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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Tuesday, October 2, 2001 - Vol. 37 N° 27

Consultation générale sur le document intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) remplace M. Benoit (Orford).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, aujourd'hui nous allons tour à tour entendre d'abord M. Jacques Bergeron; par la suite, vers 10 h 30, la Société des médecins experts du Québec, et il y aura suspension jusqu'à 14 heures. À 14 heures, The Clifford Fisher Committee; 14 h 30, Fondation André Senécal; 15 heures, Me Jean Mercure; 16 heures, Droits des accidentés du travail et de l'automobile du Québec; pour terminer avec le Dr Ronald Denis.

Je demande aux personnes qui auraient des appareils de téléphone cellulaire de bien vouloir les fermer durant la séance, s'il vous plaît. Et j'invite immédiatement M. Jacques Bergeron à s'approcher à la table.

Auditions

Alors, bonjour et bienvenue, M. Bergeron. Je vous indique de nouveau, j'imagine, les informations qu'on vous a communiquées à l'effet que vous aviez 10 minutes pour votre présentation et, par la suite, des échanges avec les parlementaires pour le reste de cette période, ce bloc de 30 minutes.

M. Jacques Bergeron

M. Bergeron (Jacques): Merci beaucoup, M. le Président. Merci également, M. le ministre, et merci Mmes, MM. les députés, de me permettre de venir vous présenter le mémoire que j'ai déposé sur l'utilisation de l'antidémarreur et le problème de la récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies.

Je pense que j'ai pas besoin d'insister sur l'importance du problème de la récidive de la conduite avec les capacités affaiblies. Je pense qu'il y a beaucoup de membres déjà, de collègues et de chercheurs, d'intervenants, qui sensibilisent les députés à l'importance de ce problème de la récidive.

Je m'en viens ici ce matin vous présenter une demande, une simple demande d'amendement à la loi n° 38 qui a été votée récemment, le 21 juin dernier, un amendement qui ferait en sorte que cette nouvelle loi, qui constitue un pas très important en avant... C'est une très bonne loi, à mon avis, et de l'avis des membres de l'équipe que je dirige, de l'équipe de recherche. Alors, c'est une très bonne loi qui constitue un important pas en avant, mais il suffirait d'y ajouter un simple amendement pour la rendre beaucoup plus efficace.

Alors, je viens de parler de l'équipe de recherche. Alors, je suis professeur... Je me présente, je suis professeur de psychologie, professeur titulaire de psychologie à l'Université de Montréal; je suis également chercheur affilié au Centre de recherche des transports de l'Université de Montréal; je suis également chercheur principal au centre de réadaptation Dollard-Cormier pour les personnes alcooliques et toxicomanes ? c'est le plus important centre public de réadaptation pour les personnes alcooliques et toxicomanes; et je suis également associé comme chercheur au Centre international des criminologies comparées.

Il y a déjà plus de 20 ans que je fais de la recherche et de l'enseignement sur la psychologie des usagers de la route et j'ai dirigé beaucoup d'études ? j'en ai mises quelques-unes en exemple dans le rapport que vous avez devant vous ? beaucoup d'études sur la psychologie des usagers de la route, de façon plus particulière sur l'alcool au volant, mais aussi sur le traitement des personnes alcooliques.

n (10 h 10) n

Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait qu'il y a un an mon équipe de recherche a déposé un rapport sur le profil des récidivistes en matière de conduite avec facultés affaiblies, un rapport que nous avons soumis à la Société d'assurance automobile du Québec, au ministère des Transports du Québec et au fonds FCAR qui est un organisme subventionnaire du ministère de l'Éducation. Et, dans ce rapport, on dressait le profil des récidivistes, on insistait sur l'importance du problème et on parlait aussi de pistes de solution. Et nous avons été très heureux, dans notre équipe, de constater que la loi 38, qui a été adoptée en juin dernier, allait exactement dans ? enfin, exactement... ? allait dans presque toutes les recommandations qui découlaient de notre rapport et qui découlent également de l'ensemble des études faites dans le monde entier sur les questions de récidivisme en matière d'alcool au volant.

Il y a beaucoup d'amélioration dans la nouvelle loi, et nous sommes très fiers, dans notre équipe, d'être Québécois et d'avoir ici une loi qui répond à une très forte majorité des recommandations qui sont faites par les chercheurs du monde entier. Je parle du monde entier et j'en donne la preuve en annexe II de mon rapport, du mémoire. Vous trouverez ici presque une centaine de références sur les questions, et ces études vont très généralement dans le sens qui a été adopté par la nouvelle loi.

Cependant, il reste cet amendement que je veux proposer. Pourquoi? Bon. Il y a beaucoup d'amélioration dans la nouvelle loi, en particulier... La principale, je pense bien, c'est une intégration de mesures d'intervention qui visent la récidive. Et surtout il y a une intégration entre l'utilisation d'un dispositif d'antidémarrage avec une évaluation, une évaluation complète qui est faite dans les centres de traitement pour personnes alcooliques et toxicomanes. Alors, la loi prévoit bien ces choses-là. Et, une autre amélioration qui va dans le sens recommandé par les études, c'est qu'on augmente le temps pendant lequel il y a suspension du permis de conduire et, en même temps, permis... pardon, excusez-moi, possibilité d'utiliser un dispositif antidémarreur. J'y vais rapidement dans mon rapport, on n'aura pas le temps de tout voir ça, et je préfère sortir les grandes lignes, quitte à répondre à vos questions.

La loi 38 prévoit deux périodes pendant lesquelles il y a utilisation d'un dispositif d'antidémarreur. La première période, c'est la période dite de sanction. Pendant cette période-là, il y a révocation du permis régulier: pendant une période de trois ans s'il s'agit d'une première récidive, pendant une période de cinq ans s'il s'agit d'une récidive... d'une troisième ou d'une quatrième récidive. Prenons le cas le plus simple, donc une deuxième récidive. Il y a cette première période qui est une période de sanction, où il y a révocation du permis régulier et possibilité d'avoir un permis restreint qui permet au récidiviste de conduire un véhicule dans la mesure où ce véhicule est muni d'un antidémarreur. Ça, c'est la période de sanction, trois ans. D'un autre côté, quand cette période de sanction est terminée, il y a une période obligatoire pendant laquelle, pendant deux ans, le récidiviste ne pourra conduire un véhicule automobile que si ce véhicule est muni d'un antidémarreur. Donc, une première période, période volontaire d'utilisation d'un antidémarreur, puis période obligatoire pour un minimum ici de cinq ans de possibilité ? enfin, c'est un minimum et maximum ? possibilité d'avoir un antidémarreur ici pendant une possibilité de cinq ans.

Or, c'est très bien, ça, en principe, sauf que les études démontrent ? et c'est pas vrai seulement au Québec, c'est vrai dans l'ensemble des pays ? que la très grande majorité des récidivistes, quand ils sont en période de sanction, quand ils ont perdu leur permis, ils continuent à conduire. On estime environ... en moyenne à 75 % le nombre de récidivistes qui ont perdu leur permis et qui continuent à conduire. Pour ces gens-là, il est évidemment extrêmement intéressant d'avoir un antidémarreur qui empêche ces gens-là de conduire un véhicule s'ils ont consommé, s'ils ont consommé le moindrement. Et les études le démontrent de façon régulière ? c'est vraiment une constante ? que l'installation d'un dispositif antidémarreur empêche les conducteurs de conduire. C'est des conducteurs qui ont perdu leur permis régulier, mais ils ont un permis restreint qui leur permet donc de conduire sur un véhicule avec antidémarreur. Et il y a une beaucoup plus grande efficacité à ce moment-là, beaucoup plus grande efficacité que la simple interdiction de conduire. Parce que, il faut bien le dire, il y a interdiction de conduire qui est prévue par le Code criminel, d'une part, et, d'autre part, cette sanction qui vient du Code de sécurité routière, sanction qui enlève, qui suspend le permis de conduire.

Alors, l'amendement que je propose, c'est qu'on puisse réduire de la deuxième période, c'est-à-dire la période où il y a obligatoirement un antidémarreur si le récidiviste conduit, de réduire de cette période-là le temps que la personne aura accepté d'avoir un antidémarreur pendant la période de sanction, de telle sorte à constituer une incitation, dès la période de sanction, de sorte à constituer une incitation à ce que les gens utilisent le plus rapidement... entrent le plus rapidement possible dans le programme, programme qui accorde un permis restreint avec l'utilisation d'un antidémarreur. Donc, ça serait une incitation à entrer plus rapidement et, deuxièmement, ça serait une incitation à ce que plus de personnes participent à un programme d'utilisation d'antidémarreur.

Le Président (M. Lachance): Je vous prierais de conclure, s'il vous plaît, M. Bergeron. Le temps passe rapidement.

M. Bergeron (Jacques): Oui. Donc, je répète ? bonjour, M. le député ? je répète la description de l'amendement. Vous l'avez à la page 12 du mémoire. L'amendement proposé consiste simplement à autoriser, dès que le Code criminel le permettra, que la deuxième période puisse être réduite du temps pendant lequel la personne s'était volontairement prévalue d'un antidémarreur au cours de la première période.

En d'autres mots, il s'agit de créditer la personne du temps pendant lequel elle s'est volontairement munie... elle a volontairement muni son véhicule d'un antidémarreur, et ceci inciterait les gens à se... à participer à ce programme-là plus rapidement. Et, selon les études scientifiques, comme l'efficacité de l'antidémarreur est meilleure que la simple suspension ou révocation du permis de conduire, eh bien, il y a tout lieu de croire qu'il y aurait une diminution significative des récidives. Alors, je vais terminer ici et puis je vais répondre aux questions.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui. Je voudrais vous remercier, M. Bergeron. Tout d'abord, je trouve ça... je trouve intéressant qu'on arrive avec des moyens préventifs. C'est un peu ce qu'on a voulu au mois de juin dernier unanimement à l'Assemblée nationale. C'est pas tout de constater qu'il y a des récidivistes, c'est de vouloir les sortir des routes. Et ma crainte, ça a toujours été, moi, depuis un bon bout de temps, c'est que c'est bien beau suspendre des permis, mais ils se retrouvent sur la route sans permis. On l'a vu dans des tragédies routières importantes, à part ça.

Ce que vous proposez, votre amendement, moi, je suis prêt à le regarder parce que dans le fond... Au début, je le comprenais pas, parce que je me disais: Il parle «que l'utilisation de l'antidémarreur soit ou non combinée à des possibilités de traitement, l'effet tend à disparaître lorsque le dispositif est retiré», puis je me disais: Il propose de raccourcir le temps. Mais j'ai bien compris qu'au lieu de trois étapes, vous en voyez deux. Donc, la deuxième combine la période de volontariat, en d'autres mots.

n (10 h 20) n

Nous autres, par exemple, sur la première récidive, on mettait deux ans d'interdiction, un an d'antidémarreur puis deux ans d'antidémarreur obligatoire. Vous, vous dites: Deux-deux, si j'ai bien compris.

M. Bergeron (Jacques): Ça revient à ça, parce qu'on suppose que le Code criminel va être amendé prochainement et qu'on va permettre de nous...

M. Chevrette: J'espère! Ça fait longtemps qu'on le demande.

M. Bergeron (Jacques): Et, là-dessus, M. le ministre, moi, je vous encourage à poursuivre le harcèlement, si vous me permettez...

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Bergeron (Jacques): ...le harcèlement que vous faites auprès de...

M. Chevrette: Il faut faire attention. Ha, ha, ha!

M. Bergeron (Jacques): Ha, ha, ha! ...auprès de...

M. Chevrette: Ma ténacité, plutôt.

M. Bergeron (Jacques): ...auprès du fédéral pour qu'on puisse permettre de nouveau aux récidivistes d'avoir un dispositif d'antidémarrage, parce que, depuis le 1er juillet 1999, le Code criminel a été amendé malheureusement, puis il s'est glissé cette erreur, qu'on a oublié de permettre aux récidivistes d'avoir un dispositif antidémarreur alors que toutes les études... On va faire attention, ici, c'est difficile... dangereux de dire «toutes», mais l'immense majorité des études scientifiques ? et j'en cite une centaine dans le mémoire ? démontrent qu'un dispositif antidémarreur est préférable à simplement une révocation ou suspension de permis, parce que les gens continuent à conduire même s'ils ont pas de permis.

M. Chevrette: Ça, vous me convainquez sûrement. Je suis d'accord avec vous à 100 milles à l'heure. Parce qu'on est porté à avoir une réaction très vive devant les événements, mais, si on propose rien... Il y a même le Dr Payette, dans la région, qui, lui, va jusqu'à demander à la SAAQ de payer une partie de l'antidémarreur pour s'assurer qu'on aura moins de récidivistes sur les routes. On verra jusqu'où la SAAQ peut aller. Mais il reste qu'il y a des gens qui nous proposent des choses très radicales. Par exemple, sur les ondes d'un poste de radio la semaine dernière, quelqu'un me demandait de criminaliser celui qui prête les clés à un récidiviste. Bien là, je leur ai dit qu'ils se trompaient de Parlement, d'abord. Il fallait qu'il aille faire amender le Code criminel, s'il devait aller jusque-là.

Mais, dans le cadre de nos juridictions ici, au Québec, je pense que tout ce qu'on peut faire pour éviter qu'on retrouve un récidiviste derrière le volant en état d'ébriété, eh bien, on lui offre ces possibilités techniques qui existent, qui, j'espère, d'ailleurs, vont se répandre le plus possible pour permettre à des gens de constater de par eux-mêmes qu'ils sont pas en état de conduire parce que l'auto démarre pas. C'est assez simple comme procédé. Puis, en même temps, avec un programme de suivi comme on a implanté au mois de juin sur le plan psychologique ? parce que vous êtes en psychologie, si j'ai bien compris ? combiner à la fois l'outil physique et le traitement psychologique, je pense qu'on rend des services à plusieurs personnes, à plusieurs individus. Je voudrais vous remercier de votre témoignage. Puis l'amendement, je vais l'étudier très sérieusement. J'ai pas de désaccord de principe. C'est déjà un grand bout de fait.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition, vous avez une mine particulièrement réjouie aujourd'hui.

M. Brodeur: Oui, merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. Et, puisque vous le dites, M. le Président, oui, en effet, l'opposition a une mine réjouie, et sûrement que dans les prochains jours nous continuerons à nous réjouir. D'ailleurs, je pense que la journée d'aujourd'hui, si vous vérifiez, M. le Président, est un peu à l'image de celle d'hier: à 10 h 30 on a M. L'Espérance et, à 17 heures, M. Panic. Donc, c'est un peu dans le même esprit que nous allons nous retrouver aujourd'hui.

M. Chevrette: Il faut pas tomber dans l'arrogance non plus. Ha, ha, ha! Dangereux! Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Non. Tout simplement, M. le Président, pour revenir...

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Je comprends que le ministre veut qu'on discute autre chose, et on est ici pour discuter autre chose, M. le Président.

M. Chevrette: On en a déjà perdu 13...

M. Brodeur: Donc, M. Bergeron... Merci, M. le ministre.

M. Chevrette: C'est parce que j'avais dit qu'on en a déjà perdu 13 en ligne puis qu'on a gagné une générale. Il faut faire attention aux feux de paille, mon cher député.

M. Brodeur: De toute façon, M. le Président, vous savez qu'on n'est pas ici pour discuter ces choses-là. Naturellement, les excuses... on a toujours un lot d'excuses le lendemain, mais revenons à ce qui nous occupe. Donc, je dois vous dire tout de suite que, du côté de l'opposition, les antidémarreurs sont un système très intéressant qui peuvent du moins combattre les gens qui conduisent avec facultés affaiblies. Vous m'avez dit tantôt, vous avez dit à la commission que 75 % des récidivistes conduisent quand même, même s'ils n'ont pas de permis. Donc, ça veut dire qu'ils utilisent probablement... ils peuvent utiliser une automobile qui est à leur nom, peuvent utiliser une automobile qui est au nom de quelqu'un d'autre. Devrait-on pas aussi inclure une interdiction totale d'être propriétaire d'une automobile durant cette interdiction-là? Puisque vous suggérez des amendements, peut-on aller jusque-là et interdire complètement à celui qui est sous le coup d'une sanction d'être propriétaire d'une automobile?

M. Bergeron (Jacques): C'est pas vraiment mon domaine, là, je sais pas si je pourrai m'aventurer là-dessus.

M. Brodeur: ...d'après les consultations générales, là.

M. Bergeron (Jacques): Oui, oui, d'accord. Mon domaine est davantage, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, recherche sur l'alcool au volant et recherche également sur les traitements de l'alcool au volant. Et ce que je peux dire, c'est que, avec la nouvelle loi, mais déjà avec la loi n° 12 qu'on avait depuis 1997 et puis avec la nouvelle loi, on a fait des pas vraiment très importants parce qu'on combine, on combine ici des mesures dissuasives avec des mesures éducatives. Et ça, c'est vraiment très, très intéressant. Il y a une intégration ici de ces différents types de mesures, et c'est extrêmement heureux qu'il y ait eu un vote unanime en faveur de cette loi-là. Et mon intervention, c'est de dire: Bien, attention parce que, si on veut vraiment tirer tous les bénéfices de la loi, il faut donner des incitations aux gens pour qu'ils utilisent l'antidémarreur. Ça, c'est mon objectif principal ici.

Est-ce qu'on devrait interdire aux gens d'avoir une... d'être propriétaire d'une voiture? Je sais pas, il faudrait... J'ai pas étudié cette question-là, je pourrai pas vous donner de réponse... J'ai pas vu non plus d'études qui portaient spécifiquement là-dessus.

M. Brodeur: Parce que vous êtes professeur de psychologie, donc on essaie de vérifier ou d'étudier la psychologie du conducteur qui a l'habitude de conduire en état d'ébriété. Donc, s'il y a une voiture à son nom, à sa disposition, bien, c'est une tentation pour lui, antidémarreur ou pas, de prendre ce véhicule-là à l'occasion. Donc, peut-être, à ce moment-là, on pourrait élargir votre amendement et aller jusqu'à ce point-là, donc interdire la propriété d'un véhicule lorsque celui qui a été condamné est sous sanction. Donc, c'est un commentaire à cet égard-là.

J'ai mentionné, en début...

M. Bergeron (Jacques): Est-ce que vous me permettez, M. le député?

M. Brodeur: Oui, oui. Allez-y.

M. Bergeron (Jacques): Les gens qui conduisent, des récidivistes... Parce que le chiffre qu'on avance dans la majorité des recherches, c'est jusqu'à 75 % des récidivistes qui continuent à conduire même s'il y a une interdiction de conduire de la part du tribunal, selon le Code criminel, et aussi, suspension du permis de conduire. Ils conduisent pas nécessairement leur voiture, ces gens-là. Et c'est là qu'est toute la question: Interdire d'être le propriétaire, est-ce que ça l'empêcherait? Je le sais pas, pour le moment, est-ce que ça empêcherait les personnes de conduire une autre voiture? Très, très difficile à préciser.

M. Brodeur: On s'est questionné, à date, dans cette commission-là, sur la nature même de l'alcoolisme. D'entrée de jeu, j'ai suggéré de la considérer comme une maladie, comme on suggère, par exemple... comme la loi interdit à certaines personnes atteintes d'épilepsie ou d'autres maladies de conduire. Donc, on leur interdit l'accès à un permis de conduire. On s'est demandé à plusieurs reprises si, dans le cas d'un alcoolique, on devrait pas faire tout simplement la même chose et lui interdire l'accès à un permis de conduire jusqu'au moment où il serait jugé au moins en état d'abstinence depuis assez longtemps pour réobtenir son permis. Est-ce qu'on pourrait aussi, à votre sens à vous, considérer l'alcoolisme comme une maladie au même titre que les autres qui arrivent à une interdiction d'avoir un permis un conduire?

M. Bergeron (Jacques): Je crois que la nouvelle loi prévoit justement de...

M. Brodeur: ...

M. Bergeron (Jacques): C'est trois ans. Il y a une première période de trois ans, si c'est une première récidive, et une période de cinq ans si c'est une deuxième ou troisième récidive. Donc, il y a entre trois et cinq ans ici de période où...

M. Brodeur: La maladie peut toujours exister après cinq ans quand même, là. Je veux dire, ça serait vraiment à long terme.

M. Bergeron (Jacques): Oui. Mais, pendant ce temps-là, la personne doit également avoir une évaluation par un professionnel de la santé, dans un centre qui est agréé par la Fédération des centres de traitement pour alcoolisme et toxicomanes. Donc, il y a une évaluation de la personne. Et on fait précisément, je crois, ce que vous désirez parce que cette évaluation permet de déterminer si les comportements de la personne ou son rapport à l'alcool est compatible avec la conduite d'un véhicule, la conduite sécuritaire d'un véhicule. Alors, je crois qu'avec la nouvelle loi, on le fait, cette interdiction.

M. Brodeur: Sauf, dans la nouvelle loi, on fait des références à des temps précis: trois ans ou cinq ans. Donc, pourrait-on modifier la loi, dans certaines circonstances, d'avoir aucun temps déterminé et, tant que cette maladie existera, l'interdiction continuera à exister?

M. Bergeron (Jacques): Mais cette évaluation qui est faite permet de déterminer... qui est faite par un professionnel de la santé et qui détermine si la personne a besoin de traitement. Et il y a un plan d'encadrement qui est décidé entre le professionnel et le récidiviste. Eh bien, ça permet justement d'avoir un plan d'encadrement pendant le temps voulu, et, à la fin du processus d'évaluation, le professionnel de la santé fait un rapport à la SAAQ qui détermine si véritablement la personne est capable maintenant de conduire un véhicule de façon tout à fait sécuritaire.

n (10 h 30) n

En d'autres mots, il y a... cette évaluation a été faite par un professionnel de la santé et elle est, par la suite, agréée par la SAAQ. Et, dans les cas de doutes, la loi permet justement de refaire une évaluation et de ne pas accorder de permis régulier à la personne. Et ça, encore... c'est la première période.

La deuxième période, il y a encore ici un deux ou trois ans qui est prévu où la personne qui conduit a obligatoirement un dispositif antidémarreur avant d'avoir son permis régulier. Donc, ça fait une période assez longue. Et, pendant tout ce temps-là, il y a toujours une possibilité que la SAAQ décide que la personne a des habitudes de consommation ? qui sont évaluées par les professionnels de santé ? des habitudes de consommation qui sont incompatibles avec la conduite sécuritaire. Donc, on fait un suivi, la loi prévoit justement un suivi très régulier ici des capacités de la personne à conduire de façon sécuritaire.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, j'ai pas de questions particulières, mais permettez-moi, M. le Président, de saluer un collègue de l'Université de Montréal avec qui j'ai eu le bonheur de travailler durant plusieurs années, comme collègue et à titre de directeur du Département de psychologie.

Je veux profiter de l'occasion pour souligner l'excellence du travail du Pr Bergeron dans le domaine de la prévention de conduite automobile. Et je crois que ça fait au-delà de 15 à 20 ans que vous avez consacré toutes vos énergies à la recherche dans ce domaine-là. Et je veux profiter de l'occasion. C'est un domaine quand même sur lequel il y a quand même relativement peu de recherches ici, au Québec. Et le laboratoire que dirige le Pr Bergeron est reconnu, là, de façon nationale et aussi à l'extérieur pour l'excellence du travail.

Et ce que je veux également souligner, c'est que je trouve intéressant que les gens du domaine de la psychologie appliquée soient... se sensibilisent à l'importance qu'on peut avoir de venir présenter des points de vue en commission parlementaire. Au fond, les législateurs font des lois à partir de l'expertise de gens dans divers domaines. Et on sait que, par exemple, les gens qui oeuvrent dans le domaine du droit ou dans d'autres secteurs relativement techniques, la médecine, font des représentations fréquentes. Et je veux juste souhaiter que les gens qui travaillent dans le domaine de la psychologie appliquée, qui couvre plusieurs secteurs, des secteurs aussi spécialisés que le vôtre ou de la psychologie du travail ou d'autres genres de... le milieu scolaire, que ces gens-là prennent le temps de venir faire des représentations en commission parlementaire. Je suis convaincu que les gens du secteur peuvent apporter une contribution importante aux travaux des parlementaires et éventuellement influencer, jusqu'à un certain point, les mesures qui seront mises en place pour le bien-être de la société dans l'ensemble. Alors, je vous remercie encore une fois. Félicitations pour le travail que vous effectuez dans votre domaine d'expertise!

M. Bergeron (Jacques): Merci bien.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Pr Bergeron, pour votre participation aux travaux de cette commission.

J'invite immédiatement le représentant de la Société des médecins experts du Québec, le Dr Georges L'Espérance, pour la suite de cette commission parlementaire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Dr L'Espérance. Je vous indique que vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et, par la suite, nous allons amorcer la période d'échanges avec les parlementaires des deux côtés. Bienvenue.

Société des médecins experts
du Québec (SMEQ)

M. L'Espérance (Georges): Merci beaucoup. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de donner à la Société des médecins experts du Québec l'opportunité de vous exprimer son opinion sur la Société de l'assurance automobile.

D'emblée, il importe de préciser ici que je fais cette intervention à titre de président de la Société des médecins experts du Québec, mais je tiens aussi à préciser que je suis président de l'Association des neurochirurgiens du Québec et que, même pour un neurochirurgien, il est difficile de changer de tête. Alors, forcément, les deux têtes restent sur mes épaules. Donc, comme clinicien, je vais aussi m'adresser à vous.

Je tiens aussi à préciser que j'ai été impliqué depuis 20 ans en traumatologie active, d'abord à Québec à l'Hôpital de L'Enfant-Jésus pendant mon entraînement ? l'Hôpital de L'Enfant-Jésus qui est un très gros centre de traumatologie ? et, par la suite, à Montréal, à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Enfin, j'ai été impliqué fréquemment comme professeur de l'American College of Surgeons en traumatologie, et j'ai donné des cours de traumatologie un peu partout dans le Québec.

Mon intervention se fera essentiellement sur deux volets: d'abord, les relations entre les médecins experts et la Société de l'assurance automobile du Québec et aussi quelques mots ? deuxième chapeau ? sur le réseau de santé et la Société de l'assurance automobile du Québec.

Alors, la Société des médecins experts du Québec est un regroupement de médecins spécialistes dont une partie ou la totalité des activités professionnelles consiste à faire de l'évaluation médicolégale, c'est-à-dire de l'évaluation médicale indépendante et plus généralement reconnue sous le vocable d'expertise médicale.

La Société des médecins experts du Québec regroupe en date d'aujourd'hui 160 médecins spécialistes. La Société est formée de médecins spécialistes, donc qui ont une expertise dans un domaine particulier. Et, de ce nombre, environ 20 ou 22 % sont des orthopédistes et près de 30 % sont des psychiatres, ce qui donne une idée des expertises qui sont généralement demandées de façon beaucoup plus fréquente dans ces deux domaines.

La mission de la Société des médecins experts du Québec est de promouvoir le plus haut respect des critères d'indépendance, de justice, d'équité et d'éthique en matière d'expertise médicolégale. Au fil des années, la Société s'est taillé une place enviable, et nous avons élaboré un guide d'éthique en expertise médicolégale. Et nous avons aussi été à l'origine de la production d'un cours d'expertise médicolégale et d'assurance, cours de 15 crédits qui est maintenant sous l'égide de l'Université de Montréal. Ce cours-là a été lancé il y a environ quatre ans ? ou plutôt la réflexion a été lancée il y a quatre ans ? en partenariat avec la Société de l'assurance automobile qui voulait progressivement laisser aller, pour des raisons de transparence, le volet de formation des médecins experts. Et c'est pour ça que nous avons entamé cette démarche, le Dr François Sestier, cardiologue, et moi-même avec l'Université de Montréal, pour bâtir ce cours de 15 crédits. Et je dois souligner ici que la SAAQ de même que la CSST et la Régie des rentes du Québec ont été trois organismes parapublics qui ont donné des fonds significatifs pour la préparation de ce cours, cours qui est essentiellement sous vidéo, donc qui peut être suivi par de nombreux médecins dans le Québec sans qu'ils aient à se déplacer, et cours qui, par ailleurs, nous rend très fiers de son évolution ? les créateurs, si je puis dire ? parce qu'il est maintenant en voie d'être traduit pour le Canada, donc traduction en anglais, avec l'aide de l'Université McGill, parce que, bien entendu, il y a des ajustements à faire dans les interprétations de lois, etc. Mais ce cours est en train d'être traduit actuellement.

Les médecins experts en général et plus particulièrement ceux qui font partie de la Société des médecins experts effectuent des mandats d'évaluation médicale indépendante pour divers organismes privés, publics ou parapublics, que ce soit la SAAQ, la CSST, la Régie des rentes du Québec, des avocats, l'IVAC, Indemnisation des victimes d'actes criminels, des employeurs privés et corporatifs, des syndicats. Il n'y a pas de médecins experts qui font partie de la Société des médecins experts qui sont identifiés à une partie ou à une autre. Les gens, peut-être, les identifient à cela, mais de façon quasi universelle tout médecin expert a un devoir d'indépendance, et nous insistons énormément là-dessus, de sorte que n'importe quelle partie peut avoir, obtenir une expertise d'un médecin expert qui se veut la plus objective possible.

Les mandats qui sont généralement donnés au médecin expert sont dans les sphères suivantes: la précision du diagnostic, l'évaluation ou les suggestions thérapeutiques, mais aussi l'évaluation des séquelles, bien entendu, ce qui touche beaucoup la Société de l'assurance automobile du Québec de même que la CSST.

n (10 h 40) n

Mais, par dessus tout, le vrai travail du médecin expert, c'est l'évaluation de la relation causale. En termes juridiques, c'est le fameux «post hoc propter hoc», c'est-à-dire: C'est survenu après, donc c'est dû à. Ceci est faux, en fait, en relation médicolégale. Ce n'est pas parce qu'une symptomatologie ou une maladie survient suite à un événement ou dans les mois qui surviennent un événement que c'est forcément dû à cela. Et ça, c'est probablement un des éléments majeurs de l'expertise médicolégale, de faire la relation entre un événement, quel qu'il soit, et la survenue d'une pathologie quelconque. Bien entendu, quelqu'un qui se fait frapper par une voiture et qui a une fracture de fémur, la relation est assez claire. Ça devient déjà plus flou dans certaines pathologies névrotiques, par exemple, que l'on veut assimiler à un syndrome post-traumatique; ça l'est encore beaucoup plus dans les maladies qui ne sont pas reconnues comme telles, par exemple, la fibromyalgie, la fatigue chronique. Donc, tous ces éléments-là font partie vraiment du travail du médecin expert, c'est-à-dire un travail de creusage, un travail de médecine scientifique, pour s'assurer qu'il y a bien une relation entre les symptômes du patient et la pathologie.

La SAAQ maintenant et la formation des médecins experts. Dès le début de son existence, en 1978, la Société de l'assurance automobile du Québec a voulu établir des standards de qualité pour l'expertise médicale parce que, bien entendu, une partie de son mandat reposait sur la qualité de ces mêmes expertises médicolégales, en particulier dans la relation. Un des objectifs de la SAAQ était l'indemnisation des séquelles secondaires à un accident d'automobile sans égard à la faute. Il devient donc essentiel, à ce moment-là, d'établir un barème des dommages anatomophysiologiques et d'établir un système qui permette d'évaluer objectivement ces mêmes dommages.

