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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Friday, December 3, 1999 - Vol. 36 N° 31

Consultations particulières sur le projet de loi n° 89 - Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions

Remarques finales


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
M. David Whissell
M. Réal Gauvin
*M. Clément Bélanger, ANCAI
*M. Pierre Beaudet, idem
*M. André J. Noreau, Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac
*M. François Lalande, idem
*M. Réal Ouimet, idem
*M. Jacques Robitaille, AMBSQ
*M. Jacques Girard, idem
*M. Claude Girard, idem
*Mme Louise Marchand, CPQ
*M. David F. Blair, idem
*M. Jean-Pierre Garand, Regroupement des régions 03, 05 et 06 de l'ANCAI
*Mme Céline Trudeau, idem
*M. Jean-Pierre Néron, FTQ
*M. Clément L'Heureux, idem
*M. Mario Sabourin, idem
*M. Yvan Grenier, APMLQ
*M. Jean-Noël Francoeur, idem
*M. Réjean Gilbert, ACRGTQ
*M. René Brassard, idem
*M. Franco Fava, idem
*M. Roger Noël, UMQ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac.

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges); M. Tranchemontagne (Mont-Royal) remplace M. Benoit (Orford); et M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) remplace M. Middlemiss (Pontiac).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, cet avant-midi, nous allons entendre deux groupes avant la suspension de nos travaux: l'Association nationale des camionneurs artisans, et par la suite le Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac.

Chacun des groupes aura une présentation maximum de 15 minutes et, par la suite, les parlementaires auront un total de 30 minutes pour les échanges.


Remarques préliminaires

Alors, j'invite immédiatement le ministre des Transports pour ses remarques préliminaires. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, étant donné qu'on est déjà 20 minutes en retard, je serai très, très bref. Je vous dirai tout simplement que je voudrais me réjouir du fait qu'il y a des groupes dans notre société qui n'annoncent pas toujours avec tambour et trompette la confrontation mais qui essaient de s'asseoir et qui acceptent de s'asseoir pour négocier des ententes de bonne foi. Et le résultat de cette législation ce matin, ce n'en est pas un d'annonce de confrontation, de chantage et de partie de bras de fer en lançant n'importe quoi, n'importe comment, tout croche, tout de travers et faussement, mais c'est bien le résultat d'une négociation de bonne foi.

En tant que parlementaire, j'aime ça quand on... En tout cas, personnellement, je préfère la voie de la négociation, dans quelque secteur que ce soit, et je me méfie des fiers-à-bras et des matamores qui annoncent la guerre avant même de s'asseoir. Je voudrais donc féliciter ceux et celles qui ont accepté de s'asseoir, de bonne foi, pour en arriver à faire face à la déréglementation du 1er janvier prochain.

(11 h 20)

J'avais promis, lors de mon passage au congrès de l'ANCAI – je crois que c'était à Montmorency – de faire notre possible, de s'asseoir ensemble et de se faire confiance, pour en arriver à une entente. La déréglementation a donc lieu le 1er janvier. Et ce dont on a convenu, c'est au moins d'un partage du travail, et c'est ça que recherchait l'Association des camionneurs artisans. Donc, je pense que sans qu'elle soit parfaite... Aujourd'hui même, j'aurai sans doute des suggestions de modifications à faire, très légèrement, au niveau de la législation, pour tenir compte des états de situation concrète. Par exemple, dans le domaine de la forêt, il y a des conventions collectives existantes, etc. On regardera ça très correctement mais de bonne foi, M. le Président.

Au passage, je me permettrai de corriger des faussetés qui ont été dites. Très franchement, comme vous me connaissez, je ne ferai pas faire mes messages, je vais les faire moi-même. Et je voudrais d'ores et déjà vous dire merci de votre participation et de votre collaboration. On va en arriver, j'en suis convaincu, à bonifier notre projet de loi et à faire en sorte que les travailleurs en vrac du Québec puissent avoir une participation à la richesse collective, à la richesse collective qui est donnée par le ministère des Transports en ce qui regarde les agrégats et par les propriétaires forestiers en ce qui regarde l'AMBSQ. Et je voudrais remercier les gens qui, de près ou de loin, ont collaboré de bonne foi à bâtir cette entente.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre pour ces propos très courts mais percutants. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de l'Acadie, pour vos remarques préliminaires.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes heureux de participer aujourd'hui à cette consultation qui nous permettra, je l'espère, de comprendre davantage les enjeux auxquels nous faisons face. Le camionnage en vrac suscite un débat extrêmement important au Québec compte tenu de la déréglementation fédérale sur le transport qui doit entrer en vigueur au Québec le 1er janvier 2000. Nous sommes conscients que cette industrie doit nécessairement faire l'objet d'une restructuration importante, et ce, afin de répondre le plus adéquatement possible aux impératifs que va entraîner l'ouverture de ce marché.

Selon le ministre des Transports, le projet de loi n° 89 permettrait à l'industrie de s'adapter adéquatement à cette déréglementation fédérale à laquelle le Québec a adhéré dans le cadre de la signature de l'Accord sur le commerce intérieur signé en 1994 et de l'adoption unanime, en 1997, à l'Assemblée nationale, du projet de loi n° 15 qui affirmait l'engagement du Québec à respecter les obligations de l'Accord.

En fait, M. le Président, cette ouverture du marché dans le milieu du camionnage suscite de profondes inquiétudes quant à l'adaptation du milieu à l'égard de cette nouvelle situation. Ce projet de loi doit, en tout premier lieu, répondre adéquatement aux conséquences de cette nouvelle donne économique et faire en sorte d'en atténuer, s'il y a lieu, les conséquences négatives. Cependant, à la lumière des dispositions préconisées par le ministre dans ce projet de loi, nous avons la responsabilité de poser un certain nombre de questions quant à la voie préconisée par le gouvernement dans le cadre du projet de loi n° 89.

D'une part, cette loi devra obligatoirement, à notre point de vue, être équitable pour l'ensemble des travailleurs de l'industrie du camionnage en vrac, qui devront oeuvrer dorénavant dans un nouveau contexte économique d'ouverture. À cet égard, force est d'admettre, M. le Président, que les attentes ne sont manifestement pas les mêmes pour tous les travailleurs de ce secteur. Pas plus tard que la semaine dernière, la presse faisait état d'une crise dans l'industrie du camionnage et d'une divergence de vues autour de ce projet de loi. Tout en étant sensible aux inquiétudes manifestées par certains, peut-on, en toute conscience, ne pas être à l'écoute attentive d'autres intervenants dont les préoccupations ne sont pas moins importantes et qui questionnent la pertinence de ce projet de loi?

Dans la réalité, comment ces nouvelles dispositions s'exerceront-elles? Permettront-elles de faciliter le passage vers cette déréglementation en assouplissant les règles et, de ce fait, les pratiques en découlant? Ce projet de loi est-il équitable pour tous les travailleurs? Nous avons signé nous-mêmes, M. le Président, cet Accord sur le commerce intérieur, car nous étions convaincus, et nous le sommes toujours, que cette déréglementation devait être bénéfique pour l'ensemble du Québec.

D'ailleurs, cette vision a été appuyée par le gouvernement actuel, puisque le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes du présent gouvernement disait en Chambre, le 10 avril 1997, qu'en présentant et en adoptant à l'unanimité le projet de loi n° 15, et je cite, «il exprime aussi l'assurance d'une certaine pérennité advenant des changements de gouvernement».

Nous avons donc tous la responsabilité de faire en sorte que nos actions soient véritablement basées sur le respect de cet accord qui modifie les règles du marché mais également de faire en sorte que tous les travailleurs dans le domaine du vrac puissent fonctionner dans des structures économiques appropriées à leur succès et à celui de l'ensemble de ce secteur d'activité commerciale.

En fait, M. le Président, nous croyons que cet exercice de consultation sera très utile pour mettre en évidence toutes les dimensions de cette problématique nouvelle. Il est à souhaiter que le ministre tiendra compte de toutes les observations et critiques qui seront soulevées dans cette commission, qu'il saura faire preuve d'une écoute attentive et qu'il prendra le temps d'analyser les dispositions qu'il entend mettre de l'avant à la lumière des représentations d'aujourd'hui. Quant à nous, de l'opposition officielle, nous abordons cette consultation avec beaucoup d'intérêt et d'ouverture. Nous sommes maintenant prêts, M. le Président, à entendre nos invités.


Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de l'Acadie. Alors, j'invite les représentants de l'Association nationale des camionneurs à bien vouloir prendre place.

Alors, bienvenue, messieurs. Je vous demande de bien vouloir vous identifier et je vous indique que vous avez 15 minutes maximum pour nous faire part de vos commentaires.


Association nationale des camionneurs artisans inc. (ANCAI)

M. Bélanger (Clément): Clément Bélanger, président de l'ANCAI. C'est Me Beaudet qui va présenter le mémoire.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue.

M. Beaudet (Pierre): M. le Président de la commission des transports et de l'environnement, M. le vice-président, M. le ministre des Transports, distingués membres de cette commission, au nom de l'ANCAI, je tiens à vous remercier sincèrement de nous avoir invités dans le cadre d'une commission parlementaire afin que tous les membres de l'Assemblée nationale puissent connaître le profil de cette industrie ainsi que ses besoins fondamentaux pour le début du nouveau millénaire.

L'Association nationale des camionneurs artisans inc. existe depuis 1966 et regroupe la très grande majorité des camionneurs inscrits dans les organismes de courtage pour le transport des matières traditionnelles: sable, terre, gravier. Elle regroupe également la majorité des camionneurs transportant du bois provenant de la forêt publique vers une usine de transformation. Sur une base volontaire, elle regroupe 4 000 des 5 500 détenteurs de permis de camionnage en vrac concernés par le projet de loi.

La loi n° 89 consacre la déréglementation du transport privé, particulièrement du transport des copeaux et du transport de sable, terre, gravier servant à alimenter nos usines. Sur les 5 500 détenteurs concernés, il y en a 4 200 qui ont adhéré librement aux organismes de courtage. De plus, 900 camionneurs transportent régulièrement du bois rond provenant de la forêt publique vers une usine de transformation. Tous ces gens souhaitent l'adoption de la loi n° 89 afin qu'ils puissent faire une transition harmonieuse vers un marché progressivement libéré. Il ne reste qu'environ 400 détenteurs de permis qui oeuvrent dans le secteur agrégats, dans les régions urbaines, à l'extérieur des organismes de courtage. Ces 400 camionneurs effectuent la majorité de leurs travaux dans le secteur privé, qui sera déréglementé.

Le Règlement sur le camionnage en vrac a été instauré en 1973 par le gouvernement libéral pour mettre en place les recommandations du rapport Lippé. Dans le secteur agrégats, le règlement sur le camionnage en vrac était basé sur quatre éléments indispensables toujours aussi importants à la veille du prochain millénaire: le nombre de permis – un permis par camion; le courtage sans but lucratif; les secteurs de travail; et une grille tarifaire convenable.

Le transport en vrac est un transport saisonnier qui comporte des périodes où l'offre de camions est totalement démesurée par rapport à la demande. De plus, au cours des dernières années, les grands travaux et les grands chantiers sont moins nombreux. Le camionneur artisan a dû diversifier ses opérations. À l'extérieur des régions urbaines, le camionneur qui conduit lui-même son camion ne peut survivre, et c'est pourquoi nous pensons que le critère du camionneur qui conduit lui-même son camion doit être élargi tel que dans le projet de loi n° 89.

Plusieurs camionneurs se sont bâti des petites entreprises pour faire de la construction modeste: creuser des fosses sceptiques, raccorder un égout, drainer un champ. Ces activités, généralement, requièrent une pépine et un camion. Voilà pourquoi nous avons convaincu le ministère des Transports de pouvoir garder dans les organismes de courtage toutes les petites entreprises de camionnage en vrac sans faire de discrimination.

Même si nous appuyons les grands principes de la loi n° 89, nous souhaitons que la restriction imposée aux détenteurs de licence de la Régie des bâtiments disparaisse, parce que ce n'est pas le numéro de la licence qui indique la dimension de l'entreprise. De plus, cette restriction ne fera que donner des munitions aux courtiers à but lucratif pour tenter de faire déclarer cette loi discriminatoire.

Sans reprendre toutes les grandes étapes de l'industrie du camionnage en vrac, nous sommes conscients que tous les gouvernements du Québec qui se sont succédé depuis 1973 ont contribué à bâtir ce modèle. Le courtage sans but lucratif contrôlé par les camionneurs a permis d'établir des relations de travail civilisées dans toutes les régions du Québec. Le courtage à but lucratif est un cancer qui a miné et détruit le camionnage général québécois. Les bonnes compagnies qui utilisaient des transporteurs se sont vues remplacées par des courtiers sans scrupules qui prenaient des profits exorbitants sur les voyages de transport qu'ils contrôlaient. Nos bonnes compagnies de transport ont été éliminées par ces courtiers et les autres ont été forcées de concurrencer dans l'illégalité.

Le courtage à but lucratif a fait éclater également toutes les conditions de travail qui étaient réservées aux chauffeurs de camions salariés des compagnies de transport. Donc, le courtage sans but lucratif qui existe dans les règlements du camionnage en vrac et qui est de juridiction provinciale doit être maintenu de la manière exposée dans la loi n° 89 afin que nous puissions conserver les règlements concernant le courtage.

(11 h 30)

Pour assurer une transition harmonieuse à la petite entreprise de camionnage en vrac, il faut que les gouvernements, les villes et les municipalités confient une partie de leur transport aux camionneurs regroupés dans les organismes de courtage.

Au mois de juin 1999, avec l'appui de l'UMQ et de l'UMRCQ, vous avez adopté unanimement, à l'Assemblée nationale, un projet de loi permettant aux municipalités qui le désirent – qui le désirent, je dis bien – de pouvoir, par des clauses, engager des camionneurs regroupés dans les organismes de courtage. Cet outil est primordial. Nous avons négocié également des secteurs de travail avec le ministère des Transports et différents autres organismes du gouvernement du Québec.

En vertu du Règlement sur le camionnage en vrac et suivant l'entente intervenue avec le ministre des Transports, toute association sans but lucratif qui représente 40 % des détenteurs de permis de camionnage en vrac peut obtenir un permis de courtage et participer à la distribution des travaux au même titre que nos organismes de courtage sans but lucratif.

Donc, si les camionneurs réunis à Laval sont le moindrement représentatifs, ils peuvent se former une association sans but lucratif et partager ces mêmes secteurs de travail réservés. Je voudrais également mentionner que, si les organismes de courtage ne peuvent fournir les camions nécessaires à réaliser les travaux, l'entrepreneur est libéré de ses obligations et a un recours direct contre l'organisme de courtage. De plus, nos corporations sans but lucratif disposent de fonds pour garantir leurs obligations.

La déréglementation prévue pour le 1er janvier 2000 rend inopérante la grille tarifaire prévue par la Commission des transports du Québec. Les tarifs ne pourront donc être établis à partir de cette date que par des ententes contractuelles. Dans les secteurs de travail qui nous seront garantis, il y aura une négociation entre l'entrepreneur et l'organisme de courtage. Advenant que les parties ne s'entendent pas, il sera établi par contrat que la grille tarifaire que nous connaissons s'appliquera.

Par contre, vous avez sûrement entendu parler des hausses successives et importantes des prix du pétrole. Nos employeurs, eux, ne semblent pas en avoir entendu parler. Dans les circonstances, nous avons demandé que cette grille contractuelle soit augmentée, au 1er janvier 2000, suivant l'impact de cette augmentation sur le revenu brut d'un camionneur. Cette augmentation devrait être de l'ordre de 6 % à 7 %.

Nos tarifs n'ont pas été augmentés depuis six ans et ceux qui sont prévus pour le 1er janvier 2000 sur les clauses de travail fixent la location d'un camion dix-roues, avec chauffeur, à environ 53 $ l'heure. En bas de ce prix, le camionneur devra tricher pour survivre. La surcharge, la vitesse et les heures de conduite démesurées, quelquefois l'huile à chauffage, remplaceront, comme dans le camionnage général, la disparition d'un tarif minimum. Un camion dix-roues coûte aujourd'hui 100 000 $ à l'achat. Toute personne qui convient de la location d'un camion dix-roues avec chauffeur en bas de 50 $ l'heure frôle l'irresponsabilité. La tricherie, comme le travail au noir, a un prix élevé pour la société.

Nos amis de l'ACRGTQ devraient également endosser ce tarif, puisque, à titre de négociateurs de la convention collective concernant les travaux de génie civil dans la construction, ils ont signé une convention collective dans laquelle ils obligent les entrepreneurs à payer 30,35 $ l'heure pour un chauffeur de camion dix-roues. Si un camionneur artisan devait prévoir payer un chauffeur 30,35 $ l'heure, il ne pourrait transporter sur un chantier de construction avec son camion à un prix moindre que 65 $ l'heure.

En passant, l'ACRGTQ ne regroupe pas 20 % des détenteurs de licence de la Régie des bâtiments spécialisés comme entrepreneurs généraux mais pourtant bénéficie de la formule Rand en recevant 0,02 $ l'heure pour chaque heure travaillée sur un chantier de construction. Si c'est ce 0,02 $ l'heure qui fait la différence pour obtenir leur consentement, nous sommes prêts à ouvrir des négociations.

Au cours des dernières années, les grands prêtres de la libre concurrence ont toujours cité le gouvernement Harris comme un modèle. Eh bien, chaque année, le ministère des Transports de l'Ontario suggère des prix pour rémunérer les camionneurs travaillant en Ontario. Sur le terrain, on nous dit clairement que les suggestions du gouvernement Harris sont des ordres. Je ne peux m'empêcher de vous annexer les prix fixés par le ministère des Transports de l'Ontario pour les camionneurs. Compte tenu de leurs droits de charge, les prix fixés en Ontario, dans ce monde supposé déréglementé, sont comparables aux prix fixés dans notre monde officiellement réglementé du Québec.

Contrats forestiers. Avant de terminer, je voudrais parler des 900 camionneurs forestiers qui attendent depuis longtemps une formule qui leur permettra d'avoir des prix convenables dans le respect de la loi de la pesanteur. Le contrat forestier sur lequel nous nous sommes entendus accorde aux camionneurs, enfin, en l'an 2000, le droit d'être représentés, de négocier et de détenir un rang d'embauche préférentielle opposable même aux camions des entrepreneurs dans une opération forestière. Le contrat forestier prévoit que l'entrepreneur ne pourra plus dire au camionneur: Si tu n'es pas content, va-t'en, il y en a 15 pour prendre ta place.

Malgré la déréglementation du transport provoquée par la loi fédérale, il faut se rappeler que le Code du travail canadien prévoit toujours qu'un entrepreneur indépendant peut se syndiquer. Or, nos 900 camionneurs dépendent généralement d'un même employeur, au Québec. Comme le rapport Bernier recommandait la syndicalisation de celui qui conduit lui-même son camion et aurait ainsi créé deux régimes de relations de travail pour les camionneurs, l'ANCAI et l'AMBSQ ont choisi une formule mieux adaptée au transport.

L'ANCAI et l'AMBSQ sont conscientes que les prescriptions du rapport Bernier n'auraient pu être en force pour le 1er janvier 2000. L'AMBSQ et l'ANCAI ont tenté de créer un modèle qui permet des relations de travail civilisées entre un camionneur sous-traitant et une compagnie forestière. Ce contrat forestier prévoit également qu'aucun camionneur ne sera payé pour la surcharge. Aucune compagnie forestière ne pourra garder l'argent produit par la surcharge.

Les deux partis politiques présents à cette commission ont contribué largement au cours des années, et je dirais même en parts égales, à bâtir ce modèle que la loi n° 89 veut adapter à la nouvelle réalité. Il est vrai que nous avons aussi partagé en parts égales nos revendications agressives autour du Parlement: juin 1977 et juin 1980 contre le gouvernement du Parti québécois; avril 1972 et juin 1990 contre le gouvernement du Parti libéral. 5 100 camionneurs concernés sur 5 500 appuient ce projet de loi; 5 500 sur 5 500 peuvent en profiter. Lorsque nous voyons regroupés pour dénoncer ce projet de loi l'ACRGTQ, le Conseil du patronat et le regroupement des courtiers à but lucratif sous le nom de Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac, nous sommes fiers parce que nos membres réalisent que ce projet de loi est d'une importance capitale pour leur avenir.

J'aimerais les entendre sur la déréglementation du transport aérien qui a éliminé tous les concurrents majeurs d'Air Canada tout en provoquant des mises à pied importantes et successives. J'aimerais enfin les entendre sur la libre concurrence qui existe dans la fixation des prix du pétrole qui sont toujours absorbés par les sous-traitants.

En terminant, je veux vous souligner que l'organisation du camionnage en vrac au Québec assure des retombées locales à toutes les administrations publiques. Nous vous demandons d'adopter unanimement ce projet de loi n° 89 afin d'assurer à des gens ordinaires de continuer à gagner leur vie convenablement. Le juste prix est profitable à long terme à toutes les parties. Nous vous remercions sincèrement de nous avoir entendus, et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions. Et nous avons joint les taux suggérés par le ministre des Transports de l'Ontario et publiés par le Greater Ottawa Trucking .

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Beaudet et Bélanger, pour votre mémoire. Je vois que vous êtes des gens disciplinés. Vous êtes bien entrés à l'intérieur du temps imparti. Et je cède la parole au ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, M. Bélanger, M. Beaudet. Tout d'abord, je voudrais, d'entrée de jeu, vous demander si vous vous rappelez d'avoir signé une entente préliminaire le 11 juin dernier?

M. Beaudet (Pierre): C'est exact. Nous avons signé une entente le 11 juin dernier.

M. Chevrette: Pourriez-vous me dire qu'est-ce qu'il y avait dedans?

M. Beaudet (Pierre): Alors, dans l'entente, évidemment, les secteurs de travail n'étaient pas réglés, mais on était prêt à garder dans les organismes de courtage tous les détenteurs de permis de camionnage en vrac sans distinction de ce qu'ils font en dehors du camionnage en vrac.

M. Chevrette: Qui a demandé que ça soit enlevé?

M. Beaudet (Pierre): Alors, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux que vous avez invitée à revenir à la table de négociation et que nous avons invitée également à plusieurs reprises à négocier. Ils sont arrivés à la table puis ils ont dit: La première condition, il faut que vous mettiez les petits entrepreneurs dehors.

M. Chevrette: Est-ce que vous vous rappelez d'avoir signé dernièrement également une lettre d'intention pour rouvrir ce dossier?

(11 h 40)

M. Beaudet (Pierre): Alors, nous avons signé également une lettre d'intention pour rouvrir ce dossier, et M. Chevrette, le 15 octobre, la veille de la conférence de presse, 10 minutes avant qu'on se rencontre à vos bureaux, les constructeurs de routes se sont présentés. Ils voulaient négocier, mais la négociation était finie. Alors, on vous a dit – puis on vous le dit encore une fois – qu'on n'a jamais été fermé aux négociations. Et, avant l'arrivée du directeur général actuel de l'Association des constructeurs de routes, nous avons toujours eu des ententes et nous avons toujours pu négocier, avant. Aujourd'hui, c'est le tapage puis les procès.

M. Chevrette: Est-ce que vous êtes au courant si cette entente, cette lettre d'entente, M. Beaudet, a été soumise aux membres en assemblée générale de l'ACRGTQ?

M. Beaudet (Pierre): Moi, je ne le sais pas. On m'a dit qu'il y avait eu une assemblée générale de l'ACRGTQ, mais je connais des membres, évidemment, qui sont à l'ACRGTQ et qui ont des permis VR, qui sont avec nous autres. Je n'ai aucune idée. Je n'ai pas suivi leur assemblée, mais je n'ai jamais eu de nouvelles d'eux autres que par les journaux puis par les shows médiatiques de Me Noreau et compagnie.

M. Chevrette: M. Bélanger, est-ce que vous respectez toujours votre signature et seriez prêt à une ouverture, si je vous en faisais la demande?

M. Bélanger (Clément): Je serais prêt à regarder, M. le ministre.

M. Chevrette: Est-ce que vous seriez prêt à vous asseoir dans l'esprit de la lettre d'entente qui a été signée – je ne me souviens pas à quelle date, là, mais vous savez à quelle lettre je réfère – où votre signature est, celle du président de l'ACRGTQ également, et qui est postérieure à l'entente dont il a été convenu entre nous.

M. Bélanger (Clément): Oui.

M. Chevrette: Merci. L'autre chose. Il y a du monde qui vous font dire... que l'ANCAI dit que c'est une condition sine qua non pour accéder à un poste de courtage, qu'il faut être membre de l'ANCAI. Est-ce que c'est vrai?

M. Beaudet (Pierre): C'est absolument faux. Dans des comtés donnés, si 50 % des membres, évidemment, si la majorité des membres veulent partir de l'ANCAI... Et j'ai bien indiqué que l'ANCAI est sur une base volontaire, mais il y a des comtés qui demandent à l'ANCAI de faire des représentations et normalement paient pour leurs membres de plein consentement. On vous a demandé la formule Rand, vous l'avez refusée. On est un petit peu jaloux des constructeurs de routes parce que, à 20 %, eux autres, ils l'ont, puis, nous autres, à 52 %, on est encore sur une base libre et volontaire.

M. Chevrette: Moi, je vous remercie, c'est clair dans ma tête.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord vous remercier, M. Beaudet, M. Bélanger, pour votre présentation. Je voudrais juste peut-être clarifier certaines choses pour mieux comprendre. Au tout début, là, vous mentionnez le nombre de membres qui se sont regroupés sur une base volontaire, là vous parlez de 4 000 des 5 500 détenteurs de permis de vrac. Moi, je ne sais pas – vous pouvez me corriger si je fais erreur – mais il me semble que je ne me souviens pas avoir vu qu'il y avait 10 000 permis de vrac qui appartenaient à 7 000 personnes dans l'ensemble du Québec. Est-ce que c'est exact?

M. Beaudet (Pierre): Oui. Alors, il y a 6 900 détenteurs pour 10 000 permis de camionnage en vrac, sauf qu'il y a à peu près 100 détenteurs qui ne sont pas compris là-dedans, et ce sont des transporteurs de copeaux qui vont être déréglementés. Vous en avez 300 qui sont dans l'alimentation d'usines qui vont être déréglementés. Vous avez également les permis des paysagistes, de ceux qui ramassent les produits de la ferme – et ils sont à peu près 400, 500 – qui vont être déréglementés. Eux autres ne sont pas touchés par le projet de loi.

Évidemment, l'ouverture est là pour entrer dans les organismes de courtage et ces gens-là ne viendront pas dans les organismes de courtage. Les organismes de courtage, c'est limité aux gens qui oeuvrent dans le domaine sable, terre, gravier traditionnel et également aux forestiers de la forêt publique vers une première usine de transformation. Or, dans la forêt publique, vous avez également dans la forêt ceux qui ramassent le bois des cultivateurs, le bois privé. Ça ne fait pas partie de l'entente. Vous avez également ceux qui font du gravier en forêt, ça ne fait pas partie de l'entente.

Or, par le projet de loi, évidemment, il y a au moins 1 000 à 1 500 détenteurs de permis qui n'ont rien à voir avec les secteurs de travail du ministère. Ils font des copeaux, ils font de l'alimentation d'usines, ils font des produits de la ferme, ils sont des transporteurs spécialisés. C'est pour ça que, de 6 900, on est à 5 500 intéressés.

M. Bordeleau: Et, sur ces 5 500 là, il y en a 4 000 qui sont regroupés au niveau de l'ANCAI, c'est ça?

M. Beaudet (Pierre): Oui, puis 4 200 dans les organismes de courtage, parce qu'ils ne nous paient pas tous.

M. Bordeleau: O.K.

M. Beaudet (Pierre): Évidemment, parmi ces membres-là, si vous êtes dans toutes les régions rurales du Québec, celui qui a un permis VR et qui est dans ce secteur-là, ils sont tous ou à 98,8 % avec nous autres. Dans la région métropolitaine de Montréal où il y a de la construction privée – parce que, en région, il faut dire que les grands projets sont de construction publique – il y a 400 camionneurs qui oeuvrent à l'extérieur des postes et qui travaillent surtout dans le domaine privé.

C'est pour ça qu'on parle de 5 500 sur 5 900, mais ces gens-là, vous allez en retrouver une cinquantaine dans la région de Québec, vous en avez 350 dans la région de Montréal, puis, dans le reste de la province, ils sont tous dans les organismes de courtage parce qu'ils n'ont pas le choix pour survivre, vu que les travaux, évidemment... Il y a des régions où il va y avoir des travaux: une année, ça va être 100 jours, puis l'autre année, ça peut être 25 jours. Ça dépend des travaux publics qui se font dans les régions et les projets d'assainissement des eaux, tous ces projets-là.

M. Bordeleau: O.K. Alors, on part du 7 000. Il y en a 1 500, vous nous dites, qui sont en dehors parce qu'ils travaillent dans des domaines connexes...

M. Beaudet (Pierre): Spécialisés qui n'ont rien à voir avec ça.

M. Bordeleau: On arrive au chiffre de 5 500 auquel vous faites référence ici.

M. Beaudet (Pierre): Oui.

M. Bordeleau: Vous dites que, en région, 95 %, 98 % sont membres de l'ANCAI et des postes de courtage.

M. Beaudet (Pierre): De l'ANCAI et surtout des organismes de courtage où, pour partager, ils doivent être membres.

M. Bordeleau: O.K. Puis vous dites: À Montréal, il y en a 400 qui sont à l'extérieur, qui travaillent dans le privé, et ça, ça fait la différence entre 5 900 et 5 400.

M. Beaudet (Pierre): Oui, 350 à Montréal puis 50 dans la région du Québec métropolitain.

M. Bordeleau: O.K. Maintenant, là, on arrive à 5 500. À la page 3 de votre mémoire, vous dites: «Sur 5 500 détenteurs concernés, il y en a 4 200 qui ont adhéré librement aux organismes de courtage.» Il y en a 1 300 là. Ils font quoi, entre les deux, les 1 300 autres?

M. Beaudet (Pierre): Alors, les 1 300, il y a les 900 forestiers qui sont spécialisés exclusivement en forêt. Eux autres, vous allez en retrouver à l'ANCAI et vous allez en retrouver qui ne sont pas dans les organismes de courtage, en forêt. Ils ont leurs employeurs puis, en fait, ils paient l'organisme de courtage pour être représentés. Mais, avant le projet de loi, ils n'avaient même pas le droit d'être représentés. Ils n'avaient pas le droit d'entrer dans un bureau d'une compagnie forestière.

M. Bordeleau: Alors, la différence entre les deux, 5 500 et 4 200, c'est des gens qui sont dans le forestier, pour 900. Puis les autres?

M. Beaudet (Pierre): Il y a la forêt puis les 400 autres.

M. Bordeleau: O.K. Parfait.

M. Beaudet (Pierre): Évidemment, c'est un chiffre arrondi, là, mais c'est pas mal le marché.

M. Bordeleau: Oui, oui, O.K. Ça, ça va. Dans votre mémoire, vous parlez des petites entreprises de camionnage. Ça veut dire quoi, ça, concrètement, une petite entreprise? Qu'est-ce qui est petite entreprise et qu'est-ce qui ne l'est plus?

M. Beaudet (Pierre): Pour nous autres, une petite entreprise de camionnage, on a essayé de mettre des normes. On peut mettre le critère du gars qui conduit lui-même, le critère de la licence du bâtiment. Une petite entreprise, c'est le gars qui va avoir un ou deux camions puis qui peut avoir une pépine, un bull pour jouer avec ça, ou il fait d'autres choses, il a un dépanneur... Parce que, dans les régions éloignées, ils font d'autres choses, il faut qu'ils fassent d'autres choses. Alors, une petite entreprise, la quantifier en chiffres, c'est toujours embêtant. Nous autres, on ne la quantifie pas. Sauf que, dans les organismes de courtage, comme on doit partager son excédent de capacité, celui qui a beaucoup d'excédent de capacité, c'est parce qu'il est plus gros; il ne viendra pas, il va vouloir le garder pour lui.

Alors, c'est ce qui a fait qu'avec les années les constructeurs de route de taille ne sont pas avec nous autres. Il y en a qui sont moyens. Nos gens, nous autres, vont plutôt raccorder un égout, vont faire une fosse sceptique, peuvent, dans une municipalité, également vendre du gravier. Ce n'est pas de la taille de DJL ou de la taille de Sintra ou de la taille de Beaver. Ces gens-là ne se retrouveraient pas chez nous, mais ils ont des permis de camionnage en vrac quand même. Ils ne se sentiraient pas bien dans une formule qui est un petit peu loin du capitalisme, dans le fond.

M. Bordeleau: Est-ce que je comprends comme il faut en disant que, au fond, quand on parle de petites entreprises, c'est l'individu qui détermine s'il est une petite... Parce qu'il n'y a pas un critère objectif qui dit: À partir de tant de camions, ce n'est plus une petite entreprise. Vous dites: On ne veut pas avoir un critère numérique. Mais, si une personne se considère comme, je ne sais pas, une petite entreprise puis il a quatre camions ou il a cinq camions, est-ce qu'il peut s'inscrire chez vous?

(11 h 50)

M. Beaudet (Pierre): Bien, c'est parce que, de la façon dont l'entente est organisée, celui qui est protégé, c'est le premier camion du gars. Le gars qui a un troisième camion, dans notre système, il ne travaille jamais. C'est la rotation, le principe du premier camion. Évidemment, ça, c'est dans le règlement du camionnage en vrac, s'il est maintenu par le projet de loi n° 89. C'est qu'on fait toujours travailler le premier camion avant le deuxième. Or, les deuxièmes, je peux vous dire que, dans le milieu rural, ils ne sortent pas souvent. D'après moi, ils ne sont jamais sortis dans les 10 dernières années. Après ça, le troisième camion.

Alors, le gars qui a trois ou quatre camions, il ne se sent pas bien chez nous, ce n'est pas sa place. Son premier camion, par exemple, s'il n'y a pas beaucoup d'ouvrage ailleurs, il va faire travailler son premier camion. Nous autres, au cours des années, on a toujours voulu restreindre le nombre. À un moment donné, on l'a ouvert parce que les gouvernements, en 1977, en 1988 avec votre gouvernement, nous ont demandé d'ouvrir, mais, avec nos règles, le gros ne s'y retrouve pas. Ça ne veut pas dire qu'il y a pas des gens avertis, qu'il n'y a pas des gens d'affaires parmi nous autres qui passent à travers. Mais, dans l'ensemble, c'est des camionneurs de la classe moyenne qui sont avec nous autres.

M. Bordeleau: O.K. Dans le projet de loi que j'ai lu, on fait référence – à moins que j'interprète mal, là – à la situation où une même famille, définie au terme de la Loi sur l'impôt, qui aurait, mettons, je ne sais pas, moi, un camion au nom de la femme, un camion au nom du mari, un camion au nom du garçon, on fait référence là-dedans – parce que, au fond, c'est trois individus, là – au fait que ça serait considéré comme une unité. Alors, est-ce que, à ce moment-là, ça serait considéré comme étant une seule unité, le premier avec le travail donné au premier, mais, les deux autres étant liés, leur tour viendrait beaucoup plus tard aussi?

M. Beaudet (Pierre): Alors, on a fait une règle pour ne pas démantibuler l'industrie. Je parle pour l'ensemble du Québec. Il peut peut-être y avoir une exception dans la région 06; ils vous l'expliqueront, ils vont témoigner tout à l'heure. Nous autres, pourvu qu'il y ait un maximum de trois premiers camions... Supposons que la dame, l'homme ont une compagnie qui s'appelle 2242 Québec inc. à côté, il ne peut pas y avoir un maximum de plus de trois premiers camions. Dans le Règlement sur le camionnage en vrac, ça va être une limite de trois premiers camions, parce qu'il y a des gens qui se sont bâtis...

Et aujourd'hui vous savez que, avec tous les problèmes, puis les problèmes d'égalité puis d'équité, si le camion est au nom d'une dame ou le camion est au nom d'un homme, on ne va pas fouiller dans les comptes de banque pour savoir si tout ça va dans la même poche. La dame peut administrer son camion puis vous seriez surpris si je vous disais que, dans les dix-roues, on a au moins cinq dames qui conduisent leur propre camion dix-roues à travers le Québec. Alors, hommes et femmes, on ne veut pas embarquer là-dedans. Ça se peut que ça aille dans la même poche. Il y a toujours des gens plus débrouillards que d'autres dans un système, mais, nous autres, on essaie avec le système du premier camion. Mais, là-dessus, maximum trois premiers camions.

M. Bordeleau: O.K. Si une personne a trois camions, ses trois camions vont être mis dans un ordre où il va devenir prioritaire. Et qu'est-ce que vous disiez tout à l'heure, on ne donne pas de travail... Avant que la personne revienne avec un deuxième camion, ça prend beaucoup de temps, mais les trois...

M. Beaudet (Pierre): Il ne viendra jamais si les premiers ne travaillent pas, si tous les premiers ne travaillent pas.

M. Bordeleau: Mais il y en a trois premiers. C'est ça?

M. Beaudet (Pierre): C'est-à-dire, je ne parle pas des trois premiers. Mettons que M. Bordeleau, vous avez un camion un, un camion deux, un camion trois à votre nom, M. Bordeleau. Or, ça, ça fait un deuxième puis un troisième. Mais M. Bordeleau peut avoir un camion à son nom puis en avoir au nom de 2242 Québec inc. puis 2348 Canada inc. Ça, ça fait un, deux, trois premiers camions. Mais, s'ils demeurent au nom de M. Bordeleau un, deux, trois, le deuxième ne sort jamais quand les premiers ne sont pas sortis.

M. Bordeleau: Mais une personne qui aurait trois camions, au fond, à ce moment-là, à des noms différents, ils vont avoir leur premier régulièrement.

M. Beaudet (Pierre): Ils vont avoir leur premier équitablement, parce qu'ils vont payer des cotisations comme tout le monde, comme un membre...

M. Bordeleau: Oui, sur les trois.

M. Beaudet (Pierre): C'est parce qu'on ne peut pas trop jouer là-dedans, c'est difficile.

M. Bordeleau: Non, j'essaie de comprendre tout simplement comment ça fonctionne, là.

M. Beaudet (Pierre): Oui, oui, oui. Ça arrive, mais c'est un maximum de trois qui est fixé par la loi. Il est possible que le système soit traversé par ces choses-là, ça arrive.

M. Bordeleau: Vous avez combien de membres, sur vos 4 000 membres, là, qui ont plus d'un camion?

M. Beaudet (Pierre): Sur les 4 000 membres, qui ont plus qu'un camion, au maximum 50.

M. Bordeleau: Plus qu'un camion au même nom ou plus qu'un camion à des noms différents ou à des compagnies différentes?

M. Beaudet (Pierre): Nous autres évidemment, au même nom, il y en a un maximum de 50. Qu'il y en ait un qui s'appelle transport, mettons, Pierre Beaudet puis l'autre 2242 Québec inc., il peut y en avoir un 200 au Québec, 250, mais on n'a pas de statistiques là-dessus. Il n'y a rien de plus embêtant que ces compagnies à numéro là, pour relever ça. Mais, nous autres, c'est un cotisant, c'est un membre, il paie sa cotisation, il respecte les obligations. Maintenant, que l'actionnaire soit un tel... Ils dénoncent ça à la Commission des transports, puis, nous autres, ça ne nous regarde pas. C'est la Commission qui s'organise avec ça.

M. Bordeleau: Une autre chose que je voulais vérifier: Le revenu annuel, à peu près, d'un camionneur de vrac, une personne qui est membre d'un poste de courtage, mettons, typique, là, en région, c'est quoi, son revenu annuel qu'il va aller chercher par le travail qu'il va aller retirer dans le poste de courtage?

M. Beaudet (Pierre): Il faut que vous compreniez que le travail est saisonnier, mais, disons, une moyenne que je fais en région – je ne parle pas dans la région de Montréal où il y a de l'activité économique – ça tourne autour de 40 000 $, en moyenne, par année puis ça lui coûte 5 % à peu près, en moyenne, de cotisations. Je vous ai même parlé de 2 000 $ de cotisations, mais on a fait une moyenne après puis ça donne 1 500 $, les cotisations payées, en moyenne, dans la province de Québec, pour un camion, puis ça lui rapporte, en moyenne, 40 000 $ brut par année. Brut.

M. Bordeleau: Ça, c'est 40 000 $ pour à peu près, en moyenne encore là, combien d'heures de travail, ça?

M. Beaudet (Pierre): En moyenne, ça, ça veut dire, mettons, 90 jours de travail, autour de 450 $ par jour.

M. Bordeleau: 90 jours, 450 $.

M. Beaudet (Pierre): 450 $ parce que ça tourne dans le 50 $ l'heure, on vous l'a dit, puis ça n'augmentera pas; ça ne peut pas augmenter, évidemment, avec le débalancement entre l'offre puis la demande. Puis l'entente qu'on a avec le ministère des Transports va tourner autour de 50 $ l'heure. Avant, c'étaient des minimums, maintenant c'est des prix fixes. Alors, avant, on aurait pu charger plus cher puis on ne le faisait pas. Je vais vous donner comme exemple: dans le verglas, c'est seulement nous autres qui avons fourni des camions. On n'a jamais demandé un sou de plus, on n'a pas dit: C'est 100 $ de l'heure à Hydro-Québec. On a continué à les servir au prix minimum. Dans la région 02, dans le déluge, on a continué à les servir au prix minimum, on n'a jamais manqué un camion. Et je vous répète que, si jamais un entrepreneur – c'est dans le contrat avec le ministère des Transports – on ne lui fournit pas les camions, l'entrepreneur est libéré de ses obligations.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le député de l'Acadie, je regrette, mais votre temps est écoulé. M. le ministre.

M. Chevrette: Je prendrai seulement deux minutes. Je voudrais déposer pour le bénéfice de la commission comment se répartissent le nombre de titulaires et le nombre de permis. Pour bien comprendre, par exemple, il y en a un qui a 78 permis, sauf que c'est un propriétaire transporteur de copeaux.

M. Beaudet (Pierre): Bien oui!


Document déposé

M. Chevrette: Mais règle générale, jusqu'à trois, sur 6 900, vous en avez environ 6 600 qui se situent en bas de trois: deux, un. Donc, pour le bénéfice de la commission, je voudrais le déposer.

Le Président (M. Lachance): Très bien, merci, M. le ministre.

M. Chevrette: Il y a peut-être une question que j'aimerais vous poser. Effectivement – vous avez dit 1 500 $ – le chiffre très précis, c'est 1 492 $, en moyenne, au Québec, le prix de la cotisation. Vous n'étiez pas loin de la vérité. Si ça peut permettre aux gens de voir où est-ce que ça se situe, c'est effectivement cela. Et, plus il y a de l'ouvrage, plus on risque d'avoir une cotisation élevée; moins il y a de l'ouvrage... Parce que, quand on joue aux pourcentages...

En particulier, c'est évident, dans la région 06 de Montréal, par exemple, on peut voir qu'il y a un peu plus de cotisations qu'il peut y en avoir ailleurs où il y a peu de travaux. Mais on pourrait vous donner, même, à peu près... J'ai des tableaux même de l'ensemble des cotisations que je déposerai un peu plus tard aujourd'hui, je vais sûrement le déposer, sans doute à l'intervenant d'après, pour démontrer comment ça se situe, les cotisations, à travers le Québec, et que la moyenne nationale est de 1 492 $.

Moi, je voudrais vous remercier de votre ouverture d'esprit et j'ose espérer, si on est capable encore de s'asseoir, pour ceux qui n'ont pas voulu jusqu'à date, qu'ils en aient une possibilité. Je vous remercie de votre témoignage.

M. Beaudet (Pierre): M. le ministre, on a pris goût à s'asseoir, on n'était pas habitué avant, mais là on a pris goût à s'asseoir. On a pris goût à ça.

Le Président (M. Lachance): Alors merci, messieurs, pour votre contribution aux travaux de cette commission.

Et j'invite les représentants du Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac à prendre place.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 12 h 2)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Nous allons reprendre les travaux de la commission.

Je voudrais indiquer à tout le monde que les téléphones cellulaires devraient être fermés.

Alors, j'invite le porte-parole du Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac à s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.


Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac

M. Noreau (André J.): Alors, mesdames, messieurs de la commission, d'abord un grand merci d'avoir accepté de nous rencontrer. Je voudrais vous présenter les gens qui sont avec moi: il y a M. Réal Ouimet, un contracteur, un entrepreneur de la région de Montréal; il y a le président de l'AQEEA, M. François Lalande; et M. Gilles Gauthier, camionneur de la région de Montréal.

Le Président (M. Lachance): Alors, je présume que vous êtes Me André Noreau.

M. Noreau (André J.): C'est ça.

Le Président (M. Lachance): Alors, monsieur, vous avez, comme les autres groupes, un maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

M. Noreau (André J.): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue.

M. Noreau (André J.): Alors, nous commençons. Alors, le 13 octobre 1999, le ministre des Transports a signé une entente avec l'ANCAI et le regroupement des régions 03, 05 et 06 concernant le camionnage en vrac. Cette entente a été suivie par le dépôt, le 11 novembre dernier, du projet de loi n° 89, qui modifie la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac.

Comme il sera démontré ci-après, si ce projet de loi devait être appliqué d'ici le 1er janvier 2000, il aurait pour effets: de créer un marché captif équivalent à un monopole et un cartel en faveur des services de courtage en camionnage en vrac; d'exproprier sans compensation des flottes entières de camions et de mettre à pied les chauffeurs de ces camions ainsi que tous ceux qui en assurent le support technique; de mettre en péril la viabilité des opérations quotidiennes d'entreprises familiales établies depuis plusieurs décennies; de contrevenir à la lettre et à l'esprit des engagements pris par le Québec, les autres provinces et le gouvernement fédéral en vertu des accords sur le libre-échange et sur le commerce intérieur canadien; d'obliger de s'associer pour travailler; et de transférer la gérance des chantiers aux services de courtage.

M. Lalande (François): Notre groupe représente à la fois un nombre important d'entreprises privées – plus d'une cinquantaine – utilisatrices de camions pour le transport en vrac ainsi qu'un grand nombre de détenteurs de permis de transport en vrac du gouvernement. Il existe au Québec environ 10 000 permis de camionnage en vrac, détenus par 7 000 personnes, dont environ 3 200 seulement sont couverts par l'entente du 13 octobre. Il existe aussi au Québec environ 7 000 camions qui servent au transport en vrac munis de plaques F, lesquels appartiennent à des entreprises privées et dont on ne tient pas compte dans l'entente du 13 octobre.

Nos entreprises oeuvrent dans le domaine des travaux publics, principalement dans le secteur des travaux d'égout et d'aqueduc. Elles sont des utilisatrices importantes de camionnage en vrac. Un échantillonnage des données disponibles de 16 de nos entrepreneurs nous permet d'affirmer que ceux-ci possèdent une flotte de camions de l'ordre de 513 unités. Ce sont leurs employés permanents qui conduisent leurs camions, et ils font vivre des milliers de familles, et ce, à travers tout le Québec. Dans la plupart des cas, ces emplois existent depuis plus de 20 ans.

Nos entreprises créent également de nombreux emplois connexes, tels des mécaniciens, des contremaîtres et des employés de support. Si le projet de loi n° 89 est adopté, ces entreprises seront dans l'obligation de vendre à perte une grande partie de leurs camions et obligées de mettre à pied des chauffeurs permanents de ces véhicules, des pères de famille. La raison est bien simple: ce projet de loi n° 89 aura pour effet d'augmenter de manière substantielle et sans considération pour les besoins réels des entreprises privées les pourcentages exclusifs de transport en vrac accordés aux services de courtage.

Toujours selon le même échantillonnage, nos camionneurs possèdent plus de 300 permis de camionnage en vrac. Ces détenteurs de permis ainsi que plusieurs milliers d'autres au Québec ne sont pas membres de l'ANCAI ni des postes régionaux. Au fait, plus de 50 % des détenteurs de permis au Québec ont été oubliés dans cette entente.

Le projet de loi n° 89 oblige nos camionneurs à faire partie d'un service de courtage agréé par la CTQ, sans quoi ils perdront leur permis ou enregistrement et ils ne pourront pas travailler dans les contrats gouvernementaux et paragouvernementaux. Ces contrats représentent des sommes énormes pour nos camionneurs, sans lesquels ils seront incapables de rencontrer leurs obligations et celles de leur famille. Dans certains cas, ce projet de loi prohibe même à certains détenteurs de permis de s'enregistrer. Ainsi, ils perdront leur permis, leurs droits acquis et leur droit au travail.

En résumé, les données disponibles nous permettent d'affirmer que nos membres ont investi plus de 70 000 000 $ en équipements de transport routier seulement, qu'ils créent jusqu'ici, selon nos connaissances, plus de 1 300 emplois stables directs et indirects. Le projet de loi n° 89 veut littéralement les obliger à s'associer ou encore les déposséder de leurs biens, de leur travail sans compensation.

M. Noreau (André J.): Alors, maintenant, les effets du projet de loi n° 89. Création d'un monopole et d'un cartel. Le projet de loi n° 89 aura pour effet de créer un monopole, voire même un cartel dans le domaine du transport en vrac à l'avantage de moins de 50 % des détenteurs de permis de camionnage en ignorant systématiquement les besoins des entreprises privées de ce secteur ainsi que la majorité des camionneurs, lesquels ne veulent pas être membres de ces services, comme cela est d'ailleurs leur droit. Il aura aussi pour effets d'exproprier sans compensation une partie importante et essentielle des équipements et des activités économiques de plusieurs entreprises privées québécoises ainsi que d'affecter de manière irrémédiable la viabilité même de leurs opérations.

Nous rappelons aux membres de la commission que le gouvernement doit veiller à l'intérêt public en général. Or, le projet de loi n° 89 oublie complètement le secteur de l'entreprise privée, qui requiert des services de transport en vrac et pour lequel ce projet de loi peut avoir des conséquences dramatiques.

