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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Friday, June 12, 1998 - Vol. 35 N° 30

Consultations particulières sur le projet de loi n° 430 - Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Serge Deslières, président suppléant
M. Jacques Brassard
M. Robert Middlemiss
*M. Claude Pigeon, ACQ
*M. François Rouette, idem
*M. Romain Girard, APAQ
*M. Jean-Pierre Garand, ANCAI
*M. Daniel Brulotte, APCRIQ
*M. Yvan Grenier, APMLQ
*M. Michel Denis, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de poursuivre des consultations particulières sur le projet de loi n° 430, Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement.


Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, selon l'entente dont on m'a fait part, il y a un mémoire conjoint de trois associations: l'Association du camionnage du Québec inc., l'Association nationale des camionneurs artisans inc. et l'Association des propriétaires d'autobus du Québec. Vous aurez une période de 30 minutes pour nous faire part de votre point de vue. Par la suite, il y aura des échanges répartis entre les deux formations politiques, jusqu'à quelque chose comme un maximum de 13 h 15.

Alors, vous avez la parole, en vous demandant, s'il vous plaît, de bien vouloir vous identifier et identifier l'organisme que vous représentez.


Association du camionnage du Québec inc. (ACQ), Association nationale des camionneurs artisans inc. (ANCAI) et Association des propriétaires d'autobus du Québec (APAQ)

M. Pigeon (Claude): Merci, M. le Président, et bonjour. Bonjour, M. le ministre. Bonjour à tous les membres de la commission. Mon nom est Claude Pigeon. Je représente l'Association du camionnage du Québec. Je suis accompagné de deux collègues qui sont, immédiatement à ma droite, Jean-Pierre Garand, de l'Association nationale des camionneurs artisans, dont il est le président, et Romain Girard, qui est le directeur général de l'Association des propriétaires d'autobus du Québec. Nous accompagnent aussi, aujourd'hui, Me François Rouette, à ma gauche, de l'étude légale Flynn, Rivard, à Québec, et Me David Blair, de l'étude Gagné, Letarte, qui sont nos conseillers juridiques.

Nous vous remercions de l'invitation que vous nous avez faite de comparaître aujourd'hui. C'est un secret de polichinelle, qu'un encadrement nouveau du transport routier des marchandises et des personnes nous tient beaucoup à coeur. Nous avons été très actifs dans cette réflexion et ce débat. Aujourd'hui, les trois représentants des associations, nous allons nous partager la présentation que nous allons vous faire. Donc, ne vous surprenez pas de nous voir alterner de l'un à l'autre pour couvrir différents sujets.

Alors, dans un document qui a été rédigé en février 1997 et adressé à M. Brassard, le ministre des Transports, l'industrie que nous représentons, regroupée sous les trois associations qui sont devant vous, faisait part de ses préoccupations concernant l'encadrement du transport routier au Québec. Au sein de ce document de février 1997, on retrouvait le passage suivant, et je cite: «Les différentes associations sont unanimes – je le répète, unanimes – à reconnaître l'importance d'une véritable gestion de la sécurité routière au Québec et réitèrent la responsabilité première du ministre des Transports dans ce dossier. Il doit s'assurer que les transporteurs délinquants sont poursuivis et que leurs activités de transport sont suspendues ou annulées s'ils ne se conforment pas aux lois et aux règlements.»

Donc, d'entrée de jeu, au moment où nous comparaissons devant la commission chargée de l'étude du projet de loi n° 430, nous désirons remercier M. le ministre Brassard qui a prêté une oreille attentive aux revendications formulées par l'industrie du transport routier quant à la nécessité de se doter de mesures de contrôle qui, parce qu'elles auraient comme effet de retirer des routes les transporteurs qui représentent un danger et qui refusent de modifier leur comportement en dépit de mesures déjà prises pour les y forcer, permettraient, premièrement, d'accroître la sécurité routière, deuxièmement, de mieux protéger le réseau routier et, troisièmement, de rétablir l'équilibre concurrentiel entre les transporteurs, ce troisième thème, d'ailleurs, de l'équilibre concurrentiel que vous nous entendrez répéter plusieurs fois.

Le projet de loi n° 430 est, selon nous, une expression claire du désir de mettre fin aux abus et de ne permettre d'oeuvrer au sein de l'industrie du transport routier qu'à ceux dont le comportement témoigne de leur engagement inconditionnel à l'égard de la sécurité routière et de la protection du réseau routier. C'est pourquoi les trois associations n'ont aucune hésitation à reconnaître d'emblée que le projet de loi n° 430 a beaucoup de mérite et comporte nombre d'idées novatrices, porteuses de grandes promesses.

Nous sommes également d'avis, toutefois, que, pour parvenir à atteindre les objectifs évoqués ci-dessus et pour que soit mis en place le système crédible, efficient et équitable dont tant l'administration gouvernementale que l'industrie désirent se doter, il importe que certaines modifications soient apportées au projet de loi.

Nous vous soumettons donc ces modifications ce matin, lesquelles se conjuguent harmonieusement avec l'esprit du projet de loi, en sachant que vous saurez en saisir l'importance et que vous comprendrez que nous vous les soumettons parce que nous souhaitons ardemment que la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds s'avère effectivement être la réponse tant attendue aux problèmes de l'encadrement des activités de transport routier et, je le répète, qu'il en résulte un accroissement de la sécurité routière, une meilleure protection du réseau routier et, en prime, encore une fois, un rétablissement de l'équilibre concurrentiel entre les transporteurs.

Nous allons vous énumérer 11 modifications que nous proposons, qui sont toutes intimement liées et que nous jugeons essentielles à l'atteinte des objectifs que tant l'industrie que le gouvernement recherchent.

(11 h 40)

La première modification est la suivante et a trait à la description du champ d'application de la loi qui, à plusieurs égards, est primordiale. À toutes fins utiles, c'est par le biais de la description du champ d'application que se cristallise la compréhension qu'on doit avoir d'une loi. De cette compréhension découle la manière qu'on l'applique et les efforts déployés pour lui permettre d'atteindre ses fins.

L'article 1, premier alinéa, tel que rédigé, nous semble plus évocateur du domaine du Code de la sécurité routière et n'expose pas suffisamment l'idée sous-jacente au projet de loi. Nous croyons que le texte suivant circonscrirait mieux l'objet de ce projet de loi, tout en mettant en lumière sa raison d'être. Et vous allez reconnaître un thème dont nous avons déjà commencé à vous parler depuis le début de notre présentation. Ça se lirait comme suit:

«1. La présente loi établit des règles particulières aux propriétaires et exploitants de véhicules lourds qui, dans une perspective d'équité – je le répète, dans une perspective d'équité – ont pour but d'imposer à tous et chacun d'entre eux qu'ils prennent toutes les mesures nécessaires afin d'accroître la sécurité des usagers sur les chemins ouverts à la circulation publique et de préserver l'intégrité de ce réseau.»

Je vais céder la parole à Romain Girard qui va poursuivre la présentation.

M. Girard (Romain): Alors, le deuxième élément. Le rôle que doit jouer la Commission des transports du Québec est d'une importance capitale au bon fonctionnement du système, à son impartialité et à l'intégrité de son application. Elle doit être l'arbitre de l'évaluation ex parte qu'a faite la Société de l'assurance automobile du Québec du dossier d'un propriétaire ou d'un exploitant de véhicules lourds, dossier qui est constitué en vertu de l'article 18 du projet de loi.

En d'autres termes, si, après avoir effectué des contrôles particuliers auprès d'un propriétaire ou exploitant de véhicules lourds dont le dossier lui aurait permis de l'identifier comme ayant un comportement présentant un risque, la Société de l'assurance automobile du Québec évalue qu'il s'agit d'un cas où la cote de sécurité de ce propriétaire ou exploitant doit être modifiée, elle devra en tout temps, et pas seulement en cas d'urgence comme le prévoit le deuxième alinéa de l'article 20 du projet de loi, s'adresser à la Commission des transports, demander à celle-ci de prendre une des mesures prévues à l'article 21 du projet de loi et justifier que les conclusions qu'elle recherche sont bien fondées.

La Commission des transports du Québec convoquera devant elle la Société de l'assurance automobile du Québec et la personne visée par la demande introduite par cette dernière afin que, dans le cadre d'une audience publique, au sens du paragraphe k de l'article 1 de la Loi sur les transports, elle entende les parties et leurs témoins.

La Commission pourra prendre l'une ou l'autre des mesures prévues à l'article 21 du projet de loi que, selon elle, la preuve justifie ou encore elle pourra décider, dans les circonstances, qu'aucune de ces mesures n'a à être prise.

Le cas échéant, si, dans le cadre d'une conférence préparatoire, par exemple, la Société et la personne visée par la demande de cette dernière conviennent de mesures à être prises par cette personne, elles pourront soumettre à la Commission des transports du Québec les mesures convenues et la Commission conclura une entente administrative avec la personne, au sein de laquelle seront entérinées les mesures convenues.

Une entente administrative portant sur les mesures correctrices que vient d'apporter une personne inscrite ne peut intervenir que lorsque la Commission des transports du Québec est saisie d'une demande et ne peut intervenir qu'avec cette demande.

Pour fins de concordance et afin d'éviter tout dédoublement du mécanisme prévu en vertu des articles 20 et 21 du projet de loi, modifiés dans le sens de nos suggestions, l'article 35 de la Loi sur les transports, qui ne peut s'appliquer qu'en matière de transport routier, devrait soit être abrogé, soit ne pouvoir trouver application qu'en regard de véhicules qui ne sont pas des véhicules lourds au sens de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds ou qui, par règlement, ont été exemptés de l'application de cette loi.

Finalement, puisque, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés, la Commission peut considérer les inspections et les contrôles routiers qui ne révèlent aucune irrégularité en référence à l'article 31 du projet de loi, on devrait imposer à la Société de l'assurance automobile du Québec l'obligation de computer toutes les inspections et les contrôles routiers dont font l'objet tous les véhicules de chaque propriétaire ou exploitant de véhicules lourds et prévoir, à l'article 18 du projet de loi, que le dossier d'un propriétaire ou d'un exploitant de véhicules lourds doit comporter l'information relative au nombre d'inspections ou de contrôles routiers dont ses véhicules lourds ont fait l'objet.

M. Pigeon (Claude): Nous allons maintenant vous entretenir d'un sujet qui fait depuis très longtemps, dans l'industrie, l'objet de débats et de revendications de la part de l'industrie, qui concerne des intermédiaires qui interviennent aux contrats de transport, ces intermédiaires qui n'ont pas de véhicules et qui agissent entre le requérant de service et le transporteur proprement dit, celui qui a le véhicule.

Donc, le projet de loi, à notre avis, doit couvrir les courtiers en transport de biens ou de personnes; c'est la même dynamique pour les deux types d'industrie. Les gestes posés par ces intermédiaires à titre d'organisateurs de service de transport routier ont indéniablement une incidence sur la sécurité routière et sur le respect des normes de charge et de dimension et, pourtant, on leur permet d'évoluer dans l'ombre. On ne peut parvenir à atteindre les objectifs visés par le projet de loi sans un encadrement intégral de tous les intervenants de l'industrie du transport routier. Il faut donc que soient responsabilisés les courtiers et s'assurer qu'ils soient connus et facilement identifiables. À cet égard, nous avons des solutions pratiques et simples à vous proposer, qui sont les suivantes.

D'abord, d'ajouter à la définition d'«exploitants», à l'article 2, les mots suivants: sont des exploitants de véhicules lourds les personnes qui, à titre d'intermédiaires et contre rémunération, organisent des services de transport de personnes ou de biens, de même que... et le reste de l'article suit son cours. Étant couverts par la définition d'«exploitants de véhicules lourds», ces intermédiaires, les courtiers, devront s'astreindre aux obligations imposées à ceux-ci, notamment l'inscription auprès de la Commission des transports, en référence à l'article 5 du projet de loi qui, lui-même, devrait être modifié, pour tenir compte de l'assujettissement de ces mêmes courtiers, par l'ajout, à la fin du texte actuel, des mots suivants: «ou organiser des services de transport de personnes ou de biens». Des dossiers seront constitués à leur égard et ils pourront éventuellement être susceptibles d'être déclarés totalement ou partiellement inaptes et voir la continuation de leurs activités assujettie à certaines conditions.

Le troisième élément de solution qu'on propose pour couvrir ces intermédiaires est que cela aurait aussi pour effet d'assujettir tous ces intermédiaires au titre VIII.1 du Code. Mais, pour faire en sorte qu'un courtier soit imputable de ses actions, non seulement faut-il qu'il soit inscrit auprès de la Commission, mais encore faut-il qu'on puisse facilement établir qu'il a agi comme organisateur d'un service de transport donné, donc qu'il soit identifié à la documentation pertinente au service de transport. De là le quatrième élément de solution que nous proposons pour encadrer ces intermédiaires, à l'effet que le projet de loi prévoit que l'article 5, paragraphe n de la Loi sur les transports sera remplacé afin de permettre l'adoption d'un règlement fixant les exigences applicables à un document d'expédition de toute personne visée par la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

Il suffirait de prévoir, au sein de ce règlement, que, lorsqu'un service de transport de biens ou de personnes est organisé par un courtier, un document comprenant le nom du courtier et son numéro d'inscription à la Commission doit être remis à la personne qui fournit le service de transport organisé par ce courtier et que ce document doit se retrouver à bord du véhicule lourd servant à l'exécution de ce service de transport. De cette façon, nous sommes convaincus que nous pourrions couvrir tous les angles et s'assurer que l'identification de ce tiers-là ne devienne pas un empêchement, devant les tribunaux, à bien l'encadrer. Romain.

(11 h 50)

M. Girard (Romain): Quatrième élément, donc. Il ne saurait être question que la loi ait un effet rétroactif, tel que prévu aux articles 163 et 161, et que puissent être utilisées à l'encontre d'une demande d'inscription d'un propriétaire ou exploitant de véhicules lourds les informations qui ont pu être accumulées dans un quelconque dossier le concernant, préalablement à la mise en application de cette loi. Autrement, on actualiserait des sanctions qui n'existaient aucunement au moment où les événements consignés à ce dossier se sont produits. En plus, le propriétaire ou l'exploitant de véhicules lourds pourrait être dans l'ignorance totale de l'existence de certains de ces événements, par exemple les infractions commises par ses chauffeurs dans la conduite d'un de ses véhicules lourds, ou encore qu'il ne puisse plus être en mesure de rectifier l'information consignée à son dossier parce qu'il se serait, entre-temps, départi de pièces, documents et dossiers alors pertinents à d'autres événements qui ne l'étaient pas précédemment.

Dans cette optique, toute référence potentielle à l'occasion de la procédure d'inscription au dossier de points d'inaptitude doit être écartée. Si, au moment de sa demande d'inscription, un propriétaire ou exploitant de véhicules lourds fournit les renseignements exigés en vertu de l'article 7 du projet de loi et que sa situation ne correspond pas à l'une ou l'autre de celles décrites aux paragraphes 2, 3, 4, 5, 6 et 9 du projet de loi, son inscription doit être acceptée et la cote «satisfaisant» doit lui être attribuée. Rien n'empêcherait toutefois la SAAQ, si elle croit que le dossier qu'elle a déjà constitué à l'égard d'un propriétaire ou exploitant de véhicules lourds lui permet d'identifier celui-ci comme ayant un comportement présentant un risque, de décider que ce propriétaire ou cet exploitant de véhicules lourds doit faire l'objet de contrôles particuliers.

M. Pigeon (Claude): Cinquième élément. Le projet de loi doit prévoir la possibilité, pour un inscrit à qui une cote conditionnelle a été attribuée, de s'adresser à la Commission des transports du Québec pour faire modifier cette cote ou l'une ou l'autre des conditions de celle-ci.

Bien que l'article 31 du projet de loi prévoie que la Commission peut considérer les mesures correctrices par une personne inscrite, le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour l'inscrit de faire une demande pour que cette considération ait lieu. Seule la SAAQ pourrait – mais elle n'y est pas tenue – proposer – et non pas demander – de remplacer la cote de la personne inscrite par une autre plus favorable ou de retirer une condition additionnelle attachée à l'inscription de cette personne, lorsque son comportement s'est amélioré.

L'inscrit est donc à la merci de l'évaluation de la Société de l'assurance automobile, d'une part, en ce qui a trait à l'amélioration de son comportement et, d'autre part, quant à l'ampleur de la bonification a laquelle il a droit. Nous avons l'impression que ce commentaire est facile à satisfaire, puisqu'il semble que l'intention du législateur aille dans ce sens.

M. Girard (Romain): Sixième élément. Lorsqu'une décision est prise dans un contexte d'urgence et en vue d'éviter qu'un préjudice irréparable ne soit causé aux usagers des chemins ouverts à la circulation publique ou à l'intégrité de ce réseau de chemins de fer – c'est l'article 32 – cette décision peut devenir irréversible et s'avérer fatale pour la personne inscrite, même s'il devait être postérieurement établi qu'elle n'était pas fondée. On est ici un peu en situation d'injonction provisoire et, dès lors, un délai de validité de cette décision ne devant excéder 10 jours de la date de décision devrait être prévu. La personne inscrite doit pouvoir être immédiatement notifiée de cette décision et informée qu'elle peut demander instanter que soit rescindée ladite décision.

Le recours en révision prévu par l'article 33 du projet de loi, qui réfère lui-même aux articles 17.2 à 17.4 de la Loi sur les transports, n'est d'aucune utilité dans le cas d'une décision d'urgence de la nature de celle prévue à l'article 32 du projet de loi, en raison des délais qu'il implique.

Par ailleurs, l'appel au Tribunal administratif du Québec n'a pas pour effet de suspendre l'effet de la décision, sauf si, en vertu du premier alinéa de 107 de la Loi sur la justice administrative, un membre du TAQ n'en ordonne autrement en raison de l'urgence ou du risque d'un préjudice sérieux et irréparable. Il est par ailleurs douteux qu'une telle ordonnance soit rendue à l'encontre d'une décision qui, justement, a été prise dans un contexte d'urgence ou en vue d'éviter un préjudice irréparable. Au demeurant, s'il y a vraiment urgence ou risque d'un préjudice sérieux et irréparable, il apparaît inopportun que l'exécution de cette décision soit suspendue.

Donc, c'est seulement en prévoyant un délai de validité de cette décision et un mécanisme de révision instanter qu'on peut éviter qu'une décision non fondée n'ait un effet irrémédiable.

Septième élément. L'appel d'une décision de la Commission des transports du Québec auprès du Tribunal administratif du Québec, outre le cas d'appel d'une décision prise dans un contexte d'urgence ou en vue d'éviter un préjudice sérieux et irréparable, devrait, de plein droit, suspendre l'exécution de la décision de la Commission des transports du Québec. L'article 51 de la Loi sur les transports devrait être modifiée pour le prévoir. En vertu du deuxième alinéa de l'article 107 de la Loi sur la justice administrative, le recours à instituer devant le Tribunal administratif du Québec serait alors instruit et jugé d'urgence, ce qui nous apparaît éminemment souhaitable.

M. Pigeon (Claude): Huitième point, et il concerne plus particulièrement la coresponsabilité des requérants de service, c'est-à-dire les expéditeurs qui ont un rôle très important à jouer dans l'intervention aux contrats de transport qui peuvent faire la différence entre un transport qui est fait de façon sécuritaire ou pas, puisque ce sont les donneurs d'ordres et d'ouvrage aux transporteurs.

La modification apportée par l'article 109 du présent projet de loi à l'article 517.2 du Code de la sécurité routière est certes un pas dans la bonne direction en ce qui a trait à la coresponsabilité des requérants de service et des courtiers, pour les infractions aux normes de charges et dimensions. Cependant, malgré l'introduction d'une présomption qui vise à obvier aux difficultés de preuves qui font en sorte que l'actuel article 517.2 du Code est rarement utilisé, l'amendement suggéré risque de ne pas permettre que soit atteint le degré d'efficacité recherché par le législateur et l'industrie. D'une part, on ouvre la porte à prétendre que ce n'est pas le chargement qui a rendu le véhicule lourd hors normes et, d'autre part, on s'oblige toujours à faire la preuve de l'identité de la personne qui a demandé ou participé à l'organisation du transport.

