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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Wednesday, February 2, 2000 - Vol. 36 N° 36

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. David Whissell
Mme Diane Leblanc
*M. Benoit Champagne, AQTR
*Mme Dominique Lacoste, idem
*M. Jean Audet, idem
*M. Jean-Pierre Faubert, agence de voyages Explo Tour inc.
*Mme Gilberte Mailloux, Club cycliste Nordcycle inc.
*M. Jean Bourdeau, idem
*Mme Ann Bourget, Équiterre et Vivre en ville
*M. Nicolas Lavoie, idem
*M. Alexandre Turgeon, idem
*M. Jean-Paul L'Allier, ville de Québec
*M. Marc Des Rivières, idem
*M. Roger Carette, UMQ
*Mme Diane Fortin, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Alors, je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission. C'est la première fois que la commission des transports et de l'environnement se réunit en l'an 2000, et ce n'est certainement pas la dernière fois si l'on en juge par la quantité de mémoires qui ont été déposés à la commission sur ce sujet extrêmement intéressant et important.

Y a-t-il des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Pelletier (Abitibi-Est) et M. Poulin (Beauce-Nord) remplace M. Benoit (Orford).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, cet avant-midi, il y aura d'abord les remarques préliminaires des deux côtés de cette table, d'abord du côté du gouvernement, ensuite de l'opposition. À moins de consentement, il y a une période de 25 minutes qui est prévue de chaque côté. Par la suite, le premier groupe à être entendu, c'est l'Association québécoise du transport et des routes inc.; et deux personnes, M. Lawrence Lord; et finalement, pour terminer l'avant-midi, l'agence de voyages Explo Tour inc., représentée par M. Jean-Pierre Faubert.

À ce moment-ci, j'indiquerais aux personnes, je ferais un rappel que l'utilisation des téléphones cellulaires... je vous demanderais, s'il vous plaît, de bien vouloir les fermer pour ne pas déranger indûment la concentration des membres de la commission.


Remarques préliminaires

Alors, M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Messieurs dames de la commission, représentants d'organismes, vous me permettrez, alors que nous amorçons les travaux de cette commission parlementaire sur le contenu du livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif , d'en situer une fois de plus les véritables enjeux.

Bien que le projet qui a conduit à cette commission parlementaire ait été bien compris de la plupart des gens, il y a eu et il y aura certainement encore, tout au long de nos travaux, beaucoup de spéculations sur les prétendues intentions gouvernementales relatives au sujet que nous allons aborder. Il m'apparaît donc très important de le préciser à nouveau.

Un livre vert, contrairement à un livre blanc, n'est pas un énoncé d'intention gouvernementale. Un livre vert, c'est d'abord et avant tout un outil de réflexion qui permet aux personnes et aux groupes concernés ou préoccupés par certains sujets de présenter leur point de vue. Il arrive que les options présentées dans un livre vert ne soient pas retenues. Quand cela arrive, l'exercice tenu en commission parlementaire n'est pas futile pour autant, puisque nos discussions ont un important intérêt didactique: elles ont l'avantage de sensibiliser les esprits à certains faits, certaines difficultés, certains arguments et certains points de vue. En d'autres termes, quel qu'en soit l'aboutissement, les travaux d'une commission parlementaire sur un livre vert permettent de faire avancer la réflexion collective autour d'enjeux controversés.

Certains me diront: Quand même, on ne parle pas du port obligatoire du casque cycliste si on n'a pas déjà pensé que c'est une bonne mesure et qu'il faut l'imposer. Je vous répondrai ceci: Un sujet est controversé quand des conclusions contradictoires découlent de points de vue différents. Pour reprendre l'exemple du port obligatoire du casque, si mon point de vue sur cette question se situe du côté des libertés individuelles, si je souhaite le moins d'interventions possible de l'État, je suis contre l'obligation de porter le casque. Par ailleurs, si mon point de vue se situe du côté de l'intérêt collectif, si je réfléchis en fonction du nombre de morts ou de blessés graves que le port du casque permettrait d'éviter, il y a de fortes chances pour que je sois porté à favoriser la mesure.

Ce sont là des choses qui semblent évidentes à la plupart d'entre nous, mais elles valent la peine d'être rappelées si nous voulons que nos travaux conservent une certaine cohérence. L'individu Guy Chevrette peut partir du point de vue... comme le député de l'Acadie ou tout autre intervenant qui viendra s'exprimer au cours de cette commission parlementaire. Mais une commission parlementaire, n'importe laquelle, a pour objet de nous faire cheminer vers le point de vue que nous souhaitons adopter non pas comme individus, mais comme société. Comme exercice démocratique, il ne se fait pas mieux. J'invite donc chacun à aborder ces travaux avec la dignité et le sérieux qu'ils méritent.

(9 h 40)

Pourquoi fallait-il un livre vert? Le document de consultation que nous avons élaboré porte sur cinq thèmes: le port du casque pour la protection des cyclistes, le patin à roues alignées, le cinémomètre photographique, le virage à droite sur feu rouge, la conduite avec capacités affaiblies par l'alcool. Notre réflexion sur ces cinq thèmes a un fil conducteur: la sécurité des usagers des routes du Québec.

Chaque année, le bilan routier produit par la Société de l'assurance automobile nous permet de prendre la mesure de nos progrès en matière de sécurité routière. En 1998, 717 décès ont été dénombrés sur les routes du Québec. Ce résultat est comparable au bilan routier de 1955, alors qu'il y avait cinq fois moins de véhicules sur le réseau routier. 717 décès, c'est encore beaucoup, beaucoup trop d'ailleurs, mais nous pouvons quand même être fiers du fruit de nos efforts pour améliorer la sécurité des usagers de nos routes. Toutefois, les gains sont maintenant de plus en plus fragiles. À preuve, nous avons déjà 713 décès dans les 11 premiers mois de 1999 contre 642 pour la même période l'an dernier. Pour améliorer le bilan routier du Québec, il nous faut maintenant faire preuve d'imagination, nous donner des outils supplémentaires, être proactifs. C'est donc cette réflexion qui nous a conduits aux cinq sujets de notre livre vert.

Chacun des thèmes que nous allons aborder peut faire l'objet d'une controverse. Au moment où les participants exposeront leur point de vue, je souhaiterais qu'ils gardent en tête que leurs arguments s'inscrivent à l'intérieur d'un processus: la recherche de moyens d'obtenir des résultats additionnels en matière de sécurité routière au Québec. Comme chacun d'entre vous, je ne dispose pas de réponses toutes faites. Comme vous, je suis le premier à ne pas aimer voir mes libertés restreintes, et je peux vous assurer que je n'ai pas d'inclination naturelle pour les mesures coercitives. Je souhaite simplement que nous soyons particulièrement attentifs à la cohérence des arguments. Je désire poser des questions aux spécialistes, remettre sur la table des idées préconçues. Je veux que nous nous attardions à ce qui se fait ailleurs dans le monde et que nous soyons à l'écoute des citoyens qui ont des idées constructives à apporter comme à ceux qui ont du mécontentement à exprimer.

À la fin de cette commission parlementaire, une cinquantaine de mémoires devraient nous avoir été présentés. Ces mémoires proviennent de différentes sources, notamment d'organismes impliqués dans la sécurité routière, de commerçants, d'avocats, de représentants des milieux municipaux et universitaires, des secteurs de la santé et des loisirs ainsi que de simples citoyens désireux de nous faire part de leur opinion. Si on en juge par l'origine diversifiée des mémoires qui ont été déposés devant cette commission, la sécurité routière suscite un intérêt généralisé. Je tiens donc à remercier tous ceux et celles qui ont consacré du temps et de l'énergie à la préparation de ces mémoires. Je peux les assurer de toute mon attention à l'égard de leurs propositions et commentaires.

Je ferai maintenant un bref survol des cinq thèmes du livre vert. Le port du casque protecteur pour les cyclistes. La pratique du cyclisme est associée à un nombre significatif de traumatismes. On dénombre annuellement, selon le bilan routier des quatre dernières années, une moyenne de 3 157 victimes d'accidents de vélo impliquant un véhicule routier et une moyenne de 26 décès consécutifs à ces accidents. Les blessures à la tête sont particulièrement fréquentes lors d'un accident de vélo, et ce, que l'accident implique ou non un véhicule routier.

Il est généralement admis que le casque protecteur est une mesure efficace de réduction des traumatismes chez les cyclistes. Il a le mérite de protéger de façon systématique, peu importe la cause de l'accident, l'âge ou le comportement de la victime. Plusieurs citoyens et organismes sont favorables au port du casque protecteur et plusieurs l'ont adopté sans obligation légale. Par contre, les diverses activités de sensibilisation et de promotion du port du casque protecteur ont atteint leurs limites.

Une loi exigeant le casque protecteur à vélo pourrait faire augmenter significativement la proportion du nombre de cyclistes portant un casque. Elle pourrait sans doute réduire de façon importante les traumatismes à la tête chez les cyclistes. Est-ce la solution à privilégier? On verra.

Par ailleurs, bien que certains citoyens reconnaissent le casque comme étant un moyen de diminuer la gravité des accidents, voire le nombre des blessures à la tête, plusieurs préconisent qu'il appartient à chacun de prendre ses responsabilités à cet égard, d'autres affirment qu'une loi pourrait faire diminuer la pratique de cette activité physique contribuant à une bonne santé.

Face à ces constats, quelle avenue privilégier? Doit-on obliger le casque uniquement pour les jeunes? L'obliger pour tous? Doit-on favoriser l'accessibilité? Doit-on plutôt renforcer les campagnes de promotion et d'éducation?

Les patins à roues alignées. Par ailleurs, depuis quelques années, la popularité du patin à roues alignées s'est accrue très rapidement, et ce, particulièrement auprès des jeunes. Pour certains, les patins sont devenus plus qu'une mode ou qu'une simple activité récréative, ils sont devenus un mode de déplacement offrant rapidité et facilité. En dépit de l'interdiction déjà stipulée au Code de la sécurité routière, plusieurs patineurs utilisent des chemins publics, souvent inconscients de désobéir à une loi. Les citoyens de tous âges bénéficient de la clémence des corps policiers, mais la cohabitation de patineurs et de véhicules routiers présente des risques élevés en matière de sécurité routière. Faut-il amender le Code et laisser le soin aux municipalités d'en régir l'utilisation sur leurs territoires respectifs? Quelles conditions d'utilisation devraient prévaloir le cas échéant? Un questionnement, donc, s'impose.

Le cinémomètre photographique. Le dépassement des limites de vitesse est un phénomène généralisé. Pourtant, au Québec, la vitesse est, avec l'alcool, l'une des deux principales causes d'accident. En 1998, elle a été responsable de 25 % des décès, 19 % des blessés graves et 13 % des blessés légers. Les drames humains et les coûts sociaux engendrés par la vitesse nous touchent tous directement. Aussi, vous me permettrez d'être franc et de vous indiquer d'ores et déjà que je conserverai ces répercussions sociales à l'esprit quand j'entendrai les arguments qui nous seront présentés en faveur de l'augmentation des limites de vitesse sur les autoroutes du Québec.

Mais revenons au photoradar. Les méthodes actuelles de contrôle de la vitesse sont difficilement applicables dans certaines zones. L'utilisation du radar, le suivi par véhicule et la patrouille aérienne, même jumelés avec des campagnes publicitaires, ont des résultats qui s'avèrent très limités. Or, l'expérience de l'Australie démontre clairement qu'il est possible de réduire de façon substantielle tant le nombre de décès que la gravité des blessures par l'introduction, dans certaines zones bien ciblées et clairement identifiées comme faisant l'objet d'une opération particulière, du cinémomètre photographique.

Dernièrement, on a beaucoup spéculé sur l'introduction éventuelle du photoradar. On a évoqué le spectre d'un État policier, d'une machine à piastres pour le gouvernement, de l'intrusion dans la vie privée des citoyens. Il n'est question ici, et je tiens à le préciser, que de sécurité routière. Il n'est pas question de revenir au photoradar que les plus âgés d'entre nous avons connu, celui dont les photos permettaient d'identifier les occupants du véhicule. Il n'est pas question d'une machine à piastres non plus, pas plus qu'il n'est question d'enlever des jobs aux policiers. Ce dont il est question, c'est d'un cinémomètre de nouvelle génération qui ne photographie que la plaque d'immatriculation. Je le répète, l'appareil serait utilisé dans des zones ciblées, des zones présentant de mauvaises statistiques en termes d'accidents ou de difficulté d'interception par les policiers. Il ne s'agit pas de piéger les automobilistes. Ceux-ci sauraient en tout temps qu'ils pénètrent dans une zone de photoradar.

Nous posons donc les questions suivantes: Cette solution doit-elle être retenue? Les modalités d'application proposées sont-elles valables?

Par ailleurs, comme responsable de l'application des mesures proposées, le ministère de la Sécurité publique est directement concerné par ces questions tout comme par celles qui touchent à la conduite avec des capacités affaiblies par l'alcool. C'est pourquoi je suis accompagné, pour l'ouverture de cette commission parlementaire, par mon collègue Serge Ménard. J'aurai d'ailleurs le plaisir de lui céder la parole dans quelques minutes.

En ce qui concerne maintenant le virage à droite sur feu rouge, je dois vous avouer que je suis plutôt étonné. Autant les autres sujets examinés soulèvent des craintes de voir le gouvernement imposer des mesures coercitives, autant le fait de permettre éventuellement aux automobilistes de tourner à droite sur un feu rouge lorsque les conditions le permettent soulève la crainte d'une trop grande permissivité.

Or, le Québec est la seule juridiction administrative au Canada et aux États-Unis, exception faite de la ville de New York, où cette pratique est interdite. Pourtant, des milliers de Québécois traversent quotidiennement l'une ou l'autre des limites territoriales du Québec et s'adaptent au style de conduite local sans problème. Pourquoi cela ne serait-il pas possible à l'intérieur même de nos frontières? Pour rejeter cette avenue, certains évoquent le manque d'habitude, le manque de discipline des conducteurs québécois ainsi que l'augmentation des conflits entre conducteurs, piétons et cyclistes. Plusieurs municipalités adoptent des résolutions pour demander le virage à droite, tandis que d'autres expriment leur réticence.

Comme on le voit, l'autorisation du virage à droite génère un questionnement important. Elle soulève la problématique de la conciliation des impératifs de la sécurité des usagers de la route avec les demandes de mobilité. Alors, que doit faire le gouvernement? Refuser cette mesure? L'adopter et choisir des modalités les plus appropriées au contexte québécois? Ce sont des questions qui auront sans doute réponse auprès de nos intervenants.

Maintenant, la conduite avec les facultés affaiblies. Le dernier sujet a trait à la conduite avec les capacités affaiblies. Dans ce domaine, force est de constater que nous avons fait d'énormes progrès depuis un certain nombre d'années. Qui peut prétendre ignorer que l'alcool et la conduite automobile constituent un cocktail mortel? Depuis le 1er novembre 1997, le Code de la sécurité routière prévoit des sanctions sévères pour les conducteurs dont les capacités sont affaiblies par l'alcool. Il en est de même avec le Code criminel qui, depuis juillet 1999... Et, déjà, le ministre fédéral de la Justice évoque la possibilité de durcir encore plus les peines imposées aux conducteurs ivres responsables d'accidents mortels.

Malheureusement, malgré tous ces efforts, il s'agit encore là de la principale cause de décès sur nos routes. Malgré les changements de mentalités, les programmes ponctuels à l'occasion des Fêtes, la pratique de plus en plus répandue chez les jeunes de choisir un conducteur désigné à l'occasion des sorties, il se trouve tout de même un certain nombre d'irréductibles que nos campagnes ne semblent pas atteindre.

(9 h 50)

Faut-il aller plus loin que les sanctions actuelles? Faut-il songer à revoir à la baisse le fameux taux de 0,08? Faut-il appliquer la tolérance zéro aux professionnels de la route tels que conducteurs d'autobus et camionneurs? Graduer les sanctions selon le taux d'alcool serait-il approprié? Devrait-on effectuer un dépistage systématique lors des barrages routiers? Etc.

Par ailleurs, plusieurs s'interrogent sur la pertinence d'indemniser des personnes impliquées dans un accident et qui sont reconnues coupables de conduite avec capacités affaiblies. Certains réclament même des mesures radicales pour éviter que d'autres vies soient brisées par les accidents causés par des chauffards.

Cette commission parlementaire constitue donc une excellente occasion de nous pencher sur ces questions. Nous sommes donc ici pour réfléchir en vue de mieux agir, mieux agir pour sauver des vies ou en préserver la qualité. Nous sommes ici à la recherche d'avis éclairés. Les solutions que nous mettrons de l'avant seront d'autant plus riches et adaptées à nos besoins que chacune des personnes et chacun des groupes concernés se seront impliqués à fond dans le processus. Je sais que nous abordons cette commission parlementaire sur un consensus: nous souhaitons tous que le fruit de notre travail ait des répercussions bénéfiques sur l'ensemble des usagers de la route au Québec. Ça, c'est déjà de bon augure. Je vous remercie. Et j'invite mes collègues à faire leurs remarques préliminaires. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, ce seraient les remarques préliminaires de l'opposition officielle. M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, M. le ministre. Nous amorçons aujourd'hui un processus de consultation qui est extrêmement important, d'abord parce qu'il nous permet de rencontrer divers intervenants concernés de près par la sécurité routière et parce qu'il nous permettra aussi d'analyser les éléments proposés dans le document de consultation, mais également de les dépasser dans la seule perspective d'améliorer la sécurité routière. Nous espérons, en fait, que ces consultations puissent devenir le forum privilégié d'un véritable débat sur les enjeux de la sécurité routière au Québec.

Le document sur lequel nous allons travailler nous présente cinq enjeux dont nous avons tous entendu parler et que nous connaissons de façon plus ou moins détaillée: le port du casque protecteur pour les cyclistes, l'usage des patins à roues alignées, l'utilisation du cinémomètre photographique, communément appelé photoradar, le virage à droite sur les feux rouges et, enfin, la problématique de la vitesse et de la conduite avec capacités affaiblies par l'alcool. Nous aborderons donc ces divers sujets en analysant les pistes de solution proposées par le ministère. Je suis convaincu que cette réflexion qui s'amorce aujourd'hui suscitera probablement des débats très importants.

Tout en considérant à leur mérite les suggestions préparées par les fonctionnaires de la Société d'assurance automobile du Québec, nous croyons essentiel d'aborder cette consultation avec ouverture et réalisme, en tenant compte d'abord et avant tout des besoins et des attentes de nos concitoyens. Le gouvernement actuel se doit donc d'être réceptif aux suggestions et aux propositions qui lui seront faites dans les prochains jours. Nous aurons certainement l'occasion d'échanger sur l'efficacité et la valeur de certaines mesures mises de l'avant par la SAAQ à la lumière de l'expérience quotidienne et des connaissances que nos invités ont acquises sur le terrain au cours des dernières années.

Permettez-nous de regretter que cette consultation ne puisse nous permettre de revoir ou encore d'évaluer, de façon publique et transparente, un certain nombre de sujets tout aussi importants pour la sécurité routière, mais absents dans les faits suite aux choix effectués par le ministre. Nous pensons, par exemple, à la problématique de la vitesse pour les motocyclettes, aux effets concrets de l'abolition des cours obligatoires pour les nouveaux conducteurs de voitures et de motocyclettes, à la réglementation sur les vitres teintées, à un questionnement complet, direct et ouvert à l'égard de certaines aberrations du système «no fault».

En effet, le ministre menace régulièrement certaines catégories de motocyclistes d'augmenter les taux d'immatriculation. La consultation actuelle aurait été l'occasion privilégiée pour analyser les effets réels de ce type de mesure sur la diminution réelle de la vitesse et, conséquemment, sur l'amélioration de la sécurité routière. Nous aurions pu regarder sur la base de quelles données scientifiques la SAAQ propose cette mesure.

N'aurait-il pas été utile également de se pencher, dans ce forum, sur les effets observés quant à l'évolution du taux d'infraction et d'accident suite à l'abandon de l'obligation de suivre des cours de conduite dans des écoles reconnues? Nous aurions pu également essayer de comprendre la logique derrière le fait que le motocycliste qui va passer son examen de la SAAQ puisse, après avoir échoué son examen, sauter à nouveau sur sa moto et reprendre la route jusqu'au prochain examen. Quel est l'impact de cette réalité sur la sécurité routière?

Nous aurions pu regarder la réglementation actuelle – d'ailleurs inappliquée – qui régit le degré d'intensité des vitres teintées et les liens qui existeraient supposément entre cet équipement et le taux d'accident. Nous aurions pu nous demander pourquoi on fixe ici un niveau de transparence qui ne correspond pas généralement à l'évolution observée dans les autres provinces canadiennes et aux États-Unis. Est-ce justifié de fixer, sans aucune démonstration scientifique quant à l'amélioration de la sécurité routière, des exigences qui risquent, semble-t-il, de mettre en péril inutilement une industrie qui fait vivre de nombreux petits entrepreneurs à travers tout le Québec et qui crée de nombreux emplois?

Enfin, M. le Président, nous aurions souhaité que le ministre fasse preuve d'ouverture en lançant un vrai débat sur les aberrations du système d'assurance «no fault» et non pas en y faisant allusion de façon très marginale dans son document de consultation, ce qui se manifeste d'ailleurs par le fait qu'aucune des propositions de solution présentées par le ministre ne traite de ce sujet. Malgré la demande pressante de plus de 150 000 citoyens du Québec qui ont signé des pétitions à cet effet, il est incompréhensible de constater l'attitude intransigeante du ministre et le refus obstiné de la SAAQ à souhaiter un tel débat.

Malgré que le contexte décrit précédemment ne se prête pas à un vrai débat, plusieurs mémoires aborderont ce sujet auquel nous devrons, comme société, nous confronter le plus rapidement possible, soit la révision du principe du «no fault» en ce qui a trait aux indemnités versées par la SAAQ aux personnes reconnues coupables d'avoir conduit avec les facultés affaiblies par l'alcool, à moins qu'après plus de 20 ans d'application de notre système d'assurance automobile le ministre actuel puisse enfin aujourd'hui nous confirmer qu'une commission parlementaire spécifique sera tenue prochainement pour faire le bilan du «no fault», comme ce fut le cas pour d'autres législations sociales importantes, notamment le système de rentes du Québec, la santé et la sécurité au travail, l'aide juridique, l'aide sociale, etc.

Enfin, M. le Président, nous avons le devoir d'aborder cette consultation dans le respect des valeurs collectives, mais également des valeurs individuelles. En évaluant sérieusement la pertinence de certaines solutions mises de l'avant dans le document de consultation, nous devrons nous demander si nous ne sommes pas encore en train de tomber dans le panneau simpliste de l'accroissement inutile de la réglementation dans la recherche de solutions qui souvent n'ont même pas été démontrées de façon claire et précise. Est-on certain de proposer de vraies solutions pour des problèmes qui souvent sont très mal cernés et mal compris? Où commencent et se terminent la responsabilité individuelle et celle de l'État? Enfin, le gouvernement devra, à l'égard de certaines mesures, nous dire clairement quelles sont les véritables raisons qui sous-tendent l'adoption possible de certaines mesures. Nous devrons chercher un équilibre qui n'est pas toujours facile à retrouver, mais c'est ce que la population attend de ses législateurs.

Nous, de l'opposition, Mme la Présidente, abordons cette consultation avec les valeurs que nous défendons et qui nous rendent très suspects à l'égard de la voie souvent drastique de la réglementation. Il faudra faire la preuve réelle que des mesures réglementant davantage la vie des Québécois et des Québécoises sont les véritables solutions aux problèmes concernant la sécurité routière. Nous espérons finalement que le gouvernement saura faire preuve d'ouverture et que le ministre des Transports écoutera véritablement les solutions qui lui seront présentées ici par nos concitoyens. C'est dans cet esprit que nous comptons apporter notre collaboration à cet exercice démocratique. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le député de l'Acadie. J'ai une demande de consentement pour l'intervention du ministre de la Sécurité publique. Est-ce que ça va? Alors, M. le ministre de la Sécurité publique, vous avez neuf minutes.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, Mme la Présidente. C'est non seulement avec empressement, mais aussi en raison du rôle incontournable du ministère dont je suis responsable en matière de sécurité routière que j'ai accepté l'aimable invitation de mon collègue ministre des Transports et député de Joliette à participer à l'ouverture de cette commission.

(10 heures)

En effet, si déjà la coordination générale des forces policières en ce domaine par le ministère de la Sécurité publique tombe sous le sens, nous sommes aussi appelés à apporter notre contribution à bien d'autres volets de la sécurité routière. Ainsi, l'Institut de police du Québec est appelé à former tous nos policiers sur les techniques de patrouille, l'opération des radars et, pour une bonne partie d'entre eux, sur les enquêtes relatives à la conduite avec facultés affaiblies. Par ailleurs, notre Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale fournit toute l'expertise nécessaire aux corps policiers et à l'appareil judiciaire pour s'assurer de la qualité de la preuve et permettre, par le fait même, une condamnation plus ferme des contrevenants.

Mon ministère est aussi responsable de la Sûreté du Québec dont une partie substantielle des effectifs est consacrée à la surveillance du réseau routier supérieur et dont l'expertise est reconnue par ses pairs. C'est finalement le ministère de la Sécurité publique qui gère les établissements de détention où sont encore dirigés plusieurs délinquants pour non-paiement d'amendes ou, ce qui est plus grave, à la suite de condamnations criminelles.

Comme vous le constatez, la sécurité routière est une affaire de partenariat, et non seulement mon collègue et moi sommes impliqués, mais aussi, ne l'oublions pas, le ministère de la Justice ainsi que celui de la Santé et des Services sociaux. Je souhaite donc, au sortir de cette commission et à la lumière des mémoires déposés, que notre partenariat en sorte grandi, et ce, dans le meilleur intérêt de la sécurité routière.

Permettez-moi tout de même de vous mettre en garde contre des solutions en apparence idéales et qui comportent leur part réelle de complexité lorsqu'il nous faut composer avec les chartes sur les libertés fondamentales. À titre d'exemple, la mise en oeuvre d'une nouvelle infraction pénale pour la conduite avec un taux d'alcool supérieur à 0,04 mais inférieur à 0,08 et surtout la possibilité d'exiger une lecture à tout conducteur intercepté à un barrage de vérification sans qu'il n'y ait le moindre soupçon de présence d'alcool peuvent constituer, à prime abord, une entorse aux droits fondamentaux qu'il faut toujours justifier, les tribunaux exigeant la démonstration et que l'objectif de la loi se rapporte à des préoccupations sociales urgentes et réelles et que les moyens choisis sont raisonnables et bien encadrés. Une telle mesure ne doit pas non plus devenir un exutoire à la lutte aux cas plus graves d'infraction criminelle pour conduite avec facultés affaiblies. J'apprécierais donc que les gens et organismes qui interviendront à cette commission soupèsent bien cette dimension et nous donnent leur éclairage sur la question.

Dans un autre ordre d'idées, je profite de cette occasion pour clarifier l'hypothèse gouvernementale apparaissant au livre vert quant au cinémomètre photographique. Il ne s'agit pas ici de proposer une machine à produire des contraventions automatiques, mais d'un outil additionnel à fournir aux forces policières pour contrer les excès de vitesse et les accidents qui en découlent. Il ne se substituerait donc pas aux policiers en chair et en os et ne rapporterait pas un sou si les conducteurs respectent les limites permises dans les zones où cet appareil serait installé et, rappelons-le, annoncé à l'avance.

Le radar photographique constitue en effet le seul outil permettant de créer un effet dissuasif et, le cas échéant, de détecter les conducteurs fautifs dans les zones à fort débit de circulation où l'interception physique des véhicules par les policiers s'avère particulièrement périlleuse, voire impossible. Certaines artères, comme le boulevard Métropolitain à Montréal, les ponts ou les sites de travaux routiers, constituent, à notre avis, des cibles de choix.

C'est avec raison, je pense, que le ministre des Transports annonçait que notre objectif dans ce domaine, ce serait zéro accident et zéro contravention. L'expérience d'autres juridictions nous laisse croire cependant que l'objectif de zéro contravention serait peut-être illusoire, mais, dans le plan que nous avons, les gens seraient avertis d'avance. Pendant une période de trois mois, ils recevraient des avis sans que ce soient des avis d'infraction, donc pour s'habituer à la présence. Il y aurait des panneaux lorsque ce serait en fonction, qui les identifieraient clairement, de sorte qu'on peut dire que les gens qui continueraient à excéder les vitesses dans ces endroits dangereux où il y a plusieurs accidents voudraient pratiquement donner une contribution volontaire, n'est-ce pas, au système de santé, à l'éducation et au paiement de la dette, puisque ce sont les principaux items de dépense de notre niveau de gouvernement.

Il ne s'agit donc pas d'installer cet appareil au milieu de nulle part, sur l'autoroute Jean-Lesage, mais à des endroits stratégiques où il est démontré que la vitesse excessive est cause d'accidents et où les moyens traditionnels s'avèrent inefficaces.

J'espère que ces quelques remarques m'auront permis de vous sensibiliser aux préoccupations réelles de mon ministère à l'aube des travaux de cette commission et contribueront à une recherche constructive de solutions novatrices en matière de sécurité routière, secteur où le Québec fait déjà figure de leader.

Soyez assurés, en terminant, de la collaboration empressée des forces policières à cet objectif, comme elles ont pu le démontrer dans le passé. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le ministre. J'ai une demande de consentement pour donner la parole au député de l'Acadie, pardon, au député de Saint-Laurent. Je suis désolée. Alors, à vous la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas l'intention de prendre plus de temps que le ministre de la Sécurité publique en a pris lui-même, mais je m'en serais voulu de ne pas intervenir, à l'ouverture de cette commission, sur la question qui vient précisément d'être soulevée, discutée par le ministre de la Sécurité publique, et qui est l'introduction au Québec du cinémomètre photographique qui, me semble-t-il, requiert qu'un certain nombre de questions soient soulevées, et des questions assez importantes.

La façon dont le gouvernement se proposerait d'implanter cette mesure témoigne bien de la crainte, sans aucun doute nécessaire, que le gouvernement doit entretenir avant d'imposer ou avant d'introduire cette mesure. Je comprends qu'on nous dit que les zones où cette mesure pourrait être implantée seront ciblées, annoncées, et que tous les citoyens sauront exactement qu'ils entrent dans une zone qui est pourvue d'un photoradar, mais il n'en reste pas moins que c'est l'introduction d'une nouvelle mesure et c'est l'introduction d'une mesure sur laquelle il faut s'interroger sérieusement.

Exemple: on a réglé les problèmes de photographie de l'habitacle du véhicule. J'ai bien entendu le ministre des Transports souligner qu'il n'était pas question qu'une photographie comprenant l'habitacle soit utilisée, et je pense qu'on comprend bien pourquoi les chartes garantissent la protection de la vie privée, et il faut respecter cela.

Le gouvernement indique que les photographies qui seront prises seront uniquement des photographies de la plaque d'immatriculation. Le gouvernement n'est pas sans savoir et, sans aucun doute, le ministre de la Sécurité publique qui était dans son ancienne vie un éminent praticien du droit n'est pas sans savoir que, ça, ça cause des problèmes juridiques aussi. Par exemple, comment pourra-t-on identifier le conducteur au moment où l'infraction est commise? J'ai bien compris que le gouvernement entend présumer de la responsabilité du propriétaire du véhicule dans tous les cas où la photographie montrera une plaque d'identification et qu'on pourra identifier la plaque d'immatriculation. Mais ça, ça pose des problèmes juridiques aussi, et le ministre de la Sécurité publique ne peut pas l'ignorer, et je l'invite à en faire part au ministre des Transports qui ne doit pas l'ignorer non plus.

Si on introduit une telle mesure, mais surtout une telle présomption de responsabilité à l'endroit du propriétaire du véhicule, on va à l'encontre d'un principe sacro-saint de notre justice, qui est celui de la présomption d'innocence. Encore faudrait-il être en mesure de démontrer que c'est une limite raisonnable dans une société libre et démocratique, mais je suis loin de penser qu'on réussirait à le démontrer. De toute façon, il faut se poser ces questions-là. L'identification de la personne qui commet l'infraction m'apparaît être nécessaire, et je ne crois pas qu'on puisse facilement passer à côté du principe en créant une présomption de responsabilité à l'endroit du propriétaire. La preuve reste toujours à faire de la personne qui a véritablement commis l'infraction. Dans notre système de justice, lorsqu'on veut contourner cette preuve obligatoire à faire, il faut y penser sérieusement.

D'autre part, Mme la Présidente, il m'apparaît qu'introduire le cinémomètre photographique pour constater la commission d'infractions à la limite de vitesse pose un certain nombre d'autres problèmes relativement à la prévention. On parle beaucoup de prévention. Parlons-en. Souvent, une commission d'infraction à une limite de vitesse cache la commission d'une autre infraction, que ce soit une conduite avec facultés affaiblies, que ce soit un délit de fuite, que ce soit un vol d'auto ou tout autre acte criminel. La commission de l'infraction à la limite de vitesse, donc, cache la commission, souvent, d'autres infractions. Le cinémomètre photographique ne peut pas empêcher la continuation d'une autre infraction. Le cinémomètre photographique, c'est une machine, ça ne peut pas remplacer l'intervention policière.

(10 h 10)

D'autre part, il m'apparaît que le facteur de dissuasion est très certainement différent entre recevoir chez vous, quelque temps après la commission d'une infraction à une limite de vitesse, un constat d'infraction et une interception au moment où l'infraction est commise. D'ailleurs, l'interception policière au moment où l'infraction est commise m'apparaît être beaucoup plus dissuasive que la réception d'un constat d'infraction quelques jours ou quelques semaines plus tard. Bien sûr faut-il qu'il y ait interception policière, et, en cela, malheureusement le gouvernement, dans les dernières années, a fait preuve de laxisme alors que, c'est connu, c'est su, il manque de patrouilles sur nos routes. Le gouvernement s'était engagé à faire l'embauche d'un certain nombre de policiers supplémentaires pour effectuer les patrouilles sur les autoroutes notamment, et il ne l'a pas fait malheureusement.

Je termine en disant que l'introduction du cinémomètre photographique pourrait, aux yeux de la population, constituer un message de banalisation. On pourrait, au contraire de ce qu'on veut démontrer, banaliser la commission de l'infraction d'excéder les limites de vitesse en introduisant cette mesure plutôt qu'en consacrant les ressources humaines nécessaires pour empêcher sa commission. Je soumets qu'il faut s'interroger sur le fait de savoir si, dans cette matière-là, vraiment, la fin justifie les moyens. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Non. Alors, on va passer à la partie... M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Nous avons pensé à tout ça, M. Dupuis, mais nous pensons que le même principe s'applique que lorsqu'une voiture est laissée en stationnement illégal. Donc, c'est cela.

M. Chevrette: Et 100 vies humaines valent la peine, je pense, d'envisager très sérieusement une mesure.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je pense que ça met fin aux remarques préliminaires. Vous aurez beaucoup de temps, je pense, après les consultations pour échanger.


Auditions

Alors, je demanderais à l'Association québécoise du transport et des routes de prendre place ici, à l'avant. Je pense que c'est M. Jean Audet. C'est bien ça, M. Audet? Non?

Une voix: ...

La Présidente (Mme Barbeau): Ah! Alors, je demanderais au ou à la porte-parole de présenter les personnes qui l'accompagnent. Et vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y a 20 minutes du côté ministériel et du côté de l'opposition pour poser des questions et faire des échanges avec vous. Alors, j'aimerais que vous commenciez maintenant.


Association québécoise du transport et des routes inc. (AQTR)

M. Champagne (Benoit): Merci. Mme la Présidente, M. le ministre Chevrette, M. le ministre Ménard, Mmes, MM. les membres de la commission. Avant de débuter, nous désirons vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée de vous présenter le sommaire de nos réflexions suite au dépôt du livre vert La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Permettez-moi de vous présenter mes collègues: à ma droite, Mme Dominique Lacoste, directrice technique; M. Jean Audet, directeur général; et je me présente, Benoit Champagne, vice-président à l'administration pour l'Association québécoise du transport et des routes.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci.

M. Champagne (Benoit): Merci. Afin de bien situer le contexte de cette intervention, il est essentiel de vous présenter en quelques mots notre Association. L'Association québécoise du transport et des routes a été fondée en 1964 et regroupe aujourd'hui plus de 1 000 membres. Elle a pour mission de contribuer à l'amélioration des transports au Québec par le perfectionnement et la diffusion des techniques, la sensibilisation des intervenants du milieu et l'information des usagers et du grand public.

Le mandat de l'Association vise à assumer un leadership technique, à contribuer à définir des règlements, des normes ou des procédures, à favoriser l'échange international des expertises, à promouvoir la recherche et le développement des expertises et des produits en transport, à promouvoir la formation dans le domaine des transports, à assurer le rayonnement de l'Association par la participation aux principaux forums sur les transports et à contribuer, enfin, à servir la société par l'éducation et l'information du grand public.

Dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif , l'Association québécoise du transport et des routes tenait, le 6 décembre dernier, un forum public de discussion qui permit à quelque 80 participants de se prononcer sur les différentes hypothèses proposées dans le livre vert relativement à trois sujets: le virage à droite sur feu rouge, la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et l'utilisation du cinémomètre photographique.

Les quelque 80 experts du domaine des transports au Québec réunis en cette occasion provenaient notamment de l'entreprise privée, tels que des entrepreneurs, des consultants et des fournisseurs, des associations et regroupements en transport, des municipalités, des gouvernements, du domaine de la santé publique, de sociétés de transport, du milieu universitaire et des corps policiers.

Le forum avait pour but de dégager la position des participants sur trois des sujets du livre vert, soit, je répète: le cinémomètre photographique, la conduite avec capacités affaiblies par l'alcool et le virage à droite sur feu rouge. Comme un des objectifs de la préparation du forum était de maximiser les échanges, le programme du forum a été conçu de façon à permettre à tous les participants de discuter des trois sujets en ateliers successifs au cours desquels les participants étaient regroupés autour d'un animateur par table de huit personnes. La répartition des participants aux tables de discussion était faite de manière à assurer une pluralité des domaines de provenance de chacun, et ce, afin d'éviter la polarisation des opinions autour des tables. Chaque atelier était d'une durée de 1 h 15 min. Les cinq premières minutes étaient consacrées à un bref résumé de la proposition du livre vert et les 15 minutes suivantes, à une présentation technique sur le sujet qui comprenait un historique, et la revue des études disponibles, ainsi que tout autre fait pertinent. Les discussions en atelier tournaient autour des questions formulées dans le livre vert. À la fin de chaque atelier, les participants ont répondu individuellement à ces questions sous forme de sondage afin de dégager clairement la position du groupe sur les différentes mesures proposées dans le livre vert. À la suite des trois ateliers, une plénière a eu lieu afin de discuter des recommandations à émettre à la suite de la rencontre.

Ceci étant dit, je laisserai la parole à Mme Lacoste qui nous présente les recommandations issues de ce forum. Ces recommandations reflètent bien entendu les résultats du sondage quant à la position du groupe vis-à-vis des mesures proposées et des questions soulevées dans le livre vert, mais également les commentaires formulés lors des discussions en atelier et lors de la plénière, qui viennent nuancer et préciser les différentes réponses. Mme Lacoste.

Mme Lacoste (Dominique): Merci. Mme la Présidente, MM. les ministres, Mmes, MM. membres de la commission. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous livrer les résultats de notre consultation du 6 décembre dernier. Je vais procéder en vous présentant directement les recommandations, qui sont au nombre de 12, et en identifiant, pour chacun des trois sujets traités, la ou les idées principales qui sont ressorties des discussions et également quelques renseignements sur les résultats du sondage qu'on a fait.

Alors, le premier bloc de recommandations porte sur le cinémomètre photographique ou photoradar. Ce qui ressort principalement des discussions de cet atelier, c'est que, premièrement, 81 % des participants étaient favorables à l'utilisation du photoradar comme moyen de contrôle des excès de vitesse mais selon différentes conditions d'implantation qui se retrouvent dans les recommandations qu'on va voir tout à l'heure.

Aussi, les participants ont identifié trois conditions de succès pour l'acceptation de cette mesure par le public: premièrement, l'appareil ne doit pas servir à taxer les usagers; deuxièmement, il faut mettre en place une signalisation adéquate pour éviter de piéger les usagers; et, finalement, il faut assurer la confidentialité des contrevenants.

Alors, dans cette optique-là, nous avons retenu trois recommandations qui sont les suivantes: premièrement, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec l'utilisation du cinémomètre photographique comme moyen de contrôle des excès de vitesse en autant que son utilisation soit limitée aux endroits où sont identifiés des problèmes de sécurité reliés à la vitesse des véhicules; deuxièmement, que les autorités compétentes établissent les critères de choix de sites et les fassent respecter; et, troisièmement, que les fonds recueillis soient dédiés à des projets routiers.

Deuxième recommandation. Les participants recommandent au gouvernement du Québec que l'introduction du cinémomètre photographique se fasse en respectant les critères d'implantation suivants: premièrement, la mise en oeuvre d'un projet-pilote; deuxièmement, l'organisation d'une campagne de sensibilisation étendue; ensuite, la mise en place d'une signalisation normalisée sur le tronçon contrôlé; un délai de traitement de 10 jours au moins; et l'inclusion de la photo de la plaque d'immatriculation à la contravention.

(10 h 20)

La dernière recommandation est que les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec d'imputer la contravention au propriétaire du véhicule sans allouer de points d'inaptitude. Ça complète le premier bloc.

Le deuxième bloc de recommandations concerne la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Ce qui est ressorti ici, c'est que 67 % des participants étaient favorables à ce que le gouvernement resserre la sévérité des sanctions en matière de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Toutefois, les gens croient que l'accent doit être mis, d'abord et avant tout, sur les interventions qui visent les récidivistes et les personnes ayant un fort taux d'alcoolémie. Donc, de ces discussions-là, on a retenu cinq recommandations.

Premièrement, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec d'allonger à trois mois la suspension immédiate du permis de conduire au lieu de 15 jours, comme c'est le cas actuellement. Ici, les gens ont voté en faveur de cette recommandation à 53 %.

Ensuite, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec de mettre en place un système gradué de sanctions en fonction du taux d'alcool dans le sang, mais uniquement en ce qui concerne l'obligation d'aller en évaluation pour conduite avec une alcoolémie supérieure à 0,16.

La suspension du permis de trois mois pour conduite avec un taux d'alcoolémie se situant entre 0,04 et 0,08 devrait faire l'objet d'études plus poussées avant d'être mise en application. Ici, les gens se sont questionnés sur la menace réelle que représente ce groupe, et se demandent combien d'entre eux causent vraiment des accidents, et ne perçoivent pas ce groupe-là comme une vraie cible à viser.

Recommandation n° 6. Les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec d'instaurer le zéro alcool pour les conducteurs professionnels qui prennent le volant dans le cadre de leurs fonctions. Ici, les gens étaient favorables à 68 %.

Ensuite, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec de permettre le dépistage systématique lors des barrages routiers. Toutefois, il y avait une petite réserve ici. Même si les gens ont voté à 63 %, ils étaient favorables, mais ils levaient un petit drapeau, à savoir: attention qu'il n'y ait pas d'abus. Et les gens étaient bien préoccupés par l'effet que ça pouvait avoir sur la congestion. Donc, il fallait que ce soit fait dans des conditions qui ne gênent pas trop la circulation.

Dernière recommandation. Les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec d'étudier plus profondément l'impact familial et social de la suspension des indemnités aux personnes incarcérées et d'élargir le débat au niveau de la société avant d'aller de l'avant avec cette mesure. Alors, ça complète le deuxième bloc de recommandations.

Le troisième bloc porte sur le virage à droite sur feu rouge. Ici, 65 % des participants étaient favorables à l'introduction du virage à droite sur feu rouge mais selon différentes conditions d'implantation qui se retrouvent dans les recommandations qu'on va voir tout à l'heure. Les participants favorables au virage à droite sur feu rouge provenaient principalement du domaine privé, des sociétés de transport et de certaines municipalités comme celles de l'Outaouais.

Les arguments favorables évoqués étaient essentiellement la réduction de la pollution et de la consommation d'énergie, l'augmentation de la fluidité de la circulation, la diminution des pertes de temps, notamment durant les heures creuses, le maintien de l'uniformité du Code de la sécurité routière avec le reste de l'Amérique, surtout dans un contexte où on voit les déplacements transfrontaliers augmenter.

