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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Tuesday, October 5, 2004 - Vol. 38 N° 30

Consultation générale sur le projet de loi n° 44 - Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Dubuc): On pourrait débuter. À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à tous les membres de la commission ainsi qu'au public de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pendant la séance.

Le mandat de la commission est de procéder à des audiences publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement et sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions.

Je demande au secrétaire d'annoncer s'il y a des remplaçants.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) est remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M. Jutras (Drummond).

Auditions (suite)

Le Président (M. Dubuc): Merci. Le temps alloué, à ce moment-là, on a trois blocs. C'est des blocs de 60 minutes, vous avez des blocs de 20 minutes chacun. Vous avez la parole pour 20 minutes, le gouvernement a 20 minutes et l'opposition a 20 minutes.

Je demanderais au responsable de la ville de se présenter et ainsi de présenter vos invités.

Ville de Montréal

M. DeSousa (Alan): Bonjour, M. le Président. Au nom du maire de Montréal, Gérald Tremblay, puis des membres du comité exécutif, je remercie les membres de la commission ainsi que le ministre de nous offrir la possibilité d'exprimer nos commentaires sur le projet de loi n° 44.

Je suis accompagné par M. Bernard Séguin, qui est à ma droite. Il est chef de la division Planification et suivi environnemental à la Direction de l'environnement, à la ville de Montréal; à gauche, M. Jean-René Marchand, mon attaché politique; et Alan DeSousa, membre du comité exécutif de la ville Montréal, responsable aux développement durable et développement économique.

Donc, je présume que vous avez eu le temps pour lire notre bref mémoire et je me limiterai donc à souligner juste les points essentiels. Suite à ça, je suis prêt à répondre à des questions.

Autrefois, on déléguait à la Communauté urbaine de Montréal les compétences en matière d'assainissement de l'air et le contrôle du rejet des eaux usées. Les autres matières sont, depuis la fusion municipale, confiées à la Communauté métropolitaine de Montréal, laquelle délègue à son tour à la ville de Montréal l'application des règlements existants en la matière. En effet, Montréal est un cas particulier en ce qui concerne le contrôle de la pollution industrielle. À la suite d'ententes de délégation entre le ministère de l'Environnement et l'ex-Communauté urbaine, le personnel de la ville intervient dans une façon exclusive sur tous les aspects de l'assainissement de l'air et de l'eau sur l'île de Montréal, ce qui n'est pas le cas pour les autres municipalités du Québec.

Le programme de contrôle à la source de la pollution de l'air et des eaux usées existe sur le territoire de l'île de Montréal depuis le début des années soixante-dix. Presque 400 industries détiennent les permis pour les rejets d'eaux usées et 250, pour les émissions dans l'atmosphère. Toutes font l'objet de contrôles réguliers. L'application de ce programme de contrôle coûte 5 millions à la ville, et son financement repose principalement sur les épaules des contribuables.

Une partie du financement provient d'une subvention versée par le gouvernement à la Communauté métropolitaine mais seulement pour l'assainissement de l'air. Toutefois, le montant de cette subvention a subi une baisse marquée au fil du temps. En effet, alors que la Communauté urbaine recevait, en 1981, du gouvernement la totalité des sommes requises pour lui permettre de s'acquitter de ses responsabilités en matière de l'assainissement de l'air, soit 3,2 millions, la somme versée aujourd'hui à la Communauté métropolitaine, c'est 1,7 million, dont 1,6 est transféré à la ville de Montréal. Pourtant, le territoire couvert par la réglementation est toujours le même, soit l'île de Montréal, et les besoins en surveillance et contrôle n'ont pas diminué.

Je précise aussi qu'il existe depuis 1998 une tarification ciblant les entreprises qui déversent de très grands volumes d'eaux usées, et cette tarification vise à faire en sorte que les entreprises paient une plus juste part des frais supplémentaires de traitement qu'elles occasionnent à la station d'épuration des eaux usées de la ville. Mais il n'existe pas de tarification pour financer adéquatement le contrôle à la source de la pollution de l'air et des eaux usées. C'est pourquoi la ville de Montréal appuie la démarche du ministre de l'Environnement du Québec visant à tarifer les mesures de contrôle et de surveillance en environnement, qu'il gère partout d'ailleurs au Québec. Nous pensons qu'une tarification semblable adaptée aux besoins de la région de Montréal doit exister sur le territoire de la Communauté métropolitaine.

Le 29 septembre dernier, le quotidien La Presse rapportait les paroles du ministre de l'Environnement qui disait, au sujet de la même demande que la nôtre mais formulée par la Communauté métropolitaine, et je cite: «C'est nous qui assumons le fardeau et c'est à nous d'aller chercher ces sommes parce que ça correspond à un service rendu.» Eh bien, c'est la même situation qui prévaut pour la ville de Montréal; c'est à la ville qu'il incombe à faire des inspections et des contrôles, et cela nous coûte 5 millions par année. Nous aussi devons supporter les coûts importants à cause des activités de certaines industries qui occasionnent une charge de travail importante en termes d'inspection et d'intervention.

La ville de Montréal avait déjà entrepris, il y a quelques années, de préparer un projet pour tarifer ces activités reliées à l'assainissement de l'eau, et des eaux usées, et de l'air. On visait alors à financer des activités de contrôle par une tarification distincte associée aux permis et approbations émis aux personnes visées, pour la plupart constituées des entreprises moyennes ou majeures. Cette tarification obligerait le pollueur potentiel à intégrer des coûts de contrôle à la source qu'il occasionne, lesquels sont autrement assumés par l'organisme de contrôle, soit la ville, dans notre cas. Faire participer les industries aux coûts qu'elles engendrent et qui sont actuellement assumés en grande partie par les citoyens constitue, en plus d'apporter des revenus essentiels à la continuité du travail, un moyen d'inciter des entreprises à corriger les problèmes. La mise en oeuvre de cette tarification, qui était alors considérée uniquement pour Montréal, pourrait générer ultimement, et une fois pleinement déployée, des recettes d'environ 3 millions de dollars par année sur la base des budgets actuels. Cette somme est actuellement assumée par la ville.

Je pense que la ville de Montréal, en appliquant des contrôles sur la qualité de l'air et des eaux usées, fait le même travail que celui accompli par le ministère de l'Environnement ailleurs au Québec. La subvention qui nous est versée par l'intermédiaire de la Communauté métropolitaine ne couvre pas le tiers de nos dépenses. La ville doit disposer, en plus que cette subvention, d'autres sources de financement pour s'acquitter de sa tâche, et l'avenue de tarification que le ministre de l'Environnement propose pour lui-même dans le projet de loi n° 44 nous semble une solution intéressante. Je vous remercie pour votre attention, puis on est prêts de répondre à vos questions.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci. M. le Président. Dans un premier temps, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Séguin, M. Marchand ainsi qu'à Alan DeSousa, qui est un ami de longue date et une personne pour qui j'ai énormément d'admiration dans le travail qu'il effectue en ce moment à la CMM et à la ville. Comme vous savez, l'environnement est un dossier vaste qui touche à beaucoup dans l'organisation d'un État comme le Québec mais aussi dans l'organisation d'une très grande ville comme Montréal. Et je pense que M. DeSousa constitue un modèle pour tout ce qu'il y a de mieux dans la gestion de cet important dossier là, et je pense notamment aux pas importants qui ont été franchis dernièrement en ce qui concerne la tarification de l'eau, en commençant par l'industriel, le commercial et l'institutionnel. Et c'est le reflet de l'obligation de mettre en application la théorie d'utilisateur-payeur, car comment peut-on faire utilisateur-payeur si on ne sait pas combien on a utilisé? C'est un peu l'enfance de l'art.

n (9 h 40) n

Mais l'opposition péquiste a l'air d'avoir beaucoup, beaucoup de mal avec ça et avec le projet de loi. Ils s'en défendent bien; ils essaient de patiner un petit peu en marche arrière. Ils disent qu'ils ne sont pas vraiment contre le pollueur-payeur. Ils en ont contre le bout qu'ils appellent l'utilisateur-payeur. Puis on a vu une sorte de valse-hésitation, depuis les deux dernières journées où on était en commission parlementaire, où on voit vraiment la distinction des générations: la vieille garde qu'incarne le député de Drummond, qui est en train de nous dire: Non, non, on n'en veut pas; les jeunes du Parti québécois qu'incarnent le député de Berthier, le député de Saint-Jean, le député de Joliette qui, eux, disent que... Ils sont même prêts à passer pour des apostasiés, parce qu'ils sont en train de nous dire que peut-être même l'environnement est plus important que le séparatisme. Et ça, de toute évidence, là, le député de Drummond connaît ses priorités, parce que, lui, il est en train de nous dire qu'il ne veut rien savoir d'utilisateur-payeur ou de pollueur-payeur, et ce, malgré ce que dit l'OCDE en date de la semaine dernière.

M. Jutras: ...question de règlement. Si le ministre veut rapporter mes paroles, je voudrais qu'il les rapporte correctement. Je n'ai jamais dit, M. le Président, que j'étais contre le principe du pollueur-payeur. Je n'ai jamais dit ça. Alors, si le ministre veut rapporter mes paroles, qu'il les rapporte correctement.

Quant au principe d'utilisateur-payeur, ce que j'ai dit: Nous sommes prêts à en discuter, mais, de la façon que c'est fait dans ce projet de loi là, c'est ça qui n'a pas de sens parce que c'est «at large», sans balises, sans limites, on ne sait pas où ça s'en va. C'est ça que j'ai dit.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: Je tiens à remercier le député de Drummond de prouver ce que j'étais en train de dire. C'est toujours un pas en avant, deux pas en arrière: Oui, oui, je suis pour le principe; non, non, je ne suis pas pour sa mise en application. C'est ce que vous faites depuis le début, dans l'opposition, avec ce projet de loi là.

J'ai déjà eu l'occasion de dire que j'allais avoir un esprit très ouvert avec toute modification constructive qui pourrait être faite. Un des chevaux de bataille était la suggestion que peut-être il faudrait mettre dans la loi le fait même que ça va être un fonds dédié. Nous, on expliquait la démarche qui était visée, qui était un fonds vert dans le plan vert. Mais, si ça peut rassurer l'opposition, on est plus que prêts à regarder ça. Il y avait d'autres suggestions très concrètes qui sont venues de certains groupes, on n'a pas de problème avec ça non plus.

Mais, à la fin de la journée, le député de Drummond va être obligé de vivre avec les conséquences de ses contradictions. Il ne peut plus essayer de convaincre le public qu'il est pour un principe de pollueur-payeur puis constamment parler contre le projet de loi. Tôt ou tard, le projet de loi va être en Chambre, puis là vous allez être obligés de voter. Et là on va voir si vous êtes pour ou contre le principe. Parce que, pour ma part, j'annonce tout de suite mes couleurs. Moi, dans un domaine comme celui-là, il n'est pas question, pour moi, d'aller avec un projet de loi qui serait imposé par bâillon. Pas question. Il faut que ce soit l'objet d'un consensus dans la société. Et je pense que le public va être à même de juger l'inaction du Parti québécois. Moi, je vis avec les résultats de neuf ans d'annonces en environnement par le Parti québécois et zéro action. Nous, ce qu'on est en train de faire aujourd'hui, c'est quelque chose de concret, et je suis très content d'entendre les gens de la ville de Montréal nous soutenir dans notre démarche.

Pour ce qui est de la partie qui revient à la ville de Montréal, vous soulevez un très, très bon point, M. DeSousa. Et je tiens à vous dire qu'il y a des parties de cette démarche-là qui relèveraient invariablement de mon collègue le ministre responsable des Affaires municipales, Sport et Loisir, M. Fournier, mais je vais lui en parler. Je vais lui demander de m'aider et je vous promets de vous revenir là-dessus, quitte à ce que ça soit par écrit. Mais je trouve que c'est plein de bon sens qu'on regarde, si vous avez des obligations additionnelles, que vous ayez peut-être des pouvoirs additionnels d'aller chercher ça. Je ne peux pas être en désaccord avec ça, c'est plein de bon sens. Puis c'est à multiples niveaux, mais je vais en parler avec M. Fournier et je vous reviens là-dessus sans faute au cours des prochaines semaines puis avant qu'on commence l'article par article, parce que je ne peux pas vous répondre, à vous, ici, aujourd'hui, n'ayant pas eu l'occasion de l'approfondir avec lui.

Mais fort de votre appui à cet important principe puis aux actions... parce qu'en anglais on dit: Actions speak louder than words. Ville de Montréal, CMM, fait dans l'action. Vous êtes en train d'appliquer et de mettre en vigueur des principes qui sont souvent discutés; vous méritez notre appui en retour et vous allez l'avoir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le ministre. M. le député de... Vimont, c'est bien ça? Masson, excusez-moi. Je retire mes paroles. M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Merci, M. le Président. Je pensais tout à coup que j'étais passé de l'autre côté. Écoutez, M. le Président, je pense que le naturel revient au galop. J'ai fait une mise en garde au ministre en tout respect à l'ouverture de ces audiences. Il y a des gens qui se déplacent et qui sont venus à des consultations générales, et là, tout à coup, pendant cinq à six minutes, on assiste au théâtre de ce qui devrait se passer, l'acte II, l'acte III peut-être. C'est une pièce en cinq actes, j'ai l'impression, et article par article... Avant même qu'on commence à discuter entre nous article par article, moi, je voudrais qu'on puisse respecter les gens qui se déplacent et qui viennent nous entretenir parce que...

Et là je m'excuse, mais le ministre tout à coup nous dit ce qu'on essaie de lui faire dire depuis le début des auditions. On lui dit que son projet de loi ne dit pas ce que lui veut faire avec ses intentions réglementaires. Or, aujourd'hui, si j'ai compris ce qu'il vient de nous dire, il nous dit finalement qu'il est d'accord avec le principe de l'utilisateur-payeur, parce que c'est vraiment ce principe-là sur lequel vous basez votre intervention quand vous dites que vous êtes d'accord avec le projet de loi tel que libellé actuellement, dont le Barreau du Québec a dit qu'il devait être modifié pour correspondre aux intentions du ministre. Alors, je pensais qu'on était dans la confusion, M. le Président, depuis deux jours; là, on arrive au troisième jour, et là c'est l'archiconfusion.

Bien, moi, je veux vous entendre, messieurs de la ville de Montréal, parce que vous nous dites que vous êtes d'accord avec le principe de l'utilisateur-payeur. Le ministre nous parle d'intentions réglementaires. Vous avez vu ce règlement-là qui visait strictement le pollueur-payeur. À ce que je sache, il y a une différence entre les deux, et comment percevez-vous la conciliation? Ce que vous nous dites, c'est que le projet de loi ne devrait pas être changé. Il devrait être appliqué tel qu'il est libellé. C'est ce que je comprends de votre intervention. Alors, c'est ce que... Les autres groupes nous ont dit que justement ils lisaient le projet de loi tel que vous le lisez, tel qu'on le lit, nous aussi, mais qu'en quelque part ils étaient contre le fait qu'une entreprise, une installation qui n'est pas prise en défaut soit obligée de payer pour le contrôle et la surveillance. C'est ce que les gens en général sont venus nous dire.

Et, en quelque part, les gens ont dit même: Si ce ministère a été amputé de 13 millions de dollars, est-ce que c'est parce qu'en quelque part le gouvernement ne considère pas la protection de l'environnement comme étant une de ses priorités? Et pourquoi tout à coup on ferait naître un principe, un principe peut-être qui vient justement, inspiré de la réingénierie ou d'un cadre financier qui était totalement irréaliste, à l'effet qu'on injecte dans la santé, dans l'éducation et qu'on coupe partout ailleurs dans les autres ministères? Et là, quand on a un peu de créativité, qu'est-ce qu'on fait quand on a la protection de l'environnement à coeur puis on essaie de trouver des moyens de s'autofinancer?

Alors, moi, je veux vous entendre. Moi, je veux vous entendre, parce que, nous, pollueur-payeur, on va de l'avant avec ça, on n'a aucun problème avec ça. Ce qu'on dit, par exemple, c'est que, pendant les deux jours d'audition qu'on a eus, M. le Président, on n'a pas discuté de la vraie affaire. À chaque fois qu'on disait au ministre: Est-ce que c'est l'utilisateur-payeur?, le libellé de votre article fait en sorte qu'il devrait être changé, lui, il nous disait: Le règlement va préciser ça et le règlement va faire en sorte qu'on va vraiment cibler, circonscrire le pollueur-payeur. Nous, on disait: Si c'est ça, votre intention, faites-le déjà dans le projet de loi, à l'article 5. Le Barreau lui a dit la même chose. Ce matin, il vient de nous dire qu'il était d'accord avec vous. Moi, je voudrais vous entendre sur: Pourquoi vous considérez que l'utilisateur-payeur, dans le contexte, c'est quelque chose qui va dans le sens de la protection de l'environnement, selon vous?

n (9 h 50) n

M. DeSousa (Alan): Merci pour votre question. Puis je vais essayer de formuler une réponse la plus lucide possible. Je pense que la ville de Montréal a toujours eu l'expérience dans ce domaine-là, même avant les diverses législatives provinciales. Je pense que, nous, on avait toujours, dans le contexte assainissement de l'eau et assainissement de l'air... avait essayé d'appliquer ce principe sur les émissions, sur le traitement des eaux usées, et puis on trouve qu'avec le projet de loi ça présente une opportunité intéressante pas juste sur la question du traitement, par exemple, de l'eau dans nos usines de traitement, mais aussi d'être capables de voir par quel moyen on peut, à la source, poser des gestes pour réduire la pollution.

Souvent, puis je laisserais aussi M. Séguin intervenir dans ce contexte-là, mais nous avons la possibilité, avec cette nature de tarification, d'agir, d'insister auprès des industries. Et puis je pense que, sur l'île de Montréal, il ne faut pas se leurrer, il y a beaucoup des industries qui peuvent faire un pas d'avance, et, dans ce sens, on pourrait les adresser en amont du processus pour qu'ils insèrent soit... pas parce qu'on a voulu appliquer le règlement, mais d'autre part je pense que l'objectif était de s'assurer que la loi agisse comme un genre d'incitatif pour que les industries prennent ça en charge elles-mêmes.

Actuellement, par voie des gestes qu'on pose, tous les coûts sont absorbés par les contribuables. Puis je pense que, dans ce sens, si on peut atteindre deux objectifs, le premier objectif, d'inciter des industries de prendre la charge leur pollution elles-mêmes et, deuxièmement, de s'assurer que les contribuables de la ville de Montréal ne sont pas des personnes qui absorbent ça, je pense qu'avec la tarification proposée ça peut aller loin. M. Séguin.

M. Séguin (Bernard): Oui. Ce que je peux ajouter là-dessus par rapport à l'expérience de Montréal, c'est qu'en termes d'utilisation utilisateur-payeur, l'utilisation, ce principe-là est utilisé dans le système de tarification qui existe en ce moment sur le rejet des eaux usées qui sont traitées à la station d'épuration ? on a déjà appelé ça un système de redevances ? et, par ce système-là, la ville recueille quelque chose qui varie entre 6 et 7 millions de dollars annuellement. Et c'est vraiment un principe d'utilisateur-payeur parce que ce que fait la ville à ce moment-là, c'est qu'elle traite les eaux usées pour les industries, qui n'ont pas besoin donc de les traiter. Et donc elles utilisent les services de la station d'épuration, et ils sont donc facturés pour ce faire en termes de mètres cubes d'eau qui passent à la station ou en termes de tonnes de matières en suspension, ou de charges organiques, ou de phosphore. Ça, c'est pour ce qui est de l'utilisation utilisateur-payeur.

Par contre, il y a un aspect du travail de contrôle environnemental qui n'est pas tarifé, et c'est tout l'aspect qui est du contrôle des toxiques quand on parle de l'eau. Les polluants toxiques, contrairement aux matières en suspension, ne sont pas traités à une station d'épuration, ils passent au travers, et donc il faut les contrôler à la source. Et, pour ce travail de contrôle à la source, il n'y a aucune tarification. C'est ça, la nuance entre les deux aspects d'utilisateur-payeur, pollueur-payeur. Dans le terme... dans l'assainissement de l'air, il n'y a pas de tarification d'utilisateur-payeur.

M. Thériault: Excusez-moi, est-ce que ce n'est pas aux entreprises plutôt que vous à contrôler... aux entreprises à fournir des données?

M. Séguin (Bernard): On demande aux entreprises de s'autocontrôler, de nous fournir des données. Mais, quand on parle de contrôle réglementaire, l'autorité qui applique la réglementation doit vérifier l'application du règlement. Je peux vous donner un exemple...

M. Thériault: Bien, ça va, mais c'est parce que... Je comprends ce que vous me dites, mais, en même temps, mercredi dernier, là, dans un article de La Presse, le ministre a rejeté ce que vous venez défendre ce matin, hein? La Presse, 29 septembre 2004, Mario Cloutier, article: Québec pourrait économiser entre 5 et 10 millions par année. Et là on se retrouve avec une citation, paroles du ministre: «La CMM a le droit de tarifer l'eau et c'est quelque chose qu'on encourage à faire, mais pour ce qui est de l'application des lois environnementales, c'est du ressort de l'Assemblée nationale.»

Un peu plus loin ? et je peux peut-être lire un paragraphe, au cas où le ministre me dise que je ne lis pas tout, là: «En vertu de sa propre loi, la CMM fait valoir qu'elle détient déjà la compétence en matière d'assainissement de l'air et de l'eau sur l'ensemble de la région métropolitaine. Mais le ministre refuse de modifier la loi afin d'étendre à la CMM les pouvoirs de son ministère.

«"C'est nous qui assumons le fardeau et c'est à nous d'aller chercher ces sommes parce que ça correspond à un service rendu", dit le ministre. M. Mulcair souligne qu'il ne cherche pas à faire payer l'ensemble des entreprises pour la pollution, mais bien les récidivistes qui en sont à plusieurs infractions environnementales.»

On est, vous en conviendrez, un peu loin du principe utilisateur-payeur.

M. DeSousa (Alan): Je pense qu'un des objectifs de notre visite aujourd'hui était que... Le ministre a parlé dans le contexte de CMM, mais je pense qu'on va juste souligner la particularité de Montréal. Puis je pense que, dans le contexte historique, le ministre a raison que, oui, il y a la tarification de l'eau à la CMM. Et on vous avait déjà indiqué par quels moyens on fait la tarification de l'eau dans le contexte assainissement de l'eau dans notre usine d'épuration de l'eau. Donc, dans ce cas, il a raison dans ses commentaires. Mais je pense que, nous, on avait essayé de déterminer ou cibler les endroits où la ville de Montréal, par les services dirigés par M. Séguin suite à la délégation de pouvoirs par la CMM à la ville de Montréal... quels sont les services qui sont rendus sur notre territoire et puis, au-delà de la tarification qui était en vigueur actuellement soit dans l'assainissement de l'eau ou dans les usines d'épuration que nous avons, deuxièmement, aussi avec l'application du règlement 129 qui, comme M. Séguin a dit tantôt, est pour le traitement des volumes d'eau additionnels, par quels moyens, dans l'assainissement de l'air, pour lequel on absorbe une grande partie du coût, comme on a dit tantôt... bien, deuxièmement, par quels moyens on peut aussi cibler les produits toxiques qui sont dans l'eau pour lesquels il n'y a pas de traitement.

Donc, dans ce contexte, je pense qu'on avait l'intention de travailler sur cette question-là. Je pense qu'il y a des moyens de faire quelque chose et puis je pense que le ministre semble être ouvert à notre à notre point de vue pour voir par quels moyens sur notre territoire... Parce que Montréal, c'est un cas à part, O.K.? Je ne veux pas prétendre que ça existe à travers du Québec. C'est un cas à part. Et puis je pense qu'on a lieu de considérer ça et de s'assurer qu'il n'y a pas de chevauchement, qu'il y a des pouvoirs ou les juridictions appropriées et qu'il y aura des financements appropriés si effectivement on fait le même genre de travail que le ministère. Puis je pense que tout le monde est d'accord sur cette question, mais au moins donnez-nous les pouvoirs en question soit par la CMM ou autre. Et, deuxièmement, donnez-nous la possibilité d'aller financer ce genre d'activités que tout le monde s'entendrait que c'est pour le bien de tous les Montréalais et les Montréalaises et aussi pour tous les Québécois et Québécoises.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci. Je pense que c'est en posant les questions que, peu à peu, le député de Masson commence à avoir les réponses. Ce n'est pas aussi simple que, lui, il pensait. Puis ce n'est pas en brandissant un article où il prend justement des clips qu'il va réussir à infirmer notre position. Effectivement, lorsque c'est le gouvernement qui assume...

M. Thériault: Ce n'est pas... M. le Président...

M. Mulcair: Question de règlement, M. le Président. J'ai la parole. À moins que le député de Masson veut vous citer un article du règlement, c'est moi qui ai la parole. Puis ça fait deux fois qu'on m'interrompt. J'étais tolérant la première fois, mais je le serai moins maintenant. S'il peut nous citer un numéro d'article pour son intervention, qu'il y aille.

M. Thériault: M. le Président, je n'ai pas de numéro d'article à citer, la seule chose que je veux dire au...

M. Mulcair: M. le Président, il n'est pas question de se laisser interrompre par le député de Masson. C'est moi qui ai la parole, et c'est tout.

M. Thériault: Alors, M. le Président, tout ce que je veux dire à un...

M. Mulcair: M. le Président, auriez-vous l'obligeance de maintenir l'ordre à cette assemblée, s'il vous plaît?

Le Président (M. Dubuc): O.K. Oui, allez-y, monsieur.

M. Mulcair: Merci. Alors, ce que j'étais en train de dire, que ce n'est pas aussi simple que semble le croire le député de Masson. Quand je disais justement que c'est lorsque c'est nous, au ministère, qui assumons le fardeau, c'est sûr que c'est nous qui allons garder les redevances ou les sommes qui peuvent être prélevées en vertu de l'application des principes d'utilisateur-payeur et de pollueur-payeur. Ça, c'est une évidence.

Ce que M. DeSousa nous amène aujourd'hui justement, ce sont des particularités pour la ville de Montréal, et on est plus que prêts à le regarder et à l'étudier avec lui avec un esprit ouvert. Il était en train, lui, de donner une leçon, et malheureusement le député de Masson a interrompu M. Séguin quand il parlait tantôt, puis je veux lui donner l'occasion de revenir là-dessus. J'aimerais que vous continuiez, s'il vous plaît, M. Séguin, avec votre explication que vous étiez en train de donner.

M. Séguin (Bernard): Alors donc, la précision que je faisais, c'est qu'il y avait donc une tarification pour les services qui sont rendus de traitement des eaux usées, mais, pour ce qui est du contrôle à la source, il n'y a pas de tarification.

Par ailleurs, effectivement, quand on regarde les préoccupations du ministère face à certaines entreprises qui occasionnent des travaux supplémentaires, bien on peut dire que, nous également, à la ville de Montréal, on a des industries qui nous occasionnent des travaux supplémentaires. On parlait... Et le ministère a produit, dans les notes que j'ai vues dernièrement, une liste d'établissements pour lesquels il a des préoccupations particulières, et j'ai examiné cette liste-là pour m'apercevoir qu'à la ville de Montréal, à peu près dans toutes les catégories, on a ce type d'industries là.

n(10 heures)n

Je peux donner un exemple. On a une industrie, une usine d'équarrissage donc qui reçoit des rejets, des carcasses d'animaux, des viscères de porcs. C'est excessivement polluant, et on doit... Actuellement, on doit envoyer un inspecteur à tous les jours. Souvent, il doit y aller le soir. Les fins de semaine également, il doit aller. Alors, bien sûr, ce qu'on voit dans ce que présente le ministère, c'est qu'il y a un aspect... il y a toujours un aspect légal, on peut toujours poursuivre une compagnie, on peut toujours lui demander de faire des travaux, mais, en plus de ça, cet aspect-là de tarification peut aussi être un élément incitatif pour que la compagnie règle ses problèmes.

Alors, on a deux raffineries de pétrole sur le territoire. On a eu des problèmes avec une industrie de type usine de béton bitumineux. On a de nombreuses entreprises de traitement de surface aussi qui nous demandent des surveillances régulières, constantes pour s'assurer que les eaux usées qu'ils nous envoient, qui contiennent des toxiques, sont préalablement traitées.

Et vous savez que ce type d'industries là, bon, on leur demande d'installer des systèmes de traitement des eaux qui sont des systèmes physicochimiques. Mais ces entreprises-là, leur mission, c'est de produire, mettons, de plaquer des chaises ou des lampes; ce n'est pas des spécialistes en traitement des eaux. Donc, pour s'assurer que ces équipements-là fonctionnent et fonctionnent bien, de façon régulière, on est obligé d'envoyer des inspecteurs pour vérifier, on est obligé d'envoyer des inspecteurs pour prélever des échantillons. Donc, c'est tout ce travail-là qui finit... qui coûte assez cher à la ville et pour lequel la ville souhaiterait avoir des moyens de financement pour complémenter donc la subvention qu'on a déjà pour une partie de ce qu'on fait pour l'air et, bien entendu, pour nous aider à défrayer pour les eaux usées.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Drummond, vous avez demandé la parole tantôt.

M. Jutras: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour et bienvenue à cette commission. C'est intéressant. Votre mémoire est intéressant, d'autant plus que vous avez une expérience pertinente en ce domaine.

Moi, je vous ferai remarquer qu'il y a... en trois jours d'auditions ici, là, il y a déjà une évolution très intéressante de la part du ministre, parce qu'autant, avant la commission, il n'a jamais utilisé les mots «utilisateur-payeur», jamais, jamais, jamais, il a d'ailleurs toujours parlé de pollueur-payeur et il a toujours parlé de récidiviste... Mais pas le récidiviste à deux ou trois reprises, là, les exemples qu'il nous donnait, c'était le récidiviste à 10 reprises, là. C'était toujours de cette façon-là qu'il nous parlait de son projet de loi. Et, même dans le cadre de la présente commission, quand on a commencé, il en parlait encore de cette façon-là. Sauf que, nous, on a dit: Non, non, il n'y a pas juste là-dedans le principe de pollueur-payeur, il y a le principe d'utilisateur-payeur. Et la question, c'est de savoir jusqu'où on va dans cette notion-là d'utilisateur-payeur. Et je pense que c'est la première fois, ce matin, qu'on a entendu dans la bouche du ministre les mots «utilisateur-payeur».

Alors, on constate donc qu'il y a une évolution intéressante. Il semble aller vers la discussion des vraies choses, c'est-à-dire de ce qu'il y a dans ce projet de loi là, et ça, je trouve ça intéressant. Mais en fait c'est pour ça aussi, le travail en commission parlementaire, c'est d'amener celui qui présente un projet de loi à le présenter tel qu'il est réellement puis à discuter vraiment des vraies répercussions de ce projet de loi là. Et là je pense qu'il y a une évolution de la part du ministre, et c'est intéressant, ça. Je pense que, comme l'a dit mon collègue tantôt, le député de Masson, on commence à parler des vraies choses.

Et là aussi où il y a une évolution intéressante de la part du ministre, c'est que, quand il nous dit: Bien, là, l'argent que je vais aller chercher avec ça, moi, là, je vais le mettre dans la protection de l'environnement, je vais créer un fonds vert, là, nous, l'opposition, on lui a dit: Oui, mais écoutez, ce n'est pas dans le projet de loi, ça. Ah non, ce n'est pas dans le projet de loi, Mais là il nous dit, il dit: Ça va être dans le fonds vert. Alors, nous, on a dit: Oui, mais on vous offre la possibilité de l'écrire dans le projet de loi actuel, qu'il y ait une véritable garantie, parce qu'il nous demandait de se fier à sa garantie.

Disons que la garantie du ministre, là, en tout cas, moi, je voulais plus que ça, qu'une garantie verbale. Et là, là, alors qu'il nous avait dit que non... Quand je lui ai fait cette offre-là de l'inscrire dans le projet de loi, il n'a pas relevé le défi, Il n'a pas relevé l'offre... c'est-à-dire il n'a pas accepté l'offre. Mais là, ce matin, il nous a dit qu'il était ouvert à ça. Alors, on voit qu'il y a une évolution intéressante, puis ça, je m'en réjouis, là, parce que je pense que le projet de loi, à ce moment-là, il devrait mieux répondre effectivement aux objectifs que l'on veut atteindre.

Mais puisque l'on parle... C'est intéressant, les deux recommandations que vous faites. Vous parlez de frais annuels de base. Ça, je pense qu'on s'entend, puis il y en a déjà de toute façon, des frais annuels de base... c'est-à-dire, il y a une certaine tarification déjà que l'on retrouve au ministère de l'Environnement. Bon, par exemple, si vous voulez avoir un certificat d'autorisation, vous devez payer. Là, vous autres, vous parlez de frais annuels de base. Et ça nous a été soulevé à date, et je trouve ça intéressant, moi, parce qu'à ce moment-là les gens savent davantage à quoi s'en tenir.

Cependant, quand on revient à la notion d'utilisateur-payeur, ce qui m'achale, ce qui m'agace dans ce projet de loi là, c'est de voir à quel point ce n'est pas balisé. C'est tout à fait discrétionnaire. Ça pourra être à répétition. Puis le ministre lui-même est obligé, à certains moments, de dire: Écoutez, le contrôle ordinaire, le contrôle quotidien, ce ne sera pas tarifé. Oui, mais ce n'est pas écrit, ça, dans le projet de loi, tu sais. Là, il nous le dit, mais ce n'est pas écrit dans son projet de loi. Et, quand on le lit, son projet de loi, qu'on voit que finalement on va pouvoir tarifer pour les mesures de contrôle ou de surveillance puis l'inspection d'installations, l'examen de renseignements ou de documents, moi, je me dis: Là, là, on s'en va vraiment, là, vers la possibilité, avec ce projet de loi là, de tout tarifer. Autrement dit, le ministère de l'Environnement va chez quelqu'un puis il présente une facture à chaque fois qu'il y va, quelle que soit, là, l'issue de la rencontre. Et ça, moi, je vais vous dire que je veux qu'on cerne ça davantage puis je pense que c'est le but de l'exercice de la présente commission parlementaire.

Alors, j'en viens donc à votre deuxième recommandation. La première, c'est que vous parlez de frais annuels de base. La deuxième, vous parlez de frais basés sur les émissions et rejets de polluants permis. Alors donc... et vous dites: S'il y a des rejets de polluants, bien, à ce moment-là, on peut tarifer. Mais qu'est-ce que vous dites de la situation où vous faites un contrôle, puis effectivement, là, il n'y en a pas, de rejets de contaminants puis il y a un respect strict de l'environnement par l'entreprise en question, et vous ne pouvez pas lui reprocher quoi que ce soit? Est-ce que vous voulez, dans un tel cas, tarifer quand même?

M. DeSousa (Alan): ...qu'on peut répondre en deux volets. Merci pour votre question. Je pense que, premièrement, le ministre, avec le projet de loi, probablement vise par quels moyens il peut remplir ses obligations à travers du Québec. Nous, on arrive ici avec des exemples très ciblés, très concrets par lesquels on voit qu'il y a sûrement une utilité, une valeur dans la loi en question.

On vous avait donné l'exemple de chez nous, à Montréal. Nous avons 400 industries qui détiennent des permis pour le rejet des eaux usées. On a aussi indiqué: Il y a 250 émissions dans l'atmosphère. Donc, je pense que, pour nous, dans le contexte de l'eau usée, il y a à peu près 15 quelques contaminants, comme M. Séguin a dit tantôt, pour lesquels il y a déjà un règlement en place. Pour l'air, ça, je pense que ça dépasse plus que 360 polluants atmosphériques.

Moi, je pense que, nous, on voit que, donné notre contexte que nous avons dans la ville de Montréal, oui, il y a une possibilité pour... par la réglementation. Et puis, dans le deuxième exemple, on vous donnait une possibilité où, par le règlement et la tarification, on peut prévoir les limites par lesquelles il y aura un certain tarif. Une compagnie peut, en installant de la technologie, ou des épurateurs de l'air, ou autres, rendre ça plus bas que la limite. Et puis, deuxièmement, s'il excède les limites, bien, à ce moment-là, je pense que c'est normal qu'il y aura des avis qui vont être donnés puis il y aura des poursuites. Mais je pense qu'au moins l'industrie en question pourrait, avec la technologie, réduire les montants en bas du nombre qui va être établi. Et ça, c'est une façon facile de non seulement faire l'application, mais, deuxièmement, aussi donner un incitatif à la compagnie pour payer. M. Séguin?

n(10 h 10)n

M. Séguin (Bernard): Ce que je peux ajouter là-dessus, c'est que ce dont on fait référence dans ces deux demandes-là, frais annuels et puis une tarification sur les émissions, c'est un concept qui a été développé dans le temps de la CUM, un concept de tarification, encore une fois dans le même but de financer les activités de contrôle à la source, et pour lesquelles la CUM à l'époque, la CMM maintenant ou la ville n'a pas les pouvoirs. Et c'est pour ça que ce concept-là n'est pas allé plus loin. Il est resté sur la table; on n'a pas les pouvoirs de faire une tarification comme ça. Si on avait les pouvoirs, bien on pourrait finalement demander des frais annuels aux industries, aux 400 industries de l'eau, aux 250 industries de l'air, plus une tarification qui serait basée sur les émissions qu'elles produisent et qui serait en fin de compte l'indicateur du travail de contrôle qui est effectué, parce que...

Le Président (M. Dubuc): Excusez-moi, M. Séguin, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Séguin (Bernard): O.K. Donc, en conclusion, c'est que, pour répondre à votre question, une industrie, on ne peut pas tarifer pour ce qui est réglementé. Ça, c'est de l'ordre du légal. Par contre, on pourrait tarifer pour le travail qui est fait de contrôle pour s'assurer qu'on respecte les normes, mais on n'a pas ces pouvoirs-là. Les pouvoirs qu'a le ministère dans l'article 31 de la loi, on ne les a pas, les pouvoirs actuels, et on n'a pas non plus les pouvoirs proposés.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Séguin. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. J'espère que la présence du député de Drummond va nous assurer qu'il va retenir cette fois-ci ce qu'on dit, parce que, la semaine dernière, on a réussi à évoquer non seulement le principe de pollueur-payeur et d'utilisateur-payeur ? la semaine dernière, le député de Drummond était bel et bien là ? mais on l'a fait dans le contexte du rapport de l'OCDE qui était sorti la veille. On a eu une longue discussion ici. Alors, peut-être que la présence physique du député de Drummond ne nous assure pas par ailleurs de sa présence autre, mais j'espère qu'aujourd'hui c'est le cas, parce qu'on en a parlé dans le grand détail de cette question-là la semaine dernière.