La présomption doit être la plus hermétique possible. En conséquence, nous suggérons que soit maintenu le texte du premier alinéa de l'article 517.2 du Code de la sécurité routière tel qu'il se lit présentement, alors que les deuxième et troisième alinéas de cet article, eux, devraient se lire comme suit, et je cite:

«La preuve que l'infraction a été commise constitue la preuve, en l'absence de toute preuve contraire, que le contrevenant a commis cette infraction avec l'autorisation ou l'assentiment de l'expéditeur.

«Aux fins du premier et du deuxième alinéa du présent article – toujours à 517.2 – le mot "expéditeur" comprend la personne auprès de laquelle les marchandises transportées ont été prises en charge ou celle qui a organisé le transport des marchandises ou celle à qui les marchandises transportées doivent être délivrées.

«En l'absence de preuve contraire, la personne désignée comme expéditeur au connaissement de transport est réputée être la personne auprès de laquelle les marchandises transportées ont été prises en charge, celle qui est désignée comme consignataire au connaissement de transport est réputée être celle à qui les marchandises transportées doivent être délivrées, et celle qui est désignée comme courtier aux documents d'expédition est réputée être celle qui a organisé le transport des marchandises.» Fin de la citation.

Ainsi rédigé, l'article 517.2 du Code, conjugué au nouvel alinéa de l'article 596.1 du même Code qu'introduit l'article 131 du présent projet de loi, permettra à la notion de coresponsabilité expéditeur-transporteur ou courtier-transporteur de véritablement prendre forme.

M. Garand (Jean-Pierre): Neuvième point, c'est concernant les frais qui pourraient être exigés par rapport à un propriétaire ou un exploitant pour prendre en situation ou connaître l'état du dossier du conducteur.

Aucuns frais ne devraient être exigibles pour qu'une personne inscrite puisse avoir accès aux renseignements concernant les actes reprochés au conducteur à son emploi ou à l'emploi d'une personne avec laquelle elle est liée par un contrat dont l'objet est l'usage d'un véhicule lourd sous son contrôle. On fait référence à l'article 44 du projet de loi. Il nous semble plutôt paradoxal d'imposer un ticket modérateur à un exercice qu'un propriétaire ou exploitant de véhicules lourds a pourtant intérêt à répéter s'il veut se conformer à l'esprit du projet de loi.

Au surplus, un mécanisme devrait être prévu pour permettre que le propriétaire ou exploitant de véhicules lourds soit avisé le plus rapidement possible qu'une infraction a été reprochée à l'un de ses conducteurs. Ainsi, des mesures correctrices pourraient être apportées sans tarder, ce qui contribuerait grandement à prévenir les récidives. Une simple mesure administrative pourrait combler cette lacune.

(12 heures)

En effet, pour que les infractions d'un conducteur se retrouvent au dossier d'un propriétaire ou exploitant de véhicules lourds, il faut nécessairement que celui-ci ait été identifié au moment de l'interception du conducteur. Il suffirait donc que l'agent rédigeant le constat d'infraction soit tenu de préparer simultanément un avis à être transmis par courrier au propriétaire ou à l'exploitant du véhicule lourd conduit par l'infractionnaire, avis dans lequel serait mentionné que, telle date, le constat d'infraction x a été émis au chauffeur Y pour l'infraction z.

Dixième point. L'identification des propriétaires ou exploitants de véhicules lourds dont le comportement présente un risque que fera la Société de l'assurance automobile du Québec, en référence à l'article 18 du projet de loi, sera la résultante d'un exercice de comparaison entre inscrits de la même classe. Cet exercice, la façon de le faire, les éléments de comparaison, sa fréquence, etc., ne fait l'objet d'aucune norme. Le projet de loi est muet à ce sujet et aucun règlement n'en prévoit le fonctionnement ni n'en édicte les normes. Cet exercice devrait être balisé par voie réglementaire, sans quoi sa légalité risque sérieusement d'être questionnée, sans compter que le manque de transparence du processus sèmera inévitablement le doute quant à son impartialité et à l'intégrité de son application.

Onzième point. Nous avons également souligné au rédacteur du projet de loi que certaines modifications de cuisine doivent être apportées au texte pour fins de clarification, précision ou équité. Nous n'entendons pas en faire un énoncé exhaustif, mais soulignons, entre autres, à l'article 7, deuxième alinéa du projet de loi, que le texte devrait être corrigé puisque, tel que rédigé, seuls ceux qui sont actuellement connus sous le nom de «transporteurs publics» pourraient être tenus de fournir certains renseignements exigés par la Commission des transports. On devrait prévoir que les obligations du propriétaire, prévues à la section II du titre VIII.1 du Code de la sécurité routière, outres celles de l'article 519.21, n'incombent pas au propriétaire d'un véhicule lourd qui, à titre de locateur, a conclu un contrat de location d'au moins un an.

Par les modifications qu'on entend apporter à l'article 519.70 du Code de la sécurité routière, en référence à l'article 117 du projet de loi, on introduit la possibilité de faire effectuer la vérification mécanique d'un véhicule qui se trouverait à l'établissement d'une personne visée par une disposition législative régissant l'utilisation des véhicules lourds ou d'un propriétaire ou d'un exploitant d'un véhicule lourd, donc ailleurs que sur le chemin public ou sur un chemin ouvert à la circulation du public. S'il devait s'avérer qu'une vérification mécanique effectuée dans le cadre dudit article 512.70 révèle une défectuosité majeure, aucune infraction ne devrait en résulter. Tout au plus pourrait-on émettre un certificat de vérification mécanique faisant état de cette défectuosité majeure, ce qui aurait pour effet d'enclencher l'obligation prévue à l'article 534 du Code de la sécurité routière de ne pas remettre le véhicule concerné en circulation avant d'avoir fait la preuve que le véhicule est maintenant conforme.

Le projet de loi prévoit que la Loi sur le camionnage est abrogée, en référence à l'article 48 du projet de loi. Il faut éviter qu'il résulte de cette abrogation que soient perdus les droits et privilèges d'effectuer le transport de matières en vrac conférés à certains titulaires de permis de camionnage en vertu de l'article 124 de la Loi sur le camionnage. Ceux-ci devraient pouvoir continuer de bénéficier des mêmes droits et privilèges, sans plus ni moins.

De la même façon, les titulaires de permis de camionnage sont autorisés, en vertu du Règlement sur le camionnage, à faire le transport de certains types de marchandises qui, si ce n'était des dispositions dudit règlement à cet égard, ne pourrait être fait que par un titulaire d'un permis de camionnage en vrac. Il ne devrait donc pas résulter, de l'abrogation projetée, que ceux qui font le transport de ces marchandises en vertu des privilèges que leur confère leur permis de camionnage, par le biais du Règlement sur le camionnage, ne puissent continuer de transporter ces marchandises parce qu'ils ne seraient pas titulaires d'un permis de camionnage en vrac. Ce qui est recherché, c'est le maintien des droits et privilèges dont ils bénéficient actuellement, ni plus ni moins.

M. Girard (Romain): En conclusion, dans la mesure où les modifications suggérées au présent mémoire seraient incorporées au projet de loi n° 430, l'Association du camionnage du Québec, l'Association nationale des camionneurs artisans et l'Association des propriétaires d'autobus du Québec se réjouiront de son adoption et la supporteront, mais seulement si ces modifications sont apportées, puisqu'elles nous apparaissent essentielles. Nous demeurons, bien sûr, réceptifs à toute formulation différente de celles que nous avons soumises. Si les mêmes fins peuvent être atteintes en s'exprimant autrement, nous y agréerons. Déjà, d'ailleurs, certaines des discussions que nous avons eues préalablement à notre comparution nous indiquent qu'on recherche activement des pistes de solution sur les problèmes que nous avons soulevés et nous révèlent qu'on entend nous soumettre, au cours des prochaines heures, différentes modifications.

Nous vous assurons de notre entière collaboration et de notre écoute attentive. Notre désir d'obtenir un encadrement complet des activités de transport n'a d'égal que la détermination révélée du ministre des Transports à s'assurer d'en doter l'industrie.

M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission, nos mandats sont clairs. Il faut que cette loi nous permette d'accroître la sécurité. On doit s'assurer collectivement que les délinquants soient identifiés, qu'ils s'amendent ou qu'ils cessent d'exploiter. Cette loi est un outil collectif en soi, elle n'est pas un objectif. Nous avons une obligation collective de résultat; nous entendons prendre nos responsabilités dans cette démarche. Merci.

Le Président (M. Deslières): Merci, messieurs. À ce moment-ci, la parole est au ministre des Transports.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les dirigeants et les porte-parole des trois associations d'avoir accepté l'invitation de la commission des transports et de l'environnement à venir nous faire part de leur point de vue sur le projet de loi n° 430 et, également, d'un certain nombre de propositions, de suggestions visant à améliorer le projet de loi et à faire en sorte – je pense que c'est comme ça qu'il faut voir vos remarques – que les objectifs poursuivis soient mieux atteints.

Je veux signaler aussi, M. le Président, que ces trois associations, qui constituent, à n'en pas douter, trois partenaires majeurs du monde du transport au Québec, ont contribué depuis le tout début du processus visant à nous doter et à doter le Québec d'un encadrement du transport routier plus efficace et plus complet. Donc, ces trois associations ont vraiment participé pleinement – et je veux le signaler – au processus, à l'élaboration, aux discussions, aux échanges et on peut dire, je pense, à une véritable concertation de tous les partenaires et de tous les intervenants pour nous conduire, finalement, à ce projet de loi qui est maintenant devant nous pour fins d'étude. Je veux les en remercier. Ça a été un long processus qui a duré plus de deux ans, et ce n'était pas évident, au départ.

(12 h 10)

Moi, quand ce processus a été déclenché, il y a une condition qui m'apparaissait essentielle à respecter, c'était que l'aboutissement de la réflexion et de la consultation soit un consensus le plus large possible sur un projet d'encadrement du transport routier au Québec, et je pense que ça a été le cas. C'est pour cette raison que, avant d'aborder un certain nombre de propositions plus précises que les trois associations font à cette commission dans le but d'améliorer le projet de loi, je voudrais quand même me faire confirmer par les porte-parole des trois associations que, je dirais, en ce qui concerne l'économie générale du projet de loi, les objectifs poursuivis, les orientations du projet de loi... L'objectif, par exemple, de faire en sorte qu'il y ait davantage d'équité entre les transporteurs; l'objectif de faire en sorte que le projet de loi ou le nouvel encadrement s'applique à tous ceux qui transportent des marchandises ou des personnes, ou qui organisent des transports de marchandises ou de personnes, ce qui veut dire non seulement ce qu'on appelle les transporteurs publics, aujourd'hui, mais également les transporteurs privés, ceux qui font du transport pour leur propre compte, ce qui n'est pas le cas présentement; l'objectif également visant à responsabiliser l'ensemble des partenaires qui font du transport.

Aussi, une des pièces majeures du projet de loi, c'est évidemment ce registre de tous les exploitants et propriétaires de véhicules lourds qui sera mis en place par la Commission des transports du Québec. Ça aussi, c'est essentiel. Le rôle joué par la Société de l'assurance automobile et par la Commission des transports, le partage des rôles, ça fait partie du projet de loi, c'est une pièce essentielle du projet de loi. Puis également le mécanisme d'évaluation visant à identifier les délinquants pour qu'on puisse d'abord, évidemment, les inciter à corriger les défaillances dont ils sont responsables, mais, ultimement, ça peut aussi prendre la forme, carrément, d'une éviction du réseau, du retrait pur et simple de leur droit de circuler sur le réseau si la délinquance persiste et si, en plus, c'est une délinquance comportant des risques et des dangers.

Donc, on connaît ce qu'on peut appeler l'économie générale du projet de loi. Je veux bien être sûr – et c'est ça, ma première question – que, sur ce plan-là, en ce qui concerne l'économie générale du projet de loi – vous y avez participé du début jusqu'à la fin du processus – la commission peut prendre acte de votre accord sur, je dirais, l'architecture du projet de loi, mais surtout aussi sur les objectifs poursuivis et sur les principaux moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs.

M. Pigeon (Claude): Sans aucun doute, nous souscrivons aux objectifs que vous venez d'énumérer. Quant à l'économie générale du projet de loi à laquelle vous faites référence, elle prend tout son sens, finalement, dans les modalités, dans la façon dont nous allons faire les choses, et c'est dans ce contexte que nous formulons toutes les recommandations que vous avez entendues ce matin. Ce dont on veut s'assurer, c'est que le système qu'on va mettre en place, une fois pour toutes, va aller au-delà des mots et des intentions et qu'il va avoir un certain caractère de permanence et d'efficacité.

L'expérience des dernières années – et nous avons déjà eu, d'ailleurs, la chance d'échanger là-dessus tout récemment, sur un autre projet de loi où nous comparaissions devant vous – nous enseigne qu'il y a eu bien des tentatives qui, malheureusement, se sont toujours limitées aux intentions, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles on n'a pas besoin de revenir, mais on devrait au moins tirer un enseignement de ça et s'assurer que là on met en place un système qui est parfaitement étanche.

Donc, quant aux objectifs que vous venez d'énoncer, oui, nous y souscrivons sans aucune réserve. En ce qui concerne l'économie du projet de loi, nous pensons qu'il prend vraiment son sens avec les ajouts et modifications que nous proposons. Je pense que M. Girard voudrait ajouter quelque chose.

M. Girard (Romain): Pour ma part, je suis tout à fait prêt à reconnaître que les intentions que vous exprimez sont explicites dans le projet de loi et qu'à la lecture de celui-ci on y a reconnu grand nombre d'éléments qui étaient des objets de revendication pour nous. Nous en avons retrouvé un grand nombre exprimés de manière satisfaisante pour éclairer. On ne l'a peut-être pas assez écrit, cet énoncé favorable, dans le mémoire, et ça me fait plaisir de l'exprimer. Un des éléments... En fait, il y a deux éléments que je veux soulever. On a toujours exprimé, un peu comme vous le faites, qu'on veut qu'il y ait un principe appliqué afin que des gens qui ne doivent plus circuler sur le réseau routier puissent, purement et simplement, perdre ce droit. Le problème, c'est que ça ne sera pas simple à réaliser, et il va falloir une mobilisation de toutes les instances et des industries pour s'assurer que ce soit réellement purement fait, même si ça ne sera pas simplement fait.

L'autre élément, c'est l'élément qui est le premier que vous avez mentionné, qui est celui de l'équité, sur lequel nous avons toujours exprimé des revendications. Ce principe d'équité, ce qui nous en complique la lecture, c'est l'absence d'expérience que nous avons dans l'application de la Loi sur la justice administrative, en ce qu'elle qualifie, détermine ou modifie les pouvoirs et les rôles de la Commission des transports du Québec, comme ceux de la Société de l'assurance automobile du Québec. C'est, je dirais, le plus grand élément qui nous a compliqué la lecture et, probablement, qui a compliqué, à vos gens, l'écriture de ce projet de loi.

Nous aurions bien aimé le lire en connaissant les règles de pratique que la Commission entend mettre en application pour réaliser les mandats qui sont les siens là-dedans; ça nous aurait grandement aidés. On aurait aussi aimé avoir une certaine expérience dans l'application de la Loi sur la justice administrative.

Ce qu'on essaie d'arrimer, dans le fond, c'est deux lois, dont une est un objectif auquel nous tenons, et l'autre crée l'environnement, et ça colore, je pense, plus de la moitié des commentaires qu'on soulève.

M. Brassard: Oui. C'est vrai que les modalités d'application, ce n'est pas négligeable. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que ce que vous proposez comme modifications, ce sera examiné avec beaucoup d'attention et que, vous le savez déjà, nous allons introduire, au moment de l'étude détaillée, un certain nombre de modifications pour s'assurer que, justement, sur le plan de l'application, on puisse être en mesure d'atteindre plus efficacement les objectifs poursuivis.

Mais, quand je parle d'économie générale du projet de loi, quand je parle d'architecture du projet de loi, je veux surtout parler non seulement des objectifs, mais aussi des pièces majeures, en ce sens que la Société de l'assurance automobile a un certain rôle, une certaine mission à assumer, que la Commission des transports, de son côté, elle aussi, a une mission bien spécifique à assumer, en regard d'objectifs clairement déterminés. C'est dans ce sens-là que je veux dire que, vous comme nous, nous sommes d'accord avec l'économie générale du projet de loi. Il reste maintenant à voir, avec toutes les dispositions qu'on y retrouve, comment, concrètement et de la façon la plus efficace possible – donc, au niveau des modalités; là on aborde la dimension des modalités – on va arriver à mieux atteindre les objectifs et à faire en sorte que les intervenants, les principaux acteurs vont assumer leur mission respective. C'est dans ce sens-là.

Ceci étant dit, je ne veux pas aborder – et, vous aidant, vous avez beaucoup de suggestions parfois très pointues – en termes d'amendements. Je pense qu'on n'aura sans doute pas le temps d'en discuter en détail. Je pense que ce qui est important, c'est vos remarques portant sur les modalités les plus importantes en termes d'application.

Par exemple, en premier, je pense que ce qui m'apparaît essentiel – et là vous avez des réserves, puis vous avez des suggestions aussi, puis on en a discuté également à maintes reprises – je dirais, c'est toute la mécanique où la Société de l'assurance automobile, d'une part, et la Commission des transports, d'autre part, interviennent pour assumer une partie de la mission qu'on leur confie. Là-dessus, je comprends que le projet de loi, tel que rédigé, ne vous satisfait pas pleinement dans ces dispositions-là.

(12 h 20)

J'aimerais que vous puissiez nous dire, de la façon la plus – parce que c'est toujours compliqué – simple possible, qu'est-ce qui ne convient pas dans cette mécanique ou dans ce cheminement, je dirais, d'un dossier, passant de la SAAQ à la Commission, pour un examen par la Commission pouvant conduire ultimement au retrait du droit de circuler ou encore à l'imposition de conditions quant à leur droit de circuler? Qu'est-ce qui, dans le projet de loi actuel... Et je pense qu'il y a sûrement moyen de trouver des libellés qui vont vous donner satisfaction. Mais je voudrais que vous nous exposiez, de la façon la plus simple possible et, je dirais, la plus compréhensible possible – parce que ce n'est pas toujours simple, ces choses-là – qu'est-ce qui ne vous convient pas dans la mécanique qu'on prévoit dans le projet de loi actuel quant, encore une fois, au cheminement d'un dossier de délinquant, par exemple, de la SAAQ vers la Commission?

Le Président (M. Lachance): M. Pigeon.

M. Pigeon (Claude): Vous avez senti que j'avais envie de parler. Je vais tenter de formuler ça d'une autre façon, j'espère la plus simple possible. Si, dans la simplification, je m'enlisais, mes collègues...

Une voix: Compliqueront.

M. Pigeon (Claude): J'aurais espéré autre chose. Le mandat que nous avons de nos membres respectifs, de nos commettants, est très clair et ne porte pas à équivoque ni à aucune confusion. C'est à l'effet que cette fois-ci doit être la bonne. C'est là que toutes les modalités prennent toute leur importance et toute leur signification. Ce que l'on cherche essentiellement sur le point précis que vous venez de toucher, M. le ministre, c'est de s'assurer que le système fonctionne bien tant en amont qu'en aval. On parle ici d'un encadrement de l'industrie, mais on veut aussi que les autorités qui vont devoir assumer chacun des rôles différents – vous avez fait référence à la Société, vous avez fait référence à la Commission des transports – sentent bien que c'est important qu'elles fassent un bon travail et qu'elles se dotent des moyens, des ressources financières et des ressources humaines pour le faire comme il faut. Qu'elles ciblent les cas les plus problématiques et qu'on finisse par assainir nos routes, par voie de conséquence.

