(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte.
Le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 156, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains.
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Middlemiss (Pontiac).
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, voici l'horaire pour la journée. D'abord, nous aurons les remarques préliminaires du ministre et du porte-parole de l'opposition. Par la suite, nous entendrons tour à tour les groupes suivants: le Centre patronal de l'environnement du Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec et finalement, avant la suspension de nos travaux, en fin de matinée, le Barreau du Québec; cet après-midi, la Chambre des notaires du Québec et finalement le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec.
J'invite les personnes, dans cette salle, qui auraient un téléphone cellulaire ouvert à bien vouloir le fermer pendant la séance.
Et immédiatement, j'invite le ministre de l'Environnement à nous faire part de ses remarques préliminaires, pour une durée maximum de 15 minutes.
Remarques préliminaires
M. Paul Bégin
M. Bégin: Merci, M. le Président. Mmes, MM. membres de la commission, c'est avec plaisir que je participe à cette commission pour entendre les organismes invités à s'exprimer sur le projet de loi n° 156 avant son étude détaillée par la présente commission parlementaire.
J'aimerais, M. le Président, rappeler, à cette étape, l'origine et les grands principes du projet de loi ainsi que les principaux éléments de solution proposés. Comme vous le savez, la problématique québécoise liée aux terrains contaminés ne date pas d'hier, et notre gouvernement veut apporter des solutions concrètes à cette épineuse question héritée de notre passé industriel. En ce sens, à la suite d'une large consultation effectuée auprès des intervenants concernés, j'ai rendu publique en juin 1998 la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés.
Je vous rappelle qu'avant qu'elle ne soit adoptée 52 mémoires de diverses provenances ont été déposés au ministère et les clientèles les plus touchées ont été consultées. Parmi les principaux intervenants touchés par cette problématique se retrouvent le Centre patronal de l'environnement du Québec, l'Ordre des ingénieurs, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires ainsi que le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec. Ces groupes seront entendus aujourd'hui sur le projet de loi n° 156, qui constitue la pièce maîtresse de la mise en oeuvre de la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés.
Ce projet de loi traduit ce qui avait été annoncé en 1998 dans le plan de mise en oeuvre de la politique. Joint au programme Revi-Sols, il vient établir les bases nécessaires à la protection des sols et à la réhabilitation des terrains contaminés. Ainsi, de nouveaux pouvoirs permettront au ministère de l'Environnement de mieux connaître les cas de contamination des sols et d'agir plus efficacement en ciblant les situations problématiques qui nécessiteront une réhabilitation du terrain. De plus, des mesures à caractère préventif seront mises de l'avant afin que des problèmes de contamination de sols tels que nous en avons connus par le passé ne se reproduisent plus. Concrètement, les pouvoirs d'ordonnance permettront au ministre de l'Environnement d'obtenir une étude de caractérisation et un plan de réhabilitation dans les cas où la contamination excédera les valeurs réglementaires ou encore sera susceptible de porter atteinte à la santé publique ou à l'environnement.
Les secteurs industriels susceptibles de contaminer un sol seront déterminés par règlement. Ainsi, une nouvelle entreprise oeuvrant dans l'un de ces secteurs industriels devra, lorsqu'elle s'implante, caractériser son terrain pour en connaître l'état initial et surveiller la qualité des eaux durant les périodes d'exploitation. Ces nouvelles entreprises devront également prendre les mesures nécessaires pour éviter la contamination de leur terrain. Quant aux entreprises existantes oeuvrant dans l'un des secteurs industriels visés par règlement et qui cessent leurs activités, elles devront aussi caractériser leur terrain. Lorsqu'une contamination dépassera les seuils qui seront fixés par règlement, l'entreprise devra soumettre pour approbation par le ministre un plan de réhabilitation de la partie contaminée du terrain dans le but de la rendre sécuritaire. Par ailleurs, tout changement d'affectation ou d'usage d'un terrain contaminé au-delà des seuils réglementaires devra faire l'objet d'une approbation du ministre de l'Environnement, lequel s'assurera que les mesures de réhabilitation prévues permettent de rendre le terrain sécuritaire, que toute restriction d'usage liée à ce terrain soit inscrite sur un registre foncier et que les citoyens concernés soient informés.
Le projet de loi prévoit l'agrément de professionnels qualifiés pour vérifier la qualité des études de caractérisation, s'assurer que les travaux de réhabilitation soient réalisés selon les critères établis par le ministère de l'Environnement et attester de la compatibilité de l'usage d'un terrain réhabilité. Par ailleurs, le projet de loi habilitera le gouvernement à établir par règlement un ensemble de mesures relatives aux terrains contaminés afin de régir sur le territoire du Québec les activités relatives au traitement, à la récupération, à la valorisation et à l'élimination des sols contaminés.
Un autre élément important du projet de loi concerne l'obligation pour les municipalités de constituer une liste des terrains contaminés situés sur leur territoire. Pour les terrains qui apparaîtront sur cette liste, un permis de construction ou de lotissement sera délivré par la municipalité seulement lorsque le projet ou l'opération sera compatible avec l'état du terrain. Cette obligation sera spécifiée dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et contribuera à assurer une réutilisation sécuritaire de ces terrains.
En conclusion, l'ensemble des nouvelles mesures contribuera à rendre les règles plus claires, à éviter les erreurs du passé, à assurer un plus grand nombre de réhabilitations des terrains contaminés et à faciliter la réutilisation sécuritaire des terrains réhabilités. En plus des retombées positives pour la santé du public et l'environnement, les nouvelles mesures auront un impact positif sur l'industrie de l'environnement et sur le plan économique à l'échelle locale et régionale. Voilà, M. le Président, les éléments qu'il m'apparaissait important de mentionner pour expliquer davantage les objectifs poursuivis par le projet de loi n° 156. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et député d'Orford à formuler ses remarques préliminaires. M. le député.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer le ministre de l'Environnement au début de cette nouvelle année et souhaiter que l'année 2001 soit une année très environnementale, avec ce nouveau gouvernement que nous allons connaître. Je veux saluer d'une façon particulière les députés de l'Acadie et de D'Arcy-McGee, qui sont avec nous. Et je partagerai d'ailleurs mon temps de 15 minutes avec le député de D'Arcy-McGee, qui voudrait intervenir sur un des aspects du projet de loi.
Le Parti libéral a toujours indiqué au ministre de l'Environnement qu'il voulait voir l'environnement aux premières loges de ce gouvernement. Je dois avouer qu'avec l'arrivée d'un nouveau premier ministre je me suis fait un plaisir de lire un certain nombre de ses discours dans les plus importants qu'il a pu prononcer à travers le monde ou ici, à l'Assemblée nationale, et à aucun moment je ne retrouve le mot «environnement» dans ses discours. Vous me voyez craintif des prochains mois, comme environnemental, pour ce qui se passera au Québec, et je pense que nous allons plus voir le chiffon rouge que nous n'allons voir le chiffon vert au Québec dans les prochains mois, M. le Président.
n
(9 h 50)
n
Je veux remercier les gens de l'opposition, particulièrement le caucus des députés de l'opposition, qui a forcé le gouvernement à cette consultation publique ici, aujourd'hui. Nous avons tenu notre bout, et d'une façon particulière le député de D'Arcy-McGee, qui a constamment convaincu tout le monde que nous devions tenir cette commission parlementaire.
Je crois comprendre que jeudi le 8 février qui vient nous étudierons article par article le projet de loi n° 156. J'invite le ministre à bien entendre avec ses hauts fonctionnaires pour pouvoir amender son projet de loi. Tous s'entendent à mieux encadrer sur le plan légal la protection des sols et la réhabilitation des terrains contaminés. Et puis-je rappeler au ministre que le Parti libéral a été le premier parti qui, en 1988, a fait de nous la première province canadienne à se doter d'une politique de réhabilitation des sols. Donc, nous y croyions et nous y croyons toujours. Cette loi a vieilli, nous devons la réencadrer, et nous sommes d'accord avec le ministre.
D'autre part, j'invite, encore une fois, le ministre à bien entendre ce qui se dira et certaines des questions qui nous seront posées aujourd'hui ou certains des points de vue qui seront exposés. Est-ce que nous nous éloignons du principe du pollueur-payeur? Et plusieurs nous diront qu'il y a maintenant, dans la nouvelle loi, une incertitude juridique. Les institutions bancaires se retrouveront-elles devant une imprécision sur le plan des responsabilités? Est-ce que le mécanisme d'agrément des professionnels n'interfère pas avec le régime qui encadre le système professionnel au Québec? Je croyais que le ministre nous annoncerait aujourd'hui qu'il mettrait fin à cet aspect-là, mais je crois comprendre qu'il continuera dans la même direction.
Et je finirai en citant le Barreau, dans son mémoire qu'il nous présentera plus tard aujourd'hui, qui dit: «Nous considérons que de nombreuses modifications doivent être apportées au projet de loi.» Et les ingénieurs disaient, eux, dans leur mémoire: «Certains aspects du projet de loi doivent être revus.» Et le 7 décembre, dans un communiqué de presse, ils allaient jusqu'à dire, l'Ordre des ingénieurs: «Le ministre doit retirer son projet de loi et procéder à une consultation très large.» Or, M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais maintenant laisser le temps qu'il nous reste au député de D'Arcy-McGee.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le député d'Orford. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: Merci, M. le Président. C'est un privilège pour moi de prendre la parole aujourd'hui, à l'occasion de la consultation particulière du projet de loi n° 156. Et je remercie particulièrement le député d'Orford de partager son temps pour les remarques préliminaires de l'opposition officielle avec moi.
M. le Président, je vais limiter mon intervention, à l'effet des articles 31.63 et 31.64 du projet de loi devant nous, sur notre système professionnel créé par le Code des professions. Rappelons que notre système professionnel, dont nous sommes tous si fiers, date du début des années soixante-dix. L'adoption du projet de loi n° 250, Code des professions, a eu lieu en 1973. Le système professionnel mis en place par le Code des professions et qui est toujours en vigueur repose sur quatre éléments principaux, outre l'État: premièrement, à la base, on retrouve plus de 270 000 professionnels; deuxièmement, ces professionnels sont encadrés par l'un des 44 ordres professionnels, bientôt 45; troisièmement, le Conseil interprofessionnel, qui regroupe des représentants de chacun des ordres professionnels; et, quatrièmement, l'Office des professions, qui supervise l'ensemble du système et qui agit comme consultant auprès de l'État.
L'essentiel de la réforme adoptée a été d'attribuer clairement aux ordres professionnels le rôle d'assurer la protection du public, ce qui signifie essentiellement deux choses: veiller à l'intégrité et à la compétence des professionnels qui dispensent les services au public et s'assurer que le public a un accès relativement facile aux services professionnels dont il a besoin.
Il est vital, M. le Président, que tant le système que les pratiques professionnelles s'adaptent aux réalités d'aujourd'hui et à celles prévisibles pour continuer à assurer leur mission première et leur raison d'être, qui est la protection du public. Il est aussi vital que nous, comme législateurs, protégions notre système professionnel contre tout attentat de l'affaiblir, contre tout attentat de le faire moins efficace, contre tout attentat de créer un système parallèle à notre système professionnel.
M. le Président, les articles 31.63 et 31.64 du projet de loi n° 156, devant nous, qui a été déposé à l'Assemblée nationale par un ancien ministre responsable de l'application des lois professionnelles, doivent être immédiatement retirés du projet de loi devant nous. Et le but et les résultats cherchés par le gouvernement doivent être remis à l'Office des professions pour une solution législative dans et avec notre système professionnel.
M. le Président, le ministre va entendre un message clair de quelques ordres professionnels qui considèrent que les articles en question sont inacceptables. Et je cite l'Ordre des ingénieurs du Québec, qui dit que «ces deux articles portent atteinte à l'intégrité du système professionnel québécois et constituent une démarche inutile».
M. le Président, M. le ministre, par ces articles, vous créez un système professionnel parallèle. Notre système professionnel a tout ce que vous cherchez: impartialité, équité, programme de surveillance, contrôle de formation, discipline, assurance responsabilité. Il est structuré, il est là pour la protection du public. Vous allez créer, M. le ministre, une confusion dans un système efficace, un système parallèle. Ce serait un empiétement inexcusable sur notre système professionnel. M. le ministre, votre loi serait en conflit avec les lois professionnelles du Québec. Pourquoi est-ce que vous ne voulez pas employer les structures du système professionnel existant au lieu d'en créer une nouvelle?
M. le Président, M. le ministre, est-ce que vous pouvez répondre, pour le bénéfice de cette commission parlementaire, à quelques questions? Premièrement, comment est-ce qu'un individu agréé par le projet de loi et appartenant à un ordre professionnel peut-il examiner les travaux faits par un membre d'un autre ordre professionnel? Comme vous le savez, M. le ministre, c'est illégal. Deuxièmement, que répondrez-vous à un professionnel membre d'un ordre dont le champ d'exercice lui permet d'agir mais qui n'est pas agréé par votre ministère? Je crois que vous ne pouvez pas répondre à cette question.
M. le Président, M. le ministre, je vous demanderais avec grand respect et avec respect pour notre système professionnel, qui est la fierté de nous tous, comme Québécois, de retirer ces deux articles du projet de loi n° 156 devant nous. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député de Johnson, vous avez indiqué votre intention d'intervenir.
M. Claude Boucher
M. Boucher: Oui, très rapidement, M. le Président. Mon collègue le député d'Orford, qui, c'est bien connu, s'intéresse à l'environnement depuis très longtemps et qui était député en 1990, a certainement voté pour une loi concernant le sujet dont il est question aujourd'hui: le chapitre 26 des lois de 1990, une loi que le Parti libéral n'a jamais mise en vigueur quatre ans après. Alors, son intérêt pour l'environnement aurait dû le conduire à faire des pressions sur son premier ministre pour qu'il mette la loi en vigueur, ce qu'il n'a pas fait.
J'aimerais lui rappeler aussi que, lorsqu'il parle de notre collègue Bernard Landry, le vice-premier ministre... Il a dit qu'il ne s'était jamais intéressé à l'environnement. Alors, s'il avait écouté le discours de M. Landry dimanche le 21 janvier, il aurait vu qu'un des six thèmes majeurs qu'il a développés, c'est celui du développement durable. Et je sais pertinemment bien que M. Landry a un intérêt marqué pour l'environnement, mais il n'a jamais été ministre de l'Environnement, alors il n'a pas pu le faire valoir. Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Johnson. Alors, nous allons maintenant passer à l'autre étape de nos travaux, qui est d'entendre les groupes. J'inviterais immédiatement les représentants du Centre patronal de l'environnement du Québec à bien vouloir prendre place.
n(10 heures)n Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à cette commission. Et j'invite le porte-parole à se présenter et à nous faire part des noms des personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une période maximum de 15 minutes pour la présentation de votre exposé, et par la suite il y aura des échanges pour une autre tranche de 30 minutes, pour un total de 45 minutes.
Centre patronal de l'environnement
du Québec (CPEQ)
M. Cloghesy (Michael): Merci, M. le Président. MM. les commissaires, Mme la sous-ministre, M. le sous-ministre adjoint, Me Denis, M. Vézina, mesdames, messieurs, le Centre apprécie grandement l'opportunité que vous lui avez accordée aujourd'hui de venir présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 156 sur la protection et la réhabilitation des terrains.
Donc, avant de procéder, j'aimerais, comme vous l'avez mentionné, vous présenter les représentants qui sont avec moi aujourd'hui. Ce sont des représentants de firmes ou d'organismes membres du CPEQ: d'abord, à ma droite, Me Odette Nadon, du cabinet Desjardins, Ducharme, Stein, Monast; et je crois qu'il y a Me Anne-Marie Sheahan de McCarthy Tétrault; M. Jean Halde, président de la firme d'experts-conseils D'Aragon, Desbiens, Halde & Associés; et M. Henri Orban, spécialiste en gestion des terrains contaminés, qui est ici aujourd'hui à titre de représentant de l'Institut canadien des produits pétroliers. Je suis Michael Cloghesy évidemment, président du Centre patronal de l'environnement, que vous connaissez possiblement.
Nous existons depuis huit ans. Nous représentons la plupart des grands secteurs industriels et d'affaires du Québec. Notre seul champ d'activité, c'est les dossiers environnementaux. Nous agissons autant sur la scène provinciale que fédérale et internationale, et nous avons 140 membres, soit des firmes ou des associations. Si nous sommes ici en si grand nombre, puisque normalement je viens seul, et que ces experts m'accompagnent pour une journée entière, c'est que le sujet est de première importance. C'est aussi un dossier complexe évidemment, et c'est pour ça que je m'entoure de spécialistes dans le domaine.
M. le Président, compte tenu que vous et les membres de la commission n'avez pas nécessairement eu le temps de lire notre mémoire, que nous venons de déposer, est-ce que je pourrais vous proposer un format un peu différent pour la tenue de notre présentation, c'est-à-dire de nous accorder un peu plus de temps pour la présentation? À ce moment-là, je pourrais inviter les gens qui m'accompagnent à parler spécifiquement et très brièvement sur certains aspects importants de notre mémoire.
Le Président (M. Lachance): D'abord, pour la bonne organisation de nos travaux, avec le consentement des parlementaires, on peut évidemment dépasser le temps qui est déjà prévu, mais il faudrait avoir une idée de ce que vous entendez par une extension de temps.
M. Cloghesy (Michael): Je parle d'une dizaine, douzaine de minutes additionnelles au niveau du temps de la présentation.
M. Bégin: M. le Président, je n'ai pas d'objection. Cependant, je ferais simplement remarquer qu'il sera possible que d'autres groupes nous demandent une extension de délai. Il faudrait peut-être en tenir compte, puisque ça risque de nous faire déborder. Cependant, compte tenu de la nature du sujet, je n'ai pas d'objection à ce qu'il y ait un peu plus de temps, mais je voudrais qu'on soit conscient de l'impact que ça aura sur la suite de nos travaux.
M. Benoit: Bien, M. le Président, je ne crois pas que ces gens-là nous ont demandé une extension du temps. Ce qu'ils nous demandent, c'est, à l'intérieur de la période de temps, qu'ils puissent faire plus de présentation, eux, et que nous ayons moins de temps de questions.
M. Bégin: J'avais mal saisi. C'est bien.
M. Benoit: Le fait que nous venions tout juste de recevoir le mémoire, quoique j'aie des articles signés par différentes personnes qui sont ici avec vous aujourd'hui, je pense entre autres à une avocate... Nous avions des questions, mais je pense qu'effectivement leur présentation serait valable d'être un peu plus longue, étant donné qu'on vient juste d'avoir le mémoire.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, allez-y, monsieur.
M. Cloghesy (Michael): Merci beaucoup. Le Centre est tout à fait d'accord avec l'objectif visé par ce projet de loi, c'est-à-dire de promouvoir la protection des terrains ainsi que leur réhabilitation en cas de contamination. Notre but, c'est de pouvoir travailler conjointement avec le gouvernement afin d'assurer que le projet de loi puisse atteindre son objectif. Donc, c'est de façon constructive que le Centre veut commenter sur ce dossier.
Nous craignons que, si certaines sections du projet de loi ne sont pas modifiées, l'effet contraire pourrait se produire et évidemment pourrait enlever tout incitatif à vouloir décontaminer un terrain de façon volontaire, voire même diminuer de façon importante toute transaction au niveau de vente de terrain dit industriel ou commercial. À cet égard, je vous signale qu'il y a déjà un certain nombre de transactions qui sont, à cause des incertitudes apportées par le 156, en attente ou qui ne procéderont pas du tout. Le Centre estime que, dans sa version actuelle, le projet de loi n° 156 pourrait constituer un frein à la valorisation de ces terrains et pourrait présenter un impact négatif potentiel sur l'essor économique du Québec.
Parmi les incertitudes et problématiques que crée le 156, on peut citer: les pouvoirs discrétionnaires très larges du ministre, qui sont insuffisamment balisés; l'altération du principe de pollueur-payeur, qui peut entraîner des inéquités; de nombreuses définitions peu précises qui invitent à des interprétations contradictoires; la notion de gestion du risque trop compliquée; le programme d'agrément de professionnels, qui entrave le processus actuel; l'inscription au registre foncier, qui a l'effet d'être une marque noire sur le dossier d'un terrain décontaminé et conforme aux normes existantes.
L'article 10 peut entraîner de lourdes conséquences pour l'industrie minière car il existe déjà, sous la Loi sur les mines, une section qui s'applique à la réhabilitation des anciens sites. Est-ce qu'on a l'intention de créer une double série de mesures législatives pour les terrains miniers?
Le Centre croit qu'il y a eu des progrès importants qui ont été apportés à l'égard de la décontamination des terrains industriels et commerciaux durant les dernières années. Il va de soi qu'il y a encore un défi important. Qu'est-ce qu'on fait justement à l'égard de notre progrès? Ceci n'est pas entièrement dû évidemment à la loi, que nous constations ce progrès, et pas nécessairement à l'encadrement réglementaire ou à la politique sur les sols contaminés, mais je vous dirais que c'est plutôt dû en grande partie aux forces du marché qui existent. Il y a les prêteurs de fonds, les assureurs, l'acheteur sagement avisé par des conseillers juridiques et experts-conseils. Évidemment, il y a les propriétaires de terrains contaminés qui sont également intéressés à régler ces problèmes plus tôt que plus tard, car ces terrains contaminés apparaissent comme des passifs et non comme des actifs sur leur état financier.
Avant de passer la parole à mes collègues, j'aimerais donc recommander au gouvernement de reconsidérer certains aspects du projet de loi n° 156 et de corriger en quelque sorte le tir afin d'assurer que le projet de loi puisse atteindre son objectif et non pas un effet contraire. Enfin, on souhaiterait n'avoir qu'une loi et réglementation et politique qui s'appliquent à tous les secteurs, soit industriel, municipal et agricole, car il n'y a qu'un environnement. Je vous remercie donc. En premier lieu, j'aimerais inviter Me Nadon à nous parler du principe du pollueur-payeur. Merci.
Mme Nadon (Odette): M. le ministre, MM. les commissaires, nos amis du ministère de l'Environnement, je voudrais aborder le pouvoir d'ordonnance du ministre, qui est consacré aux articles 31.43 et 31.44, et je vais couvrir ces deux articles-là en particulier.
Premièrement, pour 31.43, on a défini le mot «intéressé», ce qui est une excellente idée d'avoir procédé par une définition. On voit évidemment qu'on va plus loin que le principe du pollueur-payeur. On a élargi le concept d'une façon qui couvre à peu près toutes les personnes possibles qui ont pu être en contact avec une propriété contaminée. C'est intéressant, ça peut donner des possibilités qui se conforment à la réalité d'un terrain, à sa propriété, à ceux qui en ont eu la garde et le contrôle.
n(10 h 10)n Cependant, il n'y a pas de hiérarchisation de responsabilités, ici. Alors, tout le monde peut être visé de la même façon, et je pense que ça crée un très grave problème, dans le sens qu'il faudrait, en gardant ce type de définition, donner la possibilité d'avoir des exclusions, représentations et exclusions pour certaines personnes qui sont visées. On irait donc ainsi se rapprocher des régimes américains, du régime de la Colombie-Britannique, où est-ce que c'est possible de faire une exclusion pour une personne qui a été visée par un avis d'ordonnance. Par exemple, dans la loi CERCLA américaine, qu'évidemment il faut prendre en faisant les adaptations nécessaires, ce n'est pas du tout fait pour le même genre, c'est pour gérer les déchets, les secteurs contaminés par des déchets, mais on peut l'adapter et s'en inspirer et prévoir une exclusion, à un deuxième alinéa, où est-ce qu'on verrait que la personne visée, sous une preuve de balance de probabilité, ce qui respecte nos règles de droit évidemment en matière civile, ce qui respecte nos règles de droit en matière de responsabilité stricte en matière d'environnement... de représenter pour quelle raison cette personne-là ne devrait pas être visée par l'ordonnance.
Par exemple, on pourrait refléter là-dedans une personne qui a eu une entente contractuelle où elle a donné ses responsabilités par rapport à une contamination à son acheteur, mais qu'au moment de l'ordonnance évidemment l'acheteur est en mesure de remplir les obligations qui sont visées à l'ordonnance. Il ne s'agit pas ici de faire une preuve qu'on a refilé le problème à un autre et que ça devient quelque chose qui est inapplicable parce que l'autre a disparu. Donc, dans notre mémoire, on a donné des exemples de comment pourraient se faire les exclusions et les cas visés. Ce ne sont pas des échappatoires, ce sont des possibilités d'équité.
En ce qui concerne l'article 31.44, c'est un article qui est extrêmement dangereux, non pas pour le pouvoir d'ordonnance. Il va loin, il crée une nouvelle sorte de contaminants qui ne sont pas prévus au niveau des seuils et des valeurs, c'est-à-dire qui, sans être visés par règlement, sont susceptibles de porter atteinte à la vie et à la santé, etc. C'est intéressant, au niveau d'une ordonnance, de pouvoir avoir ce genre de pouvoir et de définition étendue de «contaminant». Le problème, c'est qu'on réfère à l'article 31.44 pour un paquet d'autres mécanismes dans la loi. Comme, par exemple, 31.53, quand il y a maintien de contaminants, il y a une consultation publique, on réfère à 31.44, à ce moment-là. Quand on parle de 31.48, l'autre pouvoir d'ordonnance, où est-ce que c'est un soupçon, encore on réfère à 31.44. Dans la réhabilitation volontaire de 31.55, on réfère encore à 31.44. Bref, il y a plusieurs mécanismes qui sont étendus et qui sont déclenchés par 31.44, et, à ce moment-là, ce serait intéressant pour tous les autres mécanismes d'écarter cette portion qui dit: des contaminants au sens de 31.44, pour s'en tenir, pour ces autres articles là, à des valeurs préétablies d'une façon réglementaire pour que ce soit déclenché quand c'est prévu par règlement qu'un seuil est dépassé et non pas quand il y a une susceptibilité.
M. Cloghesy (Michael): Merci beaucoup, Me Nadon. Je passe maintenant la parole à Me Sheahan, qui va nous parler un peu des incertitudes reliées aux définitions contenues dans le projet de loi.
Mme Sheahan (Anne-Marie): Merci. M. le ministre, M. le commissaire, les gens du ministère, notre intérêt ici est réellement de diminuer l'incertitude qui est reliée à divers aspects du projet de loi. Un des éléments significatifs, c'est le fait qu'il y a plusieurs définitions dans le projet de loi qui sont imprécises ou encore plusieurs termes non définis. Ceci place les intervenants, tant du point de vue technique que du point de vue juridique, que du point de vue affaires, dans une situation d'incertitude alors qu'on connaît déjà sur le marché une amélioration significative, comme le mentionnait M. Cloghesy, de la situation de la caractérisation et de la réhabilitation environnementale au Québec.
Quelques exemples de ces éléments d'incertitude. Dans un premier temps, lorsqu'on parle de la notion de terrain, on parle de trois composantes: de sols, d'eaux souterraines et d'eaux de surface. C'est la première fois qu'on voit apparaître ici la notion des eaux de surface, ce n'était pas quelque chose qui était dans la politique auparavant, et on ne connaît pas encore de critères qui seraient applicables directement dans ce contexte-ci. Il y a un pouvoir réglementaire, mais, à ce point-ci, les entreprises ne savent pas ce qui va s'en venir derrière ça.
Il y a également la notion des contaminants non biodisponibles. Alors, ceux-là, ils ne sont pas exclus. Ce sont des contaminants au sens de la loi, ce sont des matières qui ne sont pas susceptibles de relâcher et d'avoir un effet négatif sur l'environnement, mais elles ne sont pas exclues du régime. Alors, il faut caractériser, réhabiliter; à tout le moins caractériser et publier.
Un autre élément important, dans la notion de terrain, on parle de sols, mais on n'exclut pas la notion de matières résiduelles, qui inclut aussi les résidus miniers, alors que, dans la politique, on sait très bien que ? et le ministère procède de cette façon-là depuis toujours ? on ne vise pas ces substances-là, les matières résiduelles, les résidus miniers, lorsqu'on parle de l'application des critères de la politique. Alors, ici, on introduit un autre élément d'incertitude, une confusion qu'il serait facile de régler dans le projet de loi n° 156.
On parle aussi de «cessation définitive des activités», qui engendre, qui enclenche aussi le régime de caractérisation et de réhabilitation. C'est, encore une fois, une expression qui porte à confusion, qu'on retrouve à l'article 13 du Règlement sur les matières dangereuses. On ne sait pas si on parle de cessation définitive, partielle ou totale sur un site. Si on arrête un procédé, si on démantèle un équipement, est-ce que c'est effectivement quelque chose, même si l'entreprise continue ses activités, qui donne lieu à l'application du régime de caractérisation et de réhabilitation? Ça, c'est très problématique pour les entreprises en exploitation, alors qu'on sait, par discussion avec le ministère... et on pense que c'est l'intention du gouvernement de ne pas déranger l'entreprise en exploitation ou de minimiser le dérangement de l'entreprise en exploitation. Ici, on introduit un facteur problématique.