Initialement, c'est le Dr Pierre Forcier, neurochirurgien, dont je tiens à souligner l'apport énorme, qui a mis au point le barème avec le Dr Henri-Louis Bouchard, orthopédiste, et d'autres. Et, par la suite, la SAAQ a engagé une longue réflexion qui s'est poursuivie au fil des années sur la qualité de l'expertise médicolégale, quelles sont les qualités que doit avoir un médecin pour faire une expertise médicolégale et pour être objectif dans son évaluation.

Un système privé conflictuel peut, à l'occasion, fournir à une victime une indemnisation qui paraît très importante, mais un tel système laisse dans le caniveau, si je puis dire, la majorité des victimes d'accidents. Un système public est peut-être moins glamour, moins journalistique, mais il couvre l'ensemble de la population. Et, à l'instar d'un système de santé public, malgré ses imperfections et ses nécessaires ajustements, la couverture universelle devant d'éventuelles catastrophes de la vie amène une paix de l'esprit que bien des sociétés nous envient.

Donc, le système «sans égard à la faute» est un modèle d'équité, mais doit être balisé pour gérer les deniers publics en bon père de famille, comme il est de juste titre de dire en matière d'indemnisation de séquelles physiques et psychiques. Et cela passe donc obligatoirement par l'expertise médicolégale.

Au fil des années, le programme de formation des médecins experts s'est développé dans les dernières années sous la direction du Dr Daniel Roberge de la SAAQ et a aussi donné naissance à un programme de contrôle de la qualité. Il ne faut pas simplement faire des expertises, il faut pas juste faire de la formation, il faut bien entendu évaluer les résultats. C'est le contrôle de la qualité, comme n'importe quelle organisation doit faire. Et ça aussi, en matière d'expertise médicolégale, il faut, en termes de relation, bien regarder et faire le contrôle de la qualité sur le suivi des critères d'imputabilité d'un accident, ou plutôt de séquelles physiques ou psychiques à un accident. Ce contrôle de la qualité est un élément essentiel de tout programme ou de toute activité, quelle qu'elle soit. Et la Société des médecins experts endosse complètement cette politique de contrôle de la qualité et elle en est un défenseur.

En aucun moment, la Société des médecins experts n'a-t-elle été saisie par un de ses membres ou tout autre médecin expert d'une plainte d'ingérence de la SAAQ dans un dossier. Lorsqu'il y a une demande de précision dans un dossier de la part des médecins évaluateurs à la SAAQ, c'est pour préciser une donnée, pour demander des éclaircissements parce que l'opinion n'est peut-être pas assez claire, mais jamais, à notre connaissance, n'y a-t-il eu la moindre interférence dans les conclusions du médecin expert, sauf si, à l'évidence, les conclusions ne reflètent pas l'ensemble des réflexions du dossier. En d'autres termes, jamais la SMEQ n'a-t-elle eu la moindre plainte d'un de ses membres à l'effet que la Société de l'assurance automobile du Québec avait demandé à un expert de modifier de quelque façon que ce soit la teneur d'une opinion. On peut donc affirmer sans aucune restriction que les médecins experts qui évaluent une victime à la demande de la SAAQ le font sans aucune pression, sont certainement indépendants de leur opinion et que celle-ci est toujours respectée.

Quant à l'argument monétaire ? certains disent: Les médecins experts sont payés par la SAAQ ? qu'on nous permette d'affirmer que, s'il peut jouer un rôle d'attrait sur quelques rares médecins spécialistes, il n'est certainement pas un facteur important. Comment expliquer, sinon, la difficulté qu'a la SAAQ de trouver des médecins prêts à faire de l'expertise médicolégale, particulièrement dans la région de Québec, en ce qui concerne une spécialité que je connais plus, la neurochirurgie?

De plus, la formation en médecine d'expertise deviendra obligatoire. Donc, ceci demande un investissement en temps et en argent. Je vous ai parlé de la formation, du cours d'expertise médicolégale et d'assurance. Sur un horizon de 10 ans ? c'est ce que nous nous sommes donné ? nous espérons que tous les médecins du Québec qui feront de l'expertise médicolégale, que ce soit pour des assureurs privés, des organismes publics ou pour d'autres personnes, aient suivi cette formation de façon à s'assurer d'une qualité égale allant partout sur le territoire. Je vous rappelle qu'en Europe la médecine médicolégale est une formation reconnue comme telle et que ce ne sont que les médecins qui sont diplômés dans cette formation qui peuvent faire de l'expertise médicolégale.

Comme société savante, donc dévouée à la qualité de l'expertise médicale, nous ne pouvons que nous réjouir de l'absolue neutralité de la SAAQ dans toutes ses demandes d'évaluation médicale indépendante. Il est essentiel pour un expert de bien connaître la loi qui régit les cas qui lui sont donnés en expertise et c'est pourquoi la Société de l'assurance automobile du Québec rencontrait et rencontre encore les médecins qui veulent faire de l'expertise pour la SAAQ. Nous sommes parfaitement confortables avec cette attitude. La première qualité d'un médecin expert, c'est de bien connaître la loi qui dirige ou qui gère le cas qui est sous son étude, bien entendu.

Les médecins spécialistes, par ailleurs, qui reçoivent un patient en salle d'urgence, qu'il s'agisse d'un accident de travail, d'un accident d'automobile ou de tout autre type d'accident, s'occupent essentiellement du patient qui est en face d'eux et jamais, à notre connaissance, n'y a-t-il eu la moindre interférence mentale, si je puis dire, d'un médecin spécialiste à l'effet que le patient qu'il voit arriver est un médecin... est un patient accidenté de la route ou de la CSST. Ceci relève pour le moins de critiques qui sont extrêmement difficiles à supporter, dirais-je. Les médecins sont des gens qui ont une formation. Ils traitent les patients lorsqu'ils les voient arriver et, lorsque la loi leur demande de faire une évaluation ultérieure, bien entendu, ils la feront.

Il faut ici faire cependant une grosse différence entre un médecin traitant, l'évaluation que peut faire un médecin traitant, et un médecin spécialiste. Un médecin traitant, de par sa formation, de par ce qu'il est, doit être le procureur de son patient en quelque sorte. Et ce n'est pas pour rien que le Collège des médecins a donné dans son code de déontologie aux médecins experts une phrase qui souligne que le médecin traitant ne peut, sauf occasion exceptionnelle, être un médecin expert pour son patient. Il est quasi impossible en fait d'être médecin traitant, donc d'être le procureur de son patient et d'en être aussi un médecin expert qui, par devoir, doit être en retrait et avoir une objectivité face à ce cas-là.

Je vous donne des exemples... un exemple très simple. Imaginez un médecin dans une région éloignée où il y a peu de densité de population. Il y a une seule usine, une papeterie pour prendre un exemple tout à fait au hasard, qui décide de fermer ses portes. Le médecin connaît dans le village tous les habitants. Il connaît, bien entendu, tous les employés. Si on sait que l'usine va fermer et qu'un travailleur est sous un régime quelconque de protection, il devient très difficile pour le médecin qui soigne cette région-là, qui soigne les patients, de vraiment faire la part des choses et de ne pas accorder ? et c'est tout à fait humain ? à son patient des bénéfices quelconques qu'il serait en droit évidemment d'obtenir s'il en a droit, mais peut-être d'étirer un peu l'élastique s'il ne peut les obtenir. Donc, il faut faire une grosse différence entre la qualité de médecin traitant et la qualité de médecin expert.

Par ailleurs, le médecin traitant a un contrat d'obligation de moyens avec son patient et il doit donc protéger ses droits. En termes d'invalidité, il est aussi un peu paradoxal d'entendre le discours de certains qui jugent ne pas être traités avec équité après un accident d'automobile, alors que des personnes handicapées souvent beaucoup plus lourdement mais pour d'autres causes revendiquent, et à juste titre, le droit d'être traitées avec équité, particulièrement dans l'accès au travail.

L'indépendance des médecins experts qui effectuent des mandats pour la SAAQ est aussi assurée par des mécanismes de contrôle mis en place par la Société pour la délivrance des mandats. Aucun médecin expert, sauf exception dans des spécialités à grande pénurie d'experts médicolégaux, ne peut effectuer plus d'un certain nombre d'expertises par année pour la SAAQ, et les experts sont choisis de façon aléatoire.

n (10 h 50) n

L'indépendance des médecins experts est aussi assurée par la qualité des médecins spécialistes qui oeuvrent dans notre réseau. Il serait pour le moins très paradoxal et très curieux qu'un médecin que vous consultez à l'urgence ou à son bureau pour sa compétence deviendrait tout à coup incompétent, ou subjectif, ou partial lorsque vous le rencontrez pour une expertise médicolégale.

Le deuxième volet que je veux aborder plus rapidement est celui de la SAAQ et du réseau de santé au Québec. Tant comme médecins experts que comme neurochirurgiens, nous ne pouvons que nous féliciter du travail énorme qui a été fait par la Société de l'assurance automobile depuis près de 25 ans maintenant. La SAAQ a été extrêmement impliquée dans la mise en place d'un réseau de santé beaucoup plus performant en traumatologie. Et, personnellement, pour avoir traité pendant 20 ans une foule de patients traumatisés cranio-encéphaliques modérés et sévères ainsi que des patients traumatisés rachidiens ? de la moelle ? il est évident et notoire pour tous ceux qui travaillent dans le réseau que la SAAQ a grandement contribué à apporter à l'ensemble des citoyens une protection hors pair qui ne trouve d'égale nulle part. Qu'il suffise de mentionner les centres d'excellence en traumatologie, les commandites de formation continue en traumatologie, tant médicale que périhospitalière, les cours de formation en prévention, les mandats de surveillance de la qualité des véhicules, les publicités radiophoniques et télévisées, et j'en passe.

En ce qui concerne les cours de formation, j'ai eu l'honneur d'être impliqué de façon assez intense dans la formation d'un cours sur les entorses cervicales, qui est le grand fournisseur, si je puis dire, d'invalidités au niveau de l'assurance automobile, et la SAAQ n'a jamais eu la moindre interférence dans le contenu scientifique du cours que nous avons donné à de multiples reprises depuis plusieurs années.

Toutes ces activités de formation ont permis de doter le Québec d'un des taux de mortalité et de morbidité routières les plus bas du monde industriel, et vous l'avez certainement vu dans le fascicule qui a été publié pour cette commission. Et je vous rappellerai que l'évolution du nombre de victimes décédées en 25 ans, en 20 ans est faramineux. On est passé de 18 000... pardon, 1 800 victimes à moins de 800 en 1999, ce qui est énorme. Et, quand on regarde la courbe de décroissance des victimes décédées d'accidents automobiles par rapport au nombre de véhicules sur la route, c'est encore plus flagrant. Et, en ce qui concerne les blessés graves, il y a une diminution de 32 %. Et, là aussi, c'est dû aux mesures de prévention et à toutes sortes d'autres mesures, et en particulier aux mesures mises en place par le réseau de traumatologie au Québec.

Je termine par quelques réflexions, en guise de conclusion. Là, c'est autant le neurochirurgien que le médecin expert et même le citoyen. Le régime «sans égard à la faute» doit être gardé. Et permettez-nous de souligner ? et cela est mentionné dans le document de référence ? ce que la majorité d'entre nous, en première ligne, qui traitons ces patients savent empiriquement: La plupart des personnes qui causent un accident ? on parlait tout à l'heure des personnes avec état d'ébriété ? la plupart de ces personnes-là sont insolvables et les poursuivre ne servira pas leurs intérêts ni les intérêts de la société. Les familles, qui sont déjà le plus souvent des victimes, en particulier des gens qui ont des problèmes d'alcoolisme, le seront encore plus, parce qu'il n'y aura pas de revenus qui vont entrer régulièrement. Et enfin, mentionnons que cela ne pourrait être qu'un processus extrêmement long et complexe. En particulier, il faudrait faire la preuve que la personne a eu un comportement criminel. Donc, est-ce qu'on va la compenser pendant ce temps-là jusqu'à ce que la preuve ait été faite? Et là on va entrer dans des problèmes encore plus importants au niveau de l'expertise médicolégale.

Enfin, je terminerai simplement en disant que la SAAQ, par ses activités de formation continue, par son implication dans la communauté médicale, par sa présence dans le réseau de la santé, par la qualité de ses interventions, a permis au Québec de faire des pas de géant dans la prévention des accidents routiers, dans la baisse de la mortalité et de la morbidité qui y sont associées, dans l'étude de la compréhension des mécanismes intimes des blessures du système nerveux central, par l'octroi de bourses de recherche. Et c'est toute la société québécoise qui bénéficie de la vision de cet organisme parapublic qui est un modèle pour de nombreux États.

La Société des médecins experts, pour sa part, ne peut que se féliciter du dynamisme de la SAAQ et des dirigeants et décideurs publics qui lui ont donné ? et continuent de faire ? une vision marquée au sceau de la générosité et du service public. Merci de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, Dr L'espérance. Je vous avoue qu'en vous écoutant... C'est qu'on vit des paradoxes comme c'est pas possible. Quand on sait qu'on a baissé le nombre de décès de plus de 1 000, c'est pas des farces, on jurerait que la situation est deux fois pire qu'elle était quand on écoute tout ce qu'on peut entendre sur certaines lignes ouvertes et lire certains articles de journaux. C'est comme si le Québec n'avait pas évolué, pas une minute.

Prenez toute la question des traumatismes crâniens, etc. C'est pas croyable, les pas de géant qu'on a franchis avec une prime qui a pas bougé dans 18 ans. Ceci dit, ça veut pas dire, par contre, qu'il y a pas des améliorations dans la façon de répondre aux citoyens dans certains cas, etc.

Mais je voudrais profiter de votre présence parce que j'ai lu une transcription d'André Arthur avec Me Bellemare et j'ai lu votre réponse. Et je vais déposer votre réponse à la commission officiellement pour que les membres de la commission puissent en prendre connaissance.

Document déposé

Vous savez que les médecins experts, tout en ayant une formation spécifique, vous êtes royalement charriés par certains avocats qui, eux, choisissent d'autre part toujours le même expert externe, eux autres aussi. Ça, ça m'a frappé: Va à telle place, tu vas avoir une bonne expertise. Va pas voir lui, il est pour la SAAQ; il est acheté, il est vendu. C'est ça que vous entendez quotidiennement. Et je suppose que vous avez un code de déontologie tout aussi fort que celui du Barreau ou des... ou des avocats.

Mais, ceci dit, sans mettre en opposition les codes d'éthique, je trouve ça dommage, la perception qui est véhiculée sur le terrain. Comment on peut se sortir de cela pour éviter, par exemple, que... Moi, je me souviens, dans ma petite ville, c'était toujours le même médecin qu'il allait voir pour contester ceux de la SAAQ. Comment expliquer cela que... C'est-u parce qu'on a trop judiciarisé le système? Comment... Comment vous évaluez les motifs ou les raisons qui amènent des gens à poser des jugements? Appelez-moi, je vais vous donner la liste de médecins qui ont de l'allure. Je l'ai entendu de mes oreilles et je l'ai lu de mes yeux.

Et je trouve ça dommage, moi, qu'un système soit charrié, alors qu'on l'a amélioré d'une façon aussi radicale, puis on a toujours des objectifs puis c'est pas encore suffisant, c'est encore trop... C'est-à-dire, ce qu'on fait est insuffisant. C'est encore trop, 750 et quelques morts. Mais on est parti de quelque part pour arriver là. Comment vous expliquez ça, cette attitude carrément négative et agressive contre un système qui a fait ses preuves puis qui constitue, à mon point de vue, une des fiertés du Québec depuis 1977? Comment vous expliquez ça, vous?

M. L'Espérance (Georges): Je partage certainement votre opinion sur le fleuron qu'est la Société de l'assurance automobile du Québec pour l'ensemble de la population. Il y a vraisemblablement de multiples facteurs à de telles perceptions. Je dirais simplement que les mécanismes qui sont en place, je crois, même s'ils sont peu connus de la population, suffisent pour la plupart à garantir l'objectivité des médecins experts. Peut-être qu'il faudrait que ce soit plus publicisé, plus transparent.

À la Société de l'assurance automobile, les médecins experts sont choisis selon une liste à tour de rôle. Alors, ils ont besoin du Dr Fréchette en orthopédie, bien, c'est lui qui arrive sur la liste. Ils ont besoin d'un neurochirurgien, ils prennent le suivant sur la liste, etc. Donc, c'est à tour de rôle.

À la Société des médecins experts, lorsqu'une personne téléphone pour avoir un nom, nous fonctionnons exactement de la même façon: Quelle est la spécialité qui vous intéresse? Bien, je voudrais avoir un médecin expert en maxillo-facial. Alors, la secrétaire prend la liste de maxillo-facial et donne le nom qui est suivant sur la liste, et ainsi de suite. Donc, il y a vraiment aucun biais quelconque, et ça, tout ce qu'on peut dire, c'est l'affirmer. C'est comme ça que ça se... c'est comme ça que ça se fait.

n (11 heures) n

L'élément de... Un des éléments de réponse à votre question est certainement ce qu'on appelle en épidémiologie ou en statistiques les «effets de biais de sélection». 95 % de la population accidentée va être traitée, compensée, et ils en sont heureux. Et le 5 % qui sera pas content, pas heureux, bien il va faire du bruit. C'est toujours la même chose, les courbes de Pareto. Moi, je suis frappé parce que ma pratique m'a amené à ça, à voir des patients traumatisés crâniens encéphaliques sévères ? là, on parle de patients qui définitivement ne peuvent plus avoir de vie professionnelle et ont parfois un peu de vie relationnelle dans leur famille ? ou encore des traumatisés médullaires qui se retrouvent en chaise roulante. Jamais ces patients-là ne se plaignent, jamais ou, en tout cas, à 99,9 %. Ils ont une prise en charge qui est complète: ils sont compensés pour leurs séquelles, ce qui est une chose; ils sont compensés pour leur rééducation; ils sont compensés pour la réinsertion sociale; ils sont compensés pour l'indemnité du revenu pendant cinq ans puis, par la suite, replacés sur le marché du travail. Mais ça, c'est souvent peu connu.

Et je me souviens d'un médecin, qui est omnipraticien, qui faisait pas partie de la Société des médecins experts, qui, il y a quelques années, a fait les manchettes des journaux, en disant: La SAAQ ? et la CSST d'ailleurs, tout le monde dans le même paquet ? compense très mal les citoyens par rapport à d'autres pays. Évidemment, si on regarde juste la portion «compensation pour déficit», elle peut être inférieure à ce qu'on peut voir de temps en temps aux États-Unis, des gros lots, mais, par contre, on oublie tout l'autre volet qui est celui de la réinsertion. Et, pour reprendre un mot, qui est extrêmement connu, de Félix Leclerc: Il y a rien de pire pour tuer un homme que de le mettre au chômage. Et c'est la même chose en invalidité: de dire à quelqu'un de 45 ans qu'il ne peut plus travailler parce qu'il a un mal dans le dos ou un mal de cou suite à une entorse cervicale, c'est de le tuer, c'est de le tuer dans ses relations avec sa famille. Ce n'est pas tout de dire qu'un patient a une pathologie invalidante, encore faut-il le démontrer, et ces patients-là font malheureusement plus de bruit que l'ensemble des autres.

Et je vais terminer cette longue réponse en parlant encore une fois des traumatisés crâniens encéphaliques. Depuis quelques années, la SAAQ a mis en place des mécanismes ? et ça, j'ai vécu la mise en place de ça ? d'infirmières cliniciennes spécialisées qui, dès qu'un patient arrive à l'hôpital, qui a un accident d'automobile, qu'il soit 11 heures le soir ou six heures le matin, l'infirmière est près du patient et de sa famille. En l'espace de deux à trois heures, le temps de faire ça, la SAAQ est au courant qu'il y a un patient qui est sous sa gouverne, si je puis dire. Et, par ailleurs, il y a un dépistage immédiat de traumatismes crâniens encéphaliques. Donc, les patients sont pris en charge et leurs familles sont prises en charge de façon extrêmement rapide. Alors, une grosse partie de l'explication vient du biais de sélection puis, malheureusement aussi, du journalisme... du jaunisme journalistique, devrais-je dire.

M. Chevrette: En tout cas, je reconnais, par rapport à tous ceux qui peuvent entrer dans nos bureaux de comté, comme députés, nous, ça peut être... ç'a déjà été pire, mais, depuis la prise en charge rapide, là, on a beaucoup moins de personnes qui viennent se plaindre des délais. Et il y en avait beaucoup, de cela dans nos bureaux de comté antérieurement. Et ça aussi, ça s'est amélioré, la prise en charge, avec l'entente avec les 23 hôpitaux du Québec, etc., là, qui doit toucher 80, 85 % de la population puis... Donc, on s'en ressent.

Mais, tout comme vous, j'observe que le 1 ou 2 % insatisfaits ont tout le temps d'antenne par rapport au 98 % ou presque qui sont satisfaits. Et on n'entend pas le son de cloche de ces 80 et quelques... 90 % et plus, on l'entend pas, ce son de cloche là. Et ça fait qu'on remet en question bien souvent des acquis à partir d'une perception qui est créée exclusivement par une minorité et non pas par une majorité. Ça, ça m'inquiète beaucoup.

Je voudrais vous remercier de votre témoignage et je vais laisser à ma collègue de Matapédia le soin de vous poser des questions.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée. Oui, monsieur le... Allez-y.

M. Chevrette: M. L'Espérance.

M. L'Espérance (Georges): Juste compléter. Il y a un phénomène sociétal qui est extrêmement important, qui touche tant l'assurance maladie que le système... l'assurance automobile, pardon, que l'assurance maladie, c'est l'amnésie globale de la société lorsqu'on met en place de tels systèmes. Les gens ont oublié ce que c'était que d'avoir un accident avant 1978 puis de se retrouver lessivé, de la même façon qu'ils ont oublié ce que c'était que d'être malade avant 1970 et d'être lessivé pour le restant de ses jours. Et ça, c'est ce qui arrive quand on a des systèmes publics comme ça, mais il faudrait peut-être le répéter plus souvent, ce genre d'élément là.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, moi, je trouve ça extrêmement intéressant de vous entendre, parce qu'on n'est pas des experts de ces questions-là, mais on a souvent, dans nos bureaux, comme M. le ministre le disait, des personnes qui ont subi des accidents de voiture, et souvent... ou de travail. Et on les a, nous autres, je dirais, les plus difficiles, là, peut-être le 5 % dont vous avez parlé tantôt. Alors, moi, c'est... On les a beaucoup par rapport aux séquelles permanentes, bien sûr, qu'ils ont eues, mais au suivi, dans les années qui suivent, là, les séquelles qui viennent de leur... de l'événement qui est arrivé et, dans le fond, ce qui est induit, ce qui s'ensuit.

Et, moi, j'aimerais ça que vous nous parliez davantage... parce que les experts, c'est ça. Nous, les experts ? les experts, tu as un tel médecin puis tout, puis c'est délicat... Comme députés, on peut pas appeler directement un cardiologue ou un orthopédiste puis lui dire: Écoutez, vous avez... Puis que ce soit le médecin généraliste... Et, nous, on a les rapports. On a accès aux rapports médicaux. On regarde ça puis on essaie de comprendre.

Alors, moi, ça me rassure quand vous me parlez du comité d'experts qui essaie de rester un petit peu au-dessus de cette mêlée-là et où il y a souvent des émotions, des intérêts extrêmement sensibles pour les personnes et pour les familles et les proches. Et, moi, par rapport à l'expert, par exemple, dans le suivi qui est fait suite à l'événement, est-ce que, quand vous parlez de rotation et d'y aller de façon aléatoire... Vous êtes aussi appelés, dans les suites des événements, peut-être un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans plus tard, pour voir qu'est-ce qui est induit suite à l'accident d'automobile et la perte de capacité. Comment ça fonctionne? Ça, c'est la première partie de ma question. Est-ce que c'est aussi de façon aléatoire ou si on va rechercher le premier expert ou les premiers experts? Parce que, des fois, il y en a plusieurs au dossier, j'imagine.

Et mon autre question, c'est: Dans les régions, ç'a pas d'importance votre comité d'experts? Ils sont partout au Québec ou s'ils sont concentrés? C'est sûr qu'en spécialité, souvent, c'est dans les grandes villes du Québec, mais est-ce qu'il y en a suffisamment au Québec, de tous ces experts-là dont on a besoin? Je ne sais pas. J'aimerais mieux avoir le portrait du Québec par rapport à ça.

M. L'Espérance (Georges): Madame, en fait, la Société des médecins experts regroupe des médecins. Il y en a évidemment plus à Montréal. Il y en a à Québec. Il y en a aussi dans l'Estrie et il y en a dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean, bien entendu, jusqu'à un orthopédiste, par exemple, qui est dans l'Abitibi. Mais, évidemment, la localisation géographique dépend de ce qu'un médecin spécialiste dans une spécialité donnée veut faire de l'expertise. Alors... Et, par ailleurs, il doit être membre. Il doit faire sa demande à la Société des médecins experts.

Pour répondre à votre question sur la suite des événements, si je puis dire, c'est...

Mme Doyer: C'est surtout là qu'on a les plaintes, nous.

M. L'Espérance (Georges): Vous avez raison. Un patient a un accident quelconque... Puis c'est la même problématique au niveau de l'accident de travail, hein, c'est la même chose.

Mme Doyer: Exactement. Ce que MM. Chartrand et Banville, depuis des années, trimballent de tous azimuts.

M. L'Espérance (Georges): Le patient a un accident quelconque. Il est examiné. Il est considéré comme consolidé, c'est-à-dire que sa blessure ne peut plus évoluer et son état de santé est stable. On lui donne un déficit anatomophysiologique puis on lui donne une compensation et on lui dit: Bon, bien, vous pouvez retourner au travail ou vous pouvez retourner au travail dans un travail modifié. Quatre, cinq, six ans après, le patient a d'autres malaises et consulte pour savoir si c'est en relation avec son accident. Là vient toute la problématique de la relation causale. Et ça, bien entendu, ça pose des insatisfactions chez les gens.

N'importe quel patient qui a eu un accident dans sa vie ? ce qui est quand même un élément, là, traumatisant, c'est le cas de le dire ? va avoir tendance à rapporter, dans les années qui viennent, son problème à cet accident-là; c'est un élément marquant dans sa vie. Alors, pour lui, tout ce qui vient ultérieurement est dû à. Et c'est là où il y a une incompréhension, je dirais, profonde, mais tout à fait légitime de la part des patients et aussi de certains médecins traitants, qui, bon, la plupart du temps ne sont pas spécialistes et qui disent: Bien, écoute, si tu as fait un infarctus à 50 ans, puis, avant ça, tout le monde est en santé dans ta famille, puis il y a pas de problème cardiaque, puis tu as eu un accident à 45 ans, bien, c'est parce que, forcément, tu as eu du stress, tu as eu de la tension puis tu as mal mangé après, puis donc tu as fait un infarctus. Bon. Je caricature, mais c'est ça qui se passe dans l'esprit des gens. Et, encore une fois, c'est légitime de l'expliquer ? ça, c'est un tout autre problème ? et puis de faire les éléments de relations causales.

Et, pour répondre de façon spécifique à ce qui s'ensuit, je ne connais pas les politiques exactes de la Société de l'assurance automobile en ce qui concerne la révision des dossiers ultérieurement, mais, moi, il m'est arrivé de voir des dossiers où il y a déjà eu d'autres collègues qui avaient été impliqués. Je ne crois pas qu'il y ait un choix particulier d'un médecin. C'est vraiment, je crois... Sous réserve, je pense que c'est de façon aléatoire. Il est exceptionnel que l'on voit le même médecin qui revient en expertise par la suite. Ça pourrait survenir lorsqu'un médecin... Ça pourrait survenir dans des conditions particulières, exemple, un psychiatre qui voit un patient, l'évalue et puis dit: Bien, il a encore des séquelles, à revoir dans six mois, réévaluer pour tel, tel, tel problème. Ça, éventuellement, ça pourrait être lui qui le revoit. Mais, à ma connaissance, là, c'est pas la règle.

Mme Doyer: Je vous remercie, M. L'Espérance.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

n (11 h 10) n

M. Chevrette: Peut-être une petite question, une petite dernière question. Vous avez assez bien expliqué, je crois, l'état dans lequel se retrouve un médecin de famille. Ça nous est demandé beaucoup, ça, par les groupes, que le médecin de famille puisse être celui qui contre-expertise parce qu'il connaît le patient, etc. Puis je dois vous avouer que c'est la première fois que j'entends, par exemple, exprimer publiquement dans quelle situation on place un médecin de famille. Et, moi, je vous avoue, dans d'autres cas de comté ? il faut que la population sache ça aussi ? quand quelqu'un a une grosse famille, puis il a son médecin de famille depuis 30 ans, puis qu'il dit: Moi, là, je m'excuse, mais tu vas me donner un certificat médical à peu près à perpète, là, tu sais, puis qu'il te rentre dans le bureau de comté avec un collet gros de même puis des béquilles, puis qu'une demi-heure après tu le vois embarquer sa chaloupe sur son quatre-par-quatre parce que tu as eu la malchance de te trouver là... C'est vrai qu'il y a des individus... Mais ce que je veux...

Je veux pas, par mes propos, par exemple, dire que c'est la grande majorité. C'est pas parce qu'il y a quelques médecins ou quelques individus qui fraudent un système qu'il faut condamner le système. Je pense qu'on a, règle générale, un assez bon système puis je pense que les gens... On doit respecter le serment d'office et le professionnalisme de nos gens, qu'ils soient défenseurs des accidentés, ou qu'ils soient expertiseurs d'accidentés, ou qu'ils donnent des traitements aux accidentés ? il doit y avoir un respect collectif des codes d'éthique dans cela ? puis dire à nos concitoyens qu'il faut pas se laisser embarquer sur une piste où seulement les exemples... les mauvaises expériences ou seulement les aberrations du système soient mises en évidence, alors qu'on a peut-être un joyau justement au Québec qu'il faut conserver. Je vous remercie, docteur.

M. L'Espérance (Georges): Oui. Si vous permettez, vous avez parfaitement raison de dire que, dans toutes les études, qu'elles soient européennes ou américaines, qui concernent tous ces problèmes d'invalidité et d'évaluation médicolégale, le problème des fraudeurs, entre guillemets, ne représente... il représente moins que 5 %, sauf que ce sont ces gens-là qui, évidemment, font du bruit et se retrouvent dans les journaux et ailleurs. Et ça, tout le monde le sait.

Maintenant, à côté de ça, il y a des gens, il y a une frange ? 20, 30 % ? de gens qui sont pas du tout fraudeurs, mais réellement convaincus que leur état a apporté une condition qui fait qu'ils ne peuvent plus travailler, et c'est là où, maintenant, on le sait de plus en plus ? c'est vrai pour les cervicalgies, c'est vrai pour les lombalgies ? qu'il y a un phénomène psychosocial qui est extrêmement important qui entre en ligne de compte dans ça.

