(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, qui est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.
Alors, Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Geoffrion (La Prairie) remplace M. Côté (La Peltrie); M. Boucher (Johnson) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges); M. Sirros (Laurier-Dorion) remplace M. Gobé (LaFontaine); et Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Lafrenière (Gatineau).
Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, je vais vous donner lecture de l'horaire de la journée. Nous allons débuter ce matin par les remarques préliminaires. Par la suite, nous allons rencontrer... nous allons recevoir Greenpeace, suivi du Syndicat professionnel des scientifiques de l'IREQ, et nous allons compléter notre avant-midi avec le Centre d'expérimentation des véhicules électriques du Québec. Cet après-midi, à compter de 14 heures, le Groupe de recherche appliquée en macroécologie, suivi de l'Institut canadien des produits pétroliers, du Centre Hélios, d'ENvironnement JEUnesse inc., et nous terminerons cette journée en recevant Hydro-Québec.
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(9 h 40)
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Alors, je vous inviterais, tous ceux qui ont des téléphones cellulaires, de bien vouloir les fermer immédiatement, s'il vous plaît, pour ne point déranger les travaux.
Remarques préliminaires
Nous allons débuter immédiatement par les remarques préliminaires, et j'inviterais le groupe parlementaire, M. le ministre de l'Environnement, à bien vouloir procéder.
M. Boisclair: J'ai combien de temps?
Le Président (M. Pinard): Votre temps est de 18 minutes.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Alors, M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, distingués invités, je suis heureux de vous proposer, à vous les membres de cette commission, une réflexion sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Cette commission, c'est l'occasion de faire le point ensemble sur la stratégie que doit suivre le gouvernement du Québec pour s'assurer de la mise en oeuvre des meilleurs préceptes environnementaux mais aussi de s'assurer que, comme parlementaires membres de l'Assemblée nationale, nous fassions ce qui doit être fait pour correctement faire entendre les prérogatives de cette Assemblée dans un contexte où, au-delà de la question environnementale, se pose la question des discussions et des relations avec le gouvernement fédéral dans un cadre constitutionnel particulièrement complexe, comme l'a démontré Me Yergeau hier, alors que nous entendions une série d'experts qui sont venus nous instruire de leurs connaissances et de leurs compétences.
Je vous dis ces choses parce qu'il m'apparaît clair que le défi de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto sur le territoire canadien est un défi encore plus grand que celui qui nous a conduits à la ratification du Protocole de Kyoto par le gouvernement fédéral. M. le Président, vous m'avez souvent entendu m'exprimer sur l'importance de cette ratification, en commission parlementaire, au salon bleu de l'Assemblée nationale, et à chaque fois vous m'avez entendu plaider l'importance que, rapidement, nous nous mettions à table pour discuter de la stratégie de mise en oeuvre.
Faisons, avant toute chose, un bref retour sur les circonstances qui nous amènent ici. Sans rentrer dans tout le détail du Protocole de Kyoto, je voudrais simplement ici partager avec vous une conviction, une conviction fondée sur l'expérience que j'ai eue comme député de cette Assemblée nationale qui a participé à deux reprises à des rencontres des parties sous l'égide des Nations unies à Bonn et à Marrakech, un espoir qui se fonde sur la force du dialogue de plus d'une centaine de pays qui, depuis maintenant plus de 10 ans, travaillent à définir le Protocole et, bien sûr, à le raffiner au fur et à mesure que des enjeux nouveaux se présentent à eux.
Cet espoir, il est porteur d'avenir, il est porteur d'avenir parce que, pour une des rares fois dans l'histoire de l'humanité, par le biais d'un processus multilatéral qui est celui d'une convention des parties des Nations unies, des pays qui ont des intérêts si divergents les uns que les autres ? des pays du Nord, des pays du Sud, des pays en voie de développement, des pays industrialisés, des pays aux prises avec des problèmes environnementaux lourds, certains avec des problèmes environnementaux moins importants mais quand même significatifs ? réussissent à s'entendre sur un texte. Il faut avoir vécu cette expérience d'avoir entendu les pays en voie de développement réclamer une aide des pays industrialisés, il faut avoir entendu les pays industrialisés parfois s'élever contre le fait que le Protocole leur imposerait à eux des obligations, alors que les pays en voie de développement vont émettre dans certains cas bien davantage au per capita qu'ils n'émettent, alors que eux ne seront pas soumis aux mêmes contraintes, alors, il faut avoir vu ces choses pour comprendre le défi qui se posait. Mais, alors que maintenant l'on sait que ce Protocole verra le jour, que ce Protocole entrera en force ? on peut le dire avec une certaine conviction ? bien, il faut se féliciter du travail qui a été fait. Et il y a donc un espoir, un espoir que nous pouvons, dans la communauté des Nations, au-delà des divergences et au-delà des particularités qui animent chacun des peuples membres des Nations unies, en arriver à un entendement sur une façon de faire les choses pour bien servir l'humanité, pour bien servir aussi des intérêts qui, à première vue, semblent s'écarter de l'économie dans ce qu'elle a de plus froid et de plus immédiat, mais qui aussi... C'est sans doute là le souhait et l'idée forte qui a amené ces pays à conclure l'entente du Protocole de Kyoto, c'est qu'à terme la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, c'est une bonne chose pour l'économie puisque, de façon globale, le Protocole de Kyoto, c'est une façon non pas d'arrêter le développement, mais plutôt d'orienter le développement et de l'orienter vers une réflexion articulée sur le développement durable.
Je ne reviendrai pas sur les principes scientifiques qui font le Protocole de Kyoto ? on a entendu des gens hier bien plus compétents que moi pour nous en parler ? mais le gouvernement du Québec affirme cette conviction que ce Protocole est une bonne chose, qu'il doit être adopté, puisque les changements climatiques sont une réalité. Les changements climatiques sont essentiellement aussi le fait de l'activité humaine, l'augmentation fulgurante des températures dans les deux siècles derniers est essentiellement liée aux activités humaines. Cette preuve-là, elle est faite; plus de 2 000 scientifiques se sont mis à table, nous ont fait part, dans des rapports distincts, de leurs conclusions et de leurs évidences, qu'ils ont démontrées. En d'autres mots, la preuve scientifique, elle est forte. D'ailleurs, on entend de moins en moins de voix s'élever contre cette preuve scientifique. Donc, un espoir qui est celui du jeu des négociations multilatérales, une bonne chose pour l'environnement et pour notre qualité de vie, une bonne chose aussi pour l'économie.
Un dernier mot sur le climat pour vous dire que je suis de ceux qui pensent que les gouvernants ont bien fait leur travail en faisant le choix de consacrer temps et énergie sur le Protocole de Kyoto. Pour toutes celles et ceux qui nous écoutent et qui vont participer à nos travaux, je trouve qu'il fait bon de voir les leaders de la communauté des nations prendre le temps de réfléchir sur ces questions. On est bien loin des préoccupations de l'OMC, on est bien loin des préoccupations de l'Accord multilatéral sur les investissements, on est bien loin du jeu de l'offre et de la demande dans ce qu'elle peut avoir de dur et d'exigeant dans le quotidien, dans l'immédiat, on est vraiment, là, sur une vision à moyen et long termes et une vision qui nous amène, je l'espère, à plaider cette qualité de vie, une vision aussi qui nous amène à dire qu'il y a des limites au simple jeu de l'offre et de la demande et que la mondialisation froide et dure que certains espèrent, en adoptant le Protocole de Kyoto, nous nous en éloignons. Nous pourrions même plaider que c'est une occasion pour plaider plus de politique dans notre vie publique, parce que, à la limite, le grand fantasme capitaliste, ce serait qu'il n'y ait pas de barrières au commerce ? libre circulation des biens et des personnes ? et qu'à la limite les citoyens ne soient que des agents économiques sans culture, sans langue, sans religion, sans caractéristiques qui, pourtant, ces mêmes caractéristiques qui font la beauté de la vie et qui font l'originalité des rapports entre les gens et entre les peuples. Il y a du poids dans cette pensée politique, et il m'importe, en ouvrant cette commission parlementaire, de parler aussi de ces espoirs. Ce sont d'ailleurs ceux qui font l'engagement de ma formation politique.
Nous croyons que la communauté des nations serait mieux servie si l'ensemble des peuples de cette planète pouvaient librement s'exprimer dans le concert des nations et, au premier chef, si le peuple québécois pouvait à sa façon contribuer à cette communauté plus directement et si notre peuple pouvait lui-même bâtir ses propres codes d'accès au reste du monde. Si le Québec était souverain, nous aurions déjà ratifié Kyoto et nous ne serions pas à négocier avec le gouvernement fédéral sur des stratégies de mise en oeuvre; nous serions plutôt à définir en ce moment des moyens concrets si nous avions l'ensemble des compétences qui sont les nôtres. Je veux dire ces choses parce qu'elles sont aussi au coeur de ma pensée et de mon engagement politique.
Mais voilà, nous sommes dans un autres contexte. Ce contexte, M. le Président, il est particulier. Le premier défi qui se pose à nous, c'est de voir quelle stratégie devons-nous adopter dans un contexte où c'est le gouvernement fédéral qui, en ce moment, a la compétence de signer cet accord en fonction du droit constitutionnel, de l'ordre constitutionnel canadien, c'est le gouvernement fédéral qui peut signer des accords de cette envergure établis sous l'égide des Nations unies.
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(9 h 50)
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La première question est donc la suivante. Alors que le Canada signe moins 6 %, quelle part allons-nous assumer et quel sera le rôle des gouvernements, comme le gouvernement du Québec ou les gouvernements des autres provinces? Et c'est là qu'apparaissent différentes possibilités. On a vu hier, par exemple, que le Canada aurait pu s'inspirer du modèle triptyque européen. Si on simule le modèle triptyque sur l'exemple canadien, on se retrouve peut-être avec un effort qui tournerait alentour de la stabilisation des émissions par rapport au niveau de 1990. Certains scénarios, avec le modèle triptyque, nous permettraient même peut-être d'envisager une augmentation de nos niveaux d'émissions de 1 %. Il faut savoir ces choses.
Ce modèle triptyque, ce n'est pas un modèle qui s'écarte des préceptes... des meilleurs préceptes environnementaux. C'est un modèle qui, tout simplement, nous permet de tenir compte de la réalité économique, de la structure industrielle de chacun des États ? ici lire «de chacune des provinces» ? de son niveau de développement, de la réalité des émissions, en somme, d'une série d'indicateurs qui, en bout de course, assurent les participants à ce modèle que les réductions qui seront obtenues seront, en tout temps, les réductions les moins dispendieuses à obtenir. Parce que vous comprenez que plus des gens font des efforts, plus le rendement marginal des efforts faits décroît. En d'autres mots, c'est toujours plus facile, quand on fait un régime, M. le Président, de perdre les cinq premières livres. Quand on en a perdu cinq puis qu'on en a perdu 10, qu'il faut en perdre cinq autres, bien, les cinq dernières à perdre, là, sont plus difficiles à perdre que les cinq premières qu'on a perdues. Toute comparaison est grossière, M. le Président, j'en conviens, mais c'est un peu ça la logique aussi.
Et l'objectif, pour l'économie québécoise, c'est d'aller chercher des économies qui sont les moins dispendieuses à obtenir. Parce que, oui, aller chercher des économies d'émissions, on n'a pas le choix, c'est ça l'enjeu du Protocole, mais on ne fera pas exprès pour se faire souffrance puis se farcir les économies qui seraient les plus... les économies d'émissions qui seraient les plus dures à obtenir pour notre économie. Donc le modèle triptyque, ça aurait pu être une voie.
Le Québec a plaidé l'approche territoriale. On s'est dit: On veut, sur la base des territoires, obtenir, négocier ce sera quoi l'objectif qu'on doit avoir au Québec, en Ontario, en Alberta, au Nouveau-Brunswick? Et, à chaque fois que ces propositions sont venues sur la tables, elles ont été balayées par le gouvernement fédéral qui préfère négocier directement avec les secteurs industriels. Ah! bien sûr, on entend ? on a droit à de belles paroles ? des représentants fédéraux nous dire que, oui, ils veulent venir signer des ententes avec les provinces. Et il y a un discours, là, très généreux.
Mais, hier, dans son budget, M. Manley a annoncé que le gouvernement fédéral était prêt à investir 2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années afin de lutter contre les changements climatiques donc quelque chose comme 400 millions de dollars par année. Je veux vous dire que non seulement je suis déçu de l'engagement du gouvernement fédéral quant à l'ampleur des montants qui sont sur la table, qui ne sont pas suffisants. Je vous rappelle que le Canada dit lui-même avoir investi 1,7 milliard de dollars de 1997 à 2002 dans la lutte aux changements climatiques. Mais, dans ce contexte où on investit 1,7 milliard de dollars, les émissions canadiennes ont augmenté de 6 % pendant la même période. Alors, vous comprenez mon insatisfaction quant aux montants qui sont sur la table. On peut donc se questionner sur l'efficacité des mesures qui sont sur la table aussi.
Mais, ce qu'on réalise, quand on regarde le détail des investissements qui sont proposés par le gouvernement fédéral, c'est qu'essentiellement le gros de ce 400 millions par année va servir à aider directement les secteurs industriels et donc de faire fi de la réalité et des compétences des provinces. Le gouvernement fédéral va passer par-dessus la tête des provinces, dans certains cas se rendre directement au municipalités ou aider directement un secteur industriel. En somme, sur le 400 milliards de dollars qu'ils mettent par année sur la table, il n'y aurait qu'une insignifiante partie qui pourrait servir à financer des ententes avec les provinces pour la mise en oeuvre du Protocole, puisque le fédéral admet lui-même que la majorité de ces sommes ira directement à aider les secteurs industriels.
Vous voyez combien de la parole aux actes il y a divergence, il y a différence et il y a, à l'évidence, une incompréhension du propos des provinces qui cherchent à simplement non pas partir en croisade contre le gouvernement fédéral, mais qui cherchent simplement à exercer les compétences qui sont les leurs. Et ce n'est pas par hasard, d'ailleurs, que, hier, c'est l'Alberta qui a joint la voix du Québec et qui a dit avec force, devant le budget fédéral, que cette proposition ne respectait aucun des engagements qui avaient été pris par le gouvernement fédéral dans les nombreuses discussions fédérales-provinciales que nous avons eues.
Donc, ces choses ne sont pas naïves, M. le Président. Et je ne me sens pas l'élan guerrier sur cette question. Là, je fais simplement mon travail et je m'assure que, dans les choix qui seront les nôtres, que nous ferons les bons choix pour l'environnement, mais aussi des bons choix pour l'environnement qui vont nous permettre d'exercer les compétences qui sont les nôtres, la compétence des membres de cette commission, la compétence de l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale qui siègent de l'autre côté, au salon bleu.
Donc, une inquiétude forte qui apparaît. D'autant plus qu'il était intéressant de voir, hier, M. Fauteux commettre ce lapsus en disant que le gouvernement fédéral allait continuer à négocier avec les grands secteurs industriels. Il a fallu que, moi-même, je le rappelle à l'ordre, que je dise: Oups! Attention! Où vous en allez-vous? Que faites-vous du paragraphe précédent, où vous nous avez dit qu'on serait dans le coup pour travailler avec vous à définir les façons de faire? Puisque la démonstration est faite qu'il devra y avoir une loi adoptée ici pour la mise en oeuvre du Protocole ? Me Yergeau en a fait la démonstration ? de la même façon que le fédéral, dans ses compétences, devra se donner des outils législatifs.
Je veux aussi vous dire que nous devons et que le gouvernement du Québec va travailler avec la même énergie qu'il l'a fait à l'entour du débat sur la ratification, avec ses collègues des autres provinces, pour faire entendre ce message au gouvernement fédéral. Et je fais un appel aux ministres de l'Environnement des autres provinces pour qu'ils réalisent que l'inaction de certains dans le dossier de la mise en oeuvre pourrait conduire le gouvernement fédéral, au nom de l'ordre et du bon gouvernement et au nom de sa volonté de mettre en oeuvre le Protocole et de respecter des engagements devant la communauté des nations, d'adopter une loi qui lui donnerait les pleins pouvoirs de mise en oeuvre.
Les provinces doivent occuper le terrain. Le gouvernement du Québec ira porter ce message à l'ensemble des représentants des provinces. Je le fais déjà, je le ferai demain, et j'espère pouvoir rendre des comptes aux membres de cette commission d'ici la fin des travaux de cette commission. En d'autres mots, sur l'heure du midi, en soirée, je suis au téléphone, je veux parler à mes collègues des autres provinces et je veux à la fois discuter avec eux des conséquences du budget fédéral, mais aussi leur dire que, une des meilleures façons de réagir, ce n'est pas uniquement d'émettre le communiqué de presse et de crier au loup, c'est plutôt, chez nous, dans nos compétences, de faire correctement notre travail.
Je reviens donc sur l'objectif. Je ne peux présumer, M. le Président, de ce que sera la conclusion de la négociation avec le gouvernement fédéral. Si le gouvernement fédéral persiste dans son choix d'une approche sectorielle, bien, il est clair que, si on additionne chacun des secteurs d'activité présents sur le territoire québécois, qu'on arrivera avec un chiffre: un tel pourcentage au secteur de l'aluminium, tant de pourcentage au secteur de, je ne sais pas, moi, des cimentiers, et là ? on va additionner tout ça ? ça va nous donner un chiffre, ce sera moins 2, moins 3, moins 4, moins 5, je ne le sais pas.
Ce que je propose aux membres de cette commission et à celles et ceux qui vont venir devant nous, c'est de se dire: Indistinctement de cette question, du jeu de la négociation fédérale, est-ce qu'on peut, chez nous, simplement exercer notre compétence et se questionner sur ce qui serait la meilleure chose à faire pour signer notre distinction en Amérique du Nord, pour bien servir les Québécois et les Québécoises, pour être à l'avant-garde des meilleurs préceptes environnementaux, et j'ajouterais ? et c'est là ma conviction ? pour faire la meilleure chose pour notre économie, à moyen et long termes?
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(10 heures)
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Le pari stratégique que je prends, c'est de proposer aux Québécois, nous qui sommes déjà bénéficiaires d'un avantage stratégique parce que nous émettons moins qu'ailleurs au Canada, parce que c'est ici que les émissions croissent le moins rapidement, c'est de se dire: Pourquoi ne pas se servir de cet avantage stratégique pour nous donner un plan qui soit un plan bien québécois et que ce plan tourne alentour d'un objectif de réduction de moins 6 %? Je ne présume en rien de ce que sera la négociation avec le gouvernement fédéral, mais, si je veux faire la meilleure chose pour l'environnement, la meilleure chose pour notre économie et si en plus, comme vous, je suis informé que Kyoto, ce n'est qu'une première phase d'engagements, qu'il y en aura d'autres, et que je souhaite que le Québec soit le mieux positionné sur les questions de recherche et de développement, de transfert technologique et d'innovation, je me dis, allons-y puis fonçons avec un objectif de moins 6 %, un objectif proprement québécois, puis relevons ce que j'appelle ce pari stratégique. Voilà le sens, M. le Président, de la proposition.
Le gouvernement du Québec a agi, il continuera d'agir et d'exercer du leadership. Et je vous dis, M. le Président, que je suis fier de voir aussi que ce message est compris par nos autres partenaires publics, je pense à Hydro-Québec qui joue un rôle déterminant en offrant du capital de risque aux entreprises qui innovent en matière énergétique, qui agit en matière d'automobiles électriques, qui agit en matière de technologies nouvelles pour faire fonctionner ces automobiles, dans le domaine de la pyrolyse, dans bien d'autres domaines. Et, M. le Président, je pense que nous avons la crédibilité pour exercer ce leadership et je compte sur les membres de cette commission pour renforcer cette crédibilité avec leur contribution. Et je suis convaincu que l'exercice que nous mènerons sera utile pour le gouvernement mais bien avant tout utile pour les Québécois et les Québécoises. Et je remercie les collaborateurs du ministère de l'Environnement, qui, déjà, font un travail remarquable et qui me permettent de m'exprimer ici aujourd'hui avec autant de conviction et appuyé par des faits bruts, durs, bien mesurés, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Nous allons passer maintenant au critique officiel de l'opposition, M. le député d'Orford.
M. Benoit: M. le Président, combien de temps a pris le ministre? La règle était 18 minutes. Il y a combien...
Le Président (M. Pinard): Je vais vous signaler le temps additionnel que vous avez droit.
M. Benoit: Est-ce que je peux le savoir maintenant, M. le Président?
Le Président (M. Pinard): 21 minutes.
M. Robert Benoit
M. Benoit: 21 minutes, d'accord. Alors, M. le Président, nous avons l'impression ce matin, les confrères, consoeurs députés ainsi que le personnel qui nous accompagne, que nous commençons un très long voyage vers Kyoto finalement. Nous avons fait nos valises hier, nous les avons bien faites. Je suis heureux d'avoir invité le ministre; il y a maintenant un mois et demi, deux mois que nous commencions par une série d'experts pour bien camper la compréhension de ce débat-là. Alors, nous avons fait nos valises hier et nous nous embarquons dans un très long voyage vers le futur, et il faut se dire maintenant: Nous sommes condamnés à réussir, il n'y a pas d'alternative. Cette impression est mélangée d'un sentiment d'espérance, que nous laisserons à nos enfants, et à leurs petits-enfants, et à leurs enfants, et je pense en particulier à Félix et à Marine, dans mon cas, et aux millions d'autres petits Québécois et Québécoises qui devront, suite aux décisions qu'on prendra, vivre ces décisions-là.
L'héritage ultime qu'on doit laisser, c'est une planète qui sera viable, belle, propre et en santé. Le premier symptôme de la maladie chez l'humain, c'est normalement de faire de la température. Eh bien, notre planète a trop respiré de CO2 et, en ce moment, certainement fait de la température. Mais, heureusement pour l'héritage à nos jeunes enfants, il est encore temps d'arrêter sa dégradation ou tout au moins de la ralentir. Les individus comme les peuples aiment les choses qui sont justes, bonnes et belles, et je suis convaincu qu'à la fin de ce voyage, qu'on pourrait appeler Kyoto 1, Kyoto 2 ? on nous a parlé même de Kyoto 10 éventuellement ? la communauté internationale, et le ministre l'a bien indiqué, la communauté internationale, qui aura à penser globalement et qui l'a bien fait, nous invite tous, passagers de ce grand bateau, à agir localement. Tous les Canadiens et Québécois soit interpellés. Que vous soyez le capitaine du bateau ou moussaillon, sur le premier pont ou dans la cale, la tempête sur la mer affectera tout le monde. Et comme nous l'a si bien dit hier un des panélistes: le CO2, une fois qu'il est émis, il appartient à l'ensemble des citoyens de la planète.
Nous devons reconnaître que, bien avant nous, bien avant nous, dès 1896, les gens ont commencé à s'inquiéter. Un Suédois, M. Aarhenius, prix Nobel de la chimie en 1896, postulait que le gaz carbonique, le CO2, émis en brûlant, que ce carbone affectait le climat. Déjà, il y a 100 ans, on pouvait penser qu'il y avait un problème. On devra attendre à 1950 pour que les premières prédictions sur la concentration et ses effets soient tout au moins connues. En 1972, il y aura cette conférence de Stockholm par les Nations unies qui identifie les changements climatiques comme un problème pressant.
En 1992 ? il faut le souligner, ce fut le grand tournant ? Jean Charest, le chef du Parti libéral, ministre de l'Environnement à Ottawa, avec le Québec... Et, si le ministre de l'Environnement est inquiet aujourd'hui, le plus bel exemple du fédéralisme en environnement, ce fut probablement avec Jean Charest au Sommet de Rio. M. Charest avait fait... Le Québec finalement avait pris une part tellement importante à cette délégation-là que, finalement, Rio, pour le Canada, c'était en grande partie le Québec. Le Sommet de la terre de Rio a fait la différence, et le Québec a fait la différence, et Jean Charest a fait la différence à Rio. On doit se dire, d'autre part, qu'il y a eu 10 ans depuis.
L'effort reposera d'abord sur les pays développés. Ça a été ça, la grande entente de Rio, le ministre en a fait mention, et il est bien qu'il en soit ainsi. Les Nords-Américains, tous tant que nous sommes avec nos grosses bagnoles, nos grosses maisons et nos grosses habitudes, eh bien, nous sommes 400 millions et nous consommons... nous sommes 4 % de la population, plus ou moins, mais nous en consommons, de l'énergie, 25 % de l'énergie mondiale. Nous avons tout un examen de conscience à faire.
En mars 2001, le président des États-Unis, M. Bush, notre voisin, annonça le retrait des États-Unis du Protocole de Kyoto. J'ai été heureux de voir l'ensemble de la communauté internationale expliquer à M. Bush l'erreur qu'il était après faire. C'est venu de la France, c'est venu du Japon, c'est venu de la Russie, c'est venu de tous les grands politiciens du monde, disant à M. Bush qu'il n'avait pas le pas.
Le 10 avril 2001 et le 24 octobre 2002, le député d'Orford et le ministre de l'Environnement présentent une motion conjointe qui affirme l'engagement du Québec pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Et je dois reconnaître un bon leadership du Québec. Le Québec indiquait clairement qu'il désirait que le gouvernement canadien signe le Protocole et négocie d'une façon bilatérale, sérieusement, et que le gouvernement fédéral négocie sérieusement, d'une façon bilatérale, avec le Québec.
La ratification récente par le Canada du Protocole de Kyoto est un geste éminemment moral, comme le dit si bien Me Michel Yergeau dans son mémoire hier, «un saut dans l'inconnu juridique au Canada» et «un instrument international à géométrie variable». Je veux rappeler cette phrase de Me Yergeau. Parce que, comme le ministre, je voudrais que les choses aillent vite, mais, d'autre part, Me Yergeau nous a dit «un saut dans l'inconnu juridique au Canada» et «un instrument international à géométrie variable». Il nous a aussi rappelé que, contrairement à tous ceux qui pensent que la Cour suprême a toujours rendu des jugements, comme la tour de Pise, en faveur d'un gouvernement central, il nous a clairement rappelé que ce n'était pas le cas dans un grand nombre de dossiers, et il nous a parlé, entre autres, de la Loi anti-inflation.
M. le Président, Me Yergeau nous a aussi rappelé que nous ouvrons la route. Cette commission a certainement trois buts. Le premier: faire oeuvre de pédagogie auprès de nos élus, des influenceurs, de nos confrères et consoeurs, de nos voisins, de nos industriels mais aussi de l'ensemble des travailleurs du Québec. Lors d'un sondage en décembre 2002, 43 % des Québécois et Canadiens n'avaient aucune idée de ce qu'était le Protocole de Kyoto, et, si nous allons dans des aspects plus pointus du Protocole de Kyoto, on atteint facilement les 80 % des citoyens du Québec et du Canada qui n'ont aucune idée où on s'en va avec le Protocole de Kyoto à travers la planète. Or, nous avons là oeuvre de pédagogie à faire.
Deuxième but: faire acte de contrition pour tout ce que l'on a mal fait ou pas fait en environnement. On peut blâmer le fédéral, c'est facile. D'autre part, regardons ce qu'on n'a pas fait. M. le ministre, les centrales au gaz que votre gouvernement est après autoriser, permettez-moi de vous lire un chapitre du mémoire de l'IREQ ce matin: «Ainsi, en autorisant notamment la construction de deux centrales de production électrique à cycle combiné alimentées au gaz naturel, le gouvernement du Québec sanctionnerait l'augmentation des émissions totales de GES du Québec de près de 5 % pour ces deux seuls projets, des émissions équivalant ? écoutez-moi bien ? à un parc automobile de plus de 1 million de véhicules routiers parcourant chacun 20 000 kilomètres par année.»n(10 h 10)n
On pourrait aussi, dans la commission Nicolet, avoir donné un mandat et avoir dit à la commission Nicolet à Montréal: Il n'est pas question d'un nouveau pont, il n'est pas question d'autres ponts.
Mais nous allons parler de transport en commun. Quand nous savons que 45 % des CO2 nous viennent du transport, on aurait aussi pu décider que la loi antibazous, l'inspection des véhicules devait être la première mesure face aux changements climatiques. Comment se fait-il qu'André Bélisle de l'AQLPA n'ait pas été dans les toutes premières priorités des mémoires que nous allons entendre ici aujourd'hui? Et je vous rappelle ce que Louis-Gilles Francoeur nous dit ce matin dans Le Soleil, et il faut se le rappeler: au Québec, on évalue à 711 000 le nombre de voitures et 36 000 le nombre de camions actuellement sur les routes qui ne sont pas conformes aux normes antipollution du constructeur, alors que vous avez promis moult fois que ces normes-là seraient mises en place. Bien, ce matin, même après avoir blâmé le fédéral, ça, on n'avait pas besoin du fédéral pour le faire, nous pouvions le faire. Et, si vous n'en êtes pas au courant, M. le ministre, regardez cette carte ici: les taches bleues, c'est les États qui n'ont rien fait. Et je vous rappellerai qu'alentour de nous tous les États ont fait quelque chose, ou à peu près.
Le gouvernement n'a pas jugé bon jusqu'à maintenant de préserver sa forêt boréale de toute forme d'exploitation industrielle, selon les normes mondiales du 8 %, même s'il est propriétaire de l'ensemble de cette forêt. De beaux discours mais si peu d'actions.
Le troisième but de cette commission: écouter, entendre, s'instruire, comprendre les aspirations de certains mais, aussi, bien évaluer les angoisses de plusieurs autres. Ces changements seront importants pour les industriels, le Québec doit les accompagner, ils sont des créateurs d'emplois.
Et je finirai sur la photo de la page 23 du document d'hier, d'Ouranos, qui parle d'elle-même, M. le Président. Et je veux citer M. Réal Décoste, leur directeur général, qui disait dans une entrevue récemment: Oui, le climat change; oui, il va continuer de changer; oui, ces changements sont principalement causés par les activités humaines. Et la très complexe et très capricieuse machine à faire de la pluie et le beau temps est en train de se détraquer: Inondations ici, sécheresse ailleurs, banquises et glaciers mis à mal, température à la hausse un peu partout, records météo sans cesse battus. Le changement climatique est un fait avéré.
Cette commission, M. le Président, et je termine, est un acte de foi sur la bonne volonté des Québécois et des Canadiens et des 97 pays qui ont déjà ratifié Kyoto. Relevons nos manches et mettons-nous à l'ouvrage rapidement. Et bon voyage vers Kyoto 2, Kyoto 3 et, peut-être, qui sait, Kyoto 10. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford et critique officiel de l'opposition en matière d'environnement. Nous cédons maintenant la parole au député de Saguenay. M. le député.
M. François Corriveau
M. Corriveau: Oui, merci, M. le Président. Alors, une expression qui est connue même par les cervelles d'oiseau, c'est: libre comme l'air. Et on vit dans un univers, on vit surtout sur une planète qui ne connaît pas les frontières quand vient le temps de voir l'air y circuler. Alors, on a vu, au travers des témoignages des experts hier, les grands courants aériens. On comprend que, lorsqu'il y a pollution dans un pays, ce n'est pas parce qu'il y a une frontière idéologique tracée par la main des hommes sur une carte que cette frontière-là va empêcher les polluants d'y traverser. Toute la question qui était plus d'actualité, il y a plusieurs années de ça, mais la question des pluies acides en est un bon exemple où, du côté américain, beaucoup de pollution atmosphérique était faite, et c'est nos lacs et c'est nos rivières qui en souffraient par une acidification très importante.
Il y a des moyens qui existent que le gouvernement pourrait actuellement utiliser, déjà, afin de faire sa part. Et là j'abonde un peu dans le même sens que mon collègue libéral, où ce n'est pas tout le temps de la faute du fédéral, hein? Il faut aussi, à un moment donné, se regarder puis se prendre en main.
La question de l'inspection des systèmes antipollution pour les véhicules est effectivement une préoccupation majeure. Puis je pense que, en fait, la priorité au niveau de notre formation politique en environnement sera évidemment toute cette lutte contre la pollution atmosphérique. Et le transport au Québec est un pollueur majeur, du fait de notre culture en termes d'hydroélectricité qui nous fait avoir un bilan très positif. Et évidemment, lorsqu'on a un bilan très positif en matière de production énergétique, il faut qu'il y ait compensation au niveau des pourcentages, hein? Et la proportion fait en sorte que ici, au Québec, le transport est beaucoup plus dommageable, toutes proportions gardées, que d'autres méthodes utilisées qui créent du CO2.
Il y a également au niveau de la gestion de la forêt québécoise où on a une grande question à répondre, particulièrement lorsqu'on regarde les dernières conclusions du Vérificateur général, où la gestion de la forêt publique au Québec était pointée du doigt. Il va falloir se poser des grandes questions et aider à la régénération de la forêt québécoise, une fois que les abatteuses y sont passées, afin de s'assurer de pouvoir maintenir ce poumon qui nous entoure et qui permet la séquestration de certains CO2 près des émissions polluantes, telles que les autoroutes. Et diverses autres techniques étudiées par les universités québécoises font également des pas dans ce sens-là.
L'inspection des systèmes antipollution était promise depuis 1999. On est devant un constat d'absence de système actuellement et, effectivement, tous les États qui nous entourent et les provinces qui nous entourent ont pris cette voie-là. Le transport en commun également devra nécessiter davantage d'investissements de la part du gouvernement du Québec afin de s'assurer qu'il puisse y avoir une offre adéquate aussi, représentant davantage, peut-être, les besoins des utilisateurs, et créer comme ça de nouveaux utilisateurs.
Le transport représente à peu près 40 % des émissions au Québec, émissions polluantes, et une façon d'injecter des nouvelles sommes d'argent peut devenir aussi... peut être en fait de créer des partenariats publics-privés où certains entrepreneurs québécois pourront y trouver leur intérêt. Puis je pense à des petites régions, où la réalité du smog n'est pas la même, mais je pense à chez nous, à Baie-Comeau, c'est effectivement un propriétaire privé qui exploite, par voie de soumission, le service de transport en commun municipal. La concentration évidemment n'est pas la même, mais, du fait de l'éloignement, c'est une façon, le transport en commun, dans toutes les petites municipalités du Québec, de réduire, même si on sait très bien que la grande concentration vient de la région métropolitaine.
Donc, il y a des opportunités d'affaires autant pour le public que pour le privé. Il y a des opportunités d'affaires que le Québec devra rencontrer afin de s'assurer d'être dans la game dans les prochaines années pour profiter de cet avancé que le Québec a face aux autres provinces puis aux autres pays également. Le Québec a un bilan énergétique très positif, une culture hydroélectrique qui fait en sorte qu'au Canada on est de dignes représentants de la production énergique verte ? disons-le comme ça ? et nous aurons donc à prendre une part active dans les négociations qui s'en viennent, d'autant plus que cette culture hydroélectrique ne devra jamais devenir une contrainte ou un poids pour le Québec. Il va falloir, dans les négociations avec le reste du Canada, qu'on ait cette reconnaissance-là, que, si, au fond, le bilan énergétique canadien est encore pas trop pire, c'est grandement en raison de la contribution que le Québec y a apportée, au cours des dernières années, par sa culture hydroélectrique.
Alors, il faudra être vigilant afin de ne pas se faire avoir là-dedans, afin de faire reconnaître qu'on est un joueur important puis qu'on est un joueur avec une expertise qu'on peut partager et qu'on peut profiter de cette expertise-là pour également réussir à en faire des sous. Et l'environnement peut devenir quelque chose de rentable, et non seulement quelque chose qui peut nuire, des fois, à l'avancé de certains projets économiques. On l'a vu hier par les experts aussi, il y a moyen de créer des jobs plutôt que d'en détruire et il y a moyen d'améliorer notre environnement tout en restant très efficace sur le plan énergétique.
Alors, je suivrai cette commission-là avec intérêt et je peux vous dire que je crois que ce ne sera pas un enjeu électoral que la question de la bonne santé de cet air, qu'on veut le plus libre possible puis qu'on veut aussi le plus sain possible. Merci.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Saguenay. Y a-t-il autres membres de la commission qui veulent s'exprimer avant que je procède? M. le député de...
M. Sirros: Laurier-Dorion.
Le Président (M. Pinard): ...Laurier-Dorion.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Peut-être très brièvement. Ça me fait d'abord plaisir de me retrouver ici aujourd'hui, M. le Président, parce que je pense qu'on est devant une situation où ça fait longtemps qu'on entend parler du Protocole de Kyoto et que, finalement, on arrive au point où, de façon concrète, on amène devant nous et devant tous les Québécois le comment on pourrait agir ici.
n(10 h 20)n Ça fait longtemps que l'environnement... On pense que ça fait longtemps que l'environnement est une préoccupation, M. le Président, des sociétés, mais, en fait, ce n'est pas très longtemps que c'est véritablement une préoccupation. Quand on regarde un tout petit peu le passé avec une perspective historique, on constate que c'est effectivement très récent. Je me rappelle, dans ma jeunesse, dans les années soixante, où, quand on parlait d'environnement, on se prenait pour des flyés. Les gens nous identifiaient comme des gens qui étaient à la marge de la société, des gens qui étaient des radicaux, quoi.
Puis, tranquillement, avec la persistance puis l'évidence, où les gens constataient, tous les jours, en regardant autour d'eux, un environnement qui était constamment agressé par le développement économique du libre marché, on est venu à réaliser que ça ne pouvait pas continuer comme ça tout le temps. Et, tranquillement, les gouvernements se sont accaparés d'une partie du discours, tout au moins, des soi-disant environnementalistes. Puis, tranquillement, nous avons eu des ministres de l'Environnement qui sont apparus sur la scène, M. le Président. Mais c'est un phénomène très récent.
Donc, ça fait longtemps qu'on parle des choses comme le Protocole de Kyoto, des constatations qu'on a vues au niveau de la couche d'ozone, au niveau des pluies acides. Et l'environnement, en fait, c'est un des dossiers qui nous fait réaliser combien on est interdépendants les uns des autres et combien de moins en moins on peut agir comme si on pouvait être isolés.
Donc, un petit aparté que je pourrais ouvrir, le ministre m'a ouvert la porte en quelque sorte en essayant de lier le discours sur Kyoto et la souveraineté un peu comme... très malhabilement, je pense qu'on a essayé de faire la même chose au niveau du pacifisme que les Québécois ressentent. Moi, il me semble que, s'il y a un dossier où l'interdépendance est de mise, c'est bel et bien celui de l'environnement, parce que, finalement, influer sur les grands ensembles nous permet d'avoir peut-être un plus grand impact au niveau de la qualité de l'environnement de la planète. Parce que l'environnement n'appartient pas à un territoire donné, M. le Président, c'est évident.
Mais je veux revenir sur la question du développement économique, parce que c'est encore dans la tête des gens que développement économique et protection de l'environnement sont comme des opposants, que l'un va à l'encontre de l'autre, et je pense que, s'il y a un dernier bastion de réactionnisme à faire tomber, c'est bien celui-là, M. le Président. Parce qu'il faut bien faire comprendre aux gens que le développement économique ne peut pas exister de façon saine s'il n'y a pas d'environnement sain. Au bout de la ligne, c'est un non-sens de développer économiquement tout en détruisant l'environnement. Et il faut trouver une façon de s'assurer qu'effectivement la protection de l'environnement devient un tremplin du développement économique.
Et ici, au Québec, nous sommes particulièrement bien placés pour le faire.
Nous sommes particulièrement bien placés pour le faire à cause des choix que nous avons faits au niveau énergétique, M. le Président, à cause d'une certaine mentalité que nous avons quant à la protection des derniers espaces mondiaux qui sont encore un peu à l'écart de l'influence humaine et de la responsabilité que nous avons par rapport à nos cours d'eau, par rapport à nos forêts, par rapport à tout ça. Et je pense que notre porte-parole ici l'a très correctement souligné, que, tu sais, au niveau de la forêt boréale, au niveau de tous les autres éléments dont nous sommes un peu les gestionnaires temporaires pendant que nous sommes ici, M. le Président, nous avons cette responsabilité-là.
Donc, c'est un plaisir particulier de me retrouver ici, en cette commission parlementaire, et d'ajouter ma voix avec celles des autres collègues ici pour qu'on puisse faire progresser un peu cette préoccupation que nous devons tous avoir pour s'assurer que, au bout de la ligne, nous laisserons derrière nous une planète au moins en aussi bon état que nous l'avons trouvée. Et, comme nous l'avons trouvée un peu maganée, essayons d'améliorer les choses pour nos héritiers, M. le Président. Merci.
M. Claude Pinard, président
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Laurier-Dorion. Autres commentaires de nos collègues? Alors, à ce moment-là, si vous permettez, je vais vous livrer les commentaires de la présidence.
Aujourd'hui, un grand nombre de citoyens estiment qu'ils ont trop peu de poids dans les décisions gouvernementales qui les affectent. Plusieurs citoyens croient tout simplement qu'ils n'ont pas le droit de parole face aux actions du gouvernement, d'autres se sentent loin du pouvoir politique et réclament des changements. Le cynisme fréquent à l'endroit des institutions et surtout du personnel politique se présente à un moment où les Parlements nationaux cherchent à faire leur place dans un monde fortement influencé par le secteur privé et les organisations gouvernementales internationales.
On peut croire que la difficulté de dénouer des problèmes d'intérêt public complexes, comme la pauvreté, la rareté de l'eau et de l'accès des installations sanitaires ou encore l'émission effrénée de gaz à effet de serre est une source de démotivation dans la population. En effet, le citoyen n'est plus incité à participer au processus démocratique s'il croit que les problèmes auxquels les gouvernements sont confrontés sont insolubles ou que sa participation à leur solution est inutile.
Le renforcement des relations trop distantes entre l'administration publique, le gouvernement, le Parlement et les citoyens apparaît donc aujourd'hui comme un élément central de la bonne gouvernance. Le raffermissement des liens entre la classe politique et la population veut permettre l'amélioration de la prise de décisions étatiques en intégrant les informations communiquées par le public. Pour renforcer le lien État-population, l'accès continu à l'information constitue un prérequis essentiel.
Un autre moyen réside dans les consultations publiques menées par les commissions parlementaires. La consultation parlementaire est maintenant considérée comme un élément essentiel de la prise de décision gouvernementale au Québec comme dans la majorité des pays membres de l'OCDE. À l'Assemblée nationale du Québec, par exemple, l'an passé, 523 groupes et citoyens sont venus présenter leur point de vue sur divers sujets lors des consultations publiques tenues par les commissions parlementaires. Il n'existe pas de régime démocratique sans Parlement. Le Parlement est un lieu de délibérations où s'échangent des opinions et où les parlementaires prennent position sur les grandes questions d'intérêt public.
Pour ce qui a trait aux traités internationaux, il est bon de rappeler que, en vertu d'une décision judiciaire du Conseil privé rendue en 1937, le gouvernement fédéral ne peut à lui seul mettre en oeuvre des traités qui portent sur des sujets relevant, en tout ou en partie, de la compétence des provinces. Le gouvernement fédéral doit dans ce cas s'entendre avec les provinces.
La procédure par laquelle le Québec donne son accord a été modifiée récemment. Depuis juin 2002, les engagements internationaux les plus importants, qu'ils soient d'origine québécoise ou fédérale, font l'objet d'un dépôt à l'Assemblée nationale par la ministre des Relations internationales. La ministre présente aussi une motion pour que l'Assemblée nationale approuve l'entente ou l'accord international. L'Assemblée peut refuser son approbation au traité, mais elle ne peut en modifier le contenu. L'approbation par le Québec d'un traité ou d'une entente internationale d'importance suppose donc maintenant trois opérations: la signature de la ministre, l'approbation de l'Assemblée nationale et la ratification par le Conseil des ministres. Cette procédure donne donc aux députés québécois une possibilité de participer aux débats internationaux.
n(10 h 30)n La consultation générale que nous entreprenons permettra donc aux participants de donner leur opinion sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec. Le débat se veut public, ouvert et large. Cette consultation aidera la commission des transports et de l'environnement à mieux définir l'intérêt public face au Protocole de Kyoto. On notera que l'ensemble des discussions tenues ici seront enregistrées et consignées au Journal des débats de l'Assemblée nationale. En outre, les mémoires seront disponibles à tous en plus d'être conservés à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale. Merci de votre attention.
Auditions (suite)
Comme il n'y a plus de remarques préliminaires, j'inviterais donc maintenant le premier groupe, soit Greenpeace, qui est représenté par M. Steven Guilbeault, directeur du bureau de Québec, de bien vouloir se présenter. Je lui rappellerai nos règles du jeu, à savoir que vous avez un temps de présentation de 15 minutes, et, par la suite, il y aura un échange avec les députés et ministre de cette commission, soit 15 minutes du côté gouvernemental et 15 minutes de l'opposition. Alors, monsieur, on vous écoute.
Greenpeace
M. Guilbeault (Steven): Merci, M. le Président. MM. les ministres, Mme et MM. les députés, mon nom est Steven Guilbeault et je suis responsable de la campagne Énergie et changements climatiques pour Greenpeace Canada et je suis également responsable, directeur du bureau au Québec de Greenpeace.
Permettez-moi, M. le Président, quelques mots sur mon implication dans ce dossier. Tout le dossier des changements climatiques et du Protocole de Kyoto est un dossier que je suis depuis très près et depuis très longtemps; j'y ai passé à peu près le tiers de ma vie. J'étais à la première conférence des parties en 1995 à Berlin où les négociations, qui ont mené à la signature et la ratification du Protocole de Kyoto, ont commencé. J'ai participé à cinq des huit conférences des parties en plus de participer à plusieurs autres rencontres internationales sur la question des changements climatiques.
Je veux remercier la commission de nous avoir invités ce matin ici pour présenter nos vues sur cette question-là, et, sans plus tarder, je voudrais passer à la présentation de notre mémoire ou, en fait, de certains des éléments de notre mémoire, en commençant probablement par la question d'un objectif québécois.
Alors, quel devrait-il être, cet objectif québécois? M. Boisclair en a parlé, d'autres en ont fait mention. La plupart d'entre vous n'êtes probablement pas sans savoir que Greenpeace a déjà salué au cours des dernières années tant le leadership de l'Assemblée nationale du Québec que du gouvernement québécois dans ce dossier. Mais être un leader, ça implique évidemment de faire des choix difficiles, ça implique de prendre des chemins difficiles et non pas des chemins faciles. Alors, pour nous, il est clair que le Québec devrait s'engager à atteindre un objectif de moins 6 %. Nous sommes évidemment dans une position avantageuse à ce niveau-là, puisque, entre 1990 et 2000, nos émissions de gaz à effet de serre n'ont pas beaucoup augmenté, si on compare... en fait, en terme absolu, mais d'autant plus que si l'on compare à celles d'autres provinces canadiennes.
La ratification du Protocole de Kyoto et la mise en oeuvre au Québec du Protocole de Kyoto devraient, à notre avis, se concrétiser par l'adoption de ce que nous appelons une grille d'analyse Kyoto. Cette grille d'analyse là nous permettrait d'évaluer différents types de projets à caractère évidemment économique, mais qu'ils soient des projets industriels, des projets agricoles, des projets énergétiques ou autres sous cette grille d'analyse pour en voir l'impact sur nos émissions de gaz à effet de serre, pour en étudier l'impact en termes de l'atteinte de nos objectifs de Kyoto, et, si impact il y a, comment peut-on y remédier. Alors, ça ne voudrait pas nécessairement dire qu'un projet qui aurait des impacts serait évidemment écarté du revers de la main, mais il faudrait à tout le moins mettre en place des mesures qui permettraient d'atténuer les augmentations d'émissions. Je vais y revenir.
Cette approche pourrait faire évidemment appel à différents outils, différents types de mesures, qu'elles soient économiques, réglementaires, mais on croit aussi qu'il faudrait modifier la Loi québécoise sur la qualité de l'environnement pour y inclure l'évaluation de l'impact des changements climatiques ou des émissions de gaz à effet de serre. D'ailleurs, nous faisons le même travail avec le gouvernement fédéral, donc, pour inclure dans la loi canadienne l'étude d'impact des changements climatiques et des gaz à effet de serre. Je pense que c'est la moindre des choses.
Évidemment, pour nous, la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec doit passer par un programme ambitieux au niveau des transports. Pourquoi? Bien, évidemment, parce que le transport représente 38 % des émissions au Québec. Selon des estimations, on parle, par exemple, pour la grande région de Montréal jusqu'à 45 % des émissions. Alors, à notre avis, un plan d'action québécois sur le Protocole de Kyoto devrait avoir une composante transport qui correspond ? on ne s'obstinera pas sur les pourcentages ? mais qui correspond à peu près au niveau d'émissions du secteur des transports. Alors, si on parle d'à peu près 40 % d'émissions dans le secteur des transports, le plan d'action devrait avoir une composante transports qui tournerait autour de 40 % de réduction.