Donc, ce que l'on cherche dans la relation entre la SAAQ et la Commission, c'est simplement de s'assurer que, dans le processus administratif à travers lequel la SAAQ va constituer des dossiers sur les exploitants, sur les transporteurs, elle les constitue de la meilleure façon possible et de la façon la plus transparente possible, de sorte que, lorsqu'elle va transmettre ces informations-là et ses recommandations à la Commission des transports, la Commission ait tous les éléments pour prendre une bonne décision.

Il ne faut pas qu'on laisse de place aux sous-entendus, ici, encore moins à l'improvisation. Il faut que la transparence du système nous amène à rendre chacun des joueurs dans ce système-là responsable du mandat qu'on lui confie. Donc, ce qu'on cherche, c'est que la Société de l'assurance automobile du Québec transmette à la Commission des dossiers qui sont bien étayés et qui tiennent compte de toutes les facettes de notre réalité quotidienne – en passant, pas juste de la non-conformité, mais aussi de la conformité, parce qu'il faut reconnaître l'excellence des transporteurs – et que la Commission des transports ait tous les éléments en main pour poser un jugement qui soit objectif. Alors, c'est ce qu'on cherche.

Il faut que tout ce qui va se passer en amont et en aval de la Société et de la Commission soit le plus parfait possible. Parce que, si cette fois-ci n'est pas la bonne, on va perdre entièrement la confiance de nos membres qui, depuis 10 ans, commencent à avoir la langue pas mal longue et commencent à ne plus croire qu'un jour ils atteindront l'objectif de l'équité qui leur est pourtant très cher.

M. Brassard: Mais, plus précisément, dans le projet de loi actuel, qu'est-ce qui doit être changé dans cet arrimage entre la Société et la Commission?

M. Pigeon (Claude): On peut vous formuler ça simplement en des termes juridiques qui vont vous permettre de rattacher ça directement aux articles pertinents du projet de loi. Si vous voulez, je peux demander à un de mes collègues, François Rouette, de vous formuler ça. Vous allez voir qu'à travers les trois premiers points qu'on fait valoir dans le mémoire, tout ça étant intimement lié, il y a moyen de dire en des mots bien simples à quoi ça se rattache dans le projet de loi.

Le Président (M. Lachance): Me Rouette.

M. Rouette (François): Je vous remercie. Le problème, tel que nous l'avions perçu, était à l'effet qu'il y avait, je dirais, un flou au niveau de la façon dont la Société de l'assurance automobile constitue ses dossiers, ce qu'elle en fait et comment elle les utilise pour déterminer et identifier ceux, parmi les exploitants de véhicules lourds, dont le comportement présente un risque, dans un premier temps. Donc, ce n'était pas enchâssé. Dans un deuxième temps, la SAAQ n'a aucune obligation, en vertu du projet de loi, de référer les dossiers à la Commission des transports. Elle a effectivement la possibilité d'évaluer un dossier selon une mécanique qu'on devine mais qui n'est pas couchée, mais elle n'est pas tenue, en aucune circonstance, de soumettre à la Commission des transports du Québec quelque dossier que ce soit.

Or, les positions des associations, au cours des deux dernières années, ont été systématiquement à l'effet que, justement, il devait y avoir un palier décisionnel qui serait saisi des dossiers et qui pourrait, de façon impartiale, être appelé à passer un jugement sur ce qui avait été fait, et qui pourrait, à ce moment-là, avoir toutes les informations et les instructions nécessaires pour pouvoir établir, je dirais, une ligne jurisprudentielle ou une façon de penser à ces questions-là. Donc, idéalement, pour nous, ça se traduisait par l'exercice d'une fonction juridictionnelle pour la Commission des transports du Québec, c'est-à-dire que la SAAQ constitue ses dossiers, les présente à la Commission des transports du Québec et les défend, de telle sorte qu'à ce moment-là nous sommes certains qu'elle est tenue de le faire, dans un premier temps, et que, dans un deuxième temps, les dossiers qui vont se présenter devant la Commission des transports du Québec seront de bons dossiers du point de vue de la SAAQ et de mauvais dossiers du point de vue du transporteur, si vous voulez, parce que c'est justement dans l'efficacité de la démarche que le projet de loi va obtenir tous ses effets.

Ce que nous croyons fondamentalement, c'est que les gens ne sont pas nécessairement tous délinquants par choix, nombre d'entre eux le sont par ignorance de meilleures façons de faire, et que la crainte de se retrouver dans une situation où, effectivement, ils ne seraient pas en mesure de défendre véritablement leur droit de rester dans l'industrie va contraindre plusieurs d'entre eux sans qu'il y ait besoin de dossier devant la Commission des transports du Québec. Donc, plus le système apparaît sûr, certain et efficace, plus, à ce moment-là, il y aura des chances qu'il y ait un taux de conformité qui rende ça inutile. Également dans le contexte, c'est que, sans enchâssement du mécanisme d'évaluation, il apparaît dangereux, pour les personnes qui seraient visées par les démarches, de ne pouvoir présenter l'ensemble de leur dossier de la façon la plus convenable. Or, nous avions, et c'est ce qui est dans le mémoire, formulé ça sans utiliser les mots, mais la lecture permet de discerner la notion de fonction juridictionnelle.

Mais, essentiellement, ce que nous voulons, c'est que la SAAQ puisse être porteuse du dossier, qu'elle puisse effectivement être un interlocuteur devant la Commission des transports du Québec, qu'elle puisse fournir l'ensemble de l'information requise et qu'en bout de piste, effectivement, la façon dont elle peut répertorier les transporteurs soit bien connue du milieu. D'ailleurs, plus c'est connu, plus, effectivement, les gens ont tendance à se ranger à la réflexion qui est déjà entamée. Lorsque les choses semblent peu claires, il y a peut-être une tendance à chercher à bénéficier des marges de manoeuvre que l'absence de limpidité peut donner. Alors, c'est ça. Et on croyait que, dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle, au départ, il y avait un avantage marqué à la transparence du processus.

(12 h 30)

Comme la conclusion le mentionne et, par ailleurs, parce qu'il y a eu des discussions qui ont eu trait à cette réflexion-là, on demeure certainement ouverts à une façon d'exprimer différemment, pourvu que les mêmes fins soient atteintes. Nous avons besoin de... Ce qui nous manque, c'est l'arrimage entre la SAAQ, je dirais, porteuse du dossier et la connaissance de ce qu'elle a fait pour pouvoir répertorier le dossier. Une façon d'y parvenir serait satisfaisante.

M. Pigeon (Claude): Et j'ajouterais à ça qu'en faisant de la SAAQ... en lui confiant le rôle de porteuse de dossiers devant la Commission, ça a aussi un effet domino sur tous les moyens qu'elle va devoir se donner pour atteindre l'objectif, pour cibler les véritables délinquants, tous les moyens dont elle va se doter en contrôle routier, en contrôle en entreprise, etc.

M. Brassard: Ça nous amène évidemment à toute la question aussi du mécanisme d'évaluation pour en arriver à ce qu'on appelle – il y en a certains qui n'aiment pas beaucoup l'expression – la cote de sécurité, en fait, pour en arriver à coter les transporteurs ou les propriétaires. Toute la question du mécanisme d'évaluation. Je voudrais savoir comment... Parce que, évidemment, ça, c'est une responsabilité de la SAAQ qui va devoir concevoir et mettre au point ce mécanisme d'évaluation. J'aimerais savoir comment vous voyez, je dirais, le processus d'élaboration de ce mécanisme d'évaluation.

M. Pigeon (Claude): Quant au mécanisme d'évaluation, il est très important que, d'abord, nous participions à son élaboration. Nous avons, sans prétention, une expertise qui est non négligeable et on peut aussi s'inspirer des expériences qu'on vit dans d'autres juridictions. Donc, que nous participions à son élaboration, que ce soit un processus très transparent, que les mécanismes soient publicisés et très connus de tout le monde, de sorte que les gens, connaissant les règles du jeu, pourront implanter dans leurs entreprises les mesures qui devront en découler pour assurer une conformité.

C'est aussi important que ce soit connu, ces mécanismes d'évaluation là, et qu'ils soient bien faits. Mécanismes, en passant – et j'aurais peut-être dû le dire dès le départ – pour lesquels nous n'avons aucune objection à ce qu'ils soient sous la juridiction de la SAAQ. Au contraire, nous l'avons toujours préconisé depuis le tout début. Mais c'est aussi important que ce soit connu et publicisé, parce qu'il ne faut pas que, à travers tout le processus – si je peux l'appeler – d'encadrement de la justice administrative qui vient à peine de voir le jour... qu'on ne se retrouve pas devant les tribunaux supérieurs qui, dès les premiers mois de vie du projet de loi dont on vient de parler, diront: Bien, écoutez, ce n'est pas suffisamment encadré; dans un processus administratif, c'est important que les gens connaissent les règles du jeu, c'est important que les balises soient connues, et qu'en conséquence on se retrouve encore avec un encadrement qui n'est pas aussi efficient qu'on l'aurait souhaité.

Alors, il y a plusieurs motifs qui militent dans le sens de mécanismes d'évaluation des transporteurs qui doivent être bien élaborés, avec un bon contenu, publicisés, connus. Et avec un certain caractère de permanence, parce que, si les règles du jeu changent au gré des vents, ça va être difficile à suivre aussi pour les transporteurs, ça va aussi être difficile à suivre pour les membres de la Commission des transports.

M. Brassard: Sur ce plan-là, vous souhaiteriez être consultés quant à l'élaboration de ce mécanisme d'évaluation pour que votre expertise et votre connaissance du transport lourd, du transport routier, puissent être mises à contribution. Et puis je pense que ça m'apparaît aussi être souhaitable – là-dessus, je suis d'accord avec vous – que l'ensemble des critères, l'ensemble de ce mécanisme d'évaluation soit pleinement connu de tous les exploitants de véhicules lourds pour que personne ne puisse invoquer l'ignorance relativement à ce mécanisme d'évaluation. Je pense que ça m'apparaît des objectifs tout à fait souhaitables.

Autre chose. Ça concerne, je dirais, un intervenant qui est apparu dans le monde du transport, je peux dire, assez récemment. Ce n'est pas un phénomène ancien. C'est un phénomène plutôt nouveau. C'est le phénomène du courtier. Le phénomène du courtier, vous en parlez. Vous souhaitez que cet intervenant soit assujetti à la loi. Comme c'est un phénomène relativement récent, j'aimerais que vous en parliez un peu à cette commission, de ce phénomène, et aussi pourquoi – surtout, c'est la question principale – vous souhaitez que cet intervenant qu'on appelle le courtier, qui est un intermédiaire... Si je comprends bien, lui, il n'est pas propriétaire de véhicules. Il n'en a pas, de véhicules lourds, il n'a pas de flotte, mais il fait du transport quand même puis il intervient dans le transport. Donc, la question, c'est peut-être un peu de détails, pour l'information des membres de cette commission, de cet intervenant qu'on appelle le courtier, et les motifs, les raisons pour lesquelles vous souhaitez que cet intervenant soit aussi assujetti à la loi, au même titre que le propriétaire ou l'exploitant de véhicules lourds?

M. Pigeon (Claude): D'abord, conformément à votre voeu, je vais décrire sommairement en quoi consiste la bibite. Il s'agit d'un intermédiaire – et c'est à peine imagé, ce que je vais vous dire – qui opère dans son sous-sol, qui, souvent, s'est acheté une chaise, un pupitre, un fax et un téléphone au marché aux puces et qui agit entre le requérant de service et le transporteur qui, lui, est l'exploitant qui opère ses véhicules qui sont sur la route. Il agit, le mot le dit, à titre de courtier, donc en se faisant l'intermédiaire. Il convient avec le requérant de service que la marchandise va être prise en charge tel jour, à telle heure, à tel prix pour se rendre tel jour, à telle heure, à destination.

Je tiens à préciser tout de suite qu'il y a des intermédiaires tels que les courtiers qui sont de véritables professionnels, qui ne nous inquiètent pas tellement. Mais, déjà, on voit proliférer plusieurs courtiers qui répondent plus à l'image que je viens de vous projeter.

Ces gens-là ont une très, très, très grande influence sur la conformité du transporteur, parce que vous aurez compris que leur rémunération, c'est la différence entre ce qu'ils obtiennent du requérant de service et ce qu'ils vont payer au sous-traitant qui est le transporteur. Donc, ils ont avantage à ce que cette différence, cet écart soit le plus grand possible parce qu'il y va de la qualité et de la quantité de leur rémunération. Donc, ces gens-là ont tout intérêt à faire affaire avec des transporteurs, donc des sous-traitants, qui ne favorisent peut-être pas la conformité autant qu'on le souhaiterait, qui ont donc des coûts d'exploitation qui sont moins élevés parce qu'ils tournent les coins ronds quant à la condition mécanique de leurs véhicules, quant au respect de la réglementation sur les heures de conduite, etc.

Et ça, ça a un effet domino épouvantable dans l'industrie parce que ce que ça fait, c'est que ça crée une pression à la baisse sur les tarifs, d'une façon tout à fait inéquitable parce que les gens qui en tirent avantage sont ceux qui favorisent la délinquance. Ceux qui investissent des centaines de milliers de dollars, pour ne pas dire des millions, dans la conformité en font les frais. Parce que, en fin de compte, les gens qui investissent dans la conformité sont en concurrence avec ces délinquants-là, souvent des délinquants chroniques.

Alors, si, par exemple, un courtier, un intermédiaire dit à un sous-traitant transporteur: Je veux que tu sois à Boston dans cinq heures, bien, tirez vos conclusions vous-même. S'il part de Montréal, c'est certain qu'il va rouler pas mal vite. S'il lui dit: Il faut que tu me transportes cette charge-là à Chicago, et qu'on sait déjà avant de partir qu'il est en situation de surcharge, la situation dans laquelle se retrouve le transporteur, c'est: Tu prends la charge et puis tu en assumes les risques ou tu ne la prends pas puis je la donne à quelqu'un d'autre.

(12 h 40)

Alors, finalement, vous voyez que cet intermédiaire-là joue un grand rôle dans la conformité sur la route, et c'est pour ça qu'on veut que ces gens-là soient encadrés. Et la menace est d'autant plus grande – et je vais conclure là-dessus, peut-être que des collègues voudront ajouter des choses – que c'est un phénomène qu'on voit prendre de l'ampleur depuis quelques années. Le jour n'est pas loin, si on n'encadre pas ces gens-là, où plusieurs transporteurs qui ont aujourd'hui des véhicules moteurs et des semi-remorques sur la route vont vendre tous leurs équipements, vont licencier leurs chauffeurs et ils vont se transformer en courtiers. Plus de soucis, plus d'entretien de véhicules, plus de formation de chauffeurs, plus de logbook, pas de problème. On travaille avec un fax et un téléphone. Et ils ont l'expertise, ils ont les contacts, ils ont le réseau de clients pour faire ça. Je peux vous dire que la tentation est très, très forte parce que ces gens-là, travaillant dans l'ombre et n'étant jamais fatigués par qui que ce soit au niveau des autorités, font la pluie et le beau temps. Ça peut être payant. Même si vous fermiez vos portes, vous pourriez repartir sous une autre raison sociale le lendemain et faire encore le même jeu jusqu'à la fin de vos jours.

Le Président (M. Lachance): L'une de mes fonctions étant de m'assurer d'un partage équitable du temps, M. le ministre, je vous signale que le temps imparti au parti ministériel est épuisé. Ça fait environ 34 minutes. Alors, je cède maintenant la parole au député de Pontiac et porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports. M. le député.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Merci, M. Garand, M. Pigeon et M. Girard, de votre présentation. Je me pose une question: Qu'est-ce qui vous a amenés travailler ensemble, les trois? Je comprends que, dans le cas de l'ANCAI, vous êtes pas mal limités sur le territoire du Québec. Je pense que, dans le cas des autobus, M. Pigeon et M. Girard, vous traversez les frontières du Québec et vous allez dans d'autres provinces, ou même dans les États des États-Unis, vous êtes soumis à d'autres règles de jeu, d'autres juridictions, comme M. Pigeon l'indiquait tantôt. Je comprends aussi de votre mémoire que vous êtes d'accord avec le principe de vouloir s'assurer qu'on ait une meilleure sécurité sur nos routes, qu'on protège le patrimoine routier en contrôlant les charges, et aussi, je pense, qu'on ait une saine concurrence. C'est un peu ça aussi qui peut être le problème, la cause que les gens... Et c'est là où viennent les courtiers, eux qui établissent peut-être le niveau qu'on va vous payer. À ce moment-là, il y a toujours quelqu'un, malheureusement, qui est peut-être prêt à assumer ou à prendre une responsabilité en bas du prix.

Parce que, il ne faut pas se leurrer, en bout de piste, c'est toujours l'économie. L'économie dicte notre comportement pour survivre. Les gens sont dans le transport pour survivre et, à ce moment-là, c'est l'économie, qu'est-ce qu'on peut retirer du travail qu'on fait.

Je comprends et je suis content de voir que vous êtes tous d'accord sur le principe. Une des premières questions... Il semblerait que ça fait quelques mois sinon quelques années que vous discutez avec le ministre des Transports, en préparation de cette loi. J'ai vu qu'il y a plusieurs points en particulier que vous soulevez dans votre mémoire, que vous trouvez que c'est fort important d'avoir une loi qui va tout couvrir. En d'autres mots, on ne laissera rien au hasard, on va être capables d'avoir une loi qui va aussi bien s'appliquer.

Donc, est-ce que ces points-là que vous soulevez dans votre mémoire, c'est des points que vous avez discutés avec les gens du ministère et que vous aviez insisté sur leur importance autant que vous avez insisté aujourd'hui? Parce que, dans votre conclusion, vous dites: Si vous n'êtes pas prêts à faire les changements qu'on vous indique aujourd'hui, nous autres, on n'est certainement pas prêts à supporter le projet de loi. Est-ce que j'ai bien compris votre message?

M. Pigeon (Claude): La majorité des points que nous soulevons dans notre mémoire conjoint sont des revendications que nous avons fait valoir de façon traditionnelle, depuis longtemps, dans nos mémoires individuels, dans nos mémoires conjoints qu'on a commencé à faire circuler dès le début de 1997. Donc, il n'y a pas de surprise là-dedans. Il y a aussi dans nos revendications, plus vers la fin du mémoire, des choses qui ont trait à des particularités du projet de loi qui sont plus des modalités, je devrais dire. Je vais vous donner un exemple: les frais qu'on veut imputer, qu'on veut charger au transporteur qui est désireux d'en savoir plus sur le dossier de son chauffeur. Ce genre de point là n'avait pas été abordé par les trois associations tout simplement parce qu'on n'a jamais imaginé qu'on pourrait proposer quelque chose comme ça. Mais on pense que c'est important qu'on commente là-dessus, à partir du moment où on les retrouve dans le projet de loi.

Quant au rôle qu'on veut confier à la SAAQ, qu'on pense qu'on doit confier à la Commission des transports, à la transparence et à la publicité des mécanismes d'évaluation des transporteurs, ce n'est pas une surprise, ça fait longtemps qu'on circule ces messages-là. Mais on comprend que ce n'est pas évident d'attacher tout ça d'un point de vue juridique. Quand vient le temps de tricoter le chandail puis de faire des mailles serrées, là, puis qu'on a le nez là-dedans à la journée longue, on peut comprendre que ce n'est pas évident de ne pas voir tous les pièges. Nous, on a cette liberté de prendre un certain recul, de lire le projet de loi puis de le regarder comme l'administré qui va vivre avec pendant longtemps, et c'est dans ce contexte-là qu'on fait ces bonifications-là. Messieurs, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose?

