-dedans: peut-être qu'il faudrait analyser plus en profondeur le document, le projet de loi. Mais par contre ce n'est encore pas si clair qu'on pensait ou qu'on l'espère.

Mme Boulet: D'accord. On prend bonne note de ça. Il y a encore lieu ou il y a encore du temps pour améliorer tout ça, M. Beaudoin, et soyez assuré qu'on prend bonne note de votre commentaire.

J'aimerais juste, pour terminer ? parce que je vais laisser la place à mes collègues ? vous entendre, M. Beaudoin, sur les six mesures, là, sur le projet de loi n° 42. Je sais bien que, vous, c'est le n° 55 qui vous préoccupe davantage. Maintenant, sur le n° 42 et les six mesures, est-ce que vous pensez que ces six mesures-là vont nous permettre à tous, comme société, d'améliorer notre bilan de sécurité routière et de sauver des vies humaines? Est-ce que vous pensez que c'est un pas dans la bonne direction?

M. Beaudoin (Yves): C'est un pas dans la bonne direction, c'est certain. Je vais laisser M. Parmentier vous en parler.

M. Parmentier (Luc): Bien, bonjour, Mme la ministre. Alors, évidemment, on n'aura pas le temps de tout faire l'énumération, mais...

Mme Boulet: Non, mais de façon globale.

M. Parmentier (Luc): ...de façon globale, je crois que je parle au nom de mes confrères aussi et de mes membres, et on ne peut pas se tromper en disant que toutes mesures sont accueillies favorablement par nos membres. Comme premiers intervenants en sécurité routière, on fait partie de la solution, hein, on le dit. Alors, ça ne peut pas faire autrement qu'être bien accueilli chez nous.

C'est sûr, si on rentre dans les détails, les photoradars, puis tout ça, bien, évidemment, il y a d'autres organisations qui sont peut-être plus habilitées à y répondre. Si je prends les camionneurs, pour les limiteurs de vitesse, je pense que ça touche plus leur ouvrage à eux. Les questionnements qu'on se pose, à ce moment-là, c'est, dans ces mesures-là, comment ça va être contrôlé sur la route. Alors, on parle des camions, les limiteurs de vitesse. C'est directement notre clientèle, pour les contrôleurs routiers. Alors, quels seront nos outils pour pouvoir vérifier? Il y a des coûts rattachés à ça. Dans le moment, ce qu'on dit, nous, c'est que, dans toutes les mesures que le gouvernement va mettre en place, il y a des coûts. On parle d'achat de photoradars, hein, pour le projet pilote. Moi, j'ai entendu 500 000 $ par pièce. Bon. En tout cas, ça ne s'achète pas au Wal-Mart, ça, c'est sûr. Ha, ha, ha!

Mais ce que nos membres ont un peu de difficultés à comprendre, c'est que le projet de loi vient limiter les contrôleurs routiers dans leurs interventions alors qu'ils sont déjà là et que ça ne coûte rien au gouvernement. Si on a les pouvoirs d'intervenir, comme on le faisait jusqu'en 2004, et vous l'avez mentionné tantôt, bien c'est dans le cadre de notre travail quotidien et ça ne coûte rien, c'est de la prévention. Et on n'aura probablement même pas à intervenir parce que, les contrôleurs, vous savez comment ça fonctionne: les gens qui voient un véhicule de police, ou un véhicule du contrôle routier auparavant, woups! on lève le pied puis on ralentit. Alors, on n'avait pas à intervenir à l'époque, pas plus qu'à l'ordre de 1 % environ, bon an, mal an.

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Marquette.

n (17 h 30) n

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je souhaite la bienvenue à M. Beaudoin et les personnes qui l'accompagnent. J'aimerais revenir au premier élément, dans le fond, votre plaidoyer principal pour élargir votre compétence. J'aime toujours vérifier ce qui se passe dans d'autres juridictions, au Canada et aux États-Unis. Pourriez-vous me tracer un petit peu la situation, les équivalences au niveau des autres provinces canadiennes, en ce qui concerne les contrôleurs routiers? Est-ce qu'ils ont également la compétence pour les véhicules de promenade?

M. Parmentier (Luc): Dans certaines provinces du Canada, entre autres le Nouveau-Brunswick... C'est toujours appelé à être modifié, là, mais je sais que les... Il n'y a pas vraiment d'équivalence avec ce qui se passe au Québec, dans le moment. Alors, c'est sûr qu'on applique, nous, le Code criminel, le Code de la sécurité routière. Tout récemment, là, dans les deux dernières années, on s'est spécialisés pour l'application des normes CVSA, là, en anglais ? excusez la traduction ? et c'est une méthode de travail qui englobe aussi la vérification mécanique des véhicules, les heures de conduite, l'alcoolémie, bon, tout ça. Je sais que ça se fait... C'est nord-américain, hein, ça, c'est sûr. Donc, on s'est arrimés avec ça.

Mais plus particulièrement le premier exemple qui me vient à l'esprit, c'est le Michigan, où est-ce que justement, dans le passé, là, ils ont délaissé, eux, les postes de contrôle pour aller sur les routes et ratisser les routes pour justement prendre les camionneurs qui vont peut-être contourner ces postes de contrôle là alors qu'ils sont en opération. Alors, on va chercher le délinquant où est-ce qu'il est. C'est bien sûr qu'avec les CB ? excusez encore l'anglicisme, mais les «citizens' bands» ? les radios qu'ils ont, aussitôt qu'il y a une aire de contrôle, aussitôt que le poste de contrôle est en fonction, le mot se passe, puis ce n'est pas long que ça passe par d'autres chemins, là. On ne peut pas être quand même en ratissage, là, à toutes, toutes, toutes les routes secondaires. Alors, ce qu'il est important de faire pour nous, c'est d'aller les chercher et d'y aller de façon stratégique.

Mais, pour répondre à votre question, l'exemple qui me vient le plus à l'esprit, comme je vous disais, c'est le Michigan, où est-ce qu'eux ont intégré, si vous voulez, à la «state police», là, la police d'État... Et il y avait quand même la division, si vous voulez, DOT, là, Département des transports, et ils ont fait un genre d'association et d'intégration à la police de l'État, mais c'était dans le but d'être plus efficaces et de pouvoir intervenir justement en tout temps pour les délinquants de la route.

M. Ouimet: Donc, Nouveau-Brunswick et Michigan?

M. Parmentier (Luc): C'est les deux meilleurs exemples, de mémoire, là. On pourrait le documenter...

M. Ouimet: Les deux meilleurs ou les deux seuls?

M. Parmentier (Luc): Non, il y en a d'autres...

M. Ouimet: Il y en a d'autres.

M. Parmentier (Luc): ...mais je ne serais pas en mesure, aujourd'hui, de vous en parler en détail, là.

M. Ouimet: O.K. Très bien. Merci.

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Chomedey.

M. Ouellette: Donc, bienvenue. Bienvenue, M. Beaudoin et aussi ceux qui l'accompagnent.

Vous avez fait état de quatre recommandations dans votre document tout en précisant bien, et je relève le dernier paragraphe: «Travailler ensemble pour [...] une sécurité routière accrue afin de sauver des vies!» Vous avez effleuré ce qu'on a dans le projet de loi, au niveau des limitateurs de vitesse pour le transport lourd et pour toute l'industrie du camionnage. Est-ce que selon vous, après étude des deux projets de loi, 42 et 55, vous auriez inclus d'autres mesures, toujours dans l'optique de votre conclusion et de votre dernier paragraphe, qui auraient été de nature à améliorer et à conscientiser, de façon globale, la population du Québec sur nos routes? Je veux vous entendre là-dessus.

M. Beaudoin (Yves): Disons qu'on ne s'est pas attardés à trouver d'autres mesures, on a surtout analysé les problématiques qu'on retrouvait, nous, dans les deux projets de loi. Comme vous dites, la limitation à 105 km/h, c'est une chose où on se posait beaucoup de questions également pour savoir comment on était pour intervenir pour faire appliquer ça, étant donné que c'est notre clientèle directement. On sait que la surveillance de la circulation relève du ministre de la Sécurité publique. Est-ce qu'avec le nouveau projet de loi n° 55 nous pouvons faire cette surveillance-là? On n'est pas certains encore. Comme je disais à Mme la ministre tantôt, il faudrait s'assurer que tout ça est là. Par contre, des mesures, nous, on est prêts à en appliquer, il n'y a aucun problème, en autant que ça serve une cause, c'est l'amélioration du bilan routier, puis, si on peut être partie prenante là-dedans pleinement, on va être très satisfaits.

M. Ouellette: Je ne vous demanderai pas si... Je m'excuse. Je ne vous demanderai pas si vous auriez des suggestions à faire au ministre de la Sécurité publique parce que ce n'est pas le bon forum aujourd'hui. J'aurai sûrement l'opportunité...

Des voix: ...

M. Ouellette: J'aurai sûrement l'opportunité de vous le demander en d'autres temps ou sûrement que mes confrères le feront, et on connaîtra peut-être mieux votre...

Une voix: ...trois minutes de plus.

M. Ouellette: Ah oui? Je permettrai à mon confrère de Beauharnois de vous la poser, la question, sur son temps à lui, parce que j'en une très, très bonne idée, de ce qu'il en est. Moi, ça répond pas mal à mes interrogations là-dessus.

Et je veux aussi souligner que, toujours dans l'optique d'être encore plus efficients dans votre travail, vous souhaiteriez participer aux différentes tables pour faire profiter les gens de votre expertise au niveau de la sécurité routière. Ça, on le retrouve dans vos recommandations, et je pense que pour vous autres c'est un point qui est très important.

M. Beaudoin (Yves): Bien, nous croyons ça très important, oui, c'est sûr, parce que dans le moment on ne se retrouve pas vraiment dans tout ça, dans les projets de loi qui sont présentés. Puis c'est certain que, avoir eu la chance de s'exprimer avant, j'imagine qu'on aurait pu influencer certaines choses puis venir expliquer à tout le monde ici pourquoi on les réclame puis pourquoi on en a besoin pour faire notre travail.

M. Ouellette: Merci.

Le Président (M. Domingue): Alors, je vais reconnaître le député de Blainville.

M. Gingras: Merci, M. le Président. Donc, alors qu'on réclame de plus en plus de présence policière sur nos routes, je comprenais difficilement, quand on m'a fait part du projet de loi, qu'on vous excluait du processus et qu'on mettait 320 personnes à l'écart de s'occuper de la sécurité routière. Première question: Vous relevez de qui?

M. Beaudoin (Yves): C'est la Société de l'assurance automobile et le ministère des Transports.

M. Gingras: Par le biais d'une agence, là.

M. Beaudoin (Yves): Par le biais d'une agence, exactement, qui y est rattachée.

M. Gingras: Et est-ce que vous considérez que c'est de la bonne instance que vous relevez présentement, bonne instance pour contribuer à la sécurité routière au Québec?