Maintenant, les participants qui étaient défavorables à cette pratique provenaient principalement du domaine de la santé publique, des regroupements pour personnes à capacités réduites et de certaines villes comme la ville de Montréal. Les arguments défavorables évoqués étaient essentiellement la sécurité des usagers vulnérables, le fait que les résultats de certaines études indiquent une augmentation d'accidents sur virage à droite après l'introduction du virage à droite sur feu rouge, qu'il existe d'autres moyens plus sécuritaires pour améliorer la mobilité et réduire la consommation d'énergie et que cette mesure représente des coûts d'implantation pour les municipalités.

Alors, de ces discussions découlent quatre recommandations. Tout d'abord, à 65 %, comme je le disais tout à l'heure, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec d'aller de l'avant avec l'implantation du virage à droite sur feu rouge selon le mode généralement permis, avec restriction spécifique.

Ensuite, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec de considérer les critères suivants dans le choix des sites où le virage à droite sur feu rouge ne serait pas permis, et ce, pour assurer la sécurité des usagers vulnérables: tout d'abord, le nombre de piétons, l'achalandage, la présence d'une zone scolaire, d'une piste cyclable ou d'une voie réservée, la configuration géométrique du carrefour et la présence de véhicules lourds.

Ensuite, les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec de prendre en compte les conditions d'implantation suivantes lors de l'introduction du virage à droite sur feu rouge: une campagne promotionnelle étendue, une signalisation normalisée, un renforcement de la présence policière et l'application de sanctions sévères pour les contrevenants.

Enfin, la dernière recommandation. Les participants du forum recommandent au gouvernement du Québec de débuter l'introduction du virage à droite sur feu rouge par un projet-pilote. C'est tout.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est terminé ou vous avez d'autres commentaires?

M. Champagne (Benoit): Un petit commentaire. Donc, c'est sur cette note que se conclut notre présentation. Je vous inviterais à ce moment à nous soumettre toute question qu'auraient pu susciter nos recommandations, et c'est avec plaisir que je tenterai d'y répondre ou, avec votre permission, que je déléguerai à l'un ou l'autre de mes collègues. Merci beaucoup de votre attention.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Alors, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, merci, M. Champagne, M. Audet, Mme Lacoste. Tout d'abord, si j'ai bien compris, pour bien situer votre intervention, c'était un ensemble de spécialistes de la sécurité routière ou de la science des routes qui étaient réunis lors de ce forum-là. Combien vous aviez de participants à votre forum?

M. Champagne (Benoit): Il y avait exactement 77 personnes.

M. Chevrette: Venant de combien de sources? Par exemple, policière, municipale. Est-ce que vous pouvez nous donner quels étaient les champs de juridiction qui étaient représentés à ce forum?

M. Champagne (Benoit): Au niveau du domaine privé, de l'entreprise privée, donc on parle de consultants en ingénierie, on parle de fournisseurs, il y avait 31 personnes, ce qui représente environ 40 % de l'assistance; au niveau des associations ou regroupements en transport, 11 personnes, pour 14 %; il y avait 10 représentants des municipalités, ce qui représentait 13 % de l'assistance; 10 représentants des différents paliers gouvernementaux, 13 % de l'assistance; sept représentants du domaine de la santé publique, environ 9 %; quatre représentants des sociétés en transport, 5 %; deux représentants du milieu universitaire, 3 %; et deux représentants des corps policiers, 3 %.

M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, prenons le cinémomètre dont on a parlé lors de nos remarques préliminaires. Vous étiez dans la salle, vous avez pu écouter. Vous avez sans doute eu des analyses beaucoup plus serrées que nous, à part ça, au niveau de ce forum-là. Est-ce qu'on vous a mis au courant des études qui se sont faites ailleurs dans le monde et qui, par exemple, permettent à la SAAQ aujourd'hui d'affirmer que ce qui se passe, par exemple, en Australie, si on transposait les chiffres ici, c'est près de 100 vies humaines... ou éviter 100 décès annuellement? Est-ce que ces chiffres-là vous apparaissent, selon vos sources, vraisemblables?

M. Champagne (Benoit): Évidemment, une partie importante, tel que l'on mentionnait précédemment, lors du forum, afin que les gens puissent discuter de ces questions-là de façon éclairée, nous avons procédé avec une revue de la littérature et une revue des différentes recherches et expériences qui ont été conduites à différents endroits. Ces revues-là, ces recherches-là ont été présentées aux gens afin de leur donner vraiment de la viande pour pouvoir en discuter, et puis il semblait y avoir un consensus au niveau des conclusions qui avaient été tirées de ces recherches-là. Évidemment, c'est toujours par projections que l'on fait une application ici, mais il n'y a pas eu de controverse à ce niveau-là.

M. Chevrette: Nous aurons une démonstration par la firme Lockheed Martin, je crois, au cours de... C'est cette semaine?

Une voix: Le 10 février.

(10 h 30)

M. Chevrette: Le 10 février, excusez. On aura une démonstration de faite pour bien rassurer les gens, là, sur la façon dont ça peut se faire, ça. On parle, par exemple, d'identification. J'écoutais le député de Saint-Laurent dire: Il y a des droits. Oui, il y a des droits, mais il y a une façon d'être très précis puis d'acheminer à la personne exclusivement l'immatriculation, mais être certain, par le système que l'on a, qu'on ne se trompe pas d'auto. Soyez sans crainte, on va faire la démonstration ici, vous montrer qu'il y a des précautions, qu'il n'y a pas de points de démérite naturellement, parce que ça peut être mon fils qui est au volant de mon auto puis, si je pénalisais l'auto, je pénaliserais le propriétaire qui n'est pas nécessairement le conducteur.

Il y a une foule de choses qu'on pourra donner dans le détail pour démontrer que ce n'est pas le drame du siècle et que déjà les citoyens, si je me fie sur vos sondages, les connaisseurs même disent que c'est accessible puis ça peut constituer une mesure de sécurité routière extrêmement avantageuse si on veut conserver le bilan qu'on a ou même l'améliorer. Mais, déjà, c'est difficile de le conserver, on se rend compte, 1999 par rapport à 1998. Si on veut conserver un bilan routier enviable, il faut prendre des moyens additionnels, et le cinémomètre peut être quelque chose d'intéressant.

Pour ce qui est du virage à droite, vous proposez un projet-pilote. Je dois vous dire qu'à l'oeil ça me plaît. L'objectif n'est pas de bulldozer qui que ce soit, n'est pas pour rendre dangereuses les artères qui ne le sont pas, absolument pas. Pour celui ou celle qui sort un peu du Québec puis qui va aux États-Unis, avec des populations passablement plus grandes et plus fortes qu'ici, des populations de millions de personnes dans des villes, ça arrive fréquemment, il y a des virages à droite puis il y a des endroits où c'est marqué: Pas de virage à droite au feu rouge. Il y a des flèches puis il y a des signalisations existantes pour les autobus, pour... Je ne vois pas pourquoi on pousse toujours au drame quand on parle de quelque chose et qu'on ne pense pas qu'on est capable de mettre quelque chose d'intelligent.

Vous proposez un projet-pilote. Si j'avais à vous demander, par exemple: Est-ce que vous connaissez des zones ou des endroits qui sont meurtriers présentement sur la route, là, où la police a des difficultés? On n'est pas ici pour négocier les effectifs policiers, en passant, là; on est ici pour trouver une mesure de sécurité routière. Donc, à partir de là, est-ce qu'il y a des endroits que vous pourriez nous proposer si on allait vers un projet-pilote? Est-ce que vous seriez prêts au moins à envisager ça puis à nous dire: Bien, à partir de telles statistiques, il pourrait s'avérer que tel endroit ou tel endroit pourrait être pris comme un endroit expérimental?

M. Champagne (Benoit): De toute évidence, il nous ferait plaisir de collaborer avec le gouvernement à ce niveau-là. Je suis sûr qu'on pourrait, dans des délais très courts, en arriver avec une liste d'endroits potentiels pour l'application d'un projet-pilote, basée sur des données d'accidents, basée sur les listes des fameux points noirs qui sont mentionnés à plusieurs reprises. Ça serait quelque chose de très faisable et on serait fiers d'y participer.

M. Chevrette: Est-ce que vous proposez un projet-pilote à un endroit unique ou si on ne pourrait pas, au sein des 15 régions du Québec, avoir 15 endroits les plus meurtriers, par exemple, dans les régions pour bien démontrer que c'est une vue québécoise qu'on veut tester?

M. Champagne (Benoit): Évidemment, à ce moment-ci, je ne peux parler que de mon opinion personnelle. Cependant, je crois que ça serait une bonne chose de le répartir dans plusieurs régions pour éviter que des caractéristiques trop particulières à certains endroits viennent fausser les données si on ne prend en considération qu'une seule région ou quelques intersections rapprochées. En répartissant les projets-pilotes dans plusieurs régions, ça permettrait d'éliminer un petit peu les différents biais qui pourraient se présenter à certaines intersections et peut-être avoir une vue plus globale des effets de la réglementation.

M. Chevrette: Est-ce que, lors du forum, il a été question de l'effet bénéfique d'un virage à droite, par exemple, face à l'économie d'énergie et face à l'émanation des gaz à effet de serre?

M. Champagne (Benoit): Oui. Enfin, ça a été discuté. C'étaient des points qui ont été soulevés. Dans les principaux arguments des personnes en faveur de cette réglementation, il y avait de toute évidence l'économie de l'énergie et la réduction des gaz à effet de serre, la réduction du bruit, la réduction des vibrations aux intersections. C'étaient des arguments qui ont pesé dans la balance en faveur de la réglementation.

M. Chevrette: Quand vous analysez, parce que j'ai remarqué que, tout en donnant vos recommandations et les chiffres d'évaluation des pour et des contre... Est-ce que ça a fait l'objet de vives contestations ou bien si ça a été tout simplement une discussion de haut niveau?

M. Champagne (Benoit): Dans la mesure du possible, les discussions sont restées à un niveau civilisé, mais je dois avouer que les gens avaient quand même des points de vue parfois assez opposés, tenaient farouchement à leurs points de vue et protégeaient leur intérêt, dépendamment de leur spécialité et leur domaine d'intervention. C'est pour ça un petit peu que Mme Lacoste a mentionné également les chiffres. Malheureusement, on n'a pas eu de 100 %. On n'a jamais été capables de convaincre tout le monde de voter dans le même sens, sauf que ce qu'il y a eu d'intéressant, c'est que, au niveau des discussions et au niveau de la plénière qui a eu lieu vers la fin de l'activité, les recommandations ont été un petit peu nuancées, puis c'est là qu'on a pu tenir compte des arguments en faveur et des arguments en défaveur puis rajouter un petit peu des conditions, si on peut dire, à nos recommandations.

Oui et non, quand on pose juste la question, c'est blanc et noir, mais on sait qu'il y a toujours une palette de gris entre les deux. C'est pour ça qu'on a cru bon nuancer les résultats de notre sondage en fonction des discussions qui ont été faites dans l'espoir éventuellement, à l'époque, d'avoir un consensus, bien que des gens étaient quand même opposés, là, même s'ils ne représentaient que 30 % ou un pourcentage plus faible.

Mme Lacoste (Dominique): Si je peux me permettre, c'est certain que les discussions sur le virage à droite sur feu rouge étaient parfois polarisées et vives. Par contre, comment on s'est retrouvé avec une majorité en faveur, c'est que les gens qui étaient favorables étaient, comme je le disais tout à l'heure, beaucoup du génie-conseil du domaine privé. C'est des gens qui travaillent sur plusieurs études en circulation et en transport et qui sont habitués à analyser ce genre de situation là. Ce que je veux dire, c'est que c'est certain qu'à la base toute manoeuvre de circulation comporte des dangers et que le travail de ces gens-là, c'est de justement mettre en place des mesures d'atténuation pour éviter les accidents et rendre la circulation plus sécuritaire. Alors, c'est dans ce sens-là qu'ils se sont mis d'accord en faveur du virage à droite. C'est qu'ils y voient des avantages au niveau de la mobilité et se disent que c'est correct de le faire en autant que c'est fait de la bonne façon, en ayant des critères bien établis.

M. Chevrette: À date, je pense que c'est à trois endroits que... Il y a en Abitibi où on a des expériences; on a deux feux avec dispositifs de virage à droite également dans le Bas-Saint-Laurent; en Chaudière-Appalaches, une expérience à un endroit; Montérégie, aucune; Laurentides, Lanaudière, aucune; Mauricie, Centre-du-Québec, pas beaucoup; Outaouais québécois, aucune; Québec, non plus; Saguenay–Lac-Saint-Jean, non plus. Il y a quelques endroits. Il y a même des illégalités, me dit-on, dans des expériences ou il y a des initiatives locales qui seraient illégales au sens du Code de la sécurité routière du Québec.

Mais je retiens, en tout cas, la notion d'expérience-pilote et les bémols que vous y mettez, parce que l'objectif n'est pas d'arriver puis de permettre tout passage n'importe où, n'importe quand. Prenons les Américains. Dans les zones scolaires, ils sont passablement plus sévères qu'ici. En plus, il y a des clignotants, il y a une présence policière pratiquement à chaque fois qu'il y a une entrée et une sortie d'école, et même si c'est une route qui est assez passante. Je vous avoue qu'il y a une sévérité, pour y avoir été très souvent puis regardé ce qui se fait. Nous, il y a des écoles situées sur des routes intermunicipales qui permettent jusqu'à 70 km/h. C'est passablement plus élevé que le 10 mi/h aux États-Unis, ça.

Je pense qu'il y a des choses qu'on peut rendre permissibles, mais avec un encadrement intelligent, dépendant des situations, dépendant des endroits. Je pense qu'on n'est pas plus fous qu'ailleurs. On est capables de faire les choses correctement puis de se servir des expériences des professionnels que vous avez regroupées pour nous permettre, je pense, d'évoluer dans ce sens-là de façon correcte et d'être cohérents avec certains de nos discours.

(10 h 40)

On parle d'économie d'énergie puis on n'hésite pas à en dépenser à la tonne, puis on parle des gaz à effet de serre, parce qu'on est incapables... Par exemple, laisser un camion trois heures cracher son dévolu sur le pont Jacques-Cartier pour rentrer à Montréal, deux heures, trois heures, deux heures et demie, ça, ça devient cohérent. Moi, je m'excuse, mais on va essayer d'adopter un discours avec une très grande cohérence. On adhère à des principes, on adhère à des conventions internationales, on cherche de plus en plus à s'harmoniser dans les règles des poids-charges pour les véhicules entre l'Ontario et le Québec, entre les règles de transport. On va essayer de s'harmoniser le plus possible de façon cohérente.

Moi, je voudrais vous remercier sincèrement d'avoir pris la peine de créer un forum avec tous les impliqués, les personnes impliquées, le monde décisionnel dans le domaine. Je vous remercie d'avoir présenté un travail aussi sérieux que celui que vous avez présenté. Je suis convaincu que l'AQTR demeurera une association à qui on pourra demander des mandats d'ordre professionnel comme celui qu'on vous a confié. Je voudrais vous remercier officiellement.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le ministre. Alors, je passe maintenant la parole au député de l'opposition officielle, M. le député de l'Acadie, le porte-parole officiel.

M. Bordeleau: Je vous remercie. Alors, je voudrais d'abord vous féliciter pour votre mémoire. Je pense que vous apportez des points de vue qui sont intéressants. J'aimerais juste peut-être clarifier, pour comprendre. Le ministre vient de faire référence au fait que vous aviez eu un mandat du ministère. Est-ce que c'est un mandat pour tenir cette journée-là? C'est quoi, le mandat auquel on fait référence?

M. Champagne (Benoit): Lors du dépôt du livre vert, il y a eu la décision du conseil d'administration, dès le début, de mettre sur pied un forum pour réagir justement à ce document-là, puis c'est ce qui a été organisé. L'Association essaie de s'impliquer aussitôt qu'il y a des forums, puis évidemment, comme on l'a mentionné dans la longue énumération de la mission de l'AQTR au début, on essaie d'intervenir pour faire valoir l'intérêt, l'opinion de nos membres.

M. Chevrette: Je n'ai pas donné de mandat à la commission. C'est ça, votre question?

M. Bordeleau: Non, mais c'est parce que vous disiez le mandat, c'est pour ça...

M. Chevrette: Non. Ce que je dis, c'est que ça demeure une association à qui on peut confier des mandats, mais ce n'est pas...

M. Bordeleau: O.K. Il n'y a pas eu de mandat de la part du ministère de tenir une journée sur le livre vert.

M. Chevrette: Non. C'est très heureux, ce qu'ils ont fait, par exemple.

M. Bordeleau: O.K. Non, non. Je suis d'accord avec ça. Je voulais juste clarifier ça pour... Juste peut-être quelques points, parce que mes collègues ont aussi des questions qu'ils voudraient vous poser. Je vais juste prendre la question du cinémomètre. Vous arrivez à la conclusion, dans votre sondage, que 81 % des répondants sont favorables et vous faites la recommandation d'y aller avec l'utilisation, avec certaines réserves que vous mentionnez dans votre recommandation.

Tout à l'heure, vous étiez ici au moment où mon collègue de Saint-Laurent a fait certains commentaires concernant des aspects qui devaient être pris en compte au niveau juridique par rapport à l'implantation du cinémomètre. Quand je regarde les données de votre sondage, comme vous l'avez mentionné, 81 % souhaitent... Doit-il envisager l'utilisation du cinémomètre? Vous dites: 81 % ont répondu oui. Par contre, il y a d'autres données qui sont beaucoup plus partagées. Je pense ici à la question: À qui l'infraction devrait-elle être imputée? 39 % ont dit au propriétaire; 40 % ont dit au conducteur. Alors, c'est assez partagé de ce côté-là. Doit-il y avoir des points d'inaptitude? 44 % ont dit oui, il devrait y avoir des points d'inaptitude; 42 %, non. À qui les attribuer, dans l'éventualité où il y aurait des points d'inaptitude? 30 % disent au conducteur.

À partir de ces réserves-là qui sont quand même des réserves sérieuses parce qu'elles touchent exactement ce que mon collègue de Saint-Laurent a mentionné tout à l'heure, est-ce que vous avez trouvé des solutions pour peut-être pas contrecarrer mais faire disparaître les réserves qui pouvaient être exprimées de ce côté-là, à savoir que c'est bien beau mettre ça, mais, après qu'on va l'avoir implanté, le cinémomètre, il y a des conséquences, ça va être envoyé à quelqu'un? Là, les gens ne s'entendent pas de savoir si ça va être envoyé au conducteur ou au propriétaire. C'est très clair. Alors, est-ce que vous avez une réponse, suite à vos discussions, qui est claire à ce niveau-là? Est-ce qu'il doit y avoir des points d'inaptitude? Oui ou non? Ça aussi, c'est très partagé. Alors, je ne sais pas si vous avez une réponse à ces deux points-là. Et à qui les attribuer? On dit: Au conducteur, ce qui est certainement peut-être le plus logique, mais on sait très bien que l'application, tel qu'on y fait référence, ne permet pas de s'assurer que ça va être envoyé au conducteur directement.

Mme Lacoste (Dominique): Oui, je peux vous répondre à cette question. Tout d'abord, la question de savoir si on envoie au propriétaire ou au conducteur, dans l'esprit des gens, ce n'était pas une entrave à l'utilisation de cette mesure-là, c'était simplement un point à trancher d'un côté ou de l'autre. Là, on voit, dans le sondage, que c'est moitié-moitié à peu près. Ce qui n'apparaît peut-être pas dans ce tableau-là, c'est que, dans tous ceux qui voulaient que ce soit imputé au conducteur, oui, ils voulaient lui ajouter des points d'inaptitude, mais, dans l'esprit des gens – idéalement, oui, au conducteur – comme les gens trouvent que c'est très important de conserver la confidentialité et étant donné le problème que pose l'identification du conducteur, globalement, les gens ont convenu de se rabattre plutôt sur le propriétaire du véhicule et de traiter cette infraction-là au même titre qu'une infraction de stationnement. Est-ce que c'est plus clair?

M. Bordeleau: Écoutez, je comprends la réponse que vous nous apportez. Disons que ça ne me convainc pas qu'on apporte une solution à ce problème-là qui est un problème fondamental, à mon avis, par rapport à l'utilisation des cinémomètres. Je pense que ce n'est pas juste une question qui est secondaire ou qui est marginale par rapport au fait de dire: Oui, on va l'utiliser ou on ne l'utilisera pas. Ça me semble fondamental de s'assurer que c'est la personne qui est coupable qui reçoit le... Je pense que la réserve qui était là, en tout cas, à mon avis à moi, reflète un peu ce genre d'ambiguïté et de réserve aussi. Alors, je comprends votre réponse là-dessus.

L'autre point que je voulais aborder, c'était la question du virage à droite. Vous y avez fait référence, je pense, tout à l'heure dans votre présentation. Les gens qui avaient des réserves par rapport au virage à droite, c'étaient les gens qui venaient surtout des groupes de personnes handicapées, de personnes âgées. Parce que, effectivement, ce qu'on entend, ça correspond à ça. Les réserves qui nous viennent viennent souvent des piétons, notamment des personnes âgées, des personnes handicapées.

Est-ce que vous avez eu l'occasion, dans votre journée de discussions, d'atténuer ou avez-vous trouvé le moyen d'atténuer ces craintes-là chez ces catégories de personnes là? Parce que, au fond, si éventuellement le gouvernement décide d'aller dans ce sens-là, il va rencontrer les mêmes réserves. Les réserves vont venir de ces groupes-là. Je pense que c'est raisonnable que ces gens-là soient inquiets. Mais est-ce que vous avez trouvé des moyens ou est-ce qu'il y a des moyens de faire en sorte... Si vous n'en avez pas discuté, est-ce que vous trouvez qu'il y a des moyens que le gouvernement devrait utiliser pour faire en sorte que ces réserves-là soient atténuées chez ces catégories de personnes?

Mme Lacoste (Dominique): Bien, je ne sais pas si on a trouvé le moyen de les rassurer, sauf que les participants considèrent que – c'est un peu comme je disais tout à l'heure – à la base, toute manoeuvre de circulation comporte des dangers et les gens croient que cette manoeuvre-là peut être encadrée. C'est à ce moment-là une question d'y mettre des critères pour éviter les dangers. Donc, dans ce sens-là, on parlait de critères de piétons, de proximité des écoles, et tout ça. Donc, c'est de prendre en considération l'environnement, d'émettre des critères bien précis et de les respecter. À ce moment-là, les participants considèrent que c'est raisonnable de faire le virage à droite sur feu rouge dans un encadrement comme ça.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion, je ne sais pas si c'est durant votre journée ou... Est-ce que vous avez des documents ou est-ce que vous avez fait des réflexions là-dessus, sur les critères justement qui devraient être utilisés pour déterminer qu'un virage à droite, si on le permet généralement, devrait être restreint, par exemple, dans tel genre de conditions? Est-ce que vous avez des documents là-dessus, des données, à votre Association?

(10 h 50)

Mme Lacoste (Dominique): Disons que, en une heure et quart de discussions, on n'a pas eu le temps d'aller aussi loin. On a seulement pu émettre... Bon. Par exemple, on parle de piétons – là, il faudrait que je reprenne ce qui est mentionné dans la recommandation – le nombre de piétons, la présence d'une zone scolaire, d'une piste cyclable, d'une voie réservée, la configuration du carrefour ou la présence de véhicules lourds. On parlait des véhicules lourds, par exemple, parce qu'on sait que, quand un véhicule lourd fait un virage à droite, c'est un virage qui est large et qui peut empiéter sur la voie opposée. Donc, ça peut comporter des risques. On s'est arrêtés à ce stade-là.

M. Champagne (Benoit): Nous n'avons pas pu malheureusement établir des critères précis au niveau d'un certain débit ou de la quantité de piétons et de véhicules, parce que le but, en fait, n'était pas ça. Sauf que, si jamais ça devait déboucher sur un mandat pour l'Association, ça nous fera plaisir d'y voir.

Mme Lacoste (Dominique): C'est certain que, de se prononcer sur des critères comme ça, il faut faire une étude sérieuse, là. On n'arrive pas avec un chiffre magique en quelques minutes.

M. Audet (Jean): Puis, objectivement, il existe également de la littérature sur le sujet, disons, qu'on pourrait répertorier.

M. Bordeleau: Oui. C'est dans ce sens-là que je posais la question, justement.

Juste une dernière question, puis je vais laisser ensuite la parole à mes collègues. Sur la partie consacrée à la conduite avec capacités affaiblies par l'alcool, bon, de façon générale, je pense à peu près au même niveau pour toutes les propositions, vous suggérez qu'il y ait plus de contrôle d'exercé.

Je voudrais juste, peut-être, aborder la question 13 de votre sondage, où vous demandiez aux gens: Le gouvernement devrait-il adopter des mesures encore plus radicales pour cesser de verser des indemnisations aux personnes incarcérées à la suite d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies? Et 51 % disent oui, 33 % non, et les autres ne se prononcent pas.

Vous faites référence à ce problème-là d'une façon très rapide dans votre mémoire. Est-ce que c'est parce que vous considérez que le contexte de la consultation ne se prête pas directement à ça, puisque, de fait, comme je l'ai mentionné au début, il n'y avait aucune des propositions suggérées par le gouvernement qui traitait du problème de l'indemnisation des gens qui ont été condamnés pour conduite avec facultés affaiblies? Est-ce que vous souhaiteriez que ce débat-là ait lieu d'une façon beaucoup plus ouverte et qu'on aborde cette question-là dans un contexte où on ferait un peu une opération, le bilan du «no fault»? Pas dans le but de dire: Le «no fault», il faut rejeter ça complètement du revers de la main, là, ce n'est pas ça, l'objectif, mais qu'on ait l'occasion, dans un forum particulier, de discuter de questions comme celle que vous avez ajoutée, la question 13 qui ne fait partie d'aucune des propositions du livre vert et que vous avez jugé utile d'ajouter dans le mémoire. C'est que ça devait avoir une certaine importance pour les participants qui ont assisté à votre journée de réflexion sur le livre vert.

Mme Lacoste (Dominique): Bon. Avant de dire si on doit faire un forum pour remettre en question le «no fault»... Nous, on n'a pas du tout abordé cette question-là. Donc, je ne peux pas vous répondre à ce niveau-là. Sauf que ce que les gens ont dit à ce sujet-là, c'est que, clairement pour eux, c'était une question qui dépassait le cadre de la sécurité routière. Et là il faut voir qu'on s'adressait à des gens qui étaient habilités à ces questions-là de circulation, sécurité et transport. Donc, pour eux, ça dépassait le cadre de leur expertise. Ils n'ont pas voulu se prononcer formellement, à savoir: Oui, il faut; non, il ne faut pas. Et c'est pour ça qu'on dit que, nous, on pense que ça doit faire l'objet d'un autre débat. C'est ce que je voulais dire.

M. Bordeleau: Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre. Après ça, M. le député.

M. Chevrette: Oui. Ça allait dans le même sens que le député de l'Acadie. Je voulais revenir sur la question globale du «no fault». Avez-vous senti qu'il y avait du monde qui voulait remettre en question le «no fault»?

M. Champagne (Benoit): Non, pas en tant que tel. Comme disait Mme Lacoste, l'impression que nous avons eue des discussions était à l'effet que ça sortait un petit peu du cadre de l'expertise des gens en présence et que ça avait des implications sociales dont... Les gens ne se sentaient pas tout à fait habilités à émettre une recommandation ferme. C'est pour ça que notre recommandation vise à demander une plus grande étude, une étude plus approfondie de la situation, peut-être en incluant d'autres spécialités qui tiendraient compte du point de vue social puis de toutes ces implications.

M. Chevrette: C'est parce que la question me faisait penser aux fait suivant: 650 000 Québécois depuis 20 ans, 22 ans ont été indemnisés pour environ 7 000 000 000 $ sans aucuns frais d'avocat, sans aucune poursuite, sans avoir un 25 % à 30 % de moins d'indemnité. Et c'est pour ça qu'on peut changer des indemnités, comme on a fait au cours de l'automne en changeant les indemnités de décès, en améliorant des indemnités, mais sans remettre en question fondamentalement le système de non-responsabilité qui, au départ, a reçu l'assentiment d'à peu près 20 % du monde. Puis, selon les derniers sondages, environ 85 % du monde ne voulait plus qu'on retouche au système de non-responsabilité, de le garder, tout en améliorant bien sûr, en modifiant des choses. Bien, je ne crois pas que, à part certains individus, on veuille remettre en question fondamentalement le système de non-responsabilité. Quand on regarde ces chiffres-là, ils parlent d'eux-mêmes.

Il y a 22 ans, un individu qui avait un accident d'auto, qui était trois ans sans travailler, était trois ans en procès ou à peu près, et qui recevait, au bout de trois ans, une indemnité de 50 000 $, il en devait 20 000 $ à son procureur. C'est normal que des gens veulent se battre pour aller chercher une part du gâteau de cela. Mais, nous, je pense, collectivement, on est en droit de défendre la grande majorité de la population. C'est notre devoir fondamental. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on ne veut pas remettre nécessairement en question le système. On peut écouter et améliorer le système, mais sans le remettre en question. Est-ce que vous avez senti que c'était ça qui se reflétait?

Mme Lacoste (Dominique): Bien, pour avoir épluché les rapports d'atelier de tous les animateurs, je peux vous dire qu'à aucun endroit on soulevait le fait de remettre en question le «no fault». Je pense que ce qui se traduit ici dans la treizième question du sondage, c'est qu'on a eu une petite majorité de personnes qui souhaitait intensifier des mesures comme celles-là. Le plus loin qu'ils ont pu aller, c'est de dire: Bien, peut-être qu'à la limite l'indemnité pourrait être versée , pas aux descendants, là, mais aux...

M. Chevrette: Dépendants.

Mme Lacoste (Dominique): ...dépendants – merci, M. Chevrette – s'il y en a. Mais ils ne veulent pas aller plus loin là-dessus.

M. Chevrette: Une très petite question. Vous avez entendu parler – je ne sais pas c'est quel groupe, là, je ne me souviens pas, j'ai un blanc de mémoire – d'augmentation de vitesse sur les autoroutes. Je ne me rappelle plus, c'est la semaine dernière, je crois, quel groupe a parlé de cela. Quelle est votre réaction à l'augmentation de vitesse, vous, comme groupe?

M. Champagne (Benoit): Encore une fois, ce n'est pas un sujet qui avait été débattu lors de la discussion. Donc, je...

M. Chevrette: Donc, je fais appel à votre...

M. Champagne (Benoit): À mon opinion personnelle.

M. Chevrette: ...opinion personnelle, c'est ça.

M. Champagne (Benoit): Pour avoir assisté à plusieurs colloques, à l'Association, qui parlaient des limites de vitesse et ces choses-là, la plupart des membres, et encore là avec toutes réserves, ont pour opinion que les limites de vitesse doivent refléter, entre autres, la conception des infrastructures. Je pense, le dernier commentaire concernait les autoroutes, mais la question est aussi valide dans les milieux urbains et dans les rues résidentielles, ces choses-là. Et puis les membres de l'Association, dans les colloques qu'on a eus, étaient comme d'accord, toujours sous toutes réserves, à dire que les limites de vitesse doivent être adaptées aux conditions géométriques ou, si on veut des limites plus basses, réviser à ce moment-là les routes. C'est sûr que, avec des boulevards urbains à six voies, imposer une limite de vitesse à 50 km/h ou même, comme on a déjà vu, à 30 km/h, ce n'est pas logique et puis ça encourage les désobéissances. Donc, au niveau des autoroutes, on n'a pas consulté nos membres sur la pertinence d'augmenter la limite à 120 km/h, mais le point de vue à présent de l'Association était que la limite de vitesse doit être en concordance avec les infrastructures en question.

(11 heures)

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Alors, il n'y a plus de temps pour la partie ministérielle, mais il reste 7 min 30 s pour l'opposition. M. le député de l'Acadie va parler quelques minutes et, après, vous pourrez parler, M. le député d'Argenteuil.

M. Bordeleau: Oui. En fait, juste faire un commentaire suite à l'intervention du ministre concernant la question du «no fault». D'abord dire clairement – et puis on va le dire au début pour que ça soit clair toute la balance de la consultation – que, quand on parle de se pencher sur le «no fault», il n'est pas question de dire: Il faut abolir le «no fault». C'est qu'il y a des aberrations dans le système. Je pense que, quand le ministre nous dit qu'il n'y a pas de demande là-dessus – d'ailleurs il ne faut pas se fier au cadre de la consultation comme tel, j'y reviendrai de façon plus spécifique – il faut se rappeler qu'il y a 150 000 personnes qui ont signé des pétitions demandant de se pencher sur certains modes de fonctionnement du système du «no fault», qu'elles trouvent aberrants. Et c'est dans ce contexte-là que – 150 000 personnes – je pense que le gouvernement devrait permettre à ces gens-là de dire ce qu'ils ont à dire dans un cadre qui le permet et non pas dans le cadre qu'on retrouve dans ce projet de loi. Parce que je trouve ça même très bien, puis on verra au cours de la consultation qu'il y a plusieurs mémoires qui vont y faire référence malgré le fait que la consultation ait été organisée pour ne pas en parler.

Si vous regardez dans le livre vert, il y a une page qu'on a mise dans un autre caractère pour justifier le «no fault», mais, par contre, on dit aux gens qui lisent ça: N'en parlez pas, par exemple, parce qu'on n'en parle pas dans les propositions. Répondez à quatre questions. Voilà les quatre questions. Dans ces questions-là, il n'y en a pas une qui touche à la question du «no fault». Et c'est la raison pour laquelle j'ai dit au début que ce n'est pas dans ce cadre-ci de cette consultation particulière qu'on va régler la question du «no fault».

Je n'accepte pas que le gouvernement ne permette pas à des gens, des citoyens du Québec qui nous élisent ici, de dire ce qu'ils ont à dire par rapport au «no fault». Quand il y a 150 000 personnes qui ont signé des pétitions, qui vivent des difficultés, je ne vois pas de quel droit le gouvernement empêche ces gens-là de se prononcer. Et c'est la raison pour laquelle, malgré encore là le fait que cette consultation-là n'ait pas été organisée pour permettre l'expression de ces points de vue, on verra qu'il y a un grand nombre de mémoires qui vont être présentés qui vont en traiter malgré tout, de ce problème-là. Et le gouvernement devrait finir par s'ouvrir les yeux et permettre qu'il y ait un vrai débat sur cette question-là sans penser qu'un débat veut dire qu'il faut abolir tout le système. Ce n'est pas ça qu'on leur dit et ce n'est pas ça que ces gens-là disent non plus. Alors, je laisse la parole à mon collègue qui avait une autre question.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Oui. Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs. Au niveau des gens qui étaient contre le virage à droite sur feu rouge, un des points de leur argumentation était le coût qui pouvait être engendré au niveau de l'implantation pour les municipalités. À l'intérieur de votre forum, vous aviez des municipalités, des firmes d'ingénierie, des gens qui certainement travaillent au niveau de l'implantation de feux de signalisation. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quel pourrait être le coût de l'implantation de cette mesure-là? Par exemple, pour une ville comme Montréal ou pour une ville comme Québec, c'est sûr qu'il y a un coût qui peut être assez faramineux. On sait ce que ça coûte au niveau des lumières, puis changer des panneaux, et tout ça. Je pense que c'est une question importante. Est-ce que vous avez fait un débat à savoir quel va être le coût pour l'ensemble de la société québécoise d'implanter une telle mesure?

M. Champagne (Benoit): Non, malheureusement, nous n'avons pas essayé d'évaluer en termes de dollars le coût de ces mesures-là. Ça dépend évidemment de beaucoup de facteurs. Ça dépend des équipements en présence, ça dépendrait éventuellement des critères d'implantation, à savoir les endroits où on les implanterait, les endroits où ne les implanterait pas. Ce n'était pas un des buts du forum, et ça n'a pas été fait. Donc, malheureusement je n'ai pas de chiffres d'estimés pour vous dire, à la grandeur de la province, combien ça pourrait coûter.

M. Whissell: Mais, avec tout le respect que j'ai pour votre réponse, vous ne pensez pas que c'est un élément important? Je veux dire, il y a des municipalités... Si le coût, je ne sais pas, pour la ville de Montréal, c'est 50 000 000 $, puis demain matin il y a une loi qui tombe, comment on va financer l'implantation?

M. Champagne (Benoit): C'est effectivement une préoccupation au niveau du financement. Malheureusement, ça n'a pas été abordé, comme je l'ai mentionné. Mais, évidemment, j'imagine que ça seraient des dépenses à opposer à des possibles gains au niveau, comme on parlait, d'économie d'énergie ou au niveau de la société en général. Il y aurait peut-être une analyse bénéfices-coûts qu'il serait pertinent de mener à terme à ce niveau-là, qui pourrait aider au niveau de la prise de décision d'adopter ou non par réglementation.

M. Whissell: Mais, normalement, les feux de signalisation sont sur des routes municipales. Alors, si le gouvernement du Québec, demain matin, adopte et va en faveur d'un virage à droite sur feu rouge, la facture, elle ne va pas au gouvernement du Québec, elle va aux contribuables municipaux.

M. Champagne (Benoit): Effectivement. Et, personnellement, pour travailler pour une municipalité, si un programme d'incitatifs ou de subventions était offert en partenariat avec le programme, ça serait sûrement également bienvenu des municipalités.

M. Whissell: Honnêtement, pensez-vous que le gouvernement va proposer un partenariat pour l'implantation des modifications au...

M. Champagne (Benoit): Je ne peux pas parler pour le gouvernement. Au niveau des municipalités, je le souhaiterais. Mais ça pourrait également faire l'objet d'une implantation progressive. Chaque municipalité, chaque année, renouvelle une partie de ses équipements soit par usure tout à fait normale, soit par accident, soit par vandalisme, et puis j'imagine qu'il y aurait moyen, dans un certain pourcentage, de phaser l'implantation de ces mesures-là sur peut-être quelques années, de sorte que l'impact immédiat sur les budgets des municipalités n'en souffrirait pas trop.

M. Whissell: Au niveau des taux d'alcool, vous parlez d'un système gradué. Bon. Vous parlez de peut-être 0,04 à 0,08. On pourrait l'inclure maintenant comme étant non conforme et avec des pénalités, mais vous ne proposez rien. Quand vous parlez de système gradué, est-ce que vous allez avec un taux qui augmente de 0,02, 0,04?

Mme Lacoste (Dominique): Oui. Ce qu'on dit dans le rapport, c'est que les gens sont favorables à une graduation à 0,16. Par contre, ils le sont moins en ce qui concerne le 0,04, parce que, selon eux, ça mérite une étude plus poussée avant d'affirmer que ce groupe-là représente un danger réel. À ce moment-là, ce qu'on peut interpréter, c'est qu'on resterait au 0,08 et on aurait un 0,16.

M. Whissell: Les deux, c'est une zone.

Mme Lacoste (Dominique): C'est ça.

M. Whissell: Entre 0,08 et 0,16, vous considérez ça comme...

Mme Lacoste (Dominique): Oui.

M. Whissell: Vous utilisez aussi la notion de chauffeur professionnel. On le reprend aussi dans le document du ministère. C'est quoi, votre définition de «chauffeur professionnel»? Ça inclut quel type de chauffeur?

Mme Lacoste (Dominique): Bien, dans notre esprit, c'étaient, par exemple, les camionneurs, les chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de taxi.

M. Whissell: ...inclure, je ne sais pas, moi, les policiers ou les chauffeurs de ministre.

Mme Lacoste (Dominique): Tout à fait. Ce sont des professionnels au volant.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, le temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup de votre présentation et de votre travail. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Barbeau): Je demanderais à M. Lawrence Lord de prendre place, s'il vous plaît. Je ne sais pas si j'ai bien prononcé votre nom.

M. Lord (Lawrence): Oui, oui.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui? Ça va? Alors, dans votre cas, M. Lord, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et il y a une période de 10 minutes de chaque côté, du parti ministériel et de l'opposition, pour vous poser des questions.

M. Lord (Lawrence): Oui. D'accord.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, si vous êtes prêt à nous présenter votre mémoire.

M. Lord (Lawrence): Assez prêt. Plus ou moins.

La Présidente (Mme Barbeau): Plus ou moins. Bien, on va vous écouter attentivement.


M. Lawrence Lord

M. Lord (Lawrence): Merci. Bonjour, M. le ministre, Mme la Présidente, M. le vice-président, membres de la commission. Je suis content d'avoir l'opportunité de présenter mon mémoire à la commission des transports et de l'environnement, Le casque protecteur et le Code de la sécurité routière .

Les casques de vélo sont des accessoires utiles pour réduire le risque minimal d'une blessure grave ou fatale à la tête, mais ils n'évitent aucun accident. Beaucoup d'autres cyclistes comme moi trouvent cette précaution inconfortable, embêtante et excessive au point de les dissuader de faire des sorties à bicyclette. Disons que, pour moi, rouler avec un casque, je roule à bicyclette, mais je roule avec moins de plaisir.

Maintenant, si après avoir éduqué les cyclistes à propos des bénéfices du casque protecteur, le taux de port est de, disons, par exemple, 50 %, aucune obligation n'est souhaitable. Les gens ont fait leur propre choix, sans contrainte. Si 50 % préfèrent rouler sans casque, respectons leur choix, même si on n'est pas tout à fait d'accord avec ça.

(11 h 10)

Je suis en accord avec les règles en vigueur maintenant. Elles essaient d'assurer la bonne circulation pour que les cyclistes ne gênent personne, par exemple rouler sur le trottoir, et ne soient pas un «hazard», par exemple rouler contre la circulation.

Comme adultes, nous faisons, chacun, de nombreux choix, lesquels affectent la qualité et la durée de notre vie. Fait-on absolument le maximum pour vivre le plus longtemps possible avec le moindre risque de grave maladie ou d'accident? Par contre, l'opposé demeure un choix. Mais la grande majorité des personnes font un choix entre ces deux extrêmes et acceptent facilement quelques risques choisis par eux-mêmes. Chaque activité dans la vie comprend un degré de risque de blessure sérieuse ou de décès. Souvent, il est tout à fait normal d'obliger des adultes à prendre des précautions sécuritaires qui leur déplaisent, parce qu'ils présentent un danger pour les autres, sinon on devrait être libre de prendre nos propres décisions concernant notre sécurité. Cette liberté de choix est quelque chose de très précieux que je pense que nous devrions sauvegarder. Pour vous donner quelques exemples, il ne serait pas normal d'interdire d'être dehors sans écran solaire – on risque toujours un cancer de peau fatal – ou de nager sans gilet de sauvetage – même les bons nageurs risquent la noyade. Et je pourrais vous donner quelques autres exemples aussi, mais je pense que deux, ça suffit.

Maintenant, à propos des enfants, des jeunes en général, ils n'ont pas toute la maturité des adultes pour faire leurs propres choix. Ils ne sont pas conscients de tous les dangers et de tous les risques, de tout ce qui peut leur arriver dans la vie. Alors, c'est tout à fait normal qu'on ne leur donne ni toutes les responsabilités ni tous les droits des adultes. Alors, faut-il les obliger à porter le casque? Bien, je ne peux pas vous répondre sur ces questions. C'est quelque chose qu'on doit regarder, mais d'une façon différente que de regarder le choix d'un adulte. Alors, j'aimerais que le gouvernement du Québec ne rende pas obligatoire les casques de vélo aux adultes et qu'il soit interdit aux municipalités, etc., de le faire.

Travailler pour la sécurité routière est un but très louable. Les cyclistes devraient peut-être réussir un court examen en théorie et en pratique parce que, malheureusement, plusieurs ne respectent pas le Code tel quel. Une autre chose, une autre possibilité aussi pour réduire les coûts, c'est de peut-être exiger ce permis de rouler à bicyclette avec une assurance, un permis vendu avec une assurance par la Société de l'assurance automobile du Québec, avec deux primes: une prime avec casque et une prime sans casque. Et les primes seront, disons, égales en proportion des risques que cela entraîne et les risques d'indemnisation. De plus, la police pourrait appliquer plus strictement les règlements existants. Une telle approche respecte le droit des adultes de faire un choix sans contrainte à propos de leur propre sécurité en réduisant encore les blessures graves et fatales. En même temps, personne ne serait inutilement découragé de faire de la bicyclette, une activité qui est fort bien pour la santé.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est tout?