Il y a toutes sortes de solutions qui nous permettraient d'atteindre cet objectif-là au niveau des transports. On peut évidemment penser au transport en commun; on peut penser à des technologies, on a parlé du programme d'inspection des véhicules. Nous suggérons dans notre mémoire que le Québec se joigne à la Californie pour adopter les standards. Bon. Il y a deux standards que la Californie a mis de l'avant: un standard sur les émissions polluantes et un standard sur l'efficacité énergétique des véhicules, Ce dernier ayant été adopté en juillet dernier par le gouverneur Davis de la Californie.
Il ne s'agit pas dans ce cas-là pour le Québec d'imposer, de créer un nouveau marché, mais de se joindre à la Californie qui est le sixième marché en importance au monde, de se joindre à d'autres États qui étudient la possibilité d'adopter ces mêmes standards-là. On pense, entre autres, à l'État de New York. Alors, on ne serait pas seuls à faire ça et les compagnies d'automobiles vont devoir se conformer aux standards de la Californie. Alors, les véhicules seront déjà sur le marché. La question, à ce moment-là, ce serait simplement de dire: Nous aussi, on en veut au Québec de ces véhicules-là. Des véhicules qui sont plus propres, plus efficaces, plus légers et ainsi de suite.
Nous croyons que, dans le contexte québécois, le gaz naturel constitue un net recul environnemental. Toute chose étant relative, c'est vrai, si on était en Alberta, je ne dirais probablement pas la même chose. D'ailleurs, je précise dans notre mémoire que la position de Greenpeace n'est pas nécessairement d'être contre le gaz naturel a priori. Je vous donne l'exemple dans le mémoire de la compagnie d'énergie de Greenpeace Allemagne qui s'appelle Greenpeace Energy, qui offre à plus de 25 000 clients de l'énergie verte, dont une des composantes est le gaz naturel. Pourquoi? Bien, parce qu'en Allemagne on a un objectif de réduction des gaz à effet de serre de 20 %, parce que, en ce faisant, on élimine l'utilisation du charbon et on élimine progressivement l'utilisation du nucléaire. Alors, dans le contexte allemand, le gaz naturel doit faire partie de la solution tout comme, en Ontario, Greenpeace travaille avec d'autres groupes et d'autres secteurs de la collectivité ontarienne pour faire en sorte que les centrales au charbon ? qui, soit dit en passant, nous donnent à peu près, avec le Midwest américain, la moitié de notre pollution atmosphérique ? donc pour que ces centrales au charbon là soient converties au gaz naturel à tout le moins et même qu'on aille vers les énergies renouvelables.
Mais, donc, si je reviens au Québec, je pense que le rapport du BAPE qui a été rendu public la semaine dernière nous a donné raison sur toute la ligne en ce qui concerne la question des gaz à effet de serre et du Protocole de Kyoto. Il faut bien voir que la position de certains dans ce dossier-là est de dire: Bien, si on construit une centrale thermique, on mettra de l'avant des projets qui permettront de nullifier, si vous voulez, les émissions de cette centrale-là. Évidemment, si on fait ça, par exemple, on construit une centrale thermique et là on décide de capturer les biogaz d'un site d'enfouissement, alors, c'est un jeu à somme nulle. Ça ne nous aide pas à atteindre nos objectifs de Kyoto. Ça ne nous aide pas à réduire nos émissions. Tout ce que ça fait, c'est que ça fait en sorte que les émissions n'augmentent pas.
Qui va devoir payer pour ces projets-là? Est-ce que ce sont les promoteurs comme Gaz Métropolitain ou d'autres compagnies privées qui paieraient à 15 $ la tonne? Si on prend l'exemple du Suroît, on parlait d'à peu près 2, 2,5 millions de tonnes, donc, vous faites le calcul vous-même, est-ce que les compagnies privées ou certaines sociétés d'État seraient prêtes à payer ces montants-là? Moi, je pense que, dans ces cas-là, on essaierait de refiler la facture aux contribuables. Je ne pense pas que ce soit équitable de le faire.
Permettez-moi également quelques mots sur l'hydroélectricité et les gaz à effet de serre. Nous savons que les gaz à effet de serre ne font pas actuellement partie de l'inventaire des gaz à effet de serre des différents pays qui ont signé et ratifié la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, puisqu'il n'y a toujours pas d'entente internationale au niveau méthodologique et scientifique sur la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre liées à l'hydroélectricité. Ce qu'on sait, évidemment, c'est que l'hydroélectricité émet beaucoup moins de gaz à effet de serre que la production d'électricité thermique mais ce n'est pas nul.
Alors, qu'est-ce que ça veut dire, entre autres, pour le Québec, c'est que, avec l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, je vous assure qu'il y aura une méthodologie internationale sur laquelle on va s'entendre d'ici peu. J'ai d'ailleurs déjà participé à quelques rencontres du groupe de scientifiques des Nations unies, le GIEC, sur certaines de ces questions-là. Lorsque cette méthodologie-là sera convenue, nous devrons tenir compte des émissions de gaz à effet de serre, ce qui nous ne pourra qu'alourdir notre bilan de gaz à effet de serre au Québec. Là, on ne parle pas d'une catastrophe, là, mais ce n'est pas nul. C'est probablement quelques millions de tonnes de plus que l'on va devoir rajouter, selon les estimations, à notre bilan de GES.
n(10 h 40)n La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec doit également signifier, à notre avis, de revoir la politique énergétique du Québec telle qu'elle a été définie au milieu des années quatre-vingt-dix après le débat public sur l'énergie ? dont certains autour de la table ont probablement des souvenirs assez criants ? et le débat qui a donné suite à la politique énergétique. Cette politique-là doit être revue. Pourquoi? Parce que, à l'époque, on parlait, entre autres, de faire du Québec la plaque tournante des hydrocarbures en Amérique du Nord. Je ne pense pas qu'un tel objectif soit en accord avec l'esprit et la lettre du Protocole de Kyoto.
À notre avis, l'efficacité énergétique doit également être un élément important de toute stratégie pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. On fait mention d'une stratégie possible à ce niveau-là, par exemple, à travers l'Agence de l'efficacité énergétique. Il serait possible de procéder à un prélèvement, une cotisation, pour que l'Agence de l'efficacité énergétique mette de l'avant des programmes, que ce soit au niveau industriel, commercial, institutionnel ou résidentiel.
Nous mentionnons également dans notre mémoire que la plupart sinon la majorité des programmes en efficacité énergétique devraient être confiés à l'Agence plutôt qu'à Hydro-Québec. À notre avis, la société d'État a échoué de façon lamentable au cours des dernières années dans ces programmes-là. C'est un peu toujours une bataille pour essayer de convaincre la société d'État de faire de l'efficacité énergétique. Il faut convaincre tout le monde et sa mère, à l'intérieur de la société, et ça devient difficile et très peu productif. Alors que l'Agence a pour mandat de faire ce genre de chose là et on n'a pas ce genre de bataille à mener à chaque fois qu'on veut aller de l'avant.
Le Protocole de Kyoto au Québec ou la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto devrait signifier que chaque fois que l'on construit un nouvel édifice, qu'il soit public, qu'il soit privé, qu'il soit résidentiel... utilise les meilleures technologies disponibles à un coût raisonnable. Je vous donne l'exemple, on en parlait la semaine dernière dans Le Devoir, de l'école Le Tournant qui est une école qui utilise, entre autres, une des... bon, qui utilise un système de chauffage géothermique, qui utilise une technologie qu'on appelle le mur solaire. Et il y a des coûts additionnels évidemment, mais le retour sur l'investissement fait en sorte que c'est tout à fait raisonnable et c'est tout à fait logique d'utiliser ces techniques-là, ou ces technologies-là pour ne mentionner que celles-là.
Quelques mots sur la question des puits, on en a parlé hier, toute la question des puits de carbone. À notre avis, les puits de carbone ne sont pas une solution aux questions de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et des changements climatiques. Pourquoi? Parce que la question des puits de carbone ne règle le problème qu'à court terme et non pas à long terme. Vous savez, on en a parlé hier, le CO2 qui est envoyé dans l'atmosphère va rester là, à tout le moins, une centaine, 100, 150 ans, alors qu'un arbre qu'on plante, dans le meilleur des cas, va rester là une soixantaine d'années.
Ça, c'est s'il n'y a pas de problème. Que fait-on dans le cas où une compagnie ou un gouvernement a financé une plantation quelque part, que ce soit au Canada, un projet de reboisement au Canada ou ailleurs dans le cadre d'un des mécanismes de Kyoto, et que ce projet de reboisement là passe au feu ou est victime d'une épidémie quelconque? Il y a plusieurs questions qu'on doit se poser: Bon, est-ce que ce feu de forêt là est lié à l'activité humaine? Ou est-ce qu'il est lié au réchauffement de la planète? Évidemment, on n'a pas la capacité de déterminer ça, quoiqu'il y a de plus en plus d'études qui démontrent que, à cause des changements climatiques, il sera de plus en plus difficile pour les écosystèmes terrestres de capter du carbone.
D'ailleurs, la forêt canadienne est une source d'émissions. C'est-à-dire que la forêt canadienne émet plus de gaz à effet de serre depuis le début, milieu des années soixante-dix, qu'elle n'en capte. Le Centre britannique de recherche sur les changements climatiques, le Centre Hadley, qui est l'un des centres les plus prestigieux au monde sur cette question-là d'ailleurs, préparait un rapport qui a été rendu public en novembre 2000, durant la sixième conférence des parties, qui dit que, d'ici du milieu à la fin du siècle présent, les écosystèmes terrestres deviendront des sources d'émissions globales et non pas des puits. Alors, à notre avis, il devient un peu utopique, pour ne pas dire irraisonnable, de dire: Écoutez, on va mettre en place des programmes de reboisement, par exemple, massifs, puisque ça ne règle pas le problème.
Le Président (M. Pinard): En conclusion.
M. Guilbeault (Steven): Pardon?
Le Président (M. Pinard): En conclusion.
M. Guilbeault (Steven): Oui. Je conclus, en fait. Le Québec a joué jusqu'à maintenant un rôle de leader dans le dossier du Protocole de Kyoto, comme je l'ai dit au début, nous l'avons souligné à plusieurs reprises. Nos objectifs ne sont évidemment pas le Protocole de Kyoto, mais on a parlé de Kyoto à la 10, c'est tout à fait vrai. On parle d'augmentation, la communauté scientifique internationale nous dit que les réductions d'émissions nécessaires sont de 60 à 80 %. Alors, nous souhaitons que le Québec continue à jouer ce rôle de leader et qu'il poursuive sur cette lancée. Merci beaucoup.
Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, immédiatement, M. le ministre.
M. Boisclair: Merci, M. Guilbeault, pour cette présentation. Je pense que tous les membres de la commission vont reconnaître non seulement votre engagement, mais votre talent. Et je tiens à souligner, M. le Président, et le dire aux membres de cette commission, M. Guilbeault fait partie de ces Québécois et de ces Québécoises qui se sont illustrés sur la scène internationale par leur action mais par aussi la profondeur de leur pensée, et je pense que nous pouvons être fiers de l'accueillir ici, devant cette commission.
Il faut aussi tirer des enseignements de son propos. Je comprends que Greenpeace appuierait cette idée d'un objectif de moins 6 pour le Québec. Je ne vous ai pas entendu dire que c'était là un objectif audacieux mais je le pense quand même, puisque vous savez comme moi que d'autres modèles pourraient nous conduire à des objectifs moins importants. C'est un défi de taille que nous lançons, le moins 6 %.
Je voudrais revenir sur la question de l'électricité. Vous nous dites essentiellement: Greenpeace n'est pas contre la production d'électricité avec des centrales au gaz naturel, vous êtes même partenaires de certaines de ces stratégies, lorsque ces stratégies de production se substituent à des productions plus polluantes. C'est donc que vous reconnaissez le principe de la substitution. 50 % des polluants atmosphériques qui tombent sur nos têtes au Québec proviennent des États-Unis et de l'Ontario en particulier. Si de la production d'électricité québécoise que nous exportons se substitue à des sources d'électricité plus polluantes que celles que nous utilisons au Québec, est-ce que le projet de Suroît devient un projet plus acceptable? Parce qu'au net, quand on regarde les activités d'Hydro-Québec, même si Suroît devait voir le jour... Je reconnais très bien que Suroît... puis tous les chiffres, on les a mis de façon bien transparente, j'ai tenu à ce que le rapport du BAPE soit publié avant la commission, j'ai mis des scénarios, les gens qui participent à cette commission ont tous les chiffres devant eux.
Mais Suroît pourrait entrer en service en 2006-2007, on parle de 2,4 mégatonnes, mais, malgré Suroît, ce qu'Hydro nous dit, c'est que les activités d'Hydro-Québec en Amérique du Nord permettront d'éviter 18 mégatonnes d'émissions de GES en 2010. Donc, comment tenir compte de ce principe de substitution que vous reconnaissez dans un contexte nord-américain? Et est-ce qu'au net, n'y a-t-il pas un gain, sachant que la majorité des polluants atmosphériques qui tombent sur nos têtes viennent des États-Unis puis de l'Ontario? Et est-ce qu'un projet serait plus acceptable, donc, si Hydro construisait aux États-Unis sa centrale, ce qu'elle pourrait à la limite très bien faire, puis on n'aurait aucune des retombées économiques de la construction de la centrale?
Le Président (M. Pinard): M. Guilbeault.
M. Guilbeault (Steven): Oui. Bien, premièrement ? merci, M. le ministre ? sur le 6 %, vous avez raison, je ne l'ai pas souligné dans ma présentation mais c'est dans notre mémoire, et on a d'ailleurs émis un communiqué de presse avec d'autres groupes, lundi, dans lequel on soulignait l'audace et le courage d'un tel geste. Alors, ça fait partie... c'est un fait bien connu maintenant.
Sur la question de la substitution, ma réponse est la suivante: Ça dépend. Vous n'êtes pas sans savoir que les mécanismes de Kyoto sont assez précis, sont assez bien définis et que... alors, ça dépend à qui on exporte. Si on exporte aux États-Unis, tant que nous n'aurons pas convaincu du bien-fondé du Protocole de Kyoto l'administration américaine, notre chat est mort à ce niveau-là. Alors, on ne pourra pas obtenir de crédits d'émissions; le fédéral a bien essayé. Si les États-Unis devaient ratifier le Protocole de Kyoto, ce qui n'est pas impossible, ils pourront le faire... Bon, si une nouvelle administration arrivait à la Maison-Blanche en 2004, après 2004, il ne sera pas trop tard pour eux pour le faire. Alors, ce serait une possibilité.
n(10 h 50)n L'autre possibilité, c'est évidemment l'Ontario. Alors, si on décidait de faire du gaz naturel qui serait exporté, il faudrait à ce moment-là faire la démonstration que nos exportations de gaz naturel empêchent la production ou, en fait, substituent cette électricité-là à de l'électricité plus polluante en Ontario, les centrales thermiques au charbon. Si c'était le cas, je pense que, oui, ça rendrait le projet Suroît plus acceptable. Est-ce que ça le rendrait assez acceptable pour qu'on aille de l'avant? Bon. Le débat reste à faire. Mais, à cause du refus de l'administration américaine de ratifier le Protocole de Kyoto, il est difficile à ce moment-ci... Vous avez raison, d'un point de vue éthique, aucun argument là-dessus. D'un point de vue pratique, d'un point de vue Protocole de Kyoto, tant que les Américains ne changeront pas leur fusil d'épaule, ce sera difficile...
M. Boisclair: Mais je pense que... la question, ce n'est pas une question éthique. Dans les faits, crédits pas crédits, c'est des émissions en moins. Et que les Américains n'aient pas ratifié Kyoto, je comprends très bien que toute la question de l'exportation d'énergie propre et des crédits qui pourraient venir est une question qui ne se pose pas dans le contexte réglementaire de Kyoto. Mais au net, indistinctement de Kyoto, en ce moment, les polluants qui tombent sur nos têtes, nous viennent du nord-est des États-Unis, puis nous viennent de l'Ontario.
Si on est capable de produire de l'électricité plus propre, de façon plus propre au Québec qui se substitue par la vente d'électricité qu'on fait aux États-Unis puis en Ontario, au net, nous aurons moins de polluants qui vont tomber sur nos têtes, Kyoto, pas Kyoto, et, si ? tant mieux! ? en prime, on peut avoir des crédits, c'est encore mieux. Mais nous pourrions, de cette façon, travailler à diminuer l'impact des... la récurrence des événements de smog dans les centres urbains particulièrement à Montréal, et atténuer des problématiques de pollution lourde auxquelles nous sommes confrontés.
Alors, peut-être une des façons de conclure sur cet élément, ce serait de se dire qu'il faut évaluer de façon stratégique Suroît. Et je veux vous dire, ainsi qu'aux membres de la commission que, dès que j'ai reçu le rapport du BAPE, j'ai demandé à ce qu'on procède, au ministère de l'Environnement... le ministère de l'Environnement doit procéder à une évaluation environnementale du projet. Maintenant que nous avons un rapport du BAPE, vous savez que toute décision du gouvernement devra être précédée d'une évaluation environnementale qui sera faite par le ministère. J'ai demandé aux officiers du ministère de l'Environnement de procéder à une évaluation stratégique du projet de Suroît, de le regarder tel qu'il est, avec ses impacts sur l'environnement mais de considérer aussi, de façon plus large, quels sont les gains ou les pertes associés à Suroît. Et, si jamais nous décidions d'aller de l'avant... Et je répète que le gouvernement n'a pas pris de décision et je n'exprime pas aujourd'hui une préférence sur un choix plutôt qu'un autre, je regarde les scénarios qui s'offrent à nous. Si jamais nous prenions la décision pour d'autres considérations, entre autres, des considérations de besoins énergétiques, qu'est-ce qui rendrait le projet de Suroît acceptable? Et je prends note que vous ouvrez une piste, une voie en disant que, si on peut faire la démonstration que l'énergie produite par Suroît se substitue à de l'énergie produite avec d'autres formes plus polluantes d'énergie, que ce projet pourrait devenir plus acceptable.
Nous allons bien regarder les choses. Je veux vous donner l'assurance que nous allons considérer ces éléments. On pourrait même penser que les profits générés par la vente d'électricité produite par Suroît pourrait même alimenter un fonds vert qui nous aiderait à mettre en oeuvre le Protocole de Kyoto et nous permettrait de financer certaines mesures particulières qui nous permettraient d'obtenir des réductions d'émissions. En somme, vous voyez que, de la difficulté qui se pose à nous qui est le Suroît, sur le plan environnemental, pourraient naître des opportunités. C'est dans ce contexte que je travaille. Je le dis aux gens d'Hydro-Québec qui sont ici dans cette salle, nous les accueillerons cet après-midi. Je suis convaincu qu'ils auront déjà des esquisses de réponses à nous fournir.
Le Président (M. Pinard): Monsieur.
M. Guilbeault (Steven): Tout en gardant en tête que le Suroît viendra alourdir notre bilan d'émissions de gaz à effet de serre. Alors, si on tient compte de tous ces facteurs-là, je l'ai dit dans le mémoire, je l'ai répété ici: Nous n'avons pas, quant au gaz naturel, une position qui est dogmatique.
M. Boisclair: Revenons de façon plus large au contexte canadien. Quelle est votre appréciation des modifications qui devraient être apportées au plan canadien? J'ai la perception que ce plan nous écarte encore des meilleurs préceptes environnementaux, favorise certains secteurs d'activité qui sont plus polluants et donc nous écarte de cet objectif de décarbonisation de l'économie. Est-ce que votre organisation a soumis ou entend soumettre au gouvernement fédéral des propositions d'amendement au plan canadien et, si oui, est-ce que ces amendements pourraient nous inspirer dans un plan québécois?
Le Président (M. Pinard): Monsieur.
M. Guilbeault (Steven): Bien, effectivement, nous avons déjà publiquement souligné, avec vous d'ailleurs, avec l'Association québécoise des manufacturiers exportateurs, Hydro-Québec et d'autres, certains des biais qui étaient présents à l'époque prératification et qui sont toujours présents dans le plan fédéral envers certaines régions et certaines formes de production d'énergie ? on pense au charbon, on pense aux sables bitumineux ? à qui on donne finalement un passe-droit pour augmenter le fardeau de réduction d'émissions sur des secteurs qui, somme toute, ont assez bien performé entre 1990 et 2000. On pense au secteur manufacturier, par exemple, on pense à l'aluminium, on pense à d'autres secteurs, les pâtes et papiers, les produits forestiers.
C'est inconcevable de dire: On va mettre de l'avant l'objectif de Kyoto, on va respecter la lettre du Protocole de Kyoto, qui est de dire qu'en tant que société on doit se diriger de plus en plus vers des formes de production d'énergie qui ont le moins d'impacts sur les changements climatiques possibles et, d'autre part, bien, dire aux gens du charbon: C'est correct, on va protéger votre secteur dans notre plan de mise en oeuvre du Protocole, de dire aux sables bitumineux de l'Alberta, qui, soit dit en passant, représentent les plus importantes réserves de pétrole prouvées au monde... Il y a plus de réserves de pétrole dans le nord de l'Alberta, on les évalue à environ 320 milliards de barils, 300 milliards de barils, qu'en Arabie saoudite qu'on évalue à peu près à 280 milliards de barils. Il y a beaucoup de pétrole. On ne peut pas... le gouvernement fédéral ne peut pas dire oui à Kyoto et dire, d'une part, oui aux sables bitumineux, on va en faire aller-retour, il n'y a pas de problème, pas de limite.
Alors, on a déjà... on travaille déjà de très près avec le gouvernement fédéral pour essayer de modifier ce plan-là. Nous avons rencontré certains des intervenants au ministère des Ressources naturelles fédéral à ce niveau-là, et je pense qu'il est dans l'intérêt écologique et économique du Québec de continuer à faire valoir son point de vue sur cette question-là. Je pense que la déclaration du Québec de l'automne dernier, les éléments qui sous-tendaient cette déclaration-là sont toujours vrais, sont toujours... on a toujours raison de faire ces revendications-là.
M. Boisclair: Dernière question. Nous débattons entre nous, les membres de cette commission, du rôle de l'État, de ce que nous faisons bien collectivement, par le biais d'une action gouvernementale, de ce que le privé est apte à bien faire ? dans certains cas, des gens diraient faire mieux. Certains d'entre nous pensons qu'il y a des domaines réservés au domaine public, d'autres prétendent que ces activités seraient mieux faites si elles étaient menées par le secteur privé. C'est tout le débat du rôle de l'État que nous avons entre membres de cette commission.
Mais comment concilier un propos davantage inspiré d'une idéologie libérale qui, au Québec, quand même recueille un certain écho de gens qui nous disent: Moins d'État, d'un parti politique devant nous qui nous dit qu'il faudrait geler les budgets du ministère de l'Environnement, ce qui signifie près de 300 postes de moins au ministère de l'Environnement dans les cinq prochaines années, des gens qui souhaiteraient ratatiner le rôle de l'État ? ça, ce sont mes collègues de l'Action démocratique ? avec cette obligation que nous avons de mieux faire et de mieux faire collectivement. Je ne vous demande pas de faire un choix politique, mais, si on regarde ce débat dans le contexte de la mise en oeuvre de Kyoto, une des questions que nous avons à nous poser, c'est: Jusqu'à quel point il faut aller du côté des mesures ciblées, donc financées par l'État, réglementées par l'État, par la loi et les règlements? Et qu'est-ce qu'on doit faire du côté des permis échangeables, permis échangeables qui nous permettent de réglementer de façon indirecte, de façon souple? En laissant le soin au secteur privé d'atteindre des émissions, le privé serait lui-même plus compétent pour identifier les mesures les moins dispendieuses, et ainsi de suite.
En d'autres mots, votre positionnement sur permis échangeables versus mesures ciblées, et quelle confiance faites-vous à un mécanisme de permis échangeables?
Le Président (M. Pinard): Rapidement, M. Guilbeault.
M. Guilbeault (Steven): Nous nous sommes opposés à l'époque, avant et pendant Kyoto, à la mise en place d'un système de permis échangeables, parce que ça nous apparaissait comme un mécanisme complexe, difficilement vérifiable, prompt à l'abus de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons perdu cette bataille-là et je n'ai pas l'intention de... nous n'avons pas l'intention, en tant qu'organisation de réécrire le Protocole de Kyoto, c'est dans le Protocole.
n(11 heures)n Les permis échangeables peuvent nous aider à réduire les émissions pour certains segments de la société. On pense notamment aux grands émetteurs industriels, mais, pour plusieurs secteurs, c'est un mécanisme qui n'est d'aucune utilité.
Je pense qu'il est utopique de penser qu'on va pouvoir rencontrer nos objectifs de Kyoto sans que l'État ait un rôle important à jouer, sans qu'on ait un ministère de l'Environnement fort. Pourquoi? Parce qu'il va falloir faire de la vérification, parce qu'il va falloir rendre obligatoires les inventaires d'émissions de gaz à effet de serre, il va falloir les vérifier, ces inventaires-là. Est-ce que vous voudriez acheter des actions d'Enron, M. le ministre? J'en doute. Bien, je pense que, pour les...
Une voix: ...
M. Guilbeault (Steven): Ha, ha, ha! Oui. Qui voudrait en acheter, à ce moment-là? Je pense que ce sera la même chose pour toute la question des crédits, des permis échangeables: on va vouloir s'assurer que le bout de papier qui dit qu'on a acheté 1 tonne de carbone vaut vraiment 1 tonne de carbone. Alors, à mon avis, oui, les permis échangeables, ça va faire partie des mécanismes de réduction, mais les mesures ciblées, les mesures réglementaires devront absolument... Pour des secteurs comme les transports, on ferait quoi? Des permis échangeables pour chaque utilisateur d'une voiture? Ce serait absolument impossible à administrer, à mettre de l'avant. Donc, il va falloir des mesures ciblées, il va falloir des mesures réglementaires.
Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député d'Orford.
M. Benoit: M. le Président, j'aimerais vous rappeler qu'on a des règles de procédure, des temps... de temps, et le ministre a pris cette mauvaise habitude, depuis le début de l'avant-midi, de dépasser allégrement ces temps-là. Alors, je voudrais juste vous rappeler qu'on travaille à l'intérieur de ces temps-là, et j'aimerais que le ministre travaille à l'intérieur des temps qui lui sont désignés et non pas celui qu'il décide de s'approprier.
Alors, M. Guilbeault, merci d'être ici. On a eu, au Parti libéral, un grand ministre de l'Environnement, qui s'est appelé Clifford Lincoln, qui est maintenant à Ottawa, et qui n'a jamais eu peur de ses idées, et bravo à M. Lincoln. Et Clifford disait toujours, et je suis un de ses élèves, il disait toujours: Et si on avait écouté Greenpeace. Et si on avait écouté Greenpeace, probablement que nos mers ne seraient pas vidées, probablement que nos forêts ne seraient pas coupées, bon, etc. Et il avait tellement raison. Il y a seulement le temps qui, finalement, a donné raison à Greenpeace. Et, de terroristes environnementalistes qu'on vous a traités pendant trop longtemps, vous êtes maintenant sur les plus grands panels au monde. Et on aurait donc dû, comme disent certains, on aurait donc dû vous écouter, à l'époque; on ne l'a pas fait. Mais je suis heureux que vous soyez ici, aujourd'hui, et soyez assuré qu'on vous a écouté avec grand intérêt.
Je veux juste lire ce que le ministre tantôt, dans ses remarques préliminaires, nous disait, comment c'était terrible ce qu'Ottawa a fait dans le budget, hier. J'étais heureux de voir que, pour vous, ce n'est pas si terrible que ça. Je relis vos paroles: «Le budget de John Manley est une bonne nouvelle, un premier pas dans la bonne direction», commente pour sa part Steven Guilbeault, le porte-parole de Greenpeace au Québec ? j'insiste sur «un premier pas». Vous dites plus loin qu'il va falloir en mettre plus, qu'il va falloir aller plus loin, mais ce n'est pas l'état de panique. Et je reconnais là une certaine sagesse que vous avez et que le ministre aurait pu peut-être avoir ce matin dans ses propos.
Une fois ça dit, M. le Président...
M. Boisclair: ...
M. Benoit: Le ministre a déjà trop parlé, il pourrait laisser parler ceux qui ont la parole.
Le Président (M. Pinard): M. le ministre!
M. Benoit: Ceci dit, M. le Président, la question que j'aimerais vous poser ? il y en aura seulement deux ? la première. Je suis dans un conflit un peu moral, à savoir: à côté de chez nous, on a des Américains qui produisent leur électricité avec le charbon, vous le saviez mieux que nous; on va écouter des mémoires aujourd'hui qui nous disent que, si on fait tous les efforts du 6 % au Québec, on aura des surplus énergétiques propres absolument extraordinaires dans une dizaine d'années; et on sait que nos populations québécoises ne sont pas exactement en grande croissance. Est-ce que nous devons dire: Bon, bien, nous, on l'a, cette énergie-là, elle est propre, et l'exporter, et espérer que les Américains vont s'en servir à bon escient, non pas en grossissant leurs histoires de bagnoles, et de maisons, et d'industries? Ou est-ce qu'on doit attendre...
Et vous savez qu'il y a tout un débat au Québec, ce n'est pas à vous que je vais enseigner ça, il y a tout un débat, on a vécu Hertel?des Cantons ? je vois le député de Johnson, qui est assis devant moi ? il y a tout un débat, et ce ne sera plus facile de passer des lignes électriques, peu importe où on va les passer ? aux États-Unis, on me dit même que c'est impossible, maintenant. Or, la question qu'on a à se poser, comme Québécois, c'est: On a de l'énergie propre, eux, ils ont de l'énergie qui est drôlement moins propre que nous, est-ce qu'environnementalement on doit se servir de cette énergie-là? Économiquement, j'ai la réponse. Mais, environnementalement, est-ce qu'on doit dire... Et le ministre, à quelques occasions, a mentionné effectivement la Nouvelle-Angleterre, et il a totalement raison. Est-ce qu'on doit essayer d'exporter encore de l'énergie propre vers les États-Unis ou est-ce qu'on doit essayer d'attendre qu'ils soient à l'intérieur de Kyoto? J'aimerais ça vous entendre un peu sur cette réflexion-là.
M. Guilbeault (Steven): Bien, d'abord, merci pour vos bons mots à l'endroit de notre organisation. Je suis également un disciple de Clifford Lincoln. Nous avons, d'ailleurs, en décembre dernier salué le travail de plusieurs personnes, députés, ministres, qui ont joué un rôle important dans la ratification du Protocole de Kyoto, dont M. Boisclair, dont Clifford Lincoln, lors d'une célébration pour la ratification du Protocole de Kyoto.
La question de la substitution d'énergie peut passablement être un exercice théorique dans la mesure où il n'y a pas beaucoup de démonstrations claires qui existent qui démontrent que ce qu'on envoie aux Américains substitue quoi que ce soit, mais en fait ne vient pas simplement s'ajouter à un voisin qui, d'un point de vue énergétique, est passablement gourmand. Alors, si on peut arriver à démontrer si, grâce à nos exportations, on verrait que les centrales au charbon ne fonctionnent pas, on les ferme; on prévoyait en construire, on ne les construit pas, peut-être. Mais c'est un exercice passablement théorique. Dans la pratique, ça devient très difficile à prouver.
Je voudrais ajouter un élément de réponse sur l'inaction des Américains dans le dossier de Kyoto. J'ai parlé beaucoup de la Maison-Blanche, mais il ne faudrait pas perdre de vue que plus d'une vingtaine d'États américains ? on parle de 25 ? suite à la décision de la Maison-Blanche de ne pas aller de l'avant avec le Protocole de Kyoto, ont dit: Bien, nous, on va mettre de l'avant des mesures, à New Hampshire, New York, Californie, Vermont, plusieurs autres, pour... Dans certains cas, ces États-là ont adopté, ni plus ni moins, les objectifs de Kyoto, moins 6 %, moins 7 %; dans d'autres, ce sont des mesures plus ciblées sur la production d'énergie à partir du charbon. Alors, oui, le gouvernement fédéral américain a décidé de ne pas aller de l'avant, mais ça n'empêche pas qu'il y a beaucoup d'activités de la part des États américains pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et des municipalités également. On peut penser à la ville de San Francisco qui, suite à l'adoption de deux résolutions dont on fait mention dans le mémoire, va devenir le plus important producteur d'énergie solaire au monde.
Alors donc, je sais que je ne réponds pas clairement à votre question. Mais, moi, il n'y a jamais personne qui m'a fait une démonstration noir sur blanc, claire, qui dit que: bon, voici, ces exportations d'hydroélectricité là aux États-Unis ont fait en sorte que... C'est toujours une démonstration un peu théorique. Si on peut arriver à en faire la démonstration pratique sur le terrain, à ce niveau-là, je pense que l'environnement, c'est quelque chose de global, ce n'est pas «l'environnement dans ma cour», ce n'est pas... Alors, il faut regarder ça d'un point de vue global. Absolument.
Le Président (M. Pinard): M. le député.
M. Benoit: Oui, très bien. Merci, M. le Président. Dans votre document Réseau vert, vous avez écrit un article extraordinaire sur: Ratifier Kyoto, notre responsabilité. Moi, j'aimerais ça vous entendre aujourd'hui ? et c'est vous qui l'avez écrit: beaucoup d'industriels sont inquiets sur l'emploi et j'ai l'impression que, plus on va vers l'Ouest, plus je lis le Globe and Mail, ou le National, ou le Vancouver Sun, plus je vais vers l'Ouest, plus ils sont inquiets de cette création d'emplois, et pas juste les industriels, finalement, les travailleurs aussi, bien entendu; j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là.
M. Guilbeault (Steven): Tout le débat sur la ratification de Kyoto a fait beaucoup de place à ces craintes-là, alors que le syndicat canadien des pâtes et papiers et de l'énergie a appuyé la ratification du Protocole de Kyoto, le syndicat canadien des travailleurs de l'auto a appuyé la ratification du Protocole de Kyoto. Les compagnies qui ont déjà pris le pari de réduire leurs émissions, on pense à certaines grandes multinationales comme British Petroleum, comme Shell... Bon, l'exemple de BP est un cas classique: ils ont réduit en quatre ans leurs émissions de 10 %, entre 1998 et 2002, ils ont réduit leurs émissions de 10 %; ce faisant, ils ont sauvé sur leur facture d'électricité globale 600 millions U.S. Quelle compagnie ne voudrait pas bénéficier de 600 millions U.S. de plus, dans le cadre de ses opérations?
Alors, ce que l'on voit, c'est que les compagnies qui prennent ce pari-là, qui décident d'aller de l'avant, non seulement peuvent réduire leurs coûts d'opération... Parce que qu'est-ce que le Protocole de Kyoto sinon de nous rendre plus efficaces dans notre utilisation de l'énergie, que ce soit pour produire un stylo ou pour faire une voiture? Alors, c'est ça, le Protocole de Kyoto. Et là, la question, bon, du retour sur l'investissement se pose toujours. Mais ce qu'on voit, c'est qu'il existe une panoplie de technologies qui sont disponibles, qui sont abordables, que l'on peut mettre de l'avant dès maintenant, qui vont, d'une part, créer des emplois, qui vont réduire la pollution, la pollution atmosphérique locale ? on peut penser à ce qui cause le smog, par exemple ? et qui va réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Alors, c'est possible de le faire. Je n'ai nommé que quelques exemples, je pourrais continuer pendant longtemps, mais je pense que le Président de la commission ne serait pas très heureux si je le faisais.
Le Président (M. Pinard): Ha, ha, ha! M. le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais juste revenir sur un aspect de votre mémoire où vous parlez de la grille d'analyse. Et vous le faites au tout début du mémoire, je pense que vous y accordez une importance qui est évidente.
n(11 h 10)n Bon, juste pour se resituer, au fond, quand vous parlez de la grille d'analyse, vous parlez d'une grille d'analyse qui permettrait au fond d'évaluer l'ensemble des différents projets du gouvernement en fonction des conséquences sur les émissions de GES au Québec. Et vous faites référence aussi, à ce niveau-là, à une prise de position du Parti québécois, en 1994, qui avait été prise par le Comité national sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois, alors, où vous dites que votre proposition de la grille se rapproche sensiblement de ce qui avait été proposé à ce moment-là.
Bon, je pense que, juste pour situer la problématique, le Protocole de Kyoto au fond, on n'a pas le choix, je pense qu'on a une obligation de résultat, il y va de l'avenir de la société tant sur le plan humain que sur le plan économique, alors on a une obligation de résultat. Maintenant, il y a une sensibilisation qui s'est faite, qui a été mise de l'avant, il y a quand même plusieurs années, entre autres au Québec. Et on parlait de... je fais référence à la proposition qui avait été mise de l'avant à ce moment-là, en 1994: dans la mesure où le gouvernement ou les gouvernements, les signataires du Protocole de Kyoto vont accorder une priorité, au fond, à toutes les décisions qui devront être prises à l'avenir, en fonction de la problématique qui est soulevée par ce Protocole, on devra mettre en place des grilles d'évaluation.
Et ma question se situe à deux niveaux. Je comprends que vous faites référence à 1994, au Québec. À votre connaissance... et j'interprète ? je ne sais pas si je me trompe, mais vous me corrigerez ? que depuis la proposition du Comité national sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois, en 1994, il ne s'est pas fait grand-chose du côté de la mise en place d'une grille, puisque vous nous dites que la grille d'analyse «devrait», donc c'est à venir. Alors, je ne sais pas si j'ai bien compris de ce côté-là que, malgré le fait que le parti politique qui est au gouvernement actuellement n'ait rien fait depuis maintenant huit ans, on est encore au même point.
L'autre partie de ma question, c'est... Dans les signataires actuels, on parle de 103 signataires, là, du Protocole de Kyoto, est-ce qu'il y a d'autres... est-ce que ça existe, dans les... d'autres signataires soit au niveau canadien ou dans différents pays, des provinces ou des États qui ont ce genre de grille d'analyse? Et est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu plus en quoi ça consiste et, éventuellement, s'il y a de la documentation qui est disponible à ce niveau-là, sur les grilles qui vont servir à faire l'évaluation de tous les projets gouvernementaux en fonction du respect des normes du Protocole de Kyoto?
Le Président (M. Pinard): M. Guilbeault, s'il vous plaît.
M. Guilbeault (Steven): Oui. Premièrement, sur l'obligation de résultat, vous avez raison de dire qu'il en va de l'avenir de la planète. Et, si cette considération-là n'était pas suffisante, l'article 18 du Protocole de Kyoto parle des sanctions en cas de non-respect. Alors, si, pour certains, l'avenir de la planète n'est pas un incitatif suffisant, il y aura des pénalités à caractère financier pour les pays ayant ratifié le Protocole de Kyoto qui ne respecteront pas leurs engagements.
Sur la grille d'analyse, effectivement le gouvernement n'a pas mis de l'avant cette mesure-là qui était proposée par le Comité sur l'écologie et l'environnement, en 1994.
Pour ce qui est d'expériences ailleurs, il y a effectivement différents pays et États, par exemple des États américains, qui ont mis en place quelque chose qui ressemble à cette grille-là. Donc, c'est essentiellement un outil d'analyse. Comment ça pourrait fonctionner: par exemple, bon, pour que tout projet... avant que tout projet se rende au Conseil des ministres, il faudrait qu'il passe par un comité ou qu'il ait été étudié sous cet angle-là; ça pourrait être par le ministère de l'Environnement, par exemple, il pourrait y avoir... Je ne suis pas partisan, là, d'une application ou d'une autre, je pense que c'est un débat qu'on peut avoir. Mais ce qui est important à mon avis, c'est de retenir le concept et, après ça, on verra comment on pourrait l'appliquer. L'Allemagne a adopté une mesure, dans le cadre de ses engagements de Kyoto, qui ressemble beaucoup à ça, également. Alors, il existe à travers la planète des expériences où on a adopté un système de ce genre-là.
Le Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: J'ai pris connaissance de votre document. À la page 3, il y a un truc qui m'allume ? bien, qui m'allume ? qui suscite mon intérêt. Évidemment, comme député de Saguenay, on entend parler du pont depuis plusieurs années. Et je notais qu'il y est mentionné: «Un gouvernement ne pourrait plus proposer un nouveau pont [...] sans d'une part évaluer les émissions de GES mais aussi sans proposer des mesures de mitigation dans le cas où ces nouveaux projets contribuent à augmenter les émissions de GES du Québec.» Dans le cas de la construction d'un pont sur le Saguenay, ce qu'on entend, c'est que ça pourrait contribuer à réduire l'émission des GES du fait des véhicules qui sont en attente, et qui sont sur «idle» longtemps, puis en nombre très important; et également, lorsqu'il font la traversée, souvent, les gens n'arrêtent même pas leur véhicule, en plus du mazout qui est consommé par les bateaux.
La position de Greenpeace face à la pertinence d'un pont sur le Saguenay, en rapport à l'émission des GES, mais je pense qu'il y a toute la question des baleines aussi, là, que, évidemment, il faut tenir compte, là... Mais je serais intéressé à vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Pinard): Alors, M. Guilbeault.
M. Guilbeault (Steven): Oui. Bien, effectivement, ce que j'ai dit au départ, quand j'ai parlé de la grille d'analyse, c'est que ça ne veut pas nécessairement dire que cette grille d'analyse là invaliderait tout projet qui aurait pour résultat d'augmenter nos émissions. En fait, la grille d'analyse nous servirait d'outil. Et si, comme vous le dites, la construction de ce pont-là, dans un cas particulier, servirait à réduire les émissions, il faudrait faire quand même une évaluation d'impact globale du projet, mais au moins, en ce qui concerne la question émissions de gaz à effet de serre, on pourrait dire que c'est un bilan positif. Alors, là, il faudrait faire l'ensemble de l'évaluation d'impact pour voir quels sont les autres impacts environnementaux. Et là, au bout de tout ce processus-là, on aurait une réponse plus éclairée.
Mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut plus faire de pont. Ça veut dire qu'avant d'en faire un, il faut se poser la question, il faut faire l'analyse, et là, ensuite, une fois qu'on a les réponses à nos questions, on peut procéder ou ne pas procéder, dépendamment des résultats de cette analyse-là.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Guilbeault. Merci de vous être rendu à notre demande.
Et j'inviterais immédiatement les professionnels... le Syndicat professionnel des scientifiques de l'IREQ, M. Pelletier et M. Millette, de bien vouloir prendre place immédiatement, s'il vous plaît.
Alors, nous allons débuter. M. Pelletier.
Syndicat professionnel
des scientifiques de l'IREQ (SPSI)
M. Pelletier (Jean-Marc): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Jean-Marc Pelletier, président du Syndicat professionnel des scientifiques de l'IREQ. Malheureusement, ce matin, M. Millette devait m'accompagner; pour des questions de... ? il a été virtuellement réquisitionné par la Régie dans un dossier d'économie d'énergie, d'efficacité énergétique ? et des changements dans l'horaire récent de la commission, il n'a pu se joindre à moi ce matin pour la présentation.
Évidemment, l'objectif de la commission... Donc, il me fait plaisir, M. le Président, de saluer l'ensemble des participants, de M. le ministre, les députées et les députés de cette commission. Nous allons parler de Kyoto, nous allons parler des engagements canadiens et québécois par rapport à Kyoto. Notamment, bien, on le sait très bien, l'objectif est de réduire les gaz à effet de serre de l'ordre de 6 %, en 2012. Et, à cet effet, le Québec, il faut le saluer, ce n'est que 12,5 % des gaz à effet de serre produits par l'ensemble canadien. Et le bilan, le très bon bilan québécois est notamment dû à l'utilisation fort importante de l'hydroélectricité pour les besoins du Québec.
Nous souscrivons à l'objectif d'une réduction de 6 % pour le Québec. Et dans notre présentation, les éléments que nous allons soulever, ce sont des moyens, des pistes à explorer pour réduire dès aujourd'hui les gaz à effet de serre qui sont émis au niveau du Québec, mais également, il ne faut pas que ces orientations-là, ces objectifs-là viennent nuire à la croissance économique du Québec, donc également des pistes, des facteurs, des options qui nous permettraient non seulement d'assurer la croissance économique du Québec, mais également de le faire à l'intérieur des objectifs de Kyoto qui nous sont assignés.
Notre intervention va se concentrer principalement sur l'énergie, l'électricité, c'est une chose que nous connaissons bien, que nous aimons depuis fort longtemps. Également, nous allons également aborder l'aspect transport qui est fort important en termes des gaz à effet de serre, d'émissions au Québec. Donc, ce sont les deux éléments que nous allons examiner dans notre présentation.
n(11 h 20)n Secteur de l'énergie. Il est utile de rappeler qu'au Québec, le contexte de l'électricité, il a changé en l'an 2000. Nous sommes passés d'une structure de marché où nous étions un marché réglementé ? en fait, un monopole, Hydro-Québec, au niveau de la production du transport et de la distribution ? dans un marché qui est déréglementé, structure qui a été modifiée notamment pour doter le Québec des outils nécessaires à être plus présent sur le marché américain au niveau des exportations d'électricité. Donc, une structure commerciale qui nous a été suggérée afin que nous puissions être beaucoup plus actifs et présents sur le marché américain de l'électricité. La nouvelle structure du marché fait en sorte que dorénavant toute la responsabilité de la fourniture de l'électricité au Québec repose sur Hydro-Québec Distribution. C'est maintenant le distributeur qui a la responsabilité de nous livrer, de nous fournir l'électricité dont nous avons besoin aujourd'hui et dans les années à venir.
En ce qui concerne les nouveaux projets. De nouveaux projets de production d'électricité seront requis pour répondre aux besoins du Québec, mais on pourra tantôt aborder la question de la centrale de Bécancour. Ces projets doivent être soumis à l'approbation de la Régie, parce que la Régie a l'autorité pour effectivement régir la fourniture d'électricité pour les besoins du Québec. Donc, les projets qui sont destinés aux besoins du Québec doivent passer d'abord à la grille d'analyse de la Régie. Également, d'autres projets nous seront proposés pour augmenter notre présence sur le marché américain à des fins d'exportation, et ces projets ne sont pas soumis à l'approbation de la Régie de l'énergie, ça relève de d'autres instances, le BAPE notamment. Et le gouvernement, en dernière analyse, il a donné le feu vert à ces projets-là.
Notre parc de production électrique actuel, écoutez, c'est 0,4 % des émissions, donc c'est vraiment très, très, très faible, c'est de l'hydroélectricité à 99 %. Exception faite de Gentilly, Tracy, La Citière et Cadillac, donc, tout notre parc de production, il est hydroélectrique. Donc, dans ces conditions, il va être assez difficile de diminuer nos gaz à effet de serre au niveau du parc de production actuel d'électricité, parce que finalement, dans le bilan ? et qu'on est essentiellement hydroélectrique ? ça va être assez difficile d'intervenir à ce niveau-là pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, exception faite peut-être de la centrale de Tracy, dont il faut souligner une particularité.
La centrale de Tracy tout comme la centrale de La Citière et Cadillac sont des centrales qui sont utilisées, qui fonctionnent généralement et principalement en période hivernale pour la pointe d'hiver, comme on connaît; Gentilly étant, elle, une centrale de base qui fonctionne à pleine capacité durant toute l'année. Mais Tracy, La Citière et Cadillac sont donc des centrales de pointe. Et dans le cas de Tracy, c'est une centrale qui utilise le mazout lourd ? contrairement aux autres centrales qui utilisent d'autres hydrocarbures ? une centrale qui est assez vétuste, on parle des années soixante. Et ce qui est fort surprenant dans certains cas, c'est de constater que la centrale de Tracy, qui doit nous aider à passer la pointe hivernale, est utilisée, pendant la période d'été notamment, pour augmenter nos exportations sur le marché de l'électricité américain. Je nous rappelle qu'en se basant sur les chiffres du projet Le Suroît, en les appliquant au contexte de Tracy ? même si ce n'est pas la même technologie, même si c'est vraiment beaucoup plus polluant ? on peut estimer qu'à chaque semaine Tracy génère au moins 35 000 tonnes de CO2 dans l'environnement. Donc, lorsqu'il s'agit d'utiliser Tracy à des fins d'exportation sur le marché américain, je pense qu'à ce niveau-là il y a des questionnements, il y a des questions que vous aurez à poser aux gens qui opèrent cette centrale-là.
Pour les besoins à venir du Québec, évidemment, les besoins à venir sont soumis à l'autorité de la Régie. Récemment ? le dossier 3470 ? la Régie a statué que dans la fenêtre 2006-2011 nous aurions besoin de 1 200 MW de nouvelles productions, dont 600 sont assurées par Hydro-Québec Production, Hydro-Québec Production étant à même d'assumer ce nouveau fardeau là, cette nouvelle charge, à même ses centrales existantes ? et on ne parle pas du Suroît mais on parle de son parc actuel; et l'autre 600 MW, Hydro-Québec est allée en appel d'offres, selon les nouvelles procédures, et la centrale retenue, c'est ce qu'on appelle le projet de Bécancour, donc c'est une centrale à cycle combiné qui va fonctionner au gaz naturel.