Exemples concrets. Une entreprise privée spécialisée en travaux publics s'est dotée depuis de nombreuses années et de manière progressive d'une flotte d'une quarantaine de camions. Pourquoi? Parce que, dans plusieurs cas, il s'agit d'un transport très spécialisé que les postes de courtage ne peuvent pas faire, ou encore les mêmes postes ne veulent pas le faire. Il arrive, de plus, que les postes ne peuvent pas fournir le nombre de camions requis. L'entrepreneur privé en question se devait donc d'avoir sa flotte afin de respecter l'échéance des travaux acceptée lors d'une soumission sous peine de se voir imposer de fortes pénalités.

Si le projet de loi n° 89 est mis en vigueur, cette entreprise sera restreinte dans l'usage de sa flotte. Par conséquent, elle devra mettre à pied ses – excusez-moi la coquille – chauffeurs de camion, qui, dans la plupart des cas, sont des employés permanents depuis plus de 20 ans, et revendre à perte une bonne partie de ses 45 camions.

En résumé, il y aura une distorsion très importante entre les besoins réels de cette entreprise et la capacité des services de courtage à rencontrer à la fois la spécificité des services requis et la quantité de camions requis. Donc, pour aider, selon le projet de loi, environ 2 300 camionneurs, on oublie le devenir de toute une industrie privée ainsi que celui d'au moins 7 000 chauffeurs de flottes privées ainsi que les détenteurs de permis non membres de ces services, sans oublier les familles de ces chauffeurs. On modifie de manière dramatique une formule qui fonctionne bien et qui a fait ses preuves pour la remplacer par une formule qui risque de mettre en péril tout un secteur économique, et ce, dans tout le Québec.

(12 h 10)

M. Lalande (François): À ce jour, les lois ont laissé le libre choix à nos entreprises privées impliquées dans les travaux publics de fournir ou d'acheter leurs propres camions et, au besoin, de s'adresser aux camionneurs détenteurs de permis de transport en vrac même si, dans le cadre de certains contrats publics, un certain pourcentage se devait d'être réservé aux camionneurs détenteurs de permis.

En d'autres termes, le système, jusqu'à ce jour, permettait aux entreprises privées de rencontrer leurs besoins en camionnage en vrac et d'amener une saine concurrence entre l'usage de leurs flottes et de celles des camionneurs détenteurs de permis. Après avoir encouragé et laissé les entreprises privées investir durant des décennies dans leurs flottes de camions, le gouvernement leur dit maintenant: Vous êtes expropriés sans compensation et vous ne transporterez plus.

Le projet de loi n° 89 crée une rareté artificielle de l'offre de transport en vrac, et les entreprises privées seront à la merci des services de courtage, qui pourront, sans être tenus comme eux à de fortes pénalités dans le cas de retards dans l'exécution des contrats, décider de leur développement, du respect de l'échéance de leurs travaux.

En d'autres termes, l'entrepreneur privé qui transige avec le gouvernement devra respecter le monopole conféré aux services de courtage. Toutefois, dans le cas de carence de transporteurs, les entrepreneurs seront les seuls à payer pour le non-respect de l'échéance prévue à leurs soumissions. Donc, deux poids, deux mesures. Qui plus est, la rareté de l'offre fera augmenter substantiellement le coût de transport.

M. Noreau (André J.): Le projet de loi n° 89 ne respecte pas la lettre ni l'esprit de l'Accord sur le commerce intérieur découlant de l'Accord de libre-échange, celui-là visant une concurrence accrue, une réduction des obstacles commerciaux et un traitement similaire des parties signataires de l'Accord. L'Accord sur le commerce intérieur exige une transparence de la «partie qui se propose d'adopter ou de modifier une mesure pouvant influencer sensiblement l'application du présent Accord». La partie concernée doit informer les autres parties à l'Accord qui pourraient être intéressées par ces modifications et leur fournir une copie du texte si elles le demandent. À cet effet, nous joignons, à l'onglet 7, une copie de la plainte formelle que nous avons déposée au nom de notre groupe auprès du ministre de l'Industrie et du Commerce du Canada.

Ce qui est encore plus alarmant, c'est que le projet de loi n° 89 oblige les détenteurs de permis de camionnage en vrac, en plus de s'inscrire au registre de la CTQ d'ici au 1er janvier 2000, à s'associer d'ici au 31 mars à un service de courtage sous peine de perdre leur permis ou enregistrement. Qu'on qualifie cela d'une inscription à un registre ou à un permis, c'est la même chose. Au-delà de la sémantique, il y a la réalité, qui est celle-ci: seuls ceux qui feront partie d'un service de courtage déjà agréé par la CTQ pourront conserver leur droit de travailler sur les contrats publics.

Nous réitérons que les contrats publics représentent une grande partie de la source de revenus des détenteurs de permis sans laquelle ils ne peuvent pas survivre. Donc, ils sont obligés de s'associer. La liberté d'association, élément fondamental et omniprésent de notre système démocratique, est bafouée et annihilée en obligeant les détenteurs de permis à s'associer sans tenir compte des investissements importants qu'ils ont faits. C'est cela, une expropriation sans compensation. C'est la politique du «crois ou meurs».

En résumé, après avoir exigé des détenteurs de permis des entreprises privées de payer pendant plusieurs années des taxes, des droits et des licences à l'État du Québec, on privilégie maintenant un groupe d'entre eux, et ce seront ultimement les citoyens du Québec qui paieront l'augmentation du coût de transport en vrac qui en découlera.

M. Lalande (François): Nos recommandations respectent les engagements pris en vertu des accords sur le libre-échange, assurent une concurrence loyale en favorisant l'élimination des obstacles à la libre circulation des biens, le tout en conformité avec l'Accord sur le commerce intérieur, le Décret concernant l'entente fédérale-provinciale multilatérale sur le commerce intérieur et la Loi portant sur la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. De plus, nos recommandations nécessitent des modifications mineures à la législation actuelle en assouplissant les mesures législatives et réglementaires au lieu de créer des obstacles supplémentaires.

Ainsi, nous recommandons que les 10 000 titulaires actuels, soit 100 % des détenteurs de permis de camionnage en vrac, puissent: s'enregistrer à la Commission des transports d'ici au 31 mars; créer et s'associer au service de répartition ou de courtage de leur choix, comme cela se fait dans le secteur du taxi; troisièmement, avoir accès aux contrats publics dans leurs régions respectives.

Ces recommandations auront pour effet de respecter: les flottes de camions en vrac des entreprises privées; la gérance des chantiers aux entrepreneurs privés, responsables ultimes de la réalisation des contrats publics; la libre concurrence et la transparence dans les marchés; les ententes signées par le gouvernement en vertu de l'Accord sur le libre-échange.

Pour terminer, nous comprenons et acceptons qu'il peut y avoir certains cas particuliers qui exigent une aide étatique. Nous référons, en substance, au camionneur artisan propriétaire d'un seul camion et qu'il conduit lui-même, celui-là même que l'on voulait aider par la loi n° 73. Dès lors, notre Regroupement comprendrait et accepterait que, dans les attributions des contrats publics dans certaines régions du Québec, on puisse encourager ces camionneurs artisans. De plus, nous croyons que le respect de l'Accord sur le commerce intérieur pourrait permettre certains ajustements dans les régions où il y a moins de camionneurs, et en particulier ceux qui sont situés hors des grandes agglomérations urbaines. Enfin, nous nous permettons de joindre en annexe au présent texte une analyse des dispositions du projet de loi n° 89 qui posent problème.

M. Noreau (André J.): Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, nous remercions la commission de nous avoir invités. Et maintenant nous demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. Noreau, est-ce que c'est vous qui étiez aux Services juridiques du ministère des Transports auparavant? C'est-u le même Noreau?

M. Noreau (André J.): Ça dépend quand, M. le ministre.

M. Chevrette: Mais avez-vous été aux Services juridiques du ministère des Transports?

M. Noreau (André J.): Oui, avec M. Pierre-Paul Vigneault, peut-être, que je vois ici aujourd'hui. Oui, j'y ai été dans le temps.

M. Chevrette: O.K. Est-ce que vous avez bien lu l'entente qui a été signée?

M. Noreau (André J.): Absolument.

M. Chevrette: Comment pouvez-vous conclure, M. Noreau, vous qui êtes avocat, qu'on contrevient à l'entente interprovinciale de commerce, alors que, le 12 novembre dernier... – c'est sur Internet, vous devez en avoir un à votre bureau – et je vous lis l'entente avec l'Ontario: «Conformément à l'Accord sur le commerce intérieur, le Québec maintiendra un régime de courtage relativement à l'achat de certains services de transport d'agrégats pour des travaux de voirie publics. Les transporteurs ontariens pourront se prévaloir du régime de courtage», etc. Est-ce que vous saviez qu'il y avait une entente avec l'Ontario?

M. Noreau (André J.): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez pris les renseignements comme il faut avant?

M. Noreau (André J.): Oui.

M. Chevrette: Comment pouvez-vous déclarer que c'est illégal, quand on a une entente avec celui avec qui on a signé une entente interprovinciale de commerce?

M. Noreau (André J.): Est-ce que M. le ministre me permet de répondre?

M. Chevrette: Bien, je vous ai posé une question. Je veux que vous répondiez.

M. Noreau (André J.): Je voudrais avoir le temps aussi d'apporter ma réponse.

M. Chevrette: Ça, soyez sans crainte, on vous laisse le temps.

M. Noreau (André J.): Alors, je vous explique. Quand vous parlez, M. le ministre, vous parlez de l'Accord sur le commerce intérieur. Comment puis-je prétendre ça? C'est en vertu des chapitres V et XIV de l'Accord sur le commerce intérieur. Par exemple, on parle des travaux d'Hydro-Québec, on peut parler des travaux d'agrégats, il s'agit de dispositions particulières. Je vous explique dans quel contexte.

On peut créer, en vertu de l'Accord sur le commerce intérieur, ce qu'on appelle des monopoles étatiques, des monopoles législatifs pour des produits particuliers: l'uranium, Hydro-Québec, l'électricité. Ça, on peut faire ça. Donc, on appelle ça un monopole étatique, où il y a un seul fournisseur. En plus de ça, M. le ministre, quand il y a des urgences nationales, des urgences comme, par exemple, à Chicoutimi lorsqu'il y a eu un déluge d'eau, on peut permettre également, dans certains cas particuliers, d'obvier à l'entente pour des raisons particulières. Le chapitre V permet ça. Mais l'Accord sur le commerce intérieur, M. le ministre, ne permet pas d'aller à l'encontre de l'Accord pour d'autres raisons que ça. Donc, c'est des cas très spécifiques.

Donc, la règle, c'est que la Commission des transports est soumise à l'Accord sur le commerce intérieur signé en 1994, et – si vous regardez l'annexe, M. le ministre – dans l'Accord sur le commerce intérieur, la Loi sur les transports et le Règlement sur le camionnage en vrac sont mentionnés comme étant des domaines qu'il fallait déréglementer pour l'an 2000. Voilà ce que j'ai à dire.

M. Chevrette: Est-ce que vous savez qu'à l'article 502.1B, c'est nommément écrit ceci, à B: «Les services de transport fournis par les entreprises locales de camionnage pour le transport d'agrégats dans les travaux de construction de routes sont nommément exclus»?

M. Noreau (André J.): M. le ministre, je réponds à ça: Les principes de l'Accord que je viens de décrire tantôt, M. le ministre... Et, croyez-moi, aujourd'hui, je suis ici pour tenter de voir clair. Ce que je vous dis aujourd'hui, c'est que... Je réfère M. le ministre à 504, paragraphe 4, qui dit que les parties ne peuvent imposer ou prendre en considération, dans l'évaluation des soumissions et l'attribution... les produits et les services d'une province, région, y compris ceux dans les marchés de construction.

Paragraphe 11: Une entité d'une partie peut, dans les circonstances suivantes, utiliser des procédures de passation des marchés publics différentes – à la condition que ce ne soit pas dans le but d'éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d'exercer de la discrimination contre les fournisseurs des autres parties – lorsqu'il existe: a) une situation d'urgence imprévisible, et je continue à d): lorsque des matériaux de construction doivent être achetés et qu'il est possible de démontrer que les frais de transport et des considérations d'ordre technique ont pour effet de limiter, sur le plan géographique, les sources d'approvisionnement. Ce n'est pas le cas ici.

M. Chevrette: Là, je vous avouerai que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont les mêmes exclusions que nous, d'ailleurs. Donc, au niveau du droit, celui avec qui vous avez travaillé me dit que c'est carrément une interprétation libre qui ne résiste pas à l'analyse juridique.

Deuxième chose sur laquelle je voudrais vous questionner: vous avez prétendu, dans votre exposé et dans vos déclarations publiques, que le maintien du permis est lié à l'adhésion aux postes de courtage. Vous avez bien lu l'entente?

M. Noreau (André J.): Oui.

(12 h 20)

M. Chevrette: Comment pouvez-vous prétendre qu'on maintient l'adhésion à l'ANCAI comme condition sine qua non? Je ne peux pas croire que vous pouviez imaginer ça quand l'ANCAI elle-même nous reproche de ne pas le lui avoir donné. Expliquez-moi ça. Lequel des deux a raison? Ou bien c'est-u moi qui suis fou braque, entre les deux?

M. Noreau (André J.): Non, non, M. le ministre, au contraire. Loin de ma pensée de vouloir penser ça.

M. Chevrette: Expliquez-moi ça.

M. Noreau (André J.): Alors, quand on lit le projet de loi, il faut... Il y a un vieux professeur de droit que je suis certain que mon confrère Vigneault a eu qui s'appelait Jean-Charles Bonenfant, qui disait ceci: Derrière les institutions, il faut lire la réalité. Donc, il faut lire le projet de loi, M. le ministre – et, croyez-moi, je suis ici pour voir clair, moi aussi – dans son ensemble. Le projet de loi n° 89 oblige une personne qui détient un permis au Québec à s'enregistrer d'ici le 1er janvier de l'an 2000, il l'oblige à s'enregistrer à la Commission par le mécanisme d'entreprise. S'il ne le fait pas, il n'a plus le droit de prétendre à cet enregistrement. Deuxièmement...

M. Chevrette: Je vous arrête juste sur ce point-là. Je vous permets bien de répondre, mais les faits, là, ce n'est pas ça. C'est l'inscription automatique le 1er janvier pour tout le monde, justement pour ne pas en oublier. Il y a des petites lignes que vous n'avez pas lues.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, permettez-moi de vous dire que vous en excluez, peut-être par mégarde...

M. Chevrette: Sauf ceux que l'ACGRTQ ne voulait pas. C'est tout.

M. Noreau (André J.): L'ACGRTQ? M. le ministre, vous avez 10 000 permis... Là, il y a 18 000 permis au Québec, mais il y en a 10 000 dans le secteur dont on parle, excluant les permis interprovinciaux puis les permis en forêt. Là, on parle des 10 000. Je dis, M. le ministre, que l'inscription à la Commission des transports est un préalable suivi d'une deuxième mesure trois mois plus tard: vous avez trois mois pour aller vous enregistrer dans un service de courtage déjà agréé par la Commission.

Ce que nous disons, c'est que vous abolissez le système des permis pour le remplacer par un enregistrement, mais vous n'abolissez pas le système des permis de courtage. Donc, il y a deux poids, deux mesures: des permis de transport en vrac qui sont remplacés par un enregistrement et un maintien intégral des permis déjà donnés par la Commission des transports. Donc, ça marche sur deux côtés. Donc, c'est un système à deux vitesses.

Donc, comment peut-on prétendre, M. le ministre – humblement soumis – que, d'un côté, on peut faire tomber les permis de vrac et, en même temps, dire: On peut, avec l'Accord sur le libre-échange également puis celui sur le commerce intérieur, maintenir les postes de courtage, les permis? Donc, on fait tomber un permis d'un bord puis on ne le fait pas tomber de l'autre.

M. Chevrette: Mais, M. Noreau, il faut avoir vécu ce qui s'est passé. La crainte de tous les vraquistes de l'ANCAI, c'était de se ramasser au 1er janvier avec rien, avec aucun partage de l'assiette de travail. On savait qu'il y avait une déréglementation; vous n'inventez rien à matin, là. C'est pour ça que l'ANCAI montrait des dents. On s'est dit: Qu'est-ce qu'on peut trouver comme moyens? Et qu'est-ce qu'on peut faire légalement pour rendre... Ces moyens-là que nous trouverons, on leur donnera une assise juridique. Je ne comprends pas. Vous nagez dans l'intellectualisme et dans l'imaginaire.

Dans les faits, qu'est-ce qu'on veut protéger, nous autres? Si ce n'est pas assez fort, dites-le-moi. Dans les faits, ce que je veux protéger, c'est un partage du travail, au Québec, dans les travaux d'agrégats, dont je suis responsable comme ministre des Transports. Et on a convaincu l'AMBSQ, en plus, de faire une entente avec ces gens-là. Tous vos clients qui n'ont qu'un permis de vrac, qui n'ont pas de licence, sont éligibles à n'importe quel poste de courtage, puis ils vont être inscrits le 1er janvier dans la mécanique qu'on crée puis qu'on va rendre automatique. Vous semblez vouloir semer des peurs qui n'existent pas.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, permettez-moi une réponse. Je suis ici pour un débat d'idées. Toute ma vie est un débat d'idées.

M. Chevrette: Oui, je comprends, mais un débat de faits aussi.

M. Noreau (André J.): Pas intellectuelles, vraies.

M. Chevrette: Un débat de faits.

M. Noreau (André J.): Vraies. Je vais vous citer... M. le ministre, quand je dis aujourd'hui – je n'ai pas pris ça dans les airs – que l'Accord sur le... C'est que tu ne peux pas avoir, dans la vie, le gâteau, la crème puis la cerise par-dessus, il faut que tu te décides. Tu ne peux pas tout avoir. Le Québec a signé un Accord sur le commerce intérieur qu'il doit respecter. Quand on dit qu'on doit déréglementer et ouvrir le marché et avoir une vigoureuse concurrence, ce n'est même pas moi qui le dis, ce n'est pas intellectuel, c'est dans les accords qui sont ici.

M. Chevrette: Oui. Mais enlevez la crème, enlevez la cerise puis regardez le gâteau, là.

M. Noreau (André J.): Oui.

M. Chevrette: Puis le gâteau, M. Noreau, c'est que, à compter du 1er janvier, c'est vrai qu'il y a une déréglementation, mais il va y avoir au Québec, en vertu de l'entente du commerce et des exclusions qu'on a faites et en vertu, également, d'une entente qu'on a faite le 12 novembre dernier avec l'Ontario, possibilité d'un partage équitable de la tarte de travail ou du gâteau de travail. Ne vous obstinez pas à regarder ça autrement, c'est de même qu'on va essayer d'agir. Puis, si ce n'est pas correct, je vais tout faire pour que la parole que j'ai donnée sur le partage, elle soit respectée.

M. Noreau (André J.): M. le ministre...

M. Chevrette: Et vos membres, M. Noreau...

M. Noreau (André J.): Oui.

M. Chevrette: ... vous en avez 200, quelque chose de même. Si vous avez 200 membres, incitez-les à s'inscrire, à part de ça, si jamais on en a oublié un par malheur, puis on va les faire travailler. Puis j'espère que vous serez d'accord avec ça. Puis, si l'ACGRTQ, à part de ça, je peux la convaincre... Ou, si je ne peux pas la convaincre, je ne suis pas sûr que je ne déciderai pas, à part de ça, que même les licenciés... Parce qu'ils ont montré une ouverture tantôt, l'ANCAI. Quelle a été ma première question ici, M. Noreau? Ça a été de dire: Êtes-vous ouverts à une négo? On n'est pas là pour brimer le droit au travail, on est là pour l'aider. Mais on n'est pas là pour faire des peurs imaginaires, par exemple, M. Noreau, on est là pour parler des faits.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, quand je parle d'idées, je suis devant vous ici en toute confiance, devant les membres de l'Assemblée nationale, parce que, comme citoyen québécois, je suis ici pour un débat d'idées, et je le fais positivement.

M. Chevrette: O.K. Moi aussi.

M. Noreau (André J.): Bon. Maintenant, je vous dis ceci: Quand vous ouvrez...

M. Chevrette: Ce n'est pas pour ça que vous voulez bloquer les routes, j'espère.

M. Noreau (André J.): M. le ministre...

M. Chevrette: Ça fait un drôle de débat d'idées: chantage préalable.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, est-ce que je peux continuer? Parce que je suis ici pour un débat d'idées et je ne suis pas ici pour autre chose. Et, quand on parle d'autre chose... Je suis ici pour la légalité des choses, je suis un homme de loi et de droit, et je ne suis pas ici pour d'autres activités.

Cela dit, M. le ministre, je vous dis ceci, je vous dis que l'entente... Si l'ANCAI ou d'autres organisations sont ouvertes à la négociation, je m'en réjouis, mais dans un cadre de libre marché; pas dans un cadre réglementaire et imposé, mais dans un cadre de libre marché.

Permettez-moi de vous donner un petit exemple de ce que je veux dire. Quand je parle de distorsions... On va parler de choses réelles demain matin. J'ai avec moi ici M. Réal Ouimet, qui est un entrepreneur de la région de Saint-Jean. M. Ouimet peut vous donner un exemple concret, M. le ministre, de ce qui va se passer demain matin, quand ça va être passé, et il peut vous l'expliquer lui-même. M. Ouimet.

M. Chevrette: Allez-y, M. Ouimet.

M. Ouimet (Réal): Souvent, M. le ministre, quand on a besoin des camions de l'ANCAI, il n'y a pas de disponibilité ou il n'y a pas de volonté de faire les travaux.

M. Chevrette: O.K.

M. Ouimet (Réal): Selon le genre de travail qu'il y a à faire, les gens ne veulent pas le faire. Quand il s'agit de faire le rough d'une route ou d'une rue, souvent ils ne veulent pas le faire. Alors, suivant le type de travail, il n'y a pas de disponibilité ou il n'y a pas de volonté de le faire.

Alors, quand vous les appelez un matin et vous avez besoin de 10 camions, ils vous en envoient deux, qu'est-ce que vous faites? Parce que, sur presque tous les contrats, il y a des pénalités; si vous ne rencontrez pas votre temps, vous avez des pénalités. Mais les camionneurs, ils ne sont jamais pénalisés, il y a seulement les contracteurs qui sont pénalisés.

M. Chevrette: Monsieur, qui vous a interprété ça de cette façon-là?

M. Ouimet (Réal): Ça fait 40 ans, M. le ministre, que je le vis.

M. Chevrette: Oui, mais, dans l'entente... Je vais vous lire quelque chose: «Si les titulaires d'un permis de courtage ne peuvent fournir les camions nécessaires, ils peuvent s'engager à en fournir une proportion moindre à la condition d'inscrire dans l'entente de prestation de services le pourcentage convenu, lequel devient immuable pour toute la durée de l'entente.» C'est formel. Ça ne peut pas être changé, c'est dans l'entente. Je ne sais pas comment vous interprétez.

M. Ouimet (Réal): Je suis d'accord avec vous, M. le ministre.

M. Chevrette: Il va-tu falloir vous faire un dessin?

M. Ouimet (Réal): Mais, si c'est dans l'entente, il va falloir garder des camions pour faire le travail, parce que souvent il n'y en a pas, de camions disponibles.

M. Chevrette: Oui, mais c'est possible, ce que vous dites. Je ne nie pas ce que vous dites, M. Ouimet, c'est possible. Mais c'est prévu dans l'entente, qu'ils ne peuvent pas vous jouer des tours de même. C'est immuable, ça, puis on demande que ce soit la durée, à part de ça. Il faut regarder l'ensemble des paragraphes. On ne prend pas rien que les bouts qui font notre affaire pour planter un gouvernement.

M. Ouimet (Réal): ...

M. Chevrette: Prenez un exemple, M. Noreau. Vous avez dit que ça coûtait 3 500 $ en moyenne, vous avez dit ça à un journaliste.

M. Noreau (André J.): Moi, j'ai dit ça?

M. Chevrette: Je viens de déposer qu'il y a... 1 492. Comment vous pouvez soutenir ça puis être crédible par la suite?

M. Noreau (André J.): M. le ministre, quand vous citez les journaux aujourd'hui, je suis devant vous, monsieur, puis je n'ai pas emmené mes articles de journaux, M. le ministre.

M. Chevrette: Bien, moi, je les ai lus, les vôtres, vos déclarations.

M. Noreau (André J.): Bien, je vous remercie de m'avoir lu, M. le ministre, c'est très gentil.

M. Chevrette: Oui, monsieur. Vous êtes intéressant, à part de ça.

M. Noreau (André J.): Bien, je vous remercie. Vous m'en voyez réjoui, M. le ministre.

M. Chevrette: Mais vous me regarderez à la dernière remarque que je vais faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. Noreau.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, vous savez, dans une société, si on n'a pas le droit de parler, si on n'a pas le droit d'ouvrir la bouche, je pense que ce n'est pas très bon. Alors, moi, je suis ici, comme je vous le répète, parce que c'est avec confiance que je m'adresse à vous et je suis ici de façon constructive.

J'ai lu l'entente, M. le ministre, et les difficultés de compréhension que les gens ont autour de moi, je me permets de vous les mettre sur papier. Donc, je représente un groupe qui l'a analysée. Je ne suis pas seul à avoir analysé cette entente, nous sommes plusieurs. Plusieurs, dans leur contexte respectif, l'ont lue, l'ont analysée dans leur entreprise réciproque. Et voilà je suis le porte-voix de ces gens-là.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre, je vous signale qu'il reste une minute.

M. Chevrette: Oui. Je voulais vous parler du monopole. Je ne sais pas comment on peut fixer à 40 % puis avoir même deux postes de courtage dans une même région, à ce moment-là, puis parler de monopole. Mais ça, je pense que vous...

M. Noreau (André J.): Juste avant, M. le ministre...

M. Chevrette: Je n'ai malheureusement pas le temps.

M. Noreau (André J.): ...je peux répondre à cette question-là, parce que...

M. Chevrette: Non, non, j'étais en train de faire un commentaire, je m'excuse.

M. Noreau (André J.): Je m'excuse, M. le ministre.

(12 h 30)

M. Chevrette: J'ai dit que j'aurais aimé parler de monopole, que vous avez décrit, de parler également qu'on dépossède vos clients de leurs biens. M. Noreau, si ce n'est pas un exercice de démagogie incroyable, j'en perds mon latin.

M. Noreau (André J.): Avoir un peu plus de temps – je vous avais donné un commentaire, M. le Président – j'aurais voulu expliquer à M. le ministre ce qu'est le 40 % dont il parle, qui n'est pas un 40 %. Parce que la Commission des transports envoie des avis au mois de mars et les gens qui sont intéressés, dans une région, doivent répondre, et c'est 40 % des intéressés. Donc, on peut se ramasser avec très peu de gens, bien en deçà de 40 %.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Merci, M. Noreau, et les personnes qui vous accompagnent, pour la présentation de votre mémoire. Il y a un certain nombre de points que j'aimerais aborder avec vous. Dans votre mémoire, vous faites référence, disons, à l'obligation de s'associer. Vous avez fait tout à l'heure référence à deux aspects, c'est-à-dire un premier aspect qui est l'inscription à la CTQ et, ensuite, l'autre, c'est l'accès à un poste de courtage ou l'inscription à un poste de courtage.

Le ministre disait: Tous les permis VR vont être automatiquement inscrits à la CTQ dans le nouveau registre, ça va se faire de façon automatique. Ce que je comprends actuellement, c'est que l'inscription ne donne pas nécessairement accès au travail comme tel parce que, pour avoir accès à la masse de travail qui va venir du secteur public, il faut que les gens soient membres d'un poste de courtage.

L'ANCAI, qui est venue tout à l'heure, nous mentionnait que les gens peuvent, au fond, s'associer, créer un nouveau poste de courtage et qu'il n'y avait pas une obligation de s'inscrire nécessairement dans un poste qui existe actuellement mais qu'il y a possibilité de pouvoir créer de nouveaux postes de courtage. Alors, je voulais savoir ce que vous aviez à nous dire à ce sujet-là, s'il y a une obligation d'entrer dans un poste qui existe ou si les gens ne voulant pas entrer dans un poste donné peuvent se créer un poste de courtage comme tel.

M. Noreau (André J.): Alors, M. Bordeleau, ce que j'ai à dire sur ça, c'est que, le 1er janvier, que la personne soit obligée d'aller voir la Commission des transports pour déposer son enregistrement ou que la Commission lui donne un change pour change, comme on dit, ça, c'est sémantique. Sauf ceux qui sont détenteurs d'une licence de la Régie du bâtiment. Eux autres, ils perdent leur permis. Alors, ces gens-là, que la Commission leur agrée un enregistrement en lieu et place d'un permis, je comprends, alors au lieu d'avoir... fait un geste physique.

Ce que j'ai lu aussi, c'est que, après ça, les gens doivent se déplacer et doivent s'enregistrer, s'abonner à un poste de courtage. S'ils ne s'abonnent pas, ils perdent leur enregistrement. Et l'enregistrement donne quoi? L'enregistrement donne le droit d'aller travailler dans les contrats qu'on appelle publics, ce que nos amis contracteurs appellent les contrats clausés, c'est-à-dire les contrats publics des municipalités, et tout ça. Alors, c'est ça. Et, si tu ne le fais pas, tu perds.

Alors, prenez quelqu'un, par exemple – M. Bordeleau, pour répondre à votre question – qui veut, lui, ne pas aller s'enregistrer à un poste de courtage, il est exclu des marchés gouvernementaux ou qu'on appelle les marchés publics, au sens de l'Accord sur le commerce intérieur qu'on a eu tantôt au chapitre V. Donc, il est exclu. Étant exclu, ça veut dire que, lui, il a fait...

Mettons que vous en avez plusieurs milliers qui ne veulent pas aller dans les postes de courtage – ils ont des camions à payer tous les vendredis, tous les mois, ils ont une famille à faire vivre – bien ils sont obligés de rentrer dans le poste parce que, sinon, ils se coupent d'une grande partie de leur revenu mensuel. Parce que les contrats publics, au Québec, sont importants, que ce soit des municipalités, que ce soit du ministère des Transports, que ce soit des organismes paragouvernementaux comme la SQAE, la Société québécoise d'assainissement des eaux. Il y a beaucoup de contrats qui sont donnés par l'État et qui confèrent un droit de faire du transport. Donc, si vous excluez ces gens-là, déjà, vous en perdez beaucoup. Donc, ces sources de revenu là vont leur être enlevées.

M. Bordeleau: Est-ce que ces gens-là ne sont pas déjà exclus actuellement, par rapport aux contrats qui viennent du public?

M. Noreau (André J.): Non. Il y a deux catégories d'exclusion. Il y a ceux qui sont détenteurs d'une licence de la Régie du bâtiment. Eux autres, ils sont automatiquement exclus. Eux autres, ils ne pourront pas recevoir un enregistrement de la Commission des transports. Ça va? Et, après ça, les gens qui ne se seront pas associés, les autres qui vont rester après le 1er janvier et qui ne se seront pas associés à un poste de courtage, n'auront pas d'enregistrement, ne pourront pas avoir... Le but de l'enregistrement, c'est d'avoir accès aux contrats gouvernementaux. C'est ça, le but, sinon tu t'en coupes. Tu t'en retournes chez vous et tu fais des choses en dehors du secteur gouvernemental. Donc, la grande partie des contrats, la source de revenu est là.

M. Bordeleau: Ce que j'essaie de saisir, c'est: Dans le fonctionnement actuel des postes de courtage, il y a quand même des proportions de travail qui sont données par le public, et, à ce moment-là, les gens qui ne sont pas membres, présentement, des postes de courtage, est-ce qu'ils ne sont pas, actuellement, de fait, exclus aussi de l'accès à ces contrats-là?

M. Noreau (André J.): Non. C'est que l'article actuel... Le ministère, je pense, a vu clair dans ça puis il a assoupli sa règle. Vous savez quel est l'article 11.6 de la Loi sur le ministère des Transports? L'article 11.6 dit: Le ministre des Transports, quand il donne des travaux, d'accord – vous lirez l'article 11.6 actuel – quand le ministre des Transports donne des travaux de voirie, il peut exiger qu'on donne un certain pourcentage de travaux de transport à des camionneurs détenteurs de permis. Alors, je peux vous dire aujourd'hui, là, en toute déférence et respect, que, si c'est donné exclusivement aux postes de courtage, ça serait, à mon avis, illégal parce qu'il y a une restriction qui n'existe pas dans la loi. Donc, je sais maintenant qu'on est un peu plus souple sur ça.

Donc, actuellement, monsieur, il y a des gens, dans la région de Montréal, que je connais, qui travaillent dans des contrats qui sont acceptés quand même dans les contrats gouvernementaux pour la proportion de la clause 75-25, parce que l'article 11.6 – je le répète – de la loi permet à tout détenteur de permis québécois d'avoir un accès raisonnable à ces contrats gouvernementaux là.

M. Bordeleau: Est-ce que le 75 %, c'est le 75 % qui doit aller aux postes de courtage seulement, et vos membres travaillent dans le 25 %?

M. Noreau (André J.): Non. Le 75-25, ça veut dire, en partie, que le 75 % est actuellement au-dessus de la ligne d'infrastructures. Donc, ça veut dire que le restant, les contracteurs, comme monsieur, qui ont une quarantaine de camions, peuvent prendre leurs camions pour le reste.

M. Bordeleau: O.K. Oui. Ça va. Je saisis. Maintenant, dans l'entente, je lisais ce matin... Bon. Il y avait deux précisions qui étaient faites, à date, dans le fonctionnement, il y avait le 75-25 puis il y avait, dans le bitumineux, 50-50, là, une entente qui avait été ajoutée. Et il semblerait qu'on va aller en dessous de la ligne des infrastructures et qu'à ce moment-là il y aura aussi des proportions qui vont être fixées, qui devront passer par les postes de courtage et d'autres qui pourront être faites par le contracteur, avec ses camions, et tout ça. Quel effet ça peut avoir, ça, selon vous, chez les gens que vous représentez?

M. Noreau (André J.): Bien, écoutez, je vais être le porte-voix de cas concrets qu'on a étudiés, là, d'entreprises familiales de la région, qu'on a étudiés comme il faut, et je vais vous donner un exemple concret de ce que ça veut dire.

Si on prenait 75 %, 75-25 au-dessus et en dessous de la ligne d'infrastructures, d'accord, ça, ça affecterait – ce n'est pas moi qui le dis, là – 90 % de tous les travaux qui sont faits actuellement. C'est ce qu'on me dit, 90 %. Donc, ça veut dire qu'une grande majorité des interventions qui sont faites seraient pénalisées, seraient touchées par ça.

Alors, j'ai reposé la question à mon même intervenant ou à mes mêmes personnes sur la clause 50-50. Ça a à peu près les mêmes effets: c'est qu'on change radicalement la position actuelle qui existe, entre 75-25 actuelle, on la change radicalement. Et ça, je le dis aujourd'hui, là, encore en respect de la commission qui est ici, et je vous le dis: Ce n'est pas, encore, moi qui le dis, c'est un résultat d'études précises qu'on a faites où on a dit aux gens... Et les entreprises elles-mêmes, les directeurs d'entreprises ont analysé attentivement, avant, la clause 75-25 actuelle et celle qui est proposée, et ils sont arrivés à des proportions où ils seraient affectés, dans leurs travaux, de façon substantielle et incapables de se servir des flottes actuelles, qu'ils ont, de camions.

Alors, comme dit monsieur, si vous avez, à travers le temps et l'espace, décidé, parce que vous en aviez le droit, de vous doter de votre propre flotte de camions dans une proportion respectant la clause actuelle de 75-25, vous vous êtes acheté des trucks parce que vous vouliez respecter la clause 75-25, mais dans une proportion actuelle... Si vous changez la donnée instantanément, de façon très rapide, à partir du 1er janvier, vous obligez ces gens-là à changer leurs flottes de camions et leurs opérations, et vous dramatisez. Il y a un risque de distorsion dans la production des contrats de voirie municipaux ou autres. C'est ça qui va arriver. Et c'est pour ça, humblement, que je le soumets aujourd'hui. Ça ne vient pas de moi, ça, ça vient des gens que je représente, qui ont étudié, des gens comme M. Ouimet qui l'a étudié calmement et qui m'a dit ça.

M. Bordeleau: O.K. Alors, si vous le permettez, M. le Président, il reste quelques minutes, je vais laisser le temps à mes collègues qui ont des questions aussi à poser, je pense.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: M. Noreau, je tiens à vous dire que, de ce côté-ci de la table, vous avez une oreille attentive. Le ministre est d'une humeur fracassante ce matin, mais vous êtes certainement un groupuscule dans son esprit, comme il aime bien les appeler.

(12 h 40)

Le ministre, tantôt, nous disait que l'exercice qui était fait était dans le but de déréglementer. À la lumière de ce qu'on voit, est-ce qu'on est en train de réglementer encore plus ou c'est vraiment une déréglementation?

M. Noreau (André J.): Ce que... et je vais le dire, là, parce qu'on me demande de dire ce que je pense vraiment: Ce que je trouve qui est déplorable dans ça, c'est qu'on oblige les gens, c'est qu'on dirait qu'on joue avec les termes. Au lieu d'être transparent, comme l'Accord sur le commerce intérieur est transparent, aux chapitres V et XIV et XVII et le premier chapitre, sur les intentions, on prend des mots et on joue avec les mots.

Mais qu'est-ce qui va arriver après le 1er janvier, monsieur? Que tu appelles ça un permis ou que vous appeliez ça autre chose, il y a une limite. Il y a un bassin de camions qui va être protégé. Or, le libre-échange dit quoi, l'Accord sur le commerce intérieur? Il dit de libéraliser. Moi, qu'il y ait des ententes volontaires entre des associations représentatives, comme celle de l'ANCAI, et qu'il y ait des ententes avec les groupes qui donnent de l'ouvrage, ça se fait tous les jours. Je suis un avocat d'affaires, moi. Mon premier mandat dans la vie, c'est que je fasse du commerce. Alors, je le sais. Et qu'on fasse des ententes particulières dans d'autres domaines, ça se fait. Mais ce que je dis, c'est que ça doit se négocier entre les parties.

Ce que l'Accord sur le libre-échange prévoit, c'est d'avoir une compétition vigoureuse, une concurrence vigoureuse. Alors, il faut que les gens s'assoient ensemble. On n'a pas besoin de la grosse patte gouvernementale tout le temps pour décider à notre place. C'est ça que ça veut dire. Le gouvernement n'a rien à faire là-dedans.

M. Gauvin: M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. M. Noreau et messieurs, c'est juste une petite question, à savoir si vous avez eu la chance d'analyser – à l'étude du projet de loi n° 89, on a fait la démonstration qu'il y avait la possibilité d'ouvrir dans une région un deuxième poste de courtage – la facilité d'obtenir le permis d'un deuxième poste de courtage. Est-ce que ça va être automatique, suite à la demande de certains groupes?

M. Noreau (André J.): Moi, je dis, au risque de me tromper, et je le dis à M. le ministre aujourd'hui qui est ici parmi nous, ceci: S'il nous dit que tout groupe québécois représentatif de camionneurs peut obtenir un poste de courtage en en faisant la demande, en représentant un nombre raisonnable de personnes – mettons, un petit groupe comme dans le taxi, ça se fait, je l'ai fait – donc, je lui dis: Pas de problème, on va s'organiser. Là, il va y avoir de la compétition dans le système.

Mais ce qui va arriver, c'est qu'actuellement il applique le système actuel des permis où, le 31 mars de chaque année, on envoie une lettre aux camionneurs, ou à tous les deux ans, où on leur dit: Êtes-vous intéressés à faire partie d'un poste de courtage, oui ou non? Ceux qui sont intéressés... Je vais prendre la région de Montréal. Il y a 1 617 permis ou 1 607 à Montréal. Donc, ils t'envoient une lettre. S'il y en a 400 qui répondent, le 40 % s'applique sur 400, pas sur 1 607, sur le 400. Alors, ça veut dire, par exemple, 40 % du nombre qui ont dit oui, qu'ils étaient intéressés, donc ce n'est pas un vrai 40 %.

Alors, ce que je dis au ministre aujourd'hui, s'il nous dit: Si un certain nombre de gens représentatifs, en déposant un règlement à la Commission des transports, veulent se faire un poste de courtage, ils pourront le faire d'une façon libre et volontaire, avec des critères simples d'accès, je dis: On va pouvoir. Puis là on peut négocier puis là il va y avoir une compétition vigoureuse entre les parties. C'est ça que je dis.

M. Gauvin: Je ne sais pas si M. le ministre est en mesure aujourd'hui de clarifier cette partie de la loi, à savoir la question que je posais à M. Noreau: Est-ce qu'il va y avoir suffisamment de facilité pour obtenir, dans une région, un deuxième permis de poste de courtage pour des groupes de camionneurs qui le souhaiteraient?

M. Chevrette: Monsieur, ils nous demandent de réduire à 10 le nombre pour une demande de poste de courtage. Et je ne reviendrai pas à l'époque de Duplessis, c'est-u clair? Il y a une protection minimale à accorder dans cela, puis c'est impossible.

Je dois vous dire, M. le député d'Argenteuil, puisque vous m'offrez l'opportunité de parler, qu'il y a 6 600 vraquistes qui ont négocié avec nous et qui ont conclu une entente avec nous. Et je ne renierai pas ma parole avec 6 600 personnes par rapport à 200 qui veulent des choses. C'est-u correct? C'est un calcul politique que vous avez le droit de faire.

Ceci dit, M. Noreau, je voudrais vous dire très clairement que je suis prêt à inscrire personnellement vos 200 membres, si vous ne me croyez pas. Amenez-moi la liste, je vais les inscrire parce que je veux que l'ensemble des travailleurs, qu'ils soient membres chez vous ou qu'ils soient membres n'importe où, aient le droit de travailler. Puis je vais forcer même la main, je vous le dis, parce que l'ACRGTQ aurait dû donner suite, à mon point de vue, au protocole d'entente ou à la lettre d'entente pour permettre aux citoyens de vivre en harmonie sur un territoire.

Ce n'est pas le ministère qui cherche la chicane, ce n'est pas l'ANCAI qui cherche la chicane; ils m'ont dit qu'ils étaient ouverts à permettre un, deux, trois permis. Ils le disaient même dans leur réponse, alors que ce n'est pas négocié, parce qu'on a enlevé le mot «licence». C'est à la demande de qui qu'on a enlevé le mot «licence»?

Je sais que votre recommandation, c'est que votre monde puisse travailler. À toutes fins pratiques, c'est le message que vous me passez. Moi, je vous dis oui. C'est-u correct? Puis, si vous craignez que ce ne soit pas légal, l'entente qu'on a signée avec l'Ontario... Parce qu'une entente de commerce, ça se signe entre deux provinces. On a signé une entente entre deux provinces qui permettent le courtage puis qui permettent le travail au niveau des agrégats. Pourquoi qu'on ne le ferait pas? C'est permis, on a une entente devant nous.

Quand bien même vous boosteriez votre monde à dire qu'ils ne peuvent pas travailler, je vous dis que c'est le contraire. Arrêtez de les booster, arrêtez de dire que c'est 3 500 $, arrêtez de dire que c'est illégal, l'entente de commerce. Qu'est-ce que ça peut vous faire, s'il y a une entente de bonne foi entre deux provinces qui fait travailler du monde? C'est parce que je ne suis pas choqué; je suis déçu de voir qu'on s'entête à ne pas dire la réalité des faits.

On a envoyé notre monde négocier avec les Ontariens précisément pour rendre capable, possible et légal... Vous arrivez puis vous dites: C'est illégal. Je m'excuse, on a signé l'entente avec l'Ontario. Je ne suis pas pour vous féliciter pour votre interprétation. Même votre collègue avec qui vous travaillez, il vous dit que ça n'a pas d'allure.

M. Noreau (André J.): Que je respecte beaucoup d'ailleurs.

M. Chevrette: Oui, mais il dit que ça n'a pas d'allure, votre raisonnement juridique. Donc, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Noreau (André J.): Je continue à avoir du respect pour lui.

M. Chevrette: Lui aussi. Je conclus en vous disant ceci: D'abord, le système de courtage, il existe depuis 20 ans et, s'il y a du monde qui n'est pas inscrit, c'est parce qu'il n'a pas voulu. Et là on lui dit plus que ça: Même ceux qui ne voulaient pas travailler dans ce domaine-là, ils pourront s'inscrire jusqu'au 31 mars.

J'ai l'impression qu'il y a une incompréhension totale, totale, puis, moi, je vous dis, je compte sur l'ANCAI à part de ça puis je le leur ai dit. La première question, rappelez-vous, j'ai dit... pour qu'ils s'ouvrent puis qu'on vive en harmonie.

Quand Sherbrooke est venu me voir puis il a dit: M. le ministre, nous autres, c'est des petites entreprises, puis on a une pépine puis un bull, puis on a un truck ou deux, puis on veut continuer à vivre ensemble de même, les gens de Sherbrooke, ils m'ont dit ça – il est là, le monsieur de Sherbrooke, je le vois – qu'est-ce qu'on a dit, monsieur? On vous a dit: Ça va se faire parce que vous acceptez, chez vous, de faire ça puis de vivre en harmonie. Tout d'un coup, mon vieux, il y a quelqu'un qui me menace de fermer les routes, menace d'avoir un hiver chaud. Bien tant mieux parce que le climat froid, je ne l'aime pas!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Sauf que ce n'est pas de même, monsieur, qu'on va s'entendre. Ce n'est pas en faisant du chantage déguisé à peine, c'est en s'assoyant. Si ce n'est pas clair, le commerce avec l'Ontario, on va vous engager comme négociateur avec l'Ontario. Mais malheureusement c'est signé puis ils nous le permettent. Vous êtes peut-être déçu, mais ils nous le permettent, M. Noreau.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, est-ce que je peux...

M. Chevrette: M. Noreau, j'achève, j'achève.

M. Noreau (André J.): Vous avez un très bel exposé, mais j'aimerais ça y répondre.

M. Chevrette: Oui, mais chacun son tour. Donc, je vous dis tout de suite: Par exemple, vous avez encore affirmé un chiffre puis je vous en donne un, chiffre. Vous avez donné des chiffres. Seulement que la région 06, c'est 1 400, que vous disiez; c'est 875, dans la région 06, qui sont inscrits. C'est plus que 50 %. Il faut arrêter de dire des demi-vérités puis des faits inexacts. Moi, quand il est moins quart, j'ai la réputation de dire qu'il est moins quart, qu'il n'est pas et quart. Et je voudrais que vous disiez à vos membres que, quand il est et quart, il est et quart. C'est ça que je vous demande, M. Noreau. Et je vous répète que tous ceux qui font partie de votre association, s'ils ont une inquiétude, je vais les inscrire personnellement. Je suis prêt à vous offrir mes propres services pour vous bien démontrer qu'on veut que le monde travaille. Mais arrêtons de les booster pour faire du recrutement.

Le Président (M. Lachance): M. Noreau.

M. Noreau (André J.): M. le Président. Merci, M. le ministre. M. le ministre, d'abord, permettez-moi peut-être, à ce stade-ci, de vous offrir une contreproposition. Monsieur, Winston Churchill a déjà dit: Quand il y a de grandes difficultés dans la vie, c'est porteur des fois de grands espoirs.

M. Chevrette: C'est vrai.

M. Noreau (André J.): Alors, moi, je vous offre ceci. Il y a peut-être des choses à discuter entre les parties, et l'ANCAI, vous dites, se montre prête à négocier – j'emploie vos termes – ou est ouverte à parler.

(12 h 50)

Moi, ce que je pourrais vous proposer, c'est ceci: un moratoire – j'espère pouvoir finir – de six mois sur ce projet de loi qui arrive trop vite peut-être, et durant lequel toutes les parties impliquées vont s'asseoir ensemble, et voici. Et, nous autres, on s'engage à appuyer le Québec pour qu'Ottawa «postpone», attende plus longtemps, de six mois sa décision de déréglementer le transport interprovincial, pour ne pas créer de vide juridique.

Donc, cette période de six mois donnerait le temps à toutes les parties, sur une base volontaire, de trouver... d'abord, de voir, de vérifier auprès des personnes concernées si l'accord du Québec actuel respecte la loi sur le libre-échange – donc on suivrait des choses normales; deuxièmement, permettrait peut-être aux parties de négocier ensemble un accord qui pourrait satisfaire davantage les parties. Alors, au lieu de se cabrer, que la partie requérante de services, les entrepreneurs et la partie des camionneurs puissent se confronter, on pourrait ensemble regarder comment on pourrait mieux vivre ensemble.

Et, moi, personnellement, je l'ai présenté juste avant... Ça m'est venu en descendant à Québec ce matin, cette belle ville que j'adore. Alors, j'ai dit: Pourquoi on ne proposerait pas cela? Et je l'ai présenté aux gens tout à l'heure, et ils se sont dit ouverts à discuter de ça. Donc, être capable de s'asseoir ensemble pour voir s'il n'y a pas... parce qu'il semble y avoir des soubresauts, dans la production, à partir du début de l'année, qu'on éviterait ainsi.

M. Chevrette: Je vous le dis sous réserve, là, mais c'est déjà fait, le décret de déréglementation. On ne peut pas le suspendre. Je pense que c'est en octobre, mais je vous fournirai, au cours de la journée, la date précise, et le décret de déréglementation est déjà réalisé.

M. Noreau (André J.): Est-ce que je peux me permettre? À M. le ministre, pour aider, c'est vraiment positif de ma part. Je dis que, même si le décret fédéral est passé, devant entrer en vigueur le 1er, pour que l'article 19 tombe, au fédéral, sur le chapitre 17 des lois, nous serions prêts, nous autres, à demander au fédéral, d'urgence, de reconsidérer une période d'extension de six mois. Et, attention, la réponse n'est peut-être pas non.

M. Chevrette: Bien, si vous avez plus de pouvoir que moi, ça ne me surprendrait pas, mais j'ai l'impression que ça fait longtemps que c'est décidé, là-bas. Rappelez-vous: ça fait un minimum de deux ans qu'on travaille...

