Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Tuesday, February 6, 2024
-
Vol. 47 N° 65
Special consultations and public hearings on Bill 37, an Act respecting the Commissioner for Children’s Well-Being and Rights
Aller directement au contenu du Journal des débats
9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Provençal)
:À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 37,
Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Chassin (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme Picard
(Soulanges); Mme Caron (La Pinière) par Mme Garceau (Robert-Baldwin);
M. Morin (Acadie) par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Marissal
(Rosemont) par M. Cliche Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous débuterons ce
matin par les remarques préliminaires puis nous entendrons les témoins suivants :
Mme Régine Laurent, deux ex-commissaires de la commission spéciale sur les
droits des enfants et la protection de la jeunesse et la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse.
J'invite maintenant le... Vous pouvez
prendre votre... une petite gorgée, M. le ministre. Alors, je vais inviter M.
le ministre à nous faire ses remarques préliminaires. Et vous... vous disposez
de six minutes, M. le ministre.
M. Carmant : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Très heureux d'être parmi vous aujourd'hui
pour ce projet de loi que je nommerai, je pense, d'historique.
Premièrement, je tiens à remercier mes
collègues, la députée de Robert-Baldwin qui est là avec nous, le député de Saint-Henri—Sainte-Anne
et le député de... des Îles-de-la-Madeleine, ainsi que mes collègues, la
députée de Bonaventure, la députée de Soulanges et la députée de
Marie-Victorin, mon adjoint parlementaire en plus, et toutes les équipes du
ministère, là, qui ont travaillé très fort pour ce projet de loi.
M. le Président, pendant cette semaine, on
va parler de nos enfants. Et vous savez, moi, c'est un... c'est très important,
là, pour moi, les... et c'est mon... ma... pour ça que j'ai... j'ai fait le
saut en politique, pour améliorer la situation des enfants. Et en tant que
pédiatre...
M. Carmant : ...on m'a
toujours appris que les deux choses les plus importantes pour nos enfants,
c'est l'amour et la stabilité pour développer leur confiance, leur autonomie,
et s'assurer d'atteindre leur plein potentiel.
Comme vous le savez, une des premières
choses que j'ai faites en venant en politique, c'est de déployer le programme
Agir tôt où ça fait exactement ça, s'assurer, à 18 mois, que tous nos jeunes
sont sur la bonne trajectoire développementale et que les enfants ou les
familles puissent obtenir de l'aide au besoin, assez tôt pour rectifier la
trajectoire si c'est nécessaire. Mais, au gouvernement, quand on m'interpelle à
propos des enfants, on m'interpelle plus sur les mesures de protection des
enfants que sur les mesures à mettre en place pour s'assurer que chaque enfant
puisse grandir en sécurité et atteindre ce plein potentiel.
Alors, nous, ce qu'on veut faire, cette
semaine, c'est parler de prévention parce qu'on a besoin de plus de prévention
et de moins de signalements, moins de DPJ dans la vie de nos enfants. Puis,
pour renverser cette tendance, je pense que le commissaire dont on va discuter
va avoir un rôle extrêmement important. J'aimerais emprunter les termes d'une
travailleuse sociale, Mme... que j'ai rencontrée la semaine dernière à un
colloque des avocats sur le... du Barreau sur les personnes vulnérables. Elle
mentionnait à ses équipes qu'il fallait passer de bienveillance à
bientraitance. Et c'est ça que... la prochaine étape, selon moi. Je pense que,
trop souvent, bienveillance se limite à signaler les enfants, alors que
bientraitance nous demanderait de nous impliquer personnellement pour améliorer
la situation de ces enfants.
J'ai toutes sortes d'exemples que
j'aimerais partager avec vous. J'ai rencontré une agricultrice, une fois, qui
m'a dit que son conjoint étant malade, elle a dû avoir son enfant qui
travaillait avec elle le matin avant d'aller à l'école, puis l'enfant, on
l'a... on a signalé cet enfant-là parce qu' a l'école en se plaignait qu'il ne
sentait pas bon. C'était vraiment inapproprié, M. le Président. Des enfants,
là, dans certaines communautés culturelles, ou des enfants autistes qui se font
signaler pour des histoires de boîte à lunch qui sont toujours... qui
contiennent toujours les mêmes aliments, ce n'est pas acceptable, M. le
Président. Les communautés culturelles aussi, qui ont des enjeux particuliers
au niveau de développement. Et encore, je pense que l'exemple qu'on voit le
plus souvent, actuellement, ce sont nos familles réfugiées qui traversent l'Amérique
à pied avec leurs enfants pour leur donner un avenir meilleur, et on n'a pas en
place un système pour donner ce que ces enfants ont besoin, des services. Puis
qu'est-ce qu'on fait à la place? On appelle la DPJ. Ça aussi, c'est
inacceptable. C'est notre devoir, de changer ça. M. le Président.
• (9 h 50) •
Donc ce qu'on cherche maintenant, c'est
quelqu'un qui va porter la voix de ces enfants. Quelqu'un qui va faire ça à
temps plein, qui va être focussé sur le rôle de la société et de nos différents
programmes pour s'assurer que nos enfants aient tout ce dont ils ont besoin
pour se développer de façon adéquate. Quelqu'un qui va être vraiment dédié pour
que tout soit mis en place. Le droit international l'exige, et la première
recommandation du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants
et la protection de la jeunesse était la création de cette instance de
commissaire à la défense des droits des enfants. Suivant le dépôt de ce
rapport, puis j'aurai la chance de lui redire tout à l'heure, j'avais dit à Mme
Laurent que le rapport ne serait pas tabletté. Elle disait que c'était un
projet de société, elle nous donnait 10 ans pour le mettre en place. J'avais
promis qu'on le ferait en six ans puis je pense qu'on est toujours sur la
cible, M. le Président, mais, aujourd'hui, tous ensemble, vraiment tous
ensemble, il faut qu'on soit fiers de ça, nous entamons une étape historique
pour améliorer le devenir de nos enfants. Puis je tiens à dire à tous mes
collègues ici qu'ils peuvent compter sur ma plus grande collaboration pour
améliorer ce projet de loi. J'ai pris du temps pour lire tous les mémoires qui
ont été soumis, puis je dois dire qu'on a encore du travail à faire, puis
s'assurer que le rôle de commissaire au bien-être et aux droits des enfants
puisse jouer pleinement son rôle de porte-voix de tous les enfants du Québec.
Voilà pourquoi, M. le Président, j'ai hâte
d'entendre nos invités puis de travailler avec tous mes collègues, ensemble, à
définir la position de notre commissaire par rapport aux autres instances déjà
existantes. Je pense que ça va être quelque chose qui va nécessiter du doigté,
en se rappelant les principes suivants : que cette personne soit dédiée
aux enfants, soit... nous aide à créer une société bientraitante, pas seulement
bienveillante, qu'on veille à l'intérêt des enfants dans les politiques
gouvernementales, faire la promotion de l'importance de la prévention et aussi
avoir une approche spécifique pour nos enfants des Premières Nations et
Inuits...
M. Carmant : ...merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre.
J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de
Robert-Baldwin...
(Interruption) Excusez-moi. C'est votre première
fois, j'en suis très impressionné.
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:...à nous partager ses remarques
préliminaires pour une durée de trois minutes 36 secondes. Je vous cède la
parole.
Mme Garceau : Merci beaucoup,
M. le Président. C'est... J'apprécie le temps de parole et d'être avec vous
aujourd'hui. Oui, un projet de loi historique, un projet de loi bien attendu,
nous le savons très bien, et c'est pour ça qu'on est ici, c'est pour faire
avancer et progresser le droit des enfants, le respect de leurs droits et
surtout de leur protection. Oui, prévention, mais aussi protection. Et je dis
protection parce qu'on a vu les lacunes, et il faut se le dire, qu'il y a des
lacunes importantes dans notre système de protection de la jeunesse, qui
démontrent un manque de services dédiés à la protection des droits des enfants
et au respect de leurs droits. Malheureusement, les amendements à la protection
de la jeunesse qui... ont été adoptés en juin 2022 ne se sont pas concrétisés sur
le terrain. De plus, depuis la pandémie, il y a eu une augmentation fulgurante
de dossiers de violence conjugale, une augmentation de nombre de signalements à
la DPJ, du jamais-vu, une liste d'attente importante au niveau des évaluations
des enfants, un exode significatif de personnel et une pénurie de main-d'œuvre
qui persiste. Et donc la voix des enfants, malheureusement, n'est pas souvent
entendue, que ça soit dans le processus judiciaire ou des évaluations.
Face à ces constats alarmants des droits bafoués,
des droits des enfants bafoués, lésion de droit également dans notre système
démocratique... on a eu des constats alarmants, et, en février 2022, il y a eu
cri du cœur, cri du cœur du commissaire Lebon, cri du cœur de la commissaire
Mme Laurent, que c'était urgent. On avait besoin de notre chien de garde, ça,
on parle de février 2022, un chien de garde pour protéger, pour assurer de
veiller au bien-être des enfants et au respect de leurs droits. Et même la
bâtonnière du Barreau du Québec, Maître Claveau, un autre cri du cœur en
janvier... en juin... juillet, je m'excuse, 2023, qui lançait un cri du cœur
aux trois ministres, incluant le ministre Carmant, qu'il était urgent d'agir en
matière de protection de la jeunesse. Et le ministre a décidé, une décision fut
prise, de sept recommandations-phares du rapport Laurent, la première
recommandation et même la deuxième, donc nomination d'un commissaire au
bien-être et aux droits des enfants et la charte. Vous avez décidé de mettre ça
dans la deuxième phase, au niveau de... du commissaire, et même la charte, on
est rendus à la troisième phase, qui est pour moi une incohérence monumentale.
Et donc nous sommes ici parce que nous
devons nous assurer d'avoir le meilleur régime, système de protection de la
jeunesse. Et je tiens à soulever qu'il manque deux... deux recommandations
fondamentales dans ce rapport... dans ce projet de loi, un concernant le
transfert de toutes les responsabilités et des pouvoirs de la CDPDJ au
commissaire et également la recommandation concernant la nomination d'un
commissaire adjoint au bien-être et aux droits des enfants autochtones, on va
en parler plus amplement lors de nos échanges avec nos... les auteurs des
mémoires. Et donc, oui, une ouverture, j'espère, M. le ministre, à bonifier et
surtout à amender ce projet de loi afin de vraiment pouvoir promouvoir,
protéger les droits de tous les enfants du Québec. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Je
vais maintenant inviter le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et
député de Saint-Henri-Sainte-Anne à nous partager ses remarques préliminaires
pour une durée d'une minute 12 secondes. Je vous cède la parole.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. le Président. Très heureux d'être avec vous aujourd'hui, suivant
mes nouvelles responsabilités de responsable du dossier des services sociaux
pour le deuxième groupe d'opposition. Déjà, j'ai eu des contacts constructifs
avec M. le ministre Carmant dans les derniers mois. J'espère qu'on pourra
avancer conjointement ensemble de la même façon dans ce projet de loi là. Eu
égard au p.l. 37, c'est un privilège d'être ici avec vous ce matin, mais je
sais aussi qu'on est tous et toutes investis par un sentiment de devoir, de
responsabilité et d'urgence afin de pouvoir faire le mieux possible pour
protéger nos enfants, surtout nos enfants les plus...
M. Cliche-Rivard : ...évidemment,
nous portons un jugement positif sur le p. l., mais nous allons porter une
attention particulière aux fonctions, aux responsabilités et aux pouvoirs du
commissaire qui devraient, je pense, être étoffés davantage. On reviendra
notamment sur certains éléments centraux du rapport Laurent, qui mériteraient
également de se retrouver, je pense, dans le projet de loi. Je pense qu'on a
une belle base pour le... sur laquelle on peut travailler, mais que le p.
l. 37, comme tout p. l., peut évidemment être perfectible, et j'espère y
contribuer au maximum, M. le ministre. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Nous
allons conclure les remarques préliminaires avec l'intervention du député des
Îles de la Madeleine pour une minute.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci, M. le ministre, d'avoir déposé ce projet de loi tant
attendu. Le rapport de la commission spéciale sur les droits des enfants et la
protection de la jeunesse datant quand même de mai 2021, donc nous avions bien
hâte de pouvoir nous pencher sur l'une des recommandations phares de ce
rapport, donc la mise en place d'un Commissaire au bien-être et aux droits des
enfants. Il est impératif, évidemment, là, que nous puissions avoir un regard
en continu sur la situation des enfants au Québec. Donc, l'idée d'avoir le
pendant du vérificateur général pour les enfants avec un rapport annuel, avec
la possibilité de soumettre des avis, des recommandations, une instance
permanente qui est à la fois la voix des enfants, mais également qui permet
aussi de les appuyer dans l'exercice de leurs droits. On souscrit évidemment à
tout ça, y compris, là, les jeunes adultes issus de la DPJ. Donc, nous allons
contribuer positivement parce qu'on pense effectivement que le projet de loi n°
37 est perfectible, puis on rentrera dans le vif du sujet dans quelques
instants. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député, pour vos
remarques préliminaires. Nous allons maintenant débuter les auditions. Je
souhaite la bienvenue à Mme Régine Laurentn. Mme Laurin, vous aurez
10 minutes pour nous faire part de votre exposé et, par la suite, nous
procéderons aux échanges avec les parlementaires. Je vous cède immédiatement la
parole, Mme.
Mme Laurent (Régine) : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous toutes et toutes. J'aurais aimé être avec vous
en personne à Québec, mais des engagements en début d'après-midi à Montréal
m'en empêchent.
Alors, le 26 octobre dernier, j'étais
profondément touchée par le dépôt de ce projet de loi sur le Commissaire au
bien-être et aux droits des enfants. Un projet de loi qui répond à un pan fort
du rapport de la commission spéciale que j'ai eu l'honneur de diriger.
D'ailleurs, l'importance d'instituer un Commissaire au bien-être et aux droits
des enfants apparaît dès les premières pages du rapport et constitue l'essence
du premier chapitre intitulé Respecter et promouvoir les droits des enfants.
Par le dépôt de ce projet de loi. M. le
ministre, vous avez marqué un pan important de l'histoire de la société
québécoise, celui de reconnaître l'importance de donner une voix aux enfants du
Québec pour leur propre avenir et celui du Québec. Aujourd'hui, entouré de vos
collègues pour étudier ledit projet de loi, je vous remercie tous, de même que
tous les parlementaires qui porteront celui-ci jusqu'à son adoption, pour les
générations d'enfants et de jeunes Québécois qui bénéficieront.
• (10 heures) •
Dans l'ensemble, le projet de loi proposé
répond aux préoccupations soulevées et recommandations contenues dans le
rapport de la commission eu égard à la mise sur pied du Commissaire au
bien-être et aux droits des enfants. Par ailleurs, des éléments des
recommandations contenues au rapport y sont absents et je souhaite attirer
l'attention de la commission sur certains d'entre eux, croyant toujours à
l'importance qu'ils soient repris dans le projet de loi.
Tout d'abord, dans le préambule du projet
de loi, de nombreux considérants viennent préciser les assises et les
motivations à la base du contenu du projet de loi. Ces considérants reprennent
l'importance du respect des droits des enfants contenus à la Convention
relative aux droits de l'enfant, placent le bien être de l'enfant, son intérêt,
de même que l'importance de l'action préventive pour améliorer son bien être et
faciliter l'exercice de ses droits à la base de la... de la création du commissaire.
Tous ces considérants sont en cohérence avec le rapport de la commission. On
les retrouve tout au long de celui-ci. L'importance d'agir en amont, en
prévention pour le bien être de tous les enfants et dans le respect de leurs
droits. Ce qui constitue, à mon avis, le cœur de la société bienveillante que
nous voulons pour tous nos enfants et nos jeunes. D'ailleurs, le titre du
rapport de la Commission spéciale, c'est Instaurer une société bienveillante
pour nos enfants et nos jeunes, soutient l'importance et le mandat du
commissaire.
Maintenant, l'enfant sujet de droit, pour
moi, c'est une affirmation à rendre visible. Il est peut-être temps de franchir
un pas de plus dans la société pour confirmer le poids de nos enfants et de nos
jeunes dans la société que nous voulons construire pour eux et avec eux, la
société qui sera la leur, la société qui sera eux. Pour cela, je propose...
10 h (version non révisée)
Mme Laurent (Régine) : ...qu'on
retrouve au sein d'un considérant l'affirmation que le Québec reconnaît ses
enfants comme des sujets de droit. Il faut en finir avec l'idée que les enfants
sont des êtres de statut inférieur, sans occulter, bien sûr, qu'ils ont besoin
de notre bienveillance pour assurer leur sécurité et le développement de leur
plein potentiel. Faire un premier pas dans la reconnaissance des enfants comme
sujets de droit est non négligeable. En effet, cela renforcerait leur capacité
de se défendre, de faire respecter leurs droits, renforcerait leur
participation aux discussions sur les droits qui les concernent. Des témoins
nous ont indiqué que plusieurs droits de l'enfant sont appliqués de façon
variable et que le respect des droits des enfants semble improbable tant qu'ils
ne seront pas considérés comme sujets de droit.
Maintenant sur la correction physique.
Pour moi c'est clair dans le rapport aussi une violence à reconnaître et à
dénoncer. On n'a fait aucune recommandation. Il a fait l'objet dans le rapport,
mais l'enjeu de l'utilisation de la force pour imposer une correction à l'enfant
a fait partie des nombreuses discussions lors de nos travaux. Bien entendu,
comme vous le savez, le Code criminel qui prévoit à son article 43 le
recours possible à la force pour corriger un enfant est de juridiction
fédérale, ce qui est bien en dehors, évidemment, du mandat de la commission.
Par ailleurs, dans le cadre de son mandat, la commission n'a pu passer sous
silence le fait que le recours à la correction corporelle envers les enfants
nuit à leur développement. Il n'y a pas lieu de laisser planer que l'usage de
la force pour amener un changement de comportement chez un enfant soit
justifié, acceptable ou encore, entre guillemets, un bon geste à poser.
Je me permettrai un parallèle. Il fut un
temps pas si lointain dans nos sociétés occidentales où le droit de correction
maritale était de coutume. En effet, afin de corriger les soi-disant défauts de
sa femme, un homme pouvait lui infliger une correction physique, un châtiment.
Nul besoin de discuter longtemps pour convenir que cette pratique archaïque
était épouvantable, irrespectueuse envers le droit des femmes, contraire au
principe d'égalité entre les femmes et les hommes aujourd'hui reconnu. Et si ce
n'était déjà fait, cette pratique serait condamnée et abolie de manière
consensuelle dans notre société. Alors pourquoi ne pas affirmer haut et fort
que le droit d'user de force... de la force pour corriger un enfant est
archaïque, inutile et contraire au respect des enfants.
Comme il en était mention dans notre
rapport, les enfants sont la seule catégorie de personne qui ne soit pas
protégée contre les voies de fait. Cette situation est révoltante,
particulièrement dans un contexte où les enfants sont souvent sans voix et sans
moyens pour protéger leur intégrité physique. Je vous suggère donc un
considérant qui exprime clairement que les corrections physiques sont
contraires aux valeurs de la société québécoise et au respect des droits des
enfants. Cela enverrait un message clair à tous les citoyens et citoyennes sur
cet enjeu. De plus, il permettrait de donner les coudées franches aux
commissaires et aux commissaires associés dans leur travail d'information, d'éducation
à l'égard du recours à la correction physique envers les enfants et les jeunes,
et les aider aussi à faire la promotion de la valeur de respect de l'intégrité
physique de ceux-ci.
Concernant les fonctions du commissaire,
je salue la mise en place d'un comité consultatif composé d'enfants et de
jeunes afin d'obtenir leur avis sur toute question concernant une matière
relevant de ses fonctions. Cependant, je pense que c'est peut-être un oubli, il
n'y a pas spécifiquement un comité consultatif d'enfants et de jeunes
autochtones aux mêmes fins.
Concernant maintenant l'accréditation des
avocats appelés à exercer un rôle spécial, je plaide en faveur de l'ajout d'un
mandat au commissaire au bien être, aux droits des enfants, soit celui de
développer et superviser un mécanisme d'accréditation des avocats désignés pour
représenter des enfants incapables de donner un mandat à leur avocat, tel qu'il
apparaît dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants.
La commission avait repris dans son rapport quelques points contenus dans le
mémoire que lui avait déposé la Commission des services juridiques, qui
détient, à mon avis, une expertise qu'on ne peut contester en matière de
représentation. L'organisme public expliquait que l'avocat travaille souvent à
la frontière des aspects cliniques d'un dossier et de ses composantes
juridiques, sans formation adaptée. La Commission des services juridiques était
d'avis que des formations sur mesure devraient être offertes aux avocats
représentant les enfants et ajoutait, et je cite : On ne peut improviser
avec les droits des enfants. Et je partage cet avis. Quand il est question des
enfants en bas âge, il n'existe aucune base juridique pour guider l'avocat qui
doit seul décider si l'enfant a la capacité ou est en mesure de lui donner des
directives en lien avec la situation qu'il l'amène...
Mme Laurent (Régine) : ...dossier.
De plus, dans le rapport de la Commission, on rapporte des propos tenus par
certains témoins à l'effet qu'en l'absence de balises juridiques, les avocats
appliquent des critères disparates dans leur évaluation de la capacité de
l'enfant. Une situation qui ne peut perdurer et pour laquelle il est impossible
d'affirmer qu'elle s'inscrit dans l'intérêt de l'enfant. Pour toutes ces
raisons, je vous demande d'inclure dans les fonctions du Commissaire au
bien-être et aux droits des enfants ce mécanisme d'accréditation des avocats
désignés pour représenter des jeunes enfants incapables de donner un mandat à
leur avocat.
Avant de conclure, je tiens à vous émettre
un souhait, que le commissaire... que le commissaire associé dispose des moyens
humains, financiers, technologiques pour remplir leur mandat. En terminant, je
témoigne qu'une bonne partie de nos recommandations se retrouvent dans ce
projet de loi. En mon nom et en celui du personnel, particulièrement de
l'équipe de la recherche, qui a œuvré à la commission, nous saluons ce projet
de loi. Je vous fais confiance, parlementaires, pour le bonifier, prendre en
compte les modifications proposées, l'adopter dès que possible pour que
l'Assemblée nationale puisse nommer rapidement le commissaire et le commissaire
associé. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Laurent. Nous
allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires. Et,
de ce fait, je vais céder la parole au ministre. M. le ministre, allez-y.
M. Carmant : J'ai une période
de temps de?
Le Président (M. Provençal)
:Seize minutes, 28 secondes.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Laurent. Toujours un plaisir.
Mme Laurent (Régine) : Bonjour,
M. le ministre.
M. Carmant : Merci de prendre
le temps de vous joindre à nous ce matin. Bien, peut-être quelques petits
commentaires sur ce que vous avez dit. Je suis tout à fait en accord avec le...
nommer que l'enfant est un sujet de droit. D'autres nous l'ont mentionné. Donc,
je pense que ça, c'est quelque chose qui va de soi. Au sujet de la correction
corporelle, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le... dans la réforme
du droit de la famille, adoptée en juin 2022, mon collègue ministre de la
Justice a clairement introduit que la parentalité doit s'exprimer sans
violence. Est-ce que c'est une modification qui vous satisfait ou vous insistez
quand même, ou vous vous appuyez encore sur le besoin que, dans le projet,
qui... qui en fait est pour créer le poste de commissaire, qu'on mette ce
considérant-là? Pouvez-vous élaborer un peu plus pour moi?
Mme Laurent (Régine) : Oui...
comprendre, M. le ministre, mais, comme je vous ai dit, si on le met dans le
projet de loi créant le commissaire, l'information, ce qui est important aussi
pour moi, c'est qu'il faut lui donner les coudées franches pour faire de
l'information à toute la population, faire de l'éducation à toute la
population. Parce que ce qui est du droit de la famille, à moins que j'aie
manqué un bout, mais il n'y aura pas d'information, de campagne sur ce sujet
spécifique concernant les enfants. Alors, c'est pour ça que le commissaire,
lui, ça lui donnerait... ce serait une partie de son travail de... qui, pour
moi, c'est clair que, quand on parle du bien être et des droits des enfants, de
l'avoir lui, dans son projet de loi, ça ne viendrait que renforcer sa capacité à
faire le travail.
• (10 h 10) •
M. Carmant : D'accord,
d'accord. Maintenant, à propos des Premières Nations, plusieurs l'ont
mentionné, le Comité consultatif des jeunes, et je dois vous dire que c'est
nos... dans nos échanges avec les Premières nations et Inuits, qui nous ont
suggéré de ne pas l'inclure dans les... Nous, c'était dans nos intentions, mais
ce sont les groupes représentant les Premières Nations, Inuits qui nous ont
demandé de ne pas l'inclure. Donc, ça, je voulais vous aviser puis aviser tout
le monde qui a fait cette remarque-là. Ce n'était pas notre volonté d'exclure
ce comité consultatif là, mais c'est vraiment à la suggestion des groupes
Premières nations, Inuits. On va en recevoir deux, d'ailleurs, au cours des
différentes consultations.
Mme Laurent (Régine) : Est-ce
que c'est possible, M. le ministre, de nous expliquer leur... ou leur
orientation, ce qui les a amenés à prendre cette décision-là? Parce que, nous,
à la commission, on avait... on avait consulté des... différents groupes
autochtones. On a fait toute une semaine avec des groupes autochtones. Alors,
j'aimerais juste comprendre ce qui les a amenés à prendre cette position-là.
M. Carmant : Bien, c'était
une question de garder leur autonomie, de ne pas, entre guillemets, influencer
ces jeunes-là. Donc, c'est la raison qu'ils nous ont soulevée, mais on pourrait
leur redemander quand ils vont se présenter, absolument...
Mme Laurent (Régine) : Mais
il y aura quand même...
M. Carmant : Non, allez-y.
Mme Laurent (Régine) : Il y
aura quand même un comité, il y aura quand même un comité consultatif formé de
jeunes autochtones, mais qui... qu'eux vont prendre le lead, excusez-moi,
l'expression, pour... ou il n'y aura pas de comité de jeunes consultatif autochtones?
M. Carmant : Pour le moment,
il n'y en aura pas, mais si... ils se présentent à la...
M. Carmant : ...et ils
changent leurs demandes, nous, on va... c'est sûr qu'on peut considérer, parce
que, d'emblée, on n'était pas... on était en faveur de ce deuxième comité de
jeunes là. Bon. La grosse question, c'est...
Mme Laurent (Régine) : Est-ce
que vous me permettez une dernière?
M. Carmant : Oui, allez-y.
Mme Laurent (Régine) : Un
dernier petit bout, M. le ministre, j'y tiens beaucoup. C'est que, dans la
logique de créer le commissaire, d'être la voix des enfants, pour nous, c'était
important pour l'ensemble des commissaires que les jeunes et les enfants soient
consultés. Alors, je vous invite à essayer encore de convaincre pour qu'il y
ait formellement un comité consultatif formé d'enfants et de jeunes
autochtones.
M. Carmant : Absolument. Ce
sera fait. Une des choses que vous n'avez pas mentionnées, c'est que dans notre
version, dans notre projet de loi, on positionne vraiment le commissaire comme
le porte-parole, le porte-voix de tous les enfants. Alors, on insiste beaucoup
plus sur l'aspect prévention et déploiement des programmes que sur l'aspect
juste de la protection. Pourriez-vous commenter par rapport à ce positionnement
qu'on a choisi?
Mme Laurent (Régine) : Je
n'en ai pas parlé, M. le ministre, parce que, dans les temps qui m'est imparti,
ce qui était conforme à notre rapport, j'ai un peu laissé de côté, mais, pour
nous, c'était important. Le Commissaire au bien-être et aux droits des enfants,
puis, à chaque fois, on le répète, de tous les enfants, et surtout pas
uniquement les enfants de la DPJ, parce qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui
soit au-dessus de la mêlée pour être capable de voir, est-ce que telle
politique ou telle réglementation... est-ce que c'est bon pour l'ensemble des
enfants? Est-ce que cette façon de faire va aider au bien-être des enfants?
Qu'est-ce qu'on fait pour respecter leurs droits? Alors, pour moi, ça va dans
le sens de l'orientation qu'on a voulue dans le rapport, c'est pour ça que je
ne l'ai pas soulevé, M. le ministre. C'est très important qu'il soit vraiment
au-dessus de la mêlée, porte-voix des enfants.
M. Carmant : Merci beaucoup.
M. le Président, je passerais la parole à la députée de Laporte, qui aurait une
question.
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée.
Mme Poulet : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour à tous, chers collègues. Mme Laurent, c'est un honneur
pour moi de vous parler, de vous questionner. Merci pour votre excellent
travail. Merci d'être présente aujourd'hui encore.
J'ai une question concernant le mécanisme
d'accréditation. Vous mentionnez qu'il n'y a pas de formation adaptée. Il n'y a
pas de base juridique puis aucune... il y a l'absence... une absence de balises
juridiques. Selon vous, concrètement, quelles seraient les étapes, le contenu
d'un mécanisme pour cette accréditation-là? Qu'est-ce que les... dans les...
concrètement, qu'est-ce que les avocats auraient besoin? Qu'est-ce que vous
suggérez? Pouvez-vous développer à ce niveau-là, s'il vous plaît?
Mme Laurent (Régine) : Mme la
députée, écoutez, un enfant de trois ans, par exemple, il y a un avocat qui est
désigné pour le représenter. En ce moment, il n'y a pas de grille pour évaluer
effectivement la capacité de l'enfant. C'est l'avocat qui décide tout seul. Par
exemple, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que tous les avocats désignés ont
une formation sur le développement de l'enfant? Est-ce que tous les avocats
désignés aujourd'hui ont une expertise sur ce que veut dire le temps pour
l'enfant? Vous le retrouvez dans notre rapport, on dit qu'il faut tenir compte
du temps de l'enfant. Un enfant de deux ans, six mois, ça n'a pas du tout la
même importance et la même portée que six mois pour vous et moi. Donc, il faut
être capable d'avoir des avocats qui sont... connaissent le développement de
l'enfant, qui sont capables d'avoir... d'être mieux outillés pour prendre des
décisions qui ont un impact sur la vie de l'enfant, mais que l'enfant n'est pas
capable d'argumenter, à trois ans ou à cinq ans. Alors, pour nous autres,
c'était vraiment important, cette accréditation-là, pour qu'on s'assure que les
formations nécessaires pour représenter un enfant... que les avocats aient
cette formation-là. Et c'est pour ça qu'on tenait à cette forme d'accréditation
par le Commissaire au bien-être et aux droits des enfants.
Mme Poulet : O.K., merci. Je
ne sais pas si je peux... oui? J'aurais une autre question pour vous. Depuis le
dépôt de votre rapport, qu'avez-vous remarqué de positif? Qu'est-ce qui a
changé depuis le dépôt de votre rapport, là, tout le travail que vous avez
accompli, toutes les consultations depuis ce moment-là? Est-ce qu'il y a eu des
avancées?
Mme Laurent (Régine) : Notre
rapport, c'était essentiel. La population avait des attentes. Remettons-nous du
choc qu'on a vécu qui a amené la mise sur pied de la commission. Il y a une
chose importante qui est arrivée, pour moi, c'est les changements...
Mme Laurent (Régine) : ...changements
majeurs à la loi de la protection de la jeunesse. Nous avions demandé que...
par exemple, que l'intérêt de l'enfant soit la considération primordiale, et on
le retrouve à différents articles du rapport. Le préambule que nous avions
demandé... la loi... pardon, le préambule que nous avions demandé pour
interpréter la loi, c'est présent. Et je l'ai dit, pour moi, c'est important,
ce nouveau... cette nouvelle loi, parce que c'est ça qui sert de guide dans
toutes les décisions qui sont prises pour les enfants qui doivent être pris en
charge par l'État. Donc, il faut leur donner une base, par exemple, que
l'intérêt de l'enfant soit pris en compte et non pas regarder les droits, les
intérêts d'un parent ou d'un autre. On regarde l'intérêt de l'enfant. Pour moi,
c'est vraiment bénéfique et ça fait partie des choses que vous avez mises en
place mais qu'on va voir les effets au fil des ans. Alors, ce n'est pas
instantané, mais, quand on parle de changer les choses, changer les cultures,
moi, je sais que ça prend un petit peu de temps. Je sais qu'aussi il y a eu...
je ne sais pas... parce que je ne suis pas sur le terrain, mais la formation
des intervenantes sur la nouvelle loi, ça, c'est vraiment important. J'espère
qu'elles vont avoir, tout le monde, cette formation-là adéquate, qu'elles vont
avoir le soutien clinique aussi, parce que, tout le long du rapport, on a
parlé, dans le chapitre concernant les intervenantes, que c'est important, le
soutien clinique, leur formation. Alors, moi, je pense que les choses avancent.
Il faut juste s'assurer qu'on continue d'avancer.
Le Président (M. Provençal)
:...Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Bonjour, Mme
Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Bonjour.
Mme Dorismond : Merci d'être
là aujourd'hui. Et j'aurais une question. Vous avez parlé tout à l'heure aussi
de l'importance de promouvoir les droits des enfants, car les enfants ne
connaissent pas l'ensemble de leurs droits. Pendant votre commission, est-ce
que vous pouvez nous donner des exemples dans lesquels les droits des enfants
sont privés?
Mme Laurent (Régine) : Je me
souviens d'une audience à huis clos avec un jeune, je pense qu'il avait
12 ans, et qui nous exprimait que lui, là, il ne voulait pas aller chez
l'autre parent, en l'occurrence, le père, mais il dit : Moi, j'étais
obligé d'y aller, j'avais... Alors, c'est où, le droit de l'enfant? Où est-ce
qu'on a écouté la parole de l'enfant dans cet exemple-là? Et l'enfant, ça l'a
vraiment perturbé parce qu'il n'a pas été respecté. C'est quoi, son droit de
l'enfant? Le droit de l'enfant, c'est de dire : Si je ne suis pas bien à
tel endroit, pouvez-vous respecter et ne pas m'y envoyer? Alors, ça, c'est le
basique, le très, très concret quand on n'a pas respecté et... en tout cas,
qu'on n'a pas entendu la parole d'un enfant.
• (10 h 20) •
Mme Dorismond : Merci
beaucoup.
M. Carmant : D'autres
questions de ma collègue? Moi, ça fait...
Le Président (M. Provençal)
:Pas d'autres questions?
M. Carmant : Non, c'est...
Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, s'il n'y a pas d'autre
question de la part du côté... Parce qu'il vous reste quelques minutes si vous
posez une dernière question, M. le ministre.
M. Carmant : ...Mme Laurent,
est-ce que... Dans le dans le positionnement du commissaire, est-ce qu'on...
Comment vous le voyez interagir avec les autres partenaires, le nouveau
protecteur de l'élève, la Commissaire à la santé et au bien-être? Moi, je
pense, c'est le gros travail qu'on doit faire pendant cette commission-là,
c'est de bien le positionner pour qu'il y ait... pour qu'on puisse avoir une
synergie entre tous ces individus.
Mme Laurent (Régine) : Oui,
bien, il le faut, M. le ministre, parce que c'est comme si, pour moi, pour les
cliniques, il faut l'imager un peu, c'est comme si toutes ces portes-là sont
ouvertes pour le commissaire. Toutes ces portes-là doivent pouvoir informer le
commissaire, va pouvoir répondre aux questions du commissaire. Un des problèmes
majeurs que nous avions, puis on s'en est rendu compte à la commission :
Tout le monde travaille en silo. Tout le monde est de bonne foi, mais tout le
monde travaille en silo. Ça, ce ne sera pas possible. Le commissaire, pour moi,
il est au-dessus de tout ça. Il peut et doit questionner tous les acteurs, tous
les organismes dont il a besoin pour évaluer le bien-être des enfants puis
évaluer comment leurs droits sont respectés ou non. Pour moi, il est au-dessus
de tout ce monde-là. Parce que, quand vous me parlez du Protecteur de l'élève,
le Protecteur de l'élève, c'est très bien, mais il regarde l'élève...
Mme Laurent (Régine) : ...mais,
quand l'enfant est ailleurs, qui regarde?
M. Carmant : Tout à fait,
tout à fait. Et on a eu beaucoup aussi de gens qui nous ont parlé du lien avec
les différents organismes sur le terrain. Comment vous voyez cette relation
entre, justement, le commissaire et... et... et les services qui se donnent,
là, sur le terrain pour nos jeunes?
Mme Laurent (Régine) : Oui,
alors c'est là où j'ai envie de vous dire que de là l'importance d'avoir un
comité consultatif de jeunes parce que ce sont ces jeunes-là qui consomment — je
n'aime pas le mot — mais qui consomment ou qui font appel à ces
services-là. Donc, c'est eux qu'il faut entendre pour voir comment est-ce
qu'ils reçoivent les services, qu'est ce qu'ils aimeraient améliorer, qu'est-ce
qui correspond à leur monde d'aujourd'hui. C'est aujourd'hui, et ce n'est pas
le même monde qu'on a connu dans le passé, donc il faut les écouter. Et il faut
aussi donner toute leur importance aux intervenantes et intervenants qui... qui
interagissent avec les gens, que ce soit dans les organismes, les intervenants
qui sont dans la rue. Donc, pour moi, c'est important et c'est pour ça que
j'ai... Tantôt, j'ai parlé aussi de moyens technologiques et de moyens humains
et financiers, parce qu'il faut que le commissaire puisse avoir un portrait de
ce qui se passe sur le terrain pour les jeunes et pour les enfants.
M. Carmant : Oui. Puis on
s'est assuré quand même de son indépendance parce que c'est le bureau de
l'Assemblée nationale, donc ça, ça va être très important pour moi, là, et puis
je suppose que c'est la même chose pour vous également.
Mme Laurent (Régine) : Ça, M.
le ministre, dans os discussions, c'était... on est rapidement arrivés à un
consensus. C'était majeur pour l'ensemble des commissaires de trouver une façon
de s'assurer de l'autonomie et de l'indépendance du commissaire. Alors, nommé
aux deux tiers par l'Assemblée nationale, pour nous, c'est une assurance qu'il
va être autonome et indépendant.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Merci, M. le
Président. En lien avec le comité consultatif des jeunes, je me posais comme
question si on devait changer aussi le projet de loi en lien avec qui devrait
siéger dans un autre comité consultatif, exemple, les communautés
ethnoculturelles, une personne en situation handicap. Est-ce que vous croyez
qu'on devrait changer le projet de loi pour identifier des personnes en lien
avec d'autres cultures pour faire en sorte qu'on est plus cohérent?
Mme Laurent (Régine) : J'ai...
j'ai de la difficulté à trop, trop, trop encadrer le commissaire. Il faut, je
pense, lui donner les coudées franches. Ce qu'on a dit dans notre rapport,
c'est qu'il doit tenir compte des enfants qui sont ici dans la société
québécoise. Donc, il faut qu'il ait des enfants de différents âges qui doivent
communiquer de différentes régions, des différentes communautés
ethnoculturelles. Donc, c'est à lui, dans son mandat, de réunir tous les jeunes
dont il a besoin pour être sûr de consulter des gens qui représentent toutes
les factions de jeunes dans la société.
Mme Dorismond : Parfait.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
Mme Dorismond : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vais maintenant céder la
parole à la députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup.
Merci, Mme Laurent, d'être ici. Je dois vous dire, sur le plan personnel, ayant
oeuvré à 30 ans dans le domaine du droit de la famille, je dois... et j'ai
représenté quelques enfants, mais beaucoup de parents dans des conflits assez
sérieux et je vous remercie pour le travail colossal que vous avez fait pour
faire en sorte que le... qu'il y ait une progression au niveau de la protection
des droits de nos enfants et aussi de respecter leurs droits, et leurs voix, et
de s'assurer que leurs voix soient entendues, parce que je trouve que ça, c'est
un des enjeux les plus importants où il y a, Mme Laurent, des lacunes
importantes dans notre régime de protection de la jeunesse.
Et j'ai lu attentivement votre rapport, et
aussi je suis retournée lire le rapport de votre commission, et surtout parce
que vous avez entendu... ça fait... c'est une période de deux ans, avec des
centaines de mémoires que vous avez lus, des centaines de témoignages de
représentants dans différentes instances. Vous avez été personnellement
frappée, je crois, par l'ampleur des problèmes, l'ampleur des... des lacunes
dans notre système, et vous avez fait écho...