Aussi, puis pour mémoire, je vais lui rappeler que j'avais même évoqué l'angoisse de l'opposition. Peut-être que ça rappelle quelque chose au député de Drummond. J'ai dit: Si ça prenait ça, nous, on n'a pas de problème à regarder avec les proches collaborateurs du ministère l'idée d'inclure dans le projet de loi un fonds dédié. Mais ce que l'on redécouvre aujourd'hui, dans les propos du député de Drummond et dans les propos du député de Masson, c'est que le Parti québécois essaie de faire flèche de tout bois et essaie d'ériger en système une distinction plutôt artificielle entre ce qu, eux, ils appellent l'utilisateur-payeur et le pollueur-payeur.

Pour ce qui est de cette grande problématique de l'ambiguïté, ou de l'étendue des pouvoirs, ou d'une trop grande discrétion, je tiens juste à lui rappeler que l'actuel article 31.0.1 de la loi, introduit par un gouvernement du Parti québécois, prévoit que, par arrêté ministériel, ce qui est encore plus discrétionnaire qu'un règlement du gouvernement, on peut déterminer les frais exigibles de celui qui demande la délivrance, le renouvellement, la modification, ainsi de suite, les frais exigibles annuellement, et on a exactement le même genre de choses. Ils essaient de faire dire au Barreau encore une fois ce que le Barreau n'a jamais dit. Le Barreau a dit: Si vous faites ça, assurez-vous que ce soit très clair et assurez-vous que c'est basé sur l'article 31.

À la demande de mon collègue le député de Masson, l'opposition officielle a obtenu, même avant l'ouverture de cette commission parlementaire, dans une démarche extrêmement inusitée, une charpente de notre intention en ce qui concerne un éventuel règlement. Des raisons institutionnelles nous empêchent de présumer de l'adoption du projet de loi, je ne peux donc pas présenter, proprement dit, un projet de règlement, mais je peux lui dire là où on s'en va.

Qu'est-ce que ça dit, le document qu'il avait en main avant même l'ouverture de la commission parlementaire? Ça donne plusieurs éléments du champ d'application de la tarification. Le premier élément: Tarification d'application générale visant certains secteurs d'activité en tenant compte du risque qu'ils représentent. Et on donne des exemples des matières résiduelles. On a donné l'exemple des lieux d'enfouissement sanitaire d'une certaine taille. On a parlé des sols contaminés, des matières dangereuses, et ainsi de suite. On a donné des exemples... Les équarrisseurs sont dans la liste, pour reprendre un exemple qui vient d'être donné.

Ensuite, tarification cas par cas pour les interventions exceptionnelles de contrôle et de surveillance du ministère de l'Environnement. Est-ce que c'est pollueur-payeur ou est-ce que c'est utilisateur-payeur? Va savoir. Est-ce que c'est parce qu'il a déjà pollué que maintenant il utilise les services des enquêteurs du ministère ou les services du TAGA? Who cares? Le principe, c'est que la personne qui génère le coût va le payer, que le coût ait à sa source une pollution ou que le coût ait à sa source l'utilisation d'un service du public. Et, oui, on a continué en disant qu'on pouvait parler des accidents et risques imminents de dommages à l'environnement, de récupération de certains coûts dans les cas de poursuite civile ou pénale.

Mais ce qu'on décode encore une fois ce matin, et c'est désolant, c'est que le Parti québécois essaie d'inventer des prétextes pour se porter contre le principe du projet de loi n° 44. Tôt ou tard... Puis, je l'ai dit tantôt, c'est exceptionnel, ce qu'on a fait: on a donné un règlement de base, une charpente de ce qui pourrait être ce règlement-là; on a offert notre collaboration s'il y avait des aspects techniques. Mais ce qu'on décode encore une fois ce matin, c'est que tout ça, ce sont des prétextes. Ce sont des prétextes pour être contre le principe.

Et on voit vraiment le clivage des générations au sein du Parti québécois: la vieille garde en face, puis les jeunes, le député de Berthier, le député de Lac-Saint-Jean, le député de Joliette. Ça, c'est les jeunes du Parti québécois qui, eux, sont prêts à dire que, pour eux, l'environnement, c'est très important, c'est une valeur pour notre société. Pour la vieille garde du Parti québécois, ceux qui se décrivent comme des militants plutôt que comme des gens d'action, bien ils peuvent continuer à militer, ils peuvent continuer à pérorer sur les théories, mais, quand viendra le temps de l'action, quand viendra le temps de voter sur le projet de loi n° 44, là, le public va être à même de juger si le Parti québécois est juste de parole ou si les actions suivent la parole.

Moi, je nettoie, comme ministre de l'Environnement, depuis un an et demi, l'inaction du Parti québécois. Quand je suis arrivé au ministère de l'Environnement, j'étais choqué d'apprendre que le service de procureurs n'existait plus. Entendez-moi bien, M. le Président, il n'y a plus de service de procureurs spécialisés en environnement. Ça a été démantelé par le Parti québécois sur l'autel du déficit zéro, démantelé par le Parti québécois. Nous, on va reconstituer une équipe de procureurs: six nouveaux procureurs de la couronne en droit pénal, six nouveaux procureurs en droit civil pour aller chercher les injonctions, et ainsi de suite. Ce n'est pas facile. C'est très compliqué, le droit environnemental, puis c'est difficile de le faire appliquer, puis on va reconstituer les équipes de procureurs. On a déjà ? et ça nous aide énormément ? une extraordinaire équipe d'hommes et de femmes qui travaillent avec nous en législation, qui donnent des avis juridiques dans les régions, mais ce travail spécifique de procureur... Mon collègue le ministre de la Justice et Procureur général m'a donné son assurance qu'on va aller de l'avant avec l'instauration de cette nouvelle unité. Puis ça a déjà commencé, le travail de mise en place. Ça va pouvoir être annoncé formellement au cours des prochaines semaines.

Et, oui, avec la création du nouveau Centre de contrôle environnemental du Québec, on a déjà, dès la première année, réussi à augmenter le nombre d'activités de contrôle substantiellement au Québec. Et, au cours des trois prochaines années, on va augmenter encore de 50 %. Comment on fait ça? En gérant l'argent du public. Comme ministre de l'Environnement, je suis fier de gérer correctement l'argent du public. On a réduit de 8 % nos budgets d'une année à l'autre et, malgré ça, on a augmenté énormément les activités de contrôle sur le terrain.

Et, oui, il doit y avoir des nouvelles façons de faire. La vieille façon de faire, c'est la façon du Parti québécois: toujours un argument contre l'innovation, toujours un argument contre le fait de porter spécifiquement le fardeau à celui qui génère le coût. Que ce soit par son utilisation d'un service ou à cause de la pollution, ils en ont contre. C'est la vieille garde. La solution à tout, c'est de pelleter encore de l'argent du public sur les problèmes comme si, par enchantement, ça allait les faire disparaître, les problèmes. Le réel problème, c'est qu'on est déjà les gens les plus taxés en Amérique du Nord; on ne peut pas assurer un développement économique dans ces conditions-là. Puis je vais laisser le Parti québécois étuver dans ses vieilles théories et ses vieilles façons de faire, moi, je m'adresserai plutôt aux jeunes, à la jeune garde montante du Parti québécois incarnée par le député de Saint-Jean, le député de Berthier puis le député de Joliette. Je laisserai à la vieille garde du Parti québécois le soin d'expliquer au public quand viendra le temps, parce que toutes leurs excuses, tous leurs faux prétextes, essayant de faire flèche de tout bois avec un avis du Barreau auquel ils essaient de faire dire n'importe quoi, le public va être le seul juge de ça, et les réelles préoccupations environnementales de notre gouvernement, avec son plan vert, qui est très vrai...

n(10 h 20)n

Il doit y avoir des journées qui sont plus tough que d'autres. On voit aujourd'hui le Québec numéro un en éolien, notre gouvernement résolument tourné vers les énergies propres, renouvelables, la relance de l'hydroélectricité, que vous avez laissée en plan, notre énergie verte renouvelable, nationale. Ça, ce sont autant de choses archidifficiles pour le Parti québécois, mais, nous, on fait dans l'action, on ne fait pas dans la théorie. Ça, c'est quelque chose de concret qui va permettre, oui, de créer un fonds vert. Cet argent-là va être utilisé strictement en matière d'environnement, et tout le reste, M. le Président, ça ne dépend plus de nous autres, ça dépend du Parti québécois et comment il va essayer de convaincre la population qu'il peut être proenvironnement, alors qu'à chaque fois qu'il est question d'environnement il ne cesse d'inventer des prétextes pour être contre. C'est le vrai débat d'aujourd'hui, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le ministre. Il vous resterait une minute.

M. Mulcair: Mais il ne me reste, à ce moment-là, qu'à remercier mon ami de longue date, M. DeSousa, de la ville de Montréal, le féliciter à nouveau sincèrement pour l'extraordinaire travail qu'il fait ? on a souvent eu l'occasion de parler ensemble, c'est quelqu'un qui maîtrise extrêmement bien ses dossiers ? les gens qui l'accompagnent aujourd'hui. On remercie M. Séguin pour l'apport très concret qu'il a fait à cette commission et à nos travaux.

Et, je vais vous dire une chose, à la sortie de cette réunion, qui dure jusqu'à la fin de cette journée, je vais parler avec mon collègue aux Affaires municipales. Il y a un bout de gros bon sens dans ce que vous dites, et effectivement, lorsque c'est nous qui assumons le fardeau, c'est sûr que ça revient à nous autres. Mais, si par délégation ou autrement, il y a des bouts qui sont spécifiquement et exceptionnellement à assumer à la ville de Montréal, et c'est un cas unique, bien il me semble qu'on doit s'ajuster en conséquence.

Peut-être, dans les dernières secondes qui nous restent, est-ce que la ville de Montréal pourrait nous faire le service d'analyser le document qui a été mis sur le site Web et communiquer à l'opposition, avant la commission parlementaire, pour nous faire part s'il y a des sujets, ou des aspects, ou des domaines auxquels on n'a pas pensé? Est-ce que vous allez pouvoir nous faire communiquer dans le détail sur cette proposition-là qui n'était pas disponible au moment de préparer votre mémoire?

M. DeSousa (Alan): Je pense qu'on a eu une copie de ça et je pense qu'on peut sûrement vous fournir par écrit les commentaires. Vous parlez sur le document qui a été véhiculé le 27 septembre?

M. Mulcair: Exactement.

M. DeSousa (Alan): Je pense que, d'ici à quelques jours, on peut vous fournir nos commentaires sur ce document. Ça me fera plaisir.

M. Mulcair: Bien, je vous remercie énormément pour cette collaboration et pour cet apport extrêmement constructif aux travaux de cette commission, M. DeSousa.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le ministre. On peut-u avoir le consentement pour le député de Masson pour un remerciement vers la fin?

M. Mulcair: Absolument.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: D'abord, une question de directive: Est-ce qu'il va pouvoir fournir à la commission, non pas juste au ministre, les renseignements? Et, d'autre part, moi aussi, je voudrais vous remercier, d'abord pour votre patience. Le ministre s'est rappelé qu'il avait une question à vous poser à la toute fin de son intervention. Je vous remercie beaucoup de votre patience, de vous être déplacés. On va regarder attentivement ce que vous proposez et, bon, pour le reste, on a d'autres gens à rencontrer, d'autres gens à entendre, et nous allons utiliser notre temps de parole à bon escient, nous aussi.

M. DeSousa (Alan): ...tous les membres, merci pour votre attention. Je pense qu'on va donner suite à la demande du ministre avec une analyse qu'on va faire véhiculer pour que tout le monde peut avoir une copie. Et puis merci pour l'attention que vous portez à notre mémoire.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. DeSousa, M. Séguin, M. Marchand. On va suspendre les travaux quelques minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 23)

(Reprise à 10 h 28)

Le Président (M. Dubuc): Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Si vous voulez vous présenter et ainsi que vos invités.

Conseil de l'industrie
forestière du Québec (CIFQ)

M. Courteau (Georges): Alors, bon matin à tous. Mon nom est Georges Courteau, et je suis le président du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Et puis les personnes qui m'accompagnent sont Mme Rachel Thibault et M. Jean Maltais, du Conseil de l'industrie forestière, qui sont respectivement directeurs du secteur Environnement pour le secteur des pâtes et papiers, cartons et panneaux et pour le secteur Scieries et milieu forestier; et aussi nous avons Jean-Luc Bugnon, qui est vice-président du comité Environnement, secteur Sciage, au CIFQ, et conseiller en environnement chez Barrette-Chapais; et M. Brian Mooney, qui est président du comité Environnement pour le secteur Pâtes et papiers, cartons et panneaux, au CIFQ, et directeur général, Environnement, chez Bowater Canada.

Le Président (M. Dubuc): Merci. Vous avez un bloc de 20 minutes, à ce moment-là, puis le parti au pouvoir, 20 minutes, et l'opposition, 20 minutes. Ça fait que vous pouvez débuter votre mémoire.

M. Courteau (Georges): Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les commissaires, il nous fait plaisir de comparaître aujourd'hui devant cette commission afin de vous présenter brièvement les différents éléments contenus dans le mémoire que le CIFQ a soumis sur le projet de loi n° 44.

Notre présentation sera courte, de telle sorte à laisser davantage de temps pour les échanges. Mais, avant de débuter, permettez-moi de vous dire un mot sur l'industrie forestière et papetière du Québec dont le CIFQ représente de même que sur les réalisations environnementales de ses entreprises.

n(10 h 30)n

Alors, avec ses quelque 300 usines de sciage et 80 usines de pâtes et papiers, cartons et panneaux, l'industrie forestière est au coeur du développement économique et social des régions du Québec. Au-delà de 250 municipalités québécoises ont l'industrie de la transformation du bois et celle des pâtes et papiers comme assise économique principale. Ces deux secteurs industriels génèrent environ 150 000 emplois directs, indirects et induits. L'activité de l'industrie forestière représente 3 % du produit intérieur brut québécois, et ses dépenses en immobilisations avoisinent les 2 milliards de dollars. En 2002, ses exportations totalisaient près de 12 milliards de dollars.

L'industrie forestière est un moteur de développement économique ainsi qu'une source de retombées diverses dans les milieux où elle est présente. Elle agit en tant que partenaire dans de nombreuses initiatives touchant la mise en valeur des diverses ressources du milieu forestier.

Quant à nos actions à l'égard de l'environnement, je soulignerai en premier lieu les virages importants qui ont été réalisés par l'industrie du sciage afin de maximiser l'utilisation de la ressource et de protéger l'environnement. Il n'y a pas si longtemps, plusieurs sous-produits de cette industrie, telles les sciures, les planures, les écorces, considérés alors comme des déchets, étaient destinés à l'enfouissement. Aujourd'hui, la quasi-totalité de ces sous-produits est valorisée. Ils sont utilisés pour la production de panneaux, de paillis ou encore pour la production d'énergie. Des changements notables ont aussi été apportés en ce qui concerne la gestion des cours d'usines afin de réduire les divers impacts possibles sur l'environnement. Citons en exemple l'amélioration du drainage des aires d'entreposage, l'installation de dépoussiéreurs et la limitation du bruit.

L'industrie papetière a obtenu quant à elle des résultats démontrant éloquemment les améliorations de sa performance au chapitre de la production et de l'environnement. Celles-ci sont les résultats d'investissements de plus de 1,6 milliard réalisés depuis 1992. Les améliorations en question sont quantifiables, puisque ce secteur industriel a été et est encore très étudié via les attestations d'assainissement, les lois et les règlements en vigueur. Conséquemment, beaucoup de données disponibles. Les réductions touchent autant les effluents que les quantités d'eau requises pour la production ou encore les émissions atmosphériques.

En somme, l'industrie forestière québécoise a évolué avec son temps et a su s'adapter aux exigences croissantes de la population à l'égard de la protection de l'environnement. Cela s'est fait cependant avec la préoccupation constante de demeurer en bonne santé financière, de telle sorte de pouvoir investir dans les meilleures technologies possible, notamment celles qui concourent à améliorer les performances environnementales et à demeurer compétitifs sur les marchés. Selon nous, c'est là la façon de faire pour assurer une amélioration aux points de vue économique, social et environnemental, une façon de faire mieux connue sous le nom de développement durable.

Passons maintenant au projet de loi n° 44. Mentionnons tout d'abord que les deux documents d'information reçus le 28 septembre dernier ont été analysés avec attention. Néanmoins, notre présentation aujourd'hui est basée sur le projet de loi publié dans la Gazette officielle.

Les trois principales modifications sur lesquelles nous nous sommes penchés sont la collecte et l'usage des renseignements, la tarification du contrôle et de la surveillance, ainsi que les frais exigibles pour la délivrance d'actes administratifs.

Pour ce qui est du premier élément, les articles 3 et 4 du projet de loi n° 44 proposent des modifications conférant notamment au ministre le pouvoir de déterminer par règlement les renseignements, autres que personnels, qu'une personne ou une municipalité est tenue de lui fournir au regard d'une entreprise, d'une installation ou d'un établissement qu'elle exploite pour assurer une surveillance continue de l'état de l'environnement ou assurer, en matière de protection de l'environnement, le respect d'un engagement international ou la mise en oeuvre d'une entente intergouvernementale canadienne. Ces modifications permettraient également au ministre de compiler, analyser et communiquer de la façon qu'il estime indiquée les renseignements dont il dispose.

Le CIFQ ne questionne nullement la nécessité de la surveillance continue de l'état de l'environnement, le respect d'un engagement international en matière de protection de l'environnement ou la mise en oeuvre d'une entente intergouvernementale canadienne, puisque cela s'inscrit dans la perspective de protection de l'environnement à laquelle il adhère.

Nous nous interrogeons toutefois sur la nécessité pour le ministre de se doter de nouveaux pouvoirs, puisque plusieurs articles de loi sur la qualité de l'environnement permettent déjà d'exiger des informations sur les installations industrielles et leurs activités. De plus, nous craignons les conséquences financières potentielles de l'obligation d'effectuer des mesures supplémentaires qui pourraient découler desdits pouvoirs.

Le CIFQ croit que les pouvoirs du ministre doivent être mieux balisés dans la loi, autant en termes de collecte d'informations qu'en termes de compilation, d'analyse et de communication. Ces balises permettraient d'énoncer clairement les objectifs poursuivis et de les exposer publiquement pour fins de discussion, notamment avec les secteurs industriels susceptibles d'être touchés. Également, les conséquences financières et administratives de ces collectes d'informations auprès des clientèles visées doivent être considérées et analysées.

Les entreprises fournissent déjà de nombreuses informations dont certaines requièrent des sommes de travail et d'argent significatives. On peut donner, à titre d'exemple, au niveau fédéral, l'Inventaire national des rejets de polluants, les suivis réglementaires du Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers et les études de suivi des effets sur l'environnement. Quant au niveau provincial, on peut parler de l'inventaire des émissions atmosphériques, des suivis réglementaires du règlement sur les fabriques de pâtes et papiers et des attestations d'assainissement.

Ainsi, avant d'exiger des informations additionnelles, le CIFQ souhaiterait que le ministère s'assure d'optimiser l'utilisation de celles déjà fournies et disponibles aux deux paliers de gouvernement. Ceci nous ramène d'ailleurs à une demande maintes fois formulée, soit celle d'éviter les dédoublements à cet égard. De plus, le CIFQ demande que toute nouvelle exigence quant aux renseignements demandés par le ministre et à l'utilisation qu'il compte en faire fasse l'objet de consultation et de discussion préalables avec les secteurs industriels visés.

Pour ce qui est maintenant du deuxième élément, soit la tarification du contrôle et de la surveillance, l'article 5 du projet de loi permettrait au gouvernement de déterminer les frais exigibles destinés à couvrir les coûts engendrés par des mesures de contrôle et de surveillance. Le CIFQ émet des réserves quant à cette approche, même si elle ne touchait que les contrevenants récidivistes. Nous sommes d'avis que le contrôle et la surveillance découlant des programmes systématiques d'inspection exercés par le ministère font partie des mandats de ce dernier. Il ne s'agit pas d'un service fourni à l'industrie, celle-ci ne devrait donc pas en assumer les coûts.

La loi permet déjà au ministère de poursuivre en justice ceux qui causent des dommages à l'environnement, avec la possibilité de sanctions plus importantes pour les récidivistes jugés coupables. La démonstration que ces pouvoirs sont insuffisants pour atteindre l'objectif de sanctionner ceux qui causent des dommages à l'environnement reste à faire. Advenant une telle démonstration, le CIFQ pourrait souscrire à la nécessité d'ajouter des pouvoirs pour contrôler davantage les récidivistes.

Par les modifications proposées à l'article 31, le ministère pourrait se donner le pouvoir de fixer des tarifs pour contrôler et surveiller tous les détenteurs visés à l'article 5, incluant ceux qui font des efforts notables pour protéger l'environnement et ceux qui agissent en conformité ou surpassent les exigences. Le CIFQ croit que ces mesures incitatives auraient un effet positif pour appuyer les efforts de ces derniers et encourager les autres à emboîter le pas.

n(10 h 40)n

Enfin, les frais exigibles pourraient varier en fonction de la nature des activités du titulaire, des caractéristiques de son installation ou encore du nombre d'infractions ainsi que de la nature et de la gravité de ces infractions.

Bien que plus balisé dans un de ces documents reçus le 28 septembre dernier, le libellé du projet de loi est, lui, très large. Ceci n'est pas sans préoccuper certaines entreprises qui font déjà face à des coûts importants pour respecter leurs engagements et leurs obligations légales.

On peut donner en exemple l'industrie papetière qui, via le règlement sur les fabriques de pâtes et papiers et le Programme de réduction des rejets industriels, a investi dans les infrastructures, paie des redevances ainsi que des frais d'analyse et d'autosurveillance.

En somme, le CIFQ est en désaccord à ce que les activités de contrôle et de surveillance du ministère de l'Environnement soient financées par des entreprises respectueuses de leurs obligations légales.

Puis finalement le troisième élément référant à l'article 31.0.1 où le ministre pourrait, par arrêté, déterminer les frais exigibles à celui qui demande la délivrance, le renouvellement ou la modification d'une autorisation, d'une approbation, d'un permis, d'une attestation ou d'une permission. Ces frais seraient fixés sur la base des coûts engendrés par son traitement.

Deux aspects de cet article inquiètent particulièrement le CIFQ. Premièrement, le gouvernement possède déjà, en vertu de l'article 31g de la loi, le pouvoir de déterminer les frais exigibles pour ces actes. Le nouveau pouvoir permettra au ministre, sans obligation de consultation des éventuels bénéficiaires de ce service, de fixer les frais. Or, le requérant n'a aucun choix qui s'offre à lui, puisque le ministère de l'Environnement est un fournisseur unique de ces services.

Deuxièmement, la détermination des frais serait basée sur les coûts engendrés par le traitement des demandes. Or, advenant l'absence d'incitatifs pour maintenir une efficacité dans le traitement des demandes ou de frais prédéterminés, les frais en question pourraient être élevés. Donc, le CIFQ est en désaccord avec l'article 31.0.1 tel que proposé. Il souhaite que toute tarification soit soumise à des consultations quant à sa nécessité et aux frais exigibles.

Alors, en conclusion, toute nouvelle exigence de renseignements demandés par le ministre et l'utilisation qu'il compte en faire devraient être mieux balisées et faire l'objet de consultations et de discussions préalables avec les secteurs industriels visés.

Les activités de contrôle et la surveillance systématique du ministère font partie intégrante de son mandat. Les frais de celles-ci ne doivent pas être financés par les entreprises respectueuses de leurs obligations légales. Et toute nouvelle tarification pour certains actes administratifs devrait être soumise à des consultations quant à sa nécessité et aux frais exigibles.

Alors, je vous remercie de votre attention. Et mes collègues et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Courteau. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup au monde de l'industrie forestière au Québec pour cette excellente présentation. Et je tiens à vous rassurer en ce qui concerne votre désir d'être consultés. Comme vous le savez, il y a plusieurs étapes à venir. Puis le document auquel vous faites référence, le document qui vous a été envoyé juste avant le début de cette commission parlementaire, visait à remplir... à répondre à notre désir d'informer au-delà d'un simple projet de loi qui est une charpente.

Même si, dans le langage courant, on entend toujours évoquer les lois et règlements presque dans le même souffle, ceux d'entre nous qui travaillons avec les deux connaissons la différence. La loi, c'est ce qui est présenté devant l'Assemblée nationale; le règlement d'application vient donner le détail ou comment, comme le nom l'indique, ça va être appliqué, ça va trouver une réalité.

Partant, vous comprenez, on est un peu devant une sorte de dilemme. N'ayant pas le droit, en termes de notre droit institutionnel ici, au Parlement, de présumer de l'adoption du projet de loi, je ne peux pas vraiment venir avec un projet de règlement, je ne connais pas encore l'étendue de la disposition habilitante. Mais, comme personne qui a passé neuf ans dans l'opposition et ayant un grand respect pour l'institution, je ne voulais pas non plus imposer, infliger à mes collègues de l'opposition une chose qui nous a souvent été imposée, c'est-à-dire de discuter de la charpente nue d'un projet de loi sans avoir une indication où s'en va le gouvernement. Et c'est le respect de l'institution qui m'a amené à proposer une version préliminaire qui annonçait assez bien notre intention et les sujets qui pouvaient être couverts.

Mais, avant que tout ça puisse entrer en vigueur de quelque manière que ce soit, il est important de noter la chose suivante: c'est qu'on va avoir l'occasion de faire la commission parlementaire où on va regarder le détail de ce qu'on appelle l'article par article. Il y aura une autre occasion qui consisterait à la publication une première fois ? ce qui est souvent appelé, dans le jargon de la fonction publique, la prépublication ? de tout règlement, ce qui vous donnera amplement le temps de formuler des recommandations et des commentaires. Et donc là-dessus je tenais à vous rassurer.

Je peux aussi vous dire que, pour ce qui est de la collecte d'informations, le fédéral demande déjà quelque chose de similaire. Une des suggestions qui est venue d'une autre industrie, minière en l'occurrence, était de s'assurer que la balise qui est à l'heure actuelle contenue dans notre document d'orientation qui explique comment on aimerait mettre ça en application... On disait: Bien, tu n'as pas le droit de demander autre chose que ce qui est dans ta position ou ce qui est normalement accessible. C'est une notion tirée directement de la législation existante au palier fédéral. La suggestion nous a été faite d'essayer de voir si on ne pouvait pas transposer dans la loi, plutôt que de la laisser dans le règlement, cette notion-là. On a agréé ça. On ne voit pas pourquoi, si c'est vraiment notre but, qu'on garderait ce bout-là strictement dans le règlement, donc on va le ramener.

Est-ce qu'avec cette nuance vous êtes toujours aussi préoccupés par ce qu'on est en train de demander? Parce que, moi, je vous avoue que c'est le bout de votre... Il y a d'autres bouts où on va s'entendre de ne pas s'entendre. On va s'entendre de ne pas s'entendre sur une opposition générale à l'idée de tarification puis on va pouvoir en discuter un petit peu plus tantôt. Mais, sur cette question de vous demander tout simplement de l'information qui va me permettre, comme ministre de l'Environnement, de donner le portrait de l'environnement à un moment donné, ça fait partie de notre travail, ça ne vise pas des poursuites, ça vise juste à connaître l'état de la santé de l'environnement. Je vous avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre votre objection alors qu'une obligation similaire existe déjà à un autre niveau. Peut-être que vous pouvez essayer de m'aider à comprendre c'est quoi, le fondement de cette objection-là. J'ai un peu de mal à vous suivre sur ce bout-là.

Mme Thibault (Rachel): Bien, je peux peut-être répondre?

M. Courteau (Georges): Oui, alors, Rachel.

Mme Thibault (Rachel): Moi, ce que je répondrais... Quand on lit l'article qui demande... enfin qui expose ça, c'est très large, et c'est pour ça qu'on a dit: On demande que ce soit balisé puis que ça fasse l'objet de consultations et de discussions préalables. Si on parle, par exemple, d'un équivalent INRP, mettons, québécois, déjà là, on encadre un peu plus, on balise. Donc, déjà, on est un petit peu plus loin dans le processus, et c'est plus clair. Donc, par rapport à ça, on n'aurait pas nécessairement d'opposition.

Ce qu'on dit, c'est que, par exemple en Ontario, pour ce processus-là d'obtenir les informations qui sont équivalentes à l'INRP, il y a un processus qui permet, sous une forme de guichet unique, d'obtenir cette information-là. Donc, en fait, cette consultation-là peut permettre aussi ça pour aussi s'assurer que les ? comment on appelle ça? Voyons, les... que la base de ce qu'on demande soit la même, les critères en fait déclenchant, par exemple, une déclaration INRP et celle au Québec soient les mêmes. Donc, on parle d'harmoniser et de guichet unique de ce cas-là. Donc, quand on balise un peu mieux, déjà là on sent que c'est plus clair et on peut, à ce moment-là, formuler des recommandations plus précises.

M. Mulcair: Est-ce que vous considérez que la suggestion faite par l'industrie minière, qui consistait à inclure la restriction dans le corps du projet de loi plutôt que dans le règlement, constitue une de vos balises?

M. Courteau (Georges): Bien, je pense qu'il faudrait prendre connaissance de ce qui a été proposé spécifiquement par l'industrie minière et voir par la suite...

n(10 h 50)n

M. Mulcair: Je vais vous l'expliquer. À l'heure actuelle, on le prévoyait dans ce qu'on peut convenir d'appeler le projet de règlement; on disait qu'on n'a pas le droit de vous demander autre chose que ce que vous avez en votre possession ou ce à quoi vous avez normalement accès. L'industrie minière est venue, ils nous ont dit: C'est intéressant, ça ressemble à ce qu'ils ont au fédéral, mais, eux, c'est dans la loi, pas dans le règlement. Puisqu'un règlement est facilement changé, pourquoi ne pas le mettre dans la loi? Vous me demandez des balises. Je vous pose la question: Est-ce que ça constitue une des balises que vous cherchez?

M. Maltais (Jean): Je vais demander à Jean-Luc de répondre à la question.

M. Bugnon (Jean-Luc): Effectivement, pour nous, que ce soit inclus dans la loi plutôt que dans un règlement, ça assure une certaine pérennité de cette position-là qui n'apparaît pas malheureusement dans le projet de loi actuel, là. Et en autant que les balises, comme Mme Thibault le mentionnait, que les balises soient les mêmes qu'au fédéral, qu'on n'ait pas de dédoublement et qu'on n'ait pas d'ajustements à faire, du travail supplémentaire pour aller collecter des données qui disent la même chose mais qui ne sont pas prises de la même façon, pour nous ça pourrait être viable. Mais actuellement, dans le projet de loi n° 44, c'est qu'on n'a pas cette assurance-là. C'est pour ça qu'on est très réticents à arriver puis dire: D'accord, on va y aller les yeux fermés. Vous comprenez notre position, c'est qu'il n'y a rien...

M. Mulcair: Je comprends tellement votre position, c'est que le projet de loi vise justement à donner de l'information pour qu'aucun ministre de l'Environnement du Québec ne procède les yeux fermés. On cherche le même but.

M. Bugnon (Jean-Luc): Oui.

M. Mulcair: Je veux avoir un portrait juste de la situation environnementale et, sans cette information-là, je ne peux pas l'avoir, cette évaluation juste. C'est ça, le but recherché.

M. Bugnon (Jean-Luc): Bien, moi, je vous dirais que les informations sont déjà rendues publiques.

M. Mulcair: Bien, moi, je vais vous dire qu'il y a des choses qui ne sont pas communiquées, et c'est pour ça que j'ai besoin de cette disposition-là.

M. Bugnon (Jean-Luc): Ça dépend de qu'est-ce que vous cherchez.

M. Mulcair: Pourquoi? Il y a des choses que vous préférez ne pas me communiquer?

M. Bugnon (Jean-Luc): Non, non. Absolument pas. Absolument pas. C'est qu'on a déjà un processus de communication des informations qu'on a par le biais de l'Inventaire national des rejets de polluants, et il ne faudrait pas arriver, pour aller chercher l'information similaire, et nous demander de faire des calculs différents. Une harmonisation entre les deux serait souhaitable, entre guillemets.

M. Mulcair: C'est très bien. Et on va avoir l'occasion de revenir sur le principe général de la tarification tantôt. Je laisserais la parole à l'opposition, pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. M. le Président, le ministre accuse l'opposition officielle de monter en épingle une confusion théorique et conceptuelle entre le principe de l'utilisateur-payeur et le principe du pollueur-payeur. J'ai l'impression, moi, pour... Moi, je me considère comme étant la nouvelle garde, un nouveau parlementaire. Je l'assure que je suis en contact fréquent avec le député de Lac-Saint-Jean, qui appuie mes interventions depuis le début de la commission, alors j'imagine qu'il va arrêter de citer le député de Lac-Saint-Jean comme étant la nouvelle garde.

Il reste que, pour un gouvernement qui a à coeur la protection de l'environnement et qui, dans ses priorités budgétaires, décide d'amputer ce ministère-là de 13 millions, on n'a pas beaucoup de leçons à recevoir. Et, quand il parle, j'ai l'impression qu'il ne veut pas entendre nécessairement ces gens-là, j'ai l'impression parfois, dans son attitude, qu'il essaie de leur vendre des cartes de membre du Parti libéral. Alors, M. le Président, je l'invite encore à un peu plus de décorum. Une commission parlementaire ? même si je ne veux pas lui faire la morale et que je suis un jeune parlementaire ? une commission parlementaire, au moment où on se trouve, là, ça sert à questionner les gens qui se sont déplacés. Et on veut les entendre. Ils ont fait des mémoires, et je pense que, par respect du processus, on aura l'occasion, comme on dit, de s'ostiner article par article sur les intentions réciproques qu'on peut avoir. À ce stade-ci, je pense que c'est plutôt prématuré.

Il accuse donc l'opposition officielle et il dit ? ce ne sera pas long, ma question s'en vient ? il dit: Who cares? Who cares que ce soit utilisateur-payeur ou pollueur-payeur? Pourtant, le Barreau du Québec lui dit: Who cares? Parce qu'il y a une taxe déguisée. Et un gouvernement, hein, un projet de loi, il faut savoir c'est quoi, l'intention du législateur. Vous avez lu le projet de loi, nous avons lu le projet de loi, et ce que nous cherchons, c'est l'intention du législateur. Or, comme nous sommes des législateurs, il y a des législateurs du côté ministériel aussi, il faut savoir ce qu'on veut faire avec le projet de loi.

Le ministre aurait écrit une lettre, là, pour nous donner ses intentions réglementaires que ça aurait le même effet que ce qu'il nous a déposé une heure avant le début des auditions générales. On met des intentions générales qui ciblent le pollueur-payeur et on a un projet de loi qui ouvre large sur le concept d'utilisateur-payeur. Et, si on ne fait pas le vrai débat, on va arriver article par article et on ne va pas s'entendre sur les modifications à la loi qu'on doit faire.

Donc, l'article 5 ? parce que, le ministre, on a toujours l'impression qu'il réinvente la roue ? l'article 5 abolit l'article 31.0.1 où on parlait, entre autres choses, d'une tarification annuelle par rapport à des certificats, permissions, etc. La tarification annuelle va donc disparaître avec l'article 5. Certains groupes nous ont dit que ça, ça fixait quand même une balise. Est-ce que, vous, vous considérez que ça pourrait baliser davantage l'iniquité des directions régionales dans l'application de l'article 5, tel qu'il est présentement, si on faisait une tarification annuelle tel qu'il est prévu à l'article 31?

M. Maltais (Jean): Je peux essayer de répondre. Parce que la question est... Là, de la façon que c'est écrit, l'article 5, si je le comprends bien, O.K., il annule une partie de l'article 31.0.1 où, initialement, quand cet article-là était apparu dans la loi mais qui n'était pas en vigueur, il permettait de tarifer pour le contrôle et la surveillance dans le cadre... à l'intérieur de l'article 31.0.1. Maintenant, là, le gouvernement, par l'article 5, rapporte cette possibilité de fixer des frais pour le contrôle et la surveillance dans l'article 31. C'est bien ça? C'est la façon que je le comprends. C'est ça? Puis, nous autres, c'est le contrôle et la surveillance où on n'est pas d'accord avec le principe que ces frais-là soient exigibles aux entreprises qui subissent le contrôle et la surveillance, parce que ce n'est justement pas un service qui est offert à l'industrie, de faire le contrôle et la surveillance.

M. Thériault: Vous dites: C'est une mission...

M. Maltais (Jean): C'est un mandat.

M. Thériault: ...c'est une mission du ministère, c'est une responsabilité du ministère d'assurer le contrôle et la surveillance, et vous vous dites contre même le principe du pollueur-payeur?

Une voix: Brian?

M. Mooney (Brian): Je peux dire que l'industrie papetière est déjà là. On paie déjà. On a payé pour les attestations d'assainissement, on a payé un frais pour ça. On paie déjà pour des émissions atmosphériques, des «tax fares». On paie pour la demande biochimique en oxygène, on paie pour les matières en suspension. Puis je crois... nous croyons que le ministre a déjà les pouvoirs en place pour clarifier l'industrie.

M. Thériault: Bon, moi, ce que je veux savoir aujourd'hui, c'est les intentions ministérielles qui ont ciblé ? et dont on va devoir discuter ? un certain nombre de secteurs, les intentions ministérielles qui consistent à dire: Nous ne ferons pas payer tout le monde. C'est dit dans les articles de journaux, vous les avez lus comme nous. Cela faisait dire, depuis deux jours d'auditions, au ministre que ce qu'il visait, dans son projet de loi, c'était le pollueur-payeur. Le Barreau du Québec, vous, d'autres groupes, nous disons que le projet de loi, tel que libellé, ouvre la porte à l'utilisateur-payeur. O.K.

