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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Thursday, October 25, 2007 - Vol. 40 N° 9

Consultations particulières sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer leurs téléphones cellulaires. Le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de stratégie gouvernementale de développement durable.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gingras (Blainville) est remplacé par M. Dorion (Nicolet-Yamaska).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman): Merci. Alors, on souhaite la bienvenue au Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets. Il y a une heure pour votre présentation: 15 minutes pour votre présentation et un échange avec les députés de la commission pour 45 minutes. Si vous pouvez vous identifier et faire votre présentation de 15 minutes, s'il vous plaît.

Front commun québécois pour une
gestion écologique des déchets (FCQGED)

M. Ménard (Karel): Oui. Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, je me présente donc: mon nom est Karel Ménard, je suis directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets. Et je suis accompagné de mon vice-président, M. Louis Charest.

Donc, on va y aller tout de suite peut-être avec une brève description de notre organisation. Le Front commun est un organisme qui a été créé en 1991. On est un groupe national qui travaille exclusivement au niveau de la gestion écologique des déchets. On a environ une centaine de groupes membres répartis sur l'ensemble des régions de la province et nous avons accompagné le gouvernement dans ses différentes démarches pour notamment l'adoption de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008, mais on travaille également sur différents autres dossiers. Aussi, on accompagne les citoyens et les groupes en environnement qui ont des problèmes, ou qui recherchent plutôt des solutions avec des problèmes liés à l'implantation ou l'agrandissement de lieux d'enfouissement sanitaire dans leur région. Donc, à cet effet-là, on a participé peut-être à une vingtaine ou 25 audiences publiques, là, du BAPE sur le sujet. Donc, notre spécialité, c'est l'environnement, mais plus précisément la gestion des déchets.

Donc, on va y aller avec les commentaires généraux qu'on a sur la stratégie gouvernementale de développement durable. Tout d'abord, on aimerait dire qu'on se réjouit de la publication de cette stratégie. Nous pensons que c'est un exercice important, nécessaire et souhaitable. C'est un exercice aussi qui mérite d'être bien fait, c'est-à-dire qu'on prenne le temps de le faire correctement, même si le temps n'est pas nécessairement un luxe qu'on peut se payer. Mais c'est important de bien faire les choses, surtout dans ce domaine-là.

On a peut-être une petite préoccupation plus globale, c'est au niveau justement des plans d'action qui découleront de l'application de la stratégie gouvernementale. Peut-être, 150 organismes qui sont visés, il y a peut-être un risque, si tous les organismes ne se sont pas approprié correctement les composantes du développement durable ou ce que la stratégie actuelle implique, peut-être un risque de disparité entre les plans d'action. Donc, il serait vraiment nécessaire que la stratégie soit bien expliquée et que même les différents organismes gouvernementaux soient impliqués peut-être pour établir des cibles peut-être un petit peu plus précises à ce moment-ci ainsi que des objectifs également un petit peu plus précis, toujours dans l'idée qu'ils se l'approprient davantage et qu'ils mettent en place des plans d'action qui répondent parfaitement à la stratégie gouvernementale, et particulièrement au développement durable.

On préconise également une implication peut-être un petit peu plus directe des membres de la société civile dans l'application de la stratégie gouvernementale de développement durable. Les organismes de la société civile, particulièrement les groupes en environnement, sont des moteurs dans ce domaine-là. Donc, bien souvent, des idées qui émanent des groupes de base comme le Front commun se retrouvent un jour ou l'autre soit comme faisant partie d'une politique, ou d'une loi, ou d'un règlement. Donc, c'est important de ne pas oublier ce fait-là et de les inclure autant que possible dans la démarche.

n (15 h 40) n

Un deuxième point est ? je ne le dis pas d'une façon péjorative; mais ? peut-être s'assurer d'une cohérence entre les buts visés dans la stratégie, et les objectifs que la stratégie nous propose, et les résultats qu'on attend des plans d'action qui vont éventuellement être élaborés. Comme j'ai dit, il faut faire l'exercice comme il se doit et avec une certaine rigueur. À titre d'exemple, on a relevé deux points qui, dans notre domaine, la gestion des déchets, nous ont fait sourciller un petit peu. Au niveau de l'objectif 8, par exemple ? c'est un exemple ? l'objectif 8 assimile les biogaz produits par les lieux d'enfouissement sanitaire à de l'énergie renouvelable. Nous, on pense que les biogaz ? en fait, le méthane contenu dans les biogaz ? ne sont pas des énergies renouvelables parce que ces biogaz-là... ce méthane-là est produit à partir de matières résiduelles. Donc, considérer le biogaz, donc le méthane de ces biogaz-là, comme une énergie renouvelable, ça veut dire que les déchets sont une énergie renouvelable, alors que c'est ? je crois et j'en suis sûr ? exactement le contraire qu'on veut éviter, donc l'enfouissement massif des déchets.

Ça peut paraître anodin comme affirmation, mais c'est exactement le stratagème qu'utilisent certaines grosses compagnies d'enfouissement de déchets: Envoyez-nous vos déchets à nos dépotoirs, on va les valoriser à 100 %, et ainsi vous allez participer au développement durable de la province, alors que leur but, c'est l'enfouissement massif et pêle-mêle des déchets mélangés dans leurs dépotoirs. Il vaut mieux, dans ce cas-là comme dans tout autre cas, éviter les problèmes plutôt que d'essayer de trouver des solutions à ces problèmes-là. Donc, peut-être, au niveau des matières putrescibles ou des déchets, c'est de les détourner au maximum de l'enfouissement. Et, pour les matières putrescibles responsables des biogaz, naturellement c'est de les traiter afin de produire un compost de qualité.

Actuellement, ce discours est très en vogue, la valorisation des déchets, notamment avec la question des redevances à l'élimination, qui actuellement sont retournées au prorata de la population des municipalités mais qui le seraient bientôt, on croit, retournées aux MRC en fonction de la performance, de l'atteinte des objectifs de la politique 1998-2008. Donc, peut-être regarder l'application de la stratégie, peut-être, à travers cette lorgnette-là. Pardon.

Un autre point concerne la valorisation, qui est mentionnée. On mentionne ? je le cite ? à la page 22: «Le réemploi, le recyclage et les autres formes de valorisation contribuent à réduire le volume des matières résiduelles destinées à l'élimination.» Il aurait peut-être été pertinent de mentionner que la réduction à la source en fait est le meilleur moyen de réduire les matières résiduelles destinées à l'élimination, mais c'est surtout le terme de «valorisation», la définition de la valorisation, qu'est-ce qu'il en est exactement et de quoi il en retourne exactement lorsqu'on parle de valorisation.

La loi québécoise sur l'environnement mentionne, à son article 53 ? et encore là je le cite, 53.1: «Toute opération visant par le réemploi, le recyclage, le compostage, la régénération ou par toute autre action qui ne constitue pas de l'élimination, à obtenir à partir de matières résiduelles des éléments ou des produits utiles ou de l'énergie.» Donc, que je valorise des produits via leur incinération dans des hauts fourneaux pour en retirer des métaux ? l'exemple des technologies de l'information et des communications, les TIC, par exemple, les ordinateurs, les cellulaires ? ou que je fasse du compostage, au sens de la loi, c'est de la valorisation. Sauf que l'incidence sur l'environnement de ces deux façons de valoriser ne sont absolument pas les mêmes, donc il faudrait absolument démontrer l'innocuité des formes de valorisation que l'on prône.

Comme je vous dis, actuellement on ? je ne vous l'ai pas dit encore, mais je vous le dis; actuellement on ? incinère dans des fours 100 000 tonnes de déchets provenant des TIC, technologies de l'information et des communications, ordinateurs. Ce sont des... 100 000 tonnes. Ce sont principalement ? enfin, presque tous ? des déchets qui proviennent de l'extérieur du Québec. Parce que la valorisation n'est pas de l'élimination au sens de la loi, donc l'importation de ces matières-là est permise. Au Québec, on en produit environ 20 000 tonnes par année. Cependant, comme c'est de la valorisation, ce n'est pas assujetti, par exemple, au Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles. Donc, on valorise des matières sans vraiment connaître les impacts sur l'environnement et sur la santé humaine. Aucune étude, à ma connaissance, n'a été produite là-dessus au Québec, sur cette forme de valorisation énergétique, mais il y en a beaucoup d'autres. Donc, lorsqu'on parle de valorisation, il faut s'assurer absolument... Peut-être éventuellement faire une modification à la loi sur... ou du moins préciser ce qu'est la valorisation et, dans le cadre de cette stratégie, déterminer quelles sont les formes de valorisation qui soient acceptables.

Troisième élément, il serait bien d'avoir ce qu'on appelle un équilibre réel entre les trois composantes du développement durable. Cette stratégie gouvernementale émane des problèmes connus et reconnus liés à la protection de l'environnement. Ça n'émane pas ? en fait, pas en grande partie ? des problèmes reliés à la société, au développement économique, mais davantage, lorsqu'on parle de développement durable, à des problèmes reliés à la protection de l'environnement. Donc ça, c'est essentiel, il faut absolument que les trois composantes ? protection de l'environnement, progrès social et développement économique ? soient vraiment considérées chacune à leur juste valeur également. On ne parle pas de prioriser l'environnement, mais vraiment s'assurer que la composante de la protection de l'environnement ? je le redis parce que c'est bien important ? soit considérée à part entière dans toute prise de décision de l'appareil gouvernemental.

D'ailleurs, cette stratégie est très intéressante et très importante, parce qu'on la qualifie de transversale. On ne savait pas si on devait dire horizontale ou verticale, on dit transversale, mais en fait elle va toucher tous les pans de l'appareil de l'État et toutes ses institutions. Donc, à ce niveau-là, elle est très, très importante, et ? je me répète peut-être ? très important qu'elle soit bien appliquée.

Et justement, si justement il n'y a pas une réelle appropriation des composantes du développement durable de la part de l'ensemble des composantes du gouvernement et de ses institutions ou organismes, s'il n'y a pas une appropriation, par exemple, un ministère ou un organisme à vocation davantage économique va peut-être écarter, certainement involontairement, la notion de protection de l'environnement. Donc, c'est très important que le cheminement soit fait avec ces organismes-là afin de s'assurer qu'elle prenne en compte véritablement la notion de protection de l'environnement. Donc, ce n'est pas une opposition des trois, des trois composantes, ou prioriser l'environnement par rapport aux deux autres, mais bien faire en sorte que les trois soient également intégrées.

Un autre point, qu'on a appelé rigueur et réalisme. Côté titres, là, on aurait peut-être pu trouver de meilleures formulations, mais l'implantation de cette stratégie n'est pas une tâche aisée, et on en convient. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on s'offre en tant qu'organisme, si jamais besoin est, à donner notre support là-dessus. On peut faire des erreurs ? et c'est tout à fait normal, c'est quand même un concept nouveau et c'est quand même une grosse tâche à laquelle le gouvernement s'attelle actuellement; on peut faire des erreurs ? la stratégie peut avoir des lacunes, ce qui est tout à fait normal et compréhensible. Cependant, il faut reconnaître ces erreurs et ces lacunes, tant et aussi longtemps qu'elles soient corrigées avec diligence, rapidement. Je pense que c'est peut-être la meilleure façon de faire dans le cadre de l'implantation d'une stratégie qui a une telle envergure.

Aussi, peut-être, si on peut se permettre un petit conseil, mais qu'on voit malheureusement un petit peu trop souvent dans différentes situations, mais ce n'est pas faire preuve d'un optimisme à outrance. Comme, par exemple, avec la notion de gestion axée sur les résultats, que préconise la stratégie dans la mise en application des plans d'action, un résultat obtenu, un chiffre peut cacher d'autres choses.

Juste encore un exemple. Je veux en revenir avec mes fameux TIC, mes technologies de l'information et des communications. J'ai dit qu'on produisait, par année, 20 000 tonnes de TIC par année au Québec; on en recycle très, très peu. Je n'ai pas le chiffre, mais c'est de l'ordre de centaines ou de milliers de kilos, peut-être. Ce serait aisé de valoriser ces 20 000 tonnes de TIC, par exemple en les brûlant dans des hauts fourneaux, et de dire qu'on a effectivement valorisé 20 000 tonnes de matières résiduelles. Donc, ça peut rentrer dans des bilans, et on peut annoncer ça d'une façon très positive. Sauf que, lorsqu'on se penche vraiment sur les impacts environnementaux et sur la santé humaine de cette forme de valorisation, on se rend compte que ce 20 000 tonnes là, même si c'est de la valorisation au sens strict de la loi, a des conséquences et des impacts qui seraient contraires en fait aux objectifs de la stratégie et de la Loi sur le développement durable du Québec.

Par exemple, au niveau des TIC, il serait bien, et comme pour beaucoup d'autres matières, de réellement externaliser les coûts de ces produits-là, donc faire payer les vrais coûts de ce que le traitement de ces matières-là représente. On parle, dans le document, d'appliquer une écofiscalité. On est entièrement d'accord avec ça. Il faut que ce soit fait, encore là, d'une bonne façon et éventuellement rechercher d'autres formes de valorisation, et non pas aller sur la forme peut-être la plus... je ne veux pas dire la plus facile ? mais bien souvent, malheureusement, c'est ce qui arrive ? mais il existe d'autres formes de valorisation pour beaucoup d'autres produits, comme le démontage par des entreprises d'économie sociale, et ainsi de suite.

Donc, c'était juste ça qu'on parlait, de rigueur et de réalisme, c'est-à-dire... Dans le cadre de cette stratégie-là, elle est très importante, elle est très vaste, donc c'est très possible de faire des erreurs. C'est tout à fait normal, il faut simplement reconnaître ces erreurs-là, et les corriger avec diligence, et faire attention avec les résultats. Parce que les résultats n'expliquent pas tout, tous les impacts que peut avoir, par exemple, la valorisation des matières résiduelles, donc s'assurer que les résultats intègrent bien les trois composantes du développement durable. Je vous remercie, M. le Président.

n (15 h 50) n

Le Président (M. Bergman): Merci pour votre présentation. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous, M. Ménard et M. Charest. C'est un plaisir de vous accueillir, et je vous remercie pour votre mémoire qui est vraiment extrêmement bien fait, très intéressant. Vraiment, votre contribution est à la fois constructive et précieuse, là, vraiment.

Il y a des éléments sur lesquels je veux vous entendre un petit peu plus. Vous terminez votre mémoire... Il y a deux encadrés, là ? je suis à la page 14 ? vous avez terminé votre présentation là-dessus, en nous interpellant sur... en disant que l'approche basée sur la gestion axée sur les résultats ne devrait pas être la seule retenue et vous plaidez aussi pour le droit à l'erreur, ce qui est toujours un petit peu de la musique aux oreilles de politiciens, qu'on se fasse dire qu'on a le droit à l'erreur.

