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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, March 21, 2000 - Vol. 36 N° 45

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Guy Chevrette
M. Yvan Bordeleau
*M. Denis Jacques, Barreau du Québec
*Mme Janick Perreault, idem
*M. Marc Sauvé, idem
*M. Patrice Deslauriers, idem
*M. Denis Boucher, idem
*Mme Carole Brosseau, idem
*M. Farès Bou Malhab, RQT
*M. Éric Dugal, idem
*M. Jean-Pierre Lalancette, idem
*M. Vasken Kavafian, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif . Alors, je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission ainsi qu'à toutes les personnes qui sont présentes ici aujourd'hui.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y en a pas aujourd'hui.


Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, cet après-midi, tour à tour, nous entendrons des représentants du Barreau du Québec et, par la suite, le Regroupement québécois du taxi. Et je voudrais immédiatement inviter aussi les personnes qui ont un téléphone cellulaire ouvert à bien vouloir le fermer pendant notre séance. Je vois que les représentants du Barreau sont des gens ponctuels, ils sont là depuis déjà un bon moment. Alors, je vous souhaite la bienvenue et j'invite le porte-parole à s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Barreau du Québec

M. Jacques (Denis): Alors, merci. Mon nom est Denis Jacques, je suis bâtonnier du Québec.

Mme Perreault (Janick): Janick Perreault.

M. Sauvé (Marc): Marc Sauvé, Barreau du Québec.

M. Deslauriers (Patrice): Patrice Deslauriers, de l'Université de Montréal.

M. Boucher (Denis): Denis Boucher, des techniques policières.

Mme Brosseau (Carole): Carole Brosseau, Barreau du Québec.

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous indique, comme vous le savez sans doute déjà, que vous avez une période de 20 minutes pour nous faire part de vos commentaires sur le livre vert et par la suite des échanges pour une période maximale de 40 minutes additionnelles. Allez-y, monsieur.

M. Jacques (Denis): Merci. Alors, on va essayer d'utiliser pleinement le temps qui nous est alloué. Alors, évidemment on est heureux d'être ici présents devant vous et on vous remercie de l'opportunité que vous nous donnez de venir présenter nos commentaires sur le livre vert.

Alors, comme vous le savez, le Barreau du Québec, c'est 18 000 membres, 18 000 avocats et avocates qui sont inscrits au tableau de l'Ordre. Le Barreau a comme mission première la protection du public et, à ce titre, au cours des années, est intervenu régulièrement pour apporter ses commentaires, ses critiques et les améliorations qu'il voudrait voir apporter aux projets de loi qui sont déposés à l'Assemblée nationale. Je vous rappelle d'ailleurs, à ce titre-là, que l'an dernier, alors que le Barreau soulignait son 150e anniversaire, le premier ministre Lucien Bouchard lui-même reconnaissait l'apport essentiel, dans notre vie démocratique et dans l'examen des lois présentées et débattues à l'Assemblée nationale, du Barreau du Québec.

Au Barreau du Québec, on a plus de 75 comités qui sont composés d'experts et qui nous conseillent dans les réflexions que nous devons faire et qui nous aident justement à déposer des mémoires tels que celui qu'on a déposé devant cette présente commission. Pour confectionner, donc, le mémoire, vous avez pu le voir dès le départ, c'est indiqué dans les premières pages, nous avons eu recours aux services d'experts de notre Comité en droit criminel et de notre Comité en matière d'assurance automobile.

Bien qu'ils se soient présentés tout à l'heure, j'aimerais, de façon plus particulière, vous indiquer que Patrice Deslauriers, qui est ici, au bout, est professeur de droit civil à l'Université de Montréal depuis plus de 10 ans et qu'il est le co-auteur, avec Jean-Louis Beaudoin, de la bible en matière de responsabilité civile au Québec. Je l'ai ici, devant moi, alors nul besoin d'épiloguer là-dessus.

Me Perreault est une avocate de pratique privée qui pratique sur le terrain à Montréal. Elle a représenté fréquemment des victimes d'accidents d'automobile auprès de la SAAQ et au niveau du TAQ et est auteur d'un guide qui s'appelle Accidents de la route qui a été publié en 1997.

Me Boucher, qui est juste à ma gauche, ici, est avocat depuis 1987 et enseigne en technique policière au cégep Ahunstic à Montréal depuis plus de 10 ans. Il est aussi formateur au niveau du SPCUM depuis 1995 et a agi comme avocat de la défense, comme procureur de la couronne et comme policier patrouilleur au centre-ville de Montréal.

Me Brosseau est avocate au Service de la recherche et de la législation au Barreau du Québec et secrétaire de notre Comité en droit criminel.

Enfin, Me Marc Sauvé est avocat du Service de la recherche et de la législation au Barreau du Québec depuis 11 ans et est secrétaire de notre Comité sur l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.

Les gens qui sont ici aujourd'hui sont évidemment en mesure de répondre à toutes les questions qui pourraient être posées en regard de notre mémoire, notamment sur l'utilisation du cinémomètre photographique, qui pose de graves difficultés. Évidemment, on pourra toucher aux autres éléments qui sont reproduits dans notre mémoire, mais j'aimerais toucher de façon plus particulière à l'aspect suivant.

Le livre vert ouvre la porte au débat sur l'indemnisation des personnes reconnues coupables de conduite avec capacités affaiblies par l'alcool. Doivent-elles être pleinement ou partiellement indemnisées? La même question se pose donc pour tous les criminels de la route. Pour le Barreau du Québec, c'est l'ensemble de la question de l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile qui constitue un sujet de vive préoccupation. Le régime comporte de graves lacunes. On estime de notre devoir de vous en faire part de nouveau, puisqu'on l'a fait déjà par le passé.

On a plusieurs recommandations qui figurent aux pages 49 à 51 de notre mémoire, et je vous invite à les consulter. Et celles sur lesquelles on passera un peu plus de temps, au cours des prochaines minutes, sont les recommandations de trois à cinq, qui portent justement sur l'indemnisation en tant que telle. Nous pourrons traiter par la suite des recommandations 7 à 10, qui parlent du quantum des dommages, de l'indemnisation des dommages et des plafonds au niveau de l'indemnisation par la SAAQ. On pourra parler aussi de la recommandation 16 sur le processus de révision de la SAAQ et par la suite des différents éléments qui se retrouvent dans le livre vert, notamment au niveau du port du casque, du cinémomètre et des facultés affaiblies.

Alors, j'aimerais passer la parole tout de suite à Me Patrice Deslauriers, qui va traiter notamment de la recommandation 4, c'est-à-dire que les victimes des criminels de la route puissent poursuivre au civil l'auteur des dommages pour l'excédent non couvert par le régime public d'assurance automobile.

M. Deslauriers (Patrice): Alors, bonjour. Je vous remercie de votre attention. Et, comme le soulignait M. le bâtonnier, mon intervention se limitera à la recommandation 4 sur les victimes des criminels de la route. Est-ce qu'on peut donc donner accès aux victimes des criminels de la route aux recours civils comme indemnisation supplémentaire?

On enseigne généralement que la responsabilité civile a plusieurs fonctions. En fait, au point de vue philosophique, on sait évidemment que la responsabilité civile, ça vise à réparer le dommage. Et, à cet égard, le régime instauré par la Loi sur l'assurance automobile remplit ce rôle, même si on pourrait lui reprocher la modicité de certaines indemnités. Il est clair que l'indemnisation est la fonction première de la responsabilité civile, et la loi remplit ce rôle-là.

(15 h 30)

J'aimerais insister, par contre, sur d'autres facteurs et à d'autres fonctions qui ont été attribuées à la responsabilité civile. Les fonctions sont les suivantes. Il y a un objectif également sous-jacent à la responsabilité civile outre l'indemnisation, c'est-à-dire l'objectif de prévention, contrôler les comportements des membres de la société. Il y avait également comme deuxième objectif un objectif d'éducation, une fonction didactique.

Troisièmement, on reconnaît à la responsabilité civile un objectif d'apaisement, et ça, c'est documenté dans la littérature. Dans la littérature sur le sujet, on enseigne que le fait d'aller devant les tribunaux apaise la colère. Certains auteurs suggèrent même que la seule possibilité pour la victime de manifester publiquement sa colère permet de l'apaiser, laissant sous-entendre qu'il n'est pas nécessaire qu'un recours soit nécessairement entrepris. En d'autres termes, on considère que la vengeance devant les tribunaux est préférable à toute autre forme de vengeance et qu'il vaudrait mieux l'encadrer plutôt que de la nier. Donc, c'est un aspect de la responsabilité civile qui peut être obnubilé. Et je pense que la Loi de l'assurance automobile nie un peu cet aspect d'apaisement. C'est certain que l'aspect indemnisation est là, mais il ne faudrait pas oublier la fonction et les fonctions, les autres fonctions de la responsabilité civile, et je pense que c'est occulté complètement par le régime étatique.

Alors, à mon avis, il serait important de reconsidérer ce régime étatique. Et on devrait tenir pour acquis qu'il y a un plancher d'indemnisation par la Loi de l'assurance automobile et permettre aux victimes des criminels de la route de poursuivre au civil l'auteur pour un complément d'indemnité, donc assurer une base d'indemnité à la victime, mais lui permettre de le faire dans des cas particuliers, c'est-à-dire lorsqu'il y a des criminels de la route. Alors, je vous remercie de votre attention et je vais passer la parole à Me Janick Perreault.

M. Jacques (Denis): Alors, effectivement, sur les recommandations 3 et 5, c'est-à-dire sur l'indemnisation des criminels et sur les victimes par ricochet, c'est des sujets qui sont extrêmement importants, je laisse la parole à Me Perreault.

Mme Perreault (Janick): Alors, moi, au sujet de ces deux recommandations, ce serait peut-être plutôt de souligner le déséquilibre qu'il y a actuellement dans notre régime d'assurance automobile. Alors, on indemnise les criminels de la route, peu importe qu'ils aient commis un acte criminel, on les indemnise pleinement, alors que les victimes par ricochet ne sont nullement indemnisées actuellement dans notre régime. De plus, ces personnes-là ne peuvent pas non plus poursuivre. Alors, elles n'ont aucun recours.

Donc, les seules victimes par ricochet qui peuvent avoir droit à une indemnité, c'est dans le cas où la victime d'accident d'automobile est décédée. C'est les seuls et uniques cas où les victimes par ricochet peuvent avoir des indemnités, et, encore là, c'est limité à certaines personnes. Par exemple, des frères, des soeurs de quelqu'un qui serait décédé dans un accident d'automobile n'auront droit à rien. Alors, il y a un déséquilibre ici, dans notre régime. Si on indemnise les criminels de la route, on devrait d'autant plus indemniser les victimes par ricochet. Alors, c'est la recommandation qui est au point 5.

Au niveau du point 3, c'est qu'actuellement il y a seulement les indemnités de remplacement du revenu qui sont réduites durant les périodes d'emprisonnement. Alors, ce qu'on recommande, nous, c'est que ce ne soit pas seulement durant les périodes d'emprisonnement et que ce ne soit pas seulement les indemnités de remplacement du revenu qui soient réduites pour les criminels de la route. Alors, quand ils sont reconnus coupables d'un acte criminel, toutes les indemnités devraient être abolies ou sinon, du moins réduites.

La dernière recommandation peut-être à vous entretenir, c'est la n° 11. Alors que, dans les autres régimes d'indemnisation, par exemple pour les accidentés du travail, il y a un droit à la réadaptation qui existe, en matière d'accident d'automobile, il n'y a aucun droit de réadaptation, c'est laissé à la discrétion de la Société de l'assurance automobile du Québec. Donc, les victimes d'accidents d'automobile devraient avoir un droit à la réadaptation, tout comme les autres victimes. Alors, je vais passer la parole à Me Denis Boucher. Peut-être à Me Jacques, avant.

M. Jacques (Denis): Juste avant, si vous permettez, j'aimerais peut-être parler très brièvement de la recommandation n° 16, c'est-à-dire que le processus de révision de la SAAQ soit aboli. Fort malheureusement, on entend de temps à autre que, lorsque des avocats se prononcent sur un sujet ou sur un autre, ils ne pensent qu'à eux, ils ne pensent qu'à emplir leurs poches. Alors, la recommandation n° 16 vient carrément dans le sens contraire, où est-ce que justement ce qu'on prétend, c'est que le processus de révision de la SAAQ soit aboli. Alors, évidemment il y a beaucoup de monde qui sont représentés par avocat qui vont dans le processus de révision.

Nous, on suggère qu'il soit aboli. Pourquoi? Parce que ce processus-là est trop lourd et amène des longueurs quant au traitement véritable de la réclamation. On pense que ce processus-là de révision devrait être aboli. Tout comme, par exemple, à la CSST, on a aboli le recours au BRP pour l'unifier à la nouvelle CLP, alors on devrait faire de même en matière de réclamation automobile. Sur ce, je passe la parole à Me Denis Boucher, qui vous entretiendra sur le port du casque, le cinémomètre et les capacités affaiblies.

M. Boucher (Denis): Bonjour, M. le Président et membres de la commission. Alors, effectivement, bien que notre mémoire traite aussi des cinq points du livre vert sur le défi collectif, j'aimerais d'abord, dans un premier temps, parler du casque protecteur et peut-être tenter d'y apporter un éclairage de nature juridique par rapport à ce que les autres intervenants ont pu venir dire devant vous.

Si on regarde le livre vert, dans un premier temps, ce qu'on constate, c'est que le port du casque obligatoire serait problématique pour les jeunes de moins de 15 ans et en milieu urbain, statistiquement parlant. Et une des propositions, c'est d'appliquer la législation qui obligerait le port du casque. Ce en quoi le Barreau se démarque, nous ne sommes pas d'accord avec une législation qui obligerait le port du casque, bien qu'on soit d'accord avec des mesures incitatives au port du casque.

Alors, si on applique cette législation-là à tous, ce qui va arriver, et on le mentionne, c'est qu'une infraction ne serait pas une infraction continue lorsqu'elle est commise si on ne porte pas son casque. Ça veut dire que, dès qu'une personne, à ce moment-là, est prise et qu'elle ne porte pas son casque, si elle continue à repartir après qu'un constat lui a été émis, elle recommet une nouvelle infraction. Ce qui implique qu'on pourrait appliquer, au niveau des forces policières, l'article 75 du Code de procédure pénale, qui prévoit que le policier pourrait procéder à l'arrestation pour empêcher – parce que c'est le seul moyen raisonnable – la personne de continuer à commettre l'infraction. Et pensons, à ce moment-là, à un individu âgé de 35 ans qui s'en va faire une promenade en bicyclette et qui est à 50 km de chez lui, en milieu rural, alors cette personne-là n'est pas celle qui est visée par les statistiques, cette personne-là pourrait théoriquement faire l'objet d'une arrestation en vertu de l'article 75.