Alors, moi, ce que je veux savoir, c'est jusqu'où, vous autres, vous êtes prêts à aller dans la protection de l'environnement. C'est-à-dire, est-ce que vous considérez que les mesures prévues, les dispositions prévues à l'article 5 tel que libellé actuellement, ça va obliger vos gens à respecter davantage l'environnement que les dispositions qui ont cours avant la modification de l'article 5? Est-ce que vous pensez que le projet de loi, tel qu'il est libellé, va permettre davantage à vos gens de respecter et d'aller dans le sens de la protection de l'environnement ou vous pensez tout simplement que les dispositions de la loi actuelle permettent cette protection de l'environnement là?

Ce que je veux voir, c'est jusqu'où vous voulez aller, quel bout de chemin vous êtes prêts à faire dans la protection de l'environnement. Parce qu'il va y en avoir un, projet de loi, et il va y en avoir un, projet de règlement. Et, nous, ce qu'on cherche à voir, comme législateurs, c'est comment on peut modifier le projet de loi pour que les réelles intentions soient inscrites dans le projet de loi. Alors, vous pouvez toujours dire, si je comprends bien: On est déjà conformes, on fait les choses correctement, etc. ? ça, je l'ai entendu, je l'ai bien entendu ? mais on est devant une intention ferme et un projet de loi, et c'est clair qu'il y aura donc une législation. Et, dans ce sens-là, moi, je veux voir comment on peut amender ce projet de loi là pour qu'il soit dans le fond conforme à ce que vous considérez être, vous, la protection de l'environnement.

n(11 heures)n

M. Courteau (Georges): Je demanderais à M. Bugnon de répondre.

M. Bugnon (Jean-Luc): Je dois vous avouer que le fait de cibler des secteurs, pour nous, nous semble... même si le secteur industriel pâtes et papiers, sciage n'est pas clairement identifié dans ces secteurs-là, pour nous, c'est passer à côté de l'objectif qui est de cibler essentiellement les récidivistes. Nous, on croit plutôt qu'au lieu de fixer des secteurs en disant: Voici, vous devez contrôler et vous allez payer pour le contrôle dans ces secteurs-là, parce qu'on pense qu'il y aurait peut-être un ou deux récidivistes dans votre secteur, cela va faire en sorte que les personnes qui ont soit des systèmes de gestion environnementale, soit qu'ils sont certifiés «environmental proof», comme on pourrait dire, là, seraient face à une situation où ils se disent: Bon, bien, je vais attendre qu'on me cible pour aller plus de l'avant.

D'après moi, ça va être plus une action coercitive qu'une action positive. Nous, on pense que le projet de ciblage de certains secteurs devrait être plutôt axé sur les récidivistes et laisser tomber complètement le domaine des secteurs industriels. Concentrez-vous sur ceux qui polluent régulièrement, comme on l'a entendu régulièrement, là, dans les articles de journaux ou autres, là, où l'objectif de l'article 5 était de cibler les récidivistes et non les utilisateurs «at large». Si je suis un utilisateur «at large», mais que je ne suis pas un récidiviste, alors pourquoi je devrais payer pour ceux qui sont des récidivistes? Ciblez les récidivistes et laissez faire les secteurs. C'est le message qu'on a même discuté ce matin encore une fois et c'est le message qu'on aimerait que vous reteniez.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Mulcair: Alors, je tiens à dire aux représentants de l'industrie forestière du Québec qu'on va analyser attentivement ce qu'ils viennent de dire là. Mais le document en question montre clairement qu'on tient compte du fait que vous êtes déjà assujettis à un programme avec une attestation d'assainissement, en ce sens que vous n'êtes pas dedans. Alors, partant, si je vous entends bien, vous me dites, bien, que vous voulez être là-dedans pour la partie des récidivistes. Il y a un proverbe chinois qui dit: Il faut faire attention à ce qu'on souhaite, parce que notre souhait risque d'être exaucé. Pour l'instant, vous êtes exclus complètement à cause du régime que vous décrivez si bien. C'est pour ça que j'ai commencé en parlant du bout qui risque de s'appliquer à vous, ce qui est la communication d'information, mais vous avez bien compris qu'on était sur la même page que vous, l'information vous a été communiquée. Donc, peut-être que vous devriez préciser un petit peu votre pensée là-dessus.

Mme Thibault (Rachel): Ce qu'on disait, je pense, c'est comme approche générale, parce qu'effectivement on n'est pas ciblés, ni du côté sciage ni du côté pâtes et papiers, dans la liste. Mais cette liste-là, elle n'est pas pour l'instant aussi formelle que le libellé du projet de loi n° 44. Donc, on n'a pas, je dirais... Notre approche générale, je pense que M. Bugnon l'a bien résumée. C'est vraiment plus une approche basée sur les récidivistes que de cibler des secteurs, parce qu'on croit, comme on dit, que le mandat du ministère, de surveillance et contrôle, fait partie de ses activités régulières, et ce n'est pas un service qui est rendu à l'industrie.

M. Mulcair: Mais est-ce que ce serait juste de dire que les programmes d'assainissement, les attestations d'assainissement, c'est, dans votre secteur, une reconnaissance du fait qu'il y avait énormément de travail à faire? Vous nous avez sorti le chiffre de 1,6 milliard, tantôt, déjà dépensé, ce qui correspond à peu près à ce qu'on a, puis l'industrie n'est pas du tout la même que celle qu'on a connue il y a quelques années, mais c'est parce qu'il y avait quelque chose à faire dans un secteur, dans une industrie. Ici, on est en train d'essayer de faire la même chose. En raison du coût additionnel que vous pouvez engendrer, on peut vous refiler une partie de la facture. C'est la partie utilisateur-payeur. La partie récidiviste, c'est un bon exemple de quelque chose facilement identifiable si je suis rendu à la même usine pour la énième fois ou au même établissement.

Mais, ici, on reconnaît les efforts de l'industrie forestière. Je veux juste qu'on s'entende là-dessus. Puis vous avez raison, ce n'est pas dans la loi, c'est dans le règlement, mais la loi donne la charpente, le règlement vient faire l'application. Mais ce que je viens de vous dire là est dans le cadre aussi formel que ce que j'ai pu dire aux représentants du monde agricole la semaine dernière, quand je leur ai dit: La ferme individuelle n'est pas visée. Et pourtant il y a parfois ? très rarement, mais parfois ? des cas où une ferme en particulier peut causer problème, mais, pour toutes sortes d'autres raisons, ce n'est pas visé. Ce qui est visé, dans un premier temps, c'est ça, puis, si jamais ça devait changer, évidemment il y aurait tout le processus de consultation, mais ce n'est pas notre intention. Puis tu ne peux pas commencer à faire dans une loi ce genre de détail là, sinon c'est immuable. C'est beaucoup trop lourd. C'est pour ça qu'on procède tantôt par loi, tantôt par règlement.

Mais je veux juste m'assurer qu'on se comprend bien sur le fait que, même si vous êtes visés par l'obligation de communication d'information, le premier bout de notre conversation aujourd'hui, vous n'êtes pas visés par l'aspect tarification. Vous avez déjà tout un pan qui s'applique à vous autres seulement. Alors, pas question pour nous autres de venir vous réassujettir à un autre régime. On se comprend là-dessus?

Mme Thibault (Rachel): Tout à fait d'accord là-dessus.

M. Mulcair: Je suis sûr que vous êtes d'accord, mais je voulais juste m'assurer, parce que ce n'était pas si clair que ça que vous aviez... parce que vous avez commencé en disant: Vous vous êtes basés sur 44, tel que publié, sans tenir compte des documents qui ont été communiqués. Mais je pense que c'est important, du moins au moment où on commence à en parler sur le fond, c'est important d'en tenir compte. C'est juste ça que j'essayais de faire.

M. Courteau (Georges): Ensuite, sur la question, je pense que c'était la question de principe sur les récidivistes, je vais peut-être repasser la parole à M. Bugnon sur ça.

M. Bugnon (Jean-Luc): Outre le fait qu'on ne soit pas ciblés dans les deux documents qui ont été transmis le 27 septembre, là, nous, on regardait le principe derrière tout ça. C'est que l'utilisateur-payeur devrait être applicable aux pollueurs-payeurs et non à toutes les personnes qui agissent de bonne foi et qui agissent bien. Si vous êtes un pollueur-payeur, donc un récidiviste à répétition, vous devriez payer pour l'utilisation du contrôle et du suivi qu'on doit faire parce que vous êtes un pollueur récidiviste. Et non utiliser le principe d'utilisateur-payeur pour tous ceux qui sont dans le même secteur et qui possiblement agissent très, très bien, là, en termes de protection de l'environnement. C'est à ce niveau-là. On parlait du principe, on ne parlait pas de notre secteur spécifique, parce qu'on vous l'a dit, nous ne sommes pas ciblés dans... mais, en regardant le principe derrière tout ça, c'est qu'il devrait être utilisé, l'utilisateur-payeur, pour les pollueurs-payeurs.

M. Mulcair: O.K., d'abord. On va étudier la possibilité de vous assujettir à la partie pollueur-payeur pour les récidivistes.

M. Bugnon (Jean-Luc): Ce n'est absolument pas ça qu'on a dit, là.

M. Mulcair: Ah bon!

M. Courteau (Georges): Je pense que ce que... si je peux me permettre. Dans le fond, si jamais vous décidiez d'aller avec un environnement où vous ne ciblez pas des industries particulières, à ce moment-là, l'approche qu'on préconise, c'en est une du récidiviste. Bien entendu que, aujourd'hui, l'industrie forestière n'est pas ciblée dans les industries dont vous faites part, et puis, à ce moment-là, on ne vous demande pas de nous inclure, là, hein? Bien entendu. Maintenant...

M. Mulcair: Je veux juste m'assurer que vous avez bien compris que, sur le dernier bout, j'avais effectivement perçu la nuance dans votre propos.

Ce que je veux par ailleurs vous dire, c'est que le même principe vaut pour les autres secteurs, c'est-à-dire que l'obligation du ministère d'avoir un système général de surveillance continue à s'appliquer. Ce qu'on a prévu dans le règlement, en se basant sur la loi, est tout à fait conforme à ce que demande le Barreau, c'est qu'on prend les critères, c'est très clair, ça doit être basé sur le coût réel, ce n'est pas une question de faire autre chose et c'est un peu ce qui s'applique déjà dans votre domaine: tarification d'application générale visant certains secteurs mais tenant compte des risques; là, ensuite ? vous n'êtes pas dedans, comme vous venez de mentionner ? cas par cas pour l'intervention exceptionnelle de contrôle; accidents et risques imminents; récupération de certains coûts ? et on a donné un exemple, à la fin, des frais qui peuvent être reliés à ça.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. D'abord, je pense que vous faites bien d'être prudent parce que, vous savez très bien, et plusieurs groupes l'ont aussi mentionné, le ministre dit: Ah, c'est beaucoup plus lourd de revenir dans un projet de loi, mais, moi, je pense que c'est beaucoup plus transparent.

Et on sait très bien qu'à partir du moment où on laisserait l'article 5 libellé tel qu'il est... D'abord, le Barreau considère que ça ne correspond pas aux intentions réglementaires que vous avez dans les documents, même si vous y êtes exclus présentement. Vous n'êtes pas présentement visés, mais vous savez très bien que, par voie réglementaire, le ministre pourrait tout à coup, à un moment donné, peut-être avec encore un manque d'argent pour financer toutes ces activités, pourrait effectivement vous y inclure sans que les législateurs que nous sommes puissent avoir un mot à dire là-dessus. O.K.?

n(11 h 10)n

Alors, ça, je veux dire, quand le ministre dit des choses comme ça, M. le Président, je ne sais pas, mais il me semble qu'il a beau dire qu'il respecte les institutions, il me semble qu'en quelque part, là, ou bien il veut tout simplement ? comment dire? ? nous passer un sapin, il veut nous faire croire que, tel que le projet de loi est libellé, il rencontre ses intentions ou bien il veut nous prendre pour ce que nous ne sommes pas, c'est-à-dire des valises, là.

Tous les groupes sont venus dire, le Barreau du Québec l'a aussi dit: Il y a un problème pour qu'on rencontre les intentions ministérielles, les intentions ministérielles étant qu'effectivement les pollueurs soient payeurs et qu'on concentre nos énergies quant à la surveillance et au contrôle sur les récidivistes.

Ceci étant dit, puisqu'on parle de récidives, de récidivistes, de pollueurs-payeurs, certains sont venus nous dire qu'il serait intéressant d'augmenter les amendes, que cela aurait un pouvoir dissuasif plus grand et ça démontrerait aussi, là, en quelque part qu'on est sérieux dans le contrôle de l'environnement. Et d'autre part, du même souffle, ces gens-là nous disaient: Compte tenu du contexte dans lequel cette nouvelle tarification arrive, c'est-à-dire coupures budgétaires, etc., utilisateurs-payeurs, il faudrait s'assurer ? et ça, c'est un peu nouveau, peut-être que ça vaudrait la peine de l'examiner ? que les amendes restent au ministère de l'Environnement et ne soient pas envoyées au fonds consolidé. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Courteau (Georges): Bon, alors, écoutez, premièrement, sur la question d'augmenter les amendes, je pense que le ministre a le pouvoir d'imposer des amendes, et puis il y a une suite qui devrait être donnée à ce pouvoir-là pour pouvoir effectivement exécuter les amendes, le pouvoir qu'il a à travers la loi, donc de pouvoir faire ce que la loi lui permet de faire. Ça, c'est le premier élément.

En ce qui a trait au fonds, est-ce que... Rachel, tu pourrais peut-être répondre.

Mme Thibault (Rachel): Je pense qu'on n'a pas d'objection à ce que le fonds, à ce que l'argent recueilli soit dédié à l'environnement. Puis on a parlé, nous autres, d'incitatifs, en fait. Et, si ça pouvait alimenter en plus des incitatifs aux entreprises à emboîter le pas à celles qui font déjà au-delà ou au moins qui respectent les normes, et tout ça, on pense qu'effectivement ce serait peut-être une bonne option.

Le Président (M. Dubuc): Allez-y, M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Certains groupes sont venus nous dire qu'ils étaient un peu mal à l'aise avec ce projet de loi, à ce moment-ci, parce qu'ils avaient un petit peu de difficultés à se situer dans la vision globale du gouvernement ? et ils faisaient, à ce moment-là, référence au plan vert ? et qu'en quelque part, contrairement à ce qu'avait dit le ministre, qu'il n'irait pas à la pièce et de courte durée, dans le fond l'adoption, avant qu'on voit même le projet de loi sur le plan vert déposé... on a parlé, là... le ministre a bien dit: Avant-projet de loi.

Alors, est-ce que vous pensez, vous, qu'il aurait été plus souhaitable qu'on discute d'abord et avant tout autour d'un projet de loi sur le plan vert, avoir enfin la vision globale du gouvernement et qu'ensuite on puisse aller vers des projets de loi qui amènent une réglementation de tarification, comme le projet de loi n° 44? Est-ce que vous suivez aussi la vision de ces gens qui sont venus nous dire ça là-dessus?

Mme Thibault (Rachel): Je pense que oui. En fait, d'avoir une vision globale de ce que le gouvernement veut faire, c'est sûr que ce serait intéressant de le savoir le plus tôt possible dans le processus.

M. Thériault: O.K. Quant à la tarification en tant que telle, il y a des gens qui sont venus nous dire... Parce que, tantôt, on parlait des amendes, ce qui est nouveau, parce que là les amendes s'en vont au fonds consolidé. Nous, on disait: Le projet de loi introduit une nouvelle tarification, et il serait intéressant que cette nouvelle tarification ? vous l'avez mentionné, mais je veux juste être bien certain que vous vous êtes prononcés sur la question des amendes ...mais cette nouvelle tarification devrait aller dans un fonds dédié, et il faudrait que, dans ce projet de loi ci, dans ce projet de loi ci, il y ait l'inscription de cette intention que tous les argents vont rester, vont aller dans un fonds dédié. Un fonds dédié ? et j'imagine que, quand on va discuter d'un plan vert, vous allez peut-être avoir vous aussi des idées là-dessus ? servirait à financer, entre autres choses, le nouveau centre de contrôle, le plan vert, les nouveaux inspecteurs, les groupes environnementaux, et peut-être d'autres suggestions que vous avez. Alors, est-ce que vous allez dans le même sens aussi qu'il faudrait dès maintenant, et non pas attendre un avant-projet de loi, dès maintenant inscrire dans ce projet de loi là, puisqu'il s'agit justement de tarification, que ces argents-là devraient aller à un fonds dédié?

M. Courteau (Georges): Je pense que le fonds dont on parle ici devrait sûrement ne pas retourner au fonds consolidé, mais être ici au niveau du ministère, comme on disait, dans un contexte de pouvoir avoir des initiatives proactives pour pouvoir encourager le bon comportement et continuer dans ce sens-là. Mais on verrait d'un oeil favorable le fait d'avoir un fonds qui serait au niveau du ministère au lieu de retourner vers le fonds consolidé. Est-ce que vous avez des...

Mme Thibault (Rachel): Oui, et encadrer peut-être effectivement dès le projet de loi.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Le ministre nous dit qu'avec ce projet de loi là, avec cette nouvelle tarification là il y aura possibilité de faire des millions. Vous, avec l'expérience que vous avez, là, de votre monde en termes de contrôle, de surveillance, d'amendes, etc., est-ce que vous êtes du même avis que le ministre qu'avec une tarification telle que celle-là il arrivera à faire des millions? C'est parce qu'on n'a pas d'étude économique. Vous n'y avez pas réfléchi non plus, vous non plus?

Mme Thibault (Rachel): C'est ça. Non, on n'a pas d'étude économique.

M. Courteau (Georges): Je pense que ça prend des analyses d'impact pour être en mesure de voir effectivement qu'est-ce que c'est qui pourra sortir de ça.

M. Thériault: Et le ministre n'en a pas non plus. C'est ce qu'on comprend.

Mme Thibault (Rachel): Donc, on ne peut pas répondre à la question.

M. Thériault: Alors, M. le Président, si le ministre a des études d'impact, des études économiques, puisqu'on l'a demandé avant le début de la commission, j'aimerais ça qu'il nous les dépose séance tenante.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à parler d'un aspect de l'intervention de mon bon ami le député de Masson qui m'interpelle au plus haut point. Il ne cesse de répéter la même version qu'il a de l'intention formulée par le Barreau du Québec. Pour mémoire, je rappellerais aux gens que, contrairement au groupe qui est devant nous aujourd'hui, qui représente l'industrie forestière du Québec, le Barreau du Québec n'a pas respecté les dates qui ont été dûment publiées, est arrivé à l'improviste avec ce qu'on peut à peine appeler un mémoire, parce que c'est une lettre de trois pages signée par l'actuel bâtonnier.

M. Thériault: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): Oui, M. le député de Masson.

M. Thériault: Le président, lors de l'audience, la semaine dernière, a déjà statué sur les propos du ministre à cet effet-là.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: ...ça fait plusieurs fois que je me fais interrompre pour rien par mon bon ami le député de Masson. Je le laisse pérorer pendant que c'est son temps de parole...

Le Président (M. Dubuc): On vous laisse la parole.

M. Mulcair: ...puis je désirerais que vous mainteniez l'ordre selon le règlement dorénavant.

M. Thériault: Question de directive, M. le Président. Est-ce que vous pourriez rappeler à cette commission...

M. Mulcair: M. le Président, si vous n'êtes pas capable de maintenir l'ordre, je vais vous demander de suspendre, mais ça, ça fait quatre fois maintenant qu'on m'interrompt. Je suis d'une extrême politesse avec mon collègue le député de Masson, je le laisse faire ses interventions, mais vous arrêterez ses interruptions, c'est inconvenant.

Le Président (M. Dubuc): O.K. C'est à vous, monsieur. Si vous avez une question de règlement... Avez-vous une question de règlement?

M. Thériault: Bien, M. le Président, je voulais juste... Question de directive.

M. Mulcair: Ça suffit!

Le Président (M. Dubuc): S'il n'y a pas de question de règlement...

M. Mulcair: Par respect pour notre institution, respectez le droit de parole des autres.

M. Thériault: Je voulais juste, M. le Président, vous demander de rappeler, pour...

Le Président (M. Dubuc): Avez-vous une question de règlement, oui ou non?

M. Thériault: M. le Président, je n'ai pas de question de règlement.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre, à vous.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ce que j'étais en train de vous dire, c'est que, la semaine dernière...

M. Jutras: ...l'article 2. C'est vous qui présidez les travaux, ce n'est pas le ministre. Alors...

Le Président (M. Dubuc): Oui. Question de règlement, à court terme. Allez-y, posez la question.

M. Jutras: Bon. Bien, c'est ça que je dis, c'est vous qui présidez nos travaux; c'est à vous à faire respecter l'ordre dans cette salle...

Le Président (M. Dubuc): Si vous avez une question de règlement à court terme, si...

M. Jutras: ...et non pas au ministre. Ce serait bon de le rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre, à vous.

M. Mulcair: C'est précisément ce que vous faites, M. le Président, vous reconnaissez que c'est moi qui ai la parole puis que les gens qui m'interrompent sans cesse font preuve de très peu de respect pour notre institution.

Ce que j'allais faire, c'était de faire une offre à mon bon ami le député de Masson d'inviter...

M. Jutras: M. le Président, M. le Président...

Le Président (M. Dubuc): Avez-vous une question de règlement, oui ou non?

M. Jutras: Article 35, M. le Président. Quand le ministre dit qu'on a très peu de respect pour l'institution, je considère...

M. Mulcair: C'est vrai.

M. Jutras: Voyez-vous, M. le Président? Il en rajoute en plus de ça. Mais, quand lui-même, M. le Président, le ministre... Puis c'est un ministre...

M. Mulcair: M. le Président, c'est moi qui ai la parole.

Le Président (M. Dubuc): Un instant! Question...

M. Jutras: Regardez! Non, je l'ai, la parole, là!

Le Président (M. Dubuc): Question de règlement. C'est à quel article, la question de...

M. Jutras: L'article 35, que je viens de dire.

Le Président (M. Dubuc): Bon. Allez-y, posez la question rapidement, parce que c'est le ministre qui a la parole. Je vous donne...

n(11 h 20)n

M. Jutras: Bien, c'est-à-dire que je soulevais une question de règlement. Et, quand le ministre nous reproche, M. le Président, de ne pas avoir de respect pour l'institution, bien, je vais référer aux infractions que lui-même fait au règlement quand il fait dire à des parlementaires ce qu'ils n'ont jamais dit. Et j'ai eu connaissance, ce matin...

M. Mulcair: ...

M. Jutras: M. le Président, regardez.

Le Président (M. Dubuc): Un instant, M. le ministre, juste...

M. Mulcair: ...il n'y a qu'une seule manière de le faire.

M. Jutras: Vous voyez.

Le Président (M. Dubuc): Juste une seconde, M. le ministre. En terminant, M. le député de Drummond. Rapidement.

M. Jutras: À plusieurs reprises ce matin, le ministre a enfreint l'article 211 du règlement. Alors, quand il dit, là, qu'on n'a pas de respect pour l'institution, au contraire, on a du respect pour le règlement et on veut que le ministre le respecte lui aussi, le règlement.

Le Président (M. Dubuc): Bon. Bien, à ce moment-là, ça n'a pas été soulevé à ce moment-là. Je demande... Bien, écoutez, là, on est ici, là, pour s'entendre. On devrait travailler ensemble. On a des gens qui sont ici pour nous écouter puis représenter des mémoires. Ça fait que je demande tout simplement une entente pour essayer de travailler ensemble le plus facilement.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre, c'est à vous.

M. Mulcair: ...j'avais effectivement la parole puis j'entends l'exercer. Puis vous avez raison de souligner au député de Drummond que l'article 211 lui permet de corriger sur le tir mais pas deux heures plus tard.

Je veux revenir sur ce prétendu avis du Barreau du Québec, car, contrairement...

Une voix: Prétendu avis?

M. Mulcair: ...contrairement au groupe qui est devant nous aujourd'hui, qui a respecté les règles de l'Assemblée nationale, qui a répondu dans les délais impartis, ça, c'est sorti d'une boîte de cracker jack, c'est arrivé sur notre bureau la semaine dernière, complètement en dehors des délais dûment imposés par la commission, et, depuis lors, le député de Masson n'arrête pas de faire dire à cette courte lettre du Barreau des choses qu'elle n'a absolument pas dites.

La lettre dit tout simplement ceci à propos de la tarification et de l'article 5: «Nous comprenons que le gouvernement cherche à couvrir les coûts engendrés par des mesures de contrôle et de surveillance. Pour éviter un élément de double pénalité pour une même infraction, et un aspect de "taxe déguisée", les frais imposés à la personne responsable devraient varier en fonction des coûts réels engendrés...»

Puisque ce qui est prévu ? et c'est très clair, c'est là, à tant par jour ? est effectivement le coût réel engendré, le député de Masson est singulièrement mal venu de continuer à interpréter la lettre du Barreau comme il le fait. Mais, ceci étant, même si on...

Une voix: ...

M. Mulcair: Oui, il dit: «Les pouvoirs discrétionnaires conférés par cet article devront être [basés] obligatoirement [sur] les critères prévus au dernier alinéa de l'article 31», ce qui est exactement le cas.

Maintenant, plutôt que de continuer à discuter de part et d'autre de la réelle intention du Barreau, qui n'a même pas eu la décence de respecter les dates publiées qui s'appliquent à tous les autres groupes qui sont devant nous, je fais l'offre suivante à mon bon ami le député de Masson: Pourquoi, de consentement, lui et moi, on ne s'entend pas pour accepter d'entendre le Barreau du Québec? On va les faire venir ici, en commission ? on le fera un autre jour; je soupçonne qu'ils vont avoir du mal à être ici, aujourd'hui ? mais, au cours des prochains jours, on trouvera une heure au cours de laquelle on pourra entendre le Barreau du Québec, et ça va mettre fin à toute velléité de sa part de faire dire à cette lettre ce qu'elle ne dit pas. Puis, par la même occasion, je vais avoir la possibilité, avec les avocats du ministère, d'interroger le Barreau du Québec sur la profonde signification de cette référence aux pouvoirs discrétionnaires, car, en matière réglementaire, c'est tout le contraire.

Donc, plutôt que, lui, d'essayer de trouver refuge dans cette lettre de trois pages, moi, je vais avoir l'occasion d'avoir Me Denis Mondor, l'auteur de la lettre, devant moi, et il va m'expliquer ce qu'il voulait vraiment dire, et il va me l'expliquer à la lumière du document qui a été communiqué avant que cette lettre ne soit envoyée car, contrairement au groupe de l'industrie forestière qui est devant nous aujourd'hui, le Barreau avait bel et bien en main le document en question.

Est-ce que le député de Masson accepte mon offre qu'on fasse une invitation conjointe au Barreau du Québec?

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre, en conclusion. Il reste 20 secondes. M. le ministre.

M. Thériault: Question de directive.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson. Deux minutes.

M. Thériault: Question de directive, M. le Président. Puisque le ministre veut faire venir... veut convoquer le Barreau, est-ce que vous êtes en mesure de convoquer le Barreau dès maintenant et qu'on puisse les entendre aujourd'hui même? Ils pourront nous expliquer...

Une voix: Ou une autre journée.

M. Thériault: Ou une autre journée. Ils pourront nous expliquer comment ils ont pu écrire un avis qui sort directement d'une boîte de cracker jack.

M. le Président, quand on parle de respect des institutions, le président qui était assis à votre place la semaine dernière avait convenu effectivement que, par tradition, selon les moeurs et coutumes de ce Parlement et de ses commissions parlementaires, il était tout à fait correct de voir des avis comme ça déposés par le Barreau, d'autant plus qu'on parle d'un projet de loi, on parle de législation, que nous sommes des législateurs, et qu'il n'y a pas que le Barreau qui a cette interprétation-là. Et, le ministre, ça ne lui fait pas plaisir, mais il y a le Centre québécois du droit de l'environnement, il y a plein de groupes qui sont venus nous le dire.

Les groupes, les gens qui sont là aujourd'hui, là, ils sont venus nous dire que, tel que le dit le Barreau, «les pouvoirs discrétionnaires conférés par cet article devront être balisés obligatoirement par les critères prévus au dernier alinéa de l'article 31 de la loi afin de traduire de façon précise l'intention du législateur qui est, selon nous, d'imposer aux personnes responsables des frais qui correspondent aux activités de vérification et d'enquête du ministère». Donc, pour que cela corresponde...

Le Président (M. Dubuc): En conclusion, M. le député de Masson, il vous reste 30 secondes.

M. Thériault: ...à l'intention réglementaire, à l'intention gouvernementale du ministre, il faut absolument qu'on modifie cet article-là. Et ces gens qui sont devant nous, même s'ils ne sont pas visés par les intentions réglementaires, nous disent la même chose ce matin. Donc, nous ne nous réfugions pas, à ce stade-ci, derrière quoi que ce soit, M. le Président, nous nous servons des outils que nous avons comme législateurs. Le ministre ne nous a même pas déposé ses études économiques. Ils nous ont répondu qu'il n'y en avait pas. Il vient de nous dire séance tenante qu'il y en avait. À quelque part, M. le Président, on travaille avec les outils que nous avons.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le député de Masson. Le temps est écoulé des deux côtés. Je tiens à vous remercier, M. le président, ainsi que vos collègues. Y a-tu quelqu'un, des deux côtés, qui veut prendre la parole pour remercier? Non. Ça fait qu'à ce moment-là on va suspendre les travaux pour quelques secondes. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

 

(Reprise à 11 h 29)

Le Président (M. Dubuc): Merci de votre présence. Monsieur, si vous voulez vous présenter puis présenter vos collègues dès maintenant.

Manufacturiers et exportateurs
du Québec (MEQ)

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, M. le Président, membres de la commission, mesdames, on vous remercie de nous accueillir et on vous souhaite le bonjour.

Alors, j'agirai, moi, Paul-Arthur Huot, président et directeur général de l'association Manufacturiers et exportateurs du Québec, comme le porte-parole. Et j'ai avec moi, qui m'accompagnent, M. Selem Sifi, de la société Petresa qui est membre de l'association, une belle entreprise du secteur pétrochimique; j'ai également M. Daniel Charron, qui est notre directeur Politique et analyse chez nous, au siège de l'association; et M. Jean-Michel Laurin, qui est à mon extrême gauche, qui est notre analyste pour les politiques économiques et environnementales.

Alors, M. le Président, voulez-vous qu'on commence notre présentation tout de suite?

Le Président (M. Dubuc): Oui. Mais je vais vous dire un petit peu... C'est un peu la même façon: vous avez 20 minutes; le groupe du gouvernement, 20 minutes; le groupe de l'opposition, 20 minutes. Ça fait que vous pouvez débuter immédiatement. Merci.

n(11 h 30)n

M. Huot (Paul-Arthur): D'accord. Merci beaucoup. Alors, écoutez, simplement je vais vous dire que les MEQ compte plus de 600 entreprises membres qui sont petites, moyennes et grandes entreprises, principalement manufacturières et exportatrices.

Notre mission d'association, c'est de promouvoir les intérêts des entreprises du secteur manufacturier. Et nos actions sont concentrées autour de cinq enjeux principaux, dont, entre autres, celui de concilier la croissance économique et le développement durable.

Les manufacturiers, au Québec, c'est plus de 630 000 emplois, c'est 21 % de notre PIB également. C'est une locomotive économique pour l'ensemble des régions du Québec. Juste en termes d'exportations, notre secteur génère 87 % de toutes les exportations, et c'est la modique somme de 64 milliards de dollars par année.

Alors, chers membres de la commission, M. le Président, vous avez lu notre mémoire, j'en suis certain, vous avez entendu aussi plusieurs groupes qui représentent des entreprises, alors je me permettrai d'insister sur des points qui soit n'ont pas été couverts à notre satisfaction... et je ne vous répéterai pas et ne lirai pas en détail le mémoire que vous avez déjà reçu.

Alors, je résumerai le tout en disant que le projet de loi suscite de vives inquiétudes au sein de notre industrie parce que, d'abord, il ne mènera pas à une amélioration de la qualité de l'environnement au Québec. Enfin, il risque même de lui nuire en soustrayant des ressources importantes que nos entreprises investissent dans l'amélioration de l'environnement. Il va les soustraire pour les remettre plutôt dans les mains du gouvernement.

On ne sait pas non plus combien va coûter cette loi et ces projets de règlement qui suivront par la suite. On serait en droit de s'attendre à ce qu'une étude d'impact économique soit réalisée pour les coûts directs mais aussi les coûts de conformité qui vont s'ensuivre.

Finalement, on croit que le projet de loi crée un précédent inquiétant en tarifant aux entreprises un service qui bénéficie à la collectivité et non directement à cette entreprise qui se verra facturée.

De plus, on croit que le projet de loi, tel qu'il est actuellement, va à l'encontre du principe de présomption d'innocence.

Alors, je reprends plus précisément chacun de ces trois points-là. D'abord, comment ce projet de loi va nuire à l'effort d'amélioration de l'environnement au Québec? Bien, je pense que ce n'est pas un secret pour personne ? puis on aura un exemple tout à l'heure très frappant ? les entreprises sont soumises à des exigences environnementales de plus en plus sévères de la part de leurs clients, de leurs actionnaires et bien sûr des communautés dans lesquelles elles opèrent. Et les entreprises, M. Sifi va en témoigner tout à l'heure, investissent des sommes considérables à améliorer leurs performances environnementales. En fait, ils adoptent des systèmes de gestion environnementale qui vont bien au-delà des standards que le ministère de l'Environnement pourrait mettre de l'avant. Alors, si ce projet de loi est adopté tel quel, les entreprises auront à prendre de l'argent actuellement consacré à améliorer leur gestion environnementale et l'envoyer au ministère pour payer des mesures de contrôle et de surveillance.

Alors, j'aimerais demander, avec votre permission, à M. Sifi de vous expliquer notamment comment ce projet de loi va remettre en cause des relations privilégiées de partenariat que bien des entreprises ont construites avec le ministère de l'Environnement et comment ce projet de loi, que l'on dit pourtant de nature environnementale, risque de compromettre des projets qui visent justement à améliorer l'environnement. Alors, M. Sifi va vous faire un témoignage pour les quelques prochaines minutes.

Le Président (M. Dubuc): M. Sifi.

M. Sifi (Selem): Bonjour, mesdames. Bonjour, messieurs. J'interviens à titre de membre des Manufacturiers et exportateurs du Québec, mais je parle au nom de Petresa Canada, usine pétrochimique employant 68 personnes à Bécancour. Je suis responsable d'environnement. Nos relations avec le MENV, le ministère de l'Environnement, sont transparentes et cordiales. Nous prônons le partenariat et la collaboration active. Le projet de loi n° 44 nous inquiète, dans le sens où cette loi nous contraindra à passer d'une attitude proactive à un état sous surveillance.

Avant même le début de la construction de notre usine, nous avions mis l'accent sur un respect appuyé de l'environnement, autant physique que communautaire. Toutes nos actions à ce jour ont été réalisées sous une bannière volontaire et proactive. Nous sommes bien sûr en possession d'un certificat global d'autorisation. Ce certificat définit un programme de surveillance et de suivi de toutes nos émissions ? eau, sol, air ? comparées à des normes fixées par le ministère de l'Environnement. À cet effet, des échantillons sont pris hebdomadairement, et des analyses sont réalisées par une firme externe agréée par vos services. Mensuellement, les résultats, reprenant les données, sont rapportés au MENV. Ces résultats sont obtenus au coût annuel de 20 000 $. Un rapport environnemental annuel reprenant les données mensuelles et de synthèse est de même transmis au ministère de l'Environnement. Ces rapports sont réalisés avec un souci de transparence et confiance totale vis-à-vis du ministère de l'Environnement. Sans y être contraints par aucune loi, nous mandatons une entreprise externe à conduire un audit environnemental annuel... de conformité environnementale annuel. Cette entreprise est accréditée aussi par vos services. Les constats et recommandations issus de cet audit sont immédiatement traités. Les résultats de cet audit sont transmis à nos propriétaires.

Toujours de manière volontaire, nous donnons suite à notre engagement envers l'environnement en faisant appel à une firme externe accréditée par vos soins pour identifier nos fuites fugitives et les réparer, le cas échéant. Un coût de près de 7 000 $ est associé à cette opération préventive.

Nous avons obtenu l'enregistrement à la norme ISO 14001 en décembre 2000, enregistrement qui fut renouvelé en 2003. Cet enregistrement démontre l'efficacité du système de management environnemental qui est en place dans notre organisation. Ce système est vérifié par une firme externe à chaque année.

Nous avons aussi l'accréditation gestion responsable qui est encadrée par l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques et dont l'objectif est d'effectuer une gestion responsable de nos activités en diminuant leur impact sur la sécurité et l'environnement de nos travailleurs, de nos partenaires et voisins. Cet engagement nous permet une maîtrise adéquate de nos installations, une utilisation optimale de nos ressources et une réduction de toutes nos pertes.

Nous avons également l'enregistrement ISO 9001:2000, et ce système de management de la qualité est régulièrement audité par une firme externe.

Outre ces interventions externes, des audits environnementaux internes sont réalisés à chaque année afin de nous assurer par nous-mêmes de la performance de notre système de gestion environnementale et de notre performance environnementale en général. Un comité des systèmes de gestion réunissant les responsables de l'entreprise tient des réunions mensuelles pour se pencher, entre autres, sur l'état de situation environnemental, sur les projections, les objectifs et apporter les ajustements requis, si besoin est. Il va de soi que tous ces systèmes ne peuvent qu'aider à atteindre des objectifs précisés en matière de performance environnementale. Il nous coûte financièrement à les faire auditer et les garder performants et efficaces, mais nous croyons que cette façon de gérer est très rentable.

Depuis notre création, nous avons réduit nos émissions de gaz à effet de serre de près de 30 %. Nous avons travaillé de manière volontaire dans le cadre du Protocole de Kyoto. Nous soumettons annuellement un rapport de situation sur nos émissions à EcoGESte et au MVR. Nous avons été honorés par EcoGESte avec la mention de finaliste en 2001. Et nous avons reçu, en 2004, deux prix MVR pour nos actions volontaires: le premier prix pour le leadership industrie chimique et le second pour le leadership moyenne et petite entreprise.

Nous sommes fiers, en tant qu'industrie québécoise, d'avoir été ainsi honorés. Cette fierté se répercute sur notre personnel, auquel nous avons transmis, par de la formation et de la sensibilisation, le comportement environnemental. Il faut voir notre sincère satisfaction lors des discussions techniques quand, avec sérieux et insistance, sont abordés par nos employés les aspects environnementaux et les solutions proposées en vue d'atténuer leur impact.

