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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, September 30, 2004 - Vol. 38 N° 29

Consultation générale sur le projet de loi n° 44 - Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Demande de directive au sujet de la transmission d'un avis du Barreau du Québec
à la commission après le délai prévu pour la réception des mémoires

Document déposé

Auditions (suite)

Autres intervenants

 
M. Jean Dubuc, président suppléant
M. Bernard Brodeur, président suppléant
M. Luc Thériault
M. Normand Jutras
M. Jean-Pierre Soucy
M. Jean Rioux
M. Claude Pinard
* Mme Louise Lavoie, Réseau Environnement
* M. Gilles Trahan, idem
* M. Bernard Caron, idem
* M. Gilbert Rioux, FPLQ
* Mme Annie Berger, idem
* M. Patrice Dubé, idem
* M. Rénald Gauthier, AEMQ
* M. Ghislain Poirier, idem
* M. Pierre Normandin, ministère de l'Environnement
* M. Laurent Pellerin, UPA
* M. Jean Lavoie, Table de concertation de l'IMQ - Groupe
de travail sur l'environnement de l'IMQ
* M. Pierre Lachance, CESE
* M. Charles Tremblay, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Dubuc): Je déclare la séance ouverte. À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte, la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à tous les membres de la commission ainsi qu'au public de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires pendant la séance. Le rappel du mandat de la commission: le mandat de la commission est de procéder aux audiences publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives.

Je demande au secrétaire d'annoncer les remplaçants.

Le Secrétaire: M. Lafrenière (Gatineau) est remplacé par M. Rioux (Iberville); M. Morin (Montmagny-L'Islet) est remplacé par Mme Charest (Matane); et M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) est remplacé par M. Jutras (Drummond).

Le Président (M. Dubuc): Merci. Donner la lecture de l'ordre du jour. Le temps pour chaque groupe est de 60 minutes; c'est 20 minutes, 20 minutes chaque côté. Et puis le premier bloc, ça va être le Réseau Environnement, de 9 h 30 à 10 h 30; de 10 h 30 à 11 h 30, c'est la Fédération des producteurs de lait du Québec; puis l'Association de l'exploration minière du Québec; puis suspension à 12 h 30.

Auditions (suite)

Le premier bloc, à ce moment-là, on va donner ça à nos invités du Réseau Environnement. Vous avez un bloc de 20 minutes. Vous pouvez débuter.

Réseau Environnement

Mme Lavoie (Louise): Bon. D'abord, je suis Louise Lavoie, présidente de Réseau Environnement, et je vais présenter mes collègues: M. Gilles Trahan, avocat, membre actif de Réseau Environnement, et M. Bernard Caron, coordonnateur pour nos secteurs Air et changements climatiques et Matières résiduelles, pour Réseau Environnement.

M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les législateurs, bon matin. Réseau Environnement vous remercie de l'opportunité que vous nous offrez de venir vous présenter le mémoire sur le projet de loi n° 44 modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement et la Loi sur la qualité de l'environnement, qu'on a déposé en date du 7 septembre.

Je me permettrai d'abord un petit peu de présenter notre organisme pour ceux qui ne nous connaissent pas, puisque ce n'est pas tout le monde qui nous connaît. Réseau Environnement est le plus important regroupement des professionnels de l'environnement au Québec. Notre mission consiste à assurer, dans une perspective de développement durable, l'avancement des technologies et de la science, la promotion des expertises et le soutien des activités en environnement par le regroupement de spécialistes, de gens d'affaires, de municipalités et d'industries de l'environnement.

L'organisme s'appuie sur l'adhésion de 1 900 membres, dont 400 entreprises, 200 municipalités et 1 200 professionnels. Nos membres se répartissent dans quatre grands secteurs d'activité, dont l'eau potable et l'eau usée, les matières résiduelles, l'air et les changements climatiques, et les sols contaminés.

La particularité et en même temps la force de Réseau résident justement dans le regroupement de membres qui sont diversifiés et qui peuvent provenir autant du secteur privé que du secteur public. Et donc nos membres se réunissent au sein de comités de travail, échangent sur les problématiques qui les interpellent et établissent des consensus, notamment sur les modifications législatives et réglementaires mises de l'avant par le gouvernement en matière d'environnement.

Dans le cadre de la consultation générale de la Commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 44, Réseau Environnement a mis sur pied, en juin dernier, un comité d'experts composé de juristes et de professionnels de tous nos secteurs afin de procéder à une réflexion sur les modifications engendrées par ce projet de loi.

n (9 h 40) n

Vous faisant grâce de la lecture complète de tout le mémoire, puisque vous en avez une copie en main, je vais essayer d'en présenter les grandes lignes. Par rapport à la modification de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, qui est incluse dans le projet, même si les articles 1 et 2 qui modifient la Loi sur la conservation du patrimoine naturel semblent a priori mineurs, dans les faits l'article 1 du projet de loi viendrait selon nous modifier les règles de la procédure d'opposition pour une personne physique ou morale confrontée à la décision du ministre d'assujettir son intervention à une autorisation sur une zone qui se distingue par sa rareté et son intérêt exceptionnel. La modification législative pourrait compromettre la possibilité de contester la décision du ministre en vertu de l'article 19, alors que cette décision peut déjà avoir des effets préjudiciables pour la personne qu'elle vise.

Faute de détenir plus d'informations sur la motivation et l'interprétation du législateur à l'égard de l'article 1 du projet de loi, Réseau Environnement demande le retrait de cet article qui constituerait selon nous un recul en matière d'accès à la justice. Pour Réseau Environnement, le nouveau mécanisme présenté est une innovation québécoise sans nulle autre pareille en ce qu'il obligerait une personne à engager ses ressources financières pour faire valoir son droit sur un bien qui lui est reconnu légalement et dont elle a jouissance pleine et entière. L'association s'inquiète de cette orientation dont certains diront similaire à une expropriation déguisée et sans compensation. Pour corriger cela, Réseau Environnement encourage plutôt le ministre à éliminer toute ambiguïté sur cette disposition et à rendre les versions française et anglaise de l'article 24 de la loi claires et conformes à la reconnaissance du droit de contestation du citoyen sur toute décision du ministre, et ce, dès l'instant où ce dernier prend la décision initiale d'assujettir l'intervention d'une personne à son autorisation.

Au niveau de la modification de la Loi sur le ministère de l'Environnement, Réseau Environnement appuie l'article 3 du projet de loi n° 44, qui modifie le paragraphe 5° de l'article 12 de la Loi sur le ministère de l'Environnement. L'association partage la volonté du ministère de se doter ainsi d'un plus grand pouvoir d'accès à l'information environnementale auprès des personnes ou des municipalités. Nous pensons qu'il est vraiment souhaitable que le ministère de l'Environnement puisse assumer pleinement son leadership et son rôle de chien de garde afin, on l'espère, qu'il communique et transmette de manière transparente et complète à la population l'information juste et réelle de l'état de l'environnement.

Au niveau de la modification de la Loi sur la qualité de l'environnement, à l'article 4, l'ajout de l'article 2.2 de la Loi sur la qualité de l'environnement, tel que proposé par l'article 4 du projet de loi n° 44, confère au ministre un pouvoir de collecte d'informations accru. Comme expliqué précédemment, ça va de pair avec une meilleure capacité de protéger l'environnement. Réseau Environnement voit donc d'un bon oeil que le ministère de l'Environnement puisse entretenir une base de données exhaustive sur les sources et les niveaux de pollution au Québec. La collecte de ces données, en plus de répondre aux exigences en matière de traités internationaux, pourrait être fort utile pour la recherche, les suivis et documenter comme il faut les problématiques afin de guider le ministère dans ses interventions prioritaires.

Au niveau de l'article 5 du projet de loi, selon l'interprétation que fait Réseau Environnement, la modification de l'article 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement témoigne de l'intention du ministre de l'Environnement d'implanter le principe de l'utilisateur-payeur en exigeant des frais aux personnes et municipalités pour les mesures de contrôle et surveillance effectuées par ses fonctionnaires. Réseau Environnement est a priori favorable, d'un point de vue philosophique, à ce principe dans la mesure où les frais exigés sont pleinement justifiés et que la structure tarifaire est un élément incitatif à la performance. Dans un contexte de restrictions budgétaires, où le ministère de l'Environnement compte augmenter de 50 % ses interventions de contrôle d'ici 2007 suite à l'implantation de son Centre de contrôle environnemental, Réseau Environnement se questionne sur la façon dont le tout sera financé et craint, en vertu du pouvoir de facturation conféré par l'article 5 du projet de loi, que le ministère soit tenté de multiplier les mesures de contrôle et de surveillance ainsi que les tarifs davantage pour des considérations financières que pour la pertinence environnementale.

L'association s'inquiète de l'absence de balises pouvant limiter le pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires d'exiger, au cas par cas, plus ou moins de renseignements ou de mesures de contrôle et de surveillance. Même s'il n'était pas de l'intention du gouvernement d'autofinancer totalement ou partiellement ses services à l'aide de cette mesure, le projet de loi n° 44 ouvre tout de même la porte à de la facturation illimitée. Aucun plafond ou mécanisme de contrôle n'est actuellement prévu relativement aux coûts pouvant être exigés de l'utilisateur. Réseau Environnement constate un malaise chez la majorité de ses membres qui perçoivent dans ces frais une facture de plus qui vient s'ajouter aux coûts déjà encourus pour la mise en conformité sans pour autant se traduire par une plus grande efficacité nécessairement. Ces frais sont même perçus par certains comme un fardeau financier supplémentaire pouvant à la limite avoir l'effet inverse de celui recherché.

Le ministre déclarait publiquement, en mai dernier, dans Le Devoir, le 29, 30 mai, que le projet de loi n° 44 permettra de «refiler la facture aux personnes qui exigent la présence quasi constante des inspecteurs», ciblant particulièrement les entreprises polluantes fréquemment en infraction. Le paragraphe 2° de l'article 5 prévoit effectivement, et heureusement, la possibilité de pondérer les frais exigibles selon certains paramètres comme la nature des activités et les caractéristiques des installations. Par contre, il n'invoque pas clairement l'existence d'une réelle proportionnalité entre l'ampleur des frais et la menace réelle à l'environnement par une activité donnée ou la quantité de contaminants émis par cette activité-là. La discrétion ministérielle prévue par cet article est telle qu'elle peut facilement dériver vers de l'arbitraire, sous l'influence de différentes pressions politiques, médiatiques ou économiques.

Réseau Environnement souhaite, parallèlement à la mise en vigueur de ce projet de loi, que le législateur communique clairement à la population les barèmes d'évaluation de ces frais et indique comment ceux-ci permettront de circonscrire les iniquités susceptibles de survenir dans l'application pratique de cet article. L'association propose à cet effet quelques recommandations rendant le projet de loi justifiable et acceptable pour tous:

Premièrement, éviter la double facturation et les doubles contrôles. En fait, les organisations ayant implanté ou étant déjà assujetties à un mécanisme de suivi et de surveillance devraient être exemptées de frais, à moins d'être délinquants, là, mais... Deuxièmement, exempter partiellement ou totalement les bons ? les bons ? citoyens corporatifs. Si l'intention du ministre est de refiler la facture aux personnes qui exigent la présence quasi constante des inspecteurs, celui-ci doit prévoir un mécanisme par lequel les installations, respectant en tout temps, voire surpassant les normes, soient exemptées de payer de tels frais ou bénéficieront d'allégements.

Troisièmement, appliquer des frais de contrôle et de surveillance équitables pour tous. Un lien cohérent doit exister entre les frais exigés, la capacité de payer de l'entreprise et la nature du risque environnemental associé à l'activité faisant l'objet de mesures de contrôle et de surveillance.

Quatrièmement, faire preuve de transparence. Les variables déterminant les modalités d'application des mesures de contrôle et de surveillance, leur fréquence et leurs frais exigibles doivent être publiées, diffusées et débattues avant l'adoption du projet de loi. Les montants exigés doivent être identifiés afin que ces derniers soient adéquatement prévus au budget des organisations. On a reçu de récentes informations, cette semaine, qui nous laissent supposer que le ministre compte aller vraiment dans ce sens et nous nous en réjouissons. Cependant, ça reste vraiment à compléter. Il n'y a que quelques balises qui ont été données jusqu'à présent.

Et inciter à la performance. Réseau Environnement est d'avis qu'il faut surtout favoriser une stratégie de type pollueur-payeur, donc des redevances sur les émissions, des droits échangeables, des amendes, etc., plutôt qu'une approche utilisateur-payeur, si on souhaite réellement encourager la réduction de la pollution. L'association ne croit pas que la simple facturation des mesures de contrôle et de surveillance constituerait un incitatif efficace à la performance environnementale et à l'innovation au Québec, surtout si de tels frais continuent à être exigés lorsque les gens ont entrepris une démarche pour s'améliorer.

Au niveau de la réglementation environnementale en général, Réseau Environnement croit que le ministère doit vraiment appliquer plus rigoureusement la réglementation actuelle et poursuivre davantage les fautifs pour leur appliquer vraiment des amendes conséquentes.

Le projet de loi doit faire une distinction entre les types d'infraction lors de la détermination des frais exigibles, cependant. Ainsi, une non-conformité administrative ne devrait pas être considérée avec la même gravité qu'une non-conformité portant atteinte à l'environnement.

Globalement, Réseau Environnement croit que le projet de loi ne doit pas se limiter à punir les délinquants, mais doit aussi reconnaître et soulager ceux qui, proactifs en matière d'environnement, affichent des performances exemplaires.

n (9 h 50) n

À l'article 7 du projet de loi, le changement proposé à l'article 31.53 de la version anglaise de la Loi sur la qualité de l'environnement rend celle-ci conforme à la version française et permet au ministre d'exiger une caractérisation de site dans un lieu où une activité commerciale ou industrielle a eu lieu. Réseau Environnement est d'accord avec ce changement de formulation qui va dans le sens d'éviter des aménagements sur des terrains contaminés.

En guise de conclusion, Réseau Environnement considère dans l'ensemble que le projet de loi n° 44 permet au ministre et au ministère de l'Environnement de se doter de moyens financiers accrus et d'outils utiles pour un suivi plus rigoureux et une meilleure protection de l'environnement. Une analyse plus approfondie permet toutefois de faire ressortir certains impacts. Réseau Environnement recommande donc que soient apportées les modifications suivantes au projet de loi n° 44:

Un, quoiqu'en faveur d'une protection accrue de notre patrimoine naturel, l'association demande toutefois à ce que l'article 1 du projet de loi soit retiré ou modifié afin que la version française soit fidèle au sens de la version anglaise, qui viendrait confirmer le droit d'une personne physique ou morale de contester la décision du ministre, dès le départ.

Deuxièmement, que l'article 5 du projet de loi soit mieux encadré. L'association ne peut qu'espérer que ces frais soient raisonnables et répartis de façon équitable en tenant compte de l'ampleur et la nature du risque et de la performance environnementale.

Et finalement que le ministre envisage des méthodes incitatives à la performance qui soient complémentaires à la tarification des mesures de contrôle et de surveillance. Ces méthodes incitatives devraient permettre la reconnaissance des efforts des organisations les plus performantes tout en étant financièrement dissuasives pour les plus récalcitrants.

Le Président (M. Dubuc): Merci. Il vous reste un temps dans le bloc. Il vous reste six minutes encore, un petit peu moins que six minutes. M. Caron ou M. Trahan, voulez-vous prendre... C'est ça, il y a six minutes de disponibles dans votre bloc.

M. Trahan (Gilles): Quant à moi, je vais laisser les questions venir des deux côtés, parce que ça a tout été bien expliqué.

Le Président (M. Dubuc): Merci. On va donner la parole au ministre dans un bloc de 20 minutes.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, au nom du gouvernement, il me fait extrêmement plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Réseau Environnement.

Je vais les aborder une à une, vos trois lignes. Pour ce qui est de la première, la rédaction française est présentement devant les tribunaux, donc je ne peux pas aller beaucoup plus loin que ça pour des raisons que vous connaissez. Comme membre de l'Exécutif, je ne devrais pas commenter ce qui est devant les tribunaux. Cependant, notre but, c'est d'harmoniser les versions française et anglaise. Et en l'occurrence c'était la version anglaise qui reflétait mal l'intention du législateur. Donc, on les harmonise dans ce sens-là.

Les dispositions en question, comme vous le savez, sont rarement utilisées, je les ai utilisées dernièrement dans le cas des falaises à Prévost, mais ça aussi, c'est devant les tribunaux. Vous savez, on a l'avocat facile en matière d'environnement ? sauf tout le respect que je dois aux gens qui nous accompagnent aujourd'hui. Et encore une fois je pense que, lorsqu'il s'agit de protection du patrimoine naturel, si je n'avais la possibilité au moins de marquer un temps d'arrêt lorsque je me rends compte qu'il y a un développement qui s'en vient et qui risquerait de compromettre quelque chose d'exceptionnel, si je devais tout de suite, même avant de pouvoir faire l'analyse, commencer à débattre de la décision, on n'irait jamais nulle part. Alors, je pense que le «move» que l'on fait va dans la bonne direction. Puis, comme j'ai dit tantôt, ce sont des juges qui doivent décider des choses qui seront amenées devant les tribunaux et pas les élus, puis c'est bien ainsi, qu'il y ait cette étanchéité. Mais j'ai pris bonne note de votre préoccupation puis je trouve qu'elle est bien amenée. Mais encore une fois c'est très, très exigeant, d'être dans la position qui exige que l'on réagisse et d'être obligé de toute façon à justifier, parce que très, très souvent ces choses-là sont amenées en cour. Je ne pense pas que ce que vous dites là est dénué de fondement ni d'intérêt d'un point de vue philosophique, pour répliquer à un de vos termes, mais je ne pense pas que ce soit très pratique, et c'est pour ça que je vais rester avec la modification qui est prévue là.

D'un autre côté, pour ce qui est des modifications qui doivent venir, vous avez raison, on a réussi... Puis vous avez peut-être manqué cette partie de la discussion de l'autre jour. Mais, afin de donner un petit peu d'informations sur là où on s'en va... Parce que ce qu'on a devant nous, c'est un projet de loi qui prévoit qu'un autre pouvoir qui va être habilité de le faire va édicter des règlements. Pour que cette conversation ait un sens, on a tenu à donner de l'information sur comment on envisageait ça. Donc, on a une disposition habilitante écrite dans des termes larges, libéraux, tel qu'exigé par la Cour suprême. Rappelez-vous que, dans l'affaire Canadian Pacific, la Cour suprême nous a déjà dit: En matière d'environnement, il vaut mieux rédiger en termes larges pour pouvoir capter le plus possible. Je pense que le public qui nous suit voit l'intérêt de cette rédaction large. On commence avec plutôt plus que pas assez.

Puis n'oubliez pas qu'avant que quoi que ce soit entre en vigueur il faut que la loi soit débattue. Avec mes collègues de l'opposition, on va y aller article par article puis, à un moment donné, on va pouvoir discuter. Une fois la loi adoptée, si elle est effectivement adoptée, il y aura une disposition habilitante pour édicter des règlements, et les règlements vont être publiés une première fois à la Gazette officielle, et les gens vont avoir l'occasion de formuler des commentaires à ce moment-là. Puis de toute façon, même avant de les publier une première fois, il va y avoir toutes sortes de tamisages qui vont se faire. Des groupes comme le vôtre vont être consultés. Donc, les gens vont pouvoir déjà nous aider dans cette construction.

Mais vous avez bien compris. Le but, c'est de s'assurer que ceux qui causent le plus de problèmes paient la facture. L'éditorial dans Le Soleil, aujourd'hui, est très éloquent là-dessus, l'éditorial de Jean-Marc Salvet, et je me permets de citer un extrait de son édito: «Mais le dossier ? il parlait du dossier d'Irving, question très importante ici, dans la région de la Capitale-Nationale ? Irving nous rappelle que tous les tours de vis qui peuvent être donnés pour rendre plus mordant le principe de "pollueur-payeur" sont encore les bienvenus.» Je pense que Jean-Marc Salvet traduit un sentiment vraiment partagé dans la population lorsqu'il dit ça, et, moi, je partage son point de vue. Donc, pour ce qui est de cet aspect-là, je tiens à vous rassurer. Il va y avoir du temps pour consulter, mais le principe ne peut pas être discuté. Et je suis content de vous entendre dire que vous êtes d'accord avec ce principe-là.

Mais j'aimerais, M. le Président, inviter les gens de Réseau Environnement de préciser un petit peu plus leur pensée sur le dernier aspect, sur les mesures incitatives. Parce que c'est vrai qu'une commission parlementaire comme celle-ci vise d'abord et avant tout à nous concentrer sur le projet de loi lui-même, sur ses effets possibles, puis à amener l'expertise et l'expérience de chaque groupe pour nous dire: Bien, attention, selon nous ça peut avoir tel ou tel effet auquel vous n'avez peut-être pas pensé. Mais, un peu comme Greenpeace, l'autre jour, qui est venu ici puis nous a dit: Bien, il faut regarder aussi tel aspect, vous êtes en train de nous faire une suggestion d'y aller sur une autre philosophie de mesures incitatives. Avez-vous des documents là-dessus? Avez-vous poussé ça un petit peu plus loin? J'ai écouté votre présentation, j'ai pu lire votre document, mais avez-vous d'autre chose, au Réseau Environnement, là-dessus?

Mme Lavoie (Louise): Bien, là, je ne ferais pas une recommandation concrète, j'imagine qu'il faudrait se pencher sur les différentes mesures incitatives possibles. Mais a priori je dirais qu'au départ, si une organisation ou une entreprise qui rencontre les normes n'est pas facturée pour une campagne de mesures du ministère parce qu'elle rencontre les normes, bien c'est déjà une mesure incitative à performer parce qu'ils ne vont pas avoir à payer cette facture-là, versus une compagnie que vous inspectez mais qui ne rencontre pas certaines normes, bien là vous refilez la facture, parce que vous allez en plus devoir, après ça, faire un suivi un petit peu plus serré et continu.

M. Mulcair: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je peux...

Le Président (M. Dubuc): Du côté de l'opposition, M. le député de Masson.

n (10 heures) n

M. Thériault: Oui. Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je dirais que, nous aussi, de l'opposition officielle, on partage le point de vue de M. Salvet concernant la notion et le principe de pollueur-payeur. Mais, de notre côté, si on a, nous aussi, la prétention d'être verts, le problème qu'on a, c'est que le projet de loi est pervers et notamment par rapport à l'article 5. Et nous ne sommes pas les seuls à penser ça, qu'il y a en quelque part une distorsion entre les bonnes intentions du ministre et ce qu'il dit depuis le début de cette commission, à savoir qu'il faut faire payer les récidivistes et les pollueurs-payeurs. Le problème, c'est que pour l'instant le libellé de l'article 5 va dans le sens de confirmer qu'on va facturer l'utilisateur. Donc, dorénavant, si on veut parler et faire un débat ici quant à la protection de l'environnement, il faudrait se poser la question de la pertinence d'introduire dans une loi, notamment avec l'article 5, le principe de l'utilisateur-payeur. C'est ça, l'objet du débat, et c'est ça qui devrait être discuté ici, lors de cette commission parlementaire. Parce que, constamment, on nous ramène, de l'autre côté, aux intentions que nous aurions de préciser et de baliser davantage. Mais, au départ, ce qui est dans la loi, c'est l'utilisateur-payeur.

Ça, c'est, entre autres, un groupe qu'on va entendre, le Centre québécois du droit de l'environnement, qui, entre autres choses, partage notre lecture du projet de loi. Et en quelque part, quand je lisais... Dans votre mémoire, à la page 2: «Réseau Environnement s'interroge sur la réelle motivation justifiant cette nouvelle orientation et considère cette stratégie peu optimale en vue d'inciter les personnes et les municipalités à une meilleure protection de l'environnement ? je voudrais vous entendre éventuellement là-dessus. Dans un contexte où le ministère de l'Environnement compte augmenter de 50 % ses interventions de contrôle d'ici 2007, l'article 5 du projet de loi est perçu par l'association comme une taxe déguisée, permettant d'assurer l'autofinancement du nouveau Centre de contrôle environnemental du ministère.»

Et, en lisant ça, j'avais un petit sourire ironique parce que je me disais: Venant d'un gouvernement qui a un discours antitaxe... Je trouvais ça assez particulier. Je me disais, oui, évidemment, quand tu tiens un discours antitaxe, même pour la bonne cause, il faut que la taxation soit déguisée. Et en quelque part je me dis: Là, on veut taxer par la bande. Et cette tendance-là de ce gouvernement-là, on la voit dans d'autres services. Et là ce principe de l'utilisateur-payeur qui dans le fond... On a beau dire, là: Moins d'État, mieux d'État, là, pour l'instant, ce qu'on voit depuis le début, c'est plus d'états de compte puis mieux d'État. Alors, si on veut faire le débat, c'est là-dessus qu'il faut le faire, parce qu'on est devant un projet de loi qui dit cela. Et là ça va bien parce qu'on dit: On va faire payer les entreprises. Pour l'opinion publique, ça va bien, c'est une orientation gouvernementale quant à comment l'État va gérer les services publics. Puis on va faire payer les gens qui ont des poches profondes, les entreprises, donc M. et Mme Tout-le-monde, même si, indirectement, le client pourrait éventuellement se voir refiler ces coûts-là, semble tout à coup à l'abri de tout ça, de cette tendance gouvernementale à taxer les services de l'État.

Alors, bon, moi, je voudrais qu'on fasse le vrai débat, puisque le vrai débat est là, et j'aimerais vous entendre sur justement ce qui selon vous permettrait davantage une meilleure protection de l'environnement. Parce que ? ce que je comprends pour l'instant ? compte tenu que l'article 5 est libellé tel qu'il est, l'environnement, comme le dit le Centre québécois de l'environnement, à court terme ne serait pas mieux protégé pour l'instant avec le principe de l'utilisateur-payeur.

Mme Lavoie (Louise): Il me semble qu'il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit. Par où je vais commencer? Disons qu'entre les deux... C'est sûr que, comme je le mentionnais tout à l'heure, on privilégie l'approche pollueur-payeur afin justement de dissuader les gens de... puis de faire en sorte que les gens vont être incités à s'améliorer. Par contre, je ne suis pas convaincue que l'utilisateur-payeur n'a pas sa raison d'être jamais non plus, puisque, si une entreprise ou une organisation, pour une raison d'agrandissement ou de changement d'activité, demande une étude d'impact, et tout ça, bien c'est quand même un service qu'elle requiert de son propre chef et, à ce moment-là, c'est utilisateur-payeur, je pense, qui peut s'appliquer.

Par contre, où effectivement on a un bémol, c'est si c'est le ministère qui décide qu'il contrôle, en surplus d'un contrôle qui existe déjà, et qui refile la facture à l'utilisateur mais que ce n'est pas lui qui dans le fond a nécessité ce service-là. Bien là on a un peu un petit problème avec... comme ce n'est pas... Présentement, comme le ministre le disait, c'est assez large, ça devrait être balisé via des règlements. Bien, présentement, tant que ce n'est pas complètement balisé, effectivement on ne sait pas de quel ordre ça peut prendre, cette option-là.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui. Si je vous ai bien compris, vous faisiez une nuance tout à l'heure, vous disiez ? et on vous suit tout à fait là-dessus, là ? que c'est au niveau de l'article 5 qu'il y a quelque chose qui pourrait poser problème, à savoir: facturer tout le monde sans nécessairement que le contrôle et la surveillance ne nous fassent découvrir qu'il y a un problème. S'il y a un problème, s'il y a infraction, ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est que vous étiez favorable à ce qu'effectivement tout de suite il y ait facturation, c'est ce que je comprends, parce qu'il y a eu un contrôle, il y a eu une surveillance. Et donc, dans ce sens-là, vous aimeriez que l'article 5 soit balisé davantage, c'est-à-dire que l'utilisateur-payeur, pour la disposition dont vous avez parlé tantôt, l'utilisateur-payeur qui... l'entreprise qui tout à coup... qui n'a pas, elle, d'infraction, qui est contrôlée, qui a été surveillée, bien, alors, à ce moment-là, ne devrait pas payer ce contrôle et cette surveillance. Celle qui se voit tout de suite prise en défaut devrait payer ce contrôle et cette surveillance. Vous serez d'accord pour aller jusque-là, ce qui, si je vous comprends bien, irait dans le sens du pollueur-payeur, et peu importent les dispositions pénales puis les amendes qui viendront après, ça, c'est le cours normal des choses. Je comprends bien votre pensée là-dessus?

Mme Lavoie (Louise): En effet.

M. Thériault: O.K. Qu'est-ce que vous pensez du fait que ce projet de loi vient en quelque part... l'article 5, tel que libellé, vient en quelque part pallier à une coupure de 13 millions? Si on veut facturer pour faire une protection de l'environnement adéquate, là, ce qu'on pourrait se poser comme question, c'est: Est-ce que, sans coupure de 13 millions, on aurait vu apparaître ce principe de l'utilisateur-payeur aussi large que ça dans un projet de loi? Et, même si on se pose la question, on pourrait dire aussi: Est-ce qu'on va réussir à aller chercher ce 13 millions là? Est-ce que vous êtes conscients que la tarification, là, elle va servir à payer le nouveau Centre de contrôle, les procureurs, les groupes environnementaux et le plan vert? Pensez-vous, selon votre connaissance de vos membres, des infractions et de la bonne qualité aussi de vos citoyens corporatifs, là, en matière de protection de l'environnement, est-ce que vous pensez qu'on peut aller rechercher ce 13 millions là?

Mme Lavoie (Louise): Au niveau comptable, monétaire, je ne pourrais vraiment pas vous dire ce que ça peut représenter, je n'ai pas en tête l'ordre de grandeur des pénalités, des amendes, des redevances que ça peut représenter, sauf que, nous autres, on appuie vraiment le fait qu'il faut qu'il y ait davantage de contrôles puis il faut que la réglementation qui existe soit appliquée, que ça vienne du portefeuille général ou que ça vienne de ces activités-là, le but étant vraiment de contrôler et d'appliquer la réglementation en matière d'environnement. On pense qu'on ne s'en sort pas, que c'est vraiment comme ça qu'on va avancer et décourager les pollueurs potentiels. Et le principe de pollueur-payeur, c'est évident que ce n'est pas la panacée, mais il reste que c'est le principe qui va de soi aussi et qui est partout un peu dans le monde aussi. Il faut responsabiliser les gens en cause.

Le Président (M. Dubuc): Merci, Mme Lavoie. M. le ministre.

M. Mulcair: Oui. Par coïncidence, hier, l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, a rendu public un important rapport concernant leur examen des performances environnementales du Canada et de ses provinces, et le titre, c'est: Des progrès encourageants, mais il reste beaucoup à faire. Mais, là-dedans, ils nous disent en particulier qu'il faut améliorer notre gestion environnementale d'une manière très spécifique, et ils disent ceci: «En développant le recours aux instruments économiques ? redevances relatives à l'eau, échanges de droits d'émission de polluants atmosphériques ? [et] en appliquant les principes de pollueur-payeur et d'utilisateur-payeur.» Je voudrais juste savoir si les membres du Réseau Environnement sont d'accord avec l'OCDE là-dessus.

Mme Lavoie (Louise): ...

M. Mulcair: Je ne suis pas sûr que le micro a pu capter votre réponse, Mme Lavoie.

Mme Lavoie (Louise): Oui, bien, mon collègue M. Trahan.

n(10 h 10)n

M. Trahan (Gilles): M. le ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, il est évident que Réseau Environnement est pour le principe de pollueur-payeur et d'utilisateur-payeur. On ne peut pas être contre la vertu, M. le ministre. Mais, si vous me permettez, je vais vous tirer sur le terrain pratique. Si vous le permettez.

M. Mulcair: ...beaucoup de mal à me tirer où que ce soit, mais je vais vous écouter quand même.

M. Trahan (Gilles): C'est une belle figure de style, si on peut dire. Sur le terrain pratique, la majeure partie des activités ou des entreprises au Québec doivent faire des rapports à la semaine, mensuels, quatre fois par année ou annuels, dépendamment de l'activité qui se déroule, dépendamment de l'industrie ou quoi que ce soit à qui on s'adresse. Présentement, vous avez tous ces rapports-là au ministère de l'Environnement, et certains ne sont même pas lus par vos fonctionnaires. Donc, vous avez déjà les industries, tous les entrepreneurs qui font des activités et qui vous donnent des rapports. Et, à l'intérieur de ceux-ci, vous avez toute la chance, toute l'information que vous pouvez aller chercher justement pour savoir si ces industries-là suivent soit la réglementation soit les décrets qui ont été approuvés par le gouvernement pour leur permettre, entre guillemets, d'avoir l'activité... laquelle on leur a permis suivant les certificats d'autorisation.

Donc, pour nous, M. le ministre, être contre l'idée ou le principe de pollueur-payeur, on ne sera jamais contre, mais c'est son application. Vous avez déjà, comme je le répète, des rapports et, à l'intérieur de ceux-ci, vous avez de l'information. Il est évident que, entre guillemets, les industries ou entrepreneurs qui, eux, ne respectent pas, ça se retrouve dans les rapports. Donc, le ministère devrait cibler ces gens-là immédiatement et non pas cibler l'ensemble des industries, ou des entrepreneurs, ou des exploitants. Pour nous, c'est évident.

