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(Quinze heures quinze minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre! La commission
des transports est réunie pour l'étude de l'évolution et
de l'avenir de Quebecair.
Les membres de la commission sont: M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M.
Blouin (Rousseau), M. Bourbeau (Laporte), M. Clair (Drummond), M. Guay
(Taschereau) remplace M. Desbiens (Dubuc), M. Lachance (Bellechasse), M.
Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
M. Gratton (Gatineau) remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Rodrigue (Vimont),
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges) remplace M. Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: M. Assad (Papineau), M. Bisaillon (Sainte-Marie),
M. Brouillet (Chauveau), M. Caron (Verdun), M. Cusano (Viau), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gauthier (Roberval), M. Grégoire
(Frontenac), M. Houde (Berthier) et M. Perron (Duplessis).
Avant de passer aux invités d'aujourd'hui, j'aimerais faire part
à la commission d'un télégramme reçu le 12 mars
1983 de la part de M. Richard D. Champagne et qui se lit comme suit: "Suite
à votre télégramme d'hier après-midi concernant
l'invitation du leader parlementaire du gouvernement à participer aux
travaux de la commission des transports sur l'avenir de Quebecair, j'ai le
regret de vous informer qu'il me sera impossible de participer aux travaux de
la commission lundi, compte tenu d'engagements antérieurs pour cette
même journée et que je n'ai pu remettre. Richard D.
Champagne."
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: À ce sujet, pour éviter qu'on
interprète cette absence comme un précédent quelconque,
quant à nous de l'Opposition, nous aimerions réserver pour la fin
des travaux de la commission toute décision relative à la
présence ou à l'absence de M. Champagne. Nous tenons pour acquis
que les raisons invoquées par M. Champagne sont valables, mais s'il
devait se révéler en cours de route que l'Opposition
considère essentielle que M. Champagne soit entendu, on pourra en
discuter avec le ministre. On ne fera pas cela de manière formelle, en
aucune façon, mais je ne voudrais surtout pas qu'on interprète la
teneur du télégramme comme étant une façon
inédite et facile pour un témoin qui est invité devant une
commission parlementaire de se défiler.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, lors de la dernière
séance, la commission parlementaire des transports avait fait clairement
connaître son point de vue, à la suggestion de l'Opposition.
Compte tenu de ce que vient de dire le député de Gatineau, nous
sommes prêts à attendre plus tard, au cours des travaux.
Le Président (M. Boucher): Merci. Les invités
d'aujourd'hui sont, dans l'ordre, M. André Lizotte,
vice-président et administrateur en chef de la Société
canadienne des postes; M. Robert Obadia, consultant auprès de la
Commission des transports du Canada; M. Claude Lévesque,
Hospitalité Tour Montréal Ltée; M. Richard Champagne,
directeur général du Conseil de l'industrie de l'hydrogène
- évidemment, compte tenu de son télégramme, on peut
présumer qu'il ne sera pas ici aujourd'hui - et M. Denis de Belleval,
vice-président de Lavalin Ltée; M. Claude Poiré, Syndicat
CSN des pilotes Regionair; M. le commandant Robert Dufour, président du
conseil no 17, Quebecair, Association canadienne des pilotes de lignes.
J'inviterais immédiatement M. André Lizotte - vous
êtes déjà en place - à faire part à la
commission de ses commentaires sur l'avenir et l'évolution de
Quebecair.
M. André Lizotte
M. Lizotte (André): M. le Président, merci bien. Je
me sentais excessivement seul. Avec votre permission, je pourrais
peut-être avoir un ancien de Quebecair avec moi, M. Richard Morin, si
vous êtes d'accord.
M. Clair: M. le Président, quant à
l'énoncé que vient de faire M. Lizotte, je pense qu'on
s'était entendu sur un certain nombre d'intervenants. Par contre, quant
aux autres intervenants, je me souviens que, à un moment donné,
les gens de Quebecair et, à un autre moment donné, les gens de
Nordair ont pu faire appel sur une question précise au souvenir de
quelqu'un d'autre. Si c'était dans ces circonstances, nous n'y verrions
pas d'objection de notre côté. Maintenant, s'il
s'agissait d'ajouter une autre personne à la liste des
invités, je pense qu'à ce moment on pourrait remettre en cause
les ententes intervenues entre les deux formations politiques.
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député
de...
M. Bourbeau: Je ne crois pas qu'il soit de votre intention de
faire témoigner M. Morin comme tel; c'est seulement comme support moral,
je crois, qu'il vous accompagne, pour employer votre expression...
M. Lizotte: Je me sens très seul.
M. Bourbeau: Ah bon. M. Lizotte, est-ce que vous pourriez quand
même - puisque M. Morin, d'après ce que vous dites, était
à Quebecair - nous décrire un peu quelles étaient ses
fonctions de façon qu'on puisse savoir en quelle qualité il vous
accompagne?
M. Lizotte: M. Morin était le vice-président,
finances, à Quebecair pendant la période où j'étais
là.
M. Bourbeau: Pour nous, nous n'avons aucune objection à ce
qu'il vous rappelle à l'occasion certains souvenirs ou certains
chiffres. Peut-être que c'est ce qu'il pourrait faire.
M. Lizotte: Nous n'en avons pas tellement discuté.
Le Président (M. Boucher): Dans ces conditions, il y a
accord des membres de la commission. Vous pouvez y aller, M. Lizotte.
M. Lizotte: Merci. M. le Président, M. le ministre,
messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité
à la commission parlementaire qui traite de l'évolution de la
Société Quebecair. Nulle occasion ne pouvait m'être plus
favorable pour revoir de nombreux amis du métier de l'aviation au
Québec et d'autres anciens collègues de Nordair et de
Quebecair.
Messieurs, je dois vous avouer que je suis un homme très
privilégié pour avoir été la seule personne
à qui l'occasion a été donnée de diriger les
affaires de ces deux sociétés, à titre de
vice-président et directeur général chez Quebecair et
président-directeur général chez Nordair.
Ce privilège m'a été des plus chers pour plusieurs
raisons. La première est d'avoir évolué avec des
collègues du métier de l'aviation au sein des deux entreprises
avec des syndicats, gestionnaires et employés des plus
dévoués. La deuxième est d'avoir voyagé à
travers toutes les régions du Québec desservies soit par
Quebecair, soit par Nordair, où j'ai eu l'occasion de prononcer des
discours, de participer à des conférences et de rencontrer nos
clients et nos employés.
Cela dit, je dois maintenant vous faire savoir qu'en ma qualité
d'ancien vice-président et directeur général de Quebecair
et, naturellement, à titre d'ancien président-directeur
général de Nordair, je suis aujourd'hui attristé de
constater que la société Quebecair fait face à de
sérieux problèmes financiers. Les pertes annoncées de 21
000 000 $ pour l'exercice financier 1982 sont certainement un choc moral chez
mes amis employés de Quebecair qui, au fond, ne sont nullement
responsables de cette catastrophe.
Le dossier Quebecair a déjà fait couler beaucoup d'encre
depuis quelques années, mais, malheureusement, ce n'était surtout
que pour annoncer des mauvaises nouvelles. Je vous assure que c'est une
publicité dont cette société québécoise et
ses employés auraient pu se dispenser. Ces mauvaises nouvelles ne
reflètent pas le courage et la volonté de réussir des
employés de Quebecair.
Messieurs, je suis premièrement un administrateur qui a su
coordonner les efforts et les talents des techniciens du métier et,
deuxièmement, un administrateur qui a su diriger les affaires des deux
sociétés en faisant usage d'une proportion bien
équilibrée des ingrédients nécessaires à la
réussite dans le monde de l'aviation. Tous ces ingrédients: un
bon service à la clientèle dans tous les marchés
desservis, l'enthousiasme, le respect et le dévouement des
employés à tous les niveaux, une bonne formation des
gestionnaires, la collaboration des syndicats ainsi qu'une bonne planification
financière et opérationnelle, sont les éléments
clés de la réussite.
Je tiens à vous souligner, M. le Président, que, s'il
n'est pas tenu compte de ces principes fondamentaux, il est pratiquement
impossible de réussir dans l'aviation. Voilà donc une philosophie
administrative de base qui est essentielle et qui a fait preuve de
succès aussi bien chez Quebecair que chez Nordair. Si l'un de ces
ingrédients manque à la recette administrative, les chances de
succès sont minimisées.
Je suis entré au service de Quebecair en 1969 et j'ai
quitté en 1974. La période de 1971 à 1974 a
été positive et fructueuse pour la société. Il me
semble donc à propos de vous donner un aperçu des raisons pour
lesquelles nous avons réalisé des profits.
Je tiens à souligner que le succès que nous avons atteint
résultait d'un effort collectif. En effet, c'est mon devoir de porter
à votre connaissance les efforts et la détermination de mes
collègues, employés et syndicats qui y ont contribué
fortement. Il
est également de mon devoir, comme témoin invité
à cette commission, d'essayer de cerner la réalité de plus
près, à savoir pourquoi Quebecair n'a pas maintenu sa
rentabilité depuis quelques années.
Voici donc les raisons les plus importantes pour lesquelles nous avons
réalisé des profits chez Quebecair entre 1971 et 1974, lorsque
j'ai eu le privilège d'y travailler.
D'abord et avant tout, nous avons fait usage des gestionnaires en place,
des gens du métier qui ont administré les ingrédients dont
je viens de vous faire mention. Très peu de nouveaux gestionnaires ont
été embauchés pour administrer les affaires de la
société. Les gestionnaires en place étaient, au fond, des
braves gens de Rimouski, Mont-Joli et Rivière-du-Loup venus s'installer
à Montréal afin de suivre l'évolution de Quebecair.
C'étaient des gens avec du coeur qui demandaient seulement que la
société devienne une importante réussite au
Québec.
Nous avons donc entrepris des programmes de formation des gestionnaires
en utilisant surtout des techniques de gestion par objectif. Afin d'offrir un
meilleur service à la clientèle, nous avons mis en place des
programmes intensifs de formation pour tous les employés à tous
les niveaux.
Nous avons reçu une excellente collaboration de tous les
syndicats, ce qui a donné à la société la souplesse
pour évaluer et utiliser les ingrédients nécessaires au
succès. Cette même collaboration s'est maintenue chez tous les
employés du réseau. Nous étions attentifs à toutes
leurs suggestions et recommandations.
Quebecair, pendant cette période, est devenue une famille de
quelque 600 employés qui travaillaient ensemble pour faire de Quebecair
une société des plus importantes au Québec.
Nous avons fait usage de l'expérience des gens de Quebecair pour
planifier de très bons horaires afin de bien desservir,
premièrement, les marchés au Québec tels que Mont-Joli,
Baie-Comeau, Sept-Îles, Québec, Bagotville et autres. Ces horaires
bien calculés étaient conformes aux demandes de nos
marchés et à l'équipement dont nous disposions. Bien que
nous n'ayons fait usage que de très peu de publicité, nous avons,
néanmoins, pris de nombreuses initiatives dans la mise en marché
et la vente. Nous nous étions concentrés sur la promotion visant
directement le consommateur en utilisant plusieurs employés de la
société - qui n'étaient pas nécessairement des
représentants de commerce - pour effectuer des visites et augmenter le
marché de voyageurs dans chaque ville desservie et ses environs. Pour
nous, la publicité n'était qu'un moyen de communication parmi
d'autres pour augmenter notre part du marché.
Je tiens à faire remarquer que, pendant cette période, la
société Quebecair a fait un usage continu d'une philosophie
administrative et a établi des centres de profits dirigés par des
gens du métier qui avaient été au service de Quebecair
pendant des années. (15 h 30)
II est important de comprendre qu'en 1969 Quebecair, en concurrence
directe avec Air Canada, ne possédait que 6% du marché pour la
liaison Montréal-Bagotville-Montréal. À la suite d'un
programme intensif utilisant tous les aspects du marketing et la fierté
des employés, nous avons capté au-delà de 40% de ce
marché. Une de nos meilleures réussites chez Quebecair fut
lorsque Air Canada a dû se retirer du marché
Montréal-Bagotville-Montréal, et du marché
Québec-Bagotville-Québec.
C'est avec une excellente collaboration de la société Air
Canada, de la Commission canadienne des transports et du ministère
fédéral des Transports que nous avons réussi ce qui
était, à l'époque, un grand pas pour Quebecair. Il
convient de préciser qu'un tel événement ne s'est jamais
produit dans le cas de Nordair, au Québec.
La Commission des transports nous a donné la permission d'acheter
de M. Michel Pouliot la compagnie Air Gaspé, qui était devenue
pour nous un concurrent important dans l'Est de la province. Également,
la Commission canadienne des transports nous a accordé la liaison
Québec-Val-d'Or et Bagotville-La Grande. Je souligne que Nordair avait
aussi fait la demande pour desservir ces routes, mais c'est Quebecair qui en
est sortie vainqueur. Après avoir soumis des documents bien
préparés à la Commission canadienne des transports, nous
avons obtenu le permis 9,4 pour entreprendre des noli-sements internationaux.
Par la suite, encore avec la collaboration de la Commission canadienne des
transports et du gouvernement américain, nous avons obtenu le permis 402
pour nolisements vers les États-Unis.
À cette époque, nous avons également obtenu le
contrat de service d'Hercules de la SEBJ. Comme vous le savez, nous
étions en grande concurrence avec Nordair et Quebecair en est encore
sortie vainqueur. Je tiens à féliciter les pilotes de Quebecair
pour nous avoir donné la souplesse voulue afin de respecter les termes
du contrat.
Pendant cette période, nous avons acheté trois BAC 1-11
d'occasion, dont deux en 1969, au prix de 2 200 000 $ chacun, et un autre en
1972 de 2 800 000 $, financés à 6,25%. Je tiens à vous
souligner que, de 1969 à 1973, la société devait
être dirigée avec beaucoup de prudence en ce qui a trait à
l'achat d'avions, afin de ne pas alourdir la tâche financière de
Quebecair. En effet, l'expansion était devenue un objectif primordial
pour la société Quebecair, mais l'application de nos
stratégies était faite
avec une grande prudence, afin d'assurer la continuité des
profits de la société. En d'autres termes, nous nous sommes
employés à minimiser les risques. Par exemple, pour les
nolisements, nous avions établi un principe de base qui consistait
à effectuer des voyages en fin de semaine lorsque la densité du
trafic régulier était à la baisse. Nos appareils
étaient affectés au service régulier pendant la semaine et
n'étaient nolisés que pendant la fin de semaine.
Cette stratégie nous offrait la possibilité d'augmenter
nos revenus dans tous les marchés réguliers pendant les jours de
la semaine et d'accroître l'utilisation de nos appareils en fin de
semaine avec les nolisements. C'était une question vitale, reliée
à la réussite chez Quebecair. Nous avions également
établi des contrôles de dépenses sur toute la gamme de nos
services et des réunions mensuelles avec nos gestionnaires avaient lieu
à ce sujet. Nous avions comme principe fondamental que les coupures de
dépenses ne devaient affecter ni le service à la
clientèle, ni les horaires, ni les employés. L'on faisait preuve
de créativité afin d'assurer une grande continuité des
contrôles. Nous avions également des réunions hebdomadaires
à tous les niveaux parmi les gestionnaires afin de bien communiquer nos
objectifs, nos programmes de formation et notre philosophie administrative.
Finalement, nous avions d'excellentes relations de travail avec la Commission
canadienne des transports et Air Canada.
Je suis entré au service de Nordair en 1976 et j'ai
résigné mes fonctions en 1982. Cette période a aussi
été positive et fructueuse pour Nordair. Il m'apparaît
opportun de vous exposer les raisons majeures pour lesquelles nous avons
réalisé des profits. Nordair, M. le Président, est une
société qui réalise des profits depuis des années.
C'est également une société québécoise qui a
commencé ses activités au Lac-Saint-Jean et qui est devenue une
société respectée au Québec. Il y a naturellement
d'excellentes raisons qui expliquent le succès de cette
société québécoise. Tout d'abord, j'attire votre
attention sur le fait que la haute direction, c'est-à-dire le
président du conseil, le président-directeur
général, les vice-présidents et les vice-présidents
adjoints avaient une expérience totale du métier de plus de 150
années. De plus, quelques-uns de ces administrateurs comptaient plus de
25 années d'expérience au sein de la société
Quebecair. Une alliance parfaite pour diriger une importante entreprise
québécoise dans l'industrie de l'aviation.
Chez Nordair, nous portions une attention particulière au
marketing et à la vente. Dans tous les marchés desservis,
c'était un effort continu de notre part. Nous avions établi
également des centres de profit administrés par des gestionnaires
du métier, lesquels avaient travaillé chez Nordair pendant
plusieurs années. On a su identifier ces gestionnaires en place afin de
leur donner une formation technique et administrative des plus efficaces.
En effet, il y avait chez Nordair une grande collaboration parmi les
gestionnaires, les employés et les syndicats c'est-à-dire la
même que j'avais trouvée chez Quebecair. Nordair a eu beaucoup de
continuité dans la philosophie de gestion en ce qui a trait à la
haute direction. Les administrateurs ont dirigé les affaires de la
société avec une philosophie administrative qui était
aussi réaliste et prudente que possible, surtout en ce qui concerne les
horaires, la mise en marché et l'achat des avions. D'ailleurs, je dois
vous faire remarquer que le dernier achat d'un Boeing 737 chez Nordair a
été payé comptant avec les fonds de roulement de la
société.
Nous avions également réussi à obtenir des contrats
très importants tels que les vols de reconnaissance des glaces et la
DEWline. Je tiens à souligner que toutes les sociétés
aériennes au Canada ont été invitées à
soumissionner. Nordair en est sortie vainqueur à cause de sa
compétence et de son équipement.
La Commission canadienne des transports a donné son accord
à Nordair et à Quebecair pour desservir la liaison
Montréal-Toronto-Montréal. De plus, cette même commission a
également donné son accord à Nordair pour desservir la
liaison qu'occupait Transair en Ontario, c'est-à-dire Toronto,
Sault-Sainte-Marie, Thunder Bay, Dryden, Winnipeg.
Ces nouvelles liaisons ont été pour Nordair une
très lourde tâche parce que nous avions augmenté notre
concurrence avec Air Canada sur la liaison Montréal-Toronto,
Toronto-Sault-Sainte-Marie, Toronto-Thunder Bay et Toronto-Winnipeg. Nous
étions donc un concurrent d'Air Canada sur sept liaisons, tandis que
Quebecair ne l'était que sur trois. Je vous assure que l'esprit
concurrentiel entre Nordair et Air Canada était des plus vifs parmi les
gestionnaires et employés des deux sociétés.
Évidemment, il est très dispendieux d'entreprendre de
telles initiatives d'expansion, surtout à Toronto où les
coûts d'atterrissage et autres sont plus chers qu'ailleurs au Canada,
mais heureusement nous avions de bonnes réserves financières pour
couvrir ces coûts.
Pendant cette période, nous avons continué à nous
préoccuper des autres marchés que nous desservions depuis des
années. Chez Nordair le marketing et les ventes de nolisement ont
toujours été secondaires relativement aux services
réguliers du réseau. Il n'a jamais été
question de favoriser les nolisements au détriment des vols
réguliers.
Et, tout comme chez Quebecair, le contrôle efficace des
coûts chez Nordair ne se faisait pas au détriment des
employés ou du service à la clientèle. Encore chez
Nordair, je voyais une grande fierté chez tous ses employés et
syndicats et une grande volonté collective de réussir. L'attitude
des employés des deux sociétés était identique.
Il est inutile de continuer à parler de Nordair car je suis
persuadé que mon ancien collègue, Jean Douville, a sûrement
bien décrit l'efficacité de cette société. Ce n'est
donc pas mon intention de vous rappeler ce qui a déjà
été dit. Mais quand même, je profite de cette occasion pour
souligner que l'attitude, la fierté et la volonté de bien
réussir étaient communes aux employés, syndicats et
gestionnaires de ces deux sociétés québécoises.
M. le Président, j'aimerais porter votre attention sur le fait
que Nordair et ses propriétaires ont toujours considéré le
gouvernement du Québec comme étant des plus importants. Lorsque
la décision fut prise de vendre la société, en 1977, le 22
juin de cette même année, M. James Tooley et moi-même avons
visité le ministre des Finances, M. Parizeau, afin de connaître
les intentions du gouvernement du Québec concernant l'acquisition de
Nordair. Je dois noter ici que M. Parizeau fut la première personne
à connaître nos intentions sur la vente de Nordair.
Malheureusement, M. le ministre n'a jamais donné suite à cette
proposition, même après six semaines de persévérance
de notre part.
Nous savons tous qu'il existe des problèmes financiers
particulièrement aigus chez Quebecair et nous sommes tous au courant de
la gravité de la situation. Un des problèmes majeurs
relève du fait que la société Quebecair a
été victime de trop de changements de philosophie administrative.
Ce n'est pas une critique, c'est tout simplement un fait. Des nouveaux
propriétaires, des gestionnaires parachutés qui n'étaient
pas du métier, un manque de confiance à l'égard des
gestionnaires en place, pour établir les stratégies
nécessaires pour réussir. Voilà les facteurs principaux
qui ont contribué à la situation présente.
La question qui me vient à l'esprit est la suivante: Qu'est-il
arrivé de mes collègues chez Quebecair qui ont travaillé
avec tant d'ardeur et détermination? Les Jean Grenier, Réal
Ménard, Denis Brousseau, Claude Lévesque, Jean-Paul Charland,
Richard Morin, Raymond Boulay, Robert Obadia, Claude Roy et les autres? Ils ont
tous disparu.
De même, quelle fut l'évolution professionnelle de Michel
Gagné, André Martineau, Victor Deland, Gilles Tremblay, Jean-Guy
Soucy, Robert Parizeau, Antoine Lapointe, Raoul Labrie, Georges Gagnon,
Mathieu Dionne, Richard Look et les autres? Si vous me le permettez, il
semblerait qu'il n'y en a qu'un seul aujourd'hui à la haute direction,
soit Jean-Louis Trépanier, et j'en suis très fier.
Changements après changements dans la haute direction,
frustrations de gestionnaires, reformulations de plan, réactions de
gestionnaires qui ne sont pas du métier, bref, voilà ce qui a
précipité le déclin de cette grande société
québécoise. Malheureusement, les employés sont maintenant
victimes de ces changements fréquents de philosophie administrative. (15
h 45)
Si nous examinons les résultats de Quebecair, nous sommes en
droit de nous poser des questions. Depuis 1978, la philosophie administrative
a-t-elle été réaliste et a-t-elle eu beaucoup de
continuité en matière de gestion? Si nous regardons
l'accroissement des revenus et le comparons à l'accroissement des
dépenses, nous pouvons constater que la planification des profits n'a
peut-être pas été faite avec réalisme.
Je m'explique. Un des problèmes majeurs que j'ai pu constater
réside dans la planification de l'achat des cinq 737 dans un si court
intervalle, afin de renouveler la flotte. À mon avis, cette
décision a été entachée d'aventurisme. Si le motif
d'achat de ces avions avait été d'accroître leur part du
marché de nolisement, particulièrement entre Montréal et
Fort Lauderdale, il faut se rappeler que le haut volume d'activités ne
dure que quelques mois par année.
Le marché Montréal-Fort Lauderdale est un marché
aérien très diversifié, très concurrentiel et,
malgré tout, limité. Plusieurs sociétés offrent un
service régulier: Eastern, Delta et Air Canada. D'autres offrent un
service de nolisement comme les sociétés Quebecair, Nordair, Air
Florida, Air Canada et Wardair. C'est un marché concurrentiel dont
l'outil de vente le plus important est le prix offert. Il est reconnu que
Wardair a toujours été la société la plus
dynamique, disons même téméraire, en ce qui concerne la
pratique des prix.
Si, par contre, le motif avait été de mettre sur pied un
programme d'expansion pour desservir Montréal-Toronto, cette nouvelle
liaison ne pouvait justifier un tel investissement, compte tenu du fait que
cette liaison, la plus concurrentielle au Canada, est déjà
desservie par trois autres transporteurs et demeure l'une des plus
coûteuses à exploiter au Canada. Si le motif avait
été d'acheter Nordair comme programme d'expansion, je vous
souligne qu'une société qui aurait fusionné Quebecair et
Nordair n'avait pas besoin des cinq nouveaux Boeing 737 de Quebecair. Nordair
possédait déjà onze 737. Si nous ajoutons les cinq de
Quebecair, on obtient un total de seize. Je souligne que nos études
approfondies ont démontré que le maximum de 737 requis
dans le cas d'une fusion ne serait que de treize, ce qui veut dire que ces
achats résultaient en un surplus de trois 737.
Vous pouvez constater qu'aucun des motifs ne pouvait justifier
l'acquisition des cinq 737. Considérez les facteurs coûteux qui
sont entrés en jeu: les taux d'intérêt extrêmement
élevés; les programmes de formation des pilotes et autres; la
rénovation du hangar no 2 à Dorval; les fortes dépenses de
mise en marché pour les nolisements et la liaison
Montréal-Toronto; le surplus de capacité dans un marché
décroissant.
Si nous étudions l'évolution de la société
Quebecair depuis 1976, c'est-à-dire depuis les six dernières
années, nous constatons que les revenus ont augmenté de 178%,
pour la période de 1976 à 1981, et de 166% pour la période
de 1976 à 1982. Nous constatons que le chiffre d'affaires a
progressé jusqu'à 90 000 000 $ en 1981. C'est donc une
évolution très intéressante.
Malheureusement, c'est le coût de cette expansion qui fut la
source du problème. Pendant ces mêmes périodes, les frais
d'exploitation ont augmenté de 188% et de 176% respectivement. Ceci
indique clairement que les frais d'exploitation ont excédé les
revenus de 10% pour une perte brute de 5 000 000 $ en 1981 et aussi de 5 000
000 $ en 1982.
Nous nous devons de porter une attention toute particulière aux
coûts d'intérêt occasionnés principalement pour
l'achat d'avions. Ceux-ci ont ajouté au fardeau financier de la
société 5 500 000 $ en 1981 et 13 900 000 $ en 1982. De plus, les
frais divers couvrant les programmes de formation se sont élevés
à 3 300 000 $ en 1982. L'ensemble de ces facteurs a certainement
contribué aux lourdes pertes financières de Quebecair depuis
quelques années. C'est une réalité. Je suis
persuadé que deux 737 auraient sûrement suffi pour les
premières années.
Il est à noter que Quebecair a naturellement été
obligée, encore une fois, de changer de philosophie administrative:
changement de mission, changement d'objectifs, changement de gestionnaires et,
finalement, changement de stratégies afin d'instaurer de nouveaux
programmes de survie. Le retour des BAC 1-11; l'achat de deux autres BAC; la
formation sans cesse renouvelée des pilotes et les nombreuses autres
dépenses encourues causées par ces changements de
stratégies.
Il y a bien d'autres raisons, j'en suis persuadé, pour lesquelles
malheureusement Quebecair fait face à ces problèmes financiers,
mais il faut quand même être juste et faire face à la
réalité.
Je porte à votre attention, M. le Président, que tout n'a
pas été négatif pour
Quebecair, car durant cette période Air Canada a annulé la
liaison Québec-Sept-Îles. De plus, Air Canada n'a maintenant qu'un
vol entre Montréal et Sept-Îles et a aussi réduit d'un vol
sa fréquence Montréal-Québec.
Une des plus grandes déceptions que j'ai éprouvées
dans l'industrie de l'aviation a été la décision des
actionnaires de Quebecair de ne pas vendre leur société à
Nordair. En effet, il y avait des facteurs très favorables pour la
province de Québec si cette fusion avait eu lieu: le siège social
demeurait au Québec; les actionnaires étaient SID, Air Canada et
les employés de Nordair et de Quebecair. À elle seule, la
société Air Canada dépense 800 000 000 $ au Québec
et a plus de 9000 employés au Québec. C'est une
société qui nous appartient.
La Société d'investissement Desjardins (SID) est une
société québécoise qui a fait ses preuves parmi les
Québécois. Les employés de Quebecair et de Nordair
étaient invités à devenir actionnaires dans cette
société.
C'était une solution clé au problème de l'aviation
dans la province de Québec. Je vous assure que la détermination
de ces actionnaires était de faire une société des plus
respectables au Québec et dans l'Est du pays, avec un avenir
assuré. L'idée n'était pas de détruire
Quebecair.
La haute direction de cette nouvelle société était
formée de gens du métier qui avaient une philosophie
administrative très prudente et réaliste pour faire face à
la réalité des marchés et à l'avenir. Par la fusion
des deux sociétés, cette haute direction avait au-delà de
200 années d'expérience. Nous avions un programme de cinq ans que
j'aurais personnellement administré. L'objectif était d'atteindre
le seuil de rentabilité après trois ou quatre années. Les
gestionnaires qui possédaient déjà une solide formation
continuaient de participer à des programmes de perfectionnement.
Comme je vous l'ai mentionné auparavant, les employés et
les syndicats participaient à la planification et à
l'exécution des plans afin de remplir la mission de cette
société. Les syndicats s'engageaient à régler les
listes d'ancienneté et la direction assurait à tous les
employés de la société Quebecair ainsi qu'à ceux de
Nordair qu'il n'y aurait pas de mise à pied, mais qu'il fallait
s'entendre sur les programmes d'attrition qui n'étaient pas au
détriment des employés. Les horaires continuaient d'être
notre première priorité, suivie, en second lieu, des
nolisements.
Ce mélange de la haute direction de Nordair ainsi qu'une
sélection de gestionnaires chevronnés parmi les cadres de
Quebecair formaient un groupe des plus enviables et respectés dans
l'industrie de l'aviation au Canada.
II faut reconnaître que SID, comme partenaire important, portait
un intérêt particulier au rôle des francophones. Il avait
été prévu que plus de 60% des administrateurs devaient
être francophones. La nouvelle société s'engageait à
embaucher de plus en plus de francophones et à continuer d'offrir des
cours de formation en langue française à tous les employés
non francophones.
Il est très malheureux que certaines décisions aient
été prises à l'encontre de ce projet de fusion
Nordair-Quebecair. Voici donc les résultats: - Aujourd'hui, Quebecair
fait face à des problèmes financiers très sérieux.
- Le gouvernement du Québec a dû fournir un investissement
très considérable, sans retour sur son investissement.
Il existe aujourd'hui un conflit politique que je trouve très
regrettable et qui ne peut apporter de solution aux problèmes qui
affligent l'industrie de l'aviation au Québec.
Les employés de Quebecair sont malheureux, confus et sans
orientation.
Il existe présentement un avenir incertain pour les cadres,
employés et syndiqués de Quebecair.
Mais vous savez, Quebecair et ses employés ont fait face à
plusieurs défis dans leur histoire. Ils ont toujours relevé le
défi et trouvé les solutions. Quoique les problèmes
présents soient très aigus, il ne faudrait pas perdre espoir ni
cesser d'agir en conséquence.
Des solutions existent, M. le Président, et, avec votre
permission, j'aimerais vous en soumettre quelques-unes.
Premièrement, il faut absolument éliminer les dettes
à court terme.
Deuxièmement, il faut assurer un état financier d'une
proportion de 60-40 en ce qui concerne la dette à long terme et l'avoir
des actionnaires pour au moins trois ans.
Troisièmement, il faut trouver et utiliser des gens du
métier chez Quebecair pour étudier la situation et ses
problèmes afin d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme de
sauvetage.
Quatrièmement, il faut collaborer avec Air Canada, le
ministère fédéral des Transports et la Commission
canadienne des transports.
Cinquièmement, on devrait offrir des actions à tous les
employés de Quebecair.
Sixièmement, il faut établir une philosophie
administrative prudente, stable et réaliste pour les années
à venir.
Je suis persuadé, M. le Président, que plusieurs
employés de Quebecair attendent votre invitation.
Il ne faudrait pas perdre de vue que Quebecair représente un
chiffre d'affaires de près de 75 000 000 $. Je persiste à croire
qu'il y a là un potentiel d'avenir.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Lizotte. M.
le ministre.
M. Clair: M. le Président, étant donné que
nous avons plusieurs invités pour la journée, je voudrais, comme
on s'était entendus la dernière fois, que le temps soit
partagé équitablement entre nos deux formations politiques. Je
vais tenter d'y aller aussi rapidement que possible avec mes questions, ainsi
que mes collègues ministériels et de l'Opposition. (16
heures)
À la page 36 de votre mémoire, M. Lizotte, vous dites: "II
existe aujourd'hui un conflit politique que je trouve très regrettable
et qui ne peut apporter de solution aux problèmes qui affligent
l'industrie de l'aviation au Québec. Nous savons tous que l'un des
principaux empêchements à la fusion de Quebecair et de Nordair
était la préservation des intérêts légitimes
des gouvernements et des populations de l'Ontario et du Québec. Je pense
que tout au cours des discussions qui ont eu lieu de 1978-1979 jusqu'à
maintenant, cela a toujours été d'avoir un accord qui soit
agréé par les gouvernements du Québec et de l'Ontario. Or,
tout le monde sait qu'en août 1982, les deux gouvernements des provinces
les plus populeuses du Canada, les gouvernements de l'Ontario et du
Québec se sont entendus pour soumettre conjointement au gouvernement du
Canada, au ministre des Transports du Canada, M. Pépin, une proposition
de rationalisation conjointe des services aériens dans l'Ontario et le
Québec.
À ce moment, vous êtes intervenu personnellement pour
dénoncer cet accord et si mes informations sont bonnes, en août
1982. Vous connaissez M. T.F. Kilburn...
M. Lizotte: Kilburn?
M. Clair: Kilburn.
M. Lizotte: Lequel?
M. Clair: T.F.
M. Lizotte: Qui est pilote chez Nordair.
M. Clair: Chez Nordair.
M. Lizotte: Oui.
M. Clair: Vous connaissez? Alors, en août 1982, vous lui
auriez adressé la lettre suivante, je vous en cite un extrait: "Comme
vous le savez, j'ai accepté un poste important au Canada - je traduis -
Post Corporation et ma décision est due à l'engagement pris par
le ministre des Transports dans sa lettre à M. Taylor
-référant à une lettre de février 1982 - Je
n'aurais jamais quitté mon poste de président
et de directeur de Nordair sans avoir eu cette garantie de notre
ministre. Je reste embarrassé et perplexe par ce qui a paru dans les
journaux et par ce qui m'a été dit à propos de l'actuelle
proposition. Il m'est difficile d'accepter que le ministre des Transports du
Canada puisse considérer une telle offre." Puisque vous reconnaissez...
Selon vous, il existe aujourd'hui un conflit politique que vous trouvez
regrettable, est-ce que vous ne pensez pas que par votre propre conduite,
à partir du poste que vous aviez occupé chez Nordair et que vous
occupiez à ce moment comme haut fonctionnaire à la
Société des postes du Canada, vous avez grandement
contribué à rendre impossible de fusionner Quebecair et Nordair?
Première question.
Deuxième volet: Quelle était la nature des engagements
pris par M. Pépin et le gouvernement du Canada à votre
égard à ce moment, en ce qui concernait l'avenir de Nordair?
M. Lizotte: Premièrement, je dois vous dire, M. le
Président et M. le ministre, que la solution - qu'est-ce qu'on dit - de
rationaliser l'industrie de l'aviation au Québec a été
soumise, je crois, au mois de juillet, lorsque Nordair a fait une
présentation et à vous et au ministre Landry, disant que nous
étions prêts à acheter les intérêts de la
Société Quebecair pour fusionner ces deux sociétés.
C'est là qu'était la base chez nous d'essayer de rationaliser les
deux sociétés québécoises. D'autres options,
d'autres possibilités, on n'en voyait aucune, naturellement, du fait
qu'on avait des gens d'une grande expérience parmi les gestionnaires et
la haute direction chez Nordair dont l'idée de fusionner les deux
sociétés était partagée par les gens de Quebecair.
C'était la seule manière de le faire. Pour répondre
à votre question, le programme de fusion entre les deux
sociétés devait se faire de la manière dont nous avions
présenté la chose.
M. Clair: S'il était rationnel d'envisager la fusion
Nordair-Quebecair sous le contrôle de Nordair plutôt que sous le
contrôle de Quebecair, en termes de rationalisation économique,
est-ce que l'inverse était moins rationnel?
M. Lizotte: Oui. Vous savez, je crois qu'il faut retourner
à la base administrative d'une société. La première
chose, c'est l'acheteur qui dirige. Ce n'est pas l'autre. C'est l'acheteur qui
décide de former son conseil d'administration. C'est l'acheteur qui
décide de nommer ses vice-présidents et ses présidents
adjoints. La santé financière de Nordair, à cette
période, était très bonne et, naturellement, s'il y avait
fusion ou rationalisation, si vous voulez, entre les deux
sociétés, avec un mélange des gestionnaires de Quebecair
choisis pour nous aider, eh bien, c'est celle-là qu'il fallait.
C'était la solution au problème et je vous assure que nous avons
utilisé toutes les options que nous pouvions étudier.
M. Clair: Je repose quand même ma question puisqu'à
la page 36, vous situez le problème à un niveau largement
politique. On connaît tous la couverture...
M. Lizotte: M. le ministre...
M. Clair: ...et l'importance des déclarations que vous
avez faites au moment où deux gouvernements - les gouvernements des
provinces les plus populeuses du Canada - se sont prononcés en faveur
d'une option de rationalisation qui ne mettait en danger ni les emplois ni la
présence des francophones ou des anglophones, puisque c'étaient
des paramètres qui étaient établis par deux gouvernements.
Qu'est-ce qui vous a amené à considérer que vous
étiez autorisé, vous, comme ancien président-directeur
général de Nordair, à tenter de faire échec
publiquement à cet accord entre deux gouvernements, qui était un
accord politique à ce moment-là? À quel titre
parliez-vous? À titre de vice-président de la
Société des postes du Canada, d'ancien président de
Nordair, d'ex-actionnaire de Nordair? Et quelle était la nature des
engagements qui avaient été pris à votre égard par
le ministre des Transports du Canada?
M. Lizotte: Premièrement, comme ancien
président-directeur général de Nordair et comme ancien
vice-président-directeur général de Quebecair,
c'était mon devoir de dire ce que je pensais. Dans l'aviation, Quebecair
est au hangar no 2, Nordair est au hangar no 5. On se parle. On se
connaît. Comme ancien directeur de ces deux sociétés,
c'était mon devoir de me prononcer, assurément.
Pour revenir à l'aspect politique, avec tout ce qu'on lit dans
les journaux, les sorties qui sont faites contre le ministre Untel, comme tel
autre ministre, on sait, tout le monde, que c'est devenu un conflit politique
ce que je trouve affreux pour l'industrie de l'aviation au Québec.
M. Clair: Vous pensiez l'aider à ce moment-là par
vos déclarations?
M. Lizotte: J'ai le droit de dire à quelqu'un dans les
journaux, avec respect, M. le ministre, ce que je pense en ce qui concerne
l'aviation au Québec.
M. Clair: Et vous étiez convaincu, comme c'est votre
droit, que c'était dans
l'intérêt de la rationalisation du transport aérien
au Canada?
M. Lizotte: Je croyais que la province de l'Ontario et la
province de Québec, ce que vous avez émis au ministère, ce
n'était pas la solution exacte aux problèmes de l'aviation au
Québec. Il y a une différence entre soumettre des options et
soumettre l'option qu'il faut et qu'il fallait pour résoudre le
problème de l'aviation au Québec sur le plan du deuxième
niveau.
M. Clair: Je reconnais tout à fait votre droit à
vous exprimer, sans aucun problème. C'est tout à fait naturel.
Vous avez tellement d'expérience dans ce domaine, mais, à ce
moment-là, il semblait surtout que votre prise de position se basait sur
des engagements qui auraient été pris à votre égard
en ce qui concernait l'avenir de Nordair au moment où vous avez
quitté la société Nordair pour la Société
des postes du Canada. C'est dans ce sens que je vous posais la question. Que
vous ayez des vues sur l'avenir de l'aviation civile, commerciale, en Ontario
ou au Québec, c'est tout à fait légitime, mais là
où il semble y avoir un intérêt - pour nous, en tout cas -
de connaître la situation, c'est que nous, ce qui nous
intéresse... On a travaillé; vous le savez, plusieurs options ont
été soumises. Ce que nous ignorions à ce moment-là,
c'est que des engagements avaient été pris à votre
égard. C'est pourquoi je vous pose la question suivante: Quelle
était la nature des engagements qui ont été pris en ce qui
concerne l'avenir de Nordair au moment où vous avez quitté votre
poste à la direction de cette société?
M. Lizotte: L'engagement a été que M. Pépin
a écrit une lettre disant que Nordair était pour rester une
propriété d'Air Canada.
M. Clair: Et qu'il n'y aurait pas de fusion?
M. Lizotte: Je crois que oui. Dans la lettre... Je ne me rappelle
pas.
M. Clair: À la page 34 de votre présentation, vous
faites état du fait qu'il n'y aurait pas de mise à pied au moment
de la proposition de juillet 1981. Ma mémoire et les documents que je
possède comme ministre des Transports m'indiquent qu'aucun engagement
écrit n'avait été pris à cet égard.
Pourriez-vous fournir des documents qui certifieraient que des engagements
écrits avaient été négociés quant à
cette question qu'aucune mise à pied ne serait effectuée?
M. Lizotte: Nous avions un plan opérationnel - que je n'ai
pas en ma possession, mais qui est sûrement chez
Nordair - et dans ce plan, de façon définitive, il n'y
avait pas de mise à pied des employés de Quebecair et de Nordair.
Ce n'était pas notre but. Par ailleurs, s'il y avait un employé
soit de Nordair ou de Quebecair qui partait, nous étions en mesure de ne
pas le remplacer, selon une entente convenue avec les syndicats. Nous
n'étions pas là pour causer des problèmes aux
employés des deux sociétés, soit Quebecair ou Nordair.
M. Clair: Maintenant, est-ce que votre souvenir est le même
que le mien relativement à la rencontre qui a eu lieu entre le ministre
délégué au Commerce extérieur, M. Landry, M.
Douville, M. Lefrançois, vous et moi-même, savoir que le plan de
fonctionnement dont vous faites état n'a jamais été
communiqué par écrit ni à moi ni à M. Landry?
M. Lizotte: Non, mais c'était une présentation.
D'ailleurs c'était une visite de courtoisie que nous vous avions faite
à vous et au ministre délégué au Commerce
extérieur, M. Landry, pour vous annoncer que nous avions fait une offre
aux actionnaires de Quebecair. Nous étions trois, comme vous vous le
rappelez, il y avait M. Lefrançois, M. Jean Douville et moi-même.
Naturellement, nous avons parlé de l'état financier et de l'offre
financière. Le but n'était pas de parler de la planification
opérationnelle.
M. Clair: Mais effectivement, on s'entend sur le fait qu'en ce
qui concerne des garanties quant aux mises à pied, il n'y a pas eu de
document opérationnel de soumis indiquant...
M. Lizotte: Pas à vous.
M. Clair: Je reviens maintenant à la page 26, dans
laquelle vous indiquez que Nordair possédait déjà onze
Boeing 737. Est-ce que vous vous souvenez - je comprendrais très bien
que vous ne vous en souveniez pas mais au cas où vous vous en
souviendriez -de la date d'achat ou d'entrée en service du
onzième Boeing 737 chez Nordair?
M. Lizotte: Non. Mais à cette époque, si je ne me
trompe pas, nous en avions onze ou nous étions sur le point d'en avoir
onze. Cela a été mentionné; je crois que c'est l'avion qui
a été acheté avec les fonds de roulement de la
société. Je crois que c'est durant cette période.
M. Clair: Cela va. À la page 27, vous indiquez qu'aucun
des motifs ne pouvait donc justifier l'acquisition des cinq Boeing 737,
considérant les facteurs qui sont entrés en jeu, dont les taux
d'intérêt extrêmement
élevés. Sauf erreur, j'imagine qu'ils n'étaient pas
plus élevés chez Nordair, que chez Quebecair ou que chez Air
Canada. Pas beaucoup de gens avaient prévu la hausse des taux
d'intérêt qui a prévalu au cours des 18 ou 20 derniers
mois. Les programmes de formation des pilotes et autres entraînent
effectivement des coûts élevés. Vous parlez par ailleurs de
la rénovation du hangar no 2 à Dorval. Est-ce que vous vous
souvenez qu'à l'époque où vous étiez chez
Quebecair, le ministère des Transports du Canada aurait demandé
de rehausser le toit du hangar no 2 à l'époque de
l'arrivée des Boeing 707 et 727 qui ne pouvaient pas, de toute
façon, entrer dans le garage. Est-ce que vous vous souvenez de cela
à l'époque où vous étiez chez Quebecair?
M. Lizotte: Lorsque j'étais chez Quebecair, on n'avait pas
planifié d'acheter des Boeing 737.
M. Clair: Je parle des Boeinq 727 et 707.
M. Lizotte: Non, cela est après moi.
M. Clair: Cela est arrivé après vous, ah bon!
Maintenant, au point 4, vous parlez du surplus, après la
rénovation du hangar no 2 à Dorval qui, selon mes informations,
était nécessitée même par la présence des
Boeing 707 et 727.
M. Lizotte: M. le ministre, est-ce que je peux...
M. Clair: Oui, si c'est arrivé après vous, il n'y a
pas de...
M. Lizotte: Vous savez que Quebecair est au hangar no 2, Nordair
est aux hangars nos 5 et 6. Peut-être que des ententes sur l'entretien
des avions pouvaient se faire entre les deux sociétés sans
élever le hangar.
M. Clair: Est-ce que vous en avez fait à l'époque
où vous étiez directeur général de Quebecair?
M. Lizotte: De quoi?
M. Clair: Des ententes avec Nordair.
M. Lizotte: À tous les jours, il y a des ententes entre
Quebecair et Nordair; à tous les jours, les gestionnaires empruntent des
pièces et ils font toutes sortes de choses comme cela. On se parle entre
Quebecair et Nordair...
M. Clair: ...en termes opérationnels... M. Lizotte:
Les gestionnaires se parlent.
M. Clair: ...on essaie de profiter de la présence de l'une
et de l'autre, j'imagine.
M. Lizotte: C'est cela. M. Clair: C'est cela.
M. Lizotte: D'ailleurs, cela a toujours été dans
l'histoire de Quebecair et de Nordair que j'ai connue.
M. Clair: Vous parlez aussi, à la page 27, du surplus de
capacité dans un marché décroissant. Vous aviez
parlé, dans les pages précédentes, en particulier de Fort
Lauderdale et de Toronto. Est-ce que cette affirmation s'applique tant au
marché de Toronto qu'au marché de Fort Lauderdale?
M. Lizotte: Lequel, monsieur?
M. Clair: Vous parlez des taux d'intérêt
élevés...
M. Lizotte: Les surplus de capacité dans un marché
décroissant qui sont dans des marchés du Québec, comme
celui de Bagotville ou autres. (lé h 15)
M. Clair: D'accord. Cela ne s'applique pas nécessairement
à Fort Lauderdale ou au marché de Toronto.
M. Lizotte: Oui, mais il y a une différence énorme
entre la marge de profit pour un siège vendu pour aller à Fort
Lauderdale comparativement à la marge de profit sur les vols
réguliers.
M. Clair: Oui, mais ce que je voulais simplement préciser
si cela s'appliquait... Je pense que les membres de la commission ont eu
l'occasion de constater qu'en termes d'achalandage sur le réseau, les
marchés pouvaient être effectivement décroissants mais que,
par ailleurs, sur d'autres destinations - on pense à Fort Lauderdale,
notamment - le marché était plutôt croissant jusqu'à
tout récemment.
M. Lizotte: Oui mais un marché croissant, si vous
permettez, est un marché qui est croissant pendant plusieurs
années. Un marché croissant n'est pas un marché qui monte
en flèche pendant une année et qui retombe plus bas qu'il ne
l'était deux ou trois ans auparavant.
Le marché de Fort Lauderdale - je n'ai pas les chiffres avec moi
mais si vous permettez, M. le Président, M. le ministre -est un
marché qui n'a pas été amélioré, qui n'a pas
eu tellement de croissance. C'est un marché limité qui n'a pas
tellement de croissance. Alors, il faut quand même réaliser
que la raison de la venue d'un transporteur dans ce marché,
premièrement, est d'aller chercher une part du marché des autres
transporteurs. Mais le marché primaire d'un service tel que
Montréal-Fort Lauderdale, ce n'est pas parce que vous y entrez que vous
avez une croissance énorme. Vous pouvez l'avoir pour une année,
peut-être deux ans, mais après cela, cela tombe.
M. Clair: On peut approfondir un tout petit peu sur le
marché de Fort Lauderdale. À la page 25, on dit: "Le
marché de Fort Lauderdale est une marché aérien
très diversifié, concurrentiel, malgré tout limité"
- ce qui est certainement le cas comme tous les marchés - "Plusieurs
sociétés offrent un service régulier, tels Eastern, Delta
et Air Canada. D'autres offrent un service de nolisement, comme les
sociétés Quebecair, Nordair, Air Florida, Air Canada et
Wardair."
Vous affirmez que c'est un marché très concurrentiel dont
l'outil de vente le plus important est le prix offert. En termes de venue sur
ce marché de Fort Lauderdale, lorsque vous parlez d'Air Florida et d'Air
Canada, est-ce qu'il n'est pas exact de dire que ce marché, à
partir de Québec et de Montréal, en termes de vols ABC ou ITC, a
été développé d'abord par Quebecair - 1980 je
crois, 1979-1980 - et que c'est l'année suivante qu'Air Canada a
augmenté considérablement sa présence à partir de
Montréal, s'est introduite sur le marché de Québec-Fort
Lauderdale et que ce n'est qu'au cours de la présente année
qu'Air Florida a établi une liaison entre Québec et Fort
Lauderdale? Autrement dit, est-ce qu'il n'y a pas lieu de mettre de la
chronologie dans la présence de ces entreprises aériennes sur un
marché comme celui-là?
M. Lizotte: Je crois que lorsqu'on parle du marché de
nolisement pour le Sud, tel que Fort Lauderdale et les autres marchés
allant dans le Sud, il faut remonter à peut-être 1969, lorsque
Nordair a commencé à faire des voyages qu'on appelle ITC, avec un
groupe d'agences de voyages qui se lançaient pour envoyer des gens en
groupe à Fort Lauderdale et d'autres endroits. Si je me souviens bien -
c'est Nordair qui avait commencé - c'est en 1970 qu'on a
commencé, chez Quebecair, à avoir des voyages de nolisement qui
ont été développés. Alors c'était le
marché qui avait eu une croissance assez intéressante, des
années 1969 à 1975-1976.
Il y a aussi les sociétés qui ont commencé à
vendre ce qu'on appelle des ABC et ce sont des sociétés telles
que Wardair, Air Canada, et d'autres sociétés qui étaient
sur la liste, qui ont commencé à vendre des ABC. Naturellement,
des sociétés telles que Nordair et Quebecair ont également
commencé à vendre des ABC, mais les fins de semaines et non pas
la semaine. On ne vendait jamais des ABC les lundi, mardi, mercredi, jeudi et
vendredi. On ne vendait des ABC que le samedi et le dimanche ou le vendredi
soir. C'était un marché à marge de profit très
limité et cela créait une situation d'augmentation de
l'utilisation de l'équipement. Alors ce n'était pas un
marché à développer pour réaliser des profits,
surtout la semaine; c'était bon les fins de semaines.
Il y a une grande différence entre avoir des nolisements la fin
de semaine et des nolisements la semaine. La semaine, des
sociétés comme Quebecair ou Nordair se doivent de desservir les
routes régulières, l'horaire et utiliser les avions en moyenne de
neuf à dix heures par jour avec l'horaire. La fin de semaine, à
cause de la densité du trafic, M. le ministre, on peut se permettre de
se lancer dans le nolisement avec une marge de profit moins
élevée, mais augmenter l'utilisation des avions dans le but de
compenser la dépréciation, de payer les salaires, etc.
M. Clair: Est-ce que je comprends de votre réponse qu'en
termes de date à laquelle chacun des transporteurs que vous
énumérez est entré en service par vol cédulé
ITC ou ABC pour Fort Lauderdale, que ce soit Wardair, Air Canada, Air Florida,
Quebecair ou Nordair, vous n'avez pas une chronologie en termes d'entrée
sur le marché non plus que le nombre de sièges offerts chaque
année par chacune de ces entreprises?
M. Lizotte: Je n'ai pas cela avec moi.
M. Clair: Je comprends. À la page 17, en ce qui concerne
les vols de reconnaissance des glaces et la Dew Line, vous dites: "Je tiens
à souligner que toutes les sociétés aériennes au
Canada ont été invitées à soumissionner. Nordair en
est sortie vainqueur à cause de sa compétence et de son
équipement." Là-dessus, il semble qu'il y ait une
légère différence d'opinions entre vous et M. Douville. M.
Douville insistait sur la compétence de Nordair, et non pas sur
l'équipement.
