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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des transports est réunie pour l'étude
de l'évolution et de l'avenir de Quebecair.
Les membres de la commission sont: MM. Bissonnet (Jeanne-Mance), Blouin
(Rousseau), Bourbeau (Laporte), Clair (Drummond), Desbiens (Dubuc), Lachance
(Bellechasse), Léger (Lafontaine), Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Gratton (Gatineau) qui remplace Mathieu
(Beauce-Sud), Rodrigue (Vimont), Johnson (Vaudreuil-Soulanges) qui remplace
Vallières (Richmond).
Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Bisaillon (Sainte-Marie),
Brouillet (Chauveau), Polak (Sainte-Anne) remplace Caron (Verdun), Maciocia
(Viger) remplace Cusano (Viau), Proulx (Saint-Jean) remplace de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Gauthier (Roberval), Grégoire (Frontenac), Houde
(Berthier), Perron (Duplessis).
Ce matin, tel que convenu, nous devons entendre M. Jean Douville,
président de Nor-dair ainsi que M. André Lizotte,
vice-président et administrateur-chef de la Société
canadienne des postes.
Nous allons commencer. M. Douville si vous voulez faire votre
exposé.
Société Nordair
M. Douville (Jean): Depuis mon arrivée dans le domaine de
l'aviation, il y a maintenant environ cinq ans, je crois que fréquemment
et peut-être malheureusement on a fait allusion à Nordair comme
étant une société anglophone. Il me fait plaisir ce matin
de vous présenter la grande majorité de mon équipe de
direction.
À ma droite, M. Roland Lefrançois, président du
conseil. À mon extrême gauche, Mme Bernier, vice-présidente
adjointe aux affaires publiques et gouvernementales, M. André Bourque,
vice-président en chef du contentieux, M. Dominique Brinet,
vice-président marketing et à la planification. À mon
extrême droite, M. Michel Handfields, vice-président adjoint et
contrôleur, Mme Nicole Simard, contrôleur adjointe, M. Raymond
Doutre, vice-président au personnel et relations industrielles, M.
André Bérard, vice-président du service en vol, M. Paul
Pelletier, vice-président de la région du Québec et de
l'Arctique.
Je commence avec un peu d'historique.
L'étude de l'évolution et de l'avenir de Quebecair, pour
la compréhension de cette commission parlementaire des transports, ne
peut être effectuée adéquatement sans une étude
parallèle de l'évolution et de l'avenir de Nordair.
Ces deux sociétés, fondées en 1947 par des
Québécois, l'une à Saint-Félicien (Nordair) et
l'autre à Rimouski (Quebecair), ont suivi des parcours
parallèles. Leur mission et leur évolution, cependant, sont
demeurées bien distinctes.
Au cours des années 1950, Quebecair et Nordair se sont souvent
affrontées lors de demandes pour l'obtention de nouvelles routes. Par
exemple: Bagotville, Schefferville, Manicouagan, Churchill Falls ont
été octroyées à Quebecair, quoique
sollicitées également par Nordair. Quebecair a en outre
profité de l'abandon de certains services par Canadian Pacific Airlines
et, plus récemment, comme dans le cas de Bagotville, par Air Canada. Il
convient de souligner qu'un trafic important existait déjà sur
ces routes situées à l'est de Montréal. Par
conséquent, Quebecair a bénéficié depuis
déjà longtemps d'avantages importants.
Nordair s'est trouvée coincée entre Quebecair et Transair,
sans destination importante à l'est de Montréal. Elle n'avait
d'autre choix que l'exploitation des destinations isolées telles que
Fort-Chimo, Frobisher Bay et Resolute Bay. À l'époque, le trafic
sur ces routes était inexistant et les chances de succès de
Nordair étaient très minces. En 1952, Fort-Chimo ne comptait que
60 à 80 Inuits en plus du représentant de la Baie d'Hudson et des
missionnaires catholiques et anglicans. En fait, que ce soit à
Poste-de-la-Baleine, à Fort-George, à La Grande, à
Val-d'Or, à Chibougamau ou à Matagami, Nordair s'est
créé des marchés à partir de potentiels à
peu près inexistants.
Afin de compenser l'absence de passagers pour ces destinations, tout en
maintenant, évidemment, une fréquence minimale et certainement
essentielle au succès d'une activité aérienne, Nordair
s'est efforcée de développer un réseau vers le nord-ouest
du Québec et l'Arctique, axé sur la combinaison de passagers et
de fret. Cette activité mixte qui intégrait tout un réseau
de destinations très interdépendantes a nécessité
non seulement un personnel spécialisé, mais a imposé
d'immenses investissements dans une infrastructure
d'équipements de chargement, d'entrepôts, de
réfrigérateurs et de congélateurs nécessaires
à ce genre de transport unique qu'est le transport combiné de
passagers et de marchandises.
En fait, c'est à la demande expresse de Nordair qu'en 1967 la
société Boeing a conçu un type d'avion 737 pouvant
atterrir sur des pistes de gravier telles qu'on en retrouve encore
fréquemment dans certaines régions du nord-ouest
québécois et dans le Grand-Nord. Nordair possède
maintenant six de ces avions spécialisés pour le service du
Grand-Nord. Le prix d'achat de chaque appareil excède de 1 million de
dollars le prix d'un appareil Boeing 737 régulier.
Une étude constante des besoins des communautés nordiques
a incité Nordair à adapter ses services à l'environnement
qu'elle desservait et à contribuer au développement
économique de ces communautés. En fait, Val-d'Or et Fort Chimo
sont devenues, en partie en grande raison des activités de Nordair, de
véritables plaques tournantes d'activité vers l'Arctique. Les
vicissitudes du trafic aérien, cependant, n'ont pas
épargné Nordair. Chaque étape de son histoire
reflète une réponse bien précise aux défis qu'elle
a constamment dû relever pour survivre et progresser. Par exemple, la
fermeture de la ligne Mid-Canada et, plus récemment, la fin des travaux
de construction de la Baie-James n'ont pas entraîné la cessation
logique des activités ou fait l'objet de demandes de subventions
auprès des gouvernements afin d'assurer les services des
communautés nordiques.
Je me permets ici de vous illuster ce que Nordair a fait à partir
du trafic de Val-d'Or. En 1973, au début des activités de La
Grande, Nordair avait 145 000 kilogrammes de marchandise à partir de
Val-d'Or. Voici que sur les 145 000 kilogrammes, le trafic vers La Grande
était de 124 000 kilogrammes. En 1977 - vous voyez, dans la partie
blanche de ce tableau - l'évolution du trafic de marchandises vers La
Grande a atteint un sommet de 360 000 kilogrammes. Dans l'intérim,
Nordair a su profiter de son marché et a développé un
marché additionnel. - Vous voyez la courbe descendante de La Grande. -
Le trafic de Nordair qui, l'an passé, était de 2 563 000
kilogrammes sera, en 1983, probablement au-delà de 3 000 000 de
kilogrammes.
Il est donc raisonnable d'affirmer que le fait que le réseau de
Nordair comporte des liaisons aériennes d'une durée de deux
à trois heures de vol est le fruit de la détermination et de la
persévérance de ses défricheurs qui se sont
acharnés à créer des marchés auparavant inexistants
et qui avaient été traditionnellement délaissés,
sinon complètement ignorés par ses concurrents, parce qu'ils
n'offraient aucun attrait.
Au cours de son histoire, Nordair a su mettre à profit son
expérience d'exploitation des régions nordiques et de l'Arctique.
Ainsi, elle approvisionne, avec deux Fairchild FH 227, les escales de la
DEWline pour le compte de l'armée de l'air américaine, l'USAF,
depuis déjà 23 ans.
Au mois de mai dernier, Nordair, en réponse à un appel
d'offres offert à tous les transporteurs - d'ailleurs il y en avait
d'autres - voyait son contrat de reconnaissance des glaces renouvelé
pour une période de cinq ans aux termes d'une entente conclue avec
Approvisionnements et Services Canada. Nordair assure ce service depuis plus de
20 ans.
La créativité de Nordair s'est aussi
révélée dans son activité de vols nolisés
vers la Floride. Nordair a d'ailleurs développé ce marché
bien avant l'arrivée des nolisés de Quebecair et d'autres
transporteurs aériens. Même en Ontario, Nordair a
défriché à très grands frais une liaison entre
Montréal, Ottawa, Hamilton et Windsor en concurrence évidemment
avec les activités aéoroportu-aires de Toronto.
En somme, l'esprit de pionnier, la persévérance et la
détermination de Nordair se sont manifestés par une tradition de
rentabilité au cours de son existence. Seules les années 1962 et
1982 se sont soldées par des pertes. Aussi, en 1977, lorsque M. James
Tooley offrait de vendre le contrôle de Nordair, offre ignorée par
le gouvernement du Québec et par Quebecair, la société
possédait une flotte d'avions à peu . près
entièrement payée et une impressionnante fiche de
rentabilité, puisqu'elle n'avait alors pas connu de pertes depuis quinze
ans.
L'achat de Nordair par Air Canada. Le 5 janvier 1978, Air Canada
annonçait son intention d'acheter toutes les actions du capital de
Nordair. M. James Tooley, au nom du groupe qui détenait le
contrôle de la société, avait déjà rendu
plublique son intention de vendre ses intérêts. Incidemment, le
gouvernement du Québec n'avait jusque là manifesté aucun
intérêt, pas plus d'ailleurs que Quebecair.
La société Great Lakes Airways d'Ontario n'avait pu offrir
un financement satisfaisant pour lui permettre de réaliser l'achat
qu'elle projetait. Le groupe en position de contrôle avait même
songé à liquider la société Nordair ce qui aurait,
à toutes fins utiles, réalisé les mêmes recettes que
la vente à Air Canada, grâce évidemment à la
plus-value de sa flotte d'avions.
La décision d'Air Canada permettait à cette
dernière d'acquérir une identification -très souhaitable
d'ailleurs pour le transporteur national - pour le développement de
l'Arctique et aussi de bénéficier de l'expertise de Nordair dans
les vols nolisés et dans les opérations de voyages
organisés par le truchement d'une filiale de cette dernière,
Treasure Tours, elle-même spécialisée dans ce genre
d'activités.
En août 1978, la Commission canadienne des transports ratifiait la
transaction. Le gouvernement canadien rejetait les appels logés contre
cette décision et, par la suite, le ministre des Transports de
l'époque, M. Otto Lang, annonçait, le 7 novembre 1978, qu'il ne
s'opposerait pas à la transaction mais exprimait le désir que la
propriété de Nordair retourne à des intérêts
privés dans les douze mois. En janvier 1979, Air Canada se portait
acquéreur de 86,4% des actions de Nordair.
Durant la période de février à mai 1979, huit
acheteurs potentiels ont communiqué leur intérêt d'achat
à Air Canada. Aucune offre cependant n'a été
quantifiée ni assortie du financement permettant la
matérialisation d'une telle opération. Il est vraisemblable que
tous les acheteurs aient espéré faire face à un vendeur
obligé de vendre, ce qui n'était manifestement pas le cas.
En août 1979, M. Alfred Hamel achetait 97% des actions de
Quebecair appartenant à M. Howard Webster et revendait
subséquemment 31% de ces intérêts à la
Société d'investissement Desjardins et 10,5% à la
société de transport Provost. Cet achat n'était
apparemment que la première phase d'une stratégie visant à
l'acquisition de Nordair. En effet, la direction de Quebecair, forte de l'appui
du gouvernement du Québec qu'elle avait reçu en décembre
1979, mena une campagne très intensive, appuyée par un lobby
habilement orchestré sur la colline parlementaire à Ottawa.
La revente de Nordair à Quebecair rencontra une opposition
systématique des employés de Nordair, fiers de leur histoire,
soucieux de conserver leur emploi, et surtout très opposés
à servir de planche de salut à une société
concurrente dont les résultats révélaient des faiblesses
toujours croissantes. De plus, les communautés desservies par Nordair
craignaient un fléchissement dans la qualité des services
aériens de leur transporteur régulier qui les avait
habitués à un service efficace et sûr et qui risquait
d'être remplacé par une société rarement rentable et
manifestement moins efficace. Historiquement d'ailleurs, Nordair s'est toujours
mérité le respect et la loyauté de ses usagers,
grâce à sa ponctualité et à la qualité de ses
services.
Au cours de l'année 1980, le gouvernement du Québec obtint
des caisses d'entraide le transfert de leur intérêt de 13% dans
Nordair. Face aux difficultés de réglementation à la suite
de l'achat de Pacific Western Airlines par le gouvernement de l'Alberta, le
Québec vendit sa participation à la Société
d'investissement Desjardins. Durant cette période, le ministre
fédéral des Transports étudie la proposition d'achat de
Quebecair et semble prêt, à plusieurs reprises, à autoriser
la vente, pourvu qu'un équilibre soit établi parmi les acheteurs
domiciliés au Québec et en Ontario. Évidemment, l'Ontario
cherchait à maintenir des services de qualité sur les
destinations desservies par Nordair dans ce territoire. Le Québec,
cependant, demeura ferme sur une position minimale de contrôle.
La campagne intensive de Quebecair, par la mise en place de son lobby
bien articulé pendant une période de deux ans, a réussi
à modifier le désir du ministre Lang et à le remplacer
dans l'esprit de plusieurs membres du caucus libéral du Québec
à Ottawa par l'objectif bien spécifique de créer une ligne
aérienne québécoise dirigée et fonctionnant
exclusivement en français. Cependant, les réalités
économiques du secteur aérien en 1980 et au début de 1981
ont semblé convaincre la Société d'investissement
Desjardins et le ministre des Transports de l'époque, M. Denis de
Belleval, que la création d'une société aérienne
rentable, viable et offrant des services de qualité à tous les
Québécois et dirigée majoritairement par des francophones
servirait mieux les intérêts du Québec que l'objectif
précité. En fait, la perspective d'emploi et les retombées
économiques pour le gouvernement d'un achat de Quebecair par Nordair
présentait des solutions beaucoup plus efficaces, certainement moins
coûteuses et manifestement plus rentables que la proposition inverse.
D'ailleurs, l'association de la Société d'investissement
Desjardins et d'Air Canada comme propriétaires permettaient la
réalisation des grands objectifs d'une présence aérienne
régionale viable au Québec.
La proposition d'achat de Quebecair par Nordair. À compter du
mois d'avril 1981, des négociations très professionnelles se sont
déroulées entre la Société d'investissement
Desjardins, représentée principalement par M. Paul Gauthier, qui
en est maintenant son président, et Air Canada, dont le principal
représentant était celui qui vous adresse la parole aujourd'hui
et qui était vice-président d'Air Canada et agissait à
titre de membre du conseil d'administration de Nordair. Une proposition,
établie à partir des conditions des deux sociétés
à cette époque, a reçu l'approbation de la SID et de la
société Provost. Nordair proposait d'acheter toutes les actions
de Quebecair comme suit: La Société d'investissement Desjardins,
pour ses 465 000 actions ordinaires et ses 13 950 actions
privilégiées, s'était fait offrir 1 816 000 $; à M.
Hamel, pour ses 474 000 actions ordinaires, on lui offrait 2,25 $ par action,
ce qui faisait un total de 1 066 500 $; à Expéditex,
société affiliée de M. Hamel, pour leurs 300 000 actions
ordinaires et 26 325 actions privilégiées, encore une fois, au
prix de 2,25 $ par action
ordinaire et 100 $ par action privilégiée, on offrait une
somme de 3 307 500 $; à la société Provost, pour ses 157
000 actions ordinaires et ses 4725 actions privilégiées, au
même prix que les précédentes, on offrait 826 875 $; ce
qui, en ajoutant les actions détenues par les minoritaires au même
prix de 2,25 $ par action, faisait un total de 7 250 000 $. (10 h 30)
À l'exception - comme je l'ai mentionné - du paiement
offert à SID qui en représentait son coût, les actionnaires
recevaient 2,25 $ par action ordinaire et 100 $ par action
privilégiée. SID allait souscrire à l'achat de 416 616
actions de Nordair au prix de 12,61 $ par action, ce qui augmenterait sa
participation à 27% et réduirait celle d'Air Canada à 73%.
Une formule prévoyait une prime d'achat déterminée par
l'excédent des bénéfices dans les trois prochaines
années au-delà de 15% du rendement sur l'investissement. SID
aurait un droit de nommer deux mandataires au conseil d'administration dont un
siégerait également au comité exécutif.
M. Alfred Hamel, actionnaire principal de Quebecair, n'avait pas
donné son consentement explicite avant d'avoir eu une réponse aux
exigences suivantes auxquelles il tenait à tout prix: tout d'abord 3 $
par action ordinaire pour toutes les actions qu'il détenait (ceci
comparativement à 2,25 $ offerts aux autres actionnaires); il voulait
être couvert par un contrat de cinq ans à 100 000 $ par
année; il désirait le titre de président du conseil ou
coprésident en plus de conseiller au président; ceci, en plus
d'occuper la présidence de Quebecair pour une période de 6 mois
après l'approbation par la Commission canadienne des transports; au
surplus, il désirait bénéficier d'une option d'achat pour
12 mois d'un maximum de 10% des actions de Nordair à un prix à
déterminer et jouir d'un laissez-passer sur Air Canada pour une
période de cinq ans.
Par télex daté du 17 juillet 1981, M. Hamel a
été informé qu'il ne recevrait pas plus par action que les
autres actionnaires et qu'il ne pouvait devenir président du conseil,
non plus qu'il ne pouvait se prévaloir d'un laissez-passer d'Air Canadq
pour cinq ans.
Dans le but d'informer le gouvernement du Québec de cette
transaction et surtout de lui permettre de prendre connaissance de tous les
éléments de l'offre, une entrevue sollicitée auprès
du ministre Landry fut accordée le 16 juillet 1981. À cette
réunion, les ministres Landry et Clair et M. Vézina ont
rencontré MM. Lefrançois, Lizotte et moi-même.
Une lettre adressée à M. Landry a servi d'ordre du jour
pour la réunion. Elle démontrait clairement les intentions, les
circonstances et le climat dans lequel l'offre qui y était
annexée avait été formulée.
Cette lettre indiquait que l'offre d'achat de Nordair faisait suite
à une suggestion de l'ancien ministre québécois des
Transports, M. Denis de Belleval. Elle était dépouillée de
tout caractère politique et soulignait, en tenant compte de la
réalité économique, l'intérêt non seulement
à conserver mais à augmenter les emplois détenus par des
francophones au Québec dans le secteur de l'aviation, à
développer une société aérienne forte, rentable et
davantage efficace en raison de l'expérience du personnel et des cadres
des deux sociétés aériennes et à réaliser
des économies d'échelle rendues possible par la fusion.
Cette offre d'achat comportait d'autres bénéfices certains
comme le développement d'une concurrence plus serrée chez les
transporteurs aériens.
Nordair se voyait aussi enrichie par la présence très
appréciée de la Société d'investissement
Desjardins. Il était clairement indiqué que l'offre était
faite à un moment où les transporteurs aériens mondiaux
connaissaient une piètre rentabilité, ce qui accentuait la
difficulté à trouver des acheteurs privés, d'autant plus
que ces derniers ne pouvaient bénéficier d'aucune économie
d'échelle. On ajoutait que l'offre ne pouvait être maintenue
indéfiniment et que les conditions économiques ne permettraient
pas de la répéter.
Il faut souligner qu'Air Canada s'engageait à laisser à la
nouvelle société la même autonomie dont Nordair jouissait
et à maintenir son siège social au Québec.
L'offre laissait également entendre que l'acquisition
n'était qu'une étape vers le passage au secteur privé de
l'aviation régionale de l'est du Canada qui allait commencer au moment
où la preuve serait faite de la rentabilité de la nouvelle
société. Finalement, on insistait sur l'importance de mettre fin
au climat d'insécurité et d'incertitude que les 2000
employés de ces deux sociétés aériennes avaient
connu depuis déjà beaucoup trop longtemps.
Il est important de souligner que cette offre a été
formulée avant que Quebecair ne se soit engagée à acheter
tous ses Boeing 737. À cette époque, le marché des Boeing
737 était vigoureux. Au fait, au printemps de 1981, Nordair avait
dû placer une commande pour un avion neuf chez Boeing, faute de n'avoir
pu se procurer un Boeing 737 usagé pour remplacer un avion loué.