À preuve que ces rapports-là ne sont pas toujours lus... Je ne vous donnerai pas des cas particuliers, mais certains de mes clients m'ont demandé de faire de demandes d'accès à l'information pour voir comment étaient traités, dans chacune de vos directions régionales, ces rapports-là, et, à une occasion, entre autres, on a  demandé un rapport annuel au niveau d'un lieu d'enfouissement sanitaire ? je ne vous dirai pas lequel de mes clients ? et le ministère a dit qu'il n'existait pas. Et le rapport avait été envoyé, je l'ai contre-vérifié. C'est une obligation, suivant un décret, d'émettre ces rapports-là.

Écoutez, à la limite, je pense qu'on devrait faire un travail à un certain endroit. Et je vous dis, M. le ministre: La majeure partie des fonctionnaires avec qui j'ai travaillé, ce sont des gens compétents, ce sont des gens de bonne foi et qui travaillent pour le respect de l'environnement, mais il y a sûrement des choses qui doivent passer entre les filets présentement. Donc, nous, on pense qu'il y a un travail de base à faire présentement, c'est notre point de vue.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Trahan. M. le ministre, avez-vous...

M. Mulcair: Oui. J'ai dit que ce serait difficile de me tirer, mais j'ai dit aussi que j'allais écouter. J'ai tout écouté, mais je ne suis pas sûr que j'ai tout compris. Vous avez dit que c'était évident que, entre guillemets, il y avait des gens qui recevaient des rapports mais qui ne les lisaient pas. J'ai la sous-ministre en titre du ministère de l'Environnement assise en arrière de moi. Si vous avez des cas où les gens ne font pas leur travail, pourquoi vous l'amenez ici, pourquoi vous ne me l'avez pas laissé savoir avant? Moi, je pense que vous travaillez beaucoup plus sur la base d'une anecdote que du sérieux du travail qu'on essaie de faire aujourd'hui, et je suis fort déçu.

Pour rester avec l'exemple des lieux d'enfouissement sanitaire, comme vous l'avez vu dans le tarif qui a été proposé, les lieux d'enfouissement sanitaire ? puis on donne un ordre de grandeur de 100 000 tonnes ou plus de capacité annuelle ? pourraient faire l'objet d'une surveillance en fonction de leur taille, c'est-à-dire que ce n'est pas seulement l'utilisateur-payeur, quand je dois envoyer le TAGA sur place parce que j'ai un événement à répétition avec quelqu'un et que je dois lui refiler la facture. Mais, si j'ai effectivement un lieu d'enfouissement sanitaire qui, par sa nature même, exige une présence constante, il me semble ? admettons que quelqu'un est dans une zone un petit peu plus délicate ou encore a connu historiquement plus de problèmes qu'un autre et que je dois utiliser plus de ressources ? que c'est normal de pouvoir demander à l'exploitant de ce site...

Et vous dites que vous ne voulez pas nommer votre client, mais ce n'est pas très difficile de le trouver. Mais je vais vous dire que l'exploitant de ce site-là fait une fortune dans un domaine qui touche directement la santé des gens, et, moi, je trouve ça absolument normal que, si je dois envoyer des fonctionnaires, si je dois envoyer des équipements, si je dois faire des tests, des coups de sonde, mesurer les polluants dans l'eau... exceptionnellement, pour toutes les raisons qu'on a données dans le projet de loi, bien c'est correct. Mais je vous entends exprimer votre accord sur le principe du projet de loi, mais, chaque fois qu'on en parle, vous me dites pourquoi vous n'êtes pas d'accord. Alors, j'ai un petit peu de mal à me situer entre les deux.

Mme Lavoie (Louise): Mais, dans l'exemple que vous donnez, dans le fond le site devient pollueur. Donc, ça devient un cas, effectivement, pollueur-payeur, où c'est normal qu'il paie, selon nous, là.

M. Mulcair: Alors, il est où, le problème?

Mme Lavoie (Louise): Il n'y a pas de problème au niveau du principe de pollueur-payeur, là.

M. Mulcair: O.K., très bien. Merci.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le député de Drummond.

M. Jutras: C'est sûr qu'il n'y a pas de problème au niveau du principe de pollueur-payeur, sauf que ce projet de loi là, ce n'est pas ça qu'il dit, il parle de l'utilisateur-payeur. Alors là, on va parler du vrai projet de loi qu'on a puis on va parler de l'article 5. J'entendais encore le ministre tantôt qui disait... Il ne parle jamais, lui, de l'utilisateur-payeur, il disait: Ceux qui causent le plus de problèmes. Tantôt, là, quand il est intervenu, il a dit: ceux qui causent le plus de problèmes. Puis là il dit: Le principe ne peut pas être discuté. C'est sûr qu'on ne le discute pas, le principe du pollueur-payeur, on est tous d'accord avec ça. Puis prenez la revue de presse, là, au cours des derniers jours, le ministre, c'est toujours ça qu'il dit: Le pollueur-payeur, puis les récidivistes, puis il donne même des exemples de récidivistes à 10 reprises, puis à 12 reprises, puis il parle de la surveillance continue. Ça, là, on s'entend, puis je vois que vous faites signe que oui, on est tous d'accord avec ça. Mais là le projet de loi, il parle de l'utilisateur-payeur. C'est ça, la notion qu'on retrouve là-dedans.

Vous avez dit, madame, que, oui, l'utilisateur-payeur, là, vous étiez d'accord avec ça, là, et c'est ça que je veux vous faire préciser parce que... Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que ce projet de loi là, tel qu'il se lit, l'article 5, c'est tout le monde qui paie? De sorte que vous pouvez avoir le meilleur citoyen environnemental, l'exemple à travers le Québec du respect des règles environnementales, il va se faire facturer comme n'importe quel autre. C'est ça qu'il dit, le projet de loi. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?

Mme Lavoie (Louise): On pense la même chose, et c'est là-dessus qu'on a mis notre bémol beaucoup, dans le mémoire, à dire que c'est un danger, tel quel, de ne pas davantage baliser, qu'il y ait justement une facturation globale pour tout le monde et illimitée, et ça, on n'est pas à l'aise avec ça, pas du tout. Utilisation s'il y a un besoin particulier, s'il y a une demande de celui qui a un projet particulier, mais utilisation parce que le ministère décide que, de lui-même, il veut vérifier des choses par-dessus les contrôles qui sont déjà faits, alors que les normes sont toutes rencontrées et qu'il n'y a pas de problème, bien ça, on trouve que ce n'est pas à tout le monde à payer ça, là.

M. Jutras: Bon. Et vous dites dans votre mémoire, à un moment donné, que, le fait que l'on facture, vous ne croyez pas que ce soit un incitatif efficace à la performance environnementale. Mais est-ce que par ailleurs, aussi, il n'y a pas le principe que, quand on paie, tu sais, on est plus soucieux de ce qui se passe et puis on veut plus voir où ça s'en va?

Mme Lavoie (Louise): Bien, je pense que, si on paie en tant que pollueur, oui, on a intérêt après ça à s'améliorer pour réduire nos dépenses, mais, si tout le monde paie égal, il n'y a pas vraiment d'incitatif à dire: Bien, si je m'améliore, je vais payer moins ou je vais... Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il doit y avoir un incitatif sur la façon que...

M. Caron (Bernard): C'est de cette façon-là... C'est pour ça qu'on a suggéré une alternative, qui est plutôt la redevance, qui est vraiment proportionnelle au niveau de pollution émise, donc une redevance sur la tonne de polluants émis par année. Donc, on vient, disons, enchâsser le principe de proportionnalité dans un incitatif économique qui devient beaucoup plus ajusté qu'une facturation, là, pour des services qui ne sont pas proportionnels à quels sont les impacts sur l'environnement de l'industrie ou du producteur.

M. Jutras: Vous parlez d'une redevance qui est proportionnelle en fonction des cas...

M. Caron (Bernard): De l'impact réel.

n(10 h 20)n

M. Jutras: ...par exemple des contaminants émis. Mais, s'il n'y a pas de contaminants émis, votre position, à ce moment-là, c'est de dire que cette personne-là n'a pas à payer? C'est ça, votre position?

M. Caron (Bernard): Effectivement, il y a plusieurs systèmes d'ajustement. On peut dire: Jusqu'à certaines limites, elle ne sera pas facturée; passé une certaine limite, on paie tant le milligramme par litre ou peu importe le polluant. C'est des systèmes qui marchent, qui fonctionnent très bien et qui ont des avantages. Ça fonctionne en Belgique, aux Pays-Bas, par exemple, dans le cas des émissions de phosphore dans les sols agricoles. Donc, à chaque tonne de phosphore émis dans l'environnement, on paie proportionnellement à la conséquence causée.

Mme Lavoie (Louise): Et là ça a vraiment un incitatif de réduire, de s'améliorer, d'améliorer le procédé pour rejeter moins.

Le Président (M. Dubuc): Merci. Je passe la parole au député de Masson.

M. Thériault: Puisque ce projet de loi là essaie d'aller tarifer pour assurer la mission de contrôle et de surveillance du ministère qui était, semble-t-il, en péril avec une coupure de 13 millions, il y a des groupes qui nous ont dit qu'il faudrait absolument s'assurer que les argents qui seront perçus servent absolument et reviennent absolument à cette mission de protection de l'environnement qui doit être assumée par le ministère et donc dans un fonds dédié. Je voudrais vous entendre là-dessus et je voudrais aussi, par le fait même, vous entendre sur le fait que certains nous ont dit que, pour s'assurer de tout ça, il faudrait qu'il y ait un rapport annuel qui soit déposé, où on pourrait justement voir les sommes, à quoi elles ont servi, etc. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces deux propositions-là?

Mme Lavoie (Louise): Oui, tout à fait, on est d'accord avec justement les rapports. Pour nous, ça va avec la transparence dont je parlais tout à l'heure. Et, oui, ça nous apparaît très important. Le fonds dédié, oui, aussi, mais je sais que j'avais entendu le ministre répondre que ce serait un fonds vert. Parce que je sais qu'il a été question d'un fonds de l'eau. Qu'il y ait un fonds dédié au contrôle, c'est une chose. Moi, je pense, à la limite, qu'il faut que ce soit quand même un fonds environnement, ça, c'est clair, et que l'argent n'aille pas ailleurs que dans l'environnement. Ça, c'est la position.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Mais c'est important d'entendre Réseau Environnement là-dessus. Puis je tiens à répéter à mon collègue le député de Masson ce que j'ai eu l'occasion d'indiquer l'autre jour. C'est que, dans le plan vert, qui va prendre la forme d'un avant-projet de loi lorsqu'on va l'annoncer au cours de l'automne, il va y avoir des dispositions qui prévoient la création d'un fonds vert, effectivement, dans lequel seraient versées différentes sommes, y compris l'ensemble des sommes perçues en application du projet de loi ici, aujourd'hui. Donc, le fonds dédié, il va être là. On ne va pas redire à chaque fois. Parce que l'autre loi, qui va être débattue en bonne et due forme devant cette commission plus tard, mais l'autre loi aurait une disposition, c'est notre intention d'avoir une disposition qui prévoirait la création d'un fonds vert, on en parle depuis longtemps.

Donc, je comprends bien l'opposition. Puis, si c'était la seule chose qui allait exister, je vous donnerais raison, puis il faut le marquer ici tout de suite. Mais, parce que ça va venir à un autre endroit, bien vous pourriez mesurer votre préoccupation à l'aune de ce qu'on va effectivement présenter.

Mais je vous annonce déjà mon intention: comme ministre de l'Environnement, c'est mon intention de proposer ça à mes collègues au Conseil des ministres et éventuellement de le déposer en Chambre. Alors, je ne peux pas faire plus que ça. C'est très public, ce qu'on dit ici aujourd'hui. Je vous dis que c'est ça, notre intention. Mais, vous avez raison, il faut absolument que ce soit très clair que ces sommes-là, qui vont être en application des deux principes...

Puis l'OCDE ne fait pas la distinction que l'opposition semble vouloir faire entre pollueur-payeur et utilisateur-payeur. Ce sont deux côtés de la même médaille. Quand on parle d'une redevance sur l'eau, c'est une chose, mais, si on ne fait pas utilisateur-payeur, si les gens ne sont pas responsables pour leur consommation d'eau... Le principe évoqué par Mme Lavoie trouve application, il faut qu'on soit responsable pour ce qu'on fait.

Tout à l'heure, Réseau Environnement faisait aussi remarquer qu'il y a des dispositions qui peuvent exister pour mesurer et facturer pour ce qui est déchargé dans l'atmosphère, ça aussi, ça s'en vient.

Mais je pense que l'opposition devrait juste faire attention à une chose parce qu'à chaque fois que vous parlez de ça... Puis je dis, moi, de mon collègue de Masson qu'il suit bien puis qu'il fait extraordinairement bien son travail d'opposition. Mais le député de Drummond me fascine parce qu'il essaie toujours de souffler chaud et froid en même temps. Il dit qu'il est pour, mais il n'est pas vraiment pour. Il dit qu'il est pour, mais il les regarde mais il dit: On n'est pas vraiment pour, parce que ça peut avoir un effet qu'on ne veut pas.

L'article 5 est une disposition habilitante, un point c'est tout. Il donne le pouvoir de faire un règlement. Et, le règlement, on a déjà essayé de dessiner la charpente pour vous, parce que c'est un exercice compliqué. La loi n'est pas encore adoptée, je n'ai pas le droit comme parlementaire de présumer de son adoption, mais je peux quand même donner une indication de mon intention, puis c'est ce qu'on a fait aujourd'hui.

Alors, vous ne pouvez pas être pour le principe puis contre à chaque fois qu'on en parle. Vous êtes pour, bien on peut discuter de la manière de l'appliquer. Mais à chaque fois... L'autre jour, quand on était ici ? ça a été bien rapporté dans le journal Le Devoir, votre attitude de l'autre jour ? ...vous êtes théoriquement pour le principe mais, à chaque fois qu'on en parle, vous exprimez les raisons pour lesquelles il ne faut pas le faire. Alors, l'opposition péquiste va être obligée de se brancher à un moment donné, on ne peut pas souffler chaud et froid en même temps. En anglais, on dit: «You can't suck and blow at the same time»; et c'est précisément ce que l'opposition péquiste essaie de faire. Alors, si vous êtes pour, je suis plus que prêt à travailler avec vous. J'ai même offert... Lors de la première publication, je n'avais aucune opposition à ce que cette commission même, ce qui est plutôt rare, se dote ? c'est vous qui décidez, pas moi ? d'un mandat d'initiative pour l'analyser. Mais, à un moment donné, il va falloir être conséquent, là, vous ne pouvez pas continuellement affirmer être d'accord avec le principe et continuellement intervenir pour dire pourquoi le principe n'est pas une bonne idée.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Drummond.

M. Thériault: Oui, M. le Président. Très rapidement, je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps...

Le Président (M. Dubuc): Je m'excuse. M. le député de Drummond ou M. le député de Masson?

M. Thériault: Ah! Je ne pense pas...

Le Président (M. Dubuc): O.K. Allez-y.

M. Jutras: ...

M. Thériault: Oui, je vais te la donner. Je vais te la donner. Je voulais juste dire au ministre que, même si je n'ai pas beaucoup d'expérience parlementaire parce que je suis un nouveau parlementaire, je sais très bien que des bonnes intentions ministérielles peuvent achopper aux cabinets des ministres et au Conseil des ministres. Et il peut y avoir des remaniements ministériels aussi. Et les bonnes intentions qui sont données aujourd'hui, alors qu'on est devant un éventuel plan vert puis des projets de loi sur un plan vert... avant-projet de loi maintenant ? on parlait d'un projet de loi ? alors ça, ça peut nous mener très, très loin, et, moi, je pense que ces intentions, puisqu'elles sont dites publiquement, doivent être appuyées par le travail qu'on fait, les législateurs, en commission. Et je suis tout à fait d'accord avec cette intention exécutive, mais, moi, je suis dans le législatif et j'appelle les collègues qui sont issus du pouvoir législatif, et qu'on inscrive la trace de cette intention exécutive dans ce projet de loi ci, ça va juste nous mener justement à faire en sorte que cela se traduise dans le projet de loi du plan vert.

Et conséquemment est-ce que vous ne trouvez pas qu'il aurait été plus souhaitable, dans une vision globale, de se retrouver aujourd'hui en train de discuter du plan vert plutôt que d'une disposition comme le projet de loi n° 44 qui dans le fond nous fait travailler à la pièce?

Mme Lavoie (Louise): Bien, c'est sûr que le plan vert, on a hâte de le voir, ça fait longtemps qu'on le demande. Mais je pense que de toute façon il va y avoir plein d'autres choses à discuter à l'intérieur du plan vert aussi. Mais, malgré qu'on n'en connaît même pas la nature encore, est-ce que ce sera des grandes balises? Est-ce que ce sera des choses bien pointues? Là, je pense que c'est quand même quelque chose d'assez précis qu'on discute aujourd'hui, là.

Le Président (M. Dubuc): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, M. le Président. J'aimerais ça, moi, vous entendre... Tantôt, vous nous avez dit que vous étiez d'accord sur un certain coût proportionnel. En fait, la proportion, est-ce que c'est en fonction de la charge polluante? Est-ce que c'est en fonction de la capacité de payer de l'entreprise? Puis d'un autre côté j'aimerais ça savoir aussi si on ne devrait pas s'intéresser aussi davantage au fait que... Lorsqu'il y a un acte volontaire ou involontaire de pollution, est-ce qu'il ne faut pas s'attarder au coût de réparer cette pollution-là? Je ne l'ai pas entendu, mais je vous avoue que j'ai manqué une partie de la séance, alors j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

n(10 h 30)n

M. Caron (Bernard): Bien, je peux répondre en partie. Dans les cas où est-ce qu'on a clairement identifié une infraction, c'est sûr que vous avez toujours les outils législatifs pour poursuivre et donner les avis d'infraction. Donc, on disait tout à l'heure que déjà ce qui est en place devrait être utilisé, devrait être appliqué. Et, pour ce qui est des coûts donc de la facturation, il faut essentiellement que, pour la personne qui pollue... Il doit être mis dans une réflexion où est-ce qu'il doit se poser la question: Moi, est-ce que j'ai avantage à continuer ou pas? Donc, est-ce que c'est un incitatif pour moi que, si j'arrête de polluer, cette facture-là va disparaître? S'il peut répondre oui, il va être très incité à arrêter de polluer. Mais, s'il s'achète un système de dépollution, il l'installe dans son usine, et le ministère vient le voir à la même fréquence et lui charge le temps qu'il est allé le voir et sa facture ne change pas, à ce moment-là ce système d'utilisateur-payeur, appliqué de cette façon, ne devient pas un incitatif. C'est simplement dans cette optique-là.

Mme Lavoie (Louise): Peut-être rajouter que...

Le Président (M. Dubuc): En conclusion, Mme Caron, s'il vous plaît, en conclusion, le temps.

Une voix: Lavoie.

Le Président (M. Dubuc): Mme Lavoie, excusez-moi. Excusez-moi.

Mme Lavoie (Louise): Mais je vais conclure en répondant à monsieur par rapport à la taille de l'entreprise que vous avez parlé. Normalement, ça devrait être proportionnel aussi à ses rejets, puis c'est sûr qu'il faut tenir compte aussi du contaminant. Je pense qu'il y a des contaminants qui sont beaucoup plus dangereux que d'autres, et donc ça, ça doit être tenu en compte. Mais aussi, quand on parle de charge totale rejetée, ça va dépendre de la quantité puis de la concentration. Donc, à ce moment-là, la grosseur de l'entreprise devrait être proportionnelle.

Le Président (M. Dubuc): Merci, Mme Lavoie. Sur le côté de l'opposition, il reste combien de temps, monsieur? Deux minutes de temps disponible.

M. Jutras: Bien, moi, je vais faire une mise au point suite à ce qu'a dit le ministre et la façon que mes propos ont été rapportés dans Le Devoir. J'ai parlé d'ailleurs à M. Francoeur, j'ai fait la mise au point avec lui.

Moi, ce que j'ai dit: Ce qui me fatigue de la part du ministre, c'est qu'il n'est pas capable d'appeler un chat un chat puis qu'il n'est pas capable de dire que son projet de loi, finalement... Il en parle toujours comme étant un projet de loi qui vise le pollueur-payeur, mais en fait c'est un projet de loi d'utilisateur-payeur.

Moi, je ne dis pas que je suis contre ça, l'utilisateur-payeur. Mais, de la façon que c'est formulé à l'article 5, ça, je ne peux pas être d'accord avec ça parce que c'est une porte ouverte à un pouvoir discrétionnaire absolu de la part des fonctionnaires, et ça, ça n'a pas de sens. Il faut que ce soit balisé et ce n'est d'aucune façon balisé. Alors, on ne peut pas laisser aller les choses comme celles-là. Puis il va falloir que le ministre précise ses intentions. Quand il dit: On va arriver avec le règlement par la suite puis on va préciser ça, bien, moi, ce que je lui dis: Faites-le dans la loi présentement, plutôt que d'arriver par la suite avec un règlement qui va être adopté en catimini et qu'on aura vu passer rapidement. Alors, que les balises soient fixées dès maintenant et on va savoir à quoi s'en tenir.

Parce que les bonnes intentions du ministre, quand il nous dit: Ça va aller dans un fonds dédié, je dis: Oui? On va proposer un amendement; on va le créer tout de suite, le fonds dédié. Il ne veut pas le faire. Puis, quand il dit: Après, on va faire un règlement pour baliser les pouvoirs, est-ce que je peux, est-ce que je peux avoir des doutes sur la façon que ça va être géré, cette affaire-là?

Alors, moi, quand on voit un article 5 qui dit que finalement le ministère de l'Environnement pourrait refiler toutes ses factures à tout le monde...

Le Président (M. Dubuc): En conclusion, monsieur...

M. Jutras: ...pollueur ou non-pollueur, moi, j'ai de la misère avec ça.

Le Président (M. Dubuc): La parole pour deux secondes à M. le ministre.

M. Mulcair: Juste, en terminant, remercier les gens de Réseau Environnement pour leur apport très productif, et les échanges vont nous aider à nos équipes pour peaufiner l'approche. Puis, pour les gens qui s'y intéressent, sur le site Web du ministère de l'Environnement, on trouve le document qui explique exactement là où on s'en va. Peut-être, je devrais fournir une copie à mon collègue de Drummond pour qu'il le lise, parce que c'est très clair: on va pouvoir varier en fonction de la nature, la quantité et la localisation des rejets.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le ministre. M. le député de Masson, deux secondes pour...

M. Thériault: Bien, M. le Président, moi, je ne ferai pas un merci extensible et extensif. Je vous remercie de vous être présentés. Vous contribuez à faire en sorte que justement le pouvoir législatif qu'ont les députés, les représentants du peuple, puisse nous mener à une plus grande conciliation dans la protection de l'environnement.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. le député de Masson. Je tiens à remercier le Réseau de l'environnement, puis on va ajourner quelques... Un instant. On va suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Dubuc): Bienvenue aux membres de la Fédération des producteurs de lait. En même temps, si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît, puis vous allez avoir un bloc de 20 minutes aussi pour présenter. Merci.

Fédération des producteurs
de lait du Québec (FPLQ)

M. Rioux (Gilbert): Merci. Mesdames et messieurs, bonjour. Je tiens d'abord à remercier la commission d'avoir invité la Fédération des producteurs de lait du Québec à venir présenter son mémoire portant sur le projet de loi n° 44.

Dans un premier temps, je vais nous présenter: Annie Berger, qui travaille à la fédération et qui est responsable de l'agroenvironnement; et Patrice Dubé, qui est au niveau de la fédération aussi et qui travaille au niveau de l'agroenvironnement, de l'OMC et autres dossiers; et moi-même, qui suis producteur laitier au Bas-Saint-Laurent, à Saint-Simon-de-Rimouski. J'ai environ 65 vaches laitières, 120 têtes, et j'ai passé par toute la gamme, de création de fosses, de PAF, de bilan phosphore, et toute la dynamique de ce que l'Environnement nous demande présentement comme producteurs, et je suis deuxième vice-président de la Fédération des producteurs de lait.

Dans notre présentation d'aujourd'hui, après vous avoir brièvement présenté notre organisation et le contexte dans lequel évolue la production laitière, nous aborderons les investissements en environnement réalisés par les producteurs laitiers, avant de vous soumettre notre vision quant au rôle que devrait assumer l'État en matière d'environnement.

Nous terminerons bien entendu en prenant position face aux dispositions contenues dans le projet de loi n° 44. Pour la deuxième partie de notre présentation, Annie et Patrice vont se partager. Donc, je donne la parole à Annie.

Mme Berger (Annie): Merci. Alors, la Fédération des producteurs de lait du Québec a été fondée en 1983 et a pour mandat de défendre les intérêts économiques et sociaux de ses 15 000 membres, qui sont propriétaires de près de 8 000 entreprises laitières. Notre organisation est affiliée à l'Union des producteurs agricoles, l'UPA, et regroupe 14 syndicats régionaux. Sa principale responsabilité consiste à négocier, au nom des producteurs et productrices laitiers, l'ensemble des conditions de vente du lait, avec les transformateurs, par l'intermédiaire du Plan conjoint des producteurs de lait du Québec.

Évidemment, l'industrie laitière représente un rouage important de l'économie dans l'ensemble des régions du Québec. Son dynamisme repose en partie sur les outils dont se sont dotés les producteurs laitiers au cours des années, soit la mise en marché collective et la gestion de l'offre. Cette mise en marché collective permet à tous les producteurs de recevoir un prix plus équitable, uniforme et stable pour le lait qu'ils mettent en marché. La mise en marché collective et la gestion de l'offre dans le secteur laitier profitent non seulement aux producteurs, mais également aux transformateurs, qui bénéficient d'un approvisionnement garanti, régulier et de qualité. Quant aux consommateurs, ils peuvent se procurer des produits laitiers de qualité à des prix abordables.

n (10 h 40) n

Malgré ce système, la marge de manoeuvre dont bénéficiaient les entreprises laitières s'est rétrécie au cours des dernières années suite à différents facteurs. Par exemple, l'augmentation des dépenses et la hausse des investissements se sont souvent soldées par un endettement plus important de nos entreprises. Il en résulte que le prix obtenu par les producteurs pour le lait vendu ne permet pas à la grande majorité des producteurs de couvrir leurs coûts de production. Les producteurs sont donc bien souvent contraints à accepter une rémunération plus faible pour leur travail pour assurer la continuité de leur entreprise. En fait, quand on prend en considération le nombre d'heures travaillées par le propriétaire et sa famille et qu'on le compare avec les montants réellement prélevés par la famille, ce qu'on pourrait appeler autrement le revenu familial, on en arrive à un salaire moyen d'environ 7 $ l'heure, soit un salaire qui est même inférieur au salaire minimum. On peut également, sous un autre angle, dire que les prélèvements par la famille de 31 000 $ sur les fermes laitières sont bien en deçà du revenu familial moyen du Québec, qui se situe à près de 66 000 $.

Après cette mise en contexte, abordons maintenant les thèmes des investissements en agroenvironnement et du rôle de l'État. En termes d'investissements, il est important de souligner que, malgré un contexte dont nous vous avons fait part, les producteurs laitiers ont investi des sommes importantes ces dernières années afin de se conformer à la réglementation environnementale en vigueur. Quand on additionne le seul coût des fosses, des plans agroenvironnementaux de fertilisation, ce qu'on appelle les PAF, des rampes à lisier, on en arrive à un total de près de 227 millions de dollars qui ont été investis ou auront à être investis à très court terme par les fermes laitières du Québec.

Mais les producteurs n'ont pas seulement investi des sommes importantes, ils ont aussi suivi des formations, ils sont allés chercher des services de conseillers en agroenvironnement et ont continué à améliorer sans cesse leurs pratiques en adoptant des techniques qui permettent, entre autres, une meilleure gestion au niveau des engrais, des fumiers et des herbicides. À ce chapitre, mentionnons que plus de 3 100 entreprises laitières sont membres de clubs-conseils en agroenvironnement et vont ainsi chercher de précieux conseils auprès des conseillers.

Si les producteurs se sont impliqués dans la protection de l'environnement, ils ne sont pas les seuls acteurs importants en ce domaine; l'État se doit également de jouer un rôle de premier plan. En fait, l'État se doit d'avoir selon nous une vision globale de l'environnement dans le secteur agricole. Trop souvent, on observe des contradictions entre les exigences gouvernementales et leurs impacts réels sur l'amélioration de la qualité de l'environnement. Voyons quelques exemples pour illustrer ces propos. Premièrement, je vous dirais que de façon générale la population a un préjugé favorable envers les petites fermes laitières réparties un peu partout sur l'ensemble du territoire québécois. Or, plus on augmente les exigences environnementales, plus on augmente les coûts que doivent défrayer ces entreprises pour se conformer et plus on diminue leur marge de manoeuvre. Alors, en conséquence, ce sont souvent des petites fermes de plus petite taille qui risquent de disparaître finalement, soit exactement le contraire de ce que souhaite l'ensemble de la société.

Deuxièmement, autre exemple. Les producteurs ayant des cours d'exercices pour envoyer les vaches à l'extérieur durant l'été comme ça se fait couramment, devront, selon la réglementation, intercepter et canaliser les eaux provenant des cours d'exercices vers un ouvrage de stockage étanche à compter de 2010. C'est ce qui est prévu dans le Règlement sur les exploitations agricoles.

Alors, avec de telles exigences, bien il y a fort à parier que bon nombre de producteurs choisiront de garder les animaux à l'intérieur plutôt que d'investir dans des installations coûteuses et peu pratiques. La réglementation vient donc en quelque sorte enlever un choix aux producteurs dans la gestion de leurs troupeaux, dans la gestion de leurs entreprises. Pourtant, on peut se poser la question si les bénéfices environnementaux réels obtenus valent vraiment l'investissement exigé dans ce cas-là.

Troisième exemple, les amas de fumier en champ qui seront bientôt interdits. Actuellement, on a un certain nombre de producteurs qui recueillent le fumier à la sortie de l'étable puis qui vont le porter dans le champ à tous les jours. Alors, ils forment des amas, des tas de fumier qu'ils épandront plus tard au cours de la saison de végétation, au cours de l'été. Or, à compter de 2005, ces producteurs devront arrêter cette pratique et construire une fosse à fumier. Pourtant, lorsque bien appliquée, la technique des amas au champ est tout à fait sécuritaire pour l'environnement et évite la construction de fosses en partie subventionnées par l'État. Qui plus est, lorsque les producteurs construisent une fosse, la plupart vont se diriger vers une gestion liquide du fumier plutôt qu'une gestion solide. Or, le fumier solide pourtant présente de nombreux avantages. Il est beaucoup moins problématique au niveau des odeurs, il est plus riche en matières organiques, donc ça favorise une meilleure structure du sol. Donc, encore une fois, le résultat de la réglementation risque d'avoir des effets pervers qui n'étaient pas nécessairement prévus par le ministère de l'Environnement.

Cette interdiction de faire des amas en champ risque également d'affecter bon nombre de producteurs laitiers biologiques qui font actuellement du compostage de fumier au champ, une pratique qui est très utile en production biologique. Donc, l'obligation d'avoir une structure étanche mettra fin à cette pratique qui ne laissera guère d'autres solutions. De plus, en agriculture biologique, les animaux, c'est reconnu, doivent avoir accès à l'extérieur aussi longtemps que possible lorsque les conditions climatiques le permettent. Or, encore une fois, les exigences en matière de cours d'exercice discutées précédemment viennent une fois de plus grandement compliquer les pratiques de ce type d'agriculture. Alors, on peut se demander si c'est vraiment une bonne façon d'encourager la production biologique.

Quatrièmement, les rampes basses d'épandage pour le lisier seront exigées à compter de 2007 dans le secteur laitier. Un des objectifs des rampes basses, c'est de diminuer les odeurs lors de l'épandage. Toutefois, les rampes basses qui sont actuellement disponibles sur le marché sont très peu fonctionnelles pour le lisier du bovin laitier. Par exemple, ce qu'on observe fréquemment, c'est des problèmes d'obstruction des tuyaux parce que le lisier du bovin est très pailleux contrairement, par exemple, au lisier de porc. Alors, ce que ça fait, c'est que, pour pouvoir utiliser ces rampes d'épandage là, il faut brasser la fosse plus longtemps. Donc, ça nécessite plus de temps, de plus gros tracteurs, une consommation plus grande de carburant et donc en quelque part plus de pollution. Les rampes étant également moins larges, elles nécessitent plus de passages dans les champs, d'où une augmentation des risques de compaction et encore une fois une plus grande consommation de carburant, donc plus de pollution, entre autres, au niveau des gaz à effet de serre.

Dernier exemple de contradiction, la valorisation des matières fertilisantes. Alors, il arrive à l'occasion que, pour des raisons vraiment hors de notre contrôle, par exemple une grève ou bien un bris majeur dans une usine, la fédération doive disposer du lait. Selon nous, la meilleurs façon d'en disposer, c'est de l'envoyer dans une fosse à fumier et de l'épandre avec le fumier au cours de l'été. Or, aux yeux du ministère de l'Environnement, le lait est considéré comme une matière résiduelle fertilisante, au même titre par exemple que des boues de papetières ou des boues municipales. Alors, les règles qui s'appliquent alors pour l'entreposage et l'épandage sont tellement contraignantes que cette pratique devient difficilement réalisable. Pourtant, à ce qu'on sache, le lait ne contient aucun contaminant, et les règles s'appliquant au fumier pourraient selon nous fort bien s'appliquer au mélange lait-fumier, rendant ainsi possible la valorisation de ce produit.

Sur ce, je vais céder la parole à M. Patrice Dubé, qui va continuer.