Je vous lis, je vous entends et en même temps je veux juste vous dire que, depuis le début de nos consultations, par ailleurs plusieurs groupes, mais y compris... Par exemple, le Commissaire au développement durable s'est présenté ici et est plutôt venu nous dire ? et je pense qu'on doit écouter, on doit entendre; est plutôt venu nous dire ? que la stratégie, selon lui, entre autres ? c'est ce que j'ai compris puis je ne voudrais pas déformer ses paroles; mais ? par le manque, à ce moment-ci, d'indicateurs, le manque d'avoir un diagnostic complet, là... Il en est venu à dire que selon lui ça ne lui permettrait pas d'évaluer l'atteinte des résultats de la stratégie. Et, moi, je me dois d'écouter ce que dit le Commissaire au développement durable. c'est sûr que ça a été des propos qui ont bien sûr retenu mon attention.

Plusieurs autres organismes sont venus nous dire également qu'ils trouvaient que la stratégie donc n'indiquait pas assez clairement quels étaient les résultats à atteindre dans les différents secteurs, là, que couvrent les orientations. Et par ailleurs, même si je dois écouter ça, je suis capable de dire: Je pense que la loi même prévoyait que c'est dans l'année subséquente, que c'est dans des plans d'action qu'on va voir les choses se concrétiser, puis, même, c'est dans la prochaine année qu'on doit adopter des indicateurs qui doivent faire l'objet d'un consensus, puisqu'ils seront aussi soumis à une consultation, et tout ça.

Mais je vous avoue donc que... Vous comprenez où je veux en venir? Je suis là puis je me dis: Honnêtement, jusqu'à maintenant, il y a plus de groupes qui sont venus nous dire: Soyez plus précis, donnez des indicateurs, même, là, comme... un peu comme si on souhaitait que dès maintenant... même si la loi disait que c'est dans la prochaine année, mais elle peut nous dire: Dès maintenant, on devrait savoir les indicateurs. Et, vous, vous arrivez puis vous dites: Bien là, la gestion basée sur juste les résultats... Moi, je lie ça un peu à ça, là, les résultats, c'est-à-dire être capable de mesurer exactement l'avancement de telle chose ou telle chose. Vous nous dites: Ça ne devrait pas être la seule retenue, puis vous plaidez aussi en disant: Puis il y a une notion de droit à l'erreur.

Je vais y revenir, sur cette notion, parce que je trouve ça intéressant puis je pense que c'est souvent l'optique amenée par des gens qui sont sur le terrain et qui font un travail d'éducation, d'information puis qui sont capables de voir qu'il faut accepter que nous sommes dans une démarche, et c'est une démarche de développement durable.

Mais en même temps j'imagine, là, je vois, par exemple... Parce qu'on a nommé un commissaire au développement durable qui doit faire ça, je l'imagine très aisément pointer du doigt les erreurs. Honnêtement, là, je me dis: Une fois par année, on va avoir quelqu'un... Et ça va être son rôle, pointer du doigt les erreurs. Qu'en est-il, à travers un tel exercice, de nommer les erreurs, de les reconnaître... Je comprends ce que vous voulez me dire, mais qu'en est-il vraiment de l'aspect sur comment on garde par ailleurs une mobilisation à la fois des gens dans les ministères puis à la fois dans la société civile? Comment on fait pour que, une fois qu'on a vraiment souligné que ça, c'était une erreur et que ça n'a pas marché, que ça n'a pas un effet? Et, moi, je ne veux pas le cacher, là. Le Commissaire va être là, on l'a nommé. Mais comment par ailleurs je fais pour garder la mobilisation des gens lorsque le droit à l'erreur est parfois monté en échec, hein, dans une notion d'échec? Donc, je veux vous entendre là-dessus, vous qui êtes sur le terrain aussi, comment on fait pour conjuguer le droit à l'erreur et la mobilisation puis comment on fait pour convaincre les gens qu'on va leur dire comment ça marche, mais que ce ne soit pas juste basé sur une approche par résultats.

M. Ménard (Karel): D'accord. Si on me permet, je vais peut-être essayer d'apporter des éléments de réponse assez brefs. En fait, je crois qu'on ne s'est pas trop trompés comme quoi c'est un vaste mandat que le gouvernement s'est donné en voulant mettre sur pied une stratégie gouvernementale de développement durable. Mais en fait cette stratégie-là est un lien entre la politique et les plans d'action que l'on prévoit, donc c'est un peu normal et compréhensible ? nous, on le voit comme ça ? que les objectifs ou les indicateurs ne soient pas très, très, très précis. Il y a encore beaucoup de travail à faire en aval à ce niveau-là. On mentionne dans le mémoire que peut-être à certains égards on devrait peut-être préciser certains objectifs ou certains indicateurs, mais en collaboration avec les organismes du gouvernement, et ça, pour deux choses: pour s'assurer qu'il y ait une espèce d'uniformité parmi l'ensemble de l'appareil gouvernemental, mais aussi et surtout pour que ces organismes-là s'approprient réellement la démarche en cours. Et ça, je pense que c'est important et c'est vraiment un gage de succès, s'il y a une appropriation de la part des institutions de l'État, il faut vraiment miser là-dessus.

Revenir au niveau des erreurs. Et vous dites que ça peut démobiliser. Ce qui peut démobiliser aussi, c'est être trop optimiste, et ça, moi, je le vis à tous les jours où on annonce des nouvelles, notamment au niveau du recyclage, au niveau des ICI. J'ai l'impression qu'à entendre les médias on est les meilleurs au monde au niveau du recyclage, mais dans les faits on enfouit comme jamais, on élimine comme jamais dans nos lieux d'enfouissement, dans nos lieux d'élimination, incluant les incinérateurs, et le recyclage ne suit pas. Donc, oui, faire ressortir les bonnes nouvelles et les succès, les histoires à succès, mais être réaliste et pragmatique en disant: Oui, on a fait des progrès, mais il reste du chemin à faire. C'est-à-dire, trop d'optimisme, en fait c'est là où ça crée une démobilisation en disant: Bien là, si tout est réglé, on ne va pas mettre d'efforts.

Faire des erreurs, on en fait, et c'est tout à fait normal d'en faire. Puis, c'est peut-être plus dur pour un élu, là, j'en conviens, d'admettre ses erreurs, mais je pense que tout le monde a à gagner si effectivement on reconnaît ses erreurs. Et là-dedans c'est la première fois qu'on fait ça, donc je ne sais pas vraiment comment ça va déboucher en bout de ligne. Mais, si on reconnaît qu'on fait une erreur, notamment ? je vais prêcher pour ma paroisse ? avec la valorisation notamment, ou les biogaz, et rectifier le tir, là je trouve qu'au contraire ça motive énormément, c'est-à-dire nos élus... notre gouvernement a reconnu que peut-être il a pris une mauvaise direction mais revient sur ses pas. Et ce n'est pas du tout un signe de faiblesse, bien au contraire, bien au contraire. Et là je pense que c'est tout le contraire d'une démobilisation, ça crée une mobilisation.

Au niveau de la gestion axée sur les résultats, en développement durable, comme il y a des composantes sociales, environnementales, tout ne peut pas être quantifié, il faut laisser place ? et là j'avoue que ça peut être assez dur ? à du qualitatif. Si, par exemple, on dit: La formation a été un succès, 20 personnes se sont présentées, mais, si c'est parce qu'il y avait un buffet gratuit pour les gens qui se présentaient là, ça ne parle pas de la rétention des notions qui ont été transmises à ces 20 personnes là. Les personnes sont juste venues à côté du buffet, mais ce qui sort sur le rapport, c'est: 20 personnes sont venues. Donc, peut-être aller au-delà des chiffres. Et c'est un petit peu ce qu'on dit, parce que des chiffres peuvent cacher des choses un peu plus négatives et même qui vont à l'encontre des principes que l'on veut voir appliquer.

Donc, axer sur les résultats, oui, mais laisser une part, je veux dire, à la qualité, mais à l'aspect qualitatif ou vraiment, vraiment voir si derrière un chiffre... et c'est ce que je fais pratiquement à tous les jours, lorsqu'on parle de pourcentages, de tonnes enfouies, qu'est-ce que ça cache. Quand on dit qu'on recycle tant de pourcentage d'une matière, c'est par rapport à quoi? Est-ce qu'on calcule le taux de rejet là-dedans? Est-ce qu'on... Bon, il y a 3 millions de facteurs qui peuvent rentrer en ligne de compte, et, moi, un de mes travaux, c'est analyser tout ça et dire si effectivement c'est un progrès ou si on veut nous faire croire que c'est un progrès et se gausser avec ce résultat-là. Donc, axer sur les résultats, oui, mais s'assurer que les résultats qu'on ait soient réellement représentatifs des progrès en matière environnementale, en matière sociale et en matière de développement économique, ce qu'un chiffre tout seul sur une page blanche ne peut pas dire tout le temps. Donc...

n (16 heures) n

M. Charest (Louis): Je vais essayer juste un peu de répondre avec des exemples. Il y a quelqu'un qui m'a conté, la semaine passée, que, dans le palais de justice, il n'y avait pas de récupération, c'est zéro. Ça fait que les indicateurs, ça peut être très simple. C'est certain que, dans un autre projet, on est comme un projet pilote, puis le gars qui a un Ph. D., il a établi des indicateurs, puis il y en avait trois pages, d'indicateurs. Des indicateurs, ça coûte cher à suivre. Ça coûte de l'argent, puis c'est rendu que le travail sur le terrain, il va y avoir plus d'argent de mis dans les suivis des indicateurs que le travail qui va être fait sur le terrain. Ça, c'est l'extrême puis ça s'appelle noyer le poisson. Quand j'ai travaillé chez Bombardier, ils me disaient: Un bon suivi d'indicateurs, tu as assez de doigts dans les mains, cinq indicateurs, c'est suffisant, puis, après ça, quand on aura bien atteint la qualité qu'on veut, on changera la précision des indicateurs, ou on va avoir d'autres indicateurs parce qu'on va avoir maîtrisé ceux-là. Ça fait que des indicateurs, c'est certain, si vous avez engagé quelqu'un pour suivre le suivi de ça, il va vouloir en suivre une montagne, d'indicateurs. C'est le piège des indicateurs.

Si on regarde, là, par exemple, là, hier, il y a quelqu'un qui est dans l'école d'agriculture, il m'a dit: Louis, qu'est-ce qu'on ferait pour éliminer les verres de «styrofoam»? Là, je lui ai donné certaines suggestions, puis, à ce moment-là, l'indicateur, ça pourrait être de dire: Maintenant, les verres de «styrofoam» ont été éliminés. C'est de dire après ça: Il faudrait regarder l'étape suivante, de voir, là, c'est-u la bonne méthode qu'on a prise? On regardera ça. Ça fait qu'il y a beaucoup de chemin à faire dans l'appareil gouvernemental, c'est incroyable, ce qu'on entend.

Et, je ne le sais pas, quand je suis rentré, je n'ai pas vu de bac de récupération ici, là, mais c'est d'avoir la possibilité de récupérer. C'est vraiment de base, puis l'appareil gouvernemental est souvent cité en exemple dans le privé. Ma fille travaille dans une compagnie, ils faisaient de la récupération. Ils avaient des bacs puis tout allait à la poubelle parce qu'ils n'avaient pas... Ils étaient pris dans la même problématique qu'au gouvernement, c'était: ils étaient comme locataires, puis, dans le bail de location, il y avait un service de conciergerie, puis ils n'avaient pas le service de récupération. Bien, dans l'appareil gouvernemental, là, c'est presque... vous êtes tous... quasiment tous organisés comme ça. Ça fait qu'un indicateur de dire: Est-ce que la récupération est accessible dans le bâtiment? C'est facile à suivre, ça. C'est oui ou c'est non. Ça fait...

Mme Beauchamp: Si vous permettez, je vais devoir... Je suis désolée. Parce que j'ai d'autres questions, le temps file...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: ...et je pense que j'ai bien... on a bien compris votre point, puis enfin mon commentaire sera le suivant: La loi prévoit qu'au cours de l'année 2008 il y aura une autre consultation carrément sur les indicateurs qu'on va proposer, et tout. On est en train de se dire que cette discussion-là, plus sur combien, puis ils doivent ressembler à quoi, on va pouvoir se revoir pour creuser ça. Ma question était plus sur le grand principe, là, de l'atteinte de résultats.

Vous nous demandez... vous plaidez pour qu'on puisse reconnaître les erreurs. Moi, je vais tout de suite donner l'exemple et je vais tout de suite reconnaître le fait que vous avez mis le doigt sur une erreur qui s'est glissée dans le document. Je veux tout de suite vous le dire. Lorsque vous nous invitez à ne pas décrire le captage de biogaz comme faisant partie des énergies renouvelables, vous avez raison, et je pense qu'on va corriger le tir lorsqu'on fera le dépôt de la stratégie d'un point de vue final. Donc, je prêche pour l'exemple.

Lorsque vous parlez du fait que reconnaître les erreurs peut être une forme même de mobilisation, juste aussi vous dire, sans trop aller dans l'anecdote, mais, à mon arrivée comme ministre à l'Environnement, j'ai choisi, moi, de dire à haute voix, dans des conférences de presse, dans des allocutions publiques, avec les chiffres que j'avais à ce moment-là, que les Québécois étaient les plus grands producteurs de déchets à l'échelle du Canada, selon les statistiques qu'on avait de Statistique Canada. Je l'ai dit parce que je trouvais que ça peut être vu comme un échec, et, moi, je trouvais que, comme ministre, je partageais votre opinion à ce moment-là. J'ai choisi de le dire parce que je trouvais qu'il y avait un effet où on pouvait un petit peu fouetter la fierté des Québécois puis se dire: Ensemble, là, chacun d'entre nous, on a quelque chose à faire.

Depuis ce temps-là, on sait qu'on a amélioré notre performance en termes, entre autres, là, de ce qu'on retrouve dans le bac de recyclage à la maison, puis RECYC-QUÉBEC va bientôt fournir d'autres données de l'étude de caractérisation qu'il a menée, mais je voulais juste aussi vous dire... Je voulais vous entendre là-dessus, mais vous dire: Moi, je n'ai pas de problème à dire: Oui, il faut donner... C'est la notion d'erreur, mais... Enfin, avant tout, c'est la notion de donner l'heure juste au citoyen puis lui donner aussi des repères pour savoir où est-ce qu'il se situe par rapport aux autres. Puis, vous avez raison de dire, entre autres, dans le domaine qui vous intéresse: Il faut nommer les choses, puis les Québécois ont encore beaucoup de choses à faire, puis il en va du leadership du gouvernement à les soutenir puis à les aider à le faire.