M. Beaudoin (Yves): C'est clair que...

M. Gingras: C'est difficile, mais je me dois de vous la poser.

M. Beaudoin (Yves): Ce n'est pas évident à répondre, mais par contre il y a une chose qui est certaine, c'est: si nous relevions du ministre de la Sécurité publique, nous croyons que toutes ces problématiques-là avec nos pouvoirs seraient réglées ou à peu près parce que c'est lui le responsable de la surveillance de la circulation sur le territoire du Québec, pour l'application du présent code. C'est certain que le but dans tout ça, c'est d'améliorer le bilan routier. Donc, si on peut y participer, c'est clair que cette façon-là serait probablement déjà mieux.

M. Gingras: Vous êtes déjà liés par le Code de déontologie des policiers, au moment où on se parle?

M. Beaudoin (Yves): Oui.

M. Gingras: J'ai mis la main sur un document qui a été publié par le gouvernement du Québec et qui précise le travail des contrôleurs routiers. Un chargement est mal arrimé sur une remorque, en arrière d'un petit véhicule, et on dit ici: Les contrôleurs routiers peuvent vous intercepter, pour votre sécurité. D'après l'article tel qu'il est indiqué au code, comme quoi vous ne pouvez pas intervenir sur les véhicules de promenade, est-ce que vous pourrez intervenir là-dessus?

M. Beaudoin (Yves): Avec les nouvelles dispositions du projet de loi n° 55, comme je disais tantôt, nous ne sommes pas certains, ce n'est pas clair encore dans le nouveau projet de loi.

M. Gingras: Dans le cas d'une camionnette avec des barils, ou des matières dangereuses, ou du gaz, ou des bombonnes, est-ce que vous allez pouvoir intervenir?

M. Beaudoin (Yves): Pour les matières dangereuses, ça peut devenir un véhicule lourd. Donc, à ce moment...

M. Gingras: Une camionnette, là, immatriculée ici, il n'y a pas de F là-dessus.

M. Beaudoin (Yves): Non, c'est ça. Mais, oui, avec une présence suffisante de matières dangereuses, elle peut devenir un véhicule lourd.

M. Gingras: Un véhicule qui a des problèmes mécaniques, pour ne pas le qualifier, est-ce que vous allez pouvoir intervenir?

M. Beaudoin (Yves): C'est la même réponse que la première, c'est encore nébuleux dans le projet de loi. Ce n'est vraiment pas si clair qu'on le voudrait.

n (17 h 40) n

M. Gingras: Un véhicule qui a un chargement qui dépasse... Parce qu'on disait avant: Le contrôleur routier peut vous intercepter à cet égard, et, quand je lis le projet de loi, dans le projet de loi, et on me l'a expliqué hier, «les contrôleurs routiers sont des agents de la paix compétents pour assurer la surveillance et le contrôle [de] transport routier des personnes et des biens en ce qui a trait à l'application des dispositions du présent code, sauf celles relatives à la surveillance de la circulation [du véhicule] de promenade». Donc, c'est des véhicules de promenade, là, que je vous mentionnais.

M. Beaudoin (Yves): C'est exact. C'est ce qui nous fait poser des questions sur la situation. C'est clair que les dépliants que vous avez là, c'est le mandat de Contrôle routier Québec, hein, l'arrimage, les chargements, etc.

M. Gingras: C'est votre véhicule, ça?

M. Beaudoin (Yves): Oui, c'est nos véhicules de patrouille.

M. Gingras: Et, si un individu fait une infraction au Code criminel, donc entre à sens inverse sur une autoroute...

M. Beaudoin (Yves): Puis qu'il est en boisson?

Une voix: ...

M. Gingras: 0,05. Ça, c'est le pire. Excusez. La pire situation.

M. Beaudoin (Yves): À 0,05, on ne pourra pas intervenir.

M. Gingras: Ah bon!

M. Daignault (Jean-Claude): Même s'il est en sens inverse.

M. Gingras: Même s'il est en sens inverse. Donc, si c'est une infraction au Code de la sécurité routière, vous n'avez plus le droit d'intervenir?

M. Beaudoin (Yves): C'est ce que le projet de loi nous explique.

M. Gingras: Donc, je constate l'ouverture de la ministre et je salue l'ouverture de la ministre à cet égard de façon à ce que... Effectivement, on déplore le manque de personnes pour faire respecter les lois au Québec, et je crois que 320 personnes qui savent comment faire ça et qui sont sur nos routes donc pourraient améliorer effectivement la sécurité routière au Québec, ce qui m'amène à vous parler de la création d'une table de concertation pour essayer de régler ces problèmes-là. À quel niveau vous la voyez? Parce que, là, vous me parlez de sécurité publique, la SAAQ. Parlez-moi de la table? Et quelle est votre volonté à cet égard?

M. Beaudoin (Yves): Nous, ce qu'on verrait, c'est la présence de tous les intervenants qui nous touchent, dans le fond, hein? On a la Société d'assurance automobile, le ministère des Transports, le ministère de la Sécurité publique. Les corps policiers, si on a besoin qu'ils soient là, il n'y a aucun problème. On est ouverts à toute solution. En autant qu'on puisse servir à améliorer le bilan routier, nous, je vous le dis, on est ouverts à tout ça.

M. Gingras: Alors, je comprends que vous voulez participer à cette mission de sécurité routière au Québec.

M. Beaudoin (Yves): Exact. Est-ce que...

M. Gingras: Dans le cas que vous m'avez parlé tantôt... Excusez, je vous ai coupé.

M. Beaudoin (Yves): Si les gens en veulent, nous en avons, des copies, là, des dépliants.

Une voix: ...

M. Gingras: Mais je ne l'ai pas eu aujourd'hui. Contrôleur routier, donc revenons à votre mission au niveau du camion. Vous avez parlé tantôt du limiteur de vitesse et vous m'avez dit... Et, moi, ce que j'aimerais savoir: Qui va contrôler? Parce que, là, si on introduit un limiteur de vitesse sur les camions et que c'est dans la loi, qui va contrôler ça? Est-ce que vous allez contrôler ça?

M. Beaudoin (Yves): Dans le moment, je ne crois pas qu'on ait les outils pour le faire ni l'expertise. Est-ce que c'est à l'intérieur des moteurs? Je n'en ai aucune idée. Ce serait difficile de vous répondre là-dessus, là, c'est vraiment nébuleux.

M. Gingras: C'est la question qu'il m'importe de savoir. C'est beau d'adopter une législation, mais il faut s'assurer par la suite qu'elle soit respectée et il faut mettre en place les moyens et fournir les outils aussi pour qu'on puisse la faire respecter.

Dans le code, donc, il y avait le 105 km, le limiteur de vitesse. Ensuite, il y avait, dans les autres mesures... Dans les autres mesures, cellulaire au volant, puis etc., au niveau des camions, ça va être vous qui allez faire appliquer ça ou vous n'en avez pas le loisir au niveau...

M. Parmentier (Luc): C'est un peu notre questionnement qu'on se disait. Je vous disais tantôt que, toute mesure qui pourra baisser le bilan, les accidents sur les routes, que ce soit en matière de facultés affaiblies, de vitesse excessive, on ne peut pas être contre. Nous, on est 100 % d'accord avec ça. Et notre questionnement, vous avez raison, M. le député, c'est: Comment on va mettre ça en application? Je vous disais tantôt que le limiteur de vitesse...

Je vous donne un bref exemple, là. On sait que dans le moment la Commission des transports est en mesure de mettre des conditions aux propriétaires des véhicules, là, hein, des exploitants des véhicules lourds. Alors, bref exemple, si, après un dossier qui est plus ou moins bon, la commission peut ordonner, exemple... Vous avez le même exemple avec le limiteur de vitesse pour une compagnie donnée. S'il y a trop eu d'infractions dans le passé, pas juste par les contrôleurs routiers mais aussi les corps de police, et là la commission émet une ordonnance d'équiper le véhicule, moi, par expérience, je vous dis, quand j'intercepte le véhicule, j'ai une note à mon écran qui dit: Oups! il y a une condition, et c'est le limiteur de vitesse. La seule chose que je peux faire, même actuellement, c'est de dire au chauffeur: Où il est, votre limiteur de vitesse? Bien, il est installé là, puis c'est la petite boîte noire qu'il y a là. Je suis obligé de me fier à ça, moi. Je ne peux pas le vérifier, je ne peux pas le... Est-ce qu'il est fonctionnel, le limiteur? Alors, c'est tout des questions qu'on se pose. Si on pouvait le faire à une table de concertation et exposer, nous, notre expérience de la route, on dit: Là, dans la vraie vie, ça se passe comme ça, bien je pense que le gouvernement et la société seraient gagnants de tout ça. Et on pourrait faire partager nos expériences de vie, là, nos expériences de la route.

Vous parliez tantôt, là, de l'alcool au volant puis des véhicules de promenade. Bien, c'est un peu ça. Si la loi vient quand même bien encercler ça, puis bien définir ça, puis dire: Oui, vous pouvez intervenir... Le problème qu'on a bien souvent, c'est le commun des mortels, M., Mme Tout-le-monde. Vous prenez votre exemple de véhicule de promenade. Bien, s'il n'y a pas rien de chargement, si c'est un véhicule de promenade qui passe sur un stop, actuellement on ne peut pas le faire parce que c'est une règle de circulation, et l'application relève du ministre de la Sécurité publique. Mme la ministre en a glissé un mot tantôt. Mais, avec le projet de loi, on voit que c'est encore plus noir sur blanc, là, pour les contrôleurs routiers: il n'en est pas question du tout, c'est bien indiqué, pour les véhicules de promenade. Mais, le même monsieur ou la même personne avec le même véhicule, je le croise le lendemain, il est en état d'ébriété, là je vais pouvoir intervenir avec mon statut de constable spécial au Code criminel. C'est ça. Mais là la personne va... Je vois ça d'ici: Mais, hier, tu n'as pas pu m'intercepter; aujourd'hui, tu peux. Puis, dans l'état qu'il va être, je ne suis pas sûr que ça va se passer en toute douceur. Alors, moi, je fais face à une autre problématique, puis là, bien, ça peut occasionner, bon, des voies de fait, des choses comme ça, là.

M. Gingras: ...que le monsieur ou la personne conduit, il passe avec sa voiture et dépasse un autobus scolaire avec les clignotants allumés, donc commet une infraction, et il passe avec sa voiture, vous n'avez pas le droit de l'arrêter. Il revient, il stationne son véhicule, il revient avec son camion, il passe encore sur le même autobus scolaire, puis là, lui, vous avez le droit de l'arrêter. C'est ce que je comprends.

M. Parmentier (Luc): C'est ça. C'est bien ça. Si j'interviens comme au Code criminel et que je suis... j'ai besoin du doute raisonnable...

M. Gingras: ...le contrôleur au même endroit, mais on a ségrégationné, là, on... ? en tout cas, nouveau mot ? mais par le type de voiture et non pas par l'infraction. En tout cas, il y a une problématique, et je pense que...

M. Parmentier (Luc): Vous voyez que ce n'est pas simple. Alors, pour le public, il faut que ça le soit pour qu'on puisse intervenir et pour qu'on relève le volet prévention, on s'entend. Là, dans le moment, c'est dur d'user de prévention quand les gens ne sont pas clairs. Et je rajouterais aussi que, l'agent de la paix, le contrôleur routier qui débarque de son véhicule pour intervenir, il faut que ce soit clair pour lui aussi, là.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Parmentier.

