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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, March 2, 1983 - Vol. 26 N° 247

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur l'évolution et l'avenir de Quebecair


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des transports est réunie pour l'étude de l'évolution et de l'avenir de Quebecair.

Les membres de la commission sont: MM. Bissonnet (Jeanne-Mance), Blouin (Rousseau), Bourbeau (Laporte), Clair (Drummond), Desbiens (Dubuc), Lachance (Bellechasse), Léger (Lafontaine), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gratton (Gatineau) qui remplace Mathieu (Beauce-Sud), Rodrigue (Vimont), Johnson (Vaudreuil-Soulanges) qui remplace Vallières (Richmond).

Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Bisaillon (Sainte-Marie), Brouillet (Chauveau), Polak (Sainte-Anne) remplace Caron (Verdun), Maciocia (Viger) remplace Cusano (Viau), Proulx (Saint-Jean) remplace de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Gauthier (Roberval), Grégoire (Frontenac), Houde (Berthier), Perron (Duplessis).

Ce matin, tel que convenu, nous devons entendre M. Jean Douville, président de Nor-dair ainsi que M. André Lizotte, vice-président et administrateur-chef de la Société canadienne des postes.

Nous allons commencer. M. Douville si vous voulez faire votre exposé.

Société Nordair

M. Douville (Jean): Depuis mon arrivée dans le domaine de l'aviation, il y a maintenant environ cinq ans, je crois que fréquemment et peut-être malheureusement on a fait allusion à Nordair comme étant une société anglophone. Il me fait plaisir ce matin de vous présenter la grande majorité de mon équipe de direction.

À ma droite, M. Roland Lefrançois, président du conseil. À mon extrême gauche, Mme Bernier, vice-présidente adjointe aux affaires publiques et gouvernementales, M. André Bourque, vice-président en chef du contentieux, M. Dominique Brinet, vice-président marketing et à la planification. À mon extrême droite, M. Michel Handfields, vice-président adjoint et contrôleur, Mme Nicole Simard, contrôleur adjointe, M. Raymond Doutre, vice-président au personnel et relations industrielles, M. André Bérard, vice-président du service en vol, M. Paul Pelletier, vice-président de la région du Québec et de l'Arctique.

Je commence avec un peu d'historique.

L'étude de l'évolution et de l'avenir de Quebecair, pour la compréhension de cette commission parlementaire des transports, ne peut être effectuée adéquatement sans une étude parallèle de l'évolution et de l'avenir de Nordair.

Ces deux sociétés, fondées en 1947 par des Québécois, l'une à Saint-Félicien (Nordair) et l'autre à Rimouski (Quebecair), ont suivi des parcours parallèles. Leur mission et leur évolution, cependant, sont demeurées bien distinctes.

Au cours des années 1950, Quebecair et Nordair se sont souvent affrontées lors de demandes pour l'obtention de nouvelles routes. Par exemple: Bagotville, Schefferville, Manicouagan, Churchill Falls ont été octroyées à Quebecair, quoique sollicitées également par Nordair. Quebecair a en outre profité de l'abandon de certains services par Canadian Pacific Airlines et, plus récemment, comme dans le cas de Bagotville, par Air Canada. Il convient de souligner qu'un trafic important existait déjà sur ces routes situées à l'est de Montréal. Par conséquent, Quebecair a bénéficié depuis déjà longtemps d'avantages importants.

Nordair s'est trouvée coincée entre Quebecair et Transair, sans destination importante à l'est de Montréal. Elle n'avait d'autre choix que l'exploitation des destinations isolées telles que Fort-Chimo, Frobisher Bay et Resolute Bay. À l'époque, le trafic sur ces routes était inexistant et les chances de succès de Nordair étaient très minces. En 1952, Fort-Chimo ne comptait que 60 à 80 Inuits en plus du représentant de la Baie d'Hudson et des missionnaires catholiques et anglicans. En fait, que ce soit à Poste-de-la-Baleine, à Fort-George, à La Grande, à Val-d'Or, à Chibougamau ou à Matagami, Nordair s'est créé des marchés à partir de potentiels à peu près inexistants.

Afin de compenser l'absence de passagers pour ces destinations, tout en maintenant, évidemment, une fréquence minimale et certainement essentielle au succès d'une activité aérienne, Nordair s'est efforcée de développer un réseau vers le nord-ouest du Québec et l'Arctique, axé sur la combinaison de passagers et de fret. Cette activité mixte qui intégrait tout un réseau de destinations très interdépendantes a nécessité non seulement un personnel spécialisé, mais a imposé d'immenses investissements dans une infrastructure

d'équipements de chargement, d'entrepôts, de réfrigérateurs et de congélateurs nécessaires à ce genre de transport unique qu'est le transport combiné de passagers et de marchandises.

En fait, c'est à la demande expresse de Nordair qu'en 1967 la société Boeing a conçu un type d'avion 737 pouvant atterrir sur des pistes de gravier telles qu'on en retrouve encore fréquemment dans certaines régions du nord-ouest québécois et dans le Grand-Nord. Nordair possède maintenant six de ces avions spécialisés pour le service du Grand-Nord. Le prix d'achat de chaque appareil excède de 1 million de dollars le prix d'un appareil Boeing 737 régulier.

Une étude constante des besoins des communautés nordiques a incité Nordair à adapter ses services à l'environnement qu'elle desservait et à contribuer au développement économique de ces communautés. En fait, Val-d'Or et Fort Chimo sont devenues, en partie en grande raison des activités de Nordair, de véritables plaques tournantes d'activité vers l'Arctique. Les vicissitudes du trafic aérien, cependant, n'ont pas épargné Nordair. Chaque étape de son histoire reflète une réponse bien précise aux défis qu'elle a constamment dû relever pour survivre et progresser. Par exemple, la fermeture de la ligne Mid-Canada et, plus récemment, la fin des travaux de construction de la Baie-James n'ont pas entraîné la cessation logique des activités ou fait l'objet de demandes de subventions auprès des gouvernements afin d'assurer les services des communautés nordiques.

Je me permets ici de vous illuster ce que Nordair a fait à partir du trafic de Val-d'Or. En 1973, au début des activités de La Grande, Nordair avait 145 000 kilogrammes de marchandise à partir de Val-d'Or. Voici que sur les 145 000 kilogrammes, le trafic vers La Grande était de 124 000 kilogrammes. En 1977 - vous voyez, dans la partie blanche de ce tableau - l'évolution du trafic de marchandises vers La Grande a atteint un sommet de 360 000 kilogrammes. Dans l'intérim, Nordair a su profiter de son marché et a développé un marché additionnel. - Vous voyez la courbe descendante de La Grande. - Le trafic de Nordair qui, l'an passé, était de 2 563 000 kilogrammes sera, en 1983, probablement au-delà de 3 000 000 de kilogrammes.

Il est donc raisonnable d'affirmer que le fait que le réseau de Nordair comporte des liaisons aériennes d'une durée de deux à trois heures de vol est le fruit de la détermination et de la persévérance de ses défricheurs qui se sont acharnés à créer des marchés auparavant inexistants et qui avaient été traditionnellement délaissés, sinon complètement ignorés par ses concurrents, parce qu'ils n'offraient aucun attrait.

Au cours de son histoire, Nordair a su mettre à profit son expérience d'exploitation des régions nordiques et de l'Arctique. Ainsi, elle approvisionne, avec deux Fairchild FH 227, les escales de la DEWline pour le compte de l'armée de l'air américaine, l'USAF, depuis déjà 23 ans.

Au mois de mai dernier, Nordair, en réponse à un appel d'offres offert à tous les transporteurs - d'ailleurs il y en avait d'autres - voyait son contrat de reconnaissance des glaces renouvelé pour une période de cinq ans aux termes d'une entente conclue avec Approvisionnements et Services Canada. Nordair assure ce service depuis plus de 20 ans.

La créativité de Nordair s'est aussi révélée dans son activité de vols nolisés vers la Floride. Nordair a d'ailleurs développé ce marché bien avant l'arrivée des nolisés de Quebecair et d'autres transporteurs aériens. Même en Ontario, Nordair a défriché à très grands frais une liaison entre Montréal, Ottawa, Hamilton et Windsor en concurrence évidemment avec les activités aéoroportu-aires de Toronto.

En somme, l'esprit de pionnier, la persévérance et la détermination de Nordair se sont manifestés par une tradition de rentabilité au cours de son existence. Seules les années 1962 et 1982 se sont soldées par des pertes. Aussi, en 1977, lorsque M. James Tooley offrait de vendre le contrôle de Nordair, offre ignorée par le gouvernement du Québec et par Quebecair, la société possédait une flotte d'avions à peu . près entièrement payée et une impressionnante fiche de rentabilité, puisqu'elle n'avait alors pas connu de pertes depuis quinze ans.

L'achat de Nordair par Air Canada. Le 5 janvier 1978, Air Canada annonçait son intention d'acheter toutes les actions du capital de Nordair. M. James Tooley, au nom du groupe qui détenait le contrôle de la société, avait déjà rendu plublique son intention de vendre ses intérêts. Incidemment, le gouvernement du Québec n'avait jusque là manifesté aucun intérêt, pas plus d'ailleurs que Quebecair.

La société Great Lakes Airways d'Ontario n'avait pu offrir un financement satisfaisant pour lui permettre de réaliser l'achat qu'elle projetait. Le groupe en position de contrôle avait même songé à liquider la société Nordair ce qui aurait, à toutes fins utiles, réalisé les mêmes recettes que la vente à Air Canada, grâce évidemment à la plus-value de sa flotte d'avions.

La décision d'Air Canada permettait à cette dernière d'acquérir une identification -très souhaitable d'ailleurs pour le transporteur national - pour le développement de l'Arctique et aussi de bénéficier de l'expertise de Nordair dans les vols nolisés et dans les opérations de voyages organisés par le truchement d'une filiale de cette dernière,

Treasure Tours, elle-même spécialisée dans ce genre d'activités.

En août 1978, la Commission canadienne des transports ratifiait la transaction. Le gouvernement canadien rejetait les appels logés contre cette décision et, par la suite, le ministre des Transports de l'époque, M. Otto Lang, annonçait, le 7 novembre 1978, qu'il ne s'opposerait pas à la transaction mais exprimait le désir que la propriété de Nordair retourne à des intérêts privés dans les douze mois. En janvier 1979, Air Canada se portait acquéreur de 86,4% des actions de Nordair.

Durant la période de février à mai 1979, huit acheteurs potentiels ont communiqué leur intérêt d'achat à Air Canada. Aucune offre cependant n'a été quantifiée ni assortie du financement permettant la matérialisation d'une telle opération. Il est vraisemblable que tous les acheteurs aient espéré faire face à un vendeur obligé de vendre, ce qui n'était manifestement pas le cas.

En août 1979, M. Alfred Hamel achetait 97% des actions de Quebecair appartenant à M. Howard Webster et revendait subséquemment 31% de ces intérêts à la Société d'investissement Desjardins et 10,5% à la société de transport Provost. Cet achat n'était apparemment que la première phase d'une stratégie visant à l'acquisition de Nordair. En effet, la direction de Quebecair, forte de l'appui du gouvernement du Québec qu'elle avait reçu en décembre 1979, mena une campagne très intensive, appuyée par un lobby habilement orchestré sur la colline parlementaire à Ottawa.

La revente de Nordair à Quebecair rencontra une opposition systématique des employés de Nordair, fiers de leur histoire, soucieux de conserver leur emploi, et surtout très opposés à servir de planche de salut à une société concurrente dont les résultats révélaient des faiblesses toujours croissantes. De plus, les communautés desservies par Nordair craignaient un fléchissement dans la qualité des services aériens de leur transporteur régulier qui les avait habitués à un service efficace et sûr et qui risquait d'être remplacé par une société rarement rentable et manifestement moins efficace. Historiquement d'ailleurs, Nordair s'est toujours mérité le respect et la loyauté de ses usagers, grâce à sa ponctualité et à la qualité de ses services.

Au cours de l'année 1980, le gouvernement du Québec obtint des caisses d'entraide le transfert de leur intérêt de 13% dans Nordair. Face aux difficultés de réglementation à la suite de l'achat de Pacific Western Airlines par le gouvernement de l'Alberta, le Québec vendit sa participation à la Société d'investissement Desjardins. Durant cette période, le ministre fédéral des Transports étudie la proposition d'achat de Quebecair et semble prêt, à plusieurs reprises, à autoriser la vente, pourvu qu'un équilibre soit établi parmi les acheteurs domiciliés au Québec et en Ontario. Évidemment, l'Ontario cherchait à maintenir des services de qualité sur les destinations desservies par Nordair dans ce territoire. Le Québec, cependant, demeura ferme sur une position minimale de contrôle.

La campagne intensive de Quebecair, par la mise en place de son lobby bien articulé pendant une période de deux ans, a réussi à modifier le désir du ministre Lang et à le remplacer dans l'esprit de plusieurs membres du caucus libéral du Québec à Ottawa par l'objectif bien spécifique de créer une ligne aérienne québécoise dirigée et fonctionnant exclusivement en français. Cependant, les réalités économiques du secteur aérien en 1980 et au début de 1981 ont semblé convaincre la Société d'investissement Desjardins et le ministre des Transports de l'époque, M. Denis de Belleval, que la création d'une société aérienne rentable, viable et offrant des services de qualité à tous les Québécois et dirigée majoritairement par des francophones servirait mieux les intérêts du Québec que l'objectif précité. En fait, la perspective d'emploi et les retombées économiques pour le gouvernement d'un achat de Quebecair par Nordair présentait des solutions beaucoup plus efficaces, certainement moins coûteuses et manifestement plus rentables que la proposition inverse. D'ailleurs, l'association de la Société d'investissement Desjardins et d'Air Canada comme propriétaires permettaient la réalisation des grands objectifs d'une présence aérienne régionale viable au Québec.

La proposition d'achat de Quebecair par Nordair. À compter du mois d'avril 1981, des négociations très professionnelles se sont déroulées entre la Société d'investissement Desjardins, représentée principalement par M. Paul Gauthier, qui en est maintenant son président, et Air Canada, dont le principal représentant était celui qui vous adresse la parole aujourd'hui et qui était vice-président d'Air Canada et agissait à titre de membre du conseil d'administration de Nordair. Une proposition, établie à partir des conditions des deux sociétés à cette époque, a reçu l'approbation de la SID et de la société Provost. Nordair proposait d'acheter toutes les actions de Quebecair comme suit: La Société d'investissement Desjardins, pour ses 465 000 actions ordinaires et ses 13 950 actions privilégiées, s'était fait offrir 1 816 000 $; à M. Hamel, pour ses 474 000 actions ordinaires, on lui offrait 2,25 $ par action, ce qui faisait un total de 1 066 500 $; à Expéditex, société affiliée de M. Hamel, pour leurs 300 000 actions ordinaires et 26 325 actions privilégiées, encore une fois, au prix de 2,25 $ par action

ordinaire et 100 $ par action privilégiée, on offrait une somme de 3 307 500 $; à la société Provost, pour ses 157 000 actions ordinaires et ses 4725 actions privilégiées, au même prix que les précédentes, on offrait 826 875 $; ce qui, en ajoutant les actions détenues par les minoritaires au même prix de 2,25 $ par action, faisait un total de 7 250 000 $. (10 h 30)

À l'exception - comme je l'ai mentionné - du paiement offert à SID qui en représentait son coût, les actionnaires recevaient 2,25 $ par action ordinaire et 100 $ par action privilégiée. SID allait souscrire à l'achat de 416 616 actions de Nordair au prix de 12,61 $ par action, ce qui augmenterait sa participation à 27% et réduirait celle d'Air Canada à 73%. Une formule prévoyait une prime d'achat déterminée par l'excédent des bénéfices dans les trois prochaines années au-delà de 15% du rendement sur l'investissement. SID aurait un droit de nommer deux mandataires au conseil d'administration dont un siégerait également au comité exécutif.

M. Alfred Hamel, actionnaire principal de Quebecair, n'avait pas donné son consentement explicite avant d'avoir eu une réponse aux exigences suivantes auxquelles il tenait à tout prix: tout d'abord 3 $ par action ordinaire pour toutes les actions qu'il détenait (ceci comparativement à 2,25 $ offerts aux autres actionnaires); il voulait être couvert par un contrat de cinq ans à 100 000 $ par année; il désirait le titre de président du conseil ou coprésident en plus de conseiller au président; ceci, en plus d'occuper la présidence de Quebecair pour une période de 6 mois après l'approbation par la Commission canadienne des transports; au surplus, il désirait bénéficier d'une option d'achat pour 12 mois d'un maximum de 10% des actions de Nordair à un prix à déterminer et jouir d'un laissez-passer sur Air Canada pour une période de cinq ans.

Par télex daté du 17 juillet 1981, M. Hamel a été informé qu'il ne recevrait pas plus par action que les autres actionnaires et qu'il ne pouvait devenir président du conseil, non plus qu'il ne pouvait se prévaloir d'un laissez-passer d'Air Canadq pour cinq ans.

Dans le but d'informer le gouvernement du Québec de cette transaction et surtout de lui permettre de prendre connaissance de tous les éléments de l'offre, une entrevue sollicitée auprès du ministre Landry fut accordée le 16 juillet 1981. À cette réunion, les ministres Landry et Clair et M. Vézina ont rencontré MM. Lefrançois, Lizotte et moi-même.

Une lettre adressée à M. Landry a servi d'ordre du jour pour la réunion. Elle démontrait clairement les intentions, les circonstances et le climat dans lequel l'offre qui y était annexée avait été formulée.

Cette lettre indiquait que l'offre d'achat de Nordair faisait suite à une suggestion de l'ancien ministre québécois des Transports, M. Denis de Belleval. Elle était dépouillée de tout caractère politique et soulignait, en tenant compte de la réalité économique, l'intérêt non seulement à conserver mais à augmenter les emplois détenus par des francophones au Québec dans le secteur de l'aviation, à développer une société aérienne forte, rentable et davantage efficace en raison de l'expérience du personnel et des cadres des deux sociétés aériennes et à réaliser des économies d'échelle rendues possible par la fusion.

Cette offre d'achat comportait d'autres bénéfices certains comme le développement d'une concurrence plus serrée chez les transporteurs aériens.

Nordair se voyait aussi enrichie par la présence très appréciée de la Société d'investissement Desjardins. Il était clairement indiqué que l'offre était faite à un moment où les transporteurs aériens mondiaux connaissaient une piètre rentabilité, ce qui accentuait la difficulté à trouver des acheteurs privés, d'autant plus que ces derniers ne pouvaient bénéficier d'aucune économie d'échelle. On ajoutait que l'offre ne pouvait être maintenue indéfiniment et que les conditions économiques ne permettraient pas de la répéter.

Il faut souligner qu'Air Canada s'engageait à laisser à la nouvelle société la même autonomie dont Nordair jouissait et à maintenir son siège social au Québec.

L'offre laissait également entendre que l'acquisition n'était qu'une étape vers le passage au secteur privé de l'aviation régionale de l'est du Canada qui allait commencer au moment où la preuve serait faite de la rentabilité de la nouvelle société. Finalement, on insistait sur l'importance de mettre fin au climat d'insécurité et d'incertitude que les 2000 employés de ces deux sociétés aériennes avaient connu depuis déjà beaucoup trop longtemps.

Il est important de souligner que cette offre a été formulée avant que Quebecair ne se soit engagée à acheter tous ses Boeing 737. À cette époque, le marché des Boeing 737 était vigoureux. Au fait, au printemps de 1981, Nordair avait dû placer une commande pour un avion neuf chez Boeing, faute de n'avoir pu se procurer un Boeing 737 usagé pour remplacer un avion loué. Donc, à l'été de 1981, les appareils de surplus de Quebecair auraient pu être vendus assez facilement. Ce qui n'était pas le cas en 1982 et encore maintenant.