On parle d'un projet qui, s'il est approuvé ? parce qu'il doit passer devant le BAPE, éventuellement ? donc on parle d'un projet qui va nous générer 1,7 million de tonnes de CO2 par année, qui va augmenter nos émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 2 % ? et là, on se base sur les chiffres du Suroît appliqués au contexte de Bécancour, c'est la même technologie, essentiellement. Ce qui est important également, c'est un projet qui serait équivalent, si cette centrale-là est construite... Vous savez, quand on parle de millions de tonnes, c'est un peu métaphysique, les gens n'arrivent pas à saisir exactement de quoi il en retourne. Mais cette centrale-là, si elle est autorisée, si elle est construite, ce serait équivalent à ajouter au parc automobile du Québec 430 000 véhicules qui parcourraient chacun 20 000 km par année. Donc, c'est beaucoup, en termes de charge de pollution.
L'électricité à des fins d'exportation. On a parlé du projet Le Suroît; il nous fera plaisir de discourir sur la notion de substitution, je pense que nous avons peut-être des options à substituer à Le Suroît. Si le projet du Suroît est adopté, on parle d'une centrale de 800 MW; on parle de 2,5 millions de tonnes; augmentation des gaz à effet de serre de l'ordre de 3 %; et ce projet-là, il est équivalent à 630 000 véhicules par année. Donc, dans la mesure où, à des fins de combler les besoins en électricité au Québec ou à des fins d'exportation, nous autoriserions la construction des deux centrales, Bécancour et Le Suroît, on parle d'une charge de pollution, ça va augmenter nos émanations de l'ordre de 5 %, et on parle d'environ 1 million de véhicules automobiles par année, qui seraient l'équivalent de cette charge de CO2.
Y a-t-il moyen de limiter cela ou de diminuer cela? Bien sûr. On pourrait utiliser nos interconnexions. Nous sommes fortement interconnectés avec les réseaux électriques voisins. Donc, s'agissant de répondre à nos besoins de pointe et sachant que, notamment, les réseaux voisins, exception faite du Nouveau-Brunswick, ont un profil de consommation qui est différent de celui du Québec ? il n'y a pas un fort pourcentage de chauffage électrique dans l'État de New York ou en Ontario ? on pourrait profiter de la disponibilité de ces centrales-là et de nos interconnexions pour justement répondre aux besoins, aux pointes de puissance qui sont nécessaires sur le réseau du Québec pendant la période hivernale. Donc, c'est une option qu'il faudrait examiner, et les outils sont en place pour nous permettre d'utiliser cet outil-là pour répondre à nos besoins au Québec.
Le potentiel éolien, on n'y reviendra jamais assez. Un projet comme celui de Bécancour... Écoutez, si on installait au Québec environ 2 000 MW d'éolien, ce qui est tout à fait faisable ? je vous rappelle que l'Allemagne en 2001 a installé 2 650 MW en une seule année; l'Espagne, c'est plus de 1 000 MW par année, et on parle de projets de l'ordre de 0,4 $, 0,045 $ le kilowattheure ? donc un développement éolien qui pourrait se réaliser en dedans de trois ans ou quatre ans, de l'ordre de 2 000 MW, pourrait se substituer à l'option de Bécancour qui est actuellement à l'étude, là, qui sera bientôt à l'étude au niveau du BAPE.
Les économies d'énergie, évidemment un vecteur très important au niveau industriel. Il y a des choses qu'on peut faire là-dessus. J'aimerais souligner à la commission, simplement au niveau de l'énergie thermique résiduelle qui n'est pas utilisée ? on parle de vapeurs, là, basse pression, basse température, il faut s'entendre, c'est du 60° centigrades, là ? qui n'est pas récupérée, il y aurait moyen à ce moment-là d'utiliser ça dans une approche qu'on appelle l'écologie industrielle. Il me fera plaisir d'y revenir un peu plus tard, pendant la période des questions.
Secteur commercial et institutionnel. Encore là, on pourrait facilement, au niveau de l'utilisation des machines thermiques ? on parle de thermopompes air-air biétagées, thermopompes géothermiques ? il y a un potentiel de l'ordre de 3 TWh qu'on peut aller chercher à ce niveau-là, et c'est quand même des quantités d'énergie fort importantes.
Dans le résidentiel, il reste beaucoup à faire, spécifiquement au niveau de l'enveloppe thermique. Les centres-villes de nos... Il y a la vieille Europe et la nouvelle Europe, mais il y a évidemment au Québec des vieilles villes et de nouvelles villes; le parc urbain de villes comme Trois-Rivières, Shawinigan ? M. le Président connaît fort bien ? Montréal, Québec, au niveau de l'enveloppe thermique, c'est là où les gains peuvent être les plus importants à aller chercher. Et, par une réglementation et un accompagnement en ce sens, il y aurait moyen d'aller chercher énormément d'efficacité énergétique et d'économies d'énergie à ce niveau-là.
Donc, nous avons des options pour répondre à Bécancour et pour répondre à Le Suroît, et nous estimons qu'on devrait les examiner de façon attentive avant d'aller dans ces orientations-là.
n(11 h 30)n Dernier mot, M. le Président, au niveau du transport, simplement pour rappeler que 38 % des émissions du Québec sont liées au secteur du transport; c'est 33 millions de tonnes de CO2. Nous estimons qu'il y aurait deux vecteurs à privilégier: l'utilisation de l'hydrogène, bien sûr, ça, c'est un élément que nous estimons fort important; le projet moteur-roue ? mais on n'en parlera jamais assez ? en 1996, un projet qui avait atteint un niveau d'avancement de l'ordre de 75 à 80 %, qui, dès aujourd'hui ou dans les prochaines années, si on avait poursuivi son développement, c'est 20 millions de tonnes de CO2 qu'on aurait déjà pu retrancher du parc de production de gaz à effet de serre au niveau du transport. Il faudrait questionner, savoir pourquoi, depuis sept ans, ce projet-là fait du sur-place essentiellement, n'a pas progressé de façon significative au Québec.
Donc, en conclusion, M. le Président, un ensemble de mesures qui nous permettraient non seulement de diminuer nos émissions, mais également de limiter l'augmentation à venir des émissions de gaz à effet de serre. Au niveau transport, oui, on peut y faire quelque chose dès maintenant. Merci.
Le Président (M. Pinard): Merci, M. Pelletier. Alors, immédiatement, je cède la parole à M. le ministre d'État.
M. Boisclair: Oui, M. le Président. D'abord, un commentaire pour mes collègues de l'opposition. Je trouve ça assez rigolo de les voir se draper dans la vertu environnementale sur la question de Suroît, eux qui, sans gêne, nous parlent de leur volonté de repartir un programme de petites centrales sur les rivières du Québec. De façon forte et avec beaucoup de conviction, ils veulent aller de l'avant. Ils veulent qu'on harnache les rivières. Je regarde le député d'Orford regarder sur son bureau, mais il connaît les propos de son collègue de Kamouraska-Témiscouata, ses propos validés par le chef Jean Charest du Parti libéral du Québec. L'Action démocratique est sur la même voie. Alors, de grâce! Je ne me livrerai pas à un exercice partisan, mais ces choses doivent être dites et elles doivent être placées aussi dans leur contexte.
Je veux aussi remercier nos invités. Je voudrais vous poser une première question sur votre appréciation de la situation énergétique au Québec. Si ma mémoire est juste, on évalue les besoins énergétiques au Québec, en 2010, à quelque chose comme 197 TWh. Si on soustrait l'électricité patrimoniale, il reste un besoin à combler de quelque chose entre 18 et 20 TWh. Donc, Hydro Distribution devra aller en appel d'offres auprès du producteur, entre autres, et aussi auprès d'autres producteurs, qu'ils soient des producteurs privés ou pas, pour combler ce déficit. Est-ce que vous êtes d'avis, avec la connaissance que vous avez du réseau québécois et de l'évaluation de la demande des besoins, est-ce que vous êtes d'avis que 2006 représente un point d'équilibre où l'offre aura atteint la demande? Et est-ce que j'ai raison de croire que, en ce moment, l'électricité que nous exportons est essentiellement le fruit de surplus qui ne trouvent pas preneurs sur le marché mais bien que, en 2006, nous allons nous retrouver dans une situation d'équilibre et qu'il y a au Québec des besoins énergétiques à combler à court terme?
Le Président (M. Pinard): M. Pelletier.
M. Pelletier (Jean-Marc): Merci, M. le Président. Écoutez, au-delà de l'horizon de 2011, je pense qu'il faudra que la Régie... qu'on ait ce débat-là devant la Régie. Quels seront nos besoins en 2011? C'est une chose qui devra être établie éventuellement devant la Régie. 2006? Vous savez, M. le Président, les gens qui sont intervenus dans le dossier de la Régie, le 3470, je crois ? pardon, un autre dossier ? plusieurs questionnaient les demandes d'Hydro-Québec Distribution pour la fameuse tranche du 1 200 MW à mettre en service dans la fenêtre 2006-2010. Aurons-nous atteint l'équilibre en 2006? Deviendrons-nous dépendants d'importations? C'est possible. Il faudrait le voir. Mais au-delà de 2011... Le point, c'est qu'il ne faudrait pas, je pense, aller sur la piste d'une spéculation ? et je le dis en tout respect, M. le Président ? sur les besoins à venir parce que ça nous amènerait, d'une part, du point de vue économique, à construire un ensemble de centrales qui pourraient ne pas trouver preneurs en bout de ligne. Il faut payer l'hypothèque sur ces centrales-là éventuellement. Il faut le faire prudemment. En fait, il faut, je pense, doser les choses. Il faut être et agressifs et prudents dans le choix du parc à déployer, autant pour les besoins du Québec que pour les fins d'exportation.
Quelle sera la situation? Comment vivrons-nous dans l'horizon 2006-2011? Je pense que, à la lumière des projets autorisés par la Régie aujourd'hui, nous devrions ne pas manquer d'électricité en 2011. S'il appert que, par la suite, d'autres besoins soient requis, bien, on examinera les options qui se présenteront à ce moment-là. On verra l'évolution récente, aussi, de l'augmentation de la demande en électricité et on pourra ajuster les choses au besoin. Je ne sais pas si ça répond, M. le Président, à la question du ministre.
Le Président (M. Pinard): M. le ministre.
M. Boisclair: La réponse honnête, c'est non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boisclair: Parce que je comprends que vous préférez faire ce débat devant la Régie, mais le contexte international est celui que nous connaissons, avec des risques grands sur la scène internationale, compte tenu du contexte mondial. Deuxièmement, un accroissement de la demande qui est réel, bien sûr, des efforts qui doivent être faits du côté de l'efficacité énergétique, mais un barrage important ne se construit pas en deux ans, et il y a donc des délais.
Et je voulais connaître votre appréciation de l'évaluation qui est faite par Hydro du besoin à court terme. Je comprends que vous ne souhaitez pas ou vous ne pouvez pas répondre à cette question, je respecte cette chose. Mais c'est quand même l'argument qu'on fait valoir. Et je comprends que vous ne pouvez pas m'éclairer davantage sur cette question, mais c'est la question à laquelle il faut aussi répondre: Est-ce qu'il y a des besoins à court terme, oui ou non? S'il y a des besoins à court terme, bien, là il y a un vrai problème, sinon, on peut regarder les choses avec une autre perspective, sachant que la «Paix des Braves» est signée, qui ouvre un potentiel énergétique aussi important; il y a, à la limite, les projets au nord du Nord, aussi, qui pourraient se faire. En d'autres mots, il y a un potentiel hydroélectrique qui est bien présent et qui peut nous amener à regarder des projets comme ceux de Suroît avec une appréciation fort différente.
Vous posez des questions et vous faites des commentaires sur le moteur-roue. J'aimerais bien que vous m'expliquiez parce que, moi, je n'ai pas tout à fait le même entendement. Je croyais qu'Hydro-Québec était particulièrement active, par le biais de CapiTech, dans le développement de nouvelles technologies ? la pile lithium ? que des discussions sont en cours avec des fabricants européens pour voir à la possibilité de mettre sur le marché un véhicule utilitaire qui aurait un court rayon d'action mais qui pourrait être sur le marché. Comment évaluez-vous les efforts d'Hydro-Québec en matière de recherche et de développement pour produire au Québec des technologies qui seraient plus propres? Il y a aussi des projets de pyrolyse, de nombreux projets. Maintenant, si je me trompe, corrigez-moi, ça me fera plaisir de m'amender.
Le Président (M. Pinard): M. Pelletier.
M. Pelletier (Jean-Marc): M. le Président. Donc, deux volets qui ont été soulevés par le ministre. S'agissant des besoins à venir au Québec, effectivement, une centrale, un barrage, ça ne se fait pas en deux ans, trois ans, quatre ans, donc il faut vraiment le regarder sur un horizon plus long et prévoir, dans une dizaine d'années, nos besoins à venir. Donc, certes, là-dessus, sur cet élément-là, oui, concordance de vues.
Maintenant, il y a néanmoins des options qui nous permettraient d'agir rapidement et à court terme. Il s'agit de répondre au court terme, également de répondre au plus long terme. Plus long terme, effectivement, il y a l'option hydroélectrique; elle est là, elle est présente, elle est fort importante et on doit la soutenir, cette option-là. Dans le court terme, nous disposons d'options qui nous permettraient de nous ajuster très rapidement: l'éolien. L'éolien, on n'y reviendra jamais assez. Un parc de 2 000 MW d'éolien, les experts me disent: Du jour 1 au jour de mise en service, ça se fait en trois ans ou quatre ans. On ne parle pas de 10 ans; ça se fait en trois ans ou quatre ans. C'est une option.
Les interconnections, j'y reviendrai. Il y a des problèmes sur les réseaux de transport d'électricité, qui sont sur le point d'être corrigés, il y a des problèmes d'engorgement sur des lignes de transport, il y a des nouvelles technologies, des technologies fax, qui permettent de rerouter l'électricité sur des chemins moins surchargés, donc de mieux utiliser les réseaux existants. Il y a des nouvelles technologies fax moins chères qui sont actuellement à l'étape d'approbation en institut de recherche, nous espérons que ces projets-là verront le jour ? voilà un petit message pour mes gens ? mais donc, pour la question de l'électricité, nous avons des options qui nous permettraient de répondre aux besoins à court terme et aux besoins à long terme de ce segment-là.
Donc, quels seront les besoins à venir? Bien, on pourra se réajuster en fonction de la demande, l'évolution de la demande. J'essaie de répondre à la réponse du ministre, M. le Président. Il y a des divergences d'opinions sur les besoins à venir mais, au-delà de ces choses-là, nous avons des options: les économies d'énergie sont là; l'efficacité énergétique, elle est là; l'option éolienne, elle est là; les interconnections sont là. Donc, ce sont des moyens qu'on peut déployer pour moduler assez rapidement nos besoins à venir, quitte à mettre en chantier dès immédiatement des projets de plus grande envergure sur un horizon d'une dizaine d'années. Donc, nous avons des options qu'on peut déployer.
n(11 h 40)n Second volet de la question, M. le Président, elle touche, elle est relative au projet moteur-roue. C'est une technologie tellement incroyable que nous avions en main en 1996. Nous sommes rendus sept ans plus tard qu'en 1996 aujourd'hui et ce qu'on me dit, c'est que, de l'équipe des chercheurs qui étaient associés à ce projet-là, il ne reste plus personne, sinon une personne qui est associée au projet. Le projet a essentiellement fait du sur-place pendant tout ce temps-là. Et je pense qu'il y avait une bonne volonté des gens de CapiTech de tenter de trouver des partenaires.
J'aimerais quand même préciser et peut-être lire, citer une déclaration de monsieur... du dirigeant, en fait, du responsable à Hydro-Québec aujourd'hui du projet moteur-roue, Technologies M4, on parle de M. Claude Dumas, qui est le P.D.G. de Technologies M4, qui nous dit ceci, et c'est une déclaration assez récente, on le verra à la page 43 de notre mémoire. M. Dumas, donc un cadre supérieur d'Hydro-Québec, qui nous dit: «Dès 1996, la technologie était assez mature pour que l'on puisse approcher des fabricants d'automobiles. Cependant, nous nous sommes heurtés à de puissants lobbys. L'industrie pétrolière, entre autres, mais aussi les fabricants de bougies, de silencieux», ainsi de suite.
Donc, c'est un projet tellement fascinant, tellement prometteur, qui a déjà donné des résultats tellement incroyables que son peu d'évolution depuis sept années... surtout qu'il serait en mesure aujourd'hui de bien commencer à répondre aux objectifs du Québec en termes de gaz à effet de serre. Il faudrait, je pense, questionner Hydro-Québec sur les options qui ont été mises de l'avant en 1996, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, sept ans plus tard, ce projet-là est virtuellement au même point qu'il était en 1996.
M. Boisclair: Une dernière question, si j'ai le temps, M. le Président.
Le Président (M. Pinard): Oui.
M. Boisclair: Dans l'évaluation des grilles, parce que ça, vous parlez des interconnexions essentiellement pour de l'importation d'électricité? C'est ce que j'ai compris?
M. Pelletier (Jean-Marc): Oui.
M. Boisclair: Bon, là, à un moment donné aussi, il y a un autre... Dans la grille d'analyse que nous proposait Greenpeace tout à l'heure, la question du rendement d'Hydro-Québec est une vraie question sur le plan financier aussi, qui se pose compte tenu des besoins budgétaires qui sont ceux du gouvernement du Québec, les équilibres financiers. Est-ce que vous seriez prêt à sacrifier notre autonomie énergétique et les impacts que cela peut avoir sur les rendements d'Hydro, qui sont déjà, somme toute, quand on compare une société d'utilité publique comme Hydro, les rendements d'Hydro sont ? je ne sais pas ce qu'en penserait le député de Laurier-Dorion qui a déjà assumé la responsabilité de ministre de l'Énergie ? mais les rendements d'Hydro sont moyens. Ils ne sont pas exceptionnels, quand on les compare à d'autres sociétés d'utilité publique. Ne parlons pas de l'Ontario, mais les rendements sont plutôt... sont moyens.
En tout cas, ce que je veux tout simplement dire aux Québécois, c'est que c'est une partie, ça aussi, de l'équation. Puis, si on fait de l'évaluation stratégique de projets comme ceux de Suroît, on va tenir compte de cette équation-là aussi, là.
M. Pelletier (Jean-Marc): M. le Président, écoutez, nous sommes plutôt aujourd'hui, je dirais, dans une situation d'interdépendance énergétique et environnementale, c'est-à-dire qu'Hydro-Québec exporte de l'électricité sur les réseaux voisins puis à d'autres moments elle en importe également. L'Ontario fait la même chose avec les États limitrophes, les États américains et ainsi de suite.
Donc, nous sommes interdépendants à cet égard-là. Ce n'est pas 600 MW, une centrale comme Bécancour, sur 30 000 MW, notre parc de production, qui nous rendrait à ce point dépendants de fournisseurs externes, d'une part.
D'autre part, les producteurs qui sont limitrophes au Québec, exception faite du Nouveau-Brunswick, ont tous des courbes de consommation annuelle qui sont différentes de celle du Québec. Essentiellement, leurs besoins principaux, c'est, l'été, la climatisation, moins de chauffage l'hiver. Donc, ces centrales-là sont disponibles dans des périodes autres, l'automne ou le printemps, pour nous permettre d'importer de l'électricité pour répondre à nos besoins annuels à nous. Donc, il ne s'agit pas d'être dépendants; il s'agit d'être interdépendants et de le faire de la bonne façon: interdépendance énergétique, interdépendance, également, environnementale.
Dans le cours d'une journée, lorsqu'on réalise que la production, et notamment thermique au niveau américain et ontarien... Moduler la puissance d'une centrale thermique n'est pas chose aisée. C'est lorsqu'on passe d'un régime, par exemple, de production à 80 % pour l'abaisser à 40 %, pour le remonter à 90 % plus tard dans la journée, c'est là où on assiste à des augmentations significatives d'émissions de gaz à effet de serre.
Sans devenir dépendants, étant liés par des engagements à plus long terme, il y aurait moyen de faire en sorte que ces variations de gaz à effet de serre chez nos voisins puissent amener de moins grandes émanations, parce qu'on parlait tantôt de substitution, si on propose le Suroît, effectivement, ça pourrait substituer à d'autres centrales. Au contraire, le fait, sans être dépendants totalement de ces producteurs externes là, en s'appuyant sur eux pour répondre à nos besoins énergétiques et en faisant en sorte que leurs centrales puissent opérer à des niveaux d'efficacité énergétique et environnementaux plus grands, globalement, nous serions tous gagnants.
Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.
M. Benoit: M. Pelletier, merci d'être avec nous. Il y a tellement de questions qu'on pourrait vous poser. Je ne sais pas ? j'en ai une pleine page ? je ne sais pas par laquelle commencer. Je vais me risquer avec une première. Vous proposez indéniablement que l'hydroélectricité demeure notre première source d'énergie. Vous parlez aussi de construction, éventuellement, de bassins. On a entendu hier ? et ce n'est un secret pour personne ? que le réchauffement de la planète fait que les mers montent, mais que les rivières, l'eau dans les rivière baisse, et on nous a expliqué un peu hier le phénomène. Je suis encore sceptique là-dessus, mais ça a l'air que c'est la vérité.
Une fois ça dit, est-ce qu'on peut encore penser que c'est la bonne filière, celle de l'hydroélectricité si, effectivement, nos bassins sont après s'assécher ou sont en... et, déjà ? vous savez de quoi je parle: nos bassins sont déjà beaucoup plus bas qu'ils l'étaient ? ou est-ce que c'est juste un cycle qui va revenir? J'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là pendant quelques secondes.
Le Président (M. Pinard): M. Pelletier.
M. Pelletier (Jean-Marc): Oui, alors, M. le Président, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise filière: il y a toujours des choix à faire en fonction d'une situation. Je pense que, là-dedans, mon ami, M. Guilbeault, l'a très bien dit auparavant. Mais, en d'autres contextes, substituer, par exemple, le gaz naturel à la production au charbon s'avère une bonne piste, une bonne solution.
En ce qui nous concerne, nous tenons à préciser que, tant pour les besoins du Québec à des fins d'exportation, il y a des éléments fort intéressants à déployer avant de recourir à de la nouvelle hydroélectricité. Elle est bien, elle est bonne. Revenons à de la bonne utilisation de nos interconnexions, de notre interdépendance énergétique et environnementale avec nos voisins. Parlons, parlons d'éolien. J'y reviens et j'y reviendrai toujours: au Québec, on a un potentiel éolien absolument incroyable. Vous savez, M. le Président, récemment, je lisais dans un document, un mémoire soumis au BAPE, que certains alléguaient le fait que, si on déployait ces quantités d'éoliennes là au Québec, si on couvrait la surface de l'île de Montréal... L'île de Montréal est une bien petite surface dans la grandeur du Québec, je veux dire. Je pense que, dans la Côte-Nord, on a, je pense, un orignal aux 150 km²; ce n'est pas quelques éoliennes qui viendraient dénaturer le paysage et l'environnement. Donc, le potentiel éolien, il est là, il est très grand, il est très riche, une belle technologie aujourd'hui mature. Les firmes danoises et allemandes nous la proposent: vous ouvrez le catalogue, vous voulez une éolienne de 2 MW, vous l'achetez. Si vous voulez la version nordique, prenez l'option b, 5 % de plus, et on vous la livre. C'est des machines qui fonctionnent en Mer du Nord, dans des conditions extrêmement difficiles. Donc, c'est le deuxième vecteur à privilégier. Troisième: efficacité énergétique, économie d'énergie.
J'aimerais revenir également sur un point, tantôt, qui n'a pas été soulevé dans ma présentation. Au niveau du segment, du secteur industriel, il y a 38 TWh d'énergie thermique résiduelle qui n'est pas mise en valeur. On parle, par exemple, au Québec, de soutenir un programme de serres. On parle d'écologie industrielle. Pourquoi ne pas utiliser cette vapeur, cette eau chaude à 60° C pour, par exemple chauffer des serres durant la période hivernale ou chauffer des parcs urbains domiciliaires, ainsi de suite? 38 TWh, c'est énorme comme quantité d'énergie. Donc, un autre vecteur à privilégier.
Et je ne dirai pas nécessairement en dernière analyse, mais également une autre option, c'est nos grands barrages, nos grands barrages, bon, effectivement, qui sont une option fort intéressante, qu'on doit mettre dans le parc des options.
Le Président (M. Pinard): M. le député.
M. Benoit: Le consommateur, là, qui nous écoute en ce moment, il veut faire sa part. C'est ce qu'on va lui dire dans les prochaines années, qu'il doit contribuer, qu'il doit collaborer. Il y a des choses qui vont lui arriver sans qu'il le sache trop. On nous a expliqué hier que les nouveaux frigidaires qu'on achète, par exemple, ils sont pas mal améliorés si on les compare à ceux d'il y a une quinzaine d'années. Alors, là, le consommateur, ça ne lui coûte pas plus cher, ça va arriver dans sa cuisine puis il n'aura pas fait trop d'efforts.
D'autre part, il y a des consommateurs comme moi qui seraient probablement prêts à mettre un petit gadget après la tank à eau chaude, ce qui ferait que l'heure de pointe que vous nous montrez dans le document en Ontario, où on s'aperçoit qu'entre 3 et 6 heures, ça coûte une fortune à produire cette électricité-là le soir, eh bien, je ne vois pas pourquoi on n'arrêterait pas la tank à eau chaude à 4 h 30. La laveuse à vaisselle, chez nous, moi, je n'aurais pas de problème qu'elle parte à minuit le soir, ou bien je la pars après le repas ou bien elle ne repart pas. Et le gadget ne devrait pas être si compliqué à installer que ça non plus, etc.
n(11 h 50)n Et je donnais comme exemple hier: on nous invite à acheter des ampoules, et le bon monsieur qui était là, il m'a dit: Non, ce n'est pas vrai que vous payez 19 $ pour les ampoules pour sauver de l'énergie. Eh bien, mon épouse était d'accord avec moi, on a vérifié nos factures, effectivement, je l'ai payée pas loin de 19 $. Alors, le consommateur, il n'embarquera pas quand il a une ampoule à 1 $ d'un côté puis l'autre à 19 $. Le consommateur, il n'embarque pas. Pourquoi? Et Greenpeace tantôt nous a dit ? je pourrais les citer au texte ? ils nous disent que l'Agence pour l'économie de l'énergie, bon, elle a fait un beau travail, elle a fait des beaux efforts mais, d'autre part, qu'elle n'a pas de moyens.
Si j'attache tout ça ensemble, là, on a une agence qui n'a pas de moyens, on a Hydro-Québec qui n'a pas trop avantage à ce qu'on consomme moins d'électricité. En bout de ligne, le 10 milliards s'en va au gouvernement, alors pourquoi baisserait-il sa consommation? Lui, c'est un producteur, c'est un vendeur: plus il en vend, plus il en produit, plus il fait de l'argent. Puis le premier ministre est bien heureux de ça. Alors, lui, ce n'est pas lui qui va m'inviter à poser le gadget sur ma tank à eau chaude. Puis l'Agence n'a pas les moyens de le faire. Puis là, on parle de Kyoto.
Puis le consommateur, je pense qu'il est fondamentalement bon, le consommateur: il veut améliorer. En tout cas, l'expérience que j'ai avec des consommateurs, dans le bloc à appartements, quand on nous a avisés qu'on récupérait, qu'on nous a donné les moyens de récupérer, dans le bloc à appartements, j'ai vu les poubelles disparaître dans les garages puis j'ai vu les bacs à récupération, dans la même semaine, quadrupler et se multiplier par 10 et 12. Alors, le consommateur, en quelque part, il est prêt; il faut juste lui dire comment le faire puis lui rendre ça facilement abordable.
C'est quoi, la solution? Vous en parlez dans votre mémoire, pages 33 à 35. Vous nous parlez de la courbe en S. Vous dites: Bien, tout ça, ça prend du temps. Mais là, c'est plus que du temps, là, je veux dire, c'est une éternité. J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus. Puis, si je n'ai pas raison, gênez-vous pas pour me le dire, le ministre me le rappelle souvent, que je n'ai pas raison. Alors, on est habitué, monsieur.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Pinard): Alors, M. Pelletier.
M. Pelletier (Jean-Marc): Merci, M. le Président. Vous savez, la vie est un long processus d'apprentissage, et je pense que c'est bon d'essayer d'avancer tous les jours. La courbe en S, oui, effectivement, c'est une courbe typique de toute nouvelle technologie. Donc, on parle d'une nouvelle technologie qu'on mettrait au point aujourd'hui. Avant qu'elle pénètre sur les marchés, c'est une courbe en S, ça prend quelques années. C'est normal, c'est caractéristique de toute nouvelle technologie.
Mais nous disposons dès aujourd'hui de technologies qui nous permettraient déjà de répondre à ces besoins-là: des thermostats, par exemple, qui sont programmables à des heures du jour. Ça sert à quoi de chauffer la cuisine quand les gens dorment la nuit dans les chambres à coucher? C'est peut-être des pistes qu'on pourrait examiner. Il faudrait voir l'incidence sur les réseaux. Est-ce que le réseau est en mesure de répondre à ce nouveau profil de transit d'électricité? C'est un point qu'il faudrait examiner. Il y a des options, il y a déjà des technologies en place.
Une des mesures, j'estime, qu'on pourrait déployer très rapidement par réglementation et par accompagnement, c'est l'enveloppe thermique, principalement au niveau résidentiel. Par exemple, par réglementation, on pourrait énoncer le fait que toute réfection importante des toitures commanderait l'installation d'isolation supplémentaire et conforme aux normes actuelles. Mais, évidemment, le consommateur, il n'a pas toujours les moyens de mettre ça en place, donc de l'accompagner dans cette réglementation-là par un support financier.
À titre d'exemple également, M. le Président, je pense, si ma mémoire est bonne, je crois que c'est au Manitoba, le gouvernement supporte l'installation de machines géothermiques, je m'excuse, des pompes à chaleur air-eau, à raison d'un prêt de 15 000 $ remboursable sur 15 ans. Parce qu'on sait que cette technologie-là repose essentiellement... il faut creuser un puits pour en prendre l'eau. L'eau, la chaleur de l'eau sert autant à chauffer l'habitation qu'à la climatiser l'été. Donc, une pompe à chaleur air-eau s'appuie sur un puits, donc qui est plus dispendieux à construire. Mais il y a des mesures d'accompagnement que le législateur, notamment au Manitoba, a mis en place de façon à amener les gens... à les supporter dans ces choses-là.
Donc, on parle de l'Agence qui a peut-être peu de moyens, Hydro-Québec qui n'est pas vraiment incitée à la chose ? nous en convenons ? mais il y a moyen, par réglementation et par accompagnement, d'amener le citoyen qui veut faire un effort à aller dans cette direction-là. Oui, j'abonde dans ce sens-là, M. le Président.
M. Benoit: Comment on peut aller chercher... Si on poussait ça à l'ultime, tous tant que nous sommes, comme consommateurs et industriels, là, pourrions-nous arrêter de construire... Bon. Toute cette économie d'énergie là, pourrions-nous au Québec, ultimement, dans tous vos scénarios, arrêter la construction d'installations, quand on sait qu'on a une population qui est relativement... qui va être décroissante, finalement, en quelque part, là, ou si toutes vos projections, même avec ces économies d'énergie là, on devra continuer ? j'oublie: l'exportation aussi, bien sûr ? juste pour notre consommation interne?
Le Président (M. Pinard): M. Pelletier.
M. Pelletier (Jean-Marc): Cela, M. le Président, écoutez, 1 200 MW de nouvelles installations, on parle ? dans la fenêtre 2006-2011, ça pourrait être le cas aussi par la suite ? on parle des quantités d'énergie de l'ordre de 10, 12, 15 TWh. C'est fort important. Ce que mes gens ont identifié comme potentiel d'efficacité énergétique, d'économie qui est déjà à notre portée, raisonnablement... de l'ordre de 5 TWh. Hydro-Québec est fort agressive dans son scénario à la Régie: elle propose 0,7 TWh. Donc, un potentiel à notre disposition de l'ordre de 5 TWh. Je pense que si on était un peu imaginatifs, on pourrait aller chercher autour du 9 à 10 TWh. C'est à peu près... On est tout près de l'équivalent de centrales qui produisent 1 200 MW essentiellement ou 1 500 MW. Donc, on ne pourrait pas pour toujours éviter la construction de nouveaux équipements, mais on pourrait en différer la construction, certes. Certes. Et je le dis et je le redis: En s'appuyant sur des mesures telles que l'éolien, telles que les interconnexions de nos échanges, nous pourrions, dans une optique d'efficacité économique, d'efficacité environnementale, je pense, nous positionner de façon très avantageuse, également accompagner la recherche-développement, bien sûr. Nos collègues de Shawinigan que M. le Président connaît fort bien seraient très heureux d'être beaucoup plus proactifs en économie d'énergie et efficacité énergétique, et ils attendent des mandats à cet égard.
M. Benoit: Nos confrères de Shawinigan rêveraient aussi possiblement de produire de l'hydrogène. Vous en parlez un peu. Là, on a parlé de la voiture tantôt. Je suis surpris de voir ? et le Parti libéral va sortir son programme en environnement dans les prochaines semaines ? je suis surpris de voir comment, alors qu'on a les deux matières premières, on a l'énergie puis on a l'eau, que le président américain, dans son discours à la nation il y a deux semaines, dit, je le cite de mémoire, c'est à peu près comme suit, il dit: «Un enfant qui vient au monde aujourd'hui, j'espère qu'il pourra conduire une voiture à l'hydrogène dans 15 ans.» Il y a une grande partie des techniques qui sont connues. Je voyais encore une publicité dans un journal en fin de semaine, en Californie où on vend de ces voitures-là déjà, très avancées. Où on doit situer le Québec là-dedans? Est-ce que la recherche est déjà tellement avancée qu'on est «out of the game» ou est-ce que, à cause de nos connaissances en électricité puis de notre eau, on ne peut pas aller de l'avant? J'aimerais ça vous entendre un peu sur cet aspect-là.
Le Président (M. Pinard): Rapidement, M. Pelletier.
M. Pelletier (Jean-Marc): Oui, M. le Président. L'hydrogène, effectivement, est un secteur fort intéressant. Un des problèmes associés à l'hydrogène, c'est l'efficacité. C'est-à-dire que si on part d'une molécule d'eau par hydrolyse, l'hydrogène qu'on obtient, on en perd beaucoup dans l'efficacité globale de la chose. Effectivement, donc, oui, de poursuivre et d'intensifier les efforts de recherche-développement pour être capables de produire de l'hydrogène par de nouveaux moyens et abaisser les coûts de production.
Également, recherche-développement, je pense que c'est toujours important et ce le sera toujours. À titre d'exemple, M. le Président, notre réseau de transport de Québec il y a à peu près 10 % de l'électricité qu'on perd sur les fils sur le réseau de transport. Ce n'est pas parce qu'on est moins bons que les autres, c'est parce que les distances sont grandes et ainsi de suite. Ce n'est quand même pas loin de 800 millions de dollars par année qu'on perd en électricité sur les fils. Un effort: par exemple faire passer le niveau de pertes de 10 à 9 %, donc seulement de 1 % baisser nos pertes sur le réseau de transport, ce serait l'équivalent des besoins en énergie de 100 000 logements par année chauffés à l'électricité, donc 300 000 personnes. Donc, oui, l'hydrogène, poursuivre la recherche-développement. C'est loin d'être à point, il faut soutenir ça. Il faut soutenir également d'autres secteurs de recherche-développement, mais la meilleure solution actuellement est et restera le véhicule hybride, le projet de l'IREQ. J'invite la commission, page 43: Une courbe qui vient de sortir d'une revue scientifique européenne, c'est le scénario hybride-essence qui est aujourd'hui, et même jusqu'à l'horizon de 2047, l'option à privilégier pour le transport.
Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Vous avez abordé un peu le sujet de la question que je voulais vous poser tantôt. J'ai bien aimé vous entendre mettre «éolien» et «Côte-Nord» dans la même phrase. On a des grandes étendues. Il vente chez nous aussi comme sur la Rive-Sud. On a des grandes étendues déboisées aussi, ce qui fait en sorte que ça rend beaucoup plus facile... puis avec tous les chemins de pénétration qui sont créés par la présence d'Hydro-Québec et par les forestiers, ça fait en sorte que ça rend accessible une grande partie du territoire.
n(12 heures)n Mais, même si on ajoutait plusieurs parcs éoliens, disons, en même temps, avec la présence des lignes à haute tension ? c'est là où vous avez abordé un peu le sens de ma question ? c'est qu'il y a un gaspillage énorme présentement qui se passe au Québec. En fait, à la page 25 de votre mémoire, on parle de 1 million de logements qui pourraient être chauffés par les 16 TWh qui sont perdues annuellement sur les lignes à haute tension. Moi, je suis de ceux qui disent: Il me semble que, si on prenait les grosses compagnies énergivores puis qu'on les rapprochait des centres de production d'électricité, ça ferait en sorte de, quelque part, aider énormément le bilan énergétique. Vous n'en faites pas mention, mais est-ce que, au niveau du centre que vous représentez, c'est aussi une solution que de favoriser, par des incitatifs fiscaux ou peut-être par des notes positives au niveau du bilan énergétique des compagnies, de sensibiliser ces compagnies énergivores à se déplacer vers les centres de production d'électricité et de s'en rapprocher?
Le Président (M. Pinard): M. Beaulieu.
M. Pelletier (Jean-Marc): M. le Président, essentiellement, on estime que ça n'aurait pas nécessairement d'incidences fort importantes. Le gros de la production au Québec, il est consommé dans la vallée du Saint-Laurent, essentiellement, et ça, ça inclut la Côte-Nord, on en convient. Mais notre production, elle est principalement localisée à la Baie-James, et c'est Churchill, et le complexe Manic-Outardes. Donc, le fait d'avoir des incitatifs, à moins d'inciter les entreprises à s'établir près de ces centres de production là...
M. Corriveau: La question de Manic-Outardes m'intéresse particulièrement, là, disons. Dans la réponse que vous avez à donner, je pense que la question de Manic-Outardes, c'est une question que les gens se posent en région.
M. Pelletier (Jean-Marc): Oui, bien sûr. Effectivement, en réponse à cela, M. le Président, oui, la localisation des fortes industries énergivores près des endroits où l'électricité est produite pourrait, dans une certaine mesure, amoindrir notre niveau de perte, oui, sur les réseaux de transport.
Le Président (M. Pinard): Merci infiniment, M. Pelletier, de vous être rendu à notre invitation. Ce fut très intéressant, comme toujours d'ailleurs. Alors, merci.
J'inviterais immédiatement M. Pierre Lavallée, directeur général du Centre d'expérimentation des véhicules électriques du Québec, à venir prendre place.
Centre d'expérimentation des véhicules
électriques du Québec (CEVEQ)
M. Lavallée (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est Pierre Lavallée, je suis directeur général du CEVEQ. J'aimerais vous saluer, au nom de M. Marc Gascon, qui est président de notre conseil d'administration et maire de Saint-Jérôme, saluer le ministre Boisclair et les distingués députés. J'aimerais faire une légère introduction pour vous présenter le CEVEQ, parce que c'est quand même un organisme qui est peu connu.
Donc, le CEVEQ a été fondé en 1996 sous l'impulsion de partenaires de la France et du Québec. Le CEVEQ est le premier centre au Canada et au Québec dédié aux véhicules électriques et hybrides. Nous sommes gérés par un conseil d'administration représentatif de l'ensemble des intervenants au Québec et en France dans notre domaine, c'est-à-dire le ministère des Transports du Québec, Transports Canada, Hydro-Québec, les villes de La Rochelle, en France, et de Saint-Jérôme, au Québec, une commission scolaire, un cégep, les grandes sociétés de transport publiques ? la Société de transport de Montréal est sur notre conseil d'administration ? et aussi l'entreprise privée, avec, entre autres, PMG Technologie.
Conscient que le véhicule électrique et hybride devait sortir des laboratoires et des routes de la Californie et de la France pour circuler dans les conditions climatiques du Québec, le CEVEQ a proposé des programmes d'évaluation de véhicules électriques dans plusieurs villes et régions du Québec. Nous avons développé des partenariats et réalisé des projets qui ont constitué des premières canadiennes ou nord-américaines et contribué à faire connaître le Québec comme leader canadien dans le domaine de l'introduction des véhicules électriques. Notons le projet-pilote d'introduction de véhicules électriques à basse vitesse qui a amené le gouvernement fédéral à réglementer sur cette technologie et qui amènera prochainement le gouvernement du Québec à établir une réglementation sur les véhicules électriques à basse vitesse. Notons le Projet véhicules électriques - Montréal 2000, première grande démonstration d'intégration de véhicules électriques dans des flottes commerciales et institutionnelles. Notons aussi deux projets sur les vélos électriques qui ont amené le gouvernement du Québec à être la première province au Canada à légiférer sur les vélos électriques en juin dernier et qui va permettre, à partir de 2003, la libre circulation de ces produits-là sur les routes du Québec. Notons aussi des vitrines technologiques au Mont-Tremblant, des projets d'expérimentation au niveau des flottes municipales, des projets dans le domaine des autobus, etc.
Au fil des ans, le CEVEQ a développé des partenariats et des contacts d'affaires avec des entreprises et des centres de recherche sur les cinq continents. Évidemment, nous avons travaillé avec les grands constructeurs automobiles, nous avons travaillé aussi avec les plus grandes villes du monde, nous avons travaillé aussi avec l'entreprise privée, des organismes publics et des ministères.
Le CEVEQ salue l'initiative d'aller de l'avant avec la commission parlementaire et d'être la première province au Canada à se poser clairement et concrètement comment on va faire pour atteindre les objectifs de Kyoto. Cette expérience que nous avons cumulée au cours des sept dernières années nous a amenés à analyser les problèmes de gaz à effet de serre et celui de l'introduction des véhicules électriques dans le contexte de la mobilité urbaine et des transports avancés. Le Québec possède un parc automobile de 4,5 millions de véhicules. Le Canada un parc automobile de 18 millions, et, actuellement, sur la planète, il y a 700 millions de véhicules qui roulent. Je voudrais juste vous souligner que, selon l'OCDE, dans 25 ans, il y aura 5 milliards de véhicules qui rouleront autour de la planète et qu'actuellement 98 % des véhicules sont alimentés par des carburants fossiles. Alors donc, nous n'avons pas le choix de changer de mode de propulsion dans le domaine des transports.
Au CEVEQ, on aborde la mobilité sous trois angles, et c'est ce dont j'aimerais vous parler aujourd'hui: la mobilité publique où, d'ailleurs, la motricité électrique est extrêmement présente, qu'on pense entre autres au métro à Montréal; la mobilité partagée qui est un concept de plus en plus évident, surtout pour répondre aux problèmes, dans les villes, de congestion parce que, pour nous, aborder le problème des gaz à effet de serre, c'est aussi aborder l'ensemble de la problématique des transports, qui n'ont pas, malheureusement, évolué de façon si importante au cours des 50 dernières années, mis à part le cosmétique qu'on a mis sur la carrosserie et certains équipements qui, aujourd'hui, de toute façon, ne peuvent plus se développer, n'ayant pas assez d'énergie avec la batterie 12 volts à l'intérieur des véhicules; et nous allons aussi aborder la mobilité individuelle, évidemment toujours sous l'angle des véhicules électriques et hybrides et des véhicules, aussi, mus à l'hydrogène, parce que, pour nous, ça fait partie d'une même grande famille.
Alors, quelles sont actuellement les entraves à la prolifération de ces véhicules propres? En premier lieu, on peut dire qu'il y a un problème de disponibilité de produits, et ça, c'est lié au défi technologique, c'est lié au défi de la fabrication et c'est lié aussi à toute la question de la distribution commerciale. D'autre part, il y a un énorme défi aussi au niveau de la réglementation. Qu'on pense que, au Québec, pour que les vélos électriques circulent sur nos voies publiques, ça a pris cinq ans de travail pour en arriver là. Imaginez-vous le temps que ça va prendre avant que les véhicules à hydrogène circulent sur nos routes, qu'ils soient complètement homologués. Récemment, vous avez sans doute entendu parler du Segway Human Transport qui est un véhicule personnel pour situer sur les voies piétonnes. Avant que de tels produits soient introduits commercialement chez nous, ça prend énormément de temps, parce qu'il faut que ces produits-là soient réglementés, acceptés, etc. Donc, c'est une autre barrière. Une barrière aussi importante, c'est les coûts, parce qu'on sait qu'aujourd'hui les coûts sont beaucoup plus élevés. Dernièrement, ça prend aussi des modifications de mentalité, parce que ces produits-là ne fonctionnent pas nécessairement de la même façon.
Alors, tout ça, ça nous amène à parler du problème des gaz à effet de serre, des changements climatiques et des moyens de transport sous l'angle de la planification globale de la mobilité pour réduire les irritants.
n(12 h 10)n La mobilité urbaine et les transports avancés ne peuvent pas être étudiés à la pièce mais bien selon une approche systémique et globale. Ainsi, le futur des véhicules propres dépendra non seulement des innovations technologiques qui leur sont propres et des intervenants qui les introduisent: manufacturiers et chercheurs, mais il sera également influencé par tout un système de facteurs convergents: adaptation des infrastructures, cadres réglementaires, sensibilisation et changement de culture, mode de financement. De même, les décideurs publics devront inclure, dans leur planification, toutes ces données dans une perspective de développement durable.
C'est une des principales conclusions de la première édition du Forum international sur la mobilité urbaine et le transport avancé qui a lieu du 9 au 12 octobre à Saint-Jérôme, au Québec, et qui a réuni plus de 15 000 personnes provenant de 15 pays différents. Le Forum a reçu l'appui financier des gouvernements du Canada et du Québec, Hydro-Québec, la ville de Saint-Jérôme qui ont, en commun avec le CEVEQ et le CEREVEH, notre partenaire français, coorganisateur de l'événement, un intérêt marqué pour le développement du transport propre. Incidemment, la deuxième édition du Forum se déroulera en septembre prochain à Poitiers et la troisième édition est prévue au Québec à l'automne 2004.
Cette introduction étant faite, j'aimerais maintenant vous souligner quelques mesures que nous trouvons essentielles pour le développement des transports propres au Québec. Certaines mesures ont déjà été soulignées dans le document que vous nous avez remis préalablement. Alors, donc, le gouvernement du Québec doit préparer une fiscalité avantageuse pour faciliter l'acquisition de véhicules propres dans des flottes commerciales et chez les particuliers. Il est normal que les véhicules routiers, appartenant aux catégories émissions réduites, émissions très basses ou émissions zéro bénéficient du principe pollueur-payeur, et je pense que là-dessus vous avez des propositions qui sont extrêmement intéressantes.
D'autre part, les propriétaires des parcs de véhicules, commercial et institutionnel, et entendre par là aussi la flotte du gouvernement, doivent se doter de plans de conversion vers des véhicules propres, électriques, hybrides électriques, etc., selon un pourcentage à définir par une commission d'évaluation dirigée par un organisme spécialisé. Il est important, pour ce type de mesures, de mettre sur pied des stratégies limitées dans le temps, de même qu'il est essentiel de penser à une répartition équitable selon la disponibilité des technologies. Je pense que c'est normal, au niveau de la mobilité publique, que les gestionnaires de grands parcs, les municipalités, les ministères, etc. donnent l'exemple. Et considérant l'intégration des différents spécialistes dans ces flottes-là, et considérant l'expérience que nous avons développée au fil des années, il est tout à fait possible, à très court terme, d'aller de l'avant dans ce sens-là. Et j'indiquais d'ailleurs dans le mémoire qu'on vous a remis que nous sommes actuellement à travailler sur le projet Entreprises vertes, projet à l'intérieur duquel nous pouvons travailler grâce à un financement du FAQDD, Fonds d'aide québécois pour le développement durable, et nous allons proposer à l'ensemble des grands parcs du Québec un programme de plan de conversion de leurs véhicules vers des véhicules propres.
Il faut aussi adapter les infrastructures et il faut aussi faire la promotion de la mobilité publique et partagée. Alors, donc, les gouvernements et les municipalités doivent aller de l'avant avec une série de mesures visant à mettre en place les infrastructures permettant de soutenir l'implantation des véhicules propres et d'encourager le transport collectif et de l'intermodalité. Pour les véhicules propres, il faudrait multiplier les projets du type Projet véhicules électriques - Montréal 2000 qui mettait en place une trentaine de centres privés et publics de recharge dans la grande région de Montréal. Plus de recherches doivent être effectuées à travers des partenariats industrie-université-institutions, comme celle actuellement en cours sur la robotisation, pour permettre la permutation des batteries en 10 minutes, temps équivalent à un passage dans une station d'essence.
