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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Wednesday, June 9, 2004 - Vol. 38 N° 22

Consultations particulières sur le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi modifiant la Loi sur les transports (2000) instituant le Forum des intervenants de l'industrie du camionnage général


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Et, comme à l'habituel, je demande à ceux qui ont des téléphones cellulaires de bien vouloir les fermer ou les mettre sur le mode de vibration.

Je rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi modifiant la Loi sur les transports adoptée en l'an 2000 instituant le Forum des intervenants de l'industrie du camionnage général.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gabias (Trois-Rivières) est remplacé par M. Tomassi (LaFontaine) et Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacée par M. Jutras (Drummond).

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, je vous rappelle l'ordre du jour d'aujourd'hui, un ordre du jour assez succinct où nous allons théoriquement rencontrer deux groupes. Et je vois que les deux groupes, je crois, sont assis à la même table, au même moment. Théoriquement, à 11 h 30, nous entendons le ministère des Transports, représenté par M. Pierre Mercier. Bienvenue, M. Mercier. Et théoriquement, à 12 h 15, nous entendons M. Paul-Émile Thellend, président du Forum des intervenants du camionnage général. Donc, théoriquement également ? nous allons revenir à la pratique dans quelques instants ? théoriquement les deux groupes disposent chacun d'un total de 45 minutes, donc 15 minutes d'exposé, 15 minutes d'une période de questions des députés du parti ministériel et 15 minutes d'une période de questions du parti formant l'opposition officielle.

Organisation des travaux

Maintenant, revenons aux questions pratiques. Étant donné que vous êtes tous les deux assis à la même table, peut-être pourrons-nous faire d'autres suggestions. Est-ce que vos exposés consistent à un exposé ou à chacun un exposé d'un total de 15 minutes?

M. Thellend (Paul-Émile): Chacun a un exposé. Par contre, c'est en fonction d'un seul mémoire.

n (11 h 20) n

Le Président (M. Brodeur): O.K. Donc, nous allons procéder peut-être de façon informelle, demandant premièrement à M. Mercier d'y aller de son intervention. Et peut-être que, lors de la période de questions, même si c'est M. Mercier qui fait son intervention pour des compléments de réponse, M. Thellend pourra intervenir. Et même chose, là, dans la deuxième partie, là, de notre commission. Oui, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Mais peut-être que nos invités préfèrent faire tout de suite l'un et l'autre leur présentation puis qu'après il y ait les échanges?

M. Mercier (Pierre): Ce serait peut-être intéressant. D'une certaine façon, je sais que M. Thellend, ici, préférerait peut-être avoir un petit peu plus de temps. Donc, moi, j'écourterais peut-être ma présentation. Au lieu de 15 minutes, j'en prendrais peut-être une dizaine de minutes puis je lui laisserais un cinq minutes de plus. Puis, après ça, on passerait aux questions.

M. Jutras: ...alors...

Le Président (M. Brodeur): ...mais si je fais une proposition que, plutôt que de prendre en considération que c'est deux groupes pour 45 minutes, un groupe en 1 h 30 min, donc vous pourrez disposer du temps nécessaire pour parler de vos points en particulier. Est-ce qu'on y va de cette façon-là? Je vois qu'il y a consentement. Donc, on ira aux périodes de questions après vos exposés respectifs. Donc, M. Mercier, vous débutez nos travaux.

M. Mercier (Pierre): Oui.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y.

Auditions

Ministère des Transports

M. Mercier (Pierre): Alors, je me présente, Pierre Mercier, chef de Service des politiques économiques à la Direction du transport routier des marchandises, donc tout ce qui touche le dossier économique en camionnage. J'ai été nommé secrétaire du forum en 2001, puis ça allait de soi parce qu'on s'occupe du dossier camionnage au ministère. Puis c'était déjà prévu dans la loi comme ça.

Je vous fais un bref rappel sur ce qui a amené la création de ce forum. Premièrement, bien il faut se rappeler que, dès 1988, on faisait affaire à une déréglementation dans le monde du camionnage suite à la déréglementation de 1980 du côté des Américains. Cette déréglementation-là a amené beaucoup de personnes à s'acheter des camions, des véhicules des fois peut-être sans trop savoir comment les gérer efficacement, comment respecter les règles de sécurité. En 1998, suite à des hausses successives de carburant, des problèmes de taux d'assurance assez élevé, d'autres problèmes autant du côté des immatriculations à payer, du côté des temps d'attente très forts lors des livraisons puis de la prise en charge des marchandises, il y a eu une première grève qui a touché partiellement l'ensemble du Québec mais surtout les régions éloignées comme l'Abitibi, le Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord. Cette grève-là a provoqué des arrêts, des blocages de routes assez importants. Puis ça, ça a été fait par des routiers qui étaient pratiquement en instance de faire faillite, donc qui avaient des raisons de demander une amélioration de leurs conditions de travail.

Suite à cette grève-là, il y a eu la formation d'un comité de travail, le comité Bernier, qui a rendu son rapport en 1999, au début de 1999. À la suite de ces événements-là, l'année suivante, en 1999 encore, une autre grève à l'automne encore concernant des routiers pour les mêmes raisons. Ce que le rapport Bernier avait pu faire, bien c'était de soulever un peu l'importance de la problématique mais pas de la régler complètement. Suite à cette deuxième grève là, il y a eu la formation d'un préforum qui était présidé par le sous-ministre des Transports puis le sous-ministre du ministère du Travail. Puis ce préforum-là a mené à la création de la loi n° 135 qui a créé le forum permanent sur le camionnage. Cette loi-là a été adoptée en juin 2000. Puis le forum, comme tel, a commencé ses activités après les nominations des membres, vers le mois d'octobre, décembre 2000. Et je dis «vers» parce qu'encore là à l'automne 2000, en octobre plus précisément, il y avait une troisième grève d'affilée à l'automne concernant les routiers. Puis, cette fois-là, la grève a été concentrée autour du port de Montréal. L'importance de cette grève-là a été encore plus grande que ce qu'on avait vécu avant. Puis ça a retardé de quelques semaines finalement les travaux du forum puis ça a peut-être prouvé aussi l'importance de ce forum-là, comme tel.

C'est un peu une introduction pour expliquer comment c'est arrivé, tout ça. Peut-être que je devrais vous faire aussi une parenthèse concernant les routiers, qu'est-ce que c'est des routiers au juste. Puis ils sont définis dans la loi n° 135. C'est des personnes qui possèdent un camion-tracteur puis qui tirent pour d'autres entreprises de transport ou qui tirent leurs propres remorques pour d'autres compagnies de transport, comme tel. Ces routiers-là bien souvent vont posséder juste un camion, d'où la grosseur de l'entreprise qui est toute petite puis qui peut représenter certains problèmes.

À partir de décembre 2000 jusqu'à aujourd'hui, le forum s'est penché sur différents travaux. Les premiers travaux dépendaient un peu du mandat du forum, qui était de constituer un contrat type. Mais, si je vous énumère, en vous décrivant rapidement, les différents travaux qui ont été faits... Puis tout ça a été fait en comité de travail avec les différents membres du forum. Le contrat type bien avait comme but finalement d'établir une meilleure relation de travail entre les routiers et les donneurs d'ouvrage. Quand on fait référence au contrat type, on peut le comparer à un bail qui établit de façon générale qu'est-ce qui doit être écrit dans un contrat type, comme tel. Ce contrat type là, en passant, bien il a été décrété par le gouvernement du Québec pour deux raisons: d'une part, pour l'officialiser; puis, d'autre part, pour obliger les ministères et organismes gouvernementaux à inclure le contrat type dans leurs relations d'affaires avec les routiers.

Le deuxième outil qui a été créé par le forum, bien c'est le bureau de coût de revient. Le contrat type seul, il était difficile de pouvoir s'en servir pour un routier sans un bureau de coût de revient qui vient aider les intervenants à fixer les prix. Que ce soient les prix d'achat de camion, d'assurance, de pneus, de transport dans les côtes, de chargement, déchargement, de temps d'attente, tout ça est développé dans le contrat type. Puis le bureau de coût de revient aide à mieux définir tout ça. On a aussi un site Internet au forum avec des logiciels de calcul de coût de revient qui est fort utilisé présentement. Il y a eu aussi un suivi du coût du carburant. Actuellement, bon, on a des hausses de carburant du côté du diesel qui est utilisé par ces transporteurs-là. Ce n'est pas aussi fort que l'année dernière, où les hausses étaient encore plus importantes, mais on suit ça de semaine en semaine, avec les chiffres qui nous sont donnés de la Régie de l'énergie. Puis on peut transmettre cette information-là aux routiers, comme tel.

D'autres dossiers. Bien, les assurances, c'est un dossier aussi, depuis les événements du 11 septembre 2001, qui affecte beaucoup ce genre de transport là parce que la responsabilité pour transporter toutes sortes de marchandises, puis en particulier les marchandises dangereuses, peut être très, très dispendieuse au point de vue assurances, comme tel. Autre dossier qui a été soulevé au forum, bien c'est l'étalement de l'immatriculation. Actuellement, un routier qui possède un tracteur et puis qui tire une semi-remorque de deux ou trois essieux, bien, pour une semi-remorque de trois essieux, ça lui coûte 3 345 $ d'immatriculation. Ça fait que ça, c'est un dossier aussi important de pouvoir étaler les paiements pour les routiers, comme tel.

Autre dossier: comité de passage aux frontières. Bien, avec ce que je disais tout à l'heure, suite au 11 septembre puis aux différentes lois américaines qui ont été passées, aussitôt qu'on transporte des matières dangereuses, des aliments ou toute autre cargaison, bien il y a certaines mesures qui s'appliquent. Et le rôle du forum et du ministère dans tout ça, c'est d'aider les routiers à être très bien informés puis de pouvoir faciliter finalement la façon de remplir les papiers pour le transport des marchandises, comme tel. Puis il y avait plusieurs autres sujets d'intérêt qui aussi sont en train de se réviser en comité ou sont sur le point de débuter, comme tel. Je parle, entre autres, de révision des amendes qui, pour les routiers, sont assez importantes souvent pour des choses qui sont plus ou moins justifiées.

n (11 h 30) n

Validation des connaissances à l'entrée dans l'industrie. Ça aussi, on s'est aperçu que c'est très facile de s'acheter un camion, c'est très facile d'obtenir l'immatriculation, comme tel, mais le fait de connaître plus ou moins les règles de sécurité ou les règles de gestion nous incite à penser qu'on devrait avoir des règles à l'entrée qui contrôleraient mieux l'entrée dans cette industrie-là, comme tel. Il y a aussi quelques problèmes avec Contrôle routier Québec en région, la responsabilité des expéditeurs, parce qu'on dit souvent que c'est les expéditeurs qui sont responsables d'exiger un transport quelquefois dans des conditions plus ou moins réalistes, puis finalement bien le dossier de conducteurs professionnels qui permettrait à certains conducteurs qui sont plus performants d'avoir des façons de faire plus réalistes, comme tel. On a exercé une promotion de tous ces outils-là soit par une conférence de presse, on a fait une tournée provinciale, on a développé des kiosques, dépliants, etc.