Le bilan de Quebecair, même s'il n'était pas alors "pétant de santé", n'avait pas encore atteint une détérioration de nature à porter préjudice à la santé financière et à la viabilité de Nordair. J'ai ici des extraits du bilan de Quebecair pour

les années 1980 et 1981. Vous verrez que Quebecair avait, en 1980, une dette à long terme de 33 000 000 $ auxquels vient s'ajouter une débenture de 7 800 000 $. Donc, on parle d'une dette à long terme de 40 000 000 $. Ses autres dettes étaient minimes. L'avoir des actionnaires était composé de 7 000 000 $ moins un déficit de 4 000 000 $. Maintenant, ce qui s'est passé entre 1980 et 1981 est assez visible. Vous avez l'investissement du gouvernement du Québec de 10 000 000 $ qui se reflète dans le capital-actions, de même que vous avez l'achat des Boeing 737 reflété dans les immobilisations qui sont passées de 39 000 000 $ à 79 000 000 $, de même, évidemment, que la dette à long terme qui est passée à près de 70 000 000 $. Donc, vous avez vu le changement de position entre 1980 qui, à ce moment-là, était les données utilisées pour préparer l'offre qui avait été faite au mois de juillet 1981. Donc, c'étaient les données de l'exercice financier de 1980.

Les médias parlent maintenant - et même, on en parlait ce matin, à la suite de cette commission - d'une perte de 21 000 000 $ ou de 22 000 000 $ pour 1982, en plus d'une dette à long terme excédant 70 000 000 $.

Il est évident que Nordair n'aurait pu songer à faire une telle offre d'achat si les circonstances actuelles avaient prévalu.

L'offre de Nordair, pourtant reconnue exemplaire sur le plan financier, fut jugée inacceptable par le ministre Landry pour des raisons auxquelles nous ne pouvons souscrire. Une semaine plus tard, le Québec annonçait son intention d'investir 15 000 000 $ dans Quebecair.

Nordair poursuit son rôle. La tentative d'achat de Quebecair par Nordair, si elle fut rejetée, eut tout de même un effet très positif chez Nordair. Elle élimina ce climat d'incertitude provoqué par la menace d'achat par Quebecair, qui avait eu un impact bien négatif - évidemment bien compréhensible dans les circonstances - chez les employés de Nordair, depuis 1979.

Une lettre en date du 14 février 1982 du ministre Pépin confirmait le statu quo qui entraînait une accalmie souhaitable et qui disparut cependant avec l'annonce de la proposition Clair-Snow, alors que Nordair commençait à peine à établir une planification à long terme dans son nouveau rôle. Il est évident que la décision du ministre fédéral des Transports d'étudier les moyens de survie de Quebecair par le biais d'Air Canada, mais excluant une fusion avec Nordair, a rétabli un climat de sérénité propice à une bonne productivité et à une planification à long terme.

La survie de Quebecair. À plusieurs reprises, les dirigeants de Quebecair et certains politiciens ont fait allusion à l'absence de liaison aérienne d'une durée de deux heures et plus dans le réseau de Quebecair pour justifier l'incapacité de cette dernière d'atteindre le seuil de la rentabilité. Si vous vous souvenez bien, au moment où Quebecair a tenté d'obtenir un droit de service entre Montréal et Toronto, elle a tenté de démontrer que sa rentabilité, voire même sa survie, dépendait largement de l'obtention de ce droit ainsi que de l'achat de Boeing 737. Il appert maintenant que cette route n'a qu'ajouté aux malheurs de Quebecair. Les destinations du nord-ouest du Québec, comme Val-d'Or et Fort Chimo qui font peut-être l'envie de Quebecair, seraient loin d'assurer la rentabilité de ce transporteur et leur transfert constituerait un désastre pour Nordair.

Nous avons démontré que c'est la combinaison passagers et fret, que Nordair a développée, qui est la clé de son succès. Aussi, l'interdépendance de chaque point du réseau du Nord disparaîtrait avec le transfert de Val-d'Or et de Fort Chimo au profit d'un autre transporteur. Fort Chimo en elle-même ne justifie certainement pas neuf fréquences par semaine et ce n'est que sa position dans le réseau de Nordair qui entraîne cette fréquence. Le morcellement du réseau du nord-ouest du Québec ne présente d'occasions rentables pour aucun autre transporteur. Au contraire, il signifierait l'extraction d'une destination du réseau de Nordair, qui présentement bénéficie de trois à quatre fois plus de fréquences que celle-ci ne justifie en elle-même. Est-ce à dire que Quebecair devrait changer son orientation et investir lourdement dans un système d'avions spécialisés, d'équipements de fret, d'infrastructures dans le seul but d'enlever à Nordair un chaînon de son réseau dont l'interdépendance des escales explique la rentabilité? Est-ce à dire que le seul trafic des passagers qu'un deuxième transporteur pourrait espérer accueillir lui conférerait une rentabilité? À lui seul, il ne justifierait pas un commerce viable pour un autre transporteur.

Si Quebecair avait désiré exploiter un service intégré de passagers et de fret d'une durée de deux heures, Schefferville et Wabush, qui font partie de son réseau, présentaient des occasions commerciales immensément supérieures à n'importe quelle destination du réseau de Nordair. Le tableau suivant reflète le nombre de passagers sur ces destinations comparativement à Fort Chimo et Frobisher Bay desservies par Nordair.

Dans le tableau supérieur, vous avez le trafic complet, origine et destination sur Schefferville et sur Wabush. Comme vous le voyez, ce trafic a varié et a connu une croissance diminutive: de 22 000 passagers en 1976, il est passé à environ 15 000

passagers en 1980, alors que pour Wabush le trafic est passé diminué de 102 000 passagers en 1976 à 82 000 passagers en 1980. Vous pourrez très certainement nous faire remarquer que le trafic total, complet, de Schefferville ou de Wabush inclut aussi une partie des activités de Eastern Provincial Airways. Mais si on s'en remet au trafic de Montréal, à partir de Montréal, pour Schefferville ou Wabush, qui est une propriété exclusive de Quebecair, ce trafic varie autour de 5000 à 6000 passagers pour la période de 1976 à 1980, alors que celui de Wabush a varié de 25 000 à 16 000 passagers. Et ceci par comparaison au trafic complet, total, de Fort Chimo et de Frobisher Bay desservis par Nordair. Comme vous voyez, le trafic de Fort Chimo a varié de 6200 à 11 000 passagers alors que celui de Frobisher Bay est passé de 12 500 à 16 000 passagers en 1980.

Il est erroné de prétendre, comme le fait Quebecair, qu'Air Canada lui fait concurrence sur la liaison de Val-d'Or. Quebecair possède des droits entre Québec et Val-d'Or et c'est bien Nordair qui possède des droits entre Montréal et Val-d'Or, parallèlement à Air Canada. Nordair a d'ailleurs fait de Val-d'Or un centre d'activités pour le fret à destination du Grand-Nord. Comme on l'a vu tout à l'heure, 145 000 kilos de fret ont été expédiés de Val-d'Or en 1973 alors que 2 500 000 et au-delà de 3 000 000 de kilogrammes sont expédiés en 1982 et en 1983. Advenant le départ d'Air Canada sur cette route à partir de Montréal, Nordair voudrait certainement ajouter à ses activités de passagers le marché détenu par Air Canada. Il s'agit d'ailleurs d'un autre marché développé par Nordair bien avant l'existence d'un trafic rentable.

Contribution de Nordair au Québec. Nordair a largement contribué à l'essor économique du Québec. Son réseau se prolonge bien au-delà des limites de la province. Il s'étend sur 4846 kilomètres entre Pittsburgh et Resolute Bay. En couvrant ce vaste territoire avant toute autre société aérienne, Nordair a su conserver ce marché important à la main-d'oeuvre et aux produits du Québec. Il en est de même sur le territoire québécois. Jusqu'en 1957, neuf destinations situées dans la province de Québec, sur la côte est de la baie James et de la baie d'Hudson, étaient desservies par Austin Airways de Toronto et reliées à des centres ontariens exclusivement. Aujourd'hui, grâce au réseau de Nordair, la plupart de ces centres sont reliés à Montréal et c'est du Québec qu'ils sont approvisionnés et qu'ils reçoivent leur main-d'oeuvre. Il a fallu à Nordair des dizaines d'années pour atteindre son objectif et son succès est entièrement dû à sa détermination et à sa persévérance.

Cette société a souvent dû précéder le ministère des Transports dans l'établissement de routes aériennes vers le nord, en organisant et en maintenant son propre système d'aide à la navigation aérienne. Elle a dû construire des bâtiments dans les endroits les plus reculés, installer ses propres génératrices pour s'alimenter en électricité, accumuler, durant la courte saison de navigation, de fortes quantités de carburant. Les conditions des pistes, des aéroports et des services ne pouvaient en aucune façon se comparer à celles qui existaient sur les destinations du Québec situées à l'est de Montréal et desservies par Quebecair.

Le stade atteint aujourd'hui par Nordair ne constitue qu'une étape dans son cheminement. Le Québec continuera de bénéficier du dynamisme de Nordair qui prévoit étendre encore davantage ses activités vers d'autres points des îles polaires où s'annoncent des développements pétroliers et vers la Terre de Baffin où des gisements miniers ont été découverts et ce, dès que des liaisons aériennes y seront requises. Nordair est la seule société aérienne du Québec en position d'offrir ces nouveaux marchés qui profiteront à la collectivité québécoise.

En terminant, j'aimerais souligner l'injustice commise lorsqu'on parle de Quebecair comme étant la seule société d'aviation québécoise. Nordair est une société dont la direction est majoritairement francophone, dont le siège social est à Montréal, qui emploie 1021 employés au Québec. Cette société n'a jamais bénéficié de subvention ni fédérale ni provinciale et a réalisé des profits pendant les 35 dernières années, à l'exception de deux, contribuant ainsi largement à remplir les coffres du gouvernement par ses impôts. D'ailleurs, en plus de posséder 125 000 000 $ d'actifs au Québec, elle y dépense annuellement plus de 50 000 000 $, ce qui se traduit, en y mettant un effet multiplicateur de 7, en retombées économiques excédant 300 000 000 $.

Nordair est un excellent citoyen corporatif au Québec. Il est impératif de s'assurer que la survie de Quebecair ne soit pas effectuée au détriment de Nordair. S'il est regrettable d'avoir une société aérienne québécoise en mauvaise santé, il serait désastreux d'en avoir une deuxième. Il est donc important que Nordair demeure en bonne santé financière afin qu'elle poursuive une croissance qui lui permette d'accroître l'emploi et de continuer sa contribution à l'économie du Québec.

Ce n'est pas en arrachant à Nordair ce qu'elle a mis 35 ans à bâtir qu'on trouvera une solution à la question qui nous intéresse aujourd'hui. Au contraire, toute modification à son réseau ou toute redéfinition de son rôle entraînerait des conséquences tragiques autant pour Nordair que pour la collectivité.

Son cheminement remarquable au cours de son histoire ainsi que ses brillantes perspectives d'avenir sont autant de raisons qui font qu'on ne peut absolument pas se permettre le morcellement de Nordair. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Douville. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, s'il est une chose sur laquelle les membres de la commission, les gens du conseil d'administration de Nordair par la bouche de M. Douville, l'ensemble des proposants, d'acquéreurs éventuels de Nordair et le gouvernement du Québec s'entendent et que tout le monde souhaite, c'est bien que le Québec puisse continuer à bénéficier longtemps des avantages économiques que confère au Québec la présence du siège social et de la principale base d'activité de Nordair. Je pense qu'il y a unanimité là-dessus.

J'essaierai de procéder en deux temps. Je crois que l'intérêt des membres de la commission, quant à la présence de M. Douville, c'est d'abord et avant tout les offres qui avaient été faites en juillet 1981, c'est de connaître la nature de la proposition faite à ce moment-là. Dans un premier temps, j'aurai quelques questions sur la déposition de M. Douville et, dans un deuxième temps, après que l'Opposition aura pris une partie du temps, je verrai quel temps j'aurai pour revenir sur cette question.

La première question à aborder pour donner justice à tout le monde, c'est la fameuse question du caractère québécois ou pas de Nordair. À ce compte, je pense que ni moi ni mes prédécesseurs n'ont jamais prétendu que Nordair, qui embauche l'immense majorité de son personnel au Québec, n'était pas une compagnie québécoise. La discussion porte plutôt sur la question de savoir quelle est la proportion de francophones qui occupent des emplois, des postes, à la direction de Nordair. Non pas par racisme ou par nationalisme indu, mais simplement parce que c'est un fait connu, dans l'aviation commerciale au Canada, selon tes statistiques dont on peut disposer par le biais du commissaire aux langues officielles du Canada, les postes occupés par des francophones dans l'ensemble ne correspondent pas à l'importance numérique des francophones dans le Canada.

Je pense que la première question que je dois poser à M. Douville, porte sur cet aspect. Vous nous avez présenté, M. Douville, les gens qui vous accompagnent. Tous sont francophones et Québécois. Nous sommes informés - il y a eu des nouvelles à cet égard - non pas qu'un processus coercitif avait été mis de l'avant chez Nordair pour essayer de favoriser l'embauche de francophones mais, si j'ai bien compris ce qui avait été rapporté par les médias à un moment, il y avait quand même une action positive qui avait été entreprise par la direction de Nordair pour essayer d'augmenter le nombre de francophones, québécois ou autres, dans l'entreprise. Je pense que la nouvelle avait été reçue positivement par les gens à ce moment.

Ma première question, M. le Président, c'est la suivante - et je la pose, encore une fois, dans un esprit très positif pour, je pense, donner l'occasion à M. Douville de faire le point sur cette question: Depuis 1978, premièrement, y a-t-il eu, oui ou non, une action positive, un processus mis en place pour favoriser la pénétration de francophones chez Nordair? J'aimerais avoir, si c'est disponible, des statistiques sur le nombre de personnes qui se déclarent de langue française et d'origine francophone ou autre depuis 1978, par année, par classe d'emploi au 31 décembre, par exemple, de chacune des années et avec aussi l'évolution du conseil de la direction de Nordair. Je ne sais pas si c'est possible d'avoir ces renseignements.

M. Douville: M. le Président, un peu comme tout à l'heure je vous ai présenté l'équipe de direction de Nordair, il m'aurait fallu ajouter que ceci est la très grande majorité de la direction de Nordair. Nous avons peut-être quatre collègues maintenant qui tiennent le fort de façon à nous permettre de s'assurer un rentabilité. Si vous parlez de pourcentage en termes de la population, Nordair est fière de présenter son équipe de direction qui est très majoritairement francophone, comme vous pouvez le constater ici ce matin.

En ce qui a trait aux autres secteurs d'activité de Nordair, là encore je crois que Nordair peut se piquer d'être un excellent citoyen corporatif au Québec.

Il me fait plaisir de vous informer que le pourcentage de francophones chez Nordair est immensément supérieur au pourcentage de la population. En fait, 53% de tous les employés au Québec, dans un secteur qui, traditionnellement, a toujours fonctionné en anglais, sont des francophones. Au siège social, ceci au 31 décembre 1982, c'était 52% des 202 personnes qui y étaient à ce moment. Je vous prie de noter que des membres de cette direction - que nous sommes heureux d'avoir avec nous aujourd'hui - se sont joints à Nordair le 3 ou le 4 janvier 1983; donc, MM. Bourque et Doutre n'étaient pas avec nous et ne sont pas inclus dans ces chiffres. Si vous voulez être plus précis maintenant, l'augmentation de francophones est là aussi.

En ce qui a trait aux services en vol, 82% de nos 369 employés sont des francophones. En ce qui a trait à l'ingénierie

et à l'entretien, c'est 43% des 270 employés. Aux opérations aériennes, nous avions, en décembre 1982, 17% de francophones sur un total de 214 membres de ce secteur.

J'aimerais vous souligner que ce 17% n'inclut pas les nouvelles embauches qui ont été effectuées chez Nordair depuis le 1er janvier. Nordair était la seule société canadienne au Canada et peut-être en Amérique à faire de l'embauche de pilotes à ce moment-ci. Nous venons d'embaucher six pilotes et les six sont des francophones. De façon à être plus précis dans les statistiques que je vous ai données, il serait bon d'ajouter les nouvelles embauches de 1983 qui vont illustrer que Nordair est évidemment un excellent citoyen corporatif au Québec.

M. Clair: M. le Président, je pense que la question devait d'être posée et on voit que justement, par rapport à la proportion des francophones dans le Canada, Nordair dépasse largement les pourcentages mais on peut établir, par ailleurs, une comparaison avec la population francophones au Québec, auquel cas ces proportions sont différentes.

Je voudrais maintenant en venir à la page huit du document qui nous a été présenté par M. Douville. Au point 2.4, vous dites, à la deuxième phrase: "Aucune offre n'a cependant été quantifiée, ni assortie du financement permettant la matérialisation d'une telle opération." Hier, en commission parlementaire, en se basant sur des déclarations de M. Guy Bernier; président du conseil de Quebecair et de la Société d'investissement Desjardins, je pense que les membres de la commission ont eu, en substance, une information contraire, savoir que le groupe dirigé par la Société d'investissement Desjardins, peut-être pas dans cette période, mais était suffisamment avancé pour que le ministre des Transports du Canada soit à même de vérifier la faisabilité, si on veut, de la proposition du groupe SID. Parlez-vous des informations que vous-même, comme vice-président d'Air Canada à ce moment-là, déteniez ou parlez-vous également en termes de tout ce qui a pu être soumis au ministre des Transports du Canada?

M. Douville: M. le Président, la mention qui a été faite selon laquelle aucune offre n'a été quantifiée ni assortie de financement était relative aux huit acheteurs qui se sont présentés entre la période de février à mai 1979. Mais je crois que si vous voulez avancer vers les offres qui ont été faites par la suite...

M. Clair: ...

M. Douville: ...plusieurs offres, je crois, du moins certaines offres ont peut-être été communiquées directement au ministre des Transports. Il faudrait lui demander. Mais je vous parle des offres que j'ai...

M. Clair: Dont vous avez eu connaissance.

M. Douville: ...reçues au moment où j'étais dans mes fonctions précédentes.

M. Clair: Entre février et mai 1979. Cela va?

M. Douville: Et par la suite.

M. Clair: À la page 14, vous faites référence aux différentes exigences qui auraient été posées par M. Alfred Hamel. Vous connaissez bien l'offre faite par le gouvernement du Québec et, par la suite, aux actionnaires de Quebecair, au moment des discussions qui ont eu lieu en juin et juillet 1981. Connaissez-vous l'offre qui a été acceptée?

M. Douville: Je dois vous dire que je la connais par tierce partie. Je n'ai jamais eu connaissance des documents, je n'en suis pas en possession. Ce que j'en connais, c'est ce qui a été révélé par les médias ou publiquement. Je n'ai pas d'autres connaissances de cette offre.

M. Clair: Alors, si je comprends bien, dans ce cas-là, vous êtes incapable de vous prononcer sur la question de savoir si M. Hamel a accepté une offre plus ou moins avantageuse du gouvernement du Québec, que celle faite à ce moment-là par le tandem Nordair-Air Canada.

M. Douville: Non, je ne sais pas si l'offre que vous avez faite à M. Hamel est plus ou moins avantageuse. Certainement pas.