M. Dubé (Patrice): Alors, merci, Annie. Alors, pour poursuivre, les exemples précédents qu'Annie a présentés permettent de mettre en lumière certaines contradictions entre les exigences gouvernementales et les exigences réelles de la société et de l'environnement. Nous sommes convaincus que, lorsque nous analysons tous les impacts de chacune de ces exigences, le résultat global est loin d'être toujours positif pour l'environnement. Nous estimons que l'État se doit d'avoir une approche plus globale dans l'évaluation de risques et des solutions favorisant réellement l'environnement. En plus d'avoir une vision globale, l'État devrait également adopter une approche axée sur l'accompagnement dans notre secteur: un accompagnement individuel par un soutien adéquat aux producteurs bien sûr, mais également un accompagnement au niveau de l'ensemble du secteur pour aider à trouver des solutions à des problèmes particuliers.

Les amas de fumier au champ illustrent bien cette problématique. Nous avons investi, en tant que fédération, beaucoup de temps et d'argent dans la réalisation d'une étude permettant de mesurer et de caractériser les écoulements provenant des amas en champ. Des expert du MAPAQ, du ministère de l'Environnement, de l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement ont siégé sur un comité aviseur afin de bien superviser cette étude et proposer des recommandations suite aux résultats obtenus. Or, au terme du processus, le ministère de l'Environnement n'accepte pas les recommandations qui émanent des experts et qui permettraient de rendre cette pratique plus sécuritaire, pas plus qu'il ne propose lui-même de solution. On est, ici, bien loin du rôle d'accompagnement que nous souhaiterions voir jouer par l'État.

Mentionnons toutefois qu'au cours des dernières semaines un comité multipartite composé, entre autres, de représentants du ministère de l'Environnement et de l'UPA a été formé sur ce sujet. Nous espérons que ce comité pourra apporter un nouvel éclairage sur la pratique des amas en champ et qu'il proposera dans un cours délai des solutions qui sauront protéger adéquatement l'environnement, tout en tenant compte de la réalité agricole.

Penchons-nous maintenant sur le projet de loi  n° 44. Les changements qui sont proposés permettraient principalement au gouvernement de déterminer les frais exigibles de celui qui est titulaire d'une autorisation, d'une approbation, d'un certificat, d'un permis, d'une attestation ou d'une permission et destinés à couvrir les coûts engendrés par des mesures de contrôle et de surveillance. Ces frais pourraient varier en fonction de la nature des activités du titulaire, des caractéristiques de son installation ou encore du nombre d'infractions à une disposition de la présente loi. Alors ça, c'est le fameux article 5 que vous connaissez bien.

n (10 h 50) n

Disons en premier lieu que nous sommes contre le projet de loi n° 44. Les pouvoirs qui seraient dévolus au ministère de l'Environnement constituent pour nous un changement au niveau de l'orientation de ce ministère. En effet, jusqu'à maintenant, des visites faites par les inspecteurs du ministère de l'Environnement sur les fermes devaient être des visites d'accompagnement ayant comme objectif de renseigner, d'éduquer et d'assurer une mise en conformité en respectant des délais raisonnables. Toutefois, avec les changements proposés, l'approche risque d'être totalement différente et suscite chez nos membres de vives inquiétudes.

Notre opposition s'explique plus spécifiquement par les raisons suivantes. Premièrement, avant d'appliquer des mesures coercitives qui se traduiraient, selon l'esprit de la loi, par des frais permettant de couvrir les coûts engendrés par les mesures de contrôle et de surveillance, il faudrait d'abord s'assurer que les producteurs ont reçu un accompagnement adéquat, autant au niveau technique que financier, afin de les aider à se conformer. Or, les sommes versées au monde agricole nous semblent bien minces en comparaison des obligations que doivent remplir les producteurs.

Deuxièmement, il existe actuellement un manque d'uniformité entre les différentes directions régionales du ministère de l'Environnement. En effet, l'application des lois et règlements dans notre secteur de même que les exigences demandées pour un même type de projet varient d'une région à l'autre. Vous comprendrez qu'on peut difficilement imaginer un traitement équitable dans l'application des dispositions contenues dans le projet de loi n° 44 entre les producteurs et productrices des différentes régions.

Troisièmement, les producteurs laitiers n'ont pas à absorber les coûts d'un service qui doit être assumé par l'État. En effet, le libellé du projet de loi permet de charger les frais pour des inspections faites sur les fermes, et ce, même dans le cadre d'une inspection régulière du ministère de l'Environnement où l'entreprise serait en tous points conforme. Imposer de tels frais dans notre secteur nous semble abusif. La protection de l'environnement profite à l'ensemble de la société et il n'est pas normal que les producteurs en assument seuls les coûts.

Quatrièmement, les frais exigés pourraient varier en fonction du nombre d'infractions, de la nature ou encore de la gravité de l'infraction. Qui jugera de la gravité d'une infraction et des frais que l'on doive appliquer? Est-ce qu'on aura la même interprétation d'une région à l'autre, d'un inspecteur à l'autre? Ces dispositions du projet de loi ouvrent la porte à beaucoup d'interprétations et nous craignons qu'il y ait des différences entre les frais exigés selon la personne qui fait l'inspection et qu'en fin de compte ce système soit inéquitable.

Cinquièmement, avec une tarification pour des mesures de contrôle ou de surveillance, toutes les entreprises, peu importe leur taille, risquent d'être soumises à un tarif identique. On avantage ainsi les entreprises de plus grande taille pour qui la dépense relative est beaucoup plus faible. C'est donc un autre exemple de politique qui risque d'encourager la concentration des fermes.

Alors, je retourne la parole à M. Rioux.

M. Rioux (Gilbert): Finalement, dans un contexte où les producteurs laitiers ne réussissent pas à obtenir un prix de lait couvrant l'ensemble de leurs coûts de production ? et c'est même reconnu par la Commission canadienne du lait ? les modifications proposées ne viennent qu'imposer un fardeau supplémentaire aux producteurs. De plus, nos fermes laitières doivent déjà supporter des coûts environnementaux nettement supérieurs aux entreprises des autres provinces et des autres pays. Comment peut-on dans ce contexte demander, d'un côté, à nos entreprises d'être compétitives et, de l'autre côté, leur imposer des frais environnementaux toujours plus importants?

En conclusion, nos fermes laitières ont fait beaucoup d'efforts pour se conformer à la réglementation agroenvironnementale des dernières années. Pourtant, elles n'ont pas toujours reçu l'appui souhaité de la part de l'État. Elles ont vu les exigences augmenter sans cesse et ont dû supporter un fardeau financier de plus en plus lourd, suite aux investissements qu'elles ont dû faire pour se conformer. Et pourtant ces exigences réglementaires comportent leur lot de contradictions, en plus de faire l'objet d'une évaluation incomplète quant à leurs impacts globaux sur l'environnement et sur notre secteur.

En terminant, les dispositions prévues au projet de loi n° 44 n'offriront rien pour améliorer la qualité de l'environnement dans le secteur agricole, mais auront pour conséquence de faire payer aux producteurs un service qui devrait être assumé par l'ensemble de la société. Nous sommes donc contre les modifications proposées, puisqu'elles s'inscrivent dans une approche coercitive, alors que le gouvernement devrait privilégier, du moins dans notre secteur, une démarche d'accompagnement qui serait selon nous la seule avenue à favoriser pour protéger l'environnement d'une manière durable. Merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Dubuc): Merci, M. Rioux. M. le ministre.

M. Mulcair: Bien, dans un premier temps, permettez-moi, M. le Président, de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des producteurs de lait du Québec, Mme Berger, M. Dubé et M. Giroux.

Les premiers mots que je vais vous dire risquent de vous soulager beaucoup parce que, si vous regardez la rédaction du document qui explique un peu là où on s'en va, si vous regardez la nomenclature et l'énumération qui y est prévue, vous constaterez ? et, je soupçonne, avec soulagement ? qu'il n'y est aucunement mention d'une ferme individuelle là-dedans, parce que ce n'est pas ça qui est visé.

C'est évident pour nous que la démarche doit continuer, au sein du ministère, on a une centaine de nouveaux inspecteurs puis on doit continuer à travailler. Mais je me permets aussi, tout en vous donnant ces propos-là puis en vous invitant de regarder attentivement le document pour confirmer ce que je viens de vous dire, que l'accompagnement a ses limites, et, autant je suis prêt à travailler avec vous dans le dossier des amas au champ, qui est un peu en dehors de 44, mais, puisque vous l'avez amené, ça me fait plaisir de vous confirmer à vous la même chose que j'ai dite hier lorsque j'étais en rencontre avec les producteurs de volaille, même chose que j'ai eu l'occasion de dire très récemment lorsque j'ai revu M. Pellerin, le président de l'UPA: On est prêts à travailler sur le dossier pour trouver quelque chose qui a de l'allure.

Mais il y a des déclarations dans votre document qui disent des choses qui à mon sens vont trop loin: «Or, en enlevant la possibilité de faire des amas aux champs, on se prive d'une technique qui, lorsque bien appliquée, est tout à fait sécuritaire pour l'environnement.» Je ne pense pas qu'on peut faire une déclaration aussi large que ça pour les amas aux champs. Il y a des limites puis il y a une forte tendance de vouloir nous dire qu'un guide de bonnes pratiques va pouvoir tout régler. Si vous êtes capables de mettre un peu d'eau dans votre vin ? ou dans votre lait, en l'occurrence ? et de comprendre que, nous, on a une obligation péremptoire de protéger l'environnement... Puis on n'arrive pas à des situations, au Québec, comme la baie Missisquoi pour rien. On arrive là parce que les lois environnementales n'ont pas été appliquées, et pas par un gouvernement ou deux, pendant des décennies, ça. Puis la baie Missisquoi est le meilleur exemple.

Il y a des obligations qui existent. Mais j'ai besoin d'accompagner pendant combien de temps un producteur qui est rendu avec du maïs qui est planté tellement proche du cours d'eau que les dernières sont rendues à 45 degrés parce que ça suit jusque dans le cours d'eau, alors qu'on doit prévoir une borne protectrice, une borne riveraine? Alors, moi, je veux bien accompagner, mais, à un moment donné, là... tenir la main, à un moment donné quelqu'un qui ne comprend pas qu'il ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre tout le temps en disant: Bien, laisse-moi mon amas au champ, mais je ne te donnerai pas une bande protectrice, moi, je ne peux pas dealer comme ça. Je ne peux pas travailler dans le but de la protection de l'environnement et essayer de vous écouter en même temps sur les amas aux champs si je n'ai rien qui me permet d'assurer correctement la sécurité de l'environnement. Les mêmes fertilisants ? peu importe leur source ? qui nous donnent nos récoltes font aussi pousser des cyanobactéries lorsque portés à leur excès, et c'est l'exemple qu'on a eu dans la baie Missisquoi. Mais la baie Missisquoi n'est pas le seul exemple au Québec, on a beaucoup de cours d'eau qui peuvent revenir si on respecte les règles de base.

Alors, si vous êtes d'accord avec moi, on va travailler ensemble sur la question des amas aux champs pour faire quelque chose qui est réellement correct pour l'environnement. Mais la déclaration que vous faites ici, comme ça, que c'est une technique qui est tout à fait sécuritaire pour l'environnement, ça ne supporte pas l'analyse. Mais, si vous voulez m'aider à vous aider, il faut que vous me donniez quelque chose. Parce que l'accompagnement ne peut pas suffire, il va falloir qu'à un moment donné les gens comprennent que ce n'est plus une blague, de dire que la production doit s'arrêter pour laisser une bande pour protéger les cours d'eau. Si on a cette bande protectrice là, on peut déjà aller chercher la vaste majorité des fertilisants qui se ramassent dans les cours d'eau et ainsi protéger l'environnement. Est-ce que vous êtes prêts, vous, à faire votre part là-dedans avec nous? Moi, je suis prêt à travailler avec vous, en tout cas.

M. Rioux (Gilbert): Nous, les amas aux champs ? en tout cas, pour en parler comme ça ? on a des études qui ont même été faites et qui ont été déposées au ministère, à des gens de votre ministère, et, quand on fait correctement... moi, je vais appeler ça le «setup», là, au niveau des amas aux champs, qu'on n'en met pas sur du sable, qu'on le met sur de l'argile, il y a pratiquement... les pertes dans l'environnement sont à peu près la même quantité de fertilisants que tu utilises dans la même année et c'est seulement à ce niveau-là, et donc, automatiquement, quand elle est faite comme il faut, la pratique des amas aux champs... En tout cas, on a des choses... Je sais qu'on va échanger là-dessus avec vous prochainement puis au niveau de l'UPA et du ministère de l'Agriculture.

n (11 heures) n

D'abord, là, pour parler des bandes riveraines, je ne sais pas, moi, la région de Montréal, je la connais moins, mais, ma région à moi, en tout cas autour de chez moi, on essaie en tout cas de la protéger le plus et on essaie de faire des choses correctes, parce que toutes les pertes de fertilisants qu'on fait dans les cours d'eau, c'est des pertes pour nos cultures et c'est des pertes qu'il faut que tu compenses par de la fertilisation. Je parle pour moi, là, quand je vous parle comme je parle là. Je ne sais pas si, Patrice, au niveau des amas aux champs, tu veux rajouter?

M. Dubé (Patrice): Peut-être pas nécessairement au niveau des amas en champ, mais peut-être une petite parenthèse pour dire qu'on a fait une étude sérieuse, scientifique, où des gens de votre ministère participaient également à un comité aviseur, et on est arrivés avec des recommandations qui à notre sens sont très rigoureuses et qui feraient en sorte que les risques associés aux amas en champ sont pratiquement nuls.

Alors, c'est sûr qu'on ne peut pas avoir le risque absolu, c'est impossible, mais c'est une démarche qui est à l'extérieur du guide, là, parce que vous parliez du guide. Le guide, lui, ça vise, à l'heure actuelle, l'industrie bovine. Alors, dans le secteur laitier, on avait fait une démarche séparée où on a les recommandations et une étude qui appuient le fait qu'on puisse dire, dans notre mémoire, que cette technique-là, bien encadrée, est sécuritaire.

Moi, je voudrais juste revenir brièvement sur la question d'accompagnement. Dans le fond, on dit: L'accompagnement a une limite. Il faut aussi dire qu'il faudrait donner une chance à l'accompagnement, parce que présentement le problème, c'est qu'il y a beaucoup d'argent à investir. Les exigences réglementaires sont très sévères, on l'a dit, vous allez le voir dans le mémoire de l'UPA également. Le secteur laitier au Québec, c'est un des secteurs qui fait le plus en environnement au Canada en termes d'investissement, et, dans une situation de crise de revenus, là, il faut quand même mettre ça en parallèle. Donc, en quelque part il faut aussi... il faut... L'accompagnement, on dit: Il y a une limite à ça, mais il faut lui donner une chance, et cette chance-là, je pense, lorsqu'on verra... Quand est-ce qu'on va pouvoir se questionner sur peut-être d'autres façons de faire comme la question de pollueur-payeur ou l'utilisateur-payeur?

Chez nous, dans notre secteur... On ne peut pas parler pour les autres industries, mais dans notre secteur ça prend une mise à niveau, je veux dire. Présentement, les producteurs ont de la misère à se mettre à niveau face aux exigences réglementaires parce qu'ils n'ont pas les argents pour tous ces investissements-là. Donc, c'est un peu, je dirais, un peu trop rapide de commencer à parler de ces choses-là dans notre secteur alors qu'il y a un travail colossal.

Puis on le fait, le travail, là, il est fait à la vitesse qu'on peut le faire. Et vous le voyez par les investissements qui sont faits dans les fosses. Il n'y a pratiquement plus de fermes laitières qui n'ont pas de fosses à fumier. Il y a 3 000... près de la moitié de nos fermes laitières qui sont dans des clubs agroenvironnementaux. Alors, écoutez, là, il y a des efforts ? je pense qu'on n'a pas à se gêner de les souligner ? qui sont très avantageux quand on regarde par rapport à d'autres provinces ou d'autres endroits dans le monde, là, qu'on va visiter régulièrement, où on voit qu'ici on a quand même une longueur d'avance à ce niveau-là.

Le Président (M. Dubuc): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Dites-moi si je me trompe, mais est-ce que je vous interprète bien donc que vous êtes en train de me dire que la vaste majorité de vos membres respectent les lois environnementales? C'est ça que vous me dites?

M. Dubé (Patrice): La vaste majorité de nos membres essaient de respecter les exigences réglementaires et environnementales. Je pense que la majorité des fermes, au Québec, sont conformes, et ils ont un modèle environnemental également respectueux, là. Parce qu'à la base il faut regarder à quels problèmes on s'attaque au départ. Au départ, les fermes laitières, c'est des fermes qui font de la rotation de cultures, c'est des fermes qui ont des superficies suffisantes pour gérer leurs fumiers, c'est des fermes également qui ont des cultures qui sont peut-être moins dommageables, là, au niveau de l'environnement au départ. Alors, tout ça ensemble, là, fait en sorte que déjà le risque environnemental, sur une ferme, au départ, est déjà très faible.

M. Mulcair: Alors, vous dites...

M. Rioux (Gilbert): Je peux rajouter?

M. Mulcair: Oui, allez-y.

M. Rioux (Gilbert): Je peux rajouter? Tout simplement pour vous répondre: Les producteurs de lait respectent les règlements au niveau de l'environnemental. Sauf que présentement, avec, exemple, les rampes qu'on va se faire frapper, 2010 aussi, toutes les nouvelles... il y a des choses qui vont nous toucher. Mais présentement nos producteurs, dans la majorité, respectent.

M. Mulcair: Alors, je pense que vous avez complètement raison que la majorité respecte et ? vous venez de le dire tous les deux ? qu'il y a un coût associé à ça.

Partant, est-ce qu'on n'est pas d'accord aussi que, puisque quelqu'un qui est en concurrence dans un marché, hein, c'est celui qui est le plus efficace qui rapporte le plus... Est-ce que la personne qui a dépensé cet argent pour respecter les lois environnementales... Est-ce que donc la majorité de vos membres n'ont pas un intérêt à ce que le ministère de l'Environnement sévisse à l'égard de ceux qui ne respectent pas les lois environnementales? Parce que, regardez-le comme ça, la personne qui ne respecte pas les lois environnementales n'a donc pas ce coût-là à supporter, est donc en train de se donner un avantage concurrentiel vis-à-vis de celui qui respecte l'environnement.

Alors, loin de défendre les gens qui ne respectent pas, vous devriez me donner leur numéro de chandail. Si on veut être plus justes, il faut que la loi soit appliquée également à tout le monde. Vous n'êtes pas d'accord?

M. Rioux (Gilbert): La loi doit être appliquée à tout le monde, mais je peux vous dire que vos inspecteurs s'occupent très bien de la chose pour déterminer ceux qui ont une problématique sur leur ferme.

M. Dubé (Patrice): Oui. Puis, peut-être, pour rajouter un petit peu là-dessus aussi, si je peux me permettre, c'est que présentement, dans l'écriture, là, il faut regarder le contexte également, là: on a l'écoconditionnalité qui va être en place, là, où il y a des discussions là-dessus pour la mise en place, ce qui fait en sorte qu'il y a un lien entre les argents de soutien du revenu par rapport au respect des règles environnementales. Nous autres, dans le secteur laitier, ça nous touche un peu moins parce qu'on n'a pas de subvention directe pour la production laitière. Alors, en quelque part c'est un débat qui me touche moins mais quand même qu'on suit de près.

Il y a également des inspections plus marquées qui ont été faites au niveau des fermes, ou en tout cas c'était l'intention du dernier changement réglementaire. Donc, en quelque part, là, chez nous, la surveillance puis le contrôle, ça se fait, là.

Le gain marginal qu'on va aller chercher en implantant un principe comme pollueur-payeur ou utilisateur-payeur à ce stade-ci par rapport à ce qui se fait déjà, ce gain marginal là est très faible par rapport aux coûts que ça va engendrer. Même si ce n'est pas sur la liste qu'on voit dans le document de travail comme tel, on voit quand même, dans le document de travail, des clientèles qui sont ciblées, par exemple, comme les équarrisseurs. Équarrisseur, au Québec, c'est un marché très concentré pour ne pas dire quasi monopolistique, là. Donc, il ne faut pas se faire d'idée.

Si on va imposer des frais à des équarrisseurs par exemple, parce qu'on considère que c'est une clientèle à cibler ? puis peut-être que c'est justifié d'un point de vue environnemental, je ne fais pas ce débat-là ? il faut être conscient que les coûts qu'on va charger à ces entreprises-là, dans un contexte comme ça où il y a quand même un pouvoir de marché dominant, c'est les producteurs agricoles qui vont le payer, ce n'est pas l'industrie. Alors, c'est ça qu'il faut regarder.

Dans le fond, ce qu'on reproche un peu, c'est de dire: Il faut regarder le contexte global des choses et non seulement de regarder le contexte environnemental qui peut être justifié, mais il faut regarder à quoi ça se rattache et est-ce que c'est justifié dans un tel contexte d'imposer un concept comme celui de pollueur-payeur ou d'utilisateur-payeur, là.

Le Président (M. Brodeur): Bonjour, M. le ministre. M. le député d'Iberville.

M. Rioux (Iberville): Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue. Donc, je me sens ce matin interpellé, étant député du comté d'Iberville et où se retrouve la baie Missisquoi mais aussi comme adjoint parlementaire à l'Agriculture. Il est évident que la baie Missisquoi est un cas qui est prioritaire au Québec, et le ministre en a fait une priorité. Ses nombreuses présences dans le comté, dont la semaine dernière... C'est un problème social, la baie Missisquoi. Il faut être clair, là, que ce n'est pas... Je veux que ce soit clair, là, il y a un problème, oui, d'agriculture, mais il y a aussi un problème au niveau de... que ce soient les industries, que ce soit le résidentiel. Donc, tous ces gens-là doivent être concertés, et c'est ce qui est en train d'être fait présentement.

De l'autre côté, je vais prendre plus mon... Et, là-dessus, en tout cas je tiens aussi à souligner le travail remarquable qui est fait par le ministère de l'Agriculture et par le ministre. Les gens se sentent bien appuyés dans ma région et on sent que les résultats... Il y a une vision qui est claire, qui est l'année 2008. Même, il y a une collaboration qui se fait aussi avec l'État du Vermont qui avait, eux, comme priorité 2016 et qui ont ramené leur objectif de redonner la baie Missisquoi aux citoyens dans des conditions acceptables pour 2008.

De l'autre côté, je suis bien conscient... Vous avez parlé de la crise des revenus dans le milieu agricole. C'est un comté rural, le comté d'Iberville, et on en est conscient. J'ai fait mon porte-à-porte, et ce que vous me dites pour des entreprises avec les équités qu'ils ont et les revenus que vous avez, il y a une équation qui n'est pas normale.

De l'autre côté, l'ensemble des producteurs sont bien conscientisés et veulent s'adapter aux règles environnementales. Ça, je l'entends et c'est très clair, et ça, ça fait partie de la sécurité alimentaire. S'il n'y a pas cette reconnaissance-là, il est évident que l'on ne verra pas... vous allez perdre une crédibilité, elle existe.

n (11 h 10) n

Sauf qu'il y a un coût. Et ce qu'il faut reconnaître, c'est qu'évidemment ça a été une décision qui a été prise à l'ensemble de la société, d'augmenter la production à l'ensemble du Québec. Et incidemment il y a des conséquences que ça amène au niveau environnemental, et il faut, je pense, le régler au niveau de l'ensemble aussi de l'État. Comme ex-maire, on a eu énormément de subventions pour les mesures d'assainissement, au niveau du résidentiel et l'industriel, qui allaient jusqu'à 95 %. Donc, je pense qu'on doit vous accompagner aussi dans ces démarches-là.

Vous nous parlez de délais et d'accompagnement. Pour vous autres, est-ce que vous en avez, des mesures, que vous pouvez nous donner, qui seraient d'accompagnement et aussi des délais qui vous sembleraient raisonnables? Parce que je pense que vous avez manifesté clairement, puis on l'entend sur le terrain, que vous voulez respectez les lois environnementales, là, c'est très clair. Mais ça pourrait être quoi pour vous faciliter la tâche et qu'on le reconnaisse, que c'est un enjeu qui est social?

M. Rioux (Gilbert): La baie de Missisquoi, dans un premier temps, je ne la connais pas tellement. Je comprends qu'il y a une problématique qui peut venir des États-Unis, puis en partie je peux comprendre.

Au niveau de l'ESB... je veux dire, au niveau des revenus des producteurs, toute la crise de l'ESB, on n'en a pas parlé tout à l'heure, mais ça nous affecte encore. C'est toujours... La problématique qu'on a, c'est toujours la compétition, qui nous compétitionne dans les produits qu'on fait, et ces gens-là n'ont pas nécessairement les coûts qu'on a. C'est là que devient la problématique.

Tout à l'heure, vous avez parlé de subventions au niveau de 90 %, 92 %. Nous, les producteurs, quand... si on ne parle pas de... il y a quelques petites subventions, mais, quand on parle des biens, je veux dire, des dépenses acceptables, bien, qui sont acceptées ? parce que tu as des dépenses qui ne sont pas acceptées ? le niveau de subventionnement se situe autour de 50 %, 52 %. Quand on fait des... moi, j'appelle ça des fosses ou encore des rampes, tu peux mettre à peu près 7 000 $.

Les délais pour les rampes... C'est parce que présentement, pour le fumier pailleux de fermes laitières, il y a des machines qui existent, qu'on peut dire qui existent, mais c'est avec un broyeur hydraulique qui est sur l'étendeur, ça utilise un 40 à 50 forces de moteur de plus pour étendre ce fumier-là. Ça fait que le gain environnemental au niveau de l'odeur, qu'est-ce qu'il est? Je suis d'accord que ça va sentir un peu moins. Mais présentement ? comment je pourrais dire ça ? les techniques qui existent ne répondent pas en fin de compte à l'objectif qui est d'avoir un gain environnemental au niveau de l'odeur.

La question des amas. Bien, nous pensons tout simplement que, si cette pratique-là, on est capables de l'encadrer et de faire un bon «setup», comme je disais tout à l'heure, je pense que, pour les producteurs, c'est une bonne méthode qui pourrait continuer à être utilisée dans le futur.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Rioux. M. le ministre.

M. Mulcair: Peut-être brièvement, juste pour vous donner une information pour tous les gens qui peuvent nous écouter: Au cours de la dernière année, il y a eu 12 500 visites de faites sur environ 25 000 fermes en production, et il n'y a pas d'amende, là, on est au stade de la première visite. Ce sont effectivement des visites de sensibilisation, d'information. On explique qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas. Mais, comme je le disais tantôt, éventuellement il faut arriver à appliquer la loi, et c'est effectivement le but qui va être visé, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Je suis prêt maintenant à reconnaître M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Mme Berger, vous avez commencé votre intervention comme j'ai commencé, j'ai ouvert la commission ce matin. Je pense que vous avez fait la démonstration que la fédération a une conscience verte, une préoccupation et veut contribuer à la protection de l'environnement, mais en même temps vous avez dénoncé des effets pervers. Et, moi, je disais: On a une conscience verte, on est vert, mais l'article 5, tel que libellé, est pervers. Et en quelque part, à vous écouter, je me disais: En matière de protection de l'environnement, en ce qui concerne les producteurs de lait, là, et tout le milieu de l'agriculture, on ne réinvente pas la roue, là, ce matin, là. Il y a déjà des mesures qui doivent être rencontrées, et c'est pour ça que, si je vous comprends bien, vous insistez autant sur l'accompagnement. Et je comprends vos inquiétudes concernant le fait que, si demain matin on débarquait... Admettons qu'on adopte le projet de loi, là, tel qu'il est libellé ? l'article 5 ? et qu'on débarque dans les fermes du Québec, en fonction de l'application des échéanciers que vous devez rencontrer, il est clair qu'à un moment donné il y a plusieurs utilisateurs qui vont être payeurs. Et il y a même plusieurs utilisateurs-payeurs qui vont devenir des pollueurs-payeurs, et c'est un peu ce dont vous voulez nous faire prendre conscience aujourd'hui.

Il y avait des ententes, il y a des ententes qui sont mises en place. Il y a une philosophie de l'accompagnement qui a été convenue, et vous nous dites: Bien, qu'arrive-t-il avec cette philosophie de l'accompagnement et qu'arrive-t-il surtout avec les gestes concrets d'accompagnement? Et, en ce sens-là, le Parti libéral avait promis 239 millions sur cinq ans. Il reste trois ans puis il manque encore 196 millions. Je parle, là, de Prime-Vert, le programme financier du MAPAQ pour aider les producteurs à se conformer aux normes environnementales, là.

Donc, je comprends bien que c'est de ça dont vous parlez quand vous parlez, entre autres, d'accompagnement et c'est de ça que vous parlez quand vous dites: Il faut nous donner le temps puis il faut nous permettre de nous conformer avant d'imposer finalement une approche qui serait davantage coercitive puis avant qu'on soit déportés dans la catégorie des pollueurs-payeurs. Est-ce que je comprends bien votre message?

M. Dubé (Patrice): Peut-être au niveau... Moi, je pense que oui, là, c'est dans ces grandes lignes là. Il faudrait dire que l'accompagnement qu'on souhaite, ce n'est pas rien qu'un accompagnement financier, il y a de ça, parce que c'est clair et certain... Monsieur parlait tout à l'heure des délais, puis, si, demain matin, on subventionne à 100 % tout ce qu'on a de besoin pour rencontrer l'ensemble des exigences réglementaires ou l'ensemble des exigences environnementales que la société souhaite, à ce moment-là les producteurs laitiers ne s'opposeront pas à ça, c'est évident.

Le problème, c'est que, l'accompagnement, il faut qu'il soit financier mais également technique. Il faut qu'il soit également au niveau des fonctionnaires. Lorsqu'on fait des recherches, par exemple, bien, en quelque part, que ces résultats de recherches là soient bien transmis aux autorités du ministère de l'Environnement et à ceux qui gravitent autour de ces dossiers-là pour que dans le fond ce qu'on fait qu'on le sache et que ça permette de faire évoluer la réflexion, parce que, vous savez, l'environnement, c'est très, très subjectif.

Et l'autre élément aussi qu'il faudrait dire, c'est que dans le fond les producteurs laitiers, il faut être conscient, puis les producteurs agricoles de manière générale, c'est des coûts importants, des coûts environnementaux, mais ce n'est pas des coûts qu'on récupère dans le prix des denrées qu'on vend. Le lait ne se vend pas plus cher, demain matin, parce qu'on a investi dans une fosse à la ferme. Alors, il faut être conscient de ça également, là, on ne va pas... Ce n'est pas quelque chose qui va nous donner une prime, là, sur le marché. Alors, en quelque part, c'est un coût qui ne génère pas de revenus, et donc on le fait et les producteurs le font, parce que je pense qu'ils ont une conscience environnementale. Ils sont conscients aussi que, au niveau de la société, c'est important, et ils le font parce je pense que c'est une question d'intérêt public. Mais en quelque part il faut aussi que l'État les accompagne ? et là c'est là que j'en finis avec la question que vous avez posée ? les accompagne, tant au point de vue financier que technique.

Le Président (M. Brodeur): Merci.

M. Thériault: Mais j'allais rajouter: Comparativement à d'autres entreprises qui pourraient finalement refiler la facture, le prix du lait est contrôlé. Vous vous dites contre le projet de loi n° 44, mais je ne peux pas, à vous entendre, croire que vous êtes contre le principe du pollueur-payeur et... Vous n'êtes pas contre ce principe-là. Je me trompe?

M. Dubé (Patrice): Je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu, là...

M. Thériault: D'accord.

M. Dubé (Patrice): ...sauf que, nous, ce qu'on pense, c'est au mauvais temps. Ce n'est pas une bonne période pour nous d'imposer une pratique comme ça alors qu'il y a une mise à niveau à faire.

M. Thériault: Vous ne voulez pas devenir des pollueurs-payeurs, et ce que vous nous dites, c'est, compte tenu des circonstances, là, si le projet de loi n° 44 s'appliquait rapidement et qu'on ne tenait pas compte des circonstances dans lesquelles vous oeuvrez, on aurait plus de pollueurs-payeurs en matière de production laitière. C'est ça que je dois comprendre?

n (11 h 20) n

M. Dubé (Patrice): Bien, pas nécessairement. Ce qu'on dit dans le fond: Ça dépend toujours de comment... Premièrement, la question, elle suppose plusieurs choses. Comment on définit pollueur, la pollution? C'est quoi qu'on a à respecter? Bon. Il y a un paquet d'affaires derrière ça, là.

Mais supposons, aujourd'hui... Je pense, écoutez, le meilleur exemple qu'on peut donner sur les fermes laitières pour répéter qu'elles respectent l'environnement, c'est que les fermes laitières, c'est des fermes qui sont centenaires. Donc, souvent c'est plusieurs générations. Donc, comment voulez-vous que ces fermes-là continuent à produire si elles ne s'occupent pas de l'environnement? C'est intrinsèque au modèle agricole dans le secteur laitier.

Alors, en quelque part, moi, je pense que, un jour, à un moment donné, dans notre industrie, on pourra faire le débat si un concept comme ça peut nous habiller. Puis, si on cible particulièrement les récidivistes puis si on définit bien c'est quoi, la pollution, on y arrivera peut-être un jour. Mais là, à ce moment-ci, on n'est pas là. Ce n'est pas parce qu'on est pollueur aujourd'hui, c'est parce qu'il y a une mise à niveau à faire. Et, moi, je vous dis: Si vous vous promenez un peu à travers le monde, là, les producteurs laitiers, au Québec, ce n'est pas des pollueurs, là. Vous irez ailleurs, vous allez voir que la pollution ça prend une tout autre forme.