Prises dans leur sens large, les infrastructures de soutien aux véhicules propres comprennent également les services de maintenance. Les initiatives en formation spécialisée de mécaniciens et de techniciens doivent être encouragées, comme c'est le cas, par exemple, dans la région des Laurentides, avec la commission scolaire de la Rivière-du-Nord et le cégep de Saint-Jérôme, pour maintenir les besoins d'une industrie en croissance. Il faut poursuivre les initiatives favorisant l'utilisation de moyens de déplacement propres, comme le développement des voies cyclables, ce qui est déjà un acquis important au Québec, et le soutien aux projets axés sur la mobilité partagée, par exemple les véhicules électriques en libre service et les véhicules en temps partagé. La gestion de la circulation doit passer par des initiatives répondant aux besoins des automobilistes, comme l'instauration de stationnements incitatifs pour encourager les automobilistes à se garer en bordure des villes et entrer dans la ville en autobus ou en train.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au secteur des transports terrestres présente un défi énorme. En effet, les transports influent directement sur la vie des gens: déplacements pour le travail, loisirs, etc. Le secteur des transports joue aussi un rôle social important en réduisant l'isolement et en permettant un meilleur accès aux soins de santé, à l'éducation et aux autres services gouvernementaux. Ils sont un élément-clé du niveau de vie d'un pays. Par conséquent, on ne peut apporter des modifications au transport sans s'assurer de la compréhension et de la participation du public. L'objectif est de sensibiliser les consommateurs aux avantages qu'il y a à utiliser et/ou acheter des véhicules et des équipements écoénergétiques. Le CEVEQ, comme beaucoup d'autres, propose de multiplier les initiatives de sensibilisation du public aux effets néfastes des transports sur l'environnement.
Enfin, nous croyons qu'il est extrêmement important au Québec, à ce moment-ci, de saisir l'occasion pour créer un pôle technologique et industriel de classe mondiale en transport terrestre avancé. L'activité économique liée à la réduction des gaz à effet de serre et au développement du transport avancé représente un potentiel de développement considérable. Le Québec possède des ressources: l'hydroélectricité, et un savoir-faire de calibre international: matériaux légers, stockage de l'énergie, etc. pour se tailler une place de choix dans ce marché. Le choix stratégique, par le gouvernement du Québec, d'aller de l'avant pour créer un pôle technologique et industriel en transport avancé nous apparaît une orientation gagnante. Déjà, la région des Laurentides fait figure de pionnière dans cette orientation. Merci de votre attention.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, Pierre. Sans plus tarder, première question, M. le député d'Abitibi-Est.
M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lavallée, du Centre d'expérimentation des véhicules électriques. Ça tombe bien, M. Lavallée, parce que peut-être que vous allez être capable de me donner des précisions ou me réconforter dans ce que je peux connaître ou davantage ne pas connaître dans le domaine. Il me semble, moi, que ça fait... j'ai comme l'impression que ça fait 15, 20 ans qu'au Québec on entend parler de découvertes extraordinaires d'Hydro-Québec ou de ses filiales concernant un véhicule électrique. J'ai entendu parler et j'ai même vu, me semble, marcher, à la télévision, le moteur-roue, l'invention du moteur-roue. Puis aussi, dans un domaine ? peut-être vous pourrez m'éclairer ? au niveau des batteries, on avait, semble-t-il, découvert quelque chose d'assez formidable. Et puis, à ce que je sache, ça fait 20 ans qu'on étudie, qu'on recherche, qu'on planifie, qu'on fait des plans stratégiques mais à ce que je sache, on n'a pas encore produit rien. J'espère me tromper là, c'est pour ça que je vous demande l'éclairage.
Au niveau marketing ou au niveau de l'information, j'entends bien plus parler de la compagnie Ballard de Vancouver que toutes sortes de sociétés québécoises qui changent à tous les deux, trois ans et qui reprennent en main la batterie ou le moteur-roue, mais ça ne roule pas encore. Est-ce que c'est parce qu'au Québec on a de l'électricité en grande quantité qu'on ne trouve pas, d'une manière assez importante, le besoin de créer un véhicule ou une batterie propre? C'est-u parce qu'on a trop d'électricité que ça nous aveugle à rechercher, d'une manière agressive, la production de véhicules ou de batteries qui marchent?
Le Président (M. Pinard): Alors, j'aimerais vous entendre sur la pile à ACEP et la pile au lithium.
M. Lavallée (Pierre): Disons que je vais faire un léger préambule pour me permettre de souligner que l'industrie de l'automobile comme telle n'est plus une réalité au Québec. Il y a 20 ans, nous avions plus de 10 000 emplois dans cette industrie-là et nous étions, jusqu'à un certain point, un concurrent de l'Ontario. Maintenant, 98 % des activités de cette grande industrie-là a pignon sur rue en Ontario, aux États-Unis, en Europe, et au Japon, et en Corée, mais le Québec, pour toutes sortes de raisons, n'est plus dans cette industrie-là.
n(12 h 20)n Alors, lorsqu'on parle du problème du moteur-roue et lorsqu'on parle du problème de la batterie lithium métal polymère, je pense qu'il faut le regarder sous cet angle-là, selon nous. En ce qui concerne la batterie lithium métal polymère, c'est un succès. Ils ont déjà ouvert une entreprise AVESTOR, à Boucherville; comme vous savez tous, ils fabriquent pour le secteur des télécommunication et je crois savoir que, dans le domaine automobile, il pourrait y avoir d'excellentes nouvelles dans les prochaines semaines, mais ce n'est pas à moi de vous révéler ces choses-là. Alors donc, en ce qui nous concerne, la batterie lithium métal polymère, elle concurrence actuellement, outrageusement, les meilleures technologies chez SAFT en Europe, chez Bolloré, en Europe aussi, et les autres. Alors, là-dessus, pour nous qui sommes des experts, on a constaté, en allant voir ailleurs ? parce que la plupart du temps on n'intervient pas ici, mais on est soit en Europe ou aux États-Unis et on regarde comment les choses évoluent ? sur le plan de la batterie lithium métal polymère, ça va assez bien.
Il est clair que, sur le plan de l'hydrogène, l'Ouest canadien a pris une avance exceptionnelle parce que, l'année dernière, le gouvernement fédéral a accordé une importante contribution pour le développement d'un centre de recherche et développement en Colombie-Britannique, non loin de Ballard. C'est une logique, on peut être d'accord ou pas d'accord avec ça, mais ce sont les faits. Mais ça empêche que, au niveau du Québec, actuellement, il y a des équipes qui travaillent extrêmement fort là-dessus.
Et je voudrais vous souligner que, lorsque M. Bush, aux États-Unis, Président de l'administration américaine, a vanté le développement de l'hydrogène, c'est qu'il a en même temps enterré les programmes importants, comme le PNGV, qui donnaient des résultats à court terme et qui facilitaient l'introduction des véhicules électriques et hybrides. Et il faut voir que, souvent, c'est plus intéressant de penser à des solutions dans 25 ou 30 ans que de se demander qu'est-ce qu'on va faire demain matin. Enfin, ça, c'est une logique, c'est la logique du pétrole, c'est la logique des gens qui ne cherchent pas de solutions à court terme, mais qui s'imaginent que c'est l'avenir lointain, le plus lointain possible, qui va donner des résultats. Mais ça n'empêche que, nous, on trouve que l'hydrogène est un carburant stratégique. D'ailleurs, dans le document qu'on vous a remis, on vous indique qu'il y aura 10 %... on évalue qu'il y a au moins 10 %, dans 25 ans, des véhicules qui vont fonctionner à l'hydrogène.
Maintenant, le point le plus critique de tout ça, c'est la question du moteur-roue. J'ai un collègue ? bien, enfin, un collègue, je ne le connais pas, là, mais j'en ai entendu parler à plusieurs reprises ? qui l'a évoqué tout à l'heure. Et évidemment, cette question-là, pour nous, c'est arrivé à un moment dans l'histoire du Québec et dans l'histoire du monde où les véhicules hybrides électriques ? parce qu'il ne faut pas oublier que, au départ, on parlait du groupe traction Couture, hein, on parlait de moteur-roue, mais on parlait aussi d'une motorisation hybride avec une génératrice, etc. ? et donc c'est arrivé à une période où l'hybridicité n'était pas à la mode du tout, mais pas nulle part. Toyota n'avait pas encore sorti les hybrides, ni Honda. C'est aussi arrivé à un moment où le Québec n'était pas un joueur actif dans le domaine de l'automobile et c'est arrivé aussi à un moment où, je pense, Hydro-Québec n'avait pas nécessairement d'orientation par rapport à cette industrie-là.
Alors, nous, on estime qu'on avait là, en 1996, quelque chose d'absolument exceptionnel. Si ça avait été entre les mains d'une entreprise privée du type Toyota, Honda, etc., mais vraiment dans un laboratoire de recherche, ces gens-là, au lieu de faire de la politique avec cette invention-là puis de la sortir trop vite, ils l'auraient développée encore plus longtemps puis ils seraient arrivé avec un produit fini. Malheureusement, il est arrivé ce qui est arrivé.
Le Président (M. Pinard): M. le ministre.
M. Boisclair: Bien, c'est à mon tour de vous remercier. Je suis d'autant plus content de vous rencontrer que je pense que c'est la première fois qu'on a l'occasion d'échanger, même indirectement, par le biais de cette commission parlementaire. Je voudrais d'abord reconnaître votre expertise et votre contribution. Vous jouez un rôle très certainement important. Vous en profiterez pour saluer aussi votre président, Marc Gascon, le maire de Saint-Jérôme qui, si je ne me trompe pas, dans sa propre municipalité, utilise une flotte de véhicules électriques.
M. Lavallée (Pierre): Tout à fait.
M. Boisclair: Il donne donc l'exemple aux municipalités de sa région. Vous savez que, à cet égard, le Québec, quand on le compare à certaines autres provinces, pourrait faire un certain rattrapage quant à l'utilisation de véhicules électriques dans les flottes publiques.
Je veux aussi vous dire que, c'est appuyés sur une expertise semblable à la vôtre que nous allons, je l'espère, dans les prochaines semaines ? ce n'est pas une question de mois ? publier des nouvelles directives au Conseil du trésor pour faire en sorte que le parc automobile du gouvernement du Québec soit utilisé et soit développé avec les meilleurs préceptes environnementaux en tête. Il y a déjà un certain temps qu'on travaille sur cette question; il y a très certainement moyen pour certains véhicules utilitaires d'utiliser des technologies qui sont moins énergivores et donc moins émettrices de gaz à effets de serre.
Je voudrais vous poser une question sur les incitatifs requis pour que ces technologies qui existent et qui existeront de plus en plus... Toyota, si je ne m'abuse, a indiqué que la très grande majorité de leurs véhicules seront hybrides d'ici une dizaine d'années. Est-ce que le marché seul va, pour l'introduction des technologies à des fins commerciales, jouer seul? Est-ce que l'État doit intervenir avec des incitatifs fiscaux? Est-ce que, déjà, par exemple, la taxe sur l'essence ne constitue-t-elle pas un incitatif puissant pour que des gens utilisent des automobiles qui consomment moins d'énergie? Quelqu'un qui utilise en ce moment un véhicule utilitaire va consommer plus d'essence, va payer donc plus de taxes. On peut déjà dire qu'il y a une prime à l'utilisation d'un véhicule qui pollue davantage. Comment vous voyez cette question des incitatifs et du rôle de l'État pour que ces technologies soient introduites sur le marché?
La question du développement, je ne l'aborde pas, je la comprends bien. Mais vous nous rappelez qu'on n'est pas un joueur dans cette industrie et que notre action serait marginale. Mais, pour l'introduction de ces technologies-là sur le marché, est-ce que vous pouvez nous indiquer des pistes que nous devrions suivre?
Le Président (M. Pinard): M. Lavallée.
M. Lavallée (Pierre): Oui. Alors, je vais transmettre à M. Gascon vos salutations. Et, évidemment, Saint-Jérôme est une ville-pilote et laboratoire dans le domaine de l'introduction des véhicules électriques et hybrides. Il y a effectivement plusieurs projets d'évaluation et plusieurs véhicules qui circulent au quotidien.
Pour répondre à votre question, la semaine dernière, j'étais en France justement, dans les villes de Poitiers, Bordeaux et Larochelle, et on discutait de quels étaient les meilleurs incitatifs pour favoriser l'introduction des produits. Curieusement, une des premières choses que les gens m'ont dites, et ça relève même du monde municipal, c'est que le stationnement dans les centres-villes, exclusifs pour les véhicules électriques, devient un élément extrêmement intéressant et motivateur pour faciliter la vente et le développement de ce type de produits là. Parce qu'on sait que ? bon c'est le cas à Montréal, c'est le cas... à Québec, je connais moins la réalité mais ? dans la plupart des grands villes du monde, dans les centres-villes, dans les places d'affaires, c'est extrêmement difficile de se stationner. Alors, le fait d'avoir la vignette «véhicule électrique», on a des cases réservées et gratuites. Ça, ça fait en sorte que c'est un incitatif.
Alors, des fois, on peut imaginer que c'est une subvention de 10 000 $ qui va régler tout le cas mais, des fois, c'est dans des mesures comme ça qui font en sorte qu'on trouve des solutions.
n(12 h 30)n Il est clair que, à court et moyen terme, l'État devra intervenir pour supporter l'introduction des véhicules propres. Il est évident que le surcoût de l'achat de ces produits-là devra être pris en compte. Il est évident aussi que les compagnies d'assurances devront être mises à contribution, parce que souvent, actuellement, ayant peur et connaissant peu ces nouvelles technologies là, elles ont tendance à faire de la surfacturation, alors que parfois ça pourrait être le contraire. Mais il est sûr que l'État doit intervenir.
Et j'estime que ça peut se passer à deux niveaux: d'une part, au niveau du consommateur, mais ça peut être aussi au niveau du constructeur. Et ça peut être aussi une façon indirecte d'attirer au Québec un développement dans le domaine des transports terrestres avancés. Parce que, nous, on considère que, si actuellement, dans le cadre de la propulsion conventionnelle thermique, on est peu présents dans cette industrie-là... On fait un appel actuellement pour qu'il y ait des efforts supplémentaires qui soient mis pour prendre une place justement dans le domaine de la construction de véhicules électriques et hybrides. Ayant, par exemple, un leader mondial dans le domaine des batteries, avec AVESTOR, il est évident que, pour introduire des batteries AVESTOR dans un véhicule, si on les fabrique ici, et comme ces batteries-là sont bien intégrées dans les véhicules puis, bon, enfin, que, au niveau de la fabrication, ça poserait un certain problème si elles étaient assemblées ailleurs, bien, c'est des façons pour nous qu'on considère qu'on pourrait attirer des industries ici.
Mais il faut penser que la plupart des grands constructeurs actuellement qui développent des véhicules électriques et hybrides et des piles à hydrogène reçoivent directement des crédits importants de l'État, que ce soit aux États-Unis, au Japon ou en Europe. Il est clair que tous ces programmes-là sont subventionnés, et largement subventionnés, et, enfin, c'est, je crois, important de le faire.
Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.
M. Boisclair: ...à la fin de l'année dernière, l'air du temps.
Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. M. Lavallée, merci d'être ici avec nous. Dans votre mémoire ? je veux juste lire, pour les gens qui nous écoutent, une phrase ? vous dites: En 15 ans, les déplacements en voiture ont augmenté dans la région de Montréal de 34 % et ceux en transport en commun ont diminué de 17 %. La consommation d'essence au Québec est en hausse de 26 % depuis 15 ans. C'est des chiffres qui, finalement, parlent un peu d'eux-mêmes.
Et, avant de poser ma question, vous dire que ma recherchiste ici est une admiratrice de vos produits et, quand vous avez commencé à parler, la première question qu'elle m'a demandée, elle m'a dit: Demande-lui donc où est-ce qu'on peut les acheter, ces voitures-là? Alors, il y a des consommateurs, comme ça, dans le marché qui seraient prêts. Et bien sûr, malheureusement, on n'est pas rendu là. C'est à peu près impossible, le consommateur qui voudrait effectivement se procurer ces produits-là. Mais souhaitons que ça arrive le plus tôt possible.
Peut-être une seule question. Vous avez mentionné 5 milliards de voitures en quelle année? J'ai mal compris le chiffre tantôt.
M. Lavallée (Pierre): Dans 25 ans.
M. Benoit: Dans 25 ans. D'accord.
M. Lavallée (Pierre): Et c'est l'OCDE qui nous fournit ces chiffres-là.
M. Benoit: C'est beaucoup d'autos, là. Je ne sais pas comment on va toutes les empiler sur la planète, mais ça, c'est une autre question. Enfin, où sont les grands de ce monde, les GM, les BM, les Ford de ce monde, autant en Asie qu'en Europe, qu'ici, sur le continent nord-américain, où sont-ils rendus dans la voiture électrique? Je suis un peu comme mon confrère ici, de l'Abitibi, je suis un peu mélangé. Depuis que je suis au monde, me semble, que j'entends parler de ça, que je lis. Quand j'étais petit gars, c'était la revue sur les... mon Dieu! ça s'appelait... je ne sais plus trop comment ça... C'était une revue pour les inventeurs qui était popularisée, qu'on pouvait trouver un peu partout, là. Bon. Déjà, on parlait de ça. J'ai maintenant 58 ans et j'ai l'impression qu'on a comme peut-être encore la courbe en S, tantôt, là, qu'on nous a expliqué, mais elle est longue, cette courbe en S là.
J'aimerais ça vous entendre: Où sont les grands de ce monde? Ils ne veulent pas que ça finisse par être dans mon garage? Est-ce que c'est ça finalement? Vous nous avez parlé de M. Bush, qui a... Évidemment, je viens de comprendre pourquoi, dans son discours, M. Bush nous avait invités à aller vers l'hydrogène, là. Je n'avais pas compris ça dans son discours; là, je l'ai compris tantôt. Enfin, où sont rendus les grands de ce monde dans cette industrie-là?
Le Président (M. Pinard): Avant de nous donner la réponse, je demanderais un consentement aux membres de la commission pour poursuivre nos travaux, puisque...
Une voix: Oui, oui.
Le Président (M. Pinard): Consentement, merci. Alors, M. Lavallée.
M. Lavallée (Pierre): Alors, c'est sûr que, moi aussi, quand j'étais jeune, je rêvais à la voiture électrique, parce que je viens de Shawinigan, la même place que M. Pinard, et, comme c'était à l'époque la ville de l'électricité, eh bien, enfin, on imaginait qu'un jour, en plus des maisons, on alimenterait les véhicules. Disons que les grands de ce monde justement ont des approches diamétralement opposées, dépendant dans quel secteur du monde ils sont.
Les constructeurs français Peugeot, Renault et Citroën ont adopté, au début des années quatre-vingt, une orientation franchement vers le véhicule électrique à batterie et ils ont poursuivi cette orientation-là au cours des 20 dernières années, et y croient toujours. Ils ont développé des produits, bon, un peu intermédiaires, là, comme, par exemple, le véhicule électrique à batterie avec un prolongateur d'autonomie, qui est un modèle hybride pur, enfin, ce qui veut dire qu'à un moment donné vous vous branchez pour recevoir de l'énergie. Alors que Toyota et Honda, bien, c'est un autre type d'hybride, vous n'avez pas besoin de vous brancher.
Les Allemands ont définitivement orienté leurs activités vers le diesel, considérant par là que... D'ailleurs, la Volkswagen Lupo nous annonce 1 litre au 100 km, ce qui est absolument exceptionnel. Il faut savoir que le parc automobile français, par exemple, est actuellement composé à 60 % de véhicules qui fonctionnent au diesel. Et, selon les informations, et les recherches, et les lectures qu'on fait, il est clair que le diesel va s'avérer un choix extrêmement critique dans les années à venir. Bon. Ça pose d'autres problèmes, parce que, vous savez, peu importe l'efficacité énergétique des moteurs qu'on développe dans les carburants fossiles, c'est qu'il y a tellement plus de véhicules qui circulent puis il y a tellement plus de kilométrage qui s'additionne à chaque année, on arrive au même point à la fin.
En ce qui concerne les Japonais, c'est vraiment Toyota qui est le leader. Ils ont annoncé que, dans 12 ans, tous leurs modèles seraient hybrides. Ils font résolument une action systématique. Ils ont intégré dans leur processus ce que, nous, on appelle le «life cycle cost», ça va du début jusqu'au recyclage à la fin. Et ils font des travaux extrêmement importants là-dessus. Et je pense que Honda et Nissan sont eux aussi... évidemment, c'est des compétiteurs naturels de Toyota et Honda.
Quant à nos grands constructeurs américains, GM, Ford, Chrysler, il est clair que le leader américain jusqu'à tout récemment était Ford. Ford avait une division véhicule électrique qui s'appelait la division Think. D'ailleurs, le Projet Montréal 2000 a été basé sur le Ford Ranger électrique et la Think City, qui étaient deux produits de Ford. Sauf que, lorsque l'administration de M. Bush est arrivée au pouvoir, avec le virage, Ford a annoncé qu'il abandonnait sa division Think. Alors, ce que ça veut dire, c'est que, concernant nos voisins américains GM, Ford et Chrysler actuellement, ils vont nous proposer des modèles hybrides électriques l'année prochaine. Dans le cas de Daimler-Chrysler, ils sont dans des produits de niche, comme, par exemple, le véhicule à basse vitesse. Parce que ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a des nouvelles applications maintenant.
Et, bon, il est clair que notre expérience et celle des collègues aussi qui travaillent avec nous nous amènent à dire actuellement que ce ne sont malheureusement pas les constructeurs automobiles qui vont être à l'avant-garde. Par exemple, la semaine dernière, on parlait, en France, d'une alliance avec la grande compagnie d'aviation Dassault, qui serait maintenant rendue dans la voiture électrique, avec un assembleur de la région Poitou-Charentes, qui est Heuliez. Et, de plus en plus... D'ailleurs, on a vu ici Bombardier, à une certaine époque, faire de... comme on dit, piquer une pointe vers ces technologies-là. Mais les grands manufacturiers automobiles actuellement ne sont pas les leaders dans ce domaine-là, exceptés les Japonais et les Français. Et nous ne croyons pas qu'à court terme l'impulsion va venir d'eux. Et c'est très malheureux, parce que c'est les gens qui contrôlent le marché, c'est les gens qui ont le meilleur «know-how» pour nous amener des véhicules vraiment prêts. Mais, surtout aux États-Unis, depuis les déclarations de l'administration Bush, et ils ont vraiment fait un pas en arrière.
M. Benoit: Merci, M. Lavallée.
Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.
n(12 h 40)nM. Corriveau: Oui. Eh bien, à écouter vos propos, je comprends que ce n'est pas demain la veille qu'on va avoir des véhicules 100 % électrifiés, là, mais que c'est peut-être plus vers l'hybride qu'on s'enligne. Mais du côté du 100 % électrique, les coûts au kilomètre parcouru puis l'autonomie, là, on est rendu où présentement si on compare ça, par exemple, à un véhicule à moteur à essence conventionnel ou au prix à la pompe? À un moment donné, c'est sûr que le contribuable, il peut faire le calcul. Je veux dire, moi, ça me coûte, je ne sais pas moi, 50 $ le kilomètre ou 2 $ le kilomètre. Je dis n'importe quoi, mais je veux dire: Est-ce que vous avez vraiment des études de comparaison, le coût au kilomètre parcouru puis également au niveau de la capacité d'autonomie d'un véhicule électrique?
M. Lavallée (Pierre): Pour répondre à votre question très rapidement, les études qu'on a faites depuis plusieurs années, depuis sept ans chez nous, puis on a plusieurs centaines de milliers de kilomètres de faits, c'est entre 0,01 $ à 0,02 $ du kilomètre en véhicule électrique et en ville ? et en ville. Parce que, d'ailleurs, le moteur électrique est beaucoup plus efficace dans l'arrêt-départ qu'à pleine vitesse sur de longues distances.
J'aimerais vous souligner que, pour nous, le véhicule électrique est pleinement opérationnel actuellement dans certaines niches, qu'on pense, par exemple... et vous allez voir que... Bien, exemple, les surfaceuses de glace électriques dans les arénas, la propulsion électrique est pleinement opérationnelle. Les mobylettes, les bateaux- moteurs, les vélos, les véhicules spéciaux, il y a plusieurs niches où la propulsion électrique à batterie est pleinement opérationnelle.
Et, dans les flottes captives aussi, nous avons un grand partenaire dans le monde municipal, qui est la ville de Montréal et lorsque nous évaluons les besoins, ce que les gestionnaires de flottes nous disent, à la ville de Montréal, c'est qu'en moyenne un véhicule fait 40 km par jour, et l'autonomie, aujourd'hui, d'un véhicule électrique, c'est facilement 100 km par jour. Donc, dans le cas des flottes captives, la plupart des parcs automobiles au Québec pourraient se satisfaire de véhicules électriques à batterie.
Donc, c'est pour ça que, dans le mémoire que je vous ai fourni, je vous ai noté un petit graphique qui dit que, à court terme, c'est la mobilité publique qui est le meilleur champ d'expertise pour les véhicules électriques; à moyen terme, c'est la mobilité partagée; et, à long terme, c'est la mobilité individuelle. Or, compte tenu de l'autonomie de ces produits-là actuellement, surtout dans la version automobile, celle qu'on connaît, on pense que, en usage de flottes captives, ça va; en usage aussi sur des terrains récréotouristiques, style «resort», etc., ça va aussi; en usage de ville seulement, c'est parfait, ça pourrait servir de deuxième voiture. Mais, pour les circuits interurbains ou pour la longue distance, il est clair que ce n'est pas un marché qui est actuellement prêt. Mais, nous, on considère que les besoins sont tellement importants pour l'avenir que c'est incontournable.
La question aujourd'hui, ce n'est pas de se poser si ça marche, c'est quand. C'est inévitable, on ne peut pas passer à côté de ça. C'est comme le transport collectif dans les grandes villes, c'est fondamental. Et tout le temps qu'on hésite, c'est du temps perdu que, à un moment donné, on va être obligé de rattraper de façon un peu improvisée. Mais il ne serait pas logique de dire à ce moment-ci aux consommateurs québécois: Vous allez avoir des véhicules électriques à batterie dans cinq ans. Ça demande une explication un peu plus nuancée: dans certaines catégories, oui, dans d'autres catégories, non. Mais il y a une démarche et on doit aller vers ça et, nous, on pense que... et c'est d'ailleurs... les autres, souvent, ils nous font des blagues dans les autres pays, ils nous disent: Vous autres, on sait bien, avec l'hydroélectricité au Québec, vous avez une énergie renouvelable.
Même les collègues de Greenpeace, à une certaine époque, ils trouvaient que le Québec était un lieu d'application parfait pour le véhicule électrique. Et ce qu'il faut savoir, c'est qu'on a déjà fait des études, et c'est assez incroyable: pour un million de véhicules électriques qui circuleraient au Québec ? un usage moyen d'un véhicule électrique, c'est 6 à 8 000 km par année, comparativement à 16 à 18 pour les véhicules conventionnels ? ils ont parlé de 1 % de la production totale d'Hydro-Québec. Donc, ce n'est pas le véhicule électrique et sa prolifération qui va faire en sorte qu'on va être obligé de bâtir des centrales. Et souvent, ces gens-là se rechargent la nuit, alors donc, on est dans une période hors pointe. Alors, il est clair que, pour le Québec, ça peut être un choix avantageux, mais il y a beaucoup de travail à faire avant d'arriver là.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup. Merci, Pierre, de ton exposé. Et j'invite les membres de la commission à nous revenir dès 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 15)
Le Président (M. Pinard): Alors, rebonjour à tous. Nous poursuivons nos travaux, que nous avons interrompus à 1 heure. Alors, je tiens à vous rappeler que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto au Québec.
Alors, nous avions terminé ce matin nos travaux en recevant M. Pierre Lavallée, le directeur général, et nous allons de ce pas poursuivre nos travaux en recevant le Groupe de recherche appliquée en macroécologie, qui est représenté par M. Jean-François Lefebvre, vice-président, ainsi... vous allez nous présenter votre collègue. Et les règles du jeu sont les suivantes: vous avez 15 minutes pour nous exposer votre rapport; ensuite, il y aura une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission. M. Lefebvre.
Groupe de recherche appliquée
en macroécologie (GRAME)
M. Lefebvre (Jean-François): En fait, c'est ma collègue qui va commencer.
Le Président (M. Pinard): Vous êtes madame?
Mme Romanelli (Christina Maria): Christina Maria Romanelli. Je vais le redire. Donc, bonjour, mesdames et messieurs. Avant tout, nous aimerions vous remercier de l'insigne honneur que vous nous faites de nous recevoir devant cette importante commission. Je me présente de nouveau: je suis Christina Maria Romanelli, et voici à mon côté mon collègue Jean-François Lefebvre, et nous représentons le Groupe de recherche appliquée en macroécologie, donc le GRAME.
Le GRAME est un organisme à but non lucratif voué à la protection de l'environnement et à la promotion du développement durable. Notre organisme existe depuis 1989, donc depuis environ 14 ans. Le GRAME est le premier groupe environnemental québécois à avoir priorisé l'enjeu des changements climatiques. Il a aussi été l'un des premiers groupes à soulever la problématique de l'étalement urbain, tout comme il fut un pionnier au Québec dans le domaine des incitatifs économiques en gestion de l'environnement. Le GRAME s'est aussi démarqué depuis 1993 en favorisant la réhabilitation de l'hydroélectricité, une importante source d'énergie renouvelable dont la réputation a été injustement ternie.
Selon nous, l'impact économique de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto pourrait globalement être très positif, à la condition que les différentes politiques soient cohérentes et que les bonnes décisions soient prises, tant au niveau gouvernemental que de la part des entreprises, commerces et institutions. Afin d'atteindre l'objectif de Kyoto, il y a consensus sur la nécessité d'accroître l'efficacité énergétique. Par contre, nous aimerions souligner l'importance de tenir compte des trois dimensions de l'efficacité énergétique environnementale. La première est l'efficacité énergétique ou le rendement des unités de consommation ou de production. La deuxième, l'impact environnemental par unité de consommation ou de production. Et la troisième, l'efficacité structurelle, telle que la problématique de l'étalement urbain et de la fiscalité.
Parmi les mesures proposées par le GRAME, soulignons l'adoption par le gouvernement du Québec du Code modèle national sur l'énergie des habitations, soit le CMNEH, et le Code modèle national sur l'énergie des bâtiments, soit le CMNEB. À cet effet, on met aussi en garde qu'il y a eu une petite coquille dans notre mémoire. Au chapitre 2, on avait parlé des codes modèle national sur l'efficacité des habitations et sur l'efficacité des bâtiments. Le mot «efficacité» doit être remplacé par «énergie» pour ces deux codes, au deuxième chapitre.
n(14 h 20)n Donc, parmi les autres mesures proposées, notons aussi des logements sociaux efficaces, en s'inspirant de l'initiative du Fonds de l'efficacité énergétique, ainsi que l'implantation du chauffage solaire de l'espace et de l'eau. Donc, maintenant, je cède la parole à mon collègue Jean-François.
M. Lefebvre (Jean-François): Voilà, puis ça, ça résumait le début du mémoire. J'en arrive au chapitre III, où un autre volet qu'on a voulu identifier de façon spécifique, c'est la nécessité de poursuivre le développement d'énergies renouvelables mais en incluant ce qu'on a nommé... en incluant l'hydroélectricité, incluant elle-même, aussi, les mégaprojets hydroélectriques.
Je pense qu'il faut considérer qu'il n'y a pas de contradiction entre développer l'hydroélectricité et développer les autres filières renouvelables. On appuie, par exemple, le 1 000 MW d'éoliens qui a été annoncé, mais ça ne doit pas justifier un recul sur le plan hydroélectrique. On ne doit pas avoir une énergie renouvelable qu'on doit subventionner parce qu'elle est plus coûteuse et renoncer à une énergie renouvelable qui est plus rentable à côté. Et il faut se rappeler ? puis on l'illustre quand même assez bien dans notre mémoire, sans revenir sur les tableaux ? que le complexe de la Baie James a été un très bon choix économique et environnemental.
Et je continue sur une citation: «Si le but du Canada et du Québec est de respecter son engagement international, une partie du discours environnemental dominant, selon notre analyse, pourrait constituer un facteur d'échec tout aussi radical que le discours dominant les lobbies des automobilistes, des pétroliers et des charbonniers: ce discours rejette arbitrairement certaines solutions, soit parce qu'elles contreviennent à des dogmes carrément idéologiques ou encore tout simplement parce que l'objectif de plusieurs groupes de pression est la promotion de certaines mesures», plutôt que d'autres. Bon.
Et, à la fin, on soulève: «Une grande partie des intervenants environnementaux sont d'accord pour soutenir, d'entrée de jeu, qu'il ne faut surtout pas chercher la solution au réchauffement [...] dans une production hydroélectrique accrue.» Et, même si ça a été soulevé dans plusieurs documents et du gouvernement du Québec et dans le plan d'action fédéral qui soulève maintenant la nécessité d'intégrer l'hydroélectricité, je pense qu'il va falloir être plus proactif, là, dans cette option, donc, si on veut qu'elle ait la place que ça mérite.
Ensuite, l'autre volet, c'est celui des transports, qui, je ne vous le cache pas, est extrêmement important. Et là il faut tenir compte de l'amélioration de l'efficacité des véhicules, le transfert modal, l'aménagement urbain, qui sont les trois dimensions, justement, qui ont été citées par ma collègue tout d'abord, mais appliquées au transport.
Dans une étude qu'on a faite, par exemple on a vu qu'il y a une des solutions technologiques, qui d'ailleurs est expérimentée au ministère de l'Environnement, au ministère des Transports, qui permettrait... si c'était un surfactant pour carburant, qui permettrait de réduire... Théoriquement, si tout le monde l'adoptait, ce seraient 400 millions de dollars qui pourraient être sauvés par les consommateurs, puis avec des réductions de 8 %. Bon. Ces mesures-là, c'est théorique, le taux de pénétration que je donne, mais il n'y a pas de raison à ce que, dans toutes les flottes de véhicules, on n'adopte pas... tout comme le gouvernement du Québec a déjà adopté des objectifs pour ses propres flottes, mais que ça devienne des objectifs pour l'ensemble des parcs de véhicules du domaine public et parapublic. Donc, j'inclus soit Hydro-Québec ou toutes les sociétés qui relèvent... Donc, il y a des moyens de réduire les émissions qui sont acceptables, et ce serait déjà une façon de faire, de donner l'exemple. Bon.
D'autres volets. Au niveau des transports, c'est toute la réglementation et les incitatifs économiques. Sans les nommer tous, j'insisterais d'abord sur une priorité qui est l'adoption d'un système de redevances remises à l'achat des véhicules et ce qui est son complément, qui est souvent négligé dans les analyses: la modulation des frais d'immatriculation, qui est un complément du système de redevances remises donc, dans les deux cas, en fonction du taux de rendement énergétique des véhicules.
Évidemment, il y a d'autres outils. C'est sûr que, comme dans un cas de boum pétrolier, des prix pétroliers, actuellement il y a une pression pour demander des baisses de taxes. Peut-être que ce n'est pas le temps, politiquement, d'augmenter la taxe sur l'essence, mais ce n'est pas le temps non plus de céder, je dirais, aux pressions sur des situations très conjoncturelles pour réussir... pour enlever ce qui est quand même un outil structurel à long terme pour favoriser l'atteinte des objectifs.
Et évidemment, il y a tout ce qui est promotion du transport en commun qui doit être une priorité. Là, encore là, il y a aussi et du financement mais aussi des incitatifs économiques, comme l'idée de crédit d'impôt pour l'utilisation du transport en commun qui est une parmi d'autres. J'ai été plus vite sur les outils financiers, mais il y en a beaucoup qui ont déjà été débattus mais qui font partie du même débat, que ce soit à moyen terme ou à plus long terme.
Et, finalement, il y a tout le volet structurel, notamment développer les infrastructures, faire du développement résidentiel proche des infrastructures de transport en commun, les infrastructures lourdes qu'on appelle, et aussi tout ce qui est Transit Oriented Development, donc le développement orienté en fonction du transport collectif. D'ailleurs, il y a des projets intéressants à Saint-Jérôme à ce niveau-là. Mais il y a aussi toutes les zones désaffectées dans la région des villes centrales où c'est des éléments-clés. Évidemment tout ce qui est structurant, quand je parle de structurant, c'est les SLR, les voies réservées donc qui sont à développer. Donc, poursuivre aussi les programmes qui sont déjà annoncés en termes de développement de métro. Donc, ça résume brièvement, parce que vous le savez, bon, le transport, je pense qu'il y a beaucoup de points qu'on a mentionnés, j'essayais de soulever les principaux éléments.
Et, peut-être, pour terminer, l'échange de droits d'émissions, sur lequel on sait qu'il y a un système qui est prévu dans le plan d'action fédéral, qui va toucher les grands émetteurs finaux, c'est 35 % des émissions canadiennes qui vont être assujetties. D'après les évaluations du GRAME, on arrive à à peu près 25 % des émissions québécoises, donc, qui vont être incluses dans le système. Et là l'enjeu majeur est au niveau du départ du système et plus un enjeu d'équité envers le Québec et envers les entreprises québécoises qui ont déjà fait des efforts de réduction. Et, à ce niveau-là, la reconnaissance des actions précoces est un des éléments-clés pour pouvoir partir du bon pied, de façon que ce soit équitable. Je peux mentionner que le GRAME a été le groupe environnemental qui a... en tout cas, le groupe québécois qui a participé le plus à tout le processus fédéral-provincial, donc on a été sur deux des groupes de travail provinciaux et trois du groupe fédéral-provincial pour la mise en oeuvre du Protocole, et on a travaillé beaucoup sur la question des permis échangeables, et c'est un enjeu qu'on pense qui est aussi extrêmement important.
On a tellement fait l'effort pour être sûrs de ne pas dépasser notre temps que je pense qu'on est en avance et qu'on a terminé. Donc, on serait ouverts aux questions dès maintenant.
Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons procéder du côté gouvernemental, M. le ministre.
M. Boisclair: Bien. Mais écoutez, d'abord merci à nos invités, merci pour cette expertise que vous partagez avec nous. Je pense que, quant aux conclusions, nous arrivons à peu près aux mêmes. Je voudrais profiter de votre présentation pour vous dire que, sur la construction des logements sociaux, votre préoccupation est la mienne ? je suis aussi ministre des Affaires municipales, ministre responsable de l'Habitation, et je serai cohérent ? et qu'un chantier est ouvert avec la Société d'habitation du Québec.
Je souhaite que l'État québécois, en matière de changements climatiques, ait un comportement exemplaire et que nous donnions le ton et que nous soyons même ceux qui, par notre action, allons inciter des gens du secteur privé à développer des connaissances sur ces nouvelles technologies pour plus facilement les mettre en marché et donc les rendre accessibles aux consommateurs à meilleur coût. Et je veux donc jouer au maximum l'effet de levier, et il est clair que la Société d'habitation du Québec a le mandat de s'assurer que les meilleures normes soient respectées et qu'on puisse s'inspirer des meilleures pratiques et mettre sur le marché des édifices qui soient les plus performants sur le plan énergétique. Je veux que cela soit clair. Je ne suis pas encore tout à fait arrivé aux résultats, mais j'y travaille et j'espère pouvoir annoncer de bonnes nouvelles dans les prochaines semaines.
Je veux aussi profiter de l'occasion ? si je retrouve le document de consultation qu'on a rendu public ? pour vous dire que le gouvernement du Québec a fait un pas considérable sur le plan de l'efficacité énergétique dans ses bâtiments. Je n'ai pas la référence exacte, je voudrais la retrouver dans le document. On me dit moins 24 %, mais je vais demander qu'on me trouve la référence exacte. Mais donc, ce chantier-là est bien ouvert.
n(14 h 30)n Il y a des questions maintenant plus difficiles qui se posent à nous, et c'est là un peu où je veux solliciter vos conseils. Il y a plusieurs personnes, moi, qui m'interpellent... Et je ne fais pas ici... je sais combien ces questions sont sensibles, et ce n'est pas ici une annonce, là, je prends toutes les précautions pour que les gens de la presse ne titrent pas, demain: Québec étudie, là. Mais comment voyez-vous l'intégration, dans le prix de certains produits et de certains services, l'intégration d'externalités liées à la pollution issue d'un processus de fabrication? Donc, on connaît la thèse de l'intégration des externalités: le prix ne reflète pas toujours la véritable valeur du bien ou du service qu'on produit, du fait de la pollution et des externalités. Comment cette question se pose dans la réflexion que nous avons à faire sur le prix de l'électricité au Québec?
Le Président (M. Pinard): Madame? Monsieur?
M. Boisclair: Est-ce que vous avez une opinion sur cette question? Et quand on voit par exemple ? je rentre d'Europe ? quand on voit d'ailleurs le prix auquel les Européens, et les Français en particulier, paient leur électricité et on voit les technologies qui sont sur le marché, c'est incroyable de voir combien on est à des années lumières de ce qu'ils font. Des lumières allumées toute la nuit dans un corridor de bloc appartement, là, on ne voit pas ça, à Paris, là. Il faut peser sur le bouton, la lumière reste allumée le temps qu'on passe dans le corridor; puis ne brettez pas trop longtemps dans le corridor parce que la lumière va s'éteindre. Comment vous réagissez à ces différences de comportements?
M. Lefebvre (Jean-François): En 1996, d'ailleurs avec l'appui du ministère de l'Environnement, le GRAME avait organisé un des premiers colloques au Québec sur la réforme écologique de la fiscalité. Et ce que vous amenez un peu, au fond, la façon d'internaliser les externalités, ce qu'ils font en Europe c'est via le concept de réforme écologique de la fiscalité, dans la mesure où ils intègrent les coûts environnementaux. Mais on ne peut pas non plus juste augmenter le fardeau fiscal, donc c'est fait avec une perspective que l'augmentation des coûts énergétiques qui est associée à la pollution est compensée par des baisses d'impôts ailleurs. C'est ce concept-là qui rend plus acceptable, à ce moment-là, le fait d'internaliser les coûts.
Et il faut voir aussi que la distinction, dans l'approche, peut se faire... Bon, ça, c'est une approche très générale, mais de façon très pratique il faut séparer: secteur industriel, secteur des transports. Une redevance remise sur les véhicules, c'est une application de l'internalisation du coût d'un gros véhicule, un gros 4x4, qui ajoute un surcoût à la société, alors que la famille peut très bien se déplacer avec un véhicule plus petit. Bon. Donc, il y a des instruments économiques qui permettent d'intégrer en partie.
Pour le volet industriel, à court terme, à moins d'aller vers une taxe sur le carbone, que, nous, on a déjà appuyée dans le passé, il faut dire, mais pour laquelle politiquement on ne croit pas que le contexte est actuellement favorable, là, donc, dans ce cas-ci, c'est plus les droits d'émissions échangeables qui vont représenter au moins la contrainte environnementale pour les grandes entreprises mais qui ne sera pas un poids comme une taxe, parce qu'on s'attend à ce qu'ils soient attribués gratuitement, à l'origine, donc ils ne seront pas vendus aux enchères. On a proposé par contre, dans le deuxième document, une étude qu'on avait faite pour le ministère de l'Environnement, qu'il y ait une partie au moins qui soit vendue aux enchères, ne serait-ce que 1 %, bon, pour donner un petit signal de prix.
Et deuxièmement, bien, c'est la règle d'attribution qui fait une différence, aussi. Parce que, si on attribue gratuitement un capital qui vaut des milliards, que la centrale au charbon en Alberta reçoit toutes ses émissions qui sont couvertes pour 2002, une entreprise qui aura augmenté de cinq parts pour cent ses émissions, à ce moment-là, ils ont juste à se convertir au gaz naturel et ils vont pouvoir vendre des permis, alors qu'au Québec nos entreprises qui ont baissé de façon nette d'à peu près 5 %, celles qui seraient visées par le système, vont être prises pour en acheter.
Donc, je ne peux pas vous dire autrement que c'est la fiscalité et les droits d'émissions, puis la fiscalité... en sachant que, la taxe sur le carbone, ce n'est pas évident pour tout de suite. Au minimum, le fait d'avoir plus d'argent investi par Hydro-Québec en efficacité énergétique, ce serait déjà un pas; par contre, ce serait déjà un compromis où on aurait l'équivalent peut-être de 1 % du prix de l'électricité qui financerait les programmes d'efficacité énergétique. Ce serait un pas vers l'internalisation des coûts. Mais, de façon théorique, je pense qu'on vous a dit qu'est-ce qu'il faut faire. De façon pratique, c'est limité actuellement à cause de la réception sur la taxe du carbone, qui ne nous semble pas très bonne ici, là.
M. Boisclair: Est-ce que je vous ai bien compris? Lorsque vous parlez du système de droits échangeables que le fédéral propose, est-ce que je vous ai bien compris en disant que ce système, comme il est construit en ce moment, va introduire des distorsions...
M. Lefebvre (Jean-François): Il pourrait.
M. Boisclair: ...du fait qu'il favorise des secteurs d'activités à plus grande intensité par rapport à d'autres? C'est la critique que nous faisons d'ailleurs au plan fédéral. Est-ce que vous me dites que ces distorsions seraient à ce point graves qu'elles pourraient envoyer des signaux de prix pervers qui pourraient inciter des gens non pas à faire ce changement vers des énergies plus propres, mais bien encourager les producteurs d'énergie qui utilisent les polluants les plus durs pour l'environnement?
M. Lefebvre (Jean-François): C'est-à-dire que le signal environnemental va être bon. Le problème, c'est une question d'équité. C'est-à-dire qu'on peut se retrouver dans une situation que l'entreprise... L'industrie de l'aluminium, par exemple, qui a fait des gros efforts de réduction au Québec, va se retrouver dans une situation où ils vont devoir acheter... ils pourraient avoir à acheter beaucoup de permis, même s'ils l'ont déjà réduit, alors que certaines entreprises ? bon, je peux nommer l'Alberta, quand même, un secteur où globalement les émissions ont été en hausse ? il y a des entreprises qui ont augmenté leurs émissions qui pourraient avoir un bénéfice. Dans ce cas-là, c'est l'attribution initiale.
La question est de dire: Est-ce qu'on va prendre 1990 ou 2000, comme référence? Et probablement que, politiquement... Les entreprises n'ont pas les données, nécessairement, de 1990, les gouvernements les ont vraiment peu gérées pour son territoire. Par contre, il y a des compromis qui peuvent être faits. Juste le fait d'obliger... Dans notre étude, on démontre que, si on oblige à avoir trois ou cinq années consécutives pour les émissions, on évite que l'entreprise de l'Alberta va utiliser sa pire année récente. C'est une méthode simple pour faire en sorte qu'ils ne puissent pas prendre leur pire cas et se faire attribuer les permis en fonction du pire cas. Et ça, il y a moyen d'obliger, dans les négociations, de dire: Non, non, prenez pas votre pire année, vous en prenez trois ou vous en prenez cinq.
Et l'autre solution qu'on proposait et qui serait très équitable, c'est qu'à ce moment-là ce soit les trois années consécutives, mais au choix. S'il y a une entreprise québécoise qui s'est inscrite à ÉcoGESte, qui peut démontrer quelles étaient ses émissions de 1991 à 1993, ce sera sa référence. À ce moment-là, on attribue un peu plus de permis, mais à ce moment-là on dévalue les permis de tout le monde. C'est qu'on a fait un équilibre dans la répartition et on dévalue, de tout le monde, du 5 %. On a fait dans notre document quelques simulations, et ce que ça démontre, c'est que ça permet à ce moment-là de rééquilibrer, de faire une répartition qui rend un petit peu plus équitable pour ceux qui ont réduit, sans enlever le fait que celui qui a augmenté a quand même... ne part pas nécessairement d'un mauvais pied. Donc, je pense que c'est un peu ça, l'approche.
M. Boisclair: Je vous remercie pour ces questions. Puis j'ai retrouvé le passage dans le texte: «Les émissions de GES par bâtiment public au Québec ont été réduites de 5 %, passant de 1,11 mégatonne, équivalent CO2, en 1990, à 1,06, en 1999. Par rapport à 1990, les bâtiments de la Société immobilière du Québec ont réduit leurs émissions de 24 %; les bâtiments du réseau des commissions scolaires, de 9 %; les bâtiments du réseau de la santé et des services sociaux, de 5 %; et ceux de la Société d'habitation du Québec, de 3 %.» Ces chiffres sont tirés à la page 16 du document de consultation. Mais, au net: 5 %.