M. Clair: Parfait. À la page 16, vous parlez de conserver et d'augmenter les emplois détenus par des francophones au Québec dans le secteur de l'aviation, l'expérience du personnel et des cadres des deux sociétés aériennes et à réaliser des économies d'échelle rendues possibles par la fusion. Comment conciliez-vous cette affirmation de la fusion avec la lettre adressée le 16 juillet 1981 à mon collègue, le ministre d'État au Développement économique à l'époque, où j'avais compris que Quebecair devenait, dans un premier temps, une filiale de Nordair? Comment se serait faite cette fusion dans votre esprit à ce moment-là, concrètement, parce que avoir une filiale, c'est une chose, se fusionner avec une autre compagnie, à mon avis, cela en est une autre. Y avait-il un scénario dont, moi, je n'ai pas eu la possibilité de prendre connaissance, quant à la fusion des

deux entreprises?

M. Douville: M. le Président, je ne crois pas qu'on ait discuté dans la lettre du 16 juillet 1981...

M. Clair: Je vous parle de Quebecair par Nordair Ltée, au tout début de la lettre, où vous exprimez la réflexion suivante, relative à l'offre d'achat de Quebecair par Nordair Ltée.

M. Douville: M. le Président, où voyez-vous une référence au fait que ce serait une filiale?

M. Clair: Habituellement, quand une compagnie en achète une autre, dans un premier temps, elle devient...

M. Douville: Très bien, très bien.

M. Clair: ...au moins théoriquement une filiale...

M. Douville: Très bien. Je croyais...

M. Clair: ...et par la suite, il y a fusion réelle des deux entreprises. Ma question est: Dans le concret, matériellement, entre le moment de l'acquisition et le moment où la fusion proprement dite, concrète, sur le terrain se serait passée, aviez-vous un scénario précis d'établi à ce moment-là? (11 heures)

M. Douville: M. le Président, c'était l'intention, à ce moment-là, de former une équipe à l'intérieur de Nordair à laquelle auraient participé des gens, évidemment, de chez Quebecair aussi bien que des représentants de la Société d'investissement Desjardins. L'objectif de cette équipe aurait été de trouver le moyen d'effectuer la fusion le plus rapidement possible et d'obtenir les économies d'échelle qui étaient disponibles par la fusion des deux sociétés. Donc, je crois que l'intention d'en faire une filiale était une transition. C'était un passage vers une fusion totale, parce que les bénéfices d'économie auraient été réalisés une fois que les équipes auraient pu réaliser la diminution des duplications d'effectif des deux sociétés.

M. Clair: Sur cette question des économies d'échelle qui auraient résulté de la fusion, est-ce que je comprends bien que, dans un premier temps, d'importantes économies d'échelle auraient été faites par le biais de la rationalisation des opérations comme telles, mais que, également, il y aurait eu un surplus de personnel, probablement à court terme, pendant une certaine période de temps?

M. Douville: II y aurait eu certainement un surplus de personnel pendant une certaine période de temps.

M. Clair: Maintenant, quant à ce surplus de personnel, à l'intégration des employés des deux sociétés, est-ce qu'il y avait un protocole d'accord qui prévoyait une intégration parfaite selon l'ancienneté pour les employés syndiqués? Comment se serait passée cette intégration des employés?

M. Douville: On n'avait, à ce moment-là, fait aucune démarche positive et on n'avait pas impliqué les représentants des différents syndicats des deux sociétés dans l'évolution du projet. Sans doute nous aurait-il fallu établir une stratégie bien précise à savoir - je crois qu'on en avait une en théorie - comment on allait effectuer la fusion des deux sociétés en ce qui concerne les syndicats. Mais on n'avait pas pu se permettre et je crois qu'il n'était pas bon, non plus, de faire hypothétiquement une fusion en consultant et en amenant des problèmes qu'on aurait eus dans la fusion concernant les syndicats pour les inquiéter indûment. Comme on le sait, la fusion n'a pas eu lieu. Donc, je pense qu'il n'y aurait pas eu lieu d'inquiéter les membres des syndicats des deux sociétés au moment où on a fait cette offre.

M. Clair: Maintenant, compte tenu des pressions très fortes qu'exerçaient, à ce moment-là en particulier, les employés syndiqués, mais aussi la direction de Nordair sur le ministre fédéral des Transports qui, à chaque fois que je lui parlais du dossier, posait toujours comme préalable que, à toutes fins utiles, il n'y ait aucun emploi qui soit perdu chez Nordair à la suite des pressions très fortes dont il était l'objet à ce moment-là, est-ce que cela n'était pas un des problèmes majeurs, un défi très difficile à relever que de parvenir à faire l'intégration des employés de Quebecair et de Nordair sur une base parfaitement équitable?

M. Douville: C'est une excellente question, M. le Président. Je n'étais pas là, évidemment, pour mesurer l'étendue des pressions que les employés de Nordair avaient exercées sur le ministre fédéral. Je n'étais certainement pas là. Mais, il faut vous dire que c'était une préoccupation constante depuis le 7 novembre 1978, lorsque le ministre des Transports de l'époque, M. Lang, a exprimé le désir que la société soit retournée aux intérêts privés.

Aussitôt, en 1979, après l'achat par M. Hamel de la société Quebecair, je crois qu'il y a eu une préoccupation constante, parce que les employés de Nordair - comme je l'ai mentionné d'ailleurs - ne voulaient absolument pas que la rationalisation se fasse

à leur détriment. La société allait très bien, elle était rentable, les employés étaient heureux, bien rodés, alors aucun employé ne voulait être sacrifié, ne voulait servir d'holocauste, si vous voulez, à la fusion des deux sociétés.

La question des employés de Nordair était celle-ci: Si on veut faire une fusion, pourquoi ne fait-on pas d'abord une coupure, un sectionnement de ce qu'il nous faut simplement chez Quebecair au lieu d'apporter deux sociétés? Maintenant, c'est évident que les syndicats n'auraient pas accepté ce genre de chose. Vous comprendrez, M. le Président, qu'au niveau des employés de Nordair, c'était une phobie qu'on avait d'être achetés, d'être fusionnés parce qu'on savait, alors que cela allait très bien chez nous, qu'on allait être sacrifiés pour le bénéfice d'une autre société quelle qu'elle soit. Je pense qu'il n'y a personne d'entre nous qui veut être dans une position où il doit être mis sur une table comme holocauste pour quelqu'un d'autre à qui il n'appartient pas.

Il est évident que la crainte était immense chez les employés. D'ailleurs, les employés se posaient la question: Si c'était l'intention de M. Hamel d'acheter Quebecair pour acheter Nordair, si c'était la première phase de sa stratégie, lorsqu'il a fait l'acquisition de Quebecair de M. Webster, pour quelle raison M. Hamel, à ce moment-là, n'est-il pas venu acheter Nordair quand Nordair était en vente? M. Tooley avait annoncé à tout le monde que Nordair était à vendre. Comme vous le savez, M. Clair, on en avait parlé aux membres du gouvernement du Québec. Quebecair était en position. M. Hamel était à la direction de Nordair. Il aurait pu fort bien faire l'inverse. Pourquoi ne pas acheter Nordair lorsque Nordair était à vendre et acheter Quebecair par la suite?

M. Clair: Je m'excuse de vous interrompre, M. Douville. Je sais que mon temps est limité et je voudrais continuer sur le sujet que j'avais soulevé.

M. Bourbeau: Vous pouvez continuer, M. le ministre.

M. Clair: Vous me dites, M. Douville, qu'à toutes fins utiles les employés de Nordair auraient été très réticents à accepter, compte tenu de leur appartenance à cette entreprise-là, des coupures ou des réductions de personnel chez eux. C'est certainement une préoccupation légitime. Est-ce que, d'autre part, il n'était pas légitime aussi, de la part des employés de Quebecair, de s'assurer, s'il y avait une rationalisation, que cette rationalisation-là ne se ferait pas au détriment seulement des employés de l'une des deux équipes? Est-ce que cela ne vous apparaissait pas une préoccupation légitime?

M. Douville: M. le Président, c'est évident. Je comprends certainement la légitime crainte des employés de Quebecair. Il faut aussi tenir compte du fait que la société qui avait besoin d'aide, qui n'avait pas eu de performance de rentabilité au cours des 35 dernières années, ce n'était pas Nordair. Nordair a eu des profits tous les ans à l'exception de 1982 où l'on a eu une grève, comme vous le savez, qui a duré 6 mois. On ne fait d'excuses à personne pour avoir perdu 2 400 000 $ l'an passé après avoir subi une grève de 6 mois. Je pense que c'est compréhensible. Mais cela reflète encore, si vous le voulez, l'efficacité de la gestion de la direction de Nordair.

Les problèmes existaient au niveau de la société Quebecair. Les employés de Nordair bien légitimement ne voulaient pas être sacrifiés, parce que ce n'était pas Nordair qui cherchait, à ce moment-là, une fusion, qui cherchait un moyen de survivre, c'était Quebecair.

M. Clair: Mais c'était Nordair qui était supposée être en vente et non pas Quebecair, par ailleurs, selon les décisions du ministre des Transports à ce moment-là.

M. Douville: Écoutez, lorsqu'elle était en vente, elle était disponible, mais personne à ce moment-là qui avait un intérêt n'était venu offrir ou quantifier une offre et dire: On veut acheter Nordair; Nordair était à vendre, on aurait pu venir à ce moment-là.

M. Clair: M. Douville, sur la question, justement, de l'intégration des employés des deux entreprises qui se seraient fusionnées, est-ce que, pour être encore plus spécifique, la question de l'intégration des listes des pilotes des deux entreprises n'était pas particulièrement problématique? Si mes informations sont bonnes, selon la liste, s'il y avait eu intégration des pilotes de Nordair et de Quebecair selon l'ancienneté, il semble qu'à ce moment-là les pilotes de Quebecair avaient une ancienneté peut-être un peu plus grande dans l'ensemble, de sorte que cela aurait été particulièrement délicat, cette négociation-là.

M. Douville: M. le Président, il est évident que cela aurait été une négociation difficile parce que la constitution de l'Association des pilotes nous demande de faire ce genre de chose selon sa liste d'ancienneté. Alors, on peut imaginer fort bien que l'intégration aurait été difficile. Maintenant, tout ce qu'on peut définir à ce moment-ci, c'est qu'hypothétiquement cela n'aurait été probablement pas impossible, mais très difficile.

M. Clair: Merci. À la page 19, vous faites référence à l'annonce de la proposition

Clair-Snow qui a été faite en août 1982. Dans les communiqués de presse et dans les déclarations publiques que vous avez faites, vous nous avez reproché, à M. Snow et à moi-même, d'avoir en quelque sorte pris des positions et négocié avec le ministre fédéral des Transports sans en avoir parlé à Nordair ou à Air Canada. Je vous avouerai qu'il nous avait paru que, si d'un point de vue politique, le problème pouvait trouver une solution un jour, il faudrait au minimum que le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement du Québec, ce qui avait été l'exigence même du ministre des Transports du Canada, se rencontrent. C'est dans cet esprit que des négociations ont eu lieu pour établir des paramètres. Il n'était pas question, à ce moment-là, de savoir qui serait président de la société ou comment le mariage des deux fonctionnerait puisqu'on était même incapables à ce moment-là, de régler le problème politique. C'est ce qui nous a amenés, M. Snow et moi-même, à proposer des paramètres qui soient susceptibles d'obtenir l'accord politique des gouvernements des deux provinces les plus populeuses du Canada desservies par les quatre compagnies dont il était question.

Après coup, une fois que je vous ai dit qu'il me paraissait que c'était la responsabilité d'abord du ministre des Transports du Canada de prendre une décision à cet égard et non, sauf tout le respect que je vous dois, la vôtre, les problèmes étant d'abord et avant tout de nature politique, ne pensez-vous pas qu'il aurait été avantageux, au moment où vous avez pris connaissance de l'annonce faite par ces deux gouvernements, de communiquer avec nous pour essayer de voir s'il y aurait un pas supplémentaire à franchir avant de rejeter carrément la proposition? Cela mettait le ministre des Transports du Canada dans une position très délicate, compte tenu des engagements qu'il avait été amené à prendre préalablement.

M. Douville: Je pense qu'il est bon d'élargir, si vous voulez, l'étude. Vous avez parlé de l'élément politique. À part le côté politique, je pense qu'il y a une chose très importante, soit le fait que vous avez des sociétés vivantes, sociétés où il y a des employés, où il y a des gens qui travaillent depuis 35 ans, sociétés pleines de gens qui sont inquiets depuis trois ou quatre ans. Ils sont extrêmement sensibilisés et effrayés par tout ce qui se fait sur le plan politique parce qu'il y a aussi une réalité économique. Il faut aussi continuer à être rentable pour assurer sa survie.

Voici que, tout à coup, un bon vendredi soir, on annonce qu'il y a eu une entente politique entre les ministres des Transports de l'Ontario et du Québec. On a des réalités économiques. On a des valeurs humaines qui sont là. On a des gens qui sont inquiets depuis quatre ou cinq ans et qui lisent dans les journaux que peut-être leur société sera offerte en holocauste à l'intérieur de quatre ou cinq sociétés, aucune d'elles n'étant aussi rentable que Nordair. On s'est préoccupé du côté politique, mais il y a des valeurs réelles, des valeurs humaines et des valeurs économiques qu'on a ignorées.

À ce moment-là, j'ai dit que je n'avais pas été informé. Il me fallait trouver un moyen de communiquer avec les employés de Nordair pour leur dire ce qui se passait sur ce qu'on lisait dans les journaux. Personne ne les avait informés. Alors, vous nous faites une réalité politique, en faisant abstraction totalement des valeurs humaines et des valeurs économiques. Je n'avais pas été consulté et j'étais le président de la société. Alors, j'ai simplement dit, dans ce communiqué de presse qui avait trois lignes, que je n'avais pas été consulté et qu'on n'avait pas intérêt à une fusion ou un grand amalgame. Je pense que c'était absolument normal. Et surtout, il fallait aussi me préoccuper des craintes et de tous les sentiments qu'on avait suscités chez les employés de Nordair. Il me fallait les apaiser immédiatement parce qu'on avait, évidemment, une panique.

M. Clair: J'imagine que vous avez pris connaissance - car depuis ce temps, c'est un document public - de la proposition de rationalisation des services aériens dans le Canada central qui avait été déposée par les deux gouvernements. Pourriez-vous me préciser, sur le plan de la réalité économique justement, de quoi elle ne tenait pas compte, à votre avis? (11 h 15)

M. Douville: Je n'ai pas fait une étude approfondie de ce qui ne correspondait pas aux objectifs de Nordair. Je pense qu'il est bon de vous souligner qu'il était devenu absolument plus évident que les problèmes qu'on avait perçus chez Quebecair en 1981, à la suite de l'offre d'achat que nous avions faite de Quebecair, que les problèmes qui arrivaient dans le secteur aérien auraient pu affecter d'autres sociétés privées dont on n'a pas les bilans. Il y avait une société que nous connaissions, Nordair qui était rentable. D'abord, des mariages, ce n'est pas facile; des fusions, c'est encore plus difficile. Vous aviez dans une même agglomération trois ou quatre sociétés avec différents sièges sociaux, différents objectifs. La seule société qui était viable était Nordair. Comme je l'ai mentionné dans mon texte, est-ce que vous croyez qu'il est valable de s'accrocher à celle qui a beaucoup d'élan? Finalement, étant donné la grande détérioration qui s'est effectuée depuis 1980 dans le secteur aérien, est-ce que le résultat de l'exercice qu'on proposait ne serait pas de faire descendre et

de diminuer la qualité, d'enlever la rentabilité de la seule société qui l'était dans le groupe ou est-ce que cela allait rencontrer l'objectif politique? La grande crainte était qu'en s'accrochant toutes à Nordair; Nordair soit en chute libre et devienne, elle aussi, beaucoup moins rentable et que le Québec se retrouve non seulement avec une société en mauvaise santé financière, mais avec deux. Cela serait désastreux.

M. Clair: Pendant les années où vous avez été vice-président d'Air Canada et, par la suite, président de Nordair, j'ai compris, de vos déclarations antérieures et de vos communications à ce sujet, que la rationalisation des services aériens de Winnipeg à Blanc-Sablon - pour employer les deux points les plus extrêmes - était en soi un objectif valable au cours de 1978 jusqu'à juillet 1981. Est-ce que la rationalisation des services aériens dans le Canada central était un objectif valable?

M. Douville: Je crois que, si on avait réussi à effectuer une rationalisation avant la détérioration tellement sérieuse du secteur aérien qu'on vit présentement, cela aurait été très valable. Je crois que, si on se reporte même à 1980, si on avait pu effectuer l'achat de Quebecair, à ce moment-là, en essayant de minimiser l'impact au niveau des valeurs humaines, en essayant de voir si par attrition naturelle, par diminution, par gens qui se marient, par gens qui prennent leur retraite, par gens qui déménagent, on avait suffisamment de diminution du personnel des deux sociétés pour minimiser la duplication des fonctions, on aurait probablement pu, avec une bonne administration, trouver une rentabilité dans cette rationalisation en se servant d'économies d'échelle qui étaient disponibles. Les circonstances ont changé énormément.

M. Clair: Énormément. La rationalisation du transport aérien n'est pas de votre responsabilité, j'en conviens; c'est de la responsabilité du gouvernement du Canada d'établir les politiques de transport aérien. En ce qui vous concerne, si la rationalisation des services aériens dans le Canada centre-est, de Winnipeg à Blanc-Sablon, était un objectif valable en période de prospérité, en tenant compte des mêmes réalités humaines, économiques, est-ce que cela ne doit pas être un objectif qui, pour l'intérêt de la collectivité, est doublement avantageux et qu'on doit doublement poursuivre en période difficile? Autrement dit, j'ai beaucoup de difficultés à accepter dans votre position que vous me disiez: La rationalisation, tant que cela allait bien, tant que la prospérité était là, était intéressante, mais quelque chose qui était rationnel en période de prospérité devient tout à coup irrationnel en période de crise, de difficultés financières.

Je comprends fort bien l'intérêt de Nordair qui, effectivement, se classe parmi les quatre principaux transporteurs aériens qui ont des activités dans cet immense territoire. Cela tient sûrement aux efforts consentis tant par les employés que par la direction. Nordair est celle qui tire le mieux son épingle du jeu, qui connaît les résultats les plus positifs sur le plan financier. Par ailleurs, si on s'élève un peu au-dessus de l'intérêt corporatif normal de la société Nordair, je pose la question suivante: Est-ce que quelque chose qui est rationnel en période normale devient irrationnel en période de difficultés économiques, quand on connaît le besoin qui, à mon avis, n'a pas changé en termes de rationalisation des services aériens dans le Canada centre-est?

Que ce soit en période difficile comme en période facile, le point de vue du gouvernement du Québec a toujours été de poursuivre une fusion aussi élargie que possible des transporteurs aériens régionaux ayant des activités au deuxième et au troisième niveau: Regionair, Quebecair, Nordair et Air Ontario. Et, à ma connaissance, en tout cas, depuis que j'occupe le poste qui m'a été confié, jamais on n'a mentionné qu'on voulait sacrifier les employés de Nordair ou la direction de Nordair ou qui que ce soit. Voici ma question: Comment une chose qui était logique, rationnelle, est-elle devenue irrationnelle?