Alors, en quelque part, moi, ce n'est pas cet aspect-là qui m'inquiète, c'est le fait qu'on a une mise à niveau à faire, et c'est là-dessus qu'on devrait mettre les emphases avant de commencer à exiger des frais supplémentaires qui pourraient être soit directement perçus par le secteur agricole ou indirectement si on vise des gens des industries qui gravitent autour.

M. Thériault: Donc, vous n'êtes pas contre le principe pollueur-payeur, vous voulez profiter des mises à niveau. Mais, si je vous comprends bien, vous seriez contre l'article 5, tel que libellé présentement, qui vise les utilisateurs-payeurs, contre l'utilisateur-payeur si ce n'était pas balisé, et, dans votre cas, il faudrait que ce soit particulièrement balisé. C'est ça que je dois comprendre?

M. Rioux (Gilbert): C'est toute la question du risque d'abus. Moi, chez nous ? je vais donner mon exemple ? je m'entends assez bien avec mes voisins. On ne fait pas exprès pour étendre du fumier au ras du village le samedi soir puis le dimanche... ou le dimanche, tu sais; je n'ai pas trop de problèmes. Mais, dans d'autres régions, j'ai des producteurs que, la minute qu'ils partent avec la citerne, il y a des téléphones qui se font, puis venir mesurer où est-ce que le fumier est tombé, à 10 mètres ou 15 mètres ou... tu sais? En tout cas, c'est le risque d'abus qui nous inquiète.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Merci, M. le Président. Ma question va s'adresser à M. Patrice Dubé, qui est directeur adjoint, Recherche économique. Tout à l'heure, vous avez entendu comme moi que le ministre a mentionné qu'il y avait eu 12 500 visites de la part du ministère de l'Environnement sur les 25 000 fermes laitières du Québec, et vous l'avez également entendu mentionner qu'au niveau de la réglementation l'industrie laitière ne serait pas abordée par le projet de loi que nous étudierons article par article bientôt. Toutefois, vous l'avez également mentionné et vous l'avez également entendu dire, qu'on a fait 12 500 visites, mais il va falloir qu'on procède, à un moment donné. Donc, ça veut dire qu'au niveau réglementaire vous savez que c'est un projet de loi dans le fond qui donne un pouvoir réglementaire au ministre, et c'est par règlement qu'on va procéder et non pas par texte de loi, dans le fond.

Ma question est la suivante. C'est que je vous ai écouté religieusement et vous avez mentionné qu'il y a des efforts marqués au niveau agricole. Vous avez des dates limites à respecter. Ces dates limites exigent de la part des producteurs laitiers des investissements massifs pour procéder à des corrections, à des correctifs. Ma question, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, s'adresse au recherchiste ou à l'économiste: Sur les 25 000 fermes laitières, on sait que Québec a un patrimoine assez important et ce sont habituellement des petites fermes qui sillonnent le Québec, mais il y a aussi des grosses fermes, et vous nous avez mentionné que le fardeau actuel est beaucoup plus imposant sur les petites fermes laitières que sur les grosses fermes laitières.

Est-ce que vous vous êtes penché sur le fait que, si on avait une application de cette loi n° 44, quel pourrait être, par exemple, le désastre en termes de pertes, ou de fermetures, ou de ventes de fermes laitières, de petites fermes laitières par rapport aux 25 000? Est-ce que ça pourrait représenter un 5 %, un 10 %, un 15 %? Est-ce que vous vous êtes attardé à cette dimension-là, la dimension économique? Parce qu'on sait qu'actuellement on vit davantage une érosion au niveau de la ruralité, on voit des rangs complets qui se ferment, dans le fond, et ça, ça m'inquiète.

M. Dubé (Patrice): Bien, la réponse à votre question, c'est non, on n'a pas étudié ces questions-là. Mais qu'est-ce qu'on peut dire c'est: Quand on impose des frais fixes ou des coûts environnementaux qui, comme je vous le disais, ne sont pas récupérés dans le prix du lait qu'on vend ? dans le fond on ne le vend pas plus cher parce qu'on a fait ces investissements-là ? en quelque part c'est évident que ça affecte les fermes qui sont en santé financière peut-être plus précaire ou encore des fermes qui sont plus petites par rapport aux investissements qu'on leur demande.

Souvent, ce n'est pas toujours le cas, mais souvent ces fermes-là se retrouvent dans les régions plus éloignées. Alors, qu'est-ce qu'on fait? C'est que dans le fond on vient, là, fermer un apport économique important dans ces régions-là qui souvent en ont besoin ? l'agriculture est très importante dans ces régions-là ? et en plus on contribue à concentrer l'industrie laitière dans des régions plus centrales. Et là c'est quoi, l'apport que les coûts environnementaux ont dans tout ce phénomène-là? On ne peut pas le dire, mais c'est sûr que ça s'ajoute à d'autres éléments.

Et cette concentration-là de l'industrie laitière, déjà on a une industrie qui est répartie à travers le Québec, alors il ne faudrait pas lui imposer des frais environnementaux ou des exigences environnementales qui mènent à sa concentration parce que, là, on viendrait ajouter encore plus aux pressions qui sont déjà exercées dans d'autres secteurs de production dans des régions bien spécifiques.

Alors, nous autres, on dit: On a un beau modèle agricole, environnemental, dans le secteur laitier. Alors, travaillons pour le préserver et non pas pour le détruire et arriver à des fins qui ne seraient aucunement avantageuses au niveau environnemental.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Y a-t-il un autre intervenant? M. le député de Masson.

M. Thériault: Il nous reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Sept minutes.

M. Thériault: Ah! On va avoir le temps. Est-ce que vous avez une position? Est-ce que vous avez réfléchi au fait qu'on puisse exiger des frais, là, pour le contrôle et la surveillance lors de l'inspection, même si vous êtes conformes? Et, dans le cas où vous n'êtes pas conformes, est-ce que vous seriez contre le fait que le coût de l'inspection, de la surveillance, du contrôle soit payé? Est-ce que vous voulez que je répète?

M. Rioux (Gilbert): Non, j'ai compris ce que vous dites. Quand la personne n'est pas conforme pour... vraiment parce qu'elle a pollué, je n'ai pas de problème. Mais, si elle est conforme ? parce qu'il lui manque un petit bout dans son bilan phosphore ou qu'il lui manque un petit quelque chose sur le registre des épandages mais qu'en réalité il n'y a eu aucune pollution ? j'ai des problèmes à ce que vous chargiez des frais.

M. Thériault: Donc, vous voulez que ce soit balisé en fonction de non-respect...

M. Rioux (Gilbert): Vraiment pollueur.

M. Thériault: ...administratif versus conséquences polluantes, là, c'est ça. Oui, Mme Berger.

Mme Berger (Annie): Peut-être, pour rajouter aussi, il y a des choses qui sont, on disait, d'une région à l'autre, des fois les inspections, c'est pas toujours la même chose. On a l'obligation par exemple... Dès 2005, les animaux ne pourront plus aller s'abreuver, bon, dans les cours d'eau.

Si, cette journée-là, l'inspecteur passe puis parce que la clôture est brisée puis il y a un animal qui est rendu là, est-ce que je suis en infraction en termes de... face à l'environnement? Est-ce que je suis vraiment un pollueur? Oui, je suis en infraction, j'ai un animal qui est là. Mais ma clôture est brisée, il y a été. C'est très différent de: Je n'ai pas rien, je n'ai pas de clôture puis les animaux y vont directement. Mais on sait très bien que, dans certaines régions, on peut avoir des inspecteurs qui peuvent dire: Tu as un animal dans le cours d'eau qui n'a pas le droit en vertu de la loi et tu es considéré comme un pollueur. Donc, c'est tout ça, cette notion-là de qu'est-ce qui est vraiment notion de pollution et qu'est-ce qui ne l'est pas et la marge de manoeuvre dans tout ça, là.

n (11 h 30) n

M. Thériault: Oui. Donc, vous seriez d'accord qu'en fonction de la charge polluante il y ait un tarif, que la personne paie. Mais là vous dites, et c'est là où je voulais en venir, c'était mon deuxième volet ? décidément aujourd'hui on est en communauté d'esprit ? ça m'intriguait tout à l'heure la question de l'inéquité au niveau régional, là, au niveau... Alors, parlez-moi donc de ça un peu plus, là, parce que, si je comprends ce que vous dites, c'est que vous avez peur qu'il y ait un traitement inéquitable en fonction des différentes directions régionales. Pour affirmer une chose comme ça devant une commission comme celle-ci, c'est qu'il doit y avoir, au niveau du terrain, une pratique, et, moi, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

Mme Berger (Annie): Bien, je peux peut-être vous donner un des exemples qu'on a eus récemment concernant les matières résiduelles fertilisantes. Bon. Je vous ai expliqué qu'on a eu un cas spécial où on a déversé du lait dans des fosses assignées de producteurs, et, dans ces cas-là, bon, dans une région en particulier, on n'a pas eu de problème, on a régularisé notre situation, on a fait les tâches qui étaient exigées sans problème. Dans une autre région, on nous exige d'aller mettre de la chaux dans notre fosse, qui contient 2 % de lait écrémé et 98 % de volume de lisier, soi-disant pour aller contrôler les pathogènes. On nous exige un 12 tonnes de chaux dans une fosse dans une région, alors que, dans une autre, on dit: Bien, d'accord, oui, il y a des pathogènes, mais les pathogènes viennent du fumier, ils ne viennent pas du lait. Donc, oui, je veux dire, vous pouvez épandre sans aller mettre de la chaux. C'est un exemple d'inéquité entre deux régions.

C'est la même chose au niveau des inspections au niveau du ministère de l'Environnement. On sait qu'il y a certaines régions où les inspecteurs vont être plus tatillons sur certaines choses que d'autres. Entre autres, par exemple, au niveau des plans de fertilisation, il y a certaines... Je pense que ça s'est peut-être corrigé un petit peu, mais, à certaines époques, il y avait les inspecteurs qui vérifiaient le plan de A à Z, et, si la formulation ou la façon de faire était en désaccord sur certains éléments qui pourtant étaient agronomiques et qui étaient faits par un agronome, bien ils s'ostinaient avec les agronomes à savoir qui a raison, alors que quelque part c'est un service qui est fait de façon neutre par un agronome, par un professionnel. C'est un autre exemple de différence d'une région à l'autre.

M. Thériault: Et que diriez-vous si je vous posais la question: C'est dû à quoi, cette iniquité-là? C'est dû à quoi, cette différence d'application?

M. Rioux (Gilbert): À l'humain, tout simplement.

Mme Berger (Annie): Mais je pense qu'il y a peut-être aussi...

M. Thériault: Je cherchais... Bon. Ce n'est pas dû à la méconnaissance, ce n'est pas dû à...

Mme Berger (Annie): Mais peut-être aussi... Dans le fonctionnement même du ministère de l'Environnement, il faut comprendre que chaque région, de façon générale, chaque bureau est autonome en soi. Donc, c'est sûr qu'il y a la réglementation, mais, dans l'application elle-même, quand on fait référence, par exemple, à des guides au niveau de l'application, bien les gens qui sont là ont toujours une certaine marge de manoeuvre, par rapport à un guide, à dire qu'est-ce qu'on accepte et qu'est-ce qu'on... qu'est-ce qu'on exige et qu'est-ce qu'on n'exige pas. Donc, dans ce sens-là, chaque région a une certaine autonomie, ce qui fait qu'il y a des différences aussi d'une région à l'autre.

M. Thériault: Donc, ce que vous nous dites, ce matin, c'est qu'on aurait besoin davantage de lignes directrices au niveau de l'uniformisation du respect des règles et des règlements, des inspections, etc. Il y a un manque d'uniformité, et peut-être que ça pourrait être comblé par des lignes directrices plus claires.

Mme Berger (Annie): Oui.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Alors, juste en terminant, M. le Président, dire merci aux producteurs de lait pour leur présence ici, aujourd'hui. Je tiens à préciser qu'il y a parfois un élément objectif qui entre en ligne de compte aussi. Pour répondre à mon collègue le député de Masson tantôt, il y a un élément objectif qui peut varier d'une région à une autre, c'est qu'on a des régions qui sont en surplus de fumier. Donc, l'application va varier pour cette raison objective là aussi d'un endroit à un autre. Mais c'est vrai, le ministère de l'Environnement ? et je suis très fier de ça ? est un des ministères les plus décentralisés de tout l'État du Québec, et je pense que c'est une bonne chose parce qu'il faut pouvoir tenir compte des circonstances particulières de chaque région. Ce n'est pas vrai que quelqu'un assis à Québec peut tout savoir sur toutes les régions du Québec. Quand on est à la Baie-James ou on est sur la Rive-Sud de Montréal, la topographie, la géographie puis la société varient énormément d'un endroit à l'autre, puis je pense que notre décentralisation nous permet de tenir compte de ces aspects, qu'ils soient objectifs ou subjectifs. Mais encore une fois merci beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Il reste encore quelques secondes au député de Masson.

M. Thériault: Bien, pour vous remercier d'une part et vous dire que ça a été très éclairant. Je pense qu'effectivement il y a des choses qui doivent être faites au niveau de l'accompagnement et je pense qu'effectivement il y a encore une fois... Et, à chaque fois que je vois des problématiques agricoles, je trouve que, sur le plancher des vaches, tout est censé être simple, mais c'est toujours beaucoup plus complexe, beaucoup plus complexe, ces problématiques-là. Et ce que je comprends, c'est que vous nous dites: S'il fallait que le projet de loi serait adopté tel que libellé à l'article 5, vous pourriez en quelque part, compte tenu des circonstances dans lesquelles vous pratiquez, devenir une vache à lait pour le ministère.

Le Président (M. Brodeur): Donc, le temps est maintenant écoulé. Le temps est maintenant écoulé, je désire remercier M. Dubé, M. Rioux et Mme Berger. Vous avez très bien représenté la Fédération des producteurs de lait du Québec, et je vous remercie de votre contribution.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Association de l'exploitation minière du Québec puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

 

(Reprise à 11 h 40)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux et nous accueillons maintenant l'Association de l'exploration minière du Québec. Je vous souhaite la bienvenue et je vous prierais, pour débuter, de vous identifier. Et, à la suite de ça, vous avez un temps de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Vous pouvez y aller. Merci.

Association de l'exploration minière
du Québec (AEMQ)

M. Gauthier (Rénald): Oui, bonjour. Mon nom est Rénald Gauthier. Je suis directeur général de l'Association de l'exploration minière du Québec. À ma droite est M. Ghislain Poirier, qui est un des vice-présidents du conseil d'administration de notre association.

L'Association de l'exploration minière du Québec est une association qui regroupe les intervenants du secteur de l'exploration. Il y a vraiment une distinction entre ceux qui font de l'exploration et de l'exploitation, il y a vraiment deux associations différentes, et, nous, c'est ces intervenants-là qu'on représente. Excusez-moi.

Tout d'abord, j'aimerais saluer M. Mulcair, M. le ministre Mulcair, M. le Président et les autres membres de la commission, et particulièrement vous remercier de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire et notre façon de l'interpréter, la loi n° 44. Un petit point d'information, on a réuni, il y a quelques instants, un document, une carte complémentaire, là, à laquelle on fera allusion dans le cours du mémoire. Et maintenant je passerais la parole à M. Poirier qui va faire la présentation de notre mémoire.

M. Poirier (Ghislain): Merci. Donc, l'Association de l'exploration minière du Québec, comme Rénald l'a mentionné, ça a une spécificité, ça vise l'exploration, donc la découverte des gisements, et c'est ces membres-là qu'on représente. C'est bien distinct de l'exploitation minière qui, je crois, a déposé un mémoire qu'elle va présenter la semaine prochaine.

Donc, on a 72 membres corporatifs à l'association: quelques compagnies productrices, des majeures, et principalement des compagnies non productrices, ce qu'on appelle, dans le langage courant, des juniors, ainsi que des compagnies de services. On a également plus de 600 membres individuels, principalement des géologues mais aussi des géophysiciens et des prospecteurs, qui sont basés principalement ici, au Québec, mais aussi en Ontario et en Colombie-Britannique.

La mission de l'AEMQ, de l'Association de l'exploration minière du Québec, c'est de développer, de défendre et de promouvoir l'exploration minière au Québec afin d'accroître le taux de découvertes en harmonie avec tous les occupants du territoire, et ce, dans une perspective de développement durable. Les volets de sa mission visent, entre autres, à maintenir la compétitivité du Québec en matière de réglementation fiscale et environnementale de même que dans l'accès au territoire.

L'association croit au potentiel minéral du Québec et travaille à sa mise en valeur et à son développement. Elle le fait pour ses membres d'abord mais aussi pour l'ensemble de la collectivité québécoise, qui profite directement et indirectement des retombées économiques de l'industrie minérale en région et également dans les centres urbains.

L'industrie minérale dans son ensemble, selon les données du ministère des Ressources naturelles, Faune et Parcs, ça représente 54 000 emplois directs. C'est réparti, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, entre l'exploration, qui est en amont, donc c'est les gens qui trouvent les mines... qui découvrent, pardon, les mines, et, d'autre part, on a l'extraction et la transformation, qui est représentée par l'AMQ, l'Association minière du Québec.

En termes d'emplois, c'est des emplois bien rémunérés, la moyenne des salaires étant autour 63 000 $. Au niveau économique, c'est 3,6 milliards annuellement. C'est 3,3 % du produit intérieur brut du Québec. Principalement ? et là c'est une caractéristique ? c'est en région mais également dans les centres urbains. C'est 60 % du tonnage ferroviaire et maritime qui transige au Québec.

Et une caractéristique importante, c'est que l'industrie occupe le territoire. Les gisements sont là où mère Nature les a mis. Notre mandat, c'est de les découvrir et de les mettre en valeur. C'est ce qui a permis le développement de l'Abitibi, de la Côte-Nord et c'est ce qui permet présentement d'entrevoir le développement du Nord du Québec, de la Baie-James et de l'Ungava.

L'industrie vise également le développement durable des régions et des communautés autochtones. Des exemples très positifs de ce développement, c'est l'ouverture, il y a quelques années, des mines Troilus à la Baie-James, au nord de Chibougamau, et la mine Raglan au Nunavik. C'est donc des exploitations qui ont été mises en place en partenariat avec les communautés autochtones et en harmonie avec le territoire. Donc, c'est des beaux exemples concrets de ce que le minier peut faire.

L'industrie, c'est également une expertise, une expertise québécoise, canadienne qui est reconnue internationalement, et ça, tant au niveau des géologues, des techniciens qu'on forme ici, les compagnies de forage, les compagnies de services qui vont travailler à l'étranger et qui sont reconnues mondialement. Le Canada est un chef de file, et le Québec est une grosse partie de ce chef de file en termes d'industrie. Je voudrais mentionner, entre autres, la présence de M. Pierre Lassonde. Pierre Lassonde, c'est un Québécois qui a très bien réussi, qui est maintenant président de la plus grosse corporation aurifère au monde, et c'est un gars d'ici qui a profité de l'expertise d'ici.

Au niveau expertise, il faudrait nommer également les centres de recherche. On a l'UQAT, le CONSOREM, le COREM et CANMET qui sont des appuis sur lesquels on bâtit notre expertise.

Maintenant, l'engagement de l'industrie, de cette industrie-là envers l'environnement. Citons d'abord la production, il y a quelques années, par l'AEMQ, l'Association de l'exploration minière, d'un guide qui s'intitulait le Guide pratique d'intervention en environnement de l'exploration minière au Québec. Ce guide-là a été conçu pour nos membres, pour les sensibiliser aux règles à suivre, aux lois et aux règles environnementales au niveau des forêts et au niveau des municipalités, toutes les règles à suivre pour être conforme dans les types d'activité qu'on fait.

Également, au niveau canadien, le pilier ici, le Prospectors & Developers Association of Canada, a produit récemment un guide, le guide d'excellence environnementale en exploration minière, donc le 3E, qu'ils appellent. C'est un guide des bonnes pratiques environnementales. Ça va au-delà des lois et des règlements et ça s'applique internationalement, donc quelles sont les règles à suivre. Et c'est un guide de plus de 800 pages qui est disponible gratuitement, et il y a environ 400  compagnies qui ont adhéré à ce guide-là qui a été fait par le PBC en collaboration avec les autres associations provinciales.

Un autre élément qui montre que l'industrie est proactive, au niveau international il y a le certificat environnemental qui est en développement présentement par nos confrères australiens et qui va sans nul doute être mis en place à l'échelle internationale. Ça montre que l'industrie est de plus en plus conscientisée à ses devoirs, autant au niveau minier de l'exploitation qu'au niveau exploration, donc sur tous les aspects de l'industrie.

Maintenant, la position de l'association face au projet de loi n° 44. Les articles qui nous préoccupent principalement, c'est les articles 3, 4 et 5. Et, concernant les articles 3 et 4, l'AEMQ les endosse dans la mesure où ces propositions s'adressent directement aux contrevenants de la loi. Par contre, si ces mesures sont appliquées à l'ensemble des intervenants, on juge que ça va créer des lourdeurs administratives, des délais dans les traitements des dossiers, des gains environnementaux pour nous non significatifs et évidemment beaucoup de mécontentement. Par contre, si c'est appliqué directement aux contrevenants à la loi, ça devient un moyen de contrôler évidemment les manquements des corporations.

Concernant l'article 5 et compte tenu du libellé de ce qui nous a été présenté, l'AEMQ s'y objecte. Notre appréhension concernant cet article, c'est qu'il semble s'appliquer à tous. Et, considérant ce fait, évidemment ça aura des impacts administratifs et financiers importants pour les corporations sans accroître pour autant, en tout cas de ce qu'on en juge, la protection de l'environnement.

n (11 h 50) n

L'exploration minière a ceci de particulier, c'est que, comme je le disais tantôt, c'est mère Nature qui guide, et on va là où on a intérêt à être. On se déplace, c'est une industrie qui se déplace. Sur la petite carte qui vous a été remise tout à l'heure ? c'est la carte des titres miniers actuellement en force au Québec ? évidemment, l'Abitibi est un secteur où il y a des titres miniers en importance, mais il se développe, au Québec, d'autres secteurs de très grande importance. On pense à la Baie-James, le secteur des Otish et le secteur Raglan dans la péninsule de l'Ungava.

Donc, l'effet de l'article 5. Si toutes les corporations sont assujetties indépendamment de leur type d'activité, c'est évident que le bureau du ministère à Rouyn a à couvrir un territoire qui représente probablement 60 % du Québec le moins accessible, le territoire le moins accessible du Québec, et c'est évident que les coûts d'inspection vont être en conséquence. C'est sûr qu'on vit avec des compagnies juniors qui n'ont pas nécessairement beaucoup de moyens financiers, des compagnies juniors qui ont beaucoup de difficultés à lever des fonds et, pour nous, c'est un fardeau supplémentaire sur les programmes qu'on tente de faire pour découvrir de nouveaux gisements dans ces parties du Québec.

Donc, les coûts importants associés aux mesures de contrôle, je vous ai fait juste un petit topo dans le coin inférieur droit de qu'est-ce que ça peut être, un inspecteur, par exemple, pour une inspection sur un site soit à Salluit, par exemple, à la Baie-James ou aux Otish, et c'est évident qu'avec un support héliporté, avec un support aéroporté les distances à parcourir, ça va vite se chiffrer en milliers de dollars et en dizaines de milliers de dollars, ce que l'industrie a de la difficulté à assumer.

Par contre, on fait beaucoup nos devoirs de bons citoyens, on fait beaucoup de sensibilisation auprès de nos membres, et il faut voir que le type d'activité qu'on fait n'a pas beaucoup d'impact au niveau de l'environnement. Il y a une différence entre bâtir un camp ou faire un forage en milieu isolé et avoir une usine, par exemple, en milieu urbain. Donc, on a déjà un système basé sur le principe de pollueur-payeur, et ce qu'on ne veut pas, comme association, c'est d'arriver à un principe d'utilisateur-payeur, de mettre un frein au développement, particulièrement des régions.

Donc, nos recommandations, c'est: l'application de la législation déjà en vigueur; au besoin, l'augmentation des peines pour pénaliser les contrevenants ou en tout cas de cibler les récidivistes, certainement; et de ne pas appliquer le principe que les coûts des mesures de contrôle soient étendus à tous les intervenants. On juge ça injuste pour le bon citoyen.

En résumé, l'AEMQ endosse les articles 3 et 4 du projet de loi dans la mesure où ça cible les contrevenants. Et l'AEMQ s'objecte à l'article 5 du projet de loi n° 44, puisque celui-ci suggère que les coûts des mesures de contrôle soient applicables à tous. La législation actuelle est suffisante selon nous pour cibler les minorités problématiques: de conserver le principe de pollueur-payeur et d'augmenter au besoin le montant des peines aux contrevenants.

Le fardeau environnemental est déjà lourd pour les sociétés d'exploration, et les membres de notre association sont bien sensibilisés à leurs devoirs, particulièrement en région, compte tenu que, quand on travaille dans l'Ungava ou à la Baie-James, on est dans des milieux sensibles. Et c'est reconnu, ça aussi, par les communautés autochtones avec qui on travaille de pair. Ces gens-là sont de plus en plus sur nos équipes d'exploration minière, et je pense que c'est les meilleurs ambassadeurs de leur territoire. Ce n'est pas des professionnels de l'environnement, mais c'est des utilisateurs de l'environnement, et, en ce sens-là, on a beaucoup de collaboration avec les communautés autochtones.

Au niveau des pressions locales, c'est évident que, depuis 20 ans, on a fait beaucoup, mais beaucoup de progrès. On a une industrie qui est très proactive à suivre les règles. Et je vous inviterais même à regarder les sites Internet de la plupart des compagnies majeures, c'est frappant de voir, quand tu ouvres le site Internet, que l'aspect environnemental, ça prime. C'est devenu un enjeu sur lequel ils ne peuvent plus... ils ne peuvent plus mettre de côté, hein? C'est un enjeu majeur. Que ce soit ici, en Indonésie, en Amérique du Sud, ces compagnies-là ont des règles, suivent des règles, et c'est dans le bien de tous, pas juste nous, les Québécois et les Canadiens, mais de toute notre petite planète.

Donc, il faut non seulement, pour notre industrie, projeter une image d'excellence environnementale, mais il faut agir en conséquence, et la certification environnementale qui est développée présentement par les Australiens, je pense que ça va être un élément important, là, pour s'assurer que les corporations suivent les réglementations, les lois et les règles du gros bon sens aussi.

Pour finir, bien l'Institut Fraser de Colombie-Britannique publie chaque année un classement des juridictions dans lesquelles les compagnies devraient investir au niveau de l'exploration minière, et le Québec ? parmi la centaine de juridictions qui sont listées, donc les provinces, les États, les pays ? arrive toujours en tête de liste, dans les... du premier au cinquième, les «top five». Et le pourquoi de ça, il y a deux raisons principales. C'est que l'étude de l'Institut Fraser se base d'abord sur le contexte géologique favorable, ce qui est le cas du Québec et ce qui va toujours demeurer, le Québec est une terre de prédilection pour les mines. Mais le rapport Fraser base aussi une grosse partie de son ciblage, de son classement sur le contexte législatif, et nous avons l'avantage, au Québec, d'avoir un contexte législatif stable... rigoureux mais stable, et je vous dirais que ça fait l'affaire de beaucoup de corporations, d'avoir ce contexte législatif stable.

Par contre, c'est fragile, c'est probablement l'aspect le plus fragile. La géologie, ça ne changera pas, mais le contexte législatif, ça change. Et, le jour où le contexte ne répondra plus aux attentes des corporations, eh bien ce ne sera pas long qu'on va voir les compagnies investir ailleurs, parce que les compagnies... Il y a beaucoup de compagnies à l'échelle internationale qui investissent au Québec par choix, mais, à partir du moment où ça ne répond plus à leurs attentes, les capitaux vont aller ailleurs, et on va être perdant. On va être perdant en termes d'investissements puis on va être perdant en termes d'emplois, parce que l'exploration minière, c'est la base pour renouveler nos ressources. C'est déjà très difficile actuellement de renouveler les ressources minières au Québec, on n'a pas les moyens de se permettre une diminution de l'investissement minier au niveau de l'exploration minière.

n (12 heures) n

Finalement, en terminant, juste une recommandation qui déborde la mise en place de la loi n° 44, on recommanderait au gouvernement de faire du lobbying au niveau canadien pour que les autres provinces atteignent le niveau d'excellence environnementale de ce que le Québec a. Et ça, ça a deux buts, ça a deux buts...

Le Président (M. Brodeur): En conclusion, M. Poirier.

M. Poirier (Ghislain): ... ? ça finit, là ? c'est pour améliorer les standards environnementaux au Canada, mais également pour garder le Québec compétitif. Et je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, MM. Poirier et Gauthier. Je suis prêt maintenant à céder la parole à M. le ministre.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, juste un mot pour souhaiter la bienvenue à l'Association de l'exploration minière du Québec et remercier ses deux représentants pour leur présentation qui, je crois qu'on peut le dire, justement a débordé largement le cadre du projet de loi n° 44 qui est sous étude. Mais c'est de bonne guerre, les gens viennent et ils peuvent parler de leurs sujets. Mais, moi, j'aimerais nous ramener un petit peu dans le cadre du projet de loi n° 44 et de votre présentation écrite.

Vous dites que «le libellé des articles 3 et 4 ? là, je cite votre mémoire ? du projet de loi n° 44 devrait être limitatif aux personnes physiques et morales qui sont suspectées de contrevenir à la législation québécoise ou encore qui, sciemment ou accidentellement, portent atteinte à l'environnement». Auriez-vous la gentillesse d'élaborer un petit peu là-dessus? On a un peu de mal à vous suivre.

M. Gauthier (Rénald): Bon. Moi, je vous dirais que, le mémoire, au moment de la rédaction, on a interprété la loi n° 44 au meilleur de nos connaissances. On n'avait pas de juriste, là, pour nous guider là-dessus. Je refaisais encore la relecture justement du projet de loi n° 44 ce matin, le premier paragraphe de l'article 4 compte sept lignes et le deuxième paragraphe en compte six qui font référence au premier paragraphe. Donc, on a peut-être eu certaines difficultés d'interprétation au niveau de cet article-là.

Le document qui est sorti en cours de semaine, le Règlement sur les émissions atmosphériques, qui émane, là, du ministère de l'Environnement, qui semble adresser un peu plus cette situation-là, par ces précisions-là, on peut voir que c'est vraiment les  relations... les ententes internationales ou intergouvernementales avec le fédéral. Donc, au moment de la rédaction du mémoire, on n'a peut-être pas saisi ces subtilités-là. C'est sûr qu'on a accroché sur peut-être les aspects où tout utilisateur ou toute personne qui contrevient à la loi ou, etc. Donc, c'est peut-être un peu sur ces points-là où... auxquels on a accroché au moment de la rédaction de notre mémoire.

M. Mulcair: On se comprend maintenant que tout ce qui est visé là, c'est justement ça, c'est de la collecte d'informations mais pas en vue d'établir la preuve pour une poursuite éventuelle. Il y a d'autres sections de la loi qui traitent de ça spécifiquement. Ici, on est vraiment en train de s'occuper de notre mission de surveiller et de veiller à la qualité de l'environnement avec ces données brutes là, mais ce n'est pas quelque chose qui... Les inspections et la cueillette d'informations spécifiques à une infraction, ça se fait ailleurs. Mais vous avez très bien saisi. Donc, je suis content qu'on ait réussi en cours de route ? puis c'est à ça que ça sert, ce genre de processus parlementaire ? de dissiper ce genre de doute. Alors, je suis content qu'on soit sur la même longueur d'onde, et c'est tout pour moi pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Oui, M. Gauthier.

M. Gauthier (Rénald): Peut-être pour élaborer sur ce qu'on a peut-être compris dans les deux derniers jours, ces ententes intergouvernementales là ou internationales, est-ce qu'elles sont seulement limitées aux émissions atmosphériques, tel qu'on a vu dans le projet de règlement qui a commencé à être diffusé cette semaine, ou est-ce qu'il y a d'autres secteurs d'activité qui sont touchés, là, par ce type d'entente là?

M. Mulcair: Avec votre permission, je vais laisser mon proche collaborateur du ministère répondre.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Est-ce que vous pouvez vous identifier?

M. Normandin (Pierre): Pierre Normandin, de la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Environnement. Bon. J'attire votre attention sur le libellé du premier alinéa de l'article 2.2. Évidemment, cette disposition-là nous renvoie au respect d'un engagement international ou d'une entente intergouvernementale, mais par ailleurs il est expressément prévu que c'est en matière de protection de l'environnement. Il faut donc forcément que ces ententes-là ou ces engagements-là se rapportent à des questions environnementales. Maintenant, la disposition évidemment est quand même conçue en des termes suffisamment généraux pour embrasser des engagements qui pourraient porter en matière d'eau, en matière atmosphérique ou en d'autres matières environnementales.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, M. Poirier, M. Gauthier, bienvenue. Je suis heureux de voir que vous avez lu, comme nous et comme le Barreau du Québec ? on vient de recevoir un papier du Barreau du Québec ? comme le Centre québécois du droit de l'environnement... on a lu le même projet de loi, et le projet de loi, ce projet de loi ci, tel que libellé à  l'article 5, consacre effectivement le principe de l'utilisateur-payeur, et qu'en quelque part, s'il fallait que cette commission ne parle, ne délibère que sur le concept de pollueur-payeur, on passerait à côté de ce que ça nous prend pour pouvoir ajuster le libellé de l'article 5 qui devrait correspondre à ce qu'on veut finalement mettre en application.