Je voulais peut-être vous entendre... C'est pour ça, j'ai osé vous interrompre et je m'en excuse, là, mais vous êtes vraiment un groupe dédié, votre mission principale est sur la question des matières résiduelles. Vous nous parlez de parler de réduction à la source, mais vous nous parlez aussi beaucoup de la notion de valorisation, et je veux vraiment profiter de votre passage pour plus vous entendre sur cette notion-là. C'est un peu comme, si j'ai bien compris, puis avec l'exemple que vous donnez des TIC, là, des produits des technologies de l'information, c'est un peu comme si vous nous dites: Enfin, il y a de la bonne valorisation puis il y a de la moins bonne valorisation, selon les notions de développement durable. J'aurais le goût de dire: Si on avait à intégrer ça de façon plus concrète, vos propos, là, en termes d'objectifs, dans notre stratégie, comment on pourrait... je voudrais peut-être vous entendre un petit peu plus sur comment on doit traduire ça, ce qu'est de la bonne valorisation, selon vous, là, au niveau des matières résiduelles.

M. Ménard (Karel): D'accord.

Le Président (M. Bergman): Il nous reste moins de deux minutes sur ce bloc.

M. Ménard (Karel): Je vais essayer d'être très, très bref. Premièrement... malheureusement, je ne pourrai pas aller en détail, mais peut-être prendre la question sous un autre angle. Qu'on on parle des 3RV, réduction, réutilisation, recyclage et valorisation, la valorisation passe en dernier lieu, donc peut-être travailler au premier R.

Mme Beauchamp: ...

M. Ménard (Karel): C'est de la rhétorique, mais le meilleur déchet, celui qui pollue moins, celui qui crée le moins de problème, c'est celui qu'on ne produit pas. Donc, vraiment, au lieu de penser tout de suite à des, dans le jargon on dit, des solutions aux bouts de tuyaux, essayer de penser vraiment en amont: Est-ce que qu'on peut... est-ce que le produit est nécessaire? Bon, vous connaissez, bon, tous les arguments pour mettre ou ne pas mettre un produit sur le marché. Réutiliser si possible et recycler ou valoriser, selon la loi, en dernier lieu, donc il faut vraiment respecter cette logique. Et, quand la valorisation ne sera que la seule chose qu'il nous reste, là peut-être on pourra travailler plus concrètement à savoir laquelle est bonne valorisation ou pas.

À travers tout ça, on a parlé un petit peu, brièvement, d'écofiscalité. C'est des notions aussi qui ont un impact certain sur la nature des produits qui sont mis en marché. Actuellement et ce qui s'en vient avec le règlement sur les TIC, l'espèce de règlement-cadre, ça va être une société qui va être créée pour faire un petit peu ce qu'on fait avec les peintures, avec les huiles, qui va être chargée de valoriser les TIC, Et actuellement la seule option ? et je le prévois; la seule option ? qui va être retenue, ça va être l'incinération de ces matières-là. Donc, est-ce que c'est vraiment la bonne façon de faire les choses sur le plan du développement durable? Je ne pense pas, il faut vraiment penser en amont lorsqu'on parle de gestion de déchets ou de disposition de déchets, et le plus en amont possible, c'est réduction à la source.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, M. le Président. Bien, premièrement, bonjour aux membres de la commission, bonjour à nos invités, M. Ménard, M. Charest. J'ai une série de questions, une série... bien, ce n'est pas un argumentaire, là, tu sais, que j'ai pour vous, là. Deux questions plus précises, et après ça, bon, je vais essayer d'entamer une discussion avec vous sur d'autres sujets qui sont bien sûr dans votre élément.

Première question précise. À la page 5, vous avez parlé qu'il serait intéressant, bon, de bien identifier les acteurs qui auront la responsabilité d'assumer la stratégie, et puis, bon, évidemment, on comprend que c'est les acteurs publics, là, ministères et organismes parapublics. Et, moi, j'ai l'impression que, parmi tous ces organismes-là qu'on évalue à à peu près 150 en nombre, là, parmi ces organismes-là, il y en a certains qui ont une responsabilité plus importante que d'autres parce que leur implication dans le développement durable est beaucoup plus présente, beaucoup plus sentie. Est-ce que vous pensez qu'on devrait identifier les acteurs d'une manière à identifier ceux qui sont plus responsables, ceux qui ont plus de travail, ou vous voyez ça d'une manière différente, quand vous parlez d'une responsabilité à assurer?

M. Ménard (Karel): Pour ce qui est de l'identification des acteurs et de leurs responsabilités, pour nous, bien on n'est pas dans le secret des dieux, on n'a pas été intégrés dans toute la démarche ? puis ce qui est normal aussi, jusqu'à un certain point ? de l'élaboration de toute cette stratégie-là, ce serait peut-être dur d'identifier à quel acteur incomberait telle ou telle responsabilité.

n (16 h 10) n

C'est sûr qu'on parle, là, de responsabilités partagées, donc... et c'est surtout au niveau de l'application peut-être de cette stratégie dans les plans d'action que, là, la définition des responsabilités va être beaucoup plus... beaucoup plus identifiable, où on pourra davantage la pointer des doigts. Tout le monde a un rôle: le gouvernement bien sûr, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs également, le Commissaire au développement durable pourra avoir une responsabilité. Mais là, à l'heure actuelle, on ne peut pas... en tout cas ce serait peut-être maladroit de notre part de dire telle responsabilité incomberait à tel acteur.

On mentionne aussi... peut-être aussi des acteurs de la société civile qu'on...

M. Diamond: Est-ce que vous pensez que ça pourrait être pertinent quand même? Sans vous compromettre à dire qu'un tel pourrait faire plus, est-ce que vous pensez que ça pourrait être pertinent dans le cadre de la stratégie?

M. Ménard (Karel): Un tel pourrait... un tel pourrait... on pourrait tous faire plus, je crois. Donc, c'est sûr, notamment ? bien, c'est d'ailleurs dans le document ? au niveau du suivi par exemple, le rôle du Commissaire au développement durable a un rôle très important. Mais, comme on le dit aussi, si on donne des responsabilités, il faut naturellement aussi donner les ressources. Là, on parle de 150 plans d'action. Est-ce que ça va être vraiment 150 plans d'action qui vont être rédigés de façon autonome, ou est-ce qu'il va y avoir des troncs communs ? bon, la stratégie est un petit peu un tronc commun ? ou est-ce qu'il va y avoir du support qui va être donné aux organismes pour élaborer des plans d'action? De quelle façon ça va être vérifié? Est-ce que les plans d'action des organismes seront différents de leur rapport annuel ou est-ce que ça va être un chapitre? Donc, peut-être une fois que... quand tout ça sera défini, là on pourra clairement identifier les responsabilités de tous et chacun, mais je pense qu'à l'heure actuelle... C'est pour ça qu'on dit on ne veut pas se compromettre, c'est qu'il est un petit peu trop tôt, je pense, pour déterminer qui a une plus grande importance au niveau des acteurs. Peut-être une importance qui ressort moins du document, je pense que les acteurs de la société civile, particulièrement les groupes en environnement, ont peut-être un rôle plus grand que la stratégie veut bien lui donner à l'heure actuelle.

M. Diamond: O.K.

M. Charest (Louis): Je vais m'essayer, juste un petit peu, de répondre à votre question, là. Il y a, mettons, 150 organisations. C'est bien important que toutes les 150 organisations participent à cette stratégie-là, parce que les médias, tout ce qu'ils cherchent, c'est la bête noire. Si on regarde l'exemple qu'il y a eu, là, La Ronde qui déversait ses eaux usées direct dans le Saint-Laurent: il y en a combien, de toilettes, au niveau de l'île de Montréal?, mais c'est sur celle-là qu'ils vont frapper. Ça fait que, si vous avez 150 organisations puis qu'il y en a trois, quatre, pour Dieu sait quelle raison, qui n'ont rien fait, bien les médias vont s'emparer de ces trois, quatre cas-là puis ils vont partir en croisade contre ceux-là, puis les 146 autres qui vont avoir fait quelque chose, qui vont avoir avancé, ils vont tous être pointés du doigt comme les autres. Ça fait qu'il faut faire attention de ne pas donner un passe-droit à une de vos 150 organisations de dire que: Vous n'avez pas besoin de participer à ça parce ce que soit que vous êtes trop petit ou vous êtes Dieu sait quoi. La toilette de La Ronde, ce n'était pas si gros que ça, mais, dans l'imaginaire de la société, là, c'est ça que le monde vont se rappeler.

M. Diamond: Et puis vous avez parlé tout à l'heure, bon, des indicateurs, puis je rejoins Mme la ministre là-dessus, c'est qu'on s'est fait dire beaucoup, et puis je suis de cet avis-là, qu'on pourrait avoir identifié des moyens plus précis pour s'assurer que la stratégie est plus facilement mise en application puis qu'on peut en faire un suivi. Et puis ça, ça ne veut pas dire des indicateurs précis, précis, précis, là, parce que je comprends que ça s'en vient plus tard, là, le pourcentage, le nombre de tonnes, le nombre... mais des moyens précis. Ça, là, je pense qu'on pourrait y arriver maintenant. Et puis, vous, vous avez parlé évidemment de... vous avez fait l'analogie avec le buffet, le nombre de personnes, puis je comprends que, lorsqu'on y va avec des indicateurs à ce point précis puis qu'on oublie la notion de qualitatif, on peut se faire berner avec des statistiques.

Mais est-ce que je comprends bien que ça prendrait des indicateurs et à la fois des énoncés qualitatifs, et, lorsque ça s'y prête, un moyen tellement précis que la réponse est oui ou non, tout simplement? Mais est-ce que ça... Je comprends qu'il ne faut pas à ça réduire nos attentes, réduire les indicateurs, mais au contraire en avoir mais inclure un volet qualitatif. C'est ça que j'en comprends?

M. Charest (Louis): Moi, ce que je vous suggérerais, c'est que c'est un processus qui va être long, cette stratégie-là, puis probablement que les enfants de mes enfants devraient être encore dans ce processus-là. Il faut le démarrer puis il ne faut pas le démarrer en ayant toute la panoplie d'indicateurs qu'on peut imaginer, parce que ça va coûter cher à démarrer, puis ça ne démarrera jamais ou ça va être terriblement coûteux à démarrer, et le monde ordinaire vont s'essouffler dans ça.

Si vous faites un processus, comme il existe dans d'autres choses, qu'au bout de deux ans, trois ans, c'est écrit dans le texte que ça va être renouvelé, réinterrogé, qu'il va y avoir une autre, comment j'appellerais ça?, rencontre comme ça, à ce moment-là les indicateurs pourront être élargis ou rechangés pour d'autres choses. Ça fait que je vois ça comme un processus évolutif qu'aujourd'hui, à ce moment-ci, il faut garder ça simple pour pouvoir démarrer le processus.

M. Diamond: Puis il y a deux... Combien de temps il me reste, M. le Président?

Le Président (M. Bergman): Un autre neuf minutes.

M. Diamond: Pardon?

Le Président (M. Bergman): 8 min 30 s.

M. Diamond: O.K. ...a plus de temps, là. Bien, tu pourrais m'en donner. Deux éléments que j'aimerais aborder. Le premier: M. Mead, qui est le commissaire en environnement, bon, qui est venu ? au développement durable, pardon; qui est venu ? en premier lieu nous parler, bon, de la difficulté de faire un suivi, puis, bon, il nous a élaboré toutes sortes d'exemples, j'ai demandé un exemple concret sur les précédents qu'il y avait eu sur le fait que c'était difficile parfois de faire le suivi lorsque c'était trop nébuleux ou qu'il n'y avait pas un mandat spécifique, ou quand c'était trop complexe puis il y avait trop d'exhaustivité pour faire un suivi adéquat, et puis là, bien il m'a cité l'exemple de la Politique québécoise de la gestion des matières résiduelles comme étant un exemple concret où le suivi était difficilement possible de faire de sa part, et puis je pense que vous êtes les principaux concernés là-dedans. Est-ce que vous pouvez nous parler des difficultés de l'application de cette politique-là?

M. Ménard (Karel): Bien, le suivi, je pense qu'il est appliqué à une certaine forme de rigueur, je pense, au niveau de l'atteinte des objectifs. Mme la ministre a parlé qu'au Québec on était certainement les plus grands producteurs de déchets au monde; possible, mais je pense qu'au Québec aussi on a peut-être une des meilleures caractérisations de nos déchets sur la planète, et peut-être qu'on inclut des choses que d'autres provinces ou d'autres pays n'incluent pas ? matériaux secs, les débris de construction et de démolition. Donc, peut-être que ça fait apparaître notre quantité de déchets produite comme étant énorme et comme étant peut-être celle des plus grands producteurs de déchets au monde.

Donc, je ne suis pas vraiment sûr que nous sommes vraiment les plus grands producteurs de déchets de la planète, mais je pense qu'on a... et parce qu'il y a eu de la... On a des très bons groupes en environnement, je pense, on a eu une certaine rigueur au niveau de l'application de la politique québécoise 1998-2008, là, sur la gestion des matières résiduelles. Elle est loin d'être parfaite, ça, on en convient. Je pourrais vous en parler des heures, mais ce n'est pas ni le moment ni le lieu, mais on est quand même, je crois, capables de voir effectivement les progrès qu'ont fait les MRC, les municipalités, au niveau quantitatif. Au niveau qualitatif, ça, on en parle un petit peu.

Lorsqu'on parle de... Le premier problème en environnement, vous demandez ça à quelqu'un dans la rue, quel est-il? Kyoto, la couche d'ozone, et ainsi de suite. Qu'est-ce que tu fais pour l'environnement? Je recycle. C'est rentré dans les moeurs que solution environnementale applicable à tout le monde, c'est le recyclage; en fait, c'est la gestion des matières résiduelles appliquée d'une façon écologique. Donc, cette politique-là a eu le mérite... C'est-à-dire, on parle de compostage, oui, le compostage est venu très en retard puis on n'atteindra pas les objectifs. Là, je n'ai pas les chiffres, Mme la ministre les a actuellement, on va les avoir au mois de novembre. Au niveau du constat, on assure des retards, mais on progresse quand même. Il ne faut pas baisser les bras à ce niveau-là.

Je reviendrais peut-être au niveau des indicateurs. Est-ce qu'on devrait inclure des notions qualitatives ou non? Ça dépend, mais au moins il faut bien décrire le résultat qu'on obtient; une donnée, qu'est-ce que la donnée veut dire? D'où elle vient? Et expliquer pourquoi, si on a cette donnée-là, pourquoi on n'en a pas une autre, par exemple, ou ainsi de suite.

Juste un exemple facile: au niveau de la réduction à la source, si effectivement, dans les plans d'action, on ne fait pas une bonne caractérisation de ce qui se passe dans un ministère, par exemple, si on ne le fait pas au niveau des déchets, par exemple, on ne pourra jamais connaître les résultats qu'on obtient. Si on ne sait pas ce qu'on produit, ça va être dur de faire des pourcentages de réduction par la suite. Si on applique de la réduction à la source, la réduction à la source, par définition c'est un déchet qu'on ne produit pas. C'est difficilement comptabilisable si on n'a pas établi avant les déchets qu'on produisait. Et actuellement, d'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles le compostage, il faut travailler fort dessus au niveau de certaines MRC qui peut-être mettent ça de côté, notamment le compostage domestique, parce que c'est très difficilement comptabilisable.