Mme Garceau : ...vous avez
parlé de la Convention, la Convention des Nations Unies, la Convention relative
aux droits des enfants, que le Québec a adhéré depuis 1991, une convention
très, très importante, et qui découlent, de cette convention-là, des
obligations. Et c'est face à ces obligations-là que vous avez affirmé, il me
semble assez fermement, toute cette question qu'il faut réparer et remettre à
l'ordre du jour une société bienveillante. Ça nécessite des changements
législatifs, mais aussi structurels afin de vraiment mettre l'intérieur...
supérieur de l'enfant au premier plan, au cœur de toutes les décisions, et que
la voix des enfants, que ça soit des enfants de bas âge, et on va en parler,
jusqu'à l'âge de 25 ans, parce qu'on regarde aussi les jeunes... les jeunes...
la jeunesse, les jeunes adultes... Et, avec tout ça, vous vouliez créer une
institution indépendante de promotion et de défense des droits des enfants, et
donc non seulement la question de... comme M. le ministre a mentionné, de
prévention et de promotion de leurs intérêts et de leurs droits, mais également
de protection face aux lacunes dans le système, dans le régime.
Et je reprends Mme Laurent, et vraiment,
parce que je n'ai pas retrouvé, dans votre mémoire. Parce que vous avez parlé
de... oui, il y a... le ministère n'a pas repris certaines recommandations dans
votre rapport, et je sais que c'est des recommandations importantes, et je suis
d'accord avec vous qu'elles devraient être dans le projet de loi, mais il y en
a deux en particulier que vous n'avez pas mentionnées dans votre mémoire et que
j'aimerais réviser avec vous.
Parce qu'il y en a une en particulier, et
ça, c'est la recommandation, et je vais la lire, «de transférer au commissaire
les pouvoirs et les responsabilités assumés par la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse prévus à la Loi sur la protection de la
jeunesse avec les ressources afférentes.» Et donc, ça, c'est vraiment le volet
de la protection des enfants, des intérêts, le respect de leurs droits. Et je
lis ça avec une autre affirmation très importante dans le rapport : «Lors
que vous voulez créer le commissaire au bien-être des enfants... aux droits des
enfants, qui va être composé... qui va avoir une équipe qui aurait un large
mandat de promouvoir et d'assurer le bien-être et de... et le respect de leurs
droits parce que ni le Protecteur du citoyen et ni la CDPDJ, la Commission, ne
sont voués exclusivement». Il y avait cette notion, Mme Laurent, dans le
rapport de la commission, de l'exclusivité, que le commissaire, là, c'était
vraiment le chien de garde, comme vous avez mentionné, là, il est au-delà de la
mêlée, là. C'est cette personne-là qui va faire en sorte, qui va intervenir
quand les droits des enfants sont bafoués, quand il y a des lésions de droit,
parce que là, la CDPDJ n'avait pas... intervenir. Qu'est-ce qui s'est passé à
cette... pour moi, cette recommandation, qui est vraiment au cœur des pouvoirs
du commissaire au bien-être. J'aimerais vraiment vous entendre là-dessus.
• (10 h 30) •
Mme Laurent (Régine) : Merci,
Mme la députée. Dans notre rapport, comme vous avez pu le voir, il y a une
notion qui était importante pour nous, c'est que c'est clair, puis ça a été
démontré par plusieurs recherches, plusieurs témoins, que quand la parole de
l'enfant est noyée dans la défense d'autres droits, les droits des enfants et
la parole des... de l'enfant n'est pas ce qui est mis de l'avant en premier.
C'est pour ça, c'est une des raisons pour lesquelles on avait suggéré de... que
tout ce qui concerne la jeunesse, de la CDPDJ soit transféré au commissariat.
Parce que pour nous, l'enfant, ça prend une personne qui ne fait que ça, qui
n'a que ça comme préoccupation, de regarder avec ses lunettes qu'est-ce qui se
passe avec les enfants et des jeunes dans toutes les sphères de la société. Et
si je ne l'ai pas...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Laurent (Régine) : ...et
dans mon rapport, c'est effectivement que j'ai compris qu'à un moment donné il
faut lâcher prise, là, que ça allait rester à la CDPDJ. Mais entre vous et moi,
je pense que dans un avenir la démonstration va être faite que ce n'est pas
possible, même s'ils vont travailler ensemble la CDPDJ et le commissaire, mais
des incohérences vont arriver et, dans quelques années, ça va... ça va arriver
puis ça va arriver à notre recommandation, j'en suis persuadée.
Mme Garceau : Mais, Mme Laurent,
moi, je regarde d'un autre angle parce que je regarde spécifiquement, je crois
que c'est l'article 6 du projet de loi, parce qu'évidemment il y a... il y
a toute cette... C'est l'aspect d'intervention dans le processus. Parce que c'est
sûr qu'on veut prévenir, on veut tout faire pour ne pas... pour assurer que les
droits des enfants soient respectés, soient bien représentés. Ça, il y a un
volet prévention, je le comprends. Mais dans les dernières années et même
avant, oui, il y a eu le décès, malheureusement, de la fillette de Granby, mais
il y avait, on le sait très bien, il y avait des problèmes au niveau de...
avant ça, concernant le régime de protection de la jeunesse, concernant la
représentation des enfants, parce qu'il y en a des procureurs des enfants qui
vont vous dire que c'est très difficile de représenter les enfants dans le
système actuel. Et donc vous n'avez pas... Dans votre rapport, vous auriez pu
dire : Bien, on va... Au lieu de nommer un commissaire, on va
restructurer. Peut-être que le commissaire va faire partie de la CDPDJ. On va
faire une... Mais ce n'est pas... Ce n'est pas ça. Mais ça.... Et c'est là où
il me semble qu'on manque dans ce projet de loi le cœur de... du... de vos
conclusions concernant une voie exclusive qui va intervenir quand c'est
nécessaire, surtout lorsque les droits des enfants sont bafoués. Et on en a
beaucoup d'exemples des agressions sexuelles dernièrement, des habeas corpus
que des... que des avocats doit aller chercher pour sortir des enfants qui sont
en centre de réadaptation depuis plusieurs mois. Ça continue, là, j'en passe.
On pourrait être ici toute la journée. Je ne veux pas aller là, Mme Laurent,
ce matin, avec vous, mais il me semble que cet... On a dilué à l'article 6
parce que le... le commissaire n'aura pas vraiment... Il va enquêter sur quoi?
Il va intervenir à quel sujet? Parce que la... la CDPDJ garde tous ses
pouvoirs, toutes ses responsabilités liées à la loi de la protection de la
jeunesse et liées à la charte également. Donc, à mon avis, puis je voulais voir
avec vous si vous partagez mon avis, qu'on a vraiment dilué. Il y a une
restriction de... de pouvoir qui me semble ne reflète pas l'esprit de votre
rapport.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée, votre temps est écoulé
puis vous ne pourrez même pas avoir la...
Mme Garceau : Réponse.
Le Président (M. Provençal)
:...la réponse, malheureusement.
Mme Garceau : Bon,
peut-être mon collègue...
M. Cliche-Rivard : Votre
collègue a trois minutes.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, c'est ça.
M. Cliche-Rivard : Avec
respect.
Le Président (M. Provençal)
:Je vais maintenant céder la parole au
député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour 3 min 18 s effectivement.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme Laurent, d'abord, pour votre rapport, votre travail envers
les enfants, envers les plus vulnérables, puis évidemment, envers celui que
vous avez déposé aujourd'hui devant la commission. Je vais aller sur quelque
chose dont on n'a pas traité eut égard au coronaire. Je lis votre rapport, page 62.
En conséquence, nous recommandons que le commissaire au bien-être et au droit
des enfants ait le mandat d'exercer une vigie et de monitorer la situation des
enfants qui décèdent chaque année au Québec. Est-ce que vous sentez que cette
recommandation-là et ce besoin-là figurent parmi le projet de loi qu'on étudie
aujourd'hui?
Mme Laurent (Régine) : Je
n'ai pas le nom de l'article, le numéro de l'article, mais je pense que vous auriez
intérêt, très respectueusement, à le préciser, vous, comme parlementaires.
Parce que ce qu'on voulait voir, comme c'est le commissaire au bien-être, bien,
s'il y a des enfants ou il y a eu une enquête du coroner, il faut arrêter de
prendre les choses un par un. Il faut quelqu'un qui ait un regard pour dire,
bien...
Mme Laurent (Régine) : ...est-ce
que... C'est quoi qui se passe qui fait qu'il y a tant d'enfants dans telle
région ou dans telle ville qui ont fait l'objet de l'attention d'un coroner? Alors,
moi, de le bonifier et de le préciser de cette façon-là, je vais être tout à
fait d'accord, parce que, dans le rapport, on disait, bien, notamment les
enfants qui... et aussi les enfants qui ont fait l'objet d'une protection de
l'État.
M. Cliche-Rivard : O.K.
Mme Laurent (Régine) : C'est
ce que nous proposons dans notre...
M. Cliche-Rivard : Parce que
là on vient modifier la loi sur les... si vous permettez, on vient modifier la
loi sur les coroners. Il va effectivement y avoir un travail à cet effet-là,
mais on ne parle pas d'enfants de manière globale, là, on parle de ceux qui ont
fait l'objet d'un rapport du coroner, on ne parle pas de décès globaux de gens
issus de la DPJ, on ne va pas au-delà de ça. Est-ce que vous pensez que c'est
quelque chose qu'on devrait élargir au sens où le commissaire aurait un rôle de
vigie complet envers les enfants, malheureusement, qui succombent de je ne sais
quoi, là, mais de... malheureusement qui perdent la vie?
Mme Laurent (Régine) : Je vais
être plus concrète, M. le député. Une enfant qui meurt de leucémie, là, le
commissaire n'a pas d'affaire là. C'est extrêmement triste, mais il n'a pas
d'affaire là. Mais cependant des enfants qui ont été pris en charge par l'État,
ça, je pense que c'est important parce qu'on ne sait pas qu'est-ce que le
commissaire peut trouver et amener comme recommandations à vous à l'Assemblée
nationale dans un rapport, et évidemment les enfants qui ont fait l'objet de
l'attention d'un coroner.
M. Cliche-Rivard : Excellent.
Puis je pense que vous portez une belle attention. Peut-être le commissaire
pourrait être compétent dans le cas où on voit qu'il y a plusieurs enfants qui
succombent d'une maladie grave dans une région donnée, là. Donc, je pense que
peut-être il peut y avoir un lien en... vers les facteurs externes,
environnementaux puis quand même le... la maladie, mais je comprends ce que
vous voulez dire, que, quand c'est une cause naturelle de laquelle on ne
pouvait rien y faire puis que les recommandations n'y amèneront rien... bien,
finalement on comprend ce que vous voulez dire.
Mme Laurent (Régine) : Non,
non. Oui, oui.
M. Cliche-Rivard : Il n'y a
pas de mention de la charte des droits des enfants dont vous parlez dans ce
projet de loi là. Qu'est-ce que vous en concluez?
Mme Laurent (Régine) : J'en
conclus que c'est... j'ai compris, dans le plan, c'est dans une étape
subséquente. Si vous me demandez si j'aurais aimé que ce soit déjà là
aujourd'hui, je vous répondrais oui. D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai
insisté, parce que c'est dans la charte qu'on avait mis que... le fait que
l'enfant soit reconnu comme sujet de droit. Alors, comme la charte n'est pas
encore arrivée, ça fait que je me suis dit : Bon, bien, on peut au moins
le mettre en ce moment dans le projet de loi du commissaire, là.
M. Cliche-Rivard : O.K. On va
y faire suite. Merci beaucoup, Mme Laurent.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député.
Mme Laurent (Régine) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on va compléter cet échange
avec le député des Îles-de-la-Madeleine. Trois minutes 18.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, Mme Laurent, d'être présente et si engagée à ce que
les recommandations de votre commission soient mises en œuvre. Votre travail
est remarquable, celui que vous avez fait en commission. Et aujourd'hui
j'aimerais revenir sur, justement, le dernier élément qu'on vient d'aborder.
Vous parlez de l'enfant sujet de droit, mais j'essaie de comprendre de quelle
façon, si la charte n'est pas considérée... comment on pourrait justement
inscrire cet élément-là dans le projet de loi. Vous parlez d'un considérant,
puis j'essayais de comprendre ce que... ce que vous avez en tête.
• (10 h 40) •
Mme Laurent (Régine) : Alors,
comme je tentais d'expliquer à votre collègue il y a quelques instants, la
charte des droits de l'enfant, ça doit arriver, ça doit arriver, et le plus tôt
possible. Cependant, c'est le moyen que j'ai trouvé pour introduire cette
notion d'enfant sujet de droit, qu'il puisse participer à... aux discussions
ou... concernant les droits qui le concernent, et c'est une façon de vous
alerter aussi qu'on y tient, parce que oui, tout le monde est protégé par la
Charte des droits et libertés, mais nous souhaitions qu'il y ait vraiment une
particularité concernant les droits des enfants, et c'est pour ça qu'on y tient
beaucoup, à la charte, mais, en attendant, j'ai mis une petite lumière en
parlant d'un considérant.
M. Arseneau : Mais est-ce
qu'on... est-ce qu'on ne procède pas un peu à l'envers si on dit qu'on nomme un
commissaire pour la protection des droits des enfants, mais qu'on n'affirme pas
préalablement quels sont ses droits, justement, au moyen, par exemple, d'une
charte ou d'un autre moyen?
Mme Laurent (Régine) : ...on
n'avait pas un positionnement, à la commission, qu'il fallait faire l'un ou
l'autre avant, ce qui était... Dans notre rapport, on a positionné le
commissaire avec ses fonctions et ensuite on a parlé de l'importance qui est
cette charte des droits des enfants. Donc, moi, je n'ai pas de problème qu'elle
arrive après, j'ai juste envie qu'elle arrive vite.
M. Arseneau : Il ne faudrait
pas trop attendre. Merci, vous êtes très diplomate, Mme Laurent. J'ai une
dernière petite question. Vous avez parlé de la correction physique. Juste de
lire ce que vous écrivez...
M. Arseneau : ...ça donne
froid dans le dos de penser qu'on doit encore débattre de ces choses-là, qu'on
doit écrire sur papier ce type d'affirmations à l'effet que la correction
corporelle serait encore admise. Mais j'essaie de comprendre pourquoi la
commission en a discuté et n'a pas émis de recommandation puis qu'aujourd'hui
vous ramenez ça comme si on devait l'inscrire dans une loi, une loi québécoise,
qui n'aurait vraisemblablement aucun pouvoir face au Code criminel fédéral.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
Alors, on en a parlé parce qu'on a eu beaucoup de témoins. On a eu plusieurs
témoins qui nous ont fait part... et on a eu des jeunes, qui sont jeunes
adultes au moment de la commission, qui nous en ont parlé aussi, de correction
physique, comment ça les avait marqués. On a eu des pédiatres qui sont venus
nous parler des effets néfastes de la correction physique, mais il aurait fallu
prendre beaucoup plus de temps pour étudier la question, faire des recherches
spécifiques sur ce sujet-là. Et on s'est dit : Bien, au moins on va le
soulever. Mais on n'avait pas le temps d'apporter... parce qu'il aurait fallu
aussi apporter des dispositions concernant les lois du Québec par rapport aux
lois fédérales, donc...
M. Arseneau : D'accord. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député.
Mme Laurent (Régine) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Laurent, de
votre participation à nos travaux. Sur ce, je vais suspendre ces derniers pour
permettre aux prochains invités de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 10 h 44)
(Reprise à 10 h 45)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Nous
recevons maintenant M. Jean Simon Gosselin et M. Gilles Fortin,
ex-commissaires de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la
protection de la jeunesse. Alors, Messieurs, vous allez disposer de
10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procédons à nos
échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.
M. Gosselin (Jean Simon) : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, merci à vous tous de nous avoir invités à
déposer un mémoire et à présenter nos commentaires. Je suis accompagné de
M. Gilles Fortin, qui a été neuropédiatre, spécialiste de la maltraitance
et aussi, évidemment, un des précurseurs du déploiement de la notion
d'attachement. Moi, j'ai pratiqué comme avocat dans les services sociaux à
l'enfance pendant toute ma carrière, qui a duré 39 ans. Font également
partie de notre groupe, Mme Danielle Tremblay, intervenante sociale, qui,
elle, a été toute sa carrière en protection de la jeunesse, dont les
10 dernières années comme DPJ au Saguenay. Mme Lesley Hill, qui est
aussi une intervenante sociale qui a oeuvré en CLSC et qui a été D.G. d'un
centre jeunesse et qui a terminé sa carrière comme cadre supérieur au... dans
un CIUSSS de Montréal à la DPJ aussi. Alors... et M. André Lebon,
évidemment que la plupart d'entre vous connaissez, qui est psychoéducateur et
qui est consultant.
Oui, nous cumulons plusieurs années
d'expérience... les cheveux blancs, vous le voyez bien. Mais on est d'abord ici
pour un peu relayer le... les témoignages, les mémoires des
4 000 personnes qui ont participé à la commission Laurent. Alors, ce
n'est pas nos opinions personnelles. C'est d'abord et avant tout le reflet de
ce qu'on a entendu et des recommandations, évidemment, qu'on a faites à la
lumière de ces... de ces informations-là.
D'abord, nous le disons d'emblée, nous
appuyons ce projet de loi et nous... Il y a un remarquable effort qui a été...
M. Gosselin (Jean Simon) : ...pour
que ce projet de loi respecte l'intention et la lettre du rapport. Et,
là-dessus, bien, nous remercions le ministre, son équipe et le ou les légistes
qui ont travaillé sur ce projet de loi.
Il y a eu quelques choix, puis vous en
avez évoqués, qui sont différents de ce qu'on a mis dans le rapport. On va
revenir avec ceux qui nous semblent essentiels, en les expliquant plus lors des
questions. D'abord, évidemment, le commissaire, vous l'avez dit, sera le
porteur de la voix de tous les enfants au Québec. Il doit être près d'eux, être
capable de les entendre, leurs besoins, leurs désirs, leurs préoccupations, la
façon dont ils vivent, tant dans leur vie personnelle que dans la sphère
publique.
Une petite anecdote. Lors des dernières
élections, il y a eu un sondage sur les sept, 15 ans, ce qu'ils pensaient de
l'apport qu'ils avaient au niveau de la société. Ils n'étaient pas contents
parce qu'ils trouvent que les adultes ne les écoutent pas. Alors, le
commissaire va probablement pouvoir pallier à cette insatisfaction qu'ont les
jeunes — je travaille avec mon iPad parce que l'imprimante ne
fonctionnait plus hier soir, et je ne suis pas habitué.
Alors, au Québec, on l'oublie parfois,
mais il y a plus de 1,6 million d'enfants, c'est presque 20 % de la
population du Québec. Et tout le monde... ah! les enfants, c'est l'avenir du
Québec, mais, si vous êtes parents ou grands-parents, c'est le présent aussi,
les enfants du Québec, ils sont là. Et on ne leur laisse pas beaucoup de place
pour entendre leur parole, pour leur permettre de s'exprimer, quoique ça
évolue, et il faut que ça continue d'évoluer. On l'a dit dans notre
mémoire : Il ne faut pas oublier qu'à l'automne 2019 il y avait 500 000
personnes à Montréal avec Autumn Peltier, une autochtone ontarienne, et Greta
Thunberg, toutes des adolescentes, à ce moment-là, là.
On salue particulièrement le rôle
systémique du commissaire et on y reviendra lors des questions. La réalisation
d'un portrait annuel de l'état de bien-être des enfants au Québec, c'est
important, puis il y a des indicateurs développés par UNICEF Canada, ça se
fait, dans d'autres provinces. Ça, c'est majeur. Et on a parlé d'historique,
c'est historique, effectivement, qu'une personne publique fasse un reflet de
comment les enfants se sentent. Et dans les provinces qui utilisent cet
outil-là au Canada, les enfants ne sont pas si heureux qu'on le pense. Alors,
il faut le savoir puis il faut corriger ce qui ne va pas.
• (10 h 50) •
Le préambule. Le préambule, c'est très
important. On a parlé de la charte, il y a eu des questions là-dessus. Dans
notre conception, le commissaire et la charte, ça allait ensemble, au niveau du
rapport, comme un peu la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse émane de la charte québécoise, comme le Comité des droits de
l'enfant de l'ONU émane de la Convention internationale sur les droits de
l'enfant. Il n'y a pas de charte, mais il y a un préambule avec plusieurs
considérants, et on suggère ou... on vous suggère, comme législateurs, de
renforcer ce préambule-là. Et c'est tout... ça apparaît dans notre mémoire,
l'enfant sujet de droit, c'est très important. Tout le monde, dans les
juristes, le dit, mais ce n'est écrit nulle part. C'est une déduction des
droits qu'on a reconnus aux enfants en 1979 dans la Loi sur la protection de la
jeunesse. Affirmons-le clairement, que l'intérêt de l'enfant soit la
considération principale de toutes les décisions prises à son sujet. Il faut
que, pas juste au tribunal, dans des débats très pointus, parce que ce n'est
pas tous les enfants dont la situation passe au tribunal... il faut que
l'intérêt de l'enfant, ce soit une préoccupation de tous les décideurs.
La correction physique, c'est de
juridiction fédérale, mais je pense qu'il faut l'écrire une fois pour toutes.
Même s'il y a eu des avancées dans le p.l. 2, c'est... la charte... pas la
charte, la loi sur le commissaire va faire quand même du bruit, là, il va y
avoir un rayonnement, alors d'affirmer que les corrections physiques, on n'en
veut plus, au Québec, ça s'impose.
Reconnaître que l'enfant a le droit de
participer à la vie citoyenne, pas juste au niveau...
M. Gosselin (Jean Simon) : ...local,
mais au niveau régional, au niveau national. Déclarer que les enfants ont le
droit et la capacité de le faire, ils ont la capacité d'influencer les
décisions, surtout ceux... celles les concernant. Et ces ajouts-là au
préambule, ça peut sembler beaucoup, mais on parle de cinq ajouts, ça va
permettre de guider le commissaire dans l'exercice de ses fonctions en
explicitant l'objet et la portée de la loi.
Nous avons d'autres recommandations plus
pointues, je les passe plus en vrac. La question du comité des enfants et des
jeunes autochtones, j'ai compris que les... puis c'est peut-être eux les mieux
placés pour... pour donner leur point de vue là-dessus, les communautés
autochtones, mais on pensait que le commissaire associé qu'on retrouve dans le
projet de loi soit appuyé lui aussi d'un comité consultatif de jeunes.
La question du mécanisme d'accréditation
des avocats qui représentent les jeunes enfants. Ceux qu'on ne rencontre pas,
qu'on ne voit pas. Alors, il faut que ces gens-là, ces avocats, ces avocates-là
soient comme qualifiés pour faire ce travail. On aura sûrement des questions
là-dessus, on donnera plus de détails.
La vigie annuelle de tous les décès
d'enfants. On avait deux analystes à la commission. On a tenté de savoir... on
sait qu'il y a 78 000 décès par année au Québec. De zéro en un an, la
périnatalité, c'est précis, précis, précis, mais pour un an à 18 ans, on ne
le sait pas comment qu'il y a d'enfants qui décèdent au Québec. Est-ce qu'il y
a une crise des opioïdes au Québec pour les enfants? Probablement que non, mais
on ne le sait pas. Alors, on veut que le commissaire... pas le rôle du coroner,
le coroner fait bien son travail, mais une vigie sur combien d'enfants meurent
au Québec. Ceux qui meurent de maladies graves, ce n'est pas ceux-là qui nous
inquiètent. Il y a-tu des problèmes avec les opioïdes? Il y a-tu eu des
problèmes avec le... la question des voies scolaires? Il ne me reste plus de
temps?
Le Président (M. Provençal)
:Moins d'une minute.
M. Gosselin (Jean Simon) : Moins
d'une minute. Vous l'avez dit, c'est un moment historique. Je vais terminer sur
une phrase que nous a dite M. Erwin Hellman, qui a été le défenseur des
droits de l'enfant en Ontario pendant 10 ans, qui est retraité, c'est ses
paroles, c'est en anglais, mais je vais le mettre en français : «Parfois,
je suis en avant pour défendre les droits des enfants. Parfois, je marche côte à
côte avec les enfants. Et parfois je marche derrière eux pour soutenir leur
parole.» C'est un peu comme ça qu'on voit le rôle du commissaire. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:C'est moi qui vous remercie. M. le
ministre, je vous invite à débuter cette période d'échange.
M. Carmant : Oui, merci
beaucoup, Me Gosselin. Dr Fortin, toujours un plaisir de vous revoir. Puis je
tiens à vous assurer, là, que le... la notion de droits des enfants, là, c'est
important pour nous. Donc, ça, c'est... je pense que c'est un acquis, là.
Puis j'entends également votre... votre
appel pour la correction physique. J'avoue que j'étais un peu surpris, mais je
l'entends.
L'autre point qui revient, que
Mme Laurent a mentionné aussi, c'est l'accréditation des avocats. Ça,
j'aimerais vous entendre un peu plus. Ne serait-ce pas un mandat qu'on
donnerait au commissaire ou que le commissaire prendrait en main que... quelque
chose qu'on doit insérer comme un alinéa dans la loi? Pouvez-vous m'expliquer
pourquoi, pour vous, c'est... ça doit être dans la loi?
M. Gosselin (Jean Simon) : En
fait, quand on a tenu les audiences, quand on a rencontré les citoyens lors des
forums, il y a plusieurs sujets qui ont été abordés, mais on a entendu
beaucoup, beaucoup de personnes critiquer le rôle des avocats des enfants. Et
là-dessus, j'ai pratiqué toute ma carrière en droit de la jeunesse et je
plaidais des dossiers, c'est qu'on... c'est à géométrie variable. J'ai connu
des avocates qui allaient voir des enfants de trois ans et demi, trois ans dans
leur famille d'accueil, puis, évidemment, comment la chambre est organisée, il
y a-tu tout un petit animal de compagnie, ça parle beaucoup, ça donne beaucoup
d'informations à cette avocate-là. Puis j'ai connu aussi des avocats qui non
seulement ne rencontraient pas les enfants, ne s'informaient pas sur eux et...
et disaient au tribunal : Je m'en remets au tribunal. Peut-être c'était
bien parce qu'il y aurait... au moins ils ne faisaient pas de faux pas, mais...
M. Gosselin (Jean Simon) : ...c'est
à géométrie très variable. Si on regarde le code de déontologie du Barreau, qui
a plus de 150 articles, il n'y en a aucun qui parle des enfants ou de la
déontologie pour les avocats d'enfants. Nous, on a focussé sur les petits
enfants, parce qu'ils ne peuvent même pas donner de mandat, évidemment, formel,
mais... Puis il y a peut-être une vingtaine d'articles sur l'importance de la
communication entre l'avocat et son client. Voyez-vous le paradoxe? C'est très
important, la communication de l'avocat et son client, mais quand on est un
enfant qui n'est pas capable d'émettre un mandat traditionnel, puis encore, à
cinq ans, là, vous avez des enfants, là, ça parle, des enfants, je veux dire.
Moi, j'ai un petit-fils, des petits-enfants, des petites-filles, ça parle, là,
pas besoin d'avoir 15 ans pour avoir une opinion. Alors, il faut que ces
gens... Pourquoi? C'est sûr que c'est un travail exécutif pour le commissaire
et ce n'est pas l'idéal de le charger d'une tâche exécutive.
Cependant, les plus vulnérables, parce
qu'on parle des enfants qui sont traités en vertu de la Loi sur la protection
de la jeunesse essentiellement, mais c'est des milliers d'enfants, là, même en
bas de sept ans, par année, des milliers d'enfants. L'aide juridique nous a
dit: On représente, nous, puis ils ne représentent pas tous les enfants, 12 000
enfants. Alors, ce n'est pas quelques cas d'exception, là, c'est un volume très
important. Il faut que ces gens-là, ces avocats-là, pour avoir une espèce de dénominateur
commun, aient des formations, aient une expérience, aient des lignes
directrices de rencontrer les enfants, d'aller dans leur milieu, de s'informer
auprès des travailleurs sociaux, des éducateurs, de la famille d'accueil, des
parents, de l'école, de la réalité de ces enfants-là. En 1982, dans une cause
de la Cour suprême Benson, la Cour suprême soulignait l'excellent travail de Me
Day à Terre-Neuve. Et ils avaient fait une espèce de tour d'horizon d'enfants
en bas âge, là, qui n'avaient pas pu vraiment avoir de mandat, de leurs
besoins, de leur histoire. Ils avaient été en mesure d'éclairer adéquatement
les tribunaux. Alors, on pense qu'il faut... il faut cesser la géométrie
variable puis il faut vraiment qu'il y ait une espèce de base minimale pour
être qualifié pour représenter des enfants.
Le point positif qu'on a au Québec,
là-dedans, c'est que l'aide juridique paie toujours. On n'a pas un enjeu: Ah!
bien, il manque d'argent. Tous les avocats qui représentent des enfants, que ce
soit des permanents de l'aide juridique ou du privé, sont payés. Donc, c'est
déjà un atout incroyable, là, au Québec, l'enfant est assuré, puis on avait
fait une recommandation que les ministres de la Justice a mis en vigueur, il y
a une présomption d'admissibilité maintenant, c'est... Bon, mais ça... Il faut
quand même qu'il y ait des gens qualifiés pour faire ce travail-là. Oui,
peut-être...
• (11 heures) •
M. Fortin (Gilles) : Je veux
juste brièvement ajouter quelque chose. On a plusieurs jeunes qui sont venus témoigner
à la commission, qui avaient été pris en charge à la protection de la jeunesse
pendant plusieurs années. Je me souviens d'un particulier qui nous a dit: Quand
j'ai été jeune adulte puis j'ai eu accès à mon dossier, j'ai découvert que mon
dossier avait passé neuf fois devant les tribunaux, je n'étais pas au courant.
Une seule fois, il y a un avocat qui est venu me dire: Demain, je te présente.
Qu'est-ce que tu veux que je dise? Alors, pourquoi c'est comme ça? Je vais
faire un parallèle avec la médecine qui est un milieu que je connais bien. On a
de la médecine interne puis on a des pédiatres. Pourquoi on a ça? Parce que les
problèmes des enfants, ce n'est pas la même chose que les problèmes des
adultes. Et, très souvent, ce qui a ressorti de ce qu'on a entendu, c'est que
les gens nous disent: Mais oui, mais les enfants, ils ne parlent pas, comment
est-ce qu'on peut savoir? Et quand on est pédiatre, on sait que les enfants ne
parlent pas. On sait comment comprendre ce qui les affecte, on les regarde, on
les examine, on les fait jouer, on les fait parler. Il y a une approche
particulière. Médecins de famille peuvent aussi bien soigner les enfants que
les adultes pour les choses de base, mais quand on est des affaires... quand on
est dans des affaires plus complexes, comme se ramasser au Tribunal de la
jeunesse ou comme faire une maladie grave, on a besoin des spécialistes. Puis
je pense que c'est incontournable qu'on ait des gens qui savent comment aborder
les enfants et comment aller chercher leurs paroles. Les enfants sont capables
d'exprimer ce qu'ils veulent, ce qu'ils ne veulent pas, ce qui les fait
souffrir et ce qu'ils souhaitent... quelle sorte de traitement ou d'aide ils
souhaitent recevoir.
M. Carmant : D'accord. Un
autre point pour...
11 h (version non révisée)
M. Carmant : ...peut-être
revenir sur l'histoire de décès d'enfants. Moi, j'étais au même... à la même
place que Mme Laurent... tu sais, on a gardé ça relativement simple pour s'assurer
que les décès qui sont comptabilisés soient ceux dus à des causes non connues,
là, tu sais, parce que si on commence à comptabiliser les décès en lien avec
des maladies ou, tu sais, les pertes foetales, tu sais, ça va être un travail
immense. Donc, nous, on voulait vraiment focusser sur ce qui était en lien avec
le coroner, mais peut-être me dire jusqu'à quel point vous voulez élargir ou
vous comptez élargir. Vous aimeriez qu'on élargisse cette notion là de suivi
des décès?
M. Fortin (Gilles) : Il y a
actuellement, au Québec... il n'y a personne qui est capable de nous dire,
comme on l'a mentionné tantôt, combien d'enfants meurent par année et de quoi
ils meurent. Dans différents secteurs, on a des données, le coroner en a, la Santé
publique en a, certains groupes médicaux spécialisés ont des données sur le
nombre de décès d'enfants à l'intérieur de telle maladie, mais il n'y a
personne qui ramasse tout ça, qui compile, qui... Alors, ce qu'on pense, ce qu'on
voudrait, c'est que le commissaire, pas qu'il aille faire le décompte lui-même,
amis qu'il recueille l'ensemble de ces données-là, qu'il voie dans quelle
mesure elles sont complètes, qu'il les collige et nous donne un portrait de ce
qui se passe. De zéro à un an, il y a un comité qui est du Collège des
médecins, qui existe depuis des années, où on étudie la mortalité périnatale.
On a beaucoup d'informations sur les causes du décès, mais à un an, ça arrête.
Le coroner, quand il intervient, il intervient dans des décès suspects, dans
des morts accidentelles, mais il ne compile pas les gens qui meurent d'une épidémie,
que ce soit la COVID ou une autre. La Santé publique a ces chiffres-là sur la
maladie, mais personne ne ramasse ça ensemble et c'est ce qu'on pense que le
commissaire devrait faire et non pas de nécessairement mettre sur pied tous les
mécanismes, mais être capable de ramasser les données pour donner un portrait
de comment nos enfants vivent, qu'est ce qui les rend malades, qu'est ce qui
les fait mourir.
M. Carmant : ...maintenant,
le mieux, l'enjeu d'aller chercher les différentes sources. Encore une chose,
une chose que vous n'avez pas repris là, qui est importante pour moi, c'est de
voir votre positionnement par rapport à notre positionnement, de mettre le
commissaire en amont de la DPJ puis qu'il y ait un regard plus global sur tous
les enfants, ce qui est important. Mais je veux voir, vous, comment vous vous
voyez ce positionnement-là.
M. Gosselin (Jean Simon) : C'est
fondamental, c'est historique, en fait, qu'une autorité publique au Québec
puisse avoir... porter la parole des enfants, les écouter, les soutenir. Alors,
ça, c'est sûr qu'on applaudit, évidemment. Puis c'était le sens de nos
recommandations qui portaient là-dessus. Parce qu'on l'a dit tantôt, là, les
enfants eux-mêmes, ils l'expriment, je l'ai dit brièvement tantôt, ils sont...
ils veulent qu'on tienne compte de ce qu'ils pensent et ils ont des idées, là.
Il ne faut pas... c'est certain. Alors, ça va être un enrichissement. Puis on l'a
écrit dans le mémoire, si on veut que les jeunes, quand ils deviennent adultes,
ils puissent voter, s'engagent, bien, il faut les entraîner plus tôt un peu,
là. Voilà.
M. Carmant : Et... allez-y.
M. Fortin (Gilles) : Le
commissaire, il est là pour le bien être des enfants, donc de tous les enfants.
Ce n'est pas juste quand il y a des erreurs, quand il y a des des accidents,
des incidents, il est là pour s'assurer que la société québécoise crée des
environnements favorables à leur développement, à leur bien être, à la
bientraitance. Je pense que la bientraitance, ça, s'inclus dans le bien être et
qu'il y a les outils pour aller chercher les informations, pour faire des
recommandations. Un des rôles importants du commissaire, c'est justement d'avoir
des mécanismes qui lui permettent d'aller chercher la parole des enfants. Ça,
tous les témoins qu'on a rencontrés à la commission, qui ont eu l'expérience de
travailler avec l'équivalent d'un commissaire à l'enfance, c'est ce qu'ils nous
ont dit, c'est d'abord de mettre en place des mécanismes pour parler à tous les
enfants, pas juste ceux qui sont mal pris.
M. Carmant : Merci. M. le
Président. Je passerai la parole à la députée de Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Merci
beaucoup pour votre présence. Moi, j'avais une question pour les...
6
Mme Dorismond : ...jeunes
vulnérables. Est-ce que vous êtes d'accord de prolonger de 18 à 25 ans?
Dans le fond, qu'est-ce que je veux dire, c'est que les jeunes, quand ils
passent par la DPJ ou les centres jeunesse, des fois, bon, on le sait, là, à
18 ans, ils quittent. Mais pour avoir travaillé avec eux, j'ai travaillé
avec les jeunes de la rue et on allait jusqu'à 25 ans parce qu'on voyait,
on constatait qu'ils étaient vulnérables. Et, des fois, il y a aussi des
rechutes. Donc, pour nous, c'est vraiment important de prolonger jusqu'à au
moins 25 ans. Là, on dit : Selon la loi, on dit que c'est
18 ans, mais je pense que dans les faits, dans le concret, je pense que ce
serait bien de prolonger de 25 ans pour protéger ces enfants-là, parce
qu'ils ont eu des manques. Qu'en pensez-vous?
M. Gosselin (Jean Simon) : Bien,
en fait, le projet de loi le propose dans une définition de jeune adulte que
nous, on a trouvé, par rapport à notre rapport, trop restrictive. C'est limité
essentiellement aux enfants qui ont été pris en charge par les directeurs de la
protection de la jeunesse ou les directrices ou les directeurs provinciaux. Si
vous êtes parents, et vous l'êtes probablement la plupart, on sait tous qu'à
18 ans, ce n'est pas terminé, il reste encore chez soi. Il faut les aider
pour les études, il faut les soutenir, il faut les guider. On pense que le
commissaire, au moins pour les enfants qui ont plus de... qui deviennent des
jeunes adultes, qui ont plus de difficultés à faire valoir leurs droits, les
autochtones, les enfants handicapés, puis ça, c'est des notamment, là, mais des
enfants qui proviennent des minorités ethnoculturelles. Le commissaire doit
pouvoir porter un regard aussi sur ces jeunes adultes là. Alors, nous, ce qu'on
suggère, puis c'est extrait du rapport, c'est d'élargir un petit peu la
définition de jeune adulte pour élargir le périmètre que le commissaire pourra
porter un regard, puis il décidera ou elle décidera jusqu'où il va là-dessus,
mais d'élargir un peu son panorama pour les jeunes qui ont plus de difficultés,
les jeunes adultes qui ont plus de difficultés.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre...
M. Fortin (Gilles) : ...les
enfants vulnérables, les jeunes vulnérables ne sont pas que des ex-enfants de
la DPJ.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre.
M. Carmant : Bien, merci.
Parce que moi, je voulais juste... En fait, on voulait voir comment justement
prolonger jusqu'à 25 ans, mais on ne voulait pas non plus stigmatiser ou
classifier certains jeunes. Donc, le terme que vous utiliserez, parce que... tu
sais, si on commence à faire des définitions, ce n'est jamais bon dans un
projet de loi. Donc, vulnérables, ce serait un terme qui, selon vous, serait
acceptable? Puis ce sera au commissaire de définir.
• (11 h 10) •
M. Fortin (Gilles) : Oui, je
pense que c'est une excellente façon de positionner les choses, effectivement.
Le commissaire verra à se... à se créer un cadre et plutôt qu'effectivement
stigmatiser des jeunes à travers un projet de loi comme celui-ci.
M. Carmant : Parfait. Bien,
ça, moi, je suis tout à fait d'accord avec ça. Est-ce qu'on a encore un peu de
temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Une minute. Députée de Soulanges, vous vouliez poser une
question?
Mme Picard : Oui. Merci
beaucoup pour votre apport aux travaux de la commission. Une fois que le projet
de loi serait adopté, quelles seraient les aptitudes, selon vous, que le ou la
commissaire devrait avoir au niveau formation, compétences? Selon vous, qui serait
le ou la meilleure personne et à ses aptitudes?