Ça fait que c'est un peu ce qui a été mis en place depuis 2000. Je vous dirais qu'on a un groupe de travail qui fonctionne très bien. Puis je pense qu'on peut continuer comme table de concertation. Puis je pense que mon confrère Paul-Émile Thellend va pouvoir vous en parler plus longuement. Ça fait que je terminerais là-dessus. Je laisserais la parole à Paul-Émile.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Mercier. Donc, je suis prêt à reconnaître M. Thellend pour votre exposé de départ.

Forum des intervenants de l'industrie
du camionnage général

M. Thellend (Paul-Émile): Merci, M. le Président. Alors, Paul-Émile Thellend, président du Forum des intervenants du camionnage général. Nous l'appelons communément «forum».

J'aimerais dans un premier temps vous remercier de l'intérêt que vous apportez au forum et de nous avoir invités comme ça à présenter notre point de vue à la commission. Pour nous, c'est d'autant plus important que c'est un forum jeune et c'est un forum à qui on confie une mission particulièrement difficile à réaliser. Et je vais vous expliquer un peu le pourquoi de cette affirmation. Et je veux aussi préciser d'entrée de jeu que mon exposé va fort probablement contenir des opinions, parfois aussi des évaluations, et j'aimerais que ce soit reçu comme étant uniquement du président, et que ce n'est pas forcément le reflet d'un consensus solide du forum, et qu'il y aurait de la place à des membres du forum d'avoir des opinions différentes.

Je veux vous expliquer que ce forum a une place assez particulière dans notre société comme porteur d'une mission, je dirais, socioéconomique nouvelle et de très grande actualité. Et, pour un peu situer cette mission, je me dois de revenir en arrière, à la déréglementation qui s'est effectuée dans les années 1988 au Québec, et ainsi de suite, cette déréglementation du transport qui a eu pour effet d'abord, dans un premier temps, comme le disait Pierre, d'ouvrir très largement les rentrées possibles de nouveaux joueurs dans cette activité qu'on appelle le transport terrestre des marchandises. Il faut se rappeler qu'avant la déréglementation on pouvait s'inscrire pour avoir un permis dans le transport à condition quasiment de démontrer qu'on ne nuisait pas à personne et que c'était comme nécessaire d'avoir ce permis-là.

La déréglementation a ouvert les portes, et à peu près tous ceux intéressés à s'inscrire dans le transport devaient s'inscrire au registre de la Commission des transports du Québec. Et c'était à peu près la seule formalité. Cette ouverture donc a amené de nouveaux joueurs, c'est bien sûr, des joueurs qui voulaient effectivement contribuer à cette activité du transport terrestre et des joueurs qui voulaient aussi, comme on peut dire dans notre langage, s'essayer ou parfois même, malheureusement, pour faire des passes rapides. L'autre effet de la déréglementation, au-delà de ces nouveaux joueurs, ça a été d'abolir un bureau de tarification qui existait avant 1988. Ce bureau de tarification établissait des tarifs à inscrire dans les contrats pour telle et telle course, telle région, etc. Donc, il y avait un encadrement économique assez serré qui régissait le transport par ce bureau de tarification. L'autre conséquence de la déréglementation, compte tenu que les prix ont commencé à varier avec énormément d'amplitude, compte tenu qu'il n'y avait plus d'encadrement de tarification, ça a amené plusieurs grandes entreprises du Québec à se départir de leurs flottes de transport au motif d'abord que leur vocation première n'était pas de faire du transport, ce qui était tout à fait légitime, mais, deuxièmement, au motif que cette déréglementation leur permettait de faire du transport à des coûts vraiment très différents de ceux qu'ils auraient eu à affronter s'ils avaient maintenu leurs flottes de transport.

Donc, cet abandon de plusieurs flottes de transport a amené des routiers professionnels à être obligés de s'acheter un équipement ou d'acheter l'équipement qu'ils avaient pour pouvoir continuer à oeuvrer dans le secteur qu'ils souhaitaient, c'est-à-dire conduire des camions court ou long-courrier, etc. Et ces routiers-là, du jour au lendemain, se sont vu dans le fond imposer, entre guillemets, une situation de petits gestionnaires d'entreprises. De routiers professionnels, du jour au lendemain, c'est des gens qui doivent devenir habiles à comprendre une réglementation de plus en plus complexe, à gérer une petite entreprise et pas forcément en avoir la formation. Alors, ça a amené des gens qui en plus ont été impliqués dans une dynamique économique, je dirais, assez exigeante à tous les niveaux d'ailleurs du transport terrestre. Je vais revenir sur cette dimension-là un peu plus tard.

Donc, les routiers ont continué, se sont acheté des équipements. Il y en a d'autres qui sont arrivés aussi avec de nouveaux équipements, et ils ont compris que ce beau métier, qui avait une belle place au soleil avant 1988, devenait de plus en plus difficile à réaliser, et à réaliser de façon à en vivre correctement, parce que, qu'on le veuille ou pas, une déréglementation amène un comportement qui parfois peut être assez impitoyable en termes de compétition.

Alors, tout ça fait... Puis là vous avez en plus ? je passe ? mais vous avez en plus le jeu des intermédiaires qui sont entrés en ligne de compte. C'est-à-dire, compte tenu que maintenant le transport se faisait à droite et à gauche, avec des contrats comme ça, négociés rapidement entre des donneurs d'ouvrage et ceux qui réalisent les transports, les travailleurs autonomes routiers, bien là se sont installés des négociateurs intermédiaires qui ont confié des courses, comme ça, en cherchant le plus bas prix possible pour ceux qui leur demandaient de confier tel contrat de transport ou telle course, etc.

La grande augmentation des carburants en 1998 a fait comme un peu déborder le vase, et les routiers, comme vous le savez, en ont eu ras le bol, d'où les blocages de routes de 1998, 1999, etc. Et, lorsque le forum a été mis en place, d'abord je dois vous dire que personne autour de la table du forum n'avait souhaité ce forum. Pour les centrales syndicales, ce n'était pas le bon moyen pour améliorer la situation économique des routiers travailleurs autonomes et, pour les donneurs d'ouvrage, ils ne souhaitaient pas forcément s'asseoir autour d'un forum comme ça, d'autant plus qu'ils venaient de vivre des crises assez importantes avec le blocage de routes et ce qui s'était déroulé au port de Montréal.

Donc, un forum qui a la mission de développer un esprit de concertation, de mettre en place des instruments pour aider les routiers à tirer un peu mieux leur épingle du jeu, c'est-à-dire avoir une meilleure équité économique dans les contrats qu'ils passent avec leurs donneurs d'ouvrage, et tout ça, alors que tout le monde a plus ou moins confiance à ce forum et que même certains pensent que ce n'était pas la bonne solution.

n (11 h 40) n

Ça nous a pris, je vous avoue, un certain temps avant qu'on devienne fonctionnels, c'est-à-dire qu'on soit capables de comprendre une problématique de la même façon et de pouvoir identifier des solutions qui soient acceptables aux gens autour de la table. Ça a pris un certain temps. Et c'est peut-être l'acquis le plus important de ce forum-là; c'est devenu un bon carrefour de concertation.

Et, au cours de nos travaux, on a constaté que... Bon. C'est vrai, on a un bon contrat type, on a un bureau de coût de revient qui est fort important pour amener des gens à être meilleurs négociateurs dans leurs transactions commerciales avec leurs donneurs d'ouvrage. Il faut qu'ils connaissent leurs coûts de fonctionnement. Il faut qu'ils puissent expliquer pourquoi ils demandent tel ou tel niveau économique dans le transport. Donc, le bureau de coût de revient est un bon instrument. On a constaté, à vouloir diffuser ces instruments-là, que les routiers travailleurs autonomes vivent un grand isolement. Ce n'est pas facile de rejoindre des gens qui sont sur la route 70, 75 heures par semaine, qui sont obligés de faire de nombreuses heures pour, comme on dit, se faire une paie. Et, lorsqu'ils reviennent à leur résidence, il faut qu'ils essaient de gérer leur petite entreprise, il faut qu'ils réparent ou entretiennent leur équipement puis il faut aussi qu'ils s'occupent de leur famille.

Donc, on a de beaux instruments. On a constaté que c'était très difficile de les diffuser, de les expliquer et de les faire accepter par les travailleurs autonomes qu'on appelle les routiers propriétaires de leur équipement.

Deuxième constat qui a été fait pendant ces années-là, c'est que, la situation des routiers travailleurs autonomes, où ils vivent, je dois vous dire là-dessus qu'on est mal documenté. On n'a pas assez de documentation qui pourrait nous expliquer vraiment tout ce qui est vécu par ces gens-là dans le domaine du transport. On est obligé d'y aller un peu avec ce qu'on entend. Alors, on a constaté que ces routiers-là, ils pouvaient peut-être s'approprier des instruments qu'on leur produisait. Mais, si l'autre partie du contrat n'utilisait pas ces documents-là, ils se plaçaient dans une situation qui pouvait même être extrêmement précaire. C'est-à-dire, si, en tant que routier, je m'amène auprès d'un donneur d'ouvrage, puis je me présente avec un contrat type, puis que le donneur d'ouvrage, il a déjà, lui, son contrat qui fait son affaire, il peut facilement répondre: Bien, écoutez, si vous voulez négocier avec moi sur la base de ce contrat-là, je vais en avoir un autre. Alors, pour que l'équité économique s'installe vraiment entre les routiers travailleurs autonomes puis leurs donneurs d'ouvrage, il fallait une certaine forme de complicité des donneurs d'ouvrage. Et ça, ce n'est pas simple non plus parce que les gens sont en affaires mais pour faire de l'argent, pas forcément pour respecter l'équité économique de leurs contrats.

Donc, on s'est rendu compte que, oui, les routiers sont isolés; oui, ils ne sont pas dans un processus facile de concertation; oui, ils se coupent les jambes les uns les autres fort probablement lorsqu'il s'agit de négocier; oui, il y a des gens qui utilisent le plus faible pour établir une règle qui par la suite fait mal aux autres. Parce que, vous savez, quand le donneur d'ouvrage donne un contrat à un routier, le routier est plus ou moins au courant, mettons, de ses coûts de fonctionnement. Et en plus il se fait dire: «Bien, si tu ne le prends pas à ce prix-là, il y en a un autre qui va le prendre» et que, lui, s'il ne le prend pas, il arrive mal à rencontrer ses obligations financières de fin de mois parce qu'il a des équipements très coûteux. Donc, il a hypothéqué souvent même pour avoir ces équipements-là. Donc, ça fait une dynamique économique pas simple pour les routiers.