Par ailleurs, si on l'applique seulement aux jeunes, on se retrouve avec le problème suivant de la responsabilité pénale, c'est-à-dire qu'au niveau du Code de procédure pénale l'article 5 prévoit que, si on a moins de 14 ans, on n'est pas responsable au niveau pénal provincial. Alors, une des solutions, c'est, à ce moment-là, de rendre imputables les parents. Effectivement, se pose une question fondamentale au niveau des principes de la responsabilité pénale et criminelle, c'est-à-dire de rendre les parents responsables pour les enfants. Alors, on ne retrouve pas ça en matière pénale. On ne retrouve pas ça en matière criminelle. On peut retrouver ça en matière civile mais pas en matière pénale ni en matière criminelle. Évidemment, si jamais on établit une norme comme celle-là, on crée un précédent. Maintenant, est-ce qu'on va exiger une forme de contrôle de la part du parent sur l'enfant pour pouvoir rendre responsable le parent? À ce moment-là, quelle forme de contrôle devra être exercée? Et est-ce que ça peut dissuader aussi les parents d'accompagner les enfants si ceux-là ne portent pas le casque? Donc, au niveau de la responsabilité, de rendre imputables les parents, le Barreau se dit en désaccord avec ce fait.

Autre chose aussi qui est mentionné, la question des frais pour lesquels le Barreau s'est opposé dans le passé parce que, quand on prétend qu'une amende de 30 $ seulement sera imposée – de 30 $ à 60 $, on prend l'amende minimale – il faut tenir compte des frais qui ont subi des hausses vertigineuses et qui ont pour effet parfois de dissuader les gens d'aller contester leur décision devant les tribunaux.

En exemple, si je prends un jeune auquel on donne une amende de 30 $, il faut prévoir 12 $ de frais. Et, si jamais il ne fait rien parce qu'il ne veut pas avertir ses parents de ça, il pourrait être condamné par défaut, auquel cas il faut ajouter 28 $ de frais, ce qui fait un total de 70 $ pour un adolescent. Alors, à ce moment-là, quand on s'inquiète, dans le livre vert, des conséquences, par exemple, du coût du casque protecteur, peut-on s'inquiéter du coût du montant total de l'amende dans le cas des jeunes.

Si on prend un adulte dans la même situation qui serait condamné par défaut, maintenant on parle d'une somme de 30 $, plus 12 $, plus 43 $, ce qui fait 85 $. Et là on ne parle pas du fait que, si jamais on conteste cette affaire-là devant les tribunaux, bien, il y a des frais supplémentaires qui pourraient s'ajouter, à ce moment-là, dans le cas où l'individu est condamné.

Il y a toujours aussi, comme ça a été soulevé dans le livre vert, un problème d'identification qui est là à la base, c'est-à-dire: Peut-on exiger d'une personne qu'elle se promène avec un permis de conduire lorsqu'elle fait de la bicyclette? Ce qui n'est pas possible pour un jeune à ce moment-là. Alors, doit-on toujours avoir une pièce d'identification? Auquel cas, si le policier a des motifs raisonnables de croire que ce n'est pas tout à fait la bonne identification qu'on donne, bien, il pourrait, encore là, théoriquement, je dis bien, ouvrir la porte à une arrestation en vertu de l'article 74 du Code de procédure pénale.

Pour ce qui est des patins à roues alignées, je vais un peu sauter par-dessus ça parce que plusieurs points que je viens de soulever dans le port du casque s'appliquent aussi aux patins à roues alignées, que ce soit le port de l'équipement ou encore l'application de l'article 75. Lorsqu'on demande à la personne d'enlever ses patins pour marcher à pied, si la personne persiste, à ce moment-là on pourrait encore appliquer l'article 75.

(15 h 40)

Quant au cinémomètre, alors le Barreau s'est prononcé contre l'application du cinémomètre. Plusieurs problèmes sont soulevés par ça. Il y a d'abord un problème d'équité. On soulève, dans le livre vert, un problème d'efficacité qui concernerait, par exemple, la plaque du véhicule qui pourrait être sale, un support ou porte-bagages qui serait à l'arrière et qui pourrait faire en sorte de nuire à la photographie de la plaque et on parle aussi d'une distance intercalaire nécessaire d'une seconde. Si on regarde – par exemple, on dit: Ça pourrait être utile sur le boulevard Métropolitain – a-t-on toujours cette distance intercalaire d'une seconde? Quelle est l'efficacité de ça? Alors, on se pose des questions au niveau de l'équité, au niveau des personnes qui pourraient faire l'objet de cette mesure-là.

De plus, on soulève le fait qu'on n'appliquerait pas de points d'inaptitude pour la personne qui se ferait, à ce moment-là, interceptée par le cinémomètre. Alors, on se questionne là-dessus parce que, effectivement, si on ne mentionne pas de points d'inaptitude pour la personne qui se fait prendre parce que, évidemment, on présume que le propriétaire est le conducteur, à ce moment-là, qu'arrive-t-il avec les personnes qui sont des véritables chauffards et pour lesquelles il n'y aura pas de suspension de leur permis de conduire parce qu'il n'y a pas de points d'inaptitude qui seront appliqués?

Par ailleurs, si on décide d'appliquer des points d'inaptitude, qu'est-ce qui arrive avec ça? Eh bien, on risque d'intercepter ou de donner, à ce moment-là, ces points d'inaptitude à une personne qui est le propriétaire et qui par ailleurs ne serait pas le conducteur du véhicule. Et, à ce moment-là, encore faudrait-il prévoir, si on l'appliquait, un moyen de défense qui permettrait au propriétaire de pouvoir amener une diligence raisonnable en expliquant pourquoi il n'était pas le conducteur, sans avoir l'obligation de délation, c'est-à-dire de dire quelle personne se trouvait à ce moment-là au volant du véhicule. De plus, on comprend que le cinémomètre irait à l'encontre de l'actuel article 592 du Code de la sécurité routière, qui oblige, dans le cas d'un radar, à faire la preuve que la personne conduisait le véhicule.

Quant au dernier point sur lequel on veut porter votre attention, c'est-à-dire la conduite avec capacités affaiblies, concernant la période de trois mois, le Barreau réitère, comme il l'avait fait lors du projet de loi n° 12... On comprend que le permis de conduire est un privilège mais un privilège important au niveau de la nature économique. Alors, on est d'avis que le trois mois est exorbitant et que présentement la période de 15 jours ou 30 jours pour les récidivistes remplit très bien son rôle. Et évidemment probablement que des statistiques de la SAAQ pourraient démontrer actuellement que cette mesure-là peut être efficace dans une certaine mesure, et le trois mois n'ajouterait rien à ça. De plus, le délai de trois mois n'empêchera pas une période où la personne pourrait conduire avant d'être condamnée. Alors, cette période-là de trois mois ne justifie pas le fait que... à ce moment-là, n'éliminerait pas le fait que l'individu retrouve son permis de conduire.

Quant à la norme de 40-80, c'est un problème de dépistage. Et un barrage routier, de façon systématique, qui ne serait pas basé sur la nécessité de raisons de soupçonner, tel qu'exigé par le Code criminel, à notre avis, ne satisferait pas le test constitutionnel. Maintenant, si on regarde le Code criminel, d'ailleurs l'article 254.2 du Code criminel exige des motifs raisonnables de soupçonner, tout comme l'article 202.3 du Code de sécurité routière, qui présentement exige des raisons de soupçonner. Si on n'a pas minimalement des raisons de soupçonner, qu'est-ce qu'il va advenir du fait qu'on intervient auprès d'un individu, qu'on l'intercepte et qu'on l'oblige à donner un échantillon d'haleine, en fonction, toujours, de cette disposition-là de barrage systématique complètement arbitraire et que, tout à coup, ça révèle un taux d'alcoolémie supérieur à 80? Alors que le Code criminel exige, pour passer un ADA, des raisons de soupçonner, en matière de Code de sécurité routière, on n'aurait pas ces raisons-là. Est-ce que cette preuve pourrait ne pas être tenue en compte en matière criminelle? Nous croyons que la Reine contre Whyte de la Cour suprême donne des arguments à ce point-là.

De plus, pour ce qui est des barrages systématiques, je vous rappelle que, dans Hufsky, la Cour suprême a déterminé qu'un barrage systématique viole l'article 9, mais est justifié par l'article 1. Mais, lorsque, ce même barrage-là, on s'en sert pour obtenir un échantillon de l'haleine de façon totalement arbitraire et qui ne serait pas basée sur des raisons de soupçonner ou des motifs raisonnables, dans le cas de l'alcotest...

Le Président (M. Lachance): Je vous prie de conclure, s'il vous plaît.

M. Boucher (Denis): ...alors, nous soumettons qu'à ce moment-là ça risque de ne pas rencontrer le critère de proportionnalité exigé par la Cour suprême. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, mesdames messieurs. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, messieurs dames du Barreau. Il n'y a pas tellement de surprises dans votre mémoire. Quand on a écouté M. Bellemare, M. Boulanger ainsi que Mme Perreault, qui étaient membres du comité de préparation du mémoire, je n'ai aucune surprise dans votre mémoire. Sauf qu'il y a des choses que je m'explique difficilement, et je vais essayer de clarifier ça avec vous.

Tout d'abord, vous demandez l'abolition complète du comité de révision de la SAAQ sous prétexte que c'est une lourdeur et que c'est lent. C'est pas mal moins long qu'un procès qui va en appel jusqu'à la Cour suprême. Comment ça se fait que vous demandez une abolition de ça?

Mme Perreault (Janick): Bien, en fait, ce n'est pas de comparer le délai que ça prend d'aller devant un bureau de révision avec un procès qui s'en va en Cour suprême, c'est deux choses incomparables. Ici, c'est que, quand un accidenté conteste une décision...

M. Chevrette: Mais, pour la victime, là, je parle, celle qui n'a pas une cenne.

Mme Perreault (Janick): C'est ça, justement. L'accidenté qui conteste une décision de l'agent d'indemnisation, justement, un accidenté qui n'a pas une cenne et qui est en désaccord avec la décision de l'agent d'indemnisation, il va aller voir un avocat, il va le mandater de contester. Or, avant de se retrouver devant un tribunal administratif, il y aura donc une instance entre-temps qui augmente les délais, bien entendu, pour l'accidenté. Alors, il faut attendre d'avoir une audition devant le Bureau de révision, il faut attendre le délai de recevoir cette décision-là pour pouvoir la contester devant le tribunal administratif. Il y aura donc des délais et des frais, comme je disais, parce que, à ce moment-là, l'accidenté devra payer à deux reprises finalement un procureur pour le représenter devant deux instances. Si on regarde justement en matière d'accidentés du travail, ces gens-là, on a aboli le bureau de révision paritaire. Maintenant, c'est une révision administrative et, après, ça s'en va directement devant la Commission des lésions professionnelles.

M. Chevrette: Mais vous devez savoir que c'est pas mal moins long que devant les tribunaux des accidentés du travail, que c'est moins que quatre mois, en moyenne, le temps. Même pour la décision, c'est moins que quatre mois.

Mme Perreault (Janick): C'est ça. Mais, même si les délais ne sont pas très longs, si on prend le délai pour être entendu et le délai pour recevoir la décision, il n'en demeure pas moins que c'est des mois qu'on allonge pour la victime avant de se rendre devant le tribunal administratif.

M. Chevrette: Mais, si on comparait ça à ce qui existait antérieurement, où l'individu était à toutes fins pratiques à l'aide sociale conditionnelle, c'était pas mal plus long. On a pris au hasard, nous dit-on, 200 causes, puis la moyenne a été de huit ans et demi.

Mme Perreault (Janick): Mais, en fait, quand on demande l'abolition du Bureau de révision, ce n'est pas nécessairement comparé à ce qu'il y avait avant, c'est plutôt: nous avons un régime depuis 20 ans; maintenant, regardons de quelle façon on peut encore améliorer ce régime-là. On ne nie pas que ce régime a amélioré certaines choses par rapport à la situation qui prévalait avant, mais, ce qu'on dit, c'est que, ce régime actuel, il devrait y avoir des améliorations qui pourraient y être apportées, dont entre autres l'abolition du Bureau de révision. Et ce qui est malheureux, c'est que les réviseurs n'ont pas de formation juridique, pour la plupart, et non plus de formation médicale, alors que, devant ces bureaux-là, ce sont des questions légales et médicales qu'on a à plaider.

M. Jacques (Denis): Si vous permettez, devant les tribunaux de droit commun, les délais sont trop longs. On essaie de les raccourcir. On essaie de trouver des moyens pour raccourcir les délais aussi devant les tribunaux de droit commun. Je pense que c'est une fausse route que de dire: Ce n'est pas si pire, parce que ça prend plus de temps devant les tribunaux de droit commun. Parce que je pense que, devant les tribunaux de droit commun, c'est aussi inacceptable d'avoir des délais qui soient aussi longs dans le traitement des dossiers.

La véritable question, c'est: Le palier de révision, est-ce que c'est un palier qui est utile et nécessaire dans les circonstances? Je pense que c'est ça, la véritable question. Et la réponse qu'on apporte à cette question-là, c'est: Non, allons directement au palier qui décidera en bout de ligne, ne perdons pas de temps.

M. Chevrette: Au niveau des criminels de la route, je voudrais vous entendre. D'abord, c'est quoi, un criminel de la route, pour vous? C'est-u seulement celui qui est à 0,10 ou bien si c'est celui qui passe à 140 km/heure dans une zone, par exemple, de 30 km/heure au niveau scolaire?

Deuxième chose. Vous semblez extrêmement sévère pour les criminels de la route sur le côté assurances. On propose de prolonger la suspension automatique du permis de 15 jours à trois mois, il dit: Oups! non, non, ça, par exemple, donnez-lui la chance de reprendre la route au plus sacrant. On maintient 15 jours. Essayez donc de m'éclaircir ça un peu.

Mme Perreault (Janick): O.K. Alors, un criminel de la route, pour nous, c'est quelqu'un qui a commis un acte criminel au sens du Code criminel et qui a été reconnu coupable au sens du Code criminel. Il n'y a pas d'autre définition de ce que c'est qu'un criminel. Alors, pour cette personne-là, lorsqu'effectivement on a reconnu qu'elle était un criminel, nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait des modifications à son droit à l'indemnisation. Et, comme je le mentionnais dans ma présentation, très souvent le discours pour défendre le droit à l'indemnisation des criminels de la route, c'est qu'on dit: Mais les proches de ce criminel-là vont finalement payer pour lui parce qu'il va recevoir moins d'indemnités. Alors, on se soucie beaucoup des proches du criminel, alors qu'on ne se soucie pas des proches des autres victimes d'accidents d'automobile. Comme je disais, les victimes par ricochet actuellement n'ont...

M. Chevrette: Mais pourquoi vous dites ça, par exemple? Donnez-moi donc un exemple.

Mme Perreault (Janick): O.K. Alors, vous avez un exemple. Si vous...

(15 h 50)

M. Chevrette: Parce que les parents, juste un exemple... Je vais vous en donner un exemple concret. Les enfants qui ont été frappés dernièrement à Nicolet, à Saint-Jean-Baptiste-de-Nicolet, on leur offre tout le support psychologique payé par la SAAQ. Qu'est-ce que vous voulez dire par, d'abord, des victimes par ricochet?

Mme Perreault (Janick): O.K. Alors, c'est quelqu'un qui a eu un accident d'automobile et ses proches qui ne recevront une indemnité que s'il y a un décès. Actuellement, on indemnise les victimes par ricochet que lorsque la victime d'accident d'automobile a un décès. Là, à ce moment-là, on va lui verser une indemnité. Mais, si vous avez le conjoint d'une victime d'accident d'automobile qui est handicapé, auquel le ou la conjointe vient en aide, si le conjoint décède ou, enfin, devient également handicapé, cette victime par ricochet ne recevra aucune aide parce que cette victime par ricochet n'était pas dans l'automobile au moment de l'accident.