M. Gingras: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Domingue): M. le député de Blainville.

M. Gingras: Merci de votre présence. Bienvenue. Merci de votre présence.

Le Président (M. Domingue): Alors, je vais reconnaître le député de Beauharnois.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. À mon tour, M. Beaudoin, de vous souhaiter un bon mandat. On ne sait pas la durée. Deux, trois, quatre années? On ne le sait même pas, nous autres mêmes.

M. Beaudoin, je lisais dans certaines notes que vous êtes intervenus, en 2006, à 100 000 reprises. Vous êtes 320 agents, vous possédez une flotte de 175 véhicules, vous avez 29 postes de service, vous êtes dans 17 régions et vous êtes exclus, depuis des années, de toutes les questions de sécurité routière. C'est ça que je comprends.

M. Beaudoin (Yves): À plusieurs reprises, nous avons demandé d'être entendus, par des lettres, par des demandes, par des appels téléphoniques, et, oui, nous n'avons reçu aucun écho de toutes nos demandes.

M. Deslières: Dans une de vos quatre recommandations, Mme la ministre vous interpelle directement. Est-ce que c'est admissible qu'on ait exclu les gens de la fraternité dans les questions... On les appelle les spécialistes, vous êtes des spécialistes du contrôle routier. Est-ce qu'on ne pourrait pas, Mme la ministre, tout de suite aujourd'hui, leur faire une place puis accepter une de leurs recommandations, qui est qu'ils soient partie prenante de...

n (17 h 50) n

Mme Boulet: ...Serge, c'est leur patron, c'est... Les contrôleurs routiers sont là, aux tables.

M. Deslières: Ce n'est pas la fraternité qui est là.

Mme Boulet: Non, non, mais là c'est parce que...

Des voix: ...

Mme Boulet: Bien, on peut regarder.

M. Deslières: Vous êtes ouverte, Mme la ministre, à regarder ça, à les... hein?

Mme Boulet: Oui, on va regarder, on va regarder. Je leur ai dit: On va apporter des précisions puis on va regarder ce qu'on peut faire. Je suis ouverte. Mais les contrôleurs routiers sont présents.

M. Deslières: Mais la fraternité, vous autres, vous n'êtes pas là. Soyons clair, là, vous n'êtes pas là, vous avez été exclus des discussions. La fraternité comme telle, vous n'êtes pas là. Vos patrons sont là, mais, vous, vous n'êtes pas là.

M. Beaudoin (Yves): Exact. Nous, on n'est pas présents sur place puis on sait qu'il y a d'autres groupes qui représentent des employés comme nous, dont l'APPQ, qui est représentée sur différentes tables quand la Sûreté du Québec est présente.

M. Deslières: Ça, c'est un point. Je pense que Mme la ministre vient de faire une ouverture, là. Moi, j'espère vous retrouver, en connaissance de cause, hein, s'il y a des gens qui connaissent ça... Je pense que vous devriez faire partie de la solution et des discussions. Moi, c'est ma position, mon point de vue. Il me semble que d'en ajouter un, organisme très pertinent, je ne vois pas ce que ça enlève, même ça ferait une valeur ajoutée, bien sûr, vous me permettrez l'expression.

Mme Boulet: M. le député de Beauharnois, si je peux me permettre, même les policiers, c'est le même principe, les policiers, les directeurs de police sont là, mais pas nécessairement les représentants syndicaux ou les fédérations, là. C'est la même, même...

M. Deslières: Je comprends, madame, mais...

Mme Boulet: Non, non. Ou les fraternités, là. Je veux dire, c'est la même chose pour tout le monde, là, c'est les organisations avec leurs patrons qui sont représentées.

M. Deslières: Je comprends, mais sauf qu'aujourd'hui ces gens-là nous en font la demande expresse, de participer à la solution d'améliorer notre bilan routier. Ce serait inadmissible de se passer de votre expertise.

Voyons l'autre problème, maintenant, votre problème de... ce que vous nous avez signalé, là. Je veux comprendre quelque chose, là. Vous avez été à une place, à un moment donné, vous avez été à une autre place. De ce que j'ai compris, vous êtes gérés par le ministère des Transports. Il y a une dame qui me fait signe, là, mais je vais compléter ma chose. Vous êtes à la SAAQ par l'entremise d'une agence. Bon. Dites-moi une chose: Est-ce qu'au ministère des Transports, est-ce qu'à la société, est-ce qu'au contrôle... est-ce qu'à l'agence on est favorable, on a accepté vos points de vue ? parce que vous avez dû avoir des discussions, là, ça ne sort pas du sac aujourd'hui, là ? pour que vous soyez transférés au ministère de la Sécurité publique, par rapport à tous vos arguments que vous nous avez fait valoir? Est-ce que ces gens-là vous appuient, tout ça? Puis ce serait la logique, le gros bon sens qui s'appliquerait.

M. Parmentier (Luc): Bien là, c'est sûr qu'on ne peut pas parler pour eux, là, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'en 2006 il y a eu un protocole d'entente qui avait été signé, et tous les intervenants, à cette époque-là, étaient d'accord pour qu'on puisse intervenir sur les véhicules de promenade, si on revient à 519.67, et du fait même on contribuait au maximum, là, à la sécurité routière.

Je veux juste informer la commission, pour éclairer la commission, que la problématique des... On parle, depuis tantôt, des véhicules de promenade, des règles de circulation, puis tout ça. Ça émane d'un avis juridique en 2004, d'un avis juridique de la Société de l'assurance automobile qui suspendait le pouvoir des contrôleurs d'intervenir sur les véhicules de promenade, parce qu'auparavant... Ça va peut-être répondre à votre question, M. le député. C'est qu'auparavant, compte tenu que les contrôleurs ou le contrôle routier, c'était au sein du MTQ, du ministère des Transports ? on parle des années cinquante, là, au début, au départ ? ils intervenaient comme constables spéciaux pour tout le code, donc il n'y avait pas de problème juridique. Par la suite, à la Sûreté du Québec, comme ils relevaient du ministre de la Sécurité publique, bien il n'y avait toujours pas de problème pour ce qui avait trait aux règles de circulation.

Je vous référerais à l'article 650 du Code de sécurité routière, qui n'a pas été modifié, là, dans le nouveau projet de loi, et c'est où est-ce qu'on retrouve la responsabilité des ministres, soit des Transports et de la Sécurité routière. Donc, le problème, quand le contrôle routier a été retiré de la Sûreté, ce qu'on en comprend, c'est que cet appariement-là ou ce changement-là n'a pas été fait, ce changement-là législatif, ce qui a créé la zone grise, disons-le comme ça, là, jusqu'en 2004. De 1990 à 2004, le contrôle routier était à la SAAQ, mais, par une forme d'entente avec la Sûreté et la SAAQ, on pouvait intervenir, mais c'était une entente, ce n'était pas la loi. Donc, aujourd'hui, on se retrouve dans cette situation-là.

Donc, à votre question, écoutez, moi, je pense que tous les intervenants, en 2006 ? pour revenir au protocole ? étaient tous d'accord pour qu'on puisse intervenir. Mais, comme je vous disais tantôt, je pense que ça prend vraiment une table pour qu'on puisse dire: Bien, regardez, là, nous, on voit ces zones-là, on a ces problèmes-là. Il faudrait s'entendre, tout le monde, pour qu'on soit efficaces. C'est tout.

M. Deslières: Vous avez acheminé sans doute ? je pose la question, là ? cette demande-là aux personnes en autorité, c'est-à-dire au ministre des Transports, au ministre de la Sécurité publique, et vous êtes en demande auprès d'eux. Je pose la question: Est-ce qu'on vous a répondu? Est-ce qu'on vous a répondu pour faire en sorte qu'il y ait discussion sur... qu'on pose les jalons d'une discussion pour dire: Regardez, là, on a un problème, on va en discuter, on devrait trouver des solutions? Parce que dans le fond c'est ça que vous dites: Au moins, entendez-nous, les deux ministres, les deux ministères ? les deux ministres, parce que c'est les deux ministres qui vont finalement prendre la décision. Ma question: Est-ce que vous avez eu des réponses à ce genre de demande?

M. Parmentier (Luc): On n'a pas eu de réponse parce qu'on n'a pas eu l'occasion d'en discuter. Comme je vous disais tantôt, il y a eu la table de M. De Koninck où est-ce qu'il y a eu un nombre d'intervenants. On comprend qu'il y avait beaucoup de gens là. Nous, on n'en faisait pas partie.

M. Deslières: Ça, c'est autre chose.

M. Parmentier (Luc): Par la suite, le gouvernement a annoncé les réformes du Code de la sécurité routière. Donc, on voyait encore une fois une opportunité pour rectifier cette situation-là. Mais c'est la première fois aujourd'hui qu'on vient s'adresser, là, concernant ça, directement au gouvernement.

Je vais vous dire que ça s'est bousculé aussi, parce qu'on ne pensait pas que ça arrivait si vite, là. On salue quand même l'initiative. Mais on aimerait en faire partie parce que le but ultime, on répète encore, c'est de contribuer au maximum à réduire les accidents et à hausser la sécurité routière. Vous comprenez que, jusqu'au moment où on pouvait intervenir, on pouvait y contribuer. Maintenant que les décès augmentent, bien, nous, on s'en va vers le bas, c'est l'inverse, et, avec le nouveau projet de loi, on contribue encore moins. Donc, on s'éloigne. On aimerait ça aller dans le même sens pour pouvoir contribuer, effectivement.

Mais, pour répondre à votre question, M. le député, si le gouvernement décide de l'emplacement du Contrôle routier, nous, le seul prérequis, c'est qu'on puisse intervenir pleinement et avec tous les pouvoirs légaux, et je pense que la société va être gagnante. Tout le monde va l'être, je crois.

M. Deslières: Vous voulez clarifier votre statut juridique, là, hein, avec qui vous faites affaire, vous dépendez de qui, c'est quoi, vos pouvoirs, puis c'est quoi, votre mandat, ce qui n'est pas clair, il y a des zones grises là. Je reprends votre expression. Donc, vous êtes en demande auprès des deux ministères pour clarifier la situation.

M. Parmentier (Luc): Oui, effectivement.

M. Deslières: Oui. Mme la ministre, est-ce qu'il peut y avoir rencontre pour qu'on puisse discuter de ça?

Mme Boulet: Je n'ai pas eu de demande. Ça me fait plaisir, mais je n'ai pas eu de demande de rencontre.

M. Deslières: Donc, je suis sûr que, demain, vous allez faire la demande. Donc, la réponse va venir après demain?

M. Beaudoin (Yves): Je veux juste mentionner que... Je voudrais juste mentionner qu'on a envoyé deux fois des lettres au bureau de la ministre pour demander des rencontres, même avant que les projets de loi soient déposés puis connus.

Le Président (M. Domingue): Alors, en conclusion, M. le député de Beauharnois.

M. Deslières: Bien, écoutez, vous nous avez sensibilisés, là, à deux problématiques. Moi, je le dis d'emblée, je n'ai pas besoin de rencontre, puis de comité, puis de réfléchir. Moi, je pense que votre place, à partir de maintenant, puis hier aussi, c'est aux tables pour nous donner un coup de main pour... C'est un problème sociétal, puis vous êtes les spécialistes. Je pense que Mme la ministre a compris votre message, tout ça.

