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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Thursday, February 20, 2003 - Vol. 37 N° 71

Consultation générale sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Pinard): Bonjour à vous tous. Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à cette troisième journée de consultation. Alors, considérant le nombre de collègues présents, je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.

Alors, Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Lafrenière (Gatineau); M. Beaumier (Champlain) remplace M. Côté (La Peltrie); M. Laprise (Roberval) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges); et M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) remplace Mme Doyer (Matapédia).

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue. Alors, je vais vous donner maintenant communication de l'horaire de la journée. Nous débutons par le Conseil régional de l'environnement de l'Estrie; suivi de M. Alain Webster de l'Université de Sherbrooke; du groupe Vivre en ville; suivi de l'Association de l'aluminium du Canada; à midi trente, suspension pour notre dîner; 2 heures, Association canadienne du ciment; 14 h 45, le Dr Louis Drouin, de l'Institut national de la santé publique; à 15 h 30, le Dr Michael Walsh, du Chicago Climate Exchange; à 16 h 15, le Centre patronal de l'environnement du Québec; à 17 heures, Équiterre; et nous suspendons nos travaux à 17 h 45, précisément. Très bien. On va se guider... Bon.

Maintenant que je vous ai donné l'horaire de la journée, j'aimerais ça ce matin que tout le monde ferme son cellulaire, s'il vous plaît, pour faire en sorte de ne pas déranger les travaux de la commission.

Auditions (suite)

Alors, j'inviterais immédiatement le Conseil régional de l'environnement de l'Estrie à bien vouloir se présenter devant nous. Et je vais vous rappeler immédiatement que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission, un échange qui durera 30 minutes. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de débuter.

Conseil régional
de l'environnement de l'Estrie

M. Dépôt (Jean-Guy): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Jean-Guy Dépôt. Je suis président du Conseil régional de l'environnement de l'Estrie et je suis accompagné ce matin de Mme Valérie Nantais-Martin, qui est la chargée de projet chez nous dans ce dossier. Je vais un peu élaborer notre résumé, parce que... compte tenu du 15 minutes.

Le Conseil régional de l'environnement de l'Estrie, c'est un organisme évidemment qu'on connaît de concertation, qui a comme mandat de favoriser et de promouvoir les stratégies en vue d'apporter des solutions aux problèmes environnementaux dont celui de Kyoto. Et madame... Valérie, va vous expliquer les points importants de notre mémoire.

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme Nantais.

Mme Nantais-Martin (Valérie): Oui. Alors, le mémoire qu'on vous a présenté comprend trois parties principales: la première partie présente la situation générale en rapport avec le Protocole de Kyoto; la deuxième partie expose les problématiques particulières au Québec au niveau du transport, des loisirs et de l'habitation et, de plus, on y propose des objectifs ou des décisions générales à prendre; et finalement, la troisième partie propose des actions très concrètes visant à atteindre les objectifs décrits dans la deuxième partie. Ces actions tendent à informer la population des possibilités de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre et des bénéfices encourus à faire un tel geste, et ce, afin de modifier les habitudes tant collectives qu'individuelles.

Alors, dans le domaine du transport, la combustion des produits pétroliers et le grand nombre d'automobiles individuelles sont les sources importantes de gaz à effet de serre. C'est pourquoi nos positions visent à augmenter la part de véhicules utilisant des carburants autres que le pétrole, à augmenter l'utilisation du transport en commun, à favoriser le transport par rail des marchandises et à diminuer le transport inutile des marchandises sur les grandes distances.

M. Dépôt (Jean-Guy): Dans le domaine des loisirs, certains loisirs engendrent moins de gaz à effet de serre que d'autres. Nous proposons que le Québec se dote d'une politique verte en matière de loisirs de façon à cesser de subventionner les grands événements sportifs générateurs de gaz à effet de serre. Dans notre mémoire, à la page 9, à 1.2.3, on parle, entre autres, de la Société des événements majeurs internationaux du Québec qui subventionne plusieurs activités comme le Challenge automobile sur glace de Sherbrooke, le Grand Prix de motoneige de Valcourt, le raid Harricana motoneige, les Régates de Valleyfield, le Grand Prix de formule 1 du Canada. Nous, on considère que, si on est vraiment sérieux et si on veut vraiment atteindre des objectifs fixés par le Protocole de Kyoto, on ne peut pas faire deux choses contraires en même temps. Donc, il faudrait aussi interdire les moteurs à deux temps sur l'eau et sur terre. On connaît les VTT, les motomarines, les moteurs hors-bord, on sait très bien, c'est un dossier que... Je vois M. Boisclair qui m'écoute, là, il sait que je connais très bien ce dossier-là. C'est que, le fameux moteur deux-temps, c'est archaïque et ça pollue beaucoup, ça rejette un minimum de 30 % et ça peut aller jusqu'à 50 % de rejets directement dans nos plans d'eau. Mais il en est de même aussi pour les motoneiges: la majorité des motoneiges, c'est le moteur deux-temps; et, aussi, on peut parler des VTT. Bref, il va falloir que... Je sais bien que ce n'est pas facile, là, politiquement, mais il va falloir sensibiliser la population du Québec, à savoir que, si on est pour être plus sévère vis-à-vis les automobiles trop gourmandes au point de vue énergie, bien, en contrepoids, il va falloir aussi s'occuper des loisirs motorisés et voir à ce que ça diminue pour que ce soit moins polluant puis moins affectant... les changements climatiques.

Aussi, l'autre point, c'est qu'on veut favoriser l'utilisation d'énergie douce, l'énergie solaire dans les parcs, entre autres. On parle de ça à 1.2.4. Nous, on pense qu'il y aurait moyen d'utiliser moins d'énergie fossile et mettre plutôt l'accent sur le solaire, l'éolien et ainsi de suite, puis je pense que j'ai vu quelques reportages, il en a déjà été question ici, puis je pense que c'est la voie qu'on doit suivre absolument.

Mme Nantais-Martin (Valérie): Au niveau aussi des transports, il faudrait poursuivre les campagnes de sensibilisation aux coûts totaux d'utilisation des voitures individuelles pour le transport urbain et suburbain de même que les campagnes de valorisation de l'auto familiale légère. Vous avez sûrement dans vos mémoires tous la campagne de sensibilisation qu'on fait à Sherbrooke sur Wô les moteurs: Notre santé est en jeu!, c'est sur la marche au ralenti des moteurs. Alors, il faudrait continuer à sensibiliser les gens de ce côté-là. Aussi, au niveau des divers niveaux gouvernementaux, donner l'exemple en fin de compte au niveau des économies d'essence. Encore une fois, valoriser le transport en commun en relief avec les activités économiques qui s'y rattachent. Et puis, au niveau de la qualité de vie, le transport en commun plutôt que le transport individuel est à favoriser.

M. Dépôt (Jean-Guy): Un point aussi qu'on a touché, c'est la question des résidences. On a pris connaissance, entre autres, d'un dossier à l'effet qu'il existe des résidences qui ont un certain âge et qui, si jamais on procédait à un projet de... Entre autres, le 20 % des résidences les plus âgées, si on pouvait avoir un projet pour améliorer l'isolation et la fenestration de ces résidences-là, on nous indique ? en tout cas, c'est ce qu'on a pu lire ? qu'on pourrait presque atteindre l'objectif de Kyoto. Donc, ce serait à considérer.

n (9 h 50) n

Aussi, on dit, nous, qu'on ne devrait pas favoriser par certains projets l'étalement urbain. On pense que, où les services existent déjà, on devrait les utiliser au maximum et on ne devrait pas favoriser trop les déplacements.

Et je ne peux pas passer à côté d'un projet qui nous touche beaucoup en Estrie, c'est ce qui peut advenir du parc du Mont-Orford. Et, nous, on a pris position au début de décembre sur ce projet-là. On considère que, si jamais il y avait une construction de 1 000 condominiums au coeur même du parc Orford, bien ce serait une mesure rétrograde qui aurait non seulement l'effet de réduire la quantité des puits de carbone, parce qu'on sera obligé de couper beaucoup d'arbres dans le secteur protégé, qui devrait être protégé, mais aussi ce serait de favoriser l'étalement urbain. Nous, on considère que M. Boisclair avec d'autres membres du gouvernement ont posé un très beau geste au début de la semaine de protéger le Mont-Royal, c'est une excellente décision, mais, un peu comme je disais tantôt, il ne faut pas faire un bon coup puis en même temps en faire un moins bon parce que, là, on ne sait plus où on se situe.

Donc, on aimerait, au niveau du parc du Mont-Orford, qu'on le protège, qu'on garde le territoire intégralement, qu'on ne permette pas la construction de 1 000 condos ni des deux hôtels de 100 chambres et de 150 chambres, bon, du golf, et ainsi de suite, le restaurant sur le montagne. Et on pense que, nous, on devrait plutôt agrandir le parc Orford, toujours dans le but d'atteindre et d'avoir le maximum d'aires protégées qui aura une incidence sur le dossier des puits de carbone. Parce qu'on a lu dans le document: l'agriculture... et, si on coupe moins d'arbres et si on reboise davantage, on va trouver une solution à la récupération du CO2, entre autres.

Puis je disais à ma collègue ce matin, en s'en venant sur la 20, parce qu'on est partis très tôt de Sherbrooke, dans les pays européens, pour accentuer le captage de carbone, on revégétalise les emprises de l'autoroute, et ça a plusieurs avantages: on n'a plus besoin d'y couper le gazon, tondre le gazon, qui prend de l'énergie, et aussi on peut mettre des bosquets qui ne monteront pas tellement haut, on fait ça, entre autres, sur les rives de nos lacs avec le myrique baumier et ce qui ferait... c'est qu'il y a plusieurs avantages, c'est que, si on perdait le contrôle, bien, au lieu de traverser le terre-plein puis faire un face-à-face, bien, on pourrait un peu comme tomber dans le boisé, le petit boisé, on tomberait dans la ouate. Alors, on peut rire de ça, mais je pense que c'est à considérer parce que déjà à certains endroits en Europe, ça se fait. Bref, c'est un peu, là... On vous a fait un portrait ? je ne sais pas si, Valérie, tu as autre chose à dire ? mais je pense qu'on vous a fait un portrait rapide de ce qu'on a abordé dans notre document. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, monsieur, merci, madame. Immédiatement, je céderais la parole au ministre.

M. Boisclair: Écoutez, il me fait plaisir de vous revoir, M. Dépôt. Je présume qu'aujourd'hui je m'adresse au militant du Conseil régional de l'environnement et non pas au militant du Parti libéral, parce que ces choses doivent être sues des médias. Sur la question du parc Orford, je tiens à vous le dire à nouveau, j'ai entendu M. Benoit, je vous entends, nous entendons les gens qu'il y a dans la région, et je veux vous dire clairement que nous allons faire les choses intelligemment, que le gouvernement du Québec sera cohérent, que le gouvernement du Québec entend bien les gens qui s'opposent et, à ce moment-ci, je peux vous dire que je peux les rassurer et qu'il n'y a pas guère raison à ce moment-ci de s'inquiéter et que les choses seront faites dans l'ordre et que mon collège, Richard Legendre, donnera la même attention à ce dossier qu'il donne aux autres dossiers dont il a la charge. Je peux préciser ces choses. Et je comprends que vous souhaitez nous le dire directement ici aujourd'hui, mais je vous réponds aussi directement. Le gouvernement sera cohérent, nous entendons bien les gens, nous n'entendons rien précipiter et faire les choses intelligemment. La préoccupation du développement durable portée par ce gouvernement est portée par tous les ministres du gouvernement. J'en suis en grande partie l'expression du fait de mes responsabilités et mon collègue, Richard Legendre, qui est aussi responsable de la faune et des parcs, porte la même préoccupation avec la même intensité que moi. Et c'est le cas aussi de tous mes autres collègues du Conseil des ministres. Je veux faire cette parenthèse, et qu'on évite de mener, ici, un débat qui nous écarterait de celui que nous avons à mener, qui est celui de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.

La question des puits de carbone auxquels vous faites référence, je tiens à vous dire que, de façon générale, les premières indications que nous avons, c'est que la forêt québécoise émet davantage qu'elle ne capte, et donc, la question de faire une analyse fine des puits de carbone, comme vous le faites, serait peut-être trahir certains préceptes scientifiques qui sont généralement reconnus.

Je voulais maintenant intervenir sur quelques propositions de votre mémoire, et là j'aimerais que les membres de la commission m'aident d'une façon ou d'une autre. J'entends votre proposition, par exemple, de ne plus subventionner des événements qui contribuent, par leurs activités, à émettre des gaz à effet de serre: qu'on pense aux événements qui ont eu lieu à Sherbrooke, à Valleyfield, à Montréal, à la limite, le Grand Prix de formule 1. Je pense que, et je veux vous le dire en toute candeur, je pense que c'est introduire une diversion dans le débat qui nous écarte d'un principe fondamental que j'ai fixé dans le plan, qui est d'obtenir des réductions d'émissions là où c'est le moins dispendieux et là où c'est le plus efficace d'aller en chercher, et que, dans ces choix que nous devons faire, bien, il faut regarder toujours la balance des avantages et des inconvénients. Parce que, dans l'absolu, une des meilleures façons qu'il n'y ait pas d'augmentation de gaz à effet de serre, c'est que la croissance économique au Québec soit nulle. Avec une croissance économique nulle ou même une décroissance de l'activité économique, il y aura moins d'émissions de gaz à effet de serre. Il n'y a personne qui va venir ici, en commission parlementaire, plaider le recul économique du Québec.

Alors, je comprends que des gens cherchent ça et là à nous faire des propositions. Je vois les manchettes des journaux aujourd'hui sur les véhicules utilitaires. C'est rendu là qu'on se pose des questions ici, en commission parlementaire, et déjà des médias, plus avides de sensation que d'information, titrent et nous indiquent que nous avons conclu, alors que la commission parlementaire n'est même pas terminée. Il n'y a même pas un règlement qui est publié et on s'émeut aujourd'hui de ce que pourrait être une décision sans qu'à chaque fois on se pose cette même question, qui doit être une bonne question pour le Québec: Comment obtenir des réductions, et des réductions qui sont les moins dispendieuses? Ce n'est pas à la pièce, une mesure, une à côté de l'autre, que le gouvernement va prendre des décisions, c'est une avec une stratégie d'ensemble, et notre responsabilité aujourd'hui, c'est une stratégie d'ensemble.

Hier, nous avons entendu un groupe, qui s'appelle le groupe Hélios, qui est venu nous proposer une grille d'analyse dans l'identification des mesures: des mesures équitables, des mesures qui sont les moins dispendieuse à obtenir pour notre économie, des mesures qui ne pénalisent pas un secteur d'activité plutôt qu'un autre, des mesures qui véritablement nous permettent d'aller chercher des réductions plutôt que de miser sur des substitutions, sur des émissions à éviter, qu'on pourrait calculer, plutôt que sur... dans les faits, des vraies réductions à obtenir. Cette grille d'analyse, elle m'apparaît particulièrement juste.

Et je voudrais vous poser la question: Quelles sont... dans les choix que vous avez proposés aujourd'hui, quelle a été votre grille de priorités? Pourquoi nous avez-vous proposé une mesure plutôt qu'une autre? Et, puisque nous aurons à en choisir, des mesures, quelle devrait être la grille, quel devrait être le raisonnement intellectuel que l'on devrait suivre pour identifier les meilleures mesures?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le président.

M. Dépôt (Jean-Guy): Oui. J'aimerais répondre à cette question-là. Je dois vous mentionner que le document, où on nous a soumis une série de questions, nous l'avons eu hier seulement, donc on en a pris rapidement connaissance. Mais il faut dire aussi qu'on est impliqué dans plusieurs autres dossiers et, bref, on n'a peut-être pas eu tout le temps souhaité pour regarder ces questions-là, mais je vais quand même y répondre.

Dans le cas de la production de l'énergie hydroélectrique, parce que le tableau nous donne un certain nombre de choix, nous, du Conseil régional de l'environnement de l'Estrie, nous sommes de la même opinion que les autres groupes environnementaux et du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement qui va venir vous voir prochainement, j'en suis le vice-président. Bien, nous, on trouve que... d'ailleurs le BAPE, on est parfaitement d'accord avec le BAPE, on aime bien le BAPE, nous. On aurait voulu l'avoir, le BAPE, en Estrie pour le 735 kV, en 1998, on ne l'a pas eu.

n (10 heures) n

Mais on est d'accord avec le BAPE à l'effet que le projet Suroît... je connais l'opinion de M. le ministre, je l'ai entendu hier où il fait voir certains bons points quand même qu'il pourrait y avoir là, mais, nous, on considère que ce n'est pas l'idéal que de favoriser le Suroît.

Nous, on serait aussi plutôt en faveur d'augmenter... Puis ça, il en a été question, puis quitte à être redondant, je vais répéter. Vous savez, on a des véhicules, là, qui prennent 8 litres au 100 km. Moi, je suis venu de Sherbrooke avec Valérie ce matin, là, avec ma Toyota Corolla qui prend 8 litres au 100 km. Vous avez des véhicules, des Hummer, des 4x4, puis des engins, énormes qui sont très énergivores. Bien, il me semble qu'on devrait les taxer davantage puis aller faire payer ces gens-là qui ont les moyens de se payer ça. Vous avez, déjà, depuis 1998, je crois, taxé les véhicules, 1 % pour les véhicules plus dispendieux là, 40 000 $ et plus. Bien, c'est une bonne mesure, c'est un début, mais je pense qu'on devrait aller plus loin dans cette voie-là.

L'autre aussi, ce serait de faire en sorte d'imiter nos voisins qui font des bons coups. Il n'y a pas de mal à ça. L'Ontario ou la Colombie-Britannique, déjà, fait la vérification des plus vieilles autos. Et ces vieilles autos là devraient être évaluées puis, si elles sont une source de pollution trop importante, bien, écoutez, on devrait les mettre de côté. Et on pense, nous, qu'on devrait favoriser aussi l'écotourisme et les activités non motorisées, la bicyclette, le ski de fond et ainsi de suite; il y a moyen de s'amuser sans avoir toujours un moteur. Et il y a des jeunes, puis on les appelle les «kids-moteurs», là, ils ne peuvent pas s'amuser s'ils ne sont pas assis sur une motomarine, sur une motoneige, sur un VTT. Puis je pense qu'on peut faire du ski de fond, de la bicyclette puis de la marche, aller dans nos belles montagnes ? tant et aussi longtemps qu'on les garde intactes, là ? on peut s'amuser sans avoir toujours un véhicule.

Donc, en gros, je ne sais pas si je réponds à la question de M. le ministre, mais nous, là, on pense qu'il y a moyen, sans affecter nécessairement l'économie du Québec, je suis d'accord avec lui, il ne faut pas prendre des mesures qui soient trop affectantes à notre économie, mais il y a moyen de faire autrement, intelligemment ? j'ai aimé le mot, tantôt ? pour faire en sorte qu'on atteigne l'objectif du Protocole de Kyoto.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Tremblay: Oui, merci. Vous avez parlé d'une des propositions, c'est-à-dire d'interdire les moteurs à deux temps sur eau et sur terre. Comment voyez-vous l'application d'une telle mesure? Dans le sens que, si demain matin vous interdisez les motoneiges, bien, je dois vous dire que, venant du Saguenay?Lac-Saint-Jean, chez nous, l'industrie de la motoneige actuellement c'est une industrie touristique très importante pour le tourisme hivernal; même chose d'ailleurs pour les moteurs hors-bord. Donc, est-ce que vous voyez que le gouvernement devrait légiférer du jour au lendemain, on interdit ça, ou on y va sur une période graduelle?

M. Dépôt (Jean-Guy): Il n'est pas question, là, on n'est pas... Comment dire? On est assez intelligent pour comprendre le bon sens, là. Il n'est pas question qu'on élimine d'un coup de baguette toutes ces embarcations-là ou toutes ces motoneiges-là. Mais, si vous avez lu, entre autres, le Journal de Montréal de lundi, on nous annonçait que dans les Laurentides, dans une petite municipalité où il y a 40 lacs, il y a 25 lacs, là, les gens ont été consultés puis on va enlever des embarcations, moteurs hors-bord puis motomarines. Et ça, dans le moment, on est obligé de passer par le fédéral pour faire cette opération-là, puis, nous, on voudrait que ça se fasse au Québec. Et c'est un début.

Et aussi, vous connaissez le dossier du P'tit Train du Nord, hein, où il y a une poursuite devant les tribunaux par les gens, là, qui subissent des inconvénients assez importants. On connaît très bien aussi le dossier de, ici, à Charlevoix, hein?

Et bref, nous, on pense que les gens... lorsqu'on consulte les gens puis que les gens se prononcent, qu'ils disent: Écoutez, là, ça n'a plus de bon sens, il faut qu'il se fasse quelque chose, bien, on devrait les écouter. Parce que, sans ça là, si on consulte les gens puis on fait autrement, bien, écoutez, dites-nous le avant, on ne jouera pas le jeu, puis on ne sera pas consultés, tu sais, puis on ne viendra pas. Moi, j'aime des consultations qui ne sont pas des consultations bidon, donc je pense qu'il faut, lorsqu'on veut gérer correctement, il faut consulter la population puis tenir compte de ce qu'elle souhaite.

Le Président (M. Pinard): Alors, je céderais maintenant la parole au député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Dépôt, Mme Martin, merci d'être ici aujourd'hui. Vous vous êtes levés très tôt, c'est à votre honneur. Il y a 17 CRD, si je me trompe, au Québec...

M. Dépôt (Jean-Guy): 16.

M. Benoit: ...16. Et je tiens à souligner la performance du CRD de l'Estrie devant le ministre. Il y a une inégalité dans les CRD, leur histoire, leurs origines, les gens qui sont là.

Des voix: ...

M. Benoit: Le CRE, devrais-je dire, oui, pas le CRD, le CRE, et celui de l'Estrie... peut-être parce que je viens de là, mais comme j'ai été à même de pouvoir les regarder aller à travers les temps, je suis très fier du CRD de l'Estrie, je l'ai dit même...

Une voix: ...

M. Benoit: ... ? du CRE de l'Estrie, oui ? je l'ai dit même à leur congrès annuel comment il me semblait que quelques-uns avaient pris un leadership à travers le Québec, et celui de l'Estrie me semblait un de ces modèles-là. Je veux le leur dire ici publiquement, et M. Dépôt, son président, est certainement un de ces instigateurs. Il a été là à la première heure et il a quitté, il est revenu, et il est un de ces environnementalistes qui marque le pas dans les Cantons-de-l'Est.

M. Dépôt, il y a deux sujets que vous nous parlez d'une façon particulière, effectivement les moteurs deux-temps, et j'y reviendrai tantôt, mais j'aimerais que vous nous disiez d'abord, juste par un chiffre: Il y a eu combien de mémoires qui furent présentés, à quel moment, en ce qui a trait au parc du Mont-Orford?

M. Dépôt (Jean-Guy): 54.

M. Benoit: Cinquante-quatre mémoires. Combien de ces mémoires-là s'opposent à la construction des 1 000 condos à la base de la chaise?

M. Dépôt (Jean-Guy): Quarante s'opposent. Il y en a sept qui sont en faveur, puis les sept autres, bien, on ne le sait pas, là, ils sont venus se faire voir.

M. Benoit: Donc, je dois comprendre qu'une très grande majorité des gens qui étaient là...

M. Dépôt (Jean-Guy): 75 %.

M. Benoit: ...75 % des gens se sont opposés. J'ai écouté le ministre très attentivement tantôt. Ce qu'il nous a dit: On va bien faire les choses. J'aimerais que vous me disiez ce que vous comprenez de ça. Moi, je vais vous dire ce que, moi, je comprends. Si j'étais un promoteur ce matin, je serais très heureux. On va bien faire les choses, c'est peut-être 1 000 beaux condos. Si j'étais environnementaliste, j'aurais compris que c'est peut-être 1 000 arbres de plus dans le parc. Vous, qu'est-ce que vous avez compris quand le ministre nous a dit: On va bien faire les choses?

M. Dépôt (Jean-Guy): Bien, en tout cas, nous, au CRE, puis je parle un peu au nom des 40, là, qu'on a tous contactés, en passant, nous, on souhaiterait qu'il n'y ait pas de décision rapide, qu'on réfléchisse beaucoup, même qu'on souhaiterait qu'il n'y ait pas de décision... il y a des élections, là, d'ici deux mois à peu près. Alors, on souhaiterait qu'il n'y ait pas de décision prise avant les élections.

Écoutez, moi, là, je suis un Estrien depuis ma naissance et jamais je n'ai vu, en Estrie, un projet de 1 000 condos. O.K. Là, on en a un là puis il faudrait qu'on dézone un coin du parc pour construire 1 000 condos.

M. Benoit: Sans action sur une base économique ? je sais que vous n'êtes pas ici à titre d'un économiste ? mais, est-ce que, sur une base économique, ce que vous avez entendu et ce que vous percevez, est-ce que c'est une transaction où le Québec y trouve son compte, autant sur une transaction environnementale qu'économique? Mais allons sur la base économique d'abord.

M. Dépôt (Jean-Guy): Bien, sur la base économique, écoutez, pour faire ce projet-là, il faut faire un échange de terrains, hein. On dézone un coin du parc puis le promoteur achète un autre terrain proche d'un marais, là, au lac Brompton, puis là, on échange ça. Moi, j'ai entendu quelqu'un dire: Écoutez, c'est à peu près comme changer un «T-bone» steak contre une tranche de baloné. Je pense que ce n'est pas la meilleure chose à faire là. Ce n'est pas tellement économique puis on va être perdant.

Nous, on est d'accord avec le gouvernement qui veut agrandir puis qui veut faire des aires protégées, puis on veut aller dans ce sens-là. Mais là, si on accepte ce projet-là, c'est quasiment donner un signal; puis ce serait un précédent. Ce serait une espèce de jurisprudence que de dire oui à ce genre de projet-là. Donc, on dit: Faites attention là parce que, moi, je vous dis là: Si jamais c'était... Je suis un gars optimiste, moi, je considère que ça devrait être non mais, si jamais c'était oui, les gens qui prendront la décision, ils vivront avec leur décision.

M. Benoit: Ce que vous êtes après nous dire, c'est qu'il y a des terrains à vendre alentour du parc du Mont-Orford. Si je comprends bien, le promoteur est après acheter des terrains pour faire cet échange. La province pourrait acheter ces terrains-là, je veux dire, on n'a pas besoin d'attendre après le promoteur pour acheter ces terrains-là. C'est ce que je dois comprendre.

J'arrive au moteur à deux temps maintenant. Bombardier nous annonce qu'ils ont gagné, en Californie, je crois, lors d'une exposition, les plus hauts standards, même que c'était au-delà de ce qu'on pensait qu'on serait capable de faire dans ce type de moteur là. Vous qui vous êtes toujours battu, vous avez été sur la commission Boucher, vous avez été capable de faire mettre la notion des moteurs deux-temps à l'intérieur du rapport Boucher sur les petits plans d'eau. Quand Bombardier nous annonce ça, là, j'aimerais ça vous entendre. Est-ce que c'est le futur qu'on vient d'entendre cette semaine de Bombardier? Est-ce que ça passe par ça?

M. Dépôt (Jean-Guy): Je vais préciser un peu votre exposé, M. Benoit. Même la question du deux-temps puis des moteurs sur les lacs et réservoirs d'eau potable, M. Boisclair l'a même mis à la page 78 et 79 de la Politique nationale de l'eau à notre grande satisfaction.

n (10 h 10) n

Dans la question du moteur, il faut savoir que les États-Unis ont posé une norme pour 2006 à l'effet que les moteurs ne doivent pas polluer plus qu'un certain niveau en 2006. Et ça a été fait intentionnellement en 2006, parce que, on connaît les Américains qui sont protectionnistes, s'ils l'avaient fait plus tôt, c'est Honda, les Japonais avec Honda qui auraient pris le marché, parce que Honda, ils ont un moteur quatre-temps depuis bien des années. J'en ai déjà eu un mais je l'ai vendu parce qu'il fallait quand même que je montre l'exemple ? j'avais un petit sept forces et demie Honda quatre-temps. Et là ce qui arrive c'est qu'on a donné du temps aux fabricants américains, hein, Mercury, puis maintenant, bien, il y a Evinrude Johnson qui a été acquis par Bombardier. Bon. Écoutez, j'ai été dans le milieu des affaires, j'ai travaillé pour Imasco pendant 28 ans, je sais un peu comment est-ce que c'est. On fait de l'espionnage industriel puis, à un moment donné, quand l'autre a une bonne idée, on la copie, on l'imite ou on fait semblable puis, bon. Et c'est ce qui est arrivé, je présume, avec les moteurs quatre-temps de Bombardier.

Mais il reste que ce n'est pas parce que Bombardier, sous la pression des groupes environnementaux ? avec le Dr Russell Long, entre autres, du Earth Island Institute aux États-Unis ? ont fait des pressions pour que ce soit amélioré. Ce n'est pas parce que, là, on commence à améliorer que le problème est réglé, là, subito presto. Écoutez, 75 % des moteurs deux-temps hors-bord sur nos lacs, c'est des moteurs deux-temps, tu sais. Bon. Et ce n'est pas parce que c'est les quatre-temps sont sortis, là, que tout le monde a mis les deux-temps de côté. Il faudrait peut-être avoir un processus pour favoriser le changement de ça. Ça, ça pourrait être une mesure qu'un gouvernement pourrait envisager, c'est-à-dire: Bien. Écoutez, on va donner une espèce de montant pour que les gens mettent leur deux-temps de côté puis achètent un quatre-temps ou, encore mieux, un moteur électrique puis... Mais, disons que c'est une chose qui va s'implanter graduellement. Mais, autant dans le cas des motoneiges, autant dans le cas des motomarines... Saviez-vous que, vous parlez de Bombardier, saviez-vous que Bombardier fabrique une motoneige électrique et elle est vendue seulement qu'en France? Vous irez sur notre site Internet, vous allez découvrir ça. Ça n'a jamais été question ici, au Québec.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Alors, M. Dépôt, Mme Martin du CRE de l'Estrie, merci pour votre expertise, pour votre mémoire. Vous avez touché un peu à différents sujets que vous considérez comme des lieux d'amélioration pour diminuer l'émission des gaz à effet de serre, notamment l'habitation, le transport, particulièrement le transport en commun, vous plaidez pour ça.

Pour l'habitation en tant que telle, hier, nous avons entendu un groupe qui est venu réclamer une sorte de code standard d'économie d'énergie qui pourrait être implanté par règlement ou par autorité gouvernementale et appliqué à l'ensemble de l'industrie. Est-ce que vous allez dans ce sens ou est-ce que votre approche est plus nuancée?

M. Dépôt (Jean-Guy): Alors, nous, on est d'accord à ce que... il faut faire les choses graduellement et il faut aller dans ce sens-là, c'est-à-dire améliorer pour qu'on puisse atteindre des standards qui vont favoriser l'atteinte de Kyoto. Écoutez, si on peut nous proposer des choses intéressantes, on est prêt à regarder ça, évaluer ça puis, si ça va dans le sens de l'objectif qu'on a, on est d'accord.

Mme Houda-Pepin: Sur le transport des marchandises, vous mettez de l'avant un certain nombre de propositions pour réduire finalement le transport des marchandises ou trouver des solutions moins énergivores pour le transport de marchandises. Il y a des gens qui réfléchissent ? parce que le ministre tantôt parlait de stratégie d'ensemble ? dans cette stratégie d'ensemble, il faudrait avoir peut-être une vue en perspective pour ce qui s'en vient et toute la question du commerce électronique, qui fait que dorénavant les commerces ne seraient pas nécessairement tenus d'avoir de grands inventaires, d'avoir des grands espaces donc d'avoir le camion à la porte pour transporter la marchandise.

Est-ce que vous avez réfléchi sur ça? Est-ce que vous avez réfléchi sur ce qui s'en vient, sur cette tendance du commerce électronique qui va amener peut-être la création de grands centres de distribution aux portes de l'Estrie mais moins de trafic lourd dans les rues de Sherbrooke et de Granby et des municipalités avoisinantes?

M. Dépôt (Jean-Guy): Bien, je suis content que vous... de cette question. C'est que dans la question du transport des marchandises, nous... Moi, j'ai un certain âge là, j'ai connu quand j'étais jeune le transport qui se faisait par train, et, là, ce matin je m'en venais sur la 20 puis j'étais un peu découragé d'avoir à dépasser tant de camions puis à en croiser autant. Mais vous savez probablement que les camions maintenant, c'est des entrepôts sur roues, hein? «Just on time», là, vous connaissez l'expression. Et là ce qui fait qu'on a beaucoup, beaucoup de camions, c'est quasiment un non-sens. C'est énergivore, c'est très dangereux.

Et, nous, en tout cas, on souhaiterait qu'on revienne un peu à l'ancienne. On est un peu nostalgique, on dit: Si on pouvait, où on a fait des pistes cyclables là, on devrait peut-être remettre des trains éventuellement. Puis je ne dis pas que ça ne se fera jamais là dans quelques années. Avec la génération future, ils vont dire: Écoutez, c'était bon, pourquoi vous avez défait ça, puis refaites-les donc. En tout cas, il faut se pencher là-dessus.

Mais je trouve intéressant votre remarque à l'effet qu'il faudrait faire en sorte que les commerces s'approvisionnent lorsque c'est possible évidemment là. Peut-être qu'on pourrait se servir d'Internet, voir où est disponible la marchandise de sorte de ne pas faire venir de la marchandise de très, très loin alors qu'on l'a peut-être dans notre région.

Donc, on devrait de cette façon-là favoriser... qu'il y ait moins de transport d'une région à l'autre. Et aussi on devrait peut-être favoriser... ça, là, ce serait tout un défi à atteindre. Quand un camion part de Montréal avec, je ne sais pas, moi, là, une certaine marchandise puis il vient livrer ça en Estrie, puis il revient à Montréal complètement allège, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'organiser un système qui ferait en sorte que le camion, il s'en viendrait avec sa marchandise, des pommes de salades, il s'en vient en Estrie, mais il repart après ça de l'Estrie avec... par un système d'organisation quelconque, peut-être par Internet là et il reviendrait chargé. En faisant ça, là, on couperait peut-être de moitié le nombre de camions sur les routes.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui, bien, c'est intéressant ce que vous dites, d'autant plus, sur la Côte-Nord, moi, ce qui me marque toujours, c'est de voir des vans de deux-par-quatre qui font le trajet de Québec vers Baie-Comeau alors que bien souvent on exporte notre bois. Ça fait que, pour réussir à avoir du bois sur la Côte-Nord, il faut le faire venir d'ailleurs, c'est surprenant.

Et peut-être au niveau de votre initiative Wô les moteurs dont j'ai pris connaissance là, je trouve ça très intéressant mais, est-ce que c'est un mouvement qui est concerté puis que d'autres CRE ? pas CRD, CRE ? ailleurs au Québec emboîtent le pas aussi? Parce que vraiment je trouve que c'est une initiative qui devrait avoir des répercussions ailleurs.

Moi, chez nous, je n'en ai pas entendu parler de ça. Le CRE de la Côte-Nord ne semble pas avoir emboîté le pas.

Mme Nantais-Martin (Valérie): Effectivement, on a pris cette initiative-là de l'Office de l'efficacité énergétique qui avait, eux, déjà fait une étude à Mississauga et à Grand Sudbury en Ontario mais, au Québec, on n'en a pas entendu parler beaucoup là. Je crois qu'on est les premiers là à emboîter le pas pour une campagne de la sorte. Là, éventuellement, les autres CRE regardent notre initiative et sont très... Et les résultats sont satisfaisants, les gens sont très intéressés et favorisent notre initiative.

M. Corriveau: O.K.

M. Dépôt (Jean-Guy): D'ailleurs, moi qui suis membre du Regroupement national des CRE, j'ai apporté toute l'information à mes collègues. Et maintenant on souhaite qu'ils nous imitent là, qu'ils prennent cette initiative d'aller de l'avant.

Aussi, je dois mentionner que ça a déjà eu son effet, ça. On connaît un peu ce qui s'est passé ici avec les limousines des ministres au mois de décembre. Et on s'était fait un plaisir, entre autres, d'acheminer une lettre à M. Boisclair lui disant, et à M. Benoit aussi, leur disant: Bien, écoutez, wô les moteurs, là, pourquoi faire tourner le moteur inutilement? Bon, bien, c'est dans ce sens-là, hein, c'est: au lieu de faire tourner les moteurs une demi-heure de temps pour réchauffer l'auto, cinq minutes, ce serait peut-être acceptable; une demi-heure, c'est trop long. Puis, si tout le monde faisait ça, bien déjà il y aurait un gros changement. On avait félicité M. Boisclair de son intervention à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme Nantais, M. Dépôt, merci de votre intervention ce matin. Et j'inviterais immédiatement M. Alain Webster de l'Université de Sherbrooke de bien vouloir se présenter.

n (10 h 20) n

Alors, Mmes, MM. membres de la commission, j'ai le privilège ce matin de vous présenter M. Alain Webster. M. Webster enseigne l'économie de l'environnement à l'Université de Sherbrooke. Son principal champ de recherche traite de l'utilisation des instruments économiques dans la gestion de l'environnement, en particulier dans le domaine des changements climatiques. Alors, M. Webster, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et...

M. Alain Webster

M. Webster (Alain): J'espère que mes 15 minutes commenceront lorsque j'aurai réussi à brancher mon appareil, puisqu'on m'a dit que j'aurais un fil quelque part, et j'ai un petit problème technique. Désolé.

Le Président (M. Pinard): Alors, voulez-vous, s'il vous plaît vous...

n (10 h 21 ? 10 h 22) n

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Webster, nous sommes tout ouïe.

M. Webster (Alain): Donc, d'abord, merci bien de m'avoir invité à cette commission parlementaire. M. le Président, bonjour, M. le ministre, bonjour, MM. et Mmes les députés, bonjour. Je viens vous traiter de la question de l'équité interprovinciale, cette question passionnante que constitue bien sûr la réduction des gaz à effet de serre au Québec et au Canada.

Ai-je besoin de vous dire qu'il y a bien sûr quelques considérations politiques à cette question intéressante? D'abord, de façon plus générale, l'avènement de nouvelles normes évidemment. Ça signifie intervenir dans ce domaine, qu'on appartient à une communauté d'État soucieux d'agir dans l'ensemble des pays. Puis certains ont bougé; d'autres ont préféré faire du stationnement sur place; certains ont voulu reculer. Content de voir qu'au Québec et au Canada on ait décidé d'avancer. C'est une très bonne nouvelle.

C'est aussi reconnaître une certaine forme de responsabilité commune entre l'ensemble des pays qui composent cette planète mais aussi une responsabilité différenciée évidemment. Ça, c'est important entre les pays, ce le sera également entre les provinces au Québec. Il y a bien sûr plusieurs aspects institutionnels associés à ça. Ai-je besoin de vous dire que l'environnement est parfois un champ d'action conflictuel entre les différents paliers de gouvernements? Vous le savez sûrement mieux que moi.

Ça fait bien sûr aussi beaucoup référence à la question de l'équité, cette question du partage de l'effort, au Canada et au Québec. Lorsqu'on parle d'équité, on va faire référence bien sûr à une question de responsabilité, qui émet les gaz à effet de serre, et aussi à une question d'équité par rapport aux conséquences de la mise en application des mesures. Et on aura donc deux visions totalement différentes. L'Alberta va se servir beaucoup de cette notion d'équité associée aux conséquences économiques d'un tel programme, alors que d'autres provinces vont plutôt faire référence aux questions d'équité en matière de responsabilité, deux visions différentes donc d'une même notion que constitue l'équité.

Si on regarde un petit peu rapidement différentes données sur les responsabilités, des choses que vous savez évidemment déjà, si on regardes les émissions, la croissance des émissions entre 1990 et 2010, on sait que les émissions au Canada vont augmenter de 200 millions de tonnes. On sait aussi que cette croissance, elle est très, très différente entre les provinces. L'Alberta, à elle seule, va représenter 46 % de la croissance de ces émissions, alors que la croissance au Québec sera de l'ordre de 5 à 6 % à peu près. Donc, un effort, une responsabilité totalement différente entre ces différents joueurs.

On peut également, et j'attire votre attention là-dessus bien que vous ne voyiez certainement pas très, très bien sur ce tout petit graphique, mais lorsqu'on regarde d'autres types d'indicateurs que les données brutes de gaz à effet de serre, lorsqu'on regarde, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB produit, donc au niveau de l'intensité énergétique, intensité en carbone, on constate que, depuis 1990, à peu près toutes les provinces se sont améliorées; on émet moins de gaz à effet de serre pour chaque millier de dollars de PIB produit. C'est extraordinaire. Mais, pendant la même période, on aura néanmoins augmenté nos émissions de 200 millions de tonnes. Ce qui fait que, raisonner uniquement sur la question d'améliorer l'efficacité énergétique alors que la croissance augmente plus vite que l'efficacité énergétique, ça se traduit inévitablement par une hausse des émissions. Dans un contexte de réduction des gaz à effet de serre, c'est embêtant. C'est l'approche retenue par George Bush et ce n'est pas une approche particulièrement brillante dans ce domaine.