Encore une fois, je pense que les Québécois peuvent comprendre que c'est faisable d'obtenir des réductions puis des réductions qui ne sont pas toujours parmi les plus dispendieuses. Et, ce qui est fantastique dans le cas de ces diminutions obtenues ? je n'en ai pas la preuve mais je suis convaincu qu'on pourrait me la faire facilement: que ces réductions sont liées à une utilisation plus rationnelle des sources d'énergie et qu'au net c'est moins de dépenses en carburant et en énergie pour le gouvernement du Québec. Merci.
Le Président (M. Pinard): Alors, je céderais maintenant la parole au député de La Prairie. M. le député.
M. Geoffrion: Merci, M. le Président. Merci de votre mémoire. Une question assez large. Moi qui représente un comté de banlieue, vous avez parlé tout à l'heure de l'expérience en termes d'aménagement, par exemple, à Saint-Jérôme; la ville verte de banlieue, elle pourrait ressembler à quoi?
M. Lefebvre (Jean-François): Sans faire une démonstration trop large, vu le temps imparti, on peut aller juste sur l'exemple de Saint-Jérôme, qui est quand même très concret, où il y a maintenant le train de banlieue qui est sur le point d'arriver, si je ne m'abuse...
M. Boisclair: Grâce au ministre des Affaires municipales.
M. Lefebvre (Jean-François): ...donc, et pour lequel on parle déjà de faire l'aménagement autour de la gare. Quand je dis «aménagement», c'est: aménagement résidentiel, petits commerces, avec l'idée que les gens puissent se rendre à pied pour aller acheter du pain et aller au restaurant. Donc, faire en sorte qu'on a, malgré tout, créé un milieu, je peux dire, de vie convivial, même si ce n'est pas nécessairement dans un grand centre urbain. Donc, c'est faisable, c'est qu'à ce moment-là il faut que ce soit conçu de sorte que, proche des infrastructures de transport collectif, on ait des résidences à ce moment-là qui soient à proximité.
Puis un autre exemple, c'est qu'il y a plusieurs bouches de métro à Montréal où c'est des terrains de stationnement puis des garages qui sont à côté, ce qui est un non-sens. Bon. Enlevez trois, quatre espaces de stationnement puis trois, quatre garages, puis mettez les constructions résidentielles. Tous ceux qui vont habiter à une minute de marche du métro, c'est prouvé, prennent le métro. Donc, ça, c'est une façon intelligente de les concevoir, et ça s'applique autant en ville, comme j'ai dit, que dans les régions plus rurales, même si c'est différent, mais c'est le même concept aussi.
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(14 h 40)
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Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Mme la députée de La Pinière.
M. Geoffrion: Oui, ça va.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, madame et messieurs du Groupe de recherche appliquée en macroécologie, merci pour votre présentation et votre mémoire. Je suis porte-parole de l'opposition officielle en matière d'habitation; je suis extrêmement intéressée aux suggestions que vous nous avez faites en ce qui a trait au Code modèle national de l'énergie pour les habitations, et, en effet, c'est un investissement fort intéressant à plus long terme. Maintenant, j'aimerais savoir que doit comprendre ce fameux Code modèle national de l'énergie pour les habitations.
M. Lefebvre (Jean-François): C'est un code qui est déjà établi, qui était en fait proposé par le gouvernement fédéral en 1997, qui a été adopté par l'Ontario et Vancouver, depuis. Au Québec, la réception à l'époque a été de dire: Formons les constructeurs du domaine pour les habituer, pour voir s'ils sont capables et prêts. L'Agence de l'efficacité énergétique a eu beaucoup de sessions de formation d'ailleurs qu'ils ont tenues. Et la conclusion que l'on a, mais aussi qui est partagée par d'autres intervenants comme l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie, avec qui on collabore, la conclusion qu'on a vue dans le milieu, c'est que les gens sont prêts maintenant. On est après l'Ontario, mais ce n'est pas grave, mais là c'est temps que les normes soient adoptées.
La norme implique, et c'est une norme minimale, la norme implique de faire que les constructions soient 25 % plus efficaces que ce qui se construit actuellement. Et actuellement, c'est surprenant, mais j'ai vu des chiffres où les constructions neuves, dans certains cas, c'est 5 % des fenêtres qui sont efficaces. Pour sauver une fraction microscopique des coûts, les constructeurs vont faire «cheap», si vous me pardonnez l'expression. Et c'est assez incroyable. Et le fait d'avoir ce minimum-là, qu'on devrait exiger... Puis c'est un minimum, parce que l'objectif, après, est de travailler sur la norme R-2000 et la norme C-2000 pour le commercial. Mais, d'ici octobre 2004, ce serait déjà un objectif d'adopter les deux codes qu'on a mentionnés.
Mme Houda-Pepin: Donc, le code auquel vous faites référence, c'est le code fédéral appliqué en Ontario.
M. Lefebvre (Jean-François): Mais c'est un code modèle, c'est-à-dire que le fédéral le propose mais ça doit être la province qui en fait l'application.
Mme Houda-Pepin: Oui, oui, je comprends ça. Maintenant, étant donné que, nous, on est passés d'abord par le test de l'industrie pour savoir si elle peut y adhérer, vous, ce que je comprends dans votre mémoire, c'est que vous souhaitez que le gouvernement en fasse un code applicable au niveau de l'ensemble de l'industrie de l'habitation, particulièrement en ce qui a trait aux logements sociaux, dans lesquels le gouvernement est impliqué lui-même. Est-ce que je comprends bien votre proposition?
M. Lefebvre (Jean-François): En fait, le Code concerne toute la construction d'habitations et le Code sur les bâtiments, tout ce qui est commercial. Donc, les logements sociaux, c'est autre chose. Le but dans les logements sociaux est de faire plus que le Code. Le Code, c'est 25 % de plus que ce qui se fait actuellement, et l'objectif est de faire 50 % de plus pour les logements sociaux. L'objectif du Fonds d'efficacité énergétique, c'est de payer le surcoût, de dépasser de 25 % l'objectif du Code modèle. Le Code modèle est déjà la moitié seulement de ce qu'on pourrait faire. Ce qu'on dit, c'est que cette moitié-là du chemin, on doit la faire tout de suite, la rendre d'une façon législative tout de suite et de commencer à travailler là où le gouvernement peut influencer, par exemple dans les parcs et les logements sociaux, pour aller chercher l'autre 25 % additionnel. En d'autres termes, on peut faire 50 % mieux que ce qui se fait.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Mais, pour que ce Code soit appliqué universellement, il faudrait qu'il soit établi par le gouvernement, il doit être instauré par le gouvernement, et proposé à l'ensemble de l'industrie et non pas laissé de façon volontaire. Parce que l'industrie de la construction, c'est une industrie très concurrentielle; ce qu'on entend sur le terrain, c'est que les coûts de construction sont déjà très élevés et n'arrêtent pas d'augmenter de façon exponentielle. Donc, engendrer d'autres coûts, ça ne viendra pas tout seul, si ça dépend seulement de la volonté de l'entreprise privée. Il faut qu'il y ait des mécanismes, des incitatifs et que ce code-là soit en fin de compte introduit par le gouvernement et proposé à l'ensemble de l'industrie. Est-ce que c'est la solution vers laquelle...
M. Lefebvre (Jean-François): Exactement. Exactement.
Mme Houda-Pepin: C'est ce que je voulais préciser. Sur un point, là, à la page 23 de votre mémoire, vous dites: «Intégrer les budgets d'investissements et d'opération pour la gestion des édifices publics.» On est toujours dans les normes, et le Code modèle national de l'énergie, pour cette fois-ci, ce serait pour les édifices publics. Et, quelque part, vous dites que «les gestionnaires responsables des coûts d'opération ont rarement leur mot à dire sur les choix d'investissement». À quoi vous faites référence en affirmant une telle chose?
M. Lefebvre (Jean-François): Dans ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a des budgets différents, dans bien des cas, entre l'investissement et l'opération. Et je vais vous donner l'exemple des logements sociaux. C'est qu'actuellement, le fait de faire des logements sociaux plus «cheaps» permet d'en faire plus avec le même budget, donc d'afficher... Ça paraît mieux de dire: J'ai fait 100 logements sociaux de plus parce que je les ai faits de moins bonne qualité, parce que c'est... Même si le fait d'en faire un petit peu moins, par exemple... on ferait en sorte que, pour le gouvernement, ce serait rentable. Sur 20 ans, on aurait sauvé énormément d'argent, beaucoup plus que l'investissement ? quand je dis 20 ans, en réalité, c'est des investissements qui sont établis souvent en six ans à peu près, donc.
Mais, la façon dont c'est séparé, les enveloppes, là, actuellement on a une enveloppe pour faire des logements sociaux; ce n'est pas la même enveloppe qui va déterminer comment va être financé le coût énergétique de ces logements-là. Et c'est cette distinction qui fait en sorte qu'on ne fait pas automatiquement pour le mieux. Pour le faire, on est obligé de rajouter l'effort de dire: Oui, il faut qu'on fasse de bonne qualité. Mais, actuellement, ça ne se fait pas de façon instantanée. Et cet exemple-là, je pense que dans beaucoup, beaucoup de cas, il doit s'appliquer.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Un des axes sur lequel vous vous appuyez beaucoup, c'est le transport en commun. On sait que, lorsqu'on parle de la mise en application du Protocole de Kyoto, le transport, c'est un peu le «bad boy», c'est là où on rencontre le plus d'effets néfastes au niveau de l'environnement. Et vous plaidez beaucoup pour le transport en commun; je vous suis, je vous appuie et je suis également de ceux qui disent qu'il faudrait décongestionner, entre autres pour la grande région de Montréal. Je viens de la Rive-Sud de Montréal, je pousse sur le transport en commun. Nous avons un bon projet qui est celui du système léger sur rail, auquel vous avez fait référence, et qui est actuellement un peu bloqué parce qu'on parle d'un investissement de 640 millions de dollars pour sa réalisation. Par contre, il en coûte plus de 500 millions de dollars annuellement en pertes économiques pour la congestion dans la grande région de Montréal.
Alors, je pense effectivement qu'il y a de l'avenir pour ce type d'équipement. Il faut continuer à le promouvoir parce que ça correspond à un certain nombre d'objectifs qui sont bien entendu environnementaux, hein, mais aussi au niveau des rapports coûts-bénéfices, au niveau de l'efficacité énergétique, etc., ça répond à tous ces critères-là de façon extrêmement positive. Alors, continuez à plaider pour les systèmes légers sur rail, je vais être très heureuse d'entendre ça, parce qu'on pousse dans la même direction.
M. Lefebvre (Jean-François): Et je pense que le Québec a des avantages dans le secteur industriel au niveau du transport, au niveau du transport en commun mais au niveau aussi... Toute notre expérience puis notre industrie de l'aluminium par exemple peut contribuer à alléger les véhicules nord-américains, entre guillemets, et faire en sorte que ça peut réduire leurs émissions. Il y a tout des liens qui sont à faire, et dans ce sens-là je pense qu'il y a des pistes industrielles à pousser, où on pourrait avoir à la fois des avantages économiques puis à la fois contribuer, bon, globalement, à un système de transport qui soit plus performant sur le plan environnemental.
Mme Houda-Pepin: Merci.
Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. Bien, c'est plus une remarque au ministre de l'Environnement, mais je vais la poser sous forme de question parce que c'est la façon dont je dois m'adresser à vous. C'est tout le phénomène de la deuxième résidence, finalement, que ce soit à Tremblant ou sur le bord des lacs dans les Laurentides. J'apprends, dans les dernières journées, que le ministre des Parcs au Québec est après approuver la construction de 1 000 condos dans le centre du parc du Mont-Orford. Et il y a tout un débat, bien sûr, dans cette région-là: 57 mémoires ont été présentés, 53 étaient contre, et le ministre des Parcs ne tiendrait pas compte de ces remarques, de cette opposition et va autoriser la construction de 1 000 condos dans le centre du parc du Mont-Orford en échange de terrains, sans prendre en considération la valeur de ces terrains-là.
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(14 h 50)
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J'aimerais ça vous entendre sur le phénomène de la deuxième résidence, qu'elle soit à Tremblant, qu'elle soit à Orford ? surtout sur un parc provincial, c'est encore pire, là ? qu'elle soit sur un bord de lac. Vous parlez bien sûr de contribuer à réduire le phénomène de l'étalement urbain. Est-ce que, ce que je suis après comprendre, c'est que la deuxième résidence à un moment donné elle finit par être une première résidence, ce qui ne se devait pas être de l'étalement urbain finit en étalement urbain en quelque part? J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus.
Le Président (M. Pinard): M. Lefebvre.
M. Benoit: Vous comprendrez que j'avais aussi un message à passer au ministre, mais il fallait que je le fasse sous forme de question.
Le Président (M. Pinard): M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Jean-François): Bon. Je vous dirais d'abord que, spécifiquement, sur le projet du Mont-Orford, je n'ai pas de mandat, ce n'est pas quelque chose qu'on a débattu, donc je n'ai pas de position officiellement sur cet enjeu. De façon plus générale, sur la question des résidences secondaires, je pense qu'on ne peut pas intervenir, je dirais, dans la vie privée, les choix des Québécois à tous les niveaux. Mais ce qu'il faut, c'est aller, comme disait justement M. le ministre, aller vers une prise en compte des coûts environnementaux qui font en sorte que, à ce moment-là, si le coût environnemental de l'automobile est davantage pris en compte... Et là, se rendre à son chalet dans un gros 4x4 qui consomme deux fois plus qu'une autre voiture, bien, déjà, si on change de véhicule, on vient de couper de moitié. C'est une chose.
Je pense que, effectivement, il y a tout des débats à essayer de préserver certaines zones puis certains parcs puis à limiter le développement. Mais, par contre, ça ne veut pas dire qu'on va pouvoir nécessairement l'enrayer. Mais, oui, effectivement, il faut être prudent avant de se lancer dans des développements comme ça. Mais, comme je l'ai dit, de façon spécifique pour celui-là, on ne peut pas intervenir, là.
M. Benoit: Très bien. Merci.
Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Vous avez référé tantôt à un cas de modèle national de l'énergie pour les habitations ainsi que pour les bâtiments. Il existe déjà des codes nationaux pour le bâtiment, le Code national de prévention des incendies, qui sont laissés, disons, à l'arbitraire des municipalités de les mettre en vigueur ou pas sur leur territoire.
Est-ce que vous préconisez que ça pourrait être également laissé, disons, au choix des élus locaux, municipaux, d'adopter de tels codes sur leur territoire ou si ça doit être directement provenant du gouvernement que ça doit être fait?
M. Lefebvre (Jean-François): Bon. Vancouver l'a adopté, donc, l'Ontario va l'adopter, donc ça peut être adopté. Le Code modèle sur l'énergie pour les bâtiments et celui... O.K. peut être adopté au niveau municipal, celui sur les habitations. Par contre, dans le contexte actuel, c'est beaucoup plus logique, surtout avec la fragmentation qui est peut-être beaucoup moins pire au niveau des municipalités depuis qu'il y a eu les regroupements, mais ça crée en sorte d'avoir une distorsion. Un constructeur qui construit avec des fenêtres de mauvaise qualité dans la municipalité qui est juste à côté, le consommateur ne voit pas nécessairement toute cette distinction-là, O.K. Ça ne changera pas le choix d'un consommateur. Il n'ira pas habiter en Ontario versus au Québec parce qu'il y a 1 % de différence dans le coût de la maison. Bon.
Par contre, entre deux villes qui sont limitrophes, ça peut peut-être jouer en défaveur de celui qui est soumis au Code, même si dans ce cas-là la défaveur est quand même très faible, là, mais c'est beaucoup plus simple et, si on veut atteindre l'objectif de Kyoto, il ne faut pas qu'on commence avec la stratégie de dire: Oui, les municipalités vont adopter. Les municipalités sont en train de finir de gérer la fusion; elles sont loin d'être prêtes à prendre l'initiative et le leadership pour des dossiers comme ça. Le gouvernement du Québec peut le faire, le Code est là, tout est prêt. Beaucoup d'organismes, l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie entre autres, ont fait des études qui soulèvent justement que les gens du milieu sont prêts. Donc, je pense que la solution est l'adopter, et l'échéancier, c'est octobre 2004.
M. Corriveau: Peut-être une dernière...
M. Boisclair: ...pour 2004 parce que c'est dans le plan québécois. Puis je peux vous le confirmer tout de suite, là, il y a un plan québécois sur les changements climatiques qui s'en vient, après cette commission parlementaire. Et vous pouvez partir rassurés, l'échéance de 2004, nous sommes à discuter avec l'Agence d'efficacité énergétique, 2004, ces normes sont adoptées. Et ce que je vous disais tout à l'heure est bel et bien en cours, et je vous le dis avec beaucoup d'assurance et beaucoup de confiance: 2004, les normes seront adoptées et ce sera un élément important du plan d'action. Je vous le livre en primeur.
M. Lefebvre (Jean-François): Bien, merci, M. le ministre. C'est une très bonne nouvelle.
Le Président (M. Pinard): Alors, nous étions en complémentaire. Le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui, peut-être, juste pour terminer, vos recommandations quant à l'application de ce code. De quelle façon ça devrait être finalement vérifié afin de s'assurer que c'est bien mis en vigueur? Parce que le Code national du bâtiment est généralement fait par les inspecteurs municipaux, mais on comprend que ça pourrait être une surcharge de travail, à ce moment-là, d'également mettre, disons, des employés à la surveillance de l'application de ce code-là, alors qu'au fond ce n'est pas la municipalité qui l'aurait voté, mais ça viendrait du provincial.
M. Lefebvre (Jean-François): Ce que je vais vous dire, c'est qu'on n'a pas encore la réponse, mais c'est entre autres pour répondre à ces questions-là qu'on a organisé un forum, le Forum 2003 sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, qui va avoir lieu le 12 mai. Et aussi M. le ministre nous a confirmé sa présence, récemment. Donc, un des buts de ce colloque-là, qui est organisé avec l'AQME puis l'Association de l'industrie électrique du Québec également, vise à répondre à ces questions-là. Puis un des enjeux est de savoir: Comment allons-nous mettre en application de façon concrète? Mais le fait que les gens soient prêts pour la mise en oeuvre de la loi est maintenant un acquis. Donc, la question technique: on veut contribuer, dans le cadre de ce colloque-là, de répondre aux technicalités de gestion qui vont être reliées. Mais je n'ai pas la réponse pour l'instant.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Lefebvre, merci, madame, de nous avoir rencontrés cet après-midi. Et j'inviterais immédiatement l'Institut canadien des produits pétroliers à bien vouloir prendre place.
Alors, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à la commission transports et environnement sur le Protocole de Kyoto. Alors, l'Institut canadien des produits pétroliers est représentée aujourd'hui par son président, M. Alain Perez, et son vice-président division de l'Est du Canada, M. Carol Montreuil.
Alors, vous connaissez les règles, 15 minutes de présentation, par la suite, il y aura échange avec les parlementaires pour une période de 30 minutes.
Institut canadien des produits
pétroliers (ICPP)
M. Montreuil (Carol): Donc, merci, M. le Président, et puis bienvenue. Merci de nous accueillir, mesdames, messieurs, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Donc, à ma gauche, le président national de l'Institut canadien des produits pétroliers, M. Alain Perez. Je suis Carol Montreuil. Nous représentons l'industrie pétrolière du secteur aval, c'est-à-dire celle du raffinage et de la commercialisation, donc à ne pas confondre avec le secteur amont, celui de l'exploration. L'Institut canadien des produits pétroliers, l'ICPP, apprécie l'opportunité qui lui est offerte de présenter au gouvernement du Québec, dans le cadre de cette commission, ses préoccupations face à la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.
La commission, celle-ci, arrive à un moment particulièrement délicat du processus d'implantation du Protocole, suite à sa ratification par le Canada en décembre dernier. Comme vous le savez, les rencontres sectorielles ont débuté entre Ottawa et certains secteurs sans la présence des provinces. Nos yeux sont également rivés sur l'Alberta qui a entrepris une démarche législative dans le but évident de parer à toute tentative de se faire imposer des objectifs qu'elle jugerait trop contraignants.
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(15 heures)
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La collaboration, bien que fragile, qui a caractérisé les relations jusqu'ici, durant la période qui a mené à la ratification, est maintenant considérablement refroidie. Cette situation, pour nous, est particulièrement préoccupante. Nous redoutons particulièrement un scénario où l'industrie ferait les frais de dédoublements ou exigences contradictoires selon des juridictions fédérales ou provinciales. Pour des compagnies nationales comme celles de la plupart de nos membres, on n'a qu'à penser au casse-tête que représenterait la gestion de différents systèmes de contrôle, d'audit environnemental, de réglementation. Donc, c'est un problème pour nous. C'est également de nature à réduire le niveau de flexibilité des compagnies qui oeuvrent dans plusieurs provinces. Donc, en plus des coûts additionnels associés à ces inefficacités, ce manque de collaboration et de concertation serait un obstacle réel à l'atteinte des objectifs du Protocole. Donc, on veut vraiment aujourd'hui souligner l'importance, à notre avis, qu'aura la coordination des actions fédérales et provinciales, et nous vous recommandons fortement de faire tout en votre pouvoir pour éviter le dédoublement d'exigences envers l'industrie.
Donc, quelques mots sur les objectifs. On a beaucoup parlé du 6 %; tout le monde ici sait qu'on parle vraiment de 30 % à cause de la croissance. Au Québec, il n'y a pas eu de position, de consensus sur ce que serait un niveau de réduction acceptable, mais, on le sait, dans votre document, dans votre excellent document de préparation qui mène à cette commission, il y a des scénarios qui sont évoqués. Donc, selon qu'on parle de 15 tonnes ou de, même, 25 tonnes de réduction, on parle également de quelque chose autour de 20 % de réduction pour le Québec. Donc, la tâche va être aussi difficile, sinon même plus difficile, pour le Québec. On n'a qu'à penser à des secteurs comme le transport qui, à 38 %, représente un défi colossal, un domaine, le transport, où les avancées technologiques réelles en termes de conception de véhicules et de carburant évoluent en termes de décennies, simplement en fonction, par exemple, du renouvellement du parc automobile. Donc, le moins 25 % qui est annoncé en termes d'efficacité énergétique pour le parc automobile dans le document canadien semble tout un défi.
Donc, de toute façon, notre intention aujourd'hui n'est pas d'analyser chaque secteur, mais un point important mérite d'être porté à votre attention, puis c'est un fait qui nous distingue de tous les autres secteurs: la réduction des émissions de notre secteur dépendra en grande partie de la capacité des autres secteurs à atteindre leur objectif. En d'autres mots, nos réductions viendront de la baisse d'utilisation de nos produits. Donc, si la baisse de l'utilisation de nos produits ne se produit pas, donc il sera difficile pour nous d'atteindre ces objectifs-là. Et, encore de façon plus globale, l'atteinte des objectifs de réduction de Kyoto dépendra de notre capacité, comme société, à découpler, particulièrement dans les situations de croissance économique comme celle qu'on a vécue jusqu'en 2000-2001, essayer de découpler cette corrélation-là étroite entre la croissance du PIB et l'utilisation de l'énergie fossile. Ça n'a été réussi dans aucune société encore.
Donc, pour ce qui est des impacts des scénarios possibles, des réactions possibles de notre secteur, il convient d'abord de se rappeler de certains chiffres. On le sait: le plan canadien parle clairement d'avoir identifié 180 mégatonnes des 240. Sur ce 180 mégatonnes là, il y en a environ 100 qui sont d'origine fossile; sur ce 100 là, c'est un peu moins de la moitié, environ 40 mégatonnes qui sont attribuables aux produits raffinés, donc 40 mégatonnes. Et le 60 mégatonnes qui n'est pas identifié entre le 180 et le 240, qui est cité beaucoup dans le plan canadien, nous, on pense qu'il y en a peut-être au moins le quart de ce 60 là qui proviendrait également de réductions d'utilisation de produits pétroliers. Tout ça pour vous dire que c'est environ, sur le 240 visé, canadien, 50 mégatonnes qui proviendraient des produits pétroliers raffinés. Si on met ça en barils par jour, c'est de l'ordre de 300 000 barils par jour puis c'est à peu près 15 % de la capacité de raffinage canadienne. Donc, cette réduction-là équivaut à une baisse de 15 % de la capacité de raffinage. L'utilisation des dernières années du parc de raffineries était de l'ordre de 93 %. Donc, ça amènerait notre industrie à un niveau d'à peu près 78 %. On sait que, dans notre industrie, des raffineries qui fonctionnent à moins de 85 %, c'est dramatique.
Donc, on est une industrie qui exige des capitaux importants, on sait qu'une raffinerie coûte environ 2 milliards de dollars. Il y a des investissements importants au moment où on se parle en termes de nouvelles essences qui sont en train d'être produites pour les années à venir, qui vont également nécessiter des investissements de l'ordre de plusieurs milliards de dollars. Donc, face à ça, on fait face à deux scénarios probables. Le premier scénario pour nous: on essaierait de garder... verrait notre industrie essayer de maintenir les taux d'utilisation et se tourner vers l'exportation. Donc, ça, ça marche pour les raffineries qui sont sur des marchés, sur des cours d'eau importants, qui ont accès au marché étranger, ce qui n'est pas le cas pour toutes les raffineries canadiennes. Donc, ce scénario basé sur l'exportation de la capacité additionnelle ne sera possible que si le marché continental permet aux raffineurs d'absorber les coûts de transport d'environ 0,02 $ le litre. Il faut rappeler que les marges de raffinage sont le résultat de l'offre et de la demande continentale, et donc, largement influencées par les marchés de la côte est des États-Unis. Or, historiquement, les marges de raffinage du marché continental du bassin de l'Atlantique ont traversé des longues périodes sous la barre des 0,02 $. En somme, l'histoire démontre que l'approche de l'exportation massive de nos produits pour maintenir nos taux d'utilisation n'est pas viable à long terme.
Un deuxième scénario viserait à composer avec cette baisse de la demande, là, et, effectivement, composer avec cette baisse d'utilisation là de 93 à 78 %. C'est un scénario similaire à ce qu'on a vécu au Canada au début des années quatre-vingt où on a vu, suite à la chute des chartes de prix des années soixante-dix, où on avait vu le nombre de raffineries passer de 37 à 20 au Canada, de sept à trois au Québec. Donc, puisque un taux d'utilisation de 78 % est insoutenable, l'expérience des années quatre-vingt démontre que, en vertu d'un scénario comme ça, on assisterait à une nouvelle restructuration de notre industrie.
Quelques mots sur les enjeux parallèles et qui sont intrinsèquement liés au Protocole de Kyoto. Puis le point-clé ici, c'est de démontrer que la mise en oeuvre de Kyoto d'ici 2012 ne se réalisera pas dans un vacuum, c'est-à-dire sans que d'autres aspects liés à notre bilan énergétique nous impactent économiquement durant la même période.
Le premier, par exemple, les dangers d'une dépendance accrue face aux importations. Donc, on craint particulièrement, dans un scénario de Kyoto, que l'industrie ferait des gestes prématurés en vertu d'ententes sectorielles de réduction de CO2 et puis que ça, ce serait suivi, par exemple, d'une période de croissance économique importante comme celle qui a cumulé en 2000-2001. Ceux qui se souviennent, par exemple, l'exemple de Chicago, le Midwest américain: on avait vécu pendant cette période-là où toute l'infrastructure de raffinage marchait à pleine capacité, l'économie était à pleine vitesse, et on a vu des pénuries de produits. Donc, durant ces périodes instables, notre industrie aval ici au Québec, au Canada, a fait en sorte... et cette fiabilité et cette compétitivité de cette industrie-là ont fait en sorte qu'aucun marché canadien n'a souffert de ces fluctuations extrêmes là attribuables à des problèmes d'approvisionnement. Donc, le Québec, à notre avis, a donc avantage à préserver une industrie de raffinage locale compétitive.
Donc, nous, on pense qu'on risque de se retrouver dans une situation similaire si on ne favorise pas une approche intégrée de tous les enjeux dans nos décisions. Puis, puisque les décisions d'affaires se prennent en fonction de fractions de cents par litre, nous croyons que l'ensemble des défis qui nous seront demandés, en particulier ceux n'affectant pas nos compétiteurs du Sud, finiront par avoir, à moyen ou long terme, un impact sur la compétitivité de notre industrie.
Et le deuxième enjeu, par exemple, lié encore une fois, mais... indépendant, mais lié à Kyoto, c'est l'enjeu d'autres enjeux environnementaux qui se déroulent au même moment que la période Kyoto. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ces autres exigences environnementales sont susceptibles d'être un obstacle important à l'atteinte de nos objectifs de Kyoto. On traverse, par exemple, présentement une période intense d'activité dans la reformulation de nos produits: nouvelles essences, nouveaux diesels, nouveaux mazouts. Entre autres, notre industrie réduira de façon significative le contenu en souffre des produits pour des exigences réglementaires touchant les SOx les NOx et les particules fines. L'arrivée de ces nouveaux produits sur les marchés va se faire parallèlement à l'arrivée de nouveaux véhicules et puis la combinaison des avancées technologiques des deux industries, carburants et véhicules, auront un impact majeur sur la qualité de l'air de tous les centres urbains et réduira la contribution de l'automobile aux enjeux environnementaux à un niveau jugé, même par Environnement Canada, de négligeable. Donc, ces gains environnementaux là, importants, seront réalisés par voie réglementaire dans la même période que Kyoto, 2003 à 2010.
Et j'ouvre une parenthèse là en termes d'intensité d'énergie parce qu'il faut dire que les raffineries, depuis 1990, de par la réduction d'intensité d'énergie, ont réduit de 17 %, dans la période 1990-2001, leur intensité énergétique. Et les membres de notre association, les raffineurs, se sont également engagés à une autre réduction de 5 % d'intensité énergétique dans la période 2001-2005. Donc, il est primordial que ces réductions de CO2, associées à ces économies d'énergie dans la période 1990-2005, soient reconnues par les instances gouvernementales. Donc, fin de la parenthèse.
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(15 h 10)
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Donc, les gains environnementaux importants associés à la reformulation des carburants seront rendus possibles par la mise en place dans nos usines de nouveaux procédés qui vont nécessiter de nouveaux apports énergétiques. Nous estimons que les nouvelles exigences en matière de reformulation de produits augmenteront à elles seules le bilan énergétique de l'ordre de 30 %. Donc, en somme, la conciliation des deux défis environnementaux que sont les changements climatiques, d'une part, et la reformulation de nos carburants pour l'amélioration de la qualité de l'air, d'autre part, représente un défi colossal pour notre secteur, le secteur des produits pétroliers.
En conclusion, nous insistons sur l'importance qu'aura la coordination des actions fédérales et provinciales et recommandons au gouvernement québécois de faire tout en son pouvoir pour éviter les dédoublements d'exigences envers l'industrie. Dans l'établissement de l'objectif sectoriel de notre industrie, nous recommandons que les gouvernements recommandent les actions hâtives réalisées depuis 1990 et, finalement, dans l'établissement de l'objectif de réduction sectorielle de notre industrie, nous recommandons que les gouvernements considèrent, d'une part, l'impact énergétique de l'ensemble des enjeux environnementaux connus et devant être mis en place dans l'horizon Kyoto et, d'autre part, nous soulignons une fois de plus que l'atteinte des objectifs de réduction de notre secteur est liée intimement à la capacité qu'auront les autres secteurs à réaliser leurs objectifs. Merci.
Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Nous allons immédiatement poursuivre. Alors, j'inviterais M. le ministre.
M. Boisclair: Bien, je vous remercie pour cette présentation. Les représentants de l'Institut canadien des produits pétroliers sont bien connus du ministère de l'Environnement, on a eu le plaisir de siéger à l'entour d'une même table. Vous savez, M. le Président et les membres de la commission, que le ministère de l'Environnement a réuni les principaux représentants du secteur industriel. Nous avons une table Québec-industrie et nous échangeons régulièrement sur ces questions. Donc, les préoccupations ne sont pas nouvelles.
Je veux cependant dire aux membres de la commission que la question du dédoublement est une question qui se pose. Je ne le souhaite pas, personne ne le souhaite, mais il y a une chose aussi cependant qui doit être clairement comprise: je n'accepterais pas non plus ? et je souhaite vous l'entendre dire vous aussi ? que le gouvernement fédéral intervienne dans des compétences qui sont les nôtres, et c'est là où il pourrait y avoir dédoublement. Moi, je plaide simplement pour le respect des compétences, je ne veux pas compliquer la vie de personne puis je ne vous demanderai pas de faire deux, trois, quatre rapports. Mais j'ai vu le fédéral, malgré une Loi québécoise sur l'environnement, imposer des processus d'évaluation environnementale qui vont par-dessus les nôtres parce qu'ils refusent de reconnaître les nôtres, même si les lois sont ce qu'il y a à peu près de plus contraignant et de plus exigeant.
Donc, ces choses doivent être dites, puis ? je l'ai dit ce matin ? le budget fédéral m'inquiète parce qu'ils s'en vont directement... le gros de leur budget, le 400 millions par année, les 2 milliards sur la table ? si ma mémoire est juste, 2 milliards? ? ce 2 milliards, bien, il s'en va directement ? le gros du morceau ? s'en va directement à l'industrie. Je me suis engagé à prendre contact et à contacter mes collègues. Je peux vous dire que, pendant la pause, j'ai fait quelques téléphones, et les gens de l'Alberta ne sont pas contents, les gens du Manitoba ne sont pas contents, les gens de Colombie-Britannique expriment aussi des réserves. Donc, ce travail, nous allons correctement le faire.
Mais il ne faut pas être naïfs non plus, et je sais très bien que vous venez nous voir ici mais que vous discutez aussi dans les forums fédéraux. Je sais très bien qu'Environnement Canada n'a pas le même point de vue qu'Énergie Canada et que, ces deux organisations dans l'administration fédérale, elles-mêmes ne tiennent pas un même discours. Alors, les Québécois doivent savoir ces choses.
Moi, je réclame une entente qui respecte l'ordre constitutionnel, qui est quand même la loi fondamentale du pays, et je suis pris avec une administration qui n'est même pas capable de parler à l'unisson, où, d'un côté, le ministre de l'Environnement me dit des choses puis, de l'autre côté, le sous-ministre d'Énergie Canada, dans des réunions avec des entreprises canadiennes et des entreprises québécoises, dit le contraire de ce que me disent les gens du ministère de l'Environnement.
Alors, le désordre, il n'est pas chez nous. Nous sommes la seule province au Canada qui mène un exercice comme celui-ci, nous nous assoyons en toute transparence, on met sur la table un plan, on le discute, on est prêts à accepter les critiques, à faire mieux, puis à soustraire des éléments, en rajouter puis à bonifier. Nous essayons de faire preuve de cohérence. Et j'espère que l'exemple que nous donnons ici sera suivi par l'administration fédérale.
Je veux dire ces choses parce que trop souvent on pose la question du dédoublement comme si c'était une simple question de bureaucratie puis des bureaucrates à la recherche de pouvoir qui tentent de multiplier leurs interventions. Je ne suis pas dans ce jeu-là, puis il n'y a pas un fonctionnaire au ministère de l'Environnement qui n'est, non plus, dans cette joute: nous sommes dans la joute du bon sens, de l'intelligence, du respect de nos compétences, de l'efficacité et de l'efficience. Maintenant, je veux juste que vous compreniez le contexte.
Cette chose étant dite, vous soulevez des questions qui sont intéressantes. Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous me dites que les exigences nouvelles que vous aurez quant au contenu de l'essence, entre autres quant à la norme de soufre, compte tenu des émissions de NOx , SO2 et autres composants volatiles, des exigences qui nous rapprocheraient de la norme américaine parce que la norme américaine, de mémoire, est plus stricte que celle qui est... ? vous me corrigerez si je me trompe ? ...
M. Montreuil (Carol): Qui nous amène en Californie en 2005, oui.
M. Boisclair: Oui, la norme californienne, en 2005. Est-ce que cela aura un impact sur vos niveaux d'émissions de GES? Et pouvez-vous juste bien me renseigner sur cette question?
M. Montreuil (Carol): En fait, ce qu'on dit, c'est que ces nouvelles essences-là ? l'essence, 2004-2005; diesel, 2006; mazout lourd, 2008 ? c'est des nouveaux produits, essentiellement, là. Et enlever le composant qu'on désire enlever pour d'autres raisons ? pluies acides, SOx, NOx ? les composants qu'on enlève se font avec des procédés qui nécessitent des apports énergétiques importants. Et le chiffre moyen pour l'ensemble du parc de raffinage canadien ? et c'est vrai à peu près pour toutes les raffineries, donc la moyenne, les écarts types ne sont pas très grands d'une raffinerie à l'autre ? c'est un bilan énergétique qui augmentera de 30 %, pour amener ces nouveaux procédés-là qui enlèveront le soufre pour rendre l'essence verte au niveau de la Californie, d'ici 2005, 2007, 2008. Donc, on est serrés un peu des deux côtés.
M. Boisclair: Je comprends donc qu'il y a des effets pervers, même dans les pratiques environnementales. En somme, l'environnement, on comprend bien que c'est une chose globale, et en agissant à un endroit, bien, il y a un effet ailleurs. Je vous remercie de nous le rappeler.
Est-ce que vous regardez avec intérêt, dans ces nouveaux produits, des procédés comme l'éthanol, comme le biodiesel? Est-ce qu'il y a un avenir au Québec pour ce type d'industrie, et est-ce que cet avenir passe nécessairement par un appui de l'État, par certains avantages fiscaux qui pourraient être donnés à la production de ce type de nouveau carburant? Est-ce que l'industrie a un point de vue concerté? Est-ce que, par exemple, dans les discussions préliminaires qui se feront bientôt avec la ministre des Finances, vous exprimez une opinion que ce soit directement vous-même ou par le biais d'autres associations auxquelles vous appartenez?
M. Perez (Alain): Oui, je vais répondre à votre question, M. Boisclair. Dix secondes, là, de réponse à votre préambule sur le dédoublement: j'ai beaucoup de sympathie pour la position que vous amenez et, si on me demandait mon avis personnel qui est d'ailleurs l'avis de mon industrie, on dirait qu'on croit que tout ce qui touche les ressources naturelles est de la juridiction des provinces. Et la loi 32 en Alberta essaie de poser ça de façon légale d'une loi qui est dans leurs livres et qu'à ce moment-là ils seraient probablement capables d'aller tester en Cour d'appel ou en Cour suprême.
Le problème du dédoublement, ce qu'on craint le plus, là, c'est: qui va réglementer le premier? Et ceux qui négocient avec nous en premier, c'est le fédéral. Il y a déjà trois rencontres qu'il y a eues dans le secteur pétrole, il y a une rencontre que j'ai avec eux le 4 mars. Donc, ils nous rencontrent, c'est leur Plan. Ils nous rencontrent et ils discutent avec nous. Donc, à un moment donné, un niveau de gouvernement doit poser un geste législatif, réglementaire, et on va l'interpréter. On souhaite que les provinces prennent tous leurs champs de juridiction et prennent toutes leurs responsabilités en ce qui concerne les ressources naturelles.
M. Boisclair: Et je vous invite juste à lire là-dessus ? si vous me permettez ? lisez l'avis de Me Yergeau, déposé hier, et vous allez bien comprendre que le fédéral ne peut pas seul aller de l'avant. Il vous font accroire qu'ils peuvent faire des choses, mais vous négociez avec... au moins la moitié des gens qui sont dans la salle avec vous au nom du gouvernement fédéral, la moitié des gens présents dans la salle sont des eunuques, ils n'ont pas les pouvoirs pour négocier avec vous. Et faites bien attention, et je vous invite à leur dire: Attention, on négocie avec vous, mais avez-vous véritablement les pouvoirs? Vous discutez avec au moins 50 % d'eunuques dans la salle.
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(15 h 20)
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M. Perez (Alain): Ce message passe constamment et on ne vient pas vous dire, à vous ou à l'Alberta: On a peur du dédoublement. On dit au fédéral: Ne faites pas de dédoublement, entendez-vous.
Sur la question de l'éthanol, c'est un sujet très intéressant parce qu'il y a différents avis de groupes environnementaux ou de fonctionnaires de l'environnement là-dessus. L'éthanol n'existe comme mélange à un carburant que parce qu'il y a des subsides. Les subsides sont actuellement d'environ 0,30 à 0,32 $ du litre. Donc, les subsides coûtent plus cher que fabriquer de l'essence, basé sur un prix moyen du brut là, de 25, 27 $. Par contre, nous utilisons l'éthanol une fois que le subside est fait. On a une position tout à fait neutre vis-à-vis de ça. J'ai eu, dans les trois dernières semaines, au moins cinq rencontres avant le budget sur la question de l'éthanol, et le message que nous leur donnons constamment, c'est: Nous sommes neutres quant à l'utilisation, mais c'est une façon très, très, très coûteuse de réduire les gaz à effet de serre étant donné que, pour une réduction possible de 1,7 mégatonne, il va falloir encourir des coûts récurrents annuels qui font que, quand vous mesurez le coût de réduction par tonne de CO2 ou CO2 équivalent, on arrive à 300, 350, 400 $ la tonne, c'est-à-dire 20 ou 30 fois plus que ce qu'Ottawa nous dit qu'ils nous garantissent comme coût maximal, sur les crédits qu'on aurait achetés.
Alors, qu'on appelle ça un programme d'aide aux fermiers de l'Ouest ou d'aide... et puis, on n'a aucune opinion là-dessus; les gouvernements mettent l'argent où ils pensent que les politiques exigent qu'ils le mettent. Mais ce n'est pas une bonne stratégie pour réduire les gaz à effet de serre.
M. Boisclair: C'est toute la même chose. Sur l'éthanol, vous savez les réserves que nous entretenons sur la question de l'éthanol pour les préoccupations environnementales, de mobilisation des sols et ainsi de suite. Je me suis déjà exprimé sur la question du maïs, je ne ferai pas d'autres déclarations sur cette question. Mais est-ce que vous pensez la même chose du biodiesel? Parce que, là, il s'agit d'un additif dans un produit de votre industrie.
M. Perez (Alain): Oui. Bien, il y a deux exceptions à ce que je viens de dire: le biodiesel qui a un potentiel d'être un carburant intelligent, au point de vue environnemental, et il y a également l'éthanol, si... L'éthanol provient d'une technologie qui est développée actuellement au Canada par Iogen, qui est une technologie encore expérimentale, mais ? malheureusement, ça fait 20 ans qu'elle est expérimentale ? mais c'est une technologie suffisamment prometteuse pour que deux des actionnaires principaux soient le groupe Shell et la compagnie Petro-Canada. Donc, si on arrive à faire de l'éthanol à partir des résidus, donc, pas du gras ou du maïs mais à partir de la paille, à partir de copeaux de bois, etc., à ce moment-là, on aura un bilan environnemental qui sera intéressant et peut-être à un coût moindre. Mais on est au moins à six ans de connaître le résultat et de pouvoir commercialiser ce genre de carburant.
Donc, c'est vrai qu'il y a du potentiel mais il est quand même petit, presque infime par rapport à l'objectif de 250 ou 300 mégatonnes qui va être l'objectif final de Kyoto.
M. Boisclair: Merci.
Le Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.
M. Benoit: MM. Perez et Montreuil, c'est toujours plaisant de vous avoir ici, d'entendre votre point de vue. Ce que vous nous dites finalement, c'est qu'il y aura de toute façon, dans l'industrie pétrochimique, une restructuration. Est-ce que vous diriez que, Kyoto ou pas, l'industrie de l'automobile... On a entendu ce matin des gens dans ce secteur-là nous dire: On s'en va vers ça, on va avoir plein de bagnoles, plein de camions qui vont prendre l'électricité, on va moins consommer. Est-ce que vous iriez aussi loin que nous dire que, de toute façon, votre industrie, elle devra se restructurer même s'il n'y avait pas Kyoto?
M. Perez (Alain): Après les années quatre-vingt, on avait atteint un équilibre là entre l'offre et la demande, et la croissance de l'offre qui faisait que le Canada et le Québec, d'ailleurs, sont autonomes au point de vue produits pétroliers, ce qui n'est pas le cas des États-Unis... On a une industrie qui est tellement... qui est suffisamment compétitive avec l'industrie américaine pour pouvoir offrir des prix qui sont égaux ou inférieurs, taxes ajustées, à l'ensemble du continent ? en général inférieurs. On est très fiers de notre performance au point de vue efficacité, prix, etc.
Malheureusement, il se passe deux choses là. La première, c'est que les États-Unis ne signent pas Kyoto. Donc, comme ils ne signent pas Kyoto, on va avoir un désavantage par rapport à eux, et c'est eux qui fixent les prix, ce n'est pas nous.
Sur la question de la restructuration, Kyoto veut dire quoi? Si Kyoto veut dire que les objectifs du plan fédéral ? que, d'ailleurs, l'ensemble des provinces, dont le Québec, les objectifs, ils les supportent ? se réalisent, bon, bien, à ce moment-là, il faut arrêter de se conter des histoires, le but de l'exercice est de réduire la consommation de carburant fossile. Si cette consommation est réduite, on va en raffiner moins, il y aura moins de raffineries. Il n'y a rien de dramatique là-dedans, là. C'est quelque chose qui est logique, dans la logique de vouloir consommer moins. Alors, si on consomme moins, il y aura moins de raffineries, et il n'y a rien de dramatique là-dedans. Il y aura des pertes d'emplois, etc., mais on n'amène pas ça comme une menace ou comme un problème. On vous dit là: On va se restructurer en fonction de la demande.
La question, c'est: La demande va baisser de combien? Et je pense que ce que M. Montreuil essaie de dire, c'est que si la demande baisse comme le Plan le prévoit, donc si les consommateurs consomment moins, si l'industrie automobile devient 25 % plus efficace, si les bâtiments nécessitent moins d'huile à chauffage, etc., on va raffiner moins, on va se restructurer et nos émissions vont baisser simplement parce que la consommation va baisser. Et la position qu'on amènera au fédéral dans deux semaines va être: notre secteur va dépendre de la réussite de Kyoto. Si Kyoto réussit au Canada, à ce moment-là, nos émissions vont baisser; si Kyoto échoue, nos émissions ne baisseront pas, puisque la consommation va continuer. Mais on est le secteur de la fin, là, du bout de ligne, là. Donc, ne nous demandez pas de faire avant quelque chose que les autres ne feront peut-être pas.
Donc, si le Plan est réalisé, bien, nos émissions baisseront en conséquence, exactement de... En fait, on reviendra à 6 % de moins que 1990.
M. Benoit: M. Perez, on nous a aussi appris, et je pense qu'on le savait tous un peu, que... Vous dites, bon: Le gouvernement américain ne signera pas Kyoto. Ce qu'on apprend depuis deux jours maintenant, c'est qu'il y a déjà des États américains qui sont au-delà de Kyoto, la Californie, et il y a une vingtaine d'États américains qui sont à passer des lois ou des règles qui vont aller aussi loin ou à peu près aussi loin que Kyoto. Il y a un mouvement aux États-Unis ? au-delà de M. Bush ? il y a un mouvement aux États-Unis qui se veut un mouvement pro-Kyoto et qui est relativement fort, et on croit penser que ce mouvement-là continuera.
Moi, je ne le sais pas... J'ai eu l'occasion de vous le dire, j'ai vécu, dans ma courte vie, au moins trois industries qui ont été obligées de se structurer ou même disparaître. La première, c'est quand j'étais petit gars; il y a des gens qui apportaient de la glace dans le frigidaire de mes parents et qui disaient à mes parents: Bien, écoutez, si vous faites rentrer un frigidaire électrique dans la maison, je n'aurai plus d'emploi. Ma mère, qui est une bonne dame, a continué à prendre le bloc de glace pendant quelques semaines mais, quand tous les voisins ont eu l'électricité et un frigidaire à l'électricité, elle a laissé tomber la job du pauvre monsieur. Cette industrie-là ? qu'est-ce que vous voulez? ? je ne sais pas, c'étaient des gens qui coupaient la glace dans la rivière Yamaska puis qui l'empilaient. C'était bien noble, ce qu'ils faisaient, mais, en quelque part, l'industrie est disparue.
Il y a eu d'autres industries qui, elles, ne sont pas disparues et pourtant on leur avait dit: celle de la cigarette. Il ne fallait pas être un grand prophète pour savoir, dans les années cinquante, que ces gens-là s'en allaient sur un mur. Et Dieu sait qu'en l'an 2003 les Imperial Tobacco de ce monde et d'autres ont dû regarder ailleurs, ont dû se réorganiser.
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(15 h 30)
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Est-ce que vous n'êtes pas après passer à travers ce même tunnel, finalement, d'une industrie... il y a quelque chose en avant, on sait ce que c'est, le consommateur... On sait d'abord que 35 % des émissions de CO2 viennent du transport et, je ne sais pas, est-ce que vous n'êtes pas, finalement ? ce n'est pas gentil de vous dire ça, mais... ? les gros méchants dans ce débat-là, en quelque part?