L'autre problème, je vous dis, écrivez, ce soir, la lettre, on va y répondre demain, Mme la ministre va vous répondre, et je vous souhaite, et je nous souhaite, que votre statut soit clarifié et que les rencontres se fassent correctement puis le plus rapidement... Écoutez, 320 personnes, là, qui peuvent nous donner un coup de main, qui veulent éclaircir les zones grises pour clarifier puis intervenir...

Vous êtes intervenus 100 000 fois, là. Je pense que la société du Québec, présentement, là, elle ne peut pas se passer de vous. Alors, bonne chance puis faites-nous signe, on peut sûrement vous aider comme opposition. Puis je suis sûr que Mme la ministre des Transports a bien compris votre message.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. le député de Beauharnois. Alors, je...

M. Gingras: ...

Le Président (M. Domingue): Un instant, M. le député de Blainville. Alors, en conclusion, pour une minute, Mme la ministre.

Mme Boulet: Alors, M. Beaudoin, ce que je veux vous dire, là, c'est que ça va me faire plaisir de vous rencontrer, dans un premier temps. On a rencontré les contrôleurs routiers, je pense, même à deux fois, moi, personnellement. Il y a eu des changements au sein de l'organisation. Si je ne me trompe pas, là, ça a changé de personnes. Alors, j'ai rencontré l'ancienne garde et la nouvelle garde. Alors, si la fédération veut me rencontrer, ça va me faire plaisir.

Je l'ai toujours dit depuis le début de l'étude de ce projet de loi là, on est là, on est ouverts à le bonifier, à l'améliorer. S'il faut préciser dans le cadre de ce qui existe déjà, on le fera. Pour élargir les pouvoirs, évidemment il faut interpeller le ministre de la Sécurité publique. Alors, on s'engage à l'interpeller, M. Beaudoin, et à lui demander une réponse à ce sujet-là, puis on vous reviendra ultérieurement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Domingue): Merci, Mme la ministre. Alors, la Commission des transports et de l'environnement suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Domingue): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je demande aux membres de la commission de bien vouloir éteindre leurs sonneries de leurs téléphones cellulaires pendant la séance.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de procéder à des audiences publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 42, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Règlement sur les points d'inaptitude, et sur le projet de loi n° 55, Loi modifiant de nouveau le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Alors, je convie les représentants de l'Union des tenanciers des bars du Québec à se présenter et je vous avise que vous avez un maximum de 15 minutes pour votre présentation. Allez-y.

Union des tenanciers de
bars du Québec (UTBQ)

M. Sénéchal (Sébastien): Alors, bonjour, M. le Président et membres de la commission. Mon nom est Sébastien Sénéchal, je suis avocat. Je suis avocat attitré pour l'Union des tenanciers de bars du Québec. Je vous présente M. Sergakis, M. Peter Sergakis, qui est le président de l'Union des tenanciers de bars du Québec, qui est à ma gauche. On est accompagnés aussi de Mme Chantal Ringuette, laquelle est membre du conseil d'administration de ladite union.

Alors, l'Union des tenanciers de bars du Québec a pour mission en fait la représentation et la défense des droits de détenteurs de permis d'alcool. À ce titre, elle a reçu l'invitation d'être parmi vous ce soir afin de déposer un mémoire et de faire ses observations quant au projet de loi n° 55 et éventuellement le projet de loi n° 42, surtout 42, effectivement. Alors, on en convient.

En introduction, nous savons tous que l'année 2008 sera l'Année de la sécurité routière et qu'un plan d'action ? 2007, pardon ? et qu'un plan d'action du gouvernement relativement à la sécurité routière était fortement attendu. Or, on sait que l'alcool et la vitesse sont des éléments parmi tant d'autres qui causent des accidents. Mais, de l'opinion de l'Union des tenanciers de bars du Québec, c'est peut-être s'attarder uniquement à une partie en fait du problème, mais surtout, quand on s'attarde sur cette partie-là, on s'attarde peut-être sur les mauvaises personnes, soit celles qui respectent la réglementation fédérale en matière, par exemple, d'alcool au volant, celles qui respectent effectivement la réglementation fédérale, mais on tente de durcir en fait une réglementation qui existe déjà, cette réglementation-là qui est somme toute assez restreignante depuis 1987.

Bien qu'il soit évident que tous les Canadiens souhaitent la diminution du nombre de décès reliés à la conduite avec facultés affaiblies, aucune expertise non contredite ne permet d'assurer que ce nombre diminuera suite à la diminution du taux d'alcoolémie permis. La plupart des conducteurs ayant un taux inférieur à 80 mg d'alcool ne dégagent pratiquement aucun signe apparent d'intoxication. Alors, il y a une phrase qui a fait sourire un de vos collègues tout à l'heure, on disait que les policiers devront donc posséder des dons quasi ésotériques pour déterminer s'il y a en fait présence d'alcool dans le sang. Alors, monsieur ici dit qu'il a des talents de cette nature-là. Maintenant, malheureusement, les consommateurs d'alcool et les gens qui fréquentent les bars n'ont pas nécessairement les mêmes dons. Donc, il deviendra probablement plus difficile pour eux de déterminer s'ils ont 4 mg, 5 mg, 6 mg ou 2,5 mg d'alcool dans le sang.

Nous avons donc en fait décidé, à l'intérieur de ce mémoire, de vérifier les dispositions qu'on s'apprête à amender et nous avons aussi tenté de comparer en fait d'autres législatures qui avaient décidé d'intervenir pour réduire de 0,08, par exemple, à 0,05, comme un pays comme la Suisse. Finalement, nous terminons notre mémoire en expliquant les impacts que nous pensons qu'aura cette loi, si elle était adoptée telle quelle, à l'égard en fait des détenteurs de permis d'alcool au Québec.

n (20 h 10) n

En premier lieu, à la page 3, on fait un parallèle entre les exigences requises lors d'une infraction criminelle en vertu de l'article 254(3) du Code criminel et les motifs raisonnables qui permettent à un agent de la paix en fait de procéder à des vérifications du taux d'alcoolémie d'un prévenu. Afin de justifier un tel prélèvement, un agent de la paix n'a pas à être convaincu hors de tout doute raisonnable qu'une infraction a été commise, mais il doit avoir des motifs raisonnables. Ces motifs raisonnables là sont en fait une série de motifs qui ont été déterminés par la plus haute cour du pays, par la Cour suprême du Canada. Il ne peut pas y en avoir seulement qu'un, c'est un ensemble de circonstances qui permettent de déterminer si on peut aller un petit peu plus loin, c'est-à-dire de contraindre quelqu'un à passer un alcootest.

En fait, en vertu des infractions pénales, il existe déjà des dispositions dans le Code de la sécurité routière, comme l'article 202.2 qui interdit en fait à un détenteur junior, là, si vous voulez, quelqu'un qui vient d'avoir son permis... Il y a un principe de tolérance zéro. Et, dans la disposition, on dit: S'il y a quelque présence d'alcool dans leur organisme, ils sont en fait en contravention du Code de la sécurité routière et il y a une suspension.

Ce qu'on propose maintenant, c'est de créer une nouvelle catégorie, une nouvelle catégorie qui va s'appliquer à tous les conducteurs et où on ne parlera pas de tolérance zéro mais d'une réduction de 0,08 à 0,05. Et là on est en train d'aller sur un aspect quantitatif plutôt que qualitatif. C'est-à-dire que, quand qu'il y a tolérance zéro, évidemment le motif raisonnable d'un policier, c'est: aussitôt qu'il sent de l'alcool, il a un motif raisonnable de croire que la personne a consommé de l'alcool, donc est en contravention avec la loi. Quand, par exemple, on s'en va sur du qualitatif, c'est-à-dire qu'on veut déterminer combien d'alcool cette personne-là a consommé, là ça devient un petit peu plus compliqué et ça entrechoque d'autres lois qui régissent en fait nos législatures, comme les différentes chartes, la Charte canadienne des droits et la Charte des droits et libertés de la personne.

Nous avons tenté en fait, dans ce bref mémoire, d'énoncer quelques possibles inconstitutionnalités des dispositions qui sont proposées par la ministre. En effet, par l'insertion de ces nouveaux articles, il sera désormais possible, pour un agent de la paix, d'exiger à toute personne, sans égard au type de permis détenu, un test de coordination physique, hein? Il y a une disposition dans le projet de loi qui permet en fait à un agent de la paix... Je peux vous référer à l'article 202.1.3, où on dit qu'«un agent de la paix peut exiger qu'une personne qui conduit un véhicule routier ou en a la garde ou le contrôle, se soumette sans délai aux tests de coordination physique qu'il lui indique, s'il a des raisons de soupçonner que sa capacité de conduire est affaiblie». Là, on ne parle plus de motifs raisonnables, on parle de soupçons, et évidemment il y a une immense différence entre des motifs raisonnables et des soupçons.

Je donne un exemple à la commission. Un policier serait dans un stationnement d'un établissement licencié. Il voit un individu sortir dudit établissement. Il est raisonnable de croire qu'il a un soupçon que cette personne a consommé de l'alcool. Est-il raisonnable de croire par contre qu'il a des motifs raisonnables de croire qu'il est en état d'ébriété? Ça, ce n'est pas aussi sûr. Alors, ce qu'on est en train de faire là, c'est de donner un pouvoir immense où le policier va être partie et juge, parce qu'en vertu de la disposition suivante, 202.1.4, «l'agent de la paix qui a des motifs raisonnables ? suite aux tests de coordination physique ? de croire que la capacité de conduire d'un conducteur d'un véhicule routier ou de celui qui en a la garde ou le contrôle est affaiblie [...] suspend sur-le-champ, au nom de la société, le permis de cette personne pour une période de 24 heures».

Donc, on suit le même raisonnement: la personne est dans le stationnement... le policier en fait est dans le stationnement, voit une personne sortir d'un établissement licencié, soupçonne qu'elle a en fait consommé de l'alcool, la personne entre dans son véhicule, il la somme, par exemple, en vertu du fait qu'il a des soupçons, de s'arrêter, fait faire un test de coordination physique, détermine que, selon le test de coordination physique, il y a eu consommation d'alcool, suspend sur-le-champ le permis. Là encore, avec égards, il y a peut-être un problème sur un droit à une défense pleine et entière. Est-ce que c'est vrai aussi que la personne avait consommé de l'alcool ou en avait consommé suffisamment pour être un danger en fait pour notre société? Rien n'est moins sûr. Il y a des critères de fatigue, il y a des critères, je ne sais pas, moi, il y a plein de critères subjectifs qui, lors d'un test de coordination physique, peuvent amener un biais en fait sur le résultat que pourrait obtenir un humain, un policier.