Si je vous amène maintenant sur la question de la répartition entre les provinces ou, de façon plus générale, sur la répartition des émissions, on a observé plusieurs tentatives, plusieurs modèles permettant de répartir les émissions entre les pays dans la période pré-Kyoto, par exemple, lorsqu'on a voulu négocier les accords. Plusieurs modèles ont été proposés, des répartitions selon, par exemple un seul critère, la population, le PIB. Tous ces modèles amènent bien sûr des distorsions, des événements extrêmes, des répartitions inimaginables, des modifications trop importantes, quelques modèles plus de type mono... multicritères où on va mettre différents éléments dans un même modèle. Mais, comme on n'est pas capable de voir l'évolution ou la part de chacun de ces variables, souvent ces modèles sont difficiles à comprendre.

Donc, il faut trouver une façon pas bien sûr technocratique de répartir les émissions, mais un modèle qui permettra aux décideurs de ces différents États d'orienter un peu mieux leurs questions politiques en matière de répartition. Parce que ce n'est pas une question nouvelle, hein? Limiter les émissions de gaz à effet de serre, c'est d'actualité ces temps-ci, mais on fait toujours référence à ça en matière de l'environnement. Le cadre théorique de ça, c'est relativement simple: on doit limiter l'accès à une ressource qui malheureusement n'est pas infinie. On l'a compris dans la pêche depuis à peu près 40 ans. Nos modèles théoriques nous disent: On doit limiter l'accès, sinon on dégrade la ressource. Avec les gaz à effet de serre, on vient de comprendre ça: on doit limiter l'accès aux gaz... à la capacité écologique de l'écosystème d'absorber les gaz à effet de serre, sinon on va dégrader cette ressource fondamentale. Donc, c'est un débat d'actualité, mais le concept théorique est quelque chose avec lequel on réfléchit dans d'autres domaines.

Ça a amené bien sûr l'Union européenne à réfléchir à cette question de répartition lorsqu'ils ont voulu se présenter à Kyoto pour négocier leur modèle de répartition. Je pense que vous avez eu une conférence à ce sujet qui a été nettement plus intense et longue et plus détaillée que la mienne. Donc, si je vous résume rapidement, bien sûr on a mis en place trois secteurs. On a considéré trois secteurs de gaz à effet de serre: ce qu'on appelait de la production d'énergie, l'industrie lourde en concurrence internationale et, bien sûr, le secteur domestique. Et on a fixé des objectifs de réduction spécifiques pour chacun de ces trois secteurs, qu'on a agglomérés dans un seul quota par pays. C'est une approche qui n'a pas fixé la contribution des pays européens bien sûr, mais qui aura grandement contribué à définir le rôle de chacun.

Par exemple ? il y a beaucoup de données dans ce tableau-là ? on constate que, lorsque l'Union européenne a signé le Protocole de Kyoto, l'effort de réduction des émissions varie énormément. L'Allemagne s'est engagée à faire moins 21 par rapport au niveau de 1990, alors que, par exemple, le Portugal aura le droit d'accroître ses émissions de 27 %. Donc, l'idée d'avoir des niveaux différenciés d'objectifs, c'est quelque chose qui est compatible, qui est concevable pour un ensemble de pays indépendants. Donc, est-ce qu'à travers un pays comme le Canada c'est concevable, à travers ses 10 constituantes que sont les provinces? On peut faire l'hypothèse que oui.

Ce qui a amené bien sûr cette réflexion similaire: Peut-on, au Canada, tenter de répartir les émissions ou le budget d'émissions entre les provinces, à travers un modèle similaire, là, qu'on qualifie de modèle triptyque? Donc, on a fait des travaux, il y a déjà deux ans de cela, sur la répartition potentielle des émissions. On a réparti l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre en six catégories, les trois premières traitant essentiellement du CO2 et les trois autres traitant de l'ensemble des autres sources d'émissions. Et ça nous a donné le genre de données qu'on obtient ici.

Par exemple, au Québec, on a un niveau d'émissions de 86 millions de tonnes. On prévoit rajouter, en 2010, 98 millions de tonnes. C'est les données fédérales. L'allocation au Québec, selon ce modèle triptyque, avec des données qui sembleraient faire consensus au niveau des différents objectifs, amènerait un budget au Québec, une allocation de 87 millions de tonnes, donc à peu près une croissance de 1 % par rapport à 1990, disons un niveau stable par rapport à 1990.

Si on regarde l'aspect dynamique de ça, donc, si on regarde l'effet par rapport à 2010, ça signifie qu'au Québec on devrait couper 11 % de nos émissions de gaz à effet de serre prévues en 2010, donc à peu près une réduction de 11 % également. Et, dans l'ensemble de la réduction des émissions qu'on doit faire d'ici 2010, ce qui est la dernière colonne, la contribution totale du Québec serait, selon ce modèle, d'environ 5 %. Autrement dit, il faut couper 240 millions de tonnes d'ici à 2010 par rapport à ce qu'on rejetterait normalement. Certains modèles, qui ne semblent pas tellement utopiques, puisqu'on les a utilisés en Europe notamment, nous amèneraient à conclure que notre part raisonnable pourrait être autour de 5 % de cet effort-là, donc ramener nos émissions à peu près au niveau de 1990.

n (10 h 30) n

On a bien sûr modulé cette approche-là de différentes façons. On a changé les paramètres. On a fait quelques analyses de sensibilité. Et ce qu'on obtient, c'est à peu près toujours le même pourcentage pour le Québec et évidemment des éléments beaucoup plus importants pour d'autres provinces, comme l'Alberta, qui vont augmenter leurs émissions de 45 %. Ça s'explique, ces écarts extrêmement importants, par le fait bien sûr que certaines provinces vont augmenter considérablement leurs émissions d'ici à 2010. Et ça, c'est un élément fondamental dans la question de qui fait quoi en matière de gaz à effet de serre au Canada. Est-ce que la base de référence sera 1990? Est-ce qu'elle sera 2010? C'est un élément considérable dans la question de qui doit bouger, une question d'équité essentiellement, ce qui fait que, dans ce modèle-là, par exemple l'Alberta, l'Ontario, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique devraient à peu près assumer 90 % des réductions, puisque ce sera eux qui vont être en grande partie responsables de la très forte croissance des émissions entre 1990 et 2010.

C'est un portrait un peu différent de ce qu'on a présentement. Si on regarde ce qu'on a présentement comme approche, il n'y a pas bien sûr dans le plan fédéral de répartition explicite de l'effort de réduction entre les provinces, mais l'ensemble des choix qu'on fait ou qu'on sous-tend ou qu'on devra faire éventuellement va inévitablement se traduire par une répartition implicite des efforts de réduction entre les provinces. Donc, on peut se demander: Doit-on réfléchir à la mise en place d'un quota ou d'une répartition de l'effort entre les provinces? En pratique, on le fait soit explicitement, soit implicitement, et présentement on le fait de façon implicite.

Quoi vous dire à part ça? Vous dire que l'effort, par exemple, prévu dans le plan fédéral amène la mise en place d'un système de permis d'émissions échangeables pour les grands émetteurs industriels. Lorsqu'on regarde les grands émetteurs industriels, on prévoit une réduction totale de 90 millions de tonnes sur les 240 qu'on doit réduire. Ça signifie une contribution d'environ 37 % des grands émetteurs industriels, alors qu'ils seront responsables d'un peu plus de 50 % des émissions en 2010 et qu'ils seront responsables d'une part encore plus importante de la croissance des émissions entre 1990 et 2010.

Élément positif dans le plan fédéral, on prévoit la mise en place d'un système de permis d'émissions échangeables. Positif, parce que ça permet deux grands avantages fondamentaux: favoriser d'abord les changements technologiques de façon continuelle de la part de l'industrie et, bien sûr, permettre aux industries de profiter des mécanismes de Kyoto. C'est soit le gouvernement qui va intervenir sur les marchés internationaux, soit les entreprises. Si c'est les entreprises qui vont aller intervenir à l'étranger, elles devront avoir pour elles des permis d'émissions, donc des budgets pour qu'elles puissent se servir des crédits qu'elles vont aller acheter à l'étranger. Donc, c'est fondamental pour profiter de ces mécanismes dits de flexibilité.

Autrement dit, la conception de ce système-là, elle est également importante et elle va faire appel à un ensemble de choix, des choix notamment en matière d'allocation initiale des permis. Donc, j'attire votre attention là-dessus, puisque l'attribution initiale des permis pour ces grands émetteurs industriels, c'est un peu flou encore, mais ce qu'on y voit dans le plan fédéral bien sûr, c'est une répartition en fonction de la production et, bien sûr, d'un facteur d'intensité des émissions. Ça signifie qu'on ne doit fixer aucun plafond absolu pour certains secteurs industriels et, lorsqu'une industrie sera en très forte croissance elle n'aura donc pas besoin de compenser ses émissions supplémentaires, puisqu'on va lui accorder automatiquement plus de permis. Ça se traduit par une disponibilité moins grande évidemment pour les autres industries, puisque le système de permis va être limité. Donc, une répartition initiale basée sur des critères d'efficacité va se traduire inévitablement par une variation dans la différenciation des efforts de réduction entre les secteurs.

Dans un système à budget fermé, tout accord dans un secteur industriel peut, aura inévitablement des répercussions sur tous les autres secteurs et inévitablement sur toutes les provinces. Donc, lorsqu'on signe un accord avec l'industrie pétrolière, même s'il n'y a pas d'industrie pétrolière ici, ça va inévitablement avoir une répercussion sur ce qu'on devra faire ici. Et on peut dire que, dans ce contexte, les émissions des secteurs ou des provinces ayant des taux de croissance supérieurs à la moyenne, bien seront compensées, pour ne pas dire financées, par les secteurs ou les provinces qui ont des taux de croissance inférieurs à la moyenne. Ça, c'est embêtant.

Les crédits ou titres de puits de carbone intervenant aussi dans le statu quo sont utilisés dans l'ensemble de l'approche canadienne comme étant une façon de réduire la cible totale. Sachant que les émissions entre 1990 et 2010 ne sont pas uniformes entre les différents secteurs, lorsqu'on va utiliser les crédits qu'on obtient pour la forêt, pour le statu quo de la forêt présentement, si on l'applique globalement à tous les secteurs, bien ça signifie que ce n'est pas tous les secteurs qui vont en profiter non plus de façon uniforme. Ça aussi, c'est embêtant.

Et finalement, le Plan du Canada aborde très peu les questions institutionnelles liées au fonctionnement d'un système de permis échangeables, en particulier bien sûr le rôle des provinces dans la conception et dans le fonctionnement de ce système, qui est fondamental tant du point de vue de l'économie que du point de vue de l'environnement.

En conclusion, donc, deux éléments très positifs dans tout ce qu'on débat présentement: évidemment, le fait qu'on a ratifié le Protocole, c'est un élément fondamental, c'est la question principale, et je tiens personnellement à vous féliciter pour le rôle que vous avez joué dans la ratification de ce Protocole; et on a aussi reconnu la volonté de mettre en place un système de permis d'émissions échangeables qui va permettre de réduire l'ensemble des coûts, qui va permettre d'avoir une approche plus incitative en matière technologique.

Mais la question de la répartition du fardeau, par contre, est loin d'être réglée, et la différenciation des objectifs n'est pas indépendante non plus du choix de l'outil qu'on va utiliser. Il ne faut pas non plus confondre la question de l'allocation initiale, ce qu'on donne aux provinces, avec la question de l'efficience économique. C'est une autre question.

Finalement, une approche alternative pourrait peut-être, si on veut absolument se servir de critères d'intensité énergétique, bien distinguer les émissions ou les actions passées des émissions futures. Ça pourrait être une espèce de compromis où on ne gagnerait pas beaucoup mais, au moins, on aurait la reconnaissance du fait que les croissances des émissions ne seront pas traitées comme les émissions passées.

Et je tiendrais à vous dire de façon fondamentale que la question de la différenciation des objectifs de réduction ne doit pas être perçue comme étant une façon de réduire l'effort de réduction au Québec. Ce n'est pas du tout le sens de mon propos. Tout effort de réduction des émissions au Québec sert bien sûr à atténuer la problématique des changements climatiques, et c'est quelque chose de bénéfique et de fondamental pour peut-être pas le Québec en général, puisque notre rôle est faible dans cette question-là, mais pour l'ensemble de la planète, on doit intervenir. C'est fondamental. Mais, si on met en place un... Ce serait paradoxal finalement que la réduction des émissions importantes au Québec servirait ou permettrait à l'industrie, par exemple, pétrolière ou énergétique en général de l'Ouest du Canada d'accroître ses émissions. Donc, ça, on doit conserver ça à l'esprit lorsqu'on va définir la politique québécoise, puisqu'elle va s'insérer inévitablement dans une politique également canadienne. Je crois que j'ai écoulé mon temps. Merci bien.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Merci, M. le professeur. Alors, sans plus tarder, je demanderais au ministre de débuter.

M. Boisclair: M. le Président, la présentation du professeur Webster, elle est limpide. Et je veux véritablement attirer l'attention des membres de la commission sur les conclusions et replacer un certain nombre de concepts fondamentaux. L'objectif de moins 6 pour le Canada, c'est un objectif de moins 6 par rapport à 1990 au niveau d'émissions de 1990. Le modèle triptyque, plaqué sur la réalité canadienne, ferait en sorte que nous aurions au Québec un objectif de plus 1 % par rapport à 1990, donc la possibilité d'augmenter nos émissions par rapport au niveau de 1990. Vous voyez la distinction et l'impact des choix, et nous aurons donc à voir quel sera l'impact des choix fédéraux sur le Québec et, en ce moment, tout nous laisse croire que les impacts et les efforts qui seront demandés par le gouvernement fédéral au Québec seront beaucoup plus importants. Les membres de la commission étudient même un scénario où nous pourrions diminuer nos émissions de moins 6 % par rapport à 1990. Alors, ces questions ne sont pas naïves.

D'entrée de jeu, à la commission parlementaire, j'ai proposé aux membres de la commission qu'on regarde les choses ouvertement avec la longue vue; au-delà de la première période d'engagement de Kyoto qu'on pense déjà à une deuxième période d'engagement et qu'on se dise: Est-ce qu'il est possible chez nous que, au Québec, on ait un scénario de moins 6 par rapport à 1990, mais en ne présumant en rien de quoi sera fait la négociation avec le gouvernement fédéral? Moi, mon pari, c'est: plus on aura une vision claire sur les choix qu'il nous faut faire ici non seulement pour la première période d'engagement de Kyoto, mais aussi sur une vision de moyen et de long terme, mieux on sera placés par la suite pour négocier avec le gouvernement fédéral. Ce message, il est extrêmement complexe à faire entendre. J'en veux la manchette du Journal de Montréal et du Journal de Québec aujourd'hui mais il est fondamental.

Et je veux aussi dire à nouveau à toute la population québécoise que ce que nous allons décider ici aura des impacts pour les 10 ou les 20 prochaines années de la même façon que le plan fédéral aura des impacts pour les 10 ou les 20 prochaines années non seulement sur les questions environnementales, non seulement sur le développement des secteurs économiques, mais aussi sur l'ordre constitutionnel. Parce que Kyoto, sur le plan de l'ordre constitutionnel, peut être le cheval de Troie qui permettrait au fédéral de s'approprier des compétences qui appartiennent aux provinces. Je ne veux pas que cela devienne la dominante dans la réflexion, mais nous ne sommes pas naïfs ici, personne. Et nous sommes aussi des députés de l'Assemblée nationale, et une de nos responsabilités, bien, c'est de veiller à protéger les pouvoirs qui sont ceux de cette Assemblée.

La question est de voir aussi... puis, Pr Webster, je vous remercie de cette phrase que vous avez prononcée dans votre présentation. Les gens doivent comprendre aussi que les ententes que le gouvernement fédéral signera avec des secteurs d'activité ? même si ces secteurs d'activité ne sont pas représentés dans l'économie québécoise ? auront un impact sur ceux qui sont, eux, représentés sur le territoire québécois parce qu'on est dans un jeu de sommes nulles, on est dans un système fermé. Donc, si on en demande plus à un secteur, c'est qu'on en demandera moins à un autre, et que les décisions qu'on prendra pour l'industrie pétrolière, moins présente sur notre territoire, aura de l'impact sur, par exemple, l'activité qui est celle des producteurs d'aluminium.

n (10 h 40) n

Alors, la question est de savoir maintenant pour nous: Qu'est-ce qui sera raisonnable de demander au gouvernement fédéral? Et je veux que les membres de cette commission sachent que non seulement est-ce que le gouvernement fédéral a refusé l'approche triptyque, non seulement est-ce qu'ils ont refusé l'approche territoriale, ils en sont à négocier directement avec les secteurs d'activité, un après les autres, et qu'au mieux, ce que je pourrai obtenir c'est en additionnant les efforts qui seront demandés à chacun des secteurs d'activité présents sur le Québec je pourrai obtenir un chiffre. Vous voyez combien l'attitude du gouvernement fédéral est intransigeante, combien elle nous tient à l'écart et cela n'a rien à voir avec mon choix et mon option préférentielle sur le plan constitutionnel au Québec. Ces paroles pourraient aussi être tenues par la ministre de la Colombie-Britannique, le ministre du Manitoba, le ministre de l'Alberta ou de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick, alors que nous sommes en plein dans notre domaine de compétence.

Alors, vous apportez, à mon avis, Pr Webster, une réflexion déterminante, une mise en garde forte pour les membres de cette commission.

Ceci étant dit, la question reste ouverte et je voudrais peut-être vous entendre. Vous avez conclu, en parlant de ces questions: Certains souhaiteraient que nous ayons une certaine gêne, pour ne pas dire une certaine culpabilité, à évoquer sur le territoire canadien le modèle triptyque du fait qu'il nous avantage, et, au nom d'une certaine forme de volontarisme environnemental, souhaiteraient qu'on aille beaucoup plus loin dans un engagement.

Comment, sur le plan... et on s'écarte bien sûr du domaine de l'économie, on est bien davantage dans le domaine de la politique au sens large, dans l'expression noble du mot «politique». Comment concilier une réalité environnementale qui est interdépendante, une volonté aussi de bien faire les choses sur le plan de l'économie? Et quelle serait la grille d'analyse qu'on devrait se donner pour, chez nous, fonder un objectif québécois? Est-ce que nous serions justifiés, compte tenu de ce que nous avons fait et des choix qui sont les nôtres, de nous en tenir au modèle triptyque? Le président d'Hydro-Québec est venu demander, lui, l'exemple de la Norvège, plus 4 par rapport à 1990. Certains nous disent: Prenez moins 6. Qu'est-ce qui, sur le plan de l'acceptabilité sociale et économique, pourrait fonder une revendication québécoise?

Je suis peut-être confus un peu dans la façon de poser ma question parce que je la sais très difficile à poser. Je sais aussi sans doute la réponse très difficile à donner. Mais il y a quand même peut-être des principes qui devraient nous guider. Je vous demande peut-être de vous lancer dans le vide, comme je viens de le faire depuis la dernière minute ? ha, ha, ha! ? je le reconnais, mais peut-être pouvez-vous nous...

M. Webster (Alain): J'espère me faire dire que je n'ai plus de temps et puis je ne pourrai pas prendre le risque de tenter de répondre à cette question embêtante. Mais, dès le départ, précisons quelque chose encore une fois sur le fait que ça n'a rien à voir avec l'idée d'en faire moins en matière d'environnement. Qu'importent les choix qu'on va faire, le budget fixé par Kyoto au Canada ne bougera pas. Donc, une des questions, vous avez dit l'aspect plus politique, là, le rôle de chacun, mais c'est un aspect surtout en matière d'équité: Qui va payer finalement, qui va contribuer davantage? Parce qu'en bout de ligne sur l'environnement on va toujours rejeter le même montant: 565 millions de tonnes. Mais qui va faire l'effort supplémentaire?

C'est un peu embêtant, parce que, si on aurait eu ce débat-là il y a six ou sept ans avant Kyoto, on aurait pu se dire: Voilà, nous, on va faire moins 6, moins 7, moins 8, et globalement ça va avoir un effet positif sur l'environnement parce qu'on va avoir réduit nos émissions. Présentement, vous pourriez vous dire, vous, membres de la commission, recommander au gouvernement de faire un budget à moins 40, si vous voulez. Mais, si vous faites moins 40, ça va signifier que l'Alberta fera plus 32 et, au total, on va encore rejeter 565 millions de tonnes. Donc, tant qu'on raisonne dans ce cadre-là, c'est une question de répartition de l'effort. Peut-être qu'on peut se fixer un objectif plus raisonnable, et tant mieux si on le dépasse. Mais il ne faut surtout pas que, dans le débat actuel au Canada, l'effort qu'on va faire ici va servir à accroître les émissions de l'industrie de l'énergie. C'est un non-sens.

On souhaite tenter de s'en aller vers un modèle qui vise la décarbonisation, vise à tenter de trouver les façons de produire qui vont permettre d'émettre moins de gaz à effet de serre. Il faut donc trouver des façons où on va répercuter, dans le prix de ces produits, l'ensemble des coûts, y compris ces coûts environnementaux. Ça doit donc aussi se répercuter sur le modèle énergétique. On ne peut pas se dire: Je vais continuer à produire de l'énergie ? une industrie pétrolière ? sans aucun impact en matière... ou avec un impact négligeable en matière de prise en compte de l'environnement. Ce n'est pas ça qu'on dit dans le cadre de Kyoto, ce n'est pas ça que la communauté internationale vise.

Ça ne règle pas la question de quelle cible devez-vous faire, mais c'est évident que cette question-là, elle est en étroite relation avec l'ensemble de la dynamique fédérale. Si la stratégie du fédéral continue à fixer des objectifs spécifiques par secteurs industriels, bien la marge de manoeuvre que vous avez n'est pas très, très grande dans le contexte politique actuel. C'est évident.

M. Boisclair: Mais voyez-vous le potentiel de débat politique qui s'offre à nous? Et voyez-vous aussi l'injustice flagrante qui pend sous les yeux des Québécois et des Québécoises? Parce que, effectivement, si le gouvernement fédéral persiste et signe, ce seront les Québécois et les Québécoises qui devront faire les frais de l'augmentation des émissions des gaz à effet de serre en Alberta, alors que ce sont ces mêmes Québécois et Québécoises qui ont subventionné l'exploration gazière, qui ont subventionné l'exploration des sables bitumineux sans que le fédéral ait donné un seul sou pour la mise sur pied d'un réseau hydroélectrique semblable à celui dont les Québécois et Québécoises se sont donné.

Voyez-vous aussi la possibilité que celles et ceux qui, au Québec ? puis je vais vous le dire bien candidement ? souhaitent que nous soyons un pays membre de la communauté des nations qui puisse plaider librement, puis signer librement les accords qu'il veut signer? Voyez-vous la force et la pertinence de ce propos? Réalisez-vous qu'on s'en va, dans les 10 prochaines années, avec un psychodrame puis un affrontement face à face avec le gouvernement fédéral, qu'on devra se farcir... ou on devra aller négocier, discuter et ci, et ça, alors que, dans un autre contexte puis un ordre constitutionnel différent, nous serions bien plus libres de nos choix?

Cette question, il va falloir se la poser. Et, si l'environnement est le cheval de Troie par lequel le fédéral peut rentrer dans nos compétences, peut-être que nous prendrons ici le pari, de ce côté-ci de cette commission, de dire que l'environnement est peut-être aussi l'occasion de se dire qu'il est grand temps que nous assumions ici, au nom de l'équité, l'ensemble des responsabilités qu'un peuple devrait pouvoir normalement assumer.

Cette question, même si les gens des groupes environnementaux, je l'ai lu aujourd'hui dans les journaux, disent: Ah! M. Bélisle, M. Bélisle a dit ça, de l'AQLPA: La question constitutionnelle, elle n'est pas importante, puis il faudrait... Non. Ce serait une erreur de penser que le mot «équité» n'est pas un mot qui rime avec des préoccupations environnementales. Je défendrai avec force les meilleurs préceptes environnementaux, mais je vais aussi défendre l'équité. Je vais défendre l'intérêt de l'Assemblée nationale. Je vais défendre l'intérêt des Québécois et des Québécoises. Et j'ai raison de le faire et je le ferai, inspiré d'une vision large et d'un propos qui, je l'espère, fera consensus chez les membres de cette commission. Il sera intéressant d'entendre les gens du Parti libéral en campagne électorale, qui s'en vient, s'exprimer sur cette question. Il sera intéressant de voir aussi ce que les tiers partis ont à en dire. Je vous remercie pour cette présentation déterminante, M. Webster, et je vous laisse. Si vous voulez peut-être commenter, si le temps le permet?

n (10 h 50) n

Le Président (M. Pinard): M. Webster.

M. Webster (Alain): J'ai commencé par dire que c'est un sujet conflictuel. Je vois que vous avez effectivement un compte menant à cette voie-là, lorsqu'on parle de l'environnement. C'est le moins qu'on puisse dire.

Je vous dirais peut-être aussi que, dans... Vous avez soulevé comme question précédemment qu'on devait tenter de prioriser les actions qu'on va faire. Bien que c'est un débat fondamental entre les ordres de gouvernement, si on revient sur un sujet plus spécifique, donc la mise en place d'un système, par exemple, de permis d'émissions échangeables sur la question qu'on soulevait initialement sur on priorise quoi? Bien, la mise en place d'un système de type permis échangeables ou d'outils économiques ? on parlait à quelques reprises de redevances, il y a quelques jours ? donc la mise en place d'un système de permis échangeables va permettre de faire des choix, va permettre de prioriser parce que l'industrie pourra déterminer elle-même ce qu'elle va faire. Et ça, c'est fondamental.

Puisqu'on parlait tantôt des contraintes associées à ce modèle actuel gouvernemental et des contraintes que ça amène pour le Québec, c'est vrai pour le Québec mais c'est également vrai pour l'ensemble des secteurs industriels. Tous les secteurs autres que l'industrie énergétique devront assumer une part plus importante. Donc, elles devront également, ces autres industries, pouvoir avoir accès à un système le plus flexible possible pour pouvoir éventuellement avoir accès à des crédits ou des permis d'émissions à coûts faibles. Il y a la question de l'équité, c'est fondamental. Il y aura question bien sûr de la mise en place d'un système qui est le plus efficient possible pour tenter d'atténuer les coûts de l'ensemble de ce programme-là. Mais fondamentalement on doit réduire nos émissions. Je pense que j'ai terminé.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. Pour les gens qui nous écoutent ? d'abord, bienvenue, M. Webster, parmi nous ? c'est le spectacle que j'entends depuis huit ans à onze heures moins dix. Alors, c'est les mauvais fédéraux et les très bons provinciaux, et j'entends ce spectacle-là jour après jour et c'est normalement au moment où les heures d'écoute sont assez élevées. Alors, le ministre vient de faire son spectacle. Il doit être un peu frustré ce matin parce que, hier, il a lancé qu'il voulait passer une loi sur Kyoto au Québec. L'opposition a dit: Ça a bien de l'allure. Puis, imaginez-vous donc que le ministre fédéral de l'Environnement lui a répondu aussi que ça avait bien de l'allure. Là, la bataille ne poigne pas, il est un peu mal pris, et là il essaie de se trouver un nouveau champ, celui de dire: Si on avait le modèle européen, ce serait extraordinaire, alors qu'on s'est fait dire par les gens de l'Europe avant-hier que ce n'était pas si évident que ça, le modèle européen. Les gens des Pays-Bas nous ont dit: Écoutez, c'est un peu cacophonique, notre affaire. Elle nous l'a dit, puis très clairement.

Or. quand le ministre essaie de nous dire: Si on avait pris un autre modèle, ce serait extraordinaire... Prenons donc la base de tout ça. La base de tout ça, c'est que moins 6... et c'est ce que j'aimerais que vous me répondiez, M. Webster: Est-ce que tout effort de réduction au Québec peut avoir des effets bénéfiques pour la reconfiguration de l'économie du Québec?

M. Webster (Alain): Je vais commencer par vous dire que j'espère que, lorsque vous parlez d'un spectacle politique, vous n'incluez pas mon intervention dans ce commentaire-là?

M. Benoit: Non, absolument pas. Non, non, absolument pas. J'ai trop de respect pour vous, M. le professeur.

M. Webster (Alain): J'en suis ravi. Ce que je voulais vous dire, par rapport au moins 6, c'est que oui bien sûr, si on fait moins 6, ce sera intéressant pour l'environnement, et oui, ça pourra possiblement contribuer à reconfigurer l'économie québécoise en permettant un développement d'industries qui vont être moins énergivores. Oui, c'est fondamental, oui, c'est intéressant, oui, c'est une bonne cible.

Du point de vue de l'environnement, par contre, même si on fait moins 6, ça ne sera pas forcément un gain supplémentaire, si les autres en font plus. Et donc je vous ramène sur le cadre actuel. On est dans une fédération canadienne. Il y a l'ensemble du pays qui a une cible totale et il faut le voir globalement. Il faut donc voir qui va faire quoi, quelle sera la part du Québec, quelle sera la part des autres. Donc, c'est difficile de fixer une cible spécifique sans prendre en considération ce que les autres vont faire.

Je suis désolé de ne pas pouvoir vous répondre. Je pourrais bien vous dire: Moins 6, oui, ce sera génial, oui, il y aura un développement économique fondamental, oui, on aura une nouvelle industrie. Ça pourrait être intéressant pour le Québec mais, peut-être aussi que, faire moins 6, ça va amener plus d'émissions dans l'industrie pétrolière et qu'on va donc, par les efforts qu'on va faire ici, subventionner le développement d'une industrie qui est loin d'être favorable pour l'environnement.

Alors, j'ai une vision un peu plus large peut-être. J'essaie de vous dire: Il faut ramener ça dans une perspective presque canadienne, il faut que l'ensemble de la structure économique canadienne intègre l'aspect du Protocole de Kyoto. Donc, dans les choix stratégiques, il faut en tenir compte. Si le choix stratégique à moyen terme c'est de développer l'industrie pétrolière, on a un problème.

M. Benoit: Comment, dans les pays... bon, en Europe, on s'est entendu sur un modèle et on a, après de très longues négociations, ce je crois comprendre à la page 15 de votre mémoire, on a fini par s'entendre pays par pays. Une fois qu'on s'est entendu, prenons l'exemple de l'Allemagne qui est une fédération comme nous, comment ont-ils fonctionné à l'intérieur de cette fédération-là entre les alumineries, les aciéries, les producteurs, etc.? Comment ils sont arrivés à établir, à l'intérieur de leur fédération, les normes et les critères?

Parce que là ce qu'on nous dit: On s'est entendus entre pays là-bas, 400 millions. Nous, on est 15, on ne pourrait pas s'entendre; eux, ils sont 400, ils se sont entendus. Mais, à l'intérieur du pays, comment ensuite ils se sont organisés? Prenons l'Allemagne à titre d'exemple.

M. Webster (Alain): Si on prend ce pays, en particulier à titre d'exemple, qui a une cible de moins 21 à peu près, l'Allemagne a une cible très importante, notamment parce qu'on va faire référence à 1990, et donc on va faire référence à l'ensemble des émissions Allemagne de l'Est et Allemagne de l'Ouest. Donc, avantage assez important pour l'Allemagne, puisque l'industrie de l'Allemagne de l'Est était très polluante en 1990, donc émettait beaucoup de gaz à effets de serre. Et, lorsqu'on regarde ça globalement aujourd'hui, ça permet de faire des réductions relativement de façon assez simple, à coûts relativement modiques. Et c'est pour ça qu'on aura aussi des cibles relativement importantes pour l'Allemagne. Ça, c'est un élément fondamental dans l'objectif qu'on va se fixer.

Et c'est clair aussi que, dans la plupart des pays, les approches qui vont être préconisées auront tendance à favoriser un peu l'industrie qui est en concurrence internationale. On parlait de permis d'émissions échangeables, en économie on a deux façons de voir ça: on pourrait les donner, comme on fait présentement, mais on pourrait aussi décider de les vendre. Et, en vendant 565 millions de tonnes de gaz à effets de serre, on aurait 5,6 milliards de revenus, si on fait comme hypothèse que le coût du permis serait de 10 $, selon les approches fédérales. Et ça pourrait permettre de baisser d'autant l'ensemble de la structure fiscale, l'impôt sur le revenu. On pourrait aussi avoir cette approche-là mais on ne le fait pas parce qu'on estime que nos industries vont être en concurrence importante, à moins bien sûr qu'on rentre dans une grande réforme de la fiscalité écologique, que certains pays européens ont faite.

Donc, ce qu'on a souvent tendance à faire, c'est effectivement de répartir la cible dans l'ensemble de ces pays entre les secteurs d'activité en, parfois, accordant quelques privilèges à l'industrie qui est en concurrence internationale. Et ça, il ne faut pas se le cacher, c'est évident. Ce qui fait que les efforts ne sont pas répartis uniformément entre l'ensemble des différents secteurs, c'est évident. C'est vrai pour l'Allemagne, c'est vrai pour l'Angleterre. Ce sera vraisemblablement vrai également pour le Québec et pour le Canada.

On ne veut pas, en mettant en place ces structures-là, défavoriser de façon importante l'industrie. C'est embêtant, on ne peut pas faire abstraction de ça non plus.

Si je vous ramène au Québec, je vous dirais que l'industrie de l'aluminium va être en concurrence avec l'industrie de l'aluminium en Russie. Bien, en Russie là, ils ont un budget largement excédentaire, donc l'effort est minime. Est-ce que ça veut dire qu'on ne doit rien faire au niveau de l'aluminium au Québec? Non. C'est évident. Mais on ne peut pas non plus ne pas prendre ça en considération dans ce qu'on demandera comme effort à faire à l'industrie, notamment de l'aluminium. Ce qui fait qu'on ne peut pas raisonner en vase clos, c'est évident.

M. Benoit: Merci, Dr Webster.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Merci, M. Webster. Je voudrais continuer sur cette même idée concernant l'exemple de l'Allemagne. Comment ça s'est négocié entre le gouvernement fédéral, comment la négociation a été faite entre le gouvernement fédéral et les Länder? Est-ce que tout le monde s'est assis autour de la table et on a établi les paramètres ensemble ou est-ce que c'est le gouvernement fédéral qui a décidé unilatéralement et qu'il a demandé aux provinces de s'intégrer dans les paramètres définis au niveau central?

M. Webster (Alain): Je ne me sentirais pas qualifié du tout pour être capable de vous décrire abondamment l'ensemble de l'approche retenue en Allemagne. Loin de moi la prétention d'avoir ça.

Mme Houda-Pepin: On cherche les exemples.

M. Webster (Alain): D'accord.

Le Président (M. Pinard): Non, mais excusez, est-ce que vous connaissez la loi constitutive de l'Allemagne?

M. Webster (Alain): Pas suffisamment pour... de façon générale, mais pas suffisamment pour vous décrire en détails la répartition de l'ensemble des efforts entre les Länder et le fédéral.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Alors, madame.

n (11 heures) n

Mme Houda-Pepin: O.K. Je veux revenir sur la question des systèmes de permis d'émissions échangeables. Vous en parlez comme si vous buvez un verre d'eau. Nous, on vous écoute attentivement parce qu'on cherche à apprendre. Le commun des mortels, les gens qui nous écoutent, ça peut sembler très théorique pour eux. Alors, comment vraiment va fonctionner ce système de permis d'émissions échangeables? Est-ce que c'est comme une bourse? Est-ce que les gens vont s'échanger des permis sans nécessairement atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre? On entend d'autres personnes qui nous disent que c'est un système qui ne fera que retarder l'échéance des résultats, que, probablement, ça va permettre à certaines entreprises de gagner du temps et non pas de réduire effectivement leurs émissions de gaz à effet de serre. Qu'est-ce que vous répondez à ça et est-ce que vous pouvez l'expliquer, étant donné que vous êtes professeur, faire un peu de pédagogie pour l'expliquer simplement?

M. Webster (Alain): J'ai passé rapidement à travers ce point-là parce qu'on m'avait dit que j'avais 15 minutes et que le président était strict sur le temps.

Donc, si je me permets de répondre un peu plus amplement à cette question-là, c'est fondamental, ces mécanismes-là. Mais l'idée de pouvoir excéder ou dépasser le niveau des émissions par rapport à l'objectif qu'on a n'est pas concevable avec un système de permis échangeables. Ça dépend. Mais il n'y a pas une seule façon de définir ça, il n'y a pas un livre de recettes où on voit, au chapitre IV, la façon de concevoir ça. Le cadre le plus simple, le plus généralisé, c'est de déterminer un objectif global, par exemple, on aurait 100 millions de tonnes à émettre dans l'ensemble des secteurs industriels. Une fois qu'on a choisi la cible, qu'on l'a fixée de façon consensuelle, on la répartit entre les différents intervenants, on peut les donner ou on peut les vendre. Donc, chaque entreprise se ramasse avec un nombre de permis, une quantité de permis qui permet donc de justifier une certaine quantité d'émissions.

Cent millions de tonnes, par exemple, quatre entreprises, disons chacun 25 millions de tonnes, ça, c'est une approche normative, presque, hein, chacune des entreprises obtient le droit d'émettre 25 millions de tonnes. Ce qui est différent dans ce contexte-là, c'est que le permis d'émissions, il est justement échangeable. Donc, au lieu d'avoir une approche normative qui fixe absolument les efforts de réduction dans chacun des cas, on va dire à une industrie donnée, l'industrie A par exemple: Vous avez 25 millions de tonnes, vous voulez dépasser ce niveau-là, vous voulez en émettre pour 30 millions, parce que vous doublez votre capacité, parce que vous le faites à une autre industrie, qu'importe les raisons, vous voulez excéder 25, vous rendre à 30, vous devrez aller acheter sur le marché 5 millions de tonnes. Vous allez donc payer quelqu'un qui en possède 25 pour l'amener à réduire ses émissions jusqu'à 20.

Si vos coûts de réduction sont très élevés, ce sera intéressant pour vous d'aller sur le marché acheter un permis et donc de payer quelqu'un qui va réduire ses émissions à votre place. Essentiellement, ça vous permet de minimiser vos coûts d'épuration. C'est ça qu'on tente de faire à travers cette approche-là, minimiser le coût total de l'épuration. Et, si, pour certains, avoir une approche qui minimise le coût total, ce n'est pas important, plusieurs personnes, comme j'ai dit, peuvent se dire: Ça ne m'intéresse pas de savoir le coût. Ce que je pourrais vous dire c'est que, pour la même dépense en matière d'épuration, un système qui est efficace va nous permettre aussi d'en épurer davantage.

Alors, qu'on s'intéresse à l'aspect économique pour minimiser les coûts ou qu'on s'intéresse à l'approche protection de l'environnement et je veux en faire plus, on a avantage à avoir un système qui va nous permettre de réduire les émissions là où ça coûte le moins cher. Et comme on est incapables, à travers des normes, de déterminer exactement le niveau de réduction, entreprise par entreprise, où les coûts seront les plus bas, égaliser les coûts marginaux d'épuration, si vous me permettez l'expression, comme on ne peut pas le faire de façon normative, l'approche la plus simple, c'est de se servir du marché. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas intervenir. Au contraire, il y a beaucoup d'interventions à faire, on doit définir ce système, le concevoir. Mais, ensuite, on va se servir de l'efficacité du système pour, au niveau du marché, amener les firmes à privilégier les approches de réduction à coût le plus faible possible. Je ne sais pas, donc, si en peu de temps je réponds à votre question, mais je me fais signe que j'ai terminé.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui, peut-être en terminant, l'approche triptyque, est-ce qu'il y a seulement le Québec, à votre connaissance, qui s'y intéresse ou est-ce qu'on pourrait compter des alliés dans d'autres provinces canadiennes?

M. Webster (Alain): Bien, je vous dirais d'abord que l'étude qui a été faite a été faite par une firme, Cheminfo, qui n'a pas été commandée par le gouvernement du Québec, hein, ça a été commandé par le groupe fédéral-provincial sur la répartition du fardeau, donc ça a été une réflexion canadienne sur: Peut-on tenter non pas de définir à travers un modèle technocratique les efforts de chacun, mais peut-on tenter d'avoir un modèle qui nous donnerait un peu d'indications sur où on s'en va? Évidemment, ça suppose, en faisant ça, qu'on se fixe des cibles de réduction. Ce qu'on n'a pas au Canada.

Le modèle triptyque, on en a parlé un petit peu tantôt au niveau de l'Europe, bien, lorsqu'on l'a mis en place, on avait l'immense avantage d'avoir déjà défini des cibles de réduction par secteur. On voulait réduire les émissions de 70 % dans le cas du charbon. Au Canada, on n'a pas ça. On ne s'est fixés aucun objectifs spécifiques dans les grands secteurs qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre, et là on se demande comment on se le répartit. Ce qui fait que c'est un petit peu embêtant après coup.