Donc, ce n'est pas nécessairement avoir des indicateurs béton, juste des chiffres et non plus avoir uniquement des indicateurs qualitatifs, là ça va être effectivement très dur à gérer. Mais peut-être expliquer vraiment quels sont... pourquoi on a un chiffre et non un autre, et expliquer pourquoi on a préféré telle méthode de valorisation ou telle autre méthode de gestion de déchets plutôt qu'une autre, et ça, je pense que ça rentre dans l'effet qualitatif et ça explique énormément un chiffre.

M. Diamond: Et puis vous avez fait mention à plusieurs reprises, puis avec raison, qu'il faut réduire à la source la production de déchets et non pas, bon, vivre avec les conséquences et essayer d'amoindrir les effets. Quelles actions concrètes actuellement un gouvernement pourrait faire pour rapidement réduire la production de déchets?

M. Ménard (Karel): Rapidement réduire la production de déchets au sein de ses institutions?

M. Diamond: Évidemment, «rapidement», je ne parle pas d'en quelques semaines, là, mais sur une échelle de cinq ans, là, des politiques... puis pas nécessairement au sein de ses propres institutions, mais globalement au sein de la société québécoise.

M. Ménard (Karel): Peut-être sensibiliser ou faire en sorte que l'ensemble de l'appareil gouvernemental comprenne bien la problématique de la gestion des déchets. Peut-être ça pourrait commencer par l'Assemblée nationale, ou ce serait peut-être une bonne chose que chaque député aille visiter un gros dépotoir, et là vous serez vraiment sensibilisés...

n (16 h 20) n

M. Diamond: ...dépotoir...

M. Ménard (Karel): ...au gaspillage de nos ressources. Et je vous invite d'ailleurs à le faire, il y a des compagnies privées qui offrent gratuitement la visite de leur site. C'est de la promotion, de la publicité pour eux, mais vous allez voir vraiment qu'est-ce qui est enfoui: le papier, le plastique. On n'appelle plus ça vraiment des matières résiduelles, dans le milieu, mais plutôt des ressources. Et même, ce terme-là est repris par le monde environnemental, même privé. Peut-être, première des choses, c'est aller voir un dépotoir, qu'est-ce qu'on jette, et là vous serez sensibilisés personnellement. Et je crois que chacune de vos actions, à l'avenir, après avoir visité un lieu d'enfouissement, vous allez avoir dans votre tête les images que vous aurez vues sur ce lieu-là, et toutes vos actions vont...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard (Karel): ...vont... vont découler.

M. Charest (Louis): Je vais en essayer une, réponse, à sa question: Qu'est-ce qu'on pourrait faire rapidement pour diminuer le nombre de déchets enfouis au Québec? Défendre de vendre des tondeuses avec un sac pour ramasser la pelouse. Je ramasse... Moi, dans une autre vie, je suis le directeur de la régie des poubelles de Bécancour?Nicolet-Yamaska. C'est moi qui ramasse les poubelles à M. Dorion, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest (Louis): Bien, ce n'est pas moi-même, mais c'est un de mes...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: C'est-u un gros sac ou un...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dorion: M. le Président, j'ai deux bacs à la maison, dont le bac des poubelles et le bac de recyclage.

M. Charest (Louis): C'est ça, on est en avance, dans Bécancour?Nicolet-Yamaska, on a un bac de 360 litres pour la récupération. Puis, quand je vais à Montréal, je trouve ça incroyable: comment qu'ils font pour prendre un petit bac comme ça pour un logement? En tout cas, ce n'est pas ça.

Ça fait que, empêchez le monde d'acheter des tondeuses avec un sac, puis on ne ramassera pas... Il y a des maisons que je ramasse un bac de 360 litres de pelouse par semaine. Le monde ont un grand terrain, ils ont un tracteur à pelouse avec un contenant en arrière puis ils ramassent de la pelouse. Puis, ces mêmes personnes là souvent vont acheter de l'engrais ou ils vont payer quelqu'un pour venir arroser leur pelouse, mettre de l'azote liquide.

Ça fait que, défendez de vendre des sacs d'engrais à usage domestique pour les pelouses, défendez le monde à faire arroser ça par une firme indépendante, puis on ne ramassera plus de pelouse dans les poubelles. C'est une honte, moi, je trouve, d'avoir de la pelouse dans des poubelles. C'est quelque chose de très grande qualité puis ça s'en va faire les biogaz qu'ils parlaient. C'est une des plus belles génératrices à biogaz, la pelouse, dans les sites d'enfouissement. Puis ça sent. Vous ferez le test chez vous, là. Ramassez un sac de pelouse, un sac vert, là. Au bout d'une semaine, mettez-vous le nez dedans, vous allez voir, ça ne sent pas les roses. C'est très, très nauséabond.

Ça fait que vous demandez à avoir une méthode facile? Une autre méthode facile, défendez de vendre de l'eau en petites bouteilles, tu sais? C'est quoi, l'idée? Je comprends que quelqu'un peut décider qu'il va boire de l'eau en bouteille. Vendez des contenants de quatre litres puis dites à vos enfants: Transvidez-les si vous voulez en boire à l'école. Mais le petit contenant, là, c'est incroyable. Je ne sais pas si vous avez fait des mathématiques, maths 103 ou maths 203, là. C'est à ça que servait le calcul différentiel, là: faire comprendre que plus le contenant est petit, plus le contenant va représenter une grosse masse de ce qu'il y a dedans. Ça fait que vendez des quatre litres au lieu de vendre des bouteilles de 300 ml. Mathématiquement, je vais vous prouver que c'est incroyable, la différence, puis ça va être un contenant réutilisable que les enfants ou, vous-même, vous allez amener. Moi, je suis un buveur d'eau du robinet parce que c'est contre mes principes, mais je peux comprendre que quelqu'un veuille boire ça, pour toutes sortes de raisons.

Le Président (M. Bergman): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Oui, bien, écoutez, mon temps est écoulé, mais je tiens juste à souligner que j'ai effectivement visité plusieurs sites d'enfouissement durant l'été, pendant mes vacances. Ça fait que c'était fort agréable. Et c'est frappant de voir à quel point il y a une matière là-dedans, et puis c'est vrai que ça change beaucoup la donne. Ça fait que peut-être qu'on pourrait inclure ça dans les visites scolaires, ce serait intéressant. Donc, merci beaucoup pour la pertinence de vos propos, merci.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. le député de Vachon.

M. Bouchard: M. le Président, je ne suis pas sûr que les visites scolaires dans les dépotoirs encourageraient les politiques contre le décrochage. J'ai, M. le Président... D'abord, bonjour, messieurs.

De fait, c'est intéressant, ce que vous mentionnez à propos des petites bouteilles d'eau. Aujourd'hui même, au Centre Eaton, à Montréal, on dévoile une sculpture qui est faite à partir de 45 000 bouteilles, petites bouteilles d'eau qu'on a tout simplement récupérées des bacs, dans le Centre Eaton, durant un an. Apparemment, c'est une sculpture assez impressionnante. Alors, on aura l'occasion d'aller la voir avec le député en fin de semaine, sans doute.

J'ai une petite... Si vous permettez, M. le Président, j'aurais quelqu'un à vous présenter, à présenter aux membres de la commission. Je me permets de vous présenter M. Nicolas Fontaine, qui est assis derrière nous et qui va nous accompagner, là, durant les quelques prochains mois, comme stagiaire de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant. Alors, bienvenue, M. Fontaine.

Le groupe qui va vous suivre et qui s'appelle la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, de l'Université du Québec à Montréal, l'École des sciences de la gestion, va renforcer le point de vue que vous avez développé devant nous, à savoir que vaut mieux prioriser des objectifs que d'en avoir une multitude, vaut mieux avoir certains indicateurs extrêmement précis mais parlants, vaut mieux savoir d'où on part et où on veut arriver, et vaut mieux avoir des indicateurs également qui nous indiquent... qui indiquent à l'ensemble de la population québécoise vers où on veut s'en aller, de telle sorte à ce que les organismes puissent s'aligner sur quelque chose au point du départ, et, je pense, ça va être un point fort de cette commission, ça, que de nous avoir fait prendre conscience de cela à la lecture de la stratégie. Et je pense que c'est ce que vous affirmez aussi aujourd'hui... que vos affirmations vont dans ce sens-là.

En ce qui concerne la récupération des TIC, vous avez sans doute entendu parler de l'initiative de la chaîne de magasins Bureau en gros; peut-être êtes-vous de connivence ou non, je ne sais pas, avec cette opération. J'aimerais savoir si ce type d'opération, pour vous, représente une avancée significative, quelles sont les limites de ce type d'initiative, qu'est-ce qu'on peut en espérer.

Pour les gens qui ne le savent pas, là, les 58 succursales de cette compagnie invitent les citoyens à aller porter dans leurs succursales, on se doute bien aussi, pour des motifs... pour des motifs qui leur sont propres, des équipements de technologie de l'information qui seraient désuets. Et ils s'engagent en partie à les refiler dans le réseau des CFER, d'une part, donc en économie sociale, ce que vous mentionniez tout à l'heure. Et, l'autre partie, je dois dire que je ne sais pas exactement ce qui va y arriver, mais certainement récupérer les parties qui sont encore récupérables.

J'aimerais vous entendre là-dessus, c'est-à-dire la place que doit occuper, dans une stratégie de développement durable, des initiatives de l'entreprise privée, de connivence ? privée et à but lucratif; de connivence ? avec des sociétés sans but lucratif, comment ça pourrait s'inscrire dans une stratégie et si la stratégie, selon vous, encourage et s'ouvre suffisamment à cela.

M. Ménard (Karel): Au niveau de l'initiative en tant que telle, on parle là de responsabilité élargie des producteurs. Ce terme est quelquefois galvaudé, parce que, lorsqu'on parle d'une réelle responsabilité élargie des producteurs, ça veut dire que le producteur d'un bien, d'un ordinateur par exemple, fait véritablement l'analyse du cycle de vie de tout ce qu'on produit dès la conception jusqu'à sa disposition, les impacts environnementaux et sociaux.

Actuellement, dans le domaine informatique, c'est tout le contraire qui se passe. Ce sont des produits extrêmement polluants dès leur conception, c'est-à-dire là où... Silicon Valley, en Californie, c'est extrêmement pollué parce qu'on fabrique beaucoup de composantes informatiques, ça voyage beaucoup, et ce sont des produits jetables maintenant, les ordinateurs, les cellulaires, et ainsi de suite. Donc, je pense qu'au niveau de la responsabilisation élargie des producteurs il y a du travail encore à faire à ce niveau-là.

Au niveau de la récupération de l'initiative en particulier, c'est peut-être un exemple ? tout à l'heure, je mentionnais ? où on est peut-être trop optimistes à certains égards. C'est selon moi Merveillus qui est l'initiative de récupération de cet ordre. Si ce n'est pas pour éviter un règlement plus coercitif au niveau de la récupération des ordinateurs, merveilleux, parce qu'il y a peut-être ça aussi derrière. Donc, il faut vraiment voir le geste qui est posé par les compagnies qui vendent ces matières-là. Aussi, vous avez parlé de l'entente qu'il y a eu avec les CFER. Effectivement, les centres de formation en entreprise et récupération vont collaborer certainement au démontage des pièces.

Moi, je poursuis mon questionnement: Et qu'est-ce qui arrive avec ces pièces-là par la suite? De quelle façon ces pièces-là vont être recyclées? Ça, je n'ai pas eu de réponses, on ne me les a pas données; mais elles seront très certainement envoyées à l'incinération, dans des hauts fourneaux, en Abitibi-Témiscamingue, à Rouyn-Noranda, la seule entreprise qui fait ça, à ma connaissance, au Québec. Et, à ma connaissance, comme j'ai dit tantôt, il n'y a pas eu d'étude ou d'analyse environnementale de la chose. Et c'est de la valorisation, donc ce n'est pas de l'élimination, comme j'ai dit, donc pas assujettie à une réglementation, au niveau des émanations atmosphériques, sur le plan provincial, ou des cendres de grille ou des cendres volantes qu'elle pourrait produire. Je ne dis pas que la compagnie pollue, ainsi de suite, je dis simplement: A-t-on vérifié véritablement l'impact environnemental de la chose?

n (16 h 30) n

Quand on parle de valorisation, il faut faire extrêmement attention ? Mme Beauchamp l'a faire ressortir tout à l'heure ? c'est très vaste comme concept. Si je fais du compostage domestique dans ma cour, c'est de la valorisation. J'envoie des produits se faire brûler pour en récupérer 1 %, 2 %. C'est quoi, le pourcentage qu'on récupère vraiment de ces appareils informatiques là? Peut-être la stratégie devrait voir... si on ne récupère pas 20 %, ce n'est pas de la valorisation, c'est de l'élimination. Pourquoi on reçoit 100 000 tonnes de matières... de TIC? Parce que dans certains États américains, européens, c'est considéré comme des déchets dangereux. Donc, on les envoie au Québec parce qu'ici il y a possibilité de traiter ces matières-là par leur combustion dans des hauts fourneaux. C'est de la valorisation au sens de la loi. Ça peut paraître bien, l'initiative, mais, moi, travaillant pour un groupe environnemental et ayant vraiment à coeur la protection de l'environnement, j'aimerais bien véritablement connaître, savoir exactement quelle forme de valorisation est effectuée dans le cadre des TIC, de cette initiative en particulier, et quels sont les impacts environnementaux et sociaux, là. C'est-à-dire, peut-être on pollue, on continue à polluer une région qui a eu son lot de pollution au cours des années avec les entreprises qu'il y avait là.

Donc, sur le fond, je ne suis pas contre. On ne peut pas être contre la vertu. Une entreprise qui met sur pied un programme de récupération, je pense que c'est, comment... une belle image. Il ne faut pas non plus dénoncer ça ouvertement ou dans les médias. Mais sérieusement, si on travaille sérieusement là-dedans, il faut travailler, et peut-être on en a l'occasion actuellement, travailler à faire en sorte que vraiment la valorisation qui est effectuée ne va pas à l'encontre des principes, des composantes du développement durable qu'on essaie d'appliquer, là.

M. Bouchard: Je n'ai pas malheureusement... Parce qu'il faut faire... il faut rendre justice et être équitable envers les acteurs autour de projets semblables, comme vous le dites d'ailleurs. Parce que je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais en mémoire, là, je me rappelle très bien qu'il y a une portion, qu'à l'époque je trouvais assez importante, là, de ces produits qui étaient recyclés dans le circuit des ordinateurs dans le milieu scolaire à partir des CFER, là. Mais on pourra vérifier, vous pourrez vérifier de votre côté.