Il y a aussi évidemment la problématique du droit à la non-incrimination. C'est-à-dire qu'effectivement, on l'a dit au départ, en vertu de l'article 253 du Code criminel, ça prend des motifs raisonnables de croire qu'on a les facultés affaiblies. Que se passera-t-il, maintenant? Est-ce qu'on est en train de permettre à des policiers d'utiliser les dispositions du Code criminel pour éventuellement obtenir des résultats qui ne seront pas du 8 mg mais qui seront du 5, ou du 6, ou du 7, en les sommant de passer un alcootest en vertu du Code criminel? Et, ces personnes-là, si on n'avait pas des motifs raisonnables de le croire, est-ce qu'elles devront être soumises à ce test-là? Parce qu'il ne faut pas oublier qu'en vertu du Code criminel, messieurs mesdames, membres de la commission, si on le refuse, on a un sale problème, on est obligé de se présenter devant un juge et d'expliquer pourquoi on a refusé, et on peut subir le même genre de conséquences qui sont prévues dans le Code de la sécurité routière, et se voir infliger un casier judiciaire, et avoir une condamnation criminelle sur le dos. Alors, ça aussi, c'est problématique et ça entrechoque évidemment des droits qui sont prévus à l'intérieur de nos deux chartes.

Le refus de fournir un échantillon en vertu du projet de loi porte évidemment sur ce que je viens de vous dire, mais peut-être à un degré qui est moins élevé. Encore là, le problème, c'est: Comment sera-t-il possible de contester une éventuelle... Pour un justiciable, comment sera-t-il possible de contester dans le futur le test de coordination physique si on n'a pas plus d'information ou d'éléments tangibles ou objectifs qui vont permettre à un tribunal et à un justiciable de présenter une défense pleine et entière devant éventuellement une cour de justice?

Il y a un conflit de compétences aussi en vertu de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. On parle, dans le projet de loi, le Code de la sécurité routière... où on nous dit, à l'article 76.1.6... ? deux minutes ? où en fait, lorsqu'il y aura des récidivistes, il y aura possibilité d'imposer un éthylimomètre à vie. Que se passera-t-il, par exemple, s'il y avait eu un pardon qui avait été octroyé en vertu de la loi fédérale?

n (20 h 20) n

Finalement, les impacts socioéconomiques sur les établissements licenciés du Québec. Le dépôt des projets de loi nos 42 et 55 va avoir des effets sur les gens, c'est-à-dire qu'ils vont créer une crainte disproportionnée chez le consommateur, puisqu'il sera pratiquement impossible pour ce dernier d'être en mesure de quantifier le taux d'alcoolémie dans son sang. Il y a un problème par rapport aux symptômes. Il y a un problème aussi d'identification. Cette crainte sera également accompagnée d'une expectative pour les consommateurs de croire à un possible acharnement policier. De plus s'ajoutent les effets de ces projets de loi aux mesures déjà entreprises, par exemple, par le gouvernement du Québec en matière de loi sur le tabac et lutte aux gangs de rue, présence policière dans les établissements, de sorte que les tenanciers pensent qu'ils ont déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup fait ou été à la solde de réglementations ou de nouvelles politiques qui sont très restreignantes et qui affectent leurs revenus.

En conclusion, il y a des choses qui sont excessivement bonnes. Il faut être plus sévère à l'égard des récidivistes. Il est intéressant et important d'agir auprès des jeunes, peut-être de passer de 16 à 18 ans en fait le moment d'obtenir un permis de conduire et d'attendre jusqu'à 21 ans, par exemple... d'obliger, jusqu'à 21 ans, une tolérance zéro. Mais, pour la réduction de 0,08 à 0,05, on vise la mauvaise cible.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Sénéchal. Alors, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Boulet: Alors, M. Sénéchal, Mme Ringuette et M. Sergakis, merci beaucoup d'être avec nous ce soir. Je vais avoir deux questions brièvement, puis je vais laisser la parole à mes collègues, si vous me permettez.

Dans votre introduction, vous dites: «La plupart des conducteurs ayant un taux inférieur à 80 mg d'alcool dans 100 ml de sang ne dégagent pratiquement aucun signe apparent d'intoxication.» Alors, évidemment, il faut faire la distinction entre signe apparent puis capacité de concentration ou capacité de conduite. Alors, c'est important de ne pas se laisser... les apparences sont souvent bien trompeuses. Alors, c'est ce que je veux dire ici, ce n'est pas parce qu'on semble en parfait état ou qu'on ne semble pas être intoxiqué que c'est le cas, puis ça ne veut pas dire non plus qu'on est apte à la conduite automobile.

M. De Koninck nous disait, M. De Koninck, qui a présidé la table, nous disait qu'il y a des études qui démontrent que déjà nos facultés sont affaiblies à 0,02. Alors, quand même qu'à 0,08 on n'a pas l'air affecté, là, selon les études qui se font scientifiquement, si à 0,02 on peut être affecté, j'imagine qu'à 0,08 il y a déjà une problématique.

Le député de Blainville, lui, nous dit que dans le fond, entre 0,05 et 0,06, il y a juste 6 % des décès qui sont attribuables entre 0,05 et 0,08. Je veux juste lui rappeler que 6 %, c'est 36 décès. Alors, pour nous, au gouvernement, le projet de loi pour la sécurité routière, c'est pour sauver des vies humaines, et on en sauverait une puis ce serait déjà un objectif qu'on aurait atteint. Chaque vie compte et chaque décès qu'on peut éviter, pour nous c'est une priorité. Alors, si pour lui 36 décès, ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas important, bien il faudra peut-être qu'il aille expliquer ça aux mères de ces personnes-là, aux mères, aux conjoints de ces gens-là qui décèdent. Alors, 36 personnes, pour nous ça représente beaucoup de décès.

Je voudrais juste vous poser une question, parce que vous dites que ce n'est pas constitutionnel, là, que ça ne répond pas à la charte. Alors, c'est une charte canadienne qu'on a chez nous, et, dans toutes les provinces canadiennes, cette mesure-là existe déjà. Alors, si ce n'est pas constitutionnel pour le Québec, la question, c'est: Est-ce que c'est constitutionnel pour les autres provinces? Ça doit l'être, parce que l'Ontario a cette mesure-là depuis 1981. Alors, j'imagine que la constitutionnalité, la valeur constitutionnelle a depuis longtemps été validée. Alors, ça aussi, c'est un élément, là, que je tenais à préciser.

Et ma question, essentiellement c'est: Est-ce que vous avez des chiffres? Est-ce que vous avez des chiffres? Parce que, si c'est comme ça ailleurs dans les autres provinces, si c'est comme ça ailleurs ? en Europe, c'est déjà le 0,05 ? quand on a fait le passage de 0,08 à 0,05, est-ce qu'on est capables de retrouver des chiffres qui nous démontrent qu'il y a des restaurants ou des bars qui ont fermé? Est-ce qu'on a des études sur l'impact économique, même si on pense... Parce que je vous comprends, là, de penser que ça va en avoir un, impact, puis je ne nie pas ça. Mais est-ce qu'on a des chiffres, M. Sergakis? Est-ce qu'on a des chiffres qui disent: Quand ils ont passé de telle mesure à telle mesure, il y a eu une baisse du chiffre d'affaires de tant de pour cent pour...

M. Sergakis (Peter): ...même chose exactement, il y a un an et demi de ça, avec les lois antitabac. Je rappelle M. Couillard puis la ministre ici disant: Inquiétez-vous pas, la loi antitabac, elle n'aura pas effet sur votre établissement. Six mois après ou environ huit mois après, votre gouvernement a réalisé qu'il y a moins de clients dans les bars, moins d'argent pour Loto-Québec. Vous avez Loto-Québec qui est sortie avec des prévisions de 150 millions de moins. Là, on arrive au même scénario aujourd'hui. Vous posez les questions en disant que vous avez les statistiques, cette loi-ci, ça ne vous fait pas mal. Nous, on vous dit, là: Les tenanciers à travers du Québec sont très inquiets avec cette loi ici, la modification de la loi, parce qu'il y a eu une baisse de 15 % à 20 % sur le chiffre d'affaires avec la loi antitabac. Là, on arrive avec une autre mesure que, nous, on pense que ça va être encore catastrophique. Beaucoup de tenanciers, ils ont de la misère à arriver, beaucoup de tenanciers qui ont travaillé très longtemps pour avoir un commerce puis vivre avec ça, puis ils m'appellent tous les jours en me disant: Qu'est-ce que ça va arriver avec ça?

Sur votre question si on a les statistiques, non, mais je peux vous dire que beaucoup de tenanciers, comme je vous ai dit tout à l'heure, ils pensent qu'il va y avoir un effet catastrophique sur leur chiffres d'affaires, puis on pense que de 0,08 à 0,05, ce n'est pas ça qui va régler le problème, vous ne visez pas les bonnes choses.

Est-ce que tu as quelque chose à rajouter?

M. Sénéchal (Sébastien): Bien, en fait, peut-être deux petits commentaires. Évidemment, on a eu l'occasion, dans le cadre de la rédaction de ce mémoire-là, de constater la même chose que la ministre, c'est-à-dire qu'il y a une différence entre des facultés affaiblies ou les apparences. Maintenant, les études étant ce qu'elles sont, on ne sait pas si ces accidents-là, ils auraient eu lieu, même si les personnes n'auraient pas eu consommé d'alcool. On parlait de 36 accidents tout à l'heure. On ne sait pas si c'est directement relié à l'alcool qu'il y a eu ces accidents-là, les 36 accidents, ou si en fait c'est une question de circonstances ou si... automobile, pourquoi il y a eu 36 accidents.

Maintenant, vous regarderez à l'intérieur du mémoire, on a comparé la situation avec la Suisse, où, eux, c'est beaucoup plus élevé que ça. Ils disent que, de 0,08 à 0,05, il y a eu une diminution des accidents de 30 %... de 30 % des morts.

Mme Boulet: Des morts.

M. Sénéchal (Sébastien): De 30 % des morts, effectivement. Alors, c'est beaucoup. Je ne sais pas comment ils arrivent à ce calcul-là, mais ils le disent.

Maintenant, c'est difficile de comparer aussi la situation géographique du Québec avec celle de la Suisse. C'est difficile de comparer aussi le comportement, il n'y a pas autant de motocyclistes ici, il n'y a pas autant... les distances et les vitesses ne sont pas nécessairement les mêmes, les autoroutes ne sont pas les mêmes, il n'y a pas le même genre de tunnels. C'est rare qu'il y a un feu dans un tunnel de 25 km, ici. Alors, évidemment, de faire des comparaisons entre des États ou des provinces à l'intérieur de la Confédération, c'est un peu périlleux parce que, tout le monde le répète, il y a des distinctions, au Québec, sur différents plans. Par exemple, en Europe, on a aussi amélioré, auprès de... on a permis, par exemple, aux tenanciers...

M. Ouimet: Excusez-moi...

M. Sénéchal (Sébastien): Pardon?

M. Ouimet: On a plusieurs questions à vous poser, de ce côté-ci.

M. Sénéchal (Sébastien): Ah! Je m'excuse.

M. Ouimet: Alors, le temps va disparaître assez rapidement.

M. Sénéchal (Sébastien): Je m'excuse. Je m'excuse. Je pensais que c'était le... Mais tout ce que je voulais finalement dire, c'est qu'on permet aux tenanciers, en Europe, de reboucher la bouteille et de la donner aux gens aussi, hein, et ça, ce n'est pas proposé par le gouvernement, là. Ça veut dire: on réduit le taux d'alcool, mais on a le droit d'apporter notre bouteille à la maison, puis ça, ça se fait en Europe, et on ne le fait pas ici.