Donc, à l'été de 1981, les appareils de surplus de
Quebecair auraient pu être vendus assez facilement. Ce qui n'était
pas le cas en 1982 et encore maintenant.
Le bilan de Quebecair, même s'il n'était pas alors
"pétant de santé", n'avait pas encore atteint une
détérioration de nature à porter préjudice à
la santé financière et à la viabilité de Nordair.
J'ai ici des extraits du bilan de Quebecair pour
les années 1980 et 1981. Vous verrez que Quebecair avait, en
1980, une dette à long terme de 33 000 000 $ auxquels vient s'ajouter
une débenture de 7 800 000 $. Donc, on parle d'une dette à long
terme de 40 000 000 $. Ses autres dettes étaient minimes. L'avoir des
actionnaires était composé de 7 000 000 $ moins un déficit
de 4 000 000 $. Maintenant, ce qui s'est passé entre 1980 et 1981 est
assez visible. Vous avez l'investissement du gouvernement du Québec de
10 000 000 $ qui se reflète dans le capital-actions, de même que
vous avez l'achat des Boeing 737 reflété dans les immobilisations
qui sont passées de 39 000 000 $ à 79 000 000 $, de même,
évidemment, que la dette à long terme qui est passée
à près de 70 000 000 $. Donc, vous avez vu le changement de
position entre 1980 qui, à ce moment-là, était les
données utilisées pour préparer l'offre qui avait
été faite au mois de juillet 1981. Donc, c'étaient les
données de l'exercice financier de 1980.
Les médias parlent maintenant - et même, on en parlait ce
matin, à la suite de cette commission - d'une perte de 21 000 000 $ ou
de 22 000 000 $ pour 1982, en plus d'une dette à long terme
excédant 70 000 000 $.
Il est évident que Nordair n'aurait pu songer à faire une
telle offre d'achat si les circonstances actuelles avaient prévalu.
L'offre de Nordair, pourtant reconnue exemplaire sur le plan financier,
fut jugée inacceptable par le ministre Landry pour des raisons
auxquelles nous ne pouvons souscrire. Une semaine plus tard, le Québec
annonçait son intention d'investir 15 000 000 $ dans Quebecair.
Nordair poursuit son rôle. La tentative d'achat de Quebecair par
Nordair, si elle fut rejetée, eut tout de même un effet
très positif chez Nordair. Elle élimina ce climat d'incertitude
provoqué par la menace d'achat par Quebecair, qui avait eu un impact
bien négatif - évidemment bien compréhensible dans les
circonstances - chez les employés de Nordair, depuis 1979.
Une lettre en date du 14 février 1982 du ministre Pépin
confirmait le statu quo qui entraînait une accalmie souhaitable et qui
disparut cependant avec l'annonce de la proposition Clair-Snow, alors que
Nordair commençait à peine à établir une
planification à long terme dans son nouveau rôle. Il est
évident que la décision du ministre fédéral des
Transports d'étudier les moyens de survie de Quebecair par le biais
d'Air Canada, mais excluant une fusion avec Nordair, a rétabli un climat
de sérénité propice à une bonne productivité
et à une planification à long terme.
La survie de Quebecair. À plusieurs reprises, les dirigeants de
Quebecair et certains politiciens ont fait allusion à l'absence de
liaison aérienne d'une durée de deux heures et plus dans le
réseau de Quebecair pour justifier l'incapacité de cette
dernière d'atteindre le seuil de la rentabilité. Si vous vous
souvenez bien, au moment où Quebecair a tenté d'obtenir un droit
de service entre Montréal et Toronto, elle a tenté de
démontrer que sa rentabilité, voire même sa survie,
dépendait largement de l'obtention de ce droit ainsi que de l'achat de
Boeing 737. Il appert maintenant que cette route n'a qu'ajouté aux
malheurs de Quebecair. Les destinations du nord-ouest du Québec, comme
Val-d'Or et Fort Chimo qui font peut-être l'envie de Quebecair, seraient
loin d'assurer la rentabilité de ce transporteur et leur transfert
constituerait un désastre pour Nordair.
Nous avons démontré que c'est la combinaison passagers et
fret, que Nordair a développée, qui est la clé de son
succès. Aussi, l'interdépendance de chaque point du réseau
du Nord disparaîtrait avec le transfert de Val-d'Or et de Fort Chimo au
profit d'un autre transporteur. Fort Chimo en elle-même ne justifie
certainement pas neuf fréquences par semaine et ce n'est que sa position
dans le réseau de Nordair qui entraîne cette fréquence. Le
morcellement du réseau du nord-ouest du Québec ne présente
d'occasions rentables pour aucun autre transporteur. Au contraire, il
signifierait l'extraction d'une destination du réseau de Nordair, qui
présentement bénéficie de trois à quatre fois plus
de fréquences que celle-ci ne justifie en elle-même. Est-ce
à dire que Quebecair devrait changer son orientation et investir
lourdement dans un système d'avions spécialisés,
d'équipements de fret, d'infrastructures dans le seul but d'enlever
à Nordair un chaînon de son réseau dont
l'interdépendance des escales explique la rentabilité? Est-ce
à dire que le seul trafic des passagers qu'un deuxième
transporteur pourrait espérer accueillir lui conférerait une
rentabilité? À lui seul, il ne justifierait pas un commerce
viable pour un autre transporteur.
Si Quebecair avait désiré exploiter un service
intégré de passagers et de fret d'une durée de deux
heures, Schefferville et Wabush, qui font partie de son réseau,
présentaient des occasions commerciales immensément
supérieures à n'importe quelle destination du réseau de
Nordair. Le tableau suivant reflète le nombre de passagers sur ces
destinations comparativement à Fort Chimo et Frobisher Bay desservies
par Nordair.
Dans le tableau supérieur, vous avez le trafic complet, origine
et destination sur Schefferville et sur Wabush. Comme vous le voyez, ce trafic
a varié et a connu une croissance diminutive: de 22 000 passagers en
1976, il est passé à environ 15 000
passagers en 1980, alors que pour Wabush le trafic est passé
diminué de 102 000 passagers en 1976 à 82 000 passagers en 1980.
Vous pourrez très certainement nous faire remarquer que le trafic total,
complet, de Schefferville ou de Wabush inclut aussi une partie des
activités de Eastern Provincial Airways. Mais si on s'en remet au trafic
de Montréal, à partir de Montréal, pour Schefferville ou
Wabush, qui est une propriété exclusive de Quebecair, ce trafic
varie autour de 5000 à 6000 passagers pour la période de 1976
à 1980, alors que celui de Wabush a varié de 25 000 à 16
000 passagers. Et ceci par comparaison au trafic complet, total, de Fort Chimo
et de Frobisher Bay desservis par Nordair. Comme vous voyez, le trafic de Fort
Chimo a varié de 6200 à 11 000 passagers alors que celui de
Frobisher Bay est passé de 12 500 à 16 000 passagers en 1980.
Il est erroné de prétendre, comme le fait Quebecair,
qu'Air Canada lui fait concurrence sur la liaison de Val-d'Or. Quebecair
possède des droits entre Québec et Val-d'Or et c'est bien Nordair
qui possède des droits entre Montréal et Val-d'Or,
parallèlement à Air Canada. Nordair a d'ailleurs fait de Val-d'Or
un centre d'activités pour le fret à destination du Grand-Nord.
Comme on l'a vu tout à l'heure, 145 000 kilos de fret ont
été expédiés de Val-d'Or en 1973 alors que 2 500
000 et au-delà de 3 000 000 de kilogrammes sont expédiés
en 1982 et en 1983. Advenant le départ d'Air Canada sur cette route
à partir de Montréal, Nordair voudrait certainement ajouter
à ses activités de passagers le marché détenu par
Air Canada. Il s'agit d'ailleurs d'un autre marché
développé par Nordair bien avant l'existence d'un trafic
rentable.
Contribution de Nordair au Québec. Nordair a largement
contribué à l'essor économique du Québec. Son
réseau se prolonge bien au-delà des limites de la province. Il
s'étend sur 4846 kilomètres entre Pittsburgh et Resolute Bay. En
couvrant ce vaste territoire avant toute autre société
aérienne, Nordair a su conserver ce marché important à la
main-d'oeuvre et aux produits du Québec. Il en est de même sur le
territoire québécois. Jusqu'en 1957, neuf destinations
situées dans la province de Québec, sur la côte est de la
baie James et de la baie d'Hudson, étaient desservies par Austin Airways
de Toronto et reliées à des centres ontariens exclusivement.
Aujourd'hui, grâce au réseau de Nordair, la plupart de ces centres
sont reliés à Montréal et c'est du Québec qu'ils
sont approvisionnés et qu'ils reçoivent leur main-d'oeuvre. Il a
fallu à Nordair des dizaines d'années pour atteindre son objectif
et son succès est entièrement dû à sa
détermination et à sa persévérance.
Cette société a souvent dû précéder le
ministère des Transports dans l'établissement de routes
aériennes vers le nord, en organisant et en maintenant son propre
système d'aide à la navigation aérienne. Elle a dû
construire des bâtiments dans les endroits les plus reculés,
installer ses propres génératrices pour s'alimenter en
électricité, accumuler, durant la courte saison de navigation, de
fortes quantités de carburant. Les conditions des pistes, des
aéroports et des services ne pouvaient en aucune façon se
comparer à celles qui existaient sur les destinations du Québec
situées à l'est de Montréal et desservies par
Quebecair.
Le stade atteint aujourd'hui par Nordair ne constitue qu'une
étape dans son cheminement. Le Québec continuera de
bénéficier du dynamisme de Nordair qui prévoit
étendre encore davantage ses activités vers d'autres points des
îles polaires où s'annoncent des développements
pétroliers et vers la Terre de Baffin où des gisements miniers
ont été découverts et ce, dès que des liaisons
aériennes y seront requises. Nordair est la seule société
aérienne du Québec en position d'offrir ces nouveaux
marchés qui profiteront à la collectivité
québécoise.
En terminant, j'aimerais souligner l'injustice commise lorsqu'on parle
de Quebecair comme étant la seule société d'aviation
québécoise. Nordair est une société dont la
direction est majoritairement francophone, dont le siège social est
à Montréal, qui emploie 1021 employés au Québec.
Cette société n'a jamais bénéficié de
subvention ni fédérale ni provinciale et a réalisé
des profits pendant les 35 dernières années, à l'exception
de deux, contribuant ainsi largement à remplir les coffres du
gouvernement par ses impôts. D'ailleurs, en plus de posséder 125
000 000 $ d'actifs au Québec, elle y dépense annuellement plus de
50 000 000 $, ce qui se traduit, en y mettant un effet multiplicateur de 7, en
retombées économiques excédant 300 000 000 $.
Nordair est un excellent citoyen corporatif au Québec. Il est
impératif de s'assurer que la survie de Quebecair ne soit pas
effectuée au détriment de Nordair. S'il est regrettable d'avoir
une société aérienne québécoise en mauvaise
santé, il serait désastreux d'en avoir une deuxième. Il
est donc important que Nordair demeure en bonne santé financière
afin qu'elle poursuive une croissance qui lui permette d'accroître
l'emploi et de continuer sa contribution à l'économie du
Québec.
Ce n'est pas en arrachant à Nordair ce qu'elle a mis 35 ans
à bâtir qu'on trouvera une solution à la question qui nous
intéresse aujourd'hui. Au contraire, toute modification à son
réseau ou toute redéfinition de son rôle entraînerait
des conséquences tragiques autant pour Nordair que pour la
collectivité.
Son cheminement remarquable au cours de son histoire ainsi que ses
brillantes perspectives d'avenir sont autant de raisons qui font qu'on ne peut
absolument pas se permettre le morcellement de Nordair. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Douville. M. le
ministre.
M. Clair: M. le Président, s'il est une chose sur laquelle
les membres de la commission, les gens du conseil d'administration de Nordair
par la bouche de M. Douville, l'ensemble des proposants, d'acquéreurs
éventuels de Nordair et le gouvernement du Québec s'entendent et
que tout le monde souhaite, c'est bien que le Québec puisse continuer
à bénéficier longtemps des avantages économiques
que confère au Québec la présence du siège social
et de la principale base d'activité de Nordair. Je pense qu'il y a
unanimité là-dessus.
J'essaierai de procéder en deux temps. Je crois que
l'intérêt des membres de la commission, quant à la
présence de M. Douville, c'est d'abord et avant tout les offres qui
avaient été faites en juillet 1981, c'est de connaître la
nature de la proposition faite à ce moment-là. Dans un premier
temps, j'aurai quelques questions sur la déposition de M. Douville et,
dans un deuxième temps, après que l'Opposition aura pris une
partie du temps, je verrai quel temps j'aurai pour revenir sur cette
question.
La première question à aborder pour donner justice
à tout le monde, c'est la fameuse question du caractère
québécois ou pas de Nordair. À ce compte, je pense que ni
moi ni mes prédécesseurs n'ont jamais prétendu que
Nordair, qui embauche l'immense majorité de son personnel au
Québec, n'était pas une compagnie québécoise. La
discussion porte plutôt sur la question de savoir quelle est la
proportion de francophones qui occupent des emplois, des postes, à la
direction de Nordair. Non pas par racisme ou par nationalisme indu, mais
simplement parce que c'est un fait connu, dans l'aviation commerciale au
Canada, selon tes statistiques dont on peut disposer par le biais du
commissaire aux langues officielles du Canada, les postes occupés par
des francophones dans l'ensemble ne correspondent pas à l'importance
numérique des francophones dans le Canada.
Je pense que la première question que je dois poser à M.
Douville, porte sur cet aspect. Vous nous avez présenté, M.
Douville, les gens qui vous accompagnent. Tous sont francophones et
Québécois. Nous sommes informés - il y a eu des nouvelles
à cet égard - non pas qu'un processus coercitif avait
été mis de l'avant chez Nordair pour essayer de favoriser
l'embauche de francophones mais, si j'ai bien compris ce qui avait
été rapporté par les médias à un moment, il
y avait quand même une action positive qui avait été
entreprise par la direction de Nordair pour essayer d'augmenter le nombre de
francophones, québécois ou autres, dans l'entreprise. Je pense
que la nouvelle avait été reçue positivement par les gens
à ce moment.
Ma première question, M. le Président, c'est la suivante -
et je la pose, encore une fois, dans un esprit très positif pour, je
pense, donner l'occasion à M. Douville de faire le point sur cette
question: Depuis 1978, premièrement, y a-t-il eu, oui ou non, une action
positive, un processus mis en place pour favoriser la pénétration
de francophones chez Nordair? J'aimerais avoir, si c'est disponible, des
statistiques sur le nombre de personnes qui se déclarent de langue
française et d'origine francophone ou autre depuis 1978, par
année, par classe d'emploi au 31 décembre, par exemple, de
chacune des années et avec aussi l'évolution du conseil de la
direction de Nordair. Je ne sais pas si c'est possible d'avoir ces
renseignements.
M. Douville: M. le Président, un peu comme tout à
l'heure je vous ai présenté l'équipe de direction de
Nordair, il m'aurait fallu ajouter que ceci est la très grande
majorité de la direction de Nordair. Nous avons peut-être quatre
collègues maintenant qui tiennent le fort de façon à nous
permettre de s'assurer un rentabilité. Si vous parlez de pourcentage en
termes de la population, Nordair est fière de présenter son
équipe de direction qui est très majoritairement francophone,
comme vous pouvez le constater ici ce matin.
En ce qui a trait aux autres secteurs d'activité de Nordair,
là encore je crois que Nordair peut se piquer d'être un excellent
citoyen corporatif au Québec.
Il me fait plaisir de vous informer que le pourcentage de francophones
chez Nordair est immensément supérieur au pourcentage de la
population. En fait, 53% de tous les employés au Québec, dans un
secteur qui, traditionnellement, a toujours fonctionné en anglais, sont
des francophones. Au siège social, ceci au 31 décembre 1982,
c'était 52% des 202 personnes qui y étaient à ce moment.
Je vous prie de noter que des membres de cette direction - que nous sommes
heureux d'avoir avec nous aujourd'hui - se sont joints à Nordair le 3 ou
le 4 janvier 1983; donc, MM. Bourque et Doutre n'étaient pas avec nous
et ne sont pas inclus dans ces chiffres. Si vous voulez être plus
précis maintenant, l'augmentation de francophones est là
aussi.
En ce qui a trait aux services en vol, 82% de nos 369 employés
sont des francophones. En ce qui a trait à l'ingénierie
et à l'entretien, c'est 43% des 270 employés. Aux
opérations aériennes, nous avions, en décembre 1982, 17%
de francophones sur un total de 214 membres de ce secteur.
J'aimerais vous souligner que ce 17% n'inclut pas les nouvelles
embauches qui ont été effectuées chez Nordair depuis le
1er janvier. Nordair était la seule société canadienne au
Canada et peut-être en Amérique à faire de l'embauche de
pilotes à ce moment-ci. Nous venons d'embaucher six pilotes et les six
sont des francophones. De façon à être plus précis
dans les statistiques que je vous ai données, il serait bon d'ajouter
les nouvelles embauches de 1983 qui vont illustrer que Nordair est
évidemment un excellent citoyen corporatif au Québec.
M. Clair: M. le Président, je pense que la question devait
d'être posée et on voit que justement, par rapport à la
proportion des francophones dans le Canada, Nordair dépasse largement
les pourcentages mais on peut établir, par ailleurs, une comparaison
avec la population francophones au Québec, auquel cas ces proportions
sont différentes.
Je voudrais maintenant en venir à la page huit du document qui
nous a été présenté par M. Douville. Au point 2.4,
vous dites, à la deuxième phrase: "Aucune offre n'a cependant
été quantifiée, ni assortie du financement permettant la
matérialisation d'une telle opération." Hier, en commission
parlementaire, en se basant sur des déclarations de M. Guy Bernier;
président du conseil de Quebecair et de la Société
d'investissement Desjardins, je pense que les membres de la commission ont eu,
en substance, une information contraire, savoir que le groupe dirigé par
la Société d'investissement Desjardins, peut-être pas dans
cette période, mais était suffisamment avancé pour que le
ministre des Transports du Canada soit à même de vérifier
la faisabilité, si on veut, de la proposition du groupe SID. Parlez-vous
des informations que vous-même, comme vice-président d'Air Canada
à ce moment-là, déteniez ou parlez-vous également
en termes de tout ce qui a pu être soumis au ministre des Transports du
Canada?
M. Douville: M. le Président, la mention qui a
été faite selon laquelle aucune offre n'a été
quantifiée ni assortie de financement était relative aux huit
acheteurs qui se sont présentés entre la période de
février à mai 1979. Mais je crois que si vous voulez avancer vers
les offres qui ont été faites par la suite...
M. Clair: ...
M. Douville: ...plusieurs offres, je crois, du moins certaines
offres ont peut-être été communiquées directement au
ministre des Transports. Il faudrait lui demander. Mais je vous parle des
offres que j'ai...
M. Clair: Dont vous avez eu connaissance.
M. Douville: ...reçues au moment où j'étais
dans mes fonctions précédentes.
M. Clair: Entre février et mai 1979. Cela va?
M. Douville: Et par la suite.
M. Clair: À la page 14, vous faites
référence aux différentes exigences qui auraient
été posées par M. Alfred Hamel. Vous connaissez bien
l'offre faite par le gouvernement du Québec et, par la suite, aux
actionnaires de Quebecair, au moment des discussions qui ont eu lieu en juin et
juillet 1981. Connaissez-vous l'offre qui a été
acceptée?
M. Douville: Je dois vous dire que je la connais par tierce
partie. Je n'ai jamais eu connaissance des documents, je n'en suis pas en
possession. Ce que j'en connais, c'est ce qui a été
révélé par les médias ou publiquement. Je n'ai pas
d'autres connaissances de cette offre.
M. Clair: Alors, si je comprends bien, dans ce cas-là,
vous êtes incapable de vous prononcer sur la question de savoir si M.
Hamel a accepté une offre plus ou moins avantageuse du gouvernement du
Québec, que celle faite à ce moment-là par le tandem
Nordair-Air Canada.
M. Douville: Non, je ne sais pas si l'offre que vous avez faite
à M. Hamel est plus ou moins avantageuse. Certainement pas.