Par ailleurs, comment on peut arriver à réduire à la source ce type de pollution là? Parce que vous dites: Il faut réduire à la source. Et est-ce qu'on va, par règlement, par exemple, je ne sais pas, moi, diminuer, interdire l'importation de produits jetables comme ceux-là? Quelle est la... Parce que vous parlez du cycle de vie évidemment et vous remontez à Silicon Valley, voire, et vous constatez qu'il y a dans la production même de ces produits certainement des effets importants, une contribution importante dans les gaz à effet de serre, etc. Mais comment on peut arriver, en tant que juridiction, à se protéger contre ce phénomène-là à la source?

M. Ménard (Karel): Brièvement. Une approche réglementaire, l'approche volontaire...

M. Bouchard: Est-ce que vous pouvez me donner un exemple? Par exemple, alors mon téléphone cellulaire.

M. Ménard (Karel): Oui, premièrement, se poser la... Bien, une approche réglementaire, c'est-à-dire obliger les producteurs de biens à faire des produits... premièrement, des produits nécessaires. Je peux faire la nomenclature des raisons qui peuvent être éventuellement dans un règlement, mais je ne la ferai pas. Mais, avoir des produits recyclables dans le produit, avoir des produits durables, avoir des produits avec des matières recyclées, un appareil qui soit facilement démontable, et inclure ça dans une réglementation en disant: Vous voulez mettre un Palm, ou je ne sais pas comment ça s'appelle, sur le marché, assurez-vous que votre produit a une durée de vie au moins de cinq ans, que les piles qui sont utilisées ne soient pas nocives sur l'environnement ou soient récupérées, et assurez-vous surtout de prendre en charge le produit après la fin de sa vie utile.

On en parle, et j'ai amené... parce que je savais un petit peu qu'on allait en parler. Il y a 10 ans, on a produit un document de réflexion parce qu'on parlait beaucoup, là, juste après les audiences génériques sur la gestion des déchets, de mesures fiscales, et ainsi de suite. On a produit un document de réflexion sur des mesures fiscales, justement comment intégrer ou comment... Oui, je pourrai le déposer si vous le désirez. C'est un document de réflexion, là, ce n'est pas une thèse de doctorat. Mais on a parlé notamment de toutes les mesures... de plusieurs mesures d'écofiscalité qui pouvaient justement être intégrées dans des règlements pour diminuer à la source les biens de consommation. Même dans ce document-là, on parlait d'une taxe... le front commun proposait au gouvernement une taxe à l'enfouissement de 10 $ la tonne. Et qu'est-ce qu'on a aujourd'hui? Une taxe, une redevance à l'enfouissement de 10 $ la tonne. On parlait d'un droit sur les pneus. Donc, on a été le premier organisme à dire: Il faudrait avoir un droit sur les pneus pour réglementer ça.

M. Bouchard: Qu'est-ce que vous pensez...

M. Ménard (Karel): Et, quand je parlais des acteurs de la société civile, ce sont des moteurs. Ça, je pense que c'est un bon exemple. Au niveau des TIC, au niveau des meubles ou des vêtements, de tout ce qu'on peut consommer, des voitures, ça s'applique sensiblement de la même façon. Donc, il y a des règles à apporter, mais pas des... il ne faudrait pas avoir, ou le moins possible, avoir uniquement des mesures en aval, comme assurer un système de... faire en sorte que ces regroupements de ces compagnies-là assurent un système de récupération et valorisent les produits à la fin de leur vie utile. Il faudrait travailler avec elles en amont, ça veut dire sur la conception même du produit et sur son innocuité sur l'environnement, si on veut, et la santé. Et réglementer, réglementer là-dessus.

M. Bouchard: Et que pensez-vous de la suggestion de François Cardinal à l'effet d'installer ? bien, parmi les hypothèses qu'il évoque dans son volume, là ? une taxe sur le volume ou le poids des déchets produits dans les ménages?

M. Charest (Louis): Ça, moi, on a... Moi, je suis le directeur de la régie, et puis on pourrait, nous autres, la régie, instituer ça. On en a discuté, c'est dangereux qu'on ramasse... et c'est ce qui a bloqué au niveau de la régie, de dire: On va-tu facturer au poids, au volume, etc.? Et, si on se met à facturer au poids, on va retrouver toutes sortes d'affaires sur le bord du chemin. C'est surprenant. Moi, je suis aussi dans une autre affaire, de Zip Les Deux Rives: on a ramassé 500, 600 pneus sur le bord du fleuve parce que le monde, ils se disent, là: Ah, mon garagiste, je n'ai pas acheté les pneus là, il ne m'aimera pas si je vais jeter... amener mes vieux pneus là. Ça fait qu'il se dit: Dans le doute, je vais les jeter sur le bord du chemin ou sur le bord du fleuve. C'est comme ça que le monde pense, parce qu'il y a beaucoup de pneus qu'on a ramassés, là... Ils sont récents; ce n'est pas quelque chose qui date depuis 15 ans. Puis normalement tous les garagistes qui vendent des pneus sont supposés d'accepter gratuitement les pneus. Ça fait que c'est la gêne qui bloque quelqu'un.

Tantôt, vous avez dit... Un autre exemple que je trouve qui va bien avec votre demande, c'est les sacs de plastique. C'est une plaie. À Saint-Étienne-des-Grès, où est-ce que j'envoie mon stock, à Saint-Étienne-des-Grès, l'été, ils engagent deux personnes seulement pour ramasser les sacs de plastique qui sont après les... qui ont parti au vent avant qu'ils se rendent chez les voisins, deux personnes qui font juste ça, ramasser des sacs de plastique.

Il y a des pays où est-ce qu'ils les ont défendus. On pourrait dire maintenant, là: Maxi, ou Dieu sait qui, vous êtes obligés de charger 0,25 $ du sac, puis je vous garantis qu'au bout d'un mois il y a à peu près 80 % du monde qui vont arriver avec leurs sacs en coton ou leurs boîtes de plastique pour mettre leur stock. Je vous le garantis: Chargez, sans les défendre, chargez 0,25 $ du sac que le monde, ils sont obligés de prendre parce qu'ils n'ont pas amené leurs patentes, puis vous coupez ça, ce problème-là, du trois quarts.

Le Président (M. Bergman): Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Ménard, M. Charest, merci pour votre présentation. Et je demande le groupe Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de prendre place à la table. Je suspends pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

 

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Bergman): À l'ordre! Je souhaite la bienvenue à la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable. Vous avez une heure pour la présentation, 15 minutes pour votre présentation et 45 minutes pour l'échange avec les députés de la commission. Je vous demande, avant de commencer votre présentation, pour faire l'identification de ceux de votre groupe et de faire votre présentation.

Chaire de responsabilité sociale et
de développement durable (CRSDD)

Mme Gendron (Corinne): Alors, bonjour. Merci tout d'abord à la commission de nous laisser le privilège d'être entendus. Donc, mon nom est Corinne Gendron, je suis titulaire de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable et je suis accompagnée par la professeure Annie Rochette, qui est professeure en sciences juridiques à l'UQAM, M. François Décary, qui est étudiant et candidat à la maîtrise en sciences de l'environnement à l'UQAM, et Mme Chantal Hervieux, qui est étudiante au doctorat en administration à l'UQAM également.

Le Président (M. Bergman): Merci. Pour votre présentation.

Mme Gendron (Corinne): Alors, pour notre présentation, nous sommes très heureux en fait de pouvoir venir présenter nos commentaires, parce que la chaire s'intéresse évidemment au développement durable depuis un certain temps déjà, mais aussi au processus que le gouvernement a entamé avec le Plan de développement durable, il y a maintenant deux ans, et c'est la raison pour laquelle on a participé déjà à la commission ministérielle qui avait eu lieu et à la précédente commission parlementaire sur la loi. Donc, ça nous semblait tout à fait pertinent de poursuivre notre réflexion en accompagnant, en continuant à accompagner la démarche du gouvernement à cette étape de la stratégie.

Alors, tout d'abord, nous souhaitons réitérer à quel point nous saluons cette démarche du gouvernement. Ça reste une démarche qui est innovatrice par rapport à ce qui se fait dans les autres pays, et nous pensons que le gouvernement tient ici l'occasion d'être un chef de file et qu'il doit continuer dans cette voie. Maintenant, en ce qui concerne plus spécifiquement la stratégie, j'aurai deux ordres de commentaires à formuler, d'une part, sur le contenu qui est véhiculé quant à la définition du développement durable et des enjeux et, d'autre part, quant à la stratégie elle-même comme document d'orientation pour l'Administration.

Alors, tout d'abord, en ce qui concerne le contenu, nous aimerions préciser qu'il est important de distinguer, dans un document de cette nature, que le gouvernement peut jouer à deux niveaux: tout d'abord à un niveau d'organisme de régulation, donc l'État, mais aussi en tant qu'organisation, c'est-à-dire que le gouvernement achète des biens et des services, et donc il peut s'apparenter aussi à une organisation. Ceci donne deux ordres d'action qui ne doivent pas être confondus, c'est-à-dire que, lorsque le gouvernement influence parce qu'il achète des biens et des services, on n'est pas dans le même type d'intervention que lorsque le gouvernement réglemente, par exemple. Donc, au départ, nous pensons qu'il est important de distinguer ces deux modalités d'intervention, et c'est ce que nous précisons dans la recommandation 19, nous disons que la stratégie doit différencier les engagements de l'Administration à titre d'État régulateur et ceux pris comme organisation en matière de production et de consommation responsables.

Par ailleurs, en ce qui concerne la définition du développement durable, nous avions mentionné, à l'occasion des consultations sur la loi, qu'il était très intéressant que le gouvernement ait précisé évidemment la définition du développement durable en retenant la définition classique mais aussi en ajoutant, en rappelant des principes de développement durable, parce que cela permettait de mieux circonscrire une définition qui reste quand même relativement floue.

Malheureusement, dans la stratégie qui nous est proposée, il nous semble que la vision qui a été énoncée est un recul par rapport aux précisions qui avaient été données dans la loi quant à la définition du développement durable. D'une part, et ça, c'est quelque chose qui se profile dans toute la stratégie, on a l'impression que l'environnement devient le parent pauvre du développement durable. On a presque l'impression qu'il est caché derrière d'autres enjeux, alors qu'une définition signifiante du développement durable doit reconnaître que l'environnement est la condition du développement durable et donc que c'est une priorité absolue quand on parle du développement durable.

Par ailleurs, il y a aussi à notre avis un problème quant à la conception du pôle économique du développement durable. Le développement durable ne préconise pas tout développement économique, le développement durable suppose qu'on va moduler les activités économiques et la croissance économique en fonction de nouveaux paramètres, ces paramètres étant la protection de l'environnement et la maximisation des retombées sociales. Bref, contrairement à ce qu'on peut lire dans la stratégie, le rôle du gouvernement à l'égard du développement durable n'est pas de promouvoir les investissements ou de stimuler l'activité économique, mais bien de promouvoir certains investissements et de stimuler certaines activités économiques éventuellement au détriment d'autres activités et d'autres investissements qui pourraient s'avérer néfastes pour l'environnement ou qui auraient peu de retombées sociales.

Donc, l'objectif, dans une perspective de développement durable, quand on parle de moderniser l'économie, c'est tout d'abord de réduire l'intensité écologique des activités économiques et de maximiser les retombées sociales. À cet égard, nous avons une série de recommandations:

Donc, la recommandation 21. La stratégie doit clarifier que, dans le cadre d'une stratégie de développement durable, certains investissements et activités économiques doivent être favorisés au détriment d'autres investissements et activités de manière à forger une croissance de qualité par rapport aux objectifs du développement durable, c'est-à-dire une croissance qui réduise l'intensité écologique des activités économiques, d'une part, et une croissance qui maximise les retombées sociales et la distribution de la richesse, d'autre part.

La recommandation 22. La proposition de révéler les externalités est incomplète tant que la stratégie ne précise pas par quel moyen le gouvernement compte le faire et doit être mieux arrimée au principe pollueur-payeur qui lui est intrinsèquement lié.

La recommandation 25. La stratégie doit prévoir l'examen systématique du système fiscal en vue d'en déceler puis d'en éliminer les effets pervers en regard des objectifs du développement durable.

La recommandation 28. La stratégie doit prévoir des mesures de transition permettant aux régions de moderniser leur économie dans une perspective de diminution de l'intensité écologique et de maximisation des retombées sociales.

La recommandation 32. La prévention et la réduction des inégalités sociales et économiques doivent être envisagées dans une perspective en amont et la stratégie doit les inscrire comme priorité de la modernisation économique requise par le modèle de développement durable.

Et la recommandation 33. Dans la mesure où elle intègre les préoccupations environnementales, l'économie sociale doit être reconnue comme moyen privilégié du développement durable et soutenue à ce titre dans le cadre d'une stratégie de développement durable.

Bien entendu, nous saluons la partie de la stratégie qui met de l'avant le rôle d'exemplarité du gouvernement et notamment le souhait qu'on se dote de politiques d'achat qui soient vertes et nous saluons également l'intention d'appliquer des mesures d'écoconditionnalité dans les programmes du gouvernement.

n (16 h 50) n

Maintenant, en ce qui concerne la stratégie proprement dite, nous avons des commentaires tout d'abord sur la facture du document. Il nous semble que c'est un document qui est flou, qui est vague et qui veut... parce qu'il a l'ambition de couvrir très large, et, là-dessus, nous le saluons, mais nous pensons que ça amène des problèmes quant à des objectifs de canaliser l'action des différents ministères. Et, comme la cohérence semble être un des objectifs primordiaux, tel que souligné dans la loi, nous proposons une recommandation, la recommandation 34. La recherche d'une cohérence des actions gouvernementales en matière de développement durable étant un processus de longue haleine, la stratégie doit prévoir des mécanismes particuliers et progressifs, en tenant compte des défis organisationnels que cela pose, à travers lesquels soient susceptibles de se développer une culture de concertation et des assurances de coordination des actions des différents ministères et organismes.

D'autre part, il y a un autre problème qui semble ressortir de la stratégie telle qu'elle est formulée, c'est qu'on prend souvent pour acquis qu'il y a déjà des choses qui se font. Or, nous pensons qu'au contraire il n'y a vraiment pas grand-chose qui se fait, et qu'il doit se faire beaucoup de choses, et que donc le document doit montrer qu'on doit amorcer un virage, on doit procéder à des changements. Il ne faut pas avoir peur de le dire: Le développement durable, c'est une rupture du modèle de développement par rapport au modèle de développement traditionnel, et donc il faut changer les façons de faire.

Alors, à cet égard, nous avons formulé la recommandation 35 pour s'assurer qu'il puisse y avoir véritablement des changements. Donc, la stratégie devrait prévoir la création d'une entité interministérielle indépendante en charge du développement durable. Cette entité s'assurerait qu'aucune politique publique ne soit mise en oeuvre sans que ses éventuelles conséquences n'aient été au préalable examinées à l'aune des trois piliers du développement durable.