Mais, lorsqu'on applique des modèles à peu près similaires à l'Europe ou qu'on tente d'appliquer dans ces modèles triptyques des paramètres qui semblent faire consensus au Canada, bien, on constate que certaines provinces ont un effort moindre: le Québec, le Manitoba, les Maritimes, et d'autres en font un peu plus: l'Alberta. J'ai cru comprendre que le premier ministre de l'Alberta n'appréciait guère ce genre d'approche. Ça n'a rien à voir avec l'aspect constitutionnel, ça a avoir avec le fait que ça suppose que le secteur industriel pétrole assumerait une part juste ? ce qui l'embête un peu.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. Webster. Et j'inviterais maintenant le groupe Vivre en ville à bien vouloir s'approcher.

Alors, messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Nous sommes très heureux de vous accueillir pour nos travaux sur la mise en application du Protocole de Kyoto. Alors, j'apprécierais que vous vous présentiez. Et les règles sont les suivantes, vous avez 15 minutes pour présenter le mémoire, et, ensuite, il y aura une période d'échange de 30 minutes avec les députés et ministre en cette Chambre. Alors, monsieur.

Vivre en ville

M. Vaillancourt (Jérôme): Merci beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, je voudrais... M. le ministre, M. le Président, Mmes, MM. députés, membres de la commission, je vous remercie de nous inviter. Je me présente, Jérôme Vaillancourt. Je suis le directeur général de Vivre en ville. Et je suis accompagné de Pascal Laliberté, et maintenant d'Alexandre Turgeon, qui est aussi président, bien entendu, de Vivre en ville. Ce n'était pas sur vos documents, mais Alexandre est président de Vivre en ville, il vient de se joindre à nous.

Je voudrais remercier d'ailleurs la commission de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire mais aussi l'opportunité d'avoir cette démarche. Je pense que la réponse et la participation des groupes, des citoyens, etc., c'est une preuve de l'intérêt de plus en plus croissant de la population envers le Protocole et sa mise en oeuvre, le Protocole de Kyoto et sa mise en oeuvre au Québec. On est heureux de pouvoir participer à tous les exercices démocratiques que le gouvernement nous offre et de contribuer aussi, à la mesure de nos moyens, aux débats, aux échanges et aux discussions entourant la mise en oeuvre du Protocole. Puis il faut toujours rappeler, nous, chez Vivre en ville, on le rappelle souvent, qu'une consultation comme on vit aujourd'hui, comme d'autres consultations qui sont surtout amorcées en amont des processus, c'est toujours un gage de participation et d'implication du public, donc une meilleure appropriation par la suite de la mise en oeuvre des mesures du Protocole, pour ce qui est du vécu territorial au Québec.

Donc, Vivre en ville, peut-être que je peux le présenter très brièvement, le nom complet, c'est le Regroupement québécois pour le développement urbain, rural et villageois viable. On est un groupe national fondé depuis 1994 et on regroupe au-delà de 400 membres, qu'ils soient individuels ou corporatifs, partout au travers le Québec. Et notre mission première, c'est bien évident, c'est de promouvoir le développement durable au sein des collectivités dans leur planification dans l'aménagement du territoire.

On est garants de... Bien, vous nous avez déjà vus dans d'autres commissions, on est garants de la vision à long terme, je pense qu'on en a souvent parlé, de la vision intégrée, le porteur d'un message aussi de cohérence dans les interventions du gouvernement ou dans les interventions même du monde municipal et aussi de la forme d'intégration verticale qui est véhiculée par le développement durable, donc la gestion sensée de la chose publique.

n (11 h 10) n

On est interpellés directement par la problématique des gaz à effet de serre parce que, nous, on travaille sur le transport, l'aménagement, les municipalités, leur rôle en fait, l'énergie, le bâtiment, les matières résiduelles. Ça, c'est tous des champs d'activité qui sont vécus au quotidien chez Vivre en ville par différents projets mais qui sont aussi, en l'occurrence, émetteurs de gaz à effet de serre.

Il y a une opinion importante, je pense, qu'on doit émettre dès ce matin au regard de l'actualité récente, parce qu'on n'est pas sans savoir que le budget fédéral a été rendu public cette semaine, et ce n'est peut-être pas dans notre mémoire, c'est évident, l'opinion que Vivre en ville a par rapport à cet enjeu. On tient à souligner que Vivre en ville, on n'a pas le choix, on déplore l'attitude du gouvernement fédéral en matière de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto et on est... Contrairement à ce qui a pu être tenu ce matin dans certains médias, on considère qu'une telle stratégie de mise en oeuvre, qui est initiée ici, au Québec, est un enjeu important, qui a des répercussions sur, on pourrait dire, les débats, fédéral-provincial, qui ont cours actuellement. Notre porte-parole, bien, Alexandre, a déjà mentionné, a déjà parlé de cet enjeu-là dans les médias, mais ça n'a pas été retenu.

On considère sincèrement que le fédéral devrait reconnaître l'exercice démocratique qui est vécu aujourd'hui, qui est véhiculé par la présente commission parlementaire. Parce qu'il ne faut quand même pas se le cacher, il y a des groupes, il y a des citoyens, il y a une population qui décide, qui prend la peine en fait de venir s'exprimer, de réfléchir, d'écrire des mémoires, de discuter puis, surtout, de venir bonifier un scénario qui est proposé par le gouvernement du Québec. Alors, le minimum de respect qui se doit et le minimum de bon sens, c'est que le fédéral reconnaisse cet effort-là puis, surtout, qu'il prenne acte des résultats de vos travaux, du résultat des travaux du gouvernement et de la présente commission.

C'est un travail qui est énorme, c'est évident, mais je pense que la conséquence, c'est qu'il faut que le gouvernement fédéral nous donne les moyens financiers après ça d'agir sur notre territoire de la façon dont nous le voulons puis de la façon concertée qu'on est en train de faire actuellement, que ce soit par rapport aux priorités puis par rapport aux fruits du travail qui est en oeuvre actuellement. C'est un exercice démocratique, et c'est bien malheureux, mais, nous, on considère que le fédéral doit suivre, il ne doit pas saupoudrer un peu partout, par différentes mesures, par différents ministères ou par différents fonds, la mise en oeuvre d'un protocole qui serait éludé. C'était l'opinion qu'on voulait transmettre ce matin par l'opportunité de la commission.

Si on revient d'abord au mémoire, aussi, parce que, dans le mémoire, on fait mention de ces éléments-là qui se retrouvent de différentes façons dans l'ensemble des mesures, parce que c'est évident que le mémoire présente une panoplie de mesures pour mettre en oeuvre le Protocole sur le territoire québécois, mais l'esprit, avant tout, du mémoire, c'est de promouvoir la synergie des différentes mesures. On n'est pas embarqués dans les calculs, dans les chiffres, etc., et non plus dans les coûts que pourrait représenter la mise en oeuvre. Ce qu'on voulait surtout, c'est montrer qu'il y a des mesures qui peuvent être très structurantes, pas seulement pour réduire les émissions des gaz à effet de serre mais aussi pour la société québécoise quand on parle de l'enjeu de la démographie ou de l'enjeu de l'aménagement du territoire. Donc, c'est des mesures qui peuvent nous rapporter beaucoup, pas seulement au plan économique mais aussi au plan environnemental et au plan social.

L'articulation du mémoire ou la présentation d'aujourd'hui, c'est surtout de parler de la stratégie, parce qu'on avait comme trois principaux paramètres, c'était: la stratégie, elle devait être intégrée, elle doit être cohérente et concertée. On aurait pu ajouter aussi: originale et novatrice. Mais, ça, on sait que le Québec est capable de le faire, d'être original et novateur dans cette matière. Je vais surtout me concentrer sur les trois premiers points.

La stratégie intégrée, qu'est-ce qu'on veut dire? Bien, c'est justement, quand je parlais de synergie ? ça doit causer un paquet de maux de tête aux gens qui modélisent, là, les gens qui modélisent les effets et les résultats des mesures ? mais on considère que c'est important d'avoir plusieurs mesures, parce que parfois des mesures, un bouquet de mesures peuvent avoir des impacts intéressants puis peut-être être moins crève-coeurs pour la population. Mais nous, Vivre en ville, pour parler de stratégie intégrée, bien, on part du principe qui est vécu dans différentes agglomérations à travers le monde par rapport à la planification stratégique du territoire. On peut parler de l'exemple de Strasbourg en France ou de Portland en Oregon, où les maires ont pris leur courage à deux mains, en fait ? puis je ne parlerai pas de celui de Londres récemment ? puis qui ont décidé d'investir massivement dans les transports en commun, pour les cas de Strasbourg et de Portland, mais qui, en même temps, tant qu'à investir dans le transport en commun, se disaient: Il faut qu'on restreigne l'utilisation de la voiture.

Donc, la vision intégrée, c'est ça, c'est qu'on ne peut pas agir partout en même temps puis donner le signal aux gens qu'on fait tout, qu'on fait plus d'autoroutes et plus de transports en commun. Il faut faire un choix à un moment donné, puis ces gens-là ont fait ce choix-là, de restreindre l'utilisation de la voiture, de décourager les gens à utiliser leur voiture, pas nécessairement de façon uniquement négative mais aussi avec des incitatifs positifs, pour les envoyer vers le transport en commun, et ça, ça a permis un paquet d'effets positifs, que ce soit de... ils ont pu refaire leur ville, diversifier les activités, parce qu'il y avait des stationnements qui disparaissaient, donc revoir le développement de leur ville. Donc, on reconstruit la ville sur la ville.

Donc, pour Vivre en ville, on pense que l'enjeu sur Kyoto, c'est en même temps un enjeu pour favoriser une meilleure intégration dans la planification et l'aménagement du territoire avec les transports. C'est deux éléments qui sont indissociables, surtout quand on sait que le secteur des transports est un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre. On pourrait citer un paquet d'exemples dans ces mesures aménagement du territoire, que ce soient les développements orientés sur le transport en commun, donc les gens sont appelés à utiliser davantage le transport en commun, les programmes d'hypothèque à taux réduit pour les gens qui se localisent près des axes de transport en commun. Il y a un paquet de mesures comme ça que, bon, à première vue, on pourrait dire: Pourquoi ça réduirait les gaz à effet de serre? Mais c'est des mesures qui visent, finalement, à long terme, à aller chercher des gains importants. Parce que c'est sûr que Kyoto, c'est un premier pas, mais, après ça, il va falloir penser à 2020-2050.

Présentement, le Québec investit dans les logements abordables, les logements sociaux. Bien, peut-être que les critères de localisation devraient d'abord privilégier les axes structurants de transport en commun. Donc, il faut vraiment construire la ville sur la ville. Et, pour donner un exemple, bon, on parle souvent de densification, on ne parle pas de construire des tours d'habitation, là, mais de densifier au moins les espaces vacants dans les milieux urbains, juste pour Québec, c'est 50 000 logements dans les premiers périmètres d'urbanisation qu'on pourrait construire. C'est quand même pas mal de... Alors, on aurait moins besoin d'aller en périphérie éloignée, donc de ne pas privilégier l'étalement urbain.

Ce sont donc des éléments, là, par rapport à l'aménagement du territoire, qu'on voulait mentionner ? on ne les détaillera pas au complet ? mais qui sont peut-être faciles à mettre en oeuvre, qui ne nécessitent pas des coûts énormes mais qui permettent au moins de recentrer nos activités puis de s'attaquer à un problème majeur qui est la motivation. Si on se déplace, on a une motivation, c'est parce qu'on a un cadre de vie qui exige des déplacements. Donc, il faut s'attaquer à ça. Puis l'aménagement du territoire, c'est la porte pour s'attaquer à ça puis avoir des effets bénéfiques, comme je le disais, pas seulement au plan des émissions de gaz à effet de serre mais aussi, par rapport à l'économie québécoise, au plan social et au plan environnemental. Donc, on s'attaque aux sources, aux motivations de nos déplacements puis on a un aménagement qui est plus cohérent, qui est plus intégré.

Si on prend les éléments par rapport à la stratégie cohérente, bien là, on touche surtout au palier gouvernemental et aussi au palier des municipalités. Je ne m'attarderai pas ici à toute la question énergétique mais surtout à la notion aménagement du territoire où, là, bon, on vient de vivre... ce n'est pas vraiment une folie, mais, je veux dire, le gouvernement a présenté ses orientations gouvernementales en vue de l'aménagement du territoire de la Communauté métropolitaine de Québec. C'est un document qui est fort pertinent à plusieurs points de vue, sauf qu'à l'intérieur de ça on engage ou on identifie très clairement que les autorités régionales devront travailler sur la valorisation du transport en commun, mettre tout en oeuvre pour que le développement s'axe autour du transport en commun, mais, d'un autre côté, le document contient une liste d'épicerie de nouvelles infrastructures routières pour l'ensemble de la région de la Capitale-Nationale. Donc, on travaille sur deux plans tout le temps.

Donc, à un moment donné, il va falloir décider, faire un choix puis décider c'est quoi, la cohérence. Est-ce qu'on veut avoir... Compte tenu des facteurs démographiques qui sont alarmants, compte tenu des priorités relatives aux finances publique qui sont plutôt serrées, puis même avec l'enjeu de Kyoto, il va falloir faire un choix puis décider qu'est-ce qu'on va faire avec le transport en commun et les routes, les nouvelles infrastructures sur les prolongements d'autoroutes, que ce soit les élargissements des routes existantes dans la région de la Capitale-Nationale. Donc, c'est un exemple que je prends ici pour parler d'un signal qui est plus clair, qui doit être envoyé à la population, puis ça, c'est quelque chose qui est incontournable, selon nous.

Enfin, la stratégie concertée, qu'est-ce que c'est pour nous? Bien, le premier exercice, il est vécu actuellement avec la commission parlementaire. Il faut continuer à consulter ? ce qui est entrepris ? donc consulter les groupes, consulter la population. Dans l'action, ça veut dire que, dans la mise en oeuvre, nous, on propose peut-être d'assurer de faire un suivi de tout ça, c'est très clair, là, d'assurer une forme de rétroaction. Donc, les mesures qui seraient mises en oeuvre, ce serait très important d'en faire des bilans puis de pouvoir mesurer si on atteint la cible ou bien si on s'en éloigne. Donc, c'est ce qu'on appelle la rétroaction, c'est de toute façon ce dont on fait la promotion dans l'aménagement du territoire des agglomérations.

Donc, il y a un bilan périodique de la mise en oeuvre des mesures. Et ça, bien, ça pourrait se retrouver où? Bien, peut-être que ça pourrait se retrouver... Nous, on a proposé un comité permanent qui pourrait suivre les travaux, poursuivre l'effort de concertation, entendre les groupes, entendre les préoccupations des gens pour pouvoir faire un échange, donc une participation mixte entre les élus, entre des groupes d'intérêts, entre la population québécoise, pour s'assurer qu'on atteint l'objectif qu'on s'est fixés, et objectif avec lequel d'ailleurs on est entièrement d'accord qu'il soit... dans le document on en parlait qu'il fallait peut-être l'identifier clairement. Donc, que ce soit une loi, c'est peut-être l'outil le plus important qui nous apparaît. Dans le mémoire, on n'en parlait peut-être pas clairement de la loi, mais une loi, ça pourrait être quelque chose qui lierait, en fait, la population, qui scellerait l'accord entre la société civile et le gouvernement pour qu'on s'engage dans ce premier pas qu'est Kyoto.

n (11 h 20) n

Puis qu'est-ce qu'il y a d'autre à ajouter? ? je regarde mon temps. Il y a d'autres mesures, bon, qui traitent, par exemple, de la sensibilisation du public, etc. C'est donc des solutions qui nous semblent importantes. J'en ai parlé, parce qu'il faut qu'on sensibilise le public même quand on s'attaque à un enjeu aussi important que Kyoto, donc de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mon Dieu! il me reste du temps, là, bien, je vais faire la conclusion quand même.

Je pense que ce qu'on juge, en tout cas, pour Vivre en ville, c'est qu'on aime à rêver, en fait, que le Québec puisse être une nation qui donnerait l'exemple en Amérique. C'est cette chance qu'on doit saluer d'ailleurs par l'engagement de 6 %, sur lequel je voulais revenir. L'engagement de 6 %, compte tenu du contexte de la province, qui est avant tout d'énergie hydroélectrique, c'est un engagement qui est quand même assez prometteur, qui peut être, peut-être, même vu par certains comme difficile, parce que certains pourraient défendre le statu quo, la stabilisation. Donc, un engagement de 6 % nous fait tout à fait plaisir, mais c'est évident que, dans une vision à long terme, on devra aller chercher un plus gros pourcentage. Donc, on doit aller peut-être...

Ça, d'ailleurs, plusieurs personnes le disent, que Kyoto, c'est comme un premier pas. C'est un premier pas dans la direction de l'amélioration des conditions par rapport aux changements climatiques. Mais, pour 2020-2050, le Québec devra se fixer des objectifs plus grands. C'est sûr qu'il faut donner la chance au coureur, comme on dit, avec un 6 %, c'est quand même un effort considérable dans le contexte québécois. Mais, pour Vivre en ville, vous avez vu que, dans l'ensemble du mémoire, pour les mesures qu'on propose, il y a peut-être déjà des mesures, finalement, concernant l'aménagement du territoire, concernant les transports qui vont nous permettre d'atteindre des résultats à moyen et long terme. On n'a pas seulement voulu viser des mesures à court terme, mais on vise aussi des mesures à long terme, qui pourraient servir de base de réflexion pour l'avenir. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Vaillancourt. Alors, immédiatement, nous allons procéder à la période d'échange, et j'inviterais M. le ministre à débuter.

M. Boisclair: Je veux remercier les gens que nous accueillons, remercier M. Vaillancourt, ses collaborateurs. Je voudrais leur dire que c'est toujours un peu injuste de faire une présentation de 15 minutes, parce que vous auriez pu nous entretenir pendant au moins une heure. Je veux vraiment attirer l'attention des membres de la commission sur les quelque 50 mesures que contient le mémoire de Vivre en ville, c'est une contribution très concrète, et il y a là beaucoup de matière pour me tenir occupé au ministère de l'Environnement encore pour un certain temps, et je veux vous en remercier.

Je comprends aussi que, dans votre présentation, il y a une espèce de rappel à l'ordre. Vous estimez que, dans certains cas, il y a des messages qui sont confus. Vous donnez l'exemple du plan d'aménagement, du cadre d'aménagement de la Capitale-Nationale où, effectivement, dans le texte, la priorité est mise aux transports en commun, mais qui a des projets aussi de transport routier. Je comprends votre malaise, je le comprends bien, mais je veux aussi espérer que l'action que nous menons soit une occasion de... Et le député d'Orford, qui est membre de cette commission, le dit souvent, il y a encore dans notre société des grands pas à faire sur la façon dont on perçoit ce type d'intervention publique et il y a encore beaucoup d'éducation à faire. J'ai juste vu les réactions, alentour de moi, à la une, à la manchette de La Presse lorsqu'on a entendu parler pour la première fois des initiatives du maire de Londres qui a imposé cette taxe à l'entrée des véhicules dans la Cité, pour comprendre qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire devant nous.

Je me demandais: Dans la situation de Québec, comment... Et ce sont les deux questions que je souhaiterais aborder avec vous. Est-ce qu'il serait possible de penser à un système de transport en commun qui soit plus convivial à Québec? Dans les infrastructures à développer, on parle beaucoup aujourd'hui dans les journaux du projet de Via, des réactions au budget fédéral, de la déception des uns, des inquiétudes des autres. Mais, dans le cas de Québec, est-ce que vous portez un projet significatif pour la capitale, qui pourrait nous permettre d'encore mieux utiliser l'électricité? Et, s'il y avait une vision à apporter pour le développement des transports en commun pour la capitale nationale, pour les cinq ou 10 prochaines années, quelle devrait-elle être, à votre avis?

Le Président (M. Pinard): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Jérôme): C'est certain que, on ne s'en cachera pas, on a été souvent reconnu comme le promoteur du système léger sur rail pour la capitale nationale, parce qu'on jugeait que c'est un système qui va être efficace, efficient et convivial pour la capitale puis qui peut donner une image de marque aussi, comme on est le siège du gouvernement puis qu'on compte aussi une ville qui est le summum du joyau du patrimoine national, du patrimoine historique de l'UNESCO. Donc, tous les éléments sont là.

Puis, de la façon dont on en fait toujours la promotion, que ce soit lorsqu'on a commencé, en 1999, avec le grand colloque international qu'on avait organisé... On en faisait la promotion parce qu'on avait fait venir des gens d'un peu partout en Europe puis des États-Unis qui, eux, avaient initié des démarches comme ça dans leur agglomération mais, surtout, pour dire aussi aux élus ici, dans la région de Québec ? parce qu'à l'époque il y avait quand même... les villes n'étaient pas regroupées encore ? que, si on s'engageait dans un processus comme ça, oui, ça pouvait paraître coûteux mais les bénéfices étaient énormes sur plusieurs plans, que ce soit au plan de la fiscalité, des finances publiques mais aussi au plan environnemental, puis même au plan de la qualité de vie en milieu urbain.

Mais, pour y arriver, il ne fallait pas voir le système léger sur rail comme un simple outil de transport, il faut le voir comme les agglomérations américaines l'ont vu ou même les agglomérations européennes, il faut le voir comme un outil qui permet de redévelopper la ville, de refaire des places publiques, de recréer des espaces pour les piétons, puis, comme je l'expliquais tout à l'heure quand je parlais de Strasbourg, de restreindre l'utilisation de la voiture. Parce que, ce qu'on se rend compte, c'est que les villes qui en ont installés, des systèmes comme ça, elles n'ont pas eu le choix de couper soit de 60 % les espaces de stationnement, parce qu'on ne peut pas donner la garantie d'un stationnement pour les employés dans le centre-ville puis en même temps investir massivement dans un transport moderne comme le système léger sur rail, ou encore faire de nouvelles routes pour améliorer la fluidité dans le centre-ville puis en même temps investir sur un système léger sur rail.

Ça fait que c'est pour ça qu'il y avait une question de choix dans l'intervention, que, si on se dirige vers un système moderne comme celui-là, qui va être coûteux, bien, il va falloir qu'on essaie d'amener les gens le plus possible vers le transport collectif. Puis c'était comme la seule porte qu'on voyait, parce que les autobus, présentement, à Québec, sont surachalandés, sont bondés puis inconfortables. Donc, les gens, ce qu'ils recherchent, c'est peut-être ça, il faut leur donner un produit attrayant pour qu'ils puissent dire: Bien oui, je vais me rendre au travail autrement. Puis c'est fabuleux de voir dans les agglomérations à quel point la population, quand ils ont installé le système léger sur rail, était peut-être contre au début, ils trouvaient que c'était coûteux, mais, une fois qu'il était là, c'étaient les plus ardents défenseurs, et même les gens qui en redemandaient puis qui voulaient avoir des extensions de leur réseau partout au travers les villes. Que ce soit à Strasbourg, à Portland, il y a des extensions qui sont en continu, ça n'arrête plus depuis ce temps-là. Donc, c'est des éléments importants à considérer, puis nous, on va toujours être le défenseur.

Puis, dans le mémoire, on parlait que, oui, il faut moderniser le transport collectif pour pouvoir justement atteindre les objectifs mais qu'on est conscients que ça ne peut pas se faire demain matin mais qu'il faut investir. Parce qu'on regarde l'économie liée aux routes, liée à la voiture, c'est de l'argent qui sort du Québec, alors qu'un système léger sur rail, c'est une expertise qui existe au Québec, c'est de l'électricité qui est produite au Québec, donc ce n'est pas de l'argent qui s'en va chez quelque concessionnaire ou fabricant de voitures, parce qu'on n'en a pas, de fabricant de voitures au Québec.

M. Turgeon (Alexandre): Si je peux me permettre de compléter, le Réseau de transport de la Capitale a publié, la semaine dernière, un très intéressant document de réflexion sur les orientations de la prochaine décennie dans lequel il dresse un excellent constat de pourquoi on en est là en matière de transport en commun dans la région de la Capitale-Nationale, et le constat entre là où on souhaiterait voir de plus en plus... le grand consensus où on voudrait voir le transport en commun dans la société et vers où il se dirige si rien n'est fait pour changer ces tendances-là. Je vous invite à prendre connaissance de ce document de réflexion là, je pense que, dans le cadre de la finalisation du cadre d'aménagement pour le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec, il est particulièrement intéressant, il est visionnaire, il est positif, il croit en une place forte du transport en commun dans la région de la Capitale-Nationale.

Mais, comme le dit Jérôme, ça sous-entend qu'on fasse certains choix de société. On peut investir en transport en commun, mais il faut en même temps s'attaquer à l'offre de transport routier. Je vais prendre un exemple montréalais pour l'illustrer. Si on persiste à vouloir faire un SLR vers la rive sud par une prolongation de l'estacade du pont Champlain, qui va coûter au bas mot 275, 300 millions juste pour rendre l'estacade... qu'on puisse l'amener complètement jusqu'à la rive sud, ce faisant, une fois que le SLR va être sur l'estacade ? on va quoi? ? on va redonner les deux voies qui sont actuellement voies réservées aux autobus sur le pont Champlain au transport automobile et donc augmenter l'accessibilité automobile à l'île? On ne pense pas que c'est la voie qu'il faut suivre.

n (11 h 30) n

Il faut progressivement réduire l'offre en transport automobile en milieu urbain, parce que, partout où il y a de l'offre, l'automobile va toujours venir la remplir jusqu'à un point de saturation et de congestion. Il faut donc toujours, progressivement, au fur et à mesure qu'on améliore nos systèmes de transport collectif, au fur et à mesure qu'on donne aux sociétés de transport les meilleurs outils financiers pour être capables d'avoir une offre adéquate, réduire progressivement l'offre en transport automobile.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Turgeon.

M. Laliberté (Pascal): Est-ce que je peux ajouter un petit point pour répondre à la question de M. Boisclair?

Le Président (M. Pinard): Allez.

M. Laliberté (Pascal): Présentement, bon, Alexandre vient de parler du document du RTC qui est très intéressant. Le seul point que j'apporterais, c'est: il faut appliquer concrètement ce qui est dans ce plan-là. Ça fait 10, 15 ans qu'on parle d'améliorer le transport en commun à Québec, mais on en parle. Là, on est rendu au stade où il faut y aller concrètement puis offrir une offre, offrir une offre intéressante, une bonne alternative à l'automobile. On en est là. Puis il va falloir que concrètement il se passe quelque chose, parce que là, ça fait... On a eu un plan de relance en 1992 qui a arrêté en 1993; là, il y a une bonne relance qui a été amorcée. Je crois qu'il faut que le gouvernement investisse dans le transport en commun non seulement à Québec, mais aussi à Montréal pour qu'il y ait des actions concrètes qui se posent non seulement pour l'autobus à Québec ou le métro à Montréal, mais aussi pour un réseau piétonnier qui est plus sécuritaire, plus convivial, parce que les utilisateurs du transport en commun sont d'abord et avant tout des piétons, mais aussi au niveau des pistes cyclables, d'un réseau direct qui est sécuritaire aussi. Il faut concrètement qu'il y ait des choses qui se passent en transport collectif et alternatif, c'est nécessaire. Puis, ce qu'on enlève aux automobilistes, bien, il faut qu'on le redonne à quelque part aussi, il faut jouer cette chose-là aussi.

Une voix: On n'a rien pour rien.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Laliberté. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. Bien, je vais saluer MM. Vaillancourt, Laliberté et Turgeon, qui ne sont pas des inconnus dans le monde environnemental, loin de là, et certainement pas inconnus ici, particulièrement dans le cas d'Alexandre, auprès du gouvernement.

Je vais d'abord souligner publiquement l'ouvrage que vous faites. Et vous avez tenu, il y a, quoi, deux ans maintenant, un colloque qui s'est appelé Vers des collectivités viables, et on ne pourra pas assez vous féliciter pour avoir tenu cette réunion-là. Il y a eu des experts d'à travers le monde qui sont venus nous donner leur point de vue. Et souvent, je me dis: Si on ne faisait que mettre ce document-là en place au Québec, on aurait réglé tellement d'autres problèmes environnementaux.

Et je dois vous avouer que, de toute la paperasse qu'on reçoit comme député et particulièrement porte-parole en matière d'environnement, ça rentre à la boîte à peu près à tous les matins, et je le dis franchement, je vous le dis: La littérature que j'apprécie le plus recevoir, ça ne veux pas dire que les autres ne sont pas agréables, mais c'est certainement votre littérature. Il y a là quelque chose... C'est peut-être mon petit côté architecte que j'ai manqué, je me suis ramassé député, j'aurais peut-être dû être architecte, mais ça c'est un... je ferme la parenthèse. Une fois ça dit, je pense qu'il y a là quelque chose absolument extraordinaire.

Et j'ai ressorti ce document-là, parce que notre formation politique est après terminer l'écriture de son programme en environnement, et il y a là... juste ça, on pourrait faire des années avec des programmes électoraux de toutes les formations politiques du Québec. Alors, je tiens à vous le dire. Je n'ai jamais eu l'occasion... je l'ai déjà dit à Alexandre, mais je n'ai jamais eu l'occasion de le dire au regroupement, et je tiens à le dire ici, publiquement, aujourd'hui.

Une fois ça dit, Alexandre vient de nous dire qu'à Montréal ce serait un train qui passerait ou un transport léger qui passerait sur l'estacade. Je reconnais son dynamisme et ce gars très positif, mais le mandat de la commission Nicolet n'a jamais... Le mandat qui a été donné à la commission Nicolet n'a jamais éliminé la possibilité d'un pont. Et je dirais même que tout ça a commencé avec l'idée d'un pont, originalement. J'aimerais ça vous entendre, parce que je n'ai peut-être pas la même lecture. En tout cas, moi, je n'ai pas encore acheté mon billet pour embarquer dans le train léger sur l'escapade, là.

Une voix: L'estacade.

M. Benoit: L'estacade!

Le Président (M. Pinard): Alors, monsieur.

M. Vaillancourt (Jérôme): Bien, moi, avant qu'Alexandre réponde je voulais juste vous remercier de ce message de félicitations, mais aussi vous dire: Attendez, vous n'avez pas encore vu ce qu'on est en train de préparer, comme outil. Ha, ha, ha! On vous l'enverra, le prochain outil aussi, là.

M. Benoit: Je l'attends.

M. Vaillancourt (Jérôme): Ce qui est la suite de ce livre-là.

M. Benoit: Je l'attends.

M. Turgeon (Alexandre): Je pense que le mandat qui avait été donné à la commission Nicolet était un mandat qui cherchait à justifier l'injustifiable. Et malheureusement, M. Nicolet a encore fait une preuve la semaine dernière, dans le cadre d'un colloque, de sa vision peut-être un peu trop ingénieur, en disant que ce n'est pas le rôle du ministère des Transports de faire de la planification, il est là pour faire de l'offre en transport. Puis c'est peut-être une vision très étroite de ce que doit faire le ministère des Transports.

Le transport, c'est... L'offre en matière de transport, ça a des impacts extrêmement considérables sur la façon dont se développe le territoire. Et on ne peut pas, à l'aveuglette, multiplier des projets routiers, autoroutiers sur le territoire et penser qu'on va avoir autre chose que le type de développement qu'on observe dans nos banlieues, autour des grands centres urbains, avec la multiplication des mégacentres d'achats, des grandes surfaces. Donc, ce n'est pas la bonne stratégie. Et Pascal disait: Il va falloir passer de la parole au geste.

Ça ne fait pas 10, 15 ans là que le ministère des Transports dit que c'est sa priorité, le transport en commun. Ça fait depuis 1967 que, dans ses documents, il dit que c'est sa priorité. Ça fait depuis 1967 que, dans les faits, on a deux entités au ministère des Transports: des gens qui font la promotion du transport en commun mais qui sont marginalisés, qui ne sont pas ceux qui réussissent à gagner le plus souvent leur point de vue. Il commence à y avoir un certain équilibre, mais ce n'est pas suffisant. Les gens... l'autre gang du ministère des Transports, qui continue d'avoir une façon 1950 de concevoir les transports, continue d'être encore extrêmement fort, extrêmement puissant.

Et je dois l'ajouter malheureusement, même dans les messages politiques des trois formations ici, en présence, on entend encore ce type de message là. Ce que M. Hubert Meilleur nous a annoncé la semaine passée comme vision de l'ADQ en matière de transport, je suis tombé en bas de ma chaise, là. Je veux dire, on n'est plus en 1950, 1960. Alors, il ne suffit pas d'avoir une bonne vision en matière d'environnement. Je vous invite à interpeller vos collègues et de les interpeller sur les orientations qu'ils véhiculent en matière de transport.

M. Benoit: Si on continuait sur Nicolet, et je pense que ça a directement trait à Kyoto finalement, ma compréhension du mandat donné à M. Nicolet et à son équipe... Et je pense qu'ils ont fait un ouvrage tout à fait acceptable, le caucus des députés de Montréal, nous les avons rencontrés et M. Nicolet, comme toujours, a fait un travail en profondeur. Mais la question que je me pose finalement, c'est que le problème du transport de Montréal, ce n'était pas juste la Rive-Sud, c'est l'ensemble de l'île de Montréal. Et la problématique, si on veut aller avec un transport organisé, synchronisé, il faut sortir de penser que le problème est juste sur la Rive-Sud. Est-ce qu'on ne devrait pas rapidement regarder la possibilité de donner un mandat beaucoup plus large à la commission Nicolet, celui de regarder l'entièreté de l'île de Montréal et son problème de transport en commun finalement?

M. Turgeon (Alexandre): Je pense qu'il ne faudrait pas donner le mandat à la commission Nicolet. Il faudrait donner le mandat à une autre commission, à d'autres personnes de regarder c'est quoi, les solutions pour améliorer la qualité de l'air et réduire la quantité d'automobiles sur l'île de Montréal. C'est un ancien maire de l'ouest, qui est aujourd'hui conseiller à la ville de Montréal, à l'exécutif, qui a une belle image que j'aime bien: Quand tu es 200 personnes dans un cinq et demi, ce n'est pas parce que tu ajoutes des portes pour rentrer dans le logement que ça va mieux circuler à l'intérieur. Alors, ce n'est pas en ajoutant un pont, le prolongement de l'autoroute 25, ce n'est pas en augmentant via la Rive-Sud d'une autre façon l'offre en transport routier qu'on va réduire de quelque façon que ce soit la quantité de voitures sur l'île, c'est le contraire. Et ça, toutes les études en matière de transport le démontrent: à chaque fois qu'on améliore une offre routière, qu'on élargit une autoroute, qu'on ajoute une voie, qu'on ajoute un pont dans l'objectif d'améliorer la fluidité, on se tire dans le pied. Parce que, cinq, 10 ans après, on vient de créer une nouvelle offre qui attire... qu'il y a une augmentation donc du nombre d'automobiles, puis on se retrouve au même stade, même pire, cinq, 10 ans après.

M. Benoit: Une dernière question, il me reste un peu de temps, M. le Président. Nous savons qu'en ce moment au Québec c'est plus ou moins 50 % de la population qui vit dans les neuf grands regroupements municipaux du Québec, plus ou moins. Est-ce que ? je n'ai pas eu le temps de tout lire votre mémoire, je vous l'avoue bien candidement ? est-ce que vous faites un lien entre la santé des citoyens et cette densité? Et je sais que vous prônez la densité. Bon. On est d'accord avec ça, il n'y a pas de problème là. Mais pourquoi les citoyens...

Et je vous pose la question, et ça, ça n'a rien à faire avec Kyoto: Comment se fait-il que, sur la Grande Allée ? ça fait 14 ans que je suis député ? comment se fait-il que, quand j'ouvre mes fenêtres sur mon appartement de la Grande Allée, à partir du mois de mai jusqu'au mois de novembre, il y a un hurluberlu à 3 heures du matin avec un bicycle à gazoline qui réveille tout le monde, du pont Pierre-Laporte jusqu'au parlement de Québec? Comment se fait-il que les citoyens ne sont pas avec le couteau dans les dents dans les hôtels de ville pour dire: C'est ici que ça arrête, cette folie-là? Et je me pose cette question-là. Dans mon petit village d'Austin, j'aimerais bien qu'un gars passe à 3 heures du matin avec un bicycle à gazoline plus que deux fois. Je vous garantis qu'on prendrait les moyens, et rapidement. Nos échevins seraient près de nous, les citoyens seraient là, on s'en occuperait.

n (11 h 40) n

Je suis tellement surpris de voir que ces affaires-là peuvent se perpétuer année après année, qu'on laisse faire ça et que la qualité de vie... je veux dire... puis, c'est une question de santé. C'est une question de santé, ce n'est même plus une question de vie. Vous qui vous préoccupez du vécu des gens dans les milieux urbains, comment se fait-il que ces citoyens-là ne sont pas dans les hôtels de ville, sur la première rangée, puis dire: C'est ici que ça arrête, merci beaucoup, on passe à d'autre chose?

M. Vaillancourt (Jérôme): Alors, c'est moi qui hérite de la réponse. O.K. Première étape, c'est une réflexion qu'on a aussi à l'interne présentement... bien, pas seulement pour cette question-là mais toute la notion d'intolérance qu'on vit actuellement depuis que les villes sont fusionnées. Bon. Il y a des projets de logements sociaux qui doivent se construire dans différents secteurs de la ville maintenant. Il faut qu'on éparpille la mesure, puis il y a des gens qui disent: Non, non, on ne veut rien savoir de ça, «not in my backyard», le «NIMBY» qu'on appelle. Donc, il y a un phénomène d'intolérance qui se crée, mais là les gens s'impliquent à ce moment-là. Quand c'est le temps d'être contre quelque chose, ils vont s'impliquer.

Donc, l'implication citoyenne, c'est quelque chose, je pense, qu'on a eu tendance à oublier au Québec dans... Je suis assez jeune là, je ne peux pas faire de bilan très historique, mais c'est quelque chose qu'on a oublié. Puis il y a des groupes de citoyens actuellement au Québec, parce qu'on travaille avec des gens à Shawinigan, à Trois-Rivières, même ici à Saint-Sauveur à Québec, donc, des groupes de citoyens qui sont hyper dynamiques, qui veulent travailler, qui veulent s'impliquer pour améliorer la qualité de vie dans leur quartier, que ce soient des quartiers favorisés ou défavorisés ? on ne fait pas d'image là-dessus ? mais, dans le fond, qui se trouvent avec des structures municipales non accueillantes, des structures municipales qui ne viennent pas les écouter, qui ne viennent pas entendre ce qu'ils ont à dire.

Je ne parlais pas contre Québec parce que Québec est quand même assez remarquable en termes de consultations publiques, en termes d'ouverture de ses politiques, de tout, en fait, tu sais. Ils consultent les gens sur à peu près toutes les notions que le soit le plein air, le sport, etc. Mais récemment j'étais à Trois-Rivières, puis à Trois-Rivières, il y a un projet de condos dans un quartier qui pourrait être bonifié, qui est immense, 20 étages, puis ce n'est pas la ville qui a organisé une consultation publique pour bonifier le projet, c'est le comité de citoyens qui a organisé une consultation publique. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là. Ça fait que ça, c'est un des éléments. Il y a déjà des groupes qui sont ciblés, qui travaillent sur le terrain qui ne sont pas reconnus puis, à la limite, même nous, on n'est pas vraiment reconnus. Je veux dire, on fonctionne bon an mal an avec des budgets. On vient d'être reconnu comme groupe national en environnement. Donc, on a une enveloppe, on est content. Mais, en matière d'aménagement puis de promotion des activités des citoyens, pour essayer de les éduquer, de les former, de les faire travailler puis d'avoir le goût de s'intéresser à leur qualité de vie, on n'a pas de financement pour ça.

Donc, il y a déjà des groupes qui pourraient accueillir, qui pourraient être le...

Le Président (M. Pinard): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Vaillancourt (Jérôme): ... ? oui ? qui pourraient être le réceptacle de ça, puis d'un autre côté, les citoyens, eux, la population en général, bien c'est juste parce qu'ils ne sont pas intéressés à suivre l'activité municipale, tout simplement, parce que c'est des cadres législatifs, c'est des petits avis dans les journaux, c'est des trucs à coucher dehors dans le quartier lorsqu'il est question de changement de zonage. Donc, il faut revoir notre approche de la citoyenneté municipale, puis c'est ce qu'on essaie de travailler dès le plus jeune âge. Que ce soit avec les jeunes du primaire ou les jeunes du secondaire, il faut éduquer les citoyens à être plus intéressés à la politique municipale et à l'aménagement de leur quartier.

Le Président (M. Pinard): Merci. Mme la députée de La Pinière, rapidement.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Très rapidement, merci pour votre mémoire et les explications que vous avez données. Dans votre commentaire, vous avez dit qu'il faudrait densifier les zones vacantes en territoire urbain comme solution à l'étalement urbain mais aussi à l'émission des gaz à effet de serre. Comment est-ce qu'on va densifier les zones urbaines? Est-ce que vous avez une idée de la disponibilité des terrain vacants disponibles pour la construction? Est-ce que vous avez une idée de combien coûte la facture pour la décontamination des sols? Et est-ce que vous savez que, dans la plupart des cas, ces terrains-là appartiennent au privé? Comment le gouvernement va forcer le privé à construire?