M. Clair: Parfait. À la page 16, vous parlez de conserver
et d'augmenter les emplois détenus par des francophones au Québec
dans le secteur de l'aviation, l'expérience du personnel et des cadres
des deux sociétés aériennes et à réaliser
des économies d'échelle rendues possibles par la fusion. Comment
conciliez-vous cette affirmation de la fusion avec la lettre adressée le
16 juillet 1981 à mon collègue, le ministre d'État au
Développement économique à l'époque, où
j'avais compris que Quebecair devenait, dans un premier temps, une filiale de
Nordair? Comment se serait faite cette fusion dans votre esprit à ce
moment-là, concrètement, parce que avoir une filiale, c'est une
chose, se fusionner avec une autre compagnie, à mon avis, cela en est
une autre. Y avait-il un scénario dont, moi, je n'ai pas eu la
possibilité de prendre connaissance, quant à la fusion des
deux entreprises?
M. Douville: M. le Président, je ne crois pas qu'on ait
discuté dans la lettre du 16 juillet 1981...
M. Clair: Je vous parle de Quebecair par Nordair Ltée, au
tout début de la lettre, où vous exprimez la réflexion
suivante, relative à l'offre d'achat de Quebecair par Nordair
Ltée.
M. Douville: M. le Président, où voyez-vous une
référence au fait que ce serait une filiale?
M. Clair: Habituellement, quand une compagnie en achète
une autre, dans un premier temps, elle devient...
M. Douville: Très bien, très bien.
M. Clair: ...au moins théoriquement une filiale...
M. Douville: Très bien. Je croyais...
M. Clair: ...et par la suite, il y a fusion réelle des
deux entreprises. Ma question est: Dans le concret, matériellement,
entre le moment de l'acquisition et le moment où la fusion proprement
dite, concrète, sur le terrain se serait passée, aviez-vous un
scénario précis d'établi à ce moment-là? (11
heures)
M. Douville: M. le Président, c'était l'intention,
à ce moment-là, de former une équipe à
l'intérieur de Nordair à laquelle auraient participé des
gens, évidemment, de chez Quebecair aussi bien que des
représentants de la Société d'investissement Desjardins.
L'objectif de cette équipe aurait été de trouver le moyen
d'effectuer la fusion le plus rapidement possible et d'obtenir les
économies d'échelle qui étaient disponibles par la fusion
des deux sociétés. Donc, je crois que l'intention d'en faire une
filiale était une transition. C'était un passage vers une fusion
totale, parce que les bénéfices d'économie auraient
été réalisés une fois que les équipes
auraient pu réaliser la diminution des duplications d'effectif des deux
sociétés.
M. Clair: Sur cette question des économies
d'échelle qui auraient résulté de la fusion, est-ce que je
comprends bien que, dans un premier temps, d'importantes économies
d'échelle auraient été faites par le biais de la
rationalisation des opérations comme telles, mais que, également,
il y aurait eu un surplus de personnel, probablement à court terme,
pendant une certaine période de temps?
M. Douville: II y aurait eu certainement un surplus de personnel
pendant une certaine période de temps.
M. Clair: Maintenant, quant à ce surplus de personnel,
à l'intégration des employés des deux
sociétés, est-ce qu'il y avait un protocole d'accord qui
prévoyait une intégration parfaite selon l'ancienneté pour
les employés syndiqués? Comment se serait passée cette
intégration des employés?
M. Douville: On n'avait, à ce moment-là, fait
aucune démarche positive et on n'avait pas impliqué les
représentants des différents syndicats des deux
sociétés dans l'évolution du projet. Sans doute nous
aurait-il fallu établir une stratégie bien précise
à savoir - je crois qu'on en avait une en théorie - comment on
allait effectuer la fusion des deux sociétés en ce qui concerne
les syndicats. Mais on n'avait pas pu se permettre et je crois qu'il
n'était pas bon, non plus, de faire hypothétiquement une fusion
en consultant et en amenant des problèmes qu'on aurait eus dans la
fusion concernant les syndicats pour les inquiéter indûment. Comme
on le sait, la fusion n'a pas eu lieu. Donc, je pense qu'il n'y aurait pas eu
lieu d'inquiéter les membres des syndicats des deux
sociétés au moment où on a fait cette offre.
M. Clair: Maintenant, compte tenu des pressions très
fortes qu'exerçaient, à ce moment-là en particulier, les
employés syndiqués, mais aussi la direction de Nordair sur le
ministre fédéral des Transports qui, à chaque fois que je
lui parlais du dossier, posait toujours comme préalable que, à
toutes fins utiles, il n'y ait aucun emploi qui soit perdu chez Nordair
à la suite des pressions très fortes dont il était l'objet
à ce moment-là, est-ce que cela n'était pas un des
problèmes majeurs, un défi très difficile à relever
que de parvenir à faire l'intégration des employés de
Quebecair et de Nordair sur une base parfaitement équitable?
M. Douville: C'est une excellente question, M. le
Président. Je n'étais pas là, évidemment, pour
mesurer l'étendue des pressions que les employés de Nordair
avaient exercées sur le ministre fédéral. Je
n'étais certainement pas là. Mais, il faut vous dire que
c'était une préoccupation constante depuis le 7 novembre 1978,
lorsque le ministre des Transports de l'époque, M. Lang, a
exprimé le désir que la société soit
retournée aux intérêts privés.
Aussitôt, en 1979, après l'achat par M. Hamel de la
société Quebecair, je crois qu'il y a eu une préoccupation
constante, parce que les employés de Nordair - comme je l'ai
mentionné d'ailleurs - ne voulaient absolument pas que la
rationalisation se fasse
à leur détriment. La société allait
très bien, elle était rentable, les employés
étaient heureux, bien rodés, alors aucun employé ne
voulait être sacrifié, ne voulait servir d'holocauste, si vous
voulez, à la fusion des deux sociétés.
La question des employés de Nordair était celle-ci: Si on
veut faire une fusion, pourquoi ne fait-on pas d'abord une coupure, un
sectionnement de ce qu'il nous faut simplement chez Quebecair au lieu
d'apporter deux sociétés? Maintenant, c'est évident que
les syndicats n'auraient pas accepté ce genre de chose. Vous
comprendrez, M. le Président, qu'au niveau des employés de
Nordair, c'était une phobie qu'on avait d'être achetés,
d'être fusionnés parce qu'on savait, alors que cela allait
très bien chez nous, qu'on allait être sacrifiés pour le
bénéfice d'une autre société quelle qu'elle soit.
Je pense qu'il n'y a personne d'entre nous qui veut être dans une
position où il doit être mis sur une table comme holocauste pour
quelqu'un d'autre à qui il n'appartient pas.
Il est évident que la crainte était immense chez les
employés. D'ailleurs, les employés se posaient la question: Si
c'était l'intention de M. Hamel d'acheter Quebecair pour acheter
Nordair, si c'était la première phase de sa stratégie,
lorsqu'il a fait l'acquisition de Quebecair de M. Webster, pour quelle raison
M. Hamel, à ce moment-là, n'est-il pas venu acheter Nordair quand
Nordair était en vente? M. Tooley avait annoncé à tout le
monde que Nordair était à vendre. Comme vous le savez, M. Clair,
on en avait parlé aux membres du gouvernement du Québec.
Quebecair était en position. M. Hamel était à la direction
de Nordair. Il aurait pu fort bien faire l'inverse. Pourquoi ne pas acheter
Nordair lorsque Nordair était à vendre et acheter Quebecair par
la suite?
M. Clair: Je m'excuse de vous interrompre, M. Douville. Je sais
que mon temps est limité et je voudrais continuer sur le sujet que
j'avais soulevé.
M. Bourbeau: Vous pouvez continuer, M. le ministre.
M. Clair: Vous me dites, M. Douville, qu'à toutes fins
utiles les employés de Nordair auraient été très
réticents à accepter, compte tenu de leur appartenance à
cette entreprise-là, des coupures ou des réductions de personnel
chez eux. C'est certainement une préoccupation légitime. Est-ce
que, d'autre part, il n'était pas légitime aussi, de la part des
employés de Quebecair, de s'assurer, s'il y avait une rationalisation,
que cette rationalisation-là ne se ferait pas au détriment
seulement des employés de l'une des deux équipes? Est-ce que cela
ne vous apparaissait pas une préoccupation légitime?
M. Douville: M. le Président, c'est évident. Je
comprends certainement la légitime crainte des employés de
Quebecair. Il faut aussi tenir compte du fait que la société qui
avait besoin d'aide, qui n'avait pas eu de performance de rentabilité au
cours des 35 dernières années, ce n'était pas Nordair.
Nordair a eu des profits tous les ans à l'exception de 1982 où
l'on a eu une grève, comme vous le savez, qui a duré 6 mois. On
ne fait d'excuses à personne pour avoir perdu 2 400 000 $ l'an
passé après avoir subi une grève de 6 mois. Je pense que
c'est compréhensible. Mais cela reflète encore, si vous le
voulez, l'efficacité de la gestion de la direction de Nordair.
Les problèmes existaient au niveau de la société
Quebecair. Les employés de Nordair bien légitimement ne voulaient
pas être sacrifiés, parce que ce n'était pas Nordair qui
cherchait, à ce moment-là, une fusion, qui cherchait un moyen de
survivre, c'était Quebecair.
M. Clair: Mais c'était Nordair qui était
supposée être en vente et non pas Quebecair, par ailleurs, selon
les décisions du ministre des Transports à ce
moment-là.
M. Douville: Écoutez, lorsqu'elle était en vente,
elle était disponible, mais personne à ce moment-là qui
avait un intérêt n'était venu offrir ou quantifier une
offre et dire: On veut acheter Nordair; Nordair était à vendre,
on aurait pu venir à ce moment-là.
M. Clair: M. Douville, sur la question, justement, de
l'intégration des employés des deux entreprises qui se seraient
fusionnées, est-ce que, pour être encore plus spécifique,
la question de l'intégration des listes des pilotes des deux entreprises
n'était pas particulièrement problématique? Si mes
informations sont bonnes, selon la liste, s'il y avait eu intégration
des pilotes de Nordair et de Quebecair selon l'ancienneté, il semble
qu'à ce moment-là les pilotes de Quebecair avaient une
ancienneté peut-être un peu plus grande dans l'ensemble, de sorte
que cela aurait été particulièrement délicat, cette
négociation-là.
M. Douville: M. le Président, il est évident que
cela aurait été une négociation difficile parce que la
constitution de l'Association des pilotes nous demande de faire ce genre de
chose selon sa liste d'ancienneté. Alors, on peut imaginer fort bien que
l'intégration aurait été difficile. Maintenant, tout ce
qu'on peut définir à ce moment-ci, c'est
qu'hypothétiquement cela n'aurait été probablement pas
impossible, mais très difficile.
M. Clair: Merci. À la page 19, vous faites
référence à l'annonce de la proposition
Clair-Snow qui a été faite en août 1982. Dans les
communiqués de presse et dans les déclarations publiques que vous
avez faites, vous nous avez reproché, à M. Snow et à
moi-même, d'avoir en quelque sorte pris des positions et
négocié avec le ministre fédéral des Transports
sans en avoir parlé à Nordair ou à Air Canada. Je vous
avouerai qu'il nous avait paru que, si d'un point de vue politique, le
problème pouvait trouver une solution un jour, il faudrait au minimum
que le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement du Québec, ce qui
avait été l'exigence même du ministre des Transports du
Canada, se rencontrent. C'est dans cet esprit que des négociations ont
eu lieu pour établir des paramètres. Il n'était pas
question, à ce moment-là, de savoir qui serait président
de la société ou comment le mariage des deux fonctionnerait
puisqu'on était même incapables à ce moment-là, de
régler le problème politique. C'est ce qui nous a amenés,
M. Snow et moi-même, à proposer des paramètres qui soient
susceptibles d'obtenir l'accord politique des gouvernements des deux provinces
les plus populeuses du Canada desservies par les quatre compagnies dont il
était question.
Après coup, une fois que je vous ai dit qu'il me paraissait que
c'était la responsabilité d'abord du ministre des Transports du
Canada de prendre une décision à cet égard et non, sauf
tout le respect que je vous dois, la vôtre, les problèmes
étant d'abord et avant tout de nature politique, ne pensez-vous pas
qu'il aurait été avantageux, au moment où vous avez pris
connaissance de l'annonce faite par ces deux gouvernements, de communiquer avec
nous pour essayer de voir s'il y aurait un pas supplémentaire à
franchir avant de rejeter carrément la proposition? Cela mettait le
ministre des Transports du Canada dans une position très
délicate, compte tenu des engagements qu'il avait été
amené à prendre préalablement.
M. Douville: Je pense qu'il est bon d'élargir, si vous
voulez, l'étude. Vous avez parlé de l'élément
politique. À part le côté politique, je pense qu'il y a une
chose très importante, soit le fait que vous avez des
sociétés vivantes, sociétés où il y a des
employés, où il y a des gens qui travaillent depuis 35 ans,
sociétés pleines de gens qui sont inquiets depuis trois ou quatre
ans. Ils sont extrêmement sensibilisés et effrayés par tout
ce qui se fait sur le plan politique parce qu'il y a aussi une
réalité économique. Il faut aussi continuer à
être rentable pour assurer sa survie.
Voici que, tout à coup, un bon vendredi soir, on annonce qu'il y
a eu une entente politique entre les ministres des Transports de l'Ontario et
du Québec. On a des réalités économiques. On a des
valeurs humaines qui sont là. On a des gens qui sont inquiets depuis
quatre ou cinq ans et qui lisent dans les journaux que peut-être leur
société sera offerte en holocauste à l'intérieur de
quatre ou cinq sociétés, aucune d'elles n'étant aussi
rentable que Nordair. On s'est préoccupé du côté
politique, mais il y a des valeurs réelles, des valeurs humaines et des
valeurs économiques qu'on a ignorées.
À ce moment-là, j'ai dit que je n'avais pas
été informé. Il me fallait trouver un moyen de communiquer
avec les employés de Nordair pour leur dire ce qui se passait sur ce
qu'on lisait dans les journaux. Personne ne les avait informés. Alors,
vous nous faites une réalité politique, en faisant abstraction
totalement des valeurs humaines et des valeurs économiques. Je n'avais
pas été consulté et j'étais le président de
la société. Alors, j'ai simplement dit, dans ce communiqué
de presse qui avait trois lignes, que je n'avais pas été
consulté et qu'on n'avait pas intérêt à une fusion
ou un grand amalgame. Je pense que c'était absolument normal. Et
surtout, il fallait aussi me préoccuper des craintes et de tous les
sentiments qu'on avait suscités chez les employés de Nordair. Il
me fallait les apaiser immédiatement parce qu'on avait,
évidemment, une panique.
M. Clair: J'imagine que vous avez pris connaissance - car depuis
ce temps, c'est un document public - de la proposition de rationalisation des
services aériens dans le Canada central qui avait été
déposée par les deux gouvernements. Pourriez-vous me
préciser, sur le plan de la réalité économique
justement, de quoi elle ne tenait pas compte, à votre avis? (11 h
15)
M. Douville: Je n'ai pas fait une étude approfondie de ce
qui ne correspondait pas aux objectifs de Nordair. Je pense qu'il est bon de
vous souligner qu'il était devenu absolument plus évident que les
problèmes qu'on avait perçus chez Quebecair en 1981, à la
suite de l'offre d'achat que nous avions faite de Quebecair, que les
problèmes qui arrivaient dans le secteur aérien auraient pu
affecter d'autres sociétés privées dont on n'a pas les
bilans. Il y avait une société que nous connaissions, Nordair qui
était rentable. D'abord, des mariages, ce n'est pas facile; des fusions,
c'est encore plus difficile. Vous aviez dans une même
agglomération trois ou quatre sociétés avec
différents sièges sociaux, différents objectifs. La seule
société qui était viable était Nordair. Comme je
l'ai mentionné dans mon texte, est-ce que vous croyez qu'il est valable
de s'accrocher à celle qui a beaucoup d'élan? Finalement,
étant donné la grande détérioration qui s'est
effectuée depuis 1980 dans le secteur aérien, est-ce que le
résultat de l'exercice qu'on proposait ne serait pas de faire descendre
et
de diminuer la qualité, d'enlever la rentabilité de la
seule société qui l'était dans le groupe ou est-ce que
cela allait rencontrer l'objectif politique? La grande crainte était
qu'en s'accrochant toutes à Nordair; Nordair soit en chute libre et
devienne, elle aussi, beaucoup moins rentable et que le Québec se
retrouve non seulement avec une société en mauvaise santé
financière, mais avec deux. Cela serait désastreux.
M. Clair: Pendant les années où vous avez
été vice-président d'Air Canada et, par la suite,
président de Nordair, j'ai compris, de vos déclarations
antérieures et de vos communications à ce sujet, que la
rationalisation des services aériens de Winnipeg à Blanc-Sablon -
pour employer les deux points les plus extrêmes - était en soi un
objectif valable au cours de 1978 jusqu'à juillet 1981. Est-ce que la
rationalisation des services aériens dans le Canada central était
un objectif valable?
M. Douville: Je crois que, si on avait réussi à
effectuer une rationalisation avant la détérioration tellement
sérieuse du secteur aérien qu'on vit présentement, cela
aurait été très valable. Je crois que, si on se reporte
même à 1980, si on avait pu effectuer l'achat de Quebecair,
à ce moment-là, en essayant de minimiser l'impact au niveau des
valeurs humaines, en essayant de voir si par attrition naturelle, par
diminution, par gens qui se marient, par gens qui prennent leur retraite, par
gens qui déménagent, on avait suffisamment de diminution du
personnel des deux sociétés pour minimiser la duplication des
fonctions, on aurait probablement pu, avec une bonne administration, trouver
une rentabilité dans cette rationalisation en se servant
d'économies d'échelle qui étaient disponibles. Les
circonstances ont changé énormément.
M. Clair: Énormément. La rationalisation du
transport aérien n'est pas de votre responsabilité, j'en
conviens; c'est de la responsabilité du gouvernement du Canada
d'établir les politiques de transport aérien. En ce qui vous
concerne, si la rationalisation des services aériens dans le Canada
centre-est, de Winnipeg à Blanc-Sablon, était un objectif valable
en période de prospérité, en tenant compte des mêmes
réalités humaines, économiques, est-ce que cela ne doit
pas être un objectif qui, pour l'intérêt de la
collectivité, est doublement avantageux et qu'on doit doublement
poursuivre en période difficile? Autrement dit, j'ai beaucoup de
difficultés à accepter dans votre position que vous me disiez: La
rationalisation, tant que cela allait bien, tant que la
prospérité était là, était
intéressante, mais quelque chose qui était rationnel en
période de prospérité devient tout à coup
irrationnel en période de crise, de difficultés
financières.
Je comprends fort bien l'intérêt de Nordair qui,
effectivement, se classe parmi les quatre principaux transporteurs
aériens qui ont des activités dans cet immense territoire. Cela
tient sûrement aux efforts consentis tant par les employés que par
la direction. Nordair est celle qui tire le mieux son épingle du jeu,
qui connaît les résultats les plus positifs sur le plan financier.
Par ailleurs, si on s'élève un peu au-dessus de
l'intérêt corporatif normal de la société Nordair,
je pose la question suivante: Est-ce que quelque chose qui est rationnel en
période normale devient irrationnel en période de
difficultés économiques, quand on connaît le besoin qui,
à mon avis, n'a pas changé en termes de rationalisation des
services aériens dans le Canada centre-est?
Que ce soit en période difficile comme en période facile,
le point de vue du gouvernement du Québec a toujours été
de poursuivre une fusion aussi élargie que possible des transporteurs
aériens régionaux ayant des activités au deuxième
et au troisième niveau: Regionair, Quebecair, Nordair et Air Ontario.
Et, à ma connaissance, en tout cas, depuis que j'occupe le poste qui m'a
été confié, jamais on n'a mentionné qu'on voulait
sacrifier les employés de Nordair ou la direction de Nordair ou qui que
ce soit. Voici ma question: Comment une chose qui était logique,
rationnelle, est-elle devenue irrationnelle?
M. Douville: M. le Président, je crois qu'il y a plus que
la rationalité, quoique la rationalité soit toujours là.