Les intentions ministérielles sont... et environnementalistes, je dirais même ministérielles, sont à l'effet de baliser et de, si vous voulez, légaliser dans une loi le principe du pollueur-payeur. Alors, il faut, ici, qu'on soit capable de dire d'où on part pour arriver là où on veut arriver, et d'où on part... Et là certains peut-être vont venir nous dire qu'ils sont d'accord avec le principe d'utilisateur-payeur, là, ce n'est pas de ça dont je parle présentement. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord. Ça, je l'ai bien compris, mais c'est de là qu'il faut partir pour voir qu'est-ce qu'on a à faire comme tâche législative pour adapter le projet de loi actuel à ce qu'il se veut être dans la pratique, à savoir baliser les pratiques des pollueurs, des récidivistes, etc.

On s'entend là-dessus qu'effectivement, là, on est devant la possibilité... Et, moi, je le lie peut-être ? lier, au sens de lier ? à tort avec l'enlignement de ce gouvernement libéral qui va probablement, à cause de sa réingénierie, faire valoir et introduire dans plusieurs autres services de l'État le principe de l'utilisateur-payeur. Et c'est pour ça que je me dis: Aujourd'hui, peut-être que, en train de travailler sur le projet de loi n° 44, si on ne balise pas ce principe de l'utilisateur-payeur ou si on le laisse passer comme si c'était un principe de pollueur-payeur, alors que ce n'est même pas supposément l'intention du ministère et du ministre, on va se retrouver avec un principe qui pourrait être exporté ailleurs, dans d'autres services, comme, entre autres, ça commence à être le cas. Donc, ça, c'est important et c'est important de bien le saisir au départ.

Vous nous dites que vous considérez que les impacts économiques et administratifs directs du projet de loi, notamment l'article 5, ne vont pas aller nous donner un accroissement de la protection de l'environnement, ne vont pas nous donner ça. Est-ce que vous pourriez nous en parler un petit peu plus?

M. Poirier (Ghislain): Compte tenu de nos types d'activité, hein... Il faut bien réaliser qu'on est en amont de ce qu'on appelle les mines, donc le type d'activité qu'on a touche le territoire, mais... En un sens, oui, on a besoin de... On se conforme aux demandes de certificats d'autorisation, mais, pour établir un camp, par exemple, dans le milieu de la Baie-James, on va demander un C.A., on va se conformer aux règles. Mais l'impact réel d'établir un camp avec une chiotte en arrière, une chiotte sèche, ce n'est pas énorme, là. À mon sens, le ministère a beaucoup plus à aller chercher des pollueurs qui ont beaucoup plus d'impact. Et c'est dans ce sens-là que je dis qu'il n'y a pas beaucoup de gains pour notre... envers notre industrie ou l'exploration minière, il n'y a pas beaucoup de gains.

M. Thériault: Alors...

M. Gauthier (Rénald): Est-ce que je pourrais bonifier?

M. Thériault: Oui.

n (12 h 10) n

M. Gauthier (Rénald): Peut-être pour mentionner que la majorité de nos sociétés qui sont membres chez nous, c'est principalement des petites entreprises. Souvent, je vous dirais que le président d'une compagnie junior est aussi le secrétaire, le commis-comptable, celui qui va faire à peu près tout, et il va aussi «logger» la carotte, là, sur le terrain. Donc, une mesure législative va impliquer le même coût en ressources humaines et en frais administratifs, que ce soit une petite société ou encore une très grande société. Mais la majorité de nos petites sociétés sont déjà grevées d'un paquet de lois et de règlements qu'ils ont de la difficulté à maintenir à flot avec le peu de ressources humaines et le peu de ressources financières dans leur fonds de roulement qu'ils ont actuellement. Donc, d'accroître ce fardeau au niveau ressources humaines ou au niveau administratif, ça pourrait avoir un impact. On a déjà certains présidents de nos sociétés qui ont carrément démissionné, puis ce qui les touche principalement, c'est de voir l'accroissement de la législation, que ce soit provincial, ou fédéral, ou interprovincial. Parce que souvent nos sociétés vont faire affaire avec différentes juridictions, que ce soit l'Ontario ou la Colombie-Britannique, donc il faut respecter les législations de chacune de ces provinces-là. Donc, évidemment que la masse de nos intervenants sont des petites sociétés qui ne seraient pas en mesure d'aller de l'avant avec un principe, là, d'utilisateur-payeur.

En contrepartie, là était notre recommandation d'y aller vers les contrevenants à la loi et plus spécifiquement aussi vers les récidivistes, et, comme on avait mentionné aussi, de majorer le coût des infractions. Je vois passer des communiqués du ministère de l'Environnement, et souvent je trouve que, des fois, pour les grandes sociétés, le coût des infractions est dérisoire pour tout le travail qui a été fait justement pour en arriver, là, à une conclusion telle. Donc, ce serait peut-être un élément dissuasif qui permettrait à la fois aussi de récupérer un peu, là, du temps et du travail qui est mis de la part des employés de l'État justement quand ils montent et qu'ils défendent ces dossiers-là devant la cour.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Masson.

M. Thériault: Bien, puisque vous en parlez, là, de la question, là, de hausser les amendes, avez-vous réfléchi? Une hausse de quelle envergure? À quel niveau? Est-ce que vous avez réfléchi à ça, puisque vous semblez dire que ce n'est pas assez? Ce serait quoi, assez?

M. Gauthier (Rénald): Non, il y a... Excusez-moi. On n'a pas fait d'étude exhaustive sur ? comment je dirais bien? ? le sujet, c'est une recommandation générale qu'on a faite à cet effet-là. Mais cependant on peut voir des fois que souvent, peu importe le domaine ? on parle ici de l'industrie minière ? les contrevenants et les récidivistes, c'est toujours un peu le même petit groupe, donc de majorer les peines. Puis c'est vraiment ces petits groupes là qui souvent vont nuire à l'image de notre industrie ou de quelque industrie qu'elle soit, donc, nous, au niveau de l'association, on ne voit pas de problème à ce que ceux qui sont vraiment, là... je ne parle pas de ceux qui vont commettre une faute au niveau administratif ou au niveau d'un papier, mais ceux qui vraiment, sciemment, là, sont des récidivistes, là, reconnus, qu'eux aient à payer la note, là, en bout de ligne.

M. Thériault: Oui. Je vois aussi que vous vous objectez catégoriquement à l'article 5. Vous dites qu'on est déjà dans un système de pollueur-payeur. Vous ajoutez à ça: Il faudrait hausser les amendes, mais en même temps... Puis vous vous objectez totalement ? mais là je voudrais voir s'il y a des nuances ? au principe d'utilisateur-payeur. Bien, c'est parce que, quand je regarde votre carte puis quand je regarde où est le ministère de l'Environnement, il y a quand même des distances. Pour pouvoir être contrôlé de façon adéquate dans un système pollueur-payeur, il faut quand même aller vous visiter. Un coup que je suis sur place, à partir du moment où le contrôle et la surveillance indiquent qu'il y a infraction, seriez-vous d'accord avec le fait qu'il y ait des frais tout de suite exigés en fonction du contrôle et de la surveillance?

M. Gauthier (Rénald): Encore là, il y aurait peut-être lieu à une question de bon jugement. Si on voit des fautes graves ou carrément de la négligence de la part d'individus ou de sociétés, on ne serait pas à l'encontre justement que la facture soit refilée à l'intervenant. Donc, ça rejoint notre point, on est déjà en faveur du principe de pollueur-payeur et, à la rigueur, de refiler la facture à ceux qui contreviennent aux lois et règlements. Par contre, c'est dans le cadre des visites de contrôle que l'on serait peut-être, là... qu'on est vraiment, là, contre ce principe-là.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Avais-tu fini? Vous...

M. Thériault: Je reviendrai.

M. Jutras: Oui. Vous avez ? c'est, M. Poirier, là ? terminé votre intervention, M. Poirier, en disant... Vous faisiez une recommandation générale dans le sens de... Vous demandiez au gouvernement du Québec de faire du lobbying auprès des autres provinces par rapport aux normes environnementales. J'aimerais ça que vous expliquiez davantage ce que vous vouliez dire par ça. Est-ce que vous êtes d'avis que déjà, au Québec, nous avons un problème de compétitivité par rapport aux autres provinces en raison des normes environnementales qui prévalent chez nous?

M. Poirier (Ghislain): Je vais laisser M. Gauthier répondre.

M. Gauthier (Rénald): Oui. Excusez-moi. Donc, j'aimerais ici citer un exemple au niveau des fonderies de cuivre. Le Québec a des législations qui font en sorte que les fonderies doivent procéder à l'épuration au niveau des cheminées. Il y a d'autres provinces où il y a le même type d'industrie que les fonderies et il n'y a aucune norme au niveau des rejets atmosphériques, donc qui ont des coûts de traitement évidemment moins élevés parce qu'ils n'ont pas à tout s'équiper de tout le processus, là, de traitement au niveau des émissions atmosphériques. Donc, qu'est-ce que ça fait sur une mine qui va produire du concentré de cuivre? Il va voir les deux fournisseurs, il va peut-être aller vers celui où ses coûts de production sont le plus faibles. C'est une problématique qui a été soulevée par un de nos membres, le fait de l'inéquité au niveau législatif même, à tout le moins interprovincial. On sait qu'au niveau international il y a vraiment de grandes inéquités, mais, à tout le moins, on pourrait commencer à l'intérieur, là, à l'intérieur du Canada justement pour être, à tout le moins, équitable, parce que je vous dirais qu'en Abitibi il y a des fois il y a du concentré de cuivre qui passe tout juste devant la porte de la fonderie Horne et puis qui s'en va, là, se faire traiter dans d'autres provinces justement parce qu'il n'y a pas ces réglementations-là.

Notre point à ce niveau-là, ce serait justement de sensibiliser les autres provinces. Nous, ce qu'on demande, c'est de ne pas rabaisser les lois et règlements du Québec, là, je pense qu'on projette une bonne image. Mais ce qu'on aimerait, c'est que les autres nous rejoignent, et là, à ce moment-là, on sera en mesure de jouer sur le terrain, là, avec les mêmes règles.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Tout à l'heure, lors de votre présentation, vous nous avez parlé de l'Australie. Pourriez-vous élaborer davantage, s'il vous plaît?

M. Poirier (Ghislain): M. Gauthier est plus au courant des dossiers que moi-même, donc je vais lui refiler la parole.

M. Pinard: D'accord, pas de problème.

M. Gauthier (Rénald): Essentiellement, c'est moi qui gère le... des dossiers, mais je n'aime pas parler en public. Donc, je passe la parole à mes camarades, dans ce temps-là.

n (12 h 20) n

Alors, au niveau de la certification environnementale, c'est un document dont j'ai eu connaissance il y a peut-être quelques semaines, dont j'ai fait lecture lors de mon voyage, mardi, et puis c'est un processus qui est amorcé depuis 2002 en Australie, qui regroupe de grandes sociétés minières qui sont présentes en Australie, qui regroupe aussi des représentants des groupes environnementaux, et l'objectif de tout ça, c'est de tenter de jeter les balises et de définir qu'elle serait la certification environnementale au niveau des mines. Puis là la situation s'adresse peut-être un peu plus spécifiquement au niveau ? ce que j'ai vu en tout cas dans le document ? des mines. Là, actuellement, il y a un projet, il y a une étape jusqu'en 2005, là, c'est ce que j'ai lu rapidement de tout ça. Mais, de façon proactive, il n'y a personne qui a obligé qui que ce soit, il y a vraiment une mouvance de la part de ces intervenants-là. Et ils faisaient aussi référence dans leur document... Il y a déjà cette certification-là qui est appliquée au niveau de la foresterie, et, à la lecture du document, ce que je me rendais compte, c'est qu'ils utilisaient beaucoup du travail qui avait été fait au niveau de la foresterie pour tenter... ne pas réinventer la roue, le réutiliser au niveau de l'industrie minière et de tenter d'élaborer quelque chose, donc... Puis, avec les moyens de communication qu'on a aujourd'hui, si j'ai été en mesure de prendre connaissance d'un document qui est en train d'être élaboré en Australie, tout ça va circuler rapidement.

Si je fais l'analogie avec le programme E3 qui a été développé aussi au Canada par le PDAC et les autres intervenants, c'est un document qui a pris la route, je vous dirais, là, qui a été rendu public il y a à peu près deux ans, puis, aujourd'hui, il y a un peu plus de 400 sociétés qui utilisent ce document-là, réparties dans 42 pays. Donc, cette certification-là évidemment qui... peut-être qu'avec les moyens de communication il y a peut-être d'autres pays qui embarqueront à bord et qu'à un moment donné ce sera la norme d'application au niveau de l'industrie.

M. Poirier (Ghislain): Juste pour rajouter, il y a trois grands joueurs, hein, au niveau international, au niveau minier, les Canadiens, les Sud-Africains et les Australiens, et évidemment ils travaillent tous à l'échelle internationale. Et ils ont besoin d'avoir des outils pour travailler partout, des outils uniformes, et c'est pour ça qu'ils ont travaillé avec le PDAC, par exemple, pour établir le guide, c'est pour ça qu'ils travaillent pour avoir une certification environnementale. Donc, ils sont très proactifs.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Au niveau de l'exploration minière, vous nous avez dit tout à l'heure que votre organisme, là, regroupait 72 membres, des seniors et des juniors. Ce qui ressort de votre présentation, c'est le fait que, si on y va avec une tarification, à ce moment-là, ça peut représenter des coûts passablement importants. Et vous nous avez soumis certains coûts pour un professionnel, pour trois jours, par exemple, qui se rendrait à Salluit, ou à Otish, ou à Baie-James, ça pourrait représenter des coûts, seulement pour trois jours, de 9 100 $. Comme je ne suis pas dans le secteur minier, vous nous avez parlé que l'exploration, c'est surtout des juniors, des compagnies juniors qui opèrent. Vous êtes le directeur général de l'association, vous êtes le vice-président. Si le ministre mettait de l'avant un projet où on y va avec une tarification à l'usager, à ce moment-là, est-ce que ça pourrait représenter un danger important pour l'industrie de l'exploration minière, et non pas de l'extraction ou de la transformation, mais de l'exploration minière? Et ce danger-là pourrait représenter la disparition de quel pourcentage de vos membres si ça va jusque-là?

M. Gauthier (Rénald): Moi, je n'irais pas jusqu'à chiffrer la disparition de nos membres, mais ce qui pourrait arriver, ce serait que les membres en question aillent travailler dans d'autres juridictions, dans d'autres provinces ou carrément dans d'autres pays, ou que les investisseurs qui mettent leurs capitaux ? c'est du capital de risque au niveau de l'exploration minière ? vont regarder des sociétés, tout dépendant, là, dans quel endroit ils oeuvrent ou ils ont leurs travaux d'exploration... C'est pour ça, vers la fin de notre énoncé, qu'on faisait mention au rapport de l'Institut Fraser. Les deux paramètres qui sont sondés auprès des sociétés sont la géologie... Comme M. Poirier l'a mentionné, ça, ça ne bouge à peu près pas dans le temps. Mais, au niveau des mesures fiscales, évidemment que ça va fluctuer, tout dépendant, là, au cours des années. Et ce sondage-là est récurrent à chaque année. Donc, on va avoir une réponse différente. C'est vraiment des projets de loi qui vont impacter les sociétés. Ça peut changer l'humeur, je vous dirais, des intervenants et des investisseurs. Peut-être que ça ne sonnera pas nécessairement le glas pour certaines de ces sociétés-là, mais ce que ça va faire, ça va être la fuite des activités de ces intervenants-là, ainsi que du capital de risque, et des travaux qui sont faits vers d'autres juridictions. Et ce qu'on a besoin pour garder nos mines en production, c'est de faire suffisamment d'exploration pour trouver de nouveaux gisements et garder nos travailleurs actifs, là.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Masson, brièvement.

M. Thériault: Oui, brièvement en terminant. Je sais que vous êtes contre, là, la tarification, là, mais, advenant qu'il y en ait une, plusieurs groupes nous ont  dit qu'il faudrait s'assurer ? puisqu'on parle d'une tarification de services, là ? il faudrait s'assurer que l'argent aille dans un fonds dédié puis que l'argent reste au ministère pour assurer sa mission de protection de l'environnement et de contrôle et de surveillance. Est-ce que, vous aussi, vous seriez d'accord avec ça et que cela s'inscrive tout de suite dans le projet de loi?

M. Gauthier (Rénald): Comme j'ai mentionné à prime abord, on s'objecte au principe, mais, advenant la défaite de notre propos, c'est sûr qu'on apprécierait que les sommes recueillies demeurent auprès du ministère de l'Environnement, justement pour engager peut-être du personnel supplémentaire pour faire l'étude des dossiers.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci. Donc, M. le ministre.

M. Mulcair: Je veux juste remercier le groupe et faire une brève remarque en terminant, puisque ça fait partie de l'exercice. Je tiens à vous dire à quel point j'ai apprécié les nuances que vous avez apportées, notamment en ce qui concerne l'article 5, parce que vous avez compris que le but recherché n'est pas de refiler la facture pour l'inspection générale, c'est pour les cas d'exception, que vous soulevez si bien vous-même. Et, vous l'avez dit, c'est votre terme, pas le mien, c'est toujours les mêmes. Partant, si vous êtes capables de les identifier, moi aussi. Et ce que je veux faire, c'est de m'assurer que les compagnies ? la vaste majorité, sans doute ? qui opèrent correctement ne paient pas les frais de ces gens-là qui sont toujours en infraction. Et je ne veux pas non plus attendre d'avoir une condamnation nécessairement. Vous avez parlé du certificat d'autorisation, quelqu'un va sur un site, laisse des grabuges. Il y en a beaucoup malheureusement qui ont déjà fait ça, puis on a des problèmes insoupçonnés avec le réchauffement de la planète. Ce qui était pergélisol, dans certaines régions, est en train de fondre. Il y a des tours qui sont en train d'être joués à l'environnement qu'on ne pensait pas, il y a 10, 15 ans, qu'on allait jamais être obligé de régler.

Donc, le but fondamental de la loi, je suis content que vous ayez pu le saisir, qu'on va dans le même sens que vous. On ne cherche pas à imposer quelque chose d'une manière générale à tout le monde, surtout pas à refiler la facture pour notre obligation générale d'inspection, mais on vise vraiment les cas d'exception, ou en fonction de l'activité ou en fonction du nombre de problèmes qu'on a déjà connus par le passé. Et je pense qu'on va être capable de travailler ensemble. Donc, il ne me reste qu'à remercier les gens de l'industrie de l'exploration minière au Québec pour leur présentation ici, aujourd'hui.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Donc, je remercie...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Jutras: Est-ce que je pourrais rajouter quelque chose de consentement?

Le Président (M. Brodeur): S'il y a consentement, parce que votre temps...

M. Jutras: Oui, s'il y a consentement.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Je constate qu'il n'y a pas consentement.

Des voix: ...

Le Président (M. Brodeur): S'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs!

M. Pinard: ...

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Maurice. Donc, je remercie l'Association de l'exploration minière du Québec. MM. Poirier et Gauthier, merci pour votre mémoire, votre collaboration. Et, entre-temps, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux, nos consultations concernant le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l'Environnement, la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives.

Avant de débuter, je sais que le ministre a demandé un droit de parole sur une question de règlement, mais je désire souligner, aux membres de la commission ainsi qu'aux gens qui nous écoutent à la maison, que l'audition du premier groupe de cet après-midi, avant l'audition de ce groupe-là, je souhaite aviser les membres de la commission et le public que la présente consultation générale fait l'objet d'un projet pilote. On en voit souvent à l'Assemblée nationale, d'ailleurs. En vertu de ce projet, les mémoires et les documents déposés devant la Commission des transports et de l'environnement sont disponibles sur le site Internet de celle-ci dans un délai maximal de 48 heures suivant leur dépôt. L'objectif visé est de tester cette nouvelle façon de faire afin de déterminer si elle devrait être étendue aux travaux des commissions parlementaires pour rendre leurs travaux davantage accessibles.

Donc, c'est un projet pilote qui débute particulièrement pour les gens qui suivent les travaux de la Chambre. Donc, les mémoires seront disponibles, là, 48 heures après leur dépôt ici, à l'Assemblée nationale. M. le ministre, vous aviez une question de règlement.

Demande de directive au sujet
de la transmission d'un avis du Barreau
du Québec à la commission après le délai
prévu pour la réception des mémoires

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Et je serai bref parce que j'ai hâte, comme tous les autres membres de cette commission, d'entendre les représentants de l'UPA, auprès de qui je m'excuse pour cette brève intervention, mais parfois des questions d'intendance doivent être réglées. Vous l'avez si bien dit, qu'on est ici dans une consultation générale. Il y a eu des avis de publiés dans tous les journaux du Québec qui disaient que, et je le cite: «Toute personne ou organisme qui désire exprimer son opinion sur le projet de loi n° 44 doit soumettre un mémoire au secrétariat au plus tard le 24 août 2004.»

Or, quelle fut donc ma surprise tout à l'heure, quand j'étais assis ici, de recevoir l'opinion du Barreau du Québec. Je n'ai rien contre le Barreau du Québec, j'en suis membre. Je n'ai rien contre le fait que le Barreau s'exprime. Mais le Barreau ne devrait pas avoir plus de droits que quelque autre citoyen que ce soit. Et, pendant qu'on parlait avec un autre groupe ce matin, on a distribué sur le champ l'opinion du Barreau sur le projet de loi n° 44, et, comme ministre, je suis même content de l'avis du Barreau. Il y a une ou deux choses là-dedans qui mériteraient d'être précisées, mais largement ça nous réconforte dans notre position.

Mais je tiens juste à dire, M. le Président, que j'ai l'intention de souligner ça à d'autres niveaux. Je veux qu'on aille au fond de ça. Et je ne veux plus que les citoyens qui sont astreints à une règle de produire leur opinion dans un délai imparti aient l'impression qu'il y en a d'autres qui ne sont pas astreints aux mêmes règles. Je pense que, si on a une règle, ça s'applique à tout le monde, que ce soit le citoyen dans sa maison ou le Barreau du Québec. Si on a fixé une date, il me semble que ceux qui sont le mieux placés pour respecter les dates et les procédures, ça devrait être les avocats qui peuvent donner l'exemple là-dessus. Alors, je tenais à faire cette précision et à dire qu'à mon point de vue les parlementaires, de part et d'autre, devraient pouvoir en discuter. Parce que je sais que c'est le genre de chose qui n'arriverait jamais avec des notaires.

Le Président (M. Brodeur): Non... Oui. Oui, M. le député de Masson.

M. Thériault: D'abord, je dis bonjour aux gens de l'UPA, là, ce ne sera pas bien long, on va commencer. Mais je voudrais quand même dire que d'abord c'est le 7 septembre, la date limite, et que c'est pratique courante. On ne peut quand même pas empêcher le Barreau du Québec, dans des consultations générales, de donner son avis et de le rendre disponible. Alors, dans ce sens-là, moi, je pense que c'est bienvenu si justement la commission peut rayonner au-delà des murs de ce parlement et puis qu'elle interpelle des groupes comme le Barreau du Québec. Et, quand on parle de législation, il me semble que c'est pertinent justement qu'on ait un avis du Barreau du Québec et qu'on puisse travailler avec ça, puis que les législateurs que nous sommes, bien, on puisse prendre des décisions et travailler de manière éclairée. Voilà.

Décision de la présidence

Le Président (M. Brodeur): Merci. Si je peux vous éclairer, je considère cette question plus comme une question de directive qu'une question de règlement. Après vérification... Et d'ailleurs le ministre de l'Environnement, étant lui-même avocat, connaît très bien comment on établit la façon d'accepter ce genre de documents là. Premièrement, on vérifie la loi: Est-ce que les lois ou les règlements sont clairs à ce sujet-là? Non, il n'y a rien, absolument rien dans le règlement de l'Assemblée nationale ou ailleurs qui nous dicte la façon de recevoir ces documents-là.

Deuxièmement, si ni la loi ni les décisions antérieures ne puissent nous éclairer, ni non plus les écrits à ce sujet-là, il ne nous reste que la coutume. Et la coutume veut que nous acceptions toujours ces documents-là. Reste à savoir maintenant si nous devrions continuer. Je pense que le ministre pourrait peut-être suggérer ou avait suggéré tantôt, à la fin de la séance, d'apporter à l'attention de la Commission de l'Assemblée nationale cet état de fait. C'est des choses qui peuvent être modifiées, mais, dans l'État actuel de notre législation, donc de l'absence de législation, nous suivons la coutume et la coutume a toujours été de remettre ces documents-là aussitôt qu'ils étaient portés à la connaissance du secrétaire de la commission.

Ces choses-là peuvent être changées et je m'engage moi-même à porter attention en haut lieu pour modifier possiblement ces règlements-là. Il peut arriver qu'à l'occasion justement il y ait des circonstances qui pourraient permettre de penser qu'on pourrait le faire autrement.

M. Mulcair: Si le Barreau veut écrire aux membres de cette commission, c'est leur droit le plus strict. J'ai soulevé deux aspects: un, on est en plein milieu d'entendre un autre groupe et le document du Barreau a été remis devant nos yeux, il y a un problème. Et je ne suis pas sûr, M. le Président, manque de règle ou pas, qu'il y a quoi que ce soit qui dit qu'on doit être saisi de quelqu'un qui est complètement hors délai, parce que la publication a quand même été faite et ça devrait s'appliquer à tout le monde.

Mettez ça autrement. Un citoyen assis dans son sous-sol qui trouve intérêt à nos travaux, qui nous envoie un e-mail au secrétaire de la commission, mais qui dit des choses qui sont plus ou moins pertinentes, est-ce qu'on l'aurait distribué? Si c'est le précédent, je ne pense pas. Il y a peut-être une manière autre de faire ça.

Loin de moi l'idée de dire que le Barreau ne devrait pas s'exprimer, mais les règles qui s'appliquent à l'ensemble des citoyens s'appliquent aussi au Barreau. C'était mon seul propos.

Le Président (M. Brodeur): C'est principalement pour cette raison-là que je disais que peut-être la Commission de l'Assemblée nationale devrait se pencher, là, sur l'à-propos de recevoir ces documents-là. M. le député de Masson.

M. Thériault: M. le Président, je sais bien que je suis un jeune parlementaire, mais il me semble qu'on devrait procéder selon la coutume. Et ce n'est pas parce qu'on n'aime pas un avis que nécessairement il n'est pas pertinent.

n(14 h 10)n

Le Président (M. Brodeur): Non, d'ailleurs il n'a jamais été question de la pertinence ou de la non-pertinence de l'avis. C'est une question, je l'ai établie comme une question générale.

Et, y allant dans le même sujet, j'ai reçu ici un document qui a été distribué à tous les membres de la commission... qui ne venait pas de quelqu'un qui envoyait ça dans son sous-sol, un e-mail dans son sous-sol, mais qui provenait du ministère de l'Environnement, qui sont des réponses à des questions formulées le 28 septembre 2004, là. Est-ce que tout le monde a pris connaissance de ce document?

Document déposé

Pour le bénéfice des gens qui auront accès sur Internet à nos travaux, est-ce qu'on peut déposer ce document-là officiellement? Je considère le document déposé.

M. Thériault: Oui, M. le Président, nous aimerions aussi pouvoir profiter du dépôt du deuxième document, qui concerne le nombre de poursuites faites par le ministère et ce que ça représente en termes d'effets sur les coûts aussi quant au ministère, et est-ce que ces poursuites-là donnent aussi des résultats, là. Alors, on a demandé cela, je l'ai demandé tout à l'heure, je le demande encore publiquement, nous aimerions recevoir ça le plus tôt possible.

Auditions (suite)

Le Président (M. Brodeur): Il y a acquiescement du ministre, comme je peux constater. Donc, je m'excuse auprès de nos invités. Ceci étant dit, donc nous recevons... Je souhaite la bienvenue aux gens de l'UPA, qui vont déposer leur mémoire. Vous rappelant les règles de la commission, c'est une discussion qui durera un total d'une heure. Vous avez, premièrement, 20 minutes pour vous exprimer, qui sera suivi des parlementaires qui auront 20 minutes, autant du côté du gouvernement que du côté de l'opposition. Donc, immédiatement, M. Pellerin, la parole est à vous.

Union des producteurs
agricoles du Québec (UPA)

M. Pellerin (Laurent): Alors, bonjour, bon après-midi à tout le monde, M. le Président, à chacun et chacune d'entre vous. Je ne ferai pas un long préambule pour vous présenter l'UPA. Je pense que vous connaissez pour la plupart un peu l'UPA, mais juste vous rappeler que nous sommes l'association accréditée qui représente les 44 000 agriculteurs du Québec et nous avons aussi une fédération affiliée à l'UPA qui représente les 125 000 producteurs propriétaires de boisés privés du Québec. Les gens oublient à l'occasion que nous représentons aussi ces producteurs forestiers là. Et cette année, c'est une année de fête pour l'UPA, c'est notre 80e anniversaire d'existence et c'est aussi l'année où le pourcentage de membership à l'UPA est le plus élevé de toute l'histoire de ces 80 ans là. Nous avons, cette année, 94 % des producteurs qui ont signé leur carte de membre sur une base volontaire. Alors, c'est fort intéressant, c'est intéressant à signaler, cet élément.

En introduction, d'abord je veux dire que le mémoire, à la date où on l'a écrit, où on vous l'a envoyé, on ne connaissait pas les règlements d'application qui ont été publiés en début de semaine, en tout cas qui ont été rendus publics en début de semaine. Donc, il y a certains paragraphes qui devront être recalibrés pour ? je les signalerai au moins à un ou deux endroits, là ? tenir compte de ces nouveaux textes là qui viennent en partie répondre à certaines de nos préoccupations.

L'UPA a toujours été grandement préoccupée par les interventions de l'État en matière d'agroenvironnement, ce n'est pas un secret, et c'est pour ça qu'on est ici cet après-midi, pour vous faire part de quelque-uns de nos commentaires.

D'abord, les règles environnementales, vous le savez, se sont considérablement resserrées dans ces dernières années. Elles étaient accompagnées à chaque fois d'un engagement de l'État d'intervenir financièrement pour supporter ce resserrement des règles environnementales. Je vous présenterai un tableau là-dessus aussi. Malheureusement, ça ne s'est pas matérialisé comme ça avait été annoncé. Pire encore, les agriculteurs traversent une des pires périodes de crise des revenus nets, et je l'illustrerai par des chiffres aussi.

Donc, il est impératif que le ministère de l'Environnement tienne compte de ce contexte particulier dans l'élaboration de sa réglementation. On aurait tort d'aller unilatéralement encore vers un renforcement ou une complication administrative de l'application des lois environnementales si on n'en constitue pas un accompagnement, comme les ententes ou les engagements qui avaient été faits, entre autres, dans le programme du parti qui est au gouvernement maintenant. S'ajoute à ça, vous le savez, toute la question de ce qui est devenu un moratoire en production porcine qui perdure et qui ne s'annonce pas pour être encore levé de façon rapide. On apprenait ce matin, dans une autre commission parlementaire, que les municipalités auront jusqu'au mois d'avril pour adapter leur réglementation. Donc, encore une pression d'une année presque supplémentaire, par rapport au moment où on se parle, pour que ces producteurs-là puissent s'adapter.

À certains, il n'en faudrait pas plus pour dire: N'en rajoutez pas, la cour est pleine, le vase déborde, mais quand même nous venons vous porter nos commentaires sur cette question de la loi n° 44.

À la page 6 du texte, je vous fais rapidement un survol de l'évolution rapide. Vous savez que, dans les 10 dernières années, au Québec, on est passé de la norme azote à la norme phosphore, ce qui a obligé les producteurs agricoles à détenir deux fois, trois fois plus grand de superficie d'épandage pour disposer des fumiers et lisiers produits sur les fermes, ce qui n'est pas une mince tâche, et le temps pour s'adapter à ces nouvelles contraintes là est sûrement une question importante.

Il y a une règle gouvernementale qui dit qu'à chaque fois qu'un projet de loi et de règlement est introduit au Conseil des ministres il est accompagné d'une évaluation économique d'impact. Le fonctionnaire qui avait été chargé à l'époque de préparer l'évaluation économique de la mise en application du Règlement sur les exploitations agricoles, en remplacement du RPOA, avait évalué ces données-là ou ces chiffres-là, cet impact-là pour les agriculteurs du Québec à 11 millions, ce qui nous avait fait sourire, et on l'avait dit en commission à l'époque.

Nous avons commandé une étude à AGECO, de l'Université Laval, sur l'impact des nouvelles contraintes environnementales pour les producteurs agricoles, et on parle d'un investissement en immobilisations de 53 millions de dollars et à plus de 84 millions de dollars annuels en dépenses d'exploitation supplémentaires dues à ce règlement. Nous avons déjà remis à quelques-uns d'entre vous, au ministère de l'Environnement entre autres, une copie de l'étude de AGECO. Nous disposons encore de quelques copies ici, si ça peut intéresser des gens.