M. Douville: M. le Président, je crois qu'il y a plus que la rationalité, quoique la rationalité soit toujours là. Ce qui est rationnel demeure rationnel. Certains éléments influencent et il est bon de regarder un peu ce qui s'est passé. Au moment où on parlait de la rationalité, d'une rationalisation du commerce aérien à l'Est du pays, on avait une industrie qui était rentable. Les années 1978 et 1979 étaient très rentables. On avait des employés qui avaient des possibilités de s'embaucher ailleurs. Le taux de chômage, à ce moment-là, était certainement immensément inférieur à celui qui existe maintenant. Il y avait une mobilité chez les employés. S'ils n'allaient pas chez Nordair ou chez Quebecair, ils pouvaient se trouver un emploi dans un autre secteur ou dans une autre société aérienne. Toutes les sociétés aériennes embauchaient à ce moment. Alors, ce qui était rationnel à ce moment-là tenait compte aussi des valeurs économiques ou des possibilités de mouvement qu'il y avait parmi les sociétés aériennes. Cela n'existe plus maintenant. Au contraire, si vous regardez ce qui s'est passé au Canada dernièrement, je pense que Nordair est la seule société qui ait embauché

dernièrement. Vous avez vu ce qui s'est passé à Air Canada en ce qui concerne le partage du travail, les mises à pied. Vous avez vu ce qui s'est passé dans cette industrie dans le reste du Canada, chez TWA, chez CP Air: il y a des mises à pied partout. Donc, la rationalité n'est pas enlevée, mais les circonstances sont bien différentes.

M. le Président, si on me demandait, étant en bonne santé, de donner un coup de main à quelqu'un qui s'est blessé sur une pente de ski, je le ferais avec plaisir; c'est rationnel que je le fasse. Mais si je me casse la jambe et qu'on me demande d'aider mon voisin parce qu'il vient de tomber, je ne peux pas le faire. Ce n'est pas que je n'aie pas l'intention, que je n'aie pas le désir de le faire; ce n'est pas que ce soit pas rationnel, mais c'est que je ne suis plus en position de le faire. Alors, on s'est blessé économiquement dans le secteur de l'aviation, énormément. Ce qui existait comme conditions de base existe peut-être encore, mais les circonstances ont tellement changé qu'on peut être handicapé sans même paraître handicapé à cause des circonstances, à cause du développement économique.

M. Clair: Au fond, ce que ça prendrait, c'est peut-être une intervention gouvernementale plus poussée, tant en termes financiers qu'en termes de réorganisation du réseau aérien, que ce qui était possible dans les meilleures années. Autrement dit, si c'est plus difficile maintenant, ce n'en est pas moins rationnel. C'est seulement plus difficile et ce n'est pas nécessairement impossible. Et ce n'est pas un objectif auquel on doive renoncer à long ou à moyen terme.

M. Douville: Je me permets d'ajouter, M. le Président, qu'en plus de la situation économique, je pense qu'il y a un grand facteur qui nous a réellement attrapés, c'est le facteur du chômage. Je crois que l'élément le plus difficile avec lequel on peut envisager la rationalisation à ce moment-ci, c'est l'excédent de personnel qui sortirait d'une rationalisation. C'est un problème auquel on aurait pu faire face et qui se serait éliminé assez facilement dans une bonne économie, mais c'est un problème qui maintenant, je crois, dépasse de beaucoup la portée d'autres éléments qui entrent dans l'examen ou l'étude d'une rationalisation.

M. Clair: À ce sujet, tout ce qu'on peut souhaiter, c'est que le grand docteur soigne tous ses malades et tous ses blessés aussi équitablement l'un que l'autre. À la page 22, vous faites état du trafic de passagers comparant Schefferville et Wabush, du trafic de passagers à partir de Montréal et le total, également, pour Fort Chimo et Frobisher Bay. En termes de rentabilité comparable, est-ce qu'il serait avantageux d'ajouter le fret, l'activité cargo? Est-ce que vous avez des chiffres sur le cargo qui est destiné à aller dans l'une ou l'autre direction? Est-ce que cela pourrait être un élément important pour mieux juger de la rentabilité, du potentiel réellement offert par ces destinations comparatives?

M. Douville: M. le Président, évidemment, je n'ai pas les chiffres de fret qu'on pourrait transporter de Schefferville et de Wabush, mais il est évident que, si vous mettez en parallèle les éléments de fret qui étaient disponibles à Wabush et à Schefferville, surtout dans la grande période d'activité économique, le marché de ces deux points était certainement immensément supérieur, comme je l'ai mentionné, à celui de Nordair.

Nordair, comme vous le savez, a développé son marché de fret. Nordair, comme j'ai dit, a été coincée entre deux autres sociétés. Nordair n'avait pas d'avions à ce moment-là qui étaient prêts à recevoir et du fret et des passagers. Donc, Nordair a décidé de créer sa mission et s'est donné comme objectif d'être une société qui allait avoir un transport mixte de passagers et de fret.

Quebecair, avec la longueur des vols, Wabush-Schefferville, aurait pu fort bien tirer son profit du fret qui existait, mais ce n'était évidemment pas l'orientation de Quebecair parce que, lorsque Quebecair a décidé d'acheter des Boeing 737, elle était certainement beaucoup plus préoccupée de mener des passagers à la Barbade et en Floride; on avait acheté des 737 avec des moteurs de -17, mais il n'y avait aucune possibilité de fret. Donc, on peut tirer la conclusion que Quebecair n'avait pas l'intention de se lancer dans un marché de fret.

Nordair a décidé que sa rentabilité serait tirée à partir d'une opération mixte de fret et de passagers et elle a développé son réseau. C'est évident que Frobisher Bay, avec 2900 habitants, n'offre pas une immensité de marché, si vous voulez, pour un transporteur aérien. Nordair n'aurait pas tiré son profit de Nanisivik, Resolute Bay. Nordair trouve le moyen de s'adapter, d'adapter ses marchés. À Val-d'Or, on a craint beaucoup, lorsque Nordair est revenue en 1972, qu'après la Baie-James on disparaîtrait. On s'est fait accuser par la chambre de commerce. On a dit: On craint beaucoup que vous nous abandonniez quand les travaux seront terminés à la Baie-James. Mais vous avez vu ce qu'on a fait - je vous l'ai montré par des tableaux - on s'est développé un marché de fret à partir d'un marché qu'on avait.

Nordair a trouvé des moyens, par créativité, par imagination, par

détermination, de se rentabiliser avec ce qu'elle avait. Voici qu'on a commencé il y a deux jours à donner des services à Gareau Lake, à 75 milles au nord-ouest de Resolute Bay, comme vous voyez sur la carte là-bas. On a commencé à offrir des services de fret en atterrissant sur la glace. Il faut de l'imagination. On a fait des études depuis longtemps, on l'a fait à plusieurs reprises. Alors, pour une période de trois mois, on va chercher 350 000 livres de fret qu'on n'aurait pas eu parce qu'on a de l'initiative, parce qu'on s'est spécialisé dans le secteur, dans le trafic de marchandises et de passagers. En plus de cela, on a 500 passagers qui atterriront sur la glace, avec nous, à Gareau Lake. Donc, je pense que vous avez là une orientation.

Le point que je veux souligner, lorsqu'on parle de Quebecair et de Nordair, je vous dirai qu'on n'a pas été privilégiés, on n'a pas eu de destination à l'est de Montréal. Lorsqu'il y avait beaucoup de passagers, on n'en avait aucune; il a fallu défricher, développer, il a fallu retrousser nos manches, travailler et se créer un marché. Quebecair avait des marchés qui allaient bien. Schefferville et Wabush étaient de gros centres comparativement à n'importe quel centre d'activité ou de destination de Nordair, mais je pense qu'on ne les a pas développés. Je pense qu'il est assez logique de dire que, dans la rationalisation, on s'est aidé un peu aussi en se créant, en se développant des marchés qui, comme je l'ai mentionné tout à l'heure - je suis très heureux de vous le mentionner - contribuent à l'essor économique du Québec. On a accroché des marchés qui étaient desservis par l'Ontario exclusivement et on a apporté la main-d'oeuvre et l'approvisionnement ici au Québec.

Encore une fois, si vous regardez les retombées économiques des achats qui sont faits dans le but d'alimenter toutes les stations et destinations du Grand-Nord, ce sont des achats qui sont effectués au Québec et qui se seraient effectués à l'extérieur si Nordair n'avait pas développé ces marchés. Si Nordair est maintenant prête encore à étendre son territoire aux gisements miniers ou pétroliers dans le Grand-Nord, je pense que cela favorisera encore le Québec. (11 h 30)

M. Clair: Merci, M. Douville. M. le Président, je ne voulais pas commencer une discussion avec M. Douville. Je fais juste signaler, au passage, que Gagnon, Wabush, Schefferville, en termes de cargo, sont desservis par un train et, qu'à ma connaissance il n'y a pas de train qui se rend, cependant, à Chimo et à Resolute Bay. Mais comme, à ce moment, je m'aventurerais, en lui posant des questions, à amener le président de Nordair sur le dossier de Quebecair et que le président du conseil d'administration de Quebecair, M. Guy Bernier, a refusé, hier, aimablement de commenter les activités de Nordair, je ne voudrais pas mettre M. Douville dans l'embarras et le forcer à commencer à discuter de la gérance et des activités d'une autre compagnie. C'est, donc, ma dernière question, M. le Président. Je pense qu'on peut passer à un autre collègue de l'Opposition.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je tiens à féliciter les gens de Nordair pour l'exposé très intéressant qu'ils ont fait, ce matin, sur l'historique de Nordair et sur leur perception de l'évolution du transport aérien régional au Québec, dans l'Est du Canada et dans le centre du Canada, au cours des dernières années.

Quand on regarde l'histoire de Quebecair et de Nordair, vous souligniez, au début de votre exposé, que les deux compagnies ont été fondées en 1947, la même année, toutes les deux, par des Québécois et toutes les deux dans des régions du Québec, l'une au Lac-Saint-Jean et l'autre dans le Bas-du-Fleuve. On ne peut pas s'empêcher de constater que les deux sociétés ont connu des cheminements absolument différents l'un de l'autre. C'est vraiment étonnant de voir le destin des deux sociétés fondées en même temps, au même endroit - au Québec toutes les deux - l'une aujourd'hui, après 35 ans, dans une période où tout le monde est mis à pied, est probablement la seule société au Canada à faire de l'embauche, donc en pleine prospérité; elle semble très bien gérée, extrêmement bien équipée, profitable puisque vous nous dites que, même en 1982, le déficit a été de 2 000 000 $ en dépit d'une grève de six mois - et elle donne, semble-t-il, un excellent service aux régions éloignées, c'est-à-dire les régions nordiques.

D'autre part, l'autre société fondée en même temps, Quebecair, qui est également une société fondée au Québec comme je l'ai dit, semble avoir des problèmes importants de gestion et d'équipement. Ils annonçaient, hier, un déficit de 21 000 000 $ pour l'année 1982 sans qu'il y ait eu, je crois, de grève. Elle donne un service aux régions dont on peut dire, malgré les affirmations entendues hier, que les usagers se plaignent. Il suffit de parler aux gens de Sept-Îles et de la Côte-Nord pour constater à quel point ces gens se plaignent.

Encore hier, d'ailleurs, j'avais des téléphones de gens disant qu'ils trouvaient incompréhensible qu'il en coûte 800 $ pour un billet d'avion aller-retour de Blanc-Sablon à Montréal, et, par surcroît, sur des appareils turbopropulsés, sur une partie du

parcours, qui ne fonctionnent pas toujours très bien, alors qu'on sait que Quebecair, au cours de l'hiver dernier, offrait un vol en jet sur la Floride pour 169 $ aller-retour, pour une distance qui n'est pas plus longue, au contraire.

Ce sont deux contrastes, deux destins bien différents. C'est ce que nous tentons aujourd'hui de comprendre. Comment se fait-il, à partir d'une position de départ identique, qu'on se retrouve aujourd'hui avec deux sociétés qui sont dans des situations extrêmement différentes sur le plan financier?

Au début de son exposé tout à l'heure, le ministre des Transports a fait allusion à la question de la francophonie, si je peux dire, à Nordair. Vous nous avez présenté votre équipe de direction où, semble-t-il, il y a beaucoup plus de francophones que ce qu'on nous avait dit précédemment. Vous avez un président qui est francophone, un président du conseil, francophone; vous nous avez présenté cinq vice-présidents francophones en plus de deux vice-présidents adjoints francophones, une adjointe aussi. Vous donnez donc l'impression d'être une compagnie qui, le moins qu'on puisse dire, fait quand même une large place aux francophones dans sa direction. Vous avez donné des pourcentages, à la demande du ministre d'ailleurs, sur le nombre de francophones dans votre entreprise aux autres paliers qu'à celui de la direction. Cela varie de 17% pour les opérateurs aériens jusqu'à 82% pour les services en vol. Évidemment, je pense bien que les pourcentages de Quebecair, en terme de francophones, sont plus importants.

Vous avez aussi dit dans votre exposé que Nordair a été coincé au cours des années entre Quebecair à l'Est et Transair à l'Ouest et que vous vous êtes taillé un marché en partie au Québec et en partie en Ontario. Je pense également que vous desservez Pittsburgh aux États-Unis. Ceci étant dit, pourriez-vous nous dire quel est le pourcentage de vos activités qui sont au Québec et le pourcentage en dehors du Québec, de façon qu'on puisse voir si vous avez un pourcentage de francophones qui correspond à peu près au pourcentage de lignes de service que vous donnez au Québec même?

M. Douville: M. le Président, je pense qu'il est difficile d'exprimer ce genre de pourcentage. Lorsque vous parlez d'un service aérien, si vous voulez définir un service ontarien, est-ce que l'activité Montréal-Toronto, Montréal-Hamilton est déterminé comme un service aérien ontarien ou québécois? C'est très difficile. Il est important de vous souligner que les activités de Nordair sont dirigées du siège social ici. On a un bureau régional à Toronto où les employés sont, évidemment, anglophones. Il est aussi très difficile de vous donner un pourcentage d'activités qui sont reliées à l'aspect francophone ou anglophone, parce que le service qu'on donne dans les Territoires du Nord-Ouest présuppose qu'on peut s'exprimer en anglais, comme d'ailleurs on présuppose que nos services de Pittsburgh, de Toronto, Thunder Bay, Sault-Sainte-Marie, Dryden et Winnipeg demandent qu'on puisse aussi s'exprimer en anglais. Alors, je pense qu'il est difficile d'essayer d'identifier un segment d'activités de Nordair qui pourrait s'exercer en français par comparaison à un segment de nos activités qui pourrait s'effectuer en anglais. Alors, je me sens un peu mal à l'aise pour vous donner une définition bien précise de nos services qui sont en français. Je pense que globalement l'objectif de Nordair est de s'assurer qu'on crée des emplois dans le secteur de l'aviation pour des francophones. En faisant ce genre d'exercice, si vous voulez, on peut effectuer les mêmes services avec des francophones qui sont bilingues dans d'autres provinces ou d'autres secteurs. Il m'est difficile de vous préciser ce secteur qui se rattache à la langue.

M. Bourbeau: Je voulais souligner que, lorsque vous devez donner un service dans des régions comme l'Ontario ou Pittsburgh, il faut nécessairement que les gens qui travaillent pour vous soient capables de parler la langue des gens que vous desservez à ces endroits. Forcément, peut-être cela vous oblige-t-il à avoir un peu plus d'anglophones dans votre entreprise que si vous étiez restreints uniquement au Québec, je présume.

M. Douville: Oui, sûrement.

M. Bourbeau: M. Douville, vous êtes celui qui a signé la fameuse lettre qui a été publiée partout et que le ministre a mise, d'ailleurs, dans le cahier qu'il nous a donné et qui résumait l'offre qui avait été faite par Nordair à Quebecair en juillet 1981. À ce sujet, le ministre dans son allocution, hier, a dit que le gouvernement du Québec était intervenu pour empêcher que les actionnaires de Quebecair n'acceptent l'offre de Nordair et je vais le citer aussi bien que possible: "Aucune garantie quant à la place qu'auraient réellement occupée les francophones dans cette nouvelle proposition où Quebecair devenait une filiale de Nordair dont on connaît les velléités de la haute administration de faire une place aux francophones".

Ce matin, dans votre texte, en vous référant toujours à l'offre de juillet 1981, vous dites que cette offre dépend de l'intérêt non seulement à conserver, mais à augmenter les emplois détenus par des

francophones au Québec dans le secteur de l'aviation. Évidemment, il semble y avoir un contraste entre votre perception de l'offre de juillet 1981 relativement à ce problème et la perception du ministre, parce que lui semble avoir bloqué la transaction à cause de sa crainte que vous ne fassiez assez de place aux francophones. Vous, vous dites qu'un des buts de cette offre était de faire une fusion qui puisse augmenter la place des francophones. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu en quoi votre position contraste avec celle qu'on a entendue.

M. Douville: Je crois qu'il était évident, M. le Président, au moment où nous avons fait l'offre, qui avait été négociée principalement avec la Société d'investissement Desjardins, qu'on avait la détermination de s'assurer que, si l'offre était acceptée, on allait certainement continuer à augmenter les emplois pour les francophones, les emplois au Québec dans les deux sociétés. Je pense que la meilleure preuve de la bonne foi qui était mentionnée dans cette lettre, c'est ce qui s'est produit effectivement. Je pense que vous êtes en mesure de réaliser que Nordair continue d'augmenter son pourcentage de francophones dans ses effectifs. Je pense que les gens qui sont autour de cette table en sont la démonstration et que les statistiques qu'on m'a demandé plus tôt de vous donner illustrent la bonne foi qui était à la base de cette lettre qui a été écrite en 1981 et qui assurait M. le ministre de la bonne foi advenant le succès de la proposition qui était discutée à ce moment-là.

M. Bourbeau: Je pense que c'est important que cela soit dit, parce qu'il semble que ce soit la raison principale -d'ailleurs, cela a été déclaré - qui a fait que le gouvernement a empêché la vente. On craignait pour le sort des francophones dans l'aviation non seulement au Québec, mais dans l'Est du Canada. Je pense que vous venez de donner une réponse assez éclatante en ce sens que, même sans cette fusion, Nordair, déjà, fait une large place aux francophones. On pourrait penser qu'avec la fusion avec Quebecair cette place aurait été encore plus grande. Cela a pour effet d'annuler, à toutes fins utiles, pour autant que nous sommes concernés, les raisons que le gouvernement peut invoquer pour avoir empêché cette fusion; on peut les mettre en doute.

Dans l'offre qui avait été faite, M. Douville, dans un premier temps, le Mouvement Desjardins devenait actionnaire à 27% de la nouvelle société regroupant Quebecair et Nordair, et Air Canada avait 73%. Vous dites dans votre lettre que les actionnaires avaient convenu que, dans un laps de temps assez court, les intérêts d'Air

Canada seraient diminués et deviendraient minoritaires, et que les actions seraient revendues dans le public. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu quelle était l'intention, puisque vous avez négocié cette offre, des parties et de quelle façon le public aurait eu accès à ces actions? Est-ce que c'est un public québécois, un public ontarien? Comment cela se serait-il réparti exactement?