Sans nous étendre sur toutes nos actions réalisées des années auparavant, cette fierté s'est matérialisée pour l'année 2003 par la mise en place d'un investissement de 760 000 $ impliquant une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre de 8 %. Cette année, au mois de septembre 2004, nous avons mis en place un nouvel investissement de 80 000 $ modifiant notre procédé pour récupérer l'énergie en substituant la vapeur d'une chaudière par un courant chaud du procédé. Ceci nous permettra de réduire d'un autre 2 % nos émissions de gaz à effet de serre.

Toutes ces actions décrites ont été prises sans qu'aucune contrainte ne nous soit imposée par une loi ou un règlement. Notre engagement volontaire est motivé par le fait que la protection de l'environnement, pour une entreprise comme la nôtre, constitue un geste très rentable. Elle nous permet d'importantes économies d'énergie, une optimisation de nos ressources et contribue à développer une image corporative positive. Cette image a un impact important sur la mobilisation de notre personnel, sur l'accueil que nous réserve la communauté et sur la volonté de nos clients à faire affaire avec une entreprise responsable dotée d'une éthique exemplaire.

n(11 h 40)n

Nous prônons le partenariat, et, à cet effet, permettez-moi de vous citer un cas de vécu de partenariat ministère de l'Environnement-industrie. Nous avions à régler un problème lié au résultat de nos émissions de benzène. Avec l'aide d'une équipe du ministère de l'Environnement, nous avons réussi à cerner le problème et à mettre en place des solutions qui se sont avérées efficaces. Je vous dis ceci en peu de mots, mais nos activités ont duré plus de six mois.

Encouragés, nous avons décidé d'aller plus loin et nous avons décidé d'améliorer notre système de suivi d'ambiance. Nous avons soumis notre projet au ministère de l'Environnement, qui a agréé notre action. Ce projet consiste à repositionner des points d'échantillonnage automatique de nos systèmes de suivi. La réalisation de ce projet nous permettrait d'identifier plus efficacement d'éventuelles fuites et de réagir en conséquence pour le plus grand bénéfice de l'environnement. Ce projet demande des fonds qui pourront ne plus être disponibles si des dépenses supplémentaires venaient à nous être exigées, par ailleurs.

Bien que Petresa Canada soit en deçà des normes de rejet imposées par le ministère de l'Environnement, un autre projet est en cours d'étude pour réduire davantage l'émission de contaminants dans nos eaux résiduelles. Un budget de 30 000 $ est prévu pour sa réalisation. Qu'en serait-il si dorénavant nous devions prévoir à nos budgets un montant lié à l'inspection de nos installations par les représentants du ministère de l'Environnement?

Nous pourrions poursuivre ainsi avec bon nombre d'actions que nous entreprenons de notre propre chef parce que nous gérons de façon responsable notre entreprise et que nous visons à agir en bon citoyen corporatif. Notre propos n'est pas d'argumenter en vue de remettre en cause le projet de loi que votre institution propose. Nous aurions été sereins de voir ce projet concerner les entreprises délinquantes identifiées déjà par votre institution.

Notre inquiétude vient aussi du fait que ce projet de loi, tel que présenté actuellement, ne vienne remettre en cause des relations privilégiées de partenariat que bien des entreprises ont construites patiemment et à force d'évidences avec le ministère de l'Environnement. Il va de soi qu'avec la conjoncture difficile actuelle de Petresa Canada due au prix élevé du pétrole tout argent qui irait à couvrir des dépenses qui à notre avis n'ont aucune valeur ajoutée ne pourra être mis à profit pour l'amélioration de la performance environnementale de l'entreprise. L'environnement à notre avis aura plus à perdre qu'à gagner, et notre pugnacité à le rendre meilleur pour nous et les générations à venir se trouvera frustrée. Permettez-nous de croire que, dans notre société responsable, le civisme et les bons citoyens sont encore de ce monde. Merci, mesdames et messieurs.

M. Huot (Paul-Arthur): Alors...

Le Président (M. Dubuc): ...allez-y.

M. Huot (Paul-Arthur): Oui. Alors, j'aimerais, M. le Président, attirer l'attention de la commission sur le fait que M. Sifi travaille pour une entreprise qui est jugée à risque dans les annexes au brouillon de règlements qui ont été publiés. Donc, elle fait partie des entreprises qui sont visées non seulement par la loi, mais aussi par la réglementation. Et, aux yeux mêmes des professionnels du ministère de l'Environnement, cette entreprise est considérée comme un bon citoyen corporatif n'ayant aucune infraction à son actif depuis sa mise en opération ? c'est quelque chose ? et qui est impliquée dans un programme très élaboré de gestion du risque environnemental et la gestion de l'amélioration de l'environnement d'une façon qui dépasse tous les standards, les plus hauts standards que le ministère pourrait mettre en place. Alors, pourquoi pénaliser une telle entreprise? Et, croyez-moi, elle n'est pas seule.

Alors, au lieu d'être dépensées pour améliorer l'environnement, les sommes qui sont visées par la tarification iront au gouvernement. Et, je pense que c'est clair pour nous, l'importance d'investir dans l'environnement, c'est beaucoup plus important que d'investir dans le gouvernement.

Il y a déjà des centaines d'entreprises qui sont certifiées ISO 14001, d'autres sont certifiées sous d'autres référentiels reconnus mondialement, et ce nombre augmente. Malheureusement, avec ce projet de loi, moins d'entreprises risquent de pouvoir mettre en place un système de gestion environnementale, seul capable d'améliorer la qualité de l'environnement au Québec. Le ministre dit qu'il veut sévir contre un petit nombre d'entreprises. Pourtant, par le projet de loi, il se donne les moyens de pénaliser un grand nombre d'entreprises, dont plusieurs comme celle-ci, qui ne sont pas coupables de rien. Nous ne croyons pas que le ministre mettrait en place toutes ces mesures si ce n'était pour les appliquer qu'à un très petit nombre. Alors, s'il y a un problème avec un petit nombre de contrevenants à répétition, les gens coupables, il existe certainement une solution plus raisonnable que celle-ci.

L'absence d'étude d'impact économique. Je le mentionnais au début, je pense qu'il faut regarder l'impact économique plus large que seulement les frais qui vont être versés sous forme de la tarification, les sommes versées par les entreprises. Il y a aussi le temps de préparation des visites, le temps passé à accueillir les inspecteurs et des suites également après.

Maintenant, il y a aussi d'autres impacts un peu plus indirects. On connaît l'exemple d'autres services gouvernementaux qui font du recouvrement de sommes, qui mettent en place des structures bureaucratiques quand même assez importantes pour recueillir des sommes. On peut prévoir d'autres formulaires, on peut prévoir des formes de facture, etc. Alors, il y a toute, là aussi, une bureaucratie qui va être obligée d'être mise en place pour faire ce recouvrement. Alors, une étude des coûts économiques pour l'industrie mais également au sein même des administrations publiques: qu'est-ce qu'il va falloir mettre en place pour récupérer en direct une somme relativement faible, d'autour de 10 millions de dollars? Du moins, c'est ce qu'on entend dans les journaux; peut-être beaucoup plus, on n'en a pas d'idée. Alors, une étude économique nous apparaît importante.

D'autres éléments à souligner. Depuis le début de la commission, on entend de principe de pollueur-payeur ou de contrevenant-payeur. Or, quand on lit le projet de loi, il est plutôt question ici de suspect-payeur. Ce qui est clair, c'est que l'article 5 cause beaucoup de confusion. Et, comme le disaient des membres de la commission ici, il y a une distorsion entre les bonnes intentions du ministre et le libellé de la loi.

Je pense qu'aussi il faut souligner que ce projet de loi va créer un précédent inquiétant qui pourrait être repris facilement par d'autres ministères. Imaginez-vous, vous conduisez tous des voitures, vous vous en allez sur la route, l'autoroute 20, et la Sûreté du Québec vous arrête, elle vous a pris au radar. Vous n'êtes pas coupable. Par contre, vous êtes susceptible de dépasser la vitesse. Alors, on vous arrête et on vous remet une facture de frais administratifs pour payer pour le radar qui vous a pris en photo et payer également pour la voiture qui sert à faire ce service-là, etc. Alors, on tombe évidemment... on ouvre la porte à des exagérations importantes. La même chose pour le ministère du Revenu. On met des gens à évaluer les rapports d'impôts; il y a des frais administratifs qui sont liés à ces opérations. Et si on renvoyait à chaque contribuable une facture de frais administratifs pour le temps passé à évaluer le rapport? On trouve que ça va beaucoup trop loin. Les manufacturiers paient au gouvernement du Québec et à la population 2 milliards de dollars en impôts et taxes. On pense que ces services d'inspection environnementale devraient être financés à même ces sommes.

Alors, j'aimerais résumer rapidement les mesures précises que nous aimerions qui soient prises pour bonifier le projet de loi, du moins en atténuer les effets qui, on pense, seraient néfastes. Alors, bien sûr...

Le Président (M. Dubuc): En conclusion, M. Huot, il vous reste une minute.

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, dans une minute. D'abord, ce projet de loi doit reconnaître les entreprises qui investissent massivement dans la gestion environnementale. Il faut reconnaître le degré de risque beaucoup moins élevé des entreprises qui se sont dotées de référentiels comme ISO 14001. C'est très important à nos yeux.

Je mets le ministère et le ministre au défi également de mettre l'argent qui sera recueilli de la tarification dans l'amélioration de la performance environnementale des entreprises, donc de dédier ces sommes à inciter les entreprises à adopter des systèmes de gestion environnementale. On aimerait voir ça écrit dans la loi. On veut voir ces sommes dédiées non pas à financer le salaire d'inspecteurs mais à améliorer la qualité environnementale ici, au Québec.

Le projet de loi doit être soumis à une étude d'impact, je l'ai dit.

On voudrait aussi que les intentions orales du ministre correspondent davantage à ses intentions écrites. L'article 5 porte à confusion. Il faut clairement indiquer que cet article-là se limite aux entreprises qui sont coupables, qui sont jugées responsables... M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Huot. Pendant le... M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. Sifi, M. Laurin, M. Charron, M. Huot, la présentation de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Québec était fort intéressante. Et venant, comme c'est le cas, tout de suite après l'industrie forestière, ça nous permet peut-être de mettre en relief un certain nombre d'éléments.

n(11 h 50)n

Vous avez tout à fait raison, avec la présentation de M. Sifi, de mentionner que sa société est reconnue très bien dans le domaine mais de la même manière que la plupart des compagnies dans l'industrie forestière, mais qui doivent quand même tous détenir une attestation d'assainissement et qui est tarifée, qui était mise en place pour cette industrie-là. Ce que, nous, on est en train de faire, c'est de s'assurer que les industries qui nous coûtent le plus en termes de nos services vont payer une partie de ça. Et, oui, il va y avoir un fonds dédié à ça.

J'ai écouté la petite nuance qu'a apportée M. Huot à la fin; c'était gentil de sa part. Je le remercie beaucoup pour sa sollicitude, mais je pense que, pour ma part, j'ai beaucoup de respect pour les inspecteurs du ministère de l'Environnement, puis de dire... Je vous avoue, j'ai trouvé ça un peu dédaigneux quand vous avez dit à la fin: Si vous allez chercher cet argent-là, vous pouvez le donner aux entreprises mais pas pour payer le salaire d'un inspecteur en environnement. Je vous avoue que je trouve que le travail qu'on fait au nom de l'ensemble de la société québécoise, à travers ces hommes et ces femmes qui sont des inspecteurs, des gens sur le terrain... je trouve que c'est un travail très important.

Et, oui, effectivement, je ne m'en cache pas, on veut créer un fonds dédié ici. Moi, j'aurais voulu attendre que le plan vert soit en place et s'assurer qu'il entre dans le plan vert, parce que ça va se faire dans cet ordre-là. Les vis-à-vis de l'opposition voudraient voir un fonds dédié, puis j'ai pris l'engagement de travailler avec mes proches collaborateurs au ministère de voir à une rédaction d'ici à ce qu'on revienne en article par article.

Mais je vous avoue qu'à vous entendre parler... Vous dites qu'il y a loin de la coupe aux lèvres entre nos intentions puis le règlement, mais je pense que cette chaussure-là peut aller à l'une ou à l'autre des parties autour de cette table dans ce cas-là, parce que, d'un côté, vous me dites: Oui, oui, oui, on est bien; reconnaissez l'ISO 14000. Comme si l'ISO avait besoin de nous autres. L'ISO 14000 marche justement parce que c'est un secteur complètement à part qui est autoréglementé. Ça n'a jamais rien à voir avec des gouvernements, et bien malin celui qui commencerait à jouer là-dedans. Mais je pense que l'objectif, ici, ne saurait être plus clair: l'article 5 vient nous préciser qu'un petit peu à l'instar de ce qui se fait dans d'autres domaines, dans des domaines jugés justement un petit peu plus à risque pour nous causer des frais, on va pouvoir avoir, en dehors du système général d'inspection du ministère qui, je le réitère, va toujours être à la charge du ministère...

Mais, pour reprendre avec votre exemple de la voiture, vous payez une partie dans votre permis, vous avez de l'inspection, vous avez de la répression, peu importe, c'est la même chose ici. Mais ce qui va en dehors, selon le secteur, selon le risque, selon les récidives ou selon l'expérience, la facture va pouvoir être refilée.

Puis, sauf tout le respect que je vous dois, je ne partage pas votre préoccupation quand vous me dites que ça crée un dangereux précédent parce qu'on n'a pas besoin d'attendre une condamnation. Selon vous, M. Huot, à moins que je traduise mal votre pensée, vous êtes en train de me dire que je dois absolument attendre une condamnation. Or, je vais vous dire que, dans la vraie vie ? puis vos membres peuvent vous en témoigner ? ça peut prendre jusqu'à 10 ans pour que le sort d'une activité environnementale et sa poursuite connaissent un dénouement devant les tribunaux. Et, si je suis rendu avec une quasi-permanence du TAGA ou des inspecteurs à un endroit, je trouve ça tout à fait normal de pouvoir refiler la facture.

Par ailleurs ? et je pense que M. Sifi risque d'être d'accord avec moi ? justement parce que les entreprises qui sont les plus récalcitrantes, qui refusent de dépenser les 700 quelques mille dollars qui nous ont été décrits comme ayant été dépensés dans l'entreprise de M. Sifi, ce sont ces entreprises-là qui sont en train de se donner un avantage économique. Ils s'avantagent économiquement en refusant de faire cette dépense-là. Et, à mon sens, c'est tout à fait correct, une fois que cette économie qu'ils se sont arrogée s'avère coûteuse pour l'environnement, que je puisse, comme ministre de l'Environnement, leur refiler la facture, et c'est un des buts principaux du projet de loi n° 44.

Mais il y a un aspect, en ce qui concerne le fait de budgéter le montant pour l'inspection, qui m'a intrigué dans votre présentation, M. Sifi, puis j'aimerais vous demander d'élaborer un tout petit peu là-dessus pour nous autres, si vous le voulez bien. Faites la distinction pour moi entre l'industrie du raffinage du pétrole et l'industrie des pâtes et papiers, qui doit justement pourvoir à des sommes pour leur certificat d'assainissement. Il est où, le problème, si systématiquement vous savez qu'en raison d'efforts additionnels on va pouvoir, pour l'utilisation que vous faites de nos ressources, charger tout le monde dans l'industrie un montant étalon? Il est où, le problème de concurrence ou le désincitatif à la dépense? Je vous avoue, j'ai un petit peu de mal à suivre votre raisonnement là-dessus. M. Sifi.

M. Huot (Paul-Arthur): M. Sifi n'est pas spécialiste de l'industrie forestière, mais évidemment au sein de son entreprise...

M. Sifi (Selem): Bien, la question que vous posez, c'est le fait qu'interviennent de nouvelles dépenses... J'ai mal saisi votre question.

M. Mulcair: M. Sifi, j'ai pris note que vous avez dit qu'on passe d'une ère de collaboration à une ère de surveillance.

M. Sifi (Selem): Oui, absolument. Nous le ressentons comme ça.

M. Mulcair: Moi, je trouve que je ne peux pas, comme ministre de l'Environnement, me retourner vers les gens qui nous élisent de part et d'autre, qui nous demandent d'assurer la sécurité de l'environnement et leur dire: Je vais le faire sur la base de la collaboration. À un moment donné, il faut qu'il y ait de la surveillance. La question est de savoir si on va le tarifer selon le risque que peut représenter objectivement un secteur ou un autre. Vous me dites: Ça va être un problème; je dépenserai moins parce que je vais obligé de budgéter pour le ministère. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus pour moi.

M. Sifi (Selem): M. le ministre, aujourd'hui, la surveillance est faite. Je l'ai dit dans mon exposé, la surveillance est faite, nous avons un certificat d'autorisation. Ce certificat d'autorisation là a mis en place un programme de suivi et de contrôle, O.K.? Ce programme de suivi et de contrôle a été négocié avec le ministère de l'Environnement en vue de nous assurer que la surveillance se fasse autour de notre usine concernant les milieux eau, air, sol. En fait, on en fait un suivi, on en fait... Évidemment, comme je l'ai dit, on prend des analyses requises, on en fait des... les résultats obtenus sont transférés au ministère de l'Environnement. Dès qu'il y a le moindre dépassement, on s'explique, on explique pourquoi. Et, s'il y a des dépassements qui doivent nécessiter des actions, on les met en oeuvre. Transparence totale. Mais ce qu'on se dit: Mais si tout ça est vécu déjà, on voit mal pourquoi on devrait être encore inspecté, pourquoi on devrait être... Sur quoi? On est inspecté; il y a une inspection tacite qui se fait déjà.

M. Mulcair: Mais, juste pour continuer là-dessus, c'est important pour moi de comprendre votre préoccupation. Vous évoquez cette transparence totale à l'heure actuelle. Est-ce que vous êtes en train de m'affirmer, M. Sifi, qu'il y aura moins de transparence si on devait tarifer certaines activités de contrôle? C'est là où j'ai vraiment du mal à vous suivre.

M. Huot (Paul-Arthur): Non, je pense que ce n'est pas l'intention qui est dite ici. Si vous avez bien suivi la présentation de M. Sifi, l'esprit de partenariat qui existe avec les fonctionnaires du ministère de l'Environnement... Puis j'en profite pour effacer l'impression malheureuse que j'ai laissée tantôt en parlant d'inspecteurs. Dans le cas de cette entreprise-là, les gens qui vont travailler là y vont comme partenaires, comme professionnels et partenaires. Ils travaillent à des solutions pour régler les problèmes bien avant qu'ils se présentent. Un inspecteur va, un peu comme la police, avec le bâton une fois que le mal est causé. On préfère l'approche de prévention, et ça, c'est le partenariat, et ça, c'est la gestion environnementale. Et, si des sommes et des ressources sont déviées pour financer plutôt les opérations de contrôle et de surveillance, dans le cas de cette entreprise-là, ça lui soustrait des ressources et ça a un impact. Certains des projets qui ont été mentionnés tantôt pourraient être plus difficiles à lancer dans ces circonstances-là. C'est juste ça qui a été dit.

M. Mulcair: Mais, dans une situation où les forces du marché prévalent, si tout le monde est dans le même secteur, a les mêmes coûts, par ailleurs la personne qui est dans une situation d'exception, la personne que je décrivais tantôt, la personne théorique qui, dans le secteur pétrochimique ou dans le secteur des forêts, des produits de la forêt... si la personne qui est vraiment en dehors reçoit une facture additionnelle pour ces parties-là ? ça, c'est la partie qu'il est convenu d'appeler pollueur-payeur ? la personne qui est, à répétition, un de nos clients... Mais, si par ailleurs, dans un domaine qui représente un plus haut risque, pour veiller à ce que tout le monde soit aussi bien que l'entreprise pour laquelle M. Sifi travaille... J'ai du mal, dans un contexte de forces du marché, de comprendre il peut être où, le problème. C'est juste ça. Je ne vous suis pas là-dessus.

M. Huot (Paul-Arthur): Je ne sais pas si je vais pouvoir vous éclairer suffisamment, mais il est clair, pour toutes les entreprises sérieuses qui ne sont pas des récidivistes coupables, que d'investir dans l'environnement, avec les forces du marché actuel, c'est la chose à faire, d'investir dans l'environnement, dans la gestion de l'environnement. La seule façon d'y arriver, c'est de se donner un processus de gestion interne de l'environnement et c'est aussi de mobiliser chacun des travailleurs. L'accident, ça n'arrive pas par la gestion en haut, c'est sur le plancher de l'usine que ça se produit. Et, s'il n'y a pas de mobilisation réelle de chacun des travailleurs avec des processus de gestion environnementale sérieux et professionnels, bien on ne fait pas de progrès, et les accidents peuvent continuer de se produire. Alors, pour nous, c'est clair, ça, c'est une chose importante.

n(12 heures)n

Vous avez mentionné tantôt: Oui, mais ISO... Je ne sais pas dans le monde gouvernemental, mais j'aimerais juste attirer votre attention, il y a quelques années, en fait il y a 10 ou 15 ans, le secteur alimentaire... Vous imaginez que le risque d'empoisonner du monde, il est très élevé, alors l'industrie graduellement avec le gouvernement, le gouvernement du Québec, à ce moment-là le MAPAQ, ont incité les entreprises à adopter le processus HACCP, qui est l'équivalent des eaux mais dans l'alimentaire. Aujourd'hui, ces entreprises-là qui ont adopté ces processus-là sont inspectées à une fréquence beaucoup moins élevée, il y a beaucoup moins d'empoisonnements alimentaires qu'il y en avait il y a 20 ans. Alors, une responsabilisation des entreprises est de beaucoup supérieure à toute forme d'inspection genre police. Ça, c'est important.

C'est long de réussir à faire déclarer une entreprise coupable. C'est long, oui, peut-être jusqu'à 10 ans, vous dites, parfois. Pour une administration publique, 10 ans, ce n'est pas si long que ça. Et, si l'entreprise est déclarée coupable, bien vous aurez... l'administration publique aura à la fois le capital et les intérêts.

Je pense, ce qu'il faut retenir, investir dans l'environnement, nos entreprises, ça devient une force du marché. Et les investissements se font; c'est un avantage compétitif. Celle qui n'est pas responsable, qui volontairement pollue son environnement et l'environnement, bien elle se tire dans le pied. Les accidents, il n'y a personne qui en veut. Ça, on est tous conscients de ça, c'est du gaspillage.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: Bien, je veux juste dire que, dans le domaine alimentaire, tout le monde peut représenter environ le même niveau de risque, mais évidemment, dans le domaine de l'industrie, bien on n'a qu'à regarder la liste qu'on a produite ici d'une dizaine de secteurs, le risque peut varier déjà d'un à l'autre d'une manière radicale. Et même là on avait jugé que ça, ça pouvait représenter ? puis ce n'est pas fini, puis ce n'est pas encore en vigueur bien entendu ? des risques plus élevés.

Donc, pour le 14001, son applicabilité, je m'engage de pousser un petit peu plus loin, mais on a déjà fait des études internes en vue de déterminer si on pouvait réduire le niveau de surveillance en fonction des entreprises qui détenaient cette certification-là, et la réponse est négative pour l'instant. Mais je peux m'engager de travailler avec votre association, peut-être mettre en commun nos expériences et nos expertises. Et, si ça pouvait s'avérer que cette certification nous permettrait de réduire le niveau de surveillance, comme vous avez mentionné dans un domaine spécifique qui est l'alimentation, bien tant mieux pour tout le monde. Alors, je suis loin d'être fermé à ça. Je veux partager et je veux m'assurer qu'on s'assoie ensemble, qu'on partage nos expériences, et notre expertise, et notre évaluation qui a été faite, puis on est plus qu'ouverts à essayer de travailler ça. Ça fait partie des solutions possibles, mais l'analyse que nous avons faite jusqu'à date ne nous a pas démontré que c'était concluant.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, dans votre mémoire, vous mentionnez que le projet de loi devrait être amendé pour inclure l'obligation de faire rapport à l'Assemblée nationale des sommes perçues chaque année et des facteurs pris en compte dans l'établissement du système de tarification. Les groupes que nous avons interrogés là-dessus étaient favorables à ça. Vous souhaitez que le projet de loi prévoie l'obligation que toutes les sommes recueillies soient investies à soutenir les industries dans l'amélioration de la performance environnementale. En fait, vous avez dit tout à l'heure... Vous avez résumé ça tout à l'heure en disant: On voudrait que les sommes soient dédiées à l'amélioration de la qualité environnementale et qu'il y ait des incitatifs. C'est dans le sens des incitatifs, si je dois comprendre.

Ma question serait en deux volets. D'abord, puisqu'on est devant l'obligation, selon ce que dit, entre autres, le Barreau du Québec, de modifier l'article 5, avez-vous réfléchi, vous, de votre côté ? soyez bien à l'aise, là, si c'est non, c'est non; et, si c'est ultérieurement que vous y réfléchissiez, j'aimerais ça que vous puissiez nous transmettre vos réflexions ? avez-vous réfléchi à comment on pourrait libeller justement le projet de loi de manière à répondre à ces préoccupations-là? De un. Et, de deux, est-ce qu'on doit comprendre de vos interventions que vous souhaitez du moins que l'argent qui sera amassé ne soit pas transféré au Conseil du trésor, soit investi dans le ministère et qu'en conséquence le ministère et... le gouvernement et le ministre s'assurent que ces sommes-là ne profiteront pas à encore des compressions budgétaires au ministère de l'Environnement?

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, M. le député, d'abord, au niveau de la modification de l'article 5, bien je pense qu'on a bien illustré tout à l'heure avec le cas de Petresa qu'une entreprise qui met en place des systèmes de gestion environnementale, qui, depuis des années, n'a aucune infraction, on ne comprend pas pourquoi cette entreprise-là serait automatiquement obligée de payer une tarification qui, à l'origine ? et ce qu'on entend partout ? doit être basée sur le principe du pollueur-payeur ou le principe du récidiviste-payeur. Alors, manifestement, ce ne sont ni des récidivistes ni des pollueurs, et on ne voit pas pourquoi ils devraient payer. Alors, dans l'article 5, il faut refléter cette réalité-là; il faut remettre le principe du coupable, coupable-payeur. Ça, on pense que c'est net, net et clair. C'est la plus grande modification qu'on mettrait.

On mettrait également dans cet article 5 ou du moins dans un... Je ne suis pas un juriste puis je ne suis pas un avocat non plus, là, mais, en quelque part dans le projet de loi, il faut donner un avantage aux entreprises qui se sont responsabilisées et qui ont mobilisé leurs travailleurs, parce que c'est ça, un développement durable. Ça, ça dure. Le passage d'un inspecteur, bien ça va... ça a un effet, c'est clair, mais il est temporaire dans le temps. Un véritable changement de mentalité au sein de l'entreprise, ça, c'est durable, et ça, ça reste, et ça, ça améliore l'environnement.

Alors, on aimerait qu'il y ait une reconnaissance, et je pense qu'il y a une façon facile, comme dans d'autres secteurs comme celui de l'alimentaire: que la fréquence de visite à tout le moins et la nature des inspections reflètent le degré de risque moins grand de cette entreprise-là, même si elle est dans un secteur qui est à risque. O.K.? Alors, ça, ça nous apparaît important.

La deuxième question, l'argent dédié. Il faut investir l'argent dans l'amélioration de la qualité environnementale ? je m'excuse, je vais l'arrêter tout de suite... Alors, il faut investir l'argent dans l'amélioration de la qualité environnementale et en particulier dans ce processus de responsabilisation des entreprises. On peut avoir un fonds vert, ça ne veut pas dire qu'il va être vert, hein? On peut saupoudrer de l'argent dans toutes sortes d'initiatives. Il y a besoin de sensibilisation, de continuer de sensibiliser et la population et les entreprises, mais il y a un nombre important d'entreprises qui sont rendues beaucoup plus loin que ça, qui sont bien au-delà des standards environnementaux, et je pense qu'il faut en inciter un plus grand nombre à adopter ces approches-là.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Dans ce que vous avez appelé l'annexe aux brouillons de règlement, vous avez indiqué qu'entre autres l'entreprise de M. Sifi était, à ce moment-là, visée comme étant une entreprise à risque. Moi, je voudrais essayer de mesurer, là, jusqu'où vous êtes prêt à aller dans l'idée du pollueur-payeur, parce que vous mentionnez... Vous avez introduit, peut-être au grand dam du ministre, un nouveau concept ? alors là on va être dans la théorie pas à peu près ? vous avez parlé du coupable-payeur.

Moi, je voudrais savoir, là, quand un inspecteur se rend sur les lieux et qu'il voit une infraction, est-ce qu'il est en droit, d'après vous, de charger les frais de cette surveillance, de ce contrôle, de cette inspection-là parce qu'il vient de prendre l'installation en défaut, indépendamment du processus normal, qui suit son cours, d'amende et etc.? Est-ce que donc vous seriez d'accord pour dire qu'il est coupable, celui qui est pris en défaut par un contrôle et une inspection?

M. Huot (Paul-Arthur): On pense que les amendes et les pénalités devraient suffire pour régler ce cas-là. Est-ce qu'on veut... Qu'est-ce qu'on vise ici? On vise-tu à accumuler des revenus à même le service d'inspection ou on vise à améliorer l'environnement? Est-ce qu'on veut se rappeler du gouvernement du Québec comme un gouvernement qui aura favorisé l'amélioration de l'investissement en environnement ou plutôt favorisé de se trouver des nouvelles sources de revenus pour payer des services de surveillance, de contrôle, d'inspection? Qu'est-ce qui aura le plus d'impact à long terme? Qu'est-ce que nos ? on va aller loin peut-être, vous allez dire, là ? qu'est-ce que nos enfants vont le plus apprécier et bénéficier dans le futur? Je pense, c'est l'amélioration de l'environnement. Ça nous paraît très important.

n(12 h 10)n

M. Thériault: Plusieurs ? avant de passer la parole à mon collègue de Drummond ? plusieurs sont venus nous dire que, contrairement à ce que le ministre avait dit qu'il ferait, à savoir déposer dans les plus brefs délais une vision globale quant à la protection de l'environnement au Québec, ce qu'on appelle le plan vert, donc contrairement au fait de développer et de déposer une vision globale à partir de laquelle nous pourrions effectivement discuter d'une série effectivement de lignes directrices, de balises, etc., et les acteurs économiques et environnementaux pourraient mieux se situer par rapport à cette vision globale là, après coup on pourrait effectivement convenir de ce qu'il manque pour arriver à actualiser cette vision globale là et ces balises, ces directives... Est-ce que vous êtes d'accord avec tous les gens qui sont venus ici pour dire que ça aurait peut-être été plus intéressant, plus sage de déposer d'abord le plan vert, et un projet de loi sur le plan vert, et ensuite discuter des mesures à la pièce comme le projet de loi n° 44?

M. Huot (Paul-Arthur): Alors, je répondrais d'emblée oui à votre question, mais, encore une fois, il faut apporter beaucoup de nuances. Le développement d'un plan vert, si on veut qu'il puisse avoir un impact sur l'amélioration de l'environnement, va nécessiter, lui aussi, un appui d'une foule d'intervenants, va nécessiter aussi des consultations importantes auprès de ces intervenants-là, et je pense que le plan, il est loin d'être prêt encore. Pour un, une association comme la nôtre n'a pas été consultée encore d'aucune façon sur un tel plan. Et, au-delà, une fois que le plan sera accepté, il va falloir là aussi une mobilisation importante d'une foule d'intervenants pour le mettre en oeuvre et qu'il produise ses impacts. Alors, pour produire ces conditions-là, je pense qu'on a encore... Et je peux comprendre M. le ministre, il y a toute une série d'urgences, dont celle de développer un bon plan vert. Bien, on aurait préféré qu'il soit déjà là, mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs non plus, je pense que le ministère a encore du travail à faire de consultation mais aussi de mobilisation des joueurs pour un plan vert.

Alors, ce n'est pas parfait, hein, mais, dans toutes ces situations-là, je pense qu'il y a plusieurs questions qui doivent se monter de front, puis le projet de loi du ministre, qui est en discussion depuis longtemps au sein du ministère, hein... Il y a deux ans, je pense, déjà, il y avait eu une nouvelle à l'effet que le ministère s'en allait dans cette direction-là de la tarification, on avait réagi à ce moment-là. C'était un autre gouvernement qui était là, mais c'étaient les mêmes personnes au sein du ministère.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Terrebonne.

M. Jutras: ...

Le Président (M. Dubuc): ...M. le ministre.

M. Mulcair: Bien, il me reste, pour ma part...

Le Président (M. Dubuc): Six minutes.

M. Mulcair: Oui. Très bien. Alors, je voulais juste dire à quel point cet échange a été important pour nous. Il y a plusieurs éléments qui sont sortis. Je voulais vous demander aussi... Le Centre patronal en environnement du Québec, lors de sa présentation, a qualifié de risibles les amendes imposées en matière d'environnement au Québec. Il les trouve trop basses. J'ai l'intention de m'assurer que cette observation trouve une suite logique dans les amendements éventuels que je pourrais apporter. Je voulais savoir si l'association des manufacturiers et exportateurs partage le point de vue du Conseil patronal en environnement, que les amendes en environnement, au Québec, sont trop basses pour constituer un réel incitatif et est-ce qu'une partie de la solution, pour vous aussi, consiste à hausser les amendes en cas de condamnation.

M. Huot (Paul-Arthur): Jamais on ne va protéger ? ni comme association ni comme entreprises individuelles ? on ne va protéger des pollueurs, jamais. Un pollueur qui le fait sur une base de mauvaise foi et qui est récidiviste, je pense, doit en supporter les conséquences avec les amendes et les pénalités, qui peuvent comprendre tous les frais engagés par le ministère tout au long de ces procédures et de ces processus, y compris les frais additionnels de contrôle. Vous pouvez majorer les pénalités en conséquence, et on ne s'opposera pas à ça, clairement.

Maintenant, comme gouvernement responsable, vous avez également à tenir compte du degré de développement technologique de certains secteurs, vous avez aussi à tenir compte également d'impératifs de développement régional. Mais ça, c'est votre travail de faire, de composer ces choses-là, et évidemment, pour aucune considération, on n'est disposé à laisser salir l'environnement, qu'il devienne inutilisable pour les générations futures.

M. Mulcair: Excellent. Alors, je vous remercie beaucoup pour cette précision et pour cet apport très important à nos travaux. Et, vous allez voir, dans la suite qu'on va donner, on va tenir compte de vos interventions qui, à plusieurs reprises, sont venues apporter des aspects qui avaient vraiment besoin d'être apportés. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation ici, aujourd'hui.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Bien, d'abord, M. Huot, moi, je voudrais vous dire que je n'ai jamais senti dans... et ni perçu ni entendu dans vos propos, là, de mépris à l'endroit des inspecteurs de l'Environnement là. Je voulais clarifier ça, là, c'est... Il y en a qui ont tendance à utiliser des mots «boîte à cracker jack» puis, tu sais, le mépris, puis le dédain, là, mais, moi, je n'ai jamais perçu ça dans vos propos. Ce que j'ai perçu en fait, ce que vous vouliez dire, c'est que finalement, plutôt que du contrôle, là, tatillon, là, c'est ça, protégeons donc l'environnement, hein? Bon. Alors, je voulais que ce soit clair, là, pour ne pas que vous repartiez d'ici, là, en disant: Bien, coudon, est-ce que mes paroles ont dépassé ma pensée, là? Moi, j'ai perçu clairement, j'ai perçu clairement vos propos.

Et ceux du ministre, encore une fois c'est toujours la même chose, et, moi, j'aimerais ça qu'on parle effectivement du vrai projet de loi dont on est saisi. Le ministre, j'ai pris des notes, là, quand il parlait, là. Il nous donne l'exemple des entreprises qui nous coûtent... qui nous coûtent le plus vont payer pour ça. Puis, quand il parle de secteurs qui sont plus à risque, il parle d'entreprises qui nécessitent la quasi-permanence du TAGA puis il parle des entreprises qui sont les plus récalcitrantes.

Mais ce n'est pas ça qu'il dit, le projet de loi. C'est ça, le problème qu'on a. Ce n'est pas ça qu'il dit, le projet de loi, parce que le projet de loi en fait, là ? puis le ministre aura beau dire ce qu'il veut ? c'est vrai que c'est une taxe déguisée, ce projet de loi là. En fait, ce qu'on voit dans ce projet de loi là, c'est que les activités du ministère de l'Environnement, la facture va être refilée aux entreprises quelles qu'elles soient. Quelle que soit la facture, ça va être refilé aux entreprises. Que ce soit le meilleur citoyen corporatif respectueux de l'environnement ou que ce soit le pire pollueur, vous allez vous faire refiler la facture du ministère de l'Environnement. C'est ça qu'on dit dans ce projet de loi là.

Alors, c'est pour ça que, quand vous dites dans vos recommandations: «Le projet de loi [devrait être] clarifié afin d'indiquer ce que compte faire le ministre avec les pouvoirs que lui confère le projet de loi. S'il n'est pour [...] appliquer qu'aux contrevenants récidivistes, le projet de loi devrait être amendé»... Bien, ce n'est pas ça qu'il veut faire. C'est toujours l'exemple qu'il donne. Puis, encore là, dans ses propos qu'il vous a tenus devant vous, tantôt, il y a quelques minutes, c'étaient toujours des exemples de pollueurs, mais, quand on le regarde, le projet de loi, l'article 5, tu sais, qu'on dit que finalement, là, il va pouvoir y avoir une facturation, là, on parle pour les mesures de contrôle, les mesures de surveillance, l'inspection des installations, l'examen des renseignements ou l'examen des documents qui sont fournis au ministre ou quand on dit: On va tenir compte des activités du titulaire, des caractéristiques de son installation ou encore du nombre d'infractions, c'est là, à la toute fin, ça arrive, là, la notion de récidiviste. Mais on voit que le projet de loi...