M. Lord (Lawrence): Non.

La Présidente (Mme Barbeau): Non? O.K.

M. Lord (Lawrence): C'est presque tout.

La Présidente (Mme Barbeau): Non, il n'y a pas de problème, vous avez du temps. C'est parce que vous avez fait une expression faciale, j'avais l'impression que vous aviez terminé. C'est beau. Allez-y.

M. Lord (Lawrence): Non, je voulais tout simplement ajouter que je pense que nous apprécions et devrions conserver notre liberté de choix à condition de ne pas menacer la tranquillité et la sécurité des autres et parce que cela me manquerait. Et pas vous? Alors, il me ferait plaisir maintenant de répondre à vos questions et à vos commentaires.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup, M. Lord. Est-ce que c'est la première fois que vous présentez un mémoire en commission parlementaire?

M. Lord (Lawrence): Non, c'est la deuxième fois.

La Présidente (Mme Barbeau): La deuxième fois? C'est toujours un petit peu impressionnant. Ha, ha, ha!

M. Lord (Lawrence): Ah oui!

La Présidente (Mme Barbeau): Mais je vous remercie pour votre participation.

M. Lord (Lawrence): J'aurais besoin d'un peu plus de pratique, mais...

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, mais vous pouvez revenir; vous êtes le bienvenu.

M. Lord (Lawrence): O.K.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci pour votre participation à la vie démocratique. Maintenant, je passe la parole au ministre pour les questions.

M. Chevrette: Merci, M. Lord. Je vais essayer avec vous non pas de vous mettre en boîte, mais de vous soumettre certaines difficultés que j'ai comme ministre face à des solutions concrètes, et j'espère que vous allez m'aider.

Tout d'abord, dans votre mémoire, au paragraphe 2, vous dites ceci: «Les casques vélo sont des accessoires utiles pour réduire le risque minimal d'une blessure grave ou fatale à la tête, mais ils n'évitent aucun accident. Beaucoup d'autres cyclistes, comme moi, trouvent cette précaution inconfortable, embêtante et excessive au point de les dissuader de faire des sorties à bicyclette.»

Il y a 26 morts par année, 3 157 accidents. C'est du monde, ça. Est-ce que vous croyez qu'on doit faire primer le confort de l'individu sur les risques d'accidents de 3 157 personnes?

M. Lord (Lawrence): Bien, ça dépend. Pour moi, les risques sont acceptables pour les adultes quand on les choisit nous-mêmes et qu'on ne menace personne d'autre.

M. Chevrette: O.K.

M. Lord (Lawrence): Alors, c'est malheureux qu'on ait des décès et des accidents, mais le taux des décès et des accidents, si je comprends bien, depuis plusieurs années, ça descend, on en a beaucoup moins qu'avant, et on fait ça sans mesure de contrainte pour...

M. Chevrette: La liberté individuelle que vous prônez, si on n'était pas dans un régime de responsabilité collective, je vous suivrais plus. Mais, si votre liberté individuelle vient causer, dans une somme collective... Par exemple, prenez un enfant de 14 ans qui tombe sur le crâne, qui a un traumatisme crânien, puis qui vit jusqu'à l'âge de 70 ans payé par la collectivité. Est-ce que vous croyez que, à un moment donné dans la vie, il doit y avoir des contraintes qui peuvent venir d'une collectivité qui paie pour un individu ou si la liberté individuelle doit régner partout, partout, partout?

M. Lord (Lawrence): Bien non, parce que, comme j'ai dit, pour les enfants et les jeunes, disons, les personnes âgées de moins de 18 ans, je ne suis ni pour ni contre l'obligation de porter un casque. C'est une question différente parce qu'ils n'ont pas la maturité pour prendre une décision. Alors, je laisse plutôt la commission et plutôt les membres du...

M. Chevrette: Mais recommandez-vous que le jeune soit obligé de porter le casque?

M. Lord (Lawrence): Ah! je recommande... Je ne suis ni pour ni contre.

M. Chevrette: Vous êtes ni pour ni contre, bien au contraire.

M. Lord (Lawrence): Je ne sais pas si le danger est tellement excessif que je dirais: Bon, il faut absolument le faire. Je serais plutôt pour, disons, un petit cours théorique et pratique pour que les cyclistes sachent le Code de la sécurité routière.

M. Chevrette: Est-ce que vous vous attachez en auto?

M. Lord (Lawrence): Est-ce que je suis...

M. Chevrette: Est-ce que vous mettez votre ceinture de sécurité en auto?

M. Lord (Lawrence): Oui, je la mets presque toujours.

M. Chevrette: Parce que c'est obligatoire ou parce que, si vous voulez, c'est une mesure de sécurité?

M. Lord (Lawrence): Bien, je la mets parce que c'est obligatoire et je la mets aussi parce que, pour moi, c'est une mesure de sécurité qui ne me gêne pas beaucoup, très peu. Alors, je dis: Pourquoi ne pas le faire?

M. Chevrette: Vous savez qu'en sécurité la ceinture, les campagnes de promotion, les campagnes incitatives ont fait en sorte que peut-être 40 % des citoyens s'attachaient. Lorsqu'on est arrivé avec du coercitif, ce pourcentage est passé de 40 % à 90 %, 95 %, 97 % ou 98 %. Et aujourd'hui on a développé une habitude, puis c'est un réflexe de sécurité que de mettre sa ceinture. Est-ce que vous ne pensez pas que, dans la pratique du vélo, ça peut être la même chose un jour?

(11 h 20)

M. Lord (Lawrence): Bien, ça pourrait être un réflexe, mais le problème, c'est que, pour beaucoup de gens comme moi, de porter un casque, ça gêne, ça embête, ça donne moins de plaisir en roulant à bicyclette que sans casque.

Vous m'avez demandé aussi les coûts de payer pour quelqu'un qui nécessite une hospitalisation et puis...

M. Chevrette: Même, ça pourrait aller jusqu'à une incapacité de travailler le reste de ses jours.

M. Lord (Lawrence): O.K. Alors, je ne dis pas que les cyclistes ne devraient pas être responsables. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré que peut-être ce serait nécessaire d'avoir un permis de rouler en bicyclette avec assurance et puis que les cyclistes paient leur propre assurance. Et comme ça, bon...

M. Chevrette: Une assurance qui donnerait prise à des poursuites civiles?

M. Lord (Lawrence): Non, non. Je dirais plutôt une assurance...

M. Chevrette: Salaire ou santé.

M. Lord (Lawrence): ...comme on a maintenant pour les automobilistes, sans faute, qui ne nécessite pas des avocats qui se battent l'un contre l'autre pour dire qui est en faute. Si on a une incapacité ou quelque chose, bien on reçoit une prime d'indemnisation. C'est une idée, je pense, qu'il faut regarder. Je ne dis pas tout à fait que je suis 100 % pour ça. Faudrait peut-être l'étudier.

M. Chevrette: Mais c'est parce que j'ai lu pas mal de mémoires à date. Vous, vous vous en tenez exclusivement au casque, au port du casque en vélo. C'est le seul point...

M. Lord (Lawrence): Excusez-moi?

M. Chevrette: C'est le seul point que vous développez dans votre mémoire.

M. Lord (Lawrence): Voulez-vous répéter parce que je n'ai pas bien compris?

M. Chevrette: Oui, je vais y aller lentement. Vous ne vous prononcez que sur le port du casque en vélo.

M. Lord (Lawrence): Ah oui! O.K.

M. Chevrette: Si je vous demandais, par exemple, si vous êtes d'accord avec le virage à droite – vous n'en avez pas traité – vous me répondriez quoi?

M. Lord (Lawrence): O.K. Je dirais que je n'ai pas étudié la question, mais on le regarderait de la même façon: Est-ce qu'en donnant la permission aux automobilistes de tourner à droite ils mettraient en danger les autres excessivement?

M. Chevrette: Mais, si je vous disais que...

M. Lord (Lawrence): Est-ce qu'il va y avoir plus de risques pour les piétons, les cyclistes, les autres automobilistes?

M. Chevrette: Si je vous disais que le nombre de décès est 26 fois plus grand à cause de l'absence du port du casque que du virage à droite, est-ce que vous me croiriez?

M. Lord (Lawrence): Ah! bien, si vous le dites.

M. Chevrette: Ça a des chances d'être un peu vrai.

M. Lord (Lawrence): Si vous me le dites, je suis certain que vous avez en main les statistiques et puis... Je vous croirais, parce que ça serait bête de le dire si ce n'était pas vrai.

M. Chevrette: C'est parce que j'ai de la difficulté à concilier la cohérence de certains mémoires, et je vais vous expliquer pourquoi. Il y a des gens qui disent: On ne vire pas à droite sur feu rouge parce qu'il peut y avoir de l'insécurité. Quand on regarde les statistiques potentielles puis qu'on les compare... Puis ce sont ceux qui viennent nous dire: Il ne faut pas porter le casque en bicycle, sinon c'est dangereux de baisse de fréquentation. Mais, si je vous dis que les statistiques ne sont nullement comparables, que c'est plus dangereux au nombre de décès et au nombre d'accidents graves, parce qu'il y a des traumatismes crâniens... Quand on s'en va en bicycle et qu'on se fait frapper, quelle est la partie qui embrasse le béton la première? C'est la tête.

M. Lord (Lawrence): Bien, parfois, oui.

M. Chevrette: Surtout. Puis surtout chez les jeunes enfants, c'est souvent des traumatismes crâniens graves. Comment concilier qu'on soit pour une mesure de sécurité, qu'on soit contre le virage à droite, qui est 26 fois moins, au niveau de statistiques, que le non-port du casque?

M. Lord (Lawrence): O.K. Bien, moi, je ne peux pas me prononcer parce que je ne me suis pas prononcé sur le virage à droite. Mais je le regarderais de la façon: Est-ce que le virage à droite entraînerait seulement un risque pour le conducteur de l'automobile, pas les piétons, pas les cyclistes, pas les autres automobilistes, pas les passagers, seulement pour le conducteur? Je dirais: Bon, bien, oui, il n'a qu'à faire son choix s'il veut prendre ce risque.

M. Chevrette: Une toute petite dernière question: Qu'est-ce que vous nous proposez pour une plus grande sécurité pour les motocyclistes?

M. Lord (Lawrence): Pour les?

M. Chevrette: Pour les cyclistes.

M. Lord (Lawrence): Pour les cyclistes.

M. Chevrette: Qu'est-ce que c'est que vous nous proposez pour améliorer le bilan routier? Il y a 26 morts, des accidents graves, très, très graves, traumatismes crâniens.

M. Lord (Lawrence): Alors, je vous propose...

M. Chevrette: Si vous êtes contre le port du casque, qu'est-ce que vous nous proposez pour améliorer?

M. Lord (Lawrence): O.K. Moi, je ne suis pas contre le port du casque, parce que je reconnais que ça a des avantages. Je suis content que ça existe, qu'il y ait des gens qui se sentent plus en sécurité avec, qui le portent, parce que je suppose que ça ne les dérange pas trop, sinon, bien, ils ne le feraient pas, parce que ce n'est pas obligatoire, sauf dans quelques municipalités.

Alors, pour rendre plus de sécurité aux cyclistes, je proposerais un court examen théorique et pratique pour qu'ils connaissent le Code de la sécurité routière, pour qu'ils montrent leur habileté à conduire une bicyclette. Et puis, de plus, la police pourrait plus strictement appliquer le Code tel quel. Je vois des cyclistes qui roulent la nuit sans lumière, qui n'indiquent pas qu'ils vont tourner à droite, à gauche.

M. Chevrette: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Alors, M. le député de l'Acadie, 10 minutes.

M. Bordeleau: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, d'abord, je veux vous remercier pour la présentation de votre mémoire. J'ai quelques questions tout simplement. Je vais revenir un peu sur les questions que le ministre vous a posées. Bon, personnellement, je ne suis pas un cycliste, malheureusement, parce que...

M. Lord (Lawrence): Bien, ce n'est pas pour tout le monde.

M. Bordeleau: ...mais j'ai de la misère un peu à saisir en quoi, de façon très concrète dans la réalité, le port du casque est une mesure excessive au point où on serait prêt à courir plus de risques en ne portant pas un casque comme tel. C'est quoi, le problème? On a fait référence à la ceinture de sécurité dans les voitures tout à l'heure. Bon, la ceinture de sécurité, évidemment, c'était embêtant aussi, c'était inconfortable, on était serré. À un moment donné, c'est arrivé, puis aujourd'hui je ne pense pas que personne trouve ça excessif qu'on demande aux gens de porter la ceinture de sécurité.

Pour le vélo, j'ai de la misère à saisir, là, parce que ce que vous nous dites, au fond, est assez constant en général. J'ai lu à peu près la plupart des mémoires qui sont entrés et, en général, les gens du monde du vélo sont plutôt défavorables à cette mesure-là.

M. Lord (Lawrence): Au port du casque...

M. Bordeleau: Au port du casque.

M. Lord (Lawrence): ...obligatoire.

M. Bordeleau: Mais en quoi c'est si inconfortable que ça, que c'est quelque chose, là, de...

M. Lord (Lawrence): O.K. Ce n'est pas inconfortable pour tout le monde. Il y a des gens qui le mettent sans problème, ça ne les dérange pas. Mais, pour moi, je le trouve inconfortable, surtout après avoir fait quelques kilomètres. Je me sens chaud dans le casque, et les attaches me dérangent. Ça, c'est quelque chose d'embêtant qui... Ce n'est pas une douleur, mais c'est plutôt un manque de plaisir en roulant avec le casque.

Mais, chacun, on fait nos propres choix. Pour moi, ça n'a jamais été un problème de mettre la ceinture de sécurité dans la voiture. Je la mettrais la plupart du temps même si ce n'était pas obligatoire, parce que c'est une mesure de sécurité qui ne me dérange pas. Alors, s'il y a quelque chose qui coupe le risque d'une blessure grave ou fatale, et puis ça ne fait pas mal, et ça ne dérange pas, bien on le fait. Mais on est tous des individus. Il y a bien des gens qui aiment bien porter le casque, ça ne les dérange pas, mais, comme on est tous différents, il y en a bien d'autres qui le trouvent embêtant et qui préfèrent ne pas le mettre.

(11 h 30)

On est prêts, en général, tous les cyclistes, à respecter les règles qui mettraient en danger les autres. Je ne suis pas contre l'obligation de mettre des réflecteurs, de mettre les lumières la nuit, de signaler quand je tourne, et puis de ne pas rouler contre la circulation, et des choses comme ça.

M. Bordeleau: O.K. Comment vous réagissez quand, dans le livre vert, on vous dit que l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse obligent le port du casque? Pourquoi là-bas? Dans le cas de l'Ontario, c'est pour les moins de 18 ans; dans le cas de la Colombie-Britannique, c'est l'ensemble des cyclistes; au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, la même chose. Pourquoi ces provinces-là arrivent à la conclusion et prennent la décision d'obliger le port du casque, en parallèle avec votre réserve que vous avez d'inconfort relié à ça? Comment vous percevez que ces provinces-là en arrivent à cette conclusion-là?

M. Lord (Lawrence): Bien, je n'ai pas étudié les raisons pour lesquelles ils ont décidé d'obliger le port du casque, mais, d'une façon, moi, je ne suis pas d'accord avec ces mesures-là parce qu'elles ne respectent pas le droit des adultes de faire leur propre choix, avec l'exception de l'Ontario, parce que là ils ont fait un bon choix, je pense. Ils obligent le casque pour les moins de 18 ans, mais, pour les adultes, bien ils les laissent faire leur propre choix.

M. Bordeleau: O.K. Juste une autre...

M. Lord (Lawrence): Au Québec, on est très bien avec la situation telle quelle. Il y a les décès et les blessures graves qui diminuent depuis plusieurs années, et on fait ça sans mesure de contrainte.

M. Bordeleau: Mais c'est là-dessus que je voudrais revenir aussi. C'est que je pense qu'a priori, là, si on pouvait, par des mesures incitatives, des campagnes de promotion, arriver à ce que tout le monde porte le casque... Idéalement, là, ça serait parfait que tout le monde, volontairement, décide... Ce n'est pas réaliste, mais, dans le document, on dit que, après un certain nombre de campagnes de promotion du port du casque, on en arrive à un niveau d'à peu près 25 %, 26 %, et ça se stabilise à ce niveau-là. Bon. Alors, je prends un peu les données qu'on nous fournit.

Dans le milieu du vélo, on parle souvent, dans les différents mémoires, de faire la promotion du port du casque, de faire des campagnes. Je ne sais pas si, vous, vous y avez fait référence directement dans votre mémoire, mais plusieurs mémoires venant du milieu du vélo parlent de ça comme moyen, de faire de la promotion.

Comment on peut en arriver, selon vous, à penser qu'on peut, par des campagnes de promotion, augmenter encore le pourcentage du port du casque, alors que, du côté de la Société de l'assurance automobile du Québec, on dit qu'on a plafonné, que ça ne bouge plus puis qu'on ne peut plus dépasser le cap du 26 % avec les moyens qu'on a actuellement?

M. Lord (Lawrence): Bien, si, après avoir fait des campagnes de publicité et avoir éduqué les cyclistes, il y a, disons, comme j'ai dit, 25 % des cyclistes qui portent le casque et 75 % qui ne le font pas, bien je trouve que c'est la bonne situation, parce que je ne souhaite aucune obligation. Et les gens, les trois quarts qui ne portent pas le casque ont fait leur propre choix en sachant les bénéfices du casque, mais, pour eux, il y a plus de plaisir de rouler en vélo sans le casque.

M. Bordeleau: Oui, oui. Je comprends.

La Présidente (Mme Barbeau): Deux minutes.

M. Lord (Lawrence): Dans chacune de nos vies, on peut toujours viser, bon, qu'on va faire absolument tout pour vivre le plus longtemps possible, avec le moins de risque d'une blessure grave ou d'accident, et faire tous nos jugements toujours en vue de vivre le plus longtemps, mais, pour moi, c'est une position un peu extrême. On fait chacun des choix qui sont plus ou moins bons. Puis on ne dit pas à quelqu'un de ne pas monter au sommet du mont Everest parce que c'est trop dangereux. C'est quelque chose que je ne ferais pas moi-même, mais...

M. Bordeleau: Mais, regardez, à partir de votre point de vue, que ce soit un libre choix, on pourrait supposer – si on prend ça comme approche, le libre choix – que ça va être la même chose partout à travers la province de Québec, les proportions seraient les mêmes: des gens qui décident de leur propre choix de porter le casque, d'autres, de ne pas le porter.

Quand on regarde les données qui sont disponibles, on observe, par exemple, des variations, malgré toute la dimension que vous avez fait ressortir, l'inconfort de porter le casque, la chaleur, tout ça. On arrive à des régions, par exemple, comme la région de Québec, où le port du casque, en 1998, est de 40 %. On parlait tout à l'heure du 26 % en moyenne pour l'ensemble du Québec. On arrive dans une région comme Québec où 40 % portent le casque. La région de l'Outaouais, 48 %. On regarde des régions comme Mauricie–Bois-Francs, 15 %; Montérégie, 18 %. Pourquoi il y a des écarts?

Dans le contexte actuel de libre choix puis aussi, en même temps, où on dit que les campagnes de publicité ne donnent plus de résultats, pourquoi, dans certaines régions, les gens le portent librement, volontairement – ont été probablement, je suppose, soumis aux mêmes campagnes de publicité – et que, dans d'autres régions, c'est 15 %, alors que, dans la région voisine, c'est 40 % du port du casque?

La Présidente (Mme Barbeau): Brièvement, parce que le temps est presque écoulé. Brièvement, s'il vous plaît.

M. Lord (Lawrence): Brièvement, oui. Je ne peux pas vous dire spécifiquement pourquoi il y a un tel écart entre les pourcentages du port du casque volontaire. C'est un peu parce que, aussi, on n'est pas tous les mêmes.

M. Bordeleau: Je comprends.

M. Lord (Lawrence): Il y a des gens qui souhaitent le porter et d'autres qui ne souhaitent pas le porter. Il y a des gens qui font de l'exercice, des gens qui n'en font pas. Il y a des gens qui votent pour un parti politique et des gens qui votent pour un autre. On a chacun nos propres raisons.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, c'est tout le temps qui était imparti. Je vous remercie, M. Lord. Je demanderais aux gens de l'agence de voyages Explo Tour de prendre place. Je vais suspendre quelques minutes, très brièvement, avant de reprendre.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 11 h 40)

La Présidente (Mme Barbeau): Nous reprenons les travaux. J'ai M. Jean-Pierre Faubert. C'est vous qui êtes présent. Vous représentez l'agence de voyages Explo Tour. Alors, M. Faubert, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, il y aura un échange de 10 minutes avec le côté ministériel et l'opposition. Alors, la parole est à vous.


Agence de voyages Explo Tour inc.

M. Faubert (Jean-Pierre): Merci. Alors, d'entrée de jeu, l'agence de voyages, c'est une partie secondaire de nos activités. On est d'abord un club de cyclotourisme depuis 10 ans et organisateur d'événements pour des jeunes, des adultes. D'entrée de jeu, aussi, on n'a pas d'intérêt, nous, économique, à Explo Tour, à ce qu'il y ait un port ou non du casque. Donc, ça nous donne une certaine relative liberté dans nos opinions. Notons aussi que, voilà quatre ans, on a présenté... Et c'est le même mémoire. Les chiffres, bien sûr, les statistiques changent, mais c'est les mêmes principes qui, après réflexion, prévalent encore chez nous.

C'est sûr qu'on n'est pas contre le port du casque. On en fait la promotion, je dirais, intempestive chez nous depuis 10 ans. On s'est aperçu que des mesures d'éducation, d'incitation, soit des ventes, ou des mesures directes à la population étaient la meilleure façon.

On a environ, je dirais, 200 commentaires annuellement, sur 3 000 adeptes chez nous, qui nous disent que, si, à la première sortie avec nous – parce qu'on a des portes ouvertes, on n'est pas juste un club; les gens peuvent venir les dimanches et samedis – on les avait obligés, ils ne seraient pas là, 200 à 300 sur 3 000 qui nous disent ça.

En contrepartie, lorsqu'un jeune couple de 35 ans arrive, c'est leur première sortie, mettons qu'ils ont quitté le quartier pour venir à la campagne – parce qu'on découvre toutes les régions du Québec – alors on est 125 cette journée-là, ils sont trois pas de casque. La prochaine fois, ils ont un casque. Il y a eu comme une mesure incitative douce à ce moment-là.

Ce n'est pas le temps de citer des exemples isolés, mais prenons un exemple. On était le deuxième événement au Québec, Un vélo, une pomme, avec 3 000 participants, où on avait, avec la SAAQ... Il y avait un programme, à ce moment-là, de dénombrement: port, non-port, etc. On était à 84 %, mais avec des mesures douces. Par exemple, il y avait sur les lieux, le matin, une vente de casques avec un promoteur. Ils étaient presque donnés à ce moment-là. Bien, sur 125 personnes qui n'avaient pas de casque, il y en a 62, ce matin-là, qui en ont acheté un. C'était une mesure. Chez les jeunes, avec nos programmes jeunesse, ils sont inclus dans le forfait, et on travaille beaucoup sur le fait que c'est à la mode, c'est beau, c'est coloré.

Et, en passant, ce n'est pas vrai que c'est difficile de porter un casque, c'est même à l'aise. Moi, j'ai beaucoup de gens chez nous qui terminent leur randonnée, prennent leur auto puis, tout à coup, sur l'autoroute, ils enlèvent leur casque. Ils l'avaient oublié! C'est des adeptes, à ce moment-là. Surtout avec la qualité de ventilation maintenant qui existe, il n'y a aucun problème de ce côté-là. Alors, si des cyclistes vous racontent qu'ils ont des problèmes avec leur casque, on pourrait les aider, parce qu'on n'est pas chauvins, nous, on n'a pas une position qui est chauvine et qui est absolument: Voilà, c'est ceci ou cela.

C'est pour ça qu'on va dire au ministre, par exemple, avec tout le respect qu'on lui doit, qu'il n'y a pas 26 morts – quand j'ai entendu ça tantôt, les oreilles ont sorti de mon casque – parce qu'il y avait un non-port de 26 personnes. C'est qu'il est arrivé un accident, il est arrivé un accident, puis là il y a un mort, auquel cas il faudrait voir s'il serait mort ou non, casque ou pas casque. Et c'est l'essentiel de notre position.

Puis tant mieux, ici, on n'est pas en... j'allais nommer le pays, mais je ne le dirai pas. On est dans un pays créatif ici, on peut créer des moyens, des outils d'éducation. Au niveau de l'environnement cyclable, au Québec, on a un maudit bout de chemin de fait depuis 10 ans. Au niveau des règles policières, mon Dieu – puis on vous l'avait présenté – je pense que ce n'est pas possible de contrôler ça, qu'on va même – puis on le mentionne chez nous – encore banaliser le travail policier en essayant de courir après le petit gars qui n'a pas son casque.

On a de prêt, nous... Puis j'invite, en tout cas, la SAAQ ou le ministère, si jamais vous voulez aller plus loin là-dedans, voilà une mesure tout à fait concrète, précise, pannationale. On a un plan triennal et quinquennal de prêt chez nous, si vous souhaitez en discuter au-delà, sur une politique nationale de points de mérite et non pas de points de démérite. Il y a une différence notable au niveau de la sémantique, mais aussi au niveau de l'approche.

On a une compagnie nationale en restauration, on a un fabricant national québécois d'équipement de sécurité cycliste qui seraient prêts à mettre un plan de trois ans, et non pas juste deux mois, mais trois ans, avec mesures, à ce moment-là, en cours de route, de correction et d'ajustement, pour créer un effet positif: remise de bonifications, de bons de commande, etc., d'équipement sportif, là, dans la communauté par les policiers, à ce moment-là, qui exercent une influence qui est moins mesurable, qui est, d'accord, plus difficile à mesurer parce qu'elle n'est pas sur la sanction.

Pourquoi je fais rapport aux policiers? C'est parce qu'on s'est aperçu, nous, dans les villes et villages du Québec, que, quand le policier, par exemple, à vélo va interpeller une auto, le contact est absolument intéressant, il n'est plus dans son char, en dessous de la cerise, si vous me prêtez l'expression. Le policier représente tout un autre... Ce n'est pas parce qu'on fait du vélo qu'on est plus fin, ce n'est pas ça que je dis, mais le policier à vélo qui intervient auprès de la population non cycliste – parce qu'il a le droit de donner des contraventions puis il a le droit de prévenir les gens de la sécurité dans un petit village – il est autrement perçu. Ce n'est plus le même policier à cause de l'habillement, à cause de son moyen de déplacement, etc.

Et je pense qu'il faille auprès des jeunes... Évidemment, c'est créatif. Moi, en tout cas, je vous l'offre, je vous dis tout de go que, si vous avez des intentions de ce côté-là, on est prêts, nous, à Explo Tour, à vous fournir une expertise quand même de 10 ans. Et, toute humilité étant mise de côté, oui, on a un train de mesures de prêt, en tout cas, qui est pour la population jeunesse. Et on irait comme ça, chez nous, avec vous, au lieu d'en faire une loi coercitive unique qui est – même si vous prenez le temps de consulter des gens, ce que j'applaudis... Il est quand même résolument plus facile de le scruter, le regarder à fond. Vous avez les mémoires chez nous, vous avez les individus, vous avez les groupes, vous avez Vélo Québec. Ça fait quand même, le groupe Vélo Québec et nous, 10 ans qu'on consent, et à temps plein. On ne fait pas ça à temps partiel, les fins de semaine, pour boucler les fins de mois. Il faut voir, hein, on a une certaine lecture, là.

La Présidente (Mme Barbeau): ...

M. Faubert (Jean-Pierre): Pardon?

La Présidente (Mme Barbeau): Je veux juste vous dire qu'il vous reste deux minutes.

M. Faubert (Jean-Pierre): Merci beaucoup. Je vais sprinter.

La Présidente (Mme Barbeau): Je ne voulais pas vous déconcentrer, là, mais...

M. Faubert (Jean-Pierre): Mais vous avez réussi quand même, mais ce n'est pas grave.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Faubert (Jean-Pierre): Donc, c'est cela, on a un train de mesures qu'il faut fouiller, scruter, où là on ne prend pas la population du Québec en général parce qu'on sait que ça... Et, eu égard au port de la ceinture, il est bien de faire des comparaisons comme vous faites, mais c'est la première évidence: on met sa ceinture parce qu'il faut aller travailler, ce qui n'est pas le cas dans nos loisirs. Là, il y a une nuance, en tout cas, qui est intérieure chez les gens, elle n'est pas apparente. Alors, voilà, comme introduction.

La Présidente (Mme Barbeau): De toute façon, si vous avez d'autres messages, vous pourrez les faire par l'entremise de vos réponses au ministre.

M. Faubert (Jean-Pierre): Je n'y manquerai pas.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, merci, M. Faubert. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, monsieur. J'ai l'impression, de toute façon, qu'on voudrait puis qu'on ne réussirait pas à vous arrêter. Mais je voudrais vous remercier pour votre mémoire. Je pense que ça met en lumière la difficulté d'appliquer une législation très serrée, compte tenu du fait qu'on était avec des enfants en bas âge et des adultes. Personnellement, je viens du milieu de l'éducation et je trouve aberrant qu'un père de famille parte, par exemple, sur la route 2, l'ancienne 2, ou la 138 ou la 132, avec deux petits bouts de choux de 4 ans, 5 ans, qui, eux, ont leur casque puis que lui ne l'ait pas. Le principe de dire qu'on prêche par l'exemple, là... Je trouve ça une aberration, personnellement.

Mais seriez-vous en accord avec une législation qui sanctionnerait des parents qui laissent aller des enfants pas de casque, par exemple, sur les voies publiques?

(11 h 50)

M. Faubert (Jean-Pierre): Si elle était incluse dans un train de mesures... Parce qu'il y a un danger qui vous guette, les politiques – et j'imagine que la SAAQ est assise ici...

M. Chevrette: Oui, oui, ils sont tous derrière moi.

M. Faubert (Jean-Pierre): ...j'imagine – il y a un danger qui nous guette comme société au niveau de la sécurité, c'est qu'on se réfugie derrière le port obligatoire du casque comme une ou la mesure eu égard à la sécurité au Québec, ce qui n'est pas le cas. C'en est une à l'intérieur d'un train ou d'une panoplie de mesures. Et ça, on en est, nous, fortement convaincus puis on veut très humblement jouer à l'allume-lumière, à l'allume... en tout cas, vous voyez ce que je veux dire, là, il me manque le mot.

Mais votre réponse, c'est sûr que c'est oui, mais auquel cas elle ferait partie d'un train de mesures. On parle d'aménagements cyclables, puis on a déjà 10 ans de faits. On a du chemin de fait. Et on s'est aperçu, dans les aménagements... Comment ça se fait que, dans un endroit pour les jeunes, plus il y a de barricades, plus ils cassent les barricades, alors que, dans d'autres endroits, il n'y a pas de barricade, il n'y a pas de barre d'acier devant les toilettes, par exemple, et il n'y a pas de bris? Poser la question, c'est y répondre.

Comment se fait-il – puis chiffres à l'appui – avec nos jeunes – mon Dieu, on a fait six ans à un programme; là il ne faut pas se choquer, mais le chiffre est là quand même – que les anglophones portaient le casque à 86 % et les francophones à 22 %, alors que, pour les deux populations, il n'y a pas une loi jaune puis verte? Cela veut dire que le côté éducation, il peut porter ses fruits.

Donc, ma réponse à votre question, c'est: Oui, si elle est dans un train de mesures qui fait l'ensemble du problème. Pas le casque à vélo. Parce que j'ai aimé, M. le ministre, tantôt quand, avec l'ancien intervenant, vous lui demandiez: Avez-vous d'autres choses à dire que le port du casque? C'est ce qu'on veut dire aussi: Le port du casque, c'est une chose, mais ce n'est pas là qu'est la question de sécurité cyclable au Québec.

M. Chevrette: S'il est vrai que le 26 décès n'est pas décortiqué en fonction du port ou du non-port du casque, dans les 3 157 accidents qui impliquent un cycliste avec une automobile ou un véhicule, les accidents graves, vous savez très, très bien que, quand on se fait frapper, même de côté ou même par l'arrière, sur un vélo, c'est la tête qui frappe.

M. Faubert (Jean-Pierre): Tout à fait.

M. Chevrette: Puis il y a un médecin qui va venir témoigner demain, qui va nous dire qu'il y a des traumatismes crâniens épouvantables et que, s'il y avait le port du casque, on éviterait des traumatismes graves. Moi, je ne connais pas ça, je ne suis pas médecin, je ne suis pas spécialiste, je ne suis pas chef de département de traumatologie. Mais, très sérieusement, 3 157 accidents, dont combien d'accidents graves, c'est un pourcentage très élevé d'accidents graves par rapport...

Une voix: Plus de 300 blessés graves par année.

M. Chevrette: Plus de 300 blessés graves, très graves, par année, ça ne mérite pas une attention très particulière?

M. Faubert (Jean-Pierre): Mais tout à fait! Mais ça n'a aucun... Non, je reprends. Oui, résolument, et vous faites preuve de conscience sociale, puis on ne s'attend pas à moins de vous, un instant! Sauf qu'il n'est pas là, le problème.

On a 1 000 000... Parce qu'on aime les chiffres. Moi, je ne suis pas là pour impressionner la galerie, mais, nous, on a – parce qu'on nous le demande, et on a une meilleure oreille quand on a des chiffres – 1 700 000 kilomètres-homme depuis 10 ans à travers le Québec, zéro kilomètre sur des pistes cyclables – parce que chez nous, le club et nos activités, c'est qu'on les amène découvrir les plus belles campagnes du Québec, les bords de rivières, on voit ça d'abord d'un oeil touristique – deux accidents mineurs, code 2, mettons. Comment ça se fait?

On met demain le port obligatoire du casque, il va encore y avoir 3 422 accidents, parce que ceux qui passent les feux rouges... Parce que, nous, on est les premiers à battre les cyclistes. Ce n'est pas parce qu'on fait du cyclisme qu'on pense qu'ils sont fins. À preuve, ils nous écoutent beaucoup plus parce qu'on est cyclistes, et surtout quand tu as un club et que tu es bien vu, tu as comme une écoute, c'est sûr, plus intéressante que si tu es policier ou si tu as une loi qui va dire: Fais ceci ou cela.

Mais 1 700 000 kilomètres-homme et zéro accident parce qu'il y a là un comportement, il y a là une éducation, il y a là une façon de rouler, il y a là un respect des règles qui n'est pas parfait, mais, en tout cas, qui ne fait que deux code 2 en 10 ans, alors qu'on est convaincus – malheureusement, ça ne nous tente pas de faire l'analyse – qu'il y aurait encore 3 400 autres accidents eu égard au comportement des automobilistes et eu égard au comportement des cyclistes, jeunes et moins jeunes.

À preuve – et là on le mentionne là-dedans, mais je trouve ça le fun qu'on se laisse le temps, au-delà de textes, de mettre des «putschs» – on s'est aperçu, depuis 10 ans, et d'une façon – regardez bien, M. le ministre – très précise, que les cyclotouristes chez nous, quand ils sont en auto avec leurs compagnons, vont influencer, et d'une façon absolument délirante, leur voisinage.

Exemple: vous faites du vélo. Vous allez à la messe ou au bar en auto avec votre beau-frère qui, lui, va passer proche du cycliste, par exemple. Là, vous dites: Bien non, tasse-toi. Fais attention! Parce que vous êtes cycliste. Et là il vous écoute parce que ça vient d'un ami, d'un proche et d'une promiscuité sociale. On a, à ce moment-là, sur les millions de kilomètres, pas «on», mais le phénomène d'éducation. Puis là, avec des trains de mesures, ce n'est pas un hasard, dire: On est beau, puis on est fin, puis, messieurs, faites attention. Ce n'est pas des scouts, là. On n'est pas des scouts.

M. Chevrette: Feriez-vous une différence entre, par exemple, le cycliste qui utilise des pistes cyclables ou qui se rend à des pistes cyclables par rapport à ceux qui empruntent, par exemple, une route dite nationale, là, pas nécessairement autoroute? Je pense à l'ancienne 2, je pense à la 138, je pense à la 132. C'est des endroits extrêmement dangereux, des routes même assez étroites, sans accotement, excepté là où il y a des ajouts d'asphalte parce que ça constitue des bouts d'autoroute verte.

M. Faubert (Jean-Pierre): Tout à fait.

M. Chevrette: Mais est-ce que vous seriez prêt à examiner une réglementation ou une législation qui serait plus restrictive pour des voies publiques ou des artères à forte densité d'automobiles?

M. Faubert (Jean-Pierre): Mais tout à fait. Mais oui. Et c'est ça lorsqu'on parle de train de mesures. Par exemple, il ne devrait pas y avoir de vélo sur les routes à trois numéros au Québec, hormis qu'elles aient un plan d'accotement de 2 m ou 1 m.

M. Chevrette: Est-ce que Vélo Québec est d'accord avec ça?

M. Faubert (Jean-Pierre): Là, c'est parce que je n'ai pas fini mon train là-dessus, M. le ministre.

M. Chevrette: Allez-y, continuez.

M. Faubert (Jean-Pierre): Oui, à votre question, si justement on prend le temps de le faire comme il faut et d'une façon conséquente et congruente. Il n'y a pas de cycliste sur les routes à trois numéros, hormis qu'elles aient ce tronçon-là, par exemple – et ça, je parle en connaissance de cause, on se promène là-dedans depuis 10 ans, c'est notre jardin – s'il y a un épaulement; deuxièmement, qu'il y ait au Québec, au ministère des Transports, une politique d'épaulement des routes secondaires à partir des priorités régionales, avec les CLD.

Moi, je travaille avec eux tous les jours de ma vie depuis 10 ans. Je suis en train de préparer mes programmes d'été. Je discute avec des CLD, des MRC, nommez-les, des commissions de tourisme, des bureaux, des offices qui sont les décideurs et les connaisseurs du coin. Je viens de terminer, là, une planification weekend dans le coin de Mégantic, par exemple, où là le CLD, tout le monde se préoccupe de vélo, c'est l'activité numéro un. Au niveau du tourisme, c'est aussi très intéressant avec leur carte dans les poches, etc.

Cela dit, dans telle région au Québec, de définir... Et aussi, Explo Tour peut vous apporter, parce que c'est notre expertise, je ne vous le cache pas, je vous le dis... Dans telle région, on fait des priorités pour les routes secondaires. Et là, lorsqu'il y a repavement, on épaule et on a besoin seulement, attention, de 0,5 m. Et on sait – M. le ministre, vous le savez, mais je vous le confirme encore aujourd'hui – que, quand vous avez une route ça de large, que vous épaulez de 1,5 pi, c'est assez pour sécuriser, et là votre route va durer 11 ans au lieu de trois ans, parce que les camions ne vont pas user parce qu'ils ne sont pas sur le bord de la frange, si on veut, en passant. On vient de sauver nos routes au Québec. Sur un plan quinquennal, on vient de sauver... vos experts vont vous dire combien.

Donc, c'est cela, les trois numéros. Il faut voir dans les régions, avec les gens concernés, qu'il y a des tracés... Parce que le gars de L'Assomption, avec sa femme puis ses deux enfants, qui s'en va dans le coin de Mégantic une fin de semaine, chez son beau-frère, faire du vélo, il y a une carte qui lui propose. Ils le font déjà de toute façon. On n'invente pas, nous, des nouveaux systèmes. Ça existe déjà. Il manque peut-être un peu de consultation avec des experts pour les aider à choisir les belles routes, là, de campagne. Et c'est merveilleux. Ce n'est pas le paradis, mais, en tout cas, c'est merveilleux, alors que c'est beaucoup plus sécuritaire par petits groupes là que le dimanche après-midi sur certaines pistes cyclables.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je passe maintnant la parole au député de l'Acadie.

(12 heures)

M. Bordeleau: Merci. Alors, je veux vous féliciter, M. Faubert, pour votre présentation. Je pense que c'est très intéressant. Et ce que j'apprécie, au fond, dans la présentation que vous avez faite, c'est que vous avez le même objectif, c'est-à-dire l'objectif ultime de faire en sorte que le port du casque soit le plus répandu possible. Et c'est au niveau des moyens que vous différez par rapport à ce qui nous est présenté dans le livre vert.

Alors, vous souhaitez des mesures plus à caractère incitatif, promotionnel, que des mesures législatives. Votre position est intéressante dans ce sens que vous n'êtes pas contre le port du casque. Vous êtes pour le statu quo, dans le sens où il n'y a pas d'obligation légale de forcer les gens à porter un casque. Mais vous souhaitez idéalement que tout le monde en porte, mais par des moyens que vous nous avez décrits, que vous nous avez illustrés.

Dans ce sens-là, je pense que ça ouvre une perspective qui est intéressante, dans le sens où on a souvent tendance... Et je pense qu'on se retrouve un peu dans cette situation-là – j'y ai fait référence tout à l'heure: on a d'un côté la Société de l'assurance automobile du Québec, les données qui nous sont fournies disent: On a fait des promotions, on arrive a un taux de saturation de 26 % du port du casque et on ne peut pas aller plus loin par ces moyens-là. En gros, c'est le discours qu'on comprend qui nous vient là-dedans. Alors, comme c'est ça, la réalité, bien l'autre moyen, c'est l'obligation légale. Alors que là vous nous dites: Non, on a peut-être atteint un taux de saturation de 26 % avec les moyens qui ont été mis en place pour essayer d'inciter les gens, mais il y a d'autres moyens qu'on peut prendre et qui vont donner des bons résultats. Et vous faites référence au nombre de cyclistes qui participent à vos activités, un pourcentage qui dépasse le 80 % – je ne me souviens plus exactement le chiffre que vous avez mentionné – des gens qui sont aussi des adultes, pas juste des enfants, d'après ce que j'ai pu comprendre, qui portent le casque.

Je pense que c'est dans cet esprit-là qu'il faut regarder un peu toutes les mesures qui nous sont proposées, notamment celle du port du casque. Il faut éviter de penser trop souvent – puis je pense que c'est le malheur de tous les gouvernements – que la solution, c'est la législation. Je pense que la législation devrait être le dernier moyen qu'on devrait mettre en place – des obligations légales, dans le sens, là – pour atteindre des résultats, après être convaincus qu'on a fait tout le cheminement.

Et d'ailleurs c'est la tendance normale qu'on adopte. La Société de l'assurance automobile du Québec fait des campagnes de promotion. On ne fait pas une loi tout de suite au départ, on fait des campagnes et on essaie de voir jusqu'où ça peut nous amener, excepté que j'ai l'impression qu'on diffère sur la conclusion actuellement, la Société de l'assurance automobile du Québec disant que, bon, on a atteint le maximum, on ne peut pas aller plus haut avec ce moyen-là, alors que vous êtes un exemple que c'est possible d'aller plus haut.

Alors, j'aimerais avoir votre réaction là-dessus, sur la question de la conclusion qu'on semble inscrire dans le document, qu'au niveau de la promotion on ne peut pas dépasser 26 %.

M. Faubert (Jean-Pierre): Pas du tout, c'est complètement faussé. C'est complètement faussé. Il faut voir, comme n'importe quelle entreprise de marketing ou de communication qui a un plan d'attaque... Et c'est comme ça qu'on l'a regardé au premier abord. On ne dit pas qu'on a la réponse. On a fait un maudit bout de chemin, puis on n'arrive pas à 24 %, parce que c'est dans les moyens. Lorsqu'on a un plan de communication marketing, que ce soit pour l'éducation ou pour vendre un produit, c'est les mêmes principes de base. On se met des mesures dans le calendrier pour l'évaluer puis le corriger. On a mesuré, mais on n'a pas corrigé. Pour moi, le 24 % ne m'impressionne pas, mais pas du tout. Ce qui m'impressionne, c'est que c'était 24 % puis c'est encore 24 %. Et une des raisons...