Mais ce qu'on a découvert, c'est que cette dynamique économique pas simple se joue aussi entre les différents transporteurs. Et là on a constaté que dans le fond la déréglementation, elle a donné de bons résultats pour les expéditeurs. Il ne faut pas se le cacher. Les expéditeurs au Québec, aujourd'hui, paient beaucoup moins cher pour leur transport qu'il y a 10 ou 15 ans même. Je me laissais conter, lors d'une rencontre que j'ai eue, par un transporteur qu'il avait perdu un contrat sur lequel il avait soumissionné à 450 $ la course, alors qu'il y a 15 ans, pour la même course, il recevait à peu près 800 $ ? 15 ans après ? malgré l'augmentation des équipements, malgré l'augmentation des coûts d'essence, et que, s'il avait perdu son contrat à 450 $ la course, c'est que quelqu'un avait soumissionné plus bas. Et l'entrepreneur en question disait: Il n'y a plus moyen de faire des affaires; on n'est pas capable, avec un tarif comme celui-là, même de rencontrer nos coûts de fonctionnement.

Tout ça pour signaler qu'une déréglementation, ça implique, dans une société, une certaine forme d'autorégulation, c'est-à-dire une certaine forme de responsabilisation par les différents secteurs qui sont impliqués dans la déréglementation. Que ce soient les expéditeurs qui à mon avis... Je dois vous dire qu'il y a de bons expéditeurs qui font un bon travail et qui paient ce qu'il faut payer pour avoir un bon transport, mais il y en a plusieurs qui jouent au maximum la règle du plus bas prix possible. Et le plus bas prix possible a pour effet d'appauvrir d'une certaine façon toute la qualité économique de l'industrie. Et ce n'est pas rien.

J'assistais, il y a à peu près un mois, au congrès de l'Association du camionnage du Québec, l'ACQ. Et, pendant tout un après-midi, dans un atelier qui a été fort intéressant d'ailleurs, les gens ont exprimé jusqu'à quel point il était difficile, dans l'industrie maintenant, de faire de bonnes affaires. Les comportements ou cette recherche du plus bas prix possible a appauvri l'industrie et a fait en sorte que bien des gens n'arrivent plus à en vivre correctement.

Donc, le forum a une mission sociale exceptionnelle. Au-delà d'essayer de remplir son rôle de concertation, de voir venir les conflits, puis même de les éviter, puis de régler un certain nombre de problèmes, au-delà du fait aussi qu'il doit conseiller le ministre concernant le transport terrestre, le forum a une mission d'essayer d'autoréguler l'industrie sur une base de déréglementation. Et ce n'est pas simple, là. Vous savez, c'est changer des comportements de milliers de personnes; c'est essayer de responsabiliser des milliers de personnes qui font des transactions commerciales toujours en essayant de tirer un peu la couverture de leur côté; c'est essayer d'établir une forme d'équité économique dans le transport qui ferait que tous ceux qui s'impliquent, à partir du routier travailleur autonome, transporteur et expéditeur, que tous ces intervenants-là y trouvent leur compte correctement, à partir de ce qu'on peut appeler un juste prix pour tout le monde. Ce n'est pas simple parce qu'en plus il faut s'harmoniser avec les régions limitrophes, avec les États-Unis, avec l'Ontario, avec le Nouveau-Brunswick. Alors, c'est vraiment d'une complexité.

Et ce forum a la particularité d'avoir, autour de la table, trois centrales syndicales qui, vous le savez ? et ce n'est pas une découverte pour personne... Les centrales syndicales, pour établir un équilibre économique, généralement s'appuient sur la syndicalisation. Et là on leur demande: Non, non, tu viens t'asseoir autour du forum et tu vas travailler à établir un équilibre économique sur la base de la concertation et sur la base de l'utilisation volontaire d'outils. Ce n'est pas simple, c'est un nouveau défi.

Même chose pour les donneurs d'ouvrage. On a, autour de la table, des organisations qui les représentent. Ces gens-là, pour remplir leur part du contrat au sein du forum, doivent ou vont devoir à l'avenir, d'une certaine façon, dire à leurs membres: Y a-tu moyen de faire des affaires différemment pour mieux respecter cette recherche d'équité économique?

n (11 h 50) n

C'est délicat pour eux. Leur rôle premier, c'est d'aider leurs membres et de leur donner des services, et non pas de les amener à faire des affaires avec, mettons, des contrats qui ne sont pas forcément leurs contrats et à faire des affaires en tenant compte qu'à la fin de la course il y a des gens qui vont faire le travail puis ils vont le faire dans quelles conditions.

Donc, autoréguler un secteur aussi complexe que le transport terrestre des marchandises par un forum, c'est tout un défi. Et le forum, le 2 juin, grâce d'ailleurs à votre convocation, ça a fait comme un peu... Vous avez été agent catalyseur pour nous. Votre convocation a, d'une certaine façon, permis au forum d'établir de nouveaux consensus le 2 juin. Et ça explique pourquoi, aujourd'hui, il n'y a pas sept rapports mais un seul mémoire. Puis on a réussi in extremis à élaborer de nouveaux consensus pour effectivement à l'avenir vous demander d'amender la législation et donner les moyens qu'il faut pour pouvoir peut-être avancer plus loin dans cette mission d'un carrefour de concertation mais aussi d'un carrefour où on recherche, sur la base du volontariat et du partage, effectivement une meilleure équité économique pour tout le monde.

M. le Président, je m'excuse d'avoir pris aussi de temps. Et nous allons recevoir avec plaisir toutes les questions que...

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Thellend. Merci, M. Mercier. Donc, on a complété un temps de 30 minutes pour la présentation de vos mémoires. Je suis maintenant prêt à reconnaître un premier intervenant. Je vous indique à l'avance que nous allons procéder par alternance et que je vais tenter, dans la mesure du possible, d'avoir le plus d'équité possible. Donc, M. le député de LaFontaine a demandé la parole en premier. M. le député de LaFontaine.

M. Tomassi: Merci, M. le Président. M. Mercier, M. Thellend, merci de votre présentation et de votre présence ici. On comprend bien pourquoi les gens ont un grand respect pour vous, dans le mémoire et dans le rapport que les gens ont fait du forum. Le respect que vous avez peut-être pu établir sur cette table, sur ce forum, a fait en sorte que l'industrie vit une situation peut-être qu'elle ne vivait pas dans les années 1998 et 2000, dans des situations un peu plus difficiles.

Vous avez fait état qu'il y a beaucoup de difficultés. Ce n'est pas nouveau. Vous avez parlé de votre mission un peu socioéconomique, du forum, en quelque sorte. Vous revenez, dans le rapport qui a été présenté, de la difficulté et du faible taux de participation des gens de l'industrie. Nécessairement, vous l'avez fait tantôt, là, c'est des gens qui vivent dans l'isolement, c'est des gens qui partent pour une longue distance, une longue période de temps, reviennent, n'ont pas nécessairement le temps de reprendre les livres et d'étudier ce que peut-être le forum et l'industrie ou la Commission des transports leur envoient. Vous avez parlé aussi que la déréglementation a fait en sorte qu'il y a beaucoup plus de joueurs. Et une autre chose peut-être que je trouve plus importante, c'est la réglementation qui est peut-être devenue de plus en plus complexe pour ces gens-là qui y vivent, parce que c'est un travail quand même. Je sais que, nous, en tant que députés, à tous les jours, quand on est dans nos comtés, on reçoit des gens qui parlent de la réglementation, en général. Connaissant un peu la Commission des transports du Québec, je comprends la réglementation qui existe, et des fois ça en devient un peu sinueux à essayer de se promener un peu dans ça.

Vous avez mis sur pied des sous-comités. Le forum a mis sur pied des sous-comités ? dont un qui parle de l'information et communication: conseil au centre de médiation et d'arbitrage, un autre comité sur le contrat type, le bureau du coût de revient, les immatriculations, technique sur le contrat type, sur le carburant, passage aux frontières mais aucun sur la réglementation. Est-ce que c'est un sujet quand même qui prend une certaine importance, parce que, veux veux pas, les gens en sous-comité, c'est des gens qui y vivent, là, qui sont proches de l'industrie? Est-ce que c'est un élément que vous avez l'intention de mettre de l'avant? Parce qu'avant de changer la réglementation, s'il y a de la réglementation à changer ou si la loi va devoir apporter des changements, on va devoir pointiller les choses. Puis, comme vous le dites vous-mêmes, vous avez de la misère à rejoindre ces gens-là. Vous avez des gens qui sont alentour de la table, oui. Mais ceux qui y vivent, vous avez dit tantôt qu'il n'y a pas vraiment de documentation qui explique aussi la situation que ces gens-là vivent. Vous l'entendez dire par des personnes interposées, par la personne qui vient vous voir, mais ces gens-là, nécessairement, ont peut-être des pistes de solution ou des problématiques pointillées qu'il faudrait peut-être revoir. Est-ce que c'est un élément que vous allez ou vous avez l'intention d'appliquer dans l'année qui s'en vient? Ou est-ce que c'est déjà quelque chose qui est en application?

Le Président (M. Brodeur): M. Mercier.

M. Mercier (Pierre): J'ai peut-être un élément de réponse, puis Paul-Émile pourra compléter. C'est vrai qu'il n'y a pas de comité spécifique sur la réglementation. Mais par contre plusieurs de ces comités-là ou des sujets qu'on a retenus, entre autres lorsqu'on parle de révision des amendes en haut de la page 12, validation des connaissances à l'entrée de l'industrie, règles à l'entrée du marché, responsabilisation des expéditeurs, conducteurs professionnels, c'est toutes des choses qui vont obliger à modifier la réglementation pour arriver à ça; puis les autres thèmes aussi. Ça fait qu'on n'a pas de comité spécifique sur la réglementation, mais il y a beaucoup de sujets qui pourraient inciter à demander des modifications réglementaires au ministère des Transports en ce sens. Je ne sais pas si Paul-Émile...

M. Thellend (Paul-Émile): Je vous avoue qu'on n'a pas osé aborder ça, cette dimension-là, d'une façon globale parce que je pense que ça prendrait énormément de moyens puis d'énergie que nous n'avons pas. On a juste à penser... Même les municipalités passent des règlements qui ont des impacts sur les transports en termes de routes, etc. Alors, le Canada, le gouvernement fédéral en passe, des règles pour les passages des frontières, etc. C'est vraiment un secteur d'activité ? vous avez raison de le signaler ? où la réglementation est très complexe, très lourde. Ou on entend ça des gens qui siègent au forum: Mais par quel bout, sinon par certains comités lorsqu'on doit analyser certaines situations? Mais comment prendre un problème aussi vaste et puis pouvoir éventuellement faire oeuvre-conseil? Je vous avoue qu'on n'a jamais vraiment abordé cette dimension-là.

M. Tomassi: Je peux...

Le Président (M. Brodeur): Oui, pour une question additionnelle.