M. Girard (Romain): Il est évident que nous aurions préféré avoir un avant-projet de loi et une loi discutés sur un plus long échéancier. Lorsqu'il a été déposé le 14 mai, nous l'attendions depuis longtemps, et nous avons admis l'intérêt qu'il soit adopté lors de la prochaine session. Nous avons aussi admis, en conséquence, qu'il fallait mettre, dans les cinq semaines qui nous étaient imparties, l'énergie qu'on avait envisagé investir dans six mois. Mais on a choisi de le faire, et c'est ce qui fait qu'on le fait avec un peu plus de dynamisme ou d'agressivité. Mais on veut arriver à l'objectif, et il est unanime.

Je reviens à la question ou au commentaire que vous avez introduit à l'effet de cette coalition dont la nature n'est pas évidente. L'industrie du camionnage a vécu une déréglementation, il y a déjà 10 ans, et elle l'a vécue dans un environnement où il y avait un certain nombre de promesses ou d'engagements collectifs pour l'encadrement d'une sécurité de ce secteur, et ils ont largement démontré, au cours de ces 10 dernières années, qu'ils n'avaient pas vu les fruits que la fleur annonçait. Nous sommes, autant dans le camionnage en vrac que dans l'industrie du transport par autobus, exposés à une pression déréglementaire du gouvernement fédéral qui a été exprimée de longue date, et on voit arriver des débats importants là-dessus. On a tout simplement eu le réflexe très naturel d'aller voir les gens de l'Association du camionnage et de leur demander de nous partager leur expérience. Une fois qu'ils nous ont partagé cette expérience, on a bien compris que ce qu'eux avaient vécu, si on ne mettait pas la main à la pâte avec beaucoup d'énergie, on le vivrait probablement aussi. C'est très motivant, c'est facile de réunir nos membres dans un contexte comme celui-là, puisque les éléments qu'on invoque ne sont plus théoriques, il y a eu un vaste laboratoire et, au pire, ça va nous arriver aussi.

Alors, la motivation était là. Nous sommes trois organisations qui représentons des membres qui sont des acteurs de première ligne. Ce sont généralement les propriétaires de camions et d'autobus que nous représentons, et on est exposés au même type d'intermédiaire, au même type de pression concurrentielle et déréglementaire. On a senti très rapidement l'effet bénéfique à notre compétence de la travailler à trois. On le voit encore aujourd'hui, qu'on n'aurait probablement pas réussi, en six semaines, à développer l'énergie requise si on l'avait fait séparément.

M. Middlemiss: Si j'ai bien compris, M. Girard, vous venez d'indiquer que vous voudriez que le projet de loi soit adopté à cette session-ci. C'est ça que vous avez indiqué tantôt?

M. Girard (Romain): Exactement.

M. Middlemiss: O.K. Est-ce que vous avez, la plupart, témoigné à l'enquête de M. Malouin?

M. Girard (Romain): Pour ma part, j'ai témoigné.

M. Middlemiss: Oui? O.K. Non, non. C'est bien. Je voulais juste être certain. Est-ce que vous ne croyez pas que, suite à l'enquête de M. Malouin, il n'y aurait pas des recommandations qui pourraient sortir de cette enquête et qui pourraient bonifier encore ce projet de loi que nous avons présentement? Il me semble que le fait que vous ayez été là, que vous ayez aidé à préparer ça... Est-ce que, dans tout ça, vous ne croyez pas que, dans son rapport, il pourrait y avoir des choses qui pourraient nous aider à atteindre l'objectif d'une meilleure sécurité, l'objectif de protéger notre patrimoine routier et aussi de s'assurer qu'il va y avoir un encadrement et une saine concurrence?

M. Girard (Romain): Je disais donc que, pour ma part, j'ai déjà comparu. J'y ai passé la journée de lundi, cette semaine. Je peux vous confirmer que M. Malouin exprime les mêmes objectifs que ceux qui sont en préambule de cette loi, qu'on y a fait les mêmes représentations. Sans être aussi détaillés, nous avons nous-mêmes supporté ces objectifs. Pour ma part, je ne vois pas comment il pourrait recommander des éléments plus favorables ou plus positifs que l'introduction de ce projet de loi.

(12 h 50)

Nous avons soulevé la rigueur et les problèmes que peut soulever une application imprécise ou une application avec des critères indéfinis à différents niveaux du processus. Nous croyons que, si le gouvernement actuel reconnaît nos commentaires, cela sécurisera même M. Malouin dans les recommandations qu'il pourrait avoir à faire. Et il pourra les faire dans un environnement qui sera connu à ce moment-là, ce qui, pour nous, est un atout.

M. Garand (Jean-Pierre): Puis je me permettrais, M. Middlemiss, également... Vous posiez la question du pourquoi les trois associations s'étaient regroupées, puis vous la posiez davantage face à la nôtre. Nous sommes dans un système réglementaire qui, quand bien même, a deux niveaux, où on se situe dans deux marchés particulièrement. Il y a le marché dit forêt qui nous est très particulier. Il y a un aspect économique qui, là, est complètement déréglementé. On le vit depuis 1982, pratiquement.

Ce qui se passe sur le terrain, c'est la pression à pousser nos gens – en bout de ligne, c'est toujours l'aspect économique – à la tricherie et également à mettre de côté les règles élémentaires de sécurité.

Si on prend, à titre d'exemple, le marché ou le secteur d'activité dont je vous parle, on sait qu'il y a à peu près entre 35 % et 45 % des mouvements de transport qui sont faits de façon délinquante, en surcharge, qu'ils utilisent notre réseau provincial et qui, en bout de ligne, peuvent se répercuter par un risque potentiel de sécurité.

Ça fait que c'est ces critères-là qui ont fait que, nous, comme association, de par le vécu de l'Association du camionnage et de par les pressions à la déréglementation qui sont annoncées, nous n'avions d'autre choix que de nous associer avec des gens pour permettre de corriger une situation qui va faire en sorte que notre industrie soit propre et qu'on ait des gens qui soient compétents. Parce qu'il reste qu'en bout de ligne il y a des gens qui sont compétents dans le métier, mais qui, de par les marginaux qui sont au côté, à un moment donné, font en sorte qu'on fausse les règles du jeu. Et puis, de par les recommandations qu'on a faites du projet de loi, je pense que nous sommes tous fiers du projet de loi. Il est attendu. Les recommandations ou les commentaires qu'on a émis, ce sont, à notre avis, des mises en situation pour que la partie, les règles ou la game – excusez le mot – se fasse de façon claire, nette et précise. Ça fait que c'est le but visé.

M. Middlemiss: O.K.

M. Pigeon (Claude): Juste un court commentaire sur le volet de l'enquête du coroner. On était aussi sous l'impression que les recommandations du coroner allaient plus déboucher sur des modalités d'application de plusieurs règlements et sur les moyens qu'on se donne pour les faire respecter, beaucoup plus que sur l'encadrement général. Parce que ce dont on parle ici, c'est du squelette et de la colonne vertébrale. C'est à quoi tous les moyens qui gravitent autour de la colonne vont s'arrimer pour fonctionner.

Le dernier commentaire que je voulais faire, c'est à l'effet que, nous aussi, d'une certaine façon, nous sommes en élection chaque année. À titre de dirigeants d'association, nous répondons à nos membres. Et le message que nos membres nous passent sans aucune équivoque, et je veux que ce soit bien clair, c'est: Il faut que cette fois-ci, ce soit la bonne, et arrangez-vous surtout pas pour que ça se retourne contre nous. Ça, c'est celui qui investit dans la conformité, là, qui dépense des millions là-dedans puis qui est fatigué, qui n'en peut plus d'être concurrencé par des gens qui se foutent de tout ça, qui te dit: Déjà, on en a épais sur le dos, arrange-toi pas pour qu'on soit encore plus sous le microscope parce que là ça ne fera pas. Il faut vraiment que ça débouche sur des moyens pour cibler les véritables délinquants. Alors, d'une certaine façon, à titre de dirigeants d'entreprise, on joue le rôle d'un équilibriste, dans tout ça. Il faut qu'on livre la marchandise. Il n'y a pas de place aux compromis, il n'y a pas de place à des demi-mesures. Il faut que ce soit étanche, étanche, étanche et qu'on capitalise là-dessus pour les prochaines années.

Puis, soit dit en passant, l'expérience qu'on vit depuis 10 ans au Québec n'est pas unique. Ce n'est pas unique au Québec. Les effets de la déréglementation ont été assez semblables partout. Je dirais même qu'on aurait dû tirer une leçon, au Québec, de ce qui s'était passé aux États-Unis 10 ans avant. Sauf que là on a une opportunité de prendre un leadership puis de se donner les vrais moyens sans compromis pour régler le problème. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on formule nos recommandations.

M. Middlemiss: Vous avez indiqué tantôt que vous croyez que le coroner Malouin va faire des recommandations dans l'application des règlements. Est-ce que vous parlez de règlements qui existent déjà ou des règlements qui vont résulter de ce nouveau projet de loi?

M. Pigeon (Claude): On ne peut pas présumer de son intention, mais l'impression qu'on a très souvent, c'est que ça peut être un cumul de tout ça. Il pourrait très bien proposer de... Puis vous voyez comme moi les comptes rendus dans les médias. On pourrait très bien proposer des refontes des règlements, des simplifications, proposer des mécanismes qui fassent en sorte qu'on s'attarde beaucoup plus aux véritables problèmes et qu'on laisse faire tous les artifices qu'il y a autour, et bien d'autres choses. J'ai deux collègues qui ont déjà comparu cette semaine, qui pourraient vous en dire plus. Quant à nous, l'Association du camionnage, nous comparaissons lundi prochain.

M. Middlemiss: O.K. Maintenant, le fait que, dans le cas de M. Girard et de M. Pigeon, vous travailliez dans des juridictions à l'extérieur, est-ce que l'encadrement, les règlements qu'on va avoir suite à l'adoption du projet de loi n° 430 vont être en harmonie avec ce à quoi vous devez faire face à l'extérieur du Québec?

M. Pigeon (Claude): C'est là qu'on retrouve toute la signification du mot «leadership» auquel je faisais référence tantôt. C'est que ce processus-là est en gestation dans à peu près toutes les juridictions canadiennes et ce n'est pas tellement avancé dans chacune des provinces. On peut se donner les moyens de prendre une longueur d'avance et, après ça, quand on se mettra à table avec les autres provinces, leur dire: Bien, écoute, là, on a fait un bout de chemin, puis, si tu veux t'arrimer à ça, ça va être une bonne chose.

D'ailleurs, on préconise, sur la scène canadienne, une harmonisation la plus grande possible entre tous ces mécanismes. On souhaite bien y arriver. On est loin de la coupe aux lèvres, encore aujourd'hui, mais il nous semble qu'en prenant les devants on a une belle opportunité. Pas à n'importe quel prix, mais en prenant les devants pour répondre aux besoins de l'industrie.

M. Middlemiss: D'accord. Donc, si, au Canada, on est tous en train de se positionner, comment ça se compare avec les gens des États-Unis que vous avez indiqués tantôt... qu'on aurait dû peut-être se baser sur ce qu'eux ont fait avant? Est-ce qu'on va s'harmoniser avec eux et il n'y aura pas de problème?

M. Pigeon (Claude): J'aimerais mieux comparer, si vous le permettez, à la situation ontarienne où la couverture médiatique de plusieurs événements qui sont intervenus dans le transport a fait en sorte que toute la population, les médias et, par voie de conséquence, le législateur ont été pris par un vent de panique, pour ne pas dire un tourbillon, et ont improvisé toutes sortes de mesures législatives ou réglementaires qui sont absolument déraisonnables par rapport à l'effet recherché.

Donc, on peut tirer un enseignement de l'expérience ontarienne qui est très contemporaine puis qui se fait chez nos voisins, une expérience aussi de leur CVOR, qui est leur fameux mécanisme d'évaluation des transporteurs, qui, à certains égards, a des mérites et, à d'autres égards, est plutôt mal foutu, qui est très vulnérable face aux tribunaux parce que le registraire porte plusieurs chapeaux, en Ontario, donc s'improvise dans un rôle de juge et partie.

Et il y a un harcèlement au niveau du contrôle routier qui ne se fait malheureusement pas sur les véritables délinquants et dont font les frais les transporteurs dont on vous parlait tantôt, qui investissent dans la conformité. Alors, ça, c'est une expérience de laquelle on a tiré des leçons et qui a beaucoup guidé nos recommandations. Il ne faut pas tomber dans les mêmes pièges.

M. Middlemiss: Donc, en d'autres mots, ce que vous nous indiquez, c'est un peu ce qu'on disait, que la SAAQ voulait que ses inspecteurs rapportent. Et, si je me trompe... On semblait indiquer qu'on cherchait plutôt des infractions qui ne touchaient pas nécessairement la sécurité. C'est un peu dans ce contexte-là que vous dites que les contrôleurs... Donc, l'Ontario le fait, le Québec le fait aussi par l'entremise de la Société de l'assurance automobile du Québec.

(13 heures)

M. Pigeon (Claude): C'est des situations qu'on vit au Québec, on ne peut pas le cacher, mais heureusement ça n'a pas pris les proportions absolument déraisonnables qu'on voit en Ontario. Mais il faut se donner les moyens pour ne pas que ça arrive. Il ne faut pas qu'on se retrouve dans la même situation. Oui, ça se produit au Québec, mais, comparé à l'Ontario, ça n'a pas de commune mesure.

En passant, aux États-Unis, les intermédiaires dont nous vous parlions tantôt sont inscrits et sont bien encadrés, on n'invente pas les boutons à quatre trous à cet égard-là. C'est une préoccupation que les Américains partagent avec nous.

M. Middlemiss: Touchant le dossier des courtiers, est-ce que, aux États-Unis ou dans d'autres juridictions, eux aussi, ils sont impliqués, ils sont tenus responsables? Et ce que vous nous suggérez de faire ici, au Québec, est-ce que ça existe à d'autres endroits? Et dans quelle mesure?

M. Pigeon (Claude): Ils sont encadrés et ils sont inscrits au sein d'un registre. Ces gens-là sont facilement identifiables. Ils doivent s'astreindre à certaines règles de fonctionnement, un peu dans le sens de ce que nous préconisons ici.

M. Middlemiss: Est-ce que ça fait assez longtemps que c'est en vigueur qu'on peut conclure que ça a aidé à établir une meilleure concurrence, une concurrence qui est plus saine? Parce qu'il semblerait que c'est une des raisons pour lesquelles on veut avoir les courtiers impliqués, pour qu'eux aussi soient soumis aux règles et à un certain code de déontologie, si on peut dire.

M. Pigeon (Claude): Oui, ça a un effet, sans aucun doute. Puis une des façons de le constater, cet effet-là, c'est de regarder la structure de tarification. En tout cas, je peux parler du transport de marchandises aux États-Unis, qui reflète beaucoup plus une situation saine que déraisonnable. Les écarts entre les délinquants et les gens qui favorisent la conformité sont beaucoup moins grands aux États-Unis.

M. Rouette (François): On pourrait ajouter une chose. En ce qui concerne les courtiers comme tels aux États-Unis, malgré la déréglementation du Motor Carrier Act de 1980, il y a eu maintien. Et, lorsque, en 1996, il y a eu ce qu'on appelle l'ICC Termination Act, où on a fermé l'organisme qui était l'Interstate Commerce Commission pour remplacer les pouvoirs à travers divers organismes qui relèvent du US DOT, dans le contexte d'une réglementation qui n'existe véritablement que pour circonscrire d'abord l'aspect sécuritaire des opérations de transport – parce que l'aspect économique des opérations de transport, aux États-Unis, à toutes fins pratiques, est inexistant – alors on a maintenu ça. Et non seulement ça, alors que ce qu'on appelle... Bon, la meilleure traduction en langue française, c'est probablement «transitaire commissionnaire», parce qu'on parle des «freight forwarders». Ils avaient été déréglementés en 1986, et on a cru opportun de les rentrer à nouveau dans la réglementation en 1996, dans un contexte de déréglementation qui poussait plus loin; mais on est allé les rechercher.

En fait, la réalité, c'est que leur croissance et leur présence dans le marché sont un effet secondaire de la déréglementation. Et ce qui s'est produit à ce moment-là, c'est que plusieurs petits transporteurs sont intervenus dans le marché. Donc, effectivement, le nerf de la guerre dans le camionnage plus particulièrement, c'est sûrement d'avoir des mouvements balancés, du retour. Or, ces gens-là se sont créé, je dirais, des écuries de petits transporteurs et contrôlent effectivement énormément de volume. Ils sont donc en mesure de dicter la façon dont ces petits transporteurs là vont évoluer sur le terrain parce que c'est eux qui ont le volume.

Dans un monde idéal, je dois vous dire que personne ne devrait s'astreindre, des fois, à ce que les gens leur demandent; mais la réalité, c'est qu'ils leur imposent effectivement des conditions d'opération. Alors, je pense qu'ils sont en ligne et en prise directes avec les questions de sécurité, à l'heure actuelle, ils sont des transporteurs sans véhicule.

M. Middlemiss: Le ministre, il a indiqué tantôt qu'il examinerait toutes les suggestions que vous avez présentées dans votre mémoire, si vous ne les avez pas déjà soumises avant. Est-ce que vous souhaiteriez faire l'analyse des amendements? Parce que le ministre a indiqué que, oui, on va regarder ça, on va préparer des amendements qu'on va apporter au moment de l'étude article par article du projet de loi. Est-ce que vous voudriez, avant de passer à cette étape-là, avoir la chance de vérifier que c'est traduit exactement, que qu'est-ce qu'on a dans le projet de loi traduit très bien ce que vous nous demandez dans votre mémoire?

M. Garand (Jean-Pierre): Moi, je crois que, là-dessus, à cet effet, ce serait favorable qu'on puisse voir les modifications, les suggestions qu'on propose – dans le fond, on n'a pas soumis, à part à quelques endroits, des écritures – mais ailleurs regarder si, sur le terrain, c'est bien ce qui va se refléter. Oui, on est favorables à ça. Mais il reste qu'il y a un délai de temps. On ne voudrait pas que, de par la Chambre, à l'Assemblée, on étire le temps puis qu'on passe outre à la dernière journée possible de l'adoption du projet de loi, également. On est conscients qu'on est dans un temps serré, mais on est disponibles pour suivre tout ça.

M. Pigeon (Claude): Ce serait effectivement un plus. Nous sommes tellement prêts du but; ce serait très dommage, très regrettable qu'on risque de compromettre l'enthousiasme de l'industrie face à un projet de loi qui, il faut bien le dire, compte tenu de tout le recul qu'il faut prendre là-dedans, est quand même une volonté très clairement avouée de faire quelque chose de concret. Alors, nous, on veut que nos gens nous suivent aussi dans ça puis on veut que, dans six mois, dans un an puis dans deux ans, ils nous suivent toujours. On veut être certains que les objectifs qu'on a plaidés avec le plus de conviction possible sont tous atteints. Alors, bien humblement, avec notre expertise, oui, on aimerait participer au processus jusqu'au bout.

M. Middlemiss: Concernant l'aspect sécurité des véhicules ou la formation des chauffeurs, est-ce que les autres juridictions sont plus exigeantes que nous le sommes ou nous le serons? Selon votre expérience, que ce soit aux États-Unis ou que ce soit en Ontario, est-ce que, au point de vue sécurité, on serre la vis un peu plus, et sur la formation des chauffeurs?

M. Pigeon (Claude): Bien, la formation des chauffeurs, c'est un volet qui est laissé à l'initiative des intervenants dans l'industrie. C'est à eux de décider quel standard de qualité ils veulent se donner, quelle rigueur d'exécution ils veulent se donner. Alors, il y en a, vous savez, qui engagent des chauffeurs qui n'ont jamais suivi de cours, il y en a qui en engagent qui ont suivi cinq heures de cours – à grands coups, on s'imagine que c'est la panacée – puis il y en a qui ne se contentent de rien de moins que de chauffeurs qui sortent des centres de formation en transport routier de Charlesbourg ou de Saint-Jérôme ou d'écoles privées prestigieuses, qui ne se contentent de rien de moins que de 615 heures de cours. Alors, vous avez de tout dans l'industrie, ça dépend de l'investissement que vous êtes prêt à faire. Mais, en bout de ligne, il faut regarder – passez-moi l'anglicisme – le «mind-set» des transporteurs qui engagent des chauffeurs, jusqu'où ils veulent pousser l'excellence dans leur entreprise puis mettre toutes les chances de leur côté pour avoir des gens compétents qui conduisent leurs véhicules. Mais il n'y a rien d'obligatoire à cet égard-là.