Et, à chaque fois, comme j'ai dit tantôt, le gouvernement s'était engagé à soutenir le secteur agricole en accordant un support approprié et des délais raisonnables, nécessaires à l'adaptation des entreprises. Et c'est dans cet esprit qu'avait été conçu le Plan d'accompagnement agroenvironnemental, le PAA, qui vise à doter les exploitations agricoles québécoises d'un plan d'action établissant les priorités d'intervention ainsi que des échéanciers réalistes en vue d'assurer à terme la conformité réglementaire de toutes les entreprises du Québec.

Et vous avez au bas de la page 6, depuis qu'on voit évoluer cette augmentation des contraintes environnementales, les engagements budgétaires gouvernementaux. De 1988 à 1996, le PAAGF avait été mis en place avec une annonce de 388 millions. Je vous rappelle que c'était sous un gouvernement libéral aussi. 126 millions ont été versés durant la période de neuf ans, 10 ans, et il y a toujours un 262 millions qui n'a jamais été versé. De 1997 à 2003 devait se verser le PAIA, programme Prime-Vert, une annonce de 400 millions de dollars, avec grande pompe, répétée à plusieurs occasions. 203 millions ont été versés, et il reste 194 millions de dollars à verser sur ces programmes-là. En 2002-2005, le Prime-Vert a été annoncé, en venant remplacer le PAIA, Prime-Vert des années quatre-vingt-dix-sept. Le précédent gouvernement annonçait 257 millions sur trois ans, c'est une annonce en début d'automne 2002. Vous savez ce qui est arrivé par après avec les élections. Et il y avait un engagement du Parti libéral dans son programme électoral, et qu'il a répété après l'élection: le Prime-Vert 2003-2005, qui doit durer sur la période 2003 à 2008, 239 millions de dollars en cinq ans. Il s'est versé l'an passé 15 millions, cette année 27 millions, et il resterait techniquement, théoriquement, à verser 196 millions pour les trois prochaines années. Compte tenu de l'historique passé, vous nous permettez de ne pas rêver en couleurs, hein? On ne s'attend pas à trois années de 70 millions ou 60 millions pour les trois prochaines années. Ça devrait être le cas, mais ça s'est peu souvent réalisé. Alors, nous sommes un peu sceptiques sur le rythme des versements de ces aides-là qui étaient pourtant convenues au départ.

Alors, si d'une main on convient d'avancer dans la réglementation et qu'en même temps on convient d'avancer sur un support financier, quand l'un se produit ? la réglementation, il n'y a pas de doute, a trouvé sa place ? et que l'autre ne se produit pas, vous comprenez qu'il y a un déséquilibre qui se crée, et je n'ai pas besoin de vous l'illustrer plus que ça pour que vous le compreniez aussi.

n(14 h 20)n

Situation économique difficile. 2002 avait déjà été une année, pour l'agriculture québécoise, catastrophique. Je dis québécoise mais aussi canadienne parce que le même chiffre était vu à la grandeur du Canada. Vous avez ça à l'avant-dernier paragraphe de la page 7: une baisse du revenu net de l'ensemble des producteurs canadiens, incluant les interventions gouvernementales, une baisse de 54 % du revenu net, pas des revenus bruts des fermes, du net-net qu'il reste à la fin. Et, en 2003, les chiffres qui sont publiés à date, qui vont être confirmés en cours d'année, nous disent que le revenu net par rapport à 2001 a régressé de 100 %. Donc, en 2003, les 250 000 fermes canadiennes ont travaillé pour rien. Sept jours par semaine, à l'année longue, 250 000 agriculteurs ont travaillé pour un revenu net négatif en 2003. Alors, là aussi je pense qu'on n'a pas besoin de vous illustrer qu'avec ce qui s'est produit dans la deuxième partie de 2003, c'est-à-dire la crise ESB, encéphalite spongiforme bovine, cette situation-là ne s'est pas améliorée et cette crise s'est étirée en 2004, et on ne voit pas non plus l'heure où ça va se régler, au moment où on se parle. Donc, la situation catastrophique des revenus nets des producteurs agricoles québécois et canadiens n'est pas sur une bonne pente.

Pendant ce temps-là, le consommateur canadien paie un prix pour son panier d'aliments qui est parmi les meilleurs au monde. Son panier de provisions a augmenté de 13,8 %, alors que les prix des produits à la ferme n'ont augmenté que de 1 %. Il y a un écart, et vous savez où l'argent se trouve? Dans le secteur du  bovin, les études ont été faites: transformation, distribution, et, dans les autres secteurs, la distribution est souvent pointée du doigt comme étant celle qui ramasse la plus grosse partie des argents de ce secteur agroalimentaire.

Juste pour la crise de ESB, la crise de la vache folle ? en vocabulaire quotidien ? c'est 239 millions pour ce secteur de production là au Québec de pertes pour la dernière année. Il y a eu des interventions fédérales et provinciales, mais il y a quand même un net de pertes pour ces producteurs-là, qui n'est pas un secteur économique très, très payant dans des périodes de bonne année. Vous pouvez vous imaginer quand ils ont 85 millions de pertes nettes dans une seule année, c'est un secteur qui est en grandes difficultés financières, et, je dirais, il y a des producteurs même qui liquident leur cheptel. Alors, on est dans ce contexte-là quand on vient se présenter à vous, cet après-midi, pour nos commentaires sur le projet de loi n° 44.

L'application du principe pollueur-payeur peut a priori rallier une majorité de gens. Il demeure préoccupant pour le milieu agricole d'adhérer à cette orientation sans véritablement connaître la manière dont le ministère entend la mettre en oeuvre. Et ça, je le disais tantôt, avant qu'on ait la publication des règlements d'application, c'était encore plus large d'application, donc nos craintes étaient sûrement encore plus importantes.

Dans ce contexte, la mise en place d'un processus d'accompagnement nous apparaît la seule solution, c'est-à-dire le temps et l'argent nécessaires pour permettre aux producteurs et aux productrices agricoles du Québec de remplir les objectifs qu'on s'était fixés, 2008, 2010, dépendamment de chacun des objectifs fixés. Déjà, on peut reconnaître dans des études ? et vous l'avez en annexe du mémoire qu'on vous présente, hein? ? des enquêtes qui ont été faites à la grandeur du Canada, les producteurs agricoles du Québec sont ceux au Canada qui ont investi le plus par ferme sur la question environnementale, presque ? plus que presque ? trois fois le montant investi par les fermes des autres provinces canadiennes: 1 091 $ par ferme dans les autres provinces et 4 146 $ pour les fermes agricoles... pour les fermes du Québec. Il y a quand même une sensibilisation et une action des producteurs agricoles québécois assez importantes, là.

Coût du contrôle et de la surveillance aux titulaires d'orientation. Et c'est probablement là que s'applique le plus notre mise en garde par rapport à la publication que vous avez faite en début de semaine, quand on lit, à l'article 5 de votre projet de loi, que le ministère peut «déterminer les frais exigibles de celui qui est titulaire d'une autorisation, d'une approbation, d'un certificat, d'un permis, d'une attestation ou d'une permission et destinés à couvrir les coûts engendrés par des mesures de contrôle ou de surveillance, notamment ceux afférents à l'inspection d'installations ou à l'examen de renseignements ou de documents fournis ? par ceux-ci ? au ministre, les modalités de paiement de ces frais, ainsi que les intérêts exigibles en cas de non-paiement», vous voyez que le paragraphe est extrêmement large. Et, à part des modifications que vous avez publiées cette semaine dans les règlements d'application, il nous apparaît que vous n'avez pas besoin de revenir devant une commission parlementaire pour modifier ces règlements d'application là. Alors, ça pourrait se faire assez rapidement en sourdine, en douce, et venir s'appliquer au secteur agricole.

Alors, je vous répète que le timing n'est certainement pas bien choisi pour appliquer des charges supplémentaires au secteur agricole, non plus que de la paperasse supplémentaire. Est probablement issue d'une bonne intention au départ toute cette information-là qu'on circule un peu partout. La vie privée est assez... Ce qui reste du domaine privé est assez restreint. À peu près tout ce qu'on fait, tout ce qu'on a, tout ce qu'on possède, toutes nos pratiques font l'objet d'examen à la loupe par les gens du gouvernement, par des fonctionnaires. Ça, ça nous achale un peu, pas mal, d'autant plus que, de plus en plus, nos concitoyens demandent d'avoir accès à toutes ces informations-là, que ce soit à partir du plan de fertilisation ou dans nos dépôts de bilan phosphore, aux grandeurs de terres qu'on possède, au cheptel que chacun des producteurs a. Ça commence à tomber dans le domaine du privé pas mal, quand on étend ça au domaine municipal; les municipalités font ces demandes-là, et des groupes de citoyens font ces demandes-là. Alors, nous, tout ce qui pourrait identifier les chiffres d'affaires ou les activités d'un producteur agricole... Vous savez, quand vous avez les superficies et le cheptel, il est assez facile d'aller vers les chiffres d'affaires des producteurs, là. Quelqu'un qui connaît un peu le domaine agricole est capable de faire ça. On va être extrêmement réticents à fournir plus de données qu'on en fournit déjà.

Probablement que l'intention de départ était excellente, mais il est presque rendu, dans la fourniture de ces informations-là, que seuls ceux qui vont être capables de le faire de façon assez facile et courante, c'est les entreprises d'une grande taille qui vont se payer quelqu'un pour le faire. Alors, on voulait essayer d'encadrer les pratiques environnementales, on voulait protéger les fermes dites «familiales», mais on est en train de leur compliquer tellement la vie que ce n'est pas après leur journée de travail à 8, 9 heures le soir ou le dimanche après leurs sept jours de travail qu'ils vont continuer à remplir ces paperasseries et ces formulaire supplémentaires là. On est en train de tasser du revers de la main une partie importante de nos fermes en ajoutant une complication administrative intolérable. Je vous dirais, et je l'entends, ce commentaire-là, partout à travers le Québec: Il y a de plus en plus de producteurs et de productrices qui n'en peuvent plus et qui n'y arrivent plus, à transmettre cette paperasse-là. Je vous le répète, il n'y aura que quelques grands consortiums agricoles qui pourront se permettre d'avoir des techniciens, des secrétaires à temps plein pour remplir cette paperasse-là.

Alors, si l'intention de départ était bonne, je pense que la dérape administrative est sûrement là. Vous n'avez pas vu ces documents-là. Je ne vous en ai pas amené après-midi. On en a déjà fournis à différents ministères. On ne parle plus de quelques centaines de pages, là, on parle de documents qui sont de l'ordre de deux pouces, trois pouces d'épais. Quand on fait le tour de tout ce qu'on nous demande de fournir, on pense que ça dépasse un peu ce qui était logique de demander pour une administration saine de la question environnementale.

Les producteurs sont confrontés à la nécessité d'adapter leurs entreprises aux nouvelles exigences environnementales, réglementaires, et il n'y a pas de problème avec ça. En soi, ça représente un défi majeur, compte tenu des investissements que ça peut comporter, et ils font en même temps face à une crise des revenus nets à la ferme sans précédent. Le gouvernement a annoncé des aides financières. On attend encore la livraison de ces aides financières là et on souhaiterait que l'évolution de la réglementation suive l'évolution des budgets. S'il y a budget, on réglemente; s'il y a moins de budget, on réglemente moins, sans ça il va se produire un décrochage de certains de nos groupes de producteurs agricoles.

En conclusion, je dirais, dans l'élaboration de sa réglementation, le ministère a l'obligation, et cela est pour nous impératif, de prendre en compte le contexte dans lequel ceci s'inscrit actuellement. À cet égard, nous sommes résolument d'avis qu'il faut, en agriculture, travailler à réunir les conditions qui permettront aux exploitations agricoles de s'adapter à l'intérieur d'un délai raisonnable avant d'envisager de nouvelles contraintes ou de nouvelles exigences réglementaires. Alors, ce sont nos commentaires pour ce projet de loi. Il y a les annexes que vous avez vues qui viennent illustrer les chiffres qui sont dans le document.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Pellerin. Juste avant de céder la parole au ministre, j'aimerais, juste pour préciser... Vous êtes bien accompagné de M. Jean Larose, directeur général...

M. Pellerin (Laurent): J'aurais dû faire ça.

Le Président (M. Brodeur): ...et de Mme Marlène Thiboutot, coordonnatrice des dossiers Environnement et aménagement.

M. Pellerin (Laurent): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue en commission. M. le ministre.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Pellerin et aux  gens qui l'accompagnent. L'Union des producteurs agricoles, comme vous pouvez imaginer, a une très grande importance au ministère de l'Environnement. On a l'occasion de travailler avec eux souvent pour les raisons que M. Pellerin vient d'indiquer. Mais je suis content que vous ayez eu l'occasion de réaliser que ? et ça aussi, ça avait fait l'objet de décisions ? ce n'est pas la ferme individuelle qui est visée par le projet de loi  n° 44, c'est très clair pour ce qui est de la tarification, c'est très clair dans les documents. Vous avez raison, un règlement, c'est un règlement, quelqu'un pourrait changer d'avis là-dessus, mais je suis en train de vous donner l'orientation de notre gouvernement.

n(14 h 30)n

Ce que je peux aussi dire pour vous rassurer peut-être un peu... Parce que vous avez soulevé un bout concernant la protection de la vie privée, qui est pour moi un élément très important dans notre société. Puis vous avez très bien dit ça, M. Pellerin, qu'il y a tellement de possibilités d'accès à l'information sur nous. Mais qu'on soit très clair, c'est expressément prévu que ces articles-là ne s'appliquent pas à de l'information personnelle, nominale, et à tel point que, lorsqu'on a consulté la Commission d'accès à l'information là-dessus, ils n'ont vu aucun problème, ils n'ont pas formulé de commentaire négatif à cet égard-là, parce que justement on ne touche pas à l'information personnelle.

Pour ce qui est de la possibilité de demander éventuellement le chiffre d'affaires, je vous avoue que, si vous regarder l'objectif, c'est seulement de l'information qui peut concerner l'état de l'environnement. Je ne vois pas comment quelqu'un même qui souhaiterait savoir ça peut trouver une manière de s'accrocher sur cet article-là pour aller demander... Mais je suis prêt à le regarder. Je vais demander aux gens qui m'accompagnent, mais notre première compréhension ne permet pas de partager votre crainte là-dessus. Mais je ne dis pas que c'est dénué de fondement, vous avez le droit de vouloir protéger, tout comme les autres industriels le font, vos secrets, le cas échéant.

Par contre, c'est important de connaître l'état de l'environnement, et ce qu'on s'en va chercher là, c'est exactement la même chose que le gouvernement fédéral s'en va chercher. Il peut avoir d'autres choses, puis certains observateurs qui suivent nos travaux l'ont déjà remarqué, que ça se peut que ce qu'on demande comme information ou qu'on aille chercher soit différente, mais pas au point de s'intéresser au chiffre d'affaires d'un producteur, je ne vois pas comment on peut y arriver avec ce qui est là. Mais je m'engage de le revérifier puis, si jamais je découvre que c'est le contraire, qu'il y a cette possibilité-là, je m'engage de l'enrayer, mais je ne le vois pas comme c'est libellé là.

J'ai eu aussi l'occasion, avec une présentation qui a été faite par les producteurs de lait du Québec, aujourd'hui, que vous connaissez fort bien, on a eu l'occasion de discuter de ça. Ils avaient l'air satisfaits de constater que ce n'était pas la ferme individuelle qui était visée. Je veux juste savoir c'est quoi, votre réaction là-dessus. Est-ce que ça correspond à votre vision de ce qu'on pourrait faire ici?

M. Pellerin (Laurent): Oui, bien c'est ce que j'essaie d'atténuer dans le commentaire d'ouverture que j'ai fait. Avec les règlements d'application que vous avez publiés en début de semaine, on comprend mieux maintenant l'intention et les paroles que vous prononcez là sur, je dirais, les secteurs que vous visez ou le genre d'entreprise que vous visez. Et effectivement on se sent moins visé qu'à la lecture générale du projet de loi, l'article 5 en particulier, là. Ça, je pense qu'on a compris ça, et le mémoire doit être lu avec cette remarque-là incluse.

Et peut-être faire un commentaire sur la question du chiffre d'affaires. Ne comprenez pas que je dis que, dans ce projet de loi là, il y a une demande précise là-dessus. Mais, à force de demander des renseignements sur les fermes, particulièrement PAF, et vous savez que, dans un autre projet de loi, n° 54, nos concitoyens, le monde municipal demandent d'avoir accès à toute cette information-là, bien là écoutez, la relation est assez facile à faire entre superficie, les sortes de cultures, le cheptel, les équipements. Tu n'as pas besoin décrire les chiffres là, tu sais, c'est là. Alors, ce ne serait pas une demande directe du projet de loi, mais, par voie de conséquence, dans l'information supplémentaire qui risque d'être demandée et des groupes nouveaux qui demandent cette information-là, on est à la veille de leur demander de venir les administrer à nos places.

M. Mulcair: O.K. M. Pellerin, merci.

M. Pellerin (Laurent): Et, à ce moment-là, ils seront pris pour le travail sept jours, eux autres aussi.

M. Mulcair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député d'Iberville.

M. Rioux (Iberville): Merci beaucoup, M. le Président. Donc, ça fait plaisir de revoir à une semaine de distance... Jeudi dernier, M. Pellerin nous faisait l'honneur d'être dans le comté d'Iberville pour un projet qui liait le ministère de l'Environnement et l'UPA, soit la reconnaissance de la rivière Sud et des terres humides. Donc, je pense que c'était très significatif de la part du monde agricole et de l'UPA dans ce projet-là, c'est un projet qui s'est fait en solidarité, donc ça fait plaisir de vous rencontrer de nouveau aujourd'hui, M. Larose, Mme Thiboutot.

Donc, évidemment je pense qu'il y a une chose qui est claire, et, moi, je la connais dans mon comté qui est un comté rural, c'est que la volonté du monde agricole de respecter l'environnement, elle est là. Et aussi ils savent très bien que c'est une question de survie, si on n'assure pas la sécurité alimentaire, donc d'avoir des productions qui sont sécuritaires. Donc, il faut s'assurer effectivement que l'environnement est respecté. Sauf qu'il y a un coût pour ça, pour s'assurer. Et rappelons-nous que c'est des choix de société que l'on a fait, d'augmenter notre agriculture et de devenir une agriculture... de développer l'agriculture intensive, et c'est un choix de société, d'assurer l'autosuffisance de notre production. Sauf qu'il faut aussi le corrélataire, c'est-à-dire que, si on décide comme société qu'on veut assurer que l'on produit ce que l'on consomme, d'assurer ce principe, il faut aussi accompagner les gens. Et, moi, je répète souvent: Rappelons-nous que, lorsqu'il est arrivé, au niveau municipal, qu'on a construit des usines d'assainissement des eaux, bien on les a défrayées jusqu'à 95 % pour régler le problème qui était autant résidentiel qu'industriel.

Donc, on a décidé, au niveau de la société, que, oui, on voulait s'assurer qu'on était autosuffisant, sur le territoire du Québec, et même de développer notre exportation. Il y a des coûts, et je pense que, ces coûts-là, il faut les assumer collectivement. Sauf qu'il y a toujours la notion économique qui revient: les besoins sont grands et sont illimités, mais nos ressources, elles, sont limitées.

Dans ce contexte-là, il est évident que vous nous parlez d'un processus d'accompagnement, de délai, parce qu'effectivement il y a une crise de revenus dans le monde agricole, vous nous l'avez présentée, et je pense que... en nous le donnant. Mais, si on a un minimum de gens qu'on connaît qui sont dans le domaine de l'agriculture, l'équité est là, c'est évident, mais de l'autre côté les revenus ne suivent pas. Donc, si on veut s'assurer, on revient toujours à notre problème... pas notre problème, mais à la situation où est-ce qu'on veut être autosuffisants. Bien, il faut que nous soyons présents en tant que société, donc... et si on veut garder aussi la ferme à dimension humaine.

Vous avez parlé, tout à l'heure, des conditions d'administration. La plupart des fermes qu'on connaît, c'est monsieur, madame puis des fois un employé à mi-temps, mais souvent qui vont avoir des équités de plusieurs millions. Donc, je pense que ça, il faut le respecter, c'est une entreprise qui est différente, donc il faut, je pense, s'adapter à ces différences-là, à ces spécificités-là. Mais sauf que vous êtes conscients, puis les agriculteurs le sont, qu'il faut respecter l'environnement. Quels seraient pour vous des processus, des choses ? on dit souvent que vous êtes sur le plancher des vaches et que vous êtes terre-à-terre ? des processus d'accompagnement que vous souhaiteriez et des délais que vous souhaiteriez, des choses concrètes.

M. Pellerin (Laurent): D'abord, je vous remercie pour vos bons mots, M. Rioux. C'est vrai qu'on était à un événement assez intéressant la semaine passée à la rivière du Sud, à la sortie du lac Champlain, pour saluer d'abord le travail des producteurs qui ont, pendant toutes ces années, protégé ces milieux humides là et de les remercier, et un peu symboliquement aussi de les encourager à continuer et de faire des alliances avec des groupes comme Canards Illimités ou d'autres groupes qui sont dans une approche constructive, vraiment de partenariat avec les producteurs agricoles. Il y a plus de chances de succès dans ce genre d'activité là que dans des façons autres.

J'ai été particulièrement, je vous dirais, déstabilisé par un chiffre qui, dans la préparation de cette rencontre-là, m'a été donné de lire et de questionner pour voir si j'avais bien compris. J'ai compris qu'au Québec il y avait 10 % des sols du territoire du Québec qui faisaient partie, dans notre classification, des milieux humides. Et je vois plein de monde environnementaliste, mais environnementaliste et autres, qui se mobilisent pour la protection de ces milieux humides là, c'est extrêmement important, 10 % du territoire du Québec.

Et je pose la question, j'ai posé la question: Est-ce qu'il y a des gens qui savent comment qu'on a de territoire agricole au Québec? Comment on a grand de la surface du Québec qui est propice à la production agricole? Et ce n'est pas tout le monde qui sait qu'on a moins de 2 % de la surface du Québec. Alors, s'il est important d'en protéger 10 %, y est-u drôlement important de protéger le moins que 2 % qu'il nous reste pour la production agricole? Ça, ce n'est pas pour nourrir les canards puis les bibittes, là, le 2 %; c'est pour vous nourrir, vous autres, là. Moi, je ne mange pas tout ce que je produis, moi, là. Pour nourrir la population. Alors, drôlement important. Et c'est une des raisons pourquoi je suis allé à cette activité-là, justement pour faire le contrepoids à ces champs d'intérêt là.

Ce qui est frustrant pour les producteurs agricoles dans l'accompagnement financier, ce n'est pas tellement de n'avoir eu que 15 millions l'an passé, ou que 27 millions, mais c'est de se faire parader devant la face des 239, des 488 au fil des années, et ça dure depuis 20 ans.

n(14 h 40)n

Et ça, c'est extrêmement décevant parce qu'on voit arriver une réglementation, on voit arriver une annonce de 388 millions qui va avec, on se dit... on se fait un plan de travail, les producteurs font des investissements, se sensibilisent, se mobilisent, et, quand arrive le moment d'aller sur la partie du 388 millions, il n'est jamais là. Toutes les autres sommes qui ont été annoncées, c'est pareil à chaque fois. Alors, ou bien donc on est caves puis on poigne ça à chaque fois, nous autres, puis on digère ça puis on y cré. Ou bien donc on va travailler autrement que ça, là, tu sais. Si vous arrêtez de... Si les gouvernements, un après l'autre, puis là ce n'est pas plus vous autres que les autres, ça a été pareil sous tous les gouvernements, ça fait 20 ans que ça dure... Ou bien donc on va se donner une autre façon de travailler puis on ne fera pas accraire aux producteurs qu'il y a de l'argent qui va venir et on aura les réactions sur la partie réglementaire comme elles doivent être, c'est-à-dire on ajustera la réglementation au niveau du rythme qu'on est capable de se payer comme société. Ça, on n'a pas de problème avec ça.

Il faut être conséquent dans la vie, hein? On ne peut pas fermer des piscicultures au Québec pour raison environnementale puis continuer à aller chez Loblaw puis s'acheter du poisson d'élevage. Ça n'a pas de sens, et c'est tout ce qu'on fait comme citoyen chacun dans une journée. Si on n'a pas les moyens environnementaux de se payer des piscicultures, au Québec, bien on va arrêter d'acheter le poisson qui vient de l'Ontario de pisciculture, on va arrêter d'acheter le poisson qui vient des pays en voie de développement de pisciculture aussi. Il va falloir être conséquent. On a une conscience environnementale ou on ne l'a pas. On ne l'a pas juste pour notre petit coin de patelin. Ou bien, bien on va se donner des normes qui sont vivables. Bien, c'est ça, la balance qu'il y a entre les deux, et c'est probablement le réalisme plat des producteurs agricoles, mais c'est leur réalisme. Je veux dire, on va au rythme où on est capable d'aller dans les meilleures conditions possible. C'est ça, notre souhait. À votre question précise, c'est ça, notre souhait.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Pellerin. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. D'abord, avant d'adresser mes questions à l'UPA, je voudrais, en vertu de l'article 214, demander au ministre de déposer le document qu'il a mentionné tout à l'heure. Il a dit qu'il avait une étude... un avis de la Commission d'accès à l'information, alors j'aimerais ça qu'il puisse le déposer, qu'on puisse en prendre connaissance, nous aussi.

M. Mulcair: Juste sur la question de règlement, M. le Président, je ferai remarquer à mon collègue que l'article 214 dit: Lorsqu'on cite un document, même en partie, on doit le déposer. Or, je ne citais pas de document, j'ai dit que je l'avais bien reçu. Mais, malgré cette technicalité-là, ça va me faire plaisir... J'ai demandé qu'on le cherche et ça va me faire plaisir de le communiquer et vous allez voir que ce que j'ai dit est exact. Ils n'avaient pas de commentaires négatifs à formuler en ce qui concerne la vie privée là-dedans.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Juste pour dire au député de Masson que l'article 214 parle de document lorsqu'on cite une partie d'un texte et non pas parler d'un document. Citer un document, ce n'est pas le même genre de citation qui est prévu à l'article 214.

Une voix: ...

M. Thériault: Oui, en fait ce n'est pas écrit «si on réfère», c'est écrit «si on cite».

M. Mulcair: Mais, malgré ça, donc je ne voudrais pas que ce soit interprété comme créant le précédent, mais ça va me faire plaisir de vous le donner quand même.

M. Thériault: Ça va me faire plaisir de le recevoir.

M. Mulcair: Ça va probablement aller à la prochaine fois qu'on commence en commission après... C'est le début de la semaine prochaine.

M. Thériault: Bon. Merci beaucoup. Dans votre mémoire, à propos de l'article 5, vous situez le fait que ça accorde une marge de manoeuvre assez grande. Vous dites: «...marge de manoeuvre et laisse croire que l'ensemble des coûts relatifs au contrôle pourrait être refilé aux titulaires d'une autorisation» et que cela, pour le milieu agricole, est totalement inacceptable. Vous en avez parlé tout à l'heure. Vous avez dit que les intentions réglementaires qu'on a publiées, hein ? parce que ce n'est pas un projet de règlement qu'on a, il n'est pas sous sa forme juridique, on n'en sait rien, de ce que le règlement va avoir l'air ? vous avez dit que ça vous indiquait que vous n'étiez pas visé, donc en quelque part ça atténuait vos craintes, mais en même temps vous avez à juste titre mentionné qu'un règlement, ça se modifie beaucoup plus facilement, et parfois en douce, qu'un projet de loi.

Or, nous, comme législateurs, parce qu'on est ici, en commission parlementaire, ce qu'on essaie de rechercher toujours, c'est l'intention, l'intention qui est sous-jacente au libellé d'un article de loi, ce qu'on appelle souvent en jargon l'«intention du législateur». Le ministre, depuis le début de la commission et même avant, disait que son intention était à l'effet de cibler le pollueur-payeur. Et, lorsqu'on lit ce projet de loi là et notamment l'article 5 ? et je pense que vous en convenez avec nous ? il est libellé de façon tellement large qu'au fond ce n'est plus le principe du pollueur-payeur qui est en cause ici, mais le principe de l'utilisateur-payeur.

Je ne veux pas augmenter vos craintes, mais, si vous avez suivi nos audiences depuis le début, vous aurez remarqué qu'à chaque fois que l'opposition officielle invite le ministre à faire en sorte qu'il inscrive dans la loi son intention, il ne semble pas tout à coup, là, qu'on a une ouverture à ce niveau-là, on pense qu'ils pourront le faire strictement au niveau du règlement. Ce qui veut dire qu'éventuellement un règlement pourrait inclure votre milieu advenant que peut-être les finances du ministère se portent encore moins bien.

Quand on veut savoir quelle est l'intention du législateur, il faut aussi regarder non pas à la pièce en fonction d'un seul projet de loi, mais en fonction d'une orientation globale d'un gouvernement, vous en conviendrez. Et, quand on regarde l'orientation globale du gouvernement, où finalement ? je pourrais revenir en arrière jusqu'au cadre financier électoral ? on disait: On va investir en santé, on va investir en éducation, et, nous, on disait: C'est irréaliste, il ne restera plus rien pour le reste, bien là on se retrouve effectivement avec des coupures pour assurer la mission de contrôle et de surveillance du ministère de l'Environnement. On parle cette année d'une coupure de 13 millions.

Et, quand on veut donc savoir ce qu'est l'intention du législateur, bien il faut aussi voir quel est le portrait global d'ensemble de ce gouvernement qui tient un discours anti-taxe mais qui en même temps ? ce n'est pas nous qui le disons, là, c'est le Barreau, hein ? libelle un article de loi qui va dans le sens d'une taxe déguisée, hein? Je vais vous lire l'article, là. On dit, à l'article 5 ? et tout le monde en a une copie: «Pour éviter un élément de double pénalité pour une même infraction et un aspect de "taxe déguisée", les frais imposés à la personne responsable devraient varier en fonction des coûts réels engendrés par les activités de vérification et d'enquête du ministère. Les pouvoirs discrétionnaires conférés par cet article devront être balisés obligatoirement par les critères prévus au dernier alinéa de l'article 31 de la loi afin de traduire de façon précise l'intention du législateur qui est, selon nous, d'imposer aux personnes responsables des frais qui correspondent aux activités de vérification et d'enquête du ministère.»

Et donc, au fond, c'est ce qu'on dit depuis le début: Il faut que l'intention ministérielle d'imposer des frais de contrôle et de surveillance au pollueur-payeur se traduise dans la loi et non pas juste dans un règlement, parce que sinon on créerait un précédent d'utilisateur-payeur et qui pourrait être assez facilement transposable dans d'autres secteurs de services que rend l'État.

Est-ce que vous nous suivez là-dessus? Et est-ce que, même si votre milieu est soulagé, vous comprenez que, nous, législateurs, pour l'instant ? soulagé ? nous, législateurs, on va devoir travailler dans le sens d'une modification, dans la loi, de l'article 5, et, sur ce, je vous demanderais si le concept d'utilisateur-payeur vous plaît?

M. Pellerin (Laurent): Bien, écoutez, on ne fait pas une lecture bien, bien différente de ce que vous venez de faire comme lecture. Et effectivement l'article 5 est d'une portée extrêmement large couvrant tout ça. Je ne ferai pas un débat avec M. Mulcair, à sa réponse de tantôt, pour comprendre qu'on voit plus ou on comprend plus les orientations gouvernementales quand on lit les règlements d'application que lorsqu'on lit la loi. Le gouvernement est là pour adopter des lois, il les tempère par des règlements d'application. Le fond de cette loi-là, vous avez raison, il est universel, il est l'utilisateur-payeur, et, si on pousse à l'extrême, là, lisez tout ce qui est énuméré dans ce paragraphe-là, on peut autofinancer le ministère de l'Environnement à 100 % avec ce paragraphe-là.

C'est là-dessus qu'on dit et qu'on conclut à la page 10: «Une perspective totalement inacceptable pour le milieu agricole.» Je vous ai dit qu'on a relu quand même les règlements d'application. Pour moi, les règlements d'application ne traduisent pas l'esprit général du gouvernement. C'est les lois qui traduisent l'esprit général du gouvernement. On a tempéré de façon peut-être transitoire, peut-être sectorielle, peut-être... Il y a différentes façons de tempérer l'application d'une loi, là, on peut le faire. Ça se peut bien que la tempérance reste là bien longtemps. Ça se peut qu'elle parte à la première tentation aussi. Vous savez ce que c'est, la tempérance? Une grande vertu. Alors, oui, ce paragraphe-là, cet article-là, il est d'une portée extrêmement générale, trop générale à notre point de vue. S'il y a moyen de le resserrer, ce n'est pas nous autres qui va s'objecter.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Masson, oui.

n(14 h 50)n

M. Thériault: Le ministre nous a dit que la tarification des pollueurs-payeurs servirait à payer, entre autres, le Centre de contrôle, le nouveau Centre de contrôle et de surveillance, le nouveau procureur, des groupes environnementaux et son plan vert, et cela même avec... là, en partant avec une coupure de 13 millions en moins, là. Est-ce que vous pensez que, selon votre expérience du milieu et selon votre réflexion à propos justement d'une tarification puis des amendes et l'expérience que vous avez, là, concernant la protection de l'environnement, est-ce que vous pensez que strictement le concept de pollueur-payeur va pouvoir payer tout ça?

M. Pellerin (Laurent): Bien, je répète ce que j'ai dit, le paragraphe est assez long et comprend assez de volets pour pouvoir payer pas mal d'affaires.