Ce qui est rationnel demeure rationnel. Certains éléments
influencent et il est bon de regarder un peu ce qui s'est passé. Au
moment où on parlait de la rationalité, d'une rationalisation du
commerce aérien à l'Est du pays, on avait une industrie qui
était rentable. Les années 1978 et 1979 étaient
très rentables. On avait des employés qui avaient des
possibilités de s'embaucher ailleurs. Le taux de chômage, à
ce moment-là, était certainement immensément
inférieur à celui qui existe maintenant. Il y avait une
mobilité chez les employés. S'ils n'allaient pas chez Nordair ou
chez Quebecair, ils pouvaient se trouver un emploi dans un autre secteur ou
dans une autre société aérienne. Toutes les
sociétés aériennes embauchaient à ce moment. Alors,
ce qui était rationnel à ce moment-là tenait compte aussi
des valeurs économiques ou des possibilités de mouvement qu'il y
avait parmi les sociétés aériennes. Cela n'existe plus
maintenant. Au contraire, si vous regardez ce qui s'est passé au Canada
dernièrement, je pense que Nordair est la seule société
qui ait embauché
dernièrement. Vous avez vu ce qui s'est passé à Air
Canada en ce qui concerne le partage du travail, les mises à pied. Vous
avez vu ce qui s'est passé dans cette industrie dans le reste du Canada,
chez TWA, chez CP Air: il y a des mises à pied partout. Donc, la
rationalité n'est pas enlevée, mais les circonstances sont bien
différentes.
M. le Président, si on me demandait, étant en bonne
santé, de donner un coup de main à quelqu'un qui s'est
blessé sur une pente de ski, je le ferais avec plaisir; c'est rationnel
que je le fasse. Mais si je me casse la jambe et qu'on me demande d'aider mon
voisin parce qu'il vient de tomber, je ne peux pas le faire. Ce n'est pas que
je n'aie pas l'intention, que je n'aie pas le désir de le faire; ce
n'est pas que ce soit pas rationnel, mais c'est que je ne suis plus en position
de le faire. Alors, on s'est blessé économiquement dans le
secteur de l'aviation, énormément. Ce qui existait comme
conditions de base existe peut-être encore, mais les circonstances ont
tellement changé qu'on peut être handicapé sans même
paraître handicapé à cause des circonstances, à
cause du développement économique.
M. Clair: Au fond, ce que ça prendrait, c'est
peut-être une intervention gouvernementale plus poussée, tant en
termes financiers qu'en termes de réorganisation du réseau
aérien, que ce qui était possible dans les meilleures
années. Autrement dit, si c'est plus difficile maintenant, ce n'en est
pas moins rationnel. C'est seulement plus difficile et ce n'est pas
nécessairement impossible. Et ce n'est pas un objectif auquel on doive
renoncer à long ou à moyen terme.
M. Douville: Je me permets d'ajouter, M. le Président,
qu'en plus de la situation économique, je pense qu'il y a un grand
facteur qui nous a réellement attrapés, c'est le facteur du
chômage. Je crois que l'élément le plus difficile avec
lequel on peut envisager la rationalisation à ce moment-ci, c'est
l'excédent de personnel qui sortirait d'une rationalisation. C'est un
problème auquel on aurait pu faire face et qui se serait
éliminé assez facilement dans une bonne économie, mais
c'est un problème qui maintenant, je crois, dépasse de beaucoup
la portée d'autres éléments qui entrent dans l'examen ou
l'étude d'une rationalisation.
M. Clair: À ce sujet, tout ce qu'on peut souhaiter, c'est
que le grand docteur soigne tous ses malades et tous ses blessés aussi
équitablement l'un que l'autre. À la page 22, vous faites
état du trafic de passagers comparant Schefferville et Wabush, du trafic
de passagers à partir de Montréal et le total, également,
pour Fort Chimo et Frobisher Bay. En termes de rentabilité comparable,
est-ce qu'il serait avantageux d'ajouter le fret, l'activité cargo?
Est-ce que vous avez des chiffres sur le cargo qui est destiné à
aller dans l'une ou l'autre direction? Est-ce que cela pourrait être un
élément important pour mieux juger de la rentabilité, du
potentiel réellement offert par ces destinations comparatives?
M. Douville: M. le Président, évidemment, je n'ai
pas les chiffres de fret qu'on pourrait transporter de Schefferville et de
Wabush, mais il est évident que, si vous mettez en parallèle les
éléments de fret qui étaient disponibles à Wabush
et à Schefferville, surtout dans la grande période
d'activité économique, le marché de ces deux points
était certainement immensément supérieur, comme je l'ai
mentionné, à celui de Nordair.
Nordair, comme vous le savez, a développé son
marché de fret. Nordair, comme j'ai dit, a été
coincée entre deux autres sociétés. Nordair n'avait pas
d'avions à ce moment-là qui étaient prêts à
recevoir et du fret et des passagers. Donc, Nordair a décidé de
créer sa mission et s'est donné comme objectif d'être une
société qui allait avoir un transport mixte de passagers et de
fret.
Quebecair, avec la longueur des vols, Wabush-Schefferville, aurait pu
fort bien tirer son profit du fret qui existait, mais ce n'était
évidemment pas l'orientation de Quebecair parce que, lorsque Quebecair a
décidé d'acheter des Boeing 737, elle était certainement
beaucoup plus préoccupée de mener des passagers à la
Barbade et en Floride; on avait acheté des 737 avec des moteurs de -17,
mais il n'y avait aucune possibilité de fret. Donc, on peut tirer la
conclusion que Quebecair n'avait pas l'intention de se lancer dans un
marché de fret.
Nordair a décidé que sa rentabilité serait
tirée à partir d'une opération mixte de fret et de
passagers et elle a développé son réseau. C'est
évident que Frobisher Bay, avec 2900 habitants, n'offre pas une
immensité de marché, si vous voulez, pour un transporteur
aérien. Nordair n'aurait pas tiré son profit de Nanisivik,
Resolute Bay. Nordair trouve le moyen de s'adapter, d'adapter ses
marchés. À Val-d'Or, on a craint beaucoup, lorsque Nordair est
revenue en 1972, qu'après la Baie-James on disparaîtrait. On s'est
fait accuser par la chambre de commerce. On a dit: On craint beaucoup que vous
nous abandonniez quand les travaux seront terminés à la
Baie-James. Mais vous avez vu ce qu'on a fait - je vous l'ai montré par
des tableaux - on s'est développé un marché de fret
à partir d'un marché qu'on avait.
Nordair a trouvé des moyens, par créativité, par
imagination, par
détermination, de se rentabiliser avec ce qu'elle avait. Voici
qu'on a commencé il y a deux jours à donner des services à
Gareau Lake, à 75 milles au nord-ouest de Resolute Bay, comme vous voyez
sur la carte là-bas. On a commencé à offrir des services
de fret en atterrissant sur la glace. Il faut de l'imagination. On a fait des
études depuis longtemps, on l'a fait à plusieurs reprises. Alors,
pour une période de trois mois, on va chercher 350 000 livres de fret
qu'on n'aurait pas eu parce qu'on a de l'initiative, parce qu'on s'est
spécialisé dans le secteur, dans le trafic de marchandises et de
passagers. En plus de cela, on a 500 passagers qui atterriront sur la glace,
avec nous, à Gareau Lake. Donc, je pense que vous avez là une
orientation.
Le point que je veux souligner, lorsqu'on parle de Quebecair et de
Nordair, je vous dirai qu'on n'a pas été
privilégiés, on n'a pas eu de destination à l'est de
Montréal. Lorsqu'il y avait beaucoup de passagers, on n'en avait aucune;
il a fallu défricher, développer, il a fallu retrousser nos
manches, travailler et se créer un marché. Quebecair avait des
marchés qui allaient bien. Schefferville et Wabush étaient de
gros centres comparativement à n'importe quel centre d'activité
ou de destination de Nordair, mais je pense qu'on ne les a pas
développés. Je pense qu'il est assez logique de dire que, dans la
rationalisation, on s'est aidé un peu aussi en se créant, en se
développant des marchés qui, comme je l'ai mentionné tout
à l'heure - je suis très heureux de vous le mentionner -
contribuent à l'essor économique du Québec. On a
accroché des marchés qui étaient desservis par l'Ontario
exclusivement et on a apporté la main-d'oeuvre et l'approvisionnement
ici au Québec.
Encore une fois, si vous regardez les retombées
économiques des achats qui sont faits dans le but d'alimenter toutes les
stations et destinations du Grand-Nord, ce sont des achats qui sont
effectués au Québec et qui se seraient effectués à
l'extérieur si Nordair n'avait pas développé ces
marchés. Si Nordair est maintenant prête encore à
étendre son territoire aux gisements miniers ou pétroliers dans
le Grand-Nord, je pense que cela favorisera encore le Québec. (11 h
30)
M. Clair: Merci, M. Douville. M. le Président, je ne
voulais pas commencer une discussion avec M. Douville. Je fais juste signaler,
au passage, que Gagnon, Wabush, Schefferville, en termes de cargo, sont
desservis par un train et, qu'à ma connaissance il n'y a pas de train
qui se rend, cependant, à Chimo et à Resolute Bay. Mais comme,
à ce moment, je m'aventurerais, en lui posant des questions, à
amener le président de Nordair sur le dossier de Quebecair et que le
président du conseil d'administration de Quebecair, M. Guy Bernier, a
refusé, hier, aimablement de commenter les activités de Nordair,
je ne voudrais pas mettre M. Douville dans l'embarras et le forcer à
commencer à discuter de la gérance et des activités d'une
autre compagnie. C'est, donc, ma dernière question, M. le
Président. Je pense qu'on peut passer à un autre collègue
de l'Opposition.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je tiens à
féliciter les gens de Nordair pour l'exposé très
intéressant qu'ils ont fait, ce matin, sur l'historique de Nordair et
sur leur perception de l'évolution du transport aérien
régional au Québec, dans l'Est du Canada et dans le centre du
Canada, au cours des dernières années.
Quand on regarde l'histoire de Quebecair et de Nordair, vous souligniez,
au début de votre exposé, que les deux compagnies ont
été fondées en 1947, la même année, toutes
les deux, par des Québécois et toutes les deux dans des
régions du Québec, l'une au Lac-Saint-Jean et l'autre dans le
Bas-du-Fleuve. On ne peut pas s'empêcher de constater que les deux
sociétés ont connu des cheminements absolument différents
l'un de l'autre. C'est vraiment étonnant de voir le destin des deux
sociétés fondées en même temps, au même
endroit - au Québec toutes les deux - l'une aujourd'hui, après 35
ans, dans une période où tout le monde est mis à pied, est
probablement la seule société au Canada à faire de
l'embauche, donc en pleine prospérité; elle semble très
bien gérée, extrêmement bien équipée,
profitable puisque vous nous dites que, même en 1982, le déficit a
été de 2 000 000 $ en dépit d'une grève de six mois
- et elle donne, semble-t-il, un excellent service aux régions
éloignées, c'est-à-dire les régions nordiques.
D'autre part, l'autre société fondée en même
temps, Quebecair, qui est également une société
fondée au Québec comme je l'ai dit, semble avoir des
problèmes importants de gestion et d'équipement. Ils
annonçaient, hier, un déficit de 21 000 000 $ pour l'année
1982 sans qu'il y ait eu, je crois, de grève. Elle donne un service aux
régions dont on peut dire, malgré les affirmations entendues
hier, que les usagers se plaignent. Il suffit de parler aux gens de
Sept-Îles et de la Côte-Nord pour constater à quel point ces
gens se plaignent.
Encore hier, d'ailleurs, j'avais des téléphones de gens
disant qu'ils trouvaient incompréhensible qu'il en coûte 800 $
pour un billet d'avion aller-retour de Blanc-Sablon à Montréal,
et, par surcroît, sur des appareils turbopropulsés, sur une partie
du
parcours, qui ne fonctionnent pas toujours très bien, alors qu'on
sait que Quebecair, au cours de l'hiver dernier, offrait un vol en jet sur la
Floride pour 169 $ aller-retour, pour une distance qui n'est pas plus longue,
au contraire.
Ce sont deux contrastes, deux destins bien différents. C'est ce
que nous tentons aujourd'hui de comprendre. Comment se fait-il, à partir
d'une position de départ identique, qu'on se retrouve aujourd'hui avec
deux sociétés qui sont dans des situations extrêmement
différentes sur le plan financier?
Au début de son exposé tout à l'heure, le ministre
des Transports a fait allusion à la question de la francophonie, si je
peux dire, à Nordair. Vous nous avez présenté votre
équipe de direction où, semble-t-il, il y a beaucoup plus de
francophones que ce qu'on nous avait dit précédemment. Vous avez
un président qui est francophone, un président du conseil,
francophone; vous nous avez présenté cinq vice-présidents
francophones en plus de deux vice-présidents adjoints francophones, une
adjointe aussi. Vous donnez donc l'impression d'être une compagnie qui,
le moins qu'on puisse dire, fait quand même une large place aux
francophones dans sa direction. Vous avez donné des pourcentages,
à la demande du ministre d'ailleurs, sur le nombre de francophones dans
votre entreprise aux autres paliers qu'à celui de la direction. Cela
varie de 17% pour les opérateurs aériens jusqu'à 82% pour
les services en vol. Évidemment, je pense bien que les pourcentages de
Quebecair, en terme de francophones, sont plus importants.
Vous avez aussi dit dans votre exposé que Nordair a
été coincé au cours des années entre Quebecair
à l'Est et Transair à l'Ouest et que vous vous êtes
taillé un marché en partie au Québec et en partie en
Ontario. Je pense également que vous desservez Pittsburgh aux
États-Unis. Ceci étant dit, pourriez-vous nous dire quel est le
pourcentage de vos activités qui sont au Québec et le pourcentage
en dehors du Québec, de façon qu'on puisse voir si vous avez un
pourcentage de francophones qui correspond à peu près au
pourcentage de lignes de service que vous donnez au Québec
même?
M. Douville: M. le Président, je pense qu'il est difficile
d'exprimer ce genre de pourcentage. Lorsque vous parlez d'un service
aérien, si vous voulez définir un service ontarien, est-ce que
l'activité Montréal-Toronto, Montréal-Hamilton est
déterminé comme un service aérien ontarien ou
québécois? C'est très difficile. Il est important de vous
souligner que les activités de Nordair sont dirigées du
siège social ici. On a un bureau régional à Toronto
où les employés sont, évidemment, anglophones. Il est
aussi très difficile de vous donner un pourcentage d'activités
qui sont reliées à l'aspect francophone ou anglophone, parce que
le service qu'on donne dans les Territoires du Nord-Ouest présuppose
qu'on peut s'exprimer en anglais, comme d'ailleurs on présuppose que nos
services de Pittsburgh, de Toronto, Thunder Bay, Sault-Sainte-Marie, Dryden et
Winnipeg demandent qu'on puisse aussi s'exprimer en anglais. Alors, je pense
qu'il est difficile d'essayer d'identifier un segment d'activités de
Nordair qui pourrait s'exercer en français par comparaison à un
segment de nos activités qui pourrait s'effectuer en anglais. Alors, je
me sens un peu mal à l'aise pour vous donner une définition bien
précise de nos services qui sont en français. Je pense que
globalement l'objectif de Nordair est de s'assurer qu'on crée des
emplois dans le secteur de l'aviation pour des francophones. En faisant ce
genre d'exercice, si vous voulez, on peut effectuer les mêmes services
avec des francophones qui sont bilingues dans d'autres provinces ou d'autres
secteurs. Il m'est difficile de vous préciser ce secteur qui se rattache
à la langue.
M. Bourbeau: Je voulais souligner que, lorsque vous devez donner
un service dans des régions comme l'Ontario ou Pittsburgh, il faut
nécessairement que les gens qui travaillent pour vous soient capables de
parler la langue des gens que vous desservez à ces endroits.
Forcément, peut-être cela vous oblige-t-il à avoir un peu
plus d'anglophones dans votre entreprise que si vous étiez restreints
uniquement au Québec, je présume.
M. Douville: Oui, sûrement.
M. Bourbeau: M. Douville, vous êtes celui qui a
signé la fameuse lettre qui a été publiée partout
et que le ministre a mise, d'ailleurs, dans le cahier qu'il nous a donné
et qui résumait l'offre qui avait été faite par Nordair
à Quebecair en juillet 1981. À ce sujet, le ministre dans son
allocution, hier, a dit que le gouvernement du Québec était
intervenu pour empêcher que les actionnaires de Quebecair n'acceptent
l'offre de Nordair et je vais le citer aussi bien que possible: "Aucune
garantie quant à la place qu'auraient réellement occupée
les francophones dans cette nouvelle proposition où Quebecair devenait
une filiale de Nordair dont on connaît les velléités de la
haute administration de faire une place aux francophones".
Ce matin, dans votre texte, en vous référant toujours
à l'offre de juillet 1981, vous dites que cette offre dépend de
l'intérêt non seulement à conserver, mais à
augmenter les emplois détenus par des
francophones au Québec dans le secteur de l'aviation.
Évidemment, il semble y avoir un contraste entre votre perception de
l'offre de juillet 1981 relativement à ce problème et la
perception du ministre, parce que lui semble avoir bloqué la transaction
à cause de sa crainte que vous ne fassiez assez de place aux
francophones. Vous, vous dites qu'un des buts de cette offre était de
faire une fusion qui puisse augmenter la place des francophones. J'aimerais que
vous m'expliquiez un peu en quoi votre position contraste avec celle qu'on a
entendue.
M. Douville: Je crois qu'il était évident, M. le
Président, au moment où nous avons fait l'offre, qui avait
été négociée principalement avec la
Société d'investissement Desjardins, qu'on avait la
détermination de s'assurer que, si l'offre était acceptée,
on allait certainement continuer à augmenter les emplois pour les
francophones, les emplois au Québec dans les deux
sociétés. Je pense que la meilleure preuve de la bonne foi qui
était mentionnée dans cette lettre, c'est ce qui s'est produit
effectivement. Je pense que vous êtes en mesure de réaliser que
Nordair continue d'augmenter son pourcentage de francophones dans ses
effectifs. Je pense que les gens qui sont autour de cette table en sont la
démonstration et que les statistiques qu'on m'a demandé plus
tôt de vous donner illustrent la bonne foi qui était à la
base de cette lettre qui a été écrite en 1981 et qui
assurait M. le ministre de la bonne foi advenant le succès de la
proposition qui était discutée à ce moment-là.
M. Bourbeau: Je pense que c'est important que cela soit dit,
parce qu'il semble que ce soit la raison principale -d'ailleurs, cela a
été déclaré - qui a fait que le gouvernement a
empêché la vente. On craignait pour le sort des francophones dans
l'aviation non seulement au Québec, mais dans l'Est du Canada. Je pense
que vous venez de donner une réponse assez éclatante en ce sens
que, même sans cette fusion, Nordair, déjà, fait une large
place aux francophones. On pourrait penser qu'avec la fusion avec Quebecair
cette place aurait été encore plus grande. Cela a pour effet
d'annuler, à toutes fins utiles, pour autant que nous sommes
concernés, les raisons que le gouvernement peut invoquer pour avoir
empêché cette fusion; on peut les mettre en doute.
Dans l'offre qui avait été faite, M. Douville, dans un
premier temps, le Mouvement Desjardins devenait actionnaire à 27% de la
nouvelle société regroupant Quebecair et Nordair, et Air Canada
avait 73%. Vous dites dans votre lettre que les actionnaires avaient convenu
que, dans un laps de temps assez court, les intérêts d'Air
Canada seraient diminués et deviendraient minoritaires, et que
les actions seraient revendues dans le public. Est-ce que vous pourriez nous
expliquer un peu quelle était l'intention, puisque vous avez
négocié cette offre, des parties et de quelle façon le
public aurait eu accès à ces actions? Est-ce que c'est un public
québécois, un public ontarien? Comment cela se serait-il
réparti exactement?