Vous prenez l'exemple, justement, malheureux qui vient de survenir. Mais, justement, l'enfant qui est victime de l'accident mais qui n'est pas décédé, ses parents ne recevront rien. Il semble y avoir une ouverture maintenant pour payer des traitements psychologiques, mais ce sera la seule indemnité qu'il y aura, là. Alors, actuellement, les seules victimes par ricochet qui sont indemnisées dans la loi, c'est lorsqu'il y a un décès et ce n'est que les victimes qui sont reconnues avoir droit à une indemnité de décès. Comme je le mentionnais tout à l'heure, des frères et des soeurs de quelqu'un qui décède dans un accident d'automobile n'auront pas nécessairement une indemnité de décès, alors que c'est des victimes par ricochet.

M. Chevrette: Bien, oui, mais...

M. Deslauriers (Patrice): M. le ministre, si vous...

M. Chevrette: ...là, je pense que vous êtes en train de mêler la sauce. Je voudrais comprendre comme il faut, cette fois-ci. Quand il y a des ayants droit, madame, je ne pense pas que ce soient les frères. Ordinairement, c'est en lignée directe, c'est les parents. Même, quand c'était le vieux régime où les avocats s'en donnaient à coeur joie, les ayants droit, c'étaient les parents d'abord. Je ne sais pas en quoi, les frères et les soeurs, vous venez ajouter ça. Quel est votre objectif?

Mme Perreault (Janick): C'est qu'en fait comme je le mentionnais tout à l'heure, on limite la définition de «victime par ricochet» à des victimes de gens qui sont décédés, alors qu'on reconnaît qu'une victime par ricochet, c'est quelqu'un qui subit un préjudice suite à un événement qui n'est pas nécessairement un décès. Alors, bien entendu, une victime d'accident d'automobile qui ne décède pas – surtout si elle devient handicapée, lourdement handicapée – ses proches vont subir un préjudice. Ils sont donc des victimes par ricochet et ils n'ont le droit à rien. Je pense que Me Deslauriers veut rajouter quelque chose.

M. Deslauriers (Patrice): Si je peux me permettre, ce à quoi vous faites référence, c'est que, sous l'ancien Code civil, sous le Code civil du Bas-Canada, il y avait un article qui précisait – l'article 1056, à l'époque – que seulement les ascendants, les descendants et le conjoint marié pouvaient obtenir une indemnité s'il y avait le décès de quelqu'un. En vertu du nouveau Code, ça a changé, parce que le problème, c'est que cet article du Code civil du Bas-Canada avait été interprété comme une loi anglaise. L'arrêt Gosset a changé, en 1996, en disant: Le solatium... Même le dommage moral, on avait beaucoup de difficultés à donner du dommage moral dans les tribunaux de droit commun.

Pour revenir à la victime par ricochet, ça a pris un arrêt de 1978 pour que la Cour suprême dise finalement: Oui, les victimes par ricochet, ceux qui sont perturbés dans leur famille peuvent également poursuivre pour un préjudice moral. C'est sûr que le préjudice est moins important dépendamment si on s'écarte d'un lien familial, mais, pour des frères, pour des soeurs, aujourd'hui, en droit commun, il y a des indemnités qui sont accordées pour les victimes par ricochet autant s'il y a décès que s'il y a simplement blessure.

M. Chevrette: Pour les préjudices moraux, je pense qu'on a amendé la loi tout dernièrement, puis on le permet, de toute façon, les préjudices moraux, pour la victime en tout cas, parce que... et perte de jouissance de la vie. Ça a été amendé, je crois que c'est au mois d'octobre.

Mme Perreault (Janick): C'est que, en fait, c'est une nouvelle disposition qui est entrée en vigueur depuis janvier...

M. Chevrette: Quelques mois, là, c'est ça, le 1er janvier.

Mme Perreault (Janick): Oui, effectivement. Mais, encore là, ça vise les victimes au sens de la loi. Et les victimes au sens de la loi excluent les victimes par ricochet. Donc, on n'a pas encore réglé le problème des victimes par ricochet.

M. Chevrette: Mais vous proposez quoi, concrètement, là-dessus?

Mme Perreault (Janick): D'indemniser les victimes par ricochet, d'autant plus que le régime actuel...

M. Chevrette: Avec un recours civil additionnel?

Mme Perreault (Janick): Le recours civil dont on parlait, c'était simplement au niveau des criminels de la route, à l'égard des criminels de la route et non pas pour les autres personnes.

M. Chevrette: Ma question s'adresse au président du Barreau ou à... C'est-u votre titre?

M. Jacques (Denis): Bâtonnier.

M. Chevrette: Bâtonnier. Excusez, au bâtonnier du Québec. 84 % des criminels de la route sont à peu près insolvables. Est-ce que votre revendication est pour 16 %?

M. Jacques (Denis): En fait, on est au niveau des principes, on est en train d'établir les règles. Est-ce que c'est la solvabilité de ces chauffards qui va générer les règles de droit qu'on est en train d'établir dans notre société? Moi, je vous soumets que non.

M. Chevrette: Faites-vous la distinction entre un régime d'assurance et le Code criminel?

M. Jacques (Denis): C'est sûr que je fais une différence, comme n'importe qui ici.

M. Chevrette: Donc, si vous faites une différence entre un code criminel qui pénalise des actes criminels et une assurance collective à toutes fins pratiques... Parce que vous avez lu la réplique de Mme Payette, qui est l'auteure de ce projet de loi là, qui a essayé de resituer le débat à son juste niveau. Si on considère que le criminel de la route est mal jugé dans nos lois actuelles, on doit s'en prendre au Code criminel. Mais, comme régime d'assurance collective, d'assurance groupe, est-ce qu'on ne profite pas d'un débat pour faire valoir un point de vue qui devrait être débattu dans un autre forum?

M. Jacques (Denis): En fait, je pense qu'au niveau de l'indemnisation il y a quand même un montant d'argent qui est dévolu à l'indemnisation. Et évidemment, si on prend de ces montants d'argent là pour indemniser les gens qui ont généré par leur propre faute, par une conduite criminelle et par une conduite qui n'avait pas sa raison d'être... La personne n'avait pas d'affaire à être dans son auto, évidemment elle n'avait pas d'affaire... Si elle n'avait pas été dans son auto, elle n'aurait pas causé un accident. Alors, les argents qu'on met là, on pourrait les mettre ailleurs et faire en sorte que ceux qui sont indemnisés partiellement puissent l'être un peu mieux et un peu plus totalement qu'en ce moment.

M. Chevrette: Je reviens à ma question. Si 84 % des gens sont insolvables ou ne gagnent plus que tant... Quand je dis non solvables, ce n'est pas une question de solvabilité, c'est plus une question de revenus. Quand Me Bellemare est venu ici puis Me Boulanger, je leur ai demandé: Conseilleriez-vous à vos clients de poursuivre un de ces 84 % là? Ils m'ont répondu non. Puis ils étaient membres de votre comité. Je vous pose la question: Conseilleriez-vous à des clients québécois de poursuivre quelqu'un qui est sur la sécurité du revenu?

M. Jacques (Denis): Je pense que poser la question, c'est y répondre. Mais, encore une fois, je ne pense pas que c'est comme ça qu'il faut réfléchir lorsqu'on établit des règles de société.

M. Chevrette: Mais est-ce qu'on peut demander au citoyen de se croiser les doigts, de toucher du bois puis de dire: Si je suis frappé, il faut que je frappe un riche? Est-ce que vous considérez que c'est un système qui a de l'allure, qui se tient sur le plan des principes?

M. Jacques (Denis): Non, mais c'est parce que vous inversez les rôles, là. Il faudrait que celui qui se fasse frapper se fasse frapper par un riche.

M. Chevrette: Peut-être que j'ai fait un lapsus, là, mais je pense que vous avez compris ce que je voulais dire. De toute façon, en bon avocat que vous êtes, vous avez sans doute compris ce que je voulais dire. Et répondez plutôt à l'esprit de la question.

M. Jacques (Denis): Bien, encore une fois, je suis obligé de revenir encore avec la même réponse que je vous donne, c'est-à-dire que, lorsqu'on établit des règles, on établit des règles de société, c'est le rôle du Parlement et de l'Assemblée nationale, ici, de le faire, on ne doit pas le faire en regard de la solvabilité ou non d'individus.

M. Chevrette: Mais, quand on sait d'ores et déjà que 84 % de ceux qui posent des gestes puis qu'on travaille pour effectivement faire en sorte qu'ils ne soient plus sur la route, en fonction d'une série... Par exemple, le Dr Payette est venu ici, il est victime, lui, il est encore bien plus touché qu'un avocat peut l'être, puis il est venu nous dire: De grâce, arrangez-vous donc pour que les récidivistes... donnez-leur des moyens de ne pas prendre la route, les obliger soit à prendre un antidémarreur, obligez-les à des choses concrètes du genre, mais ne pénalisez pas leur famille.

Vous autres, vous arrivez ici, comme Barreau du Québec, vous me proposez l'abolition de toute indemnité pour les criminels de la route. Qu'est-ce que vous proposez pour la femme, les enfants, chez eux? Qu'est-ce que vous proposez de faire pour ne pas... Vous me dites: Quinze jours, ils doivent reprendre la route.

Nous, on essaie de suggérer des choses pour que ces récidivistes-là ou bien reprennent la route dans un état de sécurité... Parce que c'est une commission sur la sécurité, cette commission-ci, là. On dit: Il faudrait trouver des moyens concrets, novateurs pour faire en sorte qu'on enlève le plus de récidivistes de la route, qu'on prenne le plus de moyens possible pour ne pas que les familles soient pénalisées. On est prêts à considérer des indemnités pour quelqu'un qui serait reconnu coupable. On vit dans une société de droit. Ce n'est pas des présumés, donc c'est des gens reconnus. J'aimerais ça que le Barreau s'efforce de me donner des recettes concrètes en fonction de la sécurité routière et non pas en fonction de procès sur les indemnités. Véritablement trouver des moyens pour améliorer la sécurité, c'est ça, l'objectif de la commission parlementaire présente.

M. Jacques (Denis): Peut-être, avant de répondre à cette question-là, je vais compléter ma réponse sur la question précédente. Il est clair que, nous, on ne vous suggère pas d'enlever le régime d'indemnisation que l'on connaît pour les victimes de chauffards. Le régime d'indemnisation étatique existerait toujours. La poursuite possible contre le chauffard criminel, c'est pour l'excédent. Et, évidemment, s'il n'est pas solvable, je comprends que les procureurs ne conseilleront pas de poursuivre quelqu'un qui ne serait pas solvable, mais, si la personne l'est solvable, bien il va y avoir une poursuite pour l'excédent. Et, c'est de ça qu'on vous entretient, le régime de base va continuer à être maintenu en vigueur. On ne vous demande pas de l'enlever, c'est bien clair. Alors, ça, je pense que ça doit être bien compris.

(16 heures)

Dans un deuxième ordre d'idées, vous me parlez de la femme et des enfants du chauffard criminel, qu'est-ce qu'on fait avec eux. Mais qu'est-ce qu'on fait, encore une fois, avec les victimes par ricochet? On en a parlé tout à l'heure. Moi, j'ai une décision, ici, du 7 mars de l'an 2000 – c'est il y a quelques jours – où le frère d'une jeune fille a été tué par... Sa soeur a été tuée par un chauffard qui a été condamné, et il a fait une réclamation à la SAAQ, et il y a eu une décision dans laquelle on lui dit qu'étant donné qu'il n'était pas sur les lieux de l'accident il ne peut pas être considéré comme étant un accidenté en vertu de la loi et, donc, qu'il va avoir droit à zéro, et ça, c'est inacceptable.

M. Chevrette: On vient de payer une étude sur les victimes par ricochet qui sera connue à l'automne, et on vous en fera part.

M. Jacques (Denis): Parfait.

M. Chevrette: Ceci dit, je voudrais revenir à une question précise: Qu'est-ce que vous faites de l'indemnisation d'un conducteur qui est ivre, qui est impliqué dans un accident, mais qui est nullement responsable?

M. Jacques (Denis): Bien, évidemment, d'abord, s'il est au volant de sa voiture puis qu'il est ivre, il a un gros problème, et même si...

M. Chevrette: Mais, s'il est en bordure de la route, les deux bras croisés, puis il attend le messie, que le messie arrive pour tomber à 0,07, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Dites-moi qu'est-ce qui arrive de son indemnité, là. Il n'est pas du tout responsable, c'est un gars qui est allé le faucher l'autre bord.

M. Jacques (Denis): Dans votre exemple, est-ce qu'il est trouvé coupable?

M. Chevrette: Bien, il ne peut pas être coupable, il est assis dans son char, il est à 0,08 puis il est en bordure de la route.

M. Jacques (Denis): Mais, même à 0,08, dans sa voiture, il est coupable, hein, il peut être trouvé coupable de...

M. Chevrette: Donc, il serait trouvé coupable alors qu'il ne chauffait pas?

M. Jacques (Denis): D'une infraction criminelle.

M. Chevrette: D'une infraction criminelle?

M. Jacques (Denis): Oui, tout à fait. Le fait d'être dans...

M. Chevrette: Est-ce que vous lui donnez une indemnité si ce n'est pas de sa faute, dans votre esprit à vous?

M. Jacques (Denis): Bien, il est coupable d'un acte criminel. Alors, dans les propositions que l'on vous fait, la réponse, c'est non.

M. Chevrette: Donc, il n'aurait pas droit à une indemnité?

M. Jacques (Denis): Bien, c'est ce qu'on vous suggère.

M. Chevrette: Bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui. Alors, merci, MM. et Mme les représentants du Barreau. Je voudrais d'abord vous remercier, vous féliciter aussi pour le mémoire. Je sais qu'à plusieurs reprises vous avez fait des représentations qui appuient un peu les points de vue que vous avez émis dans le mémoire et notamment en ce qui concerne la question de l'indemnisation des conducteurs qui sont reconnus coupables d'actes criminels avec des facultés affaiblies. Je pense que c'est revenu à plusieurs reprises dans vos représentations et, vous n'êtes pas les seuls à y avoir fait référence, je pense que, dans la présente commission, il y a à peu près, je dirais, peut-être une quinzaine de mémoires qui ont fait référence à cette réalité-là en dépit du fait que, dans le document de consultation, ça n'a pas été organisé pour avoir l'avis des gens sur cette question-là.

On regarde exactement à la page 62 du rapport, il y a une espèce de texte qui est en marge de l'ensemble du texte, dans la cinquième section, où on traite de la question des conducteurs en état d'ébriété, mais pour justifier le système de la SAAQ, et dans les options qu'on met dans le rapport il n'y a aucune option qui est suggérée qui concerne cette problématique-là. On fait référence à augmenter les pénalités, là, en termes de durée, le zéro alcool pour les conducteurs professionnels, bon, etc., mais il n'y a absolument aucune suggestion qui est faite qui s'attaque à la problématique que vous soulevez et qui a été soulevée par une quinzaine de personnes. D'ailleurs, j'en vois, ici, qui sont à la salle actuellement, qui sont venues en commission aussi pour soulever le même problème.