M. Gosselin (Jean Simon) : En
fait, c'est l'Assemblée nationale qui va nommer le ou la commissaire. Et je
nous vois mal dessiner un profil. Dans la loi, il y a déjà un article qui fait
ça, Nous, en fait, ce qui est important, c'est qu'il y ait une ou un
commissaire, puis on se fie sur le bon jugement des partis politiques, du
premier ministre pour choisir une personne qui... puis c'est une nouvelle...
c'est un nouveau travail. Donc, évidemment, il va se construire, ce travail-là.
Dans 10 ans, on pourrait avoir peut-être des avis différents, mais, dans
une étape initiale, nous, on est très heureux de voir que la fonction soit
créée, mais on ne dira pas à l'Assemblée nationale qui choisir.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Nous allons poursuivre
maintenant nos travaux avec la députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci, Messieurs, d'être ici aujourd'hui et de votre... je
vous remercie également, compte tenu du grand travail que vous avez fait pour
faire progresser le droit des enfants. Et je voulais... j'ai lu attentivement
votre mémoire et les commentaires que vous...
Mme Garceau : ...je suis
d'accord concernant certaines recommandations dont... vous avez mentionné dans
votre rapport, qui ne sont pas incluses dans le projet de loi, mais j'aimerais
vous poser la même question que j'ai posée à Mme Laurent concernant une des
recommandations, dont moi, je croyais qu'elle était quand même assez importante
et au cœur des pouvoirs, je dirais, du commissaire, qui était de transférer au
commissaire les pouvoirs et les responsabilités assumés par la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse prévus à la Loi sur la
protection de la jeunesse, avec les ressources afférentes. Je n'ai pas retrouvé
dans votre mémoire, messieurs, cette... que vous voulez que le ministre...
qu'on ajoute cette recommandation, qui me semble très importante, et je voulais
savoir, est-ce que vous avez changé d'idée concernant cette recommandation-là?
M. Fortin (Gilles) : Écoutez,
effectivement, dans notre rapport, nous avions recommandé que ce soit fusionné.
Par contre, en deuxième temps de réflexion, on est moins certains de... et
peut-être que ça vaut la peine d'expérimenter la situation telle qu'elle est
sans fusionner les deux structures pour le moment.
Il faut réaliser que la Commission des
droits de la personne et de la jeunesse existe pour les adultes comme pour les
enfants, mais il y a aussi quand même un Protecteur du citoyen. Ici, on a un
commissaire à l'enfance puis on a une DPJ... pardon, une commission des droits
de la personne et de la jeunesse. La commission, la perception qu'on en a,
c'est que c'est un organisme plus essentiellement judiciaire, qui travaille
surtout dans des situations où la loi n'est pas respectée à l'égard des droits
des enfants.
Le commissaire, pour nous, c'est beaucoup
plus que ça. Ce n'est pas juste que la loi soit respectée, mais c'est de mettre
en place des fonctionnements, des services à l'enfance pour améliorer leur
bien-être. Donc, c'est souvent agir aussi en amont de la DPJ. On est toujours
bien mal pris avec la DPJ, qui est surchargée, mais, si on améliore les choses
en amont, c'est une chose qui nous est apparue aussi à travers la commission
et... qu'on risque d'améliorer ou de réduire les besoins d'intervention de la
DPJ.
Alors, c'est pour ça que je pense que ça
vaut la peine de commencer comme ça, de garder les deux organismes séparés.
C'est sûr qu'ils vont avoir besoin de se parler, comme le Protecteur du citoyen
parle à la commission des droits de la personne. Il va y avoir certainement une
conjugaison, une harmonisation des pratiques à se faire, et peut-être que, dans
quelques années, on dira : C'est une bonne chose, ou on dira, non, il faut
revenir en arrière, mais je pense que ce n'est pas un mauvais départ. Le
commissaire a d'abord à s'installer, à créer son organisation, sa façon de
travailler, et peut-être que c'est mieux de ne pas lui imposer la charge de
l'intervention judiciaire, qui est très onéreuse, qui, souvent... toujours
d'urgence, alors qui devient tout à coup une priorité. Et c'est peut-être pour
ça qu'on a tendance à penser que... commençons en gardant les choses séparées.
Mme Garceau : Merci pour
votre... cette réponse, mais, avec respect, on s'éloigne quand même de la
constitution d'un commissaire, une institution indépendante qui serait la voix,
une voix, exclusivement, concernant le bien-être, la promotion, la protection,
et aussi de veiller aux droits des enfants, qui inclut évidemment le côté
d'intervenir. Comme je mentionnais tout à l'heure, on veut, oui, prévenir,
prévenir des incidents, prévenir... on ne veut pas avoir des situations où les
droits des enfants sont lésés. On veut s'assurer que les voix des enfants
soient entendues, mais, durant un processus...
Mme Garceau : ...tiers, comme
vous l'avez mentionné, M. Gosselin, et ça, c'est très préoccupant. Lorsqu'on a
des... les avocats des enfants dans les situations en DPJ qui vont dire :
On s'en remet à la justice, on s'en remet, on s'en remet à la décision du juge.
Et donc, comment améliorer cet aspect-là dans le sens de protéger les droits de
ces enfants, que les enfants aient une véritable voix dans toutes décisions qui
vont être prises à leur égard si on ne va pas permettre au commissaire de
pouvoir intervenir, de pouvoir corriger le tir? Parce que c'est là depuis
longtemps. Il y a les problèmes qui perdurent depuis longtemps, et ça ne s'est
pas amélioré avec le temps, et c'est pour ça que quand j'avais lu votre rapport
et j'ai vu cet... Ce transfert de pouvoir pour dire : Non, maintenant il
va y avoir un commissaire, c'est ce commissaire-là qui va s'occuper de
s'assurer que tous les droits des enfants soient respectés, soient protégés.
M. Fortin (Gilles) : Écoutez,
notre conception du rôle du commissaire, c'est une conception, un rôle
systémique, une approche systémique. La commissaire, je pense que c'est sa
façon... ça va... ça devrait être sa façon de travailler. La Commission des
droits de la personne et de la jeunesse a une intervention plus individuelle,
cas par cas. Il n'y a rien qui empêche de protecteur... voyons, le commissaire,
dans son rapport, de... de parler de la Commission des droits de la personne et
de la jeunesse, d'émettre des opinions à partir de ce qu'il voit et de ce qu'il
entend, sur leur efficacité ou non, leur façon d'agir ou non, sans qu'il ne
soit nécessairement responsable de gérer ces approches judiciaires de cas par
cas.
Mme Garceau : Et donc,
d'après vous, si le commissaire intervient suite à des gestes posés par la
CDPDJ ou le manque d'intervention dans des dossiers de la CDPDJ, la CDPDJ va
être liée par ses recommandations? Je tente de voir comment ça va... ça va fonctionner
dans le quotidien, là, en pratique.
M. Gosselin (Jean Simon) : Mais
d'abord, le Commissaire au bien être et aux droits des enfants. Nulle part dans
le projet de loi, il a un pouvoir d'imposer quoi que ce soit. C'est un pouvoir
de faire un portrait de la situation, d'accompagner les jeunes, de parler pour
eux, de les aider à s'exprimer. Ce n'est pas un organisme qui sanctionne ou qui
qui adjuge sur des droits.
• (11 h 20) •
C'est sûr qu'on... dans notre rapport, il
y a quelques lignes sur le transfert de responsabilité. Il n'y a pas... il n'y
a pas qu'il n'y a pas 15 pages, là, il y a un ou deux paragraphes. Le
gouvernement a fait un autre choix. Et comme le dit mon collègue, on accepte ce
choix-là pour le moment, parce qu'il y a beaucoup de choses à mettre en place
pour le nouveau Commissaire au bien-être et, si dès le départ, il est
accaparé... Puis la commission fait son travail, la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse fait son travail. Ils ont l'équipe pour
ça. Alors, dans une phase de démarrage des premières années que le gouvernement
ait choisi de maintenir le rôle de la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse, nous, on est confortable avec ça. Et il ne faut pas
oublier non plus qu'on parle de la commission sur le volet LPJ, ça, c'est
30 000 enfants suivis par la DPJ pour 1 600 000. Alors, c'est beaucoup plus
pointu. Mais il y a tous les droits de la personne, la Commission fait aussi du
travail pour de la discrimination pour des enfants handicapés, bien au-delà de
la LPJ, et ça, ce travail-là, il est bien fait. Alors, je pense qu'en en misant
sur une articulation, un dialogue entre ces instances-là dans un processus
initial, dans les premières années, nous, on se rallie à ça personnellement.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Gosselin (Jean Simon) : Mais
là on sort du rapport, là, on a comme développé, mais ça fait trois ans que le
rapport a été publié en mais. On a quand même réfléchi à cette question-là puis
on en est venu à comprendre pourquoi le projet de loi ne fait pas ce
transfert-là complet.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. On poursuit avec le
député de 3shsa.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci à vous deux pour votre excellente présentation...
M. Cliche-Rivard : ...Je
reviens à votre mémoire et à une des recommandations qu'on n'a pas beaucoup
touchées, celle... la C, recommandation C, eu égard aux ressources humaines,
matérielles, financières. Vous, vous seriez rassuré de voir un article
supplémentaire dans le projet de loi dans lequel on confirme que le commissaire
va avoir tout à sa disposition pour assurer son mandat. Ça vous rassurerait?
M. Gosselin (Jean Simon) : Bien
oui, c'est sûr. Mais évidemment on a été très contents de voir que c'est le
bureau de l'Assemblée nationale qui va quand même avoir un regard là-dessus.
C'est une instance, là, en qui on fait confiance, mais évidemment, on n'est pas
dans... on n'est pas des spécialistes, là, de la gestion budgétaire. Je vais
vous donner un une anecdote... mais ce n'est pas une anecdote. Quand
l'équivalent du commissaire du Nouveau-Brunswick est venu, on l'a rencontré par
la suite, là, pour le souper. Et lui... Le Nouveau-Brunswick, c'est 10 %
du Québec, il avait 10 employés. Ça fait que si on fait une règle de
trois, là, bien, il y aurait 100 employés au niveau du commissaire. Mais
encore là, là, je ne dis pas que ça doit être ça, mais... comprenez-vous?
Alors, on va laisser l'Assemblée nationale, le gouvernement... Bien, c'est sûr
qu'il faut qu'il... mais on fait confiance aussi que si le commissaire n'est
pas bien doté, il va le dire. Mais c'est certain que si on l'inscrit dans la
loi, on renforce cette obligation-là des... des parlementaires, parce que les
budgets, c'est vous qui les votez. On renforce l'obligation que les
parlementaires fournissent à ce commissaire-là les ressources appropriées.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Je ne veux pas vous paraphraser, mais vous avez dit, si j'ai bien
compris : Nous, on a eu une vision de... où il n'y avait pas de
commissaire sans charte, où la charte est intrinsèquement liée au commissaire.
M. Gosselin (Jean Simon) : Oui.
M. Cliche-Rivard : Donc, vous
nous appelez ou vous appelez le ministre à se dépêcher pour la Charte, là, ça
va être important.
M. Gosselin (Jean Simon) : Bien,
à tout le moins de renforcer le préambule avec des éléments... On avait neuf
éléments dans la charte, ce n'était pas un catalogue de droits, là. C'était
neuf droits fondamentaux ou principes fondamentaux qu'on voulait voir et
suivait la création du commissaire.
M. Cliche-Rivard : Puis de
ces neuf-là, la plupart, vous les avez réintégrés dans vos suggestions de
modifications de préambule. La charte va demeurer pertinente par contre parce
qu'elle a un rôle supralégislatif...
M. Gosselin (Jean Simon) : Puis
elle a un rôle transversal, puis elle...
M. Cliche-Rivard : ...transversale.
M. Gosselin (Jean Simon) : Dans
nos recommandations, elle avait un rôle prédominant aussi sur les autres lois.
Alors là, on était ambitieux, c'est le moins qu'on puisse dire.
M. Cliche-Rivard : Autrement
dit, on prendrait vos éléments et modifications et on a la charte. Vous l'avez,
là, elle est écrite presque.
M. Gosselin (Jean Simon) : On
peut dire ça, oui.
M. Cliche-Rivard : Donc, il
n'y a pas vraiment de raison pour laquelle on n'irait pas plus loin et qu'on
finisse la boucle.
M. Gosselin (Jean Simon) : Bien,
vous auriez l'occasion effectivement de faire d'une pierre deux coups.
M. Cliche-Rivard : C'est ce
que vous recommanderiez au ministre?
M. Gosselin (Jean Simon) : Bien,
la Charte... la Charte... C'est très audacieux, la charte. Il y a très peu de
pays qui ont des chartes des droits de l'enfant, mais on pense que c'était
une... C'était la commission spéciale sur les droits des enfants.
M. Cliche-Rivard : Exact.
M. Gosselin (Jean Simon) : Alors,
on s'est donc permis d'avoir une originalité puis d'avoir un regard sur les
droits des enfants, pas seulement des enfants de la DPJ.
M. Cliche-Rivard : Bien,
j'entends ce que vous dites. Vous nous appelez à faire une pierre deux coups.
J'espère que le... Je pense que le ministre vous entend bien, et puis on
pourrait boucler la boucle avec une belle charte des droits de l'enfant qui
serait annexée ou peu importe. Je ne sais pas comment on le ferait, mais on va
on veut revenir là-dessus. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. M. le
député des Îles-de-la-Madeleine, on complète cet échange?
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci, messieurs, pour votre présentation et au nom de vos collègues
aussi qui sont absents mais qui signent également le même mémoire, il faut le
comprendre. J'ai comme l'impression que vous et Mme Laurent, vous avez
déjà travaillé ensemble. Vous avez quand même des... des points de vue qui se
ressemblent, c'est-à-dire que l'enfant, sujet de droit... Vous avez travaillé
en commission. Je blague, évidemment, mais je vois un lien entre... et
heureusement d'ailleurs, une cohérence de pensée entre les deux mémoires, le
sujet de droit, évidemment, la question de la correction physique et puis de
l'accréditation des avocats. Je vous remercie particulièrement, là, d'avoir
présenté ce à quoi vous faites référence, à quoi ça pourrait ressembler, là,
les propositions d'ajout au préambule. C'est bien fait. Est-ce que, par
exemple, l'enfant est une personne à part entière dans la société et un sujet de
droit ou l'autre proposition concernant la correction physique... Dans les
discussions que vous aviez eues en commission, est-ce que ça, c'est
suffisamment solide, suffisamment fort pour que ça fasse une différence?
M. Gosselin (Jean Simon) : ...sur
la correction physique, c'est une déclaration de principe parce que c'est... il
y a un article dans le Code criminel qui autorise la correction physique. Il
faut voir que la Cour suprême a vraiment restreint beaucoup en interprétant
des... en donnant beaucoup de limites...
M. Gosselin (Jean Simon) : ...ça.
Mais l'idée, c'est de passer un message, puis qui va être facile, je pense, à
entendre pour les Québécois, les Québécoises, c'est que c'est : on ne
frappe plus les enfants, point final. Mais c'est certain que c'est une
déclaration de nature pédagogique aussi, là, parce que c'est...
l'article 43 du Code criminel est toujours là et crée une défense.
M. Arseneau : D'accord,
merci. Bon, le mécanisme d'accréditation des avocats, effectivement, j'ai bien
aimé l'explication que vous avez donnée sur le fait que l'enfant ne puisse pas
nécessairement donner de mandat, et puis ça peut être assez disparate, et ça,
c'est inquiétant. Donc, la proposition que vous vous faites est excellente, on
aura l'occasion d'en discuter, j'imagine. Pour ce qui est des décès d'enfants,
j'aimerais mieux saisir pourquoi c'est si important pour vous que l'on puisse
avoir des données précises. Parce que j'ai compris que vous vouliez quelque
chose d'assez complet, là, comme... comme travail. Qu'est-ce que vous
soupçonnez? Vous avez fait référence aux opioïdes ou...
M. Gosselin (Jean Simon) : Bien,
on veut un portrait de la situation. On a lu, tout le monde, il y a quelques
jours, dans La Presse, un papa, là, qui a dit : Mon petit garçon, il a
consommé des... On pense que ça n'arrive pas. Bien, peut-être que c'est une
anecdote, cette histoire-là, mais peut-être que, si on... on avait un regard
plus... plus... plus détaillé, il y a peut-être un problème plus important
qu'on pense. Alors, évidemment, si on ne le connaît pas, le problème, c'est
difficile de demander aux autorités publiques d'agir sur un problème qui serait
occulté.
M. Arseneau : Mais est-ce que
vous avez des indications qui auraient effectivement... que ce serait davantage
que des anecdotes?
M. Gosselin (Jean Simon) : Non.
Non, on n'a pas d'indication, mais... On est dans l'ignorance.
M. Arseneau : D'accord.
M. Fortin (Gilles) : On n'a
pas d'indication, mais on n'a pas de donnée. Alors, c'est difficile
d'identifier un problème quand on n'a pas de donnée.
M. Arseneau : Et on pourra
voir les problèmes survenir si on a des données. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Je vous remercie beaucoup, messieurs
Gosselin et Fortin, pour votre présence et votre contribution à nos travaux.
Sur ce, je suspends quelques minutes les
travaux pour permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 34)
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse. Vous aurez 10 minutes pour
votre présentation et par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je
vous cède immédiatement la parole.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je m'appelle
Philippe-André Tessier, je suis le président de la commission et je suis
accompagné de Me Suzanne Arpin, vice-présidente responsable du mandat jeunesse,
M. Samuel Blouin, chercheur, et Me Karina Montminy, conseillère juridique.
Évidemment, tout d'abord, il faut rappeler que la commission assure le respect
et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de
la personne. Elle assure également la protection et le respect de la promotion
des droits qui sont reconnus à l'enfant par la Loi sur la protection de la
jeunesse. D'entrée de jeu, nous tenons à souligner que la commission accueille
favorablement la proposition sous étude.
L'institution d'un commissaire dédié à la
promotion du bien être et du respect des droits des enfants, ainsi qu'à la
protection de l'intérêt de l'enfant constituera une étape charnière dans la
reconnaissance des droits des enfants et des jeunes au Québec. C'est donc avec
beaucoup d'enthousiasme et d'humilité que nous sommes ici pour vous livrer
notre vision de ce que devrait être la mission du commissaire et fournir des
indications quant à la façon dont il devrait exercer ses fonctions et pouvoirs.
Il s'agit également, pour une occasion... pour nous, une occasion de vous faire
part des fonctions et des pouvoirs qui devraient lui être consentis afin qu'il
puisse jouer un rôle d'envergure en faveur de tous les enfants et pour les
jeunes.
Soulignons d'abord que son mandat de
promouvoir le bien être et le respect des droits, c'est pour les quelque 1,7 million
d'enfants et de jeunes du Québec. L'étendue de sa mission découle de la volonté
du Québec de faire du bien être des enfants une préoccupation centrale. Telle
qu'affirmée dans le préambule, la notion de bien être, bien, elle invite à s'intéresser
à la situation des jeunes de façon globale, incluant la satisfaction de leurs
besoins matériels, physiques, éducatifs et affectifs. Selon l'UNICEF, cela
implique également le développement des compétences scolaires et sociales
nécessaires pour s'épanouir. Délibérément large, la notion de bien être au cœur
de la mission du commissaire l'amènerait à avoir une compréhension de l'ensemble
des facteurs qui en... qui affectent la vie des enfants et des jeunes. Ceci
nous apparaît fondamental compte tenu de l'approche préventive dans laquelle s'inscrirait
son action. En cela, il jouerait un rôle unique.
Le commissaire se démarquerait également
par sa compétence à l'égard des jeunes adultes de 18 à 25 ans, dont la
situation a déjà été prise en charge ou qui a fait l'objet d'une mesure de
garde ou de surveillance en vertu de la Loi sur le système de justice pénale
pour adolescents. Cela permettrait de répondre notamment à leurs besoins
spécifiques relativement à la transition à la vie adulte. Ajoutons que le
respect des droits des enfants, que le commissaire aurait aussi pour mission de
promouvoir, est indispensable à l'atteinte de leur bien être. En effet, la
Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré
lié, fournit à cet égard un cadre sur lequel le commissaire pourra s'appuyer
dans l'exercice de ses responsabilités. Elle prévoit en effet les principes qui
doivent guider la mise en œuvre des droits des enfants et énonce plus largement
la responsabilité...
M. Tessier (Philippe-André) : ...des
États qui doivent réunir les conditions nécessaires à leur bien-être.
Dans cet esprit, à l'occasion de la
Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la
jeunesse, la commission Laurent, la commission a fait valoir qu'il était
primordial d'agir en amont du système de protection de la jeunesse pour
prévenir des situations de compromission de droits. Un tel effort en faveur du
bien-être et des droits des enfants mobilise une variété d'acteurs, dont les
réseaux publics d'éducation et de santé, les organismes communautaires, les
fondations, les municipalités, les milieux de recherche, et j'en passe. Leur
collaboration pour agir efficacement en faveur des enfants et des jeunes est
essentielle, c'est pourquoi la commission recommande que le commissaire puisse
coopérer, lorsqu'il l'estime nécessaire, avec toute organisation dédiée à la
promotion, la défense, la protection des droits des enfants. Il serait ainsi en
mesure de jouer un rôle central de pivot dans l'écosystème que forment ces
acteurs. Et je passe la parole à ma collègue.
Mme Arpin (Suzanne) : Alors,
la vision globale qu'aurait le commissaire le placerait par ailleurs dans une
position privilégiée pour s'assurer que la voix des enfants et des jeunes est
mieux entendue sur divers sujets et que leur intérêt est pris en considération
dans les décisions qui les concernent. En plus de ce qui est déjà prévu à cet
égard dans le projet de loi, la commission recommande que le commissaire puisse
favoriser et assurer par tout moyen la participation des enfants et des jeunes
à la vie démocratique. Cela doit passer tant par des actions auprès de ces
derniers pour mieux les outiller que par des actions auprès d'acteurs
gouvernementaux, institutionnels, communautaires et associatifs pour qu'ils
mettent en place des moyens pour favoriser la participation des enfants.
Le commissaire aurait aussi pour
responsabilité d'analyser le bien-être des enfants et de réaliser annuellement
un portrait de cet état. La commission appuie cette proposition. Elle est
d'avis que cet outil permettrait aux acteurs concernés de mieux connaître les
besoins des enfants, cibler leurs actions à leur égard et en évaluer
l'efficacité.
Elle anticipe cependant que le commissaire
ait faire face à un obstacle de taille déjà bien documenté, soit le manque de
données de qualité. Afin de lui permettre de bénéficier des données dont il
aurait besoin, la commission recommande que soit ajouté à ses pouvoirs celui de
conseiller les ministres et organismes publics afin de leur permettre de mettre
en œuvre une collecte de données uniforme et conforme aux droits des enfants.
Elle recommande également que l'état du bien-être présente des données
désagrégées, c'est-à-dire ventilées par motif interdit de discrimination, de
façon à rendre visibles les inégalités entre les enfants.
• (11 h 40) •
Pour compléter ses responsabilités et
renforcer sa mission axée sur la prévention, la commission recommande que le
commissaire puisse jouer un rôle de surveillance de toute proposition de loi,
de politique ou de crédits budgétaires susceptible d'entraîner des
répercussions sur les enfants, l'exercice de leurs droits et de leurs intérêts,
et ce, dès l'étape de leur élaboration. Ailleurs au Canada et à travers le
monde, de tels processus d'évaluation d'impact des décisions sur les enfants existent
et ont fait leurs preuves.
Toujours dans l'objectif de renforcer la
portée des actions du commissaire, la commission recommande également de
prévoir dans le projet de loi un mécanisme de suivi de ses avis et
recommandations. Les instances concernées seraient ainsi tenues de l'informer
des mesures qui ont été prises pour donner suite aux avis et recommandations
leur étant destinées. Dans la version actuelle sous étude du projet de loi, il
n'existe aucun moyen pour les contraindre à lui rendre des comptes. À terme,
cela pourrait mener le commissaire à dresser la liste des recommandations non
suivies et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elles ne l'ont pas été,
dans un rapport qu'il aurait à déposer à l'Assemblée nationale.
La commission ne peut passer sous silence
le mandat qu'aurait le commissaire de soutenir les enfants dans l'exercice de
leurs droits et de les accompagner lorsque nécessaire dans leurs démarches.
Cela participerait à la fois à la pleine reconnaissance de l'enfant comme sujet
de droit et à la réalisation de ses droits, dont celui d'exprimer son opinion
sur toute question l'intéressant. Cette fonction de soutien auprès des enfants
devrait néanmoins s'exercer conformément aux droits et devoirs des parents.
Légalement, ceux-ci sont considérés comme les mieux placés pour déterminer ce
qui est préférable pour leur enfant. Ils doivent le guider dans l'exercice de
ses droits tout en tenant compte de son opinion.
Considérant que la part de l'État consiste
alors à accorder aux parents l'aide appropriée dans l'exercice de...
Mme Arpin (Suzanne) : ...cette
responsabilité. La Commission recommande d'étendre le rôle de soutien du
Commissaire, dans l'exercice des droits de l'enfant, à ses tuteurs.
Enfin, la Commission voit d'un bon œil le
pouvoir d'enquête qu'aurait le commissaire en regard de l'évaluation de la mise
en œuvre des programmes et de la prestation des services destinés aux enfants,
qui relèvent des organismes publics. Ces enquêtes se distingueraient des nôtres
par leur nature et leur finalité, et ce, dans ces deux volets : en
protection de la jeunesse, dans les dossiers de lésion de droit, et en charte,
en matière de discrimination et de harcèlement. Il est entendu que pour mener à
bien l'ensemble de ses fonctions, le commissaire devrait être doté de
ressources conséquentes pour les accomplir.
Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) : En
terminant, la Commission recommande de désigner dans le projet de loi un
ministre responsable pour coordonner la réponse gouvernementale aux constats,
recommandations et avis du Commissaire. Cette responsabilité ministérielle
serait complémentaire au rôle de ce dernier, qui consisterait à veiller à la
cohérence et suffisance de l'action gouvernementale en vue d'assurer le
bien-être et le respect des droits des enfants. Les responsabilités
gouvernementales en matière de prévention, d'intervention et de défense des
droits de l'enfant sont actuellement exercées par différents ministères. La
Commission persiste à croire que l'attribution d'une telle responsabilité
ministérielle ciblée assurerait une meilleure cohérence des actions
gouvernementales au regard des droits qui sont reconnus aux enfants.
En tout dernier lieu, nous tenons à
réitérer et à vous dire à quel point nous... notre volonté de contribuer, par
tous les moyens possibles, à la mise en œuvre de la mission de cet organisme
dédié à la promotion du bien-être des enfants et au respect de leurs droits...
est au cœur de nos priorités. Nous sommes ainsi pleinement disposés à
collaborer avec cette nouvelle institution dans l'objectif commun d'accroître
le respect des droits des enfants et des jeunes au Québec. Nous vous remercions
de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Me Tessier et Me
Arpin, pour votre présentation. Nous allons débuter cet échange avec M. le
ministre.
M. Carmant : Merci beaucoup,
M. le Président. Maître Tessier, Maître Arpin, aux gens qui vous accompagnent,
bonjour. J'aime beaucoup lire, et vous m'avez donné de la lecture.
La première question, celle qui vient tout
de suite à la tête, c'est vos points à la fin, c'est : Comment
envisagez-vous une collaboration ou comment... Parce que nous, notre enjeu, ça
va être de bien positionner ce commissaire pour qu'il ait une vue globale et...
de l'enfance. Comment vous, vous voyez votre collaboration avec ce
commissaire-là? Surtout qu'on a parlé auparavant, là, d'enjeux au niveau des
rôles de chacun.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci
pour la question. Alors, M. le Président, il est essentiel de bien comprendre
que lorsqu'on parle des droits des enfants, on parle d'un rôle et de
responsabilités qui sont distribués à travers l'ensemble de l'écosystème. Je
dis bien «gouvernemental», puis ça, c'est une des propositions qu'on vous fait.
Oui, les organismes publics ont leur rôle à jouer puis ils sont au cœur de
l'action puis de la réponse de l'État du Québec, mais il ne faut pas
sous-estimer l'apport, et c'est ce que le rapport Laurent disait.... la
commission Laurent disait aussi, l'apport des organismes communautaires,
l'apport aussi de tous les organismes qui ont comme objectif, les instituts
universitaires, les fondations, etc., j'en passe, qui, autour de l'enfant, vont
venir placer cette... ce rôle-là, de prévention, vont venir placer cette
vision-là de tous les enfants. Et le commissaire, lui, va être vraiment au
centre et va pouvoir avoir cette vision-là d'ensemble et coordonner avec comme
seul objectif quelles sont les différentes pratiques, quelles sont les
différentes politiques, quelles sont les différentes actions mises de part et
d'autre, tant gouvernementales, au niveau, comme je le disais, là, des
organismes non gouvernementaux. Donc, vraiment d'avoir cette vision large là,
mais de pouvoir après ça faire des recommandations, donc, sur une base
annuelle, dresser ce portrait-là, de l'enfance, mais alimenté par l'ensemble
des travaux de tous ces organismes-là, évidemment, dont le nôtre. Mais
absolument pas... nous ne sommes pas absolument pas le seul. Il y en a
plusieurs autres.
M. Carmant : Mais je voulais
justement le regarder d'une façon plus spécifique par rapport à votre
organisation.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
par rapport à notre organisation, assurément qu'une des questions qui pourra
être regardées, c'est quelles sont les recommandations que nous avons
nous-mêmes émises ou quels sont les dossiers que nous avons même mis de
l'avant. Par exemple, que ça soit... ma collègue y a fait référence, que ça
soit en vertu de nos mandats sous la charte en matière de discrimination et
harcèlement, ça peut être, par exemple, les questions d'inclusion scolaire,
O.K.? Donc, au Québec, les enfants HDAA, c'est une problématique bien
documentée, nous avons d'ailleurs fait un colloque l'automne dernier sur la
question, en collaboration avec le Conseil supérieur de l'éducation, le
Protecteur national de l'élève et le Protecteur du citoyen, donc, cet
exercice-là... Puis évidemment, plein d'organismes non gouvernementaux. Donc,
ces exercices-là, que l'on fait, bien, on les fait déjà, mais là, on va avoir
quelqu'un qui va pouvoir venir jouer... justement, jouer ce rôle-là...
M. Tessier (Philippe-André) : ...la
coordination de tous ces acteurs-là, éviter le travail en silo, s'assurer que
tous ces documents-là, tous ces travaux-là sont repris. Puis il y a cette
vision-là cohérente pour les droits des enfants au Québec.
M. Carmant : Parfait. Merci.
Bon, la grande recommandation, je pense, qui sort du rapport, là qui... de ma
position, c'est la création d'un ministre responsable des enfants. Pouvez-vous
en dire plus? Est-ce que ça a déjà existé? Est-ce que...
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
effectivement, la responsabilité a déjà été attribuée au niveau... donc,
lorsqu'on regarde puis, dans notre long mémoire, comme vous l'évoqué, on a fait
une ligne du temps pour faciliter un peu l'exercice, ce regard-là. On a voulu
faire ce survol historique là pour bien comprendre où on est rendu au Québec.
Et donc, en 1997, en 2004, il y a des politiques gouvernementales très
importantes qui sont venues placer dans les politiques familiales, on est passé
de politiques natalistes, des politiques où le droit et l'intérêt de l'enfant
est au cœur de ces politiques-là, le Québec fou de ses enfants, etc. Donc, tout
ce qui a découlé de ça, on est venu les placer. Et, à ce moment-là, ce qu'on a
eu, bien, c'est qu'on a eu des organismes qui sont venus chapeauter puis suivre
ces différentes politiques là, superviser ces différentes politiques là.
Donc, pour nous, c'est sûr et certain que
toute cette trame historique là, factuelle, il faut en tenir compte aujourd'hui
lorsqu'on vient réfléchir à comment on vient placer les rôles et
responsabilités de cet organisme-là dans l'écosystème actuel québécois.
M. Carmant : Mais nous, on
l'avait positionné comme sous santé et services sociaux, mais si on parle
vraiment de quelqu'un de responsable des enfants, ce ne serait pas plus
familles et enfants ou... Est-ce que vous avez une vision par rapport à ça?
M. Tessier (Philippe-André) : Pour
ce qui est de... Ça, quant à nous, ça, c'est peut-être... c'est une prérogative
gouvernementale d'attribuer le portefeuille. Ce qu'on veut juste dire, c'est de
bien distinguer les missions que la mission de l'éducation, la mission de la
protection de la jeunesse, la mission... donc, peu importe, on peut faire le
tour ensemble. L'idée, c'est qu'il y ait donc un titulaire parce que, quand on
regarde la logique puis l'architecture du rapport de la commission spéciale, de
la commission Laurent, on a voulu avoir ce rapport-là indépendant, donc, qui
relève de l'Assemblée nationale, tout comme le Protecteur du citoyen, le PCQ
qui fait cette reddition de comptes là.
Donc, s'il fait une reddition de comptes à
l'Assemblée, aux parlementaires, bien, il faut, donc au législatif, il faut que
l'Exécutif, il y ait quelqu'un qui soit le responsable, pas d'avoir 10
responsables. Si on veut avoir une vision cohérente avec un agent indépendant
du Parlement de l'Assemblée nationale, bien, à ce moment-là, il faut avoir la
responsabilité correspondante. C'est un peu la logique qu'on vous propose dans
notre mémoire.
M. Carmant : D'accord. Un
peu surpris aussi de votre inquiétude quant au suivi. Donc... On était très
fiers de dire faut que ce soit déposé à l'Assemblée nationale avec tous les
parlementaires qui suivent les dossiers, pourquoi avez-vous une inquiétude sur
le suivi des recommandations? Puis comment s'assurer que ce suivi soit fait
selon vous?
• (11 h 50) •
M. Tessier (Philippe-André) : Je
pense que, pour nous, ce qui est important, puis je regarde juste mes
collègues, là, mais simplement pour vous dire, pour nous, ce qui est important,
c'est que lorsqu'on regarde ce genre de poste là, puis vous parlez du
positionnement, là... pardon, M. le Président, le ministre parle du
positionnement dans le rôle, un des rôles importants, ça va être justement
cette reddition de comptes là aux parlementaires. Mais, pour ce faire, il faut
créer un espace. Donc, lorsque le Protecteur du citoyen, lorsque le
Vérificateur général émettent leur rapport, il y a des obligations de
commissions parlementaires de se saisir de ces rapports-là, de faire des suivis
appropriés. Lorsque les recommandations ne sont pas suivies, ils ont des
pouvoirs afférents à ça.
Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que :
Si ce qu'on veut, c'est avoir véritablement ce rôle-là puis donner les pouvoirs
nécessaires pour jouer ce rôle-là, donc, donner le pouvoir aux parlementaires
de jouer ce rôle-là, bien, il faut l'écrire de façon explicite dans le projet
de loi, un peu par analogie, ce qui se fait dans la Loi sur le Protecteur du
citoyen ou la Loi sur le Vérificateur général du Québec.
M. Carmant : D'accord. Merci.
Il y avait un enjeu sur les données, vous savez, comme notre gouvernement aussi
a de l'intérêt pour avoir les bonnes données, vous aviez mentionné qu'à l'article
8 «il faudrait conseiller les ministres, ministères et organismes publics pour
une collecte de données uniformes et conformes aux principes inscrits dans la
Convention relative aux droits de l'enfant. Pouvez-vous m'expliquer un peu
plus? Moi je vous donnais un exemple, par exemple, pendant la pandémie, on a eu
beaucoup de difficultés à avoir des données, là, qui, selon les différents
sous-groupes, comment vous verriez ça s'appliquer pour les jeunes?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
essentiellement, ce qui existe, puis je pense que nous-mêmes, on fait, comme
commission, qui a analysé les politiques et les pratiques gouvernementales, des
fois, on fait... on fait ce même constat là que j'entends, donc la donnée ne va
pas être nécessairement disponible. Et donc c'est pour ça que ça ne veut pas
nécessairement dire qu'elle n'est pas toujours collectée, elle n'est peut-être
pas rapatriée, elle n'est peut-être pas organisée, mais il y a aussi de la
donnée qui n'est pas collectée, et donc... Et il y a des institutions.
M. Tessier (Philippe-André) : ...par
exemple, l'Institut de la statistique du Québec. Il y a d'autres sources
statistiques sur lesquelles on peut s'appuyer, évidemment. Statistique Canada,
aussi, qui fournit quand même beaucoup de données pour la situation au Québec
sur toutes sortes de matières. Mais évidemment, si le commissaire, un de ses
rôles, c'est de donner et de dresser un portrait juste et fidèle de l'état de
l'enfance au Québec, bien, encore faut-il qu'il puisse s'appuyer sur des bonnes
données, des données à jour. Et si lui, bien, il constate qu'il manque telle
donnée, bien, pas nécessairement obligé que, lui, collecte la donnée, mais il
faut qu'il puisse collaborer avec l'INESSS, avec peu importe, là, nommez
l'organisme que vous voulez, le ministère de l'Éducation, etc., pour
dire : Bien, moi, j'aurais besoin de telles données pour pouvoir avoir un
portrait juste de la situation. Donc, évidemment, lui, il va avoir ce rôle-là,
fédérateur, donc, d'agrégateur de ces données-là, toujours dans l'intérêt de
l'enfant.
M. Carmant : Et toujours en
collaboration avec les autres...
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
forcément, parce qu'encore là ça serait... là faire double emploi, de lui
dire : Collecte une donnée qui est déjà collectée ailleurs. Toi, ta
responsabilité, encore là, c'est d'être le pivot, c'est d'être au centre, puis
de faire travailler les acteurs autour de lui en disant : Moi, j'ai besoin
de ça, moi, j'ai besoin de ça, moi, j'ai besoin de ça, pour accomplir ma
mission qui est de produire ce rapport-là aux parlementaires. Et, quand le VG
rentre chez quelqu'un ou le protecteur, l'organisme lui fournit les
informations, parce qu'il sait qu'il va y avoir un rapport à l'Assemblée
nationale, puis que les parlementaires vont s'en saisir. C'est ça, le pouvoir
du commissaire. Il s'appuie sur le... il s'appuie sur l'Assemblée nationale,
son autorité, c'est un deux tiers, elle vient de vous, Mmes et MM. les députés,
puis, à ce moment-là, quand il y a cette reddition de comptes là, bien, vous
pouvez le questionner, interpeller, évidemment, le gouvernement, l'exécutif.
M. Carmant : Exact. C'est
clair. Juste question, un petit détail, là, vous avez mentionné sur le rôle
dans les politiques gouvernementales, puis nous, à la... à l'article cinq,
alinéa trois, on parle d'analyser les impacts des politiques gouvernementales
sur le bien être des enfants. Qu'est-ce qu'il y a de plus à dire pour raffiner
le rôle du commissaire? Est-ce que c'était...
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, essentiellement, c'est parce que... ce qui arrive, c'est que ce rôle-là,
c'est un rôle qui est... évidemment, puis nous, la commission, on est
privilégiés, on a quand même des contacts avec l'ensemble de ce genre
d'organismes à travers le Canada. Et donc, ça aussi, on le voit. Bon, comme je
vous parlais dans... on parlait dans notre discours d'introduction, les
principes de l'UNICEF, comment on vient un peu faire ces «Child Rights Impact
Assessments», je m'excuse, j'ai l'acronyme en anglais, parce que c'est avec nos
collègues du reste du Canada. Puis, bon, ça se passe souvent en anglais, je
n'ai pas besoin de vous le dire. Donc, ces CRIA là, donc ces... toutes ces
méthodes-là, elles existent ailleurs, dans d'autres provinces, dans d'autres
pays. Donc, c'est quelque chose qui est bien documenté, mais encore là, il faut
que cet exercice-là, il soit robuste.
Nous, ce qu'on vous dit, en gros, le
message, là, ce qu'on veut, c'est : Oui, l'idée est là, la... il faut
juste donner cette robustesse-là pour que ce mécanisme là, il produise
pleinement ces effets-là, puis qu'il y ait ces suivis-là qui soient mis dans le
projet de loi. Donc, vraiment, ce n'est pas... l'idée est là, là, on en
convient, là, l'intention est là. Peut-être juste l'intention du législateur,
peut-être qu'elle soit encore un peu plus précisée, puis c'est un peu ça, le
sens de notre recommandation.
M. Carmant : D'accord. Je
passerais la parole, M. le Président, à la députée de Laporte.