M. Douville: M. le Président, je pense que ceci nous ramène dans le contexte de la période qui a précédé immédiatement l'offre qu'on avait formulée en juillet 1981 et cela fait suite aux tentatives qu'on avait faites d'acheter Nordair au préalable. Comme je l'ai mentionné dans mon texte, je pense que le ministre avait trouvé une fiancée; il avait parlé de se fiancer pour un moment. Il aurait, à plusieurs reprises, comme je l'ai mentionné, probablement essayé d'effectuer cette transaction si on avait réussi à établir un équilibre entre les actionnaires domiciliés en Ontario et les actionnaires domiciliés au Québec. Notre offre, à ce moment-là, était formulée sans qu'il y ait d'exigence de la part des autres intérêts d'avoir une position majoritaire. Donc, on avait formulé l'offre qui suit: Air Canada, immédiatement, verrait sa participation réduite à 73% et celle de la Société d'investissement Desjardins augmentée à 27%. (11 h 45)

Maintenant, dans le but d'éliminer les craintes qui auraient pu exister au niveau des différents groupes intéressés à Nordair, on avait pensé à une émission d'action publique une fois la rentabilité des deux sociétés fusionnées établie. Si on avait une émission publique qui peut être faite avec certaines barrières, si vous le voulez, ou protégée, où personne ne peut acheter un bloc de contrôle ou acheter immensément d'actions, je pense qu'on aurait réussi réellement à étendre la propriété d'une société fusionnée. Vous aviez déjà un actionnaire très intéressé qui avait vu sa participation augmenter la Société d'investissement Desjardins. Donc, à partir de 27% détenu par Desjardins, la participation d'Air Canada aurait été réduite davantage, à ce moment-là, par une émission publique à une position minoritaire.

Si vous aviez éliminé la possibilité que quelqu'un achète un gros bloc d'actions, je pense que vous auriez eu une société qui aurait été possédée largement, puis naturellement par les gens du Québec qui auraient été intéressés parce que le siège social est ici. Si la société avait été rentable, il n'y a pas de raison pour laquelle nos investisseurs québécois n'auraient pas trouvé leur rentabilité à investir, pour faire de l'argent, pour avoir un bon rendement, dans une société d'aviation bien dirigée au

Québec. Donc, si vous le voulez, on avait sorti le concept à ce moment-là d'une structure qui allait demander des cadres bien précis, que ce soit ici ou à l'extérieur.

M. Bourbeau: Maintenant, M. Douville, un sujet dont on n'a pas parlé encore depuis que la commission parlementaire a commencé ses travaux et qui est très important, c'est la question des petits actionnaires de Quebecair. Quebecair a été fondée en 1947 par des hommes d'affaires de Rimouski. Au début, cela s'appelait Rimouski Airlines. Il y a un grand nombre d'hommes d'affaires québécois, des Québécois, qui ont investi, au début, des fonds dans Quebecair, qui en ont été les pionniers.

On voulait inviter à cette commission le président fondateur de Quebecair, M. Albert Dionne, qui a été 6 ou 7 ans président, au début. Il détient encore des intérêts minoritaires. Malheureusement, on n'a pas pu s'entendre avec le ministre pour assurer sa participation ici. On aurait aimé l'entendre pour faire valoir le point de vue de ces gens-là qui sont les pionniers de Quebecair, les vrais fondateurs, qui pendant 35 ans n'ont jamais eu un cent de retour sur leurs investissements, qu'on n'a jamais consultés, d'ailleurs, sur aucune des décisions qui ont été prises et qui aujourd'hui ne savent pas du tout ce qu'il en est de leurs investissements. Probablement que plusieurs d'entre eux ont fait une croix là-dessus depuis longtemps.

De quelle façon est-ce que vous entendiez, avec votre offre de juillet 1981, traiter ces gens-là? On sait que dans l'offre d'achat que le gouvernement du Québec a faite aux actionnaires de Quebecair, il a fait une offre à tous les gros actionnaires, le groupe Hamel, Desjardins et Provost, détenant 93% des actions. On leur a offert de leur rembourser toutes leurs actions en juillet 1983 avec un profit. Hier, le Mouvement Desjardins parlait d'un profit qui allait de 11,5% sur les actions ordinaires à 16,5% sur les actions privilégiées. J'admets que ce ne sont pas des profits de 20%, mais, quand on parle d'une compagnie qui perd 21 000 000 $ dans une année, je pense que ce n'est quand même pas si mal.

Quant aux petits actionnaires, le gouvernement du Québec n'a absolument fait aucune offre, ne s'en est pas occupé. On ne les a même pas considérés dans l'offre, se sorte que ceux qui vont faire de l'argent au mois de juillet 1983, ce sont les gros, 93%, et les petits, 0, exactement comme on l'a fait, d'ailleurs, dans l'amiante et dans d'autres cas.

Dans votre offre de juillet 1981, est-ce que vous faisiez une offre seulement aux gros actionnaires ou si vous vous occupiez également des petits et des fondateurs de Quebecair? Et si vous vous occupiez des petits, est-ce que vous les traitiez sur le même pied que les gros?

M. Douville: M. le Président, dans le tableau dont je me suis servi tout à l'heure, au bas, il y avait une proposition pour les 103 500 actions détenues par des intérêts minoritaires qui allaient recevoir 2,25 $ par action au moment où on avait fait l'offre de juillet 1981.

M. Bourbeau: Donc, si je comprends bien, votre offre était faite non seulement aux gros actionnaires, mais également aux petits.

M. Douville: L'offre était, évidemment, offerte à tous les actionnaires, incluant les petits.

M. Bourbeau: Les petits actionnaires, on leur offrait le même prix qu'aux gros par action.

M. Douville: Oui.

M. Bourbeau: Merci. Dans votre lettre, vous nous dites que l'offre présentée aux actionnaires de Quebecair en juillet 1981 n'avait pas été sollicitée, ni amorcée par Air Canada et Nordair, mais que c'est à la suggestion de l'ancien ministre des Transports, M. Denis de Belleval, que vous faisiez cette offre. C'est écrit dans votre lettre du 16 juillet. Vous reprenez ce texte à la page 15 de votre mémoire d'aujourd'hui en disant que c'est à la suggestion de l'ancien ministre québécois des Transports, M. Denis de Belleval, que vous avez fait cette offre. Pouvez-vous nous dire exactement comment M. de Belleval vous a fait cette suggestion?

M. Douville: M. de Belleval ne m'a certainement pas fait la suggestion à moi. Je pense qu'il l'a faite au cours d'une visite au ministre fédéral des Transports, M. Pépin. Depuis cette visite à M. Pépin, on m'a communiqué que M. de Belleval, à ce moment-là, avait suggéré qu'il serait probablement plus rentable, plus viable et qu'on servirait mieux les intérêts des Québécois en examinant la possibilité qu'une offre d'achat soit faite par Nordair pour Quebecair au lieu de poursuivre la proposition inverse qu'on poursuivait déjà depuis février 1979.

M. Bourbeau: Donc, M. de Belleval, quant à lui, préférait la solution d'une fusion entre Nordair et Quebecair à partir de l'offre que vous aviez faite.

Malheureusement, il n'est plus ministre des Transports aujourd'hui. Certains journalistes affirment dans la presse que c'est le meilleur ministre des Transports que le Québec ait jamais connu. Je ne voudrais pas

insulter le ministre actuel, mais...

M. Clair: Sachant de qui cela vient, cela ne m'insulte pas du tout.

M. Bourbeau: Ah bon! Vous critiquez les journalistes maintenant?

M. Clair: Absolument pas.

M. Rodrigue: L'insulte est toujours proportionnelle à l'importance qu'on accorde à l'insulteur.

M. Clair: C'est cela.

M. Bourbeau: M. Douville, vous avez fait parvenir votre offre aux actionnaires de Quebecair le 9 ou le 10 juillet 1981. Soudain, le 16 juillet 1981, vous vous retrouvez dans le bureau du ministre Landry. D'ailleurs, votre lettre est adressée à M. Bernard Landry. Comment se fait-il que vous vous soyez retrouvé dans le bureau du ministre Landry? Nous ne comprenons pas tellement, parce que le ministre Landry n'était pas actionnaire de Quebecair à ce moment-là, ni le ministre Clair, ni le gouvernement du Québec. Vous traitiez avec des actionnaires privés. Pourquoi vous retrouver avec MM. Lizotte et Lefrançois dans le bureau de M. Landry? Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu comment il se fait que vous vous soyez retrouvé là et que vous ayez pris la peine d'écrire une lettre à M. Landry qui n'était pas actionnaire?

M. Douville: Au cours des négociations effectuées, dans les mois de juin et de juillet, avec les actionnaires de Quebecair, la Société d'investissement Desjardins, représentée par M. Gauthier, Les transports Provost, représentée par M. Robert Provost, et M. Hamel, il est devenu apparent que M. Hamel, comme je l'ai mentionné, avait des exigences particulières. Nous étions arrivés à un point où il fallait absolument bouger ou cesser nos opérations parce qu'on négociait très lentement. M. Hamel nous a demandé un sursis pour étudier l'offre qu'on lui avait faite. Au cours de ce sursis accordé à M. Hamel, il a rencontré le ministre Landry. À la suite de sa visite au ministre Landry, on nous a demandé d'accorder un autre sursis. Donc, on a cru bon, étant donné que M. Hamel avait décidé d'informer le ministre Landry, d'attendre une offre qui soit assez cristallisée. Je pense qu'il n'était pas bon d'aller informer le gouvernement du Québec d'une transaction qui n'était pas mûre. Tout de même, c'était notre intention d'informer le gouvernement que nous étions en train de transiger et on croyait préférable d'obtenir l'assentiment de tous les actionnaires avant d'en informer le gouvernement.

Donc, je crois qu'il était logique, sachant que M. Landry avait été impliqué ou avait discuté de l'offre avec M. Hamel, qu'on aille informer le gouvernement, comme bons citoyens - parce que c'était M. Landry qui avait été impliqué effectivement avec M. Hamel - de ce qu'on allait faire: C'est ce qu'on a fait le 16 juillet. C'est pour les fins de cette réunion que j'avais écrit une lettre à M. Landry qui nous a servi d'ordre du jour et à laquelle était annexée notre offre d'achat aux actionnaires de Quebecair.

M. Bourbeau: Quelle a été la réaction de M. Landry quand vous l'avez rencontré?

M. Douville: M. Landry a cru que la proposition était bonne sur le plan financier, mais qu'elle ne répondait pas à d'autres objectifs du gouvernement. En plus de celui que le gouvernement avait d'avoir une société rentable, viable, il y avait d'autres objectifs qui relevaient du fait que Nordair était une société possédée à 86% par Air Canada, donc une société de la couronne. Probablement que dans l'objectif du Parti québécois, on voulait une société qui soit dirigée exclusivement en français et qu'on croyait qu'il ne pourrait pas atteindre cet objectif par l'offre qu'on avait faite. À cause de ces raisons, on a jugé que l'offre qu'on avait faite était inacceptable. Le gouvernement du Québec a fait connaître son intention d'investir 15 000 000 $ dans Quebecair.

M. Bourbeau: M. Landry vous a dit que votre offre était excellente sur le plan financier mais que sur le plan nationaliste, si je peux dire, elle était inacceptable. Est-ce que je traduis bien vos propos?

M. Douville: Oui, c'est assez exact.

M. Bourbeau: Est-ce que M. Landry a fait allusion à d'autres considérations, par exemple en ce qui concerne Quebecair ou ses rêves de voir Quebecair grandir dans l'avenir et évoluer vers d'autres continents?

M. Clair: Juste une information pour tous les membres de la commission et, en particulier, pour le député de Laporte. Si le député connaît bien les règles naturelles de la preuve, habituellement la meilleure preuve, ce n'est pas par un témoin, mais par la possibilité d'interroger la personne qui a pris des positions. C'est simplement pour dire au député de Laporte que, en tout temps mon collègue qui était ministre d'État au Développement économique se fera un plaisir de venir prendre place à côté de moi et d'énoncer ses motifs.

M. Bourbeau: J'aimerais vous dire ceci. J'ai eu une conversation avec M. Landry au mois de décembre lorsque nous avons

convenu de faire une commission parlementaire. Il m'a assuré qu'il serait présent et je dois vous avouer que je suis déçu qu'il ne soit pas ici. J'ai même l'intention, si le député de Gatineau veut en faire une proposition, qu'on invoque encore l'article 158 dans son cas, comme dans le cas de MM. Campeau et Champagne et comme dans le cas de tous les autres qui se défilent. Si vous voulez l'amener ici, M. le Président, cela nous fera plaisir.

M. Clair: Le député nous avait fourni une liste de personnes. Comme mon collègue a également d'autres responsabilités, le député de Laporte n'ayant pas inscrit son nom sur la liste, on a simplement compris que le député était moins intéressé à l'entendre qu'il ne l'avait manifesté plus tôt. C'était juste un élément d'information.

M. Bourbeau: D'accord.

M. Clair: Si le député veut continuer son interrogatoire, il n'y a aucun problème.

M. Bourbeau: Est-ce que je peux prendre mon droit de parole, M. le ministre? Je sais que cela ne vous fait pas tellement plaisir.

M. Rodrigue: Faire des affirmations quand les gens ne sont pas là, c'est plus facile.

M. Bourbeau: M. Landry m'avait personnellement assuré de sa présence. Je n'ai pas requis sa présence, comme je n'ai pas requis celle du ministre, parce que je pensais bien qu'il serait ici. Il m'avait dit qu'il y serait. Comme je prends toujours la parole des ministres, j'ai pensé que je n'avais pas besoin d'envoyer un subpoena.

Si vous voulez, on va terminer ce point-là. Je pense que vous avez compris ma question. Est-ce que je dois la répéter? Est-ce que d'autres rêves pour Quebecair ont été évoqués?

M. Douville: Je crois que, lorsqu'on regardait la possibilité d'une ligne aérienne le gouvernement voulait une ligne aérienne qui s'étendrait à l'extérieur du Québec, qui allait participer aux vols nolisés. On a fait allusion, à ce moment-là, au désir, à l'objectif d'avoir une ligne aérienne québécoise et francophone qui s'étendrait à l'extérieur de la province.

M. Bourbeau: Et qui permettrait un jour au ministre Landry d'atterrir à Paris sur des ailes fleurdelisées. Est-ce que, par hasard, cela aurait été dit? (12 heures)

M. Douville: Je ne sais pas, M. le Président.

M. Bourbeau: M. Douville, le gouvernement du Québec a payé 7 500 000 $ pour Quebecair et, un an et demi après, le déficit d'exploitation pour une seule année est trois fois plus grand que le prix d'achat, soit 21 000 000 $. Et vous étiez prêt à offrir 7 000 000 $ pour la même société. Comment pouvez-vous, comme homme d'affaires, prétendre que, pour vous, cela aurait été rentable, alors que le gouvernement du Québec n'est pas capable de faire autre chose qu'un déficit de trois fois la valeur d'achat dans une seule année d'exploitation?

M. Douville: M. le Président, je crois qu'on a fait allusion, ce matin, à plusieurs reprises, au fait que les conditions étaient différentes. Les conditions, évidemment, se sont énormément détériorées depuis la période où on a fait l'offre. Mais, dans l'esprit de notre proposition, il était évident qu'on allait sortir des bénéfices, des économies d'échelle qui n'étaient disponibles pour personne d'autre. Personne d'autre ne pouvait fusionner deux comptoirs à l'aéroport de Montréal. Personne d'autre ne pouvait se servir du même bâtiment d'entretien. Personne d'autre, à ce moment-là et certainement pas le gouvernement, n'avait une flotte d'avions 737. Donc, au moment où on a présenté notre offre, on avait encore un marché, pour les Boeing 737, qui était assez vigoureux, comme je l'ai mentionné.

Donc, dans la vision d'une société fusionnée, c'est évident qu'on n'avait pas besoin des onze avions 737 de Nordair et des cinq que Quebecair allait acheter ou qu'elle s'était engagée à acheter, trois ou quatre, je crois, à ce moment-là. Donc, il y avait un marché qui nous aurait permis de vendre les Boeing 737 sans faire de perte, parce que le marché était encore vigoureux pour ce type d'avions. C'est évident que, si on examine la raison de la rentabilité d'une société d'aviation, c'est l'utilisation de ses actifs. On entrevoyait certainement faire une utilisation maximale des actifs des deux sociétés et de la vente des actifs de surplus. C'est l'utilisation qu'on avait projetée pour le nombre d'avions qu'on aurait achetés qui nous permettait d'anticiper une rentabilité acceptable pour les deux sociétés.

D'ailleurs, c'est mentionné dans la lettre que vous avez, M. Bourbeau, on ne pensait pas qu'une autre société qui n'était pas dans la même position que Nordair -Nordair était la seule société qui était en position, étant dans le même secteur, dans le territoire avoisinant et qui pouvait sortir les économies d'échelle qui auraient bénéficié aux deux sociétés - qu'une entité qui n'était pas dans le secteur de l'aviation, à ce moment-là, pouvait aller chercher ce genre d'économies d'échelle que seule Nordair pouvait aller chercher. C'est ce qui explique

pourquoi, à ce moment-là, on a été en mesure de croire qu'on pouvait obtenir une rentabilité qui ne s'est pas matérialisée.

M. Bourbeau: Je voudrais revenir sur l'entrevue que vous avez eue avec M. Landry. M. Landry n'était pas seul, je crois, n'est-ce-pas? Dans votre texte, vous dites qu'il y avait M. Clair et un M. Vézina...

M. Douville: M. Clair et M. Vézina.

M. Bourbeau: ...de la part du gouvernement et que vous étiez trois. Pouvez-vous nous dire qui, à ce moment-là, parlait de la part du gouvernement? Était-ce M. Landry ou M. Clair? Qui dirigeait les débats pour la partie gouvernementale?

M. Clair: Vous pourriez me poser la question.

M. Douville: Vous pourriez le demander à M. Clair; il est là.

M. Bourbeau: Alors, peut-être que M. Clair peut répondre. Je pose la question à M. Douville, mais M. Clair peut y répondre.

M. Clair: La réponse la plus simple, M. le Président, c'est que j'étais entré en fonction au ministère des Transports le 1er mai 1981. La première rencontre que j'ai eue au sujet du dossier de Quebecair a eu lieu le 18 juin. Par la suite, comme c'est bien indiqué dans les propos de M. Douville, une rencontre a été sollicitée avec le ministre d'État au Développement économique chargé de superviser ce dossier depuis 1978, je crois, comme ministre d'État au Développement économique. Et, à compter de ce moment, compte tenu de mon arrivée récente au ministère des Transports, il est bien évident que je ne tenais nullement grief à M. Douville de s'être adressé au ministre d'État au Développement économique, d'autant plus que c'était relatif à une décision aussi importante que de se faire donner une lettre. On dit que le projet est devenu assez mûr pour être soumis au gouvernement du Québec le 16 juillet pour une offre venant à échéance le jour suivant. Il est évident que je voulais bénéficier de l'expérience de mon collègue, le ministre d'État au Développement économique, et que la rencontre a été, je dirais, menée dans un esprit de collaboration entre les deux ministres.

M. Bourbeau: M. le ministre, vous comprendrez que cette question était destinée à vous rendre un peu service. On voulait vous enlever un peu de la lourde responsabilité que le gouvernement a prise en investissant dans Quebecair et en la faisant partager par un ministre "senior".

M. Clair: M. le Président, je n'ai pas besoin de tant de condescendance de la part du député de Laporte. J'ai été nommé titulaire du ministère des Transports le 1er mai 1981 et c'est à compter de ce moment-là que j'en ai assumé la responsabilité.

M. Bourbeau: Parfait. M. Douville, j'en parlais tout à l'heure, on sait que la qualité du service aux régions du Québec est très importante pour les Québécois et on sait que Quebecair est, par définition, un transporteur régional, donc que la vocation première de Quebecair est de desservir les régions du Québec et surtout les plus éloignées afin de leur permettre de communiquer avec le reste de la province. Je faisais tout à l'heure état de la déception des gens de la Basse-Côte-Nord qui se plaignent du mauvais service et des coûts exorbitants des tarifs.