Ma question à deux volets est la suivante: Par le fait que
Nordair était propriétaire de ces équipements très
spécialisés depuis plusieurs années, mis à jour
régulièrement pour offrir un service reconnu comme étant
excellent, est-ce qu'au fond Nordair n'était pas dans une situation - je
n'en fais pas grief - où elle était avantagée, compte tenu
de son expertise, de la propriété de ces équipements, de
la connaissance qu'elle avait de ce domaine par rapport à tout autre
transporteur aérien? Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer
quelle était, à l'époque où vous avez
dirigé
Nordair, la proportion des profits de Nordair provenant de ces deux
contrats de Nordair?
M. Lizotte: La première réponse, c'est que je dois
vous annoncer qu'il y a eu une grande concurrence, surtout pour le dernier
contrat. Les concurrents ont fait des soumissions pour d'autres genres
d'appareils; la société Nordair a fait l'étude d'autres
appareils. Ce n'était pas parce qu'ils avaient - je crois que ce vous
voulez dire, c'est le Lockheed 188, ce n'était pas la raison, je vous
assure... Tout simplement, nous avons regardé d'autres appareils pour
entreprendre ce service.
En ce qui a trait aux profits, malheureusement, je n'ai pas les livres
avec moi. Je crois que le président de Nordair pourrait vous donner ces
renseignements. Je ne peux pas vous dire si c'était très
profitable ou non en ce moment parce que, réellement, je ne
représente pas Nordair.
M. Clair: À l'époque où vous étiez
chef de la direction, vous ne vous souvenez pas des proportions.
M. Lizotte: Des proportions, non.
M. Clair: À la page 9, vous faites état du fait que
Quebecair, en concurrence directe avec Air Canada, ne possédait que 6%
du marché pour la liaison Montréal-Bagotville-Montréal, en
1969. À la suite d'un programme intensif utilisant tous les aspects du
marketing et la fierté des employés, vous avez capté
au-delà de 40% de ce marché. Vous indiquez que, par la suite, Air
Canada a dû se retirer du marché
Montréal-Bagotville-Montréal et du marché
Québec-Bagotville-Québec. Les statistiques dont je dispose
m'indiquent que, depuis 1978, donc depuis déjà plus de cinq ans,
Quebecair détient sur Sept-Îles, par exemple, où il est en
concurrence avec Air Canada, beaucoup plus que 40% du marché. Lorsqu'on
se réfère à la politique de 1966 et de 1969, où des
routes dites régionales devaient être transférées
à des transporteurs régionaux, à votre avis, compte tenu
que le pourcentage de passagers obtenu sur la destination de Sept-Îles
est déjà plus important pour Quebecair que ce que vous aviez
à l'époque pour Air Canada, est-ce que vous interprétez le
non-retrait d'Air Canada de Sept-Îles comme un changement à la
politique du ministère des Transports du Canada? Est-ce que vous avez
une explication sur cette question-là?
M. Lizotte: Je peux simplement vous faire part de
l'expérience que j'ai eue pour Bagotville avec Air Canada comme
directeur général de Quebecair. Pour Bagotville, les
gestionnaires de la société ont travaillé très fort
pour préparer un programme. Nous sommes allés voir Air Canada
pour travailler avec eux dans le but de prendre la route de cette
société.
En ce qui a trait aux vols de Quebecair pour Sept-Îles, je peux
vous dire qu'en ce moment, ils ont réduit leur fréquence
d'envolées. Dans mon temps je crois qu'ils en avaient trois, deux de
Montréal et une de Québec. Maintenant, on me dit qu'ils n'en ont
qu'une par jour. Vous savez que c'est très intéressant pour une
société comme Nordair ou Quebecair que la société
Air Canada laisse une envolée. Cela veut dire beaucoup.
Quant aux démarches qui ont été faites entre
Quebecair et Air Canada pour la route de Sept-Îles, je ne les connais
pas. Je ne sais pas pourquoi ils voudraient ou ne voudraient pas laisser la
route à Quebecair.
M. Clair: Au moment où Air Canada a abandonné la
route de Bagotville en 1969... C'est ce que vous indiquez.
M. Lizotte: Non, ce n'est pas en 1969. Je crois qu'ils ont
abandonné la route en 1971, mes collègues de Quebecair pourraient
me le dire.
M. Clair: Peu importe, je ne vous fais pas grief sur
l'année, j'avais cru comprendre à partir de votre texte que
c'était en 1969. Quoi qu'il en soit, que ce soit en 1969...
M. Lizotte: Non, en 1969, c'est lorsque nous avions 6% de la part
du marché, qui a été développé très
rapidement jusqu'à 40%.
M. Clair: Vous avez mis deux ans à développer.
M. Lizotte: Oui.
M. Clair: De mémoire, la principale raison qui a
incité Air Canada à se retirer à ce moment-là de
Bagotville, est-ce que ce n'était pas, à toutes fins utiles,
parce que cette liaison pour Air Canada était très marginalement
rentable, si elle n'était pas déficitaire, et que c'était
considéré, en vertu de la politique de 1966 et de 1969, comme
appartenant, dans le fond, davantage à un transporteur
régional?
M. Lizotte: Avec respect, M. le ministre, il faudrait le demander
à Air Canada parce que je ne connais pas les raisons pour lesquelles ils
ont décidé de laisser la route à Quebecair. Je peux
simplement vous dire que nous avons travaillé très fort, nous
sommes allés voir Air Canada et avec une grande collaboration de leur
part nous avons eu la route au complet. Quant aux raisons pour lesquelles ils
ont laissé tomber, je ne les connais pas.
M. Clair: Vous les ignorez.
M. Lizotte: Je ne les connais pas.
M. Clair: Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, M. le
Président. Je pense que mes collègues ministériels auront
peut-être d'autres questions tantôt.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier M. Lizotte et son collègue de s'être
déplacés pour la seconde fois afin de nous rencontrer. J'aimerais
souligner que, lors de la première journée de la commission
parlementaire, il y a deux semaines, M. Lizotte devait comparaître devant
la commission. Malheureusement, nous avons dû remettre la deuxième
journée, ce qui a forcé M. Lizotte et d'autres d'ailleurs, qui
viendront aujourd'hui, à se déplacer à deux reprises. Je
pense qu'il vaut la peine de le souligner parce que ce sont des gens
très occupés qui ont fait l'effort de se préparer et de
venir ici, à leurs frais, je dois le dire, communiquer aux membres de la
commission et à l'ensemble de la population les lumières dont ils
disposent sur le sujet.
M. Lizotte, la fusion de Quebecair et Nordair, il semble que depuis
quelques années tout le monde estime que ce serait la solution
idéale pour régler les problèmes du transport
aérien au Québec et même dans l'Est du Canada. Plusieurs
écoles de pensée ont vu le jour, certaines prétendant que
la fusion devrait se faire à partir de Quebecair, d'autres à
partir de Nordair. Vous appartenez évidemment à cette
dernière école, vous en avez parlé tantôt.
D'après vous, pourquoi aurait-il été
préférable de réaliser la fusion des deux transporteurs
à partir de Nordair plutôt qu'à partir de Quebecair? (16 h
30)
M. Lizotte: J'ai quelque peu répondu à cela tout
à l'heure. Dans mon exposé, je vous ai mentionné que j'ai
constaté, comme directeur général des deux
sociétés, que chez les employés, les syndicats, les
gestionnaires, il y avait une grande ressemblance entre les deux
sociétés.
Par ailleurs, regardons l'expérience de la haute direction. J'ai
dit au ministre, tout à l'heure, qu'après tout, c'est la
société qui achète qui dirige. Quand il est question de
fusion, dire: C'est nous qui allons acheter, mais c'est toi qui vas diriger, ce
n'est pas la situation, cela n'existe pas. Lorsqu'on constate que c'est la
direction qui dirige, qui nomme les administrateurs, les
vice-présidents, etc., lorsqu'on regarde l'expérience de gars de
métier, des francophones dans le métier, dans les deux
sociétés, on s'aperçoit que c'est chez Nordair, depuis un
certain temps, qu'il y a la qualité des administrateurs et des gens qui
peuvent administrer une société. Mais, de l'autre
côté, chez les employés, les syndicats, etc., c'est la
même chose. C'est la première partie.
Naturellement, la santé financière de Nordair était
très bonne et elle est encore très bonne. On connaît
malheureusement la santé financière de Quebecair. Là
encore, c'est une autre situation qui favorise. C'est Nordair qui devait
rationaliser - c'est le mot qui a été tellement employé -
l'industrie de l'aviation au Québec.
Alors, vous avez l'expérience, vous avez la finance, vous avez
les employés des deux sociétés qui peuvent être
comparés, et vous avez surtout la philosophie administrative. Lorsque
nous regardons la philosophie administrative chez Nordair et que nous la
comparons à la philosophie administrative chez Quebecair, depuis
quelques années, on s'aperçoit que c'est absolument contraire. Il
y a, chez Nordair, une philosophie administrative prudente. On fait attention
pour réaliser des profits. Évidemment, il y avait la
sécurité. M. le ministre, vous l'avez évoqué tout
à l'heure, il y avait la sécurité d'emploi. Je vous assure
qu'il n'y avait aucun employé chez Quebecair ou Nordair qui perdait son
emploi. Nous étions là. Lorsque je suis allé chez
Quebecair, je n'ai fait aucun problème aux employés. Lorsque je
suis allé chez Nordair, non plus. Je vous assure que la nouvelle
société ne faisait pas cela.
De plus, je dois vous dire que Quebecair ne perdait pas
l'identité Quebecair et Nordair ne perdait pas l'identité
Nordair. Nous avions une société de gestion, si vous voulez, la
Société centrale d'aviation, qui avait des centres de profits et
qui avait l'identité de Quebecair, l'identité de Nordair et
l'identité de Nordair-Quebecair, services aériens. Nous avions
aussi un autre centre de profits qui était les Voyages Treasure Tours.
C'étaient les quatre centres de profits qui travaillaient ensemble afin
d'en arriver à une réussite. Cela allait très bien avec
une philosophie comme celle-là.
M. Bourbeau: M. Lizotte, pour l'information des gens qui nous
regardent à la télévision et qui ne sont pas des experts
en aviation comme vous l'êtes, pourriez-vous nous donner une idée
de ce qu'étaient, à ce moment-là, les deux compagnies en
termes de flotte, en termes du nombre d'employés, en termes de valeur
marchande des actions? Combien valaient-elles? Quelle était l'importance
de Nordair et de Quebecair en 1977-1978, par exemple? Est-ce qu'on parlait de
la possibilité de fusionner deux compagnies d'importance égale ou
s'il y en avait une qui était plus importante que l'autre? C'est
important, quand on veut fusionner, de savoir si ce sont deux chevaux
d'égale grosseur ou si c'est un poulain et un étalon, par
exemple?
Une voix: Un cheval, un lapin. M. Bourbeau: Un cheval, un
lapin.
M. Lizotte: Un cheval, un lapin.
Écoutez, avec le respect de mes collègues chez Quebecair,
on sait tous que, lorsqu'on regarde les chiffres, la société
Nordair était une société où les revenus
étaient beaucoup plus élevés. Malheureusement, je n'ai pas
les chiffres avec moi. Ils étaient beaucoup plus élevés en
1977, 1978, 1979 que ceux de la société Quebecair. Il faut quand
même réaliser qu'en fait de profits, la société
Nordair avait réalisé des profits depuis 25 ans, tandis que,
malheureusement, Quebecair avait eu des problèmes. Nous avons
réalisé des profits en 1971, 1972, 1973 et 1974 chez Quebecair.
Nous avons réalisé encore des profits en 1977, si je ne me trompe
pas. Il y a eu de très mauvaises années entre-temps. Sur le
côté des revenus, la société Nordair produisait au
moins 75% de plus de revenus que la société Quebecair, si je me
rappelle assez bien. En fait de profits, la société a
réalisé des profits pendant des années. Naturellement,
c'est une société qui, en fait d'avions, possédait dix ou
onze 737. Quebecair en a acheté cinq. Nous avions deux Lockheed 188 chez
Nordair. Nous avions trois 227, chez Quebecair; ils avaient des BAC 1-11.Ils en avaient deux ou trois. Maintenant, on sait qu'ils en ont cinq.
En fait de flotte, vous savez, lorsqu'on parle de Quebecair, en 1971, la
société Quebecair avait plus d'appareils que CP Air, lorsqu'on
regarde les appareils que nous avions chez Fecteau, quand on regarde les
appareils que nous avions aux Ailes du Nord, etc. Il faut quand même
régler ce problème à savoir ce qu'on veut dire par
appareils. Les appareils que nous avions, comme je vous, c'est dix, onze 737
chez Nordair, contre cinq chez Quebecair. De ce côté, en fait
d'employés, je m'aventure à dire que, chez Quebecair, en 1978,
1979, il y avait peut-être 800 à 900 employés. Dans mon
temps, nous étions de 550 à 600. Nous étions chez Nordair,
avec les Voyages Treasure Tours, autour de 1400.
M. Bourbeau: Bon, je pense que cela donne une idée.
Maintenant, la valeur des compagnies. Très souvent, on peut
déterminer la valeur de ce que vaut une compagnie par le marché.
Nordair a été vendue en 1978, je crois, 25 000 000 $, si ma
mémoire est bonne.
M. Lizotte: Autour de cela, oui. À 12,61 $ l'action.
M. Bourbeau: Disons 25 000 000 $. Quebecair, en 1981, valait 7
500 000 $ puisque c'est l'offre qui a été faite à deux
reprises, et par Nordair, et par le gouvernement du Québec. On peut dire
avec assurance que, sur le marché, Nordair valait 25 000 000 $ en 1978,
probablement un peu plus en 1981 puisqu'elle a fait des profits entre-temps, et
que Quebecair valait 7 500 000 $ en 1981. On parle donc de trois fois la
valeur. Pour ce qui est des réactés, parce qu'en fait la valeur
d'une flotte, ce sont surtout les réactés, les autres avions
valent moins cher, quoique, pour les réactés, on puisse en avoir
plusieurs s'ils sont hypothéqués au maximum. Vous aviez dix ou
onze Boeing 737 à Nordair, à cette époque, enfin, en 1981,
semble-t-il. Quebecair avait trois BAC 1-11 jusqu'à ce qu'elle se lance
dans l'achat de ses Boeing en 1980-1981. Enfin, je pense que c'est utile de
voir l'importance des deux sociétés pour savoir si c'était
plus facile pour la petite d'acheter la grosse ou pour la grosse d'acheter la
petite. Vous, vous avez évidemment toujours préconisé
qu'il aurait été plus facile, en termes d'administration, de
fusionner Quebecair à partir de Nordair en une seule
société. D'autres, semble-t-il, préféraient
fusionner Nordair à partir de Quebecair. Une chose qui est
intéressante dans ce que vous nous avez dit, c'est qu'en 1977, vous
étiez président de Nordair et vous apprenez tout à coup
que votre société est à vendre. Les actionnaires
décident de vendre la compagnie. C'est à partir de ce
moment-là que plusieurs groupes ont tenté d'effectuer la fusion
de Quebecair et de Nordair, à partir du moment où Nordair a
annoncé son intention de vendre. Vous nous dites dans votre
mémoire que la première chose que les actionnaires de Nordair ont
faite, c'est d'aller rencontrer le ministre des Finances du Québec, M.
Parizeau. Je présume que c'était pour lui offrir la vente de
Nordair. Vous nous répondrez tantôt. Si c'est cela, c'est
intéressant, parce qu'on sait que le gouvernement du Québec a
toujours souhaité que Nordair soit fusionnée à Quebecair
à partir de Quebecair et même a investi des fonds importants dans
Quebecair dans le but, effectivement, de permettre éventuellement
l'achat de Nordair par Quebecair. Or, c'est la première fois à ma
connaissance qu'il est porté à notre attention que le
gouvernement du Québec a eu l'occasion d'acheter Nordair dès juin
1977, comme vous le dites. Pourriez-vous nous parler un peu de cette initiative
des actionnaires de Nordair?
M. Lizotte: Lorsque la décision de Nordair a
été prise de vendre la société, j'ai
été convoqué, naturellement, par M. James Tooley, qui
était le patron de la société et le président du
conseil. Il m'a annoncé qu'on avait décidé de vendre la
société. Nous
sommes allés au conseil d'administration. La décision fut
prise et il fut résolu que la première personne qu'on devait voir
- et qu'on a vue - serait naturellement M. Parizeau. Nous sommes venus ici
à Québec pour voir M. Parizeau et lui faire une
présentation de la valeur de la société et du fait que ce
serait une bonne chose pour le gouvernement du Québec d'acheter la
société Nordair. M. Parizeau nous a extrêmement bien
reçus. Il nous a dit qu'il allait communiquer avec nous. Nous avons
attendu quelques semaines. Nous avons encore communiqué avec M.
Parizeau. Il n'a pas retourné nos appels et nous avons continué
à chercher à atteindre M. Parizeau pendant environ six semaines,
même peut-être deux mois. Finalement, nous avons laissé
tomber, mais c'est la première personne que nous avons visitée et
nous lui avons dit: Nordair est à vendre. Voulez-vous l'acheter?
M. Bourbeau: Voulez-vous dire qu'après votre rencontre
avec M. Parizeau à son bureau avec l'actionnaire principal de Nordair,
en aucune façon, on ne vous a donné de nouvelles? On ne vous a
pas confirmé votre visite par écrit? On ne vous a pas
écrit que le gouvernement du Québec n'était pas
intéressé? On a simplement laissé filer sans aucune
nouvelle?
M. Lizotte: À moins que M. Parizeau n'ait posté une
lettre à M. Tooley, mais il me l'aurait dit, parce que nous
étions dans le dossier. Il y avait naturellement M. Tooley, il y avait
moi-même, il y avait M. Lefrançois et quelques autres personnes.
Il ne m'a jamais dit qu'il avait reçu une lettre de M. Parizeau lui
disant: On n'est pas intéressé, ou quelque chose comme cela.
Finalement, on s'est dit: II nous semble qu'ils ne sont pas
intéressés.
M. Bourbeau: Devant le...
M. Lizotte: C'est une chose très importante que vous avez
mentionnée tout à l'heure, que l'avoir de la
société Nordair est d'environ 27 000 000 $. Il n'y a pas
seulement des profits, mais il y a l'avoir de la société.
M. Bourbeau: Quand vous avez rencontré M. Parizeau et que
vous avez constaté qu'il n'y avait pas d'intérêt de la part
du gouvernement du Québec d'acheter Nordair, les actionnaires de la
compagnie Nordair ont fait savoir au public, je crois, que la compagnie
était en vente et qu'ils désiraient s'en départir. Y
a-t-il eu des groupes qui ont proposé d'acheter Nordair ou qui ont fait
des offres d'achat acceptables aux actionnaires?
M. Lizotte: On est devenus des vendeurs de société.
En fait, on a visité plusieurs personnes et je crois que la
troisième ou la quatrième personne que nous avons visitée
- je ne me les rappelle pas toutes - a été, naturellement, M.
Claude Taylor, chez Air Canada, qui a fait une étude des bilans de la
société. Nous lui avons dit que nous avions pressenti le
gouvernement du Québec pour l'intéresser et, par la suite, nous
avons continué à travailler avec Air Canada qui, finalement, a
acheté la société. Mais ce n'est pas Air Canada qui est
venue à nous en disant: On veut vous acheter. C'est nous, les vendeurs,
qui avons approché Air Canada pour lui dire: Voulez-vous nous acheter?
(16 h 45)
M. Bourbeau: Vous avez approché Air Canada après
avoir approché le gouvernement du Québec.
M. Lizotte: Ah oui! M. Bourbeau: Après.
M. Lizotte: Après. Je ne me rappelle pas si c'était
un mois ou deux après. Comme M. le ministre le disait tout à
l'heure, je n'ai pas les dates l'une après l'autre, mais c'était
après sûrement - j'oserais dire -d'environ deux mois.
M. Bourbeau: On connaît la suite. Air Canada a acquis le
contrôle de Nordair et est devenue coactionnaire de celle-ci avec le
Mouvement Desjardins, Air Canada étant l'actionnaire principal.
Subséquemment, le gouvernement du Canada a annoncé son intention
de revendre ses intérêts dans Nordair à l'entreprise
privée. Plusieurs groupes se sont manifestés: le groupe de M.
Hamel, le grouge de Quebecair qui était très
intéressé à acheter Nordair et également d'autres
groupes, incluant des groupes du Québec. Est-ce que vous ne faisiez pas
partie d'un groupe intéressé à acheter Nordair? Je pose la
question parce que nous sommes portés à penser qu'il n'y avait
qu'un seul groupe de Québécois intéressé à
acheter Nordair; je pense qu'il y avait d'autres groupes. Vous pourriez
peut-être nous décrire qui était candidat sur les rangs
pour se porter acquéreur de Nordair. On parle de 1978, de 1979, etc.
M. Lizotte: Malheureusement, je n'ai pas été la
fiancée du ministre Pépin. Comme vous le savez, on a formé
un groupe; les employés de la société Nordair ont
décidé d'acheter leur société. Naturellement, nous
avions un groupe avec la caisse d'entraide, la société Makiavik
et le groupe Lizotte qui représentait les employés de Nordair.
Lorsque nous regardons les partages de ces groupes, le groupe des
employés de Nordair avait 25%, Makiavik avait 25% et la caisse
d'Alma
avait 25% pour un total de 75% au Québec, avec 25% dans l'Ontario
qui appartenait à TEW qui est l'ancien Warnock Hersey, de
Montréal. Naturellement, il y avait le groupe de SID et l'autre groupe,
celui d'Alfred Hamel; pendant une certaine période de quelques mois, on
a annoncé qu'il y avait le groupe de Harry Steele de EPA qui
était également intéressé. Alors, il y avait notre
groupe et il y avait aussi le groupe d'Expéditex, celui d'Alfred Hamel,
celui de SID et de Great Lakes en Ontario qui parlaient pendant un certain
temps d'un certain partage que je n'ai jamais connu, et ce n'était pas
de mes affaires. Je peux vous dire que notre groupe était quand
même à 75% du Québec et à 25% de l'Ontario.
M. Bourbeau: Donc, il y avait plusieurs groupes qui
étaient intéressés a faire l'acquisition de Nordair
à partir du moment où le gouvernement fédéral avait
annoncé son intention de revendre Nordair à l'entreprise
privée. Subséquemment, on sait ce qui est arrivé, il y a
eu des modifications de régime à Ottawa. Les conservateurs sont
arrivés au pouvoir, il y a eu un nouveau ministre des Transports;
après cela, les libéraux sont revenus; le temps est passé
entre la chute des gouvernements et l'arrivée des nouveaux. Et puis, la
situation a changé en ce qui concerne l'état financier des
compagnies, de sorte qu'en 1981, il semble que les actionnaires de Quebecair
aient trouvé qu'il n'était plus possible pour eux de continuer
d'espérer fusionner Nordair à partir de Quebecair. Les
actionnaires de Quebecair ont sollicité une offre - je pense que c'est
le mot qui a été employé - de Nordair pour une fusion
éventuelle. Vous étiez alors encore président de Nordair,
alors vous étiez certainement très au courant de ce qui s'est
passé. Pouvez-vous nous dire comment est venue cette offre? De quelle
façon a-t-elle été dirigée? À quel
moment?
M. Lizotte: Vous parlez de l'offre de Nordair pour l'achat de
Quebecair?
M. Bourbeau: Non, je parle plutôt de la demande venant des
actionnaires de Quebecair à Nordair de faire une offre. Qui a pris
l'initiative et à quel moment les actionnaires de Quebecair ont-ils
demandé qu'on leur fasse une offre?
M. Lizotte: Du côté technique et financier,
naturellement, il y a eu des dialogues entre M. Gauthier de SID et Jean
Douville qui représentait l'actionnaire principal et je me suis
occupé surtout du côté opérationnel, de la fusion
possible entre les deux sociétés; j'étais au courant qu'il
y avait des dialogues approfondis entre les deux, c'est-à-dire M.
Gauthier et M. Douville. Finalement, nous avons abouti dans le bureau du
ministre M. Landry et nous avons fait une offre dont, je crois, M. Jean
Douville a parlé à une séance il y a quelques semaines.
Après cela, on nous a avisés que les actionnaires de la
société Quebecair avaient décidé de ne pas donner
suite à la possibilité de vendre à la compagnie Nordair.
Et nous avons entendu dire, exactement une semaine après, que le
gouvernement du Québec avait décidé de placer 15 000 000 $
- on l'a su par le truchement des journaux -dans la société
Quebecair.
M. Bourbeau: Les actionnaires de Quebecair sollicitent une offre;
une offre est préparée par Nordair pour faire une fusion avec
Quebecair. L'offre est envoyée aux actionnaires de Quebecair, je
présume.
M. Lizotte: Oui.
M. Bourbeau: Et pendant que l'offre est encore en vie, si je peux
dire, est encore valable, vous vous présentez au bureau de M. Landry.
Pourquoi êtes-vous allés voir M. Landry? Pourtant, il
n'était pas actionnaire de Quebecair. Est-ce que vous n'auriez pas
plutôt dû aller voir M. Hamel et le Mouvement Desjardins pour aller
expliquer votre offre? Pourquoi le bureau de M. Landry?
M. Lizotte: Non, cela avait été fait. Il y avait eu
des dialogues, naturellement, comme je le disais tout à l'heure, avec M.
Gauthier; il y avait eu des dialogues avec M. Hamel. Alors, cela avait
été fait. Nous avons décidé d'aller voir le
gouvernement du Québec; nous sommes allés voir M. Landry par
courtoisie, du fait que M. Landry avait été impliqué dans
le dossier Quebecair, le dossier Nordair, il y a des années, qu'il
était conscient de ce qui se passait, des problèmes et M.
Parizeau également. MM. Parizeau et Landry avaient entrepris des
démarches il y a des années - je ne me souviens pas tout à
fait quand, mais il y a des années - pour cette possibilité
même de fusion.
Alors, par courtoisie, nous avons visité M. Landry.
Naturellement, le ministre Clair, qui était entré en fonction
peut-être quelques semaines avant, était là. Nous sommes
allés discuter avec lui de l'offre que nous faisions et de ce que nous
croyions être bon pour la province de Québec et les deux
sociétés. M. Landry nous a dit très clairement, si je me
souviens bien, que, sous les angles économique, financier et technique,
notre proposition avait beaucoup de bon sens, mais que cela n'entrait pas dans
les objectifs du gouvernement et qu'il ne pouvait pas nous appuyer dans cette
offre. Ceci s'est passé vers la fin de l'après-midi dans ses
bureaux et M. Clair était là.
M. Bourbeau: Si je me souviens bien,
c'est le 16 juillet 1981, cela a été rapporté dans
la lettre.
Alors, vous êtes dans le bureau de M. Landry et le ministre Clair
est là. Je dois dire, pour les fins de l'histoire, que le ministre Clair
était quand même ministre depuis plus de deux semaines en juillet
1981, puisque les élections avaient eu lieu en avril 1981 et que le
ministère des Transports n'est pas resté sans ministre d'avril
à juillet. Le 30 avril, le ministre Clair est entré en
fonction.
On vous a dit que votre offre, à tout point de vue, était
excellente sauf qu'elle n'était pas conforme aux objectifs du
gouvernement. Est-ce qu'on vous a spécifié quels étaient
les objectifs du gouvernement, à ce moment, dans le dossier
Quebecair?
M. Lizotte: Non, pas spécifiquement. M. Landry a bien
mentionné qu'il voulait avoir une société francophone...
Je me souviens très bien qu'il a dit: Je voudrais aller à Paris
sur les ailes de Quebecair et voir la fleur de lys à Paris. Ce sont des
choses qu'il a dites. À part cela, il n'a pas donné ses objectifs
quant à ce qu'il voulait faire éventuellement, mais il nous a
fait savoir cette journée-là qu'il n'endossait pas du tout
l'offre de la société Nordair.
M. Bourbeau: Pour ce qui est de l'offre que vous aviez faite,
cette offre avait été négociée avec les
actionnaires de Quebecair, avec le Mouvement Desjardins, avec M. Hamel et la
corporation Provost, je présume, puisque vous négociiez avec eux.
C'était M. Gauthier qui négociait pour le groupe des actionnaires
de Quebecair...
M. Lizotte: C'était M. Gauthier, naturellement, qui
représentait la SID. Je ne sais pas jusqu'à quel point il
représentait également M. Hamel. Je présume qu'il
représentait le groupe, mais peut-être que je me trompe. Je sais
que les négociations, en ce qui concerne le prix, et la technique de la
présentation avaient été faites entre le
représentant de l'actionnaire principal et M. Gauthier et que M.
Gauthier a parlé avec ses collègues membres du conseil de
Quebecair.
M. Bourbeau: II a été dit
précédemment que M. Gauthier avait un mandat de la part des
actionnaires pour négocier avec Air Canada, sauf erreur. L'offre est
préparée. Elle est soumise aux actionnaires de Quebecair.
Pourriez-vous nous parler un peu de cette offre qui, semble-t-il, était
acceptable aux actionnaires de Quebecair, puisqu'elle avait été
négociée avec eux? C'est l'intervention du gouvernement du
Québec qui l'a fait avorter. Cela a été dit la semaine
dernière par les actionnaires de Quebecair qui ont bien dit que c'est le
refus du gouvernement du Québec qui les avait empêchés
d'accepter l'offre. Quant au Mouvement Desjardins, il a ajouté qu'il
s'est rallié à la décision de l'actionnaire majoritaire,
M. Hamel, qui, semble-t-il, est le premier à avoir décidé
de suivre les impératifs du gouvernement.
En ce qui concerne cette offre, vous semblez dire qu'elle était
avantageuse et intéressante. Si vous offriez de payer à peu
près 7 500 000 $ pour acheter Quebecair, c'est le prix également
que le gouvernement du Québec s'est engagé à payer aux
actionnaires... Or, deux ans plus tard, Quebecair fait un déficit de
presque 22 000 000 $ en 1982, l'année dernière. Qu'est-ce qui
vous fait dire que, si vous aviez fusionné Quebecair à Nordair,
on n'aurait pas eu un déficit semblable? Comment se fait-il que, dans un
cas, vous prétendez que cela aurait pu être intéressant
alors que, dans le cas actuel, c'est un vrai désastre financier?
Pourquoi cela aurait-il été différent?
M. Lizotte: Premièrement, pendant la période de
l'été... La fusion possible, on a dû étudier ses
activités au moins durant six mois avant de décider que
c'était là une certaine possibilité. Là,
naturellement, nous avons fait des démarches pendant cette
période auprès de courtiers, de vendeurs d'avions, si vous
voulez, dans le monde pour regarder les possibilités de louer des
appareils. Durant cette période, c'était un problème
d'acheter des appareils, mais il y avait une grande possibilité de louer
des appareils avec des contrats à long terme. Du côté des
appareils, nous étions assurément en position de louer des
appareils.
Du côté des dépenses, nous avions
immédiatement des programmes de rechange pour couper les dépenses
considérablement sans affecter les employés. Avec le surplus
d'employés avec une fusion possible, nous étions en position de
faire usage des employés en surplus pour nous donner un coup de main
afin d'aller chercher une part respectable du marché, où il y
avait de la concurrence, et aussi pour le service à la clientèle.
Naturellement, nous avions des programmes de nolisement jugés
réalistes afin de nous donner l'occasion d'avoir des nolisements en fin
de semaine et non la semaine. Il y avait des marchés où on
pouvait facilement couper les dépenses immédiatement parce que
nous avions un double emploi, comme à Toronto, si vous voulez. Quebecair
faisait usage d'un autre groupe de personnes pour s'occuper des comptoirs
à Toronto et nous pouvions utiliser nos propres employés à
Toronto. Ces choses-là apportaient une possibilité de
rentabilité sur une période d'à peu près trois ans.
(17 heures)
M. Bourbeau: Toujours au sujet de
l'offre de juillet 1981, pourriez-vous nous dire, dans la fusion qui
aurait pu se faire à ce moment-là, quelles garanties
Québec aurait reçues en termes de siège social, garanties
culturelles, place des francophones, nom de la compagnie? Est-ce que Quebecair
serait disparue dans la fusion? Est-ce que l'identité de Quebecair
aurait été complètement détruite ou si certaines
garanties avait été données...
M. Lizotte: Non, ce n'était pas du tout l'intention de
faire disparaître Quebecair, Nordair ou les deux. J'ai mentionné
tout à l'heure qu'une société de gestion devait être
formée. Il devait y avoir Quebecair, avec son conseil d'administration
qui était également de la société centrale. Nous
avions Nordair parce que les noms Quebecair et Nordair ne peuvent pas
disparaître, il faut absolument qu'ils continuent. Il y avait donc ces
deux noms-là et on avait en plus la société les voyages
Treasure Tours dont les centres de profit étaient contrôlés
par une société de gestion qui pouvait s'appeler - je crois que
nous avions trois ou quatre noms différents -la Société
centrale de l'aviation.
Il y avait également une certaine fusion là où on
pouvait fusionner les services des deux sociétés et on l'appelait
Nordair Quebecair aviation services aériens. L'identité de
Quebecair ne partait pas, l'identité de Nordair ne partait pas, on
gardait les deux identités.
M. Bourbeau: Voulez-vous dire que la compagnie fusionnée
se serait appelée Nordair ou Quebecair? Vous parlez d'une
société centrale, est-ce que c'était Air Central? Est-ce
qu'il y avait un nouveau nom qui devait être...
M. Lizotte: C'était peut-être une demi-fusion. Il y
avait des choses qui étaient fusionnées et il y en avait d'autres
qui ne l'étaient pas. Je ne parle pas des finances, je parle strictement
du côté des opérations. Donc, Quebecair allait à
Mont-Joli sous les ailes de Quebecair. Quebecair allait dans d'autres
marchés sous les ailes de Quebecair. Les deux sociétés
ensemble étaient en position de fusionner quelques services, même
plusieurs services, sans que ce ne soit au détriment des employés
des deux sociétés.
M. Bourbeau: Autrement dit, vous gardiez les noms des deux
sociétés, un peu comme Quebecair fait avec Regionair
actuellement, si je comprends bien. Dans certains coins c'est Regionair et dans
d'autres coins c'est Quebecair mais ce sont les mêmes actionnaires et la
coordination est faite au niveau d'un seul conseil d'administration. Est-ce que
cela décrit un peu le projet que vous aviez en tête à ce
moment-là?
M. Lizotte: Oui.
M. Bourbeau: Maintenant, la place des francophones. Il semble que
cela ait joué un rôle prépondérant dans la
décision du gouvernement du Québec de faire avorter la fusion en
juillet 1981. Dans son allocution d'ouverture, le 1er mars, le ministre des
Transports du Québec nous disait qu'il n'y avait aucune garantie quant
à la place que les francophones auraient réellement
occupée dans cette nouvelle proposition où Quebecair devenait
filiale de Nordair, dont on connaît les velléités de la
haute administration de faire une place aux francophones mais où la
progression réelle de ceux-ci s'est sans cesse heurtée à
un blocage systématique de l'entreprise dans son ensemble. C'est une
partie de son discours, la progression des francophones chez Nordair.
On disait aussi que la proposition que vous aviez faite conduisait
inévitablement à la disparition de Quebecair, à la perte
de centaines d'emplois chez Quebecair car le principe de l'intégration
des employés selon l'ancienneté n'était nullement acquis.
C'est le ministre qui nous a dit cela. Finalement, j'ai un autre extrait et je
regroupe cela ensemble pour ne pas poser plusieurs questions. J'avais une autre
partie, mais, de toute façon, c'est suffisant, je pense.
La place des francophones chez Nordair, je pense que c'est un des points
importants qui ont motivé le gouvernement du Québec à
investir dans Quebecair, en 1981, c'est-à-dire à faire avorter le
projet de fusion à ce moment-là. Est-ce que la
société Nordair fait vraiment une place intéressante aux
francophones? Est-ce que, dans le cadre d'un regroupement avec Quebecair, selon
la proposition qui était sur la table en juillet 1981, il y aurait eu
une place de choix pour les francophones dans l'entreprise?
M. Lizotte: Écoutez! Je crois que mon ex-collègue,
M. Douville, est venu à cette table, il y a deux semaines, avec des
personnes francophones qui ont eu des promotions et également avec le
président du conseil, M. Roland Lefrançois. Plusieurs personnes
francophones ont eu des promotions chez Nordair. Si je me rappelle bien, en
1974-1975, au Québec, environ 20% à 25% de la population de
Nordair était francophone et, maintenant, on approche 40% à 50%.
Cela démontre une tendance de la société, de
l'administration, de la haute direction à donner des emplois, au sein de
la société Nordair, à des francophones. Lorsque
j'étais chez Quebecair, je vous assure que, comme directeur
général, aucun francophone n'a souffert de cette situation. Vous
voyez, par la tendance chez Nordair, qu'aucun francophone n'a souffert de la
situation. C'était notre intention de continuer le
développement des francophones dans le groupe de
sociétés qu'on fusionnait. Notre but n'était pas, comme je
vous l'ai dit au cours de mon exposé, de détruire Quebecair parce
que jamais je n'aurais participé à quelque chose du genre. Ce
n'était pas de détruire Quebecair et ce n'était pas de
faire du tort, mais c'était même une bonne chose pour aider les
francophones dans les deux sociétés.
Vous savez, il est préférable d'avoir 60% de francophones
qui donnent un total de 1500 que d'avoir 100% de francophones qui donnent un
total de 500. Pour l'évolution des francophones dans le marché de
l'aviation, qu'est-ce que cela veut dire? C'est d'essayer de créer des
emplois agressivement, contre des concurrents, et donner la chance aux
francophones d'évoluer. C'était notre intention.
M. Bourbeau: J'achève. Je ne veux pas prendre trop de
temps.
Tout à l'heure, dans votre allocution, je pense qu'on peut
résumer en deux points ce qui vous apparaît être les causes
des problèmes financiers de Quebecair.
Premièrement, concernant l'achat des Boeing, vous semblez dire
qu'à votre avis Quebecair aurait dû se limiter à l'achat de
deux Boeing 737, alors qu'elle en a acheté cinq. Par conséquent,
elle a du financer des montants d'argent très importants pour des avions
dont elle n'avait pas besoin. Deuxièmement, vous faites état,
d'une façon très continue, dans les pages de votre texte, du
problème de l'utilisation de ce que vous appelez les gestionnaires en
place. Vous faites allusion au fait que, chez Quebecair, il y a eu un grand
nombre de changements dans le personnel cadre au cours des années. Vous
parlez toujours d'utiliser les gestionnaires en place et de voir à leur
formation. Vous parlez des gens que vous avez trouvés chez Quebecair,
qui venaient de Rimouski, Mont-Joli, Rivière-du-Loup, ce qui a fait
grandement plaisir à notre président, le député de
Rivière-du-Loup. Enfin, vous avez beaucoup insisté sur
l'utilisation des gens en place et d'une certaine permanence, si je peux dire,
dans le personnel. Vous avez fait aussi allusion à tous vos
ex-collègues qui sont partis de Quebecair et vous en avez nommé
un grand nombre qui ont quitté. Vous demandez: Où sont-ils? Je
tiens à vous rassurer à l'égard de deux d'entre eux. Vous
allez les voir aujourd'hui, parce que M. Robert Obadia et M. Claude
Lévesque, qui étaient dans votre liste d'anciens collègues
de Quebecair, ont accepté de venir témoigner devant la commission
et ils vous suivront effectivement tous les deux.
Cela m'apparaît comme étant une de vos
préoccupations majeures, le haut taux de roulement, si je peux dire, du
personnel chez Quebecair. Est-ce que cela vous apparaît comme
étant vraiment une des raisons? Je vais terminer là-dessus parce
que dans vos recommandations, dans les suggestions que vous faites, vous dites
ceci, à l'égard des employés: II nous faut trouver et
utiliser des gens de métier chez Quebecair pour étudier la
solution à ces problèmes. Également, vous suggérez
d'offrir des actions aux employés de Quebecair.
Donc, dans votre esprit, vous semblez attacher beaucoup d'importance aux
employés, à leur permanence et à leur intérêt
dans l'entreprise. Est-ce que vous pourriez préciser un peu
là-dessus?
M. Lizotte: On va partir d'année en année - et
j'espère que je ne me trompe pas trop - de l'année 1975 lorsque
je suis parti, et je vais les nommer par groupes, si vous voulez, dans quelques
années. Vous avez le groupe Morin qui a été
remplacé par ce qu'on a appelé le groupe des trois mousquetaires:
trois directeurs généraux; vous pouvez vous imaginer comment
diriger les affaires d'une société avec trois directeurs
généraux. C'était de la foutaise. Après, vous avez
eu le groupe de Crossan qui a duré peu de temps. Après cela, vous
avez eu le groupe Hamel. Hamel, Champagne. Après cela, vous avez eu
Champagne et parties. Après cela, il y a Hamel tout seul. Là
c'est Leblond, Hamel. Ceci est incompréhensible pour l'évolution
d'une société aérienne au Québec ou dans l'Ontario.
Ce n'est pas une critique comme je vous disais tout à l'heure, mais
c'est un fait.
Il y avait de nouvelles politiques. Il y avait de nouvelles
stratégies d'expansion qui n'étaient pas suivies. Ce fut
là un des problèmes majeurs. Naturellement, les gestionnaires qui
étaient en place depuis des années, des gars de Quebecair qui
sont venus de tous les coins de la province de Québec, pour suivre
l'évolution de la société, ce n'étaient pas tous
des MBA de McGill ou des MBA de Harvard, mais c'étaient des gars de
métier, qui connaissaient leur métier, et qui pouvaient faire
quelque chose parce qu'ils l'ont fait dans notre temps. Ce sont des gars qui
ont été désolés. Ce sont des gars qui sont
restés là et qui ont eu peur de s'avancer. Je vous assure que je
demande au ministre, si vous le permettez, de faire peut-être une
enquête parmi les gestionnaires de la société. Pas
seulement à un échelon, mais à plusieurs paliers pour
savoir exactement ce qui est arrivé.
Je constate que depuis six ans, vous avez eu cette chose chez Quebecair
qui a créé une situation affreuse parce que la croissance en
revenus était quand même assez intéressante lorsqu'on parle
d'une croissance de 175%, mais la continuité d'une philosophie
administrative qui est tout à fait nécessaire pour une
société comme Quebecair, n'a pas été suivie. Cela a
été une
chose que les employés de la société Quebecair,
même quelques pilotes peuvent constater aussi bien que les
gestionnaires.
M. Bourbeau: Je vais vous poser une dernière question, M.
Lizotte. Tout à l'heure, vous avez parlé un peu des vols
nolisés. Je ne veux pas trop insister là-dessus, sauf que M.
Hamel, lors de son témoignage, il y a une dizaine de jours, nous a dit
que Quebecair avait fait l'acquisition, à la fin de 1981, de deux avions
additionnels Boeing 737-17 dans le but de pouvoir faire du vol nolisé
jusqu'à la Barbade. Au profit de ceux qui n'étaient pas à
l'écoute, Quebecair avait déjà des Boeing 737, mais de
type Dash 9, dont le rayon d'action est moins long et qui ne peuvent pas se
rendre à la Barbade sans faire un arrêt en cours de route, alors
que les Dash 17 eux pouvaient le faire. On a acheté les deux Dash 17,
semble-t-il, pour pouvoir faire des vols nolisés plus loin que la
Floride ou que le rayon d'action des Dash 9. (17 h 15)
Vous avez parlé un peu tantôt des vols nolisés et de
ces achats d'avion. Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, ce
n'était pas souhaitable d'acheter ces deux avions? Vous avez dit que
vous trouviez qu'il y en avait de trop, mais pouvez-vous nous expliquer pour
quelle raison, d'après vous, ce n'était pas une bonne
décision d'acheter des avions à long rayon d'action - ou à
moyen rayon d'action, mais plus long que les Boeing ordinaires - pour une
compagnie comme Quebecair?
M. Lizotte: Premièrement, lorsqu'on regarde le
marché de la Barbade, c'est un marché limité, saisonnier.
Si on achète un avion pour aller surtout dans un marché comme la
Barbade, c'est un marché qui peut durer peut-être trois ou quatre
mois par année. Au lieu d'acheter des avions pour aller aussi loin - et
c'est un marché limité, je ne me rappelle pas combien il y a de
passagers par année, mais c'est un marché limité - il
aurait été préférable, avion pour avion, d'acheter
un avion qui coûte moins cher et de l'utiliser là où il y
avait une certaine densité de trafic, soit à Toronto ou à
un autre endroit, pour aller chercher un chiffre d'affaires. Quant au
coût, on m'a dit, si je me rappelle bien, que le coût d'un avion
semblable peut être d'environ 1 000 000 $ de plus l'unité,
c'est-à-dire par appareil. Je ne sais pas. On me dit que c'est cela. Si
c'était pour aller chercher un marché - si c'est cela, si c'est
la raison pour laquelle on a acheté des Dash 17 - très
limité, dans une période de temps très limitée
pendant l'année, franchement, ce n'était pas une dépense
qui aurait du être faite.
M. Bourbeau: M. Lizotte, je termine. Je tiens à souligner
qu'après avoir fait l'analyse de l'historique de Quebecair et de Nordair
et des problèmes de Quebecair, vous avez terminé votre
exposé en soumettant à la commission vos recommandations pour la
rentabilisation éventuelle de Quebecair. Je tiens à vous
féliciter d'avoir fait cet effort pour apporter une contribution valable
à nos débats, puisque le mandat de la commission n'est pas
seulement d'étudier l'évolution, mais également l'avenir
de Quebecair. J'ose espérer que ceux qui ont à prendre les
décisions concernant l'avenir de Quebecair tiendront compte de vos
recommandations. Quant à moi, je vous remercie de vous être
déplacé. Je sais qu'il y a d'autres députés qui
veulent poser quelques questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Laporte. M. le député de Vimont.
M. Rodrigue: M. Lizotte, tout à l'heure, en réponse
aux questions du député de Laporte, vous avez mentionné,
quant à l'offre de fusion de Quebecair avec Nordair, qui avait
été faite en juillet 1981, si je me souviens bien, que
c'était plutôt, selon l'expression que vous avez utilisée,
une semi-fusion. Il me semble que c'est ce que vous avez mentionné; que
ce qui était envisagé, c'était plutôt une
semi-fusion à ce moment-là. Pourriez-vous être plus
explicite là-dessus? Cela veut-il dire que Quebecair devenait une
filiale de Nordair ou du moins qu'une partie du réseau de Quebecair
devenait une filiale de Nordair? Cela vient un peu en contradiction avec ce que
nous a dit M. Douville lors d'une séance précédente, alors
que je lui avais posé la question à savoir si c'était une
intégration complète des deux transporteurs aériens qui
était envisagée par l'offre de Nordair de fusionner Quebecair ou
de faire l'acquisition de Quebecair. À ce moment-là, il m'avait
dit: Oui, c'est une intégration complète. Aujourd'hui vous avez
parlé plutôt d'une semi-intégration.
J'aimerais que vous précisiez un peu de quoi il était
question.
M. Lizotte: Je vais vous répondre en vous disant que,
naturellement, il avait raison, que c'était une fusion intégrante
financièrement. Par ailleurs, je vous ai dit tout à l'heure qu'il
y avait quatre centres de profits, qui étaient Quebecair, Nordair,
Quebecair-Nordair services aériens et naturellement, les Voyages
Treasure Tours. J'appuie ce que mon collègue a dit, que c'était
une fusion. Lorsque j'appelle cela une semi-fusion, je l'appelle ainsi du
côté opérationnel plutôt que financier.
M. Rodrigue: Ce n'est pas du côté corporatif,
à ce moment-là.
M. Lizotte: Non, ce n'est pas du côté
corporatif.
M. Rodrigue: Bon!
M. Lizotte: Tout cela pour dire que...
M. Rodrigue: Oui, allez-y.
M. Lizotte: ...Quebecair venait à Québec; Quebecair
allait à Sept-Îles et ailleurs.
M. Rodrigue: D'accord. Vous avez fait allusion, dans votre
mémoire, à une rencontre avec M. Parizeau qui aurait eu lieu le
22 juin 1977 au cours de laquelle vous et M. Tooley l'aviez informé de
l'intention des actionnaires de Nordair de se départir des actions de la
compagnie, de vendre la compagnie. Est-ce qu'il avait été
question du prix de vente avec M. Parizeau?
M. Lizotte: Du prix de vente? M. Rodrigue: Oui.
M. Lizotte: Non. Naturellement, on avait parlé de la
possibilité de négocier parce que le prix de vente variait.
Alors, on avait soumis un prix que je ne me rappelle pas tout à fait,
mais on n'avait pas dit: Cela est notre prix, et voilà prenez-le ou
laissez-le tomber.
M. Rodrigue: Quand vous dites que vous aviez soumis un prix,
est-ce que c'était une indication de ce que les actionnaires
souhaitaient obtenir de la part du Québec, si le Québec
avait...
M. Lizotte: ...à négocier...
M. Rodrigue: ...à négocier? Est-ce que vous vous
rappelez du prix qui avait été mentionné à ce
moment?
M. Lizotte: Non.
M. Rodrigue: Vous ne vous le rappelez pas.
M. Lizotte: Non.
M. Rodrigue: Je vous pose cette question, parce que je l'ai
posée à M. Douville et il m'a répondu qu'il n'était
pas, à l'époque, chez Nordair, donc il n'était pas en
mesure de répondre. Quand on regarde la relation des
événements qui se sont produits au cours de 1977 et au
début de 1978, on constate - là je rappelle ce que j'ai dit lors
d'une séance précédente de la commission -qu'en janvier
1977, les actions de Nordair se transigeaient à 2,10 $ à la
Bourse, qu'en juillet 1977, les mêmes actions se transigeaient à
2,15 $, ce qui est sensiblement le même prix, et que, par ailleurs, les
mêmes actions ont été gelées à la Bourse,
à la demande des actionnaires de Nordair, à 6,22 $ en
décembre 1977, le 22 décembre pour être précis, et
que le 6 janvier 1978, soit deux semaines plus tard au maximum, Air Canada est
venue offrir 11,50 $ l'action pour l'ensemble des actions de Nordair, soit un
coût global de 25 000 000 $. Est-ce que vous saviez - vous êtes
arrivé chez Nordair en 1976, donc vous n'étiez pas là
auparavant - qu'en 1973, il y avait eu une option d'achat d'actions qui avait
été concédée à des dirigeants très
importants de Nordair et que cette option d'achat d'actions des dirigeants de
Nordair leur a permis de faire l'acquisition des actions à un prix de
4,45 $ l'action et de les revendre presque immédiatement par la suite
à 11,50 $ à Air Canada, ce qui leur permettait de réaliser
un profit de 7,05 $ l'action presque instantanément? Je vous rappelle
qu'en janvier, au début de l'année et jusqu'au milieu de
l'année 1977, les mêmes actions étaient à 2 $. Tout
à coup, lors de l'offre d'Air Canada, ces actions grimpent à
11,50 $.
Il nous apparaît, en ce qui me concerne en tout cas, qu'une telle
appréciation d'actions d'une entreprise est assez surprenante. Il y a
peut-être des explications valables et j'espère que vous serez en
mesure de nous les fournir. J'ai posé la question à M. Douville
et il n'était pas en mesure de le faire. Mais il y a là un
élément qui nous apparaît très surprenant de voir
des actions monter autant que cela; c'est donc l'objet de ma première
question.
Quant à ma deuxième question: Est-ce que vous saviez qu'il
y avait des dirigeants de Nordair qui avaient des options qu'ils ont
exercées pour l'achat d'actions de Nordair à 4,45 $ pour ensuite
les revendre très rapidement à Air Canada au prix de 11,50 $, ce
qui leur permettait de réaliser le profit de 7,05 $ l'action que je vous
ai mentionné?
M. Lizotte: Si le contrôle a vendu des actions à un
certain prix et que ces actions ont été achetées par Air
Canada, cela est naturellement une chose qu'il faudrait demander au
contrôle de Nordair. Lorsque vous parlez des actions sur le
marché, il y a assez souvent une différence entre la valeur des
actions sur le marché et lorsque vous vendez la société
avec tous les actifs. Naturellement, dans le cas des avions, c'est une valeur
qui arrive avec les valeurs des avions, les valeurs des actifs, etc. Alors que,
comme vous dites, Air Canada a soumis un prix de 11,50 $ - c'est bien cela que
vous avez dit - et que, finalement la société a payé, si
je ne me trompe pas, 12,61 $, naturellement, je suis persuadé qu'il y a
eu des études approfondies qui ont mené à cette
évaluation. Quand même, c'est surtout sur la valeur des
avions, que vous pouvez vendre à un certain prix; je me souviens
très bien que lorsqu'on a fait une étude de la valeur de la
société et de ses actifs, cela montait dans les 12 $ à 13
$.
M. Rodrigue: Est-ce que vous avez personnellement
participé à ces études ou si vous avez eu connaissance de
ces études qui auraient été faites parce que, à ce
moment, vous occupiez une fonction très importante, vous étiez
président? Lorsque vous êtes entré en 1976, vous êtes
entré à la fonction de P.-D.G., président-directeur
général?