Et je suis content de voir que vous avez relevé que j'avais parlé de l'impossibilité, je dirais, pour un médecin traitant d'être complètement objectif. C'est comme si on demandait à un avocat d'être en même temps le juge. Je veux dire, un médecin traitant est là pour être le procureur de son patient, et c'est très bien comme ça, parce qu'à ce moment-là on arriverait à un médecin traitant qui dit: Écoute, je te donne pas cette pilule-là, parce que le gouvernement la paie pas, puis je pense que ce sera pas correct. Non, on peut pas faire ça. Il faut vraiment qu'il y ait une indépendance importante, tant du médecin traitant que du médecin expert.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission, Dr L'Espérance. Comme le disait le ministre, on reçoit des gens à nos bureaux de comté, et, malheureusement, c'est toujours des gens, généralement, qui sont insatisfaits. Depuis huit ans en politique, il y a personne qui est rentré dans mon bureau pour me dire qu'il était bien content d'une chose. Donc, c'est normal qu'on a à l'esprit tous les cas qu'on nous raconte.

D'entrée de jeu, je peux vous dire que les médecins experts au Québec ont excellente réputation, sauf que, naturellement, comme dans tout système, il y a toujours des choses qui sont à parfaire. Vous avez dit d'ailleurs que vous vous occupez de formation de vos médecins experts. On nous dit souvent, dans les cas qui nous sont présentés dans nos bureaux de comté à travers le Québec ? je suis convaincu que c'est pareil pour tous les députés ? qu'il est difficile d'avoir un rapport dans un temps raisonnable d'un médecin expert. On connaît la situation de... l'état du réseau de la santé au Québec. Souvent, les médecins experts sont débordés. Donc, il devient plus difficile d'avoir un rapport de façon rapide. Les gens viennent nous dire à notre bureau: Ça prend du temps, avoir un rapport. On sent aussi que le médecin expert, lorsqu'on lui en demande à l'occasion, il trouve ça agaçant lorsqu'il est débordé et qu'il a de la paperasse à remplir.

Dans votre formation suggérée, est-ce qu'il y a un volet qui va être dédié à ça? Est-ce qu'il y a des directives qui sont données à vos médecins experts pour collaborer le plus rapidement possible avec ces gens-là? Parce qu'on sait quel est l'état de ces gens-là. Souvent, ils sont sans revenu et ils attendent un rapport justement afin de subvenir à leurs besoins. Est-ce qu'il y a une directive qui est donnée aux médecins experts en cette situation-là?

M. L'Espérance (Georges): Vous me corrigerez, je crois que vous faites plus ici référence aux certificats d'assurance, quels qu'ils soient, qu'un médecin doit remplir. La seule formation qu'on peut dire, c'est à tous les médecins. Et on devrait le faire d'ailleurs, vous avez tout à fait raison, mais ça, ça devrait se faire sur les bancs d'école, si je puis dire. Il faut comprendre qu'un certificat d'assurance, quelle que soit l'assurance, là, pour un médecin, pour un patient plutôt, est une tâche que le médecin doit faire parce que, effectivement, il peut attendre après une rémunération, sa famille, etc. Donc, ce sont des choses importantes.

Il est vrai que les médecins, règle générale, n'aiment pas trop remplir ça. Il y a probablement une question de rémunération qui est attachée à ça. Bon. Ceci dit, on parle ici de tous les médecins de façon générale.

En ce qui concerne les médecins experts, quand on leur demande une expertise, c'est cédulé dans le temps. Généralement, ça se fait à l'intérieur d'un mois, et il y a un organisme quelconque ? parfois mais rarement le patient qui paie ? mais il y a un organisme quelconque, le syndicat, un assureur, qui paie l'expertise, et c'est établi dans le temps: Mercredi après-midi, à 14 heures, c'est vous qui passez.

Et ça, normalement nous avons des règles d'éthique qui demandent que le rapport soit expédié dans les sept jours ouvrables. Généralement, ça se fait assez bien. Certains organismes, dont la Société d'assurance automobile et, je crois aussi, la Régie des rentes ? et je me demande si la CSST ne le fait pas aussi, mais là je ne suis pas certain ? ont une petite majoration monétaire si le rapport rentre dans les trois à quatre jours. Alors, vous voyez que les incitatifs sont en place pour faire ça. Mais il faut différencier le niveau expertise du niveau rapport d'assurance.

M. Brodeur: Nous avons discuté abondamment, dans les séances précédentes, des conséquences secondaires suite à un accident, suite à une blessure. Je ne me souviens pas si c'était un médecin ou quelqu'un d'autre qui est venu nous parler, par exemple, d'un exemple de quelqu'un qui est blessé au genou dans un accident d'automobile et que, quelques années par la suite, la même personne a des problèmes de dos, par exemple, qui sont possiblement causés par le problème de genou. On sait, par conscience professionnelle, que peut-être qu'un médecin expert ne peut pas jurer, jurer que ça vient de son problème au genou, mais, dans toute probabilité, il est possible, il est possible que la conséquence secondaire provienne de l'accident d'automobile auquel... la blessure était reliée tout à fait à autre chose, là. Est-ce qu'il y a des méthodes précises de déterminer au moins dans la balance des probabilités que cette conséquence secondaire là a rapport avec l'accident qui a eu lieu peut-être plusieurs années auparavant?

Parce qu'il y a plusieurs accidentés de la route qui sont lésés, lésés justement par ? on peut pas dire «lésés par un rapport d'expert»... parce que, souvent, on ne peut pas jurer hors de tout doute raisonnable que ça provient de cette blessure-là, mais la grande probabilité est que oui. Quel est l'état d'esprit du médecin expert lorsqu'il vient pour rédiger un rapport? Est-ce que la probabilité doit être à toute épreuve ou la balance des probabilités est supérieure ou moins bonne ou... Je ne sais pas qu'est-ce qu'on prend dans ce temps-là.

M. L'Espérance (Georges): En termes de... C'est une très bonne question, c'est celle à laquelle nous sommes confrontés régulièrement. En termes de responsabilité civile, c'est la notion de «probabilité» qui importe. Il est plus probable que cette situation soit due à qu'il est probable que ce soit l'inverse. En criminel, bien entendu, c'est l'inverse; il faut que ce soit hors de tout doute. En civil, on n'a pas ça et, en médecine, très souvent on n'a pas ça. J'ai l'habitude de dire que nous avons deux certitudes en médecine: la naissance puis la mort. Il y a les impôts aussi qu'on peut rajouter. Mais le reste du temps, en médecine, il y a toujours du flou.

Maintenant, il y a deux façons de répondre à ça pour un médecin expert, et ça, ça demande de l'expérience, ça demande des études, ça demande de bien connaître la littérature. Il y a ce qu'on appelle la «référence aux critères d'imputabilité». Alors, il y a une liste de critères d'imputabilité qui sont huit acceptés. Donc, on doit répondre à chacune de ces questions-là pour savoir s'il y a une relation entre une allégation d'un problème quelconque et un accident. Il y a aussi la deuxième méthode qui est un peu plus courte, mais qui revient un petit peu à la même chose, c'est de se dire: Does it occur? Can it occur? Ou.... Et puis, l'autre, je ne me souviens plus en anglais. En d'autres termes, est-ce que cette relation-là peut exister sur le plan physiologique? Je vais reprendre votre exemple: un patient qui a eu une blessure à un genou dans un accident en 1992, est-ce que son mal de dos en 2001 est relié avec son accident de genou? Est-ce que ça peut arriver sur le plan anatomique? Si le patient a pas du tout eu de blessure au dos initialement, ça paraît un petit peu agaçant.

n (11 h 20) n

Deuxièmement, est-ce que ça peut se produire sur le plan... Est-ce que ça s'est déjà produit à quelque part? Alors là c'est une recherche de la littérature: est-ce que ça s'est déjà produit qu'un patient qui a été blessé au genou en 1995, six ans plus tard, présente un problème de lombalgie? Donc, il y a ce type de raisonnement là qu'il faut faire. Et, encore une fois, je suis bien conscient que c'est un raisonnement qui est un petit peu, peut-être, ésotérique et que, pour la victime qui, elle, est convaincue de son bon droit, toutes les réflexions que pourront faire les médecins experts, les avocats et même les juges ne sont que broutilles. Cette victime-là est convaincue de son bon droit. Maintenant, comme médecins experts, nous, on doit se coller à notre science, si je puis dire, aussi imparfaite soit-elle, et, comme organisme public ou comme payeurs, bien, j'imagine qu'ils ont des devoirs de gérer en bons pères de famille. À ce moment-là, je veux dire, c'est le bar ouvert, et, bon, il y a rien qui est bon dans un sens ou dans l'autre, là. Mais c'est pas toujours facile.

Maintenant, ce n'est pas du tout au médecin expert de décider s'il va donner une chance au coureur, si je puis dire.

M. Brodeur: Le bénéfice du doute.

M. L'Espérance (Georges): Le bénéfice du doute. Le bénéfice du doute en médecine d'expertise ne doit pas exister. Le médecin expert doit dire qu'il est plus probable que ou il est moins probable que. Et ce sera à l'assureur ou au mandant, quel qu'il soit, de décider si, dans tel cas particulier, considérant l'ensemble du dossier, lui, il accorde l'invalidité ou non ou la relation ou non. Mais le médecin expert doit se tenir à son travail.

M. Brodeur: Donc, il faut s'adresser à la Société de l'assurance automobile du Québec lorsqu'un médecin dit dans son rapport: Il est plus probable que; il est probable que. En fin de compte, c'est une déclaration sur laquelle la balance des probabilités est en faveur peut-être de l'assuré.

M. L'Espérance (Georges): Oui. Mais, à ce moment-là, la personne a tout à fait le loisir... Et puis, d'ailleurs, le mandataire aussi, le mandant plutôt a le loisir de demander une autre évaluation s'il juge que la première est pas satisfaisante.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, juste peut-être poursuivre dans la même veine pour... Vous nous avez expliqué pas mal, là, le fonctionnement et le rôle des médecins experts, mais je voudrais juste compléter ma compréhension à ce niveau-là. Je pense que la question que vous a posée mon collègue le député de Shefford est importante. Quand on arrive à des questions de probabilités, et on sait que c'est quasiment le quotidien d'un médecin expert, là, il y a rien de toujours très, très clair à ce niveau-là.

Mais j'enchaîne sur ce que vous mentionnez à ce moment-là, que ce n'est pas le rôle... que la chance au coureur ne doit pas exister pour le médecin expert comme tel. Bon, vous faites rapport à la SAAQ. Quand vous envoyez votre rapport à la SAAQ, qui reçoit votre rapport à la SAAQ? Et quelle est la formation de cette personne-là?

M. L'Espérance (Georges): Alors, le rapport d'expertise médicolégale jusqu'à maintenant, à ma connaissance, il est lu et évalué par des médecins de la SAAQ qui regardent si tout est correct, là. Mais je sais qu'il y a un projet ? mais je ne sais pas s'il est en marche, là, il faudrait demander aux gens de la SAAQ ? où, pour des pourcentages de séquelles petits, là, inférieurs à 2 ou 3 %, ce sont des agents d'indemnisation qui règlent ce problème-là de façon à se concentrer sur les cas plus lourds. Maintenant, je vous dis ça sous toute réserve. Il faudrait demander à la SAAQ.

M. Bordeleau: Quand vous...

M. L'Espérance (Georges): Mais, nous, quand on fait affaire avec la SAAQ pour un problème x, y, z, c'est toujours uniquement entre médecins. À ma connaissance, aucun agent d'indemnisation n'a jamais appelé un médecin pour quoi que ce soit, jamais, mais à ma connaissance, et je pense que je le saurais.

M. Bordeleau: O.K. Toutes les évaluations médicales faites directement sur un patient, est-ce que je saisis bien que c'est fait par des médecins qui sont membres de votre regroupement, c'est-à-dire des médecins experts? Toutes les évaluations?

M. L'Espérance (Georges): Pour la SAAQ?

M. Bordeleau: Oui.

M. L'Espérance (Georges): Non. La SAAQ a, je crois, au-delà de 400 experts de diverses spécialités qui travaillent pour eux ? bien, pas pour eux, mais qui font de l'expertise et qui ont une accréditation, si je puis dire, qui ont eu une formation...

M. Bordeleau: Ils sont pas salariés de la SAAQ?

M. L'Espérance (Georges): Pas du tout.

M. Bordeleau: En aucun cas?

M. L'Espérance (Georges): Il n'y a aucun lien salarial employé-employeur, d'aucune façon. Ce n'est qu'un strict lien contractuel dans le temps. Vous faites l'expertise de monsieur ou madame, et ça vous donne tant. Il n'y a aucun effet, il n'y a aucun lien.

M. Bordeleau: O.K. Alors, c'est toujours fait par des médecins externes, extérieurs à la SAAQ, qui sont soit membres de votre Société ou à l'extérieur de votre Société, qui sont considérés comme des experts. C'est exact?

M. L'Espérance (Georges): Oui, en général, la Société de l'assurance automobile fait toujours affaire avec des médecins spécialistes parce qu'ils sont spécialistes dans un domaine.

M. Bordeleau: O.K. Alors, je reviens à ce qu'on mentionnait tout à l'heure. Quand vous remettez votre rapport à la SAAQ, vous faites un rapport descriptif, au fond, là, du handicap. Est-ce que, dans votre rapport, il y a des indications précises sur le niveau d'indemnisation qui doit être remis à la personne ou si, ça, c'est déterminé par la SAAQ éventuellement?

M. L'Espérance (Georges): Non. Ce qu'on demande aux médecins, c'est de faire, bon, un diagnostic, le cas échéant, une date de consolidation, le cas échéant, assez souvent, une opinion thérapeutique, et surtout le déficit anatomophysiologique. Et ça, il y a des grilles, un barème. Et, d'ailleurs, la SAAQ, sous la direction des Drs Roberge et Phaneuf, a participé, depuis deux ans... a mis sur pied, c'est-à-dire, depuis deux ans, une révision du barème qui a été soumis à l'Assemblée nationale ? je crois que c'est l'an dernier, en tout début de 2000, si ma mémoire me fait pas défaut ? travaux auxquels j'ai participé d'ailleurs pendant deux ans, en tant que président de la Société des... l'Association des neurochirurgiens. Donc, un nouveau barème qui fait place beaucoup plus à la notion d'incapacité fonctionnelle du patient plutôt que strictement à l'incapacité physique comme telle.

Alors donc, le médecin expert doit dire: Bon, ce patient-là ? si je prends le nouveau barème pour donner un exemple ? ce patient-là, avec la blessure qu'il a à sa jambe, ne peut pas marcher plus qu'une demi-heure de façon continue. C'est tout. On lui demande pas autre chose. On lui demande de se prononcer parfois: Est-ce qu'il peut accomplir son travail, en autant qu'il a une description de tâche formelle qui est faite. Et c'est à la Société, avec tous les organismes de réadaptation, les gens qui sont à son emploi, là, ou autres, des ergothérapeutes, etc., qui vont vérifier s'il y a une concordance entre l'emploi du patient ou de la patiente et ses séquelles actuelles. Le médecin, en principe, là, n'a pas de... n'a pas voix au chapitre.

Bien entendu, le médecin n'a rien du tout à voir non plus sur l'indemnisation du revenu de façon directe ou sur quoi que ce soit d'autre. Ce qu'on demande au médecin, c'est son... ce sur quoi il est compétent, c'est-à-dire évaluer l'état physique ou psychique d'un patient et dire s'il a encore besoin ou non de traitements et si l'accident a donné des séquelles.

M. Bordeleau: Quand vous dites: «Ce qu'on demande au médecin», est-ce que vous voulez dire ce qu'on demande au médecin spécialiste expert?

M. L'Espérance (Georges): Oui.

M. Bordeleau: O.K. Alors, si je comprends bien, le rapport, au fond, avec tout ce qui peut y avoir d'ambiguïté non résolue au niveau du rapport comme tel, est remis à un médecin qui travaille pour la SAAQ et qui, lui, doit prendre ces éléments-là et en tirer une conclusion.

M. L'Espérance (Georges): En fonction des questions qui sont posées, oui.

M. Bordeleau: Pardon?

M. L'Espérance (Georges): En fonction des questions qui sont posées.

M. Bordeleau: Oui, puis en fonction des décisions qui seront opérationnalisées par la SAAQ éventuellement.

M. L'Espérance (Georges): J'imagine, oui, mais ça, sur cet aspect-là...

M. Bordeleau: Oui. Alors, on comprend...

M. L'Espérance (Georges): ...c'est plus en aval.

M. Bordeleau: Bien, je pense... J'ai pas de solution à ce niveau-là, mais on peut comprendre que, dans certains cas, si la décision finale, en bout de ligne, dans l'aspect très opérationnel de déterminer le niveau du handicap et l'indemnisation qui va suivre par la suite, demeure prise par un médecin qui ? bon, évidemment, là, je veux pas porter de jugement négatif, d'aucune façon ? qui ont une formation et qui ont un code d'éthique, qui prennent les décisions, mais il reste que, pour la population à l'extérieur, les gens sont quand même... peuvent quand même avoir une certaine réserve dans le sens que c'est un médecin qui travaille, au fond, pour un organisme et qui est rémunéré par cet organisme-là et qui, en bout de ligne, prend les décisions finales, bien qu'on peut le demander à nouveau, dans certains cas, là, comme vous le suggériez, des réévaluations de la part d'experts externes.

M. L'Espérance (Georges): C'est juste...

M. Bordeleau: Oui.

M. L'Espérance (Georges): Si vous permettez, une seconde, cet aspect-là, vous avez raison, mais il concerne moins... C'est l'aval de ce qui vient après le médecin expert. Maintenant, je vous dirai simplement que le patient est parfaitement dans son droit. D'ailleurs, la SAAQ le fait maintenant de façon spontanée, envoie l'expertise au patient. Alors, si, à l'évidence, les décisions qui sont prises par l'organisme sont incompatibles avec les conclusions du médecin expert, bien là, évidemment, le patient le voit immédiatement. Ça, c'est son droit le plus strict.

M. Bordeleau: Je veux juste... Il me reste juste quelques minutes. Je veux juste vérifier une chose que vous avez mentionnée tout à l'heure et pour bien comprendre ce que vous vouliez dire à ce moment-là. Quand on a parlé des indemnités, puis vous parliez du régime de l'assurance automobile et on parlait de la question des indemnités qui pourraient être enlevées à certaines catégories de conducteur, bon ? on parlait de l'alcool au volant tout à l'heure ? vous nous avez dit, et je cite là, que ça pourrait, pour les médecins experts, créer encore des problèmes «plus importants au niveau de l'expertise médicolégale». En quoi le fait de... le fait de restreindre, ou d'éliminer, ou de diminuer des indemnités dans certains cas particuliers pourrait avoir une incidence sur le travail des médecins qui font de l'expertise médicolégale?

n (11 h 30) n

M. L'Espérance (Georges): Je me suis peut-être mal exprimé en parlant des médecins, je voulais dire: Sur le système d'expertise médicolégale. Et ça fait référence, en contexte, là, simplement à un aspect du problème qui est celui de la non-compensation des patients qui seraient soupçonnés d'avoir eu une conduite criminelle ? appelons-la comme ça. Qu'est-ce qu'on fait? Vous avez un individu conducteur qui est victime puis, en même temps, qui était pas en règle. Est-ce qu'on le compense? Si on le compense, comment se fait le mécanisme par la suite pour venir rechercher la compensation qui lui a été donnée, si tant est qu'il est trouvé coupable? Et, à l'inverse, est-ce qu'on ne le compense pas initialement en disant: Bien il a de l'air un peu chaud, ce gars-là; on le compensera pas tout de suite puis on va attendre de voir? Puis là, avec tous les mécanismes judiciaires qui rentrent dans ça, il va avoir une compensation un an ou deux ans après. Ce que je voulais dire, c'est qu'il va y avoir une problématique médicolégale qui va être encore beaucoup plus lourde.

Et, encore une fois, on essaie de... on essaie de régler un très faible pourcentage de la problématique, et c'est sûr que ça fait les manchettes: Un tel a tué... a tué des gens puis il est compensé par la SAAQ. Mais c'est un très faible pourcentage. J'ai pas les chiffres, mais je sais que c'est extrêmement faible.

Donc, à ce moment-là, il vaut mieux, comme dans toute organisation, se dire: Écoutez, on donne une couverture qui paraît juste et équitable à tout le monde, quitte à avoir de temps en temps quelques personnes qui passent dans le tamis.

M. Bordeleau: Justement parce que c'est un pourcentage qui est peut-être relativement faible, est-ce que vous croyez pas qu'il y aurait lieu peut-être de se pencher sur cette question-là pour éviter que la population éventuellement ait une perception négative de l'ensemble du système pour une minorité de personnes qui, soit dit en passant... est quand même un problème soulevé par un très grand nombre de Québécois qui peut-être jugent mal l'ensemble du système justement à cause de ce petit cas, là, marginal qui... cette marge-là qui était quand même assez restreinte, mais qui dévalorise aux yeux du public un système?

Parce que le «no fault» en tant que tel, je pense pas qu'il y ait personne au Québec qui dise qu'on doit abolir ça et revenir à ce qu'on était au début des années soixante-dix. Excepté qu'on a... on a un problème de perception et on a un problème d'équité aussi. Et on a juste à faire une comparaison entre une personne qui, après qu'il a été jugé avoir posé un geste criminel, après qu'un jugement a été rendu par une cour criminelle, on confirme que la personne a agi de façon criminelle en créant... en tuant quelqu'un ou en blessant quelqu'un alors qu'il était en état d'ébriété et...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Bordeleau: ...et, à côté, on peut avoir une autre personne qui fait... qui fait un hold-up et puis c'est un criminel aussi. Et... Alors, j'ai l'impression que, là, il y a quelque chose qui mérite d'être regardé de plus près.

M. L'Espérance (Georges): Tout ce que...

Le Président (M. Lachance): Quelques secondes.

M. L'Espérance (Georges): Quelques secondes. Tout ce que je peux vous dire... Je vais vous donner en même temps la réponse. Je dirais que c'est un problème de perception, et les perceptions sont, dans ça comme dans autre chose, difficiles. Je vous rappelle qu'au Québec il y a unanimité contre la loi canadienne sur le... contre les jeunes contrevenants. C'est un problème de perception, là aussi. Parce que quelques jeunes récidivent, on dit: Bien tous les jeunes sont dans le même paquet. Alors, c'est... Je pense qu'il faut plus s'attaquer à la perception qu'à ce qui sous-tend cette problématique-là, à mon humble avis.

M. Bordeleau: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Dr L'Espérance, pour votre contribution aux travaux de cette commission. Et, là-dessus, je suspends les travaux de la commission des transports et de l'environnement jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

 

(Reprise à 14 h 1)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux, et je rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Alors, je demande à tous les parlementaires ainsi qu'aux personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance.

Et cet après-midi, nous allons tour à tour entendre les porte-parole de The Clifford Fisher Committee, la Fondation André Senécal, Me Jean Mercure, Droits des accidentés du travail et de l'automobile du Québec et, finalement, le Dr Ronald Denis. Alors, j'invite les représentants de The Clifford Fisher Committee à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue, madame, monsieur. J'invite le porte-parole ou la porte-parole à s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne, en vous indiquant que vous avez un maximum de 10 minutes pour votre présentation.

The Clifford Fisher Committee

Mme Morin (Lyne): Messieurs, mesdames, membres honorables du Parlement. Mon nom est Lyne Morin, et ceci est mon mari, William Fisher. Nous représentons The Clifford Fisher Committee. Nous sommes les parents de Clifford Fisher qui a été tué le 26 juin 1997 par un chauffard d'Hydro-Québec qui était grossièrement négligent.

Clifford aurait eu deux ans le 15 juillet. Un employé d'Hydro-Québec est venu chez nous pour lire le compteur. Le chauffard est venu sur notre chemin privé, à notre résidence située dans la campagne. Le conducteur s'est stationné aussi proche du compteur qu'il pouvait pour se sauver du temps. Le conducteur a vu Clifford qui jouait dans son carré de sable, mais il a négligé de savoir où Clifford aurait pu été. Le conducteur s'est dépêché pour embarquer dans son pick-up et a procédé à reculer vitement. Le conducteur a frappé Clifford derrière le pick-up et l'a tué. Moi et mes deux enfants, Kurt et Courtney, ont tous témoigné de cette tragédie, et ceci est la manière que l'histoire est supposée de finir, sous l'assurance du «no fault», qui couvre tous les accidents de véhicules. Si l'employé d'Hydro-Québec aurait laissé un fil électrique exposé ou aurait échappé un outil sur Clifford ou une manière comme cela, nous aurions pu procurer civilement l'employé d'Hydro-Québec. Comment que vous vous sentiez si ce type de tragédie aurait eu lieu chez vous à vos enfants? Ce n'est pas assez de la tragédie, mais en plus d'avoir les mains attachées parce que personne prend responsabilité.

Pourquoi ? je vous demande honnêtement ? que vous ne pouvez pas développer un système de «no fault» comme la province de l'Ontario a fait? Ils ont le «no fault», en Ontario, et ce système n'est pas aboli. Nous voulons pas abolir le système de «no fault». Nous pensons que c'est un bon... que c'est bon en autant que c'est établi justifiablement. En Ontario, un conducteur grossièrement ou criminellement négligent ne s'en sort pas sans avoir la possibilité d'être procuré civilement. Ceci est la justice, ceci est «sensable».

Quelle compagnie d'assurance logique couvrait un acte grossier ou criminel? N'importe quelle compagnie d'assurances rirait de vous et vous dirait que vous n'êtes pas couvert. C'est comme cela que le «no fault» devrait fonctionner. Le «no fault» devrait jamais être en vigueur quand un acte grossier ou criminel est fait. N'oublions pas que, quand vous voyez quelqu'un payer ou quand vous voyez quelqu'un payer le prix pour ces actions, ceci développe un précédent. Comme nous sommes des personnes humaines, n'oublions pas que nous pensons en plus avant de faire un acte grossièrement ou criminel.

Pourquoi que vous financiez des conducteurs grossièrement ou criminellement négligents? Et cela... et c'est cela qu'on enseigne à nos enfants, ce système: C'est correct si tu fais un acte criminel derrière la roue et tu te blesses, le «no fault» va payer pour toi.

Vous dites que vous pouvez pas enlever le droit d'un criminel pour profiter de l'assurance maladie et que le système de «no fault» est de la même idée. Faux. L'assurance maladie peut pas être comparée au «no fault». L'assurance maladie est utilisée dans les cas de vie ou de mort et c'est humain de ne pas les laisser mourir sur le bord de la rue... pour mourir. Les criminels ont l'assurance maladie, le «no fault», c'est le bonus. Il y a pas de comparation des deux. Vous m'avez demandé l'année dernière: Et leur famille? Je vais vous dire: Y a-t-il une compagnie au monde qui l'encourage de couvrir les actes criminels?

Nous avons vécu l'absurdité de votre système de compensation, c'est complètement pourri. J'ai entendu des histoires horrifiques comment que vous les avez traités. J'ai une couple d'exemples pour vous montrer quelle sorte de truc que la SAAQ aime jouer avec nous, les victimes. Il semble que vous saviez pas tout le temps l'adresse de chez nous ou le numéro pour me rejoindre. C'est convénient pour vous. Un système «D-base» est établi dans presque toutes les compagnies au monde. Il n'y a pas d'excuses pour ça, aucune.

Pensez-vous pas que cela vous ridicule encore... nous ridicule encore plus? Cela semble qu'il y a souvent des trucs comme ça. Je ne sais pas vous êtes assez riches pour établir un meilleur système qui fonctionnerait au bon temps et correctement. Le temps est un instrument convénient pour jouer, que la SAAQ utilise pour prendre avantage du monde, pour leur faire vouloir laisser tout faire.

n (14 h 10) n

Le temps règle tout, oui. Le temps guérira jamais qu'est-ce que ma famille a témoigné et enduré. Mes enfants vivent tous les jours dans ces traits communs, situations de la vie. Mes enfants prennent souvent des situations en façon de panique, d'anxiété, d'insécurité de pas savoir qu'est-ce qui va arriver prochainement. Cela joue dans leur tête souvent. Comment que vous pensez de traiter cela? J'ai certainement pas les moyens ces temps-ci... quelque chose qui se traite pas. C'est des situations qui finissent jamais. Les cicatrices internes sont souvent plus pires et plus dommageux que celles d'extérieur qui paraissent. N'ignorez jamais cela.

J'espère que vous allez regarder nos propositions de notre part. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, je voudrais vous remercier de votre témoignage. C'est pas la première fois qu'on a l'occasion de se rencontrer. Je pense que c'est au moins la deuxième, à part des communications avec mon personnel et avec d'autres intermédiaires. Je partage beaucoup votre point de vue que perdre un être cher, aussi jeune en plus, ça laisse des traces indélébiles, je suis entièrement d'accord avec vous et je compatis beaucoup avec vous. Il y a des catastrophes du genre qui se sont produites encore dernièrement, vous le savez, à Thetford Mines, et autres. Même si on a réussi à réduire de plus de la moitié le bilan routier, passant de 1 800 à quelque 750, c'est encore beaucoup trop. Les catastrophes, quand ça frappe des êtres chers, c'est toujours extrêmement pénible à vivre, en particulier pour des parents. Ça, je n'en disconviens pas.

Mais je voudrais vous poser un petit problème. À ce que je sache, est-ce qu'il y a eu des poursuites criminelles, de négligence criminelle, contre le chauffeur en question?

Mme Morin (Lyne): Qu'est-ce qui est arrivé, c'est qu'il n'y avait pas assez de...

M. Chevrette: De preuves.

Mme Morin (Lyne): ...de preuves. Les policiers... Dans le fond, nous autres, quand on leur a demandé d'essayer de faire des recherches pour ça, ils nous ont dit: Bien, écoutez, ça tombe sur le «no fault», qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? C'est exactement qu'est-ce qu'ils nous ont répondu.

M. Chevrette: Police ou pas police, si on est capable de démontrer qu'il y a négligence criminelle, le Code criminel existe. Parce que la différence entre la Société de l'assurance automobile, qui est un genre de mutuelle collective que se donnent des citoyens, ça n'enlève pas les pénalités... Parce qu'il y a deux... deux façons de pénaliser un chauffeur délinquant, ou un chauffeur qui est en état d'ébriété, ou encore qu'il y a négligence criminelle. Le Code criminel existe pour tout le monde. Et le Code de la route également existe pour tout le monde. Donc, dans les circonstances, sans vouloir plaider pour quelque régime que ce soit, l'assurance automobile est faite pour des indemnités... Pareil comme une assurance groupe dans une shop ? vous le savez qu'est-ce que je veux exprimer ? il se paye... il y a des gens qui payent 150 $ par semaine... ou par mois plutôt... comme prime d'assurance. Mais, si l'individu, par exemple, vendait du multivitamines puis il fraudait l'assurance collective, ça n'empêche pas d'être poursuivi par le Code criminel ou par le Code... Parce que c'est du vol. Donc, est-ce que vous comprenez que le Code criminel, par exemple, existe toujours et que, s'il y a eu négligence criminelle, il pourrait y avoir une accusation au criminel, de négligence criminelle? Ça arrive, ça. C'est pas nécessairement toujours volontaire, mais la façon... le comportement peut amener à poser une accusation de négligence criminelle. C'est ça que j'essayais de voir.