Comment ça se fait qu'on a 100 % de port dans les habitués chez nous? Puis je dis «chez nous», c'est les autres organisations vélo aussi, qui sont proches des gens. C'est que les mesures de la SAAQ, c'est intéressant au premier niveau, poster, affiche, etc., tout à fait, mais faire la promotion du port ou de la sécurité... Parce que ce n'est pas vrai que je suis sur le statu quo; statu quo sur le port du casque, mais pas sur les mesures au Québec pour améliorer le comportement routier des cyclistes et des automobilistes.

Cette correction étant dite, la SAAQ devrait, entre autres, s'associer à des organisations locales, régionales qui sont dévouées à l'égard du vélo, qui ont des compétences – à preuve, si une région a des dévotions mais pas de compétences, on va ailleurs – puis là faire des programmes près des gens et avec les gens. C'est bien différent de faire une affiche et une annonce. Et je ne dis pas qu'il ne faille pas le faire. C'est très différent, à ce moment-là. Qu'on investisse temps et argent... Puis je le mentionne très bien, ce n'est pas facile. Je disais qu'il semble plus facile de faire une loi, même si vous êtes pris avec cette décision-là. Ce n'est pas évident. Vous avez une puissante analyse à faire.

Ce qu'on dit chez nous, c'est qu'il y a un train de mesures possibles, ensemble, de créer. Comment ça se fait que la SAAQ n'est jamais venue s'asseoir chez nous? Peut-être qu'ils vont le faire demain. Bien, bravo! on avance. Et je n'ai pas dit que ces gens-là sont de mauvaise volonté. Pas du tout. C'était correct dans le temps de dire: On fait des recherches. Ils sont venus chez nous, à Un vélo, une pomme, exemple, ou on a fait des trucs. La SAAQ était commanditaire chez nous, à un moment donné: quelques milliers de dollars pour un événement, le port du casque, etc. Donc, c'est correct. C'est des gens de bonne volonté, eu égard aux objectifs poursuivis. Mais comment se fait-il – et poser la question, c'est y répondre – qu'ils ne sont jamais venus, qu'ils ne nous ont jamais convoqués, nous? Quand je dis «nous», Explo Tour et d'autres groupes qui sont avec les gens tous les jours et qui connaissent, sans prétention, la psychologie humaine, un peu plus sur le port du casque qu'autre chose, et sur la sécurité à vélo.

À ce moment-là, je dis que là ça ne sera plus 24 %, ça va être 46 % puis ça va être 72 % en cinq ans, avec un bon plan quinquennal pour travailler autant au niveau aménagement du territoire national, avec ce qu'il faut derrière, avec des intentions, pas juste des sous, des intentions puis un protocole qui avance... au niveau des plans d'aménagement, par exemple, avec les MRC. C'est d'une simplicité parce que les moyens sont là. Les MRC existent. Elles ont leur commission du territoire, l'aménagement – vous savez de quoi je parle – etc. Et on est convoqués, nous, des fois, localement, pour donner des expertises, pour choisir telle route ou telle route. Mais qu'on en fasse, là, une priorité aux Transports, mais pas seulement en pensant aux cyclistes, qui est une population, mais en pensant au partage des routes, etc.

M. Bordeleau: Je vais faire vite, puis je demanderais... C'est parce que mon collègue veut vous poser une question aussi, puis le temps passe rapidement. Je veux juste avoir votre réaction. Tout à l'heure, j'ai cité des différences entre les régions – je ne sais pas si vous étiez ici – au niveau du port du casque. Moi, ça me chicote un peu, ça. Quand on parle du 26 % ou du 24 %, on fait une espèce de jugement général, alors que ça varie beaucoup, là, pour un même contexte. Et j'ai de la misère à m'expliquer pourquoi, dans certaines régions, on a 40 %, 48 % du port du casque, dans d'autres régions, 15 %. On fait une moyenne de tout ça, on arrive à 24 %, mais la réalité, là, c'est qu'il y a des coins où on le porte beaucoup plus que d'autres. C'est quoi, votre explication là-dessus?

M. Faubert (Jean-Pierre): J'aimerais donc ça avoir la réponse. On pourrait appliquer les mesures où il y a 40 %, etc.

La Présidente (Mme Barbeau): Il reste deux minutes.

M. Faubert (Jean-Pierre): Il faut voir les chiffres avant. Il y a peut-être une raison de région touristique. Comme, par exemple, en Haut-Saint-Laurent, près de la frontière américaine, c'est un des beaux paradis vélo en Amérique du Nord, au niveau du calme, et tout ça. Il y a 22 000 personnes sur 100 km par 60 km. Ce n'est pas possible. C'est l'Arizona presque, hein? Et il n'y a pas de port de casque. À un moment donné, il y a eu un événement vélo puis il y a eu plein de trucs sur le vélo, avec la MRC, puis tout ça, là.

Ce que je vous dis, le train de mesures, ça se fait nationalement. On l'a fait, nous, localement, puis on est des petits intervenants. Donc, c'est sûr qu'ensemble on peut bouger, ça n'a pas de bon sens. Le port du casque était de 1 % voilà 10 ans, puis maintenant il est de 80 %. Une des raisons, c'est que 50 %, c'est des touristes ou des excursionnistes qui vont là passer une journée à vélo parce que c'est beau. Et il y a eu des formes incitatives au niveau touristique: les bureaux, la MRC. Et les gens du coin portent maintenant le casque parce qu'ils voient l'étranger – l'étranger: qui vient d'une autre région, là – porter le casque. Donc, il est moins gêné, c'est plus à la mode.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K. Une petite question courte, là?

M. Whissell: Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K.

M. Whissell: Bonjour, monsieur. Comment vous interprétez... Dans le livre vert, quand on parle d'autres États puis quand on parle de l'Australie, en particulier l'État de Victoria, on dit qu'avec l'application de la loi le port du casque est passé de 31 % en mars 1990 à 75 % en mars 1991.

M. Faubert (Jean-Pierre): Mais comment voulez-vous que ça m'impressionne avec la demi-heure qu'on vient de passer ensemble? Parce que le problème, il n'est pas là. Ce n'est pas parce qu'il y a 75 personnes sur 100 qui portent le casque au lieu de 25 que, pour moi, le pays est plus heureux.

M. Whissell: Non, mais ça a eu quand même un effet positif.

(12 h 10)

M. Faubert (Jean-Pierre): Juste sur le port du casque, mais il faut voir avant ça. Puis, moi, je suis descendu de Montréal, puis je m'en retourne tantôt, juste pour vous dire ça, que ce n'est pas là, le problème; c'est un détail. En Hollande, si ce n'est pas une des mecques du vélo au monde, hein... Il y a la France qui est bien visitée à cause que, bon, on fait juste 40 km par jour puis on déguste des vins à tous les cinq kilomètres; il y a l'Arizona qui est un repère, absolument; et le Québec s'en vient une des terres fertiles au niveau touristique, au niveau du vélo, avec les retombées économiques que ça impose. Et, en Hollande, ce n'est même pas une préoccupation, ils ne se posent même pas la question, parce que l'environnement géographique, l'environnement démographique – attention, là – au niveau des aménagements... Comme ici, au Québec, quand on fait un édifice public, on ne se pose plus la question, c'est la loi, on met des accès pour handicapés. Il n'y a personne qui chiale, puis les 12 architectes qui arrivent avec des plans, ils ont les mêmes plans. Là-bas, quand on construit un pont, on met une assise cyclable. C'est dans le code du ministère des Transports là-bas. On ne se pose plus la question. Puis, au lieu de coûter 1 000 000 $, il coûte 1 075 000 $, mais c'est dans les moeurs maintenant. Alors...

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, en terminant, s'il vous plaît.

M. Faubert (Jean-Pierre): Alors, sur le port du casque, ça ne peut pas m'impressionner parce que ce n'est pas là qu'est, pour moi – et je suis venu vous le dire aujourd'hui humblement – le problème. C'est d'avoir les mesures, autant politiques... qui sont à ce moment-là des ordres à la société de dire: Maintenant, quand on fait un aménagement de territoire, il est obligé d'y avoir quelqu'un qui est spécialiste du vélo qui siège à la commission des MRC. On est obligé. Ah bon! Obligé, en tout cas, avec des mesures, des invitations. Puis comme le train, il y a peut-être une centaine de mesures qu'on pourrait mettre ensemble. Puis, moi, en tout cas, je vous le dis, qu'on est disponibles, nous, à Explo Tour – parce que c'est notre expertise de toute façon – que, si vous nous appelez, on va être les plus heureux de donner un coup de main professionnel là-dessus.

La Présidente (Mme Barbeau): En tout cas, merci beaucoup, M. Faubert.

M. Faubert (Jean-Pierre): Maintenant, s'ils en portent, 75 %, dans cinq ans, bien bravo! C'est correct.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. Faubert. Je vois que vous avez beaucoup, beaucoup d'idées. On fera peut-être appel à vous. Alors, je vous remercie beaucoup et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

Alors, nous en sommes, cet après-midi, à rencontrer tour à tour les groupes suivants: d'abord, le Club cycliste Nordcycle inc. – d'ailleurs j'invite immédiatement les porte-parole, les représentants à prendre place à la table; par la suite, ce sera Équiterre et Vivre en ville; ensuite, la ville de Québec; l'Union des municipalités du Québec suivra; pour terminer avec M. François Piché.

Alors, madame, monsieur, bienvenue. Je vous invite à bien vouloir vous identifier, en vous rappelant que la limite de temps qui a été entendue, c'est 10 minutes de présentation et, par la suite, un maximum de 20 minutes d'échanges avec les parlementaires.


Club cycliste Nordcycle inc.

Mme Mailloux (Gilberte): Mon nom est Gilberte Mailloux, je suis présidente du Club cycliste Nordcycle inc., club sans but lucratif. Ce sera notre vingtième année, à l'été 2000, que notre club organise des randonnées, les randonnées Roméo-Mailloux, nommées ainsi à la mémoire de son président fondateur.

Est-ce que je lis mon document?

Le Président (M. Lachance): Madame, vous avez toute la liberté du 10 minutes qui vous est alloué, et je vous rappellerais de nous indiquer le nom de la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Mme Mailloux (Gilberte): J'ai une personne, le vice-président, Jean Bourdeau.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, écoutez, c'est ça, vous avez un temps maximum de 10 minutes, et c'est à vous d'en disposer comme bon vous semble.

Mme Mailloux (Gilberte): O.K., merci. Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Le cyclisme est un sport grandissant au Québec. Il y a quelques années, à peu près seuls les enfants utilisaient ce mode de déplacement, qui était vite relégué aux oubliettes dès leur arrivée à l'âge adulte.

(14 h 10)

La qualité des bicyclettes, l'aménagement de pistes cyclables, la création de clubs de cyclistes, les longues randonnées organisées, les courses à bicyclette, le fait que de plus en plus de personnes utilisent ce moyen de transport pour se rendre à leur travail ont fait en sorte que le cyclisme est devenu un sport très en vogue parmi les personnes de tous âges et de toutes conditions sociales.

Ce succès n'est pas venu sans efforts de plusieurs groupements et personnes qui ont inlassablement travaillé à la promotion de ce sport. Le Club que je représente ici comptait 518 membres en 1999. Depuis sa fondation en 1981, nous avons toujours encouragé le port du casque protecteur et la moyenne de membres qui l'ont adopté est passée de 31,7 % en 1996 à 92,1 % en 1999, et cela, sans contrainte et sans législation. La sécurité a toujours été une priorité pour notre organisation. En fait, l'été prochain, nous avons l'intention de promouvoir l'installation de systèmes d'éclairage sur les vélos de façon à ce que le cycliste se fasse plus visible à la tombée du jour.

Les bureaux de la statistique, aussi bien celui du gouvernement fédéral que celui du Québec, n'ont aucune statistique valable sur le nombre de victimes d'accidents dont les blessures sont reliées au fait qu'ils ne portaient pas de casque protecteur. Ceci nous laisse à penser que le nombre de victimes ayant subi des blessures à la tête suite à des accidents reliés aux cyclistes alors que la victime ne portait pas de casque protecteur est peu significatif et ne justifie pas, à notre avis, une législation qui, nous le croyons, réduirait considérablement le nombre d'adeptes de ce sport qui aide les Québécois à maintenir une bonne santé physique.

Habituellement, les nouveaux membres de notre Club optent pour le casque protecteur peu de temps après leur entrée. Nous croyons qu'une bonne publicité, l'encouragement, l'exemple donné sont des facteurs beaucoup plus importants pour changer le comportement des cyclistes que la coercition par voie de législation. Gilberte Mailloux, présidente du Club cycliste Nordcycle.

Qu'est-ce qu'on pourrait dire...

M. Bourdeau (Jean): J'aimerais rajouter qu'on fait aussi de l'encadrement pour les randonnées cyclistes des fondations, et le pourcentage de 90 % est peut-être une image assez réelle de ce qui se passe dans les randonnées encadrées: on parle de Louis-Garneau, 2 500 personnes; on parle de Randonnée Tanguay, 5 000 personnes. Le pourcentage de 90 % pour les randonnées encadrées par des encadreurs et la police reflète quand même un chiffre assez raisonnable. C'était juste, là, pour rajouter un peu.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bourdeau et Mme Mailloux. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, madame, merci, monsieur, de nous avoir présenté votre point de vue, sauf que je constate que c'est un point de vue qui dit qu'il n'y a pas de bonnes statistiques puis qu'il ne faut pas légiférer.

Pour être plus constructifs, pourriez-vous nous dire qu'est-ce qu'il faudrait faire pour améliorer pour l'ensemble de la population québécoise, pour en arriver peut-être à des statistiques comme les vôtres, comme vous avez dans votre Club? Qu'est-ce qu'il faudrait faire?

Mme Mailloux (Gilberte): Bien, nous, ce n'est pas «at large», c'est un Club. Nous, on fait 15 randonnées à tous les étés. Ça va être notre vingtième année. À chaque randonnée, on compte le monde qui sont à notre randonnée, puis c'est plus facile compter ceux qui n'ont pas de casque parce qu'ils ne sont pas nombreux. Puis on fait beaucoup d'éducation. À chaque randonnée, on fait tirer un casque de vélo. Puis on parle toujours à ceux qui n'ont pas de casque, puis on leur met ça dans la mémoire parce qu'on en parle souvent, à toutes les randonnées. Je trouve que c'est l'éducation, de sensibiliser le monde sans les obliger, puis ils viennent qu'ils s'obligent par eux autres mêmes à en porter un, casque.

M. Chevrette: Je pense que les statistiques en général ne sont vraiment pas bonnes, parce que ça fait trois groupes qu'on rencontre, je pense, qui sont contre le port du casque. À les écouter, ils ont tous 80 % et plus. Je ne sais pas comment ça se fait qu'on se ramasse avec 26 % en moyenne nationale.

Mme Mailloux (Gilberte): On les compte un par un.

M. Bourdeau (Jean): Mais, nous autres, on les compte un par un.

M. Chevrette: Pardon?

M. Bourdeau (Jean): On les compte un par un, c'est facile. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Oui, c'est vrai qu'à 128...

M. Bourdeau (Jean): À 500 ou à 700.

Mme Mailloux (Gilberte): On est dans les 500.

M. Chevrette: ...à 528 membres, c'est plus facile à compter, là.

M. Bourdeau (Jean): C'est ça. Mais, pour ajouter un peu, moi, j'irais plutôt aux causes. Par exemple, j'ai ici un résumé du Code de la sécurité routière. O.K. J'ai pris la police de Québec. Les feux rouges. Quand est-ce que j'ai vu, moi, un policier arrêter quelqu'un? Un feu rouge, d'après tel règlement, c'est...

M. Chevrette: Vous parlez d'un cycliste, là?

M. Bourdeau (Jean): Oui, oui, un cycliste. Donc, ça, c'est une cause. Au niveau du respect du Code, bien les feux rouges, combien de fois on est en auto, nous autres...

M. Chevrette: J'en ai même vu valser devant un policier, moi, sur René-Lévesque.

M. Bourdeau (Jean): C'est bien ça.

M. Chevrette: Il était parti de la troisième rangée pour couper les trois puis il valsait devant, et c'est vrai qu'il n'a pas eu de ticket.

Mme Mailloux (Gilberte): Il y a une éducation à faire.

M. Bourdeau (Jean): Et, au niveau du Code... Comme, par exemple, il y a un autre règlement ici, on nous dit – ça, je le trouve un peu drôle... Je vais donner un exemple. Si j'ai une piste cyclable puis, moi, je suis sur la route, je peux m'arrêter, j'ai une amende de 15 $ parce que, si j'ai une piste cyclable à côté, je suis obligé de prendre la piste cyclable. J'appelle ça de l'ingérence pas à peu près. Il me semble, je m'en vais, moi, à vélo, je suis content...

M. Chevrette: Sur la route.

M. Bourdeau (Jean): Sur la route.

M. Chevrette: La 132, par exemple...

M. Bourdeau (Jean): La 132.

M. Chevrette: ...ou 138, la 2.

M. Bourdeau (Jean): Oui, mais là c'est beau, la 132, à cause du ministère des Transports, ils ont mis un accotement. On peut faire facilement Neuville–Trois-Rivières, une très belle balade, très sécuritaire parce qu'on a un accotement d'environ un vélo et demi, et ça, je pense que c'est nouveau. Les routes du Québec devraient toutes avoir des accotements comme ça, puis on serait gras dur. Vrai ou pas vrai? Ça serait une très belle initiative.

M. Chevrette: Mais là où il n'y a pas d'accotement, êtes-vous d'accord que les vélos puissent circuler allégrement sur les routes?

Mme Mailloux (Gilberte): Bien, c'est difficile.

M. Bourdeau (Jean): Moi, je suis plus un gars qui va sur la route que les pistes cyclables. C'est drôle, hein? Je trouve ça moins dangereux sur la route, entre parenthèses, que sur les pistes cyclables.

M. Chevrette: Qu'est-ce qui se passe sur vos pistes cyclables?

M. Bourdeau (Jean): Il y a beaucoup de monde. C'est populaire. Les cheminots, 4 000, 5 000 personnes de pointe. La ville de Québec sûrement tout à l'heure va vous le dire, ils ont des pointes de 5 000 personnes. Alors, si vous acceptez sur une piste cyclable chaises roulantes, piétons, patins à roulettes...

Mme Mailloux (Gilberte): Carrosses.

M. Bourdeau (Jean): ...vélos, carrosses, ça prend une certaine éducation pour dire: Je prends ma place, puis l'autre prend sa place, puis tout le monde prend sa place.

M. Chevrette: Mais prenez la ceinture de sécurité. On a fait de la sensibilisation, vous rappelez-vous, On s'attache au Québec , et tout le kit, puis ça a plafonné aux alentours de 35 %. Puis, à un moment donné, il y a eu du coercitif. Là, ça a monté à 80 %, 90 %, 95 %, 97 %, puis aujourd'hui c'est devenu une habitude de sécurité. Il y a un réflexe même pour la sécurité; on s'attache automatiquement.

Mme Mailloux (Gilberte): Mais ce n'est pas venu du jour au lendemain, ça.

M. Chevrette: Je n'ai pas dit ça, non plus.

Mme Mailloux (Gilberte): Il y a eu une éducation. Il faut préparer le monde avant de les actionner.

M. Chevrette: Il y a eu des annonces, mais je vous ai dit... Je reprends ce que j'ai dit. Ça a plafonné à 35 % après toutes les campagnes de sensibilisation. Ça, c'est à travers le monde; c'est une règle qui est généralisée, ça. À travers le monde, les campagnes de sensibilisation, d'information, d'éducation plafonnent entre 30 % et 40 %. Après ça, il faut que ce soit doublé d'un coercitif si on veut que ça progresse.

On est à 26 %, me dit-on, la règle actuelle du port du casque. Il y en a un qui est venu plaider le confort du non-port du casque ce matin, mais, quand on est dans un régime où la société paie y compris tes salaires, tes pertes de salaires, tes pertes d'autonomie, tes pertes de jouissance de la vie, puis c'est toute la société qui paie ça, est-ce qu'il n'y a pas une opposition entre la liberté individuelle puis le droit collectif de se donner quelque chose dans un régime?

M. Bourdeau (Jean): Je vais vous répondre par une autre question.

M. Chevrette: Bien, vous avez le droit, mais...

M. Bourdeau (Jean): Jusqu'où va l'ingérence du gouvernement? À un moment donné, il y a un risque inhérent à toute chose.

M. Chevrette: Oui, mais vous me répondez: Quel est le rôle de l'ingérence? Mais jusqu'où la liberté individuelle peut aller aussi quand c'est le collectif qui paie? Les coûts sociaux... Un jeune de 18 ans ou de 16 ans se fait frapper, 18 ans. Il gagnait, je ne sais pas, 35 000 $ par année. Il est invalide le reste de ses jours, il est paraplégique. Qui va payer? C'est le régime que tout le monde paie.

M. Bourdeau (Jean): Oui, en auto aussi.

M. Chevrette: Est-ce que tout ce monde-là ne peut pas fixer les règles du jeu pour encadrer la liberté individuelle? Parce que c'est le collectif qui paie pour vous.

M. Bourdeau (Jean): Au niveau de l'automobile, c'est la même chose, à ce que je présume?

M. Chevrette: Oui, c'est pour ça que je dis ça.

M. Bourdeau (Jean): Si c'est la même chose au niveau de l'automobile...

Mme Mailloux (Gilberte): Mais, à ce compte-là, tu peux te blesser en sortant de chez vous.

M. Chevrette: Pardon?

Mme Mailloux (Gilberte): Tu peux te blesser en sortant de chez vous.

M. Chevrette: Ah! bien sûr. Bien sûr, mais en sortant de chez vous...

Mme Mailloux (Gilberte): Tu n'es pas exempt de ça.

M. Chevrette: ...vous allez avoir une assurance personnelle contre les recours civils. Je veux dire, quelqu'un va rentrer chez vous, va s'enfarger dans votre marche d'escalier, vous avez une assurance responsabilité civile. Mais, dans le domaine des accidents de la route impliquant tout véhicule, c'est la pitance de chacun qui fait qu'on paie pour un individu. Est-ce qu'on ne peut pas un petit peu encadrer la liberté de l'individu? Parce que, si tout le monde faisait ça, ça serait l'anarchie. Si tout le monde faisait ce qu'il veut bien faire, faudrait arrêter puis revenir à ce qui existait antérieurement: Prenez-vous une assurance personnelle. Et vous savez qu'est-ce que ça fait, ça? Ça revirerait quasiment tout en procès.

Mme Mailloux (Gilberte): Ça ferait travailler du monde.

M. Chevrette: Puis vous payez 25 %, 30 % d'honoraires professionnels à des avocats. Ça prenait deux, trois ans pour te faire payer, puis tu étais obligé d'être sur l'aide conditionnelle de la sécurité du revenu ou de l'aide sociale. Vous ne croyez pas qu'il y a un encadrement nécessaire du collectif par la population, par l'État?

M. Bourdeau (Jean): Moi, au niveau de la réglementation, là, je ne suis pas trop fort sur ça.

M. Chevrette: Vous n'êtes pas fort là-dessus.

M. Bourdeau (Jean): Moi, non, parce que, à un moment donné, c'est règlements par-dessus règlements.

(14 h 20)

M. Chevrette: Mais, si vous aviez un accident, monsieur...

M. Bourdeau (Jean): Ça ne finit pas. Le casque, pour moi, là, est partie inhérente de mon équipement. Moi, je le mets toujours. Je ne me pose pas la question. O.K.? Je ne me pose pas la question. Je mets mon casque. Je m'en vais en vélo, je m'en vais sur toutes les routes, dangereuses, pas dangereuses, pleines de trous, pas de trou, et je n'ai pas de problème avec ça.

C'est comme quelqu'un, il y a deux, trois ans – je vais vous donner un exemple, là – il a eu un accident, il a freiné trop brusque, il a passé par-dessus son vélo, il avait un casque. La personne est paraplégique, je pense que ça a été en cour en plus, etc., dans une randonnée Louis-Garneau. Donc, c'est soit une distraction, c'était dans le 30 km/h, 35 km/h; la personne a freiné trop brusque, a passé par-dessus, a tombé – colonne cervicale – et a des problèmes.

M. Chevrette: Rupture...

M. Bourdeau (Jean): Là, c'est une négligence. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

Mme Mailloux (Gilberte): Oui, mais dans des grands rendez-vous de même...

M. Bourdeau (Jean): Ça fait partie du risque...

M. Chevrette: Oui, mais une dernière petite question.

M. Bourdeau (Jean): ...et puis ce n'est pas une course.

M. Chevrette: Prenez votre personne, l'exemple que vous venez de donner.

M. Bourdeau (Jean): Puis elle avait un casque, tout simplement.

M. Chevrette: Non, non, mais, casque ou pas casque, là...

M. Bourdeau (Jean): Oui.

M. Chevrette: ...prenez la personne à qui l'accident est arrivé.

M. Bourdeau (Jean): C'est ça.

M. Chevrette: S'il n'avait pas eu de casque, par exemple, encore là, les gens auraient pu dire, véritablement – puis ce n'est peut-être pas vrai non plus, là, mais les gens auraient pu le dire: S'il avait eu un casque, il n'aurait pas eu ce qu'il a eu.

M. Bourdeau (Jean): C'est ça.

M. Chevrette: Sauf que cette personne-là, si elle a 18 ans ou 20 ans, je ne sais pas, c'est qui qui paie pour elle jusqu'à la fin? Elle a la liberté ou pas de porter son casque.

M. Bourdeau (Jean): Bien d'accord.

M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait avoir la liberté de payer ou pas pour son indemnité? Voyez-vous le pendant de quelque chose? Je veux vous faire réfléchir sur le pendant d'un geste. Tu peux être libre de faire ça, mais est-ce que tu peux forcer le monde à payer pour toi qui veux avoir une liberté ou si tu vas exercer une certaine forme de responsabilité personnelle vis-à-vis d'un groupe qui, lui, est responsable vis-à-vis de vous? C'est juste ça que je veux dire. Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Bourdeau (Jean): Oui, oui, je le comprends.

M. Chevrette: On ne peut pas avoir le meilleur de tous les mondes sous prétexte qu'on a une liberté individuelle, sinon les autres n'auront pas à payer pour vous.

M. Bourdeau (Jean): Il faut l'avoir de temps en temps.

M. Chevrette: On pourrait regarder ça sous un angle. Ça pourrait être un deal qu'on propose à ceux qui se conforment aux normes de sécurité, ça: ne pas payer pour ceux qui ne veulent pas.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle, vous avez la parole.

M. Bordeleau: Merci, M. le ministre. Ah! M. le ministre... M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Écoutez, je pense que le message que vous nous envoyez, au fond, est semblable à celui qu'on a eu ce matin d'un autre club de vélo, qui s'appelle l'agence de voyages Explo Tour, qui avait sensiblement les mêmes statistiques et le même message, c'est-à-dire que vous proposez des mesures qui sont des mesures incitatives et vous arrivez avec les résultats que vous nous avez donnés: 90 % des gens qui font du vélo dans nos activités portent le casque. C'était la même chose ce matin. Les nombres étaient plus grands, je pense qu'on parlait de 3 000, et c'est à peu près les mêmes proportions: 80 %, 90 %.

Ce que ça nous dénote, au fond, c'est que, dans certaines conditions, la promotion apporte des résultats qui sont différents de ce qu'on peut observer de façon générale. Et, encore une fois, les statistiques qu'on a mentionnées puis auxquelles le ministre fait référence sont des statistiques générales qui s'appliquent à l'ensemble de la province. On parle du 26 %, 27 %, et c'est comme si on devait prendre pour acquis, là... Parce que c'est ça, le message qu'on nous donne, c'est que 26 %, 27 %, ce n'est pas possible d'aller plus haut que ça, alors que ça ne me paraît pas évident que ce n'est pas possible d'aller plus haut que ça si on adopte d'autres genres d'approches à cette problématique-là avant de penser à celle de la législation. Si je comprends bien, c'est le message un peu que vous nous envoyez aussi.

Puis la preuve de tout ça, c'est que, dans les données qu'on a dans le livre vert, on a des différences régionales importantes. Pourtant, on est dans la même province. Les gens ont été soumis aux mêmes campagnes de publicité. Dans certaines régions, on a des pourcentages de 15 % puis, dans d'autres régions, de 40 %, 48 % dans l'Outaouais, où les gens portent le casque. Donc, ce n'est pas vrai de dire qu'avec une approche de promotion – parce que c'est ce qu'on a fait à venir à date, plus ou moins bien, on peut en discuter – ça plafonne à 26 %. Il y a des régions où c'est 48 %. Il y a des groupes qui participent à des activités et qui arrivent à des proportions de port du casque de 80 %, 90 %.

Mme Mailloux (Gilberte): Mais ce n'est pas dans le même contexte. Nous autres, c'est un groupement. On est accompagné par la police, puis on incite tout le temps le monde à porter le casque, puis tout ça. Ce n'est pas comme le monde qui se promène dans la rue. Moi, là, dans notre Club, ceux qui me disent qu'ils ne porteront jamais le casque, ils ont dit: On va arrêter d'en faire si ça devient obligatoire. Tu dis au monde: Amusez-vous, allez jouer dehors, mais tu leur mets des restrictions.

M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion, dans les gens qui ne veulent pas porter le casque, de comprendre pourquoi ils ne veulent pas le porter? Tout à l'heure, monsieur faisait référence aux causes.

Mme Mailloux (Gilberte): Parce que c'est trop chaud.

M. Bordeleau: Mais les causes de ça, les causes du refus de porter un casque, c'est quoi?

Mme Mailloux (Gilberte): Il y en a qui disent que c'est trop chaud, d'autres qui disent: Ah! on se fait tout décoiffer, les madames en particulier. Ils ont des bonnes raisons. Ils ont tous leurs raisons, mais on va les avoir à l'usure. On monte tout le temps, là.

M. Bordeleau: Moi, je serais curieux... Ah! le ministre... Je vais attendre que le ministre revienne là-dessus. Il y a une question aussi de savoir à quel moment... vous y avez fait référence, là, jusqu'où on se rend dans l'intervention législative de l'État par rapport à des comportements individuels et quand on arrête.

Le ministre fait référence aux coûts sociaux. C'est vrai qu'il y a des coûts sociaux, mais, dans le domaine de la santé, ceux qui se nourrissent mal, on ne leur a pas fait des règlements pour leur dire comment se nourrir. On fait des campagnes de promotion, on essaie d'expliquer c'est quoi, les dangers. L'inaction pose des problèmes aussi aux individus, d'obésité, puis avec toutes les conséquences que ça peut avoir sur la santé. L'utilisation de boisson, évidemment, on le fait avec modération, même le gouvernement en vend. Il s'agit de savoir comment les gens sont utilisés. On n'a pas toujours des approches avec des contraintes législatives qui encadrent tout le monde.

Dans le cas du port du casque, je suis d'accord avec le ministre qu'il peut y avoir des événements déplorables, des décès qui peuvent être dus... puis là ça resterait à cerner encore d'une façon peut-être plus précise pour voir dans quel contexte exactement et combien sont... parce que vous avez illustré un cas, là: casque ou pas casque, la personne s'est cassé le cou.

Mme Mailloux (Gilberte): Mais c'est minime.

M. Bordeleau: Alors, ce n'est pas nécessairement dû au port du casque ou non. Il y a des cas comme ça qui sont véridiques. Mais le moyen qu'on peut prendre, qu'il nous reste à prendre, ce n'est pas nécessairement seulement le moyen législatif avec une obligation. Et la preuve, c'est que le groupe de ce matin, vous autres, et il y en aura probablement d'autres qui vont venir nous le dire: Écoutez, nous, on n'est pas pour l'obligation du port du casque. Ce n'est pas des gens qui ne le portent pas, c'est des gens qui le portent à 90 %. Mais ce qu'ils nous disent comme message, c'est que ce n'est pas vrai que c'est la seule façon de faire. On peut mettre en doute, en tout cas on peut au moins se questionner sur le fait que le 26 % qu'on a atteint, c'est infranchissable, qu'il n'y a plus d'autres moyens d'aller plus haut que ça.

Tout à l'heure, j'attendais que le ministre soit de retour, mais j'aimerais savoir si on peut nous déposer, à la commission, les investissements qui ont été faits au cours des dernières années pour des campagnes de publicité strictement axées sur le vélo et le port du casque. J'aimerais ça aussi qu'on nous donne l'argent qu'on a investi au cours des dernières années sur la campagne de l'alcool au volant. Alors, ça nous donnera peut-être des choses...

M. Chevrette: On pourrait remettre trois choses, là.

M. Bordeleau: Oui.

M. Chevrette: Les investissements pour l'autoroute verte, les pistes cyclables un peu partout à travers le Québec; l'argent pour la promotion du port du casque et la sécurité à vélo; puis l'argent pour les annonces publicitaires pour l'alcool au volant.

M. Bordeleau: Parfait. Alors, ça nous sera déposé en commission?

M. Chevrette: Oui.

M. Bordeleau: O.K. Essentiellement, c'est ça. Moi, je suis assez sensible à ce que vous nous dites comme approche. Bien qu'on fasse le même diagnostic, il y a des cas déplorables. On n'arrive pas nécessairement à la même conclusion sur les moyens à prendre même si on a le même objectif, c'est-à-dire de faire en sorte que le port du casque soit le plus répandu possible, excepté que c'est comment le faire et en fonction de quel contexte. Alors, moi, je n'ai pas d'autres commentaires.

(14 h 30)

Mme Mailloux (Gilberte): Ceux-là qui ne le portent pas, ils disent: Le gouvernement est à la veille de nous dire tout quoi faire, comment s'habiller, même la couleur de nos bobettes, là. Eux autres, là, ils ne le porteront jamais. Ils ne veulent rien savoir. Si c'est une loi, eux autres, ça ne marchera pas, leur affaire. Ils vont arrêter...

M. Chevrette: Ça peut être vrai – si M. le député de l'Acadie me permet – ce que vous dites, madame.

Mme Mailloux (Gilberte): Mais je l'entends.

M. Chevrette: Mais suivons la même logique. Quelqu'un qui dit ça, est-ce qu'il peut avoir la liberté, par exemple, de ne pas demander à une société de payer pour lui à perpète?

Mme Mailloux (Gilberte): Bien, quand il dit ça...

M. Chevrette: Il faut être logique. On ne peut pas vouloir une liberté totale, et vous le savez très bien vous-même, puis demander à d'autres citoyens de payer pour toi, par exemple. Là, tu mettras non seulement la couleur de bobettes mais l'accoutrement que tu voudras, mais ce n'est pas eux autres qui vont payer pour vous autres toute votre vie. C'est différent, ça.

Mme Mailloux (Gilberte): Quand ils ont ce raisonnement-là, ça va avec ce que vous dites. Quand tu raisonnes de même, ça veut dire que tu ne penses pas plus loin. C'est leur petit moi.

M. Chevrette: Je pense que la promotion... effectivement. Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame, monsieur, pour votre présence à cette commission parlementaire.

Mme Mailloux (Gilberte): J'espère qu'il va y avoir une continuité.

Le Président (M. Lachance): On verra.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants de Équiterre et Vivre en ville à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Ce sont les mêmes règles qui s'appliquent que pour le groupe qui vous a précédés, alors 10 minutes de présentation et 20 minutes d'échanges. Alors, j'invite le porte-parole à bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.


Équiterre et Vivre en ville

Mme Bourget (Ann): Alors, mon nom est Ann Bourget, je suis présidente de Vivre en ville et membre du conseil d'administration d'Équiterre; à ma gauche, Alexandre Turgeon, qui est vice-président de Vivre en ville et qui est aussi directeur général du Conseil de l'environnement de la région de Québec; à ma droite, Nicolas Lavoie, qui est chargé de projet à Montréal pour Vivre en ville.

Alors, ça va se dérouler en deux temps. D'abord, on présentera... On a décidé de présenter conjointement parce que nos positions se ressemblaient et aussi parce qu'on travaille de concert sur les questions en matière de transport.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue. Vous avez la parole.

Mme Bourget (Ann): Merci. Alors, Équiterre, son intérêt dans le débat. En fait, Équiterre est actif depuis 1993. C'est une association à but non lucratif qui a pour mission la promotion de choix écologiques et socialement équitables. Équiterre a une structure démocratique de plus de 500 membres, dont une centaine de bénévoles actifs, et qui sont des utilisateurs du vélo.

Depuis ses débuts, Équiterre se préoccupe des problématiques reliées au transport et aux changements climatiques et a réalisé différentes activités en lien avec cette thématique, entre autres la présence d'Équiterre au sein des tables provinciales sur les changements climatiques; on a participé à la Conférence des parties à Berlin au mois de mars 1995; et aussi, entre autres, nous avons déposé un mémoire au débat public sur l'énergie en lien avec les transports.

Depuis 1995, Équiterre organise à chaque année, entre autres, une randonnée en vélo écotouristique. Par ce biais-là, nous avons réussi à sensibiliser des centaines de personnes au transport écologique, et aux changements climatiques, et, par voie de conséquence, aussi à tout ce qui est lié aux bonnes habitudes de la pratique du vélo. On a aussi organisé, avec David Suzuki, le lancement du rapport À couper le souffle qui est encore en lien avec les transports et les changements climatiques.

L'intérêt d'Équiterre dans le débat sur la sécurité routière découle donc des préoccupations environnementales, en principal lieu. Équiterre est d'avis qu'il est primordial de réduire notre dépendance sur la voiture privée pour une panoplie de raisons dont la qualité de l'air dans les villes, les changements climatiques, les coûts des infrastructures tels les ponts, les routes, en fait tout ce qui est nécessaire au support à la voiture.

Le vélo fait donc partie d'un ensemble de moyens qui pourraient faciliter une transition vers un Québec de moins en moins dépendant à la voiture. Et le vélo, jumelé à d'autres façons de se déplacer, comme l'autobus, le train, le métro, le covoiturage ou le partage de voiture par exemple, constitue une alternative non seulement écologique, mais aussi économiquement intéressante pour les consommateurs et la société en général. L'amélioration de la sécurité routière devrait donc passer avant tout par une diminution de l'utilisation des voitures privées et des camions, puisque la presque totalité des accidents de la route impliquent un véhicule motorisé.

Le port du casque pour les cyclistes est une mesure ayant un impact positif pour la sécurité de ces derniers, ça, c'est indéniable, et nous en favorisons l'utilisation. Toutefois, selon plusieurs experts du milieu, comme Vélo Québec, rendre le port du casque obligatoire aurait un impact négatif sur l'utilisation du vélo. Certains en seront découragés pour des raisons, entre autres, de confort, mais aussi pour des raisons d'ordre pratique ou économique. Notons, à titre d'exemple, la panoplie d'équipements que les utilisateurs du vélo ont à traîner à partir du moment où ils se servent de ce mode de transport là pour le travail ou pour leurs déplacements journaliers. Alors, on a des bancs qu'on doit enlever pour ne pas se les faire voler, des roues, en tout cas, etc. Ajouter un casque à cet équipement n'est tout simplement pas pratique. Sur le plan économique, les personnes à faibles revenus seront découragées d'acheter ou d'utiliser le vélo si elles doivent en plus faire l'achat d'un casque. Donc, la question de coût.

Et il est loin d'être évident que les traumatismes crâniens que l'imposition du port du casque pourrait éviter ne seraient pas compensés par une augmentation des maladies, accidents, décès que la pratique du vélo contribue à éviter.

Bref, au niveau de la santé, rappelons que les hôpitaux remarquent une hausse de l'achalandage lors des épisodes de smog dans les centres urbains et que la pollution de l'air est responsable de plus de 1 900 décès prématurés par année dans la seule région de Montréal. La pratique du vélo contribue à réduire la pollution de l'air, comme je l'ai déjà dit, et, si le port du casque obligatoire avait pour effet de réduire ne serait-ce que de quelques milliers le nombre d'utilisateurs du vélo, ça aurait pour effet d'empirer la qualité de l'air en milieu urbain et, par conséquent, le nombre de victimes de cette pollution.

Par ailleurs, une panoplie d'autres mesures visant à augmenter la sécurité routière pour les cyclistes devraient être mises en oeuvre avant d'en arriver à une solution coercitive, tel qu'il est proposé, comme l'imposition du port du casque. En voici quelques-unes: l'augmentation du nombre et de la longueur des pistes cyclables à des fins utilitaires et récréotouristiques; la réduction de la vitesse moyenne en milieu urbain; l'aménagement d'un accotement pour vélos sur les routes des régions périurbaines et rurales; l'éducation et l'éclairage systématique; le renforcement de la visibilité des cyclistes. Ces mesures auraient un impact important sur la sécurité routière, à notre avis, et c'est pourquoi nous les recommandons.

M. Lavoie (Nicolas): Je vais maintenant brièvement vous parler un petit peu de Vivre en ville et présenter ses positions. Vivre en ville est un organisme qui s'intéresse, donc, aux questions d'aménagement du territoire, et c'est dans cette perspective-là, l'intervention au niveau de l'obligation du port du casque à vélo, qui risquerait d'avoir des incidences sur un mode de transport que l'on souhaite favoriser autant pour ses bénéfices sur le plan social et environnemental qu'économique également, qu'on se positionne. Donc, nous souhaitons présenter la position suivante, qui est celle non pas de favoriser une mesure obligatoire qui aurait pour effet, donc, tout comme la position qu'Équiterre défendait tout à l'heure, la diminution du nombre d'adeptes, de cyclistes, plutôt qu'une baisse sensible du nombre de blessures.

(14 h 40)

On veut aussi proposer des façons de faire qui s'intéressent aux causes des accidents de la route et non pas aux effets. Alors, s'intéresser aux blessures à la tête, pour nous, ça nous apparaît un peu démesuré dans le sens où il y a davantage intérêt à s'intéresser à éviter, si on veut, les accidents. Et pour ça, nous, comme c'est indiqué dans notre mémoire, on propose cinq façons de faire pour justement limiter le nombre de blessures à la tête et les accidents en vélo: donc, d'améliorer les infrastructures de transport, les infrastructures dédiées au vélo, en fournissant vraiment des infrastructures qui sont séparées, des pistes cyclables séparées des voies de circulation des voitures; une intervention également au niveau de l'éducation et de la sensibilisation à la fois des cyclistes et à la fois des automobilistes. Parce qu'il est démontré, semble-t-il, par plusieurs études que plus le nombre de cyclistes est grand et plus ça a un impact sensible sur les automobilistes qui deviennent conscients qu'il y a d'autres types d'usagers qui utilisent les infrastructures routières et qui font de plus en plus attention, et ce qui a comme conséquence, donc, de limiter le nombre d'accidents.

Également, peut-être assurer une meilleure gestion de la circulation routière pourrait justement permettre de limiter les accidents et donc le nombre de blessures, c'est-à-dire, peut-être, dans certaines zones, limiter la vitesse des voitures, le flot de circulation aussi sur les voies qui sont près des infrastructures dédiées pour les cyclistes. Une dernière intervention aussi, c'est de travailler au niveau du matériel cycliste qui peut permettre justement d'éviter des accidents, donc améliorer, entre autres, l'éclairage des cyclistes durant la nuit, puisqu'il semblerait qu'une grande partie des accidents sont causés la nuit, souvent par un manque d'éclairage, si on peut parler ainsi, des cyclistes. Alors, voici la position. Je peux peut-être laisser mon collègue Alexandre Turgeon terminer.

M. Turgeon (Alexandre): En terminant, Vivre en ville et Équiterre convient les membres de la commission à analyser la question du port obligatoire du casque à vélo en regard de l'impact qu'auront les décisions sur le taux d'utilisation de ce mode de transport. S'il n'y avait pas d'impact sur le nombre d'utilisateurs et de nouveaux usagers du vélo, il n'y en aurait pas, de problème, à faire une législation obligeant le port du casque. Nous, on pense que ce n'est pas le cas.

Nous demandons de proposer une mesure qui soit juste et équitable pour l'ensemble des utilisateurs de la route au lieu de faire payer le prix à ceux qui ont choisi un mode qui a des répercussions positives sur le plan de la santé, de l'économie et de l'environnement. Sur la question des coûts qui a été abordée tout à l'heure, si l'objectif, c'est de réduire le coût, pour l'ensemble des contribuables, lié à la question des accidents, je pense qu'il faut penser à limiter le «tout à l'automobile» qu'on a eu tendance à faire au cours du dernier siècle, et c'est des milliards de dollars qu'on va ainsi économiser.