M. Lizotte: Lors de ces faits, j'étais le président
administrateur en chef et non le P.-D.G. Le P.-D.G. était M. Tooley.
M. Rodrigue: L'autre question que je vous ai posée est:
Est-ce que vous saviez qu'il y a des actionnaires importants parmi les
dirigeants de Nordair qui, à ce moment, détenaient des options
sur l'achat de 75 000 actions de Nordair, options qui leur permettaient de s'en
porter acquéreurs au prix de 4,45 $ l'action?
M. Lizotte: Non.
M. Rodrigue: Vous n'étiez pas au courant. Je vous pose
cette question parce que je vous signale qu'en novembre et décembre
1977, il y a eu d'importantes transactions sur les actions de Nordair à
la Bourse. Je vous cite les chiffres ici parce que les actions de Nordair,
quand même, n'étaient pas transigées - c'est ce que nous a
dit M. Douville lors de la séance précédente -
n'étaient pas transigées d'une façon très intensive
à la Bourse et pourtant on constate qu'en novembre et décembre
1977, il s'est acheté 69 458 actions de Nordair et il s'en est vendu 66
718, la différence étant dans les compensations qu'exercent les
courtiers dans ce temps-là. Les courtiers sont toujours
détenteurs d'un certain nombre d'actions et cela explique un peu la
différence entre les achats et les ventes.
Alors, il y a des transactions extrêmement importantes qui se sont
déroulées juste avant qu'Air Canada fasse son offre et on
constate qu'Air Canada a fait une offre qui est quand même à peu
près cinq fois supérieure au prix de transaction des actions au
début de l'année 1977. À ce moment, effectivement, il y a
lieu de se poser des questions quant aux motifs qu'avait Air Canada d'offrir un
tel prix. Si j'ai bien compris votre réponse, vous pensez qu'ils
auraient fait l'évaluation des actifs à ce moment et qu'ils
auraient basé leur prix là-dessus.
M. Lizotte: Je ne sais pas. Il faudrait -avec respect M. le
député - le demander au contrôle de Nordair du temps. La
chose que je peux vous dire, c'est que lorsque est venu le temps de vendre la
société à Air Canada ou peut-être au gouvernement du
Québec ou à n'importe qui, l'évaluation que nous avons
faite des appareils s'élevait au-delà de 25 000 000 $ d'actif. Et
le prix était basé sur cette évaluation. Pour ce qui est
des échanges des actions avant, je dois vous dire que je ne suis pas
qualifié pour répondre à cette question. Il faudrait
définitivement... J'étais le président administrateur en
chef et non le P.-D.G.
M. Rodrigue: D'accord. Personnellement, est-ce que vous
déteniez des options d'achat d'actions de Nordair à ce
moment?
M. Lizotte: Oui, j'en avais.
M. Rodrigue: Des options d'achat ou des actions?
M. Lizotte: Non, pas des options.
M. Rodrigue: Ah! Vous aviez des actions.
M. Lizotte: J'avais des actions.
M. Rodrigue: Que vous aviez achetées...
M. Lizotte: Que j'avais achetées, oui.
M. Rodrigue: D'accord. Vous n'étiez pas parmi ceux qui
détenaient des options antérieures?
M. Lizotte: Non.
M. Rodrigue: Si mes renseignements sont bons, vous
déteniez je pense, 50 000 actions de Nordair, le 1er mars 1977, et, au
1er mars 1978, vous ne déteniez plus que 35 000 actions de Nordair.
Est-ce que c'est exact.
M. Lizotte: Non.
M. Rodrigue: Ce n'est pas exact?
M. Lizotte: Je n'ai jamais détenu 50 000 actions de
Nordair.
M. Rodrigue: Vous n'avez jamais détenu 50 000 actions de
Nordair.
M. Lizotte: J'aurais bien aimé cela.
M. Rodrigue: Vous auriez aimé cela. Ahl Ah! Et le chiffre
de 35 000?
M. Lizotte: 35 000, pardon?
M. Rodrigue: Est-ce que c'est plus près de 35 000?
M. Lizotte: C'est plus près de 35 000. (17 h 30)
M. Rodrigue: J'aurais une autre question maintenant qui... Je
vais vous permettre de changer de chapeau jusqu'à un certain point. Vous
avez joué un rôle important à Quebecair, vous nous l'avez
souligné dans votre mémoire. Vous êtes passé chez
Nordair et, maintenant, vous êtes à la Société des
postes. Un des éléments de rentabilité, bien sûr,
d'un transporteur aérien, ce sont les contrats qu'il peut obtenir pour
faire du transport de marchandises ou du transport pour des
sociétés importantes sur une base régulière. Cela
lui permet de mieux planifier ses activités et d'assurer sa
rentabilité.
Je veux vous référer au contrat de transport de la poste
de Val-d'Or à Poste-de-la-Baleine et, également, au-dessus du 55
parallèle au Québec qui a fait l'objet d'un appel d'offres et
pour lequel, si mes renseignements sont bons, vous aviez reçu des
soumissions de plusieurs sociétés, dont Air Creebec et l'une des
filiales de Quebecair qui s'appelle Propair. Selon les renseignements que j'ai,
Propair aurait présenté la plus basse soumission pour le contrat
de transport du courrier de Val-d'Or à Poste-de-la-Baleine et
au-delà du 55 parallèle. Malgré cela, le contrat aurait
été accordé à Air Creebec, dont l'opérateur
présentement sur le terrain est la société Austin Airways
de l'Ontario, le transporteur aérien qui avait les contrats de transport
du courrier auparavant sur ces lignes et, finalement, avec lequel vous semblez
continuer à fonctionner. Est-il exact que Propair avait
présenté la plus basse soumission pour ce contrat?
M. Lizotte: Je dois vous répondre, M. le
député, en lisant quelques lettres. La première a
été envoyée à M. Michel Clair, ministère des
Transports; elle est datée du 17 novembre 1982. Après qu'il a
fait imprimer dans le journal La Presse que je haussais Quebecair, j'ai
envoyé une lettre lui disant: "Lors d'une entrevue accordée au
journaliste Gilles Gauthier de la Presse, le 10 novembre 1982, vous
émettiez une certaine opinion sur l'octroi d'un contrat par la
Société canadienne des postes à la société
Air Creebec. Comme il m'a semblé que vous teniez vos informations de
Propair, j'ai pensé opportun de vous faire parvenir une copie de ma
lettre à M. Pronovost, en réponse à une lettre qu'il
m'adressait récemment sur le même sujet. Je vous fais aussi
parvenir une copie de la lettre que j'ai envoyée aux
représentants des employés de Quebecair, dont certains m'avaient
appelé spontanément pour m'assurer qu'ils ne se laissaient pas
manipuler par les appels à la haine." Je crois, M. le ministre, que vous
vous rappelez avoir reçu cette lettre. "Veuillez agréer, M. le
ministre, l'expression de mes sentiments distingués."
Voici ma lettre, concernant cette chose, à M. Pronovost,
directeur général de Propair Inc. Elle est datée du 17
novembre 1982. "Cher M. Pronovost, c'est avec une très grande attention
que j'ai pris connaissance de votre lettre du 25 octobre dernier. Certains des
faits que vous portez à mon attention ne m'apparaissent pas
refléter fidèlement la réalité. Aussi, me
permettez-vous d'y apporter les mises au point qui suivent - c'est très
important, ce que je vais lire, M. le député. Tout d'abord,
lorsque le comité des transports aériens a émis, le 15
avril 1982, son ordonnance 1982-A236, autorisant le transfert de la classe 2A
Austin Airways à Air Creebec, il a bien précisé dans le
point de sa décision qu'Austin Airways demeurait détenteur du
permis jusqu'à ce qu'Air Creebec satisfasse aux exigences du
comité. C'est donc dans le respect de cette décision qu'Austin
Airways est demeurée notre seul interlocuteur avant la date de
l'émission du permis 337982NS d'Air Creebec le 2 juillet 1982. Votre
affirmation que le contrat a été attribué à Air
Creebec le 1er juin 1982 est donc erronée. L'entente entre la
Corporation des postes et Austin Airways, seul détenteur d'un permis
à ce moment-là, a été conclue le 2 juin 1982. "De
plus, nous avons continué à traiter avec Austin Airways jusqu'au
2 juillet, date à laquelle la décision du Comité des
transports aériens abrogeait le permis d'Austin en même temps
qu'il émettait un permis à Air Creebec. N'ayant à aucun
moment traité avec une partie ne possédant pas le permis de
classe 2 valide, il m'est difficile de comprendre votre affirmation que nous
aurions dû octroyer le contrat à Propair. "Vous affirmez, d'autre
part, dans votre lettre qu'Austin Airways n'avait plus aucun droit sur le
permis de classe 2 en raison de son dépôt au comité d'un
avis de transfert. Là encore je me dois de vous référer
à l'ordonnance du comité qui, non seulement n'abolit pas
abruptement les permis d'Austin Airways, mais exige qu'Austin Airways assure
les services jusqu'à l'émission du permis d'Air Creebec. "En ce
qui concerne votre opinion que, sous le prétexte de détenir un
permis pour le service de classe 2, des fonctionnaires avaient
dévoilé les prix que nous avions soumis afin qu'Air Creebec
puisse s'ajuster, je voudrais apporter les précisions suivantes. Comme
vous le savez, tout détenteur d'un permis de classe 2
bénéficie de la protection de la route. Cela est très
clair. Je peux vous parler des nolisements de Quebecair et
de Nordair sur des routes là où il y a un permis de classe
1 ou de classe 2; il y a une protection de route. C'est-à-dire que si
vous soumettez un prix 25% moindre que le prix du transporteur qui a une classe
1 ou 2, s'il peut égaler ce prix-là, il faut la lui donner. C'est
une protection de route. "Je vous réfère à la condition
imprimée au dos de toutes les formules de permis de la Commission des
transports. En foi de quoi, et quel que soit le niveau de prix proposé
pour les affrètements concurrents, le détenteur du permis de
classe 2 a droit de priorité et peut faire exercer ce droit par le
Comité des transports aériens. "Dans l'exercice de son mandat, le
comité peut exiger que les termes de l'entente d'affrètement lui
soient soumis. Ceci ajouté aux fins que la soumission
d'affrètement doit être conforme au taux du tarif publié du
transporteur. Dans ce cas-ci, le tarif CCTA no 5 de Propair rend impraticable
toute prétention à la confidentialité des prix
d'affrètement sur une route protégée. "En ce qui concerne
l'utilisation d'avions DC 3 par Air Creebec, comme vous le mentionnez, j'ai
demandé à mes sous-responsables de faire enquête et de me
fournir un rapport. Je voudrais toutefois souligner qu'il n'appartient pas
à la Société des postes de surveiller l'application des
lois et règlements de l'aéronautique et, par conséquent,
je me dois de rejeter catégoriquement toute insinuation à l'effet
que la société serait complice d'irrégularités si
irrégularités il y a. "Je conclus..."
M. Rodrigue: D'accord. Vous avez mentionné un
élément important, celui de la notion de protection de la route.
Vous avez dit que, si les nouveaux soumissionnaires n'offrent pas des prix de
25% inférieurs à ceux du transporteur qui est déjà
en place, à ce moment-là le transporteur en place est
protégé. C'est bien cela?
M. Lizotte: Oui.
M. Rodrigue: Qui a établi cette réglementation?
M. Lizotte: C'est le fédéral, il y a des
années et des années.
M. Rodrigue: C'est la commission fédérale qui est
chargée d'émettre les permis?
M. Lizotte: Oui.
M. Rodrigue: Bon! Mais dans le cas qui nous occupe ici, d'abord
est-ce que je dois comprendre que Propair avait effectivement
présenté la plus basse soumission lorsque vous êtes
allés en appel d'offres.
M. Lizotte: Je ne sais pas si ce sont eux qui ont...
M. Rodrigue: D'après mes renseignements, Propair aurait
présenté la plus basse soumission.
M. Lizotte: II se peut fort bien. M. Rodrigue:
Effectivement...
M. Lizotte: Est-ce que je peux expliquer?
M. Rodrigue: Oui. S'il vous plaît!
M. Lizotte: J'ai rencontré M. Pronovost à ce sujet
et je lui ai bien expliqué, à Rouyn, quelle était la
situation indirectement et il m'a dit qu'il comprenait très bien quelle
était la situation. C'est après que j'ai reçu cette
lettre-là.
M. Rodrigue: Si je me fie aux renseignements que j'ai, les prix,
pour le contrat en 1981, sont effectivement plus bas que ceux que vous deviez
payer en 1982, c'est-à-dire que c'est l'inverse. Les prix du contrat en
1982 seraient effectivement plus bas que ceux que vous deviez payer en 1981. On
mentionne même que le prix de Propair et le prix qui est actuellement
payé en 1982, qui est le même que celui que Propair avait
soumissionné, seraient 50% moindres que celui de 1981. Ce qui veut dire
qu'à ce moment-là, la règle des 25%, si elle avait
été appliquée, aurait quand même dû permettre
à Propair d'obtenir ce contrat. C'est cela que je trouve difficile
à comprendre.
M. Lizotte: Les 25%, c'est un exemple. Ce n'est pas la
règle.
M. Rodrigue: Quelle était la règle?
M. Lizotte: Un transporteur qui fait du nolisement, que ce soit
de l'affrètement, etc., soumissionne un prix à un
opérateur, pour une route, par exemple Montréal-Toronto. Il
soumissionne un montant. Ce peut être Nordair, ce peut être
Quebecair, ce peut être une société qui a une licence
à Montréal. Il soumissionne un prix à un opérateur.
Il faut avoir un dialogue, il faut en parler à la société
aérienne qui a une licence sur cette route. La diminution du prix peut
être de 25%, 50%, 75%. Ce n'est pas l'idée du pourcentage. Mais si
l'opérateur, qui a un permis, veut le faire au prix de celui qui
soumissionne le prix du nolisement, il peut le faire.
M. Rodrigue: M. Lizotte, la question
qui me vient à l'esprit est la suivante. Vous allez
peut-être la trouver bien naïve mais: quel est le sens de faire des
appels d'offres publics pour obtenir des prix si, finalement, cela n'apporte
aucun changement, même s'il y a des plus bas soumissionnaires et de
beaucoup?
M. Lizotte: C'est strictement au risque de l'opérateur qui
veut soumettre un prix. Je ne sais pas combien de fois, lorsque j'étais
à Quebecair et à Nordair, on a soumissionné des prix qui
ont été rejetés par le transporteur qui avait un permis de
ligne, et à ce moment-là, on a perdu le contrat.
M. Rodrigue: Ne vous paraîtrait-il pas normal, comme
administrateur d'une société qui veut... Vous l'avez
souligné dans votre mémoire, c'est un peu les objectifs que vous
avez visés, autant quand vous êtes passé chez Quebecair que
chez Nordair, c'est-à-dire d'avoir une gestion qui soit conforme au
standard normalement accepté dans ces cas-là, c'est-à-dire
de viser à réduire le plus possible les coûts pour
permettre de dégager les meilleures marges de profit et d'avoir une
entreprise en santé. Ne vous paraîtrait-il pas normal que la
Commission canadienne des transports vous permette, comme gestionnaire de la
Société canadienne des postes, de choisir des transporteurs qui
vous offrent les meilleurs prix?
M. Lizotte: On ne choisit pas les transporteurs.
M. Rodrigue: Vous ne les choisissez pas. M. Lizotte:
Non.
M. Rodrigue: Écoutezl Là, je ne comprends plus rien
dans le processus d'appel d'offres pour obtenir des transporteurs de
courrier.
M. Lizotte: Écoutez!
M. Rodrigue: Je ne voudrais pas prendre tout le temps de la
commission là-dessus, mais je suis de plus en plus
mêlé.
M. Lizotte: Le pauvre bureau de poste est quand même
passé au moulin encore. Je vais vous dire une chose: un transporteur qui
a une licence 3 ou 4 de nolisement, peut soumettre un prix pour un service, que
ce soit pour des passagers ou du fret aérien ou le courrier, pour
transporter de la marchandise ou des passagers du point A au point B; il a le
droit de le faire. Si le transporteur qui est sur la route veut rencontrer le
prix, il le fait. C'est normal. Cela se fait depuis des années, et il
n'y a rien de nouveau. Je vous assure que la Société des postes a
fait ce qu'il y avait à faire. J'ai fait mention de cette lettre dont
j'ai envoyé une copie au ministre Clair en date - je ne sais pas la date
- pour clarifier la situation. Je n'ai jamais eu de nouvelle si cela avait
été accepté ou rejeté par le ministre. Cela a
été fait ouvertement, clairement et sans sollicitation en vue
d'une possibilité de donner des contrats à des gens. Je vous
assure qu'on ne fait pas cela. (17 h 45)
M. Rodrigue: Une courte question. Est-ce qu'Austin Airways qui
est encore là actuellement transporte seulement le courrier ou s'il
transporte des passagers en même temps qu'il transporte le courrier?
M. Lizotte: Je ne le sais pas.
M. Rodrigue: Vous ne le savez pas. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Vimont. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je serai très bref.
Vous avez dit, en réponse à la question du député
de Laporte et à celle du député de Vimont,
qu'effectivement dans l'offre de juillet 1981, la fusion ou l'achat de
Quebecair par Nordair qu'il n'était pas question, si j'ai bien compris,
que le nom Quebecair disparaisse. Comment concilier cela avec ce que vous nous
disiez avoir entendu de la bouche du ministre Landry à savoir qu'il se
souciait beaucoup du fait qu'on n'aurait pas - lorsqu'un avion de cette
compagnie atterrirait, je ne sais pas trop si c'était à
Charles-de-Gaulle ou ailleurs - ne serait pas clairement identifié au
Québec. Est-ce qu'on ne peut pas présumer qu'il aurait
été possible d'envoyer Quebecair toujours? D'ailleurs, Quebecair
ne va pas souvent à Paris, mais en supposant qu'il s'agissait du
nolisement ou de je ne sais pas trop quoi, j'ai de la difficulté
à saisir pourquoi M. Landry parlait dans ces termes?
M. Clair: Je pourrais répondre à la place de mon
collègue, si le député le désire.
M. Gratton: Je demande d'abord à M. Lizotte si...
M. Lizotte: Lorsqu'on parle des avions que nous avons chez
Nordair et Quebecair, certainement, il est impossible de se rendre à
Paris à moins d'aller à Gander et de Gander à Shannon et
de Shannon à Paris, et à part cela il faut aller allège.
C'est impossible d'entreprendre des envolées comme cela. Il faut
absolument des avions à quatre moteurs comme des 707 ou des DC 8.
M. Gratton: Ce n'est pas le but de ma question, M. Lizotte. Dans
le fond, ce n'est
peut-être pas à vous que je devrais la poser effectivement.
Ce n'est même pas une question, dans le fond. C'est un commentaire
à savoir que si cela a semblé tellement préoccuper le
gouvernement, notamment M. Landry, à l'époque, que Nordair
veuille procéder à l'intégration verticale sur le plan
corporatif de Quebecair que le plan que vous aviez soumis, c'est parce que tout
le monde dans la population s'imagine que si le gouvernement avait
laissé l'offre de Nordair être acceptée par Quebecair,
automatiquement, le nom Quebecair, l'entité Quebecair corporative, oui,
sur le plan opérationnel, tout cela aurait disparu. Vous nous dites
aujourd'hui que tel n'aurait pas été le cas.
M. Lizotte: Non. Justement, c'est ce que je vous dis. Le nom
Quebecair et le nom Nordair n'auraient pas disparu.
M. Gratton: Je vous remercie. Une dernière question. On
sait que vous avez rencontré M. Parizeau avec M. Tooley en 1977. Vous
avez rencontré M. Landry, M. Clair avec M. Lefrançois et M.
Douville en 1981. Pendant la période où vous avez
été président de Nordair, avez-vous jamais eu des
rencontres avec M. Lucien Lessard au moment où il était ministre
des Transports pour parler de la rationalisation du transport aérien au
Québec?
M. Lizotte: Oui, on a eu une réunion. On a eu probablement
deux ou trois réunions avec le groupe que nous avions et le groupe de la
SID et les autres. Je me rappelle très bien que nous étions dans
la salle de conférence chez Me Jean Guy où on a parlé de
partage et lorsque nous avons terminé notre discussion, nous avions 147%
de partage entre les deux groupes.
M. Gratton: II s'agissait de partager quoi, exactement?
M. Lizotte: Le partage des actions.
M. Gratton: De?
M. Lizotte: De... La possibilité de...
M. Gratton: Nordair?
M. Lizotte: Oui.
M. Gratton: Et si vous en étiez rendus à un partage
de 147%, c'est probablement ce qui a fait avorter toute l'affaire.
M. Lizotte: C'était probablement un nouveau concept dans
la finance.
M. Gratton: Ah! Ah! Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Gatineau. M. le député de Rousseau.
M. Blouin: Je vais être tenté d'y aller aussi
rapidement que le député de Gatineau qui a été
très discipliné. Je vais rapidement sauter, donc, au bilan
financier - puisqu'on a parlé de la rentabilité des entreprises -
de Nordair et vous rappeler que les bénéfices nets de Nordair en
1981 étaient d'un peu plus de 2 500 000 $ et qu'en 1982, le bilan s'est
soldé par un déficit de 2 400 000 $. Il y a donc presque 5 000
000 $ de différence d'une année à l'autre, 5 000 000 $ en
moins. Puisque vous avez été très analyste pour examiner
les problèmes de Quebecair, j'aimerais que vous me disiez à quoi
vous attribuez ces problèmes chez Nordair, qui se soldent par une
diminution de 5 000 000 $ dans ses revenus nets?
M. Lizotte: D'accord. Avec respect, M. le député,
premièrement, je n'ai pas vu le bilan de Nordair. Je ne l'ai pas
étudié. Si je peux me permettre, si vous pouviez poser la
question au P.-D.G. de Nordair ici présent, il pourrait sûrement
vous donner des explications, mais je vous assure que je n'ai pas vu le bilan
financier de Nordair pour l'exercice 1982.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte, question de règlement.
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais souligner que
nous avions ici, la semaine dernière ou il y a dix jours, le
président de Nordair qui pouvait fort bien donner tous les
renseignements sur les bilans de sa compagnie. M. Lizotte a quitté la
compagnie il y a cinq ou six ans. Je pense qu'il n'est pas normal et pas
correct de demander à M. Lizotte d'analyser le bilan de 1982 de Nordair,
alors...
M. Blouin: C'est, au contraire...
M. Bourbeau: ...qu'on avait ici, il y a dix jours, le
président de la compagnie.
M. Blouin: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte! M. le député de Laporte...
M. Blouin: ...question de règlement.
Le Président (M. Boucher): ...la question a
été posée. M. Lizotte a répondu au meilleur de sa
connaissance. Je considère qu'il n'y a pas lieu de soulever une question
de règlement.
M. Blouin: M. Lizotte a demandé à celui qui
l'accompagnait d'apporter des précisions. Alors, s'il vous
plaît.
M. Lizotte: II ne l'a pas vu, lui non plus.
M. Blouin: Ah bon!
M. Bourbeau: II a quitté il y a cinq ans.
Une voix: Personne ne l'a vu.
M. Blouin: Puisqu'on ne peut pas expliquer...
M. Bourbeau: Vous allez l'avoir dedans.
M. Blouin: ...M. Lizotte, comment il se fait que Nordair ait
connu des problèmes financiers qui ont diminué ses revenus de 5
000 000 $ par rapport à l'an dernier, puisque vous étiez
là à ce moment-là, pourriez-vous nous expliquer - parce
que nous avons su, il y a deux semaines, qu'environ le tiers des appareils de
Nordair étaient affectés principalement aux deux contrats
auxquels vous faites allusion à la page 17 de votre mémoire, soit
le contrat de reconnaissance des glaces et de la DEW line. Puisque vous
indiquez vous-même que ce sont des contrats très importants pour
la société Nordair, je présume donc que vous êtes en
mesure de nous indiquer quel profit approximatif la société
Nordair retire annuellement de ces deux contrats.
M. Lizotte: M. le Président, je croyais que j'avais
répondu à cette question; d'abord, il faudrait le demander au
P.-D.G. de Nordair. Je crois que tout à l'heure M. le ministre m'a
posé la question et j'y ai déjà répondu.
M. Blouin: M. le Président, je vous formule une demande de
directive. La semaine dernière, j'ai posé cette même
question au président de Nordair qui a refusé de répondre.
Cette semaine, M. Lizotte qui, lui-même, a été
président et administrateur de Nordair, semble lui aussi avoir des trous
de mémoire à cet égard. Ce que je veux vous demander comme
directive, c'est si l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui
a été adoptée l'automne dernier peut s'appliquer dans les
circonstances présentes.
M. Gratton: M. le Président, sur la même
directive...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Avant d'émettre votre directive,
peut-être pourriez-vous aussi vous interroger sur l'article 52 de la Loi
sur l'Assemblée nationale qui permet à une commission de faire
comparaître... M.
Lizotte est présent, il a répondu à toutes les
questions et il a indiqué au député de Rousseau qu'il
n'était pas en mesure de répondre à sa dernière
question. Je remercie M. Lizotte d'être ici, nous aurions voulu
interroger M. Campeau et on n'a pas réussi parce qu'il n'est même
pas venu. En vertu de l'article 52...
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Gratton: ...vous pourriez peut-être voir à...
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Dans
le...
M. Gratton: ...cette question aussi.
Le Président (M. Boucher): ...cas de l'article 51, je peux
vous dire, M. le député de Rousseau, que si vous regardez
l'article 170, vous constaterez qu'il n'est pas promulgué encore.
M. Blouin: Est-ce qu'il le sera avant minuit ce soir?
Le Président (M. Boucher): C'est à la
volonté... Les articles 30 à 140 deuxième alinéa
entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par
proclamation du gouverment.
M. Blouin: Alors, je dois conclure, M. le Président, que
nous ne saurons pas combien rapportent le tiers des appareils de Nordair qui
ont des contrats fermes, notamment avec le gouvernement
fédéral.
Une voix: Top secret.
M. Gratton: Élisez un député péquiste
à Ottawa, il pourra poser la question là-bas.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rousseau, est-ce que vous avez terminé?
M. Blouin: Oui.
Une voix: II n'aura pas de réponse.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Très brièvement,
à l'endroit de M. Lizotte, le député de Vimont a
parlé tout à l'heure de la valeur marchande des actions entre
1973 et 1982, de la valeur de réalisation, vous avez parlé de
l'avoir des actionnaires, je voudrais bien qu'on soit très clair
là-dessus, peut-être pas pour votre bénéfice mais
pour celui du député de Vimont; il existe une différence,
n'est-ce pas, entre la valeur de
liquidation d'une compagnie, la valeur aux livres d'une compagnie et la
valeur marchande des actions d'une compagnie. J'aimerais savoir, ce qui est
important pour déterminer cela...
M. Rodrigue: Merci, M. le Président, question de
règlement. Question de règlement, M. le Président.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est quel était
l'objectif...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges, je m'excuse, question de règlement, M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: J'offre mes remerciements au député de
Vaudreuil-Soulanges, mais je savais déjà tout cela M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Pas de question de
règlement. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Ce n'était pas évident d'après les propos et les questions
du député de Vimont qu'il savait la différence entre tout
cela. Ce qu'il est important d'établir, je pense, c'est les raisons pour
lesquelles les actionnaires de Nordair, en 1977-1978, à titre d'exemple,
voulaient se départir de leur position de contrôle. J'essaie, en
reculant dans le passé, de voir qu'est-ce qui pouvait amener M. Tooley
et ses associés - il y avait d'autres actionnaires quand même -
à se départir du contrôle de Nordair. Ils se promenaient
manifestement; vous avez rencontré M. Parizeau, a l'époque; ils
se sont retournés vers le gouvernement fédéral, la
société d'état fédérale Air Canada pour
céder leurs actions. Est-ce qu'on peut prétendre que s'ils
n'avaient pas trouvé acheteur de leurs actions ils auraient
liquidé la compagnie?
M. Lizotte: Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ils auraient liquidé la
compagnie? Ils voulaient vraiment se départir à ce point.
Autrement dit, ils n'étaient plus intéressés dans le
transport aérien?
M. Lizotte: Mais il faut quand même qualifier cette chose.
Ils auraient liquidé la société, mais je suis
persuadé que le contrôle de Nordair aurait cherché à
trouver jusqu'au point où ils auraient trouvé un acheteur, sans
liquider la société.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. Dans ce cas, selon votre expérience de la façon
dont fonctionnent les changements de contrôle de compagnies, est- ce que
cela ne nous amène pas à conclure que la valeur pour laquelle Air
Canada aurait acheté une participation dans Nordair était
très proche de la valeur de liquidation de Nordair, au point de vue
valeur?
M. Lizotte: Oui, assurément. L'offre d'achat
n'était pas à la valeur de liquidation des actifs, mais ils ont
compris et ils ont augmenté le prix en conséquence.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous seriez d'accord avec moi
pour dire que, d'une part, la valeur au marché d'une action est le prix
qu'on est disposé à payer en escomptant l'augmentation de la
valeur en capital de cette action et, au fil des ans, des dividendes qu'on peut
en retirer et donc, qu'on escompte cela à un certain taux; que, d'autre
part, la valeur de liquidation peut être une autre valeur qui n'a
strictement aucun rapport avec la valeur des actions en Bourse, un jour
donné.
M. Lizotte: C'est cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Clair: Je pense que mon collègue aurait un mot
à...
M. Rodrigue: Juste un mot là-dessus, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Dans les chiffres que j'ai ici, on constate que la
valeur aux livres des actifs de la compagnie Nordair a évolué
entre 1970 et 1977. En 1970, c'était 2,79 $ l'action; en 1974,
c'était 5,49 $; en 1975, 6,08 $; en 1976, 6,63 $ et finalement, en 1977,
8,08 $. Comment expliquer qu'Air Canada ait payé quelque 12 $ l'action?
C'est ce qu'on nous a indiqué tout à l'heure, c'est-à-dire
50% de plus que la valeur aux livres des actifs de Nordair en 1977. J'invite le
député de Vaudreuil-Soulanges à se pencher
là-dessus et à réfléchir là-dessus.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II m'invite. M. le
Président, étant donné que je suis invité à
commenter là-dessus, j'ajoute -j'ai négligé de le faire,
je croyais que le député de Vimont était au courant de
tout cela - qu'il y a une différence entre la valeur aux livres et la
valeur de liquidation. J'invite le député de Vimont à se
pencher, lui, de façon très attentive sur cette différence
qui existe. C'est réel.
M. Rodrigue: C'est très laborieux, les
entourloupettes qu'on essaie de faire autour de cela.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, j'ai été heureux
d'entendre M. Lizotte cet après-midi qui nous a entretenus de son point
de vue sur le dossier Quebecair. Je dirais que je ne regrette qu'une chose, en
ce qui me concerne. Occupant le même poste que celui que j'occupais le 16
juillet 1981 - je le souligne, je ne dis pas que cela aurait
nécessairement changé le cours des événements
-quant à la structure corporative d'une société Quebecair
à demi fusionnée avec Nordair, pour moi, pour celui qui vous
parle, j'en ai appris beaucoup plus cet après-midi que je n'ai eu
l'occasion d'en apprendre en juillet 1981 puisque, comme les collègues
autour de la table le savent, les documents ont été
distribués la semaine dernière en ce qui concerne l'offre
écrite de Air Canada -Nordair, pour l'acquisition de Quebecair, de
même qu'un protocole, qu'un projet d'entente entre actionnaires à
intervenir. Ces précisions ne nous étaient pas données
à ce moment-là.
Des questions qu'a posées le député de Laporte, je
voudrais relever deux petits éléments. Le député a
semblé manifester beaucoup d'intérêt pour l'offre qui
aurait été faite à M. Parizeau, en 1977, de se porter
acquéreur de Nordair. Là-dessus, je veux simplement
préciser que la position du gouvernement du Québec a toujours
été la même sur cette question. Le gouvernement n'a jamais
envisagé comme premier choix l'acquisition d'un transporteur
aérien, mais a toujours plutôt favorisé la fusion des deux
transporteurs aériens sous le contrôle majoritaire
d'intérêts privés québécois.
Là-dessus, je pense que cela a été constant.
Par ailleurs, le député de Laporte semblait attacher
beaucoup d'importance au fait que mon collègue, le ministre
d'État au Développement économique, le
député de Fabre à l'époque, aurait manifesté
de l'intérêt en ce qui concerne des atterrissages à Paris,
comme s'il s'était agi de quelque chose de particulièrement snob
ou "flaillé", si l'on veut. Je voudrais simplement signaler
là-dessus qu'effectivement la politique de 1966 et de 1969
prévoyait que les transporteurs aériens régionaux devaient
développer des services nolisés et, effectivement, autour des
années 1974 et 1975, les services nolisés de Quebecair ont
desservi des destinations aussi éloignées que Paris.
C'était de façon rentable, au moins pendant une certaine
période. On a desservi également des destinations du Sud des
États-Unis, des Caraïbes et d'autres destinations similaires. Dans
ce sens-là, c'était certainement un des objectifs de mon
collègue le ministre d'État au Développement
économique que le transporteur aérien qui naîtrait de la
fusion, ou qui ne naîtrait pas de la fusion, puisse effectivement, comme
les autres transporteurs aériens régionaux, desservir des
destinations par vols nolisés.
Enfin, M. le Président, juste pour l'intérêt des
membres de la commission, je voudrais terminer en vous faisant lecture
rapidement - ce sera assez bref - d'une note adressée à M. Pierre
Rivest, directeur du transport aérien au ministère des
Transports, préparée par M. Jean Pronovost et signée par
celui-ci, en date du 9 septembre 1982, au sujet de la première
proposition de transport de courrier entre Val-d'Or, Rupert-House, Eastmain et
Paint-Hills: "Messieurs, tel que demandé vous trouverez ci-après
un résumé des démarches que nous avons effectuées
afin d'obtenir le transport du courrier, contrat attribué par la
Société des postes du Canada pour les communautés cries de
la Baie-James, de Rupert House, Eastmain et Paint Hills. "Si vous le voulez
bien, je procéderai par ordre chronologique pour vous démontrer
ces démarches. "Le jeudi 10 mai 1982, appel de M. Cornellier, de la
Société des postes, qui nous demandait si nous étions
intéressés à soumettre des prix pour le transport de
marchandises périssables dans les villages cris de la Baie-James. Nous
lui indiquons que nous sommes intéressés au plus haut niveau et
nous fixons un rendez-vous. "Le lundi 13 mai 1982..."
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau, question de règlement.
M. Gratton: Sans être désagréable pour le
ministre, je note qu'il est passé 18 heures. On n'a pas d'objection
à donner notre consentement pour poursuivre les travaux, mais, si
l'énumération qu'est en train de faire le ministre amenait M.
Lizotte à faire des commentaires, je voudrais bien qu'on s'entende pour
dire que le consentement pourra durer jusqu'à ce qu'on ait
épuisé le sujet.
M. Clair: Comme les documents auxquels faisait
référence M. Pronovost sont postérieurs à ceux-ci,
je pense que c'est simplement pour l'information des membres de la commission.
J'indiquais simplement que...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, j'avais...
M. Gratton: Est-ce à la condition qu'on puisse...
Le Président (M. Boucher): ...présumé qu'il
y avait consentement pour poursuivre après 18 heures. Est-ce qu'il y a
réellement consentement?
M. Clair: Afin de ne pas créer d'embarras...
M. Bourbeau: Pour quelques minutes si vous voulez.
M. Clair: ...je me contenterai de distribuer aux journalistes et
aux membres de la commission copie de la lettre qui était
adressée à M. Pierre Rivest par M. Jean Pronovost...
M. Gratton: D'accord.
M. Clair: ...au mois de septembre 1982. Ce sera plus simple comme
cela.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Un dernier mot pour remercier nos invités.
Avant, je voudrais revenir sur ce que disait le ministre tout à l'heure,
que, lorsqu'il est arrivé en juillet 1981, il n'avait pas toute
l'information... De ce côté-ci de la table nous avons
semblé percevoir - je ne sais pas si c'en sont - des regrets ou des
remords du ministre en ce qui concerne la décision qui a
été prise à ce moment-là. Enfin, nous avons pris
bonne note de ces regrets.
Finalement, concernant le rêve de M. Landry d'atterrir à
Paris, nous n'avons absolument pas d'objection à ce que M. Landry ou qui
que ce soit décide d'atterrir à Paris, un jour, sur des ailes
fleurdelisées, mais nous, de l'Opposition, quand nous avons des
rêves, nous les réalisons à même nos propres deniers.
Nous ne les payons pas à même les fonds publics.
M. Clair: Question de règlement, M. le
Président.
M. Bourbeau: C'est la différence.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: J'invoque le règlement, M. le Président.
De façon très évidente, le député de Laporte
prête des intentions au ministre délégué au Commerce
extérieur qui avait comme préoccupation non pas d'avoir, pour son
plaisir personnel, un transporteur aérien qui réussisse, mais
pour des centaines de Québécois qui y travaillaient, de voir,
comme c'était prévu d'ailleurs dans la politique
fédérale elle-même, les transporteurs régionaux
jouer un rôle dans le secteur du nolisé afin d'assurer la
rentabilité de leurs activités. Dans ce sens-là,
c'était très légitime et dans l'intérêt du
transporteur aérien concerné.
Le Président (M. Boucher): Au nom de...
M. Gratton: ...constaté que l'offre de Nordair de juillet
1981 aurait permis exactement cela. Pourtant, le gouvernement du Québec,
par la voix de M. Landry, a dit non.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie M. Lizotte ainsi que la personne qui l'accompagne de
leur présentation.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
M. Bourbeau: J'espère qu'on va reprendre à 20
heures, M. le Président, parce qu'on a des gens à entendre
à 20 heures et...
Le Président (M. Boucher): On essaiera de s'entendre sur
le temps alloué à chacun des intervenants.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
(Reprise de la séance à 20 h 04)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant de procéder, je voudrais simplement corriger le fait que le
député de Jeanne-Mance, M. Bissonnet, est remplacé par M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges), alors que M. Vallières (Richmond)
était présent cet après-midi.
M. Rodrigue: ... de Mégantic-Compton, il n'est même
pas membre de la commission.
Le Président (M. Boucher): II était membre de la
commission, M. le député de Vimont, parce qu'il remplaçait
M. Vallières. M. Vallières était là.
M. Bourbeau: II y avait une erreur d'écriture. Il
remplaçait M. Bissonnet.
Une voix: On va s'en tenir à cela. Le Président
(M. Boucher): Avant de... M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le ministre.
M. Clair: ...je crois que nous sommes rendus au point de notre
ordre du jour où nous devons entendre M. Robert Obadia. Avant d'entendre
M. Obadia, j'aimerais, si
vous me permettez, pour M. Obadia lui-même et non pas en ce qui
nous concerne, nous n'avons aucune objection à entendre M. Obadia. Comme
mon collègue M. le député de Laporte le sait, après
négociation entre les deux partis politiques formant l'Assemblée
nationale, nous nous sommes entendus sur une liste de noms sur laquelle
apparaît le nom de M. Obadia. Cependant, je vois à l'ordre du jour
qui nous est fourni par le secrétariat des commissions que M. Obadia
agirait comme consultant auprès de la Commission des transports du
Canada. J'aimerais vérifier auprès de vous, ou auprès de
M. Obadia, si cette information est exacte.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. Obadia
peut...
M. Obadia (Robert): Non, M. le ministre, cette information est
erronée. J'agis comme consultant à mon propre compte. Il m'est
arrivé, à l'occasion, d'avoir comme client, parmi d'autres,
Transports Canada, mais je ne suis pas là pour représenter
quelque organisme que ce soit. Je suis là à titre personnel comme
consultant.
M. Clair: Encore une fois, M. le Président, je le dis
à M. Obadia, nous n'avons aucune objection à l'entendre.
Maintenant, selon les informations dont je dispose, M. Obadia aurait agi, il y
a très peu de temps, ou agirait encore comme consultant auprès de
la Commission canadienne des transports ou auprès de Transports Canada,
en particulier, relativement à une étude qui serait menée
par Transports Canada quant aux activités aériennes en
Gaspésie, dans l'est de la péninsule gaspésienne. Je
voudrais simplement signaler que si M. Obadia occupait de telles fonctions, il
pourrait certainement considérer que ses fonctions, ses
responsabilités contractuelles actuellement entre lui-même ou une
firme dans laquelle il agirait seraient incompatibles avec un témoignage
qu'il pourrait rendre aujourd'hui, puisque je pense qu'on comprendra tous que
son rôle de consultant auprès de la Commission canadienne des
transports, qui est un organisme quasi judiciaire, et un témoignage
devant cette commission sur une entreprise qui est soumise à la
Commission canadienne des transports pourraient être incompatibles. C'est
pour cette raison, M. le Président -encore une fois, sans avoir aucune
objection au témoignage de M. Obadia - que je voulais soulever ce point,
parce que je ne voudrais pas que M. Obadia se sente coincé entre des
responsabilités qu'il assumerait comme consultant auprès du
ministère des Transports du Canada ou auprès de la Commission
canadienne des transports du Canada et le témoignage qu'il pourrait
avoir à nous livrer aujourd'hui.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: ...je pense que M. Obadia vient de l'affirmer, il est
consultant à son propre compte. Cela n'exclut certainement pas qu'il
puisse, à l'occasion, travailler pour le compte d'un ministère
fédéral aussi bien que d'un ministère provincial. Il ne
serait sûrement pas le premier. Par exemple, on a vu des procureurs venir
devant la commission parlementaire. Même s'ils peuvent agir comme
procureurs pour n'importe quelle partie, cela ne les empêche pas de venir
témoigner à partir de leur compétence ou de leurs
connaissances personnelles. D'autant plus que j'ai bien l'impression que ce que
M. Obadia vient nous dire aujourd'hui découle sûrement du fait
qu'il a été lui-même vice-président de Quebecair
dans le passé. C'est de cela, j'imagine, qu'il nous parlera. Tout au
moins, nous, de l'Opposition, aurons des questions à lui poser dans ce
sens et je ne vois réellement pas pourquoi le ministre voudrait
empêcher M. Obadia de nous dire ce qu'il a à nous dire
présentement.
M. Clair: M. le Président, loin de nous l'intention
d'empêcher M. Obadia de nous dire ce qu'il a à nous dire, mais
puisque son nom était venu à la suggestion de l'Opposition et non
pas à la suggestion du gouvernement et que, par ailleurs, selon nos
renseignements, M. Obadia aurait agi ou agirait encore - je l'ignore de
façon très précise - comme consultant ou dans une firme
dont les services auraient été retenus soit par la Commission
canadienne des transports soit par le ministère des Transports du
Canada, nous voulions simplement, quant à nous, ne pas mettre M. Obadia
dans l'embarras en termes d'exercice du pouvoir quasi judiciaire de la
Commission canadienne des transports. Chacun conviendra que si quelqu'un est en
même temps conseiller auprès d'un organisme quasi judiciaire comme
la Commission canadienne des transports et vient témoigner concernant un
transporteur qui est régi par la Commission canadienne des transports,
cette personne pourrait être dans une situation de conflit
d'intérêts qui pourrait donner suite, éventuellement,
à des prétentions de conflit d'intérêts ou à
d'autres procédures. C'est le seul point que je voulais établir
auprès des députés de Laporte et de Gatineau. Nous sommes
prêts à entendre M. Obadia. S'il n'y a pas de problème
là-dessus, nous n'y voyons aucune objection.
Le Président (M. Boucher): M. le député
de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je ne connaissais pas un
talent de comédien semblable au ministre des Transports qui vient de
nous dire, sur un ton tout à fait sérieux, qu'il était
près à discréditer le témoin, comme on le dit en
cour, mais que si le témoin voulait demeurer à la barre, il
serait bien prêt à l'entendre. Je ne pense pas que le fait que M.
Obadia, à l'occasion, ait des mandats auprès d'organismes
fédéraux le discrédite auprès de cette
commission-ci. Je pense que le témoignage de M. Obadia vaut certainement
autant que celui qu'on a entendu il y a deux semaines, qui était un
invité du ministre et le sous-ministre adjoint aux Transports qu'on a
entendu avec beaucoup d'intérêt. On pourrait dire qu'il
était aussi en conflit d'intérêts puisqu'il possède,
encore aujourd'hui, le titre de sous-ministre adjoint aux Transports, bien
qu'il siège comme vice-président exécutif de Quebecair.
L'Opposition n'a pas fait un plat de ce qui pourrait certainement être un
conflit d'intérêts dans le même sens puisqu'il est bien
évident que M. Leblond avait un témoignage teinté, si je
peux dire, d'une couleur gouvernementale, mais tout le monde sait que,
lorsqu'un sous-ministre des Transports témoigne, il tente de faire
valoir un point de vue qui est le sien et qui peut représenter celui du
gouvernement.
C'est malheureux que le ministre ait choisi de discréditer M.
Obadia en commençant. M. Obadia est probablement l'un, parmi ceux qui
viendront témoigner devant la commission, de ceux qui ont le plus de
compétence, si je peux dire, strictement au point de vue aérien.
Il est ingénieur en électronique; il a travaillé pour deux
transporteurs internationaux avant d'entrer chez Quebecair. Il s'est joint
à Quebecair en 1967. Vous me permettrez de vous présenter M.
Obadia. Chez Quebecair, il a occupé successivement les postes de
gérant de la planification et de l'entretien, directeur des
systèmes et procédures, directeur du marketing, des services
réguliers et vice-président du marketing et des ventes, de
décembre 1975 à janvier 1980. Alors, il a été
à l'emploi de Quebecair pendant treize ans. Je pense que c'est une
longévité remarquable, compte tenu de ce qu'on a entendu cet
après-midi comme étant la longévité moyenne des
cadres de Quebecair.
Depuis 1980, M. Obadia s'est établi à Montréal
comme conseiller en transport aérien et, à ma connaissance - il
pourrait nous le dire tout à l'heure - il remplit des mandats pour une
foule de transporteurs fédéraux et provinciaux, et un peu
partout. Quant à nous, de l'Opposition, nous ne voyons aucunement en
quoi le fait d'avoir, à l'occasion, des mandats pour des organismes
fédéraux puisse lui enlever ses qualifications de base. Je
suggère au ministre d'écouter ce que M. Obadia a à nous
dire et on jugera ensuite pour savoir si ses commentaires étaient ou non
pertinents.
M. Clair: M. le Président, sur la question de
règlement soulevée par le député de Laporte, je
tiens à dire qu'il n'est aucunement question de la part de celui qui
vous parle de discréditer M. Obadia. Je crois que les témoignages
de M. Obadia devant la Commission canadienne des transports, son passage
à Quebecair, les multiples mandats qu'il a exercés,
témoignent d'une expertise de sa part qui est importante en
matière de transport aérien. Je pense que là où le
député de Laporte fait erreur, c'est qu'on ne peut sous-estimer
l'importance des responsabilités que M. Obadia peut avoir
exercées auprès du ministère des Transports du Canada ou
de la Commission canadienne des transports. La Commission canadienne des
transports est un tribunal qui fait appel occasionnellement à un certain
nombre d'experts, soit directement, ou par l'entremise du ministère des
Transports du Canada pour le conseiller en termes d'orientation du transport
aérien au Canada. Je pense que c'est le moins que je puisse faire. Ce
n'est pas dans mon intérêt, mais dans l'intérêt de
celui qui est devant nous et dans l'intérêt de l'opinion publique
de soulever cette possibilité que M. Obadia soit dans une situation qui
n'est pas facile pour lui puisqu'il a agi tant à titre de
vice-président de Quebecair qu'à titre de consultant
auprès de certains ministères ou organismes
fédéraux et, aujourd'hui, à titre de témoin
indépendant, selon le député de Laporte qui vient de
soulever certaines questions.
Je ne vois aucun inconvénient encore une fois à
l'entendre. Il n'est pas question de le museler ni de le discréditer. Au
contraire, rien n'indique que M. Obadia ne pourrait pas être
impliqué éventuellement puisqu'il a été
mêlé à ces questions entre Nordair et Quebecair. Rien
n'indique que M. Obadia ne pourrait pas être éventuellement
impliqué dans la réorganisation de Nordair, de Quebecair, par une
fusion, en termes de développement de cette entreprise. Rien n'indique
que M. Obadia pourrait être un témoin dévalorisé ou
plus valorisé qu'un autre. Absolument rien de ce que j'ai dit ne
l'indique. J'ai simplement voulu faire préciser, en lui posant la
question - je pense qu'il a répondu non, si j'ai bien compris -que M.
Obadia n'a jamais été impliqué ni auprès de
Transports Canada, ni auprès de la Commission canadienne des transports,
comme consultant. Si M. Obadia me dit non, M. le Président, c'est
réglé, il n'y a pas de problème et on est prêt
à l'entendre.
M. Bourbeau: M. le Président, sur la
question de règlement, toujours, vous permettez que...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte, je vous ferai remarquer qu'il semblerait qu'il n'y a pas
d'inconvénient à entendre M. Obadia.
M. Bourbeau: Oui, je comprends, mais je voudrais quand même
répondre à ce que vient de dire le ministre...
M. Rodrigue: Je pense que le député de Laporte
s'oppose. (20 h 15)
M. Bourbeau: Je veux seulement dire ceci. Lors de la
première journée d'audition, le 1er mars dernier, on a
abondamment utilisé le nom de M. Obadia à cette commission. Le
président de Quebecair, M. Hamel, a cité M. Obadia à
plusieurs reprises, au texte. Le ministre des Transports lui-même, qui
est ici présent, a jugé bon de fournir aux membres de la
commission un livre - vous voyez la grandeur - le livre vert. Nous avons
là-dedans les documents que le ministre a inclus au profit des membres
de la commission. Je dirais que 20% à 25% de ces documents, 25% de
l'épaisseur, représente le témoignage que M. Obadia a
rendu devant la Commission canadienne des transports.
M. Clair: Et puis après?
M. Bourbeau: Alors qu'il représentait Quebecair.
M. Clair: C'est dû au texte?
M. Bourbeau: Voulez-vous demander au ministre, s'il vous
plaît, de me laisser terminer?
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Clair: Oui.
M. Bourbeau: Alors, M. Obadia avait été le
délégué de Quebecair, non pas du gouvernement
fédéral ou d'Ottawa, à la Commission canadienne des
transports. M. Obadia a rendu un témoignage que le ministre a
jugé tellement important qu'il a jugé bon de l'inclure dans ce
cahier. Cela couvre 20% à 25% de la superficie employée. J'estime
donc que le ministre a jugé M. Obadia assez compétent puisqu'il a
inclus son témoignage au complet dans le livre vert. D'autre part,
puisqu'il était qualifié pour représenter Quebecair devant
la Commission canadienne des transports, je présume que le ministre ne
devrait pas lui faire aujourd'hui grief d'agir devant la Commission canadienne
des transports. C'est vous-même qui l'avez envoyé là
représenter Quebecair.
M. Clair: Question de règlement. Je ne fais aucun grief
à M. Obadia, pas le moindre grief. Qu'il ait agi à
l'époque, aujourd'hui ou demain pour un transporteur aérien, quel
qu'il soit, Air Canada, Air France, British Airways, si vous voulez, cela ne
nous dérange nullement. C'est une chose d'agir comme consultant pour un
transporteur aérien. C'en est une tout autre que d'agir comme consultant
auprès de la Commission canadienne des transports ou du ministre des
Transports du Canada. Ce n'est pas du tout la même chose.
Le Président (M. Boucher): Compte tenu qu'il ne semble pas
y avoir d'objection fondamentale à entendre M. Obadia...
M. Clair: Absolument pas, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): ...je vais laisser la parole
à M. Obadia. Excusez-moi, juste une minute. Compte tenu aussi que nous
avons plusieurs invités ce soir et que la commission doit ajourner ses
travaux à 24 heures, je demande aux membres de la commission s'ils sont
d'accord pour qu'il y ait une répartition du temps qu'il reste...
M. Clair: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): ...de façon qu'on ne
laisse pas des gens attendre inutilement.
M. Bourbeau: M. le Président, on est d'accord aussi pour
une répartition équitable. Je vous souligne cependant qu'à
la fin de la première journée d'audition, vous avez signé
un écrit, à savoir que l'Opposition avait un crédit de 20
minutes.
Le Président (M. Boucher): Je n'en suis pas
là-dessus, M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: L'Opposition réclame toujours son
crédit de 20 minutes.
Le Président (M. Boucher): C'est tout simplement le temps
imparti à chaque témoin.
M. Bourbeau: D'accord.
Le Président (M. Boucher): II nous en reste encore cinq
à entendre. Nous avons environ trois heures et trois quarts devant
nous.
M. Clair: M. le Président, non seulement nous sommes
d'accord pour une répartition équitable entre les témoins,
mais nous sommes également d'accord pour
reconnaître que l'Opposition a un crédit de 20 minutes.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais ajouter ceci
quand même. L'Opposition n'a pas l'intention de poser le même
nombre de questions en termes de temps à chacun des témoins.