Le Président (M. Provençal)
:...députée de Laporte.
Mme Poulet : ...merci, M. le
Président. Merci... de votre participation. Pouvez-vous nous parler des droits
économiques et sociaux et aussi, peut-être, le patrimoine des enfants, qui
devrait faire l'objet d'une veille particulière de la part du commissaire?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
assurément, lorsqu'on dit que le commissaire, un de ses... une de ses
responsabilités, ça va être de travailler en amont, hein, des violations de
droits, donc travailler sur le bien-être, on l'a bien... Ça, ça a été bien
décrit, puis bien défini encore une fois. Ce qu'on veut... ce qu'on veut... ce
sur quoi on veut insister, c'est que ces droits-là économiques et sociaux,
bien, c'est quoi? Bien, c'est le droit à un logement, le droit à un revenu
suffisant, le droit à l'éducation, le droit à l'information. Dans la Charte
québécoise des droits et libertés, il existe des droits économiques et sociaux.
La Charte québécoise est d'ailleurs unique au Canada. C'est la seule... c'est
la seule loi de ce type-là au Canada qui contient ces droits économiques là. Et
donc, simplement pour dire qu'on peut prendre appui sur ces éléments-là pour
avoir cette... cette veille-là, puis que, donc, on est capable, déjà, de se
baser sur des éléments existants par rapport à ça.
Puis l'autre chose qu'il ne faut pas
oublier, c'est qu'il y a un ensemble de lois plus particulières puis plus
spécifiques qui font... qui mettent en œuvre ces différents droits là. Le droit
à l'éducation, bien, c'est la loi sur l'instruction publique. Donc, c'est sûr
et certain qu'encore une fois le commissaire, lorsqu'il va avoir sa vision
d'ensemble, il ne va pas venir dédoubler le travail qui va être fait par les
institutions, mais il va prendre les rapports. Le Protecteur national de
l'élève va faire des constats, va faire des rapports. Le commissaire pourra
prendre ces... ces outils-là, s'alimenter de ces travaux-là pour, lui, faire
ses constats, après ça, par la suite, en toute indépendance.
Mme Poulet : O.K., merci.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Bonjour.
Merci... dans votre mémoire, vous formulez tout l'aspect de collaboration.
Donc, ma question va comme suit : Que diriez-vous d'obliger dans le fond
la...
Mme Dorismond : ...collaboration
avec des organismes publics?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
écoutez, c'est sûr et certain que, pour nous, je pense que le projet de loi a
déjà cette volonté-là. Je pense que l'Assemblée nationale se prononce... ne
parle pas pour ne rien dire. Lorsqu'elle institue ce genre de commissaire là
puis qu'elle dit qu'il a pour mandat de collaborer puis de coopérer, c'est de
la responsabilité des organismes de le faire, puis c'est pour ça qu'on vous a
assuré... puis on... je vous le redis, nous, on comprend très bien l'intention
du législateur puis on va collaborer puis coopérer.
Maintenant, ce qu'il faut comprendre
aussi, c'est que tout ça, bien, ça se fait par, souvent, des mécanismes
d'ententes, ça se fait par des... il y a des mécanismes plus formels de
collaboration qui s'installent. Et donc un des gros premiers mandats... il va y
en avoir plusieurs, mais un des premiers mandats de ce commissaire-là va
être... de venir placer comment va s'exercer cette collaboration-là, à travers
quel forum, quel canal, quelles ententes il va vouloir prendre avec les
organismes. Tout ça, ça va être un bon travail à mettre de l'avant, disons,
dans les premiers mois de son mandat.
Mme Dorismond : Parfait.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:...M. le ministre? Non, ça va?
M. Carmant : Parfait. Je
voulais vous parler peut-être un peu aussi de... tu sais, on a pris la
décision, encore une fois, là, de garder les choses... de garder la commission
des droits de la personne, droit de la jeunesse avec toutes ses fonctions. Pour
moi, c'est quelque chose, là, qui permet d'avoir le commissaire plus en amont
et d'avoir une vision plus globale de la jeunesse. Avez-vous des commentaires
là-dessus par rapport à ça?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien
oui, simplement pour réitérer le fait que, nous, notre rôle... et puis notre
expertise, elle est spécifique, elle est très précise, elle est... donc en
matière de lésion de droit, lorsqu'on regarde la Loi sur la protection de la
jeunesse. Et évidemment, je le redis, les enquêtes que nous allons faire,
les... ça va être des éléments sur lesquels on va collaborer avec le
commissaire pour lui fournir ces résultats-là puis lui pourra... encore là, ça
va être vrai pour nous et, je l'espère, pour l'ensemble des autres acteurs,
comme je le dis, pas juste gouvernementaux, donc il va pouvoir s'alimenter de
ça pour faire les constats qu'il aura à faire. Mais les deux missions vont être
différentes, ils vont être complémentaires.
Je vais vous donner un exemple. La
question de l'utilisation des temps d'écran chez les enfants, présentement
c'est une grande préoccupation. J'ai entendu, là, la question des... de la
toxicomanie. Bien, la... les... nos collègues des autres provinces, bien, ils
font des rapports sur la toxicomanie chez les jeunes, ses impacts, les impacts,
qu'est-ce que ça veut dire pour les organismes gouvernementaux, pour faire ce
genre de recommandations là. Il ne s'agit pas ici de strictes questions de
lésion de droit sur lesquelles on va enquêter. L'utilisation de temps d'écran,
ce n'est pas un motif de compromission à la LPJ, en tout cas pas encore.
• (12 heures) •
Alors, je fais juste dire que ça, bien,
c'est sûr et certain que ce n'est pas une enquête en lésion de droit, mais
est-ce que le commissaire, lui, va pouvoir regarder ce que... ce que l'INESSS
fait là-dessus, l'INSPQ, peu importe, il va... il va avoir tout l'écosystème,
il va pouvoir voir qu'est-ce qui se dit, qu'est-ce qui s'écrit. Évidemment, il
va peut-être travailler avec le ministère de l'Éducation, il y a des nouvelles
politiques qui sont mises en place. Donc, lui, il va pouvoir jouer ce rôle-là
puis, en fonction de la priorité qu'il va pouvoir dégager, bien, il va pouvoir
faire ces constats-là, mais qui ne seront pas une enquête en discrimination et
harcèlement qui mène au tribunal ou une enquête en lésion de droit dans
laquelle on va prendre... il va y avoir peut-être des engagements de la DPJ par
rapport à un enfant en particulier. Mais évidemment nous, on lui fournira ces
données-là, comme elles sont déjà d'ailleurs publiques, là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre. Le
temps est terminé.
M. Carmant : Merci beaucoup.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci.
M. Carmant : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je vais maintenant céder la
parole à la députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, maître Tessier, que je connais.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bonjour.
Mme Garceau : On était au
même... même bureau. Merci d'être ici. C'est très apprécié. Je vais aller au
cœur du sujet parce que je vois que je n'ai pas beaucoup de temps, M. le
Président. Donc, en ce qui a trait... parce qu'on va se le dire, les
critiques... face au rôle, vos responsabilités, de la façon que vous agissez
concernant la protection des enfants, il y a eu plusieurs critiques en termes
de manque de proactivité concernant la protection des droits des enfants. Et
évidemment on a, dans le rapport de la commission Laurent, cette recommandation
que tous les pouvoirs et responsabilités de la CDPDJ soient transférés au
commissaire. Et donc je comprends, là, que vous voyez, compte tenu de qu'est-ce
qui a été déposé en termes du projet de loi... que vous voyez vos rôles étant
complémentaires, c'est ça?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Mme Garceau : O.K. Mais vous
le voyez également de façon... le côté plus préventif, le côté où... concernant
les mesures préventives, que ça, ça va être plus le rôle du commissaire à agir
dans ces...
12 h (version non révisée)
Mme Garceau : ...est-ce que je
comprends bien?
M. Tessier (Philippe-André) : Tout
à fait. Bien, le commissaire va avoir un mandat aussi qui est fondamental, c'est
de porter la voix des enfants. On l'a comme... je n'ai pas eu beaucoup de questions
là-dessus, mais je le précise, il ne faut pas sous-estimer ce mandat-là. On a
fait d'ailleurs des recommandations par rapport à ça. Il faut comprendre encore
une fois qu'il y avait des institutions au Québec qui existaient, qui ont été
abolies, puis, bon, la nature a horreur du vide, donc là, on vient recréer
quelqu'un qui va porter la voix des enfants au Québec. Il y avait le Conseil
permanent de la jeunesse qui existait jusqu'en 2011 puis il y avait le Conseil
de la famille et l'enfance qui existait jusqu'en 2011... ont été abolis. Donc,
c'est sûr et certain que, là, ce qu'on vient... ce qu'on constate, le Conseil
de la famille et de l'enfance avait, dans les politiques gouvernementales dont
on a parlé plus tôt, 1997-2004, avait ce rôle là de coordination et le Conseil
permanent de la jeunesse avait le rôle de porter la voix des jeunes au Québec.
Donc, on est venu abolir ces instances-là en 2011. Mais là, évidemment, on se
rend compte que, oups, bien, on n'a pas personne qui porte la voix des enfants
au Québec, ce serait peut-être bon qu'on en ait une, puis on n'a pas personne
qui fait des avis au gouvernement puis à l'Assemblée nationale sur les
politiques familiales, sur les politiques de l'enfance au Québec, ça serait
peut être bon qu'on en ait. Donc, ça aussi, pour nous... C'est pour ça qu'on a
fait, pour le bénéfice de la commission parlementaire, la ligne du temps, qu'on
a mis en annexe, c'était pour que... dans un seul regard visuel, puis pour les
gens qui veulent consulter notre mémoire, donc on voie un peu.
L'autre chose aussi qui est importante de
se rappeler, c'est que, depuis récemment, le p.l. n° 15,
justement, on a recréé la position de DNPJ, donc de directrice nationale de
protection de la jeunesse, qui était une des premières recommandations de la
commission Laurent. Pourquoi? Parce que l'ACJQ, l'Association des centres
jeunesse, qui jouait ce rôle-là de coordination clinique, avait été abolie en
2015. Donc, ce qu'on est venu faire en créant la DNPJ, c'est combler le vide
laissé par l'absence de l'ACJQ, puis ça, c'est une des premières
recommandations de la commission Laurent, comme vous le savez.
Donc, quand on regarde tous ces éléments-là,
porter la voix de l'enfant, pour nous, c'est essentiel dans notre mémoire, on
le dit, je pense qu'on ne sera pas le seul acteur, en commission parlementaire,
à le dire, donc de jouer ce rôle-là puis d'avoir une réelle consultation. Parce
qu'encore là, les principes de droit international auquel on fait référence, ce
qu'on veut, ce n'est pas juste la consultation d'enfants, là, ce n'est pas :
On paie une pizza, on les rencontre un 5 à 7, et tout. Non, il faut avoir des
outils pour faire une véritable participation des enfants pour que quand le
commissaire prend des positions, il se nourrisse, il s'appuie sur un véritable
comité consultatif composé d'enfants qui vont aider après ça des orientations
gouvernementales, donc qui vont porter la voix des enfants. Puis ça, je vous le
dis, c'est un mandat... Pour nous, là, c'est un mandat fondamental que personne
d'autre ne joue présentement dans l'écosystème québécois. Il va être unique en
ce sens là.
Mme Garceau : Je vous réfère
à la page 15 de votre mémoire. Vous avez mentionné : Au terme de cet
historique — parce que vous avez fait un historique étoffé au niveau
de la commission — force est de constater que plusieurs acteurs, dont
la commission, veillent à la protection des droits des enfants pris en charge
par l'État. Or, aucun d'eux n'est dédié à la promotion du bien être et du
respect de tous les droits de tous les enfants, de la petite enfance à l'âge
adulte, dans tous les aspects de leur vie. C'est ce qui a poussé la CSDEPJ à
recommander la création du commissaire.
M. Tessier (Philippe-André) : Tout
à fait.
Mme Garceau : Mais en vertu
de la charte... en vertu de la charte, des articles, la Charte des droits de la
personne, 71 et 73, ça parle spécifiquement du rôle de la CSDEPJ en matière de
protection de l'intérêt de l'enfant, de la promotion des droits et des enfants
et de la personne. Vous avez ce rôle-là.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
tout à fait. Mais comme on le dit bien, ce n'est pas la mission exclusive de
notre organisation. Maintenant, l'enfant est une personne, et donc, par exemple,
nous, ce qu'on va avoir dans nos missions fondamentales en matière de
discrimination et de harcèlement, je vous donne l'exemple de l'inclusion
scolaire tout à l'heure, on a fait, par exemple, beaucoup de dossiers de
profilage racial chez les jeunes. Bien, on va faire ces travaux-là, puis on
espère que ces travaux-là vont alimenter le commissaire, lui, lorsqu'il va
faire son état annuel de l'enfance. Il va tenir compte de ces motifs-là de discrimination
interdite, il va tenir compte des problématiques des enfants racisés lorsqu'ils
sont interpellés par les autorités policières. On va espérer qu'il va tenir
compte du fait que les élèves HDA ont des problématiques d'inclusion scolaire
dans le réseau scolaire. Puis on espère qu'il va prendre appui sur nos travaux,
mais, évidemment, 71, 73 auxquels vous faites référence, mais aussi nos
pouvoirs d'enquête. Nous, ces pouvoirs là, ultimement, on l'utilise. Pourquoi?
C'est pour les amener au tribunal, c'est pour les plaider devant les tribunaux.
Et ça, ça va être aussi une fonction extrêmement différente.
Nous, dans nos enquêtes, on est neutre,
impartial. L'équité procédurale nous y oblige parce que lorsque l'on prend une
décision de suffisance de preuve, il faut qu'on l'ait fait de façon impartiale
pour, par la suite, pouvoir plaider le dossier. Et donc, ça aussi, bien, pour
nous, ça, ça va être... c'est au cœur, puis on va continuer à jouer ce rôle-là,
puis on va être juste bien contents que quelqu'un, justement, va pouvoir
regarder sans avoir à se limiter à ces questions-là de discrimination,
harcèlement ou lésion de droits et qui va pouvoir avoir ce regard-là plus
général, O.K., qui va être vraiment... Donc la question, par exemple, je vous
donnais... question des temps d'écran. Là, exemple, j'essaie de vous donner des
exemples pour bien comprendre. Nos collègues des autres provinces, là, qu'est
ce qu'ils font là? Bien, c'est ça, ils font des Child Rights Impact Assessment.
Ce qu'ils font, ce qu'ils vont faire des études sur la toxicomanie. Ce qu'ils
vont faire, c'est qu'ils vont regarder un peu les décès d'enfants, c'est quoi
les... qu'est ce qui se passe avec les décès d'enfants? Pourquoi on a... J'entendais
l'exemple, là, pourquoi il y a eu...
M. Tessier (Philippe-André) : ...décès
d'opioïdes. Il y a eu ça en Alberta récemment. Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est
passé? Là, ils vont regarder une tendance puis ils vont : Woup, on vient
d'attraper quelque chose, il y a peut-être quelque chose qu'on peut faire avec
ça, aviser les autorités gouvernementales. Mais ça, ce n'est pas de la
discrimination, du harcèlement, ce n'est pas une lésion de droit, c'est des
constats plus généraux qui sont dans l'intérêt de l'enfant que le commissaire
va faire. Il va avoir en masse d'ouvrage, je vous en assure, juste à faire ça. Quand
je parle à mes collègues des autres provinces, je peux vous assurer qu'eux
aussi sont débordés.
Mme Garceau : Il y a une
décision qui a été prise par... je veux juste m'assurer que j'ai bien compris,
par la CDPDJ concernant la non-intervention de la commission devant les
tribunaux en cas de lésion de droit.
M. Tessier (Philippe-André) : Absolument.
Non, il n'y a pas de décision de mon intervention. Ce qu'on a comme pouvoir, en
vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est un pouvoir
d'intervention, oui, dans des dossiers de lésion de droit.
Lorsque la lésion est reconnue par les
parties, nommément la DPJ, bien, on va cesser d'agir. On a une reconnaissance,
on a un engagement. Par exemple, le cas le plus fréquent chez nous, c'est le
droit de communiquer. La LPJ prévoit le droit de communiquer de l'enfant avec
ses parents ou ses grands-parents. La DPJ a empêché l'enfant de parler avec son
grand-parent, ils font... ils se disent : Comment ça? Ils nous appellent :
Ils ont empêché de parler avec le grand-parent. Nous, on appelle :
Pourquoi il n'a pas empêché? Ils disent : Ah, on s'excuse, c'est une
erreur, l'intervenante ne le savait pas. On prend un engagement, on arrête.
Puis le droit de communiquer revient. On ne saisit pas le tribunal là-dedans,
on fait une entente, c'est une méthode alternative de résolution de conflit,
tout le... toute la justice au Québec, d'ailleurs dans le monde, tout le monde
travaille là-dessus.
L'avantage de notre commission, c'est
qu'on est une entité administrative, donc ce qu'on peut faire, on peut avoir la
souplesse d'une enquête administrative pour trouver des solutions plus rapides,
plus efficaces. Cela dit, quand il faut saisir le tribunal, on y va. Puis
présentement, je le dis, en mars, la commission est devant la Cour suprême du
Canada sur l'interprétation à donner à l'article 91 in fine de la Loi sur
la protection de la jeunesse contre un CIUSSS et le procureur général du
Québec. Nous aussi, en toute indépendance, nous sommes nommés aux deux tiers,
il arrive avec égard que nous soyons en désaccord avec l'interprétation donnée
par les DPJ et le procureur général du Québec d'une loi. Et ça, bien, à ce
moment-là, on se disait les tribunaux puis ça, on ne se gêne pas pour le faire,
juste qu'à la Cour suprême du Canada.
J'entendais la question de la fessée tout
à l'heure. La commission est intervenue en Cour suprême dans ce dossier-là pour
interdire la fessée. Malheureusement, la Cour suprême a dit que c'était
raisonnable en vertu de, un, là, du test de... mais la position de la
commission, puis ça demeure la position, puis mes collègues des autres
provinces, Suzanne est bien placée pour le savoir, on en parle encore
constamment de cette question-là, quels sont les leviers, quels sont les moyens
qu'on peut prendre? Parce qu'on a essayé la voie judiciaire, puis, bon, la Cour
suprême a dit non, ça fait qu'il n'y a pas vraiment d'autre appel de ça.
Maintenant, on essaie d'autres façons pour voir comment on peut. Donc, sur
p.l. 2, on est intervenus favorablement aux mesures qu'il y avait dans
p.l. 2, droit de la famille qui sont venus... le ministre y a fait
référence plus tôt ce matin. C'est sûr et certain que nous, là, on le
dit : Interdire les corrections, c'est une position de la commission. Puis,
tant mieux, le commissaire pourra nous appuyer, puis peut-être qu'on finira
avec les collègues des autres provinces à convaincre Ottawa d'abroger 43 du
CCR, mais à suivre.
• (12 h 10) •
Mme Garceau : À suivre,
exactement. Je voulais savoir, depuis le dépôt du rapport de la commission
Laurent, là, le 3 mai 2021, est-ce que la commission a intégré, est-ce
qu'il y a eu une mise en oeuvre des... de certaines recommandations?
Le Président (M. Provençal)
:Même si le temps est écoulé, je
voudrais avoir la réponse, s'il vous plaît.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
oui, tout à fait. C'est sûr et certain que nous, on a intégré, on a fait
certaines recommandations, on continue. On travaille constamment avec les
différentes autorités pour bonifier aussi certains éléments qui ont été mis de
l'avant, l'intérêt de l'enfant, comment on l'évalue mieux, les outils
cliniques, on fait ces suivis-là, on est avec... justement, avec la directrice
nationale de la protection de la jeunesse également, on a ces échanges-là pour
s'assurer que la mise en oeuvre de ces éléments-là sont faits.
Puis je fais juste vous dire aussi que la
commission, là, nous, là, nos augmentations de lésions de droit, on a adopté
des orientations en matière jeunesse à la commission, qui sont publiques, elles
sont sur notre site Web. Ma collègue est en train de faire une tournée de tous
les districts judiciaires du Québec pour présenter ces orientations-là et
qu'elles soient bien comprises par les intervenants judiciaires parce que,
justement, pour faire échec à l'incompréhension comme quoi qu'on n'intervient
plus dans des dossiers jeunesse, ce qui est absolument faux. C'est juste qu'on
a un rôle, lorsqu'on règle un dossier, bien, on n'intervient plus, le dossier
est réglé. Je n'amène pas un dossier réglé au tribunal, ça serait une mauvaise
utilisation des fonds publics. Mais ça, il a fallu faire un tour de tout le
Québec pour être bien sûr que tout le monde comprenne bien, puis que les gens,
les avocates en DPJ, lorsqu'ils voient des situations de lésion qu'ils nous les
signalent pour qu'on puisse les regarder puis évaluer, à ce moment-là, au cas
par cas, c'est quoi le rôle et l'intervention qu'on peut faire?
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Je vais céder maintenant
la parole au député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup pour votre excellente présentation. Je viens à votre
recommandation 5 sur l'élaboration ou le rôle de conseil dans
l'élaboration des mesures prévues par loi ou par règlement. Puis je vous pose
la question, face à ce que vous soumettez, là, ou face à ce qu'on soumet
comme... comme nécessité de préserver l'indépendance dudit commissaire, je me
demande, puis j'aimerais ça vous entendre sur si son rôle ne serait pas plutôt
comme le vôtre aujourd'hui ici, de venir...
M. Cliche-Rivard : ...de
venir présenter, une fois le texte élaboré, vos recommandations de propositions
plutôt que de jouer un rôle en amont où finalement la perspective ou la vision
de l'indépendance pourraient être compromises si le commissaire participe en
amont à la rédaction ou à la proposition législative?
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
une excellente question. Cela dit, la dépendance, ça ne tient pas qu'à une
seule... il y a plusieurs éléments constitutifs de cette indépendance-là :
le processus de domination, les budgets, comment ça fonctionne et tout, et
tout.
Nous, ce qu'on propose avec cet
élément-là, et puis c'est quelque chose qui est qui est fait ailleurs, puis
qu'on trouve extrêmement intéressant, et c'est pour ça qu'on le présente dans
le projet, c'est le fait que justement, comme cette commission... ce
commissaire-là, il va avoir un mandat préventif. Bien, lorsqu'il est informé de
différents suivis de projets gouvernementaux, mais il est capable de faire un
addenda, là, puis dire : Écoutez, woup! ici, impacts sur les droits de
l'enfant, comme l'OPHQ va le faire : Ah! impact personne handicapée, comme
on peut le faire en, droit de l'environnement : Woup! impact environnemental.
Donc l'idée là, c'est que lorsqu'il y a ces processus-là à l'intérieur de
l'État, il y ait, c'est une note, là, accrochées, pour dire : Attention,
ici, impacts, droits de l'enfant.
L'exemple que je peux vous donner, très
récent, notre collègue de Colombie-Britannique vient de sortir un rapport, la
défenseure... bon, l'équivalent de la commissaire, là, ils ont tous des noms
différents d'une province à l'autre, je vous le dis tout de suite. Donc, en
Colombie-Britannique, ils ont regardé les affectations budgétaires, et ce
qu'ils ont réalisé, c'est qu'en gros, il y avait des budgets pour certains
droits... pour certains projets d'enfants qui n'avaient pas été utilisés pour
ça puis qui avaient été un peu détournés. Donc, ils se sont retrouvés à attraper
ça. Pourquoi? Parce qu'ils étaient à même de constater qu'est ce qu'il se
passe.
M. Cliche-Rivard : Mais moi,
je voudrais seulement m'assurer comme législateur, justement, que ces notes-là
se rendre jusqu'à nous. Et c'est là où, dans le simple volet d'élaboration, où
ça, c'est peut être une nuance que moi, je porte, ça serait important que pour
nous, on sache ce qui a été recommandé ou les drapeaux rouges qui ont été
soulevés en amont pour qu'on puisse bien faire notre travail jusqu'au... jusqu'au
regard. Mais ça, c'est ma considération.
Je vous envoie sur une autre question.
Vous nous parlez d'un ministre responsable. Quel rôle vous voyez actuellement?
Puis peut être que la question ne se pose pas, mais on a un ministre
responsable de la Jeunesse. Est-ce que vous ne voyez pas là un lien ou est-ce
que les rôles sont complètement différents?
M. Tessier (Philippe-André) : Je
veux juste bien dire : Là, c'est la prérogative du premier ministre... du
Conseil des ministres, de fixer puis d'établir l'Exécutif, là, qui porte quel
chapeau.
M. Cliche-Rivard : Oui.
M. Tessier (Philippe-André) : Mais
ce qu'on dit, nous, là, c'est que ce serait intéressant si un commissaire à
l'enfance qui vient ici produire aux parlementaires un rapport annuel de l'état
de l'enfance, qu'il y a un répondant gouvernemental pour l'ensemble.
Maintenant, après ça, c'est une question d'orientation de l'Exécutif, là.
M. Cliche-Rivard : O.K. Mais
là, sentez-vous que...
M. Tessier (Philippe-André) : Puis,
évidemment, c'est les 0-18 ans. Le Secrétariat jeunesse, ce n'est pas les
0-18, c'est les 18-35, tu sais.
M. Cliche-Rivard : O.K.
M. Tessier (Philippe-André) : Il
y a aussi les brackets d'âges qui changent. Là, ce dont on parle ici, c'est les
0-18 et les 18-25 pour les deux exceptions dont on a parlé. Là, il n'y a pas ça
au Secrétariat à la jeunesse présentement.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup pour votre présentation.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. On complète avec le député des
Îles de la Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci, Mes Tessier, Arpin et Me Montigny... Montminy, c'est ça, et
M. Blouin, de votre mémoire fort intéressant, très costaud. J'aime ça aussi la
discussion qu'on a tenue parce qu'on a parlé d'indépendance. J'aime bien ça,
l'indépendance du commissaire, oui. Mais on s'est parlé du fait qu'une fois
rendu à la Cour suprême, là, il n'y avait plus d'autres solutions. Nous, on a
une autre solution à l'article 1 de notre parti politique, mais c'est hors
sujet pour l'instant.
Des voix : ...
M. Arseneau : Je voulais vous
dire... simplement vous poser la question, j'ai l'impression que parfois, tu
sais, la façon dont vous nous proposez des choses, pour le commun des mortels, ça
devrait aller de soi qu'on amende le projet de loi pour ajouter un mécanisme de
suivi. Tu sais, on se dirait : Mais il me semble que le commissaire va
faire un suivi sur ses recommandations. Pourquoi est-ce que c'est si important
de l'inscrire dans la loi?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
c'est parce que pour nous, le contrôle parlementaire, c'est là qu'il s'exerce
essentiellement. Puis pourquoi on fait un... pourquoi il y a un suivi plus
spécifique?
M. Arseneau : Bien, pourquoi
le suivi, on le comprend. Mais pourquoi est-ce que c'est essentiel? Sinon, vous
pensez qu'on ne le ferait pas.
M. Tessier (Philippe-André) : Non,
c'est simplement c'est que lorsque... dans ces mécanismes-là, lorsqu'on fait
des recommandations, puis que ces éléments-là sont portés à l'attention,
d'avoir des canaux, d'avoir un espace dédié de façon spécifique, bien, ça
permet une compréhension commune à la fois des membres l'Assemblée nationale,
du public, du commissaire, des institutions parlementaires. Et ce que ça vient
donner, ça vient donner un par là, une robustesse au commissaire, ça lui
donne... Donc lui, il fait une recommandation, ce n'est pas juste lui qui fait
une recommandation, si elle n'est pas suivie, il le dénonce à l'Assemblée.
M. Arseneau : Parfait. C'est
très intéressant. Vous avez parlé des études, puis des analyses qui sont faites
par vos vis-à-vis des autres provinces. Si je comprends bien, c'est...
M. Arseneau : ...c'est le même
genre d'organisme que vous, l'équivalent, là, de la commission, mais, eux, ils
ont un mandat qui s'apparente à celui qu'on va donner au commissaire, est-ce
que c'est ça qu'il faut comprendre?
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
une excellente question. Il y a 10 provinces, trois territoires, il y a 13
modèles, O.K.? Je vais commencer par ça, O.K.? En gros, quand on regarde...
M. Arseneau : Juste,
rapidement, parce qu'on a juste une minute, pourquoi est-ce que notre modèle
serait meilleur que le leur si c'est...
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
parce qu'il correspond à la réalité québécoise, à l'écosystème québécois. Au
Québec, il y a une chambre de la jeunesse, il y a une DNPJ, il y a un PNE, il y
a un écosystème qui n'existe pas en Ontario. Il ne faut pas prendre les choses
de façon désincarnée, il faut regarder, il faut prendre les bons outils, les
bons éléments, puis c'est ce qu'on pense qui a été fait, puis on en fait
quelque chose. Je vous le dis juste, là-dessus, je l'ai présenté en novembre,
p.l. no 37, à mes collègues des autres provinces, ils étaient tous enchantés.
Vous pouvez les appeler, c'est ce qu'ils vont vous dire. J'étais à Toronto avec
elles et je leur ai expliqué un peu ce que je vous ai expliqué ce matin, elles
trouvent toutes que c'est un super modèle intéressant puis elles disent :
Ah bien, ce serait le fun qu'on ait ça chez nous aussi.
M. Arseneau : Que le Québec
pave la voie, ça ne serait pas la première fois. Parfait. Maintenant, dernière
question, le ministre... je comprends qu'il n'y aurait pas un ministre en titre
pour le droit des enfants. Vous avez parlé de la Famille, de la Santé et
Services sociaux, bon, avez-vous une...
M. Tessier (Philippe-André) : Je
vais vous donner...
M. Arseneau : Vous n'avez pas
de préférence?
M. Tessier (Philippe-André) : ...ministre
responsable des Aînés, ministre responsable des PNI, c'est ça, un peu, le
modèle qu'on propose. Mais, je le répète, après ça, qui en hérite? Ça, c'est la
prérogative du premier ministre puis de l'exécutif, on respecte ça.
M. Arseneau : D'accord.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, je vous
remercie pour votre contribution, votre participation, et surtout pour la
qualité des échanges que nous avons eus ce matin.
Je suspends les travaux jusqu'après les avis
touchant les travaux des commissions, vers 15 h 15. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 17)
Le Président (M. Provençal)
:À l'ordre, s'il vous plaît. La
Commission de santé des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques. Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi no 37, Loi sur le commissaire
au bien être et aux droits des enfants. Cet après-midi, nous entendrons les
témoins suivants, le Protecteur national de l'élève, le Collectif Petite
Enfance, M. Camil Bouchard et M. Dominique Goubau, le Protecteur du
citoyen et Mme Nancy Audet. Nous allons débuter notre près-midi de travail
en recevant les représentants du Protecteur national de l'élève, Me Jean-François
Bernier et Me Simon Dupuis. Alors je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour votre présentation. Par la suite, on poursuivra les échanges. Je vous cède
immédiatement la parole, Me Bernier.
M. Bernier (Jean-François) :
Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la Commission de la
santé et des services sociaux, Mesdames et Messieurs les députés, il me fait
plaisir d'être devant vous aujourd'hui afin de vous exposer les commentaires du
Protecteur national de l'élève sur le projet de loi no 37. Je me nomme
Jean-François Bernier, Protecteur national de l'élève, et je suis accompagné en
mode virtuel par Me Simon Dupuis, conseiller juridique à notre institution. Je
profite d'ailleurs de cette tribune pour le remercier, ainsi que plusieurs
autres membres de notre jeune institution, de leur contribution en amont de ma
présence devant vous aujourd'hui.
Quelques mots sur la nouvelle institution
qu'est le Protecteur national de l'élève. En action depuis la dernière rentrée
scolaire, il est le nouvel ombudsman de l'éducation au Québec. Nous avons pour
mission de veiller au respect des droits des élèves et de leurs parents au
regard des services scolaires qui leur sont rendus. Nous sommes aussi un
contributeur clé de la protection des élèves en matière d'intimidation et de
violence, dont celles à caractère sexuel. Pour ce faire, les 17 protecteurs
régionaux de l'élève et les autres membres du personnel de l'institution sont
des acteurs de premier plan du nouveau mécanisme de traitement des plaintes et
des signalements en vigueur dans toutes les écoles du Québec. Les protecteurs
régionaux de l'élève, présents partout au Québec, traitent des plaintes et des
signalements concernant les élèves des établissements scolaires, du primaire et
du secondaire, et ce, tant au public ou privé, ainsi qu'à ceux fréquentant la
formation professionnelle et l'éducation aux adultes, en plus des enfants qui
reçoivent l'enseignement à la maison.
• (15 h 20) •
Puisqu'il a pour mission de veiller au
respect des droits des élèves du Québec, le Protecteur national de l'élève voit
d'un bon œil toute initiative ou avancée au bénéfice des enfants et qui place
leurs intérêts au centre des préoccupations sociétales. Nous accueillons donc
favorablement le projet de loi no 37 et la mise en place d'un commissaire
au bien être et aux droits des enfants. Le Protecteur national de l'élève, je
le disais précédemment, est un tout nouvel acteur en matière de protection des
droits et de la sécurité des enfants. Ses responsabilités couvrent également
des personnes majeures dans le contexte particulier de leur parcours et de leur
environnement scolaire. Notre analyse et nos commentaires relatifs au projet de
loi no 37 se consacreront à certains éléments spécifiques, sachant que d'autres
intervenants sauront également éclairer les membres de la Commission de la
santé des services sociaux dans le cadre des présentes consultations.
Le mémoire que nous avons déposé à la
commission et mon allocution d'aujourd'hui proposent certaines bonifications au
projet de loi no 37. Celles-ci visent essentiellement à s'assurer que le
commissaire soit en mesure de jouer le rôle que veut lui réserver le
législateur, à savoir celui d'une institution garante de la concertation parmi
les acteurs étatiques œuvrant auprès et pour l'intérêt des enfants du Québec et
de porte-voix de ces derniers. Tout d'abord, le projet de loi no 37
prévoit que le commissaire aura pour fonction de promouvoir le bien être et le
respect des droits des enfants et de veiller à la protection de leurs intérêts.
Il se devra donc d'agir dans une perspective évidemment de prévention au
bénéfice des enfants, mais aussi de concertation auprès des autres acteurs
pertinents. Bien que le commissaire ne traitera pas de plaintes et de
signalements en milieu scolaire, comme le fait le Protecteur national et ses
protecteurs régionaux de l'élève, ses fonctions peuvent évidemment l'amener à
interagir avec notre institution.
La création d'un nouvel organisme comme
celui du Commissaire au bien être et aux droits des enfants, et le mandat qui
lui serait confié comporte inévitablement un risque de confusion des rôles avec
d'autres organismes publics oeuvrant auprès des enfants. Cette situation
nécessite dès lors un effort de clarification des responsabilités respectives de
ces différents organismes auprès de la population, auprès des enfants et de
leurs parents tout particulièrement. Considérant les liens étroits et entre le
mandat du nouveau commissaire et celui du Protecteur national de l'élève, il
nous apparaît conséquemment nécessaire de faire expressément référence à
celui-ci à l'article 6 du projet de loi. Une telle modification aurait l'avantage
de délimiter plus clairement le mandat du commissaire, de minimiser les risques
de confusion chez les citoyens et d'éviter tout chevauchement...
M. Bernier (Jean-François) : ...entre
les fonctions des deux organismes. Cette proposition favoriserait également le
recours à l'institution spécialisée en éducation que constitue le Protecteur
national de l'élève, sans toutefois empêcher le nouveau commissaire de soutenir
et d'accompagner l'élève dans l'exercice de ses droits, conformément à
l'article 5, alinéa 2, paragraphe 5° du projet de loi. Le commissaire pourrait,
par exemple, accompagner un élève dans le cadre du dépôt d'une plainte au
Protecteur national de l'élève ou pendant l'enquête qui suivra. La Loi sur le
Protecteur national de l'élève prévoit d'ailleurs, à son article 30,
l'obligation des protecteurs régionaux de l'élève de prêter assistance à toute
personne qui le requiert pour la formulation de sa plainte ou pour toute
démarche qui s'y rapporte. En ce sens, ils doivent également informer les
personnes qui font appel à eux de leur droit d'être accompagnées de la personne
de leur choix. Cette personne pourrait, avantageusement, être le commissaire au
bien-être et aux droits des enfants.
Compte tenu de ce qui précède, il est, par
ailleurs, essentiel qu'une collaboration entre le commissaire et le Protecteur
national de l'élève puisse être formalisée, dans un souci d'une meilleure
synergie d'intervention entre les deux institutions, et ce, dans le respect de
leurs champs de compétence respectifs. Considérant son engagement envers la
sécurité des élèves, la protection de leurs droits et l'amélioration continue
des services scolaires québécois, le Protecteur national de l'élève est tout à
fait disposé à contribuer à certains travaux du commissaire. Puisque le
Protecteur national de l'élève est aujourd'hui un acteur central en matière de
protection des élèves au Québec, nous sommes d'avis qu'il serait pertinent de
souligner directement, dans le projet de loi, l'importance et la nécessité de
la coopération entre le commissaire et nous. Pour ce faire, nous recommandons
de faire expressément référence au Protecteur national de l'élève à l'article
11 du projet de loi n° 37, qui porte déjà sur le devoir de coopération du
commissaire avec d'autres organismes.
En matière de consultation et de
participation des enfants, le Protecteur national de l'élève tient à souligner
l'importance qu'il accorde à l'article 5, alinéa 2, paragraphe 8° du projet de
loi. Celui-ci prévoit la mise en place d'un comité consultatif, composé
d'enfants et de jeunes adultes, afin d'obtenir leurs avis sur toute question
concernant une matière relevant des fonctions du nouveau commissaire. Cette
disposition vient, en effet, placer les intérêts de l'enfant et le respect de
son droit à la participation à l'avant-plan. Elle vient réaffirmer l'engagement
du Québec d'être une société bienveillante pour ses enfants et d'être à leur
écoute. Elle contribue également au respect de leurs droits, et ce, en leur
permettant de prendre davantage part aux décisions qui les concernent,
conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le
Québec s'est déclaré lié en 1991. Cela dit, le Protecteur national de l'élève
constate que le projet de loi ne contient aucune précision sur la composition
de ce comité consultatif. Bien que favorables à la création du comité en soi,
nous sommes d'avis que sa pertinence, sa crédibilité et son efficacité
dépendront de la qualité de sa représentativité. Il nous apparaît donc
important que la composition du comité puisse refléter la grande diversité des
enfants du Québec, et que celle-ci soit définie directement dans le projet de
loi n° 37.
En plus des enfants issus des Premières
Nations et inuits, qui sont déjà considérés, nous pensons plus particulièrement
aux enfants en situation de handicap et à ceux qui sont issus de communautés
ethnoculturelles. Une représentation équitable des différentes régions du
Québec nous apparaîtrait également essentielle. Comme mentionné dans le rapport
de la commission Laurent, le commissaire doit porter la voix de tous les
enfants du Québec. À cet égard, on y affirmait que le futur commissaire devrait
porter une attention particulière aux enfants issus des groupes ayant plus de
difficulté à faire entendre leur voix et à faire valoir leurs droits. Ces
groupes sont, notamment, les enfants membres des Premières Nations et Inuit,
qui sont, d'emblée, pris en considération dans le projet de loi, mais aussi les
enfants en situation, une fois de plus, de handicap et ceux qui appartiennent à
des communautés ethnoculturelles. Le Protecteur national de l'élève constate
que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 37 est muet à ce sujet.
Nous croyons donc, à l'instar de la commission Laurent, qu'une attention
particulière devrait être portée aux enfants en situation de handicap ainsi
qu'aux enfants issus de communautés ethnoculturelles.
Les plaintes traitées depuis moins de six
mois par les protecteurs régionaux de l'élève permettent déjà de confirmer
l'importance et la complexité des enjeux relatifs aux élèves handicapés ou en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, et à la nécessité que tous les
acteurs concernés contribuent à améliorer la situation. L'arrivée du
commissaire viendra ainsi donner un coup d'épaule à la roue, important et
essentiel. Le Protecteur national de l'élève recommande donc d'ajouter au
projet de loi n° 37 une disposition qui exigerait que le commissaire porte
une attention particulière aux enfants en situation de handicap et ceux issus
des communautés ethnoculturelles.