Vous avez parlé de pollueur-payeur; vous avez parlé, là, vous autres, de suspect-payeur. Ce qui a été beaucoup dit devant la présente commission parlementaire, c'est utilisateur-payeur, et le Barreau du Québec, lui, a parlé d'une taxe déguisée. Moi, ce que je vois dans ce projet de loi là, c'est que le ministre a livré des compressions de 13 millions. Il veut récupérer l'argent puis il va récupérer l'argent en facturant pour les services que le ministère rend. Et je pense que, M. Huot, l'exemple que vous donniez, c'est... Et c'est pour ça qu'il faut que ce projet de loi là et cet article-là soient balisés et soient cernés. Et, quand le ministre dit: On va le faire par règlement, moi, je dis: Faisons-le donc dans la loi. On est en train d'étudier un projet de loi, faisons-le donc dans la loi parce que c'est trop grave, ce qu'il y a dans cet article-là. C'est un précédent dangereux effectivement parce que là, à ce moment-là, tous les autres ministères peuvent suivre puis refiler toutes leurs factures aux utilisateurs. Alors, si c'est ça que le ministre veut, qu'il le dise. Est-ce que c'est ça que le gouvernement libéral veut mettre en place? Est-ce qu'il veut, dans tous les ministères, dorénavant, un principe appliqué largement d'utilisateur-payeur? Si c'est ça, moi, je l'invite à le dire, à le dire franchement.

Mais, moi, finalement, la question que je vous pose: Est-ce que vous ne pensez pas qu'effectivement c'est cet article-là qui, dès maintenant, devrait être modifié puis devrait être beaucoup plus cerné qu'attendre des règlements qui vont dire quoi? On verra en temps et lieu. Puis vous savez comment ça fonctionne, les règlements, ça ne revient pas ici, en commission parlementaire, et là il peut y avoir bien de quoi dans des règlements. Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'effectivement c'est ici, dès maintenant, en commission parlementaire et c'est-à-dire quand on fera l'étude article par article, qu'il faut le cerner, ce projet de loi là? Puis est-ce que vous n'y voyez pas effectivement, vous, là, là, la possibilité finalement que toutes les factures du ministère de l'Environnement soient refilées aux entreprises?

M. Huot (Paul-Arthur): Bien, comme je le disais tout à l'heure, ça ouvre la porte à des précédents, dangereux précédents; ça ouvre la porte à des abus. Quand vient le temps de financer des services d'inspection et de contrôle, si on peut facturer toute entreprise, qu'elle soit coupable ou pas, bien c'est presque une incitation à multiplier le nombre de visites.

n(12 h 20)n

Je ne veux pas rentrer là-dedans parce que je suis sincèrement persuadé que le ministre a de bonnes intentions. Ce qui nous inquiète plus, c'est: il va y en avoir d'autres après lui, puis la situation continue de changer. On reconnaît que le ministre et le gouvernement du Québec ? parce que ce n'est pas des personnes, mais c'est des institutions aussi ? que le gouvernement du Québec fait face à un véritable dilemme. Vous avez une économie au Québec qui, au cours des 20 dernières années, s'est gonflée, s'est multipliée. Il y a eu une multiplication d'activités industrielles. Le secteur manufacturier, on a triplé nos exportations, on est passé de 25 milliards à 75 milliards de dollars en 10 ans, là, dans la dernière décennie. Alors, évidemment, on a ouvert des nouvelles usines à gauche et à droite. Il y a, pour satisfaire toutes ces usines-là, bien, des carrières, toutes sortes d'installations qui ont un impact sur l'environnement, et je comprends que le ministère rencontre des problèmes, des problèmes budgétaires importants, puis notre société rencontre des problèmes budgétaires importants pour faire les activités de contrôle légitimes qui doivent être faites, qui doivent continuer d'être faites.

La façon proposée pour y arriver, ce projet-là, bien, nous, on vous dit: On trouve qu'il devrait être retiré parce qu'il ne favorisera pas l'amélioration de la gestion de l'environnement au sein des entreprises. On pense qu'il devrait être retiré. On n'est pas fou, on est pragmatique, on pense qu'aussi le ministère, qui a ce projet-là depuis quand même plusieurs années, il va probablement aller de l'avant. Et, pour atténuer les impacts négatifs, oui, il faut préciser cet article 5 là, c'est clair.

M. Jutras: Mais votre proposition initiale, c'est plutôt de retirer le projet de loi. C'est ça que je comprends. Mais, à défaut de cela, ce que vous dites: Bien, balisons l'article 5; clarifions.

M. Huot (Paul-Arthur): ...de toute façon, bien il faut baliser davantage. Il faut reconnaître des entreprises qui ont pris les moyens pour se responsabiliser, mobiliser leurs employés. Il faut également inciter d'autres entreprises qui n'ont pas encore embarqué dans ce train-là ? il y en a, j'imagine, quelques-unes ? à embarquer dans ce train-là. C'est la seule réponse durable à long terme pour améliorer notre environnement. Puis ça se fait partout dans le monde, hein, on n'est pas tout seul, au Québec, là.

M. Jutras: Oui, monsieur...

M. Huot (Paul-Arthur): Mon collègue me fait dire également qu'on demande à ce que les fonds, si le projet de loi passe et qu'il y a tarification, et donc qu'il y a récolte de revenus de tarification, qu'ils soient dédiés justement dans cette voie-là pour inciter les entreprises qui n'y sont pas encore à adopter de telles approches environnementales.

M. Jutras: Ça, nous, on l'avait proposé, là, que les argents recueillis servent effectivement à la protection de l'environnement, là. Et, au début, le ministre, c'était non, mais là, à matin, il a ouvert la porte là-dessus, là. Alors, peut-être qu'effectivement ce que nous proposions, du côté de l'opposition, là, de s'assurer que les buts que poursuit le ministre... Moi, c'est ça, je veux l'aider, le ministre, pour que les buts qu'il poursuit, là, ce soit écrit dans la loi plutôt qu'on s'en aille, là, avec des propos en l'air puis on ne sait pas où ça va nous mener. Moi, j'ai beaucoup confiance dans l'écrit puis j'ai encore plus confiance dans un article qui est un article d'un projet de loi ? puis d'une loi éventuellement ? qui est clair, puis qui dit ce qu'il a à dire, puis qui dit quelle est l'intention du législateur, c'est quoi, l'intention réelle du législateur, plutôt que dire: Bien, dans le règlement, on verra ça puis, quand il y a un argument qui se soulève ici, ah, bien, ça, on va l'exclure dans le règlement.

Non. Moi, je dis: Notre rôle de législateur, c'est de faire en sorte qu'on adopte des lois qui sont claires et que les justiciables, que les contribuables sachent à quoi s'en tenir. Et, à ce moment-là, c'est de le faire ici, en commission parlementaire, quand on étudie un projet de loi à l'Assemblée nationale et non pas, après ça, laisser ça à la discrétion d'un gouvernement, parce que, là, on ne sait pas où ça va nous mener. À moins que ce soit ça, la réingénierie de l'État dont on parle, là: dorénavant, les ministères vont refiler les factures, tous les ministères vont refiler les factures...

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Drummond, il vous reste 30 secondes.

M. Jutras: Oui. À moins que ce soit ça, la réingénierie de l'État: dorénavant, les contribuables vont payer pour tous les services rendus par les ministères. Mais, en tout cas, nous, du côté de l'opposition, on va faire en sorte que les intentions du ministre, là, soient traduites dans le projet de loi, parce que malheureusement, présentement, le discours qu'il tient ne correspond pas à ce qui est écrit à l'article 5 du projet de loi. C'est malheureux, mais il faut le constater. Puis vous n'êtes pas le seul à le dire. Il y en a plusieurs qui sont venus nous le dire ici, puis ils ne sortaient pas de boîtes à cracker jack.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le député de Drummond. M. le ministre.

M. Mulcair: M. le Président, there they go again. Encore la vieille garde du Parti québécois en train de démontrer à quel point leur attitude vis-à-vis du projet de loi, qui prévoit le pollueur-payeur, c'est: Oui, mais. Oui, mais laisse-moi ériger un mur d'objections. Oui, mais. Vous avez entendu, on est ici avec l'association des manufacturiers et exportateurs qui se démontre beaucoup plus ouverte à ce qu'on est en train de faire, qui nous dit: Écoutez, prenez l'ISO 14001, peut-être vous pourriez réduire, parce que vous pourriez tenir compte d'eux, on a déjà fait ça en agriculture. Nous, on a dit qu'on va regarder ça d'un oeil très attentif avec eux autres, on va comparer nos notes puis, s'il y a un moyen de le faire, on va le faire. C'est l'association des manufacturiers et exportateurs qui, tout comme le Centre patronal en environnement du Québec... qui dit qu'on devrait aller chercher plus chez les pollueurs. Les amendes, d'après le CPEQ, sont risibles.

Mais là j'écoute mon bon ami le député de Drummond encore une fois ? il a commencé la journée comme ça puis il continue maintenant ? toujours en train d'essayer de nous dire: Oui, mais. Il me fait dire qu'au début j'étais contre le fait de dédier les fonds. Ce n'est pas vrai, ça. Moi, ce que j'avais dit au début, c'est que ça allait dans le fonds vert. Lui, il dit: Je préfère dans le projet de loi. Puis j'exprime une ouverture là-dessus depuis la semaine dernière, donc...

Une voix: ...

M. Mulcair: Non, non. Et ce n'est pas excellent parce que ça augure très mal. Parce que, si c'est vraiment l'attitude, M. le Président, de l'opposition, on est mal parti. Tout à l'heure, le député de Masson m'a dit: Tu vas voir, dans l'article par article, amène-toi ton sac de couchage, tu vas en avoir besoin. Je veux bien amener mon sac de couchage, une longue analyse parlementaire ne me fait pas peur, mais, si c'est un filibuster, et c'est ça que le député de Masson m'annonce, que ça va être un filibuster par l'opposition officielle contre le principe de pollueur-payeur...

M. Jutras: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Dubuc): De quel article?

M. Jutras: L'article 35. Là, le ministre encore une fois prête des intentions aux autres. Du moment que quelqu'un n'est pas d'accord avec lui, c'est le mépris qui apparaît puis c'est le dédain qui apparaît, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): Une question rapide.

M. Jutras: Alors, M. le Président, ce n'est pas ça que le député de Masson a dit. Ce n'est pas ça que le député de Masson a dit, M. le Président. Quand il dit qu'il veut faire un filibuster, et de un, il n'a jamais dit ça; et de deux, c'est de lui prêter des intentions.

Le Président (M. Dubuc): ...poursuivre, M. le ministre.

M. Mulcair: Bien, merci beaucoup, M. le Président. Mais ça fait une demi-douzaine de fois que, faute d'arguments, l'opposition interrompt à tout bout de champ. Mais ce n'est pas grave, ça ne nous empêchera pas d'aller au bout.

Puis je permets au député de Drummond de parler avec son bon ami le député de Masson et de lui demander, quand il dit que le ministre devrait amener son sac de couchage parce que ça va être long en article par article, c'est quoi, si ce n'est pas annoncer que l'opposition officielle va tenter de bloquer un projet de loi qui a comme principe pollueur-payeur, qui a comme principe de refiler la facture aux domaines qui représentent le plus gros coût et le plus gros risque.

Mais, nous, on va être constructifs. On a pris des bouts que vous avez mis sur la table, des bouts en ce qui concerne le fait de prévoir que c'est un fonds dédié. Vous avez entendu l'association dans le domaine minier nous demander de mettre dans le projet de loi ce qui est pour l'instant dans le règlement, c'est-à-dire que c'est seulement certaines informations dont ils ont... auxquelles ils ont accès qui vont pouvoir être demandées. Vous nous avez entendus aujourd'hui de la même manière avec les exportateurs et manufacturiers.

Mais ce n'est pas ça que j'entends de la part de l'opposition officielle. J'entends: Oui, mais on va faire flèche de tout bois. Oui, mais on va prendre l'avis du Barreau puis on va lui faire dire n'importe quoi. Oh, à propos, M. le Président, je tiens toujours à réitérer notre invitation de parler avec le Barreau si l'opposition veut bien. Non, peut-être de consentement, malgré le fait qu'on est en dehors du temps...

Une voix: ...

M. Mulcair: Si vous le voulez bien, M. le Président, on va contacter le Barreau, puis on va les inviter, puis on va trouver une autre date.

Le Président (M. Dubuc): On va suspendre les travaux immédiatement jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Dubuc): La séance est ouverte. Avant d'entendre le premier groupe de cet après-midi, je souhaite que les membres de cette commission clarifient la décision prise ce matin concernant le Barreau du Québec.

M. Mulcair: Je vais donner ma compréhension. Je viens d'en parler ? ce sujet spécifique ? avec mon collègue le député de Masson. Comme j'ai dit ce matin, nous désirons entendre l'auteur de la lettre du Barreau, Me Denis Mondor. Il peut être accompagné par toutes les personnes qu'il veut, mais je ne voudrais surtout pas qu'on invite le Barreau et qu'on nous envoie quelqu'un d'autre. Il y a une personne qui a signé une lettre qui a été déposée dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas. Nous, on a dit qu'on désire rencontrer l'auteur de cette lettre-là, et c'est ce que nous avons demandé, et c'est sur quoi, nous, on croit qu'il y avait eu une entente.

M. Thériault: Ça nous va, ça, M. le Président, absolument. Mais, conséquemment, puisqu'il y a encore un groupe à entendre, on a convenu que, s'il fallait faire des remarques finales aujourd'hui, nous allions aussi répéter l'exercice après avoir entendu le dernier groupe.

n(14 h 10)n

Le Président (M. Dubuc): C'est bien. Bon, à ce moment-là, je comprends que les membres de la commission sont consentants à entendre le représentant du Barreau lors d'une séance ultérieure. Par conséquence, la lettre du 30 septembre 2004, du bâtonnier du Barreau, qui a été déposée devant la commission, sera traitée comme un mémoire final. La durée totale de l'audience du Barreau sera de 60 minutes. Excellent.

À ce moment-là, on va commencer par le groupe l'Association minière du Québec. Vous pourriez vous présenter et présenter vos invités.

Association minière du Québec inc. (AMQ)

M. Doyon (Jean-François): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, les membres de la commission, chers députés. Je m'appelle Jean-François Doyon. Je suis directeur Environnement à l'Association minière du Québec et je suis accompagnée de Mme Louise Grondin, qui est directrice Environnement chez Les Mines Agnico-Eagle, un exploitant minier en Abitibi.

Donc, je vous remercie de nous accueillir en commission parlementaire et de nous avoir donné cette opportunité de se faire entendre. Et, comme je disais, nous, nous sommes l'Association minière du Québec et on est l'association des exploitants miniers, comparativement à l'autre association qui a passé la semaine passée, qui est l'Association de l'exploration minière, qui font de l'exploration.

Donc, moi, comment je vais orienter le contenu de ma présentation, M. le ministre, M. le Président, c'est que je vais d'abord parler brièvement de l'Association minière. Ensuite, je vais vous parler un peu de l'industrie, de son importance au Québec et de ses pratiques environnementales, et ensuite on va aborder comme tel les commentaires plus spécifiques au niveau du projet de loi n° 44.

Donc, l'Association minière du Québec, c'est l'organisme provincial qui se veut le porte-parole de l'industrie minière québécoise. Donc, c'est surtout des exploitants miniers, mais on a également aussi des sociétés juniors d'exploration qui sont membres, on a des entreprises minières en voie d'entrer en production et quelques entrepreneurs miniers. Donc, on a environ 38 entreprises minières qui sont membres de notre association. Elles sont réparties dans environ toutes les régions du Québec. Et, je vous dirais, on a comme mandat, nous, à l'AMQ, de promouvoir et d'encourager la mise en valeur des richesses minérales du Québec, le développement de l'industrie minière et de la métallurgie et des industries connexes.

Donc, les différents minéraux et métaux qu'on exploite au Québec, ce sont les métaux précieux, l'or et l'argent. On a des métaux de base: cuivre, nickel, zinc. On a aussi des métaux ferreux: on a le bioxyde de fer et titane également et on a le niobium. Et on a les minéraux industriels qui sont le sel, la silice et le graphite.

Donc, ce que je vous dirais pour vous parler quelques mots de l'industrie minière, c'est un levier important de développement économique au Québec. Juste pour vous donner un exemple, la valeur des expéditions de notre industrie s'élève à 3,6 milliards de dollars depuis quelques années et représente environ 50 000 emplois dans 25 à 30 municipalités, dont près de 11 000 emplois sont directement reliés à la phase d'extraction. Je vous dirais, l'activité minière représente 3,3 % du produit intérieur brut du Québec.

Maintenant, j'aimerais me concentrer un peu plus maintenant sur la démarche environnementale de l'industrie. Nous, à l'association, on souscrit au concept de développement durable qui consiste à assumer les responsabilités relatives à la protection de la santé humaine et de l'environnement, de concert avec les impératifs économiques. On a comme responsabilité... L'association s'est acquis cette responsabilité-là de faire connaître à nos membres les lois et règlements de même que les mesures de protection environnementales reconnues et économiquement réalisables dans tous les secteurs de l'exploitation, du traitement du minerai à la restauration des sites, et ce, afin de satisfaire aux exigences de la réglementation et d'assurer l'adoption par les membres des meilleures pratiques possible de gestion environnementale.

Je vous dirais que les entreprises minières ont réalisé des progrès qui sont considérables ces 10, 15 dernières années au plan de la conformité environnementale des effluents miniers, et les résultats obtenus font état d'une amélioration continue, là, au cours des 10 dernières années. Et je vous dirais même, vos bilans de conformité, que vous compilez au ministère de l'Environnement, font cette démonstration-là. J'ai les chiffres de 2001, 1998, 1999, 2000, et ça dit: Depuis 1989, la conformité environnementale à l'effluent minier final s'est améliorée progressivement et de façon constante. Donc, c'est les employés du ministère qui le disent, ce n'est pas seulement moi. Et je vous dirais, là, la conformité a oscillé de près de 98 % à 100 % au cours des dernières années. Donc, tout ça pour vous dire que c'est sérieux pour nous, notre démarche en environnement. Il y a des efforts qui se font, il y a une très bonne amélioration, des progrès importants qui ont été accomplis au cours des dernières années.

Puis pour donner d'autres exemples, par exemple, on fait des efforts au niveau de l'utilisation d'eau pour s'approvisionner davantage en eau déjà utilisée pour prévenir nos apports d'eau fraîche. Et pour vous donner un exemple, dans le secteur des métaux précieux, là, on utilise l'eau en s'approvisionnant à même l'eau recirculée pour une proportion de 85 %, tandis que dans les métaux de base les besoins en eau sont approvisionnés à 77 % environ par de l'eau recirculée, et, dans le secteur des métaux ferreux, on est autour de 90 %.

On fait aussi beaucoup d'efforts pour réduire les empilements de résidus miniers et de stériles en surface, et, à titre d'exemple, là, une belle réalisation, c'est l'implantation des usines de remblai en pâte. À ce moment-là, on met des agents liants au résidu et on l'épaissit et on le retourne sous terre pour solidifier les chantiers mais également ce qui nous permet de réduire de façon importante les empilements de résidus miniers en surface. On parle de l'ordre de 50 %, là, selon les établissements, pour ceux qui ont des usines de remblai en pâte. Donc, c'est une belle réalisation.

Je vous dirais aussi, pour ce qui est de la gestion de l'eau, pour ce qui est de la gestion des résidus miniers, on est à la... on dépend beaucoup de la recherche et développement. On est à la limite de la fine pointe de la technologie et on doit constamment investir en recherche et développement pour repousser les technologies plus loin afin d'augmenter notre performance. Et des exemples de ça, c'est qu'on contribue financièrement à des groupes de recherche comme COREM, comme Nedem, comme la Chaire de recherche en environnement minier avec l'École polytechnique et l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et d'autres groupes comme ça, aussi avec CANMET, par exemple.

Puis, je vous dirais aussi, à la fin des années quatre-vingt-dix, on a mis beaucoup d'accent à encourager nos membres à se doter de systèmes de gestion environnementale pour effectuer une gestion plus responsable de l'environnement, et on est fiers qu'il y a un bon nombre de membres qui ont adopté des... la plupart ont mis des systèmes de gestion en place au niveau de la gestion environnementale.

Maintenant, j'aimerais passer la parole à ma collègue, là, pour ce qui est des commentaires du projet de loi pour ce qui est de l'article 4, parce que nos commentaires visent essentiellement l'article 4 et l'article 5.

Mme Grondin (Louise): Donc, je vais vous parler des dispositions de l'article 4, dont l'obligation de fournir des renseignements.

J'aimerais d'abord mentionner qu'il est certain que, pour obtenir des niveaux de conformité environnementale mentionnés par mon collègue, c'est sûr qu'on ne mesure pas qu'au bout du tuyau. C'est sûr qu'on mesure à l'intérieur de nos sites de façon continue pour être capables de contrôler les fluctuations naturelles ou les fluctuations du procédé et prévenir que ces fluctuations se rendent à l'environnement. Donc, c'est certain qu'on a des mesures à l'interne qui ne sont pas divulguées au ministère présentement.

Dans ce contexte-là, ce qu'on comprend de ce qui est dans l'article 4, c'est qu'en vue d'assurer une surveillance continue de l'état de l'environnement le ministre peut exiger qu'on fournisse au MENV ces renseignements supplémentaires là qui sont, jusqu'à présent, des renseignements internes.

Ça, ça soulève deux questions, en gros. On se demande d'abord: Est-ce qu'il s'agit d'un manque de confiance? Parce que cet article-là, nous, on le voit comme un recul, parce qu'on considère que les compagnies minières sur un site minier, c'est nous qui avons la responsabilité primaire de la protection de l'environnement parce qu'on est sur place et on mesure ce qu'on fait dans le but de contrôler et d'améliorer. Donc, ce qu'on comprend aussi du projet de loi, c'est que ce projet de loi est là pour résoudre les problèmes de certains pollueurs non responsables. Mais le message qu'on envoie à tous, c'est qu'on ne nous fait plus confiance puis on veut surveiller de plus près ce qu'on fait. Donc, on applique une mesure à tous pour résoudre un problème particulier.

Le deuxième questionnement qu'on se pose, c'est l'implication de retrouver ces données-là, internes, dans nos dossiers au ministère de l'Environnement. Parce que nos sites sont souvent complexes: on a à gérer des parcs, des bassins qui sont soumis aux fluctuations de la température, et tout, et on voit un certain danger à avoir des renseignements dans nos dossiers sans avoir le contexte précis de ces renseignements-là.

Cette inquiétude, ce n'est pas une inquiétude qui est basée sur des perceptions, parce que, récemment, tous nos sites miniers... pratiquement tous nos sites miniers au Québec ont reçu des demandes d'accès à l'information fédérales, et on a reçu des piles de documents disparates, à peu près tout ce qu'il y avait dans nos dossiers, dont une analyse, c'était marqué «bassin», avec des données puis sans contexte, et les gens du fédéral nous demandaient: Est-ce qu'on peut donner cette information-là au public? Bien, nous, on considère que sans la mise en contexte c'est dangereux que ce genre d'information là se rende au public. «Bassin», ils peuvent penser que c'est le bassin juste avant... ça peut être un bassin avant le traitement; ils peuvent penser que c'est le bassin juste avant de relâcher à l'environnement, et une polémique est née. Donc, avant que ce soit rendu public, nous, on a des inquiétudes par rapport à ça. Ça fait qu'en résumé, nous, cet article-là, on craint que les dispositions de cet article découragent en fait les bonnes pratiques de responsabilisation et les pratiques de suivi, d'un meilleur suivi à l'intérieur de nos sites.

M. Doyon (Jean-François): Moi, je vais vous parler, M. le ministre, M. le Président, de nos préoccupations relativement à l'article 5 qui est le gros article, là, qui soulève les préoccupations, qui est celui de la tarification des mesures de contrôle et de surveillance.

n(14 h 20)n

Je veux vous dire d'entrée de jeu qu'à l'Association minière on reconnaît le principe d'accroître les mesures de contrôle et de surveillance pour les entreprises qui sont contrevenantes en matière d'environnement, et vous l'avez souligné à plusieurs reprises, je pense, dans des déclarations de presse. De même à la commission, la semaine passée, on voit ça dans vos propos, dans vos intentions. Sauf que, quand on regarde le libellé de l'article 5, on voit une application plus large des frais relatifs aux mesures de contrôle et de surveillance, et là je vous ramène au fait que ce mémoire-là a été écrit il y a un mois; on n'a pas eu toute l'information qui a été véhiculée ici, à ce moment-là.

Donc, c'est ça, ça stipule qu'il y aurait des frais qui seraient établis en fonction de la nature des activités du titulaire, des caractéristiques de son établissement, en plus des frais qui sont relatifs au nombre d'infractions, de la nature, de la gravité, et ça, pour nous, ça nous laissait déduire qu'il y aurait des frais pour tous les établissements exerçant une même activité industrielle si un secteur est visé, par exemple.

Une des préoccupations aussi qui est soulevée dans l'industrie, pour en avoir reparlé dernièrement, qui n'est pas comme telle dans notre mémoire mais qu'on veut véhiculer ici, c'est qu'on s'interroge dans l'industrie: Pourquoi une nouvelle législation pour ces choses-là alors que vous avez déjà suffisamment de législations? Quand on regarde l'évolution de la réglementation depuis quelques années, on voit qu'il y en a eu quand même pas mal. Et donc on s'interroge, pour nous, sur les justifications d'avoir une législation supplémentaire en plus de celles qu'on a déjà.

Aussi, on s'interroge sur la pertinence de faire payer les entreprises qui sont conformes et vont même au-delà des exigences des lois et règlements, parce que, d'après le libellé en tout cas, ça laissait penser qu'on pouvait aller après ceux également qui ont un bon comportement. Là, je vois bien, là, au terme des discussions qu'il y a eu ici, en commission parlementaire, que ce n'est pas votre objectif, M. le ministre, mais, d'après le libellé, c'est ce que, nous, on percevait.

Aussi, on ne voit pas non plus dans cet article-là la possibilité de... qu'est-ce qui se passe avec le fait qu'on s'améliore pendant une certaine période? Donc, on peut avoir des infractions à notre dossier, mais on peut aussi s'améliorer au cours d'une période donnée, et on se demandait... On ne voyait pas d'incitatifs à l'amélioration là-dedans, dans le sens que ça va-tu marcher comme... fonctionner comme les permis de conduire avec des périodes de deux ans ou des choses comme ça? Donc, ça suscitait une interrogation de ce côté-là.

Aussi, une des particularités qui est un petit peu plus spécifique à notre secteur d'activité, c'est qu'on a des membres dans plusieurs régions du Québec et on a des membres qui ont une localisation très éloignée. On pense à la société minière Raglan, qui est complètement à l'extrême nord du Québec. On a des mines sur le bord de la baie James, on en a d'autres dans le bout de Fermont, et, nous, je vous dirais, cette contrainte-là de localisation, elle est spécifique à notre secteur industriel parce qu'elle est imposée par l'emplacement du gisement.

Nous, on doit développer une mine et un concentrateur là où est le gisement. On ne peut pas aller s'installer ailleurs. Donc... et on a peur. Les craintes qu'on a, c'est qu'à cause de l'emplacement éloigné de certains établissements les visites d'inspection et de contrôle soient coûteuses, non en raison du mauvais comportement environnemental mais de leur éloignement.

Une autre des préoccupations qu'on a également, c'est le fait que ça pourrait créer un contexte dans lequel le ministère pourrait parfois être, je dirais, plus sensible à la pression publique qu'aux réelles problématiques environnementales. Puis on donne un exemple d'une usine qui pourrait avoir un groupe de pression très actif autour d'elle sans qu'elle soit fautive, mais ça amène une pression sur le ministère de l'Environnement qui pourrait se sentir dans l'obligation de faire une surveillance accrue de cet établissement-là, et on l'a vécu avec des exemples dans l'industrie. Donc, c'est une des préoccupations qu'on a, M. le ministre.

Et puis évidemment, là, je vous dirais que, quand on a vu ça puis on se remettait dans le contexte des coupures budgétaires, bien, on y voyait là, comme je vous dis, à ce moment-là... Là, peut-être que ce serait une opportunité de financer en partie la nouvelle agence de contrôle ou de surveillance environnementale. Parce qu'on sait pertinemment qu'il y a eu plusieurs nouvelles réglementations et de nouvelles lois qui ont été mises de l'avant depuis 2001 puis... C'est ça, ça nous laissait perplexes, et on aurait souhaité, là... On percevait ça comme une taxe déguisée, pour être francs avec vous, M. le ministre.

Aussi, un point qui nous a préoccupés, là, c'est... Je ne sais pas si ça a été soulevé en commission jusqu'à date, mais, nous, ce qui nous a préoccupés, c'est le fait que l'examen de renseignements et de documents fournis au ministre constitue une des tâches pour laquelle le ministère veut exiger des frais. C'est que ça peut aller très loin, cette disposition-là, et, nous, on a des craintes à l'effet que chaque fois que le ministère va ouvrir notre dossier, on va avoir une facture.

On peut penser également au fait que, lorsque le ministère produit ses bilans de conformité environnementale et qu'il fait des compilations pour chaque établissement, on se dit: Est-ce qu'on va avoir une facture pour chaque établissement pour les compilations qu'il a faites? Donc, juste pour vous dire qu'on le percevait très large, comme disposition, et ça pouvait aller loin. Et, nous, on considérait que les mesures de contrôle et de surveillance et ces choses-là, là, d'examen de documents, bien, faisaient partie du mandat du ministère, puisque c'était l'ensemble de la société qui en bénéficiait.

Donc, je voudrais vous laisser peut-être avec les deux recommandations de notre mémoire, là. C'était que, pour ce qui est des pouvoirs accrus pour la collecte de renseignements ? là, on a pris connaissance des documents que vous nous avez donnés la semaine passée, là; on voit, là, que c'est un peu plus balisé ? mais je vous dirais à ce moment-là, là, au moment où on a écrit notre mémoire, c'est qu'on voulait avoir un petit peu plus de précisions, plus de balises concernant les renseignements que vous cherchiez et quelle était votre intention. Parce que je comprends que c'est pour respecter des engagements internationaux, mais on ne savait pas exactement c'était quoi, le type d'information recherchée puis à quelles fins.

Évidemment aussi, nous, on était d'avis qu'il faudrait... en tout cas, on souhaitait que... d'avoir recours au régime pénal ? la Loi de la qualité de l'environnement ? existant pour récupérer une partie des coûts de mesures de contrôle et de surveillance des entreprises contrevenantes en environnement. Et, à ce niveau-là, là, j'ai pris connaissance de la recommandation que le CPEQ avait faite et je trouvais ça intéressant, la modification à l'article 116.1. Donc, ce serait tout pour moi, là, M. le ministre. Ce serait l'essentiel de notre message pour tout de suite.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Doyon. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. C'est un plaisir pour moi, dans un premier temps, de souhaiter la bienvenue et dire merci aux gens de l'Association minière du Québec. C'était très à propos, votre intervention.

Je vais commencer avec la partie qui concerne la collecte de renseignements. Je tiens à vous rassurer que ce qui est écrit là-dedans va ressembler beaucoup à ce que vous fournissez déjà au fédéral pour que, eux, ils regardent leur registre des substances polluantes. Mais je vais aussi vous dire que la partie de ça qui conditionne un peu qu'est-ce qu'on a le droit de vous demander qui contient un petit peu de... met un peu de chair autour de l'os, c'est contenu dans la partie projet de règlement que, nous, on vous a donnée.

Parce qu'il y a deux choses: il y a un élément... il y a une série d'éléments qu'on a mis ensemble pour expliciter notre pensée sur l'article 5, puis on a fait la même chose avec l'article 4; on en a parlé un petit peu moins.

Là-dedans, il est précisé qu'on n'a le droit de vous demander que des informations dont vous disposez. En fait, le mot est: que vous avez en votre possession ou que normalement vous auriez la capacité de mettre la main dessus. Donc, pas question pour nous de commencer à exiger un paquet de choses que normalement vous n'auriez même pas. Ce qu'on veut... pas...

Je vais le dire autrement: L'article 4 ne prévoit pas la surveillance de l'exploitant. L'article 4 fait partie d'un ensemble d'activités, pour nous, de surveiller l'environnement. C'est vraiment une différence importante à retenir, d'accord? Et, peut-être avec ça, vous allez être rassurés.

Maintenant, venons à l'article 5, la question de la tarification. J'ai une question à vous poser dans un domaine que vous connaissez bien parce que le deuxième décret concerne votre domaine. Le premier décret dans la gestion du programme de réduction des rejets industriels concernait le domaine des pâtes et papier. Il en a été largement question, ce matin, avec le monde de l'industrie forestière.

Est-ce que, pour vous, ce projet-là de réduction des rejets industriels, dans le domaine des mines et métallurgie, est-ce que, lui, il cause beaucoup de problèmes?

M. Doyon (Jean-François): Bien, moi... On est dedans, là, maintenant, là, parce qu'on était assujettis puis on collabore à ce processus-là, puis je vous dirais, en termes de principe pollueur-payeur, je veux dire, je pense qu'on reconnaît ce principe-là, là. Puis le fait d'avoir des redevances qui, lorsqu'on émet des charges à l'environnement... les redevances sont plus élevées plus les charges de contaminants sont importantes, là, je pense qu'on est d'accord avec ce principe-là. Je pense que c'était dans cette optique-là que ça a été amené. En tout cas, je...

M. Mulcair: Alors...

n(14 h 30)n

M. Doyon (Jean-François): Voulez-vous que je répète, M. le ministre?

M. Mulcair: Non. J'étais en train de consulter sur ce que vous disiez. Il n'y a pas de problème.

M. Doyon (Jean-François): O.K.

M. Mulcair: Mais je veux juste m'assurer d'une chose. Si, une fois que le nouveau règlement qui s'appliquerait, le deuxième décret en fait sur les mines, métallurgie primaire et cimenterie, une fois qu'il est pleinement en application, c'est-à-dire au cours des deux prochaines années, il me semble que donc vous serez d'accord à ce moment-là à ce qu'on s'assure que vous n'êtes pas dans le règlement général d'application qu'on est en train de faire en vertu de l'article 5, un peu à l'instar du monde des pâtes et papiers.

M. Doyon (Jean-François): Oui.

M. Mulcair: Donc, si on s'entendait là-dessus, vous seriez corrects avec ce qu'on est en train de proposer ici comme intérim, le...

M. Doyon (Jean-François): Bien, je dirais, de prime abord, ça me semble raisonnable.

M. Mulcair: O.K. On va travailler en ce sens-là.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. D'abord, l'opposition officielle voudrait réitérer sa demande concernant le fait qu'on aimerait bien que soit déposée l'information demandée concernant les poursuites. Est-ce que c'est disponible au moment où on se parle?

M. Mulcair: Oui, à une exception près. Je n'ai pas réussi à obtenir ? et c'est mentionné en note infrapaginale ? je n'ai pas réussi à obtenir des données pour 2003-2004, ce n'est pas disponible encore, mais tout le reste est à jour.

M. Thériault: Merci. Et est-ce qu'on serait en mesure aussi d'avoir le dépôt de l'étude économique qui aurait été faite, là, tel que l'a affirmé le ministre ce matin?

M. Mulcair: Non.

M. Thériault: O.K. M. le Président ? bonjour, madame, monsieur ? je ne reviendrai pas sur les propos et l'attitude du ministre en avant-midi, en fin d'avant-midi.

Dans la mouvance, M. le Président, du projet de modification des travaux parlementaires qui prévoit, entre autres choses, des modifications aux travaux des commissions pour faire en sorte qu'on puisse rééquilibrer la dynamique entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, je vais donc quand même, tout de même préciser pour peut-être les gens qui ? peut-être y en a-t-il, des gens qui nous écoutent pour la première fois... le rôle de l'opposition dans une commission comme celle-ci. Le rôle de l'opposition, à ce stade-ci de l'étude d'un projet de loi, c'est d'abord d'entendre les différents groupes et de poser des questions et de faire en sorte que les questions posées visent justement le libellé de la loi.

Or, vous sembliez un peu, j'allais dire... avec sagesse, vous disiez que vous n'aviez pas fait votre mémoire au même moment qu'il y a eu le dépôt du projet réglementaire, et vous sembliez un petit peu gênés de ça. Moi, je vous dirais: Ne soyez pas gênés de ça, puisque tous les groupes qui sont venus ici nous ont effectivement affirmé qu'il y avait un écart présentement dans la compréhension et dans l'interprétation que les gens font.

Sans faire de procès d'intention, sur les faits, nous sommes devant un libellé ? l'article 5 ? qui dit ce qu'il dit, et nous sommes aussi devant un projet réglementaire, un projet de règlement, dont vous faisiez part tout à l'heure, qui semble baliser davantage et qui semble aller dans le sens des intentions ministérielles. Et le rôle de l'opposition, c'est de faire en sorte que les intentions ministérielles soient traduites dans les intentions gouvernementales.

Or, si le ministre dit: Ce que je veux faire, c'est ceci, alors l'opposition dit: Faites-le dans le projet de loi. Parce que les ministres passent, mais les projets de loi restent. Et vous savez très bien que des règlements, ça se modifie plus facilement et sans nécessairement par repasser dans le processus transparent et législatif dans lequel nous sommes.

Or, dans la mouvance d'un projet déposé par le président de l'Assemblée nationale, déposé par son propre leader ? le ministre, M. le Président, est leader adjoint du gouvernement ? dans cette mouvance-là, je pense que l'opposition officielle, depuis le début de cette commission, depuis le début de ces audiences générales, fait son travail de législateur comme il se doit en se basant non pas sur des procès d'intention mais sur les faits et sur ce qu'elle a sur la table.

Ceci étant dit, vous dites dans votre mémoire ? et là permettez-moi de lire: «L'Association minière du Québec reconnaît l'importance de protéger l'environnement dans l'exercice des activités humaines. Elle reconnaît également le principe de pénaliser les entreprises industrielles qui ne sont pas respectueuses de l'environnement dans l'exercice de leurs activités.» Mais l'association estime que le ministère de l'Environnement «devrait plutôt avoir recours au régime pénal de la [loi] existant pour récupérer une partie des coûts relatifs aux mesures de contrôle et surveillance. [...]ce qui permettra de viser uniquement les entreprises contrevenantes.»

Ça, ça veut dire qu'on peut récupérer de l'argent à partir du moment où ? et là on a un document, on va regarder ce que c'est en termes de poursuite, là ? au moment où effectivement il y a eu poursuite puis à partir du moment où on a déclaré qu'il y avait effectivement un jugement qui déclare que l'entreprise ou l'installation est vraiment en infraction.