Combien avons-nous de temps, M. le Président?
Le Président (M. Boucher): 3 h 45 minutes.
M. Bourbeau: Pas tout à fait quatre heures. L'Opposition,
à ce moment, ayant 20 minutes de plus, a deux heures environ; le
gouvernement, je présume, à 1 h 45.
Le Président (M. Boucher): C'est cela.
M. Bourbeau: Nous poserons donc des questions pendant deux
heures...
Le Président (M. Boucher): En espérant que chaque
témoin aura le droit de venir faire son exposé.
M. Bourbeau: D'accord. Disons que, si on prend plus de temps
à l'égard d'un témoin, on en prendra moins à
l'égard d'un autre.
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Obadia.
M. Robert Obadia
M. Obadia (Robert): Merci. M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, je voudrais remercier
l'Assemblée nationale et le ministre des Transports pour l'invitation
qui m'a été adressée à faire connaître mes
commentaires sur le dossier Quebecair.
Je suis donc heureux d'être ici aujourd'hui en espérant que
mon intervention puisse vous éclairer et aussi contribuer, aussi
modestement que ce soit, à la résolution logique et rationnelle
d'un problème qui suscite l'inquiétude grandissante de nombreux
contribuables québécois.
Je tiens aussi à mentionner que je comparais devant votre
commission non pas en ma qualité d'ancien vice-président de
Quebecair mais plutôt en tant qu'observateur de la scène de
l'aviation, position que me permet mon occupation actuelle de conseiller en
transport aérien.
Je voudrais aussi préciser, à ce point, puisque la
question a été soulevée, que je n'ai jamais
été à l'emploi, pour quelque travail que ce soit, de la
Commission canadienne des transports, mais que, par contre, on m'a
confié certains travaux spécifiques à Transports Canada,
ministère des Transports, tels que, par exemple, l'étude des
transports aériens au Nouveau-Brunswick, l'étude des transports
aériens dans le nord de l'Ontario, l'étude de la concurrence sur
les marchés de nolisement internationaux et, plus récemment,
l'étude des transports aériens en Gaspésie et aux
Îles-de-la-Madeleine, laquelle étude m'a été
confiée à la suite d'un appel d'offres publiques.
M. le député Bourbeau m'a demandé d'exprimer mon
point de vue sur certains points d'intérêt général.
J'ai donc pensé que les trois points suivants pourraient
intéresser la commission:
Premièrement, la situation actuelle de Quebecair est-elle la
conséquence de la politique fédérale des transporteurs
aériens régionaux?
Deuxièmement, cette même situation est-elle la
conséquence de la concurrence d'Air Canada sur les vols de Floride?
Troisièmement, est-ce que l'expansion représente la
solution des problèmes de Quebecair?
Je vais donc vous faire part de mes réflexions sur chacun de ces
trois points.
La politique des transporteurs régionaux. La politique
fédérale des transporteurs régionaux fut
édictée en 1966 et des zones d'exploitation furent
assignées aux transporteurs en 1969.
À ce moment-là, ces zones correspondaient à une
formalisation de la situation qui prévalait et la zone d'exploitation de
Quebecair s'étendait sur toute la province, à l'est du
méridien de Montréal.
Bien sûr on pourrait argumenter à l'infini sur les
mérites de ce partage. Mais l'important, dans le cas qui nous occupe,
est de savoir si cette politique a conduit au déficit de 21 000 000 $ de
Quebecair. Si c'était le cas, on devrait retrouver, dès 1969,
c'est-à-dire l'année où la politique a été
annoncée, des signes de détérioration de la situation
financière de Quebecair. On devrait retrouver une croissance nulle ou
même négative et une longue liste de demandes de routes
rejetées par la Commission canadienne des transports. Qu'en est-il
exactement?
Tout d'abord, la croissance des recettes de Quebecair - je me base sur
les documents publiés par la Commission canadienne des transports - a
été de 733% de 1970 à 1978, soit la plus
élevée de tous les régionaux dont la croissance moyenne a
été de 338%. Durant cette période, la part de Quebecair
dans les recettes totales des transporteurs régionaux a plus que
doublé, passant de 10,3% à 22%. Quant à sa
productivité par employé, elle passait du dernier rang au
deuxième rang. S'il est vrai, donc, que la politique des transporteurs
aériens régionaux a été contraire aux
intérêts de Quebecair, les chiffres, eux, ne semblent pas
l'indiquer.
La rentabilité. Quebecair, c'est un fait, a toujours eu une
performance en dents de
scie, mais il demeure que Quebecair a été rentable au
cours des années 1972, 1973, 1977 et 1978. Je me réfère,
là encore, aux chiffres publiés par la Commission canadienne des
transports. Il faut remarquer que ces années ont été des
périodes de relative stabilité administrative chez Quebecair qui
était alors dirigée par M. Lizotte, puis par M. Crossen.
Les demandes de routes de Quebecair. À l'exception de la route
Montréal-White Plains, vers 1970, aucune demande de route majeure - je
précise majeure - n'a été refusée à
Quebecair. Toutes lui ont été accordées:
l'exclusivité à Bagotville en 1971, Québec-La Grande et
Québec-Val-d'Or en 1973, suivie de Québec-Rouyn-Noranda,
Québec-Gatineau, Montréal-Toronto, et, entre-temps,
l'autorisation d'exploiter des Boeing 707 sur des vols nolisés dans le
monde entier. De plus, aucune requête d'augmentation de tarifs n'a jamais
été refusée, en dépit du fait que les tarifs de
Quebecair soient parmi les plus élevés au Canada. Enfin, la
Commission canadienne des transports n'a pas permis à d'autres de venir
gruger les marchés de Quebecair. Le cas le plus marquant est celui
d'Eastern Provincial Airways qui, bien qu'exploitant des vols directs et sans
escale entre Wabush et Montréal, n'a jamais reçu l'autorisation
d'y embarquer des passagers, et ce afin de protéger Quebecair.
Comme on peut donc le voir, M. le Président, il est difficile de
trouver des preuves tangibles et concrètes permettant de relier la
situation actuelle de Quebecair à la politique des transporteurs
régionaux ou à une application discriminatoire de cette
politique.
Essayons de pousser le raisonnement un peu plus loin et supposons que de
nouvelles routes puissent être accordées à Quebecair.
Alors, on aurait soit des routes au Québec et présentement
exploitées par Air Canada ou Nordair, soit des routes à
l'extérieur du Québec déjà desservies par d'autres
transporteurs.
Tout d'abord au Québec. Il ne faut pas perdre de vue que le
transport aérien existe d'abord pour les passagers avant d'exister pour
les transporteurs. Si donc Quebecair remplaçait Air Canada ou Nordair
à Sept-Îles, Québec, Val-d'Or et Rouyn, Quebecair y
détiendrait un monopole. Je pense donc qu'il serait juste de demander
aux usagers actuels ce qu'ils en pensent avant de demander à Air Canada
de plier bagages.
Quant à des routes à l'extérieur du Québec,
on ne peut parler bien sûr que de routes déjà
développées car on voit mal quelles routes seraient encore
à développer. Il faudrait donc soit spolier le détenteur
actuel, soit autoriser Quebecair à se joindre aux autres et tenter de
tailler sa part d'un gâteau qui rétrécit de jour en jour.
Cette approche a aussi sa logique inévitable: ce qui vaut pour Quebecair
vaut tout aussi bien pour les autres. Autrement dit, d'autres transporteurs
devraient, à leur tour, avoir l'autorisation d'accéder au
réseau de Quebecair. On appelle cela la déréglementation
et au Canada, la déréglementation, personne ne semble en vouloir,
sans compter que les plus faibles en seraient les premières
victimes.
Que conclure de tout cela? Que le système actuel, avec toutes les
imperfections qu'on pourrait lui trouver, n'a pas mal fonctionné pour
Quebecair. Si Quebecair éprouve aujourd'hui des difficultés, il
faut en chercher la cause et donc les remèdes ailleurs que dans la
politique des transporteurs régionaux ou dans le système de
réglementation des permis aériens.
Le deuxième point que je vais aborder, c'est la concurrence d'Air
Canada. On a pu entendre à diverses reprises qu'Air Canada, avec ses
vols nolisés à Fort Lauderdale, a déclenché une
guerre de prix qui s'est révélée mortelle pour Quebecair.
Examinons les faits et voyons s'ils confirment cette accusation. Je vais donc
faire une analyse de ce qui s'est passé, mais je vais vous assurer que
je ne la fais pas pour en faire une autopsie ou pour identifier les
responsabilités, mais simplement parce que l'analyse de ce qui s'est
passé est important pour comprendre la situation d'aujourd'hui.
Au cours de l'été 1980, Vacances Quebecair lançait
son programme vers Fort Lauderdale. Je dois dire qu'il s'agissait là
d'une excellente idée. Il n'y avait pas de vol direct entre
Montréal et Fort Lauderdale et auparavant, les transporteurs
nolisés offraient des vols vers Fort Lauderdale, mais en fin de semaine
essentiellement, et Quebecair est arrivé avec des vols quotidiens. Par
contre, immédiatement, et donc plus d'un an avant l'entrée en
scène d'Air Canada, tous les transporteurs, tous les spécialistes
du marché ont exprimé un jugement unanime: Quebecair court
à la catastrophe. Il est évident qu'après coup c'est
toujours facile de dire: Ah! On vous l'avait dit. Mais là, et je
considère que ce que je vous dis, je le dis presque sur la foi du
serment, c'est vrai, en juillet 1980, lorsque la brochure Quebecair est sortie,
cela a été unanime, on a dit: Mais, pourquoi font-ils cela?
Je vais analyser quelques-unes des raisons qui étaient
invoquées pour expliquer cette prédiction. Il y a deux raisons:
La première est que Quebecair, en annonçant des prix aussi bas
que 169 $ aller-retour, venait de couper de façon draconienne les prix
des vols nolisés. En effet, au cours de l'hiver précédent,
soit donc au cours de l'hiver 1979-1980, les opérateurs de tours
nolisaient un aller-retour en Boeing 737 de Montréal à Fort
Lauderdale pour environ 18 000 $ par vol et le transporteur ne
prenait aucun risque. Tous les risques et tous les coûts de
réservation, les coûts de vente, les coûts de sièges
invendus, la publicité, les commissions aux agents de voyage, tous ces
coûts et risques étaient assumés par l'opérateur de
tours. Par contre, avec Vacances Quebecair, Quebecair, en 1980, prenait tous
ces risques et tous ces coûts à son propre compte. Ceci signifie,
concrètement, que pour faire le même profit qu'en 1979-1980,
Vacances Quebecair aurait dû produire des recettes brutes de l'ordre de
25 000 $ par vol, soit environ 6000 $ de plus que les recettes qu'elle a pu
réaliser avec sa politique de bas prix qui, probablement, en moyenne, a
dû engendrer un revenu d'environ 19 000 $ par vol. Quebecair avait donc
choisi, de sa propre initiative, de réaliser un manque à gagner
de près de 6000 $ par vol en 1980-1981 par rapport à
l'année précédente, ce qui correspondait à peu
près à 55 $ par siège vendu. (20 h 30)
La deuxième question qui inquiétait les observateurs
dès 1980 était que Quebecair avait, au départ, un handicap
de l'ordre de 45 $ par siège par rapport à tous ses concurrents
du fait qu'elle exploitait les appareils les plus coûteux à
l'achat. Par conséquent, Quebecair était le transporteur qui
avait le moins de latitude pour couper ses prix comme elle l'avait fait.
Voyons maintenant ce qui s'est passé un an plus tard, à
l'été 1981. C'est Wardair qui, la première, a ouvert le
bal en juin 1981 avec des prix en basse saison de 159 $ en semaine et 189 $ en
fin de semaine. Je voudrais aussi vous signaler que Wardair avait aussi
annoncé des vols de départ à Mirabel à 139 $
aller-retour en basse saison, en semaine. Au mois de juillet, Quebecair sortait
une brochure annonçant 177 $ en semaine et 193 $ en fin de semaine. Le 8
août 1981, Air Canada lançait à son tour sa campagne en
annonçant 175 $ en semaine et 185 $ en fin de semaine. On voit donc au
départ que c'est Wardair et non Air Canada qui avait annoncé les
prix les plus bas. Air Canada, en tentant de se placer entre Wardair et
Quebecair, arrivait sur le marché avec un prix légèrement
inférieur à celui de Quebecair soit 2 $ par siège en
semaine et 8 $ en fin de semaine, respectivement 1% et 4%. Il faut aussi
remarquer que lorsque Quebecair a affiché ses prix au mois de juillet -
donc, avant que Air Canada ne sorte ses prix - elle prenait sur elle-même
de n'augmenter ses prix que de 4% en semaine et 2% en fin de semaine par
rapport à l'année précédente. Si on
considère que l'inflation était alors de 12%, on peut voir que
Quebecair avait délibérément décidé de ne
pas récupérer entièrement l'escalade de ses coûts de
fonctionnement, ce qui pouvait représenter environ 900 $ par vol.
Si, maintenant, on dit que Quebecair a été obligée
de baisser ses prix de 2 $ ou 8 $ en semaine ou en fin de semaine à
cause de Air Canada, qu'est-ce cela signifie pour l'ensemble de la saison? Pour
l'ensemble de la saison, j'ai évalué que lorsque ces
réductions de prix ont coûté à Quebecair un manque
à gagner d'environ 150 000 $, dire que des investissements de l'ordre de
60 000 000 $ ont été ruinés par un manque à gagner
de 150 000 $ est difficilement plausible. Il nous paraît beaucoup plus
plausible que Quebecair s'était elle-même coupé l'herbe
sous le pied, dès la première année, en affichant des prix
irréalistes par rapport à ses coûts réels et en
s'imposant à elle-même un manque à gagner de l'ordre de
6000 $ par vol, ce qui aurait correspondu à environ 2 000 000 $ en
1981-1982.
Parlons maintenant de la Barbade. On sait que Quebecair, à la fin
de 1981, a acquis deux Boeing 737 avec des moteurs Dash 17 pour desservir la
Barbade. Selon ceux qui connaissent ce marché, la période
où l'on peut justifier des vols nolisés vers la Barbade est
d'environ 15 semaines en hiver. En supposant que l'on y effectue deux vols
hebdomadaires en Boeing 737, on peut estimer que ce marché pourrait
produire, pour l'hiver, 320 heures par an. Si l'on considère que pour
rentabiliser deux appareils, il faut voler au moins 6000 heures par an, on
constate que la destination Barbade n'aurait constitué que 5% de
l'utilisation de ces appareils. On pouvait donc détecter, dès le
départ, un grave danger de sous-utilisation de ces appareils.
Toujours sur la Barbade, en se référant à la
brochure Vacances Quebecair pour l'hiver 1981-1982, on constate que Quebecair
affichait le même prix pour aller à Porto Rico, qui était
accessible avec les Dash 9 normaux, que pour aller à la Barbade, qui
requérait des Dash 17. Or, la distance vers la Barbade est de 25% plus
grande et, par conséquent, le coût d'exploitation est
supérieur à celui de Porto Rico d'au moins 5000 $ par vol. En
affichant les mêmes prix, Quebecair renonçait donc
délibérément à récupérer ce
coût.
Si nous résumons, Quebecair a acheté des appareils
spéciaux pour un marché qui ne pouvait justifier que 5%
d'utilisation des appareils et a vendu des sièges sur ces appareils avec
un profit 5000 $ inférieur, toutes porportions gardées, que sur
les vols qu'elle vendait vers Porto Rico avec des appareils normaux qu'elle
possédait déjà.
Un dernier point au sujet de la guerre des prix. Au mois de
décembre 1981, Quebecair décidait de lancer des vols vers
Orlando. Probablement en raison de son arrivée tardive sur le
marché, Quebecair décidait de couper ses prix et affichait un
prix de 175 $ le siège alors que Nordair, depuis plusieurs mois,
affichait un prix de
189 $, soit 8% de plus.
Pour résumer, en se lançant dans une opération de
vols nolisés de grande envergure, Quebecair en connaissait ou devait en
connaître tous les paramètres. Aucun des développements
n'était inconnu ou imprévisible. L'opinion unanime des
observateurs était, dès 1980, que la stratégie des prix de
Quebecair était suicidaire car elle ne laissait à Quebecair
aucune marge de manoeuvre. Que ce soit au moment du lancement de Vacances
Quebecair ou du lancement des vols sur la Barbade ou Orlando, Quebecair a
choisi de son propre chef sa stratégie de prix. Que Air Canada soit fait
le bouc émissaire des échecs de Quebecair sur ces marchés
n'est tout simplement pas conforme à la réalité.
L'expansion de Quebecair. Est-ce que la clé de tous les
problèmes de Quebecair se trouve dans la croissance? Il n'y a aucun
doute que pour toute entreprise la croissance est toujours la bienvenue. Ce que
je vais aborder ici, c'est la question de savoir quelle croissance serait
requise pour rentabiliser Quebecair.
Si l'on déduit du déficit de 1982 les 6 000 000 $
approximatifs d'intérêts pour les trois Boeing 737
inutilisés, nous parlons d'un déficit de l'ordre de 15 000 000 $.
La question est alors la suivante: Quel genre d'expansion serait
nécessaire pour produire une contribution de 15 000 000 $?
Si on pose comme hypothèse qu'une "bonne" route produit une
contribution marginale de l'ordre de 15% sur les recettes, il faudrait que
Quebecair trouve, développe ou obtienne un marché de 100 000 000
$ qui, de plus, devrait être instantanément rentable. Il faudrait
d'abord y employer sept Boeing 737 pour réaliser ces revenus, lesquels
représentent un investissement d'au moins 120 000 000 $. En supposant
qu'un tel investissement soit consenti, existe-t-il quelque part un
marché non desservi de 120 000 000 $, soit 200% plus gros que le
marché domestique actuel de Quebecair? La dimension de ces chiffres
contient la réponse à cette question.
Même si toutes les routes d'Air Canada au Québec
étaient transférées à Quebecair, il est douteux
qu'elles engendrent un profit marginal supérieur à 2 000 000 $.
D'où viendraient donc les autres 13 000 000 $?
J'ai lu dans les journaux que Quebecair veut obtenir la route
Montréal-Boston. J'ignore sur quelles études Quebecair a
basé ce projet, mais je peux vous assurer qu'un déficit de 2 000
000 $ à 4 000 000 $ attendrait Quebecair sur cette route. Après
tout, ce n'est pas par hasard qu'Air Canada n'y a jamais exercé ses
droits. Alors, où trouver les marchés qui permettront de
rentabiliser instantanément Quebecair?
J'ai bien peur, M. le ministre, M. le Président, qu'une expansion
d'une telle dimension ne soit pas réaliste quand un tel marché
n'existe pas. Mais si dans un manque de mesure certaines possibilités
existaient, ce serait certainement dans un environnement très
concurrentiel. Il s'agira donc d'un environnement extrêmement dur
où seuls les concurrents les plus aptes peuvent survivre.
Avant de s'y engager, tout transporteur doit donc s'assurer qu'il
possède les caractéristiques suivantes: 1) Une base
financière solide. 2) Une bonne rentabilité dans ses
marchés de base. 3) Une qualité de services reconnue. 4) Une
structure de coûts très efficace. 5) Une bonne capacité
à développer des stratégies de commercialisation.
Si Quebecair possède toutes ces caractéristiques, tant
mieux, car la partie la plus abrupte du chemin de l'expansion aura
été parcourue. Si Quebecair ne possède pas ces
caractéristiques, il faudrait d'abord qu'elle les acquière avant
d'envisager à nouveau de se lancer dans des aventures
expansionnistes.
Nous n'avons exprimé le point de vue que de façon
objective. Ni le gouvernement fédéral, ni Air Canada ne peuvent
porter le blâme pour la gravité des problèmes qui
assaillent Quebecair. L'hypothèse d'une action
délibérée contre Quebecair n'est pas crédible si on
examine les faits.
Nous avons aussi exprimé l'opinion que le déficit de
Quebecair soit tel que l'on ne peut attendre l'impossible des vertus curatives
d'une expansion instantanée. Bien sûr, il y a Nordair et
l'histoire de ce dossier est connue. Il faut toutefois remarquer qu'il n'est
pas évident - en tout cas les résultats ne l'indiquent pas - que
Quebecair, tout en poursuivant son projet de fusion avec Nordair, a, en
même temps, couvert ses arrières en tentant de s'assurer de sa
propre rentabilité quoiqu'il advienne sur le dossier Nordair. Le
résultat est que ce qui était, au départ, une
activité de rationalisation est devenu un exercice de sauvetage,
même si le mot rationalisation a été conservé pour
consommation publique.
La situation de Quebecair est grave, c'est indéniable. Si grave
qu'aucun administrateur héritant aujourd'hui de ce dossier ne saurait
être blâmé de ne pas pouvoir en venir à bout. Mais
s'il existe de par le monde quantité de petits transporteurs vivant sur
des marchés bien plus petits que ceux de Quebecair, alors Quebecair
aussi pourrait être rentable.
Il n'existe bien sûr pas de formule magique, pas de remède
instantané et je serais bien présomptueux de vous en proposer. Je
peux cependant vous faire part de ce que je considère comme des
prérequis essentiels pour sauver de Quebecair ce qu'il sera possible de
sauver, soit en tant qu'entité distincte, soit en tant que filiale du
groupe Air Canada-Nordair. Premièrement,
éponger la dette à long terme; deuxièmement,
dépolitiser le dossier; troisièmement, stabiliser
l'administration et quatrièmement, penser en termes de contraction
plutôt que d'expansion.
Nul doute que ce sera là un processus pénible exigeant
beaucoup de sacrifices de la part des intéressés. Quebecair a
déjà connu des hauts et des bas. Il n'en est pas à sa
première crise, mais celle-ci est de beaucoup sa plus grave. Quebecair a
toujours survécu. Pourquoi pas cette fois-ci encore?
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Obadia.
M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je voudrais aller rapidement.
D'abord, j'ai une question à poser à M. Obadia. Quand avez-vous
quitté Quebecair?
M. Obadia: Au mois de février 1980.
M. Clair: Depuis ce temps, avez-vous eu l'occasion de rencontrer
les gestionnaires de Quebecair, de prendre connaissance des états
financiers, du plan opérationnel de Quebecair, du plan d'affectation?
Avez-vous eu l'occasion de faire cela?
M. Obadia: Ce que j'ai eu l'occasion de voir assez rapidement, ce
sont les états financiers qui ont été soumis ici la
semaine dernière.
M. Clair: Oui. Tantôt, vous nous avez indiqué
qu'actuellement, vous travaillez à une commande, si j'ai bien compris,
du ministère des Transports du Canada en Gaspésie et aux
Îles-de-la-Madeleine en ce qui concerne la desserte aérienne.
Pourriez-vous nous préciser la nature de votre mandat?
M. Obadia: C'est l'étude des services en Gaspésie
et aux Îles-de-la-Madeleine: la qualité des services et des
appareils qui sont utilisés ou qui pourraient être utilisés
pour rentabiliser ces services.
M. Clair: Auriez-vous objection à déposer la nature
du mandat qui vous a été confié par le ministère
des Transports du Canada?
M. Obadia: Absolument pas.
M. Clair: Vous n'auriez pas d'objection à le faire.
M. Obadia: Je n'ai pas le document ici, mais je peux vous le
faire parvenir n'importe quand.
M. Clair: Quand ce mandat vous a-t-il été
confié?
M. Obadia: Au mois de novembre 1982. M. Clair: Au mois de
novembre dernier. M. Obadia: Oui.
M. Clair: Est-ce que ce mandat est susceptible d'avoir une
implication importante en ce qui concerne l'avenir de Regionair, en
particulier, filiale de Quebecair?
M. Obadia: Dans quel sens?
M. Clair: Dans le sens que puisque vous menez une étude
sur les services aériens en Gaspésie et que nous connaissons tous
la présence très importante de Regionair dans cette
région, j'imagine qu'à moins d'étudier le sexe des anges,
vous devez étudier un peu ce qu'est la présence de Regionair, de
Eastern Provincial Airways dans cette région.
M. Obadia: Oui, dans ce sens oui, puisque j'étudie tous
les services et j'étudie différents types d'appareils. Une copie
de ce rapport, quand il sera déposé, sera envoyé à
Quebecair; s'ils y trouvent des choses intéressantes qui pourraient leur
être utiles, tant mieux!
M. Clair: Dans quelle mesure pensez-vous que le mandat que vous
exercez présentement pour Transports Canada... Si je comprends bien,
votre travail n'est pas terminé présentement?
M. Obadia: II est sur le point de l'être.
M. Clair: II est sur le point de l'être. Est-ce que dans
une certaine mesure, celui-ci pourrait influencer l'avenir de Regionair et de
Quebecair?
M. Obadia: En fait, je ne le sais pas vraiment.
C'est-à-dire que les recommandations que ce rapport va contenir vont
essentiellement traiter du genre d'horaires et du genre d'appareils qui
seraient de nature à donner le meilleur compromis:
services/coûts.
M. Clair: Dans l'intérêt d'un transporteur ou dans
l'intérêt de la Commission canadienne des transports? Vous a-t-on
indiqué un certain nombre de paramètres quant au travail que vous
deviez effectuer auprès du ministère des Transports du
Canada?
M. Obadia: Les paramètres, c'est l'étude des
services aériens et les recommandations quant aux genres de services et
aux types d'appareils qui pourraient être utilisés pour
rentabiliser ces services. (20 h 45)
M. Clair: Si cette étude est menée par le
ministère des Transports du Canada, confirmeriez-vous l'hypothèse
à savoir que le ministère des Transports du Canada a un
rôle déterminant à jouer quant aux types d'appareils et aux
questions que vous venez de soulever, questions qui théoriquement
relèvent de la Commission canadienne des transports et des transporteurs
eux-mêmes?
M. Obadia: Pas nécessairement. Vous savez qu'aux
Îles-de-la-Madeleine Eastern Provincial est subventionnée
actuellement.
M. Clair: Est-ce que Quebecair l'est? Et Regionair?
M. Obadia: Quebecair ne l'est pas. M. Clair: Ahbon!
M. Obadia: C'est justement une des facettes de cette
étude-là. C'est-à-dire est-ce qu'il est normal qu'un
transporteur le soit alors que l'autre ne l'est pas? Je peux vous dire que le
mandat que j'ai reçu m'a paru très positif. Si on regarde le
contexte des discussions à haute voix qu'il y a entre les deux ministres
des Transports, j'ai pensé que le contexte général de
l'étude qu'on m'a demandée était positif pour
Quebecair.
M. Clair: C'est une conclusion à laquelle vous en
êtes venu ou est-ce que ce sont des indications qui vous ont
été fournies par le ministère des Transports du
Canada?
M. Obadia: Non, c'est une indication à laquelle j'en suis
venu moi-même.
M. Clair: Et vous seriez disposé à déposer
le mandat de l'étude qui vous a été confié de
même que les conclusions auxquelles vous en êtes venu
vous-même.
M. Obadia: Certainement, d'ailleurs les conclusions...
M. Clair: Parfait.
M. Obadia: ...vous seront envoyées par Transports
Canada.
M. Clair: Je vous remercie. Une autre question rapide, M. le
Président. À la page 3 de l'allocution de M. Obadia, on lit qu'il
y avait une autorisation d'exploiter des Boeing 707 dans le monde entier.
Est-ce que vous pourriez nous préciser si des Boeing 707 pouvaient
être exploités de façon rentable dans le monde entier?
M. Obadia: Au départ du Canada, oui, certainement,
puisqu'on les a exploités de façon rentable.
M. Clair: Jusqu'en quelle année pouvaient-ils être
exploités de façon rentable? Juste pour préciser, de quel
type d'appareil s'agit-il lorsqu'on parle de Boeing 707?
M. Obadia: Ce sont des Boeing 707 à quatre moteurs, avec
180 sièges à bord qui peuvent traverser l'Atlantique.
M. Clair: Dans quelle mesure pouvaient-ils concurrencer, par
exemple, des Boeing 747 au moment où ceux-ci sont apparus?
M. Obadia: Ils pouvaient parfaitement les concurrencer parce que
le Boeing 747 est un appareil qui peut contenir jusqu'à 450 places
à un moment donné. Ce ne sont pas tous les marchés qui
peuvent supporter des avions de 450 places. Donc, si vous avez un avion de 180
places et vous pouvez vous trouver une niche dans un marché un peu moins
concurrentiel que les autres, vous réussirez, et c'est ce que Quebecair
faisait.
M. Clair: Si vous étiez demeuré chez Quebecair,
quel marché auriez-vous conseillé aux administrateurs de
Quebecair de développer?
M. Obadia: À quel point de vue? Au point de vue des
nolisements?
M. Clair: Au point de vue de la rentabilité avec des
Boeing 707. Nous sommes en 1983, quel marché desserviriez-vous avec des
Boeing 707?
M. Obadia: II n'y a qu'à prendre les destinations de
Worldways qui a actuellement trois Boeing 707 exactement sur les marchés
que Quebecair avait. Ils vont à Dublin, ils vont à Shannon, ils
vont en Yougoslavie, ils vont à Paris, ils vont à Londres, ils
vont à Manchester en été.
M. Clair: À partir de quel point? M. Obadia:
Toronto et Montréal.
M. Clair: Quel est le nom de cette compagnie?
M. Obadia: Worldways.
M. Clair: Worldways. À la page 5 de votre
déclaration vous indiquez que, si Quebecair rencontre aujourd'hui des
difficultés, il faut en chercher la cause et donc les remèdes
ailleurs que dans la politique des transporteurs régionaux ou dans le
système de réglementation des permis aériens. Je ne
citerai pas votre déclaration de 1978 devant la Commission canadienne
des transports, mais à ce moment-là vous étiez payé
par Quebecair, si ma mémoire est
fidèle. Les déclarations que je lis, si je les comprends,
indiquaient que vous considériez que le développement de vols
nolisés pour Quebecair représentait environ 40% de ses revenus,
était indispensable à l'avenir de cette entreprise. Vous
indiquiez même: "Je dois dire qu'environ 300 employés à
Quebecair n'auraient plus d'emploi si Quebecair cessait ses services
nolisés." Vous ajoutiez: "Je dis que c'est absolument vital que non
seulement l'activité des services nolisés à Quebecair
reste ce qu'elle est, mais qu'elle se développe." C'est un document qui
est public, qui a été reproduit ici pour les membres de la
commission.
Dans votre déclaration, en 1978, vous sembliez indiquer que
c'était une condition sine qua non pour l'avenir de Quebecair que de
développer les vols nolisés et aujourd'hui, en 1983, vous semblez
plutôt indiquer, par le texte de votre déclaration, que
c'était une erreur, que le marché de base, le réseau de
Quebecair était insuffisant pour supporter cela, que cela a
été une erreur d'acheter des Boeing 737, je pense. Quelle
était votre recommandation à ce moment-là et quelle
serait-elle aujourd'hui? Je comprends que c'est plus facile de se situer en
1983 après le fait, de porter un jugement, mais votre recommandation,
quelle était-elle en ce qui concernait le développement des
nolisés chez Quebecair?
M. Obadia: M. le ministre, en 1983, je dirais exactement ce que
j'ai dit en 1980. Si vous avez mon document devant vous, on va le regarder.
À la page 1358, je vais vous lire ce que je disais à ce
moment-là et que je pourrais répéter aujourd'hui: "Je
voudrais quand même - à la ligne 9 - soumettre notre point de vue
à Quebecair. Pour que le marché des opérateurs de tours
continue à être ce qu'il est, c'est-à-dire une industrie
saine, concurrentielle et qui satisfait l'intérêt public, il faut
que les relations entre les opérateurs de tours et leurs fournisseurs
soient des relations indépendantes ou, pour employer l'expression
anglaise, il faut que ce soit une relation "at all slant", et nous sommes
tellement convaincus, à Quebecair, que c'est de cette façon qu'il
faut procéder, qu'il faut considérer le marché, que nous
ne possédons pas d'opérateur de tours." Je l'ai dit en 1980.
M. Clair: Maintenant, M. Obadia, si je ne fais pas erreur - je
m'excuse de vous interrompre - cela se situe en 1978. Est-ce exact?
M. Obadia: Oui.
M. Clair: Après ce moment-là, avec la disparition
de Treasure Tour qui est devenue TOURAM, si je ne fais pas erreur...
M. Obadia: Treasure Tour, c'est resté Treasure Tour.
M. Clair: Vous avez raison. Mais avec la disparition de Sunflight
et de - je ne me souviens plus l'autre...
M. Obadia: Skylark.
M. Clair: Sklylark, et la présence de plus en plus
importante de l'organisateur pour Air Canada, TOURAM, est-ce que les
données que vous énonciez en 1978 sont toujours aussi valables en
1983?
M. Obadia: Oui. Je prétends qu'elles sont toujours aussi
valables et, si vous me le permettez, je vais vous expliquer pourquoi.
J'ai dit, à l'époque, que le charter était vital
pour Quebecair et je le maintiens encore aujourd'hui. Mais comment
l'opérer? Il y a toute une différence entre exploiter des
nolisements avec des avions qui coûtent 2 000 000 $ l'unité et qui
peuvent voler toute l'année, en hiver vers le sud, en été
vers l'Europe, et opérer des appareils qui coûtent 17 000 000 $ ou
15 000 000 $, qui ne peuvent s'envoler que vers le sud en hiver, mais avec
lesquels, en été, il n'y a pas grand-chose à faire.
En ce qui concerne la disparition de Skylark et d'autres, cette
disparition n'aurait pas du tout affecté en quoi que ce soit Quebecair
si Quebecair avait suivi la philosophie qui avait été celle du
début des nolisements à Quebecair, soit d'opérer en fin de
semaine. En opérant en fin de semaine, le nombre d'opérateurs de
tours qui existe est amplement suffisant pour justifier l'utilisation des
appareils. C'est lorsque les compagnies se sont lancées vers la Floride
comme elles l'ont fait qu'elles ont créé un
phénomène d'aspirateur, c'est-à-dire qu'en même
temps que l'économie baissait et que les revenus disponibles baissaient,
les prix ont été coupés sur la destination soleil la moins
chère. Donc, il y a eu un phénomène d'aspirateur qui a
fait que la Barbade, Acapulco et d'autres destinations se sont
écroulées pour se diriger vers la Floride.
Il est évident que les transporteurs - et dans ce cas-là,
Quebecair - ayant un surplus de capacité, sont arrivés sur le
marché avec des prix tellement bas que les opérateurs de tours ne
pouvaient plus survivre. Le résultat final: je pense que, finalement,
les transporteurs aériens qui se sont lancés avec leurs propres
opérateurs de tours ont, jusqu'à un certain point, tué la
main qui les nourrissait, parce que c'est important d'avoir des
opérateurs de tours indépendants. Ils prenaient le risque de
toutes les opérations à condition d'avoir une capacité
limitée à leur offrir, à condition d'avoir des charters
uniquement en fin de semaine. C'est évident que si une compagnie
aérienne avait deux
avions de trop, il fallait faire quelque chose avec ces avions. Seules
les compagnies aériennes pouvaient le faire.
M. Clair: Maintenant, quand vous avez quitté, ou peu de
temps avant que vous quittiez la compagnie Quebecair, celle-ci opérait
des Boeing 707 et 727.
M. Obadia: Oui.
M. Clair: Est-ce que vous avez été associé
à la décision d'acheter un, deux, trois ou quatre Boeing 737?
M. Obadia: La seule décision où j'ai
été vraiment impliqué remonte à l'été
1978. À cette époque, on avait réévalué la
flotte de Quebecair et on en était arrivé à la conclusion
que la flotte de Quebecair devait consister en deux Boeing 737 et deux BAC
1-11. Pourquoi? Parce qu'on poursuivait deux objectifs en parallèle. Un
objectif, c'était d'acquérir Nordair. On avait calculé,
à l'époque, que la flotte de Nordair plus deux Boeing 737
satisfaisaient à tous les besoins des deux transporteurs réunis.
Donc, en achetant deux Boeing 737, on se positionnait avec la flotte requise
pour les deux transporteurs.
L'autre objectif qu'on poursuivait en même temps, c'était
de rentabiliser Quebecair, peu importe ce qui serait arrivé dans le
dossier Nordair. Il y avait plusieurs raisons à cela. La
première, c'est que notre expérience dans l'aviation nous avait
indiqué qu'en aviation, il n'y a que les avions qui volent vite; le
reste est très lent. La deuxième raison, c'est qu'on savait que
Quebecair avait une réputation de profitabilité en dents de scie
et on savait que si des gens s'opposaient à l'acquisition de Nordair par
Quebecair, une des choses qu'on nous reprocherait, c'était
l'instabilité de notre gestion. Donc, on était doublement
motivés à montrer qu'on était capables de gérer
Quebecair. Donc, il fallait que Quebecair soit rentable, pour elle-même,
premièrement, et, deuxièmement, pour enlever tout argument
à quiconque disait: Voyons donc, on ne peut pas leur donner Nordair, ils
sont incapables de gérer leur compagnie. Voilà les
stratégies que nous avions. Je pense que c'est au mois d'août
1978, à la suite d'un séminaire, que nous avons pris cette
décision. En 1983, si on me demandait de revoir la flotte de Quebecair
à nouveau, probablement que j'arriverais à deux Boeing 737
encore. Donc, voilà la décision dans laquelle j'étais
impliqué en 1978.
M. Clair: Maintenant, en ce qui concerne les BAC 1-11, est-ce
qu'il est exact qu'ils devaient être interdits de vol par la FAA, le 31
décembre 1984?
M. Obadia: C'est exact, mais cela n'avait aucun impact sur
Quebecair puisque, à ma recommandation, au cours de l'hiver 1979, nous
avons suspendu toute vente de BAC 1-11 comme charter vers les
États-Unis.
M. Clair: Pour quelle raison?
M. Obadia: Ils n'étaient pas fiables. Ils accumulaient des
retards comme ce n'était pas possible. On était en train de
perdre notre réputation. Ils pouvaient encore être rentables parce
que, vu que l'avion était plus petit, on pouvait le vendre un peu plus
cher par siège parce que l'opérateur prenait un risque moins
grand. Mais la régularité de cet avion, ou son
irrégularité était tellement phénoménale
qu'il était préférable pour protéger notre
réputation de ne plus l'utiliser en charter.
M. Clair: En ce qui concerne le choix des appareils pour
remplacer les BAC 1-11, quant à vous, il vous apparaît que le
choix c'était des Boeing 737, mais en nombre moins important?
M. Obadia: Deux Boeing 737.
M. Clair: C'étaient des Boeing 737.
M. Obadia: Deux Boeing 737-9.
M. Clair: Pour fonctionner en même temps sur le
réseau et sur le vol nolisé.
M. Obadia: En fin de semaine. D'ailleurs - excusez-moi...
M. Clair: En ce qui concerne les 707, les 727, quelle
était votre opinion?
M. Obadia: En ce qui concerne les 707, disons que je n'ai pas
été très impliqué dans l'addition des 707. Je
n'étais pas au nolisement, à ce moment, mais je pense que
c'était une bonne décision quand vous pensez que ces avions ont
produit un chiffre d'affaires d'environ 20 000 000 $ avec, pour tout
investissement, 2 000 000 $ pour une machine et une location de 53 000 $, pour
être précis, pour l'autre machine. Il s'agissait donc là
d'un risque minime, et c'est d'ailleurs une des raisons du succès du
nolisement. N'oublions pas que le nolisement est un marché
extrêmement spéculatif, extrêmement volatil,
extrêmement frivole et qui, géographiquement, se promène
d'un bout à l'autre de l'univers, d'une année à l'autre.
Il faut donc avoir un équipement qui soit fiable. Si je voulais faire
une comparaison, je dirais que le nolisement est une activité de
commando par rapport à l'armée régulière. Il faut
être souple, il faut être flexible, il faut être rapide et il
faut avoir aussi peu
d'attaches financières - au sens de poids -que possible.
Pour parler du 727, maintenant, je voudrais quand même vous faire
remarquer ce qui suit. J'ai lu quelque part que Quebecair a perdu 6 000 000 $
avec les Boeing 727, ou disons qu'ils ont coûté 6 000 000 $ de
plus que si Quebecair avait acheté des Boeing 737. Je pense que cela a
été fait sur la base de 400 $ l'heure en 1978. Les appareils ont
été acquis au mois de juillet 1974. Si vous faites la moyenne, le
coût réel, en vous basant sur l'inflation, donc, sur une
déflation à partir de 1978, et si vous comptez le coût
d'intérêts qui n'ont pas été comptés dans ce
coût, parce que le 737 aurait coûté plusieurs millions de
plus, vous arrivez à la conclusion que le 737, pour cette
période, aurait coûté à peu près autant que
le 727 qui, au passage, lorsqu'il a été revendu a produit un
profit et un gain de capital. En plus, le Boeing 727 pouvait faire ce que
même aujourd'hui le Boeing 737 ne peut pas faire. Par exemple,
décoller de Schefferville à pleine charge en été
avec les chasseurs et leurs carcasses, ce qui ne peut pas se faire
aujourd'hui.
Pour les 727, je pense que cela a été une bonne
décision quand il a été acheté et le "timing" de sa
revente a été une bonne décision.
M. Clair: Aux pages 10 et 11 de votre intervention, vous dites
que vous avez lu dans les journaux que Quebecair veut obtenir la route
Montréal-Boston. Pourriez-vous me citer la référence?
M. Obadia: C'est une déclaration que j'avais lue à
l'automne. Peut-être que vous me l'avez faite. Je ne sais plus.
M. Clair: Mais vous n'avez pas de... M. Obadia: Non.
M. Clair: À ma connaissance, en tout cas, moi, de
mémoire, je ne me souviens pas d'avoir...
M. Obadia: J'ai lu quelque chose.
M. Clair: ...lu quelque chose de précis à ce sujet.
Dernière question: Aux pages 7 et 8, vous faites état d'un
certain nombre de dates et de chiffres en ce qui concerne la présence de
Wardair, de Quebecair et d'Air Canada sur Fort Lauderdale. Si on isole la
liaison Quebec-Fort-Lauderdale, est-ce qu'à votre connaissance un
transporteur aurait développé par vol ABC, peut-être
même par vol ITC ou par vol cédulé la liaison
Québec-Fort Lauderdale avant que ce ne soit fait par Quebecair? (21
heures)
M. Obadia: À ma connaissance remarquez, les vols ont
peut-être commencé antérieurement à cela - je pense
que c'est à l'hiver 1977 qu'Air Canada a effectué des vols en
Boeing 727 en UTC entre Québec et Miami ou Fort Lauderdale, mais
départ de Québec.
M. Clair: Et Miami?
M. Obadia: Non, Fort Lauderdale ou Miami.
M. Clair: Mais je pense que la distinction est importante
puisque...
M. Obadia: Je ne me souviens pas avec suffisamment de
précision, mais je sais que des vols au départ de Québec
avaient été faits par Air Canada avec une agence qui s'appelait
Viva Tours et je pense même Tours Mont-Royal aussi.
M. Clair: Par la suite, ces vols ont-ils été
abandonnés?
M. Obadia: Non, je ne pense pas. Tous les ans, ils avaient
quelques vols.
M. Clair: Quelques vols? M. Obadia: Oui.
M. Clair: Et en termes de nombre de sièges disponibles,
avez-vous analysé l'évolution du nombre de sièges
disponibles à partir de Montréal et de Québec vers Fort
Lauderdale et vers Miami par Air Canada, Wardair, Nordair, Eastern et
Delta?
M. Obadia: Je l'ai examiné déjà, mais je
n'ai pas les chiffres ici.
M. Clair: Vous n'avez pas les chiffres avec vous?
M. Obadia: Non.
M. Clair: Ma dernière question, M. le Président,
est une précision en ce qui concerne le mandat que M. Obadia
exécute présentement. À quelle date doit se terminer le
mandat que vous exécutez présentement pour...
M. Obadia: À la fin du mois de mars.
M. Clair: À la fin du mois de mars. Votre étude sur
l'avenir des services aériens dans l'Est devrait être disponible
à ce moment-là.
M. Obadia: Je couvre les points Bonaventure...
M. Clair: Oui.
M. Obadia: ...Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine.
M. Clair: Les Îles-de-la-Madeleine et Gaspé. Elle
est susceptible, j'imagine, d'éclairer le ministre fédéral
des Transports ou la Commission canadienne des transports.
M. Obadia: Non, pas la Commission canadienne des transports.
M. Clair: Pas la Commission canadienne des transports?
M. Obadia: Non.
M. Clair: Pourquoi faites-vous cette affirmation?
M. Obadia: Parce qu'à ce stade-là il n'y a aucune
demande de route qui sera faite.
M. Clair: Mais qu'est-ce qui vous fait dire qu'aucune demande de
route ne sera faite?
M. Obadia: Pardon?
M. Clair: Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aucune demande de route
ne sera faite? Vous êtes...
M. Obadia: Parce que je ne recommande pas, par exemple, la
création d'un service régulier à certains endroits.
M. Clair: Mais puisque vous affirmez cela, vous avez eu
l'occasion, j'imagine, de prendre connaissance des dossiers de Quebecair,
Regionair et Eastern Provincial Airways?
M. Obadia: Oui.
M. Clair: Et, à votre connaissance, aucun de ces
transporteurs n'a préparé une telle demande. C'est ce qui vous
permet, j'imagine, d'affirmer cela?
M. Obadia: Non, non. Excusez-moi. Peut-être que je me suis
mal exprimé. Ce que je veux dire, c'est que l'étude que je fais
est une étude économique. À ce stade, je ne vois pas de
relation entre mon étude et la Commission canadienne des transports. Une
fois que l'étude sera entre les mains du ministre, je ne sais pas ce qui
pourra arriver, mais à ce stade je ne vois pas de lien direct.
M. Clair: Cela va. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Merci. M. le Président. Vous me permettrez,
comme je l'ai fait cet après-midi, de remercier M. Obadia de
s'être déplacé pour venir nous rencontrer. Lui aussi a
dû le faire à deux reprises puisqu'il s'était
déplacé, il y a dix jours, lors de la première
moitié des séances de cette commission. Malheureusement, nous
n'avions pas pu l'entendre, il y a dix jours, parce que la deuxième
partie avait été ajournée à aujourd'hui. M. Obadia
a dû revenir une deuxième fois et, dans son cas, je pense que
c'est encore plus méritoire parce que M. Obadia vient à ses
propres frais. Il n'est pas un employé de quelque corporation que ce
soit. Il intervient lui-même sur son propre temps, si je puis dire, et il
le fait d'une façon gratuite et volontaire. Je dois vous
féliciter, M. Obadia, et vous remercier d'avoir décidé de
passer tout ce temps à informer la commission et le public en
général.
Je voudrais faire un bref résumé de votre exposé.
Dans une première partie, vous nous dites que la politique des
transporteurs régionaux, telle que pratiquée par la Commission
canadienne des transports et le gouvernement du Canada, n'a pas
contribué, selon vos observations, à la
détérioration de la santé financière de Quebecair.
Vous dites qu'à votre connaissance - et je pense que c'est la
première fois que c'est dit - aucune demande de route majeure n'a
été refusée à Quebecair par la Commission
canadienne des transports depuis - je vois que vous remontez au moins
jusqu'à cette date - 1970. C'est contraire à ce qu'on entend
continuellement à l'Assemblée nationale depuis un an, alors qu'on
nous dit le contraire. On nous dit qu'on a tout fait pour égorger
Quebecair, que Quebecair s'est vu pratiquement refuser presque toutes ses
demandes, etc. Je suis un peu étonné que vous fassiez cette
affirmation, parce qu'on nous dit continuellement le contraire. C'est la
première fois que quelqu'un vient contredire publiquement ces
affirmations. Est-ce que vous êtes bien sûr de ce que vous avancez,
qu'il n'y a pas eu de routes majeures au Québec qui ont
été refusées à Quebecair?
M. Obadia: Je ne peux pas me souvenir de routes majeures qui ont
été refusées. Il est évident que Quebecair n'a pas
obtenu tous les permis qu'elle a demandés, mais je présume que la
même chose est valable pour n'importe quel autre transporteur. Bien
sûr, par exemple, Quebecair a demandé d'étendre son vol de
Schefferville vers Fort Chimo - je pense que cela lui a été
refusé en 1976 - ou bien d'avoir un vol à Chibougamau. Il ne faut
pas oublier non plus que ces points étaient desservis depuis très
longtemps par Nordair, dont Fort Chimo depuis 1952.
M. Bourbeau: Quelle est la population
de Fort Chimo?
M. Obadia: Je l'ignore, mais ce n'est certainement pas une grosse
population. Et je présume que de la même façon que la
Commission canadienne des transports n'a pas permis à Eastern Provincial
Airways de venir prendre du trafic au détriment de Quebecair sur la
liaison Montréal-Wabush, elle a eu aussi à prendre ce genre de
décision dans le cas de Fort Chimo.
M. Bourbeau: Alors, d'après vous, les décisions de
la Commission canadienne des transports qui accorde les routes et les permis
n'ont en aucune façon causé des problèmes à
Quebecair en termes de rentabilité. On ne peut pas expliquer cela par
les décisions de la Commission canadienne des transports.
M. Obadia: Je ne pense pas. Le seul point où
peut-être on pouvait parler de rentablité c'est entre
Montréal et Sept-Îles où Quebecair n'avait pas le droit de
faire des vols directs, en boucle, c'est-à-dire faire
Montréal-Sept-Îles aller retour. La
Commission canadienne des transports a refusé ce droit à
Quebecair, mais de toute façon, étant donné l'utilisation
de la flotte de Quebecair à ce moment, je ne suis pas convaincu que
même si Quebecair avait ce permis, elle l'aurait utilisé.
M. Bourbeau: Le deuxième point, c'est la concurrence d'Air
Canada. Le ministre des Transports nous disait, lors de son discours ici, il y
a une dizaine de jours, qu'Air Canada est toujours là
concurrençant le transporteur régional attitré à ce
territoire déjà restreint. Il faisait évidemment allusion
à Quebecair. Il parle de l'acharnement contre Quebecair. Après
cela, il y a même le premier ministre qui, en Chambre, le 16 novembre
1982 nous disait: "En dépit d'efforts qui ont été faits
par Air Canada et le ministre fédéral des Transports aussi pour
égorger littéralement Quebecair." Voilà un
témoignage qui vient de haut. Vous nous dites qu'après une
étude exhaustive de tout le dossier, vous ne voyez pas comment la
concurrence d'Air Canada ait pu nuire à Quebecair. Il me semble que ce
sont des points de vue diamétralement opposés, venant de deux
experts reconnus en la matière. Est-ce que vous pourriez
détailler un peu là-dessus?
M. Obadia: Lorsqu'on a parlé de la concurrence entre Air
Canada et Quebecair, cela concernait surtout la guerre de prix, à savoir
qu'Air Canada avait fait une guerre de prix aux autres transporteurs et les
avait mis à genoux. Il n'y a aucun doute que lorsqu'on se lance dans ces
marchés, il y a le prix qui est important, mais il y a aussi le nombre
de sièges qu'on met à ce prix. Lorsque Quebecair est entré
sur le marché, en 1980, je pense que ses prix étaient à
peu près comparables aux prix les plus bas des transporteurs
cédulés. Ce sont des transporteurs réguliers, comme Delta
ou Air Canada. Par contre, ce que faisait Quebecair, elle mettait sur le
marché un nombre considérable de sièges qui venaient
enlever à ces transporteurs une partie de leur clientèle. Ce qui
fait que lorsque Air Canada est arrivée sur le marché à
son tour, en 1981... Au fond, je ne pense que ce soit le fait qu'Air Canada
soit arrivée avec certains prix qui ait fait la différence, mais
simplement qu'il y avait en plus de ceux de Quebecair qui était
arrivée l'année précédente, les sièges d'Air
Canada qui venaient s'ajouter. En fait, ce qui est arrivé, c'est qu'il y
avait beaucoup trop de sièges sur les marchés.
M. Bourbeau: M. Obadia, lorsque vous étiez
vice-président du marketing chez Quebecair, cette compagnie a
acheté quatre Boeing 737-9 et après votre départ elle a
acheté deux Boeing 737, Dash 17 qui sont des avions à plus long
rayon d'action que les Boeing Dash 9.
Vous avez, je présume, participé aux études. M.
Alfred Hamel, lors de son témoignage, l'autre jour, nous a parlé
de toute une série d'études qui avaient été faites
tant sur le plan interne qu'externe afin de justifier l'achat de ces avions.
Est-ce que, à votre connaissance, il y a eu des études internes
qui recommandaient l'achat de tous ces avions?
M. Obadia: Comme je vous l'ai dit, le projet auquel j'ai vraiment
participé, c'est celui du mois d'août 1978. Nous ne devions
acheter que deux Boeing 737. Quant aux quatre Boeing 737 qui ont
été commandés le 5 février 1979, quelques mois plus
tard, je dois vous dire que je n'ai appris l'existence de cette commande
qu'après qu'elle ait été faite et c'est à ce moment
que Boeing est venue nous voir pour que nous étudiions la chose
ensemble.