M. Vaillancourt (Jérôme): Ça, c'est un phénomène qui existe dans les agglomérations américaines parce que l'enjeu fiscal est quelque chose d'important pour les municipalités. Donc, si on prend l'exemple de Portland, Oregon, la façon dont ça s'est produit, c'est que... C'est un peu comme dans le monde industriel aussi, c'est que lorsqu'on arrive avec des critères stricts ou des normes très strictes, à un moment donné, il faut que les gens innovent, il faut qu'ils trouvent des nouvelles solutions. Ça fait que, en Oregon, ce qui est arrivé, c'est que l'État a statué que les périmètres urbains allaient être tellement stricts et tellement restreints, c'est quasiment des forteresses, qu'il n'y aurait plus rien en dehors de ce périmètre-là, que les promoteurs immobiliers n'ont pas eu le choix que de s'adapter. C'est sûr qu'il y a eu des mesures fiscales d'incitation à la densification, au redéveloppement des terrains.

Donc, tout d'un coup, les terrains ont pris de la valeur, des terrains qui autrefois étaient utilisés pour du stationnement, des terrains ou des bâtiments qui étaient un Provigo ou un, je ne nommerai pas de compagnies là, donc, une épicerie d'un étage, tout d'un coup, se retrouvait avec trois étages de logements au dessus. Donc, c'est la création à partir de la limite précise d'urbanisation qui est très, très restreinte. Donc, les promoteurs ont dû innover, développer autrement les bâtiments soit qu'ils détenaient ou encore des terrains qui étaient laissés, bon, en stationnement, en spéculation. Donc, ça a créé un boum à ce niveau-là.

Puis dans le cas de l'Oregon, pour ce qui est de Portland, bien c'est quand même 50 % de superficie supplémentaire qui a été instaurée dans le centre-ville directement. Donc, ça fait 30 000 emplois de plus dans le centre-ville. Puis, comme ils mettaient en place en même temps le système léger sur rail, bien les gens n'avaient même pas besoin de prendre leur voiture pour aller travailler dans le centre-ville. Donc, ça devient un regain d'activité. Mais c'est sûr qu'il faut après ça parler de municipalités avec leur zonage plus diversifié, un zonage plus mixte pour permettre justement qu'au dessus des commerces il y ait des logements, pour permettre que les gens puissent travailler chez eux. Donc, c'est une forme de mixité pour augmenter la densité.

Puis, quand on parle de densité chez Vivre en ville, on ne parle pas du 50 étages non plus, là, tu sais, on parle quand même des bâtiments qui amènent un cadre intéressant pour la qualité de vie, un cadre humain, comme des quartiers centraux de Québec ou des quartiers de cinq ou six étages qu'on voit dans certaines villes européennes.

Donc, il existe une série d'outils qu'on peut... je pense qu'on en fait un peu mention dans le mémoire pour certains, mais qui existent surtout par l'aménagement du territoire puis des incitatifs fiscaux à la densification.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Bien, moi, je m'intéresse beaucoup au monde de la construction là, j'ai bâti une grande partie de ma résidence familiale de mes mains, puis ce qu'on retrouve... Mais il y a un petit décalage au niveau de votre table des matières, lorsqu'on le voit à la page 33, on le retrouve à la page 34, concernant la végétalisation des toitures et des murs. J'aimerais ça avoir plus de détails parce que le paragraphe est très court, puis pourtant ça me semble très intéressant. On parle-tu de mettre de la tourbe sur les toitures puis des lierres, par exemple, sur les murs ou si ça va au-delà de ça?

M. Vaillancourt (Jérôme): Ça, c'est tout de même assez expérimental. Des toitures, on en a déjà fait au Québec, des toitures comme ça. C'est simplement que, sur le toit déjà existant, on ajoute des membranes puis, par-dessus ça, il y a trois façons de le voir: ça peut être soit très intensif, on peut cultiver pratiquement sur notre toit, qu'il soit en pente ou qu'il soit à toit plat, et ça peut aussi être une petite structure plutôt mince qui, là, c'est des vivaces puis on n'a pas d'entretien à faire.

Donc, le but des toitures végétales qui existent un peu aux États-Unis en Europe puis que Vivre en ville va commencer bientôt, ce n'est pas seulement d'améliorer la qualité de vie en milieu urbain, c'est aussi parce que ça capte les eaux de pluie. Donc, on va chercher 80 % de l'eau de pluie directement sur le toit, donc c'est assimilé par les végétaux; puis l'autre 20 % est envoyé à l'usine de traitement des eaux usées, donc on réduit le volume d'eaux usées.

Nous, on fait une étude actuellement pour mesurer l'efficacité énergétique d'une structure comme ça. Puis c'est sûr qu'en termes... C'est plus coûteux à l'installation mais ça prolonge la durée de vie de 10 ans d'un toit, d'une toiture normale, étant donné que ça ne soumet pas le toit aux UVA, UVB, donc au chaud et au froid. Donc, c'est une technologie qui est assez récente. Puis, nous-mêmes, à Vivre en ville, on est en train de développer avec différents partenaires une technologie de murs végétaux qui serait une structure qui irait se greffer aux murs d'un bâtiment pour améliorer encore l'efficacité énergétique puis capter le reste des eaux de pluie.

Donc, ça demande une structure d'efficacité énergétique qui est un gain aussi en matière d'émissions de gaz à effet de serre parce que c'est des végétaux, donc des puits qui peuvent capter les gaz carboniques puis les traiter. Puis dans les villes américaines, présentement, c'est devenu une forme d'incitatif fiscal, c'est-à-dire que les promoteurs qui mettent des toits végétaux sur leur bâtiment peuvent augmenter de deux à trois étages leur bâtiment parce que c'est reconnu que ça réduit l'îlot de chaleur urbain. Dans les villes comme Montréal ou Québec on reconnaît que c'est 5°C de plus qui est vécu en milieu urbain à cause que c'est un espace bétonné, asphalté, etc.

Donc, les toitures végétales permettent de réduire le climat en milieu urbain de 5°. Puis les villes allemandes, elles, en font une obligation formelle pour tous les bâtiments industriels parce que ça réduit l'envoi d'eaux usées vers les usines de traitement. Donc, c'est une obligation pour certaines villes allemandes. J'ai fait le tour assez rapidement, là, mais...

n (11 h 50) n

Le Président (M. Pinard): Merci, MM. Vaillancourt, Laliberté et Turgeon. Ça a été vraiment très intéressant, les échanges que nous avons eus et également votre mémoire. J'inviterais immédiatement l'Association de l'aluminium du Canada, MM. Christian Van Houtte, Alexis Ségal et Mme Lise Sylvain, à bien vouloir se présenter, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue aux travaux de la commission. Je vous rappellerai que les règles sont les suivantes: vous avez un temps de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et, par la suite, nous aurons une période d'échange de 30 minutes entre les membres de la commission et vous-même. Alors, M. Van Houtte.

Association de l'aluminium du Canada

M. Van Houtte (Christian L.): M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les membres de la commission, mon nom est Christian Van Houtte. Je suis président de l'Association de l'aluminium du Canada, et je suis accompagné ce matin de M. Alexis Ségal qui est directeur des affaires générales d'Alcan. Je vous prie d'accepter les excuses de Mme Sylvain d'Alcoa qui devait être avec nous ce matin qui, malheureusement, a eu un contretemps, et également Mme Nancy Ouellet de l'Aluminerie Alouette qui devait aussi être avec nous, mais qui a été retenue à Sept-Îles.

Le Président (M. Pinard): D'accord.

M. Van Houtte (Christian L.): Je suis heureux, au nom de l'Association et de ses membres, de venir ici ce matin témoigner d'un certain nombre de sujets qui nous tiennent beaucoup à coeur. D'abord, que les réductions volontaires sont des choses faisables, possibles, et nous allons vous le démontrer, notre mémoire y fait référence, mais également vous donner quelques pistes, quelques idées relativement à la mise en vigueur du Protocole de Kyoto.

Je ne rentrerai pas dans les détails techniques, mais simplement vous dire que l'Association regroupe les trois grands producteurs d'aluminium canadien: la Société Alcan, la compagnie Alcoa et l'Aluminerie Alouette. Ces trois entreprises opèrent au Canada 11 usines d'aluminium, 11 alumineries, dont 10 au Québec, donc toute l'importance que nous accordons bien sûr à nos relations avec le gouvernement du Québec, avec le ministère de l'Environnement et avec les autres organismes chargés de l'application des lois et des règlements. Le Québec et le Canada se situaient en 2002 au troisième rang des producteurs mondiaux d'aluminium. Devant nous maintenant la Chine ? et on y a fait référence tout à l'heure ? la Chine est le plus important producteur d'aluminium au monde, suivie de la Russie. Nous sommes troisièmes, et, pour la première fois en 100 ans, les Américains se retrouvent derrière nous; nous les avons un peu dépassés l'an dernier.

L'industrie de l'aluminium n'a pas attendu que le Protocole de Kyoto soit ratifié pour entreprendre un certain nombre d'actions hâtives. Nous savons ? et nous ne le nions pas ? que nous sommes de grands émetteurs de gaz à effet de serre, et notre mémoire fait référence à deux sources principales: les émissions de CO2 qui proviennent de la combustion des anodes de carbone dans nos cuves d'électrolyse et aussi les PFC, les perfluorocarbones qui sont des gaz à effet de serre avec un pouvoir de réchauffement de 6 000 à 9 000 fois plus grand que le CO2.

Donc, d'un côté, il y a un certain nombre de procédés que nous pouvons contrôler, de l'autre, nous sommes limités tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas découvert une anode non consommable. Nous aurons toujours des émissions de CO2.

Compte tenu des sommes considérables de gaz à effet de serre qui sont émises, l'industrie a décidé en 1990 de s'attaquer au problème du procédé, au problème des effets d'anodes et de voir comment on pouvait, tant au niveau québécois qu'au niveau international, réduire nos émissions de PFC. En 1990, les émissions par tonne d'aluminium produite étaient de 5,59 tonnes de CO2 équivalent. En 2000, 10 ans plus tard, par l'emploi de nouvelles technologies, par l'amélioration de nos procédés, nous sommes maintenant à environ 3,3 tonnes de CO2 équivalent par tonne d'aluminium produite. Et les nouvelles usines qui sont construites ou qui le seront au cours de la prochaine décennie ont des ratios de l'ordre de 2 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produite.

De 1990 à 2000, la production du Québec, d'aluminium, a augmenté de 54 %. Nous avons plus que doublé. Et, pendant cette même période, nos émissions de gaz à effet de serre n'ont augmenté que de 7 %. Donc, il y a eu des courbes inverses au niveau de la production, de l'efficacité et de l'intensité énergétiques, et de l'intensité également bien sûr de nos émissions de gaz à effet de serre.

L'industrie de l'aluminium s'est positionnée, donc ici, au Québec et ailleurs dans le monde, comme un leader dans les mesures volontaires de réduction de gaz à effet de serre. L'Association internationale de l'aluminium a établi, a adopté des paramètres généraux, des «guidelines», des directives qui, au niveau environnemental, établissent un certain nombre de barèmes que les entreprises d'aluminium du monde devraient rencontrer, et l'industrie québécoise a servi de modèle dans l'établissement de ces paramètres.

Nous avons, dans le cadre de nos discussions avec le gouvernement, été le premier secteur industriel à signer, avec le ministère de l'Environnement du Québec et son ministre, une entente volontaire de réduction de gaz à effet de serre. Le 31 janvier 2002, donc il y a à peine un an, cette entente était signée conjointement entre l'Association de l'aluminium et le ministère de l'Environnement. L'entente prévoyait des réductions totales ? et c'était un estimé ? d'environ 200 000 tonnes entre 2002 et le 31 décembre 2007, donc la veille de l'entrée en vigueur de la première période de budget de Kyoto.

Suite à la négociation et la ratification de cette entente-cadre, chacune des trois compagnies membres de l'Association ont entrepris de négocier des ententes individuelles avec le ministère et ses fonctionnaires, et on s'est rendus compte qu'on pouvait aller beaucoup plus loin, et, après un an de mise en vigueur de cette entente, on peut maintenant dire que nous avons dépassé largement l'objectif de 200 000 tonnes sur cinq ans. Nous sommes déjà à 550 000 tonnes, près de 600 000 tonnes de réductions. Donc, quand on veut, on peut et, quand un secteur industriel décide de se prendre en main et de mettre en oeuvre les moyens techniques pour y arriver, on peut, avec des actions volontaires, obtenir des résultats positifs.

Je voudrais revenir plus précisément sur l'objet de cette commission, c'est-à-dire les plans de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Nous avons, dans notre mémoire, élaboré un certain nombre de points sur lesquels nous voulons insister un peu pour que le gouvernement du Québec, dans son plan de mise en oeuvre, et nous faisons bien sûr les mêmes commentaires avec le gouvernement fédéral, que ces gouvernements donc tiennent compte des points suivants.

n (12 heures) n

D'abord, la possibilité de croissance. L'industrie de l'aluminium, depuis 100 ans au Québec, a cru de façon constante. Il y a 100 ans ou 101 ans maintenant, le premier lingot était coulé à Shawinigan. Nous produisons maintenant 2,5 millions de tonnes, et nous prévoyons, d'ici 2010, ajouter un autre million de tonnes de capacité. L'Aluminerie Alouette à Sept-Îles a annoncé récemment son projet d'agrandissement qui fera de cette usine la plus importante des Amériques. Alcoa à Baie-Comeau agrandira par la suite son usine. Il y a des projets sur la table pour l'usine de Deschambault et l'usine de Bécancour, etc. Donc, il y a un phénomène de croissance, et nous réalisons que cette croissance fera en sorte qu'il y aura, en termes absolus, augmentation des gaz à effet de serre. Toutefois, l'intensité par tonne d'aluminium produite sera réduite considérablement, de 5,59 que c'était en 1990 à environ 2,2 tonnes en 2010. Donc, nous voulons que les plans d'action reconnaissent pour des secteurs industriels innovateurs qui contribuent au développement économique du Québec la possibilité de croître.

Deuxième point, la reconnaissance des actions hâtives. Lorsque nous avons entrepris de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous ne connaissions pas encore les plans d'action ? puis il y a encore des grandes parties qui sont encore inconnues ? mais nous les avons faites, ces réductions, parce que nous voulions réduire l'empreinte de l'industrie de l'aluminium sur l'environnement. Nous pensions que le développement durable était quelque chose de fondamental et qu'il fallait prendre des actions. Or, nous souhaitons bien sûr que toutes ces actions qui ont été prises et qui ont contribué à réduire de façon absolument considérable nos gaz à effet de serre soient prises en compte dans le fardeau qui nous sera donné pendant la période de budget. Dans certains cas, dans certaines usines, nous sommes rendus au minimum techniquement possible dans les usines les plus modernes. Redemander encore plus à ces usines-là, qui ont déjà fait, depuis 10 ans, des efforts considérables, ce serait, je pense, injuste. Donc, il faut que ces actions-là soient reconnues. D'autres secteurs ont préféré attendre ou préfèrent encore attendre la période 2008-2012 avant de faire quelque chose. Nous, on pense qu'on a réduit mais qu'on a aussi, de façon récurrente, évité des émissions.

Nous voulons également que... Mais les intervenants qui nous ont précédés ce matin, le professeur Webster, on nous a mentionné la mise en place d'un système d'échange de permis. Pour nous, c'est évidemment essentiel, fondamental. Nous réalisons que nous avons des objectifs. Nous réalisons également que le système de permis échangeables doit être le plus large possible, c'est-à-dire que le Québec n'a pas, compte tenu de sa taille économique, suffisamment de crédit et de débit pour permettre un système qui soit viable. Il faut aller plus large que ça, au niveau canadien bien sûr, mais au niveau nord-américain et, éventuellement, au niveau international. Mais nous souscrivons à la mise en place d'un système d'échange de permis.

Nous souhaitons ? et M. le ministre y a fait référence ce matin ? une répartition équitable du fardeau de réduction. Certains secteurs ont fait des efforts, d'autres en ont fait moins. Certains secteurs peuvent faire plus sans qu'il y ait des coûts importants, d'autres, pas. Donc, il y a, je pense, du cas par cas. Il faut analyser les possibilités techniques, les possibilités économiques de chaque secteur pour arriver à une répartition équitable du fardeau. Et ça, c'est uniquement au niveau du Québec, je ne rentrerai pas dans le problème canadien avec les provinces de l'Ouest et le secteur du pétrole et du gaz. Mais je pense que la répartition du fardeau doit être équitable et je sais que le gouvernement du Québec, en tout cas, a toujours, à date, fait preuve de grandes visions là-dedans, dans ce dossier-là, dans le dialogue, dans les négociations qui ont eu lieu entre les provinces et le gouvernement fédéral. Je pense que cette répartition du «burden sharing», la répartition du fardeau était quelque chose d'essentiel pour notre survie.

Nous souhaitons une approche rigoureuse dans les moyens. On est une industrie où le capital est important. Les usines, vous le savez, coûtent extrêmement cher à construire. Nous employons les meilleures technologies, nous voulons que les procédés qui soient mis en application, qui soient mis en oeuvre soient les plus efficaces. Nous voulons également que l'approche d'échange, l'approche d'objectifs de réduction, l'approche de vérification des réductions, tout l'ensemble des phénomènes qui tournent autour de la mise en oeuvre de Kyoto soient faits de façon rigoureuse pour que nous puissions, avec nos réductions ou nos augmentations, au moins pouvoir négocier au niveau international, qu'il y ait un genre de pattern qui soit reconnu au niveau international et qui nous permette donc d'avoir une approche rigoureuse.

Nous voulons également et nous souhaitons qu'il y ait une harmonisation d'un certain nombre de mesures, le ministre y a fait référence, on l'a vu dans les journaux récemment avec le budget Manley, on l'a vu dans d'autres circonstances. Bien sûr qu'en entreprise nous souhaitons, dans tous les secteurs, un guichet unique. Moins il y a de rapports à faire, mieux c'est. Et je pense que... On espère qu'il y aura entente, qu'il y aura des ententes bilatérales qui pourront être signées entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, de façon à ce que nous puissions avoir un seul guichet, avoir une seule série d'objectifs plutôt que d'avoir à nous diviser entre deux capitales.

Nous croyons que l'objectif de réduction des gaz à effet de serre peut se faire par un certain nombre de mesures, c'est sûr, c'est certain, mais une grande partie de ce qui devra être fait et de ce qui pourra être fait, ce sera à cause de l'innovation. L'innovation, pour nous, c'est extrêmement important, c'est le développement de nouvelles technologies, le développement de nouvelles sciences, de nouvelles méthodes de travail, d'intégration de procédés qui font en sorte qu'on peut aller plus loin.

Dans l'industrie de l'aluminium, on travaille depuis plusieurs années, on a dépensé des centaines de millions de dollars à date, pour développer une anode non consommable, qui éliminerait virtuellement toutes les émissions de gaz à effet de serre produites par le carbone des anodes. Et nous y travaillons encore. Nous avons récemment signé un contrat avec une firme de Québec, ici, CO2 Solutions, un projet-pilote visant à mettre au point, à moyen terme, un bioréacteur qui pourrait convertir une partie du CO2 en bicarbonate. Nous travaillons avec les universités, l'Université du Québec à Chicoutimi et d'autres, dans des programmes de recherche visant à améliorer les technologies, et une grande partie des résultats que nous aurons en 2008-2012 et après seront dus à l'innovation. Et je pense que les gouvernements doivent développer ce secteur de l'innovation, de la recherche au niveau des entreprises et au niveau bien sûr des centres de recherche.

Le Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Van Houtte (Christian L.): Nous sommes dans l'aluminium ? une minute? Nous sommes dans l'aluminium, nous voulons aussi prendre des mesures pour favoriser le recyclage et l'utilisation de métaux légers. L'utilisation de l'aluminium dans les transports peut être une solution partielle à l'élimination ou à la réduction des gaz à effet de serre. Plus une auto est légère, moins elle consomme, et surtout si l'auto est entièrement recyclable, on se retrouve bien sûr avec des économies d'énergie et des économies de gaz à effet de serre énormes.

Et bien sûr, en terminant, nous favorisons le développement d'énergies propres. Au Québec, nous sommes des grands utilisateurs d'électricité propre, et l'aluminium que nous produisons est 60 fois moins polluant que l'aluminium qui est produit avec du charbon dans d'autres parties du monde. Donc, nous souhaitons que le développement des énergies propres et les grands projets du Québec se poursuivent au cours des prochaines années.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le président. Alors, merci pour votre mémoire, votre présentation. Et nous allons dès cet instant débuter la période d'échange. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, merci, M. le Président. Je voudrais remercier nos invités, M. Van Houtte, M. Ségal, que je prends plaisir à revoir. Écoutez, il n'y a pas de surprises dans votre mémoire, ces éléments sont tous bien connus du grand public. Mais je voudrais qu'on aille un pas plus loin dans notre échange et j'aimerais connaître quel est votre positionnement stratégique pour correctement défendre les industries, le secteur que vous représentez, dans un contexte où la concentration des alumineries... Les alumineries sont essentiellement au Québec quand on regarde l'ensemble canadien, à l'exception d'une ou deux. Une en Colombie-Britannique, hein, si ma mémoire est juste? Alcoa, je pense.

Des voix: Alcan.

M. Boisclair: C'est Alcan, je m'excuse. Alcan, en Colombie-Britannique. Mais elles sont toutes essentiellement au Québec. La question de la répartition n'est donc pas une question insignifiante pour vous, là. Est-ce que, au Québec, on va faire moins 6? Est-ce qu'on va faire plus 1, par rapport à 1990? Et puis, quand vous discutez avec le fédéral, puisque vous négociez aussi avec le gouvernement fédéral, comme industrie, qu'est-ce que vous leur dites sur le modèle de répartition?

n (12 h 10) n

Le Président (M. Pinard): M. Van Houtte.

M. Van Houtte (Christian L.): Vendredi dernier, le 14 février, le gouvernement fédéral avait convoqué à Ottawa les représentants des grandes associations manufacturières du Canada. J'étais présent à cette rencontre, et les autorités, le sous-ministre adjoint à Ressources naturelles Canada et son équipe chargée de mettre en oeuvre le plan d'action pour le Protocole de Kyoto, nous ont fait part d'un certain nombre de réflexions sur la façon dont ils allaient élaborer la négociation d'entente et le rôle que les associations et les provinces, éventuellement, devraient jouer dans ce système.

D'emblée, je dois vous dire que ça nous a laissés, moi et mes collègues d'autres associations, légèrement perplexes. Le mandat du gouvernement fédéral est de réduire de 55 mégatonnes les gaz à effet de serre du secteur manufacturier canadien. Or, tant et aussi longtemps que personne n'osera ou ne voudra répartir sur une base territoriale ou sur une base sectorielle ce 55 mégatonnes de réduction, la façon la plus simple, c'est de dire: 55 mégatonnes équivaut à 15 % de réduction sur le «business as usual» de l'an 2010. Donc, prenez vos estimés en 2010 sur une base «business as usual», affaires normales, et 15 %. Donc, en fait, déjà cette approche nous paraît fortement injuste, parce que, à défaut d'avoir une répartition qui tient compte des résultats déjà faits ou des particularités d'un secteur industriel par rapport à un autre, bien, une façon qui est relativement plus simple, c'est de dire: Il y a 55 mégatonnes, au lieu de le partager, on établit un dénominateur commun qui s'applique à l'ensemble.

Vous avez dit: On a négocié, on négocie avec le fédéral. On n'a pas encore entrepris de négociation avec le fédéral. Nous avons insisté avec eux sur le fait que nous avions ici une entente particulière avec le gouvernement du Québec et que nous voulions que cette entente soit reconnue par le fédéral. Dans quelle position allons-nous nous retrouver si l'entente que vous et nous avons signée devait être remplacée ou devait être mise de côté par une autre entente de nature fédérale? Qu'est-ce qu'il adviendrait des engagements qu'on a pris ici, des méthodes qu'on a mises en place ici? Je pense que... Bon. Le fédéral nous dit: Nous allons regarder ça, nous allons essayer de voir ce qu'on peut faire. Et, à date, il n'y a pas eu de réponse définitive.

M. Boisclair: Je pose ma question encore plus précisément. Je comprends cette question des ententes. Vous avez raison de rappeler que, si on discute avec Énergie Canada ou avec Environnement Canada, on a deux échos complètement différents. Les gens d'Énergie Canada ont fait très peu d'ouverture à des ententes bilatérales. Paul Fauteux, d'Environnement Canada, que nous entendu il y a deux jours, nous a dit qu'il y avait de l'intérêt pour avoir des ententes avec les provinces. Alors, l'administration fédérale nous envoie des messages totalement incohérents, et, vous le notez, ces choses sont sues du gouvernement du Québec.

Mais, sur la répartition, Hydro-Québec est venu nous demander une application d'un modèle qui permettrait une augmentation de 4 % par rapport au niveau de 1990. Le professeur Webster est venu nous dire que la modélisation du système, du modèle triptyque, sur le territoire québécois, permettrait plus 1 par rapport à 1990. Il est aussi venu nous dire que, si le gouvernement fédéral persiste dans son approche sectorielle et que le gouvernement fédéral signe, par exemple, avec l'industrie pétrolière, puisque nous sommes dans un jeu de sommes nulles, l'entente signée avec les pétrolières aura un impact directement sur votre secteur, puisque, au net, il s'agit d'un système fermé puis qu'un total d'émissions et un effort total à répartir, s'il y en a un qui en a plus, bien, il y en a un autre qui en a moins, et ainsi de suite.

Donc, sur le mécanisme de répartition, est-ce que Québec devrait, avec force, exiger un modèle triptyque, avec, par exemple, l'appui de l'industrie, pour faire comme résultat plus 1 par rapport à 1990? Donc, ce qui signifie, par rapport à 2010, estimer moins 11, si ma mémoire est juste, quelque chose comme moins 11 sur 2010. Quel est votre positionnement stratégique sur cette question fondamentale? Et quel est le conseil que vous donnez aux membres de cette commission, qui devront se prononcer sur une stratégie devant le gouvernement fédéral sur le mécanisme de répartition?

Le Président (M. Pinard): M. Van Houtte.

M. Van Houtte (Christian L.): Deux réponses à votre question, M. le ministre. La première. Nous avons, avec vos fonctionnaires et avec d'autres groupes au niveau canadien et québécois, regardé les différentes approches. L'approche triptyque a été examinée, et on l'avait, à un certain moment, mise de côté parce qu'il y avait une grande unanimité sur une approche territoriale. Dans les groupes de travail, on se disait: Bien, je pense que ce serait plus juste, plus équitable si le Québec prenait une approche territoriale. Mais l'approche triptyque nous a toujours, en tout cas à notre secteur, paru une approche intéressante, parce qu'elle prend en compte un certain nombre de facteurs particuliers qui ne sont pas pris dans d'autres types d'approches. Et on a regardé, comme vous, l'approche européenne, avec ses bons et ses mauvais côtés ? je pense qu'il n'y a rien de parfait ? mais c'est une piste de solution, à défaut d'avoir carrément une approche ou une répartition territoriale.

M. Boisclair: L'autre question qui se pose, c'est: Pourquoi votre industrie ferait les frais de l'augmentation des émissions du secteur énergétique en Alberta? Mon collègue Robert Benoit tout à l'heure m'a dit que j'avais procédé à un spectacle politique puis que je me laissais aller à des accents partisans, mais, moi, si je veux correctement défendre votre secteur, présent en force sur le territoire québécois, il me semble que je ne tiens pas là un discours partisan, que je fais simplement, correctement, mon devoir. Et pourquoi les Québécois et votre industrie, bien présente au Québec, devraient faire les frais de l'augmentation des émissions en Alberta? Aujourd'hui même, là, il se construit des centrales au charbon en Alberta, alors que, déjà, les Québécois, par le biais de leurs impôts fédéraux, ont financé les sables bitumineux, l'exploration gazière en Alberta et ailleurs dans l'Ouest et dans les Maritimes, que nous avons, nous-mêmes, au Québec, seuls, développé notre réseau hydroélectrique.

Je vous trouve parfois un peu dociles sur ces questions et je me demande... si je suis seul à m'indigner, soit, je rentrerai pénard à la maison. Mais moi, je veux correctement faire mon travail et je veux le faire consciencieusement, avec le Québec en tête, et l'environnement en tête. Et je me dis: Est-ce que, comme industrie, vous allez résister avec force devant la possibilité que vous soyez ceux qui soient pris à faire les frais de l'augmentation des émissions en Alberta?

M. Van Houtte (Christian L.): Tout à fait. Tout à fait. Nous allons résister. On a déjà signalé notre opposition à un certain nombre de mesures qui sont envisagées par le gouvernement fédéral. Et soyez assuré qu'on va vous appuyer dans vos démarches avec vos collègues provinciaux si vous pouvez les amener à avoir un consensus. Vous avez déjà réussi, à Halifax, à faire un consensus avec vos collègues, je pense que vous pouvez peut-être encore le faire, pour que le fédéral change sa façon d'agir et que la répartition soit plus juste.

Une des façons, et c'est une petite partie de la réponse, je n'ai pas toute la réponse, mais je pense que là où il y aurait une ouverture, c'est qu'on se retrouve avec, bon, l'Alberta et l'Ouest avec le pétrole, le gaz et du charbon, et le Québec avec l'aluminium et l'industrie des pâtes et papiers, donc des secteurs, là, clés dans différentes provinces. Dans le fond, chaque province veut protéger les intérêts de ses secteurs industriels, et c'est tout à fait normal. Et une des façons, peut-être, et c'est partiel comme réponse, mais c'est de faire reconnaître des sous-secteurs à l'intérieur des grands secteurs industriels. Si nous pouvons dans le secteur de l'aluminium convaincre le gouvernement fédéral que l'aluminium est un sous-secteur du secteur des métaux et minéraux et comme nous sommes concentrés au Québec, nous pourrons alors, je crois, négocier des ententes ou une entente qui pourrait être en tout cas un peu plus acceptable et qui pourrait être celle qu'on a négociée avec vous. Mais c'est tout à fait...

n (12 h 20) n

M. Boisclair: ...double jeu: non à l'approche sectorielle, mais oui à être reconnu dans l'approche sectorielle comme étant un sous-secteur. C'est cette ambiguïté que je trouve difficile à traduire dans un choix gouvernemental et dans des recommandations qu'une commission devra faire. À un moment donné, je vous comprends de jouer à l'intérieur de l'approche sectorielle, mais il y a là, à mon avis, un jeu dangereux. Oui, possiblement, vous faire reconnaître comme sous-secteur, mais, compte tenu des conséquences politiques de certains choix qui pourraient être faits par l'administration fédérale, je serais mal à l'aise qu'on cherche à nous diviser et qu'on oublie l'effort global que nous aurons à faire.

L'équité, ce sera la possibilité, pour nous, d'avoir une cible juste. Mais, s'il n'y a pas le sous-secteur qui est reconnu, comment allez-vous vous comporter? Puis quelle devrait être notre stratégie à ce moment-ci? Travailler à faire reconnaître l'aluminium comme un sous-secteur? Ou plutôt plaider, par exemple, le modèle triptyque et mener ? parce que vous avez quand même, dans l'ensemble canadien, un poids certain ? la bataille pour un modèle triptyque ou pour une approche territoriale ou par des ententes bilatérales? Comment, comme contribuable québécois, alors que vous entendez un ministre fédéral nous dire: Oui, je suis prêt à des ententes bilatérales, puis le gars d'Énergie Canada dire qu'il n'en veut pas...

À un moment donné, est-ce qu'il n'est pas plutôt temps qu'on sonne correctement l'alarme puis qu'on dise au gouvernement fédéral: Oups! un peu de discipline et un peu de cohérence, et nommez-nous, par exemple, un négociateur fédéral le plus rapidement possible pour que votre volonté puisse se traduire dans les discussions? Je suis prêt demain à nommer un négociateur québécois. Que cela soit su: demain, je suis prêt à le nommer. Nous l'avons identifié, je dirais même plus que nous l'avons entendu ici, en commission parlementaire. J'attends que le gouvernement fédéral ouvre, de façon correcte, la porte et qu'il nous dise: Parfait, mettons-nous à table. Mais, en attendant, les choses se font sans transparence, puis il me semble que nous risquons gros.

M. Van Houtte (Christian L.): Vous avez raison, M. le ministre, sur ce point. Je pense que, de notre côté, on est un peu coincés. Le fédéral a un programme de mise en oeuvre. Nous avons, à la table, vendredi dernier, carrément dit, et les collègues d'autres associations sectorielles ont dit la même chose: Le rôle des provinces est essentiel dans le plan de mise en oeuvre. Et, si nous souhaitons, nous, une entente bilatérale entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa, pour que le Québec soit maître de la mise en oeuvre, mais cette entente bilatérale implique, et c'est là le noeud du problème, une répartition. Et qui va vouloir prendre la décision de dire: Bien, le Québec a tant puis l'Alberta a tant? Politiquement, vous le savez, c'est peut-être difficile à faire.

Alors, c'est l'enjeu fondamental, mais nous sommes convaincus que l'approche... le Québec, en termes d'émissions per capita, vous le savez, c'est des chiffres qui sont bien connus, on a un dossier fantastique, comme province, avec l'énergie, etc. Mais on est pris dans un système qui fait en sorte que, d'un côté, il y a un plan d'action fédéral auquel, comme corporation, comme entreprise, comme citoyen, nous devons souscrire, bien que nous ayons encore, je pense, le temps, la possibilité de faire avancer les choses, de faire des remarques.

La rencontre de vendredi dernier était la première, il y en aura sûrement bien d'autres, mais je pense que le message a été clair, et les entreprises que je représente vont commencer bientôt à faire des démarches à Ottawa pour faire connaître leurs vues.

M. Boisclair: Qu'il soit bien simplement su, M. le Président, en terminant, que le gouvernement du Québec demande, de façon formelle, au gouvernement canadien de nommer un négociateur, un négociateur mandaté par décret du gouvernement fédéral, qui aura les pleins pouvoirs pour s'asseoir avec nous, plutôt qu'on joue à ce jeu de cachette avec un représentant qui prétend une chose et un autre qui en prétend une autre. Québec réclame du gouvernement fédéral qu'il nous nomme le plus rapidement possible un négociateur pour que nous puissions correctement avancer dans la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, qu'on le fasse dans notre meilleur intérêt et dans le respect des principes de développement durable.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. Van Houtte, M. Ségal, merci d'être ici aujourd'hui. M. Van Houtte, vous n'êtes certainement pas un inconnu de nos commissions parlementaires. D'abord, remettre les choses peut-être dans leur juste perspective. Me Yergeau, qui était avec nous mardi, nous a dit clairement et dans une grande sagesse qu'on était après se projeter vers l'inconnu, que ce soient les industriels, les citoyens comme moi, que les politiciens, il y a effectivement un grand inconnu en avant, et on est après faire les pistes, on est après ouvrir le sentier. Et je pense qu'il faut rester tout à fait calmes, et on va arriver à des ententes, j'en suis convaincu. Me Yergeau nous a aussi rappelé que, contrairement à ce qu'on a toujours pensé, la Cour suprême et les décisions d'Ottawa n'ont pas toujours penché comme la tour de Pise, loin de là, et que, si on regarde des lois qui sont allées jusqu'en Cour suprême, bien, on a donné raison au Québec à bien des occasions, que ce soit la Loi anti-inflation ou autres. Alors, je suis plutôt positif.

Et je veux rappeler que les deux partis ici, et probablement le troisième ? je ne veux pas parler en son nom, il pourra toujours s'exprimer ? on a clairement indiqué, tout au long du développement de Kyoto, que nous étions pour des négociations bilatérales avec Ottawa, et il n'y a pas là d'ambivalence au Québec. Que le ministre demande un négociateur, ça va de soi. Je veux dire, si on est pour négocier bilatéralement, il va falloir que quelqu'un négocie en quelque part et qu'il le fasse officiellement. J'aurais espéré que ce soit fait depuis bien longtemps, mais, enfin, il semble que c'est à matin que ça s'est fait.

Alors moi, je suis plutôt positif. Au total, je pense que les choses se déroulent bien. Et, quand on se compare à d'autres parties du monde, il semble que ça brasse. Les gens de la Hollande sont venus nous dire, mardi, que ce n'était pas évident, évident, la formule européenne, que c'était un cirque organisé en ce moment. Or, ils vont s'entendre. Ils sont 400 millions, 25 pays, des très riches et des très pauvres, des pays qui s'haïssent véhément, qui se sont haïs véhément pendant les guerres et qui, en ce moment, sont après arriver à des grands consensus. Alors, jamais je ne croirai que... une petite gang de 15, 16 millions, on va finir par s'entendre, nous autres, si ces grandes puissances là vont finir par s'entendre en Europe.

Une fois ça dit, j'ai retenu que, dans votre présentation originale, vous nous avez dit que la production québécoise, je pense ? canadienne ou québécoise, ça n'a pas d'importance parce que de toute façon ça va être à la marge s'il y en a 10 sur 11 ? 54 % d'augmentation de production et 7 % d'effet... des gaz à effet de serre, augmentation de 7 %. Un, on doit vous en féliciter, c'est tout à votre honneur. Mais est-ce qu'on fait ça par grandeur d'âme ou on fait ça parce qu'il y a vraiment une économie en quelque part? Est-ce qu'on l'a fait, là, parce qu'il y avait vraiment des économies ou si c'est parce qu'on voyait Kyoto arriver?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Van Houtte (Christian L.): Deux réponses. On l'a fait parce que l'industrie a réalisé qu'elle pouvait à la fois avoir des résultats environnementaux intéressants avec des résultats économiques non négligeables. Chaque fois qu'il y a un effet d'anode et qu'on produit des PFC... ce qu'on ne savait pas avant 1989, au fait, hein? Ça faisait 100 ans qu'on faisait de l'aluminium, puis on ne savait pas que ces gaz inodores, incolores, étaient émis au moment où il y avait un effet d'anode, un problème technique dans les cuves d'électrolyse. À partir du moment où on a su le pouvoir de radiation de ces gaz, les PFC, les CF4 et les C2F6, on s'est attaqués à éliminer cet effet d'anode. Et ce qui était depuis 100 ans quelque chose de normal dans la production de l'aluminium est devenu quelque chose à proscrire, carrément. Donc, c'est ce qui nous a fait réduire, de façon absolument substantielle, nos émissions de CO2 équivalent.

Tout ça a amené des coûts, au début, pour former le personnel, pour modifier un certain nombre de procédés: informatiser l'alimentation des cuves d'électrolyse, etc. Mais, en retour de ça, une fois que tout cela est fait, il y a des économies d'énergie non négligeables qui sont faites, parce qu'on ne provoque pas le court-circuit normal, les cuves continuent à produire du métal 365 jours par année. Donc, il y a les deux aspects. Le premier aspect a été une considération plus environnementale mais qui a amené des résultats économiques importants.

M. Benoit: Vous dites, à la page 10 de votre mémoire: «L'établissement d'un seuil maximum serait préjudiciable.» J'aimerais ça que vous nous expliquiez un peu d'abord le mot «maximum» et le mot «préjudiciable». J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus.

n (12 h 30) n

M. Van Houtte (Christian L.): C'est ce qu'on appelle en anglais le Cap and Trade, où on fixe un maximum d'émissions par entreprise ou par secteur sans égard à ses performances passées ou sans égard à l'efficacité ou l'intensité de ses émissions ou des réductions d'émissions. Si on dit: Un secteur a droit à 10 mégatonnes ou 5 mégatonnes, toute croissance au-delà de ce seuil devra être compensée soit par l'achat de permis ou par d'autres mesures visant à fixer un seuil. Or, nous croyons que fixer un seuil peut avoir, s'il n'y a pas d'autres mécanismes qui sont mis en place comme des permis échangeables, etc., un effet évidemment limitatif dans la croissance des secteurs industriels. C'est pour ça que le Cap and Trade... si on prend le Cap and Trade, ça va, si on prend le Cap seulement, c'est-à-dire la fixation d'un plafond, ça limite toute croissance. Si le Québec disait: On émet 100 mégatonnes et pas plus, on pourrait effectivement limiter la croissance des secteurs industriels.

M. Benoit: On nous a clairement indiqué, M. Van Houtte, que ce dont nous parlons ces temps-ci, c'est Kyoto 1. Mais, après vous et moi, il y aura Kyoto 2; certains se sont risqués avec Kyoto 10 ? je ne veux même pas rêver à ce que ce sera. Mais, une fois ça dit, si on ne met pas ces maximums, est-ce que finalement on ne sera pas pris avec... d'être obligés de gérer Kyoto 2 beaucoup plus rapidement, de un, et beaucoup plus difficilement? Est-ce qu'on ne court pas à notre perte, si on ne met pas ces maximums-là, finalement?

M. Van Houtte (Christian L.): Les maximums peuvent être mis au niveau d'un territoire ou d'une province, effectivement, vous avez raison, mais être modulés au niveau des secteurs ou des sous-secteurs. Il y a des mesures qui peuvent être prises au niveau de la production d'énergie en certains secteurs, qui, elles, vont générer des réductions importantes ? les centrales au charbon, etc. ? alors que d'autres secteurs ont une possibilité de croissance. Donc, il faut ajuster tout ça à l'intérieur des limites.