M. Perez (Alain): Pas du tout.
M. Benoit: Pas du tout.
M. Perez (Alain): Que celui qui n'a jamais conduit un SUV me jette la première pierre.
M. Benoit: Vous avez raison en plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Perez (Alain): Mais on vous vend ce que vous voulez. Mais donc n'accusez pas une industrie qui fournit les besoins des consommateurs des péchés commis par les gens qui conduisent des véhicules trop gros, dangereux d'ailleurs, qui... bon, etc. On peut débattre longtemps là-dessus; nos prédécesseurs l'ont fait.
Mais les industries qui disparaissent sont les industries qui ne sont pas efficaces, qui causent du tort, comme le tabac, ou les industries qui n'arrivent pas à s'adapter technologiquement. Or, nous sommes une industrie qui est basée sur un produit, les hydrocarbures qui seront et resteront pour au moins 50 ans de très loin la façon la plus économique de produire de l'énergie.
Alors, les Chinois vont continuer à l'utiliser, ils ne se posent pas les questions que vous vous posez, l'Inde va continuer à l'utiliser. Êtes-vous prêts à avoir un désavantage concurrentiel avec les Chine et l'Inde dans les 50 prochaines années? Choix politique ou choix de société.
Mais, en plus de ça, tout ce que vous entendez comme développement technologique, comme, par exemple, les fameuses piles à combustible ? ou les «fuel cells», en fait piles à combustible ? vont fonctionner à partir de l'hydrogène, mais cet hydrogène va venir d'hydrocarbures. Hydro-Québec sait très bien qu'on ne produira pas d'hydrogène à partir de l'électricité, ce serait trop coûteux. Il vaut mieux en faire autre chose. Et le bilan énergétique serait désastreux. Donc, on va disparaître si on ne s'adapte pas ou si on est plus cher.
Or, le problème qu'ont les gens qui veulent nous voir disparaître, c'est qu'on reste moins cher que n'importe quelle alternative: exemple de l'éthanol, il faut mettre 0,32 $ de subsides pour concurrencer un produit qui en coûte 0,25 hors taxes. Et, en plus de ça, nous avons une... nous sommes sur le point de percées technologiques qui font que... Écoutez, si un jour, des voitures à l'hydrogène existent en Amérique du Nord, et je crois qu'elles le seront et ce sera probablement autour de 2015, 2020, la meilleure technologie actuelle est une technologie qui est faite par GM, Toyota et Exxon: les gros méchants. Et c'est cette technologie-là qui va faire qu'en 2020 il y aura probablement des voitures compétitives et qui pourront être commercialisées.
Donc, comme disait l'humoriste: Les rumeurs de notre mort sont grandement exagérées. Et, par contre, nos carburants sont devenus tellement propres que les traces de pollution sont négligeables ou impossibles à mesurer. Et finalement, le dernier problème environnemental auquel on fait face, c'est le CO2 et puis Kyoto forcera une autre structuration mais on continuera à exister.
M. Benoit: Merci MM. Perez et Montreuil.
Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. Perez, M. Montreuil et bienvenue à la commission. Est-ce que vous croyez au Protocole de Kyoto?
M. Perez (Alain): Si j'y crois?
Mme Houda-Pepin: Oui, vous et comme industrie, l'industrie que vous représentez.
M. Perez (Alain): Y croire ça veut dire quoi? Est-ce que je crois à la...
Mme Houda-Pepin: Aux vertus et aux objectifs. Est-ce que vous trouvez que c'est des objectifs que vous partagez?
M. Perez (Alain): Oui, oui. Je partage les objectifs. Je les partagerais beaucoup plus si la période de Kyoto était mieux comprise et si on savait ce que l'Inde, la Chine, d'autres pays vont faire plus tard. Je le... Écoutez, d'une façon générale là, bien avant Kyoto, on a toujours supporté tout ce qui pouvait rendre l'utilisation de l'énergie plus efficace. On le fait chez nous.
Mme Houda-Pepin: D'accord. C'était ma première question, juste pour être... pour bien comprendre vos interventions. Dans votre mémoire et votre présentation, vous avez insisté beaucoup sur les impacts négatifs, vous avez dit que la mise en place du Protocole de Kyoto, ça signifie pour vous une réduction de 15 % de produits raffinés, ça veut dire aussi des fermetures d'usines de raffinage et un impact financier de 50 millions de dollars pour le Canada et 10 millions pour le Québec. Est-ce que, en dehors des impacts négatifs sur lesquels vous avez bien élaboré, il y a des impacts positifs pour l'industrie?
M. Perez (Alain): Pour nous?
Mme Houda-Pepin: Oui.
M. Perez (Alain): Non. Il n'y a pas d'impacts positifs sur nous, mais les impacts négatifs ne sont pas, je vous l'ai dit tout à l'heure, ce ne sont pas des impacts dramatiques, c'est des impacts normaux. On a fait face à des impacts deux, trois puis quatre fois plus gros dans les années quatre-vingt, quand le prix du baril est monté de 3 $ à 25 $ en quelques mois ou quelques années.
Le message qu'on veut vous passer, c'est qu'il n'y a rien de dramatique dans ce qui va arriver. Quand on vous dit: Restructurer, ce n'est pas une menace, c'est une réalité. Vous allez consommer moins, on va en vendre moins. On va restructurer. Les menaces sont ou bien le dédoublement, mais la plus grande menace pour nous, c'est le fait que les États-Unis n'ayant pas signé, on risque de se retrouver tellement non concurrentiels par rapport à eux que, au lieu que la restructuration atteigne 10 ou 15 % de l'industrie, elle peut aller beaucoup plus loin que ça à cause du fait que, tout d'un coup, l'équilibre, bien l'équilibre est rompu. Et pour l'instant, c'est notre crainte principale.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Dernière petite question. Vous dites, à...
Le Président (M. Pinard): Je m'excuse.
Une voix: ...
Le Président (M. Pinard): Ça va aller.
Mme Houda-Pepin: Merci. À la page 13 de votre mémoire, au chapitre des recommandations, vous dites que: «Le secteur des produits de raffinage se distingue de la plupart des autres secteurs visés par le plan canadien, puisque la réduction de nos émissions dépendra en grande partie de la capacité de tous les autres secteurs à atteindre leurs objectifs.» Est-ce que vous pouvez élaborer? Est-ce que vous parlez des autres secteurs dans la même industrie ou des autres... Alors justement...
M. Perez (Alain): Je parle de vous et moi là. C'est le point crucial. Notre secteur produit à peu près 40 % des... nos produits représentent à peu près 40 % de la réduction espérée par Kyoto et le Protocole. Donc, notre diminution d'émissions, dans nos raffineries dépend entièrement de la diminution que les autres secteurs industriels et des conservateurs seront capables de faire. On va être la somme... En fait, là, si vous mesurez nos émissions, vous allez pouvoir mesurer exactement la réussite ou l'échec ou la réussite partielle de l'application du Protocole, puisqu'on est le baromètre.
Donc, ce qu'on dit, c'est que, pour les émissions et leur diminution dans nos propres raffineries, elles vont être proportionnelles à la diminution de la consommation partout, et c'est comme ça que ça devrait arriver.
Mme Houda-Pepin: Merci.
Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Peut-être pour poursuivre dans la même veine. Actuellement, disons, les tonnes de CO2 qui sont produites par votre industrie au niveau du raffinage, là ? je ne parle pas au niveau de la consommation, le client, il consomme puis il brûle puis il en fait, du CO2, lui aussi ? mais chez vous, au niveau de la technique de raffinage, ce qui est produit dans l'environnement présentement, c'est combien de tonnes?
M. Perez (Alain): Dans tout le Canada, c'était 17 tonnes en 1990. C'est à peu près 18 à 18,5 tonnes... 18 mégatonnes aujourd'hui, et ce sera 23 mégatonnes si rien n'est fait en 2010 parce que 30 % proviennent de la désulfuration. Donc, on représente à peu près... donc, notre part de Kyoto, là, de baisser de 6 % plus bas que 1990 représentera à peu près 4 mégatonnes, entre 3 et 4 mégatonnes.
M. Corriveau: Merci.
Le Président (M. Pinard): Alors, messieurs... M. le ministre.
M. Boisclair: Juste... pouvez-vous commenter l'expérience de BP? Parce que ce que vous nous dites, là, c'est que vous faites état des coûts et tout ça, mais BP est venu quand même à la conclusion que des économies en émissions de GES signifiaient des économies pour leurs actionnaires, donc de meilleurs rendements, de meilleurs revenus et de meilleurs rendements.
M. Perez (Alain): Mais, bien sûr. On n'a pas attendu Kyoto pour être plus efficace au point de vue énergétique. Depuis 1990, nous sommes l'industrie qui a le meilleur bilan énergétique et, en fait, ça a été en moyenne 1,2 % par année, chaque année depuis 1990. On a fait l'engagement de continuer jusqu'à 2005 et probablement qu'on continuera plus loin. Donc, nous sommes absolument pour une efficacité énergétique qui soit... qui continue à s'améliorer dans tous les secteurs de la société. Le problème qu'on a, M. le ministre, c'est qu'on ne voit pas autour de nous des mesures concrètes, là.
n(15 h 40)n Le député de... Votre collègue de l'opposition disait que certains États américains veulent faire plus loin que Kyoto. Il y a beaucoup de mots, il y a beaucoup de signatures, il y a beaucoup de choses. Moi, je vais commencer à être impressionné quand les cylindrées des voitures vont être plus petites, quand peut-être vous mettrez des taxes sur notre essence qui vont décourager la consommation, quand vous allez investir des milliards dans le transport en commun. Là je vais dire: C'est sérieux.
Mais, pour l'instant, je vois un plan qui a des objectifs et je vous dis: Si vous les atteignez, on va atteindre les nôtres automatiquement. Mais, si vous ne les atteignez pas, ne nous demandez pas, là, de les atteindre en dehors de tout le reste de la société. C'est un peu le message qu'on vous donne. Parce que les Américains sont en train de le faire, et on est toujours en concurrence avec eux.
Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Perez, Montreuil, merci infiniment d'avoir participé. Nos échanges ont été très intéressants et fructueux. Merci. J'inviterais maintenant le Centre Hélios, qui est représenté par M. Philippe Dunsky, président, de bien vouloir s'approcher.
Alors, M. Philippe Dunsky, les règles sont les suivantes: vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire et, ensuite, il y aura une période d'échange avec des députés et ministre ici présents d'une durée de 30 minutes. Alors, à vous la parole, monsieur.
Centre Hélios
M. Dunsky (Philippe): Merci. M. le Président et M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de m'accueillir, premièrement. Avant même de commencer, j'aimerais tout d'abord m'excuser du retard dans la production du mémoire. Malheureusement, ou heureusement en fait, pour de bonnes raisons, mon collègue avec qui je travaillais là-dessus, en fait qui devait être le rédacteur du document a dû partir en mission en Afrique justement pour explorer les opportunités d'affaires entourant le Protocole de Kyoto. Donc, il est parti hier, et j'ai été pris à terminer le rapport.
Très rapidement, avant même d'embarquer dans le mémoire, je vous présenterai très rapidement Hélios. Moi, je suis un novice devant votre commission. J'ai souvent travaillé pour la commission de l'économie et du travail, c'est un client à répétition chez nous. Mais je ne vous connais pas. Donc, je vais me présenter rapidement, et moi et le Centre Hélios.
Donc, le Centre Hélios est une organisation sans but lucratif, indépendant, qui est voué à la recherche et l'expertise-conseil en énergie. Et, plus particulièrement, il faut dire, on est un peu un hybride, hein? On est un organisme sans but lucratif, mais l'essentiel de notre travail est un travail d'expertise-conseil auprès de l'ensemble des acteurs de la scène énergétique québécoise et à l'étranger. Et nos travaux visent principalement à concilier les impératifs économiques et environnementaux dans le secteur de l'énergie. On travaille surtout sur l'encadrement des marchés concurrentiels, comme l'encadrement et la réglementation des marchés monopolistiques de l'énergie, de même que sur les choix énergétiques, et j'entends par «choix» les filières: l'hydro, le gaz, l'éolienne, l'efficacité énergétique, ainsi de suite, et, finalement, sur les politiques énergétiques dont évidemment les politiques qui concernent le changement climatique.
Quant à moi, je travaille dans le secteur de l'énergie depuis 12 ans maintenant, depuis presque le premier Sommet de la Terre qui a lancé tout ce bal qui nous amène ici aujourd'hui.
J'ai aussi eu l'occasion de participer à l'élaboration de la dernière politique énergétique. Je siégeais pendant un an sur la commission du débat sur l'énergie. Donc, ça fait un bout de temps que je regarde le secteur de l'énergie évoluer et que j'essaie de comprendre un peu et de saisir un peu plus les opportunités qui se présentent toujours pour faire de ce secteur ou faire un développement qu'on pourrait véritablement appeler durable dans ce secteur de l'énergie.
Rapidement, le rapport que je vous ai présenté. D'abord, vous constaterez que ce n'est pas un mémoire dans le sens traditionnel du terme. Je n'ai pas l'habitude de venir revendiquer quoi que ce soit. En fait, il y a un peu un bon timing. Nous avions l'intention d'examiner de plus près un aspect particulier de toute cette question de Kyoto, et la mise sur pied de votre commission, disons, nous a amenés à le faire plus rapidement que prévu.
Le rapport, tout d'abord, ce qu'il n'aborde pas; je pense que c'est important de le dire au départ. Nous n'aborderons pas la question, premièrement, de l'approche québécoise versus fédéral.
Nous n'aborderons pas non plus la question des mesures précises qu'il faudrait mettre en oeuvre pour Kyoto. Là-dessus, je fais une parenthèse dans le secteur surtout de l'électricité, gaz naturel. Ça me fera plaisir de vous parler de ça davantage si vous avez des questions, mais le rapport ne traite pas des mesures précises.
Le rapport non plus ne touche pas à la question de l'ampleur des réductions qui sont exigées du secteur des grands émetteurs industriels. Vous le savez comme moi, on parle de 55 mégatonnes d'objectif de réduction dans ce secteur. On le prend tel quel.
L'objectif du rapport. L'objectif du rapport est de regarder ou d'examiner d'un peu plus près la question nébuleuse de la répartition du fardeau, si on veut, de Kyoto à l'intérieur des secteurs industriels que l'on désigne typiquement les grands émetteurs industriels. C'est une question qui soulève de grands débats et des grandes controverses et on voulait donc examiner la question d'un peu plus près et essayer de voir quelle serait une répartition, je parle dans les grandes lignes, qui serait plus ou moins conforme avec la notion ou les fondements du développement durable. Donc, pour ça.
Tout d'abord, j'ouvre une petite parenthèse, une mise en contexte. Vous le savez sans doute, mais je n'ai pas suivi assez la commission pour avoir vu exactement le cheminement que vous avez déjà fait. Le plan fédéral. Le plan fédéral qui évolue constamment et presque à tous les jours, on dirait, surtout l'an dernier, depuis quelque temps, a commencé ? si je peux le dire directement ? a commencé un peu raide. Le plan, en ce qui concerne la répartition du fardeau entre les secteurs, a commencé avec une approche assez simple: une répartition basée sur un mécanisme automatique qui, lui, est basé sur la notion des émissions relatives de gaz à effet de serre projetées en 2010. C'est une approche qui a des mérites, qui n'est pas sans mérites. Mais c'est aussi une approche qui, étant si automatique, laisse de côté un ensemble de facteurs, un ensemble de considérations qui sont finalement essentiels si on veut respecter à la fois la lettre et l'esprit du Protocole tout en considérant les impératifs économiques dans lesquels on vit. Je pense que, à un moment donné, vous le savez bien, il y a eu beaucoup de critiques de cette approche, et ma compréhension est que le fédéral a évolué de façon assez importante là-dedans, de sorte qu'aujourd'hui on remplace un mécanisme automatique très strict par des pactes négociés ? des pactes négociés, des «covenants» en anglais ? qui, finalement, ouvrent la porte, en étant justement négociés, qui ouvrent la porte donc à la considération d'un ensemble de facteurs autres que le seul facteur d'intensité carbonique projeté en 2010, ce qui est une bonne chose.
n(15 h 50)n Dans le rapport, la toute première chose qu'on voulait faire, c'était d'identifier quels sont justement ces principes qui devraient être retenus dans le cadre de telles négociations. On retient effectivement le FIC 2010 qui répond à une préoccupation qui est celle et qui est... d'ailleurs, je veux vraiment souligner ce point-là, qui est trop souvent négligé, que j'appelle dans le rapport la solidité des réductions de gaz à effet de serre.
Parlons d'esprit du Protocole de Kyoto et admettons que nous sommes dans un contexte très malheureux où les États-Unis et bien d'autres pays d'ailleurs ne sont pas... en fait, sont signataires mais n'ont pas ratifié le Protocole. Et dans ce contexte-là, il y a un risque que des réductions que nous réalisons au Canada se font compenser finalement par des augmentations ailleurs au monde, y compris chez nos voisins du sud. Évidemment, si c'est le cas, nous respectons nos engagements formels et le climat ne sort aucunement plus protégé. C'est un risque significatif dans le contexte actuel.
Donc, un premier principe qu'on pense important est celui d'assurer que les réductions... que lorsqu'on fait la répartition finalement des objectifs, les réductions qu'on vise sont des réductions qu'on peut appeler solides, c'est-à-dire qui ne sont pas tout simplement compensées ailleurs.
Deuxième principe, encore là souvent négligé, quoique repris dans le document de référence du ministère, est la notion de cobénéfices environnementaux. Si nous allons faire des efforts importants pour réduire les gaz à effet de serre, aussi bien le faire par des mesures qui procurent également des bénéfices environnementaux ancillaires. Par là, j'entends réduction de polluants atmosphériques, par exemple, réduction des émissions qui contribuent au smog, aux pluies acides, ainsi de suite.
Troisièmement, ça va de soi, minimiser le coût des mesures. Je n'ai pas à élaborer là-dessus.
Quatrièmement, respecter un principe, j'appellerais ça un principe pollueur-payeur légèrement modifié, et je m'explique: le principe étant de viser des réductions auprès de secteurs dont la contribution au problème du changement climatique est particulièrement élevée, pas dans l'absolu, mais par rapport à leur contribution à l'économie canadienne. Ce principe est important, puisqu'on veut cibler ces secteurs qui finalement dans l'ensemble, au net, contribuent le plus au problème, en tenant compte encore là de leur contribution positive à l'économie.
Et, cinquième principe, encore là, ça va de soi, je pense, pour nous au Québec, récompenser ou considérer les efforts proactifs qu'ont faits toutes les entreprises depuis 1990.
C'est avec ces cinq principes en tête que nous pensons que les négociations devront se réaliser. On s'est ensuite donné la peine ou le mandat d'examiner d'un peu plus près quels seraient les résultats dans les grandes lignes de négociations qui seraient effectivement basées sur ces cinq principes. Je pense que c'est ça, l'utilité de l'exercice ici. Évidemment, avec le temps qu'on avait et les budgets, on ne parle pas ici de résultats précis, on parle dans les grandes lignes. Mais l'objectif est de nous donner à nous tous une idée, encore dans les grandes lignes, d'une répartition du fardeau qui serait équitable, qui serait efficace sur le plan économique et qui serait également efficace sur le plan environnemental si les négociations tenaient compte de l'ensemble de ces principes-là comme il se doit.
Le risque, évidemment, je fais une petite parenthèse encore là, mais le risque évidemment, avec l'approche fédérale qui est maintenant très souple, est également qu'elle soit si souple que personne ne sait quel principe et dans quelle mesure ces principes seront intégrés dans le cadre des négociations. Et donc, encore là, l'utilité de se donner une idée de vers où on devrait s'en aller, à quoi devraient ressembler les résultats si le fédéral tenait à considérer l'ensemble de ces principes.
Les résultats, très rapidement, de cet examen des différents secteurs et sous-secteurs en fonction des principes, je vous les résume rapidement, comme ça, on peut passer aux questions. Tout d'abord, et je pense c'est très important, l'essentiel du fardeau devrait être placé sur le secteur de la production d'électricité thermique. Je pense que c'est un incontournable sur tous les plans, sur le plan de l'ensemble des principes identifiés, sur le plan de l'ensemble des indicateurs retenus pour évaluer ces principes. C'est le secteur de la production d'électricité de source thermique qui démontre la justification et l'intérêt le plus significatif pour des réductions importantes de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, le secteur qu'on appelle de la production et le transport des combustibles, on parle là en amont donc de leur utilisation, ce secteur-là est également intéressant, quoique dans une beaucoup moindre mesure que le secteur de la production d'électricité thermique.
Et, troisièmement, et je dirais, en troisième position aussi, le secteur manufacturier.
Ces résultats généraux, ces grandes lignes, cachent aussi des détails importants, des détails dans la façon de cibler des réductions à l'intérieur de ces secteurs. Et vous verrez notamment, pour ce qui concerne le secteur de la production d'électricité thermique, je pense que, si on suit l'ensemble de ces principes-là, on va essayer de minimiser l'apport de la substitution et de maximiser l'apport de l'augmentation de l'efficacité énergétique tant au niveau de la production, au niveau des centrales, qu'au niveau de la consommation.
Évidemment, un ensemble d'autres recommandations que j'appellerais subsidiaires, mais c'est, je pense, le gros du message en ce qui concerne une répartition optimale du fardeau Kyoto à l'intérieur des grands émetteurs industriels. Donc, je termine là-dessus et je répondrai à vos questions.
Le Président (M. Pinard): Merci, M. Dunsky. Alors, immédiatement, M. le ministre.
M. Boisclair: Oui. M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Dunsky et reconnaître et témoigner devant les membres de cette commission de la qualité du dialogue que nous avons su établir avec M. Dunsky, la qualité de ce dialogue vient essentiellement de la qualité des compétences de l'institut qu'il dirige avec ses collègues.
n(16 heures)n Juste pour être bien sûr de ma compréhension des choses, avant de revenir sur le modèle que vous nous proposez, vous nous avez dit dans votre présentation que vous étiez sous l'impression qu'il y avait du mouvement quant au plan fédéral sur la question de la substitution d'énergie, de ce qu'on appelle dans le jargon le «fuel switching», puisque nous avions tous compris que le projet, dans sa forme initiale, favorisait des secteurs à intensité plus élevée comparativement à d'autres, et que, d'une certaine façon, des provinces, comme le Québec, qui produisaient davantage à base d'hydroélectricité, d'énergies diverses, étaient pénalisées par rapport à d'autres. Vous m'indiquez qu'il y a du mouvement sur cette question, qu'est-ce que vous savez que je ne sais pas?
M. Dunsky (Philippe): Sans doute, rien. Non, je ne suis pas dans le secret des dieux. Par contre, encore là, ma compréhension des discussions que j'ai pu avoir avec certaines personnes au fédéral qui travaillent sur le plan est à l'effet que cette question de la substitution, disons, est de plus en plus reconnue comme étant valable. Et, quant à savoir de quelle façon elle sera intégrée ou de quelle façon elle sera permise et dans quelle mesure elle sera intégrée ou permise dans le cadre de cette approche-là, c'est une autre question. Mais ma compréhension est qu'on veut aller vers là.
M. Boisclair: ...M. le Président, et je remercie M. Dunsky. Puis ce propos ne s'adresse pas à lui, mais comprenez-vous la frustration d'un ministre québécois qui doit naviguer dans un champ de compétence partagé? Puis je ne veux pas faire un procès d'intention, puis je ne remets pas en cause la sincérité des gens, mais, dépendant des gens à qui nous parlons, nous avons des versions, mais des perceptions qui sont fort différentes. On discute d'une question qui est fondamentale pour l'avenir de notre économie puis l'avenir de notre qualité de vie, et nous n'avons pas encore la transparence des institutions fédérales que requiert l'importance du débat.
Je suis souvent informé des intentions fédérales, vous savez par qui, M. le Président? par des lobbyistes payés par des industriels qui représentent des entreprises qui ont des places d'affaires au Québec, qui, régulièrement, rencontrent le sous-ministre puis qui m'informent de la tenue des discussions. J'en apprends parfois davantage par ces lobbyistes que je peux en apprendre parmi... par les collaborateurs du ministère de l'Environnement ? sans que ce soit là une mise en cause de leur compétence. Mais on travaille avec l'information à laquelle on a accès. Et c'est dans ce contexte que je dois exercer les compétences que me confie l'Assemblée nationale.
Et je comprends... j'entends le député de l'opposition, mais il est dans l'opposition. Moi, je suis au pouvoir, là, puis c'est moi qui signe, puis c'est le Conseil des ministres qui signe puis qui prend les décrets. Alors, imaginez, dans ce contexte où j'ai de la difficulté à savoir exactement quels sont les faits, combien il m'est difficile, dans un processus parlementaire comme celui-ci, que ce soit en commission parlementaire ou au salon bleu à l'Assemblée nationale, de correctement vous mettre dans le coup.
Ce déficit démocratique, cette absence de transparence, elle est frustrante. Mais, au-delà de ma frustration personnelle ? moi, je peux vivre avec ? c'est choquant, c'est choquant pour les institutions, c'est choquant pour l'intérêt public que nous devons ici défendre. Quand les élus en savent moins que les industriels qui ont des intérêts privés, bien, il y a un déficit démocratique dans notre société. Ce déficit-là, il faut le combler. Il faut le combler par des exercices comme ceux-ci, où des gens viennent s'exprimer. Mais je souhaite simplement, M. le Président, que... et je compte sur les autorités fédérales pour qu'on puisse le régler. Mais combien d'énergie perdue, M. le Président, combien d'énergie perdue!
Je veux revenir sur le fond de votre mémoire. Les principes que vous nous proposez sont des principes exigeants, ils vont au-delà de ce qu'il y a dans Kyoto. Comment doivent-ils nous guider? Parce que, lorsque vous nous parlez des réductions solides comme premier principe, c'est sans doute, effectivement, au niveau du point de vue environnemental, le principe le plus fort. Mais le Protocole de Kyoto s'écarte quand même de ce principe, il permet des mécanismes de développement propres, il permet l'obtention de crédits pour des projets qui peuvent se faire ailleurs qu'en territoire national, bon, il y a une série de... des mécanismes de flexibilité prévus au Protocole de Kyoto.
Moi, je dois vivre avec le test de la réalité, là. Je suis bien prêt à me donner un objectif ambitieux, mais comment nous, comme membres de cette commission, qui aurons à juger d'un plan qui va sortir de cette réflexion... Quoi faire avec ce principe? Parce que, là, je ne pourrai tout de même pas plaider plus fort que le Protocole de Kyoto. Si c'est ce à quoi vous nous invitez, je trouve le rendez-vous difficile à accepter.
Le Président (M. Pinard): M. Dunsky.
M. Dunsky (Philippe): Tout d'abord, en ce qui concerne, là, le Protocole et les mécanismes de flexibilité en particulier, ces mécanismes-là, à mon avis, ont tout pour assurer justement la solidité des réductions de gaz à effet de serre. Lorsque mon collègue, il va en Afrique pour regarder des projets au Cameroun et au Bénin, le test pour ces projets-là, c'est le test d'assurer que ce sont des réductions qui n'auraient pas eu lieu autrement. Et donc, justement, ce principe de... pas non-dédoublement, mais enfin non-crédit gratuit, hein, si on veut, est inscrit très formellement dans les mécanismes de flexibilité.
Le problème que nous avons, auquel nous faisons face, c'est notre situation très particulière face à des voisins du Sud, une puissance économique qui n'a pas ratifié. Il n'y a pas de réponses faciles à ce dilemme que nous vivons, et je ne veux pas dire qu'il y a de solutions faciles. Je pense, par contre, que, pour tous ceux qui ont à coeur la question du changement climatique et la question de la responsabilité, actuellement, des pays développés à l'égard des changements climatiques, nous nous devrons de privilégier les mesures qui auront un impact réel, en fait, que les mesures qui n'ont pas un impact réel soient formellement permises à cause d'une anomalie ou non dans le Protocole de Kyoto, et c'est ce que j'invite à faire en tenant compte de ce principe-là. Évidemment, chaque principe n'est que ça, un principe. Il n'y a pas d'absolu là-dedans, mais c'est une question de favoriser bien sûr les projets qui sont réels, qui atteignent de façon efficace l'objectif du Protocole.
M. Boisclair: Vous faites bien d'apporter cette précision, et j'ai le même entendement que vous. Mais les Américains n'ont pas signé. Il n'y a pas encore de crédits à l'exportation d'énergie propre, revendications canadiennes d'autant plus difficiles à obtenir que les Américains n'ont pas signé. Mais est-ce que vous seriez donc prêt, dans l'analyse de propositions québécoises de projets thermiques, par exemple, de considérer des émissions évitées dans le nord-est des États-Unis ou en Ontario, dans la mesure où on peut certifier qu'il y a véritablement des émissions évitées et que l'exportation d'énergie ne sert pas uniquement à augmenter la consommation chez nos voisins?
M. Dunsky (Philippe): Écoutez, je pense qu'il faut se rendre là, c'est clair. On vit dans un monde interdépendant, on a des économies interdépendantes, on a besoin de mécanismes qui tiennent compte, encore là, des effets réels de nos actions, notamment sur les gaz à effet de serre. Comment le faire dans un contexte où les États-Unis n'ont pas ratifié me paraît beaucoup moins évident, et je n'ai pas la réponse.
M. Boisclair: ...une piste dans l'entente que nous avons signée avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre, où les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et les premiers ministres du Québec et des Maritimes se sont commis à des objectifs de réduction qui sont, d'une certaine façon, plus contraignants que ceux prévus à Kyoto. Les États ayant eux-mêmes un certain nombre de compétences, pouvant adopter des législations, le Québec ayant annoncé son intention de déposer un projet de loi avec un objectif de réduction de moins 6, est-ce qu'il n'y a pas une coopération possible à établir avec les États voisins?
M. Dunsky (Philippe): Quant à moi, oui. Quant à la forme légale du Protocole, c'est moins clair pour moi, mais je ne suis pas juriste non plus. Mais, encore là, ça va de soi, je pense qu'on peut tous s'entendre sur l'importance, éventuellement, de pouvoir comptabiliser tous les gains sur le plan des changements climatiques. La seule question que je me pose à ce sujet-là et sur cette proposition-là, c'est: Dans quelle mesure ce sera reconnu formellement lorsque viendra le temps de vérifier si nous avons effectivement répondu à nos engagements en 2008-2012? Et ça, encore là, je ne le sais pas. En même temps, je dois dire: Ma compréhension de la chose, c'est que la situation avec les États-Unis risque aussi de changer pas mal, peut-être, d'ici 2008-2012.
M. Boisclair: On le souhaite. Il y a plusieurs personnes qui sont sur cette planète qui le souhaitent.
M. Dunsky (Philippe): On le souhaite effectivement. Je ne pouvais pas m'empêcher de mettre dans une note de bas de page, dans le rapport, la question juridique. Et, encore là, n'étant pas juriste, vous me pardonnerez là-dessus, mais la question... Il y a actuellement une réflexion juridique qui se fait en Europe et au Japon quant à l'interface, finalement, entre la non-adhésion des États-Unis et les règles de l'OMC. Et je pense qu'on va voir que cette question va surgir de plus en plus au cours des prochains mois. Je pense qu'aux États-Unis on le sait pertinemment bien aussi, et c'est pour ça qu'on voit de plus en plus des mouvements vers des réductions. Mais, encore là, vers où tout ça va nous amener et dans quel horizon, c'est moins clair.
n(16 h 10)nM. Boisclair: Parce que, effectivement, il y a de l'incertitude. La note de bas de page, à la page 28 de votre mémoire, je l'ai remarquée, il est clair que c'est la note de bas de page à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure sur l'Organisation mondiale du commerce et une interprétation juridique différente à laquelle on pourrait arriver sur les conséquences du retrait américain. Ces questions-là seront attentivement regardées. Mais il est clair qu'il y a un flou juridique devant nous.
Et, dans ce contexte, indistinctement de ce que prévoit le Protocole de Kyoto et de ces mécanismes de reddition de comptes qui sont prévus au Protocole, ce qui l'emportera ce sera la crédibilité des interventions nationales. Parce qu'un traité comme celui-là, bon, prévoit des sanctions, mais est-ce que les sanctions juridiques sont véritablement celles qui auront un poids sur des États nationaux? Quand on regarde l'impact d'un traité international comme le Protocole de Kyoto, je ne suis pas certain. Les sanctions sont bien davantage d'ordre politique. Et, dans la sanction politique, ce qui emporte le jugement de l'opinion, c'est la crédibilité, et non pas le jugement qu'un tiers peut avoir du travail qui a été fait et au nom de règles qui peuvent être discutables.
Mon point de vue, pour essayer de le résumer simplement, c'est que, dans la mesure où on est capables de faire la démonstration, avec une preuve forte, de la réduction des émissions, Kyoto, pas Kyoto, nous pourrons toujours aller plaider notre cause. Et c'est donc dire que le Protocole de Kyoto nous suggère une direction. Il faut respecter les normes du Protocole. Mais, si, dans le temps, il devait subvenir et apparaître des divergences entre des choix que nous pourrions faire et ceux que nous suggère le Protocole, dans la vraie vie, ce qui va l'emporter, c'est la crédibilité des interlocuteurs et la qualité de la preuve que nous pourrons déposer.
Et c'est pour cette raison que le Protocole, je le dis ici pour la première fois, je le prends comme un guide, mais ce n'est pas non plus... ce n'est pas ? comment je pourrais vous dire? ? ce n'est pas un absolu. Non pas qu'il faille déroger à la doctrine. Non pas qu'il faille déroger à la doctrine, comprenez-moi bien, là. Puis c'est toujours risqué pour un ministre de s'exprimer de cette façon-là et qu'il soit mal interprété ? je vois tous mes conseillers qui me disent: Mais ma foi, où t'en vas-tu? Ha, ha, ha!
Le Président (M. Pinard): Sur une fin d'intervention.
M. Boisclair: Oui, merci, M. le Président. Mais il faut aussi se dire: les choses vont bouger dans les 10 prochaines années, et il y a des conflits qui vont apparaître sur l'application et la mise en oeuvre du Protocole et sur le respect du Protocole. Dans toutes les conventions internationales, ces choses-là apparaissent. Et ce qui sera important, c'est la qualité de la preuve qu'on pourra déposer. Et c'est pour ça que moi, j'ai espoir que nous pourrons ici, au Québec, faire des démonstrations fortes et que, même si aujourd'hui les Américains n'ont pas signé, à la limite, avec une coopération avec les États américains ou même dans des projets de collaboration avec le secteur privé et que nous sommes capables de faire une preuve forte, bien, le bon sens, à un moment donné, sera au rendez-vous. Et, si on peut prétendre aujourd'hui que Kyoto, comme les Américains le font, n'est pas le bon sens, bien, continuons de penser que le bon sens va l'emporter et qu'un jour la preuve que nous ne pouvons pas faire aujourd'hui, bien, on sera capables de la faire demain.
Et c'est pour ça que je ne veux pas, moi, me contraindre dans mon raisonnement puis dans les choix que j'ai à faire aujourd'hui, qui vont porter pour bien des années, je ne veux pas me contraindre uniquement à la rigueur de ce que Kyoto nous impose. Il faut aussi être capables d'avoir la profondeur et la vision pour se dire, comme vous nous le proposez avec votre modèle, qu'on peut aussi choisir un chemin qui nous donne autant d'efficacité et peut-être plus un meilleur environnement. Ce que vous plaidez. C'est une voie originale que vous ouvrez, et je vous remercie de l'avoir fait.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci. M. le député d'Orford.
M. Benoit: Merci, M. le Président. M. Dunsky, merci d'être avec nous aujourd'hui. Et ce n'est pas la première fois que je vous vois dans une de nos commissions, je vous ai ? le mot n'est pas trop fort ? admiré en commission au moment où on écrivait la politique énergétique. Et, à ce jour, je suis convaincu que vous avez fait la différence sur cette commission-là à l'époque. Et vos propos sont toujours bien, bien, bien équilibrés. Et je pense que vous faites avancer la chose publique à chaque fois que vous venez nous rencontrer, mais particulièrement au moment où vous avez siégé sur cette politique énergétique.
Quelques petites questions. D'abord, dans votre document, vous dites: Il nous faut «pénaliser l'attentisme et récompenser l'effort proactif». J'aimerais que vous m'expliquiez un peu. Je suis tout à fait d'accord avec cette approche-là ? être un libéral, c'est effectivement de vouloir récompenser l'effort ? et j'aimerais que vous m'expliquiez un peu comment tout ça fonctionnerait finalement. Et j'aurai une autre question par la suite.
Le Président (M. Pinard): M. Dunsky.
M. Dunsky (Philippe): Écoutez, je pense que le principe est simple, et, comme je l'ai mentionné tantôt, tout le monde ici, autour de la table, j'imagine, peut s'entendre là-dessus. Il faut... Ceux qui adoptent une approche proactive ne doivent surtout pas être pénalisés pour l'avoir fait. Si une entreprise a réduit ses émissions de gaz à effet de serre avant que le Canada ait adhéré formellement au Protocole de Kyoto, de un, on veut, on voudrait, on devrait récompenser ses efforts, parce qu'on veut lancer un signal cohérent pour la prochaine ronde de négociations, pour la prochaine fois qu'on sera dans un contexte d'incertitude. On veut encourager la proactivité.
D'autre part, on ne veut pas... en ne récompensant pas ces efforts proactifs, on n'a pas seulement... on ne se limite pas seulement à une neutralité, mais, en fait, on pénalise ces entreprises. Pourquoi? Parce que chaque réduction d'émissions évidemment a un coût marginal, en termes économiques, plus élevé. C'est la courbe des coûts. Normalement, on commence avec les coûts les plus bas, et ainsi de suite. Alors, c'est sûr que, si une entreprise a réussi à réduire, donc s'est attaquée à des mesures à relativement bas prix en premier lieu et, ensuite, se fait dire: Votre objectif de réduction doit être le même que tous les autres qui n'ont pas réduit, mais non seulement ses efforts ne sont pas reconnus, mais les efforts qu'ils doivent faire vont leur coûter plus cher encore que les efforts attribués aux autres qui ont adopté, si on veut, une attitude d'attentisme.
M. Benoit: La prochaine question, je ne voudrais pas que personne pense que c'est la position de notre parti, ou de cette commission, ou du gouvernement, ou même la mienne, ma position. Quand on parle de carbone, on parle bien sûr de pétrole. Et, vous qui avez été sur la politique énergétique du Québec, on a tous mis de côté l'énergie atomique. Nous savons que certains pays d'Europe, tels que l'Allemagne, ont décidé de le bannir d'ici 2020. D'autre part, l'industrie continue, elle, à avancer sur plusieurs parties de la planète. Et je lisais récemment dans une revue que nous serions, probablement, à une époque où on devrait requestionner l'approche que plein de pays ont prise sur la production atomique. Et, encore une fois, ce n'est ni la position de mon parti ? je ne voudrais pas aller en élection, comme le PQ a déjà fait, en défendant une politique atomique ? ni la position de ce gouvernement ou de cette commission, mais c'est vraiment une question où je voudrais avoir un peu d'éclaircissement.
Le Président (M. Pinard): Une question personnelle, quoi.
M. Dunsky (Philippe): C'est une bonne question, c'est une question difficile. Moi, je vais vous dire honnêtement: Premièrement, on a de la misère avec le nucléaire, comme on a de la misère un peu avec l'Hydro, quoique la difficulté est beaucoup moins grande. La difficulté, c'est de comparer pommes et oranges. On a, d'un côté, des centrales thermiques qui émettent des émissions atmosphériques qui contribuent au smog, aux pluies acides, aux gaz à effet de serre, etc. On a, de l'autre côté, une technologie qui n'émet à peu près rien de ça mais qui crée d'autres problèmes qui sont tout à fait incomparables. Comment comparer les deux? Ce n'est pas évident. Et je ne voudrais pas vous dire aujourd'hui qu'une centrale nucléaire est meilleure sur le plan global qu'une centrale au gaz naturel ou même au charbon. On parle d'effets incomparables. Par contre, dans les deux cas, on parle d'effets et/ou de risques très importants.
Et je pense que, là où nous en sommes aujourd'hui, on a à peine effleuré les premières mesures, les premières opportunités sur cette courbe des coûts, si on veut, sur cette courbe d'opportunités de réduction des gaz à effet de serre. Je vois difficilement l'empressement d'aller vers une technologie qui, elle-même, a ses propres failles, ses propres risques significatifs, alors qu'il nous reste énormément à faire du côté de technologies beaucoup plus sûres et beaucoup plus prometteuses. C'est un peu le cadre de ma pensée là-dessus.
n(16 h 20)nM. Benoit: Merci. Courte question: Vous nous parliez de votre associé qui est en Afrique. Juste pour informer la commission, tous ces pays en voie de développement ne feront pas partie de l'accord de Kyoto ? et il est bien qu'il en soit ainsi. À quel moment un pays en voie de développement n'est plus un pays en voie de développement, qu'il est développé et qu'il fait partie de l'accord de Kyoto? Vous pouvez nous éclairer un peu là-dessus?
M. Dunsky (Philippe): Il n'y a pas de formule automatique. C'est une question surtout, avant tout, politique. Écoutez, la question, ce n'est pas moi qui peux la régler, ni qui dois la régler, mais la question sera réglée à la prochaine ronde de négociations, donc pour les objectifs d'après 2012. À ce moment-là, s'il y a des pays qui étaient, disons, considérés en voie de développement à l'époque des négociations de Kyoto et qui ne le seront plus, on peut tous espérer qu'ils seront intégrés, qu'ils adhéreront à ce traité.
M. Boisclair: ...des listes en annexe du Protocole. Les pays figurent sur une des deux listes, la liste de l'annexe A puis la liste de l'annexe B.
M. Dunsky (Philippe): Oui, c'est ça.
M. Boisclair: Les mécanismes de flexibilité sont différents si c'est un pays de l'annexe A ou de l'annexe B.
M. Benoit: Très bien. Merci, M. Dunsky.
Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Merci, M. Dunsky. Je vais continuer sur la même veine que mon collègue, qui m'a ouvert la porte. À la page 6 de votre mémoire, vous faites, en tout cas, une mise en garde que je trouve fort pertinente et qui traduit un des effets pervers de l'implantation du Protocole de Kyoto. Vous dites: «Un des principaux défis du Protocole de Kyoto est celui d'assurer que les émissions évitées dans un pays proviennent de changements réels et non du déplacement des émissions vers un pays non participant à l'effort international.» Vous le démontrez très bien dans votre mémoire, et c'est une des préoccupations sur laquelle je me suis questionnée hier avec certains experts. Et je la ramène aujourd'hui parce que je n'ai pas eu encore de réponse satisfaisante. L'environnement, c'est un espace sans frontière, et c'est évident que, même si, nous, on fait des efforts, que ce soit à l'échelle du Québec ou à l'échelle du Canada, on demeure vulnérables au niveau de l'espace international. Et puis vous avez soulevé aussi la question, à la page 28, là, de la possibilité de recours devant l'Organisation mondiale du commerce, éventuellement, lorsque le traité sera signé et validé au niveau international. Mais, entre l'approche purement juridique et punitive et peut-être une autre approche qui amènerait l'ensemble des pays ou, en tout cas, une masse critique de pays à adhérer et à prendre les mesures nécessaires pour cet effort collectif qu'on fait à l'échelle internationale, quels sont, selon vous, les mesures, les moyens les plus appropriés pour faire en sorte qu'on ne fera pas que déplacer la pollution? Et on l'a entendu, avant vous, par le groupe de l'Institut canadien des produits pétroliers, qui nous ont parlé de la Chine, et de l'Inde, et du Brésil, et quoi d'autre, où on va déplacer tout simplement la production, et donc, au lieu de polluer ici, on va polluer ailleurs. Mais, sur le plan atmosphérique, là, on n'a pas fait des gains réels, comme vous le dites. C'est quoi, la solution à ce problème?
M. Dunsky (Philippe): La solution, s'il y a solution évidemment ? il y a surtout des contributions, si on veut, à atteindre l'objectif ? réside, je pense, dans la considération de cette problématique lors des négociations pour établir les objectifs ou les engagements, là, des différents secteurs. Alors, ce n'est pas dans tous les secteurs, ce n'est pas toutes les mesures qui conduisent à simplement un déplacement du lieu des émissions.
Par exemple, je l'ai mentionné tantôt et je vais le redire, dans le secteur de la production d'électricité thermique, qui est le plus problématique de tous, les réductions de la consommation, premièrement, donc l'amélioration de l'efficacité énergétique, au niveau des particuliers, au niveau des entreprises, ainsi de suite, n'amènent à aucun déplacement. Dans la mesure où on devient plus efficaces, plus productifs dans l'économie, il n'y a aucun déplacement. De même, lorsqu'on regarde du côté de la production d'électricité dans ces centrales-là, encore là, l'amélioration de l'efficacité énergétique de ces centrales n'amène à aucun déplacement. Donc, on a des opportunités là qui sont solides, entre guillemets.
Il y a des opportunités qui sont moins solides et il faut en tenir compte, et il faut en tenir compte lorsqu'on établit qui a à faire quoi. Je vous donne un exemple ? et je vais me faire pendre pour le donner ? c'est l'exemple des sables bitumineux. Les sables bitumineux, c'est peut-être un secteur qui est à peu près à moitié là-dedans, dans le sens suivant: si on réduisait la production de sables bitumineux en Alberta, il ne faut pas se conter des histoires, la production ailleurs augmentera, et donc, il y aura un déplacement. Par contre, les sables bitumineux sont deux fois plus émetteurs de gaz à effet de serre que les puits conventionnels. Donc, il y a déplacement à moitié seulement des réductions.
L'important est de considérer, je pense, chaque secteur, chaque sous-secteur, de tenir bien compte de ces déplacements possibles, de tenir bien compte de la fragilité de la position concurrentielle des entreprises aussi, parce qu'il y a des entreprises qui ne vont pas bouger et il y en a d'autres qui peuvent changer leur production d'une semaine à l'autre, entre une usine ici et une usine en Chine. Donc, c'est de tenir compte de tous ces éléments-là, encore là, lorsqu'on établira la répartition des objectifs. Malheureusement, ça ne prête pas à une réponse simple ou facile, mais je pense que c'est la seule façon qu'on va faire.
Si vous me permettez d'ajouter, parce que le ministre tantôt a parlé de la question des exportations aux États-Unis, évidemment c'est la même question qui se pose là, et, dans le fond, l'interrogation du ministre est un peu l'autre côté de la médaille de mes propos quant à la substitution ici, à l'intérieur du Canada, c'est-à-dire le risque que, si nous exportons notre hydroélectricité en Ontario, finalement, pour le faire, on diminue nos exportations aux États-Unis, Il n'y a pas de gains nets. Par contre, je pense que, dans la mesure où le Québec adopte une approche cohérente d'un bord à l'autre, c'est-à-dire, d'une part, tenir compte des réductions qu'on fait réellement ailleurs, par exemple, aux États-Unis, et, d'autre part, qu'on tienne compte des déplacements qui sont associés à certains autres types de réductions, là on aura une approche cohérente, une approche crédible, qui sera défendable lorsque viendra le temps de se présenter, finalement, devant les signataires pour ce qui est des pénalités de Kyoto.
Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Philippe Dunsky.
M. Dunsky (Philippe): Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Pinard): C'est tout le temps qui vous était réservé. Alors, ça a été vraiment très intéressant. Merci. J'inviterais maintenant ENvironnement JEUnesse à se présenter, s'il vous plaît.
n(16 h 30)n Alors, nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue, après cette longue randonnée à bicyclette. J'espère que vous avez connu une belle journée, parce que la période... la température de la fin de semaine était passablement froide.
ENvironnement JEUnesse inc. (ENJEU)
M. Dugas (Richard): C'était très froid, mais ça me fait penser comment est beau l'hiver et comment ça définit notre peuple.
Le Président (M. Pinard): Vous savez, l'hiver, c'est le Québec, ça fait partie intégrante du Québec.
M. Dugas (Richard): Exactement, c'est quelque chose qu'il faut conserver.
Le Président (M. Pinard): Alors, madame, messieurs de la commission, je vous présente M. René Coignaud, qui est administrateur responsable du dossier changements climatiques pour ENvironnement JEUnesse inc., ainsi que M. Richard Dugas, qui est chargé de projet, transport durable. Alors, messieurs, bienvenue. Nous vous rappelons les règles qui sont fort simples: vous nous présentez votre mémoire, 15 minutes, et ensuite, il y aura une période d'échanges avec les membres de la commission. Alors, monsieur...