Je ne peux pas tellement commenter pour les autres juridictions, mais il y a des exercices que nous faisons avec la Société de l'assurance automobile, de façon périodique, sur le resserrement de l'accès aux permis de conduire, par exemple; on voudrait bien que l'accès soit beaucoup plus difficile, que les examens soient plus rigoureux. Je pense qu'on va atteindre le but, là, mais ce sont des exercices qui sont en cours. Nous, on pense qu'il faut assurer un minimum de compétence, au moment où on va chercher un permis de conduire, il n'y a pas à passer à côté de ça. Puis ça, ça fait partie des coûts de la conformité, hein? D'abord, quand vous engagez des chauffeurs, que vous voulez qu'ils satisfassent à un minimum de compétence à l'entrée et qu'après vous vous donnez la peine de mettre à jour leur compétence régulièrement, périodiquement, bien, il y a des coûts d'associés à ça. Si vous ne les récupérez pas et que vos concurrents ne les assument pas, bien, vous ne faites qu'agrandir le fossé dont on vous parle depuis tantôt.

(13 h 10)

M. Girard (Romain): Et c'est indirectement tout un niveau d'objectifs qui va être atteint, si vraiment cette loi touche le but, si la loi n° 430 qui est devant nous atteint la cible et motive les transporteurs à faire tous les efforts pour être continuellement conformes, sinon ils sont menacés de ne plus pouvoir exploiter. Si les transporteurs ont cette conviction, ce n'est pas un règlement qui va leur suggérer de faire de la formation, ils vont en mettre sur pied parce qu'ils vont cesser de prendre des risques. Ils vont cesser de prendre des risques sur la conformité mécanique, ils vont cesser de prendre des risques sur la compétence, ils vont cesser de prendre des risques sur la diminution des prix en concurrence entre eux parce que leur existence en sera menacée s'ils ne le font pas.

Pour nous, donc, l'atteinte des objectifs de cette loi est fondamentale, c'est ce qui va changer la perception des acteurs dans le secteur. Et, lorsque cette perception sera changée, lorsqu'on aura vraiment franchi le test des tribunaux, puisque cette loi fera l'objet certainement de tests devant les tribunaux... On ne sera pas capable d'empêcher un transporteur de défendre sa survie quand il se verra interdire le droit de circuler. Donc, il va faire cet effort lui-même. Lorsqu'on aura installé cette crainte ou cette perception de rigueur dans l'environnement qui va lui inspirer une certaine crainte, il va se corriger, nous, on le croit.

M. Middlemiss: Donc, c'est extrêmement important que les changements que vous suggérez soient traduits dans le projet de loi qui devrait être approuvé et sanctionné, on l'espère, le plus tôt possible. Dans l'éventualité qu'on ne les ait pas, ces choses-là, est-ce que vous insistez pour attendre? Est-ce que vous préférez attendre à l'automne pour tenter de continuer... Parce que, tant qu'à faire un projet de loi, il faut certainement le bonifier, et il me semble que les trois associations nous disent: C'est absolument nécessaire, ça, là; ce n'est pas juste de la frime, c'est des choses qui doivent être incluses immédiatement pour qu'on puisse atteindre le but visé. Est-ce que c'est mieux de le passer avec quelques-uns qui ne sont pas là ou de dire: On va attendre pour le faire et on le passera à l'automne?

M. Pigeon (Claude): Après être passés si près du but, nous préférons ne pas envisager l'hypothèse de reporter ça. Mais, comme on l'a souligné à quelques reprises aujourd'hui, nos membres ont besoin d'un minimum d'espace vital pour respirer, pour être à l'aise, et il faut qu'on soit capable de leur fournir ça, autrement la crainte qu'ils ont, qui est très légitime – parce que, encore une fois, l'expérience passée parle d'elle-même – c'est que ça se retourne contre eux. Alors, notre préférence, c'est que ça passe à cette session-ci mais pas à n'importe quel prix.

Suite aux discussions que nous avons eues – et on l'a dit en début de présentation – avec le ministère, nous avons l'impression qu'il y a plus d'une façon de formuler dans la loi les recommandations que nous faisons. Il y a des hypothèses qui sont prometteuses, il y en a d'autres que peut-être nous apprendrons lorsque, comme vous l'avez dit, il y aura l'étude article par article. On pense qu'on est sur la bonne voie. On est à minuit moins une, et il y a une opportunité là que tout le monde devrait être gêné de ne pas saisir. Mais il faut donner un minimum d'espace vital à nos gens, et ça, c'est des conditions pour lesquelles ils ne sont pas tellement flexibles, encore une fois, parce que très nerveux. Ils nous regardent aller comme dirigeants d'association puis ils veulent être bien certains qu'on ne les a pas embarqués dans une galère dont ils vont faire les frais.

Moi, je pense que c'est très prometteur, ce qu'on a devant nous, puis il s'agit de trouver le moyen de formuler ça d'une façon acceptable. Puis, s'il faut travailler jour et nuit, on va le faire jusqu'au 19 juin.

M. Middlemiss: Regardez, c'est que c'est certainement...

Le Président (M. Lachance): En complément, M. le député.

M. Middlemiss: Ah mon Dieu!

Le Président (M. Lachance): Déjà.

M. Middlemiss: Déjà fini.

Le Président (M. Lachance): Le temps passe vite.

M. Middlemiss: Nous sommes tous d'accord avec le principe. Toutefois, il me semble que, comme vous disiez, on est tellement proches du but que, si on ne peut pas... Et le ministre le dit, que vous êtes probablement les trois associations qui ont travaillé le plus près, qui couvrent la majorité des transporteurs. Il me semble qu'on devrait espérer que ce soit inclus, que les changements suggérés soient inclus dans le projet de loi, parce qu'à quoi ça servirait de passer le projet de loi si les choses que vous jugez essentielles n'y sont pas? Donc, en d'autres mots, si ce n'est pas là, vous préférez attendre et espérez être capables de faire les changements nécessaires.

M. Pigeon (Claude): C'est la dernière des hypothèses avec laquelle on voudrait vivre.

M. Garand (Jean-Pierre): Il reste, M. Middlemiss, que nous souhaitons – en tout cas, moi, je vous parle en tant qu'industriel qui est encore réglementé, peut-être pour peu de temps – que le mécanisme ou que la loi puisse bénéficier d'un temps de rodage et que, face à tout ça, s'il y a des correctifs à y apporter, bien, ça puisse être plus bénéfique à toute l'industrie et qu'on ne connaisse pas les mêmes situations qui ont été vécues en 1988 face au camionnage général, à la déréglementation.

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous remercie. Je remercie les associations qui ont donné suite à notre demande de nous faire part de leur point de vue, l'Association nationale des camionneurs artisans, l'Association du camionnage du Québec et l'Association des propriétaires d'autobus du Québec. Merci, et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 17)

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Notre mandat, celui de la commission, est de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 430, Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

Alors, je vois que les porte-parole de l'Association des propriétaires de camions remorques indépendants du Québec ont déjà pris place. Selon nos règles du jeu, vous avez 15 minutes pour – bienvenue, d'abord – nous exposer votre point de vue sur le projet de loi n° 430, et je vous invite à vous identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.


Association des propriétaires de camions remorques indépendants du Québec inc. (APCRIQ)

M. Brulotte (Daniel): O.K. Je vais débuter par m'identifier. Mon nom est Daniel Brulotte, je suis président de l'Association des propriétaires de camions remorques indépendants du Québec. Je suis accompagné par M. Denis Masse, qui est administrateur de l'Association, et de M. Jean-Marie Bernier, qui est aussi vice-président de l'Association.

Le Président (M. Lachance): Avant de poursuivre, est-ce que vous avez un document, un mémoire?

M. Brulotte (Daniel): Non, je n'ai aucun document, aucun mémoire. On va adresser quelques points, l'essentiel de nos points. Malheureusement, c'est un projet de loi très, très, très complexe, et on a eu moins de temps qu'on aurait aimé en avoir pour développer notre mémoire. On a quand même quelques points que, on pense, on peut adresser avec une certaine ponctualité sans qu'on ait de mémoire à déposer. À moins que je me trompe, tout ce qu'on dit ici est pris en considération, va être enregistré?

Le Président (M. Lachance): C'est bien ça.

M. Brulotte (Daniel): Ça deviendra notre mémoire.

Le Président (M. Lachance): C'est même sur Internet, M. Brulotte.

M. Brulotte (Daniel): C'est bien. Ha, ha, ha! Nous tenons, en premier lieu, à vous remercier de l'opportunité qui nous est offerte de participer à cette commission parlementaire pour vous adresser l'essentiel de nos commentaires concernant le projet de loi n° 430. Comme plusieurs l'ont sûrement déjà mentionné, l'étude de ce projet de loi est on ne peut plus complexe. Cependant, nous n'hésitons pas à qualifier ce projet de loi comme étant l'événement le plus important à toucher l'industrie du transport de personnes et de marchandises depuis les 10 dernières années.

En ce qui nous concerne, l'esprit de ce projet de loi correspond à ce qui est souhaitable dans l'industrie ou, en d'autres mots, correspond à ce qui pourrait nous amener vers une nette amélioration de l'industrie en général; j'ai bien dit «l'esprit». Nous aussi sommes dédiés à la sécurité et à la protection du patrimoine routier. L'équité concurrentielle, cependant, comme elle a d'ailleurs été à maintes fois mentionnées ce matin par d'autres organismes, est aussi une condition essentielle à une industrie des transports saine. En ce sens, nous désirons cibler quelques éléments bien précis qui ne semblent pas encadrés d'une façon aussi hermétique qu'il nous semblerait souhaitable.

Nous nous inquiétons sur les possibilités qu'il y ait des sous-traitants – sous-traitants dans le sens comme on les connaît dans le cadre de la loi actuelle ou dans les opérations communes actuelles dans le transport – qui pourraient très facilement devenir, à tort, des transportants, ou des transporteurs, ou, si on préfère, des exploitants en utilisant le terme qui est utilisé dans le projet de loi, selon qu'un véritable transporteur respecte la loi, mais surtout selon les difficultés auxquelles les autorités auraient à faire face pour s'assurer que chaque client est bien le bon client.

Nous faisons référence à la définition du terme «exploitants» tel que décrit au chapitre I, Champ d'application, à l'article 2, au deuxième alinéa. Selon cette définition, l'obligation décrite au chapitre III, à l'article 15, à l'effet que l'existence d'un contrat de location ou de services... dans chaque véhicule d'un exploitant qui n'en est pas le propriétaire semble être la seule façon envisagée pour départir un transporteur d'un sous-traitant. Qu'adviendra-t-il si un transporteur n'émet pas de contrat de location? Est-ce que le transporteur réel échappera aussi facilement aux responsabilités que lui incombe son statut réel? Si oui, il faut absolument trouver une solution pour contrer cette échappatoire. Ce qu'on veut dire là-dedans, c'est que, selon la définition qui est au...

D'abord, j'aimerais clarifier que, nous, on représente deux types de clientèle bien distincts, en ce sens où on a parmi nos gens des sous-traitants et où on a aussi de petits transporteurs qui peuvent aller de un à 10, 15, 20 véhicules. Et puis, à la lecture du projet de loi, on constate qu'un exploitant semble être la bonne personne visée, sauf que, si on parle d'un sous-traitant, actuellement, le simple fait, pour un transporteur, de ne pas émettre de contrat de location ou de services, tel que le stipule l'article 15, pourrait facilement faire en sorte qu'un vrai transporteur échapperait aux responsabilités qui lui incombent et les transmettrait à un sous-traitant qui, lui, qu'il le sache ou non, deviendrait transporteur ou exploitant, si vous préférez.

(15 h 10)

Puis notre intention n'est pas de déresponsabiliser le sous-traitant qui, lui, sciemment ou non, porterait tout à coup le chapeau d'exploitant ou de transporteur. Cependant, ce qu'on ne veut pas, c'est que celui qui utilise cette échappatoire-là sciemment, lui, échappe à certaines règles et obligations, parce que, qu'on le veuille ou non, ça touche directement l'équité concurrentielle et que ça permet à des gens de faire du transport et de se promener sur nos routes en étant... Qu'on le veuille ou non, ils augmenteraient le risque d'une sécurité routière qui ne serait pas optimum, de ce fait. Dans ce sens-là, ça, ça nous inquiète.

Nous sommes aussi convaincus que, si ce qu'il est convenu d'appeler un courtier en transport doit obligatoirement être inscrit et responsabilisé au même titre qu'un exploitant ou, si vous préférez, un transporteur et qu'il doive aussi être coté par la Commission des transports du Québec afin que ceux d'entre eux qui contribuent sciemment ou non à encourager la délinquance et, du même coup, à diminuer la sécurité sur nos routes.... Je fais référence ici à l'image si peu imagée que M. Claude Pigeon, de l'Association du camionnage, a faite ce matin, l'existence de courtiers est un problème considérable dans l'industrie. Il y en a de très, très responsables, de très sérieux, et ces gens-là, ce n'est pas les gens qu'on vise, puis je suis convaincu que les courtiers qui sont sérieux assument leurs responsabilités. Cependant, il y a une facilité déconcertante à s'improviser courtier. Ces gens-là sont partie prenante.

Un courtier, son seul but, c'est de donner un mouvement de transport le moins dispendieux possible à quiconque sans se soucier de la conformité de la personne qui le prend. À ce titre-là, on est convaincus que ces gens-là représentent un risque. Leur comportement représente un risque sur nos routes, et nous sommes convaincus que ce type d'intervenants là, qu'on l'identifie d'une façon ou d'une autre – on parle des courtiers en transport – ces gens-là doivent obligatoirement être inscrits, encadrés, identifiés et cotés au même titre que tous les autres exploitants. Puis, à moins que la définition, au chapitre I, d'un exploitant – quelqu'un qui offre un service de transport – vienne correspondre à ça – j'en doute – on pense qu'il faut absolument s'assurer que ces gens-là soient encadrés et respectés.

Un autre point qu'il nous intéresse d'adresser, c'est concernant les frais exigés, tel que mentionné à l'article 35 de la section III. Nous sommes d'avis que les exploitants et propriétaires responsables en quête de conformité ne devraient pas avoir à débourser des sommes pour s'assurer justement de la conformité des intervenants avec lesquels ils envisagent de faire affaire. Il nous semble que les exploitants et propriétaires responsables déboursent de toutes sortes de façons des sommes considérables pour être conformes. On pense que c'est un peu contradictoire de demander à ces gens-là, en plus de prendre la responsabilité qu'ils auraient de s'assurer de prendre le temps de vérifier la cote, si on veut, des gens avec qui ils vont faire affaire, que des sommes soient déboursées. Dans ce sens-là, on pense qu'il ne devrait pas y avoir de frais de demandés pour ça.

Ça représente l'essentiel. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autre point, là, mais je pense, comme je vous ai dit tantôt, qu'il y a plusieurs éléments là-dedans. Nous, ce qui nous inquiète, c'est: on veut s'assurer qu'il n'y aura pas de façon trop facile pour les gens qui devraient et qui sont responsables, en bonne partie, du respect d'un certain degré de sécurité sur nos routes. On ne voudrait pas que ces gens-là puissent y échapper d'une façon facile. On l'a dit tantôt, c'est sûrement ce qu'il y a de plus important qui est arrivé dans le domaine du transport, au cours des 10 dernières années, puis je pense qu'on en est tous conscients. Ce serait vraiment déplorable si on passait à côté du bateau, cette fois-là.

Dans l'ensemble, on l'a dit, on le répète, l'esprit de ce projet de loi là, on en est tout à fait supporters. D'ailleurs, on a eu à émettre, il y a quelques semaines, un communiqué de presse dans lequel on mentionnait que ce projet de loi sur l'encadrement nous semblait être un pas dans la bonne direction. On est toujours du même avis, aujourd'hui. On veut cependant s'assurer de fermer la boucle complètement à ce qui nous semble être une faille à l'intérieur. Ça représente à peu près ce qu'on avait à dire sur ce projet de loi là.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Brulotte. Alors, M. le ministre, tout en vous souhaitant un heureux anniversaire de naissance, en ce 12 juin.

M. Brassard: Merci, M. le Président, de vos bons voeux. Je voudrais vous remercier aussi, M. Brulotte, de même que ceux qui vous accompagnent. Il y a M. Bernier, je pense, et monsieur...

Une voix: Masse.

M. Brassard: ...Masse. Merci de votre contribution aux travaux cette commission. Comme on a peu de temps, je vais y aller assez directement. D'abord, vous avez parlé surtout, évidemment, de toute la question du contrat de location. On en fait état à l'article 15, comme vous l'avez mentionné. Actuellement, dans la Loi sur le camionnage, ce contrat de location là est obligatoire. C'est exact?

M. Brulotte (Daniel): Exact.

M. Brassard: Or, comme on va abroger la Loi sur le camionnage qui stipule que le contrat de location est obligatoire, par contre, je dois reconnaître que, dans le projet de loi n° 430, il n'y a pas ce caractère obligatoire, même si on fait état du contrat de location. C'est votre interprétation. Je vous comprends bien? C'est ça?

M. Brulotte (Daniel): Bien, selon notre interprétation, au chapitre III, Obligations, on dit que «l'exploitant de véhicules lourds doit, lorsqu'il n'en est pas propriétaire, conserver dans chaque véhicule une copie des contrats de location ou de services». Bon. Ce qui nous inquiète, c'est qu'il serait très facile... D'ailleurs, même si présentement – on va oublier le projet de loi pour l'instant – c'est une obligation, ce que je tiens à dire, c'est que ce n'est pas toujours respecté, et puis c'est ce qui brouille un peu les cartes, présentement. Ce n'est pas respecté, pas nécessairement par les transporteurs, qui sont, on va dire, très sérieux ou très responsables; par contre, il y a une facilité déconcertante pour un transporteur...

Vous savez, ça fait déjà plus de deux ans, nous aussi, qu'on participe, à un certain niveau, avec les représentants du ministère pour regarder ça puis discuter de tout ça. Je l'ai à de nombreuses reprises mentionné à ces gens-là, que ça fait déjà deux ans, deux ans et demi qu'on voit des transporteurs qui tout à coup deviennent courtiers sciemment, et qui disent à des gens qu'ils ne sont, en réalité, que des sous-traitants, et qui disent: Bon, maintenant, vous avez vos permis, vous devenez transporteurs. Puis je répète ici qu'on ne tient pas à déresponsabiliser les gens qui se sont mis un chapeau qu'ils ne devraient peut-être pas porter, qui vivent avec les responsabilités, qui sont imputables avec le statut qu'ils ont décidé de... bien, qu'ils portent sciemment ou non. Ce qu'on veut éviter de faire, c'est éviter d'échapper celui qui profite d'un trou ou d'une mesure en ne respectant pas simplement la production d'un certain contrat de location pour dire: Bien, je ne suis pas un exploitant, ce n'est pas moi, pendant qu'en fait cette personne-là en est vraiment un, transporteur. C'est ce qui nous inquiète.

(15 h 20)

M. Brassard: Vos membres étant des propriétaires de camion-remorque indépendants, évidemment je présume que vous faites beaucoup de sous-traitance. Vous êtes des sous-traitants pour d'autres.

M. Brulotte (Daniel): Oui. Je vais tenter de vous donner un portrait assez précis, là. Probablement que 50 % de notre membership, des gens qu'on représente sont des sous-traitants. L'autre 50 %, ce sont de petits transporteurs, des gens qui portent le chapeau de transporteur sciemment et qui en assument les responsabilités avec tout ce que ça peut impliquer comme coûts.