M. Noreau (André J.): Je sais.

M. Chevrette: ...en fonction de la déréglementation. Et la grande crainte, M. Noreau, des citoyens propriétaires de camions artisans, l'ANCAI, puis d'autres, l'Association, ils nous ont dit: On ne peut pas rester une patte en l'air dans un vide juridique. Et ça – je m'adresse à l'opposition, là – c'est important que ce projet de loi là passe avant Noël, parce que, le 1er janvier, il n'y a plus d'assise juridique. Il faut bien se comprendre, là, puis ce n'est pas une question de pression indue.

On a voulu que, au 1er janvier... puis, moi, j'ai vu du monde pleurer devant moi, j'ai vu une femme camionneur qui est venue me dire: Je vous supplie de trouver un moyen avant le 1er janvier. Puis je connais des gens qui étaient avec moi quand on a eu ces remarques-là. C'est très sérieux, puis je reconnais que c'est aussi sérieux pour vos membres à vous autres. C'est pour ça que je ne comprends pas votre argumentaire, parce qu'on veut protéger pas seulement ceux de l'ANCAI, tous ceux qui sont camionneurs en vrac puis qui font partie de votre association parce qu'ils croient en vous. C'est leur droit, ça, le plus strict.

M. Noreau (André J.): M. le ministre, selon vous, est-ce que votre loi... Je voudrais comprendre, parce que, si c'est ça, ça va peut-être ouvrir une porte, je le dis positivement. Est-ce que la loi que vous adoptez, selon vous, va permettre, M. le ministre, de pouvoir avoir, mettons dans la région de Montréal ou dans d'autres régions du Québec, d'autres postes de courtage?

M. Chevrette: La loi dit que... le règlement, l'entente dit que ça prend un minimum de 40 % pour avoir une autorisation. C'est ça qu'elle dit, tout simplement. Puis, moi, je dois vous dire, entre vous et moi...

M. Noreau (André J.): 40 % de quoi, M. le ministre?

M. Chevrette: 40 % de ceux qui sont intéressés. Mais, entre vous et moi, là, si vous voulez influencer le vote, faites-en partie, du poste de courtage, parce que vous n'êtes pas obligé de faire partie de l'ANCAI. C'est clair, ça. Je l'ai fait dire par M. Beaudet assez clairement. Moi le premier, je ne l'ai pas voulu, puis il l'a dit. C'est vrai que je n'ai pas voulu donner la formule Rand qu'il demandait, pour vous permettre justement d'avoir votre association ou d'en avoir une autre. Mais, au poste de courtage, il y a une question de services.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Chevrette: Je conclus, M. le Président, en disant: M. Noreau, je vous réitère que je suis prêt personnellement – et j'insiste là-dessus, personnellement – à m'investir pour sécuriser vos gens. M. Gauthier, qui a un permis de camionnage en vrac, M. Gauthier, vous pourrez en tout temps vous inscrire. Soyez sans crainte. Puis, vous, si vous en avez deux ou trois, je ne le sais pas, la possibilité que j'ai mentionnée à M. Beaudet et à M. Tremblay, je vais faire de mes mains et de mes pieds puis de mes bras puis de ma tête pour qu'il y ait une protection. Mais cessons d'opposer les gens entre eux autres. C'est ça que je veux vous dire. Cessons. Et vous lirez, en passant, Transvrac, ce matin; ils remettent les pendules à l'heure.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Je veux juste... En fait, c'est une question que je pose au ministre pour avoir une clarification, là, suite à ce qu'il vient de mentionner. Quand on parle de la possibilité d'avoir un autre poste de courtage, 40 %, c'est 40 % de quoi?

M. Chevrette: C'est des intéressés, je l'ai dit.

M. Bordeleau: Des intéressés, mais des intéressés... Ils peuvent se regrouper, supposons, 200 personnes qui se disent intéressées à avoir un poste de courtage, ils passent...

M. Chevrette: C'est parce qu'ils choisiraient de faire des travaux d'autre nature. Ils choisiraient d'aller travailler, par exemple, pour ce qui n'est pas des agrégats que le ministère... Ils pourraient aller travailler pour une municipalité seulement. Ça arrive, ça. Moi, j'en ai dans mes paroisses, là, qui ne veulent rien savoir du poste de courtage, et puis ils travaillent pour leur municipalité ou bien ils font ce qu'on appelle des égouts, des fosses sceptiques pour les chalets, etc.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il peut y avoir plus que...

M. Chevrette: C'est leur choix personnel, ça, d'aller dans un poste de courtage ou pas.

M. Bordeleau: Est-ce qu'il peut y avoir plus qu'un poste de courtage dans une région?

M. Chevrette: Théoriquement, il peut y en avoir deux, avec le 40 % qu'on m'a mis là. C'est vrai.

M. Bordeleau: Alors, le deuxième poste, là, les gens intéressés... Prenons une chose hypothétique, là. Dans une région, il y a 800 permis de vrac. Il existe un poste de courtage qui regroupe supposons – encore là, tout est hypothétique, je veux juste comprendre – 600 permis de vrac. Il en reste 200 qui n'ont pas de permis de vrac. Ces 200 là sont intéressés, seraient intéressés...

M. Chevrette: Qui n'ont pas de permis de vrac?

M. Bordeleau: Excuse. Qui ont des permis de vrac, qui ne sont pas membres du poste de courtage. Ces 600 là se regroupent et seraient intéressés, ensemble, de créer un nouveau poste de courtage. Ils font un vote, il y a 120 des 200 qui décident que, oui, ils seraient...

M. Chevrette: Si le chiffre de 800... On va se comprendre, là?

M. Bordeleau: Oui. Bien, c'est ça, je voudrais qu'on clarifie ça, là.

M. Chevrette: Supposons qu'il y a 800 permis dans la région. O.K.?

M. Bordeleau: Oui.

M. Chevrette: Dans la zone, là, je ne sais pas, là.

M. Gauvin: ...

M. Chevrette: Bon. Il y a 800 permis. Il y en a 600...

M. Bordeleau: Qui sont membres d'un poste.

M. Chevrette: ...qui sont membres. Et puis ça serait impossible qu'il y en ait d'autres.

M. Bordeleau: Bien non, mais c'est...

M. Chevrette: Parce que l'autre ne représente pas 40 % minimum du 800.

M. Bordeleau: ...

M. Chevrette: Ça prendrait 320 permis, en l'occurrence, pour avoir un poste de courtage.

M. Bordeleau: Alors, c'est 40 %...

M. Chevrette: Il faudrait qu'il y ait 460... 480.

M. Bordeleau: C'est 40 % de l'ensemble des détenteurs de permis de la région?

M. Chevrette: De ceux qui vont aller s'inscrire. Parce que tu peux avoir, dans une région, 1 200 permis de vrac. Puis tu peux en avoir seulement 800 qui sont désireux de s'inscrire dans un courtage en fonction des agrégats. C'est ça qui est la thèse.

Le 1er janvier, ils vont être inscrits tous, automatiquement. Mais, le 1er mars, il y en a qui peuvent s'être enlevés, puis il y en a qui peuvent s'être ajoutés. Et, à ce moment-là, c'est 40 % des intéressés de départ. Par exemple, il y a 800 permis de vrac d'intéressés dans la région 06, ça prend au minimum 40 % des 800 intéressés pour faire un poste de courtage.

M. Bordeleau: Pour faire un deuxième poste?

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet, en vous signalant, là, bon, qu'on va terminer ça à 13 heures.

M. Chevrette: Il reste deux minutes.

M. Gauvin: On se reprend, M. le ministre. Là, je pense que c'est un point qu'il faut clarifier parce qu'on va avoir à débattre de ce projet de loi, nous, membres de l'Assemblée nationale.

M. Chevrette: Oui. Posez votre question.

M. Gauvin: Le 1er janvier, tous les camionneurs détenteurs de permis de vrac sont automatiquement enregistrés.

M. Chevrette: Inscrits à la Commission. C'est pour ne pas qu'il y ait d'oubli, là. Ceux qui ont un permis actuellement...

M. Gauvin: Il sont automatiquement...

M. Chevrette: ...ils sont automatiquement inscrits à la Commission pour ne pas qu'il y ait d'oubliés, là.

M. Gauvin: O.K.

M. Chevrette: Puis ceux qui étaient détenteurs avant le 1er janvier.

M. Gauvin: Bon. Le 1er avril, 30 mars, 1er avril – c'est les chiffres que vous avez mentionnés – vous allez valider ceux qui vont continuer à être intéressés, qui vont avoir posé un geste.

M. Chevrette: Exact.

M. Gauvin: Donc, si c'est...

M. Chevrette: Il peut y en avoir, des ajouts, comme il peut y avoir des retraits, vous avez raison.

M. Gauvin: Si ça pourrait être 5 000, le 1er avril ça peut devenir 3 000, dépendamment de leur réaction.

M. Chevrette: Exact.

M. Gauvin: C'est à partir de ces 3 000 là que vous allez établir le pourcentage, là. Bien, on a pris...

M. Chevrette: Dans chaque région.

M. Gauvin: On a pris le montant. On revient au niveau de la région, on prend le même chiffre, 800. Vous allez établir des pourcentages sur ceux qui vont rester dans la région 03 après le 1er avril.

M. Chevrette: Exact. Et qui vont être intéressés.

M. Gauvin: Vous ne trouvez pas...

M. Chevrette: Et qui vont être intéressés.

M. Gauvin: Bien...

M. Chevrette: Par exemple, sur les travaux publics, là, aller travailler sur les chantiers de construction des routes sur lesquelles le ministère des Transports intervient. Quelqu'un qui veut aller travailler pour une municipalité pour son compte, il n'a pas besoin de s'inscrire, là, s'il ne veut pas.

M. Gauvin: Il y a une mécanique, là, qui semble fragile.

M. Chevrette: Bien, laquelle?

M. Gauvin: Bien, c'est celle-là. C'est que, si aujourd'hui vous êtes détenteur d'un permis de vrac, vous êtes un transporteur de gravier, d'agrégats.

M. Chevrette: Oui.

(13 heures)

M. Gauvin: Après le 1er avril, c'est de s'être enregistré qui vous... devient automatiquement, officiellement autorisé. Vous n'avez plus de permis, là, il n'y a plus de VR.

M. Chevrette: O.K. Je vais essayer de faire le cheminement que vous faites.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, M. le ministre.

M. Chevrette: Très rapidement. De consentement, on peut peut-être répondre à la question. Un, le 1er janvier, il y a une inscription automatique de tous les vraquistes.

M. Gauvin: On a compris ce bout-là.

M. Chevrette: Au 31 mars, vous avez raison de le dire, il y en a qui peuvent s'être ajoutés, qui ont peut-être été oubliés, ou qui ont fait des transferts, ou je ne sais pas, puis leur nom ne figure pas, mais ils ont acheté le permis, je ne sais pas. D'ici le 31 mars, ils manifestent leur intérêt. On va jusque-là. Les intérêts: ils sont 7 000 permis, il y en a 5 000 qui sont intéressés, dont, je ne sais pas, 1 500 dans la région 06, 500 à une place, 400 à l'autre. S'il y a 400 intéressés, mettons, dans la zone 03, il y a 400 intéressés sur 700, mais il y en a 300 qui ne sont pas intéressés. Ça prend 40 % minimum du...

M. Gauvin: ...700.

M. Chevrette: ...400.

M. Noreau (André J.): Ça fait 160.

M. Chevrette: C'est exactement ça, 4 x 4 = 16, 160 qui peuvent demander un permis. S'il y en avait un autre groupe qui serait encore de 160, il y aurait deux permis de courtage dans la région. Comprenez-vous? Mais, s'ils sont 50 %, déjà ils ont plus que la moitié, ils ont plus que la représentativité normale, il n'y a pas de problème.

M. Gauvin: Vous ne trouvez pas, M. le ministre, que ce 40 % là, dans plusieurs régions du Québec, est un obstacle pour la liberté possiblement...

M. Chevrette: Mais, M. Gauvin, M. le député de Montmagny, on n'est pas dans des conventions collectives, là, où il y a des ordres d'ancienneté, de préséance puis tout, c'est des règles qu'on se donne pour un partage de travail. On se comprend bien, jusque-là? On n'a pas des votes d'allégeance syndicale dans ça, là.

On dit: Voici comment on peut maintenir une cohésion au niveau d'une région. Quand l'Estrie, qui avait un portrait particulier... Moi, j'ai écouté le monsieur, puis il m'a convaincu dans l'espace de cinq minutes. Bon. Bien, j'ai dit: Ça a bien de l'allure. Par exemple, chez vous, ça marche de même. Pourquoi pas? On ne cherche pas à se chicaner, on ne veut pas qu'on se chicane entre un permis, deux permis, trois permis. Mais on dit: Ça prend un peu de cohésion. On ne peut pas arriver à... Il y a 700 intéressés, on va faire 70 postes de courtage, si je suivais la logique de M. Noreau. Voyons! À un moment donné, vous savez en quoi ça va revirer, ça? Ça va être pire qu'à l'époque de Duplessis, ça. Ça va être celui qui met le brun, ou le mauve, ou le violet sur le banc qui va l'avoir. Voyons! Ça ne marche pas de même, ça, on va se donner quelque chose qui a de l'allure.

Le Président (M. Lachance): Alors, là-dessus, M. le ministre, je remercie les membres du Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac pour leur participation aux travaux de la commission. Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, 15 heures, en signalant bien que ça va être à la salle du Conseil législatif, en haut, au salon rouge, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac.

Alors, cet après-midi, tour à tour, nous allons entendre des porte-parole de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec; par la suite, le Conseil du patronat du Québec; vers 16 h 30, le Regroupement des régions 03, 05 et 06 de l'Association nationale des camionneurs artisans; et, avant la suspension de nos travaux, vers 17 h 15, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Alors, je souhaite la bienvenue au porte-parole, aux représentants de l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Je constate que vous êtes prêts à nous faire part de vos commentaires. Alors, si vous voulez bien vous identifier. Et je vous indique que vous avez 15 minutes pour nous faire part de votre appréciation, de vos commentaires, et, par la suite, la période d'échange avec les parlementaires pour une durée totale de 30 minutes.


Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec (AMBSQ)

M. Robitaille (Jacques): M. le Président, M. le ministre, Mme, MM. les membres de la commission. Mon nom est Jacques Robitaille. Je suis le président-directeur général de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. Je suis accompagné de M. Claude Girard, avocat, et de M. Jacques Girard, de la compagnie Abitibi-Consolidated.

Le Président (M. Lachance): Lequel, M. Robitaille?

M. Robitaille (Jacques): Claude Girard, à ma droite.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, vous pouvez y aller.

M. Robitaille (Jacques): Alors, si vous me permettez, j'ai un très court texte que je vais vous lire rapidement et qui donne l'essentiel de notre position.

Alors, dans le cadre de la répartition entre l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec et l'Association des industries forestières du Québec, connue sous l'appellation AIFQ, des champs d'intérêt auxquels l'une et l'autre de ces associations doit plus particulièrement porter attention pour le compte de l'industrie forestière au Québec, le transport de la matière ligneuse aux usines de transformation a été placé sous l'égide de l'AMBSQ, dont les membres réalisent 80 % des interventions en milieu forestier.

En raison de l'importance qu'ils ont dans les coûts de production des produits finis, les coûts de transport de la matière ligneuse demeurent une préoccupation constante de l'industrie forestière. Cet intérêt a motivé l'industrie forestière à être de tous les débats entourant, entre autres, l'adoption, en 1973, du Règlement sur le camionnage en vrac, les modifications survenues depuis lors à ce règlement et son application dans les activités quotidiennes.

Au fil des ans, depuis l'entrée en vigueur du Règlement sur le camionnage en vrac, l'industrie forestière a su développer un partenariat plus poussé avec ses transporteurs de matière ligneuse. Certaines étapes importantes ont marqué ce désir d'une meilleure collaboration avec l'industrie du camionnage. Mentionnons d'abord la modification du Règlement sur le camionnage en vrac pour y prévoir l'obligation, dans le cadre du transport par camion de certaines matières forestières, d'utiliser un contrat type de transport forestier; l'entente de principe visant le transport par camion de certaines matières forestières conclue le 3 mais 1995 entre l'AIFQ, l'AMBSQ et l'Association nationale des camionneurs artisans; et, finalement, une entente de principe visant le transport par camion de certaines matières forestières conclue le 1er octobre 1999 entre l'AMBSQ et l'ANCAI.

L'entente de 1999 confirme l'accord de l'ANCAI et de l'industrie forestière sur les modalités d'un nouveau contrat type de transport forestier et sur la volonté d'imposer ce contrat généralement à tous les intervenants impliqués dans le transport par camion des matières forestières décrites à ce contrat.

Il nous apparaît important de souligner que la conclusion de l'entente de 1999 s'inscrit dans la foulée de la déréglementation du camionnage en vrac prévue pour le 1er janvier 2000 et des conclusions du rapport du Comité d'experts sur le statut des camionneurs propriétaires déposé le 9 avril 1999.

En raison de ce qui précède, deux dispositions du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac, dans son état actuel, attirent plus particulièrement notre attention.

L'article 11 du projet de loi prévoyant la modification de l'article 46 de la Loi sur les transports aura pour effet qu'il abroge le pouvoir attribué au gouvernement d'assujettir à l'obtention d'un permis la fourniture de services de camionnage en vrac ainsi que le pouvoir attribué à la Commission des transports du Québec d'en fixer les tarifs.

L'article 12 du projet de loi vise la modification de la Loi sur les transports pour y prévoir que tout contrat pour le transport de bois n'ayant subi aucune autre opération que la coupe transversale, l'ébranchage et l'écorçage, en provenance des forêts du domaine de l'État, doit être conforme aux stipulations prescrites par règlement.

Évidemment, pour nous, ce dernier article, l'article 12, est celui qui est le plus important et qui fait l'objet de notre intervention de façon principale.

Donc, l'AMBSQ est d'accord avec les dispositions des articles 11 et 12 précités du projet de loi. Nous comprenons, par ailleurs, qu'un règlement devra être adopté par le gouvernement du Québec pour donner suite aux dispositions de l'article 12 du projet de loi et que ce règlement devrait imposer l'utilisation du contrat de transport forestier.

Bien qu'il soit souhaitable que le débat entourant l'adoption d'un tel règlement se fasse dans un forum différent, il nous apparaît important de souligner maintenant une certaine particularité prévue au contrat de transport forestier. Le contrat de transport forestier innove en ce qu'il confère un rang d'embauche à un ou plusieurs véhicules du transporteur par rapport aux véhicules d'autres transporteurs oeuvrant dans une zone d'exploitation forestière précise d'un même expéditeur.

Malgré le fait que le contrat de transport forestier ne constitue pas un contrat d'emploi mais bien un contrat de services entre un expéditeur et un transporteur, le rang d'embauche qui y est prévu devrait pallier la déréglementation prochaine du camionnage en vrac et assurer un rapport de force entre un expéditeur et un transporteur. Dans la mesure où un expéditeur se devra de conclure un contrat de transport forestier avec chacun des transporteurs oeuvrant dans une même zone d'exploitation forestière, ce rapport de force s'établira entre cet expéditeur et l'ensemble des transporteurs concernés.

(15 h 20)

En raison de sa nouveauté, il n'est pas exclu que le contrat de transport forestier, dans son état actuel, puisse poser certains problèmes d'application. À cet égard, il a été récemment porté à l'attention de l'AMBSQ que le rang d'embauche prévu au contrat de transport forestier risquait de porter ombrage au droit d'ancienneté reconnu aux chauffeurs de camion dans le cadre de certains contrats collectifs de travail conclus entre un employeur et ses salariés syndiqués.

Précisons que, si tel devait être le cas, il n'a jamais été de l'intention de l'AMBSQ, dans le cadre de la négociation des dispositions afférentes au rang d'embauche contenues au contrat de transport forestier, de porter atteinte au droit d'ancienneté auquel il est fait référence plus haut. Ajoutons également que, si tel devait être le cas, l'AMBSQ sera disposée à revoir les dispositions pertinentes du contrat de transport forestier avant qu'il ne fasse l'objet d'un règlement adopté par le gouvernement du Québec.

L'AMBSQ demeure convaincue que le contrat de transport forestier devrait être bénéfique tant pour l'industrie forestière que pour les transporteurs concernés et qu'il devrait permettre aux parties de négocier à forces égales les conditions des services de transport par camion requis de ces transporteurs et devrait assurer un partenariat viable à l'aube de la déréglementation du camionnage en vrac.

Dans les faits, ce que nous avons fait – il faut comprendre que le contrat de transport forestier existait déjà – nous l'avons actualisé pour tenir compte de la nouvelle réalité de la déréglementation et, dans les faits, nous avons perpétué, en termes de rang d'embauche, ce qui existait déjà dans la plupart des entreprises actuellement.

Alors, l'AMBSQ vous remercie de l'occasion qui lui est offerte d'exprimer ces quelques commentaires à l'égard du projet de loi.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Robitaille. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous remercier, messieurs de l'AMBSQ. Tout d'abord, c'est un dossier que nous avions commencé au moment où j'étais ministre des Ressources naturelles, qu'on a continué par la suite lorsque je suis passé aux Transports. Mais je voudrais vous remercier, d'abord, d'avoir compris l'importance de s'asseoir et de négocier de bonne foi. Je pense que c'est toute une industrie, à toutes fins pratiques, qui aujourd'hui se dit satisfaite de la loi n° 89, toute l'industrie du bois de sciage qui vient nous dire ça, qui s'est assise et qui a trouvé des mécanismes.

Et, tout comme vous, on aura peut-être, d'autre part, une petite interrogation que vous soulignez vous autres mêmes, là. Parce que je sais que la FTQ, tantôt, témoignera – je crois que c'est avant l'heure du lunch – et la FTQ s'inquiète en particulier de l'application de ses conventions collectives. Je ne crois pas... En tout cas, personne n'avait l'intention, de quelque nature que ce soit, de faire en sorte que les conventions collectives soient inopérantes. Et on va le faire vérifier, on va le vérifier avec eux-mêmes, et avec vous, et avec ceux qui ont négocié de bonne foi. Mais je ne crois pas que ça constitue un gros problème, puisque à deux reprises, je crois, dans le texte, on dit bien que ça ne peut pas constituer un irrespect des conventions collectives. Donc, on regardera cela très, très attentivement.

J'aimerais que vous m'expliquiez, d'autre part, le mécanisme d'arbitrage, puisque c'est vous qui l'avez négocié. En quoi le mécanisme d'arbitrage et de conciliation, par exemple, qui est le contenu de l'entente, pourrait entrer en contradiction ou en conflit avec d'autres dispositions qui sont applicables? Parce que c'est un peu là-dessus que les gens disent: S'il y a des implications quelconques, c'est sur le mécanisme d'arbitrage et de conciliation. Est-ce que vous pourriez me dire comment vous le voyez, en tout cas, et comment vous trouvez que ce n'est pas inconciliable?

M. Robitaille (Jacques): Bien, à première vue, ce que je serais tenté de répondre, c'est que la mécanique d'arbitrage prévue dans les conventions prévoit l'ancienneté pour les chauffeurs. À nulle part dans le projet de contrat qui est là on ne parle des chauffeurs. On parle du camion, c'est un rang pour le camion. Alors, à notre sens, les deux ne sont pas nécessairement incompatibles. Ce qu'on prévoit, c'est d'établir un rang pour les camions et les dispositions prévues, à savoir qui doit conduire le camion, sa séniorité à l'intérieur de l'entreprise, et le fait qu'il fasse partie d'un syndicat, quant à nous, on ne touche pas véritablement à ça.

Alors, bien que nous n'ayons pas fouillé à fond sur le plan pratique, les gens d'expérience, sur le terrain, qui travaillent déjà avec une mécanique qui ressemble à ça, nous disent qu'ils ne voient pas de difficultés. Je pourrais peut-être demander à M. Jacques Girard, qui est un opérateur, qui s'occupe justement de transport forestier, peut-être de nous indiquer de manière un peu plus précise comment ils le vivent, eux, sur le terrain.

Le Président (M. Lachance): M. Girard.

M. Girard (Jacques): D'abord, il faudrait peut-être faire la distinction, dans le projet de règlement sur le contrat type de transport, entre arbitrage et conciliation. L'arbitrage s'applique uniquement au rang d'embauche, tandis que la conciliation va s'appliquer sur les différents autres points de négociation entre les parties, tels le prix ou les distances, ces choses-là.

Alors, de façon générale, comme M. Robitaille l'a dit tout à l'heure, les entreprises forestières appliquaient déjà un rang d'embauche pour les camions, et, dans la majorité des cas, les propriétaires ou les chauffeurs de camion sont déjà syndiqués par des conventions collectives. Alors, à date, on n'a pas eu de problème de contradiction entre le rang d'embauche qui existait chez les entreprises forestières et les principales clauses des conventions collectives, dont l'ancienneté ou les mouvements de personnel. Alors, on voit difficilement qu'il pourrait y avoir contradiction entre les deux.

C'est évident qu'un arbitre pourrait décider par exemple qu'un camion, au lieu d'avoir le rang d'embauche n° 3, pourrait avoir le rang d'embauche n° 5 ou n° 1, mais ça ne vient pas en contradiction avec les clauses des conventions collectives qui existent.

M. Chevrette: L'autre question que je voulais vous poser, c'est: Combien il y a de permis de vrac qui oeuvrent au niveau de tout le travail donné par l'AMBSQ?

M. Girard (Jacques): Environ 1 200 permis de transport en vrac.

M. Chevrette: Vous avez considéré qu'il y allait de votre avantage de vous entendre avec eux. Si j'avais un conseil à vous demander, est-ce que vous conseilleriez, par exemple, à tout organisme patronal de faire comme vous?

M. Robitaille (Jacques): Il est bien évident que, quand on peut régler les problèmes à long terme en situation de négociation libre et sereine, je pense que c'est toujours préférable que de se retrouver dans des situations conflictuelles. Puis ce qu'on a voulu faire, dans le fond, essentiellement, par cette négociation-là, c'était de créer un rapport de force raisonnable entre les donneurs d'ouvrage, c'est-à-dire nos entreprises, et les camionneurs pour s'assurer que la négociation, au fur et à mesure que ces contrats-là vont se négocier, ça se fasse dans l'harmonie et pour, je pense, le plus grand bénéfice de part et d'autre, on en est convaincu.

M. Chevrette: Est-ce que vous considérez qu'on doit cependant clarifier, avant la mise en vigueur de la loi ou de la promulgation de la loi, le potentiel dilemme qu'il pourrait y avoir sur le mécanisme d'arbitrage?

M. Robitaille (Jacques): À notre sens, non, puisque l'article de loi vient habiliter le ministre à passer le règlement et rendre obligatoire le contrat. Et c'est le règlement qui va créer cette obligation-là, ce qui nous laisse le temps de fouiller, si problématique il y a, et d'apporter les ajustements avant la publication officielle du règlement.

M. Chevrette: Me Girard, j'ai une question pour vous, moi. Vous avez fouillé l'entente interprovinciale de commerce? Est-ce que l'entente est compatible avec l'entente interprovinciale de commerce, compte tenu de l'entente qu'on a eue avec l'Ontario, le 12 novembre?

M. Girard (Claude): Il me semble que oui, M. le ministre, parce qu'il n'y a pas de discrimination qui est faite dans l'entente de principe et le contrat de transport forestier, ou des domaines réservés à qui que ce soit. Autrement dit, quelqu'un de l'Ontario, pour fins de discussion, pourrait effectivement demander d'obtenir un contrat de transport avec une entreprise du Québec. Et, si ses conditions sont meilleures que celles de ceux du Québec, il va l'obtenir, et les droits d'ancienneté ou les droits d'embauche, les rangs d'embauche qui sont reconnus dans le contrat forestier vont continuer à s'appliquer et protéger les camionneurs à l'égard de cet entrepreneur ontarien. Il n'y a rien qui va l'empêcher de venir au Québec.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez pris connaissance de l'entente du 12 novembre?

M. Girard (Claude): Non, honnêtement, M. le ministre.

M. Chevrette: Exclusivement la clause de non- discrimination vous rassure.

M. Girard (Claude): Pardon?

M. Chevrette: C'est la clause de non- discrimination qui vous rassure.

M. Girard (Claude): Oui.

M. Chevrette: C'est notre interprétation. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Je veux juste vérifier certaines choses puis comprendre un peu le fond de votre position. Vous dites que votre Association réalise 80 % des interventions en milieu forestier. Votre Association regroupe combien de membres?

M. Robitaille (Jacques): L'Association regroupe... C'est un chiffre qui fluctue d'un mois à l'autre mais, en général, c'est 135 membres.

M. Bordeleau: C'est 135 membres.

M. Robitaille (Jacques): Qui sont des entreprises forestières.

(15 h 30)

M. Bordeleau: Et 135, c'est la totalité des gens dans le domaine ou s'il y en a plus que ça?

M. Robitaille (Jacques): Non. Ce n'est pas la totalité des gens du domaine. Mais, si je prends, par exemple, la production de sciage de résineux, c'est 90 % de la production de sciage de résineux du Québec. Il y a les producteurs de feuillus qui sont minoritaires dans notre Association mais qui sont, en termes de volume, beaucoup plus petits que la production de sciage de résineux.

M. Bordeleau: Combien de personnes ou d'organismes sont en dehors de votre Association, en termes de nombre, approximativement?

M. Robitaille (Jacques): Mon doux! Moi,je vous dirais qu'on regroupe à peu près 80 % des entreprises forestières majeures comme telles.

M. Bordeleau: Il y en a peut-être 25, 30 de plus qui ne sont pas membres.

M. Robitaille (Jacques): C'est ça. Surtout dans le sciage de feuillus et quelques entreprises de panneaux.

M. Bordeleau: O.K. Ces gens-là, ils fonctionnent comment actuellement, pour ce qui est du transport?

M. Robitaille (Jacques): Ils fonctionnent sensiblement de la même manière que nous. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, au Québec, quand on parle d'opérations forestières, les dispositions de la présente loi font que tous les intervenants se retrouvent souventefois à l'intérieur d'une même aire d'opération et ils doivent s'entendre pour leurs opérations.

Alors, souventefois, c'est un de nos membres qui peut faire l'opération de récolte qui va desservir un de nos membres et une entreprise qui n'est pas de nos membres. Alors, on oeuvre à peu près sensiblement sur les mêmes territoires et avec des contracteurs forestiers, dans le fond, qui font partie, je dirais, tous, de la même industrie. Alors, il y a peu de disparités d'une entreprise à l'autre. C'est sûr que, quand on est dans la grosse entreprise et les plus petites entreprises, il y a des modes de fonctionnement qui sont différents. Mais je dirais que, en général, sauf des caractéristiques très techniques, exemple, quand on fait l'exploitation du feuillu puis du résineux, il y a des différences de cette nature-là, mais, à part ça, je ne vois pas tellement de différences.

M. Bordeleau: O.K. Au niveau de l'entente que vous faites – j'essaie de saisir, là – en fait, vous avez négocié une entente comme association patronale, si on veut, dans le domaine du bois de sciage. Vous avez négocié une entente avec l'ANCAI, comme, au fond, ça peut se faire n'importe où, c'est-à-dire que n'importe qui peut être libre de négocier avec n'importe qui. Vous l'avez fait avec le regroupement qu'on appelle l'ANCAI. Et vous en êtes arrivés, disons, en se basant sur le passé – vous avez essayé de transposer à peu près de la même façon, vous aviez déjà travaillé dans le passé ensemble – à une entente qui est semblable.

Est-ce que je me trompe en disant, au fond, que c'est pratiquement une entente qu'on pourrait retrouver entre deux partenaires, si on veut, privés, des camionneurs et une association comme la vôtre, où on négocie tout simplement une entente et puis on en arrive, là...

M. Robitaille (Jacques): Effectivement, c'est une entente d'encadrement. Chacune des entreprises va demeurer libre, après ça, d'aller négocier ses conditions particulières. Ce qu'on dit, c'est que, quand vous allez négocier, vous allez utiliser ce format de contrat là et vous devrez le faire de la façon suivante, mais chacun va être libre de signer un contrat de six mois, un an, deux ans, comme il voudra, mais en fonction des dispositions qui sont là. Toutes les dispositions monétaires, toutes les clauses concernant les temps d'attente, les distances, tout ça demeure libre à chaque entreprise de négocier en fonction de ses particularités locales.

C'est une caractéristique du milieu forestier, je pense, qu'il est important de mentionner. Le transport forestier se fait dans des conditions très variables d'un endroit à l'autre, dans la forêt où on est. À certains endroits, il y a des côtes; à un autre endroit, c'est du terrain planche; à un autre endroit, on se retrouve dans des conditions hivernales très différentes, si on est en Abitibi ou si on est en Gaspésie. Alors, c'est des conditions qui sont très variables d'un endroit à l'autre. Alors, chacun demeure libre de négocier en fonction de ses caractéristiques propres.

M. Bordeleau: O.K. Ils vont utiliser un contrat type sur lequel vous vous êtes entendues, les deux parties.

M. Robitaille (Jacques): Voilà.

M. Bordeleau: Il y a une certaine autonomie qui est laissée à vos membres...

M. Robitaille (Jacques): Voilà.

M. Bordeleau: ...d'ajouter ou de négocier. Le contrat type devient pratiquement la norme. Mais les tarifs, est-ce qu'ils sont, de façon générale, assez semblables d'une région à l'autre?

M. Robitaille (Jacques): Dans une même région, là, les conditions similaires, à ma connaissance, il ne doit pas y avoir de grandes variations dans les tarifs.

M. Bordeleau: Dans les tarifs, d'une région à l'autre?

M. Robitaille (Jacques): C'est-à-dire, à l'intérieur d'une même région. D'une région à l'autre, ça peut varier à cause des conditions.

M. Bordeleau: O.K.

M. Robitaille (Jacques): À titre d'exemple, dans une certaine région, pour une même distance, ça peut prendre une heure et demie pour faire un voyage et, dans une autre région, ça peut prendre peut-être deux heures. Alors, à ce moment-là, il faut que ça soit pris en considération.

M. Bordeleau: O.K. La raison pour laquelle on retrouve votre entente mentionnée dans le projet de loi n° 89, si je comprends bien, c'est qu'il y a des références, dans la Loi des transports et d'autres lois, à votre domaine comme tel, et ça doit être inscrit dans un projet de loi, s'il y a des modifications ou des règlements, comme dans le cas, là, on parle de règlements qui seront fixés par le gouvernement, c'est à ce titre-là qu'on retrouve mention de votre entente dans le projet de loi n° 89. Et c'est ce qui fait, peut-être, si je comprends bien, la différence entre une entente qui serait complètement privée et celle qu'on a ici, qu'on voit apparaître dans un projet de loi de l'Assemblée nationale.

M. Robitaille (Jacques): En fait, la raison pour laquelle on retrouve ça: l'article de loi, premièrement, vient habiliter le ministre à passer un règlement pour rendre obligatoire l'utilisation du contrat. Nous, nous sommes une association qui représente toute une multitude d'entreprises. Mais nous ne pouvons, à la place de ces entreprises-là, les obliger à utiliser un contrat donné. Très facile de convaincre nos membres à nous de le faire, mais ceux qui ne sont pas de nos membres...

Alors, pour une question, je dirais, d'équité, pour une question de s'assurer aussi que ça peut fonctionner, d'avoir ce type de contrat là, le règlement vient créer l'obligation, pour tous ceux qui vont faire du transport forestier, d'utiliser ce contrat-là. Et je dois mentionner que le contrat a été soumis à l'autre association, c'est-à-dire l'Association des scieurs de feuillus qui n'a pas posé d'objection au contrat.

M. Bordeleau: O.K. Alors, le projet de loi n° 89 comme tel, comme il est, disons, décrit ici, de façon complète, dans son ensemble, il y a une partie seulement de ce projet-là qui vous concerne, vous autres, de façon plus spécifique.

M. Robitaille (Jacques): Il y a deux articles et un, de façon plus spécifique, qui est l'article 12.

M. Bordeleau: Alors qui est strictement sur le transport...

M. Robitaille (Jacques): ...forestier.

M. Bordeleau: Le transport forestier. Alors, je ne me trompe pas en disant que, quand le ministre disait tout à l'heure que vous êtes satisfaits du projet de loi n° 89, il faudrait être plus spécifique et dire que vous êtes satisfaits des deux articles du projet de loi n° 89 qui vous concernent et que la balance des autres articles, ça ne vous concerne pas et vous ne vous prononcez pas là-dessus.

M. Robitaille (Jacques): J'apporterais une nuance. Je laisserais peut-être Me Girard expliciter un peu plus.

M. Girard (Claude) Quand on parle des deux articles, et c'est bien les deux articles parce que, là où on est satisfait du projet de loi, c'est quand même de la déréglementation en matière de camionnage en vrac. Et, là-dessus, il n'y a pas seulement du bois qui se transporte en forêt, il y a beaucoup d'agrégats. Et, dans la mesure où le règlement actuel couvre également le transport d'agrégats, on est intéressé par le règlement de façon générale. Mais, dans la mesure où il y a déréglementation – et ça, c'est l'article 11 – le projet de loi nous satisfait parce que, là, à ce moment-là, il n'y aura plus de réglementation. Ensuite, en contrepartie, on regarde qu'est-ce qu'il va nous rester de réglementé par le biais de la Loi sur les transports: c'est le contrat de transport forestier pour du transport de matière ligneuse.

Alors, dans le sens où M. le ministre disait: Vous êtes satisfaits de l'ensemble du projet de loi, oui, parce qu'il n'y a plus de réglementation du camionnage en vrac pour les agrégats, qui nous concernent, et, oui, également parce que le transport de matière ligneuse va être réglementé. C'est ce qu'on a convenu avec une des principales associations dans le transport de matière ligneuse.

M. Bordeleau: O.K. Pour le transport d'agrégats, à ce moment-là, vous faites affaire avec les postes de courtage.

M. Girard (Claude): Il n'y a jamais eu, depuis l'entrée en vigueur du Règlement sur le camionnage en vrac, d'obligation pour l'industrie forestière d'utiliser les postes d'affectation, comme on appelait dans le temps, autant pour la matière forestière que pour les agrégats transportés en forêt. En ce qui a trait au transport d'agrégats comme tel, tout dépend de chacune des opérations. Je pense que M. Girard, de Consol, est plus en mesure que moi de vous dire comment ça fonctionne. Il y a certains, je pense, camionneurs qui transportent de la matière ligneuse qui s'organisent, quand on n'en transporte pas, pour transporter du gravier. Dans d'autres cas, j'imagine qu'on a recours à d'autres systèmes pour obtenir des services pour le transport d'agrégats.

M. Bordeleau: O.K. Alors, vous allez pouvoir appliquer le contrat type, au fond, de la même façon, avec les mêmes camionneurs, pour le transport de matières forestières et d'agrégats.

M. Girard (Claude): Non, parce qu'on a convenu avec l'ANCAI que le contrat ne s'applique qu'au transport de matières ligneuses et d'une certaine matière ligneuse. C'est le bois qui n'a pas subi d'autre opération que coupe transversale, ainsi de suite. En ce qui concerne le transport d'agrégats, ça va faire l'objet d'autres ententes qui ne seront pas copiées nécessairement sur le contrat en question.

(15 h 40)

M. Bordeleau: O.K. Mais je veux juste comprendre. C'est que vous avez dit tout à l'heure: Quand les gens ne transportent pas de bois, ils vont pouvoir transporter de l'agrégat. Est-ce que j'ai bien saisi ce que vous me dites?

M. Girard (Claude): Certains vont pouvoir transporter des agrégats mais pas nécessairement en vertu du même contrat. Il faut comprendre que l'entente de principe que nous avons et le contrat de transport forestier assurent un rang d'embauche aux camionneurs en ce qui a trait au transport de la matière ligneuse. On n'a pas discuté avec la même association ou une quelconque autre association d'un rang d'embauche dans d'autres matières.

M. Bordeleau: O.K. Tout à l'heure on a parlé rapidement de la possibilité, mettons, qu'une personne d'une autre province pourrait venir faire du transport de bois. Vous dites qu'il n'y aurait pas de problème. Vous avez une certaine latitude, si je comprends bien, à l'intérieur de ça, mais ça respectera le rang d'embauche sur lequel vous vous êtes entendus avec l'ANCAI. Concrètement – j'essaie juste de voir, là – une personne de l'Ontario qui vient, et dans un contexte où le rang d'embauche des gens qui sont ici est respecté, ça veut dire quoi? Il va se retrouver où, dans la possibilité de pouvoir travailler?

M. Girard (Claude): Il y a deux choses. La situation la plus facile, c'est d'imaginer que, à l'expiration d'un contrat qui aurait été donné, disons, par une industrie forestière à un sous-traitant du Québec et que quelqu'un de l'Ontario soumissionne à de meilleures conditions, ce que l'entente de principe et le contrat de transport forestier prévoient, c'est que ce nouvel entrepreneur qui s'en vient au Québec va pouvoir utiliser un nombre de véhicules qui lui appartiennent mais qui ne pourra pas excéder 50 % des véhicules nécessaires pour faire le travail, d'une part.

D'autre part, ces véhicules-là du nouvel entrepreneur vont s'insérer dans un rang d'embauche. Autrement dit, ils n'arriveront pas nécessairement ni les premiers ni les derniers dans la liste d'ancienneté. Alors, jusqu'à un certain point, le rang d'embauche qui est reconnu par le contrat de transport forestier va être respecté sous réserve des balises que je vous énonce.

M. Bordeleau: Quand vous faites un contrat avec un... Vous allez faire un contrat avec un transporteur particulier qui vous est déterminé de quelle façon, qui vous est acheminé de quelle façon? Par le biais de l'ANCAI?

M. Girard (Claude): Non. Il n'est pas prévu que ça soit par le biais de l'ANCAI. C'est prévu tout simplement qu'un transporteur a le droit d'être représenté auprès d'un expéditeur pour négocier une entente.

M. Bordeleau: Le rang d'embauche est le rang, dans votre organisation, qui a certaines priorités qui sont établies. C'est ce rang-là auquel vous faites référence? Les gens qui travaillent pour une entreprise, au fond, il y a une ancienneté qui est reconnue et dont on va tenir compte au moment de la répartition du travail.

M. Girard (Claude): Le rang d'embauche est celui qui va être reconnu dans le contrat de transport pour des équipements qui sont utilisés pour le compte d'un même expéditeur dans une même opération forestière.

M. Bordeleau: Parfait. Le contrat type en question auquel vous faites référence, est-ce qu'il y aurait possibilité que ça soit déposé ici, à la commission, ou si vous y voyez des objections?

M. Girard (Claude): Mais je n'ai pas d'objection dans la mesure où, j'imagine que, à un moment donné, dans le cadre de la publication du règlement, on va y faire référence. Mais j'en ai des copies, M. le ministre. Je n'ai pas de problème, si vous en désirez.

M. Chevrette: C'est très, très transparent puis on est très, très heureux quand il y a une entente, nous autres.

M. Bordeleau: Alors, si vous pouviez le déposer au Secrétariat, ça serait acheminé à ce moment-là aux membres de la commission. Alors, moi, ça va. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. le député de l'Acadie.

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous remercier infiniment puis je ne voudrais pas, d'aucune façon, minimiser la bonne foi et le travail qui s'est fait avec l'AMBSQ qui constitue tout un secteur de notre économie et qui a cru bon, je pense, d'harmoniser les relations le plus possible dans ce secteur qui est souvent névralgique. C'est tout à l'honneur de l'industrie et puis, je pense, à l'honneur des associations qui ne cherchent pas la confrontation et qui ne nous préparent rien de chaud ni de barrage. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec pour votre contribution aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant les représentants du Conseil du patronat du Québec à bien vouloir prendre place.


Document déposé

M. Chevrette: Si vous permettez, ce matin, j'avais promis à Me Noreau de déposer le décret de promulgation de la déréglementation – c'est le 15 septembre 1999 – je le dépose à la commission. Si Me Noreau est ici, on pourrait lui en faire faire une copie, tel que j'en ai pris l'engagement ce matin.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le ministre, le document est déposé.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous prie de bien vouloir vous identifier.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Mme Marchand (Louise): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Louise Marchand. Je suis avocate, directrice des relations du travail au Conseil du patronat du Québec. Je voudrais d'abord présenter à cette commission les excuses du président du Conseil du patronat, M. Gilles Taillon, qui devait être là aujourd'hui mais qui est à Seattle en train d'essayer de négocier ou, en tout cas, de commencer à négocier quelque chose. Alors, il m'a demandée d'être là.

Une voix: ...

Mme Marchand (Louise): Pardon?

M. Chevrette: Vous êtes-vous informée s'il allait bien?

Mme Marchand (Louise): Aux dernières nouvelles, M. le ministre, il est en bonne santé.

Alors, je suis accompagnée, pour présenter les commentaires du Conseil du patronat, de Me David F. Blair, de l'étude Gagné, Letarte de Québec, qui est un spécialiste en droit du transport. Le Conseil du patronat est ici, évidemment, non pas comme spécialiste, mais pour vous faire part d'un certain nombre d'inquiétudes de principe.

Le Président (M. Lachance): Alors, madame, monsieur, bienvenue. Vous avez, comme les autres groupes, un maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

Mme Marchand (Louise): Alors. Donc, d'abord, je tiens à remercier les membres de la commission d'accepter de nous recevoir pour cette consultation. Nous tenions, en effet, à être présents à cette consultation dans la mesure où certains grands principes, comme je le disais tout à l'heure, semblent mis en cause dans cette proposition du législateur qu'est le projet de loi n° 89, et nous souhaitions faire part de nos inquiétudes.

D'entrée de jeu, nous préciserons toutefois que nous n'avons pas l'intention d'entrer dans des commentaires très techniques du projet de loi qui seront laissés aux représentants des diverses associations d'entreprises de camionnage ou à d'autres intervenants du milieu qui, eux, ont une expertise pointue et des points de vue spécifiques, comme on l'a entendu tout à l'heure, à vous exposer.

Au titre des principes de fond, au moment du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996, le gouvernement du Québec avait pris l'engagement d'alléger la réglementation pour soulager, notamment, les entreprises québécoises et leur permettre de créer des emplois. On se souviendra, à cet effet, du texte du décret créant le Groupe conseil sur l'allégement réglementaire, présidé par Bernard Lemaire, qui suivait le Sommet et consacrait de manière tangible cette intention gouvernementale. Après le dépôt du rapport du Groupe conseil, le 29 mai 1998, le gouvernement a résolu d'en reconduire le mandat pour une deuxième étape. À tort ou à raison, le milieu des affaires a donc compris que le gouvernement entendait poursuivre les efforts d'allégement réglementaire et qu'il persistait dans son intention de créer un climat réellement favorable aux entreprises et à toutes les entreprises.

Or, en dépit des bonnes intentions et d'efforts parfois manifestes pour donner un sens à cet engagement, il arrive encore trop souvent que le législateur cède à la tentation d'encadrer de façon très rigide ce qui nous semble devoir demeurer souple et libre ou le redevenir et nous sommes d'avis que le projet de loi présentement à l'étude par cette commission en est une illustration assez flagrante.

Nous comprenons de ce texte que, au lieu de laisser libre cours à la concurrence et aux règles naturelles du marché, le projet de loi établira une protection qui ne protégera que bien artificiellement les plus petites entreprises, en confiant, par ailleurs, un monopole à un organisme qui n'est pas représentatif de tous les acteurs. Il nous semble, en effet, que l'industrie du camionnage en vrac soit bien morcelée, et même atomisée. Plusieurs joueurs sont maintenant sur l'échiquier: les camionneurs indépendants, les camionneurs membres des postes de courtage, les camionneurs assujettis à la convention collective et les camionneurs qui ne le sont pas.

Tous ces gens souhaitent gagner leur vie honorablement – et c'est on ne peut plus légitime, bien évidemment – et même, dans plusieurs cas, ces gens souhaitent avoir la possibilité de maintenir ou même de créer des emplois. Or, non seulement la concurrence est-elle très vive, mais le marché, le gâteau à partager, a rapetissé comme une peau de chagrin, ne laissant à chacun que des portions beaucoup plus petites. Il nous semble qu'une intervention législative pour réguler ce marché serait non seulement inutile – le marché finit toujours par se réguler lui-même – mais qu'elle constituerait, en plus, une immixtion injustifiée dans le droit de gérance des entreprises en les obligeant à transiger avec un partenaire plutôt qu'avec un autre.

(15 h 50)

Il apparaît assez clair, par ailleurs, que, dans la mesure où le nombre d'acteurs soit à la hausse et que la vitalité du marché ne soit plus ce qu'elle était, le désir de chacun de s'accaparer une part du marché engendre des luttes souvent difficiles à arbitrer et que, si le législateur intervient pour donner satisfaction à une partie, il en mécontentera forcément une ou plusieurs autres au risque de voir le climat social s'envenimer et des gestes incontrôlables se poser, ce que personne évidemment ne souhaite.

En outre, lorsqu'on a un penchant naturel, voire un réflexe à réglementer, on risque de légiférer à courte vue, sans voir les effets pervers des règles imposées et sans laisser aux forces naturelles la possibilité de suivre leur évolution normale. Il est en effet plus facile d'imposer des normes et des encadrements pour satisfaire des demandes particulières lorsque certains des intervenants crient très fort, qu'ils vont même jusqu'à bloquer des routes, malheureusement, que de laisser la concurrence s'exercer normalement dans un marché qui devient alors plus sain.

Ce qui nous inquiète également, c'est que le projet de loi confère non seulement des privilèges à une seule catégorie de camionneurs, mais qu'il accorde un monopole à une organisation de personnes pour déterminer qui pourra gagner sa vie dans un créneau de l'industrie. Sans porter de jugement de valeur sur les personnes qui bénéficieront de ces privilèges, nous sommes néanmoins très inquiets de voir le législateur intervenir de façon aussi évidente et explicite dans un secteur économique. En effet, par l'entente que le ministère des Transports a signée avec les porte-parole des camionneurs qui bénéficieront des privilèges des contrats de camionnage en vrac dans le marché public, le ministre a d'abord lié son ministère pour le transport des matières en vrac.