M. Bourbeau: Boeing est venue voir qui exactement?
M. Obadia: Les gens de Quebecair; elle est venue poser des
questions. Les quatre Boeing 737, j'en ai appris l'existence après que
cela ait été décidé le 5 février. On m'a
dit: On a commandé quatre Boeing 737. J'ai posé la question:
Qu'est-ce qu'on va en faire? On m'a répondu: Tu es le
vice-président en marketing, c'est toi qui vas nous le dire.
M. Bourbeau: Ah bon! Alors vous deviez trouver l'emploi, si je
peux dire, pour des
Boeing...
M. Obadia: Je dois vous dire en toute sincérité que
je n'étais pas inquiet. Pourquoi n'étais-je pas inquiet? C'est
une dimension qu'il faut peut-être expliquer. À l'époque,
c'était connu dans l'industrie que commander des options chez les
transporteurs aériens, ce n'est pas un problème; on entendait
tellement d'histoires de compagnies aériennes qui avaient revendu des
options à profit, on entendait même l'histoire de ONA, Overseas
National Airways, une compagnie américaine, qui avait liquidé sa
flotte et qui avait fait plus d'argent en vendant ses avions qu'elle n'en avait
jamais fait dans toute son existence.
On s'est dit: On a commandé quatre Boeing 737, il n'y a pas de
quoi s'inquiéter. Quelque chose va se produire entre maintenant et la
livraison future de ces avions qui va faire qu'on comprendra peut-être
mieux pourquoi on les a commandés, ou bien que ces options vont
être revendues et c'est une façon parfaitement honorable de faire
un profit en passant. Pour ces raisons, je dois vous le dire très
franchement, je n'étais pas particulièremnt inquiet. On savait
qu'il y avait un certain contenu spéculatif dans ces décisions et
on les avait prises ainsi.
M. Bourbeau: Donc, pour vous, l'achat des deux premiers Boeing
737 était justifié; il correspondait aux plans qui avaient
été établis en 1978. Les deux autres, pour vous,
c'était une nouvelle. Vous l'avez appris après l'achat et
c'était une entreprise spéculative, si je comprends bien.
M. Obadia: Disons que nous l'avons perçu comme cela.
M. Bourbeau: Un genre de pari: si cela va bien, on les garde et
si cela ne va pas bien, on les revendra à profit.
M. Obadia: Cela a été notre perception.
M. Bourbeau: Effectivement, il y en a un qui a été
vendu avant qu'il ne soit reçu, et l'autre a été
conservé par l'entreprise. Les deux derniers qui ont été
achetés, les plus gros, les Dash 17, est-ce qu'il en était
question quand vous étiez à Quebecair?
M. Obadia: Aucunement question.
M. Bourbeau: II n'était pas question de les acheter.
À votre connaissance, les autres membres de la haute direction comme
vous, les autres vice-présidents, est-ce qu'ils ont été
consultés aussi par les dirigeants de Quebecair lors de l'achat des
Boeing? Est-ce qu'on a consulté les ressources humaines internes? Est-ce
qu'il y a eu des études?
Vous dites qu'il n'y en a pas eu d'autres à votre connaissance
que celles de 1978. Vos autres collègues, ont-ils été
consultés ou si tout le monde a appris comme vous l'achat des avions
après qu'ils aient été achetés.
M. Obadia: On l'a appris après que le conseil
d'administration, je pense, avait fait part à Boeing que la prise
d'option... Je pense que c'était vers le 5 février.
M. Bourbeau: Alors vous étiez responsable du marketing et
on vous dit: Vous avez quatre avions qui vont être livrés et il
faut les rentabiliser. J'aimerais que vous reveniez un peu là-dessus,
parce que ce n'est pas toujours très facile quand on n'est pas des
experts en la matière de comprendre la distinction qu'il y a entre
acheter un Boeing 737 pour faire des vols nolisés - des charters - et
utiliser un Boeing 707 pour en faire également mais pendant toute
l'année. Vous avez dit qu'un Boeing 707, on peut l'utiliser hiver comme
été, l'hiver dans les pays chauds et l'été dans les
pays européens, que ceux que vous aviez ne coûtaient que 2 000 000
$. Vous avez fait la comparaison avec le fait qu'on a acheté des Boeing
737 à 15 000 000 $ qui eux, n'ont pas un rayon d'action pour aller en
Europe, donc qui sont condamnés à ne faire du charter que l'hiver
pour la Floride. Pourriez-vous expliquer cela pour qu'on saisisse davantage la
nuance qu'il y a entre les deux solutions?
M. Obadia: Au fond, c'est très simple. Lorsqu'on
achète un avion, il faut que cet avion vole au maximum, puisque le
coût de possession de cette machine sera plus bas par heure de vol si le
nombre d'heures de vol est très élevé. C'est pour cette
raison que si vous avez un avion qui est très versatile et qui vous
permet de couvrir tous les marchés, à ce moment, vous pourrez
l'utiliser en hiver pour aller à la Barbade, au Mexique, aux
Caraïbes, et l'été pour aller en Europe. À ce moment,
vous allez augmenter le potentiel d'utilisation de cet appareil.
Le deuxième point, c'est que plus l'utilisation de cet appareil
peut être diversifié, plus vous pouvez vous découvrir des
petites niches dans le marché où vous allez pouvoir faire votre
beurre sans trop embêter les gros, parce que c'est cela la règle
du jeu... On peut bien se dire que c'est immoral ou amoral que les gros
combattent les petits, mais c'est la règle du jeu. C'est cela, la
concurrence. Si vous avez un appareil extrêmement flexible, il vous
permet d'aller dans des destinations où les gros ne vont pas, de
façon que vous vous tailliez une petite niche dans ce marché et
que vous puissiez avoir un profit raisonnable.
M. Bourbeau: M. Hamel, le président de Quebecair, nous a
dit il y a une dizaine de
jours que quand on avait acheté les deux derniers Boeing, les
Dash 17 le but principal était de faire des vols nolisés sur la
Barbade. On l'a dit précédemment, mais je ne sais pas si vous
étiez ici, les trois Dash 9 qu'on avait déjà à
Quebecair ne faisaient pas Montréal-la Barbade d'un seul trait; il
fallait faire un arrêt pour refaire le plein d'essence. Comme ce
n'était pas rentable de faire un arrêt, on a décidé
d'acheter deux autres avions qui eux, avaient un rayon d'action suffisant pour
se rendre directement à la Barbade. Il nous a dit: On a acheté
ces avions pour faire ce vol, et après coup, on voulait rentabiliser ces
avions sur le réseau ou je ne sais pas de quelle façon.
D'après vous, d'après votre expérience, est-ce qu'il est
souhaitable ou recommandable qu'un transporteur aérien, de quelque
compagnie que ce soit, fasse l'acquisition d'avions neufs pour des fins de vols
nolisés, quitte après cela à utiliser ces avions sur ces
lignes régulières si c'est possible, ou est-ce que ce n'est pas
plutôt l'inverse qu'il faut faire.
M. Obadia: Idéalement, le marché des nolisements
est un marché complémentaire, c'est-à-dire qu'une fois que
vous avez desservi tous vos marchés de base et que vous avez
rentabilisé votre opération, à ce moment, vous avez un
surplus de disponibilité d'appareils et vous pouvez les utiliser pour
faire des nolisements lorsque votre demande sur le marché domestique
n'est pas suffisante pour justifier des vols.
Quant à savoir si un transporteur peut acquérir des avions
exclusivement pour des nolisements, disons des Boeing 737, à ce moment,
tout est une question de dimension relative. Si un transporteur qui
possède 20 appareils sur ses réseaux domestiques en acquiert un
21e pour ses marchés de nolisement, il est évident que la
proportion est suffisamment faible pour le mettre à l'abri des mauvais
jours. Par contre, si un transporteur consacre ou investit sur 50% de sa flotte
pour un marché aussi spéculatif et incertain que le marché
des nolisements, je pense qu'il prend un risque considérable qui ne peut
se justifier qu'avec un retour sur son investissement très
élevé. Or, c'est le deuxième problème. Les prix sur
le marché des nolisements sont tellement bas qu'on ne peut pas
rêver de retour sur un investissement élevé.
M. Bourbeau: Bon. Vous avez parlé tantôt de la
guerre de prix que se sont livrée les transporteurs aériens sur
la Floride au cours de l'hiver dernier. Vous avez fait état de Wardair,
Quebecair et Air Canada qui ont baissé les prix, tous et chacun d'entre
eux, pour finalement et probablement perdre de l'argent, chaque transporteur
ayant perdu de l'argent. J'aimerais que vous précisiez davantage:
pourquoi était-ce plus nocif pour Quebecair de baisser les prix, par
exemple, que pour Air Canada ou pour Delta ou pour Eastern? Delta aussi offre
des prix parfois aussi bas que ceux que Quebecair offre ou offrait, Eastern
aussi. Pourquoi dans le cas de Quebecair c'était suicidaire et que dans
le cas de Delta ou d'autres transporteurs importants cela pouvait aller?
M. Obadia: Parce que dans le cas de Quebecair, je ne me souviens
pas des chiffres exacts, mais je dirais que les revenus des nolisements
représentaient au moins un tiers des revenus de Quebecair. Autrement
dit, il y avait presque deux machines à temps plein qui étaient
consacrées aux nolisements, ce qui correspondait, dans son cas, à
50% de la flotte puisque le cinquième appareil n'a jamais
été exploité. C'est là le problème. Si vous
exploitez 50% de votre flotte à des rendements aussi faibles que ceux
des nolisements, il faut que les autres 50% vous produisent des revenus
faramineux pour compenser alors que, dans le cas d'Air Canada, de Delta ou
d'autres, la proportion des sièges à bas prix qu'ils vendent par
rapport à l'ensemble de leurs sièges est quand même
relativement faible. Ce qui est le cas, finalement, d'un transporteur
régional qui possède disons, quatre jets, lesquels peuvent
fournir environ 12 000 heures par année, et qui consacre 2000 de ces
heures à faire des vols nolisés, il a alors une bonne proportion
entre les vols nolisés et les vois cédulés rentables et il
peut obtenir son équilibre, ce que Quebecair a fait pendant des
années d'ailleurs.
M. Bourbeau: M. Obadia, le ministre nous disait, il y a une
dizaine de jours, en parlant du réseau de Quebecair, que Quebecair a les
routes les plus courtes et les marchés les plus faibles. Il nous disait
que le réseau de Quebecair est un réseau étriqué,
qui n'est pas rentable, un territoire étriqué, difficile
d'accès, très difficile à rentabiliser. Dans le texte que
vous nous avez remis tout à l'heure, vous dites qu'il existe de par le
monde quantité de transporteurs vivant sur des marchés bien plus
petits que ceux de Quebecair et alors Quebecair pourrait aussi être
rentable.
Pouvez-vous nous expliquer comment Quebecair pourrait être
rentable sur un réseau qui est relativement petit? Est-ce que Quebecair
doit conserver le même type d'avions que d'autres transporteurs
régionaux qui pourraient avoir des territoires beaucoup plus
étendus? Et est-ce un avantage, pour un transporteur régional,
d'avoir un territoire très étendu, comme, par exemple, Nordair,
qui va jusqu'à Resolute Bay, ce qui est peut-être huit fois la
distance entre Montréal et Sept-Îles? Est-ce payant pour un
transporteur d'aller si loin que cela? Est-ce que
Quebecair est désavantagée parce que son réseau est
compact et plus dense?
M. Obadia: II y a plusieurs questions dans votre question. La
première, vous avez parlé des distances. C'est un fait que
Quebecair a une distance moyenne très basse et je pense même que
la distance moyenne de vols de Quebecair est probablement la plus faible de
tous les transporteurs régionaux au Canada, c'est un fait.
M. Bourbeau: ...Eastern Provincial?
M. Obadia: Incluant Eastern Provincial, Quebecair a la distance
moyenne la plus courte. Je pense que la distance moyenne du passager de
Quebecair est inférieure à 300 milles, donc c'est très
court.
Par quoi cela se traduit-il? Cela se traduit par des coûts
d'exploitation proportionnellement plus élevés parce qu'un
décollage coûte le même prix que vous décolliez pour
20 milles ou que vous décolliez pour 1000 milles. Par contre, la
structure tarifaire tient compte de ce fait-là puisqu'elle est
bâtie comme ayant un coût fixe, pour payer le décollage
justement, et un coût variable en fonction de la distance parcourue par
le passager.
Dans le cas de Quebecair, une des raisons pour lesquelles Quebecair a
des tarifs parmi les plus élevés au Canada, ce n'est pas parce
qu'elle abuse de ses usagers, c'est simplement parce que la nature du
réseau de Quebecair est telle que, les distances étant courtes,
il faut nécessairement avoir une formule tarifaire qui corresponde
à ceci.
Deuxièmement, en ce qui concerne la dimension du territoire,
c'est vrai que le territoire est petit et étriqué mais c'est un
territoire qui comprend quand même un grand nombre de passagers. Tout
à l'heure j'ai cité une croissance de 788% de Quebecair en huit
ans, mais, si vous regardez uniquement les services cédulés de
Quebecair entre 1970 et 1978, ils ont cru de 330%.
En ce qui concerne la longueur des distances, l'avantage que cela
procure au transporteur c'est d'avoir une plus grande utilisation de ses
appareils pendant la journée puisque lorsque vous avez de courtes
distances vous ne pouvez voler qu'aux heures de pointe et entre les heures de
pointe il faut trouver des marchés à desservir alors qu'avec de
longues distances vous pouvez utiliser davantage vos appareils.
M. Bourbeau: Les tarifs de Quebecair, justement, je pense que
c'est un point intéressant, parce que quand on parle de transport
aérien, on parle de service aux usagers. Dans le cas de Quebecair
idéalement, en tout cas - c'est le service aux régions, les
régions du Québec. Quand on va dans les régions du
Québec, on entend beaucoup de plaintes en ce qui concerne les tarifs de
Quebecair. J'ai reçu un appel téléphonique, il n'y a pas
longtemps, de gens qui disaient qu'un vol de Blanc-Sablon à
Montréal coûte 800 $ aller-retour, alors qu'on parlait de vols
vers la Floride, il y a deux ans, pour 169 $ aller-retour, pour une distance
plus grande. D'après vous, est-ce que les tarifs de Quebecair sont trop
élevés actuellement? Est-ce que cela a un effet contraire sur la
clientèle? Est-ce qu'on pourrait penser qu'en ayant des tarifs plus bas,
plus de gens utiliseraient les vols de Quebecair, donc qu'on aurait
possiblement un meilleur coefficient de remplissage sur les vols? Qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Obadia: Je ne pense pas que les tarifs de Quebecair soient
excessifs si on les relie aux coûts d'exploitation de Quebecair. Il y a
une relation entre les coûts d'exploitation et les tarifs. D'ailleurs, si
les tarifs étaient excessifs, Quebecair ne perdrait certainement pas
toutes les sommes qu'elle perd. De ce point de vue, je ne pense pas qu'il y ait
une relation anormale entre les coûts d'exploitation et les tarifs de
Quebecair.
Maintenant, vous me posez la question: Pourquoi 169 $ pour aller en
Floride et 800 $ pour aller à Blanc-Sablon? Je vais essayer de ne pas
être trop technique, mais une des raisons, c'est certainement la
méthode d'allocation des coûts fixes. Comment alloue-t-on les
coûts fixes a chaque ligne de produit? C'est évident que si les
services cédulés supportent la part du lion des coûts
fixes...
M. Bourbeau: Je m'excuse, mais pourriez-vous expliquer, pour
l'information de ceux qui ne sont pas des experts, ce que sont les services
cédulés?
M. Obadia: Si les vols à Blanc-Sablon, pour reprendre
votre exemple, absorbent la plupart des coûts fixes, incluant le
coût des appareils, alors que les services nolisés ne les
absorbent pas, il est évident qu'en ce qui concerne les coûts
d'exploitation, cela va créer une différence qu'on risque de
retrouver dans les prix. D'ailleurs, je n'ai pas analysé en
détail les documents, les états financiers qui ont
été soumis à la commission, mais il y a une chose qui a
attiré mon attention dans les états financiers de 1982. Les vols
nolisés, avec 23% des revenus par rapport aux services
cédulés, aux services réguliers, aux vols domestiques, ne
se voyaient allouer que 1,14% du coût des appareils. Je ne dis pas que ce
n'est pas la façon de faire. Après tout, chaque compagnie a
parfaitement le droit de choisir ses méthodes d'allocation. Mais il
reste que, si on regarde les coûts d'exploitation à la
lumière de cette distribution de coûts, on
observe un coût très bas proportionnellement pour les
services noiisés par rapport aux services domestiques, ce qui peut
entraîner qu'on se sent confortable à vendre les vols charters
à bas prix.
M. Bourbeau: M. Obadia, dans le transport des passagers, il y a
plusieurs types d'avions. Il y a les avions à réaction, bien
sûr, comme Quebecair en a, des Boeing et des BAC. Il y a aussi les
turbos, les avions turbopropulsés. Le réseau de Quebecair
étant un réseau compact, d'après vous, la compagnie
aurait-elle intérêt à se pencher davantage sur la
possibilité d'utiliser des avions turbopropulsés plutôt que
toujours des avions à réaction? Est-ce que Quebecair aurait
intérêt à faire un usage additionnel d'avions
turbopropulsés qui sont des avions à hélices? Vous
pourriez peut-être dire mieux que moi ce que c'est, décrire mieux
que moi ce que c'est.
M. Clair: M. le Président, par mesure de
précaution, je ne voudrais pas que M. Obadia se sente obligé de
nous dévoiler les résultats de son étude avant qu'elle
soit complétée.
M. Obadia: Non, pas du tout.
M. Bourbeau: M. Obadia est un homme d'expérience. Je
pense, M. le ministre...
M. Clair: Je n'en doute nullement.
M. Bourbeau: ...qu'il connaît les limites de son
mandat.
M. Clair: Je n'en doute nullement, M. le Président.
M. Houde: ...le ministre...
M. Obadia: Écoutez! Pour répondre à votre
question...
M. Clair: Qu'est-ce que vous venez faire ici?
M. Obadia: Pour répondre à votre question,
certaines routes sont desservies de façon plus rentable avec des avions
à hélices. Par contre, si Quebecair prenait cette option, elle
ferait face au même dilemme auquel font face tous les transporteurs
aériens actuellement et, évidemment, les manufacturiers; c'est le
suivant. D'un côté, vous pouvez exploiter des vieux avions qui ont
un coût très bas à l'achat, mais qui ont des coûts
d'exploitation très élevés et qui ne sont pas très
attrayants pour le public, ou bien vous pouvez exploiter des avions modernes,
mais qui coûtent cher à l'achat, tellement cher que leur
économie de fonctionnement ne justifie pas l'investissement. C'est le
dilemme auquel font face la plupart des transporteurs actuellement et les
manufacturiers qui n'arrivent pas à vendre leurs avions. (21 h 30)
Pour répondre, maintenant, directement à votre question,
au point de vue du coût d'exploitation, les turbopropulsés les
plus modernes ont les mêmes caractéristiques de coûts que
les jets. Autrement dit, par exemple, vous pouvez opérer trois vols
entre Montréal, Québec et Mont-Joli avec un turbo en avion
à hélice, cela va vous coûter à peu près le
même prix que de l'opérer avec deux vols en réactés
et le coût des appareils sera identique. Le problème, c'est le
coût d'acquisition. Au point du vue de service, au point de vue du
coût d'exploitation, c'est parfaitement équivalent.
M. Bourbeau: M. Obadia, une dernière question. Dans votre
allocution, vous terminez quand même sur une note positive, si je peux
dire, en donnant à titre d'expert ce que vous considérez des
prérequis essentiels. Vous dites: Pour sauver de Quebecair ce qu'il sera
possible de sauver. Je note que vous n'êtes pas très optimiste
parce que vous utilisez quand même des mots qui sonnent un peu l'alarme.
D'après vous, est-ce qu'il y a moyen de rentabiliser Quebecair, disons,
sur une base autonome, sans fusion avec Nordair, par exemple? Est-ce que
Quebecair peut devenir rentable? Si oui, combien de temps cela peut-il prendre
et qu'est-ce qu'il faudrait faire sur le plan pratique pour rentabiliser
Quebecair?
M. Obadia: Le marché intérieur, au Québec,
de Quebecair est un marché solide. Il est évident qu'il n'est pas
en expansion, surtout lorsqu'on considère ce qui est arrivé
à la ceinture du minerai où le trafic s'est
écroulé. Disons qu'il y a quand même une base de trafic qui
est là et qui peut représenter 500 000 passagers par
année. C'est un nombre assez intéressant pour justifier
l'existence d'un transporteur aérien. Donc, c'est un point positif.
Le deuxième point positif, c'est que Quebecair a quand même
à son service des gens qui ont une expérience considérable
dans le transport aérien. Si des gens venaient vous dire ici que
Quebecair a les meilleurs pilotes au Canada, vous pouvez les croire, ce n'est
pas de la vantardise. Si quelqu'un vient vous dire que Quebecair a les
meilleurs mécaniciens au Canada, croyez-les, c'est vrai. Donc,
Quebecair, si vous voulez, a un noyau de personnel, une tradition qui existe,
qui est là, et qui est un acquis énorme par rapport à
quelqu'un qui arriverait et qui dirait: Moi, aujourd'hui, je démarre une
compagnie aérienne au Québec.
Le problème actuel est un problème de dette. Il est
évident que Quebecair doit
tellement d'argent qu'il est très difficile de voir comment, par
le biais d'autofinancement, Quebecair pourrait éponger sa dette. Donc,
de ce côté, il y a certainement quelque chose à faire que
Quebecair ne peut pas faire. Quebecair, à même ses revenus et ses
dépenses, ne peut pas éponger sa dette. Il y a aussi,
évidemment - cela fait drôle d'en parler dans une assemblée
qui est quand même de nature politique - la politisation du dossier.
Peut-être que j'en parle trop comme un technicien, mais j'ai toujours eu
le plus grand respect pour les hauts fonctionnaires des ministères des
Transports, que ce soit à Québec ou à Ottawa. Il reste
quand même que ce sont des gens qui connaissent très bien les
problèmes de transport aérien et qui parlent un langage sur
lequel ils peuvent s'entendre.
C'est dans ce sens que je parlais de la dépolitisation du
dossier. Quand je dis "penser en termes de contraction plutôt que
d'expansion", je ne dis pas par là qu'il faut que Quebecair retourne
à Rimouski et fonctionne de Rimouski à Matane. Ce que je veux
dire par là, en fait, pour ne pas employer une expression trop savante,
c'était faire du "zero base budgeting" c'est-à-dire revenir
à zéro. Dire: Voici mon réseau, voici les passagers qui
veulent voyager de A à B; quel est le genre d'horaire, quel est le genre
de services que je devrais leur donner, quels sont les appareils les plus
économiques qui existent, est-ce que je peux me les payer, oui ou non,
et remonter tout cela de façon que Quebecair retrouve sa
rentabilité. Je suis convaincu que cela peut se faire. Est-ce que cela
peut se faire avec trois, quatre jets? Peut-être que non.
Mais une chose est sûre, c'est que si Quebecair retrouve une
certaine santé financière, la récession qu'on a connue ne
sera pas éternelle, il faut être optimiste, on va en sortir.
À ce moment, si Quebecair a fait cet exercice de conscience, si
Quebecair s'est réorganisée, si, d'une façon ou d'une
autre, les dettes ont été épongées, Quebecair sera
certainement au premier rang des concurrents potentiels pour obtenir d'autres
routes dans le futur. Elle l'a fait dans le passé.
M. Bourbeau: M. le Président, une dernière question
à M. Obadia. Quebecair est un transporteur régional de par sa
vocation première. Vous plaidez justement en faveur d'un retour aux
sources, si je puis dire, un retour au réseau de base où on
s'occuperait, en premier lieu, du réseau de Quebecair. On reviendrait au
réseau d'origine et on tenterait de rentabiliser ce réseau. Vous
nous dites que Quebecair a des pilotes parmi les plus compétents au
Canada. Vous dites la même chose des mécaniciens. Tant mieux! Je
suis content que ce soit dit ici et que ce soit dit par quelqu'un qui n'est pas
de la boîte. Cela a encore, je pense, un écho additionnel ou une
crédibilité additionnelle. Je pense qu'on ne le dira jamais
assez. Voilà un domaine où, semble-t-il, on est fort.
Par contre, le plaidoyer que vous venez de nous faire semble aller
à l'encontre de ce qui s'est fait à Quebecair depuis trois ans,
en ce sens qu'on nous dit: Quebecair a des problèmes financiers, cela
nous prend des marchés extérieurs pour rentabiliser Quebecair. On
veut faire des vols nolisés un peu partout. On a obtenu récemment
la ligne Montréal-Toronto après l'avoir demandée à
la Commission canadienne des transports qui l'a accordée. J'ai vu, moi
aussi, que Quebecair avait fait une demande pour le vol Montréal-Boston.
On parle en termes d'expansion. Quand on regarde l'ensemble des écrits
qui sont publiés du côté de Quebecair et du gouvernement,
on semble préconiser une expansion pour rentabiliser les avions qu'on a
achetés.
Dans la conclusion de votre rapport -je ne sais pas si cela a un lien,
j'aimerais que vous nous le disiez - vous recommandez de stabiliser
l'administration de Quebecair. Y a-t-il un rapport entre les deux, la
stabilisation de l'administration et l'abandon de la politique d'expansion?
M. Obadia: Non. Quand je l'ai écrit, je n'ai pas vu de
lien direct. Ce que j'ai voulu dire ici, c'est que, ayant passé
moi-même treize ans à Quebecair, je ne compte plus les
présidents et les vice-présidents exécutifs pour lesquels
j'ai eu à travailler. Le gros problème est que la seule
façon pour un transporteur comme Quebecair, ou n'importe quel autre, de
prospérer, c'est d'avoir une administration stable. La qualité
d'un plan, ce n'est pas d'être génial. C'est d'être conduit
et mené de façon stable et de façon
régulière.
Ce qui arrive - et c'est parfaitement humain - aussitôt qu'il y a
un changement d'administration, c'est que les nouveaux arrivants
réagissent comme si ce qu'il y avait avant eux n'existait pas ou comme
si ce qu'il y avait avant eux n'était pas bon. On efface et on
recommence. Comme - là encore, ce n'est pas une critique, c'est une
constatation que je fais - dans la plupart des cas, les nouveaux arrivants sont
des gens qui ne sont pas du métier, il est normal qu'ils passent trois
ou six mois à apprendre le métier. Pendant ce temps, l'affaire
continue à tourner et peut-être même, dans certains cas, les
problèmes continuent à s'accumuler.
Ce qui est encore plus grave, pendant les trois ou six premiers mois de
leur mandat, ces gens sont assiégés par des suggestions de toutes
sortes, certaines très objectives, d'autres moins objectives. Ils sont
bombardés par des conseils, des commentaires et des suggestions de
toutes
sortes et la probabilité qu'ils prennent une décision
erronée est relativement grande - et ce n'est pas leur faute - mais,
d'autre part, ils peuvent aussi se cantonner dans la non-prise de
décision, ce qui paralyse tout. Voilà pourquoi je
considère que la stabilisation est très importante, parce qu'elle
permet la continuité dans la conduite des affaires.
M. Bourbeau: M. Obadia, Quebecair avait, il y a quelques mois,
environ 900 employés, je pense que cela a été
réduit un peu depuis ce temps. D'après vous, pour rentabiliser
Quebecair, quel est le nombre d'employés requis? Êtes-vous en
mesure de nous donner des chiffres approximatifs?
M. Obadia: Non, je ne pense pas que je pourrais vous dire le
nombre d'employés particuliers. Il faudrait...
M. Bourbeau: M. Obadia, je vous remercie beaucoup d'être
venu devant la commission. C'esttout, en ce qui me concerne.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.
M. Clair: Oui, M. le Président. Simplement pour
préciser peut-être le témoignage de M. Obadia, selon mes
renseignements - à moins que celui-ci ne me contredise - depuis
seulement 1979, les demandes de Quebecair à la Commission canadienne des
transports sont, en résumé, à peu près les
suivantes, répétées chaque année:
Québec-Fort Lauderdale, Montréal-Fort Lauderdale,
Montréal-Toronto, Québec-Toronto, Montréal-Philadelphie,
Montréal-Boston, Montréal-Washington et
Montréal-Québec-Chimo. Simplement pour dire que peut-être
que M. Obadia... Je pense que cela s'est passé en partie pendant qu'il
était là. Après qu'il a été parti, je pense
que...
M. Obadia: Pourrais-je dire quelque chose sur votre liste?
M. Clair: Oui.
M. Obadia: En ce qui concerne les routes Montréal-Fort
Lauderdale et autres, ces routes doivent d'abord être discutées au
cours de discussions bilatérales entre le Canada et les
États-unis. Or, jusqu'à présent, ces routes ne font pas
encore partie de l'accord bilatéral parce qu'on sait qu'il traîne
depuis trois ans. Il n'y a aucun accord sur ces routes.
M. Clair: Justement sur cette question, M. Obadia, est-ce que
vous établiriez... Nous savons tous qu'Air Florida a remplacé
Quebecair sur les marchés de Québec-Fort Lauderdale notamment et
nous savons également que, récemment, il y a quelques jours
à peine, à la suite de négociations entre le gouvernement
du Canada et celui des États-Unis, Continental Airways a
été appelé à remplacer ou en tout cas à
concurrencer CPR sur le marché de l'Australie, est-ce qu'une partie de
l'explication du remplacement de Quebecair par Air Florida ne se trouve pas
justement dans ces négociations bilatérales où Quebecair
n'a pas pu obtenir gain de cause purement et simplement dans ces
négociations bilatérales entre les gouvernements du Canada et des
États-Unis, n'étant pas parvenu à faire inclure ces lignes
dans les discussions?
M. Obadia: Non, M. le ministre, ce n'est pas la situation. Ce qui
se passe actuellement, c'est que, indépendamment du transporteur, les
deux pays sont en train de négocier un ensemble de routes entre le
Canada et les États-Unis, dont Montréal-Fort Lauderdale. À
ce stade, il n'est absolument pas question des transporteurs et ce sont ces
négociations qui n'ont pas encore abouti; ce qui fait que la route
n'existe pas.
M. Clair: Dans votre esprit, qu'est-ce qui explique le
remplacement de Quebecair par Air Florida, cette année?
M. Obadia: En ce qui concerne le remplacement de Quebecair par
Air Florida -d'ailleurs je ne sais pas sur quelle route -mais si Air Florida
fonctionne, il exploite des vols nolisés. Ces vols nolisés font
partie de l'accord bilatéral de 1974 qui prévoyait que les
transporteurs américains auraient accès à 35% du
marché canadien.
M. Clair: Est-ce que ce n'est pas déjà atteint?
M. Obadia: Ah non! Leur part est extrêmement minime et
c'est d'ailleurs l'une des raisons qui compliquent les négociations,
parce qu'ils prétendent qu'ils ne pourront jamais avoir accès au
marché canadien. C'est pour cette raison qu'ils veulent davantage de
choix sur les routes régulières. Alors, en ce qui concerne Air
Florida, si elle fonctionne, ce n'est pas parce que le gouvernement a
favorisé Air Florida, c'est que simplement un opérateur de tours
- et j'ignore lequel d'ailleurs - est allé voir Air Florida, lui a
demandé: As-tu un avion et à quel prix? Air Florida a dit oui.
Alors, ils ont fait un contrat et ce contrat est forcément honoré
par la Commission canadienne des transports au titre de l'accord
bilatéral sur les services nolisés qui a été
signé en 1974.
M. Clair: Est-ce que vous savez si Air Florida respecte tous ses
contrats actuellement?
M. Obadia: Non, je ne le sais pas.
M. Clair: Vous l'ignorez.
M. le Président, je n'ai pas d'autres questions. Je remercie M.
Obadia pour son témoignage.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je vous remercie, M. Obadia. J'inviterais maintenant M. Claude
Lévesque, représentant de Hospitalité Tour Montréal
Ltée.
M. Lévesque, si vous voulez commencer votre
communiqué.
M. Claude Lévesque
M. Lévesque (Claude): M. le Président, M. le
ministre, membres de la commission, je suis l'un de ceux qui ont grandi avec la
société Quebecair. En effet, je suis entré au service de
la compagnie au printemps de 1965, à Baie-Comeau, à la suite de
quelques années dans l'aviation militaire canadienne où j'ai
acquis les connaissances techniques de l'aviation. J'ai vu ce transporteur
grandir rapidement, occuper une place plus importante, laisser derrière
lui cette réputation de compagnie d'aviation de brousse. Tous voulaient
accéder au rang des grandes compagnies d'aviation au moment où
les voyageurs québécois exigeaient plus et surtout de
Quebecair.
Les années 1967, 1968 et 1969 furent déterminantes avec
l'acquisition des jets, les BAC 1-11. On sentait une volonté, une
détermination des employés de Quebecair de faire de leur
entreprise une société aérienne de qualité,
respectée et soucieuse de bien servir ses passagers. On sentait tous
l'importance d'un transporteur comme celui-ci pour une province aussi grande,
où les distances entre communautés exigent le bon fonctionnement
et la fiabilité du transporteur aérien.
C'est alors que Quebecair décidait de se doter d'un
véritable service de marketing permettant à la fois l'apport de
ressources humaines plus qualifiées et fournissant aux employés
les plus anciens et agressifs, l'occasion de profiler un meilleur plan de
carrière. (21 h 45)
Ma première fonction dans le contexte de ce nouvel élan
fut de représenter la compagnie dans le secteur des ventes pour revenir
plus tard le directeur de ce service. En 1977, je suis devenu directeur des
vols nolisés, poste que j'ai occupé jusqu'à mon
départ, en mai 1980.
Les vols nolisés à Quebecair. Les vols nolisés
à Quebecair n'ont pas été le fait du simple hasard. En
effet, lors de l'acquisition des BAC 1-11 en 1969, il était primordial
d'opérer des vols nolisés en fin de semaine pour permettre de
voler un nombre d'heures suffisant, l'horaire régulier ne pouvant offrir
cette garantie. Modestement, Quebecair s'est infiltrée sur ce
marché, d'abord sur la Floride, les Bahamas et les destinations les plus
rapprochées des Caraïbes. Quebecair a pris une sérieuse
option sur le marché des vols nolisés lorsque, en 1974, la
décision fut prise d'utiliser deux Boeing 707 et un Boeing 727.
Quebecair était alors projetée vers les grands marchés
internationaux. Les deux premières années furent assez
difficiles, principalement à cause du manque d'expérience,
à tous les niveaux, de la compagnie. Cette expérience se
raffermit, désignant Quebecair l'une des principales compagnies
aériennes canadiennes de vols nolisés internationaux. En effet,
Quebecair, en 1978, avait réussi à prendre 24% du marché
total des vols nolisés au Canada, comparativement à 18% et 17%
respectivement pour Pacific Western Airlines et Nordair. Cette part du
marché aurait augmenté en flèche si le plan d'expansion de
1978 prévoyant l'augmentation d'un ou de deux appareils additionnels du
type Boeing 707 avait été appliqué. Dès 1979, le
retrait de Pacific Western de ce marché nous a permis de connaître
une année record en termes contractuels avec les opérateurs et le
retrait annoncé de Nordair pour la fin de 1979 nous a laissé
prévoir un avenir reluisant, malgré la baisse
générale du marché et l'augmentation des coûts de
fonctionnement. À l'époque, l'équipe du marketing de
Quebecair voyait ce marché comme étant le potentiel principal
d'expansion à Quebecair. Toutefois, des conditions précises
étaient posées afin d'assurer la rentabilité d'une telle
entreprise d'envergure. J'en cite ici quelques-unes. 1. Faire de
l'opération des vols nolisés une organisation complètement
autonome de celle des horaires réguliers de la compagnie. 2. Obtenir la
collaboration continue de tous les syndicats pour assurer une structure de
coûts plaçant Quebecair dans une position compétitive avec
ses concurrents. 3. Établir des plans de formation du personnel à
tous les niveaux sur ce type particulier d'aviation.
Les vols nolisés ont permis une meilleure utilisation du
personnel. Alors que Quebecair se situait au septième rang en 1970 quant
aux revenus par employé, elle passait, huit ans plus tard, au
deuxième rang. La différence de rendement des employés
provenait pour une large part de l'effort déclenché dans la
bataille des vols nolisés sur l'Atlantique-Nord et les
destinations-soleil avec les Boeing 707. En abandonnant à d'autres tous
les gains décrochés d'arrache-pied, la société se
mettait dans une position où chaque employé devenait utile
à un plus petit nombre de voyageurs, faisant ainsi grimper en
flèche les coûts pour chaque voyageur transporté et, par le
fait même,
baisser la productivité.
Afin d'éviter une enumeration fastidieuse de chiffres, je
réfère la commission à un tableau publié dans la
Presse du 30 juillet 1980, tableau qui démontre les gains faits par
Quebecair relativement à l'utilisation du personnel dans les bonnes
années de l'Atlantique-Nord.
Bien sûr, on ajouterait en 1982 que bon nombre de compagnies se
sont retirées de ce marché, dont Nordair qui voulait laisser
partir ses DC-8. Mais aujourd'hui, force nous est de constater les
succès évidents de World-ways et Wardair sur ces marchés.
Quebecair, avec des Boeing 707, d'une valeur seulement de 1 500 000 $ ou de 2
000 000 $ par appareil, aurait fait bonne figure encore longtemps, surtout
devant le renoncement de Nordair. Nous avions une bonne réputation, un
bon service, la sympathie des voyageurs québécois, canadiens et
étrangers.
L'engouement pour les services nolisés internationaux de
Quebecair existait. Nous avons cessé de l'exploiter.
L'effort du nolisement international contribuait à faire du
régional un transporteur plus solide. La base financière et la
capacité du réseau de Nordair lui permettaient de se retirer des
vols nolisés internationaux sans trop de risques. Mais la situation
était tout autre à Quebecair. Quebecair connaissait
déjà des diminutions marquées sur le réseau
domestique. "L'aviation du fer" s'affaiblissait considérablement.
En utilisant ses Boeing 707, Quebecair voyait ses
quadriréactés contribuer jusqu'à 2 000 000 $ par
année à l'amortissement des coûts fixes de la compagnie
pour l'ensemble de ses activités dont le volet de la vocation
première et régionale de la société. Par
conséquent, cela plaçait Quebecair dans une meilleure position
pour faire face au service quotidien nécessaire sur le réseau
québécois. Les vols internationaux avaient le triple avantage de
permettre à plus de Québécois d'oeuvrer pour une compagnie
d'aviation du Québec, d'offrir aux voyageurs québécois de
meilleurs prix pour des voyages outre-mer dans le contexte d'une solide
concurrence et surtout de préserver l'avenir de la société
déjà harcelée par la flambée des coûts de
fonctionnement à la suite de la crise du pétrole.
L'avenir de l'époque. Quebecair décide d'acheter des 737
à 15 000 000 $ chacun. On voulait voler vers le Sud avec ces appareils,
foncer dans un marché que tous savaient dur, difficile, limité.
Le risque était grand.
Quebecair affirmait que ses quatre 737 seraient utiles et
nécessaires sur le réseau régulier. Deux auraient suffi
amplement; d'ailleurs, les plans originaux de 1978 annonçaient deux 737
seulement et deux BAC 1-11.
Si Quebecair avait conservé ses 707, encore fort efficaces, le
risque eût été beaucoup moins grand sur le marché du
Sud. Devant une concurrence trop dure, on aurait pu intensifier les vols de
longue distance tels que ceux de l'Europe, de l'Asie, de l'Amérique du
Sud, etc.
On sait que les 707 accueillaient 181 voyageurs pour un coût de
propriété de l'ordre de quelque 200 $ l'heure de vol. De son
côté, les 737 tout neufs, de 15 000 000 $ chacun, demandaient des
coûts de propriété de quelque 1000 $ l'heure. Si Quebecair
avait décidé de garder ses 707 et de les offrir sur le
marché du Sud, au lieu des 737, il en aurait coûté 50 $ de
moins aujourd'hui par siège pour voler sur Fort Lauderdale. Au lieu de
cela, on persista à faire voler les 737 vers le Sud dans un contexte de
guerre des prix où celui offert par Quebecair annonçait d'avance
une perte financière pour chaque envolée.
Aussi, les 707 offraient une plus grande flexibilité,
possédant un rayon d'action plus important que les
biréactés tout neufs de Boeing. Notons qu'on aurait pu voler
facilement vers la Barbade, le Venezuela et la Colombie et ce, avec des avions
munis de soutes pour transporter tous les bagages des voyageurs en même
temps qu'eux.
En résumé, les nolisements sont vitaux pour Quebecair,
mais il faut faire très attention. Il s'agit là d'un
marché risqué, spéculatif, concurrentiel, cyclique qu'il
ne faut pas aborder à la légère. Ou bien on fait des
nolisements de fin de semaine avec des 737, mais alors il faut que ces avions
et leur exploitation soient justifiés et payés par les vols
réguliers sur semaine. Ou bien on fait du nolisement à temps
plein et là, on aborde un tout autre domaine. C'est un domaine
très spécialisé qui requiert une expérience
considérable de tous les acteurs et où la moindre faute ne
pardonne pas. Le choix des avions, qui doit être judicieux, les
coûts de fonctionnement, qui doivent être maintenus au plus bas, et
l'expertise de la commercialisation peuvent faire la différence entre le
succès et l'échec.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, le ministre n'a pas de question
pour l'instant. Je cède immédiatement la parole au
député de Laporte, quitte à revenir peut-être pour
une ou deux précisions. Je n'ai pas de question pour l'instant. Je pense
qu'on est en dette envers l'Opposition en termes de temps. Je voudrais donner
immédiatement le temps à mon collègue, le
député de Laporte.
Le Président (M. Boucher): Juste une minute.
M. Bourbeau: ... l'Opposition, M. le ministre, et pour autant
qu'on est concerné, vous allez l'être encore longtemps.
M. Clair: En termes de temps? Cela dépend du temps que
vous allez prendre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte, s'il vous plaît!
M. Bourbeau: M. Lévesque, vous avez été
à l'emploi de Quebecair pendant combien d'années
déjà?
M. Lévesque (Claude): Pendant quinze ans.
M. Bourbeau: Pendant quinze ans. M. Lévesque (Claude):
C'est cela.
M. Bourbeau: Vous avez commencé en 1965 et vous avez
quitté en 1980.
M. Lévesque (Claude): C'est cela.
M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire à quelle date vous
avez quitté et pour quelle raison?
M. Lévesque (Claude): J'ai quitté Quebecair en mai
1980. La décision de quitter Quebecair était prise dès
janvier 1980 et la raison était relativement simple. À ce
moment-là la direction de Quebecair sur les marchés
nolisés prévoyait ou, en tout cas, on me demandait de
prévoir et de travailler à la mise sur pied de Vacances
Quebecair, par exemple, et d'utiliser des 737 en permanence pour des vols
nolisés sur Fort Lauderdale, marché auquel je ne croyais pas du
tout à cause principalement du coût de possession des avions qui
était beaucoup trop élevé. Si on compare avec Nordair, par
exemple, où le coût de possession des avions de Quebecair est
à peu près le double, le revenu que je planifiais obtenir sur ce
marché-là ne pouvait en aucun temps justifier l'utilisation des
737. Donc, au lieu de rentrer dans ce domaine-là j'ai
décidé de quitter.
M. Bourbeau: Vous parlez de Vacances Quebecair. Pourriez-vous
nous expliquer un peu ce que c'est? On en a entendu parler à quelques
reprises mais personne ne nous a encore expliqué, depuis le début
des travaux de cette commission, ce que c'est ou ce que cela a
été.
M. Lévesque (Claude): Vacances Quebecair c'est un
opérateur de tours.
M. Bourbeau: Qu'est-ce qu'un opérateur de tours?
M. Lévesque (Claude): C'est lui qui met sur pied et qui
commercialise des voyages utilisant un transporteur pour transporter des
passagers. Historiquement à Quebecair on n'a jamais eu
d'opérateur de tours, on faisait toujours affaires avec les
opérateurs de tours indépendants. La situation était tout
à fait différente, c'est-à-dire qu'on négociait un
prix avec un opérateur de tours indépendant qui, lui, nolisait
l'avion au complet - donc Quebecair n'avait aucun risque - faisait la
commercialisation, prenait tous les risques complètement. Donc,
Quebecair obtenait un revenu garanti et le tour était joué.
Qu'est-il arrivé à ce moment-là? Il y avait une
école de pensée à Quebecair qui croyait que les
opérateurs de tours nous laissaient tomber. Notre jeu n'était
absolument pas cela. Effectivement il y avait une baisse du marché, et
elle était déjà commencée en 1980. À ce
moment-là on avait amené une proposition à Quebecair qui
prévoyait utiliser un opérateur de tours indépendant,
même à un risque partagé avec Quebecair, pour des vols tous
les jours sur la Floride et cette proposition a été
refusée.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, Quebecair en tant que
compagnie possédant les avions, les mettait à la disposition
d'opérateurs de tours comme Sunflight, Skylark...
M. Lévesque (Claude): C'est cela.
M. Bourbeau: Des gens qui vendent des voyages nolisés et
l'opérateur de tours vous loue un avion à tant pour le voyage et
vous fournissez l'avion et le pilote pour tel montant...
M. Lévesque (Claude): C'est cela.
M. Bourbeau: ...et tous les risques sont pris par
l'opérateur de tours.
M. Lévesque (Claude): Tous les risques des sièges
non utilisés, par exemple. Si un avion de 119 sièges s'en allait
en Floride et qu'il n'y avait que 85 passagers, cela ne diminuait en rien le
revenu de Quebecair. Les coûts de commercialisation, la publicité,
les commissions aux agents de voyages, tous ces coûts relatifs à
la commercialisation étaient entièrement aux frais de
l'opérateur de tours ou du grossiste.
M. Bourbeau: Quand vous étiez en charge des vols
nolisés à Quebecair, votre travail consistait à offrir des
avions vides, si je peux dire, à des opérateurs de tours...
M. Lévesque (Claude): C'est cela.
M. Bourbeau: ...à prix fixe.
M. Lévesque (Claude): C'est cela.
M. Bourbeau: Vous perceviez le montant de la course et
l'opérateur de tours prenait tous les risques.
M. Lévesque (Claude): Exactement.
M. Bourbeau: Cela a fonctionné comme cela chez Quebecair
pendant bien des années?
M. Lévesque (Claude): Jusqu'en 1980.
M. Bourbeau: Et c'était rentable.
M. Lévesque (Claude): C'était rentable.
M. Bourbeau: En 1980 tout à coup Quebecair a
décidé de former sa propre compagnie de tours. Donc, elle faisait
un peu concurrence à ses propres clients, si je comprends bien.
M. Lévesque (Claude): Exactement. C'est un autre
problème d'ailleurs qui... J'ai suivi la scène
immédiatement en 1980, dès la décision de Quebecair de
commencer Vacances Quebecair. Naturellement que cela faisait relativement peur
aux autres grossistes et opérateurs de tours indépendants. Un
grossiste n'aime pas que le transporteur qu'il utilise le concurrence, c'est
évident.
M. Bourbeau: Quant aux Boeing 737 dont on parle tant depuis le
début, en 1979 vous étiez à Quebecair, est-ce que vous
saviez que deux des 737 qu'on achetait devaient être utilisés
à temps plein sur les vols nolisés? (22 heures)
M. Lévesque (Claude): Non, pas au moment de l'achat. C'est
venu beaucoup plus tard. C'est venu à l'automne suivant, lorsqu'on a
parlé de commencer à utiliser deux avions exclusivement pour le
vol nolisé. C'est là que l'idée est venue de commencer
Vacances Quebecair et d'exploiter des vols vers la Floride tous les jours. Des
pressions étaient faites constamment, à savoir qu'est-ce qu'on
pouvait faire avec ces avions. À un moment donné, c'était
presque une situation de panique.
M. Bourbeau: Vous, en tant que cadre supérieur à
Quebecair et responsable des vols nolisés, est-ce que vous avez
été consulté lors de l'achat des Boeing 737...
M. Lévesque (Claude): Aucunement.
M. Bourbeau: ...pour savoir si vous étiez d'accord pour
utiliser deux Boeing 737 à temps plein pour les vols nolisés?
M. Lévesque (Claude): Aucunement.
M. Bourbeau: Vous n'avez pas été consulté.
Est-ce que vous avez été impliqué dans le concept de la
mise sur pied de Vacances Quebecair? Est-ce que vous avez participé
à cela?
M. Lévesque (Claude): Non, je n'ai pas participé
à la mise sur pied de Vacances Quebecair. Je savais que certaines
personnes, à Quebecair, voulaient commencer Vacances Quebecair.
J'étais absolument contre. C'est d'ailleurs pour cette raison que je
suis parti.
M. Bourbeau: M. Lévesque, les programmes de Vacances
Quebecair, même si vous n'étiez pas là - vous avez
quitté parce que vous n'étiez pas d'accord avec Vacances
Quebecair; enfin, c'est ce que vous nous dites - est-ce qu'ils pouvaient
être rentables, d'après vous?
M. Lévesque (Claude): Aucunement. M. Bourbeau:
Pourquoi?
M. Lévesque (Claude): Écoutez! De toute
façon, si on parle du prix des vols vers la Floride - je pense que M.
Obadia en a parlé tantôt - qui ont été lancés
à 169 $, Quebecair et Vacances Quebecair, les deux ensemble - mais c'est
la même chose, de toute façon - prenaient tous les risques; par
exemple, les risques de commercialisation. J'ai l'impression qu'on n'a
même pas vu, à ce moment-là, jusqu'à quel point cela
nécessitait des investissements, des employés additionnels, des
coûts de brochures très élevés, l'engagement de
représentants de vente additionnels. Les coûts fixes relatifs
à Vacances Quebecair augmentaient énormément. Donc, on
vendait le siège 169 $ l'unité. Après avoir payé
les coûts de publicité, les commissions aux agents de voyage,
etc., il pouvait rester environ 130 $ net le siège pour exploiter le
vol, tandis qu'un an avant on vendait, sans risque aucun pour Quebecair, un
siège 160 $ l'unité. Immédiatement, il y avait un manque
à gagner de 30 $ le siège sur des avions qui coûtaient 15
000 000 $.
M. Bourbeau: M. Lévesque, vous étiez un
employé de Quebecair. Quand on vous a demandé de mettre Vacances
Quebecair sur pied, vous dites que vous n'étiez pas d'accord, mais, dans
le fond, ce n'était pas vous qui étiez susceptible de perdre de
l'argent là-dedans. Pourquoi avez-vous quitté Quebecair? Vous
auriez quand même pu obtempérer aux directives et laisser
venir...
M. Lévesque (Claude): J'avais travaillé longtemps
dans ce marché. D'une part, je me disais que Vacances Quebecair ne
serait pas rentable et, d'autre part, détruirait quelque peu la relation
qui existait entre Quebecair
et la clientèle qu'on avait développée pendant
plusieurs années. Je préférais ne pas m'associer à
cela.
M. Bourbeau: D'après vous, si je comprends bien, on a mis
Vacances Quebecair sur pied lors de votre départ. Vous êtes parti
à ce moment-là parce que vous n'étiez pas d'accord. Quelle
a été la réaction des clients de Quebecair, les compagnies
de tours qui utilisaient les avions de Quebecair régulièrement
pour leurs voyages nolisés? Comment l'ont-elles appris et ont-elles
réagi à la formation de Vacances Quebecair? Est-ce qu'elles ont
réagi d'une façon négative?
M. Lévesque (Claude): Très négativement.
J'étais constamment en contact avec ces gens-là. D'une part, avec
les années, c'était pratiquement acquis que ces gens-là
venaient automatiquement à Quebecair. Quand ils avaient besoin d'un
avion, ils venaient automatiquement à Quebecair. Maintenant, cela les a
obligés de scruter le terrain ailleurs. De plus, que je sache,
concernant les demandes d'avions, Vacances Quebecair avait
définitivement le premier choix d'avions chez Quebecair. Donc, elle
offrait des moins bonnes heures aux autres opérateurs de tours. Cela
compliquait aussi la relation avec les autres opérateurs de tours.
M. Bourbeau: Peut-on dire qu'en créant sa propre compagnie
de tours, Quebecair se condamnait à perdre la clientèle de la
majorité, sinon de la totalité des autres compagnies de tours qui
louaient des avions de Quebecair et qui, probablement, ont cherché
à louer ailleurs étant donné que Quebecair leur faisait
concurrence dans leur propre domaine?
M. Lévesque (Claude): Disons que Quebecair ne devenait pas
le premier choix, à ce moment-là, pour les autres
opérateurs de tours.