L'inquiétude qu'on vous adresse, ce n'est pas simplement pour le sous-traitant, c'est pour s'assurer que le petit transporteur qui est aussi membre chez nous et qui, lui aussi, paie, comme d'autres transporteurs qui ne sont pas membres et qui sont membres ailleurs, le prix de la conformité ne soit pas pénalisé au niveau de l'équité concurrentielle en ayant à compétitionner ou à concurrencer, si on veut, chez un client avec un autre transporteur qui, lui, s'est déguisé en courtier qui n'a aucune responsabilité, mais qui, en fait, est un transporteur. C'est ce qu'on veut éviter. Donc, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas purement et simplement en ayant dans nos intentions le but de protéger le sous-traitant; on veut vraiment, nous, que l'industrie s'améliore, et ça ne peut se faire que si les gens qui ont un statut particulier sont clairement définis et que tous ceux qui décident de mettre un chapeau quelconque en assument les responsabilités. En même temps, ça permettra aux transporteurs qui sont des transporteurs responsables, sérieux et qui paient le prix de la conformité d'être concurrentiels sur le marché. C'est une condition sine qua non à une industrie des transports saine.

M. Brassard: Ce qui évidemment vous amène, comme, en matinée, l'ANCAI, l'ACQ puis l'Association des propriétaires d'autobus, à demander que les courtiers soient obligés de s'inscrire et soient, eux aussi, assujettis à la loi.

M. Brulotte (Daniel): Oui. Ces gens-là contribuent directement à augmenter l'insécurité sur nos routes, qu'on le veuille ou non. C'est comme ça, c'est ça, la réalité. Vous savez, c'est un peu le mandat des organismes comme nous qui sommes familiers avec ce qui se passe dans le champ, si on veut, plutôt que de regarder: Bon, bien, le transport, ça marche comme dans les livres de loi puis c'est comme ça. Je pense que c'est la raison d'être d'une relation ou d'une représentation d'organismes, tels que les nôtres, avec des gens du gouvernement qui font des exercices comme pondre un projet de loi de cette nature-là.

Je pense que toute la signification et l'importance d'interventions d'organismes comme les nôtres se tiennent là, c'est-à-dire qu'on est en mesure de vous dire: Bien, écoutez, oui, c'est bon, ça, sauf que, pour vraiment s'assurer puis respecter l'esprit de cette loi-là, il est essentiel de faire telle chose, telle chose, telle chose, parce que ce serait trop facile. Malheureusement, on a toujours déploré ça, puis d'ailleurs je me souviens d'une missive que je vous avais envoyée en janvier 1997 où je le mentionnais. C'est que c'est malheureux qu'il semble toujours y avoir des possibilités de contourner plutôt que de se conformer, et c'est, on pense, quelque chose qui est flagrant là-dedans. Puis les courtiers doivent être encadrés aussi, cotés et responsables de leurs actes.

M. Brassard: Je présume qu'il y a beaucoup de vos membres qui ont des relations avec cet intervenant en transport qu'on appelle le «courtier». C'est donc un phénomène que vous connaissez bien, et vous pouvez sans doute affirmer, comme l'affirmaient ce matin les trois associations, que c'est un phénomène en croissance.

M. Brulotte (Daniel): C'est un phénomène en croissance puis ce n'est pas un phénomène si récent qu'on semblait le laisser sous-entendre ce matin.

M. Brassard: C'est moi qui le laissais sous-entendre.

M. Brulotte (Daniel): Non, non, mais on disait: Ça semble être récent.

M. Brassard: Bien, récent dans le sens que ça fait quelques années. Ce n'est pas le cas?

M. Brulotte (Daniel): Oui, ça fait plusieurs années que ça existe, des courtiers en transport, plusieurs années. Il y a peut-être une effervescence, là. Bien, il y en a sûrement eu une, au cours des dernières années. C'est peut-être pour ça qu'on pense que c'est nouveau. Mais il y a des courtiers qui sont tout à fait responsables. Ça, on n'a pas de problème avec ça, c'est un mal nécessaire. À peu près tous les gros transporteurs aussi s'en servent de temps en temps, à l'occasion, sauf que ça ne représente pas, si on veut, 80 % ou 100 % de leurs opérations, on se comprend.

M. Brassard: Ce qui n'est pas votre cas, ce qui n'est pas le cas de vos membres.

M. Brulotte (Daniel): Bien, qui pourrait l'être dans certains cas, qui ne l'est pas toujours. Il y a certainement de nos membres qui s'en servent à 80 %, à 50 %, à 60 %. Il y a aussi de nos membres qui ont 80 % de leurs clients ou 90 % de leur clientèle directe et qui, à l'occasion, utilisent un courtier, comme tout bon transporteur. Mais ce n'est pas les courtiers irresponsables, malheureusement, puis je pense que ces gens-là, en étant responsables, n'auront pas de crainte ou d'obligation à être encadrés; au contraire, je pense qu'ils voient ça d'un très bon oeil. Ça leur permettra, à eux aussi, de faire un certain ménage dans leur industrie. Puis on est convaincus qu'un courtier, lui, son seul mandat, c'est de donner un certain transport au coût le moindre possible. Donc, la dernière de ses préoccupations, c'est de s'assurer que la personne à qui il le donne, le transport...

M. Brassard: Va se conformer.

M. Brulotte (Daniel): ...est conforme. Puis, qu'on le veuille ou non, bien, lui...

Vous savez, j'ai toujours dit: Moi, si je mets les souliers d'un expéditeur, et puis que j'ai un mouvement à faire transporter du point A au point B, et que je suis tout à fait conscient que je paie des frais de transport nettement inférieurs à ce que ça devrait, si la marchandise se rend à destination, pourquoi je paierais ce que ça prend? Puis, malheureusement, elle se rend, trop souvent, parce que les gens le font... Pour le faire à ce prix-là, ils ne sont pas conformes, à quelque part. Donc, ces gens-là deviennent une concurrence malsaine dans l'industrie, puis les gens qui, eux, paient le prix de la conformité sont nettement désavantagés, et ça représente, qu'on le veuille ou non, un accroissement du risque sur le réseau routier, c'est incontournable.

M. Brassard: M. Brulotte, je voulais poser une question bien précise: Lors de la préinscription au registre, qu'est-ce que vous pensez du pouvoir de la Commission, qu'on retrouve dans le projet de loi, d'utiliser les points d'inaptitude du transporteur avant de faire l'inscription? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Brulotte (Daniel): Pouvez-vous juste me répéter ça? Je veux bien comprendre le sens de votre question.

M. Brassard: Lors de la préinscription, le projet de loi accorde, reconnaît à la Commission des transports le pouvoir d'utiliser les points d'inaptitude, de prendre en compte les points d'inaptitude du transporteur avant de faire l'inscription. C'est toute la question, dont on a parlé avant midi, d'une certaine...

M. Brulotte (Daniel): Rétroactivité?

M. Brassard: ...rétroactivité.

M. Brulotte (Daniel): Je ne suis pas trop en désaccord avec ça, dans le sens où, je vais vous dire, je vois ça d'une façon, moi... C'est comme si on me disait: Bien, là, on ne veut pas que ce soit rétroactif parce que ce serait prendre quelque chose que j'ai fait avant de pas correct ou de non conforme puis qu'aujourd'hui ça me ferait une tache; avoir su, je ne l'aurais pas fait. En tout cas, je vois ça comme ça. Donc, moi, je n'ai pas de problème avec cette notion-là de rétroactivité. C'en est une, je pense, aux environs de l'article 161 ou quelque chose comme ça.

M. Brassard: Oui. Donc, que ce soit pris en compte, vous seriez d'accord avec ça.

M. Brulotte (Daniel): On a toujours prêché la conformité, aujourd'hui, hier et demain.

M. Brassard: Je vous remercie puis, en même temps, bien, je vous remercie aussi de la collaboration de votre Association dans tout le processus.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Brulotte, M. Masse et M. Bernier. Vous parliez avec le ministre tantôt des courtiers. En d'autres mots, ces gens-là, souvent, négocient pour les meilleurs prix possible. Mais est-ce qu'il y a un problème aussi pour se faire payer, des fois? En plus d'être obligé de négocier dur et d'avoir un prix raisonnable, est-ce que ça arrive parfois que le camionneur, le transporteur ne soit pas payé?

(15 h 30)

M. Brulotte (Daniel): Il n'y a personne de sensé qui oserait vous répondre non. Ha, ha, ha!

M. Middlemiss: C'est un gros problème? Est-ce que c'est aussi gros?

M. Brulotte (Daniel): C'est effectivement un gros problème, parce que c'est tellement facile de s'improviser courtier, avec tout ce qui s'ensuit. Je veux dire, il y a l'aspect où on ne recherchera que le prix le moins cher, donc on ne se soucie pas de la conformité des gens à qui on le donne, c'est le dernier de nos soucis. Tout ce qu'on veut, nous, en étant un intermédiaire, c'est de se glisser entre un requérant de services et celui qui l'exécute, si on veut, et puis, ah bien, tiens, on passe l'enveloppe, puis on en garde une partie, puis même des fois on la garde au complet. Bon. C'est effectivement un problème supplémentaire à la notion...

M. Middlemiss: Vous avez indiqué aussi que, de votre expérience vécue, il y en a, des courtiers qui ne refuseront pas de se faire encadrer parce que aujourd'hui ils font ça très, très bien, et il y en a d'autres, malheureusement, qui... Ceux qui ne le font pas bien aujourd'hui, peut-être qu'eux auraient des hésitations. Il me semble que vous avez indiqué ça, tantôt. Mais, dans la réalité, là – et j'aurais dû le demander ce matin aux autres qui étaient ici – une fois qu'un transporteur se fait brûler par un courtier, est-ce qu'il dit: Lui, il est sur ma «black list», je ne fais plus rien pour lui, ou est-ce qu'on continue encore à faire des travaux pour des gens qui ne sont pas trop fiables?

M. Brulotte (Daniel): Il se fait brûler. Mais c'est un grand monde, il y a bien des transporteurs. Il se fait brûler, jusqu'à un certain point. Malheureusement, il y a sûrement des gens qui, encore là, sciemment ou non, se sont mis le chapeau de transporteur, et, pour un qui se fait brûler, il y en a encore 10 qui sont prêts à se faire brûler parce qu'ils ne le savent pas. C'est un problème.

Nous, on pense que, si ça, ça se fait de la bonne façon, le ménage devrait commencer à se faire. Mais, dans les années passées, oui, il y a des gens qui se sont fait, pour utiliser votre terme, brûler, puis de nos membres. Je n'ai pas la prétention de dire que tous nos membres sont d'excellents hommes d'affaires. On aimerait qu'ils le soient, on aimerait pouvoir avoir rien que des bonnes carottes, mais, pour en envoyer rien que des bonnes, faut en avoir assez pour choisir; ce n'est pas le cas. On a vu de nos gens qui n'étaient que de bons sous-traitants et qui probablement n'avaient pas les compétences pour devenir, si on veut, transporteurs, mais qui le sont devenus de leur propre choix. Il y a des situations où les gens se le font mettre, le chapeau, sans le savoir, mais il y en a où les gens le mettent et n'ont pas les compétences pour le faire.

C'est évident que ces gens-là se font souvent influencer par des courtiers, comme on parle. Bon, qui est responsable? Je pense que tout le monde a une partie de responsabilité. Puis, je répète, on ne cherche pas, ici, à déresponsabiliser celui qui s'est mis ce chapeau-là, sciemment ou non. Il l'a mis, il ne savait pas qu'il se l'était fait mettre, qu'il assume la responsabilité qui va avec, qui sera celle de l'exploitant aussi. Mais il est primordial de ne pas échapper celui qui se sert d'une certaine facilité à contourner ce qui existe pour échapper à ses responsabilités, qui est, en l'occurrence, bien souvent, malheureusement, le courtier.

M. Middlemiss: O.K. Vous avez admis que, même au sein de votre propre Association, ce n'est pas tout le monde qui fait toujours les choses bien. Est-ce que vous croyez que, de façon générale, les gens qui font les choses moins bien, c'est peut-être des gens qui ne font pas partie d'une association?

M. Brulotte (Daniel): On ose le croire.

M. Middlemiss: O.K. Je ne veux en identifier aucune, là, mais le fait que les gens qui sont regroupés en association ont quasiment un code de déontologie ou un code de bonne pratique, les gens qui manquent à ça sont surtout peut-être des gens qui veulent y aller seuls.

M. Brulotte (Daniel): Vous savez, on a toujours défini notre mandat, nous, en trois points bien spécifiques: représenter les intérêts des gens qu'on représente au niveau gouvernemental, comme on le fait ce matin ou comme on le fait aussi à l'année longue avec les représentants du ministère; informer ces gens-là et les sensibiliser justement à c'est quoi, le transport, comment ça marche: Ce statut-là, t'as cette responsabilité-là, ce statut-là, t'as cette responsabilité-là. Malheureusement, ce n'est pas tous les gens qui se lancent dans l'industrie qui passent dans nos bureaux. Sur 10 qui passent, souvent on va en convaincre neuf de retourner soudeurs comme ils étaient avant ou quoi que ce soit. Malheureusement, ils ne passent pas tous dans nos bureaux. On aimerait. On est convaincus que, s'ils passaient tous dans nos bureaux, on serait déjà dans une meilleure situation dans l'industrie du transport, mais ce n'est pas le cas. Mais ça fait partie de notre mandat. Il n'y a pas un entonnoir qui dirige tout le monde qui veut se lancer là-dedans chez nous, malheureusement. On ose croire que ces gens-là ne sont pas membres chez nous, en grande majorité.

M. Middlemiss: Sur la rétroactivité, vous avez dit, et j'ai bien compris, que, oui, ça devrait exister parce que, vous autres, vous prêchez aujourd'hui à tout le monde: On devrait être respectueux de la sécurité, être respectueux du patrimoine routier et de toutes ces choses-là, et que, si on ne l'a pas fait aujourd'hui, bien, il va y avoir des conséquences dans l'avenir. C'est un peu ça que vous avez dit?

M. Brulotte (Daniel): C'est un peu ça que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est que je n'ai pas de problème avec ça, ce principe de rétroactivité là, parce qu'on a toujours prêché pour une industrie saine et la conformité autant hier, aujourd'hui qu'on le fera demain. À ce moment-là, bien, vous savez, je pense qu'il faut toujours... On n'est pas quelqu'un qui cherche à déresponsabiliser; au contraire, si on responsabilise tout le monde et de la bonne façon et qu'on n'en échappe pas, je pense que l'industrie ne s'en portera que mieux.

M. Middlemiss: Vous étiez probablement ici, ce matin.

M. Brulotte (Daniel): Oui.

M. Middlemiss: J'ai posé la question aux trois groupes qui étaient ici et je ne sais pas... Est-ce que vous avez témoigné à l'enquête du coroner, de M. Malouin?

M. Brulotte (Daniel): Oui, j'ai témoigné mardi matin passé, mardi de cette semaine.

M. Middlemiss: Je vais vous poser la même question: D'après vous et si vous avez suivi l'enquête, est-ce que vous croyez qu'il y a peut-être des recommandations qui viendraient du rapport du coroner et qui pourraient aider à bonifier ce projet de loi ou est-ce que vous croyez que ce projet de loi, comme nous disaient les gens ce matin, couvre pas mal qu'est-ce que tout le monde a dit ou qu'est-ce que M. Malouin lui-même aurait indiqué, à date, dans son enquête?

M. Brulotte (Daniel): Lors de ma comparution mardi matin, je n'ai pas approché cette situation-là en voulant viser soit la topographie routière, soit la condition mécanique. Ce n'est pas ça. J'ai approché le coroner en disant que le problème se situait à un niveau plus élevé: c'était justement la déresponsabilisation qui se passe un peu partout. C'est ce qui m'a amené, lors de ma comparution, à émettre des commentaires sur justement le projet de loi n° 430 à l'effet que, selon nous, si l'esprit de ce qui est avancé là-dedans et de ce qui a été avancé lors des deux dernières années de collaboration avec les gens du ministère pour pondre ça est respecté, avec quelques ajustements qui nous semblent, en tout cas, essentiels, on va éviter bien des situations qui pourraient amener d'autres tragédies comme ça, parce que c'est justement une certaine facilité ou une déresponsabilisation qui fait en sorte qu'on se ramasse avec des situations, ou des véhicules, ou des choses comme ça, ou des exploitants, ou des propriétaires qui ne font pas attention, puis on pense que, dans le sens de l'esprit de la loi, il y aura sûrement des recommandations.

Vous savez, moi, je me suis remémoré le rapport du coroner Malouin, du même coroner, en 1993, suite à quelques accidents. Si on lit l'ensemble des recommandations, vous admettrez avec moi qu'il y en a probablement plus de 50 %, 60 %, 70 % qui se retrouvent dans ça aujourd'hui, puis ça sera probablement la même chose qui va arriver là. On parlait d'encadrement, de responsabilisation et de ces choses-là, puis, quand on lit... On comprend l'esprit de la loi, ici. Quand on lit, en tout cas, les recommandations du coroner de 1993, il y en a plusieurs qui se retrouvent là-dedans.

Puis ce que je pense, c'est qu'il va sûrement y avoir des recommandations... Je ne peux pas prétendre savoir ce que le coroner va émettre comme recommandations. Ce que je dis, c'est que, si ce projet de loi là se met en place avec peut-être un peu plus d'étanchéité pour certains groupes de personnes en particulier, certains intervenants, bon, je pense qu'on collaborera à diminuer énormément les possibilités d'autres événements comme ça.

(15 h 40)

M. Middlemiss: Vous avez fait référence au rapport du coroner Malouin de 1991, 1992...

M. Brulotte (Daniel): De 1993, je pense.

M. Middlemiss: C'est plutôt en 1992-1993.

M. Brulotte (Daniel): Oui. O.K.

M. Middlemiss: Dans ce rapport, donc vous semblez être au courant des recommandations. Il y en a, des recommandations qui auraient pu être appliquées aujourd'hui selon la loi qui existe aujourd'hui et selon la réglementation d'aujourd'hui.

M. Brulotte (Daniel): Sûrement. Je vous ai dit que j'avais feuilleté ce rapport-là. On l'avait consulté, à l'époque, et, justement, avant de comparaître devant le coroner, la semaine passée, j'ai refeuilleté ça. Mais, si vous me demandez de me rappeler textuellement toutes les recommandations, malheureusement je ne peux pas. Mais probablement qu'il y en a, oui.

M. Middlemiss: De façon générale, juste de façon générale, les recommandations qui sont dans le rapport auraient pu être mises en application. En d'autres mots, peut-être que les lois existantes et les règlements existants ne sont pas appliqués avec rigueur.

M. Brulotte (Daniel): On a toujours, nous aussi, demandé l'application des règlements. Maintenant, est-ce qu'ils auraient pu l'être, appliqués, au cours des dernières années, avec plus de rigueur? Sûrement. C'est évident que ce projet de loi là ne réglera pas tout, ça devra être accompagné justement d'une application constante et permanente de ces règles-là ou on devra s'assurer qu'elles soient respectées. Sûrement que l'application des règles aurait pu être plus stricte, si on veut. Ça aurait probablement aidé, mais ça se limite à ça, je pense.

M. Middlemiss: Vous avez vu que la Société de l'assurance automobile du Québec, elle aurait établi un peu des quotas, là, hein? D'après ce qu'on me dit, fallait aller chercher un certain pourcentage d'infractions. Est-ce que vous l'avez vécu, ça, votre Association? Est-ce que vos camionneurs ont réellement vécu les conséquences de l'application... ou de ces quotas? En réalité, on regardait seulement des infractions qui n'auraient peut-être pas de conséquences énormes sur la sécurité, mais qui auraient pu être une source de revenus.