Il y a aussi, dans la même veine, la question de la modification de l'usage, qui se retrouve à l'article 31.51, qui déclenche un autre facteur: le déclenchement du régime de caractérisation et de réhabilitation. Là où c'est embêtant, c'est que la notion d'usage n'est pas définie. Est-ce qu'on parle d'une modification d'usage d'un point de vue des règlements de zonage municipal qui différeraient en fait de région en région? Est-ce qu'on parle de la notion de vocation industrielle, commerciale, résidentielle, récréative d'un site, comme on en parle dans la politique? Ce n'est pas défini.
Il y a la même problématique que je viens de mentionner pour l'article précédent, qui est: Est-ce qu'on parle d'une modification d'usage totale ou partielle? Par exemple, sur un site, on change un procédé industriel, on fait un nouveau type de produit. Est-ce que ça déclenche tout le régime alors que l'activité générale va continuer? Quelques exemples pour illustrer les difficultés de l'entreprise face à ce projet de loi. Merci.
M. Cloghesy (Michael): Merci beaucoup, Me Sheahan. J'aimerais maintenant passer la parole à M. Henri Orban.
M. Orban (Henri): M. le ministre, MM. les commissaires, messieurs du ministère de l'Environnement, je vous adresse la parole aujourd'hui en tant que praticien. Depuis bientôt une douzaine d'années, personnellement... et l'industrie pétrolière dont je suis membre en général décontamine et vend des terrains. De nombreux terrains décontaminés ont été vendus. Toutes ces transactions reposent sur la base du respect des critères fixés par le gouvernement et confirmés par échantillonnage et procédures établies également. Acheteurs, développeurs, tous ceux qui sont impliqués dans le milieu immobilier considèrent que l'atteinte de ces critères leur accorde une certaine sécurité juridique, un certain confort, une certaine limitation à leurs responsabilités.
Je renchéris sur les points faits tout à l'heure au niveau de l'article 31.44, où les modifications prévues modifient ou éliminent cette sécurité, cette sécurité juridique, cette assurance, en accordant au ministre un droit d'ordonnance même dans la mesure où ces critères sont respectés. Dans le texte actuel, la référence à «ou [...] sans excéder ces valeurs» enlève de la sécurité juridique et pourrait aller à l'encontre ou pourrait ralentir le processus de décontamination de terrain qui va bon train.
La question de l'inscription au Bureau de la publicité des droits, un point encore à rajouter. L'inscription au Bureau de la publicité des droits devrait être balisée un petit peu plus: la question des volumes, la question de la sévérité du problème. L'industrie se pose la question: Si les travaux de décontamination sont faits sur un terrain au moment de la découverte de la contamination, dans quelle mesure est-il nécessaire de l'inscrire au Bureau de la publicité des droits et ainsi grever la propriété d'une hypothèque?
M. Cloghesy (Michael): Merci, M. Orban. J'aimerais maintenant demander à M. Jean Halde de nous parler un peu de quelques articles, en particulier les articles qui touchent au concept du professionnel agréé. Merci.
M. Halde (Jean): Merci. M. le Président, M. le ministre, je voudrais, avant de passer aux professionnels agréés, vous dire: Moi, je suis ingénieur-conseil, je travaille dans le domaine de la gestion des terrains contaminés depuis plus de 15 ans. Et, avant de passer aux professionnels agréés, j'aimerais parler de la réhabilitation volontaire, l'article 31.55. Cet article-là impose plusieurs obligations; en fait, sensiblement les mêmes obligations que lorsqu'il s'agit d'un projet qui découle soit d'une injonction ou des autres démarches enclenchées par la loi. Je crois que cette situation-là peut faire en sorte de ralentir des initiatives, même de décourager des initiatives, parce que, si les gens prévoient laisser de la contamination, ils doivent enclencher tout le processus jusqu'à l'inscription. Et on voit souvent, dans des cas d'industries en opération, qu'on va décontaminer un petit secteur pour faire des constructions, ou des choses comme ça, sans vouloir enclencher un processus global. Alors, ces gens-là pourraient tout simplement ne pas le faire pour ne pas être obligés d'embarquer dans le processus complet.
n(10 h 20)n Alors, si l'objectif, c'est de protéger l'environnement, je pense qu'il y a toutes sortes d'autres articles, il y a d'autres moyens prévus dans la loi, par exemple au niveau des changements d'usages, au niveau des fermetures. Et, s'il y a des motifs raisonnables de penser que c'est un problème sérieux, le ministre a un pouvoir d'ordonnance. Alors, nous, au Centre, on considère que cet article-là devrait être enlevé du projet de loi pour ne pas décourager les initiatives.
Pour ce qui est des professionnels agréés, je ne voudrais pas répéter ce qui a été dit ce matin. Il y a des ordres professionnels, il y a un système en place, il y a le marché, les lois du marché, qui fait en sorte qu'il y a des professionnels compétents qui sont dans le domaine et qui font un bon travail. L'objectif du ministère, on a entendu que c'était d'améliorer la qualité des études. Moi, je pense que la notion de professionnel agréé, ça pourrait avoir l'effet contraire, dans le sens que, si on devient tous égaux, c'est-à-dire on est un professionnel agréé et on peut travailler en réhabilitation de terrain, on va devenir une commodité, et là qu'est-ce qui va gérer le marché? C'est le prix. On va tous être égaux, et ce qu'il risque, c'est que le marché soit envahi par des études faites par le moins cher possible, donc pas nécessairement de la meilleure qualité. Ça, c'est un des éléments. Si c'est de responsabiliser les professionnels, je crois que les ordres professionnels s'occupent de ça. Les professionnels sont responsables. Lorsqu'on signe un document, on engage notre responsabilité, et je ne vois pas en quoi le processus d'agrément ajouterait à cette responsabilité-là.
Pour ce qui est des manques d'effectifs au ministère, qu'on a entendu, je pense qu'il y a toutes sortes d'autres moyens qui pourraient être drôlement moins engageants et dérangeants pour l'industrie, qui feraient en sorte que le ministère pourrait s'organiser et répondre à la demande.
Un autre, un dernier point au niveau des avis de décontamination: on a parlé d'enregistrement tantôt. Je crois que la formule, le libellé de ce qui est présentement soit dans la politique soit dans les articles de loi, c'est trop fort. Il n'y a pas de consultants qui vont signer un document qui certifie, qui confirme, de la façon dont c'est libellé. Alors, je pense qu'il faudrait revoir ça parce qu'on va s'en aller vers un cul-de-sac en termes d'approbation. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, nous allons maintenant amorcer la période d'échanges avec les parlementaires. D'abord, M. le ministre de l'Environnement.
M. Bégin: Alors, mesdames, messieurs, merci infiniment de votre présentation. Les questions soulevées sont nombreuses, mais vous me permettrez peut-être, compte tenu du délai qu'on a, d'aborder tout de suite la première question. Je dirais qu'il y a deux gros problèmes qui sont posés par les intervenants, le premier étant celui que vous appelez pollueur-payeur et le deuxième étant celui de l'agrément des ordres professionnels. Alors, le reste gravite autour de ces questions-là.
Je commencerais par cette question qu'on a soulevée ? je crois que c'est Me Nadon ? concernant le pollueur-payeur. Dans une vie antérieure, vous le savez, j'ai pratiqué le droit et j'ai eu l'occasion de vivre un peu ce dont on parle aujourd'hui sous un autre angle. Quand je vous entendais, ça m'a rappelé un vieux dossier que j'ai eu, où un propriétaire avait fait construire une structure importante en béton. Et il s'est avéré que la structure en béton se désagrégeait complètement. Alors, évidemment on a poursuivi l'entrepreneur, qui nous a dit: Ce n'est pas moi, c'est le fournisseur de béton qui est responsable. C'est la qualité du béton. Ce n'est pas la façon dont je l'ai posé, c'est la qualité du béton. Et le fournisseur de béton se dit: Non. Ce n'est pas moi, mon béton est bien fait, c'est la carrière où j'ai pris la pierre servant à la composition du béton qui est défectueuse. Et l'exploitant de la carrière a dit: Oups! ce n'est pas moi, c'est le propriétaire de la carrière; moi, je ne suis que l'exploitant.
Alors, on a là une belle liste de ce qu'on connaît: garantie, arrière, arrière, arrière garantie, avec tout ce que ça comporte. Mais ça explique bien l'essence de notre Code civil sur l'espace de la responsabilité. C'est un angle. Qui est responsable, dans ce cas-ci: l'exécution, la fourniture, la propriété? Trois angles différents pour expliquer la responsabilité.
Quand j'entends pollueur-payeur... On en change le sens. Le premier sens qu'on a de «pollueur-payeur», c'est quelqu'un qui, volontairement, par exemple, ou involontairement, peu importe, déverserait une quantité importante de mazout sur un terrain. Il y a 15 ans, il l'a fait. Alors, on dit: Le pollueur-payeur, c'est lui qui a versé. C'est le premier alinéa de l'article 31.43. Mais, si le terrain a été vendu et que l'acheteur découvre qu'il est pollué, aux yeux de l'État, qui est le pollueur-payeur? Est-ce que c'est seulement celui qui a déversé l'huile ou bien c'est le propriétaire actuel, qui a acheté le terrain dans l'état où il était, et le pollueur-payeur? Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il ne serait pas le pollueur-payeur, parce que, en droit...
Là, j'ai ressorti mes vieux textes, parce que j'ai travaillé avec l'ancien Code civil, puis j'ai sorti le nouveau pour voir s'il y avait des nuances, puis je n'en ai pas vu. On dit, à 1053: La personne «est responsable non seulement du dommage qu'elle cause par sa propre faute, mais encore de celui causé par la faute de ceux dont elle a le contrôle, et par les choses qu'elle a sous sa garde». Alors, qu'est-ce que nous dit 1457, qui remplace 1053? «Elle est ? toujours la même personne ? [...] tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.»
Donc, de tout temps, celui qui cause le dommage comme celui qui est propriétaire d'un bien qui a causé un dommage est responsable, en droit. À 1055, à compter des premières causes, en 1907, dans l'éclatement... à Shawinigan, on a établi que la personne qui était l'auteur du dommage n'est pas seulement celle qui activement a causé du dommage mais celle qui était propriétaire d'une chose qui causait un dommage. Alors, j'arrive difficilement à comprendre pourquoi on devrait ne pas rendre responsable la personne qui a acheté un immeuble contaminé, qu'elle le sache ou qu'elle ne le sache pas, puisque, dans notre système de droit, lorsqu'on est propriétaire d'un bien, on en est responsable dans l'état où il est et on a des moyens ? d'ailleurs, Me Nadon a en parlé pour en faire une proposition ? de s'assurer qu'on ne sera pas responsable vis-à-vis notre vendeur, en disant... ou notre acheteur, dépendamment de l'angle où on est, de mettre des clauses à l'effet qu'on prend l'immeuble dans l'état où il se trouve, à x temps, etc.
Mais, si on donne suite à votre demande et qu'on dise: Le pollueur-payeur, c'est seulement celui qui a versé et non pas celui qui est devenu propriétaire après le versement, la question que je pose: Qui va être responsable? Est-ce que l'État devra assumer le coût de la décontamination?
Autre question qui est en parallèle: Si on peut mettre une clause, comme vous avez suggéré, Me Nadon, en établissant la preuve que, dans le contrat d'achat ou de vente, dépendamment du point de vue, nous avons exclu la responsabilité, la laissant entre les mains du vendeur, est-ce que c'est l'État qui devra déterminer qui, de la chaîne de titres, a fait quelque chose avec les contrats? Est-ce que c'est l'État ou le ministre, au moment d'agir, qui devra faire ce démêlage-là préalable avant l'ordonnance ou bien si, comme dans notre système de droit habituel, on prend celui qui est là, le propriétaire du terrain, à charge pour celui-ci, avec les contrats, avec les règles de responsabilité, des clauses de contrat qu'il a pu inclure ou exclure, de remonter à son auteur?
n(10 h 30)n Dans mon exemple de tout à l'heure ? le propriétaire, entrepreneur, fournisseur de béton, exploitant la carrière et propriétaire de carrière ? c'est tout un aria de savoir qui est responsable là-dedans. Est-ce que le ministre devrait, avant d'agir, déterminer tout ça pour trouver qui, il y a x temps, a fait telle chose ou bien ce n'est pas à ceux qui ont fait des transactions d'affaires normales à établir que: Oh! je suis le propriétaire; je ne savais pas, mais j'ai un auteur qui est peut-être responsable, ou lui a peut-être un autre auteur, et faire remonter la chaîne des titres? Est-ce que ce n'est pas ce système-là que nous devrions suivre, comme on le fait depuis au moins 150 ans au Québec? Alors, c'est la question que je pose par rapport à votre proposition.
Mme Nadon (Odette): Je vous remercie. Effectivement, ce que vous dites est très intéressant, et, plus je vous entends, plus je vois que ce que nous proposons est tout à fait dans le même esprit, dans le sens que, si on regarde le droit civil, 1457, le régime de faute... On va aller à 1465, où la personne qui a la garde de contaminants, par exemple, sous 1465, sera présumée en faute mais pourra se décharger de sa faute en prouvant qu'elle n'en a pas commise, justement. Dans notre régime statutaire, on pourrait avoir le même processus justement, de dire: Nous nommons tous les intéressés. Donc, le ministre n'a pas à faire le ménage des différents intéressés, ils sont tous là: propriétaire, gardien, pollueur. C'est tout nommé dans l'article qui est là. C'est le processus d'exclusion que nous proposons qui justement tiendrait compte des règles de droit civil d'une façon parallèle mais d'une façon qui est concomitante.
Alors, il n'est pas question... Dans le domaine civil, on ferait des appels en garantie ou des défenses en disant qu'on n'a pas commis de faute, comme le permet 1465 ou 1467 pour le propriétaire de l'immeuble, et, à ce moment-là, on se retrouve avec des intéressés réduits. Et ce n'est pas le ministre qui a eu à faire le ménage des différents intervenants, ce sont les personnes visées par l'ordonnance qui feront valoir leur point, pourquoi elles ne devraient pas être visées. Alors, autant dans le régime statutaire ça pourrait être une possibilité que dans le régime du Code civil, où les personnes se défendent dans le régime civil, dans le régime statutaire se font exclure parce qu'elles ne sont pas visées. Donc, ça facilite le travail du ministre justement parce qu'il peut viser toutes les personnes qui sont nommées à 31.43 si après il y a une possibilité équitable de pouvoir s'exclure.
M. Bégin: Alors, je crois que vous vous démarquez un peu de... C'est parce que là ? qui a dit quoi, parce qu'il y a plusieurs intervenants ? vous vous démarquez de ceux qui disent que le projet de loi, disons, va plus loin et rend des personnes responsables, qui ne le seraient pas autrement. Vous dites: Nous reconnaissons le système qui existe en vertu du Code civil. On devrait continuer à l'appliquer avec la modalité, dans le droit statutaire, qui serait, à la personne qui est visée par une ordonnance, de dire: Oh, oh! j'ai un moyen de défense qui est celui de dire: Ce n'est pas moi, c'est un tel parce que... bon, soit dans un contrat ou par une preuve qui serait tangible, et je comprends que ça serait suffisant. Donc, il faudrait qu'il y ait une preuve que je dirais, je qualifierais de, par exemple, juridiquement, extrêmement solide, et possiblement aussi financièrement possible. Est-ce que vous allez jusque-là?
Mme Nadon (Odette): Oui. Oui, oui.
M. Bégin: Parce que, prenons un propriétaire de terrain actuel extrêmement solvable qui a acheté le terrain en le sachant ? mettons l'exemple simple, il le sait ? mais qui a pris des clauses de précaution. Alors, il ne faudrait pas qu'on transfère la responsabilité à un autre qui serait, par hypothèse, le vendeur et qui serait insolvable, autrement dit se retrouver non pas avec un propriétaire solvable, mais avec un ex-vendeur insolvable, et se retrouver dans le problème: Qui paie maintenant pour ça?
Mme Nadon (Odette): C'est ça, c'est exactement l'exemple que nous donnons dans notre mémoire, M. le ministre: quand on fait assumer par quelqu'un, c'est de dire que cette personne-là, au moment de l'ordonnance, est capable d'assumer ce qui est prévu à l'ordonnance. Évidemment, il ne s'agit pas de créer des coquilles vides et d'échapper à la responsabilité, c'est bien certain, sauf qu'en élargissant le principe du pollueur-payeur il faut donner la possibilité de le restreindre par une preuve pour justement viser le vrai pollueur-payeur.
M. Bégin: Je comprends. Juste deux minutes? Ce membre de phrase que l'on retrouve à 31.44, «porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain», est-ce que vous n'êtes pas d'avis qu'au-delà des normes, des caractères spécifiques que l'on retrouve pour déclarer qu'un terrain est à tel niveau il peut se présenter des circonstances telles, où, même si, à la limite, on respecte la norme ou le critère, ça puisse quand même porter atteinte à la santé?
Par exemple, un terrain extrêmement contaminé situé immédiatement à côté d'un puits pour une école ? exemple. Alors, en règle générale, la norme ne pose pas de problème objectivement si on met des murs de béton autour du terrain, mais, compte tenu de la proximité d'un puits qui serait pour une école ? je prends un exemple dramatique à souhait ? est-ce que, à ce moment-là, on ne peut pas dire: Oh! même s'il y a respect, il y a un danger pour la santé? Et, à ce moment-là, il y a un risque d'intervention. Est-ce que, autrement dit, ce n'est pas une soupape à utiliser dans des cas exceptionnels pour rencontrer des circonstances exceptionnelles?
Mme Nadon (Odette): Je vais laisser Jean répondre, mais je pourrais répondre également d'une façon juridique. Il va vous répondre d'une façon...Le Président (M. Lachance): Je tiens à vous signaler, comme président de la commission, que le temps file rapidement, et, dans le temps qui est imparti pour chaque côté, le temps de réponse également est compris. Alors, s'il vous plaît...
M. Halde (Jean): Je vais essayer d'être bref. Pour répondre à votre cas hypothétique, je crois que, premièrement, la caractérisation, ça ne comprend pas uniquement le sol, ça comprend l'eau souterraine aussi. Et, dans le cas où on aurait des critères acceptables, c'est-à-dire aucun dépassement de normes ou de valeurs de concentration par règlement dans le terrain, dans le sol et aucune au niveau des eaux souterraines, avec le critère d'usage qui s'applique, qui pourrait être celui de l'eau de consommation, alors je ne vois pas pourquoi on aurait une situation où il y aurait lieu d'intervenir. Alors, si les critères sont bons, ce qu'on dit, c'est qu'il faut essayer de rassurer les gens pour qu'il n'y ait pas de frein ou qu'il n'y ait pas d'initiative qui soit complètement coupée en fonction de ces critères-là.
De la façon que c'est formulé, il y a un doute qui persiste tout le temps, et, plus que ça, il y a un doute sur les valeurs seuils qui vont être déposées par règlement. C'est ça qu'on veut éviter. Et je pense que, si les valeurs seuils sont des critères valables, on n'a pas à se préoccuper du «ou sont susceptibles» même sans excéder ces valeurs-là. Je pense qu'il faut le regarder dans l'ensemble puis c'est à ce niveau-là qu'il faut agir. Parce que ça va très loin, la sécurité, le bien-être, le confort, etc. Et ce qu'il faut voir aussi, ce qui freine un peu le réutilisation des terrains contaminés, c'est l'incertitude justement. Et là, avec le projet de loi et les critères qui seraient déposés par règlement, on pourrait justement aller chercher une espèce de garantie ou une paix sociale pour les gens qui sont intéressés à faire des transactions sur des terrains qui ont une contamination résiduelle acceptable pour l'usage prévu. Ces gens-là pourraient être rassurés. Avec un article comme ça, il n'y a personne qui va être rassuré et, en n'étant pas rassuré, ça va freiner les transactions et le redéveloppement des terrains.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford et porte-parole de l'opposition officielle.
M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Je vais d'abord souhaiter la bienvenue au Centre patronal de l'environnement. Comme disent les jeunes, ce n'est pas rien, 140 des plus importantes entreprises et associations du Québec qui nous donnent un message assez clair. J'invite le ministre à entendre avec beaucoup de force le message que ces gens-là nous passent. Alors, je poserai les deux ou trois premières questions et je demanderai au député de D'Arcy-McGee de poser une question sur un des aspects qu'il nous a mentionnés tantôt.
D'abord, M. le président, dans une lettre que vous avez envoyée au ministre le 5 décembre, vous lui dites: «Le Centre tient également à souligner que, lors de votre dernière rencontre avec les membres du conseil d'administration et du Bureau des gouverneurs du CPEQ tenue en avril dernier ? donc, il y a quelques mois ? à Montréal, vous aviez indiqué que le dossier des sols contaminés n'était pas un dossier prioritaire pour le ministère. Ce même propos a d'ailleurs été réaffirmé par la suite par les fonctionnaires du ministère lors des rencontres du comité du MENVIQ-CPEQ qui ont eu lieu les 20 juin et 4 octobre de l'an 2000.» À quoi attribuez-vous ? nous sommes aujourd'hui à la fin de janvier, il n'y a pas eu grand temps depuis ces rencontres-là ? ce changement de cap de la politique du gouvernement du Québec?
M. Cloghesy (Michael): Je n'ai pas malheureusement la réponse évidemment à cette question-là. On se la pose, et ça serait peut-être au gouvernement d'y répondre. Évidemment, les dossiers, les priorités peuvent changer avec le temps, mais, quant à nous, évidemment il y a énormément de dossiers prioritaires. Que ça soit les gaz à effet de serre, que ça soit la qualité de l'eau, la qualité de l'atmosphère, nous travaillons tous sur ces dossiers-là, mais nos ressources sont limitées. Donc, nous demandons au gouvernement autant que possible de prioriser ces priorités. Et je n'ai pas de réponse à votre question.
n(10 h 40)nM. Benoit: Dans le projet de loi, il y a l'aspect de la consultation publique. Après vous, il y aura les ingénieurs du Québec, qui nous diront qu'ils veulent que ça soit fait autrement, mais ils sont pour. D'autre part, vous avez, dans vos groupes, l'Association des industries forestières du Québec, dont nous avons reçu le mémoire il y a quelques heures, qui, elle, se prononce plutôt contre la consultation publique. Vous, comme regroupement des 140, est-ce que cette consultation publique doit avoir lieu ou si, pour les compagnies, elle est quelque chose de bien compliqué et qui peut nuire à votre développement, finalement?
M. Cloghesy (Michael): Notre position là-dessus, c'est que, comme je l'ai mentionné au début de notre présentation, c'est un dossier fort important. Il y a énormément d'intérêt au niveau de nos membres sur ce dossier-là. Et il est autant important pour nous que pour le gouvernement de s'assurer que son projet de loi vise juste, c'est-à-dire vise à atteindre les objectifs. Si le projet de loi, d'après nous, passe sans être modifié à l'égard de certains articles que nous spécifions dans notre mémoire, nous craignons que c'est l'effet contraire qui peut arriver. Il y a tellement d'incertitude. Il y a des mesures qui sont visées qui peuvent vraiment nuire justement au développement de ces terrains contaminés, à la réhabilitation de ces terrains contaminés. Donc, notre position est claire: mieux prendre un peu plus de temps, faire une consultation qui doit se faire et donc sortir avec un projet de loi qui se tient et qui va atteindre justement les objectifs du gouvernement.
M. Benoit: Ma question n'était peut-être pas dans cette direction-là, elle était plus dans la direction de l'article 31.53.
Mme Nadon (Odette): Oui. Si vous me permettez, j'ai un gros problème avec l'article 31.53, pas pour les consultations publiques, parce que je pense que c'est nécessaire que ça soit transparent. Les membres du CPEQ n'ont rien contre les consultations publiques. Ce n'est que quand c'est... On réfère encore ici à l'article 31.44. Je pense que tous les projets de changement d'usage vont être soumis à la consultation publique. Nous ne serons qu'en consultation publique. Parce que 31.44, c'est encore la notion de contaminants, non pas seulement ceux qui sont dans la réglementation, mais ceux qui sont susceptibles de causer, etc. Alors, ce n'est pas compliqué, il n'y aura que de la consultation publique. Et je ne pense pas que c'est approprié; ça va créer une espèce d'hystérie autour des changements d'usage. Ça devrait s'en tenir au seuil réglementaire. Si ça dépasse le seuil réglementaire, ça veut dire que c'est un risque inacceptable et donc, là, consultation publique. Ça va trop loin, 31.53.
M. Benoit: Alors, M. Orban, peut-être une dernière question avant qu'on permette au député de D'Arcy-McGee de... Vous nous parlez de votre expérience sur les terrains pollués. Énormément de représentations sont faites par les gens de la région de Montéal-Est, qui disent: Écoutez, toute cette situation-là, ça nuit à notre développement. Est-ce que ce projet de loi là, il est à quelque part positif pour relancer l'est de Montréal ou si ça sera encore un frein au ralentissement de tous ces gens qui veulent faire quelque chose avec Montréal-Est?
M. Orban (Henri): En rajoutant de l'incertitude, en rendant le processus plus complexe, plus administratif, il est clair que ça va freiner les activités de réhabilitation de terrains, sans équivoque.
M. Benoit: Mais est-ce que l'environnement s'en trouvera mieux?
M. Orban (Henri): Dans la mesure où une situation est à risque, j'oserais dire qu'on n'attendra pas qu'il y ait une loi ou un règlement, mais, pour des raisons civiles, je présume que la plupart des intervenants responsables interviendraient.
M. Benoit: Ce que vous avez dit dans votre présentation, si je vous ai bien compris, c'est que déjà il s'est fait beaucoup de choses en réhabilitation de sol. Il y a beaucoup d'entreprises qui ont pris leurs responsabilités; on a des statistiques ici.
M. Orban (Henri): Énormément de travail a déjà été fait. Les statistiques du ministère, l'inventaire des sites que le ministère possède déjà le confirment. Le ministère lui-même, dans une présentation qui a été faite cet été à un groupe à Montréal, dit que les décontaminations récentes sont rares, sous contrôle et mieux connues. Ce dont on parle ici, c'est de régler des problèmes du passé, principalement.
M. Benoit: Très bien.
Le Président (M. Lachance): M. le député de D'Arcy-McGee, en vous signalant qu'il reste sept minutes.
M. Bergman: Merci, M. le Président. M. Cloghesy, merci pour la présentation que vous avez faite aujourd'hui de la part du Centre patronal de l'Environnement du Québec. Dans votre mémoire, la section professionnels agréés, à la page 8, où vous parlez des articles 31.63 et 31.64, vous nous dites que le Centre ne voit pas la pertinence d'un tel programme qui pose entrave au processus actuellement en place. Dans la même section vous dites: «Le Centre recommande que le système des ordres professionnels actuel puisse régir les professionnels en environnement, les preuves ayant été faites de son efficacité, de sa fiabilité depuis plusieurs années.» Est-ce que je peux prendre pour acquis que vous êtes d'accord avec moi que le gouvernement doit retirer de ce projet de loi les articles 31.63 et 31.64? Et pouvez-vous nous dire les raisons, si vous êtes d'accord avec moi, pourquoi vous êtes d'accord avec moi?
Le Président (M. Lachance): Alors, je demanderai à M. Halde, s'il vous plaît, de répondre à cette question.
M. Halde (Jean): En fait, la réponse, ça serait oui. Le Centre considère que c'est un processus qui à toutes fins pratiques serait inutile, dans le sens que ça n'améliorerait pas le sort des études, la qualité des études, tout ça. Et c'est un peu comme si on décidait de faire un processus d'agrément d'ingénieurs civils en route, que le ministère des Transports décidait d'agréer ces professionnels. Je pense que l'Ordre des ingénieurs, les ordres professionnels qui sont très bien gérés et régis peuvent tout à fait s'acquitter de cette tâche-là, et on n'a pas à dédoubler ou à ajouter un processus qui serait complexe et inutile. C'est la position.
M. Bergman: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui, peut-être une dernière question sur les eaux souterraines. Est-ce qu'il est réaliste d'être capable d'attribuer à un responsable la pollution des eaux souterraines? Je comprends qu'on peut attribuer la pollution d'un sol, il ne bouge pas. Quelqu'un a déversé un produit chimique, il en est le responsable. Mais on sait tous que les eaux souterraines voyagent. Comment pourrons-nous reconnaître le coupable? Est-ce que ce n'est pas un peu euphorique de penser qu'on peut régler ça par une loi?
M. Cloghesy (Michael): J'aimerais également demander à M. Halde de répondre à cette question.
M. Halde (Jean): C'est possible d'attribuer une responsabilité de contamination des eaux souterraines. Il y a différents types de problèmes. Par contre, il y a des contaminations diffuses qui pourraient être un peu difficiles à décerner en termes de source. Par contre, si on parle d'origine plus ou moins ponctuelle reliée à une activité industrielle, un déversement quelconque, les techniques, les méthodes de caractérisation peuvent nous permettre de bien cibler l'origine, autant avec les patrons de contamination que la distribution des contaminants dans un terrain. Alors, la réponse est: En général, oui, on peut attribuer un responsable de cette contamination-là; dans certains cas, ça peut être difficile, effectivement.