En liant les questions de planification urbaine à la planification des transports, on va faire en sorte de ne pas toujours obliger chaque personne à utiliser systématiquement une automobile pour chacun de ses déplacements. Et c'est en développant des alternatives et en arrêtant de laisser... Si on veut légiférer et limiter certaines libertés, empêchons donc certaines libertés commerciales du style Club Price, RO-NA Dépôt et Wal-Mart, ce type de commerces là qui oblige nécessairement l'usage d'une voiture, qui tue le petit commerce de quartier où on peut aller simplement à pied. On augmente artificiellement le nombre d'utilisateurs de voitures par des pratiques d'aménagement et de transport comme ça. Alors, si on veut limiter certaines pratiques individuelles, je pense que c'est là qu'il faut couper. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, madame, messieurs. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Bien, d'abord, je voudrais vous remercier pour votre grande candeur, votre grande franchise. Mais je dois vous avouer que j'ai bien aimé la phrase que vous avez dite, ce qui prouve que vous affichez une transparence totale, quand vous avez dit, M. Turgeon: Si on était certain que ça n'abaisse pas le nombre d'adeptes, on serait d'accord avec une législation sur la sécurité. C'est un peu ça que vous m'avez dit. Parce que, pour vous, la valeur que vous venez défendre ici, c'est le nombre d'adeptes de la pratique du vélo.

Il y en a d'autres dont la valeur pourrait être la sécurité routière, puis il y en a d'autres qui pourraient vouloir éviter les 3 157 accidents, qui ne sont peut-être pas reliés nécessairement au port du casque, je n'en disconviens pas, là. Mais il y a des valeurs qui sont le propre d'un groupe de personnes ou de personnes puis il y a d'autres valeurs qui sont le propre d'autres personnes. C'est du choc des valeurs qu'il faut tirer un médium pour vivre tout le monde ensemble, tout le monde en harmonie. Comme il y en a qui sont pour les grandes surfaces puis d'autres qui sont pour les petits commerces, d'autres qui pensent que les grandes surfaces créent beaucoup d'emplois puis que ça sort beaucoup de monde de la sécurité du revenu. C'est une valeur qui est contestable par rapport à ce que vous venez d'exprimer comme valeur. Mais c'est du choc des valeurs qu'on trouve un modus vivendi puis que tout le monde retrouve son compte dans une société. Une société est faite nécessairement de compromis, de confrontation d'idées et de valeurs. C'est ça, la démocratisation de nos débats. Il y a des gens qui sont pour quelque chose, contre quelque chose, puis il y en a qui cherchent à soutirer un compromis entre les deux. C'est ce qu'on appelle le «phénomène des tendances» dans les sociétés démocratiques.

Ceci dit, étant donné que vous avez des valeurs, reconnaissez-vous que d'autres peuvent prendre des moyens pour éviter, par exemple, annuellement 3 157 accidents ou graves, ou légers, ou décès, qu'on diminue ça puis qu'on ait un meilleur bilan au niveau du cyclisme au Québec?

Mme Bourget (Ann): Bien, ce qu'on dit justement, c'est de faire un vrai bilan de l'ensemble des accidents qui se déroulent entre... de faire un réel bilan pas juste des accidents, mais aussi de tous les impacts de l'utilisation d'un mode de transport comme le vélo, le bilan, par exemple, des accidents, le taux de mortalité lié aux changements climatiques et à un accroissement de l'utilisation de l'automobile, qui n'est pas nécessairement: un cycliste égale un automobiliste de plus si on l'enlève de son vélo, là, on s'entend bien là-dessus, mais de dire qu'on fait un réel bilan de ces impacts-là, qui n'est pas fait jusqu'à présent.

Donc, c'est à ça qu'on fait référence, et on pense que le portrait n'est pas complet. Avant de prendre une décision qui découragerait, à notre avis, l'utilisation du vélo, on se dit qu'il faut faire ce genre de bilan là. Par la suite, il faudra faire des choix de société aussi. Est-ce qu'on décide d'encourager ce mode de transport là? Si oui, quelles mesures seraient les plus efficaces? Est-ce que le port du casque va être une mesure plus efficace ou non?

M. Chevrette: Je comprends que vous défendez un point de vue, puis je vous félicite de le faire, mais je vais vous poser une question: Si vous aviez un enfant de six ans, prendriez-vous la 132, ou la 138, ou l'ancienne 2 sans que votre enfant porte un casque sur le vélo?

Mme Bourget (Ann): La question, c'est: Est-ce que la 132 permet de rouler à vélo, peu importe si on a six ans ou si on en a 80?

M. Chevrette: Mais la 132, elle est ce qu'elle est, là.

Mme Bourget (Ann): Elle est là.

M. Chevrette: Elle n'a pas l'accotement sur toute sa longueur, que vous souhaiteriez. Puis je trouve que c'est sain comme proposition. Ça revient de plus en plus, l'élargissement de l'accotement, même pour la conservation des routes, nous a-t-on dit ce matin. Donc, ça, on va le regarder très sérieusement. Mais oublions qu'il y aurait des accotements larges. La 132 ou la 2 actuelle, est-ce que vous prendriez le chemin, vous... Moi, j'en ai vu souvent, des familles, deux petits bouts de choux – cinq, six, sept ans – avec un père puis une mère qui, eux, n'ont pas de casque, puis ils en flanquent un sur la tête du petit. Ce n'est déjà pas si mal, au moins, ils en mettent à leurs enfants. Mais prendriez-vous la route, vous, avec un enfant de six ans, l'ancienne 2, par exemple, une route nationale?

M. Lavoie (Nicolas): Il y a deux éléments peut-être dans votre intervention, M. Chevrette.

M. Chevrette: Il y en a peut-être trois aussi, parce qu'il y en a un qui est subliminal.

Mme Bourget (Ann): Avec ou sans casque, je pense que, nous trois, on est d'accord qu'on ne prendrait pas la 132. Avec ou sans casque. Mais je vais laisser mes collègues répondre.

M. Lavoie (Nicolas): Si vous étiez parent justement... Moi, non seulement je ne laisserais probablement pas mes enfants prendre la route 132... L'autre élément aussi, c'est que, si j'étais parent et que j'étais conscientisé par la santé de mes enfants, un, mon intervention, ça serait de dire: Ne prends pas telle route et mets ton casque non pas parce que c'est obligatoire, mais parce que c'est pour ta sécurité. Donc, il y a deux niveaux d'intervention et...

M. Chevrette: Mais prenons-les l'un après l'autre. Prenons la 132 toujours, notre exemple, là. Actuellement, seriez-vous d'accord pour que j'interdise le vélo sur la 132?

M. Lavoie (Nicolas): Oui. Ça, c'est un autre élément potentiel, mais ça ne concerne pas le casque à vélo. Ici, port du casque ou pas, si vous avez un accident sur la 132, à la vitesse à laquelle roulent les voitures, il est fort probable que, casque ou pas, vous soyez blessé...

M. Chevrette: Exact.

M. Lavoie (Nicolas): ...si vous avez un accident. Alors, il est peut-être dans l'intérêt de sensibiliser davantage les parents en disant: Écoute, mon petit jeune, tu as six ans, va donc sur telle infrastructure routière cycliste qui t'es dédiée, qui t'es offerte, plutôt que de rouler sur la 132. Je pense que, entre autres avec la Route verte, on risque peut-être de sensibiliser, de faire un pas en avant de ce côté-là, mais cependant je pense que c'est le genre de mesure de sensibilisation que l'obligation de porter le casque à vélo ne viendrait pas améliorer.

M. Chevrette: Mais je repose la question: Seriez-vous d'accord qu'on interdise – oublions le casque – le vélo sur certaines routes nationales? Je ne parle pas des autoroutes, c'est déjà interdit, sur les routes nationales.

M. Turgeon (Alexandre): Il y a deux étés, en 1998, j'ai passé mes vacances dans le Bas-Saint-Laurent puis en Gaspésie, et on est parti avec nos vélos sur le toit de l'auto. À plusieurs endroits, on a fait des petits circuits à vélo dans des routes rurales, puis, entre autres, dans le coin de Kamouraska où des tronçons, des circuits qui nous étaient proposés passaient par la 132. D'ailleurs, c'était mon tout nouveau casque, c'était mon premier que j'avais comme usager à vélo. J'avais beau avoir un casque sur la tête, je ne me sentais pas du tout en sécurité sur la 132 avec les véhicules qui circulaient sans doute à 110 km/h, 120 km/h. Casque ou pas casque, je ne me sentais pas à ma place puis j'avais hâte qu'on sorte de la 132.

En même temps, vous dire: On devrait interdire la circulation à vélo là, je pense qu'il y a là une activité touristique intéressante qu'on risquerait de limiter. Il faudrait peut-être encore une fois travailler sur qu'est-ce qui pourrait faire en sorte que les vélos se sentent davantage en sécurité. Élargir les voies d'accotement? Y a-tu une voie séparée qui peut être faite spécialement pour eux? Parce que la pratique est quand même assez répandue dans ces endroits-là. Y a-tu quelque chose qui peut être fait pour permettre cette pratique touristique là tout en assurant la sécurité des cyclistes qui veulent passer par là? Et, personnellement, je n'ai pas du tout aimé ce tronçon-là, de mon expérience.

(14 h 50)

Mme Bourget (Ann): Bien, j'ajouterais à ça que c'est un bon point qui a été amené, le volet touristique. C'est une activité qui est en pleine croissance. On parle des baby-boomers. S'il y a un impact positif, c'est qu'ils prennent de plus en plus le vélo. Alors, c'est une activité touristique qui peut être très importante. Je renforcerais le point qu'au contraire il faut peut-être élargir l'accotement puis réduire la vitesse le long de ces tronçons de route là qui sillonnent les villages du Québec et qui, à mon avis, constituent une richesse.

M. Chevrette: Je vous remercie. Je n'ai malheureusement plus de temps, mais je vous remercie de votre point de vue devant cette commission.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier également pour la présentation de votre mémoire et puis aussi sur le fait que... En fait, vous avez attiré l'attention sur certaines dimensions, et c'est la première fois qu'on le fait dans les mémoires qu'on a entendus à date – je sais que ça va revenir plus tard dans d'autres – et je fais référence à deux aspects en particulier, c'est-à-dire les difficultés d'ordre économique que ça peut poser, le port du casque...

Je le mentionne parce que je pense qu'il faudrait peut-être qu'on ait l'occasion de réfléchir là-dessus, otamment dans la mesure où on favorise, là, peu importent les moyens, que ce soient des moyens législatifs ou des moyens incitatifs, le port du casque. C'est qu'il y a des familles pour qui ça peut être difficile financièrement. À ce moment-là, il faudrait qu'on prévoie peut-être, au niveau de la Société d'assurance automobile du Québec, qu'on se préoccupe de ça, de trouver peut-être des moyens, des commandites ou des choses comme ça pour arriver à ce qu'un obstacle économique ne soit pas un obstacle – l'achat – au port du casque ou une façon de démotiver les gens, tout simplement, à faire du vélo, étant donné qu'il y aurait des coûts économiques qui seraient associés à ça. Alors, je pense que vous l'avez signalé. Je pense c'est important de le souligner.

Bien, un autre point aussi sur lequel vous avez attiré l'attention – et le ministre le mentionne aussi que ça a été mentionné ce matin, et je pense que c'est important – c'est le fait qu'il y a une série d'aspects qui sont reliés, disons, à l'environnement, là, comme tel physique de la pratique du vélo. On pense aux routes, on pense à toutes sortes d'autres modalités. Vous y faites référence dans les deux mémoires.

Je pense que c'est effectivement important de se poser la question, comme – je ne sais pas si c'est vous qui l'avez fait, ou le groupe avant – de se dire: Bien, est-ce qu'il n'y a pas des conditions qui font que les accidents surviennent et que, là, il y a des blessures à la tête? Et la vraie cause, ce n'est peut-être pas le port du casque où on vient après coup essayer de neutraliser un effet qui est dû à un manque qui est en amont, si on veut, qui sont les conditions routières ou les conditions des pistes. Et je pense c'est important de le souligner. Je pense qu'il y a peut-être beaucoup plus de blessures qui surviennent dues à des failles de ce côté-là qu'il y en a qui surviennent dues au fait que, parce que ces failles-là existaient, on n'a pas pu compenser, en dernier ressort, la blessure à la tête avec le port du casque. Et je pense qu'il y a à la fois en avant... Et je pense que ce serait pas mal plus valable d'essayer de se centrer sur les premiers facteurs qui sont des facteurs beaucoup plus fondamentaux.

Ceci étant dit, je veux juste aller rapidement à deux questions. Vous étiez ici tout à l'heure. On a parlé de la question du plafonnement des mesures incitatives, de promotion, à 25 %, 26 % de port du casque avec les mesures de promotion que la Société d'assurance automobile a pu faire. J'aimerais ça tout simplement avoir votre impression là-dessus. Est-ce que vous êtes convaincus qu'avec des moyens d'incitation on ne peut pas dépasser le 26 % et que le gouvernement est justifié, dans la mesure où on veut favoriser le port du casque par le plus grand nombre possible, d'adopter des mesures coercitives étant donné que le 26 %... Vous êtes d'accord avec ça, qu'au niveau de la promotion on ne peut pas aller plus haut que ça, ou est-ce que vous êtes en désaccord avec cette présentation-là, au niveau des chiffres?

Mme Bourget (Ann): On est en désaccord avec ça. Entre autres, je ne me souviens plus dans quel document, on a eu des chiffres qui pouvaient atteindre, avec la promotion et l'information, près de 50 %. Mais, en plus, ce qu'il faut dire, c'est que les gens eux-mêmes se convainquent entre eux de porter le casque. Il ne faut pas négliger cet aspect-là de la pratique du vélo, où ça devient presque un acquis. Au fur et à mesure que ça devient une pratique reconnue, les gens s'équipent pour en faire. Et ça, on le voit dans tous les sports. Les Québécois sont les gens les plus équipés dans chacun des sports qu'ils pratiquent. Donc, je pense que ça va venir avec le temps aussi.

Et j'ajouterais à ça qu'il y a des statistiques inquiétantes que des moyens de coercition comme celui du port du casque obligatoire... Il y a une statistique à Melbourne: la chute des blessures à la tête reliées au vélo a été suivie d'une chute de 36 % d'utilisation chez les enfants. C'est donc dire qu'on crée des générations de gens pour qui ça deviendra presque une corvée de prendre le vélo, donc vont choisir d'autres modalités de transport. Et on sait que l'automobile, c'est à peu près le choix le plus facile à prendre. Bon.

M. Lavoie (Nicolas): Il est intéressant de constater justement que la région où est-ce qu'on retrouve le plus fort pourcentage de port de casque à vélo, c'est la région de l'Outaouais. Or, je pense que c'est des éléments de réflexion très intéressants. Pourquoi est-ce que c'est dans cette région-là? Bien, c'est peut-être parce que c'est une des régions où on offre les plus belles infrastructures dédiées pour le vélo spécifiquement. En tant que cycliste et pour avoir roulé à la fois dans les régions de Québec, Montréal et de l'Outaouais sur les pistes cyclables, je peux en témoigner. Il y a des très belles infrastructures à la fois urbaines et intra-urbaines dans cette région de l'Outaouais là. Et c'est peut-être justement ce qui fait en sorte qu'il y a une augmentation du nombre d'usagers, donc une augmentation subséquente aussi du port du casque de vélo parce que c'est comme un effet de gonflement. Et c'est là-dessus d'ailleurs qu'on voudrait insister: si on est capable de le faire dans cette région-là, pourquoi est-ce qu'on n'est pas capable de le faire dans l'ensemble des régions du Québec? Je pense qu'il y a un élément intéressant de réflexion.

M. Bordeleau: Vous êtes dans le monde du vélo. Vous avez sûrement des contacts avec les organismes à l'extérieur, dans d'autres provinces. Pourquoi, selon votre avis, d'autres provinces ont choisi de légiférer? Je pense à l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique. Pourquoi eux ont décidé de légiférer? Parce qu'il y a des gens qui font du vélo dans ces provinces-là de la même façon qu'au Québec. Je ne sais pas quelle était leur position à eux, ces groupes-là, quand il a été question de discuter cette possibilité-là, mais il reste qu'au bout de la ligne les provinces ont légiféré dans la direction d'obliger le port du casque, soit pour tout le monde ou pour les enfants, selon certaines provinces.

Mme Bourget (Ann): À notre avis, c'est la solution facile. Quand on se met à ne pas regarder une question en profondeur et à faire les vrais bilans qui s'imposent, notamment... On parlait tantôt de l'émission de gaz à effet de serre. Il faut les faire, ces analyses-là. Il faut regarder quelles sont les causes réelles. Quand on se met à faire les bilans, eh bien, peut-être que ça amène à des solutions différentes. À notre avis, c'est facile d'en arriver à dire que ça prend un casque pour se promener à vélo pour réduire les blessures à la tête. C'est apparent, c'est visible, c'est ce qui nous saute aux yeux de prime abord. Mais, à notre avis, c'est un manque d'analyse de dire que ça va améliorer la sécurité.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Il y a un aspect que vous n'abordez pas dans votre mémoire. Vous dites que vous faites la promotion de choix écologiques et socialement équitables. Vous avez quand même une vocation environnementale également, parce qu'on s'est rencontrés dans le cadre d'autres commissions.

Je me posais la question... Au niveau du virage à droite, vous ne faites pas le débat à l'intérieur de vos mémoires, mais, au point de vue environnemental, on peut se demander, au niveau des changements climatiques, si ça va avoir un effet positif ou négatif. Le fait que vous n'abordiez pas le virage à droite dans vos mémoires, est-ce qu'on peut présumer que vous êtes en accord avec le virage à droite ou c'est parce que vous ne voulez pas aborder la question?

(15 heures)

Mme Bourget (Ann): On n'a pas abordé la question dans le mémoire, mais ce qu'on a entre nous comme discussion, c'est qu'il faut centrer d'abord des politiques de transport sur la sécurité du piéton. C'est ce qui émet le moins de gaz à effet de serre. Ce qu'on privilégie souvent comme approche, c'est carrément d'arrêter le véhicule lorsqu'il a à attendre au feu rouge et non pas de s'engager au feu rouge. Donc, c'est un petit peu dans cette optique-là qu'on aurait abordé la question, bien qu'on ne l'ait pas fait.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie, pour une dernière intervention.

M. Bordeleau: Oui. En fait, ce n'est pas une question, mais c'est un commentaire que je veux faire à l'adresse du ministre. Tout à l'heure, on a fait état de certaines données qui pourraient être intéressantes à avoir. Il y en a une autre, je pense, qui... C'est parce que souvent on revient avec le fait que le port du casque pourrait décourager la pratique du vélo. Je ne sais pas si c'est disponible, mais je pense que ça pourrait être intéressant de les rendre disponibles. Dans d'autres provinces, on a légiféré dans ce sens-là: je pense à l'Ontario en 1995; en 1995 aussi, le Nouveau-Brunswick; en 1997, la Nouvelle-Écosse. Est-ce qu'il y aurait possibilité de savoir, depuis ces dates-là, avant, quelques années avant, le nombre de cyclistes?

M. Chevrette: Pour avoir l'effet du casque directement, c'est par le réseau de la santé qu'on l'aurait.

M. Bordeleau: En tout cas, il y a sûrement des évaluations...

M. Chevrette: Fort probablement, les meilleures statistiques, ce serait par le réseau de la santé.

Une voix: ...

M. Chevrette: Il n'y a pas nécessairement eu de dénombrement du nombre de cyclistes dans les autres provinces.

M. Bordeleau: Alors, dans les trois autres provinces, on ne sait pas, nulle part, si le port du casque a eu l'effet que les gens appréhendent, c'est-à-dire une diminution.

M. Chevrette: Mais, par exemple, il y a une statistique qu'on pourra demander au réseau de la santé. Est-ce qu'ils ont, eux, des statistiques pour ceux qui se présentent à l'urgence? Est-ce qu'ils avaient un casque protecteur ou pas?

Je ne voudrais pas non plus qu'on laisse imaginer que des groupes du – puis ce n'est pas le propos du député, loin de là, là, puis je ne pense pas que ce soit l'esprit des groupes qui viennent... Mais, quand vous défendez le non-port du casque obligatoire, vous ne contestez pas le fait qu'on ait un élément de sécurité sur la tête. C'est plus sécuritaire pour un individu que s'il n'en a pas. J'espère qu'on se comprend bien, là, parce qu'à vouloir défendre un dossier vous pouvez projeter l'image de gens qui sont contre la sécurité. Ne vous arrangez pas pour qu'on vous case dans ces catégories-là.

M. Lavoie (Nicolas): Il est question du port obligatoire du casque à vélo, hein.

M. Bordeleau: Dans les groupes qui sont axés sur la pratique du vélo, est-ce que vous avez des données du nombre de gens qui font du vélo dans les différentes provinces, au cours des dernières années?

M. Lavoie (Nicolas): Nous, nous ne les avons pas, mais je pense qu'il y a d'autres groupes qui vont se présenter à la commission qui vont certainement avoir des chiffres à l'appui, là. Je pense à Vélo Québec qui ont certainement certaines documentations. Je voudrais dire que, sur leur site Internet, il y a quelques documents, d'ailleurs auxquels on fait référence, qui ont des éléments.

M. Bordeleau: O.K. On leur posera la question, à ce moment-là.

Le Président (M. Lachance): Alors, Mme Bourget, MM. Turgeon et Lavoie, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite les représentants du groupe suivant, la ville de Québec, à bien vouloir prendre place à la table.

Bienvenue, messieurs. M. L'Allier, je vous demande de bien vouloir nous indiquer les noms des personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes de présentation et que, par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires pour une durée de 40 minutes maximum.


Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. À ma gauche, M. Marc Des Rivières, responsable du service de circulation à la ville de Québec, qui est accompagné de M. Laurent Dorval qui est un technicien plus pointu en ce domaine que je ne le serai jamais. Alors, si vous avez des questions techniques, vous pouvez les leur poser, et vous me permettrez, si vos questions sont aussi techniques, de référer les questions à M. Des Rivières.

Le mémoire est court, M. le Président. Si vous me permettez, je vais le lire dans le temps qui m'est imparti en vous demandant de m'indiquer lorsqu'il restera deux minutes, pour que je puisse soit accélérer soit répéter des choses si j'ai encore du temps. Mais je vais essayer de ne pas parler pour rien.

Le Président (M. Lachance): Avec plaisir, monsieur.

M. L'Allier (Jean-Paul): Je voudrais d'abord vous remercier, M. le Président, d'avoir accepté de nous entendre dans la présentation de ce mémoire, M. le ministre également, Mmes et MM. les députés.

C'est un mémoire que nous avons présenté et que nous avons préparé dans l'optique des situations concrètes que l'on vit dans une ville comme Québec, en invitant le gouvernement, à chaque fois que c'est possible, à normaliser les règles, à les établir communes à tout le monde, mais, en même temps, à tenir compte de la réalité de certaines villes notamment quant à leur taille ou quant aux ressources dont elles disposent pour gérer la circulation et le transport. Vous allez voir que, en bien des points, ce que nous disons rejoint la position des projets du gouvernement et que, sur d'autres points, nous donnons des explications qui peuvent illustrer pourquoi le point de vue de la ville peut être différent.

Nous consacrons des efforts importants pour concevoir, aménager, gérer un réseau efficace de rues, de trottoirs et de pistes cyclables qui assure des conditions de sécurité optimales à ses usagers et à ses usagères, et ça, dans une ville qui a été conçue, sur la plus grande partie de son existence, avant l'automobile et avant tout ça. Québec va bientôt célébrer quatre siècles d'existence. Alors, vous comprendrez que nous devons, dans bien des cas, si on veut à la fois protéger la ville et la développer, poser des contraintes à la circulation automobile. Sans ça, les véhicules, autobus, véhicules lourds vont carrément détruire des parties essentielles de ce qui fait que Québec est Québec et notre capitale à tous.

Les propositions soumises dans le livre vert ont été examinées en fonction des orientations municipales qui prônent d'abord la sécurité des usagers et des usagères de la route. Par ailleurs, nous souhaitons profiter de cette consultation pour faire état de deux préoccupations importantes en matière de sécurité routière: la gestion des limites de vitesse et du camionnage.

Le premier point, quant au port du casque protecteur pour les cyclistes. Le port du casque protecteur est reconnu comme étant une mesure efficace pour réduire le nombre et l'importance des blessures à la tête chez les cyclistes. Les diverses études tendent toutefois à montrer qu'une partie importante de la population ne reconnaît pas encore le bien-fondé de porter un casque protecteur car le taux de port du casque n'est que de 27 % pour l'ensemble du Québec et de 41 % pour la région de Québec.

Tous les cyclistes devraient porter le casque protecteur. La ville de Québec recommande donc que le Code de la sécurité routière soit modifié de façon à obliger tous les cyclistes qui empruntent les chemins publics à porter le casque. Cette obligation devrait également s'appliquer aux cyclistes qui circulent dans les parcs et sur les pistes cyclables, en site propre, car près de 75 % des accidents surviennent hors du réseau routier.

L'entrée en vigueur de cette mesure devrait cependant être reportée pour une période de deux ans afin de permettre à la Société de l'assurance automobile du Québec d'organiser des campagnes d'information dynamiques pour sensibiliser les cyclistes aux avantages de porter le casque protecteur et aux risques de ne pas le porter. Ces campagnes devraient être tout aussi percutantes que celles diffusées au cours des dernières années sur la vitesse et la conduite avec facultés affaiblies.

Souvenons-nous, à titre de comparaison, de ce qui a été fait au moment de l'obligation de porter la ceinture de sécurité dans les automobiles. On a mis un certain nombre d'années avant de sanctionner plus sévèrement l'usage de la ceinture, mais les résultats, au total, ont été extrêmement positifs pour le Québec.

Pour ce qui est des patins à roues alignées, le Code de la sécurité routière interdit actuellement l'usage du patin à roues alignées sur la chaussée. Le nombre d'adeptes de cette activité qui s'apparente maintenant à un mode de transport a forcé les municipalités et les policiers à adopter une attitude de tolérance à l'égard des patineurs. Des constats d'infraction ne sont remis qu'aux patineurs dont le comportement est dangereux et qui nuisent aux autres usagers de la chaussée et des trottoirs. La pratique du patin à roues alignées pourrait être autorisée sur le réseau routier québécois car il est illusoire de penser qu'il sera possible de l'interdire après l'avoir tolérée pendant plusieurs années.

La présence des patineurs sur le réseau routier doit cependant faire l'objet d'un encadrement qui assure à l'ensemble des usagers de la route, automobilistes, piétons, cyclistes et patineurs, un niveau de sécurité adéquat. Le pouvoir de réglementer la pratique du patin à roues alignées ne devrait pas être globalement transféré aux municipalités car la réglementation doit être uniforme sur l'ensemble du territoire québécois de façon à ce qu'elle soit connue, comprise et respectée par l'ensemble des patineurs.

(15 h 10)

Nous sommes d'avis que le Code de la sécurité routière devrait être modifié de façon à remplacer l'interdiction absolue de circuler par un droit de circuler avec certaines restrictions. La ville de Québec serait ainsi favorable à ce que la pratique du patin à roues alignées soit autorisée sur les rues où la vitesse permise est équivalente ou inférieure à 50 km/h et/ou le nombre de voies de circulation est d'au plus deux voies. Cette mesure devrait cependant être assujettie à des conditions visant à assurer la sécurité des patineurs et des autres usagers de la route, à savoir: interdiction de circuler en tout temps sur les rues dont la pente est forte; interdiction de circuler en tout temps sur les trottoirs; obligation pour le patineur de signaler ses manoeuvres; obligation pour les patineurs de porter le casque protecteur et les équipements de protection, car les traumatismes sont trois fois plus nombreux chez les patineurs que chez les cyclistes; obligation qu'un des deux patins soit muni d'un frein en bon état de fonctionnement. C'est un peu comme en politique, ça.

Le Code de la sécurité routière devrait également autoriser les municipalités à réglementer la pratique du patin à roues alignées sur certaines rues lorsque les aménagements physiques ne permettent pas d'assurer la sécurité de tous les usagers de la route. L'entrée en vigueur de la modification au Code de la sécurité routière accordant un droit de circuler aux patineurs devrait être nécessairement accompagnée d'une campagne d'information, comme on l'a mentionné tout à l'heure d'ailleurs, un peu du même esprit.

Le cinémomètre photographique, c'est-à-dire le photoradar – je ne suis pas capable de l'apprendre par coeur, mais ça va venir – le cinémomètre photographique. Le comportement de la majorité des conducteurs est étroitement lié à la perception qu'ils ont des risques de l'environnement dans lequel ils circulent. Le conducteur est, entre autres, influencé par la probabilité d'être impliqué dans un accident, d'être intercepté par un policier, d'avoir à payer une amende et de perdre des points d'inaptitude.

Les méthodes actuelles de contrôle de la vitesse, qui requièrent l'interception du contrevenant, ont un impact immédiat sur le comportement du conducteur fautif et sur l'attitude des autres automobilistes. Elles permettent également aux policiers d'effectuer plusieurs autres vérifications qui ont un impact significatif sur la sécurité routière et sur le bilan routier.

L'utilisation du cinémomètre photographique pourrait possiblement avoir un impact sur le comportement des automobilistes qui perçoivent positivement la signalisation indiquant que la vitesse est contrôlée par radar photographique et qui évaluent les probabilités de recevoir un constat d'infraction comme étant élevées. Mais pour combien de temps? Combien de conducteurs circulant actuellement sur les autoroutes modifient leur comportement après avoir croisé un panneau de signalisation indiquant que la vitesse est contrôlée par un avion ou un hélicoptère? J'imagine que les gens font tous la même chose: Est-ce qu'il vente? Est-ce qu'il y a des nuages? Est-ce qu'il pleut? Ils ne sont pas là. Vroum! On file.

Le mode de signification du constat d'infraction fait par ailleurs en sorte que le propriétaire d'un véhicule qui circule à plusieurs reprises sur la même route lorsque la vitesse est contrôlée par cinémomètre photographique pourrait recevoir plusieurs constats d'infraction au cours d'une même journée, parce qu'il n'a pas été informé qu'il devait modifier son comportement.

Le livre vert propose par ailleurs un cadre d'imposition de sanctions distinct lors de l'utilisation du cinémomètre photographique. Le constat d'infraction serait transmis par la poste au propriétaire du véhicule et aucun point d'inaptitude ne lui serait imposé. Cette approche soulève des questions importantes sur le plan de la gravité comparative de l'infraction selon le mode de détection. Les conséquences d'un excès de vitesse détecté par un radar sont-elles moins graves que celles découlant d'un excès de vitesse constaté par un policier? L'adoption d'un cadre d'imposition de sanctions distinct soulève également des questions à l'égard du motif pour lequel l'utilisation du radar est proposée.

La ville de Québec est d'avis que le cinémomètre conventionnel doit demeurer le principal mode de contrôle de la vitesse sur les routes du Québec car cet outil a un impact immédiat sur le comportement des conducteurs. Il est, de plus, associé à un cadre d'imposition de sanctions qui est équitable pour tous les automobilistes. L'utilisation du radar photographique pourrait être exceptionnellement autorisée aux endroits où tous les moyens traditionnels pour réduire de façon significative la vitesse, le nombre et la gravité des accidents ont échoué. L'utilisation de ce mode de contrôle ne doit cependant pas suppléer à la réduction des effectifs policiers ou être guidée par des objectifs financiers.

Le législateur devrait par ailleurs définir les modalités d'utilisation du radar photographique par les municipalités et les corps policiers et prévoir que ceux-ci devront obtenir préalablement l'autorisation du ministère des Transports du Québec. Nous demandons, cependant, que les municipalités de plus de 100 000 habitants qui disposent d'une expérience pertinente dans le domaine du transport urbain, de la circulation et de la sécurité routière ne soient pas assujetties à cette obligation.

Le virage à droite sur feu rouge. Je vais aller directement à nos conclusions, là, si je veux arriver dans le temps. On m'indique que les données portant sur les accidents survenus sur le territoire de la ville de Québec depuis 1990 montrent qu'une moyenne de 138 accidents surviennent annuellement lors de mouvement de virage à droite à une intersection. De ce nombre, trois accidents impliquent des piétons. Quel serait l'impact de l'introduction du virage à droite sur feu rouge sur le nombre et la gravité des accidents qui surviennent au Québec?

En gros, pour résumer, c'est qu'on pense qu'on ne devrait pas permettre le virage à droite. On a, depuis plusieurs années, mis en place tout un système de contrôle de la protection pour les piétons, notamment avec des phases de traverse lumineuses. Finalement, on pense que les deux systèmes seraient largement contradictoires. Ce qui nous guide là-dedans, c'est le nombre d'accidents vérifiés ailleurs, le nombre d'accidents que l'on connaît maintenant, et on considère que, compte tenu de l'économie d'énergie qui pourrait être réalisée, l'économie de temps qui pourrait être réalisée ne vaut pas le risque d'accidents supplémentaires, la plupart impliquant des piétons.

La conduite avec des facultés affaiblies par l'alcool. On vous donne ici un certain nombre de données, de statistiques sur les mesures. On pense, en gros, que l'introduction d'un système de sanctions graduées selon le taux d'alcool détecté pourrait être intéressante car elle fait la relation entre le niveau d'intoxication et le niveau de risque. Ce nouveau système devrait toutefois reposer sur un seuil qui semble avoir été retenu par plusieurs pays, c'est-à-dire 0,5. Il devrait prévoir également une suspension du permis de conduire dont la durée serait plus longue pour les conducteurs ayant un taux d'alcoolémie supérieur à 0,16.

Toute modification dans ce sens du Code de la sécurité routière devrait être précédée, comme on l'a dit, d'une étude d'impact et d'informations. Une étude devrait être réalisée sur la technologie de détection ainsi que sur les ressources policières nécessaires à cette application.

Quant à la gestion des limites de vitesse et de la circulation des véhicules lourds, le ministère des Transports a préparé, à l'intention des municipalités, trois grilles d'analyse pour déterminer la pertinence de modifier les limites de vitesse qui sont fixées à l'article 328 du Code de la sécurité routière. Le ministère des Transports peut accorder une dérogation... Alors, je ne suis pas pour vous dire ce que vous savez faire, vous le savez mieux que moi. Je vais vous dire juste qu'est-ce qu'on veut là-dedans, là.

L'application des critères proposés par les grilles d'analyse au territoire de la ville de Québec tend à montrer qu'il est pratiquement impossible de limiter la vitesse à 30 km/h sur les rues locales résidentielles. Cette approche risque de créer des situations illogiques où il serait justifié, à titre d'exemple, de fixer la limite maximale à 70 km/h sur la rue Saint-Louis, dans le Vieux-Québec, et ce, malgré l'environnement historique du quartier et la présence d'un nombre élevé de piétons. es résidents des quartiers résidentiels perçoivent la réglementation limitant la vitesse à 30 km/h comme étant sécurisante. Les difficultés rencontrées dans l'application des critères proposés dans les grilles d'analyse ont pour effet d'accroître le nombre de modifications à la géométrie des rues afin de ralentir les véhicules.

Pour ce qui est des véhicules lourds, on vit des problèmes constants, notamment celui des municipalités où il faut que l'une attende l'autre pour modifier un certain nombre de règles. La ville de Québec, en tant que ville-centre, devra toujours obtenir l'approbation des villes voisines lorsqu'elle souhaitera modifier la réglementation qui régit la circulation des véhicules lourds. Cette approche, selon ce qui est proposé par le gouvernement, rend la ville de Québec entièrement dépendante de la volonté des municipalités situées en périphérie, et on voudrait que cette situation soit corrigée.

Les modifications demandées au Code de la sécurité routière. La gestion de la circulation ne peut pas être uniforme sur l'ensemble du territoire du Québec. Le cadre légal doit reconnaître les particularités des différentes villes et le principe que chaque municipalité est imputable à sa population lorsqu'il est question de sécurité routière.

La ville de Québec dispose, au sein de son organisation, d'une unité administrative dont le mandat consiste à concevoir le réseau routier et à établir les règles qui doivent encadrer son fonctionnement. Cette équipe possède une expertise pertinente dans la gestion de la circulation et est qualifiée pour établir des règles équitables dans la gestion des véhicules. Cette équipe est sûrement la mieux placée pour évaluer et mettre en place les divers règlements pour assurer la mobilité et la sécurité des personnes et des biens.

Face à cette situation, la ville de Québec souhaite que le Code de la sécurité routière soit modifié de façon à soustraire les municipalités de plus de 100 000 habitants disposant d'une expertise pertinente et vérifiée par le gouvernement dans la gestion de la circulation de l'obligation de faire approuver leurs projets de réglementation portant sur la vitesse et la circulation des camions lourds par le ministre des Transports. En gros, on dit: Que le ministre établisse les normes générales, mais laissez les villes qui ont un service de circulation les gérer pour ne pas venir faire approuver à chaque fois qu'on veut ajouter 200 pi à une limite de 30 km/h ou de 50 km/h, etc., tout en disant: Il n'est pas question non plus pour chacun d'avoir ses niveaux de limite, 56 km/h, 43 km/h, 26 km/h, 40 km/h.

En conclusion, M. le Président, deux petits paragraphes. Le livre vert sur la sécurité routière est une excellente occasion pour la ville de Québec de faire connaître au gouvernement du Québec et à la population du Québec sa position à l'égard de plusieurs sujets associés à la sécurité routière qui font l'objet d'une controverse depuis plusieurs années. Le processus de consultation nous permet en effet de partager avec les autres intervenants nos orientations. La mobilité est un objectif souhaitable. Elle ne doit toutefois pas se faire au détriment de la sécurité et du confort des usagers et des usagères du réseau routier.

(15 h 20)

D'autre part, les municipalités sont les intervenantes de première ligne en matière de sécurité routière car elles connaissent généralement bien les besoins de leur population et les caractéristiques de leur territoire. Les actions qui découleront de la consultation sur ce livre vert devront confirmer cette réalité et soustraire les municipalités qui détiennent une expertise de l'obligation de faire approuver tous leurs règlements par le ministère. Je dis bien tous.

Et je terminerais en disant que cela va dans le sens – c'est ça qui nous a incités à l'écrire – des positions maintes fois répétées par le ministre des Transports, à l'effet d'alléger les processus réglementaires, les étages d'intervention et d'autorisation, à chaque fois qu'on peut le faire, tout en s'assurant – et c'est la responsabilité du ministre, et du ministère, et du gouvernement – que la sécurité des citoyens passe avant toute chose, que les règles appliquées sont connues et respectées, parce qu'elles sont respectables. On va alléger l'administration, la rendre plus efficace et accroître, je pense, l'imputabilité des autorités locales face à leur population. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le maire L'Allier. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Merci, messieurs de la ville de Québec, M. le maire, pour votre mémoire. On s'aperçoit que vous faites flèche de tout bois et que vous profitez de toutes les tribunes pour passer vos messages, M. le maire. Donc, vous avez agréablement et allégrement débordé le cadre de la discussion pour parler de vitesse à l'interne, et c'est de bonne guerre. D'ailleurs, j'aurai un commentaire là-dessus à la fin.

Je voudrais tout simplement prendre tout de suite le virage à droite parce que c'est le seul élément où vous avez des réticences, parce que, dans le fond, toute la question du cinémomètre, on n'est pas loin d'être d'accord. Ça peut commencer fort probablement par un projet-pilote. Ça pourrait être dans des zones vraiment où il y a des tueries puis où on a de la difficulté. C'est vraiment l'objectif, ça, d'aller dans les endroits les plus percutants puis qui sont les plus difficiles à contrôler; puis c'est souvent, pas dans les courbes, c'est souvent dans les bouts extrêmement droits où on se laisse emporter par l'ivresse du volant, puis on fait des face-à-face, des accidents mortels à répétition dans certains coins.

Le virage à droite, je ne sais pas si on s'est mal exprimé, ce qui est possible, mais je voudrais en discuter un peu avec vous, parce que vous êtes une des villes qui a évolué passablement sur la protection des piétons. Vous êtes rendus avec des chronomètres de 25 secondes pour traverser, etc. Le boulevard René-Lévesque, ici, tout en face de mon bureau, vous avez des signaux pour les autobus, vous avez des flèches, vous avez des mains, vous avez énormément de signalisation, et il n'est pas question de changer cela même si on permettait le virage à droite. Au contraire, même quand on va en Floride, qu'on va dans les États américains autres que la ville de New York, il y a des signalisations. Pour eux, c'est plutôt marqué, bon, bien: On ne tourne pas sur le feu rouge.

Il y a des signaux après plusieurs poteaux pour les piétons. On n'a pas l'intention de changer cette signalisation qui est sécuritaire pour les citoyens, mais il y a des endroits puis il y a des temps. Par exemple, à trois heures du matin, trois minutes à l'intersection de la rue Sherbrooke et le boulevard l'Assomption à Montréal, tu es trois minutes arrêté parce qu'on n'a pas encore une signalisation nécessairement intelligente. On n'a pas changé notre signalisation, adaptée avec les moyens modernes qu'on a, l'oeil magique qui change la lumière de façon quasi instanter quand il n'y a personne de l'autre côté, puis c'est: économie d'énergie, économie d'émanations de gaz à effet de serre, etc.

On ne veut pas, par le virage à droite... En tout cas, c'est loin de ma pensée, moi. Si c'est ça que ça donne comme impression, je veux l'enlever tout de suite. C'est de permettre un virage à droite en toute sécurité. Ça veut donc dire garder les signalisations existantes, puis aux endroits sans doute stratégiques. Comme là où les fonctionnaires sortent, par exemple, massivement, bien vous avez le chrono qui est... C'est seulement à Québec que j'ai vu ça. Je n'ai même pas vu ça à Montréal au coin, par exemple, de l'Université du Québec où massivement sortent des milliers d'étudiants à 17 heures. Québec, là-dessus, je dois vous féliciter. Vous avez un pas d'avance sur bien du monde. Je vous en félicite.

Mais je ne pense pas que l'esprit, la volonté, à un moment donné, d'autoriser un virage à droite aurait pour effet d'enlever cela. Au contraire, ça serait se situer dans ce cadre-là mais répondre à d'autres objectifs, de fluidité dans certains cas, d'économie d'énergie dans d'autres et d'émanations de gaz à effet de serre aussi dans d'autres. Donc, je pense qu'on n'est pas loin de s'entendre là-dessus. Est-ce que ça répond mieux à votre perception?

M. L'Allier (Jean-Paul): Moi, je suis dans une position, à ce moment-ci, où mon éducation à ce sujet-là est tout à fait récente, parce que, pendant des années, j'ai été un de ceux qui pensaient qu'il fallait qu'on autorise le virage à droite comme tout le monde. Comme individu, comme personne, je me dis: Moi, je suis capable de gérer ça, là. Mais, en même temps, quand j'ai pris connaissance des données et des analyses que nos fonctionnaires ont préparées, j'ai reculé, en ce sens que je me suis dit: Bien, si c'est ça, les conséquences du virage à droite, je comprends. Si on me l'avait dit il y a 20 ans, je n'aurais pas prétendu que c'est quelque chose de bon depuis tout le temps.

Par contre, quand on regarde les contraintes, et je vais demander à M. Marc Des Rivières de vous répéter en quelques secondes, minutes, ce qu'il nous a dit pour nous convaincre de vous dire de ne pas le faire...

M. Chevrette: Oui, mais c'est nous autres qui allons le convaincre de changer d'idée aujourd'hui, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. L'Allier (Jean-Paul): Oui. Bien, en tout cas, moi, je vais lui demander de vous le dire, ce qu'il nous a dit. Moi, j'ai toujours la même préoccupation que vous. On a déjà eu l'occasion d'en parler. La nuit, quand il n'y a personne au carrefour, quand tu arrives à un coin de rue puis que tu es obligé de respecter une phase piétonne croisée qui dure je ne sais pas combien de temps, tu attends deux minutes et demie, la tentation, c'est de passer dessus. Si tu passes dessus puis il s'adonne d'y avoir un piéton que tu n'as pas vu parce qu'il est habillé en gris, il y a aussi du danger là-dedans. Alors, tout ça mêlé ensemble, moi, dans ma tête de citoyen, ce n'est pas clair, mais, dans ma tête de maire, ils m'ont rendu ça clair, eux autres, et ils m'ont dit: Il ne faut pas demander ça. Donc, je vous le dis avec la naïveté que comporte mon propos. Je partage le point de vue du citoyen qui dit: Pourquoi, si c'est bon ailleurs, ça ne serait pas bon chez nous? M. Des Rivières, pourquoi ce n'est pas bon chez nous?