En conclusion, nous tenons à remercier la
Commission de la santé des services sociaux pour l'invitation de participer aux
consultations particulières concernant ce projet de loi. Bonifié tel que
suggéré dans notre mémoire, ce projet de loi serait susceptible d'atteindre
encore plus ses finalités, dont celle de renforcer la concertation entre les
organismes et les institutions publiques ayant l'intérêt et la protection des
enfants au coeur de leur mission, en plus de leur donner, concrètement, voix au
chapitre. Le Protecteur national de l'élève suivra, évidemment, avec un vif...
M. Bernier (Jean-François) : ...à
la suite de vos travaux et réitère sa volonté de collaborer avec le futur
commissaire, au bénéfice premier des enfants du Québec. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre
présentation, Me Bernier. Alors, M. le ministre, vous débutez la période
d'échange.
M. Carmant : Merci beaucoup,
Me Bernier, effectivement, moi aussi. Merci, M. le Président, de me passer la
parole. Je pense que, d'entrée de jeu, comme vous le dites, on a parlé du Protecteur
de citoyen et des organismes publics, puis, en lisant les mémoires, plusieurs
veulent être nommés au cours de... dans ses collaborateurs. Puis je suis tout à
fait d'accord avec vous, là, que le Protecteur de l'élève doit être nommé. Un
peu plus tard, on va peut-être parler du directeur de la santé publique,
également. Donc, tout à fait d'accord avec ça.
Mais la question que j'ai pour vous,
c'est, en ce moment, après vos quand même courte expérience, là, cinq, six
mois, comment vous voyez... comment vous vous voyez collaborer avec le
commissaire, dans l'environnement, là, que vous connaissez? À quoi on doit
s'attendre?
M. Bernier (Jean-François) : Je
crois que l'apport du commissaire sera le regard global et horizontal qu'il
aura, je crois, sur les enfants, leur situation au Québec, le respect de leurs
droits. Beaucoup en prévention, beaucoup en amont, je dirais, de... par des
analyses, des études. Alors, on sera assurément, dans la mesure du respect de
nos obligations légales, évidemment, qui sont dans notre loi, très ouverts à
collaborer, à contribuer à bonifier les réflexions du commissaire lorsqu'il
nous interpellera, là, sur un sujet ou un autre qu'il... dont il se saisirait.
Donc, on voit ça de façon très positive et on voit de façon même... On a très
hâte de le voir arriver pour avoir justement ce regard un peu plus global sur
la situation des enfants au Québec.
M. Carmant : Super! Et, avec
votre expérience, qu'est-ce que... quels conseils vous nous donneriez ou vous
donneriez au commissaire pour... Tu sais, un des enjeux qu'on va avoir, c'est
le faire connaître de la population, surtout des jeunes, des jeunes vulnérables
que vous mentionnez, aussi pour s'assurer que la représentation territoriale
est adéquate. J'ai compris, avec vos 17... vous êtes sur tout... dans toutes
les régions administratives, c'est bien ça?
• (15 h 30) •
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
notre territoire est découpé de façon un peu différente. Même si le chiffre 17
nous ramène effectivement aux 17 régions administratives, on a 13 protecteurs à
temps plein et quatre à temps partiel. Donc, on a redivisé le Québec en 13
régions, juste pour les fins de... vous préciser ça. Mais comment se faire
connaître des enfants et de leurs parents? Je pense que, déjà, dans la loi, le
fait qu'on a l'intention de créer un comité consultatif sur lequel siégeraient
des enfants, d'où la recommandation qu'il soit le plus représentatif possible
de tout ce qu'il y a au Québec comme réalités... Mais il n'y a pas de secret,
hein, pour la notoriété, mais, effectivement, on a une courte expérience de six
mois, en ce qui concerne le Protecteur national de l'élève, mais, honnêtement,
c'est les efforts individuels et personnels de la personne qui incarnera, qui
sera commissaire, d'être présent, d'aller vers les gens, d'aller faire des
présentations en webinaires et autres. Le terrain, le terrain, le terrain,
encore le terrain. On peut faire des publicités ou des campagnes de promotion,
comme on le fait, d'ailleurs, actuellement, on est dans une période de quatre
semaines où on fait une campagne de promotion plus générale. Mais il n'y a rien
qui remplace, honnêtement, puis par mes expériences passées... il n'y a rien
qui remplace le contact direct avec les gens. C'est beaucoup d'efforts, mais le
commissaire et les membres de son équipe pourront assurément mettre l'épaule à
la roue, là aussi, pour contribuer à leur notoriété, là.
M. Carmant : Parfait. Et les
ex-commissaires nous ont aussi mentionné ce souci par rapport aux populations
vulnérables. Vous avez mentionné les personnes en situation de handicap, les
communautés ethnoculturelles. Nous, on est toujours un peu hésitants, là, à
faire des listes de personnes vulnérables. Nous, notre approche, c'était
peut-être, après avoir entendu puis avoir lu les mémoires, ce serait de mettre
un groupe, inclure les enfants vulnérables, peut-être laisser le commissaire...
un peu de latitude, mais vous, est-ce qu'il y avait une raison particulière
pourquoi vous cibliez ces deux groupes-là en particulier que vous aimeriez nous
partager?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
c'est que, traditionnellement, ce qu'on remarque, c'est que c'est... leur voix
est moins présente, pour différentes raisons, et que le fait d'aller les... les
inclure d'emblée dans un comité de cette nature-là, pour moi, ça... pour vous,
comme gouvernement et comme société, ça nous permet de les inclure
immédiatement et de ne pas... d'avoir le pouls immédiatement de leur part.
Mais, effectivement, c'est... j'ai entendu Mme Laurent aussi ce matin préciser
que... peut-être laisser le soin au commissaire. C'est une avenue qui est très
défendable aussi, par ailleurs, mais sachant que ces personnes, ces enfants...
15 h 30 (version non révisée)
M. Bernier (Jean-François) : ...historiquement
et traditionnellement sont moins entendus, et, même à notre niveau, aller
rejoindre les enfants ou les élèves des communautés ethnoculturelles, c'est
difficile. Alors, on a... on sait qu'on a un effort... on a à doubler nos
efforts... redoubler nos efforts pour aller les rejoindre.
M. Carmant : Parfait. Est-ce
que vous voyez des risques ou avez vous des inquiétudes quant au chevauchement
des rôles, dédoublements de rôles ou... Tu sais, on essaie vraiment de bien
tracer le territoire ou le rôle de notre commissaire, là, puis on aimerait l'avoir
un peu, comme vous dites, là, central. Mais, tu sais, comment... comment on
peut s'assurer que... qu'il joue bien son rôle sans dédoubler le rôle des
autres?
M. Bernier (Jean-François) : Moi,
je pense le volet concertation, qui est déjà présent dans la loi puis qu'on
propose de renforcer, pour s'assurer que chaque acteur qui est directement
concerné, nous, la Commission des droits des personnes et de la jeunesse, etc.,
sachons tous quel rôle nous avons à jouer. Nous, la compréhension, c'est que le
commissaire chapeaute ou... comme je l'ai dit d'entrée de jeu, une vision
horizontale. Et ça, c'est intéressant parce que je crois qu'on ne l'a pas,
cette vision horizontale, là, actuellement. Par contre, les acteurs qui vont
venir devant vous, qui sont déjà passés ce matin ou qui vont venir devant vous,
ils sont potentiellement directement concernés par l'arrivée du commissaire, je
pense, ils sont tous au même endroit. Dans le fond, on ne voit pas son
arrivée... du commissaire avec crainte, au contraire, mais on pense que c'est
important que les... que les balises et les... je dirais, les carrés de sable
respectifs, là, soient très clairs, autant pour les institutions concernées,
mais encore plus pour la population. Et là, ça sera un travail de notoriété et
de bien faire connaître, là, le rôle qu'il a à jouer, le rôle de prévention, le
rôle de concertation, le rôle de la voix des enfants. C'est ce que je trouve
intéressant dans ce projet de loi là, c'est vraiment la voix des enfants.
M. Carmant : Parfait. Est-ce
que je peux passer la parole à la députée de Laporte?
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Mme la députée.
Mme Poulet : Oui. Merci, M.
le Président. Merci beaucoup. Merci à vous deux d'être présents. J'aurais une
question. Selon vous, qu'est-ce qui manque dans le projet de loi, selon votre
expérience, où qu'on pourrait aller encore plus loin? Vous parlez de
prévention, de concertation. Vous allez être en collaboration avec la
commission. On peut- tu aller encore plus loin, vous pensez?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
hormis ce qui... ce qui vous est recommandé ou proposé dans le mémoire, on n'a
pas de truc très précis. Par prudence, je vous dirais, par expérience
personnelle des derniers... des derniers mois, rien ne vaut la réalité, le
concret, les constats qu'on peut faire d'un rôle que là, on le voit sur papier,
qui est conceptuel, qu'on imagine, qu'on voit bien, qu'on se projette dans ce
rôle-là. Mais tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas concrètement établi
son... ses paramètres, ses balises, son champ d'intervention versus celui des
autres acteurs, c'est difficile d'aller un peu plus loin que ce que... ce qu'on
vous a identifié dans le mémoire.
Mme Poulet : O.K. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Allez-y, M. le ministre.
M. Carmant : On va aller dans
le détail puisque je pense qu'on a fait le tour des recommandations. Vous
parlez que... vos rôles, c'est de recevoir, de traiter les plaintes et les
signalements d'actes de violence à caractère sexuel survenant dans le réseau
scolaire. Là, je vois potentiellement, là, un chevauchement avec la Protection
de la jeunesse avec, justement, le commissaire. Comment... Quel est votre rôle
également dans... précisément, là, puis comment vous interagissez, j'imagine,
avec la Protection de la jeunesse...
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
cet...
M. Carmant : ...dans ces
situations-là?
M. Bernier (Jean-François) : ...cet
enjeu de chevauchement potentiel et même de l'arrivée d'un nouveau joueur comme
étant le protecteur national de l'élève, il y a quelques mois à peine, et ce
que sera les défis... ce que seront les défis du commissaire lorsqu'il
commencera à mettre en œuvre différents éléments de la loi, c'est justement
comment les autres acteurs voient l'arrivée d'un nouvel acteur. Dans notre cas
à nous... effectivement, la DPJ a... on a eu des échanges avec la DPJ en amont,
s'assurant notamment du concept de signalement qu'il y a dans notre loi en
matière de violence à caractère sexuel. Donc, toute personne, peu importe qui
elle est, peut faire un signalement en matière de violences à caractère sexuel.
Donc, le mot signalement pour la DPJ, ça a un sens aussi. Mais on s'est assurés
de... de s'asseoir avec les gens de la DPJ, de convenir de... de bien définir
ce qu'était notre propre carré de sable, et on a eu cet enjeu-là de le définir,
pour être sûr qu'on ne jouerait pas le rôle de la DPJ, qu'on n'a pas à jouer, qu'on
ne voulait... qu'on n'avait pas à jouer le rôle de la police dans les
situations de violence à caractère sexuel. Nous ne sommes pas les services de
police, et on ne veut pas l'être non plus. Mais comment on pouvait donc
intervenir pour être une plus-value pour les victimes? Et on a... on a, je
pense, trouvé la voie de passage. Alors, on est vraiment l'interface qui reçoit
le... des plaintes de victimes de signalements en matière de violences à
caractère sexuel et qui intervenons immédiatement auprès de la victime pour la
sécuriser dans ce qu'elle vit...
M. Bernier (Jean-François) : ...de
faire le signalement à la DPJ, on devient un signaleur à la DPJ, un signalant à
la DPJ nous-mêmes, immédiatement. Quand l'école ne l'a pas déjà fait, nous, on
le fait. Mais, s'il y a déjà un signalement, on ne prend pas de chance, on le
fait également pour être sûrs qu'on respecte les obligations de la LPJ. Et
ensuite, on sécurise, donc, la victime dans tout ça, on lui annonce qu'est-ce
qui s'en vient à l'égard de la DPJ, à l'égard des services policiers, le cas
échéant. Et ensuite, nous, on s'assure que l'école gère bien la situation à
très court terme, comment on gère la situation, de l'auteur allégué de l'acte
et la victime. Et ensuite, une fois qu'on a... on s'assure de ça, on... on...
on agit en prévention. Ça veut dire qu'on analyse le plan de lutte contre
l'intimidation et la violence, qui comporte depuis l'automne dernier un volet,
une section dédiée aux violences à caractère sexuel, entre autres choses, pour
s'assurer qu'il y en a un, qu'il est optimal et, au cas échéant, faire des
recommandations pour l'améliorer, dans un... dans une approche de prévention,
pour s'assurer qu'un événement comme celui-là, dans la mesure du possible, ne
se reproduise plus jamais dans cette école. Et on fera ça dans chacune des
écoles pour lesquelles on devra intervenir et plus globalement dans nos
rapports annuels d'activité, etc. On verra. Mais on est... on est dans cette
perspective-là.
Donc, quand on a expliqué ça à la DPJ et
aux services policiers, déjà, on a eu un... pas un soulagement, mais je dirais
une assurance qu'on était complémentaires à leurs actions et non pas en
chevauchement.
M. Carmant : Parfait. Il y a
plusieurs intervenants ce matin qui nous ont mentionné que oui, il faut être le
porte-voix des enfants, mais également dans certaines situations, surtout pour
nos plus jeunes enfants, des familles ou des parents, également. Est-ce que
vous avez le même mécanisme? Ou comment vous... les enfants ou les familles ont
accès à vos services?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
pour les plaintes, quand on considère un plaignant, c'est le... l'élève ou ses
parents, donc l'un ou l'autre.
M. Carmant : O.K., ça, c'est
clair.
M. Bernier (Jean-François) : Les
mineurs peuvent faire une plainte. Donc, auparavant, c'était interdit,
maintenant ils peuvent le faire. Évidemment, un enfant de 12 ans qui porte
plainte, on va lui dire qu'on va en informer ses parents. Donc, il faut que les
parents soient dans le coup, évidemment. À partir de 14 ans, il y a une
zone plus de discrétion, évidemment, du consentement parental là-dedans. Tout
ce... en ce... Donc, les parents comme les élèves peuvent faire des plaintes,
des parents ou d'autres élèves... d'autres parents ou d'autres élèves peuvent
également faire un signalement en matière de violence à caractère sexuel, donc
un parent ou un enfant qui voit quelque... qui est témoin de quelque chose à
l'égard d'un autre élève peuvent signaler la situation à notre endroit. Donc,
c'est parents et élèves, essentiellement.
• (15 h 40) •
M. Carmant : M. le Président,
je passerais...
Le Président (M. Provençal)
:Je céderais la parole à la députée de
Laporte.
Mme Poulet : Oui, merci, M.
le Président. J'aurais une question. Un précédent groupe mentionnait qu'il
manquait des balises juridiques, qu'il devrait y avoir des mesures
d'accréditation pour les avocats qui sont auprès... qui sont... qui sont là
pour aider nos jeunes. J'aimerais vous entendre à cet effet-là. C'est quoi
votre opinion?
M. Bernier (Jean-François) : J'aurais...
Avant de tenter une réponse, si t'en tente une, j'aimerais savoir quelle est...
quelle était la finalité derrière ce besoin-là ou cette recommandation d'avoir
une accréditation?
Mme Poulet : C'était de bien
assurer un service, un soutien auprès des jeunes. Alors, une mesure
d'accréditation, une formation des avocats.
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
tu sais, on ne peut pas être contre des avancées de cette nature-là aussi.
Est-ce que ça prendrait une accréditation formelle comme un médiateur ou des
choses comme ça? Je laisse le soin aux législateurs. Je pense qu'il y a au
Québec, je pense, beaucoup d'avocats qui se sont développé cette expertise au
fil des années garde des enfants, je pense à ceux qui interviennent en matière
de protection de la jeunesse, etc., mais qu'une formation générale du Barreau
ou une accréditation accordée par le commissaire, il y aurait... il y aurait...
il doit y avoir des enjeux aussi de... je vous dirais, de plein plein... pleine
capacité d'oeuvrer en qualité d'avocat, là, et il faudra voir. Mais je n'ai pas
d'idée arrêtée là-dessus, là, pour être honnête.
Mme Poulet : O.K. Bon. Je ne
voulais pas vous lancer une colle. Je voulais juste avoir votre opinion sur...
M. Bernier (Jean-François) : Non,
non. Mais j'ai essayé d'en... vous donner un début d'opinion.
Mme Poulet : ...les balises
juridiques, là, comme quoi qu'il y aurait une petite carence, une... un manque
à... c'est un... à cet effet-là.
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
probablement que les gens...
Mme Poulet : Je voulais avoir
votre opinion.
M. Bernier (Jean-François) : O.K.,
O.K.
Mme Poulet : D'accord. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre.
M. Carmant : Oui. Là encore,
on va élargir, là, les demandes. Mais on a parlé de votre interaction avec le
futur commissaire. Maintenant, vous, quand vous êtes arrivé sur la scène,
avez-vous eu des interactions, par exemple, avec le Protecteur du citoyen?
Comment ça s'est déroulé? Il va... il va venir nous rencontrer tout à l'heure,
mais j'aimerais avoir votre version aussi auparavant.
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
rapidement. Donc, suite à mon... à ma nomination en août 2022, donc j'ai eu
presque une année pour mettre en place tout ce qu'il y avait à mettre en place
pour être prêt à recevoir des plaintes à l'automne 2023, alors pendant
cette période, évidemment, beaucoup de démarches et d'efforts ont été faits pour
aller à la rencontre des autres, essentiellement, les acteurs du réseau...
M. Bernier (Jean-François) : ...colère,
et ils sont très nombreux, associations de parents, d'élèves, de gestionnaires,
etc. Mais évidemment, d'autres acteurs qui étaient amenés à potentiellement ou
concrètement œuvrer dans les mêmes paramètres que nous, le Protecteur du
citoyen en est évidemment un, le protecteur ayant compétence sur le ministère
de l'Éducation et non sur son réseau, d'où notre arrivée et notre création. Donc,
on vient compléter un peu ce volet-là, le protecteur sur le ministère, nous,
sur le réseau. Évidemment, la Commission des droits de la personne et de la
jeunesse, qui... en fait, dans notre loi... notre loi a modifié la Charte des
droits et libertés à 75.1 pour préciser que toute plainte, en matière de
discrimination, est transférée à la Commission des droits, sauf si le plaignant
s'y oppose. C'est la même disposition qui s'applique au Protecteur du citoyen,
par ailleurs, à cet égard. Donc, les deux, M. le Président de la commission et
M. le protecteur du Citoyen ont été contactés par moi pour justement se
présenter, bien expliquer notre... notre champ... notre rayon d'action. Donc,
c'est des acteurs parmi d'autres. La représentation nationale des centres
jeunesse, des... de la Direction de la protection de la jeunesse également. Je
reconnais des gens autour de la table à qui j'ai parlé dans les derniers mois à
cet effet.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons poursuivre avec Mme la
députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, Maître Bernier. Je voulais vous poser des questions
concernant la question des plaintes, parce que vous avez mentionné, ça fait six
mois. Et, à la page cinq de votre rapport, vous parlez des plaintes traitées
depuis moins de six mois par les protecteurs régionaux de l'élève...
«permettent déjà de confirmer l'importance et la complexité des enjeux relatifs
aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, et la
nécessité que tous les acteurs concernés contribuent à l'amélioration de la
situation.» Est-ce que vous pourriez peut-être nous donner des détails
concernant les plaintes?
M. Bernier (Jean-François) : Évidemment,
vous comprendrez, je vais... je vais rester de façon générale dans le portrait.
Les enjeux à cet égard là, on a... on tourne autour d'au 10 à 15 % de nos
plaintes jusqu'à maintenant qui concernent, là, de façon directe ou indirecte
les enjeux d'enfants qui rentrent dans cette catégorie, avec des besoins
particuliers. On a par exemple des enjeux d'inclusion scolaire. Donc, le fait
qu'on les place dans une classe spécialisée ou non. Les enjeux de plan
d'intervention qui, aux yeux des parents, ne sont pas optimaux ou complets, ou
qui ne sont pas... qui ne sont pas en adéquation avec les besoins de leurs
enfants. Ça peut aller, dans certaines circonstances, à ce que vivent ces
enfants en matière d'intimidation potentiellement à l'école. Donc, ça...
essentiellement, ça tourne vraiment autour de la façon dont l'école est en
mesure ou pas, dans certaines circonstances, de répondre à des besoins parfois
très particuliers. On connaît tous les enjeux de ressources humaines dans le
réseau aussi. Donc, on a cette crise-là qui est aussi là, qui est présente. On
ne peut pas en faire abstraction, mais on est à la recherche de solutions,
hein, dans nos interventions, quand on juge que la plainte est fondée et qu'on
en arrive à cette conclusion-là, on fait des recommandations et on est un
acteur de... on est un acteur, un vecteur de solutions. On essaie de trouver
des solutions, quitte à même en proposer parfois, c'est... ça demeure une
recommandation. Mais on va jusqu'à dire : Bien, ça... on pourrait
envisager telle chose ou telle chose, là, pour cet enfant. Des fois, c'est des
bris scolarisation aussi, là, rattachés à ces enfants, parce que... difficulté
à les gérer au quotidien, l'impact sur les autres élèves, ces gens... ces
élèves-là parfois sont suspendus ou renvoyés la maison de façon temporaire.
Mais des fois, le temporaire devient un peu permanent. Alors, on intervient
pour s'assurer qu'il y a le moins possible de bris de scolarisation. C'est des
exemples en matière d'enfants EHDAA.
Mme Garceau : O.K. Et vous
avez mentionné... parce que nous connaissons, là, en termes de l'augmentation
de la violence dans nos écoles, que ça soit violence physique, à caractère
sexuel. Donc, quel est le pourcentage de plaintes liées à ces cas-là?
M. Bernier (Jean-François) : Je...
je vais... je vais être prudent dans mon estimation, mais ça tourne de mémoire
autour à peu près de ces mêmes chiffres-là, on est entre 10 et 15 %. On me
confirme que c'est pas mal, ça, 15 %, effectivement. Donc, j'étais...
j'étais pas mal là. Donc, ça tourne... matière d'intimidation, mais parfois
l'école va catégoriser ça comme de l'intimidation. Nous, en intervenant, on...
parfois, ça peut arriver, c'est assez rare, mais qu'on... Oh! on ne qualifie
pas ça d'intimidation ou de violence, mais d'un acte de violence à caractère
sexuel, puis...
M. Bernier (Jean-François) : ...le
spectre est... à notre définition qu'on donne est large, de la violence à
caractère sexuel, pour justement s'assurer de ne rien échapper comme situation.
Mais, en intimidation, ça tourne autour de 15 %.
Mme Garceau : Donc, jusqu'à
ce jour, en termes de signalement à la DPJ que vous avez dû faire compte tenu
de la nature de la plainte, on parle de violences à caractère sexuel. Est-ce
qu'il y a d'autres cas, d'autres plaintes d'une autre nature qui ont été signalées
à la DPJ?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
toutes les situations qui amènent à un signalement en vertu des articles 38 et
suivants de la LPJ, nos protecteurs régionaux sont très... ils ont été formés à
cet égard, sont très sensibles à la situation. Même notre équipe qui accueille
les téléphones et les formulaires de plainte, etc., ont été formés aussi. Donc,
toutes les situations prévues à la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est
des situations où on va faire un signalement. Là, en matière de violences à
caractère sexuel... j'ai déjà partagé, la semaine dernière, devant une autre
commission parlementaire, que ça tourne autour de 14 % du total de nos
plaintes qui sont des plaintes en matière de violences à caractère sexuel.
Donc, on peut déjà d'emblée dire, dans intimidation, violence, dès que la
sécurité de l'enfant peut être mise en jeu, on n'hésite pas, on signale, on
est... C'est le rôle de la DPJ de juger si le signalement doit être retenu ou
pas, mais on ne prend aucune chance, même si on est les troisièmes à signaler
la situation, on va le faire quand même.
Mme Garceau : Et donc, de
votre part, en tant de protecteur, est-ce que... ou les protecteurs régionaux,
il y a un suivi qui est fait suite au dépôt, évidemment, au signalement, et
tout ça, comment est-ce que ça fonctionne?
M. Bernier (Jean-François) : C'est
là où on a évolué dans nos échanges aussi avec la Direction de la protection de
la jeunesse. Évidemment, ils ont la confidentialité de leurs dossiers. En même
temps, j'ai expliqué, à une question de M. le ministre, un peu notre rôle en
matière de violences à caractère sexuel, qui est vraiment de s'assurer que
l'école gère adéquatement la situation, mais également qu'on veut jouer ce
rôle-là de transparence ou de rétroactivité maximale auprès de la victime, ce
qui était un manque, là, que bien des groupes de jeunes ont dénoncé, qu'une
fois que la victime signale ou dénonce une situation, elle est dans la noirceur
totale et on ne lui revient pas. Nous, on veut être capable de jouer ce rôle-là
de... pas d'aller dans le détail, de dire : Oh! La police enquête, ils ont
rencontré tel témoin, ou la DPJ va faire telle chose, telle chose. On ne
veut... Ce n'est pas à nous à dire ça, la DPJ va faire... mais de lui dire :
Bien, voici où en est le processus en général, suite à ta plainte ou à votre
signalement, surtout les plaignants, dans ce cas-ci, voici, toi, la victime, où
en est le processus. Donc, c'est pour ça qu'on est en échange constant avec la
DPJ, avec le central de la DPJ, pour s'assurer qu'on explique bien notre rôle.
• (15 h 50) •
Puis qu'est-ce qu'on a besoin d'avoir,
comme information, ce n'est pas le détail de l'intervention de la DPJ, mais où
ils en sont, pour qu'on puisse être en mesure de rassurer la victime puis de
rétroagir minimalement avec des informations qu'on est en mesure de lui donner.
Mme Garceau : Et, en termes
du rôle du commissaire, une fois la nomination, est-ce que vous voyez un rôle
que le commissaire va pouvoir jouer spécifiquement concernant ces dossiers
lorsqu'il y a un signalement à la protection de la jeunesse?
M. Bernier (Jean-François) : C'est
là, l'enjeu, d'éviter les chevauchements, là. Je pense que la DPJ a développé,
au fil de ses nombreuses années d'expertise, un champ qu'elle est la mieux
placée... et un rôle qu'elle est la mieux placée à jouer. Le Protecteur
national de l'élève, déjà, avec les 400 et plus plaintes et signalements
traités en moins de six mois, on va rapidement développer une expertise fine
dans notre champ d'intervention.
Moi, comme je le répète, je pense que la
plus-value d'une institution comme celle du commissaire, ça va être d'être...
justement d'aller... être capable d'aller voir ce que fait le Protecteur
national de l'élève, ce que fait et quel impact a la commission des droits,
quel impact a tel autre acteur, puis d'avoir cette vision globale là, puis
d'aller voir ces acteurs-là puis qu'on puisse être des... l'alimenter dans ses
réflexions, peut-être, ses analyses qui sont... qui seront horizontales,
justement, là, sur une situation très particulière d'un enfant, mais qui aura,
au cours de sa vie ou de sa vie d'enfant, peut-être eu à faire affaire avec le
protecteur national ou avec la Direction de la protection de la jeunesse, etc.
Mme Garceau : O.K. Parce
qu'évidemment une des... dans le rapport de la commission Laurent, on parle
beaucoup de veiller...de respecter les droits des enfants, et donc, en termes
de représentation des enfants, pour assurer cette... le respect de leurs...
Mme Garceau : ...leurs droits
et d'assurer qu'ils ont une voix dans tout ce processus-là, parce que
souvent... et on le connaît, que les voix des enfants ne sont pas entendues.
Quel rôle est-ce que vous jouez à cet égard? Et est-ce que la commissaire n'a pas
un rôle à jouer également, ou en amont, ou... Je voulais juste vous entendre à
ce sujet.
M. Bernier (Jean-François) : Notre
compréhension de la volonté du législateur derrière ce projet de loi, c'est de
s'assurer, justement, de... et, je pense que le président de la Commission des
droits de la personne l'a un peu relaté ce matin, de jouer un rôle, qui est
actuellement absent dans notre société, qui est ce rôle-là, je le répète, de
chapeauter, je vous dirais, d'autres acteurs qui, eux, sont plus proches du
terrain au quotidien, dont nous... tu sais, on ne peut pas être plus proche du
terrain que ça, là, dans le cadre de nos plaintes, qu'on soit d'une école ou
d'une autre, à chaque jour depuis qu'on est en poste. Donc, on a ce pouls-là
que le commissaire n'aura pas ou pourra avoir par l'intermédiaire d'enfants qui
pourront faire appel à lui ou avec qui il aura des interactions. Mais nous, on
sera en mesure de dire : Bien, voici, par rapport à une telle... à telle
problématique, l'intimidation en milieu scolaire, les violences à caractère
sexuel en milieu scolaire. Bien, on va lui pouvoir donner le pouls de ce que
nous, on voit à travers nos plaintes et nos signalements. Je pense que ça, il
ne pourra pas l'avoir parce qu'il ne fera pas de traitement de plainte. Son
rôle est à un autre niveau. Et je pense que son enjeu va être, son principal
enjeu, pour moi, celui de la concertation puis avoir cette vision d'ensemble
là.
Mme Garceau : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Je vais maintenant céder la
parole au député de Saint-Henri-Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup pour l'excellente présentation. D'abord, vous parlez d'entente-cadre
ou, en tout cas, d'entente avec la DPJ. J'aimerais savoir si... C'est-tu
disponible, c'est-tu public? Est-ce qu'on peut...
M. Bernier (Jean-François) : Il
n'y a pas d'entente...
M. Cliche-Rivard : Il n'y a
pas d'entente.
M. Bernier (Jean-François) : Il
n'y a pas d'entente, c'est des échanges qu'on a avec... Puis là on a mis... on
a formalisé un peu une petite table d'échange, là, pour s'assurer s'il y avait,
en cours de route, des... dans une région ou une autre, des enjeux. Moi, ce que
j'ai comme échos des protecteurs régionaux de l'élève partout au Québec, c'est
qu'actuellement la collaboration est extraordinaire avec les DPJ régionales,
que c'est fluide puis ça nous permet de faire nos enquêtes pleinement et d'être
en mesure de rétroagir auprès des victimes dans les situations de violence à
caractère sexuel pour leur donner un maximum d'informations.
M. Cliche-Rivard : Donc, on
pourrait venir, un peu plus tard, dans l'exercice, peut-être le mettre par
écrit, mais là, pour l'instant, vous êtes en table de discussion.
M. Bernier (Jean-François) : Exact.
M. Cliche-Rivard : Je vous
ramène à votre mémoire. Il y a des propositions d'amendement sur l'article six
et sur l'article 11. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous
comprenez bien la distinction entre, finalement, le commissaire exerce ses
fonctions en respectant ses responsabilités, puis là vous voulez ajouter aussi
les responsabilités, finalement, du protecteur de l'élève, mais votre
recommandation aussi, à l'article 11, d'ajouter une obligation de
coopération, aussi avec le protecteur. Bref, de nous expliquer la nuance entre
six et 11, ce serait utile.
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
ça met la table sur la compétence, elle-même, du commissaire, donc le fait
qu'on ait déjà inscrit à l'article six la Commission des droits et... et la...
ainsi que la... bien, le rôle de la Commission des droits en... pour venir
préciser directement, dans la loi, le champ d'action, le rayon d'action de la
commission et du commissaire. On juge qu'à cause de la nature de ce qu'on fait
comme mandat et comme mission depuis les derniers mois, d'être... les élèves,
c'est... les enfants, c'est nos... c'est les gens dont on prend soin au
quotidien dans le traitement des plaintes, bien, qu'on le précise dans la loi
aussi, qu'il y a... que le lecteur... qu'on sache d'emblée qu'il y a trois
grands acteurs, les voici, ils sont inscrits à l'article six. Par ailleurs,
l'article 11, c'est cette obligation-là, à quelque part, de... qu'on donne
aux commissaires, qu'on demande aux commissaires de se concerter avec d'autres.
Alors, on a mis le Protecteur du citoyen, on a mis la Commission des droits,
puis je pense qu'à cause de ce que je viens de vous exprimer, au niveau de
notre rôle à l'égard des enfants, bien, ça va de soi pour nous, que le
Protecteur national soit...
M. Cliche-Rivard : Dans
les... Est-ce que M. le commissaire pourrait venir à enquêter ou faire des
recommandations, finalement, sur la manière dont vous exercez votre travail?
Est-ce que c'est possible, ça, de...
M. Bernier (Jean-François) : Je
ne pense pas que la loi va dans ce sens-là. Par ailleurs, je vous informe que
le Protecteur du citoyen a compétence sur mon organisation. Donc, c'est lui, je
suis un organisme public assujetti à la compétence du Protecteur du citoyen. Ça
fait que, s'il y en a un qui peut venir intervenir à ce niveau-là, ça serait
plus le Protecteur du citoyen.
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
ça ne serait pas au protecteur, ici, au commissaire de dire : Je pense que
ce serait... Il y a des enjeux, mettons, systémiques sur comment le Protecteur
de l'élève traite les plaintes, par exemple...
M. Bernier (Jean-François) : Non.
M. Cliche-Rivard : Ce ne
serait pas lui?
M. Bernier (Jean-François) : Ce
ne serait pas lui.
M. Cliche-Rivard : Parfait,
c'est très clair. Et donc est-ce qu'il pourrait avoir une clause de
dédoublement, où, finalement, moi, j'ai peur, quand c'est le problème de tout
le monde, des fois ça peut devenir le problème de personne? Et est-ce qu'il ne
faudrait pas prévoir que le commissaire, en finalité, si personne d'autre n'est
compétent, c'est lui qui est compétent?
Le Président (M. Provençal)
:Une réponse rapide...
M. Bernier (Jean-François) : ...la
façon que le législateur a pensé le projet de loi, je ne pense pas que c'est qu'il
a en tête en instaurant le commissaire, je... Mais... Mais je pense que jusqu'à
maintenant, les acteurs qui sont là, avec l'ajout du Protecteur national de
l'élève, je pense que... En tout cas, on parle des avancées plus d'autres
dispositions, là, qui ont été intégrées dans les lois récemment.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M.
le Président. Merci pour votre présentation. Je pense que les recommandations
que vous faites sont... sont très claires. J'ai aussi une préoccupation, là,
concernant les chevauchements possibles, les dédoublements. Voire s'assurer que
tout le monde comprenne véritablement quel rôle doit jouer le commissaire par
rapport aux autres instances, dont la vôtre. Puis d'ailleurs, vous l'évoquez à
la page 2, je trouve intéressant, de votre mémoire. Vous parlez des
responsabilités à bien... à bien clarifier, particulièrement auprès de la
population, des enfants, les parents. Moi, je pense que c'est le nerf de la
guerre aussi. À un moment donné, même à nos propres bureaux de député, les gens
ne savent pas souvent à quelle porte frapper. Et vous donnez l'exemple à la
page 3 qu'on pourrait par exemple avoir le commissaire de... le
commissaire au bien être qui accompagne l'élève qui va vous voir pour déposer
une plainte. Tout ça me semble parfaitement logique. Ma question, c'est comment
est-ce qu'on applique ça quand on est par exemple dans une circonscription
éloignée, rurale, comme la mienne, où on ne voit pas ni le commissaire en chair
et en os ni le protecteur en chair et en os? J'aimerais que vous nous donniez
une idée, là, pour les parents, pour les enfants peut être, qui nous regardent
avec retour de l'école, parce qu'il y en a beaucoup, pour essayer de voir comment
ça pourrait se déployer sur le terrain, vraiment, là, d'une polyvalente, à La
Vernière, aux Îles-de-la-Madeleine.
M. Bernier (Jean-François) :
Les actions de chacun vont être importantes. Nous, par exemple, on a des
affiches partout, dans toutes les écoles du Québec, pour informer les élèves
sur leurs droits en matière de plainte. On va vers les bureaux de
circonscription. Chaque protecteur régional a des attentes à mon égard, de ma
part, pour aller vers les bureaux de circonscription, pour aller présenter
vos... à vos personnels de bureau de circonscription ce qu'on est, ce qu'on
n'est pas le cas échéant. On est un ombudsman. Par définition, un ombudsman,
c'est la... en bon... en bon français, la «no wrong door policy». Donc, quand
quelqu'un appelle chez nous, on ne dit pas : Ah! Tu n'es pas bonne place,
tant pis pour toi, arrange-toi. Nous, on l'accompagne, on le réfère puis, à la
limite, on appelle pour elle à l'autre endroit. Donc, on accompagne vraiment.
On assiste en audience, c'est dans notre loi aussi, on assiste vraiment la
personne. Donc, un élève ou un parent qui appellerait et que c'est vraiment au
commissaire, peut être, vers qui il devrait se tourner, on va savoir qu'il
existe, on aura une connaissance de ce qu'il fait puis on pourra référer devant
le commissaire.
• (16 heures) •
M. Arseneau : Bien, en
fait, ma question est de savoir, tu sais, et s'assurer, ça viendra plus tard,
avec l'adoption de la loi et tout ça, que... que la première porte, le guichet
unique et le premier... la première étape soient bien compris. Parce que si on
veut que le commissaire accompagne l'enfant pour aller vous voir, par exemple,
bien, il ne faut pas qu'il aille d'abord frapper à votre porte parce qu'il
n'est pas accompagné. Vous comprenez?
M. Bernier (Jean-François) :
Oui.
M. Arseneau : Alors,
cette espèce de chevauchement là ou de cheminement aussi des jeunes, je pense
qu'il est... il est fondamental. Et en ce sens, votre... vos... vos
préoccupations, là, vos... vos demandes d'amendement me semblent tout à fait
recevables et intéressantes pour qu'on puisse discuter de la façon dont on va
tenter de guider nos jeunes, les enfants, pour qu'ils cheminent correctement,
et leurs parents également. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Me Bernier et
aussi Me Dupuis qui nous a écoutés très attentivement. Alors, sur ce, je
vais suspendre les travaux pour permettre au prochain groupe de venir
s'asseoir. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 01)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 03)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux et nous
allons recevoir maintenant Mme Elise Bonneville, directrice du collectif de la
petite enfance. Alors, madame, je vous invite à nous faire votre présentation
pendant 10 minutes, et, par la suite, nous allons procéder à un échange. Je
vous cède immédiatement la parole.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Bonjour. Vous m'entendez bien? Parfait. Bonjour. Merci beaucoup d'accueillir
le Collectif Petite Enfance. Donc, ça me fait plaisir de vous le présenter
brièvement avant de me lancer dans notre mémoire. Donc, le collectif est une
organisation qui regroupe 23 organisations, donc 23 réseaux différents à
travers tout le Québec, qui eux rallient des milliers de personnes qui oeuvrent
pour la petite enfance à travers tout le Québec. Et on porte une mission, c'est
faire de la petite enfance une priorité dans la société. En fait, on se
positionne comme le porte-voix des tout-petits et on souhaite contribuer à la
mise en place des conditions qui vont permettre le succès et assurer le plein
développement, le bien-être et l'avenir des tout-petits, du début de la
grossesse à l'entrée à la maternelle.
Donc, pour nous, considérant la mission du
collectif, considérant aussi qu'au Collectif Petite Enfance on s'engage aussi
au respect des droits des enfants depuis plusieurs années, c'était tout naturel
pour nous de porter un intérêt intéressant, là, sur le projet de loi pour le commissaire
au bien-être. Il faut dire que... On veut reconnaître, là, l'excellent travail
qui est proposé dans le projet de loi, c'est d'une très grande qualité. Puis
aujourd'hui, nous, ce qu'on souhaite... bien, moi, ce que je souhaite, c'est
apporter certains éclairages sur des éléments qu'on considère importants pour
les tout-petits 0-5 ans, donc notamment sur l'utilisation efficiente des
ressources qui sont vouées aux tout-petits et à leurs familles, les notions de
prévention et d'universalisme proportionné se retrouvent aussi à travers le
mémoire, la place des parents, et je vais terminer avec quelques mots sur le
commissaire adjoint pour les enfants autochtones.