Le Président (M. Domingue): Mme la ministre.

Mme Boulet: Je voudrais juste... Une petite question, puis je vais vous demander d'être bref parce que j'ai des collègues qui auraient des questions. Vous parlez de suggestions, puis j'apprécie beaucoup: l'installation d'alcootests dans vos établissements, puis je trouve ça que ça peut être fort intéressant comme suggestion. Le problème qu'on me dit, c'est au niveau du calibrage de ces appareils-là. Comment vous voyez ça? Est-ce qu'on pourrait former des gens chez vous qui seraient responsables de cet appareil-là?

M. Sergakis (Peter): ...mais on veut une obligation de chaque tenancier d'avoir ça au service à la clientèle. Donc, le client, avant de sortir de là, il peut prendre son test pour savoir, là, s'il est capable de conduire son auto ou non. Parce que c'est ça qu'il disait, hein, M. Sénéchal, tout à l'heure: Comment quelqu'un va y penser, s'il est apte pour conduire ou non?

Mme Boulet: M. Sergakis, est-ce que ça existe dans d'autres pays ou dans d'autres provinces? Oui?

n (20 h 30) n

M. Sergakis (Peter): Certains établissements... Cet appareil?

Mme Boulet: Oui, mais est-ce qu'ils ont... Est-ce que, dans certaines provinces, ils ont décidé de mettre des...

M. Sergakis (Peter): Ah! ça, je ne peux pas vous dire, Mme Boulet. Je ne peux pas...

Mme Boulet: ...alcootests, là dans... Non? Vous ne savez pas? O.K.

M. Sergakis (Peter): Non. Mais je sais que certains établissements, peut-être 10 % des établissements, ils ont un appareil comme ça, puis je sais que beaucoup de clientèle utilise ces appareils, parce que, quand il sort, il veut s'assurer que...

Mme Boulet: Qu'il est capable de. O.K.

M. Sergakis (Peter): ...c'est ça, il est capable de conduire.

Mme Boulet: Alors, je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue aux travaux de cette commission. Moi, j'ai une brève question sur une recommandation faite par la Table québécoise sur la sécurité routière mais qui n'a pas fait l'objet de commentaires encore, mais, je pense, qui pourrait vous interpeller, c'est la recommandation qui vise à rendre obligatoire la formation des serveurs sur les dangers et les conséquences de la conduite avec les capacités affaiblies. On nous dit dans le rapport qu'en Ontario cette formation, elle est obligatoire. J'aimerais juste avoir votre point de vue là-dessus. Est-ce que ce serait une bonne chose?

M. Sergakis (Peter): Oui, je pense que ce serait une bonne chose. Je pense que c'est important de former les employés, dans le bar, sur le comportement de la clientèle et la quantité d'alcool que... Oui, je pense que c'est une très bonne...

M. Ouimet: La seule préoccupation que j'avais par rapport à la recommandation, c'est qu'il y a quand même un taux de roulement assez important au niveau des serveurs et des serveuses dans les différents bars.

M. Sergakis (Peter): Mais il faut qu'on trouve une façon de les former, une façon facile puis efficace, là, que ça ne crée pas un autre fardeau aux tenanciers, naturellement, mais quelque chose... un programme facile, là. Je ne sais pas quelle façon de... Mais ce serait une bonne initiative.

M. Ouimet: Et seriez-vous prêts à contribuer au coût de la formation?

M. Sergakis (Peter): O.K. Vous savez que ce que je vous dis... les tenanciers sont pris avec des finances très particulières parce que... la cigarette puis naturellement les vidéopokers, ils ont une baisse importante, puis on croit fortement que... cette mesure ici, il va y avoir une autre baisse.

M. Ouimet: Bien, merci. Merci infiniment. Je vais laisser du temps à notre collègue.

Le Président (M. Domingue): Je vais reconnaître le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. J'écoutais avec beaucoup d'intérêt, Me Sénéchal, vos commentaires. Vous me permettrez d'être en désaccord avec certains de vos commentaires. J'ai comme l'impression que vous pensez que, du 0,08 au 0,05, ça va changer les habitudes des policiers, qui pourraient être moins professionnels parce que le taux d'alcoolémie va baisser de 80 à 50, qu'il va y avoir un peu plus de chasse aux sorcières. À la différence de certaines catégories de professions, les policiers, c'est des professionnels. Les policiers doivent baser leur travail sur des faits et non pas des perceptions. Et je ne vous apprendrai pas qu'il y a une multitude ? ça se répertorie en centaines et en centaines au Canada ? de causes où est-ce qu'on traite de la cause articulaire qui est basée sur des soupçons, mais un ensemble de soupçons, une constellation de faits, exactement comme la Cour suprême et les cours d'appel nous ont appris. Donc, je vous dirais que, puisqu'on a des policiers...

On en a eu une, fédération, hier, de policiers municipaux, très chère au député de Beauce-Nord, et on a eu le Service de police de la ville de Montréal. On aura l'Association des policiers provinciaux du Québec qui viendra. Je pense que le travail qui est fait par les policiers est très valable, d'autant plus que leur rôle est de sauver des vies.

M. Sergakis, vous me dites que vous représentez... au niveau de l'Union des tenanciers: Êtes-vous en mesure de me dire combien de tenanciers de bar, au Québec, vous représentez par votre union?

M. Sergakis (Peter): 1 500 sur 8 000.

M. Ouellette: Les 6 500 autres... Il y a une différence entre vous et la corporation, là, des propriétaires?

M. Sergakis (Peter): Oui, je peux vous dire qu'il y a une différence: nous, on défend fortement les intérêts des tenanciers.

M. Ouellette: Donc, à vous deux, vous représentez les 8 000.

M. Sergakis (Peter): Pas essentiellement. C'est sûr que, lui, la corporation, ils ont un certain nombre de membres aussi. Je ne sais pas, on ne peut pas... On ne les a pas tous comme membres, mais on sait qu'il y a environ 8 000 bars au Québec. Nous, on a à peu près 1 500 membres. Ça inclut les régions que... les villes, les grandes villes.

M. Ouellette: O.K. Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que, puisque, dans toutes les autres provinces canadiennes, le taux d'alcoolémie est à 0,05, est à 50 mg, et que même, dans une province, il est à 40, et qu'il y a même question qu'en Europe, pas seulement qu'en Suisse, on s'en vienne, d'ici 2010, à 20 mg, je pense que le but de l'exercice est une conscientisation sociale de façon à ce que les gens aient un comportement plus responsable, toujours dans un but de sauver des vies.

Et, votre suggestion d'installer des alcootests dans les bars, je pense que c'est déjà une mesure qui est importante, parce que je n'ai pas vu... On a vu de la publicité, là, depuis qu'on a déposé le projet de loi, on a vu des reportages où est-ce qu'on se dépêche à faire boire du monde pour aller tester. Je ne pense pas que votre clientèle de bar... Vous êtes plus versés que moi dans ce milieu-là, je ne pense pas que personne entre dans les bars en vitesse pour aller caler une bouteille de vin et se dépêcher à aller voir dans le parking s'il n'y a pas un char de police qui pourrait peut-être penser qu'il aurait pris une bouteille de vin. Je pense que les gens sortent socialement et que, de plus en plus... Et c'est ce que c'est qu'on veut développer au niveau de la société, on veut développer un sens de responsabilisation qui va faire en sorte que les gens, peu importe à quel pourcentage d'alcoolémie ils seront, ils ne prendront pas le volant s'ils ont un taux d'alcoolémie supérieur, et votre suggestion, je pense, mérite qu'on s'y attarde.

C'étaient mes commentaires. Je vais garder un petit peu du temps qu'on a, là...

Le Président (M. Domingue): Les quelques secondes qu'il reste.

M. Ouellette: Les quelques secondes qu'il reste?

Le Président (M. Domingue): Il vous reste moins qu'une minute, M. le député.

M. Ouellette: Je la garderais, la minute.

Le Président (M. Domingue): Alors, je vais reconnaître le député de Blainville.

M. Gingras: Merci, M. le Président. D'abord, juste mentionner à Mme la ministre que, dans nos remarques d'ouverture, et si la ministre nous avait écoutés, de ce côté-ci de la Chambre, pour nous, on a indiqué clairement que, pour nous, on est là pour la sécurité sur les routes et que chaque vie compte. J'aimerais aussi rappeler à Mme la ministre, et avant que je m'en vienne à vous, messieurs, madame, qu'à l'heure actuelle nous avons toujours dit que ça prenait trois choses: sensibilisation. Tout le monde s'entend à dire ça. Donc, la SAAQ s'occupe et fait, je crois, une bonne sensibilisation au niveau de l'ensemble de la clientèle. Au niveau de la législation, une législation appropriée, et on a vu qu'au cours de la dernière année, avec les mêmes lois que nous avions en 2006, où il y avait eu 717 décès et plus de 50 000 blessés, cette année, avec un contrôle approprié, donc plus de policiers et des policiers mieux ciblés aux bonnes heures et aux bons endroits, on a réussi à réduire de 17 % le nombre de décès et de 22 % le nombre de blessés, donc ce qui m'amène...

Et effectivement je suis en accord avec beaucoup des éléments que vous avez dans votre mémoire que vous nous présentez ce soir, et, quand vous parlez de rater ? rate la cible, ce projet de loi ? c'est un peu ce qu'on en pense, de ce côté-ci de la Chambre. La meilleure façon d'atteindre une cible, c'est d'en installer une. Mais il faut installer la bonne cible, et 84 % des décès, contrairement à 6 % entre 0,05 et 0,08, donc on parle de 6 % des décès, mais, en haut de 0,08, 84 % des décès... Et c'est là qu'on doit s'attaquer, sur les récidivistes, viser les récidivistes et les criminels de la route, pas toucher aux honnêtes citoyens qui vont prendre un verre en couple, prendre une bouteille de vin en couple, qui ne causent pas d'accident de la route, effectivement.

n (20 h 40) n

Donc, ce qui me préoccupe... Et je pense que vous avez une grande responsabilité aussi. Le rapport De Koninck nous donne cinq recommandations. Parce qu'il faut dire que le 0,05 n'est pas dans les recommandations de la table, mais c'est une idée de la ministre, et du ministère, et du Parti libéral. Donc, ce n'est pas une recommandation de la table. Dans la table, il y a cinq recommandations, et je vous les lis:

1. Demander aux poursuivants publics d'être plus sévères;

2. Augmenter la perception du risque d'être intercepté, et je pense que vous le mentionnez dans votre mémoire. Donc, plus de policiers, mieux ciblés, aux meilleures heures;

3. Une sensibilisation accrue pour que les gens aient l'impression qu'ils n'ont pas plus de chances de gagner à la 6/49 que d'être interceptés s'ils consomment et prennent leurs véhicules avec un taux d'alcoolémie de plus de 0,08;

4. De rendre obligatoire la formation des serveurs sur les dangers et les conséquences de la conduite avec les facultés affaiblies;

5. D'accroître la sévérité des sanctions liées à la conduite avec les capacités affaiblies, et nous sommes d'accord avec ça.