M. Benoit: Prenons le cas d'un parc industriel qui serait âgé. Je pense à la région de Sorel, par exemple, où une multitude de compagnies ont déversé, autant dans les rivières, dans le fleuve que sur leurs sols, toutes sortes de mercure, de plomb, etc. Comment pouvons-nous assigner à une entreprise plus qu'à une autre, dans les nappes phréatiques, le problème qui est là?
M. Halde (Jean): Évidemment, tout est relié au type de contaminants qu'on trace ou qu'on retrace dans l'eau souterraine. Et là il faut faire des recherches historiques et essayer de déterminer d'où ça peut provenir, qui peut l'avoir généré, qui l'a manipulé. Dans certains cas, effectivement ça pourrait être problématique, mais je vous dirais que, dans la majorité des cas, je crois que c'est possible de définir l'origine.
M. Benoit: Très bien.
Mme Sheahan (Anne-Marie): Je peux ajouter brièvement. On parle d'un problème d'application du projet de loi aux problèmes de contamination historiques. Vous le soulignez vous-même, il y a une plus grande facilité à identifier un problème et un responsable pour quelque chose de récent. On pense que votre projet de loi vise principalement à régler, vous l'avez mentionné, les problèmes du passé, en grande partie, pour lesquels on n'a plus de responsables. On veut élargir la fourchette des gens responsables pour pouvoir avoir quelqu'un responsable autre que l'État. Et c'est de là que viennent les complications. Si on avait des règles différentes en termes de seuil d'application du régime pour la contamination historique, ça prendrait, par exemple, le dépassement de critères réglementaires ou une migration hors site, et, à ce moment-là, on pourrait se préoccuper de façon plus particulière des cas problèmes comme celui que vous soulevez. Ceux où les problèmes ont été créés dans le passé, ils sont plus difficiles à attribuer.
n(10 h 50)nLe Président (M. Lachance): Alors, voilà. C'est tout le temps dont nous disposions. Merci, mesdames, messieurs du Centre patronal de l'environnement du Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): J'invite immédiatement les représentants de l'Ordre des ingénieurs du Québec à bien vouloir prendre place. Alors, bienvenue, messieurs. J'invite le porte-parole à bien vouloir se présenter ainsi que les personnes qui l'accompagnent.
Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)
M. Nicolet (Roger): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, l'Ordre des ingénieurs du Québec tient à souligner l'initiative du ministre de l'Environnement à l'effet de permettre l'examen du projet de loi n° 156 en commission parlementaire. Nous remercions M. le ministre d'avoir invité l'Ordre des ingénieurs du Québec à présenter ses recommandations.
Le domaine des sols contaminés comporte des enjeux importants. Nous croyons que ce dossier mérite que l'on s'y attarde pour une réflexion collective avant de donner des règles juridiques à un secteur qui jusqu'à présent était géré par une politique.
Avant d'aborder le vif du sujet, permettez-moi de vous présenter, M. le Président, les personnes qui m'accompagnent. M. l'ingénieur Hubert Stéphenne, secrétaire et directeur général de l'Ordre, à ma gauche; et M. Jean-Claude Michaud, conseiller en environnement à l'Ordre des ingénieurs du Québec, à ma droite.
J'aimerais maintenant vous présenter brièvement l'Ordre des ingénieurs du Québec. Notre organisation a été créée en vertu du système professionnel québécois. Notre mandat consiste à encadrer la pratique professionnelle de plus de 43 000 ingénieurs présents dans tous les secteurs économiques de toutes les régions du Québec. Nous nous acquittons de notre mandat à travers différents programmes.
Au cours des dernières années, nous avons mis l'accent sur l'encadrement des ingénieurs nouvellement admis grâce à un programme de suivi dans l'exercice de leur profession et en les soumettant à un examen de pratique professionnelle. Par ailleurs, nous travaillons étroitement avec les universités pour améliorer constamment la formation des futurs ingénieurs.
Cela dit, l'Ordre des ingénieurs du Québec souscrit à la démarche du gouvernement de mieux encadrer sur le plan juridique la protection des sols et la réhabilitation des sites contaminés. L'élaboration d'un nouveau cadre légal doit se faire dans la perspective de protéger adéquatement la qualité des sols tout en ne freinant pas les efforts de réhabilitation des sites contaminés par des activités industrielles et commerciales antérieures.
Il y a des gains socioéconomiques importants à favoriser la réutilisation des terrains qui ont subi une contamination, surtout dans les zones urbaines, où les problématiques de contamination sont souvent un frein au redéploiement de ces sites. Toutefois, certains aspects du projet doivent être revus ou précisés. Nous voudrions ainsi aborder rapidement le champ d'application de la loi n° 156, la responsabilité face à la contamination des terrains, la réglementation qui découlera de la loi, les pouvoirs discrétionnaires du ministre et le système d'agrément des professionnels.
La définition des terrains, énoncée à l'article 31.42, semble inclure les sédiments qui, dans la politique de 1998, ne sont couverts que s'ils sont ramenés à terre après une opération de dragage. Elle pourrait aussi inclure des domaines déjà couverts par des réglementations, comme les sites d'enfouissement et l'activité minière. Dans l'application de la politique de 1988 et celle de 1998 il semblait que ces catégories de terrains n'étaient pas incluses parce que d'autres réglementations s'appliquaient. Il faudrait donc clarifier la définition donnée à l'article 31.42.
De plus, la définition des responsabilités incluse au second alinéa de l'article 31.43 a une portée considérable. Au sens de cet alinéa et pour l'application des modifications à la loi, un intéressé est une personne morale ou une municipalité qui a ou a eu la propriété, la garde ou le contrôle de ces contaminants. Est-ce que cet article sous-entend que tout ancien propriétaire serait tenu responsable de la contamination? N'y a-t-il pas un risque de se retrouver dans une situation similaire à celle des États-Unis, où très souvent la question de la responsabilité se retrouve devant les tribunaux? Un tel libellé pourrait induire un effet contraire au but recherché, à savoir: faciliter le retour dans le circuit économique du plus grand nombre possible de terrains contaminés. Nous suggérons au ministre de mieux circonscrire cet aspect.
Par ailleurs, il serait souhaitable, lorsque toutes les procédures prévues auront été accomplies, que le gouvernement émette un certificat de conformité ou de compatibilité, tel que prévu dans la politique de 1998. Plusieurs juridictions canadiennes agissent de la sorte. En effet, il serait plus clair sur le plan de la responsabilité juridique d'annoncer dans la loi que le gouvernement émettra un certificat officiel.
Le projet de loi prévoit l'adoption de règlements sur différentes questions, notamment l'établissement d'une liste de contaminants avec leur valeur de concentration. Les articles 31.44 et 31.67 contiennent effectivement des dispositions à cet égard. Cependant, ils indiquent aussi que le ministre pourra modifier la liste et les seuils sans suivre les procédures habituelles en la matière.
Ces dispositions créent un flou juridique qui risque de rendre l'application problématique. Par exemple, le propriétaire d'un site dont les travaux auraient été achevés sans que tous les documents aient été officiellement déposés pourrait-il se voir imposer des travaux supplémentaires parce que la liste aurait été modifiée entre-temps? Est-ce qu'un certificat de conformité pourrait être retiré? Il nous semble donc que ces articles de la loi devraient inclure deux types de dispositions. On pourrait notamment prévoir que la liste des contaminants soit revue périodiquement tout en précisant les modalités d'application des changements.
De plus, le projet de loi rend obligatoire la validation des résultats des caractérisations des terrains par un professionnel agréé. Les articles 31.63 et 31.64 entraînent l'apparition d'un régime parallèle au système professionnel québécois. En outre, l'article 31.64 crée un champ de pratique réservé, indépendamment du système professionnel. Ces articles soulèvent plusieurs difficultés au regard de la protection réelle du public. Le régime envisagé porte atteinte à l'intégrité du système professionnel. Il met en doute la compétence des ordres professionnels pour assurer la protection du public dans ce domaine et redessine le concept de champ de pratique exclusif. Un nouveau titre ne garantira pas une meilleure protection du public.
Dans le système professionnel actuel, l'assurance responsabilité professionnelle est obligatoire. L'inclusion de ce mécanisme dans le Code des professions constitue déjà une protection adéquate du public en évitant qu'un professionnel soit dans l'incapacité de compenser un client lésé. Selon l'information disponible, l'approche envisagée ne contient aucune disposition à cet égard. La procédure envisagée par le projet de loi ne garantit pas aux professionnels un traitement aussi équitable que celui prévu par le système professionnel. Selon l'information disponible, le comité d'agrément ferait office de comité de discipline alors que, dans le système professionnel, la fonction disciplinaire est encadrée par des règlements tout en étant assumée distinctement de l'admission. Ce mode de fonctionnement permet une gradation des sanctions selon la gravité des actes, allant de la simple réprimande à la radiation temporaire ou à vie, en passant par l'obligation de suivre une formation. En outre, le professionnel a la possibilité de faire appel s'il juge que ses droits n'ont pas été respectés ou que la sanction imposée est injuste.
Les dispositions du projet de loi ne sécurisent pas davantage les agents économiques engagés dans une problématique de site contaminé. Il peut en effet en résulter des différends entre experts. Le professionnel agréé par le ministère voudra se protéger de poursuites éventuelles devant les tribunaux. Il voudra ainsi procéder à des vérifications minutieuses avant d'attester, et je cite les termes du projet de loi, «la validité de l'étude de caractérisation, entre autres le fait qu'elle a été réalisée conformément aux règles de l'art et, s'il en est, aux normes applicables ainsi qu'aux exigences du ministre». Cela présuppose que le professionnel agréé par le ministre se porte garant de travaux réalisés par un tiers et assure la conformité réglementaire, en particulier dans un contexte où la réglementation exigerait une interprétation des règles. Ces dispositions sous-entendent également que ce professionnel agréé serait appelé à valider des travaux réalisés par un membre d'un ordre professionnel alors même que l'existence d'un ordre professionnel pallie précisément la difficulté à poser un jugement professionnel par des gens qui n'ont pas la compétence professionnelle requise.
n(11 heures)n Les procédures envisagées par le projet de loi sont calquées sur des pratiques qui ont cours ailleurs dans le monde. Dans les régions repérées, il n'existe pas de système professionnel aussi élaboré que celui du Québec. On peut dès lors comprendre que les autorités publiques concernées aient mis en place une procédure qui s'apparente à notre système professionnel.
Il est à souligner qu'au plan de la qualité de la pratique professionnelle de ceux de nos membres qui oeuvrent dans des dossiers de sols contaminés nous n'avons jamais reçu de plaintes ni de la part des ministères ni de la part de clients lésés par une mauvaise pratique professionnelle. À plusieurs reprises d'ailleurs, l'Ordre a sollicité le ministère pour obtenir plus d'informations, et ce, pour mieux saisir la nature des problèmes et, s'il y a lieu, prendre les mesures correctives appropriées. À ce jour, ces démarches n'ont pas conduit à des résultats concrets. Nous sommes donc portés à croire que la compétence des professionnels que nous encadrons n'est pas en cause.
Si le gouvernement tient à s'assurer de la qualité des différents types de travaux, il a la possibilité de faire appel à d'autres solutions que celle de créer en marge du Code des professions un nouveau titre professionnel. Le plus simple et le plus efficace serait encore de signifier que les travaux de caractérisation et les plans de réhabilitation doivent être réalisés par des professionnels au sens du Code des professions. Les ordres professionnels sont en mesure de jouer pleinement leur rôle dans ce domaine comme dans tous les autres qui sont de leur ressort. Ainsi, si le ministère ou un client était insatisfait des travaux faits par des professionnels, il aurait toute latitude de porter plainte auprès de l'Ordre professionnel concerné. Le ministère pourrait aussi embaucher le personnel requis pour veiller à l'application des lois et règlements en la matière. Cette alternative aurait l'avantage de placer tous les intervenants sur le même pied et de montrer clairement que le gouvernement assume pleinement son rôle en matière d'environnement. Si, pour des raisons budgétaires, le ministère ne peut disposer des ressources suffisantes pour aller vérifier tous les dossiers, il peut procéder par échantillonnage. Pour les dossiers qui seraient fautifs, le ministre prendra les mesures appropriées, selon la nature du problème.
Le paragraphe 3° de l'article 31.67 prévoit que le règlement peut, et je cite, «incorporer par renvoi des paramètres énoncés dans un guide, une procédure, une méthode, une directive ou dans un autre document préparé par un organisme ou un ministère compétent en cette matière». Ces textes deviendront parties intégrantes du règlement sans qu'ils ne soient assujettis aux procédures habituelles d'élaboration et de modification de la réglementation. Ces documents servent souvent d'aide à l'interprétation de règlements ou encore dans le choix des méthodes; ils ne sont donc pas préparés dans le but de servir de textes juridiques. Par ce renvoi, le gouvernement réglemente indirectement des moyens utilisés pour la caractérisation ou encore pour décontaminer un terrain. Cette façon de faire ne nous semble pas souhaitable.
Le gouvernement confère également à des organismes qui n'en ont pas le mandat le pouvoir de réglementer sans toutefois qu'ils soient imputables devant l'Assemblée nationale ou une autorité publique. Nous questionnons cette approche et suggérons au gouvernement de restreindre cette réglementation par renvoi.
La portée du paragraphe 3° doit être balisée. Par exemple, il serait opportun de préciser que les organismes doivent détenir un mandat pour préparer les documents auxquels le gouvernement voudra référer dans le règlement. De plus, il faudrait également préciser que les professionnels peuvent faire des choix dans la mesure où la solution préconisée est acceptable sur le plan scientifique et permet d'atteindre les objectifs visés.
En conclusion, il serait sage que l'ensemble de la réglementation prévue à l'article 31.67 soit largement discuté avant adoption. Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Nicolet. M. le ministre de l'Environnement.
M. Bégin: Alors, merci, M. Nicolet, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. J'ai retenu, de votre présentation, principalement la question qui porte sur l'accréditation des personnes qui seraient appelées à travailler dans le domaine des sols contaminés. Nous avons eu une rencontre à mon cabinet, il y a déjà un certain temps. Vous m'aviez fait part spécifiquement de ce problème-là et je vous avais mentionné que je ne voulais pas justement qu'on aille à l'encontre de ce que les ordres professionnels faisaient déjà, et faisaient déjà bien. Je partage votre point de vue, que nous avons un système très développé d'ordres professionnels au Québec ? ça date de 30 ans ? et que nous avons, au cours des années, modelé et remodelé ce système, de sorte que nous n'avons pas besoin d'en créer des parallèles. Alors, vous voyez que je partageais, sans avoir une connaissance des textes, le sens de vos remarques. Je dois dire qu'effectivement le texte, tel qu'il est là, présenté, comporte une bonne partie des inconvénients que vous avez soulevés. Je le dis comme je le pense. Et j'aurai d'ailleurs, lors de l'étude article par article, des propositions de modifications à apporter.
Il me reste à faire valider ? si l'expression est juste ? ou à rendre confortable, disons, l'Office des professions avec la nouvelle approche qui serait présentée et qui viserait à s'assurer qu'en aucun temps nous n'allions dans la direction que vous craignez, alors s'assurer en quelque sorte qu'en tout temps on n'empiète pas sur les ordres professionnels ou un ordre professionnel en particulier ou qu'on n'essaie pas de créer de nouvelles catégories parce que là n'est pas la question, je le répète, nous avons ce qu'il faut pour le faire. Alors, le projet de loi sera modifié... C'est le 14 ou le 15 février?
Une voix: Le 8.
M. Bégin: Le 8? Le 8, c'est 149, je pense.
M. Benoit: ...le 156, si on a le temps.
M. Bégin: Ah! O.K. En tout cas, disons que, techniquement, là...
M. Benoit: Vous êtes tellement efficaces qu'on devrait avoir le temps.
M. Bégin: ...dans quelque huit ou 10 jours, nous serons ici et les modifications appropriées seront apportées. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous les déposer. Mais essentiellement l'idée est de faire en sorte qu'il y ait une liste de personnes qui seraient capables de procéder au travail qui est requis par ces personnes-là. Donc, c'est une liste. En étant sur la liste, vous êtes habilité à travailler, et on tiendra compte de toutes les modalités essentielles à l'exercice de ce travail d'une manière satisfaisante dans l'esprit de la loi.
Alors, essentiellement donc, je me dois de dire que je suis d'accord avec vos représentations et qu'elles seront tenues en compte. Maintenant, dès que j'aurai obtenu de la part de l'Office une validation ou une approbation, je demanderai à mon personnel de communiquer avec l'Ordre pour que vous puissiez y avoir un regard et, si par exemple il se trouvait encore quelque chose, une perle quelconque, que vous puissiez nous en informer pour en tenir compte au moment de nos travaux.
Alors, vous comprenez que là, de ça, je ne discuterai pas de ce que vous avez mentionné. Je comprends cependant que vous êtes d'accord à l'effet que le Québec fait des efforts considérables pour décontaminer ses sols. J'ai compris, par une remarque, que c'est peut-être le Québec qui fait le plus au Canada à cet égard-là. Je pense que vous avez raison, parce que, avec les 90 millions de dollars... Les gens ne le savent pas, mais le gouvernement du Québec a mis sur la table 90 millions de dollars pour procéder à la décontamination des sols: 30 millions à Montréal d'abord; 10 millions à Québec, qui devaient être doublés par les partenaires; et le reste, 50 millions, étant ajoutés pour les autres régions que Québec et Montréal. Depuis qu'à Montréal par exemple, on a annoncé le dépôt de cette proposition, il y a eu 50 demandes, qui sont pratiquement arrivées dans les jours qui ont suivi, pour procéder à la décontamination. Alors, je dis à mon confrère que ce n'est pas un frein que le gouvernement du Québec apporte mais plutôt un moteur, une dynamique importante pour s'assurer que nos sols soient décontaminés et que les générations futures n'aient pas à vivre ce que nous sommes obligés de vivre aujourd'hui.
Alors, je voudrais remercier, donc, les membres de l'Ordre, M. Nicolet en particulier, pour ce travail, qui, à mon point de vue, était justifié, puisqu'il entraîne les modifications dont nous parlons. Vous n'étiez pas les seuls à le faire, mais vous avez été certainement les premiers à le mentionner, et je voudrais vous en remercier. Alors, les 52 mémoires qui ont été faits avant qu'on procède à des modifications n'auront pas été vains, puisque les modifications appropriées seront apportées. Alors, je ne sais pas si je peux compléter l'information à cet égard, mais voilà ce que je pouvais vous dire sur ce point-là.
M. Nicolet (Roger): Et évidemment, M. le ministre, je vous remercie bien sincèrement de cette annonce qui est encourageante pour nous et qui, je pense, est porteuse de solutions à la fois respectueuses de notre mission de protection du public et qui rencontrent les objectifs que nous tâchons tous de servir.
n(11 h 10)n Ceci étant dit, pour ce qui est de la liste et de la façon dont la liste sera dressée, évidemment nous lirons avec beaucoup d'attention le libellé des articles en question pour être sûrs de ne pas passer de Charybde en Scylla. Je crois que la procédure est certainement fort acceptable quant au principe général. Et qu'est-ce que je pourrais ajouter, si ce n'est de dire que nous allons bien sûr collaborer à la démarche et vous signaler et vous rappeler peut-être que l'AQVE est déjà un cadre qui nous a permis, sur une base interprofessionnelle, de nous adresser et de régler des problèmes d'accréditation de personnes qui oeuvrent dans un domaine donné mais qui ne sont pas toutes nécessairement membres d'ordres professionnels existants.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. Bien, d'abord saluer l'Ordre des ingénieurs du Québec. Et je laisserai un bon bout de temps à notre député de D'Arcy-McGee pour ce qui est de l'agrément des professionnels, quoique le ministre ait ouvert son jeu finalement. Je dois souligner que l'Ordre des ingénieurs a été le premier, au mois de septembre, à nous sensibiliser à cette problématique-là, et de là a suivi le Barreau, enfin plein de gens. Mais l'Ordre des ingénieurs a été vraiment le premier à souligner le problème qu'il y avait avec cet article-là, et je suis heureux de voir que le ministre a écouté.
D'autre part, oui, M. le ministre, nous devrions être ici le 8, donc jeudi prochain. Et le premier projet de loi, sur les parcs privés, devrait être très rapide, nous avons assuré le ministre de notre plus entière collaboration. Donc, nous pourrions commencer 156 dès le 8. Et il serait apprécié que l'opposition puisse avoir les amendements à 156 avant le 8, de façon à ce que, là aussi, nous puissions vous aider dans votre projet de loi.
Ceci dit, M. Nicolet, dans votre mémoire, à la page 2, peut-être pour éclairer un peu, vous dites: «En Europe, on a moins mis l'accent sur la responsabilité dans le cas des terrains déjà contaminés. On a établi plutôt un partenariat dans le but d'assainir le plus possible les terrains.» Pourriez-vous nous expliquer un peu effectivement cette différence qui est fondamentale? Nous, au Québec, on a beaucoup d'avocats, on fait beaucoup de lois. Et ce que vous semblez dire, c'est qu'en Europe on est arrivé à le faire plus avec un consensus social, finalement.
M. Nicolet (Roger): Je vais demander à M. Michaud, qui a fait la recherche pour nous, de peut-être développer davantage la réponse.
M. Michaud (Jean-Claude): En fait, on a un peu le cas de ça au Québec, c'est-à-dire le genre de partenariat gouvernement, entreprises ou propriétaires qui a des problématiques de terrains contaminés. Le cas des terrains Angus, par exemple, sur l'île de Montréal, montre assez bien le genre d'articulation qui peut être faite entre les problématiques de sites contaminés et le gouvernement, de telle sorte qu'on résout rapidement un problème sans remonter toute la chaîne des responsabilités. Bon. Dans le cas d'Angus, la responsabilité était assez claire, c'était le même propriétaire initial.
Ce qu'on veut dire aussi par ça, c'est que c'est un peu en comparaison de l'expérience américaine, où on a mis beaucoup l'accent effectivement sur toute la chaîne de responsabilité de propriétaires, de toutes les parties prenantes à un dossier. Et ce qu'on constate finalement, c'est que beaucoup de dossiers se retrouvent devant les tribunaux, des longs débats juridiques, des gros frais juridiques, et pendant ce temps-là, lui, le terrain, bien, il est toujours contaminé.
Donc, c'est un peu dans cet esprit-là qu'on dit: Essayons de conserver un peu l'approche conviviale, si je peux dire, qu'on avait jusqu'ici, et sans aller trop, trop loin dans la judiciarisation des choses et en particulier sur le plan de la responsabilité. Et l'Europe, entre autres les Pays-Bas sont assez connus là-dessus. Ils ont des ententes formelles même avec les secteurs industriels, justement pour éviter de créer des passifs de sols contaminés et pour régler évidemment les problèmes aussi historiques qu'on a accumulés.
Et le même constat avait été fait par la Table ronde nationale, d'ailleurs, sur l'économie et l'environnement dans une étude qui avait été publiée il y a quatre ans maintenant, je crois, où elle faisait des comparaisons, entre autres, avec l'Europe, les États-Unis, les autres provinces canadiennes. Et on soulignait d'ailleurs, dans ce travail-là, que c'était le Québec qui mettait le plus l'accent sur la réhabilitation des sites et donc qu'il avait une bonne approche en termes de rendre, de retourner au circuit économique, si on peut dire, les sites contaminés. Donc, c'est un peu dans cet esprit-là qu'on souhaite ? M. le ministre a répondu un peu tout à l'heure là-dessus aussi avec le programme qui a été mis sur pied ? ne pas perdre effectivement cet avantage-là qu'on avait jusqu'ici en allant trop loin dans des processus judiciaires qui pourraient se compliquer.
M. Benoit: Très bien. M. Nicolet, nous connaissons tous votre implication dans le monde municipal. Vous avez entendu le Barreau et l'association des industriels tantôt nous dire que, eux, la consultation, ils pensaient que ça revirerait en euphorie, cette histoire-là. Vous semblez baliser un peu cette consultation-là, et j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Nicolet (Roger): Je crois que le Québec a fait, au cours des dernières décennies, beaucoup de progrès en matière de consultations publiques ? je ne suis peut-être pas placé pour en parler. Mais le monde municipal, depuis la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, a développé des méthodes de consultations publiques qui, je crois, maintenant ont fait leurs preuves et rencontrent les attentes de la population. Le ministère de l'Environnement, par le biais du BAPE, a, lui aussi, abordé la problématique de consultations plus techniques et plus spécialisées. Et je crois qu'il faut largement s'inspirer des mécanismes en place plutôt que de vouloir créer... Pour une raison bien simple, c'est que la population maintenant est habituée à se prévaloir des méthodes qui sont en place et à en profiter. Et pourquoi réinventer la roue? En fait, c'est un peu ça, l'essentiel de notre préoccupation.
Le Président (M. Lachance): M. le député de...
M. Nicolet (Roger): Je pense que M. Michaud, peut-être, voulait ajouter.
M. Michaud (Jean-Claude): Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a un projet de loi ? je ne sais pas à quelle étape il est rendu ? le n° 173, si ma mémoire est bonne, sur des questions de sécurité civile, où on préconise justement que les populations soient mieux informées des risques qu'elles encourent.
Alors, nous, ce qu'on dit simplement: Si les mécanismes qui sont prévus ? d'ailleurs, ils sont prévus dans des cas très spécifiques de changement d'usage du terrain ? ...bien, utilisons, comme M. Nicolet vient de dire, les procédures habituelles. Et, en même temps, ça nous rapproche probablement de l'esprit du projet de loi n° 173 sur l'information relative aux risques éventuels que les populations encourent vis-à-vis les activités commerciales, industrielles ou toute autre.
M. Nicolet (Roger): Le 173, si le projet est adopté dans la forme actuelle, est un pas très important. Je ne veux pas revenir sur le travail qui avait été fait précédemment, mais «the right to know» calqué un peu sur les formules américaines nous semble devoir être un pas important, qui est essentiel dans un cheminement d'information et de participation du public à l'évaluation des risques.
Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et vice-président de la commission.
M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, juste une information que j'aimerais avoir pour mon information personnelle. Évidemment, je ne suis pas un expert dans le domaine, mais toute la question, disons, de l'expertise des gens qui interviennent dans les études de caractérisation des sols, où il est fait référence... étant une partie importante de votre mémoire, je voudrais juste savoir: De façon concrète présentement, dans les études qui se font pour les caractérisations des sols de différents terrains, est-ce qu'il y a beaucoup d'intervenants qui interviennent à ce niveau-là, qui ne sont pas membres de corporation professionnelle?
Bon, je sais que les ingénieurs interviennent beaucoup à ce niveau-là. Moi, je pensais que, de façon générale, quand on avait soit à répondre à des besoins d'un ministère ou dans le cadre de transactions au niveau de terrains, les parties impliquées demandaient des expertises, des évaluations et qu'à ce moment-là on devait généralement demander que ces expertises-là soient faites par des gens compétents, c'est-à-dire membres de corporations professionnelles qui, au moment où ils font un rapport, engagent leur responsabilité professionnelle, avec toutes les conséquences que ça peut avoir par la suite.
Alors, est-ce que, de fait, il y a beaucoup d'individus qui sont à l'extérieur des corporations professionnelles qui interviennent actuellement dans des terrains et qui ne peuvent pas donner les garanties qu'on peut retrouver, par exemple fournies par un individu membre d'une corporation professionnelle? Parce qu'il y a des règles, encore là, très strictes qui encadrent le travail de ces gens-là et les rendent responsables de l'évaluation qu'ils peuvent donner. Alors, je voulais juste me faire éclairer un peu de ce côté-là pour comprendre la partie du mémoire que vous avez développée de façon plus importante.
n(11 h 20)nM. Nicolet (Roger): Si vous me permettez, on peut partager la réponse avec M. Michaud, qui est notre spécialiste en la matière. Mais ce qui me vient immédiatement à l'esprit, ce sont les biologistes qui peuvent être appelés à intervenir dans des situations d'évaluation, de caractérisation et de méthode pour décontaminer les sols et qui, eux, ne sont pas membres d'un ordre professionnel qui fait partie du système professionnel québécois ? jusqu'à récemment, mais enfin. On prévoit maintenant que les géologues, qui étaient dans la même catégorie, seraient reconnus comme ordre professionnel. Donc, c'est un. Mais, quant à quantifier l'importance du nombre de ces personnes, je demanderais plutôt à M. Michaud d'essayer de...
M. Michaud (Jean-Claude): On n'a pas de données très précises, simplement une intuition qu'une large majorité ce sont des chimistes parce qu'il y a beaucoup de choses dans la caractérisation qui est du travail de chimie. Il y a beaucoup d'ingénieurs, évidemment. Quelle est la proportion maintenant de non-ingénieurs, non-chimistes par rapport aux autres... Je ne saurais pas répondre de façon exacte. Je ne pense pas qu'il y ait de statistiques disponibles d'ailleurs sur la question, ce qui supposerait qu'on recense tout le monde qui touche à des dossiers, tous les professionnels qui ont touché à des dossiers dans le passé, et je pense que personne n'a ramassé, colligé ces données.