D'ailleurs, le ministre des Transports, dans son allocution d'ouverture, hier, donnait comme une des raisons qui ont incité le gouvernement à bloquer l'offre de Nordair en 1971 - et je vais tenter encore de citer son texte - "Comme l'Ontario et l'Alberta avant nous, nous croyons que cela - il réfère à votre offre - conduirait à un désintéressement de ce groupe du service aux régions." Si je comprends bien le texte du ministre, on croyait que le fait de fusionner Quebecair et Nordair aurait fait détériorer le service aux régions. Est-ce que vous partagez cette opinion?

M. Douville: Non. L'objectif de Nordair est, évidemment, d'assurer une qualité de service sur tous ses réseaux. Nordair est une société régionale et je crois que la même qualité de service, la même efficacité, la même ponctualité que Nordair connaît auraient dû se révéler dans les autres activités que Nordair aurait pu entreprendre. Je pense que, si Nordair avait eu l'occasion de faire l'acquisition de Quebecair, le service serait demeuré un objectif très important dans l'esprit des dirigeants de cette nouvelle société et Nordair n'aurait pas voulu qu'on connaisse une détérioration de la qualité des services. Certainement pas.

M. Bourbeau: Dans son exposé d'hier, le président de Quebecair nous disait que l'indice de ponctualité de Quebecair se situe autour de 82% ou 84%. Pour fins de comparaison, où se situe l'indice de ponctualité de Nordair?

M. Douville: M. le Président, je crois qu'il est très difficile de comparer ce genre de statistiques. Nordair est très fière et très préoccupée de maintenir l'indice de ponctualité le plus élevé possible. On doit faire ceci en dépit d'activités dans les territoires entièrement différents. C'est très évident que des opérations à Hall Beach, à

Frobisher, à Resolute et à Nanisivik, de même que dans le Grand-Nord québécois, dans le nord québécois et le nord-est québécois présentent des genres de conditions atmosphériques qui rendent souvent la ponctualité plus difficile qu'elle ne l'est dans des grands centres, plus au sud du pays.

Je crois que Nordair est très fière de son indice de ponctualité chez ses usagers. On est très fier et on y attache une importance primordiale, mais je ne crois pas qu'il soit opportun de faire la comparaison de la ponctualité des deux parce que nos genres d'activités sont très différents, d'autant plus que, souvent, Nordair doit, à cause de ce genre de transport unique qu'on effectue, soit le transport de fret et de passagers, procéder à des activités qui seraient de nature à nous favoriser parce qu'on a des chargements de fret à effectuer. Donc, on s'en préoccupe énormément. On maintient un excellent niveau de ponctualité. Mais les activités étant différentes, je crois qu'il ne serait pas opportun de comparer la ponctualité des deux sociétés.

M. Bourbeau: De toute façon, je dois vous mentionner qu'on a précisé après coup, hier, que la ponctualité était de quelque 80% pour le réseau Quebecair. Mais, en ce qui concerne le réseau Regionair, donc le service dans les régions plus éloignées, les sous-régions comme le dirait le député de Vimont, c'est Regionair, la filiale de Quebecair, qui assure le service. À ces endroits, l'indice de ponctualité est très inférieur à celui dont j'ai parlé tantôt.

Je voudrais maintenant parler d'avions. On sait que Quebecair, en 1980, a acheté trois avions Boeing 737-9. On a expliqué hier que ces avions ont un rayon d'action moyen, pour parler en termes généraux, un rayon d'action qui permet un vol de Montréal aux Antilles: les premières îles des Antilles, comme Cuba et la Jamaïque, enfin un peu plus loin que la Floride. On a acheté, dans un premier temps, trois -9 et Quebecair les a actuellement. Je pense qu'il y en a un en service et que les deux autres sont loués. Je ne pense pas qu'on en utilise plus d'un actuellement.

Subséquemment, à la fin de 1981 et en 1982, on a pris livraison de deux Boeing -17. On nous a expliqué hier que ce sont des Boeing à plus long rayon d'action que les -9 et qu'ils peuvent se rendre d'un seul coup non seulement à Cuba ou à la Jamaïque, mais également plus loin, par exemple, au Mexique et même à la Barbade. On nous a expliqué que, pour que ces avions puissent avoir un plus long rayon d'action, on avait amputé la soute à bagages des passagers pour agrandir les réservoirs d'essence. Pourquoi avait-on besoin de moteurs aussi puissants et de réservoirs à essence aussi grands pour se rendre à Sept-Îles, Baie-

Comeau, Mont-Joli? Quebecair étant un transporteur régional, on présume que c'est pour servir le réseau Quebecair qu'on a acheté ces avions.

Chez vous, vous avez des lignes très longues qui vont, par exemple, jusqu'à Resolute Bay dans l'Arctique et Resolute Bay, je dirais que c'est environ huit fois la distance entre Montréal et Sept-Îles. Est-ce que je me trompe? C'est sept, huit ou dix fois la distance entre Montréal et Sept-Îles. Donc, vous avez des lignes qui sont infiniment plus longues que les lignes de Quebecair. Je présume que vous devez avoir un grand nombre de Boeing -17 puisque vous avez des longues lignes à parcourir. Pourriez-vous me dire ce qu'il en est?

M. Douville: M. le Président, je ne voudrais absolument pas répondre à une question dans laquelle on me demanderait d'établir une politique de choix d'avions pour Quebecair. Je ne peux pas répondre à cette question, M. le Président. Je peux vous dire le genre d'avions qu'on a chez Nordair. Chez Nordair, on a des avions 737 qui ont des moteurs -9, dont six sont des avions très spécialisés, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, qui ont des portes de cargo, des appareils d'atterrissage pour les pistes de gravier et qui sont faits, évidemment, pour nos activités. On a des systèmes de navigation qui sont adaptés à notre genre d'activités. On ne voulait pas, chez Nordair, dévier ou avoir plus de types d'avions. Évidemment, le mieux, c'est d'en avoir le moins possible du point de vue de l'entretien.

À part les avions 737 qui sont les -9, on a cinq FH-227, qui sont des turbopropulsés, qui assurent le service d'approvisionnement de la DEWline et qui assurent aussi le service sur des étapes plus courtes, dans le sud du pays, au nord-ouest du Québec. On a aussi deux Electra, qui sont d'immenses avions turbopropulsés dont on se sert pour faire la reconnaissance des glaces. Ce sont des avions extrêmement spécialisés qui ne pourraient pas servir à d'autres fins parce qu'ils comprennent énormément d'instrumentation, de radars, toutes sortes de commodités, incluant des lits, parce que c'est pour des parcours très longs. Donc, ce sont des avions extrêmement spécialisés. Cela constitue la flotte de Nordair et je crois que le choix de la flotte est fait en fonction de nos objectifs principaux. Parallèlement, on ajoute, si vous voulez, des exercices qui peuvent utiliser les avions qu'on a, que ce soient des exercices de nolisement ou d'autres. On fait du nolisé. On le fait à l'intérieur du champ d'action ou du rayonnement de nos avions 737. (12 h 15)

M. Bourbeau: Les moteurs -9, sont de plus petits moteurs par rapport aux -17. Quel est le rayon d'action de ces avions?

M. Douville: Vous l'avez mentionné. Cela nous amène en Floride, cela peut nous amener, je pense, à Calgary, cela peut nous amener dans les proches Antilles; c'est leur rayon d'action.

M. Bourbeau: 2000 milles, un peu plus? M. Douville: À peu près, oui.

M. Bourbeau: Combien de milles plus loin va le -17?

M. Douville: Je ne le sais pas.

M. Bourbeau: Vous ne le savez pas. Est-ce que M. Lefrançois le saurait? M. Lefrançois auriez-vous cette information?

M. Lefrançois (Roland): Je comprends que la principale raison d'avoir acheté ces avions, c'est pour pouvoir aller à la Barbade deux fois par semaine, mais que dans toutes les autres activités de Quebecair, les -9 sont les avions de beaucoup les plus appropriés. C'est à des fins de "charter" exclusivement.

M. Bourbeau: Vos voyages à Resolute Bay, vous les faites avec des -9 sans arrêt? Est-ce que vous pouvez le faire?

M. Lefrançois: Nous ne faisons pas de vols directs entre Montréal et Resolute Bay. Tous nos vols pour Resolute Bay passent par Frobisher et très souvent également par Fort Chimo, ce qui, dans ce cas, permet de donner encore une fréquence additionnelle à Fort Chimo qu'elle n'aurait pas si Fort Chimo n'était pas intégrée dans notre service du Grand-Nord. Nous pourrions, en principe, faire des vols directs entre Montréal et Resolute Bay, mais la charge payante devrait être diminuée proportionnellement. Ce ne serait pas rentable de le faire. C'est plus rentable de faire passer ces vols par Frobisher et même par Fort Chimo.

M. Bourbeau: Donc, vous n'avez aucun avion -17.

M. Lefrançois: Aucun avion, parce qu'ils seraient non seulement distincts de notre flotte, mais les -17 sont beaucoup plus dispendieux à exploiter, ils sont moins économiques en carburant et ils coûtent beaucoup plus par mille de fonctionnement. Plus chers d'acquisition, plus chers de fonctionnement et moins de possibilités d'être rentables.

M. Bourbeau: Je voudrais passer à un autre point. Lors des discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, on a accusé, à plusieurs reprises, le gouvernement fédéral de favoriser Nordair par des contrats, où Quebecair n'aurait pas été favorisée, elle n'aurait pas eu l'occasion de pouvoir soumissionner pour ces contrats. En conséquence, on a prétendu que Nordair avait subi de la part du gouvernement fédéral un traitement privilégié pour plusieurs contrats dans le Grand-Nord. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il en est exactement?

M. Douville: Je suis très heureux que cette question soit posée parce que j'ai lu qu'on avait été favorisés parce que Nordair était une filiale d'Air Canada, une société de la couronne. Je suis très heureux qu'on me pose la question. Le contrat de reconnaissance des glaces, que Nordair effectue depuis 20 ans, est un contrat qui est donné pour une période de cinq ans; c'est fait par appels d'offres. Toutes les sociétés aériennes sont invitées à participer à ce concours. Nordair, évidemment, y a participé et en a été l'heureuse gagnante, mais cela n'a pas été une chose facile. Il y avait beaucoup de concurrents. Étant donné qu'on a perçu qu'on nous faisait une faveur, il me faut vous mentionner, parce qu'on l'a fait en discutant du dossier de Quebecair, que Quebecair n'a pas participé au concours, pas qu'elle n'ait pas été invitée, parce que toutes les compagnies aériennes étaient invitées.

Des concurrents très intéressés, il y en avait trois, peut-être quatre, et cela a été une lutte très serrée. Nordair a dû travailler énormément pour s'assurer qu'on maintienne le contrat parce qu'on avait apporté un élément différent. On effectue le contrat avec des avions Electra-188 qui sont d'immenses avions propulsés. On avait fait une proposition. On a dû faire deux propositions, effectivement, pour s'assurer qu'on obtienne le contrat.

Je crois qu'il est absolument inexact, M. le Président, de croire ou même d'insinuer que Nordair ait pu bénéficier d'un privilège du gouvernement fédéral, à cause de sa propriété par Air Canada, dans l'obtention d'un contrat qui a été fait par appels d'offres, sur une base extrêmement concurrentielle et difficile à obtenir. Il nous a fallu travailler énormément pour nous assurer qu'on avait ce contrat. Je suis heureux que la question me soit posée et je voudrais éliminer toute perception que Nordair bénéficie de privilèges de cette nature par le gouvernement fédéral. C'est simplement à cause de son expertise, à cause du fait aussi qu'on avait l'équipement nécessaire et qu'on avait probablement la meilleure proposition - sûrement la meilleure proposition - la plus économique et la plus rentable qu'on a obtenu le contrat de reconnaissance des glaces d'Approvisionnements et Services Canada.

M. Bourbeau: N'y a-t-il pas un contrat également pour la surveillance de la ligne

DEW ou quelque chose comme cela? Avez-vous encore été favorisés par le gouvernement fédéral pour cela?

M. Douville: Oui, M. le Président. Je suis heureux aussi que cette question me soit posée, parce que le contrat de DEWline que Nordair effectue, elle l'effectue pour le compte de l'armée de l'air américaine, la USAF depuis 23 ans. C'est un contrat qui demande également une expertise des opérations du Grand-Nord que Nordair a développée au cours des années. Je pense que je vous ai mentionné durant ma présentation que Nordair avait su exploiter ses connaissances du Grand-Nord. Je pense que c'est un bel exemple de l'expertise de Nordair qui a été mise à profit. C'est un contrat qu'on négocie avec l'armée de l'air des États-Unis. Donc, on ne peut absolument pas accuser Nordair d'avoir bénéficié de faveurs du gouvernement fédéral dans l'obtention de son premier contrat de reconnaissance des glaces et surtout pas dans le cas du deuxième contrat, celui de la DEWline qui n'a rien à voir avec le gouvernement du Canada et qui est exclusivement octroyé par l'armée de l'air américaine, annuellement.

M. Bourbeau: Je vous remercie, M. Douville. Je pense que je vais passer la parole au ministre s'il veut reprendre la parole, étant donné qu'on a déjà pris un bon bout de temps.

M. Clair: Seulement quelques mots, M. le Président. Hier, sur la proposition du député de Gatineau, nous avons convenu de tenir une autre journée de commission parlementaire écourtée de trois heures simplement quant à la liste des invités. Je pense que ce matin, on s'était entendu pour entendre également M, Lizotte. Quant à moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'on prolonge un peu après 13 heures. Je crois que, s'il doit y avoir la télédiffusion des débats ici même, les cameramen, les gens du service du journal des Débats vont devoir suspendre à un moment donné pour l'heure du lunch.

M. Bourbeau: M. le ministre, on m'a informé que M. Lizotte, voyant que l'heure passait et que son témoignage, selon lui, pourrait prendre beaucoup plus qu'une heure ou une heure et demie - probablement le même temps qu'on a pris ce matin, on a déjà pris au-delà de deux heures - a estimé qu'il ne pouvait pas rester plus longtemps et je pense qu'il a quitté la salle. Je pense qu'il ne serait pas normal, non plus, de commencer à interroger M. Lizotte une demi-heure avant la fin normale de la séance et de l'obliger à revenir le 14 pour terminer son témoignage. Dans les circonstances, nous achevons. Nous avons pratiquement terminé les questions, si vous voulez ajourner bientôt.

Le Président (M. Boucher): Le député de Rousseau avait demandé la parole.

M. Bourbeau: Oui, je suis bien d'accord. Quand on aura terminé, on ajournera et le temps qu'on aura pris ce matin sera retranché du temps de la prochaine fois.

M. Clair: Mais l'entente est que la commission parlementaire du 14, si ma mémoire est fidèle, en entendant les autres personnes invitées, compléterait nos travaux. Le député de Gatineau peut-il réitérer l'entente, comme leader adjoint de l'Opposition?

M. Gratton: Oui, c'est tout à fait exact que, quant à nous, l'entente serait de terminer le 14 l'ensemble des auditions qu'il nous reste à faire.

M. Clair: Cela va.

Le Président (M. Boucher): Adopté. M. le député de Rousseau avait demandé la parole.

M. Maciocia: Sur la même question, je voulais seulement...

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de Viger.

M. Maciocia: ...vous demander si cela veut dire que le 14, on va entendre aussi M. Lizotte. C'est cela?

Le Président (M. Boucher): Oui, oui.

M. Clair: J'ai compris qu'il y avait eu une entente, peut-être, en tout cas, des pourparlers ou une connaissance de l'Opposition, à savoir que M. Lizotte préférerait revenir le 14 et serait disponible à cette date.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Très rapidement, M. le Président. D'abord, en ce qui concerne le caractère francophone des compagnies en cause, je crois qu'il est important de rappeler que, si Nordair, effectivement - et tant mieux si elle a comme objectif d'augmenter cette proportion - a actuellement 53% de son personnel francophone, il faut quand même se rappeler que le personnel de Quebecair est francophone à 98%. Notamment, en ce qui concerne les pilotes, la proportion de francophones est de 17% chez Nordair et elle est de 91% chez Quebecair.

Je voudrais revenir au sujet que vous

avez abordé avec le député de Laporte, il y a quelques minutes. J'ai suivi avec intérêt la lecture de votre rapport et, à la page 2, vous nous expliquiez que vous étiez un peu forcés de développer le réseau du Nord-Ouest. J'appréciais beaucoup ce caractère presque bénévole que vous sembliez évoquer de la part de Nordair. Mais à la page 5 -c'est ce que le député de Laporte a relaté -vous indiquez que vous aviez quand même certains avantages objectifs qui, probablement, contribuent aussi à la santé financière de votre entreprise. Vous nous avez vous-même souligné à quel point le fait que vous ayez des équipements sophistiqués et spécialisés vous permettait - je crois ne pas me tromper en disant cela - malgré la concurrence que vous avez évoquée, d'être quand même relativement en bonne posture pour renouveler presque automatiquement ces contrats importants. J'aimerais que vous nous indiquiez... L'ensemble de votre flotte comporte combien d'appareils?

M. Douville: Lesquels? Les 737?

M. Blouin: En général, combien d'appareils avez-vous, dans l'ensemble?

M. Douville: Une quinzaine d'appareils globalement.

M. Blouin: Une quinzaine d'appareils. Sur ces quinze appareils, combien servent pour les contrats qui sont identifiés aux points 1.10 et 1.11 c'est-à-dire en ce qui concerne la ligne DEW et, également, Approvisionnements et Services du Canada? Combien d'appareils sont affectés à honorer ces deux contrats?

M. Douville: M. le Président, avant de répondre à la question, je voudrais simplement préciser que Nordair n'avait pas l'intention de développer un service de bénévolat lorsqu'elle s'est trouvée coincée entre deux transporteurs, n'ayant pas réussi à se faire octoyer de destinations dans la province de Québec à l'est de Montréal. Nordair n'avait pas un objectif de bénévolat, mais Nordair a dû travailler énormément. Le point que j'ai voulu souligner, c'est que Nordair a dû travailler et développer ces points au nord-ouest du Québec et dans le Grand-Nord où on n'avait effectivement aucune installation. Il n'y avait pas de bonnes pistes, on n'avait pas d'appareils, on n'avait pas d'instruments de navigation. Donc, si on a trouvé une rentabilité, ce n'est pas parce que nous sommes partis avec un objectif de bénévolat, sûrement pas! Nous sommes partis avec l'idée de rentabiliser un marché qui existait.

En ce qui a trait à la deuxième partie de la question, c'est-à-dire quels genres d'appareils et combien d'appareils sont affectés au service du contrat de DEWline, nous effectuons le travail de la DEWline avec deux appareils FH-227. Ce sont deux de cinq; nous en avons cinq qui travaillent à l'extérieur sur des secteurs de passagers au sud du pays et deux appareils sont utilisés exclusivement en fonction du fret et des passagers. L'avant de l'appareil sert au fret, l'arrière sert aux passagers. En ce qui a trait au service de reconnaissance des glaces, ce sont deux appareils Electra-188, qui ont été munis d'équipements extrêmement sophistiqués, en 1972, qui servent à effectuer ce contrat des glaces.

M. Blouin: Pour ces deux éléments, cela fait combien d'appareils?

M. Douville: Cela fait quatre appareils. Maintenant, il faut vous faire remarquer que, lorsqu'on parle d'appareils, nous avons différents genres d'appareils. Il est plus facile d'obtenir en ce moment un FH-227; c'est moins coûteux qu'un Boeing 737. Donc, je ne voudrais pas, en vous donnant le nombre d'appareils qu'on utilise pour tel ou tel contrat ou telle fonction, que vous ayez la perception que c'est en relation directe avec l'investissement qui est impliqué dans ce genre de choses. C'est absolument évident...