Par ailleurs, le ministère a pris l'engagement de convaincre les institutions publiques, comme Hydro-Québec, la Société québécoise d'assainissement des eaux et d'autres ministères, de contracter également des ententes avec les mêmes intervenants pour que le monopole ait droit de cité chez eux également.

Le ministère s'est en outre lié pour que les clauses préférentielles d'embauche s'appliquent dans des cas de contrats de construction de routes publiques qu'il octroiera au moyen de subventions aux municipalités. Et j'ajouterai que, avec la perspective des programmes d'infrastructures qui s'en viennent, ça nous inquiète encore davantage. Une situation de monopole est, à notre avis, l'antithèse de la concurrence, dans un marché libre, et va très certainement à l'encontre de la philosophie de déréglementation qui devrait être la nôtre, si on veut que le Québec puisse aspirer à un développement continu à l'intérieur d'une économie ouverte. Nos entreprises ont à se confronter à l'économie nord-américaine, qui supporte de moins en moins l'approche protectionniste.

En outre, par définition, une situation de monopole a, en général, comme résultat de faire augmenter les prix et de faire diminuer la quantité de biens et de services offerts dans un marché donné. Le marché qui nous occupe est un marché public, pour l'essentiel, et il y a lieu, dès lors, de s'interroger sur les coûts accrus du nouveau système, tant pour les contribuables québécois que pour les contribuables municipaux – qui sont, somme toute, les mêmes personnes mais qui paient leur dû à deux percepteurs différents.

Comment s'inscrira cette augmentation de coûts des municipalités dans le cadre des négociations du nouveau pacte fiscal qui doit absolument prévoir que les contribuables ne verront pas leur fardeau augmenter? Comment peut-on par ailleurs justifier que tous les contribuables québécois devront payer plus cher également? Il nous semble que, dans la perspective d'une gestion serrée des fonds publics, il soit difficile de justifier que l'on paie plus pour un service parce qu'il est exclusivement dispensé par un groupe choisi de personnes.

Le gouvernement a-t-il produit une étude d'impact de ce projet de loi, comme il s'était engagé à le faire pour toute nouvelle réglementation? Si on revient au groupe Lemaire, le gouvernement a-t-il soumis son projet au Secrétariat à la déréglementation? C'est une condition sine qua non pour avoir une évaluation objective des retombées socioéconomiques de ce projet de loi.

Y aura-t-il enfin des coûts d'emploi dans l'octroi de ce monopole? Avec un taux de chômage qui avoisine encore et toujours 10 % – je sais que les chiffres d'aujourd'hui nous disaient que le taux de chômage du mois de novembre est à 8,4 %, mais il est néanmoins à 5,9 % en Ontario, donc on maintient toujours notre écart structurel de 2,5 % – alors que nous ne pouvons pas combler l'écart, encore, avec la province voisine, les entreprises qui ne seront pas favorisées par le monopole devront-elles rationaliser leur main-d'oeuvre? Avons-nous les moyens de perdre des emplois?

Il nous faut souligner en outre un certain paradoxe de cette intervention législative. Encore tout récemment, la ministre d'État au Travail et à l'Emploi, Mme Diane Lemieux, se réjouissait, à juste titre d'ailleurs, de l'entente qui règle les démêlés entre le Québec et l'Ontario dans l'industrie de la construction. Selon notre souvenir, les Ontariens considéraient comme un irritant le fait que leurs camionneurs ne pouvaient accéder au marché québécois. Nous avons par ailleurs été surpris de constater que leur problème semble résolu par le projet de loi.

Le nouvel article 47.11 de la Loi sur les transports donnera en effet aux camionneurs ontariens le privilège de s'enregistrer aux postes de courtage. Nous comprenons qu'il s'agirait, pour le gouvernement du Québec, d'une obligation découlant de l'Accord sur le commerce intérieur. Ce faisant, le gouvernement du Québec ne confère-t-il toutefois pas plus de droits à des camionneurs ontariens qu'à des camionneurs québécois, du moins à ceux qui ne pourront pas s'inscrire aux postes de courtage? Sans compter qu'encore une fois le marché est en chute libre et que l'on limite les possibilités pour des entreprises bien de chez nous.

Nous avons un autre objet d'inquiétude qui constitue également, pour nous, un principe fondamental. Bien que le projet de loi n° 89 ne touche en rien les conditions de travail et qu'il n'y soit nullement question de négociations sous quelque forme que ce soit, sous réserve des tarifs, il nous semble que le texte qui remet tant de pouvoirs entre les mains d'intermédiaires ou de représentants constitue une base intéressante pour faire de ces représentants les interlocuteurs privilégiés dans un éventuel cadre de négociation sectorielle.

On connaît notre pensée sur la question de la négociation sectorielle. Il y a des années en effet que le patronat oppose une fin de non-recevoir totale à un régime de négociations sectorielles, et ce n'est certes pas avec l'ouverture des marchés et l'accroissement de la concurrence internationale que cette forme de relation du travail devient plus avantageuse pour les entreprises, bien au contraire. Alors, bien qu'il ne soit nullement question, à ce stade, d'une éventuelle syndicalisation d'abord et d'une négociation sectorielle ensuite, nous nous permettons de mettre le législateur en garde contre les possibles effets pervers d'une telle centralisation des forces.

En conclusion, je vous dirai que, dans la perspective de la libéralisation de ce secteur, nous ajouterons notre voix à celle de Me Michel Towner, un des membres du Comité d'experts sur le statut des camionneurs propriétaires, le comité Bernier, qui soulignait, dans sa dissidence au rapport de ce Comité, la nécessité de laisser le marché s'exprimer normalement et qui faisait remarquer qu'aucune autre province ou État américain ne laissait subsister de réglementation pour le camionnage en vrac.

Il rappelait également que le rapport Scowen, en juin 1986, recommandait la déréglementation de ce secteur d'industrie pour lui permettre de s'insérer plus efficacement à l'intérieur des mécanismes du marché. Me Towner concluait par cette citation du rapport de 1986, et je cite: «Par contre, le Groupe de travail reconnaît que la tradition de protectionnisme profondément ancrée dans ce secteur a créé des conditions difficiles à modifier. Il n'a, par contre, reçu aucune démonstration qui le convainque que la réglementation puisse faire mieux que le marché concurrentiel pour développer un secteur efficace, pour offrir des prix plus souples et pour rendre justice non seulement à ceux qui font partie de cette industrie, mais aussi à ceux qui voudraient y entrer.» Fin de la citation.

Alors, 13 ans plus tard, nous sommes d'avis que ces propos sont encore étonnamment actuels et nous convions le ministre à réviser un texte de loi qui fera perdurer une situation d'exception pour le Québec, une situation qui, encore une fois, nous singularise, nous marginalise et, en ce qui nous concerne, va à l'encontre de la liberté de commerce. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme Marchand. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie, Mme Marchand. Je vais tout d'abord commencer par certains commentaires et, par la suite, je vous poserai quelques questions.

Une des questions – préparez-vous tout de suite – ça sera: Êtes-vous d'accord avec le rapport Bernier ou seulement avec la dissidence du rapport Bernier? Donc, préparez votre réponse parce que je pourrais vous citer abondamment le rapport Bernier. Je n'ai pas opté pour le rapport Bernier non plus. Et à ce moment-là vous ne pensez pas que j'ai opté pour un juste milieu, madame?

Ceci dit, vous parlez du droit de gérance et manifestement vous plaidez en faveur de la position de l'ACRGTQ parce que c'est l'employeur qui est impliqué dans les circonstances et qui fait partie du Conseil du patronat. Et je reconnais M. Blair qui était négociateur pour l'ACRGTQ et même à la table de l'ACRGTQ. Donc, je prends pour acquis que vous êtes donc deux sur cette table-là à nous parler aujourd'hui. Ceci dit, c'est votre droit.

(16 heures)

Mais l'ACRGTQ, que vous connaissez bien, est aussi celle qui signe, avec la FTQ-construction, des conventions collectives, même pas un partage de travail, qui crée, en vertu de la loi sur l'industrie de la construction, un décret tenant lieu de convention collective puis qui n'existe plus parce que vous nous avez demandé de sortir du décret et que vous avez signé une entente formelle avec l'ACRGTQ. Donc, vous avez une habitude des négos. Je suis surpris que vous ne vouliez pas négocier pour un partage tout simplement dans le camionnage, puisque vous avez déjà une longue habitude des contrats collectifs. Et, s'il y a un groupe qui était souple dans la négociation des décrets tenant lieu de convention collective, c'est bien l'ACRGTQ. J'ai fait l'enquête Cliche, pour votre information, et je pourrais vous en rapporter une jolie ribambelle, de collusions, et j'aimerais faire de la réminiscence du passé puis vous en citer des cas croustillants. Mais je vais m'abstenir.

Ceci dit, il y a aussi un monopole – vous parlez de monopole – dans l'industrie de la construction présentement au niveau des travaux que vous faites avec l'ACRGTQ. Vous direz quelle centrale négocie avec vous autres. La FTQ, ils vont venir tantôt. Ils vont le dire, que c'est vrai, ils ne se cacheront pas. Je suis surpris que vous limitiez vos jugements exclusivement à la partie du ministère des Transports, qui est une binerie dans tout le décor de travaux de l'ACRGTQ.

L'ACRGTQ fait pour, minimalement, 50 000 000 $ exclusivement dans la région de Montréal au niveau du transport. De ce 50 000 000 $, il y a à peine 10 000 000 $ de travaux qui émanent du ministère des Transports, et, au niveau de ce qu'on donnerait ou qu'on consentirait à l'ANCAI, c'est seulement 2 000 000 $. 2 000 000 $ sur 50 000 000 $, et vous craignez le monopole, vous craignez tout! Vous avez peur d'avoir peur, il me semble.

Entre vous et moi, vous lirez ce matin, là, les chiffres qu'ils vous ont cités dans Transvrac remet les pendules à l'heure . On a vérifié, c'est des chiffres tout à fait corrects. Vous payez 32 $ dans le décret de la construction, M. Blair, pour un chauffeur de camion et, quand vous comptez tout, ça vous revient, quand vous engagez votre propre camionneur, votre propre chauffeur sur vos propres camions, à 60 $, 70 $ de l'heure, que vous chargez aux municipalités. On plafonne à 47 $. C'est un gain net que vous faites, quand vous engagez un artisan, de 13 $, 14 $ de l'heure.

Je ne comprends pas, moi. Qu'est-ce qu'il y a de dramatique à faire de l'argent avec les artisans? Je ne sais pas, j'ai de la misère à suivre le raisonnement. Très honnêtement, je comprends que vous ne vouliez pas entrer dans le détail, mais je suis bien obligé de juger vos positions de principe par rapport à la réalité des faits. Et, moi, les faits, c'est la chose qui ment le moins, ce sont les faits.

Depuis 1987 que ça existe, ces postes de courtage là, ça n'a jamais été remis en question, sauf une fois à Montréal, puis ils se sont fusionnés, ils sont devenus rien qu'un. Je ne sais pas quel est le drame en 1999 par rapport à 1987 – 12 ans ou 13 ans – je vous avoue. Saviez-vous qu'en Ontario on a signé avec l'Ontario une entente, le 12 novembre, nous permettant justement de ne pas être dans l'illégalité par rapport aux ententes commerciales? Vous nous dites qu'on contrevient aux ententes de commerce. Ça n'a pas de bon sens!

Mais je vais vous poser une question. L'ACRGTQ n'a pas voulu qu'on mette les licenciés, ceux qui ont des licences d'entrepreneur. Nous, on est même prêts à les mettre. J'ai demandé à l'ANCAI d'être compréhensive. Êtes-vous contre ça, que les licenciés... Plutôt que de nous accuser de ne pas vouloir couvrir l'ensemble des camionneurs, pourquoi vous n'ouvrez pas puis vous ne conseillez pas à un de vos commettants de s'ouvrir puis de protéger ceux qui voudraient? Comme, par exemple, ceux de M. Noreau, qui veulent être représentés, pourquoi vous ne leur conseillez pas, à l'ACRGTQ, votre cotisant, d'embarquer pour protéger ces hommes ou ces femmes qui veulent s'inscrire aux postes de courtage puis travailler? Je suis surpris un tantinet, puis j'aimerais avoir votre réaction.

Mme Marchand (Louise): Merci, M. le ministre. Dans un premier temps, je voudrais vous rappeler que je suis ici au nom du Conseil du patronat du Québec et non au nom de l'ACRGTQ. C'est clair que l'ACRGTQ est membre.

M. Chevrette: C'est le seul artisan que vous avez dans tout le groupe.

Mme Marchand (Louise): Bon. Non.

M. Chevrette: Lequel de ceux qui sont ici, autre?

Mme Marchand (Louise): Nous représentons 104 associations, M. le ministre.

M. Chevrette: Non, mais lesquelles qui sont impliquées dans ça ne sont pas ici?

Mme Marchand (Louise): Il y en a d'autres, M. le ministre.

M. Chevrette: Bien, nommez-les.

Mme Marchand (Louise): Il y a l'Association des propriétaires de machinerie lourde qui est membre au Conseil du patronat également. Bon.

On est venu ici pour vous dire que le principe de la réglementation, pour nous, n'est pas acceptable. C'est la seule chose. Je ne peux pas entrer dans les détails, je vous l'ai dit au départ, parce que, bien modestement, je vais vous dire, je ne suis pas une spécialiste du camionnage, et c'est pour cette raison-là que j'ai demandé à un expert de m'accompagner. Le Conseil du patronat ne se prétend pas être un spécialiste dans ce genre de dossiers là. Le Conseil du patronat, par ailleurs, a une vision qui reflète celle de tous ses membres, qui est de ne pas réglementer de façon excessive, et c'est ça qu'on est venu vous dire aujourd'hui.

Alors, dans cette perspective-là, vous me permettrez de ne pas répondre à toutes les questions de détail que vous m'avez posées, parce que je pense que l'ACRGTQ est parfaitement capable, par ailleurs, d'y répondre et que je sais qu'ils seront là un peu plus tard, comme tous les autres qui vont se faire entendre.

M. Chevrette: Vous parlez de principes. On va s'en poser deux. Le rapport Bernier...

Mme Marchand (Louise): Oui, vous m'avez posé une question.

M. Chevrette: ... – oui – préconisait à peu près la formule de l'Union des artistes, grosso modo. Au départ, l'ANCAI parlait de syndicalisation. On fait face, Mme Marchand, à un problème qui est loin d'être résolu dans la société québécoise, c'est l'artisan qui est à la fois employeur de lui-même. Et le statut, il n'est pas défini, puis ce n'est pas en deux jours qu'on va définir ça puis ce n'est pas sur simple recommandation du Conseil du patronat qu'on va régler ça. C'est devenu un problème de société, vous le savez comme moi.

Puis ce n'est pas le secteur seulement du camionnage qui est arrangé de même, le taxi est arrangé de même. Dans la construction, il y a l'artisan. Il y a de plus en plus, dans les secteurs de la collectivité québécoise, des artisans. C'est une personne qui a choisi d'être son propre entrepreneur. On se comprend bien? On ne peut pas, dans la vie, bénéficier du meilleur des deux mondes tout le temps, puis on ne peut pas non plus laisser à un seul groupe de notre collectivité le soin d'établir toutes les règles du jeu, parce que, si j'enlève toutes les règles du jeu, qui va mener exclusivement si on ne maintient pas un partage de travail, par exemple, minimal?

Je vais vous donner des exemples dans nos petits villages. Pour ceux qui sont en dehors de Montréal puis qui vivent quotidiennement dans un petit village de 1 500, de 2 000 âmes, savez-vous, si on faisait tous mourir les artisans, qu'est-ce qui arriverait pour le citoyen qui a besoin d'un camion de terre noire ou de deux camions de sable? On l'aurait fait étouffer, parce qu'on ne lui permettrait pas au moins de vivoter.

Il y a une dimension sociale qui semble vous échapper, et j'aimerais que vous ayez cette sensibilité-là, même si vous êtes du patronat. Il me semble qu'on doit chercher un équilibre dans la société, qu'on soit patron ou employé. Vous ne pensez pas qu'on devrait faire un effort, plutôt, de compréhension et de rapprochement plutôt que d'essayer, d'un principe net... Pas de règlement, point final. Au plus fort la poche! Crève si tu veux, le gros va gagner. Vous ne pensez que ça a un tantinet de bon sens, d'avoir une dimension à la fois sociale et collective?

Mme Marchand (Louise): Dans un premier temps, M. le ministre, vous m'avez posé la question: Est-ce que nous étions d'accord avec le rapport Bernier? Non.

M. Chevrette: Non, j'ai vu.

Mme Marchand (Louise): Bon. J'étais plutôt d'accord avec la dissidence de Me Towner, d'une part. D'autre part, vous faites référence au statut des artisans. Ça me fait penser un peu au statut des entrepreneurs indépendants ou des autonomes. C'est un dossier que je prétends connaître un petit peu plus que le camionnage. Nous avons travaillé, au Conseil du patronat, vous le savez, dans le cadre de la réforme des lois du travail, au CCTM, nous avons travaillé pendant six mois dans des comités techniques, notamment, sur cette question.

Bon. Le problème n'est pas résolu, on le sait, tout le monde. Quand vous dites que c'est un problème de société, c'est vrai. Il y a une montée, je vous dirais, fracassante du travail atypique au Québec, et les artisans, je pense, font partie de ce genre de statut ou de nouveau travail.

Pour ce qui est de la sensibilité sociale, on reproche facilement au patronat de n'avoir aucune sensibilité sociale. Mais, quand le patronat vous dit: N'intervenez pas parce qu'il y a peut-être des emplois qui sont en cause, quand le patronat réclame qu'il n'y ait pas de clauses orphelin parce qu'il y a peut-être des emplois qui sont en cause, je pense qu'il y a une manifestation d'une sensibilité sociale et qu'on n'est pas là juste pour défendre le capital mais qu'on est là pour défendre les jobs.

Alors, c'est peut-être un peu dans cette perspective-là, M. le ministre, qu'on vient vous voir aujourd'hui, parce que, quand on vous dit: Si vous réglementez puis vous accordez à un secteur de l'industrie la possibilité de gagner sa vie légitimement, comme, encore une fois, tout le monde est en droit de le prétendre, mais que, par ailleurs, ce faisant, peut-être que vous coupez le cou à d'autres, je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure façon. Nous, ce qu'on vous dit, c'est: N'intervenez pas. C'est ça qu'on vous dit, M. le ministre, c'est tout, pour préserver des jobs.

(16 h 10)

M. Chevrette: Ce qu'on a donné comme pouvoirs dans la loi actuelle, c'est qu'on donne le pouvoir à une municipalité d'accorder une clause particulière pour partager le travail, exclusivement des argents venant du ministère du Transport. Et, je vous le dis très honnêtement, ce qui fait pencher la balance en faveur de cela, c'est l'utilité de ces artisans-là pour la vie des citoyens ordinaires dans les petits milieux. Sur un contrat, si on ne permet pas... Ils ont exposé, à une demande du député de l'Acadie ce matin, que c'étaient 40 000 $, je crois, en moyenne qui étaient gagnés par un camionneur artisan. On sait ce que coûte un camion, entre vous et moi. Ce n'est pas le Pérou, là, vous avez bien compris ça.

Mme Marchand (Louise): Oui.

M. Chevrette: À partir de là, on tombait dans un vide juridique, c'était clair, il y a déréglementation totale le 1er janvier. Pas un vide juridique, mais une déréglementation totale à compter du 1er janvier. Ce qu'on a voulu, au-delà de la syndicalisation, au-delà d'avoir tranché le statut du travailleur artisan, du travailleur autonome ou tout ce qui entoure cela – dans le taxi, on va avoir le même problème....

Mme Marchand (Louise): Oui. On va se revoir.

M. Chevrette: ...très, très prochainement à trancher, j'ai fait des audiences, puis on a un problème là aussi – on a dit: Temporairement, pour une période de cinq ans ou de sept ans, dépendant de la forêt ou des transports, voici la portion du travail qui peut être effectuée.

Quand on regarde les statistiques, c'était 32 %, je crois, qui se donnait...

Une voix: 37 %.

M. Chevrette: 37 %, puis ça va être 49 %. Ça va être 12 %, à peu près, du travail de plus qu'avant qui va se donner. Je regarde les statistiques, c'est comme si on venait, ce 12 % là, de... 12 % de 2 000 000 $ de travaux puis de 2 000 000 $ de travaux qui reviennent, ou à peu près, à l'industrie du camionnage indépendant... ça fait faire des déclarations de 200 000 000 $ d'augmentation de travaux. C'est 12 % de 2 000 000 $ de travaux! Il y a des limites pour se faire charrier. Je suis sûr que vous êtes comme moi, vous, madame. Les faits, c'est important. Deux et deux, ça fait quatre, puis, quand il est moins quart, il n'est pas et quart. Je suis sûr, rien qu'à vous voir la face, que c'est ça que vous voulez.

C'est pour ça que j'exige un petit peu de rigueur dans ceux qui avancent des faits ici. Vous avez été prudente, vous n'en avez pas avancé sur les détails. Peut-être que M. Blair aurait pu répondre à plus de détails. Mais, à mon point de vue, il faut arrêter de dramatiser. Les villes peuvent... C'est marqué «peut» dans la loi, vous l'avez vu. Les camionneurs vont s'organiser pour aller chercher le maximum de leur part qui leur est réservée. C'est plafonné à 47 $, si ma mémoire est fidèle. Il y a obligation de... Ils vont être inscrits, tout le monde. Contrairement à ce que vous avez affirmé dans le début de votre exposé, ils vont tous être inscrits. Puis, si on en a oublié, ils ont trois mois pour s'inscrire, en plus.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: Ça va bien vite, ça!

Le Président (M. Lachance): Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Et puis je me suis engagé personnellement à en inscrire s'il y en a qui ont de la difficulté. Donc, ce que je voudrais, c'est qu'on cesse d'exagérer les faits par rapport à la réalité. Je comprends que ce n'est pas votre point de vue, que ce n'est pas ça que vous désirez.

Mme Marchand (Louise): Non.

M. Chevrette: Mais, à vouloir supporter quelqu'un qui charrie trop, on finit par charrier soi-même.

Mme Marchand (Louise): Est-ce que je peux demander à Me Blair de répondre à M. le ministre?

M. Blair (David F.): Si vous me permettez...

M. Chevrette: M. Blair.

M. Blair (David F.): ...premièrement, la façon dont je comprends le régime, M. le ministre: tous les travaux qui sont subventionnés, qui viennent de votre ministère aux municipalités, ce n'est pas un «peut», c'est un «doit», et les municipalités vont avoir l'obligation de faire affaire avec les sous-postes. Alors, tous les travaux d'infrastructures, si ça vient, ça va passer par votre ministère et ça va passer dans les clauses de protection obligatoires qui vont s'imposer aux municipalités. Le «peut», c'est les travaux municipaux autres qui ne sont pas subventionnés par votre ministère, et eux, c'est une question facultative.

Si vous me permettez de répondre à, un peu, votre commentaire de tout à l'heure, vous avez dit que vous déréglementez le vrac parce que c'est une chose qui vous est imposée. Je pense que, sans vouloir non plus entrer dans les détails – parce que je suis ici avec un mandat du Conseil du patronat – l'importance du mémoire aujourd'hui, c'est pour vous dire: Écoutez, ce que vous faites, vous déréglementez le camionnage en vrac, vous déréglementez les camionneurs, mais vous créez un monopole d'intermédiaires. Et, il faut le dire clairement, il y a une industrie d'intermédiaires qui est extrêmement bien protégée par ce régime-là.

La difficulté, c'est que, avec votre régime que vous proposez, vous transférez, essentiellement, le pouvoir réglementaire et le pouvoir de réglementer de la Commission des transports, du gouvernement, entre les mains de ces intermédiaires-là, et c'est ce qui est le problème. Tout ce que vous avez à faire, c'est de laisser un marché libre pour les intermédiaires, de sorte qu'on n'impose pas un choix particulier d'intermédiaires, et là tout va bien. D'ailleurs, dans la loi n° 430, vous avez déjà prévu une réglementation pour les intermédiaires et une inscription auprès de la Commission des transports du Québec, et il m'apparaît que ce régime, qui est en place, sera suffisant pour contrôler l'activité et laisser une libre concurrence dans l'activité d'intermédiaires.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Chevrette: Merci. Puis je m'absenterai 10 minutes, mais ce n'est pas parce que je n'ai pas intérêt, c'est parce que j'ai promis à quelqu'un de le rencontrer, le temps que le député de l'Acadie va vous questionner. Donc, ne prenez pas ça pour une insulte.

M. Bordeleau: Donc, merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier pour votre présentation. Je pense que vous faites référence, quand même, à une dimension qui est importante, la question de la réglementation. Je pense que, d'une façon générale, sur le principe – je ne parle pas de ce projet-là de façon précise – on sait que les gouvernements ont facilement la tendance naturelle de légiférer, et puis on s'aperçoit souvent, après coup, qu'on a peut-être trop légiféré pour rien. Et ça, on en a la preuve quand on regarde les masses de règlements qui existent au gouvernement. On est enterré dedans, puis ils ne sont même plus valides parce que les situations ont tellement changé qu'on se réveille avec des aberrations.

Alors, il y a un problème là qui est réel, et c'est souvent la solution facile de penser qu'en légiférant on va régler tous les problèmes, et on se rabat là-dessus, je pense, de façon générale, au niveau des gouvernements. Alors, votre inquiétude, je pense, est justifiée, et elle est d'autant plus justifiée aussi que l'ensemble des parlementaires, au fond, sont bien conscients de ce problème-là.

Le ministre est sorti, ses collègues pourront peut-être lui rappeler ça à la mémoire. Je veux juste lui rappeler que, quand on parle de déréglementation... Ça fait longtemps qu'on en parle. Vous faisiez référence dans votre mémoire au rapport Scowen, puis vous faites référence aussi à une autre réalité dont il faut être bien conscient: c'est ce même gouvernement qui a créé le Groupe conseil, avec M. Lemaire, sur l'allégement réglementaire.

Alors, d'un côté, on se dit préoccupé par l'existence d'une trop grande réglementation, on crée un groupe conseil pour régler ce problème-là, on allonge le mandat aussi pour essayer d'en arriver à faire un travail encore plus complet – et alors je pense qu'on reconnaît là de façon non pas implicite, mais explicite qu'il y a trop de réglementation – et là on arrive dans une problématique, un problème qui est complexe, qui mérite qu'on essaie de regarder toutes les facettes de ce problème-là, mais on se rabat sur la solution qui est une solution de réglementation, alors qu'on est dans un contexte général de déréglementation mais aussi dans un contexte où le gouvernement est sensible à la nécessité de déréglementer, puisque le gouvernement même a créé ce groupe de travail.

Alors, je voulais le signaler parce que je pense qu'on est un peu dans une situation où, en tout cas, il faudra se poser la question: Est-ce que le gouvernement agit à l'encontre d'autres décisions ou d'autres mesures qu'il a prises? Et est-ce que la réglementation qu'on y apporte actuellement est toute nécessaire ou s'il n'y aurait pas moyen de fonctionner différemment? En tous les cas, on peut au moins avoir le droit de se poser la question, si on cherche à améliorer la situation dans ce domaine-là, d'une réglementation minimale si on veut diminuer la réglementation.

(16 h 20)

Il y a peut-être certaines questions sur lesquelles j'aimerais revenir, et je ne sais pas si vous avez les réponses. Sinon, je pense que, peut-être, les autres groupes que nous verrons aujourd'hui pourront nous répondre.

J'ai eu ce matin, au moment où on a cessé les travaux pour l'heure du midi, des discussions avec certains entrepreneurs qui ont des permis d'entrepreneurs généraux. Encore là, j'aurais aimé que le ministre soit là, mais je comprends ses engagements. Je voudrais qu'on soit conscient d'une difficulté. On me dit qu'il y aurait, approximativement, à peu près 1 500 entrepreneurs qui ont des licences d'entrepreneurs généraux – alors ce sont, évidemment, souvent des petits entrepreneurs, des petits contracteurs – 1 500 permis de vrac, et ces gens-là, dans le projet de loi qu'on a, on les exclut immédiatement de toute possibilité de pouvoir accéder éventuellement à ce bassin de travail qui est celui des travaux publics, puisqu'ils ne pourront pas s'inscrire au registre des camionneurs en vrac.

Alors, j'ai l'impression que – en tout cas, à moins que vous ayez d'autres informations, mais j'aimerais ça, avoir votre réaction là-dessus – ça met en cause, quand même, des gens qui ont investi beaucoup pour construire des entreprises, qui ne sont quand même pas des grands contracteurs, mais des petits contracteurs éparpillés partout sur le territoire et qui, eux, du jour au lendemain, risquent de se retrouver avec des permis qui n'ont plus aucune valeur, des entreprises qui n'ont plus aucune valeur comme telle dans la mesure où on les exclut d'un bassin de travail important. Alors, il me semble qu'il y a un problème, là, important, et j'aimerais savoir si vous avez des suggestions ou des recommandations à nous faire à ce niveau-là.

Mme Marchand (Louise): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Je vais m'abstenir de répondre à votre question parce que je ne dispose pas de suffisamment d'informations techniques. De toute façon, l'objectif de notre présentation n'était pas de résoudre les problèmes de la loi elle-même. L'objectif de notre présentation était de dire au gouvernement: N'intervenez pas. Alors, dans cette perspective-là, vous comprendrez que nous n'avons pas fouillé tous les arcanes de la loi, nous n'avons pas regardé la loi dans son détail pour savoir si tel article était préférable à tel autre ou s'il fallait...

Ce qui nous semble sortir de ce texte de loi, de cette intention législative, c'est d'encadrer de façon très rigide un secteur, un créneau d'industrie qui devrait ne pas l'être et qui devrait bénéficier de la déréglementation totale, parce que, en ce qui nous concerne, ce sont les principes de la libre concurrence qui doivent prévaloir, c'est une économie ouverte, et c'est dans cette perspective-là que nous sommes venus. Mais je suis certaine que les gens qui vont venir après moi pourront répondre.

M. Bordeleau: Oui, oui. Une autre information, j'aimerais savoir si, au niveau du Conseil du patronat, vous avez des chiffres à ce niveau-là: le ministre, tout à l'heure, a fait référence au fait que les travaux qui seraient éventuellement réservés aux postes de courtage étaient de l'ordre de 2 000 000 $ sur 50 000 000 $ de travaux. C'est ce que vous avez mentionné, 50 000 000 $ de travaux généraux. Est-ce que ça correspond à ce que...

Là, on pense d'abord aux travaux qui sont effectués par le ministère des Transports. Si on pense, par exemple, à... Hydro-Québec est exclue, mais le ministre nous dit: On va essayer de les encourager à procéder de la même façon que le ministère. On mentionnait Hydro, on mentionnait la Société d'assainissement des eaux, on mentionne les municipalités aussi, suite à ce que vous avez décrit, dans les cas où il y a des subventions accordées, on va canaliser un peu ce travail-là qui est à faire dans les postes de courtage.

Sur l'ensemble des travaux qu'on a à exécuter aujourd'hui dans le domaine de la construction, les entrepreneurs qui sont dans le domaine de la construction, est-ce que c'est réaliste, selon vous, que l'ensemble de ces travaux-là, effectués par le ministère, Hydro, la SQAE, les municipalités, soient de l'ordre de 2 000 000 $ sur 50 000 000 $?

Mme Marchand (Louise): Encore une fois, je vais devoir vous décevoir parce que le Conseil du patronat n'a pas dans son mandat de colliger ou de recueillir ce genre de données. Le Conseil du patronat, c'est une fédération d'organisations, d'associations patronales sectorielles qui, elles, évidemment, disposent de l'information, de la connaissance bien pointue dans chacun de leurs domaines. Nous n'avons pas ces données-là, et, encore une fois, je suis convaincue que les gens qui sont ici et qui sont dans les domaines spécifiques pourront vous donner les chiffres.

Tout ce que je veux qu'on retienne de notre présentation, c'est que notre inquiétude, c'est les coûts, à la limite, pour les contribuables québécois, pour les entreprises aussi. C'est les coûts en termes, donc, de taxes foncières, c'est les coûts qui seront imputés par les travaux qui seront faits au ministère des Transports, donc les fonds publics québécois et les coûts en emploi. C'est surtout ça qui nous importe. Puis, s'il y a juste un message à passer ici aujourd'hui, pour nous, c'est les emplois, les emplois partout, les emplois pour tout le monde; également, que tout le monde ait droit aux mêmes opportunités, à la même chance sans qu'on privilégie quelqu'un par rapport à un autre.

M. Bordeleau: J'avais bien compris votre message dans ce sens-là et je pense qu'on saisit bien l'essentiel de votre message. Je vous posais la question tout simplement au cas où, au Conseil du patronat, vous auriez eu ce genre de données là.

Mme Marchand (Louise): Malheureusement, non.

M. Bordeleau: Alors, je vais laisser la parole à mon collègue, qui a une question à vous poser également.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Madame, monsieur, ma question s'adressait à M. Blair. Est-ce qu'on est en face d'un ministre qui nous tient un double langage, qui nous dit: Il faut déréglementer puis, en même temps, il faut protéger certains droits à certains individus de la société? Moi, ce que j'aimerais entendre de votre part, c'est: Suite à l'analyse, même si elle est très brève, du projet de loi et des différentes lois qui sont impliquées, est-ce que vous pourriez nous dire si on maintient la réglementation, si on déréglemente ou si on est en train de réglementer encore plus le transport au Québec?

M. Blair (David F.): On est en train de créer un nouveau régime dans le cadre de... Si on dit: On déréglemente l'activité du camionnage, bien c'est une déréglementation, et ça, c'est un acquis pour le 1er janvier de l'an 2000. Alors, ce régime-là, on l'élimine et ensuite on crée un nouveau régime qu'on impose par dessus, puis tous les permis, ça disparaît et on crée une inscription à la Commission des transports du Québec. Alors, cette inscription-là devient une autre forme de réglementation, et c'est le ticket pour pouvoir avoir accès aux sous-postes ou aux postes de courtage et c'est le ticket pour avoir accès aux travaux publics.

Alors, on veut préserver l'aspect de clauses de protection qui sont actuellement dans un régime réglementé dans un régime non réglementé, et ce qu'on fait, comme on a dit tout à l'heure, c'est qu'on crée un monopole dans l'industrie des intermédiaires tout en laissant à un libre marché les camionneurs.

M. Whissell: Alors, en bout de ligne, c'est vraiment une illusion qu'on nous met en face de nous, c'est vraiment l'illusion de déréglementer qu'on nous impose.

M. Blair (David F.): Dans le secteur qu'on vise, absolument, oui.

M. Whissell: Est-ce que vous diriez qu'on va encore plus loin que la réglementation actuelle?

M. Blair (David F.): C'est difficile à dire, parce que c'est un régime différent. Mais, dans deux ans ou dans trois ans, celui qui est un propriétaire de camions qui vit dans le marché déréglementé du secteur privé, qui a deux ou trois ou un camion, qui opère très bien son entreprise ne pourra pas, lui, avoir accès aux travaux gouvernementaux, parce qu'il n'est pas dans le club. Et ce n'est pas une question de compétence, c'est simplement une question de... Il n'est pas dans le club puis il n'aura pas accès au club; jamais, impossible pour lui, avec son camion, de rentrer dans le club.

M. Whissell: Ce matin, on avait un avocat qui est venu nous dire que le gouvernement, en appliquant le projet de loi n° 89, faisait en sorte de ne pas respecter les ententes pancanadiennes au niveau des transports. Est-ce que vous avez analysé cet aspect-là, à savoir si on contrevient, dans le fond, à une entente que le Québec a signée avec le restant du Canada?

M. Blair (David F.): Il y a deux accords, si je comprends bien, qui sont affectés: il y a l'Accord sur le commerce intérieur, qui a été signé en 1994, dont le Québec et le fédéral étaient signataires, et la déréglementation dont on parle, du 1er janvier, c'est l'issue de ça de la part du fédéral. Tous les signataires devaient retourner chez eux faire leurs devoirs pour déréglementer leur secteur. Il y a eu des réserves. Le Québec prétend qu'il y a une réserve sur le camionnage en vrac local.

Il peut y avoir une difficulté quant aux entreprises de juridiction fédérale lorsqu'elles travaillent à l'intérieur du Québec, et elles seront exclues du marché local public. Alors, ça, c'est un aspect, selon moi, où il peut y avoir un problème. L'autre effet un peu cocasse qu'on a mentionné dans le mémoire, c'est qu'un camionneur de l'Ontario, lui, aura accès aux travaux publics du Québec, puis le camionneur du Québec que j'ai mentionné tout à l'heure, lui, il n'y aura pas accès, et c'est un peu cocasse de développer un régime de cette nature-là alors qu'on fait supposément une déréglementation.

M. Whissell: O.K. Merci.

(16 h 30)

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, monsieur du Conseil du patronat du Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission. J'invite maintenant les représentants du Regroupement des régions 03, 05 et 06 de l'Association nationale des camionneurs artisans à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous invite à vous identifier comme le porte-parole et à identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Regroupement des régions 03, 05 et 06 de l'Association nationale des camionneurs artisans inc. (ANCAI)

M. Garand (Jean-Pierre): Messieurs, mesdames, M. le ministre, M. le Président, distingués représentants de la commission, je suis accompagné de: M. Pierre Letarte, représentant des camionneurs pour la région 05; M. Ghyslain Bergeron, à ma gauche, pour la région 03; Me Céline Trudeau, comme procureur pour le Regroupement; et Jean-Pierre Garand, pour la corporation 06.

Aujourd'hui, je voudrais souligner l'absence de deux collègues qui étaient signataires de l'entente, en l'occurrence M. Roger Lemelin, pour la région 05, et M. Guy Breton, pour la région 03, qui ont dû être absents pour des causes personnelles.

Le Président (M. Lachance): Alors, madame, messieurs, bienvenue à cette commission, et je vous indique que vous avez 15 minutes comme temps de présentation. Allez-y.

M. Garand (Jean-Pierre): Merci. Je vais vous décrire le Regroupement. Le Regroupement des régions 03, 05 et 06, représentées par chacune de ses corporations régionales, regroupe près de 2 000 camionneurs titulaires de permis de camionnage en vrac.

Tous nos membres oeuvrent dans le secteur de ce qu'il est convenu de désigner comme le marché de la construction, transportant sable, terre, gravier l'été; neige, sel et glace l'hiver. Suivant les chiffres du MTQ, en 1996, ce secteur comptait 3 800 titulaires. Le Regroupement réunit donc la majorité des transporteurs de marchandise en vrac dans le transport d'agrégats. Leurs situations géographiques – l'Estrie pour la région 05, le Grand Québec, la Beauce, Montmagny-L'Islet, Témiscouata pour la région 03, la Montérégie et Laurentides–Lanaudière pour la région 06 – en font des régions à forte concentration urbaine. En moyenne, chacun de leurs membres possède, directement ou par compagnie liée, 1,5 camion.

Dans les secteurs moins urbanisés, plusieurs d'entre eux doivent cependant combiner leur activité de transporteur avec d'autres activités. Ainsi, certains agissent à titre d'entrepreneurs en déneigement ou comme petits entrepreneurs détenant des licences 4071 sur une base artisanale. Malgré la pluralité de leurs activités, entre 40 % et 70 % d'entre eux, selon les régions, conduisent eux-mêmes leurs véhicules. Étant spécialisés dans le secteur agrégats, nos représentations ne s'adresseront donc qu'aux secteurs du transport effectué par benne basculante.

Mme Trudeau (Céline): Aboutissement d'une position de négociation choisie dès le départ par les trois régions qui rejetaient la voie syndicale, les régions 03, 05 et 06 accueillent favorablement, dans son ensemble, le projet de loi n° 89.

Ce projet de loi représente la seule alternative viable à la déréglementation fédérale qui entrera en vigueur au 1er janvier 2000. Nous vous rappelons que l'Accord sur le commerce intérieur, signé en 1994, excluait notamment le transport d'agrégats pour la construction de routes. Cette exclusion ne s'explique que par la nécessité de s'assurer d'un bassin de camions suffisant pour la réfection des routes pendant la période estivale et le transport de neige l'hiver.

La déréglementation totale immédiate n'est pas, à notre opinion, une solution à long terme pour assurer la survie de l'industrie. Elle n'aura pour effet à court terme que de faire chuter les prix de façon drastique et d'engendrer la faillite et la fermeture de plusieurs entreprises, spécialement chez les artisans conduisant leurs véhicules. Le transport en vrac étant une activité saisonnière, que feront les entrepreneurs pendant les périodes de pointe lorsqu'il n'y a plus assez de véhicules pour remplir la demande? Qu'auriez-vous fait lors du verglas si les prix de transport avaient doublé? Une solution avec vues à court terme n'aura que des effets dévastateurs à long terme, et, au bout du compte, tous en paieront le prix.

La déréglementation avec une protection minimale temporaire proposée par le projet de loi permet au marché de cheminer vers la déréglementation. Ouvrir la porte à la libre circulation en aménageant une législation permettant à la petite entreprise de camionnage en vrac de se regrouper, de maintenir un seul acquis – le MTQ – et d'apprendre à concurrencer sur un marché libre, c'est s'assurer une transition harmonieuse vers une totale déréglementation.

Le projet de loi aura pour résultat de déréglementer le secteur copeaux, approvisionnement d'usines, construction secteur privé et, pour une bonne part, le secteur construction deniers publics. Suivant notre estimation qui est très conservatrice, c'est plus de 70 % du marché qui sera déréglementé. Et ça, c'est si on inclut le transport de bois comme étant un marché qui est réglementé.

Au niveau municipal, partie des deniers publics, le gouvernement, avec l'appui de l'UMQ et de l'UMRCQ – maintenant la Fédération québécoise des municipalités – a réglé une controverse jurisprudentielle, orchestrée principalement par un courtier illégal, concernant le pouvoir non contraignant pour les municipalités et villes d'adopter les clauses d'embauche préférentielle. Ce pouvoir est déjà prévu par les lois les régissant pour les contrats de moins de 50 000 $ ou de moins de 100 000 $, dépendamment du nombre d'habitants.

La presque totalité du transport octroyé directement par les municipalités aux camionneurs est en dessous de ce seuil. Permettre aux municipalités de faire affaire avec les courtiers ne fait que reconnaître le droit au regroupement des artisans pour le transport qui pourrait de toute façon être octroyé directement aux camionneurs. L'honnêteté exige de permettre aux municipalités de faire directement ce qu'elles peuvent légalement faire indirectement. Et ce droit n'est pas, de toute façon, contraignant.

J'aimerais maintenant vous entretenir de qui sont les partisans de la déréglementation totale et pourquoi, à notre opinion, ces gens ont une telle position. Parmi les partisans de la déréglementation totale, nous retrouvons trois catégories: les courtiers illégaux, les camionneurs travaillant avec les courtiers illégaux et les donneurs d'ouvrage oeuvrant dans le secteur public.

Les courtiers illégaux. Suivant les informations que nous détenons, lors de la réunion tenue le 29 novembre 1999 par le Regroupement québécois d'entreprises et de transporteurs en vrac, M. Henri Sauriol, courtier illégal reconnu dans les régions 06 et 10, faisait partie des chefs de tête à cette assemblée. Ce matin, vous avez eu le plaisir de rencontrer M. Gauthier à la table; celui-ci est connu comme courtier illégal dans la région 10 sous le nom de Transport Jomani et a d'ailleurs été condamné pour ses activités de courtage illégal qu'il continue toujours.

M. Sauriol opère depuis les années quatre-vingt-dix un service de courtage illégal. M. Sauriol est sujet à deux jugements en injonction reproduisant les termes de la Loi sur les transports actuelle et à six jugements pour outrage. Le 6 juin 1999, une dizaine de ses transporteurs, dont certains étaient présents ce matin, dont certains sont encore présents cet après-midi, plaidaient tous coupables à des accusations d'outrage au tribunal pour avoir contrevenu aux deux injonctions prononcées par le tribunal.

L'honorable juge Filiatrault, juge de la Cour supérieure, décrit les activités de ce courtier illégal de la façon suivante: «L'attitude de M. Sauriol démontre une intention évidente de ne pas respecter le jugement d'injonction prononcé contre lui en février 1990. Pour lui, tous les stratagèmes sont nombreux et permis.» Le respect des lois n'a jamais été une de ses priorités. D'ailleurs, pour tenter d'éviter de payer ses amendes, il a déclaré faillite en mai 1999.

Sa nouvelle trouvaille s'appelle la compagnie Canada Vrac, avec siège social à Hawkesbury en Ontario, par laquelle il tente de se faire classifier comme entreprise fédérale et prétend ne pas être assujetti à la loi provinciale de par la nature fédérale de son entreprise. Le 25 novembre 1999, la requête pour jugement déclaratoire qui avait été déposée par Canada Vrac a été rejetée par la Cour supérieure pour le motif d'irrecevabilité.

(16 h 40)

Donnerez-vous raison à ces courtiers sans scrupules pour qui la seule règle est l'absence de loi? Les vrais tenants de la déréglementation ne sont pas des entreprises assujetties à la loi fédérale. Les vrais tenants de la déréglementation sont des entreprises à caractère local, de juridiction provinciale. Le Regroupement de Me Noreau en est le meilleur exemple. Mais le Regroupement n'a pas encore compris que leurs activités dans le secteur privé et dans le secteur public, non clausées, seront désormais permises par le projet de loi qui a été déposé.

Quant aux travailleurs travaillant pour les courtiers illégaux, ces travailleurs se sont fait servir une campagne de peur leur disant qu'ils vont perdre leur permis VR au 1er janvier 2000. Nos membres également vont perdre leur permis VR au 1er janvier 2000. Sans ajouter ce qui a été rajouté, ce matin, lors des commentaires du Regroupement, je ne ferai qu'ajouter, en ce qui concerne les camionneurs, qu'ils devraient réaliser qu'ils auront, avec le projet de loi qui a été déposé, l'avantage de pouvoir étendre leurs activités à toute la province de Québec – ce qu'ils ne peuvent faire à l'heure actuelle – et ainsi légaliser le non-respect des territoires et des tarifs dans lequel ils se complaisaient et dans lequel ils se complaisent encore.

Quant aux donneurs d'ouvrage, M. Gaétan Bégin, représentant l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs – et c'est l'association qui était présente également ce matin avec le Regroupement – le 8 avril 1998, en commission parlementaire sur le projet de loi n° 416, indiquait: «J'ai eu des conversations récemment avec les gens de l'Association des camionneurs. J'ai eu des conversations civilisées. Je pense qu'on peut [...] négocier, mais il ne faut pas le faire pendant qu'une des deux parties a l'épée de Damoclès sur la tête.»

Le projet de loi n° 89 déréglemente pour plus de 70 % du transport. Par la même occasion, il donne l'outil nécessaire pour ne pas être à la merci de l'entrepreneur habitué à recourir aux courtiers illégaux. Saviez-vous que, dans le cours des négociations, nous avons demandé à l'ACRGTQ si elle était même prête à nous accorder un simple droit de premier refus, ce qu'elle a refusé catégoriquement? Saviez-vous que Construction Fergon, Construction Louisbourg et L.A. Hébert ont, par le passé, et continuent, pour au moins L.A. Hébert, à faire affaire avec un courtier illégal?

Ce que recherche l'ACRGTQ en demandant la déréglementation, c'est le pouvoir de tenir en main cette épée de Damoclès dont parlait M. Bégin. Tu vas travailler à mon prix ou tu ne travailleras pas du tout. Est-ce que c'est cela qu'on appelle la libéralisation des marchés? À l'heure actuelle, même la clause 75-25 du MTQ, nos membres sont présents dans une proportion d'au moins 60 % sur le transport d'asphalte et d'au moins 90 % sur les chantiers fermés. Mais, à l'heure actuelle, des tarifs sont fixés. À quel prix travailleront-ils demain dans un monde sans réglementation?

Le but recherché par les donneurs d'ouvrage est une vision à court terme: Faire chuter les prix de transport et hausser leurs profits. Saviez-vous que, dans plusieurs fixations particulières de taux entendues par la Commission des transports du Québec, l'entrepreneur admettait avoir utilisé le tarif obligatoire pour les fins de calculer sa soumission auprès de l'organisme public et admettait également que toute réduction de tarif ne viendrait servir qu'à augmenter son profit? L'ACRGTQ prêche qu'il en coûtera moins cher de déréglementer. Pourtant, elle n'a pas par le passé fait bénéficier le secteur public des économies faites sur le transport via le biais des réductions tarifaires.

Donner raison à ces donneurs d'ouvrage et déréglementer totalement, c'est leur remettre l'épée de Damoclès entre les mains. Adopter le projet de loi, c'est permettre une transition harmonieuse entre gens civilisés.

Nous avons cependant certains commentaires très particuliers à faire sur des points dans le projet de loi. Le premier va s'adresser aux camionneurs éligibles, et je vais carrément sauter la partie qui a été abordée par Me Beaudet ce matin, puisqu'on a le même problème dans nos régions. Mais je voudrais tout simplement attirer votre attention sur une déclaration que faisait M. René Brassard de l'ACRGTQ, toujours à la commission parlementaire du 8 avril 1998 sur le projet de loi n° 416.

M. Brassard indiquait à M. Middlemiss: «Qu'il y ait un camionneur artisan qui soit un véritable artisan, on n'a pas de problème avec ça. C'est quand un camionneur artisan change de chapeau et que, le lendemain matin, dans un village quelconque, l'entrepreneur local, lui, se fait compétitionner sur une soumission par le gars qui ne l'a pas – supposons qu'il ne l'a pas – mais que, le lendemain matin, il est obligé de l'engager pour faire son transport. C'est un petit peu difficile, hein? Et c'est cette situation-là que, si on était capable de régler, moi, je pense qu'on aurait réglé un bon bout du problème.»