Mais je crois que le Kyoto 5 ou le Kyoto 10 que vous voyez, moi, je pense que c'est la période la plus difficile que nous traversons, en ce moment. Les périodes subséquentes vont être relativement faciles. Je suis convaincu que l'innovation, les percées technologiques vont faire en sorte qu'un grand nombre de points qui nous apparaissent aujourd'hui insurmontables vont devenir relativement faciles, vont s'illuminer d'eux-mêmes, parce qu'il y aura des piles à combustible, il y aura plein de choses qui, d'ici cinq, ou 10 ans, ou 15 ans, vont faire en sorte qu'on va réduire considérablement. Il y aura aussi le fait que les pays non signataires de l'Annexe I pourront éventuellement entrer dans les mécanismes du protocole. Et, pour les amener à ça, bien il y a les mécanismes qui sont prévus, dans Kyoto, d'implantation conjointe ou de mécanismes propres, de développement propre, qui les amènent tranquillement à participer.

M. Benoit: Peut-être juste une remarque pour terminer, M. Van Houtte, et avant de vous remercier d'avoir été ici. Dans votre mémoire, vous dites à la page 11 que vous espérez que le Québec serait proactif pour ce qui est de créer ces permis échangeables. Je vous révélerai, sauf preuve du contraire, le Québec, je pense, a été la première province, ça a été, je pense, le premier projet de loi du ministre Boisclair quand il est arrivé ministre de l'Environnement, de passer un projet de loi sur les permis échangeables. Et, ce serait à vérifier, mais j'ai l'impression qu'on est probablement une des toutes premières provinces qui a décidé d'aller dans cette direction-là. Alors, à cet égard-là, je pense, avec l'aide de l'opposition, je tiens à le souligner, le Québec a eu une approche proactive. Et nous avons posé des questions, lundi et mardi, à des gens pour voir comment ? même le ministre est allé regarder via ces questions ? est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une bourse ici même, au Québec, pour ces permis échangeables. Alors, je pense qu'il y a une approche relativement proactive, toutes considérations gardées aussi, du volume que nous allons émettre et de notre population, finalement.

M. Van Houtte (Christian L.): Vous avez tout à fait raison, M. Benoit, le Québec a été et est encore excessivement proactif. Il y a un petit groupe de travail, présidé par M. Robert Noël de Tilly, qui regarde cette possibilité de bourse ou de permis échangeable. Je participe à ce groupe. Il y a du travail qui se fait. Le ministre a été actif dans bien des secteurs et est un leader, avec ses collègues des autres provinces. Alors, la création du Bureau sur les changements climatiques est aussi, je pense, une initiative dont je vous remercie parce que ça va contribuer à faire mieux avancer le dossier, j'en suis convaincu.

M. Benoit: Merci, M. Van Houtte.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Évidemment, l'industrie que vous représentez est un joueur important au niveau international. Et j'en ai dans ma cour aussi, de l'aluminium, à Baie-Comeau. Le fait que les États-Unis ne soient pas signataires de Kyoto, je pense particulièrement à Alcoa, là, puis au fait qu'ils se sont fait bousculer récemment par le gouvernement du Québec afin d'arriver avec des projets au niveau de la modernisation des Söderberg, alors qu'au fond ils n'étaient peut-être pas tout à fait prêts pour faire cette annonce-là, puis là, dans le contexte du Kyoto, est-ce qu'on doit s'inquiéter? Je pense particulièrement à la Côte-Nord, là, au fait qu'on a une usine qui est quand même, à Baie-Comeau, assez âgée, avec ses Söderberg, puis le fait que les États-Unis, eux autres, n'ont pas signé Kyoto, ça fait que Alcoa à un moment donné aura peut-être un choix et dire, bien: C'est peut-être moins contraignant de continuer à opérer aux États-Unis et à polluer aux États-Unis. Ou est-ce que je m'inquiète pour rien, finalement?

M. Van Houtte (Christian L.): Je pense que, oui, vous vous inquiétez pour rien. Je pense que Alcoa comme Alcan, les grandes sociétés ont toutes des programmes spécifiques de réduction de gaz à effet de serre. Dans le cas d'Alcoa, qui est la plus grande compagnie au monde, ils ont fixé un objectif de 25 % de réduction de l'ensemble de leur gaz à effet de serre, au monde, d'ici 2010. Et les contraintes, on le voit aux États-Unis. Pourquoi le Canada a dépassé les États-Unis en termes de production? Bon, ils ont des usines plus âgées, plus vieilles aux États-Unis que ce que nous avons ici, le parc d'aluminerie n'a pas été renouvelé, donc la production américaine baisse et les investissements se font dans des endroits où il y a une valeur ajoutée. L'usine de Baie-Comeau, vous avez une vieille partie et une nouvelle; on va moderniser la plus ancienne mais la nouvelle va elle aussi subir une petite cure de rajeunissement pour la mettre à date, la mettre à jour. Donc, non, il n'y a pas d'inquiétude là-dedans parce que la problématique des gaz à effet de serre, du développement durable, est quelque chose que l'industrie prend au sérieux et applique au niveau de la planète. Et chez Alcan il y a un programme qui s'appelle TARGET, qui vise les mêmes objectifs ou sensiblement les mêmes à l'intérieur de l'organisation, au niveau mondial.

M. Ségal (Alexis): Pour compléter, sur les cuves Söderberg, toutes les éliminer; un programme pour les changer aussi, parce que, en termes d'économie d'énergie, c'est très important. Ça fait que les alumineries actuelles opèrent avec 12 000 à 13 000 kWh par tonne d'aluminium produite, alors que les Söderberg, c'est autour de 17, 18 000. Alors, il y a des économies d'énergie, ce qui fait que, au-delà de l'environnement, il y a une justification économique à transformer les Söderberg.

Le Président (M. Pinard): Si vous le permettez, dans le même sens, est-ce que le procédé Söderberg est véritablement plus polluant que l'autre procédé que vous avez mis en place, notamment au niveau des usines de Beauharnois et de Shawinigan?

M. Van Houtte (Christian L.): Non, il n'est pas plus polluant en termes de gaz à effet de serre parce que l'anode ne se consume pas de la même façon, mais en termes de quantité de carbone ou de pâte d'anode, c'est sensiblement la même chose. Là où il y a des économies, comme le disait M. Ségal, c'est au niveau de la consommation énergétique où, là, les nouvelles technologies, bien sûr, sont plus efficaces que celles qui datent des années quarante, cinquante.

Le Président (M. Pinard): D'accord. Autre question, M. le député de Saguenay?

M. Corriveau: Non.

Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Van Houtte et Ségal, merci infiniment de vous être déplacés. Les échanges ont été très fructueux, et je vous en remercie infiniment. Alors, nous suspendons nos travaux à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 39)

 

(Reprise à 14 h 22)

Le Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos travaux. Je tiens à excuser la commission de ce retard. Également, je dois vous rappeler que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.

Nous avons quorum et nous allons immédiatement débuter en recevant l'Association canadienne du ciment, qui est représentée par M. Claude Pigeon, vice-président Québec, M. Alain Beaudet, spécialiste, environnement et produits alternatifs, M. Pierre Beaulieu, directeur de l'environnement, et M. Camille Veillette, directeur, services techniques et énergie.

Alors, M. Pigeon, vous avez 15 minutes pour nous donner votre mémoire, et ensuite il y aura une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission ainsi qu'avec M. le ministre. Monsieur.

Association canadienne du ciment (ACC)

M. Pigeon (Claude): Merci. M. le Président, M. le ministre Boisclair, membres de la commission, M. de Tilly, l'industrie du ciment tient d'abord à vous remercier pour l'invitation que vous lui avez faite de venir partager avec vous sa vision sur le défi de la réduction des gaz à effet de serre dans le contexte des accords de Kyoto. Notre Association représente, entre autres, au Québec les trois cimentiers qui y sont établis, c'est-à-dire Ciment Lafarge qui opère une usine à Saint-Constant sur la Rive-Sud de Montréal, Ciment Québec qui a une usine à Saint-Basile dans Portneuf et Ciment St-Laurent qui a une usine à Joliette. Comme vous les avez bien présentés, je suis accompagné de trois collègues aujourd'hui, qui représentent chacune de ces trois entreprises.

Alors, notre industrie s'intéresse depuis fort longtemps à la problématique de la réduction des gaz à effet de serre. De fait, au cours des dernières années, on a été de toutes les tribunes importantes auxquelles on a été conviés. Mentionnons-en entre autres quatre, c'est-à-dire: premièrement, le programme EcoGESte, qui a été lancé par le ministère de l'Environnement en 1996 et qui visait à obtenir l'enregistrement des mesures volontaires sur les changements climatiques; ensuite, on était du Groupe de travail québécois de l'industrie du Comité interministériel sur les changements climatiques, le CICC, mandaté d'assurer la mise en oeuvre de la Convention-cadre de Kyoto, et des pistes de solution intéressantes sont sorties de ce Groupe de travail: entre autres solutions proposées, il faut retenir la prise en compte des émissions évitées ainsi que le crédit à accorder aux entreprises qui privilégient la combustion des matières résiduelles, et des pistes comme celles-là ont guidé nos actions dans les années qui ont suivi; troisièmement, depuis sa création en décembre 2001, notre Association a aussi participé activement aux travaux du Groupe de travail Québec-Industries pour développer une position consensuelle sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, et, à ce moment-là, nous avons clairement indiqué notre préférence pour une approche sectorielle plutôt que territoriale; et, finalement, nous nous sommes rapidement saisis du plan d'action québécois 2000-2002 sur les changements climatiques. L'Association est alors entrée dans le processus de négociation d'accords industrie-gouvernement pour des engagements de réduction des gaz à effet de serre. Je dois vous dire que nous étions et que nous sommes toujours ouverts à la négociation d'une entente volontaire, que, déjà, les jalons d'une telle entente ont été établis et les considérants ont été reconnus par chacune des parties et que, en ce moment, nous sommes toujours dans l'attente d'une proposition.

À ce stade-ci, je vais céder la parole à mon collègue Alain Beaudet qui va maintenant vous entretenir sur les calculs des gaz à effet de serre.

M. Beaudet (Alain): Bonjour, M. le Président. Nécessairement, il y a toujours un grand défi dans l'exercice d'avoir, au niveau des gaz à effet de serre, la façon qu'il faut faire pour calculer. Dans ce cadre-là, il y a un organisme mondial ? excusez l'expression anglaise ? the World Business Council for Sustainable Development, le WBCSD. C'est un organisme de 160 compagnies internationales dans lesquelles il y a des membres d'environ 30 pays et de 20 industries majeures ? le siège social est en Suisse ? dont les cimentières font partie. Le groupe des cimentiers qui en font partie ont créé une grille de calcul des gaz à effet de serre et cette grille-là nous permet de faire des calculs justes en ce qui concerne les cimenteries, et cette grille a été aussi validée par la firme KPMG qui s'est assurée de la compatibilité avec l'IPCC.

En plus, dans le cadre de nos rencontres avec le ministère de l'Environnement, nous avons échangé sur la grille du WBCSD, et le ministère a convenu que les bases de méthodologie et de calcul de ces systèmes... que la grille comme telle s'appuie sur le principe des gaz à effet de serre et que c'est un outil qui semble être très avantageux pour utiliser. Je repasse maintenant la parole à mon confrère.

M. Pigeon (Claude): Alors, je vais maintenant vous dresser un portrait très succinct de l'industrie cimentaire au Québec. La production actuelle de ciment au Québec par les trois usines que je vous décrivais tantôt représente 3 millions de tonnes métriques de ciment. Si vous comparez ça à l'échelle canadienne dont la production est de 12,8 millions de tonnes de ciment, ça vous donne un ordre de grandeur d'approximativement 25 % de la production canadienne.

Histoire de vous donner aussi un ordre de grandeur encore plus réaliste, pour qu'on voit à quelle échelle on se situe, puisque l'industrie cimentaire est une industrie qu'il faut regarder à l'échelle planétaire, il n'y a presque pas de pays dans le monde où il ne se fabrique pas de ciment. Le plus grand producteur de ciment, c'est la Chine qui produit 630 millions de tonnes par année; 3 millions au Québec. Les États-Unis qui sont au troisième rang en produisent 91 millions de tonnes. La Thaïlande est au treizième rang avec 25 millions, on en a trois au Québec. 40 % de notre production est exportée principalement aux États-Unis. Le prix du ciment est arrêté sur les marchés mondiaux et, puisque les États-Unis ne souscrivent pas au Protocole de Kyoto et que les pays hors annexe audit Protocole peuvent augmenter leurs émissions, les mesures sur le changement climatique risquent de miner la compétitivité de l'industrie canadienne du ciment, et l'industrie québécoise ne fait pas exception.

En d'autres mots, fixer des mesures draconiennes de réduction des émissions nuirait à l'industrie canadienne du ciment sans avoir d'effets salutaires sur l'environnement, et les conséquences possibles sont nombreuses. Mentionnons-en quelques-unes: par exemple, restreindre la croissance future de l'industrie; faire disparaître les exportations qui, je vous rappelle, sont de l'ordre de 40 % de notre production au Québec; entraîner une baisse des investissements; causer à terme même la fermeture des cimenteries parce qu'il n'y a rien de plus facile à faire, l'industrie cimentaire à l'échelle mondiale est entre les mains de quelques joueurs qui peuvent facilement déplacer les pions sans trop d'inconvénients. Et ça, c'est sans compter les impacts négatifs que ça pourrait générer au niveau régional, ne serait-ce qu'en terme d'emploi et d'activité économique.

n (14 h 30) n

On souhaite attirer particulièrement votre attention sur le fait que le procédé ? et j'insiste beaucoup là-dessus parce que c'est très important dans notre présentation ? que le procédé de fabrication du ciment fait en sorte que 60 % des émissions de gaz à effet de serre sont absolument incontrôlables. C'est lié au processus de calcination du calcaire et il n'y a rien qu'on puisse y faire à cet égard-là. Je vais vous dire tout de suite que, de 1970 à 1989, à l'égard du processus de fabrication, déjà, on a amélioré notre bilan de 30 %. Dans les 10 années qui ont suivi, de 1990 à 2000, on l'a amélioré de 11 %. Mais, dans l'état actuel des choses et compte tenu du fait que le processus de calcination du calcaire est incontournable ? il n'y a pas 40 façons de faire du ciment, il n'y a que celle-là ? bien, on prévoit qu'on pourrait améliorer au mieux, dans les meilleures circonstances, de 2 % notre bilan de 2000 à 2010. Il devient donc de plus en plus difficile de réduire de beaucoup les émissions de CO2 parce que les cimenteries emploient déjà les techniques de pointe qui sont très efficaces au niveau énergétique.

Alors, au-delà de la performance exceptionnelle de l'industrie du ciment dans son processus de fabrication, je pense qu'il est intéressant à ce stade-ci de vous présenter les options puis les solutions qui s'offrent à notre industrie pour réduire les inconvénients qui sont quand même encore liés au processus de fabrication, et mon collègue va vous entretenir là-dessus. Je reviendrai par la suite pour vous parler des bénéfices de l'utilisation du béton, qui est une autre façon de réduire les inconvénients dont on vient de vous parler.

M. Beaudet (Alain): Donc, les options reliées au procédé, il n'y en a pas beaucoup, mais c'est surtout au niveau des ajouts cimentaires que c'est possible de le faire. Ces ajouts-là se font à partir du mélange qu'on doit faire avec le «clinker» ? qui est le nom pour le produit du ciment ? et un coup qu'on a fait les deux mélanges ensemble, on produit un nouveau mélange. Le remplacement de ces... nécessairement, les produits cimentaires qu'on utilise proviennent de plusieurs sources: des cendres volantes, qui proviennent de la combustion de charbon; il y a aussi la fumée de silice, qui est un résidu de production de silicium; et le laitier qui vient des hauts fourneaux, résultant de la fabrication du ciment.

Donc, on croit que l'ajout de ces produits-là dans le «clinker» pourrait à la rigueur aller jusqu'à une augmentation de 8,3 % par rapport à l'année 1990. Donc, on croit que l'addition de ces mélanges-là dans le produit ferait qu'on réduirait les gaz à effet de serre de 8,3 %. La raison est que, pour chaque tonne d'ajout cimentaire, on réduit 0,9 tonnes de CO2, donc c'est important de le considérer à ce niveau-là.

Nécessairement aussi, il y a la valorisation des matières résiduelles. Dans le programme québécois de réduction des matières résiduelles, qui est de 1998 à 2008, le ministère et le gouvernement offrent de pouvoir réduire énormément le bilan de sa gestion en matières résiduelles. C'est le principe, ni plus ni moins, des 3RV. Dans ce contexte-là, l'industrie cimentière a un grand potentiel. On le voit déjà aujourd'hui, on est en mesure de réduire énormément les déchets industriels, que ce soient des unités d'épuration, que ce soient des aciéries et des fonderies, parce que, nécessairement, le four à ciment a un équipement qui permet justement de les utiliser. On a, comme vous savez, une température de 1 500° C à l'intérieur, donc on peut réduire efficacement, et l'efficacité de destruction, elle est complète à ce niveau-là. Et c'est quand même un milieu aussi au niveau... le temps de résidence au niveau de ces matières-là dans le four, il est très complet.

Grâce à cet équipement-là aussi, on peut nécessairement avoir un meilleur contrôle. Et un des rôles importants aussi des cimentiers qui s'est fait dans le passé, c'est au niveau des pneus. Donc, l'exercice que des cimentiers ont fait dans le rôle avec RECYC-QUÉBEC, d'ailleurs, a permis justement de pouvoir utiliser et de valoriser des pneus, qu'ils soient du flux courant ou des sites d'entreposage orphelins, et, grâce à la position de RECYC-QUÉBEC et des cimentiers, on a pu recycler et valoriser ces pneus-là.

Il existe aussi d'autre matières résiduelles qui peuvent servir de combustibles d'appoint. On a les bois de sciage, on a les mélamines, des biomasses, boues d'épuration, donc tous ces produits-là, pour tout produit qui a une valeur énergétique, les fours à ciment peuvent utiliser ces produits. Et, nécessairement, pour très bien comprendre la valorisation, si vous regardez à la page 12 de votre document, on voit très bien l'effet de la valorisation d'un produit, qu'il soit de masse solide ou liquide, donc on voit que, étant donné que l'industrie du ciment a besoin d'une capacité énergétique très grande, si on utilise des produits résiduels, qu'ils soient solides ou liquides, mélangés au combustible dont on a besoin au niveau de l'énergie cimentière, on peut réduire les gaz à effet de serre, parce qu'au moins on les brûle pour produire un service et non les brûler pour les éliminer. C'est un bien à ce niveau-là. Je laisse maintenant la parole à mon confrère.

M. Pigeon (Claude): Alors, à ce stade-ci de notre présentation, je vous rappelle qu'on vous a dressé un bref état de situation sur l'amélioration des processus de fabrication. On vient maintenant vous dire qu'est-ce qu'on peut ajouter au ciment pour contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Et maintenant, je vais terminer en vous disant quelques exemples de bénéfices qui sont liés à l'utilisation du béton proprement dit, et pour ce faire je vais vous parler de trois secteurs: le secteur du transport, le secteur routier, en fait, plus particulièrement, le secteur de l'habitation, puis le secteur agricole. On considère qu'il serait irresponsable de passer sous silence la réduction des gaz à effet de serre qui est liée à l'utilisation du béton, et, dans un contexte de développement durable, c'est une approche qui est fort intéressante.

Or, dans le secteur des transports, par exemple, une large proportion des émissions des gaz à effet de serre provient des camions. Des études récentes prouvent que les routes en béton réduisent la consommation de carburants jusqu'à 11 % pour les véhicules lourds. Alors, si je vous chiffrais par voie d'exemple ce que ça représente, ça pourrait être comme suit: un tracteur dans un ensemble tracteur semi-remorque, qui fait en moyenne ? et c'est très courant ? 160 000 km par année, s'il roulait sur des routes en béton et qu'il pouvait bénéficier, donc, de cette économie de carburant diesel de 11 %, générerait ? chaque tracteur ? générerait 19,7 tonnes de CO2 de moins par année, ce qui est énorme ? étude du Centre national de recherche à l'appui.

Si on le regarde d'une autre façon, un exemple qui est encore plus près de nous, dans notre quotidien: si vous prenez l'autoroute 20 entre Montréal et Québec, compte tenu du débit journalier moyen annuel de camions qui circulent sur ce tronçon de 220 km, s'il était entièrement construit en béton, on sauverait 80 000 tonnes de CO2 par année ? je vous parle toujours d'un tracteur qui tire une semi-remorque. Et si on regarde juste le bout de la 20 qui est déjà construit en béton, le 12 km entre le tunnel Hippolyte-La Fontaine et l'autoroute 30, on sauve déjà, parce qu'il est déjà construit, au moment où on se parle, 8 000 tonnes de CO2 par année, juste sur ce bout de route là. Alors, ramenez ça à l'échelle du Québec maintenant.

Dans le secteur de l'habitation, par exemple, selon Travaux publics Canada, une maison qui utilise des combustibles fossiles émet de 5 à 6 tonnes de gaz à effet de serre annuellement. Si on construisait seulement 750 maisons entièrement en béton, à chaque année la réduction de CO2 serait appréciable. Pour vous donner un ordre de grandeur, vous avez une maison conventionnelle avec ossature en bois qui ne se qualifie pas au programme Novoclimat; il est reconnu que ça va générer approximativement 25 % d'énergie. Les praticiens vont vous dire que, si vous faites la même maison, Novoclimat, en béton, ça va générer 50 % d'économie d'énergie. On pourrait très bien chiffrer, en tonnes de CO2, ce que ça représente.

Et finalement dans le secteur de l'agriculture, on sait que l'agriculture est la source de 9 % des émissions annuelles de CO2 au pays et que 13 ou, en fait, près de 14 % de ce volume tient directement à l'élimination du fumier. Supposons qu'en 2010 on aurait construit des centres intégrés de gestion des matières résiduelles agricoles, on pourrait ? et je vous parle seulement de 21 systèmes de gestion ? si on pouvait les exploiter en 2010, il y aurait un évitement de 1 520 kilotonnes de CO2 qui seraient évitées, en plus de nous permettre de produire dans ce système intégré 260 MW d'électricité.

n (14 h 40) n

Alors, en conclusion, vous voyez que les économies de CO2 s'accumulent selon la perspective que l'on a de la problématique dans notre industrie. On a la prétention de proposer des solutions qui sont véritables et qui s'associent très bien au concept de développement durable. On tient à réitérer notre volonté de collaborer avec le gouvernement pour relever les défis de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Et je terminerai en vous disant que l'industrie cimentaire du Québec espère vous avoir démontré que l'industrie ne fait pas seulement partie du problème des émissions de CO2 mais qu'elle fait surtout partie intégrante des solutions, toujours, encore une fois, dans le contexte du développement durable.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Pigeon. Alors, nous allons débuter nos échanges. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais remercier nos invités pour leur présentation. Je regrette la confusion qu'il y a eu alentour de moi; plusieurs personnes sont venues me voir pendant votre exposé. Je m'en excuse. Mais je tiens tout simplement à laisser savoir aux membres de la commission qu'on vient de m'informer que, malgré les demandes qui avaient été faites par les représentants du ministère de l'Environnement de participer aux discussions entre le gouvernement fédéral et les représentants des secteurs industriels, le gouvernement fédéral a à ce jour refusé que des représentants du gouvernement du Québec soient associés aux discussions avec les représentants des secteurs industriels. Je le regrette. Et je vais m'empresser aussi de le dénoncer et de le laisser savoir. Ça donne une idée du combat que nous devons faire et du travail et de l'ampleur du défi qui nous attend. C'est pour cette raison qu'ils étaient quelques-uns à s'affairer alentour de moi, pour me proposer des modifications à notre communiqué de presse.

Ceci étant dit, je note que vous faites le choix d'une approche sectorielle. Quelles sont les justifications de ce choix qui pourrait nous amener, au Québec, à faire davantage de réduction que si nous avions choisi un autre modèle?

M. Pigeon (Claude): L'approche sectorielle est plus liée à des raisons, des motifs de compétitivité. Et notre objectif est aussi de maintenir au Québec les trois cimenteries qui y sont établies. Et il faut bien reconnaître que ce serait très facile pour quelques joueurs à l'échelle mondiale de déplacer des volumes de production de ciment et que, du jour au lendemain, on se retrouve, au Québec, sans usine. Alors, c'est un marché qu'il faut voir absolument à l'échelle mondiale. Les prix sont fixés à l'échelle mondiale, et les volumes se déplacent très, très, très facilement. Alors, pour nous, la cohérence dans l'approche pour assurer, passez-moi l'anglicisme, un «equal-playing field» est impérative.

M. Boisclair: Je comprends que c'est là l'intérêt de votre Association canadienne, mais l'intérêt des membres présents au Québec n'est pas avec une entente sectorielle, je tiens à vous le dire. Et je comprends que plusieurs représentants patronaux sont pris dans cette situation d'associations canadiennes qui doivent négocier les positions qu'ils prennent devant les représentants gouvernementaux. Mais je suis prêt à vous faire la démonstration que, si vous voulez servir l'intérêt des cimentiers présents sur le territoire québécois et si on veut véritablement s'assurer, à la limite, que les entreprises présentes sur le territoire québécois aient plus de marge de manoeuvre, c'est bien davantage alentour d'ententes territoriales que nous servirions ces intérêts.

Et je vous invite, puisque vous êtes accompagné de représentants de ces entreprises, à correctement faire cette réflexion. Je suis disponible n'importe quand à m'asseoir avec chacun d'entre vous individuellement. Et je suis prêt à vous faire cette démonstration à laquelle sont parvenus des représentants du ministère de l'Environnement. Il y a là un débat que vous aurez à faire entre vous. Mais ce que je soutiens ici devant vous, je suis prêt à le démontrer n'importe quand. Le choix, par exemple, du modèle triptyque ? Webster, le professeur Webster est venu le démontrer ? pourrait nous permettre à la limite plus un, du fait de notre structure industrielle, du fait de la structuration de notre secteur énergétique, du fait de la composition de notre économie et des autres facteurs qui nous caractérisent sur le plan des émissions.

Je vous rappelle aussi que l'industrie de l'aluminium, qui est un des secteurs manufacturiers qui émet passablement, depuis 1990 a fait des efforts significatifs dont nous sommes tous soulagés du fait que ces efforts sont maintenant faits et que ces efforts se sont faits peut-être même à moindre coût que si c'est vous qui aviez à les faire. Alors, je vous pose la question: Comment conciliez-vous cette approche sectorielle que vous souhaitez, comme association canadienne, avec cette obligation que vous recherchez sans doute aussi qui est celle d'obtenir des réductions qui sont les moins dispendieuses pour notre économie?

M. Pigeon (Claude): Comme on vous a dit, les réductions qui sont liées au processus de fabrication proprement dit sont de plus en plus minces. Si on regarde ça sur un horizon de plusieurs années, il faut bien reconnaître, on vous l'a dit tantôt, que... on pense que, entre 2000 et 2010, on pourrait améliorer le bilan, encore une fois, lié au processus de fabrication du ciment de seulement 2 %, parce que l'essentiel des devoirs a été fait. Si on peut ajouter à ça l'utilisation des carburants alternatifs, si on peut ajouter à ça les bénéfices qu'on retire à l'utilisation du béton, pour limiter ou réduire l'émission des gaz à effet de serre, là, le bilan peut s'améliorer, mais, quant au processus de fabrication, il n'y a plus beaucoup d'espoir; on est rendus pas mal au bout de l'élastique.

M. Boisclair: Alors, dans ce contexte, votre intérêt, c'est qu'on puisse regarder les choses sur une base territoriale, puisque le Québec est l'endroit où nous émettons le moins et où les émissions croissent le moins rapidement. Pourquoi feriez-vous les frais d'une augmentation beaucoup plus importante du secteur énergétique en Alberta, ce qui risque d'être le cas, puisque, en Alberta, le secteur énergétique sera soulagé de certaines responsabilités de réduction pour pénaliser d'autres secteurs manufacturiers, dont le vôtre? Il s'agit, sur le 240 mégatonnes du fédéral, d'au moins huit mégatonnes qui seront déplacées du secteur énergétique vers le secteur manufacturier. Et comprenez que, dès qu'on signe avec un secteur, ça a un impact sur tous les autres parce que si un en fait moins les autres devront en faire. Donc, vous êtes susceptibles, dans ce contexte, d'en faire davantage que s'il y avait un autre type d'approche. Et je comprends que les rendements marginaux chez vous sont plutôt bas, du fait des efforts que vous avez déjà faits. Je vous invite à réfléchir à ça. Je suis disponible pour en discuter avec vous. Les ententes sectorielles, nous sommes prêts à les poursuivre. Je voulais compléter avec l'aluminium, j'ai signé avec Alouette il y a une dizaine de jours, et les représentants d'Alcan. Donc, on a complété, dans le secteur de l'aluminium. Je suis prêt maintenant à signer pour les autres secteurs, dont le vôtre, et je comprends que nos collaborateurs sont en contact les uns avec les autres.

M. Pigeon (Claude): Oui. À cet égard-là, nous sommes toujours dans l'attente d'une proposition, parce que toutes les étapes préliminaires à cette phase-là ont été franchies avec vos collègues du ministère.

M. Boisclair: Mes collègues du ministère me disaient qu'ils étaient en attente de votre proposition, mais disons que cette discussion nous permettra de clarifier les choses et, je l'espère, nous approcher d'un résultat.

M. Pigeon (Claude): Ça nous fera plaisir de vous expliquer ça en privé aussi.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, messieurs, merci d'être avec nous aujourd'hui. Peut-être une première question qui n'a pas vraiment trait à Kyoto, plus informative. Il y avait un de ces projets en Gaspésie pour une autre cimenterie. Où en est rendu ce projet-là? Est-ce qu'il prendra place? Est-ce qu'il est mort? Est-ce qu'il va mourir ou on n'en verra jamais la couleur? Il est souhaitable? Il n'est pas souhaitable? Est-ce que quelqu'un peut me donner une réponse là-dessus?

M. Pigeon (Claude): Nous n'en avons aucune idée, où c'est rendu, pour la simple raison qu'il n'y a aucun des trois cimentiers ici, autour de la table, qui est un promoteur de ce projet-là, ni de près ni de loin. Mais remarquez que la rumeur refait régulièrement surface, mais ce serait risqué de vous dire quoi que ce soit, tout simplement parce qu'on n'en sait rien.

M. Benoit: Vous réalisez que la province a mis 6 millions dans cette histoire-là et, comme payeurs de taxes, autant vous que nous, on aimerait bien savoir où ça en est rendu. C'était une autre aventure de la Caisse de dépôt, et j'espère que le nouveau président va regarder ce dossier-là de très près. J'ai toujours pensé qu'il y avait dans ce dossier-là plein d'affaires, comme homme d'affaires, qui ne se tenaient pas debout. Et je vous le dis aussi franchement que je peux le penser. Et je l'avais dit aux promoteurs, à l'époque, de ce coin-là du pays. Enfin. Mais il est très difficile, je vous l'avoue, autant pour vous que pour nous, d'avoir de l'information sur ce placement-là. Il y a 6 millions de dollars qui, en quelque part, ont été mis dans cette aventure-là. Enfin, une fois ça dit, on pourra peut-être y revenir.

Vous dites que... Dans votre présentation, vous avez dit quelque chose comme: On pourrait améliorer de 2 %. Est-ce que j'ai bien compris que ce que vous dites: on pourrait améliorer notre performance de 2 % d'ici l'objectif?

M. Pigeon (Claude): Au niveau du processus de fabrication, oui. Je laisserais un collègue répondre.

M. Beaudet (Alain): C'est 2 % au niveau du processus de fabrication et probablement jusqu'à 8 % si on inclut les matières cimentibles, avec les ajouts qu'on peut mettre au ciment.

M. Benoit: Donc, vous pourriez atteindre les objectifs que le Québec a pour Kyoto. C'est ce que vous dites.

M. Beaudet (Alain): On pourrait atteindre, avec les moyens qu'on a aujourd'hui, avec les produits cimentibles, atteindre une limite de 8 % jusqu'en 2010. Pour les produits cimentibles seulement.

n (14 h 50) n

M. Benoit: Vous avez dit dans votre exposé, à un moment donné: Il n'y a pas 40 ou 50 façons de faire du ciment. Je vous l'accorde; je ne connais absolument rien dans le secteur. D'autre part, des gens sont venus nous dire... je pense que c'est les gens de l'aluminerie qui nous ont dit ça. Il y a le président, hier, d'Hydro qui a même été à dire à un moment donné, peut-être que d'ici 30 ou 50 ans l'électricité venant des barrages électriques sera peut-être dépassée, qu'on devra effectivement regarder d'autres formes d'énergie telles que l'énergie atomique, mais... Alors, on regarde dans le futur. Votre industrie est une industrie qui a une très longue histoire, mais est-ce qu'il y a des développements technologiques qui se font dans votre industrie, importants pour d'autres industries, l'aluminium? Je vois M. Van Houtte qui est assis en arrière de vous. Quand on nous donne les performances, augmentation du chiffre d'affaires de 54 %, augmentation des gaz de seulement 7, on se dit: Cette industrie-là, techniquement, elle a fait des choses extraordinaires. Est-ce que votre industrie rencontre des problèmes particuliers à cet égard-là?

M. Beaulieu (Pierre): La technologie pour fabriquer du ciment est, comme vous dites si bien... elle a quand même une bonne histoire. Sauf que, pour vraiment améliorer le procédé, le rendre beaucoup plus performant, il n'y a pas beaucoup de choses qu'on peut faire.

Nous, on est deux cimenteries: celle de Lafarge, et la nôtre est à mi-chemin en termes de technologies. Celle de Ciment Québec, elle a une technologie un petit peu développée, mais c'est les seules qu'on connaît pour le moment. Donc, en termes de recherche et développement, c'est difficile d'essayer de modifier. On est à peu près à la limite de la capacité de transformer la matière, qui est souvent du calcaire, en ciment et on ne voit pas comment on pourrait avoir vraiment un niveau d'amélioration grandement... de bon niveau. On est à peu près à la limite de ce que la technologie peut nous accorder.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. Pigeon. Vous êtes monsieur?

M. Beaulieu (Pierre): Pierre Beaulieu, Ciment St-Laurent, je m'excuse.

Le Président (M. Pinard): Merci, monsieur. Pour les fins d'enregistrement. Alors, M. Pigeon.

M. Pigeon (Claude): Et j'ajouterais à ça ce dont on faisait état tantôt: C'est que rappelez-vous que, dans le processus de fabrication du ciment, 60 % des gaz à effet de serre qui sont émis sont liés au processus de calcination de la pierre qu'on met dans le four, le calcaire. Ça, c'est une réaction chimique. Peu importe le procédé de fabrication qu'on utilise, il n'en demeure pas moins que, pour faire du ciment, il faut amener cette pierre-là à 1 500° C, en fusion, pendant tant de temps. Il y a une réaction chimique qui fait en sorte que c'est là qu'on attrape 60 % des CO2; et ça, c'est incontournable. Qu'on fasse le ciment comme ça, comme ça ou comme ça, ça va toujours générer ça parce que c'est la réaction chimique dans le processus de fusion de la pierre.

M. Beaulieu (Pierre): Je rajouterais peut-être: Notre avantage ou là où est-ce qu'on peut vraiment améliorer les choses, c'est au niveau des combustibles alternatifs entre autres. Au lieu de prendre soit du mazout lourd ou du charbon, on peut aller avec de la biomasse ou des matières dangereuses ou des pneus ou toutes sortes de produits qui ont une valeur calorifique, qui vient régler un problème environnemental, qui vient aussi en même temps soulager les ressources naturelles. Donc, c'est surtout là que se situent nos avantages et aussi en termes de changement de matières premières. Essentiellement, c'est là qu'on tend pour s'améliorer, beaucoup plus que sur la technologie.

M. Benoit: Vous nous dites: Notre compétiteur, c'est les Américains, ils fixent les prix. Je comprends tout ça et il y a une logique très, très grande là. Si on regarde la performance technologique, d'autre part. Prenons pour acquis pour un instant que les Américains n'essaieront pas d'améliorer leur cimenterie; à côté, on a aussi les Européens qui, eux, n'auront pas le choix, qui sont 25 pays qui compétitionnent les uns contre les autres, est-ce que là-bas on n'aura pas une tendance, parce qu'on n'aura pas le choix, contrairement possiblement aux États-Unis ? là-dessus, je vous l'accorde ? à faire des percées technologiques beaucoup plus fortes?

Ce que j'essaie de vous faire dire finalement là ? puis vous ne semblez pas vouloir le dire mais ça, ce n'est pas grave cependant, vous n'êtes pas les premiers ici qui ne nous disent pas ce qu'on essaie de leur faire dire ? ce que je voudrais comprendre, c'est: Est-ce que votre industrie dépense en recherche et développement, est-ce qu'elle est proactive dans ce secteur-là? Là, vous me dites: Les pneus. Vous ne m'impressionnerez pas avec ça, là; je vous le dis tout de suite, là. Essayez-vous d'aller plus loin que ça en ce moment?

Le Président (M. Pinard): M. Pigeon.

M. Pigeon (Claude): Mais je vais être plus clair, c'est votre souhait; la réponse, c'est non. Il n'y en a pas d'améliorations technologiques qui puissent être considérées. À ce point-ci, il y a beaucoup de recherche qui se fait mais, vous savez, la plupart des cimenteries établies partout dans le monde, quand vous remontez la filière ou l'arbre généalogique, vous vous retrouvez à peu près toujours au même groupe. Puis tous ces groupes-là sont établis en Europe comme partout ailleurs dans le monde. Et on est tous au même point d'avancement dans la recherche. Oui, il s'en fait, mais il vient un moment où on tourne en rond parce qu'il n'y a rien de nouveau sur la table. Alors, les Européens, vous imaginez bien que, s'ils avaient inventé quelque chose, ils l'auraient utilisé dans toutes leurs usines, partout dans le monde.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je veux juste enchaîner sur la question de mon collègue le député d'Orford, concernant les avances technologiques. Je veux bien comprendre: à la page 1 du mémoire, dans le résumé, vous nous dites à un moment donné qu'on aurait besoin d'«investissements majeurs ne pouvant pas être économiquement justifiés sans une augmentation importante de la capacité de production, alors que l'industrie est en situation de surcapacité».

Est-ce que les possibilités d'avancement technologique, vous ne les considérez pas possibles tout simplement pour des raisons de rentabilité économique, dans un marché qui est en surcapacité ou si, dans un marché qui pourrait être différent, il y aurait possibilité de faire des avancements au niveau technologique à ce niveau-là?

M. Pigeon (Claude): Ce que ça veut dire, c'est que, si elles étaient disponibles, ces avancées technologiques, il faudrait tenir compte ensuite de l'équation économique. Mais elles ne sont, de toute façon, pas disponibles. Je ne sais pas si quelqu'un veut ajouter autre chose à ça. Alain.

M. Bordeleau: Mais elle ne sont pas disponibles, indépendamment...

M. Beaudet (Alain): Oui. Ce qu'on pourrait dire aujourd'hui: Il y a trois techniques importantes au niveau de la fabrication du ciment: il y a l'ancienne méthode qui était la voie humide, la voie sèche et la voie des précalcinateurs. Précalcinateur, c'est la dernière technologie inventée par l'homme pour produire du ciment. Elle est très performante au niveau de l'industrie.

Cependant, pour déplacer d'une technologie à l'autre, ça prend des investissements de l'ordre de 200 à 300 millions de dollars et nécessairement une augmentation de capacité de production de l'ordre de 150 %. Donc, admettons, pour un million de tonnes, ça prend au moins, au minimum, 1,5 million de tonnes de production supplémentaire pour pouvoir absorber l'investissement sur le changement de technologie entre les trois grandes technologies. Donc, souvent, les compagnies cimentières à travers le monde, qu'est-ce qu'elles choisissent? Elles choisissent des endroits où les cimentiers ont des voies humides et les transforment en précalcinateurs.

Donc, c'est la voie que les grands cimentiers utilisent à l'heure actuelle à travers le monde, Lafarge a déjà modernisé deux usines à voie humide en voie précalcinateur. Et c'est plus difficile et même extrêmement difficile de transformer une usine à voie sèche en voie précalcinateur parce que les demandes d'investissements sont énormes pour la justification du tonnage, et même, souvent, au détriment des réserves qu'il y a à l'intérieur de la carrière parce qu'on est, ni plus ni moins, au détriment aussi des capacités de réserve de la matière en place sur le site comme tel.

M. Bordeleau: Au niveau des procédés au Québec comme tels, je ne suis pas un expert du domaine, là, mais, dans les cimenteries qui existent au Québec, quels sont les procédés qui sont actuellement utilisés dans les différentes cimenteries du Québec? Vous avez parlé de Lafarge, mais...