Dans les travaux, selon les différents groupes, on a questionné les gens qui sont venus, nous, l'opposition officielle, et on les questionnait à l'effet que, à partir du moment où ? et c'est à notre avis toujours le pollueur-payeur ? à partir du moment où un inspecteur arrive sur les lieux d'une installation et qu'il constate une infraction, il me semble ? et c'est là la logique du pollueur-payeur ? il me semble qu'il devrait payer pour le contrôle et la surveillance.

C'est ça qui était la question que l'on posait depuis le début aux gens qui venaient. Vous êtes contre l'utilisateur-payeur, vous trouvez ça trop large, vous êtes pour le pollueur-payeur. Alors, est-ce que, selon vous, quelqu'un qui est pris en infraction n'est pas un pollueur? Et, si tel est le cas, si c'est un pollueur, alors on peut comprendre le contexte. Vous pouvez être contre le fait que le ministère doive, à cause de coupures, etc., aller tarifer pour aller se chercher de l'argent pour assurer le contrôle, mais, vous, là, en tant qu'association, vos gens, est-ce qu'ils seraient tout à fait ulcérés de savoir que, la journée qu'ils vont être pris en infraction, ils devront payer pour le contrôle et la surveillance?

Parce que, tout à l'heure, vous disiez: Il peut y avoir des pressions politiques puis, à partir du moment où il y a des pressions politiques... des pressions publiques, c'est-à-dire, puis ça va agir sur les pressions politiques, ça pourrait agir... alors les gens pourraient être obligés de payer des surveillances à répétition, etc. Mais, en quelque part, ce que le projet de règlement et les intentions ministérielles nous disent, c'est que c'est pour les récidivistes.

Alors, moi, là-dessus, je veux voir jusqu'où vous êtes prêts à aller. Parce que, nous, comme législateurs, il va falloir l'amender, ce projet de loi là. Aujourd'hui, je ne vous demanderai pas comment vous voulez l'amender parce que j'ai demandé à plusieurs groupes puis je pense que c'est prématuré à venir jusqu'à maintenant parce que les gens n'ont pas nécessairement réfléchi, là, à un libellé.

Bien, on devra l'amender. On va l'amender de quelle manière pour baliser jusqu'où et comment? Alors, si vous me suivez bien, donc je veux savoir ce que vous pensez du fait que quelqu'un qui est pris en infraction devra payer.

Document déposé

Le Président (M. Dubuc): Donnez-moi la parole rien qu'une seconde. C'est madame, je crois, Grondin qui va prendre la parole. J'aimerais déposer le rapport de statistiques pénales. Allez-y, Mme Grondin. Excusez-moi. Allez-y, la parole est à vous.

Mme Grondin (Louise): Il n'y a pas de problème. D'abord, je vais vous répondre pour quelqu'un qui travaille sur un site minier, qui a déjà eu des infractions. Il faut que vous sachiez que les avis d'infraction, ce n'est pas nécessairement parce qu'on pollue, c'est parce qu'on n'est pas exactement... il y a des choses qu'on fait qui ne sont pas exactement comme notre certificat d'autorisation. Un exemple que je peux... Oui.

M. Thériault: Mais il pourrait y avoir un volet pollueur?

Mme Grondin (Louise): Il pourrait y avoir un volet pollueur, mais, dans les faits, il y en a très peu, parce qu'on a une relation avec le ministère de l'Environnement qui est une relation d'amélioration. Puis d'ailleurs, ce qu'on a eu tout à l'heure, là, les constats d'amélioration, les statistiques de 98 % et plus, même si je me donne une bonne tape dans le dos pour ça, je pense que c'est une réflexion aussi que le ministère de l'Environnement, jusqu'à présent, ce n'était pas une police. C'étaient des gens qui étaient là pour protéger l'environnement et on avançait dans nos dossiers et on était capables...

Avec un avis d'infraction, l'avis d'infraction, jusqu'à présent, c'était quelque chose pour nous forcer à nous améliorer. C'était un instrument d'amélioration. Ce que vous dites: Est-ce qu'on a un avis d'infraction quand on pollue? Sûrement. Mais cet avis d'infraction, jusqu'à présent, a été vu comme un incitatif, oui, parce que nos maisons mères à Toronto n'aiment pas les avis d'infraction; personne ne prend ça à la légère. Et c'est extrêmement important pour les compagnies minières qui ont à emprunter de l'argent sur les marchés de ne pas avoir d'infraction. Donc, même si vous ne nous donnez pas de pénalité ou de... déjà, d'avoir le papier dans nos dossiers, ça nous nuit. C'est très important. Donc, c'est un incitatif d'amélioration.

On est d'accord pour le pollueur-payeur, mais l'avis d'infraction, c'est un outil d'amélioration. Ce n'est pas que... La personne qui va venir nous visiter une fois par année et va trouver que notre système n'est pas exactement comme on le dit ou alors qu'il voit un risque quelconque à ce qu'on est en train de faire, il va nous donner un avis d'infraction. Ça ne veut pas dire qu'on pollue, ça veut dire qu'on a un risque de polluer peut-être. Il nous donne ça pour nous aider ? parce que c'est vrai que ça nous aide, parce que ça nous pousse dans le dos ? pour faire des changements à ce système-là. Mais ce n'était pas utilisé comme une tape sur les doigts.

n(14 h 40)n

M. Thériault: Ce que vous dites, c'est, entre autres choses, qu'il n'y a pas beaucoup de... le volet pollueur, ce ne serait pas quelque chose qui ferait en sorte que le ministre en tout cas pourrait aller chercher une grosse partie de son million avec vos gens. C'est ça que vous dites? Parce que le ministre a dit qu'il allait chercher plusieurs millions avec cette nouvelle tarification là. Alors, quand vous dites: Dans la perspective stricte d'un principe pollueur-payeur, le ministre n'irait pas chercher bien, bien d'argent avec vos gens. C'est ça que vous nous dites?

Mme Grondin (Louise): Pas avec les avis d'infraction. Moi, le pollueur-payeur, j'ai l'expérience que j'ai. À l'intérieur de nos sites, on n'a pas... on a une bonne gestion environnementale et on essaie d'améliorer nos choses, et la relation qu'on a présentement, ce n'est pas une relation de pollueur. Donc, je ne peux pas vous dire... S'il y a des pollueurs et qu'ils font des dommages environnementaux, je pense que, nous, on est d'accord à ce qu'ils soient poursuivis.

M. Thériault: Tantôt, le ministre vous a demandé quant à son projet de règlement, bon, si vous n'êtes pas couverts, là... et vous avez dit que vous étiez d'accord avec ce projet-là si vous n'étiez pas couverts, visés par le règlement. Vous êtes d'accord avec moi... dans mon introduction tantôt ? peut-être qu'elle était longue, ça vous a échappé ? vous êtes d'accord avec moi qu'un projet de règlement ça se modifie très facilement, ce n'est pas comme un projet de loi. Est-ce que vous êtes rassurés par le projet de règlement ou bien vous êtes conscients que, même si vous étiez visés ou pas au projet de règlement, éventuellement vous pourriez être visés par ce projet de règlement et qu'en quelque part on n'aurait pas besoin de repasser devant tout le processus législatif, là? Ça, vous êtes conscients de ça.

M. Doyon (Jean-François): Moi, je dois vous avouer que, comme on l'a eu seulement il y a quelques jours, je l'avais perçu comme un document de travail, comme quelque chose d'évolutif, que ce n'était pas le produit final tout de suite, là. Ça fait que... Puis je dois vous dire que qu'est-ce que M. le ministre m'a dit tantôt, à la fin de mon allocution, c'était une surprise pour moi, là, je n'étais pas au courant de ça, là, puis je trouve que l'idée est bonne, c'est sûr que j'y suis réceptif. Puis de toute façon on est déjà... on est déjà couverts par le règlement et ses attestations depuis la mise en oeuvre du décret. Donc, c'est sûr qu'on est déjà couverts par un autre règlement, ça fait que ça a du bon sens.

M. Thériault: Vous êtes d'accord avec moi que l'article 5, tel que libellé, vise beaucoup plus large et que, en quelque part, si on n'inscrit pas des balises dans l'article 5, le projet de règlement pourra éventuellement, si on a besoin d'un financement autre, être rapidement transformé.

M. Doyon (Jean-François): ...

M. Thériault: Et avec un arrêté, décret, on change le règlement puis ça vient de s'éteindre, et il n'y a pas personne qui est consulté ici, autour de la table, là.

M. Doyon (Jean-François): Oui. Je dois vous avouer que, s'il y avait eu ces balises-là dans le projet de loi, ça aurait suscité beaucoup moins de préoccupations dans l'industrie.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: Peut-être un point de clarification, pour l'aide de mon bon ami le député de Masson. Le Programme de réduction des rejets industriels existe aussi aux termes d'un règlement. Ce programme, qu'on utilise par... qu'on appelle par son sigle, le PRRI, à terme va donner 1,2 million par année dans le deuxième décret qui est déjà adopté. Le deuxième décret s'applique à ce domaine-ci.

Si vous regardez l'article 6.1, vous allez regarder qu'il s'agit en fait de droits annuels. Ces droits annuels pour les rejets vont nous donner 1,2 million juste dans ce deuxième secteur visé par le deuxième. Il y a un troisième qui s'en vient, qui va être pétrochimie mais, lui, à plus long terme. Donc, c'est pour ça que ni le domaine forestier, qui est dans le premier décret, ni le domaine minier, qui est déjà dans le deuxième décret, ne sont prévus dans la liste que nous avons donnée ici.

Si l'argument du député de Masson devait prévaloir que tout ça dans ce menu détail doit se retrouver dans une loi et pas dans un règlement, il n'irait pas loin parce que c'est déjà par règlement qu'on fait selon le code du PRRI. Il faut procéder par règlement. C'est trop de détails. Tu ne peux pas commencer à faire ce genre de détails là à l'Assemblée nationale.

Donc, ce que, nous, on est en train de dire, c'est qu'il existe un programme. Le monde qui est avec nous aujourd'hui, du domaine minier, exprime son accord avec le fait que, eux, ils vont continuer à être couverts par le PRRI. Le but recherché est le même, le PRRI est tout simplement un système de pollueur-payeur.

Celui-ci, qu'on élabore en vertu de l'article 44, c'est pour capter les autres secteurs à risque mais qui seraient trop lourds de réglementer individuellement. Dans les domaines qui sont déjà dedans, on peut penser par exemple aux alumineries qui sont aussi dans le deuxième décret, c'est énorme comme secteur, on est en train de donner une priorité là-dedans.

Le premier secteur, les pâtes et papiers ? vous avez entendu les statistiques ce matin ? l'industrie a dépensé 1,6 milliard. Malgré ça, ça rapporte entre un demi-million puis 1 million par année au gouvernement. Donc, les deux ensemble vont aller chercher tout près de 2 millions par année dès que c'est en opération. Ça vous donne une petite idée des autres structures qui existent en matière de pollueur-payeur. C'est un principe déjà bien imbriqué au terme de notre législation et de notre réglementation parce que ça se fait déjà par voie réglementaire.

Avec le n° 44, on s'en vient faire deux autres choses: on s'en vient capter d'autres secteurs aux mêmes fins, et de un, le facteur de risque jouant pour beaucoup là-dedans, et de deux, on est en train de regarder des cas de récidive. Il y a aussi des détails, mais je pense qu'il ne faut pas trop tomber dans ces détails-là, mais des détails en matière de poursuite, la gradation entre les différentes notifications qui peuvent exister puis les constats, et ainsi de suite.

Puis ce qui est dit est tout à fait vrai. S'il y a un domaine qui fait attention, c'est un domaine qui est souvent coté en bourse parce que, au-delà de tout ce que les gouvernements peuvent faire, c'est la réaction d'une bourse ou d'une autorité de réglementation des valeurs mobilières qui va avoir autant d'importance que n'importe quelle action gouvernementale. C'est de faire, par exemple concrètement, que souvent les administrateurs des compagnies vont avoir du mal à obtenir une assurance personnelle pour leurs erreurs et omissions s'ils ne peuvent pas montrer patte blanche en matière environnementale; c'est le fait, par exemple, qu'on ne peut pas obtenir une hypothèque pour construire sur un terrain si on ne peut pas montrer que c'est conforme. Donc, c'est ce que j'appelle souvent des facteurs externes, c'est-à-dire qu'il ne faut pas se prendre pour les seules autorités capables de produire un résultat en environnement. Ces autres facteurs, souvent reliés à des forces du marché, sont en train là aussi de jouer un rôle. Mais enlevez-nous surtout pas la possibilité d'aller avec ces deux aspects-là, soit la nature du risque, soit la fréquence des infractions ou des avis. Enlevez-nous pas la possibilité d'aller détarifer parce que, si je devais attendre à chaque fois pour avoir une condamnation, je pourrais être rendu à des fortunes.

Puis je vais vous dire une chose: Quand je suis arrivé au ministère, là ? j'en ai déjà parlé, M. le Président ? on s'est rendu compte qu'il y avait des piles et des piles et des piles d'avertissements de toutes sortes qui s'accumulaient mais très peu d'action parce qu'on n'avait pas les ressources. Ça, l'activité avec le projet de loi n° 44, est une démarche constructive, concrète, qui va nous donner les ressources dont on a besoin pour appliquer les lois environnementales dans l'intérêt de la protection du public, dans l'intérêt de la santé publique et, oserais-je dire, dans l'intérêt des industries qui ? je prends à témoin votre chiffre ? à 98 % respectent l'environnement. Partant, le 2 % qui ne respecte pas l'environnement se donne un avantage économique, hein, vis-à-vis de ceux qui sont corrects, qui font les dépenses. Alors, au lieu de les défendre, vous devriez me donner leur numéro de chandail, puis on va aller les chercher ensemble. Merci.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Très rapidement. En regardant le document, là, des poursuites déposées, là, on s'aperçoit qu'il y a en tout cas, bon an, mal an, là, approximativement autour de 4 millions qui auraient été donnés au fonds consolidé depuis 1997-1998.

Plusieurs groupes sont venus nous dire: Nous sommes devant donc un projet de loi, nous sommes devant un projet de loi que nous devrons effectivement clarifier et baliser, selon l'avis aussi du Barreau du Québec qu'on recevra ici, ultérieurement, pour qu'il soit conforme aux intentions réglementaires.

Mais la plupart des groupes qu'on a interrogés sont venus nous dire qu'au niveau des amendes... d'abord, la plupart des groupes... pas au niveau des amendes, mais la plupart des groupes, quant aux argents et à la tarification, ces gens-là voulaient que cet argent-là revienne au ministère de l'Environnement, puisque le ministre vient encore de redire qu'il y a une difficulté d'assurer au ministère la protection de l'environnement dans la situation actuelle. Et j'imagine qu'avec des compressions budgétaires, si j'étais ministre, j'aurais aussi beaucoup de difficultés, avec 13 millions, à l'assurer. Je chercherais des moyens de le faire, et un des moyens, semble-t-il, c'est de la tarification.

Bon an, mal an, en 2002, il y a 1 million qui a été envoyé au fonds consolidé. Alors, les gens nous ont dit: Il faudrait qu'il y ait un fonds dédié à l'environnement, d'une part, puis les gens nous ont dit: Augmenter les amendes et faire en sorte que les amendes reviennent aussi au ministère de l'Environnement plutôt qu'au fonds consolidé. Est-ce que vos êtes d'accord avec ça?

n(14 h 50)n

Les gens ont aussi ajouté que, s'il fallait effectivement prendre ce montant des amendes et envoyer ça directement au ministère, il faudrait qu'il y ait rapport à l'Assemblée nationale à chaque année sur l'utilisation des fonds, etc. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Doyon (Jean-François): Bien, le principe est bon, je veux dire. C'est des contrevenants à l'environnement, il faudrait que l'argent revienne à l'Environnement. Je pense qu'on ne peut pas être contre ça.

Puis je profiterais de l'occasion, M. le ministre, pour vous dire qu'à l'AMQ on souhaiterait que le montant des redevances puisse aller à l'Environnement et pas nécessairement au fonds consolidé, puisqu'on parle d'environnement ici puis on parle de réduire des charges. Et on l'a déjà exprimé à votre ministère mais là je profite de cette tribune-là pour vous signifier que ce serait souhaitable.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson? M. le ministre.

M. Mulcair: Quelques points de clarification. Les sommes qui sont versées en vertu... en application du Programme de réduction des rejets industriels, on est allés les chercher en crédits au net ? c'est du jargon de l'Administration publique ? mais le 1,8 million qui, à terme, juste dans les deux premiers décrets, vont être versés vont venir directement au ministère. Ça, c'est déjà des crédits au net, mais... et ça, et la somme en vertu du projet de loi n° 44, et l'augmentation des amendes.

Parce qu'au moment où on se parle le député de Masson a raison: la somme des amendes est versée au fonds consolidé du revenu, qui est une traduction littérale de «Consolidated Revenue Fund», puis, si le député de Masson veut m'aider à franciser la terminologie dans le domaine économique au Québec, bien ce serait bienvenu, parce qu'on est la seule province ? Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick ? qui fait des lois bilingues aussi. Ils utilisent une bonne terminologie française; ils appellent ça le Trésor. Même votre chef actuel a dû admettre un jour que c'était le bon terme français, mais on continue avec ce que, nous, on appelait en blague une «translation» pour «Consolidated Revenue Fund», on continue à appeler ça le fonds consolidé du revenu en français.

Mais donc ces sommes-là sont en ce moment les amendes versées au Trésor. Vous avez entendu le Centre patronal en environnement, vous avez entendu les Manufacturiers et exportateurs. Leur souhait va être exaucé: il va y avoir une importante augmentation des amendes puis on va pouvoir aller chercher beaucoup plus; on va aller chercher tout ce qui est des sommes pour les analyses, toutes les sommes pour les enquêtes, et ainsi de suite, en cas de condamnation.

Mais, ici, on est en train de regarder du préventif puis on est en train de regarder du curatif, les deux en même temps. On est en train de faire du préventif en distinguant certains domaines qui peuvent être plus à risque et du curatif en s'assurant que, lorsqu'il y a eu des problèmes à répétition, même si on n'est pas face à une condamnation, c'est le degré de risque encore une fois puis sa mise en application. Même si on n'est pas rendus là, on va être capables d'aller chercher les sommes.

Et pour ce qui est d'un rapport sur l'utilisation des fonds, je tiens juste à dire encore une fois: Ce sont des détails d'administration publique, mais qui valent la peine d'être soulevés quand on a l'occasion de se voir en commission parlementaire comme aujourd'hui. Il va sans dire que l'utilisation de l'ensemble des fonds du ministère va faire l'objet de la défense des crédits à chaque année alors, que ce soient ces fonds-là ou d'autres. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Je remercie le ministre, même si je ne suis plus porte-parole de l'opposition officielle en matière de la Charte de la langue française, de contribuer comme ça à l'amélioration de la qualité de la langue sur la place publique et je suis toujours très ouvert et en collaboration totale avec lui quant à ces aspects-là.

Mais on va retenir l'idée, parce que les gens du PRRI, là... On va retenir quand même cette idée-là. On pourrait examiner ça. Parce que le ministre, jusqu'à maintenant, nous a dit: Pour faire en sorte que les angoisses de l'opposition officielle ne soient pas trop en croissance exponentielle d'ici à l'étude article par article, peut-être que je pourrai ouvrir et inscrire dans ce projet de loi le fait qu'il y aura un fonds dédié plutôt que de renvoyer ça aux discussions d'un éventuel avant-projet de loi sur le plan vert.

Mais je pense que, peu importent les termes que l'on prend, crédits au net ou... l'idée, c'est qu'on veut que les argents servent et restent à l'Environnement pour la protection de l'environnement. Et, nous, de l'opposition officielle, on va essayer d'apporter notre contribution et de faire en sorte que cela s'inscrive déjà dans ce projet de loi ci, parce qu'on se serait attendus, on s'était attendus, avec l'enthousiasme du ministre il y a un an et demi, à l'annonce de son plan vert, on se serait attendus qu'on se retrouve aujourd'hui en train de discuter d'une vision globale et d'un plan vert plutôt que d'aller discuter d'un projet de loi à la pièce.

Alors, merci beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: À mon tour, je tiens tout simplement à remercier les représentants de l'importante industrie minière au Québec pour l'apport vraiment crucial aux travaux de cette commission. Merci beaucoup.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Doyon et Mme Grondin.

Je vais suspendre les travaux pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 14 h 55)

 

(Reprise à 14 h 57)

Le Président (M. Dubuc): Je remercie les gens du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec. Si vous voulez vous présenter et représenter votre collègue.

Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)

M. Bourke (Philippe): Oui. Alors, merci, M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission. Merci de nous accueillir et de nous entendre aujourd'hui sur le projet de loi n° 44.

Mon nom est Philippe Bourke. Je suis directeur général du Regroupement national des CRE. Je suis accompagné de Me Marc Turgeon, qui est du Conseil régional de l'environnement de l'Outaouais et aussi président fondateur du Regroupement national des CRE.

Je souligne en début que M. Lessard, qui est le président du regroupement actuellement, s'excuse de ne pouvoir être présent aujourd'hui. Il est, comme à chaque année à cette époque-ci, dans la forêt abitibienne pour son duel avec les orignaux. Alors, il s'en excuse, il aurait aimé ça être là.

Donc, là-dessus, je présente rapidement qui est le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement et qui sont les conseils régionaux de l'environnement. Les CRE existent depuis maintenant plus de 25 ans au Québec et ils sont présents dans toutes les régions, à l'exception du Grand Nord. Donc, il y a 16 conseils régionaux de l'environnement et ils ont le mandat de promouvoir le développement durable et la protection de l'environnement de chacune de leurs régions.

Les CRE comptent plus de 1 600 membres, dont 335 organismes environnementaux, 265 gouvernements locaux, 190 organismes parapublics, 170 corporations privées ainsi que de nombreux membres individuels.

Pour ce qui est du Regroupement national des CRE, lui, a pour mission de contribuer au développement et à la promotion d'une vision nationale du développement durable au Québec, de représenter l'ensemble des conseils régionaux et d'émettre des opinions publiques en leur nom. En regroupant et représentant ainsi l'ensemble des régions, le regroupement facilite les échanges d'expertise, assure la diffusion de la vision particulière des CRE et encadre les relations avec les intervenants politiques, sociaux, économiques et environnementaux au niveau national.

Enfin, le regroupement oeuvre dans la plupart des grands dossiers environnementaux, que ce soient les changements climatiques, matières résiduelles, gestion de l'eau, énergie, forêts, agriculture et aussi en matière de réglementation comme aujourd'hui.

Là-dessus, avant d'entrer dans le vif du sujet concernant le projet de loi n° 44, dans notre mémoire, comme vous avez pu le voir, on a fait un long avant-propos pour situer un peu comment on voit ce projet de loi, comment il s'inscrit dans notre vision réglementaire et législative.

n(15 heures)n

Donc, d'abord, je souligne d'entrée de jeu que le regroupement appuie l'adoption du projet de loi n° 44, mais ? en fait, non, ce n'est pas un «mais», c'est un «et»... Donc, le regroupement espère que ce n'est que le premier pas vers quelque chose de plus large, de plus important, en fait un premier jalon d'une réforme en profondeur du cadre législatif québécois en matière d'environnement pour qu'il s'adapte aux nouvelles réalités contemporaines.

En l'an 2000, le ministère de l'Environnement avait entamé une démarche de réflexion sur l'état du régime québécois de la protection de l'environnement et sur la pertinence d'en faire la mise à jour. À cette époque-là, les conseils régionaux de l'environnement s'étaient penchés avec sérieux sur cette importante question. À leur avis, cette mise à jour complète demeure incontournable, et ce, pour de multiples raisons que je vais citer rapidement.

D'abord, le régime actuel, qui était fort avant-gardiste à l'époque, a été mis en place il y a plus de 30 ans. Donc, malgré de bonnes performance à plusieurs égards, il n'a pas permis d'endiguer de nombreuses pratiques de développement aux incidences environnementales majeures, soit par manque d'encadrement réglementaire, soit par manque de moyens et de mesures d'application. En somme, le régime n'est pas en mesure de faire face à certains enjeux environnementaux globaux qu'on rencontre aujourd'hui, que ce soit, entre autres, la question des changements climatiques.

Parmi les autres exemples qu'on peut citer, on note qu'une mise à jour doit aussi se faire pour favoriser l'adoption de mesures visant la prévention de la pollution à la source au détriment des contrôles a posteriori qui sont généralement lourds et peu efficaces. C'est ce qu'on appelle, entre autres, la responsabilité élargie des producteurs.

Aussi, le régime doit être modifié pour permettre le recours à des instruments économiques de protection de l'environnement. Il y en a déjà, mais on peut faire beaucoup plus. C'est un des éléments importants d'un cadre global de protection de l'environnement, parce qu'utilisés en complément de la réglementation ces instruments modifient les prix et les signaux de marché, permettant de décourager certains modes de production et de consommation et d'en encourager d'autres. La souplesse des instruments économiques laisse aux entreprises et aux individus le soin de choisir leurs modes d'intervention, mais les incite économique-ment à prendre des mesures qui favorisent la protection de l'environnement. Il ne s'agit pas d'imposer une surcharge de taxes mais plutôt de réaménager la fiscalité pour encourager les bons comportements.

Aussi, une mise à jour du régime est nécessaire pour que le concept de développement durable se traduise concrètement dans les choix et les orientations gouvernementales. Le ministère de l'Environnement doit pouvoir jouer le rôle d'intégrateur horizontal que commande l'application de ce concept. Le cloisonnement actuel ne permet pas au gouvernement d'avoir une vision d'ensemble et à long terme du développement, encourageant les bénéfices particuliers à courte vue au détriment des retombées positives à long terme de l'intégration des externalités environnementales. L'étalement urbain généralisé que l'on connaît est une conséquence directe de ce manque de vision d'ensemble.

Enfin, on pourrait aussi citer d'autres exemples, mais je pense qu'avec ceux qu'on a déjà cités il y en a suffisamment pour qu'on envisage cette réforme globale du régime de protection de l'environnement avec sérieux.

Je reviens au projet de loi n° 44 parce que c'est ce qui nous préoccupe aujourd'hui. Nous le redisons, on l'appuie, et nous disons aussi que c'est un premier pas important dans la bonne direction et qu'on invite le gouvernement à continuer dans ce sens.

Je vais maintenant céder la parole à Me Turgeon pour qu'il aborde les considérations générales et spécifiques du projet de loi comme tel.

M. Turgeon (Marc): Alors, selon nous, le projet de loi vise essentiellement trois réformes mineures, qui sont mineures mais importantes, c'est-à-dire la transparence, le financement et l'adaptation linguistique.

La transparence est un principe fondamental qui sous-tend la notion de développement durable. Le RNCREQ est par conséquent favorable aux mesures qui visent à rehausser les obligations législatives qui concernent l'accès à l'information pour le gouvernement et le public.

Le régime québécois de protection de l'environnement souffre d'une faiblesse chronique au niveau du contrôle réglementaire, principalement en raison du peu de moyens, ressources humaines et financières dont dispose le ministère pour accomplir cette mission. Par conséquent, le RNCREQ considère qu'il est approprié d'adopter des mesures pour accroître les moyens à la disposition du ministère. Les nouvelles dispositions permettront au gouvernement de percevoir des frais pour couvrir les coûts engendrés pour le contrôle et la surveillance réglementaire. Le RNCREQ souligne qu'il sera toutefois erroné de considérer cette modification comme étant une façon d'appliquer le principe de pollueur-payeur, l'un des principes fondamentaux de notre gestion environnementale. Le projet de loi n° 44 concerne plutôt la notion d'utilisateur-payeur.

Cela dit, le principe de responsabilisation qui est introduit par ce projet de loi devrait être généralisé. Un régime de protection de l'environnement efficace passe par une responsabilisation adéquate à l'égard de ceux et celles qui contaminent l'eau, l'air et le sol. En somme, le RNCREQ souhaite l'application du principe de pollueur-payeur tout autant que celui d'utilisateur-payeur.

Cela nous amène à ce qui... ce qui nous ramène à ce qui a été discuté dans l'avant-propos de ce mémoire que Philippe vous a fait part, à savoir la nécessaire mise à jour du régime québécois de protection de l'environnement. Celui-ci doit s'adapter aux nouvelles réalités contemporaines et être définitivement plus efficace. En outre, ce projet de loi ne doit pas non plus remplacer l'adoption d'un plan vert. Le RNCREQ encourage le gouvernement à le mettre en oeuvre le plus rapidement possible.

Donc, sur la question de l'adaptation linguistique, nous n'aurons pas de commentaire sur ce sujet.

Concernant l'article 4, il nous apparaît impératif de favoriser un meilleur accès à l'information en matière de gestion de l'environnement au Québec. Actuellement, les citoyens doivent généralement avoir recours à la Commission d'accès à l'information pour obtenir des renseignements sur les activités des entreprises susceptibles de contaminer leur environnement. C'est un processus long et laborieux. Le RNCREQ est d'avis que les citoyens du Québec ont le droit de connaître l'état de l'environnement dans lequel ils vivent. La transparence est un enjeu important quand on parle de contaminants susceptibles d'affecter la santé humaine et celle des écosystèmes. En conséquence, le RNCREQ demande que cet article, l'article 4, soit modifié de manière suivante afin d'inclure, à la fin du paragraphe, les mots «et rendus publics».

L'article 5. Ici, vous allez voir qu'on a un point d'interrogation, donc on est encore... on n'a pas de position tout à fait ferme, mais on a un questionnement: Devrait-on également déterminer des frais pour ceux qui font une demande d'autorisation, d'une approbation, d'un certificat, etc., puisque cela nécessite également un contrôle de la part du ministère?

Dans le fond, je veux dire, à partir de l'instant où quelqu'un met un projet sur la table, il peut coûter très cher à l'État québécois de suivre l'évolution du projet. Donc, avant même qu'on puisse donner le certificat d'autorisation, il y a plusieurs gens au ministère qui vont travailler. Les municipalités vont y travailler, il y a les groupes environnementaux qui vont y aller travailler, et etc. Et ça, à un moment donné, ça se pourrait fort bien que le projet qui paraissait fort bien soit loufoque et qu'il n'arrive à rien, sauf qu'il y a eu une imputation dans les budgets du ministère, dans les budgets de la municipalité ou de la MRC pour essayer de comprendre. Donc, autrement dit, s'il y avait des frais de bonne foi, bien, peut-être que des projets qui, soit qu'ils ne soient pas recevables parce qu'ils ne respectent pas le cadre législatif réglementaire ou qu'ils ne sont tout simplement pas réalisables parce qu'ils sont farfelus ? et j'en ai connus beaucoup puis je vais encore en connaître encore... bien, au moins, ça empêcherait, à ce moment-là, ce type de projets d'arriver. Il y en aura toujours, des projets... Il y a des projets de bonne foi qui sont déposés puis ils ne se rendront pas jusqu'au bout, mais on sait qu'il y a des projets de toute façon qui sont là pour empêcher autre chose et qui coûtent très cher à l'État.

Alors, grosso modo, c'était notre apport à cette commission parlementaire, et nous sommes prêts maintenant à répondre aux questions, s'il y en a, et à échanger, naturellement.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Bien, juste d'abord pour souhaiter un grand bienvenue aux représentants des CRE, des conseils régionaux en environnement.

Pour ceux qui ne les connaissent pas, comme le nom l'indique, à travers le Québec, ce sont des hommes et des femmes qui donnent de leur temps parce qu'ils y croient, au domaine de l'environnement. C'est intéressant. Je dirais qu'il y a deux groupes, les conseils régionaux en environnement puis les comités de bassins versants, qui représentent vraiment l'avenir en environnement, c'est-à-dire plutôt que... Bien, l'édifice où est situé notre bureau, que vous connaissez, M. le Président, ça représente tellement le modèle des années soixante, hein, du gouvernement, où tu construis une grande tour puis tu es censé voir à un endroit central tout ce qui se passe sur 1,7 million de kilomètres carrés. Là, on se rend compte que, plutôt que d'arriver du haut vers le bas, c'est vraiment la base qui doit s'organiser et nous dire quelles sont les préoccupations locales. Hier, j'étais avec le CRE de Laval pour une importante annonce pour la mise en réserve de certaines villes dans la Rivière-des-Prairies, très importante pour nous dans ce coin-là, et on continue à travailler, c'est de l'argent très bien dépensé. Alors, je tiens, dans un premier temps, à vous saluer et vous dire merci pour tout ce que vous faites.

Dans un deuxième temps, je veux vous dire que la modernisation de la loi est un des chantiers importants au sein du ministère, et ça va exactement dans le sens que vous décrivez. Mais, quand vous voyez la résistance que même un effort modeste comme le projet de loi n° 44 peut provoquer, vous comprenez que, même si ça ne diminue pas notre ardeur d'arriver au bout, on se rend compte que la tâche est colossale.

Pour ce qui est de la partie spécifique des frais lors d'une demande, je veux juste vous dire que l'article 31.0.1, qui n'est pas encore proclamé en vigueur, va l'être. On va travailler en ce sens-là, puis, au moment où, au cours de l'automne, je donnerai différents éléments qui constitueront le plan vert, j'ai l'intention de parler de ça en même temps. Donc, les gens vont voir qu'on prend un autre pas dans la bonne direction avec ça, et je pense que ça fait partie d'un ensemble. Vous m'avez souvent entendu parler du fait qu'il fallait reconstituer une équipe de procureurs, il fallait créer le centre de contrôle environnemental.

n(15 h 10)n

Puis, juste pour rassurer mon bon ami le député de Masson, il n'y a pas eu de compromission en ce qui concerne la qualité de nos interventions en application de la loi. Ce qu'on a fait pour sauver le 8 % ? et je suis très content, comme ministre, de faire partie d'un gouvernement qui gère avec sa tête puis dit: Bien, on peut réduire ? on a changé les façons de faire à l'interne, mais c'est possible de faire ça. Sinon, l'autre possibilité, c'est de croire qu'on est arrivés à être les gens les plus taxés en Amérique du Nord, puis chaque cenne dépensée doit continuer d'être dépensée exactement comme ça. Nous, on n'a pas cette vision des choses puis, vous allez voir, on va arriver en étant créatifs. En ayant beaucoup de créativité, on va réussir notre coup.

Je voulais vous demander, à propos d'une question qui a été souvent soulevée par les gens jusqu'à date, en ce qui concerne les informations qui doivent être fournies, vous avez vu qu'à l'article 4 il y a un autre aspect: Est-ce que ce serait pour vous un problème qu'on inclue, plutôt dans la loi que dans le règlement, la notion qu'on est juste en train de viser, comme un autre ordre du gouvernement l'a fait déjà, les choses qui sont normalement à leur disposition? Avez-vous eu le temps de réfléchir à cet aspect-là du projet de loi?

M. Bourke (Philippe): C'est la précision qui était dans les documents, là, d'appui, là...

M. Mulcair: Exact.

M. Bourke (Philippe): ...où on disait: C'est dans la mesure que l'entreprise l'a ou on devrait s'attendre à ce qu'elle l'ait. C'est ça?

M. Mulcair: Oui.

M. Bourke (Philippe): On parle de cette information-là?

M. Mulcair: Nous, on le mettait dans le règlement parce qu'on trouvait que ça nous donnait plus de flexibilité, mais la demande est venue à plusieurs reprises d'essayer de le mettre dans la loi, même si ça enlève un peu de flexibilité. Puisque ça traduit bien notre pensée, on songe à donner suite à ça, mais on voulait savoir si vous voyiez un problème?

M. Bourque (Philippe): Non.

M. Mulcair: Non? O.K. Merci beaucoup. Je vais laisser l'opposition intervenir.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, puisque le ministre m'ouvre la porte concernant la coupure de 13 millions, je voudrais dire que, oui, il peut rationaliser son ministère, mais il a quand même coupé des programmes dont Action-Environnement qui n'a pas été renouvelé. Il a fait l'éloge, je pense, à la première journée des audiences, des ressourceries; ça a été coupé. Il a coupé le financement des groupes nationaux. Mais peut-être d'entrée de jeu je pourrais vous dire que Greenpeace était très préoccupé par l'abolition des programmes de financement pour les groupes écologistes au Québec dont Action-Environnement, et j'imagine que ça vous concerne aussi, et le financement des groupes nationaux. Donc, en quelque part, on voudrait qu'il y ait un financement stable des groupes environnementaux.

Là, il y a une possibilité de tarification, et le ministre, devant une coupure de 13 millions qui a apporté donc des coupures non seulement de rationalisation du ministère, là, souhaite financer avec ça les groupes environnementaux, la nouvelle équipe d'inspection de surveillance, des procureurs, le plan vert, un fonds dédié. Est-ce que vous pensez que tout ça sera possible? Et je veux vous entendre sur l'opportunité de retrouver le financement des projets environnementaux et des groupes environnementaux tels que, entre autres, Action-Environnement?

M. Turgeon (Marc): Je ne suis pas certain... Je suis certain que, oui, ça prend un financement pour les groupes nationaux, ça prend un financement pour les projets environnementaux. Je pense que c'est une revendication qui est vieille de 15 ans à peu près. Je pense que l'ensemble... C'est panquébécois; tout le monde, on s'entend là-dessus. Par contre, je ne suis pas certain que présentement ça devrait s'inscrire dans ce projet-ci. Ça, je ne suis pas certain de ça non plus.

Je ne veux pas rentrer dans... Je ne le sais pas, ce qui se passe avec le Barreau, je n'ai pas mon chapeau d'avocat aujourd'hui, là. Ce serait dit à ma corporation; je ne parle pas en son nom. Mais je pense qu'à un moment donné il faut faire attention, quand on va chercher de l'argent pour faire quelque chose, on ne peut pas... ça peut devenir facilement une taxe déguisée. Je pense que, là, on rentre dans un terrain qu'aucun gouvernement ne voudrait rentrer, puis je ne voudrais pas non plus que les groupes environnementaux fassent rentrer le gouvernement là-dessus.

Moi, je pense que le débat de fond, à savoir toute la question du financement des groupes, toute la question du financement du ministère, c'est beaucoup plus large tant qu'à moi, M. le député, que le projet de loi n° 44. Le projet de loi n° 44 vient donner la possibilité au ministre de dire à des utilisateurs: Vous allez maintenant contribuer pour un certain montant à ce que ça vous coûte, à l'État. Je prends pour acquis que l'argent qu'il va aller chercher là, il va sensiblement le mettre au service aussi des gens qui contribuent. Je peux le prendre pour acquis. Par contre, il va aussi, en faisant ça, dégager d'autres sommes d'argent qui viennent de son... du fonds général qu'il pourra, à ce moment-là, à sa guise, distribuer comme il voudra au niveau du ministère.