Le Président (M. Lachance): M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Bergman: M. Nicolet, M. Stéphenne, M. Michaud, merci pour votre présentation. Vous représentez un ordre très important, vous avez presque 20 % des professionnels du Québec dans votre ordre professionnel, alors vos propos sont très importants. Et vous avez employé des mots très sérieux quand vous dites que la section agrément des professionnels porte atteinte à l'intégrité du système professionnel, que c'est un empiètement sérieux sur le régime régi par l'Office des professions. Vous parlez de l'établissement parallèlement d'un système parallèle et vous dites qu'avec ce projet de loi on met en doute la compétence des ordres professionnels.
On a entendu le ministre dire qu'il va apporter des amendements quand nous allons étudier le projet de loi article par article. Il a aussi dit qu'il va avoir l'avis de l'Office des professions. Mais, quand on lit les articles 31.63 et 31.64 et quand je lis votre mémoire, vous êtes contre, dans une manière, une base principale, contre les principes d'établissement d'un régime parallèle. Ce n'est pas que vous êtes contre des petits détails, mais vous êtes contre l'idée, le concept.
Le ministre, qui vient de présenter ce projet de loi, lui-même était ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Alors, quand, dans votre mémoire, vous demandez très clairement au gouvernement, vous dites: «Nous proposons donc le retrait de ces deux articles du projet de loi sans aucune modification ou aucun changement», je me demande si aucun amendement que le ministre va proposer à ces deux articles ne peut changer votre idée de demander au ministre de retirer ces deux articles, qui vraiment, dans vos mots, portent atteinte au système professionnel du Québec.
(Consultation)
M. Nicolet (Roger): Je vais demander à M. Stéphenne, peut-être, de répondre.
M. Stéphenne (Hubert): Oui. En fait, nous pourrions très certainement envisager des modifications. J'ai bien entendu le ministre nous dire qu'on allait peut-être vers un registre ou une liste de professionnels habilités à travailler dans ce domaine. Là encore, il faudrait voir quelles sont les conditions qui seront imposées pour être inscrit dans ce registre. Pour l'essentiel, un ordre professionnel, c'est avant tout un registre aussi, avec un certain nombre de contraintes pour être inscrit au tableau, c'est-à-dire au registre, et des règles pour y demeurer. Donc, en fait, même si l'idée peut être porteuse, nous devons être très vigilants quant à la façon de procéder.
Il y a déjà eu des précédents en cette matière. On se souviendra, à l'époque de la biénergie, il y avait des listes qui étaient proposées aux consommateurs pour se garantir que les gens qui oeuvraient en ces matières étaient compétents pour ce faire, avec évidemment les avantages et les inconvénients que l'histoire nous rapporte. Donc, en fait, il y a probablement une solution. Et je suis persuadé que, si nous regardons avec les responsables du ministère les avenues qui sont proposées, nous pourrons certainement trouver une situation de gagnant-gagnant en cette matière.
Il est bien évident que, pour nous, les 30 ans d'histoire du système professionnel ont porté fruit, ça nous a permis de peaufiner ce qu'est le système. Bien sûr, dans une période où il est question d'allégement réglementaire, pour nous, il est important de faire en sorte qu'on ne dédouble pas des choses qui semblent bien fonctionner. Et il y a un certain nombre de garanties que ce système offre à la population du Québec et il me semble qu'il est difficile de le copier en le bonifiant, encore une fois, à cause des 30 ans d'histoire et des histoires qui nous ont enseigné des façons de faire.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs de l'Ordre des ingénieurs du Québec. C'est tout le temps dont nous disposions. Et, là-dessus, je vais suspendre les travaux de la commission pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 26)
(Reprise à 11 h 32)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Nous tenons des consultations particulières sur le projet de loi n° 156, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains.
Alors, je vois que les représentants du Barreau du Québec sont déjà à la table. Bienvenue, messieurs. Et j'invite le porte-parole à s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.
Barreau du Québec
M. Sauvé (Marc): Oui, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au service de législation, au Barreau du Québec. Pour la présentation du Barreau sur le projet de loi n° 156, je suis accompagné de personnes qui sont avantageusement connues dans le domaine, peut-être pas des professionnels agréés au sens du ministre mais des professionnels dans le domaine de l'environnement, des avocats. Donc, à ma gauche, Me Jean Piette, qui est aussi président du Comité du Barreau en droit de l'environnement, et, à ma droite, Michel Yergeau, qui est membre aussi du Comité en droit de l'environnement.
Le Barreau a fait part de ses préoccupations et de ses commentaires concernant le projet de loi n° 156 à l'occasion de deux lettres qui ont été acheminées au ministre récemment, une lettre du 26 janvier 2001 et une lettre du 13 décembre, la lettre du 26 janvier venant compléter et apporter certaines précisions aux commentaires préliminaires du Barreau sur 156.
Le mandat du Barreau évidemment est un mandat de protection du public. Interprété dans son sens large, ce mandat-là vise essentiellement à atteindre ou à promouvoir un équilibre entre les pouvoirs de l'État et les droits des citoyens, et la poursuite du législateur d'objectifs qui peuvent être légitimes, et le respect des droits individuels. Les commentaires qu'on veut formuler gravitent essentiellement autour des thèmes suivants: l'opportunité des mécanismes qui sont proposés dans le projet de loi et les larges pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre; la notion de propriétaire-payeur et les pouvoirs discrétionnaires abusifs; et aussi tout le système de professionnels agrées qui est proposé dans le projet de loi. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à Me Yergeau.
M. Yergeau (Michel): Merci. En quelques minutes, on ne peut pas évidemment reprendre l'ensemble des deux textes qui on déjà été transmis sous la signature du bâtonnier. Nous allons donc nous concentrer sur certaines questions d'amont ou certaines questions fondamentales. Il faut être clair, le projet de loi n° 156 inquiète le Barreau du Québec, à la fois pour des questions de fond et aussi pour des questions de rédaction législative. On ne pourra pas entrer dans le détail de ce dernier sujet compte tenu du fait que le temps nous manque, que c'est très technique, mais que la lettre du bâtonnier Montcalm en donne déjà plusieurs exemples, et nous pourrions en ajouter.
Le projet de loi toutefois soulève quelques questions de fond. La première question qui nous vient à l'esprit, c'est celle de la pertinence de légiférer sur cette question aujourd'hui. Selon nous, le marché a déjà créé des équilibres et le projet de loi, tel qu'il se présente, ne parviendrait peut-être pas à améliorer pleinement la situation, compte tenu d'un certain nombre de carences dans sa forme. Mais toutefois on se dit qu'il y a eu, au cours des dernières années, des 15 dernières années, de nombreuses initiatives de décontamination de terrains.
Il y a déjà dans la loi actuellement des dispositions législatives sur cette question, et on se demande s'il est pertinent de consacrer l'effort législatif à un nouveau projet de loi sur la question des terrains contaminés. Si on répond oui à cette question et qu'on va de l'avant avec un projet de loi comme le projet de loi n° 156, nous remarquons qu'il y a quelques autres problèmes, qui sont au niveau des principes. Me Piette, dans trois minutes, va aborder tout particulièrement le principe du pollueur-payeur. Quant à nous, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, vient miner au départ le principe lui-même en faisant reposer à toutes fins pratiques la décontamination sur le dos du propriétaire, indépendamment des gestes qu'il a posés, parce qu'on sait que, la vie étant ainsi faite, les ordonnances vont toujours être prises contre celui qui est inscrit au Bureau de la publicité des droits.
D'autre part, nous retrouvons à l'article 31.44 ce qu'on pourrait appeler une perversion, en ce sens que dorénavant, «lorsqu'il constate la présence dans un terrain des contaminants qui excèdent les valeurs de concentration fixées par règlement pris en vertu de l'article 31.67, ou qui, sans excéder ces valeurs [...] sont susceptibles de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité», etc. La Cour d'appel, dans l'arrêt Alex Couture, est venue dire très clairement à l'État que, lorsque des poursuites devaient être intentées alors qu'il existait des normes, c'était le véhicule normatif qu'il fallait utiliser et que c'est à défaut de véhicule normatif qu'on pouvait se rabattre sur les principes généraux inscrits au deuxième paragraphe de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Nous avons là une tentative d'introduire dans la loi un antidote à l'arrêt Alex Couture, une façon de contrer les décisions de la Cour d'appel dans cette affaire, et à toutes fins pratiques il serait laissé une marge de manoeuvre infinie au ministre, mais à toutes fins pratiques à l'administration des ministères, de choisir à la fois de fonder une ordonnance ou bien sur une norme ou bien sur autre chose qui est beaucoup plus vague. Si finalement, après bientôt 20 ans, nous finissons par adopter des normes de concentration alors que présentement il y a des indicatifs ou des critères, nous risquons d'avoir de très grands problèmes pour les justiciables. Mais ce phénomène, cette marge de manoeuvre toujours plus grande, à notre avis souligne une tendance lourde dans la législation en matière d'environnement depuis quelques années, qui est celle de laisser une pleine marge de manoeuvre et finalement de laisser une discrétion qu'on pourrait qualifier de non balisée au ministre de l'Environnement.
n(11 h 40)n Et l'exemple ultime est le fait qu'à toutes fins pratiques maintenant on crée un nouveau pouvoir d'ordonnance, mais on retire le droit d'appel. L'expérience nous apprend que le droit d'appel est parfois utile pour les justiciables, même en environnement. Et il n'y a absolument rien à notre sens ? rien, absolument rien ? qui justifie à ce moment-ci de retirer le droit d'appel à un justiciable qui fait l'objet d'une ordonnance. Nous avons suggéré, le bâtonnier Montcalm a suggéré, dans la lettre qu'il a fait parvenir, des mesures à ce propos. Je n'entre pas dans le détail de ça, mais nous croyons que l'ordonnance, lorsqu'il y a ordonnance, doit d'abord être axée sur le responsable et non pas sur le propriétaire, que de toute façon il faut maintenir un droit, comme il en existe un présentement. Je cède la parole à Me Piette.
M. Piette (Jean): M. le ministre, MM. les membres de la commission, je vais poursuivre sur certains éléments qui ont été mentionnés par Me Yergeau. Je voudrais dire et insister sur un aspect qui est évoqué par le bâtonnier Montcalm dans sa dernière lettre, c'est le fait que les mécanismes du marché ont été jusqu'à maintenant les principaux moteurs de la décontamination des sols au Québec. Ces mécanismes, sans dire qu'ils sont parfaits, loin de là ? il y a certainement des cas où les mécanismes ne donnent pas la décontamination là où elle serait requise, pour d'autres raisons, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est fort possible qu'une intervention législative soit nécessaire ? il n'en demeure pas moins qu'il faut éviter que la loi, par les contraintes qu'elle crée, par les difficultés d'application qu'elle propose, nuise, empêche ou stérilise les efforts que les mécanismes du marché peuvent présenter, peuvent permettre pour décontaminer des sols. Alors, ça, c'est une première préoccupation. Et je vous signale que cette préoccupation vient d'un constat que les membres du Comité de droit de l'environnement du Barreau ont fait entre eux lorsque nous nous sommes réunis pour étudier le projet de loi n° 156.
Le projet de loi n° 156, tel que rédigé, soulève plusieurs problèmes. On a mentionné des problèmes de rédaction, des problèmes de cohérence. On n'a qu'à prendre la question des définitions, par exemple, où la notion de sol renvoie à la notion de terrain, la notion de terrain renvoie à la notion de sol. Même ici, la notion de terrain, telle que proposée ici, comprend les eaux de surface. On a toujours cru et compris que cette législation s'adressait au terrain, au sol lui-même, et là on voit qu'avec la mention des eaux de surface, toutes les eaux de surface du Québec peuvent être visées par cette partie de la Loi sur la qualité de l'environnement. Quand on parle de normes de qualité pour les sols, normes de qualité pour les eaux de surface, on a un problème, là. Il est reconnu que les eaux souterraines sont généralement comprises dans la problématique des sols, notamment les sols contaminés, mais que les eaux de surface soient réglementées ou visées aussi clairement, là, ça crée un problème de cohérence avec le reste de la loi.
Il y a également un autre aspect problématique de la loi ? je ne reviendrai pas nécessairement sur tous les points que Me Yergeau a mentionnés ? c'est l'article 31.44. M. Yergeau a mentionné le caractère qu'on doit dire ou qualifier peut-être d'alambiqué de 31.44, qui réfère, d'une part, aux normes réglementaires et, d'autre part, à une clause générale semblable à celle qu'on retrouve dans le dernier volet de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Mais là on fait jouer l'un et l'autre. En d'autres mots, quand on est conforme au règlement, bien, on n'a plus de sécurité juridique. Malgré le fait qu'on soit conforme aux normes réglementaires, on peut quand même recevoir une ordonnance.
Évidemment, le contexte de 31.44, c'est au ministre et à ses conseillers, à ses fonctionnaires, de porter un jugement, d'apprécier une situation de fait, une situation technique, une situation scientifique, environnementale, pour dire: Il y a lieu de rendre une ordonnance selon 31.44. Ça, ça fait partie d'une discrétion que le législateur propose de conférer au ministre. On a des problèmes évidemment avec la nature même de ce pouvoir discrétionnaire, eu égard à l'exercice du pouvoir réglementaire par le gouvernement. Mais là où c'est pire, c'est quand, dans sept autres articles du projet de loi, on réfère à l'article 31.44 et qu'on demande à un propriétaire, à un membre du public, lui, de porter un jugement semblable à celui que le ministre serait appelé à porter dans l'exercice des pouvoirs de l'article 31.44. Donc, il y a des éléments de lourdeur, des éléments, je dirais même, d'inapplicabilité de plusieurs dispositions de la loi à cause de cette référence à l'article 31.44.
Si évidemment on référait à des normes réglementaires, là, ça serait beaucoup plus clair, mais, quand on réfère à 31.44, qui comporte une juxtaposition de normes réglementaires et un certain nombre d'éléments discrétionnaires, là ça devient carrément inapplicable ou carrément d'une lourdeur considérable pour les justiciables.
La question de la responsabilité. Le Barreau tient beaucoup à la notion de pollueur-payeur, le principe de pollueur-payeur, parce que c'est un des trois grands principes universellement admis du droit de l'environnement, et on ne croit pas qu'on doive s'en écarter sans raison. Il peut y avoir des raisons, dans des cas extrêmes ? dans des cas, par exemple, où le pollueur est introuvable, il est disparu, il est dissous ou il est insolvable ? où on doive peut-être s'en prendre à un autre intervenant. Dans ce cas-là, ça devrait être le propriétaire actuel d'un terrain. Pourquoi? Parce que le propriétaire actuel d'un terrain, c'est lui qui doit assumer des devoirs et des responsabilités afférents à sa qualité de propriétaire. Il est normal que tout citoyen, dans notre société, qui est propriétaire d'un bien assume des droits, des devoirs et des responsabilités en raison de sa qualité de propriétaire. Deuxième motif pour lequel il devrait être identifié et tenu responsable, le cas échéant, c'est parce qu'il est celui qui bénéficiera de toute plus-value, de tout avantage qui serait apporté au terrain en question. Mais il faut prévoir un mécanisme pour qu'il puisse, lui, le cas échéant, s'en prendre au véritable pollueur, s'il vient à le trouver, s'il vient à être solvable, ou quoi que ce soit.
Alors, il y a des questions, des raisons d'équité, des raisons de justice qui nous portent à opiner, à soumettre à la commission que le principe du pollueur-payeur devrait être reconnu comme étant le principe fondamental. On devrait peut-être accepter qu'on puisse s'en prendre à un propriétaire actuel dans des cas très particuliers, notamment quand le pollueur est introuvable, et, là encore, on devrait s'en prendre à lui uniquement dans des cas où il y a un risque de migration de contaminants, par exemple, ou dans un cas où il y a un danger pour la santé. Alors, compte tenu du fait que notre temps est limité, je vais m'en tenir à ça pour nos commentaires. D'autres commentaires évidemment se trouvent dans les deux lettres du bâtonnier.
La question des professionnels agréés nous crée d'énormes problèmes. La pertinence, l'opportunité d'avoir des professionnels agréés qui vont arriver par-dessus d'autres professionnels, qui vont porter des jugements sur le travail fait par d'autres professionnels, qui seront engagés on ne sait pas par qui, ça présente des problèmes de responsabilité, des problèmes de partage des compétences. Et on voit mal, par exemple, comment un professionnel agréé qui serait ingénieur forestier serait en mesure de porter un jugement sur le travail qu'un ingénieur civil a fait ou qu'un chimiste a fait si ces gens-là sont des professionnels qui ont le droit de faire des études de caractérisation ou de porter des jugements en vertu de la loi.
Alors, il y a des gros problèmes, quant à nous, de responsabilité et de respect du travail des professionnels. Et nous pensons que toute cette question des professionnels agréés pose la question de la qualité des études de caractérisation et qu'il devrait exister d'autres façons, d'autres mécanismes réglementaires, par exemple, pour assurer la qualité des études de caractérisation et des autres travaux qui doivent être faits en vertu de la loi. Et nous croyons peut-être que le pouvoir réglementaire pourrait servir à assurer, par l'adoption de normes pertinentes, par le renvoi, par exemple, aux normes de l'ACNOR ou aux normes peut-être du Bureau de normalisation du Québec, s'il en existait, sur les études de caractérisation, pour nous assurer que les études faites par des professionnels en vertu de leurs compétences, ce pour quoi ils doivent assumer une responsabilité au niveau déontologique autant qu'au niveau de leurs clients sur le plan civil, soient respectées. Alors, voilà, MM. les membres de la commission. Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs du Barreau, pour votre présentation. M. le ministre de l'Environnement.
M. Bégin: Merci. Alors, merci, messieurs du Barreau. Quelques remarques. Tout à l'heure, lorsque les ingénieurs ont comparu, nous avons eu à discuter de la question de l'accréditation et j'ai fait état que j'avais pris bonne note de ce qui avait été écrit par différents groupes, dont le Barreau, l'Ordre des ingénieurs, à l'effet que le système d'accréditation, tel qu'énoncé dans le projet de loi, représentait et posait des problèmes important et qu'en conséquence des modifications seraient apportées au moment de l'étude article par article.
n(11 h 50)n Au moment où on est, j'ai demandé qu'on communique avec l'Office des professions pour s'assurer que la proposition que nous faisons leur agréera, présumant que, ainsi faisant, on devrait répondre d'avance aux objections qui pourraient surgir. Par ailleurs, j'ai informé l'Ordre des ingénieurs que je leur transmettrais la proposition dès qu'elle serait prête de manière à pouvoir obtenir d'eux des observations, s'ils le jugent à propos. Je ferai bien sûr de même à l'égard du Barreau. Donc, on devrait avoir une proposition qui rencontrerait les voeux de tout le monde, y compris l'Office des professions.
En ce qui concerne un deuxième point, qui est celui du droit de rappel, qui est soulevé Me Yergeau, je suis tout à fait d'accord avec lui qu'il n'y a pas lieu de supprimer ou de ne pas prévoir d'appel à cet égard. On m'a informé des motifs qui justifiaient cette absence de droit d'appel. Sans rentrer dedans, je ne considère pas que c'est à propos de garder le non-appel, mais qu'au contraire on doit prévoir l'appel, dans un cas comme celui-là, non seulement sur le contenu de l'ordonnance, mais également sur le fait de l'ordonnance comme telle. Je crois que quelqu'un qui se voit ordonner de faire quelque chose devrait avoir au moins le droit de le critiquer en tant que tel en allant devant un tribunal. Alors, le TAQ devrait être le tribunal chargé de faire cette chose-là.
Ceci nous ramène peut-être au dernier point ? et je reviendrai sur le principal après ? celui de référer à une norme comme l'ACNOR ou encore, voyons, le Bureau de...
Une voix: ...
M. Bégin: ...normalisation du Québec. Alors, évidemment ça peut être une modalité différente mais qui est aussi bonne, puisque l'esprit dans lequel il s'agit de procéder, c'est que les personnes aient un moyen et la compétence bien sûr de s'assurer que le travail qui a été fait l'a été conformément à. Puis là, bien, vous offrez une proposition, une avenue. Et ça, je demande à mon monde de regarder, voir s'il n'y a pas une porte de ce côté-là. Maintenant, je ne suis pas en mesure spontanément de vous le confirmer moi-même.
Il reste la question principale qui... Non, deux questions. Il y en a une qui tourne autour d'un problème que Me Nadon, que je vois ici, tout à l'heure a soulevé, c'est le membre de phrase, dans l'article 31.44, qui laisse le pouvoir au ministre, même si les normes sont respectées, lorsque c'est susceptible «de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain», d'émettre une ordonnance. Maître... ? voyons, ha, ha, ha! ? Piette, excusez-moi, Me Jean Piette a soulevé la question que cet article ? excusez-moi, Me Piette, je vous connais depuis tellement d'années, ça ne devrait pas m'arriver ? a dit que cet article du projet de loi faisait référence à 31.44 et bien sûr fait référence aux deux aspects, aux deux modules. J'ai été sensible à ce que vous avez mentionné concernant le fait que, par exemple, lorsqu'on va faire une consultation publique de la population sur un changement d'usage, vu la référence à 31.44, ça voudrait dire que les gens devraient s'inquiéter non pas seulement de la question du respect de la norme, mais également de cet autre volet, qui est plus large et moins précis bien sûr qu'une norme spécifique. Alors, je pense qu'il y a là quelque chose à regarder de près, donc, au moment de l'adoption du projet. J'ai déjà demandé qu'on regarde, voir si, dans chacun des articles qui font référence à 31.44, il y aurait lieu de continuer à garder la référence telle quelle ou de la référer seulement à la partie de la norme, gardant dans 31.44 le pouvoir d'ordonnance dans ce cas-là.
Alors, la question, maintenant, qui a été soulevée, de fond, parce que, pour moi, ce volet-là vous l'avez dans l'article 31.43, 2°, où le Barreau, dans sa première lettre, dit ceci: «Le paragraphe 1° du nouvel article 31.43 proposé traduit bien les règles de responsabilité actuellement en vigueur au Québec et ne pose pas de difficulté. Le paragraphe 2° est cependant de nature à soulever de graves injustices.» Je me suis demandé si d'abord il respectait l'état du droit actuel, parce que, dans mon esprit, à moi, il le respecte également. On peut ne pas être d'accord pour que ça continue à être comme ça, mais je ne crois pas que ceci soit à l'encontre ? et je le lisais tout à l'heure ? de l'ancien article 1054 du Code civil, qui réfère à la responsabilité des choses dont on a la garde, et elle était responsable, «et par les choses qu'elle a sous sa garde», de même que dans 1457, troisième alinéa, lorsqu'il dit: «Elle est aussi tenue ? cette personne ? [...] par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.» Alors, je crois que le deuxième alinéa, 31.44, est conforme à l'état du droit.
Me Nadon nous a proposé une modification qui viserait à faire en sorte que, selon les dispositions de 14... en tout cas les dispositions qui permettent dans certains cas de s'exempter de responsabilité, d'avoir un modèle qui ressemblerait à ça. Donc, le propriétaire, dans certains cas, pourrait s'exempter de l'application intégrale de ça dans la mesure où, par exemple, il trouverait le vrai responsable, que ce vrai responsable serait solvable et qu'on pourrait donc libérer le propriétaire.
Alors, est-ce que mon interprétation est bonne, à l'effet que le deuxième alinéa est aussi conforme à l'état du droit mais que vous souhaiteriez qu'on diminue, balise, transforme ? en tout cas, peu importe ? ce droit actuel d'une autre façon?
M. Piette (Jean): Avec respect, M. le ministre, nous ne sommes pas d'accord. Nous ne croyons pas que le deuxième paragraphe de 31.43 soit conforme à l'état du droit à l'heure actuelle, et ça, pour la raison suivante. D'abord, il faut bien se rendre compte que, en matière de contamination des sols, si on prend l'article 31.42 et suivants actuels de la loi, c'est une responsabilité sans faute qui est prévue, et ça, c'est une distinction entre le droit de l'environnement et le droit civil que l'on connaît, c'est-à-dire une responsabilité sans faute.
Le ministre peut rendre une ordonnance, à l'heure actuelle, en vertu de l'article 31.42, à toute personne qui a déposé des contaminants en environnement, que le dépôt des contaminants soit fautif ou non, que le délit soit fait conformément à des lois ou à des autorisations ou non. Dès l'instant où quelqu'un a effectivement contaminé le sol, il est à risque, il doit assumer une responsabilité. Et on peut aller le chercher pour lui dire: Tu as déposé des contaminants dans le sol, faute ou pas faute, et tu dois aujourd'hui le nettoyer, parce qu'il y a des raisons d'ordre public pour le nettoyer. Donc, c'est une distinction importante, que le pollueur-payeur, la notion de pollueur-payeur, en droit de l'environnement, n'est pas nécessairement rattachée à la faute comme l'est l'article 1457 du Code civil du Québec.
Deuxièmement, si on prend le deuxième paragraphe maintenant, le deuxième paragraphe, ce qu'on lui reproche, c'est de viser des personnes qui n'ont rien eu à voir avec la contamination du terrain, des gens qui, quelque part dans la chaîne de possession, ont été, entre 1961 et 1964, par exemple, locataires d'un terrain ? ils n'ont jamais contaminé le terrain ? ou propriétaires d'un terrain entre 1965 et 1970 ? ils n'ont jamais fait d'activités contaminantes sur le terrain. Alors, cet article-ci permet d'aller chercher ces gens-là. Supposons que c'est une grande entreprise qui ait été propriétaire, donc une poche profonde, on va les chercher et on leur dit: Vous payez. Pourtant, ces gens-là n'ont jamais émis de contaminants dans l'environnement, et on irait leur demander de décontaminer. Pour nous, ça nous semble inéquitable. Nous, on s'en tient au principe du pollueur-payeur: celui qui a contaminé le terrain devrait être le premier à être appelé à le décontaminer. S'il est introuvable, insolvable ou disparu, dans ces cas-là, on peut s'en prendre au propriétaire actuel pour les deux motifs que j'ai énoncés tout à l'heure. Alors, c'est ça, notre raisonnement, quant à nous.
M. Bégin: Alors, si je vous comprends bien ? on oublie notre projet de loi ? un propriétaire actuel a sur son terrain une pollution qui a été causée par quelqu'un dans le passé. Me dites-vous que, si, par exemple, cette pollution-là circule dans le sol et affecte le voisin, le propriétaire actuel ne sera pas responsable de cette pollution? Parce que, moi, j'ai appris, en tout cas dans mon système de droit, que c'est celui-là qui serait responsable, à charge bien sûr ou avec l'opportunité pour ce propriétaire de reculer dans le temps et de retrouver parmi ces auteurs lequel est la cause de cette obligation qu'il a maintenant de payer pour l'égard de son voisin. Si ça, ce n'est pas l'état du droit, je pense qu'on a un sérieux problème de compréhension.
Ce qui peut être différent, avec l'état actuel de la loi, c'est non pas de dire si tu es responsable ou pas, c'est que, si on constate aujourd'hui une pollution, on demande au propriétaire d'agir parce qu'il y a un changement d'usage ou encore il y a un nouveau propriétaire. C'est à ce moment-là qu'on fait les efforts qui sont là. Donc, c'est une obligation nouvelle, publique celle-là, qui dit: Lorsque tu es propriétaire, comme, en droit civil, tu es responsable, tu vas être responsable aussi de procéder à la décontamination.
M. Piette (Jean): Regardez, il est évident qu'on peut toujours rechercher, en droit civil, la responsabilité de quelqu'un, par exemple, qui a la garde ou le contrôle d'un bien. Le Code civil crée une présomption de responsabilité qu'il peut réfuter s'il réussit à faire la démonstration qu'il n'a pas commis de faute. Cette responsabilité s'inscrit dans le contexte d'une responsabilité fondée sur la faute.
n(12 heures)n Ici, on est dans un contexte différent. Le contexte dans lequel on se trouve ? et ça nous semble, quant à nous, important ? c'est toujours de tenir responsable une personne dans le temps pour la contamination qu'elle a causée. Et ça nous semblerait normal, ça nous semble normal ? d'ailleurs, c'est ce que le droit actuel prévoit ? d'aller chercher celui qui a effectivement contaminé le sol et de limiter le recours au propriétaire actuel uniquement aux cas où le pollueur est introuvable, insolvable ou disparu.
M. Bégin: Me Piette, quelqu'un, il y a 15 ans, volontairement, pollue un terrain par négligence ou, en tout cas, peu importe, mais mettons volontairement. Il pollue un terrain, c'est clair, il n'y a aucun doute là-dessus. Cette personne-là vend son terrain à une autre personne. Et cette autre personne a emprunté à une banque et a donné son terrain en garantie. Elle devient insolvable. Le syndic reprend le terrain. Qui est le syndic sinon la personne qui est insolvable, avec tous les droits et toutes les obligations qui en découlent. Et, si quelqu'un reprend le terrain ? qui s'appelle la banque ? êtes-vous d'accord avec moi qu'il va assumer la responsabilité de l'ancien propriétaire? Alors, pourquoi faudrait-il tout à coup que, parce que cette personne-là n'est pas celle qui a versé l'huile, elle cesse d'être responsable alors qu'elle a acheté un bien ? elle a acheté un bien ? et elle l'a pris dans l'état où il était?