Et là on vise les bonnes cibles. Mais la ministre n'a pas cru bon de retenir ces cibles-là mais par contre de baisser à 0,05... Et effectivement on s'est battus pour une société de droit où on ne condamne pas quelqu'un avant, et là, comme vous le dites si bien, le policier sera aussi le juge, donc sera l'accusateur et le juge.

Donc, est-ce que vous êtes d'accord... Parce qu'en Ontario vous savez que la formation se fait auprès des tenanciers de bar, auprès des serveurs, mais ici ça ne se fait pas. Est-ce que vous seriez d'accord avec les recommandations de la table, que les recommandations de la table soient mises en place au niveau des bars?

M. Sergakis (Peter): Oui, on est d'accord avec ça.

M. Gingras: Fantastique. Donc, vous êtes d'accord avec les recommandations de la table et vous êtes d'accord à ce que vous ayez un rôle à jouer de façon à ce que les gens...

M. Sergakis (Peter): Oui, mais un rôle responsable.

M. Gingras: Excellent.

Dans la recommandation, à la dernière page, dans vos recommandations additionnelles, vous parlez de mesures sur les conditions de délivrance des permis de conduire. Est-ce que vous pourriez nous en parler un peu plus?

M. Sergakis (Peter): Moi, je pense personnellement qu'un jeune entre 16 ans et 18 ans il ne connaît pas la... la majorité. Il faut qu'on dise quand même, là: Certains jeunes, à 16 ans, 17 ans, sont quand même responsables, mais une bonne partie d'eux autres, ils ne connaissent pas le danger de conduire, parce que j'ai vécu... Moi, quand j'étais jeune, je pensais que, quand je conduirais mon auto, je pensais que mon auto, elle va arrêter à n'importe quelle minute puis à n'importe quelle vitesse, quand moi, je désire l'arrêter. Mais j'ai réalisé... Quand j'avais 18 ans, j'ai eu un gros accident puis je m'en allais très vite, je ne savais pas le danger de la vitesse, puis j'ai eu un gros accident, puis j'ai blessé deux personnes. Je pense que c'est mieux, pour la vie de nos jeunes puis la vie que... Parce qu'il peut tuer quelqu'un aussi. Ce n'est pas seulement leur vie à eux autres, mais il peut tuer quelqu'un d'autre. Donc, c'est important qu'on ne donne pas les permis de conduire avant 18 ans.

Aussi, on demande l'âge de tolérance zéro jusqu'à 21 ans. Pourquoi? Parce que beaucoup de jeunes encore, 18, 19 ans, ils prennent un verre, puis ils n'ont aucune responsabilité, puis ils embarquent dans l'auto. C'est là qu'on voit tout le temps dans les journaux: c'est un jeune de 18 ans, c'est un jeune de 19 ans. Pas parce que je n'aime pas les jeunes, là, j'aime beaucoup les jeunes, sauf qu'il faut qu'on les guide, il faut qu'on les garde dans quelque chose pour leur sécurité à eux puis la sécurité de l'autre personne aussi.

M. Gingras: Merci. Je vais vous parler ici des exigences requises, lors d'une infraction pénale, entre le Code criminel et l'infraction qui est proposée, donc une infraction sommaire. J'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin parce que, ce matin, on a rencontré Me Rancourt, Me Jean-Pierre Rancourt, qui effectivement se questionnait grandement sur la société de droit que nous avons établie ici, nous disant ce matin que l'on ciblait la mauvaise cible et que constitutionnellement trouver quelqu'un coupable sans qu'il n'ait été reconnu coupable du crime, ça lui causait un problème sérieux. J'aimerais que vous m'en parliez un peu.

M. Sénéchal (Sébastien): En fait, évidemment, ce commentaire-là... Il y a un commentaire qui a été fait en début par Mme la ministre, qui disait que ça existait déjà ailleurs et que c'était constitutionnellement déjà vérifié. Écoutez, ça mériterait d'être vérifié de façon plus approfondie. Nous aussi, l'Union des tenanciers de bars du Québec, nous pensons que, malgré ce qui peut exister ailleurs... Évidemment, le fait de condamner sans avoir la possibilité de se défendre, si c'est ça que le gouvernement du Québec veut pour ses citoyens, ce n'est pas juste de s'ingérer dans leur vie privée, mais c'est de les priver en fait de droits fondamentaux. En fait, que ce soit juridiquement constitutionnel ou au niveau simplement des droits de l'individu ou du respect de l'individu, l'Union des tenanciers pense que de condamner avant d'avoir la possibilité de se défendre, ce n'est pas acceptable dans une société de droit comme la nôtre.

M. Gingras: Et je voudrais juste citer, M. le Président... Combien de temps?

Le Président (M. Domingue): 5 min 30 s.

M. Gingras: Juste citer Éduc'alcool, qui est quand même reconnu, au niveau des analyses ici, au Québec, des chercheurs, qui nous disent qu'à la lumière de ces données, de toutes les données qui existent, et puisque le réel problème est plutôt la présence d'un noyau relativement restreint de gros buveurs qui n'hésitent pas à conduire après avoir bu de grandes quantités d'alcool, Éduc'alcool s'interroge sur l'efficacité de la réduction légale de la limite de 0,08 à 0,05 alors que le Québec a sensiblement amélioré sa performance en matière de conduite, au cours des dernières années. Il importe de noter aussi que nous avons souvent tendance, comme société, à nous poser les questions par le mauvais bout de la lorgnette. Ainsi, dans le cas qui nous concerne, plutôt que de débattre des mérites d'une mesure spécifique, la réduction du taux d'alcool, nous serions sans doute mieux avisés de nous demander: Que faut-il faire pour améliorer le bilan sur les routes du Québec en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies?

Donc, il faut savoir que la question de réduction du taux d'alcoolémie est une affaire très complexe, et beaucoup plus complexe que ça n'apparaît à première vue. Je vais réserver mes commentaires pour la fin, je vais passer...

Le Président (M. Domingue): Alors, je vais céder la parole au député de Beauharnois.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Je sais que mon collègue de Vachon est impatient de poser plusieurs questions au groupe qui est devant nous, mais je vais lui demander d'être patient quelques minutes et je vais revenir sur deux, trois aspects de votre mémoire, si vous permettez, M. Sénéchal et M. Sergakis, madame.

En conclusion, vous nous dites en clair: Le gouvernement fait fausse route, mauvaise cible. Deuxième élément, on ne va pas assez loin sur les récidivistes. Mais là vous apportez deux, trois éléments. Mon collègue de Blainville a mentionné le permis de conduire à 18 ans. En tout cas, jusqu'à date, là, vous êtes le premier groupe, puis vous avez le droit, là, de le proposer, de le mentionner. Cependant, j'aimerais ça que vous mettiez de la chair, quant à l'ossature, sur votre proposition que vous nous faites.

M. Sergakis (Peter): Si on regarde les statistiques, est-ce qu'on s'entend que la majorité des accidents mortels, une bonne partie des accidents mortels, c'est entre 16 ans et 20 ans? Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus?

n (20 h 50) n

M. Deslières: Ils représentent 10 %, 24 % impliqués dans les accidents, 47 % au niveau de l'alcool, 43 % au niveau de la vitesse. Je comprends ça. Je n'ai pas les détails, là, entre 16 et 18 ans, là, je n'ai pas...

Une voix: 16-20 ans.

M. Deslières: 16-20 ans. Alors, ce n'est pas 16-18, là, c'est 16-20 ans. On ne sait pas si c'est à 18-20 ans qu'ils sont plus responsables que... C'est 16-20 ans. C'est ça.

Une voix: 24.

M. Deslières: 24, excusez-moi. 24 ans. 16-24 ans. Mais vous n'avez pas de... Puis je ne veux pas vous piéger, là, je sais que votre... Puis vous n'avez rien pour mettre... Vous dites d'instinct ou d'intuition que vous souhaiteriez que ce soit porté à 18 ans.

M. Sergakis (Peter): Bien oui, parce qu'on voit, tous les jours, des accidents mortels entre 16 et 18 ans, puis je pense qu'une bonne partie des jeunes entre 16 et 18 ans, ils ne connaissent pas le danger. Ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas des bons humains, ils ne connaissent pas le danger, puis c'est parce qu'ils n'ont pas d'expérience. L'important, c'est tolérance à zéro jusqu'à 21 ans.

M. Deslières: Bon, là, par exemple, vous apportez un autre point qui m'intéresse plus, et c'est une suggestion somme toute, là, à laquelle nous allons réfléchir, tout ça, parce que, là, il y a un élément de réflexion. Et je ne suis pas peinturé, excusez-moi l'expression, là, je ne suis pas peinturé dans le coin, mais il y a peut-être quelque chose à observer, à regarder, voir jusqu'à quel point cette application peut se faire. Puis c'est peut-être une bonne donnée, mais je la reçois, je la reçois positivement.

Par contre, dans votre deuxième paragraphe de votre conclusion, là, vous n'attaquez pas, mais vous vous penchez fortement sur la question des personnes âgées puis vous nous dites: Tous azimuts, à 70 ans, on devrait faire en sorte que toutes les personnes qui ont leurs permis de conduire devraient passer un examen médical. Là, c'est les jeunes, c'est les personnes âgées.

M. Sergakis (Peter): On n'attaque pas les jeunes puis les gens âgés...

M. Deslières: Je ne dis pas que vous les... Non, allez-y.

M. Sergakis (Peter): ...ce n'est rien de... on parle de la sécurité. Si on parle de sécurité, une personne... J'arrive à ça. J'ai 61 ans, là, donc j'arrive à 70 ans. Je pense que c'est tout à fait normal qu'en haut de 70 ans une personne devrait avoir un rapport médical deux fois par année parce qu'à ce moment-là notre réflexe, ça change rapidement. Ce n'est pas comme quand on a 40 ans ou 45 ans, notre réflexe ne change pas pantoute. Mais, quand on a 70 ans, on est plus ouvert aux maladies, donc, dans un espace de six mois, notre réflexe, il peut changer. Donc, moi-même, personnellement, j'aime autant passer deux examens par année, après 70 ans, pour m'assurer que je suis capable de conduire au lieu d'aller me tuer puis tuer quelqu'un d'autre sur la route. Je pense que c'est tout à fait normal.

M. Deslières: Mais ce n'est pas d'avoir un préjugé défavorable. Puis, en catégorisant les responsabilités par âge, il me semble qu'il y a un problème sociétal.

M. Sergakis (Peter): Non, non, ce n'est pas ça pantoute.

M. Deslières: Non?

M. Sergakis (Peter): D'être réaliste aujourd'hui. Si on est réaliste, on réalise que, de 16 ans à 18 ans, on ne connaît pas le danger. On n'est pas mature, on ne connaît pas le danger. Aussi, quand on a 70 ans, si on est réaliste, on arrive dans une période de notre âge que ça commence à diminuer, malheureusement. Donc, c'est pour ça que je dis: Souvent, on rencontre une personne de 70 ans et plus qui, malheureusement pour lui, n'a pas réalisé qu'il n'est pas capable de conduire l'auto, puis il ne sait pas où est-ce qu'il s'en va dans la route. Pour prendre soin de cette personne-là, on devrait demander d'aller passer un examen médical deux fois par année à cause que les réflexes, à cet âge-là, ça change très rapidement. Dans un mois ou deux, ces personnes-là, ils peuvent arriver incapables de conduire, mais ils ne le réalisent pas parce qu'à cet âge-là on ne réalise pas, on est malade. Donc, pour la sécurité de ces gens-là puis la sécurité du public, je pense que c'est très important.