En bref, la demande formulée par M. Brassard était que l'entrepreneur ne soit pas obligé d'engager comme transporteur celui qui a compétitionné contre lui. Nous avons proposé une solution alternative qui était d'inclure une clause dans le contrat d'adhésion. Nous croyons que cette solution alternative permet au camionneur de faire son choix.

Vous retrouverez également trois autres points particuliers de notés dans le cahier – je ne ferai que vous en donner les titres – peut-être problème de compréhension de notre part, mais nous tenons tout de même à les souligner: le financement des organismes régionaux; les titulaires de permis dans plus d'une région; et la possibilité des réorganisations régionales que nous n'avons pas retrouvée.

En bref, nos régions supportent – et là vous aviez une coquille – en tout cas, sous réserve de nos commentaires particuliers dont, nous espérons, vous tiendrez compte, l'adoption du projet de loi n° 89 parce qu'il représente la seule alternative responsable à la déréglementation fédérale en accord avec l'objectif de libéralisation des marchés.

Nous vous remercions de cette période. En annexe, vous retrouverez, à l'onglet 1, tous les jugements des tribunaux supérieurs concernant la validité ou l'invalidité des clauses municipales – pour ceux qui voudraient prétendre que ces clauses ont toujours été reconnues comme invalides, puisque l'assertion est fausse – et, à l'onglet 2, vous retrouverez tous les jugements rendus contre M. Henri Sauriol. Malheureusement, je n'ai pas inclus le jugement contre Transport Jomani.

Le Président (M. Lachance): Merci, Me Trudeau. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, Me Trudeau. Tout d'abord, je suis content que vous ayez abordé concrètement ce qui était déréglementé parce qu'on n'a pas le temps dans 15 minutes de, souvent, répondre à toutes les allégations d'un mémoire. Mais le fait de donner un portrait global de ce qui est déréglementé signifie carrément qu'il y en a qui vont devoir nuancer au moins leur jugement à 70 %. C'est un minimum qu'on peut exiger, ça, par rapport aux faits réels. Et, si on poussait plus loin, tous les travaux faits par une ville qui sont non subventionnés par le ministère des Transports, c'est complètement déréglementé: ils peuvent s'ils le veulent. Mais, quand on sait que Montréal a déjà annoncé qu'elle ne voulait pas, ça doit être un morceau assez important dans la collectivité québécoise, une ville de 1 000 000 quelque chose.

Deuxièmement, on a laissé croire que les travaux d'égout et d'aqueduc étaient dans le droit. Ce n'est pas le ministère des Transports qui subventionne les égouts puis les aqueducs. S'il vous plaît, cessons de charrier, là! C'est l'argent du ministère des Transports. Je ne m'engage pas pour les autres ministres, moi. Je m'engage sur les agrégats qui sont payés par le ministère des Transports. Si on a laissé croire à des gens... Parce que, de bonne foi, il y a des gens qui sont venus me dire: Bien, voici l'interprétation qu'on nous a donnée. Je viens d'apprendre ça, là, ça ne fait pas trop longtemps. J'ai dit: Eh! j'espère qu'on n'a pas poussé jusque-là. Mais on a poussé jusque-là. C'est pour ça que, quand on sent toute l'information fautive qui circule ou l'interprétation erronée qui circule, je pense qu'on se doit de rectifier.

Et je profite donc de votre témoignage pour en rectifier un bout, puisque vous avez rectifié les secteurs déréglementés. Je voudrais aussi dire: On n'est pas dans les égouts et les aqueducs, là; on est dans le système routier, puis c'est les agrégats payés par les subventions gouvernementales, sauf une ville qui aurait un protocole avec nous puis que, là, on paierait. Là, c'est le «doit» et non le «peut». Il faut être très clair dans le... J'aime ça quand les choses sont claires, moi, j'aime ça quand on ne charrie pas, qu'on dit exactement, quand c'est blanc, c'est blanc; quand c'est noir, c'est noir. Et vous m'offrez l'opportunité de le dire.

Vous n'y allez pas de main morte dans vos jugements – que je ne commenterai pas – quant aux organismes concurrents. Je vais vous laisser porter le poids de vos allégations. Ça n'a pas l'air de vous fatiguer trop, trop, par exemple.

Mme Trudeau (Céline): Non.

M. Chevrette: J'ai bien vu ça. Je voudrais peut-être vous poser deux questions. Une que j'ai posée à M. Beaudet et M. Clément Bélanger ce matin: Demeurez-vous ouverts à vous asseoir et parler avec l'ACGRTQ concernant la lettre d'entente qui a été signée?

Mme Trudeau (Céline): Nous l'avons toujours été et nous le sommes toujours.

M. Chevrette: Merci. Deuxième question: Est-ce que vous étiez là quand il y a eu une entente de principe, le 11 juin?

Mme Trudeau (Céline): Oui.

(16 h 50)

M. Chevrette: Qui a changé d'idée après le 11 juin?

Mme Trudeau (Céline): En fait, c'est à la demande de l'ACRGTQ que les modifications ont été faites.

M. Chevrette: Est-ce que vous étiez là quand on a signé la lettre d'entente pour la négociation de bonne foi, même si l'entente était conclue?

Mme Trudeau (Céline): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous êtes au courant si, oui ou non, le contenu de cette lettre d'entente a été divulgué à l'ensemble des entreprises appartenant à l'ACRGTQ?

Mme Trudeau (Céline): Je ne saurais vous dire. Ça, je ne le sais pas.

M. Chevrette: Est-ce que vous êtes au courant que l'ACRGTQ m'a demandé de reprendre les négociations, sur une clause 50-50 par exemple, puis que par la suite ils m'ont demandé de ne pas le faire?

M. Garand (Jean-Pierre): Le 13 octobre dernier, lorsqu'on a paraphé une entente de principe et que, le 14, on l'a officialisée, le 14 au matin, on a appris que les gens de l'Association des grands travaux demandaient à rouvrir l'entente qui avait été signée la veille. Et, oui, on le savait, sauf que, je vais vous dire, en tant que représentants du Regroupement, on avait une certaine frustration parce qu'à plus d'une occasion on avait tendu la main aux Grands travaux pour être signataire de cette entente-là. Et, à plusieurs occasions également, ils se sont retirés de tables de négociation. Ça fait qu'on avait beaucoup de difficulté, ce matin-là, à permettre aux Grands travaux de réembarquer à brûle-pourpoint dans le train. Mais, malgré tout ça, notre bonne volonté étant là, nous avons signé une lettre d'intention permettant des discussions possibles sur l'entente qui avait déjà été signée.

M. Chevrette: Je vais vous la reposer de nouveau: Si, demain matin, l'ACRGTQ disait: Je suis prêt à m'asseoir avec le ministère et avec la 03, 05, 06 et l'ANCAI, vous seriez présents?

M. Garand (Jean-Pierre): Oui.

Mme Trudeau (Céline): Oui.

M. Chevrette: Avec beaucoup d'ouverture d'esprit?

M. Garand (Jean-Pierre): L'ouverture d'esprit qu'on va avoir, M. le ministre, elle va toujours être dans le principe d'une négociation équitable, de bonne foi et d'équilibre de forces.

M. Chevrette: Est-ce que vous reconnaissez qu'on aurait eu avantage, tous, qui que nous soyons, même si ça nous amenait à déposer un peu d'eau dans notre vin, à avoir une entente collective, y compris l'ACRGTQ?

M. Garand (Jean-Pierre): Moi, en ce qui me concerne, je pense que – j'oeuvre dans le domaine depuis 1978, je suis au sein des mouvements depuis 1984 et j'ai également été au mouvement provincial voilà quatre ans passés et même président à l'époque – on a tendu la main aux Grands travaux pour assainir des relations de travail à tout le moins ou assainir des relations de chantier et, malgré tout, je peux vous dire que – en tout cas, je peux parler au nom de ma région et également de 03 et 05 – il y a des relations qui sont saines avec des entrepreneurs, il y a des ententes qui sont signées avec des entrepreneurs pour faire des travaux durant une saison estivale, et les relations, je pense, en tant que négociateurs, on n'a pas de reproches comme tels à nous faire. Sauf qu'il y a toujours certaines gens qui n'acceptent pas ou qui ne veulent pas faire de bonnes relations et qui branlent le bâton.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez été accosté, vous? Est-ce qu'on vous a accosté pour vous dire: Pourquoi... C'est Brabant? Je ne me souviens plus, j'ai un blanc de mémoire sur votre nom.

M. Garand (Jean-Pierre): Garand.

M. Chevrette: M. Garand. J'étais après vous appeler Brabant. Ça aurait pu vous choquer. M. Garand, est-ce que vous avez été accosté puis vous vous êtes fait dire: Mais pourquoi tu refuses que ma petite compagnie soit membre de ton poste de courtage? Moi, je me suis fait dire ça par trois, quatre entrepreneurs puis j'ai même lu des articles de journaux disant que c'était la faute du gouvernement et de l'ANCAI si les camionneurs de petites entreprises n'en font pas partie. Est-ce que vous vous êtes fait aborder dans ce sens-là?

M. Garand (Jean-Pierre): Oui, je me suis fait aborder sur le plan régional, et je peux même vous dire que, sur le plan local, j'ai un camionneur particulièrement qui, lorsque je suis retourné chez moi, m'a accosté très sévèrement et a dit: Comment ça se fait que tu me mets dehors? Parce qu'il était membre de notre organisme. J'ai dit: Moi, je ne te mets pas dehors. En ce qui nous concerne, on avait paraphé une entente de principe en juin qui permettait à tous les gens de faire partie de nos organismes et qu'on a rouverte au retour des négociations, de bonne foi, souhaitant que les Grands travaux soient signataires de cette entente-là permettant d'exclure certaines catégories de gens, et à la demande des Grands travaux.

Parce que, nous, on a toujours émis le commentaire que les gens qui s'assoyaient sur deux chaises, on pouvait se permettre d'utiliser d'autres mécanismes pour satisfaire nos donneurs d'ouvrage.

M. Chevrette: Merci infiniment.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je veux peut-être juste comprendre certains points du mémoire de façon plus particulière. Mais, avant d'aborder ça, disons que j'aimerais peut-être juste essayer, en tout cas, de compléter peut-être une réponse que le ministre vient de donner. Le ministre disait tout à l'heure qu'il s'occupait juste des contrats qui seraient donnés par le ministère des Transports et qu'il ne s'occupait pas des choses des autres ministères et que ça circulait, là, qu'il y avait des rumeurs à l'effet que...

Je ne comprends pas tellement la remarque que le ministre vient de faire, dans la mesure où, dans l'entente qui a été signée entre l'ANCAI et le ministère des Transports, à l'article 4, on dit: Le ministre fera la promotion de ces mesures contractuelles auprès d'Hydro-Québec, de la Société québécoise d'assainissement des eaux et des municipalités. À ce que je sache, Hydro-Québec ne fait pas partie du ministère des Transports ni la Société québécoise d'assainissement des eaux. Donc, je pense qu'il faut rectifier un peu d'où vient cette affirmation là, et comprendre la portée de ça aussi.

Dans votre mémoire, à la page 7, vous dites: Les camionneurs non membres pourront continuer à faire ce qu'ils faisaient hier. Ils auront même l'avantage de pouvoir étendre leurs activités à toute la province de Québec et ainsi légaliser le non-respect du territoire et des tarifs dans lesquels ils se complaisaient. Est-ce que vous pourriez nous expliquer? En tout cas, pour l'avenir, vous dites qu'ils pourraient avoir accès, étendre leurs activités, à toute la province.

Mme Trudeau (Céline): C'est parce que, à l'heure actuelle, dans le système qui existe, la province de Québec est divisée en régions. Il y a 10 régions. Et chacun des titulaires de permis ne peut oeuvrer que principalement dans sa région. Avec le projet de loi qui est déposé, il n'y a plus de permis de transport en vrac. Donc, le camionneur qui ne veut pas, si vous voulez, devenir membre des organismes de courtage, n'a plus aucune frontière dans la province de Québec pour ses activités. Il va pouvoir transporter partout dans la province de Québec et même à l'extérieur si ça lui tente.

M. Bordeleau: O.K. Mais à l'exclusion des travaux qui passeront par les postes de courtage évidemment. Les travaux du ministère des Transports, tout ça, il n'aura pas accès à ça.

Mme Trudeau (Céline): Oui, oui. À l'exclusion de cette portion-là. Mais c'est un choix, en fait, qu'il va devoir faire. À l'heure actuelle, il ne veut pas faire partie du mouvement, malgré l'existence de ces clauses-là. C'est un choix qu'il va devoir faire: le partage ou l'autre flexibilité. C'est une concession que nous avons faite avec l'entente.

M. Bordeleau: O.K. À la page 10 du mémoire, on fait état de la question de l'obligation d'engager un transporteur qui aurait compétitionné sur des appels d'offres. Vous avez fait référence, là, rapidement – parce que vous n'avez pas lu cette partie-là – au fait que, dans le contrat d'adhésion, vous aviez prévu, je ne sais pas, des clauses ou quelque chose pour régler ce problème-là. Est-ce que vous pourriez nous l'expliquer un peu plus.

Mme Trudeau (Céline): De concert avec l'ANCAI, ce qui avait été proposé, c'est que le camionneur qui est également entrepreneur, qui désire devenir membre d'un courtier, au moment de son adhésion, signe un consentement par lequel il renonce à être réparti sur les chantiers pour lesquels il a déposé une soumission. Et cette renonciation-là, en fait, répond de façon favorable à ce qui avait été demandé par M. Brassard lors de la commission parlementaire. Parce que ce qui était reproché par l'ACRGTQ, c'est de dire: Il y a quelqu'un qui me compétitionne puis je suis obligé de l'engager sur le même chantier.

M. Bordeleau: O.K. Il y a une obligation, à ce moment-là, pour celui qui est membre, d'accepter ces conditions-là, de ne pas...

Mme Trudeau (Céline): C'est qu'à ce moment-là la loi devient plus coercitive. En fait, la loi donne le choix au camionneur, elle lui dit: Tu vas faire ton choix. Ou, si tu veux devenir membre du courtier, tu renonces à transporter sur les chantiers sur lesquels tu vas avoir fait une soumission ou tu décides à ce moment-là de ne pas devenir membre. Mais le choix appartient en fait au camionneur à ce moment-là.

(17 heures)

M. Bordeleau: J'ai posé la question tout à l'heure – je ne sais pas si vous étiez ici quand ceux qui ont fait la présentation précédente étaient là, je faisais référence à la difficulté qui m'avait été mentionnée par certains petits entrepreneurs qui avaient une licence d'entrepreneur général et qui se voyaient fermer la porte éventuellement au niveau de l'enregistrement au registre et, éventuellement, aux postes de courtage par le fait même. Comment vous réagissez à ça, là?

Ce qu'on perçoit, c'est qu'il y a des gens qui sont des petits entrepreneurs qui ont quelques camions, qui vont se trouver à être exclus complètement, disons, du travail des postes de courtage, alors que, dans d'autres cas – encore là, je ne suis pas un spécialiste du domaine – souvent on les a forcés, au fond, à prendre une licence d'entrepreneur général pour pouvoir soumissionner sur des appels d'offres. Et là ils prennent une licence d'entrepreneur général, mais en même temps on leur dit: À l'avenir, comme vous avez votre licence d'entrepreneur général, vous n'aurez plus le droit d'utiliser votre permis de vrac dans le cadre des postes de courtage.

Alors, ce que je perçois, c'est qu'il y en a, des petits entrepreneurs, là-dedans qui ont deux, trois camions et puis il y en a qui sont peut-être un peu plus gros, puis, par contre, on a aussi, dans le poste de courtage, des gens qui ont deux, trois camions aussi puis que, eux, ils sont membres du poste de courtage et ont accès au travail. Comment vous voyez cette réalité-là?

M. Garand (Jean-Pierre): Disons, dans un premier temps, là, vous avez fait aspect au transporteur ou à l'entrepreneur qui détenait un permis VR puis qui, selon le projet de loi, ne serait pas éligible s'il détient une licence d'entrepreneur général. Comme on disait précédemment, en juin, on ne faisait pas d'exclusion pour ces types de gens là. On a fait une entente pour ceux qui se qualifiaient comme transporteurs. Vous pouviez être un transporteur à 100 %, vous pouviez être un transporteur qui avait une autre activité quelconque puis vous pouviez être aussi un transporteur qui était petit entrepreneur et, de par obligation, on vous demandait des licences et on n'en finissait plus. On s'est réveillé avec trois pages de définitions de gens possibles qui pouvaient ou ne pouvaient pas faire partie des structures.

De là ce qu'on avait soumis en juin, c'est qu'on prend tout le monde et, à la compréhension que vous avez eue tantôt de la page 10, pour satisfaire la demande des Grands travaux, on disait que les gens, les transporteurs ou les entrepreneurs qui avaient – excusez l'expression – deux casquettes, une casquette entrepreneur et une casquette transporteur, pour ne pas compétitionner nos requérants principaux de services qui sont nos entrepreneurs généraux... Mais soit que, par une grosseur de contrat, tu n'es pas éligible dans nos structures d'organisme ou, à l'inverse, si on n'établit pas de grosseur de contrat, bien, si tu viens avec nous, tu vas avoir un choix à faire. Si tu soumissionnes contre un entrepreneur général qui n'a pas de camion ou qui fait son transport lui-même, bien tu auras le choix de dire: Lorsque je vais soumissionner contre lui, je ne vais pas sur ses travaux. Ou tu feras le choix de dire que tu n'embarques pas dans le club, puis tu feras juste de la construction ou des soumissions d'entrepreneurs. Ça fait que c'est la solution qu'on avait trouvée à cette époque-là.

Sauf qu'on a de petits transporteurs qui font de menus travaux d'excavation, surtout en milieu rural. Et, lorsqu'il fait ces travaux-là – à titre d'exemple, ça peut être une petite excavatrice, communément appelée pépine – et peut avoir à travailler auprès d'une borne-fontaine pour sa municipalité, on va exiger une licence d'entrepreneur. Bien, ce gars-là ne fait même pas de chemins, il ne fera pratiquement pas de travaux de génie civil, sauf que le fait de creuser près d'une borne-fontaine est considéré comme des travaux de génie civil. Mais ce n'est pas cet individu-là qui va compétitionner des entrepreneurs qui sont auprès de l'Association des grands travaux.

M. Bordeleau: O.K. Je vais laisser la parole à mes collègues qui ont des questions.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Évidemment, M. Garand, pour faire suite à ce que vous venez de nous dire, en fait, ce que vous proposez comme réglementation à l'intérieur de vos régions respectives, ce que vous souhaitez, est-ce que les règlements que vous allez préparer vont être sanctionnés par le ministre? Est-ce que c'est comme ça que vous voyez ça?

M. Garand (Jean-Pierre): À l'heure actuelle... Voulez-vous répondre? Allez-y.

Mme Trudeau (Céline): Bien, écoutez. Pas nécessairement. Ça pourrait se faire, comme, par exemple, si le contrat d'adhésion pouvait être adopté par règlement de la même façon que le contrat de l'AMBSQ dans le secteur forêt a été adopté. Ça peut se faire comme ça, sinon on va le faire tout simplement dans nos contrats d'adhésion respectifs.

M. Gauvin: Vous ne trouvez pas que ça ressemble à de la réglementation?

Mme Trudeau (Céline): C'est une réglementation qui est sur une base qui est volontaire parce que chaque camionneur est libre d'y adhérer ou pas.

M. Gauvin: Quand même, un peu dans le même ordre d'idée. Étant donné que le Regroupement des régions 03, 05 et 06, vous représentez ces régions-là, est-ce qu'il y a une raison pour vous amener à vous regrouper au niveau de ces régions-là? Parce que c'est des régions particulières? Quel impact ça peut avoir d'avoir une définition ou des exigences différentes par rapport à l'ensemble de l'ANCAI?

Mme Trudeau (Céline): Au départ, je pense que la seule raison pour laquelle les régions 03, 05 et 06 se sont regroupées, c'est qu'elles ne partageaient pas la vision syndicale qui pouvait être partagée par les membres de l'ANCAI.

M. Gauvin: Est-ce que votre vision est différente aujourd'hui?

Mme Trudeau (Céline): De celle de l'ANCAI?

M. Gauvin: Oui. Vous dites: Au départ, on ne partageait pas. Aujourd'hui, est-ce qu'elle est différente?

Mme Trudeau (Céline): Bien, je ne pense pas que la position syndicale ait changé pour aucune des régions, mis à part le fait qu'elles sont peut-être plus des régions urbaines, ce qui les rapproche également. Mais, ça mis à part, les intérêts que les régions ont sont communs avec ceux de l'ANCAI.

M. Gauvin: Je présume qu'il ne reste pas beaucoup de temps, je vais y aller un peu vite. Vous avez parlé tantôt du financement d'organismes régionaux. Voulez-vous nous expliquer ça? Est-ce que ça va être particulier d'une région à l'autre, le financement d'un poste d'affectation?

Mme Trudeau (Céline): Non, uniforme. C'est uniforme. En fait, ce sont... Dans l'entente, il a été mention qu'il y avait un statu quo sur le financement des organismes régionaux. Donc, rien ne changeait. Il y a eu un changement de phraséologie, qui est peut-être un problème de compréhension pour nous. Au niveau du statu quo, les membres des organismes de courtage financent également l'organisme régional. Il semble y avoir un changement. On nous dit que ça serait vraisemblablement la même chose là, mais je voulais quand même le souligner parce que je m'en voudrais de ne pas le souligner si, effectivement, il y a une correction à apporter à ce niveau-là.

M. Gauvin: Donc, ça vous inquiétait au moment où vous l'avez souligné et vous n'êtes pas rassurée aujourd'hui, là?

Mme Trudeau (Céline): C'est exact. Je ne suis pas rassurée, mais j'espère que mes assurances vont revenir.

M. Gauvin: J'ai noté que vous mentionnez à un moment donné que, à votre grande surprise, la loi telle que présentée n'était pas conforme à l'entente. Est-ce que vous aviez eu la chance... Je ne me rappelle pas à quel passage, là, mais vous avez semblé nous dire que la loi n° 89, telle que présentée, n'était pas nécessairement conforme à l'entente dont vous aviez pris connaissance et signée à ce moment-là. Voulez-vous préciser?

Mme Trudeau (Céline): Je ne comprends pas votre question.

M. Gauvin: Excusez-moi!

Mme Trudeau (Céline): À la page 13? Bien, écoutez, je vais vous donner l'exemple de la page 13. Dans l'entente que nous avons signée, il est prévu, par exemple, un statu quo au niveau des titulaires de permis, c'est-à-dire que ceux qui vont faire partie des organismes de courtage comme tels vont demeurer limités quant aux secteurs d'activité.

Quand je lis le texte, l'article 47.10 du projet de loi – c'est peut-être un problème de phraséologie, me direz-vous, des avocasseries, mais il n'empêche que je me dois, à mon opinion, de le mentionner – dans le texte qui est utilisé dans le projet de loi, il me semble qu'il peut y avoir des situations où certains permis de la région 10 pourraient devenir des permis de la région 06 ou des permis de la région 06 pourraient devenir des permis de la région 05. Ce sont des cas qui sont limités, là, mais il me semblait approprié de les mentionner dans le cadre de la présente commission.

M. Gauvin: C'est important, nous, qu'on vous pose ces questions-là parce qu'on va avoir à débattre le projet de loi article par article, et, évidemment, notre intention est d'essayer de refléter, au meilleur de notre connaissance et selon la volonté de chacun des membres ici, le mieux possible les représentations qui nous ont été faites, madame.

Mme Trudeau (Céline): Oui, oui. Je peux vous dire que, au niveau de l'article 47.10, c'est l'emploi du pluriel dans le texte qui m'inquiète.

M. Gauvin: Je voudrais juste revenir sur une mesure que vous avez...

Le Président (M. Lachance): Rapidement, M. le député, en vous signalant qu'il reste une minute du côté de l'opposition.

M. Gauvin: ...expliquée tantôt, à savoir qu'un contracteur qui aurait soumissionné et qui n'aurait pas été retenu, ses équipements ne peuvent pas être embauchés par l'entreprise qui a été retenue.

Mme Trudeau (Céline): C'est qu'il renonce à les transporter.

M. Gauvin: C'est une exigence de votre part pour être membre?

Mme Trudeau (Céline): C'est ce qu'on...

M. Gauvin: Ça peut-u ressembler à une mesure punitive ou quoi?

(17 h 10)

M. Garand (Jean-Pierre): Non, c'est une exigence de notre part pour satisfaire les entrepreneurs des Grands travaux. Parce que, comme je vous ai expliqué précédemment, on a des transporteurs qui sont uniquement transporteurs et on a des transporteurs qui peuvent détenir une casquette transport puis une casquette entrepreneur. Pour démontrer notre bonne foi, ne pouvant brimer les droits de personne – parce que certains entrepreneurs, ce matin, sont venus dire qu'ils ne pouvaient pas faire partie de nos organismes – on vous soumet bien humblement à dire: On est disposé à les prendre, mais, pour répondre à la demande des entrepreneurs faisant partie des Grands travaux, ces gens-là qui voudront les compétitionner ou manger, entre guillemets, dans deux assiettes, ils auront un choix à faire.

M. Gauvin: J'y reviens. Juste une dernière question, M. le Président, une courte question. J'ai retenu un peu, des explications que M. le ministre a données tantôt, qu'il voulait clarifier une chose. Il dit: Je tiens à clarifier une chose, c'est que ça ne touche que les contrats qui ont été donnés par le ministère des Transports ou ceux où il y aura eu un protocole, une municipalité qui aura un protocole avec le ministère.

Il va falloir retenir une chose, M. le ministre – et je pense qu'on va avoir la chance d'en reparler – c'est que les protocoles, c'est et le ministère des Transports... ça peut être avec Hydro-Québec, ça peut être avec le ministère de l'Environnement, ça peut être avec plusieurs ministères. Nous, on va devoir clarifier qu'est-ce que ça veut dire, les volumes d'affaires qui sont touchés par la loi n° 89.

Mme Trudeau (Céline): Je veux juste vous faire un commentaire sur ce point-là. C'est que je peux vous dire que nous avons été parmi, les régions 03, 05, 06, les premiers – excusez – à nous plaindre du peu de promotion que le ministère faisait de ces clauses-là. Pour nous, il n'y a rien d'acquis. La seule chose qui est acquise par l'entente, c'est le MTQ. Au niveau des municipalités, le travail est à faire et à refaire. Au niveau d'Hydro-Québec, il y a déjà eu des rencontres qui ont été faites conjointement ANCAI-Regroupement; je pense qu'il y en a eu également au niveau de l'UMQ et de l'UMRCQ – leur nouveau nom. Donc, ce sont des démarches qui sont entreprises par les deux regroupements de la même façon qu'ils feraient, si vous voulez, pour aller négocier un contrat avec une entreprise privée.

M. Gauvin: Juste une... Ce n'est pas une question en terminant, M. le Président. C'est que je vous invite, votre groupe et ceux qui ont passé avant et ceux à venir, si jamais vous avez de la représentation à faire ultérieurement – soyez bien à l'aise – qui pourrait nous aider à mieux comprendre la situation dans chacune des régions et faire refléter, par la loi, une meilleure application... Parce que souvent on a passé des lois comme celle-là – M. le ministre qui a une très grande expérience ici, à l'Assemblée nationale, et qui, assez souvent, défend ces projets de loi là avec, justement, une assurance qui pourrait être considérée par certains peut-être un peu exagérée... Nous sommes tout à fait à l'aise, nous, parce que nous avons l'habitude de travailler ensemble, pour vous dire que nous allons devoir surveiller article par article, parce que ces projets de loi là, parfois, on est obligé d'y revenir, quelques mois après, pour modifier et amender, quand on n'a pas fait tout le travail qui doit être fait ici, dans cette Assemblée.

Le Président (M. Lachance): Bon. Votre message est passé, M. le député de Montmagny-L'Islet. J'ai été assez large, on a dépassé de trois minutes.

M. Chevrette: Ah! ça me fait plaisir, ça me fait une entrée.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Sa conclusion me fait une entrée. J'aime mieux avoir l'air sûr de moi que l'air d'un peureux de corneille, personnellement.

Ceci dit, je voudrais vous dire ceci. Je voudrais réitérer, suite à des questions de M. le député de Montmagny, sur le fameux «doit» ou «peut»... Je vais le réexpliquer. Les seuls moments, dans la loi, où c'est marqué «doit», c'est lorsque le ministère est directement impliqué, que ce soit lui-même, dans ses travaux, ou, avec un protocole d'entente, dans une municipalité. Dans tous les autres cas, c'est «peut». Ça, j'espère que c'est clair, c'est «peut», c'est ça qui est marqué. Ça ne veut pas dire que je ne me ferai pas le promoteur, mais c'est «peut». Hydro-Québec, c'est «peut»; les travaux des villes toutes seules, c'est «peut». Il n'y a pas... C'est vraiment déréglementé totalement à ce niveau-là.

D'autres choses. Vous avez parlé du contrat d'adhésion. Je ne sais pas si c'est le député de Montmagny qui a parlé du contrat d'adhésion ou M. le député de l'Acadie. Le contrat d'adhésion, il sera dans le règlement, formule standard type. Y a-tu d'autres choses que je pourrais dire? Non, c'est assez. Merci. Bonjour. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Merci, madame, messieurs du Regroupement des régions 03, 05 et 06 de l'Association nationale des camionneurs artisans.

J'invite les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Mesdames et messieurs, je prie le porte-parole du groupe de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Néron (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean-Pierre Néron, je suis conseiller juridique à la FTQ. Je vais vous présenter les membres de la délégation qui sont avec moi: à ma droite, M. Clément L'Heureux, vice-président de la FTQ et directeur du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, communément appelé le SCEP; à sa droite, M. Frédéric Nadeau, conseiller juridique du même syndicat; à ma gauche, M. Mario Sabourin, du Syndicat des métallos.

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous rappelle, comme à tous les autres groupes qui vous ont précédés, le 15 minutes de présentation.

M. Néron (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Je remercie le ministre et la commission de nous avoir invités à participer à ces débats.

Le Président (M. Lachance): Juste avant d'aller plus loin, est-ce que vous avez des documents à nous déposer ou si c'est une présentation? Vous avez le droit de le faire, il n'y a pas de problème.

M. Néron (Jean-Pierre): On n'a pas de document parce que justement ça a été comme un peu pour nous – c'est ce qu'on va dire tout de suite – à la dernière minute qu'on intervient. Donc, ça va être une présentation orale.

Le Président (M. Lachance): Très bien.

M. Néron (Jean-Pierre): Et il faudra se fier aux galées pour savoir ce qu'on aura dit exactement. On se lira dans les jours qui suivent.

Avant d'aborder tout de suite le fond, disons que nous sommes présents dans le secteur du vrac par les deux syndicats qui m'accompagnent, tant le Syndicat des métallos que le Syndicat du SCEP.

Maintenant, d'entrée de jeu – je pense qu'on a fait un communiqué de presse aujourd'hui qui en fait état – on pense que le projet de loi n° 89, tel qu'il est actuellement, ne tiendra pas la route, et on va l'aborder un peu plus loin.

Sur la démarche, on est invité aujourd'hui, le 3 décembre, à réagir. On a été avisé il y a quelque temps... assez court. On a des gens qui travaillent dans ce secteur-là, des gens qu'on aimerait consulter pour être capable d'avoir une argumentation beaucoup plus solide.

Je vous rappelle que le projet de loi a été déposé le 11 novembre. Il y a eu une entente qui a été signée avec l'ANCAI vers le 13 ou 14 octobre, une entente qui a été signée en catimini, une entente qui n'était pas disponible pour nous, donc une entente qui a été signée avant le projet de loi et sur laquelle, naturellement, il n'y a pas eu de consultation. Alors, là, on est invité. Bien, on dit: Bravo, c'est bien. Mais on a l'impression, finalement, qu'on assiste à un slow entre le gouvernement et une association. Cela dit, étant donné qu'on n'a pas eu tant de temps que ça, on va s'en tenir aux principes qu'il nous semble important d'aborder à l'égard de ce projet de loi.

La FTQ est en faveur d'une association unique pour représenter les camionneurs, et ça, c'est un discours qu'on tient ici dans le vrac mais qu'on tient également – et M. Chevrette le sait – dans le secteur général. Maintenant, quand on dit «une association unique», ce n'est pas nécessairement la FTQ; il faut être clair là-dessus, ce n'est pas ça qu'on essaie de dire. Mais c'est une association – et, pour nous, c'est le premier principe – qui est librement choisie et non imposée. C'est important pour nous de ne pas mélanger les genres, c'est-à-dire, il y a des fonctions de représentation puis il y a des fonctions de donneur d'ouvrage. Alors, ça, ce sont deux fonctions qui nous semblent différentes, O.K.? Représenter et défendre, c'est une chose; donner de l'ouvrage, c'en est une autre. On risque de créer de la confusion.

Deuxième élément. Pour avoir accès au marché public, il faudra être membre d'un poste de courtage – en tout cas, c'est la lecture qu'on fait – et ce poste de courtage là, finalement, sera mis en place, en tout cas fonctionnera par une association que certains n'auront pas forcément choisie. Et il faut remarquer aussi que, pour faire partie de ce poste de courtage là, les camionneurs ont un délai très court et ils devront intervenir d'ici le 31 mars.

(17 h 20)

Alors, le courtage, on n'est pas contre ça, on n'est pas contre ce principe-là, ce n'est pas mauvais en soi, mais, quant à nous, ça demande une gestion où la confiance ne doit pas être mise en doute. Et tout le processus qui a été suivi, finalement, pour aboutir au projet de loi, bien il nous semble que ça a manqué de transparence.

Bon. On a rencontré, dans les quelques jours qu'on a eus, des camionneurs. On a essayé de se préparer avant de venir ici, et les gens nous ont dit: Bon, bien là la lecture qu'on fait de la loi, c'est que tout le secteur privé sera totalement déréglementé; il n'y aura plus de permis VR, etc. Alors là les gens se disent: Bien là on risque de voir arriver de plus en plus de chauffeurs, de camionneurs, dans ce secteur-là, et la première question qu'on pose au ministre, c'est: Le ministre souhaite-t-il voir arriver ce qui est arrivé dans le secteur du général, hein, où finalement cette déréglementation a fait qu'il y a beaucoup de gens qui sont intervenus, qui se sont permis de rentrer dans ce secteur-là et avec des conséquences que les conditions de travail sont déplorables? Il y a des gens qui ne savent pas du tout gérer ça, puis finalement on voit le fouillis qu'il y a là-dedans.

Dans le secteur forestier, là on va être un peu plus précis, il y a l'article 12 du projet de loi. Dans cet article-là, on parle de conciliation et d'arbitrage. Alors, on pense que ça, ça fait duplication, ça crée de la confusion parce qu'il existe déjà, dans ce secteur-là, des conventions collectives qui réglementent, finalement, le transport forestier. Puis, si vous pensez qu'il y a des problèmes dans ce secteur-là, on a eu le comité Mireault dont on attend toujours le rapport. Donc, on souhaite que finalement ce rapport Mireault sorte au plus vite de manière à ce que ça nous éclaire sur s'il y a un problème dans le secteur forestier.

Puis, quand on a regardé ça, on s'est dit: Bon, bien, c'est le fun, hein, parce que, d'un autre côté, on semble vouloir introduire une négociation sectorielle. Alors, on s'est dit: Eh, sapristi! ça fait assez longtemps qu'on demande ça, nous autres; si le ministre pouvait parler à la ministre Lemieux sur ça, on serait d'accord.

Par ailleurs, on comprend que le mandat est difficile, le mandat est très difficile pour le gouvernement, d'essayer de baliser un objectif de déréglementation pour faire en sorte que ça soit civilisé. Mais on a l'impression que la démarche est une démarche qui est forcée et qui, finalement, ne nous laisse pas le temps, quant à nous, à la FTQ et les syndicats qu'on représente, de voir tous les impacts que ça peut avoir et comment on peut s'organiser vis-à-vis de ça.

Alors, je dirais que, en conclusion, à partir du 2 janvier, la boîte de Pandore va être ouverte, O.K., avec les problématiques dont on vous fait état. Alors, pour nous, on suggère de reporter le projet de loi, de tenir des consultations, peut-être même de continuer le processus de consultation qui est amorcé actuellement au forum sur le camionnage, ce qui fait que ça nous donnerait le temps de s'exprimer et d'avoir un vrai forum où tout le monde pourra prendre connaissance des ententes et réagir à ce moment-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Néron. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, messieurs. Tout d'abord, le député d'Argenteuil s'intéressait à savoir si vous étiez mes amis. Je lui ai répondu que oui. Ceci dit, moi, ça ne m'enlève rien, je ne sais pas qu'est-ce que ça lui donne. Ha, ha, ha! Ceci dit, je voudrais quand même...

Une voix: ...

M. Chevrette: On a les amis qu'on mérite. Ha, ha, ha! Je suis très heureux de vous avoir, d'ailleurs.

Ceci dit, je voudrais vous remercier et m'excuser, dans un premier temps, parce qu'il est vrai qu'il y a une incidence – moi, je l'admets candidement, je ne suis pas habitué de cacher les choses – qui pourrait être importante entre, par exemple, les conventions collectives et... Et vous avez remarqué, on a questionné à la fois l'ANCAI, on a questionné l'AMBSQ, et l'objectif n'était pas de violer les conventions collectives d'aucune manière. Et il faudra regarder, au niveau de la loi, si ça assure bien cela, parce que je ne pense pas qu'on crée du droit nouveau en violant une loi existante. Mais ça, je l'ai déjà dit à M. L'Heureux, je crois, de façon très précise, puis je le répète publiquement ici: On n'est pas là pour ça.

Puis, sur cette partie-là, je dois vous avouer qu'on va le vérifier très correctement, s'assurer que les légistes nous disent que ça ne vient brimer en rien les contrats collectifs dûment signés. Et ça, j'ai pris l'engagement de le faire et je vais le faire, d'autant plus que les deux parties aux présentes n'avaient pas du tout pour objectif d'aller enlever des droits à des gens qui ont déjà négocié des contrats collectifs. C'était plutôt de s'en donner quelques-uns parce qu'il n'y en avait plus. C'est plutôt ça, l'objectif de l'approche que nous avons eue.

Il y a une petite correction que je voudrais apporter à vos propos. C'est la question de... le choix de l'association et le poste de courtage. L'association n'a rien à voir avec le courtage. C'est l'individu qui s'y est intéressé qui s'inscrit à un poste de courtage, sans qu'il soit membre de l'ANCAI ou sans qu'il soit membre de l'Association de... je ne me souviens plus des lettres, j'ai de la difficulté avec les sigles, mais c'est l'individu qui peut adhérer à un poste de courtage qui, lui, est obtenu par la Commission des transports indépendamment des associations existantes. Si je comprends bien, c'est un droit à l'individu de voir prioriser un de ses camions.

Je pense que ça, il faut clarifier ça, parce qu'on pourrait s'organiser pour avoir des troubles avec ça. Ce n'est pas ça qu'on veut. C'est un droit à l'individu que l'on donnait. Puis ça, vous pourrez donner votre opinion là-dessus quand même. Je voulais préciser ça parce que ou bien j'ai mal interprété vos propos ou bien c'est ce que vous avez dit et je voulais y voir une différence.

Vous me posez une question précise en ce qui regarde si je veux que ça soit exactement la même chose dans le vrac que ça a été dans le général. La question était de taille, était précise. Mais je dois vous dire que ça ne peut pas être la même chose, pour les motifs suivants. Le général, c'est de l'interprovincial ou c'est de l'international. Il y a des centrales syndicales qui ne savent même pas que ça relève du Code canadien, dans bien des cas. Il faut se dire la vérité, là: Il y en a qui se trompent de Parlement quand ils viennent manifester.

Ceci dit, d'autre part, le vrac. Le vrac, c'est vraiment local. C'est un choix qu'on fait comme gouvernement, comme législateur. On veut que le vrac, ça permette de garder les retombées dans le milieu parce que c'est du transport local. Par exemple, à Paspébiac, on voudrait qu'il y ait des gens de la place qui puissent travailler, qui puissent gagner puis qu'ils puissent réinjecter l'argent dans le milieu. C'est nettement une approche différente, complètement, du général. C'est vrai que c'est un choix, parce que ça devient quelque chose d'utile à la collectivité et c'est des retombées à la collectivité, sans, pour autant, tout réglementer.

C'est un choix qu'on a fait à court terme. Pourquoi? Parce qu'à court terme on était face au rapport Bernier. J'ai parlé avec M. L'Heureux une couple de fois. Alors, le rapport Bernier arrivait en nous proposant une formule qui se défendait mais qui ne faisait pas consensus dès le départ. On a remarqué que Mme Marchand, du Patronat, a cité plutôt la dissidence; elle n'a pas cité le rapport Bernier. Il n'y en a pas un qui a parlé du rapport Bernier de façon objective, si ce n'est le Patronat mais qui était contre.

Donc, moi, je pense qu'on n'était pas mûr, puis, c'est vrai, il n'y a pas eu de débat au Québec pour savoir qu'est-ce qu'on fait du statut d'artisan. On sait qu'on est en train, avec le taxi, de revoir un peu la réforme. Il y a tout un débat qui s'est fait au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre sur le statut de l'artisan, du travailleur autonome – on n'est pas sorti du bois là-dessus – mais le droit de représentativité, ça, je suis d'accord avec vous, il faut un certain droit de représentativité.

Si on laisse tout aller aux simples forces générales, il y a même des acquis qui vont disparaître – des acquis importants – puis on risquerait, sans représentativité... Et c'est pour ça qu'on a reconnu au moins une forme de représentativité. C'est-u une unique, comme vous préconisez? C'est-u deux? C'est-u trois? Je ne le sais pas. Mais il faut certainement parler de représentation, ça, je suis d'accord, sinon on va manquer le bateau complètement, on va se préparer des lendemains disgracieux sur le plan social. Moi, je suis convaincu de ça. Pour avoir eu de l'expérience passée, je sais comment des gens qui sont désespérés peuvent agir. Mais, à plus forte raison, vis-à-vis des gens désespérés, il faut donner l'heure juste puis il ne faut pas créer de faux espoirs.

(17 h 30)

Moi, je reconnais que votre approche de représentativité, elle est indispensable, en prenant pour acquis, à part de ça, que vous ne dites pas que c'est vous autres mêmes, mais qu'il y ait un droit à la représentativité. C'est de même que j'ai compris vos propos.

Mais j'aimerais vous entendre, plus détaillé, sur votre perspective, là. Comment vous voyez ça, globalement? Prenons dans le vrac, là. Si vous étiez ministre demain matin, qu'est-ce que vous préconiseriez, à part de faire voter la loi n° 89, pour ne pas nuire à vos conventions collectives, qu'est-ce que vous feriez de plus?

M. Néron (Jean-Pierre): Les gens qu'on rencontre disent que, s'il y avait une certaine réglementation avec les VR – il y a des gens qui ont acheté ça... À la limite, je pense que certainement je me donnerais un peu plus de temps. C'est clair. C'est clair que je me donnerais un peu plus de temps dans ça. Je suis content de vous entendre dire, sur le droit de représentativité... C'est évident, pour nous, c'est un sujet important. Puis c'est clair que ce n'est pas pour ploguer la FTQ, ce n'est pas ça. Ça, là, c'est très, très clair. Puis notre président, incidemment qui ne peut pas être là parce qu'il est à Seattle, l'a dit: Que ce soit dans le secteur du vrac, dans n'importe quel secteur, on pense que les gens, ils vont être représentés s'ils ont une seule association. Puis, si c'est la FTQ, bien, tant mieux! On aura plus de travail, c'est tout. Mais, si ce n'est pas nous autres, ça ne nous fatiguera pas.

Cela dit, quand vous parlez des... Vous dites: On veut favoriser les gens de la place, à travailler. O.K. On a rencontré des camionneurs qui disent: Voilà! Le fait d'être des marchés publics, avec ces obligations-là, finalement, à un moment donné, je ne peux même pas travailler dans la ville où j'habite. O.K.? Alors, c'est ça le problème que j'ai, vous comprenez, que je vous amène. Alors, je n'ai pas beaucoup d'explications, mais c'est ça qu'on entend, avec ce genre d'obligation d'appartenir au courtage. Puis, d'un autre côté, il regarde, il dit: Aie! le secteur privé, tabarouette, ça va être déréglementé au possible, ça va être le «free-for-all» dans ça. Alors, il y a beaucoup d'inquiétude à partir de nos gens. Comprenez-vous?

M. Chevrette: Mais comment le camionneur peut vous dire: Je ne peux pas travailler dans ma ville? S'il y a des travaux, dans sa ville, payés par le ministère des Transports ou qu'il y a un protocole entre la ville puis le ministère des Transports, il pourrait travailler selon l'entente qu'on a présentement.

M. Néron (Jean-Pierre): Ce que je comprends, c'est que, pour...

M. Chevrette: Ah oui! il a un choix.

M. Néron (Jean-Pierre): Ce qu'on nous dit, c'est que, s'il n'est pas inscrit au courtage, si la ville dit...

M. Chevrette: Mais il a un choix à faire.

M. Néron (Jean-Pierre): Hein?

M. Chevrette: Il a un choix à faire. Moi, si je veux gagner ma vie... Je suis un travailleur autonome, j'ai mon camion puis, moi, ça ne m'intéresse pas, un courtage, ça ne m'intéresse pas un poste de courtage, ça ne me tente pas, je préfère gagner ma vie en faisant, par exemple, des champs d'épuration, en transportant pour des particuliers, un petit camion de terre noire ou deux petits camions de sable, en faisant un peu de terrassement à telle place; je préfère ça, moi, au poste de courtage. Bien, il a le droit.

Quand il vient dire qu'il ne peut pas, c'est parce qu'il n'a pas voulu. En tout cas, la perception que j'ai – je peux me tromper – mais l'interprétation que j'en fais, moi, ce que j'ai compris depuis... Puis, dans le vrac, je commence à être un petit peu connaissant. J'étais là en 1977, moi, quand Beaudet a emmené sa gang alentour du Parlement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Puis j'étais avec le ministre Lessard, j'étais son adjoint parlementaire, au ministre des Transports, à l'époque, je me rappelle de ça. Et j'étais avec M. Parizeau. C'est ensemble qu'on a trouvé, vers trois heures et demie du matin, une certaine solution.

Mais l'interprétation que je fais, donc, du présent règlement, c'est que l'individu a une liberté entière d'aller au poste de courtage, s'il le veut. S'il n'y va pas, c'est bien sûr qu'il n'est pas soumis à l'entente; il a décidé de ne pas bénéficier de cette clause-là. Mais c'est un choix très, très personnel.

Puis il ne peut pas prendre exclusivement ce qu'il y a de bon. Il ne peut pas dire: Moi, je ne veux pas y aller, je ne paierai pas de courtage, mais, quand il va y avoir des travaux, je vais vouloir en faire. Écoutez, là, la crème, puis la cerise, puis le gâteau, ça ne marche pas de même dans la vraie vie. C'est ceux qui décident de se mettre en commun, de payer des cotisations, de se payer un service... C'est un choix, au départ. D'ailleurs, le syndicalisme, vous connaissez ça? Autant que moi, en tout cas.

M. L'Heureux (Clément): Autant.

M. Chevrette: Parce que M. L'Heureux est à peu près... non, il est un peu plus jeune que moi. Mais c'est quoi qu'on a dans nos conventions collectives? C'est ça. On ordonne, on harmonise, on fait quelque chose de structuré. Puis on donne des privilèges. Puis un truck, il n'y en aura pas un deuxième tant que les premiers n'auront pas tous passé. C'est une justice distributive qu'on se donne, non pas... Je trouve que, là-dessus, moi, vous avez de la misère à me convaincre un petit peu.

M. L'Heureux (Clément): M. Sabourin, peut-être.

M. Chevrette: Oui. Bonjour.

M. Sabourin (Mario): Bonjour. Écoutez, on a rencontré nos membres, mais pas en général, juste quelques-uns, comme Jean-Pierre vous disait. Ce qu'ils nous disent, c'est que, actuellement, ce qu'on en comprend, c'est qu'il va y avoir un ordre qui va être pris, exemple: t'as un camion, tu enregistres ton camion n° 1, tous les 1 vont passer en premier, après ça, ça va être les 2, ça va être les 3.

Actuellement, toujours avec ce qu'on nous dit puis les éléments qu'on a, tout le monde travaille, et là on arrive. Tu as l'obligation de faire partie d'un poste de courtage qui va te coûter x centaines ou milliers de dollars, chose qui n'était pas prévue avant. Tu ne l'avais pas à prévoir avant. Tout le monde travaillait, puis il y avait une entente, puis ça roulait.

Aujourd'hui, on dit: Il n'y a plus de VR. C'est plus réglementé que le VR, mais tu as l'obligation de faire partie d'un poste de courtage si tu veux travailler dans les grands travaux. Ils sont très, très, très inquiets. L'entente, le projet de loi, et tout ça, ce qu'on en comprend, ce n'est pas compris par l'ensemble, actuellement, des chauffeurs artisans. Ce n'est pas compris. Il y a beaucoup d'inquiétudes et les gens se posent la question: Le 1er janvier... Bien, pas le premier, parce que la majorité, s'il y a de la neige, ils vont travailler, mais, s'il n'y a pas de neige, ils devraient fêter. À partir du 2 janvier, il arrive quoi, avec nous autres? On a évidemment jusqu'au mois de mars pour s'enregistrer, si on n'est pas enregistré... En tout cas. M. le ministre, c'est plein, plein, plein d'inquiétudes. Ce n'est pas compris.

De notre côté, on n'a pas eu le temps de faire l'analyse au complet qu'on pourrait faire pour bien informer nos membres. Peut-être que ce que je vous explique là, on est complètement à côté de la coche, complètement à côté de la traque, et je ne pense pas qu'on l'est, complètement à côté, quand on parle avec eux.