Donc, plus en détail, le premier volet du
mémoire : Se servir de notre filet social. Donc, au Québec, on a la chance
de pouvoir compter sur un filet social incroyable, des réseaux d'organismes
communautaires, de la société civile qui se consacrent aux enfants, à leurs
familles et à la période périnatale. Le commissaire, dans son mandat, aura,
entre autres, comme mandat de rejoindre les enfants et de les consulter sur
plusieurs sujets. Or, on sait que consulter et rejoindre les enfants comporte
plusieurs défis. Je vous entendais ce matin avec d'autres invités, c'est clair
que ce n'est pas simple de rejoindre les enfants, de les consulter et, quand on
pense aux tout-petits, c'est un double défi. Donc, c'est pourquoi on a
permis... on s'est permis d'émettre des éclairages et des recommandations à cet
effet. On pense que pour les... pour faciliter les stratégies qui permettront
de rejoindre les tout-petits et de les entendre, il serait primordial de
pouvoir collaborer avec les organismes qui se dédient au bien-être des enfants
de par leur mission... devraient, en fait, faire partie des proches partenaires
du commissaire au bien-être. On pense aussi que, pour rejoindre les familles...
les enfants et leurs familles, le commissaire doit être présent physiquement
sur l'ensemble du territoire du Québec. Là encore, une collaboration étroite
avec les organismes sera bénéfique au mandat du commissaire parce qu'ils sont
tous déjà très impliqués aux quatre coins du Québec. En plus, il s'agit d'une
opportunité pour joindre les familles que les réseaux étatiques n'arrivent pas
à rejoindre, pour plusieurs raisons que je pourrai détailler dans les... la
période de questions.
La notion de la prévention. Donc, pour
nous, c'est important d'apporter cette notion-là. Peu importe le domaine, on le
sait, que prévenir est toujours une meilleure alternative que de guérir, hein?
On pense que... Dans le mandat du commissaire au bien-être, on constate qu'il y
a plusieurs... plusieurs aspects de son mandat qui portent sur la prévention, d'autres
qui sont d'action peut-être un peu plus curative. Donc, pour nous, par exemple,
au niveau de la prévention, on voit bien que de produire un bilan annuel...
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...elle
va permettre un regard préventif, de faire de la promotion des droits, de
consulter les enfants sur les différents sujets des enjeux de notre société,
notamment, ce sont des belles actions, des bonnes actions de prévention. On
considère par contre que... pas par contre, mais on considère qu'au niveau des
actions plus curatives, la responsabilité d'effectuer une veille des décès des
enfants lui prendra beaucoup de temps. Le devoir d'enquêter sur les plaintes
qu'il reçoit ou sur des problématiques systémiques sont aussi plus dans la
direction d'actions curatives.
En fait, on veut apporter une crainte qui
concerne notamment la place que sera capable de prendre la prévention face au
curatif dans son mandat. On le voit partout quand un même organisme doit
éteindre des feux et les prévenir, ils finissent souvent par prendre toute
l'énergie disponible pour les éteindre et n'arrivent plus à les prévenir. On
est dans cette perspective-là. Donc, nous pensons qu'il faut préciser, rendre
très concret le rôle de prévention que doit jouer le commissaire, notamment
dans les visées de ses enquêtes et dans les thématiques de ce rapport. En
somme, le commissaire doit permettre d'inverser la tendance générale et mettre
de l'avant la prévention dans l'ensemble de ces services aux enfants et leurs
familles, comme faisait appel le rapport de la commission Laurent, notamment.
L'importance de considérer les parents. Il
y a un fort consensus au Québec du fait que le parent, c'est le premier
éducateur de son enfant. Aussi, on sait que le noyau familial fait une
différence dans le développement des tout-petits. Pour les tout-petits, 0-5
ans, comme pour les jeunes enfants, le mandat du commissaire implique
implicitement les parents. Par exemple, pour faire un bilan du bien-être des
enfants au Québec, nous, au collectif, on pense qu'il faut aussi prendre en
compte le bien-être de leurs parents : c'est indissociable. Aussi,
lorsqu'il est question qu'un enfant porte plainte parce qu'il pense que ses
parents ne sont pas... il pense que ses droits ne sont pas respectés, pour les
plus jeunes d'entre eux, donc les plus petits petits, il est probablement... en
fait, il est beaucoup plus probable que ce sera le parent qui portera plainte
au commissaire et non pas l'enfant lui-même. Ainsi, le collectif est d'avis
qu'il serait judicieux de réfléchir à la place des parents dans le mandat du
commissaire. On pourrait encadrer leur prise en compte, leur participation et
veiller à l'accessibilité du commissaire pour eux aussi, en cohérence avec les
diverses réalités familiales.
• (16 h 10) •
La notion de l'universalisme proportionné.
Je vous lis une petite définition : «L'universalisme proportionné, c'est
une approche qui vise à appliquer des principes universels tout en ajustant les
ressources et les interventions selon les besoins spécifiques de différents
groupes ou individus pour assurer l'équité.» On accueille vraiment très
favorablement le fait que le Commissaire au bien-être ait à prendre en compte
tous les enfants plutôt que seulement ceux ayant eu ou étant en trajectoire de
service de protection de la jeunesse. Cela correspond bien à l'idée de la
prévention dont on a parlé plus haut. Cependant, suivant cette même logique de
prévention et de l'idée de l'équité, il ne faut pas que sa mission générale à
l'égard de tous les enfants l'empêche de se pencher plus spécifiquement sur
certains groupes que l'on sait plus vulnérables que d'autres. On va plus en
détail dans le mémoire, mais on pense principalement aux minorités religieuses,
culturelles, linguistiques, aux enfants ayant besoin de soutien particulier,
aux ménages à faibles revenus, aux quartiers défavorisés et aux enjeux de
disparités régionales.
Pour conclure, je voudrais simplement
apporter un petit mot concernant le commissaire adjoint pour les enfants
autochtones. Le collectif, de par sa nature intersectorielle, compte des
membres et certains réseaux des Premières Nations au sein de son membership.
Et, pour nous, c'est important de spécifier qu'on sait qu'ils seront en
commission parlementaire demain matin, je pense, et qu'ils seront bien sûr les
plus... les mieux placés pour apporter leurs propres préoccupations. On sait
aussi qu'ils ont été critiques lors de la sortie du projet de loi. On veut
simplement apporter, pour notre part, l'importance de l'autodétermination
lorsqu'il est question de la petite enfance et de la famille pour les Premières
Nations.
On va aussi dans une recommandation de
minimalement, pour le présent projet de loi... Nous pensons que la
recommandation 1.1.2.2 de la commission Laurent devrait être respectée, et je
vous la lis, donc, «donner une voix aux enfants autochtones en nommant un commissaire
adjoint destiné aux enfants et aux jeunes autochtones et qui serait nommé selon
les mêmes modalités que le commissaire suite aux suggestions des autorités des
Premières Nations».
Merci beaucoup, je serais heureuse de
répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, merci beaucoup, Mme
Bonneville, pour votre présentation. M. le ministre, on débute.
M. Carmant : Merci. Merci,
Mme Bonneville, pour votre présentation, vous qui, actuellement, comme vous
l'avez mentionné, là, le porte-voix de nos jeunes et de leurs familles.
Qu'est-ce que... Quelles sont les priorités selon vous...
M. Carmant : ...à améliorer au
niveau de la prévention?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Merci pour la question, c'est une excellente question. Lorsqu'on pense à la
prévention dans une perspective ou à travers le prisme du 0-5 ans, pour le
Collectif Petite Enfance, on pense à travailler même en amont de la trajectoire
de services dans laquelle peuvent s'inscrire certains enfants. Donc, comment
peut-on améliorer les différentes trajectoires qu'un enfant, un tout-petit
pourra prendre pour éviter qu'il puisse et ait besoin de se rendre dans une
trajectoire de services plus étatique? Donc, on pense plutôt à observer les
facteurs de risque, les facteurs de protection qui sont déjà identifiés autour
de l'enfant et de... Pour le commissaire, ce serait un bon moyen de pouvoir
identifier des recommandations sur l'amélioration des systèmes qui vont faire
que le tout-petit ne se rende pas, ou les enfants ne se rendent pas dans des
trajectoires plus officielles, donc de travailler à quelques pas... On fait
quelques pas de reculons pour éviter d'arriver dans une trajectoire plus
formelle.
M. Carmant : Puis,
actuellement, quel serait le... Je travaille depuis cinq ans, là. Quel serait
le principal obstacle pour réussir cet objectif de... tu sais, d'agir avant
qu'il rentre dans le réseau, quoi, dans le réseau public, là?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Bien sûr, c'est une grande question. Je sais que vous y travaillez très
fort. Ce qui est clair, c'est que plusieurs enfants... bien, en fait, la
majorité des enfants gravitent dans différents milieux et se développent dans
différents milieux de vie, et ces milieux de vie, en fait, se traduisent par
des organisations et des réseaux qui sont complémentaires aux réseaux plus
formels. Donc, les réseaux des organismes communautaires, des organismes en
périnatalité vont devenir des alliés extrêmement importants à considérer dans
l'équation lorsqu'il est question d'agir en prévention, donc, dans un même pied
d'égalité, puis c'est sûr que la collaboration officielle devient un levier
extrêmement important et extrêmement intéressant à explorer lorsqu'il est
question de saisir les opportunités en amont de l'entrée dans ces trajectoires
un peu plus officielles.
M. Carmant : O.K. Très
intéressant. Puis comment vous qualifierez actuellement le partenariat ou la
collaboration entre le réseau public et les organismes communautaires? Là, on
vient de lancer un projet avec le réseau de périnatalité, avec les maisons
bleues. Mais, à ma grande surprise, plusieurs de nos hôpitaux ne connaissaient
pas ces ressources-là, là. Donc, tu sais, comment vous qualifiez la
collaboration actuellement puis comment on peut l'améliorer? Quel mandat vous
donneriez au commissaire pour ça, pour améliorer les choses?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
C'est effectivement aussi une bonne question. Je ne suis pas l'experte de
l'ensemble de la qualité des collaborations entre les différents réseaux. Cela
dit, j'ai quand même cette collaboration avec les différents réseaux du
collectif, qui eux collaborent avec les réseaux étatiques, et, sans pouvoir
avoir, là, fait le travail en profondeur, assurément que de — et ça,
je pense qu'on l'a déposé dans quelques mémoires, même au collectif — de
développer des cadres de collaboration plus officiels entre ces réseaux est
encore manquant dans l'équation, de façon plus transversale, pour les
organisations des différents réseaux. Bien sûr que c'est... La complexité...
Dans l'ensemble de votre discussion que vous avez eue avec les différents
groupes, comment on ne se dédouble pas, comment on peut s'assurer de développer
des passerelles, c'est une question qu'on doit constamment réinvestir et
réintégrer. Mais assurément que pour ce qui est de la collaboration entre les
différents réseaux, certainement que des mécanismes officiels peuvent être
réfléchis pour qu'on puisse favoriser la transversalité et l'aller-retour de la
collaboration. En fait, c'est plus là où les enjeux continuent à persister, et
je pense qu'il y a une volonté d'amélioration continue. Mais c'est sûr que ça
pourrait faciliter, et on l'émet dans une des recommandations du mémoire.
M. Carmant : C'est ça, parce
que même, à un moment donné, vous parlez... puis c'est ça qui m'avait un peu
attiré l'attention, vous avez parlé de faciliter l'accès direct et physique au
commissaire, donc ouvrir... Tu sais, nous, on pensait l'envoyer peut-être dans
les écoles ou dans... tu sais, dans des différents lieux, là. Mais, même dans
les organismes communautaires, il devrait... Est-ce que c'est à ça que vous
pensiez quand vous avez...
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Assurément que dans les différentes régions du Québec il y a déjà des
réseaux de collaboration qui sont établis, des organisations communautaires qui
sont communautaires, de la société civile, en périnatalité, donc de
différents.... dans différentes missions entourant les enfants qui sont...
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...déjà
en contact direct avec les tout-petits, donc ils sont très bien informés de
leur bien-être, des ressources qui sont disponibles sur le territoire donné et
qui contribuent à leur bien-être de façon proximale. Donc, je ne pourrais pas émettre
une recommandation précise sur comment avoir un lieu physique par territoire.
Cela dit, je vois bien des opportunités, de par la mobilisation qui est déjà
palpable et réelle dans les différents territoires du Québec, pour réfléchir
cette question-là avec eux. Je pense que c'est plus à eux de pouvoir ramener
leur savoir, de comment ils peuvent... et comment ils sont organisés par
région.
M. Carmant : Parfait. Et une
chose qui m'intéresse aussi, c'est comment vous verriez un genre de formalisation
de ces ententes-là. Est-ce que vous avez déjà réfléchi à ça?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Encore là, c'est sûr qu'au collectif on n'est pas des experts des rouages
administratifs, là, qui peuvent prendre place entre les différents réseaux. Cela
dit, les membres du collectif, en collaboration, peuvent réellement contribuer
à cette réflexion. Je pense que ça... c'est réellement une possibilité, et ça
demanderait une expertise croisée de différents interlocuteurs pour bien le
réfléchir.
M. Carmant : Merci. M. le
Président, je passerais la parole...
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Je... Excusez-moi. Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Dorismond : Bonjour.
Merci d'être là. Vous parlez que vous êtes la voix des tout-petits. J'aimerais
ça vous entendre comment vous faites, vous, pour entendre leur voix puis aller
chercher leur pouls, en lien avec votre coalition.
• (16 h 20) •
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Oui, merci pour la question. C'est, assurément, par les différents réseaux
qu'on arrive à avoir une vue transversale des réalités des tout-petits. Donc,
par la collaboration intersectorielle, c'est sûr qu'il y a davantage de regards
croisés qui sont permis. Donc, dans l'intersectorialité, donc, des différentes
organisations, qui, elles, représentent les tout-petits, on réussit à avoir
accès à des organisations autant de façon locale, régionale et nationale,
croisées aussi avec beaucoup du milieu de la recherche, donc, par exemple,
l'Observatoire des tout-petits, des collaborateurs de différentes universités
aussi. Donc, on arrive à avoir une vue plurielle pour le bien-être des
tout-petits.
C'est un travail qui est de tous les
instants, aussi, dans la volonté de consulter, la capacité d'établir des
mécanismes de dialogue, de communication, de représentation qui est diverse.
Donc, il y a plusieurs stratégies à mettre en place, et c'est pourquoi, dans le
projet de loi qu'on voit et le mandat du commissaire au bien-être, il y a
davantage de leviers qu'on pense, dans la société, qui existent déjà, qui
peuvent être mis à la contribution de ce commissaire-là pour arriver à
connecter avec les organisations qui, elles, sont, à tous les jours, auprès des
tout-petits, les organismes communautaires famille, les centres de la petite
enfance, les haltes-garderies, les centres de périnatalité, les Premières
Nations, donc, une transversalité d'acteurs qui sont engagés autour des
tout-petits. C'est sûr qu'on a ce privilège-là au Québec, et je pense vraiment
que de... plusieurs stratégies pour le commissaire. On pourrait en dégager
quelques-unes pour l'aider à chercher cette voix-là. Merci.
Mme Dorismond : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre.
M. Carmant : Au niveau de...
je réfléchis... oui, vous aviez une... vous avez mentionné une inquiétude, puis
je la partageais avec vous aussi... on va dans le détail de votre document,
parce que je pense que le reste était, quand même, très clair, là... vous aviez
partagé une inquiétude par rapport au rôle, là, de surveillance des décès. J'ai
posé la question à certains, qui disaient qu'en fait on n'allait pas assez loin
dans le projet de loi. Eux, ils m'ont dit que ce ne serait pas une veille
active, mais, plutôt, un rôle de récupérer l'information des différents sites,
par exemple, l'INSPQ, le coroner, etc., et de faire un résumé, avec une vue
globale, encore une fois, du nombre de décès et des causes de décès chez les
enfants. Est-ce que vous seriez à l'aise avec ce rôle, quand même, moins prenant,
comme vous dites, là? Parce que moi aussi, au début, j'étais inquiet, je me
dis, bon, s'il faut comptabiliser tous les décès au Québec, ils ne feront que
ça, là. Mais ça, est-ce que vous verriez une... que c'est plausible, avec tout
le reste qu'il lui reste à faire?...
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...en
fait, merci pour cette question. Assurément que le collectif, on ne s'est pas
penché de façon précise sur cette tâche dans le mandat, parce que ce n'est pas
du tout dans notre expertise. Cela dit, ce qu'on... ce que je peux réitérer,
c'est que, d'une part, les résultats... donc, j'entendais même ce matin, là,
les anciens commissaires de la commission qui disaient : On ne sait pas de
quoi décèdent les enfants. Dans une perspective de prévention, d'avoir accès
aux informations, pourront nous permettre... et permettre au commissaire par la
suite d'émettre des recommandations en matière de prévention pour prévenir les
orientations de... de qu'est-ce qui peut... qu'est-ce qui se produit?
Qu'est-ce qui sont les causes de ces décès-là? Donc, assurément, je ne peux pas
répondre à la question par rapport à l'ampleur de sa tâche, de ce qui est
décrit dans le projet de loi, mais assurément que ce sera des informations
pertinentes et précieuses pour ensuite renverser la vapeur pour agir en
prévention. Ce qui est préoccupant, et, tu sais, je pense que je peux le
répéter, c'est vraiment le fait que, si cette tâche est colossale, que le
commissaire ait les moyens d'avoir tout autant d'effort au niveau de ce qui est
préventif, à la hauteur de l'effort qu'il mettra à veiller sur les raisons des
décès, donc qu'on puisse être dans un équilibre des capacités de ce... de ce
mandat-là pour qu'on puisse agir sur les deux fronts en même temps.
M. Carmant : D'accord, merci.
Mais je pense que si on...
Le Président (M. Provençal)
:...allez-y, mais après ça j'ai une
députée qui va...
M. Carmant : Ah! d'accord,
mais je pense que... Comme je vous dis, si c'est un rôle de recueillir
l'information que d'autres suivent, je pense que c'est plus jouable. Mais
évidemment il y a... on va parler un peu quand même, si on a du temps, de
l'enjeu des Premières Nations et Inuits. Il faut savoir, c'est que... ça, je
l'ai mentionné plus tôt aujourd'hui, en ce qui a trait au Comité consultatif
des jeunes des Premières nations et Inuits, on était à l'aise avec le fait
d'aller de l'avant, mais c'est plutôt les groupes que l'on a rencontrés, des
Premières Nations, Inuits qui nous ont demandé de ne pas l'inclure. Donc, on va
attendre de discuter avec eux par rapport à ça. Mais en général, tu sais, nous,
dans le... dans la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse, dans le...
dans le préambule, on nomme clairement qu'on... que ce sont les Premières
Nations, Inuits sont les mieux placées pour prendre soin de leurs enfants. Et
on veut quand même s'assurer qu'elles soient complètement incluses dans le
processus du commissaire associé. Mais comment vous voyez la détermination
entre les 11 nations et les 40 plus communautés? Est-ce qu'on va être
capable de cerner un individu qui... qui fera l'unanimité?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Merci pour la question. Effectivement que les Premières Nations ont émis
leurs préoccupations à la sortie du projet de loi. Et assurément qu'ils seront
les mieux placés pour réfléchir ces questions-là. Et je... je suis persuadée
qu'ils ont potentiellement des propositions intéressantes à faire en cette
matière, ce que je ne détiens pas comme information. Vraiment, c'est... dans ce
que nous, on réitère, c'est vraiment l'importance de l'autodétermination en
matière d'action pour les tout petits, les enfants et les familles pour les
Premières Nations. Et je pense qu'à la présentation demain de l'Assemblée
nationale... à l'Assemblée nationale, je pense qu'ils pourront éclairer vos
lumières par rapport à ça. Parce que ce n'est pas des... des informations que
moi-même, je détiens, mais je sais qu'ils se sont bien penchés sur la question.
M. Carmant : O.K., merci.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Laporte.
Mme Poulet : ...
Le Président (M. Provençal)
:Deux minutes 30.
Mme Poulet : Deux min 30 s.
Merci de votre présence, Mme. Mme Laurent mentionnait tantôt, il a été question
de mécanismes d'accréditation, comme quoi qu'il n'y aurait aucune base
juridique pour guider l'avocat qui doit seul décider si l'enfant a la capacité
ou est en mesure de lui donner des directives en lien avec la situation qu'il
amène dans le dossier. J'aimerais savoir, vous qui faites partie de différents
réseaux, que vous collaborez avec d'une façon intersectorielle, quelle est
votre opinion par rapport à des mécanismes d'accréditation des formations pour
les avocats?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Merci de la question. C'est une très bonne question à laquelle le collectif
ne s'est pas penché du tout. Et je ne serais pas en mesure de répondre de façon
vraiment précise à votre question. Une chose est certaine, dans la
collaboration entre les différents réseaux, il y a certainement des mécanismes
à intégrer pour qu'on puisse être dans une réelle collaboration. Mais par
rapport à l'accréditation, ce n'est pas un champ d'expertise que je... que je
maîtrise, je vous avoue...
Mme Poulet : ...non, mais je
pensais que peut-être que ça aurait été discuté, soulevé vu que vous êtes dans
un... dans différents réseaux. Alors, c'était le but de ma question, là, savoir
si vous en aviez entendu parler, si l'enjeu avait été soulevé.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Non, malheureusement.
Mme Poulet : O.K. Bien,
merci, je n'ai pas d'autre question.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Merci.
M. Carmant : ...Agir tôt,
est-ce que c'est... Qu'est-ce que vous en pensez? Avez-vous de la prévention et
comment l'optimiser?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
C'est une très bonne question. Oh! attendez.
M. Carmant : Quand même.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
C'est audacieux, effectivement. C'est une bonne question. C'est sûr que
j'ai difficilement la capacité de faire des liens autres que ceux de dire que
quand on pense au mandat du Commissaire au bien-être, dans une action de
prévention, bien sûr que le programme Agir tôt fait partie de la trajectoire
possible pour un tout-petit, pour un enfant, en collaboration avec les autres
réseaux, pour qu'on puisse vraiment capter très tôt qu'est-ce qui se passe chez
un tout-petit. On le sait que, pour les tout-petits, la période de
développement, elle est phénoménale, du zéro-cinq ans, elle ne reviendra pas
non plus. Donc, bien sûr d'arrimer les efforts de la société civile, donc dans
des différents réseaux, au programme Agir tôt, assurément qu'il y a des pas de
géant de fait, il y en a d'autres à faire. Et pour ce qui est du Commissaire au
bien-être, bien sûr que c'est un lien, c'est un lien qui est important à
maintenir dans le référencement possible, mais je ne pourrais pas aller plus
loin dans cette réflexion en ce moment.
M. Carmant : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Nous allons poursuivre avec Mme la
députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Bonneville. Merci d'être ici. D'entrée de jeu, je
sais que vous avez mentionné que les couples de Premières Nations, les Inuits,
et tout ça, vont venir témoigner et rendre leurs commentaires concernant le
projet de loi. Mais j'ai vu dans votre mémoire qu'il y a quand même une
préoccupation du collectif à ce sujet au niveau de l'autodétermination des
peuples autochtones, et vous le voyez comme étant une priorité, le collectif,
que c'est un enjeu très important pour vous?
• (16 h 30) •
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Dans la composition intersectorielle du collectif, bien sûr que les
priorités sont nombreuses. Celles des Premières Nations font partie, bien sûr,
du porte-voix qu'on occupe. Donc, bien sûr que ce sont des actions qu'eux
portent, et nous, on est en collaboration sur cette question là. C'est
davantage pour le bien être des tout petits où on se préoccupe, où on doit
s'assurer d'être dans les meilleures collaborations pour ces tout petits là.
Donc, c'est comme... c'est cette lecture-là que l'on a au collectif.
Mme Garceau : Est-ce que le
collectif a des propositions, des mesures concrètes à nous transmettre
concernant la nomination du commissaire dédié aux enfants, au bien-être et aux
enfants autochtones et comment rencontrer les besoins des enfants autochtones?
Est-ce que le collectif a des propositions à faire?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Merci pour la question. En fait, le collectif n'aura pas de recommandations
précises à ce niveau. Considérant la volonté, l'expertise précise et la
connaissance de leur propre communauté, les Premières Nations sont les mieux
placées et je crois les seuls à pouvoir émettre ce genre de recommandations.
Concernant votre question, bien sûr qu'on est... qu'on sera à l'écoute de leurs
recommandations, mais le collectif ne pourra pas et n'en émettra pas, en fait.
Mme Garceau : Très bien
compris. En ce qui a trait... Vous avez, à quelques reprises, parlé de la
nécessité d'avoir une représentation... que les enfants vont avoir une
représentation régionale, que ça soit des bureaux de commissaires dans toutes
les régions du Québec. Est-ce que c'est ça, le souhait du collectif et même de
le mettre dans le projet de loi, de l'intégrer, qui va avoir des bureaux dans
les 17 régions du Québec?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
En fait, le collectif souhaite surtout mettre en lumière des éléments qui
sont disponibles et des préoccupations, mais on n'a pas, en fait, la volonté
d'émettre des amendements précis par rapport au commissaire. Ce qu'on observe,
c'est que, par rapport à l'accès...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...aux
enfants. Les différentes dynamiques du territoire québécois et les expertises
plurielles qui s'y retrouvent nous amènent à la... en fait, l'émission de cette
recommandation de les considérer dans l'équation comme étant des collaborateurs
très importants pour le commissaire. Donc, les organisations des différentes
régions connaissent bien les dynamiques familiales, connaissent bien les
besoins des enfants, savent comment les rejoindre. Notamment, on sait, là, que certaines
familles sont moins rejointes par les réseaux étatiques. Donc, comment
allons-nous faire si on n'a pas d'accès sur les différents territoires pour ce
commissaire et comment ces enfants-là pourront trouver l'accès au commissaire s'ils
ne se trouvent pas dans l'ensemble des régions du Québec? Donc, on... c'est
très bien documenter, là, l'impact de la mobilisation par territoire. Les
stratégies sont différentes, les ressources sont différentes selon la dimension
des territoires et des populations. Donc, c'est plus un élément de réflexion qu'on
voulait amener à votre attention en disant : On n'est pas les experts pour
réfléchir à comment ça pourrait s'inscrire dans un amendement, mais de le
considérer comme un des leviers importants de notre société, mais aussi des
enjeux que ça pourrait générer de ne pas le considérer, pour donner cet
accès-là à tous les enfants au Québec.
Mme Garceau : Intéressant. J'ai...
à la page 19, j'ai trouvé très intéressante la référence aux résultats des
travaux, l'étude Esposito qui était citée dans votre rapport, et les disparités
importantes dans la probabilité de votre... de l'implication des services de la
protection de la jeunesse dans la vie des familles vivant dans les régions
rurales, par rapport à celles vivant dans les régions urbaines. Vous avez fait,
là... il y avait des constats concernant... «27 % plus d'enfants issus des
régions rurales feront l'objet d'une évaluation au signalement retenu,
29 % plus d'enfants issus des régions rurales verront leur signalement
retenu après l'évaluation et 52 % plus d'enfants issus des régions rurales
feront l'objet d'un placement». Et vous avez mentionné, par rapport à ce
dernier élément : «Nous nous permettons de réitérer la recommandation
faite plus tôt, à savoir qu'un engagement clarifié sur la présence du
Commissaire au bien-être et aux droits des enfants dans chaque région du Québec
est essentiel.»
Donc, je reviens à mon point en tant
que... pour bien comprendre ce que le collectif demande de la commission.
Est-ce que vous voulez que, dans le projet de loi, nous allons spécifier, nous
allons avoir des dispositions liées à cette... pour l'inégalité régionale?
Est-ce qu'il y a quelque chose spécifique que vous aimeriez qu'on ajoute?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
En fait, je pense que les parlementaires, vous avez cette expertise
peut-être plus précise de prendre la préoccupation que le collectif apporte et
de le mettre dans un libellé ou dans un amendement précis. Ce qui est clair,
dans les constats qui sont sortis de l'étude de M... Esposito et aussi par l'expertise
des différents réseaux du collectif, c'est qu'il est important de le
considérer, lorsqu'on réfléchit une offre de services qui est... ou un
programme ou un service qui s'adresse à toute une population, donc, l'importance
des disparités régionales et des réalités. Et les données démontrent qu'il y a
des impacts si les services ne sont pas au rendez-vous dans les différentes
régions.
Donc, c'est une invitation à réfléchir
comment on pourrait l'inclure dans le projet de loi, s'il a besoin d'être
précisé, mais considérant la non-expertise en matière légale, je dirais que ce
sera peut-être une rencontre entre cette préoccupation et la capacité à le
préciser dans le projet de loi.
Mme Garceau : O.K. Bonne
idée. Bonne réflexion. Il me reste combien...
Le Président (M. Provençal)
:Deux minutes.
Mme Garceau : Ah! O.K. Page 10,
il y avait une référence, lors d'une conférence de presse que le ministre...
ministre a insisté à plusieurs reprises sur l'idée que le commissaire devait
pouvoir assurer l'accès aux services de la première ligne pour tous les
enfants. Le collectif a mentionné que vous vouliez codifier de manière beaucoup
plus explicite dans le projet de loi cet accès aux services de première ligne.
Est-ce que c'est ça que vous demandez?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
En fait, on précise que l'important... l'importance de...
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...permettre
aux enfants d'avoir accès à des services de façon plus formelle dans une action
de prévention. Donc, c'est ce qu'on... c'est ce qu'on propose dans le mémoire,
c'est de permettre d'avoir... pour que ce commissaire ait plus de possibilités
d'intégrer les différentes trajectoires, les différents réseaux de première
ligne en réelle prévention pour les enfants.
Mme Garceau : Et que ça soit
intégré dans le projet de loi?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Oui.
Mme Garceau : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député. Alors, M. le député?
M. Cliche-Rivard : Oui, merci
beaucoup. Merci pour votre excellente présentation.
Je vais aller vite. Au deuxième point,
deuxième recommandation, vous parlez d'établir des ententes avec des
organisations de la société civile et évidemment le commissaire. J'imagine,
c'est un travail important, là, qui toucherait différents organismes. Ça va
être nécessairement lié ou ça serait lié à une enveloppe de financement,
j'imagine? Ça ne serait certainement pas d'une manière bénévole, sur le peu de
temps que vous avez. Est-ce que je me trompe ou...
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
C'est une excellente question, à laquelle on ne s'est pas... on n'a pas été
jusque-là dans notre réflexion, en fait. Au collectif, ce n'est pas... c'est à
chacun des réseaux de réfléchir leurs moyens de collaboration. Donc, ce sera...
ce serait certainement à explorer avec les différentes organisations avec
lesquelles la collaboration serait possible.
Cela dit, ce qui est important dans la collaboration
entre les différents réseaux, c'est davantage de préciser quelles sont les
attentes de collaboration, quels sont les moyens attendus et comment, de
façon... de façon transversale, les organisations pourraient collaborer. Mais
on n'est pas allés jusqu'à cette réflexion très intéressante.
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
tout dépendant de ce qui est demandé, d'une certaine façon, mais ça sera aux
organismes individuellement de prendre leurs décisions.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Tout à fait.
M. Cliche-Rivard : Vous
parlez de rendre plus explicite le rôle que doit jouer le commissaire dans la
prévention et la promotion de la prévention. En termes de projet de loi, là, ou
en termes du libellé, qu'est-ce que vous voulez dire, concrètement? Comment on
peut rendre ça plus explicite?
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
En fait, comme je le mentionnais tout à l'heure, les préoccupations du
collectif et des apportées, jusque dans le projet de loi et dans la
consultation d'aujourd'hui, c'est de considérer ces éléments comme étant
probants sur le... l'action que... les actions que le commissaire pourrait
faire pour rejoindre les enfants, les tout petits, zéro cinq ans. Cela dit,
dans ce qui est de la... comment le libeller dans le projet de loi, ce n'est
pas là où on a cette expertise. Donc, on était... on était vraiment dans cette
volonté d'apporter ces préoccupations et de voir comment vos expertises,
peut-être, peuvent se croiser à nos préoccupations.
M. Cliche-Rivard : O.K. Donc,
parce que là, à la lecture première, puisque c'est ce que vous commentez, là,
vous sembliez inquiètes, inquiets que ça ne soit potentiellement pas ça qui
soit le rôle explicite, central, puis que le mandat puisse être dévié. C'est ce
que vous... c'est ce que vous aviez lu?
• (16 h 40) •
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
On était préoccupés de l'interprétation possible que la place de la
prévention pourrait prendre ou pas dans le mandat. Mais c'est surtout parce que
l'histoire nous l'a souvent raconté, que... et l'analogie de... d'éteindre un
feu et de le prévenir en même temps, comment on fait pour s'assurer qu'on a
tout l'équipement possible pour et agir en amont et l'éteindre en même temps?
C'est là où c'est potentiellement dans l'étude du projet de loi dans... par
amendement que ce sera possible d'aller le préciser. Mais donc, c'était plus
d'apporter cette préoccupation-là, considérant que c'est souvent l'enjeu dans
tous les réseaux, dans tous les systèmes, qu'on doit éteindre le feu et qu'on n'est
plus capables de s'assurer qu'on le prévient. Donc, c'était plus une
préoccupation qu'on apportait en se disant qu'on allait potentiellement vous
entendre sur comment bien l'intégrer, ou peut-être qu'il se retrouve déjà là,
mais notre préoccupation, c'est de... par rapport aux tout petits.
M. Cliche-Rivard : De le
souligner.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Oui, surtout, oui, tout à fait, parce que...
M. Cliche-Rivard : Bien, un
grand merci pour votre temps. Merci beaucoup.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M. le
Président. Merci, Mme Bonneville, pour la présentation, pour les réflexions que
vous amenez aussi. En fait, vous allez nous faire travailler pas mal, dans la
mesure où vos préoccupations sont claires, comment est-ce qu'on peut les
traduire dans un texte législatif, ce sera quand même à considérer, est-ce que
c'est déjà présent, est-ce que ça l'est suffisamment.
Je trouve ça fort intéressant que vous
nous rameniez certaines données, là, les études que vous faites valoir sur, par
exemple, le fait qu'il faut regarder l'enfance plutôt que... l'enfance dans
toutes ses dimensions plutôt que les enfants individuellement, je pense que
c'est une réflexion qui est intéressante....
M. Arseneau : ...je vous
poserais un peu la même question : Est-ce que vous avez une idée comment
on peut faire ça? Je sais que vous voulez nous faire travailler, vous allez
probablement répondre la même chose, c'est à vous de le mettre dans un libellé
légal, mais quand même.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Effectivement que la réflexion par rapport à répondre aux besoins de
chacun, bien sûr, dans les propositions ou dans les réflexions puis les
préoccupations qu'on apporte, il y a quand même des moyens qui sont déjà
disponibles dans la société pour y réfléchir de façon efficace, il y a des...
il y a des grands projets, il y a des... il y a des organisations qui se
penchent sur ces questions-là. Donc, en fait, je crois qu'il y a plusieurs
réponses qui se trouvent à l'intérieur de notre société, mais que je ne pourrais
pas vous traduire en langage légal, malheureusement, parce que ce n'est pas là
où j'ai mon expertise.
M. Arseneau : Je voudrais
aussi... en tout cas, faire valoir la portion de votre mémoire sur l'attention
particulière a apportée à certains groupes, là, agir selon les principes
d'égalité et de l'équité, là, en fait, surtout de l'équité. Ce que je
comprends, notamment, là, bon, la question des ménages à faible revenu, les
quartiers défavorisés, tout ça, ont de quoi faire réfléchir, nous dites-vous à
la page 18. C'est... c'est réussi, ça nous fait réfléchir aussi.
Et notamment les inégalités régionales.
Vous parlez de différentes régions, là. Votre préoccupation à cet égard, est-ce
que c'est... on ait une organisation qui soit centralisée, qui soit plutôt
bureaucratique puis qui soit moins sur le terrain. Je voudrais comprendre la
nature précise de votre préoccupation à cet égard-là des inégalités régionales
dans le service qui pourrait être offert.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
Oui, merci pour la question. La préoccupation par rapport aux disparités
régionales, elle... elle se recoupe à travers, en fait, l'ensemble des données
qu'on présentait aussi dans le mémoire, où on va un peu plus loin, du fait
qu'on sait pertinemment que les enfants, et les tout-petits particulièrement,
sont très impactés dans... par les milieux où ils se développent. Donc, ils ont
besoin d'avoir accès à plusieurs milieux, milieux de vie, plusieurs ressources
pour permettre leur plein développement et permettre qu'on puisse vraiment agir
de façon rapide sur les problématiques qui se présentent dans cette période et
cette vitrine tellement précieuse de la petite enfance.
Et lorsqu'on pense aux disparités
régionales, bien, on se dit qu'on voit bien que certaines régions ont moins
accès à des services, ont des territoires plus éloignés. Et la collaboration et
l'accès à ces familles ou aux services est un enjeu assez important. Donc, pour
nous, c'est une préoccupation qu'on voulait apporter à votre attention parce que
ce commissaire, comme il aura un mandat de rejoindre tous les enfants, on
voudrait assurément penser à certaines régions qui, par certaines données,
démontrent des vulnérabilités qui sont plus importantes. Donc, de ne pas
oublier, de peut-être permettre à ce commissaire de donner un effort plus
accentué selon les enjeux territoriaux qui peuvent se présenter.
M. Arseneau : Donc, je
comprends que la fracture est déjà observable. Maintenant, au commissaire
d'essayer de travailler à la résorber un tant soit peu, ou complètement,
idéalement.
Mme Bouchard-Bonneville (Elise) :
De réfléchir à des stratégies pour permettre de répondre à ça. Oui,
effectivement.
M. Arseneau : Merci. Je sais
que mon temps est écoulé. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Bonneville, pour votre
contribution, votre présence à nos travaux. Maintenant, je vais suspendre ces
derniers pour permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 46)
(Reprise à 16 h 50
)
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous poursuivons nos
travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Camil Bouchard et M. Dominique Goubau.
Je vous rappelle 10 minutes de présentation, et on poursuit nos échanges.
Merci. Je vous cède la parole.
M. Bouchard (Camil) : Merci,
M. le Président. Nous vous remercions de nous accueillir à cette séance. Vous
avez des bonnes journées, on le sait, alors on tentera d'être le plus clair
possible.
Alors, on salue d'emblée la création du
poste de commissaire au bien être et aux droits des enfants. Cependant, nous
constatons qu'il manque au projet de loi n° 37 un volet qui serait nommé,
affirmé, explicite, incontournable de prévention. Et nous constatons un mutisme
aussi, un mutisme étonnant, en ce qui a trait à la maltraitance envers les
enfants.
Le mot clé du projet de loi serait selon
nous, prévention, prévention, prévention. Vous allez me répondre que c'est
implicitement par tout un projet de loi, mais ce qui n'est pas nommé n'existe
pas dans une loi. La référence à la prévention est... est plus que discrète
selon nous dans le projet. Elle se manifeste une seule fois et assez timidement
dans les considérants, qui fait référence à la volonté de l'État plutôt qu'à
son obligation d'avoir une approche préventive. Nous pensons que le projet de
loi n° 37 manque ici une occasion unique de marteler cette absolue
nécessité d'un meilleur leadership en matière de prévention et de faire un pied
de nez à toutes ces incantations que l'on entend à chaque fois qu'il y a un
dérapage, une cassure, un droit lésé, un drame, on entend soudainement le mot
«prévention» alors qu'on était capable d'identifier clairement comment et qui,
et par qui on arrivera à assurer un meilleur système en prévention, notamment
en prévention de la maltraitance.
À cet égard, nous proposons que le
commissaire ait la responsabilité de veiller à ce que les autorités compétentes — et
ici nous nommons explicitement le Directeur national de la santé publique et
les directeurs régionaux — fixent annuellement des objectifs
nationaux et régionaux en matière de bien-être des enfants. Il y a un haut
fonctionnaire du gouvernement du ministère qui disait jadis : Quand on ne
sait pas où on s'en va, on arrive ailleurs. Donc, qu'on ait cette préoccupation
des objectifs nationaux et régionaux...