M. Tomassi: Un autre aspect. Puis vous répondez si vous voulez. Vous dites, dans votre mission économique... Et on a parlé tantôt et on a fait mention de la difficulté d'aller rejoindre ces gens-là. Est-ce qu'il y a un portrait qui a été mis en place? Est-ce que vous avez... Vous savez, c'est difficile de les rejoindre pour savoir ce qu'ils vivent. Mais, je ne sais pas, avec une chaire universitaire, voir si on ne serait pas capable de mettre sur pied un comité qui pourrait nous brosser un portrait de ces gens-là, à savoir les difficultés financières, revenus et dépenses. Vous l'avez dit tantôt: voilà 15 ans, la course était de 800 $ et, aujourd'hui, elle est de 400 $. Il faudrait peut-être savoir si la course de 800 $ était une extrêmement bonne affaire. Et, aujourd'hui, le 400 $, je ne dis pas que c'est le prix du marché, là, mais, à un moment donné, s'ils le font quand même à 400 $ aujourd'hui, il y a peut-être... 400 $ n'est pas assez, mais le 800 $ peut-être était extrêmement cher. Il y a peut-être un juste milieu à avoir.

Mais est-ce qu'il y a une mise en place de peut-être un genre de comité, avec l'approbation du forum, qui peut être mis en place pour essayer d'avoir, avec des gens de l'externe, que ce soit de l'université ou autres... ou est-ce qu'on pourrait avoir un portrait global de la situation des chauffeurs, des routiers en tant que tels?

Le Président (M. Brodeur): M. Thellend.

M. Thellend (Paul-Émile): On a essayé. Au début, il y a trois ans, nous avons essayé d'avoir un certain portrait comme ça de la clientèle, des routiers travailleurs autonomes. Et l'enquête qui a été menée ne nous permettait pas de tirer des conclusions valables parce que, exemple, un travailleur autonome qui travaille dans le vrac, c'est très différent qu'un long-courrier pour les marchandises, etc. Donc, l'échantillon qui a été utilisé ne semblait pas du tout refléter ce que nous recherchions comme portrait des routiers à ce moment-là.

L'autre chose, c'est que, ces routiers-là, comme je vous le disais tantôt, pour participer à une enquête ou à un questionnaire-enquête, on doit constater qu'ils n'ont pas beaucoup de disponibilité. Donc, on va essayer de les rejoindre différemment. Et en ce sens, vous savez, le gouvernement peut nous aider grandement parce que déjà le gouvernement a mis de l'avant un peu notre contrat type avec un décret. Mais je pense que le gouvernement pourrait aller beaucoup plus loin pour aider le forum à sensibiliser l'ensemble des intervenants aux instruments qu'on a et au souci qu'une saine économie dans le transport implique des comportements respectueux les uns les autres et une certaine recherche d'équité. Je pense que le gouvernement, dans son rôle de gouvernement, devrait s'approprier un peu plus ces dimensions-là, nous aider effectivement à rejoindre et même à diffuser le contrat type.

n (12 heures) n

Je veux juste relever le 425 $ ou 450 $ pour la course que je vous disais tantôt. Moi, quand on m'a conté l'événement, j'ai été grandement surpris. Mais je vais vous dire pourquoi quelqu'un peut arriver à faire ce tarif qui est en bas du coût d'opération, je dois vous le dire. C'est que l'entreprise en question a beaucoup d'affaires de l'endroit à Montréal. Donc, quand ses camions sont rendus à Montréal puis ils sont vides, au lieu de les retourner là-bas, ayant eu l'assurance d'avoir déjà un voyage plein, il peut le retourner à peu près à n'importe quel prix. Et, quand il fait ça, malheureusement, ça a un impact sur tous les autres joueurs autour qui sont disponibles pour faire le même travail. C'est assez impitoyable, hein, comme situation.

Et effectivement le forum va devoir, moi, je suis convaincu, diffuser un peu plus de données sur ce que ça coûte pour faire un transport respectable, responsable et avec des résultats corrects pour ceux qui le réalisent, ce transport-là. Jusqu'ici, on n'est pas allé trop loin dans cette voie-là parce qu'il fallait d'abord, comme je vous disais, développer entre nous une certaine habileté à élaborer des consensus. Mais, avec les amendements qu'on suggère, où tout le monde autour de la table va être nommé sur la base du même statut ? autant donneurs d'ouvrage que routiers ? je pense qu'on va pouvoir aller plus loin dans le travail de sensibilisation, formation et autorégulation des différents acteurs dans le secteur.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Thellend. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Alors, bonjour, messieurs. Bienvenue à cette commission. Votre présentation était fort intéressante. Je vais aller directement dans le vif du sujet parce que j'aurais plusieurs questions puis je sais que mes collègues aussi autour de la table ont plusieurs questions.

Alors, je veux traiter et m'entretenir avec vous de deux sujets. Est-ce que vous êtes en mesure de nous tracer un portrait de l'industrie, là ? puis ça rejoint un peu ce que mon collègue vous a posé comme question ? mais en tout cas peut-être sommairement, parce que je comprends que c'est difficile de l'établir, le portrait? Parce qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent en solo, puis ils sont difficiles à rejoindre, ces gens-là. Mais êtes-vous en mesure de nous dire, dans l'industrie des routiers, là, présentement quel est le pourcentage de ceux qui sont à l'emploi d'une compagnie, et font du transport pour cette compagnie-là, et sont des salariés pour cette compagnie-là? Quel pourcentage sont des routiers somme toute à leur compte mais travaillent toujours pour somme toute la même compagnie? Et quel pourcentage sont des routiers à leur compte mais travaillent pour l'un et pour l'autre, là, prennent tout ce qui passe? Êtes-vous en mesure de nous dire la proportion de ça?

Le Président (M. Brodeur): M. Mercier ou M. Thellend.

M. Mercier (Pierre): Les pourcentages, je les avais ce matin puis je ne les ai pas là. Mais je vais vous dire ça un peu de mémoire. Le marché actuel, il y a 56 000 entreprises qui possèdent des véhicules lourds au Québec qui circulent au Québec. De ce 56 000 entreprises là, il y en a 49 000 qui sont des Québécois, à peu près, là. Parce que j'ai des gens de la commission qui pourraient nous les dire ici, mais je vous donne des ordres de grandeur. Sur ces 49 000 entreprises québécoises, il y a 150 000, à peu près, chauffeurs de camion. De ces 150 000 chauffeurs de camion, ceux qui sont propriétaires de leur véhicule puis qui le conduisent eux autres mêmes, il y en à peu près une dizaine de milliers. Puis, de ces 10 000 là, il y en a plusieurs qui ne sont pas prévus dans les travaux du forum parce qu'ils font d'autre chose que de travailler avec un tracteur semi-remorque; ils font, par exemple, du transport de sable, terre, gravier avec des bennes basculantes ? des gens qu'on a déjà vus ici, autour de la colline. Ceux-là représentent à peu près 4 000 chauffeurs-propriétaires. Ça fait que, si on exclut ça, on arrive à à peu près 6 000 routiers qui seraient touchés par le forum, comme tel, là. Ça fait que, la proportion, il y a peut-être à peu près 6 000 routiers.

Puis, dans le 150 000 aussi conducteurs de véhicules lourds, il y a toutes sortes de choses là-dedans. Il peut y avoir du tracteur qui tire une semi-remorque, mais il peut y avoir aussi le petit véhicule trois essieux qui fait de la livraison. Puis il peut y avoir même le petit véhicule deux essieux ? comme Bell Canada ou Postes Canada, ou ainsi de suite, là ? qui font des tout petits transports. Ça fait que j'avais ces données-là, puis on pourra tout de même vous les fournir assez détaillées sur ça.

Le Président (M. Brodeur): Peut-être, M. Mercier, les faire parvenir à la commission, là, le plus rapidement possible.

M. Mercier (Pierre): Oui, ce serait peut-être plus simple.

M. Jutras: Parce qu'en fait... Et puis je vais vous laisser répondre, M. Thellend, mais je vais tout de suite y aller avec une sous-question, puis vous pourrez répondre, là. Parce que, quand vous nous demandez des amendements législatifs, de ce que je comprends de votre mémoire, c'est justement du côté de la représentation des routiers, là. C'est là qu'il y a un problème puis c'est là que vous voudriez des amendements législatifs.

M. Thellend (Paul-Émile): C'est-à-dire que, oui, ce que nous souhaitons, c'est que dorénavant les groupes représentant des routiers soient présents au forum et nommés par le ministre non pas sur un pourcentage x de représentations, mais uniquement parce qu'ils sont habilités à apporter un point de vue, une contribution au forum au même titre que les donneurs d'ouvrage qui sont désignés au forum comme organismes responsables et comme organismes dans le fond qui ont un rôle à jouer dans le transport.

Donc, c'est dans ce sens-là qu'on demande l'amendement; c'est d'asseoir le futur forum avec des interlocuteurs qui y sont présents sur la base du même statut ou de la même procédure de nomination.

M. Jutras: Mais, à ce moment-là, vous suggérez quoi, parce qu'on voit que les trois grandes centrales sont là, puis par contre il y a certainement beaucoup de routiers qui ne sont pas rejoints par ces trois grandes centrales là?

M. Thellend (Paul-Émile): Oui, vous avez tout à fait raison. Et il appartiendra fort probablement à ces routiers-là d'essayer de s'organiser ? puis là, je vous le dis, ce n'est pas simple pour eux ? pour avoir effectivement un organisme de représentation au forum, sauf qu'à ce moment-là il ne serait peut-être pas nécessaire qu'ils représentent un minimum de 10 % comme le prévoit la loi actuelle d'une part. Donc, ça va, fort probablement, faciliter une pluralité de représentations au forum, autant aussi, fort probablement, du côté des donneurs d'ouvrage, où on pense qu'il y aurait de la place pour plus de représentation des expéditeurs, qui sont le début de la chaîne économique. Si eux, les expéditeurs, ne s'impliquent pas pour donner une compensation économique correcte, ça a des effets jusqu'en bas. Donc, le nouveau forum qu'on vous suggère, c'est effectivement pour créer un carrefour de concertation non pas issu de ce qu'on peut appeler une situation de crise, mais un carrefour de concertation pour à l'avenir essayer d'être plus influent dans le secteur du transport des marchandises.

