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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Friday, November 25, 2005 - Vol. 38 N° 52

Consultations particulières sur le projet de loi n° 118 - Loi sur le développement durable


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 

M. Claude Pinard, président

M. Thomas J. Mulcair

M. Stéphan Tremblay

M. Jean-Pierre Soucy

M. Janvier Grondin

M. Luc Thériault

* M. Michael Cloghesy, CPEQ

* M. Henri-Marc Vuillard, idem

* Mme Corinne Gendron, Chaire de responsabilité sociale et de développement durable

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Pinard): Alors, je constate le quorum. Alors, merci, MM. les députés. Nous en sommes à notre deuxième séance de travail au niveau des auditions particulières concernant le projet de loi n° 118. Alors, je déclare, à ce moment, la séance ouverte et je vous rappelle... je vous rappelle, à vous tous, de bien vouloir fermer vos cellulaires afin qu'on n'entende aucun bruit téléphonique pendant nos travaux.

Je rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 118, Loi sur le développement durable.

Alors, M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Pinard): Donc, merci. Je vais maintenant vous donner lecture de l'ordre du jour. Alors, nous recevons, ce matin, le Conseil patronal de l'environnement du Québec, qui sera suivi de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'Université du Québec à Montréal.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais... Alors, vous êtes déjà installé. Je vous inviterais à vous identifier pour fins d'enregistrement et je vous rappelle que la procédure est fort simple: vous nous présentez votre mémoire pendant 15 minutes; vous présentez également la personne qui vous accompagne; et par la suite il y aura un échange avec le côté gouvernemental pendant une période de 15 minutes, et avec l'opposition officielle, le critique en matière de l'opposition et possiblement d'autres députés qui vont s'ajouter, pendant 15 minutes.

Alors, monsieur, si vous voulez bien vous identifier.

Auditions (suite)

Conseil patronal de l'environnement
du Québec (CPEQ)

M. Cloghesy (Michael): Oui. Alors, je suis Michael Cloghesy, président du Conseil patronal de l'environnement du Québec. Et, avec moi, j'aimerais vous présenter Me Henri-Marc Vuillard, Bell Canada, membre de notre comité sur le dossier de la loi n° 118 sur le développement durable.

Alors, M. le Président, M. le ministre, M. Tremblay, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, on veut d'abord vous remercier pour l'invitation de comparaître devant cette commission parlementaire, surtout du fait de l'importance du dossier en question.

Je vous fais grâce évidemment de la lecture de notre mémoire, mais je vais évidemment passer assez brièvement les aspects d'ordre général et ensuite je prendrai des passages du projet de loi où on aurait peut-être des commentaires.

D'abord, le CPEQ accueille favorablement l'initiative du gouvernement du Québec et du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, qui vise à instaurer des pratiques de développement durable au sein des ministères et des organismes de l'administration publique. C'est sûr que, même si vous visez l'administration gouvernementale, nous croyons, et nous sommes pas mal certains, que les impacts seront partout, c'est-à-dire autant sur le secteur privé que sur la société dans son ensemble, et dont l'importance du dossier en question.

C'est un projet de loi qui vise le développement durable, et évidemment le développement durable comporte trois piliers, et ces trois piliers sont évidemment l'environnement, les aspects sociaux et l'économie. Et donc le secteur privé évidemment constitue un intervenant économique majeur, et nous croyons qu'on devra jouer un rôle important afin d'assurer le succès de cette initiative. Nous souhaitons également travailler de près avec le gouvernement tout en partageant notre expérience du dossier afin de contribuer au succès de cette initiative.

Dans le projet de loi, on fait mention à plusieurs reprises de la participation de la société civile. On ne fait pas mention évidemment du secteur privé comme tel. Et nous avons fait des recherches un peu partout sur l'Internet. Nous avons été même... trouvé de l'information dans Le grand dictionnaire terminologique de l'Office de la langue française du Québec. Et on définit la société civile de la façon suivante: «Ensemble des mouvements et associations à but non lucratif, indépendants de l'État, dont le but est de transformer, par des efforts concertés, les politiques, les normes ou les structures sociales à l'échelon national ou international.» Cette définition semble exclure les entreprises, et je n'ai pas l'impression que ça a été voulu, mais, malgré ça, on aimerait évidemment que des changements soient apportés au projet de loi à cet effet-là pour inclure le secteur privé.

Nous avons également une certaine préoccupation, et c'est la suivante: pour assurer une implantation enfin du développement durable au sein d'une société, il faut évidemment assurer une importance égale aux trois piliers, l'économie, l'environnement et les aspects sociaux, et donc ce serait important, du fait que c'est le ministère du Développement durable, et de l'Environnement, et des Parcs qui va assurer la coordination de cette initiative, de s'assurer qu'il y ait également un rôle important pour le ministère de prospérité économique, c'est-à-dire le ministère du Développement économique, de jouer un rôle important comme possiblement président du comité ministériel sur le développement durable. Ça prend un certain équilibre pour assurer, au sein du gouvernement, que tous les aspects, tous les piliers du développement durable soient traités d'une façon égale. Et évidemment ce n'est pas chose faite du jour au lendemain d'implanter un changement de culture. Ça, on le comprend. Et donc ce doit être basé sur une vision à long terme et ça prend évidemment un support, un appui de l'ensemble du gouvernement et surtout du premier ministre, le plus haut placé au gouvernement, afin d'assurer un succès.

n (11 h 40)n

On désire également souligner que, dans les dernières années, je dirais, au cours des dernières 10, 15 années, les secteurs industriels ont intégré le développement durable dans leurs plans d'affaires et ont accompli des progrès dont le gouvernement du Québec possiblement pourrait s'inspirer. Et on est évidemment très intéressés à travailler avec le gouvernement avant de... afin de partager nos expériences dans le domaine. Et d'ailleurs Me Vuillard serait peut-être en mesure de vous parler de l'implantation du développement durable dans une grande entreprise telle que Bell Canada, si vous êtes intéressés à entendre ses propos là-dessus.

Au niveau des aspects plus pointus au niveau du document du projet de loi, si on passe à travers les principes qui sont adoptés, on note qu'il y a peut-être huit des 16 principes qui touchent à l'environnement, et selon nous il n'y a qu'un seul qui touche au développement économique. Alors, comment assurer cet équilibre? C'est une préoccupation que nous avons avec le document en question.

Et encore une fois, si on regarde le cinquième principe, participation et engagement, on parle de la participation et l'engagement des citoyens et des groupes qui les représentent, mais encore une fois aucune mention du secteur privé.

Donc, au sixièmement... également le sixième principe, accès au savoir, on parle d'améliorer la sensibilisation et la participation effective de la société civile dans la mise en oeuvre du développement durable. Encore une fois, on ne parle pas du secteur privé.

Quant au principe n° 8, partenariat et coopération intergouvernementale, ça, évidemment, on est tout à fait en faveur d'une approche harmonisée surtout avec le gouvernement fédéral. C'est à l'avantage de tout le monde d'assurer cette harmonisation.

Et au principe 14, production et consommation responsables, là nous avons évidemment certaines craintes à l'effet de possiblement s'attendre à voir une réglementation qui va imposer des modes de production au secteur privé. On espère que ce n'est pas la volonté du gouvernement à s'impliquer dans ce genre d'activité là. C'est peut-être chose qui pourrait être souhaitée, que les modes de production soient améliorés, mais de là à ce que le gouvernement du Québec s'implique dans les modes de production, sachant que nous vivons dans un marché global et que le Québec fait partie de ce marché global, ce serait difficile de concevoir une approche différente ici, au Québec, qu'ailleurs, et ça pourrait mettre évidemment dans une situation non compétitive nos entreprises.

Et également nous avons des préoccupations au niveau du 16e principe, l'internalisation des coûts, où on dit que le coût à des biens et des services doit refléter l'ensemble des coûts qu'ils occasionnent à la société. Évidemment, c'est souhaitable. C'est vraiment l'idéal. Mais, encore une fois, nous vivons dans un marché global, et ce serait difficile de concevoir que les produits au Québec aient cette imposition qui pourrait être une imposition assez importante, qui ferait en sorte peut-être que les consommateurs iraient acheter certains items en dehors du Québec. Donc, encore une fois, il faut s'assurer que nous demeurons compétitifs ici, au Québec.

Je passe rapidement à travers le document. Encore une fois, dans un certain nombre d'autres articles du projet de loi, on retrouve «société civile», et c'est toujours la même remarque: Je crois que vous voulez inclure le secteur privé, mais il faudrait évidemment changer la terminologie.

Bon, lorsqu'on parle de... Je vais juste passer quelques commentaires sur l'aspect, à l'article 19, où on parle de la Charte des droits. Encore une fois, tout le monde est pour la vertu, et on aimerait bien que toute personne ait droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, mais nous craignons que ça pourrait peut-être entraîner des problèmes au niveau de procédures judiciaires qui pourraient être intentées en vue d'un point de vue d'un citoyen à l'effet que, même dans l'encadrement législatif et réglementaire, cette personne-là se voit comme étant, disons, imposée au niveau de sa qualité de vie. Chacun peut avoir une définition qui peut varier et même, dans l'encadrement législatif, un individu pourrait dire: Moi, on ne me protège pas, et donc je vais contester la situation dans laquelle je vis. Quant au Fonds vert, on souhaiterait évidemment que ce soit également ouvert à des projets de développement durable qui pourraient être issus du secteur privé.

Donc, en général, c'est les commentaires que j'avais et, en conclusion, l'importance de placer la même valeur ? encore une fois, je le souligne ? sur les trois piliers du développement durable, donc l'environnement, les aspects sociaux et l'économie, l'importance de placer un poids égal sur ces trois piliers... Et évidemment on sait que, dans la réalité, les projets qui vont se faire vont devoir être vus dans une situation de cas par cas, mais encore une fois il est important d'assurer qu'il y ait une valeur égale qui soit considérée avant qu'une décision soit prise.