Et je dois vous dire qu'au niveau de l'opposition ça fait au-delà d'un an qu'on demande qu'il y ait une réflexion. Sans présumer des conditions auxquelles on pourrait arriver, mais on demande qu'il y ait une réflexion sérieuse qui se fasse sur l'ensemble de la SAAQ. Et ça comprend ça, mais ça comprend aussi d'autres choses. Et, quand on demande, par exemple, qu'il y ait une commission parlementaire ou une commission publique qui fasse le bilan du système comme tel, on vient souvent avec cette question-là, de dire: Ah oui, je comprends, souvent c'est des avocats qui viennent défendre ce point de vue là, alors les avocats sont ici pour défendre leur gagne-pain. Alors, ça, c'est l'attitude qu'on amène souvent pour essayer de discréditer un peu la réflexion là-dessus. Mais il y a d'autres personnes qui n'étaient pas des avocats qui sont venues ici, qui étaient des victimes, justement, indirectes parce qu'elles ont des proches qui ont été effectivement tués par des conducteurs en état d'ébriété.

Et je pense qu'on va continuer à le demander. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement, dans ce cas-là, par rapport à tous les autres systèmes sociaux qui sont des systèmes importants... Comme l'aide sociale, la CSST et tous ces systèmes-là, on a fait des réflexions, on a fait des bilans, on a apporté des modifications, et, dans le cas de la SAAQ, c'est un mur, il n'y a pas moyen d'entrevoir qu'on puisse en discuter ouvertement et de mettre tout sur la table. Et, tout sur la table, ce n'est pas seulement de toucher la question de l'indemnisation des victimes des conducteurs en état d'ébriété, vous faites référence à toutes sortes d'éléments qui sont aussi importants. On pense: le droit au retour au travail, les procédures de contestation, la représentation des accidentés au sein de la SAAQ, le droit à la réadaptation, la qualité des services donnés par la SAAQ. C'est tout ça qu'on voudrait avoir la possibilité de discuter.

Et il me semble que ce n'est pas déraisonnable de demander, par exemple, au gouvernement de faire un débat là-dessus alors qu'il y a plus de 140 000 à 150 000 personnes qui ont signé des pétitions qui ont été déposées à l'Assemblée nationale qui demandaient juste qu'on réfléchisse et qu'on revoie la question de l'indemnisation des conducteurs qui ont commis des actes criminels.

Alors, moi, je vous remercie de votre présentation. On s'en va vers la fin de la commission parlementaire, et je pense que ça vient à point démontrer l'ampleur de ce qu'on voudrait si on avait un réel débat sur l'ensemble de la SAAQ. C'est toutes ces dimensions-là. Et, encore là, sans présumer des conclusions auxquelles on pourrait arriver, mais qu'on donne la chance aux gens de s'exprimer, d'analyser les conséquences et de voir s'il y a des améliorations qui peuvent être possibles. Ou si le système est parfait, bien on conclura qu'il est parfait puis on le laissera comme ça, mais il faudrait que le gouvernement le permette.

Alors, ceci étant dit, je veux quand même aborder certains des points plus particuliers de votre mémoire. Vous n'avez pas fait référence – à moins que ça m'échappe, là – à la question du droit de subrogation. Est-ce que, le Barreau, vous y touchez dans le mémoire?

Mme Perreault (Janick): Oui, plus particulièrement aux pages 19 et 20.

M. Bordeleau: O.K. Ça m'avait échappé. Alors, vous êtes favorables, je suppose, à...

Mme Perreault (Janick): Et 21 également. Oui, puis, entre autres, on parle justement des autres provinces où ils ont un régime un peu similaire au nôtre et où la subrogation existe. Alors, oui, on en discute dans notre mémoire.

M. Bordeleau: O.K. À la page 20 du mémoire, vous faites référence à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le tout en fonction du rôle du bureau de révision. Alors, on sait que, dans ces instances-là, bon, cette étape-là n'existe pas, et j'aimerais que... En tout cas, vous intervenez peut-être aussi au niveau des accidentés du travail, et j'aimerais savoir quels sont les avantages et les inconvénients qui pourraient être rattachés au fait qu'on enlèverait le bureau de révision. Bon, vous avez fait référence à des avantages tout à l'heure, est-ce qu'il y a des inconvénients suite à l'expérience qu'on peut regarder dans d'autres secteurs? Et un autre élément, peut-être, sur lequel j'aimerais que vous vous prononciez parce que c'est souvent remis en cause, c'est l'impartialité comme telle du bureau de révision.

Mme Perreault (Janick): Peut-être simplement pour les pages auxquelles vous faites référence, en fait, ici, quand on compare... Juste avant de vous répondre, quand on compare aux victimes d'actes criminels et aux victimes d'accidents du travail, ce que, nous, on propose ici, c'est justement d'uniformiser les régimes d'indemnisation où il y a possibilité de poursuivre les criminels de la route.

(16 h 10)

Ceci étant dit, pour ce qui est du bureau de révision, en fait, le désavantage, s'il n'y en avait pas, c'est peut-être que, si un accidenté découvre un élément nouveau de preuve ou quelque chose qu'il aurait dû soumettre en première instance et qu'il n'a pas soumis et, plutôt que d'aller devant le tribunal administratif, il pourrait soumettre ça... Alors, la loi actuelle permet, de toute façon, une telle chose. L'article 83.44 permet à une victime de demander une reconsidération d'une décision s'il y a, par exemple, un élément nouveau qui vient justifier finalement une modification de son indemnité. Donc, la loi, comme elle est faite actuellement, de toute façon, permet à la victime de disposer de tous les recours nécessaires sans passer nécessairement par un bureau de révision.

Pour ce qui est de la partialité du bureau de révision, c'est qu'en fait il y a plusieurs arrêts de la Cour suprême qui nous mentionnent quels sont les critères pour l'impartialité d'un tribunal. Or, ici, devant le bureau de révision, ce sont des employés de la Société de l'assurance automobile qui verront à regarder si la décision de leurs collègues de travail avec qui, finalement, ils peuvent dîner, souper, etc., elle est correcte ou pas. Alors, ça ne correspond pas aux critères d'impartialité qui sont exigés dans notre société.

M. Jacques (Denis): D'ailleurs, on traite de cela aux pages 39 à 41 de notre mémoire et ce qu'on dit à la page 40, c'est que «les nombreuses expériences vécues par plusieurs de nos membres nous permettent d'affirmer sans hésitation que le processus de révision prévu à la loi constitue plus un obstacle qu'un remède et que son abolition doit être recherchée avec insistance dans l'intérêt de la justice». On parle au paragraphe précédent, justement, de la qualification des réviseurs et de leur formation.

M. Bordeleau: O.K. À la page 41 du mémoire, juste une question de clarification. Quand vous dites que, s'il y a des éléments nouveaux qui peuvent être apportés, il y a une possibilité au niveau du Tribunal administratif de...

Mme Perreault (Janick): Directement auprès de l'agent d'indemnisation. La victime d'accident d'automobile peut s'adresser auprès de son agent en disant: Voici, j'ai un élément nouveau maintenant et je crois que cet élément-là pourrait influer sur le montant d'indemnité que je reçois ou la non-indemnité que je reçois, pouvez-vous reconsidérer la décision? Alors, ce qu'on dit...

M. Bordeleau: Après qu'il serait allé au Tribunal administratif?

Mme Perreault (Janick): Oui.

M. Bordeleau: Il y a toujours cette possibilité-là qui existe dans la loi?

Mme Perreault (Janick): La possibilité de demander une reconsidération est toujours là.

M. Bordeleau: O.K. À la page 41 du mémoire, vous faites référence à la représentation des accidentés au sein de la SAAQ. Un paragraphe, vous dites: Le rapport déposé le 22 juin 1994 par le Groupe de travail sur les relations de la SAAQ avec la clientèle accidentée reconnaissait la nécessité d'assurer la présence de représentants des victimes au sein de son conseil d'administration à l'instar de ce qui existe déjà à l'Office de la protection du consommateur, à la Régie des rentes, à la Commission des services juridiques, à la CSST et dans plusieurs autres conseils d'administration institués par la loi.

À la page suivante, vous nous dites: «...nous recommandons qu'au moins la moitié des membres du conseil d'administration soient issus d'associations et de milieux représentant les victimes d'accidents d'automobile. Une telle représentation paritaire existe depuis le 13 mars 1980 au sein de la Commission de santé et sécurité au travail dont le conseil d'administration est formé de 50 % de représentants des accidentés.»

Alors, j'aimerais que vous me disiez, actuellement, quel est l'état de... Bien, d'abord, depuis que le rapport a été déposé, 1994, est-ce qu'il y a eu des modifications au niveau du conseil d'administration qui vont dans le sens, un peu, de ce que vous souhaitiez? Et quel est l'état actuel à ce niveau-là?

M. Sauvé (Marc): Oui. Ce qu'on recommande, c'est que la législation soit amendée de façon à prévoir un droit à la représentation. On ne voudrait pas que ce soit laissé simplement au niveau des décisions administratives, on veut vraiment encadrer ça de façon à ce que les accidentés se sentent impliqués dans les décisions de l'organisme et sentent qu'ils ont voix au chapitre. Alors, c'est ça qui est recommandé à ces pages-là.

M. Bordeleau: O.K. Alors, c'est que, dans la loi, actuellement ça n'existe pas. C'est ça? Mais est-ce que vous savez si, en dépit de la loi... Est-ce qu'il y a des représentants actuellement au conseil d'administration?

Mme Perreault (Janick): Il me semble qu'il y a eu des réunions et qu'il y a une personne qui a été nommée pour représenter les accidentés. Ce qui se passe en réalité, en fait, moi, pour représenter plusieurs centaines d'accidentés, je n'entends jamais parler de cette représentante des victimes de la route. Et, comme on dit, c'est que, de toute façon, c'est laissé à la discrétion, là, il n'y a aucune obligation légale.

M. Bordeleau: O.K. À la page 39 du mémoire, j'aimerais juste que vous m'expliquiez une phrase, là. Dans le remboursement des frais d'expertise, vous dites: «Par ailleurs, par souci d'équilibre et de transparence, n'y aurait-il pas lieu de plafonner annuellement les honoraires professionnels payables par la SAAQ aux spécialistes dont elle retient les services pour le traitement des dossiers?» Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment ça fonctionne puis c'est quoi, le changement que vous souhaiteriez?

Mme Perreault (Janick): Alors, la Société de l'assurance automobile, pour rendre ses décisions, bien entendu, a besoin d'un éclairage médical, donc mandate très régulièrement des professionnels de la santé pour faire une expertise. Et, bien entendu, elle a sa banque d'experts, et il y a certains experts qui reviennent plus souvent. Alors, pour assurer un souci d'impartialité et de justesse dans ces évaluations-là, ce que, nous, on recommande, c'est qu'il y ait un plafond. Donc, un expert n'aurait pas avantage, nécessairement, à essayer de trouver la faille pour enlever le droit à une indemnité à une victime en disant: Bon, c'est une condition personnelle préexistante ou donner d'autres raisons médicales. Ce qu'on dit, c'est que, si les honoraires sont plafonnés, on s'assure finalement qu'il serait plus impartial compte tenu que, de toute façon, peu importent les résultats de son expertise, il n'en aura pas des dizaines et des dizaines par année. Alors, c'est pour assurer une impartialité au niveau de la rédaction des expertises médicales.

M. Bordeleau: À la page 22, vous faites référence à une étude, là, qui... un article publié dans le Canadian Lawyer fait par un économiste du Fraser Institute. Vous dites: «Cette étude suggère qu'un régime d'indemnisation sans égard à la faute minimise les coûts individuels rattachés à la conduite négligente et favorise une certaine insouciance généralisée[...]. Une étude de la Chaire d'études socio-économiques de l'UQAM de décembre 1997 en arrive à la même conclusion.» Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu plus le contenu de cette étude-là?

Mme Perreault (Janick): En fait, ce sont deux études qui, effectivement... les résultats étaient de dire: S'il y a un risque d'être poursuivi, les gens ont tendance à être plus prudents en conduisant. Et, enfin, la Colombie-Britannique a rejeté l'idée d'avoir un régime d'indemnisation sans égard à la faute selon les résultats de cette étude-là. Elle a dit: Non, finalement, nos conducteurs seront plus prudents s'ils ont un risque d'être poursuivis.

M. Bordeleau: C'est un peu ce à quoi Me Deslauriers faisait référence tout à l'heure quand il parlait de la responsabilisation, si je comprends bien. C'est ça? C'est dans ce sens-là?

Mme Perreault (Janick): Tout à fait, oui.

M. Jacques (Denis): Si vous désirez avoir une copie de cet article-là, je peux vous en laisser une copie.

M. Bordeleau: O.K. Vous pourriez la laisser, puis elle sera distribuée aux membres de la commission à ce moment-là.

Me Deslauriers est parti, mais j'aurais aimé peut-être lui poser une question. Peut-être vous pouvez y répondre. Bon, Me Deslauriers est de l'Université de Montréal, on a eu deux professeurs qui sont venus aussi de l'Université de Sherbrooke, Faculté de droit, M. Tétreault, et un autre de l'Université Laval, Gardner, qui sont des professeurs de droit et qui, eux, soutiennent le point de vue qu'on ne devrait pas toucher au système, que le système, actuellement, fonctionne bien et qu'il y aurait plus d'inconvénients. Alors, ils le disaient supposément comme plus indépendants parce qu'ils ne sont pas en pratique, ils sont professeurs à l'université. Alors, j'aurais aimé avoir le point de vue de Me Deslauriers parce que, de fait, lui partage, si je comprends bien, un point de vue différent. Alors, je ne sais pas si vous avez une réaction à ce niveau-là.

Mme Perreault (Janick): Bien, enfin je ne veux pas parler pour Me Deslauriers, mais ce qu'il faut souligner, ce n'est pas de remettre le régime en question. Alors, cette possibilité de poursuite civile, elle est dans des cas très restreints. Alors, c'est quand il y a un criminel de la route et un criminel de la route reconnu coupable d'un acte criminel. Donc, définitivement, là, un criminel de la route et non pas quelqu'un qui, peut-être, sera reconnu un criminel de la route. Alors, ce n'est que dans ces cas-là et pour l'excédent, et c'étaient un peu les raisons. Entre autres, il y avait l'espèce de préjudice moral qui devrait être indemnisé, mais aussi cette notion de responsabilisation lorsqu'il y a un risque d'être poursuivi. Il faut bien comprendre que la position, c'est simplement dans le cas des criminels de la route et non pas de remettre la possibilité qu'il y ait des poursuites au civil.

Et, comme je le mentionnais tout à l'heure, c'est dans le but aussi d'uniformiser nos régimes d'indemnisation. Alors, quelqu'un qui reçoit une indemnité selon le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels pourra poursuivre s'il le veut. La même chose en matière d'accidents de travail, si c'est quelqu'un d'autre que l'employeur qui commet un acte criminel, il pourrait être poursuivi malgré que l'accidenté du travail aura reçu des indemnités en fonction du régime public d'indemnisation.

M. Bordeleau: Quand je fais référence aux deux professeurs qui sont venus, Tétreault et Gardner, c'était dans ces cas-là aussi qu'ils disaient qu'on ne devrait pas rouvrir le système. Dans le cas, par exemple, des conducteurs, bon, en état d'ébriété qui tuent quelqu'un, par exemple, dans ces cas-là aussi ils souhaitaient qu'on ne touche pas à ça. Alors, c'est une attitude qui était généralisée, là, que je ne partage pas nécessairement, mais qui était leur attitude. Et, ils sont un peu dans la même situation que Me Deslauriers, c'est pour ça que je posais la question. Oui, je pense que vous vouliez ajouter...