M. Brulotte (Daniel): Écoutez, ça nous est très difficile d'évaluer si nos gens ont été victimes de ça. Sûrement comme tous les autres, là, mais ça nous est difficile. Si c'est quelque chose qui est en place, on aimerait tous... En tout cas, je fais référence assez souvent à des situations qui se passent en Ontario où, bon, quand on se fait prendre, surtout avec la rigidité avec laquelle on semble contrôler, dernièrement, puis qui nous semble quelque peu, des fois, zélée ou abusive, là, on aime tous croire que c'en est, du zèle. Est-ce que c'en est ou ce n'en est pas? En tout cas, ça nous est très difficile, pour nous, d'évaluer ou de quantifier à savoir si nos gens l'ont fait. Puis, si, par contre, il y avait de telles mesures, bien, sûrement que nos gens ont été victimes comme tout le monde de telles mesures. On pense qu'il y a une différence. On est pour un contrôle constant et permanent, on n'est pas pour un contrôle qui est, si on veut, appliqué avec zèle, dans le sens où on peut ne pas être conforme par un oubli, ou quelque chose, ou un détail, des fois. Est-ce que ça, ça mérite qu'on applique ça avec rigidité ou qu'on soit plus compréhensif pour certaines choses? On pense que, oui, on devrait être plus compréhensif. Mais, vraiment, d'appliquer un contrôle efficace, là, ça, on pense que oui. Puis, assurément, on pense que ç'aurait pu être mieux, oui.

M. Middlemiss: Donc, vous êtes satisfait...

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Middlemiss: ...comme vous dites, parce que l'esprit de la loi va améliorer, nous permettre de rencontrer les objectifs de meilleure sécurité, de conservation du patrimoine et va permettre aux exploitants ou aux camionneurs de gagner leur vie de façon juste puis équitable.

M. Brulotte (Daniel): Dans l'ensemble, l'esprit de cette loi-là, avec certains réajustements, ou certains ajouts, ou certaines clarifications dont on a fait mention et dont d'autres groupes ont fait mention, qui sont tout à fait pertinents aussi, on pense que c'est un pas dans la bonne direction et que ça devrait effectivement non seulement permettre à nos gens d'avoir une meilleure industrie du camionnage, mais, dans l'ensemble, l'industrie du camionnage ne devrait que s'en porter mieux. Évidemment, ça doit se faire aussi...

Puis je tiens à réitérer ça avant de terminer. C'est que, même si d'autres juridictions ne semblent pas, en tout cas à ce jour, aller aussi loin que, nous, on le demande ici aujourd'hui, on pense que c'est probablement une très belle occasion pour paver la voie. Je pense que, quand la voie commence à être pavée, il y a sûrement d'autres gens qui vivent les mêmes problèmes que nous et qui vont être très heureux de continuer la route.

M. Middlemiss: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, MM. Brulotte, Masse et Bernier, merci pour la contribution de votre Association aux travaux de cette commission. Merci.

J'invite les représentants de l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, messieurs, bienvenue. Je vous invite à vous identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.


Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec inc. (APMLQ)

M. Grenier (Yvan): Alors, bonjour. Mon nom est Yvan Grenier, directeur général de l'Association des propriétaires de machinerie lourde. À ma gauche, il y a M. Michel Denis, qui est membre de l'Association des propriétaires de grue du Québec, maintenant affiliée à l'Association des propriétaires de machinerie lourde; à ma droite, il y a M. Richard Garneau, président de l'APMLQ; et – il est sorti pour quelques secondes – M. Fernand Boilard, le président de l'APMLQ de l'année dernière.

Le Président (M. Lachance): Très bien.

M. Grenier (Yvan): Dans un premier temps, on voudrait vous remercier de l'opportunité que vous nous avez donnée de venir vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi n° 430. On vous a distribué un petit document que je vais vous lire, qui résume bien la position de l'APMLQ.

Alors, l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec (APMLQ) regroupe depuis maintenant 32 ans près de 400 entreprises réparties à travers tout le Québec. Ces entreprises sont majoritairement des PME, et elles oeuvrent dans les différents secteurs d'activité suivants: déneigement provincial et municipal, excavation, transport en vrac, exploitation de bancs de gravier, entretien d'infrastructures, gérance et sous-traitance pour la construction d'infrastructures, aqueduc et égout. Donc, comme vous pouvez le constater, ces entreprises ont à travailler de façon très polyvalente dans tous les secteurs d'activité reliés à la machinerie lourde.

De ce fait, nos membres sont très touchés par les lois et règlements touchant le transport et le déplacement des équipements lourds. De plus, au début de 1998, l'Association des propriétaires de grue du Québec (APGQ) a conclu avec l'APMLQ une affiliation comprenant des ententes de services, et nous représentons donc, depuis ce temps, les intérêts des ses membres. L'APGQ regroupe les principaux intervenants de cette industrie spécialisée.

Notre présentation se déroulera donc en trois étapes. Première étape, le projet de loi: ses objectifs, ses limites, ses moyens d'application. Deuxième étape, les véhicules-outils et les grues. Et, finalement, la conclusion.

Le projet de loi: ses objectifs, ses limites, ses moyens d'application. Les membres de l'APMLQ sont régis depuis plusieurs années par le Code de la sécurité routière, la Loi des transports, le règlement sur les permis spéciaux et toutes les réglementations qui se sont ajoutées au fil des années dans le but d'accroître la sécurité du public et la protection du réseau routier. Tous ces règlements ont alourdi les obligations des transporteurs, mais le but poursuivi en vaut la peine et reçoit notre appui.

Un des problèmes majeurs soulevés par beaucoup de nos membres a toujours été relié au fait que trop d'illégaux circulent sur nos routes au détriment des bons transporteurs qui agissent en bons pères de famille. Ces illégaux contribuent à augmenter les risques d'accident, à détruire nos infrastructures et à créer une compétition malsaine. Dans ce contexte, le projet de loi n° 430 nous apparaît, dans ses buts et objectifs, un pas dans la bonne direction. Cibler les contrevenants à répétition est très certainement en accord avec la philosophie de nos membres, en autant que les règles sont connues de tous et appliquées uniformément à tous.

(15 h 50)

Trop souvent, nos lois visent les contrevenants mais s'appliquent d'abord et avant tout aux gens en règle. La loi devient alors inefficace et se transforme peu à peu en un système de taxation indirecte. La forme actuelle du projet de loi et les mécanismes d'application prévus nous laissent perplexes sur la capacité des effectifs en place à appliquer rigoureusement le nouveau système administratif tout en s'assurant de pénaliser les vrais délinquants.

Beaucoup d'éléments quant à la cote et à ses critères sont inconnus, et il serait important que l'industrie participe à l'élaboration de ces critères afin d'en assurer le réalisme et l'applicabilité à long terme. L'échec du précédent système de pointage devrait nous guider vers la prudence et la concertation.

Le projet de loi définit maintenant les transporteurs en deux groupes distincts, soit les propriétaires et les exploitants de véhicule lourd. Cette distinction nous apparaît à propos et clarifie les responsabilités de chacun. Cependant, lors des rencontres de consultation et d'information tenues l'an dernier, les représentants de la Société de l'assurance automobile du Québec et du ministère des Transports nous avaient fait une belle démonstration du concept de coresponsable qui se devait de faire partie du nouvel encadrement du transport routier. Qu'est-il advenu de ce concept? Ces coresponsables, que l'on définit normalement comme des courtiers, sont de plus en plus actifs au Québec, et leurs responsabilités se doivent d'être reconnues afin de pouvoir pénaliser et contrôler les délinquants. Nous considérons que le concept de coresponsable se doit de faire partie de l'encadrement, et ce, dans les meilleurs délais; il y va de la sécurité du public et de la protection de nos infrastructures. Il est urgent de s'attaquer aux délinquants parmi ces coresponsables.

Les véhicules-outils et les grues. Le projet de loi n° 430 introduit une nouvelle définition de la catégorie véhicules-outils, qui deviendra la seule catégorie à être exclue du nouvel encadrement et de ses obligations. Cette nouvelle définition fixe trois critères essentiels pour être reconnu comme véhicule-outil: le véhicule ne doit pas être monté sur un châssis de camion, le véhicule doit être fabriqué pour exécuter un travail puis le poste de travail doit être intégré au poste de conduite du véhicule. En appliquant strictement cette définition, la SAAQ nous confirme que les grues mobiles sur pneus feront dorénavant partie des véhicules lourds inclus dans l'encadrement.

Depuis plusieurs années, les grues sont définies et identifiées comme véhicules-outils. Leur conception et leur design n'en font certainement pas un véhicule bâti sur châssis de camion conventionnel. Leur but est strictement un travail spécifique, et leur déplacement sur la route n'est que pour se rendre d'un lieu de travail à l'autre. En aucun temps ce véhicule-outil ne peut être utilisé à d'autres fins qu'à celles pour lesquelles il a été conçu. Les grutiers du Québec sont déjà très sévèrement régis par les règlements des permis spéciaux qui les obligent déjà à effectuer leurs déplacements adaptés aux conditions du permis, et ce, en toute sécurité. Le bilan de sécurité des grutiers est des plus enviables, et leurs courts et rares déplacements ne sont sûrement pas une préoccupation majeure de sécurité sur nos routes.

Pour ce qui est de la protection du réseau, le règlement sur les charges et dimensions est déjà appliqué et respecté par les grutiers. De plus, à l'article 2.15.7.2 du Code de sécurité pour les travaux de construction, il est prévu que toutes les grues mobiles utilisées au Québec soient conformes à la norme ACNOR Z150-1974, norme de vérification qui prévoit, entre autres, des dispositions concernant les règles d'inspection, de vérification, d'entretien et de réparation afin de régir l'ensemble des opérations du domaine des grues mobiles et ainsi d'accroître grandement la sécurité.

Nous désirons aussi vous rappeler que, en décembre 1995, la Commission de la santé et de la sécurité du travail déposait un projet de règlement devant obliger les grutiers à des inspections quotidiennes de leurs équipements tant pour le travail que pour la circulation. Ce projet de règlement est prévu pour représentation et adoption à l'automne 1998. Ce projet de règlement prévoit la mise en place d'un carnet de bord journalier pour chaque grue, tant pour l'appareil de levage que pour le transporteur. Comme vous pouvez le constater, il nous apparaît donc que le fait d'inclure les grues au nouvel encadrement du transport ne fait que dédoubler les exigences pour un secteur d'activité déjà très réglementé de par sa spécificité et n'apporte aucune amélioration, tant pour la sécurité du public que pour la protection du réseau routier.

En conclusion, maintenant, le projet de loi n° 430 est un pas dans la bonne direction et il reçoit l'appui de l'APMLQ et de l'APGQ dans son ensemble. La sécurité du public et la protection du réseau routier se doivent de demeurer la priorité de tous ceux qui partagent la route. Nous vous réitérons cependant que nous croyons que les éléments suivants se doivent d'être tenus en compte: premièrement, le coresponsable doit faire partie de l'encadrement, et ce, le plus rapidement possible; deuxièmement, les moyens d'application doivent être suffisants pour que la loi puisse s'appliquer à tous et ainsi être équitable; troisièmement, les grues mobiles sur pneus doivent être reconnues comme véhicules-outils, compte tenu de leur spécificité et de toutes les obligations déjà en place dans leur secteur d'activité. Nous vous remercions encore une fois de l'opportunité que vous nous avez donnée d'exprimer nos positions et souhaitons que vous donnerez suite à nos commentaires. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Grenier. M. le ministre.

M. Brassard: Bien, je vous remercie, M. Grenier. Je remercie également M. Garneau, M. Boilard, M. Denis d'avoir accepté notre invitation. Je vois que M. Denis, qui vous accompagne, est président de l'Association des propriétaires de grue du Québec...

M. Grenier (Yvan): Il est vice-président.

M. Brassard: ... – il est vice-président – qui est une association affiliée. Est-ce que c'est récent, l'affiliation?

M. Grenier (Yvan): En janvier 1998.

M. Brassard: Bon. Je constate, M. Grenier, que plusieurs de vos demandes correspondent à des demandes faites également par d'autres partenaires, d'autres intervenants pas plus tard que tout à l'heure ou en matinée. En particulier, il m'apparaît très clair qu'il se dégage un consensus évident pour faire en sorte que cet intervenant qu'on appelle le «courtier en transport», qui ne possède pas lui-même de flotte ou de camion et qui est de plus en plus actif au Québec, comme vous le dites dans votre mémoire... Donc, il m'apparaît évident que, vous aussi, vous réclamez que, dans la loi, dans le projet de loi, ces courtiers soient désormais obligés de s'inscrire au registre et soient donc assujettis à la loi. Ça vous apparaît être – permettez l'expression – un trou dans la loi, et, comme les autres, vous souhaitez que ce trou-là soit comblé.

Cependant, je voudrais vous poser une question qui me laisse, moi aussi, perplexe, parce que vous êtes perplexe et que, moi, je suis perplexe devant votre affirmation – ha, ha, ha! – lorsque vous dites, d'entrée de jeu: «La forme actuelle du projet de loi et les mécanismes d'application prévus nous laissent perplexes sur la capacité des effectifs en place à appliquer rigoureusement le nouveau système administratif tout en s'assurant de pénaliser les vrais délinquants.» Donc, vous êtes d'accord avec les objectifs poursuivis: sortir les délinquants. Les identifier, sortir les délinquants, je pense que c'est ça, les objectifs avec lesquels tout le monde est d'accord, avec raison. Il y a un consensus unanime là-dessus, mais j'aimerais que vous soyez plus explicite relativement à votre perplexité.

M. Grenier (Yvan): Bien, disons que les membres nous ont fait part que la loi actuelle et les règlements actuels qui sont appliqués par les agents de la SAAQ, il semble que, sur le terrain, ce soit difficile d'application déjà aujourd'hui et que, là, on va ajouter un élément supplémentaire de vérification, et on se pose la question sur l'efficacité qu'auront les vérifications.

L'autre élément qu'on nous rapporte souvent, à l'Association, ça a rapport avec la taxe indirecte, si on veut. On a souvent l'impression qu'il est beaucoup plus facile de vérifier des entreprises qui sont bien affichées au grand jour et avec une certaine solidité financière que de piéger les délinquants qui opèrent avec de très petits effectifs. Donc, souvent les lois et les règlements qui sont là sont beaucoup plus appliqués aux gens qui, de façon générale, sont en règle, parce qu'ils sont faciles à trouver, faciles à identifier. C'est les commentaires qu'on a reçus de nos membres, c'est-à-dire que le vrai délinquant, lui, il réussit toujours à se faufiler. Alors, si les effectifs demeurent les mêmes et les moyens d'application demeurent les mêmes qu'avec le règlement actuel ou avec les lois actuelles, on se pose la question sur le suivi à long terme qu'aura cette nouvelle réglementation et sur l'efficacité à piéger les vrais délinquants.

(16 heures)

Quand je parlais de taxation indirecte, c'est que souvent on applique les règles... Lorsqu'on colle un camion sur le bord du chemin et qu'on se décide de trouver quelque chose, on va trouver quelque chose. On se pose la question: Avec ce nouvel encadrement-là, est-ce qu'on s'attaquera aux vrais délinquants ou si ce ne sera pas une nouvelle façon d'appliquer un nouveau règlement qui va encore s'attaquer au bon père de famille, mais qui ne peut pas être parfait tout le temps? C'est un petit peu ça, le message que mes membres voulaient qu'on passe. Je ne sais pas si je suis assez clair.

M. Brassard: Oui, oui, je comprends. Mais, comme vous avez été impliqué, quand même, vous aussi, dans le processus d'élaboration de ce projet de loi, vous reconnaîtrez que l'un des objectifs de ce nouvel encadrement, c'est justement de pouvoir en arriver, avec l'enregistrement, le registre plus le mécanisme d'évaluation nous permettant de donner une cote de sécurité aux exploitants et aux transporteurs, à ce que, à partir de ce mécanisme et de ce système, on puisse justement les identifier, les délinquants. Et, les ayant identifiés, c'est à ce moment-là que les actions vont pouvoir être effectivement ciblées sur les délinquants.

Alors, moi, je ne le sais pas. En même temps, vous me faites un message de la part de vos membres. J'ai presque envie de vous dire: Faites donc un message à vos membres aussi sur le véritable objectif, la véritable orientation du projet de loi. Si ce qu'on a mis dans le projet de loi, ce qu'on retrouve dans le projet de loi a du sens, si, comme ça semble être un large consensus, on réussit à atteindre l'objectif visé, c'est-à-dire être en mesure d'identifier les délinquants... Puis il n'y en a pas 50 %. Moi, je suis de ceux qui pensent qu'il n'y en a pas 50 %. Il y en a un pourcentage, mais qui n'est pas majoritaire. Mais c'est en mettant en place ce nouvel encadrement du transport routier qu'on va pouvoir les identifier. Et, les ayant identifiés, les actions vont porter sur les délinquants. On va les référer à la Commission des transports pour les sortir du réseau, les évincer, leur enlever le droit de circuler, ultimement, s'ils ne se corrigent pas puis s'ils ne s'amendent pas.

Par contre, je conviens avec vous que, bon, on a souvent des commentaires sur les contrôleurs routiers: Les effectifs sont-ils suffisants? Je sais qu'on a souvent ces commentaires-là. Mais, à partir du moment où on va fonctionner de la façon dont c'est prévu dans le projet de loi, il me semble, à ce moment-là, que justement tout le système du contrôle routier va pouvoir orienter son action vers – ce que tout le monde souhaite, d'ailleurs – les véritables délinquants.

M. Grenier (Yvan): C'est également notre souhait. Là-dessus, on se rejoint.

M. Brassard: Mais vous avez raison de signaler cependant qu'un projet de loi, c'est important de s'entendre ensemble, tous les partenaires, sur ses objectifs, sur ses orientations, sur ses mécanismes, sur les instances et les rôles que ces instances-là vont jouer, sur les missions qu'elles vont accomplir. Ça, c'est vrai. Mais c'est vrai aussi qu'il faut que l'application de ce projet de loi là soit la plus efficace possible, si on veut atteindre les objectifs qu'on s'est fixés, je le reconnais volontiers.

Mon autre question est vraiment plus pointue, ça porte sur la dernière partie. Vous dites que les grues devraient être exemptées et considérées comme des véhicules-outils. C'est ça, votre revendication. Si j'ai bien compris ce que vous nous dites, les grues, actuellement, d'abord, ça ne fait pas de longues distances. Je pense que c'est vrai. Mais, actuellement, vous dites: Ces équipements-là sont assujettis à des contrôles, doivent respecter un certain nombre d'exigences en vertu d'un certain nombre de lois ou de règlements, ce qui fait que ce n'est pas requis ou utile de les assujettir à la Loi sur les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. C'est ça, votre thèse. Est-ce que vous pourriez l'expliciter davantage? Autrement dit, qu'est-ce qui différencie les grues d'autres véhicules qui sont visés, comme les camions des foreurs de puits, les camions-nacelles d'Hydro-Québec? Qu'est-ce qui fait que les grues sont des véhicules différents de ceux-là et ne devraient pas être assujettis à la loi?

M. Grenier (Yvan): Je vais passer la parole à M. Denis, notre spécialiste.

M. Brassard: À votre expert de grues.

M. Grenier (Yvan): Exact.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Denis (Michel): Évidemment, vous comprendrez que notre Association s'est affiliée avec l'Association des propriétaires de machinerie lourde en raison, d'une part, du fait que, comme association, le membership étant peu nombreux – les propriétaires de grue au Québec ne sont pas extrêmement nombreux – le volume n'est pas très significatif. Notre Association a été formée tout récemment, c'est-à-dire en 1988, et une des raisons pour lesquelles l'Association avait été créée à l'époque, en 1988, c'était justement pour défendre les intérêts de ses membres, compte tenu de l'introduction de mesures significatives au niveau d'une nouvelle réglementation visant les charges et dimensions qui, à l'époque, a fait l'objet de beaucoup de représentations. Cette démarche-là a amené l'Association des propriétaires de grue et ses membres à collaborer de façon extrêmement étroite avec le ministère des Transports et la SAAQ pour trouver des modus vivendi concernant l'utilisation des grues au Québec, compte tenu de la problématique du transport de véhicules de dimensions surdimensionnelles.