M. Douville: M. le Président, je pense que ceci nous
ramène dans le contexte de la période qui a
précédé immédiatement l'offre qu'on avait
formulée en juillet 1981 et cela fait suite aux tentatives qu'on avait
faites d'acheter Nordair au préalable. Comme je l'ai mentionné
dans mon texte, je pense que le ministre avait trouvé une
fiancée; il avait parlé de se fiancer pour un moment. Il aurait,
à plusieurs reprises, comme je l'ai mentionné, probablement
essayé d'effectuer cette transaction si on avait réussi à
établir un équilibre entre les actionnaires domiciliés en
Ontario et les actionnaires domiciliés au Québec. Notre offre,
à ce moment-là, était formulée sans qu'il y ait
d'exigence de la part des autres intérêts d'avoir une position
majoritaire. Donc, on avait formulé l'offre qui suit: Air Canada,
immédiatement, verrait sa participation réduite à 73% et
celle de la Société d'investissement Desjardins augmentée
à 27%. (11 h 45)
Maintenant, dans le but d'éliminer les craintes qui auraient pu
exister au niveau des différents groupes intéressés
à Nordair, on avait pensé à une émission d'action
publique une fois la rentabilité des deux sociétés
fusionnées établie. Si on avait une émission publique qui
peut être faite avec certaines barrières, si vous le voulez, ou
protégée, où personne ne peut acheter un bloc de
contrôle ou acheter immensément d'actions, je pense qu'on aurait
réussi réellement à étendre la
propriété d'une société fusionnée. Vous
aviez déjà un actionnaire très intéressé qui
avait vu sa participation augmenter la Société d'investissement
Desjardins. Donc, à partir de 27% détenu par Desjardins, la
participation d'Air Canada aurait été réduite davantage,
à ce moment-là, par une émission publique à une
position minoritaire.
Si vous aviez éliminé la possibilité que quelqu'un
achète un gros bloc d'actions, je pense que vous auriez eu une
société qui aurait été possédée
largement, puis naturellement par les gens du Québec qui auraient
été intéressés parce que le siège social est
ici. Si la société avait été rentable, il n'y a pas
de raison pour laquelle nos investisseurs québécois n'auraient
pas trouvé leur rentabilité à investir, pour faire de
l'argent, pour avoir un bon rendement, dans une société
d'aviation bien dirigée au
Québec. Donc, si vous le voulez, on avait sorti le concept
à ce moment-là d'une structure qui allait demander des cadres
bien précis, que ce soit ici ou à l'extérieur.
M. Bourbeau: Maintenant, M. Douville, un sujet dont on n'a pas
parlé encore depuis que la commission parlementaire a commencé
ses travaux et qui est très important, c'est la question des petits
actionnaires de Quebecair. Quebecair a été fondée en 1947
par des hommes d'affaires de Rimouski. Au début, cela s'appelait
Rimouski Airlines. Il y a un grand nombre d'hommes d'affaires
québécois, des Québécois, qui ont investi, au
début, des fonds dans Quebecair, qui en ont été les
pionniers.
On voulait inviter à cette commission le président
fondateur de Quebecair, M. Albert Dionne, qui a été 6 ou 7 ans
président, au début. Il détient encore des
intérêts minoritaires. Malheureusement, on n'a pas pu s'entendre
avec le ministre pour assurer sa participation ici. On aurait aimé
l'entendre pour faire valoir le point de vue de ces gens-là qui sont les
pionniers de Quebecair, les vrais fondateurs, qui pendant 35 ans n'ont jamais
eu un cent de retour sur leurs investissements, qu'on n'a jamais
consultés, d'ailleurs, sur aucune des décisions qui ont
été prises et qui aujourd'hui ne savent pas du tout ce qu'il en
est de leurs investissements. Probablement que plusieurs d'entre eux ont fait
une croix là-dessus depuis longtemps.
De quelle façon est-ce que vous entendiez, avec votre offre de
juillet 1981, traiter ces gens-là? On sait que dans l'offre d'achat que
le gouvernement du Québec a faite aux actionnaires de Quebecair, il a
fait une offre à tous les gros actionnaires, le groupe Hamel, Desjardins
et Provost, détenant 93% des actions. On leur a offert de leur
rembourser toutes leurs actions en juillet 1983 avec un profit. Hier, le
Mouvement Desjardins parlait d'un profit qui allait de 11,5% sur les actions
ordinaires à 16,5% sur les actions privilégiées. J'admets
que ce ne sont pas des profits de 20%, mais, quand on parle d'une compagnie qui
perd 21 000 000 $ dans une année, je pense que ce n'est quand même
pas si mal.
Quant aux petits actionnaires, le gouvernement du Québec n'a
absolument fait aucune offre, ne s'en est pas occupé. On ne les a
même pas considérés dans l'offre, se sorte que ceux qui
vont faire de l'argent au mois de juillet 1983, ce sont les gros, 93%, et les
petits, 0, exactement comme on l'a fait, d'ailleurs, dans l'amiante et dans
d'autres cas.
Dans votre offre de juillet 1981, est-ce que vous faisiez une offre
seulement aux gros actionnaires ou si vous vous occupiez également des
petits et des fondateurs de Quebecair? Et si vous vous occupiez des petits,
est-ce que vous les traitiez sur le même pied que les gros?
M. Douville: M. le Président, dans le tableau dont je me
suis servi tout à l'heure, au bas, il y avait une proposition pour les
103 500 actions détenues par des intérêts minoritaires qui
allaient recevoir 2,25 $ par action au moment où on avait fait l'offre
de juillet 1981.
M. Bourbeau: Donc, si je comprends bien, votre offre était
faite non seulement aux gros actionnaires, mais également aux
petits.
M. Douville: L'offre était, évidemment, offerte
à tous les actionnaires, incluant les petits.
M. Bourbeau: Les petits actionnaires, on leur offrait le
même prix qu'aux gros par action.
M. Douville: Oui.
M. Bourbeau: Merci. Dans votre lettre, vous nous dites que
l'offre présentée aux actionnaires de Quebecair en juillet 1981
n'avait pas été sollicitée, ni amorcée par Air
Canada et Nordair, mais que c'est à la suggestion de l'ancien ministre
des Transports, M. Denis de Belleval, que vous faisiez cette offre. C'est
écrit dans votre lettre du 16 juillet. Vous reprenez ce texte à
la page 15 de votre mémoire d'aujourd'hui en disant que c'est à
la suggestion de l'ancien ministre québécois des Transports, M.
Denis de Belleval, que vous avez fait cette offre. Pouvez-vous nous dire
exactement comment M. de Belleval vous a fait cette suggestion?
M. Douville: M. de Belleval ne m'a certainement pas fait la
suggestion à moi. Je pense qu'il l'a faite au cours d'une visite au
ministre fédéral des Transports, M. Pépin. Depuis cette
visite à M. Pépin, on m'a communiqué que M. de Belleval,
à ce moment-là, avait suggéré qu'il serait
probablement plus rentable, plus viable et qu'on servirait mieux les
intérêts des Québécois en examinant la
possibilité qu'une offre d'achat soit faite par Nordair pour Quebecair
au lieu de poursuivre la proposition inverse qu'on poursuivait
déjà depuis février 1979.
M. Bourbeau: Donc, M. de Belleval, quant à lui,
préférait la solution d'une fusion entre Nordair et Quebecair
à partir de l'offre que vous aviez faite.
Malheureusement, il n'est plus ministre des Transports aujourd'hui.
Certains journalistes affirment dans la presse que c'est le meilleur ministre
des Transports que le Québec ait jamais connu. Je ne voudrais pas
insulter le ministre actuel, mais...
M. Clair: Sachant de qui cela vient, cela ne m'insulte pas du
tout.
M. Bourbeau: Ah bon! Vous critiquez les journalistes
maintenant?
M. Clair: Absolument pas.
M. Rodrigue: L'insulte est toujours proportionnelle à
l'importance qu'on accorde à l'insulteur.
M. Clair: C'est cela.
M. Bourbeau: M. Douville, vous avez fait parvenir votre offre aux
actionnaires de Quebecair le 9 ou le 10 juillet 1981. Soudain, le 16 juillet
1981, vous vous retrouvez dans le bureau du ministre Landry. D'ailleurs, votre
lettre est adressée à M. Bernard Landry. Comment se fait-il que
vous vous soyez retrouvé dans le bureau du ministre Landry? Nous ne
comprenons pas tellement, parce que le ministre Landry n'était pas
actionnaire de Quebecair à ce moment-là, ni le ministre Clair, ni
le gouvernement du Québec. Vous traitiez avec des actionnaires
privés. Pourquoi vous retrouver avec MM. Lizotte et Lefrançois
dans le bureau de M. Landry? Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu
comment il se fait que vous vous soyez retrouvé là et que vous
ayez pris la peine d'écrire une lettre à M. Landry qui
n'était pas actionnaire?
M. Douville: Au cours des négociations effectuées,
dans les mois de juin et de juillet, avec les actionnaires de Quebecair, la
Société d'investissement Desjardins, représentée
par M. Gauthier, Les transports Provost, représentée par M.
Robert Provost, et M. Hamel, il est devenu apparent que M. Hamel, comme je l'ai
mentionné, avait des exigences particulières. Nous étions
arrivés à un point où il fallait absolument bouger ou
cesser nos opérations parce qu'on négociait très
lentement. M. Hamel nous a demandé un sursis pour étudier l'offre
qu'on lui avait faite. Au cours de ce sursis accordé à M. Hamel,
il a rencontré le ministre Landry. À la suite de sa visite au
ministre Landry, on nous a demandé d'accorder un autre sursis. Donc, on
a cru bon, étant donné que M. Hamel avait décidé
d'informer le ministre Landry, d'attendre une offre qui soit assez
cristallisée. Je pense qu'il n'était pas bon d'aller informer le
gouvernement du Québec d'une transaction qui n'était pas
mûre. Tout de même, c'était notre intention d'informer le
gouvernement que nous étions en train de transiger et on croyait
préférable d'obtenir l'assentiment de tous les actionnaires avant
d'en informer le gouvernement.
Donc, je crois qu'il était logique, sachant que M. Landry avait
été impliqué ou avait discuté de l'offre avec M.
Hamel, qu'on aille informer le gouvernement, comme bons citoyens - parce que
c'était M. Landry qui avait été impliqué
effectivement avec M. Hamel - de ce qu'on allait faire: C'est ce qu'on a fait
le 16 juillet. C'est pour les fins de cette réunion que j'avais
écrit une lettre à M. Landry qui nous a servi d'ordre du jour et
à laquelle était annexée notre offre d'achat aux
actionnaires de Quebecair.
M. Bourbeau: Quelle a été la réaction de M.
Landry quand vous l'avez rencontré?
M. Douville: M. Landry a cru que la proposition était
bonne sur le plan financier, mais qu'elle ne répondait pas à
d'autres objectifs du gouvernement. En plus de celui que le gouvernement avait
d'avoir une société rentable, viable, il y avait d'autres
objectifs qui relevaient du fait que Nordair était une
société possédée à 86% par Air Canada, donc
une société de la couronne. Probablement que dans l'objectif du
Parti québécois, on voulait une société qui soit
dirigée exclusivement en français et qu'on croyait qu'il ne
pourrait pas atteindre cet objectif par l'offre qu'on avait faite. À
cause de ces raisons, on a jugé que l'offre qu'on avait faite
était inacceptable. Le gouvernement du Québec a fait
connaître son intention d'investir 15 000 000 $ dans Quebecair.
M. Bourbeau: M. Landry vous a dit que votre offre était
excellente sur le plan financier mais que sur le plan nationaliste, si je peux
dire, elle était inacceptable. Est-ce que je traduis bien vos
propos?
M. Douville: Oui, c'est assez exact.
M. Bourbeau: Est-ce que M. Landry a fait allusion à
d'autres considérations, par exemple en ce qui concerne Quebecair ou ses
rêves de voir Quebecair grandir dans l'avenir et évoluer vers
d'autres continents?
M. Clair: Juste une information pour tous les membres de la
commission et, en particulier, pour le député de Laporte. Si le
député connaît bien les règles naturelles de la
preuve, habituellement la meilleure preuve, ce n'est pas par un témoin,
mais par la possibilité d'interroger la personne qui a pris des
positions. C'est simplement pour dire au député de Laporte que,
en tout temps mon collègue qui était ministre d'État au
Développement économique se fera un plaisir de venir prendre
place à côté de moi et d'énoncer ses motifs.
M. Bourbeau: J'aimerais vous dire ceci. J'ai eu une conversation
avec M. Landry au mois de décembre lorsque nous avons
convenu de faire une commission parlementaire. Il m'a assuré
qu'il serait présent et je dois vous avouer que je suis
déçu qu'il ne soit pas ici. J'ai même l'intention, si le
député de Gatineau veut en faire une proposition, qu'on invoque
encore l'article 158 dans son cas, comme dans le cas de MM. Campeau et
Champagne et comme dans le cas de tous les autres qui se défilent. Si
vous voulez l'amener ici, M. le Président, cela nous fera plaisir.
M. Clair: Le député nous avait fourni une liste de
personnes. Comme mon collègue a également d'autres
responsabilités, le député de Laporte n'ayant pas inscrit
son nom sur la liste, on a simplement compris que le député
était moins intéressé à l'entendre qu'il ne l'avait
manifesté plus tôt. C'était juste un élément
d'information.
M. Bourbeau: D'accord.
M. Clair: Si le député veut continuer son
interrogatoire, il n'y a aucun problème.
M. Bourbeau: Est-ce que je peux prendre mon droit de parole, M.
le ministre? Je sais que cela ne vous fait pas tellement plaisir.
M. Rodrigue: Faire des affirmations quand les gens ne sont pas
là, c'est plus facile.
M. Bourbeau: M. Landry m'avait personnellement assuré de
sa présence. Je n'ai pas requis sa présence, comme je n'ai pas
requis celle du ministre, parce que je pensais bien qu'il serait ici. Il
m'avait dit qu'il y serait. Comme je prends toujours la parole des ministres,
j'ai pensé que je n'avais pas besoin d'envoyer un subpoena.
Si vous voulez, on va terminer ce point-là. Je pense que vous
avez compris ma question. Est-ce que je dois la répéter? Est-ce
que d'autres rêves pour Quebecair ont été
évoqués?
M. Douville: Je crois que, lorsqu'on regardait la
possibilité d'une ligne aérienne le gouvernement voulait une
ligne aérienne qui s'étendrait à l'extérieur du
Québec, qui allait participer aux vols nolisés. On a fait
allusion, à ce moment-là, au désir, à l'objectif
d'avoir une ligne aérienne québécoise et francophone qui
s'étendrait à l'extérieur de la province.
M. Bourbeau: Et qui permettrait un jour au ministre Landry
d'atterrir à Paris sur des ailes fleurdelisées. Est-ce que, par
hasard, cela aurait été dit? (12 heures)
M. Douville: Je ne sais pas, M. le Président.
M. Bourbeau: M. Douville, le gouvernement du Québec a
payé 7 500 000 $ pour Quebecair et, un an et demi après, le
déficit d'exploitation pour une seule année est trois fois plus
grand que le prix d'achat, soit 21 000 000 $. Et vous étiez prêt
à offrir 7 000 000 $ pour la même société. Comment
pouvez-vous, comme homme d'affaires, prétendre que, pour vous, cela
aurait été rentable, alors que le gouvernement du Québec
n'est pas capable de faire autre chose qu'un déficit de trois fois la
valeur d'achat dans une seule année d'exploitation?
M. Douville: M. le Président, je crois qu'on a fait
allusion, ce matin, à plusieurs reprises, au fait que les conditions
étaient différentes. Les conditions, évidemment, se sont
énormément détériorées depuis la
période où on a fait l'offre. Mais, dans l'esprit de notre
proposition, il était évident qu'on allait sortir des
bénéfices, des économies d'échelle qui
n'étaient disponibles pour personne d'autre. Personne d'autre ne pouvait
fusionner deux comptoirs à l'aéroport de Montréal.
Personne d'autre ne pouvait se servir du même bâtiment d'entretien.
Personne d'autre, à ce moment-là et certainement pas le
gouvernement, n'avait une flotte d'avions 737. Donc, au moment où on a
présenté notre offre, on avait encore un marché, pour les
Boeing 737, qui était assez vigoureux, comme je l'ai
mentionné.
Donc, dans la vision d'une société fusionnée, c'est
évident qu'on n'avait pas besoin des onze avions 737 de Nordair et des
cinq que Quebecair allait acheter ou qu'elle s'était engagée
à acheter, trois ou quatre, je crois, à ce moment-là.
Donc, il y avait un marché qui nous aurait permis de vendre les Boeing
737 sans faire de perte, parce que le marché était encore
vigoureux pour ce type d'avions. C'est évident que, si on examine la
raison de la rentabilité d'une société d'aviation, c'est
l'utilisation de ses actifs. On entrevoyait certainement faire une utilisation
maximale des actifs des deux sociétés et de la vente des actifs
de surplus. C'est l'utilisation qu'on avait projetée pour le nombre
d'avions qu'on aurait achetés qui nous permettait d'anticiper une
rentabilité acceptable pour les deux sociétés.
D'ailleurs, c'est mentionné dans la lettre que vous avez, M.
Bourbeau, on ne pensait pas qu'une autre société qui
n'était pas dans la même position que Nordair -Nordair
était la seule société qui était en position,
étant dans le même secteur, dans le territoire avoisinant et qui
pouvait sortir les économies d'échelle qui auraient
bénéficié aux deux sociétés - qu'une
entité qui n'était pas dans le secteur de l'aviation, à ce
moment-là, pouvait aller chercher ce genre d'économies
d'échelle que seule Nordair pouvait aller chercher. C'est ce qui
explique
pourquoi, à ce moment-là, on a été en mesure
de croire qu'on pouvait obtenir une rentabilité qui ne s'est pas
matérialisée.
M. Bourbeau: Je voudrais revenir sur l'entrevue que vous avez eue
avec M. Landry. M. Landry n'était pas seul, je crois, n'est-ce-pas? Dans
votre texte, vous dites qu'il y avait M. Clair et un M. Vézina...
M. Douville: M. Clair et M. Vézina.
M. Bourbeau: ...de la part du gouvernement et que vous
étiez trois. Pouvez-vous nous dire qui, à ce moment-là,
parlait de la part du gouvernement? Était-ce M. Landry ou M. Clair? Qui
dirigeait les débats pour la partie gouvernementale?
M. Clair: Vous pourriez me poser la question.
M. Douville: Vous pourriez le demander à M. Clair; il est
là.
M. Bourbeau: Alors, peut-être que M. Clair peut
répondre. Je pose la question à M. Douville, mais M. Clair peut y
répondre.
M. Clair: La réponse la plus simple, M. le
Président, c'est que j'étais entré en fonction au
ministère des Transports le 1er mai 1981. La première rencontre
que j'ai eue au sujet du dossier de Quebecair a eu lieu le 18 juin. Par la
suite, comme c'est bien indiqué dans les propos de M. Douville, une
rencontre a été sollicitée avec le ministre d'État
au Développement économique chargé de superviser ce
dossier depuis 1978, je crois, comme ministre d'État au
Développement économique. Et, à compter de ce moment,
compte tenu de mon arrivée récente au ministère des
Transports, il est bien évident que je ne tenais nullement grief
à M. Douville de s'être adressé au ministre d'État
au Développement économique, d'autant plus que c'était
relatif à une décision aussi importante que de se faire donner
une lettre. On dit que le projet est devenu assez mûr pour être
soumis au gouvernement du Québec le 16 juillet pour une offre venant
à échéance le jour suivant. Il est évident que je
voulais bénéficier de l'expérience de mon collègue,
le ministre d'État au Développement économique, et que la
rencontre a été, je dirais, menée dans un esprit de
collaboration entre les deux ministres.
M. Bourbeau: M. le ministre, vous comprendrez que cette question
était destinée à vous rendre un peu service. On voulait
vous enlever un peu de la lourde responsabilité que le gouvernement a
prise en investissant dans Quebecair et en la faisant partager par un ministre
"senior".
M. Clair: M. le Président, je n'ai pas besoin de tant de
condescendance de la part du député de Laporte. J'ai
été nommé titulaire du ministère des Transports le
1er mai 1981 et c'est à compter de ce moment-là que j'en ai
assumé la responsabilité.
M. Bourbeau: Parfait. M. Douville, j'en parlais tout à
l'heure, on sait que la qualité du service aux régions du
Québec est très importante pour les Québécois et on
sait que Quebecair est, par définition, un transporteur régional,
donc que la vocation première de Quebecair est de desservir les
régions du Québec et surtout les plus éloignées
afin de leur permettre de communiquer avec le reste de la province. Je faisais
tout à l'heure état de la déception des gens de la
Basse-Côte-Nord qui se plaignent du mauvais service et des coûts
exorbitants des tarifs.
D'ailleurs, le ministre des Transports, dans son allocution d'ouverture,
hier, donnait comme une des raisons qui ont incité le gouvernement
à bloquer l'offre de Nordair en 1971 - et je vais tenter encore de citer
son texte - "Comme l'Ontario et l'Alberta avant nous, nous croyons que cela -
il réfère à votre offre - conduirait à un
désintéressement de ce groupe du service aux régions." Si
je comprends bien le texte du ministre, on croyait que le fait de fusionner
Quebecair et Nordair aurait fait détériorer le service aux
régions. Est-ce que vous partagez cette opinion?