M. Chevrette: Bon! On mettait à l'épreuve un fonctionnaire de Québec.

M. Des Rivières (Marc): Moi, je vous dirais, M. le ministre, le questionnement que M. L'Allier a eu, on a eu le même questionnement. Entre nous, on s'est posé la question: Bien, pourquoi il y en a partout puis il n'y en a pas chez nous? Puis, autour de la table, dans le premier débat, tout le monde disait...

M. L'Allier (Jean-Paul): Il y a quelques gars qui sont arrivés avec la société distincte, mais on a dit: Ce n'est pas ça.

M. Des Rivières (Marc): Ha, ha, ha! Au départ, de façon générale, les gens se sont dit: On devrait le permettre partout. On devrait ouvrir, comme ça se fait ailleurs. Là, on s'est mis à glaner de l'information un peu partout. Et là on est tombé sur un document qui avait été préparé il y a quelques années dans le cadre d'un congrès de l'AQTR, où on faisait référence que, aux États-Unis, de façon générale, le nombre d'accidents s'était accru de 10 %, le nombre d'accidents impliquant les piétons avait presque doublé, le nombre d'accidents impliquant des cyclistes avait doublé.

Or, dans un contexte où on a une préoccupation importante à l'égard de la sécurité des piétons, dans un contexte où on a une population qui est vieillissante, on s'est dit: Il faut d'abord que l'orientation sécurité soit l'élément qui domine et que la mobilité, à ce moment-là, devienne secondaire. Dans ce contexte-là, on a dit: On ne pense pas qu'il est opportun, actuellement, à Québec, que le virage à droite sur feu rouge soit permis.

M. Chevrette: Mais l'AQTR est venue se prononcer pour, ce matin.

M. Des Rivières (Marc): Bon. Alors, voyez-vous, je ne connaissais pas leur dernière recommandation.

M. Chevrette: C'était pour vous aviser qu'eux autres aussi ont cheminé en même temps que vous sur leurs propres études.

M. Des Rivières (Marc): Bon. Moi, je vous dirais, si on avait comme approche de dire: Il est systématiquement interdit, mais qu'à certains endroits où on n'a pas de problème en termes de sécurité de piétons, où les volumes de circulation sont relativement balancés, où il n'y a pas de problème de vitesse particulier... Il pourrait peut-être, à ce moment-là, y avoir une ouverture, mais il faut que ça soit très, très, très bien balisé. Jusqu'à date, on n'a pas vu, un petit peu, comment pourraient prendre forme ces balises-là, et ça nous amène plutôt à pencher...

M. Chevrette: Je pense qu'on a eu un assez bon mémoire avec des balises de la part de l'AQTR, ce matin. Ils sont pour mais avec des balises, eux aussi. Ça ressemble probablement, sensiblement, à ce que vous dites, là: maintien des normes actuelles, ou des capacités, ou des possibilités actuelles. Comme votre chronomètre, là, je trouve ça très bien, surtout où il est situé. C'est un carrefour extrêmement achalandé et le matin et l'après-midi, et je pense que ça répond à un besoin. Je ne pense pas que ce soit de mise qu'on change les capacités de faire dans ce bout-là puis dans d'autres endroits aussi.

M. L'Allier (Jean-Paul): En gros, ça résume notre position: la sécurité doit primer. Quand on voit des rapports qui disent: Bien, ça a augmenté, les accidents, on dit: Compte tenu qu'on n'économise pas beaucoup d'énergie, qu'on ne sauve pas beaucoup de temps parce qu'il n'y a pas une circulation de fou à Québec, on s'est dit: Bien, là on va rester comme c'est là.

(15 h 30)

M. Chevrette: Mais on va en Europe puis on va dans plusieurs États américains, tous, sauf New York, il y a des empêchements de passer à certains carrefours – puis c'est normal – des carrefours très achalandés à des heures... Quand même vous voudriez traverser ou tourner à droite à l'heure de la fermeture de l'Université du Québec à Montréal, dans le bout de Berri et Sainte-Catherine, Saint-Laurent, dans toute cette agglomération-là, quand même vous voudriez passer, vous ne passez pas, c'est les piétons qui passent devant vous autres, puis ils te saluent bien gentiment, à part ça.

Donc, on ne changera pas tout. Ce que je veux, c'est qu'on regarde la possibilité de s'inscrire un peu dans l'harmonisation. On harmonise nos poids-charges sur nos routes avec l'Ontario, par exemple. On veut que les camions aient le même poids, le même nombre d'essieux, se promènent sur nos routes avec le même respect des règlements. Prenez toutes les villes frontalière comme Hull. L'avant-midi, le citoyen travaille à Ottawa. Il revient de travailler. Là-bas, il tourne à droite sur les feux rouges où c'est permis, mais il y a des défense de passer sur certains feux rouges, etc. Il y a des indications. Est-ce qu'on ne doit pas s'harmoniser là-dessus? On est dans des aires ouvertes.

Quand vous parlez de mobilité, je suis bien d'accord avec vous, mais la mobilité devient de plus en plus forte. C'est des transports en commun mieux adaptés que ça prend, mon cher monsieur, et non pas une question de virage à gauche ou à droite, et vous le savez. Je vous vois sourire. Je vois votre sourire d'approbation dans ce que vous... Ce que vous faites...

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le ministre, vous nous avez dit qu'on sortait du mémoire tout à l'heure...

M. Chevrette: Je sors.

M. L'Allier (Jean-Paul): Si vous voulez qu'on aborde là-dessus, on peut...

M. Chevrette: Je sors. En plus, votre ville, bien elle est touristique.

M. L'Allier (Jean-Paul): Oui. Et, comme l'a dit M. Des Rivières, on pourrait y aller en douceur là où, de toute évidence, il n'y a pas beaucoup de danger. Mais, en même temps, quand vous faites allusion à la normalisation avec l'Ontario, il faut faire attention. Il y a des choses aussi qu'eux ont l'habitude de faire, c'est même dans la loi. Quand on arrive à un passage piéton, il suffit d'étendre le bras et vous avez le droit de passer. Quand ils font ça ici, ils se font arracher leur gant, parce que ce n'est pas dans la mentalité des gens d'arrêter sur un passage de piétons. Donc, le respect du piéton par l'automobiliste québécois, en général, n'est pas aussi évident que dans d'autres provinces. La ville de New York est la première qui avait permis le virage à droite, puis elle l'a enlevé.

M. Chevrette: L'inverse n'est pas aussi vrai?

M. L'Allier (Jean-Paul): Ah oui! C'est tout à fait vrai. C'est une question d'attitude générale.

M. Chevrette: Est-ce que la politesse du piéton vis-à-vis de l'automobiliste...

M. L'Allier (Jean-Paul): Et les cyclistes.

M. Chevrette: Même sur les vertes. Si on regarde ça, là... Depuis que je suis ministre des Transports, j'observe beaucoup plus ça qu'avant. Avant, je ne remarquais pas ça, mais, étant donné qu'on rédigeait un livre sur la sécurité, je me suis plu à regarder les infractions ou je me suis plu à regarder le comportement, et je dois vous dire qu'il est un peu différent ici qu'à Montréal, par exemple.

M. L'Allier (Jean-Paul): Tout à fait. Partout.

M. Chevrette: Et il est très différent si on va à Drummondville et à Sherbrooke qu'il va l'être à Hull, par exemple. Donc, on n'a pas des comportements uniformes ici, au Québec, le piéton vis-à-vis de l'automobile et l'automobile vis-à-vis du piéton. À Montréal, les chauffeurs de taxi ont un comportement que tu ne retrouves pas nécessairement dans le chauffeur de taxi d'une petite ville, qui est connu par tout le monde. Ce n'est pas pareil.

M. L'Allier (Jean-Paul): Dans les villes européennes, dans certains pays qui sont reconnus pour la vitesse, l'Allemagne, la France, l'Italie, un feu orange, ça veut dire: Arrêtez.

M. Chevrette: Oui.

M. L'Allier (Jean-Paul): Un feu orange, ici, ça veut dire: Accélérez.

M. Chevrette: Ça veut dire: Passez vite.

M. L'Allier (Jean-Paul): Ce n'est pas la même chose. Ces choses-là doivent être revues, je pense, et éventuellement modifier le pattern de sanctions pour en arriver à normaliser nos comportements aussi. Donc, on vous donne une position basée sur une lecture sommaire des conséquences, mais on n'en fait pas une question de religion, là.

M. Chevrette: O.K. Pour ce qui est du point de la vitesse du camionnage lourd, je pense qu'il y a eu quelques rencontres au niveau administratif, et tout ce que je vais me contenter de vous dire aujourd'hui, c'est qu'il y aura une rencontre sur le plan politique pour bien clarifier la situation. Je pense que ça fait plusieurs fois qu'on s'en parle dans les coulisses puis qu'on n'a pas eu l'occasion de concrétiser cela au niveau politique, mais administratif, déjà, il y a eu des rencontres, me dit-on, de sorte que, d'ici la fin de février, il y aura formellement une rencontre. Parce que c'est un cas particulier, Québec, le Vieux-Québec est un cas particulier aussi quand on regarde par rapport à d'autres centres urbains, et on va le regarder comme un cas particulier.

M. L'Allier (Jean-Paul): Très bien.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Chevrette: Est-ce que vous me permettez? Il me reste quelques minutes.

Le Président (M. Lachance): Il reste six minutes, M. le ministre.

M. Chevrette: Depuis le début de l'après-midi, on parle souvent de la pratique du vélo qui pourrait être ralentie advenant qu'on mette le casque, le port du casque. Nous, les seules données qu'on a au Québec remontent à 1995, suite à un sondage scientifique qui a été fait, et je vous donne les chiffres. La question était la suivante: Si le port du casque était obligatoire, croyez-vous que votre enfant et vous feriez du vélo aussi souvent ou un peu moins souvent? Aussi souvent, c'est 77 % des cyclistes qui répondaient oui, 74 % étaient des parents; un peu moins souvent, il y avait 11 % des cyclistes, dont 14 % étaient des parents; beaucoup moins souvent, 8 %; pas du tout, 3 %; et ne sais pas, 1 %. Donc, ça vous donne un ordre de grandeur pour ceux qui parlaient de la baisse de l'adhésion au cyclisme comme pratique. Oui?

M. L'Allier (Jean-Paul): Moi, M. le Président, M. le ministre, j'ai été impressionné – probablement parce que j'avais des jeunes enfants à l'époque – du fait que ce sont largement les enfants qui ont poussé les parents à porter la ceinture de sécurité dans les automobiles, surtout les gens de nos âges qui ont conduit 30 ans sans ça. Et j'avais trouvé extrêmement intelligente l'approche du gouvernement qui disait: Elle est obligatoire, elle est obligatoire, elle est obligatoire, avec une publicité qui s'adressait à la famille, pas nécessairement pour faire peur au monde, pour dire que c'était sécuritaire, et qui a permis une entrée très douce des sanctions en application. Ce qui fait que les sanctions sont venues sanctionner, si je peux dire, les récalcitrants, ceux qui n'avaient pas franchi le premier 70 %. Ça, c'est normal. Ça, c'est correct. Ce pattern-là m'apparaîtrait extrêmement souhaitable dans les contraintes que l'on impose et qui aujourd'hui, pour la ceinture, font des Québécois, indisciplinés en toute autre matière, un exemple quant à l'utilisation de la ceinture de sécurité.

M. Chevrette: Bien, je pense que c'est assez juste. La demande de délai que vous faites, ça suppose des campagnes de sensibilisation et d'information. Il faut inscrire ça dans une démarche cependant assez intelligente. 3 157 accidents de vélo qui impliquent un véhicule, c'est gros.

M. L'Allier (Jean-Paul): Et qui font tous le virage à droite depuis des années.

M. Chevrette: Oublions le port du casque ou pas. Comme résultat, 278 accidents très graves, 26 décès, le reste, des accidents mais qui demandent quand même, pour un certain nombre, l'hospitalisation, un assez grand nombre, je pense que c'est 25 % des accidents de vélo qui demandent l'hospitalisation. Donc, il faut s'inscrire, en tout cas, dans une démarche pour améliorer ce 26 % là qui, à mon point de vue, est déraisonnable, d'autant plus que des parents partent carrément avec des petits enfants sur la 132, sur la 138, sur la 2, l'ancienne 2, ce sont des routes nationales, avec des petits bouts de choux qui n'ont même pas de casque pour se protéger. Et qu'on ne me fasse pas accroire, à moi, là... C'est sûr que, dans un accident avec un véhicule de 120 km/h qui frappe un enfant, qu'il ait un casque ou pas, il va le tuer. Je comprends ça, là. Mais un petit accident, même mineur, si tu as une protection, tu peux éviter des traumatismes crâniens, ça, j'en suis sûr. Il y a des médecins qui vont venir nous le dire demain.

Et ça, je pense qu'il faut arrêter de faire voir qu'on est contre la sécurité. On peut s'inquiéter sur la pratique, pour ne pas que la pratique soit affectée, mais on ne peut pas afficher une attitude antisécuritaire, en particulier pour des enfants. Il me semble que ça me paraît anormal, ça. On peut être éditorialiste, faire la morale au monde avec ça puis rire de ceux qui défendent le port du casque, mais il n'en demeure pas moins que, si c'était un de nos enfants, un des nôtres, on serait les premiers à vouloir, en tout cas, les protéger au maximum contre tout traumatisme crânien. Je vous remercie de votre témoignage là-dessus.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Merci, M. le maire, pour la présentation de votre mémoire.

(15 h 40)

Je vais aborder certains des aspects que vous avez soulevés. On va commencer par la question du port du casque. Vous êtes favorable à une obligation du port du casque. À date, ceux qui sont venus du milieu du vélo... De façon assez générale, on ne peut pas présumer, mais je pense que le message globalement qui va nous venir de ce milieu-là, c'est que les gens sont favorables au port du casque, souhaitent que ce soit le plus répandu possible mais ne souhaitent pas qu'on adopte des mesures coercitives pour arriver à cette étape-là.

On nous a amené des chiffres où, par exemple, certains groupes qui développent des activités de vélo, tout ça, sans mesures coercitives, tout simplement par incitation avec des programmes d'encouragement, des commandites, dans certains cas, de compagnies qui favorisent un prix d'achat de casque avantageux, ils en sont arrivés dans ces cas-là à des pourcentages de 80 %, 90 % des gens. Et on parlait ici d'un groupe qu'on a vu où il y a quelque 500 personnes, un autre ce matin qui était de l'ordre de 3 000, et on arrive à des pourcentages de port du casque qui sont de 80 %, 90 %, dans ce coin-là. Tous ceux qu'on a vus à date pensent, en tout cas perçoivent les chiffres qu'ils nous ont fournis dans le document, c'est-à-dire qu'on arrive à un niveau de 26 % de saturation et que ça ne peut pas se dépasser... Les gens n'y croient pas comme tel.

C'est vrai qu'à venir à date, avec les moyens qu'on a pris, le type de campagne qu'on a fait, on arrive à 26 %, et ça semble se fixer à ce niveau-là, mais il est loin d'être démontré que plus de créativité au niveau des campagnes de promotion, plus de moyens incitatifs ne pourraient pas nous amener à dépasser ce niveau-là. Et la preuve en est aussi que, quand on regarde le pourcentage du port du casque selon les régions du Québec – vous y avez fait référence, je pense, tout à l'heure – pour le même milieu, avec les mêmes campagnes, les mêmes lois, les mêmes incitations de la part de la Société de l'assurance automobile du Québec, dans certaines régions, on a 18 %, 15 % du port du casque; dans d'autres régions, c'est 40 %; dans l'Outaouais, c'est 48 %; la région de Québec, 40 %.

Alors, il reste qu'il y a d'autres facteurs qui font qu'on peut augmenter le fameux pourcentage de 26 % qu'on nous présente comme quelque chose qui est fixe et puis qu'on ne peut pas traverser avec des mesures incitatives. Ça ne semble pas si évident que ça. Je ne sais pas quelle est votre réaction à ce niveau-là.

J'aimerais savoir: Est-ce que vous ne pensez pas que, avant d'en arriver à des mesures qui soient des mesures législatives, là... Et je pense que tout le monde se plaint. Vous-même, vous l'avez fait dans le cas de certaines obligations que vous avez, pour faire approuver vos règlements, d'aller au ministère des Transports. On va peut-être trop loin, au fond, dans la mise en place de réglementations. Vous vous êtes plaint tout à l'heure de la question du camionnage lourd et des limites de vitesse dans le Vieux-Québec. Là, est-ce qu'on n'est pas en train de se rabattre sur une solution qui est un peu, je ne dirais pas la solution de la facilité, mais la solution qu'on prend pour devenir la normale, c'est-à-dire un règlement, une loi, etc.? Est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'on pourrait faire un bout de chemin encore avant de penser à une obligation législative dans le cas du port du casque?

M. L'Allier (Jean-Paul): Moi, je pense que vous avez raison, M. le Président, de dire qu'on peut faire encore un bout de chemin, mais à la condition qu'au bout de ce chemin-là il y ait une sanction prévue et prévisible pour les récalcitrants, pour ceux qui n'auront pas voulu. Je vous donne une opinion qui peut ne pas être partagée par les associations cyclistes, mais, à vue de nez, là, ceux qui sont de loin les plus moqueurs de l'ensemble des règlements de la circulation, c'est les cyclistes dans une ville. Ça tourne à gauche, ça monte sur les trottoirs, ça coupe le monde. Parce qu'ils sont sur deux roues et parce qu'ils sont habituellement aussi assez genre santé, écologiste, etc., tout est permis. On ne veut pas de règles. On s'autodiscipline. Alors, ça, cette approche-là, on ne la changera pas du jour au lendemain. Souvent, les jeunes ou les autres prennent les bicycles précisément pour passer entre les allées de voitures, ne pas faire les stops et arriver à peu près dans le même temps que s'ils avaient une automobile. Et c'est au Québec et c'est partout comme ça.

Quand on parle du casque, là aussi, on l'a regardé sous l'angle de la sécurité. C'est un fait que, comme le disait le ministre, dans un accident un peu lourd, le casque ne fait pas le poids, si je puis dire. Mais, lorsque vous avez des enfants, lorsque vous avez un enfant sur une piste cyclable, à Maizerets ou ailleurs, qui se fait accrocher parce qu'un autre cycliste l'a collé d'un peu trop près puis qu'il l'a fait planter, s'il n'a pas de casque, il peut se faire un traumatisme. On a eu des morts, un mort en tout cas dans un parc de Québec, pas à cause d'un cycliste, parce qu'un enfant a heurté une pierre dans un parc. Mais on n'est pas obligé d'avoir un casque pour jouer dans les parcs.

Donc, ma suggestion est celle de dire: Oui, il faut l'obliger partout mais prendre le temps qu'il faut. Si ça prend deux ans, trois ans, aller doucement avec de l'information, de la publicité, pour en arriver à ce que les gens sachent que, un jour ou l'autre, ça va être sanctionné.

Moi, je ne vous cache pas... Je vais vous donner mon cas personnel. Moi, j'ai commencé sérieusement à attacher ma ceinture de sécurité dans l'auto quand les deux points d'inaptitude sont apparus. Là, j'ai trouvé ça dur. J'ai dit: Là, c'est dangereux. Là, on s'attache. Mais, tant qu'on avait juste un 17 $ d'amende ou quoi que ce soit, bof! tu sors à un coin de rue pour aller acheter ton journal, tu ne mets pas ta ceinture. Ça joue, tout ça, ensemble.

Une des contraintes que les cyclistes réguliers ont, c'est que le cyclisme se fait évidemment l'été, en belle saison, et ils se servent du vélo pour aller partout, puis il y a le foutu casque. Qu'est-ce que tu fais avec? Tu l'attaches où? Après ton vélo? Comment est-ce que tu t'organises avec ça? Alors, c'est une contrainte d'avoir à porter un casque parce que, quand tu es un cycliste, souvent tu es cycliste, mais tu n'utilises pas ton vélo. Alors, tu as tout ton équipement. Alors, ça, c'est des... On ne peut pas avoir des casques gonflables non plus, là. Vous avez raison sous un angle, que ça ne réglera pas nécessairement le problème, mais je pense que de savoir qu'il y aura, à un moment donné, une sanction, ça me paraît nécessaire.

Une des choses que certains cyclistes craignent également, c'est de dire: Si on laisse passer l'obligation d'avoir le casque avec sanction, demain ils vont nous attraper sur les virages à droite, demain ils vont nous attraper partout puis on va devenir des cibles. On va être obligé d'avoir une carte d'identité; ils vont enregistrer nos vélos; on va payer des plaques. Parce que le cyclisme, c'est aussi une façon totale de liberté. Il n'y a pas de carte d'identité au Québec. Ça fait que, si vous arrêtez un cycliste, qu'est-ce que vous faites, là, s'il ne vous dit pas son nom, hein? Alors, c'est complexe, comme mesure.

M. Bordeleau: Mais vous ne pensez pas justement que ce que vous dites là, ça peut amener des problèmes au moment où ce sera obligatoire? Comment on va contrôler tout ça? Puis la police, là...

M. L'Allier (Jean-Paul): Je ne dis pas que ça ne pose pas de défis. Ça pose des défis considérables.

M. Bordeleau: Vous nous dites que, dans le cas des roues alignées, étant donné qu'on a toléré, ça devient difficile, tout ça, et que peut-être qu'on est mieux de l'autoriser puis de le baliser d'une façon... Mais ça peut être la même chose au niveau du port du casque aussi.

M. L'Allier (Jean-Paul): On l'a toléré parce que, au début, il n'y en avait pas beaucoup. Puis on s'est aperçu que ce n'était pas une industrie de passage comme le houla hoop ou quoi que ce soit. C'est là pour rester. Donc, à partir de ce moment-là, on est mieux de vivre avec que de faire semblant que ce n'est pas là. C'est en ce sens-là.

M. Bordeleau: Le deuxième point que je veux aborder, c'est la question du cinémomètre. Vous émettez plusieurs réserves par rapport à l'utilisation de cet équipement-là, et des réserves qui sont intéressantes. Vous tirez une espèce de conclusion, à un moment donné, en disant que l'utilisation du cinémomètre photographique pourrait être exceptionnellement autorisée aux endroits où tous les moyens traditionnels pour réduire de façon significative le nombre et la gravité des accidents ont échoué. Ce que je comprends de votre position, c'est que vous êtes contre. Vous percevez qu'il pourrait y avoir des exceptions, et de façon très exceptionnelle, comme vous le dites.

Moi, ce n'est pas la lecture que je fais de la proposition qu'on a faite ici. Je ne sais pas si c'est la même, mais je voudrais bien que ce soit clair. Ici, le ministère nous propose deux options, c'est-à-dire le statu quo, pas d'utilisation du cinémomètre, ou l'utilisation du cinémomètre photographique à des endroits où une problématique de vitesse a été préalablement identifiée ou à des endroits où les moyens de contrôle posent actuellement problème. C'est plus large, là, que des situations exceptionnelles. Donc, si je comprends bien...

M. L'Allier (Jean-Paul): Nous autres, on aimerait la première position mais avec possibilité dans des situations exceptionnelles.

M. Bordeleau: Alors, quand on parle du cinémomètre, votre position de départ, c'est d'être contre, excepté que, dans des cas bien particuliers qui seraient des cas peu nombreux, le gouvernement pourrait penser à l'utilisation de cet équipement-là, et vous y faites référence, comme je l'ai mentionné... D'ailleurs aussi, je veux signaler que, dans cette partie-là de votre mémoire, ce qui est intéressant, c'est que, quand vous faites référence à l'attitude des automobilistes quand ils sont arrêtés par un policier, vous dites: «L'interception du contrevenant a un impact immédiat.» Un peu plus loin: «L'utilisation du cinémomètre photographique pourrait possiblement – alors c'est beaucoup moins fort – avoir un effet.» Et là on se retrouve avec la situation où l'effet, bien il arrive 15 jours, trois semaines plus tard par la poste. Alors, au moment où la personne commet son infraction, elle peut en faire 50 de suite parce que, de fait, elle va le savoir 10 jours après qu'elle a commis une infraction. Donc, le danger qu'elle peut représenter si elle dépasse les limites de vitesse, elle peut continuer puis se rendre de Québec à Montréal à la même limite, et ça n'a rien changé au niveau du danger immédiat que la personne occasionne par la vitesse qu'elle prend à ce moment-là.

M. L'Allier (Jean-Paul): Plus que ça, M. le Président, vous pouvez recevoir un avis que vous avez été en contravention alors que c'était votre fils qui conduisait la voiture, et vous n'êtes même pas au courant.

M. Bordeleau: Ça, c'est l'autre point.

M. L'Allier (Jean-Paul): Donc, vous allez être sanctionné comme propriétaire mais...

Une voix: ...

M. L'Allier (Jean-Paul): Bien, on ne sait pas qui était au volant. La sanction arrive au propriétaire. C'est pour ça qu'il n'y a pas de point de...

M. Bordeleau: C'est ça. Je pense que mon collègue ce matin a fait référence, disons, à ce problème-là de qui va être pénalisé. En principe, celui qui est pénalisé, c'est celui qui est coupable, et on ne peut pas présumer que le propriétaire est coupable non plus, parce qu'on ne le sait pas. Et la présomption qu'on a dans notre système juridique, c'est une présomption d'innocence. Donc, de l'envoyer au propriétaire automatiquement, ça va contre cette présomption d'innocence. On suppose que c'est le propriétaire qui en est responsable. Alors, il y a ce problème-là.

Il y a l'autre point aussi qui est assez aberrant – et je ne sais pas si vous avez une réaction à ce niveau-là – c'est qu'une personne qui dépasse les limites de vitesse va être arrêtée par un policier, elle va avoir une sanction immédiate, elle va perdre des points; et le même automobiliste, lui, qui va aller aussi vite sur une autre route va être intercepté par un cinémomètre photographique et, lui, il va payer une amende mais il ne perdra pas de points. C'est la même infraction dans deux conditions différentes, puis on a des pénalités qui sont différentes. C'est un petit peu absurde, là, comme...

M. L'Allier (Jean-Paul): Comme je vous le disais, celui qui conduisait n'est pas celui automatiquement qui sera sanctionné.

M. Bordeleau: Non, même dans le cas...

M. L'Allier (Jean-Paul): C'est le véhicule qu'on sanctionne.

(15 h 50)

M. Bordeleau: Mais même dans le cas où ce serait le même, dans un cas, il se fait arrêter par un policier, il perd des points parce qu'il va trop vite; dans l'autre cas, il reçoit une contravention chez lui parce qu'il est allé à la même vitesse, dans les mêmes conditions, excepté que ce n'est pas un policier qui l'a arrêté, et là il ne perd pas de points. Alors, la même infraction est traitée de deux façons différentes au niveau des sanctions.

Alors, sur la question du virage à droite – je pense que le ministre y a fait référence tout à l'heure – l'AQTR est venue ce matin, où on nous a dit que, suite à une réunion d'experts, une journée qu'ils ont passée en colloque où il y avait au-delà, je pense, de 70 personnes et des experts dans différents domaines, 81 % de ces gens-là qui ont des bonnes connaissances du milieu favorisaient le virage à droite sur les feux rouges. On nous a fait référence aussi, à ce moment-là, aux réticences qu'ils avaient pu observer dans les discussions, qui étaient liées au fait que ça venait, par exemple, du problème des personnes âgées qui ont une mobilité plus difficile, des personnes handicapées, et que c'est de ce côté-là que venaient les résistances.

Si c'est ça, le problème, je pense qu'il y a peut-être d'autres solutions. Je pense qu'on se rejoignait pas mal. Bien, c'est-à-dire, vous disiez: On est contre, mais on pourrait le permettre à certains endroits. Je pense que l'autre attitude, c'est d'être généralement pour et de permettre aussi qu'il y ait des exceptions dans les cas où déjà, ici, vous appliquez des traitements particuliers, avec des chronomètres ou d'autres méthodes. Parce que, au fond, c'est probablement plus la minorité des intersections qui peuvent poser problème que la majorité. Je ne pense pas qu'on soit dans une situation différente de ce qui se passe partout dans les autres provinces canadiennes ou aux États-Unis. Mais c'est bien évident que, dans un milieu particulier, il doit y avoir une certaine flexibilité pour empêcher de déroger à la règle que ça soit généralement permis et de mettre des exceptions, par exemple, à des intersections qui sont plus dangereuses. Alors, je pense que ces résistances-là, comme vous le dites, sont les mêmes, mais j'ai l'impression qu'il y a peut-être moyen d'aborder la solution en le permettant de façon générale et en faisant des exceptions pour les intersections où c'est plus dangereux.

Alors, je ne sais pas si vous avez une réaction.

M. L'Allier (Jean-Paul): Bien, ce qu'on a dit dans notre mémoire compte tenu de ce qu'on avait lu, de ce qu'on a vu également, compte tenu de toute une série de facteurs, dont celui de ne pas virer notre ville en arbre de Noël de signalisations de toutes sortes, on s'est dit: Commençons par maintenir le fait que ce soit défendu, sauf à des endroits où on pourrait spécifiquement le permettre. Je considérais ça peut-être comme une première phase. Si, dans cinq ans, huit ans, 10 ans, on s'aperçoit que ça va bien, on pourrait inverser la présomption à ce moment-là. C'est un peu comme ça qu'on le voyait, nous autres.

M. Des Rivières (Marc): C'est parce que, de la façon dont on regardait l'alternative à l'interdiction complète, c'était: Si on définit des balises bien claires, et la première balise étant la sécurité des usagers de la route – quand on pense à ça, on pense aux piétons, aux personnes âgées, aux handicapés, etc. – on pourrait systématiquement dire: C'est interdit, mais, à des endroits où les critères définis sont rencontrés, le permettre. Ça pourrait être aussi en fonction de certaines heures de la journée. M. le ministre en parlait tout à l'heure, on pourrait dire: Après 20 heures, le soir, de 20 heures à 8 heures, au moment où le nombre de piétons est moins élevé. Alors, je pense qu'il y a une réflexion à faire là-dessus pour définir des critères qui vont correspondre à la réalité, je pense, des cadres urbains où on retrouve beaucoup de feux.

M. Bordeleau: Ce matin, l'AQTR arrivait, elle, à la conclusion qu'on devrait le permettre de façon générale, mais, dans leur mémoire, ils faisaient aussi référence au fait qu'on ait une grille de critères qu'on puisse établir d'une façon pratique pour qu'on puisse l'appliquer en dérogeant à ce moment-là à la permission de tourner et qu'on ait un certain nombre de places où c'est interdit, compte tenu des critères qui seront déterminés.

M. Des Rivières (Marc): Mais faisons attention. C'est qu'il y a deux approches: c'est l'approche généralement permis...

M. Bordeleau: C'est ça, je suis d'accord.

M. Des Rivières (Marc): ...interdit à certains endroits; et l'approche interdit, permis à certains endroits. Pour nous, c'est le deuxième: on souhaite l'interdire de façon générale, mais ne le permettre qu'à certains endroits.

M. Bordeleau: Oui.

M. L'Allier (Jean-Paul): Pour commencer, en tout cas.

M. Bordeleau: Mais c'est ça. Je pense que, là-dessus, on déroge peut-être un petit peu de perception. C'est que je pense que, de façon générale, ma perception à moi, c'est que, si on regarde l'ensemble des intersections, c'est quand même une minorité d'intersections où il risque d'y avoir des problèmes, ce n'est pas la majorité. On va faire le tour de toutes les petites rues un peu partout dans les quartiers résidentiels, partout, il n'y a pas de... Puis l'autre élément, c'est qu'il y a certaines heures de la journée où ça risque d'être dangereux, mais ce n'est pas dangereux sur les 24 heures, le soir, la nuit, tout ça. Donc, c'est pour ça que je serais porté plus à aborder ça d'une façon inverse à la vôtre, c'est-à-dire de l'approuver de façon générale et de faire des exceptions.

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, si je me permets un commentaire: si vous en arriviez à la conclusion qu'il faut aller du côté de la recommandation de l'AQTR, c'est-à-dire permis sauf dans certains endroits, il faudrait probablement accroître, à ce moment-là, la sanction pour ceux qui ne font pas l'arrêt.

M. Bordeleau: Oui. Exact, oui.

M. L'Allier (Jean-Paul): Parce que la tendance lorsqu'on tourne à droite, c'est de ne pas arrêter, c'est de regarder puis de continuer.

M. Bordeleau: Non, non. Ça, je suis d'accord.

M. L'Allier (Jean-Paul): Il faudrait que, si vous permettez les virages à droite comme règle, quelqu'un qui ne fait pas un arrêt complet, il a deux points d'inaptitude qui sautent. Là, à ce moment-là, je pense qu'on vient atténuer considérablement les dangers.

M. Bordeleau: Vous avez tout à fait raison là-dessus, M. le maire. C'est évident que, si on fait ça, il faut que l'application des règlements soit claire. Alors, moi, ça va.

M. L'Allier (Jean-Paul): Il faut qu'il y ait un prix à payer pour avoir un droit comme ça, là.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre, en vous signalant qu'il vous reste, du côté ministériel, deux minutes.

M. Chevrette: Deux minutes. Bon, moi, je voudrais reprendre ce que le député de l'Acadie a dit concernant la différence qu'il y a entre le photoradar et le policier. S'il fallait avoir des policiers à tous les endroits où c'est dangereux puis là où c'est difficile d'intercepter des gens, on ne finirait plus. Si on parle de photoradar puis si on dit qu'il n'y a pas de points de démérite, c'est parce que, précisément, on a pensé à l'exemple que vous avez donné, M. le maire. Vous pouvez avoir votre fille au volant, ou votre garçon, ou votre frère. Étant donné qu'on veut garder la confidentialité de la personne physique, on parle d'amende mais on ne parle pas de points de démérite parce que ce n'est peut-être pas le propriétaire du véhicule.

Mais on aura une démonstration ici, dans les prochains jours, et on verra que, pour ce qui est de l'identification du véhicule avec les cinémomètres actuels, il n'y aura pas d'erreur sur le véhicule, sauf que c'est la confidentialité des personnes qu'il faut assurer dans cela. Et, s'il n'y a pas de points de démérite, c'est précisément... Mais, entre vous et moi, si on regarde traitement pour traitement, s'il y avait des polices dans tous les endroits où il y a des tueries puis s'il y avait des points de démérite, c'est parce que précisément ce ne sont pas les mêmes objectifs qu'on a. Les objectifs de la vitesse, pour nous, ce n'est que pour fins de sécurité routière. Et le cinémomètre n'est pas en fonction d'un regard policier coercitif, c'est plutôt de changer les habitudes sur des tronçons meurtriers. C'est ça, l'objectif. C'est très, très différent. Et, à ce moment-là, ça peut être dans un bout droit, comme je disais, et non pas nécessairement dans les courbes. Moi, je pourrais vous emmener entre Sainte-Julienne et Saint-Esprit, là, où il en meurt un par fin de semaine, ou à peu près. Si on ne change pas les mentalités sur cette route-là, il va s'en tuer, il va continuer à s'en tuer un par mois ou un par 15 jours.

L'objectif du cinémomètre, dans le livre vert, n'a pas du tout une connotation policière; ce n'est pas un État policier, ce n'est pas une machine à piastres pour l'État. Ça peut être, exactement comme vous le disiez, un avis, deux avis, trois avis avant de charger. Il s'agit de changer les habitudes de conduite sur des tronçons meurtriers. Si on comprend ça, on pourra même créer peut-être un fonds de sécurité routière avec ces amendes-là. S'il y en a qui veulent se payer la taxe d'une vitesse incalculable sur des tronçons meurtriers, ils paieront.

M. L'Allier (Jean-Paul): M. le Président, je vais faire un tout petit commentaire.

Le Président (M. Lachance): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): Je vais essayer de retrouver dans une lecture que j'ai faite sur ce sujet... Il y a un pays européen où ils utilisent le cinémomètre de cette façon. Il y en a évidemment, je suppose, mettons, 200 d'installés dans le pays en question. Il y a des journées où ils fonctionnent tout le temps, mais, à d'autres moments, et la majorité du temps, ils ne fonctionnent que sur une base aléatoire, commandés par ordinateur, et personne ne sait quand est-ce qu'ils vont partir et quand est-ce qu'ils vont arrêter, nulle part. Donc, comme citoyen, vous ne savez pas s'ils marchent ou s'ils ne marchent pas, vous n'avez pas le moyen de savoir si ça va marcher dans 10 minutes ou si ça va marcher dans 15 minutes. L'effet dissuasif est là, la sanction est présente. Si vous passez au moment où ils fonctionnent, vous êtes sanctionné. Donc, c'est une mesure d'atténuation sur le côté punitif permanent du vendeur de lait qui fait quatre fois la run dans la rue puis qui pogne quatre tickets la même journée, là.

M. Chevrette: Vous vous rappelez, sur le chemin de Sainte-Anne-de-Beaupré, il y avait des indications de vitesse. Quand même, pour ceux qui passent là régulièrement, ils ont changé les habitudes de conduite.

M. L'Allier (Jean-Paul): Ah oui.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: Bien, il faut prendre des moyens. Parce que le bilan routier, c'est très aléatoire, ça, 717 morts, vous savez, l'an passé, c'est déjà dépassé. On a de la misère à garder... On est passé de 2 000 à 700. Il faut prendre d'autres moyens concrets. Et en Australie, en particulier, le cinémomètre a donné des résultats extrêmement intéressants. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, en vous signalant qu'il reste deux minutes.

(16 heures)

M. Whissell: Merci, M. le Président. L'AQTR, ce matin, dans sa présentation, nous a exposé que les groupes qui avaient été contre le virage à droite avaient sorti l'argumentation qu'il y avait un coût au niveau de la société, un coût que les municipalités devraient supporter pour justement implanter le virage à droite.

Vous, en tant que gestionnaires de la ville de Québec, est-ce que vous vous êtes posé la question quel serait le coût si, demain matin, il y a une loi provinciale qui dit: Bon, bien, toutes vos intersections, veuillez vous conformer pour permettre le virage à droite, sauf les cas exceptionnels?

M. Des Rivières (Marc): C'est sûr qu'il y a des coûts, hein? Alors, il y a de la signalisation à acquérir, il y a de la signalisation à installer puis...

M. Whissell: Mais ça peut représenter quoi pour la ville de Québec?

M. Des Rivières (Marc): On ne s'est pas posé la question. Ça n'a pas été un facteur dans l'analyse comme telle. Je pense que ce qui gouvernait notre analyse, c'est la sécurité, d'abord et avant tout.

Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs de la ville de Québec, pour votre participation aux travaux de cette commission.

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci, M. le Président, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Lachance): Merci bien. J'invite maintenant les représentants de l'Union des municipalités du Québec à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue aux représentants de l'UMQ. M. Roger Carette, maire de Saint-Georges, citoyen de Chaudière-Appalaches, je vous invite à identifier la personne qui vous accompagne.

M. Carette (Roger): C'est Mme Diane Fortin qui est chargée de dossiers au siège social de l'UMQ.

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue aux travaux de cette commission. Vous avez 20 minutes maximum pour nous faire part de vos commentaires; et, par la suite, des échanges avec les parlementaires pour une durée maximale aussi de 40 minutes.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Carette (Roger): O.K. Je vais essayer de ne pas épuiser mes 20; vous pourrez en épuiser plus, si requis.

D'entrée de jeu, ce qu'on voudrait d'abord vous dire, c'est qu'on a été saisi de ce dossier-là très tardivement puis dans un contexte où on avait des distractions autres, vous comprendrez. On a reçu la lettre qui nous interpellait qu'un livre vert s'en venait le 1er décembre. On a reçu le document le 20 décembre. Ça nous a été difficile de déclencher une consultation générale qui serait représentative de l'ensemble de l'Union. On a demandé des délais. On apprécie que les audiences aient été reportées après le 28 janvier. On apprécie ça.

Les opinions que je vais vous émettre sont des opinions quelquefois unanimes, quelquefois majoritaires des membres du bureau de direction de l'Union. Je vais tenter de vous indiquer quand est-ce que c'est unanime puis quand est-ce que c'est majoritaire, puis pourquoi, ce qui explique que quelques membres de notre Union ont demandé d'être entendus isolément. Et puis ça fait partie de la dynamique interne puis de l'interprétation qu'on a du mot «démocratie» au Québec.

On ne va parler que de quatre sujets. Le cinquième, celui de l'indicateur d'alcoolisme, on n'avait ni l'expertise, ni le temps de donner des avis, ni de données qu'on jugeait suffisantes pour s'exprimer là-dessus. On laisse aux sages législateurs que nous avons le soin de disposer de cette question.

Très rapidement, je vous rappelle qui nous sommes. L'Union des municipalités du Québec, ça regroupe présentement, en tout cas ce matin, 253 membres, 70 % de la population du Québec, 80 % à peu près du 9 000 000 000 $ de taxes municipales qui sont perçues au Québec. Le rôle de l'Union est connu au Québec. On défend les intérêts des contribuables fonciers du Québec et évidemment, par incidence, ceux des municipalités. On les défend contre toutes sortes d'intrusions ou d'attaques dont ces intérêts-là pourraient être l'objet.

C'est bien difficile pour nous de parler avec beaucoup de concentration de ce sujet-là. Ce doit être la même chose pour vous autres – nous l'espérons. La flambée du prix de l'essence puis du diesel, plus particulièrement depuis ces dernières 48 heures, doit vous apporter des distractions énormes. On souhaite que vous consacriez beaucoup de temps aussi à ce dossier-là. Bon, je vous l'ai dit que c'était une proposition majoritaire. O.K.

Premier sujet. D'abord, deux choses qu'on voudrait dire, d'entrée de jeu également, c'est que le critère qu'on suggère au législateur québécois d'utiliser pour prendre ses décisions consécutives à ce livre vert là devrait, sinon être exclusif, être très largement majoritaire. On a demandé aux membres du bureau de direction, chez nous, d'apporter des opinions, après décembre – quand on a réussi à les rejoindre – que le critère fondamental, c'était la sécurité et non pas la fluidité ou la mobilité des véhicules, selon des expressions qui sont employées dans le livre vert. On est convaincus, comme on estime tout chacun, chacune parmi vous autres, que vous partagez l'opinion de l'Union à l'effet que la qualité de vie dans une communauté, ça présuppose la vie, la santé puis l'emploi. Si tu n'as pas d'abord ça, n'essaie pas de faire de la qualité de vie pour qui que ce soit, les citoyens du Québec, ou d'une ville, ou d'une métropole, ou d'une capitale. C'est d'abord le critère qui nous a guidés puis c'est celui qu'on souhaite qui nous serve à peu près d'unique juge.

Deuxièmement, vous comprendrez également que le deuxième critère qu'on vous demande de considérer dans les décisions législatives que vous aurez à prendre, c'est le critère de qui est responsable de quoi et à quel coût. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que, de ce temps-ci, l'humeur générale des membres de notre Union n'est pas de recevoir de nouvelles responsabilités sans sources de revenus adéquates. Et puis la situation financière des villes étant ce qu'elle est, si vous prenez des décisions à dimension provinciale, on souhaiterait que vous les assumiez, en autant que responsabilités et coûts sont concernés.

Troisième commentaire. Je commence à vous donner des opinions particulières sur les quatre premières questions que vous avez soulevées. Je vais y aller en ordre. En matière de casque protecteur pour les cyclistes, ici encore, on est à la fois guidés par sécurité. On essaie de regarder les impacts financiers et autres sur le comportement des utilisateurs de la bicyclette. La position la plus communément répandue chez nous – puis celle qu'on vous porte – c'est que les gens ne sont pas favorables à la mise en place d'une loi immédiate qui rendrait obligatoire le port du casque. On incite le gouvernement à travailler à peu près dans la foulée de ce que vous avez mis en place au niveau de la politique du vélo au Québec: sécurité routière, développement d'infrastructures, visibilité des cyclistes. On n'écarte pas la possibilité que, dans un avenir moyen terme, il y ait une législation en cette matière-là. On vous exhorte de poursuivre les campagnes de sensibilisation, d'éducation puis, si on prend le mot de mauvaise humeur, de civilisation des gens avant de procéder, dans un avenir plus ou moins immédiat, à une législation en cette matière-là.