M. Blouin: Oui.

M. Douville: ...que l'investissement d'un 737 est beaucoup plus élevé que celui qu'on ferait dans un 227 ou dans un Electra.

M. Blouin: On l'évoquera très rapidement dans une minute, si vous le permettez. Donc, vous dites qu'il y a quatre appareils qui sont directement affectés aux activités techniques. Est-ce que c'est cela?

M. Douville: Oui.

(12 h 30)

M. Blouin: Maintenant, vous nous avez dit, tout à l'heure, que vous alliez commencer demain ou après-demain un nouveau mode d'atterrissage sur la glace et que vous allez ainsi permettre à 500 personnes de voyager à partir de je ne sais trop quel point dans le nord et que vous allez également pouvoir transporter de la marchandise. Je présume, encore une fois, que vous ne faites pas cela parce que vous aimez la glace. Vous le faites, parce que vous avez eu des occasions qui vous ont été offertes et que certaines garanties vous ont été données à savoir que vous pouviez effectivement transporter des personnes. Qui sont-elles, ces personnes? Est-ce que ce sont des touristes?

M. Douville: M. le Président, je dois vous dire, d'abord, que ce n'est pas une

innovation. Nordair a effectué ce genre de service à plusieurs reprises. Ce n'est pas la première fois que Nordair entreprend un service d'atterrissage sur des pistes de glace. Donc, on y apporte l'aide à la navigation qu'il nous faut et c'est évident que ce n'est pas, non plus, fait bénévolement, mais on n'a aucune garantie. C'est le genre de service qui nous permet d'accélérer le transport, si vous voulez, avant la fonte des glaces ou à la diminution de l'épaisseur des glaces dans le Grand-Nord. Ce n'est pas un contrat parce qu'il n'y a aucune garantie. Au lieu d'apporter la marchandise et des passagers à Resolute Bay et de leur faire faire un trajet de Resolute à 75 milles au nord-ouest, à Ganow lake, on les apporte directement, ce qui nous met en position de rendre un meilleur service à notre client, une société minière du coin, qui a besoin de ce genre de choses. Cela leur évite de faire du transport en surface. Je crois que ce n'est pas fait par bénévolat, sûrement pas, non plus que c'est fait par garantie. C'est une opération que Nordair a faite à plusieurs reprises au cours de son histoire.

M. Blouin: M. Douville, est-ce que vous êtes capable de nous indiquer à combien se chiffrent les profits que vous retirez des deux contrats de DEWline et d'Approvisionnements et Services du Canada?

M. Douville: M. le Président, ce n'est pas le genre d'information qui peut intéresser cette commission, c'est un genre d'information qui...

M. Blouin: Je m'excuse, M. Douville, c'est une information qui intéresse énormément cette commission parce que, depuis le début, vous avez insisté sur la bonne santé financière de votre entreprise. Il est très important pour les membres de cette commission d'en connaître les causes.

M. Douville: M. le Président, il me fait plaisir de vous parler, de vous entretenir des causes de la rentabilité de la société Nordair. D'ailleurs, je viens de passer une heure et demie à vous dire que...

M. Blouin: Alors, si cela vous fait plaisir, indiquez-nous précisément quels sont les profits que vous retirez de ces deux contrats.

M. Douville: M. le Président, j'aimerais vous souligner que Nordair a su exploiter l'interdépendance des différents points de son réseau. Comme je le mentionnais, l'importance, pour nous, d'une position comme Fort Chimo et Val-d'Or, c'est l'interdépendance. J'aimerais vous souligner, par exemple - on parle d'interdépendance non seulement des destinations, mais aussi je vais vous parler dans un moment d'interdépendance des services - dans l'interdépendance de nos réseaux, des différents points de notre réseau, que ce n'est pas un point, ce n'est pas un secteur, ce n'est pas un avion, ce n'est pas un type d'avion, ce n'est pas un seul genre d'opération qui fait que Nordair est une société rentable. C'est l'interdépendance de toutes ces choses basée, axée sur l'expertise.

Par exemple, si on veut parler de Fort-Chimo, Nordair - M. Lefrançois le mentionnait tout à l'heure - n'a pas une charge payante complète si on doit se diriger à Frobisher Bay. Donc, qu'est-ce que Nordair fait pour bénéficier de l'interdépendance des points de son réseau? Nordair va prendre 33 000 livres de marchandise qu'elle va apporter à Fort Chimo. Elle va en laisser 5000, elle va refaire le plein et se rendre à Frobisher. Donc, c'est l'interdépendance des deux qui permet aux deux d'avoir de meilleures fréquences.

De la même façon, quand on parle des différents secteurs d'activités de Nordair, c'est l'alliance ou l'interdépendance de ces différents secteurs ou différents genres d'activités qui nous permet d'être rentable. Mais je ne peux pas vous donner et je ne voudrais pas, non plus, essayer d'identifier quel point ou quel avion est plus rentable pour nous qu'un autre.

M. Blouin: M. Douville, je trouve cela très étonnant que vous ne répondiez pas à cette question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rousseau, je vous ferai remarquer que les témoins ne sont pas obligés de répondre à toutes les questions qui peuvent être posées.

M. Blouin: Oui, mais j'ai le droit de m'étonner, quand même. Je vous dis simplement que nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que Nordair est maintenant une filiale d'Air Canada, donc une compagnie nationalisée. Lorsque vous venez nous présenter la situation financière de votre compagnie, nous croyons que vous bénéficiez de certains avantages qu'il aurait été bon d'explorer.

M. Douville: M. le Président, je me permettrais, sur ce point, de vous mentionner que Nordair est une société qui a encore des actions sur le marché public, à la Bourse de Montréal et à la Bourse de Toronto. Nordair a des actionnaires minoritaires privés. Nordair a un actionnaire minoritaire important comme la Société d'investissement Desjardins qui possède 13% des actions de Nordair. Nordair n'est pas une société nationalisée. Nordair doit se comporter comme toute bonne société publique se comporte dans le domaine de la Bourse.

Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir excusé de ne pas répondre à des questions qui, à mon avis, ne sont pas le genre de choses qu'il faudrait dévoiler dans une commission comme celle-ci.

M. Blouin: C'était votre avis.

M. Bourbeau: M. le Président, question de règlement. Est-ce que je comprends que le député de Rousseau fait grief à Nordair de faire des profits sur des contrats?

M. Blouin: Pas du tout. Le député de Laporte est un peu maladroit dans cette intervention, parce que le seul objectif de cette question et de la réponse que j'aurais pu obtenir était de pouvoir identifier effectivement quels sont les motifs qui permettent à cette compagnie de faire des profits et de faire des affaires qui sont souvent meilleures que d'autres compagnies, notamment Quebecair à qui on la compare depuis le début de l'avant-midi. Cela aurait été extrêmement important, mais il semble qu'on ne puisse pas obtenir ces réponses.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Vimont, je vous ferai remarquer que, du côté ministériel, on a épuisé le temps, les deux heures et quatorze minutes, qu'on avait ce matin.

M. Rodrigue: M. le Président, j'ai l'impression qu'on va se rendre jusqu'à la fin de nos travaux avec la période des questions. J'ai une ou deux questions à poser et elles sont relativement courtes.

Le Président (M. Boucher): Vous pouvez y aller.

M. Bourbeau: Seulement une question de règlement, M. le Président. Je n'ai pas d'objection; même si le temps imparti à la partie gouvernementale est épuisé aujourd'hui, vous pouvez emprunter sur le temps de la prochaine fois. Tout ce qui compte, c'est que, lors de la séance du 14, nous ayons le même temps que nous aurions eu normalement. Si vous voulez en passer plus aujourd'hui avec les gens de Nordair, vous en aurez moins la prochaine fois avec les autres. Cela ne me dérange pas du tout.

M. Clair: M. le Président, j'apprécie la collaboration du député de Laporte, parce que j'aurais peut-être eu deux ou trois questions additionnelles à poser à M. Douville.

M. Rodrigue: M. Douville, quelle est la valeur - vous avez dit que Nordair est toujours une compagnie qui appartient à des actionnaires - en Bourse des actions de Nordair au moment où on se parle?

M. Douville: Nordair est une société sur laquelle on transige encore. Maintenant, vous allez comprendre que, même si elle est encore objet de transactions en Bourse, il y a très peu d'actions parce qu'on a déjà 86% des actions possédées par Air Canada et 13% par la SID. Donc, il reste moins de 1%. Je crois que la valeur en Bourse n'est pas tellement significative en termes de la valeur de la société. Je crois qu'il s'est transigé des actions la semaine dernière aux environs de 10 $.

M. Rodrigue: Autour de 10 $? M. Douville: Je crois, oui.

M. Rodrigue: On constate qu'au 1er janvier 1977 les actions en Bourse étaient cotées à 2,10 $ - enfin autour du 1er janvier, parce qu'au 1er janvier la Bourse n'était pas ouverte - et autour du 1er juillet, c'était 2,15 $. Cela aurait été gelé en Bourse autour du 22 décembre à 6,23 $. Maintenant, on constate qu'Air Canada a payé 11,50 $ pour les actions de Nordair en 1977. Comment expliquez-vous qu'il y ait eu une telle appréciation des actions de Nordair à ce moment pour qu'Air Canada accepte de débourser quelque chose comme cinq fois le prix des actions qu'on pouvait acheter au mois de juillet 1977 et au moins deux fois la valeur des actions en décembre 1977?

M. Douville: M. le Président, la valeur des actions de Nordair fait comme toutes les actions sur le marché boursier; elle fluctue selon les différentes conditions. Pour arriver, si vous voulez, à la valeur établie payée par Air Canada pour les actions de Nordair, qui étaient de 11,50 $, plus un ajustement subséquent qui portait leur prix à 12,61 $, il faut savoir qu'il s'était fait des profits entre le moment où on avait conclu une entente d'achat et le moment où on a eu l'autorisation de la Commission canadienne des transports pour effectuer... Donc, les propriétaires de Nordair faisaient des profits dans cette période. Air Canada achetait ce qui avait été livré, si vous voulez, au moment de la livraison et non pas ce qui avait été conclu un an et quelque chose avant. Le prix de 12,61 $ ou de 11,50 $ que vous mentionnez a été établi à partir d'études de la valeur de la société. Il reflétait moins que la valeur aux livres. Il reflétait encore à peu près l'équivalent de ce que M. Tooley aurait obtenu s'il avait liquidé la société, parce qu'il avait décidé de liquider la société et de prendre la plus-value des avions, de payer ce qu'il devait pour tout liquider. Il aurait eu, à ce moment, à peu près l'équivalent de ce qu'Air Canada a payé pour ses actions au moment où elle en a fait l'achat.

M. Rodrigue: Je vous pose cette question parce que, dans votre mémoire à la commission, vous faites état, à un moment donné, d'exigences qu'aurait eues M. Hamel en cours de négociations sur des actions de Quebecair et l'Opposition nous a pas mal cassé les oreilles avec les soi-disant profits que M. Hamel aurait pu réaliser. Hier, on a été un peu plus prudent cependant parce que M. Hamel était là et qu'il était en mesure de répondre. C'était facile à l'Assemblée nationale, mais hier, c'était un peu plus délicat. Cependant, j'apprécierais, si cela vous était possible, que vous fassiez connaître aux membres de cette commission les profits qui ont été réalisés par les anciens actionnaires de Nordair lors de cette transaction qui a permis à Air Canada d'acheter les actions à un prix qui est quand même surprenant compte tenu de leur cours.

J'ai une autre question à vous poser qui est celle-ci: Vous avez fait une offre - cela est relaté à la page 12 de votre mémoire -d'achat de Quebecair par Nordair à un moment donné, en avril 1981. Quel était l'intérêt de Nordair, quels avantages y voyiez-vous à ce moment-là, comme dirigeant de Nordair? Enfin, ceux qui étaient là; j'ignore si c'est vous. Je pense que ce n'était pas vous à cette époque... Est-ce que vous étiez là à cette époque?

M. Douville: Non, je n'étais pas là.

M. Rodrigue: Pourriez-vous me dire quel était l'intérêt et quels étaient les avantages que Nordair pouvait voir dans l'achat de Quebecair à ce moment-là?

M. Douville: M. le Président, pour répondre à la première question, je crois que je ne serais pas en mesure de faire parvenir un état financier donnant les profits des actionnaires de Nordair. Je n'ai aucune idée du prix qu'ils ont payé pour leurs actions quand ils les ont achetées. Cela ne me regarde pas, je n'en ai aucune idée. Je ne pourrais absolument pas faire un état qui révélerait les profits que les actionnaires ont faits parce qu'ils ne sont pas obligés de me dire combient ils ont payé. Vous devrez m'excuser de ne pas vous faire parvenir ce document.

En ce qui a trait à la proposition d'achat de Nordair pour Quebecair, Nordair avait à ce moment-là envisagé une rentabilité qui se serait effectuée par les économies d'échelle qu'on aurait pu réaliser par la concentration et la rationalisation des services aériens auxquelles le ministre faisait allusion plus tôt.

M. Rodrigue: Le tableau en arrière, d'ailleurs, est assez éloquent là-dessus quand on le regarde. Visuellement, on peut constater que cela semble confirmer ce que vous dites. Cela nous donne une petite idée de ce que pourrait être une entreprise...

M. Douville: Comme je l'ai mentionné, M. le Président, je crois que ce qui est absolument évident, c'est que Nordair aussi aurait pu se permettre d'exploiter des points et des destinations à l'est de Montréal, dans la province de Québec. On avait déjà essayé, on a sollicité ce genre de choses depuis 35 ans, mais étant donné qu'on n'avait réussi à se faire octroyer aucune destination à l'intérieur du Québec à l'est de Montréal, destination qui au cours des années aurait pu être très rentable, on a dû se diriger vers le Grand-Nord, exploiter et développer le genre de destinations qu'on a. Visuellement, je pense qu'il faut tenir compte aussi des circonstances dans lesquelles on a dû développer chacun nos marchés respectifs.

M. Rodrigue: Quand vous avez fait cette offre, était-ce l'intention de Nordair, si l'offre avait été acceptée - il me semble qu'on est venu près à un moment donné -d'effectuer la fusion des deux entreprises pour rationaliser les activités, comme vous le dites, ou bien si, au contraire, vous vouliez garder Quebecair comme une filiale de Nordair?

M. Douville: Non, absolument pas. Il aurait été essentiel d'en effectuer la fusion à ce moment-là pour en retirer les économies d'échelle.

M. Rodrigue: Si c'est quelque chose qu'on peut envisager rationnellement, la fusion de Quebecair avec Nordair, pourquoi la fusion de Nordair avec Quebecair sur des bases semblables et en visant les mêmes objectifs, c'est-à-dire celui de rationaliser les activités du transport aérien dans tout l'Ouest du Canada, a-t-elle été rejetée d'une façon assez radicale par les gens de Nordair? Vous avez utilisé des expressions, tout à l'heure, qui ont retenu mon attention. Vous avez parlé de phobie en évoquant la réaction des employés de Nordair devant une possibilité de fusion avec Quebecair. Vous avez même parlé d'holocauste. Vous savez qu'un holocauste c'est quand même assez radical. Quand un holocauste s'est produit, il ne reste pas grand-chose sur le terrain après. Cela veut dire que, dans l'esprit des gens de Nordair, fusionner Quebecair avec eux, c'était quelque chose de rationnel, mais fusionner Nordair avec Quebecair cela devenait tout à coup l'holocauste. C'était comme si on faisait table rase de tous les services aériens dans l'Est. Je vous avoue que j'ai de la difficulté à comprendre la logique dans tout cela, la logique qui peut sous-tendre ces attitudes. Peut-être n'y a-t-il pas de logique; c'est peut-être purement émotif. C'est peut-être cela que vous avez

voulu dire quand vous avez parlé de phobie, à un moment donné. (12 h 45)

Si c'est vrai et que c'est un objectif à poursuivre, dans le but de rationaliser les opérations, de fusionner Quebecair avec Nordair, il me semble que l'opération inverse qui aurait consisté à fusionner Nordair avec Quebecair, de toute façon, au bout de la ligne, aurait créé une entreprise de même taille, en mesure d'assurer les mêmes services à partir des équipements des deux entreprises fusionnées, donc, cela aurait été les mêmes. Alors quelle est la différence? Je ne la vois pas, je vous l'avoue.

M. Douville: M. le Président, je crois qu'il n'est pas émotif d'exprimer la crainte des employés d'une société qui est rentable, bien administrée. Sachant qu'une fusion peut apporter des coupures, je crois qu'il n'est pas émotif - il est, simplement, extrêmement réaliste - que les employés d'une société rentable aient des craintes que, dans une fusion, des emplois disparaissent; personne ne veut perdre son emploi. Je pense que ce n'est pas une question d'émotion; c'est une question de réalisme. Je pense que les employés de Nordair étaient extrêmement réalistes en craignant cette fusion, surtout lorsqu'on la proposait en sens inverse.

Nordair étant la société rentable historiquement, ses employés savaient fort bien que, au cours de la période de 1979 à 1982, Nordair aurait pu se permettre l'achat de Quebecair facilement. Elle aurait pu digérer et effectuer, comme je le disais, M. le Président, la rationalisation des services. Mais, étant donné que ce n'était pas Nordair qui poursuivait l'objectif d'un achat, que c'était bien Quebecair qui voulait acheter Nordair, vous n'êtes pas sans comprendre que les employés de Nordair étaient vraiment très inquiets. Si cela avait été l'inverse, si on avait parlé de l'achat de Quebecair, d'une mise à pied, d'un sectionnement, d'une rationalisation qui aurait réduit les emplois, les employés de Quebecair auraient sans doute été, peut-être pas émotifs, mais certainement craintifs. Avec un bon réalisme, ils auraient certainement eu des craintes, comme en ont eu ceux de Nordair.

M. Rodrigue: Quand vous avez fait l'offre d'achat de Quebecair par Nordair, ce que vous relatez à la page 12, est-ce que les employés se sont opposés à l'achat de Quebecair par Nordair?

M. Douville: Lesquels?

M. Rodrigue: Les employés de Nordair.

M. Douville: De Nordair? Non, parce que, à ce moment-là, les employés n'ont pas été impliqués dans les discussions. Mais il y a eu des craintes sévères, il y a eu des craintes sérieuses qui ont été exprimées, je pense, au niveau des deux sociétés après qu'on eut su que ce genre de chose pouvait se réaliser. Maintenant, il y avait eu une condition qui avait été apportée à ce moment-là: on s'était engagé à ce que l'objectif de la fusion et les conditions dans lesquelles on allait l'effectuer se fassent de façon qu'il n'y ait pas de mises à pied. Donc, on allait réduire les effectifs par diminution naturelle, lorsque les employés changent de fonction ou nous laissent, mais on n'allait pas faire de coupures ou de mises à pied immédiates.

M. Rodrigue: Est-ce que, lorsque Nordair a été achetée par Air Canada, on a donné ces garanties aux employés de Nordair?

M. Douville: Nordair, lorsqu'elle a été achetée par Air Canada, a gardé son autonomie. Comme, d'ailleurs, je l'ai exprimé à M. Landry dans ma lettre, Air Canada s'engageait à laisser à la nouvelle entreprise la même autonomie dont Nordair avait joui depuis qu'Air Canada avait fait l'acquisition de Nordair. Donc, les conditions dans lesquelles Air Canada avait fait l'achat de Nordair se seraient répétées dans l'offre qui avait été faite par Nordair pour l'achat de Quebecair.