M. Douville: Non. L'objectif de Nordair est, évidemment,
d'assurer une qualité de service sur tous ses réseaux. Nordair
est une société régionale et je crois que la même
qualité de service, la même efficacité, la même
ponctualité que Nordair connaît auraient dû se
révéler dans les autres activités que Nordair aurait pu
entreprendre. Je pense que, si Nordair avait eu l'occasion de faire
l'acquisition de Quebecair, le service serait demeuré un objectif
très important dans l'esprit des dirigeants de cette nouvelle
société et Nordair n'aurait pas voulu qu'on connaisse une
détérioration de la qualité des services. Certainement
pas.
M. Bourbeau: Dans son exposé d'hier, le président
de Quebecair nous disait que l'indice de ponctualité de Quebecair se
situe autour de 82% ou 84%. Pour fins de comparaison, où se situe
l'indice de ponctualité de Nordair?
M. Douville: M. le Président, je crois qu'il est
très difficile de comparer ce genre de statistiques. Nordair est
très fière et très préoccupée de maintenir
l'indice de ponctualité le plus élevé possible. On doit
faire ceci en dépit d'activités dans les territoires
entièrement différents. C'est très évident que des
opérations à Hall Beach, à
Frobisher, à Resolute et à Nanisivik, de même que
dans le Grand-Nord québécois, dans le nord
québécois et le nord-est québécois
présentent des genres de conditions atmosphériques qui rendent
souvent la ponctualité plus difficile qu'elle ne l'est dans des grands
centres, plus au sud du pays.
Je crois que Nordair est très fière de son indice de
ponctualité chez ses usagers. On est très fier et on y attache
une importance primordiale, mais je ne crois pas qu'il soit opportun de faire
la comparaison de la ponctualité des deux parce que nos genres
d'activités sont très différents, d'autant plus que,
souvent, Nordair doit, à cause de ce genre de transport unique qu'on
effectue, soit le transport de fret et de passagers, procéder à
des activités qui seraient de nature à nous favoriser parce qu'on
a des chargements de fret à effectuer. Donc, on s'en préoccupe
énormément. On maintient un excellent niveau de
ponctualité. Mais les activités étant différentes,
je crois qu'il ne serait pas opportun de comparer la ponctualité des
deux sociétés.
M. Bourbeau: De toute façon, je dois vous mentionner qu'on
a précisé après coup, hier, que la ponctualité
était de quelque 80% pour le réseau Quebecair. Mais, en ce qui
concerne le réseau Regionair, donc le service dans les régions
plus éloignées, les sous-régions comme le dirait le
député de Vimont, c'est Regionair, la filiale de Quebecair, qui
assure le service. À ces endroits, l'indice de ponctualité est
très inférieur à celui dont j'ai parlé
tantôt.
Je voudrais maintenant parler d'avions. On sait que Quebecair, en 1980,
a acheté trois avions Boeing 737-9. On a expliqué hier que ces
avions ont un rayon d'action moyen, pour parler en termes
généraux, un rayon d'action qui permet un vol de Montréal
aux Antilles: les premières îles des Antilles, comme Cuba et la
Jamaïque, enfin un peu plus loin que la Floride. On a acheté, dans
un premier temps, trois -9 et Quebecair les a actuellement. Je pense qu'il y en
a un en service et que les deux autres sont loués. Je ne pense pas qu'on
en utilise plus d'un actuellement.
Subséquemment, à la fin de 1981 et en 1982, on a pris
livraison de deux Boeing -17. On nous a expliqué hier que ce sont des
Boeing à plus long rayon d'action que les -9 et qu'ils peuvent se rendre
d'un seul coup non seulement à Cuba ou à la Jamaïque, mais
également plus loin, par exemple, au Mexique et même à la
Barbade. On nous a expliqué que, pour que ces avions puissent avoir un
plus long rayon d'action, on avait amputé la soute à bagages des
passagers pour agrandir les réservoirs d'essence. Pourquoi avait-on
besoin de moteurs aussi puissants et de réservoirs à essence
aussi grands pour se rendre à Sept-Îles, Baie-
Comeau, Mont-Joli? Quebecair étant un transporteur
régional, on présume que c'est pour servir le réseau
Quebecair qu'on a acheté ces avions.
Chez vous, vous avez des lignes très longues qui vont, par
exemple, jusqu'à Resolute Bay dans l'Arctique et Resolute Bay, je dirais
que c'est environ huit fois la distance entre Montréal et
Sept-Îles. Est-ce que je me trompe? C'est sept, huit ou dix fois la
distance entre Montréal et Sept-Îles. Donc, vous avez des lignes
qui sont infiniment plus longues que les lignes de Quebecair. Je présume
que vous devez avoir un grand nombre de Boeing -17 puisque vous avez des
longues lignes à parcourir. Pourriez-vous me dire ce qu'il en est?
M. Douville: M. le Président, je ne voudrais absolument
pas répondre à une question dans laquelle on me demanderait
d'établir une politique de choix d'avions pour Quebecair. Je ne peux pas
répondre à cette question, M. le Président. Je peux vous
dire le genre d'avions qu'on a chez Nordair. Chez Nordair, on a des avions 737
qui ont des moteurs -9, dont six sont des avions très
spécialisés, comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, qui ont des portes de cargo, des appareils d'atterrissage pour les
pistes de gravier et qui sont faits, évidemment, pour nos
activités. On a des systèmes de navigation qui sont
adaptés à notre genre d'activités. On ne voulait pas, chez
Nordair, dévier ou avoir plus de types d'avions. Évidemment, le
mieux, c'est d'en avoir le moins possible du point de vue de l'entretien.
À part les avions 737 qui sont les -9, on a cinq FH-227, qui sont
des turbopropulsés, qui assurent le service d'approvisionnement de la
DEWline et qui assurent aussi le service sur des étapes plus courtes,
dans le sud du pays, au nord-ouest du Québec. On a aussi deux Electra,
qui sont d'immenses avions turbopropulsés dont on se sert pour faire la
reconnaissance des glaces. Ce sont des avions extrêmement
spécialisés qui ne pourraient pas servir à d'autres fins
parce qu'ils comprennent énormément d'instrumentation, de radars,
toutes sortes de commodités, incluant des lits, parce que c'est pour des
parcours très longs. Donc, ce sont des avions extrêmement
spécialisés. Cela constitue la flotte de Nordair et je crois que
le choix de la flotte est fait en fonction de nos objectifs principaux.
Parallèlement, on ajoute, si vous voulez, des exercices qui peuvent
utiliser les avions qu'on a, que ce soient des exercices de nolisement ou
d'autres. On fait du nolisé. On le fait à l'intérieur du
champ d'action ou du rayonnement de nos avions 737. (12 h 15)
M. Bourbeau: Les moteurs -9, sont de plus petits moteurs par
rapport aux -17. Quel est le rayon d'action de ces avions?
M. Douville: Vous l'avez mentionné. Cela nous amène
en Floride, cela peut nous amener, je pense, à Calgary, cela peut nous
amener dans les proches Antilles; c'est leur rayon d'action.
M. Bourbeau: 2000 milles, un peu plus? M. Douville:
À peu près, oui.
M. Bourbeau: Combien de milles plus loin va le -17?
M. Douville: Je ne le sais pas.
M. Bourbeau: Vous ne le savez pas. Est-ce que M.
Lefrançois le saurait? M. Lefrançois auriez-vous cette
information?
M. Lefrançois (Roland): Je comprends que la principale
raison d'avoir acheté ces avions, c'est pour pouvoir aller à la
Barbade deux fois par semaine, mais que dans toutes les autres activités
de Quebecair, les -9 sont les avions de beaucoup les plus appropriés.
C'est à des fins de "charter" exclusivement.
M. Bourbeau: Vos voyages à Resolute Bay, vous les faites
avec des -9 sans arrêt? Est-ce que vous pouvez le faire?
M. Lefrançois: Nous ne faisons pas de vols directs entre
Montréal et Resolute Bay. Tous nos vols pour Resolute Bay passent par
Frobisher et très souvent également par Fort Chimo, ce qui, dans
ce cas, permet de donner encore une fréquence additionnelle à
Fort Chimo qu'elle n'aurait pas si Fort Chimo n'était pas
intégrée dans notre service du Grand-Nord. Nous pourrions, en
principe, faire des vols directs entre Montréal et Resolute Bay, mais la
charge payante devrait être diminuée proportionnellement. Ce ne
serait pas rentable de le faire. C'est plus rentable de faire passer ces vols
par Frobisher et même par Fort Chimo.
M. Bourbeau: Donc, vous n'avez aucun avion -17.
M. Lefrançois: Aucun avion, parce qu'ils seraient non
seulement distincts de notre flotte, mais les -17 sont beaucoup plus
dispendieux à exploiter, ils sont moins économiques en carburant
et ils coûtent beaucoup plus par mille de fonctionnement. Plus chers
d'acquisition, plus chers de fonctionnement et moins de possibilités
d'être rentables.
M. Bourbeau: Je voudrais passer à un autre point. Lors des
discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, on a
accusé, à plusieurs reprises, le gouvernement
fédéral de favoriser Nordair par des contrats, où
Quebecair n'aurait pas été favorisée, elle n'aurait pas eu
l'occasion de pouvoir soumissionner pour ces contrats. En conséquence,
on a prétendu que Nordair avait subi de la part du gouvernement
fédéral un traitement privilégié pour plusieurs
contrats dans le Grand-Nord. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il en est
exactement?
M. Douville: Je suis très heureux que cette question soit
posée parce que j'ai lu qu'on avait été favorisés
parce que Nordair était une filiale d'Air Canada, une
société de la couronne. Je suis très heureux qu'on me pose
la question. Le contrat de reconnaissance des glaces, que Nordair effectue
depuis 20 ans, est un contrat qui est donné pour une période de
cinq ans; c'est fait par appels d'offres. Toutes les sociétés
aériennes sont invitées à participer à ce concours.
Nordair, évidemment, y a participé et en a été
l'heureuse gagnante, mais cela n'a pas été une chose facile. Il y
avait beaucoup de concurrents. Étant donné qu'on a perçu
qu'on nous faisait une faveur, il me faut vous mentionner, parce qu'on l'a fait
en discutant du dossier de Quebecair, que Quebecair n'a pas participé au
concours, pas qu'elle n'ait pas été invitée, parce que
toutes les compagnies aériennes étaient invitées.
Des concurrents très intéressés, il y en avait
trois, peut-être quatre, et cela a été une lutte
très serrée. Nordair a dû travailler
énormément pour s'assurer qu'on maintienne le contrat parce qu'on
avait apporté un élément différent. On effectue le
contrat avec des avions Electra-188 qui sont d'immenses avions
propulsés. On avait fait une proposition. On a dû faire deux
propositions, effectivement, pour s'assurer qu'on obtienne le contrat.
Je crois qu'il est absolument inexact, M. le Président, de croire
ou même d'insinuer que Nordair ait pu bénéficier d'un
privilège du gouvernement fédéral, à cause de sa
propriété par Air Canada, dans l'obtention d'un contrat qui a
été fait par appels d'offres, sur une base extrêmement
concurrentielle et difficile à obtenir. Il nous a fallu travailler
énormément pour nous assurer qu'on avait ce contrat. Je suis
heureux que la question me soit posée et je voudrais éliminer
toute perception que Nordair bénéficie de privilèges de
cette nature par le gouvernement fédéral. C'est simplement
à cause de son expertise, à cause du fait aussi qu'on avait
l'équipement nécessaire et qu'on avait probablement la meilleure
proposition - sûrement la meilleure proposition - la plus
économique et la plus rentable qu'on a obtenu le contrat de
reconnaissance des glaces d'Approvisionnements et Services Canada.
M. Bourbeau: N'y a-t-il pas un contrat également pour la
surveillance de la ligne
DEW ou quelque chose comme cela? Avez-vous encore été
favorisés par le gouvernement fédéral pour cela?
M. Douville: Oui, M. le Président. Je suis heureux aussi
que cette question me soit posée, parce que le contrat de DEWline que
Nordair effectue, elle l'effectue pour le compte de l'armée de l'air
américaine, la USAF depuis 23 ans. C'est un contrat qui demande
également une expertise des opérations du Grand-Nord que Nordair
a développée au cours des années. Je pense que je vous ai
mentionné durant ma présentation que Nordair avait su exploiter
ses connaissances du Grand-Nord. Je pense que c'est un bel exemple de
l'expertise de Nordair qui a été mise à profit. C'est un
contrat qu'on négocie avec l'armée de l'air des
États-Unis. Donc, on ne peut absolument pas accuser Nordair d'avoir
bénéficié de faveurs du gouvernement fédéral
dans l'obtention de son premier contrat de reconnaissance des glaces et surtout
pas dans le cas du deuxième contrat, celui de la DEWline qui n'a rien
à voir avec le gouvernement du Canada et qui est exclusivement
octroyé par l'armée de l'air américaine, annuellement.
M. Bourbeau: Je vous remercie, M. Douville. Je pense que je vais
passer la parole au ministre s'il veut reprendre la parole, étant
donné qu'on a déjà pris un bon bout de temps.
M. Clair: Seulement quelques mots, M. le Président. Hier,
sur la proposition du député de Gatineau, nous avons convenu de
tenir une autre journée de commission parlementaire
écourtée de trois heures simplement quant à la liste des
invités. Je pense que ce matin, on s'était entendu pour entendre
également M, Lizotte. Quant à moi, je n'ai pas d'objection
à ce qu'on prolonge un peu après 13 heures. Je crois que, s'il
doit y avoir la télédiffusion des débats ici même,
les cameramen, les gens du service du journal des Débats vont devoir
suspendre à un moment donné pour l'heure du lunch.
M. Bourbeau: M. le ministre, on m'a informé que M.
Lizotte, voyant que l'heure passait et que son témoignage, selon lui,
pourrait prendre beaucoup plus qu'une heure ou une heure et demie -
probablement le même temps qu'on a pris ce matin, on a déjà
pris au-delà de deux heures - a estimé qu'il ne pouvait pas
rester plus longtemps et je pense qu'il a quitté la salle. Je pense
qu'il ne serait pas normal, non plus, de commencer à interroger M.
Lizotte une demi-heure avant la fin normale de la séance et de l'obliger
à revenir le 14 pour terminer son témoignage. Dans les
circonstances, nous achevons. Nous avons pratiquement terminé les
questions, si vous voulez ajourner bientôt.
Le Président (M. Boucher): Le député de
Rousseau avait demandé la parole.
M. Bourbeau: Oui, je suis bien d'accord. Quand on aura
terminé, on ajournera et le temps qu'on aura pris ce matin sera
retranché du temps de la prochaine fois.
M. Clair: Mais l'entente est que la commission parlementaire du
14, si ma mémoire est fidèle, en entendant les autres personnes
invitées, compléterait nos travaux. Le député de
Gatineau peut-il réitérer l'entente, comme leader adjoint de
l'Opposition?
M. Gratton: Oui, c'est tout à fait exact que, quant
à nous, l'entente serait de terminer le 14 l'ensemble des auditions
qu'il nous reste à faire.
M. Clair: Cela va.
Le Président (M. Boucher): Adopté. M. le
député de Rousseau avait demandé la parole.
M. Maciocia: Sur la même question, je voulais
seulement...
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député
de Viger.
M. Maciocia: ...vous demander si cela veut dire que le 14, on va
entendre aussi M. Lizotte. C'est cela?
Le Président (M. Boucher): Oui, oui.
M. Clair: J'ai compris qu'il y avait eu une entente,
peut-être, en tout cas, des pourparlers ou une connaissance de
l'Opposition, à savoir que M. Lizotte préférerait revenir
le 14 et serait disponible à cette date.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: Très rapidement, M. le Président.
D'abord, en ce qui concerne le caractère francophone des compagnies en
cause, je crois qu'il est important de rappeler que, si Nordair, effectivement
- et tant mieux si elle a comme objectif d'augmenter cette proportion - a
actuellement 53% de son personnel francophone, il faut quand même se
rappeler que le personnel de Quebecair est francophone à 98%. Notamment,
en ce qui concerne les pilotes, la proportion de francophones est de 17% chez
Nordair et elle est de 91% chez Quebecair.
Je voudrais revenir au sujet que vous
avez abordé avec le député de Laporte, il y a
quelques minutes. J'ai suivi avec intérêt la lecture de votre
rapport et, à la page 2, vous nous expliquiez que vous étiez un
peu forcés de développer le réseau du Nord-Ouest.
J'appréciais beaucoup ce caractère presque bénévole
que vous sembliez évoquer de la part de Nordair. Mais à la page 5
-c'est ce que le député de Laporte a relaté -vous indiquez
que vous aviez quand même certains avantages objectifs qui, probablement,
contribuent aussi à la santé financière de votre
entreprise. Vous nous avez vous-même souligné à quel point
le fait que vous ayez des équipements sophistiqués et
spécialisés vous permettait - je crois ne pas me tromper en
disant cela - malgré la concurrence que vous avez évoquée,
d'être quand même relativement en bonne posture pour renouveler
presque automatiquement ces contrats importants. J'aimerais que vous nous
indiquiez... L'ensemble de votre flotte comporte combien d'appareils?
M. Douville: Lesquels? Les 737?
M. Blouin: En général, combien d'appareils
avez-vous, dans l'ensemble?
M. Douville: Une quinzaine d'appareils globalement.
M. Blouin: Une quinzaine d'appareils. Sur ces quinze appareils,
combien servent pour les contrats qui sont identifiés aux points 1.10 et
1.11 c'est-à-dire en ce qui concerne la ligne DEW et, également,
Approvisionnements et Services du Canada? Combien d'appareils sont
affectés à honorer ces deux contrats?
M. Douville: M. le Président, avant de répondre
à la question, je voudrais simplement préciser que Nordair
n'avait pas l'intention de développer un service de
bénévolat lorsqu'elle s'est trouvée coincée entre
deux transporteurs, n'ayant pas réussi à se faire octoyer de
destinations dans la province de Québec à l'est de
Montréal. Nordair n'avait pas un objectif de bénévolat,
mais Nordair a dû travailler énormément. Le point que j'ai
voulu souligner, c'est que Nordair a dû travailler et développer
ces points au nord-ouest du Québec et dans le Grand-Nord où on
n'avait effectivement aucune installation. Il n'y avait pas de bonnes pistes,
on n'avait pas d'appareils, on n'avait pas d'instruments de navigation. Donc,
si on a trouvé une rentabilité, ce n'est pas parce que nous
sommes partis avec un objectif de bénévolat, sûrement pas!
Nous sommes partis avec l'idée de rentabiliser un marché qui
existait.
En ce qui a trait à la deuxième partie de la question,
c'est-à-dire quels genres d'appareils et combien d'appareils sont
affectés au service du contrat de DEWline, nous effectuons le travail de
la DEWline avec deux appareils FH-227. Ce sont deux de cinq; nous en avons cinq
qui travaillent à l'extérieur sur des secteurs de passagers au
sud du pays et deux appareils sont utilisés exclusivement en fonction du
fret et des passagers. L'avant de l'appareil sert au fret, l'arrière
sert aux passagers. En ce qui a trait au service de reconnaissance des glaces,
ce sont deux appareils Electra-188, qui ont été munis
d'équipements extrêmement sophistiqués, en 1972, qui
servent à effectuer ce contrat des glaces.
M. Blouin: Pour ces deux éléments, cela fait
combien d'appareils?
M. Douville: Cela fait quatre appareils. Maintenant, il faut vous
faire remarquer que, lorsqu'on parle d'appareils, nous avons différents
genres d'appareils. Il est plus facile d'obtenir en ce moment un FH-227; c'est
moins coûteux qu'un Boeing 737. Donc, je ne voudrais pas, en vous donnant
le nombre d'appareils qu'on utilise pour tel ou tel contrat ou telle fonction,
que vous ayez la perception que c'est en relation directe avec l'investissement
qui est impliqué dans ce genre de choses. C'est absolument
évident...
M. Blouin: Oui.
M. Douville: ...que l'investissement d'un 737 est beaucoup plus
élevé que celui qu'on ferait dans un 227 ou dans un Electra.