M. Fisher (William): Personne n'est... Dans notre cause, si on prend notre cause, de la façon que les policiers ont traité notre cause, c'est que c'est nous autres qui avons appelé au bureau des policiers pour demander une investigation. Et puis, quand les deux détectives ont arrivé chez nous, ils m'ont demandé: Pourquoi, M. Fisher, tu veux une investigation? J'ai dit: Bien, le gars a pas fait son job puis, nous autres, on savait qu'il avait «training», «safety training», il est pas supposé rentrer par en avant; s'il rentre dans la cour, c'est en reculant. Puis il y a des voisins qui ont témoigné qu'il a roulé vite ce jour dans la cour, puis un gars a couru après. En tout cas, ça, c'est la preuve qu'on savait qu'il est supposé y avoir une investigation. Puis, quand le policier, il m'a dit: Bien, M. Fisher, ça tombe sur le «no fault», tu peux pas poursuivre, c'est quoi tu veux?

M. Chevrette: Et c'est un peu ce qui est arrivé...

M. Fisher (William): J'ai dit: O.K., je vais demander une chose, monsieur. J'ai dit: Si tu prends ton fusil, tu tires dans un groupe du monde puis tu tues quelqu'un, dans mon point de vue, c'est la même chose. Le gars qui chauffait cette journée-là, il a fait ça. C'est même un gars qui est sur la boisson puis il conduit. Il sait que c'est un acte criminel, que ça peut être un acte criminel. Puis il regarde moi de même puis, oui, c'est vrai. Mais je pense que la chose qu'on va essayer de te dire, c'est que, avec le «no fault» puis avec le système, tu peux pas être poursuivi. Il y a aucun précédent parce que tu vois pas... il y a des poursuites s'ils viennent dans la cour. C'est ça qui est bien, bien important qu'on essaie de te dire. C'est pas juste notre cause, c'est la cause de toutes les victimes. Si tu as un recours civil, personne va voir que c'est un précédent. Si quelqu'un perd beaucoup, tout ce qu'il a travaillé pour sa vie, puis il a été soul, puis il a tué quelqu'un, puis ça va en cour, puis c'est lui qui paie de sa poche, je pense le système va être bien meilleur que c'était «at this stage».

M. Chevrette: Mais, quand je vous dis que... Je m'excuse, mais je suis pas avocat, mais je dois vous avouer que le «no fault» n'a rien à voir, mais absolument rien à voir avec la possibilité de porter une plainte au criminel pour négligence criminelle. Ça, c'est deux choses complètement distinctes. Et je suis convaincu de cela parce que j'ai vu des gens être accusés de négligence criminelle indépendamment de toute leur volonté. C'est parce qu'ils ont pas posé tel geste de précaution. Ça veut pas dire que tu étais mal intentionné. Mais, si tu as été vite par exemple dans une entrée de cour privée, est-ce que c'est pas de la négligence criminelle? C'est vrai que c'est pas à nous à juger parce qu'il y a des tribunaux, mais ça n'a rien à voir avec la question du «no fault».

Quant aux poursuites civiles, et je finis là-dessus parce que mon collègue veut questionner, quant aux poursuites civiles, vous savez qu'il y a 43 % ou 41 % qui n'ont aucun revenu puis qui posent des actes criminels potentiels. Il y en a 41 % ? c'est rendu à 84, ça ? qui n'ont même pas 20 000 de revenus, et il y en a 14 % qui ont entre 30 000 et 50 000 $ bruts par année, et 2 % seulement qui gagnent 50 000 et plus. Quelle serait l'utilité d'un procès au civil? Par exemple, supposons que c'est un clochard qui vous a frappé. Quelles sont les possibilités d'une poursuite au civil quand il a pas une cenne?

M. Fisher (William): Oui, mais encore... Ça, c'est si on parle de l'argent puis qu'est-ce que tu peux l'avoir de la situation. Mais, en situation qu'on est avec le «no fault» à Québec, on voit pas qu'est-ce qui est arrivé aux accidents, la vraiment... chose. Si le chauffeur est sur médicaments, on sait pas ces choses-là. On sait pas s'il a des... How do you say that? Nervous, not in right mental form, ou n'importe quoi avec chaque chauffeur. On sait pas parce que le «no fault», ça a couvert et puis la victime, elle a pas une chance d'amener ça en cour, engager des spécialistes, faire des investigations dans chaque situation. C'est ça qu'on veut essayer de te dire. L'argent, c'est pas... C'est une chose dans la vie, mais c'est pas la chose qu'on veut essayer de te dire.

À ce système-là, on voit pas qu'est-ce qui arrive. Comme nous autres, on sait pas. Tous les documents sont «sealés», le rapport de police a été sealé. On a eu beaucoup de misère avec. C'est pour ça qu'on est ici.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vachon.

n (14 h 20) n

M. Payne: I'd like to say a few words in English. My heart goes out to you. Your anguish and agony over the last few years must surpass the imagination. And it's a tremendous courage, I think, to come to the National Assembly and give your testimony with such emotion.

When you're talking about no fault being an impediment to justice, you have to look at what the alternatives would be. And, as the Minister was saying, there are options in the Road Safety Code which allow prosecutions under criminal negligence.

Could you explain to the members of the Commission how you would envisage the application of the law after the changes that you suggest? For example ? and this is one of the dilemmas that we have ? what would happen to the driver, let's say, of a car who skittered under icy conditions and hit someone on a major highway and was prosecuted under criminal negligence dispositions of the Criminal Code? Would you deny the person, the driver benefits if he was injured, let's say, in this particular instance, deny him benefits under the Automobile Insurance Law until such a time as justice was rendered? And would you feel that this was an ideal situation which would precisely create a situation where the lawyers would be involved and you would bring in delays, administrative complications and perhaps not reach the objectives that you seek?

M. Fisher (William): I think I would start out by saying first of all: To be charged criminally under the Canadian Code ? because it falls under the Canadian Code ? it's quite a procedure, and, as I was made aware by the prosecuting attorney for ourselves, we have to present all our evidence and the prosecutor has to present all his evidence to the defense lawyer before he even goes to court, so the person being defendant, the turnout of being charged criminally in Canada, if you look at the odds of the cases, it's very low. So, in this situation, being a car spinning out, I mean, that's why we have defense lawyers. I don't think it would affect this situation.

So, to be cut off from indemnities if he was charged criminally? Yes. Then he could actually go to a revision board and challenge it. That's my point of view and that... I know, the system in Ontario, where we're residing now, is under this type of system, and I feel it's a freedom, as a free country, to be able to do that.

M. Payne: I cannot pursue, because I think the time is up, but this is the heart of the question, and I thank you for your thoughts.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. À prime abord, c'est difficile, ça devient de plus en plus difficile pour nous. On a écouté des parents dont les enfants sont décédés, et, je me rappelle encore, lors du dépôt de la pétition à l'Assemblée nationale, si je me souviens bien, il y avait des dessins d'enfants qui ont été déposés à l'Assemblée nationale. Je me souviens aussi que mon collègue le député d'Orford, Robert Benoit, est intervenu dans votre dossier de même que Jean Charest.

C'est des dossiers qui sont difficiles à traiter pour toutes sortes de raisons. Comme le disait le ministre des Transports, on se doit absolument de trouver... Lorsqu'on a à sévir contre une personne qui a commis une faute grave, il faut naturellement y aller sur un principe de base: qu'elle soit reconnue criminellement responsable. Donc, ça prend... Je sais pas si vous pouvez nous suggérer ou emmener une suggestion concrète, parce que, entre le régime du «no fault» et une faute criminelle, il y a une différence concrète. Donc, on peut être de bonne foi, avoir des accidents, comme il en arrive tous les jours au Québec et partout dans le monde, et ne pas être criminellement responsable de quelque chose. Donc, il faut trouver un mécanisme, un système qui est à la portée du pouvoir du gouvernement du Québec, et, souvent, dans le cas qui nous occupe, probablement qu'on aura à demander éventuellement des modifications au Code criminel, parce qu'on est en processus de consultation justement, c'est pour recueillir des suggestions de la part du public.

À mon sens à moi, il faut absolument trouver une incidence criminelle. Si on y va tout simplement dans le sens de l'accident qui est arrivé à votre fils, puis vous disiez qu'il y a aucune plainte au criminel, il y avait manque de preuves... Si vous êtes ici aujourd'hui, c'est peut-être pour dénoncer justement la façon qu'on a de procéder. Mais est-ce que vous croyez qu'on doit quand même, puis je pense que... en tous les cas, pour ma part, oui, mais j'essaie de sortir une façon de faire pour laquelle il y aurait vraiment une pénalité possible à quelqu'un qui est admis, reconnu criminellement responsable. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a personne qui a été reconnu criminellement responsable. Est-ce qu'on doit convenir, entre nous, puis on est ici pour des consultations, qu'on doit s'en tenir à ce principe-là: les criminels doivent être punis, mais il faudrait faire attention pour ne pas punir, à travers nos lois, les gens qui ne sont pas des criminels non plus? Parce que, souvent, dans ce cas-là, il peut y avoir négligence criminelle et, dans d'autres cas, non. Est-ce que le message que vous voulez nous transmettre, est-ce qu'on doit s'en tenir justement à ce grand principe légal là, que, de toutes les façons qu'on pourrait procéder, il faut avoir une chose à la vue, c'est que quelqu'un soit reconnu criminellement responsable avant de sévir? Là, je parle pas des peines qui pourraient être encourues, là. Mais, pour sévir, est-ce qu'on peut convenir que ça prend non pas une accusation criminelle mais une condamnation criminelle?

(Consultation)

M. Fisher (William): If I understand right, you're saying: You have to be proven criminally negligent. That's what we agree with. If you're proven criminally negligent, you should not obtain any indemnities from the SAAQ, which people are receiving as it stands at this moment.

M. Brodeur: Parce que vous comprendrez que, à moins de ça, je pense pas qu'il y ait aucun Parlement ou aucun gouvernement qui puisse sévir contre une personne qui a pas été reconnue criminellement responsable. Vous avez aussi non pas suggéré, mais laissé entendre qu'à l'occasion le système de «no fault» est injuste. Vous avez aussi dit que, le «no fault», on devait pas y toucher outre mesure. Est-ce qu'on doit comprendre de votre intervention que vous nous suggérez d'ouvrir des poursuites possibles envers des criminels, qu'on parle autant de gens qui ont pris de l'alcool au volant ou qui ont été reconnus de grossière négligence au volant? Vous comprendrez aussi que ? je vois madame qui fait signe oui ? il peut être difficile, à un moment donné, pour le législateur d'être juste envers tout le monde, et il faut être très, très prudent pour ne pas ouvrir «at large» les poursuites contre des tiers à moins de négligence grossière. Donc, on aura une décision à prendre là-dessus. Le gouvernement aura une décision à prendre là-dessus. Mais, vous, votre suggestion, c'est que vous voulez faire une brèche et permettre qu'on poursuive des gens qui sont reconnus criminellement responsables.

Mme Morin (Lyne): Je pense que qu'est-ce qui serait important, peut-être, c'est au moins donner le choix aux gens de décider qu'est-ce qu'ils aimeraient faire; s'ils aimeraient pas les procurer civilement en cour ou quoi que ce soit, au moins leur donner un choix, s'ils veulent aller avec le système de «no fault» ou s'ils veulent avoir... prendre leur chance et aller en cour. Et, si les policiers ou quoi que ce soit trouvent la personne qui a fait cet acte de grossièrement ou criminellement négligent, bien, je pense, au moins donner aux gens le choix de décider qu'est-ce qu'ils aimeraient faire.

M. Brodeur: Qu'est-ce que vous pensez si on vous suggérait, au lieu d'une poursuite au criminel, qu'on étende aux parents, par exemple, dans votre cas, qui sont aussi des victimes, le type de victime de l'accident, et que ça serait, à ce moment-là, le régime public d'assurance automobile qui compenserait ces victimes-là, en l'occurrence vous-même, qui êtes aussi une victime par ricochet de cet accident-là? Est-ce que ça serait suffisant, à votre sens, ou ça serait pas suffisant, il faudrait additionner une poursuite envers un tiers?

Mme Morin (Lyne): Absolument. Parce que qu'est-ce qui arrive, c'est qu'on se sent les mains attachées de tous les côtés, que, quand tu as fait ça et puis tu peux même pas te débattre, tu peux même pas t'expliquer ou essayer de démontrer qu'est-ce qui est arrivé dans ces cas-là. C'est sûr que c'est un acte grossièrement négligent, c'était pas un acte criminel dans notre cas. Mais ceux qui auraient fait un acte criminel au moins leur donner la chance de... Tu sais. D'abord, leur temps en cour, je pense que c'est humain et puis c'est juste de faire ça.

M. Brodeur: O.K. Bien, je vous remercie. On prend bonne note de vos commentaires. Et puis sûrement que le gouvernement tiendra compte de vos commentaires, qui sont très appréciés en passant. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Morin, merci, M. Fisher, pour votre présence ici, à cette commission parlementaire.

n (14 h 30) n

J'invite maintenant les représentants de la Fondation André Senécal à prendre place. Ce sera le prochain groupe que nous entendrons, pour une durée de 30 minutes également.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier, ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez droit à une présentation de 10 minutes.

Fondation André Senécal

M. Poce (Alexandre): Parfait. Mes chers membres de la commission, ça nous fait plaisir d'être ici. Au nom de la Fondation André Senécal, j'aimerais me présenter, premièrement. Mon nom est Alexandre Poce. Je suis avocat de profession et l'actuel directeur général de la Fondation André Senécal. À ma gauche, je vous présente M. André Senécal, président fondateur de la Fondation, et, à la gauche d'André Senécal, vous avez un de nos fiers collaborateurs bénévoles, M. Pierre Harvey. À ma droite, j'ai M. Pascal Asselin, qui est mon assistant, et plus loin, à notre gauche, un autre membre du conseil d'administration, un administrateur, M. Robert Goyer, qui nous a accompagnés également pour cette commission-là.

Donc, d'entrée de jeu, messieurs, mesdames, ce que j'aimerais faire, c'est préciser que M. Senécal a été victime d'un accident d'automobile; moi, de mon côté, j'ai été victime d'un accident au hockey. Je me trouve à être quadraplégique, c'est-à-dire paralysé des quatre membres, les bras et les jambes, je fonctionne juste avec la tête et les épaules, et, comme vous avez pu le voir tantôt, j'utilise un bâton buccal pour tourner les pages ou pour remplacer mes mains. De son côté, M. Senécal, lui, se trouve à être quadraplégique également, mais, plus chanceux que moi, se trouve à avoir les bras pour fonctionner.

La raison que nous sommes ici aujourd'hui, comme vous avez pu le constater dans notre mémoire, c'est qu'il y a plusieurs personnes qui sont victimes d'accidents d'automobiles. Donc, nous, la Fondation André Senécal, pour la recherche sur la moelle épinière, ce que nous voulons vous proposer aujourd'hui, c'est un nouveau mode de financement pour la recherche sur la moelle épinière.

Nous savons également que la Société de l'assurance automobile du Québec investit déjà dans des programmes de recherche. Ce que, nous, nous voulons faire aujourd'hui, c'est... Comme je disais, c'est un nouveau mode de financement qui serait donné de façon stable et continue.

Si vous prenez notre mémoire, effectivement en introduction on parle de l'incidence personnelle et financière des traumatismes spinaux. À chaque année au Québec 240 nouveaux cas se rajoutent, des cas de traumatismes spinaux. L'âge, en moyenne, est entre 16 et 30 ans. La paralysie sera le lot de 42 %, tandis que 58 % sera le lot de quadraplégique... de quadraplégie. On se rend compte que les traumatismes de la moelle épinière, les accidents se répartissent comme suit: le plus gros pourcentage se retrouve au niveau des accidents d'automobiles et motos, 53 %; ensuite, nous avons la chute, 17 %; les accidents au travail, 7 %; accidents de sport, 8 %; et les autres, dont les armes à feu, 10 %.

Nous avons établi aussi des chiffres, à savoir combien ça peut coûter à un paraplégique ou à un quadraplégique par année. C'est sûr qu'ici les chiffres qui sont établis sont sous-estimés. On parle ici que ça en coûte environ 31,800 par patient traumatisé de la moelle épinière. Également, un paraplégique, ça en coûtera plus de 300 000 à la société, tandis que, pour un quadraplégique, ça sera le demi-million. Et on estime que, pour l'ensemble du Canada, il en coûtera annuellement environ 185 millions de dollars pour les nouveaux cas seulement.

Donc, c'est pourquoi, nous, ici, ce qu'on veut recommander, ce qu'on vous propose, dans le fond, c'est que, dans la mesure où la recherche permettra de diminuer cette incidence-là, des traumatismes de la moelle épinière, et qu'elle contribuera à réduire les charges financières que doit assumer la société ? O.K.? ? nous devrions favoriser la recherche. Donc, ça veut dire qu'on devrait effectuer un investissement qui peut s'avérer extrêmement rentable à moyen et long terme, sans compter naturellement les conséquences que l'on peut en espérer sur la qualité de vie des personnes en cause.

Par rapport au financement de la recherche au Québec et au Canada, si on regarde qu'est-ce qui se fait au niveau québécois, on peut se rendre compte que, effectivement, la moelle épinière et les traumatismes qui peuvent en être affectés font l'objet de plusieurs recherches et de recherches de haut niveau. Au Québec, déjà là, on ne l'a pas mentionné ici, mais on retrouve trois grands chercheurs, que je me permets de nommer, à savoir le Dr Serge Rossignol, le Dr Lisa McKerracher et le Dr Aguayo, qui, eux, sont la crème des médecins au Québec dans ce domaine-là.

n (14 h 40) n

Rapidement, si on passe sur le vécu de la Fondation, c'est... Notre Fondation a été mise sur pied en 1994, suite, comme je vous disais, à un accident d'automobile de M. Senécal. Jusqu'à maintenant, nous, on a récolté environ 350 000 $ et on a donné environ également 250 000 $ à la recherche. Mais, par contre, comme on expliquait dans notre mémoire, c'est que, nous, nous sommes une petite fondation. C'est sûr qu'on fait beaucoup d'événements-bénéfice pour être en mesure de récolter des sommes, mais, par contre, on a un appui... on a besoin d'un appui financier qui sera, comme je vous disais tantôt, continu et stable afin de pouvoir... afin de pouvoir voir la Fondation survivre également. Et la Fondation, ce qu'elle fait, c'est qu'elle verse, oui, à la recherche, mais elle vient également en aide directement aux blessés médullaires.

Et l'autre raison que nous sommes ici aussi, c'est qu'il existe un programme qui s'appelle le Rick Hansen Neurotrauma Initiative, qui existe déjà dans neuf autres provinces. Mais malheureusement le Québec ne fait pas partie de ça. Donc, c'est pour ça que, nous, on est ici aujourd'hui, à savoir que, étant donné que vous participez pas à ça, bien, peut-être que vous pourriez nous venir en aide afin qu'on puisse avoir un appui au Québec et que vous soyez partie, que vous ayez un même système, un même programme pour pouvoir financer la recherche sur la moelle épinière.

Donc, ce que, nous... et je vais terminer avec les... Ce que, nous, on propose là-dessus, c'est que: la Société de l'assurance automobile du Québec consacre une fraction de 1 % des revenus tirés de l'immatriculation des véhicules au financement de la recherche sur la moelle épinière et à certaines opérations connexes ? à titre d'exemple, ces revenus étant de l'ordre du demi-milliard de dollars, une contribution de 1/20 de 1 % de ce montant permettrait d'effectuer chaque année un investissement en recherche de l'ordre de 250 000, sans compter les effets indus par ce geste sur le public et les entreprises; que la Société de l'assurance automobile du Québec ait recours à des organisations privées comme la Fondation André Senécal pour la recherche sur la moelle épinière pour l'affectation de ces fonds aux centres, groupes ou chercheurs oeuvrant dans le domaine; et enfin, permettre que les organisations comme la Fondation André Senécal pour la recherche sur la moelle épinière puisent... puissent, excusez, s'appuyer sur une part de ces ressources nouvelles pour mieux structurer leurs propres actions, particulièrement en ce qui a trait à la mise sur pied de campagnes de levée de fonds auprès du public et des entreprises.

Je conclus là-dessus, à savoir que le mode nouveau de financement qui vise à obtenir une infime fraction des revenus tirés de l'immatriculation des véhicules par la Société de l'assurance automobile du Québec constituerait un pas de plus vers la découverte d'une cure aux blessures de la moelle épinière. La Fondation André Senécal souhaite que des modifications soient apportées afin d'adopter rapidement ce nouveau mode de financement et que la Société confirme ainsi sa volonté de s'impliquer davantage dans la recherche sur la moelle épinière, comme le font les autres provinces par l'intermédiaire de leur gouvernement. Et je vous invite à la fin de notre document. Vous avez le genre d'investissements faits dans les neuf autres provinces. Donc, c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, et, brièvement, c'est ce que notre mémoire... je tenais à vous exposer.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs, pour votre présentation. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, moi aussi, je voudrais vous remercier pour la présentation, votre mémoire. J'ai quelques petites questions et mes collègues aussi. Il y en a un qui veut au moins questionner. Je voudrais savoir si vous avez fait les démarches auprès du FRSQ ou encore du Conseil québécois de la recherche, pour aller chercher des sous.

M. Poce (Alexandre): Pas jusqu'à maintenant. Pas jusqu'à maintenant, parce que, comme on a vu ici, ce qui en est des neuf autres provinces, l'investissement provient, comme vous avez pu le constater dans notre mémoire, provient de plusieurs sources de financement. C'est-à-dire, ça peut provenir des loteries, ça peut provenir de «autres sources de financement».

Par contre, nous, la première étape que nous voulions faire, étant donné qu'il y avait une commission qui se présentait cet automne, c'est s'attaquer effectivement à la Société d'assurance automobile, de prime abord. Pour ce qui est des autres sources de financement, je vais juste passer la parole à M. Harvey à ce moment-là.

M. Harvey (Pierre): Je voudrais souligner que, avec une fondation comme la Fondation André Senécal, on est dans une situation qui est différente des grands... de celle que rencontrent les grands organismes subventionnaires comme ceux que vous mentionnait M. le ministre parce que ces grands organismes subventionnaires ont pour clientèle, si on peut dire, les centres de recherche et les chercheurs. On fait une demande pour un projet de recherche; on est financé ou pas. Normalement, on fait partie à ce moment-là d'une équipe de recherche ou d'une université.

Il est pas, je crois, dans les attributions des grands organismes subventionnaires de subventionner des organismes qui sont eux-mêmes à la recherche de fonds pour subventionner, sauf naturellement quand il s'agit de centres qui sont parties intégrantes d'une université, par exemple. À ce moment-là, il s'agit d'un partenariat entre l'organisme subventionnaire et l'université qui abrite le centre, et si on a affaire à une organisation qui cherche à subventionner la recherche en faisant appel au public. Mais, pour faire appel au public, on a besoin de moyens. On est un peu devant le problème de la poule et de l'oeuf: si on a pas des fonds suffisants, on ne peut pas faire une organisation qui va faire des levées de fonds suffisantes, ou enfin significatives, et, si on ne fait pas de levées de fonds, on n'a pas d'argent. Par où on commence?

Je pense que c'est dans un cas comme ça où un organisme comme la Société de l'assurance automobile, ou le gouvernement, peut jouer un rôle de détonateur ou, comme on dirait en chinois, de «pump priming» pour lancer les opérations.

Et je vous ferai remarquer que ces gens ne demandent pas de pitié, ne demandent pas de participer à la réhabilitation, ce qui se fait déjà beaucoup. Ils demandent en quelque sorte que les jeunes qui sont en chaise roulante aient un espoir: un jour, je marcherai, à condition naturellement que la recherche qui est déjà avancée, qui est déjà intéressante sur la réhabilitation de la colonne vertébrale... à condition qu'on ait des fonds pour pouvoir fonctionner.

Et des fonds, croyez-en ma parole, j'ai connu ça à l'université, c'est intéressant d'avoir des équipes de recherche, à condition que les équipes de recherche aient... les membres de ces équipes de recherche sentent qu'ils ont un avenir. Constituer une équipe de recherche pour un projet et ensuite, les jeunes chercheurs, leur dire: On a épuisé les fonds et vous reviendrez nous voir quand on en aura, les équipes ne fonctionnent pas. Tandis que, s'il y a une source permanente, on monte des projets, mais surtout on monte des équipes.

M. Chevrette: Est-ce que vous parlez de recherche fondamentale?

M. Harvey (Pierre): Oui.

M. Chevrette: Ou si vous parlez de recherche appliquée?

M. Harvey (Pierre): C'est surtout de recherche fondamentale d'abord, le premier intérêt. C'est-à-dire, il s'agit... La distinction, recherche fondamentale, recherche appliquée, elle est quand même chaque côté d'une zone grise très large, hein? On passe facilement quand on est dans un laboratoire de recherche de la recherche fondamentale à une application qui... qui suscite une autre question fondamentale, et c'est une dialectique continuelle.

Dans le cas des objectifs de la Fondation, il s'agit d'abord de subventionner de la recherche dont on espère qu'elle soit fondamentale ou appliquée, dont on espère qu'un jour elle aboutira sur la possibilité de guérir les lésions à la colonne vertébrale et de permettre au blessé de retrouver l'usage de ses membres.

n (14 h 50) n

M. Chevrette: Avec la création du ministère de la Recherche scientifique, il y a une certaine forme je dirais pas de concentration ou de centralisation, mais il y a de plus en plus de coordination entre l'ensemble des argents disponibles, que ce soit dans une société d'État, un ministère comme les Transports, par exemple, sur la sécurité routière, etc. Il y a une plus grande coordination pour essayer de soutenir correctement des projets qui ne peuvent pas être à court terme dans le sens dont vous parlez.

Dans un premier temps, moi, je vous suggérerais en tout cas de rencontrer le ministère de la Recherche. Je pense que ça pourrait être une démarche qui pourrait se faire. Et ensuite, par le ministère de la Recherche, avec les différents ministères impliqués, on verrait peut-être à trouver quelque chose d'intéressant dans le sens de vos demandes.

M. Harvey (Pierre): Le ministère de la Recherche travaille, comme je vous disais tout à l'heure, avec les organismes qui sont surtout directement les universités...

M. Chevrette: Non, je pense que... Ah, ils travaillent avec les centres de recherche, effectivement. Mais, quand on regarde, au Québec il y en a, de l'argent pour la recherche. Peut-être pas autant qu'on le voudrait, parce que, vous le savez, de toute façon il y a place à amélioration dans tous les domaines. Mais ce que je veux dire, c'est qu'au moins il y a une meilleure coordination, ce qui permet, à ce moment-là... S'ils nous disent, par exemple: On occupe tel champ, vous devriez occuper tel champ, ça nous guiderait, nous autres aussi. Et on le fait, cette discussion-là.

Mais il n'y a pas seulement que des projets avec les centres de recherche. Si on est capable de conduire une étude solidement en démontrant qu'il peut y avoir un partenariat, par exemple ? parce que j'ai lu ça dans votre mémoire ? j'ai l'impression que... j'ai l'impression qu'on pourrait s'asseoir en tout cas puis gratter ça sérieusement. Moi, c'est le «feeling» que j'avais en lisant votre mémoire. Et puis je pense qu'on pourrait mettre à profit peut-être deux, trois organismes gouvernementaux, avec le ministère de la Recherche, puis regarder qu'est-ce qu'on peut faire dans le sens de votre proposition. Je comprends que votre problème budgétaire actuel en est plus un de soutenir l'organisation de levées de fonds, si j'ai bien compris.

M. Harvey (Pierre): C'est-à-dire, soutenir l'organisation pour qu'elle puisse aller chercher des fonds. Et c'est ce qui en fait une organisation très différente d'un ministère, qui, lui, fonctionne sur les fonds publics. Tandis que là il s'agirait d'avoir des moyens qui naturellement viendraient compléter ce que font les ministères, d'avoir les moyens de mobiliser, des moyens suffisants, pour constituer la masse critique qui permet d'aller chercher les fonds dans le public, ce qu'un ministère ne fait pas. Il y va par les taxes, mais il y va pas par... Il n'y a pas beaucoup de taxes bénévoles. Maintenant, c'est-à-dire, dans ce cas-là, ça serait une façon d'accroître l'action gouvernementale en s'appuyant sur les ressources que les particuliers, bénévoles, etc., peuvent mettre à la disposition de l'organisation qui, elle, les met à la disposition des chercheurs.

M. Chevrette: M. Labbé voulait...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Masson, vous avez très peu de temps, alors une brève question pour une brève réponse. Une minute et demie.

M. Labbé: Merci, M. le Président. Alors, je vais essayer de faire ma question plus brève. Alors, d'abord félicitations pour la présentation de votre mémoire, pour votre implication, surtout. Alors, même si je sais que c'est pas toujours évident, bien, vous avez décidé d'aider vos collègues et consoeurs, ceux et celles qui sont touchés par ces accidents malheureux. La Fondation, 350 000, depuis 1994, chapeau à ce niveau-ci.

La seule question que j'aurais, parce que j'écoute un petit peu mon préambule... Je sais que vous faites un travail extraordinaire. Moi, la petite inquiétude que j'aurais comme telle, c'est qu'à partir du moment où le gouvernement vient vous appuyer au niveau de la Fondation André Senécal comme telle en vous donnant un montant récurrent, par exemple qui pourrait être perçu à partir des immatriculations, je me demande si les gens, la population... Parce que, le but ultime, c'est de favoriser à ce qu'il y ait de meilleures levées de fonds, que les gens, le privé, participent plus, les entreprises, etc. Est-ce qu'il n'y aurait pas un effet contraire, dans le sens que les gens pourraient dire: Bien, écoutez, compte tenu que le gouvernement les aide, qu'ils ont déjà un minimum garanti, que, à un moment donné, il y aurait peut-être une forme de désistement, qu'il y aurait un risque qui pourrait arriver? Je sais que vous êtes d'excellents organisateurs comme tels, mais je sais pas comment vous voyez... Est-ce que vous voyez ça comme un risque pour vous autres? Non? C'est: À partir du moment où on a le O.K. puis qu'on a l'accréditation du gouvernement, ça va être même plus facile pour aller chercher de l'argent?

M. Poce (Alexandre): Moi, de mon côté, je vois pas que... Je vois pas ça d'un côté négatif. Même là je vous dirais, M. Labbé, c'est que hier j'ai parlé à quelqu'un qui... que je lui mentionnais qu'on s'en venait ici pour plaider notre mémoire puis exposer notre projet puis je lui ai parlé des plaques d'immatriculation, tout ça. Et déjà, là, elle me disait: Câline! ? elle dit ? pourquoi que, sur le 30 $ ou le 35 $ qu'on donne pour le transport en commun lorsqu'on le prend même pas, pourquoi qu'on le redonnerait pas à la recherche? O.K.? D'une part. Tant pour la recherche sur la moelle épinière, tant pour les autres... les autres programmes de recherche.