J'ose espérer que le plan vert par contre, M. le député, qu'on aura peut-être le plaisir prochainement de pouvoir discuter avec vous, avec l'ensemble de la commission, j'ose espérer que le plan vert aura cette vision d'ensemble du financement à long terme de l'ensemble du monde environnemental, tant les groupes nationaux que les groupes locaux. Les groupes locaux étaient beaucoup plus sur la question d'Action-Environnement, et les groupes nationaux étaient sur leur programme d'aide.

Alors, je ne suis pas certain ici. Je pense que c'est un moyen qu'ils se dotent pour changer une façon de faire avec, entre autres, le monde industriel, une autre vision de la chose qui va lui amener possiblement, comme je le disais, un afflux financier, des économies. Le gouvernement, le ministère verra comment il le dépensera, mais je pense que le plan vert devra nous répondre collectivement sur ce qu'on veut faire comme travail d'appui aux écologistes du Québec.

M. Thériault: Vous m'ouvrez la porte pour dire que donc vous auriez peut-être été plus à l'aise de discuter, aujourd'hui, d'un plan vert, d'une vision globale, plutôt que d'un projet à la pièce comme celui-là, parce que ce n'est pas nous qui disons que le projet de loi n° 44 devra servir à financer les groupes, etc., ce qu'on vous dit, c'est que c'est ce que le ministre prétend, que cette tarification-là va servir à ce financement-là et qu'il va aller chercher des millions avec ça. Alors, c'est pour ça que je vous posais la question dans ce sens-là, bien que je respecte votre interprétation à l'effet que ce n'est pas le projet de loi qui devrait faire ça et que c'est dans le cadre d'un plan vert et d'une vision plus globale qu'on devrait discuter de ces choses-là.

Par contre, tous les intervenants qui sont venus ici étaient d'accord pour qu'il y ait un fonds dédié et que cela s'inscrive tout de suite dans ce projet de loi, parce que les ministres passent et les projets de loi restent, et d'un projet de loi, il y a un an et demi, nous sommes rendus à un avant-projet de loi, alors... Bien ça, c'est correct, un avant-projet de loi, ça va nous permettre, j'imagine, de discuter encore davantage, à concilier tous les intérêts, mais c'est dans ce sens-là, là, que je vous dis que ce n'est pas nous qui le mettons sur la place. J'imagine que vous êtes quand même d'accord avec un fonds dédié.

M. Turgeon (Marc): Bien, écoutez, le principe de gestion du fonds dédié est intéressant dans le sens que ce qui rentre dans la main reste dans la même boîte. Je vous dirais que pour moi la défense de l'environnement au Québec passe plus par les fonds dédiés du ministère de l'Environnement. Ça va prendre une... En fait, c'est l'action commune de l'ensemble du gouvernement, de l'ensemble des budgets de l'État qui à mon avis, dont le budget de la Santé, doivent aussi focusser sur l'environnement. Ce ne sera pas juste les... Oui, on peut peut-être ramasser quelques millions là-dessus, mais quelques millions.. Ce n'est pas quelques millions que, moi, je veux en environnement, je veux bien plus que quelques millions en environnement et je veux un effort concerté. Et, dans ce sens-là, je vous dirais que, moi, j'ai tendance et j'ai toujours eu tendance, malgré ma grosseur, à laisser la chance au coureur parce que, moi, je ne cours pas, je le laisse courir. Mais je me dis que le plan vert, quand il va arriver, c'est là qu'on va connaître vraiment où on s'en va réellement. Et c'est là que, moi, je pense que ça va être bien. Je pense que, dans le plan vert, il va y avoir des pistes intéressantes. Tout ne sera peut-être pas parfait. Moi, je l'aurais peut-être fait différemment, puis sûrement, M. le député, que vous le feriez différemment. C'est le plan vert du ministre. On va écouter le ministre. On va essayer de le grandir, le plan vert, avec le ministre.

Mais je me dis qu'un fonds dédié, c'est parce qu'à un moment donné... J'ai toujours peur, moi, un fonds dédié, qu'à un moment donné... C'est comme, moi, quand j'étais jeune puis que je gagnais mes premiers sous, j'avais donc ma cagnotte, et mon père me disait: Bien, mon petit gars, va chercher tes jeans dans ta cagnotte. Alors, je disais: Non, non, les jeans, ça relève du budget familial. Il disait: Non, non, non, non, non, les jeans, tu les portes, le samedi soir, pour aller danser, ça t'appartient à toi. Alors, dans ce sens-là, oui, au niveau gestion, on peut le voir, oui, c'est un bon deal, il va tenir là, mais, s'il y a juste l'argent qui est là, qu'il n'y a pas d'argent d'ailleurs, on n'ira pas plus loin.

M. Thériault: Mais...

Le Président (M. Dubuc): Allez-y, monsieur...

M. Thériault: Oui. Merci, M. le Président. Mais, nous, là, ce qu'on veut être certains, là, c'est que cette cagnotte-là ne servira pas au Conseil du trésor à réduire encore les budgets du ministère, et il faut s'en assurer.

M. Turgeon (Marc): Je vous dirais ? je reprends le fameux exemple familial ? je vous dirais que, là-dessus, il y aurait beau avoir tous les fonds dédiés qu'on veut au ministère de l'Environnement, si le gouvernement décide autrement, il décidera autrement. Le ministre gère un fonds puis il gère aussi une enveloppe qu'on lui concède dans les crédits, etc. Alors, là-dessus, c'est une volonté politique, M. le député, ce n'est pas autre chose. Ce n'est pas un fonds particulier qui va venir décider de la survie ou de la non-survie du ministère de l'Environnement.

M. Thériault: Vous êtes d'accord que ça prend un engagement du gouvernement, pas juste des intentions, là.

M. Turgeon (Marc): Moi, je pense que ça prend un engagement du gouvernement, effectivement. Et je pense que déjà qu'on ait ici un projet de loi n° 44 effectivement qui est parcellaire, qui des fois est difficile à voir dans son ensemble... On a les déclarations du ministre qu'on a suivies depuis qu'il est en poste. Moi, je pense qu'il y a une volonté de changer certaines choses, de doter le ministère d'armes nouvelles et surtout d'avoir l'adoption d'un plan vert qui devrait être une... Parce que le plan vert, ce ne sera pas le plan du ministère de l'Environnement. À mon avis. le plan vert doit devenir le plan du gouvernement du Québec et en même temps le plan des Québécois et des Québécoises. Alors, à ce niveau-là, c'est une appropriation qu'on devra tous faire et une bonification.

n(15 h 20)n

M. Thériault: Oui, mais vous comprendrez que la préoccupation de l'opposition officielle présentement, et qui semblait être partagée par certains groupes, c'était de ne pas mettre la charrue avant les boeufs et qu'en quelque part on puisse voir un plan d'ensemble avant de commencer à discuter à la pièce.

Mais vous plaidez la transparence. Dans un autre ordre d'idées, vous plaidez la transparence, puis, moi, je vous félicite, vous avez le mérite d'être clairs dans votre mémoire et de dire: Nous, on est pour les deux principes: on est pour le principe de l'utilisateur-payeur et on est pour le principe du pollueur-payeur. Et, à partir de là, la préoccupation que j'ai, c'est d'essayer de voir comment vous pensez qu'on pourrait concilier ces deux principes-là dans un libellé. Parce qu'en quelque part, si tout le monde paie pour le contrôle et la surveillance, qu'est-ce que l'on fait par rapport à quelqu'un qui contrevient? Où est-ce qu'est l'équité par rapport à quelqu'un qui contrevient?

M. Turgeon (Marc): ...deux choses.

M. Thériault: Est-ce que... Oui.

M. Turgeon (Marc): M. le député, c'est deux affaires complètement séparées. L'utilisateur, c'est une question administrative.

M. Thériault: O.K., vous le voyez comme ça. D'accord. D'accord.

M. Turgeon (Marc): C'est purement administratif. C'est comme si vous demandez un permis de maison, c'est administratif. Si, par contre, vous dépassez le permis de maison, vous dites que vous pouvez construire un trois blocs, puis vous en construisez un quatre, ça, c'est pénal, c'est autre chose. C'est deux affaires différentes, à mon avis, là. Mais les deux sont des principes qui sont reconnus dans la loi et dans la jurisprudence actuelle en droit de l'environnement. Je vous dirais que, quand on va revenir pour la question de la réforme, on a peut-être d'autres façons de voir les choses, mettons. Le développement durable peut-être vient contredire le pollueur-payeur, à quelque part, là. Il y a peut-être des choses qu'il va falloir, à un moment donné, préciser, mettre un point sur un i, puis une barre sur un t, puis dire: On s'est toujours appuyé là-dessus, mais possiblement qu'en 2004 on ne peut plus... ou, en 2005, on ne pourra pas s'appuyer là-dessus. C'est là qu'on en est aussi.

M. Thériault: Vous disiez tantôt: Nous, on veut le plus d'argent possible pour la protection de l'environnement, puis, nous aussi, on est de cet avis. En même temps, on est devant un projet de loi qui va assurer une facturation. Je suis d'accord avec le fait que, de façon très claire, vous puissiez nous dire: utilisateur-payeur. La question que j'ai aujourd'hui, c'est: Moi, comme législateur, il faut que je voie l'intention du législateur. J'ai deux problèmes aujourd'hui parce qu'au niveau de l'intention réglementaire je retrouve davantage là une intention de pollueur-payeur, selon les dires du ministre, mais, au niveau de la notion comme telle, il faut que je la centre à l'intérieur d'une perspective globale, et la perspective globale ? et je vous pose la question, là, vous êtes devant nous, on peut comme ça explorer un peu ? la perspective globale de ce ministère... pas de ce ministère, de ce gouvernement depuis qu'il est au pouvoir, ça a été de dire: Nous allons avoir un cadre financier qui va prioriser deux dossiers dans la société québécoise. Si, nous, on disait: Cela va impliquer qu'il y ait des coupures ailleurs et le principe d'utilisateur-payeur... D'ailleurs, Greenpeace avait un bémol parce qu'il y voyait peut-être un effet pervers de quelqu'un qui finirait par finalement se payer le fait de polluer. Mais, nous, c'est que, dans la perspective d'une réingénierie où effectivement on pourrait être enclins à facturer tous les services de l'État... Là, ça va bien. On est dans un beau dossier, hein? C'est noble. La cause est noble. En plus, pour l'instant, directement ce n'est pas vous et moi qui allons payer, c'est les grandes poches, etc. Donc, tu sais, ça va bien, l'utilisateur-payeur, ça va bien. Mais est-ce qu'en quelque part vous ne craignez pas que ce soit exporté? Et, dans une vision économique et étatique de ce que l'État doit jouer comme rôle pour l'ensemble de la collectivité, est-ce que vous avez des bémols là-dessus ou des craintes?

M. Turgeon (Marc): Je vous dirais, M. le député, qu'il me semble qu'on est un peu... Je comprends tout à fait votre préoccupation. Je ne suis pas nécessairement mandaté par l'organisme que je représente pour entrer sur ce champ-là. Je vous dirais, sur une base personnelle, que ? puis je vais vous compter ma vie ? dans une autre vie, je m'occupe... je suis président du Réseau de l'action bénévole du Québec, donc des gens qui font du bénévolat dans les différents secteurs. Et, nous, on a toujours dit ? le bénévolat, c'est 1 milliard à peu près en argent canadien en 2002 ? alors, on a toujours dit: Oui, c'est important que les gens s'assument, assument leurs communautés, etc., mais on ne remplacera pas l'État. Il y a des choses qui doivent demeurer à l'État. Il y a des choses, il y a des principes qu'on ne bougera pas. On n'ira pas remplacer les infirmières bénévolement dans les hôpitaux parce qu'on n'ira pas prendre des jobs. Il y a des choses comme ça. Je vous dirais que ce que vous nous dites... Je comprends tout à fait l'intérêt de l'opposition officielle dans ces questions-là. Je pourrais vous dire que, personnellement, je peux en avoir...

M. Thériault: De la prudence.

M. Turgeon (Marc): Oui, la prudence, la précaution, magnifique principe environnemental qu'est la précaution. Je vous dirais que, là-dessus, présentement, ce que je perçois dans le projet de loi n° 44, c'est un ministre de l'Environnement qui veut possiblement faire payer des droits administratifs à des gens qui n'en ont jamais payé, qui ont tout toujours eu gratuitement.

Moi, je reprends encore mon escalier que je refais chez moi, là. Bon, je vais aller chercher un permis à la ville, hein? Je le paie, mon permis, là. C'est un truc administratif. Alors, à ce niveau-là, tant que ça reste au niveau administratif... Et de toute façon je vous dirais que, quand vous dites aussi que ce n'est pas nous qui le payons, je vous dirais que de toute façon ces frais-là vont être relayés aux gens qui vont avoir les services en bout de ligne. Mais on prend pour acquis que le droit, le droit de l'environnement, le droit d'avoir un environnement sain, cette préoccupation-là n'est pas négociable, ça appartient à l'État, et jusqu'à preuve du contraire je ne vois pas de signe qui nous dit le contraire. Mais nous serons comme vous très attentionnés à la chose.

M. Thériault: Mais vous convenez avec moi que, dans votre exemple, là, d'escalier et de permis pour votre escalier, là, vous ne payez pas pour l'inspection de la ville et que présentement les gens paient déjà pour leurs permis, là.

M. Turgeon (Marc): Oui. Mais l'inspection de la ville, je vous dirais qu'en Outaouais elle va devenir bientôt... parce qu'il y a trop de gens qui ont des problèmes avec les maisons et des reventes de maisons. Mais, cela étant dit, c'est un autre dossier. Mais vous avez bien raison de le dire: là-dessus, il y avait nuance et je l'accepte.

M. Thériault: Bien, merci.

M. Turgeon (Marc): Plaisir.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: Écoutez, juste une précision, puis après je vais remercier cet important regroupement des conseils régionaux en environnement.

Pour ce qui est de l'argent pour les ressourceries, j'ai déjà eu l'occasion de mentionner que pour moi ça demeure une très grande priorité de veiller à la dotation sans diminution des conseils régionaux en environnement puis des organismes de bassins versants. Ce n'est pas parce que le livre du ministère réduit pour les ressourceries que les ressourceries n'auront pas leur argent. On est en train de travailler activement avec d'autres partenaires au sein du gouvernement, notamment RECYC-QUÉBEC, Développement économique et régional pour ce qui est des régions ressources par exemple.

Les ressourceries, il faut bien comprendre, jouent un rôle actif dans la diminution des matières résiduelles puis jouent un rôle d'incitation et d'instruction auprès du public. Ils montrent que c'est possible souvent de réutiliser, de recycler des choses qui se ramasseraient sans ça à l'enfouissement. Donc, c'est un effet multiplicateur que, nous, on veut encourager. Donc, les ressourceries, quoi qu'il en soit, moi, je vais utiliser toute mon expérience au gouvernement et tous les trucs que je peux connaître pour m'assurer que les ressourceries ne connaîtront aucune diminution dans leur financement.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Moi, je voudrais dire au ministre là-dessus, là, précisément qu'il aura toute ma collaboration dans ce sens-là parce que, nous, on pense, de l'opposition officielle, qu'on aurait pu peut-être maintenir le programme en attendant de trouver les solutions qu'il cherche et pour lesquelles nous allons collaborer nécessairement.

M. Mulcair: Là-dessus, le député de Masson a l'impression que quelqu'un aurait mis fin à un programme. Le programme était pour cinq ans, 1998-2003. Personne n'a fait quoi que ce soit...

Une voix: ...

M. Mulcair: ...programme. Non, attendez, le programme a été fait d'une certaine manière, puis, nous, on était en train de chercher, à l'intérieur de d'autres enveloppes, une manière de garantir que les ressourceries vont survivre. Puis qui dit économie sociale dit aussi économie, puis ça aussi, c'est un message que je dis souvent quand j'ai l'occasion de les rencontrer, puis je les rencontre à travers le Québec, parce que je reconnais leur importance.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Écoutez, moi, je tiens à vous remercier pour la clarté de vos propos, pour la clarté de vos prises de position, et ça va effectivement éclairer nos travaux dans l'éventualité où on devra effectivement un jour arriver à s'entendre sur un projet de loi.

Le Président (M. Dubuc): Merci. On va suspendre les travaux quelques secondes.

(Suspension de la séance à 15 h 29)

 

(Reprise à 15 h 40)

Le Président (M. Dubuc): Merci. Nous accueillons le Centre québécois du droit de l'environnement. Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.

Centre québécois du droit
de l'environnement (CQDE)

M. Girard (Jean-François): Bien sûr! Alors, je me présente, Jean-François Girard, et je suis accompagné de...

Mme Gariépy (Annie): Me Annie Gariépy.

Le Président (M. Dubuc): Merci. Vous avez 20 minutes, c'est des blocs.

M. Girard (Jean-François): Vous allez nous le dire cinq minutes avant?

Le Président (M. Dubuc): Pardon?

M. Girard (Jean-François): Vous allez nous le dire cinq minutes avant?

Le Président (M. Dubuc): Non, non. Vous pouvez débuter immédiatement.

M. Girard (Jean-François): Non, mais, avant qu'il nous...

Le Président (M. Dubuc): À la fin? Oui, oui, oui, oui.

M. Girard (Jean-François): Vous savez, des avocats, ça parle longtemps, hein?

Le Président (M. Dubuc): Bon, on va vous avertir au moment...

M. Girard (Jean-François): Alors, M. le Président, M. le ministre Mulcair, distingués membres de la commission, en mon nom personnel et au nom du Centre québécois du droit de l'environnement, je veux vous remercier de nous donner l'occasion, aujourd'hui, d'être écoutés et de se faire entendre sur le projet de loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement et la Loi sur la qualité de l'environnement.

Je me présente, Jean-François Girard. Je suis avocat et biologiste et président du conseil d'administration du Centre québécois du droit de l'environnement. Je travaille dans un bureau spécialisé en droit municipal et qui également, par la force des choses, se préoccupe du volet environnement du droit municipal. Et je suis accompagné aujourd'hui de Me Annie Gariépy, qui est responsable et coordonnatrice du volet Conservation et biodiversité au Centre québécois du droit de l'environnement.

Vous allez me permettre de présenter brièvement le Centre québécois du droit de l'environnement, le CQDE donc, qui est un organisme sans but lucratif qui a été fondé, en 1989, par un groupe de juristes qui voulaient réfléchir et qui se préoccupaient des questions juridiques relatives à l'environnement. Le CQDE s'est donné comme mission de promouvoir les outils juridiques et les pratiques environnementales responsables, et, à ces fins, il privilégie le développement de modes de gestion de l'environnement qui placent l'action citoyenne au coeur des mécanismes de protection de la qualité de nos milieux de vie, et ce, dans l'intérêt collectif. La vision du CQDE repose essentiellement sur quatre axes, soit: prévention, précaution, subsidiarité et innovation.

Je vais présenter le contexte général du mémoire présenté par le Centre québécois par rapport au projet de loi n° 44, et ma collègue va intervenir sur les éléments spécifiques.

Alors, au Centre québécois du droit de l'environnement, nous voyons dans le projet deux éléments sur lesquels le législateur chercher à intervenir: premier sujet d'intervention, l'accès à de l'information ? on aura peut-être l'occasion de préciser tout à l'heure ? et deuxième sujet d'intervention, le financement des activités du ministère dans son rôle d'encadrement, de suivi et de surveillance en matière d'environnement. De façon générale, le CQDE appuie les initiatives du législateur en ces matières. Dans son avant-propos, dans le cadre du mémoire, le CQDE insiste sur l'importance de l'accès à l'information et définit par ailleurs le principe du pollueur-payeur.

Avant même d'aborder ces sujets, je veux les replacer dans le contexte des externalités en environnement, puisqu'en définitive l'objet même de la Loi sur la qualité de l'environnement, c'est de contrôler et d'encadrer et, dans une certaine mesure, internaliser ces externalités. Les externalités se produisent lorsque les coûts associés à la production d'un bien ne sont pas pris en compte par l'unité de production. On parle ici de coût marginal social ou d'un coût environnemental qui doit être assumé par l'ensemble de la société.

Aussi, l'argument de l'augmentation des coûts de production qu'on entend, qui est soulevé parfois par l'industrie, lorsqu'il est question d'internaliser ces coûts environnementaux, n'est pas à notre avis très émouvant, puisque ces coûts, s'ils ne sont pas assumés par l'entreprise et en définitive le client qui achète les biens de l'entreprise, ils seront assumés par la société, et, dois-je le rappeler, qui n'est pas nécessairement le client.

Je donne comme exemple... On va se prendre un exemple fort hypothétique d'une usine d'outils qui, pendant plusieurs années, produit des outils sur un territoire et émet dans l'environnement un certain nombre de contaminants. Ces contaminants-là ne sont pas ? écoutez, on ne peut pas se refaire, M. le ministre ? ces contaminants-là ne sont pas comptabilisés dans les coûts de gestion de l'entreprise. Et en définitive, lorsque ? voulez-vous faire... lorsque les clients achètent les outils, ils achètent un outil dont le prix ne reflète pas le véritable coût de l'ensemble des coûts de production, puisque ces coûts environnementaux là ne sont pas internalisés. Or, lorsqu'on se rend compte qu'il y a une contamination importante de l'environnement et que la société et les citoyens qui résident dans cette région-là sont tenus ou obligés d'assumer le coût environnemental, bien on apprend, on connaît et on découvre de plein fouet ce coût environnemental.

Alors, lorsqu'on entend dire que l'internalisation des externalités, c'est une façon d'augmenter les coûts de production et que l'entreprise est très frileuse à cet égard-là, de notre point de vue, au CQDE, on croit que, de toute façon, en bout de piste, c'est soit le client qui devrait assumer le coût ou de toute façon ça va être la société qui va le faire.

Le CQDE écrit que le droit de savoir devient souvent le nerf de la guerre lorsqu'il est question de gestion de nos ressources communes partagées, du droit d'être informés sur les risques à la santé et du droit d'être informés sur les véritables enjeux afin d'être en mesure de se prononcer de façon éclairée sur notre utilisation de l'environnement. Je pense que l'exemple du Suroît, sans rentrer dans les détails, est très intéressant parce que, plus on a été informé sur les véritables enjeux, sur les véritables données, la population est en mesure de se prononcer de façon éclairée. Alors, cet exemple-là, je crois, devrait nous interpeller.

Le CQDE prône la participation du public et la responsabilisation des citoyens, et, à ce titre, le droit de savoir et l'accès à l'information est, croyons-nous, un élément essentiel. Il ne faut pas se leurrer, dans le cadre juridique actuel, ce sont plutôt les entreprises qui possèdent le droit de polluer jusqu'à une certaine mesure, impunément.

Alors, nous sommes tout à fait en accord avec la notion par laquelle on veut obliger la communication de renseignements ? et vous allez me permettre de lire ? selon le projet de loi: «...tout renseignement concernant la présence ou l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement de contaminants, notamment sur leur origine, leur nature, leur composition, leurs caractéristiques, leur quantité, leur concentration, leur localisation ou le milieu récepteur ainsi que sur les paramètres permettant d'en évaluer ou d'en calculer la quantité ou la concentration.» Nous croyons qu'effectivement d'obliger la communication de ce type de renseignements là permettra peut-être d'éviter des situations comme celle vécue par la population de Bhopâl, lors de l'accident de l'Union Carbide, en Inde.

Aussi, ce pouvoir du ministre nous apparaît être une pierre supplémentaire intéressante à l'édifice législatif en matière d'environnement, mais elle doit également profiter au public qui, dans la vision du CQDE, doit participer de façon complémentaire à l'État dans la recherche de l'internalisation des coûts environnementaux. Le principe pollueur-payeur est un moyen d'internalisation de ces coûts environnementaux. Et, si, pour l'État, il se traduit par des taxes, des redevances, des permis de pollution échangeables et autres moyens d'écofiscalité, diront certains, le CQDE croit qu'il ne faut pas négliger le rôle de la responsabilité civile dans ces mécanismes d'internalisation des coûts environnementaux.

Si nous croyons vraiment au droit à la qualité de l'environnement et au droit à la qualité de nos milieux de vie, il est important que celui qui subit une atteinte à ce droit soit capable de faire payer le prix de cette atteinte aux véritables responsables. C'est là le principe de la responsabilité civile et là où le droit d'accès à l'information et le rôle des citoyens en matière d'environnement se rejoignent via la Loi sur la qualité de l'environnement.

Quant au principe pollueur-payeur proprement dit, le CQDE croit qu'il est impératif de confronter les pollueurs aux véritables coûts associés à leur production d'externalité. Si actuellement la production de pollution ne coûte rien ou pratiquement rien, il faut corriger la situation en veillant à ce que le pollueur soit confronté au coût social correct de ses actes. En d'autres termes, il faut internaliser les externalités afin que les coûts sociaux engendrés par celles-ci soient pris en compte par les entreprises dans leurs schémas de gestion.

Par son projet de loi, ainsi que l'expliquera plus longuement ma collègue, le législateur marque un pas vers l'application plus rigoureuse de ce principe au Québec, même si, dans sa facture actuelle, il agit plutôt en amont des véritables problèmes de pollution. Alors, je vais laisser ma collègue Annie Gariépy élaborer plus spécifiquement sur les aspects du projet de loi.

n(15 h 50)n

M. Gariépy (Annie): Alors, merci. Bon après-midi, messieurs dames, membres de la commission, M. le ministre. Permettez-moi, après l'habile exposé de mon collègue, d'entrer dans le vif du sujet et de vous relater les points forts de notre mémoire.

Au niveau des considérations générales, selon le CQDE, le projet de loi n° 44 propose d'apporter deux modifications qui sont intéressantes à la Loi sur la qualité de l'environnement, en matière de transparence et en matière de tarification. Les modifications qui seraient apportées par ce projet de loi là sont saluées et soutenues par le CQDE, même si nous croyons qu'elles auraient pu être approfondies afin de mieux servir les principes fondamentaux qu'elles desservent.

Au niveau de la transparence, on peut dire qu'elle est tributaire d'un régime de protection de l'environnement efficace et durable. C'est aussi une prémisse puis une composante à l'accès à l'information, et c'est pour ça que ça nous intéresse, puisqu'elle peut contribuer à favoriser une meilleure gestion du patrimoine commun et de la santé publique. Avec une plus grande transparence, on a une meilleure circulation de l'information qui en découle et qui facilite l'implication citoyenne, comme a pu le démontrer Me Girard.

Au niveau de la tarification, qui est l'article 5 du projet de loi, ce qu'on peut en dire, c'est que, même si elle ne permet pas d'introduire complètement la notion de pollueur-payeur au sein de la loi, elle a le mérite de favoriser un mécanisme d'utilisateur-payeur. Nous croyons que cette modification constitue un pas dans la bonne direction et qu'elle sème les jalons pour l'introduction du principe de pollueur-payeur lors de la révision du régime québécois de la protection de l'environnement.

Au niveau de la notion d'utilisateur-payeur versus pollueur-payeur, on peut rappeler que la notion de pollueur-payeur implique l'établissement de nouvelles règles d'imputation des coûts de mesures de prévention de la pollution et, à l'intérieur de ces règles-là, on retrouvera le coût des études techniques, le coût des technologies, l'indemnisation des tiers ainsi que le coût des sanctions pénales. À l'intérieur de la notion de pollueur-payeur, on retrouve la notion d'utilisateur-payeur. C'est pour ça que le CQDE appuie ce premier pas dans l'atteinte du principe de pollueur-payeur.

Évidemment, on ne pense pas que la modification envisagée actuellement risque d'améliorer significativement à court terme la qualité de l'environnement. Par contre, il est souhaitable que cette mesure contribue à augmenter les ressources financières du ministère, qui souffre d'un sous-financement chronique, pour autant que ces ressources restent acquises au ministère de l'Environnement. Pour nous, c'est très, très important.

Au niveau des considérations spécifiques, on peut dire que l'inclusion, la teneur de ce qu'est l'article 4 qui deviendrait l'article 2.2 de la Loi sur la qualité de l'environnement, en l'incluant dans la section Fonctions et pouvoirs du ministre, évidemment ça ajoute un pouvoir à ce dernier, mais par contre cette disposition ne garantit pas aux citoyens un meilleur accès à l'environnement. Évidemment, via l'article 3 du projet de loi, on voit que le ministre peut communiquer de la façon qu'il estime les renseignements dont il dispose. Cependant, nous croyons que, pour arriver à un meilleur accès à l'information, il y aurait tout lieu de modifier l'article 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement et d'en retirer l'alinéa deux afin d'éviter que les articles de la loi sur l'accès à l'information ne contrebalancent le pouvoir octroyé par la Loi sur la qualité de l'environnement.

Au niveau de l'article 5, nous croyons que la modification administrative envisagée par cet article permettra au ministre de couvrir une partie de ses frais, puis ce mécanisme d'utilisateur-payeur, même s'il est restreint, favorise à notre avis la prise en charge par la clientèle des coûts qu'elle engendre de façon administrative pour le ministère.

Donc, nous recommandons qu'un mécanisme de tarification similaire soit ajouté relativement au processus de demande des divers autorisations et permis dans le même esprit, alors dans l'atteinte du principe de pollueur-payeur. Donc, je cède la parole à mon collègue pour la conclusion.

M. Girard (Jean-François): En guise de conclusion, j'aimerais apporter la réflexion suivante. Il est arrivé, à quelques reprises, qu'on m'interroge, dans le cadre d'entrevues, ou avec des journalistes, ou des gens qui s'intéressent aux questions de l'environnement, et qu'on me pose la question: Est-ce qu'on a des bonnes lois en environnement au Québec? Et ma réponse est généralement la suivante: Je crois qu'on a d'excellentes lois en environnement au Québec, mais le problème se situe au niveau de l'application de ces lois-là. Il y a un important problème, c'est que les mesures qui existent ne trouvent pas une application in concreto, in situ.

Le Président (M. Dubuc): Excusez-moi, M. Girard. Vous m'aviez demandé... Il vous reste cinq minutes.

M. Girard (Jean-François): Il me reste cinq minutes, et j'en ai pour quatre lignes de conclusion, donc je devrais être correct.

Donc, c'est ça. Je crois donc et nous croyons qu'au CQDE, s'il y a un important problème en matière d'environnement au Québec, ce n'est pas la qualité et la facture des lois qui nous encadrent mais les défauts d'application de ces lois-là. C'est pourquoi nous croyons qu'après 30 ans d'existence du cadre législatif en matière d'environnement il y a peut-être maintenant lieu de revoir ce cadre-là, pas pour l'affaiblir, pas pour le rendre à ce point rigide qu'il engendre l'immobilisme ? et je réfléchissais tantôt à comment écrire ça puis je me disais: pas pour enquiquiner les entreprises ? mais pour faire preuve d'innovation et favoriser une meilleure gestion de notre environnement et l'atteinte de résultats tangibles.

Je pense qu'au-delà de toutes les tergiversations en matière d'environnement, sur les outils, sur les moyens, il y a une question qui doit être prise en compte: Est-ce que ce qu'on fait aujourd'hui, est-ce que les moyens qu'on prend aujourd'hui vont nous permettre d'atteindre des résultats probants pour les générations futures? Et, moi, c'est ça qui m'importe et c'est ce qui nous importe, au CQDE.

Alors, nous vous remercions ? on a été pas pires dans notre temps ? nous vous remercions de nous avoir écoutés et de nous avoir entendus.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Mulcair: Bravo, Mme Gariépy, bravo, M. Girard, et merci au Centre québécois du droit de l'environnement. Je vous avoue qu'avoir su à quel point vous alliez tomber dans le mille avec votre présentation je pense que j'aurais parlé avec le secrétariat de la commission pour demander que vous soyez plus en avant dans les présentations.

M. Girard (Jean-François): Est-ce qu'on est tombés dans le mille ou dans le piège?

M. Mulcair: Non, dans le mille, et vous avez frappé dans le mille. Et je pense que ceux qui voyaient une grande distinction entre pollueur-payeur et utilisateur-payeur sont tombés, eux, dans le piège. Et je pense que ces clarifications que Mme Gariépy vient de nous donner vont aider énormément lors de nos délibérations. On a énormément de travail à faire parce que j'y crois sincèrement, à ce processus démocratique qui consiste à rassembler autour d'une table les gens de l'opposition, les gens du gouvernement, les groupes qui viennent nous faire leurs observations, mais vous avez apporté énormément, aujourd'hui, à notre réflexion; je tiens à vous remercier très, très sincèrement.

Je vous félicite surtout d'avoir été un des seuls groupes à avoir pris une approche innovatrice en termes de l'aspect économique et environnemental. Votre analyse d'un cas hypothétique, qu'on connaît très bien tous les deux, d'une usine d'outils et le coût environnemental, le fait que quelqu'un qui triche l'environnement est en train de tricher ses concurrents, c'est un thème qu'on a été à même d'explorer à plusieurs reprises avec des groupes patronaux qui s'occupent des questions en environnement. Personne n'a été capable de dire le contraire. Même si 95 % ou 98 % des entreprises dans un domaine donné respectent l'environnement, le 2 % qui ne le respecte pas est en train de s'arroger un avantage économique. Il peut vendre moins cher parce qu'il n'a pas fait les dépenses qu'il aurait dû faire; les autres 98 % se trouvent pénalisés. Et c'est une autre bonne raison pour nous de veiller au respect des lois environnementales, parce que si on ne trouve pas les récalcitrants, si on ne court pas après les réfractaires et ceux qui sont en état d'infraction, on est en train de pénaliser ceux qui respectent les lois. C'est un paradoxe, mais c'est vrai.

Juste pour faire un «pitch» que j'ai déjà eu l'occasion souvent de faire, le livre de l'équipe de David Boyd, de l'Université de Victoria, qui s'intitule Unnatural Law, fait exactement la même constatation que vous, et c'est le même constat que, nous, on a fait en arrivant, c'est-à-dire qu'en l'absence d'une application des lois en matière d'environnement, on peut faire des annonces à n'en plus finir... Et c'est du «feel good», hein, l'environnement, c'est très en demande; le public en demande beaucoup. On n'a qu'à regarder un «clipping» de presse quotidien au ministère pour vous en convaincre. Il y a des articles à n'en plus finir qui s'écrivent en environnement. Mais tout ça, c'est pour rien si on n'applique pas les lois puis si on n'a pas les moyens de le faire et si on ne tient pas responsables ceux à qui ça revient de payer. Donc, nous, on fait deux choses ici, comme vous l'avez si bien vu: on cible d'abord les endroits à risque, le préventif, et le curatif, ceux qui sont constamment dans une situation problématique, on va pouvoir leur refiler carrément la facture.

Un des arguments qui a été fait très souvent: les gens faisaient beaucoup du cas qu'on n'attendrait pas nécessairement une condamnation avant de pouvoir refiler la facture, tel que l'objectif est poursuivi dans les documents de base qui ont été fournis. Avez-vous un problème philosophique avec ça?

M. Girard (Jean-François): Je résume ou j'essaie de préciser votre question: Le fait qu'on n'attende pas une condamnation envers l'entreprise qui a pollué?

M. Mulcair: Oui. Je vais vous donner un exemple concret. C'est mon tour de donner une hypothèse qui n'est pas si loin de la vérité. J'ai une entreprise qui émet un nuage toxique pour la douzième fois en x années, ne m'avertit pas à temps ? peut-être 10 ans avant que j'obtienne une condamnation ? mais j'ai le TAGA sur place au coût de 9 000 $ par jour. Vous ne pensez pas que je devrais pouvoir lui refiler la facture?

n(16 heures)n

M. Girard (Jean-François): Mais je ne vois pas pourquoi on s'objecterait à cette mesure-là.

M. Mulcair: Hé! que ça me fait plaisir d'entendre ça. Au tour de l'opposition.

M. Girard (Jean-François): Non. Mais je vais vous dire un peu naïvement, M. le ministre, puis messieurs mesdames de la commission, que j'ai regardé le projet de loi et j'ai lu le projet de loi, on l'a analysé, on a produit un mémoire, et pourtant, tout au long de nos réflexions, je me dis: Mais, mon Dieu, ça ne coule pas de source, ça? Comment se fait-il qu'on est obligés d'être, aujourd'hui, en commission parlementaire pour discuter du principe pollueur-payeur, pour discuter du fait qu'il faudrait ou non refiler la facture à celui qui cause, qui nécessite, qui engendre l'intervention des pouvoirs étatiques en matière de prévention de l'environnement ou qui cause cette pollution-là?

Et vous avez parlé tout à l'heure du débalancement compétitif entre les entreprises qui ne respectent pas la loi, peut-être qu'il y en a 2 %, et celles qui la respectent, alors ils jouissent d'un avantage compétitif important. Mais, même avant cela, tant qu'on ne prend pas en compte l'environnement, qu'on ne prend pas en compte le coût environnemental, même s'il n'y a pas de délinquant, parce que c'est la façon de faire, la façon de faire qui est communément admise, c'est ça, les pratiques, et, si on recule dans le temps, c'étaient les pratiques industrielles, et on ne se souciait pas de l'environnement, mais il y avait là un... C'est-à-dire qu'on produisait, là, des biens à des coûts qui ne reflétaient pas le véritable coût et lequel coût devra être assumé, si ce n'est pas déjà le cas, devrait être assumé un jour par quelqu'un, que ce soit, comme dans l'exemple que j'ai donné, une population dans une région donnée qui subit une importante contamination de son environnement ou que ce soit par l'ensemble de la population du Québec qui doit réfléchir et agir en matière de prévention de l'environnement. Ce n'est pas gagnant de ne pas tenir compte de l'environnement et ce n'est surtout pas dans une optique de développement durable.