J'achète une maison. Si je ne veux pas qu'il y ait de vices cachés, je prends un expert pour la faire vérifier. D'accord? Je prends la maison dans l'état où elle est. Un banquier qui prête dessus, 15 ans plus tard, si la maison a été mal entretenue, il la prend dans l'état où elle est, s'il y a faillite; il la reprend dans l'état où elle est. Voilà. Alors, qui est le pollueur-payeur? Est-ce que c'est nécessairement la personne qui verse ou si c'est celui qui chausse les bottes de celui qui a pollué? Quelle est la différence entre quelqu'un qui achète un terrain ? mettons, une hypothèse facile pour les fins de ma démonstration ? qui sait que le terrain est pollué et qui dirait: Ah! ce n'est pas moi; j'ai acheté le terrain, je n'ai pas pris de précautions, je n'ai pas été prudent et je n'assume aucune responsabilité à cet égard-là? Je vous pose la question: Si la personne, la première, est devenue insolvable, qui va décontaminer le terrain? Aux frais de qui?
M. Yergeau (Michel): M. le ministre, il est évident que le Barreau n'essaie pas de plaider contre la vertu. Ce que nous disons, c'est que, entre les principes que vous invoquez et la loi telle qu'on la lit dans sa forme actuelle, le projet de loi dans sa forme actuelle... c'est que la forme actuelle n'offre aucun forum où le propriétaire peut faire valoir les alternatives. C'est ça, la difficulté.
Évidemment, ce que vous dites est bien fondé, mais excepté que, lorsque vous invoquez, comme vous le faites, le Code civil du Québec, on sait très bien que, lorsqu'il y a action, il y a une défense. Présentement, à partir du moment où vous décidez de porter l'ordonnance et de prendre l'ordonnance contre le propriétaire, le propriétaire n'a pas de forum où s'exprimer, où il peut faire valoir ce que vous venez d'exprimer. C'est pour ça que l'appel est important, à notre avis. Et là heureusement, vous nous rassurez parce que vous nous confirmez que vous avez l'intention de réinstaurer le système d'appel. Mais il faudrait aussi prévoir dans la loi les mécanismes et les moyens à faire valoir. À notre avis, parce qu'on a discuté de cette question-là, les articles 31.43 et 31.44 doivent être accompagnés de paragraphes supplémentaires, il y a une absence législative à ce chapitre-là. Et, à notre sens, c'est ça qui est important.
M. Bégin: Si vous me permettez, deux petites secondes.
Le Président (M. Lachance): ...conclusion.
M. Bégin: Je comprends très bien qu'il y a deux volets dans votre approche. D'une part, est-ce que quelqu'un qui se voit assigner une ordonnance peut ou non dire qu'elle est justifiée ou pas justifiée? Légalement parlant, bon, avec des moyens qui sont propres à ça, par exemple de dire qu'il n'est pas propriétaire. Juste un exemple, là, ce n'est pas le cas. Même si en apparence on pense qu'il l'est, il ne l'est pas. Ça serait certainement quelque chose à faire valoir. Ça, c'est le premier volet.
L'autre volet, c'est que, quand on a une ordonnance qui serait, mettons, fondée à l'égard du propriétaire, appel, etc., là vous soulevez toute la question de la responsabilité. Et je donnais l'exemple tout à l'heure de quelqu'un qui fait faire des travaux de bétonnage importants et qui s'effrite complètement. Alors, la personne qui est propriétaire poursuit son constructeur ou son entrepreneur. L'entrepreneur dit: Ce n'est pas moi, c'est celui qui a fourni le béton. Alors, le fournisseur de béton, en arrière-garantie, le fournisseur de béton dit: Oh, oh! ce n'est pas moi, c'est la carrière où je l'ai pris, le caillou, il n'est pas bon, la pierre n'est pas bonne. La carrière dit: Oh! c'est moi qui t'ai vendu, mais je ne suis pas propriétaire, c'est le propriétaire qui a la carrière. Alors, arrière, arrière, arrière appel garantie. C'est ce volet-là que vous soulevez. Si la personne qui est propriétaire d'un terrain s'est vu ordonner quelque chose, elle a tout ces recours-là contre ces auteurs, puisqu'elle a eu l'occasion au moment de l'achat de s'assurer que la propriété qu'elle achetait ne comprenait pas un vice, qu'il soit apparent ou caché.
M. Yergeau (Michel): À notre avis, ce que nous disons, c'est que, si on applique les principes de droit du Code civil, il faut aller jusqu'au bout. Et présentement le propriétaire qui fait l'objet d'une ordonnance est contraint à l'ordonnance. Purement et simplement, ce que nous disons, c'est qu'à ce niveau-là il faut aussi que le propriétaire ait moyen de débattre devant le Tribunal administratif vers qui l'ordonnance devrait être dirigée.
D'autre part, je vous avoue avoir certains petits problèmes avec la notion du propriétaire qui chausse les bottes du pollueur et qui devient le pollueur lui-même, condamné à payer. Ça me semble être une évolution intéressante mais peut-être un petit peu sournoise de la notion de pollueur-payeur.
M. Bégin: ...aujourd'hui est exactement à notre satisfaction, là, à l'égard des biens qu'il prend en sa possession. C'est une notion juridique bien connue par tout le monde. Simplement que, quand vous êtes propriétaire d'une chose, vous êtes responsable de cette chose et des choses, des dommages qu'elle cause à autrui.
M. Yergeau (Michel): Mais je ne pense pas que, depuis l'origine, la notion de pollueur-payeur était porteuse de la notion que vous y accordez maintenant. Avec beaucoup de respect, ça me semble être une conception, je le répète, intéressante mais par ailleurs assez lointaine du principe d'origine.
Le Président (M. Lachance): Bon. Manifestement, il y a divergence d'opinions. Je ne pense pas qu'on soit capable d'en arriver à un consensus là-dessus aujourd'hui. On va poursuivre nos travaux. Alors, M. le député d'Orford.
M. Benoit: Malheureusement, je ne suis pas avocat, je ne pourrai pas trancher ce débat entre les avocats.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Je m'en excuse, on ne peut pas tous être avocats. Je veux juste, avant de poser la première question, être sûr que j'ai bien compris le ministre. Le ministre tantôt, devant les ingénieurs, quand nous avons parlé des professionnels, il a dit: Je vais aller devant l'Office des professionnels leur demander un avis. Moi, ce que j'ai cru comprendre autant du Barreau que des ingénieurs plus tôt, ce n'était pas vraiment à un avis sur sa proposition, mais c'était bien à un retrait des deux articles en ce qui a trait à une nouvelle forme d'accréditation des professionnels que ces gens ? et ils ne sont pas les moindres au Québec ? s'attendent. Et je rappelle au ministre que l'Office des professionnels est nommé par le gouvernement. Alors, je comprends que c'est tout du bien bon monde, c'est tout du monde bien neutre. Mais, ceci dit, ma compréhension de ce que j'ai entendu ici ce matin, autant des gens d'affaires, des ingénieurs que maintenant des avocats et probablement des notaires cet après-midi, ce qu'ils demandent, c'est le retrait de ces articles-là. Alors, bien lui soit fait s'il veut aller demander des avis, mais je ne crois pas que ça suffira. Et ce n'est pas à ça qu'on s'attend.
Une fois ce point-là fait, j'aimerais demander au Barreau: Dans votre mémoire, à la page 2, vous dites: «Le Barreau est donc préoccupé par les exigences et contraintes que le législateur propose d'imposer dans le cas des initiatives volontaires de réhabilitation du sol. Nous estimons qu'il est important d'éviter l'introduction d'exigences administratives et autres qui auront pour effet de décourager ou de ralentir les initiatives de réhabilitation des terrains contaminés.» Alors, ce qu'on s'est fait dire depuis ce matin par les deux groupes avant vous, c'est qu'il s'est fait beaucoup de choses dans la décontamination des terrains, et ça s'est fait sur une base relativement volontaire à l'intérieur d'un certain nombre de critères. Ce que vous êtes après nous dire ce matin, c'est que cette loi-là pourrait effectivement non pas en soi accélérer le processus de décontamination des sols mais bien le ralentir. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
M. Piette (Jean): Oui, M. le député, effectivement, c'est une des craintes que nous avons. Si la loi était adoptée telle quelle, sans modifications, nous craignons effectivement que les mécanismes proposés nuisent à ces efforts-là, à cause notamment de la complexité de nombreuses situations qui sont présentées dans la loi.
n(12 h 10)n Prenons, par exemple, l'article 31.55, qui est l'article qui traite de la réhabilitation volontaire d'un terrain. Cet article-là comporte une référence à l'article 31.44, et 31.44, c'est le fameux article dont on a parlé à plusieurs reprises, l'article qui dit: On peut vous ordonner de décontaminer si vous dépassez les normes réglementaires, mais, même si vous êtes conforme aux normes réglementaires, on peut quand même vous demander de décontaminer si vos contaminants sont susceptibles de porter atteinte au confort, au bien-être, à l'environnement en général, aux biens, etc. Alors, demander à un simple citoyen de porter ce jugement-là, nous trouvons que c'est indûment onéreux, c'est trop lourd. Une personne ne peut pas porter ce genre de jugement. Or, déjà à l'article 31.55, on a justement une référence à l'article 31.44. Il y a donc un problème d'application considérable, avec un article comme celui-là.
Et tous les autres mécanismes qui, par exemple, prévoient l'inscription d'un avis de contamination au Bureau de la publicité des droits, l'inscription d'un autre avis quand on laisse des contaminants sur un terrain... Et, là encore, quand on laisse des contaminants sur un terrain, ça crée beaucoup de problèmes. C'est le 31.45 qui dit ça. Ça veut dire quoi, ça, laisser des contaminants sur un terrain? Si on en laisse deux, trois? Si on en laisse 25? C'est quoi? Il n'y a aucune norme, il n'y a aucune référence à aucun aspect normatif.
Alors là il y a un véritable problème. Est-ce que dans tous les cas on va devoir appliquer l'article 31.45? Par exemple, supposons qu'on laisse des contaminants en dessous d'un bâtiment en attendant que ce bâtiment ait terminé sa vie utile, supposons qu'il y a de la contamination sur un grand terrain, qu'on décontamine la partie du terrain qu'on veut utiliser à court terme mais que, les autres parties du terrain pour lesquelles on n'a pas encore de projet d'utilisation, on dit: On les décontaminera dans deux ans, cinq ans, 10 ans ou 20 ans, là effectivement 31.45 s'appliquerait.
Est-ce qu'effectivement ces mécanismes-là ne créent pas un paquet d'exigences, de contraintes administratives et autres qui vont décourager ou dissuader des initiatives de décontamination volontaires des terrains? Et ici je ne parle pas de l'intervention des professionnels agréés et également les approbations nouvelles que les plans de décontamination vont devoir obtenir de la part du ministère.
Alors, tout cet ensemble-là nous inquiète. On a exprimé une inquiétude et on est à la recherche de solutions qui vont rendre ces mécanismes plus conviviaux, plus pratiques, plus facilement applicables par les justiciables, et ce, dans les cas où c'est vraiment nécessaire d'aller chercher une approbation ou de faire une inscription au Bureau de la publicité des droits.
Et je dois vous dire que là-dessus, sur l'inscription des avis de contamination, l'inscription des avis de décontamination, l'article 31.57, crée beaucoup de problèmes parce qu'on ne voit pas vraiment quels seront les effets du 31.57 et on voudrait s'assurer que, par exemple, un avis de décontamination va libérer les terrains et permettre que ces terrains-là, par exemple, fassent l'objet de permis de construction municipaux. Or, ce n'est pas clair, tel que la loi est rédigée, et il y a certainement des éclaircissements à apporter dans la rédaction actuelle de cet article-là.
Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Bergman: Merci, M. le Président. Me Sauvé, Me Piette, M. Yergeau, merci pour votre présentation. En particulier, Me Sauvé, merci aussi pour la disponibilité de votre service de législation, au Barreau, qui est disponible à tous les députés. On apprécie beaucoup.
Le bâtonnier Montcalm, dans sa lettre de décembre 2000, a demandé au ministre de ne pas adopter ce projet en catastrophe, disant au ministre: «Pourquoi ne pas utiliser les structures qui existent déjà au lieu d'en ajouter des nouvelles?» Il semble que le ministre n'accepte pas de retirer ces deux articles en question, les articles 31.63, 31.64, qu'il va aller à l'Office des professions pour demander des modifications à ces deux articles.
Est-ce que vous ne voyez aucune manière possible de modifier ces articles sans entraver le système professionnel? Car le bâtonnier Montcalm, dans sa lettre du 26 janvier 2001, a dit que la législation, si c'est adopté, va entrer «en conflit avec la législation professionnelle, avec les risques d'incohérences et de litiges inutiles». Est-ce que vous pouvez nous expliquer les risques de litiges possibles si la législation est adoptée, même avec des modifications et sans retrait des articles 31.63 et 31.64? Est-ce que vous demandez, en fait, que le ministre retire ces deux articles?
M. Yergeau (Michel): M. le député, nous sommes d'avis que les articles 31.63 et 31.64 sont une source inépuisable de conflits, et, en soi, on pourrait dire que ça serait même à l'avantage de la profession d'avocat. Mais là n'est pas la question. On ne peut pas dire par avance que les articles ne peuvent pas être récupérés. M. le ministre nous a dit qu'il nous ferait parvenir une proposition alternative sur laquelle les organismes qui défilent devant vous pourront se prononcer éventuellement. Il est peut-être possible de les récupérer. À ce stade-ci, nous croyons que 31.63 et 31.64 sont des articles irrécupérables qui ne bonifient pas le régime qui est présentement en vigueur et qui sont une source absolument impensable de conflits. Et nous sommes absolument certains.
Quelques exemples qui vous ont probablement été donnés, nous n'avons pas assisté aux autres présentations. Mais qu'est-ce que c'est que cette notion évidemment d'agrégation d'un professionnel? Comment est-ce qu'un professionnel faisant partie d'une corporation professionnelle peut déclarer valide ou invalide le travail d'une autre corporation professionnelle, d'un membre ou de membres d'une autre corporation professionnelle? Est-ce qu'on ne va pas se retrouver avec un système croisé de clauses d'exclusion de responsabilité qui fait qu'en bout de piste plus personne ne sera responsable? Qui, à partir du moment où une erreur est commise, sera le responsable poursuivi qui devra répondre devant les tribunaux de l'erreur professionnelle commise? Est-ce que c'est celui qui a mal évalué ou mal fait son travail ou celui qui n'a pas vu que le précédent avait mal fait son travail? Nous sommes convaincus que, tel que rédigés, ces articles ne peuvent donner rien de bon.
On part aussi du principe: Pourquoi changer une combinaison qui présentement fonctionne? À moins que, même si on est dans le domaine, on ne soit pas informé du fait que les professionnels, présentement et depuis 20 ans, travaillent de façon erratique ou carrément malhonnête. Mais ce n'est pas la connaissance que nous en avons. Et, quand on prend tous les membres du Comité d'environnement du Barreau, on totalise quand même un bon nombre d'années d'expérience professionnelle dans le domaine, et ce n'est pas un problème dont nous sommes alertés. Mais peut-être qu'il y a des informations que nous ne connaissons pas.
Mais, si nos impressions sont justes, il ne nous semble pas nécessaire de mettre en place un système de surveillance des professionnels, qui, quant à nous ? et ce ne sont pas des avocats, là, qui font les études de caractérisation ? nous semblent bien faire leur travail. Et le marché a développé des règles, y compris des règles de validation du travail, via les institutions financières, et tout, qui nous semblent adéquates. Qu'est-ce que va venir faire là-dedans le principe du professionnel agréé qui vient valider le travail d'un autre professionnel? Nous ne voyons pas. Mais il y a peut-être moyen de bonifier ça. On verra ce que le ministre va nous proposer.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. Dans votre mémoire, messieurs du Barreau, vous dites, et je vous cite au texte: «De plus en plus, le Barreau déplore la multiplication de pouvoirs discrétionnaires accordés au ministre et au gouvernement dans la législation environnementale sans balises ni contrôles suffisants et sans recours d'appel.» Cet après-midi, nous allons entendre des groupes d'environnement qui, eux, ce qu'ils vont nous demander et ce qu'ils demandent historiquement, c'est que le ministre ait plus de poigne, plus de pouvoir, qu'il puisse arrêter plus rapidement les gens intransigeants, qu'il trouve des solutions. Et là on se ramasse dans des situations où le ministre indique à 90 municipalités que leur eau est non buvable, et, par toutes sortes de procédures, bien, on en a encore une vingtaine au Québec où les gens boivent encore une eau qui est peut-être questionnable, par toutes sortes de procédures juridiques.
n(12 h 20)n Or, entre le point de vue du Barreau et celui des environnementalistes ? moi, qui suis assis entre les deux ? est-ce que c'est vous qui avez raison ou c'est les environnementalistes qui, eux, voudraient que les choses se règlent un peu plus vite en environnement?
M. Piette (Jean): Si vous permettez, M. le député, le ministre effectivement possède, en vertu de la loi actuelle, de nombreux pouvoirs discrétionnaires qui lui permettent d'intervenir pour régler quantité de questions. Je ne vous dis pas que ces pouvoirs-là sont parfaits. Nous trouvons que les articles 31.43 et 31.44 vont trop loin, qu'ils ne visent pas les bonnes cibles et qu'ils ne donnent pas aux personnes visées suffisamment de droits de recours pour aller chercher les véritables responsables. Parce que, entre autres, quand on parle des responsables, du propriétaire actuel, si on dit: Le propriétaire est tenu de décontaminer un terrain, ce propriétaire-là risque d'être sans droit de recours contre les véritables auteurs de la contamination. Et, que ce soit par une voix contractuelle ou par une voix extracontractuelle, ces droits de recours risquent d'être fortement coupés à cause, par exemple, des règles de prescription, ne serait-ce que des règles de prescription. Et on sait que les règles de prescription courent non pas à partir de la date où une ordonnance est rendue, mais à partir de la date où un dommage est effectivement causé. Donc, on plaide effectivement pour l'octroi de droits de recours au propriétaire, par exemple, dans le cadre de l'article 31.43.
Pour ce qui est des pouvoirs du ministre, là où il y a, quant à nous, excès, c'est notamment dans l'article 31.67, où, par l'entremise du pouvoir réglementaire, on donne au ministre des pouvoirs... on sous-délègue au ministre des pouvoirs discrétionnaires. On octroie, par exemple, au Conseil des ministres le pouvoir d'adopter un règlement qui va habiliter le ministre à adopter des normes qui pourront s'ajouter ou se substituer à celles fixées par le règlement. Alors là c'est le ministre qui va changer tout seul ce que le Conseil des ministres aura décidé, ce que le détenteur normal du pouvoir de réglementation aura décidé. Ça nous semble, quant à nous, un pouvoir excessif.
Un autre pouvoir excessif, c'est toute la question des professionnels agréés. Il n'y a aucune mesure de publicité de prévue, sauf la liste des professionnels agréés. Les normes d'agrément, qui va être agréé, selon quelles conditions, etc., il n'y a aucune norme de publicité, tout relève de la discrétion ministérielle. Et ça nous semble malsain de donner ces pouvoirs-là à un ministre. On pense que le ministre a assez de pouvoirs, assez de responsabilités sans qu'il doive, lui, assumer ce genre de pouvoir discrétionnaire. Et on pense que ça va même le protéger, le ministre, et ça va renseigner et protéger l'ensemble des justiciables de connaître les normes qui vont servir à agréer les professionnels, par exemple.
Et, quant aux pouvoirs réglementaires, pour nous, c'est la question du respect de la règle de droit. Le gouvernement adopte des règlements, des règlements établissant des valeurs de concentration, puis ces règlements-là, ils ont force de loi, ils doivent être respectés. Et ça nous semble, là encore, anormal qu'un fonctionnaire ou un ministre ait le pouvoir, lui, unilatéralement, de modifier ces règles-là. Ces règles-là, elles sont l'autorité de la loi. Elles sont publiques, elles s'appliquent à tout le monde. Ça, ça ouvre la porte à des traitements discriminatoires, à des traitements arbitraires, et il nous semble que c'est malsain. C'est pour cette raison-là que l'on s'oppose à octroyer, à sous-déléguer des pouvoirs réglementaires à un ministre ou à donner à un ministre des pouvoirs comme celui d'agréer des professionnels. Si jamais on doit le faire, ça devrait au moins être encadré par un règlement.
M. Yergeau (Michel): Si vous permettez...
Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît.
M. Yergeau (Michel): Une chose importante, c'est que l'expérience nous apprend qu'il ne suffit pas d'invoquer l'importance du but ou de la question qu'on défend, il faut encore que le système de droit qui permet d'atteindre l'objectif, comme la protection de l'environnement, soit un principe qui respecte les règles de droit et qui protège les justiciables pour ne pas créer d'injustice non plus. Il ne suffit pas de créer, il n'est pas question de mettre en place un système qui va pouvoir mettre des bois dans les roues du fonctionnement normal et des mécanismes de protection de l'environnement. Par contre, il ne suffit pas d'invoquer le mot «environnement» pour que soudainement toutes les gardes tombent et qu'on laisse des ministres ou des fonctionnaires prendre toutes les décisions sans aucune balise. Et c'est ça qu'on craint. C'est ça, le message fondamental qu'on veut passer.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs du Barreau du Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission. Là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures cet après-midi, alors que nous entendrons les représentants de la Chambre des notaires du Québec.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
(Reprise à 15 h 6)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 156, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains.
Alors, je réitère l'invitation de ce matin. Ceux et celles qui auraient des appareils de téléphone cellulaire ouverts, bien vouloir les fermer, s'il vous plaît, pendant la séance.
J'invite maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Après le Barreau, c'est le tour des notaires. Il n'y a pas d'ordre de préséance dans notre jugement, c'est le hasard qui a fait que vous venez après le Barreau. On vous souhaite la bienvenue. Et je vous demande de bien vouloir vous identifier, en vous rappelant que vous avez une quinzaine de minutes pour nous faire part de vos commentaires, et ensuite les échanges pour 30 autres minutes supplémentaires.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
M. Marsolais (Denis): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, mon nom est Denis Marsolais, je suis le président de la Chambre des notaires du Québec et je suis accompagné de Me Mario Masse, notaire spécialiste en droit de l'environnement.
La Chambre des notaires du Québec est heureuse de constater que la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés a mené à la présentation d'un projet de loi qui aura sans doute un impact important sur la protection de l'environnement et sur le comportement des pollueurs. Aussi, c'est avec grand intérêt que nous avons pris connaissance du projet de loi, qui offre, contrairement aux dispositions actuelles des articles 31.42 et suivants de la Loi sur la qualité de l'environnement, sur le seul plan de la publicité des droits, de plus grandes garanties de protection du public.
À titre de notaires, nous vous avons fait part plusieurs fois, au cours de la dernière décennie, de nos préoccupations croissantes en matière de terrains contaminés faisant l'objet de transactions immobilières. Le devoir de conseil des notaires, enchâssé dans leur loi habilitante et dans la réglementation, les oblige, comme vous le savez tous, à informer les parties à un acte de leurs droits, de leurs obligations et des conséquences possibles de leurs actes. De plus, les créanciers hypothécaires demandent la plupart du temps aux notaires de se prononcer sur la conformité de l'immeuble aux règles prescrites dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Or, compte tenu de l'absence d'information disponible, il est à toutes fins pratiques impossible pour un notaire de fournir une opinion valable sur cet aspect.
En matière de terrains contaminés situés en milieu agricole ou urbain, le projet de loi, s'il était adopté, permettrait davantage aux notaires de fournir une information complète autant aux créanciers hypothécaires qu'aux acquéreurs et vendeurs. Jusqu'à maintenant, les notaires n'ont jamais disposé d'outils adéquats leur permettant de s'acquitter de leurs obligations professionnelles envers leurs clients, puisque aucune information n'était disponible au Bureau de la publicité des droits. Nous nous devons donc de souligner tout particulièrement cet effort de publicité par le biais de l'inscription au registre foncier.
La contamination est une réalité qui est souvent dissimulée au détriment des parties contractantes ou des professionnels impliqués dans une transaction immobilière touchant de tels terrains. Tout spécialement à cet égard, nous réitérons notre satisfaction au ministre de l'Environnement et lui accordons notre appui.
n(15 h 10)n Adoptée avec un certain empressement en 1990, après avoir néanmoins fait l'objet d'une commission parlementaire, la section IV.2.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement présentait des lacunes importantes quant à l'applicabilité de cette disposition. En effet, alors que tout le régime reposait sur une réglementation qui aurait précisé la qualité ou la concentration des contaminants au-delà de laquelle l'environnement devait être habilité, aucune norme n'a jamais été adoptée après plus de 10 ans. Le régime de décontamination et de restauration de l'environnement n'en était pas moins impliqué mais sur la base d'une démonstration qui devait, dans chaque cas d'espèce, être faite. Ce mécanisme s'apparentait à celui prévalant sous le régime de l'article 20 de la loi.
Dans la logique d'ensemble de la loi, cette section porte sur un volet particulier qui ne peut être détaché des autres régimes, que ce soit celui découlant de l'article 20 applicable au rejet des contaminants, celui de l'article 22 applicable aux autorisations préalables ou celui des articles 31.10 et suivants applicables aux attestations d'assainissement. Comme la section visée par l'amendement concerne le problème de la réhabilitation, soit la dernière étape du cycle de vie des contaminants, comment cette section s'intégrera-t-elle aux autres régimes?
Un seul exemple suffira à étayer notre propos. Comment le ministre entend-il forcer la réhabilitation d'un terrain, alors qu'il aurait pu lui-même en autoriser au départ la contamination par la délivrance d'un certificat d'autorisation? Ainsi, le projet de loi que nous appuyons dans son ensemble suscite quelques interrogations et commentaires que nous tenons à vous transmettre.
Comme vous avez pu le constater à la lecture du mémoire que nous vous avons transmis, nous avons divisé nos commentaires en deux parties, la première partie portant sur la publicité des droits et la deuxième partie sur chacune des dispositions du projet de loi qui nous préoccupait. Cette deuxième partie étant beaucoup plus technique, je me contenterai ici de vous livrer un résumé du fruit de notre réflexion en matière de publicité des droits et de vous entretenir succinctement de nos préoccupations relativement aux professionnels agréés auxquels le projet de loi fait référence.
Alors, première partie, publicité foncière. S'il est une question qui nous préoccupe à titre de notaires, c'est évidemment celle du mode de publication prévu au projet de loi. Nous constatons qu'à nul endroit dans le projet de loi il n'est fait mention d'une convention découlant de l'approbation du plan de réhabilitation entre le ministère de l'Environnement et la personne qui requiert l'inscription. Cela est pour le moins étonnant. N'y aurait-il donc aucun document signé par les deux parties? Quelle sera la confiance que les utilisateurs des registres fonciers accorderont à un avis ne portant que la signature de la personne qui se trouve dans une situation que la société réprouve et qui, de surcroît, n'est pas volontaire pour porter à la connaissance de tous et chacun un état de fait dont elle est responsable?
Que le mode de publicité retenu soit un avis, nous pouvons l'accepter, mais qu'il ne comporte aucune trace de l'accord du ministère nous apparaît plus problématique. Dans tous les cas où l'on prévoit dans le projet de loi l'inscription d'un avis, le ministre a à ce stade accordé son approbation. Pourquoi alors le document qui serait publié ne pourrait-il pas porter trace de cette approbation sous forme d'une déclaration accompagnée d'une signature? Les utilisateurs des registres fonciers doivent avoir la certitude en tout temps, en prenant connaissance de l'avis, qu'il s'agit bel et bien d'un document approuvé par le ministère.
Par ailleurs, comment pourrions-nous nous assurer de l'exactitude du contenu de l'avis si le ministère ne l'a pas signé? Lorsqu'il est fait mention dans le projet de loi de l'inscription de l'avis, on n'indique pas que l'exactitude du contenu de l'avis doit, dans tous les cas, être attestée par un notaire ou un avocat. Et, vous voyez, je nomme les deux professions juridiques. Ainsi, si la loi elle-même ne le prévoit pas, l'inscription par avis est dispensée par l'attestation par un notaire ou un avocat. Or, ledit projet de loi n° 156 n'indique à nulle part l'obligation d'attestation par un de ces derniers. Nous sommes d'avis que le mode d'inscription choisi doit être, encore une fois, à l'abri de toute critique quant à sa fiabilité.