Aussi, on dit que le VR, il n'en existe plus de VR, puis il y a un domaine peut-être qu'on met de côté un peu, c'est le transport de copeaux, de sciure ou de bran de scie. O.K. C'est un domaine qui est assez particulier. Actuellement, c'était réglementé. Il y avait toute la question des VR. M. le ministre, une personne qui voulait avoir un VR, ce n'était pas écrit, mais ce qui se faisait, si tu voulais avoir le permis: il fallait que t'achètes le camion ou le tracteur qui était rattaché à ça.

Il y a des gens actuellement qui ont des paiements parce qu'ils ont été se chercher des permis VR avec le tracteur qui était rattaché à ça, et on dit: Le 2 janvier – à qui veut bien l'entendre – tu peux t'acheter un tracteur et dire: Je rentre dans le transport du vrac, du copeau, ainsi de suite.

M. Chevrette: ...de vous dire que c'était imprudent, depuis deux ans. Parce que, depuis deux ans, il y avait quand même l'annonce de la déréglementation. On se comprend. Je ne veux pas... Il faut être correct dans les faits.

Au niveau de la forêt, il n'y a pas de poste de courtage; c'est pour les agrégats, ça. En tout cas, je comprends que l'information n'est pas rendue complètement, mais on a commencé la semaine dernière à donner de l'information au public de qu'est-ce que pourrait être ça. Je sais qu'il va falloir donner de l'information énormément. Puis ce débat-là, au Québec, de toute l'approche des travailleurs autonomes, est-ce que ça se transposera dans des législations du travail, éventuellement? Le rapport Mireault effectivement est attendu. Je ne sais pas quand il viendra, mais je suis prêt à prendre les informations pour vous les donner.

Ça va être la même chose dans le taxi. Il y a à la fois une loi de déposée à l'Assemblée nationale et il y a toute la... Avec le député de l'Acadie, on a entendu 53 groupes, je pense, puis on n'a pas trouvé toutes les solutions à tous les maux. C'est un gros problème. Pas un problème, c'est une grosse décision de société à prendre, le statut. Est-ce que c'est des associations professionnelles qu'on reconnaîtra? Est-ce que c'est des syndicats formellement? Un travailleur autonome, un travailleur artisan? Est-ce que le statut d'artisan sera converti en statut de syndiqué ou si ce sera plutôt une association professionnelle qui leur permettra d'avoir des avantages qui peuvent... Ils peuvent se donner des avantages d'assurance-groupe, d'assurance de toutes manières, je ne sais pas.

Mais une affaire qui est certaine, c'est qu'il va falloir distinguer, à un moment donné, entre la notion d'entrepreneur et la notion de travailleur syndiqué, au sens du Code du travail, et ça, c'est loin d'être défini. C'est loin d'être facile. Ça peut être facile au niveau d'une discussion de salon, mais, au niveau d'une question de société, vous savez que ce ne sera pas facile.

M. L'Heureux (Clément): ...faire des suggestions, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 40)

M. Chevrette: Je reconnais que vous êtes assez prospères de ce côté-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

M. Bordeleau: Peut-être deux commentaires avant de poser les questions sur certains points d'éclaircissement. D'abord, le ministre nous disait ce matin: On est dans une situation urgente et il faut que la déréglementation entre en vigueur le 1er janvier 2000. Et vous nous avez dit: Il faudrait qu'on se donne plus de temps et qu'on ait l'occasion de réfléchir à tout ça. Je pense qu'effectivement, quand on voit la complexité du problème, ça aurait été approprié qu'on ait plus de temps pour réfléchir et discuter.

Et, si on se retrouve dans la situation actuelle alors que, comme le dit le ministre, ça fait deux ans qu'on sait qu'il y a une déréglementation le 1er janvier 2000, le gouvernement aurait dû se réveiller, travailler plus vite puis arriver avec un projet de loi dans un contexte où on aurait eu le temps de faire cette discussion-là. Et ça, ce n'est pas la faute de l'opposition, bien que le ministre nous disait ce matin: Je veux que l'opposition soit bien consciente que c'est important que ça soit adopté pour le 1er janvier 2000, alors que ce n'est pas nous qui dirigions le carrosse à ce moment-là, c'est le gouvernement.

Et, si on se retrouve dans la position où on est actuellement, c'est parce que le gouvernement n'a pas allumé les lumières assez vite ou a retardé jusqu'à la dernière minute, comme il le fait souvent, puis là on se retrouve dans la position où on est actuellement à quelques jours de l'an 2000. Et là on nous bouscule puis on veut nous faire passer des projets de loi qui ont des conséquences quand même importantes. Et je pense que la remarque que vous avez faite qu'on aurait dû se retrouver dans un contexte où on aurait eu plus de temps pour analyser toute cette problématique-là est tout à fait justifiée.

Le deuxième commentaire, c'est: Tout à l'heure, le ministre – et avec raison – faisait une distinction entre être membre de l'ANCAI et être membre d'un poste de courtage. En théorie, c'est deux réalités, c'est vrai. C'est vrai que certaines personnes peuvent être membres d'un poste de courtage sans être membres de l'ANCAI, mais, si je ne me trompe pas, les chiffres qu'on nous a donnés ce matin, c'est que, sur 4 200 membres des postes de courtage, il y en a 4 000 qui sont membres de l'ANCAI.

Effectivement, c'est deux étapes. La personne est membre de l'ANCAI si elle le veut bien et elle peut ensuite demander d'être membre d'un poste de courtage. Mais il reste que les postes de courtage, c'est quand même pas mal équivalent au membership de l'ANCAI. Alors, en théorie, c'est distinct, mais je pense que, en pratique, il faut quand même prendre en compte cette réalité-là.

Les questions que je voudrais vous poser: vous avez fait référence tout à l'heure, quand vous parliez des postes de courtage puis... Vous dites: Le fonctionnement d'un poste de courtage est basé sur la gestion et la confiance, si je me souviens bien des termes que vous avez utilisés. Et vous avez dit: Le processus, au fond, manque, jusqu'à un certain point, de transparence. J'aimerais ça que vous soyez plus explicite et que vous nous disiez à quoi vous pensiez exactement quand vous avez fait référence à ce point-là en particulier.

M. Néron (Jean-Pierre): Certainement. Effectivement, vous abordez le point principal. C'est que vous dites: C'est vrai, on n'a pas besoin d'être membre pour être dans le poste de courtage, puis les chiffres font en sorte que peut-être il n'y a rien dans le projet de loi. Mais, dans le processus, c'est ça, la vraie vie, 4 000 sur 4 200. Alors, on comprend aussi que, pour démarrer un autre poste de courtage, bien, il faut rentrer là pour pouvoir, après ça, sortir 40 % pour en faire un autre. Donc, ça veut dire que ce poste de courtage là va fonctionner avec les organisations qui sont déjà là.

Alors, compte tenu qu'on est devant un projet de loi puis un processus où on n'a pas eu tous les éléments, c'est pour ça que, pour nous, on dit que le processus de courtage, c'est un processus naturellement où on va distribuer les tours de rôle. Donc, c'est important qu'on ait confiance que personne ne joue des passes, dans ça. O.K.? Alors, si j'arrive là-dedans puis que je ne suis pas membre de ça, finalement, comment je vais être traité? C'est ça que les gens se disent. Alors, c'est pour ça que la confiance, c'est un élément important dans ce processus-là. O.K.?

Je ne dis pas que les gens sont de mauvaise foi, là, mais je veux dire, l'apparence, c'est quelque chose qui est très important. Alors, on se dit: Bien là la gestion, ça ne doit pas être mis en doute. Il faut que le processus, tout le monde comprenne comment ce processus-là fonctionne, que ce soit très, très clair, quelles sont les nouvelles règles qui vont s'appliquer dans ça. C'est pour ça qu'on se dit: Donnez-nous un peu de temps.

M. Bordeleau: Je voudrais bien comprendre, et je vais vous poser une question, je pense, importante, d'éclaircissement. Au moment où vous faites ces commentaires-là, vous nous dites, bon: C'est une question de principe, si on veut. Mais ce que je voudrais savoir, c'est: Est-ce que c'est seulement une question de principe ou si ça fait suite à des commentaires que vous avez eus de la part de gens du milieu à l'effet qu'il y avait des problèmes en réalité, ou si on est tout simplement dans la sphère de la réflexion et de l'abstrait?

M. Néron (Jean-Pierre): Non, non, nous avons eu des commentaires.

M. Bordeleau: Vous avez eu des commentaires qu'il y avait des...

M. Néron (Jean-Pierre): Oui, oui. Mais, vous savez, des commentaires, moi, je ne fais pas de... À partir des commentaires qu'on entend, je ne peux pas faire une déclaration en disant: C'est ça. Comprenez-vous?

M. Bordeleau: Je comprends.

M. Néron (Jean-Pierre): Mais ça allume une lumière chez moi qui dit: Oh! ça, c'est un processus qui est un processus super, de répartir... Puis, quand le ministre dit: On donne ça à tour de rôle, je trouve ça super, de répartir équitablement, je pense que, comme syndicaliste, on est d'accord avec ça, là. Mais on se dit: Il faut que ça soit un processus qui ait toute la transparence, toute la confiance possible. C'est ça qu'on dit.

M. Bordeleau: Mais, selon les informations que vous avez eues, sans se prononcer à savoir si c'est marginal ou généralisé – et je ne veux pas dire que c'est généralisé – les commentaires que vous avez eus, ça peut être marginal, mais il existe des problèmes à certaines places.

M. Néron (Jean-Pierre): Là, oui, mais je ne peux pas qualifier si c'est marginal ou quoique ce soit. Absolument pas.

M. Bordeleau: Ça va. O.K. Je comprends très bien. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Il vous reste suffisamment de... Il reste un bon 10 minutes.

M. Bordeleau: O.K. Je veux juste poser une autre question puis je vais laisser la parole à mes collègues par la suite. Quand vous avez fait votre présentation, tout à l'heure, vous avez fait référence au fait que vous étiez impliqués dans deux syndicats dans le domaine du camionnage de vrac. Vos syndicats regroupent quel genre de membres exactement? Où sont ces membres-là que vous regroupez, dans le domaine du camionnage en vrac?

M. Néron (Jean-Pierre): Alors, on a des gens qui sont dans le vrac, il y a des gens qui sont touchés par la réglementation dans la loi n° 89. Alors, je peux laisser...

M. L'Heureux (Clément): Chez nous, le SCEP, on représente des travailleurs forestiers. On est touché, donc, par la partie du transport en forêt.

M. Bordeleau: O.K.

M. L'Heureux (Clément): Alors, comme M. le ministre l'a indiqué tantôt, la partie qui nous inquiétait, c'est la partie de négociation des conditions de travail qu'on peut voir dans cette loi-là.

M. Bordeleau: O.K. L'autre groupe, il est dans quel secteur? Vous avez parlé de deux syndicats, c'est ça?

M. Sabourin (Mario): Pardon?

M. Bordeleau: Vous aviez parlé de deux syndicats.

M. Sabourin (Mario): Oui, c'est ça. Nous, c'est le Syndicat des métallos. C'est l'Association professionnelle des chauffeurs de camions. On est à la FTQ. Nous, c'est dans l'agrégat, avec des bennes basculantes, et aussi dans le copeau puis le bran de scie.

M. Bordeleau: Vos membres, à ce moment-là, ils travaillent pour qui, ces membres-là? Ils sont où?

M. Sabourin (Mario): Bien, ils sont partagés à travers la province.

M. Bordeleau: Non, mais, je veux dire, ils travaillent pour des entrepreneurs? Ils travaillent pour des contracteurs? ils sont...

M. Sabourin (Mario): C'est des propriétaires artisans, nos membres, dans l'Association.

M. Bordeleau: C'est des propriétaires artisans.

M. Sabourin (Mario): Oui.

M. Bordeleau: Mais ce n'est pas des gens qui travaillent pour des contracteurs nécessairement. Vous n'avez pas de syndicat pour ce genre de travailleurs là.

M. Sabourin (Mario): Mais ce n'est pas des groupes, là, des contracteurs. C'est des propriétaires artisans qui se joignent à l'Association.

M. Bordeleau: C'est des propriétaires, O.K. C'est juste ça que je voulais bien saisir. Merci.

Une voix: Moi, je n'ai pas de...

M. Bordeleau: Tu n'as pas de question.

Une voix: Non, elle a été répondue.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. J'aimerais revenir sur la question de mon collègue. Avez-vous, dans vos membres, des gens qui sont des conducteurs qui travaillent pour des entreprises, des entrepreneurs-généraux, qui font des grands travaux, qui, avec l'application de la loi, viendraient à ne plus pouvoir transporter sur certains chantiers?

M. Sabourin (Mario): Bien, écoutez, on a eu certaines discussions à ce sujet. On n'a pas enquêté puis validé au fond, mais on a des propriétaires artisans – ils se trouvent à travailler pour des entrepreneurs avec leurs camions – qui disent que, avec l'entente qui est là, qu'est le projet de loi, ils vont être appelés à se trouver d'autres choses. Et ils travaillent sur une base régulière toujours avec les mêmes entrepreneurs pour les grands travaux. O.K.

M. Whissell: Mais, quand on prend une compagnie – tantôt, on en citait quelques-unes – comme Louisbourg Constructions, les employés normalement sont syndiqués, est-ce que vous en avez, de ces conducteurs-là, dans des grosses entreprises, qui ne pourront plus, dans le fond, continuer à transporter sur certains chantiers?

M. Sabourin (Mario): Écoutez, vous répondre bien clairement: Oui, on en a. Non, parce que, quand on a eu les discussions, c'étaient les propriétaires artisans qu'on rencontrait. Peut-être que, là-dedans, il y en avait, des chauffeurs, mais on n'a pas sorti, de la liste exacte, qui fait quoi, et ainsi de suite.

M. Whissell: Vous n'en avez pas du tout?

M. Sabourin (Mario): Je ne peux pas vous dire si on en a directement, non. On a les propriétaires artisans. Le propriétaire artisan, il peut avoir un chauffeur à l'occasion sur son camion qui est membre de l'Association. Mais vous dire exactement, à votre question, que quelqu'un qui travaille pour un entrepreneur, avec ce projet de loi il ne travaillera plus chez cet entrepreneur-là, vous dire qu'on a eu cette discussion-là, ça serait faux. Puis je l'ai dit: On n'a pas eu le temps d'aller en profondeur puis aller prendre toutes des discussions qu'on aurait aimé prendre dans le système.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

(17 h 50)

M. Bordeleau: Oui, une dernière question. Tout à l'heure, dans votre présentation, vous nous aviez mentionné aussi que, si on avait plus de temps, on aurait l'opportunité peut-être de faire des études d'impact de la législation qui nous est proposée. Ce n'est pas une question que j'adresse à vous, c'est une question que j'adresse plus au ministre. M. le ministre, tout à l'heure, on parlait des études d'impact et je voudrais savoir: Dans le cas du projet de loi n° 89, est-ce que vous avez eu des études d'impact au plan économique et des conséquences de l'application du projet de loi n° 89?

M. Chevrette: Ce sont les mêmes personnes, les mêmes tarifs. L'impact économique n'est pas majeur, là.

M. Bordeleau: Il n'y a aucun impact économique à nulle part pour personne?

M. Chevrette: Je ne vois pas en quoi il le serait. Il y a à peine une portion de 10 % de travaux qui est transférée, selon ce qu'on a calculé, puis c'est au même tarif par les mêmes personnes. C'est juste une prolongation de ce qu'il y avait. Le 200 000 000 $ qui a été annoncé dans les journaux par je ne sais pas qui, il va falloir qu'ils se démènent pour nous démontrer ça.

M. Bordeleau: Alors, si je comprends bien, actuellement, vous prétendez qu'il n'y a pas d'impact économique; c'est des déplacements. O.K.

M. Chevrette: Peut-être un impact économique dans le sens qu'il va y avoir un peu plus d'argent qui va aller aux artisans parce qu'on parle de 12 % de plus ou 10 %. Ça, c'est un déplacement. Bien, un déplacement à 47 $ par rapport à 32 $ de l'heure, par le décret de la construction, plus la gazoline, plus tout, moi, je pense que c'est des comparables. S'il y a quelque chose, ça va être peut-être une économie pour l'ACRGTQ.

M. Bordeleau: Donc, on aura l'occasion de voir un peu, au niveau des présentations des autres, qu'est-ce qu'ils en pensent. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, merci, messieurs de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures, ici même, dans cette salle.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac. Alors, pour terminer ces consultations, nous aurons tour à tour l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec; l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec; et, finalement, l'Union des municipalités du Québec.

Alors, bienvenue aux membres de l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec. Et je demanderais de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.


Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec inc. (APMLQ)

M. Grenier (Yvan): Alors, bonsoir. Mon nom est Yvan Grenier. Je suis le directeur général de l'Association, à la permanence. À ma droite, c'est M. Jean-Noël Francoeur, vice-président aux transports et au déneigement de l'Association.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, messieurs. Et je vous indique que vous avez, tel que convenu, 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

M. Grenier (Yvan): Merci. Alors, bonsoir. Permettez-nous tout d'abord de vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée d'exprimer le point de vue de nos membres face au projet de loi n° 89 touchant la majorité de nos entreprises. L'Association des propriétaires de machinerie lourde, l'APMLQ, regroupe depuis maintenant 34 ans près de 400 entreprises réparties à travers tout le Québec. Ces entreprises sont majoritairement des PME et elles oeuvrent dans les différents secteurs d'activité suivants: déneigement provincial et municipal, excavation...

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. Grenier.

M. Grenier (Yvan): ...transport en vrac, exploitation de bancs de gravier, entretien d'infrastructures, gérance et sous-traitance pour la construction d'infrastructures, aqueduc et égout.

Donc, comme vous pouvez le constater, ces entreprises ont à travailler de façon très polyvalente dans tous les secteurs d'activité reliés à la machinerie lourde. Cette mise en situation nous apparaît essentielle pour bien vous faire comprendre notre position qui, du fait de la diversité de nos membres, ne peut être drastique ni dans un sens ni dans l'autre.

Nos entreprises membres sont depuis plusieurs années à la fois des transporteurs en vrac et des donneurs d'ouvrage dans ce secteur d'activité, tant l'été que l'hiver. De ce fait, vous allez comprendre que les intérêts de chacun sont souvent divergents. L'APMLQ a participé, dès sa création, à la Table de concertation sur le transport en vrac des agrégats, et, afin de bien connaître le pouls de nos membres, nous avions procédé à un sondage portant sur quatre sujets clés: le prix, les clauses de protection, le système de courtage et la définition du camionneur artisan.

Il est ressorti de ce sondage que la majorité des membres ne voulait pas d'une déréglementation complète du système et qu'un prix minimum devait continuer de s'appliquer à l'ensemble du marché. Au niveau des clauses de protection, communément appelées 75-25, et du système de courtage actuel, nos membres étaient divisés 50-50. Mais il en ressortait cependant un besoin de rajeunissement et de simplification du système afin de faire face aux nouvelles exigences du marché.

(20 h 10)

Pour ce qui est de la définition du camionneur artisan, il y avait un large consensus à l'effet que la définition se devait d'inclure toute entreprise de camionnage en vrac régionale ou locale. Le but de nos membres réside dans la protection du transporteur régional ou local et non d'une classe particulière de transporteurs.

Compte tenu que nos membres étaient inquiets face à la déréglementation complète prévue pour l'an 2000 et de leur désir de maintien d'un prix plancher et compte tenu que le ministère a fait connaître depuis plusieurs mois son désir de maintenir un encadrement afin de faciliter la transition vers un marché déréglementé dans le futur, l'APMLQ comprend très bien les buts poursuivis par le projet de loi n° 89 mais ne peut y adhérer dans sa forme actuelle.

Les solutions. Comme nous l'avons déjà fait savoir par notre lettre adressée au ministre le 2 novembre 1999, nous ne pouvons accepter certains items contenus dans le projet de loi. Plusieurs de nos membres, environ la moitié de nos 400 membres, possèdent une licence d'entrepreneur général et ils se doivent de la conserver pour soumissionner sur des petits projets municipaux régionaux sans pour autant être des compétiteurs directs des entrepreneurs de route et grands travaux.

Ces petits entrepreneurs ont besoin de leur participation aux postes de courtage pour assurer leur survie en région. Il ne saurait donc être question de les éliminer systématiquement sur la base de leur possession d'une licence d'entrepreneur général, car leur survie en dépend et la viabilité de certains sous-postes serait également remise en cause. De plus, la possession d'une licence d'entrepreneur n'a strictement rien à voir avec la capacité d'une entreprise d'exécuter du transport en vrac, et, de ce fait, cette restriction devient de la discrimination pure et simple.

Si un système est maintenu en place, il faut permettre à tous ceux qui le désirent d'y adhérer sans faire de discrimination. De plus, comme le projet de loi a été déposé moins de 30 jours avant la date butoir du 1er janvier 2000, il faut absolument prévoir des mesures transitoires afin de permettre aux détenteurs actuels de transiger, s'ils le désirent, leurs droits avec d'autres intervenants. Comme les règles ne sont toujours pas connues, il nous apparaît dangereux de geler les droits des détenteurs actuels au 31 décembre 1999. Tous les détenteurs de VR n'ont pu réagir en fonction de leurs besoins étant donné que les règles ne sont toujours pas finalisées. Il faut donc donner la chance au coureur qui veut réaménager son statut en fonction de la nouvelle réglementation.

La révision de la réglementation devait être l'occasion de simplifier le système et nous sommes convaincus que cet objectif n'a pas été atteint. Nos membres nous ont demandé à plusieurs reprises d'éliminer le système des compagnies multiples, qui leur occasionne des frais d'administration supplémentaires et inutiles. Il serait si simple de permettre trois premiers camions par entreprise ou par groupe d'entreprises, laissant ainsi le choix à l'entrepreneur de scinder ou non son entreprise.

Avec l'avènement de la loi n° 430 et toutes ses exigences administratives, il deviendra de plus en plus onéreux et complexe de maintenir des compagnies multiples dans le seul but de satisfaire à une technicalité reliée au rang des camions inscrits aux sous-postes.

Plusieurs de nos membres se questionnent également sur la pertinence d'augmenter les clauses de protection pour les postes de courtage et la pertinence de réserver ces travaux protégés aux seuls sous-postes déjà en place. Encore une fois, il faut répartir le travail en fonction des régions et non pas en fonction d'une classe de camionneurs.

Le fait que les municipalités ont maintenant un pouvoir les habilitant à se voter des clauses de protection ne nous cause pas véritablement de problème, sauf pour ce qui est de l'engagement du ministère à convaincre les municipalités à adopter des clauses de protection. Nous croyons fermement qu'il n'est pas dans le mandat du ministère d'intercéder auprès des municipalités et que celles-ci doivent demeurer libres face à cette décision.

Enfin, notre membership comprend la majorité des entrepreneurs exécutant le déneigement pour le compte du ministère des Transports. Nous croyons que, dans le cadre d'une révision de l'encadrement du vrac, il serait impératif de revoir la clause d'exclusivité du transport du sel accordée aux postes de courtage afin de pouvoir accorder une part de ce transport à l'entrepreneur responsable de la réalisation du contrat. La logique utilisée dans la répartition des travaux d'été devrait être également suivie pour le transport de sel en hiver.

En guise de conclusion, bien que les membres de l'APMLQ soient assez divisés quant à la solution idéale à adopter sur l'avenir du vrac après le 1er janvier 2000, il est clair qu'un encadrement est souhaitable afin d'assurer une transition vers une éventuelle déréglementation. Bien que le projet de loi soulève bien des interrogations et des inquiétudes, il se veut une solution de compromis acceptable dans les circonstances, à la condition que certaines modifications lui soient apportées.

Ces modifications sont au nombre de quatre. La première, c'est: retrait de l'article 47.13.2° afin d'éliminer la restriction concernant les licences d'entrepreneur; deuxièmement, prévoir une période de transition de trois mois afin de permettre aux détenteurs de VR actuels de modifier leur situation afin de répondre aux exigences et contraintes de la loi; troisièmement, permettre un maximum de trois premiers camions inscrits par entreprise ou groupe d'entreprises, le tout au choix de l'entreprise; réviser, au cours de la prochaine année, l'exclusivité du transport du sel afin d'octroyer une partie de ce transport à l'entrepreneur en déneigement.

Une fois ces modifications apportées, le projet de loi n° 89 deviendra, pour l'APMLQ, un compromis acceptable afin d'assurer une transition harmonieuse vers une déréglementation complète, telle que prévue à l'entente sur le commerce intérieur.

Encore une fois, merci de l'occasion qui nous a été donnée d'exprimer notre position, et nous espérons que nos commentaires vous aideront à bonifier le projet de loi en cause.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Grenier. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie. Est-ce que vous avez souligné votre point de vue au Conseil du patronat?

M. Grenier (Yvan): Oui. J'ai contacté le Conseil du patronat il y a deux jours.

M. Chevrette: Est-ce que vous leur avez dit que vous étiez contre une déréglementation totale, totale, totale?

M. Grenier (Yvan): Bien sûr.

M. Chevrette: Est-ce que vous leur avez demandé de vous représenter ici cet après-midi?

M. Grenier (Yvan): Non, sauf que je ne leur ai pas dit de ne pas le faire non plus.

M. Chevrette: C'est parce qu'ils se sont prononcés en disant qu'ils étaient contre toute, toute déréglementation. Même, Mme Marchand m'a dit que vous en faisiez partie, du Conseil du patronat.

M. Grenier (Yvan): C'est exact, on en fait partie.

M. Chevrette: Je suis surpris de voir votre point de vue.

M. Grenier (Yvan): Il n'y a pas eu de consultation de faite par le Conseil du patronat envers nous autres, en tout cas, alors... J'ai contacté le Conseil du patronat deux jours avant la comparution parce que, à ma surprise, ils étaient là, mais sans plus.

M. Chevrette: O.K. C'est parce que vous comprendrez que je veux démêler tout ça puis vous comprendre comme il faut.

Je voudrais vous demander, deuxièmement, si l'entente du mois de juin... Vous savez qu'il y avait eu une entente, au mois de juin, qui enlevait la licence?

M. Grenier (Yvan): Oui, je la connais.

M. Chevrette: Est-ce que vous étiez d'accord avec ça, vous?

M. Grenier (Yvan): En majeure partie, oui.

M. Chevrette: Parce que c'est le point majeur d'accrochage.

M. Grenier (Yvan): La clause sur les licences est notre point majeur d'achoppement.

M. Chevrette: Donc, si j'arrivais avec un amendement au projet de loi n° 89 reconnaissant les licenciés, ça vous irait?

M. Grenier (Yvan): Ça réglerait une bonne partie de nos problèmes.

M. Chevrette: Je n'ai plus de questions. Je vous remercie.

M. Grenier (Yvan): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. Grenier, pour votre mémoire. Je veux juste aborder quelques points dans vos remarques. À la page 3 de votre mémoire, vous nous dites: «Au niveau des clauses de protection 75-25 et du système de courtage actuel, nos membres étaient divisés 50-50, mais il en ressortait un besoin de rajeunissement et de simplification du système afin de faire face aux nouvelles exigences du marché.»

Quand on parle de simplification du système, est-ce que vous aviez des suggestions ou des recommandations précises à faire pour simplifier le système?

M. Grenier (Yvan): L'avoir su, je me serais mis millionnaire probablement, avoir eu des solutions miracles. Mais les gens se plaignaient, de façon générale, que le système de transport en vrac via les postes de courtage, via les clauses de protection, était compliqué. Sauf que, quand est apparue la déréglementation comme étant inévitable et tout près, le discours a évolué plus en faveur de maintenir quelque chose. Le quelque chose n'était pas évident, là.

M. Bordeleau: Je crois comprendre aussi, en même temps, que vous souhaiteriez qu'il y ait une simplification, moins de règlements, si je comprends bien, d'après ce que vous nous dites là.

M. Grenier (Yvan): C'est plutôt au niveau des mécanismes de fonctionnement, de peut-être réduire le nombre de sous-postes, d'arriver à une simplification dans l'opération de tout ça, plus que dans la déréglementation pure et simple. C'est plus dans l'opération, dans le «day-to-day», là, où ça se complique.

M. Bordeleau: Qu'est-ce qui existe dans l'opération actuellement que vos membres trouvent difficile, pénible, compliqué, de façon plus particulière?

M. Francoeur (Jean-Noël): Dans le «to-day», là, c'est que c'est trop local, je trouve, moi, puis c'est trop laissé à la discrétion de personnes en place. Ce serait mieux si, supposons, la région 04 avait un poste de courtage pour toute la région, que d'arriver puis d'avoir des sous-postes à Drummond, Victo ou... Je vous donne un exemple, là. C'est que ça fait trop de favoritisme par petits groupes, tu sais. Tandis que, si tu fais une déréglementation par régions, avoir des sous-postes pour la région, région 04, région 05, un sous-poste, puis, lui, il dispatche l'ouvrage... Voir plus grand, là.

M. Bordeleau: Il y aurait moins de favoritisme s'il y avait un poste qui couvrait plus large. C'est ça?

(20 h 20)

M. Francoeur (Jean-Noël): C'est ça, avec des employés plus loin des gens intervenant directement. Là, je trouve que c'est trop des p'tites poutines, par bouts.

M. Bordeleau: Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi. Il y a un groupe qui nous a mentionné aussi – je pense que c'est la FTQ – qu'eux avaient eu des commentaires, en tout cas, de certains membres – on ne peut pas savoir le nombre puis tout ça, l'ampleur – à l'effet que le processus comme tel aussi, selon ce qu'on nous a rapporté, manquait de transparence.

M. Francoeur (Jean-Noël): O.K. Oui, ça, je suis d'accord avec ça. Puis une autre chose aussi, c'est que je trouve que l'affaire d'avoir des camions... Je vais vous donner juste un exemple. Moi, j'ai deux camions. Il y en a un qui est au nom de ma compagnie, un qui est à mon nom personnel. C'est du taponnage, ça. Pourquoi qu'ils n'arrivent pas puis qu'ils ne disent pas: Deux premiers camions par compagnie ou par personne interposée plutôt que d'arriver puis de faire deux, trois comptabilités puis, dans le fond, tout va dans la même poche. C'est ça que j'appelle simplifier.

M. Bordeleau: Le système vous oblige à fonctionner comme ça actuellement. C'est ça?

M. Francoeur (Jean-Noël): Oui, oui. Le système nous oblige à fonctionner comme ça puis je trouve ça...

M. Bordeleau: Dans la proposition du projet de loi n° 89, il n'y a rien, à votre avis, que vous avez vu qui réglerait ça?

M. Francoeur (Jean-Noël): Il n'y a rien qui règle ça, puis c'est parce que, avec la loi n° 430, ça s'en vient de plus en plus compliqué. Là, ils te demandent: Es-tu transporteur, es-tu... Ah! là tu te ramasses avec deux comptabilités puis deux... En fin de compte, c'est de la magouille un peu, là.

M. Bordeleau: Quand vous dites aussi, à la page 3, qu'il y avait un large consensus à l'effet que la définition du camionneur artisan se devait d'inclure toute entreprise de transport en vrac régionale ou locale. Dans votre esprit, une entreprise de camionnage en vrac qui serait admissible dans un poste de courtage, est-ce qu'il y a des limites là-dessus, en termes de nombre de camions ou en termes de... Je ne sais pas ce que vous avez en tête.

M. Francoeur (Jean-Noël): Oui, c'est sûr que, nous autres, on en est venu à un consensus. C'est que, plutôt que d'avoir deux, trois compagnies multiples pour être premier camion, avoir une compagnie où les autres intervenants, les femmes, les enfants – les affaires, là – que tu aies trois premiers camions ou deux premiers camions par entreprise, ça simplifierait beaucoup.

M. Grenier (Yvan): Mais en termes de nombre de camions – je pense que c'est ça que vous vouliez savoir – l'envergure de l'entreprise, on pense que l'idée de limiter ça à trois premiers camions, comme c'est prévu actuellement, à trois entités reliées, ça répond assez bien, nous autres, à notre clientèle, et ça répond assez bien au type de clientèle qui possède à la fois sa licence d'entrepreneur général pour travailler dans son patelin et qui a trois camions VR actuellement puis qui désire adhérer au poste avec trois premiers camions, c'est pas mal le maximum. Dépassé ça, l'entreprise n'est pas vraiment intéressée à procéder par le poste parce que tu deviens plus un donneur d'ouvrage qu'un vraquiste ou un vraqueux.

M. Bordeleau: Alors, pour vous, le camionneur artisan, c'est ça. C'est un camionneur qui peut avoir son camion seul, qu'il conduit, ou jusqu'à trois. C'est un peu ça que vous avez en tête, qui est typique.

M. Francoeur (Jean-Noël): C'est ça, parce que, au Québec en tout cas, moi, dans ma tête à moi, un gars qui a juste un camion de VR, il ne peut pas vivre. Ça fait qu'il faut absolument qu'il ait une pépine, un petit bull, il faut que ça soit un petit entrepreneur pour réussir à survivre aujourd'hui. Ça fait que, jusqu'à trois camions, ça répondrait aux entreprises régionales, la grosse majorité.

M. Bordeleau: Je ne sais pas dans quelle région vous êtes, mais j'essaie juste de voir... Ça peut varier beaucoup d'une région à l'autre ou peut-être que, si vous avez une idée générale, ça m'intéresserait si vous aviez une réponse. Mais c'est quoi, le nombre de membres d'un poste de courtage qui généralement possèdent, selon les différentes méthodes qui existent, deux, trois camions? En proportion, c'est-u la moitié des membres dans un poste de courtage, c'est-u le tiers, c'est-u 10 % des membres, selon votre expérience?

M. Francoeur (Jean-Noël): Je vais lancer ça en l'air, de même, mais peut-être le tiers, d'après moi.

M. Bordeleau: Il y aurait le tiers des gens qui sont dans les postes de courtage qui ont plus qu'un camion?

M. Francoeur (Jean-Noël): Le tiers qui auraient plus qu'un camion dans les postes de courtage.

M. Grenier (Yvan): D'une façon ou de l'autre parce que, souvent, ça n'apparaît pas parce qu'ils ont des compagnies multiples.

M. Bordeleau: Oui, oui, oui. D'accord. C'est ça que je veux dire.

M. Francoeur (Jean-Noël): C'est ça. Mais, tu sais, à peu près le tiers, je dirais, moi. Peut-être 25 %, le tiers.

M. Bordeleau: Maintenant, vous avez parlé aussi dans votre mémoire du problème des gens qui détiennent une licence d'entrepreneur général. Encore là, c'est quoi, l'ampleur de ce problème-là? Il y a combien de gens qui détiennent des licences d'entrepreneur général et qui risqueraient, selon le projet tel qu'il nous est présenté, le 1er janvier, de ne plus pouvoir être membres d'un poste de courtage?

M. Grenier (Yvan): Chez nous, dans l'Association, on a 400 membres répartis un peu partout. Selon les statistiques que j'ai, lors de leur inscription chez nous, c'est au moins la moitié des membres qui possèdent la licence d'une catégorie 4071, .1, .2, .3.

M. Bordeleau: Oui, oui.

M. Grenier (Yvan): Et la majorité de ces gens-là ont également des permis VR et la majorité de ces gens-là sont également inscrits aux postes de courtage, parce qu'on représente d'abord des PME, chez nous, là. Il y a quelques exceptions qui sont des grandes entreprises, mais, pour la plupart, c'est des PME.

Alors, je dirais que, chez nous, c'est 200 entreprises qui ont, en majorité, deux ou trois camions. Donc, on peut parler de peut-être – juste pour les nôtres – à peu près 500 camions. Ça serait un chiffre logique, là.

M. Bordeleau: Alors, ces gens-là, au fond, c'est quoi, les options qu'ils ont? Supposons que, dans l'esprit du projet de loi actuel, le 1er janvier, ils gardent la licence d'entrepreneur, ils ne sont plus membres des postes de courtage?

M. Grenier (Yvan): Exact.

M. Bordeleau: Est-ce qu'ils peuvent laisser tomber leur licence d'entrepreneur puis être membres des postes de courtage?

M. Grenier (Yvan): Il y a différentes options. Ils peuvent effectivement décider de laisser tomber leur licence de général et ne garder que la catégorie 4280, excavation et terrassement. Sauf que ces gens-là vont vous dire: Ça a été dur d'aller chercher notre licence d'entrepreneur général et on n'est pas prêt à la laisser aller. Mais, en même temps, ils nous disent: Si je ne participe pas à la répartition des travaux régionaux, je n'ai pas suffisamment d'ouvrage pour pouvoir garder toute mon infrastructure. Donc, en quelque part, ils ont un problème. S'ils lâchent leur licence d'entrepreneur général, ça réduit leurs travaux et, s'ils la gardent, ça réduit le vrac.

M. Bordeleau: Vous dites: Chez nous, en parlant de votre Association, c'est à peu près 200 membres. Est-ce que vous avez une idée de qu'est-ce que ça peut être comme importance numérique, en dehors de chez vous, les gens qui ont des licences d'entrepreneur général et qui font aussi actuellement du vrac mais qui, éventuellement, ne pourraient pas le faire?

M. Grenier (Yvan): Si les gens n'abandonnaient pas leur licence, on a évalué – puis vraiment c'est une évaluation très informelle – qu'à peu près de 25 % à 33 % des gens ne pourraient pas adhérer aux postes, selon notre estimé. Mais je n'ai pas de preuve de ça.

M. Bordeleau: Oui, de 25 % à 33 % de ce que...

M. Grenier (Yvan): Oui. Disons qu'un quart des gens inscrits aux postes ne pourraient plus y adhérer.

M. Bordeleau: Il y a quand même un nombre important de personnes qui se situent dans cette...

M. Grenier (Yvan): Exact.

M. Bordeleau: Puis, pour eux, c'est quand même important, je suppose, d'avoir monté une petite entreprise qui est quand même assez fragile, compte tenu des difficultés du marché, de se retrouver dans une situation comme ça, du jour au lendemain.

M. Grenier (Yvan): Exact.

M. Bordeleau: M. le Président, pouvez-vous nous dire combien de temps il nous reste?

Le Président (M. Lachance): Cinq minutes.

M. Bordeleau: Cinq minutes. Bon. O.K. Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez la parole.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. M. Grenier, M. Francoeur, ce que j'ai compris à la page 6 – je pense que ça a été traité par mon collègue, là – ce que vous souhaiteriez, c'est d'essayer d'avoir des choses beaucoup plus simples pour le nombre de camions inscrits, éviter d'être obligé de faire des flignes-flagnes pour avoir un truck à votre nom, au nom de l'autre, pour être toujours le premier camion, plus de souplesse à ce niveau-là.

Pour ce qui est des autres recommandations, souhaits que vous faisiez, le ministre a semblé avoir une attention particulière – que j'ai considérée comme une ouverte – à repenser les licences d'entrepreneur exclues. Il a vérifié auprès de vous deux si ça semblait vous satisfaire. J'espère que vous n'avez pas laissé tomber les trois autres pour ça, là? Non?

M. Grenier (Yvan): Non.

M. Gauvin: Parce que, lui, c'est peut-être ce qu'il a retenu, le ministre.

M. Grenier (Yvan): Je ne crois pas que c'est ça qu'on a répondu.

M. Gauvin: Bon. Donc, je vais traiter des trois autres. Pour ce qui est des périodes de trois mois afin de permettre... Vous souhaitez un peu plus de délais. Je pense que plusieurs l'ont mentionné ici, aujourd'hui, hein? C'est peut-être un peu vrai. Ce projet de loi là est arrivé un peu vite et l'application risque d'être dans des délais très courts. Je vous invite... J'invite ceux qui sont... en fait, ils l'ont déjà fait, vous le faites et, s'il y en a d'autres, de nous le rappeler pour, peut-être, que le ministre trouve un processus pour vous permettre d'avoir un délai probablement plus acceptable. On vient de traiter le permis des trois camions. C'est pour le transport du sel. Est-ce que vous considérez vraiment que c'est important pour vos membres?

M. Francoeur (Jean-Noël): Oui, parce que...

M. Gauvin: Est-ce que c'est un volume important, finalement, dans votre volume d'affaires?

M. Francoeur (Jean-Noël): Oui. C'est que, nous autres, nos entreprises, on a beaucoup de déneigeurs, puis ce serait important pour eux autres d'avoir une part du marché du transport du sel, à eux autres. Pareil comme l'été, les clauses 25-75, on a des contrats du ministère au même titre, nous autres. Pourquoi on n'aurait pas 25 % de part, nous autres, pour transporter notre sel? Pourquoi c'est l'exclusivité de l'ANCAI?

(20 h 30)

M. Gauvin: Oui, j'essaie de comprendre parce que plusieurs de vos membres sont aussi des camionneurs artisans, inscrits aux postes d'affectation. Finalement, il faut s'assurer aussi que le camionneur artisan, membre de l'ANCAI, ait suffisamment de volume d'affaire aussi. Évidemment. Et ce qui est recherché par cette commission depuis aujourd'hui, c'est d'essayer de trouver des mesures, une règle à l'intérieur du projet de loi, une application la plus souple possible pour qu'à un moment donné un peu tout le monde y retrouve sa part puis qu'on ait évité les frictions, les affrontements. Je pense que le ministre l'a mentionné, nous le mentionnons de ce bord-ci, et c'est ce que nous allons chercher à l'étude du projet de loi.

M. Grenier (Yvan): Juste pour compléter au niveau du sel, chez nous, on représente environ les trois quarts des contrats donnés par le ministère des Transports au domaine privé. Et c'est une frustration de plusieurs années, malgré qu'on en ait plusieurs qui adhèrent aux postes. Les gens sont aussi des déneigeurs, des entrepreneurs en déneigement, et ils aimeraient pouvoir contrôler une petite portion de leur transport de sel au niveau de leur contrat. Sur le même raisonnement finalement que dans les travaux d'été, l'entrepreneur général dit: Bien, je veux être capable de contrôler une portion de mon transport. Laissez-m'en un bout, je suis entrepreneur.

Parce qu'il faut comprendre que les gens qui font le déneigement ont la responsabilité de fournir le sel, dépasse, dépasse pas les quantités. Donc, ils ont la responsabilité de le gérer, et ce, sans profit. Le prix est imposé dans le contrat du ministère. Le prix est déjà prévu puis il nous est vendu par le ministère. Puis les déductions sont faites à même le contrat. Alors, s'il y avait une portion de ça qui était permise à l'entrepreneur... Là, dans le moment, c'est 100 % du sel qui est livré par les postes de courtage. Ça crée aussi des frictions au niveau des délais de livraison, puis tout ça. Il y a tout un... Ça aiderait à une harmonisation, disons, ou à un retrait de certaines frictions, je pense, au niveau des contracteurs en déneigement. Puis ça nous a été demandé à plusieurs reprises.

M. Gauvin: Je vous concède que vous avez un argument, je pense, qui est peut-être raisonnable, mais il s'agit aussi de bien comprendre la problématique de tout ce fonctionnement-là pour tout nous autres. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci. Il reste quelques secondes du côté de l'opposition et des minutes du côté ministériel.

M. Bordeleau: ...pour une question, puis...

Le Président (M. Lachance): Allez-y.

M. Bordeleau: À la page 6 de votre mémoire, vous dites que certains de vos membres se questionnent également sur la pertinence d'augmenter les clauses de protection dans les postes de courtage. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ça un petit peu plus?

M. Grenier (Yvan): Bien, c'est évident... Comme je vous ai expliqué dans le début de ma présentation, c'est qu'on est très divisé sur le sujet parce qu'on représente à la fois des entrepreneurs et à la fois des transporteurs en vrac. On a des entrepreneurs, entre guillemets, purs, qui ne font que de l'entrepreneuriat; on en a qui mélangent les deux; puis on en a qui ne font que du vrac. Ce que je voulais souligner par là, c'est une portion de mes membres qui tenait à vous faire savoir, qu'eux autres, l'augmentation des clauses de protection, ça ne leur souriait pas. Maintenant, je voulais passer le message que, parmi nos membres, il y en a une portion que ça ne leur plaît pas. C'est évident. Sauf que le message général, c'est les quatre conditions dont on vous parle.

M. Bordeleau: Ça va.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Je voulais demander à monsieur... Je comprends que vous avez deux catégories de membres, donc ça vous crée un problème.

M. Grenier (Yvan): Bah! C'est un heureux problème.

M. Chevrette: Mais un heureux problème...

M. Grenier (Yvan): On les veut les deux, là. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Bon. Bien, admettons que c'est heureux que vous ayez 50-50. C'est ça que vous êtes après me dire?

M. Grenier (Yvan): C'est ça. Je suis heureux 50-50. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Moi, j'aimerais mieux avoir 50 % plus un. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mais, ceci blague à part, le bonheur se retrouverait si vos membres pouvaient au moins tous adhérer aux postes de courtage.

M. Grenier (Yvan): Comme je vous ai dit tout à l'heure, c'est un irritant majeur actuellement, puis c'est évident que c'est un point clé pour nous autres.

M. Chevrette: Et, si vous aviez le choix entre deux points majeurs, lequel choisiriez-vous dans vos quatre?

M. Grenier (Yvan): Ha, ha, ha! Je vais aller vers mon membre élu.

M. Chevrette: Oui, mais le D.G. des fois, ça... Si vous saviez, des fois, où on retrouve le pouvoir.

M. Francoeur (Jean-Noël): Les licences d'entrepreneur...

M. Grenier (Yvan): C'est un incontournable pour nous autres.

M. Francoeur (Jean-Noël): ...c'est un incontournable, ça. Puis l'autre affaire, de simplifier, de permettre trois premiers camions plutôt que d'avoir deux, trois compagnies puis...


Documents déposés

M. Chevrette: Moi, M. le Président, je voudrais déposer l'entente de principe qu'on avait le 11 juin qui démontre bien – pour les membres de la commission d'abord et peut-être pour votre information à vous autres – que les licenciés avaient le droit au 11 juin.

Je voudrais également déposer une lettre d'intention signée de M. Bélanger, de M. Brassard et de M. Garand qui démontre bien qu'il y avait une lettre d'intention de négocier 50-50, et les licenciés.

Et je voudrais vous dire qu'il y a encore de l'espoir dans votre cas et vous remercier.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, MM. Grenier et Francoeur, pour votre participation aux travaux de la commission parlementaire.

J'invite les porte-parole de l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite le ou la porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

M. Gilbert (Réjean): O.K. Ici, j'ai Mme Bourque, l'avocate de l'Association, à ma gauche; M. René Brassard, directeur général; M. Franco Fava, entrepreneur et notre responsable pour la négociation de notre convention collective; moi-même, Réjean Gilbert, président et entrepreneur.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, messieurs. Vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur ce projet de loi n° 89.

M. Gilbert (Réjean): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la commission, d'entrée de jeu, je tiens à souligner que l'ACRGTQ ne cherche pas la confrontation. Au contraire, nous croyons davantage au dialogue et à la concertation.

Ceci étant dit, M. le Président, l'Association s'oppose au projet de loi du ministre des Transports, car elle est convaincue que sa mise en vigueur entraînera une multitude de conséquences néfastes, tant pour l'industrie du transport que pour l'industrie de la construction. La lecture du présent mémoire vous permettra de connaître les motifs nous incitant à demander au ministre de rejeter le projet de loi n° 89.

Partenaire du gouvernement dans la modernisation du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec représente depuis maintenant 57 ans les entreprises oeuvrant dans le secteur génie civil et voirie. L'Association, comme son nom l'indique, est la représentante des grandes entreprises québécoises de construction.

En 1999, force nous est de constater qu'il n'y a pas davantage de grandes entreprises de construction au sein de l'Association qu'il n'y a de grands travaux au Québec. Il reste bien encore quelques filiales de multinationales, mais la plupart des grandes entreprises québécoises de construction ont disparu au cours des dernières années. Elles ont fusionné, elles se sont transformées ou elles ont simplement cessé d'exister. En fait, plusieurs d'entre elles ont mis fin à leurs activités avec l'arrêt des grands travaux.

Il faut le reconnaître, le nom de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec n'est plus qu'un souvenir de l'époque où les infrastructures physiques du Québec se développaient encore. Les grands travaux, on en parle beaucoup, on y rêve, mais on ne peut que leur attribuer la devise du Québec, Je me souviens .

(20 h 40)

Une brève analyse démontre qu'en 1991 le secteur génie civil et voirie déclarait à la Commission de la construction du Québec, CCQ, plus de 24 000 000 d'heures. Sept ans plus tard, en 1998, le nombre d'heures déclarées était réduit à 13 000 000. Au fil des années, alors que les entreprises en construction s'ajustaient aux nouvelles réalités du marché de l'après Baie James, les détenteurs de permis vrac, eux, protégés par l'État, vivaient des fruits d'un marché virtuel. De 7 488 qu'ils étaient en 1991, le nombre de permis de transporteurs en vrac est passé à 7 021 sept ans plus tard. Le système de protection dont jouissent les détenteurs de permis de transport en vrac a limité à 7 % la diminution du nombre de permis, alors que le niveau d'activité du secteur génie civil et voirie a chuté de 50 % durant la même période.

Les effets néfastes du protectionnisme de l'État nous apparaissent ici clairement et expliquent les difficultés financières avec lesquelles doivent composer les camionneurs artisans. Il y a deux fois moins de travail à accomplir qu'en 1991, alors que l'on compte à peu près le même nombre d'exploitants. Si les transporteurs en vrac avaient vécu dans un environnement de libre concurrence comme les entrepreneurs en construction ont dû le faire, le nombre de transporteurs en vrac se serait ajusté au fil des années aux nouvelles réalités du marché. C'est ça, le vrai problème, M. le Président.

D'ailleurs, le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, M. Henri Massé, mentionnait au début du mois de novembre dernier: «Il y a actuellement trop de joueurs sur la patinoire. C'est l'une des principales raisons des problèmes majeurs que vivent les camionneurs indépendants, qui se marchent sur les pieds et n'arrivent pas à gagner convenablement leur vie [...], il faut limiter les nouvelles inscriptions au registre.»