M. Blouin: On l'évoquera très rapidement dans une
minute, si vous le permettez. Donc, vous dites qu'il y a quatre appareils qui
sont directement affectés aux activités techniques. Est-ce que
c'est cela?
M. Douville: Oui.
(12 h 30)
M. Blouin: Maintenant, vous nous avez dit, tout à l'heure,
que vous alliez commencer demain ou après-demain un nouveau mode
d'atterrissage sur la glace et que vous allez ainsi permettre à 500
personnes de voyager à partir de je ne sais trop quel point dans le nord
et que vous allez également pouvoir transporter de la marchandise. Je
présume, encore une fois, que vous ne faites pas cela parce que vous
aimez la glace. Vous le faites, parce que vous avez eu des occasions qui vous
ont été offertes et que certaines garanties vous ont
été données à savoir que vous pouviez effectivement
transporter des personnes. Qui sont-elles, ces personnes? Est-ce que ce sont
des touristes?
M. Douville: M. le Président, je dois vous dire, d'abord,
que ce n'est pas une
innovation. Nordair a effectué ce genre de service à
plusieurs reprises. Ce n'est pas la première fois que Nordair entreprend
un service d'atterrissage sur des pistes de glace. Donc, on y apporte l'aide
à la navigation qu'il nous faut et c'est évident que ce n'est
pas, non plus, fait bénévolement, mais on n'a aucune garantie.
C'est le genre de service qui nous permet d'accélérer le
transport, si vous voulez, avant la fonte des glaces ou à la diminution
de l'épaisseur des glaces dans le Grand-Nord. Ce n'est pas un contrat
parce qu'il n'y a aucune garantie. Au lieu d'apporter la marchandise et des
passagers à Resolute Bay et de leur faire faire un trajet de Resolute
à 75 milles au nord-ouest, à Ganow lake, on les apporte
directement, ce qui nous met en position de rendre un meilleur service à
notre client, une société minière du coin, qui a besoin de
ce genre de choses. Cela leur évite de faire du transport en surface. Je
crois que ce n'est pas fait par bénévolat, sûrement pas,
non plus que c'est fait par garantie. C'est une opération que Nordair a
faite à plusieurs reprises au cours de son histoire.
M. Blouin: M. Douville, est-ce que vous êtes capable de
nous indiquer à combien se chiffrent les profits que vous retirez des
deux contrats de DEWline et d'Approvisionnements et Services du Canada?
M. Douville: M. le Président, ce n'est pas le genre
d'information qui peut intéresser cette commission, c'est un genre
d'information qui...
M. Blouin: Je m'excuse, M. Douville, c'est une information qui
intéresse énormément cette commission parce que, depuis le
début, vous avez insisté sur la bonne santé
financière de votre entreprise. Il est très important pour les
membres de cette commission d'en connaître les causes.
M. Douville: M. le Président, il me fait plaisir de vous
parler, de vous entretenir des causes de la rentabilité de la
société Nordair. D'ailleurs, je viens de passer une heure et
demie à vous dire que...
M. Blouin: Alors, si cela vous fait plaisir, indiquez-nous
précisément quels sont les profits que vous retirez de ces deux
contrats.
M. Douville: M. le Président, j'aimerais vous souligner
que Nordair a su exploiter l'interdépendance des différents
points de son réseau. Comme je le mentionnais, l'importance, pour nous,
d'une position comme Fort Chimo et Val-d'Or, c'est l'interdépendance.
J'aimerais vous souligner, par exemple - on parle d'interdépendance non
seulement des destinations, mais aussi je vais vous parler dans un moment
d'interdépendance des services - dans l'interdépendance de nos
réseaux, des différents points de notre réseau, que ce
n'est pas un point, ce n'est pas un secteur, ce n'est pas un avion, ce n'est
pas un type d'avion, ce n'est pas un seul genre d'opération qui fait que
Nordair est une société rentable. C'est l'interdépendance
de toutes ces choses basée, axée sur l'expertise.
Par exemple, si on veut parler de Fort-Chimo, Nordair - M.
Lefrançois le mentionnait tout à l'heure - n'a pas une charge
payante complète si on doit se diriger à Frobisher Bay. Donc,
qu'est-ce que Nordair fait pour bénéficier de
l'interdépendance des points de son réseau? Nordair va prendre 33
000 livres de marchandise qu'elle va apporter à Fort Chimo. Elle va en
laisser 5000, elle va refaire le plein et se rendre à Frobisher. Donc,
c'est l'interdépendance des deux qui permet aux deux d'avoir de
meilleures fréquences.
De la même façon, quand on parle des différents
secteurs d'activités de Nordair, c'est l'alliance ou
l'interdépendance de ces différents secteurs ou différents
genres d'activités qui nous permet d'être rentable. Mais je ne
peux pas vous donner et je ne voudrais pas, non plus, essayer d'identifier quel
point ou quel avion est plus rentable pour nous qu'un autre.
M. Blouin: M. Douville, je trouve cela très
étonnant que vous ne répondiez pas à cette question.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rousseau, je vous ferai remarquer que les témoins ne sont pas
obligés de répondre à toutes les questions qui peuvent
être posées.
M. Blouin: Oui, mais j'ai le droit de m'étonner, quand
même. Je vous dis simplement que nous ne pouvons pas faire abstraction du
fait que Nordair est maintenant une filiale d'Air Canada, donc une compagnie
nationalisée. Lorsque vous venez nous présenter la situation
financière de votre compagnie, nous croyons que vous
bénéficiez de certains avantages qu'il aurait été
bon d'explorer.
M. Douville: M. le Président, je me permettrais, sur ce
point, de vous mentionner que Nordair est une société qui a
encore des actions sur le marché public, à la Bourse de
Montréal et à la Bourse de Toronto. Nordair a des actionnaires
minoritaires privés. Nordair a un actionnaire minoritaire important
comme la Société d'investissement Desjardins qui possède
13% des actions de Nordair. Nordair n'est pas une société
nationalisée. Nordair doit se comporter comme toute bonne
société publique se comporte dans le domaine de la Bourse.
Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir excusé de ne
pas répondre à des questions qui, à mon avis, ne sont pas
le genre de choses qu'il faudrait dévoiler dans une commission comme
celle-ci.
M. Blouin: C'était votre avis.
M. Bourbeau: M. le Président, question de
règlement. Est-ce que je comprends que le député de
Rousseau fait grief à Nordair de faire des profits sur des contrats?
M. Blouin: Pas du tout. Le député de Laporte est un
peu maladroit dans cette intervention, parce que le seul objectif de cette
question et de la réponse que j'aurais pu obtenir était de
pouvoir identifier effectivement quels sont les motifs qui permettent à
cette compagnie de faire des profits et de faire des affaires qui sont souvent
meilleures que d'autres compagnies, notamment Quebecair à qui on la
compare depuis le début de l'avant-midi. Cela aurait été
extrêmement important, mais il semble qu'on ne puisse pas obtenir ces
réponses.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Vimont, je vous ferai remarquer que, du
côté ministériel, on a épuisé le temps, les
deux heures et quatorze minutes, qu'on avait ce matin.
M. Rodrigue: M. le Président, j'ai l'impression qu'on va
se rendre jusqu'à la fin de nos travaux avec la période des
questions. J'ai une ou deux questions à poser et elles sont relativement
courtes.
Le Président (M. Boucher): Vous pouvez y aller.
M. Bourbeau: Seulement une question de règlement, M. le
Président. Je n'ai pas d'objection; même si le temps imparti
à la partie gouvernementale est épuisé aujourd'hui, vous
pouvez emprunter sur le temps de la prochaine fois. Tout ce qui compte, c'est
que, lors de la séance du 14, nous ayons le même temps que nous
aurions eu normalement. Si vous voulez en passer plus aujourd'hui avec les gens
de Nordair, vous en aurez moins la prochaine fois avec les autres. Cela ne me
dérange pas du tout.
M. Clair: M. le Président, j'apprécie la
collaboration du député de Laporte, parce que j'aurais
peut-être eu deux ou trois questions additionnelles à poser
à M. Douville.
M. Rodrigue: M. Douville, quelle est la valeur - vous avez dit
que Nordair est toujours une compagnie qui appartient à des actionnaires
- en Bourse des actions de Nordair au moment où on se parle?
M. Douville: Nordair est une société sur laquelle
on transige encore. Maintenant, vous allez comprendre que, même si elle
est encore objet de transactions en Bourse, il y a très peu d'actions
parce qu'on a déjà 86% des actions possédées par
Air Canada et 13% par la SID. Donc, il reste moins de 1%. Je crois que la
valeur en Bourse n'est pas tellement significative en termes de la valeur de la
société. Je crois qu'il s'est transigé des actions la
semaine dernière aux environs de 10 $.
M. Rodrigue: Autour de 10 $? M. Douville: Je crois,
oui.
M. Rodrigue: On constate qu'au 1er janvier 1977 les actions en
Bourse étaient cotées à 2,10 $ - enfin autour du 1er
janvier, parce qu'au 1er janvier la Bourse n'était pas ouverte - et
autour du 1er juillet, c'était 2,15 $. Cela aurait été
gelé en Bourse autour du 22 décembre à 6,23 $. Maintenant,
on constate qu'Air Canada a payé 11,50 $ pour les actions de Nordair en
1977. Comment expliquez-vous qu'il y ait eu une telle appréciation des
actions de Nordair à ce moment pour qu'Air Canada accepte de
débourser quelque chose comme cinq fois le prix des actions qu'on
pouvait acheter au mois de juillet 1977 et au moins deux fois la valeur des
actions en décembre 1977?
M. Douville: M. le Président, la valeur des actions de
Nordair fait comme toutes les actions sur le marché boursier; elle
fluctue selon les différentes conditions. Pour arriver, si vous voulez,
à la valeur établie payée par Air Canada pour les actions
de Nordair, qui étaient de 11,50 $, plus un ajustement subséquent
qui portait leur prix à 12,61 $, il faut savoir qu'il s'était
fait des profits entre le moment où on avait conclu une entente d'achat
et le moment où on a eu l'autorisation de la Commission canadienne des
transports pour effectuer... Donc, les propriétaires de Nordair
faisaient des profits dans cette période. Air Canada achetait ce qui
avait été livré, si vous voulez, au moment de la livraison
et non pas ce qui avait été conclu un an et quelque chose avant.
Le prix de 12,61 $ ou de 11,50 $ que vous mentionnez a été
établi à partir d'études de la valeur de la
société. Il reflétait moins que la valeur aux livres. Il
reflétait encore à peu près l'équivalent de ce que
M. Tooley aurait obtenu s'il avait liquidé la société,
parce qu'il avait décidé de liquider la société et
de prendre la plus-value des avions, de payer ce qu'il devait pour tout
liquider. Il aurait eu, à ce moment, à peu près
l'équivalent de ce qu'Air Canada a payé pour ses actions au
moment où elle en a fait l'achat.
M. Rodrigue: Je vous pose cette question parce que, dans votre
mémoire à la commission, vous faites état, à un
moment donné, d'exigences qu'aurait eues M. Hamel en cours de
négociations sur des actions de Quebecair et l'Opposition nous a pas mal
cassé les oreilles avec les soi-disant profits que M. Hamel aurait pu
réaliser. Hier, on a été un peu plus prudent cependant
parce que M. Hamel était là et qu'il était en mesure de
répondre. C'était facile à l'Assemblée nationale,
mais hier, c'était un peu plus délicat. Cependant,
j'apprécierais, si cela vous était possible, que vous fassiez
connaître aux membres de cette commission les profits qui ont
été réalisés par les anciens actionnaires de
Nordair lors de cette transaction qui a permis à Air Canada d'acheter
les actions à un prix qui est quand même surprenant compte tenu de
leur cours.
J'ai une autre question à vous poser qui est celle-ci: Vous avez
fait une offre - cela est relaté à la page 12 de votre
mémoire -d'achat de Quebecair par Nordair à un moment
donné, en avril 1981. Quel était l'intérêt de
Nordair, quels avantages y voyiez-vous à ce moment-là, comme
dirigeant de Nordair? Enfin, ceux qui étaient là; j'ignore si
c'est vous. Je pense que ce n'était pas vous à cette
époque... Est-ce que vous étiez là à cette
époque?
M. Douville: Non, je n'étais pas là.
M. Rodrigue: Pourriez-vous me dire quel était
l'intérêt et quels étaient les avantages que Nordair
pouvait voir dans l'achat de Quebecair à ce moment-là?
M. Douville: M. le Président, pour répondre
à la première question, je crois que je ne serais pas en mesure
de faire parvenir un état financier donnant les profits des actionnaires
de Nordair. Je n'ai aucune idée du prix qu'ils ont payé pour
leurs actions quand ils les ont achetées. Cela ne me regarde pas, je
n'en ai aucune idée. Je ne pourrais absolument pas faire un état
qui révélerait les profits que les actionnaires ont faits parce
qu'ils ne sont pas obligés de me dire combient ils ont payé. Vous
devrez m'excuser de ne pas vous faire parvenir ce document.
En ce qui a trait à la proposition d'achat de Nordair pour
Quebecair, Nordair avait à ce moment-là envisagé une
rentabilité qui se serait effectuée par les économies
d'échelle qu'on aurait pu réaliser par la concentration et la
rationalisation des services aériens auxquelles le ministre faisait
allusion plus tôt.
M. Rodrigue: Le tableau en arrière, d'ailleurs, est assez
éloquent là-dessus quand on le regarde. Visuellement, on peut
constater que cela semble confirmer ce que vous dites. Cela nous donne une
petite idée de ce que pourrait être une entreprise...
M. Douville: Comme je l'ai mentionné, M. le
Président, je crois que ce qui est absolument évident, c'est que
Nordair aussi aurait pu se permettre d'exploiter des points et des destinations
à l'est de Montréal, dans la province de Québec. On avait
déjà essayé, on a sollicité ce genre de choses
depuis 35 ans, mais étant donné qu'on n'avait réussi
à se faire octroyer aucune destination à l'intérieur du
Québec à l'est de Montréal, destination qui au cours des
années aurait pu être très rentable, on a dû se
diriger vers le Grand-Nord, exploiter et développer le genre de
destinations qu'on a. Visuellement, je pense qu'il faut tenir compte aussi des
circonstances dans lesquelles on a dû développer chacun nos
marchés respectifs.
M. Rodrigue: Quand vous avez fait cette offre, était-ce
l'intention de Nordair, si l'offre avait été acceptée - il
me semble qu'on est venu près à un moment donné
-d'effectuer la fusion des deux entreprises pour rationaliser les
activités, comme vous le dites, ou bien si, au contraire, vous vouliez
garder Quebecair comme une filiale de Nordair?
M. Douville: Non, absolument pas. Il aurait été
essentiel d'en effectuer la fusion à ce moment-là pour en retirer
les économies d'échelle.
M. Rodrigue: Si c'est quelque chose qu'on peut envisager
rationnellement, la fusion de Quebecair avec Nordair, pourquoi la fusion de
Nordair avec Quebecair sur des bases semblables et en visant les mêmes
objectifs, c'est-à-dire celui de rationaliser les activités du
transport aérien dans tout l'Ouest du Canada, a-t-elle été
rejetée d'une façon assez radicale par les gens de Nordair? Vous
avez utilisé des expressions, tout à l'heure, qui ont retenu mon
attention. Vous avez parlé de phobie en évoquant la
réaction des employés de Nordair devant une possibilité de
fusion avec Quebecair. Vous avez même parlé d'holocauste. Vous
savez qu'un holocauste c'est quand même assez radical. Quand un
holocauste s'est produit, il ne reste pas grand-chose sur le terrain
après. Cela veut dire que, dans l'esprit des gens de Nordair, fusionner
Quebecair avec eux, c'était quelque chose de rationnel, mais fusionner
Nordair avec Quebecair cela devenait tout à coup l'holocauste.
C'était comme si on faisait table rase de tous les services
aériens dans l'Est. Je vous avoue que j'ai de la difficulté
à comprendre la logique dans tout cela, la logique qui peut sous-tendre
ces attitudes. Peut-être n'y a-t-il pas de logique; c'est peut-être
purement émotif. C'est peut-être cela que vous avez
voulu dire quand vous avez parlé de phobie, à un moment
donné. (12 h 45)
Si c'est vrai et que c'est un objectif à poursuivre, dans le but
de rationaliser les opérations, de fusionner Quebecair avec Nordair, il
me semble que l'opération inverse qui aurait consisté à
fusionner Nordair avec Quebecair, de toute façon, au bout de la ligne,
aurait créé une entreprise de même taille, en mesure
d'assurer les mêmes services à partir des équipements des
deux entreprises fusionnées, donc, cela aurait été les
mêmes. Alors quelle est la différence? Je ne la vois pas, je vous
l'avoue.
M. Douville: M. le Président, je crois qu'il n'est pas
émotif d'exprimer la crainte des employés d'une
société qui est rentable, bien administrée. Sachant qu'une
fusion peut apporter des coupures, je crois qu'il n'est pas émotif - il
est, simplement, extrêmement réaliste - que les employés
d'une société rentable aient des craintes que, dans une fusion,
des emplois disparaissent; personne ne veut perdre son emploi. Je pense que ce
n'est pas une question d'émotion; c'est une question de réalisme.
Je pense que les employés de Nordair étaient extrêmement
réalistes en craignant cette fusion, surtout lorsqu'on la proposait en
sens inverse.
Nordair étant la société rentable historiquement,
ses employés savaient fort bien que, au cours de la période de
1979 à 1982, Nordair aurait pu se permettre l'achat de Quebecair
facilement. Elle aurait pu digérer et effectuer, comme je le disais, M.
le Président, la rationalisation des services. Mais, étant
donné que ce n'était pas Nordair qui poursuivait l'objectif d'un
achat, que c'était bien Quebecair qui voulait acheter Nordair, vous
n'êtes pas sans comprendre que les employés de Nordair
étaient vraiment très inquiets. Si cela avait été
l'inverse, si on avait parlé de l'achat de Quebecair, d'une mise
à pied, d'un sectionnement, d'une rationalisation qui aurait
réduit les emplois, les employés de Quebecair auraient sans doute
été, peut-être pas émotifs, mais certainement
craintifs. Avec un bon réalisme, ils auraient certainement eu des
craintes, comme en ont eu ceux de Nordair.
M. Rodrigue: Quand vous avez fait l'offre d'achat de Quebecair
par Nordair, ce que vous relatez à la page 12, est-ce que les
employés se sont opposés à l'achat de Quebecair par
Nordair?
M. Douville: Lesquels?
M. Rodrigue: Les employés de Nordair.
M. Douville: De Nordair? Non, parce que, à ce
moment-là, les employés n'ont pas été
impliqués dans les discussions. Mais il y a eu des craintes
sévères, il y a eu des craintes sérieuses qui ont
été exprimées, je pense, au niveau des deux
sociétés après qu'on eut su que ce genre de chose pouvait
se réaliser. Maintenant, il y avait eu une condition qui avait
été apportée à ce moment-là: on
s'était engagé à ce que l'objectif de la fusion et les
conditions dans lesquelles on allait l'effectuer se fassent de façon
qu'il n'y ait pas de mises à pied. Donc, on allait réduire les
effectifs par diminution naturelle, lorsque les employés changent de
fonction ou nous laissent, mais on n'allait pas faire de coupures ou de mises
à pied immédiates.
M. Rodrigue: Est-ce que, lorsque Nordair a été
achetée par Air Canada, on a donné ces garanties aux
employés de Nordair?
M. Douville: Nordair, lorsqu'elle a été
achetée par Air Canada, a gardé son autonomie. Comme, d'ailleurs,
je l'ai exprimé à M. Landry dans ma lettre, Air Canada
s'engageait à laisser à la nouvelle entreprise la même
autonomie dont Nordair avait joui depuis qu'Air Canada avait fait l'acquisition
de Nordair. Donc, les conditions dans lesquelles Air Canada avait fait l'achat
de Nordair se seraient répétées dans l'offre qui avait
été faite par Nordair pour l'achat de Quebecair.
M. Rodrigue: En fait, de mémoire, on n'a pas entendu de
réactions du tout à ce moment-là. Les informations que
j'ai pu obtenir lors d'un voyage à Ottawa, c'est qu'il y avait quand
même une rationalisation des effectifs de Nordair qui était
à se faire il y a quelques mois. On nous a indiqué à ce
moment-là qu'il était probable qu'il y ait une réduction
du personnel de Nordair, si ce n'était déjà fait. Est-ce
que vous avez effectué une réduction du personnel de Nordair
depuis l'achat par Air Canada?