Nous notons au moins deux inconvénients majeurs qui découlent de la publicité par avis d'une entente entre le ministère et une personne forcée par la loi de procéder à l'inscription d'une situation de contamination. L'acte ainsi publié à ce registre n'est jamais soumis à l'analyse de l'officier de la publicité des droits et il peut être subséquemment modifié en vue de frauder les tiers qui exercent légitimement leurs droits. En somme, puisque le projet de loi est totalement muet quant à la présence d'une convention, encore une fois, entre le ministère et la personne concernée quant à la forme que prendra l'approbation du ministère et quant à la ou aux personnes qui signeront cet avis, nous ne pouvons qu'émettre, à ce stade, l'hypothèse selon laquelle le ministère devrait s'assurer que le mode d'inscription permette à tout le moins de garantir la fiabilité des inscriptions quant à leur contenu. Pour ce faire, il pourrait, à défaut de privilégier l'acte notarié, opter pour l'inscription d'un avis équivalant à celui de l'article 2999.1 du Code civil du Québec.
Je m'explique. Cette disposition permet l'inscription d'un avis d'un bail immobilier autre que résidentiel à la condition expresse que l'exactitude du contenu de l'avis soit dans tous les cas attestée par un notaire ou un avocat. De plus, l'attestation est fondamentale afin de vérifier l'identité de la personne qui est responsable de l'inscription. Déjà, des difficultés s'annoncent en ce qui concerne la personne responsable de l'inscription, tel que nous l'avons signalé dans notre mémoire. Si, en plus, l'avis ne comporte aucune attestation d'identité, il sera à toutes fins pratiques impossible pour les utilisateurs des registres fonciers de connaître la validité d'un tel avis.
Cependant, une autre solution pourrait être acceptable: l'inscription de tout avis par le ministère lui-même. En plus d'assurer la fiabilité du contenu et de l'identité du signataire, cela permettrait de garantir à la population en général, aux acquéreurs de terrains, aux créanciers hypothécaires et à tous les utilisateurs du registre foncier que l'inscription des avis est une réalité à laquelle les personnes responsables d'une contamination ne peuvent échapper, car elle ne relève pas d'eux.
Nous soupçonnons que les règles des publicités prévues au projet de loi n'emporteront pas l'adhésion de tous les intervenants. Pour cette raison, il est utile de rappeler l'utilité et les limites d'une mesure de publicité. En fait, la mesure de publicité ne sera jamais constitutive de droit, mais elle servira plutôt à publiciser un droit qui par ailleurs existe de façon autonome. Ainsi, dès le moment où les conditions prévues par la loi et le règlement sont rencontrées, le terrain sera qualifié comme étant contaminé et une obligation de décontamination sera créée à son égard ou, à tout le moins, des restrictions seront imposées afin de limiter les risques que pourrait représenter ce terrain pour la santé ou l'environnement en général. Dès lors que cet état de fait est reconnu, la publicité de ces obligations légales est fondamentale.
Certes, la valeur foncière du bien peut se trouver affectée dès lors que son état de contamination deviendra connu, mais ne perdons pas de vue que cette conséquence ne découle pas de la publicité mais plutôt de la qualité intrinsèque du terrain affecté. Nous craignons que seul le motif à l'encontre de la publicité soit la chute de la valeur marchande du terrain. Or, accepter que la connaissance de la contamination soit reportée en ne prévoyant pas des règles obligatoires de publicité, c'est alors choisir de favoriser un contexte potentiellement litigieux d'un terrain qui sera connu un jour ou l'autre, que des règles de publicité existent ou non. Il s'agit maintenant de savoir qui on entend protéger dans ce projet de loi. Nous pensons que le législateur a sans contredit fait les bons choix.
Deuxième partie, concernant les professionnels agréés. Lors de la présentation de notre mémoire portant sur le projet de politique en protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés, nous faisions part de l'importance d'avoir recours aux seuls services de professionnels qualifiés pour procéder aux études prévues. Nous sommes donc satisfaits que le projet de loi n° 156 le prévoie spécifiquement. Cependant, nous tenons à vous rappeler que certains des professionnels qui oeuvrent dans le domaine de l'environnement sont régis par le Code des professions, tandis que d'autres, tels que les biologistes, ne le sont pas. Ces professionnels non régis actuellement par le Code des professions ne devraient pas être exclus pour ce seul motif. Cependant, il demeure impératif que tous les professionnels se qualifiant détiennent une assurance responsabilité professionnelle. Nous sommes d'avis, en vue de maximiser la crédibilité du système qui sera mis en place, que le gouvernement devra fixer des conditions objectives, dénuées de toute considération arbitraire.
n(15 h 20)n La question des professionnels soulève de nombreuses interrogations qui mériteraient d'être approfondies. Outre la désignation de ce professionnel, qui nous apparaît problématique dans la mesure où l'expertise relative à l'environnement regroupe souvent plusieurs professionnels différents, voire même des experts qualifiés non pas régis par le Code des professions, nous soulevons quelques questions qui méritent une réflexion sérieuse de la part de tous les intervenants du milieu.
Première question: Comment assurer l'indépendance du travail de ces experts? Nous soumettons que toutes les tâches de vérification devraient être réalisées par des personnes ou corporations différentes de celles responsables de la mise en oeuvre des travaux. Deuxième question: Si une analyse requiert plus d'un professionnel, comment s'assurer que l'un et l'autre ne dépassent pas leur domaine d'expertise? Troisième question, qui est fort importante, à notre avis: Doit-on envisager de chapeauter par des règles de déontologie particulières les professionnels de l'environnement appelés à partager différentes tâches ou doit-on favoriser la position que le professionnel de l'environnement appartienne à un ordre professionnel en se référant au système professionnel actuel? Et finalement, au lieu de tendre à décharger les responsabilités de l'État sur les justiciables devant répondre directement du respect des normes environnementales, n'y aurait-il pas lieu que l'État maintienne des contrôles, quitte à déléguer le travail à des sous-contractants privés en facturant le coût de ces services aux exploitants ou aux parties intéressées?
En guise de conclusion, la Chambre des notaires a déjà exprimé qu'elle souhaitait que la publicité obligatoire soit la clé de voûte du système mis en place en matière de terrains contaminés. Aujourd'hui, nous croyons que le projet de loi n° 156 est à même de fournir à la population des garanties que l'état du parc immobilier du Québec ne bénéficie plus du privilège de n'être connu que d'un certain nombre d'initiés ou de décideurs. La population en général, les acquéreurs potentiels, les créanciers et les voisins de terrains contaminés doivent être informés, dans une société moderne évolutive. Il nous reste maintenant à espérer qu'un volet préventif soit mis en place. L'administration d'un territoire ne peut être efficace que si elle agit autant en amont qu'en aval.
Nous avons bon espoir que le projet de loi n° 156 s'inscrive dans une longue lignée de mesures de protection de l'environnement assurant aux citoyens du Québec leur droit à la santé, à la sécurité et au confort. Nous tenons à féliciter encore une fois le ministre de l'Environnement et toute son équipe, notamment le service des lieux contaminés, d'avoir donné suite à la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés.
Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. Marsolais.
M. Marsolais (Denis): En conclusion, nous vous remercions également de nous avoir permis de nous exprimer sur le sujet ou sur la loi, qui emporte notre adhésion, étant entendu que nos commentaires ne visent essentiellement qu'à apporter notre collaboration à l'amélioration d'une loi qui nous tient particulièrement à coeur. Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs. Nous allons entreprendre cette période d'échanges avec M. le ministre de l'Environnement.
M. Bégin: Alors, merci, M. Marsolais. Votre mémoire est très positif à l'égard du projet de loi, mais vous êtes en mesure peut-être d'offrir à tout le monde un éclairage particulier. Vous avez une vision des choses qui n'est pas la même que la majorité des gens. Vous êtes au confluent de différentes personnes, mais la base de votre travail est à la fois l'information et la sécurité que vous pouvez ou pas donner à une personne que vous devez conseiller.
J'aimerais ça peut-être que vous nous présentiez le point de vue d'un notaire qui est placé devant un terrain qui doit faire l'objet d'une transaction et quel est son rôle par rapport justement au fait que ce terrain-là serait contaminé, avec la loi, quelle obligation ça va vous imposer par rapport à l'acheteur, par rapport au vendeur, pour bien comprendre la mécanique dans laquelle vous vous situez. Parce que ce n'est pas celle du promoteur, ce n'est pas celle du vendeur, c'est quelqu'un qui doit voir l'ensemble de la situation et surtout informer correctement les gens et faire en sorte que, dans le futur aussi, on soit bien informé. Alors, pourriez-vous peut-être décrire ça? Ce n'est pas un phénomène qui est familier à beaucoup de gens.
M. Marsolais (Denis): Je vais permettre à Me Masse de vous répondre plus spécifiquement, mais peut-être, avant de lui céder la parole, il est bien important pour nous, et c'est pour ça que tous nos commentaires relativement à l'avis, le fameux avis auquel on fait référence au projet de loi... On doit, nous, en tant qu'examinateurs de titres et avec l'obligation du devoir de conseil auprès de nos clientèles respectives, faire en sorte que le contenu de l'avis, on puisse y attacher une certaine certitude. Alors, tous les commentaires que nous avons émis concernant la forme, le contenu de l'avis, qui devrait signer l'avis, est-ce qu'on devrait faire... une convention, c'est pour être certains que, nous, lorsqu'on visualisera l'avis au Bureau de la publicité des droits, on ne se questionne pas sur la validité du contenu de l'avis. Alors, peut-être, Mario, que tu peux...
M. Masse (Mario): M. le ministre. Si on se place dans une situation de transaction immobilière actuellement, le notaire est placé devant le fait suivant, c'est qu'il n'y a aucun mécanisme, comme on le soulignait, comme le président Marsolais disait dans son discours, qui permet au notaire de vérifier s'il y a une contamination potentielle, sauf peut-être historiquement, par sa recherche de titre, il est peut-être en mesure, compte tenu ? et ça fait un peu rapport à ce qui est proposé dans le projet de loi ? du secteur d'activité dans lequel l'entreprise a oeuvré. Puis, si, par son examen de titre, il se rend compte...
Prenons l'exemple le plus patent dans des petites transactions, qui est la station service située sur un coin de rue. Bon, le fait de constater qu'il y a eu des baux de pétrolières là-dessus va lui mettre la puce à l'oreille, c'est-à-dire peut-être que potentiellement il peut soupçonner ? comme un des articles, comme le ministre pourrait le faire ? qu'il y a une contamination. Sauf que, à partir de ce moment-là, que fait-il? Ça devient contractuel. Il a un devoir d'information, évidemment. On incite les notaires à dire à leurs clients: Écoute ? par exemple, un acquéreur éventuel ? sais-tu, il y a déjà eu une station service là-dessus, il serait préférable qu'il y ait peut-être une expertise, une étude, appelons-la de caractérisation, de faite, minimale, pour voir s'il n'y a plus de contamination. Mais, à partir de ce moment-là, ça devient le consensus des parties. Est-ce qu'ils veulent ou non faire ce genre d'étude là?
Par ailleurs, il y a l'autre problématique qui était soulevée, qui est celle du créancier hypothécaire. Parce que le créancier hypothécaire, il y a, dans son portrait, un tiers intervenant, qui est le notaire, qui lui garantit les titres de propriété. Jusqu'à maintenant, le notaire n'ayant pas les moyens de vérifier ce genre d'information, il ne peut pas garantir au créancier hypothécaire qu'il y a de la contamination dans un sol. Donc, malgré ça, le créancier hypothécaire ? et c'est un peu pour ça qu'on insiste dans le mémoire ? continue d'insister parce qu'il dit: Moi, ça me prend une certaine garantie. Alors, vous voyez un peu, le notaire est placé au centre de ce triangle-là et ne sait pas trop s'il doit... Souvent, par la pression de la transaction ? on sait que ça se fait en pratique, dans un contexte de marché donc, les parties veulent transiger ? un notaire peut se sentir forcé de conclure une transaction, de signer un document engageant sa responsabilité, alors qu'il n'a aucun outil de vérification, actuellement. Alors, dans ce sens-là, la position du notaire dans une transaction immobilière actuellement est délicate parce qu'il n'a aucun moyen de vérification, lui, de se garantir lui-même du potentiel de contamination du sol comme tel. Donc, tout ce qu'il fait, c'est que son devoir de conseil lui demande d'informer les gens que potentiellement peut-être qu'il y a de la contamination, mais il ne peut pas aller plus loin parce qu'il n'a pas d'autres outils.
M. Bégin: Mais qu'est-ce qu'apporte la loi par rapport à ça?
M. Masse (Mario): C'est sûr que la loi, à partir du moment où on est dans une nouvelle transaction immobilière puis qu'il n'y a pas d'avis de contamination ou d'avis de restriction d'usage, de plan de réhabilitation qui a été publié, ne changera rien à ça, c'est-à-dire qu'on est toujours dans le même scénario de transaction où le notaire, va regarder par son examen de titre si potentiellement il y a un soupçon que ça aurait pu être contaminé, va insister. Par contre, il faut à un moment donné partir de quelque part, et, au moins pour les terrains qui auront été caractérisés, on saura à l'avenir lesquels sont contaminés ou pas, ce qu'on ne sait pas actuellement.
Et tout le volet évidemment de caractérisation au niveau des nouvelles utilisations dans les secteurs qui seront réglementés en matière industrielle et commerciale, ça, ça va beaucoup nous aider parce que nécessairement, s'il y a une caractérisation puis qu'il y a une contamination qui est découverte là... Donc, on va commencer à brasser nos terrains, autrement dit, ce qui n'était pas fait jusqu'à maintenant. Alors, pour nous, c'est très positif parce que, à l'avenir, on va commencer dans un cheminement qui va s'échelonner évidemment sur les années futures, à répertorier les sols potentiellement contaminés.
n(15 h 30)nM. Bégin: Vous avez dit des paroles concernant le contenu de l'avis, le fait qu'il soit trop restrictif ou encore qu'il ne contienne pas toute l'information qui pourrait être pertinente. J'avais cru que le contenu de cet avis-là avait été discuté avec la Justice et le Bureau de la publicité des droits pour tenir compte à la fois du besoin d'information mais aussi de cette chose bien importante qui est de ne pas embourber des bureaux d'enregistrement ou le Bureau de la publicité des droits de documents qui sont plus ou moins pertinents. Êtes-vous en train de me dire que vous trouvez que cette entente qui avait été faite n'est pas satisfaisante par rapport aux fins de votre travail? Je vous ai mal compris? Qu'est-ce qui en est au juste, là?
M. Masse (Mario): Bien, ce qu'on comprend de la proposition de l'article, c'est que l'avis, dans le fond, va contenir les grandes lignes du plan de réhabilitation, c'est-à-dire le degré de contamination, par exemple, tout ça, mais n'ira pas dans le détail. Évidemment, on peut comprendre que cet avis-là, qui va peut-être aboutir sous forme administrative avec une approbation, ne contiendra pas tout le détail du plan de réhabilitation éventuel. Donc, ce qu'on aimerait voir ? puis je pense que le public a tout intérêt à le savoir, l'acquéreur éventuel, le créancier ? c'est l'ensemble du contenu du plan de réhabilitation, dans le fond, pour savoir qu'est-ce qu'il contient exactement, donc sa disponibilité. C'est pour ça qu'on disait... Bon, à défaut d'être publié au Bureau de la publicité foncière, on disait: Est-ce que la municipalité ne pourrait pas, dans son registre, parce qu'elle va devoir de toute façon tenir une liste des terrains contaminés, tenir ce plan de réhabilitation là, l'avoir? Autrement dit, qu'il y ait un registre fiable où le plan sera disponible à ce moment-là.
M. Bégin: Ce matin, nous avons entendu le Barreau, qui disait que le concept de pollueur-payeur s'étendait à celui qui polluait directement et pas, comme le deuxième alinéa de 31.44 le laisse entendre, à celui qui a la garde du bien. Qu'est-ce que vous avez comme réaction à cet égard-là?
M. Masse (Mario): Bien, comme on le soulignait dans le mémoire, on croit comprendre que le projet va maintenant introduire la notion de propriétaire-payeur, parce qu'à un moment donné il y a confusion entre le propriétaire du contaminant et le propriétaire du sol. Surtout en matière de sol contaminé, c'est par absorption dans le sol, dans le fond, que se fait la contamination, donc éventuellement, pour celui qui se retrouve de toute façon avec un site dit orphelin, où le pollueur a quitté les lieux... Parce que je sais qu'il y a eu un effort, et on le soulignait, pour essayer de dissocier le pollueur ou le propriétaire du contaminant du propriétaire du terrain, parce qu'on mentionne des avis à maintes reprises au propriétaire du terrain, mais on peut supposer que, souvent, ce sera confondu dans la même personne. Donc, on comprend du projet de loi qu'il y a l'introduction ici d'une nouvelle notion puis, à notre sens, c'est un des points importants du projet, qu'il y ait une notion de propriétaire-payeur.
Par contre, on souligne également que ? vous avez remarqué ? ça peut amener des injustices importantes évidemment parce que, au moment où on se parle, il n'y a pas de mécanisme de réparation. Et comment un propriétaire-payeur va pouvoir réclamer son dû à partir du moment où ce n'est pas lui qui a contaminé? Et puis on soulignait d'ailleurs... On faisait référence à une cause récente devant les tribunaux. Donc, là, on embarque dans toute la question des garanties de la part de l'acheteur.
M. Bégin: Je donnais un exemple ce matin d'une personne qui pollue de façon ostensible le terrain dont il est le propriétaire, et c'est évident que c'est lui, il n'y a pas de doute là-dessus. Il y a 15 ans passés ou 10 ans, il a vendu son terrain à un autre, et tout à coup on découvre que le terrain est pollué. En vertu de nos règles qui nous régissent, vous dites: Il n'a pas de recours. Mais, à ce que je sache, le propriétaire qui découvre que le terrain qu'il a acheté est pollué puis qu'il ne le savait pas, il a certainement un recours contre son vendeur. Alors, est-ce que, par la règle du droit qui dit que celui qui achète une propriété ou qui en devient propriétaire par dation en paiement ou autre formule, il ne chausse pas les souliers du pollueur et est-ce qu'il ne devient pas le pollueur-payeur sur le plan juridique?
Parce que je disais ce matin que le pollueur, ce n'est pas nécessairement juste celui qui verse, il y a aussi celui qui devient propriétaire de la propriété qui a été polluée par le pollueur. Alors, je disais que, quand quelqu'un cède sa propriété par dation en paiement ou que le syndic reprend un bien, il reprend le bien dans la position où il était. S'il le reprend directement du pollueur, est-ce qu'on va dire qu'il n'est pas le pollueur et qu'en conséquence il n'a pas à supporter les conséquences de la pollution que son cédant a faite? En droit, j'ai beaucoup de problèmes à cheminer dans cette direction-là.
M. Masse (Mario): Juste peut-être pour préciser, quand je disais tantôt qu'il n'y a pas de recours, je parlais évidemment de l'illusoire de ce recours-là. Il en a un recours évidemment, parce que, suivant nos règles de garantie vendeur-acheteur, il aurait un recours contre son auteur pour le défaut caché comme tel. Sauf qu'on sait très bien ? et on le vit actuellement, je pense, avec les sites orphelins ? que, bon, la compagnie a fait faillite, elle a disparu, etc., donc ce recours-là est souvent illusoire. Donc, c'est dans ce sens-là que je parlais tantôt d'injustice. Et ce qu'on mentionnait dans notre mémoire, c'était une injustice à ce niveau-là, comme telle.
M. Bégin: Mais, avec tout le respect que je vous dois, un site orphelin, c'est quelqu'un qui n'est pas... Il n'y a pas de propriétaire justement, c'est l'État qui est devenu propriétaire par la déshérence de ce bien. Donc, l'hypothèse que vous soulevez, d'un propriétaire qui n'existe pas, ce n'est pas là. C'est le propriétaire qui a un terrain, qui a un vendeur ou un cédant quelconque en droit. Alors, il a un droit contre celui qui lui a cédé la propriété.
Bien sûr, comme dans la vie de tous les jours, est-ce que mon vendeur est encore solvable ou pas solvable? Ça, c'est des problèmes qui sont des problèmes de la vie courante. C'est à celui qui achète de s'assurer que le bien qu'il a... comme celui qui achète une maison doit s'assurer qu'il n'y a pas de vice caché. Puis, s'il ne fait pas faire l'expertise, bien, il va devoir supporter les dommages qui découlent de sa négligence d'avoir vérifié. Mais, inversement, s'il la fait, il va pouvoir recourir contre son vendeur. J'ai un peu de misère à comprendre comment on peut dissocier le propriétaire de celui qui a fait l'action.
M. Marsolais (Denis): Sauf que ça semble un peu paradoxal, le cas d'un créancier hypothécaire qui reprend un terrain et qui se voit, une fois la reprise et la transaction terminées, dans l'obligation de payer la décontamination, etc.
M. Bégin: Pourquoi pas?
M. Marsolais (Denis): À partir du moment où, lors du financement ou lors d'une acquisition, il y aura des mécanismes qui feront en sorte qu'il y aura une certaine forme d'assurance que le terrain a été bien examiné, etc., et qu'il y a eu une caractérisation, moi, je n'ai pas de problème avec ça. Mais je vous dis que ça peut créer, dans certains cas, des situations...
M. Bégin: Je comprends.
M. Marsolais (Denis): Au même titre qu'une municipalité qui reprend, par exemple, pour taxes un terrain. Vous allez avoir les municipalités sur le dos, là.
M. Bégin: Me Marsolais.
M. Marsolais (Denis): Oui.
M. Bégin: La banque a prêté sur un immeuble 100 000 $. Elle a demandé à son assuré, c'est-à-dire... oui, c'est ça, à son débiteur hypothécaire qu'il assure la propriété. Le propriétaire est un négligent, et la bâtisse prend feu, elle est détruite à 80 %. Il est un insolvable. La banque veut reprendre l'immeuble. Dans quelle condition va-t-elle reprendre l'immeuble? Dans l'état où il est. Et elle va devoir décider: Est-ce que ça vaut la peine pour moi de reprendre cet immeuble-là ou bien si je renonce?
M. Marsolais (Denis): Je suis d'accord avec vous.
M. Bégin: C'est exactement la vie économique que l'on vit depuis 150 ans, depuis que le Code civil existe.
M. Marsolais (Denis): Je suis d'accord avec vous, mais, en matière d'assurance incendie, il existe des mécanismes qui peuvent permettre au créancier hypothécaire, lors du financement, de bien s'assurer, entre guillemets, que l'immeuble qui fait l'objet de la créance hypothécaire est couvert en cas d'incendie. En matière environnementale, on n'est pas au même niveau encore, vous en conviendrez.
M. Bégin: Comme de s'assurer que le terrain n'est pas contaminé par l'huile parce que c'est un ancien garage, et il le sait. Et puis, s'il le vérifie, il va trouver le terrain... il va diminuer son prix. Je ne comprends pas qu'on cherche à déresponsabiliser des gens qui ont fait des transactions qui autrement auraient entraîné leur responsabilité.
n(15 h 40)nM. Masse (Mario): Je pense que, si on a pu laisser entendre par le mémoire qu'on était contre le principe du propriétaire-payeur, ce n'est pas le cas. Le mémoire est favorable au propriétaire-payeur. Ce qu'on soulève, c'est une problématique éventuelle, à venir parce que, on le sait ? c'est pour ça que je citais l'exemple des sites orphelins ? c'est vrai que l'État se retrouve avec, la municipalité se retrouve avec. Mais c'est ce qu'on appelle un site orphelin, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de propriétaire privé comme tel. Donc, c'est l'ensemble de la société qui le prend en charge puis qui a à décontaminer. Donc, là, on a notre propriétaire privé. Qu'est-ce qu'il va faire si jamais le coût de décontamination est trop... Il va le laisser aller. Encore là, ça va devenir un site orphelin. Il va le laisser aller pour taxes, etc. Donc, on va se retrouver avec le même...
Ce qu'on dit, dans le fond, c'est que, si on augmente la responsabilité du propriétaire, si on introduit même la notion encore plus forte, bien que 106.1 semblait la donner aussi auparavant même s'il n'était pas appliqué peut-être dans les faits, si la notion de propriétaire-payeur est introduite, ça risque de créer certaines situations d'injustice. Et là on le fait sous forme de questionnement, on dit: Qu'est-ce... Puis ces gens-là, on arrive du jour au lendemain puis on leur dit: Écoutez, dorénavant on a décidé de donner des dents à ça, puis, malheureusement, vous êtes propriétaire d'un terrain contaminé, alors, vous allez devoir agir en conséquence suivant l'ordonnance du ministre. Alors, c'est plus dans ce sens-là. On n'a pas, à l'heure actuelle, de mécanismes, disons, de redevance que l'industrie pourrait... une espèce de fonds. Bon, on suggère éventuellement des mécanismes qui pourraient contribuer à ça, mais, pour l'instant, on part le système, donc il n'y en a pas. C'est dans ce sens-là que peut-être il y a des injustices à venir. Mais on ne fait que le souligner. Mais on est pour le principe.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. Messieurs de la Chambre des notaires, bienvenue parmi nous. Ayant le très grand honneur et le très grand bonheur d'avoir un notaire parmi nous, vous comprendrez qu'on laissera le député de D'Arcy-McGee vous poser des questions.
Deux courtes questions. Vous parlez de l'article 31.44, et je vous lis, dans votre mémoire: «L'intéressé ? soit le pollueur ou le gardien des contaminants, entre guillemets ? décidera du plan de réhabilitation du terrain, quand bien même il n'en serait pas propriétaire. Bien qu'il soit compréhensible que celui qui paie participe à la décision, il y a tout lieu de croire que, n'ayant aucun intérêt à payer plus cher qu'il ne le faut, il pourrait minimiser les travaux au détriment du propriétaire. Cette situation risque d'être conflictuelle et sera susceptible d'engendrer un grand nombre de litiges.» C'était un peu notre compréhension, mais je n'ai pas la réponse à cette situation-là. Si je comprends bien, la loi va imposer au locateur d'améliorer le sort du propriétaire. Et comment on gère ça, une situation comme celle-là. Et quelle proposition vous faites plutôt que celle-là, finalement? La page 13 de votre mémoire.
M. Masse (Mario): Oui. D'abord, concernant l'article 31.44, on soulève un autre point préalablement, on parle d'un avis de contamination, on dit: Non seulement l'avis de contamination devrait être le cas où on est au-delà des normes réglementaires comme telles, mais également il y a deux volets dans l'article, qui est celui de l'atteinte... ? je vous laisse la lecture ? à la vie, santé, sécurité, bien-être, etc. Donc, soit dit en passant, on ne voit pas pourquoi l'avis de contamination, s'il y a aussi un volet qui concerne l'atteinte à la vie et à la sécurité, ne serait que dans le cas où ce sont les normes réglementaires qui sont dépassées. Si on juge, dans le fond, qu'il y a atteinte à la vie, donc il y aurait une correction à faire à ce moment-là.
Effectivement, comme je le soulignais tantôt, on comprend du projet qu'on essaie de dissocier, dans le fond, le pollueur, celui qui est propriétaire du contaminant, du propriétaire du sol, puis c'est à lui, dans le fond... C'est d'abord au pollueur qu'on s'adresse, et je pense que c'est correct que ce soit comme ça, en disant: Écoute, tu vas nous fournir un plan de réhabilitation; c'est toi qui es l'occupant des lieux, c'est toi qui a pollué comme tel. Par contre, quand il y a cette dichotomie-là entre propriétaire, occupant, comment vont être les rapports? C'est là-dessus qu'on se questionnait, dans le fond: Comment vont se gérer les rapports entre cet occupant-là et ce propriétaire-là?
Évidemment, l'occupant pollueur n'a pas intérêt à ce que la décontamination aille au-delà des besoins nécessaires comme tels. Donc, ce qu'on dit... Parce qu'on donne un droit de veto notamment au propriétaire dès qu'il y a des restrictions d'usage. Il faudrait probablement lui demander également son approbation dès qu'il n'y a pas décontamination totale parce que... Est-ce qu'il ne peut pas... Bon, premièrement, là, il est informé d'une contamination qu'il ne connaissait peut-être pas ? remarquez que je parle dans l'absolu, parce que, dans la vraie vie, je ne suis pas sûr qu'il ne le sait pas un peu déjà ? disons, dans l'absolu, il vient d'apprendre qu'il y a une contamination. Et là il s'organise, il est en mesure, le pollueur est en mesure de s'organiser avec le ministère puis de dire: Bon, on décontamine jusqu'à un certain degré. Bon, oublions le confinement parce que, le confinement, il y a des restrictions d'usage, puis à ce moment-là ça va prendre... il y a un veto. Mais il y a une décontamination jusqu'à un certain degré, mais il y a des polluants qui sont restés sur place, en théorie, bon, qui vont s'éteindre par évaporation éventuellement, j'imagine, quelque chose de semblable. Donc, effectivement, il y a peut-être lieu de resserrer à ce niveau-là, puis de demander une certaine approbation de la part du propriétaire. Puis je pense bien que, dans la réalité, ça va souvent être des propriétaires de fonds, de toute façon. Disons que c'est plutôt le contraire qui va être l'exception.