M. Bouchard (Camil) : ...en
ce qui a trait notamment à la réduction de la maltraitance avérée envers les
enfants et les jeunes. Autrement, le risque est grand que le commissaire porte
quasi exclusivement son attention sur les soins des services curatifs ou de
correction en matière de protection. Je vous rappelle, M. le Président, que la
Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse
a très clairement reconnu la maltraitance envers les enfants comme un enjeu de
santé publique. Les directions de santé publique peuvent directement engager
leur responsabilité à cet égard. La Loi sur la santé publique, l'article 55
reconnaît nettement au directeur de la Santé publique ce pouvoir de rassembler
les services concernés lorsqu'il y a une menace de morbidité envers un groupe
dans la population, et les groupes n'ont pas le droit de refuser l'invitation.
Vous lirez l'article 55, c'est intéressant.
L'examen des données produites par les
directeurs de la protection de la jeunesse durant les 30 dernières années
nous indique aussi que les taux de maltraitance varient considérablement d'une
région à l'autre ou d'une période économique à l'autre. À notre avis, il est
très clair que les directeurs de santé publique régionaux sont les mieux placés
pour orienter, accompagner les services de prévention dans l'atteinte de leurs
objectifs, et le commissaire doit s'assurer qu'ils le fassent.
Nous soulignons également que ce projet de
loi répond à une recommandation de la commission spéciale créée suite au drame
de Granby. Il est étonnant à ce sujet que le projet de loi ne manifeste
d'aucune manière une obsession légitime et nécessaire vis-à-vis la réduction de
la maltraitance envers les enfants et les jeunes, et que cela n'apparaisse pas
clairement et explicitement dans la commission... dans la mission du
commissaire. Cherchez le mot «maltraitance» dans le projet de loi, là. Je ne pense
pas que vous puissiez le trouver. Le projet de loi ne serait pourtant sans
doute pas sur la table de cette commission, n'eût été le drame de Granby et du
constat répété ad nauseam, depuis des années, de l'augmentation constante du
taux de maltraitance avérée depuis les années 90. Prévenir la
maltraitance, il ne faut pas rater l'occasion. Il ne faut vraiment pas rater
l'occasion.
Enfin, nous sentons... nous ne sentons pas
dans ce projet de loi un sentiment d'urgence à l'effet d'opérationnaliser la
création de ce poste. L'article 30 donne au commissaire cinq ans pour la
production d'un rapport sur la mise en œuvre du présent projet de loi. On pense
que deux ans seraient assez. Les membres de cette commission ont en main les
six recommandations explicites que nous faisons en ce qui a trait à la
prévention de la maltraitance et à l'urgence de la situation. Je vous remercie.
Je passe la parole à Dominique Goubau.
M. Goubau (Dominique) : Bonjour.
M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je me joins à mon
collègue Camil Bouchard pour vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et
nous permettre de participer à vos travaux.
Le deuxième point que nous voulions soulever
concerne également la mission du commissaire ou, de façon plus large, le
positionnement du commissaire dans le portrait général des institutions qui...
qui... qui sont concernées par la problématique que vous étudiez aujourd'hui.
Et nous pensons que le premier... le tout premier considérant du préambule est
tout à fait significatif et lourd de conséquences pour votre projet considérant
que le Québec s'est déclaré lié par la Convention relative aux droits de
l'enfant en 1991. On peut... Cette référence est capitale. On peut en inférer
que la mission du Commissaire s'inscrit, donc, résolument dans le cadre des
engagements internationaux du Québec et plus précisément dans le cadre de la
Convention internationale sur les droits de l'enfant.
Or, cette convention, elle est assez
particulière, elle est assez remarquable non seulement parce qu'elle... elle
concerne les droits civils et politiques des enfants, mais également dans un
même instrument, les droits sociaux et économiques, ce qui est tout à fait
exceptionnel sur le plan des conventions internationales. Elle est particulière
aussi parce qu'elle vise non seulement ces droits tellement importants qui vous
occupent aujourd'hui de la... de la... du droit des enfants à la protection, du
droit des enfants à ce qu'on appelle les prestations... bien, disons, la
prévention, mais il y a également le droit de participation consacré par la
convention au même niveau que les droits à la protection. Alors, si la
protection des enfants et les mesures de prévention sont évidemment hyper
importantes et doivent être au cœur de la mission du commissaire, il reste
que... c'est le droit à la participation, les droits d'autonomie des jeunes,
est également primordial, et on retrouve cette notion dans le projet de loi à
l'article cinq qui concerne la mission du commissaire. Au point 8, on dit
bien que le commissaire doit former un comité consultatif composé d'enfants et
de jeunes adultes afin d'obtenir leur avis sur les questions qui concernent les
matières qui relèvent de sa compétence.
Le projet de loi va même plus loin
puisqu'il invite les commissaires à...
M. Goubau (Dominique) : ...prendre
en considération et à mettre en place les moyens pour recueillir les
préoccupations des jeunes pour tout ce qui concerne des enjeux de société qui
les concernent. Et, en ce sens, le projet de loi est dans la droite ligne de la
Convention internationale sur les droits de l'enfant. Et je pense qu'il est
important, donc, de souligner qu'au-delà des droits à la protection et à la
prévention, qui sont capitaux, évidemment, il y a toutes sortes d'autres droits
et il y a toutes sortes d'autres domaines que celui de la simple protection
d'éviter que des enfants soient en situation de compromission. Il y a tous les
autres. Il y a, je ne sais pas, 1,5 ou 1,6 million d'enfants au Québec qui sont
concernés par l'enseignement, par les loisirs, par les rapports familiaux, par
le droit à la santé physique, mentale, par la participation démocratique.
Songez par exemple au débat sur l'éventuel vote des jeunes à 16 ans plutôt qu'à
18 ans. Tout cela, ce sont des sujets qui préoccupent les jeunes et qui font,
je pense, éminemment partie de ce que le projet de loi appelle les enjeux de
société dont peut se saisir et, à mon avis, dont doit... devra se saisir le
commissaire. Et par conséquent...
Et j'ajoute un dernier point, la
Convention internationale prévoit en son article 42 que les États
parties... c'est une obligation du Québec sur le plan international, les États
parties s'engagent à faire largement connaître les principes et les
dispositions de la présente convention par des moyens actifs et appropriés. On
retrouve cette obligation en filigrane dans l'article 5 du projet, au
paragraphe quatre, lorsqu'il est énoncé que le commissaire devra informer le
public au sujet du bien-être et des droits des enfants et des sensibilités aux
questions qui s'y rapportent, etc. Mais tout cela nous paraît trop en
filigrane. Et donc ce rôle du commissaire devrait être un rôle, à notre avis,
décrit de façon plus explicitement comme un rôle qui dépasse le seul domaine de
la protection et de la prévention des situations, qui permettrait de réduire le
nombre de cas d'enfants en situation de compromission. Et il y a tous les
autres, il y a tous les autres cas, et je pense que nous avons ici, au Québec,
une occasion unique de reprendre un petit peu le lead que nous avons eu pendant
des années et des années en droits de l'enfance. Vous savez, d'un point de vue
international, le Québec est désigné comme une des juridictions les plus à
l'avant-garde pour ce qui est de la reconnaissance des droits de l'enfant, par
exemple le droit de l'enfant de s'exprimer devant les tribunaux, ça fait 30 ans
qu'on l'affirme ici, et la plupart des pays qui nous ressemblent étaient un
petit peu à la traîne. Mais là, sur cette question d'un ombudsman ou un
commissaire qui aurait pour mission de veiller au respect des droits auxquels
le Québec s'est internationalement engagé, je pense qu'il était temps et
j'applaudis, nous applaudissons donc l'idée d'un tel organisme, mais nous
pensons que la mission devrait être décrite de façon plus large que ce qui est
actuellement décrit. Donc, on a fait des propositions plus concrètes, que vous
verrez dans les recommandations exprimées dans le... à la fin de notre rapport.
Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Le temps de votre
présentation étant écoulé, je vais demander à M. le ministre de commencer les
échanges.
• (17 heures) •
M. Carmant : Bien, je vous
remercie tous les deux, Messieurs Bouchard et Goubau. Moi, je penche plus de
votre côté, mais j'imagine que... Moi, je veux plus un rôle plus large. Puis
laissez-moi m'expliquer. Moi, je pense que la prévention, c'est vraiment
central à ce poste-là, et justement j'aurais peut-être un malaise à nommer une
cause spécifique comme prédominance sur tous les autres enjeux que vivent nos
enfants. Et je suis d'accord que c'est la maltraitance qui a fait débouler tout
ça et qui nous amène là, mais, tu sais, ça... la députée de Robert-Baldwin
pourrait nous parler de violence conjugale, moi, je pourrais vous parler... moi,
je pense qu'un gros fléau de la société ici, c'est... c'est les abus sexuels
intrafamiliaux qui détruisent les familles. Donc, tu sais, il y a plusieurs
causes que l'on pourrait parler puis mettre de l'avant. Donc, moi, je pense que
c'est... Le rôle du commissaire est vraiment de regarder les choses dans
leur... dans son ensemble et même encore plus en amont.
Cependant, je me souviens de la discussion
qu'on avait eue avec le p.l. 15 et juste vous dire qu'on a quand même fait
des progrès. Les autorités de santé publique ont adopté récemment un plan de
surveillance de la santé maternelle, foeto-infantile et de la petite enfance
ainsi qu'un plan de surveillance de la maltraitance avec les enfants. Donc, on
commence... ça commence à se déployer dans les différentes régions du Québec,
et oui, on va faire un suivi de ça.
Moi, ce que je pense... puis j'aimerais
avoir votre avis, M. Bouchard, moi, je pense qu'une chose qu'on pourrait
renforcer dans le projet de loi, ce serait parler vraiment de... de nommer la
santé publique comme un collaborateur important avec le commissaire et mettre
l'emphase là-dessus plutôt que sur la...
17 h (version non révisée)
M. Carmant : ...qu'est-ce
que... qu'est-ce que vous en pensez?
M. Bouchard (Camil) : On n'est
vraiment pas d'accord tout simplement parce que je constate depuis des années
qu'on fait des progrès assez importants et spectaculaires dans plusieurs... sur
plusieurs enjeux concernant les jeunes. Pensons, par exemple, aux grossesses
précoces, toute la question de l'alcoolisme ou de la dépendance aux drogues
chez les jeunes. Il y a toutes sortes d'enjeux sur lesquels on a eu pas mal de
succès, où on a fait beaucoup de progrès, mais on a un échec retentissant du
point de vue de la maltraitance envers les enfants. Et si on a... D'abord, ça n'exclut
rien à ajouter au projet de loi un «notamment». Je ne pense pas que ça exclut
le reste, mais ça met l'accent sur un... sur un enjeu qui devrait nous
préoccuper jour et nuit. Durant les 17 dernières années, il y a une
augmentation de 101 % des signalements traités en protection de la
jeunesse. En termes de taux sur 1 000 enfants, je n'ai pas le score
exact parce qu'il faut faire la soustraction des récidives, des signalements
qui... qui sont à répétition sur un même enfant. Mais... mais on est autour d'une
augmentation de 75 % sur les taux... les taux par 1 000 enfants,
sur les retenus, autour de 50 % d'augmentation durant les sept à huit
dernières années. C'est un enjeu de santé publique de premier ordre. Et moi, je
rêve du jour, M. le Président, où le ministre pourra dire : Nous modifions la
loi pour désormais biffer la question de maltraitance comme une priorité. Mais
on n'est pas là. On est on est dans une situation où, année après année, on
constate une augmentation graduelle et des fois plus que spectaculaire du taux
de signalement, et ce taux de signalement là n'augmente pas par le fait que les
voisins ou les gens de la communauté signalent davantage, il augmente parce que
les policiers signalent davantage, parce que les écoles signalent davantage et
parce que les intervenants de première ligne qui sont plus démunis, qui sont
démunis devant des problèmes qui se posent et qui se posent trop tardivement
dans le scénario d'intervention. Donc, les signalements augmentent par cette
porte d'entrée là qui ne devrait pas être une porte d'entrée, qui devrait être,
au contraire, une antichambre de solution pour les enfants et leurs familles.
Alors, moi, je maintiens cette idée qu'il faut ajouter un «notamment» le
plus... le plus souvent possible concernant la prévention et la prévention de
maltraitance.
Je reviens à cette histoire de l'explicitation
dans le projet de loi. À lire le projet de loi, le commissaire a une fonction
qui dépasse très largement. On le reconnaît, là, puis il faut que ce soit ça,
la protection des enfants et l'intervention au niveau des drames que l'on
connaît et qui sont signalés à la protection de la jeunesse. Et vous aurez
remarqué que, sur l'ensemble des interventions que vous aurez entendues durant
la journée, peut-être des mémoires que vous aurez reçues, il y a beaucoup plus
de préoccupations explicites par rapport aux services de protection que par
rapport aux services de prévention, et c'est toujours le cas. C'est toujours le
cas. Et moi, quand j'ai vu le mot «préventive» dans les considérants, je l'ai
vu associé avec une volonté de l'État, et non pas avec une obligation de l'État,
et ça aussi, c'est un signal qui est... le signal n'est pas, à mon avis, assez
fort en ce qui concerne le message que l'on doit envoyer à l'effet qu'il y a un
leadership à assumer au niveau national, que ce leadership-là doit être... doit
avoir un... doit avoir un écho dans le projet de loi, dans la création du poste
de commissaire, et que celui-ci peut demander et doit demander des comptes aux
directeurs régionaux et au Directeur national de santé publique sur l'évolution
des taux par région et au niveau national.
On sait très bien qu'on va régler le... on
ne va pas régler, mais on va diminuer les taux de signalement au niveau
national si on aborde le problème régionalement. On ne peut pas faire
autrement. Et tantôt j'entendais une discussion au sujet des déterminants de la
maltraitance envers les enfants, puis on pense toujours en termes de
décroissance économique, puis de détresse économique, etc. Mais vous avez des
régions au Québec où le taux de négligence envers les enfants augmente parce
que l'économie locale ou régionale connaît une croissance fulgurante. Et vous
avez à ce moment-là des drames familiaux et des drames qui concernent la
consommation de drogue. Le marché de la drogue devient plus lucratif dans
ces... dans ces endroits, dans ces régions. Alors, il y a...
M. Bouchard (Camil) : ...toutes
sortes d'enjeux comme ceux-là où les directeurs régionaux sont directement en
contact avec les grands déterminants qui ont un impact sur le bien-être et sur
la sécurité des enfants. Et c'est pour ça que j'insiste là-dessus. Je salue les
progrès qui ont été faits depuis la discussion que nous avons eue, M. le
ministre, je suis très content, et que ce soit explicite dans le projet de loi,
parmi les collaborateurs, ce serait encore mieux, et que leur mission soit
surveillée par le commissaire, je pense que ce serait un plus, également.
M. Carmant : D'accord. Et, de
votre côté, M. Goubau, vous ne trouvez pas que... de spécifier certaines
problématiques, ça n'enlève pas ce volet prévention plus global dans le rôle?
M. Bouchard (Camil) : ...à la
maison, il a besoin d'être d'accord.
M. Goubau (Dominique) : Vous
comprenez que nous avons fait ce travail de présentation à deux et
qu'évidemment je suis entièrement d'accord avec les propos de Camil Bouchard
là-dessus, mais son... comment dire, sa réponse, de dire : Mais on
pourrait ajouter le «notamment» pour édulcorer un petit peu notre proposition
initiale, me paraît tout à fait sage.
M. Carmant : D'accord.
D'accord. Qu'est-ce que je voulais vous demander? Bon. Le trois ans, le cinq
ans, on a rencontré le protecteur de l'élève, là, qui a quand même un rôle qui,
selon moi, est un peu plus limité que ce qu'on va mettre sur pied, il nous a
dit que ça lui a pris un an juste pour s'installer. Ça ne donne pas beaucoup de
temps, si on ne lui donne que deux ans, là, pour déposer un premier rapport à
l'Assemblée nationale. Peut-être que cinq ans, c'est trop long, peut être qu'on
va décider de couper la poire en deux, là, entre parlementaires, mais je pense
que... si on veut avoir des données de qualité, je pense qu'il faut lui donner
un peu plus de temps. Deux ans, je trouve ça un peu hâtif.
M. Bouchard (Camil) : Peut-être
bien, peut-être bien. C'est très arbitraire, que de dire deux ou trois ans, dans
les circonstances, là, mais le signal qu'il m'apparaît important de donner,
c'est, s'il y avait un changement, qu'on raccourcisse ce délai-là et qu'on
fasse donc œuvre de sensibilisation au sujet de l'urgence de la situation. Cinq
ans, ça m'apparaît très confortable, pas dans l'urgence tout à fait.
M. Carmant : Parfait.
M. Goubau (Dominique) : J'ajouterais,
si vous permettez, que j'ai bien compris, enfin, que le commissaire ne devra
pas prendre à bout de bras tous les problèmes de la jeunesse au Québec. Il y a
d'autres institutions, comme la commission des droits, comme le Protecteur du
citoyen, comme bien d'autres, qui ont leur rôle, comme le directeur de la
protection de la jeunesse, qui ont un rôle bien précis à jouer. Il ne faudrait
pas que le commissaire déborde les plates-bandes. Et là, évidemment, ça lui
prendra beaucoup plus de temps, mais je pense que, s'il se concentre sur les
grands enjeux dont nous avons parlé ici, ce délai de cinq ans paraît très long
avant d'arriver à quelque chose de probant, compte tenu de l'urgence du
dossier.
• (17 h 10) •
M. Carmant : Je suis
d'accord... il faut aller... c'est quand même urgent, effectivement.
D'accord... Président, je passerais la parole.
Le Président (M. Provençal)
:...députée de Laporte.
Mme Poulet : Oui. Merci, M.
le Président. Merci à vous deux, c'est très intéressant, les échanges. Mme
Laurent mentionnait dans son mémoire que le Québec reconnaît ses enfants...
propose un considérant, que le Québec reconnaît ses enfants comme sujet de
droit, que cela renforcerait leur capacité de se défendre, de faire respecter
leurs droits... renforcer leur participation aux discussions sur les droits qui
les concernent. Ma question est croyez-vous qu'il soit nécessaire de rappeler
dans le préambule que l'enfant est un sujet de droit? Si oui, pourquoi?
M. Goubau (Dominique) : On
peut le rappeler, ça ne va pas nuire, mais je me méfie des grandes déclarations
qui peuvent donner bonne conscience, et, de toute façon, de dire aujourd'hui,
en 2024, qu'il faut dire que les enfants sont sujets de droit, je veux dire, au
Québec, ça fait 40 ans que c'est le cas. Et, certainement, depuis que nous
avons adhéré au principe de la convention, c'est une évidence. Et, maintenant,
de rappeler une fois de plus l'évidence, c'est sûr qu'on peut le faire, mais je
pense qu'il y a des choses plus urgentes que d'inscrire ce type de grand
principe.
Et, vous savez, ça me rappelle un petit
peu toutes les discussions qu'il y a eu autour de l'importance d'avoir une
charte des droits des enfants et de rappeler notamment ce principe-là, alors
qu'en réalité, cette charte, elle existe déjà. Et le Québec s'est dit lié
internationalement par cette grande charte très complète qu'est la convention.
Il suffirait d'une disposition dans ce projet de loi pour intégrer la
convention dans le droit interne québécois. Ça n'est pas fait. Donc, on est
internationalement lié depuis 1991, mais vous savez comme moi que la convention
ne fait pas partie de notre droit interne, même si c'est un outil
d'interprétation. Il suffirait, si on veut vraiment une charte ou si on veut...
M. Goubau (Dominique) : ...vraiment
affirmer l'importance une fois de plus de l'enfant comme sujet de droit, mais
je pense qu'il faudrait peut-être avoir le courage de le dire : Eh bien,
la convention internationale sera d'application directe et nous allons
l'inscrire dans une disposition de la loi, puisque c'est la condition, dans
notre système juridique, pour intégrer le droit international en droit interne.
Mme Poulet : J'ai déjà
posé la question à d'autres groupes. Je vous la... Je vous la joue la pose. Au
niveau des mécanismes d'accréditation, Mme Laurent disait qu'il n'y avait
aucune base juridique. Selon vous, quel est, au niveau de la protection des
enfants, au niveau de... du suivi, au niveau des avocats, de meilleurs
services, est-ce que vous pensez que les avocats devraient avoir... Est-ce
qu'il devait y avoir un mécanisme d'accréditation pour eux?
M. Goubau (Dominique) : Alors,
ça fait longtemps que le Barreau milite en faveur et a fait des études dans les
années 80, 90, sur l'importance de reconnaître que le droit des enfants et
la représentation des enfants devant le tribunaux... devant les tribunaux est
une... est une pratique spécialisée qui est de plus en plus complexe. Et le
Barreau, depuis des années, a proposé une spécialisation reconnue par une forme
d'accréditation. À l'époque, j'ai applaudi cette idée et je pense effectivement
que c'est une... c'est une.... c'est une avenue qui est intéressante. Et si on
veut aller dans le sens d'une accréditation, je pense que ça vaut la peine
d'aller relire le dernier rapport du Barreau du Québec, qui est très complet,
sur les avantages et les inconvénients, puis pour conclure que cette
accréditation serait nécessaire, et comme garantie d'un meilleur service aux
enfants. Donc, oui, je pense que ce serait une bonne idée...
Mme Poulet : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Il reste encore un
2 min 30 s. Oui, M. le ministre.
M. Carmant : Pour en
revenir à la santé publique. Quelle serait le... l'interaction avec les santés
publiques régionales que vous verriez pour le... le commissaire?
M. Bouchard (Camil) : Bien,
je pense que le commissaire pourrait jouer un rôle d'autorité dans un sens où
il demanderait des comptes à chacun des directeurs régionaux sur les efforts
qui ont été consentis par les partenaires qui entourent la santé publique dans
les efforts de prévention en ce qui a trait notamment à la maltraitance. Ce
serait un rôle de surveillance que la santé publique déploie comme efforts
spécifiques dans leur région. Moi, j'ai eu une expérience assez extraordinaire
comme bénévole sur la Côte-Nord, comme vous le savez, M. le ministre. Et nous
avons eu accès durant ces années où j'étais bénévole là-bas avec André LeBon à
la banque de données de la DPJ au niveau régional. C'était comme si on s'était
installé dans la... dans le siège de la direction publique d'une certaine
façon, parce qu'on avait accès aux 145 ou 150 éléments d'annotation de ce
qui se passe dans chacun des signalements durant l'année qui... ou les années
qui précédaient notre étude. Et je pense qu'il y a là un matériel de
connaissances, à partir des intervenants jusqu'aux gens qui font la
planification et l'installation des programmes de prévention, il y a une somme
extraordinaire de connaissances qui peut être utilisée par les directeurs de
santé publique dans leur fonction de surveillance de la santé et du bien être
des enfants. Cette connexion-là entre la Direction de la santé publique, la
banque de données dont dispose le ministère et les directeurs de santé publique
est essentielle si on veut arriver à aboutir à identifier des programmes de
prévention qui soient efficaces et efficients auprès de nos enfants et de nos
familles. Et il y en a dans plusieurs domaines, et celui de la maltraitance,
que je connais mieux.
Et je pense que, donc, pour répondre
très... plus brièvement, le commissaire doit se... doit se préoccuper à l'effet
que les directeurs régionaux et le directeur national remplissent bien leur
rôle de surveillance et d'animation autour d'objectifs régionaux et nationaux
de réduction des méfaits envers les enfants.
Une voix : Merci.
M. Bouchard (Camil) : Je
vous en prie.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, la suite va appartenir à Mme
la députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Très
intéressant, messieurs. Merci beaucoup pour cette présentation. J'aimerais
revenir à deux éléments. Évidemment, la prévention de la maltraitance, je
comprends que c'est un enjeu très important, qu'il y a eu une augmentation
fulgurante. Et donc, outre toute la question de... le rôle qu'un commissaire va
jouer dans la réduction en termes de la maltraitance, vous avez parlé de fixer
des objectifs nationaux...
Mme Garceau : ...régionaux.
Est-ce que vous prévoyez... est-ce que vous... est ce qu'il y a d'autres façons
que vous envisagez que vous aimeriez que nous intégrions au projet de loi?
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Bouchard (Camil) : Bien, il
y a, dans le projet de loi, des dispositions concernant le rôle que peut jouer
le commissaire, que doit jouer le commissaire en matière d'information du
public sur la santé et le bien-être des enfants, un rapport annuel qu'il va
commenter. On va tourner la page, puis le lendemain, on n'en entendra plus
parler. C'est ça qui arrive. Et moi, je pense qu'un commissaire doit remplir ce
rôle-là de façon continue, constante, intense, auprès du public. Je ne sais pas
vous, mais moi, le Dow Jones, ça ne me dit pas grand-chose en termes de
composition d'indices, là, mais à tous les soirs, on nous parle d'indices
économiques dont on ne comprend pas la nature, mais on sait que c'est
important. Mais quand vient le temps de la santé et le bien-être des enfants,
on n'a rien. On a très rarement une indication de comment se portent nos
enfants de façon régulière. Pourtant, on pourrait avoir accès à une quantité
très importante d'indicateurs du bien-être et de la santé de nos enfants qu'on
pourrait diffuser régulièrement en changeant d'indice une fois par semaine.
Vous n'arriverez pas encore au bout de la liste. Alors, il y a un effort à
faire pour embarquer les gens autour de cette dimension-là et qu'ils deviennent
des gens qui ne peuvent plus invoquer la méconnaissance ou l'ignorance de la
situation. Comme citoyen, on peut être, je pense, alimenté par un Commissaire à
la santé et au bien-être des enfants qui remplit cette fonction-là.
Mme Garceau : Je vais revenir
concernant la convention internationale. Et il y a le considérant, évidemment,
dans le préambule. On avait Mme Laurent cet avant-midi. On a parlé
évidemment du fait que... Dans le premier chapitre, évidemment, du rapport de
la commission Laurent, on parle évidemment du rôle du commissaire de veiller au
niveau des droits des enfants, de la promotion de leurs droits, de respect de
leurs droits. Et, évidemment, avec la nomination du commissaire qui était la
première recommandation, la deuxième recommandation était évidemment la charte
des droits. Et donc cet aspect-là, au niveau... on a eu discussion concernant
le fait que, oui, aujourd'hui, on regarde le volet concernant la nomination du
commissaire, mais on regarde... c'est uniquement la charte à la troisième phase
de la mise en œuvre des recommandations. Donc, ça, ça va être dans quelques
années. J'aimerais vous entendre à ce sujet là.
• (17 h 20) •
M. Goubau (Dominique) : Quand
on lit la littérature dans le domaine du droit de l'enfance, la question de la
nécessité d'une charte spécifique pour les enfants a fait couler beaucoup
d'encre. Et il y a des pour, il y a des contre, un petit peu comme le débat sur
une éventuelle charte pour les personnes aînées, hein? Et la plupart des
intervenants répondent en disant : Les enfants sont... ont les mêmes
droits que les adultes. Et nous avons une charte très moderne encore
aujourd'hui, même si elle date de 1975, la Charte des droits et libertés, qui
inclut évidemment les enfants. Les enfants sont des sujets de droit à part
entière dans le cadre de la Charte des droits et libertés. Et les enfants qui
sont sous le coup de la Loi sur la protection de la jeunesse, eux, bénéficient
d'une charte particulière, et c'est comme ça que les observateurs la désignent.
La première partie de la Loi sur la protection de la jeunesse édicte un certain
nombre de droits qui sont les droits importants des jeunes qui sont aux prises
avec la Loi sur la protection de la jeunesse. Voilà donc deux chartes, si vous
voulez déjà, qui... dont les enfants bénéficient.
J'ajoute la troisième qui est celle de la
convention, et ça ne prendrait pas grand-chose pour que cette convention fasse
partie directement de notre droit interne. Et je pense que, sur le plan
symbolique aussi, ce serait quelque chose d'intéressant. Mais est-ce que la
situation des enfants dont Camil Bouchard a parlé et est ce que les impératifs
que nous venons d'exposer vont trouver une solution parce qu'il y a encore une
charte des droits des enfants? Franchement, je ne pense pas. Mais, bon, ça ne
peut jamais nuire, hein? Personne n'est contre la vertu. On peut ajouter encore
des déclarations solennelles qui affirment tel droit fondamental. Mais moi, je
soumets respectueusement, comme on dit, que ces droits sont déjà reconnus par
la Charte québécoise des droits. Il y a même des personnes qui disent... il y a
même des...
M. Goubau (Dominique) : ...des
groupes de défense des droits des enfants qui sont tout à fait contre l'idée
d'une charte des droits des enfants parce qu'ils considèrent que c'est faire
insulte aux enfants que de leur dire : Vous n'êtes pas comme les adultes.
Non, vous bénéficiez, comme n'importe qui, des avantages de la Charte des
droits et libertés. Et si vous êtes mal pris dans la loi sur la protection de
la jeunesse, eh bien, vous avez des droits particuliers. Est-ce qu'il faut en
ajouter une autre? Je ne suis pas convaincu.
Mme Garceau : Donc, comme
vous avez mentionné, en termes de la convention internationale, qu'on pourrait
l'intégrer dans un cadre législatif?
M. Goubau (Dominique) : Bien,
vous savez, la convention internationale aujourd'hui, elle est utilisée, la
Cour suprême l'a mentionné plusieurs fois, pour interpréter des dispositions
légales au Canada ou dans certaines provinces. Donc, la Charte fait déjà
éminemment partie de notre arsenal juridique quand il s'agit d'interpréter le
droit interne. Mais il n'est... la Charte n'est pas d'application directe. Tout
ce que je dis ici, c'est que de créer un outil aussi extraordinaire que le
commissaire et qui... et je le vois bien, ce commissaire, comme la plupart des
pays l'ont fait, c'est un commissaire qui s'inscrit directement dans la
philosophie de la Convention internationale. Je pense que ce n'est pas pour
rien que vous avez mis dans le premier considérant cette référence à cet
engagement du Québec.
Donc, c'est un outil qui va devoir veiller
au respect des droits des enfants et donc au respect des droits tels qu'énoncés
dans la Convention internationale. C'est un tout petit... c'est un tout petit
pas que de dire : Eh bien, tant qu'à faire, intégrons cette convention
dans notre droit interne, comme on l'a fait pour le droit... pour l'adoption
internationale. L'adoption internationale, la Convention de La Haye de 2006,
elle est... de 1996, elle est inscrite dans une loi du Québec. L'enlèvement
international, une convention de La Haye, est intégré dans une loi québécoise
sur l'enlèvement international qui reprend au mot à mot les termes de la
Convention. Rien n'empêcherait d'une simple petite phrase, pas dans le
préambule, mais dans un article de la loi, de dire : Désormais, la
Convention fait partie du droit interne du Québec. C'est un peu audacieux, mais...
mais... mais je pense que l'enjeu...
Mme Garceau : Pas tant que
ça.
M. Goubau (Dominique) : ...l'enjeu,
que vous avez étudié ici, est suffisamment important que... être audacieux.
Mme Garceau : Bien, pas tant
que ça. Nous l'avons, de toute façon, la convention de La Haye au niveau de
l'enlèvement des enfants, ça a été ça. On l'a intégré dans le droit interne. On
a une loi spécifique qui intègre les principes de la convention de La Haye. On
pourrait... on pourrait faire la même chose ici.
M. Goubau (Dominique) : Absolument.
Mme Garceau : Oui.
M. Goubau (Dominique) : Et
les tribunaux ont rappelé que la simple référence aux obligations
internationales d'une province ou du fédéral, la simple référence à une
convention et au fait que la juridiction est internationalement tenue par cette
convention n'est pas suffisante pour répondre aux critères d'intégration du
droit international dans le droit interne, ça prend un outil exprès
d'intégration. Donc, ça prendrait une disposition, par exemple dans cette
loi-ci, pour intégrer la convention.
Mme Garceau : Mais juste en
terminant les droits tels que... Parce que je l'ai ici, la convention, là, les
droits tels que décrits dans cette convention internationale... est pas mal
complète. Est-ce qu'il y aurait d'autres droits à ajouter?
M. Goubau (Dominique) : Ah!
je pense que c'est très complet. Ça va du droit contre la torture au droit de
jouer, je... C'est une convention qui a pris 10 ans à être écrite. C'est
la convention qui a été signée par le plus grand nombre de pays au monde et
c'est une convention qui a mûri pendant une dizaine d'années. Le Canada était
d'ailleurs un des promoteurs de cette convention, et, on va dire, on est allé
très loin dans l'affirmation des... des droits des enfants. Et donc c'est
vraiment une véritable Charte des droits des enfants.
Mme Garceau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme la députée. Nous allons
poursuivre avec M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Extrêmement intéressant. Je vais rester sur la question de la charte
de la convention possiblement. Vous n'en faites pas une recommandation directe,
là, dans le mémoire, qu'on intègre la convention de droits internes, mais là,
devant nous, vous la faites pas mal clairement, par contre.
M. Goubau (Dominique) : Oui.
Je dois dire que lorsque nous avons fait notre rapport, nous avons à deux
désigné les deux points qui nous paraissaient les plus importants et... sans
noyer dans d'autres points, qui peuvent être importants aussi, mais le premier
point est celui de la prévention, prévention qui mérite d'être mieux exprimée
dans le projet. Et puis le deuxième, ce rôle du commissaire qui... qui concerne
tous les enfants du Québec et non pas seulement ceux qui sont sous le coup de
la LPJ ou qui risquent un jour de tomber sous le coup de la LPJ. Il y a des
enfants qui ne sont pas en situation... qui ne seront jamais en situation de
compromission, mais qui ont des choses à faire valoir. Et en quelque sorte...
et ça, on le dit dans le mémoire, le rôle... et, à mon avis, un des rôles très
importants du commissaire, c'est de devenir non seulement le porte-voix, mais
le promoteur des droits des enfants dans la société. Et, en ce sens-là... Et alors,
du coup... Mais peut-être...
M. Goubau (Dominique) : ...répond
à côté de la... Du coup, je reviens au délai des deux ans, il ne faut pas
surcharger les commissaires parce que là sont ses rôles principaux. Et j'ai
entendu dire, quelqu'un, qu'il fallait éventuellement transférer les missions
de la Commission des droits vers le commissaire, je pense que ce serait une
très mauvaise idée. Ça réduirait le commissaire, comme ça se voit dans
certaines provinces et comme on le voit dans certains pays, ça réduirait
l'ombudsman créé, au fond, dans la philosophie de la convention à un autre
rouage de protection de la jeunesse. Et là n'est pas véritablement son rôle, il
a un rôle beaucoup plus systémique. Et, si on le surcharge avec des choses
comme cela, il ne pourra pas jouer son rôle le plus original et probablement le
plus utile, celui de la prévention et celui de s'intéresser aux enjeux de
société pour les enfants.
M. Cliche-Rivard : Donc,
c'est ce que vous dites, on fait une disposition express dans le cadre
législatif provincial et on notifie l'instrument international, je devine, de
cette ratification, et le tour est joué, on est lié par la convention. C'est
comme ça que ça fonctionne?
M. Goubau (Dominique) : Bien,
on est lié, au Québec, pour ce qui relève des compétences du Québec.
M. Cliche-Rivard : Bien sûr,
bien sûr. Et là, après, bon, il demeure que le droit international n'est pas
nécessairement un outil quasi constitutionnel comme pourrait l'être une charte.
Il y a quand même des nuances. Cela dit, vous nous ramenez sur l'élément qu'on
a, notre charte québécoise qui, elle, va entériner, de toute façon, ce rôle-là
quasi constitutionnel...
M. Goubau (Dominique) : Et je
me plais à souligner ici la similitude entre la charte québécoise des droits et
la convention. La charte québécoise, contrairement à toutes les chartes des
droits et libertés qu'on voit ailleurs au Canada, est une charte qui intègre et
les droits civils et politiques et les droits socioéconomiques. C'est la
richesse... enfin, c'est une des richesses de la charte, la convention reflète
cela aussi.
M. Cliche-Rivard : Donc, il
n'y aurait pas création de droit substantif absolument énorme, ces droits là,
ça existe déjà dans notre cadre législatif principalement.
M. Goubau (Dominique) : Oui,
mais il faut faire attention d'un raisonnement comme celui-là, parce que c'est
un raisonnement qui est utilisé par des personnes qui disent : Ça ne vaut
même pas la peine...
M. Cliche-Rivard : Je
comprends.
M. Goubau (Dominique) :
...d'intégrer la convention puisque, de toute façon, nous sommes encore plus
généreux à l'égard des enfants. Mais il faut comprendre que les engagements,
dans le cadre de la convention internationale, est... ce sont des engagements
aussi sur les droits socioéconomiques, donc sur la prévention, à mesure de la
capacité de l'État qui est engagé, ce qui... Et ça, c'est très important, ça
veut dire que le Québec s'est engagé internationalement à en faire plus en
termes de prévention, parce que nous sommes un pays riche ou en tout cas une
juridiction riche, et ça, c'est très clair. On n'en demande pas autant au
Bangladesh qu'on a le droit d'en demander au Québec. Et c'est pour ça que c'est
ce luxe que nous nous payons en ayant un commissaire qu'on va payer avec du
personnel, c'est un luxe qu'on peut se payer, mais que nous avons l'obligation
internationalement de payer, parce que nous avons les moyens de le faire, et
que notre engagement, c'est de prendre les meilleurs outils pour nos enfants.
M. Cliche-Rivard : Un grand
merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, nous allons
compléter cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine.
• (17 h 30) •
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci, Messieurs Bouchard et Goubau, pour cette passionnante
rencontre et ces échanges fort enrichissants. On a bien compris votre obsession
pour la prévention et vous nous la partagez très bien face à la maltraitance,
évidemment, et toute la question, là, de l'implication de la santé publique, on
a très bien compris le message, le devoir plutôt que la volonté. On a déjà eu
ces débats-là d'ailleurs dans le projet de loi sur la santé et dans d'autres
projets de loi.
Mais je vais aborder deux autres éléments.
Le Dow Jones du bien-être des enfants, je trouve intéressant, mais avant que ça
arrive, avec la collaboration des médias, je me demandais si vous vous
suggérez... Parce que, quand vous mentionnez M. Bouchard, qu'une fois le
rapport déposé, on tourne la page, on passe à autre chose, ce matin, on avait
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui nous
disait : Il faut des mécanismes de suivi, des avis, des recommandations.
J'imagine que vous êtes dans cet esprit-là.
M. Bouchard (Camil) : En
effet, oui.
M. Arseneau : C'est
essentiel. D'accord. Et puis, pour la question de la santé publique, j'ai
l'impression, bien, dites-moi si j'ai mal saisi, c'est comme si d'emblée, vous
nous dites : La santé publique ne joue pas son rôle à l'égard de ce
problème de santé publique qu'est la maltraitance envers les enfants. Il
faudrait que le commissaire, lui, serre la vis à la... au directeur de la santé
publique et aux santés publiques régionales... aux directions de santé publique
régionale. Est-ce que ce ne serait pas aussi nécessaire de réviser la Loi sur
la santé publique puis leur serrer la vis de cette façon-là?
M. Bouchard (Camil) : C'est-à-dire
qu'il faut que les directeurs de santé publique régionaux, le directeur
national soient mandatés pour le faire. Il faut qu'ils reçoivent un signal très
clair de la part de l'État, que c'est leur rôle que de consacrer une partie de
leurs efforts, du moins, à la prévention de tel... de tel enjeu de santé dans
leur population. Et une fois, une fois ce rôle identifié, une fois cet enjeu
identifié, une fois cette mission identifiée...
17 h 30 (version non révisée)
M. Bouchard (Camil) : ...le
commissaire peut alors, lui, à titre de commissaire, se donner l'obligation, le
devoir de vérifier si cette mission-là est bien remplie dans chacune des
régions du Québec. Et on sait que ça peut varier d'une région à l'autre.
M. Arseneau : D'accord. Mais
c'est ça, je veux juste comprendre, c'est que le commissaire n'a pas autorité d'emblée
sur la santé publique, le directeur de la santé publique?