Donc, moi, à cet effet-là, moi, je vous dis: Je vois pas ça d'un côté négatif. Plutôt, c'est plus positif parce que les gens verraient que le gouvernement s'implique et verraient la crédibilité de notre Fondation à cet effet-là. Donc, moi, pour moi, j'y verrais qu'ils embarqueraient encore davantage et nous appuieraient davantage là-dedans. Parce que, si vous me permettez, c'est qu'en lisant le... le document de référence, en lisant le document de... de rapport d'activité de la SAAQ, je me rends compte que la SAAQ investit beaucoup en réadaptation, que c'est une de ses priorités.

L'autre priorité de la SAAQ, c'est le souci de... du... de sa clientèle accidentée également. Et je me rends compte aussi que la SAAQ a instauré le fameux système de prise en charge rapide, hein? C'est toutes des bonnes choses pour faire en sorte que les personnes... pas handicapées, mais les personnes handicapées soient le moins restreintes, aient le moins de limitations fonctionnelles, que les capacités... qu'ils aient plus... qu'ils demeurent avec le moins de restrictions, en tout cas, de limitations fonctionnelles.

Donc, ça, c'est déjà des très bons pas que la SAAQ a faits. Maintenant, j'ai vu aussi que... que la SAAQ aime procéder aussi à des sondages auprès de sa clientèle pour mieux les desservir, pour mieux les servir. Bien, moi, ce que je voulais dire aujourd'hui à cet effet-là, je lancerais le défi à la SAAQ de procéder à un autre sondage, à savoir, si effectivement on pouvait procéder à un investissement par rapport à ce qu'on présente aujourd'hui à notre projet, qu'est-ce que la clientèle accidentée voterai, là-dessus, à savoir si eux investiraient, tout ça. Ça, c'est ce que je voulais mentionner aujourd'hui en lisant les documents. Ils ont déjà fait un très bon bout de chemin en instaurant des très bons projets, mais maintenant je lancerais le défi à savoir de poser ce... de faire ce sondage-là auprès... auprès de sa clientèle accidentée s'il y avaient des sommes à investir dans la recherche pour qu'on puisse un jour remarcher.

Parce que je vais vous dire une chose: Le fait de dépendre comme ça... Moi, je suis quadriplégique, puis j'ai une conjointe, puis dans les... la période que je vis aujourd'hui, c'est pas facile, parce qu'aujourd'hui c'est ma fête... Puis je veux pas porter ça comme pitié ou quoi que ce soit, mais je vis des moments difficiles. Et j'essaie toujours de... de ne pas voir mon handicap, mais, lorsque arrivent des moments comme ça, je peux vous dire que, lorsqu'on parle de... de mettre fin à ses jours ou des choses comme ça, je comprends très bien les gens. Puis tu viens un moment donné que tu essaies d'oublier ton handicap, mais, quand il y a plusieurs choses comme ça qui refont surface, ça te frappe dans la face.

Donc, quand je suis entré directeur général de cette Fondation-là et qu'on a voulu faire en sorte qu'on va trouver une cure aux blessures de la moelle épinière, je peux vous dire que, quand on a eu l'occasion aujourd'hui de se présenter ici, je me suis présenté puis j'ai dit: Un jour, oui, en investissant, on va trouver une cure. Quand? C'est le temps qui va le dire. Donc, c'est pour ça qu'on se présentait aujourd'hui ici.

M. Labbé: Alors, un petit commentaire rapide avant de céder la parole à mon collègue. Alors, merci beaucoup. Continuez votre excellent travail et joyeux anniversaire de l'ensemble de mes collègues. Bravo.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. Vous pouvez assuré de toute notre admiration. Vraiment, c'est très touchant, ce que... ce que vous nous dites. C'est aussi très important.

n (15 heures) n

Très important dans le sens que vous faites un travail de sensibilisation extraordinaire en plus de contribuer à... à la recherche. Votre message, tant qu'à nous, puis je pense que la plupart des collègues ici le saisissent bien... Vous devez être accompagné aussi de financement puis de sources de financement pour pouvoir répondre à vos objectifs ainsi qu'à la recherche.

La question, la question qui se pose, la question qui se pose... On sait que les gouvernements doivent absolument investir dans la recherche. On le sait, que, dans l'histoire de l'humanité, c'est la recherche qui a contribué à guérir toutes sortes de maladies et à trouver les solutions à tous les problèmes physiques que les êtres humains peuvent avoir. En ce qui nous concerne, je pense que le principal objectif ou la chose à rechercher, c'est voir qui et où doit-on aller chercher les sommes qui sont nécessaires pour la réalisation de vos objectifs. On pense à la Société de l'assurance automobile du Québec. On pense aussi à tout le réseau de la santé. On sait que les gouvernements partout dans le monde ont eu des difficultés budgétaires depuis des années. Malheureusement, il y a des gens qui ont payé ces difficultés financières là; pas seulement ici, ça s'est répété un peu partout en Amérique du Nord.

La question qui se pose, comme je vous le disais, c'est: Est-ce que la SAAQ ? surtout à l'aube... On en a parlé... Depuis quelques semaines, on a parlé de déficit important. Donc, on peut appréhender que la Société de l'assurance automobile du Québec va être, disons, plus parcimonieuse dans les subventions qu'elle va décerner ou les projets qu'elle va avoir. Donc, c'est une inquiétude qu'on peut avoir. Est-ce que.... On peut se poser la question: Est-ce que le système de santé doit contribuer plus que la SAAQ? C'est toutes des questions qu'on doit se poser. Mais l'objectif fondamental de votre message, c'est qu'on doit, on doit absolument contribuer d'une façon ou d'une autre à la réalisation de cet objectif-là. Et c'est le message qu'on reçoit et c'est très touchant. Puis on sent l'urgence, l'urgence de la situation, qu'on doit absolument agir.

Le ministre nous a parlé aussi de la possibilité du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Il faudrait pas cependant que ça soit une raison pour dire: C'est pas mon ministère, ça devrait être le tien; c'est pas le mien, ça devrait être le tien. Donc, faudrait... Le message qu'on comprend, c'est de trouver une solution le plus rapidement possible.

Question terre-à-terre. Vous avez dit que la Société de l'assurance automobile contribuait de façon intéressante à l'objectif de votre organisme. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre aussi, à part la SAAQ, qui contribue de façon normale et généreuse à l'objectif que vous recherchez?

M. Senécal (André): À notre connaissance, il y en a pas présentement. Moi, quand j'ai... on a débuté la Fondation, c'est une petite fille de quatre ans qui est venue me voir, puis elle me disait à moi... la première chose qu'elle m'a dite, elle a dit: Vous savez, André, elle dit, moi, je veux pas être comme toi à ton âge. Elle dit: Je veux être debout. Alors, moi, comme j'étais un homme d'affaires, je lui ai dit: Je vais tout faire mon possible, ma petite part qui peut faire que tu vas être debout un jour. Alors là, j'ai vu dans ses yeux l'espoir de la guérison.

Puis le point le plus important dans ça, ce qu'on voit, nous autres, c'est que l'argent... Nous autres, ça fait sept ans qu'on amasse de l'argent dans le privé, puis, les premières années, je peux vous dire que je l'ai fait dans mon bureau personnel avec mon épouse puis les quelques bénévoles, parce que ça fait rien que seulement un an et demi qu'on a notre bureau, qu'on a Alexandre avec nous. C'est l'espoir pour nous autres, parce que, Alexandre, c'est l'exemple de persévérance.

Puis, quand vous allez... La semaine passée, je suis allé faire un tour à Marie-Enfant puis j'ai vu cinq enfants qui étaient là, des blessés médullaires. Tous... Ils me demandent tous la même chose. Ils me demandent... Ils disent: Moi, j'aimerais ça, jouer au hockey, j'aimerais ça, jouer à... patiner, j'aimerais ça, aller faire du ski. C'est des gens de 10 ans, 10 ans, 12 ans. Parce que j'ai vu récemment... il y a eu un accident récemment. Il y a à peu près six mois, il y a eu un accident. Là, je veux pas traumatiser, mais c'est la réalité. Il y a eu un accident d'auto, puis c'était un couple avec trois enfants. Puis la mère est décédée dans l'accident, puis le père est sorti blessé, mais il a réussi à s'en sortir, puis les trois enfants sont paraplégiques. Alors, vous voyez le traumatisme que ça fait. Nous autres, on pourrait leur aider, là, pas seulement du côté monétaire, mais il faut les aider du côté humain. Puis, moi, quand je vois ça, ces jeunes-là, ils me donnent le courage de persévérer.

Puis je le sais, comment ça coûte parce que, moi-même, je suis un blessé médullaire, puis ça fait neuf ans que je suis blessé médullaire, suite à un accident d'auto. Puis j'ai les papiers devant moi, je suis rendu à 750 000 $ que ça me coûte après neuf ans, que ça coûte à la SAAQ. Puis je me dis... Puis, selon les papiers qu'on vous a donnés, ça a coûté... Jusqu'ici, ça coûterait, pour les 6 000 blessés médullaires qu'on a au Québec, deux milliards et demi pour la vie d'un des blessés médullaires présentement. Puis, moi, je me dis: Au montant qu'on demande, c'est très peu par rapport à la... Parce qu'on prévoit... Parce que, quand Alexandre a parlé tantôt des chercheurs, on parle pas des chercheurs les meilleurs ici, là. On parle des meilleurs chercheurs au monde: M. Rossignol, Lisa McKerracher, puis Dr Aguayo. Ils ont été reconnus par l'élite mondiale, par Christopher Reeve.

Un exemple, Christopher Reeve, il est rendu à 50 ans puis il rêve de remarcher, lui aussi, un jour, le plus tôt possible, puis il investit beaucoup. Puis tout rêve de blessé, c'est se retirer... Parce qu'on est tous sur... Il y en a beaucoup qui font partie soit de la SAAQ, ou la CSST, ou ces choses-là, puis on aimerait ça que ces gens-là aient l'espoir de la guérison. Puis, la guérison, on prévoit dans 10 ans à peu près... Alors, si on calcule l'investissement qu'on fait ici puis que ces gens-là reviendraient sur le marché du travail, qu'ils mèneraient une vie pleine d'autonomie, alors, ça serait, pour moi, là, et pour la Fondation, puis vous aussi comme membres... Ça, il y a pas personne qui est l'abri d'un accident.

Puis, moi, je pensais que j'étais à l'abri. J'ai eu mon accident à 47 ans. Puis je me dis: Si on réussit... Mais je suis persuadé qu'on va réussir, avec tous les chercheurs qu'on a à travers le monde. Parce qu'on a fait venir Christopher Reeve, au mois de mai. On est arrivés... Les 35 plus grands chercheurs au monde étaient ici, puis l'espoir est là. Puis, moi, je dis: J'espère de pouvoir voir avant ...assez rapidement de voir un blessé médullaire marcher puis de venir, comme vous, ici, puis d'avoir fait notre part, ici, en commission parlementaire, ou à quelque part. Puis vous allez être fiers, vous autres aussi, de voir quelqu'un marcher puis, en bons termes, de décrocher du gouvernement au lieu de continuer à payer, comme la polio, comme les...

On regarde aussi... Présentement, on a d'autres maladies qui sont après se guérir. Alors, ces gens-là, ils peuvent faire une vie normale. Ils sont autonomes. Ils peuvent vivre maintenant avec leur ? comment je pourrais dire? le terme... de leur propre indépendance. Ils deviennent indépendants, vous savez? Alors, on n'a plus besoin d'être au crochet du gouvernement. Alors, je crois que c'est un très bon investissement qu'on ferait ici pour les blessés médullaires.

M. Brodeur: Une question simple: En termes d'investissement, il se ferait combien d'argent, annuellement?

M. Senécal (André): Pardon?

M. Brodeur: Annuellement, 250 000 $?

M. Senécal (André): On parlerait de 250 000 $ par année. Mettons, on met 10 ans, c'est deux millions et demi par rapport à deux milliards et demi. Si on trouve un investissement puis, si on dit: Dans 10 ans, on ne paie plus, suite à des... On arrêterait de payer deux milliards et demi par année... pas par année, ça, pour tous les blessés médullaires qu'on a présentement. On paie 185 millions par année pour les nouveaux blessés médullaires au Canada. Puis les neuf autres provinces, eux autres, ils ont subventionné ces projets-là à, je pense... c'est 7 millions... 8 millions présentement que, l'an passé, ils ont faits. Alors, je pense que, nous autres, on serait fiers, comme Québécois, d'avoir fait notre part lorsqu'on va voir quelqu'un marcher. Puis, moi aussi, je vais être fier.

M. Harvey (Pierre): Et la recherche est avancée dans ce domaine, ne l'oublions pas. Récemment, des animaux de laboratoire avec colonne vertébrale brisée ont recommencé à marcher à la suite de certaines opérations, ce qui veut dire que l'application aux humains n'est plus très loin. Mais, naturellement, si, dans la vie d'un enfant, on lui sauve cinq ans de chaise roulante en accélérant les choses, c'est un investissement humain extraordinaire, mais c'est en même temps un investissement financier assez remarquablement rentable.

n (15 h 10) n

M. Senécal (André): C'est pour ça, quand je dis: On fait marcher un rat, on fait marcher un chat, maintenant, je souhaiterais maintenant de faire marcher un être humain, puis ce côté humain...

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. M. le député de l'Acadie, peut-être une courte question.

M. Senécal (André): Je vous remercie.

M. Bordeleau: Juste une question...

M. Senécal (André): Je vous remercie infiniment.

M. Bordeleau: ...une question très rapide, juste... Vous parlez de la Fondation Rick Hansen, et vous avez fait référence, il y a une minute, là, au fonds qui avait été investi, dans les autres provinces, dans le type de recherche sur les blessés médullaires. Et, bon, vous dites dans le rapport: Le Québec s'est retiré voulant avoir son propre genre d'intervention avec ses centres de recherche. Mais comment vous évaluez actuellement les investissements ? ou je sais pas si vous avez de l'information là-dessus ? mais les investissements que le Québec ? et je parle, là, des différents ministères ? font au niveau de la recherche médullaire? Comment on se situe par rapport à ce qui se fait dans les autres provinces?

M. Poce (Alexandre): Au niveau des chiffres, on n'a pas de chiffres comme tels pour l'instant, à savoir combien que le Québec investit au niveau de la recherche. On sait, par contre, que, oui...

M. Chevrette: Je pourrais vous donner un chiffre au niveau de la SAAQ. Il y a un projet, actuellement, qui est démarré depuis l'été 2000: 500 000, 500 000 $.

M. Poce (Alexandre): Mais est-ce que c'est dans la recherche...

M. Chevrette: ...500 000 $ pour un projet de trois ans.

M. Poce (Alexandre): Mais dans quel genre de recherche, M. Chevrette?

M. Chevrette: Médullaire. Subvention de recherche concernant les blessés médullaires.

M. Poce (Alexandre): Ah, oui?

M. Senécal (André): Est-ce que c'est sur la recherche fondamentale ou c'est la recherche comme on a payé, nous autres?

M. Chevrette: C'est de la recherche appliquée sur le vieillissement des blessés médullaires.

M. Senécal (André): O.K., regardez, récemment, on a fait... nous autres, on a impliqué... On a donné un montant d'argent, pour une recherche, au Dr Barbeau de l'Université McGill à Montréal. C'est pour la marche ? je sais pas si vous connaissez ça? ? la marche sur les tapis roulants, là. Puis, nous autres, on a donné un montant. Puis le Dr Barbeau a réussi, comme on n'a pas d'argent ici, il a travaillé très fort, il a présenté son projet, il était extraordinaire, puis il a été cherché l'argent aux Américains. Les Américains nous ont fourni quatre millions et demi. Alors, vous voyez, quatre millions et demi par rapport à 500 000 $, c'est très peu d'argent pour la recherche. La recherche, ça demande beaucoup d'argent. Puis, nous autres, on a fait affaire pendant un an de temps, parce qu'on a fait une levée de fonds avec l'Université de Montréal, avec les plus grands chercheurs. Puis ils nous disent, eux autres: Il nous manque de l'argent, ça nous prend de l'argent. C'est pour ça qu'ils demandent à Christopher Reeve, ils demandent aux États-Unis. Mais, nous autres, au Québec, je pense que... Ils nous en demandent, à nous autres aussi, mais on n'est pas capable de suffire à tout ce qu'ils demandent. Puis on a besoin de beaucoup d'argent. Puis plus qu'on va en donner, plus la recherche va aller rapidement, plus les gens vont marcher, plus qu'on sera plus aux crochets du gouvernement.

M. Bordeleau: Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. Merci, messieurs de la Fondation André Senécal, pour votre participation aux travaux de cette commission. Et j'en profite également pour vous remercier de votre compréhension, parce que je sais que vous deviez être entendus le 11 septembre, en cette fameuse journée fatidique, avec d'autres qui passent cet après-midi ici; on a dû vous déplacer. Alors, merci beaucoup.

M. Poce (Alexandre): On avait des dépliants à vous remettre, ou des choses comme ça, est-ce que...

M. Chevrette: Oui, vous l'acheminez...

M. Poce (Alexandre): O.K. J'ai une vidéocassette qui serait intéressante également. O.K. Parfait.

Le Président (M. Lachance): Nous entendrons maintenant Me Jean Mercure, à qui je demande de bien vouloir se présenter à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Me Mercure. Et je vous indique que vous avez... Vous êtes accompagné. Alors, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne. Et je vous indique que vous avez 20 minutes de présentation.

M. Jean Mercure

M. Mercure (Jean): C'est Annie Tardif, une technicienne en droit qui travaille pour mon étude et qui est aussi étudiante en droit, qui travaille spécifiquement dans les dossiers qui concernent notre clientèle. Alors, elle est tout simplement ici à titre de... pour regarder ce qui se passe.

Alors, écoutez, nous, on est une étude qui se spécialise, même si le Barreau empêche cette qualification-là, dans les domaines du dommage corporel qui visent essentiellement des gens qui ont des accidents automobile, accidents de travail ou des gens qui ont tout autre dommage corporel. Alors, principalement, ce qu'on offre comme services à notre clientèle, c'est ça, des représentations.

Alors, au niveau de notre mémoire, au niveau de... à la page 4, Base salariale, ce qui nous préoccupe, c'est que, assez souvent, on a des gens qu'on représente et ces gens-là dépassent, en termes de revenus, le minimum ou le maximum assurable qui est prévu à la loi. Alors, je pense qu'il y aurait lieu... étant donné que la Société de l'assurance automobile est en quelque sorte une compagnie d'assurances, elle devrait donc offrir aux gens la possibilité de pouvoir couvrir l'ensemble de leurs revenus et non pas seulement un maximum, alors que, je vous dirais, 99 % des gens dans la population ne savent même pas qu'il y a un maximum assurable. Alors, lorsqu'on rencontre un agent d'assurances ou un courtier, bien, il nous informe de la limite de la responsabilité, et je pense qu'il serait à-propos que la Société de l'assurance automobile informe les gens qu'ils ont un maximum assurable et que si, ce maximum assurable là, leur revenu dépasse ce maximum assurable là, bien, à ce moment-là, qu'on leur permette de pouvoir avoir une indemnisation qui soit supérieure à ça.

Quant au Bureau de révision, je pense que c'est la majorité des gens qui ont présenté des mémoires qui sont du même avis que nous à l'effet que cette instance-là est tout à fait inappropriée et ne sert absolument à rien, sinon qu'à parfaire une preuve médicale contenue au dossier. Je vous dirais que, dans la majorité des cas, nous, ce qu'on dit à nos clients, c'est qu'il n'y a pas lieu de dépenser de l'argent pour aller devant le Bureau de révision, de se faire représenter là; simplement d'attendre la décision, recevoir une décision sur dossier pour l'amener par la suite devant le Tribunal administratif du Québec. Alors, bien entendu, si les gens produisent, là, des expertises médicales devant le Bureau de révision, eh bien, le Bureau de révision va faire faire une autre contre-expertise et, à ce moment-là, on va avoir une panoplie d'expertises, et puis là les gens, bien, n'ont pas les reins assez solides pour pouvoir subvenir... ou pour pouvoir concurrencer ce type d'expertise là. Alors, je pense que c'est une instance qui devrait être enlevée de la loi.

L'autre point: l'absence de statut conféré aux proches des victimes. En fait, dans le dernier propos de mon mémoire, dans les conclusions au deuxième point, je vous parle d'une dame qui a eu... qui a la charge de ses deux petits-enfants dont les parents sont décédés lors d'un accident d'automobile. Et cette dame-là a la charge de ses deux petits-enfants, c'est la grand-maman, et elle ne reçoit aucune indemnité pour subvenir aux soins qu'elle offre aux enfants. Alors, les enfants ne reçoivent pas d'indemnisation parce que ce sont des enfants, donc ils n'ont pas le droit de rien recevoir, et la grand-maman ne reçoit pas d'aide à domicile parce que les enfants sont considérés comme étant des personnes qui nécessitent déjà ce service-là, les parents doivent leur offrir le service de garde et de support puis la surveillance constante. Or, ces petits enfants-là, bien, n'ont absolument rien et la grand-maman, bien, c'est elle qui a dû acheter une maison plus grande pour pouvoir accueillir ces enfants, les petits-enfants, et c'est elle qui doit voir à aider et supporter ces enfants-là qui sont des blessés non pas quadraplégiques comme on le disait tantôt, mais ce sont des enfants qui nécessitent des soins particuliers. Alors, je pense qu'on devrait parfaire dans la loi à cet égard-là, à l'égard des personnes qui souffrent du dommage corporal d'une personne ou du décès d'une personne, mais aussi des gens qui doivent aider notamment des enfants comme le cas que je vous présente.

Au niveau du service à la clientèle, il y a eu une certaine amélioration dernièrement auprès de la Société de l'assurance automobile. On n'attend plus deux, trois heures avant de pouvoir parler à quelqu'un. Ça se fait des fois en dedans d'une demi-heure et 45 minutes. Je pense que, étant donné qu'il y a des représentants pour les victimes puis que ces gens-là défraient des coûts, des honoraires professionnels, je pense qu'il y aurait peut-être lieu d'instaurer un service qui permettrait aux intervenants ou aux gens qui représentent les victimes de pouvoir avoir accès rapidement à de l'information, ce qui n'est pas le cas actuellement. Malgré qu'il y a certains secteurs à Montréal où on peut avoir accès directement à l'agent sans passer par un service de renseignements.

n (15 h 20) n

Les rapports avec les associations. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il y aurait probablement lieu de faire en sorte que des associations soient accréditées auprès de la Société de l'assurance automobile et faire valoir les droits. Ces associations-là représentent certaines victimes. Il n'y en a pas, de grandes associations, il n'y a pas de grands syndicats comme il en existe en matière d'accidents de travail pour faire des représentations et des groupes de pression comme il en existe. Donc, les seuls regroupements qui existent actuellement, ce sont des petites associations. Je pense qu'il y aurait lieu de faire de la place à ces gens-là au sein du conseil d'administration pour être beaucoup plus près de la clientèle.

La réadaptation. Malgré les prétentions des gens qui m'ont précédé, je ne pense pas que la Société de l'assurance automobile mette beaucoup d'emphase sur le service de réadaptation. Bien entendu, la réadaptation dont il vous était fait mention tantôt, c'était bien plus de la réadaptation pour grands blessés, des blessés médullaires, ce genre de blessures là. Mais, quand on parle de réadaptation, on parle d'une réadaptation dans le but d'une réinsertion sur le marché du travail. Il n'y a absolument rien dans la loi, sinon une clause qui permet à la Société de prendre certaines dispositions, mais il n'y a aucune obligation, alors que, si on va voir dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a des dispositions spécifiques à cet effet-là. Et je pense que, dans la loi, on devrait aussi intégrer un processus qui ferait en sorte que la personne qui est blessée suite à un accident d'automobile puisse réintégrer le marché du travail et favoriser justement la réintégration sur le marché du travail. Dans la Loi sur les accidents du travail, le lien d'emploi perdure pendant... dépendamment de la grosseur de l'entreprise. Si on a plus de 20 employés, le lien d'emploi perdure pendant deux ans. Après deux ans, la personne perd son lien d'emploi. Bien entendu, on peut pas faire supporter ce fardeau-là plus longtemps à un employeur. Si c'est moins de 20 employés, le lien d'emploi perdure pendant une année.

À la page 8, la notion de «médecin traitant». Ce qui arrive, avec la Société de l'assurance automobile, c'est qu'il y a un médecin qui suit... Premièrement, il faut que la personne se trouve un médecin, ce qui est très dur, parce que, lorsque les gens disent qu'ils ont une... soit qu'ils sont des accidentés du travail ou des accidentés d'automobile, les médecins sont très... ont peur de toucher à ce genre de clientèle là. Mais, à un moment donné, il y en a un qui s'en occupe, de ces gens-là. Mais, lorsqu'il s'en occupe, des fois, il y a besoin de parfaire son expertise parce qu'il ne possède pas tout. Donc, il réfère ces gens-là à différents autres endroits, mais la Société de l'assurance automobile ne fait pas le lien. À partir du moment où le médecin, appelons-le «traitant», réfère la victime d'accident d'automobile auprès d'un autre médecin et que ce médecin-là a terminé son travail, il complète un rapport médical. Et, dans son rapport médical, il peut marquer, lui, que la fin d'indemnité de remplacement de revenu, il va marquer la date où il a vu le gars, puis c'est terminé. Donc, à ce moment-là, la Société de l'assurance automobile, lorsqu'elle va recevoir le rapport médical, pourrait très bien ? ce qui arrive dans de nombreux cas ? mettre fin aux indemnités de remplacement de revenu. Et là il faudrait faire la preuve que la personne a toujours besoin de traitements. Mais c'est entendu que dans... celui qui a complété ce rapport-là l'a complété dans un domaine très spécifique. Mais ça veut pas dire que cette personne-là n'a pas besoin de parfaire les tests dans d'autres domaines que le domaine dans lequel celui... le dernier, on a mis fin aux indemnités de remplacement de revenu.

Le droit de retour au travail, c'est ce que je vous disais tantôt.

L'indemnisation d'une victime qui devient invalide, ça, c'est intéressant. C'est une personne qui, au début, petit garçon, petit gars, qui a à peu près 20, 21 ans, il vient de commencer à travailler. Il est au plus bas de l'échelle salariale. C'est une personne qui, éventuellement, va peut-être gagner 45 000 $. Mais, au moment où il a son accident, il est au minimum. Il n'y a rien dans la loi qui prévoit que cette personne-là qui deviendrait invalide, qui n'est plus capable de travailler, il n'y a rien qui est prévu dans la loi pour faire en sorte que son sort soit amélioré. C'est tout à fait incompréhensible et inacceptable. On devrait, à ce moment-là, se référer au dispositif de la moyenne nationale des travailleurs. De dire qu'une personne qui devient invalide alors qu'elle est au début de sa carrière puis qu'elle va devenir invalide tout le temps, jusqu'à 65 ans, date où est-ce que c'est qu'on termine les indemnisations sur une base de 100 %, on devrait donc prévoir que cette personne-là puisse bénéficier de certains avantages pour faire en sorte qu'elle puisse s'équilibrer suivant la moyenne nationale des travailleurs du Québec, parce qu'elle est invalide.

C'est la même chose, par exemple ? ce que je vous dis aussi à la fin ? pour un petit garçon, un petit garçon de cinq ans qui subit un accident d'automobile. Il se fait couper la jambe, le pauvre petit garçon. Il va continuer ses études, il va finir. Mais admettons que ce petit garçon-là vit dans une famille d'ouvriers, des manuels. Alors, il va arriver, lui, à 18 ans, il va avoir terminé ses études, son secondaire V, mais il lui manque une jambe. Est-ce qu'il va avoir les mêmes chances dans la vie? Il n'aura jamais reçu un sou d'indemnisation si ce n'est la jambe qui lui manque, et donc pas les mêmes chances qu'un autre.

Donc, à notre avis, une personne qui est gravement atteinte, on devrait la considérer comme étant sur le même pied qu'un invalide suivant la moyenne nationale des travailleurs. Et, tant que cette personne-là n'aura pas atteint la moyenne nationale des travailleurs de l'ensemble du Québec, il devrait recevoir une compensation. Alors, c'est ça que j'avais à vous dire. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire. Il m'apparaît partir d'une volonté de construire positivement ou de bonifier le régime actuel. C'est dans ce sens-là que j'ai interprété l'ensemble de votre mémoire.

Il y a sur certains points, d'autre part, qu'on pourrait peut-être discuter. Je pense, par exemple, au Bureau de révision. Croyez-vous sincèrement, vous qui êtes avocat, qu'on sauverait bien du temps d'aller directement au TAQ, avec un tribunal quasi administratif, alors que 82 % des révisions sont confirmées? Il y a 9 579 cas de révision puis il y a 1 310 au TAQ; 1 310 dossiers qui se rendent au TAQ. Voyez-vous le TAQ aux prises avec un 10 000 cas, alors que ça peut se régler plus facilement? Parce qu'à la révision on peut faire un peu de médiation, on peut faire un peu d'arbitrage, on peut se parler puis réussir à régler un bon nombre de causes. Je veux vous entendre parce que vous m'avez pas convaincu sur ce point.

M. Mercure (Jean): Écoutez, ce que je peux vous dire, c'est que c'est sûrement pas à ce stade-là où est-ce que c'est que les choses se règlent. Si la Société de l'assurance automobile du Québec a rendu la décision, elle l'a rendue en fonction des connaissances qu'elle avait et l'appréciation médicale qu'elle avait à son dossier.

Si elle n'a pas fait son travail, c'est pas la faute de la victime et c'est pas à elle d'attendre une période qui est indûment prolongée. Actuellement, devant le Bureau de révision, là, je peux vous dire qu'on demande de rendre des décisions sur dossier. Ça demande aucune étude puis ça prend des fois plus de huit mois avant qu'on reçoive une décision. Alors, ça a pas de bon sens! On demande rien à la Société de l'assurance automobile du Québec. On lui dit: Signe ton nom en bas, ça vient de finir. Après ça, on s'en va au Tribunal administratif du Québec parce que, là, on va avoir une indépendance. C'est ça qu'on veut.

Ce que vous dites, je suis d'accord dans le sens que ça forcerait probablement la Société de l'assurance automobile du Québec et ses agents à se responsabiliser lorsqu'ils rendent une décision. Actuellement, on rend des décisions à tort et à travers. Les gens qui viennent nous voir sont pas les gens qui ont gain de cause. Ce sont pas les gens qui sont indemnisés. C'est les gens qui ont des problèmes. Moi, je vois que ces gens-là. Je sais très bien qu'il y a beaucoup de la clientèle de la Société de l'assurance automobile qui est très bien indemnisée, mais c'est pas les cas de nos clients. Puis on en a quelques-uns, je peux vous en montrer plusieurs.