Le Président (M. Pinard): M. Beaudet. M. Veillette.

M. Veillette (Camille): Camille Veillette, de Ciment Québec. Nous utilisons la technologie la plus récente qu'on a mise en place en 1982 et qui a subi très peu de modifications depuis cette époque. Et je pourrai rappeler que les technologies les moins performantes du côté énergétique, qui sont les technologies à voie humide... à ce moment-là, nous avions une usine à voie humide que nous avons transformée à cette époque et, depuis ce temps, l'autre usine à voie humide qui existait au Québec, qui était celle de Ciment St-Laurent à Beauport, a fermé. Alors, du côté avancement technologique, il ne s'est rien fait vraiment de beaucoup mieux depuis cette époque.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Quand on se promène dans les salons de l'habitat, EXPO habitat, on voit souvent les fameux blocs de styrofoam, styromousse dans lesquels ils ont coulé du béton, et je me demandais... C'est sûr, moi, quand j'ai commencé à regarder pour me bâtir une maison, disons que le prix du ciment sur la Côte-Nord est plutôt dissuasif; ce n'est pas trop long qu'on se revire vers le 2x4. Mais, pour cette industrie-là du résidentiel puis cette voie qui serait intéressante, je crois, afin d'obtenir vraiment des maximisations de conservation d'énergie, est-ce que ce marché-là se développe présentement au Québec et puis peut-être ailleurs au Canada? Est-ce que c'est quelque chose de bien? C'est sûr, chez nous, moi, je ne le sens pas, là; évidemment, comme je vous dis, à 150 $ le mètre cube, souvent tu préfères faire autrement.

M. Pigeon (Claude): Oui, on déploie énormément d'efforts dans la promotion des maisons à coffrage isolant. Le concept auquel vous faites référence, c'est le coffrage isolant, les blocs de styrofoam pour couler le béton dans le milieu, et c'est à ce type de maisons là que je faisais référence quand je parlais des maisons en béton. Vous partez du sol et vous montez jusqu'au toit, tout en béton.

On en fait la promotion, on déploie beaucoup d'énergie, mais le Québec est nettement en recul par rapport aux autres provinces canadiennes à cet égard-là. Il commence à y avoir un intérêt, et on capitalise beaucoup sur le marché résidentiel unifamilial et, maintenant, sur le logement social où on pense pouvoir faire une percée importante, logement social ou communautaire.

M. Corriveau: À ce niveau-là, est-ce que vous avez approché le gouvernement du Québec qui est souvent un promoteur, par ses sociétés, pour du logement social, afin de...

n (15 heures) n

M. Pigeon (Claude): Oui et je vais vous donner un exemple de choses qu'on prêche. Tous les entrepreneurs qui font des maisons à coffrage isolant, on les encourage fortement à ne construire que des maisons qui se qualifient pour le programme Novoclimat, qui est un programme du gouvernement québécois. Alors, vous voyez un peu l'orientation qu'on prend là. On chercher toutes les alliances possibles en ce sens-là.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, MM. Pigeon, Beaudet, Beaulieu et Veillette. Nous avons vraiment apprécié les échanges avec votre groupe et nous vous souhaitons bonne chance pour le futur.

Alors, j'appellerais maintenant le Dr Louis Drouin qui sera accompagné du Dr Richard Massé, de l'Institut national de santé publique, de vouloir bien prendre place.

Alors, nous allons débuter. Permettez-moi, messieurs, de vous présenter le Dr Louis Drouin de l'Institut national de santé publique. Le Dr Drouin est médecin spécialiste en santé communautaire depuis 1982 et est détenteur d'une Maîtrise en santé publique de l'Université Harvard. Depuis 1986, il est professeur adjoint de clinique au Département d'épidémiologie et de santé au travail de l'Université McGill. Il est également responsable et chef du service clinique de Santé au travail et de santé environnementale de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre. Finalement, il assume depuis deux ans la responsabilité du groupe scientifique Pollution atmosphérique et santé publique de l'Institut national de santé publique. Alors, bienvenue, docteur. Et vous êtes accompagné cet après-midi du Dr Richard Massé qui est président-directeur général de l'Institut national de santé publique. Alors, bienvenue.

Alors, les règles sont fort simples. Vous avez 15 minutes de présentation et, par la suite, nous aurons un échange avec vous d'une durée de 30 minutes. Alors, à vous la parole.

MM. Louis Drouin et Richard Massé

M. Massé (Richard): Oui. Merci, M. le Président. D'abord, je vais commencer par une courte introduction pour laisser toute la place à la présentation qui a été préparée par le Dr Drouin, vous rappeler brièvement que les mandats de santé publique sont particulièrement centrés sur la surveillance de l'état de santé de la population, donc mesurer les impacts des différentes maladies ou des déterminants de la santé. Évidemment, les changements environnementaux ont un impact significatif sur la santé de la population, ce qu'on va vous démontrer dans les prochaines minutes. On est aussi impliqué à prendre les mesures de protection pour la santé de la population. Donc, s'il y a des situations extrêmes pour lesquelles on doit intervenir pour protéger les gens, la santé publique est directement concernée par ça, et c'est dans nos mandats, avec les autres ministères, de prendre ces actions-là de même que tout ce qui concerne la promotion de la santé. Dans ce qui nous intéresse ici, il y a des mesures qui peuvent toucher la promotion de la santé. On va aussi, à la fin de la présentation, aborder ces items-là.

Vous êtes bien au courant déjà des changements sur la santé qui sont emmenés par les modifications climatiques. On va vous présenter des changements au niveau des écosystèmes, des changements au niveau de l'air, des changements au niveau de l'eau et les problèmes de santé qui se traduisent soit en termes de mortalité, mais beaucoup en termes de morbidité qui sont évitables et qui sont de plus en plus documentés et qui vont augmenter dans le futur. C'est ce que le Dr Drouin va vous démontrer. À la fin, on va voir aussi quel genre de pratique pourrait être faite, quel genre de support la santé publique pourrait pour limiter ces problèmes-là.

M. Drouin (Louis): Bon, bien, il me fait plaisir d'être parmi vous. Je vais aller rapidement. Je prends pour acquis que vous avez déjà passé à travers les acétates. Donc, pour nous, le changement climatique, c'est un enjeu majeur au Québec, et nous vivons actuellement des impacts santé publique reliés aux variations climatiques extrêmes. Donc, ma présentation, c'est deux volets: les impacts, les stratégies de santé publique.

Donc, je ne reviendrai pas sur le consensus scientifique, vous êtes tous au courant qu'on est en période de changements climatiques. Pour l'OMS, le réchauffement climatique en cours pourrait avoir des répercussions significatives sur la santé humaine. Vous avez un tableau qui résume très, très brièvement les impacts directs et indirects des changements climatiques sur la santé humaine. Je ne m'y attarde pas et je parle directement de nous, comme Québécois, Québécoises, nous avons vécu depuis les cinq, 10 dernières années face au climat. Donc, je vais parler très rapidement des épisodes de chaleur accablante, du smog, crise du verglas de 1998, la transmission possible des maladies vectorielles et des maladies d'origine hydrique.

Épisodes de chaleur accablante. Vous vous rappelez, on a tous vécu l'été dernier dans l'ensemble du Québec, à tout le moins le sud-ouest, des épisodes fréquents. Ça entraîne directement chez les gens crampes musculaires, épuisement dû à la chaleur et aussi des mortalités par coup de chaleur, et, en termes indirects, les personnes âgées sont les plus susceptibles d'être atteintes par ces problèmes de chaleur accablante. Vous avez ici l'exemple d'une période de canicule en 1995 à Chicago: 104F, 119 indice Humidex, 181 excès de décès. Vous voyez la courbe, ça se passe deux à trois jours après le début de la période de canicule prolongée.

Vous avez ici une courbe montréalaise. Nous sommes en train d'étudier à Montréal l'impact des chaleurs accablantes depuis les 20 dernières années, et, vous voyez, vous avez le «peak» le plus important de décès dans l'année, c'est pendant la période de canicule de juin 1994 où, vous voyez, sur un nombre de décès moyen de 43 par jour, on est monté à 100. C'est cette fameuse période où la température s'est élevée jusqu'à 36C. Il y a eu une mortalité chez un travailleur, et le coroner a recommandé à Environnement Canada d'émettre des avis de chaleur accablante, et c'est à ce moment-là que ce programme-là a été mis en place.

Les personnes les plus vulnérables: les enfants, les personnes âgées surtout atteintes de maladies chroniques, cardiovasculaires, cérébrovasculaires, rénales, neurologiques et respiratoires, celles qui prennent des médicaments; souvent, ce sont les gens seuls qui vivent au centre-ville, qui vivent notamment dans ce qu'on appelle le phénomène d'îlot de chaleur urbain. Dans des logements non climatisés, on a une statistique: 20 % de logements non climatisés à Montréal versus 60 % à Toronto... en fait, 20 % de logements climatisés. Donc, on a tout un effort à faire de ce côté-là.

n (15 h 10) n

Souvent, ce sont des personnes qui sont exposées à des vagues de chaleur qui sont soudaines, humides et, surtout au début de l'été, on n'a pas de phénomène d'acclimatation. C'est pour ça que l'épisode du mois de juin a été beaucoup plus morbide que celui qui peut se passer au mois d'août.

Vous avez ici une photo satellitaire de l'épisode du 11 août 2001, et, tout ce qui est rouge, c'est l'îlot de chaleur urbain. Ce qui est en vert, c'est parce qu'il y a beaucoup d'arbres et quand on a un tel épisode, par exemple, en milieu urbain comme Montréal, vous voyez qu'il peut y avoir un 10°C entre la couronne urbaine et le centre-ville de Montréal.

Ici, c'est une étude qui a été faite par Kalstein et, selon deux scénarios de réchauffement climatique, on a calculé, pour les données 1978 à 1988, 69 décès en moyenne par été à Montréal. Si on s'en va vers un scénario sans acclimatation: en 2020, 121; 2050, 725 excès. Donc, c'est ce qui nous attend, selon ces deux scénarios de changements climatiques.

M. Boisclair: Ça veut dire quoi, quelqu'un qui décède à cause de la chaleur?

M. Drouin (Louis): C'est principalement les personnes âgées, 65 ans et plus, qui décompensent de leurs maladies préexistantes.

M. Boisclair: Donc, elles meurent plus rapidement.

M. Drouin (Louis): Elles meurent plus rapidement. Ce sont des pulmonaires chroniques, des gens qui souffrent d'emphysème, d'insuffisance cardiaque. Lorsqu'il y a une période de canicule prolongée, leur mécanisme physiologique a des difficultés à s'y adapter, ils se retrouvent dans les urgences des hôpitaux, et peuvent mourir beaucoup plus précocement qu'autrement.

M. Boisclair: Mais ce n'est pas la cause du décès.

M. Drouin (Louis): La cause du décès, c'est l'épisode de chaleur accablante par des compensations de leurs maladies chroniques préexistantes.

M. Boisclair: Oui, oui, mais...

M. Massé (Richard): Mais c'est par excès de mortalité, si vous permettez. Donc, vous prenez la mortalité moyenne puis vous pouvez voir que, dans cet épisode-là, il y a une mortalité qui n'est pas présente normalement et qui est clairement reliée à un changement climatique.

M. Drouin (Louis): Bon. L'autre impact, épisodes de smog plus fréquents, plus sévères. Pourquoi? Facteurs en cause: feux de forêt plus fréquents, ce qu'on a vécu l'été dernier; la chaleur favorise le smog photochimique, la réaction chimique entre les oxydes d'azote et les composés organiques volatiles, il y a de l'ozone qui est produit; les pollueurs peuvent se concentrer de façon plus importante au niveau local, surtout durant l'hiver quand il y a des inversions thermiques et le transport à grande distance des polluants du sud-ouest américain est favorisé.

On a également l'hypothèse que, plus chaud, saison estivale plus longue, plus de pollens dans l'air, donc plus de rhinites allergiques et d'asthme. Donc, quand on parle de production d'énergie, on pense aux pluies acides, au smog mais aussi au réchauffement climatique.

Ici, vous avez l'exemple d'épisode du smog du 11 août 2002. Le smog, l'été, ce n'est pas seulement dans les villes, c'est dans les campagnes, c'est l'ensemble du sud-ouest du Québec qui est pris avec le problème. Vous avez ici la contribution des polluants qui viennent du sud-ouest américain en passant par le corridor Toronto?Windsor?Montréal?Québec. Vous avez ici le nombre d'épisodes de smog. Mettons que vous prenez 2001, l'ensemble des régions du sud-ouest du Québec a été atteint.

2000, pourquoi il y en a très peu? Si vous vous rappelez, ça a été un été froid, pluvieux, pas de soleil, pas de chaleur, donc, pas de smog photochimique l'été. Donc, quand il y a un épisode de smog, vous voyez la courbe pollution augmentation, décès qui vient, décès précoce ou hospitalisation quelques heures ou quelques jours après. Vous avez des polluants qui rentrent dans le poumon et ce qui est important, les particules fines se rendent jusqu'aux alvéoles où il y a un effet sur le tissu pulmonaire.

Vous avez le résumé de l'ensemble des impacts, très brièvement: effets aigus, augmentation des hospitalisations et des décès pour maladies cardiorespiratoires. Vous avez ici une courbe entre la relation entre les niveaux d'ozone et le taux d'hospitalisation. Donc, plus les niveaux d'ozone augmentent dans une journée, plus le risque d'hospitalisation est important.

Les données québécoises: 22 % plus de visites à l'urgence pour problèmes respiratoires chez les personnes âgées ? Delfino, c'est une étude qui a été faite à Montréal dans les années 1988-1990; concernant les particules respirables, décès précoces plus élevés ? Goldberg, étude particulaire faite à Montréal; les personnes les plus à risque, c'est comme la chaleur accablante, les gens qui font de l'asthme, les maladies cardiovasculaires chroniques, les personnes âgées, les jeunes enfants et les personnes physiquement très actives ? c'est une réduction des fonctions pulmonaires.

J'attire votre attention sur les feux de forêt de la Baie-James. On a eu des records de particules respirables au Québec jamais, jamais mesurés. On est passé d'un bruit de fond de particules fines 2,5, de 10 à 20 à 132 à Montréal, 103 à Québec et 188 à Shawinigan. Donc, ça a été le record qui a été enregistré en lien avec les feux de forêt de la Baie-James.

Concernant les grandes catastrophes, on a, comme vous le savez, une augmentation d'incidence depuis les années 1980-1990. Au Québec, crise de verglas, 30 décès. Du côté des intoxications au monoxyde de carbone, si vous vous rappelez, les gens ont eu la réaction d'utiliser des appareils à combustion dans leur maison mal entretenus: six décès, 51 traitements à la chambre hyperbare pour 252 visites à l'hôpital. C'est un des impacts parmi tant d'autres qui ont été mesurés au Québec.

Du côté de la transmission des maladies vectorielles, le réchauffement va amener une modification des écosystèmes qui est beaucoup davantage favorable à la survie des divers vecteurs et aux agents infectieux qu'ils transmettent. On a une augmentation des foyers, du nombre et de la capacité reproductive, des taux de piqûre et aussi une augmentation de la probabilité de l'importation vers le nord de maladies, telles que la malaria, la maladie de Lyme, les encéphalites.

Donc, on remarque dans la littérature qu'il y a une corrélation entre les périodes de chaleur intense et les épidémies d'encéphalite, ce qui a été documenté aux États-Unis. Et selon l'OMS, on prévoit une augmentation possible de la prévalence de la malaria dans le monde de 80 à 500 millions de cas d'ici 2010, le sud du Québec pourrait être atteint. Ici, vous avez une carte qui vous donne un aperçu de l'aire de présence des différents insectes vecteurs de la malaria. Il faut vraiment noter que la malaria était endémique au États-Unis et dans le sud de l'Ontario au XIXe siècle. Ce n'est qu'au début du XXe siècle que ces maladies-là ont disparu, mais l'insecte vecteur est toujours présent, puis avec un réchauffement on pourrait en voir. Il y a un cas rapporté à Toronto en 1996 d'une malaria qui aurait été transmise sur place dans cette région-là.

Concernant les maladies d'origine hydrique, c'est très clair que l'augmentation de la température des eaux de surface favorise la multiplication des bactéries, des algues, avec une contamination secondaire des aliments. Les principales conséquences: la prolifération des pathogènes d'origine hydrique, coliformes, cyanobactéries. L'eau des lacs se réchauffe. Ce qu'on remarque, c'est des poussées d'algues et de cyanobactéries dans plusieurs nappes d'eau de nos lacs québécois et ça préoccupe les gens de santé environnementale dans les DSP.

Concernant les stratégies, deux: mesures d'adaptation, mesures de réduction des gaz à effet de serre. C'est beaucoup privilégié pour les mesures d'adaptation recherche, surveillance, action.

Recherche. Il faut évaluer les impacts actuels des variations climatiques, il faut extrapoler ensuite selon différents modèles tout en mesurant les incertitudes. Il faut également évaluer l'impact des mesures d'adaptation: Sont-elles efficaces pour réduire les impacts appréhendés sur la santé publique? Diffuser des connaissances aux décideurs. Et le programme Ouranos, avec le volet de santé publique, excellente initiative. L'Institut national de santé publique est en train de développer un programme de recherche en la matière. Il faut renforcer nos systèmes de surveillance pour la qualité de l'eau, la qualité de l'air, les maladies à transmission vectorielle, maladies d'origine hydrique associées au smog et les maladies allergiques.

Exemples de mesures d'adaptation. Prenons l'exemple de la chaleur accablante: Y a-t-il lieu d'augmenter la climatisation de nos logements? Y a-t-il lieu d'augmenter la climatisation de nos hôpitaux de soins de longue durée, plusieurs personnes âgées y vivent, y souffrent? Donc, c'est des questions qui vont être de plus en plus à l'ordre du jour.

n (15 h 20) n

Et concernant la mesure de réduction des GES, notre position, c'est le Worldwatch Institute qui nous l'oriente. On émet 6,55 milliards de tonnes de carbone. On reçoit du soleil 10 000 fois notre consommation énergétique sur la planète. Les économies d'énergie coûtent deux fois moins cher: 0,03 $ versus 0,06 $. C'est une déclaration de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec si on tente de les obtenir en construisant de nouveaux équipements de production.

En conséquence, le premier défi, en ce qui nous concerne, pour le Québec, c'est de passer d'une économie basée sur les énergies fossiles à une économie basée sur les énergies propres et renouvelables. Le changement n'arrivera que si l'industrie et le public sont convaincus de l'accessibilité individuellement, tous, à une énergie propre. Le rôle des gouvernements, c'est de créer des incitatifs en recherche et développement et la pénétration des nouvelles technologies auprès du consommateur, et stimuler cette prise de conscience par l'éducation.

Le deuxième défi: société basée sur des économies d'énergies. L'exemple du transport, je pense qu'on va en parler beaucoup; l'efficacité énergétique des véhicules ? vous avez ici l'exemple de ce qui est produit par les véhicules utilitaires sports et les hybrides; diminuer l'utilisation des véhicules.

Et je termine rapidement. Dès maintenant, si on réduit les émissions au niveau du transport dans une région comme la Métropole de Montréal, on a le meilleur exemple: contrôle des émissions durant les jeux olympiques à Atlanta. On a fermé le centre-ville aux véhicules, on a réduit le niveau de pollution et on a réduit de 42 % les visites à l'urgence pour asthme, par des mesures de réduction. Il y a des gens qui ont étudié que, si on réduisait de 15 % au dessus du niveau de 1990 sous le scénario 2020: 700 000 moins de décès précoces; aux États-Unis 33 000, au Canada, 3 000. Donc, on peut avoir des gains sanitaires significatifs si on agit dès maintenant.

Donc, pour nous, en conclusion, les variations climatiques extrêmes que le Québec a vécues entraînent des impacts sanitaires significatifs et des coûts sur l'utilisation des services de santé. Selon les scénarios de changements climatiques, ces impacts sont susceptibles d'augmenter significativement dans le futur. Des mesures d'adaptation devront être implantées et des mesures de réduction vont entraîner des gains sanitaires significatifs et durables pour la population québécoise dès maintenant. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, Dr Drouin. Nous allons débuter nos échanges immédiatement. Il y a le député de Roberval qui a demandé une intervention, mais M. le ministre?

M. Boisclair: ...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Une simple question: Est-ce que ça a été évalué, les retombées... Lorsque les puits du Koweït ont brûlé pendant des semaines et des mois, est-ce que ça a été évalué, l'impact qu'il y a eu sur la température et sur la couche d'ozone?

M. Drouin (Louis): Ce que je peux vous dire, c'est... Je connais plus le dossier des feux de forêt en Asie du Sud-Est. Il y a eu beaucoup de feux de forêt, il y a à peu près deux étés. Il y a des études qui ont été publiées sur l'impact sur la santé respiratoire des populations locales. Mais, comme vous le dites, il y a eu un nuage de fumée avec des particules, qui peut avoir un effet inverse, de façon temporaire, de refroidissement, parce que vous avez une couche de particules qui montent dans la stratosphère et qui diminuent le rayonnement solaire au niveau de la planète, de la terre. Mais c'est un impact qui est transitoire.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: Je veux remercier les gens pour leur présentation, en particulier le Dr Drouin que je prends plaisir à revoir. Je pense qu'il n'y a pas de surprise dans la présentation des gens de la santé publique. Ils viennent tout simplement renforcer avec une analyse québécoise les grandes conclusions de la recherche internationale.

Je voudrais peut-être profiter de leur présence pour leur demander, sur la question des particules fines: Comment vous entrevoyez l'évolution de la réglementation québécoise? C'est un domaine qui est encore ouvert au débat. Si vous aviez des approches à me suggérer ou des exemples à me donner qui nous permettraient d'ajuster notre réglementation. Vous savez qu'on avait déjà prépublié un règlement sur la qualité de l'air. J'ai sous les yeux, et c'est ce que je consultais tout à l'heure, un nouveau projet de règlement sur l'assainissement de l'air où je souhaite m'inspirer des études les plus récentes. Donc, peut-être pourriez-vous nous instruire des meilleures approches pour réglementer sur la qualité de l'air, entre autres, sur la question des particules fines.

Je veux aussi profiter de votre présence pour vous dire que j'ai échangé avec la ministre de l'Environnement de Colombie-Britannique hier, qui est maintenant la nouvelle présidente du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, et qui m'informait de son désir de mettre la question des particules fines sur l'ordre du jour du Conseil canadien des ministres de l'Environnement pour qu'on puisse échanger sur nos recherches et définir de façon conjointe les meilleures pistes qui devraient être suivies par les autorités publiques. En somme, il y a une volonté des ministres de l'Environnement d'échanger sur leur recherche et d'essayer de définir une approche commune sur la meilleure façon de réglementer ces questions. Mais peut-être déjà avez-vous des suggestions à nous faire?

M. Drouin (Louis): Comme vous le savez, particules fines, en termes sanitaires, il semble qu'il n'y a pas de valeur seuil, hein? Quelle que soit la concentration, il y a un impact. Donc évidemment, idéalement, on dirait: C'est zéro, hein, dans l'air ambiant. Mais, de façon concrète, ce qui est proposé... En tout cas, il y a un processus, sûrement que vous êtes au courant, canadien des standards pancanadiens, qui a un chiffre qui est proposé qui est 25 microgrammes par mètre cube.

Moi, ma position là-dessus, c'est, dans un premier temps, je pense, qu'il faut faire un règlement. Il faut avoir un niveau, parce que ça indique à la population que c'est ce niveau-là qu'on veut atteindre d'ici x années. Le niveau étant établi, évidemment là il y a de la gestion des sources d'émissions. Mais il est important, à mon point de vue, qu'on ait un règlement sur la qualité de l'air qui détermine à la fois des niveaux d'émissions à ne pas dépasser, par secteur, mais également des niveaux de qualité d'air ambiant à ne pas dépasser. Parce que, pour la santé du public, c'est ce que les gens respirent dans l'air qui est important. Et je privilégierais vraiment une approche d'une norme de qualité de l'air ambiant, ce qui nous amène à suivre cette norme-là par un système de monitoring avec des stations d'échantillonnages dans l'ensemble des localités pour lesquelles on a des sources vraiment significatives de particules fines.

Concernant le niveau, évidemment il y a un chiffre qui est proposé par le processus canadien. Ça relève toujours d'une faisabilité à la fois économique, technique, comme vous le savez fort bien. Mais, du point de vue de la santé publique, c'est d'aller au niveau le plus bas, compte tenu des technologies qui sont actuellement en place pour pouvoir l'atteindre.

M. Boisclair: Je vous remercie.

Le Président (M. Pinard): Merci, docteur. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui. Je pense qu'on ne peut pas se rappeler assez souvent ce lien qu'il y a entre la santé et l'environnement. Et vous devriez être à peu près à tous nos débats en environnement. Moi, je suis un de ceux qui est convaincu qu'on ne doit plus se battre juste pour sauver les épinettes ou les poissons rouges dans la rivière Yamaska, mais on est probablement rendu un peu plus loin que ça ? on est après essayer de sauver les humains de la ville de Saint-Hyacinthe ou celle de Granby ? et qu'il y a un lien direct entre la santé et l'environnement.

Et je vous invite, comme vous l'avez fait, les gens de l'unité Santé publique, quand vous êtes sortis pendant des années sur la cigarette. Vous avez été bien doux pendant longtemps, vous n'aviez pas osé trop bousculer les choses. Un bon jour, vous avez décidé de le dire, vous l'avez dit avec force et conviction, les médecins, tout le monde de la santé finalement. Et on en voit maintenant des répercussions positives.

n (15 h 30) n

De la même façon, j'invite tous ces gens de la santé, peu importe où ils sont, de le dire haut et fort que, si on veut améliorer notre environnement, ce n'est pas juste pour les épinettes puis les poissons rouges, mais c'est probablement et d'abord et avant tout pour les gens qui vivent et, d'une façon particulière ? je regardais toutes vos cartes ? d'une façon particulière, les gens qui vivent dans les milieux urbains. Et, au Québec, ça tombe bien, 50 % des populations vivent dans neuf grands regroupements municipaux, et il y en a un autre 20 et quelques pour cent qui vit dans les autres municipalités. Alors, on n'a pas loin de 80 % des Québécois qui vivent dans le monde municipal. Et je ne vois pas vraiment d'amélioration de qualité de vie dans les dernières années. J'ai donné un exemple ce matin, je pourrais en donner une multitude, d'exemples.

Dans l'immédiat, là, je regarde ces statistiques-là, c'est un peu épeurant. Vous nous dites: Bon. Les gens seuls qui, dans leur appartement, il fait chaud... Mon épouse et moi, on a été à même d'aller en voir, de ces gens-là, seuls dans des appartements. Il faisait tellement chaud, c'était tellement humide, on se demandait comment ces gens-là, âgés, pouvaient vivre dans ça.

Qu'est-ce qu'on peut faire dans l'immédiat, là, je veux dire? Parce que je pense qu'on s'est embarqué dans un grand voyage avec Kyoto. Ce n'est pas demain la veille qu'on va régler ça, là. Mais, entre-temps, on va devoir régler des problèmes ad hoc rapidement, là, je veux dire.

Moi, j'ai gardé ma belle-mère, l'an passé. L'an passé, la mère de Gisèle était mourante, on l'a gardée à la maison. Et, quand vous dites que les gens âgés, l'effet de la chaleur, là... Je veux dire, je n'avais pas besoin d'être médecin pour m'apercevoir, quand il faisait 100 °, qu'elle était drôlement moins en forme que quand il faisait une température normale. Elle n'était plus capable de dormir, bon, etc.

Alors, qu'est-ce qu'on fait dans l'immédiat? Est-ce qu'on se met à planter des arbres en série sur toutes les rues dans Montréal? Qu'est-ce qu'on fait pour... Vous nous dites: L'air conditionné. Je suis loin d'être convaincu que ce serait une solution, hein? Parce qu'on réchauffe la planète à chaque fois qu'on additionne un air conditionné en quelque part après une maison. Qu'est-ce qu'on fait, là?

Le Président (M. Pinard): Docteur?

M. Drouin (Louis): Actuellement, on travaille avec le comité de sécurité civile de la ville de Montréal. On a débuté il y a deux ans. On est en train de regarder l'ensemble des mesures qui ont été appliquées à Toronto et dans plusieurs villes américaines, ce qu'ils appellent les programmes d'avis et d'alerte à la chaleur accablante.

Qu'est-ce qu'on peut faire concrètement? On commence de plus en plus à penser, si ça se répète trop souvent l'été prochain: maintenir les centres d'achats ouverts le soir, ils sont climatisés, parce qu'il semble que la climatisation protège des complications. C'est ce que les gens ont fait à Chicago; ils ont même prévu des abris. C'est ce qui est même prévu à Toronto.

Est-ce qu'il faut aller jusque-là? On regarde la question avec les autorités de la ville de Montréal. On veut mieux comprendre ce qui se passe quand il y a un épisode. Puis ces excès qu'on voit arriver, là, c'est qui, ces gens-là ? c'est ce qu'on veut caractériser spécifiquement, que ce soit à Montréal mais ça peut être aussi dans d'autres villes du Québec ? qui subissent, pour bien comprendre ce qui se passe réellement, parce qu'on pourrait penser, entre autres, d'utiliser les services de soins à domicile des CLSC qui les connaissent, ces gens-là, et qui peuvent aller vérifier, surveiller, s'assurer que ces gens-là, souvent seuls, ont le support requis. Parce qu'il y a un phénomène de déshydratation qui se passe pendant ces épisodes-là chez des gens. Surtout si les gens sont malades, vivent seuls, souvent ils ne s'aperçoivent pas qu'ils sont en train de se déshydrater. Spontanément, ils se retrouvent à l'urgence!

J'ai été clinicien, moi, à l'Hôtel-Dieu de Montréal; j'ai fait de l'urgence pendant les années soixante-dix. J'ai vu beaucoup de ces cas-là qui se présentaient, et, souvent, c'étaient des gens en milieu de pauvreté, seuls, qui étaient peu entourés, qui ont tendance à voir leur maladie se détériorer davantage pendant ces épisodes-là.

Donc, c'est cet ensemble d'hypothèses, de solutions qu'on va regarder rapidement pour s'assurer que les impacts soient amoindris pendant ces périodes-là.

M. Benoit: On voyait, pendant les grandes chaleurs à New York, l'été passé, où les gens n'ouvraient pas leurs fenêtres parce qu'ils ont peur au vol, ce qui est peut-être un peu moins probant dans certaines parties du Québec, ici. Alors, les gens ne pouvaient même pas aérer leur maison. Oublions l'air conditionné; ils se barricadaient. Parce que le petit moustiquaire, pour un bon voleur, j'imagine que ce n'est pas trop compliqué. Et on voyait un peu la même chose à Montréal, à certains égards, dans certains quartiers. Et ça devient invivable.

Alors, est-ce que vous êtes après me dire que, l'hiver, on va avoir les centres pour les itinérants puis l'été on va avoir un autre type de centre pour un autre type d'itinérants, je veux dire?

M. Drouin (Louis): Écoutez, je pense que, en phase aiguë, il faut voir les mesures les plus efficaces ? c'est ce que je vous ai mentionné tout à l'heure ? mais il faut aussi voir à moyen terme. Il y a des méthodes.

En tout cas, j'ai participé à un congrès à Toronto. là-dessus spécifiquement, avec les gens d'EPA aux États-Unis. Les fameux toits blancs. Vous vous rappelez, ceux qui ont voyagé dans les pays africains ou en Méditerranée, tout est blanc. La blancheur repousse la chaleur, et on a pu démontrer qu'un toit blanc diminue la température à l'intérieur du logement de façon significative. On nous a même fait des projets de démonstration avec des toits végétaux. Bon, tu as une meilleure absorption. On nous a fait des démonstrations avec des espaces, davantage en milieu urbain, plantation d'arbres.

Alors, moi, je pense que des mesures à moyen terme, ça, il faut influencer nos élus municipaux, parce que, de plus en plus, s'il fait chaud, il va falloir que notre design urbain s'adapte pour réduire la quantité de chaleur qui est retenue par les structures bétonnées. Donc, c'est plus de végétaux, plus d'arbres, des toits blancs, un nouveau design d'édifices publics qui retiennent beaucoup moins la chaleur.

Ce que les études américaines démontrent, en Floride entre autres, il y a des réductions de coût énergétique de 20, 30, 40 % en termes de climatisation quand on utilise ces mesures pour réduire l'accumulation de chaleur à l'intérieur des logements.

Comment on fait ça pour des logements du centre-ville qui appartiennent à des propriétaires immobiliers qu'on connaît souvent peu? Je ne le sais pas, là. Je demanderais plutôt à mes gens de la ville de Montréal: Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui s'occupent... Parce qu'on est en train de réviser le Code du logement avec les gens de la ville de Montréal. Alors, il y a des inspecteurs en termes de salubrité des logements. Et c'est une question que je leur posais: Est-ce qu'on peut considérer un logement où il fait plus de 45° C comme insalubre durant l'été, avec des personnes âgées? Du point de vue de la santé publique, la réponse est très claire: c'est oui. Mais, une fois qu'on l'a dit, comment on amène des solutions? C'est par des programmes d'aide à la rénovation urbaine, probablement.

M. Benoit: Je vous remercie, messieurs, et, encore une fois, dites-le haut et fort qu'il y a un lien tellement direct entre la santé et l'environnement, et la société ne s'en portera que mieux.

M. Massé (Richard): Si je peux me permettre, juste pour rajouter sur votre question. Il y a une chose qu'on oublie encore des fois, c'est qu'il y a du monde qui ne se sentent pas vulnérables. On l'a dit tantôt, il y a des gens qui sont vulnérables, mais, si les gens ne savent pas que leurs enfants qui ont des problèmes cardiaques, respiratoires, que les personnes âgées qui ont des problèmes particuliers sont vulnérables, qu'ils ne doivent pas rester seuls, qu'il y a des mesures qu'ils peuvent faire pour s'aider ? il y a des mesures à moyen terme, court terme ? ça, ça reste quand même une information essentielle qu'il faut toujours continuer de véhiculer.

Ça a l'air simple, mais il faut continuer de la faire de façon régulière. Et c'est une de nos responsabilités, d'abord, d'informer les gens de la situation pour qu'ils sachent que ça va continuer pendant quelques jours et qu'il y a des choses qu'ils peuvent faire, qui doivent être faites pour réduire le risque à eux autres ou à leur famille.

M. Benoit: Très bien. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député...

M. Drouin (Louis): Moi, j'aurais un dernier message: On parlait du tabac tout à l'heure puis qu'on a commencé, les gens de santé publique, à se battre pour bannir la publicité sur le tabagisme, démontrer que le tabagisme est un cancérigène important.

Il me semble qu'on pourrait prendre la même orientation concernant les véhicules utilitaires. C'est qu'on nous lance des messages subliminaux à la télévision sur des gens sportifs en bonne santé, qui conduisent ces gros véhicules dans des endroits environnementalement très, très extraordinaires, mais ce que je peux vous dire, c'est que, pour nous, c'est comme la cigarette, on émet trois, quatre, cinq fois plus de gaz à effet de serre, de polluants, par ces véhicules-là. Et, si j'ai une recommandation à faire au ministère de la Santé, c'est peut-être commencer à regarder ça un peu plus sérieusement.

M. Boisclair: Vous en parlerez au Dr Poirier.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, Dr Drouin. M. le député de Saguenay.

M. Corriveau: Oui. Le tableau qu'on retrouve à la page 7 concernant les décès, l'impact sanitaire, épisodes de chaleur accablante, je voudrais savoir, ça, j'imagine que ça comprend à la fois un portrait statistique au niveau d'une augmentation en Celsius, là, par le réchauffement de la planète au cours des 50 prochaines années et aussi le renversement de la courbe démographique qui fait en sorte que le vieillissement de la population... J'imagine que les deux font partie de la corrélation, pas juste un de ces facteurs-là?

M. Drouin (Louis): On a pris deux scénarios de réchauffement doublement CO2 avec les augmentations prévisibles de température et on a pris les taux montréalais 1978-1988 avec la même population.

M. Corriveau: ...plus, vous ne tenez pas compte du vieillissement de la population à l'intérieur de ce calcul-là?

M. Drouin (Louis): Non. C'est un scénario fixe, au niveau de la population.

M. Corriveau: O.K. C'est clair qu'on s'en va vers une participation accrue des gens de 65 ans et plus, là, ce qui fait que le scénario réaliste est beaucoup pire que ce qu'on voit sur votre tableau.

M. Drouin (Louis): Oui. C'est l'étude de Kalstein qui est publiée dans les documents de l'OMS, en 1999.

M. Corriveau: O.K. Dernière chose peut-être. Dites-moi si je suis dans le champ, là, mais l'apparition du virus du Nil occidental au Québec au cours des dernières années, est-ce qu'il y a une corrélation à apporter avec le réchauffement de la planète ou si c'est quelque chose de complètement indépendant?

M. Massé (Richard): Bien, on peut dire que l'apparition en Amérique du Nord, en soi, est quelque chose qui est nouveau, puis, le fait d'avoir des changements climatiques va favoriser son expansion. Déjà, c'est répandu dans presque tous les États-Unis; la plupart des provinces canadiennes sont atteintes. Mais, plus ça va, plus ça va remonter loin et plus, surtout, on va avoir des vecteurs.

n (15 h 40) n

Ce qu'on disait tantôt, c'est: Le réchauffement des écosystèmes va favoriser que ces vecteurs-là deviennent de plus en plus prévalents. On disait tantôt que la malaria, c'était endémique dans le sud des États-Unis mais tu peux avoir des zones de transmission plus au nord, mais ces zones de transmission là vont augmenter de plus en plus.

Donc, ce qu'on peut prévoir, c'est: un, on va continuer d'avoir du virus du Nil occidental partout en Amérique, au Québec, et puis on va en avoir de plus en plus avec les changements climatiques qu'il peut y avoir et on va avoir d'autres maladies transmissibles par des vecteurs: il y a d'autres infections, des encéphalites équines de l'Est, de l'Ouest, qui peuvent être transmissibles par d'autres vecteurs qu'on n'a pas actuellement ici, mais qui, de façon très prévisible, vont s'en venir auprès de nous avec l'augmentation de la température qu'on a. Donc, ça va augmenter, ça va favoriser l'augmentation de ces phénomènes-là.

Le Président (M. Pinard): Alors, Dr Drouin, Dr Massé, merci infiniment de votre présentation cet après-midi. Ça a été plus qu'apprécié de la part des membres de la commission. Merci.

J'inviterais maintenant le Dr Michael Walsh, du Chicago Climate Exchange, de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, mesdames, messieurs, membres de la commission, nous recevons cet après-midi Mr. Michael J. Walsh, premier vice-président, Chicago Climate Exchange, une Bourse d'autoréglementation qui gère un programme d'échange de droits et de réductions des GES sur une base volontaire pour l'Amérique du Nord. M. Walsh occupait auparavant le poste d'économiste principal au Chicago Board of Trade, où il dirigeait les efforts du CBOT pour développer des marchés basés sur l'échange en matière d'environnement. M. Walsh a conçu et géré des encans annuels de droits d'émissions d'anhydrides sulfureux faisant partie du programme de réduction des pluies acides de la Environmental Protection Agency des États-Unis.

M. Walsh, ça fait plaisir de vous accueillir. Vous avez 15 minutes pour nous...

M. Michael Walsh

M. Walsh (Michael): Oui. Bonjour et merci beaucoup. M. le Président. Thank you very much, on behalf of the Chicago Climate Exchange, for your kind invitation to join you here, today. I'd like to extend our best wishes to you and your colleagues as you continue in your important work.

I would also like to note that we have prepared a written statement submitted for the record, and I believe you and your colleagues also have some of the press clips that have recently been released. I would also like to compliment the staff of the Environment Ministry for their terrific assistance in my preparation for this event.

I understand that you have had several experts on emissions trading present to this panel. Now, you have before you someone who has worked for the last 12 years in building and trading in these important environmental markets, and I look forward to the chance to visit with you.

Mr. President, as the world begins its effort to address the significant risks of global climate change to the use of market mechanisms, these emerging carbon markets are going to present major financial opportunities for those who are well prepared. It is expected that these global carbon markets will be valued in the tens of billions of dollars within one decade. We believe Québec holds tremendous competitive advantages in these areas that can benefit its economy, its citizens and its environment through its participation.

We also believe that in the near term there may be the basis for a natural partnership between Québec and the Chicago Climate Exchange. This exchange is a voluntary pilot-market that will be launched this spring and will be completed in 2006, before your national commitments become activated. So this pilot-program offers the possibility for businesses and governments in Québec to gain immediate experience in the practical details of emissions trading, and we think this would help as we move forward.

Now, the slide show will come on in just a moment, but what I'd like to do is to simply provide a quick overview of the mechanics of emissions trading and its evolution. Some observations on the emerging carbon markets in the Chicago Climate Exchange, to note, some of the comparative advantages that Québec brings to bear in these markets and to offer some thoughts on a strategic approach that the province might wish to take as it prepares for these opportunities.