Un autre problème que nous avons soulevé et qui en fait était un problème que nous soulevions déjà lors de la consultation publique sur la loi, c'est le fait que la stratégie n'est assortie d'aucune ressource particulière, et ce que ça suscite comme inquiétude pour nous, c'est qu'étant donné que cette stratégie est principalement mise en oeuvre par le ministère de l'Environnement, du Développement et des Parcs, c'est que sa mise en oeuvre se fasse au détriment des autres fonctions qui sont assumées actuellement par ce ministère qui, nous pensons, a déjà d'importantes responsabilités sur les bras. Alors, à cet égard, nous avons également une recommandation. Donc, la mise en oeuvre de la stratégie nécessitera des ressources sans lesquelles elle risque de devenir lettre morte ou de ne se traduire que par des ajustements cosmétiques. Par conséquent, le gouvernement doit assortir la stratégie d'un budget particulier, dévolu au ministère de l'Environnement, du Développement durable et des Parcs, destiné à financer les diverses mesures qu'elle contient.

Enfin, il nous semble qu'à la lecture de la loi la stratégie ne réponde pas à plusieurs des obligations qui sont mentionnées, des contenus qu'on ne trouve pas, comme par exemple la précision sur l'éducation et la sensibilisation du personnel de l'Administration, également sur les mécanismes qui vont assurer la cohérence. Alors, là-dessus, nous avons aussi une recommandation, alors c'est la recommandation 3. La stratégie devrait prévoir la mise sur pied d'une table de concertation ou d'une commission permanente où serait représentée l'ensemble de la population du Québec, avec pour mission de recevoir les préoccupations des différents acteurs sociaux en matière de développement durable et de documenter ces préoccupations en vue des révisions de la stratégie. Alors, cette recommandation s'attache à une des obligations qui était incluse dans la loi et qui mentionnait que la stratégie doit être développée en regard des préoccupations des citoyens. Nous n'avons pas l'impression d'une part qu'il y a un mécanisme prévu à long terme et nous n'avons pas l'impression non plus qu'au niveau du processus cela a été suivi, dans la mesure où nous ne pensons pas que le fait de s'être inspiré des consultations publiques qui se sont tenues lors de la commission ministérielle sur le plan et la Loi de développement durable suffise à représenter ces préoccupations qui concernent non plus une loi, mais bien la Stratégie de développement durable du Québec.

Alors, en conclusion, j'aimerais simplement vous présenter notre recommandation n° 6. La stratégie, évidemment, on le sait, devra être adoptée au plus tard le 31 décembre 2007, mais celle-ci devrait faire l'objet d'une véritable consultation des citoyens portant également sur la liste des indicateurs de développement durable qui aura été dressée pour mener à une version révisée, tel que le permet le troisième alinéa de l'article 9 de la Loi sur le développement durable. La stratégie révisée devrait être finalisée au plus tard un an après le dépôt de sa première version et intégrer les préoccupations des Québécois en matière de développement durable. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman): Merci pour votre présentation. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, et bienvenue à vous tous. Peut-être un premier commentaire, et je vais vous raconter sur... comment s'est passée la conférence de presse que j'ai menée lorsque j'ai déposé cette stratégie puis que j'ai annoncé aux journalistes qu'on s'en allait en consultation à la fois sur Internet et en commission parlementaire. J'ai peut-être fait l'erreur, je ne sais pas, mais j'ai indiqué à ce moment-là que cette stratégie découlait d'une consultation qui avait été menée en 2005, à travers laquelle c'est environ au moins 3 000 recommandations... ont été reçues à la fois sur Internet, dans les régions, que ces recommandations ont été compilées, examinées, etc. ? certaines d'entre elles, certaines pas, mais certaines d'entre elles ? prises en compte bien sûr dans l'élaboration à la fois de la loi, mais de la stratégie. Et j'ai donc dit: Il s'est passé ça, il y a eu cette consultation menée. Ensuite, il y a eu la consultation parlementaire pour l'adoption de la loi. Puis là j'ai vraiment tenté par tous les moyens de leur expliquer que ceux qui avaient été entendus lors de ces deux consultations préalables avaient demandé à être consultés pour discuter de la stratégie. Puis là je leur ai dit: Plus que ça, la loi prévoit que, quand il sera question des indicateurs, nous devons faire une consultation. Et je vais vous dire honnêtement, là, j'étais devant une dizaine de journalistes qui, sûrement avec raison, m'ont dit: Pourquoi vous faites toutes ces consultations? Entendre 3 000 personnes dans les régions, et tout ça, ça ne vous a pas suffi à être capable de faire une stratégie? Et là je devais leur dire: Ils l'ont demandé, nous avons écouté, et ils ont demandé à être entendus pour la stratégie, sûrement parce que les citoyens veulent garder le contrôle sur comment ça se passe, et tout, et tout.

Et je vous raconte ça pour vous dire, vraiment je suis là puis je me dis: J'espère qu'il y a des journalistes qui écoutent, parce que là, vous, vous venez ici puis vous dites qu'on n'a pas assez consulté avant cette consultation pour élaborer la stratégie. Là, je suis là, je me dis: J'espère que les journalistes écoutent. Il a fallu même que je dépose à une journaliste sceptique, elle m'a demandé de déposer une liste d'organismes qui avaient demandé à être consultés, pour la présente consultation sur la stratégie, parce qu'eux autres, ils disaient: Voyons donc, vous avez surconsulté. Je vous le raconte. Je ne veux pas avoir l'air anecdotique, parce que vos commentaires sont importants, et je vous le dis en disant honnêtement, là, je suis là puis je me dis: Quand on le regarde d'un certain bout de la lorgnette... En tout cas, j'ai peut-être été mal... une mauvaise vendeuse. Je n'ai pas été assez convaincante pour expliquer aux journalistes que les gens le demandaient. Mais en même temps je vous le dis pour vous dire: Quand vous dites qu'on n'a pas assez consulté les citoyens avant d'en arriver à cette stratégie, entre les consultations qu'il y a eu sur l'avant-projet de loi, sur la politique, ensuite sur la loi, et tout, je pense qu'il y a des gens, quand on leur raconte ça, qui commencent à avoir l'impression qu'ils ont de la misère à y retrouver leurs petits, si je peux me permettre l'expression, entre ce besoin de consultation et ce à quoi on en arrive aujourd'hui.

Je veux profiter de votre passage parce que vous êtes des universitaires, et c'est extrêmement important à mes yeux parce que, parmi vos différentes fonctions, bien il y a la fonction de nous dessiner l'avenir, hein, d'être capable d'être... de faire de la prospective et d'être capable de nous dessiner l'avenir. Et je veux vous interpeller peut-être... J'essaie de... Puis je ne veux pas faire une question trop compliquée, mais il y a trois questions que j'avais le goût de vous poser.

n (17 heures) n

La première, c'est: Quand vous parlez d'établir par-dessus tout ce qui est prévu dans la loi, qui est très... honnêtement, pour une loi, elle est quand même très exigeante et, à sa façon, très coercitive, parce qu'elle contient... dans des articles, elle impose au gouvernement le mécanisme de consultation, hein, avec les différentes choses que je vous ai parlé, plus le Commissaire au développement durable, et tout ça, lorsque vous parlez d'ajouter une commission permanente, je vous interpelle là-dessus pour vous dire: Est-ce qu'une bonne piste d'atterrissage, par rapport aux besoins que vous dessinez... Est-ce qu'il n'y a pas un consensus possible sur le fait de dire: Dans notre système démocratique, il y a le rôle de l'élu? Je suis en train de vous dire: Il y a un commissaire au développement durable. Est-ce que le besoin qu'il y ait une commission permanente, est-ce que ça ne peut pas plutôt se refléter devant le fait que des élus de l'Assemblée nationale, en tout temps, peuvent décider qu'ils sentent une urgence ou qu'ils sentent le besoin, par exemple, d'entendre le Commissaire au développement durable ou de tenir un mandat sur la notion de développement durable?

Nous sommes des représentants des citoyens... Parce qu'honnêtement... Je me souviens, les commentaires que j'ai reçus de la part de certains commentateurs, dont nos amis journalistes, qui avaient quasiment l'impression que cette loi additionnait trop de mécanismes et de consultation. Donc, je ne sais pas où situer votre recommandation sur la mise en place d'une commission permanente lorsqu'il y a un commissaire au développement durable, lorsqu'il y a la reddition de comptes via les plans d'action des ministères, et je vous interpelle sur... Là-dedans, là, finalement, à la fin, il est où, le rôle du parlementaire et, par exemple, de cette commission parlementaire? Je me pose la question.

Le deuxième élément, c'était sur... Et je crois qu'il faut vraiment profiter de votre passage pour vous interpeller là-dessus, vous nous interpellez, dans une recommandation, sur le rôle du gouvernement du Québec sur la scène internationale en matière de développement durable, et je voudrais vous entendre m'en parler plus, de vos attentes sur le rôle de leadership du gouvernement du Québec par rapport à ce qui se passe au niveau international. Peut-être êtes-vous bien placés pour nous mettre en contexte ce qui se passe ici par rapport à ce qui se passe ailleurs et, oui, quel est le rôle qu'on doit jouer au niveau international sur les notions de développement durable.

Puis finalement ma dernière question... Je vous les pose en vrac, mais ma dernière question, c'était de vous entendre un peu plus encore sur le rôle de l'institution que vous représentez. Vous êtes une chaire de recherche, vous êtes du milieu universitaire, j'aimerais vous entendre sur les collaborations possibles entre l'État québécois et le milieu universitaire par rapport à la stratégie, mais surtout à la mobilisation des Québécois autour d'une démarche de développement durable.

Je disais, moi, dans mes toutes premières remarques, quand on a ouvert cette consultation, que, moi, je me sens une grande responsabilité, parce que je trouve qu'en ce moment il se fait plein de débats au Québec, puis ils sont heureux, mais j'ai comme l'impression que cette notion de développement durable peut vraiment être un concept extrêmement mobilisateur de l'énergie de plusieurs Québécois, et je veux vous entendre sur comment vous pouvez participer à cette mobilisation de tous les acteurs de la société.

Mme Gendron (Corinne): Merci. Alors, je vais terminer par celle-là. Tout d'abord, juste pour réagir à vos commentaires sur la consultation, bon, d'abord, je vous dirais que ça nous arrive de temps en temps, nous aussi, de ne pas être d'accord avec les journalistes. Je pense que, dans ce cas-ci, ils n'ont pas saisi probablement l'objet de cette consultation-ci. Ils n'ont peut-être pas suivi non plus tout le déroulement, mais, pour nous, la question de la consultation, c'est... Bon, on pense que la consultation qui a lieu actuellement... Et vous parlez du rôle des parlementaires; pour nous, c'est tout à fait essentiel. Mais la question qui se pose, c'est que dans la loi on mentionne que la stratégie doit être élaborée en fonction des préoccupations des citoyens, et ce sur quoi on s'interroge, c'est sur le fait que cette consultation, qui d'abord est très tardive par rapport à la date de l'adoption de la loi, ainsi que la consultation en ligne, qui, elle aussi, est très tardive, qui en plus n'est pas très connue... Donc, on a une certaine inquiétude sur la participation qui va se faire dans cette consultation en ligne. Donc, on se demande si ce sont des outils qui seront suffisants pour que soient prises en compte les préoccupations des Québécois, des citoyens dans la stratégie.

Et il nous semble qu'il aurait été peut-être intéressant d'avoir un processus de plus longue haleine qui prenne peut-être une autre forme que ce type de consultation, et c'est pour ça qu'on propose une table de concertation permanente donc, dont les modalités de fonctionnement seraient à voir évidemment, mais qui permettrait d'avoir un lien constant avec la population du Québec et de dégager des enjeux prioritaires de développement durable, mais qui soient bien ancrés dans la réalité québécoise. Donc ça, c'est concernant vos commentaires sur la consultation.

Maintenant, en ce qui concerne le comité, c'est vrai que la loi impose un certain type de mécanisme, mais en même temps, bon, qu'est-ce qu'il y a exactement de nouveau? Le Comité interministériel sur le développement durable n'est pas quelque chose de nouveau. C'est un lieu d'échange, ce n'est pas un lieu coercitif. Et je vous dirais aussi que, dans les autres pays qui ont une stratégie nationale de développement durable, ce type de comité est mis en place, et il assure que les questions de développement durable seront prises en charge au plus haut niveau, parce qu'en général ce comité-là se rattache directement soit au Parlement soit au premier ministre. Et ça, c'était une recommandation que nous faisions lors des consultations publiques sur la loi, nous avions mentionné qu'il nous semblait que la responsabilité du développement durable devait être située à un plus haut niveau dans l'appareil public.

En ce qui concerne le rôle du Québec à l'international, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, avec l'adoption de la loi, nous pensons vraiment que le Québec s'est mis de l'avant et a vraiment un rôle intéressant. Maintenant, il y a à notre avis un problème après, parce qu'une fois qu'on s'est mis sur la sellette avec une loi qui était aussi intéressante que celle qui a été adoptée c'est sûr que la stratégie va être scrutée, et je ne suis pas certaine que la stratégie va recevoir autant de commentaires élogieux de la communauté internationale, parce qu'elle véhicule, comme je vous le mentionnais, une vision qui à notre avis n'est pas très avant-gardiste du développement durable, qui même n'est pas exacte, à notre avis. Et là je vous parle en tant qu'universitaire...

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Bien, trois secondes juste là-dessus, parce que je veux vous entendre puis je veux qu'on se comprenne, parce que je pense que fondamentalement... Puis vous me corrigerez si je me trompe, mais dans le fond c'est comme si... Vous avez proposé déjà, en 2005, une certaine définition du développement durable, et il est vrai que ce n'est pas celle qui a été retenue dans la loi, mais par ailleurs adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec. Ce que je veux dire par là, c'est que, quand vous dites: Vous travaillez sur les bases d'une définition qui n'est pas exacte, je comprends que ce n'est pas celle que vous souhaitiez voir, mais en même temps il y a eu des débats à l'Assemblée nationale, il y a eu des consultations et... Je prends pour un exemple ? puis je veux vous entendre là-dessus ? vous dites: L'élément de l'environnement est pratiquement le parent pauvre, et c'est comme si vous souhaitiez... Vous dites: Il faut que ce soit vu comme une condition. Je vous dirais que votre façon de décrire ça, que je respecte, mais ce n'est pas effectivement celle qui a été retenue dans la loi choisie... votée par l'Assemblée nationale, qui présente plutôt cela comme étant trois piliers. Je vais imager ça en disant: C'est trois piliers.