Nous avons également une certaine préoccupation par le fait que c'est le ministère de l'Environnement qui serait le coordonnateur de la mise en application de la loi et de la stratégie qui en découlera. Nous remarquons que peu de principes dans le projet de loi touchent justement, comme je l'ai mentionné, à l'aspect économique, et on ne compte qu'un seul des principes qui touche à l'aspect économique en comparaison avec huit principes qui touchent directement à l'environnement. Donc, on souhaiterait évidemment que ce soit le plus équilibré possible afin d'assurer une plus grande importance placée sur les aspects de développement économique.

Vous savez que le secteur privé, et je parle surtout des grandes entreprises, se sont impliquées avec le concept de développement durable depuis plusieurs années. Ils ont su incorporer l'aspect environnemental dans leurs stratégies d'affaires, alors qu'anciennement ils envisageaient l'environnement à part, et c'était surtout perçu comme un coût à l'entreprise. D'ailleurs, notre conseil qui existe maintenant depuis plus de 12 ans, oeuvre depuis ses débuts dans un contexte de développement.

Nous, du secteur privé, ayant cette expérience d'implantation du développement durable au sein des entreprises, nous serions très intéressés, ouverts à partager notre expérience avec le gouvernement. Et, si vous le voulez, Me Veilleux de Bell Canada sera en mesure d'ailleurs de vous décrire comment est-ce qu'une grande entreprise a intégré le concept de développement durable. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le président. Nous allons maintenant, puisque le temps imparti est écoulé, nous allons maintenant procéder à l'échange entre vous, votre invité et M. le ministre ainsi que les membres de la commission.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Juste attendre que la sono soit là. Je tiens à remercier M. Cloghesy et M. Vuillard pour leur présence ici, aujourd'hui, et pour la présentation qui ressemble à plusieurs égards à la présentation qui a été faite dans le cadre... le document qui avait été soumis dans le cadre de notre tournée sur le développement durable, parce que, pour des raisons assez compliquées, on n'a jamais pu se parler, mais bien qu'on a l'occasion d'échanger à d'autres reprises.

Je prends un des derniers points en commençant pour le contraster avec la perception qui a été émise de l'autre côté de la table, hier... lors de la dernière journée d'audiences avec le Centre québécois du développement durable. La question était de savoir: pourquoi se limiter au gouvernement? Et est-ce que le gouvernement va pouvoir... le mot était «infecter» mais contaminer, avoir une influence sur le reste de la société? Ici, vous êtes en train de nous dire qu'il faut plutôt réaliser que le plan est un plan de développement durable sociétal plutôt que gouvernemental et que le secteur privé est concerné.

n (11 h 50)n

Je vous avoue que j'aime ça quand les gens s'attardent beaucoup au sens des mots, et ça veut dire que vous avez pris le temps de regarder le texte, et je pense qu'il y a un... un «parti pris» est peut-être trop fort, mais enfin une vision qui teintait la rédaction, qui omettait l'ensemble des acteurs de la société. Car, si effectivement on veut qu'on puisse parler intelligemment de l'internalisation des coûts, bien il va falloir que les gens que ça affecte, outre les membres du public en général, soient aussi à la table. Il faut qu'ils soient interpellés. D'où notre intérêt à regarder les quelques articles où cette notion de société civile est utilisée et de chercher un terme un peu plus inclusif. Donc, selon le contexte, on va pouvoir regarder vers peut-être une référence plus large au public ou à une référence plus large à la société tout court.

Mais soyez assurés que notre but, justement, c'est de faire du développement durable une réalité. Et je le dis souvent avec une pointe d'humour et je le prêche avec des gens qui travaillent avec nous au ministère, il faut être conscient du fait qu'on est en train de vivre les balbutiements d'un changement de génération.

On a eu une conscientisation qui a commencé au début des années soixante. Moi, je cite toujours le livre de Rachel Carson, Silent Spring, qui a galvanisé l'attention du public sur les affres au niveau environnemental, proprement dit. Après une génération d'une trentaine d'années de nettoyage... Parce que, nous, notre loi date de 1972. C'est à peu près dans la bonne moyenne. Les lois américaines et canadiennes sur les espèces menacées, et tout ça, ça se situe en gros à l'intérieur d'une décennie, selon où on est et dans quel sujet. Puis, bon, 30, 40 ans plus tard, selon le cas, on est à l'aube du changement. Maintenant, la partie nettoyage que j'ose résumer comme ça est en train d'être consolidée. Ça ne veut pas dire qu'il faut lâcher, ça veut surtout dire qu'on a appris comment le faire, comment mesurer, comment avoir des programmes qui contrôlent les rejets, et on est sur la même page là-dessus largement, tout le monde.

Mais ce changement de génération que, nous, on vise modestement avec cette loi-là fera en sorte que, pour l'avenir, on penserait aux générations futures à chaque fois qu'on pose un geste. Ça, c'est à l'intérieur du gouvernement, dans nos programmes, dans nos appels d'offres, dans nos façons de faire, c'est rendre écoconditionnel, et ainsi de suite.

Mais, quand je parle, au principe 16, de l'internalisation des coûts ? puis ça se voit, que vous avez fait vos devoirs parce que vous avez bien remarqué que c'était un des changements par rapport à la version avant-projet de loi en passant au projet de loi ? mais ça va exiger beaucoup de travail.

Juste pour le faire comprendre, hier soir, je donnais une conférence à l'Université McGill en marge du début, la semaine prochaine, du MOP-1/COP-11, selon le cas, et c'était très intéressant de voir que les gens parlent aujourd'hui assez simplement d'internalisation des coûts, que ce soit dans le domaine du pétrole, que ce soit dans le domaine du nucléaire. Ce sont des concepts qui sont connus et compris de plus en plus du public et des entreprises. Ils le comprennent tellement bien que, lorsque Wal-Mart m'en parlent, moi, je vais vous dire une chose, quand Wal-Mart nous en parlent, ils comprennent ça. Ils comprennent tellement bien qu'il savent pourquoi ils n'en veulent pas. Mais je pense que ça doit être un des principes de base de tout développement durable sérieux.

Donc, le premier mot pour vous, c'est de vous dire: Message reçu en ce qui concerne «société civile». Ce n'était pas une terminologie qui se visait exclusive, mais elle pouvait avoir cet effet-là, vous avez entièrement raison. Donc, avec les équipes qui nous accompagnent ? vous connaissez bien Léopold ? et les équipes de légistes au ministère, on va travailler à neutraliser et à étendre, refléter mieux notre réelle intention qui est d'être inclusifs, parce que c'est la société qui est interpellée, justement.

Alors, voilà pour mes premières remarques de remerciement au centre patronal de l'environnement. Peut-être qu'on pourrait alterner puis revenir avec une question après.

Le Président (M. Pinard): M. le député du Lac-Saint-Jean et critique officiel de l'opposition en matière environnementale.

M. Tremblay: Oui, merci. Dans votre mémoire, bien que vous ne l'avez pas mentionné verbalement, vous vous interrogez sur la pertinence d'introduire, dans la Charte des droits et libertés, le droit à un environnement sain. Vous avancez que déjà, avec la Loi sur la qualité de l'environnement, il y a ce droit. Est-ce que vous pourriez élaborer davantage? Est-ce que par le projet de loi qu'on étudie aujourd'hui ce n'est qu'un ajout? Et quelles seront les conséquences à votre sens d'avoir dans la loi québécoise sur l'environnement un article qui dit que le droit à l'environnement est déjà là et dans la Charte des droits?

M. Cloghesy (Michael): Donc...

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Cloghesy (Michael): Merci beaucoup. Nous avons évidemment perçu que, dans la LQE, la Loi sur la qualité de l'environnement, il y a l'article 19.1. Et, si vous me permettez de le lire: «Toute personne a droit à la qualité de l'environnement, à sa protection et à [sa] sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi...»

Donc, nous semble-t-il que ce droit-là est déjà inclus dans la loi existante, et donc c'est par rapport aux problématiques qui pourraient survenir, en ajoutant un nouveau droit dans la Charte des droits, une préoccupation qui pourrait autant vous affecter, au gouvernement, que nous-mêmes, c'est-à-dire une autre façon, je dirais, de... ça ouvre la porte à un autre outil, qui est la charte, pour pouvoir également, je dirais, contrôler le domaine de l'environnement.

Et est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que ça va causer plus de problèmes que d'ajouter de la valeur? C'est la question qu'on se pose. Et on croit vraiment que, malgré le fait que tout le monde est pour la vertu et qu'enfin, tel qu'écrite, la proposition et l'ajout aux chartes des droits, comme tel, seraient souhaitables, nous craignons que ça pourrait poser des problèmes et voire même des actions au niveau, je dirais, légal, qui pourraient compliquer autant la vie pour le gouvernement que pour le secteur privé.

Et donc c'est pour ça qu'on vous suggère peut-être de repenser à cet ajout-là. Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Est-ce que c'est tout simplement symbolique ou est-ce qu'on peut... Est-ce qu'on peut s'en passer ou est-ce que c'est vraiment nécessaire? Donc, c'est notre réflexion là-dessus.

M. Tremblay: Dans un autre ordre d'idées, quand vous parlez du Fonds vert, vous dites que vous souhaiteriez que le Fonds vert ne soit pas exclusivement aux groupes environnementaux, mais aussi aux entreprises, pour qu'elles puissent développer des nouvelles technologies en matière environnementale.

Sur quelle base... Comment ça pourrait s'opérationnaliser en termes concrets? Est-ce que... Parce que, moi, c'est quelque chose auquel je crois beaucoup, moi ? je l'ai dit dans mes remarques préliminaires ? même que je crois que le Québec pourrait développer une filière économique dans les technologies environnementales. Et donc comment verriez-vous l'établissement de cette mesure financière?

M. Cloghesy (Michael): Bon, en d'autres mots, au lieu de restreindre ça uniquement aux municipalités et aux groupes verts, on suggérait de pouvoir étendre ça à des projets de développement durable qui pourraient parvenir du secteur privé et donc surtout au niveau des avances technologiques qui pourraient bénéficier autant à la société, je dirais, qu'à l'économie du Québec. Et donc c'est pour ça qu'on souhaiterait que... On pourrait établir des critères. Le gouvernement pourrait établir des critères pour qu'une entreprise avec un projet soit considérée comme étant acceptable, et donc... Évidemment, il faudrait définir tout ça, mais pourquoi ne pas ouvrir ça au secteur privé avec des très bonnes idées, des avances technologiques qui pourraient autant être commercialisées au monde entier? Donc, ça pourrait être avantageux au point de vue économique, mais également au point de vue du développement durable du Québec.