M. Bourbeau: Les vols nolisés vers la Floride, M.
Lévesque, puisque vous êtes un expert dans ce domaine, qui en ont
été les pionniers? Est-ce que c'est Quebecair?
M. Lévesque (Claude): Non. Je dirais que le premier qui a
commencé réellement des vols nolisés vers la Floride c'est
Nordair. Je parle des années soixante-sept, soixante-huit. Après,
Quebecair est arrivée, vers soixante-neuf, soixante-dix. Entre
Québec et Fort Lauderdale, c'est une autre affaire. Ce n'est pas non
plus Quebecair, c'est Air Canada, d'ailleurs, avec une autre agence de tours,
qui s'appelle Viva Tours, qui a commencé cela, en soixante-seize,
soixante-dix-sept.
M. Bourbeau: Qui a offert les premiers vols nolisés vers
Fort Lauderdale?
M. Lévesque (Claude): De Québec?
M. Bourbeau: De Montréal et de Québec, les
deux.
M. Lévesque (Claude): De Québec, c'est Air
Canada.
M. Bourbeau: Et de Montréal?
M. Lévesque (Claude): De Montréal, je dirais que
c'est Nordair.
M. Bourbeau: Quand vous étiez à Quebecair, est-ce
que vous aviez des vols vers Fort Lauderdale?
M. Lévesque (Claude): Oui, mais Fort Lauderdale pour nous
a toujours été un marché où la contribution des
vols vers Fort Lauderdale était inférieure à tous les
autres marchés qu'on avait. Donc, si on allait à Fort Lauderdale,
on ne misait pas sur ce marché. On avait, par exemple, quand
j'étais là, peut-être deux vols par semaine. Je me souviens
que, traditionnellement, on a toujours eu un vol le dimanche matin où on
avait un très bon revenu. La dernière année, je pense
qu'on avait un vol le samedi soir également parce qu'on n'avait pas
autre chose à faire avec l'avion. Des choses comme cela. On n'aurait
jamais espéré que Fort Lauderdale aurait été le
marché idéal pour amener la contribution qu'on voulait avoir pour
les avions. Les autres marchés, peut-être un petit peu plus loin
et moins compétitifs, nous rapportaient un revenu de beaucoup
supérieur.
M. Bourbeau: Dans votre texte, M. Lévesque, vous parlez
des Boeing 707, dans le temps où vous étiez chez Quebecair, vers
la fin de votre séjour. Pourriez-vous nous dire pourquoi Quebecair s'est
départie de ses Boeing 707 et décrire un peu de quel genre
d'avion il s'agit, pour ceux qui ne sont pas parfaitement au courant?
M. Lévesque (Claude): Les Boeing 707 sont des avions
à quatre moteurs avec lesquels on peut effectuer des vols dans le Sud et
des vols vers l'Europe. La raison exacte pour laquelle Quebecair a
décidé de se départir des 707, je ne l'ai jamais
réellement bien sue. On a dit que c'était un manque de
rentabilité, d'une part, et d'autre part, qu'on voulait consacrer
beaucoup plus d'efforts et d'argent sur le réseau et acheter des 737.
Peut-être que s'il n'y avait pas eu l'accident du 707 à
Sainte-Lucie, à cette période, les 707 auraient été
gardés, je ne sais pas. Mais il y a eu l'accident du 707 à
Sainte-Lucie dans le mois de février et les
plans du marketing à ce moment prévoyaient que, de
février à juin, on n'avait pas encore besoin d'un deuxième
avion. On avait jusqu'à juin pour trouver un deuxième avion pour
les contrats d'été parce qu'on avait déjà des
contrats signés pour tout l'été.
De fil en aiguille, la décision n'a pas été prise,
et on a finalement annoncé au mois d'août qu'on se retirait
complètement des vols 707.
M. Bourbeau: Dans votre texte, à l'avant-dernière
page, vous suggérez même qu'en plus des Boeing 707 que Quebecair
possédait déjà - Quebecair en avait deux -Quebecair aurait
pu en acquérir deux autres, et vous parlez d'un prix de 1 500 000 $
chacun.
M. Lévesque (Claude): 1 500 000 $ ou 2 000 000 $
environ.
M. Bourbeau: C'est le prix pour des avions usagés
évidemment. Vous dites qu'on aurait pu facilement voler vers la Barbade,
le Venezuela, la Colombie et ce avec des avions munis de soutes pour
transporter tous les bagages des voyageurs en même temps qu'eux.
Qu'est-ce que vous voulez dire par cela exactement?
M. Lévesque (Claude): Je me réfère tout
simplement aux 737 avec des moteurs Dash 17 et un rayon d'action plus
élevé. Avec cet avion, naturellement, pour permettre un rayon
d'action plus élevé, on ajoute de l'espace pour le carburant qui
enlève de l'espace pour les bagages. On sait que les gens qui partent en
vacances pour la destination soleil, habituellement, ne partent pas seulement
avec une petite valise. Ils partent avec plusieurs valises. Il est peu probable
qu'on puisse prendre 119 passagers et tous les bagages des passagers, les
compartiments à bagages étant trop petits.
M. Bourbeau: Donc, l'histoire du bikini et de la brosse à
dents, ce n'est pas exact pour les gens qui vont en vol nolisé?
M. Lévesque (Claude): Pas tout à fait, non.
M. Bourbeau: À votre connaissance, est-ce qu'il arrive
fréquemment que des transporteurs utilisent des Boeing Dash 17 pour des
vols nolisés vers le Sud?
M. Lévesque (Claude): C'est la seule fois que j'ai entendu
parler de cela.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a d'autres transporteurs au Canada
qui utilisent les Boeing 737 Dash 17?
M. Lévesque (Claude): Non.
M. Bourbeau: II n'y en a pas d'autres? Ni Pacific Western...
M. Lévesque (Claude): À ma connaissance, non. Que
je sache, Pacific Western n'a pas de Dash 17. Je serais même très
surpris si elle en avait.
M. Bourbeau: Vous travaillez encore dans le domaine des vols
nolisé. Est-ce que vous avez des clients qui utilisent des 737 Dash 17
sur des vols nolisés?
M. Lévesque (Claude): Pas du tout. M. Bourbeau:
Cela n'existe pas? M. Lévesque (Claude): Aucunement.
M. Bourbeau: Êtes-vous au courant de cas où les vols
nolisés de Quebecair ne permettaient pas d'emporter tous les bagages des
passagers?
M. Lévesque (Claude): J'ai entendu dire que c'était
arrivé une fois, mais est-ce véridique? Je sais très bien,
par exemple, que ce type d'avion n'est absolument pas fait pour effectuer des
vols nolisés vers la Barbade. De toute façon, quand on regarde la
concurrence pour ces destinations, la Barbade est quand même une
destination très concurrentielle. Il y a Wardair qui se promène
là avec des DC-10 et Air Canada avec des 747. Si j'ai des passagers et
que je m'en vais sur un avion pendant cinq heures, peut-être que je ne
choisirais pas le 737.
M. Bourbeau: Donc, d'après vous...
M. Lévesque (Claude): Au départ, Quebecair,
d'après moi, était très désavantagée sur un
tel marché.
M. Bourbeau: ...acheter des Boeing 737 Dash 17 pour faire des
vols nolisés, ce n'était pas le meilleur placement possible?
M. Lévesque (Claude): Absolument pas.
M. Bourbeau: C'est tout pour l'instant, M. le Président.
Peut-être que j'aurai encore une question ou deux tout à
l'heure.
M. Clair: M. le Président, j'ai deux courtes...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: ...questions à M. Lévesque. À la
page - je ne sais pas si c'est à la page 2 ou 3 - 2 de son
exposé, M. Lévesque dit, vers la fin, en ce qui concerne les vols
nolisés: "Toutefois, des conditions précises étaient
posées afin d'assurer la rentabilité
d'une telle entreprise d'envergure. J'en cite quelques-unes:
Premièrement, faire de l'opération des vols nolisés une
organisation complètement autonome des vols cédulés de la
compagnie." Tous les intervenants qui sont venus ici jusqu'à maintenant,
y compris celui qui vous a précédé, M. Obadia, nous ont
laissé entendre qu'il pouvait être avantageux, au moins en ce qui
concerne deux Boeing 737, de les utiliser tant sur le réseau que sur des
vols nolisés. Est-ce que je comprends de votre déclaration que je
viens de citer qu'en ce qui vous concerne il vous apparaissait, de votre point
de vue, avantageux de faire du service des vols nolisés un service
complètement autonome comme vous semblez l'indiquer dans votre
texte?
M. Lévesque (Claude): M. le ministre, quand on parle d'une
organisation complètement autonome, de toute manière, les avions
auraient été des avions de Quebecair qu'on aurait utilisés
en fin de semaine. Si on parle des 737, par exemple, on aurait loué les
avions de Quebecair en fin de semaine. C'était cela, le concept. Quand
on parle d'une organisation complètement autonome, on se reportait
principalement à l'utilisation du personnel, les équipages...
M. Clair: D'avoir des équipages qui sont affectés
uniquement aux vols nolisés.
M. Lévesque (Claude): ...avec un contrat de travail
différent...
M. Clair: Ah bon!
M. Lévesque (Claude): ...ce qui était
extrêmement important, parce que sur les vols nolisés on ne peut
pas effectuer des vols nolisés avec les mêmes contrats pour des
équipages ou des employés qui s'appliquent sur un horaire
régulier.
M. Clair: Selon votre expérience, ce serait avantageux en
termes d'équipage, de personnel, de marketing et tout cela, d'avoir une
double équipe à l'intérieur de la même
boîte?
M. Lévesque (Claude): Bien, non...
M. Clair: En termes d'entraînement des pilotes, etc.,
est-ce que ce serait avantageux?
M. Lévesque (Claude): Pas une double équipe de
marketing. De toute façon, quand on parle...
M. Clair: On parle de boîte autonome. Des boîtes
autonomes, ce sont des boîtes autonomes.
M. Lévesque (Claude): C'est principalement en faire un
centre de profits à l'intérieur de la boîte, si vous
voulez...
M. Clair: Ah bon!
M. Lévesque (Claude): ...un centre de profits
complètement indépendant. C'était l'objectif principal
à ce moment-là.
M. Clair: D'accord. C'est plus une notion de centre de profits
qu'une organisation complètement autonome que celle des vols
cédulés de la compagnie. En tout cas, d'après mon
interprétation, d'en faire un centre de profits et d'en faire une
organisation complètement autonome, ce sont deux notions qu'il importe
de nuancer. Etes-vous d'accord avec moi?
M. Lévesque (Claude): Oui, si vous voulez.
M. Clair: Oui? Par ailleurs, pour faire ce service
complètement autonome ou en faire un centre de profits, tel que vous
venez de le préciser, quel type d'avion auriez-vous
recommandé?
M. Lévesque (Claude): Le Boeing 707. M. Clair: Le
Boeing 707? M. Lévesque (Claude): Oui.
M. Clair: À l'avant-dernière page de votre
déclaration, justement, quant au Boeing 707, vous dites, et je vous
cite: "Les Boeing 737 tout neufs de 15 000 000 $ chacun demandaient des
coûts de propriété de quelque 1000 $ l'heure. Si Quebecair
avait décidé de garder ses 707 et de les offrir sur le
marché du Sud au lieu de ses 737, il en aurait coûté 50 $
de moins aujourd'hui par siège pour voler sur Fort Lauderdale."
Pouvez-vous m'expliquer votre décomposition pour en arriver à 50
$? Comment tenez-vous compte du fait que les 707 étaient des
quadrimoteurs et que les 737 sont des bimoteurs et les coûts de
fonctionnement d'un 737 par rapport à un 707, les coûts de
propriété, l'un par rapport à l'autre et en termes
d'équipage aussi... Tenez-vous compte de tout cela pour arriver à
50 $ de moins ou si vous tenez compte uniquement des coûts de
propriété? (22 h 15)
M. Lévesque (Claude): J'ai tenu compte de tous les
coûts, incluant les coûts d'équipage. Je n'ai pas ma feuille
de calcul avec moi.
M. Clair: Pouvez-vous me décomposer cela justement?
M. Lévesque (Claude): Je pourrais vous
le décomposer et vous le faire parvenir si vous voulez, mais je
ne l'ai pas ici avec moi.
M. Clair: Vous ne l'avez pas avec vous.
M. Lévesque (Claude): Non, mais cela tient compte de tous
les coûts de carburant - remarquez bien que le Boeing 707 a 181
sièges et non 119 - les coûts d'équipage, les coûts
de possession d'avions, les coûts des passagers. Par exemple, lorsqu'on
arrive à Fort Lauderdale, cela coûte de l'argent pour faire
atterrir un avion et j'ai tenu compte de tous les coûts
d'atterrissage.
M. Clair: Combien y a-t-il de transporteurs régionaux au
Canada qui exploitent encore des Boeing 707, à votre connaissance?
M. Lévesque (Claude): Aucun transporteur
régional.
M. Clair: Aucun.
M. Lévesque (Claude): Aucun. Je vous mentionne ici, par
exemple, qu'effectivement, dans le cas de Nordair et de Pacific Western
Airlines, ce sont des parties de leurs Boeing 707, ils avaient
réellement le moyen de le faire. Leur structure financière
comporte des opérateurs... Nordair avait alors environ 10 Boeing 737 au
moment où ils ont décidé de se servir du DC 8. D'autre
part, ils avaient des avions, des DC 8 qui étaient relativement peu
fiables. C'était un autre point qui les a fait décider de sortir
des DC 8. Ils avaient donc une structure financière qui leur permettait
de mettre leurs efforts ailleurs. Ce que je dis, c'est qu'à Quebecair,
ce n'était pas tout à fait la même chose.
M. Clair: C'est curieux, lors d'une conversation avec M. Douville
- à moins que j'aie mal compris, je ne veux pas le citer en son absence
- ce que j'ai compris, c'est que si les DC 8 notamment, auxquels vous faites
référence, ont été retirés du marché,
ils sont toujours au hangar de Nordair parce qu'ils ne pouvaient pas être
exploités de façon rentable. Je crois savoir qu'Air Canada a eu,
encore récemment, des Boeing 707 qu'il considère comme
n'étant pas avantageux d'exploiter sur un certain nombre de lignes.
Est-ce que vos informations sont les mêmes que les miennes?
M. Lévesque (Claude): Effectivement, je crois que les deux
avions de Nordair sont encore à Dorval, mais remarquez bien qu'au prix
qu'ils les ont payés, ce n'est pas comme de garder deux Boeing 737
à terre. Et effectivement, oui, Air Canada a décidé de
retirer des DC 8 sur des routes parce qu'ils exploitent les routes
Montréal-Toronto, par exemple, avec des DC 8. Cela n'est pas
rentable.
M. Clair: Oui. En ce qui concerne les DC 8, vous dites que cela
coûte moins cher de les tenir à terre, certainement puisque
j'imagine qu'ils sont complètement amortis,
dépréciés...
M. Lévesque (Claude): Oui, ils coûtent environ 1 500
000 $ chacun.
M. Clair: Oui, mais est-ce qu'ils ne pourraient pas être
exploités beaucoup plus avantageusement puisque vous faites beaucoup
allusion aux coûts de propriété. Si les coûts de
propriété sont si importants, il pourrait y avoir avantage pour
Nordair à les exploiter.
M. Lévesque (Claude): Remarquez bien une chose, encore
là, je persiste à dire que
Nordair n'a pas le même problème que Quebecair.
M. Clair: Pardon?
M. Lévesque (Claude): Nordair n'a pas le même
problème que Quebecair. Le coût de propriété de
Nordair sur ses Boeing 737 est d'environ 400 $ l'heure, tandis que celui de
Quebecair est de 1000 $ l'heure. C'est tout un autre...
M. Clair: Oui, à cause de la structure
financière.
M. Lévesque (Claude): C'est cela, la structure
financière est très différente.
M. Clair: Mais j'imagine qu'un Boeing 707, un DC 8, un Boeing 737
en termes de coût d'exploitation, hormis les coûts de
propriété, est sensiblement le même chez...
M. Lévesque (Claude): DC 8 et Boeing 707 vous dites?
M. Clair: Je dis quel que soit le type d'avion...
M. Lévesque (Claude): Oui.
M. Clair: ...DC 8, Boeing 707, DC 9, Boeing 737, prenez l'avion
que vous voulez, si on fait exclusion des coûts de
propriété, selon la structure financière de l'entreprise,
j'imagine que les autres coûts d'exploitation de quelque type d'appareils
que ce soit sont sensiblement les mêmes...
M. Lévesque (Claude): À l'exception de
l'utilisation de carburant et ainsi de suite. Je pense que la meilleure base
pour comprendre le coût d'un appareil, c'est le coût du
siège au mille. C'est cela qui est le plus
important.
M. Clair; Tantôt, si j'ai bien compris, vous
considériez que la décision de créer Vacances Quebecair
avait été une mauvaise décision. Je ne crois pas mal vous
citer à cet égard. Maintenant, est-ce que j'ai bien compris
jusqu'à maintenant que Treasure Tours était lui-même un
opérateur de tours contrôlé par Nordair.
M. Lévesque (Claude): Oui, c'est cela. C'est un fait.
M. Clair: Pourquoi est-ce que c'était bon pour Nordair et
ce n'était pas bon pour Quebecair?
M. Lévesque (Claude): D'une part, Treasure Tours est une
compagnie que Nordair a acheté il y a plusieurs années. C'est une
compagnie qui existait déjà, qui était déjà
d'une très grande notoriété publique, qui avait une
très bonne renommée et qui faisait de l'argent, au moment
où Nordair s'en est porté acquéreur. Treasure Tours
offrait beaucoup plus de produits que Quebecair Vacances et en plus,
n'utilisait pas Nordair comme transporteur exclusif. Alors, qu'est-ce qui s'est
produit entre Nordair et Treasure Tours...
M. Clair: Ce n'est pas ce que la CCT a déclaré...
Ce n'est pas ce que j'ai compris en tout cas des résultats de
l'enquête de la CCT disant que la Treasure Tours traitait à
distance avec Nordair.
M. Lévesque (Claude): ...traitait à distance...
M. Clair: ...ne traitait pas à distance...
M. Lévesque (Claude): Peut-être plus maintenant,
c'est une chose que je ne sais pas. Mais de toute façon, je pense que
maintenant Treasure Tours ne fait que la Floride.
M. Clair: Est-ce que vous savez en quelle année a
été créé Touram?
M. Lévesque (Claude): Je crois que cela fait quand
même plusieurs années que Touram existe maintenant.
M. Clair: Qu'est-ce que c'est, Touram?
M. Lévesque (Claude): C'est l'organisation de tours d'Air
Canada.
M. Clair: Si je comprends bien votre...
M. Lévesque (Claude): Mais c'est la deuxième
année que Touram existe sur la Floride.
M. Clair: Si je comprends bien votre raisonnement, Treasure Tours
pour Nordair, c'était bon; Touram pour Air Canada, c'était bon
mais Vacances Quebecair pour Quebecair, c'était mauvais.
M. Lévesque (Claude): Je n'ai pas dit que Treasure Tours
pour Nordair était bon. Je n'ai jamais dit cela.
M. Clair: Ah bon, d'accord.
M. Lévesque (Claude): C'est vous qui le dites.
M. Clair: Alors ce n'était pas bon à ce moment.
M. Lévesque (Claude): Je n'ai jamais dit cela. Je ne veux
pas critiquer Treasure Tours et Nordair.
M. Clair: Oui mais on nous a...
M. Lévesque (Claude): Vous m'avez demandé si
Vacances Quebecair était une bonne décision.
M. Clair: Oui.
M. Lévesque (Claude): J'ai dit que je l'ai jugée
comme étant mauvaise puisque j'ai décidé de quitter pour
cette raison. Ce qui se passe avec Treasure Tours chez Nordair, c'est une autre
paire de manches.
M. Clair: C'était simplement pour mettre en valeur votre
témoignage, compte tenu qu'Air Canada, Nordair, ont créé
ou acheté dans un cas et dans l'autre, chacun leur organisation de
tours. Pour mettre en valeur votre témoignage, je voulais simplement
souligner ce fait. Je n'ai pas d'autre question, M. le Présient.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Pour revenir à la question des organisateurs
de tours, M. Lévesque, puisque c'est votre compétence,
semble-t-il, Nordair est propriétaire d'une compagnie de tours qui
s'appelle Treasure Tours qui organise des vols sur la Floride. Est-ce que
Treasure Tours est rentable actuellement à votre connaissance?
M. Lévesque (Claude): Treasure Tours est rentable.
M. Bourbeau: Est encore rentable. Est-ce que Treasure Tours est
exploité par des gens de Nordair ou si c'est une entité
distincte.
M. Lévesque (Claude): Que je sache,
encore, Treasure Tours a une organisation indépendante de celle
de Nordair. Maintenant, peut-être qu'il y a utilisation commune de
certaines personnes, comme du personnel de vente, du personnel de
représentants qui vont dans les agences et ainsi de suite. Mais il
existe une direction Treasure Tours.
M. Bourbeau: Est-ce que Treasure Tours utilise d'autre
transporteurs que Nordair ou n'utilise que Nordair comme transporteur.
M. Lévesque (Claude): Au moment où j'étais
directeur des vols nolisés à Quebecair, Quebecair exploitait des
vols pour Treasure Tours. Maintenant, à cause de la nouvelle fonction de
Treasure Tours, je crois qu'ils font affaires exclusivement avec Nordair
présentement.
M. Bourbeau: Est-ce que Nordair est un gros transporteur de vols
nolisés comparativement à Quebecair, jusqu'à il y a
quelque temps? Est-ce que les deux étaient aussi actives sur les vols
nolisés ou si Quebecair était plus active?
M. Lévesque (Claude): Je cite ici, par exemple, qu'en
1978, Quebecair avait 24% du marché global des vols nolisés au
Canada. Nordair en avait 17%. Nordair utilisait deux DC 8, Quebecair, deux
Boeing 707. On avait des Boeing 727, des BAC 1-11 ou Boeing 737 en 1979. Dans
le fond, on s'équivalait pas mal sur le marché nolisé.
M. Bourbeau: Est-ce que Quebecair Vacances existe encore ou si
cela a été aboli?
M. Lévesque (Claude): Que je sache, il n'existe plus.
M. Bourbeau: Alors ils ont fermé les portes.
M. Lévesque (Claude): C'est cela.
M. Bourbeau: Bon. Alors je vous remercie. Je n'ai pas d'autres
questions.
M. Clair: Une dernière question, M. le Président.
M. Lévesque, est-ce que, à votre connaissance, Nordair utilise
des Boeing 737 en vols nolisés, en fin de semaine, vers les destinations
du Sud?
M. Lévesque (Claude): Oui.
M. Clair: En fin de semaine. Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Merci M. le Président. M.
Lévesque, est-ce que vous êtes capable de me dire, puisque
cela faisait douze ans que vous travailliez pour Quebecair, avant d'acheter les
Boeing 737 pour les vois nolisés pour la Barbade, est-ce que vous avez
été consulté par vos supérieurs pour faire une
étude de rentabilité?
M. Lévesque (Claude): Remarquez bien que lorsque les
avions ont été achetés pour la Barbade, je n'étais
plus là.
M. Houde: Non mais avant cela, ils ne vous ont pas
consulté pour voir ce que cela pourrait donner.
M. Lévesque (Claude): Non.
M. Houde: Du tout.
M. Lévesque (Claude): Aucunement.
M. Houde: Ma deuxième question, M. le Président, si
vous me le permettez. Est-ce qu'il est exact que Quebecair aurait
commencé à organiser des vols nolisés vers Fort Lauderdale
à prix réduit avant Air Canada?
M. Lévesque (Claude): Avant Air Canada?
M. Houde: Oui.
M. Lévesque (Claude): Effectivement.
M. Houde: C'est exact?
M. Lévesque (Claude): Oui. Quebecair a commencé son
programme sur la Floride, Fort Lauderdale au mois de juillet 1980; elle a
été la première à sortir les prix les plus bas qui
existaient.
M. Houde: Si je vous pose cette question, c'est parce qu'en
Chambre et dans les médias d'information on entendait toujours dire que
Quebecair avait été attaquée par Air Canada qui avait
commencé à couper les prix. Ce n'était donc pas exact.
C'est Quebecair qui a commencé en premier et Air Canada a suivi.
M. Lévesque (Claude): Exactement. M. Houde: Merci
beaucoup.
M. Clair: Peut-être juste une précision
auprès de M. Lévesque. Au cours de de cette année - je
comprends la réponse de celui-ci, que Quebecair a été la
première en 1980 à développer le marché
Québec et Montréal-Fort Lauderdale... Est-ce que l'année
précédente, M. Lévesque pourrait nous dire si, à sa
connaissance, Air Canada avait des vols Québec-Fort Lauderdale?
M. Lévesque (Claude): Oui. L'été
précédent, en 1979, Air Canada avait des vols durant l'hiver
Québec-Fort Lauderdale.
M. Clair: Par vol ITC ou par ABC? M. Lévesque (Claude):
Par vol ITC. M. Clair: Merci.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie M. Lévesque pour la présentation de
son exposé. J'inviterais immédiatement M. Denis de Belleval,
vice-président de Lavalin Ltée, ancien collègue de
l'Assemblée nationale que je salue au nom de tous les membres de la
commission. M. de Belleval.
M. Rodrigue: Quelle impression cela fait-il d'être assis
sur cette chaise plutôt que la nôtre?
M. Denis de Belleval
M. de Belleval (Denis): J'aime beaucoup la vue d'ici.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je voudrais d'abord, au nom de
tous mes collègues -c'est de mise - souhaiter la bienvenue à un
de nos anciens collègues, M. de Belleval, député de
Charlesbourg jusqu'à il y a quelques mois à peine, à cette
commission parlementaire. La raison de sa présence ici s'explique
surtout par le fait qu'il a assumé la responsabilité de ministre
des Transports du Québec avant moi, jusqu'à la date du 30 avril
1981. À ce compte, au cours de nos travaux et lors de la période
des questions à l'Assemblée nationale et dans d'autres lieux
aussi, il a été beaucoup question des décisions qui
auraient été prises ou des suggestions qu'aurait faites M. de
Belleval à l'époque où il était ministre des
Transports du Québec. Même si je comprends que celui-ci n'a pas de
texte à remettre aux membres de la commission - il a bien voulu accepter
l'invitation qui lui a été faite - cela pourrait peut-être
être intéressant de connaître l'état des
négociations dans le dossier Nordair-Quebecair au moment où il a
quitté son poste, en particulier les suggestions que M. Douville
mentionnait qui auraient été faites par M. de Belleval quant
à l'avenir de Quebecair et de Nordair. C'est une question
d'intérêt général, de savoir quel était
l'état du dossier au 30 avril 1981.
Le Président (M. Boucher): M. de Belleval.
M. de Belleval: Bonjour tout le monde. Je suis très
heureux de me retrouver parmi vous et parmi des amis.
Je veux d'abord expliquer ma présence ici. C'est à la
demande même de la commission que je suis ici et non pas à la
suite d'une initiative de ma part. Je crois que c'est assez inusité
d'ailleurs. Ce n'est pas nécessairement un mauvais
précédent, mais c'est, je pense bien, un précédent
de voir un ancien ministre venir répondre aux questions des membres
d'une commission et répondre d'une certaine façon aussi de son
administration, puisque le principe qui prévaut habituellement dans ces
matières, c'est qu'il y a une continuité de fonction et non pas
une continuité de statut personnel et que le gouvernement du moment,
quel qu'il soit d'ailleurs, répond des actions passées du
gouvernement ou des gouvernements, quels qu'ils soient, au nom justement de
cette continuité de l'État et de ses responsabilités.
Par ailleurs, c'est très volontiers que ce soir, je viens
répondre à vos questions. Cela explique aussi pourquoi je n'ai
pas préparé de texte, puisque c'est à votre invitation et
pour répondre justement à des questions que vous auriez à
poser que je suis ici. (22 h 30)
Oui, je pense que la question du ministre des Transports est tout
à fait pertinente. Où en était le dossier quand je m'en
suis occupé et quand j'ai laissé mes fonctions de ministre des
Transports au printemps 1981? C'est d'autant plus adéquat de se poser
cette question que parfois, quand on examine un dossier semblable, on peut
facilement se perdre dans un détail ou l'autre et perdre la vue
d'ensemble. C'est un peu comme une guerre ou une grève, à un
moment donné on ne sait plus pourquoi on l'a déclenchée et
on sait difficilement comment la terminer à ce moment-là.
Le dossier de Quebecair, le dossier de Nordair, si on veut, ou plus
exactement le dossier de la rationalisation des transports régionaux
dans l'Est du Canada traîne depuis longtemps. Là où on en
est rendu, je pense qu'il y a des problèmes qu'il vaut mieux
régler aujourd'hui plutôt que d'attendre demain et encore moins
après-demain et après-après-demain. Je pense que c'est un
des points fondamentaux qu'il ne faut pas perdre de vue dans l'examen de ce
dossier.
J'ai été peut-être le troisième ou le
quatrième ministre à s'occuper de ce dossier du côté
québécois et je pense qu'à l'époque, mon homologue
du côté fédéral devait lui aussi succéder en
quatrième ou cinquième rang à des ministres
fédéraux qui s'étaient aussi soi-disant occupés de
ce dossier.
On retardait des décisions qui demandaient une volonté,
à mon avis, assez vigoureuse pour aider des gens qui, à court
terme, pouvaient avoir des intérêts
divergents, ce qui est normal dans tout projet de fusion et ce qui n'est
pas en soi dérogatoire. C'est tout simplement constater la
réalité humaine des choses que de le dire. Cela prenait
effectivement une volonté forte pour mettre en place une rationalisation
qui, il y a déjà plusieurs années, s'imposait à
tout le monde et que les difficultés économiques qu'on
connaît maintenant depuis deux ou trois ans ont rendue évidente
à tous.
Même avant ces difficultés, je pense qu'il était
aussi de commune renommée qu'il fallait en arriver à une
rationalisation. Des représentants de la commission ou des
représentants de personnes intéressées au dossier
mentionnaient cet après-midi que MM. Landry et Parizeau s'étaient
occupés du dossier et avaient même tenté de réaliser
une fusion entre Quebecair et Nordair il y a plusieurs années. Je me
souviens, je crois que c'était dans les années soixante-quatre ou
soixante-six, sous le gouvernement Lesage de l'époque. C'est donc un
vieux dossier. Quand j'ai pris ce dossier, cela faisait au moins deux ans qu'on
avait connu la promesse du gouvernement fédéral de régler
une fois pour toutes ce dossier, c'est-à-dire réaliser une
rationalisation d'abord par une fusion entre Quebecair et Nordair, mais
même, éventuellement, probablement, une fusion avec Eastern
Provincial Airways de façon qu'on retrouve dans l'Est du Canada la
même homogénéité qu'on retrouve dans l'Ouest du
Canada au niveau des structures de fonctionnement du système
aérien régional.
Ma conviction a été, à cette
époque-là, à l'automne 1980, au printemps 1981, qu'aucune
solution n'était possible dans ce dossier sans l'accord explicite et
volontaire du ministre fédéral des Transports, qui était
M. Pépin, quelles que soient les pressions qui pouvaient avoir lieu au
Québec de la part de l'Assemblée nationale, des deux principaux
partis à l'Assemblée nationale, qui étaient d'accord sur
les objectifs fondamentaux de la rationalisation, d'accord donc sur le principe
d'une fusion entre Quebecair et Nordair.
Malgré les pressions aussi du caucus des députés
fédéraux du Québec: qui étaient aux aussi d'accord
avec cet objectif, malgré toutes ces pressions, pressions des corps
intermédiaires, présence d'un corps économique prestigieux
et important au Québec, celui des caisses populaires directement
intéressées au dossier, il m'est apparu évident que, tant
que le ministre fédéral des Transports et tant que ce qu'on peut
appeler l'establishment du ministère fédéral des
Transports ne décideraient pas de poser les gestes nécessaires,
on n'arriverait à rien et qu'il fallait remettre indéfiniment le
dossier jusqu'à ce qu'un changement de personnel ou que des
circonstances nouvelles puissent le faire aboutir. Ce qui démontre bien
que, malgré l'importance des structures, en politique - c'est un hommage
qu'on peut leur rendre - les hommes politiques ont aussi une importance
personnelle. En tout cas, c'était évident pour moi dans ce
dossier. Le rocher de Gibraltar que représentait la volonté du
ministre fédéral des Transports était infranchissable,
dans les circonstances, à l'époque.
Quant à moi, j'en étais arrivé aussi à la
conclusion que tout retard dans le règlement du dossier pouvait aboutir
à des résultats extrêmement négatifs quant à
la survie même de Quebecair. Je me souviens qu'à l'époque,
j'avais inauguré une séance annuelle de l'Organisation de
l'aviation civile internationale, qui siège à Montréal,
où on avait fait part des états financiers des entreprises de
navigation aérienne dans le monde entier, bien sûr, et en
particulier en Amérique du Nord, à l'automne de 1980, si ma
mémoire est bonne. Ces résultats étaient absolument
désastreux pour presque toutes les entreprises de navigation
aérienne. On prévoyait des heures très sombres pour les
mois qui devaient suivre. Les événements n'ont pas manqué
de confirmer ces prévisions, comme vous le savez, puisque, actuellement,
presque toutes les entreprises de navigation aérienne enregistrent des
pertes parfois extrêmement considérables, souvent même les
plus prestigieuses et même les mieux organisées d'entre elles. Il
m'apparaissait que Quebecair était une des sociétés les
moins bien placées pour faire face à ces années
difficiles.
N'ayant pas, au gouvernement québécois, les moyens de
notre politique, puisque tout le système aérien est sous le
contrôle du gouvernement fédéral, celui-ci faisant
confiance de facto à son ministre fédéral des Transports,
il fallait, à défaut d'obtenir les moyens de poursuivre notre
politique, ajuster notre politique à nos moyens et effectuer la fusion,
d'une façon ou d'une autre, le plus rapidement possible.
Après avoir rencontré les actionnaires de Quebecair, on en
est venu à la conclusion qu'une façon de régler le dossier
serait d'accepter, d'une certaine façon, les conditions posées
par le ministre fédéral des Transports pour que la fusion se
fasse, tout en préservant, via ces conditions posées par le
ministre fédéral des Transports, tout en sauvegardant nos
intérêts fondamentaux, sur le plan économique comme sur le
plan culturel. Je pense que les deux aspects étaient liés, dans
l'esprit de tout le monde, au Québec, tant sur le plan politque que sur
le plan des corps intermédiaires. Il s'agissait d'essayer de trouver une
façon de sauvegarder ces intérêts. C'est ainsi que j'ai
proposé ce qu'on peut appeler, au fond, un "reversed take over", dans la
jargon des corporations, des entreprises commerciales, c'est-à-dire que
la compagnie ou les actionnaires qui acceptent de vendre leur
entreprise retrouvent une certaine influence sinon même la
domination sur les destinées de cette entreprise en prenant d'une
certaine façon le contrôle de l'entreprise qui achète.
Évidemment, sur le plan de l'image, cela posait des
problèmes. À ce moment, cela voulait dire vendre Quebecair
à Nordair plutôt que Nordair à Quebecair, comme cela avait
toujours été le cas jusque là. D'ailleurs, on ne vendait
pas Nordair à Quebecair, mais plutôt Nordair à un
consortium d'actionnaires, lui-même propriétaire de Quebecair. Au
sens strict, il n'a jamais été question de vendre Nordair
à Quebecair. Dans le cas contraire, bien sûr, il s'agissait d'une
vente de Quebecair à Nordair puisque, du côté de Nordair,
il n'y avait pas de consortium comme tel, bien que le propriétaire
effectif de Nordair était une autre entreprise de navigation
aérienne, en l'occurrence Air Canada.
Donc, vendre Quebecair à Nordair, mais en même temps
s'assurer, comme je l'ai expliqué, dans la conception d'un "reversed
take over", d'un intérêt dominant dans la nouvelle entreprise,
c'est-à-dire dans Nordair. Comme je l'ai dit tout à l'heure, sur
le plan de l'image, cela pouvait être difficile à faire avaler
puisque c'était tout le contraire de ce qui avait été mis
de l'avant jusqu'à ce jour. Je pensais qu'au niveau des
intérêts fondamentaux de toutes les personnes en cause, il y
aurait eu moyen non seulement de protéger ces intérêts
mais, à partir de ce dossier, de ce constat fondamental, de
réussir sur le plan de l'image à faire accepter cette
façon de fonctionner.
J'avoue que je prenais un risque, en proposant un pareil
échafaudage, un risque politique très réel, compte tenu de
l'image en cause. Mais comme je l'ai dit, j'avais la conviction qu'il ne
fallait pas retarder plus longtemps le dossier, le laisser pourrir. Ou
plutôt, pas le laisser pourrir, puisque ce n'est pas nous qui avions la
responsabilité de le laisser pourrir, je pense que là-dessus tout
le monde admet que ce ne sont pas les gouvernements québécois, ou
les hommes politiques québécois de quelque parti qu'ils soient,
qui ont laissé pourrir ce dossier. Au contraire, ils ont essayé
de le faire aboutir, tous et chacun, du mieux qu'ils ont pu, compte tenu du
manque de volonté du côté du gouvernement
fédéral et en particulier du côté du ministre
fédéral des Transports de trouver le moyen de régler le
dossier rapidement, que c'était la seule façon d'agir.
On s'est entendu là-dessus, sur le plan des principes, entre
nous, c'est-à-dire les gens de Quebecair, les gens de la
Société d'investissement Desjardins. Je pense que
là-dessus le texte qui a été présenté
à cette commission parlementaire par les gens de la
Société d'investissement Desjardins résume très
bien la position. "Le 23 février 1981 -je cite - un représentant
des actionnaires de
Quebecair rencontrait le ministre des Transports du Québec - en
l'occurrence, celui qui vous parle actuellement. Celui-ci déclare qu'il
n'est pas dans l'intention du gouvernement d'engager des sommes importantes
dans le transport aérien qui est de juridiction fédérale -
c'était le cas à l'époque; je n'avais pas le mandat
d'investir des sommes considérables dans Quebecair -et qu'il n'y avait
plus d'autre option que de vendre Quebecair à Nordair, mais à des
conditions et avec des garanties qui soient acceptables au Québec." Je
pense que c'est l'aspect du dossier qui était quand même
essentiel. (22 h 45) "II s'engage à recommander au président de
Quebecair de considérer favorablement cette solution et, en fait, il le
rencontrait le 27 février." J'ai rencontré M. Hamel. "Il s'offre
à amorcer les négociations avec le gouvernement
fédéral. Il verrait, à cet effet, le ministre des
Transports, M. Pépin, le 6 mars." Cela a été fait,
d'ailleurs, et j'ai obtenu de la part de M. Pépin qu'une offre des
actionnaires de Nordair - en l'occurrence, Air Canada - soit faite
auprès des actionnaires de Quebecair pour effectuer l'achat, mais, comme
je l'ai dit, à des conditions et avec des garanties qui sauvegardent la
présence des francophones -il faut bien le dire - dans l'industrie
régionale du transport aérien et qui permettent de diriger le
transport aérien à partir du Québec sur le plan
régional, les trois entreprises concernées, Quebecair, Nordair et
Air Canada, ayant leur siège social au Québec et étant
dirigées, à toutes fins utiles, par des
Québécois.
Peu importent les ambitions que pouvaient avoir à ce moment, les
gens de l'Ontario, il n'en reste pas moins que c'est un fait historique que ces
trois entreprises sont d'abord et avant tout des entreprises dirigées
à partir du Québec dans un contexte, bien sûr, national.
Tenant compte d'une politique nationale des transports ou d'une
réglementation sous la responsabilité fédérale, il
n'en reste pas moins que sous ce parapluie, c'étaient d'abord et avant
tout des Québécois qui dirigeaient tout cela. Il y avait une
présence francophone très forte qu'il était
légitime non pas de diminuer, mais, au contraire, de vouloir
renforcer.
C'est cela, au fond, ma contribution au dossier, à cette
époque. J'ai laissé le dossier, comme vous le savez, au moment
où les élections ont été déclenchées.
Ces choses se sont déroulées quelques jours avant le
déclenchement des élections. J'ai rencontré M.
Pépin quelques jours avant le déclenchement des élections.
Les élections ont été déclenchées et j'ai
quitté mes fonctions de ministre des Transports le 30 avril 1981. Le
reste du dossier n'est pas de ma compétence, comme vous le savez, et
je
n'ai pas non plus à en répondre comme ex-ministre des
Transports. C'est tout.
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: ...une petite précision. M. de Belleval parle
d'Air Canada, Nordair et Quebecair qui étaient dirigées à
partir de Montréal, en termes de siège social, par des
Québécois. J'imagine qu'il fait une distinction entre Quebecair,
Nordair et Air Canada puisqu'à ma connaissance, il n'y a pas une
majorité de Québécois au conseil d'administration d'Air
Canada.
M. de Belleval: Non, c'est certain, mais dans le cas du transport
régional au sens strict bien sûr...
M. Clair: ...dans le sens du transport régional...
M. de Belleval: ...c'étaient des compagnies
propriétés de Québécois et dirigées par des
Québécois fort majoritairement. Dans le cas d'Air Canada, il n'en
reste pas moins aussi que c'était une société qui avait
son siège social au Québec, mais c'était une
société nationale, vous avez tout à fait raison de faire
la distinction entre les deux types de "québécitude" dans ce
domaine. Ceci étant dit, cela démontrait bien ce que je voulais
dire en soulignant ce point, c'est que la prépondérance du
Québec dans le domaine du transport aérien était
évidente. Dans mon esprit, les prétentions de l'Ontario
là-dedans, bien que légitimes jusqu'à un certain point,
devaient à mon sens prendre le deuxième pas sur ce
caractère historique et sur ce qu'on pouvait légitimement
considérer dans une perspective purement fédérale et
fédéraliste comme un facteur d'équilibre à
maintenir il me semble, puisque c'est souvent un argument qu'on emploie dans
les débats, et en particulier du côté des tenants du
fédéralisme canadien. Il y a une espèce de "give and take"
soi-disant, entre les différents secteurs et les intérêts
des différentes régions.
Tout le monde ne peut pas gagner sur tous les tableaux, mais si une
province veut gagner sur tous les tableaux, je pense qu'il faut se poser la
question et il m'est apparu que l'Ontario avait des ambitions qui visaient
peut-être même à remettre en cause cet état de fait.
On le voit dans le domaine de l'industrie aéronautique en
général, mais on le voyait aussi dans le domaine des services
aériens. Il me semblait donc que, dans ce dossier, il était
légitime de demander auprès du ministre fédéral des
Transports l'état de fait qui voulait que les entreprises aient leur
siège social au Québec et soient dirigées majoritairement
par des Québécois avec la distinction que vous venez de faire en
ce qui concerne Quebecair-Nordair d'une part et Air Canada d'autre part, que
tout cela soit maintenu. Si cette condition pouvait être
rencontrée de la part du ministre fédéral des Transports
et à condition qu'elle soit rencontrée - Paris valant bien une
messe -je pensais que la sauvegarde des intérêts des francophones
et des Québécois dans le domaine du transport aérien
valait peut-être une blessure d'amour propre d'une certaine façon
puisque c'était alors par une absorption par Nordair et non pas par
Quebecair que la fusion se ferait. Mais comme je l'ai dit, dans mon esprit,
c'était dans le contexte de ce qu'on appelle un "reverse take over"
c'est-à-dire celui dont la compagnie se vend prend de facto le
contrôle à terme, si on voulait, dans le dossier qui nous
intéresse, de la compagnie qu'elle achète.
M. Clair: Est-ce que je comprends bien si je dis que jusqu'en
février 1981, toutes les hypothèses de fusion qui ont
été soumises au ministre des Transports du Canada comportaient un
contrôle québécois majoritaire assuré par des
actionnaires privés du Québec et, au moment où vous avez
envisagé la possibilité d'un "reverse take over", vous ne
renonciez pas pour autant à ce que des intérêts
québécois deviennent éventuellement majoritaires dans
l'entreprise.
M. de Belleval: Non, vous avez raison. Si, d'ailleurs,
personnellement, j'avais voulu changer les orientations de ce
côté, j'aurais été certainement contre la
volonté unanime de tous les corps intermédiaires et de tous les
partis politiques québécois tant au niveau du Québec qu'au
niveau fédéral. Je n'avais ni l'autorité morale, ni
l'autorité institutionnelle, ni la volonté de changer cela.
C'était un point sur lequel il ne pouvait pas y avoir de contestation.
De ce côté, les ambiguïtés des objectifs poursuivis
par le ministère fédéral des Transports à
l'égard de ce point ont contribué à retarder le
règlement du dossier, elles ont même contribué
jusqu'à un certain point à exacerber les antagonistes qui
pouvaient jouer là-dedans, à encourager les ambitions du
gouvernement de l'Ontario et, par conséquent, à laisser pourrir
le dossier. Mais je pensais justement que la meilleure façon de faire
éclater cette ambiguïté, de la lever et d'obliger cette fois
le ministre fédéral des Transports à se commettre,
c'était par la procédure du "reverse take over" puisque, à
ce moment, on respectait les objectifs que le ministre fédéral
des Transports avait mis de l'avant, c'est-à-dire qu'il y ait un certain
équilibre entre la compagnie qui achète et la compagnie qui vend,
qu'il y ait une certaine logique sur le plan financier; de son point de vue, de
ce côté, la compagnie dominante,
c'était Nordair et non pas Quebecair. Là-dessus, on a
juste à regarder la carte pour voir que si, sur le plan d'une certaine
image, cela pouvait ne pas apparaître le cas, sur le plan purement
financier... On le voit même sur la carte, par l'étendue des
routes de l'une et de l'autre et dans la logique même des facteurs
économiques qui gèrent le service aérien. On voyait aussi,
par les bilans des entreprises respectives, leur importance en termes de flotte
d'avions, d'employés, que c'était Nordair qui avait la
prépondérance. Ceci étant dit, cela n'empêchait pas
que le point fondamental, ce n'était peut-être pas de savoir qui
achetait qui, mais qui contrôlerait le résultat de cette fusion.
En arrêtant le débat sur l'identité du faiseur de mariage,
mais en se concentrant plutôt sur le résultat du mariage quel
qu'il soit, à ce moment, le ministre fédéral des
Transports n'aurait plus d'argument pour refuser la fusion et pour admettre
qu'il fallait que le résultat de cette fusion soit à l'avantage
des dirigeants effectifs jusqu'alors de ces deux entreprises, Nordair et
Quebecair, c'est-à-dire de leur assiette à la fois culturelle et
régionale, c'est-à-dire le Québec et les
Québécois.
M. Clair: On a parlé justement au cours de la commission,
surtout de la part des gens de Nordair, de l'achat de Nordair par Quebecair.
Est-ce que, dans les faits, à propos des propositions dont vous avez eu
connaissance à l'époque où vous occupiez mon siège,
il n'est pas plus à propos de parler d'offre d'achat par des
actionnaires, par des parties privées dont certaines étaient
actionnaires de Quebecair, de Nordair, plutôt que de parler de l'achat de
Nordair par Quebecair? Qu'en était-il au juste des diverses propositions
dont vous avez eu l'occasion de prendre connaissance?
M. de Belleval: C'est tout à fait juste sur le plan des
faits juridiques. Vous avez tout à fait raison. J'ai mentionné
moi-même tout à l'heure, dans mon exposé
préliminaire, qu'il n'a jamais été question d'un achat de
Nordair par Quebecair, mais plutôt de l'achat de Nordair par un
consortium qui, à un certain moment donné, comprenait d'ailleurs
des actionnaires ontariens, signe qu'on reconnaissait aussi que l'Ontario avait
un certain intérêt dans le...
M. Clair: Dans quelle proportion environ?
M. de Belleval: Dans une proportion minoritaire, mais quand
même dans une proportion qui n'était pas négligeable, entre
autres par l'équivalent, si l'on veut, des caisses populaires
ontariennes, Credit Union, et aussi d'un transporteur aérien ontarien
qui s'appelle Great Lakes.
Donc, on reconnaissait la légitimité de la présence
d'intérêts ontariens alors que, jusqu'à cette
époque-là, il n'y en avait quand même pas du tout ou
presque pas dans la gestion soit de Quebecair, soit de Nordair, pas d'une
façon aussi prépondérante en tout cas, et, au niveau des
actionnaires mêmes, fort peu. On avait beau mettre cet aspect des choses
de l'avant, à savoir qu'il ne s'agissait pas de vendre Nordair à
Quebecair, mais de la vendre à un groupe d'actionnaires qui comprenait
même, comme je l'ai dit, des Ontariens, rien n'y faisait du
côté du gouvernement fédéral et en particulier,
comme je l'ai dit, du ministre fédéral des Transports. Il faisait
intervenir d'autres facteurs, à savoir les antagonismes, réels ou
prêtés, entre les futurs gestionnaires, l'équilibre interne
entre anglophones et francophones qu'on sentait très présent, au
fond, dans les préoccupations à la fois de M. Pépin et des
fonctionnaires du gouvernement fédéral au niveau du
ministère des Transports et reflété très
clairement, très explicitement par le personnel navigant, en particulier
de Nordair. Évidemment, tous ces facteurs amenaient malgré tout
le blocage du dossier. Mais, à partir du moment où Quebecair se
faisait acheter par Nordair, ces arguments tombaient. Il me semblait qu'on
aurait été dans une position de force pour faire valoir notre
point de vue; il n'y aurait plus eu d'argument du côté
fédéral à condition bien sûr que, même du
côté de notre propre opinion publique, on réussisse
à faire comprendre cette procédure du "reverse take over", comme
je l'ai dit. (23 heures)
M. Clair: J'ai une dernière question, si vous permettez,
M. le Président. Après autant de propositions dont vous avez eu
connaissance et que vous avez soutenues avec l'appui à peu près
unanime, si ma mémoire est fidèle, de l'Assemblée
nationale à l'époque, qu'est-ce qui explique, selon vous, que,
plusieurs possibilités de fusion ayant été offertes par
des intérêts privés québécois ou ontariens
plus ou moins majoritaires, pendant près de deux ans sinon davantage,
aucune proposition, en somme, n'ait jamais été
agréée par le ministre fédéral des Transports du
Canada?
M. de Belleval: Je pense que c'est la raison que je viens
d'expliquer. C'est cette espèce de complexe de raisons diverses
où les aspects proprement culturels, les questions de
personnalité, les pressions du gouvernement de l'Ontario, tout cela a
fait que le ministre fédéral des Transports ... Il y a aussi la
question, comme je l'ai dit, du poids relatif des deux entreprises sur le plan
purement de l'importance financière, y compris même des
critères de pure rentabilité. Tout cela faisait qu'il
était extrêmement réticent à faire aboutir le
dossier à partir d'une vision proprement québécoise
des choses. Évidemment, je n'étais pas d'accord avec cette
façon de voir les choses de mon homologue fédéral, mais,
à partir du moment où j'ai eu la conviction que je ne pouvais par
le convaincre et que personne ne pourrait le convaincre qu'on lui laissait les
mains libres au gouvernement fédéral, quelles que puissent
être les pressions de son propre caucus du côté
québécois, qu'est-ce que vous voulez? Il fallait trouver une
façon de contourner l'obstacle. Je pense que la meilleure façon
de contourner l'obstacle était celle que je lui proposais.
D'ailleurs, j'ai cru comprendre qu'il recevait favorablement ma
proposition parce que je pense que j'offrais les éléments qui lui
permettaient lui aussi de régler le dossier. Je pense qu'il était
essentiellement de bonne foi, il voulait également régler le
dossier. Je ne veux pas jeter le blâme contre qui que ce soit ni me
mettre le doigt dans l'engrenage, parce que j'assume maintenant une nouvelle
carrière. J'ai décidé que je ne faisais pas de politique,
donc je suis ici pour expliquer des gestes que j'ai posés et non pas
pour blâmer qui que ce soit et distribuer des notes de bonne ou de
mauvaise conduite. Je ne veux pas me mettre le doigt entre le Corse et l'Arabe,
c'est le cas de le dire actuellement. Je pense qu'on le comprendra. Le ministre
des Transports fédéral était de bonne foi, mais, ceci
étant dit, il s'interdisait lui-même les moyens de sa propre
politique, et pourtant il les avait ces moyens.
M. Clair: Au cours des discussions que vous avez eues avec
celui-ci, est-ce qu'il avait été question d'un pourcentage ou
d'un scénario quant au partage définitif des actions?
M. de Belleval: Dans notre esprit, dans un premier temps, disons
que les partenaires québécois auraient pris 40% du capital de la
nouvelle entreprise, c'est-à-dire de Nordair, puisque Quebecair aurait
été absorbée par Nordair. Je dois dire que je n'avais pas
eu le temps de régler définitivement la composition même
des actionnaires de ces 40% avec les gens de la SID, M. Hamel, M.