Comparaissant devant la commission Bernier, mandatée par le gouvernement du Québec après le blocage des routes de novembre 1998 pour étudier la problématique vécue par les camionneurs propriétaires, le représentant de l'Association nationale des camionneurs artisans, ANCAI, affirmait que 62,7 % de ses membres étaient de véritables artisans, reconnaissant ainsi implicitement que l'autre tiers représentait des entreprises de construction. Pour notre part, nous sommes convaincus que plus de 50 % des membres de l'ANCAI sont des entrepreneurs en construction; petits entrepreneurs, bien sûr, mais entrepreneurs quand même.

Pourquoi l'ACRGTQ dénonce le projet de la loi n° 89? M. le Président, nous avons toujours soutenu et sommes toujours convaincus que la seule voie raisonnable et équitable pour tous est celle de la déréglementation. Le gouvernement, de toute évidence, a décidé de choisir l'autre voie: la réglementation. Devant une telle situation, nous croyons pouvoir exiger à tout le moins qu'il nous évite la compétition déloyale des entreprises qu'il entend protéger. Pourtant, certains commentaires entendus dernièrement portent à croire que le ministre a l'intention de revenir sur la clause «licence d'entrepreneur» incluse dans l'entente conclue entre le ministère des Transports et l'Association nationale des camionneurs artisans inc. du 13 octobre dernier. Ce retour en arrière aurait pour effet d'autoriser les entreprises protégées à détenir une licence d'entrepreneur général.

Le projet de loi n° 89 évacue la notion d'artisan pour la remplacer par celle de compagnie de transport. Ces compagnies, en plus de détenir une licence d'entrepreneur spécialisé pourront détenir une licence d'entrepreneur général. Elles contrôleront, par privilège de l'État, 50 % du volume de transport d'agrégats requis aux contrats du ministère des Transports du Québec, des municipalités, Hydro-Québec et d'autres donneurs d'ouvrage publics. Ce privilège leur sera consenti à un prix dépassant jusqu'à 25 % les prix du marché. Comment serait-il possible de compétitionner les entrepreneurs transporteurs jouissant d'un tel avantage, M. le Président? Il est évident que, forts de leurs privilèges dans le marché public, ils offriront des prix imbattables lorsqu'ils seront en compétition dans le vrai marché.

Inacceptable à plusieurs égards, le projet du ministre l'est aussi parce qu'il modifie significativement les règles de soumission des cités et villes. La consécration de l'injustice du système que l'on souhaite instaurer se trouve aux articles 18 et 19 du projet de loi. Ils permettront aux cités et villes de négocier avec les membres du club des contrats de transport sans être soumis au processus normal de soumission. Les municipalités auront le pouvoir de signer des contrats d'exclusivité avec les postes d'affectation de l'ANCAI sans soumission. Comment accepter une telle situation? En vertu de quels principes les membres du club obtiennent-ils un tel privilège?

Autre situation aussi inquiétante qu'inacceptable, il y a à peine quelques jours, la ministre d'État au Travail et à l'Emploi, Mme Diane Lemieux, annonçait la conclusion d'une entente dans le conflit Québec-Ontario relié à l'industrie de la construction. Le blocage des chantiers entre les deux provinces est enfin suspendu. Bonne nouvelle pour les transporteurs ontariens, puisque l'article 47.11 du présent projet de loi prévoit l'accessibilité aux projets du vrac québécois à ces entreprises.

Celles-ci auront donc accès aux postes d'affectation de l'ANCAI dans la zone de courtage voisine de la frontière de l'Ontario. Ce règlement favorable aux camionneurs ontariens fera sûrement l'envie des entreprises de transport du Québec ne faisant pas partie du club, puisqu'elles n'auront pas accès à notre marché public aussi protégé que lucratif. Les Ontariens auront donc accès au marché protégé des membres de l'ANCAI, alors que les entreprises d'ici, non membres du club, en seront exclues.

L'article 26 du projet de loi n° 89 autorise le gouvernement à mettre en vigueur la réglementation sans délai ni préavis de publication. Voici une mesure de nature plutôt exceptionnelle qui nous amène à formuler immédiatement certains commentaires sur la réglementation à venir. Il est évident qu'elle reflétera l'entente signée entre le ministre des Transports, le ministère des Transports du Québec et l'Association nationale des camionneurs artisans inc.

M. le Président, ce projet de loi est d'autant plus inacceptable qu'il enlèvera à l'entrepreneur devant exécuter un contrat toute possibilité de gérer efficacement son chantier. La répartition du transport entre l'entrepreneur général et le transporteur protégé prévue à la convention annoncée par le ministre le 14 octobre dernier sera une source permanente de conflits. Le partage imposé par le donneur d'ouvrage, c'est-à-dire le ministre des Transports du Québec, selon le type de matériaux transportés, est établi de la façon suivante: déblais, 25 % pour le camionneur, 75 % pour l'entrepreneur; l'emprunt B, 75 % pour le camionneur, 25 % pour l'entrepreneur; matériaux de structure, 75 % pour le camionneur, 25 % pour l'entrepreneur; et l'asphalte, 25 % pour le camionneur et 75 % pour l'entrepreneur.

Cette répartition de tâches est aussi inapplicable qu'irréaliste. La seule gestion de ces pourcentages, en plus de donner des maux de tête, donnera incontournablement lieu à des conflits inutiles. Il s'agit là d'un véritable piège, puisque, dans la même journée, un conducteur de camion peut changer de statut plusieurs fois: travail assujetti suivi d'une période de transport qui ne l'est pas, pour revenir un peu plus tard à des travaux assujettis, tout cela dans la même journée.

Un chauffeur assujetti à la convention collective de l'industrie de la construction coûte à l'entreprise 32 $ de l'heure, alors que le chauffeur non assujetti coûte deux fois moins cher à employer. L'entrepreneur subira donc une double pression: s'il respecte la convention collective, il sera hors compétition et n'obtiendra pas de contrat; s'il ne la respecte pas, la Commission de la construction du Québec se chargera de mettre en oeuvre les pénalités prévues par la loi. Bref, l'entrepreneur sera à la merci de l'ANCAI et de ses chauffeurs privilégiés.

La situation impossible dans laquelle est placé l'entrepreneur relativement au poste de conducteur de camion pour l'exécution des travaux à pied d'oeuvre fait de cette tâche l'activité la plus pénalisée sur les chantiers de construction au Québec. 15 % de tous les avis d'infraction émis par la CCQ dans le secteur génie civil et voirie résultent d'infractions relatives à la détention de la carte de compétence du conducteur de camion. Pourquoi? Conduire un camion, c'est être assujetti à la convention collective pour le travail à pied d'oeuvre et ne pas l'être pour le transport. Le nouveau régime ne fera qu'amplifier les effets pervers d'une situation déjà trop délicate.

Depuis la mise en vigueur du Règlement sur les restrictions aux licences d'entrepreneurs aux fins d'un contrat public, les entrepreneurs qui exécutent des travaux pour le marché public doivent maintenant vivre sous la menace constante de disparaître. L'embauche d'un camionneur sans carte, considéré comme du travail au noir, mène, après trois infractions, à la restriction de la licence d'entrepreneur pour deux ans par la CCQ. Deux ans sans pouvoir exécuter de contrats pour le secteur public signifient, à toutes fins utiles, la fermeture de l'entreprise de construction. Bien des entreprises risquent donc de disparaître simplement parce que le gouvernement leur impose un régime de camionnage impossible à gérer en plus des règlements précités.

L'entente entre le MTQ et l'ANCAI et les règlements qu'elle engendrera sont aussi inacceptables parce que l'entrepreneur ne possède aucun moyen de se protéger contre les exigences des membres du club. Les résultats incroyables obtenus grâce au blocage des routes par les camionneurs au cours de la première semaine de la campagne électorale 1998 nous démontrent que ce ne sont pas toujours ceux qui prônent la vertu qui sont récompensés. En octobre dernier, le ministre de la Sécurité publique déclarait avec fracas: «C'est maintenant tolérance zéro pour tout geste qui serait posé le long des routes.» Comment interpréter, M. le Président, les gains exceptionnels de l'ANCAI au cours des derniers mois?

Ceci nous amène à soulever un autre problème laissé en suspens dans cette entente: aucune clause pénale n'est prévue en cas de non-respect des engagements du transporteur vis-à-vis de l'entrepreneur. Une étude d'impact économique commandée par notre Association démontre que l'entente MTQ-ANCAI pourrait coûter jusqu'à 204 000 000 $ aux contribuables québécois. À cet égard, nous sommes convaincus que notre réseau routier vieillissant aurait bien besoin de ces précieuses ressources. De plus, le nouveau partage établi par l'entente MTQ-ANCAI transfère plus de 2 300 000 t de vrac des entrepreneurs aux compagnies de transport protégées. Cela fera perdre au moins 527 emplois directs et indirects très bien rémunérés à nos travailleurs de la construction, c'est-à-dire approximativement 36 000 000 $ en retombées directe, indirectes et induites.

(20 h 50)

En terminant, les entrepreneurs en génie civil vous demandent de suivre la seule voie juste et équitable pour tous, soit celle de la déréglementation. Si les véritables camionneurs artisans ont besoin d'une période d'adaptation, l'ACRGTQ ne s'y opposera pas. Toutefois, nous nous objecterons fermement à la reconduction d'un système de protection permanent. Ce nouveau régime ne fera qu'augmenter le mécontentement d'une majorité afin de plaire à un petit nombre d'intermédiaires. Nos membres ont l'intime conviction que le projet de loi n° 89 est injuste, anachronique. Nous vous demandons de le retirer. Merci de votre attention.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Trente secondes.

(Consultation)

M. Chevrette: Tout d'abord, M. le Président, je reconnais le droit le plus fondamental d'être contre un projet de loi qu'on présente, à l'ACRGTQ. Sauf que je voudrais rappeler des faits, et des faits, ça ne ment pas, surtout quand il y a des signatures sur les faits. Je veux bien qu'on me pousse, mais je veux qu'on me respecte, au moins quant aux faits.

Je vous rappellerai qu'on a tout fait au départ pour que vous soyez à la table de négociation. Vous vous en êtes retirés à trois reprises. Vous êtes revenus à une table et, sur le point d'arriver à une signature, vous vous en êtes retirés. Vous affirmez haut et fort qu'on n'a pas tenu compte de vos revendications. J'ai personnellement négocié à votre place la clause 50-50. C'est parce que vous n'étiez pas là qu'elle n'a pas été signée, à part de ça. Je vous l'ai offerte, même le matin avant la signature, si vous vous en rappelez, vous et M. Brassard. Vous avez hésité, vous ne saviez pas quoi faire, vous avez signé le lendemain une lettre d'entente – lettre d'entente que j'ai déposée, votre nom est dessus, M. Brassard, ça ne doit pas être moi qui ai inventé votre signature – dans laquelle on parlait de clause 50-50 et dans laquelle on parlait de clauses pénales. On vous a même offert de mettre des clauses pénales et vous venez nous reprocher ce soir de ne pas en avoir dedans! C'est vous autres mêmes qui ne vouliez pas, après. Vous avez du culot!

Très honnêtement, là, on vous l'a offert, comme ministère, de les mettre, les clauses pénales. Vous venez nous reprocher ce soir qu'il n'y en a pas dedans. Vous vous êtes retirés. La nature a horreur du vide. Votre chaise était inoccupée. Vous ne vouliez pas être là. Je m'excuse!

Même, après la signature, M. le président et M. Brassard, on a dit à l'ANCAI: Vous allez vous ouvrir pareil. On arrive avec la signature d'une entente pour rouvrir les discussions. Là, ce n'est plus rien pantoute. Déréglementation totale. Rappelez-vous ce que vous avez fait. Soyez un petit peu corrects. Soyez au moins francs. C'est le minimum que je vous demande, d'être francs. Moi, je ne dirai pas plus que ce qui s'est passé, mais je vais dire ce qui s'est passé, M. le président, et vous, M. Brassard. Vous n'avez pas voulu. Vous n'étiez pas sûrs de vos arrières.

Première question: Avez-vous présenté votre lettre d'entente à vos membres? Puis, si je vous pose la question, c'est parce qu'hier au matin j'ai rencontré plusieurs de vos membres puis ils n'ont jamais vu la lettre d'entente. Je voudrais vous demander: Qu'est-ce que vous avez fait de la lettre d'entente que vous avez signée? L'avez-vous présentée à vos membres, oui ou non?

M. Brassard (René): Je suis interpellé, M. le Président?

M. Chevrette: Ah! je ne sais pas, moi. C'est entre vous deux.

M. Brassard (René): Alors, je pense qu'il va peut-être falloir remettre un petit peu les perspectives, M. le ministre.

M. Chevrette: Bien, je vous pose une question précise, M. Brassard: Avez-vous montré, à vos membres, la lettre?

M. Brassard (René): J'y viens, si vous permettez.

M. Chevrette: C'est beau.

M. Brassard (René): Je pense que vous avez eu l'introduction de quoi, trois ou quatre minutes? Je vous demande tout simplement...

M. Chevrette: Je vous ai laissé 15 minutes. Vous avez laissé 15 minutes. J'ai le droit à mon 15 minutes. Je pourrais parler 15 minutes sans vous questionner.

M. Brassard (René): Vous avez raison.

M. Chevrette: C'est correct, merci.

M. Brassard (René): Alors, si vous permettez, essayons de mettre les choses en perspective. Le 17 mars, M. le ministre, l'Association vous a rencontré. C'est une rencontre annuelle d'ailleurs qu'on fait à chaque année avec le ministre des Transports, et on a eu à l'occasion des discussions qu'il y avait ce jour-là... à l'ordre du jour, un des points qui était la question du camionnage en vrac. Évidemment, les deux parties voyaient venir la situation qui s'en venait et on avait à ce moment-là reçu le rapport Bernier.

Vous aviez reçu les recommandations du rapport. C'étaient évidemment des recommandations qui impliquaient une discussion globale, qui comprenaient toute la question des autonomes, et à ce moment-là on vous avait posé la question: Qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce que vous voulez faire? Vous avez dit: Moi, je veux essayer de trouver un compromis qui serait vivable. On ne peut pas en venir avec une déréglementation mur à mur le 31 décembre de cette année. Nous, on vous a dit: M. le ministre, quelle est votre définition du camionneur artisan que vous souhaitez voir? Vous nous avez dit: Moi, je considère que la notion du camionneur artisan que l'on doit maintenir, c'est la notion du propriétaire qui conduit son camion. Si vous vous souvenez bien, M. le ministre, à ce moment-là on était tombé d'accord à toutes fins pratiques. Et on vous avait dit à l'époque: Si le ministre a besoin d'une période tampon pour la déréglementation, on va collaborer avec le ministère.

On s'est rencontré, M. Chevrette, le 6 mai, où la même question a été posée et la même réponse a été obtenue de votre part. On s'est rendu à votre demande d'ailleurs de participer, de suivre les discussions parce que, dans le fond, le mandat que vos fonctionnaires avaient, c'était de signer une entente entre le MTQ et les camionneurs artisans. Évidemment, si l'ACRGTQ signait en bas aussi, c'était l'idéal. Ça aurait été merveilleux. Mais ce n'était pas une requête que l'ACRGTQ soit à l'entente. C'était souhaitable mais non nécessaire.

La première semaine où on a eu l'occasion de participer aux discussions, on est revenu, la première journée de discussions, avec une définition du camionneur artisan qui était complètement chambardée. On s'adressait maintenant aux compagnies de transport. C'était le seul compromis, M. le ministre, sur lequel on avait convenu de s'entendre. On était prêt à faire des compromis à partir du moment où on parlait d'un camionneur, c'est-à-dire la personne qui conduisait son camion.

Le problème qu'on a, comme entreprise de construction, et il a été évoqué toute la journée, c'est le problème de la compétition déloyale, c'est le problème d'une entreprise qui a deux chapeaux, et cette question-là a été soulevée dès le départ et a toujours été, de notre part, maintenue.

La question est maintenant de savoir si on a signé un protocole d'entente ou une lettre d'intention avec les parties. Je l'ai ici, en fait. La réponse, c'est: Oui, on a signé un protocole. Suite à la signature du protocole MTQ-ANCAI, c'est évident que – et vous nous l'avez annoncée, à M. Gilbert et moi-même – le matin, on était assez catastrophé, si vous vous souvenez. Vous avez même dit à ce moment-là: On va essayer de trouver des aménagements dans ça. Et on a dit, nous: Écoutez, on va aller soumettre ça aux membres et on va vous revenir. On va vous revenir après avoir consulté notre membership, et c'est ce qu'on a fait.

M. Chevrette: ...une question précise, hein?

M. Brassard (René): Pardon?

M. Chevrette: Avez-vous montré ça à vos membres?

M. Brassard (René): Attendez, j'y viens. On a fait le tour du Québec. On a rencontré les entrepreneurs en construction et on est revenu. On vous a écrit la position de l'Association et la lettre était assez claire, je pense, M. le ministre. C'était le 1er novembre.

Suite à ça, on a ouvert la porte pour essayer de trouver un compromis, et c'est moi-même qui ai pris l'initiative, moi-même et le président, sans même avoir eu de consultation plus que ça avec les membres du comité. J'ai accepté d'aller rencontrer M. Trudeau et les parties, les camionneurs, pour essayer de voir s'il n'y avait pas moyen, dans cette espèce de convention là, d'aménager quelque chose.

On a signé une lettre d'entente sur sept points, les sept points qui ont été convenus dans la lettre d'entente...

M. Chevrette: On l'a déposée.

M. Brassard (René): ...d'ailleurs que vous dites que les entrepreneurs ne connaissent pas.

M. Chevrette: Bien, écoutez, c'est vos membres. Il y a même des membres du conseil d'administration qui m'ont dit ça, là.

M. Brassard (René): Oui, oui.

M. Chevrette: Puis, si vous me poussez à bout, je vais vous dire que même votre frère ne les avait pas vues.

M. Brassard (René): Oui, c'est vrai. C'est vrai, M. le ministre.

M. Chevrette: C'est correct.

M. Brassard (René): La lettre d'intention qui a été signée, M. le ministre, a été soumise au comité des camionneurs artisans. Ce que ça dit, ce protocole-là, ça veut dire: Les parties conviennent de retourner à leur instance pour voir si ces choses-là sont applicables, et on va revenir au sous-ministre Trudeau quelques jours plus tard.

Le 11 novembre, on est revenu chez M. Trudeau avec la réponse: Sur les sept points qui ont été inclus dans le protocole d'entente, on disait oui à six points et demi. Le seul point où on avait une objection, c'était sur la question des hors route dans le partage des tonnages.

Cette lettre-là, par exemple, M. le ministre, vous auriez dû la donner, à mon frère, aussi. Il ne l'avait pas hier, cette lettre-là, malheureusement.

M. Chevrette: ...

M. Brassard (René): Pardon?

M. Chevrette: Je pourrais lui donner, moi; je n'ai rien à cacher, moi.

M. Brassard (René): Non, vous n'avez rien à cacher. Mais, hier, il ne l'avait pas, M. le ministre.

M. Chevrette: Non, mais il n'avait pas la vôtre non plus. Puis il y a des membres...

M. Brassard (René): Il n'avait pas besoin de l'avoir, la mienne, parce que, quand on est...

M. Chevrette: Puis il y a des membres du conseil d'administration, de votre conseil, qui ne l'avaient pas vue.

M. Brassard (René): M. le ministre, si vous me laissez terminer...

M. Chevrette: ...

M. Brassard (René): Si vous me laissez terminer, M. le ministre, on va y arriver.

M. Chevrette: ...tout mon temps, parce que j'ai des questions à poser aux autres. Correct?

Le Président (M. Lachance): Oui. M. le ministre, la période de temps qui est dévolue à chacune des formations politiques appartient à chacune des formations politiques. Alors, vous avez la parole.

M. Brassard (René): Je termine, M. le ministre, si vous permettez. Effectivement, lorsqu'on a rencontré M. Trudeau, suite à la réponse obtenue, on a prévenu M. Trudeau que l'Association faisait une assemblée générale spéciale de ses membres.

À l'assemblée générale spéciale de nos membres, la question qui a été posée au membership, M. le ministre, ça a été: Est-ce que l'on doit essayer de trouver un compromis à partir du protocole du 14 novembre? M. le ministre, la réponse unanime des 66 entreprises dans la salle – c'était un quorum, c'était dûment convoqué – c'était: Non, à l'unanimité.

M. Chevrette: C'est votre droit.

M. Brassard (René): Je n'ai pas eu besoin de parler de compromis, M. le ministre.

M. Chevrette: O.K. Voulez-vous me justifier le 204 000 000 $ que vous avez avancé?

(21 heures)

M. Brassard (René): Vous avez, dans votre pochette, M. le ministre, l'étude, qui a été préparée par une firme d'experts, qui fait exactement l'analyse de cette question-là.

M. Chevrette: Mais pourriez-vous me donner les grandes lignes qui justifient votre déclaration de 204 000 000 $?

M. Brassard (René): Les tonnages transportés par les donneurs d'ouvrage public au Québec, selon les statistiques du ministère des Ressources naturelles, représentent – je n'ai pas les chiffres devant moi – quelque chose comme 35 000 000 t par année. Si vous faites la lecture du document, vous allez constater que le calcul qui a été fait, c'est: si on fonctionne dans un environnement réglementé, c'est-à-dire si les taux payés sont les taux de la grille de tarifs publiée, le coût du transport va être d'autant, et, si... quel prix va-t-on payer dans un marché libre? Et l'analyse des marchés qu'on a faite, de notre membership, des entrepreneurs au Québec, fait que les taux d'escompte consentis dans le marché libre permettent d'évaluer une économie de 29 000 000 $ par année. 29 000 000 $ par année sur la durée de l'entente, M. le ministre, ça fait 204 000 000 $. Je ne voudrais pas passer à travers le document, mais... Vous avez le document. C'est une firme sérieuse qui l'a fait, ça a été fait de façon objective, et on est prêt à le soumettre à l'expertise de vos fonctionnaires.

M. Chevrette: C'est déjà soumis. Je peux-tu vous dire que...

M. Brassard (René): Ah! ils sont dessus, je suis certain.

M. Chevrette: Je peux vous dire que ça fait drôle. On vous le dira en temps et lieu. On ne se donnera pas la peine de discuter de ça ce soir parce que ce n'est même pas sérieux.

Je voudrais vous parler deux minutes, sur mon temps, de l'entente avec l'Ontario. Vous avez l'air de ridiculiser le fait qu'on ait signé, avec l'Ontario, une entente nous permettant de rendre ça légal. Savez-vous, très sincèrement... Et vous le savez, c'est parce que vous ne voulez pas le dire. Vous savez très, très bien que les gens de l'Outaouais québécois, les entrepreneurs de l'Outaouais québécois, les camionneurs de l'Outaouais québécois vont beaucoup plus en Ontario que les Ontariens viennent au Québec. Et vous savez très bien que cette entente-là favorise le Québec, mais vous allez vous abstenir de le dire.

J'ai fait un commentaire. Je ne vous pose pas de questions, parce que je suis allé dans l'Outaouais québécois, moi, puis je sais qu'est-ce qu'ils m'ont dit. Ils sont très heureux de ça. Et je ne comprends pas que vous vous objectiez du tout à cet aspect et, au contraire, que vous fassiez ressortir quasiment comme ridicule l'entente qui a été signée. J'ai une question à vous poser. Utilisez-vous l'ANCAI dans vos contrats, M. Fava?

M. Fava (Franco): Ça arrive, à l'occasion, M. le ministre.

M. Chevrette: Est-ce que vous les utilisez, par exemple, sur la 138, le contrat que vous avez à Saint-Fidèle?

M. Fava (Franco): Je vais vous le dire honnêtement, il faudrait que je m'informe auprès de mon gérant de projet. Mais probablement, probablement, M. le ministre. Mais, moi, j'ai compris en 1970. J'en avais 25, camions, puis je les ai tous vendus. Je les ai tous vendus!

M. Chevrette: Non, mais vous les utilisez.

M. Fava (Franco): Donc, j'utilise des entrepreneurs qui ont des camions, j'utilise des camionneurs en vrac, je loue, j'achète et je sous-traite. Le camionnage ne m'intéresse pas.

M. Chevrette: Ça se peut-u que, sur votre contrat à Saint-Fidèle, par exemple, ça soit, justement, exclusivement des gars de l'ANCAI qui le font?

M. Fava (Franco): C'est fort possible.

M. Chevrette: C'est du bon monde.

M. Fava (Franco): Je n'ai rien contre l'ANCAI, M. le ministre.

M. Chevrette: C'est du bon monde.

M. Fava (Franco): Absolument.

M. Chevrette: Je vous remercie.

M. Fava (Franco): Absolument. M. le ministre, est-ce que vous me permettez de vous poser une question, puisque vous m'en avez posé une?

M. Chevrette: Bien sûr.

M. Fava (Franco): Je vous ai écouté religieusement tout l'après-midi. Je sais que vous êtes...

M. Chevrette: Oui. Bien, pas religieusement, je vous ai entendu crier quelques fois.

M. Fava (Franco): En tout cas, à partir de 15 heures du moins, là. Puis je sais que vous êtes sincère aussi quand vous le dites, vous me dites: On se veut très respectueux des conventions collectives qui existent et on ne veut surtout pas toucher aux conventions collectives telles qu'elles sont en place aujourd'hui. Ce que vous faites par votre projet de loi, M. le ministre... L'augmentation de 25 % de camionnage que vous donnez à l'ANCAI par le truchement du projet de loi, à toutes fins pratiques, ce que vous faites, c'est que vous prenez ces travaux-là, qui sont actuellement régis par nos conventions collectives, que j'ai négociées, M. le ministre, pour la deuxième de suite, là...

M. Chevrette: Mais pas pour vous. Vous dites que vous n'en avez pas.

M. Fava (Franco): Non, pas pour moi, pour l'ensemble, pour le bien commun de tous ceux qui sont couverts par les conventions collectives. Vous prenez ces travaux-là puis vous les sortez de la convention collective pour les remettre, ces travaux-là, dans un autre système. Alors, si ce n'est pas toucher aux conventions collectives, ça, là, je ne sais pas c'est quoi, là.

M. Chevrette: Des conventions collectives...

M. Fava (Franco): Vous touchez carrément au champ d'application de la convention collective qui couvre les travaux. Vous prenez une partie de ces travaux-là puis vous les... Ils sont extraits de la convention collective.

M. Chevrette: M. Fava, j'ai enseigné le Code du travail à l'Université du Québec et je peux-tu vous expliquer que ce n'est pas ça pantoute, ce que vous dites.

M. Fava (Franco): Bien, M. le ministre...

M. Chevrette: Vous avez une interprétation... Un champ de travail puis des conditions de travail, c'est très différent, M. Fava. Je ne vous donnerai pas un cours du Code du travail ce soir. Je vous dirai tout simplement que, quand tu t'accrédites au Code du travail auprès du ministère du Travail, c'est pour y définir des conditions de travail. L'entente que nous avons, c'est de répartir une somme, une assiette, un gâteau de travail. C'est très différent, monsieur. Et le jour où vous... Je vais vous en donner, des exemples de plaies sociales qu'on a au Québec.

Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Une plaie sociale que l'on a, c'est quand on a mis des conventions avec des planchers d'emploi puis qu'on se retrouve pris dans certaines villes avec 2 000 personnes, alors que le travail pourrait diminuer. Vous savez ça, qu'est-ce que je veux dire. On n'a pas négocié de plancher d'emploi. On a partagé la tarte du travail. Et ce n'est pas une convention collective, c'est une prérogative de confiée à des groupes de salariés. Il pourrait y avoir rien que des salariés, par exemple, si des indépendants n'existaient pas. Il pourrait y avoir des salariés, un syndicat d'artisans par exemple – je ne le sais pas, moi, supposons que c'est légal – puis on pourrait partager la tarte du travail sans pour autant toucher aux conditions de travail des salariés. J'ai enseigné ça à l'Université du Québec il y a une vingtaine d'années.

M. Fava (Franco): Écoutez, là, moi, quand vous prenez une pointe de ma tarte qui est régie par ma convention collective puis que vous la donnez à quelqu'un d'autre, vous venez jouer dans ma convention collective. D'ailleurs, je regrette l'absence des syndicats qui représentent les travailleurs de la construction à la commission parlementaire, parce que j'aurais été intéressé à entendre ce qu'ils ont à dire sur le fait qu'on prive ces gens-là, qui sont couverts par les conventions collectives, d'une partie de cette tarte-là qui a été leur gagne-pain depuis des années dans l'industrie de la construction.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, contrairement au ministre, je pense qu'on a l'intention de poser des questions puis d'écouter vos réponses et de ne pas faire comme le ministre a fait. Vous savez, quand un groupe – en fait, c'est arrivé à deux, trois reprises aujourd'hui – vient ici puis qu'il dit qu'il n'est pas d'accord avec le ministre, le ministre ne trouve pas ça sérieux. Vous avez présenté une étude. Si l'étude qui a été faite par Roche avait confirmé les dires du ministre, il aurait trouvé ça très sérieux. Mais, comme ça va contre ce qu'il pense, bien là, évidemment, ce n'est pas sérieux.

Le ministre nous dit que les gens ont le droit de n'être pas d'accord, ont le droit de s'exprimer, mais je pense que le ministre n'a peut-être pas le droit de les traiter comme il les traite en disant que ce n'est pas sérieux. Je pense que le travail que vous avez fait et le travail qui a été fait est sérieux, vous méritez de le déposer, et le ministre aurait avantage à l'écouter au lieu d'essayer de le dénigrer comme il l'a fait aujourd'hui pour tout ce qui a été présenté qui n'était pas de son avis à lui. Ça, c'est un biais du gouvernement, un biais du ministre qui existe depuis longtemps: quand on est d'accord avec lui, tout est correct; quand on n'est pas d'accord, c'est ridicule, ce n'est pas sérieux, c'est des groupuscules, etc.

Alors, je vais vous poser certaines questions sur le fond de votre mémoire. D'abord, le ministre nous a avancé aujourd'hui, à un moment donné dans le cours des discussions, que les changements de pourcentage en dessous de la ligne des infrastructures, tout ça, ça faisait en sorte que c'était un transfert de 12 % de travaux. Je regarde dans le document que vous nous avez remis et je vois que c'est 19,7 %, près de 20 %. Alors, il y a un écart, là. Le ministre prétend que c'est 12 % du travail qui est transféré; dans votre document, vous nous dites que c'est près de 20 %.

Alors, j'aimerais peut-être que vous nous expliquiez, si c'est possible, la différence qui existe entre les deux et l'impact que ça a, de façon concrète, en termes monétaires, pour les entrepreneurs comme tels de voir passer 20 % du travail, qui peut être fait par les entrepreneurs actuellement, aux postes de courtage. Quel impact au niveau financier ça a pour les entrepreneurs comme tels?

M. Brassard (René): Écoutez, strictement au ministère des Transports, l'entente intervenue fait transférer 2 300 000 t de matériaux, ce qui est la moyenne. La moyenne de transport que le ministère génère dans ses activités annuellement, c'est environ 13 000 000 t, excluant le transport fait par les hors route. De ce 13 000 000 quelques 100 000 t là, 2 300 000 t sont transférées de la responsabilité de l'entrepreneur aux camionneurs artisans. Alors, si on fait la division: 2 300 000 par 13 000 000, on arrive à 19 %, 20 % à toutes fins pratiques.

M. Bordeleau: Et les conséquences, sur le plan économique, que ça va avoir pour les entrepreneurs, c'est quoi?

(21 h 10)

M. Brassard (René): C'est évident que ça change la donne au complet en termes de fonctionnement d'entreprise. C'est une des conséquences les plus graves, parce qu'à partir du moment où les tonnages en bas de l'infrastructure... Et là il ne faudrait pas entrer dans la technique. On a toujours réservé le partage des tonnages au-dessus de l'infrastructure: l'asphalte et les matériaux de terrassement. À partir du moment où on s'en va en bas de l'infrastructure, on s'en va carrément dans le chantier de construction, on s'en va dans les excavations, on s'en va dans les travaux de construction comme tels des entrepreneurs. Là, ça devient ingérable. Ça devient impossible de fonctionner.

Parce que là on est assujetti – c'est un peu ce que M. Fava expliquait tout à l'heure – là on tombe dans le domaine du chantier, et les travailleurs qui sont à ce niveau-là, c'est de l'assujettissement. Et là on a le problème de l'assujettissement. Un entrepreneur qui fait une tranchée d'égout ou d'aqueduc dans une municipalité ne fera pas que de l'excavation pendant une semaine puis, après ça, que du remblai pendant une autre semaine. Il va alterner dans la journée des fonctions qui sont assujetties et non assujetties, ce qui fait que, finalement, ce n'est pas gérable. Et c'est un des principaux problèmes qu'on a avec cette répartition de la tarte là qui a été faite.

On a dit, effectivement, qu'on était prêt à envisager un «un truck-un truck» – l'expression qu'on a utilisée, c'est «un camion-un camion» – mais sans jouer à l'intérieur des tonnages pour laisser à l'entrepreneur au moins de la flexibilité. Cette chose-là, on l'a mise sur la table. On n'a pas été capable d'en venir à une entente parce qu'on nous demandait d'autres choses. On nous demandait les surplus de capacité, on nous demandait de concéder des choses qui étaient... Encore une fois, je ne veux pas embarquer dans la technique, mais ce n'était pas acceptable, la façon dont il l'a fait.

M. Bordeleau: Un autre point. À la page 4, on fait référence aux travaux publics. Vous dites: «Ce privilège sera consenti à un prix dépassant jusqu'à 25 % les prix du marché.» Il y a une partie qui est le salaire du chauffeur avec les autres avantages, toutes ces choses-là. Le ministre nous disait que ça correspond à 65 $ de l'heure, un camionneur, là, qui travaille pour un contracteur, alors que le travail fait par l'ANCAI était de 53 $, je pense.

M. Brassard (René): Voulez-vous répéter la question?

M. Bordeleau: Le ministre nous disait aujourd'hui que le travail effectué par les contracteurs comme tels arrivait à 65 $ de l'heure au niveau des camions, alors que le travail fait par l'ANCAI serait de 53 $.

M. Brassard (René): C'est évident.

M. Bordeleau: Vous nous dites ici que le privilège qui est donné, au fond, aux postes de courtage, à ce moment-là, leur sera consenti à un prix dépassant jusqu'à 25 % les prix du marché. Alors, à quoi...

M. Brassard (René): Alors, démêlons deux choses. Le coût du camion, c'est une chose; le prix de vente du transport, c'est une autre chose. Alors, ce que l'on dit quand on réfère à 25 % de plus que le marché... Et, si vous allez dans l'étude économique, on a enquêté cet aspect-là de façon très détaillée. Ce que la grille de tarifs publiée par le ministère donne comme prix, si vous l'appliquez dans le marché privé ou dans un marché de compétition... Et l'ANCAI, même, lorsqu'elle est en compétition, donne des escomptes. Lorsque l'ANCAI voit certaines circonstances ou situations, elle donne un escompte: 10 %, 15 % sur le prix de la grille publiée. Alors, le prix de la grille, c'est une chose; le taux du camion, c'est une autre chose. C'est deux notions complètement différentes.

M. Bordeleau: Alors, dans un contexte de concurrence, au fond, là...

M. Brassard (René): Dans un contexte de concurrence, ce qu'on constate, c'est la chose suivante, c'est que, automatiquement... Et, même, l'ANCAI donne des escomptes de 10 %, 15 %, dépendant de la distance de transport. C'est sûr que sur de courtes distances les escomptes sont moins forts. D'ailleurs, c'est très bien indiqué dans le document qui est là. Sur les distances plus loin, les escomptes peuvent aller jusqu'à 25 %, 30 %. Alors, c'est ça qui est arrivé.

M. Bordeleau: Juste une dernière question, parce que je veux laisser du temps à mes collègues. Encore à la page 4, vous faites référence, là, au fait que c'est inacceptable, le changement des règles de soumission dans les cités et villes. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu, là, l'impact que ça aurait qui justifie votre position par rapport à ça?

M. Brassard (René): Écoutez, les municipalités... D'ailleurs, ils vont être présents...

M. Bordeleau: Oui, ils vont venir tout à l'heure, là.

M. Brassard (René): ...après nous, ils vont expliquer leur point de vue à ce sujet-là. C'est évident que l'entrepreneur, lui, quand il soumissionne dans une ville, il soumissionne en compétition avec d'autres entrepreneurs. Il est soumis à un processus d'appel d'offres et il doit donner le meilleur prix. Comment peut-on accepter que, pour ce qui est une partie essentielle de son travail, une partie fondamentale, sur cette dimension-là, on donne aux membres du club un privilège de faire une entente de gré à gré? Ce n'est pas acceptable. C'est un traitement à deux niveaux.

M. Bordeleau: Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Madame, messieurs. Au niveau des emplois, le ministre aujourd'hui nous a fait des grands discours de compassion à l'égard des transporteurs, des chauffeurs. On nous dit qu'il faut préserver, il faut donner plus de place aux artisans. D'un autre côté, il ne nous dit pas qu'il va y avoir des pertes d'emploi. Et on a entendu la FTQ qui est venue faire des représentations plus tôt. On leur a demandé, dans les gens qui vont perdre leur emploi, combien eux avaient de membres. Ils ne nous ont pas vraiment répondu. Mais, vous, est-ce que vous pouvez nous dire ce soir, ici, combien d'employés vous allez devoir mettre à pied puis combien ça peut représenter de masse salariale au niveau de vos entreprises?

M. Brassard (René): Alors, ça, c'est un des aspects qui ont été traités dans ce document-là. Évidemment, quand on prend 2 300 000 t de matériel de toutes natures, qu'on le transfère de l'entrepreneur vers le camionneur, les entrepreneurs vont devoir vendre des camions, vont devoir diminuer le personnel, vont devoir... parce que la fonction transport va évidemment diminuer considérablement. L'évaluation qui a été faite dans cette étude-là – et je vous invite à en prendre connaissance – établit, je pense, à 523 le nombre de pertes d'emplois estimées en fonction des critères économiques connus dans une situation comme celle-là.

Alors, c'est évident que le transfert de responsabilité de l'un à l'autre... Vous allez me dire: Oui, mais on va créer autant d'emplois chez les artisans. Pas du tout. Ils nous disent qu'ils ne travaillent pas. Je veux dire, là, ils vont travailler un petit peu plus peut-être, sauf qu'on ne créera pas d'emplois du côté des camionneurs artisans.

M. Whissell: Puis, dans ces emplois-là, est-ce que c'est des emplois en grande partie syndiqués?

M. Brassard (René): Ah bien! oui, c'est évident. C'est des emplois assujettis à l'industrie de la construction, payés au coût de 32 $ de l'heure. En fait, c'est des emplois fortement rémunérés, évidemment.

M. Whissell: Alors, c'est des emplois, en bout de ligne, qui sont mieux rémunérés peut-être même que si on donne le transport à des artisans?

M. Brassard (René): Effectivement. D'ailleurs, la différence entre le taux de... L'ANCAI peut offrir un camion à 49 $ de l'heure parce que, évidemment, le camionneur, le conducteur n'est pas assujetti à la convention collective de l'industrie avec tous les coûts qui sont afférents à cette convention-là. C'est comme ça qu'eux sont capables de compétitionner. Et c'est d'ailleurs sur cette base-là que souvent les entrepreneurs donnaient du transport bien au-delà des quotas qu'ils étaient obligés de faire.

M. Whissell: Mais pourquoi les syndicats ne décrient pas la situation?

M. Brassard (René): M. Fava a posé la question.

M. Fava (Franco): Bien, c'est un peu ce que je déplorais auprès du ministre. Ce que je déplore, c'est les grands absents du débat à la commission parlementaire, c'est-à-dire toutes les centrales syndicales qui représentent les travailleurs de la construction. Cette même coalition avec qui on négocie nos conventions collectives est absente. Il y a peut-être une raison, peut-être pour le grand bien des centrales syndicales par rapport au petit groupe qui s'occupe plus particulièrement de l'industrie de la construction. Il faudrait peut-être poser la question aux Jean Lavallée puis aux Henri Massé et compagnie. Écoutez, je ne peux pas vous dire pourquoi Jean Lavallée, qui est président de la FTQ-construction, n'est pas ici pour défendre l'intérêt de ses membres puis les pertes d'emplois qui vont découler de ce projet de loi là.

M. Whissell: Mais ne vous en faites pas. Tantôt, le ministre a commencé en leur disant qu'il saluait ses amis, mais...

M. Chevrette: ...

M. Bordeleau: M. le ministre, là, franchement.

M. Chevrette: Arrive donc en ville, là.

Le Président (M. Lachance): Un instant, là.

M. Bordeleau: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bordeleau: M. le Président, est-ce que vous pouvez dire au ministre de se calmer, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lachance): Je pense que ça allait bien, là.

M. Chevrette: ...

M. Bordeleau: Respirez par le nez.

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît, là, ça allait bien. On continue. M. le député de Montmagny-L'Islet, vous voulez intervenir?

M. Fava (Franco): ...là-dessus, si vous me permettez, pour compléter cet argument-là. C'est que les syndicats de la construction, de façon générale, sont très jaloux – et vous le savez, M. le ministre – de la juridiction puis de ce qui est couvert par la loi des relations de travail. Puis, à chaque fois qu'on reçoit un peu de travail à pied d'oeuvre qui risque de leur échapper puis qui risque d'échapper au champ d'application de la loi, c'est les premiers à monter sur les barricades pour défendre l'intérêt de leurs membres. C'est pour ça que je déplore leur grande absence au niveau de la commission. Je pense que ça mériterait d'être vérifié, cet élément-là, et savoir pourquoi ils ne sont pas ici.

Le Président (M. Lachance): Je signale qu'il reste trois minutes, M. le député de Montmagny-L'Islet. Vous avez la parole.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Madame, messieurs. Moi, j'aimerais d'abord avoir une meilleure compréhension du rôle que vous jouez au niveau du volume d'activité économique dans l'ensemble des grands travaux. Et ma question est à l'effet que... Quelles sont vos relations avec les camionneurs artisans, de façon historique? Est-ce que, de façon générale, quand il y a une norme 75-25, vous travaillez strictement avec cette norme-là ou, plus souvent que pas, dans l'infrastructure, vous employez davantage de camionneurs artisans que les règles le prévoient, quand il y a une règle? Je veux juste savoir si vous travaillez toujours avec une règle stricte.

(21 h 20)

M. Brassard (René): Écoutez, je pourrais vous identifier, particulièrement dans l'asphalte... L'asphalte, le quota est 25 % aux artisans, 75 % aux entrepreneurs. Je peux vous dire que dans l'asphalte probablement 60 % à 70 % est donné pareil aux camionneurs artisans. Et donné de gré à gré, et donné parce que c'est fonctionnel de le faire. Les entrepreneurs ne s'occupent pas du tout du quota. Comme l'entreprise de M. Fava, il y a des entreprises en asphalte qui n'ont aucun camion. Et je pourrais vous nommer une compagnie comme Sintra, par exemple, à Montréal, qui est le plus gros producteur d'asphalte au Québec et qui embauche bon an, mal an, l'été, de 300 à 400 camions pour ses besoins de transport. Ils ne s'occupent pas du quota.

Où le projet de loi, pour nous, devient pervers, c'est quand on rajoute au projet de loi la notion d'entrepreneur. Vous comprendrez que, moi, comme entrepreneur en construction, si je fais affaire avec un poste... Si j'engage un artisan, c'est une chose, mais, s'il faut que j'engage un entrepreneur en camionnage qui vient faire du camionnage chez nous, ça devient mon sous-traitant, mon sous-traitant que je n'ai pas choisi, parce que je fais affaire avec un poste, que je n'ai pas le choix de rémunérer selon les taux et dont je suis responsable si ce bonhomme-là ne paie pas les salaires prévus au niveau... Parce que, au niveau de l'Office de la construction, on est responsable, comme vous le savez, du non-paiement des salaires de nos sous-traitants.

Alors, j'ai un sous-traitant que je n'ai pas choisi, je n'ai pas négocié ses taux, mais je suis responsable de ce sous-traitant-là en cas que, lui, il manque à ses obligations envers ses travailleurs. C'est pour cette raison-là que l'Association s'objecte au projet de loi en ce qui a trait à la partie entreprises de camionnage en vrac.

C'est pour ça qu'on a toujours maintenu notre position à l'effet que, oui, on est pour l'artisan propriétaire et chauffeur de son propre camion. Mais, quand on étend le projet de loi au-delà de ça, c'est là que le projet devient pervers. D'autant plus que, avec la loi des relations de travail, le chevauchement de ce qui est assujetti, non assujetti, qui amène des amendes, qui nous amène sur la fameuse loi sur le travail au noir qui met en péril, à toutes fins pratiques, nos licences d'entreprises en construction...

Le Président (M. Lachance): Alors, je regrette, mais le temps imparti est déjà écoulé. Je vous remercie, madame, messieurs de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec pour votre participation aux travaux de la commission.

J'invite maintenant les représentants de l'Union des municipalités du Québec à bien vouloir se présenter, comme dernier groupe ce soir, pour cette consultation.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous prie de bien vouloir vous identifier, ainsi que la personne qui vous accompagne, comme porte-parole.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Noël (Roger): Roger Noël, maire de Saint-Nicolas, représentant de l'UMQ, et je suis accompagné de Diane Fortin, conseillère aux Politiques à l'UMQ.

Le Président (M. Lachance): Monsieur, madame, vous avez un maximum de 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires concernant le projet de loi n° 89. Est-ce que je dois comprendre, M. Noël, que vous n'avez pas de document écrit à remettre aux membres de la commission? C'est ça?

M. Noël (Roger): Oui, je n'ai pas de document écrit à remettre ce soir.

Le Président (M. Lachance): Alors, on vous écoute religieusement.

M. Noël (Roger): D'accord. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. L'Union des municipalités du Québec remercie la commission des transports et de l'environnement de lui donner cette opportunité de faire connaître les préoccupations du monde municipal à l'égard des principaux enjeux du projet de loi n° 89, soit la Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac, que vous avez présenté à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier.

Les 275 municipalités membres de l'UMQ représentent plus de 5 000 000 de Québécois et de Québécoises et gèrent 77 % des budgets municipaux. L'Union des municipalités est le seul regroupement à représenter le monde municipal dans toute sa diversité et l'une des rares organisations dont le poids et la légitimité lui permettent d'intervenir dans les débats publics au nom de 70 % de la population.

Nous avons pris connaissance du projet de loi n° 89 qui apporte des modifications législatives aux lois municipales relativement à l'octroi des contrats municipaux de camionnage en vrac. Actuellement, en vertu de l'article 573.3 de la Loi sur les cités et villes, il n'y a pas d'obligation d'assujettir les contrats municipaux de camionnage en vrac à la procédure d'adjudication par voie d'appel d'offres, puisque c'est la Commission des transports du Québec qui fixe les tarifs. Le projet de loi n° 89 vient changer les règles du jeu, puisqu'il vise à maintenir l'exclusion de ce type de contrat à cette procédure.

Dans le contexte de l'abrogation du pouvoir de la Commission des transports du Québec de fixer des tarifs à partir du 1er janvier 2000, date à laquelle entrera en vigueur la disposition de la loi fédérale sur la mise en oeuvre de l'Accord pour le commerce intérieur, soulignons que, même si actuellement les contrats de camionnage en vrac ne sont pas assujettis à la procédure d'appel d'offres, de nombreuses municipalités procèdent quand même par voie de demande de soumissions publiques pour l'octroi de ces contrats au plus bas soumissionnaire en vue d'obtenir les meilleurs prix.

L'Union des municipalités du Québec s'oppose à ce projet de loi qui entrera en vigueur le 1er janvier 2000 et qui modifie notamment la Loi sur les cités et villes, le Code municipal, les lois des trois communautés urbaines et la charte de la ville de Montréal de manière à maintenir l'exclusion des contrats de camionnage en vrac du processus relatif à l'adjudication des contrats après demande de soumissions publiques dans le contexte de la déréglementation à venir. Du point de vue municipal, cette déréglementation semble comporter, de prime abord, des avantages, puisqu'elle pourrait se traduire par une baisse générale des coûts de transport de la neige, du sel et des agrégats.

Par ailleurs, il importe de souligner que, pour de nombreux camionneurs, cette élimination des tarifs du camionnage en vrac pourrait signifier une diminution de leurs revenus et qu'à ce titre la perspective d'un marché déréglementé les inquiète. Soulignons à ce chapitre que la protection de l'État a jusqu'à maintenant permis le maintien d'un nombre important de camionneurs en dépit d'une baisse importante de l'activité dans le secteur du génie civil et de la voirie et de la fixation par la Commission des transports du Québec de tarifs plus élevés, de l'ordre de 30 % à 40 %, que ceux que l'on retrouverait dans une situation de libre marché. Les réalités économiques d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes, et les camionneurs sont presque le même nombre qu'au début des années quatre-vingt-dix à se partager les contrats dont le nombre va en diminuant. La concurrence y est donc vive.

Le projet de loi n° 89 doit avant tout être resitué dans ce contexte pour en saisir toute la portée ainsi que les enjeux qu'il soulève pour les camionneurs. Rappelons que le gouvernement du Québec exigera, pour le 1er janvier 2000, que toutes les entreprises de camionnage en vrac détentrices d'un permis de la CTQ s'enregistrent auprès de cette Commission. Par la suite, elles devront obligatoirement s'abonner d'ici le 30 mars 2000 à un poste de courtage sous peine de perdre leur droit de faire du camionnage dans des contrats publics. Il s'agit d'une exigence découlant de l'entente signée le 13 octobre dernier entre le ministre des Transports du Québec, l'Association nationale des camionneurs artisans et le Regroupement des corporations régionales 03, 05 et 06, soit Québec, Estrie et périphérie de l'île de Montréal.