M. Tremblay: ...

Le Président (M. Pinard): Bon. On va alterner. M. le député de Portneuf.

M. Mulcair: Est-ce que je peux juste pour... Je m'excuse, M. le Président...

Le Président (M. Pinard): Oui. M. le ministre.

n (12 heures)n

M. Mulcair: Avec l'accord de mon collègue de Portneuf, deux petits points, rapidement. D'abord, pour ce qui est du terme «notamment», à l'article 15.1, deuxième alinéa, ça vaut la peine de remarquer que le «fonds vise, entre autres, à appuyer la réalisation de mesures favorisant le développement durable, plus particulièrement en regard de son volet[...], de même qu'à permettre au ministre, dans le cadre prévu par la loi, d'apporter un soutien financier, notamment aux municipalités et aux organismes sans but lucratif». En termes rédactionnels, ça, ça veut dire inclusivement, mais non limitativement. En bon notaire que vous êtes, vous m'appuyez là-dessus.

Deuxièmement, sur la Charte des droits et libertés de la personne, il y a une énorme différence entre 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement et ce que nous sommes en train de proposer. Je vais me permettre d'en signaler quatre tout de suite.

Le nouveau droit vise toutes les mesures à portée environnementale et pas juste la LQE, la Loi sur la qualité de l'environnement. Plusieurs mesures législatives environnementales se trouvent dans d'autres lois, par exemple la Loi sur les pesticides, la loi sur la protection du patrimoine naturel, la Loi sur les forêts, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, la Loi sur l'aquaculture commerciale, des dispositions de réhabilitation des sites miniers dans la Loi sur les mines, règlements municipaux d'urbanisme ou de qualité de l'air, ainsi de suite.

Deuxièmement, le droit pourrait être invoqué plus facilement par des groupements et non seulement par des personnes physiques. 19.1 se cantonne aux personnes physiques.

Troisièmement, le droit proposé, joint à l'article 49, de la charte ouvrira la porte à des recours permettant d'obtenir le versement de certains dommages compensatoires.

Quatrièmement, étant libellé en termes généraux, comme les autres les lois fondamentales, il pourrait suivre l'évolution de la société. Je pense que c'est très important de réaliser qu'il y a des différences fondamentales entre 19.1 et ce que nous sommes en train de prévoir dans la charte. Et, avec indulgence, je vais passer du temps à mon collègue de Portneuf.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Alors, bienvenue à nos travaux, messieurs. Hier, on a... pas hier, mais avant-hier, M. le Président, alors, avant-hier, on a entendu le Centre québécois de développement durable qui nous parlait évidemment de développement durable et d'internaliser les coûts, et on était même à dire que le fait d'adopter des mesures plus proenvironnement, plus prodéveloppement durable, on amenait les entreprises à économiser.

Alors, je voudrais profiter de la présence des gens de Bell Canada peut-être pour vous entendre nous dire comment, en adoptant des mesures de développement durable, vous avez aidé à améliorer de façon économique les activités de votre entreprise.

Le Président (M. Pinard): Alors, Me Vuillard.

M. Vuillard (Henri-Marc): Merci, M. le Président. Écoutez, d'abord, très simplement, à la lecture du texte et les commentaires que nous en a donné M. Gaudreau, on voit que, dans la définition d'une stratégie de développement durable du gouvernement, vous rencontrez les mêmes problèmes que les entreprises. C'est des problèmes de définition, de mesure, de qualifier les objectifs, et ça, c'est extrêmement long. Bon.

L'expérience qu'on est en train d'acquérir, parce que c'est un «work in progress» ? vous m'excuserez le latin ? ça, il ne peut pas tout de suite vous dire: Bien, regardez, cette année, dans notre bilan, notre politique du développement durable nous a rapporté tant ou on a économisé tant. On n'en est pas là. Bon.

Je peux vous expliquer très rapidement comment le système fonctionne chez Bell. Alors, Bell avait un groupe environnemental. Il y a deux ans, sur une résolution du conseil d'administration, ils ont décidé d'étendre la fonction de ce groupe et de lui changer son nom, c'est-à-dire on est devenu un groupe d'environnement et de développement durable, de responsabilité corporative environnement et développement durable. Alors, évidemment, ça, ça pose un certain nombre de problèmes, parce que gérer des problématiques environnementales, c'est une chose, mais gérer des problématiques sociales... Je vais vous en donner une très simple, puisqu'on parlait d'internalisation des coûts.

On achète beaucoup de téléphones cellulaires. Bon, ces téléphones cellulaires sont fabriqués en Chine. Dans nos procurations d'achat, on veut s'assurer que Motorola, Nokia ne font pas fabriquer ces téléphones par des usines qui refusent la syndicalisation ou des usines où les conditions de travail ou d'hygiène industrielle ne sont pas respectées, ou ainsi de suite. Ça, on pense que c'est une partie pour nous de développement durable de la chaîne d'approvisionnement.

Mais ça a aussi, par ailleurs, une autre dimension, c'est: une fois que ces téléphones sont rendus ici, au Canada, il faut les gérer, c'est-à-dire qu'il faut les gérer tout au long de leur cycle de vie, y compris au moment où ils vont arrêter de fonctionner. Donc, là, on a des mesures de développement durable. On a mis en place des programmes pour recycler les téléphones, les récupérer et essayer, ce qui est réutilisable, de le renvoyer dans des pays en voie de développement, parce qu'il y a aussi toute une autre dimension qu'est la division de... comment on appelle ça, le e-device. Alors, les pays en voie de développement ont moins accès à l'information ou aux technologies de l'information. Bon, c'est ça qu'on fait. Et, par ailleurs, bon, pour le reste, on va le recycler ou l'envoyer à des fonderies pour récupérer... Bon, vous voyez, donc, c'est ça.

Je vous donne, sur un exemple particulier, qui est la téléphonie cellulaire, comment Bell a appliqué, dans un de ses produits ou dans un de ses services, l'idée du développement durable. Évidemment, on ne peut pas tout couvrir, mais ça vous donnera un esprit un peu concret de la chose.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'étais beaucoup interpellé quand vous avez parlé. Il faut absolument impliquer le privé, je pense, dans un développement durable. Et puis je crois qu'il va y avoir peut-être certaines lois ou certains règlements à modifier, parce que, moi, pour l'avoir vécu dans mon coin de pays, les gens qui ont des beaux projets, qui font des essais pour améliorer l'environnement souvent ont à passer à des bancs d'essai avec le CRIQ. Ça prend des années avant d'avoir des résultats. Ça coûte une fortune. Puis il y a plein de petits projets dans nos coins que...

Les gens, ils veulent essayer d'améliorer l'environnement, ils veulent par toutes sortes de trucs, mais il y a bien des projets qui peuvent améliorer, mais ils n'ont pas les moyens financiers d'aller passer un an sur un banc d'essai. Ça coûte 200 000 $, 300 000 $. Alors, il y a beaucoup de projets qui sont si simples qui amélioreraient beaucoup, mais on ne les verra jamais atterrir à nulle part parce qu'ils ne sont pas supportés.

Ces gens-là me parlaient que, dans d'autres provinces au Canada, quand tu arrives avec un projet, que tu pars, mettons, d'une pollution x, mais que tu as une amélioration, alors, automatiquement, ils sont considérés puis ils peuvent être essayés plus dans une large... tandis qu'au Québec il faut absolument passer par un banc d'essai pour avoir notre certificat, si vous voulez, de l'Environnement. On ne peut pas faire d'autres essais.

Puis, moi, il y en a plein, de projets. Moi, chez nous, là, ils ont sorti... Concernant les lisiers de porc, ils ont commencé à séparer les solides du liquide. Dans le solide, c'est là qu'est le phosphate. Ils peuvent faire du compost avec, puis alors ils n'ont plus juste que le liquide à disposer. C'est des projets qui amélioreraient, tout de suite en partant, au moins 50 % des problèmes qu'on a avec le lisier. Mais on se bute peut-être à une réglementation trop sévère plus haut, là. Est-ce que vous pensez que j'ai une bonne pensée ou si je suis dans l'erreur?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Cloghesy (Michael): Oui. Alors, non, je crois que vous êtes dans la voie dans laquelle nous sommes également, c'est-à-dire... Très bon exemple pour le lisier de porc. Il y a des technologies qui peuvent servir. C'est vraiment rendu une industrie, en bonne partie. Donc, ils devraient pouvoir avoir accès à des fonds pour développer des technologies pour régler leurs problèmes, qui sont des problèmes qui affectent toute la société, évidemment. Alors, tout à fait d'accord. Nous sommes dans la même ligne d'idées, je crois. Merci.

M. Grondin: Parce que, juste pour parler un petit peu du purin de porc, si on prend ce problème-là, là, c'est un peu la société qui l'a causé, le problème. On a demandé aux agriculteurs de se construire des citernes de 200 pi de diamètre en ciment, pas de toit dessus. Alors, on récupère un mètre d'eau par année que, normalement... Et ce n'est pas pollué, ça, là, là, mais, nous, on le pollue, puis après ça il faut en disposer. Ça fait que, si on calcule toutes les citernes qu'il peut y avoir à la grandeur du Québec, comment ça représente d'eau qu'on n'aurait pas besoin de traiter? Alors, au départ, je pense, on aurait dû, sur nos entreposages de fumier, exiger un toit. En partant, on aurait enlevé au moins 10 % à 15 % du problème, qu'on n'aurait même pas à traiter aujourd'hui.