Tantôt, quand j'ai levé la main, M. le député, pour répondre à votre... Ce n'est pas des statistiques que je vais vous dire, c'est un commentaire fort important. Malgré les chiffres mirobolants qu'a exprimés Pierre, l'industrie fait face à un sérieux manque de main-d'oeuvre, c'est incroyable. Nous l'avons constaté depuis un an. Ça se dit partout; il manque de main-d'oeuvre dans l'industrie du transport terrestre des marchandises. Et ça, fort probablement ? parce qu'on n'est pas assez documenté... mais, moi, je fais un lien direct avec cette pénurie de main-d'oeuvre, et les conditions économiques qui se sont dégradées dans l'industrie, et aussi l'image un peu négative qui a été portée à l'écran ces dernières années, vis-à-vis les routiers, les gros véhicules, etc. Alors, il y a sûrement plusieurs facteurs, mais il y a un constat: une pénurie de main-d'oeuvre que l'industrie va devoir gérer très rapidement si elle ne veut pas se trouver en difficulté.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Thellend. Oui, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, ça, je le crois, la pénurie de main-d'oeuvre, là, parce que, moi, chez nous, dans Drummond, il y a plusieurs entreprises de transport, puis je pense que, sur les clôtures de chacune de ces entreprises-là, il y a une grande pancarte, c'est écrit: Nous embauchons. Puis la personne se présente, puis je pense qu'elle va pouvoir commencer immédiatement. Puis je sais que, dans les écoles de routiers également, alors qu'auparavant, il y a quelques années, il y avait une liste d'attente, bien là maintenant, encore là, là, c'est très facile d'y entrer, là. Ils attendent plutôt des recrues. Mais c'est ça. Ça aussi, c'est un volet bien intéressant.

n (12 h 10) n

Là, l'autre aspect que je veux traiter avec vous ? puis après mes collègues vont avoir des questions ? c'est la question des relations avec les contrôleurs routiers. Parce que, moi-même, là, à mon bureau de comté, j'ai souvent reçu des routiers ou des propriétaires d'entreprise, là, puis qui me parlaient des relations très difficiles avec les contrôleurs routiers. Puis là on parlait de contrôles tatillons puis on parlait de... Une chose qui me frappait beaucoup, c'était comment, à un moment donné, la réglementation, d'une région à l'autre du Québec, n'était pas appliquée de la même façon. Au Centre-du-Québec, par exemple, ça, c'était permis, puis la même situation, par exemple, en Abitibi, c'est qu'en Abitibi c'était vraiment plus problématique là ? en tout cas, ce que beaucoup de routiers de chez nous m'ont raconté ? que là, bien, non, ça, c'était défendu, puis le camionneur, bien il disait: Bien, moi, là, chez nous, là, ils m'ont inspecté, puis c'était correct, puis ici ce n'est pas correct. En tout cas. Puis aussi un problème de relations personnelles, là, peut-être une certaine arrogance aussi.

Moi, j'ai cru qu'il y avait eu une amélioration et, pour avoir parlé à des gens sur le terrain... Mais je voudrais que vous me le disiez. Est-ce qu'effectivement il y a eu une amélioration? Mais est-ce qu'il y a encore une situation problématique à ce niveau-là? Je sais qu'on a modifié la loi. Par le projet de loi n° 29, là, on a fait en sorte que dorénavant les contrôleurs routiers vont être soumis au comité de déontologie des policiers, là. Bon. Alors, eux autres mêmes, les contrôleurs routiers, vont être soumis davantage à certaines règles, là. Bon. Mais j'aimerais que vous nous fassiez le portrait aujourd'hui, là. En juin 2004, qu'est-ce qu'il en est de cette situation-là?

Le Président (M. Brodeur): M. Mercier.

M. Mercier (Pierre): C'est sûr qu'on ne fera pas le procès du contrôle routier ici, mais ce que je peux dire, c'est que de façon générale on s'occupe un peu de ce dossier-là, en ce sens qu'on veut travailler sur le dossier des amendes. De façon générale, les amendes qui sont données aux routiers, comme tel, souvent peuvent être exagérées ? puis j'explique ? en ce sens que souvent la réglementation est faite de façon assez générale. Puis, si le contrôle est fait d'une façon plus stricte, bien il y a un petit problème de ce côté-là. Puis, quand vous parliez aussi de l'interprétation des contrôleurs routiers d'une région à l'autre, ça aussi, ça peut faire partie du même problème, c'est-à-dire que la réglementation peut permettre d'être très sévère ou moins sévère, c'est selon le cas.

Mais les règlements sont pareils partout. Il y a des choses qui sont pas mal plus faciles à appliquer que d'autres, par exemple les charges et dimensions des véhicules lourds. Si on a une infraction pour avoir surchargé son camion, la balance nous dit si c'est en surcharge ou non. Puis les règles sont assez bien établies de ce côté-là. D'autres règles sont moins bien établies, puis, dans le dossier des amendes, c'est ce qu'on doit corriger prochainement. En plus de revoir le niveau des amendes, il faudrait revoir la façon de faire, la façon d'écrire les règlements peut-être pour que ça concorde bien avec la façon de faire des contrôleurs routiers.

Le Président (M. Brodeur): Oui, M. Thellend.

M. Thellend (Paul-Émile): Je veux ajouter que, concernant les contrôleurs routiers, il y a présentement, dans l'Abitibi, un comité de concertation. C'est une première expérience. Ça implique différents secteurs de la région pour analyser effectivement le travail que doit faire... d'abord faire comprendre le travail que doit réaliser le contrôleur routier, permettre aux gens de mieux se comprendre mutuellement dans leurs exigences, dans leurs difficultés, etc., et peut-être amener effectivement de meilleures relations entre les contrôleurs routiers, les routiers eux-mêmes et les transporteurs. Parce qu'ici vous avez un problème qui ne touche pas uniquement les routiers mais qui touche aussi les transporteurs.

Pierre disait: Les amendes. Je veux, M. le Président ? une petite seconde là-dessus ? signaler qu'il n'y a pas beaucoup d'activités dans notre société où quelqu'un qui commet une erreur paie le salaire de sa semaine en compensation. Il n'y a pas beaucoup de champs d'activité où il y a des automatismes comme ça. Et, quand on entend des routiers nous dire ça... Moi, dans les tournées que j'ai faites, j'entendais des routiers dire: J'ai fait une erreur ? mes freins, ou etc. ? et la résultante directe, c'est que je perds le salaire que j'ai gagné pour toute la semaine. C'est quand même très difficile.

Donc, il y a des choses qui doivent être repensées. Il y a un travail qui est amorcé. Moi, je pense que les comités par région peuvent être une belle façon d'amener les gens à mieux comprendre leurs rôles respectifs et à le faire d'une façon plus harmonieuse. Mais il y a sûrement encore beaucoup de travail à faire.

Le Président (M. Brodeur): Oui, M. Mercier.

M. Mercier (Pierre): J'avais juste... Ça me rappelait une petite phrase qui a été mentionnée au comité des amendes, qu'il fallait différencier les tricheurs de ceux qui font des erreurs. Je pense que c'est important, ça. Celui qui répète continuellement la faute, on peut le considérer comme un tricheur, on peut le réprimander par une amende assez sévère. Mais, celui qui a fait une erreur, peut-être qu'on doit le regarder autrement.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Mercier. M. le député de La Prairie.

M. Dubuc: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Mercier, M. Thellend et son équipe aussi qui sont présents... Que c'est qui m'a intrigué un petit peu tantôt ? mon collègue vous a posé la question, puis j'avais pris ça en note: quand vous disiez qu'il y a 15 ans passé ça coûtait 800 $ puis aujourd'hui ça peut se faire, dans les transports, à 450 $. Il y a une réduction de 350 $. Il y a comme une différence énorme, surtout les coûts 15 ans passé puis les coûts aujourd'hui, les camions, l'entretien de tout ça, le gaz, le diesel. Puis, quand vous avez répondu à ça tantôt, vous avez dit souvent qu'à ce moment-là ils sont rendus ici puis il y a d'autres... ils prennent dans les transports pour faire ça à des coûts moins élevés. Y a-tu une position?

Ça, c'est un exemple. C'est malheureux, puis ça ne devrait pas se faire. Puis ça ne devrait pas se vivre, ça. Parce qu'en commerce, aujourd'hui, on voit ça dans tous les commerces. Moi, j'ai passé ma vie dans les commerces, puis souvent, puis plus souvent qu'autrement, souvent il y a une concurrence qui arrive, puis ils coupent les prix, puis les coûts ne sont pas là, puis ça nuit aux commerçants. Puis on vit ça dans tous les domaines. Puis ça, dans le transport, mais c'est des coûts très élevés. On sait qu'on n'a rien qu'une voiture puis on va au garage avec ça; c'est très dispendieux. Puis, si on regarde les camions avec le diesel, c'est énormément dispendieux. Ça fait que je ne le sais pas c'est quelle position que vous pouvez prendre pour corriger ça. Il devrait y avoir une possibilité de corriger parce que c'est une affaire qui n'a comme pas de sens. Ça détruit les autres commerces puis ça fait mourir ceux qui viennent s'acheter des camions puis qui veulent s'établir.

Sur le coût de revient aussi. Je m'imagine, en affaires, quand on part en affaires, plus souvent qu'autrement... pas plus souvent qu'autrement, c'est toujours ça ? puis il faut toujours faire ça... Quand on investit en commerce, on dit: Bien, il y a un coût de revient, ça coûte tant pour le partir, le commerce, puis à quel coût on peut vendre nos produits pour avoir un coût de revient? J'imagine que ça ne se produit pas toujours, parce que je m'aperçois qu'il y a plusieurs camionneurs, c'est des gens d'affaires. Les routiers, c'est des gens d'affaires, là. On parle des camions, là; c'est 150, 200 et plus que ça. Ça devient un investissement qui est assez lourd. Et je trouve ça malheureux que ces gens-là, ils vont partir des commerces puis qu'ils n'ont pas calculé le coût de revient, parce que c'est un peu ça que vous m'avez dit tantôt. J'ai bien compris. Il y en a qui sont en difficulté parce qu'ils vont charger des coûts sans évaluer le coût que ça leur coûte pour opérer ça. Y a-tu une façon qu'il y ait un travail qui se fasse sur ce côté-là pour corriger ça?

M. Thellend (Paul-Émile): Bien, la première question: Qu'est-ce que le forum peut faire pour réduire le plus possible, là ? ce que je vous disais tantôt comme exemple ? un transport qui se fait à 425 $, alors qu'il y a 10 ans il se faisait à 800 $? Bien, je veux rappeler que le forum est sur une dynamique de concertation, et tout ce qu'on fait, c'est sur une base volontaire. Donc, on peut amener les gens à avoir des comportements différents, mais tout ça demeure dans un contexte de libre entreprise, de libre marché, de libre concurrence. Et le forum n'a aucun moyen de forcer qui que ce soit. Donc, c'est un travail carrément de longue haleine parce qu'on va s'adresser à des changements de culture. Et ça, ça prend du temps.

Pour le 425 $, je veux juste vous préciser que le retour à vide ? et j'entendais ça il y a quelque temps ? ça ne devrait pas exister dans le domaine du transport, parce que les gens disent: Ah, bien au lieu que tu retournes à vide, bien prends ma marchandise; je vais te donner quasiment juste ce que ça te coûte pour te rendre à destination, mais sinon tu retournes à vide puis tu débourses de l'argent pour retourner à vide. Ça ne devrait pas exister, mais c'est malheureusement trop utilisé. Alors ça, c'est pour le premier aspect.

Le deuxième aspect, vous demandiez, M. le député...