(16 h 20)

M. Jacques (Denis): En fait, Me Deslauriers a dû quitter parce qu'il enseigne à l'Université de Montréal en début de soirée. Alors, il a dû quitter pour aller se rendre auprès de ses étudiants. Cette question-là est intéressante, et on pourra la lui soumettre. Si vous le désirez, il pourra vous répondre par écrit dans les prochains jours.

M. Bordeleau: J'aimerais ça avoir une réponse si...

M. Jacques (Denis): Mais ce que je peux vous dire, c'est que, évidemment, Me Deslauriers, au-delà de l'approche théorique qu'il peut avoir, comme d'autres professeurs d'université, est très attaché aussi à la pratique et il pratique aussi comme conseil dans un cabinet d'avocats à Montréal et, donc, a l'expérience aussi de terrain au-delà de son approche plus théorique de professeur.

M. Bordeleau: En tout cas, si vous pouvez lui transmettre notre demande et s'il pouvait, à ce moment-là, faire parvenir la demande directement à la commission, à ce moment-là ça sera distribué à l'ensemble des membres de la commission.

Juste un dernier point sur lequel je veux revenir, c'est qu'à chaque fois qu'on aborde la question de l'indemnisation des conducteurs en état d'ébriété, le ministre revient toujours avec la réaction de dire: Oui, mais qu'est-ce qu'on ferait de la femme, des enfants, puis tout ça, tu sais? Alors, il faut indemniser. Même s'ils sont criminellement responsables de décès, on doit les indemniser parce qu'il y a la femme, il y a les enfants. Et qu'est-ce qu'on fait avec eux autres?

Mais, j'aimerais avoir votre réaction là-dessus, il existe d'autres système d'aide à ce moment-là. Je pense à l'aide sociale, la sécurité du revenu qui sont là pour régler ce type de problèmes là et je ne vois pas en quoi ça serait plus déshonorant ou plus inacceptable dans des cas malheureux comme ceux-là où les familles seront obligées d'aller sur l'aide sociale, alors que ça arrive, par exemple, fréquemment pour des individus qui perdent leur travail, qui ont 45, 50 ans et qui ont de la misère à se retrouver un travail et qui, pour toutes ces raisons malheureuses, là, se retrouvent à un moment donné à demander de l'aide sociale. J'ai l'impression qu'on mélange deux problèmes en même temps. C'est vrai que la problématique de la famille est importante, mais on ne doit pas nécessairement la lier à la question de l'indemnisation dans un système de «no fault». Et, s'il y a des problèmes comme ça, ça doit être traité, à mon avis, dans un autre système qui est celui de l'aide sociale.

Mme Perreault (Janick): En fait, c'est ce que je mentionnais au début de ma présentation, c'est l'incohérence actuelle du régime. On se soucie beaucoup, beaucoup de ces familles-là, alors qu'on ne se soucie pas d'autres familles. Par exemple, un enfant qui serait sur un coin de rue et qui verrait sa mère se faire frapper dans un accident d'automobile, si sa mère ne décède pas, mais qu'elle est lourdement handicapée, cet enfant-là ne recevra rien parce que tout ce à quoi il aurait eu droit, ça aurait été une indemnité de décès, mais dans ce cas-ci la victime n'est pas morte. Alors, on ne se soucie pas de ces personnes-là, de ces cas-là, alors qu'on se soucie beaucoup des familles de criminels de la route. Et, dans nos autres systèmes d'indemnisation, on ne se soucie pas non plus, finalement, des familles des criminels. Alors, effectivement je pense qu'il y a d'autres aides qui peuvent être apportées à ces familles-là.

Et, si justement le souci, c'est de ne pas pénaliser les familles des criminels de la route, pourquoi actuellement on donne des indemnités pour des dommages permanents au criminel de la route et on lui réduit ses indemnités de remplacement du revenu durant le temps où il est emprisonné? Alors, cette indemnité de remplacement du revenu doit probablement plus servir à faire manger sa famille qu'une indemnité pour dommages permanents, alors que l'indemnité pour dommages permanents, on ne la lui réduit pas. Donc, la seule petite punition, si on peut l'appeler comme ça, qui existe actuellement, elle est finalement basée sur un remplacement de revenus et non pas sur un montant forfaitaire.

Le Président (M. Lachance): Oui. Alors, M. le ministre, il vous reste une minute.

M. Chevrette: Oui. Je vais essayer de faire vite. Tout d'abord, je reviens au délai. Vous demandez l'abolition du délai de quatre mois, je suis surpris parce que sept cas sur 10 sont réglés en révision. Donc, vous demandez à 70 % du monde d'aller à des délais plus longs de deux ans, alors que sept cas sur 10 se règlent dans les quatre mois, alors que devant les tribunaux administratifs... C'est la même chose pour la CSST, en passant. On a enlevé la Commission juridique, mais la révision administrative est la même qu'à la SAAQ maintenant. Je suis surpris que vous ne fassiez pas cette distinction-là.

Mme Perreault (Janick): En fait...

M. Chevrette: J'ai juste une minute, vous répondrez après. Vous, ils vont vous laisser la tolérance...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...moi, ils ne me la laisseront pas. Ha, ha, ha!

Ensuite, je voulais parler aussi des plafonds. Vous avez parlé de plafonds, tantôt, pour les experts. Il y en a un plafond, c'est 60 000 $, madame. Sauf qu'il est utilisé, en moyenne... La moyenne est de 20 000 $. Il y a seulement en Gaspésie que ça a été utilisé une fois, le 60 000 $, puis c'était pour l'information du public par voie d'intermédiaire.

Ensuite, vous dites que ça ne provoquera pas de surenchère sur les primes. Je ne sais pas si c'est vous ou si c'est une interprétation que je fais, mais je suis convaincu que, le jour où on permet de poursuivre en surplus, on oblige tous les citoyens du Québec à se prémunir d'une assurance additionnelle, et il en sera fini de la prime de 117 $ par individu, j'en suis convaincu de cela. Vos réactions.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît.

Mme Perreault (Janick): Pour ce qui est des sept cas sur 10 qui se règlent devant le bureau de révision, en fait ce n'est pas sept cas sur 10 qui se règlent positivement. C'est possible que les statistiques démontrent que sept cas sur 10 ne vont pas plus loin, mais il arrive que les accidentés ne vont pas plus loin parce que justement ils ont dépensé leur argent au niveau du bureau de révision et ils n'ont pas gagné. Donc, ils se sont découragés. Parce que les statistiques démontrent que 90 % de décisions sont confirmées devant le bureau de révision, alors le taux de succès des victimes de la route, il est très mince devant le bureau de révision.

M. Chevrette: ...90 %?

Mme Perreault (Janick): Et, pour ce qui est de la prime d'assurance, de toute façon, comme vous le...

M. Chevrette: Quelle est la statistique de ceux qui vont au TAQ? N'est-il pas exact que 80 % des sentences sont confirmées?

Mme Perreault (Janick): Justement. On parle de 80 %, donc on obtient 20 %...

M. Chevrette: Donc, la révision ne doit pas être si mal si 80 % des révisions sont...

Mme Perreault (Janick): Bien, on obtient le double de succès devant le Tribunal administratif. Et, devant le Tribunal administratif, les deux personnes qui rendent les décisions, c'est un avocat ou un notaire de formation et l'autre est un médecin de formation. Donc, on a un professionnel au niveau juridique et on a un professionnel au niveau médical. Et on peut très facilement plaider des questions de droit devant le Tribunal administratif, et il comprend très bien ce qu'on peut plaider, et la même chose pour ce qui est des preuves médicales qui sont soumises devant le Tribunal administratif.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, messieurs du Barreau pour votre présence ici, en commission parlementaire, aujourd'hui.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants du Regroupement québécois du taxi inc. à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs. Pour les membres de la commission parlementaire des transports et de l'environnement, vous êtes des visages connus. Alors, je vous demande de bien vouloir vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats , ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Le porte-parole et les personnes qui vous accompagnent.


Regroupement québécois du taxi inc. (RQT)

M. Bou Malhab (Farès): M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. membres de la commission, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À l'extrême gauche, Me Éric Dugal, notre avocat; à ma gauche immédiate, M. Jean Kheir, président de la Ligue de taxis de l'Ouest de Montréal; à ma droite, M. Jean-Pierre Lalancette, président de la Ligue de taxis de Laval; et, à l'extrême droite, M. Vasken Kavafian, président de la Ligue de taxis de l'Est de Montréal. Et moi-même, Farès Bou Malhab, président de la Ligue de taxis de Montréal.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, messieurs encore une fois, et je vous indique que vous avez 20 minutes pour votre présentation avant d'amorcer la période d'échanges.

(16 h 30)

M. Bou Malhab (Farès): C'est bien, merci. Au nom du Regroupement québécois du taxi, je remercie la commission de nous donner à nouveau une opportunité de présenter un mémoire sur un sujet qui nous touche au quotidien. La sécurité routière est en effet une préoccupation des chauffeurs de taxi, puisque nous gagnons notre pain en circulant annuellement plus de 60 000 kilomètres sur les routes du Québec. Par ailleurs, comme certains d'entre vous se souviendront, le Regroupement québécois du taxi représente plus de 80 % des titulaires de permis travaillant dans les agglomérations du Québec, c'est-à-dire approximativement 6 000 chauffeurs-propriétaires de voitures taxi.

En tant que conducteurs professionnels, nos membres sont souvent confrontés à des aberrations en matière de législation et de réglementation portant sur la sécurité routière. Notre réflexion sur le livre vert qui fut déposé devant cette commission a porté principalement sur la sécurité du public, qu'il soit piéton, automobiliste ou cycliste. De plus, nous avons gardé à l'esprit la sécurité de nos membres, qui utilisent largement le réseau routier.

Nous avons choisi de ne pas traiter de port de casque à vélo, puisque nous croyons ne pas avoir l'expertise nécessaire en cette matière et nous ne croyons pas que l'industrie du taxi doive se lancer dans ce débat qui ne peut concerner que très indirectement ses membres.

Nous avons ciblé notre intervention sur le chapitre du patin à roues alignées, du virage à droite au feu rouge, du cinémomètre photographique et de la sobriété au volant. Nous débuterons par le patin à roues alignées. Notre intervention ne vise pas à dénigrer une activité physique qui est louable, et nous ne visons pas à encourager la sédentarité de la population. Cependant, il existe des lieux où la pratique de cette activité peut se faire en toute sécurité, et ce n'est sûrement pas en pleine heure de pointe sur la rue Saint-Denis, à Montréal, que cette activité est sécuritaire.

L'article 499 du Code de sécurité routière interdit la pratique du patin à roues alignées sur le réseau routier. Il est clair que cet article n'est nullement appliqué par les forces policières et que, si des interventions sont effectuées, elles ne se limitent qu'à des avertissements aux patineurs. En lieu et place d'une prohibition totale, qui n'est pas appliquée, nous croyons que la délimitation de zones où il est permis de pratiquer cette activité aura plus de succès avant d'encadrer ce sport et moyen de déplacement. L'approche que nous favorisons est une approche éducative auprès des patineurs afin de les sensibiliser au danger de circuler sur les routes à fort débit et à travées multiples.

De plus, il faut sensibiliser les patineurs sur les perturbations qu'ils causent au niveau de l'écoulement du flot routier. Ces mesures éducatives devraient être doublées d'instructions claires aux corps policiers d'appliquer avec plus de rigueur la prohibition de circuler sur les artères principales en agglomération urbaine. Il existe présentement suffisamment d'espaces disponibles pour que les patineurs puissent s'exercer en toute liberté. Nous référons ici aux pistes cyclables et aux divers parcs aménagés à cet effet.

Maintenant, quant au virage à droite au feu rouge, nos membres sont tout à fait en faveur de cette disposition, qui ne transformera pas les automobilistes en des bêtes sanguinaires assoiffées de piétons. Les Québécois ne sont pas des conducteurs moins intelligents qu'ailleurs et ils démontrent depuis plusieurs années qu'ils peuvent s'adapter à cette permission lorsqu'ils voyagent à l'étranger. Il est clair que l'instauration de cette mesure doit se faire dans le respect des piétons. À cet effet, nous croyons également qu'une campagne de sensibilisation des automobilistes envers les piétons qui traversent les rues en agglomérations urbaines aurait pour effet de modifier les comportements de ces derniers, qui, avouons-le, peuvent parfois manquer de respect envers les piétons. L'exemple de Montréal qui, pour protéger ses piétons, a modifié sa signalisation routière à plusieurs intersections afin d'afficher une flèche verte pour empêcher les conducteurs de tourner à gauche ou à droite est à notre avis une aberration. En lieu et place de modifier tous ces feux, nous croyons qu'il aurait été beaucoup plus efficace de compter sur une campagne de sensibilisation quant au respect des piétons.

Ainsi, il est clair, du Code de la sécurité routière, que le piéton a priorité lorsqu'il s'engage dans une intersection, et certains chauffeurs auraient intérêt à l'apprendre. En lieu et place de faire confiance à l'intelligence des automobilistes, la ville de Montréal a décidé d'implanter une flèche verte pour remplacer le jugement du conducteur. La technologie peut permettre plusieurs types de signalisation aux intersections; avant de transformer chacune des intersections en arbre de Noël, nous croyons qu'il est beaucoup plus approprié de faire confiance aux chauffeurs que de leur imposer une signalisation compliquée ou encore des bretelles de déviation.

L'avantage du virage à droite au feu rouge est que le coût d'implantation est faible, puisque seuls les coûts reliés à une campagne de sensibilisation peuvent être envisagés. Nous faisons nôtres les arguments de la Société de transport de l'Outaouais qui a présenté une position étoffée et réfléchie sur le virage à droite au feu rouge.

Il est clair que pour nos membres une telle mesure économisera bien plus que cinq à 15 secondes par jour compte tenu qu'ils font en moyenne près de cinq fois le kilométrage effectué par un automobiliste régulier dans une journée. Ceci aura également pour effet de satisfaire notre clientèle qui pourra se rendre du point a au point b à moindre coût et plus rapidement. Au prix où est l'essence, vous comprendrez qu'une économie à ce chapitre se traduira en économie d'argent dont elle a besoin.

Comme nous vous l'avons démontré en déposant le rapport de l'étude SECOR dans une commission parlementaire antérieure, l'essence constitue 24 % des dépenses d'exploitation des chauffeurs de taxi. Toute économie à ce poste sera accueillie avec soulagement, d'autant plus qu'aucune mesure ne fut annoncée lors du budget pour soulager ce fardeau additionnel pour nos membres. Pour ce qui est de la sécurité, nous sommes d'avis que d'autres intervenants ont démontré que cette mesure n'entraînerait pas plus d'accidents et qu'elle serait susceptible d'en éviter lors de conflits entre piétons et automobilistes qui effectuent un virage à droite sur feu rouge.

Passons au troisième volet, soit le cinémomètre photographique, photoradar. Nous avons mentionné dans notre mémoire que nous étions en faveur de l'implantation de ce système s'il peut, comme le ministre Chevrette le mentionne, éviter des tueries ou des massacres sur certains tronçons de route. Cependant, avant d'implanter de telles mesures, nous croyons que les limites de vitesse doivent être repensées, puisqu'elles sont tout à fait désuètes. La vitesse, il est vrai, peut être un facteur qui contribue aux accidents, mais ce facteur peut difficilement être isolé comme unique cause d'un accident donné. L'état de la chaussée, les mouvements des autres véhicules et des piétons peuvent avoir contribué à l'accident en sus de la vitesse.