M. Cloghesy (Michael): Oui, en effet. Et ça me rappelle justement, si on se relie au dossier des changements climatiques, il y a certains projets de développement propre qui se font. Disons, c'est des compagnies canadiennes qui s'impliquent avec une ? je pense à un projet en particulier; avec une ? compagnie chilienne pour pouvoir justement capter les gaz qui sortent justement du lisier de porc. Donc, le méthane est capté, nettoyé et vendu. Et c'est la compagnie canadienne qui paie, mais qui reçoit évidemment les crédits. Donc, il y a des technologies à développer, et c'est sûr que ça pourrait servir justement à ça.

n (12 h 10)n

Le Président (M. Pinard): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Moi, je suis interpellé à titre de législateur et je vais vous expliquer. Je comprends votre intention quand vous dites: Est-ce que ce qui est défini dans le projet de loi, ça inclut l'entreprise, quand on la définit, quand on définit la société civile. Mais j'ai un problème avec ça. J'ai un problème avec ça parce que je me demande si, lorsqu'on lit l'objet de la loi, vous vous adressez à la bonne loi.

Tu sais, quand on lit: «Ce projet de loi a pour but d'instaurer un nouveau cadre de gestion au sein de l'Administration afin que l'exercice de ses pouvoirs et de ses responsabilités s'inscrive dans la recherche d'un développement durable.

«Les mesures prévues par le projet de loi concourent à mieux intégrer la recherche d'un développement durable dans les politiques, les programmes et les actions de l'Administration, ainsi qu'à assurer, notamment par la prise en compte d'un ensemble de principes et par l'adoption d'une stratégie de développement durable, la cohérence des actions gouvernementales en ce domaine.»

Et de façon bien, bien strict, pour vous démontrer où est-ce que j'ai le malaise, je vous dirais: Est-ce que, dans la compréhension de la société civile, est-ce qu'un corporation a droit de vote? Une corporation n'a pas droit de vote. L'intérêt d'interpeller la société civile au sens où on interpelle le citoyen, indépendamment de son appartenance économique à une corporation, à un syndicat, à un groupe XYZ, me semble être quelque chose de fondamental lorsqu'on vise les objets à ce projet de loi. Et dans ce sens-là il me semble que, tout en acceptant, moi, comme législateur, votre intérêt à vouloir participer à cela, il me semble que, dans la loi, j'ai un problème, ici, si on ne s'entend pas sur ce que c'est que le concept de société civile et de l'État. Moi, je suis un membre de l'État, mais, moi, député de Masson, je serai interpellé à titre de citoyen par ce projet de loi là, indépendamment donc de mon appartenance.

Alors, dans ce sens-là, je veux bien qu'on ouvre de l'autre côté, mais je ne suis pas sûr si au fond cette ouverture est directement en bonne ligne avec l'objet de la loi. Et peut-être que ça prendrait un autre projet de loi ou d'autres types de projets parce que le problème qu'on peut se poser, c'est: Alors, jusqu'où le conflit d'intérêts peut intervenir à ce moment-là, quand on parle de développement économique?

Le Président (M. Pinard): Un commentaire, M. le président.

M. Cloghesy (Michael): Oui, j'aurais évidemment des commentaires là-dessus. Ce projet de loi évidemment, si on lit l'avant-propos, enfin comme vous l'avez mentionné, ça semble ne viser que l'administration gouvernementale, mais par son action, c'est-à-dire le fait que ce serait tout le gouvernement... autant tous les ministères que les agences gouvernementales, ainsi de suite, seront impliqués dans l'application des principes de cette loi-là, ça veut dire que toute loi existante, toute réglementation existante ou toute nouvelle réglementation devrait être, je dirais, dirigée dans l'optique du développement durable. Donc, ces lois, ces règlements ont un impact sur le secteur privé, vont avoir un impact en bonne partie sur le secteur privé. Ça, je crois qu'on ne peut pas vraiment nier ce fait-là.

Et du fait que les trois piliers du développement durable, l'environnement, les aspects sociaux et les aspects économiques... comment peut-on évacuer le secteur privé justement de ce que j'appellerais une, voyons, une entreprise, enfin pas une entreprise, mais un projet de société, c'est vraiment un projet de société, comment pouvoir ne pas impliquer le secteur privé avec ses ressources, ses expériences et le fait qu'on contribue énormément à l'aspect économique, un des trois piliers? Donc, dans ce sens-là, on se voit mal comme étant exclus des propos du projet de loi.

Le Président (M. Pinard): M. le député, 1 min 30 s.

M. Thériault: O.K. Bien, je ce que je voulais juste seulement vous dire, c'est que ce que je comprends, moi, de l'objet du projet de loi, c'est qu'en quelque part les trois vecteurs, développement économique, social et environnemental, excluent autant... Si on parle de développement économique, c'est qu'on s'adresse à un développement économique et on interpelle l'être citoyen que vous êtes et on vous dit: Dans les actions de l'État et dans ses planifications, vous devrez vous mettre sur le même dénominateur que moi et que d'autres, indépendamment de votre action et de votre lieu d'intervention dans le développement économique. C'est ça que ça dit, ce projet de loi là.

Et, dans ce sens-là, je ne pense pas que ça vous exclut en tant que tels, au contraire. Que vous veniez ici nous dire: Regardez, il y a ceci, ceci, cela, on veut contribuer davantage à l'amélioration de certains principes, ça va. Mais je ne pense pas que ça vous exclut parce qu'au fond ce que vise, à mon avis, cette loi-là, c'est de créer un dénominateur commun, la société civile étant le dénominateur commun.

Et on dit: Il faut essayer de trouver l'équilibre entre le social, l'environnemental et le développement économique. Mais qui est au coeur de cela? C'est l'humain, c'est le citoyen. Ce n'est pas la corporation, ce n'est pas le syndicat, ce n'est pas le groupe environnemental, nécessairement.

Là où, par exemple, vous pourriez dire que vous êtes exclus ou... c'est peut-être quand on dit: Dans certaines applications, certaines mesures, le Fonds vert, etc., est-ce qu'on peut être partenaires? Voilà. C'est au niveau du principe, là, ma remarque, mon malaise.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député. Alors, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, M. le Président. À la page 7 de votre mémoire, vous parlez de subsidiarité. Pouvez-vous nous indiquer en quoi ça vous inquiète?

M. Cloghesy (Michael): Tout simplement, comme on l'indique dans notre mémoire, c'est peut-être tout simplement un manque de clarté. Et on s'interroge sur la signification et l'utilisation que le gouvernement entend en faire.

C'est un mot évidemment qu'on n'emploie pas nécessairement dans le langage utilisé à tous les jours. Et disons, tout simplement, on comprend le principe, mais ce n'est pas un mot d'usage commun. Et c'est tout simplement... Peut-être, le commentaire se fait sur la terminologie utilisée et pas plus que ça. On n'est pas évidemment en désaccord.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre.

M. Mulcair: Juste en terminant, M. le Président, pour rassurer les participants là-dessus. Ce qu'on vise par subsidiarité est un des points forts inattendu qui est sorti de notre consultation. Il y a des choses auxquelles on s'attendait et il y a des choses...

Il y a eu deux grosses surprises. Le point auquel les gens ont mis de l'emphase: sur le paysage. Il faut vraiment sortir de Montréal et de Québec, consulter à travers le Québec pour se rendre compte que ce que les groupes t'amènent en partance de Montréal et de Québec est souvent déconnecté de ce que les gens vivent sur le terrain.

«Subsidiarité» vise l'autre deuxième grande réalité qui nous a souvent été amenée à travers le Québec. C'est laisser le processus décisionnel qui affecte la région... laisse-le le plus proche possible des gens. S'il doit y avoir des règlements, laissez-nous tirer un peu plus profit de nos ressources plutôt que de vivre ce qu'on vit souvent dans les sections-ressources. On crée, on développe puis on disparaît.

Alors, les gens veulent avoir un plus grand mot à dire sur leur propre développement, et c'est ça qui est visé par la notion de subsidiarité. Rapprocher le niveau décisionnel le plus proche des gens que ça va affecter. Merci beaucoup pour votre présentation. Excellente présentation aujourd'hui.

n (12 h 20)n

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, messieurs, de votre présence. Et je vais suspendre quelques instants pour permettre à la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM de bien vouloir s'approcher.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue à cette commission des transports, mais surtout de l'environnement aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous recevoir. Alors, vous connaissez les règles du jeu: 15 minutes pour exposer votre mémoire, 15 minutes du côté gouvernemental, 15 minutes, de l'opposition officielle. J'apprécierais que la personne qui va présenter le mémoire se présente et également présente à la commission les gens qui l'entourent, pour les membres de la commission, mais aussi pour les fins d'enregistrement.

Chaire de responsabilité sociale
et de développement durable

Mme Gendron (Corinne): Alors, bonjour. Mon nom est Corinne Gendron. Je suis titulaire de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et je suis accompagnée par M. Alain Lapointe, qui est titulaire adjoint de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, ainsi que M. Patrick Laprise, qui est étudiant en sciences de l'environnement à la maîtrise, et Mme Chantal Hervieux, qui est étudiante au MBA-Recherche, toujours à l'UQAM.

Le Président (M. Pinard): Bonjour, madame.

Mme Gendron (Corinne): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, distingués membres de la commission, nous aimerions tout d'abord vous remercier pour l'invitation qui nous a été faite de commenter le projet de loi. Et, d'entrée de jeu, j'aimerais dire que, dès sa première version en tant qu'avant-projet de loi, nous avons été impressionnés par le travail qui a été fait parce que visiblement c'est un projet de loi et un avant-projet de loi qui avaient été rédigés par des gens connaisseurs de la question du développement durable. Donc, d'entrée de jeu, je voulais souligner la qualité du texte de loi qui est soumis ici.

J'aimerais aussi de façon plus générale saluer l'initiative que le gouvernement a prise de lancer cette opération, puisque c'est un projet de loi, oui, mais c'est aussi tout un plan de développement durable qui est proposé. Je pense que le Québec était prêt pour ce type d'initiative, et nous la saluons parce que nous pensons qu'elle est indispensable et nous pensons aussi qu'il était temps. Donc, nous désirons saluer cet engagement.

Alors, je ne présenterai pas de façon exhaustive le mémoire qui vous a été remis. J'aimerais simplement insister sur trois points, et nous pourrons revenir, au gré des préoccupations de la commission, sur soit ces questions soit d'autres questions qui sont soulevées dans notre mémoire.