M. Dubuc: Bon. J'avais parlé plutôt sur le coût de revient, parce qu'être en affaires, quand on part en affaires, l'important, c'est d'évaluer les coûts puis le retour, là, à ce moment-là.

n (12 h 20) n

M. Thellend (Paul-Émile): Oui, mais d'abord je veux vous signaler qu'il y a des jeunes qui sortent des écoles de formation professionnelle. Je vous donne un élément tout à fait ahurissant, mais c'est ça: ils sortent des écoles professionnelles autour de 20 ans puis ils n'ont pas le droit de conduire un camion parce que les assureurs ne les assurent pas avant qu'ils aient atteint 25 ans. Alors, voyez, le décalage de quatre, cinq ans qui existe entre la formation professionnelle et leur capacité de s'inscrire dans l'activité qu'ils ont choisie les amène souvent à se décourager puis à aller faire autre chose. Parce que ces jeunes-là, eux, auraient une formation capable de mieux gérer leur petite entreprise. Mais il n'y a pas d'exigence de posée pour devenir camionneur. Il s'agit d'avoir le permis de conduire en conséquence et de s'inscrire à la CTQ. Et je ne vous cache pas que conduire un camion, c'est attrayant, et c'est un beau métier. Et les gens s'y installent avec le goût de faire ce travail-là, mais ils n'ont pas toujours toute la formation puis les connaissances en termes de gestion, en termes de coût de revient, etc. Et ils constatent, après un certain temps, qu'ils n'arrivent pas. Et là ils vendent leur équipement à quelqu'un qui fait quoi? Qui dit: Moi, ça m'intéresse, puis je vais faire mieux que lui parce que, lui, il ne savait pas gérer ses affaires. Et là, de fil en aiguille, vous avez d'autres mains-d'oeuvre disponibles qui viennent prendre la relève et qui sont peut-être parfois bien instrumentées mais parfois pas instrumentées.

Mais, même lorsque vous êtes instrumenté pour bien établir vos coûts de revient et que quelqu'un vous propose un travail à tel prix puis il vous dit: C'est à prendre ou à laisser, puis si, en disant non, ça vous place dans l'incapacité de rencontrer le paiement de vos exigences ou des hypothèques à la fin du mois, vous faites quoi? Bien, vous dites: Tant qu'à perdre mon équipement ? comme vous dites ? qui coûte très cher, tant qu'à me retrouver dans la rue, j'aime autant l'accepter, la course, à ce prix-là puis au moins être capable de sauver mon équipement. Et, si cette dynamique est trop généralisée, c'est là qu'on se retrouve dans une industrie qui a besoin d'un coup de barre et d'une sérieuse réflexion.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Thellend. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Dans les recommandations que vous nous faites, vous faites état, entre autres, du fait qu'il faudrait évaluer la pertinence d'exiger de nouvelles règles pour les nouveaux propriétaires. Alors, ma question venait un peu toucher le volet que vous avez touché précédemment, en fonction de la formation. Et là ce que je comprends, vous me dites: Il n'y a pas de formation particulière; il s'agit d'avoir un permis de conduire puis s'inscrire. Alors, dans vos recommandations, est-ce que vous souhaitez qu'il y ait une formation particulière qui inclurait, probablement, des cours en économique de façon à peut-être mieux apprécier les coûts de revient? Mais je ne le vois pas dans les recommandations que vous nous avez soumises.

Puis là j'ai en rafale peut-être deux, trois petites choses. On a parlé aussi du fait qu'il y a une démesure entre, exemple, le coût des amendes et le revenu hebdomadaire disponible. Vous demandez l'étalement dans le cadre du paiement des primes d'assurance automobile. On sait que, si tu paies 15 000 $ de primes et plus, tu vois, les grosses entreprises, eux, on leur permet l'étalement, mais aux petits on ne le permet pas. Alors, dans vos recommandations, j'imagine que vous visez, disons, à ce que la même facilité soit offerte aussi aux petits propriétaires, là, aux propriétaires uniques.

Il y a un écart, vous dites, entre l'âge où la formation prend fin et celui où les compagnies d'assurance acceptent. Une question technique. On sait que maintenant il y a des femmes sur le marché du travail dans le domaine du transport. Est-ce que, pour les femmes, on a la même exigence du 25 ans?

M. Thellend (Paul-Émile): Je ne sais pas.

Le Président (M. Brodeur): M. Mercier.

M. Mercier (Pierre): Je peux peut-être répondre à plusieurs de ces questions.

M. Soucy: Allez-y.

M. Mercier (Pierre): Concernant l'entrée dans le marché, il y a un groupe de travail qui a été formé entre le ministère des Transports, la Société d'assurance auto et la Commission des transports concernant justement l'entrée des nouveaux dans le marché. C'est dans le cadre d'une autre loi, là, la loi sur les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Le forum s'inscrit dans ces démarches-là parce qu'on s'aperçoit justement, comme le disait tout à l'heure Paul-Émile Thellend, qu'il y a des problèmes d'entrée, dans le marché, de gens qui connaissent plus ou moins ces choses-là.

Du côté de l'étalement de l'immatriculation, on a su que ce dossier-là allait bien. On a fait une demande officielle pour que ce soit étalé à partir du plus bas niveau, là, plus bas que 15 000 $. Ça devrait se faire au cours des prochains mois.

Du côté des autres questions, je ne me souviens pas...

M. Soucy: La formation. M. Thellend nous disait que, lorsqu'il est question d'entrer sur le marché du travail, il y a comme un écart entre l'âge de fin de formation ? autour de 20 ans ? puis l'âge d'admissibilité en fonction des assurances responsabilité. Là, je demandais: On sait que... Quand j'ai assuré mes filles avec la voiture, ça coûtait moins cher que mes garçons. Alors, est-ce que c'est la même chose au niveau des conducteurs?

M. Mercier (Pierre): Du côté des assurances du côté des hommes, comme tel, on ne peut pas faire grand-chose parce que c'est les règles qu'ils ont établies, là. Puis je ne pense pas qu'il y ait de règles différentes du côté des femmes. De toute façon, le marché n'est pas tellement étendu encore du côté des femmes. Il n'y a pas beaucoup de femmes chauffeuses de camion ? tantôt je vous parlais de chauffeurs de camion ? mais je suis à peu près certain que c'est en bas de 1 %, là, qui chauffent des camions.

M. Soucy: Bien, on sait maintenant, M. le Président, que souvent ils font ça ? j'en ai vu en couple: l'homme et la femme conduisent pour évidemment aller plus loin puis perdre moins de temps possible, là.

M. Mercier (Pierre): Oui, c'est une façon de bien conduire, de livrer les marchandises. C'est une façon aussi de... À cause de la proximité, souvent les gens ne font pas ça longtemps.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Soucy: Je m'arrête là avec mes questions, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Mercier. M. le député de Saint-Maurice.

M. Pinard: Je disais qu'à ce compte-là les députés vont vivre maritalement assez longtemps, puisque, dans ce temps-ci, on travaille, on fait deux chiffres, là.

Mes questions. Tout d'abord, j'aurais besoin d'information. Vous savez qu'actuellement nous sommes en train d'étudier le projet de loi n° 55, qui est une réforme en profondeur, là, de la SAAQ. On sait qu'il y a un manque à gagner actuellement de 350 millions par année. On sait qu'il y a un trou actuariel important. On sait aussi qu'en sortant ça du périmètre comptable gouvernemental et en confiant ça à un comité d'experts, à ce moment-là, le législateur va perdre l'odieux d'augmenter sa tarification. Ça, c'est ce que, nous, on prétend de ce côté-ci de la Chambre.

Mes questions sont les suivantes. Concernant les primes, est-ce que vous êtes en mesure de me dire aujourd'hui ? moi, je suis un néophyte, là; tout ce que j'ai conduit dans ma vie, c'est une motocyclette et c'est une voiture, bicyclette également, là, lorsqu'on était plus jeunes ? mais aujourd'hui combien peuvent représenter, par exemple, les frais d'immatriculation pour un dix-roues? Combien peuvent représenter les frais d'immatriculation pour un tracteur avec un fardier normal? Combien pourrait représenter un tracteur avec ce qu'ils appellent aujourd'hui des trains, là, deux remorques, et ainsi de suite? Est-ce qu'il y a une distorsion importante si, par exemple, vous, M. le Président, vous conduisez juste un dix-roues ou si vous conduisez un tracteur avec une double remorque en arrière? Ça, c'est ma première question, je reviendrai avec deux autres.

Le Président (M. Brodeur): M. Mercier.

M. Mercier (Pierre): Les réponses à tout ça. Bien, pour les véhicules commerciaux ? on s'entend bien; c'est «commerciaux», parce que celui qui aurait un motorisé, par exemple, qui aurait trois essieux, bien ce n'est pas les mêmes coûts ? les chartes, c'est deux essieux, trois essieux, quatre essieux, cinq essieux et six essieux, total...

M. Pinard: Ça va avec les essieux.

M. Mercier (Pierre): C'est en fonction du nombre d'essieux. Pour un dix-roues qui est un trois-essieux, le coût total par année est de 1 437 $. Puis, pour le six-essieux et plus ? parce que c'est six essieux et plus, là, qui est toujours considéré ? donc à partir d'un tracteur qui tire une semi-remorque trois essieux ou un train, c'est la même chose, c'est 3 345 $. Souvent, les routiers qu'on connaît, ils font beaucoup de canadien puis d'international, donc les États-Unis. Aux États-Unis, les remorques, c'est souvent des deux-essieux. Mais, comme ils ont parfois à faire un transport avec un trois-essieux, ils vont prendre la tarification six essieux et plus, donc celle à 3 345 $.

M. Pinard: Vous nous parliez tout à l'heure de 15 000 $.

M. Mercier (Pierre): 15 000 $... Ah, O.K. Le 15 000 $, c'est la règle actuelle à la Société d'assurance auto. De fait, lorsqu'on a une facture qui dépasse 15 000 $, on peut étaler le paiement. Pour des factures en bas de 15 000 $, on ne peut pas étaler le paiement.

n (12 h 30) n

M. Pinard: Donc, supposons, par exemple, que le député de Saint-Maurice est propriétaire, par exemple, de quatre véhicules; quatre fois trois: 12. À ce moment-là, je serais obligé de payer ma facture...

M. Mercier (Pierre): Comptant.

M. Pinard: Comptant. Et par contre, si j'en avais cinq, là, à ce moment-là, la société me permettrait d'espacer ça?

M. Mercier (Pierre): C'est la règle actuelle, mais elle est en voie de...

M. Pinard: Et sur combien de paiements?

M. Mercier (Pierre): Deux paiements.

M. Pinard: Deux paiements. Donc, à ce moment-là, on étouffe le petit. Merci. Est-ce que vous avez réfléchi un petit peu sur ce qui va se passer, concernant la loi n° 55, avec cette réglementation de primes qui s'en vient à grands pas? Au niveau du forum, est-ce que ça a donné lieu à certaines discussions de fond? Aucune discussion de fond?