The essential elements of emissions trading are to provide flexibility so that we achieve a specified environmental objective. That is the first goal: the environmental objective, but to do so at lower cost to society.

We pay for the environmental protection, so how can we protect our economy and our environment together? The idea is to find an optimal allocation of the burden of protecting the environment and also providing an incentive to innovation so that we get better and more cost effective over time in protecting the environment.

The essential mechanics are to first set an overall objective for all the participants in the environmental protection program, and, then, to establish specified initial targets for reducing emissions by the individual participating entities. And, of course, we are not just talking about private sector entities any longer, Mr. President. We need a multisector including public sector participation, so that we can find, at least cost, a mitigation option.

After we set the individualized emission reduction targets, we then issue tradable permits to each of the entities in accordance with the reduction targets, but we must also have clear and enforceable emissions monitoring and reporting rules, and, then, at the end of each year, at least most emissions trading programs have used an annual mechanism to true up where the emissions from the prior year must be matched by holdings of permits and possibly project-based offsets.

Now we have seen success with this concept at a very large scale, Mr. President. We have seen it at the national level with the sulfur dioxide trading program in the U.S., which also has significant impact on Canada, and we have seen it at the local and the international level. So, this is not just a theory. There are practical lessons we can take from those experiences.

Twelve years ago, I was working at the Chicago Board of Trade when my colleagues and I initiated a partnership with the Environmental Protection Agency. We helped them address the many technical standards and protocols that one needs to have an effective environmental market while having the benefits of flexibility and trading.

n (15 h 50) n

We addressed, from our experience with commodities futures in capital markets, the numerous technical issues that were needed to make the program succeed. Now, I can tell you that this idea of establishing a declining overall cap and allocating the allowances to the power plants was viewed with great skepticism. People didn't really think this would work. But, in fact, we have an across-the-board success, and, in just a moment, I'll tell you... I can tell you that, not only were the environmental targets met early, they were exceeded, and we saw an immediate benefit for the Eastern United States and Eastern Canada by taking sulfate out of the air and having less sulphur deposition on our trees, on our lakes, on our buildings. So, we saw an immediate impact. And I can also tell you that the cost to consumers in the United States has been far less than predicted, and this is the double benefit for environment and for economy.

Now, I had the honor of directing the first three auctions of the sulphur allowances that EPA auctioned off to the Chicago Board of Trade, and we saw that this trading concept was really a success when we had 12 year-old school children from New York State, Mr. President, make bids in the auction, at a price of $66 per tonne. Now, they were major winners. I wish all of our pension funds could have succeeded like these young children did, because the $66 price was half ? half, Mr. President ? of the average price we've experienced over 10 years. So, these children wanted to make a bigger dent in acid rain and take permits out of the market, and it brought the public in and it really showed that trading can work for everybody.

And, now, I will also tell you that the average price over 10 years for these sulphur permits has been $135 at the Chicago Board of Trade. The experts predicted that the price would range from $400 to $1000. So, instead of 5 or 6 or $700, the price has been far less than predicted. Mr. President. The average annual cost to the American consumer to cut sulphur emissions by half has been about 1.3 billion dollars per year, which is an approximately 1 % increase in the cost of power production for a 20 billion dollar health benefit each year. It's a beautiful trade. I wish you and I could figure out how to do that down at the Montreal Stock Exchange.

Now, this idea of emissions trading was one that we were asked to advise the United Nations on in 1992, at the Earth Summit, and we said that, if you think we need to manage greenhouse emissions, then we need to find a way to bring in all sectors, all sources and carbon sinks and use a market to find the most efficient way to solve this problem. Now, this too was greeted with great skepticism in the United Nations, but we are pleased to see that the international community has come to see the light and the wisdom of using this approach.

Now, in the mid 1990s, I began working with Dr. Richard Sandor, who is a noted financial innovator, and Dr. Sandor prepared another report to the United Nations in 1994 that prepared the essential architecture of an international carbon trading program, all the details that one needs to prepare such a program.

In 1995, we developed a concept paper for an international private sector carbon trading program, perhaps a bit ahead of its time, but it found great interest. I can tell you that we also had the privilege, in 1998 and 1999, of working with your federal Government in the preparation of five strategic studies on international emissions trading, on voluntary carbon trading and on a paper that was used by your negotiating team in Kyoto and afterwards.

What we saw in the late 1990s was that the market was beginning to demand the formation. The private sector was beginning to say: We need to organize a market for reducing carbon trading. Whether or not the United States pursued any particular policy course, the private sector and multinationals, including many Canadian companies, said: It's time for some structure, for some rules.

So, we began, with the support of the Joyce Foundation, a feasibility study to form a voluntary carbon trading program. One of the first things we did was to establish an advisory panel of dignitaries and environmental experts. We were thrilled to have expert input from two prominent Canadian environmental leaders: Mr. Maurice Strong and Ms. Elizabeth Dowdeswell who have been terrifically helpful to us.

Now, we gathered two dozen companies to sit around the table and ask: How can we make a market for carbon trading in the near term? And one of the first things they told us was: We need to think in a North American context. We need to allow somebody to make an emission cut in Canada or in Mexico or in the United States and have that count. So, one of the first things we did was to make this a NAFTA region program.

We did receive terrific input from three Canadian businesses in the formation of this market and we stay in close contact with many Canadian businesses and municipalities. We also have several U.S. companies with significant assets in Québec and throughout Canada who will be participating.

Now, the Chicago Climate Exchange will be launched this spring, and 2003 to 2006 is our schedule of Phase I program. We are calling for a 1 % cut in emissions relative to a baseline of 1998 through 2001. We have specified a number of individual project-based offsets that can be incorporated into the program, including those in the landfill gas, the agricultural sector, in the forestry sector.

Mr. President, I do hope we get a chance for you to look at the press clip, because what is important is that we now have 14 major entities who have made a binding commitment to participate. This group, which includes American Electric Power, DuPont, Ford, International Paper, Manitoba Hydro, Waste Management, Stora Enso, Temple-Inland and others representing a multi-national portfolio of skills... and these companies want to learn how to trade now, how to understand these details as soon as possible so that they can be intelligent as policies are developed around the world. I should also note that the City of Chicago will bring in its emission sources... it's a municipality but operates buildings, vehicle fleets and other emission sources.

Mr. President, this group is a good start for a market. Its combined emissions are 250 million metric tonnes CO2, which is about three times the emissions of the province of Québec and approximately the same amount of emissions that would be included in a Canada Cap and Trade emissions program.

So, we have a good start, and this offers the opportunity for others to participate in a test on a pilot-basis, and we encourage participation from farmers, and foresters, and businesses and governmental entities in Québec. We think it will yield some significant opportunities and expertise, but I emphasize: this is a first-generation market. Markets start at the beginning and they evolve over time, and we fully expect that this program will do so as well. Thank you very much.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Walsh.

M. Walsh (Michael): I'm sorry. Let me just close. I'm getting caught by the electronics here. I should emphasize that this rule structure that we will employ in this program will be audited by the National Association of Securities Dealers, and we think that Québec's competitive advantages in this market or any carbon-trading program include, one: your natural resource base, your clean energy system and your renewable energy system; your massive forest and farm resources for carbon sequestration; your industrial diversity including manufacturing and the important finance sector. And the fact that Québec has such massive global cultural linkages is a huge competitive advantage, from our point of view.

So, we would suggest two possible strategies that you might consider in the near term. One is to consider initiating, as soon as possible, for Québec, a pilot-program for reducing in trading greenhouse gases. And as a substitute or a complement to that, Mr. President, Québec municipalities, industry, farmers and foresters can consider participating in the Chicago Climate Exchange. Our program begins now, is done in 2006, and offers real opportunities to gain firsthand experience.

n (16 heures) n

So, to summarize, these markets are going to be big and they're coming soon. Québec has massive natural advantages, and getting early experience is extremely critical for the success of the province over the long term, both in its financial sectors, its industrial and its farm and forest sectors.

So, with that, Mr. President, I look forward to questions that you and your colleagues may have.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Walsh. Alors, nous allons débuter notre période d'échange. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Dr Walsh, I'd like to thank you for your presence here. I'm very, very happy to have an occasion to discuss with you, to greet you here in our National Assembly. I'm pleased to meet you, because, actually, the first time I learned about the existence of the Chicago Trade Exchange is reading The Economist.

I was in New-Brunswick discussing with my colleagues of other provinces about the Emission Trading System, and, mid-October, I saw the article in The Economist, which I read quite often, and I decided that it would be a good thing to invite you here to this parliamentary commission.

I'd like to share with my colleagues basically two principles. I believe that markets do anticipate. And what we are seeing right now is, even though the federal administration of the United States Government hasn't yet agreed to Kyoto, and, obviously, doesn't seem very interested in joining Kyoto, the market is organizing itself; States are organizing. So, politics is one thing, economics is another one, as we all know.

The second belief I have is that market can be efficient in playing a role of reglementation. And, instead of having direct reglementation, where a State decides what's good, what's not, market can help by indirect reglementation, and the market that you're establishing is a kind of indirect reglementation where the companies have the choice to either buy credits or to invest in depollution technology.

So, obviously, as you say, Québec has an edge, because we are natural resource oriented, because we emit less, half less than the Canadian average. It's in Québec that the emission grows the less rapidly: 2,2 %, while, in other provinces, 20 %. So, we have things here under control. But we are a small market, we have 35 large emitters, in Québec, and I do believe that we don't have enough players in the market for us to have an efficient market. So, we are considering different possibilities. The one that you're offering is a very interesting one.

We also are looking at other scenarios. We will have further discussions tomorrow morning with the Montréal Stock Exchange. The question is: For us, what would be the best strategic bet, for us to achieve the less costly reduction? 'Cause this is what we're looking for: we're looking for some environmental policy and we're looking for the economy... we're looking to achieve the less costly reduction which would be the best for our economy.

I have two questions for you. Your permits were auctioned, is that right?

M. Walsh (Michael): I believe you're asking, Mr. Minister, how we are establishing the allocation of the initial permit.

M. Boisclair: Yeah.

M. Walsh (Michael): No. They will be given out on the basis of historic emissions. We're not asking, you know, if you're good or bad. We're saying: What did you do in the past? And, now, let's start to bring that number down.

M. Boisclair: So, the permits will be issued in what year? Because everybody will need to have the same base.

M. Walsh (Michael): Yes. Mr. Minister, this slide shows you the essential market architecture where each firm will be required for its major emission sources... We are starting with the primary pieces, here, to calculate a baseline as the average of its emissions from 1998 through 2001, and then they will be issued in advance of a four-year stream of tradable permits, reflecting 99, 98, 97 and 96 % of that figure, of that baseline. And, as you indicated, for those who can exceed the reduction goals, they're able to sell the excess permits to the other participants who were unable to achieve the reduction, so that those other perhaps higher cost or less opportunity... and that these can still fulfill their environmental commitment.

M. Boisclair: I understand that. But, how, in that case, will new members be able to join? Because, I guess, there's a date of entry in the market?

M. Walsh (Michael): Yes... No. We think that entry can occur throughout this year. We have a rule structure however that says that somebody who comes in later than our 14 founding members will be required to achieve the same reduction objectives as the others; so, we don't want to give a time preference.

But we have set firm specific objectives. We have not set any sort of national objective; we have no authority to do that. But I would add that these entities have taken on a binding commitment, a contractual commitment to achieve the goals of this Exchange. So, this is a self-regulatory organization that these members will help to guide and help to govern as well.

M. Boisclair: I guess that some of your members are regulated by State law or regulation.

M. Walsh (Michael): Sir, I'm not familiar with any State regulations that are yet operating. In the States of Massachusetts and New Hampshire, there are power plants, sulphur... carbon dioxide regulations that are not yet in place.

We think that... Well, you had asked the question: What is a good strategy? I don't know your province well enough to offer a complete set of advice. But, as a trader, we always look for the low risk/high return, and the low risk/high return is to look for areas that offer no regret. And one example would be to think of sectors and activities that are not going to be included in Canada's national program and try to include some of those in, for example, this sort of pilot-program and its low risk. And the high return is, you get to work with a program that's already developed a rule book, that's already developed protocols and standards, that already has a critical mass of participants. So, this is why we suggest this is one option that the province might consider.

M. Boisclair: Yes, and, I wish, the private sector of this province would considerate also. Ha, ha, ha!

M. Walsh (Michael): Well, I can tell you, sir, that there are very good-faith discussions with many participants in your private sector, and this is not a small step, this is a big challenge. And they, too, are looking for the best path forward. It has been a friendly discussion, there has been good faith, and we're optimistic that there will be additional participation, because, as you know, some of those companies have significant assets in the United States, not just Québec.

M. Boisclair: Of course, I do understand that. I just want to attract your attention on the agreement we have signed: Québec, Maritimes and the New England States. We have an objective of minus 10... stabilization in 2005, minus 10, 2010? Minus 10, 2010 and stabilization 2005 which is, to a certain extent, a bigger challenge than Kyoto.

And, obviously, I think that permit trading will have to be part of the deal of the implementation. I really wish that we can extend cooperation. I don't know in what way, I don't know how either will the private sector react to this possibility, but I'm even considering what could be a public-private partnership so that we could be part of the Exchange.

M. Walsh (Michael): We have suggested to some of those States that having an existing off-the-shelf system with a critical mass of participants may be far easier to work with than to establish a market or a program within each State. And I can tell you: The complexities in these programs are significant, and the State of Massachusetts is finding that out right now, and we have the benefit of having worked with and done trades in emissions markets and having worked with other commodity and financial markets. So, we were able to borrow ideas from lots of places and from a lot of experts, including the companies here. So, our task was made a little bit easier by having that expertise available to us. So, that is an idea that we have suggested to some States, and, again, there are many people just finding their way through this issue, as we speak.

M. Boisclair: Thank you very much, sir, for your presentation.

M. Walsh (Michael): Thank you.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Mr. Walsh, thank you very much for being here today. You do, on page 10, make two recommendations: one is that Québec start their own pilot-market and the other one is that we try to join with people like the Chicago Climate Exchange.

n (16 h 10) n

If the guideline on that type of venture is a volume, will Québec have sufficient volume to be able to maintain a market here and an organization? It's a complicated trading. Some of the articles you gave us are very clear about it, say: «Deciding how to participate is a tricky issue, such as how to calculate company baseline, emission level and how to offset project generated emission, create», and so on and so forth.

I know you're very polite. You tell Québec: Well, perhaps you should try a pilot-project. That's fine. But, now, let's be less polite. Will it be feasible to have our own organized market? Will there be volume enough or will the cost be too high if we try to do it ourselves?

M. Walsh (Michael): Thank you, sir. This is a very good question. If your goal in a pilot-market is to achieve a high-volume liquid market, perhaps, for Québec, the answer is no. But I would suggest that other goals might be more appropriate, and that would be to test, to learn and to develop all of the detailed elements that one needs to have in a market.

In having done a number of pilot-trades before we begin to build this Exchange, I can tell you: There's simply no substitute for real practical experience. So, a market within Québec perhaps could not achieve a very high volume, but that would not necessarily be the only measure of success.

If you wanted a liquid market, an active market, which absolutely should be a long-term goal, the biggest possible set of cooperation, then, testing a pilot-market in Québec would have the opportunities to educate and to learn but not achieve that big volume that you speak of.

M. Benoit: I asked the question yesterday to another invited guest here, and I'm not going to tell you the answer he gave me, but I'm going to ask you the same question: Why will people in the United States, in a country who's not going to sign Kyoto anyway, so far ? and we don't see it in the next very few months, I don't think ? why will a company in the United States decide to go in that market? Why will it go through all that problem and legal advice, you know, so on and so forth? What is the... What is a company gaining by doing that now or in the future, as long as you don't sign Kyoto?

M. Walsh (Michael): It's a question we get everyday, sir. Let me note that many of these companies are multinational companies. O.K.? They are going to face regulations in Japan, in the European Union, in Canada. And, outside our electricity sector, there is very limited experience with the practical details of emissions trading.

These companies want to learn how to do this. They want to learn what the implications might be of rules being prepared in Brussels or in Ottawa, and they want to be able to intelligently contribute to the formation of those rules. So, there's a very practical knowledge and strategic consideration.

Other companies are at a different point of this spectrum. I can tell you that we have had CEOs of major industrial companies directly tell us they think there's global warming and they are worried about it, they don't want to have their company be a leader in solving it. So, it ranges from the environmental to the practical.

And there's na all new dimension, sir, that is also a market force, and that is: the capital markets are, on a daily basis, increasing the pressure on the private sector on this issue. Several trillion dollars are invested now on the basis of environmental leadership. And companies want to be seen as leaders and not have their stocks considered less attractive because of environmental risks that they may now be managing.

And, just recently, we have seen significant reports that some very large mutual funds and assurance companies are now asking the 500 top companies in the world: What are you doing about greenhouse gases? And, if you're not managing this risk, we're less interested in your shares. So, you have practical skills development; you have concern about the environment and you have concern about the capital markets. All flavors and all reasons.

I think people recognize: the public wants action in the United States. And, these companies, to the extent they are American companies, want to provide some responses and leadership.

M. Benoit: Last question?

Le Président (M. Pinard): Yes.

M. Benoit: When you buy a commodity, let it be tobacco, whatever, you can see it, you can have it deliver in your backyard, if you want, at the end. Here, we have a commodity that doesn't smell, we don't see it, we cannot touch it. Is there another door there open for fraud and all type of hanky-panky business? And, God! in the last few years, we have plenty of examples that we can give. How are we going to be able to deal with fraud, the real thing, actually, somewhere?

M. Walsh (Michael): Yes... No. That's, of course, a key consideration. To have a real market, you have to have real rules and real enforcement and real monitoring and measurement. We have clear rules on how one measures emissions, we have clear rules on how you have to report the emissions. We are going to audit with an independent body what your emisions were and we are going to monitor to the NASD the trading activity.

So, we're greatly concerned with those points, because, if you don't have clear rules and enforcement, then, you don't have a commodity. But the last time I'd heard, I wasn't sure that there was no such thing as fraud in the tobacco market. My understanding was, that one, too, has sometimes been manipulated. But, now, we're very concerned about that and we've tried to build a structure. And it's more difficult to trade when you have all these rules, there's no doubt about that, but it doesn't make sense to try to trade unless we have them.

M. Benoit: Thank you very much, Doctor Walsh.

M. Walsh (Michael): Thank you, sir.

Le Président (M. Pinard): Thank you. Merci beaucoup, Dr Walsh. Est-ce que... Autres questions? Alors, merci. Votre expertise a été très appréciée de la part des membres de la commission. Et je vous remercie de vous être déplacé pour nous rencontrer.

Alors, j'inviterais maintenant le Centre patronal de l'environnement du Québec, qui est représenté par M. Michael Cloghesy, président.

M. Cloghesy, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à cette commission. Nous allons avoir le privilège de vous entendre pendant les 15 prochaines minutes, et, ensuite, il y aura un échange avec les membres de cette commission. Alors, il me fait plaisir de vous céder la parole.

Centre patronal de l'environnement
du Québec (CPEQ)

M. Cloghesy (Michael): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, il nous fait plaisir d'être ici avec vous, aujourd'hui.

n (16 h 20) n

Quelques mots sur le Centre. Vous savez que notre mission, c'est de vous apporter un point de vue unifié du patronat sur les grands dossiers de l'environnement. Nous représentons presque tous les grands secteurs industriels et d'affaires du Québec.

Et, donc, un petit mot pour vous souligner le fait que nous avons été très impliqués dans le dossier des changements climatiques, tant au niveau provincial qu'au niveau national canadien, qu'au niveau international.

C'est un dossier, comme vous le savez, très complexe. Il n'y a pas de solutions faciles. Je dirais même qu'il n'y a presque plus de politiques d'environnement dans le dossier, malheureusement, mais c'est une réalité.

Évidemment, je vous fais grâce d'une lecture de notre mémoire que vous avez sûrement en main. Nous croyons fortement qu'il faut, dès le départ, reconnaître la situation particulière du Québec par rapport aux autres provinces et territoires dans ce dossier. Alors, nous appuyons évidemment les démarches du Québec à cet effet; il n'y a aucun doute.

Nous avons pris connaissance du plan fédéral. Et, nous, sans vous le cacher, nous constatons comme vous qu'il y a des manques importants à ce plan-là. On semble vouloir mettre l'emphase sur les secteurs industriels, mais, comme vous le savez, ça compte seulement pour 55 millions de tonnes. Donc, il y a une partie importante qui manque, et on ne nous offre aucune solution pour les autres millions de tonnes nécessaires pour rencontrer l'objectif de Kyoto.

Ce qui nous préoccupe au plus haut niveau, c'est que, lorsque nous avons rencontré les représentants du gouvernement fédéral responsables pour la partie industrielle, les engagements contractuels, on nous a signalé très clairement que, semble-t-il, il n'y aurait aucune place pour les provinces au niveau des négociations, à moins que la province s'engage et adopte le plan fédéral.

Alors, ceci nous préoccupe, comme je vous le mentionne, au plus haut niveau. Nous ne souhaitons pas être pris dans une situation à avoir à faire deux négociations: une négociation avec le fédéral, une autre avec le provincial. On ne souhaite pas non plus avoir deux séries de législations: une fédérale et une provinciale. Donc, ça va de soi.

Concernant les outils d'intervention, on parle de puits, de puits de carbone, on parle de ceux qui sont reliés à la foresterie, évidemment il y en a qui sont reliés à l'agriculture mais ils sont peut-être moins... c'est moins important.

Mais, par contre, au niveau de la foresterie, semble-t-il, au Québec, nos sources gouvernementales nous indiquent qu'on est peut-être dans une situation de débit, du moins pour cette première période, entre 2008 et 2012. Donc, il ne faut pas compter là-dessus.

Au niveau de la compensation, autrement connue sous le nom d'«offsets» en anglais, on peut parler d'une récupération des gaz provenant des sites d'enfouissement. Mais, selon nos informations, c'est très limité là aussi: on parle peut-être de 10, 12 millions de tonnes.

Et, donc, nous avons certaines craintes que, si on cherche à combler les manques au niveau d'une Bourse d'échange canadienne, la demande pour ces crédits-là sera de beaucoup plus supérieure à la quantité qui sera mise sur le marché. Malheureusement, c'est ça qu'on constate. Et, donc, ça nous laisse une option additionnelle, évidemment, d'aller chercher, d'aller acheter sur le marché international des crédits à un prix évidemment qui demeure indéterminé pour le moment. Quant à nous, je crois qu'il serait de beaucoup préférable d'investir ces argents ? plutôt que de les investir ailleurs dans le monde ? dans le développement de nouvelles technologies, que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada.

Quant à l'objectif de réduction du Québec, nous croyons qu'il faut tenir compte des efforts du passé. Le Québec est dans une situation particulière; nous n'émettons que la moitié des émissions per capita au Canada. Donc, il faut que le Québec soit reconnu pour avoir justement ses installations au niveau hydroélectrique qui nous permettent d'être parmi les moins polluants en Amérique du Nord.

Quant à une autre voie de solution, nous sommes d'accord avec le concept d'établir une entente bilatérale entre le Canada et le Québec. Si on regarde ce qui s'est passé au niveau des industries pétrolières, ils ont déjà leur entente, si je peux m'exprimer ainsi, avec le fédéral, qui les avantage d'une certaine façon. Donc, nous sommes d'accord que c'est peut-être une des plus importantes portes de sortie pour le Québec de s'engager dans une entente bilatérale avec le fédéral, et que cette entente pourrait prendre la forme d'un engagement, de la part du Québec, à fournir un plan de réduction pour une quantité équivalente des réductions exigées.

Évidemment, ça pourrait être négocié. L'idéal, c'est que ce soit négocié. Donc, au lieu d'imposer aux entreprises du Québec une réduction quelconque, cette entente pourrait viser une série de réductions qui pourraient être des réductions qui seraient les moins pénibles pour la société. Parce que ce qui est important, évidemment, c'est d'assurer notre compétitivité, notre niveau de vie, tout en évidemment réduisant les quantités de gaz à effet de serre.

Évidemment, il y a d'autres moyens de réduire les gaz à effet de serre. Au Québec, évidemment, le transport compte pour 38 % du total des émissions. Est-ce qu'il y a lieu peut-être d'envisager une amélioration du réseau ferroviaire, d'encourager le transport intermodal? Est-ce qu'il y a moyen peut-être de regarder des incitatifs qui viseraient une meilleure efficacité énergétique, tant aux niveaux industriel que résidentiel, commercial et institutionnel? Quant à la flotte d'automobiles, on pourrait peut-être mettre en place des incitatifs fiscaux qui feraient en sorte d'encourager les consommateurs à changer leurs automobiles pour des véhicules qui sont évidemment beaucoup moins polluants.

Alors, en conclusion, nous préférons de beaucoup des mesures incitatives plutôt que réglementaires. Il ne faudrait jamais oublier que la solution ne réside pas nécessairement seulement auprès des secteurs industriels, mais auprès de tous les secteurs de l'économie et en particulier avec les individus et leurs choix comme consommateurs. Il est important d'assurer que les mesures adoptées pour faire face aux problématiques des changements climatiques doivent être entreprises dans un contexte de développement durable.

Alors, il me ferait plaisir de répondre à toutes questions relatives aux points que nous avons mis de l'avant. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Michael Cloghesy, président du Centre patronal de l'environnement du Québec. Immédiatement, je vais céder la parole. Questions, M. le ministre?

M. Boisclair: M. le Président, d'abord un mot pour remercier M. Cloghesy de sa présentation. M. Cloghesy est un des spécialistes québécois de la question des changements climatiques.

J'ai eu l'occasion de le rencontrer pour la première fois à Bonn. Il dirige un groupe d'entrepreneurs québécois qui sont importants, qui sont membres de ce Centre patronal de l'environnement du Québec.

n (16 h 30) n

Je voudrais dire que je suis d'accord avec la majorité des propositions faites par le Centre patronal. Mais je voudrais demander à M. Cloghesy s'il a eu l'occasion de prendre connaissance de l'avis juridique formulé par Me Yergeau à cette commission parlementaire. Et est-ce que, par son propos sur l'ordre administratif qu'il souhaite le plus simple et le moins compliqué et, prétend-il, le plus efficace, est-ce que je comprends que le Centre patronal serait disposé à appuyer le gouvernement fédéral qui pourrait, s'il le souhaite, adopter une législation qui lui donnerait les pleins pouvoirs en matière d'application de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto?

M. Cloghesy (Michael): En effet, j'ai pris connaissance du mémoire de Me Yergeau. D'ailleurs, je lui ai parlé par la suite. Il a d'ailleurs en main une copie de notre mémoire. Comme je l'ai souligné dans ma présentation, nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec le fédéral qui prend toute la place. Nous avons préféré de beaucoup qu'il y ait un partage des responsabilités entre le fédéral et le provincial, et on préférait de beaucoup que ce soit une allocation à vrai dire provinciale plutôt qu'uniquement, disons, une stratégie ou un plan d'action strictement fédéral, et en ce moment, c'est le cas.

Donc, dans ce sens-là, nous ne sommes pas d'accord avec la façon de faire fédérale au niveau de ce dossier-là.

M. Boisclair: Est-ce que j'ai bien compris que le Centre patronal souhaite une approche territoriale plus qu'une approche sectorielle?

M. Cloghesy (Michael): Oui, oui, ça complique évidemment... Comme je l'ai mentionné au tout début, c'est un dossier très complexe. On représente évidemment les entreprises qui sont établies ici au Québec. Certaines entreprises sont des multinationales. Certaines ont leur siège social, au niveau d'associations sectorielles, en dehors de la province; ils doivent composer avec des entreprises à travers le Canada. Donc, c'est une situation qui cause des divisions au sein, je dirais, du monde patronal, au niveau des industries au Canada; il n'y a pas de doute. Mais nous, nous sommes le Centre patronal de l'environnement du Québec. Donc, si vous me demandez qu'est-ce que je peux faire? Je vous l'indique.

M. Boisclair: J'apprécie ce mouvement dans les positions du Centre patronal. Je suis très content, M. Cloghesy, de vous compter parmi les alliés du Québec sur cette question. Je suis très content de ce propos.

Maintenant, M. Cloghesy, je voulais vous demander: Au sujet du système de permis échangeables, est-ce que vos membres qui ont une vaste expertise, du fait du talent et des compétences de chacun d'entre eux, est-ce que vous avez déjà réfléchi sur l'idée d'un projet-pilote de permis échangeables? Tout à l'heure, les gens de la Bourse de Chicago nous indiquaient que ce serait là une façon intéressante de commencer les choses. Je comprends bien que, au Québec, nous sommes un petit marché: 35 émetteurs. Le marché canadien n'est guère plus important. Mais comment vous voyez la mise en oeuvre d'un système de permis échangeables, au-delà de la fameuse question de l'allocation puis du contexte canadien? Est-ce que, au-delà de ces débats qui vont se poursuivre encore pendant un certain temps, nous n'aurions pas, au Québec, un intérêt à développer une expertise particulière puis, peut-être même, participer à un projet-pilote financé en partie par vos membres mais en partie par le gouvernement du Québec?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Cloghesy (Michael): Oui. Alors, je crois que la réponse serait évidemment affirmative puisque c'est un nouveau jeu; il faut apprendre à jouer. Mais, évidemment, une bourse d'échanges de permis ça prend un registre, une vérification, enfin, c'est un système qu'il faut établir, qu'il faut mettre en place. Et comme vous l'avez souligné, et comme je l'ai souligné d'ailleurs, les crédits disponibles sont très limités. Je crois que la demande sera beaucoup plus forte qu'il y aurait, enfin, au niveau de mise en marché de crédits.

Alors, la réponse simple, c'est oui, nous sommes intéressés, je crois. Les membres sont intéressés à apprendre comment s'impliquer dans une telle Bourse parce que je crois que les crédits vont être une mesure, peut-être transitoire, mais une mesure qui sera nécessaire pour combler les manques dans cette première période.

M. Boisclair: Parce que, moi, je veux laisser savoir que je serais tout à fait disposé à financer une étude de ce genre. J'ai rencontré les membres de l'Association des manufacturiers exportateurs. Il y a quelques jours, je leur ai fait cette même proposition. Donc, je lance cet appel aux gens du secteur privé et j'attends avec impatience l'écho de cet appel qui pourrait prendre la forme d'une proposition concrète. Je vous invite aussi à considérer l'entente que nous avons signée avec l'État de la Nouvelle-Angleterre. Il y a un potentiel là pour que nous puissions réfléchir intelligemment et, indistinctement de la négociation avec le gouvernement fédéral, bien, que nous occupions le terrain. Et rien ne m'empêcherait très facilement d'avoir un système d'inventaire québécois; une obligation réglementaire et les choses sont faites, et ce n'est pas très compliqué à établir.

Ou, encore mieux, si les gens étaient réticents à voir l'État intervenir sur cette question, un système avec un mécanisme de vérification par un tiers et une entente avec le ministère de l'Environnement pourraient faire l'affaire. Si un tiers de renom valide et il y a un mécanisme d'audit privé, à la limite, moi, je serais prêt à considérer ça. Alors, ces choses peuvent se faire assez rapidement, et on pourrait... Évidemment, moi, je vous fais de façon très formelle cette offre, et, au moment où vous le souhaiterez, les gens du bureau québécois seront prêts à échanger avec vous. Nous entretenons des discussions avec les gens du ministère des Finances aussi sur cette question et nous serions heureux d'accueillir une proposition du secteur privé.

M. Cloghesy (Michael): J'en prends bonne note. Merci.

Le Président (M. Pinard): Autres questions du côté gouvernemental? M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. Cloghesy, merci d'être ici avec nous. On vous connaît bien et vous représentez bien les gens pour qui vous êtes là. Vous le faites depuis bon nombre d'années, et vous le faites très bien d'ailleurs.

Peut-être d'abord vous rappeler que le voeu du ministre d'avoir une négociation bilatérale, il est partagé par les deux côtés de la Chambre. Nous avons souscrit à deux motions ici, à l'Assemblée nationale, et, tout au moins, dans une, le mot «bilatéral» existait; dans l'autre, il faudrait que je revérifie. Alors, il semble y avoir unanimité, en tout cas, au niveau des parlementaires, que cette négociation-là avec Ottawa doit être faite en bilatéral avec le Québec. Et autant le gouvernement que l'opposition sommes prêts à accompagner les gens du Québec dans cette négociation-là et dans les mois et les années à venir.

Une fois ça dit, dans votre mémoire, à la page 4, il y a peut-être deux points que je retiens. Le premier, vous nous rappelez... et c'est intéressant que vous nous le rappeliez, nous savions tous que 38 % des gaz sont émis par le transport. Dans la ville de Montréal, ça va tout près de 45, de mémoire, et vous nous rappelez ? et ça, c'est peut-être la première fois que je vois ce chiffre-là ? une augmentation de 18 % entre 1990 et l'an 2000. Donc, sur 10 ans, une augmentation de 20 %. C'est énorme.

n(16 h 40)n

Et ce que vous suggérez comme solution, c'est le train pour le transport à l'intérieur de 200 km. 200 km, c'est quelque chose comme entre Sherbrooke et Montréal. J'essayais de voir, si on disait aux gens de Mégantic-Compton: Maintenant, vous allez embarquer votre plywood sur un train pour l'envoyer à Montréal plutôt que de l'envoyer sur un camion «just in time», chez votre fabricant, j'aimerais voir la réaction des gens de Mégantic-Compton. Une heure plus tard, ce serait peut-être de vous dire: Bien, écoutez, je n'ai pas bien, bien de temps à perdre avec ça, tout le taponnage du système ferroviaire. Et ce n'est pas d'aujourd'hui ? ça fait une quinzaine d'années que je suis dans cette Chambre ? ce n'est pas d'aujourd'hui que j'entends, dans toutes sortes de commissions, nous dire qu'il faudrait améliorer le système de chemin de fer.

Mais vous n'êtes pas un peu découragés de nous recommander ça, quelque part? Je ne vois pas le jour où ça va se produire. Pour faire un petit bout entre Saint-Hilaire et Montréal, là, ça a pris je ne sais pas combien d'années. Je ne veux pas lancer la serviette parce que je suis trop, trop convaincu du bien-fondé de ça. Je le vois en Europe, comment c'est extraordinaire, mais je me décourage un peu ici, finalement, en termes d'Amérique, de penser qu'on va voir le jour avec ça. Et est-ce que ce n'est pas un peu... en anglais, on dit du «wishful thinking» de nous demander ça encore?

M. Cloghesy (Michael): Bien, enfin, c'est évidemment des exemples que je donne, sachant tout à fait les réalités qu'on vit et les contraintes à vouloir mettre en place un tel système. Et, enfin, je souhaitais tout simplement indiquer qu'il y a peut-être d'autres façons de faire les choses qui sont plus efficaces, que ce soient 200, que ce soient 400, 500, 600 km, de façon à ce qu'il y ait un meilleur système pour qu'on puisse éviter des longs trajets, non nécessaires, tout en tenant compte des réalités évidemment du «just in time» et le fait de maintenir les coûts de transport aussi bas que possible.

M. Benoit: La réalité, quand vous décidez de prendre le système ferroviaire, que ce soit en «piggyback» ou autrement, c'est quoi? C'est les délais? C'est les interconnexions? C'est toute la manipulation? C'est quoi, les vrais problèmes? J'imagine qu'au niveau coût il doit y avoir un avantage. Est-ce qu'il un avantage si le gars de Mégantic-Compton livre à Toronto? Est-ce qu'il y a un avantage, au moment où on se parle, de le faire par train? Pécuniaire, là.

M. Cloghesy (Michael): Nous n'avons pas fait l'exercice d'évaluer les coûts nécessairement. C'est un exercice qui pourrait être fait. Un de nos membres chez nous, évidemment, c'est CN. Alors, sans doute qu'eux pourraient nous fournir avec des scénarios possibles et des coûts associés à ça. C'est une démarche importante évidemment de se lancer là-dedans, mais nous avons tout simplement indiqué cette possibilité qu'il y a d'autres voies. Et il va falloir commencer à penser, si on veut vraiment réduire les gaz à effet de serre, qu'il y a d'autres façons de faire les choses qu'on les fait en ce moment.

M. Benoit: Vous avez absolument raison. Il faut tourner chaque pierre et requestionner chacune des décisions qu'on a prises comme... que vous avez prises comme gestionnaires effectivement depuis des décennies.

À la page 4 toujours, et ce sera ma dernière question, vous nous soumettez... un fonds finalement qui permettrait aux entreprises... c'est-à-dire un fonds où on ferait des prêts à l'entreprise, et ces prêts seraient remboursés à partir des économies annuelles sur le combustible. Il pourrait y avoir une échéance de cinq ans. Est-ce qu'il y a des exemples ? exemple: l'Europe ou ailleurs ? où on a créé ce type de fonds pour aider l'entreprise à se mettre à la fine pointe?

M. Cloghesy (Michael): En Europe, je ne pourrai pas vous l'indiquer, mais je sais qu'il y a des argents qui ont été donnés à la Fédération des municipalités, je ne sais pas si c'était l'année passée ou l'année d'avant, une somme assez importante, 250 millions de dollars. Et, hier, j'étais en rencontre justement avec la personne qui gère ces fonds-là pour la Fédération des municipalités canadienne, et elle nous a indiqué qu'il y avait possibilité que ces argents-là soient prêtés aux entreprises justement pour améliorer leur efficacité énergétique. Donc, ça existe déjà au Canada.

M. Benoit: Est-ce que je dois comprendre que ce fonds qui est déjà existant pour les municipalités pourrait être utilisé par les entreprises?

M. Cloghesy (Michael): Oui. Justement, elle nous parlait d'un volet qui se dit partenaire des municipalités. Donc, évidemment, ces entreprises-là sont dans les municipalités, et ça pourrait évidemment être justement un exemple... enfin.

M. Benoit: Très bien. Merci, M. le Président. Merci, M. Cloghesy.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le président, je vous remercie infiniment de vous être rendu à notre demande et je dois vous dire que les échanges ont été très fructueux. Merci encore une fois.

M. Cloghesy (Michael): Merci.

Le Président (M. Pinard): Et j'inviterais maintenant Équiterre qui est représenté par M. Sidney Ribaux, coordonnateur général, de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Pinard): Messieurs, nous allons reprendre. Messieurs, nous allons reprendre nos travaux. Et je tiens d'abord à m'excuser, comme président de la commission, du temps que vous... Vous avez dû attendre, mais c'est parce qu'il y avait vraiment des complications hors de notre contrôle. Alors, excusez-nous encore une fois, monsieur.

n(16 h 50)n

Alors, vous êtes avec nous déjà depuis quelque temps. Donc, vous avez vu un peu le processus. Nous allons prendre la peine de vous entendre. Le temps qui vous est imparti est de 15 minutes et le temps d'échange sera également de 30 minutes. Soyez sûr que nous allons avoir tout le respect vis-à-vis vous qu'on l'a eu avec les autres groupes. Alors, M. Ribaux, je vous entends.

Équiterre

M. Ribaux (Sidney): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames, bonjour. Merci d'accueillir Équiterre ici aujourd'hui. Alors, évidemment, je ne vais pas relire le mémoire que nous vous avons déposé. J'aimerais par contre revenir sur quelques points qu'on retrouve dans le mémoire.

Je vais y aller brièvement sur Équiterre, mais, pour mettre tout le monde au même niveau, rappeler que, Équiterre, c'est un organisme sans but lucratif de citoyens qui représente actuellement 3 000 membres, qui rejoint annuellement 100 000 personnes. Donc, on parle à chaque année à environ 100 000 personnes. On a une mission d'éducation et de promotion, d'éducation et de promotion de choix qui sont à la fois écologiques et socialement équitables, donc une double mission. Et on se concentre davantage à faire la promotion de solutions, tant au niveau individuel que collectives. On fait ça par le biais de quatre programmes: transport écologique, efficacité énergétique, agriculture écologique et commerce équitable.

Dans le dossier qui nous concerne aujourd'hui, on est actif, on se préoccupe de cette question-là depuis la création d'Équiterre en 1993. Depuis ce temps-là, on a participé au débat public sur l'énergie en 1995. On a notamment participé activement au Groupe de travail du mécanisme québécois de concertation sur les changements climatiques que le gouvernement avait mis sur pied; on était au groupe transport et au groupe sensibilisation. Et, finalement, on a mené, depuis les dernières années, une campagne en faveur de la ratification, par le Canada, du Protocole de Kyoto. Donc, nous suivons cette question-là avec un biais, comme vous allez le voir, comme vous avez pu le constater dans le mémoire, très axé sur la question du transport.