Alors, tout d'abord, le premier point sera la question du développement durable et de sa définition. Le deuxième sera celle de la responsabilité du développement durable au sein du gouvernement. Et enfin nous aimerions aborder la question du financement des responsabilités qui sont rattachées à ce nouvel engagement.

Alors, tout d'abord, en ce qui concerne le développement durable, quelques mots sur le développement durable. Nous en faisons état dans notre mémoire, le développement durable est une nouvelle perspective du développement. C'est un terme qu'on utilise de plus en plus au cours des dernières années. Au début, il était très mal compris. Il est de mieux en mieux compris, de mieux en mieux défini, même s'il reste encore beaucoup de débats autour de sa définition.

Un des débats les plus importants que nous soulevons dans toutes les tribunes où nous participons, c'est le fait que le développement durable serait un équilibre entre l'économie, l'environnement et la société. Le développement durable n'est pas une question d'équilibre entre ces trois pôles parce qu'une des ruptures majeures de la conception du développement durable par rapport à la conception antérieure du développement industriel, c'est l'idée que nous avons une nouvelle contrainte: celle de l'environnement et celle des régulations macroécologiques dont il faut préserver l'intégrité.

Donc, s'il y a un équilibre à préserver, c'est celui des régulations macroécologiques et non pas l'équilibre entre les trois pôles. Si bien qu'une définition qui est significative ou signifiante du développement durable suppose qu'on va considérer tout d'abord l'intégrité de l'environnement comme une condition du développement durable et, par la suite, on peut dire que l'économie est un moyen, et le développement social et le développement humain sont des objectifs du développement durable. Si bien qu'il y a une hiérarchie entre les trois pôles du développement durable et que ces trois pôles ne sont pas à mettre en équilibre, ils sont à hiérarchiser. Parce que vous comprenez bien que, si on estime que c'est trop cher de poser un filtre sur une cheminée parce qu'on veut être en équilibre et que, pendant ce temps-là, on est en train de déréguler le climat, eh bien on n'atteint rien du tout. Donc, la préservation de l'intégrité de l'environnement, c'est une condition à tout développement. Également, quand on parle d'équilibre justement, ce n'est pas l'idée de mettre les trois pôles sur un plan égal. Chaque pôle doit être considéré pour ce qu'il est. Donc, je répète: soit une condition, soit un moyen, soit une finalité.

Nous avons remarqué qu'entre l'avant-projet de loi et le projet de loi des modifications ont été faites par rapport à la définition du développement durable qui a été retenue et nous saluons cette modification pour la bonne raison que la définition qui avait été retenue dans l'avant-projet de loi n'était à notre avis pas tout à fait exacte et pouvait donner lieu à des glissements.

Actuellement, le projet de loi reprend la définition qui est la plus acceptée à la fois par les chercheurs et par les groupes de la société civile et même des entreprises. Donc, on a remis à l'avant-scène la notion de besoin et on a retiré cette idée d'harmonie qui renvoie aussi à cette question d'équilibre entre les trois pôles pour simplement dire que les trois pôles sont indissociables. Et je pense que là-dessus le projet de loi cible juste: effectivement, les trois pôles sont indissociables.

Maintenant, ce n'est pas nécessairement dans l'harmonie qu'on va réussir à prendre en compte les trois pôles. Il y aura des arbitrages nécessaires et il vaut mieux les prévoir que de s'imaginer que tout va se faire dans l'harmonie, et après, dès qu'il y a un conflit, on ne sait pas comment le gérer.

Nous saluons aussi le détail des principes du développement durable qui ont été énoncés dans le projet de loi, qui sont fortement inspirés des principes de Rio. Il y a cependant des modifications, et on n'a pas toujours saisi les objectifs visés entre la version qui a été retenue dans le projet de loi et la formulation des principes de Rio. Notamment, il y a certains éléments qui ont été oubliés ou écartés, et on se demande s'il y avait un objectif derrière ces omissions. Par exemple, on ne parle pas des jeunes, des autochtones dans les groupes auxquels il faut porter une attention particulière. Ce n'est qu'un exemple, mais il y a évidemment d'autres différences.

Alors, ça, c'était pour ce qui concernait la partie développement durable. Maintenant, j'aimerais attirer l'attention de la commission sur le deuxième point dont on parle à partir de la page 24 de notre mémoire au sujet de la responsabilité du développement durable au sein du gouvernement. Il nous semble qu'il peut y avoir un problème à confier une stratégie d'une telle ampleur, une stratégie qui se veut aussi inclusive dans le ministère de l'Environnement. Pourquoi? Parce que le développement durable, on l'a vu, il y a une dimension environnementale, mais il y a aussi une dimension économique et une dimension sociale. Nous restons sous l'impression que le ministère de l'Environnement n'a pas un mandat officiel à l'égard de ces deux pôles et nous avons aussi l'inquiétude que, si éventuellement il devait s'intéresser à ces deux pôles, cet intérêt aurait pour effet de diluer sa responsabilité première à l'égard de l'environnement.

n (12 h 30)n

Donc, nous avons une certaine préoccupation à l'effet que la stratégie soit logée au sein du ministère de l'Environnement, ce qui ne correspond pas du tout à un désaveu à nos yeux des personnes en place actuellement, au contraire, mais plutôt en regard de la structure officielle qui est porteuse d'un concept aussi inclusif que l'est le développement durable par rapport à une responsabilité plus ciblée qui est celle de l'environnement.

Alors, à cet effet, ce que nous recommandons, mais c'est une recommandation qui est plutôt d'ordre de la réflexion parce qu'on n'a pas élaboré, disons, dans le détail ce à quoi ça pouvait ressembler, mais nous suggérons de voir s'il n'y aurait pas moyen de mettre la stratégie sous une structure tricéphale, qui impliquerait autant le ministère de l'Environnement que des ministères à vocation économique et des ministères à vocation sociale, et au sein desquels pourraient s'élaborer les stratégies ainsi que les plans d'action au niveau de l'administration publique.

Le dernier point sur lequel nous voudrions commenter le projet de loi est la question du financement, dont nous parlons à la page 36. Alors, je pense que ça a été dit un petit peu plus tôt par la commission: le plan implique un changement de mentalités, un changement de culture profond, et ça suppose des interventions, ça suppose des investissements, à notre avis, qui sont importants. Malheureusement, le projet de loi prévoit que ce changement fondamental va se faire sans ou presque sans ressources supplémentaires, et surtout il y a de nouvelles responsabilités qui sont rattachées au ministère de l'Environnement.

Alors, si vous regardez à la page 37, on a repris les éléments du projet de loi, donc: promouvoir un développement durable au sein de l'Administration et dans le public en général; coordonner les travaux des différents ministères visant l'élaboration, le renouvellement ou la révision des différents volets de la stratégie de développement durable; coordonner les travaux visant l'élaboration des bilans périodiques de la mise en oeuvre de la stratégie de développement durable au sein de l'Administration; améliorer les connaissances et analyser les expériences existant ailleurs en matière de développement durable; conseiller le gouvernement et des tiers en matière de développement durable et, à ce titre, fournir son expertise et sa collaboration pour favoriser l'atteinte des objectifs de la stratégie ainsi que le respect et la mise en oeuvre des principes de développement durable.

Alors, toutes ces nouvelles responsabilités devraient être prises en charge par un ministère qui a subi des coupures au cours des dernières années, et on en fait état dans notre mémoire. Non seulement ça, mais au sein des autres ministères, qui devront mettre en place des stratégies de développement durable, il n'y aura pas non plus de budgets additionnels et il faudra que les ministères compressent leurs autres dépenses pour pouvoir prévoir cette nouvelle responsabilité.

Alors, ces deux éléments, l'élément du financement et l'élément de la responsabilité, nous dérangent pour la bonne raison que nous pensons que l'initiative du plan de développement durable et le projet de loi en particulier sont d'excellentes initiatives, et malheureusement de placer la responsabilité là où elle est et surtout de ne pas y attacher de budget a pour effet de décrédibiliser la démarche, ce que nous déplorons.

Et je vous dirais qu'à cet égard-là le gouvernement ne se qualifierait pas pour la certification ISO 14001 en gestion environnementale, puisque cette certification exige, d'une part, que la responsabilité environnementale soit rattachée au plus haut niveau de la haute direction au sein des organisations et que, d'autre part, il faut nécessairement que des budgets soient rattachés à la responsabilité. Alors, malheureusement, dans ce cas-ci, l'Administration ne pourrait pas se qualifier pour une certification ISO 14000, et c'est ce que nous trouvons dommage.

Un dernier, dernier point très, très rapidement. Pour nous, cette initiative n'est qu'un point de départ. On parle de réorienter l'administration publique en matière de développement durable, mais nous pensons qu'il y aura un virage à faire au niveau de la société en général, ce qui n'est pas, à notre avis, l'objet de la présente loi, malgré ce que le ministre... ce que j'ai entendu le ministre dire plus tôt. Donc, pour nous, c'est une première étape, et il faudra bien que la société québécoise puisse aussi penser à une stratégie de développement durable à l'échelle complète de la société, ce qui impliquerait effectivement, comme ça a été dit un peu plus tôt, les entreprises et les groupes de la société civile. Je vous remercie.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Merci beaucoup, Mme Gendron. Sans plus tarder, je cède la parole au ministre de l'Environnement. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Alors, Mme Gendron, toujours le même plaisir, M. Lapointe, M. Laprise, Mme Hervieux.

Je vais commencer par la fin de votre présentation et votre référence à ISO juste pour vous dire que je ne partage pas votre interprétation d'ISO. Mais je vais faire... Plutôt que d'avoir un débat avec vous, j'ai demandé à M. Gaudreau de contacter les gens d'ISO pour voir s'ils partagent votre interprétation. Je ne la partage pas et je vais vous dire pourquoi.