M. Benoit: Une autre petite question.
M. Masse (Mario): Oui.
M. Benoit: Nous avons reçu ce matin le mémoire de l'Association des banquiers canadiens, qui sont très préoccupés par tout cet aspect-là, vous comprendrez. Et, à la lecture du mémoire, à l'heure du midi, je lisais ? et je vous lis un paragraphe et je voudrais savoir ce que vous en pensez ? que «le seul fait d'être légalement propriétaire à titre de fiduciaire ou d'exécuteur testamentaire n'impose pas de responsabilité potentielle et que la responsabilité personnelle du fiduciaire, tout comme celle du prêteur, ne soit imposée que si le prêteur et le fiduciaire ont activement exercé un contrôle qui a causé ou exacerbé la contamination par négligence grossière ou par la mauvaise conduite volontaire».
M. Masse (Mario): Vous désirez un commentaire?
M. Benoit: Faites attention à votre réponse, peut-être que votre banquier vous regarde, là, je ne sais pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Masse (Mario): Écoutez, on a donné notre accord sur la question du propriétaire-pollueur, propriétaire du contaminant, propriétaire terrain, qui se confondent à un moment donné et... à travers l'achat. Je ne pense pas qu'on puisse approuver d'emblée une exception aussi large que celle-là. C'est sûr qu'éventuellement, et on voit venir ça, les banquiers... Et là ils vont l'être, incités, par la mise en branle du processus, à demander des vérifications environnementales préalables, dans le fond.
M. Marsolais (Denis): Dans tous les cas.
M. Masse (Mario): Et, ma crainte, c'est que ça va venir assez rapidement. Et là on parle de secteurs industriel, commercial, visés par la réglementation, mais ça pourrait être, par exemple, une terre à développement résidentiel. Avant de financer la mise en place d'infrastructures, dans le fond, sur une terre à développement, n'y aurait-il pas lieu non plus de le demander avant qu'il s'implante des maisons là-dessus? On avait suggéré ça lors de la révision de la politique, en 1996. Je comprends par ailleurs la crainte des banquiers là-dessus. Par contre, quand on me parle de fiduciaire, j'ai l'impression qu'on s'organiserait juridiquement peut-être pour que la fiducie ne contienne que l'immeuble en question pour peut-être se libérer des engagements. Mais, s'il y a donc des mécanismes juridiques semblables pour isoler le bien en question, à prime abord... Je ne sais pas, M. le président, ce que vous en pensez.
M. Marsolais (Denis): Bien, il est bien clair qu'à partir du moment où il y aura un doute dans l'esprit des créanciers hypothécaires, un doute potentiel d'une responsabilité en cas de reprise d'un terrain lors d'un financement ? ce dont je parlais tantôt ? c'est clair dans mon esprit que, le lendemain de l'adoption de la loi, il y aura une directive dans l'ensemble des succursales de ces institutions financières pour exiger dans tous les cas une étude de sol et de caractérisation. Ça, c'est clair.
M. Masse (Mario): À tout le moins dans les secteurs commerciaux.
M. Marsolais (Denis): Dans le secteur commercial, évidemment. Évidemment. Et, à ce moment-là, ça va peut-être régler le problème, sauf que... O.K.
M. Benoit: Je vous arrête ici parce que je voudrais laisser...
Le Président (M. Lachance): M. le député de D'Arcy-McGee
M. Masse (Mario): ...je ne parle plus.
n(15 h 50)nM. Bergman: M. le président, M. Marsolais, M. Masse, c'est toujours un plaisir de vous recevoir à l'Assemblée nationale, et merci pour votre mémoire. J'aurais deux courtes questions. Vous avez parlé dans votre mémoire de l'avis, et l'article 31.56 dit que la personne ou la municipalité qui a fait l'étude doit laisser un avis. Premièrement, qui est cette personne qui peut faire l'avis? Et quel est le danger que la personne soit une tierce personne? Quelles sont les qualifications d'une personne qui peut faire un avis et l'enregistrer contre un terrain qui ne lui appartient pas?
Deuxièmement, qu'est-ce que l'attestation devant un notaire va donner à l'avis qui est fait par une personne sans droit contre le terrain? Et est-ce que l'avis ne doit pas être certifié par le ministère et enregistré comme le ministère du Revenu enregistre l'avis pour non-paiement de taxes contre un terrain? Est-ce qu'un avis ne peut pas rester de la même manière sans certification par un notaire? Et est-ce que l'important, ce n'est pas l'avis de décontamination et pas l'avis préliminaire? Car l'avis préliminaire nous dit, comme notaires, qu'il y a un problème. La vraie solution va être apportée, et après le notaire va demander un avis de décontamination.
Alors, moi, je demande: Qui est la personne à laquelle l'article 31.56 fait référence? Est-ce que ça ne doit pas être le ministère qui enregistre un certificat de contamination ou une municipalité? Car ça cause un préjudice grave à un propriétaire d'avoir un avis enregistré contre sa propriété sans être certain que c'est un avis qui est authentique ou qui contient des faits qui sont parfaits. Alors, je ne vois pas comment une personne avec une attestation devant un notaire va faire un avis, va donner une meilleure qualité à l'avis.
Si j'en ai le temps, j'aimerais vous demander une deuxième question sur le côté professionnel de ce projet de loi, mais je suis intéressé par votre réponse ici, car je pense que c'est important pour les parties. Mais, quand vous voyez les avis qui sont faits par le ministère du Revenu, ils ne donnent pas beaucoup de détails. Quand ils disent qu'il y a un non-paiement de taxes, ils nous donnent le numéro de dossier, le montant, et c'est un avis qui est émis par le ministère contre une propriété d'une telle et telle personne.
M. Marsolais (Denis): Écoutez, je vais demander à Me Masse de répondre plus précisément à votre question, mais, d'emblée, à titre d'introduction, je vous dirais que toutes les réserves qu'on a énoncées au niveau de l'avis, en tout cas au niveau du libellé de l'article qui fait référence à l'avis, l'article 46, font en sorte qu'on veut éviter la problématique de s'interroger: Qui est la personne qui va publier l'avis exactement? en disant que l'avis devrait être le reflet d'une convention qui aurait été signée entre le ministère de l'Environnement et la personne concernée, que le document devrait idéalement être constaté au terme d'un acte reçu devant notaire et donc qu'on vient, par l'acte authentique, garantir le contenu de l'avis, donc le contenu ne sera pas contestable, et faire en sorte que... Pourquoi le notaire ou l'avocat, dans le cas où ce n'est pas un acte authentique? C'est pour s'assurer de l'identité de la personne qui va déposer l'avis.
M. Bergman: ...ma deuxième question, car je sais que le temps presse. Demander au gouvernement, au ministère d'avoir une convention avec le propriétaire, c'est comme demander au gouvernement, avant d'enregistrer un avis pour non-paiement de taxes, d'avoir l'agrément du débiteur. Alors, c'est certain que le propriétaire du terrain, il va essayer d'éviter que cet avis soit enregistré contre son terrain et il ne va pas entrer dans la convention. Alors, je me demande pourquoi vous mettez le fardeau sur le gouvernement d'avoir une convention avec le propriétaire. Si le gouvernement juge, le ministère juge qu'il y a une contamination dans un terrain, je pense qu'il doit agir avec rapidité pour enregistrer cet avis contre ce terrain sans avoir l'obligation d'avoir une convention avec le propriétaire, car, dans le fil du temps où il va avoir la convention avec le propriétaire, il y aurait un préjudice qui peut être subi par un créancier hypothécaire ou par un subséquent propriétaire. Et j'aimerais avoir la chance pour ma deuxième question.
M. Marsolais (Denis): O.K.
M. Masse (Mario): Notre compréhension de l'ensemble des textes, c'est qu'il y a deux avis, en réalité. Il y a un avis de contamination qui, dès que le ministre constate... Et d'ailleurs c'est dans ses pouvoirs généraux, puis on le retrouve à 31.56 également. Il y a un avis de contamination qui est publiable contre le terrain. Et celui-là, je crois, ne demande pas qu'il y ait une convention préalable. Mais effectivement il faut agir quand même rapidement. On constate qu'il y a une contamination, 31.44 le mentionne tel quel, il y a une possibilité de publier.
Ce n'est pas tellement sur l'avis de contamination, nous, qu'on avait des commentaires comme sur l'avis qui amène les restrictions d'usage et qui est, dans le fond, l'avis de publication du plan de réhabilitation. Ce qu'on dit: Il y a nécessairement eu une entente prise entre le ministère puis le propriétaire, bon, incidemment ou directement, dépendamment du contexte où ça se passe, si c'est un locateur-propriétaire ou propriétaire-payeur lui-même. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on se disait: Il faudrait peut-être un resserrement.
D'ailleurs, il y aurait peut-être lieu de fouiller toute cette question-là parce que la base juridique de ça, entre autres, si on parle des restrictions d'usage dans un avis ou dans des conventions... la question n'a pas tellement évolué en doctrine québécoise ici, bien que c'est un concept qui, en Europe, en France notamment, est assez bien accepté, que cette charge administrative là qui est sous forme de servitude, de charge qui suit l'immeuble comme tel. Pour ceux qui ont peut-être touché à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, l'article 79.2 dont on propose l'abolition, on avait prévu précisément que ça créait une servitude contre le lot. Donc, il y a tout cet aspect-là au niveau des charges puis de l'usage.
Et par ailleurs, sur l'identité, c'est plutôt là, c'est qu'on dit: Il y aurait comme une double abstention dans le cas de l'avis de réhabilitation puis des restrictions d'usage parce qu'il n'y aurait pas eu d'attestation au niveau de la... Parce qu'on suppose qu'il y a une convention qui est signée entre le ministère puis... sur les restrictions. On convient de quelque chose, il y a un consensus en quelque part, et on signe. Donc, pour la publier, cette convention-là, il n'y a donc pas d'attestation, là, à la convention, puis il n'y aurait pas plus, dans ce qui est proposé, d'attestation du document publié. Donc, on dit: En quelque part, le registre foncier, les avis non attestés par notaire ou avocat... Et le notaire Marsolais soulignait évidemment l'avantage de l'acte notarié. Mais ça, on fait oeuvre utile, on le répète constamment, il y a des beaux outils juridiques ici, au Québec, qui sont sous-exploités.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Masse (Mario): Mais par ailleurs, si on l'accepte l'avis, l'attestation, il faudrait à tout le moins une attestation notaire ou avocat parce que l'avis est généralement, sans attestation, dans le registre foncier, une exception comme telle. Alors, c'est dans ce sens-là. Je ne sais pas par ailleurs si ça répond vraiment, notaire Bergman, à votre question.
Le Président (M. Lachance): Il y a un problème de temps, là, M. Masse. On a dépassé un peu le temps permis. Alors, ça va? Je vous remercie, les membres de la Chambre des notaires du Québec, d'avoir participé aux travaux de cette commission.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Lachance): J'invite le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec et ses représentants à bien vouloir prendre place à la table.
Alors, bienvenue, madame, messieurs. Je demande au porte-parole de bien vouloir se présenter et les deux personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Regroupement national des conseils régionaux
de l'environnement du Québec (RNCREQ)
M. Turgeon (Marc): Oui, avec plaisir, M. le Président. Mon nom est Marc Turgeon. Je suis le président du conseil d'administration du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. À ma droite, Ursula Larouche, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, qui est trésorière du Regroupement; et, à ma gauche, Philippe Bourke, qui en est notre directeur général.
Le Président (M. Lachance): Très bien.
M. Turgeon (Marc): Tout d'abord, je tiens à remercier les membres de la commission de bien avoir accepté de nous entendre cet après-midi. Et aussi je tiens à m'excuser du fait que notre mémoire n'a été déposé que maintenant. On s'en excuse. On va essayer d'être de bons vulgarisateurs puis on va vous expliquer ça rapidement.
Pour ma part, on m'a laissé la tâche probablement la plus facile, d'un peu mettre en situation ce qu'est le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. Les CRE sont des organismes indépendants. Il y en a un par région administrative du Québec. Ils regroupent ensemble 1 464 membres, soit 278 organismes environnementaux, 269 gouvernements locaux, 257 organismes parapublics, 144 corporations privées, 422 membres individuels et 92 autres organismes. Vous comprendrez que des fois ça varie, mais généralement c'est, annuellement, à peu près notre bilan.
n(16 heures)n Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec a pour mission de contribuer au développement et à la promotion d'une vision nationale du développement durable au Québec, de représenter l'ensemble des conseils régionaux de l'environnement et d'émettre des opinions publiques en leur nom. En regroupant et représentant ainsi l'ensemble des régions du Québec, il facilite les échanges et expertises entre les régions, assure la diffusion de la vision particulière des CRE et encadre les relations avec les intervenants politiques, socioéconomiques et environnementaux au niveau national.
Le RNCREQ oeuvre dans la plupart des grands dossiers environnementaux: changements climatiques, matières résiduelles, gestion de l'eau, énergie, forêt, agriculture, etc. De façon plus spécifique, le RNCREQ a pour objectif de créer un lieu d'échanges et de concertation des CRE sur tout sujet relié à la sauvegarde et à la protection de l'environnement, contribue au développement et à la promotion d'une vision globale du développement durable au Québec, contribue à ce que les CRE se dotent d'outils de concertation et d'éducation populaire relativement à l'environnement. Je vais maintenant céder la parole à Philippe, qui va continuer.
M. Bourke (Philippe): D'abord vous présenter quel est notre intérêt à venir participer et à répondre à l'invitation qu'on a eue de venir aujourd'hui ici. D'abord, il faut dire qu'au cours des deux dernières années le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement a porté une attention particulière à la problématique des sols contaminés au Québec. L'intérêt pour cette question-là a été suscité par l'envergure qu'a récemment prise la problématique associée au transport, à l'enfouissement et au traitement de sols contaminés provenant d'autres pays et d'autres parties du Canada dans quelques régions du Québec, particulièrement en Estrie, au Saguenay et en Mauricie.
Le Regroupement national a, par conséquent, mis en place un groupe de travail pour se pencher sur ces questions-là et aussi fournir des recommandations à l'intention du gouvernement du Québec sur ces questions-là. Nous sommes donc très heureux d'avoir l'opportunité aujourd'hui de partager avec vous une partie de cette expertise-là dans le cadre des auditions sur le projet de loi n° 156. Conformément à notre mission, nous voulons ainsi nous assurer que le gouvernement du Québec mettra en place les outils appropriés pour que la gestion des terrains contaminés au Québec respecte les principes du développement durable.
Donc, concernant le projet de loi n° 156, il faut dire que les terrains contaminés ont toujours constitué pour les organismes de protection de l'environnement d'excellents exemples pour illustrer les liens étroits qui existent entre l'environnement et l'économie. Le lourd fardeau laissé par certaines activités commerciales et industrielles du passé démontre à quel point il est essentiel d'intégrer au départ les considérations d'ordre environnemental et social dans nos choix de nature économique. Le développement durable commande d'évaluer la rentabilité collective et à long terme de tous les projets.
C'est donc dans cet esprit que le Regroupement national des CRE se dit heureux de voir que le gouvernement du Québec met aujourd'hui en place un outil pour corriger cette malheureuse situation. Le projet de loi n° 156 présente à la fois cette réelle volonté d'assurer la protection des sols québécois tout en veillant à la réhabilitation des terrains qui ont déjà subi une contamination par le passé. Nous sommes aussi fort satisfaits que le projet de loi assure de remettre dans les mains de ceux qui la provoquent ou qui en ont la charge la responsabilité technique et financière de la réhabilitation des terrains contaminés par des activités commerciales ou industrielles, et ce, dès le moment où les activités débutent jusqu'au moment de leur cessation. Nous appuyons donc ces dispositions qui encadrent une nouvelle fois l'un des principes fondamentaux de la gestion environnementale, soit le principe du pollueur-payeur. Je vais maintenant céder la parole à Ursula, qui va nous présenter plus en détail les dispositions spécifiques du projet de loi.
Mme Larouche (Ursula): Bonjour. Donc, je vais lire le document. Je pense que, étant donné que vous ne l'avez pas reçu au départ, ça va être plus rapide et plus simple. Concernant les pouvoirs généraux du ministre relatifs à la caractérisation et à la réhabilitation des terrains, au niveau des généralités, l'article 31.43, 1° et 2°, désigne les personnes intéressées qui seront éventuellement responsables de la réhabilitation des terrains concernés. Cet article est essentiel et doit être maintenu tel quel.
L'article 31.44 accorde au ministre un éventail de conditions d'intervention que nous croyons essentielles et qui lui donnent le pouvoir d'intervenir dès le moment où est constaté un début de contamination. À notre avis, cet article doit aussi être maintenu tel quel.
L'article 31.47 constitue enfin, à notre avis, une bonne manière de permettre l'accès à l'information.
Concernant les dispositions particulières à certaines activités industrielles ou commerciales, au niveau des généralités, l'article 31.49 présente un éventail de dispositions qui visent à assurer que les nouvelles entreprises qui appartiennent à une certaine catégorie d'activités s'assurent dès le départ de prendre en compte les responsabilités qui leur incombent eu égard à la contamination possible de terrains où se dérouleront leurs activités. Nous sommes satisfaits de ces dispositions, notamment en ce qui concerne les garanties financières prévues au paragraphe 4°.
Au niveau des particularités, en ce qui concerne les dispositions prévues aux paragraphes 1° et 2° de l'article 31.49, nous nous questionnons sur la manière qu'entend utiliser le gouvernement du Québec pour s'assurer de la justesse des informations qui lui sont remises par le promoteur. Il est en outre important pour nous que, dans le cadre de contamination par certains produits reconnus pour leur toxicité élevée, les mesures de surveillance et de contrôle prévues au deuxième alinéa de l'article 31.49 soient plus importantes. C'est le cas en particulier en ce qui concerne la contamination par les organochlorés.
De plus, il nous apparaît important que la loi prévoie de rendre accessibles à la population les éléments prévus aux paragraphes 1° à 3°. Actuellement, les citoyens doivent s'en remettre à la Commission d'accès à l'information si le gouvernement n'obtient pas le consentement de l'entreprise pour fournir les réponses aux questions demandées. Le délai de réponse est généralement trop long. Il ne faut pas oublier que les citoyens qui habitent autour des entreprises susceptibles de contaminer l'environnement voisin par leurs activités ont le droit de connaître l'état de l'environnement dans lequel ils vivent et que la transparence est un enjeu important quand on parle de contaminants en regard de la santé humaine et des écosystèmes.
L'article 31.49, qui s'adresse particulièrement aux nouvelles entreprises, est le seul à prévoir la nécessité de garantie financière destinée à l'application d'un plan de décontamination. Nous pensons que des garanties similaires devraient être aussi prévues à l'article 31.50 afin d'éviter que des faillites virtuelles n'entraînent le transfert des éventuels coûts de décontamination à la collectivité.
À l'instar de ce qui se fait déjà actuellement aux États-Unis sous le contrôle d'Environmental Protection Agency, l'EPA, nous recommandons de considérer la création d'un fonds de décontamination entièrement financé par les entreprises.
Enfin, nous désirons savoir comment le gouvernement du Québec assurera l'application de l'article 118.0.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement dans le cadre de la contamination des terrains. Cet article stipule que le ministre de l'Environnement avise le ministre de la Santé et des Services sociaux lorsque la présence d'un contaminant dans l'environnement est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être et au confort de l'être humain. Ce principe de précaution est, à notre avis, très important et doit comporter un cadre d'action et d'intervention de référence pour agir de manière concertée. Cela favorisera aussi des interventions rapides de la part des deux ministères dans les régions.
Dispositions générales. L'article 31.66 prévoit que les municipalités devront tenir à jour une liste de tous les terrains contaminés sur leur territoire. Nous recommandons au gouvernement du Québec de tenir un registre national concernant l'ensemble de ces informations, et, encore une fois, ces informations devront toujours conserver un caractère public.
Au niveau des pouvoirs réglementaires, généralités, le Regroupement national des conseils régionaux est particulièrement satisfait de voir que le ministre, notamment par l'article 31.67, alinéa 6°, se donne le pouvoir d'encadrer le traitement, la récupération, la valorisation et l'élimination des sols contaminés.
Comme nous l'avons déjà mentionné plus tôt, les conseils régionaux de l'environnement sont fort inquiets face à la problématique de l'importation des sols contaminés pour des fins d'enfouissement et de traitement. C'est le cas du type d'enfouissement d'Horizon, à Grandes-Piles, en Mauricie, où plus de 12 000 t de sols contaminés ont été enfouis au cours de la dernière année, qui provenaient des États-Unis. C'est aussi le cas de Récupère-Sol, Saint-Ambroise, au Saguenay, où 99 % des sols traités par aspiration proviennent d'autres provinces, des États-Unis, et qui utilise des publicités indiquant qu'ils traitent des sols contaminés au DDT, des substances interdites au Québec. De même, Sherbrooke a aussi une entreprise qui importe des sols contaminés des États-Unis.
Nous souhaitons donc vivement que le ministre utilisera le pouvoir réglementaire qu'il se donne ici, c'est-à-dire dans l'article 31.67, pour harmoniser l'ensemble de ces normes concernant les sols contaminés à celles des États-Unis. Cela constitue, à notre avis, un moyen efficace d'éviter que se poursuive au Québec le développement d'une économie basée sur le traitement de sols contaminés importés d'autres pays ou provinces.
Également, nous recommandons que l'alinéa 6° de l'article 31.67 inclue un nouveau paragraphe, le paragraphe g, qui prévoie le pouvoir du ministre de réglementer le contrôle des transports des sols contaminés. Cela permettra d'avoir un suivi sur le transport des sols contaminés, tel que cela était avant que le ministère de l'Environnement n'abolisse l'obligation des manifestes de transport. Il n'existe actuellement aucun registre de cette nature aujourd'hui. Mentionnons que nous avons été informés que des sols contaminés ont été transportés avec des bennes à grains et que nous croyons que le règlement doit encadrer le transport pour éviter de telles aberrations.
n(16 h 10)n Particularités. La réglementation devra, à notre avis, favoriser les technologies de traitement in situ sur le site, évitant ainsi la nécessité de construire des usines permanentes, donc de concentrer des produits contaminants au même endroit sur une longue période. Le traitement in situ présente un risque moins élevé de contamination et permet d'éviter le traitement... une économie autour des traitements de résidus ? sols contaminés ? parce que la présence d'une entreprise permanente crée un incitatif à l'importation de sols contaminés d'autres pays pour rentabiliser des activités du centre de traitement.
Nous sommes satisfaits de la suppression du deuxième alinéa de l'article 107 de la Loi sur la qualité de l'environnement et des autres modifications apportées à cet article ainsi qu'à l'article 106.1. À l'aube du nouveau siècle, il n'y a plus de raison pour que les entreprises et les municipalités qui favorisent le développement d'une économie qui comporte des risques pour l'environnement soient encore tentées d'outrepasser les règles en raison des mesures dissuasives trop peu contraignantes. Le maintien d'un environnement sain a un coût, et les amendes doivent refléter le mieux possible ces véritables coûts.
Au niveau de l'article 118.1, nous avions des questionnements sur la suppression des articles 31.44 et 31.46. À notre avis, ces articles devraient être maintenus dans l'article 118.1 pour les éventuels plaignants.
De même, dans l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement, nous recommandons le maintien du paragraphe n du premier alinéa. Nous croyons qu'il est important que les personnes, les municipalités, les entreprises bancaires qui financent par des prêts en argent ou d'une autre façon des activités qui pourraient se dérouler sur des terrains contaminés aient accès à la liste des avis notifiés par le gouvernement du Québec.
Conclusion. Le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec réitère son appui en vue de l'adoption par le gouvernement du Québec du projet de loi n° 156 relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains. Nous sommes d'avis que ce projet de loi permettra non seulement de réduire la contamination de nos terrains actuels, mais permettra aussi d'envisager que les activités industrielles et commerciales en cours et futures se dérouleront davantage dans une perspective de développement durable, garantissant aux populations actuelles environnantes ainsi qu'aux générations futures un environnement plus sain. Nous sommes par conséquent satisfaits de l'orientation prise par le ministère de l'Environnement dans le dossier des sols contaminés. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, M. le ministre de l'Environnement, pour la période d'échanges.
M. Bégin: Oui. Alors, merci, madame et messieurs. Vous m'avez obligé à consulter plusieurs fois derrière moi parce que vous aviez des points tellement pointus qu'il fallait que je m'assure de ce que vous disiez. Mais effectivement, à plusieurs reprises, vous avez, je crois, misé juste. Je vais commencer d'ailleurs par ces points plus techniques mais quand même importants.
À la page 5, vous avez parlé... Excusez-moi, ce n'est pas celui-là. Excusez-moi. Bon. Je commencerais par la page 7, 118.1. Vous avez dit qu'on a supprimé 31.44 et 31.46, qui consistent effectivement à signifier des avis. Je crois qu'on a peut-être procédé un peu rapidement, en pensant que c'était une pure question de concordance mais qui s'avère une question de fond, puisqu'il s'agit d'aviser les personnes. Alors, on me dit qu'effectivement il y a probablement eu une erreur à ce niveau-là et qu'on va le réintroduire parce qu'on pense que c'est à propos de le faire.
Ensuite, de même pour le 118.5, qui est tout de suite le paragraphe suivant, au point n. On me dit qu'on a prévu la mécanique pour conserver le point n, mais on n'est pas capable de me dire où. Alors, j'ai demandé que oubedon on réintroduit le n ou bien on me donne la réponse. Mais il est clair qu'on doit préserver l'esprit de cette disposition-là qui est extrêmement utile également.
À la page 6, 31.67, un paragraphe g. Là, vous m'avez ramené à une problématique qui date de 1997, au mois de décembre, lorsque le Règlement relatif au transport des matières dangereuses a été adopté. C'est ça, hein? Je me rappelle qu'on m'avait dit à ce moment-là qu'on supprimait cette disposition-là, puisque le ministère des Transports aurait, en tant que ministre des Transports qui gère le transport, l'obligation de demander des manifestes. Ce que je comprends de votre observation, c'est que de tels manifestes n'existeraient pas ou ne seraient pas exigés de la part du ministère des Transports. Donc, nous nous retrouverions dans une idée de vouloir continuer à garder le manifeste mais que, dans les faits, il n'existe plus, le manifeste servant bien sûr à connaître le contenu de chacun des transports. Et c'est ça. Pourquoi on a un manifeste? Pour être capable de vérifier s'il y a concordance entre la déclaration et le contenu du chargement. Et c'est utile à la fois à partir du point de départ mais aussi au point d'arrivée. Donc, il y a beaucoup de données qui sont importantes à l'intérieur d'un manifeste.
Je vais quand même vérifier le tout parce que l'idée n'était pas d'éviter cette question-là mais de s'assurer que ça soit la bonne personne qui gère cet aspect-là. Mais, si on ne le fait pas et que, par le fait même, on est perdants à la fois en matière de transports et à la fois en matière environnementale, je vais essayer de récupérer ce qui est au moins environnemental. Alors, là-dessus, suspense, pour le moment, mais on aura la réponse la semaine prochaine, au moment de l'adoption du projet de loi article par article.
Vous avez parlé de l'importation des sols contaminés pour des fins d'enfouissement et de traitement. Je ne vous répondrai pas aujourd'hui, mais j'ai pris un engagement, vous vous en rappelez, lorsqu'il y avait eu ce titre dans Le Soleil: Le Québec, la poubelle des États-Unis. Alors, j'avais dit que j'agirais, et soyez assurés que ça va venir, peut-être pas nécessairement dans ce projet-là, mais ça s'en vient.
Bon, je pense que voilà pour les points plus techniques. Dans l'ensemble, je comprends que vous êtes tout à fait en accord avec l'approche qui est visée, c'est-à-dire que la personne, non seulement celle qui contamine le sol à un moment dans le temps, qu'on prendrait pratiquement sur le fait, mais aussi celui qui achète un terrain ou qui devient propriétaire de quelque manière que ce soit d'un terrain qui était contaminé, sera responsable de s'assurer de sa décontamination et de sa réhabilitation et d'en assumer le coût, à charge peut-être de remonter à l'auteur du dommage ou de la pollution qui a été fait. Je comprends que vous êtes tout à fait en accord avec cette disposition-là. Bon. C'est quand même très important, puisque ce matin le Barreau a questionné cette disposition-là en disant que nous allions... ? je ne sais pas si je vais trop loin moi-même ? en disant que ça allait trop loin, qu'il faudrait aménager des manières de permettre à un propriétaire, dans cette hypothèse-là, de retrouver le véritable auteur et, dans la mesure où celui-ci serait solvable, que ça soit lui qui soit chargé de la décontamination plutôt que le propriétaire. Mais c'en était là de notre discussion.