M. Dugas (Richard): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. députés, merci beaucoup de nous avoir invités; on se sent vraiment bien d'être ici. Ça nous démontre une volonté de votre part de bouger sur ce dossier, et on pense que c'est de toute importance, puis c'est très intéressant que ça se passe comme ça.
Alors, pour notre présentation, je vais vous parler brièvement d'ENJEU, et après ça on va parler un petit peu des différentes mesures qu'on a visées dans notre mémoire. On va procéder comme ça.
Le Président (M. Pinard): Alors, vous êtes monsieur...
M. Dugas (Richard): Moi, je suis Richard Dugas.
Le Président (M. Pinard): O.K.
M. Dugas (Richard): Alors, premièrement, ENvironnement JEUnesse, c'est un organisme qui existe depuis 1979. Notre devise, c'est Pour et par les jeunes. On se veut la voix des jeunes environnementalistes du Québec, on représente à peu près 1 200 jeunes écolos d'à travers la province. Pour vous parler un petit peu plus de l'implication d'ENvironnement JEUnesse avec les changements climatiques, je vous présente René Coignaud.
M. Coignaud (René): Bonjour. Donc, je suis administrateur à ENJEU. On travaille sur les changements climatiques depuis pas mal longtemps. En fait, à la fin des années quatre-vingt, au début des années quatre-vingt-dix, on a fait nos premières tournées à travers la province pour sensibiliser les jeunes aux changements climatiques. Plus récemment, on a travaillé assez dur pour promouvoir des règles de mise en oeuvre du Protocole qui maximisent les bienfaits et qui limitent les échappatoires. Puis, ensuite, quand les règles ont été terminées et conclues, on a travaillé assez fort aussi pour promouvoir la ratification du Protocole. On a, entre autres, co-initié et monté une coalition avec plus de 100 groupes et parlementaires en faveur de Kyoto. Donc, on a travaillé quand même assez fort là-dessus, on a participé à un paquet de consultations, on est allé au BAPE sur la centrale du Suroît, et on a travaillé là-dessus depuis assez longtemps. Donc, je vais passer le micro à Richard qui va vous parler de transport et aménagement.
M. Dugas (Richard): Alors, une des mesures qu'on vise principalement, un des secteurs, c'est le transport. C'est effectivement une grosse partie de nos émissions de gaz à effet de serre, et on pense qu'il y a plusieurs façons dont on peut voir ça. Premièrement, il y a l'idée: transports, on aime la façon dont ça bouge, on ne fait pas grand-chose, on espère pour le mieux. Deuxièmement, on peut adopter, pour emprunter la phrase de Steven Guilbeault, des lunettes Kyoto. Alors, avec des lunettes Kyoto, on vise une réduction de 6 % globalement ? c'est une belle approche. Nous autres, ce qu'on prône ou ce qu'on veut vraiment essayer de faire à ENvironnement JEUnesse, c'est de voir encore plus loin que Kyoto, parce que le Protocole de Kyoto, c'est seulement une petite étape dans le processus en général. Il faut penser les enjeux dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques, alors, qui vise vraiment... Il faut regarder l'année 2050. C'est très, très loin, c'est très difficile de regarder ça, mais il faut regarder nos interventions dans le sens que ça va avoir un effet à très, très long terme. Si on s'embarque dans des démarches maintenant pour des effets à long terme, on risque de sortir gagnants.
Alors, les mesures qu'on prône pour arriver au Protocole de Kyoto, à nos objectifs par rapport à 2012, premièrement, ce seraient les inspections. On pense que c'est le temps que le Québec embarque dans les inspections des véhicules, comme plusieurs de nos voisins, pour vraiment s'assurer que les véhicules qui roulent sur nos routes soient propres. Deuxièmement, on prône un système de redevances-remises non seulement à l'achat du véhicule, mais aussi chaque année à travers l'immatriculation pour que ceux qui ont acheté des gros véhicules se fassent rappeler chaque année leur choix de consommation, et ceux-ci devraient être assez sérieux pour que, vraiment, ça fasse mal à quelque part et que pour... La prochaine fois qu'ils achètent un véhicule, peut-être qu'ils vont viser quelque chose de plus sensible. Ce qu'on voudrait aussi avec les redevances-remises, c'est que ce soit sur une échelle... c'est-à-dire que, chaque année, supposons qu'on fixe le barème assez haut, à sept litres par 100 km, entre la redevance et la remise, l'année d'après on dirait: ce serait 6,5, et six litres, 5,5 litres, et ainsi de suite, pour qu'il y ait vraiment un incitatif des manufacturiers pour améliorer la performance des véhicules qu'ils vont vendre au Québec.
Passons de l'autre étape, visons les mesures qui vont améliorer notre rendement énergétique et notre performance économique à long terme. Et ici, j'aimerais parler particulièrement des effets des transports sur les jeunes. La mobilité des jeunes est en train de changer, ils sont de plus en plus motorisés. Il y a de plus en plus de véhicules qui roulent sur les routes du Québec et qu'est-ce que ça fait? C'est que ça diminue la sécurité des piétons et des cyclistes. À cause de ça, les parents ont peur que leurs enfants se fassent mal en chemin vers l'école, donc vont les conduire à l'école. C'est un cercle vicieux. Et ça a vraiment changé le paysage de nos écoles au Québec. Ce qu'on propose par rapport à ça, c'est des mesures qui vont promouvoir le transport actif chez les jeunes, donc, à travers notre système d'éducation. Aussi, qu'on redonne l'espace écolier aux écoliers, que... Cette congestion autour des écoles, il faut trouver des mesures qui vont vraiment défaire cet enjeu.
Aussi, on propose que, dans les tests de conduite, quand quelqu'un, un nouveau conducteur passe son permis, qu'il y ait un volet environnemental. C'est-à-dire, quelqu'un devrait répondre à des questions par rapport à la pollution qui est causée par l'automobile, mais aussi qu'il soit renseigné sur des méthodes de conduite qui seraient moins dommageables: comment accélérer, comment choisir son véhicule.
Finalement ? et là je rentre dans l'aménagement un petit peu ? une mesure qui est très importante: on pense que, dans chaque projet que le gouvernement embarque soit comme corps législatif ou comme subventionnaire, il devrait adopter une grille d'analyse ou des lunettes Kyoto pour voir vraiment comment le projet en question va changer nos habitudes. Alors, si on bâtit un nouveau quartier résidentiel et le gouvernement décide de jouer une part, qu'on s'assure qu'il y ait des trottoirs pour que les jeunes soient capables de marcher très bien vers l'école. Pour les industries, si le gouvernement décide d'aider une industrie à bâtir une usine, bien, qu'il y ait des façons... qu'il assure qu'il y ait des moyens d'optimiser l'efficacité énergétique de cette industrie-là.
On pense aussi... Au coeur de ce débat en ce moment, il y a les transports en commun qui ont vraiment besoin de gros fonds. Et on pense que, à la place d'investir dans les routes, comme le ministère des Transports du Québec est en train de le proposer, on devrait peut-être investir cet argent dans les transports en commun. En les rendant plus rapides, plus efficaces et moins chers, le monde risque de les prendre davantage. Et je pense qu'il y a vraiment une façon d'améliorer notre réseau de transport en commun au Québec, et on devrait ne pas bâtir une route sans avoir exploré l'option des transports en commun en premier. Je passe à René.
M. Coignaud (René): Donc, au niveau de l'énergie, on pense à exothermique. Il a été posé la question si le Québec devrait abandonner la filière thermique, puisque, ailleurs, ça peut être considéré comme une énergie qui est propre. Donc, nous, on pense que le thermique, ça peut être intéressant dans une logique de transition vers quelque chose de plus propre. Donc, quand on parle de quelque chose de plus sale et qu'on se dirige vers quelque chose de plus propre, le thermique peut servir comme trait d'union. Donc, ailleurs au Canada, alors qu'ils produisent de l'énergie par le charbon, par exemple, ça peut être intéressant, s'il n'y a pas d'autres moyens plus propres, d'utiliser le thermique en attendant de pouvoir développer d'autres alternatives. Puis lorsque les gains d'efficacité énergétique et le potentiel éolien et les autres énergies plus propres et plus intéressantes sont utilisés, à ce moment-là, on pense que c'est logique de pouvoir utiliser le thermique.
n(16 h 40)n Par contre, au Québec, ça, ça ne fonctionne pas, parce qu'on ne va mener une transition vers une économie plus propre et avec moins de carbone en passant par l'énergie qui produit plus de carbone. Donc, pour nous, c'est vraiment important d'abandonner cette filière-là. Ce n'est pas une filière qui est acceptable puis qui va nous mener vers notre objectif de solidation du climat, qui est l'objectif primordial, bien plus important encore que Kyoto. Donc, le thermique, on pense qu'il faut oublier ça. La centrale thermique de Tracy, on pense que la production énergétique n'est pas très considérable alors que la pollution est quand même pas mal considérable; donc on devrait viser à fermer cette centrale-là le plus vite possible.
L'autre enjeu qui, pour nous, est vraiment lié avec la mise en oeuvre de Kyoto, c'est la question de l'avenir de la centrale nucléaire Gentilly-2. Pour nous, c'est vraiment un enjeu qui est directement lié avec Kyoto parce qu'on est à l'heure où est-ce qu'on doit développer des choix énergétiques du Canada ? bien, du Canada et du Québec et du monde entier ? pour les décennies et les siècles à venir. Donc, on sait que l'avenir de la centrale est incertain puis qu'il faudrait investir des sommes assez considérables pour la remettre à neuf d'ici quelques années. Alors, nous, on pense que les sommes qu'Hydro-Québec pense éventuellement mettre pour renouveler la centrale, la remettre à neuf, on pense que ces sommes-là seraient beaucoup mieux utilisées pour développer des énergies plus propres... d'abord, en tout, l'efficacité énergétique. Donc, on pense qu'il faut vraiment fermer la centrale à la fin de sa vie utile et ne pas faire des rénovations dessus, d'utiliser les ressources ailleurs pour des énergies d'avenir.
Au niveau de l'exploration gazière et pétrolière dans le golfe Saint-Laurent, encore là, on pense qu'on passe un petit peu à côté de la track de se diriger vers une économie à faible production de carbone, parce que, fondamentalement, on pense que le carbone qui est dans le sous-sol, il est à sa place, il ne cause pas de trouble. Du moment qu'il est sorti du sous-sol, qu'il est en circulation, à ce moment-là, c'est plus de trouble l'absorber, puis tout le potentiel des pluies doit être utilisé pour les émissions actuelles qui sont déjà beaucoup plus élevées, alors... Puis on a déjà suffisamment de réserves de pétrole puis de combustible fossile partout dans le monde pour causer des dommages assez irréversibles au climat. Donc, même sans considérer les questions évidemment environnementales du golfe qui est un endroit superbe, juste la question de pomper plus de carbone dans l'atmosphère, on pense que ce n'est pas souhaitable du tout.
Aussi, il y a... souvent, Québec dit que la construction d'hydroélectricité n'est pas bien reconnue dans les efforts du Québec. Là-dessus, on est d'accord, mais pas nécessairement pour les mêmes raisons. Parce que, actuellement, on considère que les réservoirs ne produisent aucune émission de gaz à effet de serre, ce qui n'est pas vrai. Puis la science, à ce sujet-là, est en train de se développer puis ce qu'on découvre, c'est qu'il y a véritablement des émissions qui sont quand même considérables, qui sont certainement moindres que même le gaz naturel, mais qui sont quand même considérables. Puis, à terme, on va devoir comptabiliser ces émissions-là d'hydroélectricité et des réservoirs.
Donc, c'est quelque chose qu'on doit prendre en compte puis qui doit nous inciter encore davantage à développer des énergies encore plus propres comme, évidemment, d'abord et avant tout, l'efficacité énergétique puis, ensuite, l'éolien, le solaire et la biomasse. Je vais passer le micro maintenant à mon confrère Richard pour la conclusion.
M. Dugas (Richard): Alors, dans le protocole de Kyoto, on voit vraiment une opportunité fantastique d'améliorer toutes sortes de nos rendements en efficacité énergétique, d'améliorer notre société. Il y a plein de cobénéfices pour l'environnement à travers le Protocole de Kyoto. Ça implique changer nos habitudes. Mais ce qu'on veut voir, c'est du courage, du courage dans nos instances politiques, du courage de la société. Puis je pense qu'on l'a, le courage, au Québec, pour faire les changements nécessaires. On veut vraiment viser un bel avenir, et le Protocole de Kyoto, ça peut être une très importante première étape dans ces changements pour la durabilité.
Le gouvernement peut embarquer avec toutes sortes d'incitatifs et de désincitatifs. Aussi, il peut mener, par exemple, finalement, ce qu'on veut vraiment, c'est qu'il adopte une vue à long terme pour que les changements qu'on va implanter, les législations qui se font, les mesures qui sont prônées visent une société meilleure mais à long terme, vraiment un meilleur rendement en énergie et un meilleur rendement en efficacité.
Ce qu'on veut, c'est que le monde prenne les lunettes de Kyoto mais aussi la longue-vue de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Avec cette sorte de vue là, on va certainement avoir un impact sur nos habitudes et, on le pense, on va améliorer la société dans laquelle on vit en ce moment. Alors, je nous souhaite, à nous tous, beaucoup de courage à travers cette démarche et je pense qu'ensemble on va être capable d'y arriver.
Le Président (M. Pinard): Merci, messieurs. Sans plus tarder, nous allons débuter notre échange. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Boisclair: Je voudrais vous remercier pour cette présentation, saluer votre courage. Je comprends que ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion d'échanger. Je pense qu'on s'est bien vus à Marrakech.
M. Coignaud (René): On s'est vus à Bonn.
M. Boisclair: C'est à Bonn où on a échangé. C'est vous que je redoutais.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boisclair: Parce qu'on avait eu une discussion assez serrée dans un corridor à la conférence à Bonn. Je disais: Est-ce que c'est bien lui que je reconnais? Il me fait plaisir de vous revoir.
M. Coignaud (René): De même pour moi.
M. Boisclair: Écoutez, vous nous invitez à utiliser la longue vue. Je voudrais, au-delà des décisions que nous prendrons à court terme, tout simplement vous signifier la confiance dans le talent québécois, et ça va bien au-delà de la volonté politique des uns et des autres et du débat politique. Il y a des choses que nous savons bien faire au Québec. Nous savons très certainement, au-delà des gens et de cette commission... nous saurons certainement nous inscrire sur la piste de la modernité, la voix citoyenne au Québec porte. Et si, parfois, on peut s'inquiéter de ce que serait l'indifférence de quelques-uns, quand, à Montréal, il y a quelques jours, nous étions plus de 150 000 dans les rues à marcher, et qu'en nombre nous nous rapprochions des grandes métropoles du monde, ça me donne un certain élément d'espoir et ça me donne une certaine fierté quant à la place de la voix citoyenne dans nos débats publics.
Je veux donc témoigner de cette confiance, comme citoyen, et vous dire que nous avons raison de mener des discussions comme aujourd'hui, que vous avez raison de mener les actions que vous menez, et qu'on peut espérer que notre société va bouger dans la bonne direction. Moi, j'ai fait un choix, comme ministre de l'Environnement, d'être résolument optimiste et, plus je réfléchis à cette préférence que j'exprime, plus je m'aperçois que c'est la seule voie à suivre. Sinon, bien, on se conduit directement à l'immersion, à l'impuissance et à la fatalité, et ce n'est pas le destin original pour un peuple de l'envergure du nôtre.
Maintenant, vous nous entretenez d'un certain nombre d'éléments plus pointus, en particulier sur la question des transports. Je voudrais en profiter pour corriger un article de M. Francoeur, paru aujourd'hui. M. Francoeur préfère souvent faire parler des études et du papier que de faire parler le ministre. C'est son choix, je le respecte, mais entre le moment où les études sont publiées et la réalité d'aujourd'hui, il y a souvent du temps et des chiffres et des faits qui changent. Je veux donc porter à l'attention des membres de cette commission les faits tels qu'ils se présentent aujourd'hui ? je suis convaincu qu'ils seront rapportés dans Le Devoir ? au sujet des véhicules non conformes. M. Francoeur écrit: «Québec évalue à 711 000 le nombre de voitures et à 36 000 le nombre de camions actuellement sur les routes qui ne sont pas conformes.» Là, il faut se rendre quelques paragraphes plus loin pour comprendre que c'est une étude d'août 2000. Quand nous regardons les faits tels qu'ils se présentent aujourd'hui, nous sommes plutôt à 460 000 véhicules non conformes et à 13 000 camions non conformes sur tout le territoire. Je veux juste corriger ces chiffres. Ces faits doivent être connus.
Je veux aussi indiquer que M. Francoeur, dans son article, parle de 5,08 mégatonnes de CO2 d'émissions du Québec entre 2008 et 2012 qui pourraient être évitées. On parlait d'une période de quatre ans. C'est à peu près une mégatonne par année. Les chiffres sont plutôt revus à la baisse. Ce qu'on me dit, c'est qu'en visant, par un programme d'inspections, les véhicules qui ont plus de cinq ans, c'est au maximum 300 000 tonnes ? et je fais bien confirmer ces chiffres par M. de Tilly, responsable du Bureau des changements climatiques, au gouvernement du Québec ? on parle de 300 000 tonnes maximum par année. Donc, sur une période de quatre ans, c'est 1,2 mégatonne. Donc, si j'avais eu l'occasion de le lui dire en personne, je l'aurais fait, mais il faut parfois apporter ce genre de correction dans mon métier, il me fait plaisir de le faire.
n(16 h 50)n Ceci étant dit, je veux vous dire qu'il y aura un programme d'inspection des véhicules automobiles au Québec. Il y aura un programme qui sera mis en oeuvre par étapes, et le gouvernement du Québec poursuit avec la même cohérence, mais il y a des choses qui, parfois, font en sorte que je dois exprimer des priorités. Et je veux vous dire que j'ai accordé une grande priorité au dossier des aires protégées, que j'ai mis, dans la dernière année, une immense priorité à la politique nationale de l'eau. Et, je m'en confesse, je ne peux pas tout faire en même temps, ni moi, ni mes collègues, et je dois, dans la gestion de mon temps et du temps de mes collaborateurs, gérer des priorités, et celles que j'ai annoncées, les annonces que j'ai faites, figuraient au palmarès de mes priorités. Et ce n'est pas là un jugement que je porte sur le mérite des projets, mais parfois... et je rends compte de ces priorités et j'en assume les conséquences.
Je veux aussi vous dire que j'espère que nous aurons l'occasion d'entendre l'AQLPA en commission parlementaire, et je confie le soin au secrétariat de nous indiquer, là, de quelle façon ce sera le mieux d'y parvenir. Je comprends qu'il y a des problèmes d'agenda, du fait d'engagements respectifs des membres de cette commission, mais je suis convaincu qu'on pourra trouver une façon d'entendre l'Association québécoise qui, sur ces questions, nous a particulièrement interpellés. Donc, je veux aussi dire ces choses.
Maintenant, j'arrive à des questions. Sur la question des transports, vous insistez pour rappeler que 38 % des émissions viennent du secteur des transports. Vous nous avez dit qu'il fallait frapper là où ça fait mal ? pour reprendre l'expression maintenant rendue populaire. Jusqu'à quel point faut-il poser ce genre de geste? Ou jusqu'à quel point faut-il insister pour qu'il y ait une desserte intelligente en transports publics?
Moi, je sais que des outils fiscaux ont un impact sur le comportement des gens. D'ailleurs, déjà, ceux qui utilisent des automobiles qui consomment plus d'essence paient plus de taxes que ceux qui utilisent des véhicules qui consomment moins d'essence. Mais quand je vois l'intelligence et l'efficacité d'une desserte de transports publics bien organisée, je me dis: Est-ce que c'est à coups de sanctions fiscales qu'on va modifier le comportement des gens ou si ce n'est pas plutôt en organisant des voies réservées sur des autoroutes, en organisant des stationnements incitatifs, en organisant un réseau de trains de banlieue qui connaît une réponse fantastique, donc, en somme, en bonifiant notre offre?
Et ce qui m'inquiète dans la gestion publique de ce débat, parce que nous devons gérer la perception... Le titre, juste quand j'évoque la question d'une taxe spéciale, que ce soit sur le carburant ou sur l'immatriculation, ça fait immédiatement la manchette dans les journaux, on évacue les autres questions. Moi, je veux vous entendre parler des choses que nous faisons déjà mais que nous devrions mieux faire. Et comment pensez-vous que nous pourrions, intelligemment, bonifier notre desserte de transport en commun? Et, si c'est l'option que vous prenez, comment concilier cette question avec celle de l'étalement urbain?
Parce que d'autres environnementalistes vont me dire: André, si tu amènes le métro de Longueuil à Édouard-Montpetit ou une station plus loin, ce qui est clair, c'est qu'immédiatement il va y avoir des impacts sur l'étalement urbain et les objectifs de densification que tu poursuis, comme ministre de l'Environnement puis comme ministre de la Métropole, bien, tu risques de passer à côté. Comment conciliez-vous ces deux réalités?
Le Président (M. Pinard): M. Dugas.
M. Dugas (Richard): Oui. Bon. Juste pour revenir en arrière un petit peu, par rapport aux inspections. Il faut garder en tête que la flotte québécoise en ce moment est de très bon état; ça va avec un beau temps économique. Si on devrait retomber dans des temps qui vont moins bien, le nombre de véhicules qui polluent va grandir encore.
Par rapport au transport en commun, c'est difficile de dire c'est quoi, la solution magique. C'est certain qu'on doit trouver des moyens pour pousser le monde à les utiliser. S'ils sont plus rapides, ça va mieux marcher, si ça va, le réseau va plus largement, ça va mieux marcher.
Par rapport à l'étalement urbain la solution des TOD, des Transit Oriented Development, est très attrayante à quelque part; c'est basé sur certains modèles. Il y a plusieurs villes en Europe qui ont créé des centres qui sont vraiment très accessibles en transport urbain, en transport en commun. Le monde ont tous des automobiles mais ils les laissent chez eux. Ils peuvent accéder au pôle de transport en commun en marchant ou en bicyclette assez facilement. Et ça crée des banlieues qui sont à l'extérieur de la ville mais quand même assez denses, où le monde peuvent se promener en toute sécurité et en tout confort, dans un milieu de vie très agréable.
Et je pense que, si on adopte cette longue vue, on peut viser des quartiers comme ça. Vraiment, c'est... Pourquoi pas essayer, pourquoi pas fermer des routes à Montréal aux automobiles? On parle de notre savoir-faire mais, au Québec, on est... je pense qu'on est un peuple qui est prêt à faire des expériences. Essayons-le, c'est le bon moment de le faire. Soyons progressistes. En fin de compte, si on est progressistes maintenant, ça va nous donner la chance de montrer aux autres qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne pas, et aussi de vendre notre expertise. Et ça peut être en matière d'énergie, comme ça peut être en matière de transport en commun.
Notre service de transport en commun à Montréal, celui que je connais bien, vraiment a besoin d'un grand investissement; ça, c'est primaire. Il va commencer à montrer des signes d'âge de plus en plus, et le gouvernement doit investir dedans. C'est primordial pour assurer son fonctionnement qui va assurer que le monde continue à le prendre. Je ne suis pas sûr si j'ai bien répondu à votre question.
M. Boisclair: C'est parce que, moi, j'essaie tout simplement de résoudre le dilemme: plusieurs personnes s'objectent, par exemple, au prolongement du métro plus loin sur la rive sud de Montréal. Ce sont des débats auxquels je suis confronté. Parce qu'on me dit qu'on va contribuer à développer le périmètre urbain et qu'on va, plutôt que de densifier les zones urbaines qui déjà existent, on va en développer de nouvelles, ce qui est contraire aux principes et aux enseignements du développement durable.
Regardez le pont de la 25, plusieurs personnes s'y opposent, d'autres sont très favorables. Et c'est encore là l'argument de l'étalement urbain. Cette fois-ci, on n'est pas dans un transport public, on est dans un transport privé. Mais des gens vont prétendre que, si on développe cette voie routière, on va diminuer les lignes d'attente, donc diminuer les niveaux d'émissions, il y aura plus de fluidité. Ce sont des thèses auxquelles... On lit ça dans les journaux, vous entendez ça comme moi.
Donc, concilier ces choses, ces principes ne m'apparaît pas une chose simple. Et je me dis: Quel genre de grille d'analyse voulons-nous sur le territoire, par exemple, de la communauté métropolitaine, où les questions de transport public seront cruciales et où la question de la place du véhicule automobile va se poser, dans cinq ans, avec encore plus d'acuité qu'elle ne se pose aujourd'hui?
Si vous pensez que le débat de Notre-Dame a été un débat à Montréal, attendez de voir ceux que nous aurons dans cinq ans; ce sera encore pire. Ce sera encore pire. Alors, c'est juste ça, c'est comment faire un débat intelligent sur ces questions?
Le Président (M. Pinard): M. Dugas.
M. Dugas (Richard): Effectivement, ce n'est pas facile, vraiment il y a beaucoup de facteurs qui rendent ces questions-là, d'aménagement, difficiles. De base, nous, ce qu'on prône, c'est qu'il faut regarder les déplacements des générations futures, O.K.? Je ne pense pas que le monde de mon âge, en allant vers les plus vieux, vont être prêts à laisser, mettre de côté leur automobile. Mais je pense par contre que, en donnant des bonnes habitudes et des moyens sécuritaires aux jeunes de se déplacer en bicyclette et en marche, on peut leur montrer qu'il y a d'autres façons de se déplacer.
Moi, je propose, par rapport à votre question, l'étalement urbain, que, quand on bâtit un nouveau pôle de transport en commun, quand on va allonger une ligne de métro, qu'on bâtisse le nouveau quartier qui va avec de façon à assurer premièrement les déplacements des jeunes vers l'école, en premier lieu. C'est ça qui va assurer qu'ils vont prendre des bonnes habitudes de déplacement. Mais aussi, ça va créer un quartier vraiment où ce que la communauté est plus tissée, plus ficelée et où est-ce que c'est beaucoup plus agréable de vivre. Et je pense que c'est la première question qu'on devrait regarder, en termes d'aménagement, c'est loin vers le futur: Comment que ça va affecter les enfants?
Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, M. le député d'Orford.
n(17 heures)nM. Benoit: Alors, messieurs, merci d'être ici. Vous nous avez donné l'exemple en y venant en bicycle...
Mme Houda-Pepin: En bicyclette.
M. Benoit: En bicyclette, oui, c'est ça. C'est pas mal impressionnant. Je veux d'abord vous féliciter sur votre mission, celle d'être des éducateurs en environnement auprès des jeunes. Moi, je viens d'un coin de pays qui s'appelle l'Estrie et qu'on appelle l'Estrie zone verte. Souvent, je me demande comment ça se fait que l'Estrie s'est ramassée, à travers les temps, avec ce titre d'Estrie zone verte et comment tout ça a commencé finalement. Et il y a peut-être une seule réponse. On a eu, oui, des bons influenceurs dans notre région, mais, fondamentalement, il y a 20, 25 ans, il y a eu des groupes qui ont un peu poussé spontanément ? ça a commencé par un lac qui était super pollué ? et qui ont décidé de faire de l'éducation dans les écoles.
Et j'ai été à même d'évaluer ces gens-là qui allaient dans les écoles. Et tout le monde gagnait: le professeur se ramassait avec un géranium; l'école plantait un arbre en avant; les enfants avaient un concours de dessin; éventuellement, ils pouvaient gagner des bicycles. On a fait ça année après année. Quand je dis... «on» exclut la personne qui parle. On a fait ça... Qui n'exclut pas, par contre, la personne à mes côtés, qui a fait ça pendant 20, 25 ans, année après année, bien humblement. Ils n'ont jamais vraiment demandé rien à personne, sauf quelques bicycles à quelques fabricants. Et finalement les grands débats qu'on mène dans l'Estrie, ils sont rarement venus de Québec, ils sont rarement venus d'Ottawa, ils sont finalement venus de nos jeunes.
Et il y a, ici, une dizaine d'années, on déposait une pétition, et j'ai reconnu, dans l'estrade en haut, ce jeune. J'ai dit: Mon Dieu! il a vieilli, lui. Et effectivement, en troisième année, il était venu déposer une pétition de 10 000 noms. Alors, il a demandé à ses confrères à la polyvalente de partir et de faire du porte en porte dans la ville de Magog, des ados, et, en dedans d'une fin de semaine et demie ou à peu près, ils étaient 10 000 noms qu'ils déposaient ici. Et ces mêmes jeunes là, bien, je les avais vus dans ces petites réceptions et ces petites...
Alors, moi... Tout ça pour vous dire, un grand détour pour vous dire que, ce que vous faites, ça commence là. Je veux dire, on peut se péter les bretelles ici, là, mais Kyoto, si on n'est pas capable d'abord de faire de l'éducation chez nos gens, on n'y arrivera pas. À tous les niveaux. J'ai dit dans mes remarques préliminaires hier que cette commission, elle avait trois buts, et le premier que j'ai mis, c'était celui d'une grande opération de pédagogie, d'expliquer ce qui nous attend et comment on doit s'y prendre pour arriver au but qu'on veut atteindre.
Une fois ça dit, il y a une phrase intéressante dans votre mémoire. Moi, je suis convaincu qu'on est les plus taxés en Amérique du Nord, on ne peut plus en mettre, la cour est pleine. Là, vous nous parlez d'une taxe sur la vanité, à la page 12 de votre mémoire. J'aimerais ça que vous me parliez de cette nouvelle taxe. Celle-là, je ne l'avais jamais entendue avant et j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu. Avec un grain d'amour... un grain d'humour, il se fait tard dans la journée, là.
Le Président (M. Pinard): Messieurs.
M. Boisclair: Un grain d'amour pour les contribuables.
M. Benoit: Pardon?
M. Boisclair: Un grain d'amour pour les contribuables.
M. Benoit: Un grain d'amour pour les contribuables et un grain d'humour pour la commission. Alors, vous nous dites: «À ce que la surtaxe soit assez élevée pour venir à bout de la vanité.»M. Coignaud (René): O.K. Alors, je vais y aller. Donc, on sait que plusieurs gens qui sont en 4x4 ne sont pas nécessairement dans la forêt en train d'affronter les ours ou je ne sais quoi. Ils sont plus souvent proches des centres d'achats à Laval. Donc, tout mène à croire que ce sont beaucoup des véhicules de prestige. Donc, c'est des gros mastodontes, puis peut-être qu'on a l'air un peu fier là-dedans ou... Quand je regarde les publicitaires aussi, c'est des choses souvent pour mettre l'accent sur le prestige. Donc, ce qui nous mène à croire que ce sont des véhicules qui servent, outre à se déplacer, à flatter sa vanité un petit peu. Donc, ce qui nous fait craindre un peu que, si l'augmentation de la taxe n'est pas très grande, ça pourrait simplement peut-être contribuer à rendre l'objet encore plus prestigieux.
Donc, si je peux dire: Ah! j'ai payé 1 000 $ de plus pour mon 4x4, je suis bon, je suis fort, je suis encore mieux préparé pour me battre contre les ours, à ce moment-là, peut-être qu'on n'atteindrait pas l'objectif. Il faut vraiment que ce soit quelque chose qui est dissuasif donc, pour pouvoir briser le gain éventuel, en termes de vanité, qu'il y aurait à payer plus cher pour sa voiture. C'est l'idée qu'on avait à ce sujet-là.
Puis l'idée des redevances aussi, c'est beaucoup de les utiliser d'abord et avant tout pour des véhicules qui sont, à notre avis, injustement plus cher. Donc, entre autres, les véhicules hybrides qui viennent de rentrer dans le marché, donc, naturellement, ils sont plus chers, alors que ça va prendre un petit peu une poussée pour inciter les gens à acheter ces véhicules-là afin que le coût va diminuer par la suite. Alors, à ce moment-là, plus qu'on paie cher pour les 4x4, moins qu'on peut payer cher pour les autres.
Le Président (M. Pinard): M. le député.
M. Benoit: Oui. Vous nous parlez à la page 12 de votre mémoire des moteurs deux-temps. J'imagine que vous mettez là-dedans autant les skidoos que les quatre-roues que les bateaux à moteurs. Je suis loin d'être un expert là-dedans. Le rapport Boucher qui fut déposé il y a quelques années faisait cette même recommandation-là. J'essaie de me souvenir: est-ce que dans la politique sur l'eau on parle des deux- temps?
M. Boisclair: Oui, on parle de l'interdiction sur des petits lacs qui servent de source d'eau pour les municipalités.
M. Benoit: D'accord. Alors... Mais on parle d'interdire sur un certain nombre de petits lacs, mais on ne parle pas... ce que, vous, vous dites, c'est qu'on devrait bannir les moteurs deux-temps finalement sur tous les plans d'eau. C'est ma compréhension. Puis après ça, je vais vous laisser aller.
Bombardier annonçait, je pense, en Californie ou en Floride la semaine dernière, qu'ils ont un nouveau moteur. Les analyses qu'en font les plus grands analystes américains, ceux de la Californie, disaient que ça dépasse toutes les normes, même celles qu'ils pensaient qu'on ne pourrait jamais atteindre. Est-ce que tout ça vous satisferait finalement pour les années à venir?
M. Coignaud (René): En fait, je ne connais pas l'histoire de Bombardier, mais s'ils peuvent développer des alternatives qui polluent beaucoup moins, à ce moment-là, c'est notre objectif.
Par rapport à un bannissement, on pense que certains usages des moteurs deux-temps qui ne sont totalement pas essentiels, qui causent un tort qui est tellement grave par rapport aux bénéfices qu'ils offrent, qu'on pourrait facilement s'en passer. Souvent, même les véhicules qu'ils disent à deux temps sont souvent dangereux. Quand on pense à tous les accidents qu'il y a en quatre-roues, en trois-roues, c'est des choses qui sont... Même d'un point de vue strictement sécuritaire, si on peut réduire l'usage de ces véhicules-là, on va faire des gains en termes de sécurité. Par rapport à bannir sur les plans d'eau, ces véhicules-là n'ont aucune utilité outre que pour le loisir. On pense qu'il y a moyen de faire du loisir aquatique autrement qu'en polluant. Donc, je vois difficilement comment est-ce que quelqu'un peut être brimé de devoir faire du ski nautique ou je ne sais quoi au lieu de faire de la moto marine. Donc, c'est certain que bannir les motos marines ce serait quelque chose qu'on ne pleurerait pas tellement longtemps.
Au niveau des quatre-roues aussi, si on peut veiller à ce qu'il y ait un usage qui soit moins grand, limiter le plus possible l'usage de ces véhicules-là. Chaque fois qu'il y a des possibilités aussi d'avoir des alternatives, qu'on veille à ce que les mesures soient prises pour que les alternatives soient plus intéressantes. Donc, de façon générale, vraiment prendre toutes les mesures possibles et imaginables pour limiter les deux-temps parce que ça pollue tellement, c'est incroyable.
Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, M. Coignaud, M. Dugas, merci pour votre mémoire. C'est en effet rafraîchissant de voir des jeunes venir partager avec nous leur vision de l'environnement. Vous avez dans votre mémoire et dans votre présentation insisté beaucoup sur le développement du réseau de transport en commun comme étant un moyen de résoudre, en fin de compte, l'émission des gaz à effet de serre. Je partage entièrement ce point de vue. J'ai eu l'occasion de le dire.
Tantôt le ministre a soulevé la question qui est en fait un dilemme qu'on entend souvent: Si on étend le réseau, ça veut dire qu'on va développer les banlieues. Moi, je pense qu'il est temps que l'on reconnaisse notre réalité urbaine, il est temps qu'on reconnaisse notre réalité sociologique et démographique. Les banlieues, c'est une réalité, et c'est une réalité avec laquelle on vit. Je représente un comté de banlieue, je suis fière d'être de cette région-là, et ces gens-là sont des payeurs de taxes et ils ont droit aussi à des services pour lesquels ils paient des taxes. Donc, il faut à un moment donné arrêter ce leitmotiv de toujours dire: Si on pose un geste pour desservir une clientèle, on va étendre le tissu urbain au niveau des banlieues.
Ceci étant dit, comme je vous ai dit, j'appuie votre point de vue là-dessus et je pousse moi-même sur le système léger sur rails dans l'axe du pont Champlain parce que c'est un projet novateur qui répond à un besoin réel. Nous avons une population en croissance. Il ne s'agit pas d'étaler la démographie, mais il y a déjà un bassin assez important, et les prévisions démographiques d'ici 2016 nous indiquent qu'on va avoir une augmentation autour de 6 %. C'est très significatif. Et le navettage de la Rive-Sud vers Montréal est également une réalité très importante. Donc, je vous suis là-dessus.
n(17 h 10)n Par contre, lorsque vous parlez du transport des marchandises, à la page 14, vous dites qu'il faudrait appliquer la limite de vitesse pour le transport lourd, les camions, à 90 km/h avec des répercussions sévères pour les récidivistes. Pourquoi 90 km/h? Pourquoi pas 100 km/h? Est-ce qu'il y a une raison qui justifie la limite de vitesse du transport lourd à 90 km/h? Est-ce qu'on a moins d'accidents lorsqu'on roule à 90 km/h? Est-ce que c'est parce que cette norme est en application un peu partout et que ça fonctionne? Pourquoi le 90 km/h?
Le Président (M. Pinard): Alors, M. Dugas, rapidement.
M. Dugas (Richard): Je ne suis pas sûr comment on est arrivé exactement au numéro 90, mais pourquoi pas 80? C'est: le moins vite que ça va, le moins de gaz à effet de serre que ça va causer, le plus efficace seront les transporteurs. Je pense qu'on peut viser des solutions dans ce sens-là. Le moins vite qu'ils vont, le plus sécuritaire sont nos routes, le moins d'entretien on aura à faire. C'est 90 km/h en France.
M. Coignaud (René): C'est que la croissance en pollution est exponentielle à telle vitesse. Donc, la qualité de la combustion est beaucoup moins bonne à 100 km/h qu'à 90 km/h, ce qui fait qu'il y a un gain en termes de quantité de carburant qui est beaucoup plus... qui est vraiment intéressant.
Mme Houda-Pepin: Donc, ce n'est pas sur une base empirique, c'est uniquement sur une question de projection, de dire: L'hypothèse selon laquelle, lorsqu'on roule moins vite, on fait moins d'accidents, c'est celle-là que vous retenez, qui vous amène au 90 km/h.
M. Coignaud (René): Oui, d'une part, pour la sécurité puis, d'autre part, pour le gain en termes d'efficacité de combustion.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Très rapidement, parce que le temps coule.
Le Président (M. Pinard): Oui, madame, le temps imparti est maintenant complété.
Mme Houda-Pepin: M. le Président...
Le Président (M. Pinard): Très, très rapidement.
Mme Houda-Pepin: À la page 17...
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Pinard): Merci, monsieur.
Mme Houda-Pepin: Vous dites, à la page 17: «Nous proposons un moratoire sur tout projet d'élargissement ou d'extension d'autoroute avant que les transports en commun desservant la même région ne soient développés de manière à concurrencer la performance de l'automobile individuelle.» Vous êtes conscients qu'en faisant une telle recommandation vous mettez en jeu un certain nombre d'équipements, d'infrastructures, par exemple, l'autoroute 30.
Le Président (M. Pinard): Alors, messieurs, rapidement.
M. Dugas (Richard): Oui, mais on a besoin de bouger dans cette direction. Nos transports en commun pourraient être beaucoup, beaucoup, beaucoup plus efficaces, beaucoup plus rapides, beaucoup moins chers.
Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui. Tantôt, vous avez touché à un sujet pour lequel je m'avère un peu chatouilleux. Je suis de la Côte-Nord puis il y en a des ours chez nous, puis il y a des orignaux sur le chemin, puis peut-être que... En tout cas, vos activités vous ont apportés à Bonn, je ne sais pas si elles vous ont déjà apportés à Baie-Comeau ou à Baie-Trinité sur la Côte-Nord. Toujours est-il que...
Une voix: ...peut-être amenés.
M. Corriveau: Amenés, je m'excuse, quoiqu'on peut apporter des choses quand on y va et qu'on s'y amène. Alors, c'est que toute la question des véhicules utilitaires, quand on habite en région, il y a une autre réalité. Je comprends, quand on demeure dans le centre-ville de Laval ou de Montréal, ça n'a pas vraiment de sens puis que cette personne-là puisse être taxée de vanité. Mais l'utilisation d'un 4x4, avec les routes qu'on a, la 138, la 389, en région éloignée, avec des modes de vie qui nous rapprochent énormément des modes de chasse, de pêche où les gens ont un VTT, ont une motoneige, il faut qu'ils transportent ça aussi, y a-tu un peu de place, disons, au travers de votre exposé pour des considérations de cette nature-là? Pour ne pas taxer de vanité des utilisateurs en région de véhicules qu'ils ont besoin finalement pour se promener, pour se rendre. Je pense à l'hiver, juste se rendre à Québec en hiver, c'est cinq heures de route à partir de Baie-Comeau. On ne sait jamais quelle température qu'il va faire d'un bout à l'autre. Alors là le 4x4 devient un peu utile, d'autant plus que vous nous proposez de ne pas mettre d'argent sur les chemins, et il n'y a pas vraiment de service au niveau du transport en commun qui est adéquat. Puis, par exemple, l'aviation est presque inexistante aussi en région.
Le Président (M. Pinard): Messieurs.
M. Coignaud (René): Oui. Alors, évidemment, en région, on croit qu'il peut y avoir un usage pour ces véhicules-là. Puis ce à quoi on a plus de difficultés, c'est l'usage inapproprié. Donc, on pense sans doute que ces axes-là pourraient être en ville ou vraiment faire attention pour évidemment ne pas attaquer les gens qui en font un usage approprié, mais qui malheureusement ne sont peut-être pas majoritaires. Et bien sûr que les gens en région ont besoin de se déplacer puis que le véhicule n'a pas été créé à la base pour des questions de vanité, c'est par la suite que les choses se sont gâchées. Mais évidemment on est contre maltraiter les gens innocents.
Le Président (M. Pinard): Merci, messieurs.
M. Dugas (Richard): Je voudrais juste ajouter, si vous permettez. Je pense, si on pense au transport dans les régions aussi, imaginez faire Baie-Comeau? Québec en trois heures, en train.
M. Corriveau: Si vous me faites un train, moi, je vais être le gars le plus heureux du monde.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Pinard): Merci de votre suggestion, M. Dugas. Alors, merci, messieurs, de vous être déplacés pour rencontrer les membres de la commission. Ce fut vraiment très enrichissant. Merci beaucoup.
Alors, j'inviterais maintenant la délégation d'Hydro-Québec, M. le président-directeur général, Mme la vice-présidente ainsi que le directeur, Environnement et affaires publiques, de bien vouloir s'approcher.
Alors, je souhaite la plus cordiale bienvenue à M. le président-directeur général d'Hydro-Québec, M. André Caillé; également, Mme Nadeau, qui est vice-présidente exécutive aux Affaires corporatives et secrétaire générale de la société; également, M. Pierre-Luc Desgagné, qui probablement se joindra à vous, Pierre-Luc est directeur du niveau de l'environnement et aux affaires publiques.
Alors, M. le président, vous connaissez les règles, elles sont habituelles: 15 minutes, et 30 minutes d'échange avec les membres de la commission. Alors, monsieur.
Hydro-Québec
M. Caillé (André): M. le Président, M. le ministre de l'Environnement, Mmes et MM. membres de la commission, depuis le début, depuis le tout début des discussions, Hydro-Québec a été favorable à la ratification du Protocole de Kyoto, ceci pour deux raisons: d'abord, parce que la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto contribuera, selon nous, à une reconnaissance internationale des avantages de l'hydroélectricité; ensuite, parce que le développement hydroélectrique demeure l'option que nous privilégions à Hydro-Québec.
De fait, outre des avantages au plan de la fiabilité, de la stabilité des prix et des retombées économiques, l'hydroélectricité présente de nombreux avantages environnementaux. Un tableau issu de l'Agence internationale de l'énergie compare différentes filières de production quant au rendement de l'investissement énergétique, aux émissions de gaz à effet de serre et à d'autres paramètres. Les chiffres sont éloquents et, comme on dit, ils parlent d'eux-mêmes. Je souhaiterais, M. le Président, avec votre permission, déposer ces tableaux aux membres de la commission.
Le bilan du Québec est déjà remarquable: deux fois moins d'émissions de gaz à effet de serre par habitant que dans les autres provinces canadiennes; dans tout le secteur de la production d'électricité et de chaleur, des émissions 68 fois moins élevées au Québec que dans le reste du Canada. Ces résultats, M. le Président, ils sont essentiellement dus à l'hydroélectricité, ils sont essentiellement dus aux choix énergétiques qui ont été faits dans le passé, qui ont été faits au cours des 30 dernières années.n(17 h 20)n Par ailleurs, il faut bien le dire, l'hydroélectricité présente aujourd'hui une faiblesse: un projet hydroélectrique est long à développer, 10 à 12 ans, comparativement à un projet thermique qui, lui, prend cinq ans. En conséquence de cela et en toute logique, les projets hydroélectriques doivent être planifiés 10 à 12 ans à l'avance. Dans la situation actuelle, tenant compte d'une croissance du marché de 1,2 % par année, tenant compte de l'arrivée en service de l'aluminerie Alouette en 2006 et tenant compte que seules arriveront en service avant 2009 les centrales hydroélectriques SM3, Eastmain 1 et Toulnustouc, il faut avoir recours à d'autres filières.
À cet égard, Hydro-Québec a choisi:
1° l'éolien, 100 MW par année à compter de 2005-2006.
2° la biomasse, 100 MW au total, ceci, on l'espère, avant 2007-2008.
3°il faudra avoir recours à la cogénération, dont on n'a pas parlé beaucoup publiquement jusqu'ici, la cogénération, c'est-à-dire la production simultanée de vapeur et d'électricité. Les livraisons d'un tel programme ? où les usines seraient situées dans les emplacements industriels déjà connus, produiraient de l'électricité d'un côté et de la vapeur pour le client industriel de l'autre ? les livraisons, dis-je, elles pourraient débuter aussi tôt qu'en 2005-2006.
4° les turbines à cycle combiné. Deux projets de 600 et 800 MW respectivement. Ce sont les projets de Bécancour et de Beauharnois ? Le Suroît ? qui, eux, peuvent entrer en service en 2006. Ces projets, M. le Président, ils sont nécessaires autant pour satisfaire la demande de pointe que la demande en énergie.
Il faudra aussi compter sur Tracy pour satisfaire la demande de pointe ? il faudra donc que Tracy demeure dans l'éventail des besoins d'Hydro-Québec pour la pointe ? de même que pour continuer ? ce qu'on fait déjà ? à gérer le risque d'hydraulicité. En pratique, ça, ça signifie que, dans des conditions moyennes d'hydraulicité, pas besoin d'avoir recours à Tracy à moins qu'il y ait une pointe, comme on en a connu deux la semaine dernière et la semaine d'avant, où il fallait 600 MW de Tracy pour satisfaire les besoins québécois. Il fallait non seulement Tracy pour satisfaire les besoins québécois, mais il fallait aussi importer 1 000 MW à ce moment-là.
Par ailleurs, à compter de 2009-2010, on pourra aussi compter, si les choses se déroulent comme prévu à Hydro-Québec, sur la centrale Péribonka, les centrales de Rapide-des-Coeurs et Chute-Allard ainsi que sur la centrale Eastmain 1-A ainsi que sur la dérivation partielle de la rivière Rupert dans la rivière Eastmain puis, par la suite, dans le réservoir Robert-Bourassa, en amont de la centrale du même nom, en amont de LG 2 donc, ainsi que de LG 1.
Finalement, pour éviter de se retrouver dans le futur encore une fois sans alternative, Hydro-Québec proposera prochainement le lancement d'un ou deux autres grands projets hydroélectriques qui restent à ce moment-ci à être identifiés d'une manière définitive. Ces projets, ces deux autres grands projets qu'il faut lancer maintenant pour qu'ils soient disponibles, 2011-2012 et suivantes, ils devront respecter nos trois critères que l'on considère fondamentaux, à savoir: être rentables économiquement, être acceptables du point de vue de l'environnement et être bien reçus par les communautés locales.
Quant aux modalités d'application du Protocole de Kyoto, Hydro-Québec recommande au gouvernement du Québec de demander au Canada un traitement similaire à celui de la Norvège... de la Suède plutôt en Europe, soit un objectif des émissions de 1990 plus 4 % plutôt que 1990 moins 6 % en raison des mêmes facteurs qui ont amené l'Europe à donner cet objectif-là à la Suède.
Hydro-Québec recommande au gouvernement de faire en sorte que la production thermique nécessaire à ce moment-ci, cogénération et turbines à cycle combiné, obtienne au Québec un traitement similaire à celui qu'elle obtient ailleurs dans les marchés voisins, au Canada ou aux États-Unis.