Depuis le début de cet exercice-là, nous avons dit que nous avons prévu, conformément aux admonitions de la commission Brundtland, un engagement au plus haut niveau de l'État. Dans notre système de gouvernement, ça veut dire le Conseil des ministres présidé par le premier ministre où chaque ministère et organisme va être responsable de développer son plan, comment, eux, ils vont s'y prendre. Puis, en marge de ça, on a un oeil vigilant externe que, nous, on appelle un commissaire, que, nous, on rattache auprès du Vérificateur général parce que, nous, on croit qu'il jouit non seulement d'une expertise en audit, si vous me passez le francicisme français, parce qu'ici on dirait «vérification»... C'est comme la fois que j'ai été repris, en France, parce que j'avais dit pergélisol puis quelqu'un a dit: Qu'est-ce qu'il a dit? Et c'était: Il voulait dire «permafrost».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Mais chaque organisme, chaque ministère va utiliser de ses budgets. Et j'ose dire que, si quelqu'un, après avoir fait du géothermique, après avoir fait de la rationalisation dans ses dépenses pour des carburants, réduit de 20 % ses dépenses, bien ça va lui échoir.

Par ailleurs, je ne partage pas non plus votre point de vue que la seule manière de faire mieux en administration, c'est d'ajouter des budgets. Il y en a qui pensent comme ça, pas moi. Moi, je suis fier de vous dire que j'ai réduit de 15 % les budgets du ministère que je préside au cours des trois dernières années tout en augmentant de 50 % le nombre d'activités de contrôle et d'inspection sur le terrain. Je suis fier de ça parce qu'au mois de juin je vais commencer ma vingt-neuvième année dans l'administration publique et je connais ça, l'Administration, puis je sais que les demandes sont infinies puis les ressources sont définies. Alors, moi, je pense que la meilleure manière de produire un résultat, c'est d'utiliser du mieux qu'on peut l'argent qu'on a sur la table. Voilà.

Mais je vous laisserai savoir Mme Gendron, parce que je vous respecte beaucoup, et le rôle et la fonction que vous occupez, vous nous avez partagé votre interprétation d'ISO 14001, dès que j'aurai la réponse officielle de leur part, de votre interprétation, je m'engage de vous contacter, puis on pourra se rencontrer là-dessus.

Maintenant, j'aimerais me retourner vers une partie très spécifique de votre rapport pour laquelle je vous félicite en partant parce que c'est extrêmement fouillé, c'est très détaillé. Vous avez vraiment, vraiment, vraiment travaillé très fort, de toute évidence. Avec Cody Barker-Greene de mon personnel qui m'accompagne, je dis: «When did we get it?» Et il me dit: «Well, we got it late last night.» Il dit: «You know, they're students, you know, it came in about...»

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Mais c'est malgré le fait qu'on soit justement vers la fin d'un trimestre, félicitations. Je sais qu'il y a des bouts de ça qu'on a déjà eu l'occasion de voir ensemble, mais ça représente un travail extraordinaire qui va vraiment nous aider énormément, et je tiens à vous remercier.

Je vais vous amener... parce que, là, j'ai un peu de difficulté entre mes pages et mes pages. Moi, je suis sur des pages fax, je suis sur la page 46 de votre document et je suis dans le paragraphe qui commence: «Ainsi, il ne s'agit pas à proprement parler d'un nouveau droit...»

Moi, je veux vous référer à la dernière phrase et à la note infrapaginale qui l'accompagne. On lit ce qui suit: «Il se limiterait donc à une règle d'interprétation plutôt que d'affirmer réellement un nouveau droit selon Me Yergeau.» Puis, dans la note infrapaginale, on donne comme source un article de journal. Est-ce que vous pouvez nous dire, Mme Gendron, s'il y a quelqu'un de votre équipe qui a parlé avec Me Yergeau?

Mme Gendron (Corinne): Non. En fait, j'ai entendu M. Yergeau en entrevue au Point, et c'est ce qu'il disait. Maintenant, sur ce point précis de la charte, nous avons voulu soulever une interrogation sans nous prononcer de façon formelle parce que nous n'avons pas fait une analyse juridique. Et la seule chose que nous indiquons dans notre mémoire, c'est que nous pensons qu'il serait important de vérifier les implications juridiques du droit, tel que formulé, s'il devait être inclus dans la charte.

n (12 h 40)n

M. Mulcair: Alors, moi, je vais me permettre de vous dire que, nous, on a fait une étude juridique. Et, par ailleurs, juste à titre anecdotique, parce que parfois ça illustre un peu... parce que c'est humain, tout ça, après tout, puis peut-être avec... Le sourire que j'ai en coin ne sera pas dans la transcription, mais il est là. Quand j'ai vu ça dans ce même article, moi, je suis avocat, je suis allé voir mon chef de cabinet à l'époque qui était aussi avocat, et j'ai dit: Alain, ça ne marche pas, je m'explique mal comment Yergeau peut dire ça. Aurais-tu la gentillesse de l'appeler? Alors, il l'appelle. Puis, voici presque mot à mot le compte rendu de mon chef de cabinet, Alain Gaul, après cette conversation avec Michel Yergeau. Il lui a demandé: Est-ce que c'est vrai que vous avez dit ça ou vous avez été mal cité? Ce à quoi... Je ne connais pas Me Yergeau, mais, de toute évidence, il a un bon sens de l'humour, parce que sa réponse était la suivante: Je ne peux même pas vous dire que j'ai été mal cité parce qu'il n'en a jamais été question.

Alors, moi, je peux vous dire que l'analyse juridique que nous faisons est la suivante: que le nouveau droit vise toutes les mesures à portée environnementale. J'ai fait une énumération tantôt, lorsque j'ai parlé avec mon collègue le député de Lac-Saint-Jean, je vous réfère aux transcriptions, je ne la reprendrai pas au complet, mais il y a un ensemble de lois et règlements qui seront dorénavant visés, pas juste ce qui est visé à l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui est dans la présente loi, donc c'est juste cette loi-là.

Deuxièmement, le droit pourrait être invoqué plus facilement par des groupements parce que ce sont seulement des personnes physiques qui étaient visées à l'heure actuelle avec ce qui était à 19.1, donc on est très loin d'une règle d'interprétation. Le droit proposé joint à l'article 49 de la Charte ouvrirait la porte à des recours permettant d'obtenir le versement de certains dommages compensatoires et punitifs en cas de violation des droits et règlements protégeant l'environnement, alors que les articles de 19.1 et suivants ne visent essentiellement qu'à faciliter les recours en injonction. Et finalement, étant libellé en termes généraux comme les autres droits fondamentaux, ce droit pourrait suivre l'évolution de la société plutôt qu'être lié au contexte interprétatif plus limité d'une loi statutaire particulière comme la Loi sur la qualité de l'environnement.

Dans un ouvrage intitulé Unnatural Law, l'équipe de David Boyd, de l'Université Victoria, à la fin de 2003, a fait une constatation majeure qu'à travers le Canada, ce n'est pas tellement qu'il nous manque des lois et règlements environnementaux, il nous manque la volonté politique de les appliquer. Le «hallmark», la marque définitive de notre Administration, c'est l'application rigoureuse des droits d'une manière égale à tout le monde. Ce qui est visé par ce nouveau droit, c'est un outil de plus dans le coffre à outils des groupes et des individus qui veulent s'assurer que la situation qui a donné lieu à un niveau de cyanobactéries dans la baie Missisquoi tellement élevé qu'un chien qui buvait cette eau-là mourait ? ce sont des réels cas ? que ça ne se reproduise jamais plus, qu'il y ait des manières de forcer les gouvernements à ne plus jamais faire ce que le Parti québécois a fait lorsqu'il a éliminé l'équipe de procureurs spécialisés en environnement au sein du ministère. C'est ça que j'avais quand je suis arrivé; on a reconstitué une équipe.

Alors, voilà pourquoi on avait besoin de cet outil-là, puis je trouve ça dommage qu'une analyse aussi réductrice essaie d'enlever toute l'importance de ce qu'on est en train de faire là, parce que vous savez quoi? On est une de seulement deux juridictions au monde qui hissent à un niveau constitutionnel ou quasi constitutionnel ce genre de loi pour l'instant. Mais, si je regarde les travaux qui se font, il y en a beaucoup d'autres qui vont nous suivre, mais on est vraiment des précurseurs là-dedans, et j'aimerais que vous essayiez de nous donner le crédit à cet égard-là.

Le Président (M. Pinard): Vos commentaires, madame?

Mme Gendron (Corinne): Bien, écoutez, comme je le disais, moi, j'ai entendu Me Yergeau; manifestement j'ai dû mal entendre. Mais, de toute façon, nous ne critiquons pas ? c'est ce que j'ai mentionné ? nous ne critiquons pas en tant que tel. Nous avons eu des interrogations. Si vous avez fait des études juridiques pour vérifier l'implication de la formulation actuelle qui mentionne «dans la limite prévue par la loi», écoutez, j'en prendrai connaissance avec grand intérêt. Mais non, je n'ai pas plus de commentaires que ça. Simplement de réitérer que ce n'est pas une critique, c'est une interrogation que nous avons faite dans le mémoire.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Mulcair: Il faut comprendre que la loi comprend toutes les lois, et d'un. Et de deux, je refais référence à l'étude de Boyd: ce qui est visé, c'est de donner un outil pour forcer les gouvernements... c'est parce que ce sont les législateurs... On entend souvent le gouvernement adopter telle ou telle loi, c'est une erreur fondamentale, ce ne sont pas les gouvernements qui adoptent les lois, ce sont les Parlements. Une fois que le Parlement fait son travail, c'est à l'Exécutif, au gouvernement, d'exécuter, d'appliquer ? en anglais, «to enforce» ? la loi. C'est ça qui manque cruellement bien souvent en environnement, et ça, ça va donner un point aux gens pour veiller à l'application rigoureuse des lois environnementales pour qu'on ne revive pas ce qu'on vivait. C'est ça qui est visé là-dedans et c'est ça, l'effet que ça va produire.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Alors, merci, M. le Président. Alors, moi, j'ai bien aimé... Au fait, bonjour à tous. J'ai bien aimé votre recherche au niveau de la définition et comment vous avez finalement décodé, à travers les 16 principes qui sont énoncés dans la loi, l'impact de l'environnement.