En autant que le deuxième sujet est concerné... Je vais essayer de vous les appeler dans l'ordre. Le deuxième sujet, c'est quoi?

En autant que la question des piétons à roues que d'aucuns voudraient voir sur le réseau routier, l'opinion de l'Union, l'opinion majoritaire, je dis bien, est à l'effet de restreindre. S'il y avait législation autorisant l'utilisation du patin aligné comme étant un moyen de se véhiculer, on fait l'option de législation l'autorisant mais avec restrictions. Les restrictions qui sont évoquées dans le livre vert semblaient rallier la majeure partie des gens du bureau de direction qui ont émis, après une consultation qu'ils ont faite chacun chez eux, des opinions à ce sujet-là: les restrictions de routes de circulation à deux voies, le 50 km/h, le cinq degrés de pente, le frein obligatoire avec ou sans obligation pour les utilisateurs, dans ces circonstances-là, du casque protecteur. C'est l'opinion, je vous dis bien, majoritaire des gens.

Il y a un certain nombre de représentants des municipalités qui adoptaient aussi la position de Montréal, que les piétons à roulettes, ça devait être interdit sur le réseau routier. On ne permet pas les piétons sur le réseau routier. Pourquoi faudrait-il le permettre quand ils sont à roulettes? Maintenant, la position majoritaire, c'est celle que je viens de vous résumer.

(16 h 10)

Après ça, au sujet du cinémomètre, de façon générale, la position de l'Union puis des villes qu'elle représente, c'est que celui-ci serait peut-être une solution envisageable, mais beaucoup de problèmes restent à résoudre. Qui prend les responsabilités? C'est quoi, les coûts aux municipalités? C'est quoi, les modes de perception, les modes d'émission des contraventions? Deuxièmement, y a-tu – l'argument va revenir souvent – de l'argent pour les municipalités dans les investissements requis pour mettre ça en place? C'est à peu près l'essentiel de la position de l'Union à ce sujet-là. Maintenant, je vous dis, celle-là est majoritaire également. Ce n'est pas une position unanime, comme c'était le cas dans le premier sujet.

Au sujet du virage à gauche, l'opinion la plus répandue, puis elle est quasiment unanime, l'Union des municipalités n'est pas favorable à ce que ce soit autorisé légalement ni autrement, le virage à gauche sur feu rouge, le virage à droite, excusez, dans notre communauté. J'espère que ça ne paraîtra pas trop que je suis frappeur de relève aujourd'hui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Carette (Roger): J'essaie de donner le texte comme j'en ai connaissance. Et les principaux motifs à ça, c'est que dans notre population... D'abord, on a une population où il y a un hiver. C'est déjà un petit peu particulier, ça, il ne faut pas oublier ça. Deuxièmement, les statistiques de sécurité puis d'accidents piétonniers dus à ces virages à droite là sont un petit peu effrayantes, de ce qui nous a été transmis. Et puis, deuxièmement, on n'est pas un pays très, très plat. Le Québec, ce n'est pas le Manitoba, puis des choses comme celles-là. Et puis les économies de temps dont on nous faisait part, de trois à 15 secondes par arrêt ou de 2 $ d'essence par année, nous, ça nous apparaissait insignifiant par rapport aux risques que ça comportait.

Puis il y avait l'autre dimension, c'est que ce soit permis avec restriction ou interdit avec permission. Il n'y a pas beaucoup de municipalités, par les temps qui courent, qui ont les argents requis pour procéder à l'affichage requis. Vous posiez une question tout à l'heure à M. L'Allier. Nous, on avait les chiffres; en tout cas, les gens de Montréal vont vous les donner. Dans les deux cas, que ce soit permis avec restriction ou bien que ce soit interdit avec permission, les gens de Montréal nous disaient que, pour leur seul territoire, les affichages requis à cette fin-là pouvaient être de l'ordre – en tout cas, je vais prendre la moyenne des évaluations qui nous ont été fournies – ça pouvait tourner entre 500 000 $ et 600 000 $ pour la ville de Montréal – faites les proportions pour les autres villes – frais auxquels il faut ajouter 15 % pour les frais d'entretien, 15 % annuellement. C'est à peu près l'essentiel de ça. Maintenant, madame, si vous voulez... J'ai sauté des grandes sections?

Mme Fortin (Diane): Peut-être qu'on pourra revenir avec les questions pour élaborer...

M. Carette (Roger): Posez des questions. Ce qu'on a omis, on va vous le donner dans les réponses.

Mme Fortin (Diane): Peut-être juste au niveau du cinémomètre, dans l'éventualité où il serait implanté, l'Union des municipalité voudrait une latitude, dans le fond, pour une réglementation au niveau municipal, dans l'éventualité où ça serait mis en vigueur.

M. Carette (Roger): Et une consultation très ferme avec les municipalités pour ce qui est des conditions d'implantation de ça. C'est une espèce de oui avec réserve, réserve d'une démarche supplémentaire qui impliquerait les municipalités. Voilà.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, j'ai pris connaissance de votre mémoire, et ça me semble assez clair, votre position. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie d'abord de la présentation de votre mémoire. J'ai quelques questions. Une question de cohérence, d'abord, que je voudrais vous poser. Vous semblez dire que la trame de fond de votre mémoire est une question de sécurité pour vos citoyens. Est-ce que j'ai bien compris vos exposés là-dessus?

M. Carette (Roger): Bien, en tout cas, on ne semblait pas dire ça. On avait l'impression de l'avoir dit, là.

M. Chevrette: Bon. Donc, j'ai bien compris.

M. Carette (Roger): Vous avez très bien compris, monsieur.

M. Chevrette: Et vous êtes contre le virage sur feu rouge sous prétexte de sécurité routière.

M. Carette (Roger): Oui.

M. Chevrette: Est-ce que vous savez que, si on donnait l'autorisation demain matin d'avoir un virage à droite au Québec, on n'est même pas sûr que les statistiques iraient jusqu'à deux décès par année? Par contre, vous êtes contre le port du casque, puis on a 26 décès par année. J'aimerais, au niveau cohérence, que vous me prouviez votre position.

M. Carette (Roger): Bien, en tout cas, madame va vous donner des statistiques qu'on a obtenues d'autres provinces – je ne sais pas si vous êtes capables de les repérer rapidement – en autant que les accidents aux piétons... en autant que le virage à droite sur feu rouge est autorisé. On a des statistiques d'autres provinces canadiennes.

M. Chevrette: Non, mais on a les nôtres ici, là, puis on a des statistiques projetées, là.

M. Carette (Roger): Il n'y a peut-être pas de décès.

M. Chevrette: On a 400 000 Québécois qui vont aux États-Unis, qui louent des autos, qui y vont avec leur auto, puis qui se sont adaptés, pas niaiseusement mais correctement, puis qui n'ont presque pas d'accidents aux États-Unis, puis qui sortent des milieux ruraux, puis ils ne sont pas plus fous qu'ailleurs. Je voudrais que vous conciliez la cohérence de vos propos par rapport aux cyclistes.

M. Carette (Roger): En tout cas, je vais demander à madame de vous citer les chiffres sur lesquels nous avons basé notre opinion sur la dangerosité du virage à droite.

M. Chevrette: D'accord.

M. Carette (Roger): Deuxièmement, il y a peut-être contradiction dans le temps. Les gens n'ont pas d'opposition au port du casque obligatoire pour les cyclistes. C'est une question de: Est-il requis puis pertinent de le faire maintenant? L'avis qu'on vous émet, qu'on émet aux législateurs, est à l'effet de dire: Vous allez, comme vous l'avez fait en sécurité routière, alcoolisme, ce que vous avez réussi à faire depuis 10, 20 ans, intensifier une campagne de sécurité puis ensuite mettez le grappin légal là-dessus.

Quant au lien à faire avec le virage à droite, je ne sais pas si madame peut vous citer les statistiques qui ont inspiré la prise de position de notre bureau?

Mme Fortin (Diane): Ce sont des statistiques que vous connaissez, de toute manière. Les études qui ont été faites, notamment la métaétude de la ville de Montréal en collaboration avec le ministère des Transports et la Société de l'assurance automobile du Québec, en 1992, révélait – bon, c'était basé évidemment sur des enquêtes sur le terrain dans des endroits où le virage à droite sur feu rouge était implanté – vous savez ces chiffres: une augmentation, dans le fond, des accidents avec piétons de 44 %, de 59 % avec les cyclistes et de 9 % pour l'ensemble des usagers. Évidemment, quand on fait le tour de la littérature et qu'on voit ça, bien on se dit: C'est quand même... Évidemment, vous avez sorti des chiffres. Bon, on peut relativiser. Au Québec, on fait une statistique puis on dit: Deux piétons par année, mais, quand on parle de vie humaine, je pense qu'il n'y a pas de compromis à faire. Et, quand on...

M. Chevrette: Vingt-six en cyclisme. Il n'y a pas de compromis à faire non plus, madame.

Mme Fortin (Diane): Bon, vous soulevez la contradiction qui peut sembler apparaître dans notre mémoire à cet égard. Effectivement, ça peut avoir l'air bizarre. Cependant, au niveau du port du casque obligatoire, quand on fait le tour de la littérature et de la position de différents intervenants dans ce dossier-là, les positions ne sont pas claires. On voit que, dans d'autres pays, il n'y a pas nécessairement de lien direct avec la gravité des blessures et la loi obligeant le port du casque. En fait, quand on fait le tour de la question avec les documents que nous avons, il est difficile de voir ressortir effectivement l'impact direct d'une loi obligatoire sur la sécurité.

De ce fait-là, on se dit: Peut-être qu'on pourrait poursuivre les campagnes de sensibilisation pour quelque temps et réévaluer la situation et revoir la position, à ce moment-là, qu'on pourrait prendre. En fait, c'est basé sur les connaissances que nous avons de la littérature sur le sujet et les opinions que nous avons eues de différents groupes et intervenants.

M. Chevrette: C'est parce que je croyais que, si on avait un souci constant de sécurité, on l'adaptait à toutes les situations. Parce que le thème de la commission parlementaire, c'est la sécurité, ce n'est pas le nombre d'adeptes à une pratique. C'est la sécurité, le fil conducteur. Je croyais qu'il y avait une certaine cohérence, à ce moment-là, au niveau du discours et même de la littérature.

Mme Fortin (Diane): Au niveau, par exemple, de l'application de la loi, s'il y avait une loi obligeant le port du casque, quand on constate la capacité des effectifs policiers à donner des contraventions, ils ont d'autres priorités que la circulation. On le sait pour les patineurs à roues alignées, ils ont un comportement de tolérance à leur égard. Donc, ça ne change en rien la situation de fait. Ce qui fait que, dans l'immédiat, s'il y avait une loi, est-ce que ça inciterait les gens à le porter, puisqu'on sait que les policiers n'ont pas nécessairement les effectifs pour donner les contraventions à ceux qui ne le porteraient pas? Donc, peut-être qu'on pourrait...

M. Chevrette: Dans les enfants de 14 ans et moins, je pense qu'ils ne sont pas amendables. Je ne suis pas sûr, mais il me semble qu'on me dit que les enfants en bas de 14 ans, il n'y a pas d'amende possible en vertu du Code de procédure pénale.

Mme Fortin (Diane): Mais présentement.

(16 h 20)

M. Chevrette: Bon. Ça, je comprendrais ça. Je comprends plutôt les groupes qui ont témoigné tantôt puis qui nous ont dit: Bien, commencez donc par faire respecter les lois directes. Un cycliste n'est pas obligé de porter le casque en vertu des lois, mais il est obligé de faire son arrêt, il est obligé de faire son signal pour virer à gauche, à droite, avec son bras, etc. Il n'y en a pas, d'infraction. Effectivement, il n'y a pas d'infraction.

J'en ai vu, moi, tourner... Les livreurs à Montréal, là. Si on veut parler de Montréal puis se servir de Montréal, on va s'en servir. Servez-vous des livreurs à Montréal, les livreurs de messages puis les livreurs de pizzas, vous allez voir que... Vous m'en nommerez un qui fait un stop puis qui ne fait pas une infraction quasiment à chaque coin de rue. Il faut regarder les faits, là. Ça, ce sont des faits vécus puis vus, là. Ce n'est pas de la littérature, là. C'est de visu. Mon bureau, moi, il est dans ce coin-là, puis je fais ça au moins deux fois par semaine. C'est des infractions que tu ne lis pas dans la page 32 dans la littérature. C'est des infractions que tu constates de visu. Puis je pense que ça, c'est vrai qu'il y a peut-être un laisser-aller ou une tolérance peut-être trop grande de la part du monde policier à ce niveau-là et qu'arrêter un enfant, de toute façon, en plus, qui n'a même pas sa carte d'identité, je ne suis pas sûr que ça ne créerait pas...

Je pense qu'il y a des choses à regarder de façon très concrète. Mais ce que je n'accepte pas, c'est de ne pas croire au moins que le moyen serait en fonction de la sécurité. Si vous avez un casque protecteur, il me semble que ça vous protège, le terme le dit, alors que, si tu n'en as pas, bien tu es moins protégé. Ça ne veut pas dire que ça te sauverait la vie pareil, mais tu es au moins protégé.

Il va falloir qu'on prenne une ligne de cohérence au niveau des exposés là-dedans. C'est fatigant de voir du monde se présenter puis dire: On est pour la sécurité mais on n'est pas pour l'obligation du port du casque. À un moment donné, il va falloir que les gens se branchent, puis qu'il y ait un tissu de cohérence, puis qu'ils disent: Actuellement, le moyen que vous prenez n'est pas le bon pour arriver à des fins. Puis on va essayer de donner des suggestions aux autres pour qu'ils puissent passer puis dire: La sécurité, c'est un souci important. Sauf qu'on n'atteindra pas nos objectifs si on ne prend pas des moyens plus gradués, plus adaptés dans les circonstances.

C'est plutôt ça que je comprends, moi, de ceux qui ont témoigné jusqu'à date, qui nous disent: On est contre le port du casque, mais ce n'est pas parce que ça ne protège pas l'individu. Parce que, au contraire, on sait que ça protège un individu. Sauf qu'il y a l'habitude, puis on est «capé» à 26 % effectivement, puis on n'est pas les seuls. On me dit que les pays, quand on regarde les comparaisons qu'on fait, ça «cape» ou ça plafonne à 26 %, 30 %, 35 %, comme ça a fait pour la ceinture de sécurité, puis qu'à un moment donné c'est le coercitif qui a débloqué jusqu'à 70 %, 75 %, 80 %, puis là, oops! avec des campagnes de promotion en même temps, là, ça a explosé puis c'est devenu un réflexe de sécurité. Tout le monde s'attache, c'est un réflexe. On sait que c'est pour fins de sécurité, puis les enfants ont été les premiers. Je pense que c'est le maire L'Allier qui disait ça tantôt, les enfants même dictaient aux parents: Attache-toi, c'est important pour ta sécurité.

Je ne dis pas qu'on n'a pas des travaux à faire là-dessus, mais je voudrais qu'on ait des fils conducteurs de cohérence, au moins. Oui, monsieur.

M. Carette (Roger): M. le Président, moi, je ne voudrais pas être en redite, mais M. le ministre a commencé sa dernière intervention par le mot important des choses que nous avions à dire là-dessus. Actuellement, il ne nous apparaît pas opportun de légiférer en cette matière. Ça nous apparaît inévitable après une certaine période de sensibilisation supplémentaire, du même type que celle que vous avez faite vis-à-vis de l'alcoolisme au volant. On a l'impression que la portée éducative d'une campagne ou d'une série d'interventions dans ce sens-là rendrait la chose plus acceptable ou plus acceptée. C'est dans ce sens-là. Le mot important de votre dernière intervention, c'était «actuellement», puis ça n'infère pas, à mon point de vue, puis ça n'interfère pas non plus sur ce qu'on percevait être la cohérence autour d'un objectif de sécurité.

M. Chevrette: Maintenant, pour ce qui est du tournage ou du virage à droite sur feu rouge, les grandes villes ont déjà soit des flèches, soit une main, soit un signal pour autobus. Même, Québec est rendue avec des chronomètres pour laisser passer les piétons ici, tout près, en face du Centre des congrès, etc.

Il ne faut pas interpréter que, quand on dit qu'il y a virage à droite... En tout cas, moi, je pense que c'est – comment on l'appelle, le groupe? – l'AQTR, ce matin, qui a réuni 71 spécialistes une journée durant, qui ont étudié. Ils ont donné des balises à respecter. C'est évident qu'à 17 heures, devant l'Université du Québec à Montréal, où il sort des milliers de personnes, ou à l'heure de fermeture des bureaux du gouvernement ici, en face... Ça n'a pas pour effet, le lendemain matin, d'abolir la signalisation existante pour fins de sécurité. Est-ce que c'est parce que vous interprétez que, du jour au lendemain, on tournerait partout, n'importe quand, n'importe comment, sans aucune consigne?

Pour ceux qui vont aux États-Unis, vous le savez, il y a des annonces. On ne tourne pas sur le feu rouge même si le virage à droite est autorisé dans l'ensemble des États américains, sauf New York, mais il y a des normes de civilisation et de sécurité qui s'accrochent à ça. On n'est pas plus fous qu'ailleurs ou moins fous qu'ailleurs. Vous ne pensez pas qu'on est capables de faire comme ailleurs là-dessus?

M. Carette (Roger): Bien, les points de référence, si vous me permettez, qui nous ont servi pour vous adresser la recommandation qu'on nous fait de maintien du statu quo en cette matière nous venaient à peu près de la pratique telle qu'elle est vécue en Ontario. Plusieurs de nos membres ont l'occasion d'aller soit aux États-Unis ou en Ontario où c'est devenu dans les moeurs maintenant. Ils vivent ça dans une province où l'éducation des gens vis-à-vis du respect du piéton ou du cycliste est beaucoup plus élevée que ce qui est vécu présentement au Québec. Je ne vous apprendrai rien. Au Québec, le conducteur d'un véhicule moteur, le piéton est troisième classe puis le cycliste, il est peut-être quatrième. On n'a pas une très belle éducation en matière de respect de la législation, des lois puis des règlements routiers.

Quand on faisait référence à la recommandation négative à ce sujet-là, le modèle opérationnel, c'était à peu près le vécu de l'Ontario. Les motifs qui ont amené le bureau de direction de l'Union à fonder une recommandation négative, c'étaient des statistiques sur le nombre d'accidents dans des provinces où cela est pratiqué à ce moment-ci. Nous autres, ça nous apparaissait un peu effrayant, en disant: Trois à 15 secondes, là, on va se calmer au Québec, on va arrêter d'être pressé. Puis de 2 $ à 7 $ d'essence par année, bien je pense que les risques du côté sécurité sont beaucoup plus grands que ça. C'étaient les fondements de la recommandation qui est là. Je ne sais pas si madame veut ajouter?

Mme Fortin (Diane): Aussi à l'égard de la justification qui était dans le livre vert, la question de l'harmonisation avec l'Amérique du Nord, à l'égard des statistiques, on se dit: Est-ce l'idéal? Et la réduction effectivement de la pollution, et de la consommation d'essence, et du temps d'attente, quand on sait que les nouveaux feux de circulation qui sont implantés dans beaucoup d'endroits au Québec permettent, d'une certaine manière, avec la flèche, le virage à droite sur feu rouge et s'adaptent aussi aux heures de pointe, je pense que, dans cette perspective-là, tout ça mis ensemble, y compris la justification à la base de l'idée, la position a été celle que M. Carette vient d'évoquer, soit le statu quo, à la lumière de tout ça.

M. Chevrette: Mais, quand on pense à ceux qui sont à Hull, qui vivent à Hull, dans tout l'Outaouais québécois, puis qui, quotidiennement, transigent avec l'Ontario, à Ottawa, ils sont dans l'avant-midi à Ottawa, à faire le virage à droite, ils n'en tuent pas plus quand ils traversent en Ontario qu'ils n'en tuent au Québec. Ils n'en blessent pas plus. Moi, le fait que vous dites que les automobilistes québécois font fi des cyclistes, le maire L'Allier qui était assis à votre place, madame, juste avant vous, disait le contraire, lui, que les cyclistes québécois commettaient un paquet d'infractions.

On peut se lancer la pierre de même, mais, c'est drôle, autant les cyclistes que les automobilistes québécois, je les pense aussi intelligents que ceux de l'Ontario puis que les Américains. Puis je nous pense aussi brillants puis aussi capables de s'adapter. Il y a un demi-million de Québécois qui vont dans les États-Unis puis qui s'en vont dans l'État de la Floride chaque hiver. Il y en a qui transigent quotidiennement par Boston. Par la Beauce, vous en avez un bon nombre qui vont dans le Vermont, là, qui vont aux États-Unis. On n'est pas plus fous qu'ailleurs. Moi, ce manque de confiance, ça m'agresse. Vous n'avez pas confiance aux Québécois pour s'adapter? Madame.

Mme Fortin (Diane): La mode au Québec, c'est le tout droit sur feu rouge quand on observe ce qui se passe au niveau des intersections. Bon, vous, vous parlez des gens qui vont aux États-Unis, tout ça, bon. Dans un contexte où on part en vacances, on est peut-être plus disposé à respecter les signalisations. Mais, si vous allez dans des milieux, peu importe, de petites ou de grandes villes, si vous arrivez aux heures de pointe où les gens sont très pressés, les gens sont très agressifs, et le piéton, c'est le dernier...

M. Chevrette: À Montréal, madame, à la sortie de l'université, ce n'est pas les automobilistes qui passent, c'est les piétons. Vous essaierez de passer, vous allez en écraser 40 parce qu'il passe 40 piétons. Ça passe par pelotons.

Ça ne marche pas de même. Dans la vraie vie, là, ceux qui vont à Hull, qui vivent à Hull puis qui vivent la duplicité de mesures ou bien qui vont à Montréal... Aïe! à 16 h 45, à Montréal, sur le coin de Sainte-Catherine et puis Saint-Laurent, avez-vous chauffé, madame? Je peux-tu vous dire, moi, que ça... C'est qui qui a raison? C'est le piéton.

(16 h 30)

Moi, c'est drôle, j'ai tendance à faire confiance à toutes les catégories puis à dire: On va s'adapter à des nouvelles règles. Si ça se fait ailleurs puis on est capables de s'adapter quand on va ailleurs, on doit être capables de s'adapter chez nous. On va peut-être venir plus courtois, même, vis-à-vis des piétons. On va peut-être demander l'arrêt complet, ce que M. L'Allier disait tantôt. Peut-être des balises qu'on peut mettre. Mais, plutôt que de travailler dans la confrontation avec les différentes catégories, on va peut-être leur demander de vivre en harmonie, l'ensemble des catégories. Vous ne pensez pas que c'est mieux?

M. Carette (Roger): Me permettez-vous, M. le Président? L'occasion est trop belle. Vous dites: On fait confiance aux gens, etc., puis les gens qui sortent de l'université passent les feux rouges, etc. Il me semble qu'ils sont intelligents, ceux qui fréquentent l'université. C'est une manière d'introduire... Vous nous dites: Faites confiance à l'intelligence des Québécois, puis vous nous sortez un exemple selon lequel les universités, particulièrement ceux de McGill, en tout cas ceux qui sortaient... Votre exemple, c'était qu'ils sortaient.

M. Chevrette: Non, mais l'agressivité d'un conducteur ou d'un étudiant, voyons, ça n'a pas d'allure.

M. Carette (Roger): M. le ministre, ce que je veux essayer de vous dire, c'est de jugement de sens commun. Moi, je n'ai pas de statistiques de toutes sortes; de jugement de sens commun. Le piéton, le cycliste, l'automobiliste puis le camionneur québécois, on n'est pas au standard d'à peu près ce qui se pratique au Canada puis aux États-Unis en termes de respect des règles et des personnes.

Moi, je ne peux pas vous faire une démonstration. Sortez comme citoyen dans la rue. Vous avez fait allusion à la Beauce. Même si on n'a pas d'autoroute, il y a beaucoup de monde qui passe en Beauce pour aller aux États-Unis. Regardez le comportement de ces gens-là. C'est un peu insultant pour des gens de votre âge puis du mien de voir que les générations nouvelles ne respectent à peu près rien, surtout pas les autres personnes. Bien, vous pouvez me sortir un paquet de chiffres puis un paquet de questions sur l'incohérence, nous avons et nous partageons la responsabilité d'éduquer ou de reciviliser les Québécoises puis les Québécois en matière de circulation routière à tous égards: à pied, à cheval, en voiture, à bicyclette, en camion, etc. Si ce n'est pas une observation qui nous est commune, on a quelque chose qui ressemble à des problèmes.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Alors, disons que je vais revenir sur certains des points que vous avez soulevés. Maintenant, juste avant de commencer, je voudrais faire peut-être quelques commentaires concernant la discussion que vous venez d'avoir avec le ministre sur le port du casque.

Depuis qu'on a commencé la discussion là-dessus, j'ai l'impression qu'on fait des liens qui ne sont pas toujours évidents, c'est-à-dire le ministre parle de cohérence et de priorité à donner à la sécurité routière. Je pense que tous les gens qui sont venus ici aujourd'hui, qui sont favorables plus à des mesures incitatives qu'à des mesures législatives qui obligeraient le port du casque, sont des gens qui mettent en premier lieu la sécurité, qui sont sensibles à la sécurité routière. Et le fait que le ministre dise: Oui, mais il faut être cohérent si vous dites que vous êtes pour la sécurité routière, bien c'est comme s'il y avait un lien entre être pour la sécurité routière, le port du casque et l'obligation de le porter. C'est comme si, ça, c'était interrelié et que, si on veut être cohérent, dans l'esprit du ministre, il faut être pour le port du casque et conséquemment il faut être pour l'obligation de le porter, donc pour la loi qui obligerait ça.

Les gens qui sont venus ici, moi, j'ai perçu – puis peut-être qu'on perçoit ça différemment – que les gens étaient cohérents et qu'ils mettaient en priorité la sécurité routière et qu'ils avaient pour objectif... Et la preuve, c'est que les gens qui sont venus, qui dirigeaient des clubs de vélo, nous faisaient état des résultats dans les gens qui pratiquent leur activité: le port du casque est de 80 %, 90 % des gens qui participaient à leur activité. Et les gens souhaitaient que tout le monde le porte, le casque, et c'est leur souhait. Excepté que ça ne veut pas dire que la mesure qui découle de ça directement, c'est l'obligation légale. Ce que vous nous dites puis ce que les autres nous ont dit, c'est: Allons-y donc par l'incitation, la promotion, des campagnes. On a fait des campagnes. Vous faites référence aux campagnes sur l'alcool au volant, sur la vitesse. On a vu, sur la vitesse, récemment 10 milles de plus . Ça, ça frappe les gens. Et ce n'est pas être incohérent, ça.

Je n'aime pas ça que le ministre, moi, fasse passer les gens qui viennent ici pour des incohérents s'ils ne sont pas d'accord avec la mesure législative. Parce que, là, on doit interpréter que, s'ils ne sont pas d'accord avec une mesure législative, bien ils ne sont pas pour la sécurité routière, puis, s'ils ne sont pas pour la sécurité routière, ils ne sont pas pour le port du casque. On peut très bien être pour la sécurité routière, favoriser la plus grande sécurité routière, favoriser le plus grand port du casque possible, que tout le monde le porte serait l'idéal, mais de dire: Le moyen que vous prenez n'est pas le bon moyen. Ce n'est pas en légiférant... Ce n'est pas la seule façon d'arriver à ces fins-là. Il y a de la promotion, et tous les gens qui sont venus ici, qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord avec une mesure législative, nous ont dit qu'ils étaient d'accord avec le moyen qui est de la promotion. Alors, moi, c'est ce que je comprends dans ce que vous nous avez dit. Je pense que vous êtes dans la voie d'à peu près la plupart de ceux qui sont intervenus à date sur ce sujet-là.

Je pense qu'on a eu des exemples de campagnes qui ont été faites par la SAAQ qui ont été des beaux succès. En tout cas, je ne sais pas si c'est parce que j'ai mal perçu ce qui s'est passé, mais je n'ai jamais vu de campagne aussi forte au niveau de la conviction pour ce qui est du port du casque protecteur à vélo. J'ai l'impression qu'on a un bout de chemin à faire et qu'il y a possibilité encore d'améliorer avant de penser à des mesures législatives qui, à mon avis, doivent être les derniers moyens qu'on doit prendre pour intervenir. C'est-à-dire, quand on aura tout fait le tour et qu'on se dira: Il n'y a plus d'autres moyens, et que les gens qui ont le même objectif que le gouvernement a, c'est-à-dire accroître la sécurité routière, quand ces gens-là seront convaincus qu'on a fait le tour et qu'il n'y a plus d'autres moyens, qu'il faut penser à des législations, on pourra en discuter à ce moment-là. Mais évitons de se rabattre trop rapidement sur ces mesures-là, alors que tout le monde à date perçoit qu'on n'a pas fait le tour de ce domaine-là, le domaine de la prévention, de la promotion et de l'incitation. Alors, c'est un commentaire que je voulais faire de ce côté-là. En tout cas, je vais dans le sens un peu de votre position sur le port du casque.

Pour ce qui est du cinémomètre, j'aimerais savoir: La position que vous aviez, est-ce que c'était une position qui était majoritaire ou unanime, ça, par rapport au photoradar?

M. Carette (Roger): Bien, les gens voudraient connaître les modalités de mise en place, les problèmes qui ont été évoqués tout à l'heure: qui reçoit la contravention; y a-tu ce que les gens appellent des points de démérite; deuxièmement, y a-tu de la responsabilité municipale dans l'opération de ça; y a-tu de la responsabilité municipale dans la mise en place des équipements.

De ce temps-ci, je dois vous dire que les municipalités sont un peu frileuses de recevoir des responsabilités supplémentaires. Leur situation financière ne leur permet pas d'y aller, puis il y a des choses qui sont survenues – ce n'est ni le lieu ni le temps de les commenter – mais nos gens sont frileux quand on leur parle de leur envoyer des responsabilités. La demande d'avis qu'on vous fait, c'est, s'il y avait intention d'aller plus avant là-dedans, avant de procéder, qu'il y ait échange entre les autorités gouvernementales puis les gens des municipalités sur des questions que je vais qualifier de subsidiaires comme celles-là.

M. Bordeleau: O.K. Dans ce sens-là, je pense que le commentaire que vous avez fait, la recommandation est tout à fait justifiée. C'est la première fois que ça nous est mentionné, la question, avant d'arriver à la conclusion, de réfléchir aux modalités d'implantation, des coûts et du comment, et tout ça, et comment on réglerait les problèmes. On a plusieurs problèmes qui ont été soulevés de la part de ceux qui ont des réticences à l'utilisation du cinémomètre, et on n'a pas de réponse très, très claire là-dessus.

Je pense qu'effectivement on est peut-être en train d'inverser l'ordre logique des choses. On devrait d'abord penser à régler les problèmes, et surtout à travailler en collaboration avec le monde municipal de ce côté-là, et à voir comment tout ça pourrait fonctionner avant d'en arriver à la conclusion qu'on doit nécessairement sauter à deux pieds sur cette solution-là comme étant une solution qui viendrait...

Je pense que la suggestion que vous nous faites, où vous nous dites: «Avant de décider de son utilisation immédiate, l'UMQ recommande que le gouvernement procède à une étude détaillée des modalités d'implantation d'une loi sur le cinémomètre photographique ainsi qu'à une évaluation des coûts pour les municipalités», c'est tout à fait justifié, et ça, ça n'a pas été fait à date, là.

Vous nous avez fait référence aussi, quand vous avez parlé de ça tout à l'heure, au souhait que vous émettiez d'avoir une réglementation au niveau municipal concernant le cinémomètre. Est-ce que vous pourriez préciser un peu plus à quoi vous pensiez? Si le gouvernement décidait d'aller dans ce sens-là, d'avoir une réglementation qui permettrait aux municipalités, là, je ne sais pas exactement...

M. Carette (Roger): En tout cas, la portée de la recommandation est à l'effet que, si ces appareils-là étaient reconnus ou permis, il soit loisible à une municipalité d'y apporter un certain nombre de ses propres règlements comme dans l'esprit, j'imagine, du législateur moderne. Désormais, le législateur du Québec fait des lois-cadres puis il permet à sa communauté de les adapter à son milieu. Je pense que ça, c'est un discours. Vous faites ça à peu près dans toutes les lois, là. C'est la revendication, la demande ou la suggestion des municipalités qu'il y ait un cadre général et que la municipalité soit habilitée par la loi de l'adapter s'il était requis de le faire, la loi-cadre définissant les obligations minimales. C'est l'esprit de la recommandation.

M. Bordeleau: O.K. Alors, au fond, ce que je comprends par rapport à tout ça, il faudrait qu'il y ait une vraie discussion avec le monde municipal avant de passer aux décisions finales.

M. Carette (Roger): C'est notre conviction.

M. Bordeleau: Je pense que c'est raisonnable aussi. Pour ce qui est du virage à droite, les réticences que vous avez émises, au fond, je pense qu'elles ont été également mentionnées par le maire L'Allier tout à l'heure. Je ne sais pas si vous étiez ici au moment où on a eu la discussion avec le maire – le ministre y a fait référence – il y a des sensibilités par rapport à ça, là, je pense, qui sont justifiées, c'est-à-dire des craintes – je pense aux personnes âgées, aux personnes handicapées – mais il y a peut-être des solutions aussi pour régler ces problèmes-là et encadrer ça quand même d'une façon pour que ce soit relativement sécuritaire.

(16 h 40)

Il faut bien penser que partout en Amérique du Nord, à l'exception de la ville de New York, dans tous les État américains, toutes les provinces canadiennes, on permet ça. S'il y avait eu des hécatombes, là, je pense qu'on serait peut-être revenus là-dessus. Maintenant, il y a des contextes bien particuliers. On pense à la ville de New York. Évidemment, c'est très spécial en termes de densité, de mouvements de population, et on a adopté une position, qui était celle de la ville de New York, où on l'interdit de façon générale.

Mais, au niveau de l'application comme telle au niveau du Québec, l'application pourrait être celle où c'est permis de façon générale, comme ça se fait ailleurs, avec des exceptions et une série de critères qui pourraient faciliter l'opérationnalité de tout ça. C'est-à-dire que, dans certaines conditions particulières, on ne le recommanderait pas, on ferait une exclusion à la règle générale qui permet un virage à droite parce qu'il y a des dangers qui sont plus grands à ce niveau-là. Ça nous permettrait, à ce moment-là, au fond, d'aller dans le même sens que ce qui existe partout ailleurs.

Les touristes qui viennent ici, quand ils viennent de l'extérieur, je pense, avec la différence de mode de fonctionnement, peuvent constituer des risques justement pour nos populations. Si tous les touristes qui viennent ici, qui louent une voiture, ne font pas le lien entre ce qu'ils vivent... Et là c'est vrai pour tous les touristes américains et tous les touristes canadiens. S'ils arrivent ici et, à un coin de rue, ils tournent à droite alors que c'est défendu, je pense qu'il y a des risques aussi qui sont inhérents à cette réalité-là.

L'autre élément aussi où on faisait référence à des statistiques qui vous ont frappés et qui ont frappé aussi le maire L'Allier parce qu'il faisait référence aux mêmes données: il faudrait voir aussi, dans ces cas-là, de quelle façon on l'applique. Est-ce qu'on l'applique de façon générale partout ou si on l'applique comme, nous, on souhaiterait l'appliquer, c'est-à-dire le permettre de façon générale mais en excluant les cas où il pourrait y avoir des dangers trop grands pour la population, et là on fait des exclusions?

C'est évident que, si on dit – je ne sais pas, je suppose, je n'ai pas l'information – dans une province que c'est permis partout, peu importent les conditions, il y a des coins de rue où ça peut être plus dangereux et ça sera permis. C'est peut-être là qu'arrivent des accidents, alors que, ici, on aurait la possibilité d'avoir des critères déterminés qui permettraient d'exclure ces lieux-là où c'est dangereux. Alors, je ne sais pas si vous aviez des commentaires à faire là-dessus.

C'est une question d'éducation aussi. On dit: Ici, les gens sont plus ou moins respectueux des lois. Ça dépend des places et ça dépend aussi: Est-ce qu'on veut continuer comme ça? Est-ce qu'on veut sensibiliser? On a quand même réussi des campagnes d'information où on a sensibilisé les gens beaucoup, je pense aux jeunes, sur les problèmes de l'alcool. Les jeunes, aujourd'hui, quand ils vont dans un party, il y en a un qui ne boit pas parce que c'est lui qui a la responsabilité de ramener les autres. Alors, il y a eu une sensibilisation qui a été efficace. Sur la vitesse, c'est la même chose. Je pense que quand même le bilan routier a démontré, au cours des années, une baisse sensible des accidents et des décès.

Je ne vois pas pourquoi, sur le virage à droite, on ne pourrait pas aussi avoir des campagnes qui pourraient être aussi efficaces et où on pourrait, au fond, faire confiance un peu plus, peut-être, au comportement des... Maintenant, c'est une question d'éducation. Il faut le faire. Il faut les sensibiliser. Je pense qu'on l'a fait dans d'autres secteurs avec succès. Je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas possible de le faire pour le virage à droite. Alors, je ne sais pas si vous aviez des commentaires sur ce point-là.

Le Président (M. Lachance): Allez-y, Mme Fortin.

Mme Fortin (Diane): Pour répondre à une de vos questions, au niveau des statistiques, les statistiques couvraient différents types d'application, soit permis partout ou seulement à certains endroits. Dans le cas où il y avait des exceptions, où c'était interdit et permis à certains endroits, les études ont démontré que l'absence d'uniformité de la norme, de la règle sur un territoire donné ou sur des territoires contigus pouvait occasionner de la confusion chez le conducteur et causer des accidents de ce fait. Plusieurs études ont démontré ça, et c'est basé sur des cas existants.

L'autre chose, peut-être, que je pourrais ajouter au niveau de la position de l'Union et du bureau de direction. Il y a eu beaucoup de gens et d'organismes favorables à ce virage à droite sur feu rouge, mais, nous, ce qu'on regarde aussi, à la base, c'est la justification qui est apportée dans le livre vert à cet égard. Donc, si on se dit: C'est un livre sur la sécurité routière, les motifs invoqués sont plus de l'ordre de la mobilité et de la fluidité. À cet égard et à la lumière des statistiques, peu importe si c'est une victime seulement ou un décès, si on parle de sécurité, je pense qu'il faut être vigilants.

Si on regarde la justification comme telle du livre vert, à la lumière de tout ça, évidemment, je pense qu'on a des solutions pour diminuer le temps d'attente au feu rouge par les feux de plus en plus sophistiqués. Aussi, au niveau de la statistique de l'économie de carburant, on sait que c'est très peu, et le temps d'attente dans une journée, de trois à 15 secondes, je pense que ça ne vaut pas le coup dans le bilan des avantages et des inconvénients. Et la question aussi de la justification portant sur l'harmonisation à l'Amérique du Nord, il faut peut-être le voir de l'autre côté: ailleurs, en Amérique du Nord, ce n'est pas permis. Enfin, d'après les études que j'ai relevées, partout dans le monde, ce n'est pas autorisé.

Donc, la justification sur ces trois aspects-là du livre vert, à la lumière de toutes les informations qu'on a pu recueillir, nous amène à privilégier le statu quo.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Beauce-Sud, en vous indiquant qu'il reste cinq minutes du côté de l'opposition.

Mme Leblanc: Merci. Alors, je vais essayer de faire ça vite. D'abord, je voulais saluer le maire de ville Saint-Georges, qui est aussi mon maire. Bonjour, aussi, Mme Fortin.

J'aimerais peut-être en arriver au point 2, qui parle des patins à roues alignées. Vous faites la recommandation de donner «l'accès restreint à la chaussée par la levée de l'interdiction absolue de circuler sur la chaussée», vous parlez aussi de «restrictions dans les zones de 50 km/h ou moins ou les rues à deux voies» ou encore «dont la pente des artères est inférieure à cinq degrés».

Tout ça, c'est bien beau, mais je ne vous ai pas entendus sur: Est-ce que c'est les municipalités elles-mêmes qui vont devoir décider si, dans une zone, par exemple, qui a 50 km/h, il ne serait pas approprié de permettre la pratique du patin à roues alignées? Est-ce que vous demandez que les municipalités soient responsables de l'application de ça ou si vous laissez le ministre nous dire que, dorénavant, par exemple, dans toute zone de 50 km/h et moins qui n'a pas de pente de plus de cinq degrés et qui est à deux voies, il y aura possibilité de circuler? Est-ce que vous voulez vous garder une mainmise là-dessus ou pas?

M. Carette (Roger): Ça va être un rappel de position. Cette position-là, au niveau de l'Union, c'est majoritaire. Il y avait des opposants farouches à ça. La recommandation ou la sollicitation qu'on vous fait majoritairement, c'est que l'interdiction soit levée, que la loi provinciale encadre des éléments comme deux voies, comme 50 km/h, comme pente de 5 %, des choses comme celles-là, frein obligatoire, et que les municipalités puissent par la suite réglementer si elles le jugent à propos.

Il y avait deux arguments qui nous étaient apportés à l'effet contraire de ça. C'est quand des municipalités sont tout à fait contiguës puis si des municipalités prenaient des décisions différentes. Prenez l'exemple épouvantable de Montréal. On ne réalise pas, à Montréal, quand on change d'une municipalité à l'autre. Même dans votre beau comté de Beauce-Sud, quand on passe de Saint-Georges à Aubert-Gallion, à moins d'être un résident, on ne le sait pas qu'on passe d'un endroit à l'autre. Il y avait ce problème-là.

Maintenant, ce qui fait également... les arguments contre qu'il incombera au législateur de sous-peser, c'est l'argument de la responsabilité civile que les villes pourraient encourir. C'est bien évident que les municipalités devront sous-peser ça. Qu'est-ce qui arrive avec tous les accidents qui interviendraient: failles de l'asphalte; la bouche de vanne est posée à l'envers, puis les travées sont sur le long, puis la roue alignée embarque là-dedans, puis le bicycle tombe; et puis l'état des chaussées actuel dans les villes? Dans plusieurs villes, en tous les cas, les villes ne peuvent plus entretenir leurs infrastructures comme elles souhaiteraient le faire. Donc, il y a des villes pour qui l'opinion serait: Même si c'est permissible de par la loi, on ne va pas là. Puis l'argument dernier, il est quand même important dans ce qu'on a entendu au moment où on a fait la synthèse des consultations que la quinzaine de membres du bureau de direction avaient pu faire à la glorieuse période des fêtes.

Maintenant, si je me résume: une loi qui le permettrait, libre aux municipalités de faire ou de ne pas faire, dans les conditions qu'elles jugent à propos.

(16 h 50)

Mme Leblanc: Parfait. Parce que, dans la recommandation, ce n'était pas explicitement dit comme ça.

Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps. Vous n'avez rien dit concernant la conduite avec facultés affaiblies. Pourtant, M. le maire, vous avez un corps policier à ville de Saint-Georges assez important qui aurait pu sûrement vous alimenter, à savoir qu'est-ce qu'on devrait faire là-dessus. Est-ce que vous pouvez nous donner votre opinion?

M. Carette (Roger): Bien, en tout cas, si je parlais de Saint-Georges, ce qui n'est pas le cas – je peux changer de chaise 30 secondes – je vous dirais: On serait d'accord avec l'élément, la proposition du livre vert. Ce n'est pas l'objectif de la rencontre. On véhicule l'opinion de l'Union, tel qu'arrêtée par le bureau de direction. Je le signifiais en tout début, là, les gens n'ont pas émis d'opinion sur le cinquième point faute d'expertise, faute de données puis probablement aussi faute d'unanimité. Les gens ont dit: En matière du cinquième élément du projet orienté de façon très cohérente, selon tout ce qu'on en a dit, nous autres, on ne partage pas la même opinion de cohérence sur le virage à droite, on trouve que ce n'est pas très sécuritaire, on n'a pas émis d'opinion. Ça aurait été extrêmement diversifié, puis on ne prétendait même pas avoir la vision générale requise pour émettre une opinion là-dessus.

Mme Leblanc: Alors, je vois que vous n'avez pas eu d'opinion à émettre, peut-être, par faute de consensus. Par contre, est-ce que, à l'intérieur de cette discussion-là à l'UMQ, vous vous êtes entendus sur d'autres mesures qui n'étaient pas contenues dans le livre vert mais qui pourraient faire en sorte d'améliorer la sécurité routière au Québec?