Sur certaines artères, vous n'avez pas le choix d'effectuer de l'excès de vitesse, faute de quoi vous serez considéré comme un danger public. Nous nous expliquons. Essayez de circuler à 70 km/h sur l'autoroute Décarie; vous allez provoquer de multiples changements de voie et des mouvements conflictuels de la part des automobilistes qui voudront circuler à la vitesse qu'ils considèrent normale. En effet, sur Décarie, on vous suggère de circuler à 70 km/h. C'est ce que les gens perçoivent. Ce que les gens perçoivent également, c'est que cette simple suggestion est accompagnée d'une tolérance qui varie de 10 km/h à 20 km/h, dépendamment des endroits. Or, cessons de nous cacher la tête dans le sable et imposons des limites de vitesse réalistes en lieu et place d'appliquer une tolérance incertaine et de pénaliser le conducteur qui excédera cette limite, ne serait-ce que d'un seul kilomètre-heure. Lorsque cette réflexion aura été effectuée, nous croyons que, dans ce contexte, un instrument aussi précis que le cinémomètre photographique pourra être implanté.

Dans cette même optique, il y aurait lieu d'adopter des panneaux indicateurs électroniques qui pourraient inscrire une vitesse moindre lorsque les conditions climatiques sont mauvaises. Ces panneaux existent chez nos voisins du Sud et ici, à certains endroits, comme sur le pont Jacques-Cartier avant la célèbre courbe. Si l'on regarde au niveau technique du photoradar, nous avons suggéré d'implanter un cinémomètre muni de deux caméras; dans l'une, photographier l'intérieur de l'habitacle du véhicule, et l'autre, la plaque.

Certains intervenants, et même vous, M. le ministre, avez mentionné que vous désiriez conserver la confidentialité des gens à l'intérieur du véhicule. Nous devons vous avouer que nous comprenons difficilement comment la confidentialité doit être préservée, et voici pourquoi. Lorsque nous nous promenons sur la rue, nous sommes captés par plusieurs caméras de surveillance. Lorsque nous venons à l'Assemblée nationale, des caméras nous filment également. Lorsque nous entrons dans des édifices commerciaux, notre image est souvent captée par des caméras. Alors, lorsqu'une personne entrera dans une zone surveillée par photoradar, et qu'elle est prévenue, son image pourra être captée. Nous voyons difficilement comment cette dernière, si elle veut préserver la confidentialité des occupants du véhicule, s'adonnera à des excès de vitesse sachant qu'elle pourra être captée par le cinémomètre photographique. Ceci pourrait être également un incitatif à respecter les limites de vitesse, mais passons.

Nous avons suggéré dans notre mémoire que la photo qui révélera l'habitacle du véhicule ne serve que dans les seuls cas où il y aurait contestation de l'identité du chauffeur. Pour l'industrie du taxi, ceci est d'une importance capitale. En effet, les titulaires du permis de taxi confient parfois la garde et l'exploitation de leur taxi à des chauffeurs. Certains de ces chauffeurs n'affichent pas nécessairement une grande solvabilité. Si l'amende est imposée au propriétaire à charge de se faire rembourser par le chauffeur, alors qui pourra garantir au titulaire de permis de taxi qu'il pourra récolter le paiement de l'amende?

(16 h 40)

Bien sûr, le titulaire de permis de taxi, dans les propositions faites dans le livre vert, ne se verrait pas imposer des points d'inaptitude. Ça lui fait une belle jambe, surtout que les contraventions pour excès de vitesse sont beaucoup plus coûteuses qu'une contravention de stationnement de 30 $.

Le système unique de dénonciation a également ses failles. Dans l'exemple suivant où un chauffeur commet un excès de vitesse outrancier et se fait imposer une amende de 500 $, il risque d'y avoir une contestation véhémente en cour pour déterminer qui est le coupable. Que de temps perdu alors qu'une photo vaut mille mots. Par conséquent, nous croyons qu'un système de dénonciation jumelé à une photographie de l'intérieur du véhicule pourrait éviter des injustices pour les titulaires de permis de taxi et leur éviter de perdre un temps précieux à défendre les infractions devant la cour. Ce type de contrôle est utilisé, à tout le moins dans une juridiction, à notre connaissance, il s'agit de la ville de Paradise Valley, en Arizona.

Pour ce qui est maintenant de la sobriété au volant – nous préférons cette expression, puisqu'elle est plus positive que l'inverse, soit la conduite avec les facultés affaiblies – nous ne croyons pas que la sobriété au volant passe par les dispositions législatives extrêmement pénalisantes qui ne seront pas appliquées dans les faits ou qui encourageront les individus à la désobéissance sociale. Nous ne voulons pas tomber dans le délire, comme l'a fait le fédéral avec son projet de loi C-87. Nous ne croyons pas qu'un virage à droite en cette matière soit approprié. Il ne faut pas tomber dans ces excès qui feront en sorte que les policiers seront gênés d'appliquer certaines lois, qui pousseront certains à conduire à vie sans permis. En matière de législation, La modération a également meilleur goût, pour reprendre le slogan d'Éduc'Alcool.

Ainsi, quant aux dispositions qui touchent spécifiquement les conducteurs professionnels, nous ne comprenons pas les propositions d'appliquer la tolérance zéro pour ces derniers. En effet, le livre vert mentionne que les conducteurs professionnels ne font pas partie du problème. Alors, pourquoi mettre la règle tolérance zéro? Pour se donner bonne conscience ou pour régler de vrais problèmes? La tolérance zéro a été instaurée pour les conducteurs débutants qui ont peut-être de la difficulté à percevoir les effets de l'alcool sur leurs fonctions motrices et qui n'ont pas d'expérience tant au niveau de la consommation modérée d'alcool qu'au niveau de la conduite d'un véhicule automobile. Lorsque la tolérance zéro a été instaurée pour ces conducteurs, il est clair qu'ils faisaient majeure partie du problème. Les statistiques ne mentaient pas. Les jeunes conducteurs étaient souvent impliqués dans des accidents lorsqu'ils étaient en état d'ébriété, d'où la nécessité d'intervenir par le biais d'une loi.

Nous revenons donc à notre raisonnement de départ: si les chauffeurs professionnels ne font pas partie du problème, alors pourquoi appliquer une norme indûment coercitive? De plus, il existe déjà des normes sévères pour les titulaires de permis de taxi. En effet, l'article 28 de la Loi sur le transport par taxi prévoit que, si le chauffeur a été déclaré coupable d'un acte criminel relié à l'exploitation du transport par taxi, il peut voir son permis être suspendu ou révoqué. Donc, il est clair que les titulaires de permis de taxi n'ont pas intérêt à enfreindre la norme de 0,08 actuelle et que la tolérance zéro ne saurait régler quoi que ce soit.

Finalement, quant à l'opportunité d'abaisser la limite permise de 0,08 à 0,04, à nouveau nous voyons mal comment l'abaissement de cette norme ferait en sorte de réduire la conduite avec des facultés affaiblies. Nous avons déjà des dispositions qui utilisent la norme 0,08 comme seuil maximal de taux d'alcoolémie. Or, dans les faits, vous savez très bien que cette norme n'est appliquée que lors de barrages routiers annoncés pour le temps des fêtes et aux alentours de la fête de la Saint-Jean ou lorsqu'un... est impliqué dans un accident.

Une vérification plus fréquente lors de barrages routiers ferait en sorte que l'individu devrait être sur ses gardes 365 jours par année plutôt que trois semaines dans l'année. Il n'est pas rare de voir des individus prendre une chance, c'est-à-dire d'essayer de déjouer les policiers alors qu'ils sont en état d'ébriété. Ils prendront les rues secondaires, éviteront les ponts. Tout ça a pour effet qu'il y a trop de gens qui conduisent toujours sous l'influence de l'alcool.

Pensez-vous qu'en changeant le taux 0,08 à 0,04, les gens cesseront de prendre des chances ou de porter attention à leur consommation hors des périodes de l'année névralgiques? Les mêmes personnes qui prennent une chance à 0,08 prendront une chance également à 0,04.

De plus, abaisser la norme à 0,04 fera en sorte qu'une femme de moins de 125 lbs ne pourra conduire un véhicule après une seule consommation. Ceci vogue vers de légères tendances discriminatoires. Bref, nous croyons qu'il faut changer les perceptions auprès des gens afin qu'ils ne puissent plus prendre de chance et éviter les interceptions. C'est à ce niveau que nous croyons que le travail doit se faire et non en modifiant la loi.

Par contre, nous voyons d'un bon oeil l'utilisation de la technologie pour contrer l'alcool au volant. L'utilisation de détecteurs passifs par les policiers ainsi que l'implantation large d'antidémarreurs pourraient à notre avis donner de bons résultats.

Ceci résume notre position sur les trois sujets annoncés, et nous sommes à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, monsieur. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Bien, je tiens à vous remercier. Je vais commencer par le sujet sur lequel vous avez terminé. J'ai regardé dans la salle. Il y en a quelques-uns qui ne pourront pas prendre une demi-bière ce soir. Je pense qu'il y a du vrai dans ce que vous dites. Si quelqu'un est malade, alcoolique, ce n'est pas à 0,04 ou 0,08 ou à 0,12. S'il est alcoolique, il est malade et a besoin de traitement, il a besoin qu'on l'aide. C'est plutôt des mesures accessoires comme soit l'antidémarreur ou... Mais conduire un taxi avec un antidémarreur, tu es mieux de rester chez vous ou changer de job. C'est mon évaluation.

Sauf que les gens qui ont témoigné devant nous, ici, y compris un groupe de taxis – j'essaie de me rappeler le nom, je ne sais pas si les associations de services de taxi... – qui a témoigné la semaine dernière, ils étaient pour la tolérance zéro, sachant que l'équipement est plus ou moins sécuritaire et qu'on pourrait dire 0,02 pour plus de sécurité. On nous dit que la police de toute façon figure 0,02 comme marge d'erreur.

Et vous arrivez, vous autres, en disant: Non, on n'est pas pour la tolérance zéro. Et, à part vous, là, je pense que c'était unanime sur la tolérance zéro, à moins que j'en oublie un groupe ou deux. En tout cas, c'est très majoritaire pour ne pas dire unanime en faveur de la tolérance zéro pour les chauffeurs d'autobus, pour les chauffeurs de camion puis les chauffeurs de taxi. Je m'explique un petit peu mal, mais je vais vous redonner la chance de me convaincre, parce que je ne suis pas convaincu.

M. Bou Malhab (Farès): Alors, je vais vous passer Me Dugal là-dessus. On a notre argument là-dessus puis on va clarifier notre point.

(16 h 50)

M. Dugal (Éric): Alors, bonjour. Le problème vis-à-vis la tolérance zéro, c'est qu'effectivement il y a un seul autre groupe qui a mentionné qu'il trouvait inacceptable le fait de se voir imposer la tolérance zéro, c'est l'Association du camionnage du Québec, qui, eux, voulaient que la norme pour eux soit de 0,04 pour s'harmoniser avec la législation aux États-Unis. Quand les conducteurs américains viennent ici, ils doivent respecter le 0,08 pour ce qui est de l'instant, mais, si jamais c'est abaissé à tolérance zéro, il peut y avoir un conflit. Mais peu importe, ça, c'est le problème de l'Association du camionnage.

De notre côté, ce qu'on se dit, c'est qu'il n'y a pas de problème. Le livre vert nous dit que les conducteurs professionnels ne sont pas partie du problème, et nous dit: C'est beau, vous nous avez montré un beau bulletin de bonne conduite, mais on va vous serrer la vis pareil, parce qu'au bout de la ligne on veut légiférer là où il n'y a pas de problème. Moi, je pense qu'on ne légifère pas simplement lorsqu'il n'y a pas lieu d'intervenir mais lorsque vraiment il y a un problème criant. Dans ce cas-ci, il n'y en a pas. Ça fait que là ce que vous faites, c'est que vous enlevez le droit aux gars de peut-être prendre une bière à l'occasion d'un repas et de prendre la route par la suite. Elle n'est pas plus dangereuse cette personne-là. Et, si on compare ça à un enfant qui présente un bulletin à ses parents, il a un A dans son bulletin puis ses parents lui disent: Bon, bien, plus de TV pour la prochaine session au cas où tu ne reviendrais pas avec un A.

Bien, je pense que dans ce cas-ci, étant donné qu'il n'y a pas de problème, on serait en faveur du fait de diminuer le plateau à 0,04 pour les conducteurs professionnels si ça peut s'harmoniser dans le cadre de ce que les camionneurs demandaient. Mais tolérance zéro, on trouve que c'est d'y aller peut-être un peu fort pour un problème qui n'existe pas.

M. Chevrette: Mais vous êtes des gens qui ont la responsabilité d'autres vies. Votre profession, c'est de vous occuper de la sécurité des autres. Moi, si je ne prenais pas mon auto un soir en sortant du restaurant parce que je crois avoir 0,09, je prends un taxi qui est à 0,08, je n'ai pas changé... je n'ai pas fait un très bon geste, et j'ai changé quatre trente sous pour une piastre, comme dit le député de Pontiac. Sur le principe...

M. Dugal (Éric): Bien, c'est dans ce sens-là qu'on le propose à 0,04 parce qu'à 0,04, ce n'est pas quatre trente sous pour une piastre, c'est quatre trente sous pour cinquante cents.

M. Chevrette: Mais, même là, remarquez bien que je ne ferai pas le connaisseur, c'est le Dr Payette, je pense, qui est venu dire ici qu'à 0,03, il y avait potentiellement. Moi, je ne suis pas médecin puis je ne suis pas technicien de laboratoire pour savoir jusqu'à quel point une bouteille de bière ou deux bouteilles de bière peuvent avoir un impact différent sur les personnes. C'est sûr que le poids y fait, me dit-on, donc vous voyez qu'on est limité dans mon cas...

M. Dugal (Éric): Pas dans le mien.

M. Chevrette: Non, j'ai vu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mais si j'en voyais un autre aussi gros... Non, boutade, blague à part, je ne sais pas si, sur le plan des principes, absolument des principes, vous ne devriez pas reconnaître que c'est intolérable pour celui... S'il veut boire en dehors de la job, c'est de son affaire, mais le temps qu'il est au service de la sécurité des autres, je ne suis pas certain. Moi, j'ai été influencé par la commission sur ce point-là. On est parti en commission, moi, personnellement, je suis parti en commission sans aucune idée préconçue sur les conducteurs professionnels. Je l'ai entendu dans la bouche d'une foule de groupes, on a 57 ou 58 groupes de vus à date, puis, comme je vous dis, ça a été quasi unanime. Je suis même surpris par votre mémoire là-dessus.