Alors, le groupe précédent nous disait qu'il y avait huit des principes qui touchaient l'environnement de façon particulière, puis, vous, vous l'avez de façon hiérarchisée en faisant en sorte que, je dirais, le fond de scène, c'est l'environnement avec les différents principes qui s'appliquent au niveau du développement économique pour évidemment une meilleure vie. Alors, j'ai apprécié, dans votre présentation, cet aspect-là.

Je m'interroge par contre sur le 16e principe que vous avez relevé à propos de l'internalisation des coûts et du fait qu'on doit considérer un environnement macroécologique. Alors, j'imagine que vous anticipez des difficultés à ce niveau-là, première question.

Et deuxième question. Évidemment, moi aussi, je suis interpellé un petit peu par rapport aux coûts et... Parce que vous avez dit, d'entrée de jeu, qu'on parlait d'un changement de mentalité. Un changement de mentalité puis faire référence à des coûts, ça m'interpelle un petit peu. Moi, j'ai toujours pensé que notre réseau de l'éducation, dont vous faites partie, était comme l'acteur principal de ces changements de mentalité là. Alors, je ne vois pas... Je veux dire, je ne vois pas comment on ne pourrait pas utiliser soit le réseau des CPE, soit le réseau scolaire ? primaire et secondaire, collégial et universitaire ? pour apporter ces changements, ces modifications-là de mentalité, qui est évidemment sous-jacent, là, au développement durable éventuel et futur.

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme Gendron.

Mme Gendron (Corinne): Je m'excuse, je n'ai pas très bien saisi votre question sur l'internalisation des coûts.

M. Soucy: La référence, dans votre définition, des aspects macroécologiques dont on devait tenir compte. Alors, si on doit internaliser les coûts à partir du principe 16, comment est-ce possible d'internaliser les coûts sur des choses qu'on ne contrôle pas tout à fait?

Mme Gendron (Corinne): Bien, écoutez, la question de l'internalisation des coûts, c'est probablement une des questions les plus difficiles à mettre en oeuvre, sur deux plans. Premier plan, le calcul du coût, parce que monétiser les problématiques environnementales, c'est très difficile et ça peut être contesté de toute façon, et surtout qu'habituellement on utilise comme mécanisme le consentement à payer, ce qui est très, très contesté dans les méthodologies économistes.

D'autre part, c'est sur l'implantation d'une stratégie d'internalisation des coûts, parce que, l'internalisation des coûts, ça suppose que les acteurs économiques supportent des coûts plus importants. Or, habituellement, une des stratégies de rentabilité, c'est d'externaliser les coûts, ce qui a été bien démontré par l'économiste Kapp il y a déjà plusieurs dizaines d'années.

En ce qui concerne votre question sur l'éducation, je suis tout à fait d'accord avec vous que le changement de mentalité se fait à l'échelle de la société, oui, dans d'autres lieux que celui-ci. Mais ici on parle... le projet de loi parle de l'administration publique, et ce à quoi nous faisions référence, c'est un changement de mentalité, c'est-à-dire une prise en compte d'une nouvelle dimension et d'une nouvelle perspective du développement à l'intérieur de l'administration publique. C'est à cette échelle-là.

M. Soucy: O.K. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, un dernier intervenant? Alors, M. le critique officiel de l'opposition.

n (12 h 50)n

M. Tremblay: Oui, M. le Président. Le ministre a fait mention d'une étude juridique relativement à la Charte des droits, pour l'introduction du droit à l'environnement dans la Charte des droits. Je me demandais si ce n'était pas possible que la commission puisse en avoir... en prendre connaissance. C'est une obligation même, que mon collègue de Masson dit.

Alors, bienvenue à la commission, merci beaucoup. Votre mémoire est vraiment intéressant et très consistant. J'aimerais m'attarder sur votre recommandation n° 6 quant à l'élément de considération... Finalement, quand vous dites: «Le plan de développement durable devrait reposer sur une définition tripolaire hiérarchisée», c'est qu'en fin de compte, si je comprends bien, hein, quand on prend le projet de loi, il dit que l'Administration, dans le cadre de ses différentes actions, prend notamment en considération les principes suivants. Donc, il prend en considération les principes, mais si, par exemple, on va au 11e principe, respect de la capacité des supports des écosystèmes, est-ce que vous voulez dire qu'il y aurait des éléments dans les principes du projet de loi qui devraient être pris en considération et que d'autres principes devraient être obligatoires? Donc, quels sont ceux, parmi les principes, qui devraient être obligatoires et quels sont ceux qu'on devrait considérer, si on peut dire?

Le Président (M. Pinard): Mme Gendron.

Mme Gendron (Corinne): Oui, bien, écoutez, je pense que l'idée d'obligatoire et de prendre en considération est une façon de voir les choses, mais dans notre esprit, c'était plutôt de voir, par exemple, l'intégrité de l'environnement comme une condition à tout le reste, les autres principes n'étant pas nécessairement non obligatoires, mais c'est que simplement ils ont un statut d'objectif ou un statut de moyen, alors que, pour nous, l'intégrité de l'environnement, c'est une condition. Donc, on ne pourra rien faire si à tout le moins les régulations écologiques ne sont pas préservées. Je pense, par exemple, aux changements du climat. Il est évident qu'à partir du moment où vous avez des perturbations extrêmement importantes au niveau du climat, vous allez avoir de la difficulté à atteindre les objectifs sociaux que vous vous serez fixés en matière, par exemple, de hausse de la qualité de vie, par exemple.

M. Tremblay: Donc, le projet de loi actuellement, qui dit qu'il faut prendre en considération les aspects environnementaux est insuffisant. Il faut les rendre obligatoires. Et je ne sais pas si vous connaissez assez le projet de loi pour nous suggérer peut-être des amendements ou... Mais de quelle façon ? puis peut-être, si vous ne me répondez pas aujourd'hui, vous pourrez nous rappeler ou nous envoyer vos suggestions à la commission... mais de quelle façon justement pourrait-on bonifier le projet de loi pour que votre considération soit... pas prise en compte, mais qu'elle soit un fait, finalement? Donc, il faudra nécessairement avoir un amendement à votre sens pour que le projet de loi soit vraiment du développement durable comme vous l'avez dit, puisque le développement durable n'est pas juste une considération des trois éléments, mais il faut que l'environnement soit quelque chose de respecté et de façon obligatoire.

Mme Gendron (Corinne): C'est vrai qu'à l'heure actuelle notre recommandation était surtout à l'effet d'inviter à rerédiger les principes en reflétant cette hiérarchisation des pôles, mais nous pourrions effectivement nous rasseoir pour regarder à quoi ça pourrait ressembler.

M. Tremblay: Bien, j'apprécierais, parce que, si on met une hiérarchie... j'ai de la difficulté à comprendre comment, si, en haut de la loi, il est écrit que... «prend notamment en considération les principes suivants» et quand bien même on met une hiérarchie, si on ne fait que les prendre en considération, tu sais, c'est quoi, le pouvoir que ça a? Alors que, si certains éléments sont obligatoires et que d'autres sont considérés... Comme, par exemple, la protection des patrimoines culturels n'a certainement à votre sens autant de poids que le respect de la capacité des supports des écosystèmes. Donc, ça, par votre signe de tête, je vois que vous comprenez ce que je veux dire, donc, moi, j'essaie de voir, là, dans quelle mesure on peut bonifier le projet de loi dans ce sens-là.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le critique officiel. Alors, M. le député de Masson.

M. Thériault: M. le Président, tout à l'heure je reviendrai sur le fait que... Par souci de transparence, là. Parce que mon collègue du Lac-Saint-Jean a soulevé le fait que le ministre nous avait parlé d'une étude, là. Je sais que, selon le règlement... Moi, je pense qu'il a cité quelque chose tout à l'heure, là, et je ne sais pas si c'était l'étude dont il parlait, mais en tout cas, le document qu'il a cité, j'aimerais au moins qu'il soit déposé, qu'on puisse, nous aussi, voir les réponses qu'il y a là-dedans. Mais il a parlé d'une étude qui avait été faite particulièrement. Alors, moi, par souci de transparence, j'aimerais ça qu'il puisse nous la donner, la déposer qu'on puisse aussi en prendre connaissance, là, et que ce soit public, tout ça. Première remarque.

Peut-être une... Au niveau du commissaire, il est prévu qu'il soit nommé. Est-ce que vous considérez qu'il serait intéressant que ce commissaire soit, puisqu'il doit être indépendant, nommé par l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Pinard): Mme Gendron.

Mme Gendron (Corinne): Effectivement, c'est une des recommandations que nous faisions. Nous avions l'impression qu'il aurait une indépendance accrue.

M. Thériault: Vous avez parlé d'une structure tripartite, tout à l'heure. Est-ce que vous l'avez davantage creusé? Parce que ça m'apparaît être quand même quelque chose d'un peu complexe à réaliser, là. Est-ce que vous avez réfléchi davantage? Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus là-dessus ou nous situer?

Mme Gendron (Corinne): J'ai mentionné, dans ma présentation, qu'effectivement c'était une réflexion, c'était encore au stade de réflexion. Donc, je ne pourrais pas vous en dire beaucoup plus, si ce n'est que je pense qu'il y aurait de grands avantages à prévoir cette espèce de structure pour des dialogues entre le ministère à vocation environnementale, le ministère à vocation sociale et le ministère à vocation économique pour penser des stratégies de développement durable à l'échelle de l'administration publique.

Maintenant, effectivement, quelle forme ça prend concrètement? Encore là, il faudrait qu'on se rassoie, mais on le fera avec plaisir.

M. Thériault: Certains groupes situaient la responsabilité ultime autour du premier ministre, d'autres au niveau du ministre de l'Environnement. Il y a des gens qui nous ont dit: Bien, c'est correct que ce soit le ministre du Développement durable qui ait cette responsabilité-là plutôt que le premier ministre. Est-ce que, si c'était, par exemple, le premier ministre, ça créerait davantage... ça irait davantage dans le sens de créer une préoccupation tripartite? Le premier ministre, en quelque part il se divise en 26, il y a 26 ministères. Bref, il chapeaute. C'est le plus haut niveau décisionnel de l'Exécutif. Bien sûr, il a beaucoup, il a beaucoup de choses à faire. Mais, si ça devenait comme, en quelque part, celui qui a... parce que c'est très vertical, n'est-ce pas... horizontal, le développement durable, est-ce que vous pensez que ce serait quelque chose de plus praticable, dans un premier temps, ou...