M. Mercier (Pierre): Non.

M. Pinard: O.K. Une autre question. Je suis très sensible, au niveau de ma région, au niveau de la formation professionnelle, au niveau de la création d'emplois parce qu'on est une région qui s'est vu soustraire de 7 000 emplois depuis le 14 avril 2003 et on prend tous les moyens nécessaires pour essayer de stimuler l'emploi chez les jeunes. Là, vous me dites... Et nous avons une école de routiers qui a été constituée il y a de cela un an ou deux, là, au Cap-de-la-Madeleine. Je ne sais pas si ça vous rappelle des souvenirs. Oui. Nous avons une école de routiers. Et là ce que j'apprends, c'est qu'on peut prendre des décrocheurs ou des jeunes qui ont décidé manifestement qu'eux leur vie sera le camionnage, on les dirige vers l'école de routiers, mais ce que vous me dites, c'est que la grande noirceur pour ces jeunes-là, c'est entre 20 ans et 25 ans. Ça veut dire qu'on les instruit, on leur donne un volant entre les mains, on leur donne la possibilité de conduire, mais ils ne sont pas assurables entre 20 et 25 ans. C'est cela?

M. Thellend (Paul-Émile): C'est ce que j'ai entendu.

M. Pinard: Quelles sont les mesures que vous avez... dont vous avez réfléchi au niveau du forum et qui pourraient faire en sorte de corriger cette situation de fait de façon précise, là? Là, il y a un vide. Au niveau de l'entreprise du camionnage, vous nous dites: Actuellement, on a un problème majeur; on a resserré les normes de sécurité, donc ça nous prend plus de conducteurs, ça nous prend plus de chauffeurs, et nous avons un problème de relève. Et vous nous dites en même temps: Bien, c'est beau d'avoir mis en place des écoles de routiers, d'essayer de former des jeunes à cette industrie-là, mais, entre 20 et 25 ans, le routier, lui, doit aller travailler ailleurs. À ce moment-là, quelles sont les mesures que vous avez discutées au niveau de votre forum qui feraient en sorte qu'on pourrait procéder ou corriger quelque chose, ce qui ferait en sorte que nos jeunes, une fois qu'ils sont formés, bien on ne les envoie pas travailler dans un restaurant, là?

M. Mercier (Pierre): Je vais me permettre une réponse puis peut-être une rectification sur ce qui a été dit concernant entre le 20 et 25 ans. Ce qui se passe, c'est qu'on passe un permis de conduire de classe 1. Mais, pour passer un permis de conduire de classe 1, là, qui est «tracteur», ça prend une certaine expérience comme conducteur classe 5. À ma mémoire, c'est peut-être trois ans, là. Donc, à partir d'une certaine expérience, on peut passer le permis de classe 1. Lorsqu'on obtient ce permis-là, on peut conduire des tracteurs semi-remorques. Si on se fait engager par une grande entreprise comme salarié, comme syndiqué ou salarié, on peut conduire ce véhicule-là, puis les assurances de la grande compagnie permettent d'avoir des gens en bas de 25 ans, là. C'est une question de...

La compagnie d'assurance comme telle, par exemple pour un grand transporteur, peut permettre d'avoir des jeunes en bas de 25 ans. Il y en a. J'en connais pertinemment. Ce qui se passe, par exemple... Puis pourquoi on ne traite pas de ce sujet-là au forum? C'est qu'il est très rare de voir un routier à ce jeune âge. Il va travailler pour une entreprise de transport, il va voir s'il aime ça puis si vraiment il veut aller plus loin, soit continuer comme salarié ou soit devenir son propre patron en étant propriétaire de son tracteur. Mais habituellement ça se fait après 25 ans, surtout que les montants d'emprunt pour ce genre de véhicule là, comme vous le disiez tout à l'heure ? 150 000 $ jusqu'à 200 000 $ ? c'est assez dispendieux. Ça fait que la problématique n'a pas été soulevée au forum parce que je pense qu'elle ne s'applique pas directement aux routiers. Le routier tout seul qui voudrait s'assurer, bien je pense que la compagnie d'assurance exigerait qu'il ait au moins 25 ans. Mais, dans l'entreprise de transport, des très grosses entreprises qui engagent les jeunes qui sortent des écoles, je pense qu'ils sont capables de les assurer.

M. Pinard: Donc, il n'y a aucune espèce de possibilité pour un jeune de 24 ans, par exemple, de pouvoir opérer sa propre entreprise. Il faut absolument que le jeune, une fois qu'il est sorti de l'école de routiers, aille travailler pour les grands transporteurs nationaux qu'on retrouve, là ? on ne donnera pas de nom de compagnie, là; on ne fera pas de publicité pour personne ? mais il y a des compagnies qu'on croise constamment sur la route. Alors, le jeune, il n'a pas le choix dans le fond. S'il veut vivre du camionnage, il est obligé... il se trouve être à la merci de certains transporteurs nationaux, dans le fond. C'est les transporteurs nationaux qui ont une certaine hégémonie là-dessus, là, de la façon que je comprends ça.

M. Mercier (Pierre): Mais il y a des transporteurs, de très gros transporteurs, mais il y en a aussi des moyens puis il y en a des très petits. Quand je dis «petits»: 10 à 15 unités. Mais je pense que ce serait peut-être plus ou moins correct de laisser un jeune s'acheter, dès le début, un camion de cette dimension-là. Il doit parfaire un peu ses connaissances. Ce qu'on sait des camionneurs qui sortent des écoles, c'est des gens qui conduisent très bien les camions, mais, au point de vue connaissance des réglementations puis de la gestion d'une entreprise, je pense que c'est...

M. Pinard: D'accord, monsieur. Mais une dernière question, M. le Président. Le conducteur qui sort de l'école de conduite qui a 21, 22, 23, 24, 25 ans, est-ce qu'à ce moment-là il est traité, il est rémunéré de la même façon par la même compagnie que le conducteur, par exemple, qui a 30, 32, 35 ans?

M. Mercier (Pierre): Normalement, de ce que j'en sais...

M. Pinard: Comment ça fonctionne?

M. Mercier (Pierre): Ce que j'en sais: il n'y a pas beaucoup de règles d'ancienneté dans le camionnage. Puis je peux parler par connaissance de cause parce que mon fils est camionneur. Puis, les différentes entreprises qu'il a faites, tu commences à tel taux, puis ce qui est donné comme avantages, souvent ça va être: le camion est plus neuf, les aménagements dans le camion sont mieux répartis, ainsi de suite, puis tu as les meilleurs circuits de transport. Mais, au point de vue rémunération, la rémunération, en fonction des compagnies, est souvent semblable entre un camionneur d'un ou deux ans d'expérience ou celui qui a plusieurs années.

M. Pinard: O.K. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Mercier. M. le député de Masson.

M. Thériault: Merci, M. le Président. Je voudrais vous féliciter, messieurs, pour la clarté de vos propos. Quand on est législateur de l'opposition officielle, ça fait toujours du bien de revenir en commission parlementaire parce que, quand on pose des questions, on a des réponses directes aux questions qu'on pose.

Des voix: ...

M. Thériault: C'était pour mes collègues, M. le Président. Je voulais être certain qu'ils m'écoutaient. O.K. Vous avez parlé... Je vais essayer de faire un certain nombre de liens; vous me direz si je suis dans le champ. On a parlé de contrôle routier tout à l'heure, et je me suis mis à faire: Un plus un égalent deux, etc. Contrôle routier, d'accord. Uniformité de la réglementation sur le territoire, ça, c'est une revendication, je comprends ça. Mais vous avez parlé et très bien décrit le contexte du milieu routier et du transport routier. Vous avez parlé de compétitivité impitoyable.

La question, ce serait: Est-ce que vous pensez arriver... ou bien vous avez des amendements particuliers que vous voudriez apporter en assoyant les expéditeurs? Parce que je me fais arrêter sur la route, là, O.K.; est-ce que, moi, là, propriétaire, là, de mon véhicule, dans une compétitivité impitoyable, j'ai vraiment eu le choix de respecter la réglementation lorsqu'on parle d'un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, d'impitoyabilité et de la compétitivité? Est-ce que dans le fond à quelque part ces déterminants-là ne font pas que je suis poussé, à un moment donné, à accepter des charges ou des surcharges ou à prendre la chance de, parce que finalement ce n'est pas moi qui vais l'avoir, la job?

n (12 h 40) n

Et, dans ce sens-là, est-ce que vous pensez que votre démarche de concertation, en faisant en sorte d'asseoir les expéditeurs... Parce que ce n'est pas l'expéditeur qui va payer l'amende; c'est moi qui vais la payer, l'amende. Est-ce que vous pensez que vous allez arriver à autoréguler davantage à ce niveau-là par votre démarche ou bien il n'y aurait pas lieu d'avoir des amendements spécifiques, là? Juste vous entendre sur cette problématique-là.

M. Mercier (Pierre): Je peux faire un début de réponse. Puis je suis certain que Paul-Émile va poursuivre. On a un autre comité de travail ? on a beaucoup de comités de travail: la responsabilisation des tiers y incluant les expéditeurs. On n'est pas très avancé. On a déjà rencontré les différents intervenants pour qu'ils nous établissent à peu près la problématique, qu'est-ce qui se passe dans les différents milieux de transport. Mais on est conscient de tout ça, là. Puis il y a certains dossiers qui sont rendus un petit peu plus loin, entre autres responsabilisation des expéditeurs au point de vue des charges. Il y a eu des amendements au Code de la sécurité routière qui ont été faits au printemps, là-dessus. Ça fait que, de ce côté-là, on est un petit peu avancé, du côté des charges. On fouille un peu de quelle façon le faire pour les autres intervenants de l'industrie puis on va probablement trouver des solutions au cours des prochains mois. Paul-Émile.

M. Thellend (Paul-Émile): Concernant les expéditeurs, d'abord je dois préciser qu'il y en a un certain nombre qui font un travail tout à fait correct, là. Je ne veux pas laisser un tableau trop sombre. Mais l'expéditeur, lui, à partir du moment où il part la chaîne économique, à partir du moment où il offre tel prix pour faire telle course puis qu'il ne soucie pas et qu'il n'a pas à se soucier des effets que ça peut avoir pour le reste de la chaîne ? et on ne peut pas lui demander de se soucier de tout non plus et de prendre à sa responsabilité des responsabilités, exemple, qui appartiennent aux routiers ? donc, lui, il a un certain bout à faire fort probablement pour peut-être offrir une économie plus respectueuse des exigences de l'activité. Mais, à partir du moment où il est toujours en train de vouloir le meilleur prix, ça a pour effet, comme vous le dites, parfois des gens d'aller peut-être plus vite pour arriver à faire un voyage de plus durant la semaine puis avoir peut-être un revenu satisfaisant ou des fois avoir des charges un peu plus lourdes. Il y a des conséquences qui...

Et comment on va arriver à changer tout ça? C'est, comme je vous dis, sur une base de concertation et de volontariat. Le forum doit adresser ces dimensions-là, et ça va prendre fort probablement des années pour qu'il se développe une certaine forme d'interresponsabilité, pour que les gens soient conscients qu'en posant telle exigence ça a des effets à d'autres niveaux. Puis le malheur souvent, c'est que l'effet s'adresse principalement à celui qui fait le travail, celui qui est à la fin de la course. Et c'est souvent lui qui est un peu comme coincé pour faire les choses soit dans une zone grise ou dans des conditions parfois d'insécurité.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Thellend. Je tiens à souligner que le temps imparti à l'opposition est déjà expiré. Il reste, pour une courte période de questions, le temps au parti ministériel. Il reste un peu plus de neuf minutes. Donc, je suis prêt à reconnaître M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Juste pour un petit peu rappeler à mon collègue: quand il y a des propos clairs et non répétitifs, c'est pas mal plus agréable de travailler.