M. Rodrigue: En fait, de mémoire, on n'a pas entendu de réactions du tout à ce moment-là. Les informations que j'ai pu obtenir lors d'un voyage à Ottawa, c'est qu'il y avait quand même une rationalisation des effectifs de Nordair qui était à se faire il y a quelques mois. On nous a indiqué à ce moment-là qu'il était probable qu'il y ait une réduction du personnel de Nordair, si ce n'était déjà fait. Est-ce que vous avez effectué une réduction du personnel de Nordair depuis l'achat par Air Canada?

M. Douville: Non, je crois que globalement l'emploi a augmenté depuis l'achat. Je pense que oui, mais je n'ai pas les données. On a maintenant 1260 employés et, si on remonte au moment où Air Canada a fait l'acquisition, il y en avait sûrement moins. On n'a pas eu de diminution. Il y a eu, évidemment, parfois, une diminution due aux mises à pied. Il n'y a pas eu de mesures draconiennes qui ont été prises pour réduire l'emploi.

M. Rodrigue: Je termine là-dessus. Étant donné l'intention que vous aviez dans le cadre de votre offre de fusionner les deux entreprises, il est évident que, de toute façon, le personnel qu'on aurait retrouvé dans l'entreprise fusionnée Quebecair-Nordair, et ça tombe sous le sens, aurait sans doute été

le même si l'inverse s'était produit, c'est-à-dire si Nordair avait été fusionnée par Quebecair, compte tenu du fait qu'on aurait desservi à peu près les mêmes territoires dans l'entreprise fusionnée. Vous ne trouvez pas cela étonnant que, d'un côté, lorsqu'il s'agit d'un achat par Quebecair, tout à coup, on a l'impression que le ciel va nous tomber sur la tête, mais, lorsqu'il s'agit de l'inverse pour arriver, finalement, aux mêmes fins, lorsqu'il s'agit d'intégrer Quebecair à Nordair, là, tout à coup, il n'y a pas de problème. Je trouve cela étonnant.

M. Douville: M. le Président, j'aimerais souligner qu'il y a une différence quand on parle d'effectuer une fusion ou une acquisition de Nordair par Quebecair. Les employés de Nordair, à juste titre, je crois, avaient le respect de leur direction, de leurs dirigeants, qui sans cesse ont démontré des profits, ont démontré une rentabilité. Ils avaient une crainte bien légitime, bien compréhensible, je crois, que, si c'était l'inverse qui arrivait, si Quebecair devait acheter Nordair, étant donné que la société Quebecair n'avait pas eu la même fiche de rentabilité que Nordair. Donc, les employés de Nordair, je crois, et bien légitimement, avaient une crainte sérieuse. Sans parler pour les employés de Quebecair, je dois certainement vous dire que la crainte devait être moindre chez les employés de Quebecair, parce qu'on avait suffisamment d'admiration pour les dirigeants de Nordair, qui ont su afficher une performance de rentabilité au cours des 35 années. Donc, les situations ne sont pas identiques, M. le Président. L'achat de l'une par l'autre ne peut pas être comparé correctement avec l'achat de l'autre par l'une.

M. Rodrigue: En fait, on se serait retrouvé exactement avec la même situation dans un cas comme dans l'autre, c'est-à-dire le même territoire à desservir, donc, besoin d'un nombre d'appareils à peu près équivalent. En termes d'effectifs requis, je pense qu'on aurait eu besoin à peu près des mêmes effectifs. Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau.

M. Bourbeau: M. le ministre veut poser une question, je pense.

M. Clair: Non, j'y reviendrai à la fin. Je pense que le député de Gatineau a dit que cela ne serait pas long.

Le Président (M. Boucher): À la fin.

M. Gratton: Oui, ce sera très court, M. le Président.

M. Clair: Moi, non plus, ce ne sera pas long.

M. Gratton: D'ailleurs, ce ne sont pas des questions que je veux poser; c'est plutôt un commentaire général que j'aimerais faire. Le gouvernement actuel, on le sait, prétend que le meilleur intérêt du Québec et des Québécois passe inévitalement par son option indépendantiste. Cela l'amène inévitablement à devoir nier l'apport positif que peuvent avoir tous les facteurs qui échappent à son contrôle. Malheureusement, cela l'amène parfois jusqu'à discréditer certains Québécois qui ont le malheur de ne pas partager sa vision des choses. Nous, de l'Opposition, y sommes plus habitués que d'autres.

Dans le dossier qui nous occupe aujourd'hui, le gouvernement du Québec dit vouloir défendre l'intérêt commun en assurant la survie de Quebecair. Ceux qui, comme vous, M. Douville, j'imagine, tout comme nous, poursuivent le même objectif tout en insistant pour faire la juste part des choses, sont accusés par nul autre que le premier ministre d'être des "débineux", des dénigreurs de Quebecair. Nordair, pourtant une société bien québécoise, elle, a le malheur d'avoir réussi sans l'appui du gouvernement du Québec et de vouloir continuer de profiter des efforts qu'elle a déployés depuis 35 ans. Elle a surtout le malheur d'appartenir temporairement à Air Canada.

L'Opposition constate avec plaisir, ce matin, que notre insistance à réclamer cette commission parlementaire télévisée et nos efforts d'hier, qui ont permis que vous, M. Douville, puissiez comparaître ce matin, auront permis de rétablir certains faits et de démontrer clairement que, si Quebecair doit être sauvée, cela ne doit pas se faire en sacrifiant une autre société québécoise qui est Nordair. D'ailleurs, pour employer vos propres termes, à la page 26 de votre mémoire: "S'il est regrettable d'avoir une société aérienne québécoise en mauvaise santé, il serait désastreux d'en avoir une deuxième. Il est donc important que Nordair demeure en bonne santé financière afin qu'elle poursuive une croissance qui lui permette d'accroître l'emploi et de continuer sa contribution à l'économie du Québec". À cela, M. Douville, je dis amen et je vous dis merci.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais revenir rapidement avec deux ou trois questions à M. Douville. Et, comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais essayer de poser mes questions rapidement pour avoir des réponses rapides aussi. Au point 1.0 de votre lettre du 16 juillet 1981 à M. Bernard

Landry - vous avez donné quelques précisions tantôt à ce sujet, mais je voudrais que ce soit clair - vous dites: "à la suggestion de l'ancien ministre des Transports, M. Denis de Belleval". Si je comprends bien, vous-même n'avez jamais rencontré M. de Belleval à propos de cette question des positions. Mais ça venait d'une rencontre que M. de Belleval avait eue avec M. Pépin par la suite et des indications qui vous été fournies. Avez-vous rencontré, à un moment ou à un autre, M. de Belleval à propos de cette question?

M. Douvilie: M. le Président, l'énoncé de M. le ministre est exact.

M. Clair: M. le Président, mon autre question est la suivante: On parlait tantôt de nos souvenirs réciproques. Au point 2.3, il était indiqué que "l'offre reflète aussi un changement important sur la position antérieure de l'Ontario qui exigeait une participation initiale égale à celle des intérêts du Québec". Quant à moi, si mes souvenirs sont bons, j'avais demandé, lors de cette rencontre du 16 juillet, si c'était là une opinion ou plutôt une certitude. Si ma mémoire ne fait pas défaut, vous avez répondu, à ce moment-là, que c'était une certitude, que vous étiez assuré de l'acceptation du gouvernement de l'Ontario, puisque c'était l'une des conditions préalables à l'acceptation de tout projet de M. Pépin.

M. Douvilie: Je m'excuse, j'ai manqué une partie de votre question.

M. Clair: Mes souvenirs, lors de la rencontre avec le ministre Landry, sont que je vous avais posé cette question, à savoir si, quant à vous, c'était un fait acquis que l'Ontario acceptait votre proposition ou si c'était une opinion que vous émettiez. Il me semble qu'à ce moment-là vous nous avez indiqué que c'était un fait acquis que le gouvernement de l'Ontario acceptait cette position.

M. Douvilie: Le gouvernement de l'Ontario, en effet, avait renoncé à l'exigence faite au préalable qu'il y ait une position minimale égale à celle du Québec. C'est un fait, M. le Président.

M. Clair: Et, si vous êtes en mesure de l'affirmer, est-ce vous-même qui aviez obtenu cette assurance du gouvernement de l'Ontario et quand l'aviez-vous obtenue?

M. Douvilie: Ce n'est pas moi, M. le Président, mais elle avait été obtenue par des collègues.

M. Clair: Et quand avait-elle été obtenue?

M. Douvilie: Je ne peux pas vous donner les dates d'obtention, mais je peux vous dire qu'elle avait été obtenue par d'autres collègues...

M. Clair: Préalablement?

M. Douvilie: Préalablement, avant que j'écrive la lettre du 16 juillet.

M. Clair: Le jour même, quelques jours avant, quelques semaines avant?

M. Douvilie: Vous dire quelques jours avant est probablement plus exact que vous dire quelques semaines avant. C'est ce dont je peux me souvenir.

M. Clair: C'est ce dont vous vous souvenez. Pourtant, quand je vois la lettre, elle est bien datée du 16 juillet 1981 et, comme vous l'avez dit tantôt, vous avez considéré utile d'informer le gouvernement du Québec une fois que cela était assez mûr; ce sont les mots que j'ai notés. Par contre, l'indication que comporte la lettre dans son premier paragraphe est que cette offre échoit le 17 juillet 1981 et, si je me souviens bien, l'heure était même midi. Dans les circonstances, n'est-il pas un peu surprenant de voir le moment où le gouvernement du Québec a été officiellement saisi de la proposition - même si on avait eu des informations par les actionnaires de Quebecair - d'Air Canada-Nordair? Pour le gouvernement du Québec, est-ce que ce n'était pas un peu débalancé qu'on ait obtenu le consentement du gouvernement de l'Ontario quelques jours avant et qu'une fois qu'on rencontre le gouvernement du Québec on l'informe, le 16 juillet en soirée, si ma mémoire est bonne, qu'une offre est faite et qu'elle expire le lendemain à midi, compte tenu des enjeux qui étaient en cause à ce moment-là, c'est-à-dire l'achat d'une deuxième compagnie québécoise par Air Canada avec une possibilité éventuelle de la revendre dans le public avec de fortes chances, si on se fie au marché boursier, que les actions, si elles avaient éventuellement été mises en cours, soient rachetées par des intérêts de l'Ontario, à moins que des barrières ne soient faites, ce qui est toujours difficile à réaliser, quant au contrôle de la compagnie? (13 heures)

Je me souviens de la réaction du ministre délégué au Commerce extérieur qui avait été un peu surpris, pour employer une expression commune, que, le 16 juillet, le gouvernement du Québec soit informé qu'une entente a été acceptée par le gouvernement de l'Ontario dans les jours ou les semaines précédentes, plus vraisemblablement dans les jours qui ont précédé, et que l'effet de cette transaction risque à terme de faire en sorte

qu'une compagnie québécoise soit achetée dans un premier temps par Air Canada pour, finalement, être éventuellement revendue à des intérêts non majoritairement québécois.

Ne pensez-vous pas que c'était un peu difficile, pour celui qui vous parle en tout cas, compte tenu de l'ampleur du dossier, de recevoir comme cela une proposition - dont je reconnais qu'on avait entendu parler dans les jours précédents - d'avoir si peu de délai, alors que c'était quand même une entreprise québécoise qui était concernée et qu'on s'était assuré préalablement de l'accord du gouvernement de l'Ontario? On est venu voir le gouvernement du Québec, comme vous le disiez, une fois que c'était assez mûr.

M. Douville: M. le Président, je crois qu'il serait bon de faire une mise au point. Étant donné la connaissance du dossier qu'on avait pu acquérir dans les années précédentes, étant donné qu'on avait connu, qu'on avait perçu, qu'on avait touché les difficultés qui avaient empêché une réalisation de cette rationalisation dans les mois et mêmes les années qui ont précédé, on connaissait très bien les inquiétudes du gouvernement du Québec au sujet de cette transaction. Je crois qu'il est incorrect de supposer, comme le fait le ministre, qu'on avait obtenu la permission de l'Ontario. Je crois qu'on avait obtenu des concessions qui nous permettent de venir présenter au gouvernement du Québec une proposition d'achat qui n'avait pas été possible au préalable parce que chaque province voulait avoir des positions identiques dans la propriété de cette société. Donc, on avait obtenu à ce moment-là, de façon à nous permettre d'informer le gouvernement de la proposition qu'on voulait lui offrir, que le gouvernement de l'Ontario accepte de ne pas exiger une position identique à celle du Québec. Je crois, M. le ministre, que c'est dans un esprit de coopération qu'on vous a informé qu'on avait au préalable obtenu ce genre de concessions qui allaient vous permettre d'examiner une proposition qui avait été faite quelques jours avant.

Lorsque vous parlez de l'avis très court que vous avez eu, il serait bon de dire qu'on a d'abord communiqué pour avoir un rendez-vous un peu plus tôt, ce qui n'était pas possible. On n'avait pas des semaines. On avait fait une proposition d'achat avec les actionnaires qui avaient des limites de temps. Ce n'était certainement pas mon intention, à ce moment-là, de vous présenter une proposition qui allait prendre fin le lendemain. Je crois qu'il était impossible qu'on se rencontre plus tôt dans la semaine. Vous avez donc été pris un peu au dépourvu. On a même eu un peu de difficulté, si vous vous le rappelez, M. le ministre, à se rencontrer parce qu'on m'a demandé s'il était absolument essentiel que j'aille vous voir. Votre collègue, M. Landry, m'avait dit: Est-ce que tu veux absolument me rencontrer à ce sujet-là? Il était important à mon avis, comme bon citoyen, qu'on informe le gouvernement de ce qu'on allait faire à ce moment-là.

Je me souviens qu'on m'avait dit, et j'étais un peu malheureux de me le faire dire: On connaît tout du dossier; je ne vois pas ce que vous allez ajouter en venant nous faire cette présentation. C'est un peu à notre insistance, en disant: II est impossible de vous rencontrer, parce qu'on avait changé les rendez-vous et il m'a fallu le prendre. Je m'en souviens très bien parce que, pour pouvoir effectuer cette rencontre, il m'avait fallu prendre un avion privé pour me rendre à Montréal dans l'espace de deux ou trois heures pour vous rencontrer, parce que je pense qu'à juste titre aussi j'avais insisté pour vous mettre au courant du dossier avant l'échéance de notre offre. Je crois, M. le Président, que c'était dans l'esprit réellement de vous présenter quelque chose qui soit acceptable, ayant enlevé des éléments qui auraient pu soulever des objections de votre part, à savoir qu'on aurait consulté l'Ontario avant de vous consulter dans le dossier.

M. Clair: M. le Président, un bref commentaire, en terminant. En ce qui concerne les prises de position du gouvernement du Québec, en tout cas, dans la mesure où on avait connaissance des positions de nos alliés, contrairement à ce qu'on a pu laisser entendre, cela n'a jamais été l'intention du gouvernement du Québec de sacrifier des employés de Nordair, de sacrifier le management de Nordair, de démanteler cette compagnie. Cela a toujours été, au contraire, un objectif absolument inverse à celui-là, parce que l'une des craintes du Québec, c'était qu'on aille éventuellement vers un démantèlement de Nordair justement pour desservir l'Ontario à partir d'un autre transporteur, démembrant ainsi Nordair, alors que nous considérions que les retombées économiques provenant de la présence, au Québec, de Quebecair et de Nordair devaient être assurées à long terme.

Rien, dans les positions qui ont été prises par le gouvernement du Québec, à ma connaissance et selon l'interprétation que j'en fais, ne peut permettre à quelqu'un de conclure qu'il ait été de l'intention du gouvernement du Québec ou de ses alliés - à notre connaissance, en tout cas - de sacrifier les acquis de Nordair en termes de management, en termes de ses employés. Mais il était tout aussi clair, M. le Président, qu'il n'était pas, non plus, acceptable pour le gouvernement du Québec, dans une opération de rationalisation que tout le monde souhaitait, qui était logique, qui continue d'être logique en temps de crise, que l'on sacrifie les employés de

Quebecair. Si on voulait procéder à une telle rationalisation, il nous apparaissait que cela devait se faire de façon équitable en permettant aux deux équipes de management, aux deux équipes d'employés de Quebecair et de Nordair, d'être traitées sur un pied d'égalité.

Je vous dis, en terminant, M. le Président, que la plus grande difficulté qu'on ait jamais éprouvée dans ce dossier, c'était de savoir aux frais de qui allait se faire cette rationalisation, si tant est qu'il devait y avoir des conséquences en termes d'embauche. C'était très légitime de la part des employés de Nordair d'être préoccupés de leur sort, mais je pense que c'était également normal et légitime pour les employés de Quebecair d'être aussi préoccupés de leur sort.

Le Président (M. Boucher): Brièvement, M. le député de Gatineau, étant donné que nous avons dépassé l'heure de l'ajournement.

M. Gratton: C'est simplement pour rétablir un fait. Hier, je pense qu'on a peut-être contribué à induire certaines personnes en erreur lorsque vous nous avez fait lecture d'une directive, d'une décision ou d'un précédent quant à l'assignation...

Une voix: Je n'en ai pas fait la lecture. J'y ai simplement fait référence.

M. Gratton: Vous y avez fait référence. Il est venu à ma connaissance, hier, que les dispositions de l'ancienne Loi sur la Législature étaient bien celles auxquelles vous avez fait référence et qu'elles ne permettaient pas à une commission d'assigner et d'exiger la présence d'un témoin. Je voudrais simplement indiquer - pour l'information du secrétariat des commissions qui pourra peut-être en informer ceux qui sont appelés à venir à la commission le 14 mars prochain - que la nouvelle Loi sur l'Assemblée nationale, adoptée en décembre dernier, stipule, à l'article 51: "L'Assemblée ou une commission peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle, soit pour répondre aux questions qui lui seront posées, soit pour y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes, enquêtes ou délibérations."

J'ai voulu faire cette mise au point, M. le Président, afin de ne pas perdre de temps au début de nos travaux, qui seront quand même limités dans le temps, le 14 mars prochain, et de m'assurer de la présence de ceux qui ont été convoqués et qui, j'imagine, le seront à nouveau, pour cette nouvelle date, par le secrétariat des commissions.

Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le député de Gatineau.

M. Clair: M. le Président, quelques mots, en terminant, pour remercier M. Douville de sa présence qui, je pense, était nécessaire. D'ailleurs, je m'étais entendu là-dessus; c'est sur la proposition du député de Laporte. Je pense qu'effectivement le rôle joué par M. Douville dans les négociations, dans l'offre d'Air Canada, en juillet 1981, justifiait pleinement sa présence à la commission parlementaire. Je voudrais l'assurer que les questions qu'on lui a posées de notre côté, comme de l'autre côté, j'en suis sûr, ne visaient qu'à mieux éclairer l'opinion publique sur ces questions et, en particulier, les parlementaires.

M. Douville: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais également remercier la commission d'avoir donné à Nordair cette occasion de s'exprimer et d'échanger des idées sur le transport régional au Québec qui est important, évidemment, pour toutes les sociétés aériennes du Québec. Je remercie les membres de la commission de leur attention, au nom de mes collègues et en mon nom. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Un dernier mot également. J'aimerais, au nom de mes collègues de l'Opposition, me joindre à ce que vient de dire le ministre pour remercier les gens de Nordair de s'être déplacés en si grand nombre, tant en quantité qu'en qualité, et les féliciter de l'excellence de leur présentation, spécialement M. Jean Douville. Je pense que vous avez contribué à faire avancer l'état du dossier et l'étude de la question de l'évolution et de l'avenir de Quebecair. Je vous en remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Douville, ainsi que ceux qui l'accompagnent de leur présentation de ce matin.

La commission, tel que convenu, ajourne ses travaux au 14 mars 1983, à 10 heures.

(Fin de la séance à 13 h 12)

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