Mme Gendron (Corinne): Bien, c'est ce que nous recommandons en fait, que cette espèce de structure éventuelle soit rattachée directement au bureau du premier ministre. Et effectivement c'était... ça faisait partie de mon interprétation d'ISO pour dire que, dans la mesure où cette responsabilité-là n'est pas rattachée au premier ministre, à mon avis ça ne répond pas aux exigences d'ISO qui supposent que la responsabilité de l'environnement et du développement durable soit rattachée au plus haut niveau. Alors, pour moi, le plus haut niveau, c'est le premier ministre, et donc c'est à ce niveau-là que ça devrait être rattaché, effectivement.

Maintenant, comme je vous le mentionnais, la structure tricéphale, il faudrait qu'on y repense un peu plus. C'était au stade de la réflexion pour l'instant.

M. Thériault: Vous pourriez revenir nous voir éventuellement ou nous envoyer...

Mme Gendron (Corinne): Avec plaisir.

M. Thériault: ...l'état de votre réflexion. Ça nous ferait plaisir.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Moi, je vais y aller plutôt sur le volet économie, parce que vous parlez que, si le gouvernement ne remet pas de nouveaux fonds, on n'avancera pas. Mais, moi, je pense qu'en allant vers le développement durable, ce n'est pas toujours... ça ne nous coûte pas nécessairement plus cher. Si on fait du développement durable, souvent on va sauver de l'argent. Il y a beaucoup de façons... Puis j'imagine qu'à l'UQAM, là, avec les étudiants, vous devez avoir étudié beaucoup de façons qu'on pourrait fonctionner qui nous coûteraient beaucoup moins cher puis automatiquement, là, pollueraient moins. Si on prend juste, quand on s'en va en automobile, au lieu de s'en aller à 130, si on s'en va à 100 km, on brûle moins d'essence, alors on pollue moins. Vous voyez, aujourd'hui, ils ont sorti toutes sortes de systèmes de chauffage, que ce soient des systèmes de chauffage à l'huile ou au bois ou les systèmes très performants qui vont brûler la matière à 95 %, 98 %. Avant, c'était peut-être à 70 %, 75 %. Alors, on va avoir le même rendement, puis ça va coûter beaucoup moins cher.

n (13 heures)n

Il y a beaucoup de petites choses. Moi, je pense que, ma vue du développement durable, c'est peut-être... C'est sûr qu'il y a des grands projets, mais il y a beaucoup de petites choses qu'on pourrait faire à tous les jours, qui sont bien insignifiantes, qui coûteraient moins cher. Et puis j'imagine que la question que j'aimerais entendre: Est-ce que vous avez déjà regardé, dans les autres pays européens où ils sont peut-être plus avancés que nous, dans certains pays, de quelle manière ils font du développement durable? Est-ce que vous avez eu des études là-dessus?

Le Président (M. Pinard): Alors, madame.

Mme Gendron (Corinne): Oui. Alors, au sujet des coûts rattachés au développement durable, vous avez tout à fait raison, il y a beaucoup de mesures qui sont à la fois environnementales et économiques. Donc, par exemple, l'efficacité énergétique, c'est un des meilleurs exemples. Si vous prenez des mesures d'efficacité énergétique, vous allez à la fois préserver l'environnement et en même temps vous allez économiser.

Maintenant, ce n'est pas le cas toujours. Par exemple, si vous avez un procédé industriel donné et que vous devez ajouter un filtre, bien ça vous coûte de l'argent. Si vous devez réorienter une activité économique, vous devrez nécessairement faire de gros investissements. Par exemple, si vous voulez passer d'une économie basée sur les ressources primaires et vous voulez diriger votre société vers une économie dématérialisée, ce qui est la stratégie actuelle de la plupart des pays de l'OCDE, ça nécessite d'importants investissements en matière d'éducation, en matière de recherche, etc.

Donc, il y a une grande partie, il est vrai, de mesures environnementales qui sont économiquement intéressantes. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il y a tout un volet de la préservation de l'environnement et de la gestion environnementale qui est pris en charge de façon proactive par les entreprises parce que les entreprises y trouvent leur compte. Malheureusement, il y a aussi des dimensions de la protection de l'environnement qui coûtent de l'argent et qui ne sont pas rentables économiquement pour la bonne et simple raison que le système économique actuel n'est pas construit en fonction de certains coûts qui sont externalisés par les entreprises.

Alors, ça ne coûte rien... Enfin, ça coûte très peu encore, pour le moment, à une entreprise de polluer une rivière, et la charge pour elle, à l'intérieur de la fiscalité municipale, par exemple, est beaucoup moindre que le coût qu'elle engendre. Et, si on doit faire resupporter le coût par l'entreprise, donc on revient au principe d'internalisation des coûts, ça coûte cher parce qu'il faut modifier le procédé.

C'est sûr que, si l'entreprise profite de cette occasion-là pour moderniser son équipement... C'est souvent ce qui se passe. Quand une entreprise est appelée à prendre... à adopter de nouvelles technologies environnementales, souvent elle fait ça en même temps qu'un processus de modernisation de son processus de production et elle va jumeler les deux. À ce moment-là, ça devient intéressant, mais ça nécessite quand même des investissements importants, et, ne serait-ce qu'au niveau du coût en capital, ce sont des coûts.

M. Grondin: J'ai-tu encore une minute?

Le Président (M. Pinard): Ah! je vous la laisse.

M. Grondin: Bon. O.K. Mais, écoutez, vous me faites penser à quelque chose: Ça arrive souvent, là, c'est malheureux, mais on voit des industries ici, des fois, qui ne sont pas capables de supporter les investissements pour se qualifier à l'Environnement. Alors, souvent, elles baissent les bras. Puis, nous, comme population, on se revire de bord puis on achète les produits d'un autre pays qui ne respecte aucune norme environnementale.

Mais, en fin de compte, un jour ou l'autre, si la Chine pollue, on va l'avoir sur la tête, nous autres aussi. On achète ces produits-là, puis nos industries ont de la misère à... C'est toute une question... C'est sûr que c'est international, là, mais c'est une question à se poser, comme citoyen. Moi, la chose que j'avais déjà pensé...

Le Président (M. Pinard): Rapidement. Rapidement, M. le député.

M. Grondin: Est-ce qu'on ne pourrait pas, à un moment donné, mettre un lien? Quelqu'un qui produit un produit a le lien jusqu'à la fin de son produit. Il doit aller jusqu'à l'enfouissement ou le recyclage. Il devrait avoir un lien tout le long. Est-ce que vous pensez que c'est possible?

Mme Gendron (Corinne): C'est non seulement possible, ça a été tenté. En Allemagne, il y a eu une législation où on a voulu imposer aux producteurs la charge de la disposition du produit en fin de vie. La législation était peut-être un peu trop d'avant-garde à l'époque, et le gouvernement n'a pas été capable de la maintenir. Maintenant, il y a de nouvelles législations, à l'échelle européenne, qui imposent ce type de charge aux producteurs, qui sont en train d'être mises en place.

Je suis contente aussi que vous mentionniez l'exemple de la Chine, parce que de toute façon la Chine se rend compte que ça lui coûte, à elle-même, à sa population, notamment en coûts de santé, de ne pas s'être occupée d'environnement. Donc, il y a actuellement toute une conscientisation de la Chine, non seulement par les nations partenaires, mais carrément par le gouvernement lui-même qui se rend compte que finalement il a des coûts qui sont associés à sa non-gestion de l'environnement.

Le Président (M. Pinard): Merci, madame. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Une des choses qui est la plus importante pour nous dans cette démarche, c'est la participation du public à toutes les étapes. Donc, on a commencé avec un avant-projet de loi, on est rendu avec un projet de loi, mais il y a aussi des étapes, par exemple, pour élaborer les critères de développement, les indicateurs de développement durable. Est-ce que vous avez des suggestions pour nous quant à la forme que cette consultation pourrait prendre?

Mme Gendron (Corinne): À chaud comme ça ? ou à froid, je ne sais pas comment on le dit ? non, mais on pourrait y penser.

M. Mulcair: Parce que je me permets de vous référer à la présentation de la semaine dernière. Ça va être disponible, si ce ne l'est pas déjà, bientôt sur Internet dans les transcriptions de la commission... d'avant-hier?

Une voix: D'avant-hier.

M. Mulcair: D'avant-hier. C'était le Centre québécois du développement durable, finalement, qui était ici, puis, eux, ils nous ont envoyé un petit plus du côté du BAPE. Je crois que les conseils régionaux en environnement aussi nous envoyaient de ce côté-là. En tout cas, il y a différentes possibilités et modèles.

Pour mon collègue, je vais regarder, parce que, moi, j'ai un vif souvenir d'avoir été déjà dans sa place, dans exactement la même chaise. Et, en Chambre, je me souviens de m'être fait répondre par le sous-ministre en titre, à l'époque, à la Justice, que les avis juridiques... parce que, même si je bénéficie des extraordinaires conseils des avocats qui travaillent avec nous au ministère, ce sont des employés du ministère du Procureur général. Alors, les avis juridiques, je me suis déjà fait répondre par Me Bouchard, si ma mémoire est bonne, Michel Bouchard, qui était le sous-ministre en titre à la Justice, à l'époque, à plusieurs reprises par Paul Bégin, qui était le ministre, qu'on n'avait pas le droit de les rendre publics, les avis juridiques du gouvernement. Mais je vais vérifier, puis je vous reviendrai là-dessus. Je veux confirmer ou infirmer ce que je viens de lui dire là.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Merci, Mme Gendron, merci aux membres de votre équipe qui se sont déplacés pour rencontrer la commission. Ça a été vraiment très fructueux. Alors, je suspends quelques secondes.

(Fin de la séance à 13 h 8)


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