Alors, quand on est d'accord, c'est assez difficile de vous poser des questions, à moins de vouloir se faire dire des choses. Mais je crois que, dans l'ensemble, la problématique vous agrée et que vous êtes d'accord avec la façon de faire. C'est ça? O.K. Alors, je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, M. le député de Saguenay, vous avez demandé à intervenir. Vous avez la parole.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation. Je voudrais avoir quelques précisions. Vous indiquez que, concernant l'article 31.66, qui, lui, prévoit que les municipalités doivent tenir une liste à jour de tous les terrains contaminés sur leur territoire, vous désirez qu'un semblable registre soit étendu pour l'ensemble du Québec, alors que là, ce qui est précisé, c'est que ce registre-là serait au niveau de chacune des municipalités.
Moi, ce que je voudrais voir ressortir ou plutôt voir avec vous... Quand je regarde le mémoire qui a été déposé avant vous par la Chambre des notaires, eux, ils nous indiquaient: «Les registres municipaux étant régulièrement consultés par les notaires ou autres intervenants du milieu immobilier, il y aurait lieu d'être, d'une part, beaucoup plus exigeant quant aux documents qui doivent être déposés et consignés et quant au caractère public des informations qui y sont contenues. Ainsi, non seulement la liste des terrains mais également copie de toute étude de caractérisation et du plan de réhabilitation lui-même devrait y figurer.» Est-ce que, vous, votre demande se situe uniquement à la tenue à jour de cette liste de terrains contaminés ou si ça englobe également l'ensemble des études auxquelles font référence les notaires dans leurs documents?
n(16 h 20)nM. Turgeon (Marc): Bonne question. Moi, je vous dirais que ce qu'on veut, en fait, c'est que les citoyens aient accès à une liste à jour et, si c'est possible, au niveau national. Pour ce qui est de l'ensemble de la documentation, je vais vous avouer que ça va peut-être être un petit peu difficile à gérer. On n'y a pas vraiment réfléchi, que l'ensemble soit là, mais que, par contre, on puisse avoir les moyens de retrouver la documentation... que pas tout soit là, mais qu'on puisse, à un moment donné, par exemple, aller par le Net: je vais à Alma, je regarde ce qu'il y a là, je regarde les pièces et je peux avoir accès aux pièces autrement que sur ce répertoire-là. Si je comprends bien, c'est un registre. Alors, le registre, à un moment donné, il va avoir des limites. Mais effectivement ça pourrait aussi comprendre les pièces mais pas dans le registre; on pourrait voir, par le registre, où on peut les trouver, où on peut les consulter. Moi, je ne vois pas que ça se contredit, l'un ou l'autre.
M. Gagnon: Non, je ne voyais pas de contradiction non plus, je voulais juste m'assurer... Je voulais vérifier avec vous si vous vous en teniez uniquement à la question de la liste ou si les documents auxquels fait référence la Chambre des notaires, c'était quelque chose qui était, à votre point de vue, essentiel pour l'information du public.
Mme Larouche (Ursula): Au niveau d'une copie de l'étude du plan de réhabilitation, si elle était disponible aux citoyens, ce serait une excellente idée. Mais elle n'a pas besoin d'être disponible au niveau de la liste provinciale. Ce qui est important, c'est d'avoir, au niveau provincial, un endroit où savoir quels sont les terrains contaminés facile d'accès puis, comme Marc disait, qu'on sache où on peut en avoir une copie dans la municipalité. Ça serait suffisant, parce que c'est quand même assez gros. Ha, ha, ha! Une copie...
M. Gagnon: J'imaginais le problème technique par la suite, de toute la question de la gestion de ces documents-là, qu'il y a une obligation additionnelle qui serait imposée aux municipalités de gérer l'ensemble de cette documentation-là. Bien. Merci.
Mme Larouche (Ursula): ...les sols contaminés, la quantité devrait diminuer, avec les années.
M. Gagnon: Oui.
Le Président (M. Lachance): M. le député d'Orford.
M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. M. Turgeon, Mme Larouche, M. Bourke, bienvenue parmi nous. Et je pense que vous serez bienvenus aussi jeudi, si je ne me trompe, dans une autre commission parlementaire où vous serez présents. C'est magnifique d'être bénévoles presque à plein temps pour le gouvernement. On vous en félicite.
Deux courtes questions. Vous êtes le dessert de la commission parlementaire aujourd'hui, nous terminerons avec vous. Vous savez qu'à l'article 31.53 nous parlons de consultation. Et c'est une des missions du CRE, pour vous voir aller sur le terrain, ces consultations, qui sont soit tenues par le BAPE, ou enfin plein d'organismes. Vous êtes souvent partie prenante, vous êtes interpellés, vous invitez les gens à y participer. Alors, il y a comme trois écoles de pensée sur ces consultations-là.
La première, c'est celle du ministre, qui dit «la date, l'heure et l'endroit où sera tenue l'assemblée publique d'information et de consultation; que le projet peut être consulté au bureau de la municipalité». Finalement, à chaque cas, il y aura une consultation. C'est à peu près ça que 31.53 nous dit.
Ce matin, on a reçu les gens d'affaires. À l'intérieur des gens d'affaires, il y a les papetières du Québec, qui ne sont pas les moindres, qui, elles, nous disent ? et je ne vous lirai pas tout le mémoire: «Or, la consultation du public sur le projet risque d'amener ce dernier à focaliser sur le projet, non sur les sols.» Et ils disent: «C'est déjà enregistré.» Alors, on n'est pas sûr qu'on devrait aller en consultation publique.
Il y a par la suite les ingénieurs du Québec. Et on sait que le président de l'Ordre des ingénieurs du Québec est M. Nicolet, qui fut quelqu'un qui a consulté énormément au Québec, et particulièrement avec le monde municipal. Alors, lui, il nous dit: «Lorsque des procédures de consultation sont prévues, il vaudrait mieux les baliser, de manière à s'assurer que la participation du public soit réelle et compatible avec les démarches...» Parce qu'il faut dire que le Barreau nous avait dit plus tôt ce matin que des consultations comme ça, tous azimuts, ça va être la folie furieuse. Alors, eux, ce qu'ils nous disent, les ingénieurs, alors ils nous disent «que la participation du public soit réelle et compatible avec les démarches de consultation des populations, adoptées par le gouvernement depuis de nombreuses années. Elles pourraient être, par exemple, jumelées aux consultations menées par les municipalités lors de changements de zonage.» Alors, il y a trois écoles de pensée: celle du ministre; celle de certaines gens d'affaires, qui, eux, à prime abord sont plutôt contre, il y a effectivement eu le Barreau, qui nous disait: Trop, c'est trop; et il y a les ingénieurs, qui, eux, semblent nous dire: On devrait baliser ces consultations. Comme ça fait partie de votre mission fondamentale, les CRE, j'aimerais vous entendre sur ce point-là.
Mme Larouche (Ursula): Bon. Est-ce qu'il y aura lieu de penser que, quand il y aura une consultation comme ça, le... En tout cas, la crainte, j'imagine, c'est que le débat dérive sur d'autres discussions au niveau de la municipalité. De façon générale, cet article-là, nous, il nous convenait. Qu'il soit plus balisé, on n'a pas réfléchi à la façon dont ça pourrait se tenir. Sauf que, ce qui était important, c'est que les citoyens aient à leur disposition un moment pour être capables de prendre connaissance du projet, de donner un avis et qu'ils soient écoutés.
La crainte par rapport à une consultation dans le cadre des changements de zonage des municipalités, c'est: Est-ce que les citoyens auront toute la latitude pour être capables de pouvoir être écoutés dans les modifications ou encore être entendus là-dedans? Si c'est à travers les changements de zonage dans les municipalités, surtout avec ce qui s'en vient au niveau des municipalités, il y a des questions à se poser. Est-ce qu'il y aura vraiment une place pour les citoyens là-dedans? Donc, dans ce sens-là, c'est important que ce soit maintenu. Que ce soit plus encadré, est-ce qu'il faut encadrer ou s'il faut laisser aux municipalités la façon de réaliser ces consultations-là? Moi, je pense qu'on pourrait laisser aux municipalités puis aux citoyens des municipalités de décider un peu plus de la façon dont ils veulent être consultés.
M. Benoit: D'autre part, dans votre mémoire, à la page 5, vous dites: «De plus, il nous apparaît important que la loi prévoie de rendre accessibles à la population les éléments prévus aux paragraphes 1° à 3°. Actuellement, les citoyens doivent s'en remettre à la Commission d'accès à l'information, si le gouvernement n'obtient pas», etc.
Est-ce que je dois comprendre que ce que vous voulez, c'est qu'au moment de ces consultations-là je ne sais trop qui, la municipalité ait les mêmes pouvoirs que le BAPE d'obligation de dépôt de documents de la part d'entreprises, presque une obligation juridique comme l'a le BAPE où elle peut exiger le dépôt de documents? Est-ce que c'est ce genre d'attente que vous avez? Parce que le débat va être valable à 31.53 dans la mesure où les gens, les voisins, le CRE vont avoir toute l'information, ce que M. Nicolet appelait ce matin «the right to know». Alors, jusqu'où vous exigez que quelqu'un à quelque part ait le droit, comme le BAPE finalement... Le plus bel exemple, c'est le BAPE. Le BAPE peut exiger d'une firme d'ingénieurs de déposer tel document qui supposément est secret puis qu'ils gardent dans leurs voûtes. Ils ont le droit de l'obliger à déposer. Alors, le citoyen, il se sent rassuré, il dit: J'ai toute l'information.
Ici, ma crainte, et je pense que c'est la vôtre aussi, en lisant votre paragraphe ici, de la page 5, c'est que vous avez l'impression que vous n'aurez peut-être pas toute cette information-là au moment du débat à l'intérieur de l'hôtel de ville, quand on sait, souvent dans certaines petites municipalités, comment les choses peuvent se passer.
Mme Larouche (Ursula): Au niveau des plans de réhabilitation, au niveau des informations concernant la contamination qui est dans les terrains, au niveau des activités des entreprises, au niveau des enquêtes que le ministère peut avoir ou des doutes qu'une entreprise peut susciter, quand actuellement des citoyens veulent avoir de l'information, c'est impossible pour eux d'avoir accès à cette information-là, et cette information-là doit, d'une manière ou d'une autre, trouver une façon d'être rendue disponible aux citoyens, et ce, dans des délais qui sont tout à fait raisonnables, à l'intérieur de quelques mois, deux ou trois.
Actuellement ? parce qu'on le vit, on le voit actuellement dans des situations réelles ? il y a des informations auxquelles les gens n'ont pas accès concernant la contamination des terrains, de l'eau, des sols autour des usines qui ont des activités comme ça. Et c'est dans ce sens-là. Ici, il y a peut-être un élément qu'il faudrait voir, mais c'est par rapport au 31.49. Tout ce qui est relatif à la contamination, ces informations-là devraient être disponibles. Et, de toute façon, dans un souci de transparence, une entreprise qui n'a rien à cacher devrait être capable de remettre ces informations-là, évidemment peut-être avec un peu de supervision au niveau de l'interprétation des données, des résultats qui apparaissent là.
M. Benoit: Est-ce qu'il me reste quelques instants, M. le Président? Le transport des matières dangereuses, ce n'est pas la première fois que vous en parlez. D'ailleurs, je dirais même que vous avez été ceux qui ont ? comment a dit M. Bernard Landry ? activé le drapeau rouge, vous avez été les premiers au Québec à...
Une voix: ...
M. Benoit: C'était... Excusez, l'expression, je ne me rappelle pas, là. Le chiffon rouge! Vous avez été les premiers à activer le chiffon rouge au Québec en ce qui a trait au transport des matières dangereuses, et c'est tout à votre honneur de l'avoir fait. Et vous avez constamment continué. Je pense à des gens dans la région de l'Estrie et autres qui ont mené des batailles assez célèbres à ce jour.
Ce que vous dites ici, c'est que vous voudriez que ça soit dans ce projet de loi là qu'on arrive à le faire. Moi, je vous supporte 100 000 à l'heure là-dedans. Le ministre, avec un grand sourire, vous a dit que ça ne serait pas cette fois-ci. Alors, est-ce que j'ai bien compris, vous voudriez que ça soit dans ce projet de loi là et qu'on arrête de taponner avec ça puis qu'on n'attende pas un autre projet de loi qu'on ne sait pas trop quand?
n(16 h 30)nM. Turgeon (Marc): En fait, j'éclaircirai la question en disant que, oui, effectivement, le Regroupement, par entre autres des conseils régionaux du Saguenay et de l'Estrie, et les députés du Centre-du-Québec ont beaucoup travaillé sur la question des importations. En fait, de la manière qu'on comprend le projet de loi, on pense que, par règlement, il serait possible d'y arriver aussi, ce qui découlerait de l'esprit du projet de loi. Vous comprendrez qu'on n'a peut-être pas tout à fait la compréhension ou la science exacte, mais on pense que cela le permettrait. Alors, on voulait juste soulever au ministre qu'il y avait peut-être des possibilités, sans nécessairement aller vers un autre projet de loi, que, par ce projet de loi, par un règlement, il puisse venir un peu encercler ou délimiter, baliser, interdire, je ne sais pas, la question d'importation des déchets, qui demeure préoccupante.
M. Benoit: Quitte à revenir éventuellement, quand bon lui semblera, avec un projet de loi qui pourrait ne traiter que de l'importation. Mais, dans l'immédiat, on pourrait régler cette problématique.
M. Turgeon (Marc): On pense que ce serait possible. Notre évaluation: on pense que ce serait possible. Vous comprendrez qu'on n'a peut-être pas toutes les ressources juridiques pour être à la fine pointe, mais on pense qu'il y aurait peut-être une possibilité. Par contre, on prend aussi note, on a pris note il y a quelques semaines et on prend encore note que le ministre avait bien compris la question ou la préoccupation que nous avions sur l'importation et qu'il veut prendre action le plus rapidement possible. Nous, on lui propose peut-être d'y aller par voie de règlement, mais ce sera à lui de juger.
M. Benoit: Alors, messieurs des CRE, merci infiniment, madame ? excusez ? messieurs dames, merci d'avoir été ici. Nous nous reverrons jeudi pour un autre projet de loi qui, celui-là, semble faire un consensus très large. Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci beaucoup pour votre participation aux travaux de cette commission.
Remarques finales
Et, à cette étape, nous en sommes aux remarques finales, après avoir entendu les différents groupes. Alors, la parole est d'abord aux députés de l'opposition, au député d'Orford, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement.
M. Robert Benoit
M. Benoit: Très rapidement. Comme toujours, d'abord remercier les confrères qui ont assisté, d'une façon particulière, le député de D'Arcy-McGee, qui a prouvé son point tout au long de la journée. Et je pense que le ministre lui a donné raison à un moment donné ce matin. Alors, nous en sommes fort aises. Bien sûr que nous attendons de voir les amendements. Nous attendons de voir les amendements en ce qui a trait aux ordres professionnels. Et on ne baissera pas les gants de boxe avant d'avoir la certitude qu'il n'y aura pas une nouvelle patente, organisme ? on ne comprenait pas trop, finalement ? qui pourrait régir toute cette problématique-là. Le message a été très clair d'à peu près tout le monde. Et nous avons reçu aujourd'hui... Je ne sais pas si le ministre a eu le temps d'en prendre connaissance, vous en avez reçu de Bell Canada, enfin, plein d'autres mémoires. Rapidement, j'ai lu ça à l'heure du midi et il semble y avoir un consensus.
Il faut aussi s'assurer, avec ce projet de loi là, que, d'un côté, nous améliorons l'environnement, et je pense que nous en sommes tous. D'autre part, nous ne devons pas mettre un frein à l'activité économique du Québec. Et certaines gens nous l'ont rappelé, au moins trois groupes aujourd'hui, de faire bien attention de ne pas... Au même moment où on essaierait d'améliorer l'environnement, on nuirait tellement à l'activité économique que, par ricochet, on n'aiderait peut-être pas l'environnement. Je pense qu'il y a là un juste milieu qu'il nous faudra garder.
Certains groupes aussi vous ont rappelé que le volontariat a fonctionné au Québec; certains chiffres ont été donnés. J'ai la certitude que, dans une société libre et réfléchie, il y a encore de la place pour le volontariat. Et il faudrait faire attention à ce projet de loi là pour ne pas décourager des gens qu'une façon volontaire, non annoncée, pourrait... Et les chiffres sont là, il y en a eu un bon nombre qui l'ont fait. Alors, j'aimerais partager mon temps avec le député de D'Arcy-McGee, si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Ce serait une petite entorse au règlement, mais, sur consentement, on peut le faire.
M. Benoit: Très bien.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Allez-y, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Benoit: Un notaire, on ne peut pas refuser à un notaire de prendre la parole.
Le Président (M. Lachance): Un homme qu'on n'a pas l'habitude de voir ici, à cette commission des transports et de l'environnement mais dont on apprécie les qualités.
Une voix: Il faut en profiter.
M. Benoit: Il faut en profiter, c'est ça.
M. Lawrence S. Bergman
M. Bergman: Merci, M. le Président. C'est un grand honneur d'être à cette commission aujourd'hui. J'aimerais aussi, pour ma part, remercier le député d'Orford pour m'avoir donné ici le temps pour exprimer mes idées sur ce projet de loi, particulièrement les articles 31.63 et 31.64.
Ensuite de ça, M. le Président, on n'a pas eu les conseils, à cette commission parlementaire, du Conseil interprofessionnel du Québec, qui a écrit une lettre datée du 30 janvier 2001 à M. Bogue, le secrétaire de cette commission. Qui est le Conseil interprofessionnel du Québec? Le Code des professions nous dit, à l'article 20, que «le Conseil interprofessionnel du Québec est formé des ordres professionnels; chacun des ordres y est représenté par son président ou par un membre désigné par le Bureau». Et qu'est-ce qu'il fait, le Conseil interprofessionnel du Québec? L'article 19 du Code des professions nous dit que: «Le Conseil interprofessionnel doit donner son avis au ministre sur toute question que ce dernier lui soumet. Il saisit le ministre de toute question qui, à son avis, nécessite une action de la part du gouvernement.» Aussi, l'article 19.1 du Code des professions nous dit, au sous-paragraphe 3°, que «le ministre peut notamment soumettre au Conseil interprofessionnel, pour avis, toute question d'intérêt général pour les ordres professionnels».
Alors, dans cette lettre que cette commission a reçue... Aussi, j'aimerais que cette lettre soit déposée parmi nos délibérés aujourd'hui. Alors, ça va m'éviter de vous lire cette lettre en entier. Mais, le Conseil interprofessionnel nous dit: «Par ailleurs, comme regroupement des ordres professionnels et en vertu de son rôle conseil auprès de l'autorité publique, le Conseil aurait souhaité pouvoir échanger avec les membres de la commission parlementaire sur les aspects du projet de loi qui ont eu un impact sur la finalité, la cohérence et l'efficacité du système professionnel.» Mais aussi c'est une prière pour vous, M. le Président, qui demande au ministre de soustraire du projet de loi les deux articles en question. Alors, c'est des conclusions qui sont très, très importantes pour nos débats. Alors, j'espère... Et le ministre nous a dit qu'il va apporter des amendements. J'espérais qu'il aurait soustrait ces articles. Il a dit aussi qu'il va demander un conseil à l'Office des professions, et j'espère que, dans ses remarques finales, il va dire aussi qu'il va demander le conseil du Conseil interprofessionnel du Québec, pour être certain qu'on a leur idée et espérant que le Conseil interprofessionnel du Québec va inspirer le ministre pour retirer ces deux articles de ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Document déposé
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Comme vous l'avez demandé, le document dont vous avez fait état à été officiellement déposé. M. le ministre de l'Environnement, pour vos remarques finales.
M. Paul Bégin
M. Bégin: Merci, M. le Président, je voudrais revenir un petit peu en arrière, dans le sens: Qu'est-ce que c'est qui peut amener le gouvernement a intervenir comme il le fait présentement dans le cadre des sols contaminés? Je pense qu'on doit se rappeler qu'il y a deux types de situation. Une, où les terrains sont contaminés, mais on est incapable de savoir qui est le propriétaire de ce terrain-là. C'est les sites orphelins. C'est quelqu'un qui, un jour, a abandonné un terrain sachant que, pour l'utiliser, il faudrait faire des investissements considérables et il préfère ne pas le garder. Ou encore un terrain qui a été abandonné pour des raisons de non-paiement de taxes et que personne n'a voulu acquérir, sachant qu'il y aurait des dépenses considérables à faire à l'égard de ce terrain-là si on voulait l'utiliser. Alors ça, ça s'appelle les sites orphelins.
C'est très fréquent dans le coeur de nos villes, particulièrement dans les villes industrielles. Je pense à la vallée... au Saint-Maurice, par exemple, où il y a eu beaucoup de villes industrielles, Grand-Mère, Shawinigan, Trois-Rivières, ou aussi encore dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu, où il y a eu des villes industrielles. Il y a en eu un peu partout au Québec comme ça et qui autrefois ont connu une industrialisation, une industrialisation très lourde, et où on a retrouvé beaucoup de sols contaminés mais surtout aussi beaucoup de sols abandonnés pour toutes les raisons que je viens de mentionner. Donc, ces sites-là, il faut qu'on s'en occupe. Et ce n'est aucunement un propriétaire privé qui en est responsable, c'est généralement ou la municipalité ou l'État.
Nous avons introduit un programme qui s'appelle Revi-Sols, qui consacre 90 millions de dollars d'argent de l'État pour permettre la décontamination et la réhabilitation de ces sols. On demande une contribution égale de la part des promoteurs qui vont sur ce site ou de la municipalité pour faire en sorte qu'on puisse faire la décontamination. Ça, c'est le premier volet, qui m'apparaît être traitement du passé en quelque sorte, c'est notre passé industriel qu'on doit supporter et, par des subventions, faire en sorte qu'on redonne à la collectivité des parties importantes de territoire dans le coeur même des villes.
Je vois, à Shawinigan, par exemple, si vous avez déjà été là, vous faites le tour d'un grand quadrilatère immense où il y avait beaucoup d'usines et qui ont quitté Shawinigan avec le temps, et ces terrains-là sont inexploités depuis de très nombreuses années. Depuis quelques années, avec les programmes, là, on commence à les réhabiliter et on va redonner à la population le coeur même de la ville de Shawinigan.
n(16 h 40)n Saint-Jean-sur-Richelieu, c'est un même phénomène, peut-être sur 1 km par 1 km, des beaux terrains, anciennement la richesse même de cette ville, ont été abandonnés graduellement. Et il s'agit, par des programmes comme ça, de les redonner à la population en les décontaminant et en faisant en sorte qu'on puisse en jouir dorénavant. Ça, c'est le volet terrains orphelins.
Mais il y a aussi le présent et le futur qu'il faut gérer. Pour ne pas se retrouver dans cette hypothèse, il faut donc s'assurer qu'à partir d'une certaine date, qui est celle de l'adoption du projet de loi, on ne se comporte plus de la même manière qu'on le faisait autrefois, d'où l'importance d'établir qu'un propriétaire quelconque, dans une journée x, qui veut changer d'usage, là, on établit un processus, mais on dit: Oh! il y a une sonnette, là. Vous voulez changer d'usage, vous devez caractériser votre sol pour voir dans quel état il est à ce moment-là. Ou un changement, un transfert de propriété, on dit: Un instant, c'est le temps de voir ce que nous avons dans le terrain en question pour donner un portrait exact.
En fait, ce que l'on fait, M. le Président, c'est de dire aux gens: Voyez donc l'état de votre terrain plutôt que d'avoir la tête dans le sable et penser que votre terrain vaut 1 million de dollars. Parce que, pour un terrain d'une superficie semblable, localisé à tel endroit dans la municipalité x, ça vaut 1 million, en oubliant que le terrain qui vaut 1 million, trois coins de rue plus loin, est en parfait état, alors que le terrain qu'on veut vendre est complètement contaminé et que, si on le décontamine, on devra investir 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $. Ce qui veut dire que normalement un acheteur avisé de l'état de la situation dirait: Un instant, oui, votre terrain vaut bien 1 million, il m'intéresse, mais j'ai des travaux de 300 000 $, 400 000 $ à faire dessus. Donc, votre terrain qui valait 1 million, je soustrais ce que je devrai payer pour le décontaminer au niveau de l'utilisation que je vais en faire, donc j'enlève 200 000 $, 300 000 $. Ça là, ce n'est pas donner des responsabilités nouvelles au propriétaire, c'est juste faire un constat d'une situation réelle. Et je pense que c'est au propriétaire d'assumer la décontamination du sol ou, s'il veut la transférer à un acheteur, de le faire, d'où la responsabilité du propriétaire à ce moment-là, et ça m'apparaît tout à fait légitime.
Par ce processus, de prendre une photographie de l'état du sol au moment d'un changement d'usage ou encore au moment où on a une vente, ça nous permet d'éviter qu'on se retrouve dans le futur avec des terrains dont on ne connaîtra pas l'auteur. Si le terrain est photographié, caractérisé le 1er janvier 2001 et qu'il est à un niveau, mettons, B et que, 20 ans, 30 ans plus tard, après l'usage fait par une industrie, un commerce, on caractérise ce sol parce qu'on veut cesser l'usage, on va découvrir que, de A, on est rendu à C, donc qu'il y a de la décontamination à faire. Et, à ce moment-là, on saura que, pendant cette période-là, quelqu'un a agi incorrectement et qu'il doit dépolluer, et ce sera à celui-là de le faire. Bref, on s'assure qu'on ne recréera pas dans le futur une situation comme celle-là. Donc, ce n'est pas un frein, c'est juste regarder la réalité en face et dire: Nous ne perpétuerons pas cette situation-là, si vous voulez changer d'usage, si vous voulez faire telle autre chose, vous devrez le décontaminer.
Autrement, ce serait de dire, par exemple: On va laisser quelqu'un qui connaît l'état de son terrain comme étant très contaminé, mettons, par des hydrocarbures, qui le vend à un tiers qui voudrait, par exemple, y bâtir des résidences. Dans l'état actuel des choses, pas de problème pour ce terrain-là, on bâtit dessus. Et quelques années plus tard, on découvre que les gens ne sont plus capables de vivre dans leur résidence parce que les vapeurs d'essence arrivent dans la maison et la rendent inhabitable. Là, on tombe avec un beau problème: Qui poursuit qui? Qui assume quelles responsabilités? Alors que, si, au moment de la transaction, il y avait eu une évaluation exacte de la situation, on aurait dit: Oh! oh! un instant, nous sommes en présence d'un terrain présentant une contamination très élevée, en conséquence, pour faire l'usage que vous voulez faire là, vous devrez, avant de le faire, décontaminer. Est-ce que c'est imposer un fardeau inacceptable au propriétaire? Je ne crois pas du tout, M. le Président. C'est juste lui dire: Regarde, tu ne peux pas mettre sur le marché un terrain dans l'état où il est là, pour l'usage que tu veux lui donner, il faut que tu décontamines.
Bref, M. le Président, ce projet de loi est un projet qui règle le passé mais aussi qui prépare l'avenir, et ça m'apparaît être fondamental. Il y aura cependant des modifications à y apporter ? je l'ai annoncé ? relativement à l'agrément des professionnels. Je crois... pas je crois, nous devrons faire des modifications. Et, comme je l'ai dit, nous allons associer l'Office des professions pour nous assurer que la solution que nous présenterons sera agréable à l'Office des professions du Québec et, par le fait même, je crois, aux ordres professionnels. Nous leur transmettrons quand même le projet pour qu'ils puissent l'évaluer avant que nous l'adoptions lors de l'étude du projet de loi article par article.
J'ai mentionné, au cours des travaux ? je n'en fais pas une liste ? qu'effectivement les remarques... Tantôt, je voyais le groupe du CRE qui nous mettait des éléments devant les yeux. Bien, on va faire les modifications qui s'imposent. D'autres remarques ont été faites dans des mémoires, qui n'ont même pas été discutées ici parce que c'était trop pointu par rapport à l'ensemble de la problématique. Bien, mes gens ici vont regarder ça puis effectivement tenir compte des modifications. Par ailleurs, je compte bien sur mon collègue, au moment de l'étude article par article, pour nous rappeler ou nous faire voir peut-être des points qui auraient été omis, pour être certain que le projet de loi sera le meilleur qui soit.
Ce que nous voulons, c'est qu'au Québec il y ait de moins en moins de sols contaminés et que ceux qui le sont soient traités et redonnés à la collectivité dans un état tout à fait acceptable. Alors, M. le Président, on va travailler, d'ici à l'étude par article, sur cette base-là. Je pense que ce sera très facile, au moment de cette adoption, de procéder rapidement. Merci. Merci aussi à tous ceux qui ont collaboré, les membres des différents groupes, les collègues, les gens qui nous ont accompagnés et qui nous ont permis de vivre dans un climat agréable. Merci.
Le Président (M. Lachance): Alors, merci pour votre excellente collaboration, des deux côtés.
Là-dessus, la commission ayant accompli le présent mandat, j'ajourne les travaux au jeudi, 1er février 2001, à 9 h 30, ici même, à la salle du Conseil législatif, alors que la commission entreprendra un autre mandat, soit des consultations particulières sur le projet de loi n° 149, Loi sur les réserves naturelles en milieu privé.
(Fin de la séance à 16 h 47)