M. Bou Malhab (Farès): C'est peut-être qu'il faut clarifier ce point. Au point de vue principe, on est d'accord avec vous. Puis il faut le dire, qu'une personne qui conduit une auto, ou un autobus, ou n'importe lequel moyen de transport, qui transporte des gens, elle ne devra pas toucher à l'alcool. Ça, on parle du principe. Mais on regarde aussi la situation ou l'argument qu'il n'y aura pas un problème là-dessus, de un. Puis de deux est-ce que cette tolérance zéro, à un moment donné que quelqu'un utiliserait, je ne sais pas, le rince-bouche ou il prendrait des médicaments, ça toucherait le 0,02 ou 0,04 ou «whatever»? Ça va aller au-delà de zéro. Est-ce que là ces gens seront pénalisés aussi? C'est là qu'on voit un petit peu qu'on ne comprend pas l'affaire.

M. Chevrette: En fait, vous voulez une sécurité. Vous ne voulez pas que votre gars ou votre femme soit en état de vulnérabilité vis-à-vis, par exemple, une marge d'erreur possible.

M. Bou Malhab (Farès): C'est exact.

M. Chevrette: Mais j'espère que ce n'est pas non plus de mettre un pourcentage qui va permettre de sentir le gros gin quand tu embarques dans le taxi, on se comprend bien.

M. Bou Malhab (Farès): Non, on est contre ça. Puis, au point de vue principe, on comprend qu'est-ce que vous voulez dire puis on est pour ça, mais dans le sens que le problème n'existe pas, puis est-ce qu'il y aura des garanties que ces gens, je ne sais pas, moi, à un moment donné, ils vont monter à 0,01 puis 0,02, puis ils seront pénalisés.

M. Chevrette: Comme ça, vous feriez un compromis vers le camionnage, là.

M. Bou Malhab (Farès): C'est ça, vers le 0,04, c'est pour ça, là. Ou même, vous savez que 0,04, c'est partout en Europe, sauf la Suède...

M. Chevrette: La Suède est à 0,02.

M. Bou Malhab (Farès): C'est 0,02, c'est ça.

M. Chevrette: Bien ça, tu vas au restaurant puis tu retournes à pied, à 0,02.

M. Dugal (Éric): Ou en taxi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: En ce qui regarde les photoradars, je trouve votre approche intéressante et je la commenterai plutôt demain. Je ne sais pas comment je l'exposerai, mais je trouve que c'est... Vous reconnaissez l'objectif qu'on a. Puis la protection du policier aussi, c'est la première fois que je la vois dans un mémoire, parce qu'effectivement il y a des endroits où le danger est même pour la police. S'il fallait qu'ils arrêtent quelqu'un, je ne sais pas, sur du Vallon, ici, ou bien sur le pont de Trois-Rivières, par exemple, quand tu as passé l'extrême hauteur, puis c'est tout des bretelles qui sortent, ce n'est pas là que tu peux procéder à un contrôle de radar, c'est même dangereux pour celui qui le ferait.

Je trouve ça intéressant, l'approche qu'il y a là, et on verra, avec la sécurité publique, qu'est-ce qu'on peut avoir comme système intéressant, connu au yeux et au su de tout le monde en plus et non pas pour avoir une machine à sous mais bien une machine à sécurité. Je pourrais avoir une combinaison avec la Sûreté du Québec à part de ça ou les corps policiers du Québec.

Quant aux patins à roues alignées, je comprends que vous voulez en voir le moins possible. C'est un peu notre cas aussi, parce qu'on a une loi qui interdit complètement, mais, d'autre part, qui est à peu près inapplicable ou inappliquée. C'est un des dilemmes que l'on a. Quant à avoir une loi...

M. Bou Malhab (Farès): C'est plutôt inappliqué.

M. Chevrette: Quant à avoir une loi inappliquée ou inapplicable, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on laisse le statu quo puis on ferme les yeux ou si véritablement on amende la loi en réduisant, comme vous le faites... Parce que c'est un peu une réduction de l'accès que vous faites. C'est une décision qui est à prendre puis qu'on devrait prendre dans les prochains mois, ça, c'est évident. Mais, quand vous parlez de réduction, accès réduit – parce que c'est un peu ça l'esprit de votre position sur les roues alignées – donnez-moi donc des exemples à Montréal. Vous êtes surtout de Montréal puis Laval, donnez-moi donc des exemples concrets de réduction que vous feriez dans ces villes-là.

M. Lalancette (Jean-Pierre): Si je peux me permettre, M. le ministre. Si on regarde le déhanchement des patineurs, si on prend le boulevard des Laurentides à Laval, ou, à Montréal, la rue Saint-Denis, lorsqu'il y a un patineur, s'il y a une voiture de stationnée en bordure de rue puis qu'il y a deux voies en direction sud – supposons qu'on va en direction sud – le patineur avec ses mouvements latéraux qu'il fait, il prend une voie. Donc, il réduit la circulation à une seule voie. Les gens, pour le contourner ou éviter de le frapper advenant le cas qu'il ferait un sparage – si on peut dire en bon québécois – il faut faire attention, il faut se tasser, il faut vraiment les éviter et penser à des mouvements qu'ils peuvent faire.

(17 heures)

S'il n'y a pas de stationnement en bordure de rue, il y a par contre les caniveaux, là, les fameux «manhole» pour la pluie. Le gars, quand il les voit, il ne passe pas par-dessus, il ne saute pas par-dessus, il fait ça comme ça, là. Alors, en le contournant, il fait un mouvement brusque qui, souvent, va déporter le conducteur, que ce soit d'un véhicule de taxi ou d'un autre véhicule, vers la gauche et va nuire à la circulation encore une fois. C'est dans ce sens-là nous autres qu'on trouve que ça réduit énormément les allées et venues des voitures. Déjà qu'il y a souvent des stationnements doubles ici et là pour différentes raisons ou des situations de cas d'urgence, je pense que... Je n'ai rien contre le patinage de roues alignées, je trouve que c'est une belle pratique qui se fait. Il y a des gens qui veulent voyager avec ça, mais je pense que ça serait peut-être aux municipalités à prévoir des pistes cyclables afin de les accommoder.

M. Chevrette: Je remarque que vous ne vous êtes pas prononcé sur le port du casque en vélo. Quels sont les motifs pour lesquels vous ne vous êtes pas prononcés? Vous ne l'attendiez pas, celle-là?

M. Lalancette (Jean-Pierre): Personnellement, je fais du vélo depuis bien des années. J'en ai fait petit.

M. Chevrette: Vous direz à Foglia: J'en ai fait puis j'en fais encore.

M. Lalancette (Jean-Pierre): Peut-être que j'ai été chanceux, je ne me suis jamais cogné le coco puis je n'en ai jamais eu besoin. Personnellement, pour moi-même, je suis contre. Mais, par contre, quand mes enfants sont arrivés dans le décor, j'ai voulu le leur imposer, jusqu'à un certain point, mais je sais que souvent ils l'enlevaient.

M. Chevrette: Oui, mais là ça ne ressemble pas à la question que je vous ai posée.

M. Lalancette (Jean-Pierre): Bien, vous voulez savoir ce qu'on en pense.

M. Chevrette: Quels sont les motifs pour lesquels votre association ne se prononce pas? Je pensais que c'était... C'est parce que j'en ai imaginé un.

M. Lalancette (Jean-Pierre): C'est parce que ce serait une expertise absolument personnelle. Je ne pense pas que ce soit une expertise de connaissance de cause.

M. Chevrette: Mais vous naviguez entre eux autres à Montréal?

M. Lalancette (Jean-Pierre): Absolument.

M. Chevrette: Puis vous trouvez qu'ils font tous bien ça?

M. Lalancette (Jean-Pierre): Ah! Bien là, écoutez, monsieur, les vélos, c'est un peu comme les piétons qui traversent entre les intersections ou les patineurs qui vont encombrer la circulation à certains moments. Il y a des fois que ce n'est pas toujours facile.

Une voix: Allez-y, monsieur.

M. Kavafian (Vasken): Oui. Il y a deux sortes de vélos, n'oubliez pas, à Montréal. Vous avez les vélos récréatifs puis vous avez les vélos qui font le courrier, qui donnent des coups de pied dans les portes parce qu'elles se sont ouvertes dans leur chemin ou qui essaient de frapper les lanterneaux des taxis parce qu'ils sont stationnés, en train de prendre en charge ou débarquer des clients. Il faut faire une distinction entre deux sortes d'utilisation du vélo.

M. Chevrette: Donc, vous êtes pour le sportif, si j'ai bien compris?

M. Kavafian (Vasken): Les autres sont quand même assez nuisibles. Je pense, même, pas juste les chauffeurs de taxi, mais la population en général en a marre de ces livreurs en vélo qui font un petit peu n'importe quoi au centre-ville.

M. Chevrette: Est-ce que vous considérez que c'est un aspect dangereux dans la circulation montréalaise, par exemple?

M. Kavafian (Vasken): Ces gens-là, oui, extrêmement. Parce que souvent ils donnent des coups de pied dans des autos, et tout ça, parce qu'elles sont sur leur chemin. Ils font par exprès, ils essaient de casser des miroirs, des antennes. Ils sont très agressifs.

M. Dugal (Éric): Ayant mon bureau sur la rue Saint-Jacques, un, j'utilise les courriers, moi, je ne suis pas prêt à les voir disparaître nécessairement.

M. Chevrette: Ha, ha, ha! La zizanie s'installe à la table.

M. Dugal (Éric): Voilà, voilà! Mais, d'autre part, il est vrai que ces vélos-là font de multiples infractions à la circulation, passent sur les trottoirs. Habituellement, c'est deux fois par année que je risque une collision lorsque je suis piéton.

M. Lalancette (Jean-Pierre): C'est un peu une règle générale, malheureusement. Même moi, quand j'utilise mon propre vélo, les stops, les lumières, là, on passe. On regarde à gauche, à droite puis, s'il n'y a rien, on est passé. On peut ralentir un peu au cas où, parce qu'on n'est peut-être pas certain à certaines intersections.

M. Chevrette: Pourtant, vous ne faites pas ça au volant de votre auto?

M. Lalancette (Jean-Pierre): Non. Heureusement, ce n'est pas une chose que je fais. D'ailleurs, si on considère les permis de classe 4-C, le taux d'infraction est plutôt assez minime.

M. Chevrette: Assez minime.

M. Lalancette (Jean-Pierre): Exact.

M. Chevrette: Je vous remercie, messieurs.

M. Lalancette (Jean-Pierre): Bienvenue.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci beaucoup. Alors, merci, messieurs, pour votre présentation. Bon, il y a un certain nombre de points sur lesquels je vais revenir. On va commencer par la question de la tolérance zéro. Je pense que tout à l'heure, M. Malhab, vous avez fait référence dans votre présentation... Au fond, est-ce que les gens veulent se donner bonne conscience en choisissant comme ça quelque chose là qui... il n'y a pas d'exception, c'est zéro, tu sais, ou bien donc est-ce qu'on veut s'attaquer aux vrais problèmes? Et ça nous a été mentionné aussi par d'autres. Je ne sais pas si c'est Éduc'alcool ou je ne me souviens plus exactement, là, mais d'autres groupes nous ont mentionné qu'il fallait faire attention un peu à ne pas se jeter sur des solutions radicales qui semblent... Et, quand je vous écoutais tout à l'heure, c'est vrai que beaucoup de personnes sont venues nous dire qu'elles sont pour la tolérance zéro concernant les conducteurs professionnels. Maintenant, c'est facile de dire ça. On peut dire ça d'une façon un peu désinvolte, là, en disant: Bien, zéro, ça a bien du... Logiquement, ça se tient. Un conducteur professionnel ne doit pas créer de danger. Il conduit des personnes, il a des responsabilités, donc c'est zéro.

Le vrai problème, c'est de savoir est-ce que zéro, c'est justifié ou si 0,04, c'est... Il n'y a rien qui nous a été démontré en commission parlementaire d'une façon précise qu'entre zéro et 0,04 les risques d'accidents augmentent. Et même de 0,00 à 0,08, ça ne nous a pas été démontré clairement non plus. Et je pense que, si le gouvernement a mis 0,08 à un moment donné, c'est qu'à partir de là il y a des données qui démontrent que, bon, il y a une croissance accélérée au niveau de l'affaiblissement des capacités de juger des situations. Alors, je pense qu'il faut faire attention pour ne pas se lancer comme ça sur des solutions qui semblent attrayantes à première vue, qui sont compliquées à appliquer, qui ne sont peut-être pas pertinentes non plus. Compliquées à appliquer parce que d'abord il y a une marge d'erreur. On l'a mentionné. Vous faites référence à la question des personnes qui utilisent des médicaments ou d'autres types de... Quelqu'un nous a dit, par exemple: On peut manger des choses puis juste la digestion fait que ça fermente dans l'estomac et que ça développe un peu comme des alcools.

Alors, il y a toutes sortes de dangers là-dessus et ça risque de créer des problèmes. À moins qu'on dise, bien, 0,0, mais ça ne sera pas 0,0, ça va être 0,02 ou 0,03, pour se donner une marge d'erreur. Bien, si on dit ça, disons carrément 0,04 ou bien allons sur quelque chose qui a du sens, sinon on risque de se retrouver avec des gens qui vont devoir se défendre. Si on n'appliquait aucune marge d'erreur là-dessus, on aurait un paquet de contestations parce qu'évidemment ça a des conséquences importantes pour des chauffeurs professionnels. Donc, ils vont contester. Ils vont aller en cour. Ça va faire des démarches qui vont être des embêtements pour tout le monde, et probablement qu'ils gagneraient parce qu'on sait que les appareils comme tels n'ont pas la finesse, la précision nécessaire pour s'assurer hors de tout doute que, quand on arrive dans ces niveaux-là, effectivement on mesure de façon juste la situation.

Alors, la réaction des gens qui sont venus ici, en commission, je pense qu'il faut la regarder un petit peu avec... D'abord, ce n'est pas tous des conducteurs professionnels. C'est des gens qui, à partir du principe attrayant, disent: Bien, ça ne devrait pas exister pour personne. Maintenant, on aurait posé la question sur la vertu: Est-ce que vous êtes pour la vertu? Tout le monde va dire oui. Si on dit: Bien, c'est quoi, la vertu? Bien là on va commencer à voir, par exemple, qu'on a des définitions différentes et puis que, là, peut-être on devra préciser que, quand on parle de vertu, ce n'est pas telle chose, c'est telle chose. J'ai l'impression qu'il faut faire attention de ce côté-là.

Et, quand on part un peu dans cette ligne-là, on risque de se retrouver dans des situations, un peu, de dire: Bien, c'est des chauffeurs professionnels, donc ça doit être tolérance zéro. Est-ce qu'on va empêcher un médecin qui travaille dans l'après-midi de prendre un verre de vin le midi? Est-ce que c'est tolérance zéro pour un médecin qui, l'après-midi, opère? Il n'a pas le droit de prendre... Maintenant, il y a une question de discipline personnelle, de responsabilité. C'est évident que, pour les chauffeurs de taxi, ce n'est pas à l'avantage de personne qu'un client arrive puis que le gars sente la boisson. Ça va lui faire tort puis probablement qu'il va payer pour ça au bout de la ligne. C'est la même chose pour un médecin ou n'importe quel autre type de personnes qui ont des fonctions où souvent elles ont des responsabilités par rapport à la vie des individus. Il faut faire attention pour ne pas tomber dans des situations simplistes puis ne pas solutionner les vrais problèmes. Les vrais problèmes, c'est les cas exagérés qui, eux... Comme on a vu des statistiques, par exemple, que les conducteurs qui sont dangereux, c'est ceux qui ont au-dessus de la limite et souvent du 0,15. C'est eux qui causent la majorité des accidents. Alors, moi, je pense qu'il faudrait être prudent de ce côté-là et ne pas tomber dans un panneau simpliste de dire: Bon, ça doit être zéro pour tout le monde. Alors, c'est un commentaire que je fais.