Moi, ça fait 20 ans que je travaille là-dedans puis je représente des gens continuellement; j'ai à peu près une vingtaine d'appels par jour de nouveaux clients, alors... Puis ça, c'est juste mon bureau, là. Alors, c'est pas... Je pense pas que le Bureau de révision viendrait régler cette question-là. Je pense que, au contraire, c'est à la Société de l'assurance automobile de peut-être plus sensibiliser ses agents, peut-être aussi de faire en sorte que les agents, avant de rendre une décision, puissent voir leur clientèle, puissent prendre contact avec la personne, ce qui est pas le cas actuellement.

M. Chevrette: À leur décharge, je dois vous avouer qu'on constate très bien que ce qu'on appelle le «caseload», là, est très élevé et qu'on sent le besoin de faire un rectificatif administratif pour l'embauche. Ils ont 450 dossiers par agent. Disons que je pense que là-dessus on a compris le message, ce qui peut faciliter d'ailleurs en passant à écourter certains délais dans certains cas, en tout cas.

n (15 h 30) n

D'autre part, je vous rappellerai qu'il y a 288 797 décisions annuellement dont 96,09 % ne sont pas contestées. Donc, ça fait quand même un bon paquet. Il faudrait pas donner l'image... Parce que vos clients, il peut y en avoir beaucoup, mais, par rapport à l'ensemble global, tout est pas noir.

M. Mercure (Jean): Vous devez savoir que les décisions qui sont rendues dans les 200 ou 300 000 décisions qui sont rendues par la Société de l'assurance automobile, là-dedans, il doit sûrement y avoir des décisions qui concernent des remboursements de frais de médicaments. On en reçoit à la pelletée au bureau. Mais, moi, je vous parle de décisions fondamentales, des décisions qui déterminent le statut de la victime lors de l'accident, décisions qui parlent de la fin des indemnités de remplacement de revenus, une décision qui concerne les séquelles permanentes, le droit à la réadaptation, la réinsertion sur le marché du travail. C'est ça, c'est ça qu'on vous dit. Je comprends qu'il y a 300 000 décisions qui sont rendues. Mais ça, c'est des décisions qui sont... Il n'y a rien, là-dedans. Je vous parle des décisions fondamentales, pas des décisions de remboursement de frais, là.

M. Chevrette: On va faire des statistiques. Ça fait deux, trois qui nous disent ça. Ça vaudrait la peine de demander à la Société de l'assurance de nous donner la nature des décisions qui vont en révision, la nature des décisions qui vont au TAQ. On verra, de toute façon...

Je voudrais vous parler 30 secondes ? ça va très vite, 10 minutes, c'est pas long ? les médecins traitants. On a eu cet avant-midi une plaidoirie assez convaincante du Dr L'Espérance, je crois, qui est un expert qui montrait toute la fragilité du médecin traitant vis-à-vis son client par rapport au jugement à porter sur des invalidités à moyen et long terme et qui les plaçait dans une situation fort embêtante pour un médecin traitant.

M. Mercure (Jean): ...peut-être vous dire, c'est que le médecin traitant a pas l'indépendance d'un expert par rapport à la victime. C'est, à mon sens, la distinction qu'on doit faire. Sauf que le médecin traitant est celui qui voit l'ensemble du dommage qu'a subi son client... son patient. Alors que l'expert, lui, ne traite la personne que, comme le Dr L'Espérance, en neurochirurgie. Mais chaque médecin est capable, chaque médecin traitant, est capable de dire où en est rendu son patient en termes de guérison. Et c'est lui qui est capable de dire...

Écoutez, en matière d'accidents de travail, ça se fait depuis des lunes. C'est toujours le médecin traitant qui suit la victime, qui rend les diagnostics, qui pose tous les gestes médicaux, et la CSST, elle est liée par les rapports du médecin traitant. Et, si la CSST n'est pas d'accord ou l'employeur n'est pas d'accord, il fait faire une contre-expertise, une expertise, et à ce moment-là le processus, c'est que ça s'en va devant le Bureau d'évaluation médicale. Alors, je pense... Je vois pas pourquoi que la Société de l'assurance automobile pourrait y perdre là-dedans. Au contraire, ça éviterait la panoplie d'expertises qui est faite actuellement.

Je peux vous dire aussi qu'en matière d'expertises on reçoit des expertises, par exemple, en orthopédie, on en reçoit aussi de notre ami Georges Leclerc. Et la Société des fois n'est pas satisfaite de ces expertises-là et fait faire d'autres expertises. Alors que le premier médecin disait qu'il était d'accord avec la victime, il attribuait des séquelles permanentes, bien, la Société de l'assurance automobile, qu'est-ce qu'elle fait? Elle met l'expertise de côté, puis elle en fait faire une autre jusqu'à ce qu'elle soit satisfaite.

M. Chevrette: Je suis obligé de diverger d'opinions avec vous, publiquement.

M. Mercure (Jean): Je peux vous en montrer.

M. Chevrette: 85 % des expertises viennent des médecins traitants. Donc, il y en a seulement que 15 % qui sont pas des médecins traitants. Il faut bien regarder la réalité, là. 85 % ? je le dis, là ? des expertises sont des médecins traitants. Donc, il faut pas dire que c'est toujours externe, que c'est toujours des décisions... C'est faux.

M. Mercure (Jean): Là, vous me renversez, M. le ministre, parce que...

M. Chevrette: Bien, je vous renverse pas. Moi, je prends les chiffres qu'on me donne, puis, jusqu'à preuve du contraire, la SAAQ a pas raison de me faire mentir en public.

M. Mercure (Jean): Mais je pense pas que...

M. Chevrette: Sinon, vous me connaissez...

M. Mercure (Jean): Non, mais écoutez, je pense pas, là, sérieusement... Peut-être qu'il y a une information qui vous manque, mais c'est sûrement pas le médecin traitant qui fait l'expertise médicale. Ce sont des médecins qui traitent des gens, mais ce sont pas le médecin traitant qui fait l'expertise médicale.

M. Chevrette: 85 % des décisions sont basées sur... C'est le mot «expertise» qui vous a peut-être... vous a peut-être mêlé, là, c'est 85 % des décisions du médecin traitant qui sont acceptées telles quelles.

M. Mercure (Jean): Mais dites-moi pas que c'est le médecin traitant. Dites-moi que ce sont 85 % des décisions qui font suite à des rapports médicaux. Et c'est ça, la nuance que je faisais dans mon mémoire, à savoir qui est le médecin traitant. C'est ça qu'il est important de déterminer.

M. Chevrette: C'est celui qui a reçu le patient.

M. Mercure (Jean): Quand? Parce que, voyez-vous, le médecin traitant, lui, c'est un généraliste, règle générale, et il n'a pas la formation dans tous les domaines. Alors, plus souvent, pour parfaire sa connaissance ou parfaire l'expertise ou le suivi du dossier de son patient, il va le référer à un orthopédiste.

M. Chevrette: ...on ne donne pas de directives de pas travailler avec le médecin de famille, là, si c'est ça que vous faites allusion.

M. Mercure (Jean): Non, non, non, non.

M. Chevrette: Bien souvent ils se connaissent, puis on a avantage à communiquer entre un spécialiste ? ou bien le médecin traitant, si on veut faire toutes les nuances jésuitiques qui s'imposent ? mais je dois vous dire que les décisions de médecins sont à la base de 85 % des règlements. Il faut quand même pas... C'est pas tout gris, pas tout noir.

Pour ce qui est du salaire, je vais le regarder, parce que, moi aussi, ça me chicote, de voir qu'il n'y a aucun espoir, jamais. Il faudra le regarder sérieusement qu'est-ce qu'on peut faire dans cela, sans pour autant tomber dans la démesure, là. Je pense qu'il y a quelque chose là. Les soins peuvent s'amplifier à part de ça. L'aide matérielle seulement peut s'amplifier, puis, si tu es très lucide, puis t'avais un goût de carrière, puis tu as été fauché, bien souvent par un acte criminel en plus...

C'est une chose à regarder, puis on va fouiller plus sérieusement. Règle générale, j'aime bien le ton de votre mémoire puis je trouve ça intéressant que vous cherchiez à le bonifier, le régime. Merci.

M. Mercure (Jean): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission parlementaire. D'entrée de jeu, avant de passer dans une période de questions proprement dite, vous avez soulevé mon attention en parlant de l'histoire des deux jeunes enfants élevés par...

M. Mercure (Jean): Leur grand-maman.

M. Brodeur: ...la grand-maman. Et puis naturellement, comme élus, on connaît pas tous les détails de la loi, mais je pense que je vais adresser ma question à la SAAQ après, là.

Dans ce cas-là, que vous nous dites là, c'est... les parents sont morts dans un accident d'automobile, les enfants ont eu peut-être quelques séquelles importantes dans l'accident...

M. Mercure (Jean): Des traumatismes crâniens, entre autres.

M. Brodeur: ...et ils ont un dédommagement minime ou pas ou peu important où les dommages, excusez-moi l'expression, les dommages collatéraux n'ont pas été couverts par la Société de l'assurance automobile du Québec, ne sont pas couverts.

M. Mercure (Jean): C'est-à-dire, dans cet accident-là ? je vais raconter les faits brièvement ? les deux parents sont en avant et ils conduisent. Les deux enfants sont assis en arrière, puis il y a une tante qui est assise en arrière.

Les deux parents décèdent, les deux enfants qui sont en arrière sont traumatisés cranio-cérébral ainsi que la tante, à côté. Curieusement, la tante était gardée par la madame qui était en avant aussi parce qu'elle avait perdu ses parents dans un autre accident.

Alors, les deux enfants, en arrière, eux, actuellement n'ont aucune indemnité de remplacement de revenus, puisque ce sont des mineurs. Ces enfants-là, étant donné que leur condition d'enfant nécessite une garde, une surveillance constantes, hein, comme enfants, bien, la grand-maman ne peut pas bénéficier de quelque avantage que ce soit, à savoir de l'aide personnelle, parce que les enfants nécessitent de toute façon une aide, une présence constantes.

Mais ces enfants-là sont particuliers. Ce sont des enfants qui ont quand même un dommage assez lourd, mais ce sont des enfants qui doivent être gardés par quelqu'un dû au décès de leurs deux parents. Alors, ils ont absolument rien si ce n'est le montant des deux parents qu'ils ont reçu, probablement 75 000 $ chacun, là, pour ça. Et puis après ça les enfants, eux, ont reçu des dommages corporels qu'ils ont subis. Et c'est tout.

M. Brodeur: Donc, c'est ridicule par rapport aux dommages causés.

M. Mercure (Jean): C'est ridicule.

M. Brodeur: C'est ridicule. Donc, c'est bien saisi. J'espère que la Société de l'assurance automobile a bien saisi ça aussi dans les recommandations qu'ils vont apporter, j'imagine, à leurs patrons, pour une certaine modification des règles d'attribution de dédommagements.

Vous avez parlé des délais, par exemple, je dis «délais» dans le sens que la Société de l'assurance automobile du Québec reçoit un rapport de médecin à l'effet que l'accidenté est, selon le rapport, apte à revenir au travail aujourd'hui même. On me dit souvent à mon bureau de comté, les attachés politiques, que c'est une décision qui est immédiate et très rapide. Et, à ce moment-là, l'accidenté en question se retrouve devant aucun revenu et doit attendre tous les dédales procéduriers, en fin de compte, du bureau de révision, qui en même temps est un peu juge et partie parce que ça reste dans le même système.

Vous avez suggéré tantôt qu'on aille immédiatement au TAQ. Donc, dans les faits, dans les faits, est-ce que, vous, qui avez régulièrement à recevoir des clients là-dessus, est-ce que ces délais-là sont pareils dans tous les cas? Est-ce qu'à ce moment-là on se voit devant une situation à chaque fois où l'accidenté de la route est devant une décision, un fait accompli et une cessation immédiate des prestations?

M. Mercure (Jean): Oui, c'est toujours comme ça. Et là ce problème-là, il survient selon nous dû au fait qu'on ne considère pas le médecin traitant comme étant la personne qui... sur laquelle, en vertu ou en fonction de quoi la Société devrait être obligée de rendre des décisions. Elle devrait être reliée par les questions ou les points soulevés par le médecin traitant.

n (15 h 40) n

À partir du moment où on reconnaît le médecin traitant... Puis j'entends bien que vous compreniez que le médecin traitant, c'est pas celui qui est référé par le médecin traitant. C'est une personne que la victime a désignée comme étant son médecin. Or, ce médecin-là, même s'il réfère à un autre médecin qui met fin à l'indemnité de remplacement de revenus, en disant: Où est-ce que c'est qu'est la case marquée fin d'indemnité de remplacement de revenu, il met une date, lui, bien, la Société pourrait pas rendre une décision en fonction de ce rapport-là, parce que le médecin qui l'aurait complété ne serait pas le médecin traitant.

Si la Société dit: Le médecin, il prolonge indûment l'indemnisation en... en... en repoussant toujours le... le... la fin de l'indemnité, bien, à ce moment-là ça serait à la Société de l'assurance automobile à faire voir la victime par un autre médecin et là confronter les propos, puis, s'il arrive une conclusion contraire, bien, aller en arbitrage médical. Et c'est ça qu'on devrait faire.

M. Brodeur: Donc, il faut prendre bonne note ici qu'il faut voir à l'intérêt de l'accidenté de la route en premier lieu et faire en sorte de pas... que cet accidenté de la route là se retrouve dans une situation qui est intolérable de façon économique. Parce qu'on l'a vu dans plusieurs cas ? je sais qu'il y a des gens de la SAAQ, qui sont assis derrière, qui ont eu l'occasion sûrement de prendre des cas de comté provenant de mon bureau et sont bien au courant, donc, je sais que vous l'êtes aussi... et faire en sorte que... le message, c'est de faire en sorte que ces gens-là ne soient... mis devant une situation où même ils auraient de la difficulté à subvenir à leurs propres besoins.

On a parlé abondamment, dans les semaines précédentes, de qualité des services avec la Société de l'assurance automobile du Québec, si on la considère comme une société d'assurances. Vous avez souvent des clients qui ont peut-être maille à partir avec la Société de l'assurance automobile du Québec. Comment pouvez-vous qualifier aujourd'hui le genre de services que donne la SAAQ à ses accidentés? Pas les accidentés qui ont un règlement, là, plutôt facile, parce que sûrement que c'est pas pareil dans tous les cas d'accidents, mais, dans les cas où on a un certain taux de difficulté, est-ce que le service de la Société de l'assurance automobile du Québec est adéquat pour vos clients?

M. Mercure (Jean): Moi, je vous dirais: Absolument pas. D'une part, le problème, je pense, puis je veux pas dénigrer les gens qui habitent Québec, là, mais je pense qu'il y aurait lieu de faire en sorte que les agents d'indemnisation puissent être en contact direct avec les victimes. Le problème, c'est que souvent ils vont rendre des décisions simplement à partir de papiers ou d'une... de ce qu'ils pensent qui s'est passé ou de ce qu'ils pensent... des préjugés ou des... Ils vont... ils vont... ils voient jamais la personne. Ça, c'est d'une part. D'autre part, le contact téléphonique est très, très difficile. Il y a eu quelques améliorations dernièrement, mais ça demeure quand même très pénible, des fois il faut attendre 45 minutes, une heure avant d'avoir un contact téléphonique avec les gens. Ça, c'est tout à fait inacceptable.

En matière d'accidents de travail, on a un contact direct avec l'agent, on appelle directement chez... dans son bureau, puis on lui laisse un message, puis il nous rappelle. Mais là on est obligé de passer par un service de renseignements qui nous demande 50 000 questions, puis de temps en temps les gens sont là, puis de temps en temps ils sont pas là. Puis, nous, au bureau, on dit: On appelle chez «de temps en temps». Alors...

M. Brodeur: Là, le message est bien reçu. On a entendu ce message-là de plusieurs groupes et dans plusieurs mémoires qui nous ont été présentés.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. J'ai apprécié votre mémoire dans le sens où vous faites une critique, disons, très constructive du fonctionnement interne, et tout, sur le processus interne à la SAAQ, dans le but au fond d'améliorer le service à la clientèle. Et vous soulevez aussi des points quand même relativement importants au niveau des indemnisations. Mais il y a deux points que je vous ai pas vu soulever de façon très, très claire sinon pas du tout dans le mémoire, et j'aimerais avoir votre avis quand même sur ces points-là.

Le premier est la question du recours civil. Comme avocat, bon, qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité-là? Parce que c'est quelque chose qui revient quand même régulièrement. On... Le ministre nous mentionne souvent que ? on l'a fait encore cet après-midi avec des chiffres, là ? que ça donnerait pas grand-chose parce que la majorité est pas solvable. Par contre, une personne qui était là avant vous cet après-midi dit: Bien, ça devrait être nous qui avons à décider qu'est-ce qu'on doit faire et ça doit être la décision de la personne impliquée de savoir si elle va poursuivre ou non au civil, et ça sera à elle et son avocat de prendre la décision à savoir est-ce que c'est... ça vaut le coup de le faire ou de pas le faire, et non pas que ce soit le gouvernement qui décide a priori qu'il y a pas de recours au civil. Alors, j'aimerais avoir votre point de vue sur ça.

Le deuxième point aussi sur lequel j'aimerais que vous nous expliquiez un petit peu ce que vous en pensez, c'est la question des indemnités qu'on donne à des gens qui sont reconnus criminellement responsables d'accidents et qu'on continue à indemniser. Et ça, je vous avoue ? puis vous êtes sûrement, avec votre clientèle, bien au fait de ça ? les gens ont de la misère à comprendre ça, ils ont de la misère à accepter que, dans le système qu'on a actuellement, des gens posent un geste criminel, ils sont...

Tant qu'ils sont pas reconnus criminellement responsables, il y a pas de problème, ils sont innocents. Mais, à partir du moment où ils sont reconnus criminellement responsables, on continue à les indemniser et souvent de façon supérieure à ce qu'aurait pu avoir, par exemple, une personne qui est décédée, qui a eu une allocation. Dans le cas d'un enfant, c'est encore moins. Et, si la personne qui a causé l'accident, elle a été blessée, bien, ça va continuer par la suite durant des années et sans qu'il y ait aucune responsabilisation, aucune conséquence chez cette personne-là. Alors, j'aimerais peut-être avoir votre point de vue sur ces deux aspects-là.

M. Mercure (Jean): Alors, je commencerais peut-être par le deuxième, quand vous parlez d'indemnisation pour les criminels. Alors, pour moi, un criminel, c'est quelqu'un qui a commis un acte criminel. Je ne suis pas un criminaliste, mais, à partir du moment où on a établi la preuve qu'il y avait une intention coupable de commettre un crime, à mon avis, c'est un criminel. Donc, cette personne-là, je pense, devrait pouvoir... c'est-à-dire que la victime qui a subi le crime, comme en matière d'actes criminels, victime d'actes criminels, on devrait lui permettre de pouvoir poursuivre la personne.

Pour l'indemnisation supérieure, à savoir est-ce que le criminel qui a causé le dommage corporel à une personne avec l'usage de sa voiture devrait ou ne devrait pas être indemnisé, j'ai beaucoup de réticences là-dessus. Je pense que... Moi, en tout cas, je pense qu'on rendrait pas service à la société en faisant ce genre de chose là parce que cette personne-là a aussi d'autres personnes à sa charge. Il a une femme, il a des enfants, et je pense que... priver cette famille-là de l'indemnisation, je pense que ça serait pas équitable.

Par contre, le fait de pouvoir permettre à la victime de pouvoir poursuivre cette personne-là au civil pour les dommages supérieurs à ceux qui ne sont pas prévus à la Loi sur l'assurance automobile, là ça devient intéressant. À ce moment-là, probablement que le but visé par la campagne de publicité de la Société de l'assurance automobile sur l'alcool au volant... Mais, moi, je dirais: Pas juste l'alcool au volant. Tout crime commis avec l'usage d'une automobile et incluant la négligence criminelle, incluant, tu sais, le malade qui s'en va sur la route puis qui fait des... qui se promène un peu... en tout cas, je sais pas, il y a un terme, là, pour ça, ça me vient pas, je pense que toutes ces personnes-là devraient être poursuivables au civil. Qu'ils soient solvables ou pas, on y verra. Je pense qu'à ce moment-là il y aurait peut-être lieu de prolonger, dans le Code civil, le délai pour pouvoir poursuivre. Au lieu de s'astreindre à un délai, une prescription de trois ans, on pourrait peut-être étendre la prescription à plus longtemps.

Alors, le jeune ou... je veux pas dire... je veux pas avoir ce genre de préjugé là, mais celui qui s'en va un peu n'importe comment sur l'autoroute et qui commet des délits ou un crime, bien, peut-être qu'aujourd'hui il est pas solvable, mais peut-être qu'un jour il va le devenir, solvable, et, si on extensionne la prescription prévue au Code civil dans cette matière-là, ça pourrait peut-être faire penser des gens à un moment donné qu'il y a peut-être quelque chose qui peut se passer. Alors, ils auraient peut-être beaucoup plus de réserve au niveau de leur conduite, et ça permettrait aux gens de peut-être avoir moins d'accidents d'automobiles dans des cas d'actes criminels.

n (15 h 50) n

M. Bordeleau: Vous savez, quand on parle des actes criminels, on parle souvent de la possibilité de poursuite par les gens, les victimes comme telles, mais je pense qu'il faut pas oublier non plus que la Société paie pour des indemnités à ces individus-là au fond, et, c'est l'ensemble de la société qui paie par le biais de la SAAQ. Et, si la SAAQ, dans les cas où il y a eu une négligence criminelle, que ce soit alcool au volant ou conduite dangereuse, comme vous mentionniez tout à l'heure, si la SAAQ avait la possibilité, elle, de retourner chercher des fonds...

Parce que c'est la société qui paie pour l'ensemble de ça. Alors, comme responsable, la SAAQ pourrait avoir la possibilité, dans certains cas... Comme ça existe dans d'autres lois, à la CSST ou dans d'autres... d'autres genres de... de... de lois qui existent, la SAAQ se garde un pouvoir de subrogation, je pense, qu'on... Alors, ça aussi, ça serait possible dans ces contextes-là, qu'il faut pas oublier. C'est pas seulement la partie victime, mais c'est la société, comme victime globale au fond, pris dans son sens large, qui pourrait revenir sur certains individus, par le biais de la SAAQ qui demande un niveau de compensation par la suite. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Moi, je voudrais savoir, Me Mercure, vous êtes avocat, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui nous disent qu'une poursuite civile, une poursuite criminelle puis, une troisième, arrêt de paiement d'indemnité... si ce n'est pas prohibitif par rapport au droit? Ça devient une triple pénalité par rapport à un acte. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là?

M. Mercure (Jean): Bien, c'est déjà prévu, M. le ministre. Quelqu'un qui commet un crime, hein, en dehors d'un problème d'accident d'automobile, elle peut être poursuivie, cette personne-là. Le médecin, par exemple... Le médecin... J'en ai un, cas. C'est un médecin qui agresse sa patiente. Il est poursuivi au criminel, il est poursuivi au Collège des médecins, il est poursuivi partout, au Tribunal des professions et il est aussi poursuivi au civil, c'est moi qui le poursuis. Alors, il subit tout ça.

M. Chevrette: Devant une cour criminelle... Par exemple, nous autres, le Code de la route pénalise l'individu. Le Code criminel peut pénaliser. Il pénalise pas au goût de certaines familles touchées, là, parce que vous avez beaucoup de sentences avec deux ans moins un jour puis vous avez également ? comment dirais-je? ? des libérations conditionnelles qui libèrent vite l'individu, ce qui fait monter la pression chez bien des familles des victimes. Ça, on le sait, mais ça, ça relève du Code criminel.

Pour ce qui est du Code de la route, il y a la suspension, il y a une série de mesures. Et vous ajouteriez, dans 84 % ou même... même quasiment 98 % des cas... Il en coûterait très cher aux victimes pour aller chercher plus, parce qu'il y en a 43-44 qui ont aucun revenu, 41 qui ont 20 000 et moins, 14... 14 % qui ont moins de 50 000 puis 2 % qui ont eu haut de 50 000. Vous feriez une loi d'exception pour environ 2 % d'une population?

M. Mercure (Jean): Mais, écoutez, moi, je pense qu'on doit permettre aux gens de le faire. Puis, à mon sens, c'est une façon de freiner les excès qui se passent actuellement. Vous savez, actuellement dans la tête des gens, c'est que, avec une auto, on peut faire n'importe quoi. On peut tuer quelqu'un puis on n'a pas de problème. Mais c'est ridicule comme ça! Alors, je pense qu'à un moment donné faut avoir un régime qui exerce une répression chez ces gens-là pour dire: Écoutez, on va faire une retenue pour vous si vous êtes pas capables d'en faire.

M. Bordeleau: Je veux juste faire un commentaire, puis une autre question à vous poser que j'ai oublié de vous poser tout à l'heure. Le ministre fait référence à la question du recours civil, et il mentionnait, comme il vient de le mentionner, que, dans un pourcentage quand même relativement important de cas, ça coûterait très cher pour poursuivre des gens qui sont pas solvables. Moi, je sais pas, mais, en tout cas, c'est simplement un commentaire que je veux faire, c'est: C'est pas au gouvernement de décider si ça va être... si ça va être...

D'abord, les 43 % de personnes impliquées, probablement qu'elles poursuivront pas parce qu'elles vont, avec leur avocat, conclure que ça coûterait trop cher pour rien puis elles auraient rien. Mais elles vont prendre la décision, elles, de poursuivre ou non. C'est pas vrai que, pour une grande majorité de personnes, un pourcentage très élevé, que ça va coûter extrêmement cher de poursuivre. Ils poursuivront probablement pas, mais ils auront la liberté de décider s'ils veulent poursuivre ou non. Et, dans les cas où ça pourrait être possible, compte tenu peut-être du niveau de richesse de la personne ou de la preuve, ça sera à évaluer entre les parties, l'avocat et ces personnes-là, et s'ils décident de poursuivre, bien, ils auront le portrait global des risques et des avantages. Mais encore là ce sera leur décision à eux.

La question que je voulais vous poser, c'est... Vous parliez tout à l'heure des... Puis ça revient souvent, ça, dans les présentations qui nous sont faites, l'indemnité qu'on donne à des gens qui posent des gestes criminels, et on fait référence à la famille, pour dire: Oui, mais c'est compliqué, la famille. Est-ce que vous avez pas l'impression qu'on mélange les choses? C'est-à-dire qu'on parle ici d'un système d'assurance automobile, et, la famille, il y a des programmes gouvernementaux qui s'appellent la sécurité du revenu, qui traitent de ces cas-là.

Dans le cas d'une personne, par exemple, qui travaille, qui perd son emploi à 50 ans et qui se retrouve sans revenus, elle a pas commis rien de criminel, cette personne-là. Au bout de la ligne, qu'est-ce qui va se passer? Si malheureusement elle en est rendue là, elle va aller à la sécurité du revenu. Un criminel qui pose un geste criminel, qui va dans une banque, qui fait un hold-up et se fait descendre ou se fait blesser et devient invalide, la famille, et c'est de valeur pour la famille aussi, mais la famille va aller à la sécurité du revenu. Pourquoi... pourquoi... pourquoi on essaie de régler à l'intérieur du cadre d'une société de l'assurance automobile ce problème-là, à mon avis qui doit relever des programmes qui sont appropriés pour régler ce genre de problèmes là? Il me semble qu'on mélange deux choses. Je sais pas si...

M. Mercure (Jean): Vous avez probablement raison. Écoutez, moi, j'étais porté à me dire que les gens devraient... Étant donné qu'on avait un régime de sécurité sociale ici, au Québec, qui était le minimum, mais qui permettait aux gens de survivre et de vivre, à certains égards, là, je pense qu'effectivement à un moment donné ma réflexion m'avait amené à poser ou à raccrocher un petit peu aux propos que vous tenez, à savoir qu'effectivement ils ne subissent pas plus de dommages qu'une personne qui a perdu son emploi puis qui se retrouve sur le bien-être social. Alors, je ne vois pas effectivement pourquoi qu'il serait plus avantagé parce qu'il a commis un crime puis qu'il est couvert par une police d'assurance qui s'appelle la Société de l'assurance automobile du Québec. Effectivement, je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Chevrette: Moi, je...

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, merci, monsieur et madame, pour votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement les représentants de Droits des accidentés du travail et de l'automobile du Québec à prendre place. Alors, j'ai parlé des représentants, j'imagine que vous êtes le représentant.

Droits des accidentés et accidentées du travail
et de l'automobile du Québec (DAATAQ)

M. Cadieux (Martin): Tout à fait, oui, je suis seul. Je suis le porte-parole, Martin Cadieux.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Bienvenue, M. Cadieux. Alors, vous avez 20 minutes de présentation.

M. Cadieux (Martin): Merci. Alors, dans un premier temps, je voudrais remercier les membres de la commission et plus principalement le ministre des Transports de m'accorder ce temps pour faire valoir mon point de vue. Je tiens à préciser que, malgré le fait que je sois seul cet après-midi pour représenter l'organisme DAATAQ, bien entendu ce ne sont pas mes... ce n'est pas mon opinion personnelle qui est manifestée dans le mémoire, mais c'est l'ensemble des gens qui travaillent à l'organisme DAATAQ, et plus précisément je dirais que c'est ce qui est reflété par notre clientèle accidentée, c'est-à-dire le mécontentement de notre clientèle.

Je n'ai pas l'intention, avec vous, de passer point par point ce qu'on retrouve dans mon mémoire, parce que j'imagine que vous en avez pris déjà connaissance. Je vais peut-être seulement attirer votre attention sur deux, trois points que je considère très importants, et on pourra de cette façon-là passer plus rapidement à la période de questions.

Bon. Tout d'abord, ce que vous devez savoir, c'est que DAATAQ, c'est un organisme qui vient en aide aux accidentés du travail et de l'automobile. Les gens qui travaillent à DAATAQ, ce sont des gens qui ont une formation en droit mais qui ne sont pas nécessairement avocats. En fait, il n'y a pas d'avocats comme tels à DAATAQ. Moi, principalement, j'ai une technique juridique, je suis technicien en droit, et j'ai également fait des études à l'Université de Montréal en droit.

DAATAQ, c'est un organisme qui existe depuis 1985 et dont le but est finalement de s'assurer que les droits des victimes soient reconnus par l'organisme compétent, que ce soit la CSST ou la Société de l'assurance automobile du Québec.

Je vais vous parler principalement en ce qui concerne nos recommandations concernant la criminalité routière. C'est pas la première fois que j'ai l'occasion de vous parler de ces choses-là en consultation générale, je l'ai déjà fait dans le passé. Je vais y revenir parce que là ça me semble plus pertinent que jamais, puisque le ministre a convoqué finalement une consultation générale pour parler principalement de cet aspect. Mais je vais également plus tard vous parler rapidement de certaines modifications qui nécessiteraient d'être apportées selon moi à la Loi d'assurance automobile.