M. Carette (Roger): Mme Fortin, madame l'experte.

Mme Fortin (Diane): Oh non! je ne suis pas experte mais plutôt généraliste. Par contre, compte tenu du court laps de temps que nous avons eu pour étudier le dossier et vraiment essayer de l'analyser à la lumière de plus d'éléments possible, non, malheureusement, on n'a pas pu aller plus loin de ce côté-là. Malheureusement, faute de temps.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Transports, en conclusion.

M. Chevrette: Bien, je voudrais rappeler – il me reste deux minutes – que les patins à roues alignées font l'objet strictement d'une défense en vertu de la loi présentement, et c'est à peu près inapplicable pour toutes sortes de raisons. Il n'y a même pas de pistes dans les municipalités. C'est pour ça que je trouve la position en ce qui regarde les rues de certains quartiers résidentiels acceptable. Dans les zones où il y a 30 km/h ou je ne sais pas trop quoi, ça semble se dessiner vers un compromis dans ce sens-là, en tout cas.

Pour ce qui est de la cohérence à laquelle le député de l'Acadie a fait allusion, je pense qu'il y a énormément de bonne foi dans le processus de recommandation d'une phase intermédiaire entre la législation et la promotion en ce qui regarde le port du casque. Mais ce que j'ai toujours de la difficulté à concilier, c'est que, dans un même mémoire – puis ce n'est pas une question d'attaque – on recommande une procédure de non-législation en fonction de la sécurité, alors qu'on s'objecte pour la sécurité à un non-virage à droite sur feu rouge, par exemple, alors que le virage à droite sur feu rouge est beaucoup moins nocif à la sécurité, statistiques confondues et connues dans les littératures, que le port du casque. Et je vous invite demain matin à venir écouter le Dr Denis, par exemple, qui est président de la traumatologie de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et qui va venir nous en parler. Vous allez voir que...

C'est ça où j'ai de la difficulté à faire le pont. Ce n'est pas une question d'agressivité, c'est que, dans ma tête, je ne peux pas concevoir qu'on est contre quelque chose qui est minime puis qu'on est pour quelque chose qui est majeur en termes de sécurité. C'est juste ça. Je peux vous donner l'opportunité de réagir à ça, mais c'est ça que j'ai de la difficulté à comprendre. C'est tout.

M. Carette (Roger): Si vous êtes à Québec, madame, vous viendrez écouter le Dr Denis.

M. Chevrette: Pardon?

Mme Fortin (Diane): Il a dit: Vous viendrez écouter le Dr Denis. L'Union des municipalités n'est pas contre le port du casque. Ce n'est pas ça du tout, là. Alors, on n'est pas contradictoire. C'est plus dans l'immédiat. Parce qu'on n'est pas contre, hein, évidemment, on sait que ça sauve des vies puis que c'est très important pour protéger les cyclistes qui sont vulnérables. Mais la position, c'est dans l'immédiat: Est-ce que c'est requis d'avoir une loi l'obligeant? Et c'est plutôt là-dessus que nous disons: Peut-être dans un deuxième temps. Dans un premier temps, allons vers une campagne de sensibilisation. Mais nous ne sommes pas contre le port du casque.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. Carette, Mme Fortin, pour l'Union des municipalités du Québec, merci d'avoir participé aux travaux de cette commission. Merci bien.

Mme Fortin (Diane): Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite le dernier intervenant de la journée, M. François Piché, à bien vouloir prendre place.

Bienvenue, M. Piché. Alors, tel qu'entendu avec le secrétariat de la commission, vous avez un maximum de 20 minutes, mais vous n'êtes évidemment pas obligé de le prendre si vous voulez favoriser les échanges. C'est comme bon vous semble. Par la suite, les parlementaires pourront vous questionner. Alors, vous avez la parole, M. Piché.


M. François Piché

M. Piché (François): Merci. Premièrement, je ne représente aucun groupe ou organisme, mais, de par mon travail – je travaille dans un entrepôt – je rencontre des camionneurs tous les jours, des compagnies de messagerie, et tout ça. Eux sont sur la route. On est sur le terrain, on échange des idées. En même temps, bien je m'intéresse beaucoup à la conduite automobile. C'est quelque chose qu'on fait une moyenne d'à peu près une heure par jour, chaque citoyen qu'on est qui a un véhicule automobile.

Le Président (M. Lachance): ...M. Piché d'avoir pris le temps de pondre un peu plus de 20 pages à l'intention des membres de la commission.

M. Piché (François): Alors, au départ, disons que je n'aime pas tellement l'idée qu'on soit obligé de légiférer pour arriver à obtenir une réponse, un gros bon sens, ou l'application de sécurité. Je trouve ça toujours, un petit peu même, insultant, parce qu'on est obligé de faire ça pour une faible minorité. Ce n'est pas la majorité des gens qui font des excès de vitesse. On a un cas hier qui est apparu dans le journal: 20 arrestations pour conduite en état d'ébriété entre 1993 et 1995. Je me demande: Est-ce que le gars reste en face d'une taverne puis d'un poste de police? Puis c'est pourtant pour lui qu'on est obligé d'en arriver à faire des lois encore plus sévères. C'est déplorable, parce qu'il me semble qu'il y aurait moyen d'agir autrement. Aussi, ce qui arrive, c'est que la conduite automobile, c'est quelque chose qui est assez important, c'est des vies qui sont en bout de ligne.

Je vais commencer sur le port du casque. Oui, je suis d'accord pour qu'on force les gens à porter le casque. Maintenant, les moyens mis en application de la loi, je pense qu'ils peuvent être progressifs et faits avec du gros bon sens. Par contre, on signale à un moment donné ici, dans le livre vert, que 80 % des cyclistes enfreignent systématiquement le Code de la sécurité. Si on se demande un peu pourquoi, on pourrait peut-être s'interroger aussi et se dire: Est-ce qu'on donne aux cyclistes tout le milieu sécuritaire auquel ils ont droit? Moi, je ne suis pas cycliste, mais, quand j'en vois un, je me dis: C'est un automobiliste de moins, puis à ce moment-là je fais preuve de respect.

(17 heures)

Mais est-ce que c'est le cas? Les bicyclettes se font voler dans le bout de Montréal. Moi, j'en ai fournies à peu près huit aux voleurs. Bon. Disons que j'ai donné, puis c'est fini. Je n'en achète plus. Je n'ai pas de place pour les sécuriser. Puis j'aimerais peut-être ça en faire un peu plus souvent, mais il n'y a pas de moyen. D'autre part, les bicyclettes n'ont pas d'endroit... On les considère comme quantité négligeable. Alors, pourquoi est-ce que les gens seraient intéressés à vouloir employer le vélo, faire du sport, économiser des polluants, des carburants polluants, s'ils sont obligés de partir le matin avec un casque, 30 lb de chaînes puis de cadenas, puis ne pas être certain de retrouver leur vélo? La dernière aventure qui est arrivée à mon fils: après avoir stationné son vélo avec les cadenas puis les chaînes, il est revenu, il n'avait plus de freins. Quelqu'un a décidé qu'il avait besoin des freins cette journée-là.

D'autre part, je trouve un peu une espèce d'injustice entre les exigences qu'on a vis-à-vis d'un automobiliste puis celles qu'on a vis-à-vis d'un cycliste. Le cycliste, les lois, il ne les respecte pas, mais on peut comprendre pourquoi. Il est menacé de toutes parts: les camions, les voitures, et tout ça, puis son vélo, il peut se le faire voler. Mais il n'est pas tenu de s'identifier, puis j'imagine mal un policier essayer d'arrêter un cycliste qui ne veut pas s'arrêter. Le cycliste va le perdre dans la brume, puis il ne faut pas se faire d'illusion.

Alors, c'est pourquoi je pense qu'il faudrait peut-être, un, forcer ou trouver un moyen d'amener les gens à être tenus de s'identifier puis d'avoir des pièces d'identification. Aussi, pour protéger les vélos, trouver un moyen, à bon marché, d'enregistrer les vélos pour les sécuriser. Je n'aime pas l'idée de fournir un vélo, moi, à quelqu'un qui ne l'a pas payé. S'il en veut un, qu'il s'en paie un. À ce moment-là, les cyclistes vont se sentir protégés par la loi.

Pour le patin à roues alignées, je rejoins le livre vert à 100 % d'adopter la même loi qu'ils ont à New York. Peut-être rajouter un peu plus d'importance d'être habillé de façon voyante. Et ça, ça devrait être extensionné aussi aux cyclistes. J'en ai vu un, pas plus tard qu'il y a deux jours, en noir, à 5 heures, puis son petit phare rouge n'était pas tellement visible.

Pour le photoradar, alors là disons que je ne suis absolument pas d'accord, et tous ceux avec qui j'en ai parlé, on n'est pas d'accord. On a l'impression qu'on cherche à trouver un autre moyen de rentrer du pognon. Mettre en cause la vitesse, à mon sens, n'est pas toujours mettre le doigt sur le problème. Je pense que c'est l'ensemble des lois qu'on devrait amener à faire respecter.

Si on dit, par exemple, qu'il y a certaines journées... Premièrement, on dit que le radar, actuellement, il y a un plafonnement. Mais qu'est-ce qui se passe en réalité? Les policiers, pour le radar, vont le faire le samedi matin, un beau samedi matin qu'il fait beau, au début du mois, pour faire leur quota. Puis vous aurez beau essayer de me dire qu'ils n'ont pas de quota à remplir, j'ai parlé à des policiers, j'ai parlé à des habitants de certaines municipalités. Puis ça va même jusqu'à certaines municipalités qui ont inclus dans leur budget un revenu d'amendes. Avec ça, on arrive même, puis on dit aux policiers: Bon. Alors là vous donnez des amendes, mais, quand c'est un citoyen, essayez donc de donner un avertissement seulement pour ne pas les indisposer. Alors, on se demande, à un moment donné, jusqu'où ça peut aller.

Alors, quand le livre vert fait une observation où on dit: Les gens considèrent que la vitesse, c'est une indication, une suggestion, c'est un peu vrai. Le chauffeur moyen va établir sa vitesse selon la moyenne maximum suggérée, les conditions du terrain, la vitesse moyenne observée par les autres usagers puis les risques d'opération radar, puis ça finit là. Essayez de partir, vous, du centre-ville de Montréal par les autoroutes puis de vous rendre à l'autre bout de Montréal en respectant la limite de 70 km/h. Vous allez vous faire klaxonner puis dépasser continuellement. Vous êtes obligé de suivre puis de monter à 80 km/h puis 90 km/h. Vous n'avez pas le choix. Puis je ne trouve pas ça déplorable; nos autoroutes sont agrandies, puis elles sont élargies, puis c'est dégagé. Ça devient soporifique que de faire du 100 km/h ou du 70 km/h.

Alors, la vitesse, c'est peut-être une des causes d'accident, mais je pense qu'il y a d'autres causes: le défaut de signalisation de changement de voie, le défaut d'arrêt, l'omission d'arrêt. Tout l'ensemble des lois, la globalité des lois, si on avait plus de présence policière pour faire respecter ça, ça calmerait le jeu, selon moi. Juste prendre la vitesse, là, selon moi, ce n'est pas un facteur. C'est évident que, quand vous avez une voiture qui s'en vient, puis qui vous arrive à 10 pi en arrière de vous, puis qui décide de vous dépasser, puis qui, à la dernière minute, quand elle est rendue sur votre pare-chocs, change de voie, même si elle est en bas de la vitesse limite, elle peut déraper puis il peut y avoir une sortie de route.

Dans certains pays d'Europe et dans certains États américains, on a enlevé, on a aboli la limite de vitesse. Par contre, on est inflexible là où il y en a une. À titre d'exemple, vous avez des limites de vitesse de 50 km/h en ville, puis, si vous roulez à 50 km/h, là, vous allez vous faire perdre aussi dans la brume. Mais ça, ça devrait être respecté parce que la majorité des feux de circulation sont synchronisés et organisés pour fonctionner à 50 km/h. Par contre, là où ça devient un petit peu anarchique, vous traversez de Montréal à Outremont puis vous vous retrouvez dans une limite de 40 km/h. Il n'y a rien qui le justifie, la route est aussi grande puis les trottoirs ne sont pas plus fragiles.

Alors, étant donné que, jusqu'à l'heure actuelle, les gens ou du moins tous les gens à qui j'ai parlé voient le contrôle de la vitesse comme un moyen de financer les gens, je pense qu'on devrait plutôt chercher à faire respecter l'ensemble des lois. Ce qui m'amène à me poser la question: Étant donné qu'on propose le photoradar, est-ce que ce n'est pas une façon de compenser l'économie d'essence parce que, là, le gouvernement va perdre de l'argent si on autorise le virage à droite? Il va y avoir une économie d'essence puis une perte de revenus pour le gouvernement au chapitre des taxes. Alors, est-ce que c'est une histoire où ce que vous nous donnez de la main droite, vous voulez le reprendre de la main gauche?

Pour le virage à droite sur feu rouge, bien, alors là je rejoins... Peut-être que le ministre va me comprendre facilement. Je viens de la région de Hull. Alors, quand j'allais à Ottawa, j'étais intelligent. Quand j'arrive à Hull, je mets mon intelligence dans le coffre à gants, c'est fini, je n'ai pas le droit de m'en servir. Alors, là-dessus, disons que je suis parfaitement d'accord qu'on autorise le virage à droite.

La conduite avec capacités affaiblies par l'alcool. À ce chapitre-là, il y a une question qui me vient à l'esprit: Est-ce que nous sommes tenus, au Québec, de suivre toutes les lois édictées par le fédéral à titre de lois criminelles? Parce que, là, je pense qu'il commence à aller trop loin.

M. Chevrette: Le Code criminel, c'est...

M. Piché (François): Pardon?

M. Chevrette: Le Code criminel, on y est tous assujettis.

M. Piché (François): O.K. Alors, le gouvernement fédéral fait une loi, puis on tombe automatiquement, on est obligés, au Québec même, de l'accepter.

M. Chevrette: C'est-à-dire que c'est nous autres qui l'appliquons. La différence avec certaines autres provinces, c'est que, nous, on a la capacité de le faire appliquer, mais on ne peut pas le changer.

M. Piché (François): Ah! Parce que là où on s'en va, là, on est en train de... Je veux juste vous lire un petit peu deux paragraphes: «Toutefois, il ne faut pas aller trop loin. Le projet de loi fédéral C-87 qui vise à rendre la conduite avec capacités affaiblies ayant causé la mort passible d'emprisonnement à perpétuité dépasse de loin le gros bon sens. Ici encore, la modération a bien meilleur goût. Si ce projet de loi était adopté, il placerait à égalité la personne ayant commis un meurtre de sang froid et l'automobiliste avec des capacités affaiblies responsable d'un accident ayant causé la mort. Dans le cas d'un meurtre, et surtout d'un crime passionnel, l'intoxication est un facteur atténuant. On peut donc conclure que la loi actuelle tend à exclure, dans le choix des armes et le lieu du crime, l'automobile et la route. Mais être en état d'ébriété et trucider gentiment son conjoint dans le confort de son salon est sans doute moins grave. Cela n'implique pas un innocent. Chacun sait que la victime d'un crime passionnel est tout au moins coupable d'avoir fréquenté son assassin, alors que, sur la route, on est tué par un inconnu.»

(17 h 10)

Les lois actuelles incitent au délit de fuite, et c'est ça qui est malheureux. Actuellement, là, quand vous vous retrouvez un soir, puis vous avez frappé quelqu'un, puis vous l'avez blessé gravement, qui va rester s'il sait qu'il vient de tout perdre? Qu'est-ce qu'il a à perdre de plus que ce qu'il perd actuellement? S'il est sur la zone grise, est-ce qu'il est à 0,08 ou il est à 0,09? Est-ce qu'il va aller prendre une chance de risquer toute sa famille puis sa vie? On va me dire qu'il l'a déjà fait avec la vie d'autrui, mais on est devant les scénarios où la personne peut se résoudre à dire: Bon, bien, on va faire disparaître le corps.

Il y a un type à Deux-Montagnes qui s'est volatilisé en faisant de la bicyclette. Puis, quand je dis volatilisé, même ses cartes de crédit, de débit, n'ont jamais été utilisées. Il est disparu. On ne me fera pas accroire que c'est les extraterrestres qui sont venus le chercher. Est-ce que c'était une histoire comme ça? Il s'est fait frapper par un soûlon de bonne heure le matin, puis le gars, il a décidé de faire disparaître le corps? Est-ce qu'on va découvrir, une bonne journée, un enfant qui a agonisé pendant une couple d'heures puis qui aurait pu être sauvé si le type était resté là, mais le type a pris peur? Je ne veux pas blâmer le gars de prendre peur non plus, là, mais ça devient paniquant. Peut-être qu'à ce moment-là... Moi, je dis: Minute, là! Je pense qu'il faudrait appliquer les lois qu'on a actuellement. Elles sont déjà suffisamment sévères.

Mais là où je m'interroge, c'est les restrictions sur les barrages routiers. On fait des barrages routiers à peu près deux fois par année, à Noël et autour de la Saint-Jean. On fait ça le soir. Mais est-ce qu'on s'imagine qu'il n'y a personne qui prend un verre à 15 heures? Parce que, d'après les statistiques, il y a eu 15 500 suspensions de permis en relation avec l'alcool au volant, ça, c'est pour 1998 ou en 1999, deux barrages par année. Alors, les méthodes actuelles sont capables de faire encore bien mieux que ça. Je ne pense pas qu'il y ait de plafonnement qui justifierait qu'on adopte des lois encore plus sévères.

D'autre part, je me demande pourquoi est-ce qu'on enlève le permis à quelqu'un pendant 30 jours au moment où il est arrêté, après ça on lui remet son véhicule, on lui remet son permis, il va en procès, puis là il est condamné à un an. Je veux dire, quand je dois de l'argent à l'impôt, je suis coupable puis il faut que je prouve que je suis innocent. Quand le résultat est là, que j'ai 0,09... Si c'est un cas de diabète, par exemple, qui peut fausser la lecture, bien, peut-être, à moi de le prouver, mais, dans le cas de conduite en état d'ébriété, on devrait être considéré tout simplement coupable, et charge à prouver qu'on ne l'est pas, puis ne pas attendre 30 jours, remettre...

On coupe la queue du chien pouce par pouce, là. Ça devient un petit peu ridicule, cette histoire-là. Vous avez été pris en défaut le 1er janvier. Bien, le 2 janvier de l'an prochain, tu pourras reprendre ta voiture puis conduire. Si vous êtes suspendu, vous avez commis un acte criminel. À ce moment-là, je ne vois pas pourquoi la police ne peut pas exercer un contrôle sur le gars dont le permis est suspendu, lui donner un agent de probation auquel il se rapporte et explique comment il se déplace maintenant. La police peut aller faire une visite chez lui, voir si la voiture est dans la cour. Je comprends qu'il a des sacro-saints droits, mais il a été coupable d'un acte criminel. Je veux dire, le voleur de banque, quand il est libéré de prison, il doit répondre à des obligations, il a des contraintes. Je pense qu'on pourrait imposer la même chose. Je ne pense pas que c'est des grandes modifications à la législation que de pouvoir faire ça.

Alors, d'autre part, dans la période de mi-décembre, le ministre probablement qu'il se rappelle d'avoir fait une demande aux gens de faire attention sur la route. Il y a eu 14 décès. Dans le cas des 14 décès en question, tout ce qu'on peut lire dans les journaux: Violente collision à un carrefour de la route 226 ; Autre collision entre une voiture et un poids lourd ; Perte de contrôle , etc., mais on n'en sait pas plus. Sans verser dans la morbidité, je pense qu'il y a un manque d'information. Ce que je proposerais, c'est qu'on ait des déductions fiscales pour les médias d'information afin qu'ils diffusent de l'information sur les causes d'accident, puis que ça soit fait sur une base régulière. On ne nomme pas de nom. On n'a pas besoin de savoir que c'est M. ou Mme Unetelle qui est décédée. On peut même s'arranger pour cacher le nom de la route. Il ne s'agit pas de donner des détails sanguinolents non plus, mais une analyse, une autopsie de l'accident. Les morts sont supposés nous enseigner, c'est ce qu'on montre. Deux minutes qu'il me reste? On va le faire.

Le Président (M. Lachance): Ça passe vite, hein?

M. Piché (François): Je ne pensais pas que j'étais si bavard.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Piché (François): Quand on rentre dans une salle d'autopsie, on nous dit: Les morts nous enseignent. Et je pense que le public est en droit de savoir comment un accident est arrivé. Quel était l'état de la route? Qu'est-ce qui a faussé le jugement d'un chauffeur? Pourquoi est-ce qu'il a perdu la maîtrise de son volant? Toute cette information-là, si les médias pouvaient nous la donner, ce serait apprécié. Dans l'ensemble, ce que je vous dis, c'est: Servons-nous des lois actuelles puis faisons des campagnes de publicité à cet effet-là.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Je vous remercie d'avoir accepté de venir nous donner un témoignage. C'est un témoignage qui sort de l'ordinaire parce que c'est la première fois qu'on a un citoyen qui, dans le cadre de ses fonctions, parle à du monde en fonction d'une présentation éventuelle ici. Moi, je pensais que vous aviez fait un sondage préalable, mais c'est un sondage de la vie quotidienne que vous avez fait.

M. Piché (François): Oui.

M. Chevrette: Moi, je pense qu'il y a plusieurs choses avec lesquelles je suis d'accord dans ce que vous avez dit. Je pense au projet de loi fédéral qui criminalise plus que des gestes horribles. Je trouve que c'est un manque de jugement d'avoir déposé un tel projet de loi. Personnellement, j'abonde dans le même sens que vous.

Deuxièmement, j'ai aussi une inquiétude. C'est que, si on y va trop fort, c'est le danger de se retrouver avec plus de monde en état d'infraction sur nos routes, plus de gens sans permis ou avec permis suspendus. À ce moment-là, on n'y gagne rien. C'est extrêmement dangereux, si bien qu'on a eu des preuves de ça. J'ai des jeunes qui sont venus à mon bureau puis qui, d'une infraction à une autre infraction, n'avaient plus d'espoir de s'en sortir avant 10 ans. Donc, c'est clair que c'est une vie dans l'illégalité, à ce moment-là, une vie clandestine au niveau du transport, et ça, c'est malheureux. Il faut trouver des moyens de donner une opportunité à des gens de se replacer dans un cadre légal.

C'est dangereux, si on y va trop fort, de se retrouver avec je ne sais pas combien de centaines de milliers de permis illégaux ou pas de permis du tout sur nos routes. Et ça, je partage votre perception là-dessus et, moi aussi, ça m'inquiète. Même dans nos discussions internes, dans nos règlements, par exemple, le non-paiement des amendes, qu'est-ce qu'il faut faire? Est-ce qu'il faut suspendre des permis? Je ne suis pas sûr, moi, parce que, si on suspend des permis pour un non-paiement... On est peut-être mieux de penser à d'autres types plus originaux de sentences, de conditions, sinon de sanctions, parce qu'on risque de se ramasser avec des centaines de milliers d'illégaux sur nos routes, et on n'y gagne pas, la société n'y gagne pas au change. Donc, comment garder un juste milieu dans cela? On ne l'a pas trouvé à date, puis je pense qu'il faut le trouver.

M. Piché (François): Je pense que c'est la propagande, M. le ministre. Un exemple qui m'est venu à l'esprit en m'en venant. Imaginez une publicité où on vous dit: Vous voyez deux personnes retraitées qui veulent s'en aller en Floride puis qui sont refoulées à la frontière sous prétexte que monsieur a commis un acte criminel, soit d'avoir conduit en état d'ébriété. Ça, ça laisse à réfléchir. Ça, ça a un impact. Imaginez un enfant qui est en chaise roulante puis qui regarde les autres jouer dehors, puis qu'il y a une voix en arrière qui dit: Ah, si j'avais porté mon casque, je serais avec eux autres.

Et la propagande dans ce sens-là ou la publicité dans ce sens-là a un impact important, c'est de l'éducation. Amenons les enfants d'école dans une cour d'autobus, qu'on leur montre les points morts dans le système des miroirs d'autobus, qu'on leur fasse bien comprendre qu'un autobus ça ne vire pas sur un 10 cennes, qu'ils voient la manoeuvre, qu'ils aient l'occasion de... Puis quel enfant qui ne rêve pas de voir un autobus? Puis que, sur le cul d'un autobus, je puisse lire aussi une pancarte qui me dit que l'autobus qui est devant moi, c'est 60 voitures de moins. Avec ces moyens-là, tranquillement pas vite, on va calmer le jeu.

M. Chevrette: Pour ce qui est du cinémomètre, vous êtes contre. Je voudrais vous donner certaines statistiques et vous demander... Je pense que c'est nous qui avons le fardeau de la preuve, effectivement, de démontrer que ce n'est pas une machine à piastres puis que ce n'est pas un État policier, mais qu'il y a une dimension sécurité.

(17 h 20)

Tout d'abord, ce n'est pas souvent dans les chemins tortueux que c'est les pires nids meurtriers, c'est souvent dans des bouts droits, vous le savez, sur des routes à deux voies, dans des bouts droits, où la vitesse est très accélérée. La vitesse, là, elle est responsable de 25 % des décès. Dans 179 décès sur 717 décès, c'est la vitesse.

M. Piché (François): Je m'interroge sur comment les statistiques ont été regroupées pour donner la vitesse à chaque fois. Parce que, effectivement, un corps qui se déplace contre un arbre...

M. Chevrette: C'est souvent des témoins, c'est souvent les rapports du coroner, c'est les rapports policiers, puis c'est à partir de là qu'on bâtit des statistiques.

1 126 blessés graves sur 5 924; 5 340, les légers, sur 41 080. Ce n'est pas nécessairement sur les autoroutes non plus. Ça peut être sur des routes à fort débit, par contre, à grand débit. Moi, je pense que, dans mon coin, Saint-Esprit, Saint-Jacques, Sainte-Julienne, vous savez très, très bien qu'il arrive, sur une base régulière, des accidents sur la 125.

M. Piché (François): Oui, mais, voyez-vous, M. le ministre, je fais souvent le trajet... Bon, je fais de la plongée. Je vais souvent en Ontario ou je me rends à Ottawa. Le samedi matin, sur la 15, sur la 40, sur la 20, sur la 10, si c'est une belle journée ensoleillée, les policiers sont là. Sur la petite route de campagne, là où il y a des bouts droits, ils ne sont pas là, puis là vous pouvez vous en permettre, des folies. Sur la 40, ils vont être là.

M. Chevrette: Mais, si vous aviez un panneau très visible qui vous disait: Tu entres dans une zone de radar et tu peux être coupable d'une infraction puis que...

M. Piché (François): Une fois que les habitants du coin vont connaître le truc, ils vont soit camoufler la plaque d'immatriculation ou ils vont se déplacer de route, c'est tout.

M. Chevrette: Mais, s'ils se déplacent de route puis s'ils vont sur une autre route qui évite précisément l'endroit meurtrier qu'on observe... Parce qu'on observe que, sur telle route, dans tel bout, à la hauteur de telle municipalité, il se tue 20 personnes par année. Ce n'est pas une machine à piastres qu'on veut avoir, c'est un système qui pourrait permettre que, dans ce bout meurtrier là... Si on en sauve la moitié sur ce bout de route là puis la moitié sur un autre, on vient de faire oeuvre utile. On va peut-être sauver 50, 60, 100 décès.

M. Piché (François): Ce que je vous dis, M. le ministre, c'est que c'est l'intervention humaine qui devrait être mise de l'avant. Un policier qui vous arrête, qui vous fait déjà perdre 20 minutes de votre temps, c'est déjà une prise de conscience. Le fait que vous receviez une contravention trois semaines après, vous n'avez pas de relation de cause à effet aussi évidente. Le fait qu'un policier vous arrête pour vous dire: Monsieur, vous n'avez pas signalé votre changement de voie, c'est important. La règle n'est pas là pour le plaisir de faire une règle, elle est là pour avoir un ensemble de coordination entre les véhicules qui est prudente et sécuritaire. La vitesse va suivre. La vitesse va être englobée.

M. Chevrette: Je comprends. Je vous suis, mais essayez de me suivre. Puis je ne veux pas que vous soyez d'accord avec moi, je veux tout simplement que vous réfléchissiez par rapport aux objectifs qu'on peut avoir.

Si on suivait le raisonnement de certains, ça prendrait quasiment une police par chauffeur. Ça ne marche pas. Et l'objectif n'est pas de décerner des contraventions à tout le monde. Mais, si dans une zone donnée qui est meurtrière on réussit à créer une habitude parce qu'on installe le cinémomètre, une habitude de ralentir parce que tu te sens observé par un cinémomètre dans un corridor meurtrier, puis que tu sauves 50 vies, qu'est-ce que vous auriez contre ça?

M. Piché (François): Je n'ai rien contre le principe que vous avancez. Par contre, les citoyens en général, ils en ont jusque... de payer des amendes et ils ont l'impression que c'est juste pour garnir les coffres.

D'autre part, M. le ministre, vous allez reconnaître avec moi qu'il y a une certaine absurdité à avoir des panneaux de limite de vitesse qui sont constants, indépendamment des conditions météorologiques, et tout ça. Alors, ça ne veut plus rien dire. C'est ce qui fait que, dans une section donnée, la personne n'est pas prévenue du danger, arrive à 100 km/h ou 120 km/h puis se casse la gueule, parce que, dans 99,9 % du restant du réseau routier, 120 km/h, ça passe comme du beurre dans la poêle. C'est malheureux, mais les gens voient l'indication de vitesse comme une simple suggestion.

D'autre part, M. le ministre, vous êtes conscient comme moi que tout l'ensemble des lois, tout ce dont on parle, c'est de la vitesse. Quand j'ai lu le rapport de la ville de Montréal, qui dit: Non au casque, ça va nous coûter de l'argent à faire contrôler ça; patins alignés, on n'en veut pas, ça va nous coûter de l'argent; virage à droite, on a des personnes âgées puis on a des conditions climatiques particulières... C'est vrai, les tempêtes de neige, ils n'en ont pas en Ontario. Puis les vieux, ils déménagent d'Ottawa à Hull aussitôt qu'ils ont 65 ans, j'imagine, hein!

M. Chevrette: Ha, ha, ha!

M. Piché (François): Bon. Mais, par contre, le photoradar, ça, ils en voulaient: Oui, oui, oui, on va avoir de l'argent avec ça. Ils ont même parlé d'en mettre dans les bretelles d'autoroutes. On le sait, que c'est là qu'il y a des piétons qui se tiennent, dans les bretelles d'autoroutes. Alors, ça discrédite votre énoncé. Je comprends l'intention, mais ça le discrédite.

M. Chevrette: Mais, si on l'explique comme il faut, puis que notre seul et unique objectif, c'est la sécurité, et, qui plus est, que les amendes soient consacrées toutes à la sécurité et non pas au fonds consolidé, qu'est-ce que vous diriez?

M. Piché (François): Ce serait une bonne idée. Mais est-ce que ça va rester comme ça? Puis qu'est-ce qu'on appelle «la sécurité»? Est-ce que ça va être converti en campagnes de publicité?

M. Chevrette: Campagnes de publicité, de promotion, d'information, de sensibilisation, que ce soit véritablement consacré à sauvegarder des vies. Par exemple, ce n'est pas drôle, des traumatismes crâniens pour une personne de 20 ans qui vit jusqu'à 70 ans. Les coûts sociaux, la qualité de vie... Je pense qu'on a atteint... Vous savez qu'on est passé de 2 100, je pense, décès annuellement à 717 en 1998. Mais là c'était facile d'éliminer le premier 1 000, mais je peux-tu vous dire que le deuxième 1 000 ne sera pas facile.

M. Piché (François): Oui.

M. Chevrette: Même en 1999, il y a une légère augmentation, un pourcentage quand même important de plus qu'en 1998, ce qui veut dire qu'il faut se trouver d'autres moyens si on veut sauver des vies puis avoir un bilan routier meilleur.

M. Piché (François): Bon. Bien, si l'argent du photoradar sert, un, à faire des campagnes publicitaires à haut impact, si, aussi, on prend une portion de cet argent-là pour investir dans les médias... Quand je lis: Perte de contrôle sur la 226 , ça ne me dit absolument rien. Je ne veux pas savoir si le gars, il a saigné trois gallons de sang, ce n'est pas ça qui m'intéresse, mais à quelle vitesse il s'en venait. Les pneus étaient-ils usés aux fesses? Et ça, ça va me mettre en alerte. Si je le vois, là, je vais peut-être penser de regarder mes pneus avant de prendre ma voiture. Moi, personnellement, je n'ai pas de problème, je suis rendu à 100 000 km puis je n'ai pas encore changé mes freins. Donc, je ne suis pas un gars qui freine continuellement puis qui les pompe, je laisse la voiture ralentir, mais il y en a, je vous jure, une chance qu'ils ont des freins.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup de la réflexion puis de votre comparution.

Le Président (M. Lachance): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci. Alors, je voudrais aussi vous remercier pour votre présentation. Effectivement, comme le soulignait le ministre, c'est rare qu'on voit, des fois, des citoyens qui mettent autant d'énergie ou d'efforts que vous l'avez fait pour venir présenter votre point de vue. Et c'est intéressant de signaler que souvent les gens ont l'impression: Bien, qu'est-ce que ça donne? On ne peut rien faire. Le gouvernement, c'est le gouvernement, puis tout ça. Bien, je pense que, quand il y a des commissions parlementaires où on dit que les citoyens ont la chance de venir directement, ici, parler avec les gens qui ont la responsabilité de faire les législations, les lois, les citoyens devraient en profiter plus qu'ils ne le font généralement. Ça implique, par exemple, un certain effort, un certain investissement de la part des individus de se préparer comme vous l'avez fait et de venir, mais je pense que c'est un forum que les gens devraient utiliser plus souvent, et je veux vous féliciter. Oui?

(17 h 30)

M. Piché (François): Est-ce que je pourrais me permettre de vous faire une suggestion? S'il y avait moyen que les gens puissent comparaître par le biais de la télévision, vous pourriez aller chercher aussi des gens dans différentes régions qui n'ont pas toujours la possibilité de se déplacer. Alors, ça, c'est une suggestion que je vous fais, parce que je pense qu'il y a beaucoup plus de citoyens qu'on le croit... Mais il y aurait peut-être moyen d'avoir des salles de télévision qui le permettent.

M. Bordeleau: Oui. Vous avez raison là-dessus, qu'il y a sûrement des moyens qu'on peut prendre pour faciliter, peut-être, à ce moment-là, l'implication des citoyens au niveau des travaux de l'Assemblée nationale.

Disons que je vais aborder deux, trois points que vous avez soulignés. Il y a un point que je trouve intéressant, que vous avez souligné, et qui n'est pas nécessairement un des points qui sont du livre vert: la question du respect des limites de vitesse. Je pense que la réalité aujourd'hui, c'est qu'au fond le système des limites de vitesse est plus ou moins crédible à cause de deux éléments majeurs. D'abord, elles ne sont pas appliquées, elles ne sont pas mises en force, si on veut, par les policiers. Alors, on a ces limites-là et on ne les applique pas. Donc, évidemment, ce n'est pas de nature à accroître la crédibilité d'un système. Au moment où on met une norme, si on ne l'applique pas, bien c'est quoi, le message? C'est que la norme n'a pas d'importance, on n'a pas à s'en occuper. Alors, ça, c'est un premier point.

L'autre question qu'on doit se poser par rapport à ça, c'est: Est-ce que les normes qu'on met sont réalistes, aussi? C'est beau de mettre une norme, mais, si elle n'est pas réaliste... Vous y avez fait référence, et je pense que d'autres vont y faire référence aussi en se disant: Bien, il y a des limites de vitesse qui ne sont pas réalistes. Et on peut dire: Oui, mais c'est une question de sécurité.

Mais, si on regarde, par exemple, l'autoroute 20 – vous la faites, M. le ministre, puis je la fais aussi assez régulièrement – on sait que c'est 120 km/h qui est toléré et on sait aussi que, quand on va à 120 km/h, les ministres nous passent à côté, comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Alors, ça aussi, je pense qu'on doit le signaler. Mais, de toute façon, le 120 km/h, il est toléré, il est accepté. Si on va à 121 km/h, 122 km/h, 123 km/h, on va se faire arrêter. Ça, on le sait aussi. Alors, tout le monde le sait. Pourquoi est-ce qu'on met un système, là, qui est complètement «phoney», qui n'a aucune signification, et qu'on ne le fait pas respecter? Donc, ça enlève de la crédibilité à tout le système. On devrait avoir 120 km/h et, quand on va à 121 km/h, bien on se fait arrêter. C'est ça qui devrait arriver. Et là les gens comprendraient le message. Le message ne serait pas ambigu. 120 km/h, c'est permis; 121 km/h, ce n'est plus permis. Là, on dit 100 km/h, mais tu vas à 119 km/h, 118 km/h, pas de problème, tu vas à 121 km/h, tu te fais arrêter. Donc, à un moment donné, tu te retrouves dans une zone de 70 km/h et tu dis: Bien, 70 km/h, ça doit vouloir dire d'aller à 80 km/h ou à 85 km/h. Donc, là on vient tout avec un système qui est complètement aberrant. Oui. Vous vouliez intervenir là-dessus, je pense, hein?

M. Piché (François): À ce moment-là, ça rejoint peut-être la proposition qui avait été faite par M. Prud'Homme, je crois, de la Fraternité des policiers: diminuer les amendes; par contre, toucher les points, compliquer la vie des chauffeurs. Parce que, vous savez, je pense que c'est André Arthur qui disait une journée qu'il avait eu une contravention aux États-Unis, puis il avait dit: Oui, mais je roulais juste à 121 km/h. Le maximum, c'est 120 km/h. Puis le policier lui a dit: Justement, c'est ça, le maximum. Tandis que, là, aujourd'hui, les gens voient le maximum, 100 km/h: Tu es aussi bien de rouler à 100 km/h. Si tu ne roules pas à 100 km/h, on va te pousser dans le cul. Puis, à 120 km/h, tasse-toi mon oncle, on en a vu aussi.

M. Bordeleau: Puis, sur ce point-là, on pourrait dire: Oui, mais, si on augmente à 120 km/h, là, il va y avoir plus d'accidents. Je veux juste signaler au ministre que la limite, la tolérance jusqu'à 120 km/h, elle s'applique depuis des années, puis on a réussi à baisser le taux quand même d'accident. Donc, ce n'est pas vrai que, si on reconnaissait 120 km/h, nécessairement ça augmenterait le risque d'accident, puisqu'on a réussi dans un climat comme ça, d'ambiguïté et de tolérance, à diminuer le taux d'accident. Donc, pourquoi ne pas dire, là: C'est 120 km/h puis, après ça, c'est... On aurait un message plus clair.

Alors, je pense que vous y avez fait référence. Ça ne fait pas partie des points sur lesquels le ministre demandait des avis, mais je pense qu'il faudrait qu'on s'y penche sérieusement, qu'on le regarde puis qu'on arrête de jouer à un double langage qui n'a pas de sens et qui tue la crédibilité des lois, tue la crédibilité du travail des policiers aussi. Parce qu'on les voit là, installés, tu passes à 110 km/h, 115 km/h à côté, pantoute, pas de problème, ils ne bougent pas. Alors, tu dis: Coudon, c'est quoi, là? Pourquoi est-ce qu'on met ça, des panneaux partout, c'est 100 km/h de limite? Le policier regarde ça puis il passe...

Vous faisiez référence tout à l'heure à une autre réalité: les vélos qui arrivent aux coins des rues, qui se tortillent trois, quatre, qui font le tour de trois, quatre voitures puis qui passent sur la rouge. Puis la police est là souvent, des fois, puis elle ne fait rien. Alors, si on n'est pas capables de se bâtir un système... Il y a peut-être une question qu'on peut se poser dans le cas, par exemple, des limites: Est-ce que le 100 km/h est raisonnable? S'il n'est pas raisonnable, bien mettons de quoi de raisonnable puis appliquons-le par la suite.

Alors, on parlait de cohérence, vous y avez fait référence à plusieurs reprises. C'est sûrement très incohérent d'avoir un système écrit qu'on n'applique pas. Je pense qu'il y aurait avantage, à ce moment-là, comme monsieur le mentionnait... Vous avez utilisé l'expression «la globalité des lois». On devrait tenir compte de l'ensemble puis les appliquer. Bien, je pense que, effectivement, là, c'est...

M. Piché (François): Maintenant, on a vu apparaître dernièrement des panneaux lumineux au-dessus de certaines autoroutes. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'explorer l'idée d'avoir, grâce à la technologique moderne, des panneaux qui nous donnent une vitesse recommandée? Parce que, si je sors dehors, c'est bien beau de dire que le maximum, c'est 100 km/h, mais, si c'est sur la glace noire, je vais avoir de la misère à faire mon 30 km/h, hein! Si j'ai un panneau lumineux, par contre, qui me dit: Ah! vitesse maximum, compte tenu des conditions, 60 km/h. Là, je regarde ça, je suis à Québec, je veux aller à Montréal, qu'est-ce que je fais? Je le fais à 60 km/h ou je m'en vais dans une chambre d'hôtel puis j'attends au lendemain. Mais, au moins, je peux prendre en considération que la vitesse qui est indiquée là est une référence sérieuse. Mais là je vais sortir, c'est marqué 100 km/h, puis il y en a qui voient ça comme 100 km/h minimum.

M. Bordeleau: L'autre point que je veux aborder, en fait, c'est juste avoir votre réaction. On a parlé du virage à droite. Donc, vous êtes favorable à ça. Vous nous avez fait référence, là, à vos voyages que vous faites du côté de l'Outaouais, et ces choses-là. Les gens qui ont des réserves par rapport à ça, qui viennent ici puis qui nous ont exprimé des réserves, c'est toujours en fonction d'une crainte, qu'on peut comprendre. Les personnes âgées, les personnes handicapées qui disent: Oui, mais le virage à droite, moi, j'ai priorité actuellement, puis une personne va arriver, va me bousculer, etc. Alors, on peut comprendre que ces gens-là soient craintifs. Maintenant, qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire ou qu'est-ce que vous suggérez au gouvernement de faire dans l'éventualité où ça serait permis pour essayer d'atténuer ces craintes-là dans ces catégories de personnes?

M. Piché (François): Bien, il me vient à la réflexion un monologue des Cyniques qui avait cours dans les années soixante-dix avec le professeur Rozon, et ça disait à peu près ceci: Il y a deux sortes de piétons: les rapides et les morts. Le temps alloué à un piéton pour traverser certaines intersections relève de la magie. Il faut que la petite dame réussisse à se mettre des espadrilles de jogging puis la traverser très vite, l'intersection.

Alors, je comprends qu'ils peuvent avoir des craintes. Alors là il faudrait peut-être envisager que les municipalités regardent le temps alloué pour un piéton pour traverser la rue, puis que ça soit raisonnable. On a l'impression que, à certains endroits, c'est fait pour des Ben Johnson et compagnie. Et, si tu n'es pas un Bruny Surin, tu n'as pas grand chance de te rendre de l'autre bord vivant.

Alors, il y a certains ingénieurs municipaux qui sont en charge de synchroniser les feux qui devraient peut-être penser dans ces termes-là. Parce que, en Ontario, ce n'est pas vrai qu'on en tue plus qu'au Québec, puis on n'en tuera pas plus. À Hull, je ne m'en allais pas à Ottawa tuer un Ontarien juste sous prétexte que j'avais le droit de virer à droite. C'était bien simple: le piéton avait priorité. Bon, il y a des fois où je ne pouvais pas même si j'aurais eu le droit puis qu'il n'y avait pas de circulation. Bien là, qu'est-ce que vous voulez, je ne suis quand même pas pour écraser le monde. Puis les Québécois, on est tout aussi civilisés qu'ailleurs.

M. Bordeleau: Parfait. Alors, moi, c'est tout ce que j'avais. Alors, je vous remercie, monsieur.

M. Chevrette: Merci infiniment.

M. Piché (François): Merci.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Piché. Et ceci met fin aux travaux de la commission pour aujourd'hui. Alors, nous allons reprendre demain, 9 h 30, le jeudi 3 février, dans la salle du Conseil législatif. J'ajourne donc les travaux à demain.

(Fin de la séance à 17 h 40)


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