Le développement durable, ne vous en déplaise, et je le dis avec respect et égard à toutes les activités qui sont faites par nos différents gouvernements, on n'a pas encore compris comment ça s'appliquait in concreto dans notre quotidien. On n'a pas encore compris que, dans le développement durable, il y a l'aspect développement, soit, mais il y a aussi un aspect où, à un moment donné, il faut être en mesure de se restreindre, où il faut être en mesure, à tout le moins, de réfléchir à comment on va pouvoir mettre en place des processus de production de biens et de richesses sans que ce soit une hypothèque sur les générations futures. Puis on n'est pas encore là en matière d'environnement. Alors, je reviens à votre question. Non, ça ne... Au CQDE, je ne pense pas que ça nous choque ou ça nous dérange qu'on fasse payer, en fait qu'on fasse assumer le coût environnemental ou une partie du coût environnemental à ceux qui le génèrent. Certainement pas.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: C'est bon. On va donner le tour à l'opposition.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: M. le Président, il est certain que la responsabilité prospective, qui a d'ailleurs été élaborée, dans un premier temps, par un éthicien qui s'appelle Hans Jonas et qui a été reprise par après... et qui a pris le terme de responsabilité élargie des producteurs pour faire en sorte qu'on tienne compte justement ? j'oserais faire un jeu de mots ? de la qualité de vie du contenant, de sa naissance à aller jusqu'à sa mort ou jusqu'au moment où on en dispose, et faire en sorte que le producteur en soit tenu responsable, je pense que ça, ce sont des mesures qui sont réellement en amont et non pas en aval.

Je voudrais réitérer le commentaire que j'ai fait au groupe précédent à l'effet que votre mémoire et votre exposé, cet après-midi, ont le mérite d'être très clairs et très bien définis. Vous avez attiré mon attention sur une première chose. Dans notre société de droit, il y a un principe qu'on appelle l'autodétermination et qui trouve son expression minimale dans ce qu'on appelle la règle du consentement libre et éclairé. Et en quelque part ce que vous venez nous dire en termes d'accès à l'information, c'est que, comme certains groupes sont venus nous dire qu'il fallait considérer souvent les pressions, les pressions locales, les gens qui entourent l'entreprise, etc., que ça, c'étaient aussi des déterminants pour avoir un comportement corporatif respectueux de l'environnement, etc., vous, ce que vous... vous allez assez loin parce que vous dites... Au-delà du principe d'écofiscalité, vous nous dites: Il faut permettre aussi au principe de la responsabilité civile de se vivre, de s'actualiser. Et vous nous dites qu'en quelque part les citoyens devraient avoir un droit de regard sur leur qualité de vie, leur qualité du milieu et, pour avoir ce droit de regard là, vous dites: Il faut aller un peu plus loin au niveau du droit d'accès à l'information. Est-ce que je vous ai bien compris là-dessus? Je vous ai bien compris? Et est-ce que vous nous dites que le projet de loi ne va pas assez loin là-dessus?

M. Girard (Jean-François): Je ne me suis pas prononcé à cet égard-là. Ce que le CQDE tente d'amener à la table des débats aujourd'hui, c'est l'importance de favoriser l'accès à l'information pour les citoyens, parce que, au CQDE, nous croyons que les citoyens ont effectivement un important rôle à jouer en matière de gestion de ce que j'ai appelé les ressources communes partagées, c'est-à-dire toutes ces ressources communes, comme l'eau, dont nous nous partageons les usages.

Alors, il est important que les citoyens... Moi, je dis souvent... Et ce que j'entends dans votre question, c'est l'espèce d'antagonisme qui ne devrait pas exister entre le rôle de l'État et la place des citoyens, ce rôle de l'État qui est là pour gérer, encadrer et voir au bien-être des citoyens sans que les citoyens soient nécessairement intégrés dans ce processus-là. Et je crois que... Je dis souvent: Qui est le mieux placé pour tirer la sonnette d'alarme? Le fonctionnaire qui est à Québec ou celui qui a les pieds dans l'eau alors que l'eau vient de changer de couleur, qu'elle passe du bleu au vert au brun? Je pense que le citoyen qui a les pieds dans l'eau doit être en mesure de tirer une sonnette d'alarme et doit être en mesure d'agir et de réagir ? et je l'ai bien exposé dans mon laïus ? en complémentarité avec les actions de l'État. La Loi sur la qualité de l'environnement, elle n'émane pas d'un cadre ésotérique, elle n'est pas sortie... elle n'est pas apparue dans notre édifice législatif comme ça. Elle existe sur la base du droit civil, sur la base...

M. Thériault: Excusez...

M. Girard (Jean-François): Oui.

M. Thériault: Je vous comprends bien, là, mais c'est parce que vous partez sur une prémisse que je n'ai pas introduite, et donc, pour vous ramener, je voudrais tout simplement vous dire: Est-ce que vous considérez que les dispositions législatives actuelles ne vont pas permettre justement au citoyen de pouvoir faire valoir ce que j'appelle l'expression minimale de l'autodétermination en société, à savoir, son consentement libre et éclairé par rapport à un projet qui est dans son milieu environnant? Est-ce que vous considérez que la législation actuelle va assez loin? Et est-ce que vous êtes en train de nous dire que le projet de loi actuellement devrait aller un peu plus loin en matière d'accès à l'information? C'était ma seule question.

M. Girard (Jean-François): Je pense que c'est ce qu'on a écrit dans le mémoire.

Mme Gariépy (Annie): Effectivement, comme je l'ai dit précédemment, nous croyons que l'ajout de l'article 2.2 est intéressant, mais ne permet pas de contrebalancer au phénomène des secrets commerciaux, là, qu'on appelle, où on a la balance, à savoir: Est-ce que c'est de l'information qui va être diffusable, qui peut circuler ou pas dans l'intérêt général? Donc, c'est pour ça que, nous, nous préconisions, en surplus aux dispositions qui ont déjà été avancées, qu'on raie l'alinéa deux de l'article 118.4 pour qu'en fait, au niveau de l'environnement, au niveau de l'accès à l'information en matière d'environnement, on échappe partiellement, à tout le moins, aux restrictions de la loi sur l'accès à l'information.

n(16 h 10)n

M. Girard (Jean-François): Je vais me permettre un complément de réponse en explicitant davantage ce à quoi je voulais référer en citant l'exemple de Bhopâl, en Inde. Dans l'accident de l'Union Carbide, il y a eu un nuage toxique qui a été émis et d'une part les autorités publiques n'avaient pas accès à la nature des contaminants émis dans l'environnement, donc ils n'étaient pas en mesure d'intervenir auprès des gens qui souffraient, qui étaient malades et qui étaient atteints, par le biais de médicaments ou de contrepoison pour les aider dans ce qu'ils vivaient actuellement. Et, en corollaire et dans la logique de ce qu'on vous a présenté, vous comprendrez bien que les citoyens n'ont jamais eu accès à une quelconque forme de représentation devant un tribunal civil pour rechercher la responsabilité civile de cette entreprise-là, puisque non seulement ils n'avaient pas accès à l'information sur les produits, mais de toute façon ils étaient complètement démunis. Alors...

M. Thériault: Ça va. Dans un autre ordre d'idées, vous avez parlé d'internalisation des coûts, et là, bon, même si votre présentation a eu le mérite de respecter le cadre de temps qu'on vous avait donné, il y a un moment où je ne suis pas sûr que j'ai bien saisi, là. Est-ce que vous préconisez l'internalisation des coûts qui seraient liés, par exemple, à un principe de redevance ou bien... et/ou les coûts de contrôle et de surveillance? Parce que je n'ai pas... parce qu'en quelque part j'avais l'impression que vous étiez en train de dire que, bon, si j'émets à partir de tant de... à partir d'une certaine norme, je devrais payer des redevances. Ou est-ce qu'au niveau des moyens... Dans le fond, mon questionnement était au niveau des moyens quant à l'internalisation des coûts.

M. Girard (Jean-François): Écoutez, effectivement, je pense qu'on n'aurait pas assez de 20 minutes puis on n'aurait pas assez du cadre de la rencontre aujourd'hui pour être capables de répondre à cette question-là au niveau des moyens qui permettent la mise en oeuvre des principes de... en fait de l'internalisation des coûts environnementaux. J'ai parlé, j'ai énoncé les redevances... en fait, j'ai énoncé en vrac différents moyens qui existent ? je vais essayer de me retrouver. J'ai parlé de taxe, de redevance, j'ai parlé du principe du pollueur-payeur. Maintenant, où se situe la norme?

Quand on parle des... Excusez. J'ai parlé des permis de pollution échangeables. Lorsqu'on parle de permis de pollution échangeables, ce qu'on se trouve à créer, c'est... Premièrement, on fixe une norme, on fixe une norme d'émission des contaminants ? je vais imager mon exemple ? qui fixe la grosseur de la tarte d'émission des polluants, et chaque pointe de tarte constitue un permis de pollution qui peut être échangé entre les acteurs du marché. Et il se crée par la suite un effet de marché, ce qui est très intéressant parce qu'il y a un coût qui est associé non seulement à l'acquisition des permis de pollution échangeables, mais aussi aux échanges. Et il y a un incitatif à avoir un mode de production d'autant plus environnementalement adéquat que ça nous permettrait de revendre des unités de pollution sur le marché libre.

Alors, vous voyez là, pour répondre à votre question, vous voyez là toute la complexité de ces questions-là, dans la mesure où j'ai une norme qui est associée à des mécanismes de marché très particuliers. Donc, je ne pense pas, là... On pourrait... J'ai un texte devant moi, là, qui traite de ces questions-là, mais on en a pour longtemps.

M. Thériault: On pourra toujours se les faire parvenir, ces informations-là. Il reste que est-ce que ça ne rejoindrait pas un peu ? et je vous pose la question, là, comme ça ? la préoccupation qu'avait Greenpeace en disant qu'il y avait comme un effet pervers en quelque part d'acheter son droit de pollution?

M. Girard (Jean-François): Bien, j'ai aussi mentionné, dans le cadre de ma présentation, qu'il ne faut pas se leurrer: le cadre actuel est un cadre qui permet la pollution. Alors, toutes les mesures où on permet une certaine internalisation m'apparaissent ou nous apparaissent, au CQDE, comme une mesure intéressante. Maintenant, est-ce qu'elle est parfaite, est-ce qu'elle est une panacée? Je ne crois pas.

Il faut dire ? j'ai eu l'occasion de lire le commentaire de Greenpeace ? il faut dire que cet argument-là par lequel on vient dire: On vient acheter un droit à polluer, si cette pollution-là dépasse le cadre de la norme, il faut se rappeler que, au-delà de l'amende, le ministre a un pouvoir d'ordonnance et qu'il doit l'utiliser. Et là je pense qu'on tombe dans l'autre commentaire que j'ai fait, c'est: Là où le bât blesse, c'est dans l'application de nos lois, de ces pouvoirs-là très particuliers, très puissants qu'on hésite trop souvent à utiliser en matière de contamination ou de pollution de notre environnement. Alors, je ne sais pas si ça répond un peu au commentaire de Greenpeace, mais il m'apparaît un peu... Il faut aller plus loin que ça.

M. Thériault: Oui. Donc, je dirais en conclusion: Ce que je comprends, c'est que vous êtes pour que les gens paient pour le contrôle, la surveillance, la tarification, l'émission, les autorisations. Donc, vous êtes pour que les gens paient à tous les niveaux, là. Il n'y a pas de restriction à ce niveau-là.

M. Girard (Jean-François): Écoutez, monsieur, si les gens ne paient pas, c'est de la poudre aux yeux, parce que c'est moi qui vais payer par mes impôts. Il y a une chose que j'ai apprise puis qui m'apparaît comme une vérité incontournable, c'est qu'au bout de la ligne ou bien c'est le client qui paie ou bien c'est le citoyen qui paie. Mais l'argent, elle ne s'invente pas, elle vient toute de nos poches.

M. Thériault: Je comprends que le citoyen va payer pareil des impôts et il va acheter aussi des produits où on va lui refiler la facture. Mais ça, ce n'est pas le fond de la question. Ce n'est pas le fond de la question pour l'instant.

M. Girard (Jean-François): Nous ne nous y lancerons pas.

M. Thériault: J'ai posé la même question à tous les groupes et je voulais juste bien voir la démarcation de votre groupe par rapport à d'autres, où on posait la question à savoir jusqu'où ils étaient prêts à aller dans le principe de l'utilisateur-payeur, parce qu'à venir jusqu'à maintenant on parlait beaucoup du principe du pollueur-payeur. Très peu de gens sont venus défendre l'idée de l'utilisateur-payeur, à part les deux derniers groupes aujourd'hui.

M. Girard (Jean-François): Je crois que «pollueur-payeur», on l'a bien dit, ou «utilisateur-payeur», ce sont deux vocables pour énoncer le même principe fondamental, qui se situent peut-être l'un en amont, l'autre plus en aval de la pollution, mais néanmoins qui permettent... Et c'est pour ça que j'ai ramené le débat ou la présentation sur l'importance de l'internalisation. Ça permet l'internalisation des coûts environnementaux.

Le Président (M. Dubuc): M. le ministre.

M. Mulcair: Pour ma part, je veux juste dire merci pour votre intervention et félicitations pour sa qualité. C'est une contribution d'une valeur inestimable aux travaux de cette commission et à la préparation du projet de loi. Ça a permis de dissiper... On appelle ça en anglais «the cleanup batter», hein, celui qui, une fois que les autres sont déjà sur les bases, va pouvoir se mettre à courir et compter, et vous avez compté beaucoup, aujourd'hui, pour nos travaux. Merci.

M. Girard (Jean-François): Merci beaucoup. Ça nous a fait plaisir.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Bien, moi, je vous remercie. J'ai déjà dit ce que j'avais à dire quant à votre clarté.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Girard et Mme Gariépy. On va suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 21)

Le Président (M. Dubuc): On débute. C'est prêt. Je voudrais commencer.

Mémoires déposés

Je dépose les mémoires de la Communauté... Excusez-moi. Je dépose les mémoires de la Communauté métropolitaine de Montréal, et de la Fédération québécoise des municipalités, et du Syndicat de la fonction publique du Québec, qui ont présenté un mémoire mais qui ne souhaitent pas être entendus.

Remarques finales

À ce moment-là, je voudrais vous permettre de remarquer, pour les remarques finales, l'ordre suivant: le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 10 minutes, puis le groupe parlementaire formant le gouvernement, 15 minutes. On débute par le député de...

M. Thériault: M. le Président, compte tenu du fait que nous sommes deux à cette table et non pas trois, il me semble que je devrais pouvoir bénéficier de 15 minutes.

Le Président (M. Dubuc): Y a-t-il un consentement...

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Dubuc): ...pour la proposition de 15 minutes?

M. Jutras: Pour que ce soit 15 minutes, 15 minutes.

Le Président (M. Dubuc): 15 minutes, 15 minutes. Y a-t-il un consentement?

M. Thériault: Compte tenu que l'ADQ n'est pas là.

M. Mulcair: Étant donné l'absence par ailleurs regrettable des députés indépendants, je ne vois aucune raison pour laquelle l'opposition officielle ne peut pas jouer pleinement son rôle, et le gouvernement consent à ce que le porte-parole de l'opposition prenne le temps qui aurait normalement été dévolu à l'ADQ/Équipe Mario Dumont qui était absente pendant toute la commission parlementaire.

Le Président (M. Dubuc): À ce moment-là, pour. Consentement. Allez-y, M. le député.

M. Thériault: Merci. Question de directive. Je veux juste m'assurer, M. le Président, là, qu'à la suite de nos remarques finales vous n'allez pas suspendre et clore les travaux de cette commission et qu'effectivement nous allons, suite à l'audition du Barreau, refaire des remarques finales.

Le Président (M. Dubuc): ...

M. Luc Thériault

M. Thériault: Ça va. Alors, M. le ministre, chers collègues ministériels, cher collègue de Drummond ? je le nomme, puisqu'il a été nommé amplement durant cette commission ? nous clôturons la consultation générale sur le projet de loi n° 44.

Après avoir entendu 15 groupes, après avoir pris connaissance des mémoires déposés aux membres de la commission parlementaire, dont celui de la CMM et celui du Barreau, force est de constater que tous conviennent que le projet de loi traite davantage de la notion d'utilisateur-payeur que de celle de pollueur-payeur, tel que le laissait entendre, dans ses propos, le ministre.

Je rappellerai que le ministre a annoncé, lors du dépôt du projet de loi n° 44, que celui-ci avait pour objectif de faire payer davantage les pollueurs, les récidivistes, les contrevenants, ce que l'on appelle le principe de pollueur-payeur et avec lequel nous sommes totalement en accord. Et, comme faisaient Dupont et Dupond quand j'étais petit, M. le Président, je répète que nous sommes totalement en accord. Or, à la lecture du projet de loi et après avoir entendu et pris connaissance de l'ensemble des mémoires et avis, le projet de loi traite plutôt d'une tarification à l'utilisateur, c'est-à-dire qu'une entreprise pourrait être tarifée pour le contrôle et la surveillance de ses installations, même si son exploitation se fait dans le respect des lois et règlements environnementaux.

Il faut savoir aussi que le ministre nous a annoncé qu'il entend modifier l'article 5 afin de mieux baliser le pouvoir réglementaire et que d'autre part il modifiera cet article afin d'y ajouter des dispositions permettant d'appliquer une tarification ponctuelle et individualisée dans certaines situations définies, mais nous ne savons pas quelle sera l'essence de ces propositions d'amendements. On comprend donc que les craintes exprimées dans les mémoires ont soulevé un questionnement au sein du ministère et on espère que ces consultations permettront aussi de faire cheminer le ministre et son ministère afin d'y apporter les modifications appropriées.

Le ministre semble souhaiter faire assumer les coûts de contrôle et de surveillance à ceux qui, à cause de certaines de leurs caractéristiques ou de leurs comportements, exigent un contrôle et un suivi particuliers ou plus importants... et qu'il ne s'agit pas de tarifer l'ensemble des activités de contrôle et de surveillance exercées par le ministère de l'Environnement dans le cadre normal de ses fonctions.

Toutefois, les consultations nous ont permis de confirmer hors de tout doute que l'article 5 n'est pas clair et qu'il devra faire l'objet d'amendement. J'en profite pour en appeler à nouveau à la collaboration du ministre, comme je l'ai fait tout au long de ces consultations, afin que ses propositions d'amendement nous soient transmises le plus rapidement possible pour que l'on puisse en prendre connaissance et que les groupes inquiets puissent en prendre connaissance avant l'étude article par article.

Je rappellerai aussi que le ministre a précisé à plusieurs reprises que les sommes recueillies resteront à l'Environnement. Il parle d'un fonds vert. À plusieurs reprises, lors des consultations, le ministre a affirmé que ce fonds serait créé dans un éventuel avant-projet de loi sur son plan vert. Alors, comme on sait que l'environnement n'est pas une priorité budgétaire de ce gouvernement ? en fait, je fais référence ici aux 13 millions de coupure dans le dernier budget ? alors rien ne nous assure encore aujourd'hui que l'argent de cette tarification ira combler les demandes de compressions budgétaires exigées par la ministre du Conseil du trésor. C'est pourquoi nous tenons à ce qu'un article soit ajouté au projet de loi pour créer un tel fonds, et nous sommes heureux de l'ouverture qu'a faite le ministre au cours de cette journée.

Je profite aussi de l'occasion pour rappeler que le ministre a continué d'affirmer, tel qu'il l'avait fait dans une entrevue, que les tarifications pourraient aller chercher des millions de dollars. Or, nous n'avons toujours pas vu d'étude économique. Nous devons donc fonctionner avec la parole du ministre. Mais une question que j'avais posée dans mes remarques préliminaires demeure toujours: Est-ce que cette mesure sera véritablement rentable? Et, quand on met en place un principe de tarification, cela demande une certaine structure administrative. Combien coûtera cette structure et, par le fait même, combien des supposés millions restera-t-il au bout du compte? Nous n'avons pas aujourd'hui de réponse.

Tous comprennent que ce projet de loi a, entre autres ? entre autres ? comme objectif de permettre au ministre de récupérer une partie des compressions imposées dans le dernier budget libéral, et le ministre ne s'en cache pas. On parle de 13 millions de dollars. Alors, combien des millions, que le ministre affirme pouvoir aller chercher, restera-t-il à la fin de l'exercice? Nous n'avons toujours pas de réponse précise à cette question.

Lors des consultations, nous avons pu apprendre que cette tarification pourrait financer, selon les dires du ministre, les groupes environnementaux, son plan vert, son équipe de procureurs et son centre de contrôle environnemental. Mais comment financer tout ça, combler un trou de 13 millions sans éventuellement élargir la tarification à tous les utilisateurs des services du ministère de l'Environnement, tel que plusieurs groupes sont venus nous dire qu'ils craignent? Nous n'avons aucune assurance, d'autant plus que l'article 5, tel que libellé, permettra au ministre de le faire. Son encadrement des pouvoirs n'étant que réglementaire ? et tout le monde sait qu'un règlement se modifie beaucoup plus facilement qu'une loi, nous l'avons dit à plusieurs reprises ? donc il peut être modifié rapidement sans faire l'objet de discussions en commission parlementaire.

n(16 h 30)n

Je réaffirme que nous ne sommes pas contre le fait que les installations exigeant la présence quasi constante des inspecteurs du ministère puissent devoir contribuer financièrement ? bis ? mais il faut s'assurer que le libellé utilisé dans le projet de loi ne permettra pas au ministre, dans l'éventualité d'un manque de financement, de tarifer l'ensemble des inspections de contrôle et de surveillance, même pour les entreprises qui n'ont jamais contrevenu aux règles et qui n'ont pas fait l'objet de plaintes. De plus, comme les intentions annoncées du ministre visaient plutôt les pollueurs ? on réfère ici au projet des intentions réglementaires ? nous considérons qu'advenant la volonté du ministre de couvrir plus large il devra refaire le débat sur cet enjeu et revenir nous voir, nous, les législateurs.

De plus, une question a été soulevée par plusieurs groupes. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas profité de ce projet de loi afin d'augmenter substantiellement les amendes prévues à la Loi sur la qualité de l'environnement s'il souhaite être plus coercitif à l'égard des entreprises qui contreviennent aux règles environnementales? On ne dit pas que c'est la seule solution, mais ça pourrait permettre aux contrevenants qui commettent régulièrement des infractions d'avoir des amendes beaucoup plus dissuasives. À cet égard aussi, nous sommes heureux de l'ouverture du ministre qui, à quelques reprises, a dit qu'il considérait la chose. De plus, quelques groupes ont suggéré une avenue qui mérite d'être étudiée, à savoir: que les amendes recueillies soient versées dans le fonds dédié à l'Environnement plutôt qu'envoyées au fonds consolidé.

Par ailleurs, nous n'avons eu aucune orientation quant à d'éventuels ajouts au projet de loi, tel qu'énoncé dans un article du journal Le Devoir de mardi dernier. Devrions-nous comprendre que le ministre risque de nous déposer d'autres amendements? La question demeure.

En terminant, le ministre dénonçait, lors de l'étude des crédits de 2003, la vision de courte durée et voulait plutôt voir à long terme, planifier à long terme. Or, après un an et demi au pouvoir, on attend toujours le plan vert tant annoncé et promis. Plusieurs groupes ont d'ailleurs souligné que le ministre aurait dû et devrait déposer son plan vert, qui représente son plan global, avant d'adopter ce projet de loi. La seule réponse que nous avons eue du ministre est qu'il a l'intention de déposer cet automne un avant-projet de loi. Nous aurons donc peut-être l'opportunité de voir enfin la vision libérale en matière d'environnement.

Le ministre nous dit et nous dira certainement, dans ses remarques finales, que les groupes n'ont plus à craindre, que les lignes directrices de son règlement, disponibles sur son site Internet, prouvent qu'il ne couvre pas tout le monde. Or, son projet, qui servira à l'élaboration de son règlement, prouve qu'il couvrira certains secteurs qui demandent une surveillance quasi constante et que la tarification du contrôle et de la surveillance de ceux-ci sera chargée même si les entreprises respectent entièrement les lois et règlements du ministère de l'Environnement.

Je conclurai en disant que cette commission parlementaire nous a permis de nous éclairer davantage. D'une part, on nous a confirmé qu'il y avait une distorsion entre les intentions réglementaires du ministre et le libellé de l'article 5 du projet de loi, et, de l'autre, nous nous sommes confortés dans notre position à l'effet que le projet de loi devra être amendé tant pour baliser les pouvoirs de tarification que pour instaurer un fonds dédié.

Nous espérons que le ministre aura pris bonne note des inquiétudes des groupes qui ont pris le temps de nous déposer un avis sur ce projet de loi et qu'il saura répondre favorablement à des amendements afin de libeller le projet de loi en concordance ? et je dis bien «en concordance» ? avec les intentions réglementaires qu'il exprime.

Il est clair que l'opposition va s'assurer de faire le débat et il est clair aussi que cela constitue le rôle de l'opposition officielle de pouvoir favoriser et de faire ces débats. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le député de Masson. M. le ministre, vous avez 15 minutes de parole.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Permettez-moi de remercier une dernière fois les différents groupes qui se sont déplacés pour cette consultation sur le projet de loi n° 44. C'est toujours un plaisir pour moi de constater que les questions environnementales suscitent tant d'intérêt auprès des citoyens et des entreprises. Cette commission parlementaire s'inscrit parfaitement dans la philosophie de consultation de la population que veut mettre de l'avant notre gouvernement.

La première chose que je veux dire à mon collègue le député de Masson concerne sa demande pour avoir les modifications. Moi, je vais lui faire une contre-offre. Puisque c'est lui qui, depuis plusieurs jours, en commission parlementaire, part à mon sens dans plusieurs directions en même temps... Et il est même revenu sur «pollueur-payeur» versus «utilisateur-payeur», malgré ce que vient de nous dire le Centre québécois du droit de l'environnement. Puis je peux ajouter là-dessus une citation de quelqu'un l'année dernière. C'était André Boisclair ? je peux le nommer, il ne siège plus ici ? c'était le ministre de l'Environnement à l'époque. Il disait ceci: «Tout simplement dire: Ma conviction ? c'était dans ses notes finales d'un autre projet de loi ? [...]c'est que les citoyens seront mieux servis parce qu'il y aura un ministère de l'Environnement qui sera plus efficace, qui fera mieux les choses, qui dépendra moins sur l'impôt général pour se financer et que les entreprises qui requièrent des autorisations devront payer pour. Il y a un grand principe, l'utilisateur-payeur, que nous consacrons dans ce projet de loi, devrais-je dire même pollueur-payeur», dixit André Boisclair.

Donc, moi, j'ai une offre, plutôt un contrat à formuler à mon collègue le député de Masson. Je sais qu'on doit encore entendre le Barreau. Soit. On peut attendre d'avoir entendu le Barreau, puis on va se coordonner de le faire dans des délais qui ne seront pas trop lointains. Mais, si l'opposition veut nous faire parvenir ses suggestions concrètes de modification, moi, ça va me faire plaisir, après les avoir reçues, de lui transmettre dans les meilleurs délais ce que nous allons proposer en commission parlementaire.

Je reviens à nos principaux constats. Plusieurs groupes ont souligné leur inquiétude quant au coût relié aux dispositions de l'article 4 du projet de loi ainsi qu'à l'égard de la confidentialité des renseignements. L'article 4 du projet de loi propose d'introduire à la Loi sur la qualité de l'environnement une disposition conférant au ministre le pouvoir de déterminer par règlement les renseignements qu'une personne ou une municipalité est tenue de lui fournir au regard d'une entreprise, d'une installation ou d'un établissement qu'elle exploite. Ça, ça vise à permettre au ministère de l'Environnement d'assurer une surveillance continue de l'état de l'environnement, ou d'assurer le respect d'un engagement international, ou bien la mise en oeuvre d'une entente intergouvernementale ici, au Canada. Seules les données concernant la présence d'un contaminant dans l'environnement peuvent faire l'objet d'un droit d'accès conféré à 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, les données servant au calcul, comme les données sur la production, les matières premières ou les combustibles utilisés, ne le sont pas. Nous n'avons jamais reçu de plaintes à ce sujet de la part des industries, qui fournissent ces données depuis des années sur une base volontaire, et le ministère assume déjà ses responsabilités à l'égard de la confidentialité des renseignements industriels qu'il collecte.

Nous recevons annuellement des milliers de demandes d'accès à l'information, dont la majorité pour des informations concernant les entreprises. Dans la plupart des ministères, il y a une personne responsable de l'accès à l'information; au ministère de l'Environnement, ça prend un groupe de personnes. Les secrets industriels et les autres droits des entreprises accordés principalement en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès sont scrupuleusement respectés. De plus, les renseignements demandés par le ministère sont généralement les mêmes que les entreprises expédient déjà au gouvernement fédéral. Et finalement les informations exigées doivent nécessairement être de nature environnementale.

Donc, après avoir précisé ces éléments auprès des différents groupes, j'ai été à même de constater que la majorité reconnaissent que cette mesure n'entraînera pas de coût significatif et que cela n'alourdira pas leur administration. Je pense que c'était même une de mes collègues d'en face qui avait pris la peine de signaler que, de notre époque, envoyer quelque chose électroniquement n'impose vraiment pas de coût.

Afin de rassurer les entreprises et le parti de l'opposition, je me suis également engagé à intégrer la notion de restriction, présente dans la proposition de projet de règlement, dans le projet de loi même et à vérifier que la confidentialité des renseignements ne serait pas compromise par la loi d'accès sur l'information.

Tous les groupes ont discuté du caractère général de l'article 5 qui pouvait laisser croire que n'importe qui pourrait être tarifé à peu près n'importe quand. L'article 5 du projet de loi n° 44 a pour objet de modifier l'article 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement de façon à permettre au gouvernement d'établir par règlement des frais exigibles destinés à couvrir les coûts engendrés par les mesures de contrôle et de surveillance des titulaires d'autorisation, d'approbation, de certificat, de permis, d'attestation ou de permission en fonction de la nature de leurs activités, des caractéristiques de leur installation ou des infractions pour lesquelles ils ont été déclarés coupables en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Comme j'ai maintes fois indiqué, l'objectif de la tarification des mesures de contrôle et de surveillance n'est pas de faire payer les titulaires de toute forme d'autorisation pour l'ensemble des mesures prises dans le cours normal des activités du ministère. Bien que cela puisse paraître étonnant, il est nécessaire que le libellé de l'article 5 soit très large afin qu'il soit possible en toute équité de cibler spécifiquement certaines entreprises qui, à cause de certaines de leurs caractéristiques ou de leur comportement, exigent un contrôle et un suivi particulier ou hors du commun de la part du ministère de l'Environnement.

Je ne désire pas être contraint à imposer une tarification mur à mur à l'ensemble des secteurs d'activité. J'ajouterais que la Cour suprême du Canada, dans un jugement concernant le Canadien Pacifique, nous a déjà enseigné qu'il valait mieux rédiger en termes larges en matière d'environnement pour capter le plus possible.

Ce matin, l'Association des manufacturiers exportateurs du Québec a exprimé le souhait que nous prenions en considération l'existence de certificats et de systèmes de gestion environnementale dans l'élaboration de la tarification. Tout comme cette association, je reconnais que ces systèmes de certification externe peuvent permettre de réduire les risques et donc les besoins de contrôle et de surveillance de la part du ministère. Je vais donc demander à nos équipes de légistes et à nos conseillers juridiques internes et autres spécialistes du ministère d'évaluer cette question.

n(16 h 40)n

Et en même temps ça me donne l'occasion de remercier les gens qui m'ont accompagné, du ministère, plusieurs personnes de notre équipe juridique, plusieurs personnes, les officiers du ministère, des équipes d'économistes. Plusieurs études économiques ont été préparées en vue de cette commission, et c'est du travail monumental, et je tiens à remercier tous et chacun, les personnes du ministère qui ont contribué aux travaux de cette commission.

Il est raisonnable de croire que moins de 1 % des exploitations du Québec seraient touchées par la tarification envisagée. Comme je m'y étais engagé, j'ai déposé à l'ouverture des travaux de cette commission un document décrivant les exploitations susceptibles d'être visées par la tarification, et d'autres explications ont été données aujourd'hui. Aussi, plusieurs groupes ont démontré leur appui à un rehaussement du niveau des amendes ou à une modification de ce système. La proposition d'augmenter le montant des amendes me semble tout à fait justifiée, et tout à fait souhaitée, et tout à fait étonnante, parce que c'est venu très souvent de la part de groupes représentant les patrons en environnement, le CPE, ou Manufacturiers et importateurs. Quoi qu'il en soit, tout appui est bienvenu. C'est cependant une tâche complexe qui doit faire l'objet d'une étude globale, et on doit s'assurer d'une cohérence avec l'ensemble de notre législation. Les travaux présentement en cours, relatifs à la modernisation de la loi à laquelle j'ai fait référence aujourd'hui, offrent cette possibilité. Par ailleurs, la loi prévoit à cette heure-ci que, dans le cas d'une poursuite civile ou pénale intentée en vertu de cette loi, le coût, tel qu'établi par le ministre de l'Environnement, de toute analyse d'un contaminant faite à sa demande fait partie des frais de la poursuite.

Pour aller dans le même sens qu'une recommandation du Conseil patronal en environnement du Québec, j'entends inclure les coûts d'inspection, d'échantillonnage ou d'enquête encourus par le ministère de l'Environnement dans les frais de poursuite civile ou pénale afin de pouvoir les récupérer en cas de condamnation. Toujours dans le même ordre d'idées, j'entends modifier cette même loi afin d'y ajouter la possibilité de recouvrer les frais encourus par le ministère lorsque ce dernier a dû prendre action pour traiter un risque imminent pour la protection de l'environnement. En ce moment, seuls les frais subséquents à un accident sont récupérables en vertu de cet article de la loi, j'entends donc y inclure un aspect préventif.

Je crois de plus que les principes de pollueur-payeur et d'utilisateur-payeur sont complémentaires. Quand il s'agit de faire payer pour un service rendu sur la base du coût de revient, c'est l'utilisateur-payeur qui s'applique. Quand il s'agit de faire payer en fonction de la quantité et de la toxicité des rejets à l'environnement, c'est le principe du pollueur-payeur. Mais, peu importe le principe, je désire uniquement que ceux qui polluent paient pour ça. Je crois que tous les intervenants ont bien compris que c'est dans leur intérêt, puisque l'entreprise qui ne respecte pas les règlements se donne un avantage économique sur ses concurrents. Et, quand un groupe comme le Réseau Environnement me propose d'appliquer plus rigoureusement le principe de pollueur-payeur, je ne peux que m'en réjouir. Je vous signale cependant que c'est déjà le cas depuis plusieurs années avec le PRRI dont on a eu l'occasion de parler cet après-midi, notamment avec les gens représentant le domaine minier au Québec.

Après une tarification des rejets dans l'industrie des pâtes et papiers, le secteur des mines et de la métallurgie est maintenant assujetti, et je compte étendre prochainement le PRRI à d'autres secteurs d'activité, notamment pétrochimiques.

Le CESE a également mentionné favorablement le projet de loi n° 102 et la redevance à l'élimination des matières résiduelles. Ça, c'est une petite somme qui va être ajoutée sur les producteurs de contenants. C'est toujours la même notion, utilisateur-payeur, pollueur-payeur, ceux qui engendrent des coûts vont payer pour. C'est un autre bel exemple de l'application donc de ce principe que nous comptons bien mettre de l'avant bientôt.

La majorité des groupes ont donné leur approbation à l'application du principe de l'utilisateur-payeur dans le cadre d'une tarification des demandes d'autorisation. Encore une fois, je suis ravi de cet appui qui m'est venu notamment de Greenpeace, du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, de la Table de concertation des industries métallurgiques du Québec et des Manufacturiers et exportateurs du Québec ici même, en commission parlementaire, ou dans leur mémoire.

À cet effet, je vous signale que les travaux sont actuellement en cours au ministère, et, tel qu'il me l'a été suggéré, j'aurai très bientôt la possibilité de tarifer les diverses demandes d'autorisation. C'est ce à quoi je faisais référence tantôt, quand je citais André Boisclair sur l'utilisateur-payeur et le pollueur-payeur.

Le Conseil patronal de l'environnement du Québec m'a proposé d'élargir la tarification également aux non-titulaires d'autorisation. Je suis en accord avec cette proposition, et j'ai demandé à mes avocats comment le projet de loi pourrait être modifié pour y donner suite. Mes collègues députés membres de l'opposition ont reconnu et appuyé la nécessité pour le ministère de pouvoir récupérer une partie des coûts qui lui sont générés par les mauvais citoyens corporatifs. De plus, ils se sont dits prêts à appuyer un amendement au projet de loi afin de s'assurer que les fonds récupérés demeurent au sein du ministère.

Comme je l'ai mentionné à maintes reprises, les sommes récupérées iraient dans le fonds vert qui serait créé lors de la mise en oeuvre du plan vert que je me suis engagé à déposer au cours de l'automne 2004. Bien que je ne comprenne toujours pas l'angoisse de l'opposition à cet effet, je me suis également engagé à regarder si on ne pourrait pas inclure cette assurance de manière temporaire dans le projet de loi jusqu'à ce que le fonds vert soit en vigueur. Je ne pense pas que ça va causer d'énormes problèmes.

En résumé, par la tarification envisagée, nous visons essentiellement les exploitations ayant été reconnues coupables, celles présentant des risques élevés de contamination de l'environnement ou celles constituant des cas problématiques importants. Comme vous avez pu le constater, mon objectif, par les modifications législatives proposées ici, n'est pas de tarifer l'ensemble des exploitations québécoises, dont la grande majorité est d'ailleurs soucieuse de l'environnement, mais de cibler spécifiquement les quelques cas les plus lourds qui nécessitent beaucoup de travail de la part de mon ministère et qui par conséquent sont très onéreux pour l'ensemble des contribuables.

Peu d'exploitations seraient donc soumises à la tarification envisagée, et il irait de l'intérêt économique de tous que la faible proportion des exploitations qui ne respectent pas les lois et règlements ou qui occasionnent des frais exceptionnels au ministère de l'Environnement en raison de leur comportement ou des risques associés en paient le prix.

J'espère, M. le Président, que les explications et les exemples que je viens de fournir pourront convaincre les membres de cette commission du bien-fondé du projet de loi n° 44 dont il est question aujourd'hui, et c'est très bientôt qu'on se reverra pour entendre Me Denis Mondor, le bâtonnier du Québec et auteur de la fameuse lettre dont il a été question aujourd'hui.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le ministre. On a-tu le consentement? On a encore une heure, alors on est en avant, là. On peut avoir le consentement pour faire le tour de table. 10 minutes? Non?

Une voix: ...

Le Président (M. Dubuc): La Commission des transports et de l'environnement ajourne ses travaux sine die. Merci. Bonne soirée!

(Fin de la séance à 16 h 47)


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