Donc, je comprends que vous persistez et vous signiez, comme on dit, puis je respecte tout à fait cela, mais je voulais juste dire: C'est par ailleurs la définition choisie dans un processus démocratique au Québec, c'est la définition plus... que je vais imager en disant: Les trois piliers, et non pas ce que, vous, vous décrivez, là, je ne veux pas reprendre... mais quand vous décrivez, par exemple, que l'environnement plutôt doit être vu, dans un concept de développement durable, comme une condition. Vous comprenez ce que je veux dire? C'est que je suis obligée un peu de réagir en disant: Bien, vous dites: Ce n'est pas la bonne définition, ce débat-là a été fait lors de l'adoption de la loi, par ailleurs. Et c'est là que je disais: Est-ce qu'un jour on va réussir à se comprendre sur le fait que c'est évident qu'à partir de votre définition vous dites: L'environnement doit être vu comme une condition, alors que, nous, à travers les orientations, les trois dimensions, économique, sociale et environnementale, sont présentées plus sur une notion de pied d'égalité, de trois piliers, que sur des notions, par exemple, que l'environnement est une condition?

J'allais vous dire: Est-ce que... J'ai envie de vous dire: Je comprends que ça ne fait pas votre affaire, mais en même temps la loi, elle est votée. Donc, est-ce qu'on va pouvoir, un jour, pouvoir discuter sur une base où... de la loi québécoise?

Le Président (M. Bergman): Mme Gendron.

n (17 h 10) n

Mme Gendron (Corinne): Bien, je n'ai peut-être pas été claire sur mon commentaire. Je ne conteste aucunement la définition du développement durable qui est dans la loi. Au contraire, je pense que c'est une définition intéressante. On parle maintenant de trois piliers qui sont indissociables. On n'a effectivement pas retenu qu'ils étaient hiérarchisés, ce qui est une définition que, nous, on a proposée mais qui a été reprise aussi par énormément de chercheurs, qui a été reprise aussi par le gouvernement fédéral dans plusieurs de ses documents.

Mais ce qu'on conteste plutôt ? et là je vais être un petit peu plus claire ? c'est la vision que vous proposez du développement durable et qui dit: «Une société où la qualité de vie du citoyen est et demeurera une réalité. Une société responsable, innovatrice et capable d'excellence dans toutes ses réalisations. Une société misant sur l'harmonie entre le dynamisme économique, la qualité de l'environnement et l'équité sociale.» Il nous semble là que la stratégie propose une vision du développement durable qui s'éloigne de ce qui avait été proposé dans la loi et qui à notre avis constitue un recul par rapport à ce qui est proposé dans la loi. Donc, je ne conteste pas du tout la définition telle qu'elle a été adoptée dans la loi, mais je mets en question la vision qui est proposée dans la stratégie.

Le Président (M. Bergman): Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Je veux savoir en quoi... Je veux bien vous comprendre puis je suis là vraiment pour vous écouter, mais vous me dites, vous l'avez lu, vous me dites, pour vous, elle ne correspond pas à ce qu'il y a dans la loi. J'y retrouve, selon moi, dans cette vision, les notions de trois piliers indissociables. Donc, peut-être, oui, ça mérite peut-être que vous m'aidiez, parce que je ne vois pas en quoi vous dites que la vision s'éloigne de ce que prévoit la loi.

Mme Gendron (Corinne): Ce que la vision mentionne, c'est que la société va miser sur l'harmonie. Donc, on ne parle pas de trois piliers, on ne parle pas de respecter à la fois la protection de l'environnement, l'efficience économique et le développement social, on parle de viser l'harmonie entre le dynamisme économique, la qualité de l'environnement et l'équité sociale. Et, nous, il nous semble, là, qu'on est en train de reculer, parce que ces piliers-là ne sont pas nécessairement harmonieux. La loi ne prétend pas qu'ils soient harmonieux, et ici on va envisager le développement durable comme étant une démarche harmonieuse, ce qui à notre avis n'est pas le cas.

M. Reid: Si je peux me permettre...

Le Président (M. Bergman): Il reste 30 secondes.

M. Reid: Écoutez, moi, je suis très surpris, parce que, moi, ce n'est pas ma spécialité, je lis plutôt... Mais, quand on parle de problèmes avec de multiples contraintes, l'harmonie, c'est un peu comme ce qui se passe dans la nature, ce qui se passe dans la biologie. Dans une cellule, il y a d'infinies contraintes, et l'harmonie, c'est la santé. Il n'y a pas de... Et on ne peut pas supposer que tout va être respecté, et tous les critères vont être respectés à 100 %, donc il y a des contraintes. Il y a des contraintes qui sont contradictoires parfois, et on le vit spécialement dans le domaine de développement durable, je pense, et l'harmonie, est-ce que ce n'est pas là le mot qui dit justement de trouver un juste milieu, un équilibre en fait ? harmonie et équilibre, ça va très bien ensemble; et un équilibre ? parmi les trois types de contraintes? Et est-ce que ce n'est pas ça, le but véritable que l'on vise en développement durable? Enfin, il me semble, moi.

Le Président (M. Bergman): M. le député d'Orford, malheureusement le temps s'est écoulé. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Diamond: Merci, M. le Président. Premièrement, bonjour. J'espère que la route a bien été. Il y a beaucoup de recommandations là-dedans qui vont exactement dans le sens de ce qu'on a amené comme éléments depuis un certain nombre de jours, à savoir la capacité de précision de la stratégie, est-ce que c'est suffisamment précis, est-ce que les cibles sont suffisamment efficaces puis assez ciblées pour qu'on soit capable d'avoir des avancées importantes en matière d'environnement. Et puis ça, si je regarde évidemment la liste de recommandations, il y en 36...

Puis je fais une parenthèse là-dessus, jusqu'à maintenant, c'est un mémoire excessivement complet que... On en a eu plusieurs, mémoires, là, mais c'est, de par les mémoires, celui qui a le plus de matière, celui évidemment qui va me permettre d'en apprendre beaucoup. Vous avez cité toutes sortes d'éléments très théoriques sur l'environnement, puis merci beaucoup, ça s'ajoute à ma lecture de chevet pour l'apprentissage du principe de développement durable.

Et là je ferme la parenthèse, je reviens évidemment aux recommandations. Ce que je voulais vous dire, c'est que je vous rejoins à bien des égards sur la capacité de précision de cette stratégie-là. J'ai toutefois, quand même, des choses que je voudrais éclaircir avec vous, parce que, jusqu'à un certain moment donné, au fil des consultations qu'on a eues, il y a un élément nouveau qui a été amené, qui était de dire: En réalité, peut-être qu'il y a trop d'objectifs dans cette stratégie-là, et peut-être qu'on devrait en retirer pour cibler davantage quelques-uns. Moi, je suis plutôt d'avis qu'on devrait les conserver, ces objectifs-là, parce qu'ils sont tous louables. Puis d'ailleurs vous en amenez qui n'ont pas été traités, qu'il faudrait qu'on rajoute. Mais, par exemple, on devrait les prioriser, mettre une hiérarchie là-dedans pour qu'il y ait une certaine cohérence dans les plans d'action qui vont être élaborés.

Et j'aimerais vous entendre, est-ce que vous divergez de propos? Est-ce qu'il y a des nuances que je devrais amener dans mon raisonnement?

Mme Gendron (Corinne): Bien, écoutez, pour nous, je l'ai mentionné, la variété des enjeux qui sont soulevés, c'est une richesse du document. Mais en même temps ça pose problème effectivement parce qu'on ne sait plus comment on va pouvoir canaliser l'action. Donc, effectivement, je pense que le fait de prioriser, à notre avis c'est la bonne voie.

M. Diamond: Puis quels objectifs vous priorisez? Parce qu'il y a effectivement... il y a beaucoup d'objectifs. D'ailleurs, l'exhaustivité, c'est d'ailleurs quelque chose qui dénote beaucoup de travail, mais effectivement, lorsqu'il y en a trop, à un moment donné on finit par s'y perdre. Vous, quels objectifs, parmi les objectifs avancés par le ministère, que vous mettriez de l'avant?

Mme Gendron (Corinne): Bien, pour nous, le premier objectif, c'est de considérer que la protection de l'environnement, c'est la base et que, quand on parle de développement durable, on doit d'abord s'assurer d'être dans un environnement sain, parce que sinon l'efficience économique et le développement social, on n'arrivera pas à l'atteindre. Donc, c'est vraiment une condition, on doit commencer par ça.

Et ensuite c'est la question de la réforme de l'économie, donc d'être capable d'assurer une transition de l'économie du Québec pour que l'économie devienne une économie plus durable, et ça, ça signifie qu'il y a certaines activités économiques ou certaines manières de mener certaines activités économiques qui doivent être revues. Et ça ne peut se faire sans le soutien de l'État, parce que sinon ça laisserait des populations entières à leur sort. Et ces populations-là, dans la mesure où elles ont contribué à l'ancien développement économique, on ne peut les laisser à elles-mêmes pour supporter seules le coût de la transition. Donc, à notre avis, le gouvernement doit avoir un rôle vraiment actif dans cette transition de l'économie vers une économie qui soit plus durable.

M. Diamond: Et puis vous avez parlé d'ailleurs, là... Parce que j'essaie de trouver des applications concrètes à ce que vous venez de me dire. La recommandation 22, qui parle des externalités, est-ce que ce serait, par exemple... Un exemple concret, est-ce que vous les amenez? Puis, si c'est dans le fond la continuité de ce que vous venez de mentionner, quelle sorte de moyens économiques on pourrait amener au Québec pour justement que ces externalités-là soient mieux représentées dans le coût?

Mme Gendron (Corinne): Bien, écoutez, les externalités, il y a vraiment plusieurs manières de les faire ressortir. Il y a évidemment tous les outils économiques, donc taxes, redevances, permis, etc., mais il y a aussi tout simplement les labels et les certifications, qui permettent aussi aux consommateurs d'avoir des informations sur la qualité sociale et environnementale des produits. Donc, c'est un autre moyen aussi de révéler les externalités, bien que, dans ce cas-là, le coût qui devrait être assumé par l'agent économique ne va pas être imposé de façon directe, il va être imposé par la mécanique du marché, puisqu'en théorie on va supposer que les consommateurs responsables vont délaisser certains produits qui auraient de mauvaises caractéristiques sociales et environnementales. Et donc c'est ainsi que l'agent économique, par exemple, pollueur se trouverait pénalisé et se trouverait à internaliser de facto les coûts environnementaux.

M. Diamond: Et qu'est-ce que vous pensez de l'ÉcoLogo canadien, qui est dans le fond une certaine certification, qui a peut-être des défaillances... Qu'est-ce que... Vous avez certainement une opinion là-dessus?

Mme Gendron (Corinne): Écoutez, l'ÉcoLogo, je sais qu'il y a eu des problèmes au moment de sa mise en oeuvre parce qu'on se retrouvait avec tous les produits qui étaient ÉcoLogo finalement dans une même industrie. Donc, ça peut être difficile pour un gouvernement de proposer des logos lui-même, parce que le logo va être le fruit d'une... on pourrait dire une concertation, mais en tout cas d'une discussion entre différents acteurs économiques, et les critères peuvent poser problème. C'est-à-dire qu'il y a certains acteurs économiques qui vont tout faire pour répondre aux critères, même si dans les faits, selon, disons, d'autres standards, ils n'y répondraient pas.

n (17 h 20) n

Donc, je ne dis pas que l'État ne doit pas nécessairement adopter des logos, ou les promouvoir, ou les gérer lui-même, mais ça peut poser des problèmes sur la qualité du logo qui ressort. Je vous donne l'exemple des États-Unis avec le biologique. Quand le biologique était essentiellement promu par des organisations écologistes, c'était un certain standard qui correspondait à l'appellation biologique. Le jour où c'est l'État américain qui s'en est occupé, les standards ont été descendus pour que les acteurs industriels puissent rentrer plus facilement dans le cahier des charges de cette certification-là. Donc, c'est simplement pour noter, là, qu'il peut y avoir des petits problèmes politiques quand l'État s'en occupe, bien qu'à notre avis ? et ça, c'est une recommandation qu'on fait ? nous sommes convaincus que l'État devrait mettre de l'ordre dans les certifications actuellement ? les certifications sociales et les certifications environnementales ? qui prolifèrent et qui font que, d'une part, le consommateur est confus et que, d'autre part, il y a certaines bonnes certifications qui ne reçoivent pas l'attention qu'elles devraient recevoir parce qu'elles sont noyées parmi des centaines de certifications dont on ne sait pas ce qu'elles valent.

M. Diamond: Et puis je vous amène à la dernière recommandation que vous avez, là, la recommandation 36, celle qui prévoit l'élaboration de balises pour les rapports annuels des ministères, et puis évidemment bien j'imagine que ça inclut, bon, tous les autres organismes publics, là, non pas restreint seulement aux ministères. Et puis ça m'amène dans le fond à la réflexion qu'on a actuellement sur la gestion des plans d'action, le suivi qu'on peut avoir là-dedans, parce qu'il va y avoir à peu près 150 organismes publics, parapublics, les ministères, tous confondus, qui vont avoir à mettre en application ces thèmes-là avec des indicateurs plus précis que ce qu'on a là, qui vont venir dans l'année suivante, de par justement tout le flou juridique qu'on a...

Et, vous, vous parlez là-dedans de balises communes pour les rapports annuels, et j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que... Parce qu'on a eu le Commissaire au développement durable qui est venu dire que c'était difficile pour lui de gérer les 150 plans d'action, de gérer les résultats concrets. Est-ce que vous pensez que ça devrait être inclus dans les rapports annuels, l'état de la situation, ou si ça devrait être un document à part, ou au contraire ça devrait être assimilé à chacune des élaborations des projets? Puis, je suis un petit peu nouveau dans cette analyse-là des rapports annuels, de tout le suivi, puis évidemment, si vous pourriez me faire, avant d'y aller avec votre opinion à vous... si vous pourriez y aller avec l'état de la situation actuelle, on en est où dans ce domaine-là, ça m'aiderait à mieux comprendre.

Le Président (M. Bergman): ...

Mme Rochette (Annie): Quant à l'état actuel, on s'est basés en fait, pour cette recommandation-là, sur l'expérience fédérale, parce qu'au fédéral ça fait plus de 12 ans qu'ils ont des stratégies ministérielles. Alors, il n'y a pas une stratégie gouvernementale comme telle, comme ici on a, mais l'expérience a dit que ça prenait des balises communes pour les rapports annuels, parce que c'est un peu n'importe quoi, et ils avaient de la misère à dresser un inventaire de ce qui se passait au niveau fédéral, en fait, comme vous dites, de faire le portrait de ce qui se passe en développement durable au niveau fédéral. Alors, maintenant, dans la nouvelle stratégie de 2007-2009, ils ont adopté, si on veut, des balises communes pour les rapports... ? ce n'est pas des rapports annuels, c'est des rapports aux trois ans ? ce qui fait qu'à la fin, quand on met tout ça ensemble, on est capable de dire que le gouvernement fédéral fait tant pour...