Maintenant, une question que je veux vous poser par rapport à ça. Vous ne vous êtes pas prononcés du tout dans le mémoire, à moins que je me trompe, sur la question du dépistage systématique. Vous savez, les dépistages systématiques: on va faire des barrages systématiquement puis on va tester tout le monde, indépendamment qu'on a un doute ou pas de doute. Ça donnerait la possibilité de tester tout le monde, de façon systématique. Alors, évidemment ça a des conséquences. On ne présume pas, on n'a pas d'indices qui font penser que telle personne pourrait être en boisson, c'est systématique, c'est tout le monde. Donc, les chauffeurs de taxi vont passer là-dedans aussi. Alors, vous ne vous êtes pas prononcés là-dessus puis ça m'a surpris un petit peu de voir que vous n'avez pas pris une position.

M. Dugal (Éric): Le problème relatif au dépistage systématique, je pense que le Barreau, qui nous a précédé, a identifié le problème, c'est que ça enfreindrait les chartes. Il y a des décisions qui ont été clairement établies que, lorsque vous n'avez pas de motifs raisonnables de soupçonner la présence d'alcool, vous ne pouvez pas exiger un échantillon d'haleine. Je pense que, si le provincial légiférait là-dessus, il serait peut-être même inconstitutionnel, étant donné qu'on rentre dans des actes criminels. Et, même si c'est l'administration de la police, il y aurait peut-être un double problème soit, d'une part, d'enfreindre les chartes puis, d'autre part, vous auriez un problème peut-être au niveau partage des pouvoirs. Ce qui fait qu'à ce niveau-là on ne s'est pas prononcé. Parce que, nous autres, ça allait de soi que le dépistage systématique n'était pas envisageable.

M. Bordeleau: Vous êtes contre le dépistage systématique...

M. Dugal (Éric): Absolument.

M. Bordeleau: ...même si ce n'est pas fait mention dans votre mémoire comme tel. Vous avez parlé tout à l'heure aussi... quand on parlait du virage à droite, de l'économie que ça représentait, vous dites: Le coût de l'essence, c'est 24 % de nos dépenses, est-ce que vous avez une indication de ce que ça peut représenter comme économie pour un chauffeur de taxi par année, par exemple, de permettre comme ça des virages à droite?

M. Bou Malhab (Farès): Pour vous dire, on n'a pas fait d'études là-dessus puis on n'a pas de chiffres exacts, compte tenu de l'étude qui a été faite par SECOR. Ils ont fait venir des chiffres puis des statistiques d'un organisme qui s'appelle Runzeimer Canada puis ça se peut qu'on leur demande parce que les chiffres qu'ils nous ont donnés, ça a été plutôt sur les coûts de l'essence sur certains types de voitures qu'on trouve dans les taxis, mais ça exclut, par exemple, le coût de l'essence qui est relié quand la voiture est au «idle», en marche mais on ne se déplace pas, on est sur les postes ou quelque chose comme ça. C'est que, moi, je dirais qu'il faut peut-être aller regarder d'autres statistiques ou demander d'autres statistiques dans ce sens-là pour leur dire: Écoutez, une voiture à une lumière, voilà un certain temps, avec le kilométrage qu'on fait durant l'année, combien ça représentera comme dépense. Mais sûrement que c'est une dépense importante puis ça s'ajoute, si vous voulez, à ça. Vous savez, il y a toujours le problème de la pollution, les gaz à effet de serre puis tout ça avec. Il y a sûrement des gens qui se sont présentés avant nous là-dessus.

(17 h 10)

M. Bordeleau: Toujours sur le virage à droite sur feu rouge, vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 6: «Les municipalités pourraient également construire des îlots de déviation aux endroits où c'est possible en lieu et place d'imposer une interdiction absolue d'effectuer virage à droite.» Je ne sais pas si vous avez vu le mémoire qui nous était présenté par la STO, Société de transport de l'Outaouais, qui est venue nous dire que, dans la région de l'Outaouais, il y a actuellement 30 % des carrefours qui sont organisés avec ces îlots de déviation. Ils sont en train de les enlever parce que, en fait, c'est plus dangereux, ce genre de configuration là, pour les piétons. Il faut s'imaginer qu'une personne est sur le trottoir, traverse une première rue, monte sur un îlot, traverse une deuxième, remonte sur un îlot, traverse la troisième puis là aboutit de l'autre côté sur le trottoir pour continuer. Alors, c'est plus dangereux pour les personnes handicapées, par exemple, puis pour les personnes âgées, ce genre de choses là qu'un virage à droite sur feu rouge. Parce qu'un virage à droite sur feu rouge, il y a toujours un arrêt, après ça on tourne. Alors, dans l'Outaouais, toujours dans l'optique de favoriser une meilleure mobilité, et tout ça, ils en ont construit beaucoup, ils en ont 30 %, qu'ils nous ont dit, et là ils les défont. Alors, je suis surpris de voir que, dans votre mémoire, vous nous suggérez que les municipalités pourraient construire des îlots comme ça.

M. Dugal (Éric): Disons que notre position a évoluée depuis la présentation du mémoire. En fait, ce qu'on disait, ce que M. Bou Malhab vous disait dans sa présentation, c'est justement qu'il faisait siens les arguments qui avaient été portés de l'avant par la Société de transport de l'Outaouais, puis on s'est rendu compte qu'effectivement les virages tangentiels qui sont provoqués par les îlots déviateurs font en sorte qu'il y a des angles morts puis que ça serait plus dangereux que simplement le virage à droite au feu rouge. Ça fait que, considérez que la position a changé depuis le dépôt du mémoire.

M. Bordeleau: Parfait. Toujours à la page 6, vous nous dites au dernier paragraphe: «C'est pourquoi, soucieux de la sécurité du public, il nous apparaît plus sécuritaire de procéder de façon générale et que les exceptions se limitent qu'à des cas très particuliers.» En fait, il y a deux options: ou on le permet de façon générale et on fait des exclusions dans les endroits où c'est risqué, ou on ne le permet pas et, à des endroits particuliers, on le permet. Alors, ici votre position, c'est de le permettre de façon générale.

En même temps que vous nous dites ça, vous avancez comme une espèce d'hypothèse un peu intermédiaire – je ne suis pas certain que ça clarifierait la clarté qu'on veut avoir quand on dit qu'on va le permettre de façon générale – c'est de dire: Bien, à la limite, on pourrait ne pas l'autoriser mais faire un projet-pilote où on autoriserait le virage à droite sur feu rouge pour les transporteurs publics et les taxis avant de l'étendre à d'autres véhicules. Je ne sais pas pourquoi vous nous proposez ça, parce que j'ai l'impression qu'on est peut-être prêt pour prendre une option: ou c'est pour ou c'est contre. D'ailleurs, il y a des groupes, comme l'Outaouais, ils sont venus nous dire: On est prêts, nous, dans notre région, à faire un projet-pilote. Est-ce que vous pensez qu'un projet-pilote c'est quelque chose par lequel on devrait passer? Soit un projet-pilote géographique, comme dans la région de l'Outaouais, ou un projet-pilote comme celui dont vous nous parlez, c'est-à-dire une certaine catégorie d'automobiles aurait le droit, là, les chauffeurs et les transporteurs publics, etc., les camions aussi, je suppose, je ne sais pas.

M. Bou Malhab (Farès): En fait, dans ce sens-là, c'est vrai que dans le mémoire on a procédé, si vous voulez, comme progressivement. C'est sûr que, nous, on préfère l'option qu'on autorise ça d'une façon générale puis qu'on l'interdise dans des tronçons dangereux, si vous voulez, mais à un moment donné, c'est à vous de trancher pour ou contre. Mais, si, vous, vous voyez que ça pourra être... Je ne sais pas, moi, à un moment donné, vous ne voulez pas être pour d'une façon catégorique, on pourra toujours procéder par étape pour dire, comme taxi puis comme conducteur professionnel... on pourra peut-être donner ça à nous comme projet-pilote, on pourra procéder comme projet-pilote. Mais on préfère toujours la solution finale, qui sera plutôt d'aller prendre une décision définitive puis libérer ça, puis permettre les gens de tourner à droite au feu rouge.

M. Bordeleau: Sur la question du patin à roues alignées, juste pour essayer de... On parle de voie secondaire. Tout à l'heure, le ministre vous a posé la question. Je pense qu'il n'y a pas eu de réponse claire, c'est quoi, exactement, les voies secondaires ou sur lesquelles... C'est parce que, dans le livre vert, il y a une hypothèse, on parle de 50 km/h et moins. La limite, les voies secondaires sur lesquelles ça serait permis, c'est 50 km/h et moins avec deux voies. Ça serait un peu ça, l'hypothèse. Et, quand vous avez fait votre présentation, M. Bou Malhab, vous avez référé exactement à la situation sur la rue Saint-Denis, où c'est inacceptable, là, selon l'interprétation que je fais de vos propos. La rue Saint-Denis, c'est quoi, le kilométrage permis?

M. Bou Malhab (Farès): C'est 50 km/h.

M. Bordeleau: Alors, j'ai l'impression qu'il y a...

Une voix: ...

M. Bordeleau: Pardon? Non, ça va. Mais je pense que l'hypothèse qu'on met sur la table, c'est de dire: On devrait le permettre là où il y a une limite maximale de 50 km/h et au moins deux voies. Alors, la rue Saint-Denis, dans ce cas-là, serait permise. Et, vous, vous dites: C'est inacceptable sur la rue Saint-Denis. Et puis je le comprends, j'ai été témoin, à un moment donné, d'un accident, là, une personne qui s'en venait en patins à roues alignées et qui longeait les voitures qui étaient stationnées. À un moment donné, il y en a un qui a ouvert sa porte puis elle est passée à travers la vitre. Alors, elle était collée sur les autos, la porte s'est ouverte vite et puis elle n'a pas pu arrêter, elle a traversé carré la vitre puis elle s'est ramassée de l'autre côté de la porte assez mal en point.

Alors, j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même chose nécessairement, là. On dit: Rues secondaires, mais en tout cas, je veux juste signaler le fait que la rue secondaire dont on parle ici dans le projet de loi, on dit: 50 km/h et moins, au moins deux voies, ce n'est pas tout à fait acceptable non plus comme définition parce que, ça, ça répondrait à la rue Saint-Denis.

M. Lalancette (Jean-Pierre): Il y a un point que j'aimerais soulever, c'est que le patin de roues alignées est quand même un exercice qui est plaisant, là, sauf que, s'il y a une situation d'urgence pour arrêter rapidement... il n'y en a pas vraiment. Ce n'est pas comme un patin à glace. Donc, quand ils sont sur des rues qu'on peut considérer à circulation secondaire ou comme sur Saint-Denis où c'est quand même une circulation qui est vraiment, pour moi, primaire, c'est majeur, puis qu'il y a des autos en bordure qui sont stationnées, qu'il y a deux voies puis que le mouvement de va-et-vient, de gauche à droite, là, qui prend quand même une certaine ampleur, si la personne est... Comme vous avez dit, il est passé au travers d'une porte, là. Et il y a d'autres situations où il va peut-être la contourner, la porte, mais en contournant la porte ou s'il veut arrêter brusquement pour éviter une voiture qui vient de sortir d'une entrée charretière, à ce moment-là, il est obligé de faire un virage brusque. Et ce virage brusque là, il peut se jeter devant une voiture puis être frappé puis être gravement blessé, là. C'est dans ce sens-là que, nous autres, on considère que la pratique de ce sport est quand même louable, sauf qu'il y a certaines... il y a des moments où, dans la circulation, ce n'est presque quasiment pas tolérable, ce n'est pas acceptable.

M. Bordeleau: Non, je voulais revenir là-dessus juste pour que le ministre soit bien conscient que, quand on parle de l'accès restreint à la chaussée, l'hypothèse qui est dans le livre vert n'est peut-être pas la bonne hypothèse.

M. Chevrette: ...kilométrage.

M. Bordeleau: Alors, ça marche... En tout cas, dans le cas de Saint-Denis, il serait admissible selon les critères qui sont là... Et ce n'est pas acceptable, puis j'en conviens avec vous autres.

M. Chevrette: Je peux-tu me permettre?

M. Bordeleau: Oui.

M. Chevrette: C'est uniquement sur les rues à deux voies ou moins, 50 km ou moins, et uniquement sur.

(17 h 20)

M. Bordeleau: Non, non, mais la rue Saint-Denis, la limite, c'est 50 km, puis il y a quatre voies. Là, est-ce qu'on dit: Deux voies «au moins» ou «ou moins»?

M. Chevrette: Ou moins.

M. Bordeleau: Ou moins, O.K.

M. Chevrette: Ça l'exclut, Saint-Denis, si elle n'est pas là.

M. Bordeleau: Alors, c'est une voie ou deux voies, essentiellement?

M. Chevrette: C'est ça.

M. Bordeleau: O.K. Parfait. Le photo-radar, vous dites que vous êtes d'accord avec, vous suggérez fortement que, si c'était accepté, il faudrait qu'il y ait deux radars: un qui photographie en avant; un à l'arrière. Évidemment, on sait que ça coûte deux fois plus. On a essayé, en commission parlementaire, d'avoir des données sur combien ça coûtait ce système-là, on n'a jamais pu avoir de chiffres de la part de la compagnie qui le vendait. Alors, c'est difficile d'évaluer les coûts exacts de tout ça et il faudra se demander, en bout de ligne, c'est bien beau de dire ça, mais ça coûte combien puis ça va coûter combien d'entretien puis ça va être quoi, les avantages? Ce qui n'a pas été évident. De façon générale, ça n'a pas été démontré de façon très claire, parce qu'on veut l'utiliser d'une façon très, très marginale, qu'on dit..

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Bordeleau: Oui. Alors, je vais directement à la question que je veux vous poser là-dessus. Si on avait, par exemple, une hypothèse avec deux radars, est-ce que, à ce moment-là, on ne devrait pas avoir un système de points d'inaptitude de façon à ce que les problèmes de vitesse soient traités de la même façon? C'est-à-dire que, dans les cas où une personne se fait arrêter par un policier, il y a des points d'inaptitude, si on est capable d'identifier de façon très précise le conducteur, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir aussi des points d'inaptitude? Parce qu'actuellement ce n'est pas le cas. Avec un radar, là, on ne pourra pas mettre de points d'inaptitude parce qu'on ne sait pas qui était le conducteur.

M. Dugal (Éric): Oui, en fait, on est en faveur du système de points d'inaptitude dans le cas où le conducteur peut être identifié de façon précise par deux caméras, tout simplement parce qu'on ne veut pas créer deux classes de conducteurs, c'est-à-dire ceux qui se font prendre dans les photos-radars qui n'ont pas de points d'inaptitude et ceux qui se font prendre par un policier qui fait de la patrouille, qui, lui, va avoir des points d'inaptitude. Ça fait que je pense qu'il ne faut pas arriver à deux poids, deux mesures sur ce point-là.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, messieurs du Regroupement québécois du taxi. Vous étiez le 57e groupe que nous avons entendu, il en reste un demain. Et là-dessus, j'ajourne les travaux à demain, mercredi 22 mars 2000, après les affaires courantes, à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 23)


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