M. Deslières: Ah! c'est sûr que je vous entends et que je vous écoute, mais vous me permettrez de ne pas...

Une voix: ...

M. Deslières: Bien, c'est ça... de ne pas partager votre point de vue, mais j'accepte votre point de vue. Allez, mon ami.

M. Bouchard: Bonsoir. La première question qui me vient à l'esprit, c'est: D'abord, depuis quand existe la limite de 0,08?

M. Sergakis (Peter): Depuis 1987, hein, je crois, là.

M. Bouchard: Est-ce qu'à l'époque... Quelle a été la réaction des tenanciers de bar, à l'époque? Est-ce qu'il y avait eu une crainte d'exprimée par les tenanciers de bar?

M. Sergakis (Peter): Oui, il y avait une crainte, puis naturellement il y a eu une baisse importante, à l'époque.

M. Bouchard: Est-ce que par après cette baisse... Est-ce qu'elle a été importante, la baisse?

M. Sergakis (Peter): Oui.

M. Bouchard: Je ne vous pose pas des questions pièges parce que je n'y connais rien, là.

M. Sergakis (Peter): Non, elle était importante. Mais aussi, à ce moment-là, les commerces en question, ça fonctionnait beaucoup plus, parce que présentement les gens, ils pensent beaucoup à leur santé, naturellement, et on boit moins, on boit moins d'alcool qu'ils buvaient. À l'époque, on avait les tavernes, les anciennes tavernes, là, les hommes étaient là...

M. Bouchard: Ils ne se rappelaient plus où était l'auto en sortant, de toute façon.

M. Sergakis (Peter): Non, ils ne se rappelaient plus où est-ce qu'était l'auto. Mais là, avec les changements, on pense beaucoup à notre santé, on pense de boire moins.

M. Bouchard: Il y a à peu près maintenant quelque chose comme un bar pour à peu près 1 000 personnes, au Québec, là, par 1 000 personnes au Québec. À l'époque, il y avait combien de bars? Est-ce que ça a beaucoup diminué comme densité d'offres de service?

M. Sergakis (Peter): Je ne pense pas. Je n'ai pas ces statistiques-là. Je ne me rappelle pas.

M. Bouchard: Est-ce que faire des affaires aujourd'hui, par rapport à 1987, c'est plus difficile ou c'est moins difficile?

M. Sergakis (Peter): 10 fois plus difficile. 10 fois plus difficile. C'est devenu problématique, là. L'industrie du bar, ce n'est plus un bon commerce pantoute.

M. Bouchard: Mais est-ce que ce n'est pas un bon commerce parce que la densité d'offres est trop grande pour le nombre de clients ou...

M. Sergakis (Peter): Bien, comme je vous dis, le monde, il boit moins, parce que vous savez que la cigarette, la boisson puis le jeu, ils vont ensemble. Là, on a enlevé la cigarette. On n'a même pas le droit d'avoir un fumoir dans les bars. C'est un problème aussi. L'hiver, les clients, il faut qu'ils aillent fumer dehors, donc ils ne vont plus dans les bars. Dans un an et demi, on va arriver avec une autre mesure que...

Je peux vous dire que, depuis l'annonce du ministre, les dernières deux, trois semaines, j'ai eu des dizaines de téléphones à travers du Québec: Qu'est-ce qui va arriver avec ça? On va tous fermer. Les clients, ils posent des questions, parce que ça passe dans les discussions, dans les bars. Les clients, ils posent des questions, ils disent: Là, je n'ai plus de droit de fumer dans les bars; tout à l'heure, je vais avoir peur de prendre deux verres. Ils disent: Ça ne vaut plus la peine, on va rester à la maison.

M. Bouchard: Mais les propositions que vous faites, M. Sergakis, à la fin de votre document témoignent d'une préoccupation vraie par rapport à la sécurité routière. Vous faites des propositions...

M. Sergakis (Peter): Les propositions, on parlait des jeunes puis des...

M. Bouchard: Oui, oui, mais les propositions...

M. Sergakis (Peter): Oui. Mais ça, je parle là-dessus, je parle... C'est sûr que c'est une opinion personnelle, dans le sens expérience aussi, là. Les problématiques, on pense que c'est plus là qu'en baissant le 0,08 à 0,05.

M. Bouchard: Mais non, mais c'est que je sens que vous avez une préoccupation vraie pour la sécurité routière.

M. Sergakis (Peter): C'est vraiment ce que j'ai, là, parce que...

n (21 heures) n

M. Bouchard: Oui. Oui. Mais est-ce que vous êtes sensible à l'argument qui nous est servi devant la commission, à l'effet que le fait d'abaisser le taux de 0,08 à 0,05 ? il semble qu'il y ait un certain nombre d'études qui viennent appuyer cela, là ? a un effet sur le taux d'alcool ingéré par les personnes dans les bars, c'est-à-dire que tout le monde éventuellement fait attention, donc ils prennent moins d'alcool, ça a un effet au-delà du 0,08, et donc ça n'aurait pas un effet seulement spécifique entre 0,05 et 0,08, mais ça aurait un effet beaucoup plus général et donc ça aurait un effet sur l'ensemble de la population, des automobilistes qui fréquenteraient les établissements?

Le Président (M. Domingue): M. le député de Vachon, votre temps est écoulé.

Une voix: Peut-être la réponse? Peut-être la réponse?

Le Président (M. Domingue): Oui. Juste avant d'avoir la réponse, je voudrais demander aux membres de la commission le consentement pour dépasser d'environ six minutes. Consentement des parties? Alors, vous pouvez y aller, monsieur, avec votre réponse.

M. Sénéchal (Sébastien): C'est parce qu'en fait la réponse à ça, c'est que c'est possible, c'est possible, et ça rejoint le mémoire qui a été déposé devant vous: les gens vont avoir peur, ils vont avoir une crainte. Ils vont avoir une crainte, vous avez raison, parce qu'ils ne sauront plus s'ils dépassent le 0,08, le 0,07 ou le 0,05. Sauf que, et c'est exactement ce qu'on inscrit à l'intérieur de notre mémoire, le fait de créer de la peur chez vos concitoyens, ça ne rend pas service aux tenanciers, et je ne suis pas sûr que ça rend service aux concitoyens non plus. Si en fait ces gens-là, si c'est vrai que c'est en fait...

Le Président (M. Domingue): En conclusion, M. Sénéchal.

M. Sénéchal (Sébastien): Oui. Si c'est vrai, là, que c'est à 0,05 en fait qu'on est dangereux pour la population, bien, que ce soit le gouvernement fédéral qui le dise et que ce soit criminel, parce que sinon, là, il ne faut pas faire peur aux gens puis de les empêcher de fréquenter des bars ou de fréquenter des restaurants. Ils ont droit aussi d'avoir un certain plaisir.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Sénéchal. Alors, pour une dernière minute, je vais reconnaître le député de LaFontaine.

M. Tomassi: Merci beaucoup, M. le Président. Et je n'ai pas de... on a compris, c'est plutôt un commentaire d'ordre général. J'entendais l'opposition officielle parler tantôt, et le député de Blainville, et, à essayer de les suivre, des fois on a un peu de misère. Au mois de juin, le 3 juin, lors d'un incident où est-ce qu'il y avait eu trois morts sur les routes du Québec, le député de Blainville disait ? puis tantôt il vient nous dire que la SAAQ a fait une bonne job de sensibilisation ? il disait le 3 juin: «On ne peut pas dire que la sensibilisation a porté ses fruits. Il faut penser à d'autres solutions pour contrer la vitesse...» Or, il parlait des campagnes de sensibilisation de la SAAQ qui n'avaient pas fait leur job.

Un autre, tantôt on a entendu parler le député de Beauce-Nord qui nous disait qu'il fallait plus de policiers. Lors de la commission parlementaire, il nous disait que ça coûtait cher puis qu'il fallait trouver d'autres solutions que d'engager plus de personnel. Alors, vous, M. Sénéchal, vous avez été en Suisse trouver des carrefours giratoires; j'aurais pu vous dire qu'il y en a plusieurs ici, à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député de Blainville, pour une dernière intervention de quatre minutes.

M. Gingras: Merci, M. le Président. Comme la sécurité routière me préoccupe grandement, ainsi que l'ADQ, on dit que 84 % des gens qui sont pris avec un 0,08 et plus représentent, uniquement au Canada, 3 % des titulaires de permis de conduire. Je suis certain et je suis convaincu que les propriétaires de bar et les serveurs de bar peuvent avoir un apport considérable pour empêcher, limiter le nombre de contrevenants au 0,08. Et l'appel que je vous fais, là, c'est: si on veut et si vous voulez contribuer à la sécurité routière au Québec, l'apport des serveurs est essentiel parce que ce 3 % de personnes là, ce 3 % de titulaires de permis de conduire qui prend la route avec 0,08 sort d'un établissement licencié, la plupart du temps. Donc, je pense que ce que vous avez tantôt pris comme engagement, que les propriétaires de bar seraient d'accord à des cours pour leurs serveurs, une formation, des cours, une formation, est essentiel.

Donc, en terminant, est-ce que vous avez d'autre chose à nous dire pour clore cette soirée? Et je tiens à vous remercier beaucoup pour votre mémoire et le temps que vous avez pris pour venir dans une température assez difficile.

M. Sergakis (Peter): Je demande à cette commission 30 secondes, pour ne pas vous déranger plus longtemps. C'est important pour nous, les tenanciers, on n'a pas besoin d'une autre mesure de nous mettre en faillite une autre fois encore. Vous savez que ce n'est pas rose dans les établissements, présentement, à travers du Québec, puis pas seulement dans les bars, dans la restauration aussi, ce n'est pas rose. Il y a beaucoup de restaurateurs qui m'appellent. Alcool, cigarettes, souvent, dans les grands restaurants, c'est là que ça va mal. Pas dans les fast-foods, tu vas là 15, 20 minutes, tu prends un petit sandwich, tu sors dehors, tu manges ça. Mais les grands restaurants aussi, avec l'interdiction de fumer, ils ont une baisse importante. Puis là, avec ça, les grands restaurants, ils vendent beaucoup de vin. Vous savez, beaucoup de gens y vont, qui boivent une bouteille, deux bouteilles de vin. Ils me disent qu'ils ne sont pas trop optimistes pour le futur.

M. Gingras: On comprend grandement votre inquiétude.

M. Sergakis (Peter): Merci.

M. Gingras: Merci. Terminé.

Le Président (M. Domingue): Merci, M. Sergakis. La Commission des transports et de l'environnement ajourne ses travaux au vendredi 30 novembre, après les affaires courantes, soit vers 11 heures.

(Fin de la séance à 21 h 6)


Document(s) related to the sitting