Alors, c'était notre inquiétude avec la stratégie, parce que la loi dit que les ministères devront faire rapport à tous les ans sur... Ou je pense qu'ils disent que, dans leurs rapports annuels, il va y avoir une rubrique spéciale sur ce qu'ils font en termes d'actions du développement durable. Et en plus que les objectifs, dans la stratégie, sont des objectifs proposés, alors on ne sait pas si les ministères vont adopter des objectifs selon leurs propres priorités. Alors, à la fin, quand on fait un rapport de tout ça, est-ce qu'on va avoir toutes sortes d'indications qui vont nous dire toutes sortes de choses et est-ce qu'on va être capable de vraiment dresser le portrait de ce que le Québec fait en termes d'actions vers le développement durable? Alors, c'est pour ça qu'on recommande des balises communes. Alors, tous les ministères doivent rapporter sur tant de choses très précises. Comme ça, à la fin, quand le Commissaire en fait va regarder les rapports annuels, il va pouvoir comparer, il va pouvoir dresser le portrait et questionner.

M. Diamond: Et puis tout à l'heure je vous disais que j'avais une inquiétude vis-à-vis, là, la priorisation des objectifs, est-ce que vous pensez qu'effectivement de mettre des balises communes, ce serait un bon moyen de mettre des priorités claires dans chacun des ministères? Est-ce que ça pourrait être un bon outil, là, de réflexion dans ce sens-là?

Mme Rochette (Annie): En fait, je pense que ça prend et des objectifs communs qui ne sont pas aussi vagues que ceux qu'on a ici et des balises communes pour les rapports. Alors, ce n'est pas exactement la même chose, mais c'est sûr que ça se rejoint, là, oui.

M. Diamond: O.K. Et puis, pour terminer, vous avez, dans les annexes ? j'ai vu ça à la toute fin ? parlé de la Suisse, comme quoi, là, c'était... Et puis là peut-être je me trompe, mais j'en ai compris qu'il y avait un meilleur support aux municipalités dans l'atteinte des objectifs de développement durable, et puis j'aimerais savoir c'est quoi, votre opinion là-dessus: Est-ce que, nous, au Québec, on a un certain retard dans le support aux municipalités en matière d'environnement, ou c'est un... on est en avance, ou au contraire est-ce qu'on est en retard? Qu'est-ce qu'il serait le mieux de faire? Parce que j'ai... avec raison, je pense que les municipalités ont un rôle décisif dans l'état de la situation en matière d'environnement au Québec. Donc, si vous pourriez me faire un petit aparté sur ce dossier-là, je serais bien heureux, pour terminer, là.

Mme Gendron (Corinne): Bien, si vous nous demandez un diagnostic sur ce qui se fait actuellement, ça va être difficile de vous répondre, parce qu'on n'est pas vraiment au courant, là. Mais je peux vous répondre qu'ils en auraient besoin, oui, dans la mesure où l'enjeu du développement durable, pour les municipalités, il est colossal. Et d'autre part les municipalités et les villes en général ont un rôle primordial à jouer en matière de développement durable compte tenu de la densité de la population, compte tenu de leur impact environnemental et compte tenu du fait qu'elles ont un magnifique potentiel pour réduire l'intensité écologique des habitats, et c'est la raison pour laquelle il y a de plus en plus d'événements internationaux qui se penchent, là, sur la responsabilité municipale par rapport au développement durable. Il y a des choses extrêmement intéressantes qui se font au niveau international. Donc, je pense que, si le gouvernement souhaite avoir un rôle moteur fort par rapport aux municipalités, il y a vraiment de la place pour le faire, et ce serait pertinent.

M. Diamond: Bien, merci beaucoup. Ce sera tout, M. le Président.

Le Président (M. Bergman): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard: Oui. Alors, merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bienvenue à la commission. J'ai parcouru votre mémoire avec énormément d'intérêt, c'est un mémoire... J'essaie de ne pas avoir de réflexe de prof, là, puis d'essayer de l'évaluer, là, mais plutôt d'avoir une approche appréciative de ce que j'ai lu: très grande qualité, une précision très grande dans les recommandations, une appréciation en même temps en profondeur des enjeux. Et j'aimerais faire porter la discussion notamment sur les enjeux, mais en même temps je reconnais des gens de sciences de la gestion qui se réfèrent à des technologies d'appréciation de la stratégie à partir d'une approche SMART, et ça fait du bien de voir que, quelque part dans notre environnement très souvent chaotique, il y a une façon d'appréhender ce type de proposition, de mémoire d'une façon systématique, rigoureuse, où la mesure est au rendez-vous, où les objectifs sont précisés, où la spécificité est au rendez-vous aussi et où notamment le temps est pris en compte. Puis je pense que, quand on lit votre mémoire, là, on a un petit cours en évaluation de politiques, là, qui m'apparaît extrêmement intéressant. Donc, merci. C'est, je pense, l'expression d'une reconnaissance assez claire, en même temps, je pense, d'une admiration pour le travail que vous avez fait.

J'aimerais vous entendre sur le concept de rupture, que vous avez évoqué. Demain matin, les Québécois se réveillent avec une stratégie du développement durable, en quoi ils pourraient y reconnaître une rupture avec notre façon de faire, que vous considérez qui n'est pas présente dans le document? Autrement dit, qu'est-ce qui manque à ce document, à cette stratégie pour qu'au réveil on se dise: Oh! le monde a changé, là, il y a quelque chose de différent, il y a quelque chose de significativement différent dans la façon d'envisager le développement au Québec?

Mme Gendron (Corinne): Bien, on pourrait commencer par dire «désormais», parce que, quand on parle de développement durable, il faut voir les choses autrement. Donc, à partir du moment où on reconnaît que l'environnement est fragilisé, à partir du moment où on reconnaît que c'est un risque vraiment fondamental pour l'espèce humaine... Quand on parle de changements climatiques et de biodiversité, ce n'est pas simplement la qualité de vie qui est en jeu, c'est carrément la vie qui est en jeu. Dans les scénarios les plus difficiles qui sont évoqués pour les changements climatiques, on parle de six degrés de plus. Dans la mesure où ce qui nous sépare de l'ère glaciaire, ce n'est que 4°, donc c'est moins 4°, on se rend compte du fait qu'on n'a aucune idée de si l'espèce humaine va être capable de subsister à ce type de changements là.

n (17 h 30) n

Donc, la rupture, elle est d'abord dans les conditions. Les conditions dans lesquelles on vit sont différentes, et la différence est drastique. On ne peut pas simplement dire: On va se préoccuper en plus de... Non, non, non, il faut revoir nos façons de faire, il faut revoir nos façons de penser. Donc, cette rupture-là, elle est d'abord dans le monde qui nous entoure, qui est un monde différent, et ensuite cette différence de condition donc doit se refléter dans nos manières de faire. Et je vais reprendre un exemple que j'ai évoqué tout à l'heure: à notre avis il faut commencer par voir autrement l'économie. L'économie, on ne peut pas simplement dire: Tout développement économique est bon, parce que ce n'est plus comme ça qu'on doit voir les choses. Quand on était dans une époque où le développement économique était de façon automatique associé au progrès, on pouvait effectivement faire cette assimilation-là. Maintenant, on ne peut plus le faire parce qu'il y a certains développements économiques qui sont néfastes pour l'environnement et il y a certains développements économiques qui accentuent les inégalités sociales.

Alors, on dit, la rupture maintenant, c'est de dire: Le développement économique, la croissance économique, il faut en évaluer la qualité, il faut vérifier si ce développement-là ou si cette activité-là a une qualité sociale et environnementale. Et donc ce n'est pas du tout une question de freiner le développement, de freiner les activités économiques, non, c'est simplement de dire: Discriminons ce qui, dans la croissance, est intéressant, ce qui l'est moins, et favorisons les activités qui ont, on pourrait dire, un double ou un triple dividende, c'est-à-dire qui sont bonnes économiquement, bonnes socialement et bonnes environnementalement. Et actuellement, dans le document, il nous semble que ce n'est pas précis, parce qu'on va dire qu'il faut appuyer les investissements et appuyer la croissance et le développement économiques. Or, nous, on prétend qu'il faut appuyer un certain type d'investissement, un certain type d'activité économique et un certain type de croissance.

M. Bouchard: Je vais vous lire un énoncé qui a été... enfin je pense que c'est à la fin de la conférence de Grenelle, où Sarkozy a dit la phrase suivante. D'abord, désormais... Alors, il parle comme vous, là: Désormais ? ça doit vous faire drôle d'être associée à Sarkozy, pour vous ? toutes les décisions publiques seront arbitrées en intégrant le coût environnemental. Les décisions non écologiques ne pourront être prises qu'en dernier recours.

Est-ce que ça rejoint ce que vous dites? Est-ce que c'est ça, l'esprit dans lequel vous avancez vos propositions?

Mme Gendron (Corinne): C'est un commentaire vraiment intéressant que vous faites, parce que ça m'amène à apporter une nuance. Parmi le mouvement écologiste, hein, il y a différentes factions, donc vous pouvez être un écologiste progressiste, mais vous pouvez aussi être un écologiste conservateur, et il y a des écologistes qui vont être démocrates, il y a des écologistes qui le sont moins, et je pense ici que, si j'avais un commentaire à faire sur cette citation, c'est qu'à mon avis la protection de l'environnement, c'est quelque chose de prioritaire. Comme je l'ai dit plusieurs fois, c'est effectivement une condition du développement durable, mais ça doit être traité en fonction des préoccupations des citoyens, de la qualité de vie des citoyens, des opinions des citoyens. C'est-à-dire que je ne place pas la démocratie en second plan par rapport à la protection de l'environnement. Je trouve que c'est une perspective très dangereuse que de placer l'environnement d'abord, parce que ça peut nous amener à une pensée relativement dictatoriale en matière d'environnement, ce qui pourrait nous guetter d'ailleurs si on ne se dépêche pas à bouger, parce qu'on va être tellement dans l'urgence que ça peut ouvrir la voie à ce type de gestion de l'environnement, et, moi, personnellement, je vous avoue que c'est quelque chose qui m'inquiète.

M. Bouchard: Est-ce que l'approche que vous... Ce que vous vous êtes fait comme observation dans notre approche, au Québec, du développement durable concernant, par exemple, les grands changements qui se sont produits dans notre environnement: changements climatiques, etc., est-ce que vous trouvez que notre approche est bien inspirée? Autrement dit: Est-ce que... Moi, je m'aperçois que les conversations qu'on a ici, à la commission, là, sont beaucoup de l'ordre de l'atténuation, c'est-à-dire qu'on se préoccupe beaucoup de toutes les mesures qu'on pourrait amener de telle sorte à faire en sorte qu'on atténue notre contribution au réchauffement de la planète, par exemple, mais il y a de très grands efforts à faire aussi au niveau de l'adaptation, on n'entend quasiment jamais parler de ça à la commission ou dans un Parlement. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus. Parce qu'on s'est dotés, au Québec... Vous êtes des chercheurs, vous connaissez les instruments qu'on s'est donnés, par exemple Ouranos qui s'occupe essentiellement des grands changements et des processus d'adaptation à ces grands changements, il n'y a pas, je pense, la correspondance au niveau de l'atténuation, mais on n'a pas cette image miroir là, là, au Parlement, là. Au Parlement, on se préoccupe d'atténuation, puis d'adaptation, très peu. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Gendron (Corinne): Bien, en fait, je n'aurai pas grand-chose à vous dire, parce que, nous, on n'a pas encore regardé vraiment ça. Pour le moment, on est plus dans le processus décisionnel qui va faire qu'on va intégrer les préoccupations environnementales et le développement durable à notre nouvelle façon de fonctionner. Et je vous dirais que, si on en entend peu parler, je pense qu'il y a une raison à ça, les gens préfèrent se dire qu'on ne sera pas obligés de passer à de l'adaptation. On est encore dans une pensée où on se dit: On va réussir à limiter les dommages.

M. Bouchard: Les gens, qui sont maintenant très sensibilisés à l'adaptation, notamment ceux qui vivent sur nos littoraux, là, sur la Côte-Nord, eux autres sont dans l'adaptation, ils ne sont plus dans l'atténuation, hein, on le sait très bien. Puis, dans la mesure où les parlementaires sont sensibilisés aux obligations puis aux contraintes d'adaptation, ça nous permet d'aller un petit peu plus loin dans l'atténuation aussi, parce que le danger, il est manifeste maintenant, un peu partout autour de nous.

J'aimerais vous ramener sur la question des enjeux. Vous n'êtes pas tout à fait satisfaite des enjeux tels qu'ils sont exprimés dans la stratégie. Vous en posez trois différents que ceux que le gouvernement propose. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

Mme Gendron (Corinne): Bien, le premier commentaire qu'on souhaitait faire par rapport à cette question, c'est que pour nous ce qui a été identifié comme des enjeux ne sont pas des enjeux. Ce sont de grandes orientations, mais ce ne sont pas des enjeux au sens propre du terme «enjeu». Et c'est la raison pour laquelle on propose les trois enjeux: donc de préserver le patrimoine naturel, donc protéger l'environnement; promouvoir le développement social; et limiter les inégalités. Et un enjeu qui est le grand défi et qui rejoint ce que je mentionnais par rapport à l'économie, c'est d'assurer la transition vers une économie écologique et durable, et ça, ça pourrait rejoindre votre commentaire d'ailleurs sur les adaptations, parce qu'effectivement les populations actuellement qui paient le prix des changements de conditions, à notre avis, doivent être accompagnées, elle ne doivent pas subir seules les coûts de la fragilisation de l'environnement.

M. Bouchard: Dernière petite question. Je suis désolé, on n'a que 1 min 30 s. Vous faites une recommandation à l'effet de revoir toute notre fiscalité en fonction du développement durable. Est-ce que vous avez amorcé des travaux là-dessus? Connaissez-vous l'ampleur des travaux qui sont amorcés? Voulez-vous poser une question au gouvernement là-dessus, à savoir s'il y a des travaux qui se font, mais...

Mme Beauchamp: ...hydrocarbures, puis je pense que vous n'étiez pas d'accord, si je me fie à André Boisclair.

M. Bouchard: Je n'ai rien entendu, M. le Président.

Mme Beauchamp: Alors, on reprendra après le 1 min 30 s. On va laisser notre...

Mme Gendron (Corinne): Bien, écoutez, pour ce qui concerne la fiscalité, on avait commencé des travaux, nous, au début des années 1990, et en fait on se réfère à la recommandation qui avait été faite par la commissaire fédérale au sujet du gouvernement canadien, et je ne sais pas si c'est prévu, en tout cas ce n'est pas prévu dans la stratégie, mais on pense que c'est un exercice qui devra tôt ou tard être fait.

M. Bouchard: Merci bien.

Le Président (M. Bergman): Merci beaucoup pour votre contribution.

Document déposé

Avant d'ajourner, je dépose le document de réflexion intitulé Les modes de perception de fonds afin de financer la future pratique de gestion des matières résiduelles du Québec, qui a été déposé par le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets.

Chers collègues, j'ajourne les travaux au mardi 30 octobre, à 9 h 30 le matin. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 39)


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