Dès le départ, nous avons toujours considéré que les grues ne devaient pas être considérées comme étant des transporteurs, contrairement à un autre genre de véhicule qui peut transporter des objets autres que son équipement de travail. Alors, évidemment, on veut être logiques dans notre raisonnement. Depuis le début de la formation de notre Association jusqu'à aujourd'hui, on prétend encore avoir la même ligne de pensée et on considère que les grues ne sont pas visées comme étant des transporteurs au titre qu'on l'entend, comme un transporteur d'objets ou un transporteur de personnes.

Je voudrais vous souligner au départ aussi que, comme membres, comme exploitants, si on veut, la plupart sinon la totalité des entreprises qui sont dans le domaine des grues ont des équipements autres que des grues qui font qu'ils devront de toute façon se plier aux exigences du projet de loi n° 430, en ce sens qu'ils devront s'enregistrer. Quand je dis «des équipements autres que des grues», la plupart possèdent des camions de transport, des camions d'accessoires, et les compagnies de grues possèdent également ce qu'on appelle un camion-flèche qui, lui, est une petite grue, si on veut, mais est considéré comme étant un camion. Donc, il est assujetti déjà aujourd'hui à la Loi sur les transports et est déjà assujetti à la réglementation qui existe.

Les compagnies qui sont propriétaires de grue devront de toute façon être inscrites et ne sont pas soustraites en totalité à l'application du projet n° 430, sauf qu'une partie – ce qu'on considérait être un droit acquis, si on veut – de nos équipements étaient toujours considérés comme étant des véhicules-outils, et on voudrait que ces véhicules continuent à être désignés comme étant des véhicules-outils. C'est la grue qui, de par son concept, d'elle-même, ne peut pas transporter autre chose que son équipement de travail.

Je suis conscient que ce sont des équipements qui vont sur la route – il est exact, c'est des équipements qui vont sur la route – mais ces équipements-là, pour la plupart, font l'objet d'une émission de permis spécial pour circuler sur la route de la part du ministère des Transports ou de la SAAQ. Ces équipements-là, pour une partie également, sont sujets à une réglementation sur les poids et dimensions qui fait qu'une partie de ces équipements-là sont sujets à un suivi par escorte – escorte même policière, de temps en temps – pour être en mesure de circuler. On a des réglementations ou des contraintes au niveau du temps de transport: certains équipements ne peuvent voyager que la nuit. Donc, déjà là, on a une situation de contrôle qu'on considère être sécuritaire parce qu'il y a plusieurs sources de sécurité qui sont jointes aux équipements. Donc, dans ce sens-là, on est déjà réglementés, d'une certaine façon, et une autre loi qui va suivre va aussi faire en sorte que la ronde de sécurité qu'on connaît au niveau du projet de loi, indirectement, là, qui va s'appliquer, elle se fait ou se fera par le véhicule du règlement sur la sécurité du travail, c'est-à-dire la CSST.

(16 h 10)

On a deux situations où on voudrait peut-être conserver nos droits acquis et faire en sorte que nos grues, qui font un tout, soient considérées comme étant un véhicule-outil et non pas ce qu'on va appeler dans le futur un véhicule de transport d'équipement. Et, évidemment, il y a de rattaché à cette situation-là un élément coûts parce qu'on nous a déjà informés que, à partir du moment où le véhicule-outil va devenir un véhicule de transport d'équipement, bien, il y aura des coûts additionnels qui vont s'y rattacher, et on considère que déjà nos coûts sont suffisamment importants, compte tenu du fait que, comme je vous l'ai signalé tantôt, un, on se doit d'avoir un permis d'immatriculation pour circuler sur les routes et que, en plus, ça nous prend des permis spéciaux qui sont des permis annuels, qui sont des permis mensuels, qui sont des permis unitaires, qui sont des permis qui n'ont qu'une durée de sept jours. Donc, pour un même équipement, déjà on a une surimposition des permis de transport sur nos routes. Et, comme vous l'avez mentionné, nos équipements ne circulent pas de façon significative sur les routes au Québec. Alors, devant tous ces éléments-là, on voudrait considérer que l'acquis que nous avions, on puisse le conserver.

Le Président (M. Lachance): Votre temps est déjà écoulé, M. le ministre.

M. Brassard: Ah! bon. Je «pourrais-tu» donner juste une petite remarque? Simplement pour bien comprendre que, vous aussi, comme d'autres, vous demandez à ce que vous soyez consultés quant aux mécanismes d'évaluation mis au point par la Société de l'assurance automobile et qu'une large diffusion ou information de ce mécanisme se fasse auprès des intéressés.

M. Denis (Michel): Oui, définitivement.

M. Brassard: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: On va revenir sur les grues. Votre préoccupation, c'est qu'aujourd'hui vous avez un statut. Il y a quelqu'un qui veut le changer, ce statut-là? Est-ce que c'est ça, là? Est-ce qu'on voudrait maintenant vous obliger à payer encore plus cher pour être licensés ou des choses comme ça, ou vous vous objectez à ce qu'on fasse les vérifications sur les grues?

M. Denis (Michel): On ne peut pas s'objecter à ce qu'on fasse des vérifications sur les grues. Je peux parler pour notre entreprise, là, mais je pense que les autres membres ont la même préoccupation. Mais, comme je vous ai mentionné, on est d'accord avec le principe qu'on se doive d'avoir à circuler sur les routes au Québec avec des équipements adéquats – le principe – sauf que, évidemment, on n'a pas le même volume de transport vis-à-vis des autres industries de camionnage, que ce soit du camionnage en vrac, que ce soit du camionnage routier, du camionnage de transport de personnes. On n'est pas dans la même configuration au niveau du transport. Si je vous disais que nos équipements peut-être feront 4 000 km, 5 000 km, 6 000 km par année sur la route puis qu'on paie les mêmes droits que celui qui fait 100 000 km puis 200 000 km par année, alors c'est certain qu'on n'a pas les mêmes configurations. Évidemment, on a une préoccupation aussi...

M. Middlemiss: Monsieur, la question: C'est quoi, la conséquence pour vous autres si on change la définition? Quel préjudice ça va vous causer?

M. Denis (Michel): On va augmenter les frais d'immatriculation annuellement sur chacun des équipements.

M. Middlemiss: D'accord. Et est-ce que vous avez une idée de grandeur?

M. Denis (Michel): On nous a signalé plus ou moins 175 $ par équipement.

M. Middlemiss: Donc, juste en définissant différemment votre grue, qui aujourd'hui est soumise à toutes les exigences de sécurité, vous êtes obligés d'avoir un permis spécial; là, ça vous coûterait encore plus que ça, et c'est ça qui vous préoccupe. Vous êtes prêts à rencontrer toutes les exigences de la sécurité, du respect du patrimoine puis toutes ces choses-là, mais ça va vous coûter plus cher. C'est ça, votre problème, réellement.

M. Denis (Michel): En partie, c'est ça, notre problème. Puis l'autre partie, c'est que, évidemment, on a un vécu concernant l'application de la règle d'émission des nouveaux permis de circulation. C'est un autre volet, mais, par expérience, on doit dire qu'on n'est pas satisfaits du travail qui se fait actuellement. Alors, qu'est-ce qui va se passer au niveau de la vérification des équipements lorsqu'ils seront arrêtés sur des postes de contrôle? On a une certaine réserve; je pense que ça a été mentionné aussi précédemment. On a cette même préoccupation-là.

M. Middlemiss: Donc, M. Denis, c'est la Société de l'assurance automobile du Québec qui vous a indiqué qu'il y aurait une augmentation de votre immatriculation pour ça, et vous êtes en train de sensibiliser le ministre et de dire: Regardez, là, ça va nous coûter plus cher. C'est un peu ça?

M. Denis (Michel): Bien, c'est sûr qu'il y a plus de frais, puis, évidemment, pour nous, ça va entraîner un dédoublement des coûts de vérification ou d'entraînement, d'opération aussi. Mais, définitivement, on nous a signalé qu'il était pour y avoir des augmentations de coûts. Alors, on considère que notre industrie est suffisamment... Depuis les dernières années, là, les cinq, six, huit dernières années, on est obligés de faire d'énormes investissements pour se plier aux exigences des poids et dimensions sur la route, alors on pense qu'on a fait notre part, pour le moment.

M. Middlemiss: Est-ce qu'on vous a indiqué, si vous étiez obligés d'être immatriculé, qu'on ne vous chargerait plus de permis spéciaux?

M. Denis (Michel): Non, on n'a jamais fait part de cette information-là.

M. Middlemiss: Si c'était le cas, qu'en échange on dirait: Maintenant, vous allez être immatriculés, mais vous ne serez plus obligés de payer pour les permis spéciaux, qu'est-ce qui serait avantageux pour vous?

M. Denis (Michel): Je ne suis pas en politique, là.

M. Middlemiss: Ah! non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Middlemiss: Non, je comprends. C'est pour ça que j'ai posé la question, en d'autres mots. O.K., c'est bien. C'est tout pour les grues.

Maintenant, vous avez indiqué dans votre mémoire, à la page 5, concernant les coresponsables, que le ministère ainsi que la Société vous avaient fait une belle démonstration du concept. Quelle était cette démonstration-là? Qu'est-ce qu'on a donné comme exemple qui vous fait réaliser aujourd'hui que ce n'est pas nécessairement dans le projet de loi?

M. Grenier (Yvan): Il y a un an, on avait eu une rencontre de discussion et de présentation sur le projet de loi, et on nous avait présenté des acétates qui nous faisaient part, finalement, des deux définitions qu'on retrouve aujourd'hui dans le projet de loi, soit l'exploitant et le propriétaire – ils ne s'appelaient pas exactement comme ça, à l'époque – et on nous ajoutait la notion de coresponsable qui nous apparaissait, effectivement, boucler la boucle pour vraiment bien encadrer tout ça. Tout à coup, lorsqu'on a consulté le projet de loi, on a découvert que c'était disparu de la circulation, finalement, le... Alors, nous, on pense qu'effectivement le coresponsable est très important parce que souvent ça nous conduit à de la délinquance chez des gens qui ne voudraient pas en faire. Pour faire circuler des équipements et prendre des commandes, le coresponsable ou le courtier va souvent donner une information erronée, donc mettre le transporteur, ou le propriétaire, ou l'exploitant dans une situation de délinquance, mais à son insu; sauf que, lorsqu'il se fait arrêter sur le bord du chemin ou à la balance, c'est lui qui se fait ramasser, et on trouvait que, dans la présentation initiale, c'était rempli de bon sens. Sur le comment ça allait se faire, bien, là, ça...

Alors, on nous a expliqué, cette semaine, lors d'une rencontre, que c'était un petit peu trop compliqué de venir inclure ça dans le projet de loi. Nous, on pense que ce n'est pas si compliqué que ça puis que ça devrait se faire. Mais, la mécanique exacte, on ne la connaît pas.

M. Middlemiss: Juste une question. Vous parlez de courtier. Quand je regarde les activités dans lesquelles vous êtes impliqués, dans laquelle des activités ou lesquelles vous seriez obligé ou vos membres seraient obligés de faire affaire avec un courtier?

M. Grenier (Yvan): Ce n'est quand même pas la majorité de nos membres, là, mais on a des membres qui font du transport général aussi, mélangé à leurs activités de transport de neige ou... Alors, souvent, par exemple, une entreprise va vouloir déménager une machine ou a produit une grosse machine puis a besoin d'un camion un peu spécial pour la transporter; elle fait appel à un de mes membres. Le courtier appelle, dit: J'ai une machine de 45 000 lb à déménager à tel endroit. Alors, mon membre envoie un équipement pour déménager une machine de 45 000 lb. Il embarque une machine de 70 000 lb parce qu'il n'y a pas de balance sur place, se fait vérifier en cours de route ou arrête à une balance et devient contrevenant. Ce n'est jamais le courtier qui va être en cause, pas plus que le propriétaire qui a expédié le matériel. Alors, nous, on pense que le transporteur ne devrait pas avoir à subir ça, que ça devrait être le coresponsable, à tout le moins, qui ramasse une coresponsabilité s'il ne ramasse pas toute la responsabilité. Faudrait apprendre à ces gens-là à devenir plus responsables de leurs actes.

M. Brassard: Ça va être le cas.

M. Middlemiss: Je pense que le ministre a indiqué, au début, hein, qu'il voulait faire ça. En tout cas, si vous avez des commentaires, faites-les.

M. Brassard: Oui, puis l'exemple que vous donnez là, ça va être le cas. L'exemple que vous donnez, quelqu'un qui donne un faux renseignement – l'équipement transporté, au lieu de 45 000 lb, est à 65 000 lb – il va être coresponsable. L'article 131.

M. Grenier (Yvan): Sauf que l'article 131 le prévoit à un niveau légal, si on veut. Alors, là, il faut qu'il ait toute une...

M. Brassard: Il est passible de la même peine que le contrevenant. Ça, c'est quelqu'un qui fait faire du transport et qui donne un faux renseignement, par exemple, puis là il y a contravention: il va être partie prenante. Le courtier, ça, vous avez raison, il n'y a rien dans la loi là-dessus.

(16 h 20)

M. Grenier (Yvan): C'est ça.

M. Brassard: Alors, là, ça, ça va nous conduire à des amendements.

M. Grenier (Yvan): Parfait.

M. Middlemiss: Votre préoccupation, c'est que, selon l'article 131, va falloir prendre des procédures. En d'autres mots, ce n'est pas automatique, là. C'est ça, votre préoccupation.

M. Grenier (Yvan): Exact. Entre autres, ce n'est pas automatique, puis, en plus, le courtier n'est pas prévu là-dedans. Il n'y a pas d'automatisme. Puis, quand le camion se fait coller sur le bord de la route, il n'y a pas de façon de savoir qu'il y a un courtier d'impliqué là-dedans puis il n'y a pas de façon non plus d'appliquer la réglementation au courtier, dans le moment.

M. Middlemiss: O.K. Donc, vous autres aussi, comme la plupart des groupes qui ont passé aujourd'hui, vous êtes d'accord avec le principe, sauf qu'il y a certaines modalités dont vous voulez qu'elles s'ajustent pour que, dans son application, ça ne crée pas de fouillis, que, s'il y a un courtier ou s'il y a un coresponsable, automatiquement vous ne soyez pas obligés de passer par les cours de loi pour être capables de dire: Regarde, on est mutuellement ou individuellement responsables pour chacune de nos actions. En d'autres mots, c'est ça que vous voudriez qui soit clair pour que ça soit bien facile d'application.

Je vais vous reposer la même question: Au moment où la Société de l'assurance automobile du Québec a établi un peu des quotas pour les infractions, a demandé d'atteindre un certain objectif de 70 %, ainsi de suite, est-ce que vos membres ont senti ça dans le champ? Et, si oui, est-ce que c'étaient des infractions qu'on peut considérer comme graves ou si on s'occupait plutôt des infractions mineures?

M. Grenier (Yvan): Bien, ça, ça reprend un petit peu ce que je mentionnais tout à l'heure, de s'attaquer aux vrais délinquants. Ce que vous mentionnez, les quotas puis ces choses-là, je n'ai pas eu de commentaires là-dessus, sauf que souvent le commentaire qu'on reçoit, c'est qu'on s'acharne... Quand je vous disais tout à l'heure de coller un camion sur le bord de la route, quand on cherche comme il faut, on va toujours trouver quelque chose pour ne pas qu'il reparte patte blanche, finalement. Alors, on a senti qu'effectivement, lorsqu'un contrôleur routier arrête ou inspecte un véhicule, il trouvera toujours quelque chose à redire, puis c'est facile parce que c'est de la mécanique, là. Il y a toujours un petit quelque chose en quelque part qu'on peut trouver sur un camion, c'est rarement parfait à 100 %. Mais je n'ai pas eu de commentaires sur ce que vous me dites, en particulier sur l'aspect quotas.

M. Middlemiss: Est-ce que vous avez témoigné à l'enquête du coroner, de M. Malouin?

M. Grenier (Yvan): Non.

M. Middlemiss: Vous ne serez pas là non plus pour témoigner?

M. Grenier (Yvan): On n'a pas été invités.

M. Middlemiss: O.K. Est-ce que vous auriez voulu être invités?

M. Grenier (Yvan): Ha, ha, ha! Pas spécialement.

M. Denis (Michel): On a été évités.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Middlemiss: Je vais vous poser la même question: Si vous n'avez pas suivi le déroulement de l'enquête, est-ce que vous croyez que les recommandations qui pouvaient venir – même s'il y a énormément de recommandations qui sont déjà dans le rapport qui existe depuis 1992... Est-ce que vous croyez que ce serait sage pour le ministre de regarder peut-être la possibilité d'attendre d'avoir ce rapport-là ou est-ce que, comme les autres groupes, vous croyez que le plus tôt on peut passer le projet de loi, mais en apportant les changements que tous et chacun suggèrent pour bonifier la loi... Est-ce que vous êtes comme les autres groupes: le plus tôt possible, mais avec les changements que vous désirez voir?

M. Grenier (Yvan): Exactement. On pense que, à un moment donné, il ne faut pas attendre d'attendre d'attendre, là. On devrait passer à l'action, dans ce cas-là, mais en s'assurant d'avoir pris bonne note de toutes les suggestions qui ont été faites en commission aujourd'hui.

M. Middlemiss: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Grenier, M. Denis, M. Garneau, M. Boilard, pour la contribution de votre Association aux travaux de cette commission.

Il nous reste, s'il y a des remarques préliminaires, c'est-à-dire des remarques finales... Préliminaires, ça fait un bout de temps que c'est passé. M. le ministre.

M. Brassard: Oui, simplement pour vous dire, M. le Président, puis dire également aux membres de cette commission que cette consultation nous sera fort utile pour apporter un certain nombre de modifications ou d'amendements au projet de loi de façon à ce que le projet de loi corresponde davantage encore aux demandes de l'industrie, aux attentes de l'industrie. Alors, je pense que ça a été un exercice utile, et ça devrait – non seulement ça devrait, ça va – dans bien des cas, prendre la forme d'amendements.

Et j'ai l'intention, d'entrée de jeu – je pense que c'est mardi qu'on devrait amorcer l'étude détaillée – dès le départ, de déposer l'ensemble des amendements que je compte apporter au projet de loi plutôt que d'attendre que l'article soit appelé, de telle sorte qu'on ait en partant une idée de ce que j'ai l'intention d'apporter comme amendements puis que l'industrie, les députés, l'opposition soient aussi bien informés avant même qu'on commence l'étude détaillée.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Merci. Je remercie tous les gens qui sont venus aujourd'hui et la semaine dernière nous faire des suggestions dans le sens de vouloir bonifier le projet de loi, d'avoir un projet de loi qui va nous assurer une plus grande sécurité sur nos routes, qui va nous permettre de respecter et de conserver le patrimoine routier et aussi permettre d'avoir une saine concurrence dans le domaine des transports.

Il semblerait, M. le Président, que c'est un peu ça, le problème, c'est le fait que les gens doivent gagner leur vie. Des fois, ils sont soumis à des règles du jeu qui les forcent à accepter, pour être capables de gagner leur vie, peut-être un transport à un prix qui est ridicule. À ce moment-là, pour réussir à le faire, ils doivent prendre les moyens, soit surcharger ou faire de longues heures, et malheureusement ça finit souvent par des tragédies sur notre réseau routier.

Donc, je remercie tous ces gens-là qui sont venus, et espérons qu'on pourra sortir d'ici la fin de la session un projet de loi qui va rencontrer tous ces objectifs-là et qui va permettre d'améliorer notre bilan routier, M. le Président. Je pense que la raison principale de toutes ces choses-là, c'est d'améliorer notre bilan routier et c'est d'avoir un projet de loi qui est applicable aussi. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Pontiac. Alors, je remercie tous les parlementaires pour leur excellente collaboration au cours de ces consultations particulières. Et, comme la commission des transports et de l'environnement s'est acquittée de son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 29)


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