Le gouvernement a aboli les permis de camionnage pour les remplacer par un enregistrement obligatoire à une association de courtage. Il semble qu'il en coûtait de 2 000 $ à 3 000 $ par camion pour être enregistré. Il y a lieu de croire que plusieurs camionneurs ou entrepreneurs propriétaires de flottes de camions ne pourront le faire. Il s'agit d'un montant pouvant atteindre quelques millions de dollars pour la province. Pour absorber ces coûts, les camionneurs hausseront nécessairement les tarifs. À cause de ces nouveaux déboursés, on peut craindre que le nombre d'entrepreneurs diminue substantiellement et que par conséquent on assiste à une diminution très importante de l'offre de camions, ce qui constituera un autre facteur influençant la hausse des tarifs.

(21 h 30)

Le constat est qu'actuellement il y a trop de camionneurs, mais les nouvelles règles du jeu pourront conduire à une pénurie, et il ne faut pas négliger cet aspect de la problématique.

D'autres impacts négatifs sont également à prévoir pour les villes. Dans les cas où les postes de courtage n'auront pas suffisamment de camions pour répondre à la demande du secteur public, des retards dans l'exécution des travaux sont anticipés, et ce seront les municipalités et les contribuables qui paieront pour le non-respect du calendrier d'exécution des travaux. Dans les cas d'octroi des contrats de neige, on peut se demander comment le poste de courtage pourra répondre aux demandes pressantes des municipalités aux prises avec des situations urgentes de déneigement des rues, si le nombre des camionneurs enregistrés et disponibles n'est pas suffisant. Qu'en coûtera-t-il aux villes si le poste de courtage local ne peut fournir des camionneurs locaux pour l'exécution des travaux? Le recours à des camionneurs provenant de secteurs plus éloignés ajoutera aux autres facteurs d'augmentation des prix.

En fait, il faut se demander si le projet de loi n° 89, en favorisant les postes de courtage pour l'octroi des contrats publics, ne vise pas à réglementer à nouveau de manière détournée un marché qui ne le sera plus à compter du 1er janvier 2000. Il présente donc des avantages pour les camionneurs qui seront enregistrés à un poste de courtage et qui pourront ainsi hausser leurs prix dans un contexte où leurs conditions de travail sont de plus en plus difficiles, faisant l'objet de débats sur la place publique depuis quelques mois. Mais il éliminera du même coup les effets positifs anticipés pour les municipalités et les contribuables des nouvelles règles du jeu en faveur d'un libre marché à compter du 1er janvier 2000.

Les modifications législatives proposées viennent annuler les effets bénéfiques de la déréglementation, car l'octroi des contrats municipaux de camionnage en vrac ne sera pas assujetti aux règles de demande de soumissions publiques et d'adjudication au plus bas soumissionnaire. Il est inacceptable que les postes de courtage deviennent le gestionnaire exclusif dans le domaine du transport en vrac et que les villes deviennent captives d'un marché fermé où seuls les camionneurs qui sont inscrits aux registres des postes de courtage pourront obtenir un contrat municipal. Il y a lieu d'anticiper des coûts importants pour l'exécution des travaux publics effectués par les municipalités, notamment ceux liés aux infrastructures – aqueduc et égout – ainsi que les contrats de déneigement. Tout porte à croire que c'est une facture additionnelle de plusieurs millions de dollars annuellement qui sera refilée aux contribuables fonciers municipaux pour le seul secteur du transport en vrac sur les nombreux chantiers publics à venir.

Pour l'UMQ, il est donc inacceptable que le gouvernement du Québec amende les lois municipales, tel que proposé dans le projet de loi n° 89, en vue de permettre aux municipalités de passer outre aux règles habituelles d'octroi des contrats municipaux en matière de camionnage en vrac, dans un contexte de déréglementation, et ceci, par souci d'équité et de transparence à l'égard des contribuables québécois. La libre concurrence ne sera pas au rendez-vous, et il est inacceptable que la fixation des tarifs, auparavant de la compétence de la Commission des transports du Québec, soit dorénavant du ressort des postes de courtage accrédités.

Dans le contexte où les tarifs fixés par la Commission des transports sont trop élevés, les municipalités ont tout intérêt à les voir disparaître. L'UMQ est donc favorable à leur abolition, mais en contrepartie de l'obligation du recours à la règle du plus bas soumissionnaire en vue de permettre aux municipalités de réaliser des économies appréciables au bénéfice des contribuables municipaux. Nous tenons à vous rappeler que l'UMQ a fait une énorme concession, à l'été 1998, en appuyant une requête de l'Association nationale des camionneurs artisans en vue de faire une demande de modification aux lois municipales afin de permettre aux municipalités d'inclure dans les contrats octroyés par elles une clause de protection permettant d'assurer en priorité du travail aux camionneurs résidents de la municipalité, ce qui faisait difficilement l'unanimité parmi les municipalités.

Le projet de loi n° 71, 1999, chapitre 38, Loi concernant le transport de matière en vrac dans les contrats municipaux, a fait droit à cette demande. Celui-ci a été sanctionné par l'Assemblée nationale le 19 juin 1999 et n'est pas encore entré en vigueur. Il y a donc lieu de s'interroger sur les réelles intentions du législateur dans le choix d'introduire dans les lois municipales des dispositions qui vont à l'encontre du courant de libéralisation des marchés et qui permettront aux camionneurs de déroger à la règle générale du processus d'appel d'offres en l'absence de tarifs fixés par le gouvernement.

L'UMQ vous invite à examiner avec circonspection les raisons qui ont ainsi conduit à vouloir permettre aux contrats de camionnage en vrac d'échapper à la procédure d'appel d'offres. Dans un contexte de libre marché, le fait pour les camionneurs de ne pas avoir à respecter les prescriptions relatives à ce processus va à l'encontre de l'esprit de la loi.

À cet effet, nous vous rappelons que cette procédure d'adjudication des contrats municipaux par voie d'appel d'offres a été établie principalement au bénéfice des municipalités et dans l'intérêt public, et non pas en faveur des soumissionnaires. Le but de la loi est clair. Le législateur a voulu dépolitiser la distribution des contrats, assurer une concurrence loyale et permettre aux municipalités d'obtenir le meilleur produit au meilleur prix.

Les raisons qui ont conduit le législateur à édicter de pareilles règles sont donc la protection des contribuables pour qu'ils aient les meilleurs prix pour les produits et services qu'on recommande en leur nom, tout en assurant la concurrence entre les entrepreneurs, en donnant la chance à tous les intéressés d'offrir leurs services pour exécuter les travaux de la municipalité, de la manière qu'elle veut les faire exécuter.

Enfin, il y a lieu de se demander pourquoi l'obligation faite aux municipalités de recourir à des soumissions pour l'octroi de contrats de camionnage en vrac ne serait pas requise, alors qu'elle l'est pour les autres contrats. Il y a un problème d'équité contractuelle qui est non conforme à l'esprit du législateur qui a instauré cette politique de demande de soumissions publiques dans un contexte de libre marché.

Le Président (M. Lachance): Je vous prierais de bien vouloir conclure, s'il vous plaît.

M. Noël (Roger): En conclusion, c'est que l'UMQ demande au gouvernement du Québec que, dans un cadre semblable, elle réfère aux demandes de soumissions publiques pour tout contrat, comme c'est pour les services qu'on a dans les municipalités.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Noël. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, M. le maire, vous me permettrez d'abord de vous féliciter pour votre élection de novembre.

M. Noël (Roger): Merci.

M. Chevrette: Et je tiendrai compte que ça fait longtemps que vous n'êtes pas maire, dans mon questionnement. Mais où est-ce que vous trouvez, dans la loi, qu'on oblige les municipalités à ne pas aller en soumissions? Pour vous aider, là, vous avez référé à l'adoption de la loi en juin, qui remonte à 1998 comme dépôt. N'est-il pas exact, M. le maire, ou madame, que c'est marqué «la ville peut» et que ce n'était qu'un pouvoir habilitant, qui donne un pouvoir de faire mais non pas une obligation de faire?

M. Noël (Roger): Mais qu'est-ce qui serait souhaité, M. le ministre, c'est que le ministère dise: Les municipalités doivent aller en appel d'offres public pour tout contrat, que ce soit en vrac, pour du transport ou autre. Parce que, lorsqu'on dit «peut», M. le ministre – je le sais, j'ai travaillé longtemps dans le monde municipal, et vous le savez – lorsqu'on permet cette chose-là, plusieurs municipalités disent: On n'est pas obligé de le faire. Et, à ce moment-là, celui qui est désavantagé, c'est le contribuable de la ville.

M. Chevrette: Mais, M. le maire, le maire qui fait ça, il n'est pas correct s'il n'y va pas.

M. Noël (Roger): Bien non, c'est marqué dans la loi «peut le faire». On n'oblige pas à le faire.

M. Chevrette: Bien oui, mais, s'il peut... Donc, si le maire est correct puis si c'est juste un pouvoir habilitant, expliquez-moi qu'est-ce qui n'est pas correct, là.

(21 h 40)

M. Noël (Roger): C'est-à-dire que, du point de vue du gouvernement, vous vous déchargez sur les municipalités pour dire: On vous a donné le pouvoir de le faire, vous ne l'exécutez pas.

M. Chevrette: Bien, la ville de Montréal, par exemple, elle va en soumissions publiques pour le déneigement. Il n'y a rien qui l'empêche. Vous êtes maire de Saint-Nicolas. C'est marqué, dans la loi, que vous pouvez ou pas respecter l'entente. Vous êtes obligé de le faire seulement si j'ai un protocole avec vous comme ministre des Transports. Mais, si vous faites une rue municipale, qu'est-ce qui vous oblige, dans la loi, à recourir aux postes de courtage?

M. Noël (Roger): Présentement, il n'y en a pas.

M. Chevrette: Même la loi de 98, est-ce qu'elle vous oblige ou si elle vous offre l'opportunité de faire ou de ne pas faire?

M. Noël (Roger): La loi n° 98?

M. Chevrette: Non, la loi de juin dernier, excusez.

M. Noël (Roger): Juin 1999, O.K. La loi de juin 1999 permettait, disons, qu'on fasse affaire avec les postes de courtage du secteur, les camionneurs artisans.

M. Chevrette: Reconnaissez-vous que vous n'êtes pas obligés?

M. Noël (Roger): Oui.

M. Chevrette: Bon. On s'entend, dans ce cas-là. C'est parce que, de la manière dont j'avais compris votre exposé, c'est comme si on vous forçait. Des contrats tarifés peuvent vous empêcher, si vous le voulez bien, de ne pas aller en soumissions publiques, mais vous avez toujours le pouvoir d'y aller, et ce n'est pas une obligation de faire. Sauf que, si c'est le ministère qui fait une route ou s'il la fait avec vous dans un protocole d'entente, là il faut y aller. Mais vous avez des rues à réparer, vous avez des rues à construire, vous avez des...

Puis je vous remercie d'avoir fait allusion à l'égout et à l'aqueduc. Il y a un témoin, ce matin, qui est venu dire, puis il avait très peur: Moi, je suis dans l'aqueduc puis dans les égouts, puis vous m'obligez à aller aux postes de courtage. J'ai dit: Où c'est écrit, ça? Ce n'est écrit nulle part. Mais on leur a dit que c'était épouvantable parce que, dorénavant, les égouts et l'aqueduc, ça ferait partie du poste de courtage. Ce n'est pas vrai pantoute.

M. Noël (Roger): Non, c'est simplement le transport.

M. Chevrette: C'est le ministère des Transports, au niveau des agrégats. Si, lui, il fait des routes, il réfère aux postes de courtage, et, s'il fait des routes en collaboration avec vous autres, là on y va. Mais, dans le reste, c'est marqué «peut», M. le maire.

M. Noël (Roger): Exact.

M. Chevrette: Bon. On se comprend?

M. Noël (Roger): Oui, oui, on se comprend.

M. Chevrette: Donc, ce n'est pas une obligation de faire et c'est au maire à décider ou au conseil municipal.

M. Noël (Roger): Mais, moi, je vous dirais, M. le ministre, qu'on devrait écrire dans la loi qu'on aille toujours en soumissions publiques pour le bien du contribuable.

M. Chevrette: Oui, mais, si j'avais écrit ça, qu'on doit toujours aller en soumissions publiques, vous m'auriez dit: On est élus, nous autres, puis on est capables, puis on sait quoi faire.

M. Noël (Roger): M. le ministre, moi, je pourrais dire que je vous aurais appuyé.

M. Chevrette: Vous m'auriez appuyé, mais je peux-tu vous dire que ce n'est pas tout le monde chez vous?

M. Noël (Roger): Non, nécessairement, ce n'est pas toutes les municipalités.

M. Chevrette: Bon. On se comprend. Parce qu'il y a des villes qui, même si elles peuvent, disent carrément: Moi, je sais que je peux, mais je n'irai jamais. Bon. C'est leur droit.

M. Noël (Roger): Ils ne pensent pas nécessairement au bien du contribuable, à ce moment-là.

M. Chevrette: Ces maires-là, bien là c'est vous qui les jugez, ce n'est pas moi. N'allez pas dire que j'ai dit qu'il y a des maires qui ne pensaient pas au bien du contribuable parce qu'ils décidaient de ne pas aller en soumissions publiques. C'est vous qui l'avez dit.

M. Noël (Roger): Je n'ai pas dit que c'était vous qui l'aviez dit.

M. Chevrette: On se comprend bien, mais ça reste gravé à l'éternité, ça, ces...

M. Noël (Roger): Ce n'est pas grave.

M. Gauvin: De toute façon, il y a des témoins.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: C'est un ancien maire, à part de ça. Une autre question sur le nouveau... Vous parliez des tarifs exagérés. Savez-vous qu'au Québec c'est 48,50 $ de l'heure. À Ottawa, à côté, c'est 50 $ de l'heure, en Ontario, puis il n'y a pas de courtage en Ontario, puis c'est 1,50 $ de l'heure de plus. On est-u si effrayant que ça, au Québec, par rapport à l'Ontario?

M. Noël (Roger): Disons que, présentement, on fait mention de 30 % à 45 % si effectivement on allait à... La déréglementation va permettre la diminution des tarifs.

M. Chevrette: On a établi que les villes ont le choix, on a également dit qu'il n'y avait pas de taux minimum, mais il y a des villes, M. le maire Noël, où ça fait longtemps – puis pas des petites villes nécessairement – qu'ils font appel aux postes de courtage. La ville de Québec, la ville de Jonquière, elles ne sont pas plus mal en point que d'autres qui n'ont pas de référence.

M. Noël (Roger): Non, pas nécessairement.

M. Chevrette: Ce n'est pas automatique, parce qu'il y a un poste de courtage, qu'on y réfère. Il y a même M. Fava, tantôt, qui a même dit qu'il n'en avait pas puis que ça ne l'intéressait pas, au transport, puis ils ne sont pas plus mal en point parce qu'il n'y en a pas, puis ça permet à du monde...

D'autre part, dans vos petites paroisses, est-ce que vous ne considéreriez pas que c'est une bonne chose de faire travailler les un ou deux ou trois camionneurs en vrac que vous avez?

M. Noël (Roger): Je dois vous dire que c'est même très important, et on le faisait avant la loi.

M. Chevrette: Bon. Et vous savez, pour le milieu rural, comment ça peut être important soit pour des champs d'épuration soit pour du terrassement et que, si on ne leur permet pas de vivre... Parce que le libre marché ouvert à tous, là, au bout, là, j'aimerais bien voir le taux horaire par après puis je voudrais bien voir s'il n'y a pas de camion qui... s'il n'y en a pas qui partiront avec des clés puis qui iront les remettre, puis ça sera au détriment de vos petites localités. Oui ou non?

M. Noël (Roger): C'est des choses possibles. Mais disons que, si, effectivement, on allait tous par appel d'offres, je pense qu'il y en aurait moins...

M. Chevrette: Non, non, ça, je n'en doute pas. Vous avez la liberté – ça, je vous reconnais ça – d'y aller ou de ne pas y aller. Ça, c'est correct. Vous recommandez à l'ensemble des maires du Québec d'aller en appel d'offres.

M. Noël (Roger): Oui.

M. Chevrette: C'est votre droit le plus strict puis je trouve ça correct, moi. Mais la seule chose, c'est que vous avez la liberté. On se comprend toujours?

M. Noël (Roger): Oui, on se comprend, de ce côté-là.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet ou de l'Acadie? Moi, je...

M. Bordeleau: Bien, je peux commencer puis je vais laisser...

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: En fait, je veux peut-être juste faire quelques commentaires et une question. Ensuite, je vais laisser mon collègue de Montmagny-L'Islet intervenir.

Je pense que vous avez très bien posé le problème de la question du changement que le ministre apporte dans la loi au niveau de la Loi des cités et villes, du Code municipal, de la charte de la ville de Montréal, des Communautés urbaines de l'Outaouais, de Montréal, de Québec. Et l'effet de ça, au fond, c'est que, quand on va en appel d'offres – et je pense que c'est reconnu de façon générale par l'ensemble des citoyens du Québec – on a la chance d'avoir peut-être le meilleur coût, parce qu'on va sur le terrain, on regarde, on voit, les gens soumissionnent et on a la probabilité de pouvoir faire faire des travaux au meilleur coût possible, dans un contexte économique donné, dans une région donnée, compte tenu de tous ces facteurs-là. C'est une garantie, je pense, pour les citoyens du Québec, pour les contribuables, parce que, en bout de ligne, c'est eux qui payent. C'est une garantie que les contribuables avaient, au moment où vous aviez l'obligation de le faire.

Je pense aux travaux, par exemple, dans le domaine du vrac, au-dessus de 20 000 $, je crois, qu'était l'obligation? Alors, il y avait une garantie, à ce moment-là, le processus faisait en sorte que le citoyen était protégé par cette chose-là, cette façon de procéder. Maintenant, le ministre, vous savez, nous dit: Ah! bien, on ne vous oblige pas de ne pas aller en appel d'offres, on dit que vous pouvez ne pas y aller.

Moi, j'ai eu des contacts avec plusieurs personnes, au cours des dernières semaines, du milieu municipal, à peu près tout le monde qui sont impliqués dans le projet de loi. J'ai parlé dans les communautés urbaines, j'ai parlé à la ville de Montréal, j'ai parlé avec l'Union des municipalités, la Fédération des municipalités du Québec, et nulle part on ne m'a dit que c'était une demande du monde municipal. Ça n'a jamais été une demande du monde municipal.

Au fond, ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il change les lois du milieu municipal sans avoir jamais consulté. Les gens, quand je leur parlais de ça, ils n'en avaient jamais entendu parler avant que le projet de loi soit déposé. Il n'y a eu aucune consultation du monde municipal, selon ce que j'ai comme information, sur ces changements-là.

C'est assez spécial, vous savez. On joue dans la cour des gens, mais on n'a pas jugé nécessaire de leur en parler, de les consulter avant. Le gouvernement met ça là-dedans. Il dit: Mais on ne vous oblige pas; vous pouvez. Mais, à partir du moment où vous pouvez, il peut arriver n'importe quoi aussi. Parce que, dans certains cas, pour une raison x, y, z, un maire décidera qu'il n'y va pas, et il faut toujours se demander en bout de ligne: Est-ce que ça aura été dans l'intérêt des citoyens, des contribuables, alors qu'actuellement les règles étaient claires?

Vous savez, le gouvernement, actuellement... Je pense qu'on ne dira pas un secret ici. Depuis quand même plusieurs mois, plusieurs années, le gouvernement a une façon de s'ingérer dans le monde municipal et de forcer la note au point où on pellette dans la cour des municipalités toute une série de problèmes et on leur demande de s'organiser avec. On le voit, c'est encore l'objet de discussions actuellement. Et, quand il s'agit de mettre des solutions sur la table, ça prend beaucoup plus de temps. Je pense au pacte fiscal.

Alors, on a encore ici le même genre de chose. Il y a un problème qui existe, on l'a reconnu, et je pense que ça fait une journée qu'on en parle, là: la question du camionnage. Excepté que le gouvernement est en train de régler ce problème-là en transférant une partie de la solution au milieu municipal sans que le milieu municipal ait été consulté et sans que ça soit une garantie que ça va améliorer la situation des contribuables municipaux qui auront à payer éventuellement pour tous ces travaux-là. Alors, moi, c'est la préoccupation que j'ai.

(21 h 50)

Maintenant, quand le ministre nous dit toujours – je reviens sur ça, là: Ce n'est pas une obligation, vous pouvez, c'est quoi, l'intention du gouvernement? Parce que ça ne vient pas du monde municipal, ce n'est pas le monde municipal qui l'a demandé. Donc, c'est le gouvernement qui fait ce changement-là. Si c'est juste pour écrire puis donner de la liberté, il me semble que le gouvernement ne serait pas pressé comme ça. Pourquoi ça arrive aujourd'hui, ça, dans ce contexte-là, dans un projet de loi n° 89, qu'on inscrit, qu'on rend public maintenant que le monde municipal ne sera plus obligé de procéder comme ça?

Alors, ça se fait dans un contexte bien particulier, et le changement, il est initié par le gouvernement et les intentions en arrière de ce changement-là, c'est le gouvernement qui les a en tête actuellement. Et on sait quelles sont, au fond, toutes les conséquences que ça peut avoir. Vous avez fait référence à certaines de ces conséquences-là.

Alors, je vous disais que c'est un commentaire que je voulais faire et je veux bien le situer, parce que c'est un peu, je dirais, ratoureux, la façon dont le ministre présente ça. On fait un changement, on dit: On ne vous oblige pas à ne pas aller en appel d'offres, on fait juste vous dire que vous pouvez. Mais, après ça, regardons qu'est-ce qui va se passer par la suite alors que ce n'est pas un changement désiré.

Je veux juste vérifier. Est-ce que, à votre connaissance... Moi, je pense qu'il n'y a pas eu de consultation. J'aimerais que vous me disiez si je me trompe. Au moins, au niveau de votre Union, est-ce qu'il y a eu des discussions antérieures, est-ce qu'il y a eu des consultations sur le changement que le ministre fait?

M. Noël (Roger): Non. Disons qu'il n'y a pas eu de consultation avec l'UMQ comme telle, dans ce dossier-là, et c'est pour ça que l'UMQ fait la demande au gouvernement d'incorporer, comme les autres contrats de services, que ce soit aqueduc, égout ou autres, l'obligation d'aller en appel d'offres public. Parce que, vous savez, tout contrat en haut de 50 000 $, dans une ville, doit être par soumissions publiques. Tandis que, dans le contrat en vrac, ici, le gouvernement dit «peut le faire», mais, nous autres, on demande que le gouvernement applique le même principe, que ce soit pour un contrat de services d'aqueduc, d'égout ou autres.

M. Bordeleau: O.K. Merci. Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: M. le maire Noël, madame, en fait, ce qu'on doit retenir, la raison de votre visite à cette commission, ici, ce soir... Je crois comprendre que l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, comme l'autre union, je pense, demande depuis déjà quelques mois, quelques années au gouvernement du Québec d'assouplir les règles, de déréglementer dans la mesure du possible, que ça soit au niveau des relations de travail ou des services, des conditions de services que la municipalité... de lui donner une meilleure marge de manoeuvre pour pouvoir réduire ses coûts. En fait, si on s'entend, c'est la demande générale des municipalités depuis déjà quelques mois. Donc, j'ai compris que c'était le but de votre visite aussi de mettre en garde le gouvernement avec des projets de loi comme celui-là. J'ai raison de voir ça de même?

M. Noël (Roger): Vous avez raison.

M. Gauvin: Ma deuxième question est à l'effet que... Est-ce que les municipalités négocient fréquemment les taux? En fait, vous êtes plus familier avec votre municipalité, mais, au niveau de l'Union, est-ce que vous êtes au courant si les municipalités ont comme culture de négocier les taux de camionnage? Même avec le poste d'affectation, comme d'autres, est-ce que c'est une... Si on ne va pas en appel d'offres, on a aussi le pouvoir de négocier.

M. Noël (Roger): Disons qu'il y a des municipalités qui vont beaucoup en appel d'offres, et on a de plus en plus de municipalités qui se regroupent pour faire des appels d'offres globales pour des régions. Comme je peux vous dire, sur la rive sud de Québec, on fait de l'achat en commun sur plusieurs services qui pourraient aussi bien incorporer un jour le transport en vrac, pour l'ensemble de la rive sud de Québec. Ça peut se faire.

M. Gauvin: Les services de transport par camionnage?

M. Noël (Roger): Oui.

M. Gauvin: O.K. Est-ce que, d'après vous, plusieurs municipalités de l'Union ont adopté la clause 75-25 telle que proposée par le gouvernement du Québec en juin passé? Est-ce que plusieurs municipalités ont réagi, d'après vous?

M. Noël (Roger): Plusieurs villes se sont impliquées dans ça, oui.

M. Gauvin: Confirmer la clause 75-25 dans leurs relations avec les camionneurs artisans.

M. Noël (Roger): Oui.

M. Gauvin: Je n'ai pas d'autres questions pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: M. le maire, vous allez m'aider parce que, là, je passe pour un ratoureur puis ce n'est même pas moi qui ai amendé la loi. Le député de Montmagny vient de dire que c'était adopté en juin, vous avez dit que c'était adopté en juin passé, puis c'est ma collègue des Affaires municipales qui a passé la loi, puis là je passe pour un ratoureur, aux yeux du député de l'Acadie, de vous passer cette loi-là qui est votée. Franchement, là! Franchement! Il y en a assez! Mettez-en plus dans la cour, elle est pleine, là!

M. Noël (Roger): M. le ministre, la loi n° 71, adoptée au mois de juin 1999, n'est pas en vigueur encore. Donc...

M. Chevrette: Non, non, mais ce n'est pas ça que je veux dire. C'est que le député de l'Acadie trouve ça ratoureur de vous mettre un «peut» dans une loi, puis le ministre, lui, est après vous passer quelque chose. Ce n'est même pas moi qui l'ai fait, l'amendement, vous le savez, c'est la ministre des Affaires municipales après consultation du conseil exécutif, M. Laframboise de votre Union et M. Florian Saint-Onge et Mme Simard, à l'époque, de...

M. Noël (Roger): De l'UMRCQ.

M. Chevrette: Bon. Bien, écoutez une minute. Je veux bien passer pour ratoureur, mais les choses et les faits sont les faits. Ce n'est pas moi qui l'ai votée, la loi, c'est Mme Harel, et vos deux unions avaient donné l'aval. Et l'Union des municipalités, M. Noël, réclame depuis des années de la souplesse. Laissez-nous donc faire nos affaires. On met «peut», on vous laisse faire vos affaires, puis ça ne marche pas. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi?

M. Noël (Roger): C'est que l'Union dit actuellement: Dans la loi, on demande des soumissions publiques pour tout, et là on fait une déréglementation concernant la question du transport en vrac qui vient en force le 1er janvier 2000. Le gouvernement présente un projet de loi qui va inclure à ce moment-là une certaine réglementation, qui va obliger les camionneurs artisans à payer un montant x pour avoir le droit d'être dans le courtage. Et, lorsqu'on ira en appel d'offres, au lieu d'avoir une diminution, on aura possiblement une augmentation. Et c'est pour ça que l'Union demande qu'on passe par soumissions comme tous les autres services.

M. Chevrette: Mais, si on vous demandait, à vous, comme maire: Êtes-vous d'accord d'aller en soumissions publiques pour tous les contrats d'engagement de professionnels?

M. Noël (Roger): J'irais jusque-là, oui.

M. Chevrette: Vous, vous iriez jusque-là.

M. Noël (Roger): Oui.

M. Chevrette: Êtes-vous sûr que votre Union vous suivrait?

M. Noël (Roger): Ah! ça, il faudrait qu'on en discute avec l'Union.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Non, mais, voyez-vous? On peut bien jaser à deux, mais vous êtes assis, vous représentez l'Union ici, là. On se comprend bien?

M. Noël (Roger): Oui, je suis d'accord. Disons que c'est des choses qu'il faut vraiment tout examiner en profondeur. Mais, même des professionnels, on peut aller par des soumissions et, encore là, vous allez peut-être avoir des baisses de prix.

M. Chevrette: Le poste de péage. Quelqu'un qui ne veut pas s'inscrire au poste de péage, il n'est pas obligé d'y aller. Pourquoi vous venez d'affirmer qu'on va obliger de payer quelqu'un? Il est libre.

M. Noël (Roger): C'est-à-dire que, si on veut qu'il soumissionne sur des soumissions de cadre public, il devra faire partie de ce groupe-là.

M. Chevrette: Pardon?

M. Noël (Roger): Si on veut qu'il soumissionne pour des contrats publics, il devra faire partie de ce poste-là, du poste de courtage, sans ça il ne pourra pas soumissionner.

M. Chevrette: Où est-ce que vous prenez ça, dans la loi? Moi, j'en perds mon latin, là. Qui vous a dit ça?

M. Noël (Roger): Bien, disons que c'est l'information qui nous a été transmise.

M. Chevrette: Bien, changez de procureur, ça presse.

M. Gauvin: M. le ministre, me permettez-vous de tenter de clarifier ce que je pense comprendre?

M. Chevrette: Oui. O.K.

M. Gauvin: Ce que le représentant des municipalités nous dit – et on va vérifier si c'est ce que j'ai compris – c'est que, s'il y a protocole d'entente, seuls les camionneurs qui sont inscrits auront le droit d'aller travailler, donc de soumissionner ou d'offrir leurs services. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Noël (Roger): Oui.

M. Gauvin: Voilà.

M. Chevrette: Oui, mais dans un poste...

M. Gauvin: Ce n'est pas chinois, c'était ça.

M. Chevrette: Non, non, mais le camionneur artisan est libre et il sait d'avance quels gestes il pose. Il veut être membre d'un courtage ou il ne veut pas.

M. Gauvin: Il n'y a pas de problème.

M. Chevrette: Si c'est des contrats avec le ministère, M. Noël, vous allez devoir passer par le poste de courtage. Si ce n'est pas un contrat du... vous pouvez engager un gars qui n'est pas du poste ou qui est du poste, c'est comme vous voulez. Je ne sais pas qui vous a renseigné là-dessus, mais véritablement, je m'excuse, ce n'est pas marqué dans la loi, ça.

M. Noël (Roger): Mais, à ce moment-là, M. le ministre, c'est un contrat du ministère avec la municipalité.

M. Chevrette: Ah! si c'est un protocole d'entente, c'est «doit» aussi. Ça, vous avez raison.

M. Noël (Roger): C'est ça, c'est dans ce sens-là. C'est qu'à ce moment-là le camionneur qui n'aura pas payé ne pourra pas participer à ça.

M. Chevrette: O.K. Vous avez raison si c'est un contrat, mais je n'avais pas saisi que vous parliez des contrats où il y a un protocole d'entente entre le ministère, et ça, ça a été établi clairement aujourd'hui. Le ministère des Transports, c'est «doit», entente des municipalités ou protocole d'entente des municipalités, c'est «doit»; et après ça c'est «peut». Mais, pour une rue municipale, pour vos égouts, c'est «peut» puis pas à 100 % en plus, là. C'est ça.

Pour vos égouts puis vos aqueducs, ce n'est pas du tout dans ça. Il ne faut pas en mettre plus que le client en demande. 70 %, nous dit-on, puis ça, je ne suis pas certain du chiffre parce que je ne suis pas un expert, mais on me dit qu'à 70 % c'est tout déréglementé, qu'il reste un 30 %, puis qu'il lie le ministère des Transports, je le rappelle.

(22 heures)

Il y en a qui ont fait peur à ceux qui travaillaient au niveau des égouts ou des aqueducs en leur disant: Vous êtes finis. Ce n'est pas vrai, ça! Je veux dire, les faits sont les faits, et vous le savez que c'est important de donner au moins la vérité dans ces affaires-là, puis, moi, je m'excuse, mais je trouve que... Mais on a un gros boulot d'information à faire. Ça, je reconnais ça.

M. Gauvin: M. le Président, me permettez-vous de poser une question de clarification au ministre sur le point qu'il vient de faire?

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: M. le ministre, une municipalité qui a des travaux en cours et qui a un protocole d'entente de signé avec le ministère des Transports, il y a un octroi dans le cadre d'un projet d'alimentation en eau ou d'assainissement des eaux, le ministère des Transports est impliqué par un protocole d'entente, le ministère des Affaires municipales est impliqué par un protocole d'entente et le ministère de l'Environnement, qui a l'oeil sur...

M. Chevrette: Il y a juste le nôtre.

M. Gauvin: Il y a juste votre partie?

M. Chevrette: Il y a juste le nôtre qui dit qui «doit».

M. Gauvin: Ça, on peut répéter ça?

M. Chevrette: Bien, c'est clair.

M. Gauvin: O.K.

M. Chevrette: C'est le ministère des Transports, les agrégats du ministère des Transport et les contrats où il y a une entente conjointe. On l'a dit depuis le matin, ça.

M. Gauvin: Mais, dans l'entente que vous avez signée, M. le ministre... Est-ce que je peux continuer, M. le Président?

M. Chevrette: Ça va bien, là.

M. Gauvin: Dans l'entente que vous avez signée, il y a une clause qui dit que vous vous engagez à faire la promotion de ce que vous défendez, vous, pour votre ministère, à d'autres ministères. Si jamais vous partez à faire du lobbying auprès des autres ministères, ça va être tous les protocoles d'entente du gouvernement du Québec, si vous réussissez?

M. Chevrette: Il faudrait que les autres ministères acceptent, puis, si les autres veulent se lier...

M. Gauvin: Ah! mais là j'ai...

M. Chevrette: ...ils passeront des lois comme, moi, j'en fais une. Mais vous me permettrez d'avoir le droit de faire de la promotion.

M. Gauvin: Ah bien! ce n'est pas ça que je défendais. Je vous voyais le talent de réussir...

M. Chevrette: Bien, je vous remercie beaucoup, mais ce n'est pas ça...

M. Gauvin: ...et je me disais qu'il faut se surveiller. Au cas où vous auriez ce talent-là que je vous voyais, ça serait tous les ministères qui s'appliqueraient, et c'est bon...

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Vous allez me dire... Votre collègue va dire que je suis ratoureur. Arrêtez-moi ça!

M. Gauvin: ...que ces gens-là le sachent, que ça pourrait arriver.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, alors votre temps est écoulé également. M. le député de l'Acadie, il reste quelques minutes du côté de l'opposition.

M. Bordeleau: C'est juste pour dire, au fond, que le ministre a fait la preuve qu'il était plus ratoureux que je pensais encore.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Il vient nous dire: Vous savez, ce n'est pas moi qui ai fait ça, c'est la ministre des Affaires municipales. On ne parle pas de la même chose du tout. Lui, il parle probablement du projet de loi n° 71.

On a parlé depuis tout à l'heure – puis c'est l'objet de votre présentation – de la question de changer l'obligation d'aller en appel d'offres. Ce n'est pas la ministre des Affaires municipales qui a fait ça. C'est dans le projet de loi n° 89, présenté par le ministre Guy Chevrette, qui dit, à l'article 20: L'article 938 du Code municipal du Québec est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant: «Ils ne s'appliquent pas non plus à un contrat de camionnage en vrac conclu par l'intermédiaire d'un titulaire d'un permis de courtage – de vrac – délivré en vertu de la Loi sur les transports.»

Alors, c'est lui qui l'a présenté. On ne parle pas du projet de loi n° 71 que la ministre des Affaires municipales a présenté. Alors, je pense que le ministre essaie de mélanger tout le monde, là, mais cette décision-là, c'est lui qui l'a prise, de changer les règles de fonctionnement qui existent actuellement sans consultation du monde municipal et sans demande de la part du monde municipal.

Le Président (M. Lachance): Alors, sur ce, je vous remercie, M. Noël et Mme Fortin, pour votre participation aux travaux de la commission.


Remarques finales

Nous allons maintenant aborder la dernière étape de nos travaux de cette séance, il s'agit des remarques finales. Alors, j'invite immédiatement le porte-parole de l'opposition officielle et député de l'Acadie à bien vouloir nous faire part de ses remarques finales.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, les remarques finales vont être quand même assez courtes, compte tenu de l'heure et du fait qu'on aura l'occasion amplement, au cours des prochains jours, de discuter de ce projet de loi.

Je voudrais d'abord remercier tous les groupes qui ont jugé utile de venir présenter leur point de vue. Je pense que, qu'on soit d'accord ou en désaccord avec les points de vue qui nous ont été présentés, c'était utile pour nous d'être bien conscients de toutes les dimensions du problème et, éventuellement, d'en tenir compte au moment où il y aura une législation qui sera discutée. Dans ce sens-là, je pense que la consultation a été utile, parce que ça nous a permis de comprendre de façon beaucoup plus claire toutes les dimensions. Et ce n'est pas évident, parce que c'est quand même une problématique qui est assez compliquée, assez complexe. Alors, je veux remercier tous ceux qui ont accepté de venir présenter leur point de vue.

Au cours de la journée, on a vu, suite à certaines présentations, des ouvertures, des gens qui sont prêts à manifester une certaine flexibilité, des suggestions, des recommandations précises. Alors, je pense, M. le Président, qu'on voit que, dans l'état actuel du projet de loi n° 89, il n'y a pas un consensus, loin de là. Et les ouvertures qui ont été faites de la part de tous les groupes, qu'on soit favorable ou défavorable au projet de loi, sont intéressantes et sont peut-être un peu aussi porteuses d'avenir. Alors, je pense que, si on pense que ces ouvertures-là peuvent être prises au vol par le ministre, il y a peut-être lieu de penser qu'on pourrait aller peut-être un peu plus loin dans le projet de loi. Avant qu'on en arrive à l'adoption finale de ce projet de loi là, il y aurait possiblement des moyens d'améliorer le projet de loi.

Maintenant, ça implique évidemment, de la part des intervenants qui sont venus aujourd'hui, qui ont manifesté, en tout cas, ici, de l'ouverture, que ces gens-là devront aussi faire preuve de flexibilité et de bonne volonté. Mais ça va aussi impliquer, de la part du ministre, que le ministre manifeste aussi une certaine ouverture. Et, aujourd'hui, je ne pourrais pas dire qu'il nous a fait une démonstration très éloquente. Quand il y a eu des gens qui sont venus présenter des points de vue qui étaient différents du sien, je ne pense pas que l'écoute ait été particulièrement attentive. Et je pense que, si on veut arriver à modifier et à apporter des améliorations, ça impliquerait aussi que, de la part du ministre, il y ait une ouverture puis un certain respect des points de vue puis une recherche de consensus.

Je pense que le ministre a suffisamment d'informations, actuellement, suite à la consultation d'aujourd'hui, des recommandations, des suggestions sérieuses pour améliorer sensiblement le projet de loi et tenter, au fond, d'en arriver le plus possible à rallier un peu les parties autour d'une solution qui pourrait être acceptable aux parties puis aussi défendable au plan des engagements que le gouvernement a pris – je pense aux accords de commerce intérieur.

Alors, le ministre a ces éléments-là en main. Maintenant, qu'est-ce qu'il va en faire? Ça, c'est lui qui en décidera. Je pense que, nous, à partir des présentations d'aujourd'hui, on va aborder l'étude des autres étapes d'une façon ouverte, mais on a déjà un certain nombre de modifications qu'on va suggérer. Si ça ne vient pas de la part du ministre, on va le faire, nous, de notre côté. Et on espère qu'on aura l'écoute, à ce moment-là, de la part du gouvernement et que le gouvernement ne se braquera pas sur le projet de loi tel qu'il est là, actuellement. Sinon, j'ai bien l'impression qu'on s'en va dans un cul-de-sac avec ce projet-là et que le gouvernement court les troubles pour l'avenir, parce que ce n'est pas évident qu'on va avoir réglé les problèmes qui existent actuellement dans le monde du camionnage en vrac.

Alors, encore une fois, merci à toutes les personnes qui sont venues nous présenter leur point de vue, qu'il ait été favorable au projet de loi ou défavorable au projet de loi. Je pense que ça a permis aux parlementaires de mieux comprendre l'ensemble de votre industrie et des enjeux qui existent actuellement. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais parler 30 secondes de l'obligation des villes et de la non-obligation des villes. Nous n'avons rien changé quant à l'obligation ou la non-obligation en ce qui regarde les contrats tarifés. Pour ceux qui voudront aller à la référence exacte, c'est l'article 938 du Code municipal, qui dit: «Les articles 935 et 936 ne s'appliquent pas à un contrat de fourniture de matériel ou de matériaux ou de fourniture de services pour laquelle un tarif est fixé ou approuvé par le gouvernement du Canada ou du Québec ou un de ses ministres ou organismes, ni à un contrat de fourniture de matériel et de matériaux conclu entre municipalités.»

Donc, je voulais bien préciser que ça n'a rien changé, ça. Ce n'est pas parce qu'on fait une clause de concordance dans un texte de loi... On ne change en rien la nature des opérations. Et ça, je veux le faire, là, c'est clair, clair, clair en vertu de 938 du Code municipal. Il s'agit de le lire et de le comprendre.

Effectivement, je voudrais remercier, moi aussi, ceux qui sont venus et qui ont témoigné devant nous. Et j'ai pris la peine, dès le premier mémoire ce matin, de demander s'il y avait de la souplesse au niveau des rencontres possibles et puis au niveau possiblement d'une réouverture de la négociation sur plusieurs points.

(22 h 10)

Je vous rappellerai que c'est à la demande des petites entreprises – qui sont allées voir même les gens de l'ANCAI – qui voulaient avoir la clause de l'entrepreneur licencié... Ce n'est pas venu du gouvernement, ça. C'est venu des petites entreprises du coin, en particulier dans l'Estrie. Ils disent que, dans leur poste, il y a majoritairement des petites entreprises licenciées. Je me rappelle des discussions. Les gens nous suppliaient, et c'étaient des gens de l'ANCAI qui nous suppliaient: Bien, écoutez, les petites entreprises de notre coin veulent en faire partie. Et, effectivement, je vous rappellerai que, le 11 juin, on avait consenti à mettre les gens licenciés. Et puis c'est par la suite, c'est à la demande de l'ACRGTQ que ça n'a pas été là. C'est ça qu'est le problème.

Si l'ACRGTQ, demain matin, acceptait de mettre le mot «licencié» qui permette à du monde dans des petites régions... Il y a peut-être des cas particuliers dans des grandes régions urbaines, je ne le sais pas, mais, dans des petites régions, la cohabitation a toujours été correcte et elle a été saine, puis même les entrepreneurs ont décidé qu'ils ne faisaient appel qu'à ces artisans dans un coin.

Donc, à partir de là, il y a une ouverture d'esprit, et, moi, je suis toujours ouvert, comme ministre, à accepter des modifications. Et ça, j'espère que c'est clair. Je l'ai fait dire aux régions 03, 05 et 06, je l'ai fait dire à l'ANCAI, et j'ai été sensibilisé par ceux qui ont 50 % de leur membership, la machinerie lourde – qui ont témoigné les premiers, ce soir – qui demandent l'intégration, justement.

Bien, qu'est-ce que je fais? On a le choix, là. On accepte que le plus de monde possible soit au niveau du poste de courtage puis qu'il y ait une cohabitation harmonieuse... Tant et aussi longtemps que le législateur n'aura pas défini le statut de l'artisan ou le statut du travailleur autonome, qu'on va devoir définir de toute façon... Quand on regarde le taxi, quand on regarde le camionnage en vrac, quand on regarde l'artisan au niveau de la construction, il y a une série de travailleurs autonomes dans ça.

Donc, ouverture d'esprit, et je réitère l'ouverture à négocier, comme je l'ai dit depuis le matin, pour permettre au plus de gens possible de vivre en harmonie sur un territoire puis qu'ils n'aient pas à se confronter. Et je remercie ceux et celles qui ont démontré de l'ouverture d'esprit là-dessus.

Il faudra faire regarder, deuxièmement, de façon très serrée, par des procureurs – peut-être même du ministère de la Justice, là – la question de demandes de vérification au niveau des conventions collectives signées au niveau de la forêt, pour être certain que tout est correct. Parce que l'esprit de la négociation... qui a été confirmé autant par l'AMBSQ, qui a bien démontré que l'esprit de la loi, ce n'était pas d'intervenir au niveau des conventions collectives. Donc, ça, on prendra les assurances nécessaires pour voir si ça interfère ou pas.

Maintenant, peut-être la clause 50-50 dont on a déjà parlé, on verra si on peut la remettre en discussion, parce que je pense que... Moi-même, je l'ai mise sur la table puis je sais qu'elle l'est également dans une lettre d'intention, en tout cas d'ouverture, une lettre d'entente qui permettait tout au moins une négociation de bonne foi. Je pense qu'elle est toujours là, et la porte est ouverte. Je me ferai un plaisir de convoquer les parties si jamais on désire une non-confrontation, comme on a dit, mais véritablement une négociation de bonne foi. Eh bien, on verra. Mais la porte est ouverte, et je suis prêt personnellement à m'investir et à convoquer personnellement les parties si jamais on me fait signe que les parties veulent s'asseoir et négocier.

Quant au reste, je pense que les points qui ont été amorcés, c'est un peu comme une convention collective qui est ratifiée, même si ça n'en est pas une. On a reproché le temps qu'on a pris pour amener le projet de loi. Mais il fallait: un, attendre que la convention soit finie; deux, quand on a une entente, il faut rédiger un mémoire pour aller au Conseil des ministres; trois, il faut rédiger un projet de loi, il faut passer au Comité de législation, il faut le présenter à l'Assemblée nationale, il y a huit jours après. Et, quand vous regardez cela, je m'excuse, mais le temps a été rigoureusement suivi, à ce moment-là.

Je comprends que, pour les législateurs, il y en a qui trouvent que c'est trop vite. Mais combien de fois en cette enceinte, depuis 23 ans, j'ai vu des projets de loi, moi, même déposés après la date limite des dépôts de projets de loi et que les parties convenaient et consentaient que c'était d'intérêt public d'en faire l'adoption. Chaque parti politique prend ses responsabilités là-dessus, puis un point, c'est tout. J'ai dit que c'était important, que je souhaitais puis que je pensais que c'était préférable que ça soit adopté même avant Noël, puis je pense que oui, à cause du 1er janvier. Mais chaque parti politique a à prendre ses décisions sur ses attitudes puis ses décisions de voter pour, de voter contre, d'allonger le débat, c'est le Parlement, ça; on verra ce qui arrivera.

Mais je voudrais remercier très sincèrement ceux qui considèrent qu'on doit d'abord passer toujours par le processus de négociation. Je pense que c'est la meilleure formule et je l'ai mise à l'épreuve non seulement au niveau du camionnage, mais j'ai essayé d'inculquer cette notion de négociation autant dans mes fonctions avec les autochtones, avec les gens de la faune, puis c'est toujours des ministères quasiment à clientèle que l'on a. Et quelqu'un qui me reprochera mon attitude, qu'est-ce que vous voulez, chacun son style.

Je vous réitère que, moi, quant il est moins quart, il n'est pas et quart, puis je ne changerai pas mon style pour plaire à un député de l'opposition. Je veux carrément, avec beaucoup de conviction, afficher mes convictions personnelles, les afficher avec force et exiger que les faits ne soient pas dénaturés.

J'ai regretté ce matin... Ce qui m'a fâché le plus, là, c'est de voir qu'on a essayé de faire accroire à des entrepreneurs que les égouts puis les aqueducs, c'était couvert dans la loi. Puis là tu voyais trembler, trembler les gens, là, qui ont 25 camions, puis qui font des égouts puis des aqueducs, puis: Comment ça se fait, M. le ministre, que vous donnez ça? J'ai dit: Où est-ce que tu prends ça?

Moi, je m'excuse, mais la rigueur, elle est tout autant au niveau des dirigeants de quelque association que ce soit, comme au niveau des procureurs qui vous conseillent, et je ne peux pas adhérer à une position qui dénature même l'esprit et la lettre d'une loi qu'on dépose. Quand on affirme une chose devant une commission parlementaire, dans un livre ou on a le courage d'aller faire un communiqué de presse, pour avancer des choses, il faut être capable de le justifier en fonction des choses. Et qu'on soit acculé, en commission parlementaire, dans une discussion vive, à se confronter sur des idées, c'est beaucoup mieux que de se confronter dans les chemins. Je vous remercie. Bonsoir.

M. Gauvin: M. le Président, me permettez-vous une courte intervention? M. le Président? Je ne voudrais pas qu'on laisse l'impression aux gens qui sont venus ici aujourd'hui nous informer, nous faire mieux comprendre le projet de loi n° 89 et l'impact que ça avait dans chacun de leur domaine qu'il se prépare un affrontement, M. le ministre, entre l'opposition et le gouvernement. Ce n'est pas qu'on choisisse de voter contre ou pour qui est important. Notre rôle, c'est de trouver un moyen pour servir ou trouver la formule qui va avoir le moins d'irritants sur le terrain et que tout le monde trouve sa part. C'est une formule...

M. Chevrette: Vous avez raison, mais je ne faisais pas du tout allusion au rôle des parlementaires. Dans le parlementaire, on accepte les lignes de parti; je comprends ça. C'était plutôt les échanges vifs qu'on peut avoir. Ça, je pense que chacun a son style puis je respecte ça. Comme il y en a qui pense qu'on est négatif parce qu'on ose se confronter avec des idées. Pas besoin d'avoir peur. Il y en a dans la salle qui ont la couenne bien plus dure que nous autres. Puis il y en a qui en ont vu des pas mal pires que nous autres puis ils ne sont pas scandalisés du fait qu'on soit capable de se frotter les oreilles dans la recherche d'un juste milieu. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Alors, entre personnes de bonne volonté, généralement, il y a moyen de trouver un terrain d'entente.

Alors, M. le ministre, après avoir entendu neuf groupes depuis 11 heures ce matin, avec des opinions parfois très divergentes, j'exprime également le souhait, à titre de président de la commission, que vous fassiez tout en votre pouvoir pour rapprocher les gens qui auraient des idées de ce côté-là. Ça serait une solution souhaitable pour tout le monde.

Alors, sur ce, je remercie également tous les membres de la commission pour leur collaboration et tous les représentants des groupes qui se sont présentés devant la commission, et, comme la commission a accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 20)


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