Prévost qui étaient les actionnaires principaux. C'est un point
qui restait en suspens, d'une certaine façon, mais le principe
était que des actionnaires québécois prendraient au moins
40% tout de suite au début et qu'il y aurait une dilution
éventuelle au profit d'intérêts ontariens, ce qui
était un point d'interrogation très majuscule puisque,
malgré les prétentions de l'Ontario, finalement, on ne peut pas
dire qu'il y avait le même empressement de la part d'actionnaires
ontariens à s'impliquer aussi profondément dans l'actionnariat de
la nouvelle entreprise qu'il y en avait du côté d'actionnaires
québécois. Pour moi aussi, c'était un facteur important
qui m'amenait à privilégier la procédure du "reverse take
over" parce que je me disais qu'à terme, cet intérêt
prépondérant des Québécois se maintiendrait
jusqu'au bout et je ne pensais pas que l'intérêt des Ontariens
augmenterait beaucoup. Donc, dilution éventuellement des 60% d'Air
Canada au profit d'intérêts ontariens, mais aussi
d'intérêts québécois qui feraient que, à
terme, l'entreprise, au bout de trois ans, quatre ans ou cinq ans, aurait
été transférée de la direction majoritaire d'Air
Canada à la direction majoritaire de Québécois.
Là-dessus, je parle de l'ambiguïté du
côté, du gouvernement fédéral, du ministère
fédéral des Transports. Une entreprise, il faut que quelqu'un
puisse la diriger. Il faut qu'au moins un groupement d'intérêts la
dirige et cela signifie au moins 51% des actions - c'est clair et net - ou cela
impose un protocole entre actionnaires, s'il y a 50%-50%, qui fait qu'il y a un
groupement, il y a quelqu'un qui décide parce que cela ne peut pas se
diriger autrement.
Dans mon esprit, c'était clair que ce seraient les
Québécois qui finiraient par diriger la nouvelle entreprise, ce
qui était tout à fait légitime puisque les deux
entreprises séparément étaient déjà
dirigées par des Québécois et que l'Ontario y trouvait son
compte puisque, malgré tout, il trouvait place aussi dans la nouvelle
structure alors qu'il était absent dans l'ancienne. Donc, nous faisions
certainement des concessions, de notre point de vue, dans ce genre
d'arrangement.
Alors, il y aurait eu dilution en vertu d'un protocole entre
actionnaires, évidemment, qui aurait fait partie du contrat de vente de
Quebecair à Nordair. J'insiste sur ces aspects des choses parce qu'il
est évident que, sinon, cela aurait été tout simplement un
abandon, une démission, une braderie et, pour tout dire, un acte de
lâcheté, d'une certaine façon, que de vendre Quebecair
à Nordair sans ces garanties explicites; pas seulement implicites, des
garanties explicites.
Pour résumer, 40% au début, 60% à Air Canada et, en
vertu d'un protocole entre actionnaires, dilution des 60% d'Air Canada sur une
période donnée pour aboutir à un contrôle
majoritairement québécois entre des actionnaires qui pouvaient
prendre des personnalités diverses selon ce que l'avenir permettrait de
faire.
Là-dessus, je dois dire que j'avais été très
clair avec M. Pépin et lui avais fait valoir que cela répondrait
à tous les objectifs et les conditions qu'il avait mis de l'avant pour
effectuer la fusion et il semble bien qu'il ait été d'accord avec
mon point de vue puisqu'il a effectivement donné des
ordres à Air Canada de préparer une offre.
Mais, comme je l'ai dit, entre-temps, j'ai quitté les affaires
à titre de ministre des Transports et je ne sais pas comment a
évolué le reste du dossier et selon quelles avenues. Mais, si
vous voulez connaître exactement quelle était ma position et quel
a été le sens des choses jusqu'à ce que je quitte mes
fonctions, je pense vous les avoir résumés le plus exactement
possible.
M. Clair: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, permettez-moi de saluer
notre ex-collègue, M. Denis de Belleval, qu'un journaliste de la Presse
appelle encore aujourd'hui le meilleur ministre des Transports que le
Québec n'ait jamais connu. Je sais que cela ne fait pas tellement
plaisir au ministre actuel...
M. Clair: Au contraire, M. le député. M. le
Président, question de règlement.
M. Bourbeau: Mais...
M. Clair: Au contraire, ayant appartenu à la même
formation politique que M. de Belleval, j'ai toujours été
très heureux de savoir qu'un journaliste considérait que mon
prédécesseur, ministre du Parti québécois, avait
été le meilleur ministre de l'histoire du Québec. Nous
avons été trois jusqu'à maintenant; si, à raison
d'un sur trois, nous sommes les meilleurs, je pense que c'est très
valable.
M. Blouin: M. le Président, question de
règlement.
M. Bourbeau: Si le ministre des Transports avait...
M. Blouin: J'aimerais savoir si le député de
Laporte faisait la même admission lorsque l'ex-député
était ministre des Transports.
M. Bourbeau: M. le Président, je n'étais pas
député à ce moment-là. Je dirai seulement ceci: Si
le ministre ne m'avait pas interrompu tout à l'heure, je lui aurais dit
qu'après avoir longuement fouillé, j'en ai trouvé un autre
qui trouve que le ministre actuel était le meilleur. C'est un
journaliste de l'Écho de Drummondville. Je pense que...
M. Clair: Cela n'existe pas, M. le Président. Je
concède à l'égard de mon ex-collègue, M. de
Belleval, que c'est certainement plus élogieux, d'autant plus que
l'Écho de Drummondville, je ne connais pas cela. Cela n'existe pas.
M. Bourbeau: M. le Président, M. de Belleval, tout
à l'heure, dans ses remarques...
M. Clair: Cela doit être gros, M. le Président.
M. Bourbeau: ...au début, a fait état de certaines
réticences qu'il avait eues à venir témoigner devant la
commission parce qu'il avait occupé les fonctions de ministre. On
comprend très bien ses réticences. Pour les fins du dossier,
j'aimerais seulement souligner qu'effectivement, avant Noël, j'avais
mentionné au ministre actuel que l'Opposition serait peut-être
intéressée à vous inviter à comparaître
devant la commission.
Subséquemment, compte tenu du fait qu'on nous avait
informés que vous étiez en Afrique et, également, à
cause des réticences dont vous venez de faire part vous-même,
à cause de votre ancien poste, nous avions décidé de ne
pas vous inviter. C'est grâce à l'initiative du ministre actuel
que vous avez été convoqué. Je ne veux pas dire que nous
ne sommes pas heureux de vous avoir avec nous; nous en sommes très
heureux, mais vous savez que chaque parti soumet des listes. Vous avez le
bonheur d'être sur la liste du gouvernement et nous sommes très
contents que vous ayez accepté de faire le voyage d'Alger jusqu'ici pour
venir témoigner devant la commission.
Ceci étant dit...
M. de Belleval: M. le député, ceci étant
dit, puis-je savoir qui paiera mon billet d'avion?
M. Bourbeau: Étant donné que vous êtes
l'invité du gouvernement, que c'est le gouvernement qui vous a mis sur
sa liste, peut-être que vous pourriez en discuter avec le ministre
actuel. Je dirai seulement ceci: Compte tenu du fait que vous êtes un
homme politique d'expérience et que je suis plutôt un nouveau venu
sur la scène politique, nous avons pensé, dans l'Opposition, de
confier au leader adjoint de l'Opposition, le député de Gatineau,
la tâche de vous interroger.
M. le Président, j'aimerais que vous cédiez la parole au
député de Gatineau.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, c'est avec plaisir que je
salue M. de Belleval. La dernière fois que lui et moi nous sommes
retrouvés dans cette même salle, il était assis de ce
côté de la table et j'étais son vis-à-vis, puisque
j'avais le plaisir et parfois un plaisir moindre d'agir comme critique de
l'Opposition en matière de transport. Celui
qui était à la place de M. de Belleval était M.
Gérard Dubé de l'Association nationale des camionneurs
artisans.
Je suis sûr que ce ne sont pas seulement les places
différentes qu'on occupe qui me font remarquer que M. de Belleval semble
plus calme et plus serein, non pas parce qu'il avait l'habitude d'être
tellement emporté dans le passé, mais, effectivement, je dois lui
avouer que, moi aussi, j'éprouve beaucoup moins de difficultés
à reconnaître sa sagesse et son réalisme, quand je
l'entends parler de l'évolution du dossier au moment où il
était ministre des Transports, qu'au moment où j'avais la
tâche de le critiquer. (23 h 15)
Cela étant dit, M. de Belleval, vous avez cité un passage
du mémoire qu'a présenté M. Bernier de la
Société d'investissement Desjardins, qui résume
très bien votre rôle et votre perception des choses avant que vous
quittiez le ministère. M. Douville, le président de Nordair, est
aussi venu devant cette commission faire une présentation. Je pense que
vous avez déjà répondu à la question, mais
j'aimerais quand même, pour que ce soit bien clair et pour que ce soit
entendu que tout le monde est sur la même longueur d'onde, vous lire un
passage de sa présentation, notamment la page 10, où il
écrivait: "Cependant, les réalités économiques du
secteur aérien en 1980 et au début de 1981 ont semblé
convaincre la Société d'investissement Desjardins et le ministre
des Transports de l'époque, M. Denis de Belleval, que la création
d'une société aérienne rentable, viable et offrant des
services de qualité à tous les Québécois et
dirigée majoritairement par des francophones servirait mieux les
intérêts du Québec que l'objectif précité."
L'objectif précité était l'objectif bien spécifique
de créer une ligne aérienne québécoise
dirigée et opérée exclusivement en français. Il
continuait: "En fait, la perspective d'emploi et les retombées
économiques pour le Québec dans l'achat de Quebecair par Nordair
présentait une solution beaucoup plus efficace, certainement moins
coûteuse et manifestement plus rentable que la proposition inverse."
D'ailleurs, l'association de la Société d'investissement
Desjardins et d'Air Canada comme propriétaires permettait la
réalisation des grands objectifs d'une présence aérienne
régionale viable au Québec.
Tout cela pour indiquer - à moins que vous ne trouviez là
des choses à contredire -que la Société d'investissement
Desjardins, Nordair et vous-même, à titre de ministre des
Transports, voyiez les choses de la même façon. Est-ce que je peux
faire cette affirmation?
M. de Belleval: Tout ce que peux dire, c'est que j'ai
parlé aux gens de Quebecair, c'est-à-dire ceux qui dirigeaient,
non pas au sens strict, Quebecair, mais à la compagnie d'investissement
qui dirigeait Quebecair, c'est-à-dire les gens de la
Société d'investissement Desjardins, et à des gens comme
M. Prévost et M. Hamel. J'ai aussi parlé au ministre
fédéral des Transports. Je n'ai pas parlé aux gens d'Air
Canada, je n'ai d'ailleurs jamais rencontré, à ma connaissance,
M. Douville. Je n'ai donc jamais discuté de la proposition
ultérieure qui a été faite, je pense, au mois de juillet,
si je comprends bien. Les événements que je viens de relater
s'arrêtent, à toutes fins utiles, au mois de mars ou au mois de
février. Il y a eu ensuite le déclenchement des élections.
Ensuite, comme je l'ai dit, je quittais mes fonctions le 30 avril. Alors, ce
qui s'est passé entre-temps, je ne ne peux pas le reprendre à mon
compte et je ne peux pas non plus commenter les impressions ou les
déclarations de personnes qui s'autorisaient de ma propre opinion,
d'autant plus que je n'ai pas rencontré ces gens.
Par ailleurs, l'objectif poursuivi par tous les partis
québécois, tous les hommes politiques québécois
dans ce dossier, de quelque parti qu'ils soient, par les corps publics
québécois, aussi par les investisseurs québécois,
des gens à qui il faut rendre un certain mérite, tout le
mérite d'avoir suffisamment cru dans l'avenir d'un système
régional aérien dans l'Est du Canada pour y risquer de l'argent,
étant d'ailleurs à peu près les seuls à le faire,
à vouloir le faire, en tant qu'investisseurs privés - je dis
qu'ils sont "à peu près" les seuls; le point de vue de ces gens a
toujours été d'utiliser un véhicule très
identifié qui était, au fond, celui proposé par les
personnes dont je viens de parler, les gens de la Société
d'investissement Desjardins, M. Hamel, M. Prévost, distinct, d'ailleurs,
au sens strict de Quebecair - le point de vue de tous ces gens, dis-je, a
été de privilégier cette méthode d'action. Que je
sache, ce que nous avons d'un commun accord proposé sur le plan des
principes à M. Pépin au mois de février, si je me souviens
bien, était tout à fait conforme à ces principes, à
ces points de vue. La forme qu'il prenait ne m'apparaissait pas essentielle.
Elle pouvait peut-être paraître essentielle à M.
Pépin et à certaines personnes qui étaient dans le
dossier, y compris des gens d'Air Canada, au ministère
fédéral des Transports, à des gens de Nordair, mais, quant
à nous, comme je l'ai dit, c'était largement une question de
méthode plutôt qu'une question d'objectifs. Nous n'avons pas
dévié de nos objectifs. Nous avons essayé de trouver une
méthode nouvelle, différente qui permettrait d'atteindre
exactement les mêmes objectifs. J'étais aussi assez
réaliste pour savoir que cela ne se ferait pas non plus sans mal,
que
cela nécessiterait des négociations ardues au niveau
technique, une fois les principes admis. Cela me semblait être la seule
façon de le faire à l'époque, mais, si vous m'aviez
demandé mon avis sur la meilleure méthode, il reste que j'aurais
privilégié la méthode initiale approuvée par tout
le monde et proposée avec l'appui de tout le monde au Québec,
c'est-à-dire l'approche dirigée, à toutes fins utiles
d'ailleurs, par la SID puisque c'était la Société
d'investissement Desjardins qui était le leader dans le groupe
d'investisseurs en question. Ce qui démontre très bien qu'il ne
s'agissait donc pas d'une proposition Quebecair au sens strict, mais vraiment
une proposition venant d'investisseurs québécois au premier rang
duquel, comme leader, figurait la Société d'investissement
Desjardins.
Maintenant, comme je l'ai dit, il fallait faire un détour pour
arriver au même résultat; je pense qu'il fallait le faire parce
que les réalités économiques devaient faire que Quebecair
serait la première entreprise sur la ligne de feu lorsque, sur le plan
des difficultés économiques et financières qui affectaient
tout le transport aérien à cette époque, même
Nordair maintenant n'y échappe pas, comme vous le savez... Personne n'y
échappe, Air Canada non plus n'y échappe pas. Le Canadien Pacific
n'y échappe pas. C'est rare les entreprises qui y échappent
actuellement, mais tant mieux pour elles, et elles sont dans des circonstances
bien particulières. Cela ne dépend pas nécessairement de
la mauvaise gestion des entreprises qui n'y arrivent pas, ça
dépend tout simplement des circonstances économiques qui
affectent les réseaux tels qu'ils sont constitués actuellement
dans beaucoup d'entreprises aériennes. Il m'apparaissait évident
que celle qui était le plus vulnérable, c'était Quebecair
et, à court terme, qu'il fallait donc régler le dossier à
tout prix et le plus rapidement possible par une méthode qui
sauvegarderait nos objectifs, mais selon une nouvelle formule.
Je veux insister là-dessus. Il ne faut pas confondre le fond des
choses et les objectifs avec la méthode pour y arriver.
M. Gratton: D'ailleurs, je le reconnais, je n'ai voulu
prêter d'intention ni à M. Douville, ni à vous.
En fait, ce qui s'est passé, comme vous l'avez expliqué
tantôt, c'est que vous avez, à la lumière de la
réalité de l'heure, considéré que l'atteinte de vos
objectifs, que nous partagions, pourrait passer par un "reverse take over"
éventuel qui devait, dans un premier temps, se traduire par un achat de
Quebecair par Nordair. Vous l'avez signifié au ministre Pépin le
6 mars 1981 et je présume que M. Douville, à titre de
président de Nordair, s'est autorisé de tenir pour acquis que
vous étiez de cet avis-là.
D'ailleurs, il disait même plus loin, à la page 15, que la
lettre qu'il a fait parvenir au gouvernement et qui a servi d'ordre du jour
pour la réunion du 16 juillet 1981 lors de la rencontre avec M. Landry
et le ministre actuel des Transports faisait suite à une suggestion de
l'ancien ministre québécois des Transports, M. de Belleval. Ce
n'était sûrement pas parce que vous lui aviez fait la suggestion
vous-même. Je présume que M. Pépin lui avait
expliqué la démarche que vous aviez faite auprès de lui le
6 mars et qu'il en avait conclu qu'il pouvait faire une offre d'achat de
Quebecair par Nordair.
M. de Belleval: Oui, vous avez raison. Je tiens quand même
à souligner, dans mes conversations avec M. Pépin, qu'il
s'agissait de l'établissement d'un certain nombre de principes qui
comprenaient quand même des conditions très précises quant
à la sauvegarde des intérêts québécois dans
le dossier. Il n'a jamais été question, entre M. Pépin et
moi-même, d'un texte concret pour illustrer justement ces principes.
D'ailleurs, c'était normal à l'époque. Il s'agissait
d'abord de s'entendre sur une voie à suivre. Après tout, je pense
que cette proposition ne pouvait pas venir d'autres personnes que de nous,
c'est-à-dire des investisseurs québécois et du
gouvernement québécois, parce qu'elle était justement
inédite à sa face même, dans un premier temps.
C'était un renversement complet de la situation puisque ce
n'était plus le consortium québécois, soi-disant
Quebecair, qui achetait Nordair, mais plutôt Nordair qui achetait
Quebecair. La procédure du "reverse take over" n'avait franchement
jamais été évoquée nulle part. Il n'y avait que
nous qui pouvions l'évoquer. Au-delà de ce principe et de ces
modalités très générales, c'était à
la suite de cela qu'on devait s'asseoir et en discuter, mais je n'ai jamais eu
l'occasion d'en discuter. On ne peut s'autoriser, de ce point de vue, d'une
participation de ma part au-delà de ce que j'ai discuté avec M.
Pépin.
M. Gratton: Non. Quant à cela, je conviendrai avec vous
qu'on n'a même pas l'intention de vous demander si vous avez pris
connaissance de la proposition du 16 juillet 1981 ni même ce que vous en
pensez. Il me semble que votre rôle n'est pas de porter un jugement
là-dessus, mais simplement de bien nous informer. D'ailleurs, nous vous
remercions de le faire.
Une dernière question. C'est un peu délicat parce que je
ne sais pas si cela peut vous amener à violer votre serment d'office.
Vous me le direz, si c'est le cas. Tout au cours de ces discussions, de ces
réunions d'information avec les gens de Quebecair et d'autres personnes,
notamment le ministre des Transports, aviez-vous senti le besoin de faire
rapport au cabinet, de vous faire
mandater d'une façon officielle par le cabinet ou si le dossier
n'était pas suffisamment avancé pour que vous jugiez
nécessaire de saisir le cabinet de la chose?
M. de Belleval: J'avais un mandat général, si on
veut, de la part du gouvernement, mandat qui était d'ailleurs public et
qui représentait un consensus, comme je l'ai dit tout à l'heure,
d'à peu près tous les secteurs d'activité
intéressés dans ce dossier. Quant aux modalités
particulières pour faire débloquer le dossier, pour autant que ce
mandat était respecté dans ses objectifs, j'ai tenu pour acquis
que j'avais la latitude de poursuivre le dossier jusqu'à ce que des
faits nouveaux se présentent. J'ai régulièrement fait
rapport au gouvernement, évidemment, sur l'état du dossier, comme
mes prédécesseurs. Comme vous l'avez remarqué, les dates
sont fort rapprochées du déclenchement des élections. En
fait, quant aux modalités précises pour l'application et la mise
en oeuvre de ces objectifs, je n'avais pas assez de substance pour faire
rapport, disons, et obtenir une autorisation spécifique du gouvernement.
D'ailleurs, il fallait attendre effectivement une proposition du gouvernement
fédéral ou d'Air Canada afin de pouvoir faire un rapport
là-dessus. Du temps où j'ai été ministre, il n'y en
a pas eu, car je l'aurais certainement fait à ce moment-là.
D'ailleurs, j'avais évidemment prévenu mes interlocuteurs, quant
à l'acceptation de quelque proposition que ce soit, qu'il faudrait
obtenir l'autorisation du gouvernement au sens strict. On n'avait pas,
évidemment, à cette époque, d'intérêts
financiers directs dans l'entreprise. Mais il est évident pour tout le
monde qu'on avait un intérêt moral, tout à fait
légitime d'ailleurs, et qu'à ce titre le gouvernement du
Québec devait donner son avis. Je n'étais pas non plus sans me
rendre compte que je marchais sur une glace mince parce que la modalité
que je proposais était, finalement, assez originale par rapport à
tout ce qui avait été proposé jusque-là. Mais
j'avais confiance, en particulier, que le dossier s'éclairerait de
lui-même au moment où on aurait une proposition concrète et
où il serait très clair, très explicite, que la
procédure du "reverse take over" était véritablement
à l'avantage des intérêts québécois et, donc,
des objectifs que nous poursuivions tous à ce moment-là. (23 h
30)
M. Gratton: Je vous dirai que, effectivement, l'approche
était originale, mais elle avait le mérite d'être beaucoup
plus réaliste et de coller beaucoup plus à la
réalité; elle avait des possibilités de réussir,
des possibilités beaucoup plus grandes que certaines autres qui ont
été évoquées et qui ont été
malheureusement mises en pratique depuis.
Vous avez précisé tantôt...
M. de Belleval: Je m'excuse. Je voudrais faire une remarque
personnelle, je pense l'avoir faite tantôt. À mon avis, le plus
difficile restait quand même à faire. Pour reprendre l'adage
chinois, si "le premier pas est la moitié de tout", je venais de faire
un premier pas, mais il me restait une autre moitié du voyage à
faire. J'ai été mêlé d'assez près et assez
souvent à des projets semblables de fusion et d'entente entre
actionnaires prépondérants pour savoir que j'aurais à me
payer pas mal de séances de négociations difficiles pour traduire
ces principes dans la réalité. Et rien ne garantissait qu'on
réussirait. J'étais tout à fait conscient que
c'était simplement la moitié du chemin et que l'autre serait pas
mal plus difficile à faire. Qu'on pense à d'autres dossiers dans
lesquels on a été mêlés ou dans lesquels tout homme
d'affaires a été mêlé pour savoir que ce n'est pas
facile non plus de réaliser de pareilles fusions où il y a tant
d'antagonismes, réels ou supposés, antagonismes souvent
exacerbés par des malentendus, etc. Cela suppose un travail d'accoucheur
extrêmement patient et difficile.
M. Gratton: On ne le saura peut-être jamais, M. de
Belleval. Mais chose certaine, si vous aviez été encore là
en juillet 1981 -compte tenu de ce que vous venez de nous dire à propos
de la complexité et de la nécessité de mettre
énormément d'efforts, énormément de compromis
également - je suis convaincu, pour ma part, qu'on n'aurait pas
réglé le problème dans une première et
dernière réunion le 16 juillet en disant tout simplement: "Non,
merci".
Quant à moi, je vous remercie de votre témoignage, M. de
Belleval.
M. de Belleval: Ce "non, merci" me rappelle quelque chose!
M. Gratton: Oui, on s'en est servi ailleurs aussi, avec un peu
plus de succès cette fois-là!
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je veux simplement dire, en
rapport direct avec les propos du député de Gatineau, que, si M.
de Belleval avait occupé le même poste le 16 juillet 1981,
peut-être ne se serait-il pas fait offrir de prendre une décision
pour le lendemain 17 juillet, à midi.
M. Bourbeau: M. le Président. Le Président (M.
Boucher): Oui.
M. Bourbeau: Une seule observation. Le ministre vient de nous
dire qu'on lui a présenté l'offre le 16 juillet et qu'on lui a
donné deux ou trois jours pour décider...
M. Clair: Trente-six heures.
M. Bourbeau: ...trente-six heures, c'est encore mieux! Ce qui
confirme ce que tout le monde pensait, que le gouvernement n'a fait absolument
aucune étude avant d'investir 15 000 000 $ dans Quebecair. On a investi
15 000 000 $ après 36 heures sans que personne n'ait eu le temps de
regarder quoi que ce soit. Et, aujourd'hui, plutôt que 15 000 000 $, on
est rendus à 30 000 000 $, peut-être 40 000 000 $
bientôt.
M. Clair: M. le Président, précision
supplémentaire. Même si l'ultimatum qui a été servi
par Air Canada-Nordair datait du 16 juillet et était échu le
lendemain à midi comme j'ai eu l'occasion de le dire
précédemment - j'avais eu connaissance du dossier avant cette
date-là; à compter du 18 juin, si ma mémoire est
fidèle, date à laquelle j'avais rencontré M. Paul
Gauthier. Je dois ajouter par ailleurs que si M. de Belleval - comme il l'a
indiqué était le deuxième ou le troisième ministre
des Transports du Québec, sinon davantage, à se pencher sur ce
dossier, j'étais le quatrième ou le cinquième, selon le
rang qu'il occupait lui-même. Dans ce sens-là, il s'agissait d'un
dossier qui était relativement bien connu puisque plusieurs autres avant
nous s'étaient penchés sur celui-ci.
Juste quelques mots pour remercier M. de Belleval d'avoir bien voulu se
rendre à l'invitation de la commission et le remercier de son
témoignage.
M. de Belleval: Je remercie la commission de son accueil et des
bons mots - pour reprendre une expression typiquement québécoise
- que vous avez pu avoir à mon endroit. Je dois vous avouer pour ma
part, à titre d'ancien collègue qui connaît bien les
servitudes de votre travail, que vous avez toute ma sympathie et toute mon
amitié, dans ce dossier comme dans d'autres qui actuellement semblent
vous occuper d'une façon assez intensive. Je dois avouer que je ne
regrette pas, d'une certaine façon bien égoïste...
Cependant, un dernier mot pour vous dire aussi que bien que je puisse
comprendre votre intérêt à examiner le passé, il
n'en reste pas moins que ce dossier n'est toujours pas réglé, que
le problème, lui, reste entier. À titre d'ancien responsable du
dossier et de personne qui a à coeur les intérêts du
Québec, je souhaiterais que tout le monde pousse à la roue
ensemble, quels que soient les intérêts politiques de chacun, pour
faire en sorte qu'il se règle le plus rapidement possible. Je pense que
tout le monde est conscient que chaque jour qui passe rend la solution du
dossier de plus en plus difficile. Je vous souhaite bonne chance et je vous
engage à faire en sorte qu'au delà des intérêts
politiques à court terme, tout le monde fasse en sorte que cette
fois-ci, selon le principe qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, on
finisse par prendre une décision.
Le Président (M. Boucher): M. de
Belleval, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie
de votre participation aux travaux de cette commission. J'appelle M. Claude
Poiré, du Syndicat CSN des pilotes Regionair.
M. Poiré, est-ce que vous avez un texte ou...
M. Claude Poiré
M. Poiré (Claude): Non, je n'avais pas les moyens
techniques de produire un document.
Le Président (M. Boucher): Si vous avez un exposé
à faire au début ou si vous préférez que les
questions...
M. Poiré: J'ai été invité à la
demande de quelqu'un et je suis prêt à répondre aux
questions qui sont de ma compétence.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: C'est l'Opposition qui a suggéré
l'invitation de M. Poiré. M. Poiré je pense qu'au départ
vous êtes un pilote d'avion, n'est-ce pas?
M. Poiré: C'est bien cela.
M. Bourbeau: Quel type d'avions pilotez-vous et pour quelle
compagnie?
M. Poiré: Je suis commandant de HS 748 pour Regionair.
M. Bourbeau: Pour la compréhension des gens qui vous
écoutent à la télévision et qui ne sont pas
particulièrement au courant, expliquez-nous donc ce qu'est
Regionair.
M. Poiré: Rapidement, Regionair c'est tout d'abord une
filiale à part entière de Quebecair, qui dessert
présentement l'Est du Québec, c'est-à-dire la
Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et la Basse-Côte-Nord
ainsi que quelques villes nordiques à l'occasion, comme Gagnon, etc.
M. Bourbeau: À quel moment la compagnie Regionair, filiale
de Quebecair, a-
t-elle été formée?
M. Poiré: Regionair est issue de la compagnie les Ailes du
Nord qui était également une filiale à part entière
de Quebecair. Elle a été formée en 1981.
M. Bourbeau: En 1981.
M. Poiré: C'est bien cela.
M. Bourbeau: À ce moment-là...
M. Poiré: C'est les Ailes du Nord qui a changé de
nom.
M. Bourbeau: D'accord. À ce moment-là, on a
transféré à Regionair certains permis qui étaient
autrefois entre les mains d'une autre compagnie qui était... Les permis
que Regionair a eus en 1981 appartenaient aux Ailes du Nord avant ou à
Quebecair?
M. Poiré: Aux Ailes du Nord, oui.
M. Bourbeau: Cette filiale Regionair fait du transport dans les
régions du Québec dont vous parlez avec des avions qui ne sont
pas des avions à réaction, je crois. Pouvez-vous nous dire quel
type d'avion est le HS 748?
M. Poiré: Le HS 748 est un turbopropulsé,
c'est-à-dire un avion à hélices.
M. Bourbeau: Un avion à hélices mû par des
moteurs turbo évidemment.
M. Poiré: Mû par des turbines, c'est bien cela.
M. Bourbeau: Les HS 748, est-ce que Regionair les possède
depuis longtemps?
M. Poiré: Puisque Regionair ne date que de 1981, ce ne
serait peut-être pas exact. Il y aura assez souvent confusion entre
Regionair et les Ailes du Nord. Depuis l'achat d'Air Gaspé, en 1974 ou
1975, par Quebecair, il y avait un HS 748 opéré par les Ailes du
Nord. Il y a eu ensuite l'addition d'un deuxième, au niveau
opération, en février 1980, je crois. Ensuite, il y a eu
l'addition de quatre autres HS 748.
M. Bourbeau: À quel moment les quatre autres ont-ils
été achetés? Est-ce que vous vous en souvenez?
M. Poiré: Les quatre autres ont été
achetés - je ne peux pas être précis sur la transaction
même - à la fin des années quatre-vingt, pour être
mis graduellement en opération.
M. Bourbeau: Fin 1980, début 1981.
M. Poiré: C'est cela.
M. Bourbeau: C'est à ce moment-là qu'on a
amené sur la flotte de Regionair quatre nouveaux avions Hawker Siddeley
748.
M. Poiré: C'est exact.
M. Bourbeau: Ce sont des avions qui contiennent combien de
sièges?
M. Poiré: Présentement, de la façon dont les
avions sont aménagés, on a une possibilité de 20 à
48 sièges, c'est-à-dire qu'il y a une séparation amovible
qui peut être placée à différents endroits pour
permettre plus ou moins de cargo.
M. Bourbeau: II y a quelques mois, les journaux ont
rapporté certains problèmes qui existaient à
l'égard de ces avions, les HS 748. Je pense qu'on devrait dire au
départ que vous êtes le président - cela a
été dit tout à l'heure mais on devrait peut-être le
répéter - du personnel navigant de Regionair...
M. Poiré: C'est exact.
M. Bourbeau: Cela comprend les pilotes.
M. Poiré: Et les agents de bord.
M. Bourbeau: Et les hôtesses de l'air. C'est cela?
M. Poiré: C'est cela.
M. Bourbeau: Les journaux ont fait état de certains
problèmes entre la direction de Quebecair et les pilotes de votre
compagnie. Est-ce que vous pourriez nous rapporter exactement ce qui s'est
passé?
M. Poiré: Si vous pouviez spécifier un peu votre
question, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: Je pense qu'il y a eu...
M. Poiré: Plus précisément, à
l'époque que vous mentionnez, c'est-à-dire en octobre ou
novembre?
M. Bourbeau: Au cours de l'été dernier, des membres
de votre syndicat ont donné une conférence de presse pour parler
de certains problèmes. Cela a été rapporté par les
journaux.
M. Poiré: Oui. À cette époque-là,
à la suite de plusieurs années de rencontres avec les gens de
Quebecair et la direction de Regionair ou des Ailes du Nord, des directives ont
été émises, au début d'octobre - parce qu'on est
sans contrat de travail, il faut le mentionner, depuis maintenant 25
mois, peut-être un peu plus - de respecter les normes de notre
convention de travail, c'est-à-dire les écrits de notre
convention de travail.
Plusieurs frictions sont survenues entre la compagnie et le syndicat,
principalement sur l'interprétation de quelques clauses. Ces frictions
ont été utilisées par la compagnie, après un
certain temps, pour expliquer les retards et les annulations de vols que
Regionair avait sur son réseau.
À la suite de cette période et suivant les
déclarations de M. Pelletier, des relations publiques de Quebecair, le
syndicat a décidé, avec l'appui de ses membres, de
dénoncer l'état des 748 comme étant la principale cause
des délais et des annulations de vols.
M. Bourbeau: M. Poiré, vous parlez des retards et des
annulations de vols sur le réseau de Regionair. Je pense que ce n'est un
secret pour personne, Regionair a la réputation, auprès de sa
clientèle, d'avoir assez souvent des retards ou des annulations de vols.
Le président de Quebecair nous faisait état il y a quelques
jours, du fait que sur le réseau réacté de Quebecair le
pourcentage de ponctualité était très bon, mais que,
parallèlement, sur le réseau de la filiale Regionair,
c'était pas mal moins bon. Je pense que le chiffre de 60% a
été lancé à un moment donné. Je ne saurais
pas affirmer cela avec certitude, mais je pense que c'est le chiffre qui a
été mentionné.
Vous venez de dire que l'état des avions crée un
problème. Dans les régions du Québec desservies par
Regionair - on parle de la Gaspésie, du Bas-du-Fleuve, de la
Basse-Côte-Nord; vous pourriez peut-être nous décrire
quelque peu le réseau de Regionair - est-ce que c'est effectivement
l'état des avions qui cause le problème des retards ou des
annulations ou s'il y a d'autres problèmes?
M. Poiré: C'est majoritairement l'état des avions,
la condition des avions, qui crée les retards et les délais. Il y
a également d'autres causes - je pense que cela vous a été
mentionné également - c'est-à-dire la météo,
qui est un problème opérationnel connu de presque tous dans
l'aviation, et même que les résidents de certains endroits sont
tellement habitués à voyager qu'ils savent qu'il y a des
problèmes de météo quand même assez importants.
Vous mentionniez tout à l'heure que le taux de ponctualité
était de l'ordre de 60%; c'est fort possible. Je n'ai pas les chiffres.
Cependant, je peux vous dire que ce taux de ponctualité serait assez
facilement amélioré par un bon entretien ou un bon programme
d'entretien des appareils qu'on utilise.
M. Bourbeau: Est-ce que vous voulez dire que les appareils que
vous utilisez ne sont pas bien entretenus?
M. Poiré: Ce que je veux dire, c'est qu'il y a, depuis
très longtemps, un manque de pièces et de personnel
qualifié. C'est reconnu par plusieurs. Ce problème engendre
d'autres problèmes. C'est une suite. Le personnel actuel a
commencé, récemment, des cours sur l'entretien de l'appareil que
nous utilisons présentement. Il y en a qu'on utilise depuis 1975, mais
il y a des mécaniciens qui sont en place et qui ont commencé
à suivre des cours, tout récemment, pour entretenir ces
appareils. À ce moment-là, ces gens-là, tout en
étant pleins de bonne volonté, n'avaient peut-être pas les
connaissances techniques exactes pour faire l'entretien des appareils et il
manquait aussi de pièces de rechange.
M. Bourbeau: Est-ce que ce sont les mêmes
mécaniciens qui font l'entretien des avions de Regionair et l'entretien
des avions de Quebecair? On nous a dit, plus tôt dans la soirée,
que Quebecair avait d'excellents mécaniciens. Est-ce que ce sont les
mêmes mécaniciens qui font l'entretien des avions Hawker Siddeley
748 de Regionair?
M. Poiré: Non, ce ne sont pas les mêmes
mécaniciens, quoique depuis le début de février une partie
de l'entretien des avions de Regionair est faite par les mécaniciens de
Quebecair et une partie est faite par les mécaniciens de Regionair.
Je ne voudrais pas que ce soit mal interprété, je ne mets
pas en doute la capacité des mécaniciens de Regionair. Je mets en
doute un certain niveau de connaissances qu'ils ne peuvent acquérir
autrement qu'en suivant des cours. Ces cours ne sont pas disponibles au public
en général. Il faut que ce soit des cours organisés.
M. Bourbeau: M. Poiré, je pense qu'au point où on
en est il va falloir aller un peu plus loin, parce qu'on ne peut pas laisser la
discussion où elle en est rendue. Vous êtes en train de nous dire
que les mécaniciens qui travaillent sur les avions de Regionair n'ont
pas toute la formation requise, qu'il n'y avait pas de cours de formation
disponibles -je cite les mots que vous avez employés -pour les
mécaniciens, que l'entretien laisse à désirer. Pour les
gens qui nous regardent à la télévision qui, à
l'occasion, utilisent les vols de Regionair, est-ce qu'il y a du danger pour
les usagers? N'y aurait-il pas lieu de se poser des questions sur la
fiabilité des appareils?
M. Poiré: II faudrait peut-être faire une
démarcation entre fiabilité et sécurité. Pour ce
qui est de la sécurité, je ne crois pas qu'elle soit mise en jeu
en aucun moment. Il peut arriver des instants précis où il y a
un
problème qui met la sécurité en cause; à ce
moment-là, l'avion est laissé au sol. C'est ce qui cause ou des
annulations ou des délais.
Pour ce qui est de la fiabilité, en termes d'aviation, cela veut
dire suivre un horaire. Vous avez un peu mentionné ce qu'était la
ponctualité tout à l'heure; je ne crois pas que la
fiabilité soit très grande. Mais encore là, je tiens
à mentionner qu'il ne faut pas confondre fiabilité et
sécurité.
M. Bourbeau: Oui, c'est une nuance qui est très subtile.
Quand on prend un avion, on souhaite qu'il soit non pas très
sécuritaire, mais d'une sécurité absolue; personne ne veut
prendre de risque.
M. Poiré: Nous non plus.
M. Bourbeau: Oui, d'accord. L'automne dernier, trois de vos
syndiqués pilotes ont jugé la situation assez critique pour
convoquer la presse et faire des révélations qui ont
été assez percutantes sur l'état des avions. Ces gens,
à ma connaissance, ont été mis à la porte
subséquemment. Est-ce que, d'après vous, ils avaient raison de
faire les déclarations qu'ils ont faites ou si c'était inutile ou
injustifié dans les circonstances?
M. Poiré: Ce que ces gens ont dit, en substance, c'est ce
que je viens de dire ici, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de
fiabilité, mais non pas qu'il n'y avait pas de sécurité.
La sécurité, jusqu'à un certain point, c'est le pilote qui
l'assure. En fait, c'est nous qui savons si l'avion est en état ou pas
de voler; savoir si c'est fiable et si on pense finir notre journée au
point prévu au départ, c'est autre chose. Question
sécurité, si l'envolée n'est pas sécuritaire, on
l'annule tout simplement. Ce n'est pas pour rien qu'il y a un très grand
nombre d'annulations de vols; c'est une des raisons. Il y a également,
comme je l'ai mentionné plus tôt, le facteur de la
météo, les conditions des pistes en hiver, à l'occasion,
à certains endroits où c'est plus difficile que d'autres.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il arrive parfois que des pilotes refusent
de décoller après avoir pris possession de l'avion?
M. Poiré: Bien sûr.
M. Clair: C'est sa responsabilité.
M. Bourbeau: Je ne dis pas que ce n'est pas sa
responsabilité, M. le ministre, je demande si cela arrive effectivement.
Je n'ai jamais pris un avion de Quebecair ou d'Air Canada et, une fois rendu
sur la piste, que le pilote sorte de sa cabine pour dire: Moi, je ne pars pas,
l'avion n'est pas sécuritaire. On ne voit pas cela dans des compagnies
d'aviation ordinaire. Est-ce que cela arrive chez vous?
M. Poiré: Habituellement, on ne le dit pas non plus. Par
contre, s'il y a un problème qui pourrait affecter la
sécurité du vol, habituellement, ce qu'on fait, si les passagers
sont déjà à bord, on revient à l'aire
d'embarquement et on les débarque. S'il y a un autre avion disponible,
on repart; s'il n'y en a pas, on attend qu'il soit réparé, si
c'est possible, si les pièces de rechange sont disponibles.
M. Bourbeau: Pour revenir à la question de l'entretien et
des mécaniciens, vous avez dit tout à l'heure que les
mécaniciens manquent d'expérience ou de compétence. Vous
avez parlé dans ce sens tantôt. En tant que pilote, quand vous
prenez un avion, est-ce que cela ne vous perturbe pas de savoir que les
mécaniciens qui ont fait l'entretien ne sont pas
expérimentés?
M. Poiré: Je dois reprendre vos paroles. Je n'ai pas dit
qu'ils n'avaient pas d'expérience ou de compétence, j'ai dit que
ces gens, dans certains cas, ont quelque expérience sur le HS 748, mais
ils n'ont pas une compétence totale sur la machine, c'est-à-dire
une connaissance suffisamment approfondie des systèmes pour
repérer rapidement les problèmes et les trucs comme cela. Ces
gens sont quand même supervisés par quelques personnes, en nombre
restreint, qui connaissent l'appareil. Autrement, s'il n'y avait personne pour
signer les livres de bord du côté de l'entretien et s'assurer que
l'avion est en état de fonctionnement, il n'y aurait aucune
réparation. C'est simplement quant au nombre de gens; il y en a
très peu qui ont suivi des cours et qui connaissent bien la machine. Les
autres sont des exécutants, peut-être en fonction de bons
principes généraux d'entretien d'avions, mais sans avoir une
connaissance spécifique de l'appareil.
M. Bourbeau: À votre connaissance, est-ce qu'il y a
déjà eu des cas où les pilotes ont refusé de voler
et que la direction a exigé qu'ils volent?
M. Poiré: Ce n'est pas tellement dans les pouvoirs de la
direction d'exiger. Il y a eu certains cas où des pressions ont
été faites, c'est évident.
M. Bourbeau: Des pressions pour voler.
M. Poiré: Pas nécessairement, je peux même
dire que ce n'était peut-être pas avec des passagers mais pour
faire ce qu'on appelle un "fairy flight", un vol pour ramener l'avion à
la base ou dans un lieu où il y aurait les compétences pour
réparer le problème. Il y a eu des pressions de faites
sur certains pilotes effectivement pour piloter des avions sans
passager, mais quand même des avions avec certaines
défectuosités que le pilote jugeait suffisamment graves pour ne
pas...
M. Bourbeau: Qu'est-ce qui se produit dans ce temps-là?
Est-ce que le pilote doit piloter quand même l'avion qu'il juge plus ou
moins dangereux ou s'il peut refuser?
M. Poiré: II refuse, mais il y a peut-être des
pressions indues sur son dos, avec une crainte d'avoir des représailles
ou quelque chose comme cela qui peuvent se répercuter sur d'autres
choses plus tard. Lorsque le pilote est dans son droit de refuser l'avion, il
n'y aura pas officiellement de blâme sur ce point précis parce que
les gens qui feraient des pressions de la sorte seraient rapidement
blâmés et critiqués. Cela peut servir tout simplement dans
les mémoires de certains pour utilisation future.
M. Bourbeau: Pour des promotions futures?
M. Poiré: Cela peut être pour des promotions et cela
peut être à plusieurs niveaux.
M. Bourbeau: Les avions dont on parle toujours, que vous utilisez
dans le réseau de Regionair, dans quel état sont-ils
actuellement? Je ne parle pas de l'état mécanique parce que vous
semblez nous dire qu'ils ne sont pas dans un état fantastique, mais au
point de vue de l'aménagement intérieur. Je crois comprendre
qu'il y a eu des sommes assez importantes de dépensées, je pense
que c'est 400 000 $ par appareil pour leur aménagement intérieur,
alors est-ce qu'ils sont dans un bon état?
M. Poiré: Sans connaître les chiffres, je trouve le
coût élevé si c'est uniquement pour l'aménagement
intérieur.
M. Bourbeau: Ce sont les chiffres que le ministre nous a
donnés en Chambre il y a quelques mois, 400 000 $ par appareil.
M. Poiré: II y a probablement eu d'autres choses, comme
des correctifs mécaniques ou...
M. Clair: J'ai peut-être un élément
d'information pour le député de Laporte. D'abord, je ne me
souviens pas précisément du montant qui a été
investi par Quebecair pour la remise en état des appareils, mais
entendons-nous, il ne s'agissait aucunement d'un simple travail de recouvrement
des sièges de l'appareil, il s'agisait de la canadianisation d'appareils
qui avaient été achetés à l'étranger. Cela
comporte plusieurs opérations, non seulement la remise en état
des sièges de l'appareil. Quant au montant, je ne me souviens pas
précisément du chiffre qui est cité.
M. Bourbeau: Effectivement, le ministre a raison de faire la
nuance. Je me rappelle le chiffre, 400 000 $, je pense que cela couvrait
l'ensemble des coûts de l'aménagement intérieur et de
certains travaux destinés à remettre les avions en état.
Est-ce que l'état intérieur des avions est satisfaisant?
Évidemment, ils doivent être assez neufs, puisqu'ils ont
été reçus au début de 1981, alors ils ont deux ans,
est-ce que c'est satisfaisant, propre et intéressant?
M. Poiré: C'est assez subjectif comme question.
Peut-être que certains les trouvent certainement plus propres que
lorsqu'ils sont arrivés. Certains ont dû être refaits ou
retapés. Après la remise en état initiale, on peut trouver
que c'est satisfaisant quant à l'apparence esthétique. Il reste
plusieurs facteurs qui font que les passagers ne sont pas satisfaits. Exemple:
le chauffage qui est assez déficient. De toute façon, à
l'occasion, il est déficient en vol et il est complètement
inexistant au sol, parce qu'il n'y en a tout simplement pas dans les avions.
(minuit)
Je dis que le chauffage est déficient en vol, à
l'occasion, parce que c'est difficile de maintenir une température
équilibrée dans l'avion et, au sol, ce chauffage est tout
simplement absent, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun chauffage dans ces
avions au sol. Je vous signale en passant qu'ils en utilisent depuis 1975 et
qu'ils viennent de s'apercevoir qu'ils vont installer des systèmes de
chauffage pour l'hiver prochain; il va peut-être faire plus froid.
M. Bourbeau: Je ne comprends pas tellement. Ce sont des avions
qu'ils utilisent... Vous allez dans le Nord avec cela, vous allez
jusqu'à...
M. Poiré: On fait la Basse-Côte-Nord jusqu'à
Blanc-Sablon et on fait Gagnon sur une base assez régulière de ce
temps-ci, je crois, parce que les lignes qu'on utilise peuvent varier d'un
horaire à l'autre, un horaire de printemps, d'hiver ou
d'été. Mais comme de ce temps-ci on fait Gagnon qui est une ville
nordique, la Basse-Côte-Nord qui est quand même assez froide.
M. Bourbeau: Comment cela se passe-t-il exactement? Entre le
moment où les passgers entrent dans l'avion et le moment du
décollage, parfois il se passe quinze, vingt, vingt-cinq minutes et il
n'y a aucun chauffage à bord?
M. Poiré: II n'y a aucun chauffage à bord de
l'appareil. Assez tard dans l'hiver, il y a quelques stations qui sont
équipées d'un chauffage qu'on appelle un Hermann Nelson, qui est
un brûleur avec une soufflerie si on veut et qui peut permettre à
peu près de tempérer la cabine si les conditions de chargement le
permettent. Car, de la façon que la cabine est aménagée,
il y a un espace réservé pour les passagers, plus l'espace pour
le cargo et il y a également du cargo à l'arrière, ce qui
fait que, à l'occasion, les portes étant ouvertes pour permettre
le chargement et le déchargement de l'appareil, il est à peu
près impossible de chauffer à ce moment et c'est très
froid.
M. Bourbeau: C'est très froid, est-ce que...
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, M. le
député de Laporte. Étant donné que nous avons
atteint l'heure de l'ajournement, est-ce qu'il y a consentement chez les
membres pour poursuivre... J'aimerais qu'on m'indique s'il y a consentement
pour poursuivre et jusqu'à quelle heure.
M. Clair: II y aurait consentement de ma part, M. le
Président, mais à la condition qu'on se fixe une limite pour
terminer nos travaux parce que...
M. Bourbeau: Nous, on n'a pas d'objection à poursuivre une
petit peu plus tard...
M. Clair: Mais je veux qu'on s'entende maintenant sur une
heure.
M. Bourbeau: Disons que, à l'égard de M.
Poiré, on a pratiquement terminé. Il reste un invité, je
crois.
Le Président (M. Boucher): II reste le commandant Robert
Dufour.
M. Bourbeau: Nous serions disposés à finir à
minuit et demi si vous voulez.
Le Président (M. Boucher): Cela va.
M. Bourbeau: Le temps va être réparti entre les
deux...
Le Président (M. Boucher): Égal à
égal.
M. Bourbeau: ...formations politiques, égal à
égal.
M. Clair: À la condition que vous terminiez
rapidement.
M. Bourbeau: Oui je comprends bien mais, de toute façon,
on sépare le temps moitié-moitié. Alors si on en prend
plus avec
M. Poiré, on en prendra moins avec le commandant Dufour.
Alors on parlait toujours de chauffage des avions. C'est
intéressant parce qu'on parle d'avions qui fonctionnent dans des
régions assez froides du Québec - la Basse-Côte-Nord et
vous parlez de Gagnon - on parle de villes qui sont situées pas mal au
nord et avec des avions qui n'ont pas de chauffage au sol. L'hiver quand il
fait 20 degrés sous zéro, par exemple, les passagers sont dans
l'avion pendant 20 minutes - je ne sais pas combien de temps - sans aucun
chauffage. Est-ce qu'on se plaint de cela? Est-ce que les passagers se
plaignent de cela?
M. Poiré: Oui, très souvent. On se plaint à
nous, de toute façon.
M. Bourbeau: Ils se plaignent au pilote.
M. Poiré: Plutôt aux agents de bord,
c'est-à-dire à l'hôtesse.
M. Bourbeau: Aux hôtesses. Les gens de Blanc Sablon qui
paient 800 $, semble-t-il, et qui s'en plaignent beaucoup, pour aller de Blanc
Sablon à Montréal est-ce qu'ils ont du chauffage chez eux ou...
Vous dites qu'il y a des endroits où il y a du chauffage, des endroits
où il n'y en a pas.
M. Poiré: Le cas de Blanc Sablon est une activité
un petit peu particulière pour l'instant et on réussit,
dépendamment si le froid est intense ou pas, à tempérer un
peu la cabine.
M. Bourbeau: Les pilotes qui se sont plaints l'été
dernier et qui ont été remerciés de leurs services pour
s'être plaints, est-ce qu'ils se sont plaints de sujets comme
ceux-là, le chauffage ou s'il y avait d'autres...
M. Poiré: On s'est plaint de l'opération à
plusieurs points de vue et, en fait, ce n'était pas uniquement une
plainte en tant que telle parce que cela fait longtemps que nos
doléances sont connues, peut-être pas du public mais des personnes
intéressées. Ces gens ont fait cela, entre autres, en
réponse à certaines interventions de la part de la compagnie,
disant que les délais et les annulations de vol étaient dus
à des pressions du personnel navigant, parce que c'est connu qu'on est
sans contrat de travail depuis très longtemps. Alors, on a tout
simplement voulu rétorquer que les délais et les annulations de
vol sont majoritairement dus à l'état mécanique des
avions. Évidemment, on a parlé des autres
inconvénients.
M. Bourbeau: M. Poiré, j'aurais peut-être dû
vous poser la question au début, exactement, quel est le réseau
de Regionair?
Que couvrez-vous comme régions au Québec?
M. Poiré: Comme je le mentionnais auparavant, cela varie
un peu avec les saisons et la fréquence des vols n'est pas la même
à tous les endroits. On peut dire qu'on couvre majoritairement la
Gaspésie, en partant de Mont-Joli, Bonaventure, Gaspé, les
Îles-de-la-Madeleine et, dans la Basse-Côte-Nord, les endroits qui
sont équipés d'aéroports satisfaisants pour nos avions. On
couvre cinq points principaux sur la Basse-Côte-Nord, à partir de
Sept-Îles. De Gagnon, pour l'horaire présent, on vient à
Québec en fin d'après-midi, en retour des
Îles-de-la-Madeleine. Si on remonte dans le temps, on a fait à peu
près toute la province, sauf Montréal.
M. Bourbeau: Allez-vous en Abitibi parfois?
M. Poiré: On y allait, on n'y va plus.
M. Bourbeau: Si je comprends bien, Regionair dessert les
régions les plus éloignées du Québec: les
Îles-de-la-Madeleine et la Basse-Côte-Nord.
M. Poiré: On dessert ce qu'on peut appeler les
régions les plus éloignées qui sont en même temps
celles qui sont, peut-être, les moins densément peuplées et
qui n'ont pas nécessairement les installations pour recevoir des
appareils plus gros que les nôtres.