Pour ce qui est de la criminalité routière, nous, c'est de notoriété publique ? je pense, il y a les médias qui ont déjà couvert... publié des articles que j'ai fait circuler à cet effet-là, j'ai déjà fait des commissions, des commissions parlementaires, j'ai déjà également convoqué des conférences de presse pour parler de cet aspect... Bien entendu, nous, ce qu'on demande à DAATAQ, on demande... Il y a trois recommandations qui sont les mêmes, qui sont véhiculées par plusieurs autres personnes, organismes, et tout ça. On demande dans un premier temps que les victimes d'actes criminels commis sur la route puissent avoir droit au même recours que n'importe quelle autre victime d'acte criminel. Dans un deuxième temps, on demande à ce que le criminel de la route ne soit pas indemnisé par le régime de la SAAQ et, dans un troisième temps, on recommande également que la SAAQ puisse pouvoir poursuivre le criminel, s'il en a les moyens, pour se faire rembourser les indemnités qu'elle aura versées à ses victimes.

n (16 heures) n

Je tiens à préciser que l'on ne remet pas du tout en question la notion de «no fault», ce qui a été mis en place en mars 1978 par la loi. On considère que c'est un régime qui est excellent et on ne veut pas revenir à qu'est-ce que c'était, la façon dont les gens devaient procéder auparavant pour se faire indemniser. Tout ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une modification à la loi pour qu'effectivement, lorsqu'il s'agit d'un crime routier, bien, cette victime, la victime de ce criminel-là, puisse avoir les mêmes droits que n'importe quelle autre victime d'acte criminel. Pour nous, le fait que le crime soit perpétré avec une automobile, ça ne change en rien que s'il est perpétré avec un fusil. Donc, le fait qu'un véhicule automobile soit impliqué là-dedans, si la personne est reconnue coupable, à ce moment-là la victime de ce criminel-là aurait normalement droit aux mêmes recours que les autres victimes. Ce qui fait en sorte que ce ne sont pas toutes les victimes qui vont devoir poursuivre devant les tribunaux civils, ce sont seulement les victimes de criminels de la route, et elles ne devront pas poursuivre de façon systématique. Elles auront un droit de poursuite si elles désirent réclamer l'excédent, c'est-à-dire ce qui n'est pas couvert par la Loi sur l'assurance automobile du Québec. Parce qu'on sait que la loi, contrairement à ce qui a déjà été véhiculé dans le passé... on disait que la protection était complète; malheureusement, ce n'est pas le cas. On sait que, et je vais vous donner seulement quelques exemples, on sait que la SAAQ ne couvre pas l'indemnité de remplacement du revenu pour les six premières journées; la SAAQ a un maximum assurable pour ce qui est du salaire, l'indemnité de remplacement du revenu; la SAAQ ne couvre pas plusieurs... ne rembourse pas plusieurs frais. Alors, ce ne sont que des exemples non exhaustifs. On sait que le régime, malheureusement, n'est pas complet. Alors, si la victime, si elle avait le droit de poursuivre le criminel de la route, ce serait probablement pour aller récupérer ces excédents-là qui ne sont pas couverts par la SAAQ. Alors, oublions le fait que ce seront dorénavant toutes personnes qui devront poursuivre devant les tribunaux civils pour se voir indemniser. On ne veut pas ça, pas du tout. Le régime reste le même, sauf qu'on donnerait, disons, un accès différent pour les personnes qui sont victimes d'un acte criminel commis sur la route.

Pour ce qui est de l'indemnisation du criminel lui-même, écoutez, il y a plusieurs provinces canadiennes qui ont analysé notre système, notre régime d'assurance public et qui ne l'ont pas copié. À cet égard... c'est-à-dire que plusieurs provinces ont décidé de ne pas indemniser les criminels de la route pendant un certain temps. Déjà là, je considère que c'est quelque chose de très bien par rapport à nous. Lorsqu'on indemnise un criminel, il y a une certaine aberration derrière tout ça. C'est comme si, en fait, on encourageait. On dit: Regarde, tu peux commettre un acte criminel avec ton volant; si tu veux tuer quelqu'un, prends ton volant, ton char, ta voiture; comme ça, si tu te blesses, tu vas être couvert par le régime. Alors, à ce niveau-là, il y a une certaine incompréhension, et c'est manifesté de la part de la population en général à l'effet que les gens ne sont pas d'accord avec cette position de la SAAQ qui est, à l'heure actuelle, d'indemniser les criminels de la route.

En 1997-1998... en fait, c'est à la fin de l'année 1997 et au début de l'année 1998, pendant une période de trois mois précisément, j'ai fait... j'ai commencé à faire circuler une pétition qui reprenait textuellement les trois recommandations qu'on a ici, et on a obtenu, dans un très court laps de temps, 8 345 noms. Bien entendu, vous allez me dire: C'est pas... c'est pas très, très représentatif. Mais, bien entendu, nous, on est allés selon les moyens que l'on avait. On n'est pas... on n'a pas des bureaux à travers la province et on n'a pas une grosse organisation à travers nous. Alors, en faisant circuler de main à main cette pétition-là, on a quand même réussi à obtenir 8 345 noms. Et je sais qu'il y a des sondages qui ont été effectués à de maintes reprises. Le premier, j'ai contribué ? en fait, quand je dis «on» et quand je dis «ai», c'est l'organisme DAATAQ ? le premier sondage qui a été fait en 1996, on a contribué financièrement pour l'obtention de ce sondage-là, et 85 % ? en fait, je vais résumer ? mais à peu près 85 % de la population était d'accord avec ces propositions-là. Je dis une moyenne de 85 % parce qu'il y avait des propositions où on était d'accord à 87 % et d'autres propositions où on était d'accord à 83 %. Alors, je pense qu'il y a lieu d'écouter la population en général et de mettre en application les recommandations qui sont proposées concernant justement cette criminalité routière.

Tantôt, j'entendais dire que, bon, qu'est-ce que... Les gens disent: Oui, mais, si on coupe les indemnités au criminel de la route, qu'est-ce qui va subvenir de sa famille? On entend ça souvent. Bien, écoutez, je vous dirai que, si une personne commet un vol dans une banque et, bon, ça se déroule pas comme elle l'avait prévu, et finalement, elle se sert de son arme à feu et elle tue quelqu'un, cette personne-là, bon, va être incarcérée, et ainsi de suite, elle est reconnue coupable, et ainsi de suite. Bien, pourquoi... on se questionne pas par rapport à la famille de ce monsieur-là. Pourquoi on se questionnerait dans ce cas-ci?

Bon, je vais vous dire, je voulais pas en parler tout de suite, mais je vais quand même en parler tout de suite. Il y aurait lieu d'établir une notion beaucoup plus libérale de la victime. Alors, lorsque, dans la Loi sur l'assurance automobile du Québec, on parle de «victime», il y aurait lieu de rendre cette définition-là plus large, plus libérale, de telle sorte qu'on inclue les membres de la famille comme pouvant être des victimes même s'ils n'ont pas été impliqués directement dans l'assurance automobile, dans l'accident d'automobile. Si cette notion-là était élargie ? je vais revenir tout à l'heure un petit peu plus longuement ? mais, si cette notion-là était élargie, bien, à la limite, les membres de la famille du criminel pourraient peut-être avoir certaines compensations parce qu'ils seraient également considérés comme des victimes.

Pour ce qui est de la criminalité routière, je pense qu'on va avoir les chances... la chance tout à l'heure d'élaborer davantage parce que vous allez me questionner par rapport à ça. Alors, je vais tout de suite passer aux autres recommandations que je considère importantes.

Tantôt, vous parliez avec Me Bellemare du bureau de révision, mais, effectivement, nous aussi, on a constaté...

Une voix: Me Mercure.

M. Cadieux (Martin): Avec Me Mercure, oui. Tantôt...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cadieux (Martin): Tantôt, vous parliez justement du bureau de révision, mais, nous aussi, on a constaté que... C'est parce que Me Bellemare, je sais que lui aussi est d'accord par rapport à cette position-là. On a, nous aussi, constaté que le bureau de révision, il y avait une certaine inutilité de sa présence. Le bureau de révision, année après année, maintient les décisions de la SAAQ. Les statistiques révèlent que, dans une moyenne de 83 à 85 % des cas, le bureau de révision maintient la décision de la SAAQ. Ils sont juge et partie en même temps. Les délais d'attente sont très longs. Les victimes, lorsqu'elles reçoivent les décisions du bureau de révision, elles sont encore une fois découragées parce qu'elles pensent qu'elles peuvent avoir gain de cause, mais elles essuient à nouveau un refus, et elles se découragent, et bien souvent ne contestent pas la décision du bureau de révision devant la SAAQ, devant le TAQ, le Tribunal administratif du Québec.

Alors, la question qu'il faut se poser, c'est: Quelle est l'utilité du bureau de révision? Tantôt, le ministre proposait, disait: Bien, si on mettait en place des mesures de conciliation ou quoi que ce soit, bien, si, effectivement, il y a des choses, des modifications à apporter qui pourraient améliorer le résultat du bureau de révision, bien, à ce moment-là, il y a pas personne qui va se plaindre de ça. Parce que le but recherché, c'est bien entendu que les victimes aient satisfaction. Si on veut mettre en place des mesures qui pourraient faciliter, accélérer le processus, qu'il y ait davantage d'échanges entre la victime et la SAAQ, le bureau de révision, bien, à ce moment-là, il y a personne qui est contre ça. Mais qu'on mette en place quelque chose de sérieux, parce que le bureau de révision qui est en place actuellement n'est pas sérieux, n'est pas considéré par justement les gens qui côtoient ce bureau-là comme étant quelque chose de sérieux.

n (16 h 10) n

Je vais parler du point n° 3 et je vais porter votre attention à ce niveau-là parce que c'est une des rares fois que je vais le faire, au point n° 3 dans mon mémoire, qu'on retrouve à la page 7. L'absence de statut conféré aux proches des victimes. Tantôt, j'en ai glissé un petit mot; je vais élaborer davantage. Actuellement, les parents ou les membres immédiats d'une victime ne sont pas considérés comme une victime au sens de la Loi sur l'assurance automobile du Québec. Il serait important de faire en sorte que ces personnes-là aient le même statut, c'est-à-dire qu'on leur reconnaisse le statut de victime pour qu'elles aient droit aux indemnités prévues à la loi ou à certaines indemnités de la loi. Je sais qu'il y a une directive qui a été donnée par M. Jacques Privé à l'effet qu'on doit reconnaître justement lorsqu'une personne est témoin de l'accident... on peut lui reconnaître le statut de victime. Une directive interne ou appelons-le comme vous voulez, ça n'a pas... ça nous donne pas la garantie qui nous est donnée par la loi, c'est-à-dire que c'est laissé au bon pouvoir, au bon vouloir de la SAAQ. C'est pas ce qu'on veut. Nous, on veut que ça soit clairement indiqué dans la loi pour qu'il y ait le caractère de pérennité et de permanence, on veut que ce soit indiqué clairement dans la loi qu'un proche d'une victime peut être considéré... un proche d'une victime d'accident d'automobile peut aussi, également, être considéré comme une victime. Et, quand on dit, bon... parce que la directive, je l'ai sous les yeux, la directive qui a été donnée par M. Jacques Privé, elle date du 5 avril 2000, cette directive-là fait allusion... on dit: «lorsque le réclamant est témoin de l'accident», donc il faut qu'il... c'est marqué entre parenthèses, il faut qu'il soit sur place et non par l'intermédiaire des médias. Mais, encore là, moi, je considère que ce n'est pas suffisant.

Prenons la mère de famille qui est chez elle, à Québec, son petit garçon qui est à l'école et il est frappé par une automobile lorsqu'il sort de l'école. La mère, elle va être affectée psychologiquement suite à ça, il va y avoir plusieurs problèmes qui vont découler, mais elle ne pourra pas être considérée comme une victime, puisqu'elle n'aura pas vu de ses propres yeux son petit garçon se faire frapper. Pourtant, elle va avoir quand même des besoins, entre autres des besoins d'aide psychologique, elle va être affectée psychologiquement, elle va avoir besoin de psychothérapie, et ainsi de suite. Mais, malheureusement, la SAAQ ne pourra pas lui considérer le statut de victime, parce qu'on dit que la personne n'a pas été témoin de l'accident. Alors, c'est pour ça qu'encore une fois il serait important que, dans la loi, on change la notion de «victime» pour l'élargir, pour lui donner une définition plus libérale qui engloberait également les membres de la famille immédiate de la personne qui a subi l'accident.

Dernier point que je veux vous parler, la notion de médecin traitant. Tout de suite en partant, je veux apporter une certaine précision. Tout à l'heure, le ministre des Transports disait que 85 % des décisions qui sont rendues par la SAAQ font suite aux conclusions du médecin traitant, ce sont des chiffres qui ont été donnés par des gens de la SAAQ. Bien, je pense que tout de suite en partant il y a... je sais pas de quelle façon c'est calculé, ces pourcentages-là, comment on a fait pour arriver à ce résultat-là, mais, à la SAAQ, jamais, jamais en aucune façon le médecin traitant ne se prononce sur les séquelles permanentes. Il va préciser s'il y a présence ou non de séquelles permanentes, mais il ne va jamais les quantifier, les séquelles permanentes. Et on sait que, dans des décisions des dossiers SAAQ, ce n'est pas rare que justement il y ait des décisions qui soient portées sur le pourcentage de déficit anatomophysiologique et le préjudice esthétique. Alors, dans le 85 % qui a été mentionné tout à l'heure, j'ai des réticences à cet effet-là parce que le médecin traitant ne se prononce jamais sur les séquelles permanentes.

Il y aurait lieu, comme l'a expliqué tout à l'heure Me Mercure, de donner davantage d'importance au médecin traitant, tout comme c'est le cas à la CSST. Puis il faut pas oublier que la CSST, il y a plus de 150 000 réclamations qui sont traitées annuellement; la SAAQ en traite environ 30 000. Si, à la CSST, ils accordent beaucoup d'importance à la notion de médecin traitant, si, dans la loi, il est clairement indiqué que le travailleur et la CSST sont liés par l'opinion du médecin traitant, la CSST qui traite 150 000 cas par année... pourquoi la SAAQ ne pourrait pas mettre en application un système similaire? Parce que la SAAQ a déjà dit que c'était... c'est trop compliqué, ce genre de chose là. La CSST traite 150 000 cas par année et la SAAQ, 30 000, et la CSST fonctionne très bien avec ce principe-là, la CSST est en place depuis 1931. Alors, pourquoi qu'on fonctionnerait pas de la sorte à la SAAQ? Ça éviterait beaucoup de contestations parce que, effectivement, il y a beaucoup de décisions qui sont d'ordre médical. Si la décision était rendue par un médecin à qui on... qui nous connaît, bien, à ce moment-là, les victimes ne seraient pas portées à contester ces décisions-là. Alors, je vais tout simplement tout de suite, si vous me le permettez, donner la parole aux autres pour qu'on puisse échanger.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: D'abord, votre mémoire ? je vous remercie de votre mémoire ? m'amène à faire certains commentaires et puis c'est pas nécessairement suite à seulement vos propos, parce qu'on n'a pas le temps de poser des questions à tous ceux qui vous précèdent ni cet avant-midi. Mais je voudrais faire certains commentaires, je pense qu'ils sont importants par rapport à l'opinion publique en général.

Je vous donne un exemple. Je trouve normal, humain et correct que les gens revendiquent de plus grands bénéfices à l'intérieur d'un régime. Mais, depuis 18 ans, le régime d'assurance automobile n'a pas changé ses cotisations et a continuellement amélioré ses bénéfices. Connaissez-vous bien des choses qui, au Québec, se sont améliorées depuis 18 ans puis qui sont au même prix qu'il y a 18 ans? Il y a eu énormément... C'est 0,84 $ dans le dollar, comparativement à peu près à 0,64 $ dans d'autres provinces qui ont pas ce genre de régime, qui revient aux assurés. Je pense que la vérité a ses droits et qu'il faut véritablement placer le débat au réel niveau quant aux faits.

Deuxièmement, une assurance collective ou une assurance comme telle, ce n'est pas là pour juger les actes criminels ni des infractions au Code de la route. C'est là pour donner des avantages à ceux qui paient une cotisation d'assurance. Le Code criminel étudie les infractions criminelles, donne des sentences au criminel, comme le Code de la route prévoit des sentences pour les infractions au Code de la route. Le régime d'assurance collective n'est pas là pour juger. Il est là exclusivement pour administrer les deniers en fonction de la capacité de payer des indemnités ou des avantages. Je veux bien situer ça dans l'opinion publique parce qu'on dirait que c'est la SAAQ qui s'occupe du Code criminel, qui gère le Code criminel, qui administre le Code criminel, puis qui donne les sentences criminelles. C'est pas ça. Le Code criminel, c'est canadien, c'est amendé par le gouvernement fédéral, puis ça criminalise ou pas des actes, et puis c'est pas le rôle de la SAAQ, comme c'est pas le rôle de la SAAQ de se donner les sentences, c'est-à-dire on va aller voir les règlements, mais c'est le gouvernement qui appuie la loi, le Code de la sécurité routière comme tel. C'est une première chose que je voulais faire, que je voulais dire.

La deuxième chose que je voulais dire: Connaissez-vous un régime d'assurance qui paie à 100 % tout? On est assuré pour nos maisons, on est assuré pour la responsabilité civile, puis on a toujours un déductible de trois, 400 $, quand c'est pas plus. Il y a beaucoup de groupes qui viennent nous dire: Mais enlevez donc les déductibles. On paierait comment de tarification si on se rendait à toutes les demandes puis si on n'avait aucun cran d'arrêt nulle part? Ça ne serait plus une assurance collective, ça serait une assurance individuelle, qui tiendrait compte de ce que tu as fait puis ce que tu as... Je te dis, c'est une assurance, c'est une mutuelle collective qu'on a présentement.

Quant au service, je reconnais qu'il faut améliorer le service; on l'a dit à plusieurs reprises. Je comprends que vous pouviez pas savoir qu'on l'aurait dit quand vous passeriez, quand vous avez écrit votre mémoire. Mais on sait que la charge de travail des agents est extrêmement lourde. C'est des 450 dossiers par agent, puis il faut diminuer ça pour être capable d'avoir une plus grande qualité de service.

L'autre point que je voudrais parler, c'est la satisfaction des victimes. 85 % des victimes, sondées régulièrement, se disent satisfaites quand même du traitement de leur dossier, de la qualité des services. Ça veut pas dire qu'il faut s'arrêter là puis pas améliorer. Mais ça détonne par rapport au son de cloche que l'on peut quotidiennement entendre contre le régime par rapport aux services qui sont donnés directement à l'ensemble des victimes. Je comprends que des associations comme la vôtre, vous recevez les cas difficiles, donc c'est normal que vous parliez pour vos cas difficiles. Mais, au niveau de la population en général, il y a 85 % de satisfaction et, ça aussi, il faut que le public le sache.

n (16 h 20) n

Maintenant ? je vous ai écouté, j'ai écouté M. Mercure avant, puis sans doute j'écouterai sans doute M. Bellemare aussi ? je veux dire, ça serait bien plus inquiétant, entre vous puis moi, M. Cadieux, si le bureau de révision, au lieu de confirmer 82 % des décisions de la SAAQ, il infirmait 82 %. Ça serait bien plus inquiétant si le TAQ, au lieu de reconnaître la justesse des décisions de la SAAQ à 72 %... Vous trouveriez-vous qu'ils feraient leur devoir sur un Hérode de temps, ces gens-là, si le Tribunal les renversait à 72 % puis si le comité de révision... Y avez-vous réfléchi un petit peu, à ça, et vous dire que, si 82 % des cas en révision sont confirmés puis que 72 % devant le TAQ, c'est confirmé, c'est pas tous des caves qui travaillent là? Il y a des décisions relativement sages qui se prennent là si le Tribunal administratif les confirme à trois décisions sur quatre. Je trouve, personnellement, inquiétant ce genre de propos parce que, quand on regarde les faits... Les faits, ça parle. Dans 25 %, ils disent qu'ils se trompent, au TAQ. Puis, dans le 82 %, ils disent qu'ils se trompent pas, aux révisions. Puis, à 72 %, ils se trompent pas non plus. Vous trouvez pas que... il y en a peut-être un bout à refaire mais que tout est pas à défaire. J'aimerais vous entendre sur ce point.

M. Cadieux (Martin): ...j'espère. Je vous laissais aller, parce que vous me disiez que vous vouliez passer des...

M. Chevrette: Comme je vous ai laissé aller pendant 20 minutes.

M. Cadieux (Martin): Effectivement.

M. Chevrette: Effectivement.

M. Cadieux (Martin): Parce que, je sais pas si vous vous souvenez, M. le ministre, la dernière fois qu'on s'était parlé, vous et moi, vous me disiez que vous étiez capable de mâcher de la gomme balloune en même temps que vous étiez capable d'écouter. Parce que vous m'aviez posé une question et, lorsque je vous répondais, vous m'aviez pas écouté. Bien là je vous ai laissé le temps de parler puis c'est à mon tour de parler. Vous me demandez de vous répondre.

M. Chevrette: Vous êtes deux à avoir fait ça.

M. Cadieux (Martin): Pardon?

M. Chevrette: Vous êtes deux à avoir fait ça.

M. Cadieux (Martin): Pardon? Je n'ai pas compris.

M. Chevrette: J'ai dit: Vous étiez deux à avoir fait ça.

M. Cadieux (Martin): Ah! je pouvais pas...

M. Chevrette: Cessons l'arrogance de part et d'autre, puis répondez à la question.

M. Cadieux (Martin): D'accord, oui, avec plaisir. Bon, premièrement, lorsque vous dites que le Tribunal administratif du Québec confirme 72 % des décisions qui ont été rendues par le bureau de révision, il y a une nuance à apporter à ça. Tous les dossiers qui se retrouvent au Tribunal administratif du Québec, la SAAQ est représentée par un avocat. Quel est le pourcentage des victimes qui vont au Tribunal administratif du Québec et qui sont représentées par un avocat? C'est une question qu'il faut se poser. La SAAQ a les gros moyens, les victimes ont des petits moyens. O.K.? Alors, quand on veut comparer des pommes avec des pommes, il faut justement parler de pommes avec pommes. Dans ce cas-ci, on parle d'un organisme qui est énorme, une grosse machine, et on parle de petites victimes qui n'ont pas les moyens financiers de faire valoir leurs droits comme elles devraient. Alors, ce pourcentage-là, 72 % des décisions qui sont confirmées par le TAQ, je pense qu'il y aurait lieu de départir ça et regarder la proportion de gens là-dedans qui sont représentés justement pour faire... pour qu'il y ait des armes égales entre la victime et la SAAQ. Alors, je suis certain que le pourcentage, à ce moment-là, changerait de façon radicale. Parce que les gens qui sont représentés par des personnes compétentes, les décisions, je suis certain qu'elles sont renversées plus souvent que dans 25 % des cas ou dans un pourcentage similaire.

Tout à l'heure, on disait que 85 % de la population est satisfaite du régime ou du fonctionnement de la SAAQ actuellement. Ce 85 % des gens là, est-ce que ce sont 85 % de la clientèle accidentée, c'est-à-dire les gens qui côtoient la SAAQ, ou c'est 85 % de la population en général? Parce que vous savez comme... comme vous et moi... vous savez très bien que, tant et aussi longtemps qu'on ne fait pas affaire avec un organisme ou avec quelqu'un, bien on n'a pas rien à dire contre lui. Alors, ce 85 % là, il provient d'où? Est-ce qu'il tient compte de la population québécoise en général ou de la population accidentée?

Je veux juste terminer... je veux rajouter quelque chose. C'est pas répondre à une question ou c'est pas rajouter sur quelque chose que vous avez abordé, mais je veux juste rajouter que, bon, ce qu'on entend parler de ce temps-ci, c'est que la SAAQ va probablement avoir un déficit de 200 millions. La question que je me pose, c'est: Effectivement, est-ce qu'il y a pas lieu de se questionner sur la possibilité justement de donner la possibilité à la SAAQ de récupérer des sommes d'argent qu'elle aura versées aux criminels de la route et aux victimes de ces criminels-là? Parce qu'on sait que la criminalité routière, ça représente 120 millions de dollars annuellement. Alors, est-ce qu'il y a pas lieu de se questionner? Ça pourrait aider, je pense, au niveau du déficit, à ce niveau-là. Alors, c'est ce que j'avais à dire.

M. Chevrette: Moi, là-dessus, je peux vous donner un élément de réponse. Poursuivre quelqu'un qui est sans le sou puis payer des procès, on serait juste un peu plus dans le trou. Pensez-y 30 secondes. Peut-être pour prendre 2 % qui seraient solvables. C'est évaluer ça.

Je voudrais que vous lisiez avec moi la directive de M. Privé dont vous vous êtes servi tantôt. Vous en avez lu un petit bout. J'aimerais vous faire lire l'autre petit bout.

M. Cadieux (Martin): D'accord. O.K. Je la lis toute au complet? Toute au long?

M. Chevrette: Il y a trois points noirs. Il y a trois points noirs dans le milieu de la feuille.

M. Cadieux (Martin): Oui, «lorsque le réclamant...»

M. Chevrette: Regardez le troisième. Lisez-moi le 3°.

M. Cadieux (Martin): Oui, «lorsqu'il s'agit d'un membre de la famille immédiate et que la réaction survient à l'annonce de l'accident».

M. Chevrette: Pas besoin d'être sur place.

M. Cadieux (Martin): O.K.

M. Chevrette: Correct?

M. Cadieux (Martin): D'accord. Parfait. Mais, à ce moment-là, il faut que ça soit inclus dans la loi. Une directive, ce n'est pas suffisant. Parce qu'on sait que, lorsqu'il y a un...

M. Chevrette: Non, c'est parce que vous aviez affirmé, M. Cadieux...

M. Cadieux (Martin): Oui, d'accord.

M. Chevrette: ...qu'elle ne pouvait même pas l'être, alors que la directive, au moins, signifiait très bien.

M. Cadieux (Martin): Bien, c'est parce que... Écoutez, probablement que j'avais déjà lu ça, mais, dans les faits, malheureusement, j'ai pas pu le constater, ça. C'est ça qui arrive. Et on y va, nous, avec qu'est-ce qu'on vit au jour le jour. Et je vous dirai que, dans les faits, ça, je l'ai pas vu encore. Alors, si c'est appliqué, tant mieux, mais, encore là, peu importe, parce que l'essentiel de ma prise de position par rapport à ça, c'est qu'on voudrait que ça soit inclus dans la loi et non pas que ça soit une simple directive, comme c'est le cas actuellement.

M. Chevrette: C'est beau. Merci.

M. Cadieux (Martin): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Cadieux. J'ai pris connaissance bien attentivement de votre mémoire, qui relate des choses qui doivent être relatées. On sait que l'objectif de la commission, en fin de compte, c'est de se questionner sur l'à-propos de réviser le système, non pas de le défaire, mais, à l'occasion, de l'améliorer, et c'est par des propositions comme vous le faites qu'on peut améliorer le système. C'est sûr que ça peut déplaire à certaines personnes, sauf qu'il faut être à l'écoute, et c'est l'objectif de la commission justement d'écouter les groupes qui font des suggestions qui sont concrètes. En fin de compte, c'est une remise en question non pas du «no fault», non pas de la Société de l'assurance automobile en tant que telle comme entité, comme corporation, mais son fonctionnement que l'on pourrait voir à améliorer.

Vous y avez été en plusieurs points. D'ailleurs, je dois souligner que la plupart des juristes ? même, je dirais presque l'unanimité des juristes ? sont allés à peu près dans le même sens que vous allez. Probablement que c'est la profession juridique et la connaissance du droit et de la législation qui font en sorte qu'il y a des analogies qui sont faites. Par exemple, lorsqu'on parle d'actes criminels, entre un acte criminel qui n'est pas un acte criminel causé par une voiture, il semble que, pour plusieurs, ça devient difficile de considérer une voiture comme un objet criminel. Donc, il faut peut-être, je ne sais pas, changer la mentalité ou changer le Code criminel, parce que, dans le Code criminel, en fin de compte, on ne fait pas de distinction entre un 30-06 ou bien une petite voiture. Donc, lorsqu'on parle d'un acte criminel, c'est un acte criminel partout.

Vous avez d'entrée de jeu, comme plusieurs juristes d'ailleurs, indiqué qu'on devrait ouvrir la porte aux poursuites, donc, c'est-à-dire que les victimes de celui qui a causé l'acte criminel ? qu'on doit appeler le criminel, en fin de compte ? puissent poursuivre cette personne-là, que la SAAQ également puisse poursuivre pour les sommes payées aux victimes, qu'on doit... qu'on ne doit pas indemniser le criminel. J'aimerais vous entendre, parce que ça chicote plusieurs personnes qui sont venues nous dire: Je suis pas certain de ça. Est-ce seulement une vengeance? Le ministre soulève à plusieurs reprises: Oui, mais la plupart de ces gens-là sont sans le sou, donc, c'est une poursuite qui est illusoire. On a entendu Me Mercure tantôt, on a entendu plusieurs avocats, on va entendre Me Bellemare; d'ailleurs, vous avez soulevé le nom de Me Bellemare, ce qui fait toujours plaisir au ministre des Transports d'ailleurs. Est-ce que je pourrais vous entendre un peu plus longuement là-dessus? Qu'est-ce qui pourrait convaincre la commission, ici, et principalement le gouvernement, le ministre des Transports, de procéder à un amendement qui ferait en sorte qu'on puisse faire une exception ? je pense rajouter à l'article 10 une autre exception ? et de pouvoir poursuivre ces criminels-là? Qu'est-ce que vous pourriez dire pour nous convaincre?

M. Cadieux (Martin): Tout à l'heure, le ministre des Transports parlait du caractère prohibitif, entres autres du Code criminel, du Code de la sécurité routière lorsqu'on saisissait le véhicule et la suspension de permis, et toutes ces choses-là. Écoutez, il y a des choses... il y a un mécanisme qui est en place actuellement, il y a des choses qui se sont greffées dernièrement, il y a eu des modifications, on a été plus sévère à certains égards, le Code criminel est là... malgré tout ce qui est en place actuellement, on s'aperçoit que ce n'est pas suffisant. Malgré les campagnes publicitaires qu'on a ? on dit que l'alcool, c'est criminel ? tout ce qui est fait, le Code criminel, le Code de la sécurité routière, les pénalités, les peines, les suspensions, toutes ces choses-là, c'est en place, et on s'aperçoit que, malheureusement, la criminalité routière, elle ne diminue pas, le nombre d'infractions criminelles routières, année après année, est sensiblement le même.

n(16 h 30)n

Les trois propositions que nous proposons ont... auraient, selon nous, en plus de tout ce qui est déjà en place, auraient un caractère dissuasif. Alors, c'est l'aspect de dissuasion que, nous, on considère important.

Il y a une étude qui a été faite par la chaire socioéconomique de l'Université du Québec à Montréal. M. Léo-Paul Lauzon, entre autres, en 1996, qui a rendu... qui a fait une étude qui a rendu... On a publié aux médias justement le résultat de cette étude-là. Et il a démontré que tout ça aurait un effet dissuasif important et que ça pourrait permettre à la SAAQ de récupérer des sommes d'argent qui sont considérables.