M. Douville: Non, je crois que globalement l'emploi a
augmenté depuis l'achat. Je pense que oui, mais je n'ai pas les
données. On a maintenant 1260 employés et, si on remonte au
moment où Air Canada a fait l'acquisition, il y en avait sûrement
moins. On n'a pas eu de diminution. Il y a eu, évidemment, parfois, une
diminution due aux mises à pied. Il n'y a pas eu de mesures draconiennes
qui ont été prises pour réduire l'emploi.
M. Rodrigue: Je termine là-dessus. Étant
donné l'intention que vous aviez dans le cadre de votre offre de
fusionner les deux entreprises, il est évident que, de toute
façon, le personnel qu'on aurait retrouvé dans l'entreprise
fusionnée Quebecair-Nordair, et ça tombe sous le sens, aurait
sans doute été
le même si l'inverse s'était produit, c'est-à-dire
si Nordair avait été fusionnée par Quebecair, compte tenu
du fait qu'on aurait desservi à peu près les mêmes
territoires dans l'entreprise fusionnée. Vous ne trouvez pas cela
étonnant que, d'un côté, lorsqu'il s'agit d'un achat par
Quebecair, tout à coup, on a l'impression que le ciel va nous tomber sur
la tête, mais, lorsqu'il s'agit de l'inverse pour arriver, finalement,
aux mêmes fins, lorsqu'il s'agit d'intégrer Quebecair à
Nordair, là, tout à coup, il n'y a pas de problème. Je
trouve cela étonnant.
M. Douville: M. le Président, j'aimerais souligner qu'il y
a une différence quand on parle d'effectuer une fusion ou une
acquisition de Nordair par Quebecair. Les employés de Nordair, à
juste titre, je crois, avaient le respect de leur direction, de leurs
dirigeants, qui sans cesse ont démontré des profits, ont
démontré une rentabilité. Ils avaient une crainte bien
légitime, bien compréhensible, je crois, que, si c'était
l'inverse qui arrivait, si Quebecair devait acheter Nordair, étant
donné que la société Quebecair n'avait pas eu la
même fiche de rentabilité que Nordair. Donc, les employés
de Nordair, je crois, et bien légitimement, avaient une crainte
sérieuse. Sans parler pour les employés de Quebecair, je dois
certainement vous dire que la crainte devait être moindre chez les
employés de Quebecair, parce qu'on avait suffisamment d'admiration pour
les dirigeants de Nordair, qui ont su afficher une performance de
rentabilité au cours des 35 années. Donc, les situations ne sont
pas identiques, M. le Président. L'achat de l'une par l'autre ne peut
pas être comparé correctement avec l'achat de l'autre par
l'une.
M. Rodrigue: En fait, on se serait retrouvé exactement
avec la même situation dans un cas comme dans l'autre,
c'est-à-dire le même territoire à desservir, donc, besoin
d'un nombre d'appareils à peu près équivalent. En termes
d'effectifs requis, je pense qu'on aurait eu besoin à peu près
des mêmes effectifs. Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Gatineau.
M. Bourbeau: M. le ministre veut poser une question, je
pense.
M. Clair: Non, j'y reviendrai à la fin. Je pense que le
député de Gatineau a dit que cela ne serait pas long.
Le Président (M. Boucher): À la fin.
M. Gratton: Oui, ce sera très court, M. le
Président.
M. Clair: Moi, non plus, ce ne sera pas long.
M. Gratton: D'ailleurs, ce ne sont pas des questions que je veux
poser; c'est plutôt un commentaire général que j'aimerais
faire. Le gouvernement actuel, on le sait, prétend que le meilleur
intérêt du Québec et des Québécois passe
inévitalement par son option indépendantiste. Cela l'amène
inévitablement à devoir nier l'apport positif que peuvent avoir
tous les facteurs qui échappent à son contrôle.
Malheureusement, cela l'amène parfois jusqu'à discréditer
certains Québécois qui ont le malheur de ne pas partager sa
vision des choses. Nous, de l'Opposition, y sommes plus habitués que
d'autres.
Dans le dossier qui nous occupe aujourd'hui, le gouvernement du
Québec dit vouloir défendre l'intérêt commun en
assurant la survie de Quebecair. Ceux qui, comme vous, M. Douville, j'imagine,
tout comme nous, poursuivent le même objectif tout en insistant pour
faire la juste part des choses, sont accusés par nul autre que le
premier ministre d'être des "débineux", des dénigreurs de
Quebecair. Nordair, pourtant une société bien
québécoise, elle, a le malheur d'avoir réussi sans l'appui
du gouvernement du Québec et de vouloir continuer de profiter des
efforts qu'elle a déployés depuis 35 ans. Elle a surtout le
malheur d'appartenir temporairement à Air Canada.
L'Opposition constate avec plaisir, ce matin, que notre insistance
à réclamer cette commission parlementaire
télévisée et nos efforts d'hier, qui ont permis que vous,
M. Douville, puissiez comparaître ce matin, auront permis de
rétablir certains faits et de démontrer clairement que, si
Quebecair doit être sauvée, cela ne doit pas se faire en
sacrifiant une autre société québécoise qui est
Nordair. D'ailleurs, pour employer vos propres termes, à la page 26 de
votre mémoire: "S'il est regrettable d'avoir une société
aérienne québécoise en mauvaise santé, il serait
désastreux d'en avoir une deuxième. Il est donc important que
Nordair demeure en bonne santé financière afin qu'elle poursuive
une croissance qui lui permette d'accroître l'emploi et de continuer sa
contribution à l'économie du Québec". À cela, M.
Douville, je dis amen et je vous dis merci.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je voudrais revenir rapidement
avec deux ou trois questions à M. Douville. Et, comme je n'ai pas
beaucoup de temps, je vais essayer de poser mes questions rapidement pour avoir
des réponses rapides aussi. Au point 1.0 de votre lettre du 16 juillet
1981 à M. Bernard
Landry - vous avez donné quelques précisions tantôt
à ce sujet, mais je voudrais que ce soit clair - vous dites: "à
la suggestion de l'ancien ministre des Transports, M. Denis de Belleval". Si je
comprends bien, vous-même n'avez jamais rencontré M. de Belleval
à propos de cette question des positions. Mais ça venait d'une
rencontre que M. de Belleval avait eue avec M. Pépin par la suite et des
indications qui vous été fournies. Avez-vous rencontré,
à un moment ou à un autre, M. de Belleval à propos de
cette question?
M. Douvilie: M. le Président, l'énoncé de M.
le ministre est exact.
M. Clair: M. le Président, mon autre question est la
suivante: On parlait tantôt de nos souvenirs réciproques. Au point
2.3, il était indiqué que "l'offre reflète aussi un
changement important sur la position antérieure de l'Ontario qui
exigeait une participation initiale égale à celle des
intérêts du Québec". Quant à moi, si mes souvenirs
sont bons, j'avais demandé, lors de cette rencontre du 16 juillet, si
c'était là une opinion ou plutôt une certitude. Si ma
mémoire ne fait pas défaut, vous avez répondu, à ce
moment-là, que c'était une certitude, que vous étiez
assuré de l'acceptation du gouvernement de l'Ontario, puisque
c'était l'une des conditions préalables à l'acceptation de
tout projet de M. Pépin.
M. Douvilie: Je m'excuse, j'ai manqué une partie de votre
question.
M. Clair: Mes souvenirs, lors de la rencontre avec le ministre
Landry, sont que je vous avais posé cette question, à savoir si,
quant à vous, c'était un fait acquis que l'Ontario acceptait
votre proposition ou si c'était une opinion que vous émettiez. Il
me semble qu'à ce moment-là vous nous avez indiqué que
c'était un fait acquis que le gouvernement de l'Ontario acceptait cette
position.
M. Douvilie: Le gouvernement de l'Ontario, en effet, avait
renoncé à l'exigence faite au préalable qu'il y ait une
position minimale égale à celle du Québec. C'est un fait,
M. le Président.
M. Clair: Et, si vous êtes en mesure de l'affirmer, est-ce
vous-même qui aviez obtenu cette assurance du gouvernement de l'Ontario
et quand l'aviez-vous obtenue?
M. Douvilie: Ce n'est pas moi, M. le Président, mais elle
avait été obtenue par des collègues.
M. Clair: Et quand avait-elle été obtenue?
M. Douvilie: Je ne peux pas vous donner les dates d'obtention,
mais je peux vous dire qu'elle avait été obtenue par d'autres
collègues...
M. Clair: Préalablement?
M. Douvilie: Préalablement, avant que j'écrive la
lettre du 16 juillet.
M. Clair: Le jour même, quelques jours avant, quelques
semaines avant?
M. Douvilie: Vous dire quelques jours avant est probablement plus
exact que vous dire quelques semaines avant. C'est ce dont je peux me
souvenir.
M. Clair: C'est ce dont vous vous souvenez. Pourtant, quand je
vois la lettre, elle est bien datée du 16 juillet 1981 et, comme vous
l'avez dit tantôt, vous avez considéré utile d'informer le
gouvernement du Québec une fois que cela était assez mûr;
ce sont les mots que j'ai notés. Par contre, l'indication que comporte
la lettre dans son premier paragraphe est que cette offre échoit le 17
juillet 1981 et, si je me souviens bien, l'heure était même midi.
Dans les circonstances, n'est-il pas un peu surprenant de voir le moment
où le gouvernement du Québec a été officiellement
saisi de la proposition - même si on avait eu des informations par les
actionnaires de Quebecair - d'Air Canada-Nordair? Pour le gouvernement du
Québec, est-ce que ce n'était pas un peu débalancé
qu'on ait obtenu le consentement du gouvernement de l'Ontario quelques jours
avant et qu'une fois qu'on rencontre le gouvernement du Québec on
l'informe, le 16 juillet en soirée, si ma mémoire est bonne,
qu'une offre est faite et qu'elle expire le lendemain à midi, compte
tenu des enjeux qui étaient en cause à ce moment-là,
c'est-à-dire l'achat d'une deuxième compagnie
québécoise par Air Canada avec une possibilité
éventuelle de la revendre dans le public avec de fortes chances, si on
se fie au marché boursier, que les actions, si elles avaient
éventuellement été mises en cours, soient rachetées
par des intérêts de l'Ontario, à moins que des
barrières ne soient faites, ce qui est toujours difficile à
réaliser, quant au contrôle de la compagnie? (13 heures)
Je me souviens de la réaction du ministre
délégué au Commerce extérieur qui avait
été un peu surpris, pour employer une expression commune, que, le
16 juillet, le gouvernement du Québec soit informé qu'une entente
a été acceptée par le gouvernement de l'Ontario dans les
jours ou les semaines précédentes, plus vraisemblablement dans
les jours qui ont précédé, et que l'effet de cette
transaction risque à terme de faire en sorte
qu'une compagnie québécoise soit achetée dans un
premier temps par Air Canada pour, finalement, être éventuellement
revendue à des intérêts non majoritairement
québécois.
Ne pensez-vous pas que c'était un peu difficile, pour celui qui
vous parle en tout cas, compte tenu de l'ampleur du dossier, de recevoir comme
cela une proposition - dont je reconnais qu'on avait entendu parler dans les
jours précédents - d'avoir si peu de délai, alors que
c'était quand même une entreprise québécoise qui
était concernée et qu'on s'était assuré
préalablement de l'accord du gouvernement de l'Ontario? On est venu voir
le gouvernement du Québec, comme vous le disiez, une fois que
c'était assez mûr.
M. Douville: M. le Président, je crois qu'il serait bon de
faire une mise au point. Étant donné la connaissance du dossier
qu'on avait pu acquérir dans les années
précédentes, étant donné qu'on avait connu, qu'on
avait perçu, qu'on avait touché les difficultés qui
avaient empêché une réalisation de cette rationalisation
dans les mois et mêmes les années qui ont
précédé, on connaissait très bien les
inquiétudes du gouvernement du Québec au sujet de cette
transaction. Je crois qu'il est incorrect de supposer, comme le fait le
ministre, qu'on avait obtenu la permission de l'Ontario. Je crois qu'on avait
obtenu des concessions qui nous permettent de venir présenter au
gouvernement du Québec une proposition d'achat qui n'avait pas
été possible au préalable parce que chaque province
voulait avoir des positions identiques dans la propriété de cette
société. Donc, on avait obtenu à ce moment-là, de
façon à nous permettre d'informer le gouvernement de la
proposition qu'on voulait lui offrir, que le gouvernement de l'Ontario accepte
de ne pas exiger une position identique à celle du Québec. Je
crois, M. le ministre, que c'est dans un esprit de coopération qu'on
vous a informé qu'on avait au préalable obtenu ce genre de
concessions qui allaient vous permettre d'examiner une proposition qui avait
été faite quelques jours avant.
Lorsque vous parlez de l'avis très court que vous avez eu, il
serait bon de dire qu'on a d'abord communiqué pour avoir un rendez-vous
un peu plus tôt, ce qui n'était pas possible. On n'avait pas des
semaines. On avait fait une proposition d'achat avec les actionnaires qui
avaient des limites de temps. Ce n'était certainement pas mon intention,
à ce moment-là, de vous présenter une proposition qui
allait prendre fin le lendemain. Je crois qu'il était impossible qu'on
se rencontre plus tôt dans la semaine. Vous avez donc été
pris un peu au dépourvu. On a même eu un peu de difficulté,
si vous vous le rappelez, M. le ministre, à se rencontrer parce qu'on
m'a demandé s'il était absolument essentiel que j'aille vous
voir. Votre collègue, M. Landry, m'avait dit: Est-ce que tu veux
absolument me rencontrer à ce sujet-là? Il était important
à mon avis, comme bon citoyen, qu'on informe le gouvernement de ce qu'on
allait faire à ce moment-là.
Je me souviens qu'on m'avait dit, et j'étais un peu malheureux de
me le faire dire: On connaît tout du dossier; je ne vois pas ce que vous
allez ajouter en venant nous faire cette présentation. C'est un peu
à notre insistance, en disant: II est impossible de vous rencontrer,
parce qu'on avait changé les rendez-vous et il m'a fallu le prendre. Je
m'en souviens très bien parce que, pour pouvoir effectuer cette
rencontre, il m'avait fallu prendre un avion privé pour me rendre
à Montréal dans l'espace de deux ou trois heures pour vous
rencontrer, parce que je pense qu'à juste titre aussi j'avais
insisté pour vous mettre au courant du dossier avant
l'échéance de notre offre. Je crois, M. le Président, que
c'était dans l'esprit réellement de vous présenter quelque
chose qui soit acceptable, ayant enlevé des éléments qui
auraient pu soulever des objections de votre part, à savoir qu'on aurait
consulté l'Ontario avant de vous consulter dans le dossier.
M. Clair: M. le Président, un bref commentaire, en
terminant. En ce qui concerne les prises de position du gouvernement du
Québec, en tout cas, dans la mesure où on avait connaissance des
positions de nos alliés, contrairement à ce qu'on a pu laisser
entendre, cela n'a jamais été l'intention du gouvernement du
Québec de sacrifier des employés de Nordair, de sacrifier le
management de Nordair, de démanteler cette compagnie. Cela a toujours
été, au contraire, un objectif absolument inverse à
celui-là, parce que l'une des craintes du Québec, c'était
qu'on aille éventuellement vers un démantèlement de
Nordair justement pour desservir l'Ontario à partir d'un autre
transporteur, démembrant ainsi Nordair, alors que nous
considérions que les retombées économiques provenant de la
présence, au Québec, de Quebecair et de Nordair devaient
être assurées à long terme.
Rien, dans les positions qui ont été prises par le
gouvernement du Québec, à ma connaissance et selon
l'interprétation que j'en fais, ne peut permettre à quelqu'un de
conclure qu'il ait été de l'intention du gouvernement du
Québec ou de ses alliés - à notre connaissance, en tout
cas - de sacrifier les acquis de Nordair en termes de management, en termes de
ses employés. Mais il était tout aussi clair, M. le
Président, qu'il n'était pas, non plus, acceptable pour le
gouvernement du Québec, dans une opération de rationalisation que
tout le monde souhaitait, qui était logique, qui continue d'être
logique en temps de crise, que l'on sacrifie les employés de
Quebecair. Si on voulait procéder à une telle
rationalisation, il nous apparaissait que cela devait se faire de façon
équitable en permettant aux deux équipes de management, aux deux
équipes d'employés de Quebecair et de Nordair, d'être
traitées sur un pied d'égalité.
Je vous dis, en terminant, M. le Président, que la plus grande
difficulté qu'on ait jamais éprouvée dans ce dossier,
c'était de savoir aux frais de qui allait se faire cette
rationalisation, si tant est qu'il devait y avoir des conséquences en
termes d'embauche. C'était très légitime de la part des
employés de Nordair d'être préoccupés de leur sort,
mais je pense que c'était également normal et légitime
pour les employés de Quebecair d'être aussi
préoccupés de leur sort.
Le Président (M. Boucher): Brièvement, M. le
député de Gatineau, étant donné que nous avons
dépassé l'heure de l'ajournement.
M. Gratton: C'est simplement pour rétablir un fait. Hier,
je pense qu'on a peut-être contribué à induire certaines
personnes en erreur lorsque vous nous avez fait lecture d'une directive, d'une
décision ou d'un précédent quant à
l'assignation...
Une voix: Je n'en ai pas fait la lecture. J'y ai simplement fait
référence.
M. Gratton: Vous y avez fait référence. Il est venu
à ma connaissance, hier, que les dispositions de l'ancienne Loi sur la
Législature étaient bien celles auxquelles vous avez fait
référence et qu'elles ne permettaient pas à une commission
d'assigner et d'exiger la présence d'un témoin. Je voudrais
simplement indiquer - pour l'information du secrétariat des commissions
qui pourra peut-être en informer ceux qui sont appelés à
venir à la commission le 14 mars prochain - que la nouvelle Loi sur
l'Assemblée nationale, adoptée en décembre dernier,
stipule, à l'article 51: "L'Assemblée ou une commission peut
assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle,
soit pour répondre aux questions qui lui seront posées, soit pour
y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses
actes, enquêtes ou délibérations."
J'ai voulu faire cette mise au point, M. le Président, afin de ne
pas perdre de temps au début de nos travaux, qui seront quand même
limités dans le temps, le 14 mars prochain, et de m'assurer de la
présence de ceux qui ont été convoqués et qui,
j'imagine, le seront à nouveau, pour cette nouvelle date, par le
secrétariat des commissions.
Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le
député de Gatineau.
M. Clair: M. le Président, quelques mots, en terminant,
pour remercier M. Douville de sa présence qui, je pense, était
nécessaire. D'ailleurs, je m'étais entendu là-dessus;
c'est sur la proposition du député de Laporte. Je pense
qu'effectivement le rôle joué par M. Douville dans les
négociations, dans l'offre d'Air Canada, en juillet 1981, justifiait
pleinement sa présence à la commission parlementaire. Je voudrais
l'assurer que les questions qu'on lui a posées de notre
côté, comme de l'autre côté, j'en suis sûr, ne
visaient qu'à mieux éclairer l'opinion publique sur ces questions
et, en particulier, les parlementaires.
M. Douville: M. le Président, je vous remercie. Je
voudrais également remercier la commission d'avoir donné à
Nordair cette occasion de s'exprimer et d'échanger des idées sur
le transport régional au Québec qui est important,
évidemment, pour toutes les sociétés aériennes du
Québec. Je remercie les membres de la commission de leur attention, au
nom de mes collègues et en mon nom. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Un dernier mot également. J'aimerais, au nom
de mes collègues de l'Opposition, me joindre à ce que vient de
dire le ministre pour remercier les gens de Nordair de s'être
déplacés en si grand nombre, tant en quantité qu'en
qualité, et les féliciter de l'excellence de leur
présentation, spécialement M. Jean Douville. Je pense que vous
avez contribué à faire avancer l'état du dossier et
l'étude de la question de l'évolution et de l'avenir de
Quebecair. Je vous en remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom de tous les
membres de la commission, je remercie M. Douville, ainsi que ceux qui
l'accompagnent de leur présentation de ce matin.
La commission, tel que convenu, ajourne ses travaux au 14 mars 1983,
à 10 heures.
(Fin de la séance à 13 h 12)