M. Bourbeau: La compagnie Regionair, filiale de Quebecair,
existe-t-elle encore aujourd'hui ou est-elle en voie d'être
abandonnée ou dissoute, d'après ce que vous en savez?
M. Poiré: D'après ce que j'en sais, c'est le
résultat de plusieurs années de tractations, etc., mais, à
la fin de mai 1982, on a eu l'annonce par le vice-président
exécutif que Quebecair et Regionair allait être fusionnées.
À savoir si le nom va disparaître ou va demeurer, je crois que ce
n'était pas établi à ce moment-là. Je n'en sais pas
plus.
M. Bourbeau: Donc...
M. Poiré: On est en période de fusion.
M. Bourbeau: En période de fusion avec Quebecair?
M. Poiré: Exactement.
M. Bourbeau: Autrement dit, on a mis sur pied Regionair en 1981.
Enfin, la compagnie a été regroupée en 1981 et elle a
été fondée sous le nom de Regionair.
M. Clair: Pour remplacer les Ailes du Nord.
M. Bourbeau: Pour remplacer les Ailes du Nord, oui.
M. Clair: C'est un changement de nom.
M. Bourbeau: Enfin, la raison sociale Regionair a
été adoptée en 1981 avec un transfert de permis à
Regionair. Maintenant, aujourd'hui, on revient avec les mêmes permis qui
seront transférés à Quebecair et la fin possible de la
compagnie Regionair. Que va-t-il vous arriver à vous, les pilotes de
Regionair, dans la fusion? Avez-vous des négociations à ce sujet?
Vous a-t-on avisés du sort qui sera réservé aux
pilotes?
M. Poiré: Si on veut parler de la fusion, il faut quand
même remonter plus loin. Depuis au moins trois ans que je m'en occupe
assez activement, il y a eu plusieurs rencontres et négociations entre
les pilotes de Quebecair et ceux de Regionair ou les Ailes du Nord, selon
l'époque. Les pilotes de Quebecair ont eu plusieurs problèmes
avec la compagnie et, pour arriver à une solution de ces
problèmes, on s'était entendu au début de 1982 sur une
façon où les deux groupes de pilotes pourraient réussir
à coexister sans se nuire.
À ce moment-là, les pilotes de Quebecair étaient en
négociation pour leur convention collective depuis un certain temps,
probablement de 16 à 18 mois environ. Conjointement avec les pilotes de
Quebecair, on s'est présenté devant un médiateur, parce
que la négociation avec les pilotes de Quebecair était rendue au
stade de la médiation. On s'est présenté devant un
médiateur en janvier 1982 et en février, cela a duré
pendant une certaine période de temps, pour proposer à la
compagnie une sorte de liste d'ancienneté commune qui tenait compte de
l'exploitation d'une base à Sept-Îles et d'une base à
Montréal. La compagnie a, à toutes fins utiles, refusé
d'acquiescer à cette demande ou d'endosser jusqu'à un certain
point l'entente qu'on avait avec les pilotes de Quebecair. Devant les menaces
de grève des pilotes de Quebecair qui avaient comme problème
principal le groupe de Sept-Îles et qui désiraient, avant tout
autre point, régler ce problème à l'intérieur de
leur convention collective, on est arrivé à la fin de mai
où il y a eu la décision de faire une fusion. Est-ce que c'est
cela qui a pu faire pencher la balance en faveur d'une fusion, alors que,
quelques mois avant, une liste d'ancienneté commune était
impossible? Je ne sais pas. Ce sont les faits.
M. Bourbeau: M. Poiré...
M. Poiré: Mais... c'est en cours de
négociations, d'arbitrage, etc.
M. Bourbeau: ...j'aimerais vous remercier pour votre
témoignage, de vous être déplacé. Vous êtes
parti de très loin pour venir nous rencontrer. Je tiens à vous
dire à quel point on estime importants votre témoignage et le
fait que vous soyez venu ici, parce que vous nous avez décrit
l'état du service qui est donné aux régions les plus
éloignées du Québec. Vous avez parlé de la
Basse-Côte-Nord, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine,
régions desservies par Regionair. On se rend compte que le service dans
ces endroits laisse beaucoup à désirer à cause des
problèmes dont vous avez parlé. C'est malheureux, les services
laissent à désirer parce que les équipements que vous
utilisez, les avions, ne sont pas en très bon état. Même
s'ils sont sécuritaires - comme vous dites - ils ne sont pas fiables.
Nous avons évité de vous questionner sur des incidents qui
auraient pu se produire, je pense que ce n'est pas très important.
Ce qui est déplorable, c'est qu'on ait jugé bon
d'investir, au cours des deux dernières années, quelque chose
comme 75 000 000 $ pour l'achat d'appareils neufs, des Boeing 737
destinés à voler prioritairement sur la Barbade et la Floride
-cela a été dit - alors qu'on a chez nous des régions du
Québec qui ont un besoin essentiel de transport aérien. On pense,
par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine; cela prend absolument des avions,
on ne peut pas y aller en camion. On pense à la Basse-Côte-Nord;
il n'y a pas de route pour se rendre là, ces gens ont absolument besoin
d'un transport aérien. Or, que leur offre-t-on? Des avions de second, de
troisième ordre qui fonctionnent la moitié du temps. Vous
êtes obligés d'annuler des vols ou de les retarder parce qu'il y a
des défectuosités mécaniques continuellement, les pilotes
s'en plaignent. Pendant que les régions du Québec les plus
éloignées et les plus démunies sont mal desservies, parce
que l'équipement est inadéquat, on dépense 75 000 000 $
pour des avions neufs pour aller voler sur la Barbade, pour se faire dire par
des experts qu'effectivement on n'avait pas besoin de trois de ces cinq avions,
qu'il y en avait de trop. Avec les trois avions qu'on avait de trop, totalisant
- trois fois 15 000 000 $ -45 000 000 $, on aurait pu acheter et payer comptant
toute une flotte d'avions turbopropulseurs pour desservir adéquatement
la Basse-Côte-Nord et les Îles-de-la-Madeleine. Je pense que c'est
là le drame de Quebecair.
Je suis content que vous soyez venu ici pour nous souligner les
problèmes qui affligent - si je peux dire - les régions du
Québec. Quebecair étant un transporteur régional de par sa
définition, de par sa vocation, on se serait attendu que le gouvernement
du Québec et les actionnaires de Quebecair mettent l'accent sur le
service aux régions. Or, il semble, d'après votre
témoignage - vous êtes un pilote qui voyagez sur le réseau
régional - que le réseau de Regionair ait été
très négligé au cours des dernières années.
Je pense que c'est là tout le drame du dossier de Quebecair.
M. Poiré, je vous remercie beaucoup de votre contribution. Je
sais que cela n'a pas été facile. Vous avez des collègues
qui ont payé cher pour avoir exercé leur liberté de
parole. J'espère que dans votre cas il en sera autrement. De toute
façon, je peux vous assurer que vous pouvez compter sur l'appui de
l'Opposition.
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre. (0 h 15)
M. Clair: M. le Président, je voudrais moi aussi remercier
M. Poiré - j'y reviendrai - et en même temps dénoncer la
démagogie à laquelle vient de se livrer le député
de Laporte car rien, au cours de cette commission parlementaire, n'a permis de
démontrer que les actionnaires de Quebecair actuels ou passés ont
négligé volontairement ou involontairement les régions du
Québec. Je pense qu'au contraire, le témoignage de tous ceux qui
sont venus à la table ici, en face de nous, a démontré que
les efforts que Quebecair a déployés pour essayer de rentabiliser
des opérations dans le sud du Québec ou encore dans les
opérations de vols nolisés visaient justement à
accroître la rentabilité de l'entreprise pour permettre d'offrir
un service amélioré aux régions et de comparer, comme il
l'a fait, les conditions de transport aérien entre Blanc-Sablon et
Sept-Îles, tant en termes de prix qu'en termes de conditions
d'opération, de comparer ça à une opération entre
Montréal et Fort Lauderdale.
M. le Président, je suis convaincu que M. Poiré
lui-même n'a pas le pouvoir de le dire et je ne lui demanderai pas ce
qu'il en pense parce qu'il considérerait que c'est de la pure
démagogie.
M. Bourbeau: ...demandez-lui, il est là...
M. Clair: Opérer des Boeing 737 entre Montréal et
Fort Lauderdale par rapport à des Hawker Siddeley 748 entre
Sept-Îles et Blanc-Sablon, c'est comparer une Cadillac à un cheval
ou un lapin parce que ce sont des conditions tout à fait
différentes.
Dans ce sens-là, quand le député de Laporte essaie
de faire dire à M. Poiré que les avions ne sont pas fiables, moi
je remercie M. Poiré parce que je comprends que ce n'est pas facile pour
lui, dans la
position qu'il occupe présentement, président de son
syndicat qui est en négociation depuis plusieurs mois, depuis plus de 24
mois, si j'ai bien compris, avec sa compagnie. Il a eu le courage de venir dire
purement et simplement la vérité, de venir faire une distinction
comme il l'a fait entre la sécurité d'appareils que le
député a abondamment utilisés à plusieurs reprises
et de dire que les appareils n'étaient peut-être pas si
sécuritaires que ça. M. Poiré est venu dire qu'il y a une
différence à faire entre la sécurité d'avions et la
fiabilité d'un service qu'on peut offrir quand, comme M. Poiré
l'a dit, les mécaniciens à l'occasion manquent de pièces.
Je pense que Quebecair et Regionair n'ont jamais caché que compte tenu
de la faible rentabilité, à l'occasion, il pouvait y avoir du
retard à remplacer certaines pièces parce qu'elles
n'étaient pas disponibles. Entre la sécurité des appareils
et la fiabilité du service, moi en tout cas je remercie beaucoup M.
Poiré d'avoir fait la distinction parce que je reconnais que ce n'est
pas facile pour lui de venir ici.
Je peux l'assurer que je n'ai eu rien à faire dans les
décisions qui ont été prises en ce qui concerne le
congédiement de certaines personnes. Je pense que M. Poiré et le
député de Laporte aussi peuvent faire la différence entre
des gens qui, à l'occasion d'une négociation, considèrent
qu'il peut être avantageux pour eux de dénoncer leur employeur. Il
y a une convention collective qui s'applique à ça, c'est tout
à fait normal.
Dans les circonstances, je pense que M. Poiré a été
très modéré dans ses propos, qu'il a fait une bonne
distinction entre la sécurité des appareils et la
fiabilité du service et que les conditions de confort n'ont rien
à voir avec la question de sécurité en termes de transport
aérien.
Je termine ici parce que je sais qu'on doit entendre d'autres personnes.
Je n'aurai qu'une seule courte question à M. Poiré pour mon
information. Est-ce qu'il est au fait si Eastern Provincial Airways et Austin
Airways, qui opèrent également des Hawker Siddeley 748, en ce qui
concerne le chauffage des appareils pour le confort des passagers, si ces
compagnies offrent le chauffage autre que le chauffage régulier de
l'appareil? Par rapport aux notions qu'il nous mentionnait tantôt, est-il
au courant que ces compagnies offrent ce service de système de chauffage
électrique, si j'ai bien compris, dans les appareils?
M. Poiré: Pour ce qui est de Eastern Provincial Airways,
le climat dans lequel ils opèrent peut peut-être facilement
excuser qu'ils n'en aient pas parce qu'aucun des deux transporteurs que vous
venez de mentionner n'a de chauffage supplémentaire dans ces
appareils.
Pour le cas d'Austin Airways, la façon d'opérer les
regarde, je crois.
M. Clair: Eastern Provincial Airways opère quand
même dans des conditions assez semblables à celles de...
M. Poiré: Je ne crois pas qu'il y ait souvent, dans les
provinces maritimes, des températures de l'ordre de moins 20, moins 30
ou moins 40 à l'occasion.
M. Clair: Est-ce que la compagnie Eastern Provincial Airways ne
dessert pas Churchill, Wabush, Blanc-Sablon?
M. Poiré: Pas en 748.
M. Clair: Ah! c'est vrai! Ils exploitent des Boeing 737
subventionnés par le gouvernement du Canada. Vous avez raison.
M. Poiré: Également.
M. Bourbeau: M. le Président, nous tenons à
remercier M. Poiré.
M. Clair: Sincèrement, M. le Président.
M. Bourbeau: Je voudrais dire au ministre que l'Opposition, dans
les questions qu'elle a posées à M. Poiré, a
été très responsable, contrairement à ce que vous
venez de dire. Il aurait été très facile de commencer par
demander à M. Poiré s'il est vrai que... et là, on aurait
pu citer toute une série d'accidents mécaniques qui mettaient en
cause la sécurité des avions. Nous avons évité de
le faire. On aurait pu parler de roues qui se sont décrochées
à l'atterrissage et d'autres choses comme celle-là ou pires
encore. Je dirai que nous avons évité d'en parler
complètement pour ne pas effrayer la population.
Quand le ministre parle de démagogie, qu'il se renseigne un peu
et il va se rendre compte de ce que sont les problèmes de Regionair et
des pilotes.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Clair: À la suite des derniers propos du
député de Laporte, que la population juge maintenant. À ma
connaissance, les lois et règlements du transport aérien font
qu'il est de la responsabilité du capitaine de décider lorsqu'un
avion est prêt à s'envoler, s'il doit prendre son envol ou pas. Je
pense que M. Poiré a été assez clair dans ce sens, qu'il y
avait eu fréquemment - je pense que c'est le moins qu'on puisse dire de
son point de vue des bris mécaniques et des retards attribuables
à la fiabilité du service mais qu'en aucun temps, en ce qui le
concerne, la sécurité des passagers n'a été mise en
cause. Du moins, c'est ce que j'ai retenu de ses
propos.
M. Bourbeau: Je comprends, M. le ministre, mais quand une roue se
décroche à l'atterrissage le pilote ne peut quand même pas
le savoir avant de partir.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaîtl S'il
vous plaît!
M. Clair: Continuez de colporter tout ce que vous voudrez.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie M. Poiré pour sa participation à la
commission. J'inviterais immédiatement le commandant... À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Berthier, s'il
vous plaît! J'inviterais le commandant Robert Dufour, président du
conseil no 17 de Quebecair, Association canadienne des pilotes de lignes, de
bien vouloir prendre place à la table.
Encore une fois, je dois faire appel aux membres de la commission pour
établir le temps qu'on voudra accorder, étant donné qu'il
ne reste que cinq minutes avant l'ajournement. Est-ce que les membres de la
commission sont d'accord pour prolonger la séance?
M. Clair: Pour quelques minutes, M. le Président.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il serait possible de résumer un
peu le mémoire?
Le Président (M. Boucher): M. le commandant, avez-vous
l'intention de lire le mémoire au complet, puisque tous les membres de
la commission en ont une copie, ou d'en faire plutôt un court
résumé afin que des questions puissent être posées
par la suite?
M. Robert Dufour
M. Dufour (Robert): Si vous me le permettez, avec tout le respect
qui est dû aux membres de la commission, M. le Président, je crois
que les autres personnes qui étaient ici présentes ont eu
l'occasion d'exprimer leur point de vue de long en large. À titre de
professionnels impliqués au premier chef dans ce dossier, je pense que
la commission devrait nous accorder la même possibilité qu'aux
autres représentants.
Le Président (M. Boucher): Allez-y avec la lecture de
votre mémoire, M. le commandant.
M. Dufour: M. le Président, M. le ministre et MM. les
députés, nous remercions les membres de cette commission de
l'invitation qui nous fut faite de venir présenter ce
mémoire.
Le développement et l'avenir de Quebecair, voilà le sujet
à l'étude. Presque tous les autres invités de cette
commission se sont surtout penchés sur le passé de Quebecair.
C'est compréhensible. Il est coloré à souhait. C'est sans
doute pour cela qu'il a été disséqué de fond en
comble. Nous préférerions tourner résolument notre regard
en avant et attaquer le problème vital de l'avenir de Quebecair, des
personnes qui oeuvrent au sein de cette compagnie et ce, sans jamais oublier
les besoins de la population que nous servons.
Pour ce faire, nous devons quand même faire un léger retour
en arrière, plus particulièrement au moment de l'implication du
gouvernement du Québec dans Quebecair, à la suite de l'offre
d'achat que faisait Nordair pour acquérir Quebecair. Le gouvernement du
Québec a décidé à ce moment que cette offre
n'assurait pas suffisamment les intérêts de la collectivité
québécoise. Qu'il ait eu tort ou raison, nous laisserons l'avenir
et la population en décider. C'est là un débat strictement
politique dans lequel nous n'avons pas l'intention de nous lancer.
Nous relevons, cependant, le fait suivant. Les actionnaires de Quebecair
à l'époque, soit principalement M. Hamel et la
Société d'investissement Desjardins, avaient accepté
l'offre de Nordair. Le ministre des Transports fédéral, M.
Pépin, y ayant mis la condition que le gouvernement du Québec et
celui de l'Ontario approuvent l'avis de transaction, cette vente et la fusion
qui devait s'ensuivre, avortèrent lorsque le gouvernement du
Québec refusa son accord. Comme ce refus désavantageait
financièrement les actionnaires de Quebecair, on a donc vu le
gouvernement du Québec leur assurer tout au moins le même revenu
que si la transaction Nordair-Quebecair avait effectivement eu lieu.
En toute équité, le gouvernement ne pouvait qu'assumer la
responsabilité de son refus et se devait d'agir de la sorte envers les
propriétaires. Il nous semble assez évident, en effet, que les
objectifs de développement économique que le gouvernement
s'était fixés dans ce dossier ne pouvaient s'obtenir aux
dépens des propriétaires de Quebecair.
Nous tenons à signaler aux membres de cette commission que si
cette transaction avait eu lieu, les pilotes de Quebecair que nous
représentons ici aujourd'hui se seraient retrouvés
intégrés au sein du groupe des pilotes de Nordair. Dans cette
éventualité, le Code du travail ainsi que notre affiliation au
sein de l'Association canadienne des pilotes de lignes (CALPA) nous auraient
tout au moins assuré: Primo, le même degré de
sécurité d'emploi que celui qui existe chez Nordair; secundo, le
respect fondamental de
notre droit d'ancienneté - chose capitale pour un pilote de ligne
quand on connaît un tant soit peu le système tout particulier
d'avancement et de promotion qui régit sa carrière - tertio, les
conditions de travail et des salaires qui prévalent chez Nordair et qui,
soit dit en passant, sont, à bien des égards, de loin
supérieurs à ceux que nous connaissons chez Quebecair.
Le gouvernement du Québec a clairement établi les
règles du jeu dans ses transactions avec les actionnaires. Nous tenons
à utiliser ce forum pour l'inviter à appliquer ces mêmes
règles dans les transactions qui auront lieu avec les employés de
Quebecair. Qu'on se rassure, nous n'avons pas l'intention de transformer cette
commission en ronde de négociations pour les pilotes de Quebecair. Il
nous semblait cependant important de soulever ce point et de dire, qu'en toute
équité, vous n'avez pas le choix. Les intérêts
immédiats des pilotes, pas plus que les intérêts des
propriétaires de Quebecair, ne peuvent être les seuls
sacrifiés à l'obtention des objectifs macro-économiques
provinciaux, bénéfiques à toute la collectivité
québécoise. Nous sommes prêts, nous désirons faire
notre part, mais les règles du jeu doivent s'appliquer de la même
façon pour tout le monde.
Cela dit, nous aimerions maintenant nous tourner vers l'avenir de
Quebecair et vers la définition plus pragmatique de sa mission comme
transporteur régional. Ce sujet n'a été effleuré
qu'en surface au cours de cette audience. Pourtant, c'est pour nous et pour la
population que nous desservons la partie la plus vitale de ce débat.
Prenons pour acquis qu'il faut au Québec un système de transport
aérien de premier ordre et qu'un tel système est un outil de
développement économique essentiel au bien-être de sa
population.
Techniquement, cela implique d'abord une infrastructure adéquate.
Nous pensons en particulier aux aides à la navigation, aux services de
contrôle aérien, aux installations aéroportuaires. Sans
trop insister, notons simplement qu'à ce chapitre, l'infrastructure au
Québec est singulièrement déficiente, sauf dans la
région de Montréal, où l'on souffre d'un excédent
de capacités aéroportuaires. Les aéroports en
régions éloignées: Basse-Côte-Nord,
Îles-de-la-Madeleine, Nord-Ouest québécois, sont
particulièrement défavorisés. Les pistes sont souvent
plutôt courtes, ce qui impose des limites à la capacité de
charge marchande des avions qui les empruntent. Les aides à la
navigation sont rudimentaires, ce qui impose des limites météo
plus restrictives. L'entretien des pistes, en hiver, est souvent fait avec des
moyens limités, ce qui peut constituer un réel danger pour les
usagers. Le contrôle de la circulation aérienne est sommaire
puisqu'une grande partie du territoire des régions
éloignées se trouve dans l'espace aérien non
contrôlé. La qualité de l'observation
météorologique, sur laquelle nous devons nous baser pour des
décisions capitales relatives à la sécurité des
activités aériennes, laisse parfois à désirer.
N'allons surtout pas jusqu'à dire que les plafonds sont parfois
rapportés de façon fantaisiste et souvent en fonction du
désir de la population de voir atterrir un avion que de la
réalité météorologique et j'en passe...
C'est dans cet environnement que doit travailler Quebecair. Une
conclusion s'impose. On doit apporter d'importantes améliorations.
D'abord parce que si Quebecair doit travailler de façon rentable, il
faut réussir à éliminer l'incertain opérationnel
imposé par la qualité de l'infrastructure. Ensuite, c'est
à ce prix qu'on réussira à donner à la population
un service à la hauteur de ses besoins. En termes très simples,
on ne peut pas faire de la chirurgie plastique avec un canif rouillé en
guise de scalpel. (0 h 30)
Nous venons de toucher à la rentabilité de Quebecair.
C'est un sujet qui a fait la manchette depuis belle lurette.
Dans cette marmite, rentabilité, rationalisation, politique du
transport aérien, relations fédérales-provinciales, tout
bouillonne ensemble à tel point qu'il devient extrêmement
difficile de déterminer à première vue les
ingrédients qui constituent le plat principal et plus difficile encore
d'en reconstituer la recette.
Ne revenons donc pas sur ce qui a déjà été
amplement développé et par les médias et par d'autres que
nous: Les sujets comme la politique du transport aérien et les relations
fédérales-provinciales dans ce dossier. Disons simplement que la
rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada est un besoin
vital. Cette rationalisation a déjà été faite dans
l'Ouest du pays avec un franc succès en fusionnant Pacific Western
Airlines avec Transair pour en faire la Pacific Western qu'on connaît
aujourd'hui. Quand on regarde la carte des dessertes aériennes dans
l'Est du Canada, on ne peut en venir qu'à une conclusion: une telle
rationalisation dans nos régions doit passer par une fusion
Quebecair-Nordair. C'est la solution dictée par une logique
inspirée exclusivement par la rentabilité et l'efficacité
opérationnelle. Cette fusion ne saurait se réaliser dans un
avenir immédiat si nous regardons l'évolution de ce dossier.
Il demeure que nous avons besoin d'une nette amélioration de la
desserte aérienne de nos régions éloignées. Quelles
sont les options?
Primo, laisser disparaître Quebecair et faire en sorte que Nordair
prenne la responsabilité de ce service.
Dans un contexte de libre concurrence, en regardant froidement la fiche
comptable, cette soi-disant solution serait peut-être
envisageable. Il se révèle cependant que la libre
concurrence n'existe pas dans le domaine de l'aviation commerciale au Canada.
C'est un domaine où le gouvernement fédéral tire toutes
les ficelles et nous ne pouvons concevoir la logique qui lui permettrait de
s'adonner à un gaspillage aussi insensé du capital humain de
Quebecair. Le ministre des Transports du Québec a éliminé
cette solution, a priori. Nous sommes heureux de constater qu'elle ne refait
pas surface dans les discussions qui ont lieu avec Air Canada dans le cadre du
dossier Quebecair.
La deuxième option consiste à assurer à Quebecair
les outils pour lui permettre de survivre tout seul. Dans ce but, deux
hypothèses de travail ont été retenues. D'abord, la
restructuration financière et opérationnelle avec la
participation d'Air Canada ou encore la nationalisation.
Ni l'une ni l'autre de ces hypothèses n'assurera à elle
seule la rentabilité de Quebecair à long terme. Notre
réseau est presque entièrement dépendant de deux
activités économiques primaires: l'activité minière
et le développement hydroélectrique. C'est une base
économique trop restreinte pour rentabiliser notre compagnie. De plus,
il nous semble évident que ces deux activités économiques
ne seront pas appelées à connaître de croissance
substantielle dans un avenir rapproché.
Il s'ensuit que Quebecair doit avoir accès à d'autres
marchés centrés sur des activités économiques plus
variées que celles décrites ci-dessus.
Dans cette optique, il serait normal que Quebecair puisse
développer un accès protégé et sur horaire
régulier avec la destination soleil naturelle de notre clientèle
québécoise, la Floride. Il semble naturel que Quebecair puisse
étendre son réseau au-delà de la frontière
américaine en reliant des centres importants tels Boston, New York,
Washington, Détroit avec son réseau intracanadien. Les revenus
engendrés par ces activités potentiellement plus profitables que
la desserte des régions éloignées pourraient permettre
à Quebecair d'engendrer suffisamment de fonds pour lui permettre
d'exploiter les services aériens aux régions
éloignées à déficit au besoin tout en assurant la
viabilité économique de la compagnie. Conjointement avec une
telle implantation qui, à cause du besoin d'en arriver à une
entente bilatérale Canada-États-Unis, peut prendre plusieurs
années, il importe de développer au maximum, dans un premier
temps, la clientèle sur le territoire actuel. Pour le faire
efficacement, la structure même de Quebecair doit subir des changements.
Le premier est en voie de réalisation. Il s'agit de
l'intégration, au sein de Quebecair, de sa filiale Regionair.
Idéalement, le deuxième serait de se diriger autant que faire se
peut, vers une uniformisation totale de la flotte et de se porter
acquéreur d'un type d'appareil qui pourrait desservir aussi bien
Blanc-Sablon, Mingan, Sept-Îles, que Montréal-Toronto ou
Montréal-Fort Lauderdale, de façon efficace et rentable, ce qui
implique le choix d'un réacté.
Il y a quelques années à peine, il semblait utopique
d'espérer trouver un appareil réacté capable d'effectuer
des missions aussi variées. Il n'en est plus de même aujourd'hui,
cet appareil existe bel et bien.
De peur d'être accusés de prôner une fuite
effrénée en avant, nous nous bornerons à ces quelques
considérations et nous dirons tout de suite que si elle nous
paraît réalisable et désirable, cette restructuration de la
flotte et du réseau doit résister à l'analyse comptable
qui sera faite.
Résumer en ces quelques mots le dossier Quebecair, tenter de
définir précisément en deux jours d'auditions les
détails de l'avenir de Quebecair, voilà une gageure presque
impossible à tenir, surtout que ce dossier a été empreint
d'un sensationnalisme du plus mauvais goût, avec le résultat que
les vraies solutions qui pouvaient émerger dans une atmosphère
sereine ont du donner leur place à une analyse superficielle plus
encline à augmenter le tirage des journaux qu'à informer
impartialement le public sur le fond du problème.
Qu'on se rappelle simplement les sorties de certains journalistes sur
l'accent aigu manquant, les allusions au Tricofil du ciel, et j'en passe. Nous
relevons simplement ces incidents de parcours parce que nous croyons qu'il faut
dire à la population du Québec qu'en ces temps-là,
à notre humble avis, ce n'était pas Quebecair qui volait bas et
que ces ragots ont profondément touché tous les employés
de Quebecair dans ce qu'ils ont sans doute de plus cher, leur fierté
professionnelle.
Aujourd'hui nous osons espérer que cette commission saura
s'élever bien au-dessus d'un tel niveau et que de vos
délibérations émergera un consensus non partisan qui sera
le premier jalon du développement de cet outil économique
essentiel au développement de toutes les régions de la province,
qu'est Quebecair.
La mission de Quebecair définie par vous, devra ensuite
être mise en application. Nous vous invitons à utiliser au maximum
les compétences qu'on retrouve au sein de notre groupe non seulement
dans le domaine du pilotage mais également dans le processus
d'étude et dans le processus décisionnel.
Les pilotes de Quebecair, comme d'ailleurs ceux de toute autre ligne
aérienne, ont le plus grand intérêt à voir leur
compagnie établie sur des bases solides et
fonctionner de façon efficace et rentable.
Un mouvement sérieux dans le sens d'une concertation
véritable s'est dessiné au sein de la direction de Quebecair
depuis quelque temps et nous croyons qu'il a été salutaire. Ce
mouvement doit absolument s'accentuer, c'est un gage essentiel au succès
de l'exercice que nous allons entreprendre ensemble.
En conclusion, M. le Président, nous tenons à
réitérer nos remerciements pour l'occasion qui nous fut
donnée d'exprimer ici notre point de vue et à inviter tous nos
représentants élus à s'élever au-dessus de
considérations partisanes pour résoudre définitivement ce
dossier, non seulement en gardant nos ailes mais en s'assurant qu'elles
pourront se tailler la place qu'elles méritent dans le ciel
canadien.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, commandant
Dufour. M. le ministre.
M. Clair: Oui, merci, M. le Président. D'abord quelques
mots pour remercier M. Dufour d'être venu nous communiquer son point de
vue sur l'évolution et l'avenir de Quebecair.
Une chose qui contraste beaucoup, M. Dufour, concernant ce que nous
avons entendu au cours de cette commission, par rapport à d'autres
intervenants que vous avez eu vous-même, je crois, l'occasion d'entendre,
c'est toute la question des infrastructures et des facilités
d'opération pour le réseau Quebecair.
On a eu l'occasion, je pense que vous étiez là, d'entendre
par exemple, M. Douville, président directeur général de
Nordair, qui nous disait que, quant à lui, Nordair opérait
également dans des conditions très difficiles et que cela
n'était pas seulement le lot de Quebecair mais le lot de tous les
transporteurs régionaux et en tout cas de Nordair en particulier qui
devait, par exemple, atterrir avec des Boeing 737 sur des pistes
gravelées dans le Grand Nord canadien, sur la terre de Baffin et
à Resolute également. Est-ce que vous partagez ce point de vue ou
si, après analyse, vous en êtes venu à la conclusion que
Quebecair était l'entreprise de transport aérien régional
au Canada qui fonctionnait, en termes d'infrastructures, d'équipements
au sol et d'aide à la navigation, dans les conditions les plus
difficiles?
M. Dufour: Effectivement, M. le ministre, on peut définir
la météo dans le golfe du Saint-Laurent en très peu de
mots. C'est la poubelle météorologique de l'Amérique du
Nord.
M. Clair: La plus...
M. Dufour: C'est la poubelle météorologique de
l'Amérique du Nord. C'est là que se ramassent tous les
systèmes de basse pression, ce qui nous cause des problèmes.
M. Clair: En termes comparatifs, par rapport à d'autres
transporteurs?
M. Dufour: Dans le Grand-Nord, j'ai eu l'occasion de travailler
pour Nordair. Il y a toujours un avantage à travailler sur un
réseau un peu plus élargi. Parfois les aéroports de
dégagement sont loin, en considérant le besoin d'amener le plus
rapidement nos passagers d'un endroit à un autre et de ne pas trop les
déplacer en dehors de notre réseau régulier. Pour Nordair,
il est plus facile, je crois, de trouver des aéroports de
dégagement qui sortent d'un système météorologique
désavantageux. Quand nous allons à Sept-Îles, par exemple,
avec départ de Montréal, et qu'il y a une zone de basse pression
au-dessus du golfe Saint-Laurent qui ferme l'aéroport de
Sept-Îles, bien souvent, il arrive que ce soit fermé
jusqu'à Toronto, mais on préférerait essayer d'amener nos
passagers à un autre de nos points plus près au lieu de faire un
vol de diversion de Moncton ou au-dessus d'Halifax. Alors, nous n'avons pas
tellement de choix opérationnel et nous devons fonctionner d'une
façon -pour utiliser un terme anglais - très "tight", très
serrée.
M. Clair: À la page 9 de votre présentation, vous
indiquez qu'il serait avantageux de faire un choix de réactés qui
pourraient desservir aussi bien Blanc-Sablon-Mingan-Sept-Îles que
Montréal-Toronto ou Montréal-Fort Lauderdale, de façon
efficace et rentable. À première vue, cela surprend d'envisager
cette possibilité. Aviez-vous en tête un scénario plus
précis ou si c'est simplement ce qui vous apparaît
souhaitable?
M. Dufour: Non, cela me semble, à mon avis, non seulement
souhaitable, mais entièrement possible. D'abord, c'est souhaitable au
premier chapitre. Vous avez parlé, à cette commission
parlementaire, à plusieurs occasions, de la formation des pilotes. Or,
c'est un facteur qui coûte assez cher à une compagnie et, si on
réussit à fonctionner avec un seul type d'appareil ou avec deux
types au lieu de trois ou quatre types d'appareil différents, on peut
effectuer des économies assez substantielles à ce chapitre.
Deuxièmement, cela s'inscrit naturellement dans un
scénario qui demanderait, dans les zones à faible densité
de population, un transport de fret aérien dans une version mixte et une
amélioration aux infrastructures, bien que cette
amélioration ne serait peut-être pas aussi substantielle
qu'on pourrait le présupposer quand on pense à des 737 et
à ce genre d'appareil. Il y a des appareils qui sont adaptés
à ce genre de mission, qui peuvent atterrir et décoller sur des
pistes plus ou moins préparées et qui ont été
étudiés pour des territoires qui sont exploitables maintenant,
avec des turbopropulsés de type HS 748. Ces appareils existent
actuellement.
M. Clair: Le type d'appareil auquel vous faisiez allusion,
c'était des Boeing 737.
M. Dufour: Non, ce n'était pas des Boeing 737. Cela peut
vous surprendre un peu. Les Boeing 737 pourraient le faire, mais - c'est une
opinion strictement personnelle -je les trouve un peu gros et ils demandent une
infrastructure de chargement et de déchargement des appareils assez
volumineuse et coûteuse. Je penserais plutôt que les appareils qui
conviendraient seraient du type F 28, qui sont des réactés, mais
plus petits. Un autre choix qu'on pourrait peut-être considérer,
ce serait le BAE 146, qui est un appareil réacté qui transporte
environ 80 passagers et qui, dans sa version mixte, peut transporter
l'équivalent du poids de 80 passagers.
M. Clair: Je vous remercie. C'est parce que j'avais cru
comprendre qu'il s'agissait de Boeing 737. Vous aviez mentionné le
chiffre 737 et j'avais cru qu'il s'agissait de cela. (0 h 45)
Par ailleurs, vous proposez de développer un accès
protégé et sur horaire régulier, destination soleil, vers
la Floride. Un reproche qui a été fait à Quebecair a
été d'avoir développé préférablement,
disent certains, des services de vols nolisés vers la Floride
plutôt que de s'occuper prioritairement de son réseau. Est-ce
qu'on ne pourrait pas vous reprocher, sur cette question, d'être
justement, vous autres aussi, les pilotes, plus intéressés
à voler dans des Boeing 737 vers le sud des États-Unis que
d'offrir un service aérien régional dans des conditions plus
difficiles?
Dans le fond, ma question se résumerait comme suit: Est-ce que ce
ne serait pas purement et simplement un rêve que vous partagez de penser
rentabiliser les vols nolisés vers le Sud, sans avoir de garantie que ce
soit viable?
M. Dufour: J'ai parlé d'opération
protégée; dans mon esprit, c'était une opération
cédulée, sur cédule classe 1, ce qui, à mon avis,
permet d'abord une rentabilité accrue sur ce que pourrait être une
opération de nolisement. Est-ce un rêve? Je suppose que nous avons
tous nos rêves. Non. Je crois fermement que nous ne pouvons pas
simplement donner un service de première classe sur un territoire que
vous avez décrit comme étant étriqué et restreint
si nous n'avons pas accès à des marchés basés sur
autre chose que ces deux activités économiques principales:
l'activité minière et l'activité
hydroélectrique.
Le marché vers Fort Lauderdale nous donnerait un accès au
marché touristique d'une façon régulière. C'est un
marché touristique traditionnel de notre clientèle. On peut alors
espérer y trouver faveur dans un avenir assez rapproché, enfin,
rapproché, selon encore les accords bilatéraux qui peuvent se
faire, ce qui est quand même aléatoire dans ce sens.
M. Clair: Savez-vous si l'entreprise pour laquelle vous
travaillez a déjà fait des démarches dans le sens
d'obtenir des vols de classe I vers Fort Lauderdale?
M. Dufour: Je ne suis pas certain, mais je crois effectivement
que oui.
M. Clair: Une dernière question. Vous signalez, à
la page 3 de votre mémoire, que si la transaction avait eu lieu, soit la
fusion Quebecair-Nordair, les pilotes de Quebecair, que vous représentez
ici aujourd'hui, se seraient trouvés intégrés au sein du
groupe de pilotes de Nordair. Dans cette éventualité, le Code du
travail et l'affiliation au sein de la CALPA vous auraient assurés le
même degré de sécurité d'emploi, le respect de
l'ancienneté, les conditions de travail et les salaires qui
prévalaient chez Nordair.
Ma question est la suivante: Est-ce que cette affirmation est
basée sur un scénario de fusion précise ou si
c'était applicable dans le cas d'un scénario de demi-fusion,
comme M. Lizotte en parlait plus tôt ce matin?
M. Dufour: Je peux vous dire que pour nous, les pilotes - c'est
une question de politique de notre association, je suppose - il n'existe pas
une telle chose qu'une demi-fusion et il n'existe pas une telle chose qu'une
filiale indépendante. Quand les décisions opérationnelles
et financières qui affectent un groupe de pilotes sont prises
essentiellement par un employeur unique, nous considérons qu'il doit y
avoir une intégration de liste d'ancienneté et une convention de
travail unique. C'est dans ce sens-là. Pour répondre plus
précisément à votre question, ceci serait plus facilement
accessible dans une fusion complète et totale, déclarée de
plein gré par les propriétaires se fusionnant, mais cela
n'empêcherait pas que dans le cas d'une demi-fusion de notre association,
cette intégration des deux listes d'ancienneté se serait
réalisée éventuellement.
M. Clair: Est-ce que, selon ces mêmes principes,
l'intégration des pilotes de Nordair aurait dû se faire
après la prise de contrôle de Nordair par Air Canada?
M. Dufour: Effectivement. Dans le moment, il y a des
négociations qui sont en cours entre les deux groupes de pilotes pour
déterminer le positionnement exact des pilotes de Nordair sur la liste
d'ancienneté des pilotes d'Air Canada.
M. Clair: Si je comprends bien, Nordair a été
acquise par Air Canada au début de 1978; cela fait cinq ans que cette
question se négocie.
M. Dufour: Elle a été laissée en suspens
tant et aussi longtemps que le ministre des Transports fédéral
déclarait que Nordair retournerait à l'entreprise privée.
Les discussions plus précises sur le positionnement n'ont
réellement commencé que lorsque le ministre des Transports
fédéral a fait la déclaration disant que Nordair ne
retournerait plus à l'entreprise privée et resterait sous le
contrôle d'Air Canada.
M. Clair: Maintenant, compte tenu que la proposition de juillet
1981 prévoyait qu'éventuellement Quebecair et Nordair,
fusionnées à demi ou aux trois quarts, selon l'hypothèse
de M. Lizotte, auraient été retournées à des
intérêts privés, est-ce qu'il est logique, à votre
point de vue, de conclure que l'objection aurait été la
même, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas intégration des listes
avec celles d'Air Canada?
M. Dufour: Oui, effectivement, c'était la position des
pilotes d'Air Canada qui avaient d'abord une entente contractuelle avec leur
compagnie quant à l'obligation d'intégrer les listes lorsqu'il
serait décidé que Nordair resterait avec Air Canada, mais si cela
s'avérait ne pas être le cas, l'intégration entre les deux
n'aurait pas eu lieu.
M. Clair: Maintenant, j'ai une dernière question sur ce
point: dans une hypothèse de demi-fusion, c'est-à-dire le
maintien, comme l'expliquait M. Lizotte, d'une entité Quebecair comme
filiale d'une compagnie de gestion, Air Central ou une autre entreprise, est-ce
que, dans ces circonstances, les pilotes de Quebecair avaient quelque garantie
que ce soit que les listes seraient intégrées?
M. Dufour: Des garanties qui leur auraient été
servies par les propriétaires?
M. Clair: Oui, de Nordair.
M. Dufour: Non. La seule garantie qu'il y avait, c'était
la politique existante de l'Association canadienne des pilotes de ligne.
M. Clair: Alors, quand je lis votre intervention dans laquelle
vous affirmez que les pilotes de Quebecair que vous représentez se
seraient trouvés intégrés au sein du groupe de pilotes de
Nordair et que vous auriez obtenu le même degré de
sécurité d'emploi, de respect fondamental de leur droit
d'ancienneté, de conditions de travail et de salaire qui
prévalent chez Nordair, est-ce qu'au fond, M. Dufour, toutes ces
questions étaient réglées en juillet 1981 ou si elles
étaient toujours en suspens?
M. Dufour: Nous et les pilotes de Nordair sommes dans la
même...
M. Clair: Oui, j'ai compris cela.
M. Dufour: ...association et la politique devait s'appliquer. Les
détails de cette intégration n'étaient pas
réglés, nous n'en avions même pas discuté, sauf pour
savoir qu'effectivement la politique de notre association s'appliquerait
immédiatement.
M. Clair: À votre connaissance, est-ce que les pilotes
d'Air Canada appartiennent au même syndicat que ceux de Nordair?
M. Dufour: Oui.
M. Clair: Et c'est les mêmes que chez Quebecair? Alors, ma
question est simplement la suivante: puisque l'intégration des pilotes
de Nordair ne s'est pas faite avec ceux d'Air Canada, de 1978 à 1983,
sous prétexte d'une revente éventuelle à des
intérêts privés, est-ce qu'en ce qui vous concerne, vous et
vos autres collègues pilotes de chez Quebecair, vous n'auriez pas fait
face aux mêmes positions en ce qui concerne l'intégration des
pilotes de Quebecair chez Nordair vers Air Canada?
M. Dufour: On peut faire des hypothèses à n'en plus
finir dans ce dossier. Notre opinion est que nous ne croyons pas, nous croyons
au contraire que l'intégration se serait faite assez rapidement parce
qu'il n'était pas question, dans le cas de la vente de Quebecair
à Nordair ou vice versa, de voir ces deux compagnies se reséparer
après. C'est ce fait qui avait retardé l'application de l'entente
contractuelle qui avait eu lieu entre les pilotes d'Air Canada et leur
compagnie au sujet de l'intégration de Nordair. C'était la
possibilité de voir encore, au bout d'un nombre d'années ou d'un
certain temps, ces deux compagnies se séparer de nouveau.
M. Clair: À votre connaissance, est-ce qu'il était
question de fusionner réellement
Quebecair et Nordair? Est-ce que, comme M. Lizotte l'a expliqué
plus tôt aujourd'hui, il n'était pas plutôt question de
maintenir deux entités séparées: Quebecair et Nordair?
M. Dufour: Notre politique est la suivante: du moment que les
décisions opérationnelles et financières sont prises par
le même groupe, le même propriétaire, il doit y avoir
intégration de la liste d'ancienneté. Qu'effectivement, il y ait
une divergence quant à l'identité corporative, cela n'a pas
d'importance en soi, c'est au niveau de la décision
opérationnelle et financière. S'il y a une possibilité
pour un propriétaire, à toutes fins utiles, unique de
décider qu'aujourd'hui il donne telle partie du travail a telle
compagnie et, demain, il donnera telle autre partie du travail à cette
autre compagnie, faisant cet échange un peu au mélange d'un jeu
de cartes, comme il le veut, selon les besoins du marché, à
partir de ce moment, notre association insiste pour que la liste
d'ancienneté et les contrats soient intégrés.
M. Clair: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. Dufour, pour
l'intérêt des membres de la commission et du journal des
Débats, pourriez-vous identifier ceux qui vous accompagnent?
M. Dufour: Je m'excuse. Je vous présente, à ma
droite, le premier officier Jacques Moreau et, à ma gauche, le premier
officier Robert Tremblay qui sont deux membres de l'exécutif du conseil
exécutif no 17, c'est-à-dire des pilotes de Quebecair de...
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Bonjour M. Dufour et messieurs les pilotes de
Quebecair. Permettez-moi d'abord de vous saluer et de reconnaître en vous
ceux qu'un de nos invités précédents, M. Robert Obadia,
reconnaissait comme étant parmi les meilleurs pilotes au Canada, les
pilotes de Quebecair. Je ne sais pas si vous étiez ici quand cette
affirmation a été faite?
M. Dufour: Oui, nous étions ici, M. le
député, et je dois vous avouer que notre humilité en a
pris pour son rhume.
M. Bourbeau: Pendant que les fleurs passent, profitez-en, cela
n'arrive pas toujours, évidemment. Si je comprends bien, M. Dufour, en
juillet 1981, quand une offre a été faite d'acheter les actions
de Quebecair par Nordair, votre groupe ne ressentait pas trop de
problèmes face à une fusion éventuelle avec le groupe des
pilotes de Nordair en ce qui concernait votre sécurité d'emploi
et les conditions de travail. Vous ne sembliez pas traumatisés par
l'éventualité d'avoir à travailler avec ces gens.
M. Dufour: Traumatisés d'avoir à travailler avec
eux, non. Plusieurs de nos pilotes, dont moi-même, ont déjà
travaillé pour Nordair. Je l'ai fait au début de ma
carrière, je suis venu après à Quebecair. Les seuls
problèmes que nous pouvions entrevoir étaient les
problèmes peut-être précis de positionnement sur la liste
d'ancienneté. Nous constatons quand même qu'à ce moment,
dans les déclarations publiques faites par les politiciens, plus
particulièrement par le ministre fédéral des Transports,
il avait été très fortement mis de l'avant qu'une fusion
Quebecair-Nordair ou une rationalisation du transport aérien - pour
citer les termes du ministre des Transports - ne se ferait pas sur le dos des
employés de Nordair. Nous devons constater avec regret qu'à ce
moment, le ministre des Transports fédéral n'avait pas cru bon
d'émettre ces mêmes restrictions quant au sort des employés
de Quebecair. Mais, au sein de notre propre association, nous croyons quand
même avoir des outils assez sérieux pour nous permettre de
protéger nos intérêts dans ce genre de fusion.
M. Bourbeau: Dans votre document, vous dites que le Code du
travail ainsi que votre affiliation à la CALPA prévoyaient et
prévoient une procédure d'intégration dans la liste
d'ancienneté qui vous aurait assurés d'un degré de
sécurité d'emploi identique à celui des pilotes de
Nordair.
M. Dufour: Le seul problème que nous aurions...
M. Bourbeau: Respect de vos droits d'ancienneté - je
termine - et des conditions de travail équivalentes. Vous mentionniez
que leurs salaires sont légèrement supérieurs aux
vôtres.
M. Dufour: Effectivement. La méthode qui aurait pu nous
causer des problèmes dans cette transaction aurait été si
Nordair avait fait l'acquisition des actifs de Quebecair, tout simplement, et
non pas de la compagnie Quebecair. À ce moment là, nous aurions
probablement eu des problèmes dans ce cas-là. Mais nous
n'étions pas certain, que ce n'était pas le cas. Nous avons eu
pendant fort longtemps des restrictions assez sérieuses
là-dessus, mais dans les quelques derniers jours, nous avons eu des
discussions, notamment, une discussion avec M. Bernier de la SID, qui nous
avait assurés en particulier que ce scénario, et c'était
d'ailleurs écrit dans la commission, ce n'était pas le
scénario qui était contemplé.
M. Bourbeau: Dans le document que vous nous avez remis, vous
faites état de la possibilité d'augmenter la rentabilité
de Quebecair en faisant une sorte d'expansion hors du territoire de base de
Quebecair. Vous parlez d'avoir un service avec accès
protégé. Je pense que c'est un service régulier, un
horaire régulier à destination de la Floride ainsi que vers
d'autres centres, comme Boston, New York, Washington, Détroit, etc. En
écrivant cela, votre groupe a-t-il fait des études de
rentabilité pour le démontrer? Vous affirmez que les revenus de
ces services, qui sont potentiellement plus profitables que la desserte des
régions éloignées du réseau de Quebecair,
pourraient permettre à Quebecair d'engendrer des fonds pour vous
permettre de fonctionner moins rentablement ailleurs. Avez-vous des
études qui ont été faites? Je pose la question parce qu'il
y a des témoins avant vous qui ont affirmé le contraire, à
savoir que l'expansion hors réseau serait plutôt
déficitaire que rentable.
M. Dufour: Pour répondre à votre question, non. Je
n'ai pas eu les outils pour faire des études spécifiques de
marché sur ces points. Le point de vue exprimé se base tout
simplement sur quelque chose qui est assez facilement vérifiable: la
densité démographique, qui est appelée à desservir
le bassin de population, dont on parle là-dedans, serait d'environ 50
000 000 à 60 000 000 de personnes dans ces villes. Quand on pense aux
populations que nous desservons au Québec, 30 000 à 50 000
personnes dans la ville de Sept-Îles, par exemple, on peut déduire
assez facilement que les avions qui volent entre Montréal et New York,
ont plus de chance de voler à pleine charge que lorsqu'ils volent entre
Montréal et Sept-Îles. Du moins, si on fait trois voyages par
jour, on a plus de chance d'avoir trois voyages pleins, que si on fait trois
voyages par jour entre Montréal et Sept-Îles.
M. Bourbeau: Je comprends, mais il faut dire d'abord que
lorsqu'on parle des villes des États-Unis, comme celles que vous
mentionnez, on parle de villes qui sont déjà fortement desservies
par un très grand nombre de compagnies aériennes
américaines. D'autre part, c'est dans un climat de total
déréglementation aux États-Unis. Autrement dit,
contrairement au Canada où la Commission canadienne des transports
protège les transporteurs...
M. Dufour: C'est exact.
M. Bourbeau: ...leurs réseaux, leurs tarifs, aux
États-Unis, c'est la jungle complète; il n'y a aucune
réglementation. Chacun peut charger ce qu'il veut, chacun peut aller
où il veut. À ce moment-là, les observateurs et les
experts le disent que ce sont les plus faibles qui en souffrent le plus. Quand
vous nous dites que vous pensez qu'on pourrait voler vers ces régions,
il faut aussi dire que le trafic entre le Canada et ces villes n'est pas le
même que le trafic entre ces villes seulement. Vous ne pourriez pas faire
un trafic entre New York et Boston...
M. Dufour: C'est exact.
M. Bourbeau: ...New York et Détroit. Il faudrait que ce
soit entre une ville du Québec...
M. Dufour: C'est cela.
M. Bourbeau: ...et ces villes. Je me pose de sérieuses
questions, non pas sur le marketing, mais sur la rentabilité, sur le
coût profit de ces vols.
M. Dufour: Les vols transfrontaliers ne sont pas
complètement déréglementés. Remarquez que le tarif
des vols transfrontaliers est protégé par la Commission
canadienne des transports. Nous ne fonctionnerions pas complètement dans
cette jungle américaine qu'on connaît. On aurait un degré
de protection. Mais c'est vrai, comme je l'ai dit plus loin dans le
mémoire, que les suggestions que nous faisons doivent naturellement
résister à l'analyse comptable et à l'analyse des
marchés qui devront être faites par des personnes qui sont plus
compétentes que nous dans ce domaine.
M. Bourbeau: Ce que je retiens de votre suggestion, c'est que
vous aimeriez bien voler le plus possible et que Quebecair ait des vols
réactés le plus loin possible, de façon à permettre
à la compagnie et aux pilotes d'être employés. Mais vous ne
pouvez pas prouver que ces vols seraient rentables pour la
société, enfin, pas pour l'instant.
M. Dufour: Seul l'avenir le dira.
M. Bourbeau: D'accord. Étant donné que nous avons
convenu de limiter au minimum le temps, il est déjà 1 h 05 du
matin, il me reste à vous remercier de votre contribution et vous
féliciter encore pour la cote que vous avez auprès des experts
qui sont venus ici et à vous souhaiter de pouvoir continuer à
voler en toute sécurité comme vous le faites, semble-t-il, pour
le plus grand profit des Québécois et de ceux qui utilisent les
services de Quebecair. Merci.
Le Président (M. Boucher): Alors...
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le
ministre.
M. Clair: Seulement quelques mots, parce qu'il ne me reste plus
beaucoup de voix. Je voudrais joindre ma voix à celle du
député de Laporte et remercier M. Dufour et les gens qui
l'accompagnent d'être venus en commission parlementaire nous donner le
point de vue des pilotes de Quebecair en ce qui concerne l'évolution et
l'avenir de Quebecair. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la
commission, commandant Dufour et ceux qui vous accompagnent, merci pour votre
participation.
M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que la commission est
prête à ajourner ses travaux sine die? La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 1 h 07)