Alors, c'est pour cet aspect-là, c'est pour ça qu'il y aurait lieu de retenir ces propositions-là. Lorsque l'on dit: Que les criminels ne soient pas couverts par les indemnités de la SAAQ, déjà là, si on venait qu'à modifier la loi pour dire que, bon, il sera pas couvert, disons, pour l'indemnité de remplacement du revenu pendant la première année, bien, déjà là, on fait un progrès, on fait un progrès. C'est évident que, nous, on demande ce qu'il y aurait, selon nous, de, je dirais, d'absolu, d'idéal. C'est un idéal pour nous, ça. Mais il faut aller dans ce sens-là. C'est pour l'effet dissuasif que toutes ces mesures-là pourraient apporter.

C'est important que ça soit reconnu, ces choses-là. On en parle depuis plusieurs années. Et je tiens à le répéter: 85 % de la population québécoise ? c'est un sondage Léger & Léger ? 85 % de la population québécoise est d'accord avec ces propositions-là. Alors, c'est pas une personne ou deux personnes qui demandent ces choses-là; ça reflète l'ensemble de la population, de l'idée de la population québécoise.

M. Brodeur: ...aborder d'autres items comme la notion de... l'élargissement de la notion de «victime». J'ai posé tantôt la question à Me Mercure concernant l'évaluation de la relation entre les citoyens et la Société de l'assurance automobile du Québec.

Vous avez soulevé le processus décisionnel, c'est-à-dire en passant par la révision jusqu'en appel à la TAQ. On sait que... Le ministre disait d'ailleurs, je pense, que 82 % des décisions étaient entérinées. Ça veut dire qu'il y en a 18 % qui ne le sont pas...

M. Chevrette: Au Bureau de révision.

M. Brodeur: ...au Bureau de révision. Et, si on va à la TAQ, on dit qu'il y a 72 % des décisions qui sont... enfin, qui sont pas remises en question; ça fait 28 % qui le sont. Si on fait un calcul approximatif, si on fait des chiffres, ça fait quand même au-delà de 40 % des décisions qui sont modifiées.

Ensuite de ça, on dit également, on a dit également à plusieurs reprises que les délais sont excessifs. Donc, ça touche directement, là, la capacité financière éventuelle de l'accidenté. Avez-vous une suggestion concrète à nous donner? On a parlé tantôt d'élimination du Bureau de révision. Est-ce que ça serait une solution? Ou de revoir totalement le système ou peut-être créer un tribunal spécifique. Est-ce que la création de la TAQ était une mauvaise décision à l'époque? Doit-on avoir un tribunal qui est strictement spécifique aux affaires de la Société de l'assurance automobile du Québec?

M. Cadieux (Martin): Bien, écoutez, le Tribunal administratif du Québec, je pense que sa mise en place... Bon, premièrement, ce qu'il faut savoir, tout le monde le sait, c'est que c'est une instance décisionnelle qui est finale et sans appel. Il y a, au Tribunal administratif du Québec, une partie qui est la division assurance automobile. Alors, déjà là, je considère que le Tribunal est spécialisé pour ce qui est des dossiers d'assurance automobile. Le Bureau de révision, est-ce qu'on pourrait mettre autre chose en place? Peut-être qu'il y aurait lieu de faire, de mettre sur pied un processus de conciliation au niveau du Bureau de révision. Mais, encore là, il faudrait que ça soit sérieux et non pas juste pour faire perdre le temps inutilement aux gens.

Si je peux me permettre un commentaire que j'aurais dû formuler tout à l'heure et qui m'est sorti de l'esprit, vous savez que la majorité, pas toutes les décisions, mais il y a plusieurs décisions qui sont rendues par le service d'indemnisation qui découlent d'une opinion médicale. La SAAQ a ce qu'on appelle son «bureau médical». Plusieurs des décisions qui sont rendues font suite à un avis du bureau médical de la SAAQ.

Dernièrement, ce qu'on entend, là, circuler ces temps-ci, depuis deux, trois mois, c'est que les agents disent: Écoutez, on pourra pas rendre de décision là-dessus. On attend l'avis du bureau médical. Les délais d'attente sont de ce temps-ci de quatre à six mois. Alors, déjà là, on parle de longs délais d'attente, et là c'est avant même de contester la décision ou quoi que ce soit.

Si, au bureau médical de la SAAQ, il y avait plus d'effectifs pour que les avis puissent être rendus plus rapidement et que les agents rendent leur décision, déjà là, on sauverait un temps énorme parce que les gens sont condamnés à attendre. Quand tu es victime d'un accident d'automobile, malheureusement, tu es également victime du temps parce que tu fais affaire à la bureaucratie étatique qui est à son plus haut niveau, tu es obligé d'attendre. C'est long, c'est long. Alors, tout ce qu'on peut faire pour améliorer, pour accélérer les longs délais, je pense que c'est une bonne chose.

La remise en question du Tribunal administratif du Québec, à mon point de vue ? écoutez, je vous dis ça parce que je n'ai pas pris la peine d'analyser les tenants et aboutissants, je pense que ça demanderait une réflexion très approfondie ? mais, à l'heure actuelle, je pense que le Tribunal a sa raison d'être. Ce qui n'a pas sa raison d'être, dans sa forme actuelle, c'est le Bureau de révision. Si on peut mettre en place quelque chose d'autre qui pourrait faire en sorte que les litiges pourraient être réglés à la satisfaction de tout le monde, sans que le dossier se retrouve devant le TAQ, bien, à ce moment-là, ça serait une bonne chose. Malheureusement, je ne peux pas concrètement vous proposer des pistes de solution parce que je n'en connais pas.

La conciliation, si c'était quelque chose de sérieux, je pense que ça mériterait d'être approfondi plus sérieusement, d'être analysé plus sérieusement, mais, encore là, faut-il qu'il y ait quelque chose de sérieux. Parce qu'il ne faut pas oublier que les fonctionnaires du Bureau de révision, ce sont des fonctionnaires de la SAAQ; ils sont juge et partie en même temps. Si, vous et moi, on a un litige ensemble, on se chicane pour une clôture, là, sur nos terrains, bien, on va pas décider lequel de nous deux va faire l'arbitre; on va nommer un autre arbitre,

Une voix: ...

M. Cadieux (Martin): Bien, c'est ça.

M. Brodeur: C'est ça, oui.

M. Cadieux (Martin): C'est la problématique que l'on a actuellement. La victime est insatisfaite d'une décision de la SAAQ, elle s'en va au Bureau de révision, mais, malheureusement, c'est quelqu'un de la SAAQ qui doit se prononcer.

M. Brodeur: Je vais laisser passer le ministre.

M. Chevrette: Il restait trois minutes, je voudrais en prendre juste une, parce que vous avez affirmé qu'il y avait autant d'infractions bon an, mal an, chaque année. Au niveau de l'alcool, c'est passé de 5,9 % en 1981 à 1,8 en 1999. Il y a eu véritablement une baisse tangible.

Deuxièmement, je voudrais faire une boutade à mon ami de Shefford. Il y a 288 000 décisions, ce qui représente 96,9 % de toutes les décisions qui se prennent puis qui vont même pas en révision. Donc, il y a à peu près 3 % en révision, 9 579, ce qui représente 3 %; il y a 82 % de confirmés. Quand on arrive au TAQ, ce sont les 78 % non confirmés qui s'en vont au TAQ, il y en a 72 % de ces 78 %... Vous ne pouvez pas arriver à 40 %, vous arrivez avec une fraction à peu près... Si le nombre au TAQ représente 0,045 de 1 %, vous pouvez vous imaginer que vous n'êtes pas à 45; vous êtes à peu près ? multipliez, sept fois quatre, 28 ? vous êtes à 0,20 de 1 %. Donc, on est loin du 40 %. C'était juste un petit calcul pour fins de démontrer que 46 %, ça paraît bien aux yeux du monde, mais quand c'est rendu à 2/10 de 1 %, c'est pas mal moins.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui. M. le ministre, pour ne pas prendre le temps trop, trop de notre intervenant, c'est que, dans la vie, comme à la SAAQ, on a des décisions qui sont différentes, là. Aujourd'hui, M. le Président, j'ai pris la décision de déjeuner, de dîner, d'aller à la salle de bain à l'occasion, de me rendre ici, ce sont des décisions faciles. Donc, quand... On parle de décisions qui sont difficiles, là, difficiles, qui demandent un certain jugement. Donc, on peut arriver dans ce groupe de décisions là où il est plus susceptible d'aller en appel. Si on part avec 288 000 décisions, on comprend que, là-dedans, il y en a peut-être des centaines de mille qui sont très faciles, là. Donc, il faut distinguer quel genre de décisions on prend. Je pense que notre invité avait... Oui?

M. Cadieux (Martin): Si vous me permettez effectivement de rajouter là-dessus, quand vous sortez des chiffres comme ça disant que tant pour cent des décisions ne sont pas contestées, il faut garder à l'esprit que les gens, ils entendent parler de la SAAQ. O.K., tantôt, on parlait d'un taux de satisfaction de 85 %. J'ai remis en question, là, est-ce que ça concerne la population en général, est-ce que ça concerne la population accidentée. Bon. Bien souvent, les gens sont démunis.

M. Chevrette: ...

M. Cadieux (Martin): Des victimes? Bon. O.K. Donc, j'ai la réponse à ma question. Parfait. Alors, les gens sont démunis, ils ont des problèmes physiques, ils ont bien souvent des problèmes financiers. Alors, ils ont pas la force, que ce soit physique ou mentale, de contester une décision. C'est pas parce qu'ils sont satisfaits qu'ils ne contestent pas, c'est parce qu'ils se disent: Je m'embarque dans une grosse affaire, je m'embarque dans des frais, ça va durer longtemps; j'ai pas la santé pour faire ça, alors, je ne veux pas m'impliquer. Mais c'est pas parce que les gens ne veulent pas contester. Oui, il y en a, des bonnes décisions qui sont rendues à la SAAQ, puis Dieu merci, là.

n(16 h 40)n

M. Chevrette: M. Cadieux, prenez pas cette voie-là. C'est un sondage scientifique. Il n'y a pas de tordage de bras. Ils se disent ou pas satisfaits, et c'est 85 % des victimes. Donc, autant vous pouvez essayer de contester mes chiffres ou j'essaierai même pas de contester les vôtres, mais on fera pas dire à un sondage scientifique ce qu'il ne dit pas.

M. Cadieux (Martin): D'accord, parfait.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Cadieux, pour les Droits des accidentés du travail et de l'automobile du Québec, pour votre présence ici, aujourd'hui.

Nous allons maintenant entendre le Dr Ronald Denis, pour terminer cette séance de travail.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, Dr Denis. Vous avez vu un peu comment ça se déroule. Vous avez un maximum de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et, par la suite, nous allons entreprendre la période d'échanges.

M. Ronald Denis

M. Denis (Ronald): Merci. M. le ministre, mesdames et messieurs, la traumatologie est le domaine de la chirurgie consacrée à l'étude et au traitement des blessures occasionnées par un accident. Je vous rappellerais que les traumatismes représentent la première cause de mortalité et de morbidité chez les Québécois âgés de 45 ans et moins, et ce, toutes maladies confondues. Trois mille cinq cents personnes ont perdu la vie, au Québec, par accident en 1998, soit environ 6,4 % des décès survenus dans la province. De plus, 50 000 Québécois ont été hospitalisés en 1999-2000 suite à une lésion traumatique, ce qui représente 6,8 % de l'ensemble des hospitalisations au Québec et 7,7 % des jours-présence dans les centres hospitaliers. Donc, chaque jour, au Québec, 10 personnes décèdent et environ 140 autres sont hospitalisées à la suite d'un traumatisme. Excusez.

Depuis 1984, la Société de l'assurance automobile du Québec s'est impliquée dans le réseau de la traumatologie. Au cours de cette année, elle est intervenue dans la réadaptation des traumas crâniens ou cérébraux et, en 1986, elle signait sa première entente avec le centre François-Charon et l'Institut de réadaptation de Montréal. À présent, 28 ententes de réadaptation pour TCC et troubles musculosquelettiques ont été signées entre les différents centres et la Société de l'assurance automobile du Québec.

En 1986, la Société a commandé six études sur la traumatologie. En 1988, une proposition pour un plan d'action intégré en traumatologie a été approuvé par le conseil d'administration de la Société de l'assurance automobile du Québec. Cette proposition présentait trois volets ? excusez: le réseau préhospitalier, le réseau des centres de traumatologie, le réseau de réadaptation. En 1988, le Conseil des ministres a déposé un décret forçant une contribution financière de la Société de l'assurance automobile du Québec pour le système ambulancier. En 1990-91, le ministère de la Santé et des Services sociaux, conjointement avec la Société de l'assurance automobile, propose la conception d'un réseau de centres de traumatologie interreliés par des corridors de service. En 1992-93, le réseau est mis en place.

Aujourd'hui, le réseau québécois de traumatologie comporte 78 établissements offrant les services médicaux sur tout le territoire québécois. On y retrouve quatre centres tertiaires de traumatologie, 27 centres secondaires, 25 centres primaires et 22 services de stabilisation médicale. Tous ces établissements sont reliés par des corridors de service qui assurent une répartition efficace des traumatisés en phase aiguë.

La désignation des centres de traumatologie a permis d'améliorer l'accessibilité aux soins de santé en comprimant les délais d'action. Elle a aussi permis de concentrer les expertises disponibles et de favoriser la complémentarité des soins aux patients. L'implantation de ce réseau intégré a permis de diminuer de façon significative la mortalité reliée aux traumatismes.

Une étude des Drs Sampalis, Denis et collaborateurs a montré que le système québécois de soins intégrés en traumatologie a fait passer un taux de moralité causée par les traumatismes de 52 % à moins de 18 % entre 1993 et 1998. Il y a aucun programme québécois ou autre en santé qui a eu un succès aussi phénoménal que celui-là.

Le système intégré de traumatologie continue d'évoluer depuis 1997. Les continuums de service ont été mis en place pour des clientèles spécifiques comme les blessés médullaires, incluant les tétraplégiques ventilo-assistés, les traumatismes cranio-cérébraux. Ces services sont des programmes qui permettent de centrer l'action sur les besoins des victimes à partir de l'impact jusqu'à la réinsertion sociale et au maintien dans le milieu de vie naturel.

Grâce à ce réseau intégré, les médecins des hôpitaux périphériques et des régions éloignées n'ont plus besoin de magasiner auprès des hôpitaux spécialisés pour trouver une place où référer des blessés graves. Le temps perdu à magasiner pour des blessés pénalisait ces derniers en leur faisant perdre un temps précieux et en accentuant le nombre de complications.

L'implication de la SAAQ au niveau du réseau intégré de traumatologie. Le système intégré de soins en traumatologie comporte les volets suivants: la prévention, les services préhospitaliers, les services de santé en soins aigus et en réadaptation précoce, les services de réadaptation, l'intégration sociale, le continuum des services, l'amélioration continue de la qualité.

La SAAQ joue un rôle primordial et ce, à tous les nivaux en investissant une quantité appréciable de ressources tant humaines que financières dans chacun des volets du réseau de traumatologie. La Société de l'assurance automobile du Québec a investi plus de 4 millions de dollars pour la prévention des traumatismes. Par l'entremise de ses multiples campagnes de sensibilisation, la SAAQ fait la promotion du port de la ceinture de sécurité, de l'utilisation du siège d'auto pour enfant, du port du casque à vélo, ainsi que la réduction de la vitesse sur les routes du Québec.

En 1988, une étude présentée par Anderson a démontré que plusieurs décès survenus sur les victimes de traumatismes sévères étaient potentiellement évitables et ce, grâce à une approche intégrée. Ce dernier a démontré que jusqu'à 33 % des décès survenus dans sa scierie auraient pu être évitables.

En 1985, Trunkey avait déjà démontré que les régions qui ne disposaient pas de système de soins intégrés avaient un taux de décès évitable de 36 %, alors que ceux dotés d'un système intégré avaient un taux de décès de 8 %.

Il est important ici de rappeler la distribution trimodale des décès, selon Trunkey. Le premier groupe, la mort immédiate: il s'agit de décès immédiats causés par des blessures létales à la tête, à la colonne, au coeur ou aux gros vaisseaux. Ce groupe représente environ 50 % des décès causés par des traumatismes. Le deuxième groupe, la mort précoce: ce groupe inclut les victimes qui décèdent dans les premières heures après le traumatisme. Les décès sont causés par des hémorragies internes majeures. Ce groupe représente 30 % des décès. Le troisième groupe, la mort tardive, il s'agit de traumatisés qui décèdent dans les semaines qui suivent le traumatisme. Ces décès sont généralement dus à des infections ou à des défaillances multiorganiques.

On comprend bien facilement que les améliorations apportées par un système intégré de traumatologie s'adresseront aux morts précoces et aux morts tardives. Rappelons que la SAAQ est très impliquée à ce niveau. Elle investit près de 44 millions de dollars par année et défraie 25 % du budget annuel des services ambulanciers. La Société a contribué très activement à la réforme des services préhospitaliers tant sur le plan de concept qu'opérationnel.

La SAAQ assure la coordination et la logistique des soins intégrés en traumatologie. Le Dr Pierre Lapointe a formé un groupe conseil et ce dernier procède à l'évaluation des établissements impliqués, assure un suivi périodique de ces évaluations et peut parfois, à la demande d'une régie régionale ou du ministre, analyser une situation problématique touchant les aspects de la traumatologie.

n(16 h 50)n

L'implication de la SAAQ a été déterminante au niveau de la désignation des centres de traumatologie du Québec. Elle a permis de réaliser des désignations d'une façon objective et pertinente. Sans la Société de l'assurance automobile du Québec, il serait peu réaliste de penser que le réseau intégré de traumatologie pourrait persister et donner d'aussi bons résultats. De par son expertise et son soutien financier, l'implication de la SAAQ au niveau des services de réadaptation et des continuums de service en traumatologie, principalement au niveau des blessés médullaires et des TCC, est vraiment majeure. De plus, la SAAQ rembourse à vie les frais d'aide personnelle et les frais d'adaptation permettant le maintien à domicile des personnes victimes de traumatismes qui sont à l'origine de leurs déficiences physiques et cognitives permanentes.

D'un point de vue clinique, le mode de fonctionnement de la Société de l'assurance automobile du Québec présente des avantages très importants pour les victimes de traumatismes. L'application du concept «no-fault» a permis à la Société de l'assurance automobile de mettre en place des services d'aide financière beaucoup plus efficaces et beaucoup plus rapides.

Je vais me permettre une parenthèse. Moi, j'ai vécu trois années à Détroit et j'ai vécu le système de bagarres entre avocats. J'ai vécu l'arrêt de traitements donnés à des patients parce qu'il y a personne qui payait. Et je peux vous dire que le système «no-fault» a peut-être des défauts, mais, pour les patients, ça n'a que des avantages.

En effet, le fait d'avoir un seul payeur évite la compétition et tout l'aspect légal d'une compétition entre les différentes compagnies d'assurances. Grâce à un système de prise en charge rapide par la SAAQ, les argents sont donc disponibles très rapidement après l'accident pour les victimes de traumatismes et leurs proches. Grâce à la SAAQ, la mise en place d'un réseau intégré de traumatologie s'est révélé, on peut l'affirmer, un franc succès. Comme mentionné plus tôt, en moins de six ans, le taux de mortalité est passé de 50 % à moins de 18 %.

On doit réaliser qu'une diminution de l'implication de la SAAQ au réseau de traumatologie amènerait une baisse de qualité qui serait inacceptable et on retournerait à l'âge de pierre de la traumatologie. Les médecins et les hôpitaux périphériques devraient recommencer à magasiner auprès des hôpitaux spécialisés pour trouver une place pour cette clientèle qui se trouve en compétition avec d'autres clientèles beaucoup moins lourdes et beaucoup moins coûteuses que la plupart des hôpitaux préféreraient traiter. Le temps perdu à magasiner pénalise de nouveau les victimes.

Le concept «no-fault» permet un déploiement rapide de l'intervention qui diminue les coûts et diminue les complications. En plus, il fournit une aide financière rapide aux victimes et à leur famille. Sans cette condition fondamentale, cette aide serait impossible et, sans le partenariat avec la SAAQ, le réseau de traumatologie du Québec serait incapable de maintenir le niveau de performance qu'il a atteint. Il serait peut-être intéressant d'appliquer le même concept à un réseau plus global d'urgence dans la province. C'est ce qui avait déjà été envisagé en 1970 à cette même Assemblée nationale. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci beaucoup, Dr Denis, et je voudrais vous remercier non seulement pour aujourd'hui, mais pour l'ensemble de vos interventions. Je sais que vous avez participé au projet-pilote d'abord à Sacré-Coeur et que vous êtes venu à chaque fois qu'on a pu faire des consultations publiques; vous avez accepté spontanément de venir offrir le témoignage auprès d'une clientèle qui, c'est vrai, n'est pas convoitée par les centres hospitaliers et qui... C'est vrai, j'en suis convaincu, et c'est pas assez dit. C'est le côté positif, ça; vous ferez pas la nouvelle, probablement, là, mais il reste qu'il y a eu...

J'ai eu même des membres de ma famille de touchés très, très concrètement au niveau d'un traumatisme, et je peux vous dire une chose: Elle a été prise en charge très rapidement et sauvée de séquelles probablement permanentes si ça avait pas été le cas. Et ça, il faut pas avoir peur de vanter ses bons coups quand c'est un système comme le nôtre qui nous a permis de le faire, ça.

Mais je voudrais que vous nous donniez un exemple de l'amélioration à partir d'un cas que vous avez vécu pour bien faire comprendre au public, parce que c'est télévisé, cette histoire... cette commission parlementaire. Donnez-nous un exemple de ce qui arrivait avant et, avec le même cas, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, pour bien faire comprendre l'importance du processus, ou du projet, ou des programmes qui ont été développés avec la SAAQ et les corps médicaux et certains centres hospitaliers.

M. Denis (Ronald): Prenons un exemple pas très loin de notre centre hospitalier, un des hôpitaux qui réfèrent à Sacré-Coeur, l'hôpital de Saint-Jérôme. Je me souviens, quand j'étais résident en chirurgie, il était arrivé un traumatisme majeur, et l'urgentiste était rendu à son quinze téléphone pour trouver un centre hospitalier pour recevoir le patient, quinzième téléphone qui a amené un délai de neuf heures. Le patient est toujours à la salle d'urgence, a toujours besoin de soins en neurochirurgie, a toujours pas de neurochirurgien.

J'ai peut-être omis des explications parce que, malheureusement, on pense que tout le monde connaît le système, mais les ententes avec la Société de l'assurance automobile et son groupe-conseil... Si je prends notre exemple, on a des ententes avec 21 centres hospitaliers. On n'a pas l'option de dire oui ou de dire non. On n'a pas l'option de dire que l'urgence est pleine et qu'on ne prend pas de patient. On est obligé, lit, pas lit, de prendre le patient et il y en a pas, de magasinage. L'urgentologue, tout ce qu'il a à faire, c'est de téléphoner à l'autre urgentologue et de dire: monsieur X, avec telle, telle condition entre dans l'ambulance et s'en va chez vous. Ce qui fait qu'au lieu de prendre neuf heures ça prend moins de 15 à 30 minutes. Et, quand on sait que, pour un traumatisme, le temps, c'est ce qui fait la différence... Et je vais me permettre d'ajouter, quand on...

C'est que tout le monde est pris avec un problème financier. Pourquoi pensez-vous que ça intéressait pas les hôpitaux de traiter ces patients lourds là? Ça intéressait pas les hôpitaux parce que ça coûtait cher, et ils doivent arriver dans leur budget. Tandis qu'avec la contribution de la Société de l'assurance automobile, pour ce qui a un rapport avec la traumatologie, l'hôpital n'est pas en déficit, donc l'hôpital a pas à faire un choix de clientèle. Alors, c'est le jour et la nuit entre avant 1992 et aujourd'hui.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier infiniment de votre rapport. Je suis convaincu que des points de vue comme le vôtre, avec ceux... D'ailleurs, on a eu beaucoup, cette fois-ci, de groupes qui sont venus parler de traumatologie. Vous avez souvent été seul. Je dois vous dire que, cette année, votre exemple a été suivi par d'autres groupes, d'où l'importance, je pense, de continuer à bonifier le régime dans le sens qu'on le fait. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Oui. Merci, M. le Président. Alors, moi, dans votre mémoire, à la page 4... Vous savez, je suis députée d'une région où les soins de santé, des fois, on a des difficultés. Dernièrement, à l'hôpital d'Amqui, on a passé une semaine sans avoir de chirurgien disponible à l'hôpital où l'urgence est ouverte 24 heures. Alors, tout le monde se croisait les droits ? les doigts, c'est-à-dire ? pour pas qu'il arrive un événement, un accident, par exemple, où on serait obligés... Quand je vous entends dire qu'il faut intervenir le plus vite possible et que le temps, le délai entre la prise en charge, par les ambulanciers, des accidentés et l'intervention qui est nécessaire, c'est majeur, le temps, alors, pour moi... Puis l'endroit le plus éloigné dans mon comté, si on est obligé de les transférer à Rimouski, ça peut être une heure et demie à deux heures; à Matane, une heure à une heure et demie.

Alors, je voudrais que vous nous parliez de... Quand, à la page 4, vous dites: «En 1985, Trunkey avait déjà démontré que les régions qui ne disposaient pas de système de soins intégrés avaient un taux de décès évitables de 36 % alors que ceux dotés d'un système intégré avaient un taux de 8 %», ça là, ça me questionne beaucoup parce que je me dis: Dans quel état, d'abord, on va retrouver les gens? Et ils vont avoir des séquelles plus permanentes ou ils peuvent mourir davantage. Et, moi, j'étais inquiète ? je le suis encore ? parce que, là, on a un chirurgien qui est là du 21 septembre au 21 octobre, mais après on va recourir encore... Comment ça se fait qu'on n'a pas... Je ne sais pas. Ça va nous chercher une problématique globale du réseau de la santé au Québec, la disponibilité des spécialistes. Mais comment on peut faire pour parer à ça, là, avec des médecins généralistes qui sont là, à l'urgence, qui sont prêts à accueillir... Mais, des urgentologues... Je sais que, dernièrement, juste à Laval, ils vont en choisir neuf. Il va en avoir une cohorte de neuf, des urgentologues. Puis, nous, on a de la misère à avoir des chirurgiens. Voyez-vous? Comment on fait, là? C'est quoi, les conseils que vous nous donnez?

M. Denis (Ronald): Écoutez, c'est une question qui...

Mme Doyer: Est grosse. Je le sais qu'elle est grosse, cette question-là, puis qu'elle est peut-être pas... Mais c'est la SAAQ qui va les avoir, ces personnes-là, là.

n(17 heures)n

M. Denis (Ronald): C'est-à-dire que c'est évident que, si vous avez pas de chirurgien, il y a un très gros problème. Mais vous savez très bien comme moi que ça remonte à beaucoup plus loin dans le temps. Ça remonte au moment où on a limité les entrées en spécialité dans les différentes universités. Et, aujourd'hui, on vit ces problèmes-là.

L'autre problème des chirurgiens généraux, c'est qu'il n'en reste presque plus. On est passé à plus de 600... je pense que maintenant on est 400, 450. C'est un gros problème de formation. Il y a eu aussi l'exode. Les chirurgiens ont quitté le pays pour les États-Unis.

Pour ce qui est des effectifs médicaux et des spécialités chirurgicales, malheureusement, je pourrais pas vous aider parce que ça dépasse un petit peu le cadre de cette assemblée. Ce que je peux vous dire, par exemple, c'est que, si le reste du système de santé avait fonctionné comme le programme de traumatologie et la Société de l'assurance automobile du Québec, on serait pas dans l'état où nous sommes. Le ministère de la Santé devrait prendre exemple sur ce qui a été fait à la Société de l'assurance automobile et les deux...

Même, en fait, ça prendrait du renfort au Dr Giroux et au Dr Lapointe. Parce que ce que les gens réalisent pas, c'est que tout ça tient à ces deux médecins-là. C'est eux qui font le lien. Mais eux aussi auraient besoin de renforts. Et le ministère de la Santé, comme je vais le répéter, aurait beaucoup intérêt à aller regarder le programme de traumatologie à la Société de l'assurance automobile du Québec et prendre exemple sur les incitatifs qui ont été donnés grâce à ce programme.

Mme Doyer: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue, Dr Denis. Comme le ministre l'a souligné tantôt, il y a plusieurs mémoires qui sont allés dans le même sens. Donc, ce qu'on retrouve dans votre mémoire, en fin de compte, c'est ce qu'on entend avec joie, avec joie en ce qui regarde la traumatologie à la SAAQ. On aimerait entendre les mêmes commentaires dans une autre commission qui touche la santé et les services sociaux sur le reste des services médicaux donnés au Québec, mais on a pris bonne note. C'est certain qu'on a peut-être moins de questions, parce qu'on a discuté abondamment...

Le ministre tantôt disait que, peut-être contrairement à d'habitude où vous étiez porte-parole unique de la traumatologie, maintenant, il y a plusieurs personnes qui se sont adressées à nous dans le même sens, avec le même message à la SAAQ. D'ailleurs, ça fait sûrement du bien à entendre de la part des gens qui sont à la Société de l'assurance automobile du Québec. Il y a eu des critiques beaucoup plus virulentes à d'autres sujets, mais on comprend bien que, en ce qui concerne ce domaine-là, qu'on est dans la bonne direction et que, à la lumière des commentaires que vous nous avez offerts, on prend bonne note de tout ça et puis on va faire en sorte que... On devrait faire en sorte que ça continue dans le même sens. Donc, je vous remercie, tout simplement.

Le Président (M. Lachance): M. Denis.

M. Denis (Ronald): Merci. J'aimerais juste ajouter un petit mot. Je pense que c'est important de le dire quand les choses vont mal, mais je pense que c'est aussi important de le dire quand les choses vont bien. Et les gens ont pas tendance à se déplacer. Parce que ça va bien, ça passe sous silence. Et, quand on a présenté le papier à l'American Association for Surgery of Trauma, c'est rare que les Américains sont jaloux de nous, mais toutes les autorités en traumatologie se sont levées pour demander comment est-ce que le Québec avait pu réussir à monter un tel réseau. Et c'est assez rare, dans le domaine de la santé, qu'on se fait montrer en exemple.

M. Brodeur: C'est très, très peu souvent où on souligne quand les choses vont bien. D'ailleurs, j'ai indiqué au ministre tantôt... J'ai dit: M. le ministre, inquiétez-vous pas, j'ai aucune question là-dessus à la période des questions.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Il me surprend comme c'est pas possible. Merci, docteur.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, Dr Denis. Et, question de statistiques, vous étiez le vingt-sixième intervenant depuis le début de cette consultation sur le régime d'assurance automobile du Québec.

Alors, là-dessus, j'ajourne les travaux de la commission au mardi 16 octobre, 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 5)



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