Troisièmement, Hydro-Québec recommande de faire en sorte que l'accès au marché des crédits et des permis soit aussi large que possible, soit au niveau international, qu'il dépasse même le niveau du Canada puis aille jusqu'au niveau international.
Par ailleurs, Hydro-Québec recommande que le gouvernement du Québec, par son ministère de l'Environnement, se fasse le supporteur de l'hydroélectricité pour éviter d'avoir recours encore une fois à la filière thermique dans le futur.
En terminant, de ce qui se veut être un court exposé, permettez-moi, M. le Président, de réitérer ma conviction et celle d'Hydro-Québec que l'hydroélectricité demeure la meilleure option pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre. Je remercie le gouvernement du Québec et le ministre de l'Environnement d'avoir organisé cette commission parlementaire. Elle nous permet de démontrer les avantages collectifs que procure au Québec, qu'a procuré au Québec et continuera de procurer au Québec le développement d'une filière propre et renouvelable, c'est-à-dire l'hydroélectricité. Merci.
Le Président (M. Pinard): Merci, M. Caillé. Alors, nous allons immédiatement débuter notre période d'échange. J'inviterais M. le ministre.
M. Boisclair: Je voudrais remercier M. Caillé pour cette présentation. Vous vous exprimez franchement. C'est l'habitude des membres de cette commission aussi. Je ne ferai pas exception. Je vous entends dire que vous souhaitez que le ministère de l'Environnement soit un partisan et soit là pour soutenir et supporter, je vous cite, «la production hydroélectrique». Je pense que c'est ce que nous faisons.
Je veux cependant préciser que l'association trop facile entre cette demande de supporter et le lien qu'on peut faire avec les délais m'apparaît devoir nous amener sur une pente glissante qui m'amène à réagir. Les délais d'autorisation du ministère de l'Environnement, dans bien des cas, on parle d'un an à deux ans maximum. Vous devriez aussi rappeler que nous venons de signer une entente pour poursuivre le dossier d'Eastmain-Rupert et le détournement, avec les autorités fédérales. Nous aurons, grâce au leadership du Québec et du ministère de l'Environnement, pour la première fois, une évaluation environnementale qui se fera coordonnée avec le gouvernement fédéral. Et je tiens à vous dire aussi que je ne peux pas autoriser des projets que je ne connais pas et je sais aussi que, dans d'autres cas, Hydro-Québec nous demande de suspendre certains dossiers: c'est le cas du suréquipement de SM3; c'est le cas de Tabaret; c'est le cas de la dérivation partielle de la rivière Boucher.
Alors, faisons attention de glisser sur un terrain où c'est le ministre de l'Environnement qui, par son attitude vigilante, serait celui qui nous amène à des délais qui nous amèneraient à conclure que nous ne supportons pas la filière hydroélectrique. Je veux faire cette introduction et je tiens aussi à vous dire que, si nous avons un problème dans l'évaluation des projets hydroélectriques, c'est sans doute la loi fédérale, l'inique loi fédérale qu'un dénommé Pierre Paradis, député de l'opposition, alors qu'il était ministre de l'Environnement, a dénoncé corps et âme, dont nous rappelons aussi quelques effets pervers.
Le moindrement qu'un poisson est affecté par un projet hydroélectrique, immédiatement, la Loi sur les pêches embarque et l'interlocuteur dans ce cas-ci n'est même pas le ministre fédéral de l'Environnement, c'est Pêches et Océans Canada. Et je vous ai fait la démonstration en commission de la difficulté d'avoir Environnement qui discute avec le ministère de l'Énergie, le même débat dans l'administration fédérale existe entre Environnement Canada et Pêches et Océans Canada et les deux s'entrechoquent. Et nous faisons les frais de ces batailles entre ces deux administrations fédérales qui n'arrivent pas à s'entendre. Le ministre de l'Environnement comprend très bien mon point de vue, m'appuie, le dit très publiquement, le dit dans des rencontres, mais il dit: André, Pêches et Océans Canada, mon collègue, la loi... Je veux dire ces choses.
n(17 h 30)n Je veux aussi dire que le gouvernement est commis à donner et à fournir en quantité suffisante de l'électricité aux Québécois. Ça tombe sous le sens. Il a même offert un grand projet de développement pour le Québec. C'est à l'initiative du premier ministre que s'est signée la «Paix des Braves», qu'une entente est en discussion aussi avec les autres nations autochtones, donc il y a un potentiel nouveau qui s'ouvre à nous. Il faut voir là la force de notre engagement.
La question qui se pose donc est que, si nous devions développer une filière thermique, d'abord, la preuve est-elle faite des besoins de 2006? Je veux vous dire que je n'ai toujours pas l'avis du ministère des Ressources naturelles sur le projet de Suroît et que 2006... l'évaluation des besoins que certains font n'est pas nécessairement l'opinion qui est celle partagée par l'ensemble des gens de l'administration. Donc, 2006, j'entends le point de vue, mais j'ai hâte aussi que des gens qui doivent me conseiller dans l'évaluation du projet de Suroît me disent correctement ce qu'il en est, ce que je ne suis pas en mesure d'affirmer en ce moment.
Deuxièmement, si nous devions conclure qu'il y a un besoin ? et la démonstration reste à faire ? quelles sont les mesures de mitigation que nous pouvons envisager? Et là, c'est une question qu'il faut regarder sereinement. On nous a dit, les gens de l'IREQ nous ont dit qu'on utilise Suroît pour produire de l'électricité et l'exporter aux États-Unis. Bon. Est-ce le cas? Mais c'est ce qu'on a entendu ici aujourd'hui. On se fait dire que, en termes d'efficacité énergétique, bien sûr, on ne réglera pas tous nos maux par l'efficacité énergétique mais qu'il y a là des pistes, et on pourrait être plus audacieux ? on ne peut pas régler tous nos maux, j'en conviens bien ? mais on peut être plus audacieux.
On s'est dit qu'on pourrait ou on s'est fait dire aujourd'hui qu'on pouvait ouvrir un catalogue, identifier une ? une centrale éolienne ne serait pas le mot juste ? une éolienne, achetée pratiquement au catalogue, hiver, été. Bon. Bien sûr qu'il y a des enjeux de développement de cette filière industrielle pour nous, qui se posent chez nous, et bien sûr que, si on est pour développer cette filière électrique, on souhaite que les retombées en emploi pour les gens des régions soient les plus importantes possible, et qu'on ne peut pas développer comme ça 200 MW d'éoliennes au Québec, mais qu'on peut quand même poser des gestes à court terme qui peuvent avoir un sens sur le plan du développement énergétique.
Alors, je vous pose la première question, M. Caillé: Si on doit aller de l'avant avec Suroît, quelles sont les mesures de compensation que l'on peut exiger et qui seraient justifiées pour que le Québec continue d'exercer le leadership qu'il exerce bien avec l'hydroélectricité puis avec des efforts, en particulier de votre société, en matière de recherche et de développement, qui, je tiens à le rappeler, sont des efforts importants, significatifs, par le biais de votre société mais aussi des filiales dont vous avez la responsabilité?
Le Président (M. Pinard): M. le Président.
M. Caillé (André): Oui. Alors, M. le Président, loin de moi de lancer la balle ou la responsabilité au ministère de l'Environnement où j'ai déjà été sous-ministre. Quand je dis que ça prend 10 à 12 ans pour réaliser un projet hydroélectrique, c'est ainsi, et ce n'est pas seulement des délais environnementaux, c'est toutes sortes de délais. Ça prend de 10 à 12 ans. Quand je dis cela ici, aujourd'hui, c'est pour bien marquer le pas puis dire: Écoutez, nous réalisons que ça prend 10 à 12 ans. Et ce que je suggère, c'est de commencer plus tôt dans le processus, et, à cet égard, ça, c'est la responsabilité d'Hydro-Québec. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il nous faut déjà identifier deux grands projets hydroélectriques qui s'ajouteront à Eastmain-Rupert ? là, il ne s'agit pas des mêmes ? puis commencer les travaux dès maintenant si on ne veut pas se retrouver dans une situation, dans 10 ans, où on va être encore obligés de se dire: Il faudrait faire du thermique.
Ceci étant dit, en ce qui concerne le Suroît, elle est nécessaire pour satisfaire les besoins de la pointe, elle est nécessaire pour satisfaire les besoins en énergie. La situation réelle, c'est qu'on veut créer... puis c'est celle qui a existé au Québec puis qui nous a si bien servis, disons, depuis le début des années quatre-vingt jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, c'est celle qui faisait en sorte que, bon an mal an, si les conditions de l'ensemble de l'exploitation de notre réseau sont normales, on est en situation d'avoir 15 TWh net d'exportation aux États-Unis. On pourrait recréer ça dans le futur ? au Canada, en passant ? ce qui ferait soit... ce qui provoquerait probablement une réduction des émissions de gaz à effet de serre ou au Canada ou aux États-Unis parce que l'alternative là-bas, c'est du thermique, dans ces deux endroits-là. Par exemple, exporter à New York, on déplace nécessairement quelque chose qui est thermique, il n'y a pas d'hydroélectricité.
Alors donc, ou on est en situation d'exploiter... Et, si les choses sont moins que... l'exploitation s'avère moins productive qu'on l'avait anticipé, bien on a au Québec ce qu'il faut pour combler ce qui manque dans la production, parce qu'on a prévu ça, de sorte qu'on n'est jamais, jamais dans la situation où s'est trouvée la Californie, jamais dans la situation où s'est trouvée la Californie.
Vous savez, la Californie, tout ça avait commencé, la crise, elle a commencé par défaut au niveau de la production de l'hydroélectricité. On ne veut jamais être là. On se donne une sorte de police d'assurance en se disant que, de toute manière, du point de vue des GES, des gaz à effet de serre, ou du point de vue économique, ça ne peut être que favorable et pour les Québécois et pour l'ensemble de la planète.
Alors, quant aux mesures de mitigation qu'on est prêts à envisager, pour le Suroît comme pour d'autres, on a déjà des programmes dits de mise en valeur intégrée, des programmes que nous avons, que nous appliquerons au Suroît comme on applique à tous les autres projets.
Autre mesure de mitigation, je ne sais pas si ça pourra être considéré, mais il reste qu'Hydro-Québec est probablement l'entreprise, la grande entreprise dans le domaine de l'énergie au niveau mondial, qui a le plus investi à date puis qui va continuer à investir probablement parmi... en tout cas, certainement dans le peloton de tête, pour le développement d'un système de propulsion pour la voiture électrique.
Nous avons une avance technologique considérable au Québec en ce qui concerne le moteur pour la voiture, l'électronique de puissance et la batterie. Et ceci, après avoir investi, à cette date, 200 millions de dollars sur plusieurs années, mais 200 millions de dollars en recherche et développement.
La performance donc d'Hydro-Québec en termes d'émissions de gaz à effet de serre puis de contribution à la solution, des solutions concrètes au problème, elle va être là. Je vous dis qu'on a une avance technologique dans ces trois technologies-là, de mesures de mitigation, donc on peut prendre l'engagement de mettre encore... on va mettre plus d'argent dans le maintien de notre avance au niveau de la batterie lithium-méthane, la batterie qui va servir l'auto électrique, de maintenir notre avance qui est considérable au niveau de l'électronique de puissance. Et notre moteur bat tout ce qui a été testé par les fabricants, les assembleurs de voitures à cette date. Puis on veut maintenir notre avance.
Alors, on sera là. On sera là non seulement avec la voiture, les systèmes de propulsion de la voiture électrique, non seulement au Québec, non seulement au Canada, mais dans l'Amérique du Nord et également en Europe, probablement en commençant par l'Europe. Nous voulons être le fournisseur de choix des assembleurs de voitures électriques en ce qui concerne les systèmes de propulsion. Et ça, ça va faire diminuer considérablement les gaz à effet de serre. Et notre façon de le faire, c'est en investissant, en poursuivant nos investissements et le développement industriel qui s'ensuit au niveau des pièces, encore une fois, qui serviront à propulser la voiture électrique. J'espère que ces mesures pourront être considérées comme des mesures de mitigation.
M. Boisclair: Je reviendrai, M. le Président.
Le Président (M. Pinard): Est-ce que ? M. le président, je me permets de poser une question ? est-ce que vous êtes en train de... vous nous dites qu'au niveau de la batterie au lithium nous avons une avance confortable sur le plan mondial. Vous nous parlez également de fabrication d'automobiles électriques. J'imagine que Hydro doit sûrement avoir une entente avec un fabricant ou encore un sous-traitant d'un fabricant mondial. Est-ce que vous êtes en train de nous préparer à une annonce sensationnelle à l'effet que l'assemblage d'automobiles électriques pourrait se faire au Québec?
M. Caillé (André): Les annonces sensationnelles, je ne sais pas. On laissera aux gens le soin d'en juger, mais il est sûr qu'on travaille à développer des relations avec des assembleurs de camions de livraison et de voitures électriques. Oui, on travaille à développer des relations. On veut être leur fournisseur de pièces, des pièces, encore une fois, qui feront partie du système de propulsion. Alors, la voiture électrique, ce que nous souhaitons ? on prend les mesures pour y arriver ? c'est que nous souhaitons qu'elle soit propulsée par un système Hydro-Québec. On ne sera pas l'assembleur, ni ceux qui vont faire la mise en marché des voitures.
n(17 h 40)n Il y en aura de différents modèles. Nous, on investit actuellement notre argent, de l'argent, significativement de l'argent, pour faire en sorte qu'on va produire la batterie que tel assembleur veut obtenir. Hein, des batteries, il y en a des grandes, des petites et des moyennes, alors on est prêts à adapter nos technologies pour satisfaire les besoins d'un assembleur donné. Et on va faire la même chose au niveau du moteur, parce que c'est comme dans les voitures avec des moteurs à combustion interne: il y en a de différentes cylindrées; nous, il va y en avoir de différentes capacités, de différents wattages, ça va vouloir dire.
Et quant à l'électronique de puissance, bien, ça, ça a été développé dans le cadre du projet moteur-roue, là; c'est une miniaturisation. Tous les autres systèmes que j'ai vus, c'est un pied par un pied, par deux pieds; le nôtre, c'est un petit peu plus gros qu'un paquet de cartes à jouer, alors, évidemment, miniaturisé. La miniaturisation a une signification au niveau de l'assemblage automobile, la facilité d'assembler l'ensemble du système de propulsion. Alors, des annonces, j'aimerais bien ça pouvoir vous dire qu'on va en faire très, très, très prochainement. J'aimerais encore mieux être capable de vous dire les annonces qu'on a faites la semaine dernière ou il y a un mois. Alors, on travaille pour que ça se fasse le plus rapidement possible.
On demande aux assembleurs de développer, eux, leur véhicule puis d'investir dans leur véhicule, hein, les carrossiers, si vous voulez, et aussi d'investir dans la mise en marché de leur modèle de voiture électrique. Eux vont faire ça. Nous, ça, on ne fait pas ce bout-là. Nous, on adapte nos technologies à leurs besoins, qui sont variables. Il va y avoir des camions de livraison, j'espère, qui vont être propulsés par des systèmes Hydro-Québec; il va y avoir des voitures-taxis qui vont être propulsées par des systèmes de propulsion Hydro-Québec; puis il va y avoir des voitures en Europe puis, par la suite, probablement, aux États-Unis. Mais ça, c'est notre plan, c'est ce qu'on veut faire. Ce n'est pas encore fait.
Le Président (M. Pinard): Merci. Autre question?
M. Boisclair: ...
Le Président (M. Pinard): Vous allez revenir? Alors, M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. MM. Caillé et Desgagné, Mme Nadeau, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Les deux questions que je voudrais poser sont essentiellement sur les mesures d'efficacité énergétique. À la page 12 de votre mémoire, vous mentionnez que, au cours des 12 dernières années, Hydro-Québec a contribué directement à l'adoption de mesures d'efficacité énergétique qui ont permis d'économiser environ 10 TWh de consommation d'énergie. Or, à la page 147 de votre plan stratégique, vous présentez le bilan du projet d'efficacité énergétique 1990-2000 et le total d'économie d'énergie se chiffre à 2,5 TWh.
Êtes-vous capable de réconcilier... Je suis loin d'être un expert et tout ça est un peu compliqué pour moi, mais êtes-vous capable de réconcilier ces deux chiffres-là? Et j'aimerais savoir combien de GES on a évités finalement avec cette politique de mesures d'efficacité énergétique.
M. Caillé (André): Oui. Alors, la réconciliation est la suivante. Quand on a parlé ici, à la dernière commission parlementaire, du plan stratégique, on parlait d'efficacité énergétique chez les clients qui, eux, en adoptant des nouvelles technologies, avec ou sans notre support ? du reste, mais je pense que ça, c'était avec notre support ? on proposait 0,5. Le gouvernement nous a demandé d'augmenter ça de 50 %, je crois, à 0,75 ou à 0,70 TWh, ce que nous avons fait, et on a soumis un programme dans ce sens à la Régie de l'énergie qui l'a en main actuellement, pour approbation. On a soumis très exactement ce que le gouvernement avait décidé, nous avait demandé de faire, suite à une commission parlementaire, d'ailleurs. À ma connaissance, la recommandation venait des deux côtés, de tous les députés présents à la commission en question.
Maintenant, en ce qui concerne l'autre chiffre, de 10 TWh. C'est que j'ai demandé depuis à nos gens ? parce que je soupçonnais que les mesures les plus efficaces qu'on pourrait prendre à Hydro-Québec pourraient nous regarder nous-mêmes, c'est-à-dire au niveau de... ? quel gain d'efficacité on pouvait faire au niveau de la production d'électricité de même qu'au niveau du transport de l'électricité. Alors, on a considérablement investi ? un milliard, par exemple ? dans la compensation série pour le transport, ce qui nous a fait faire des gains au niveau des pertes, c'est-à-dire... Quand je dis des gains au niveau des pertes, là, c'est dans le sens qu'il y a moins de pertes sur le réseau de transport d'Hydro-Québec actuellement qu'il y en avait auparavant. Alors, dans cette comptabilité de 10 TWh là, on tient compte de ces pertes évitées avec des investissements considérables sur le réseau de transport; de même, on tient compte de l'amélioration de la production à partir de la même eau, c'est-à-dire on constate qu'on a un gain énergétique, un gain d'efficacité si on est capable, avec la même eau, de produire plus de térawattheures. Il y a des recherches qui ont été faites à Hydro-Québec qui ont permis de faire des gains considérables à cet égard-là.
Alors, quand j'additionne tout cela, actuellement il y a... enfin, il y en a même... les derniers inventaires... Parce que ça n'a jamais été fait comme ça à Hydro-Québec, ça a toujours été fait plutôt: quels sont les gains que les clients réalisent grâce à nous, chez eux? On n'avait jamais calculé le gains qu'on faisait chez nous, au niveau de Production, Transport et Distribution. Il y en a ici, le chiffre total de... enfin, il y a des économies tendancielles, c'est-à-dire, ça, c'est ce que les clients font tout seuls, par eux-mêmes. Puis là, je vais vous parler de 1990 à 2006: ils ont économisé 5,2 TWh. S'il n'y avait pas eu de changements au niveau des grille-pain, des laveuses à linge, enfin, de tout ça, tous les appareils domestiques, ils en consommeraient aujourd'hui 5,2 de plus. Il y a une amélioration qui s'est faite. On appelle ça le gain tendanciel. Même chose au niveau des maisons: l'isolation des murs des maisons neuves, etc., tout ça rentre là-dedans.
Les économies tendancielles au niveau de la grande entreprise: la grande entreprise, la facture énergétique étant élevée, étant une composante importante de leurs coûts, ils tentent évidemment d'en économiser le plus possible. Ils font des recherches sur les procédés, découvrent des procédés pour faire les mêmes produits plus efficacement, alors ils en ont économisé, eux, 6,1 TWh, de 1990 à 2006.
Les programmes d'Hydro-Québec, ceux-là, c'est des programmes s'adressant justement à la clientèle résidentielle, je pense bien; il y en a eu pour 3 TWh grâce à des interventions du LTE. Ça, c'est notre laboratoire à Shawinigan, ça, c'est plus au niveau des procédés petite et moyenne entreprise, il y en a eu pour 3 TWh.
Et, finalement, augmentation du rendement des turbines, 2,6. Ça, c'est la production, Hydro-Québec Production; réduction des déversements. Je pense que, évidemment, à chaque déversement, on perd de l'énergie parce que l'eau, c'est la même eau mais on ne produit pas d'énergie, il y en a pour 1,4 TWh; réduction des pertes en transport, 1,8, et en distribution, les mêmes pertes, 2, pour 7,9 au total chez Hydro-Québec. Le total, c'est 25,1.
Alors, quand on parle d'efficacité énergétique, pour notre part, en tout cas pour ma part certainement, à l'avenir, on va regarder le portrait global ici, au Québec. C'est dans notre intérêt de le faire puis de faire une bonne comptabilité de ça au plan international parce que, évidemment, si on ne parle au plan international que du 0,75 qu'on va faire au bout de cinq ans ou 0,70, là on ne s'aide pas parce que la vérité... Il va encore y avoir des économies tendancielles chez nos clients résidentiels, elles vont être très importantes, beaucoup plus importantes que le 0,70, et ils vont faire ça tout seuls: c'est les fabricants qui vont améliorer leurs produits puis qui vont les vendre au Québec comme ils les vendent partout en Amérique du Nord ou ailleurs en Europe. Il va y avoir encore des économies tendancielles chez les grands clients industriels. La facture énergétique est toujours là; dans la composante de leurs coûts, elle est toujours très importante, ils vont tout faire pour chercher à économiser. On a intérêt, collectivement, comme société, j'oserais dire, qu'on fasse une comptabilité vraiment complète de ce que nous faisons si on veut se comparer avec les autres, parce que les autres, ils font une comptabilité complète.
D'accord, Québec énergivore: on est dans l'aluminium, on a beaucoup de fondoirs d'aluminium au Québec, on produit une grande partie de l'aluminium qui est produit mondialement; d'accord, on est dans les pâtes et papiers, et c'est énergivore, puis on est dans plusieurs autres secteurs aussi énergivores. Mais on fait des efforts. Ce n'est pas vrai qu'ici, au Québec, il ne s'est rien produit d'un point de vue efficacité énergétique, bien au contraire. Parce qu'on on en consomme beaucoup, je pense qu'on est un leader en termes d'efficacité énergétique, et ça s'explique: c'est parce qu'on en consomme beaucoup puis que ça coûte de l'argent.
Le Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière.
n(17 h 50)nMme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. Caillé, M. Desgagné, Mme Nadeau, merci pour votre présentation. M. Caillé, lorsqu'on parle de l'électricité, généralement, on la qualifie d'énergie propre. Dans votre mémoire, à la page 15, vous dites que le secteur canadien de la production d'électricité est responsable de 17 % des émissions de gaz à effet de serre ? une augmentation de 34 % par rapport à 1990 ? et la demande en électricité devrait augmenter de 13 % entre 2000 et 2010, ce qui supposerait une hausse également de l'émission des gaz à effet de serre. La raison en est que, d'après ce que je comprends, l'électricité est produite de différentes façons: c'est une électricité de type hydraulique dans une proportion, au niveau canadien, de 63 %, 14 % de type nucléaire, et 18 % qui est produite par des centrales thermiques au charbon, qui sont responsables de cette émission de gaz à effet de serre. Par contre, la filière verte, éolienne entre autres, ne représente que 1 % à l'échelle du Canada.
Je ne sais pas, un, quel est le pourcentage au Québec; deux, pourquoi on n'investit pas dans la filière éolienne; et, trois, que répondez-vous aux chercheurs de l'IREQ, c'est-à-dire d'Hydro-Québec, qui ont présenté leur mémoire aujourd'hui et qui, à la page 45, recommandent, et je cite, que «la filière de la production d'électricité à partir de la ressource éolienne devienne un vecteur prioritaire et privilégié afin de combler les besoins à venir en électricité au Québec, notamment par le lancement d'un programme annuel de 100 MW pendant 10 années»? Alors, si vous voulez bien me répondre à ces deux petites questions.
M. Caillé (André): Alors, en ce qui concerne la filière éolienne, Hydro-Québec a annoncé qu'elle allait aller en appel d'offres, ça va être au cours du prochain mois ou au cours des deux prochains mois, pour 1 000 MW, 100 MW par année pendant 10 ans. C'est déjà annoncé, ça. Aujourd'hui, aujourd'hui même, le Québec est le champion toutes catégories de la production éolienne. Avec ce 1 000 MW additionnel, on compte bien demeurer, au Canada, les champions toutes catégories de la filière éolienne.
La façon de le réaliser va être la suivante ? le ministre de l'Environnement y référait tantôt. Bien sûr, à 1 000 MW, là, ça implique des investissements considérables; à 1 000 MW, on est en droit, puis on a le devoir, j'oserais dire, j'ose dire, de gérer la chose de façon à ce que les retombées économiques, elles, se produisent le plus possible au Québec. C'est pour ça qu'on a dit: Oui, 1 000 MW, mais vous allez avoir un contenu élevé ? les chiffres vont être connus publiquement bientôt ? un contenu élevé de retombées en Gaspésie, puisque c'est en Gaspésie principalement que ça va avoir lieu, incluant la MRC de Matane, en Gaspésie, retombées économiques importantes. Bref, on veut que, comme dans l'hydroélectricité ? parce que là on est rendus dans les mêmes ordres de grandeur, là, on parle de centaines et de centaines de millions de dollars d'investissements ? comme on a fait il y a longtemps dans l'hydroélectricité, on va exiger que ce soit le plus possible manufacturé au Québec et dans la région, la principale région où ça va se... où il existe un potentiel élevé pour l'électricité éolienne. À 1 000 MW, on pense que, là, c'est ce qu'il y a au total dans les régions que je viens de vous indiquer. S'il y en avait eu plus, on aurait indiqué plus, hein? Mais on veut être sûrs. Non plus, on ne veut pas aller en appel d'offres auprès d'entreprises pour qu'ensuite ils découvrent que le potentiel éolien n'était même pas là. Alors, on s'est assurés, là, puis on veut s'assurer que le potentiel éolien correspond vraiment à notre 1 000 MW. On veut que ce contenu québécois soit élevé le plus rapidement possible. On ne veut pas se retrouver dans une situation où il va y avoir écrémage des bons sites avec des projets dont le contenu québécois sera plus faible que ceux qui vont advenir plus tard ou ceux qui vont être implantés, je devrais dire, plus tard. Alors, voilà ce qu'on va faire.
Quant à...
Mme Houda-Pepin: Donc, vous estimez qu'il y a de l'avenir pour la filière éolienne au Québec.
M. Caillé (André): Ah, bien oui! Nous y croyons et nous en avons besoin. La production éolienne ici, là, c'est devenu nécessaire. C'est dans nos bilans de production, là. Il faut qu'elle soit là. Il ne faut pas que ce soit peut-être, il faut qu'elle soit là pour vrai. Parce que je vous rappelle que la première obligation d'Hydro-Québec, c'est de satisfaire l'ensemble des besoins québécois à demande, à demande. Ce n'est pas satisfaire dans telles conditions, c'est satisfaire les besoins à demande. Vous augmentez l'intensité, vous installez une lumière, nous, on fournit. C'est ça, l'engagement de base ? c'est la loi qui le dit d'ailleurs ? l'engagement de base d'Hydro-Québec.
Quant à l'augmentation des gaz à effet de serre produits par l'industrie de l'énergie au Canada, c'est vrai, ces chiffres-là correspondent à la réalité. Vous savez qu'en ce moment même, en Alberta, on construit des centrales au charbon, qui vont utiliser le charbon. Maintenant. Permis. Ils construisent.
Alors, c'est vrai. Quand on utilise le charbon pour produire de l'électricité, c'est évident que ça va faire augmenter les gaz à effet de serre. Et, si on pense que la production... C'est ce que j'ai lu dans des journaux anglophones. Notamment dans le Globe and Mail, hein, on peut lire que le Protocole de Kyoto n'empêchera pas le développement des sables bitumineux. Ça, ça veut dire, en pratique, que 20 % du gaz qui est produit au Canada va devoir aller à la production desdits sables bitumineux. Les marchés qui utilisent ce gaz actuellement ne s'effaceront pas pour autant. Ça veut dire qu'on va produire plus de gaz. D'une manière ou d'une autre, on va produire plus de gaz. Alors, c'est vrai que le secteur énergétique est un des secteurs qui... Bien, si vous prenez le transport ? quand vous dites: on fait une distinction entre transport puis secteur énergétique ? si on parle de transport, c'est parce que le transport consomme de l'énergie.
Alors, au niveau de l'éolien, au niveau... Bon, je me répète: À cause de l'hydroélectricité ? on est à 96 % hydroélectrique au Québec, malgré tout ce qu'on peut se dire entre nous ? le Québec améliore de beaucoup la performance canadienne. Au niveau de l'efficacité énergétique, même commentaire: Le Québec améliore de beaucoup la performance canadienne. On n'est pas ici, là, en arrière des autres; on est en avant, largement en avant.
Et c'est bien pour ça que je disais tantôt: Pourquoi ne pas être traités comme la Suède? La Suède, dans l'ensemble européen, ils ont obtenu de l'Europe, eux autres... 1990, plus 4 % ? de mémoire ? au niveau des émissions. Pourquoi, au niveau du Canada, on n'a pas le même traitement? On a, en tout cas, les mêmes raisons, et les mêmes facteurs sont en jeu. On satisfait aux mêmes critères. Nous, ici, au Québec, on améliore la performance moyenne canadienne. Je vous recommande que cette chose soit reconnue par le gouvernement fédéral dans les négociations qui suivront, qui seront certainement menées non par nous, mais par le gouvernement, pour que, dans les modalités d'application, il y ait un reflet de la chose, en toute équité. Si c'était bon en Europe, ça devrait être bon au Canada.
Le Président (M. Pinard): M. le député de Saguenay.
M. Corriveau: Oui, bien, d'abord, M. Caillé, moi, personnellement, au niveau de la culture québécoise de l'hydroélectricité, c'est une des choses dont je suis le plus fier. Bon. Je suis un gars de la Côte-Nord, Manic-Outardes, c'est dans ma cour. Je voyais ce matin ? peut-être vous pourrez dire si les chiffres sont à corriger ou pas ? qu'il y aurait 16 TWh qui sont perdus annuellement en raison des facteurs de rayonnement dans les lignes à haute tension et que ça représente à peu près le chauffage électrique de 1 million de foyers au Québec. Moi, quand je vois ça puis quand je vois l'eau de la rivière qui coule en arrière de chez nous, il est évident que je me dis que c'est beaucoup de gaspillage que de transporter aussi loin, des fois, l'électricité, alors qu'on pourrait très bien la transformer plus proche des centres.
Puis là, je veux dire, je ne veux pas plaider pour mettre une aluminerie à Churchill Falls ou à la Baie-James. Mais, dans le cas du bassin Manic-Outardes, je vois qu'il y a eu des choses qui ont été faites, très intéressantes, au cours des dernières années, par exemple, dans le développement de la Toulnustouc où vous avez procédé à l'émission de plusieurs millions de dollars pour provoquer du développement régional. Vous avez laissé une trace. À l'époque desdits développements de Manic 5, ce n'était pas tout à fait la même politique qui existait.
Mais c'est qu'aujourd'hui on voit cette électricité-là quitter, on voit les gens qui quittent les régions; la région de la Côte-Nord, particulièrement, se vide, donc cet exode-là... on cherche des moyens de réussir à survivre. Puis là, bien, je me dis: Il y a une électricité quelque part qui se perd. Plutôt que de perdre cette électricité-là pour la mettre ailleurs, pourquoi ne pas favoriser l'implantation de groupes énergivores, d'industries énergivores, près de ces centres-là en leur donnant une compensation qui pourrait être égale un peu à ce qu'on perdrait de toute façon si elles s'étaient implantées ailleurs?
Alors, souvent on nous dit, en région: Bien, vu que vous vivez en région, c'est normal que vous payiez plus cher votre voiture parce qu'il y a le transport; c'est normal que vous payiez plus cher certaines denrées parce qu'il y a le transport. Ça fait que ce serait le fun d'avoir un juste retour de l'ascenseur, aussi, puis dire: Bien, à un moment donné, si l'électricité est à côté de chez nous... C'est comme ça que s'est bâti CBA, c'est comme ça que s'est bâti Québec North Shore, à l'époque, c'est parce qu'on était à côté du barrage. Alors, aujourd'hui, pourquoi cette dynamique-là n'est plus aussi vraie?
n(18 heures)n Est-ce qu'il est possible de solliciter les entreprises, au Québec, à venir s'implanter de façon plus proche des centres d'approvisionnement, de création d'électricité, afin de ne pas perdre cette électricité-là qui, de toute façon, serait transformée? Si la compagnie est pour en faire un projet de toute façon, pourquoi ne pas l'inciter, dire: Bien, regarde, là, va t'implanter à Baie-Comeau, va t'implanter à Sept-Îles, avec SM 3, c'est là qu'on a du courant puis on va en perdre moins? Puis je pense que c'est une relation d'affaires qui est intéressante pour vous aussi, plutôt que de produire des mégawatts pour rien.
Le Président (M. Pinard): M. le président.
M. Caillé (André): Oui. Ma réaction à cela est la suivante. Beaucoup a été fait dans ce genre d'initiative dans le passe, je pense ici aux alumineries, notamment, aux alumineries qui sont situées sur la Côte-Nord. Je pense que, à ce moment-ci, notre participation à la production de l'aluminium, production mondiale d'aluminium, avec de l'électricité vendue à 0,028 $ par kilowattheure, pour la production, alors que la valeur marchande du même produit, l'été prochain, qu'on vendait la semaine passée, sur des «futures», à 0,09 $... il y a une limite à ça.
Si vous regardez comment ça coûte en termes de pertes d'opportunités, O.K.? Je ne parle pas du passé, ici; le passé, on ne le changera pas, puis on va rester dans l'aluminerie avec ce qu'on a, puis je vous dis qu'on a déjà fait beaucoup. Mais, si vous regardez ce que ça coûte, la valeur, par exemple... le «proxy» dans le domaine de l'énergie, actuellement, c'est une centrale au gaz... La référence, c'est une centrale à cycle combiné, quelque part dans l'État de New York, qui fonctionne au gaz naturel, et ça, ça produit de l'électricité: 0,075, 0,08 $. C'est ça, la valeur commerciale de l'énergie, hein, le dernier kilowattheure ajouté, qui vaut ça.
Alors, oui à ce que vous dites, mais pourquoi on ne changerait un peu d'attitude? D'accord pour les énergivores, là, mais pourquoi on ne s'intéressait pas à celles qui sont un petit peu moins énergivores puis qui peuvent... puis qui vont payer un prix qui va commencer à ressembler à la valeur commerciale de l'électricité? Hein, ça, pour notre société, pour le Québec dans son ensemble, ça représente des coûts franchement énormes. Puis on ne reviendra pas sur le passé puis non plus sur la modernisation. Vous avez vu qu'à Baie-Comeau, la modernisation, là, Hydro-Québec, on va fournir 175 MW, je pense, de plus, toujours à tarif L, là, un tarif comme tous les autres tarifs, là, le tarif grande entreprise. Mais c'est quand même 2,79, la valeur, en cents par kilowattheure, la valeur de cette énergie-là. Alors, oui à ce que vous dites, mais assurons nous qu'on va vers des énergivores mais des énergivores qui commencent à payer un prix qui ressemble à la valeur commerciale de l'énergie.
Maintenant, par exemple, ce qu'on pourrait faire, c'est la transformation de l'aluminium. Là, après en produire autant, il me semble qu'on devrait en transformer. Et, bon, viendra le jour, bien, je suppose en tout cas ou je l'espère, où on va mettre un peu de «torque» derrière ça, hein, pour que ça arrive pour vrai. Alors, je pense que le gouvernement fait des efforts, les gens de d'autres sociétés d'État font des efforts, pour que, ça, ça arrive. Et ça, c'est tant mieux. Ce serait le genre d'industrie, celle de la transformation de l'aluminium, qui serait énergivore, à n'en pas douter, parce qu'il faut faire fondre l'aluminium, mais qui peuvent payer des... qui vont commencer à payer des prix pour l'électricité qui vont commencer à ressembler à la valeur commerciale du produit que nous produisons, nous, à Hydro-Québec.
Alors, j'ai un troisième élément.
M. Corriveau: O.K.
M. Caillé (André): J'ai comparu devant la commission itinérante sur le... faisant suite, là, au Rendez-vous des régions. Les gens ont été surpris de constater que de 20 000 employés qu'on a à Hydro-Québec ? deux choses, seulement, je vous dis ? de 20 000 employés qu'on a à Hydro-Québec, il y en a 16 000 qui ne travaillent ni à Montréal, ni à Québec ? 16 000 ? dans toutes sortes de régions. Direz-vous: Ce n'est pas seulement dans les régions qu'on peut qualifier de régions de production, de grande production comme la vôtre pour l'hydroélectricité? Mais en tout cas c'est quand même 16 000 qui ne sont ni à Québec ni à Montréal. C'est un facteur important pour nous.
Deuxième chose que je veux dire. N'oubliez pas qu'on investit, à Hydro-Québec, 1,5 milliard de dollars par an, au Québec, là où on a de l'équipement de production et de l'équipement de transport, pour simplement maintenir les choses à hauteur. Par exemple, chez vous, on va investir à Outardes, on va investir dans Bersimis, pour rénover les centrales. Et ça, ce 1,5 milliard là, c'est presque la moitié du 3,5 que l'on souhaiterait investir à chaque année, si jamais les deux grands projets dont je parle, là, non identifiés, s'étaleraient sur 15 ans. On voudrait amener les investissements d'Hydro-Québec, c'est la meilleure chose qu'on peut faire pour l'industrie de l'hydroélectricité: 3,5 milliards par année, 15 ans de suite. Ça, ça serait merveilleux pour l'industrie. De ce 3,5, il y en a 1,5 qui est simplement dans le maintien en état de ce qui existe déjà. Ce 1,5 qu'on investit, on l'investit dans les régions comme la vôtre, parce que c'est là que se trouvent les équipements de production. Encore une fois, vous aller voir ça à Outardes, vous allez voir ça sur Bersimis également.
M. Corriveau: Peut-être en terminant, dans la comparaison, quand on me dit: On vend, mettons, l'électricité à 0,02 $, 0,026 $ au lieu de 0,08 $, il y a toute la valeur ajoutée, le facteur humain aussi, des jobs, qui découlent de ça. Ça a été argumenté dans la région de Sept-Îles, l'été dernier. Est-ce que vous prenez considération de ça ou si vous faites uniquement, disons, une équation économique, de dire: Moi, je suis capable de vendre mon courant plus cher aux États-Unis, je suis capable de le vendre plus cher à telle autre place, alors que, si on regarde toutes les jobs, toutes les retombées économiques, tout ce qui, socialement aussi, là, en découle, ça, c'est un impact qui est positif, qui des fois rapporte bien plus que le prix de l'électricité que vous pourriez avoir ailleurs?
M. Caillé (André): Nous, on a l'obligation de servir. On sert à demande. Alors, on peut faire des calculs comme vous les dites, on montre des calculs, on explique ce que ça va coûter, mais on sert à demande. Quand la demande est là, nous, on fournit. Puis, je l'ai dit ici et je répète: il n'en manquera pas. Mon premier devoir, moi, c'est de faire en sorte qu'en toutes circonstances ? en toutes circonstances: scénario pessimiste ? qu'on va être là pour satisfaire tous les besoins dès qu'on tourne l'interrupteur. Ça, c'est le premier devoir.
Le Président (M. Pinard): Merci.
M. Corriveau: Si je trouve un promoteur, vous ne lui ferez pas un meilleur prix parce qu'il est à côté du barrage?
M. Caillé (André): Non. Ça, c'est le débat qui a eu lieu il y a très longtemps, c'est un débat... le Dr Hamel, je pense qu'il était dentiste et qu'il était de Québec, là, qui réclamait, au nom de la Gaspésie et de l'Abitibi, du reste, que les tarifs soient uniformes au Québec, parce qu'à l'époque c'était l'inverse, c'était en région que les tarifs étaient extrêmement élevés. Mais je pense qu'on est mieux de ne pas ouvrir ça.
Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons poursuivre, parce qu'il restait 3 min 30 s au parti formant le gouvernement. Alors, M. le ministre.
M. Boisclair: Juste souligner le fait que Hydro-Québec, parmi les sociétés d'utilité publique, est une société qui réussit aussi à donner le ton. Je veux le dire aux membres de cette commission, la contribution d'Hydro-Québec à Ouranos est une contribution qui est significative; la contribution aussi d'Hydro-Québec à notre stratégie sur les aires protégées est aussi significative. Hydro-Québec appartient à un groupe qui s'appelle le Smart Coalition, où, avec d'autres industriels canadiens, ils discutent avec les autorités gouvernementales sur la façon de mettre en oeuvre le Protocole de Kyoto. Donc, il y a véritablement un moteur de compétence et de connaissance, à Hydro-Québec, dont on bénéficie largement au ministère de l'Environnement.
Je voudrais vous demander, M. Caillé, en terminant. Les gens d'ENJEU, tout à l'heure, d'ENvironnement JEUnesse, nous ont demandé de regarder les choses avec la longue vue et, au-delà de la première période d'engagement de Kyoto, d'avoir une vision de plus long terme. Le contexte du développement hydroélectrique au Québec a profondément changé du fait de la «Paix des Braves» et des ententes qui pourraient venir. Le contexte aussi de nos voisins ontariens nous amène sans doute à accélérer certaines réflexions; les Ontariens sont aux prises avec de graves problèmes de fourniture et risquent de se retrouver cet été avec de véritables difficultés. Une demande croissante aussi chez nos voisins du Nord-Est des États-Unis.
Dans ce contexte, est-ce que les environnementalistes ont raison d'être aussi critiques à l'endroit d'Hydro-Québec sur la question de l'exportation d'électricité, alors que 50 % des polluants qui pleuvent sur nos têtes viennent de l'Ontario et du Nord-Est? Votre vision des 15 ou 20 prochaines années, du positionnement du Québec, des opportunités qui se posent à nous et des impacts favorables que la conjoncture pourrait avoir sur l'environnement et sur la qualité de l'air, comment vous décririez cette vision? Qu'est-ce qui devrait nous inspirer, nous, membres de cette commission? Quelle est la vision qui devrait nous inspirer sur le long terme?
M. Caillé (André): Je pense que sur, M. le Président...
M. Boisclair: Par exemple, de façon plus précise, si vous me permettez, M. Caillé, est-ce que, par exemple, quand on entend des gens qui nous disent qu'il faudrait construire un réseau de distribution d'électricité d'est en ouest au Canada ? il y a des gens qui nous disent ça ? ou d'améliorer nos interconnexions avec les États-Unis, est-ce que ce sont des choses qui sont envisageables, sachant aussi qu'on a des intérêts stratégiques?
Le Président (M. Pinard): M. le président.
n(18 h 10)nM. Caillé (André): Oui. Alors, M. le Président, quand Hydro-Québec, 96 % hydroélectrique, se retrouve dans une situation où on est en mode exportation nette, ça veut dire qu'on en exporte plus qu'on n'en importe, puisque nos voisins, ça s'appelle Ontario, comme vous dites, qui est ou thermique ou nucléaire ? quelque peu hydraulique mais c'est surtout nucléaire et thermique; quand nos voisins ce sont New York ? c'est surtout un État où la production est thermique, puis avec des vieilles centrales, on les voit, là, quand on va à La Guardia, on en voit, c'est la merveilleuse technologie des années trente, là, hein; et puis quand nos voisins c'est la Nouvelle-Angleterre, aussi, où c'est essentiellement thermique, puis elles ne sont pas toujours nouvelles, les centrales... En termes de bilan, ici, là, si on parle gaz à effet de serre puis si on parle de pluies acides, d'émissions de nitrate ou de sulfate dans l'atmosphère, nous sommes gagnants. Nous sommes gagnants parce qu'on ne les reçoit pas, puis comme la planète est gagnante parce qu'il y a une réduction nette des gaz à effet de serre.
Et c'est pour ça que la vision que je vous suggère, que je propose, c'est: ici, il faut tout faire, moyen, long terme, pour développer de grands projets hydroélectriques pour aller chercher le potentiel qui reste. Il faudrait qu'on se décide sur quelle rivière, hein, puis, en définitive: Non, il n'y aura pas d'hydroélectricité ici, mais ailleurs on devrait développer. Si ça prend 10, 12 ans, là... Moi, ce débat-là, j'ai tenté de le faire, j'ai suggéré bien des choses mais je n'en suis même plus là. J'aime autant accepter le fait que ça prend 10 à 12 ans puis commencer plus tôt. Et ce que je suggère que vous reteniez, c'est qu'il faut lancer ces deux grands projets là, puis il faut les lancer pour éviter encore une fois de se retrouver dans la situation où on va devoir faire du thermique. C'est possible de le faire.
Mais, si on regarde à beaucoup plus long terme que cela ? mais là on est rendu vraiment loin, 25... enfin entre 25 et 50 ans ? moi, je pense encore que la fusion nucléaire va être le moyen, éventuellement. On n'en est pas là, on n'est pas au Québec... on n'a pas au Québec puis on n'a même pas au Canada le genre de ressources financières pour investir dans la R & D à hauteur d'être un leader dans le domaine. Et il faut être en vigie. Puis on s'est placés, nous, en vigie, parce que, à ce moment-ci, tant que le domaine n'est pas débroussaillé, tant qu'il n'y a pas quelques percées à différents... ? parce qu'on parle d'une technologie mais plusieurs sous-technologies, si je peux m'exprimer ainsi ? on est mieux de ne pas investir là-dedans.
Mais il va venir un moment, dans le cours du développement de la filière nucléaire, où on pourra choisir un créneau. Puis là, bien, à ce moment-là il faudra le faire pour être là. Puis l'avenir, enfin l'avenir très éloigné, c'est la fusion nucléaire, si la demande est pour continuer à augmenter. Et, encore une fois, bien, la demande, c'est les clients qui l'exercent, ce n'est pas des entreprises comme Hydro-Québec, ce n'est pas TransAlta non plus, en Alberta, qui définit la demande, puis ce n'est pas Con Edison à New York qui définit la demande, ce sont les clients qui définissent la demande. Et l'obligation, c'est de fournir, l'obligation des utilités publiques ou les obligations des Hydro-Québec de ce monde.
Alors, voilà. Moi, ce que je voudrais que vous reteniez, c'est qu'on ne peut pas être autrement que gagnants, ici, moyen, long terme, hein, 25 ans plus loin, au moins 25 ans et plus, en choisissant l'hydroélectricité. On doit, ici, faire la même chose qu'on a faite jusqu'ici. Et nous ? vous parliez d'engagement, M. le ministre ? si les choses se déroulent comme on le souhaite à Hydro-Québec, si ça se déroule comme prévu, comme on le souhaite, bien, vous avez vu notre participation, à date, au niveau du thermique, ce qu'on souhaite, c'est de l'hydroélectricité. On est tous du même avis ici, je pense, on veut de l'hydroélectricité. Bien, pour ça, il faut arriver à le faire puis commencer assez tôt pour qu'il soit là au moment où c'est nécessaire. Parce qu'il n'y personne, entre nous, je le sais, même si je reviens souvent sur le sujet, qui souhaite qu'on soit ici dans l'une ou l'autre de deux situations: on en manque et on subit des augmentations de prix de 30, de 50 % parce que, là, on est obligés de l'acheter ailleurs. On pourrait toujours geler les tarifs mais... Hein, quand l'Ontario, ils ont gelé les tarifs, ça n'a pas gelé les coûts...
M. Boisclair: Hélas, non!
M. Caillé (André): ...ça avait juste gelé les tarifs, ça. Ça gèle le prix de vente, ça ne gèle pas les coûts à l'entrée, ça fait qu'ils s'appauvrissent autant que s'ils n'avaient pas gelé les tarifs, là, ça ne change rien à ce niveau-là. Puis on ne veut pas, encore moins, je pense, se retrouver dans la situation où on va devoir faire des interruptions, hein? On ne souhaite pas ça. Hydro-Québec, ce n'est pas l'image de la compagnie que je dirige, ça, de faire des interruptions. On ne veut pas faire ça puis on ne veut pas que ça arrive. C'est pour ça qu'on souhaite peut-être, même si on le dit... vous l'avez dit, M. le ministre, très franchement: C'est nécessaire, ces projets-là, maintenant, mais organisons-nous pour qu'il n'y en ait pas d'autres de nécessaires dans le futur.
Le Président (M. Pinard): Alors, M. Caillé, Mme Nadeau, M. Desgagné, merci infiniment de votre participation. Ce fut très enrichissant pour les membres de la commission. Merci beaucoup. Et j'ajourne donc les travaux à demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 15)