M. Thériault: O.K.

M. Pellerin (Laurent): ...

M. Thériault: D'accord.

M. Pellerin (Laurent): On ne peut pas avoir une réponse différente que sur la question précédente, c'est la même réponse.

M. Thériault: Plusieurs... Oui.

M. Pellerin (Laurent): Alors, la différence, ça va être dans l'application de ça, puis comment de temps ça va durer. Puis, quand il y aura une tentation de modifier le règlement, je sais qu'il y a une prépublication de, quoi, 45 jours, il y a une prépublication si on veut changer le règlement, mais il n'y a pas une commission parlementaire où on peut venir faire l'exercice d'aujourd'hui, alors ça peut passer, là, assez rapidement. Alors ça, on est craintifs de ce côté-là.

M. Thériault: Admettons qu'on...

M. Pellerin (Laurent): Et ? peut-être un autre commentaire aussi ? ce n'est pas le, entre guillemets, utilisateur ou, entre guillemets, pollueur qui décide du nombre de vérifications et du temps de la vérification et de la lourdeur de la vérification. Il pourrait arriver qu'il y ait une vérification mais qu'il ne soit coupable de rien, et là ce n'est pas dit qu'ils ne chargeront rien dans ce cas-là non plus, là. Quand on va devant les tribunaux, là, on poursuit quelqu'un, si on gagne, on peut gagner, puis on peut gagner avec les frais qu'on a occasionnés avec l'autre ou sans les frais qu'on a occasionnés à l'autre. Mais ça, il n'y a rien de ça, là, c'est un juge qui est lui-même l'utilisateur, le ministère, qui va décider quels frais il impose à qui, puis à quelle hauteur, puis à combien de fois par année, puis... Bon. Je comprends, quand vous faites déplacer la grosse patente, là, autobus, van, là, cinq, six fois sur le même site, puis à tous les mois ou à tous les deux mois, qu'il y ait une charge d'utilisation. À la limite, ça peut se défendre, mais ce n'est pas ça que le paragraphe dit, là, de la loi; ce n'est pas ça qu'il dit, le paragraphe de la loi. Le paragraphe de la loi, il dit qu'on peut charger tout, à tout le monde, tout le temps. C'est ça qu'il dit, le paragraphe de la loi. Je ne suis pas avocat, je ne suis qu'un lecteur.

M. Thériault: Advenant le cas où on arrive à baliser, là, l'article 5 ? mais dans la loi ? et que ça se reflète dans un règlement, plusieurs groupes nous ont dit que ? et que ce soit le pollueur-payeur, là, qui soit en cause ou au moins, s'il y a un contrôle puis une surveillance, celui qui est en faute qui paie, là, et non pas celui qui est correct ? plusieurs intervenants nous ont dit que, puisque tout cela est issu d'une logique dans le fond de décroissance budgétaire ou de coupures budgétaires, il fallait absolument qu'il y ait un fonds dédié, c'est-à-dire que ces argents de cette nouvelle tarification devraient absolument rester et revenir non pas au fonds consolidé mais au ministère dans un fonds dédié. Est-ce que vous êtes aussi d'accord avec ça, même si je comprends, là, les réserves que vous avez mentionnées concernant l'accompagnement, et tout ça?

M. Pellerin (Laurent): Ça me fait sourire un peu, c'est-à-dire, parce qu'on peut nommer... J'ai compris, dans ce que vous avez nommé comme groupes qui pourraient bénéficier de ce fonds-là, des groupes écologistes, je ne sais pas trop. Je n'ai pas vu le programme Prime-Vert. Ça pourrait peut-être financer le programme Prime-Vert éventuellement aussi, donc me faire un fonds dédié au ministère de l'Agriculture.

Le Président (M. Brodeur): M. le ministre.

M. Mulcair: Juste pour revenir très brièvement sur un aspect de l'intervention de mon collègue le député de Masson tantôt, il a tout à fait raison que le terme «taxe déguisée» est utilisé et même mis entre guillemets dans la lettre du Barreau, mais il faut quand même lire la phrase au complet. Voici la phrase au complet: «Pour éviter un élément de double pénalité pour une même infraction et un aspect de ? entre guillemets ? "taxe déguisée", les frais imposés à la personne responsable devraient varier en fonction des coûts réels engendrés par les activités de vérification et d'enquête du ministère.» Alors, c'est une condition, ce n'est pas une constatation, ce n'est pas une observation. Alors, ce qu'il importe de regarder... Et c'est dommage que le Barreau n'était pas effectivement dans les délais, parce que ? à la demande du député de Masson, on s'est assuré que tout le monde a reçu le document en question avant même l'ouverture de la commission ? ils auraient pu constater que c'est exactement ce qu'on fait. Alors, ne faites pas dire au document ce que ça ne dit pas, ce n'est pas juste pour le Barreau.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. Et je pense que, pour fins de discussion, est-ce que vous voyez une objection à ce qu'on déposerait officiellement...

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Brodeur): ...la lettre du Barreau?

M. Mulcair: Non.

Document déposé

Le Président (M. Brodeur): Donc, elle est déposée.

M. Mulcair: La prochaine fois, ils ont rien qu'à être dans le temps.

Le Président (M. Brodeur): La lettre du Barreau est déposée. Oui, M. le député de Masson.

M. Thériault: Oui, M. le Président. Je pense que j'ai lu la phrase au complet, et on aura l'occasion, je pense...

M. Pinard: ...de la citer régulièrement.

M. Thériault: ...de s'entretenir sur les différentes interprétations qu'on en fait.

Ceci étant dit, je veux profiter de la présence des gens de l'UPA pour leur demander: À la lumière de l'état de la situation au niveau de l'agriculture, à la lumière donc d'ententes qui ont déjà été faites, à la lumière du principe de l'accompagnement, est-ce qu'au fond vous seriez d'accord avec certains groupes qui disent qu'on devrait surseoir à ce projet de loi et, plutôt que d'y aller à la pièce, essayer d'abord de voir quel est le plan global, le plan d'ensemble, la vision globale du ministère de l'Environnement en matière de protection de l'environnement avec son projet de loi sur le plan vert, dont on a appris ce matin que ce serait un avant-projet de loi, pour voir où est-ce qu'au fond vous vous situez comme milieu à travers ce plan d'ensemble et comment, à ce moment-là, vous pourriez atteindre des spécificités réglementaires comme celles du projet de loi n° 44?

Est-ce que vous êtes d'accord qu'au fond adopter le projet de loi n° 44 maintenant, avant qu'on ait le plan vert, dans votre contexte actuel, ça vous rassure, vous n'êtes pas visés? Mais au fond la journée qu'il y a des inspecteurs qui vont débarquer chez vous quand vous allez devoir rencontrer les échéances, vous allez être des pollueurs-payeurs, si j'ai bien compris, parce qu'il y en a plusieurs qui ont de la difficulté à rencontrer ces échéances-là dû au manque de financement quant à l'accompagnement.

M. Pellerin (Laurent): Écoutez, je mentionnais tantôt, dans la mise en contexte, qu'au cours des dernières années le secteur agricole a été la cible d'une évolution extrêmement rapide des règlements environnementaux. Et même le redécalage plus hâtif dans le temps, je veux dire, on annonce aux gens que ça va être ça, le comportement pour les cinq prochaines années, les dix prochaines années, et, six mois après, il y a une pression supplémentaire qui vient de n'importe où d'où qu'elle peut venir, que ce soit du ministère de l'Environnement, des gens des municipalités, on resserre encore les... C'est ce qu'on est en train de faire, dans le projet de loi n° 54, avec la production porcine. On ne sait pas à quoi s'attendre pour les prochaines années, jamais. Alors, qu'il y ait un plan d'ensemble, ça, c'est sûr qu'on souhaiterait ça. Est-ce que ça mérite de reporter l'application ou les discussions sur ce projet de loi là? Ça, je ne me prononce pas.

À tout le moins, si le commentaire que vous faisiez tantôt sur le titre du projet de loi, c'est un projet de loi qui s'adresse à pollueur-payeur... s'assurer au moins que le libellé de la loi ne fait pas en sorte que c'est un projet de loi qui s'adresse à utilisateur-payeur, qu'il soit restreint dans sa portée à ce qu'il est annoncé pour être.

Le restant, c'est un souhait, je pense, que tout le monde doit faire et peut faire, compte tenu de l'évolution extrêmement rapide de la question environnementale, la sensibilisation environnementale. Quand on donne des délais et des objectifs aux gens, moi, je pense qu'il faut s'en tenir à ces délais-là, à ces objectifs-là et ne pas revenir à la charge à tous les six mois pour rerevoir et rerevoir chacune de ces échéances, chacun des critères. Sans ça, on demande un certificat d'autorisation, un mois; à la fin du mois, les exigences viennent de changer, le certificat n'est pas émis. Un an après, il n'est toujours pas émis, parce qu'il faut aller en cour pour dire: À ce moment-là, quand je l'ai demandé, ce certificat-là, c'était ça, les exigences. Puis ça n'a aucun sens, ça, et on est là-dedans actuellement au Québec, là.

Nul ne doit ignorer la loi ? il y a quelque chose comme ça qui dit ça ? mais encore faut-il que la loi, elle ait un petit peu de stabilité, là. Sans ça, écoutez, moi, je ne peux pas suivre toutes les modifications, là. Il y a des... C'est un fait, on a 80 producteurs cet été... entre 60 et 80 producteurs qui sont poignés avec une loi qui a changé, un règlement, une directive qui a changé à la fin de juin. Ces gens-là ont fait toutes leurs demandes d'autorisation, tout préparé leurs projets en vertu de ce qu'ils connaissaient comme réglementation. Tout d'un coup, il y a quelqu'un qui envoie une directive, et ça vient de changer de bord, et puis on ne peut plus donner suite aux projets des gens. Alors, ça, ça doit arrêter, ça. Même chose pour... Demain, vous savez que c'est le 1er octobre.

Une voix: Oui.

M. Pellerin (Laurent): Pour vous autres, ça ne veut probablement rien dire, le 1er octobre? En agriculture, le 1er octobre, c'est la date limite des épandages de fumiers et lisiers. Regardez la température dehors, il n'y a personne qui a le goût d'arrêter demain, là. Et on est supposé d'avoir un comité qui travaille là-dessus, il ne s'est pas encore réuni, la date d'échéance, c'est le 7 octobre. Alors, on a des règles comme ça qui sont écrites dans les lois qui changent d'une année à l'autre, et les gens ne savent pas ça va être quoi, le comportement pour l'hiver prochain, là. Puis on est à la période d'hivernage des animaux. Dans le secteur bovin, il faut leur annoncer ça assez vite, là, compte tenu de leur situation financière. On n'a pas de nouvelles. Qu'est-ce que je fais, moi, là? En gens responsables, à un moment donné, il faut dire au monde: Regardez, faites le meilleur de votre connaissance, puis on va vous défendre. Il y a quelque chose qui ne se peut plus, là.

n(15 heures)n

Alors, moi, sur le contexte général d'avoir une compréhension globale de la patente, je suis assez d'accord.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Je vous remercie, M. le Président. Je suis content d'avoir quand même senti un peu de prudence dans votre réponse, parce que le fait de reporter l'application de certaines dispositions de la loi, ce serait comme donner aussi un feu vert à ceux qui polluent encore puis qui pourraient profiter encore de plusieurs opportunités. Alors, je vous remercie là-dessus.

Je voudrais revenir sur les informations qui doivent être transmises. Tantôt, vous avez fait état d'une espèce de secret ou de confidentialité à l'égard du revenu des agriculteurs ou du moins du chiffre d'affaires, mais est-ce qu'il n'y a pas aussi une intention de garder secret, un petit peu comme un secret industriel, le fait d'avoir des recettes particulières au niveau de la fertilisation? Est-ce que c'est un petit peu ça dont vous voulez parler ou pas du tout?

M. Pellerin (Laurent): Non, de recettes particulières dans le sens que quelqu'un aurait trouvé une combinaison qu'il ne veut pas...

M. Soucy: Oui.

M. Pellerin (Laurent): Si c'était le cas...

M. Soucy: Oui, oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): ...ça se saurait et je pense que tout le monde sauterait dessus. Il y a peut-être des compagnies qui sont en train de développer des... Par exemple, dans la question des traitements des fumiers et lisiers, ils sont peut-être en train de développer des techniques sur lesquelles ils aimeraient garder une certaine royauté ou une certaine exclusivité pendant une période de temps. Ça, ça se peut, mais mon commentaire ne s'adressait vraiment pas à ça.

Mon commentaire s'adressait avec ce qu'on fait, aujourd'hui, ici, à cette commission, avec qu'est-ce qui se fait dans une autre commission avec le projet de loi  n° 54 et la demande des municipalités et des concitoyens qui veulent avoir accès à toutes nos informations de producteurs. Et ça, moi, je n'ai pas à faire la liste des lots dont je suis propriétaire pour aller présenter ça à tout le monde du village puis la liste des animaux que j'ai chez nous, les dates que je vais épandre, que je vais faire mes travaux. Je n'ai pas, je n'ai pas à rendre compte, moi, là, à tous mes voisins de qu'est-ce que je fais. Il n'y a personne qui fait ça, là. Alors, à un moment donné, là, il faut slaquer la pédale. Ces demandes-là sont sur la table actuellement et cette information-là est déjà au ministère de l'Environnement, et on trouve que c'est suffisant.

M. Soucy: Merci.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Masson.

M. Thériault: M. le Président, je voudrais en profiter tout de suite, là, pour remercier le ministre d'avoir acquiescé aussi rapidement au dépôt de l'avis de la Commission d'accès à l'information.

Vous avez parlé, dans votre présentation, tout à l'heure, et dans une discussion avec un des députés d'en face, de la confidentialité, là, des PAEF. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi et qu'est-ce que le ministre devrait faire par rapport à ça pour vous rassurer?

M. Pellerin (Laurent): Bien, d'abord, la possession de cette information-là et son mode de gestion, de cette information-là, doivent continuer d'être encadrés par la Commission d'accès à l'information. Ce n'est pas vrai que n'importe quel fonctionnaire en région peut avoir toute l'information et véhiculer ça comme ça, là. Il faut un code d'utilisation de cette information-là.

Je ne sais pas si on vous a déjà montré ce que c'est, un plan de fertilisation, là, mais ce n'est pas deux feuilles 81/2 X 11, là. C'est une analyse presque complète de la ferme, de l'état des sols, de ce qu'il y a comme fertilisants dans les sols, de ce qu'il y a comme cheptel dans la bâtisse, la grosseur, le nombre, les méthodes d'alimentation, les équipements d'alimentation, les équipements d'épandage. Tout est là-dedans, là, c'est l'inventaire de l'entreprise, presque. Que le ministère de l'Environnement l'ait pour gérer les choses qu'il a à gérer, on a fait ce compromis-là, mais, plus que ça, ça doit être assez. On a fourni quand même au ministère de l'Environnement des bilans phosphore, on fournit des registres d'épandage. Ça commence à faire pas mal de paperasse pour de la fertilisation.

M. Pinard: M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Je suis heureux de vous entendre, M. Pellerin. M. le Président, concernant notamment la question de la confidentialité, je retrouve chez vous les propos qui ont été prononcés, hier, par Me Nadon et Me  Martin, respectivement de Desjardins, Ducharme, Stein, Monast et de Heenan Blaikie, qui mentionnaient que maintenant, si on passait, là, la loi telle que présentée, à ce moment-là, confidentialité, chez vous, il n'y en a plus, là. Il n'y en aura plus non plus chez les entreprises qui vont être regardées par le ministère de l'Environnement. Donc, ça, c'est quelque chose qui, chez nous, est sensible.

Mais ma question est dans un autre domaine, parce que vous avez parlé, tout à l'heure, de certificat de conformité, et, depuis les débuts de consultations, on a certains groupes qui sont d'accord avec un certain point de vue d'utilisateur-payeur, dans le sens qu'ils seraient d'accord pour payer pour obtenir un service du ministère de l'Environnement, comme, par exemple, l'émission des certificats d'autorisation et autres permis que les différentes entreprises ou exploitations peuvent avoir de besoin. On a eu cette opinion-là, par exemple, de l'exploration minière. On a eu cette opinion-là du Conseil patronal. Mais par contre on a eu un refus systématique, ce matin, de la Fédération des producteurs de lait à l'effet que ça augmenterait les frais et sans nécessairement, eux, pouvoir être en mesure de passer la facture.

Est-ce que l'UPA, même si une de ses branches est catégoriquement contre le fait d'avoir cette notion d'utilisateur-payeur pour des permis et certificats, est-ce que l'UPA, elle, sa position est la même que celle de sa Fédération des producteurs de lait ou si elle partage une opinion différente?

M. Pellerin (Laurent): C'est une grosse branche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Laurent): C'est presque le tronc de l'arbre. Alors, ce que la Fédération des producteurs de lait sans aucun doute vise, c'est que, utilisateur-payeur, si les gens qui font une demande de certificat d'autorisation ont à défrayer les frais, si les gens qui font une demande de n'importe quel permis de construction sont encore à défrayer... On paie des frais aux municipalités. S'il faut repayer au ministère de l'Environnement à chaque fois la paperasserie là-dessus, je pense, cette partie-là, là, c'est assez. Et ça, ça irait dans le sens probablement de la phrase du Barreau, là: il ne faut pas que le projet de loi serve à ça, là, d'être une taxe déguisée. Je ne comprends pas si c'en est une ou si ce n'en est pas une, mais ça n'aurait pas de misère à en être une, là, tu sais. Si ce n'est pas encadré, là, ça n'aurait pas de misère à en être une. Bon.

Ce que vous me citez, que le ministère de l'Environnement ait des facilités ou des équipements d'analyse de polluants, ou d'émanations, ou de toutes... et qu'il vende ces services-là à des entreprises qui veulent se mettre à date, ils sont utilisateurs de ces services-là, qu'ils en paient les coûts, ça, je n'ai pas trop de réserves sur ce bout-là, là. Mais, à ce moment-là, si c'est tellement bon puis c'est tellement utile, qu'il l'offre, les gens vont l'acheter, le service, puis ils paieront ce que ça vaut. Si je veux avoir une journée de... l'autobus pour analyser l'air autour de chez nous, je le ferai venir puis je paierai pour. Puis, si les entreprises qui font du minerai ou je ne sais pas quoi, des produits chimiques veulent l'utiliser, ils paieront pour. Puis, si c'est assez rentable, le ministère va en acheter deux, trois, puis il va se promener avec ça. Je ne pense pas que ce soit le but de l'objectif.

Même chose, on a parlé, à un moment donné, des analyses d'eau, des analyses de toutes sortes de contaminants. S'il y a des services qui sont disponibles à des coûts qui sont intéressants, il ne faut pas que ce soit... Le ministère de l'Environnement n'est pas là pour vendre des pénalités. S'il a des services à vendre, bien qu'il les vende, puis les utilisateurs qui souhaitent les utiliser les paieront, mais ça ne peut pas être dans la même phrase que la pénalité.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le ministre.

M. Mulcair: Alors, juste avant de remercier l'UPA pour leur présentation toujours aussi bien cernée ? c'est très facile de travailler avec M. Pellerin, il est aussi franc en commission parlementaire qu'en rencontre, et c'est toujours pertinent et direct au but ? afin de le rassurer sur une de ses dernières interventions en ce qui concerne ce qui pourrait devenir, pour reprendre l'expression qui a été utilisée, une taxe déguisée, je tiens à lui dire que, dans la lettre du Barreau, ils disent: Ça pourrait le devenir si ce n'est pas basé sur deux choses, le coût réel et les critères basés... au nouveau dernier alinéa de l'article 31. Or, si on regarde ce que, nous, on a publié, c'est exactement ça qu'on fait.

Par ailleurs, il y a une partie de la missive du Barreau qui nous a laissés un petit peu perplexes, car ils disent que les pouvoirs discrétionnaires conférés par l'article 5... Je vous avoue que, puisqu'il s'agit d'une disposition habilitante puis par définition il n'y a pas de discrétion dans l'application d'un règlement, on avait un petit peu de difficultés, avec l'équipe juridique du ministère, à comprendre pourquoi le Barreau avait écrit ça. Mais, en ce qui concerne l'application des critères de l'article 31, c'est évident, c'est ça, la disposition habilitante, et c'est ça, le cadre aussi en ce qui concerne notre intention, puis, le monde agricole, je vous l'ai donnée tantôt, c'est l'orientation de notre gouvernement, M.  Pellerin.

Alors, merci beaucoup pour la qualité habituelle de votre intervention, et on s'est habitués à ça avec vous. Et merci beaucoup, c'était très constructif.

M. Pellerin (Laurent): Bonne fin de journée. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je remercie donc l'Union des producteurs agricoles, M.  Pellerin, M. Larose et Mme Thiboutot.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que nos prochains intervenants puissent prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 10)

 

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux et nous allons entendre, cette fois-ci, la Table de concertation des industries métallurgiques du Québec ? le Groupe de travail sur l'environnement de l'IMQ et qui est représenté, j'imagine, par M. Jean Lavoie.

M. Lavoie (Jean): Précisément.

Le Président (M. Brodeur): Ici présent, le porte-parole du groupe de travail. Donc, M. Lavoie, vous avez, comme vous le savez, un temps de 10 minutes de présentation qui vous est accordé, et un temps de 10 minutes du côté du parti formant le gouvernement, et une autre période de 10 minutes pour le parti formant l'opposition officielle. Donc, nous allons débuter dès maintenant. La parole est à vous, M. Lavoie.

Table de concertation des industries
métallurgiques du Québec (IMQ) 
? Groupe
de travail sur l'environnement de l'IMQ

M. Lavoie (Jean): Alors, tout d'abord, merci, mesdames et messieurs, M. le Président, de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire en commission parlementaire.

Alors, peut-être une petite mise en contexte. La Table de concertation des industries métallurgiques du Québec regroupe les entreprises les plus importantes oeuvrant dans le secteur de la métallurgie au Québec, soit les domaines de la production de l'acier: on pense à Ispat Sidbec, Norambar; de l'aluminium: Alcan, Alcoa, Alouette; du magnésium: Norks Hydro; des métaux non ferreux, tels que les compagnies du Groupe Noranda; et de la fonte.

Alors, le Groupe de travail sur l'environnement de l'IMQ, que je représente, tient à vous faire part de certains commentaires sur le projet de loi n° 44. Alors, je pense que je n'ai pas à vous le répéter, que ce projet de loi comporte deux volets qui couvrent, d'abord, la demande de renseignements ? l'article 4 ? et les tarifications de certains actes faits par le ministre de l'Environnement, d'autre part.

Alors, voici nos commentaires, ils seront brefs, ils iront droit au but. Et je voudrais simplement ajouter qu'évidemment notre mémoire ne tient pas compte des deux documents qui ont été publiés cette semaine, soit le projet de règlement lui-même, le projet de règlement d'application.

Alors, en ce qui concerne l'article 4, il nous semble que les pouvoirs octroyés au ministre, par cet article, de déterminer les renseignements requis sont beaucoup trop étendus et devraient être balisés. En effet, la justification d'une surveillance continue de l'environnement est très floue et prête à toutes les interprétations. Le ministre possède déjà les pouvoirs de demander des renseignements en vertu des lois et règlements existants. Cet article du projet de loi soulève également la crainte qu'il y ait duplication des exigences de déclaration par le ministère et Environnement Canada.

Alors, pour les entreprises de la taille des industries métallurgiques, obtenir les données exigées peut être très important du point de vue financier, compte tenu de la taille de nos entreprises. À titre d'exemple, les coûts de caractérisation de deux dépoussiéreurs typiques d'une entreprise métallurgique pour les seuls composés organiques semi-volatiles sont de l'ordre de 30 000 $.

Par ailleurs, en vertu de la loi d'accès à l'information, ces renseignements additionnels seront accessibles à qui en fera la demande, et ces renseignements ne resteront donc pas à l'usage exclusif du ministère. Et l'IMQ souhaiterait, à tout le moins, être consultée sur la nature des renseignements requis par le ministère. Nous voulons également nous assurer que l'industrie n'est pas ciblée injustement pour une problématique qui n'est pas sous son unique responsabilité.

En ce qui concerne l'article 5, l'IMQ soutient que le fait de tarifer l'examen et les suivis des diverses autorisations demandées est assimilable à une taxe additionnelle. Si le budget du ministère de l'Environnement a été établi par le gouvernement à un niveau donné, c'est que celui-ci lui accorde une importance qui est proportionnelle à ce budget. Est-ce que le ministère aurait reçu le mandat de lever de nouvelles taxes à la place du ministère du Revenu? Si c'est le cas, nous souhaitons que le débat ait lieu sur la place publique et que l'on sache si d'autres ministères seront aussi mis à contribution. La CSST, le ministère des Finances, le ministère des Transports éventuellement vont-ils facturer les entreprises pour leurs interventions au-delà d'un seuil donné?

Des frais exigibles pour la délivrance d'une autorisation, d'un permis ou d'un certificat pourraient être acceptables s'ils sont raisonnables et que le service reçu est de première qualité. Toutefois, en ce qui concerne les frais reliés à des mesures de contrôle et de surveillance, ils ne sont pas à notre avis acceptables et font partie du mandat du ministère. La justification de faire payer les utilisateurs fréquents de ces services ou les entreprises délinquantes est douteuse. En effet, les lois et les règlements en vigueur permettent déjà de sanctionner les entreprises récidivistes et d'imposer des amendes basées sur les circonstances plus ou moins graves reliées à l'infraction. Pour ce qui est des utilisateurs fréquents, la tarification des autorisations pourrait permettre d'atteindre l'objectif recherché.

En conclusion, l'IMQ suggère que le ministre abandonne l'idée de tarifer les services d'inspection et de contrôle, et nous recommandons aussi que le processus de demande de renseignements par le ministère soit balisé. Nous aurions souhaité savoir ce qui est visé par cette recherche de renseignements, ce qu'on a appris cette semaine. Il nous a été impossible de le connaître avant la commission parlementaire. À notre avis, les renseignements visés devraient être justifiés par les priorités ministérielles, éviter toute duplication, et les enjeux, connus de l'industrie et de la population.

Je veux vous remercier de l'attention que vous accordez à notre mémoire.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Lavoie. M. le ministre.

M. Mulcair: Je tiens à remercier M. Lavoie pour sa présentation. Je pense que les discussions qu'on a pu avoir aujourd'hui ont réussi à dissiper beaucoup de craintes en ce qui concerne l'accès à l'information. Il n'y a rien à craindre dans ce qu'on est en train de faire. On est en train de faire notre travail, de remplir notre obligation d'aller chercher de l'information sur l'état de la santé environnementale au Québec. Il n'y a pas de secrets industriels qui vont être transigés là-dedans. Puis, vos membres, vous pouvez les rassurer et leur faire part que votre intervention a été accueillie avec une réponse du ministre qui enlevait tout doute là-dessus. Je pense que c'est le point le plus important que je peux soulever cet après-midi.

M. Lavoie (Jean): ...l'article 4, M. le ministre, je suis d'accord avec vous que la lecture de ce qui était visé dans le projet de règlement était de nature à nous rassurer. Ce qu'on aimerait par contre ce serait que ce but-là soit intégré dans l'article 4 lui-même, c'est-à-dire que, si le but recherché était d'obtenir copie des informations qu'on transmet déjà à d'autres ordres de gouvernement comme Environnement Canada ou à l'international, alors pourquoi ne pas tout simplement le signifier dans l'article 4 en disant que cet article-là permet d'obtenir copie ou l'accès aux documents qu'on fournit à d'autres ordres de gouvernement?

n(15 h 20)n

M. Mulcair: L'information qu'on va aller colliger ressemblerait beaucoup et contiendrait sans doute la vaste majorité des choses déjà transmises au fédéral. Mais, moi, comme ministre de l'Environnement du Québec, je n'ai pas l'intention d'avoir les mains liées par ce que... devant un autre ordre de gouvernement. Ça se peut que ce que je demande soit légèrement différent, puis, honnêtement, soyons sérieux, ce n'est pas le coût d'un timbre de plus et une photocopie de cette information ni le fait d'en ajouter ou d'en soustraire qui va changer quoi que ce soit dans les coûts des opérations de vos membres.

M. Lavoie (Jean): Tout dépend si ces informations-là sont disponibles. Évidemment, si on les fournit déjà à d'autres gouvernements, je suis d'accord avec vous, c'est le coût d'un timbre additionnel. Par contre, si on va au-delà de ces informations-là, bien, comme je le mentionnais, tout à l'heure, dans mon exemple, ça peut aller rapidement demander des frais importants.

M. Mulcair: Mais je me permets juste de vous rappeler que, dans le document qui a déjà été publié, qui est disponible sur le site Web et qui vous aurait normalement dû être transmis, on prévoit, à l'article 5: Les renseignements communiqués en vertu de l'article 4 doivent être fondés sur les meilleures données et la meilleure information que possède l'exploitant ou auxquelles on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il ait accès. C'est ça qui est prévu et c'est ça, notre intention.

M. Lavoie (Jean): Est-ce qu'il est de l'intention du gouvernement de modifier le libellé de l'article 4, à ce moment-là?

M. Mulcair: Bien, je ne vois pas l'intérêt. Si on est en train de le faire comme ça, je ne vois pas où est le problème, pour être très honnête.

M. Lavoie (Jean): Alors, en réalité, cet article-là permet de demander n'importe quoi à n'importe qui n'importe quand. Je suis d'accord avec vous qu'il est balisé dans le projet de règlement, mais il reste quand même une ouverture à demander autre chose que ce qui est dans ce projet de règlement là.

M. Mulcair: Écoutez, dans la mesure où c'est notre intention, je vais analyser ça avec notre équipe juridique pour savoir où est la meilleure place pour le mettre. Mais, comme je vous dis, ça, c'est notre intention, c'est bien reflété dans le document qui a été envoyé. Mais je vais la regarder attentivement à la lumière de vos représentations cet après-midi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le ministre. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez raison de rester très, très, très rigoureux quant aux dispositions et au libellé de la loi, et de dire, en tout respect, au ministre: Bien, un règlement, c'est un règlement, puis un projet de loi, c'est un projet de loi, et une loi, un article de loi, ça ne se modifie pas sans repasser devant le législateur. Et, moi, c'est la préoccupation que j'ai depuis le début de cette commission. J'entends le ministre, et, moi, j'en suis persuadé, quand il dit: Moi, je vous dis que je vise les récidivistes, moi, je vous dis que je vise les pollueurs-payeurs; moi, je le crois. Le problème, c'est qu'il fait partie d'un gouvernement, et «moi, je veux faire cela», ça peut achopper très, très vite dans un Conseil des ministres.

Et, quand je regarde sa volonté ministérielle et ses intentions réglementaires, vous faites bien d'être prudent là-dessus, mais ça reste toujours, ici, des intentions que l'on partage, et je veux le répéter encore une fois, sauf qu'on comprend mal, après deux jours d'audiences, comment se fait-il qu'il semble y avoir résistance à laisser dans la législation même l'héritage de ces intentions-là.

Parce que les ministres passent, vous savez, et les règlements se modifient très rapidement, souvent sans que les législateurs aient un mot à dire. Et je pense que ça, c'est un des points importants qui font que, même si on poursuit les mêmes objectifs ? l'opposition officielle et le ministre ? quant à la protection de l'environnement, je pense qu'on a un travail de législateur rigoureux à faire.

Vous dites dans votre mémoire ? et je vous trouve assez incisif ? que «si le budget du ministère de l'Environnement a été établi par le gouvernement à un niveau donné, c'est que celui-ci lui accorde une importance proportionnelle à ce budget. Est-ce que le ministère de l'Environnement aurait reçu le mandat de lever de nouvelles taxes à la place du ministère du Revenu? La CSST, les Finances, le MTQ vont-ils éventuellement facturer les entreprises pour toutes les interventions au-delà d'un seuil donné?»

C'est ce que vous dites dans votre mémoire, c'est les questions que vous posez. Moi, je veux vous entendre là-dessus.

M. Lavoie (Jean): En fait, ce qu'on pense, c'est que c'est un peu une question fondamentale, tout ça, à savoir: Est-ce que, en plus du cadre financier actuel, chacun des ministères va aussi essayer d'aller chercher d'autres revenus d'une façon qui n'est pas prévue comme telle initialement ou qui n'a pas déjà été établie dans les cadres législatifs ou dans le cadre légal normal? C'est tout simplement cette chose-là. Je pense que ça vaut la peine d'être discuté avant d'être mis dans un règlement. Est-ce que c'est le seul exemple qu'on va avoir de cette application-là de l'article 5 ou est-ce que ça va s'étendre à d'autres choses?

M. Thériault: À partir du moment où l'article 5 serait modifié, donc le libellé de la loi serait modifié dans le sens des intentions du ministre et, je le souhaite, de son gouvernement, est-ce que vous êtes pour une politique qui s'appuie sur le principe du pollueur-payeur?

M. Lavoie (Jean): Bien, ce qu'on mentionne dans notre mémoire, et je me tiendrai à ça, c'est qu'on n'est pas contre le fait de tarifer certains actes comme les certificats d'autorisation, les autorisations elles-mêmes. Déjà, dans les attestations d'assainissement, il y a des frais qui sont prévus. Trop difficile d'application de tarifer les interventions sans que ce soit réellement, vraiment balisé et précisé. Il y a un pas de fait là-dedans, dans le projet de règlement. Il faudrait peut-être prendre le temps de regarder ça, voir quel effet que ça aura sur l'article 5. Mais je préfère qu'on réserve peut-être notre jugement final sur cette partie-là du projet de loi n° 44.