Bonjour, messieurs, M. le président, M. Mercier. Au niveau du contrat type, c'est un outil que le forum semblait très fier. Même le ministère des Transports en a fait grand état et même il a demandé aux autres ministères de l'utiliser. Et, dans votre mandat, le forum, vous parlez de promouvoir les outils du forum, soit le contrat type, bureau de coût de revient et centre de médiation et d'arbitrage. Mais, pour le contrat type, est-ce que les routiers ne le connaissent pas tous? Pourquoi la promotion?

M. Mercier (Pierre); La première promotion qu'on a faite, on en a envoyé à tout le monde, tous les routiers. Mais, comme on disait tout à l'heure, ce n'est peut-être pas des gens qui lisent nécessairement. Puis, après ça, bien ça leur prend un certain accompagnement. Avec un contrat type, ce n'est pas simple non plus d'aller voir son donneur d'ouvrage puis de régler toute cette problématique-là, de le signer ensemble, là. Il doit y avoir... C'est pour ça que c'était un rôle du forum. C'était un rôle aussi des représentants des routiers d'aider leurs routiers à aller signer ces contrats-là. Puis c'était le rôle aussi des associations de donneurs d'ouvrage de favoriser tout ça. Il y a eu plusieurs interventions des différents membres du forum puis du secrétariat pour favoriser la diffusion puis la signature de ces contrats-là. Bien, je pense qu'on a encore un peu d'ouvrage à faire.

Du côté du ministère des Transports, bon, on vient de développer, dans nos contrats, l'obligation d'utiliser le contrat type lorsqu'on fait affaire avec des routiers. Puis on va rencontrer nos partenaires des autres ministères et organismes gouvernementaux pour finalement qu'ils mettent à peu près le même article dans leurs contrats pour utiliser les services des routiers par un contrat type.

Le Président (M. Brodeur): M. Thellend.

M. Thellend (Paul-Émile): Il faut rappeler que le contrat type est d'utilisation volontaire et que, lorsque le gouvernement a passé sa loi n° 135... Et, en créant le forum et en confiant au forum le mandat d'élaborer un contrat type, il avait été clairement exprimé, à ce moment-là, que le gouvernement en ferait la promotion. C'est un engagement qui avait été très formel.

Comment voulez-vous qu'un contrat type qui n'est pas contraignant parce qu'à l'intérieur de ce contrat type là il n'y a aucun contenu obligatoire et qu'en plus l'utilisation de ce contrat type là est sur une base totalement volontaire, comment voulez-vous que ce contrat-là devienne, à un moment donné, utilisé dans des transactions commerciales s'il n'y a pas des incitations à le faire? Or, le gouvernement, avec tous ses organismes gouvernementaux, paragouvernementaux, avec toutes les structures municipales... Si tout le monde portait, d'une certaine façon, ce contrat type là, en faisait la promotion, ce serait déjà un bon coup de pouce de donné pour que ce contrat-là devienne un élément de référence accepté, crédible et utilisé. C'est pour ça qu'il est très important de rappeler cette dimension-là au gouvernement. C'est un engagement fort important pour améliorer l'équité économique des routiers travailleurs autonomes.

Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. Merci, M. le Président. Dans votre mission, vous parlez d'autoréguler l'industrie sur une base de comportements. Donc, c'en est un, des moyens, ça. Et, si jamais vous avez d'autres moyens comme ça, il serait bon qu'on le sache. On pourrait peut-être en faire la promotion nous-mêmes.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député. M. le député de La Prairie.

M. Dubuc: Comment est-ce qu'il reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Il reste au parti ministériel environ cinq minutes.

M. Dubuc: Je veux partager un petit peu avec mon confrère. Bien, je tiens à vous remercier parce que vraiment c'est important de vous écouter, il y a des échanges sur les deux côtés, puis on apprend. Puis on pose des questions, puis vous répondez très bien. Comme gouvernement libéral ? bien je crois bien que l'opposition qui sont ici présents sont bien d'accord avec nous ? nous sommes à l'écoute à vouloir changer les choses, à vous supporter pour avancer dans tout ça. Considérez-vous comme important le support technique offert par le ministère du Transport?

M. Thellend (Paul-Émile): Une très belle question parce que la réponse est très positive. Je dois vous dire, moi, ça fait trois ans que je suis président du forum, depuis sa fondation. Et, depuis le début, nous avons été supportés par le ministère des Transports, par une équipe d'une qualité exceptionnelle. Et je le dis et je le redis à chaque fois que j'en ai eu l'occasion.

n (12 h 50) n

Lors de notre rencontre du 2 juin dernier, que vous avez, d'une certaine façon, accélérée, nous avons fait des consensus pour que dorénavant le forum continue à profiter du support du ministère des Transports mais pour qu'en plus le forum, étant devenu de plus en plus d'intérêt public, puisse recevoir du gouvernement les supports de fonctionnement équivalents à des organismes semblables, comme le CCTM ou le conseil d'administration provincial de la CSST, de façon à asseoir ce forum-là ? ce centre de concertation et d'amélioration dans le fond de l'économie de l'industrie du transport ? de l'asseoir sur des bases de fonctionnement solides et un peu en permanence, et ça, sans se départir de ce support technique du ministère des Transports qui a été très précieux pour le forum autant pour l'élaboration de ses instruments, autant pour la tenue de ses réunions, autant pour la promotion aussi de ses... et puis la mise en place de différents comités de travail.

Alors, le ministère des Transports, dans notre fonctionnement, c'est un incontournable.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. Thellend. M. le député de LaFontaine peut-être pour une dernière question.

M. Tomassi: Ah, vite, vite, vite, vite, même peut-être un petit commentaire au lieu d'une question. J'ai aimé la remarque du député de Masson quand il disait qu'ici on aimait bien écouter puis les réponses étaient correctes. Puis, je le rappellerais, malheureusement, il fait partie de la même cuvée que moi, de la nouvelle législation. Si peut-être il avait fait partie de l'ancien gouvernement, les gens au ministère des Transports ? que Dieu les garde ? dont le ministre et autres... S'ils auraient écouté les gens concernant le métro de Laval, on ne serait pas pris avec un gouffre financier aujourd'hui, remarque.

Vous avez dit: De la belle collaboration avec le ministère des Transports du Québec. M. le député de Drummond a parlé tantôt du contrôle routier. Vous n'avez pas voulu en faire un procès. Ça aurait été intéressant, et on aurait sûrement participé avec grande joie. Mais est-ce que cette participation, est-ce que cette collaboration, vous la retrouvez aussi avec les contrôleurs routiers et la Commission de transports du Québec? Ou est-ce qu'il y a un genre de blocage? Parce que, veux veux pas, la réglementation...

Et, dans vos recommandations, dans votre document, ici, vous faites en sorte... maintenir en vigueur les dispositions de la loi ? nécessairement la loi sur le forum qui a créé le forum ? vous parlez: Renouveler les mandats de l'ensemble des membres du forum; mandater le forum pour effectuer diverses analyses; puis mandater le président pour le processus de reconnaissance. Mais, dans aucune de vos recommandations, vous ne parlez de certaines dispositions législatives concernant et les contrôleurs routiers et la Commission de transports du Québec. Parce que, dans le transport routier, on a ceux qui sont salariés. S'il se fait accoter par un contrôleur routier, lui, sa course, il n'est pas payé à la course. Celui qui est payé à la course, c'est qu'il y a le «just on time» à délivrer. S'il se fait arrêter, lui, il y a une répercussion sur ses coûts.

Et on parlait des frais tantôt, là, quand les gens paient des frais d'amende des fois plus cher que qu'est-ce qu'ils reçoivent de la course. On parlait tantôt de 400 $. Puis il y a des amendes qui frisent le 1 000 $, si ce n'est pas plus. Est-ce qu'il y a des dispositions? Est-ce que vous êtes en mesure aujourd'hui de nous dire: On peut vous présenter des amendements ou des notes? Ou est-ce qu'il y a de la réglementation qu'il va falloir qui soit revue?

Le Président (M. Brodeur): En conclusion, M. Mercier.

M. Mercier (Pierre): Ce que je peux vous dire, c'est: il y a plusieurs sujets qu'on ne traite pas, là, dans le rapport d'évaluation de la loi n° 135 parce que justement on évaluait la loi n° 135. Donc, il y a plusieurs choses là-dedans qui ne sont pas là: contrôle routier n'est pas là, même les immatriculations ne sont pas là, ne sont pas dans le rapport, comme tel. Il y a plusieurs sujets qu'on a traités au forum puis qui ne sont pas nécessairement dans le rapport parce qu'on n'avait pas à évaluer ces choses-là dans le rapport d'évaluation de la loi n° 135, comme tel. Mais ils font partie de nos préoccupations. C'est sûr.

Le Président (M. Brodeur): Et, en terminant, M. Thellend.

M. Thellend (Paul-Émile): C'est dans l'ordre des opinions, donc je vous demande de le recevoir avec toute la réserve nécessaire. Moi, je dois vous dire qu'en tant que président... nous avons toujours senti une véritable collaboration avec la Commission de transports du Québec. Par contre, je dois constater que la SAAQ est un organisme beaucoup plus difficile à faire bouger et que ? et j'entends les mêmes commentaires par des gens qui siègent autour de la table du forum ? la SAAQ est carrément quelque chose de spécial comme société où il n'est pas toujours facile d'y faire évoluer ou de faire valoir des points de vue ou de faire évoluer les choses. C'est une opinion.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci beaucoup. Donc, nous sommes à la fin de nos travaux pour ce matin. Je désire, en terminant, remercier M. Mercier, M. Thellend de la grande contribution que vous avez faite à la commission. Je sais que peut-être que, lorsque vous avez reçu l'invitation, il y a eu un petit mouvement d'inquiétude. Mais, pour nous, parlementaires, vous êtes des personnes qui font en sorte qu'on puisse faire notre travail correctement.

Donc, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie énormément, espérant pouvoir répondre aux interrogations que vous avez dans les plus brefs délais. Donc, je vous remercie et, sur ce, j'ajourne les travaux sine... Oui, juste avant d'ajourner, M. le député de Drummond?

M. Jutras: Oui. Bien, moi aussi, je voudrais remercier, là, au nom de l'opposition, là, les intervenants. C'était bien intéressant, votre présentation. Ça nous a beaucoup renseignés, là. Alors donc, merci beaucoup. Puis je veux profiter de l'occasion aussi pour remercier notre recherchiste de la commission, M. L'Hérault, qui nous avait préparé le mémoire.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Avant d'ajourner, M. le député de LaFontaine, un mot?

M. Tomassi: Oui, dans le même sens que le député de Drummond. Merci beaucoup de votre franchise et de votre entière collaboration dans l'étude de votre rapport. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. J'ajourne donc les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 56)


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