Je voudrais dire premièrement un mot sur l'objectif que le Québec va se donner au niveau des objectifs qu'on voudrait atteindre dans le cadre du Protocole de Kyoto; on appuie fortement un objectif de moins 6 % qui serait l'objectif donc que le Canada s'est donné, qui ne se traduit pas nécessairement par l'objectif que le Québec doit se donner. On salue... Si le Québec prend effectivement cette position-là, ce serait, à notre connaissance, la première province à le faire, donc ce sera un pas déjà dans la bonne direction. Il faut tout de même se rappeler que, ultimement, les scientifiques nous disent que, pour éviter le pire dans le dossier des changements climatiques, il faudra viser des réductions de 60 à 80 % à terme. Donc, «à terme», ça n'a pas été défini mais on peut penser 20 ans, 30 ans, 40 ans. Et, à ce titre, il faudra, dans l'élaboration du plan D, maintenant, le plus tôt possible, déjà penser à l'impact des mesures qu'on va mettre en oeuvre pour le futur, et donc pas seulement regarder et prendre les mesures qui ont un impact à court terme, mais aussi voir à moyen et long terme comment on pourra réduire les émissions de gaz à effets de serre.

Donc, je veux dire, moi... J'ai fait un calcul rapide dans le train en m'en venant, mais je me disais: Si on vise moins 80 d'ici 2052, ça veut dire moins 26 d'ici 2022, moins 46, 2032, moins 66, 2042. Donc, c'est des chiffres comme ça, lancés en l'air, mais il faudra définir un échéancier parce qu'on ne peut pas simplement se dire... On regarde notre budget, on achète une maison avec une hypothèque sur 25 ans et on regarde le budget pour seulement les cinq premières années. Il faut regarder l'ensemble du plan d'action qui suivra. Et vous allez voir comment ça, ça se traduit dans les propositions qu'on va faire.

Premièrement, au niveau du transport, au-delà des chiffres puis des propositions, je voudrais vous donner quatre images pour commencer. Premièrement, l'image de cet homme qui est dans une voiture, pris dans le trafic, il est 8 h 55, il est pris dans le trafic, il est devant une semi-remorque qui lui envoie la pollution dans le pare-brise de sa voiture, il commence à travailler à 9 heures, évidemment il voit bien qu'il sera en retard et il rage, et la radio lui dit que toutes les routes sont bloquées; deuxièmement, la femme qui est dans un arrêt d'autobus à moins 30, comme les températures qu'on a vécues récemment, et qui attend l'autobus qui n'arrive pas, qui est en retard et, elle aussi, il est 8 h 55, et elle commence à travailler à 9 heures; et enfin... pas enfin, mais ce jeune étudiant qui étudie à l'UQAM, qui s'en vient de l'Est de Montréal sur la rue Sherbrooke avec des véhicules qui le dépassent à 60, 70 km/h, et qui se demande si... en fait, il ne se demande pas, il se dit: Lorsque je vais graduer, je vais m'acheter une voiture parce que ça n'a pas de bon sens de se promener... la sécurité n'a pas de bon sens pour se déplacer en vélo, même si j'adore faire du vélo; et, finalement, bien cette femme qui marche pour aller porter son enfant, donc avec son enfant, en s'en allant travailler, qui marche et qui essaie de traverser l'intersection ? puis, pour certains d'entre vous, ça vous dira quelque chose ? l'intersection Mont-Royal et du Parc et qui essaie donc de traverser pour aller porter son enfant à la garderie mais qui voit les véhicules qui filent à toute allure et qui se rappelle de ces accidents mortels qui ont eu lieu à cette intersection-là.

n(17 heures)n

Donc, je vous dépeins ce portrait un peu pessimiste ? évidemment, on pourrait le prendre d'une autre façon, mais ? simplement pour illustrer que l'ensemble des propositions qui sont sur la table, que, nous, on met sur la table et que plusieurs autres groupes ont mis sur la table, au niveau du transport, auront des bénéfices pour l'ensemble de ces... pour ces quatre personnes-là. Elles auront des bénéfices pour les automobilistes, elles auront des bénéfices pour les gens qui utilisent le transport en commun, pour les cyclistes et pour les gens qui marchent évidemment. Donc, c'est en ce sens-là qu'on a rédigé notre mémoire, donc, c'est en essayant de penser dans une perspective de développement durable et donc d'essayer de voir quelles sont les mesures qui ne vont pas seulement aller chercher des gains au niveau des émissions de gaz à effet de serre mais auront du bon sens aussi d'un point de vue économique, d'un point de vue social, d'un point de vue équité sociale aussi.

Donc, l'ensemble des solutions qu'on préconise au niveau du transport pourraient se résumer par ce qu'on appelle le cocktail transport. Nous sommes d'avis qu'en milieu urbain il n'existe pas une seule solution à la voiture solo, mais un ensemble de solutions et que, malheureusement, il n'y a personne pour faire la promotion de ce qu'on appelle le cocktail transport, qui est donc un mélange de transport en commun, de vélo, de marche, de taxi, de location de voiture, de partage de voiture, de covoiturage. C'est-à-dire que les 50 % d'adultes à Montréal qui ne possèdent pas de voiture ne se déplacent pas uniquement en transport en commun, uniquement à pied, mais ils se déplacent par une panoplie de moyens. Cette panoplie de moyens là mis ensemble est aussi efficace que la voiture privée en milieu urbain et à un coût beaucoup moindre pour le consommateur.

Donc, bon, nous, dans le document éducatif qu'on fait circuler à nos membres et aux gens qu'on rencontre, on donne des exemples et donc on dit, bon: Deux personnes, un ménage de deux personnes avec deux voitures, c'est une facture d'environ 16 000 $ par année, versus un cocktail transport pour des déplacements semblables, qui peut revenir à 5 000 $ par année. Donc, ça, c'est 10 000 $, 11 000 $ de plus d'investis dans l'économie locale. Et bon, les chiffres démontrent que, par exemple, les Montréalais qui sont mieux desservis par le transport en commun ont plus d'argent pour... dépensent moins d'argent en transport et plus d'argent dans d'autres secteurs. Donc, au niveau individuel, cette solution-là est intéressante.

Évidemment, l'État a un rôle à jouer dans ça. La situation actuelle, c'est que 80 % des déplacements motorisés à Montréal se font en voiture, principalement les personnes seules en voitures, 20 % se font en transport en commun. Cette part de marché là de 20 % du transport en commun est en chute libre, depuis la Deuxième guerre mondiale. Récemment, avec l'Agence métropolitaine de transport, on a réussi, je dirais, à sauver les meubles, donc à maintenir la part de marché. On a entendu plusieurs annonces, dans les dernières années, d'une augmentation de l'achalandage. Il faut faire attention à ces chiffres-là, parce que, pour maintenir la part de marché, il faut augmenter l'achalandage parce que le nombre total de déplacements, lui, augmente constamment. Donc, juste pour maintenir la part de marché, il faut continuer à augmenter le nombre de déplacements.

L'objectif qu'on se donne, qu'on s'est donné avec différents organismes environnementaux, c'est de dire: En ce qui concerne le transport en commun, il faut viser l'atteinte de Kyoto; pour ce faire, il faut atteindre, donc, une part de marché de 40 % du transport en commun. C'est une part de marché qu'on avait déjà à Montréal, dans les années cinquante, soixante, et c'est une part de marché qui existe dans plusieurs villes européennes et ailleurs. Pour ce faire, donc, on recommande un investissement à terme de 60 millions de plus dans les opérations du transport en commun ? là, on ne parle pas ici d'investissement d'infrastructure, mais vraiment dans les opérations du transport en commun.

Je vous donne juste un exemple par rapport à ce 60 millions-là. Pour ramener le temps de déplacement moyen, c'est-à-dire... Non. Le temps d'attente maximal, qui est actuellement à 30 minutes, à Montréal, pour le ramener à 15 minutes, le coût serait d'environ 100 millions de dollars, 85 millions de dollars par année. Cette norme-là de 15 minutes, c'est ce qu'elle était au début des années quatre-vingt-dix. Évidemment, c'est un des facteurs, avec le nombre des transferts, qui est un élément clé dans la décision des gens de prendre le transport en commun ou pas: c'est la fréquence.

Une autre mesure, donc, qu'on propose au niveau du cocktail transport, c'est d'investir dans le réseau cyclable urbain. Il y a au Québec 500 000, donc un demi-million de cyclistes qui se déplacent à des fins utilitaires, donc qui se déplacent pour aller travailler, pour faire des commissions, etc. De ce 150 000 là, il y en a 150 000 à Montréal ? donc là on parle seulement de la région de Montréal ? qui se déplacent quotidiennement en vélo. Évidemment, l'utilisation du vélo est un gain majeur en termes de gain de gaz à effet de serre, et ce gain-là, la seule chose que le gouvernement doit faire, c'est de s'assurer qu'il y a des infrastructures.

Pour l'instant, il n'existe à peu près pas d'infrastructures cyclistes urbaines utilitaires, du moins à Montréal. Il en existe peut-être dans d'autres villes. À Québec, je n'en ai jamais vu. Enfin, dans les villes que, moi, j'ai visitées, j'en ai rarement vu, et à Montréal il n'y en a pas. L'ensemble des pistes cyclables à Montréal, par exemple, ont été construites dans une optique de loisirs, de réseau vert, par exemple, pour relier les parcs, et les gens les empruntent quand même à des fins utilitaires, mais elles n'ont pas été pensées dans ce sens-là. Et en dépit du fait qu'on a un hiver qui est très difficile, les gens qui sont des cyclistes pendant sept, huit, neuf mois par année deviendront des utilisateurs du transport en commun, l'hiver. Donc, c'est quelque chose sur laquelle il faut miser, il ne faut pas minimiser ce mode de transport là.

Une dernière chose sur la question du cyclisme. On parle beaucoup ces derniers temps de la santé des enfants, on parle beaucoup de la santé en général. Eh bien, vous pouvez voir, il y a plusieurs études qui sont sorties dans les dernières années ? et, vous avez rencontré M. Drouin, récemment, je ne sais pas s'il vous en parlé ? à l'effet que l'utilisation du vélo est une des clés ? et la marche ? pour les déplacements utilitaires, dans la santé des populations. Donc, on peut bien ajouter des heures de récréation à l'école, mais une solution, ce serait de faire en sorte que les enfants marchent pour aller à l'école, prennent leur vélo pour aller à l'école, etc., donc, et que les adultes le fassent aussi. Bon. Alors, il y a des gains multiples à faire. Il y avait un article, dans La Presse, que je me suis amusé à découper, qui disait qu'il y a des études qui démontraient que les gens actifs coûtent 30 % moins cher au système de santé que les gens inactifs. Alors, il faudrait faire des calculs plus approfondis pour le Québec, mais je pense qu'il y a des gains énormes à aller chercher là, d'avoir une population plus en santé.

Donc, évidemment, pour atteindre ces beaux objectifs-là d'améliorer le transport en commun, d'améliorer les pistes cyclables, ça va prendre des sous. La première façon qu'on vous suggère d'aller chercher des sous, c'est d'arrêter d'investir dans des infrastructures autoroutières, donc dans l'augmentation de la capacité. Ici, on ne parle pas d'entretien, mais on dit: S'il est question d'élargir une autoroute, d'augmenter la capacité d'un pont, de construire un nouveau pont, de construire une autoroute, mettons un moratoire sur ces nouveaux projets-là et investissons plutôt l'argent dans le fonctionnement, premièrement, du transport en commun et dans les infrastructures aussi pour le transport en commun.

Évidemment, il faut aussi agir du côté des automobilistes: il faut augmenter la taxe sur l'essence, il faut agir sur des mécanismes comme l'immatriculation. Taxe redevance-remise, c'est intéressant, on n'en parle pas dans notre mémoire, mais dans la mesure où une partie de la remise va au transport en commun, versus d'aller à des voitures qui sont, je dirais, moyennement efficaces, il faudrait peut-être tout simplement encourager les voitures très efficaces et mettre le reste de l'argent dans le transport en commun ou dans d'autres systèmes de transport écologique.

Et un mot plus détaillé sur la question du péage. À Montréal, je crois qu'il faudra à un moment donné que le gouvernement explique pourquoi on doit retourner au péage dans la région de Montréal. C'est l'outil le plus efficace pour à la fois diminuer la congestion routière, donc diminuer le temps de déplacement des automobilistes, pour diminuer la pollution en milieu urbain et en même temps financer l'entretien de ces ponts-là qu'on a autour de la ville et aussi, évidemment, le transport en commun, afin d'offrir une alternative à ces gens-là qui actuellement prennent leur voiture.

En ce sens-là, quelques mots. Peut-être qu'on vous l'a déjà dit, les péages d'aujourd'hui, ce n'est pas les péages d'antan, il n'y a pas d'arrêt nécessaire, donc on passe, on ralentit et on reçoit une facture à la fin du mois. On peut moduler le tarif dans le temps. On estime qu'il y a 5 ou 10 % des gens qui se déplacent à l'heure de pointe qui n'ont pas besoin de se déplacer à l'heure de pointe. Donc, si le tarif est un petit peu plus élevé à l'heure de pointe, déjà, on va améliorer la fluidité du trafic par une mesure comme ça. Si on utilise cette mesure-là, il faut le mettre sur tous les ponts; la question de l'équité sociale, on n'achète pas ça. Les personnes à très faibles revenus, même en région, ne possèdent pas de voiture, et, dans la mesure où le tarif est modulé dans le temps et qu'il y a une alternative qui est le transport en commun, il n'y a pas de question d'équité sociale. Il y aura toujours des cas isolés, de personnes qui n'ont pas le choix, mais on ne peut pas s'attarder à des cas isolés.

n(17 h 10)n

Le Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Ribaux (Sidney): En conclusion? Écoutez, si j'ai une autre chose à vous dire, ce serait de... Dans la mesure où il faut aussi réduire l'offre qu'on a pour la voiture, deux mesures qui sont gratuites, qui ont eu des impacts et qui pourraient avoir des impacts très importants dans la question du transport: la mise en place de voies réservées, ça ne coûte presque rien, et la diminution du nombre de places de stationnement aux abords des lieux d'emploi. On a besoin d'une politique... plus on réfléchit à cette question-là, plus on se dit qu'on a besoin d'une politique nationale, que le gouvernement du Québec doit jouer un rôle exemplaire à ce niveau-là. Évidemment, il doit y avoir des mesures autres pour faciliter le transport en commun des employés. Mais le nombre de places de stationnement, c'est crucial, c'est la chose qui va faire en sorte que la personne va décider d'utiliser le transport en commun. Si elle ne peut pas se stationner, c'est certain qu'elle ne prendra pas sa voiture.

Bon, évidemment, on a d'autres propositions au niveau de l'efficacité énergétique dans les bâtiments. Je vous laisse à ce moment-là lire les propositions, puisqu'on manque de temps. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Ribaux. Alors, nous allons immédiatement débuter la période de questions, et si mes collègues me le permettent, j'aimerais vous poser la première question. Parce que, dans votre allocution, vous avez mentionné certaines mesures, dont notamment la hausse du prix de l'essence et la hausse aussi des droits d'immatriculation. Étant un député de région, est-ce que je dois comprendre que, pour vous, ce sont des mesures qui doivent être appliquées à l'ensemble des Québécois, du territoire québécois, ou si ces deux mesures-là devraient plutôt être appliquées à une problématique, que vous nous avez expliquée lors des 15 dernières minutes, qui est notamment l'île de Montréal ou encore une agglomération urbaine aussi importante que la ville de Québec? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Ribaux (Sidney): Oui, effectivement, on ne l'a pas mentionné dans ce mémoire-ci, qu'on a déposé, mais on soutiendrait des mesures qui sont ciblées aux agglomérations urbaines, du moins initialement, où on pourrait... L'idée, c'est d'utiliser ces sous-là pour offrir une alternative. Donc, agglomérations urbaines: certainement Montréal et Québec; je sais qu'à Québec il y a eu des demandes, même, des municipalités, avant les fusions, pour avoir une taxe régionale, donc il y a une demande de la base pour ce genre de financement là; et d'autres agglomérations, éventuellement, qui voudraient avoir cet outil de financement là.

Le Président (M. Pinard): Merci. Est-ce que mes collègues... M. le ministre.

M. Boisclair: Bien, d'abord pour dire merci à M. Ribaux. Je prends plaisir à le revoir, et je reconnais aussi l'expertise d'Équiterre en matière de changements climatiques. Je les remercie aussi pour leurs recommandations.

Je voudrais vous sortir un peu de votre mémoire et vous demander si vous avez eu le temps de faire une réflexion sur les responsabilités des villes. Moi, je vais m'en ouvrir très candidement aux membres de la commission, je trouve que la réglementation que le gouvernement du Québec impose à l'endroit des villes va dans le sens contraire de là où elle devrait aller. Et je m'explique. Un maire ne peut pas faire quelque chose sans avoir l'autorisation de Québec. Je caricature, mais c'est à peu près ça. Moi, je préférerais qu'on change complètement le paradigme puis qu'on dise: S'il y a des activités qu'on ne veut pas que les municipalités fassent parce qu'il y a une question de compétences, bien, qu'on le dise, mais tout ce qui n'est pas interdit, les maires pourraient le faire.

C'est quand même frappant de se promener dans les rues de Paris et de lire dans les journaux ce que le maire de Paris a pu faire à son initiative et comment il a pu jouer sur des outils réglementaires et tarifaires pour arriver à ses fins. Est-ce que ça fait du sens que le maire de Montréal, qui voudrait imposer une taxe sur le stationnement, ait besoin de l'autorisation de Québec pour le faire? Est-ce que le maire de Londres a eu besoin de l'autorisation du Parlement de Londres pour imposer la taxe qu'il a imposée pour les voitures qui rentrent en ville? Puis imaginez dans quel contexte s'il avait fallu que cette question soit portée devant le Parlement, sachant très bien que la réalité de Londres n'a rien à voir avec celle de la banlieue, sachant que la réalité de Montréal n'a rien à voir avec la région de la Côte-Nord. Puis je comprends, par exemple, notre collègue de la Côte-Nord de s'émouvoir des propos qu'on a sur la taxe sur l'essence, la taxe sur les véhicules utilitaires puis tout ça. À la limite, on comprend ça, ici, à l'entour de cette table. Mais c'est une autre perspective, lorsqu'on regarde la réalité des centres urbains.

Et, à vous écouter, il me semble qu'on devrait jouer plus à fond le principe de subsidiarité, faire plus confiance aux administrations municipales, leur donner plus de pouvoirs. Puis une des clés dans la solution au problème que vous soulevez, à mon avis, réside dans une plus grande autonomie municipale. C'est un vaste chantier, mais je veux vous dire que c'est là, à mon avis, que réside une part des solutions. Parce que je suis ministre de l'Environnement mais aussi ministre des Affaires municipales, et plus je regarde le droit municipal, plus je comprends la réalité municipale, plus il me semble qu'on a manqué le bateau et qu'il faut complètement changer le paradigme des lois municipales. Et, si on veut interdire des choses, qu'on le dise bien clairement, mais, le reste... Le maire qui est élu, qu'il rende des comptes, mais qu'il joue dans le terrain de sable dans lequel il voudra bien jouer.

Alors, c'est ce que je voulais vous dire, parce que plusieurs des projets dont vous faites la promotion pourraient se décider localement. Puis imaginez, à mon avis, la démocratie s'en trouverait... En tout cas, pour ce genre de points de vue qui aujourd'hui apparaissent comme des points de vue peut-être dissidents sur une scène nationale, ne seraient pas nécessairement aussi dissidents si on les regardait sur la scène locale, et que des arbitrages complexes que nous devons parfois faire ici, de l'Assemblée nationale, se feraient bien différemment s'ils étaient faits au niveau local.

Alors, tout simplement vous dire que, pour moi, le développement durable, puis vos propositions, ça passe beaucoup par davantage de confiance aux élus, et c'est une proposition que je mets au jeu. Elle vaut ce qu'elle vaut. Je comprends bien le contexte, puis le député de l'opposition pourrait bien me dire: Bien, si c'est ça que tu penses, fais-le, ou tu aurais dû le faire. Mais j'accepterai ça, j'accepterai cette critique. Mais je souhaite que les membres des groupes environnementaux, que les membres d'Équiterre regardent ces questions. Elles ne sont pas à première vue strictement environnementales, ces questions, mais il me semble qu'il y a là une piste qui devrait être regardée. Alors, je vous laisse sur cette réflexion et je vous remercie pour votre contribution. Puis si vous souhaitez commenter...

M. Ribaux (Sidney): Je vous dirais premièrement que, Équiterre, on se retrouve souvent devant les différentes instances municipales et qu'on essaie de travailler avec les villes, pas juste Montréal mais d'autres villes aussi, et qu'effectivement il y a un problème au niveau non pas de la volonté de certaines villes, mais définitivement au niveau des moyens financiers. Donc, quand on parle de responsabilités, il faudrait clairement parler de responsabilités financières, je veux dire, fiscales. Je pense que c'est assez clair là. Selon les discussions qui se passent entre Montréal et Québec, depuis au moins une dizaine d'années, ça tourne toujours autour d'un pacte fiscal. Je crois que Montréal a définitivement besoin d'avoir des ressources financières additionnelles ou des moyens, des leviers financiers différents.

C'est certainement le cas quand on parle du transport. Je veux dire, effectivement, comment se fait-il que sur la question de l'essence, la taxe régionale sur l'essence, que ce soit à Québec qu'on prenne la décision, qu'une taxe sur le stationnement, comme vous l'avez dit, mais également les péages, etc... C'est certain qu'on abonderait dans ce sens-là, dans la mesure où ces pouvoirs-là sont donnés à des instances élues directement. Donc, il faut parler de municipalités comme Montréal et non pas de regroupements de municipalités comme le Conseil de Montréal métropolitain, la Communauté métropolitaine de Montréal, qui, elle, est constituée de délégués.

n(17 h 20)n

Je veux dire, on n'est pas favorables, par exemple, à ce que l'Agence métropolitaine de transport devienne un appareil de la Communauté métropolitaine de Montréal. Nous avons vécu ça pendant 30 ans à Montréal, avec la Communauté urbaine de Montréal qui gérait la Société de transport de Montréal, et, bon, on avait très peu de leviers politiques, comme société civile, pour agir sur les budgets de la STCUM, les plans de développement, etc., parce qu'on parlait à des gens qui votaient avec un chapeau de délégué et non pas avec un chapeau d'élu. Je vous dirais que depuis la nouvelle ville on sent qu'on a un petit peu plus de leviers politiques, publics, envers la STM, depuis qu'elle relève directement d'élus. Donc, dans ce sens-là, ça, ça a été un point positif. Mais il faut s'assurer qu'on délègue aux bonnes personnes. En anglais, ils disent «no taxation without representation»; j'ajouterais «no taxation without direct representation». Ce serait certainement une préoccupation.

Par ailleurs, je vous soulignerais que, même si on faisait ça, le gouvernement aura toujours une responsabilité importante au niveau du transport urbain. Je vous donne quelques exemples. Il y a de grands projets qui sont de responsabilités du gouvernement du Québec, bon: la rénovation du Palais des congrès, le siège social ? j'oublie le nom, là ? d'Investissement Québec, la Bibliothèque nationale, qui comportaient tous des stationnements gigantesques, dans certains cas, qui n'étaient pas du tout justifiés. La Bibliothèque nationale du Québec est construite à côté de la station Berry-UQAM, qui est la station centrale de métro de Montréal, avec 400 places de stationnements; c'est une aberration. Donc, on va inciter les gens à prendre leur voiture pour aller lire, alors qu'on aurait pu les inciter à prendre le métro, le train, l'autobus, enfin tout arrive là.

Donc, en ce sens, je pense qu'il va quand même rester un devoir pour le gouvernement du Québec, dans les projets qu'il met en oeuvre, de s'assurer qu'il y a une cohérence. Et donc, ne serait-ce que, si on commence par les opérations du gouvernement, par les projets que finance le gouvernement, déjà on pourrait avoir des gains très importants là-dessus.

Le Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Boisclair: ...

Le Président (M. Pinard): Oui. Excusez, M. le député. M. le ministre?

M. Boisclair: Si vous permettez. Je comprends les avantages qu'il y a au regroupement municipal. Et j'ai appris la candidature prochaine de M. Sam Hamad au Parti libéral du Québec, dans la région de la Capitale-Nationale. M. Hamad était un des grands fervents des regroupements municipaux. C'est un pas de plus que fait le Parti libéral vers le propos du gouvernement du Parti québécois sur la question des regroupements municipaux, je m'en réjouis. Je me permets ce petit commentaire.

Dernière question pour vous dire... Mais, sur la question, vous dites: Il faudrait quand même que Québec assume une certaine cohérence. Est-ce que, dans le contexte des nouvelles villes ? il y a quand même une administration municipale entourée de gens compétents, il y a une administration publique aussi qui a une expertise qui sera indéniable ? est-ce que véritablement ces contrôles de l'administration nationale seront aussi importants? Montréal, c'est un pourcentage important de la population québécoise; les neuf grandes villes, c'est un pourcentage encore plus significatif. Est-ce que ces mêmes contrôles nationaux seront importants? Puis est-ce qu'il n'y a pas une dynamique à introduire dans le monde municipal, qui tarde en ce moment, encore aujourd'hui, à voir le jour?

Vous dites que les ville manquent de revenus; on peut longtemps discuter de ces questions, mais il y a plein de champs qu'elles n'utilisent pas et qu'elles pourraient utiliser, aussi. Alors, moi, je comprends les difficultés qui se posent, je comprends bien que la ville de Montréal, 85 % de ses revenus viennent des taxes foncières. C'est trop. Il y a quand même des gestes structurants qui sont posés, et le pacte fiscal, il est derrière nous, avec tout le monde municipal, le contrat de ville, il est derrière nous, avec des impacts positifs. Le vrai geste prochain à poser, c'est l'autonomie dans les gestes juridiques qu'elles peuvent poser puis dans des sources de revenus qu'elles peuvent elles-mêmes se développer.

La taxe sur le stationnement, pourquoi le gouvernement du Québec autoriserait la ville de Montréal... Pourquoi on aurait à voter une loi, ici, pour permettre à la ville de le faire? Si le maire veut le faire puis il est prêt à en assumer les conséquences, bien, qu'il le fasse. Qu'il le fasse et qu'il l'assume. Mais la dynamique politique, c'est: Ah! Québec ne veut pas. Puis là Québec: Oui, mais... Québec dit: Bien sûr, M. le maire, mais allez le défendre. Alors, il y a comme un mouvement, je pense, il y a un bond quantitatif et qualitatif significatif à faire dans la confiance aux villes. Et j'apprécie vos commentaires, mais, encore, il faut se sortir du débat dans lequel on a été trop longtemps et véritablement donner un grand coup de barre sur ces questions. Merci.

Le Président (M. Pinard): Commentaires?

M. Ribaux (Sidney): Non, Ça va.

Le Président (M. Pinard): O.K. Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, en fait, deux petites questions. Dans votre mémoire, vous attachez beaucoup d'importance à l'utilisation rationnelle de la voiture, et je pense que vous avez raison, aussi. Et, tout à l'heure, vous mentionniez des chiffres et puis je faisais un petit calcul rapide, puis je ne sais pas si les gens réalisent que, entre les deux hypothèses que vous faites, de l'automobile et du transport en commun, que dans les cas où les personnes n'ont pas nécessairement besoin de la voiture mais que ça devient plus un automatisme, là, que la différence entre les deux modes, au bout de 20, 25 ans, ça paie une maison, hein? Exactement. C'est plus que la valeur de la maison qu'une personne pourrait s'acheter. C'est quand même des montants très importants dont on parle, ici. Ça ne paraît pas, à chaque année, on dépense, à chaque mois, chaque semaine, bon, l'essence... Mais, quand on regarde sur une période de 20, 25 ans, c'est le prix d'une maison. Alors, je voulais juste souligner ce point-là.

Mais la question que je voulais vous poser à ce niveau-là, sur la question de l'utilisation rationnelle, certaines des personnes qui sont venues faire des présentations de mémoire ont souligné aussi l'exagération au niveau de l'utilisation de voitures 4x4, qui consomment des... qui rejettent des émissions très importantes dans l'atmosphère, et suggéraient même qu'il y ait peut-être des taxes spéciales dans ces cas-là, parce que la plupart du temps c'est absolument inutile, surtout dans une région métropolitaine, de se promener avec un camion ou un véhicule où il y a quatre roues motrices avec tout un... quasiment... enfin dans certains cas c'est des chars d'assaut, si on pense aux Hummer et ces choses-là. Ce n'est pas fréquent là, mais, des 4x4, il y en a beaucoup. Alors, vous ne faites pas allusion du tout à cette réalité-là dans votre mémoire; je ne sais pas s'il y a une raison particulière. C'est une première question que je voulais vous soulever.

Deuxième question, c'est à la page 26 de votre mémoire, où vous parlez de l'Agence de l'efficacité énergétique et où vous suggérez d'augmenter le budget de l'Agence de l'efficacité énergétique de 6 à 100 millions de dollars par année. C'est beaucoup, là, 94 millions de plus sur un budget. Je me demandais: Est-ce qu'il y a un rationnel en arrière de ça, là, qui... Pourquoi 100 millions? Est-ce qu'il y a quelque chose qui fait que ça a du sens? Parce que, à première vue, comme ça, si on n'a rien pour expliquer, bon, on se dit: C'est au-delà de 10 fois plus. Pour quelle raison?

Le Président (M. Pinard): M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney): Alors, si je reprends un peu rapidement vos questions. Au niveau de l'exemple de la maison, je trouve que c'est un très bon exemple. D'ailleurs, on l'utilise. Je vous soulignerais aussi que cet argent-là qui est investi dans d'autres modes de transport crée, selon la STM, deux fois plus d'emplois au Québec et stimule l'économie davantage que les gens qui se déplacent en voiture. Donc, quand on achète de l'essence, quand on achète une voiture, il y a une grande partie de cet argent-là qui s'en va en Ontario, en Alberta et ailleurs, au Moyen-Orient, etc. Et, dans ce sens-là, non seulement effectivement ça a un bénéfice énorme pour l'individu qui fait ces choix-là mais aussi pour l'économie en général, pour la société en général.

Au niveau des 4x4, effectivement on souscrit à... Je vous dirais qu'on souscrit premièrement à une réglementation de l'efficacité énergétique des voitures, que l'on n'a pas au Canada. On n'a pas approfondi la question de la constitutionnalité, mais il nous semble que, s'il y a flou, Québec devrait légiférer elle-même, aller de l'avant avec des normes semblables à celles de la Californie. Sauf que la raison qu'on ne met pas l'accent là-dessus, c'est que, depuis 20 ans, la consommation moyenne des voitures, du parc automobile québécois, est d'environ 10 L au 100 km, ça n'a pas progressé, en dépit du fait qu'on a de plus en plus de voitures efficaces. Les 4x4 sont en partie responsables, mais, il faut faire attention, au Québec, la donnée est très différente, notamment à cause du prix de l'essence; il y a une progression beaucoup moins importante des véhicules utilitaires au Québec qu'ailleurs en Amérique du Nord.

Ça ne veut pas dire que ce n'est pas un problème. On considère que c'est un problème, mais il y a aussi le nombre de voitures qui augmente, le nombre de voitures par ménage, et le kilométrage total qu'effectuent les gens. Donc, on s'éloigne de plus en plus des lieux de travail, des écoles, etc., et donc on est obligés de se déplacer de plus en plus. Donc, pour nous, oui, améliorons l'efficacité énergétique des véhicules. S'il vous plaît, faisons-le par un règlement. Est-ce qu'on a des pouvoirs, est-ce qu'on est capable de réglementer sur l'efficacité énergétique, de quelque chose d'aussi important dans le budget familial que la voiture? Pourquoi on ne le fait pas au Canada et qu'on suit les États-Unis? Je n'ai jamais compris.

n(17 h 30)n

Mais faisons attention, ce n'est pas une panacée, c'est-à-dire que ça ne va pas répondre à la problématique à moyen et long terme. On parlait du moyen et long terme. Même si les véhicules, en moyenne, sont à cinq litres au 100 km, si on en a deux fois plus dans 20 ans ou dans 30 ans, on se retrouve exactement au même point. Donc, c'est pour ça qu'on met moins l'emphase donc sur la solution technologique et plus l'emphase sur des solutions que je dirais sociales, qui ont un impact non seulement sur les émissions de gaz à effet de serre, mais sur toutes sortes d'autres problématiques.

La congestion routière à Montréal, c'est 500 millions de dollars de pertes économiques, en temps, en carburant dépensé, par année. Que l'on ait des voitures efficaces ou pas, ça, ça va rester. Le nombre de personnes qui décèdent par année, qui sont gravement blessées dans des accidents de voitures, 700 décès, autour de 5 000 blessures graves, ça va rester, même aussi que les voitures soient très efficaces. L'utilisation du territoire, on estime qu'au centre-ville de Montréal 40 % du territoire est asphalté, est utilisé pour la voiture. Bon. Enfin, il y a toute une série. Avant les changements climatiques, il y avait déjà toute une série de très bonnes idées, de très bonnes raisons de réduire l'utilisation de la voiture. Alors donc, c'est un peu pour ça qu'on met l'accent sur les autres choses.

Dernière chose rapidement. Sur la question de l'efficacité énergétique, le 100 millions peut paraître élevé, sauf que je vous souligne que, au début des années quatre-vingt-dix, quand Hydro-Québec était sérieux et considérait l'efficacité énergétique comme une filière réelle, donc une alternative réelle à la production d'énergie, elle envisageait dans son plan de développement d'investir 200 millions de dollars par année en efficacité énergétique. Or, ça, c'est seulement 40 % du bilan énergétique du Québec, l'électricité. Et l'Agence de l'efficacité énergétique a un mandat pour l'ensemble de l'énergie, donc pour le 100 %.

Donc, c'est dans ce sens-là qu'on se dit: Faut commencer par quelque chose. Le 6 millions... Je pense que ce qu'on veut illustrer par le 100 millions, c'est que le 6 millions est beaucoup trop insuffisant pour atteindre les objectifs qu'on voudrait se donner en efficacité énergétique, encore là pour des raisons économiques et environnementales autres que les changements climatiques. Mais, en plus de ça, si on se donne un plan d'action sur les changements climatiques, il faudra mettre à contribution l'Agence de l'efficacité énergétique, qui a développé une expertise, qui a des partenaires à travers le Québec, qui est en mesure de livrer les programmes autant au niveau résidentiel, commercial, institutionnel, mais qui ne le fera pas avec un budget infime de 6 millions par année pour l'ensemble du Québec. Donc, il a besoin de plus de moyens. Voilà.

Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, un commentaire puis une courte question. Beaucoup de gens, depuis trois jours, nous ont parlé des exigences environnementales dans le secteur de la construction ou de la rénovation. Vous êtes arrivé avec, je pense, une nouvelle idée que je savais qui existait à plein d'autres endroits, celle de l'écoconditionnalité, et je pense que c'est original comme approche. C'est-à-dire que, si on donne une aide gouvernementale à la construction, de quelque acabit, bien, que cette aide-là soit directement liée à une résidence qui sera plus environnementale, avec des exigences plus environnementales. Et je pense qu'il y a quelque chose de bon là-dedans, cette proposition-là.

L'autre question, ça n'a rien à faire avec Kyoto. Et je vois le groupe de Vivre en ville qui est ici; je leur ai posé un peu la même question. J'ai illustré mon propos, vous, je vais le poser autrement. Comment l'Europe est arrivée... On sait que, quand l'Europe s'est... Les premiers pays qui ont décidé de former la Communauté européenne ont décidé, eux, que le bruit dans les villes ? il faut dire que c'était infernal ? ce serait leur premier «target», ce serait leur première vraiment mission, à ce que je crois comprendre. Et, de fois en fois que je vais en Europe ? puis je n'y vais pas si souvent que ça, c'est peut-être pour ça que je réalise que ça s'améliore de fois en fois, mais ? j'ai l'impression, plus que l'impression, que le bruit s'améliore en Europe. La police fait moins de bruit la nuit, je ne sais pas. Enfin, on est arrivés...

Pourriez-vous m'expliquer un peu comment l'Europe est capable d'améliorer son niveau de bruit dans ses municipalités et que nous... L'exemple que j'ai donné aux gens ce matin, de Vivre en ville, c'est cet hurluberlu qui part du pont Pierre-Laporte à trois heures de la nuit, qui vient jusqu'au Parlement, soir après soir, semaine après semaine, avec son bicycle à gazoline, pas de muffler après, puis qui réveille probablement 22 000 personnes. Puis je suis encore sûr qu'il va le faire cette année au printemps, puis on va le laisser faire. Comment l'Europe est arrivée de mettre ce monde-là au pas? Je veux dire... Puis pas juste les gars en bicycle à gazoline, les pompiers, puis je ne sais pas qui d'autre. Et c'est la dernière question de la journée. Alors...

Le Président (M. Pinard): Alors, ce sera une des dernières.

M. Benoit: C'est la dernière, pas une des dernières.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Ribaux.

M. Ribaux (Sidney): Alors, bien, quelques commentaires là-dessus. Premièrement, au niveau de la construction-rénovation, juste pour spécifier pour l'ensemble des membres de la commission, ce qu'on proposait, c'est de s'assurer que, si le gouvernement du Québec met de l'argent pour construire une coop d'habitation, construire un HLM, construire un bâtiment pour tout autre usage gouvernemental, si on donne de l'argent à des citoyens pour rénover dans tous les programmes de rénovation qu'on finance, est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, mettre des exigences, dans ces programmes-là, d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments?

À Montréal, on a toutes sortes de programmes géniaux de rénovation des vieux quartiers qui ont un impact visible sur ces quartiers-là, des programmes de logements sociaux qui ont un impact visible d'amélioration des quartiers, mais on ouvre des murs et on ne donne aucune exigence pour mettre une quantité additionnelle d'isolant dans le mur. Je veux dire, le coût marginal de faire ça, c'est minime. Donc, ce n'est vraiment pas une question d'argent; c'est une question de mettre la norme au niveau avant de donner la subvention. Ce qu'on nous dit, dans ces programmes-là, quand on a regardé ça brièvement, ce qu'on nous dit, c'est que, bon, en général, on encourage, on le dit, on remet le pamphlet. Mais, je veux dire, il faut être conséquents, là. Si on donne de l'argent à quelqu'un, il faut qu'une politique soit conséquente avec l'autre, et vraiment, notamment pour les coops d'habitation, ce serait un bénéfice à moyen terme, ça réduirait les coûts de développement des coopératives de faire ça, parce que, à long terme, on économiserait beaucoup plus d'argent que le coût minime de mettre un petit peu plus d'isolant ou d'acheter une fenêtre qui est un petit peu plus efficace.

Au niveau du bruit? Je dois vous avouer qu'on n'a pas d'expertise au niveau du bruit puis on n'a pas étudié les questions. Sauf que je dirais ceci, puis, encore là, peut-être que M. Drouin plus tôt vous en a parlé, mais le bruit est de plus en plus relié, par les médecins, comme étant un facteur de santé environnemental, c'est-à-dire que le bruit... le stress relié au bruit a un impact qui est de plus en plus mesurable. Donc, c'est simplement une autre raison d'agir en priorité sur le transport qui est effectivement source de beaucoup de ce bruit-là en ville.

M. Benoit: Merci, M. Ribaux.

Le Président (M. Pinard): M. Ribaux, je suis un peu surpris de votre commentaire concernant les normes, par exemple, d'isolation, parce que, normalement, lorsque la SHQ, la Société d'habitation du Québec, lance un projet, il y a des normes minimales en termes d'isolation, en termes de papier, par exemple, qui va aller sur la couverture, en termes du tuyauterie, grosseur de tuyauterie, et ainsi de suite. Je suis un peu surpris de votre commentaire à cet effet-là.

M. Ribaux (Sidney): Il n'y a pas de normes... Enfin, en ce qui concerne le logement social, c'est certain que, si on construit à neuf, il faut respecter les normes en vigueur, là. Ce que je vous dis, c'est qu'on n'a pas de normes pour aller plus loin. Et, quand on parle de rénovation, il n'y a pas de normes sur la rénovation au niveau de l'efficacité énergétique. Et donc, le résultat ? moi, j'ai parlé aux architectes qui gèrent le programme à la ville de Montréal ? c'est que, effectivement, théoriquement, on pourrait donner une subvention à quelqu'un pour rénover, ils ouvrent le mur et ils le referment sans mettre d'isolant.

Le Président (M. Pinard): Au niveau de la rénovation et non pas de la construction neuve.

M. Ribaux (Sidney): Au niveau des deux. Au niveau de la construction à neuf, c'est sûr qu'il faut respecter les règlements en cours, mais, par exemple, on pourrait exiger qu'on installe des thermostats programmables au lieu des thermostats réguliers. On pourrait demander d'aller une coche plus haut au niveau de la fenestration, au niveau de l'isolation, dans le toit, par exemple, etc., ce qu'on ne fait pas pour l'instant.

Le Président (M. Pinard): Ah! C'est bien. O.K. Alors, moi, je suspends à ce stade-ci. J'ajourne les travaux jusqu'à lundi, 24 février, où, à 15 heures, nous rencontrerons les Manufacturiers et exportateurs; à 15 h 45, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique; à 16 h 30, le Conseil régional de l'environnement de Montréal; à 17 h 15, la Bourse de Montréal. Alors, j'ajourne donc nos travaux, et la commission poursuivra ses auditions dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec, lundi, le 24 février. Alors, bonne fin de semaine à vous tous.

(Fin de la séance à 17 h 40)


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