M. Thériault: Je vais quand même aller un peu plus loin. Vous êtes libre de me répondre ou pas, ou de réserver votre réponse, là. Si on inscrivait, dans ce projet de loi, à l'article 5, que le principe du pollueur-payeur au sens où, à partir du moment où un contrôle et une surveillance fait en sorte qu'on découvre qu'il y a infraction, il y a nécessairement l'obligation de payer la facture... Est-ce que vous seriez en accord avec ça?

M. Lavoie (Jean): Ça demande réflexion. Évidemment, lorsqu'il y a implication du ministère de cet ordre-là, c'est parce qu'il y a eu une infraction, j'ai l'impression, relativement importante, infraction qui pourrait être sanctionnée par les amendes qui sont déjà prévues dans la réglementation, à mon sens.

M. Thériault: Dernière question: Même avec vos réserves, là, je me dis... plusieurs intervenants... Et je trouve ça important parce qu'en quelque part le rationnel de ce projet de loi là ? et je ne dis pas l'intention mais le rationnel ? provient à notre avis, l'opposition officielle, d'une rationalisation, d'un manque à gagner au niveau du ministère, issus probablement d'un cadre financier irréaliste. Mais on ne reviendra pas là-dessus, on va jouer notre rôle d'opposition. On est dans l'opposition, on va l'accepter, on va l'assumer. Mais, ceci étant dit, est-ce que, compte tenu de la provenance, là, de cette volonté de facturation des services liés à la mission de protection d'un ministère, est-ce que vous seriez d'accord avec le fait qu'au moins les argents perçus soient versés à un fonds dédié et non pas au fonds consolidé et que cela s'inscrive nécessairement dans ce projet de loi ci?

M. Lavoie (Jean): Je pense que cette question-là, écoute, on ne conteste pas, dans l'industrie, que peut-être le ministère de l'Environnement est sous-financé, qu'il puisse avoir l'argent des infractions et bonifier les services qu'il rend à la population et aux entreprises, on n'est pas contre ça, définitivement pas.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

M. Mulcair: Juste avant de remercier notre invité, M. le Président, pour dire que j'ai eu l'occasion de consulter avec les gens des affaires juridiques, puis il n'y aura à première vue aucune objection et pas de difficulté à intégrer la notion de la restriction qui est contenue dans la rédaction du règlement dans le texte même de la disposition dans la loi. Si ça peut rassurer, pourquoi pas?

Et on va continuer d'étudier avec beaucoup d'attention le sujet soulevé à maintes reprises par mes collègues de l'opposition. J'ai déjà tenté d'expliquer qu'il allait y avoir un fonds vert dans l'autre, puis, si le fait de faire ça temporairement ici, en attendant que l'autre soit en vigueur, peut enlever cette angoisse de l'opposition, bien ça va me faire plaisir d'essayer d'y donner suite, mais on va se donner quelques jours pour l'étudier.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, M. le ministre. Donc, je remercie la Table de concertation des industries métallurgiques du Québec ? le Groupe de travail sur l'environnement de l'IMQ, dont particulièrement M. Lavoie. Merci de votre contribution.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe, soit le Conseil des entreprises de services environnementaux.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

 

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Nous étions rendus au dernier groupe de la journée, soit le Conseil des entreprises de services environnementaux. Bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vais vous céder immédiatement la parole, et le porte-parole pourra présenter les personnes qui l'accompagnent. Et je vous rappelle que vous avez un temps de parole de 10 minutes pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Conseil des entreprises de services
environnementaux (CESE)

M. Lachance (Pierre): Merci, M. le Président, M. le ministre le de l'Environnement, mesdames et messieurs de la commission, je m'appelle Pierre Lachance. Je suis le directeur général du Conseil des entreprises de services environnementaux.

Permettez-moi d'entrée de jeu de vous présenter les membres du conseil d'administration du CESE qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Charles Tremblay, qui est président de Sita Canada et président du conseil d'administration du CESE; à sa gauche, M. Roger Gibb, vice-président-directeur général de Stablex et vice-président Matières dangereuses au Conseil des entreprises de services environnementaux; et, à ma droite, M. Claude Fournier, vice-président de Horizon Environnement et administrateur du CESE. M. Fournier représente aujourd'hui le secteur des sols contaminés.

Le Conseil des entreprises de services environnementaux ? un nouveau nom, j'en suis certain, pour vous ? est un jeune organisme constitué en juillet 2003. Il représente ? et c'est sa caractéristique exclusive ? de manière exclusive les entreprises privées directement impliquées dans l'exécution des services environnementaux au Québec. Je m'explique.

Quand je parle de services environnementaux, je désigne des entreprises qui effectuent la collecte, le transport, la valorisation des matières résiduelles urbaines, industrielles et commerciales, incluant l'élimination des résidus finaux. Ces entreprises gèrent de façon responsable les matières résiduelles, les matières dangereuses et les sols contaminés. À ce titre, ces entreprises sont les partenaires de tous ceux qui souhaitent un environnement plus sain.

Le CESE compte présentement 38 sociétés membres dont la liste vous a été remise; elle est en annexe du mémoire. Leurs chiffres d'affaires annuels cumulés excèdent les 700 millions de dollars et elles emploient plus de 5 000 travailleurs.

Vous entendrez un jour ou l'autre la désignation collective suivante: Nous nous considérons les entrepreneurs environnementalistes. Cette désignation illustre bien la dualité de ce que nous sommes. Nous sommes à la fois des gens d'affaires, pour qui le succès commercial est essentiel à notre existence, et, d'autre part, nous avons aussi en commun le souci de soigner l'environnement. C'est ce souci quotidien d'offrir les meilleurs services possible à notre clientèle dans le contexte réglementaire du Québec.

Le Conseil des entreprises de services environnementaux apprécie l'occasion d'apporter son point de vue face au projet de loi n° 44, car ses membres composent l'une des industries les plus réglementées et par conséquent un secteur qui serait intensément touché par la loi proposée.

La réglementation environnementale appliquée de façon uniforme est une nécessité et la surveillance de son application doit être renforcée. Parlons un peu d'abord de réglementation. Au cours des 10 ou 15 dernières années, de nombreuses entreprises des principaux secteurs industriels se sont dotées de programmes de protection et de gestion de l'environnement dont les exigences sont égales ou supérieures aux exigences réglementaires. Dans tous les programmes de gestion environnementale, le respect des lois et des règlements est une exigence de base. Plusieurs de ces entreprises sont clientes des membres du Conseil des entreprises de services environnementaux. Celles-là ne craignent pas les règlements, puisqu'elles s'imposent volontairement de très hauts standards. Ce qu'elles craignent, ce sont les inspections abusives, discrétionnaires, à but lucratif et sans équité par rapport à l'ensemble des acteurs.

Il est cependant évident que la réglementation demeure indispensable à la protection de l'environnement, d'abord pour refléter les normes et critères qu'a choisis la société via le législateur et aussi parce que toutes les entreprises n'ont pas adopté une politique ou un programme de gestion environnementale.

Notre conseil reconnaît d'emblée que la réglementation environnementale favorise les activités de ses membres, car les services qu'ils rendent consistent souvent à exécuter des travaux pour contribuer à rendre l'entreprise cliente conforme à ces normes de gestion environnementale ou aux exigences réglementaires. Pour sa part, le CESE encourage ses membres à se comporter de manière respectueuse de l'environnement ainsi que des lois et règlements applicables à leurs activités. En contrepartie, le CESE encourage le gouvernement à avoir une réglementation uniforme appliquée de manière uniforme, une réglementation équitable envers tous les acteurs, qu'ils soient publics ou privés.

Parlons un peu de surveillance, maintenant. Une réglementation dont l'application n'est pas surveillée est pire que l'absence de réglementation, car, si l'absence de réglementation peut susciter la négligence et le laisser-faire, une réglementation non surveillée encourage la tricherie et l'hypocrisie. C'est pourquoi le Conseil des entreprises de services environnementaux appuie l'intensification de la surveillance et insiste auprès du ministre pour que l'application de la réglementation environnementale soit uniforme au Québec, que les activités se déroulent en ville, en région, sous la responsabilité d'entreprises privées ou d'agences gouvernementales, de sociétés d'État, incluant les fédérales ou des municipalités. Les cibles et l'intensité de la surveillance et des inspections devraient être fonction de critères objectifs qui permettraient au ministère de démontrer l'efficacité de son système, la performance, la compétence et l'impartialité de ses équipes d'inspection et les gains environnementaux qui découlent de ces inspections.

n(15 h 40)n

Qui doit payer cette surveillance? Voilà le coeur de la loi n° 44. Le CESE est bien conscient de la baisse de budget alloué au ministère de l'Environnement. Les membres du CESE espèrent que ces coupures ne reflètent pas une démobilisation du gouvernement face à la protection de l'environnement. Selon nous, la diminution des fonds affectés au ministère titulaire de cette responsabilité doit être compensée par des gains d'efficacité et de productivité. C'est ce qui arriverait dans le secteur privé: une baisse de revenus entraînerait des efforts de réduction de coûts, d'augmentation d'efficacité et de productivité.

À notre avis, le projet de loi n° 44 vise à combler une partie du manque à gagner jadis payé à même les impôts mais en ciblant un payeur différent: les entreprises. Le gouvernement veut se donner le pouvoir de facturer un certain nombre de gestes posés par le ministère dans le cadre de la surveillance, au nom du principe de l'utilisateur-payeur. À notre point de vue, il s'agit ici de gestes imposés par le ministère dans l'exercice normal de sa responsabilité d'assurer la protection de l'environnement dans l'intérêt du grand public. Cela est très différent des services demandés par les entreprises pour exercer leurs activités, telle l'émission des permis, des certificats d'autorisation, et le reste.

Même si cette mesure de financement devait permettre la surveillance et les contrôles que revendiquent les membres du CESE, nous aurions les mêmes objections, car le CESE ne peut pas concevoir un scénario où le ministère de l'Environnement aurait le pouvoir de facturer la surveillance aux entreprises sans limites bien définies de tarifs, de motifs, de fréquence et sans expliquer l'utilisation ultérieure de ces argents. Les inspections doivent servir un objectif de prévention et non prendre des allures de campagne de financement ou pire encore de vendetta dans certains cas.

Le CESE dit non parce que les inspections sont effectuées dans le cadre du mandat de protection de l'environnement que le ministère détient de la population, ce sont donc les impôts des citoyens qui devraient payer les coûts. Les entreprises paient déjà leur droit d'exploiter leurs entreprises. Elles créent les emplois qui sont sources de revenus fiscaux pour les gouvernements et elles paient leurs impôts sur le revenu. Il nous apparaît excessif de leur facturer en plus des services d'inspection et de surveillance. Cela ressemble beaucoup trop à une taxe appliquée de manière inégale sans critères précis, injuste, sans droit de représentation.

Selon le CESE, le ministère de l'Environnement détient tous les moyens de poursuivre en justice les délinquants à répétition. Les revenus des amendes imposées dans ce cadre, versées au fonds de roulement du ministère ? un fonds dédié ? plutôt qu'au fonds consolidé...

Le Président (M. Brodeur): M. Lachance.

M. Lachance (Pierre): Oui, monsieur.

Le Président (M. Brodeur): Votre temps est maintenant écoulé. Je peux vous laisser 15 secondes pour conclure.

M. Lachance (Pierre): Oui, je vais sauter un bout, parce que, je comprends, on a rajouté du texte, surtout après avoir lu le projet de règlement.

Nous avons pris connaissance, dans les dernières heures, du projet de tarification en règlement éventuel en application du projet de loi n° 44. Nous sommes simplement stupéfaits. Notre première lecture confirme les pires craintes que nous avions imaginées. Il nous semble qu'il y a une confusion entre la maladie et le docteur. Nous n'arrivons pas à comprendre que les trois premiers secteurs énumérés comme cibles visées par le règlement soient précisément les trois secteurs représentés par notre organisme: matières résiduelles, matières dangereuses et sols contaminés. Ce ne sont pas nos déchets dont nous assurons la cueillette et la disposition, ce sont ceux de tous les citoyens, des entreprises, des commerces, des institutions. Nous les traitons de manière sécuritaire et responsable pour protéger la population et l'environnement. Nous ne créons pas des déchets, nous les éliminons en fonction des moyens que la société s'est donnés.

En termes d'infraction au règlement et de récidive, nous ne sommes pas ceux qui causent les désastres environnementaux; au contraire, nous réparons les dégâts. Entre autres, on vise, dans ce projet, les lieux d'enfouissement sanitaire recevant plus de 100 000 tonnes par an. Ce sont les sites les mieux gérés. Pourquoi ne pas s'en prendre aux sites de première génération qui sont beaucoup plus polluants, en majorité gérés par des municipalités?

Quand aux matières dangereuses ? vous m'arrêterez, M. le Président, j'en ai encore pour quelques minutes...

Le Président (M. Brodeur): Mais je pense que je vais vous arrêter. Vous allez en profiter, peut-être en répondant à certaines questions...

M. Lachance (Pierre): Très bien.

Le Président (M. Brodeur): ...à passer les messages que vous voulez bien passer. Donc, M. le ministre.

M. Mulcair: Merci. Ça allait tellement bien jusqu'à ce que vous lui donniez 15 secondes de plus, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Mais je tiens juste à dire que je ne partage évidemment pas votre point de vue sur votre réaction au règlement pour la bonne et simple raison, c'est que je partage tout votre point de vue de la première partie de votre analyse.

Si effectivement vous êtes d'accord que la loi doit être appliquée également à tout le monde et que la taxe générale doit supporter l'exercice général d'inspection du ministère, ce qui est exactement notre point de vue aussi, je vois difficilement comment vous ne pouvez pas être d'accord à ce que je refile la facture d'exception à celui qui cause des dépenses d'exception, ce qui est précisément le but du projet de loi n° 44.

Je vais vous donner un exemple. Vous parlez des lieux d'enfouissement sanitaire. On donne un seuil de 100 000, vous me dites qu'il y en a peut-être d'autres. Ça, c'est le genre de détail qu'on peut aisément regarder avec vous. Mais prenons le principe suivant: j'ai un lieu d'enfouissement sanitaire qui est perché par-dessus une nappe phréatique d'une valeur exceptionnelle... En fait, j'en ai quelques-uns. Et, pour bien surveiller ça, ça exige des piézomètres puis une analyse quasi constante, alors que d'autres sont dans une situation qui n'exige pas ça. Puis j'ajoute dans mon hypothèse qu'un de ces sites-là a eu des problèmes à répétition au cours des dernières années.

Vous êtes en train de me dire que vous préférez que l'ensemble de vos membres, qui, eux, n'ont pas ces problèmes-là, continuent à payer la facture pour l'exception. Moi, je ne peux pas suivre votre premier argument qui est sur la base économique et votre deuxième argument, un petit peu plus émotif, qui est une réaction au fait que vous trouvez vos membres dans la liste. Je ne dis pas que vos membres sont responsables des catastrophes, je dis que vos membres représentent un risque plus élevé. Et c'est un fait, ce n'est pas une opinion.

M. Tremblay (Charles): Si je peux me permettre, M. le ministre.

M. Mulcair: M. Tremblay, allez-y.

M. Tremblay (Charles): Oui. Dans tous les nouveaux décrets aujourd'hui, la fréquence des analyses, le nombre de piézomètres, le suivi des... Bon. Si on parle des sites d'enfouissement, biogaz, donc tous ces sujets-là peuvent être imposés par le ministère à la charge de l'entreprise exploitant, peuvent être définis dans un cadre. Vous savez très bien qu'il y a des cautionnements qui sont mis au nom du ministère s'il y a des problèmes. Vous savez très bien aussi qu'il y a des fonds en fiducie créés en faveur du gouvernement s'il y a des problèmes. Donc, on ne dit pas que... Vous avez déjà des moyens de contrôle pour ça.

Tantôt, vous parliez... Je pense que la bonne foi, on la sent, dans ce règlement-là. Ce qu'on a peur, c'est l'application, parce que ce n'est pas vous qui allez appliquer cette loi-là malheureusement, ça va être des employés de l'État, et leur jugement n'est pas toujours adéquat dans la façon d'appliquer, et le règlement n'est pas clair à ce niveau-là.

Si on parle d'enfouissement, vous vous êtes dotés d'un projet de loi qui vous permette de taxer l'enfouissement. Pourquoi vous n'avez pas financé votre suivi des sites d'enfouissement avec cette taxe-là qui va faire payer le pollueur-payeur, celui qui produit le déchet? Je comprends que ça va être une taxe équitable au pollueur, qui va servir à contrôler au nom du générateur l'ensemble des sites d'enfouissement, et plus particulièrement les sites problématiques.

M. Mulcair: On revient au point de départ. Moi, je ne partage pas du tout votre point de vue là-dessus. Vous, vous êtes placés dans un monde où tous les sites d'enfouissement sont impeccablement bien gérés et coûtent exactement la même chose. Moi, je vous dis que ce n'est pas le fait des employés de l'État, pour qui, moi, j'ai le plus grand respect; je ne partage pas votre crainte là-dessus. Mais je vais vous dire une chose: Dans la vraie vie, là, dans le champ, là, si vous pensez qu'ils sont tous aussi bien gérés les uns que les autres, ce n'est pas vrai...

M. Tremblay (Charles): Non, c'est...

M. Mulcair: ...il y en a qui me coûtent un bras, puis, moi, je veux pouvoir refiler la facture, c'est aussi simple que ça.

M. Tremblay (Charles): Oui.

M. Mulcair: Puis, moi, je suis devant le fait suivant: ou je continue à vous refiler la facture pour le voisin qui n'est pas correct... C'est l'utilisateur-payeur, c'est pollueur-payeur, c'est exactement ça. Si je mets tout le monde sur un pied d'égalité, si j'ai deux usines l'une à côté de l'autre, un qui respecte l'ensemble des lois, il a un coût économique pour les respecter et ça lui coûte quelque chose. J'ai donc intérêt à faire ce que M. Lachance a dit, d'appliquer la loi également à tout le monde. Si je ne le fais pas, il se donne raison de ne pas obéir à la loi et il vous buck dans le marché de...

M. Tremblay (Charles): Oui, oui. Mais il y a des coûts aussi, là, quand on n'est pas dans une entreprise responsable. On a des coûts, il faut se défendre, il faut se combattre. Donc, on parle juste de coûts d'analyse ici. Mais une entreprise qui est non responsable chez nous, c'est plus payant de devenir ISO 14 000 que de devenir un mauvais citoyen corporatif. Ça, c'est un choix d'entreprise.

Je comprends ce que vous dites, mais ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas un coût pour une entreprise qui est un mauvais citoyen corporatif, parce qu'elle devra engager des avocats, elle devra engager des relationnistes, elle devra fournir des preuves, elle devra se défendre. Donc, vous partez un peu du même principe qu'on parle chez vous. On pense que c'est louable, mais on pense que de la façon que ça peut être appliqué, ça peut être abusif parce que ça arrive, des cas où il y a des abus. Donc, quel genre d'avis d'infraction va permettre au ministère de générer une facturation? Donc, si c'était mieux balisé, probablement que ça pourrait devenir plus acceptable, mais présentement, de la façon que c'est mis, à peu près n'importe quoi peut être fait là-dedans.n(15 h 50)n

M. Mulcair: Je veux vous dire une chose: Par définition, un règlement est neutre, objectif, non discriminatoire: s'applique de la même manière à tout le monde. Puis c'est notre job de le construire, sinon un tribunal va le casser pour imprécision et selon les autres critères que je viens de mentionner.

Partant, ce qu'on a devant nous aujourd'hui, c'est une indication de là où on veut s'en aller parce que ce qu'on dit depuis les deux jours qu'on a déjà faits en commission, c'est la chose suivante: Comme élu, je n'ai pas le droit de présumer de l'adoption du projet de loi. Donc, je ne peux pas commencer à édicter un règlement, parce que tout l'exercice vise à peaufiner la loi. Il y a des suggestions qui ont été faites, j'ai déjà donné des indications que quelques-unes des suggestions qui ont été faites ou par des groupes qui étaient ici ou par l'opposition risquent de trouver écho dans les modifications à venir. Donc, à ce moment-là, on va avoir une première publication d'un règlement, vous aurez le temps en masse pour réagir là-dessus. Puis, le cas échéant, s'il y a des problèmes, on va réagir.

Mais ce que vous mettez en cause, ce n'est pas le détail d'application du règlement, vous ne trustez pas les employés de l'État. Je ne partage pas votre point de vue, et d'un. Et, de deux, vous dites que ça ne peut pas marcher parce que d'une manière générale ça ne marcherait pas, c'est trop imprécis, et ainsi de suite. Je ne partagerais pas votre point de vue non plus pour les mêmes raisons que M. Lachance a données. M. Lachance a raison. La loi n'est pas appliquée également à tout le monde en ce moment, faute de rigueur et faute de ressources. Ça, ça va nous donner une partie des ressources.

Juste pour préciser une chose, mon collègue le député de Masson, à quelques reprises aujourd'hui, a dit que cet argent-là va servir, entre autres, pour payer le Centre de contrôle environnemental. Il faut comprendre qu'il va y avoir un fonds vert, et c'est en train de payer le système d'application, en anglais, «enforcement». Mais évidemment le CCE est payé à même les fonds de l'État, ce que, nous, on avait dit quand on avait parlé du CCE. Ça fait partie d'une série de mesures que nous sommes en train d'appliquer.

Le projet de loi n° 102, bon exemple. Les gens qui produisent l'emballage, il va y avoir une somme qui va être appliquée, on va la collecter sur leur paie, la collecte sélective. Taxes à l'enfouissement, ça va nous aider aussi parce que le problème, vous le savez aussi bien que moi, on a beaucoup de mal à encourager le recyclage quand ça coûte si peu pour enfouir au Québec. Que ce soient des matériaux secs, ou que ce soient des matières résiduelles, ou des putricides, c'est le même problème. Ça coûte très peu cher, au Québec, à cause de la place dont on dispose. Alors, on va essayer d'attaquer ça de front.

Mais, de grâce, ne plaidez pas, d'un côté, que vous voulez que j'applique mieux les lois et plus correctement puis, d'un autre côté, dire que vous ne voulez rien savoir d'un système qui vise justement à réprimer l'inconduite et récompenser ceux qui sont corrects.

M. Tremblay (Charles): Mais votre projet de loi laisse entendre que l'inconduite se fait dans notre industrie, alors que notre vision de notre industrie... Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais vos unités à 9 000 $ n'ont pas souvent servi dans notre industrie, elles vont pas mal servir plus avec un générateur.

M. Mulcair: Donc, vous n'aurez pas la facture de 9 000 $.

M. Tremblay (Charles): Bien, non, nous, on veut juste s'assurer qu'on ne devient pas une source de financement arbitraire de ces projets-là. Je suis...

M. Mulcair: Par définition, l'arbitraire est exclu d'un règlement, par définition.

M. Tremblay (Charles): Oui, mais d'un règlement, mais la loi présente...

M. Mulcair: Et vous avez des très bons avocats qui vont vous l'expliquer.

M. Tremblay (Charles): Oui, mais la loi présentement n'est vraiment pas précise à ce niveau-là. On n'a aucune... On parle d'avis d'infraction, on ne parle pas de... On pourrait avoir des avis d'infraction administratifs, que j'appelle, qui ne nécessitent pas une intervention, ou un suivi, ou une caractérisation. Si on tombe dans de la pollution, contamination de l'eau, de l'air, des sols, je comprends, mais, si c'est un avis d'infraction administratif, en quoi ça justifie un programme de choses... Ce n'est pas spécifié présentement dans le projet de loi. Quand on dit: On vise, il faut que ça ait une répercussion environnementale, oui, mais il y a peut-être d'autres moyens de financer cette façon-là.

M. Mulcair: ...l'installation représente une mesure de risque élevé à cause de ce qui s'est passé auparavant?

M. Tremblay (Charles): On comprend ça puis on veut encourager justement ce type d'activité là, mais on ne pense pas que le plus gros problème est à notre niveau.

M. Mulcair: Bien, je pense que vous le prenez trop personnellement.

M. Tremblay (Charles): Non, non, mais...

M. Mulcair: Mais, quoi qu'il en soit, je suis prêt à écouter et à analyser notre liste à l'aune de ce que vous venez de dire. Mais je pense que notre but et notre intention ne sauraient être plus clairs. M. Tremblay, je vais laisser mon collègue de Masson réintervenir.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Non, mais je pense que vous le prenez aussi personnel que l'UPA le prenait personnel tantôt, d'être soulagée. Je pense que l'idée, c'est qu'un projet de loi, quand il est libellé d'une telle manière qu'on peut ratisser aussi large qu'il l'est présentement... Et d'ailleurs c'est aussi ce que dit le Barreau du Québec, là, hein? Je veux dire, je peux le relire, je vais le lire au...

M. Mulcair: Lisez-le au complet.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thériault: Je vais le lire au complet. Le deuxième paragraphe, on parle: «Les pouvoirs discrétionnaires conférés par cet article devront être balisés obligatoirement par les critères prévus au dernier alinéa de l'article 31 de la loi afin de traduire de façon précise l'intention du législateur qui est ? puis là, il interprète ? selon nous, d'imposer aux personnes responsables des frais qui correspondent aux activités de vérification et d'enquête du ministère.» Et là, quand on parle de pouvoirs discrétionnaires, ici, c'est qu'on parle du règlement, bon, tu sais, les dispositions réglementaires. Donc, dans ce sens-là... Oui, vous vouliez dire quelque chose?

M. Tremblay (Charles): Quand on parle de discrétionnaires, je peux sortir l'exemple du Technoparc, où c'est un site qui est connu, qui pollue, qui appartient à la fois au provincial, au fédéral et au municipal. Est-ce qu'on va envoyer l'unité de contrôle à tous les jours là puis refiler la facture à je ne sais pas qui? Quand on vise les sites de 100 000 tonnes et plus, on enlève tous les sites municipaux, puis corrigez-moi si je me trompe, M. le ministre de l'Environnement, mais ces sites-là, vous avez beaucoup de problèmes en termes de qualité de l'environnement avec ces sites-là, même s'ils sont de moins grande... Puis ils sont souvent moins bien gérés que d'autres sites.

Donc, c'est ça qu'on a peur, on a peur de devenir une source de financement. Si on avait des assurances que cette loi-là est appliquée à la grandeur des intervenants de notre industrie, qu'ils soient municipaux, provinciaux, fédéraux, qu'ils soient une parapublique du gouvernement, un OSBL, ce n'est pas le cas présentement, il y a plus de contrôles dans les grandes entreprises, dans les plus grosses entreprises. C'est bien sûr, vous avez le potentiel de récupérer de l'argent plus important chez nous que dans une municipalité de 3 000 habitants qui gère un dépôt en tranchées qui est non conforme. Mais ça nous fait peur, ça, parce que ce caractère-là, arbitraire, on le sent dans la loi présentement.

M. Thériault: Vous estimez que le ministère possède des pouvoirs pour poursuivre les entreprises délinquantes ? c'est ce que vous dites ? par la voie pénale dans votre mémoire. Est-ce que c'est la seule méthode, selon vous, pour faire payer les pollueurs? Parce que ça, c'est en aval, hein, c'est en aval de l'acte. Est-ce que vous pensez que c'est la seule voie coercitive?

M. Tremblay (Charles): Non.

M. Thériault: O.K. Et, dans ce sens-là, est-ce que le principe d'une tarification pour le pollueur-payeur, bien vous l'endossez? C'est-à-dire, une politique qui serait basée sur le principe du pollueur-payeur, vous endossez ça?

M. Tremblay (Charles): C'est-à-dire, oui, je pourrais bien l'endosser. Mais c'est qui le pollueur, ici, celui qui génère le déchet ou celui qui le gère au nom de la réglementation du gouvernement?

M. Thériault: Oui, mais...

M. Tremblay (Charles): Donc, je veux bien assumer notre part de la responsabilité de la pollution qu'on génère, mais le déchet qu'on gère, qu'il soit un sol contaminé, qu'il soit un déchet industriel dangereux, le pollueur, c'est avant tout le générateur là-dedans. Donc, quand on parlait d'avoir une tarification plus équitable au niveau du pollueur-payeur, quand on demande qu'il doit y avoir souvent contrôle, souvent le risque est beaucoup plus à la génération de l'excavation d'un terrain contaminé, la production d'une usine ou la production des déchets d'une municipalité que dans nos installations, qui sont très réglementées, qui sont déjà très suivies. Puis, quand on parlait de moyens de contrôle, ils sont déjà inclus dans nos permis ou dans nos décrets, ils sont déjà discutés ou imposés par le gouvernement.

M. Thériault: Bien, je ne veux pas vous couper, là, mais vous avez dit d'entrée de jeu à votre présentation, là, que vous aviez un chiffre d'affaires d'au-delà de 700 millions.

M. Tremblay (Charles): Oui.

M. Thériault: Vous avez donc pris le risque de gérer ces risques, hein? C'est-à-dire, quand tu décides d'intervenir en matière d'enfouissement, peu importe d'où est généré... tu as décidé de faire cette gestion-là et tu t'engages à faire une gestion qui est conforme à la protection de l'environnement, là. On s'entend là-dessus?

M. Tremblay (Charles): Oui. Oui.

M. Thériault: O.K.

M. Tremblay (Charles): Mais, en...

M. Thériault: Et c'est dans ce sens-là que, moi, je vous disais...

M. Tremblay (Charles): Mais on la fait en fonction de règles que, vous-mêmes, vous établissez, qui des fois sont arbitraires ou inexistantes. Si je prends le Règlement sur les déchets solides, ça fait 10 ans qu'on l'attend. Donc, on essaie de gérer dans un contexte ? comme j'écoutais l'UPA tantôt ? dans un contexte réglementaire qui est très flou. Donc, pour être en mesure d'appliquer cette loi-là, d'imposer des limites, il faudrait qu'elle soit aussi un peu plus claire pour vous, pour nous et pour les avocats si jamais il y a des avocats à mettre là-dedans.

n(16 heures)n

M. Thériault: Vous demandez, dans votre mémoire, que les amendes récoltées lors des poursuites soient versées au fonds de roulement du ministère plutôt qu'au fonds consolidé. C'est la première fois, là, qu'on le voit, qu'on voit cette suggestion-là. Je pense que ça mérite d'être exploré puis d'être regardé sérieusement, parce que, là, ça dépasse, ça, l'idée, là, du fonds consolidé, on parle des amendes, là, donc de ce qui rentre dans les coffres en aval, là, de l'infraction.

Est-ce que, puisque dans votre mémoire vous dites que ça, les dispositions pénales, ça suffirait pour assurer les activités de contrôle et de surveillance du ministère, est-ce que vous avez des chiffres? Sur quoi vous vous êtes basés pour faire cette affirmation-là?

M. Tremblay (Charles): On ne dit pas que ça suffit, on dit que c'est un moyen, mais c'est souvent après que le dommage a été fait. Et il y a d'autres moyens: il y a des fiducies, il y a des cautionnements, il y a des... Dans les demandes de permis, dans les décrets, il y a des moyens de le faire. Il y a des moyens de financement plus large, comme on parle de taxe à l'enfouissement ou à la génération. Il y a toutes sortes de moyens qui peuvent être utilisés dans la loi existante pour garantir le financement de ça. Puis on n'est pas contre la surveillance, le contrôle, au contraire, mais on veut s'assurer qu'il n'y ait pas un caractère arbitraire qui est exercé là-dessus.

M. Thériault: Vous êtes en accord ou en désaccord avec la suggestion de certains groupes d'exiger que, puisqu'il y aura tarification et qu'on veut que cette tarification-là soit versée à un fonds dédié à l'environnement ou revienne au fonds de roulement de l'Environnement, là ? il y a des positions diverses là-dessus ? bien, bref, que ce sera le ministère qui profite de ces sommes issues de la facturation. Il y a des gens qui ont dit qu'il y avait une exigence minimale qui était qu'à chaque année il y ait un rapport à l'Assemblée nationale sur les sommes recueillies par la tarification et l'utilisation des sommes puis les critères de tarification. Est-ce que vous seriez favorable à ça?

M. Tremblay (Charles): M. Lachance...

M. Lachance (Pierre): Bien entendu, plus il va y avoir de la transparence à ce niveau-là, mieux ça va être. Souvent, effectivement, on n'a pas l'impression que les fonds sont utilisés à l'objectif qui avait été donné au début. On a le même discours avec la loi n° 102 puis la loi qui va imposer une taxe sur l'enfouissement. On pourrait être bien en accord avec ça, en autant que l'argent revienne effectivement à l'industrie ou à promouvoir la récupération, comme le ministre dit. C'est souvent... Le ministre est très rassurant dans ses commentaires ou dans son élaboration du règlement, mais, comme le disait l'UPA, comme le disaient les autres intervenants, ce n'est pas nécessairement ce gouvernement-là ou ce ministre-là qui va l'appliquer, ça va être des gens qui devront l'interpréter.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Mulcair: Bien, il ne nous reste qu'à remercier les membres de cette association qui ? ils nous l'ont bien dit au début ? est relativement nouvelle, mais les membres, on les connaît bien et on a déjà eu l'occasion de les rencontrer en tant qu'association. C'est fort utile de mettre en commun de telles ressources, expériences et expertises, et je vous remercie beaucoup pour votre présentation aujourd'hui.

Le Président (M. Brodeur): Donc, merci beaucoup. Je remercie le Conseil des entreprises de services environnementaux. Je vous remercie, chacun d'entre vous, de votre contribution, et j'ajourne les travaux de la commission au mardi 5 octobre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 3)


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