M. Bouchard (Camil) : Non.
Non mais... non mais il aura... il aura cette capacité de faire des
observations et des recommandations eu égard à cette... à cette... à cette
mission que peuvent avoir les directeurs de santé publique. Et je ne connais
pas beaucoup de fonctions, au niveau régional notamment, qui permettent à un intervenant
de la santé d'obliger des partenaires à s'asseoir à la même table, et le
directeur de la santé publique peut le faire.
M. Arseneau : Merci. Je
voulais juste dire, en terminant, je sais qu'il reste à peine quelques
secondes, on partage également la volonté que ce soit fait le plus rapidement
possible. Si on regarde, là, la tragédie de Granby, là, à partir de laquelle on
a nommé une commission, ça remonte à la fin avril 2019, si on se donne cinq ans
après l'adoption de cette loi-ci, en espérant qu'elle soit adoptée avant mai
2024, ça nous ramènerait 10 ans plus tard, en 2029. C'est beaucoup trop
long, à mon point de vue. On partage votre point de vue.
M. Bouchard (Camil) : Mais ça
fait longtemps que c'est trop long. Ça fait longtemps que c'est trop long. Ça
fait longtemps qu'on observe notre incapacité à endiguer cette histoire-là de
maltraitance notamment envers les enfants.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup à vous deux de votre
collaboration, de contribution et surtout de nous avoir partagé votre vision et
les éléments que vous aimeriez voir, là. En tout cas, il y a au moins un mot qu'on
doit retenir, parce que vous l'avez d'emblée répété à quelques reprises. Alors,
merci beaucoup.
Sur ce, je vais...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:Prévention, prévention.
Alors, sur ce, je vais suspendre les
travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 17 h 39)
Le Président (M. Provençal)
:Nous sommes en mesure de poursuivre
nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Protecteur du
Citoyen. Alors, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre
présentation et nous poursuivrons par la suite pour des échanges. Alors, je
vous invite à vous présenter et à nous faire votre présentation. À vous la
parole.
M. Dowd (Marc-André) : Merci,
M. le Président. Les personnes qui m'accompagnent, je vous les présente tout de
suite. Donc, je suis accompagné de Mme Claudie Otis, déléguée aux enquêtes en
santé et services sociaux, pour le secteur jeunes en difficulté, et avec Mme
Annie Bergeron, conseillère stratégique aux relations avec les Premières
Nations et les Inuits. Donc, M. le Président, M. le ministre, mesdames
messieurs les députés membres de la commission, je veux tout d'abord remercier
la Commission de la santé et des services sociaux d'avoir invité le Protecteur
du citoyen à se faire entendre concernant le projet de loi n° 37, Loi sur
le commissaire au bien-être et aux droits des enfants.
Pour rappel, je précise que le Protecteur
du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un
ministère, ou d'un organisme du gouvernement du Québec, ou d'une instance du
réseau de la santé et des services sociaux, notamment dans le secteur des
jeunes en difficulté. Il mène aussi des enquêtes de sa propre initiative sur
des préjudices à porter collective. Il veille également à l'intégrité des
services publics en traitant des divulgations d'actes répréhensibles. Lorsqu'il
l'estime nécessaire, le Protecteur du Citoyen sollicite l'attention d'un
dirigeant d'organisme ou du gouvernement sur des réformes législatives, réglementaires
ou administratives.
C'est dans cette optique que je m'adresse
aujourd'hui à vous et que je vous ai transmis par lettre mon analyse du projet
de loi n° 37.
D'entrée de jeu, je vais préciser que
j'accueille avec beaucoup d'ouverture le projet de loi et la création d'un
poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Ce dernier se
consacrera à la cause des jeunes et des enfants, ce qui lui permettra notamment
d'adopter une approche transversale. Cela ne peut que contribuer à l'amélioration
des services qui leur sont destinés et au respect de leurs droits.
La Commission spéciale sur les droits des
enfants et la protection de la jeunesse, la commission Laurent, recommandait
d'ailleurs la mise en place de ce nouvel acteur, et je souscris pleinement à
cette recommandation.
L'analyse du projet de loi fait d'ailleurs
ressortir des avancées concrètes que je veux souligner. À titre d'exemple, il
reviendra au commissaire d'exercer une vigie sur les programmes et les
politiques élaborées pour les enfants et les jeunes afin qu'ils répondent
efficacement à leurs besoins.
Dans la foulée, on donnera la parole à un
comité consultatif composé d'enfants et de jeunes adultes pour renforcer leur
pouvoir d'agir et leurs voix.
Enfin, il y a lieu de miser sur le rôle
d'information et d'éducation que jouera le commissaire pour sensibiliser la
population et ses institutions à la place de nos plus jeunes dans la... de nos
plus jeunes citoyens dans la société.
J'en viens maintenant à des aspects du
projet de loi qui m'interpellent particulièrement. D'abord, selon la définition
qu'en donne le ministre responsable des Services sociaux, le commissaire ne
traitera pas les plaintes individuelles. Toutefois, il pourra mener des
enquêtes pour évaluer la mise en œuvre de programmes et de services publics
destinés aux enfants. Or, ce volet de la mission du nouveau commissaire peut
être mis en parallèle avec les enquêtes que nous faisons concernant des enfants
et des jeunes. Le...
M. Dowd (Marc-André) : ...le
projet de loi aborde cette question. Il est prévu en effet qu'au besoin le
nouveau commissaire coopère avec nous, tout comme avec la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse et avec tout autre organisme
public, afin d'harmoniser les interventions des uns et des autres à l'égard des
jeunes.
Il faut savoir toutefois que les
organismes concernés se caractérisent, entre autres, par leur indépendance et
par des règles strictes de confidentialité. Afin d'éviter que ces balises, par ailleurs
essentielles, ne compromettent une concertation efficace, je recommande que le
projet de loi prévoie la conclusion d'ententes entre les organismes visés pour
faciliter et encadrer la transmission de l'information entre eux. Le Protecteur
du citoyen fonctionne déjà selon ce type d'entente avec les organismes qui sont
nos partenaires en intégrité publique. Nos collaborations s'appuient sur des
ententes qui permettent de renforcer nos rôles distincts dans le contexte
d'actions concertées. Par ailleurs, je recommande d'ajouter aux organismes
énoncés dans le projet de loi le Protecteur national de l'élève à titre
d'acteur majeur, dédié lui aussi aux enfants et aux jeunes.
J'aimerais maintenant attirer votre
attention sur les articles du projet de loi qui prévoient la nomination d'un
commissaire associé dédié au bien être et aux droits des enfants membres des
Premières Nations et Inuits. Ce commissaire associé relèverait du commissaire.
Il assisterait ce dernier en veillant aux intérêts des enfants et des jeunes
issus des Premières Nations et Inuits, à la lumière notamment des facteurs
historiques, sociaux et culturels propres au contexte autochtone. Cette
proposition fait suite à une recommandation de la commission Laurent. Et bien
que je souscris pleinement à l'intention de donner une juste place à la voix
des enfants membres des Premières Nations et Inuits au sein de cette nouvelle
institution, je désire formuler quelques commentaires sur les façons dont nous
pouvons atteindre cet objectif. Je rappelle, la surreprésentation persistante
des enfants membres des Premières Nations inuites en protection de la jeunesse
et l'échec du système en place à répondre à leurs besoins spécifiques. Ces
réalités ont d'ailleurs mené à plusieurs appels à l'action de la Commission
d'enquête sur les relations entre les autochtones et certains services publics
du Québec, la commission Viens.
Comme certains d'entre vous le savent, le
Protecteur du citoyen effectue le suivi des appels à l'action de la commission
Viens. Dans notre premier rapport de suivi déposé à l'Assemblée nationale, en
octobre 2023, nous avons mis l'accent sur la nécessité d'améliorer la
collaboration et la co-construction, j'insiste sur ce terme avec les Premières
Nations et les Inuits au moment de déployer des chantiers structurants pour la
société, dont les réformes législatives. Qu'entend-on par «co-construction»?
C'est un concept qui va au-delà de la consultation. On parle d'un processus par
lequel les acteurs des Premières Nations et des Inuits concernés et le
gouvernement collaborent sur un pied d'égalité à l'atteinte d'un but commun.
Cette manière de faire permet de concevoir et de développer efficacement des
projets et d'enrichir nos relations de nation à nation.
Le présent projet de loi a donné lieu, et
je tiens à le reconnaître, à des consultations avec des représentants des
Premières Nations et des Inuits. Toutefois, pour véritablement comprendre et
intégrer leurs préoccupations, il faut, selon moi, faire quelques pas de plus.
Ce constat revient souvent dans le cadre du suivi que nous menons, des appels à
l'action de la commission Viens et appellent la même conclusion. Dès l'amorce
d'un projet. Il importe impérativement d'impliquer les représentants des
Premières Nations, des Inuits, à savoir même comment les représentants des
Premières Nations et des Inuits aimeraient en discuter avec l'assurance d'une
ouverture de leurs vis-à-vis, à faire les choses autrement.
Sous l'angle de la co-construction,
plusieurs éléments du projet de loi doivent être approfondis avec les
représentants des Premières Nations et des Inuits. C'est le cas, par exemple du
rôle des fonctions, des ressources du commissaire associé, de l'utilisation des
données concernant les enfants autochtones, et de la nature, et des modalités
des interactions entre le commissaire et les gouvernements et institutions des
Premières Nations et des Inuits.
Je recommande donc que les dispositions
dans le projet de loi qui concernent le commissaire associé ne soient pas mises
en vigueur dès l'entrée en fonction du commissaire. Ce dernier devrait d'abord
mener une démarche de co-construction à ce sujet ou, minimalement, une démarche
de consultation jugée satisfaisante et par le commissaire et par les
représentants des Premières Nations et des Inuits. Si besoin était, le
commissaire pourrait recommander au préalable de procéder à toute modification
législative qui lui paraîtrait nécessaire pour bonifier la proposition
actuelle.
Nos travaux en suivi de la commission
Viens et les travaux de la commission Laurent font aussi ressortir le caractère
essentiel du respect de l'autodétermination des Premières Nations et des
Inuits. Il en va de la reconnaissance formelle de la capacité des peuples
autochtones de décider de leurs propres lois et politiques en matière de
protection de la jeunesse et à veiller au bien-être de leurs enfants. Cette
reconnaissance n'apparaît pas au projet de loi. Or, on ne peut occulter le
respect des droits particuliers des Premières Nations et des Inuits, notamment
les droits et les dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord
québécois et le droit à l'autodétermination, tels que reconnu par la
Déclaration des...
M. Dowd (Marc-André) : ...Nations
Unies sur les droits des peuples autochtones. Le rapport de la commission
Laurent précisait en ce sens le soutien et la collaboration dont devrait faire
preuve le Commissaire auprès des différentes nations ou communautés autochtones
qui décideraient de se doter d'une institution indépendante. Je recommande donc
que le préambule du projet de loi indique que le commissaire devra offrir son
soutien et sa pleine collaboration aux Premières nations et Inuits qui
décideraient de se doter d'une institution indépendante veillant au bien-être
et aux droits de leurs enfants.
Enfin, le projet de loi prévoit que le
commissaire doit, au plus tard cinq ans suivant la date de l'entrée en vigueur
de la loi, faire rapport à l'Assemblée nationale sur sa mise en œuvre. Aucun
suivi de ce rapport n'est cependant prévu dans le projet de loi. Je recommande
que ce rapport soit étudié par la commission parlementaire pertinente. Celle-ci
pourrait entendre les représentations des personnes et des organismes
intéressés.
Pour conclure, je réitère que j'accueille
favorablement la création du Commissaire au bien-être et aux droits des
enfants. Ma préoccupation de la meilleure collaboration possible entre les
organismes et acteurs concernés, parmi lesquels les Premières Nations et les
Inuits ont une large part, m'amène à recommander certains ajouts. Je vous
remercie de votre attention.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour cette
présentation. M. le ministre, vous avez sûrement quelques interventions.
M. Carmant : Absolument.
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Dowd, et puis à vos
associés également. La première question, puis c'est celle qu'on essaie de bien
déterminer, c'est comment vous voyez vos futures collaborations avec le
commissaire? Tu sais, comme, de façon bidirectionnelle, en fait.
M. Dowd (Marc-André) : Oui,
en fait, en tant qu'acteur exclusivement dédié au bien-être des enfants et au
respect de leurs droits, je m'attends, et je pense que c'est ce qui est
attendu... c'est ce qui est attendu aussi, à ce que le commissaire exerce un
leadership dans la concertation sur ces questions-là et, au nom du Protecteur
du citoyen, je l'assure de la pleine collaboration de mon institution.
Je vais vous donner un parallèle qui...
qu'on vit actuellement en matière d'intégrité publique. Alors, vous savez, le
président de la Commission des droits de la personne, je pense, a utilisé le
terme «écosystème» en parlant des acteurs du... en matière de respect des
droits des jeunes, de protection, de bien-être. Bien, on a un... on a aussi un
écosystème en matière d'intégrité publique, où il y a plusieurs organismes qui
ont chacun leur rôle à jouer, un rôle distinct, mais qui sont appelés à
collaborer, à se concerter. On peut penser à l'UPAC, le Protecteur du citoyen,
l'UPAC et l'Autorité des marchés publics. On peut penser au Commissaire AU
lobbyisme, etc. Or, par des rencontres régulières où on échange sur les
problématiques, on comprend bien quel est le terrain de jeu, si je peux dire,
le carré de sable de chaque acteur, quels sont ses pouvoirs, quels sont ses
leviers d'intervention, qui est le mieux placé à l'égard d'une situation pour
intervenir, et, dans une saine gestion des finances publiques, je dirais,
éviter les doublons, les enquêtes parallèles sur le même sujet. Donc, c'est un
peu ce genre de modèle là, une concertation qui serait bâtie entre les
différents acteurs, dans le respect de l'indépendance des acteurs, c'est très
important, mais on partage tous à la base le même désir, le même objectif,
c'est assurer le bien-être des enfants et assurer le respect de leurs droits.
Donc, si tout le monde travaille de façon positive, bien, je pense que les
résultats vont être très intéressants, c'est les résultats qu'on récolte en
matière d'intégrité publique avec cette démarche-là.
Et, si vous permettez, M. le ministre, j'insiste
sur la recommandation qu'on fait, la notion de transmission d'informations est
essentielle. Parce qu'actuellement, si on s'en tient à nos règles de
confidentialité qui nous gouvernent tous, on peut échanger très peu
d'informations entre nous. Donc, il faut baliser. Il faut comprendre que le
législateur nous envoie un signe comme quoi que, pour une concertation
efficace, on comprend que les organismes vont s'échanger de l'information et
par des ententes formelles, quelle est la nature de l'information qui peut être
échangée, quel est le canal de communication pour échanger cette
information-là. Donc, on le précise entre les organismes et on formalise cet
échange d'informations.
• (17 h 50) •
M. Carmant : Au moment de
faire ces ententes-là.
M. Dowd (Marc-André) : Exact.
M. Carmant : D'accord. Donc,
je suis très content d'apprendre que cette table-là, elle existe déjà, et le
commissaire viendrait se joindre...
M. Dowd (Marc-André) : Non,
non, cette table là, l'exemple que je donnais, c'était le Forum des partenaires
en matière d'intégrité publique, donc, c'est vraiment une table qui existe,
mais en matière d'intégrité publique.
M. Carmant : Donc, il
faudrait en...
M. Dowd (Marc-André) : Oui,
il faut... il faudrait en créer une. Je vous dirais qu'on a des échanges avec
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur des
dossiers communs, mais ce n'est pas encore formalisé au niveau d'une
concertation, là, établie, je dirais.
M. Carmant : Et on
s'attendrait que le commissaire prenne un leadership là-dedans. Alors, c'est...
si je vous comprends.
M. Dowd (Marc-André) : Exactement.
M. Carmant : Ce serait
bienvenu.
M. Dowd (Marc-André) : Tout à
fait.
M. Carmant : O.K., parfait.
Merci beaucoup. Et tout à fait d'accord avec l'ajout du protecteur de l'élève.
D'ailleurs, on vient de probablement se rajouter la direction de santé...
M. Carmant : ...public dans
les partenaires nommés dans le projet de loi. Donc, au début, on était
évidemment un peu hésitants, là, parce que, quand on fait des listes, il y a
toujours des gens qui lèvent la main pour dire : On n'y est pas, mais,
bon, on commence à voir les partenariats plus clés qui devraient être nommés.
Est-ce que vous aviez d'autres suggestions?
M. Dowd (Marc-André) : Lorsqu'on
a examiné, c'était vraiment le cas du Protecteur national de l'élève, de par sa
mission, de par son rôle, qu'il nous paraissait essentiel d'ajouter à la liste.
M. Carmant : Parfait. Puis,
selon vous, parce que vous êtes quand même le protecteur du citoyen...
avez-vous des suggestions ou des idées sur quelles devraient être les priorités
du commissaire à sa création? Est-ce qu'il y a des sujets qui vous...
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
en fait, je pense qu'un des grands... une des grandes avancées, avec
l'instauration du commissaire, c'est aussi de donner la voix aux enfants,
d'être le porte-voix des enfants. Alors, avant d'établir les priorités, je
pense qu'on devrait discuter avec les premiers intéressés, peut-être que des
priorités vont se dégager. Au fil des ans, le Protecteur du citoyen a mené des
enquêtes spéciales qui concernent des questions qui concernent les enfants. Je
pense, entre autres, par exemple, à la question de la scolarisation à domicile.
Je pense à la question de la couverture à la RAMQ pour les enfants nés au
Québec de parents qui avaient un statut d'immigration précaire, donc. On a
abordé, récemment encore, les services offerts aux élèves du primaire qui ont
des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, notre rapport, L'élève avant
tout. Donc, ce sont des enjeux qui étaient criants, des enjeux d'actualité sur
lesquels on a travaillé, mais ce sera intéressant d'échanger avec les
différents partenaires pour dire qui est le mieux placé pour intervenir sur cet
enjeu-là.
M. Carmant : Parfait. J'ai
bien entendu puis, moi aussi, je suis... je mets de l'avant les aspects
coconstruction puis je pense que l'idée de mettre un règlement est une bonne
idée. L'enjeu qu'on peut voir, c'est, par exemple, certains changements dans
lesquels on a mis ce type de règlement puis qu'on essaie de coconstruire. Puis
l'exemple qui me vient en tête, parce que c'est le plus récent, ça a été
l'adoption et la tutelle coutumière. Ça nous a pris cinq ans à coconstruire
avec eux. Donc, c'est sûr que ça risque d'engendrer un processus qui risque
d'être très long.
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
c'est pourquoi je vous dirais, M. le ministre, M. le Président, que la
proposition qu'on fait ne vise pas du tout à retarder l'action, hein, on
propose qu'on aille de l'avant avec la nomination du commissaire. Ce qu'on
propose, c'est de dire : Avant de nommer un commissaire associé, est-ce
qu'on peut travailler avec les représentants des Premières Nations et des
Inuits à bâtir une adhésion autour du concept de commissaire associé, comment
eux voient son rôle, comment eux voient sa fonction, sa place dans
l'institution? Je notais aussi la question des données de recherche,
l'utilisation des données de recherche qui concernent les enfants autochtones,
comment les données de recherche peuvent profiter aux nations et aux
communautés. C'est une question qui est hautement sensible. Donc, c'est le
genre de sujet qui va devoir faire l'objet de discussions plus approfondies
dans l'optique de bâtir une adhésion autour, parce que c'est ce qu'on souhaite,
M. le ministre.
M. Carmant : Parfait. Et,
écoutez, l'éléphant dans la pièce, là, c'est que, bientôt, on va avoir une
décision sur le C-92. Avez-vous des commentaires par rapport à ça, si c'est...
dépendamment...
M. Dowd (Marc-André) : On a
hâte à jeudi, donc, oui. Bien, je pense que... tout le débat juridique
entourant la notion d'autodétermination, je pense qu'elle va être enrichie
par... nécessairement, par la décision de la Cour suprême, donc, puis je pense
que ça va jouer un rôle aussi sur la façon dont on va bâtir les initiatives,
notamment en matière de protection de la jeunesse.
Et c'est assez frappant, quand on parle
avec les représentantes des Premières nations et Inuits, et dans le cadre du
suivi des appels à l'action de la commission Viens, on s'est doté d'un cercle
consultatif de personnes, de représentants qu'on consulte sur une base
régulière, et, quand on leur demande d'identifier quelles sont les priorités,
comme vous m'avez demandé de le faire, du côté des Premières nations et Inuits,
il y en a un, consensus, c'est tout ce qui concerne le bien-être des enfants,
la protection de la jeunesse. Ça sort comme une priorité qui fait consensus. Alors,
on sait qu'il y a un désir de travailler sur ces questions-là.
Vous allez avoir l'opportunité, demain,
d'entendre des représentants des Premières nations et Inuits, tu sais, je nous
invite à vraiment écouter avec attention les propositions, les réactions, pour
voir comment on peut construire ensemble, bâtir ensemble un mécanisme où tout
le monde va se retrouver. Et c'est ça, l'objectif, susciter l'adhésion et que
ce soit utile...
M. Carmant : ...O.K., puis...
Mais, justement, dans ce «tout le monde va se retrouver», j'ai toujours un peu
une inquiétude... en fait, ce n'est peut-être pas nécessairement bien placé,
mais, vous savez, ils insistent souvent sur le fait qu'il y a 11 nations
distinctes, une quarantaine de communautés. Dans votre expérience, est-ce qu'on
arrive à identifier quelqu'un ou un individu qui peut bien représenter tout le
monde comme ça?
M. Dowd (Marc-André) : Je
pense qu'avant... Bien, c'est un peu le sens aussi de notre proposition. Je
pense qu'avant d'identifier une personne il faut discuter avec les différents
représentants pour dire quel est le rôle qu'on veut donner à cette personne-là,
qu'est-ce qui est attendu de... pour cette personne-là, et peut-être qu'en
discutant avec les différents intervenants, il y a des consensus qui vont se
bâtir et qui vont permettre de dégager un profil en disant : Bien, la
personne qu'on cherche aurait plus tel profil. Il ne faut pas précipiter les
choses. Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas dans l'action, parce que, quand on
construit le consensus comme ça, pour moi, on est dans l'action parce qu'on
bâtit la relation.
M. Carmant : D'accord. Avec
les Premières Nations.
M. Dowd (Marc-André) : Exactement.
M. Carmant : D'accord. Sur un
autre ordre d'idée... Alors, je vais poser la question que j'ai posée au
protecteur de l'élève. Jusqu'à présent, comment se déroule, depuis les six
derniers mois, depuis qu'il est arrivé dans le portrait... comment ça se
déroule, votre collaboration avec le protecteur de l'élève?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
en fait, ça se déroule assez bien... bien, très bien, même. La... En fait, le
fait que le protecteur national de l'élève soit un ancien vice-protecteur du
citoyen, ça aide aussi à ce qu'on parle le même langage, je pense qu'on peut se
le dire. Je pense qu'on est dans une optique de collaboration parce que, de
toute façon, nous n'avons pas compétence sur les plaintes qui originent des
centres de services scolaires. Alors, c'est un... c'est vraiment une compétence
qui appartient au protecteur national de l'élève. Nous, notre compétence est à
l'égard du ministère de l'Éducation, donc on est plus au niveau macro des
politiques, des directives du ministère, pour lequel on conserve notre
compétence. Donc, j'imagine qu'on va développer... puis c'est encore très
jeune, hein, le fait que le protecteur national de l'élève reçoive les
plaintes, on va développer des mécanismes de collaboration, et le commissaire
au bien-être et aux droits des enfants va nous aider à renforcer cette
collaboration-là, grâce à la concertation qui est prévue au projet de loi.
M. Carmant : D'accord. Et
parallèlement vos interactions avec le réseau de la petite enfance, là je sais
que vous avez des collaboratrices ici qui travaillent spécifiquement sur les
jeunes en difficulté, comment ça se déroule puis comment vous voyez le
partenariat avec le commissaire? Parce que vous avez des interactions, je le
sais, directes avec les... le réseau. Donc, comment... comment ça va être
modulé par la création?
M. Dowd (Marc-André) : En
fait, en matière de... en vertu de la loi sur le protecteur des usagers, on
intervient généralement en deuxième recours, après le commissaire aux plaintes
et à la qualité des services dans les établissements, les CISSS et les CIUSSS,
mais on peut aussi intervenir directement quand on nous signale une situation,
notamment en matière de protection de la jeunesse.
Je vais peut-être donner à Mme Otis, si
vous permettez, M. le Président... lui demander de détailler le type de
dossiers qu'on peut recevoir et quelle est la collaboration avec le réseau.
Le Président (M. Provençal)
:Mme Otis, la parole est à vous.
• (18 heures) •
Mme Otis (Claudie) : Merci,
M. le Président. En fait, effectivement, on a... les enjeux qu'on rencontre sont
de différents ordres, là. Récemment, entre autres, on a eu à traiter par
exemple des... l'application des mesures de contrôle envers des jeunes en
centre de réadaptation pour jeunes en difficulté. Ça peut être aussi des enjeux
au niveau de la discontinuité des services, des plans d'intervention qui ne
sont pas faits, des droits qui ne sont pas respectés autant au niveau de
l'enfant que du parent, là, qui est pris en charge, là, qui reçoit, bénéficie
les services de la Direction de la protection de la jeunesse.
Nous, sur le terrain, au niveau des
enquêtes, on a souvent à... Souvent, les gens vont cogner à plusieurs portes,
si on veut. Donc, il arrive que les gens vont également formuler une plainte à
la Commission des droits de la personne et la jeunesse. Donc, à ce moment-là,
notre rôle est vraiment d'aller valider auprès de la commission si
effectivement il y a une enquête et s'assurer, là, qu'on agisse en
complémentarité.
Maintenant, c'est certain que les enjeux
de confidentialité nous amènent des fois à rencontrer certains obstacles, là,
étant donné qu'on ne peut pas nécessairement se partager l'information. Donc,
comme M. le protecteur nommait tout à l'heure, là, je pense que ce projet de
loi là va nous permettre justement de se concerter de façon plus efficace et
plus efficiente aussi.
M. Carmant : Via le processus
d'une entente, c'est bien ça?
M. Dowd (Marc-André) : Exactement.
M. Carmant : D'accord. Donc,
ce n'est pas nécessairement à inclure dans le projet de loi, ça va être fait
naturellement pour, justement...
18 h (version non révisée)
M. Dowd (Marc-André) : ...c'est
la recommandation qu'on vous fait d'inclure un alinéa, après la disposition qui
porte sur la concertation, pour prévoir la conclusion d'ententes formelles
entre les organismes concernant le partage d'informations.
M. Carmant : D'accord, d'accord.
Et quand est ce que, par exemple... Qui vous contacte dans ces situations-là,
par exemple, de... est-ce que c'est le parent, l'enfant, c'est... Qui vous
contacte?
Mme Otis (Claudie) : C'est
certain que, la majorité des cas, au niveau du secteur jeunes en difficulté, c'est
le parent qui va nous contacter après avoir soumis sa plainte, en première
instance, auprès du commissaire aux plaintes et à la qualité des services. S'il
est insatisfait de la conclusion reçue du commissaire, à ce moment-là, il va
pouvoir exercer son deuxième recours à notre niveau. Puis on essaie, de plus en
plus, d'avoir une visibilité auprès des jeunes directement. Donc, on commence à
avoir, quand même, des plaintes qui sont formulées directement par des
adolescents, par exemple, qui vont... qui évoluent en famille d'accueil ou en
centre de réadaptation, là, pour jeunes en difficulté.
M. Carmant : Donc, il va
falloir que je vous intègre dans mon algorithme. Et si la commission des droits
de la personne, droits de la jeunesse ne sont pas dans le tableau, est-ce que
vous allez les aviser? Comment ça se passe, l'interaction, à ce moment-là?
Ou...
M. Dowd (Marc-André) : On l'exerce...
Nous, quand on est saisis d'une plainte, on exerce notre juridiction, c'est-à-dire,
on traite la plainte. Je pense que l'idée de faire le lien avec la commission,
c'est d'éviter les dédoublements ou de... Mais est-ce qu'il y a deux enquêtes
parallèles? C'est déjà pertinent de le savoir. Si on peut échanger un peu plus,
dans le contexte d'une concertation renforcée, peut-être qu'on en viendra à
définir qui est le meilleur partenaire pour intervenir dans un cas donné ou
dans une problématique complexe. On pourrait dire, par exemple, bien, compte
tenu de notre mandat, le Protecteur du citoyen est très à l'aise de prendre
cette portion de l'intervention, mais une autre portion, c'est un autre
partenaire qui va la prendre. Tu sais, l'objectif est que nos forces convergent
vers une action plus efficace pour assurer le respect des droits des enfants.
M. Carmant : Bien, bravo.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre. Alors, je vais
inviter maintenant Mme la députée de Robert-Baldwin à poursuivre cet échange.
Mme Garceau : Merci, merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour cette présentation très
importante. Concernant... Et je veux vraiment aller à l'éléphant... l'éléphant.
Le chapitre III du projet de loi n° 37 ne reflète pas les recommandations
de la commission Laurent, vous l'avez mentionné, et je reprends, à la page 6 de
votre mémoire : «Le droit à l'autodétermination et»... au bas de la page,
là... au milieu de la page, je devrais dire, plus spécifiquement en lien avec
le projet de loi n° 37 : «Au moment de formuler sa recommandation de
mise en place d'un commissaire adjoint et d'une équipe consacrée exclusivement
aux enjeux entourant les enfants membres des Premières Nations et Inuit, la
commission Laurent précise, dans son rapport, l'esprit dans lequel cette
recommandation s'inscrit. Soucieux de soutenir jusqu'au bout le désir des
peuples autochtones de décider pour eux-mêmes, nous appuyons la mise en place
éventuelle d'un commissaire autochtone aux droits des enfants autochtones, mais
indépendant du commissaire au bien-être et aux droits des enfants.»
En ce moment, à la lecture du chapitre III
et des dispositions législatives dans le projet de loi, on a un commissaire
dédié aux droits des enfants autochtones qui est vraiment un conseiller au
commissaire. Deuxième rang, ce n'est pas cette personne-là qui va voir... qui
va être indépendante et qui va s'occuper de s'assurer de veiller de protéger
les droits des enfants autochtones. Nous savons très bien que le régime,
malheureusement, de protection de la jeunesse au niveau des enfants
autochtones, c'est un échec, c'est un grand échec. Et je ne sais pas si votre
collègue, compte tenu que c'est vous qui est en... qui est responsable... si
vous pourriez peut-être nous donner des détails, en termes de l'ampleur du
problème.
Mme Bergeron (Annie) : Bien,
en termes de l'ampleur du problème, je n'ai pas de données, là, spécifiques
avec moi, là, je n'ai pas apporté ça, mais, par contre, je vous invite vraiment
à regarder les travaux de la commission Viens, là, qui ont vraiment... Il y a
une foule d'informations et de...
Mme Bergeron (Annie) : ...là,
qui peut vraiment témoigner de l'ampleur du problème. Il y a une
surreprésentation qui est persistante des enfants, là, autochtones en protection
de la jeunesse, puis on sait, le constat a quand même été clair dans le... dans
la commission Viens, qu'il y a... il y a... il y a eu un échec du système à
bien répondre aux besoins des enfants, Premières Nations et Inuits. On sait
aussi que les impacts des pensionnats se font encore ressentir aujourd'hui puis
que le système de protection de la jeunesse est vu comme un peu une extension,
finalement, de ce système-là. Donc, il y a... il y a beaucoup de nœuds à
défaire pour qu'on puisse dire qu'on veille, là, au bien-être, là, des enfants,
Premières Nations et Inuits. Puis ça, ce travail-là doit être fait en
concertation, de très près, là, avec les représentants des Premières Nations et
Inuits.
Mme Garceau : On a mentionné,
dans le rapport de la commission Laurent, que les peuples autochtones sont les
mieux placés pour répondre aux besoins des enfants autochtones, et, s'il y
avait un amendement au chapitre... Parce que je comprends, M. Dowd, qu'est-ce
que vous dites, c'est : On va adopter la loi, mais, en ce qui a trait au
chapitre trois... On va le suspendre ou on l'adopte? Parce que, si on l'adopte
tel quel, moi, j'ai un inconfort avec ça, parce que ça ne répond pas du tout
aux témoignages, aux mémoires qui ont été livrés lors de la commission Laurent.
M. Dowd (Marc-André) : Je
dirais, là-dessus, je vois et je reconnais la pertinence d'un commissaire
associé au bien-être et aux droits des enfants autochtones au sein de
l'institution du commissaire, de l'institution générale du commissaire. Il faut
respecter le rythme et le choix de chaque communauté et de chaque nation, et ce
n'est pas chaque... ce n'est pas toutes les communautés ou toutes les nations
qui souhaitent, à ce moment-ci, assumer la pleine responsabilité en matière de
protection de la jeunesse.
Ce qu'on dit, par contre, c'est que pour
les communautés et les nations qui souhaiteraient exercer le droit à
l'autodétermination en matière de protection de la jeunesse et qui se
doteraient d'une institution indépendante, on souhaiterait, et on recommande de
modifier le préambule, qu'on donne au commissaire une responsabilité d'apporter
son soutien et son support au développement et au renforcement des mécanismes
indépendants autochtones de respect des droits des enfants membres des Premières
Nations et Inuits.
• (18 h 10) •
Alors, c'est sur deux tableaux. Donc, oui
pour les nations et les communautés qui exercent leur droit à
l'autodétermination et qui vont se doter de mécanismes. Alors là, on demande au
commissaire de soutenir et de supporter ces démarches-là. Mais, pour l'ensemble
des communautés, bien, je pense qu'il faut que le commissaire et le commissaire
associé se préoccupent, dans toutes leurs dimensions, du bien-être et du
respect des droits des enfants autochtones. Alors, c'est important que ça soit
aussi au sein de l'institution du commissaire.
Mme Garceau : Mais est-ce
qu'à votre avis on ne devrait pas modifier la disposition, il faut que je
retrouve dans le projet de loi, concernant le libellé, chapitre trois, commissaire
associé dédié au bien-être et aux droits des enfants autochtones. Là, on
regarde en termes de... Il conseille. L'article 14, l'article 15,
c'est vraiment un rôle de conseiller. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Dowd (Marc-André) : Je
suis d'accord avec ça, qu'au sein de l'institution du commissaire, il y ait un
officier chargé, un officier ou une officière chargée de conseiller le
commissaire pour s'assurer que toutes les actions du commissaire prennent en
considération les dimensions pertinentes relatives aux enfants membres des
Premières Nations et Inuits. Mais du même souffle, je pense qu'on doit inscrire
dans la loi que pour les nations et les communautés qui auront choisi d'exercer
leur droit à l'autodétermination, que le commissaire joue un rôle de support et
de soutien aux institutions autonomes indépendantes en matière de respect des
droits des enfants autochtones. Donc, je pense qu'il faut jouer sur les deux...
les deux tableaux, selon moi.
Mme Garceau : O.K. donc, si tout
ça serait intégré au projet de loi, on pourrait l'adopter avec ces
modifications-là, et pour vous, ça serait suffisant pour venir...
M. Dowd (Marc-André) : Je
pense que la principale...
M. Dowd (Marc-André) : ...question
aussi, c'est qu'en pensent les principaux intéressés, les représentants des
Premières Nations et des Inuits. Je pense que vous allez avoir l'occasion
demain de leur poser la question. Je pense que l'idée que je me fais du rôle du
commissaire en matière de bien être et de respect des droits des enfants
autochtones, bien, ça doit céder le pas aux attentes des principaux intéressés
qui sont les représentants des membres des Premières Nations et des Inuits.
Mme Garceau : O.K. Je
voulais juste en termes de plainte que vous recevez liées à la protection de la
jeunesse... Parce que je sais que vous avez... Il y avait un rapport il y avait
quelques mois, là, concernant le manque de formation en violences conjugales et
tout ça. Je voulais savoir quel est le suivi par la suite, suite à vos
recommandations? C'est l'évolution du suivi de vos recommandations face aux
plaintes liées à la protection de la jeunesse.
M. Dowd (Marc-André) : Avant
de parler... Non, je vais aller directement. Au Protecteur du citoyen, on ne
ferme jamais un dossier avant d'avoir la confirmation que la recommandation
qu'on a faite a été mise en œuvre. Alors, c'est une chose de dire on accepte la
recommandation, mais maintenant l'établissement doit nous fournir des preuves
que la recommandation qu'on a faite, elle a été appliquée. Non seulement elle a
été acceptée, mais elle a été mise en œuvre. Et ce n'est que lorsqu'on est
convaincu... Par exemple, si on dit : Formez le personnel. Bien, on va
demander la preuve que le personnel a été formé. Si on dit... Bien, c'est un
bon exemple, là, je pense. Ce qui fait que je suis assez confortable de dire
que, quand on ferme un dossier, c'est parce que nos recommandations ont été
implantées. Puis je rappelle que nos recommandations sont retenues, acceptées
et implantées dans 98 % des cas.
Mme Garceau : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on va poursuivre avec le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre excellente présentation. Je vais revenir sur la
question Premières Nations et Inuits. Il y a deux volets, là. Vous dites quand
même : Pas tout de suite, la mise en vigueur. Mais vous dites aussi de
l'adopter. Donc... Mais vous dites aussi : Attention, il faudrait que ce
soit fait en coconstruction et de soutenir ceux et celles qui voudront exercer
leur droit à l'autodétermination. Ça fait beaucoup de choses en même temps, là.
J'essaie juste, tu sais, de bien comprendre ce que vous nous dites.
M. Dowd (Marc-André) : Oui.
L'idée de base est on va de l'avant avec la nomination du commissaire. O.K. Le
projet de loi, actuellement, tel que rédigé, lors de la nomination du
commissaire, les dispositions sur le commissaire associé entrent en vigueur.
C'est le projet de loi.
M. Cliche-Rivard : Exact.
M. Dowd (Marc-André) : Alors,
ce que... Ce qu'on vous propose, ce qu'on vous recommande, c'est de dire :
Selon l'information dont on dispose, on n'est pas à une étape de consultation
suffisamment avancée sur des aspects assez essentiels qui sont détaillés dans
notre... dans notre correspondance. Et ce qu'on propose, c'est que ce soit le
commissaire qui prenne le bâton de pèlerin, si je puis dire, une fois qu'il est
nommé, pour dire : Allez à la rencontre des représentants des Premières
Nations et des Inuits et essayez de, d'abord écouter, entendre, coconstruire et
bâtir une adhésion autour de ce que pourrait être le rôle du commissaire
associé. Et lorsque le commissaire et les représentants des Premières Nations
auront le sentiment qu'on se comprend, bien là, le commissaire pourra
recommander au gouvernement de mettre en œuvre les dispositions du commissaire
associé. Et là on procéderait à la nomination d'un commissaire. Ce qu'on dit,
c'est qu'il ne faut pas précipiter la... la nomination d'un commissaire
associé. Dans l'état actuel, je ne suis pas certain que ce serait bien reçu.
Puis je ne suis pas sûr que ça ferait œuvre utile.
M. Cliche-Rivard : Mais
là, dans ce contexte-là, ce qui est dans le chapitre III puis dans ce
volet là, si on va pour le réécrire, c'est là où je ne suis pas certain qu'on
doit l'adopter. Je pense que peut être que, là, la réflexion, c'est plutôt de
donner ce mandat-là au prochain commissaire, et on refera le cadre législatif
associé par la suite, plutôt que d'adopter dans le vent, entre guillemets, des
choses qu'on va probablement revenir à réétudier dans un modèle coconstruit
meilleur. Tu sais, c'est là où je...
M. Dowd (Marc-André) : Çe
serait... Oui, ça serait une alternative. Je vous le concède. Oui.
M. Cliche-Rivard : Je
n'ai pas beaucoup de temps. Vous dites déférer... On devrait ajouter aussi de
déférer le rapport de mise en œuvre, et ça, on le ferait... Parce que là on
parle d'un rapport de mise en œuvre après cinq ans. Est-ce que vous, vous
auriez l'idée ou la volonté qu'on le fasse à chaque cinq ans? Est-ce que c'est
quelque chose qui devrait être récurrent?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
en fait, dans d'autres lois, la Loi sur l'accès à l'information, je pense, il y
a un rapport de mise en œuvre de la loi qui est étudié par une commission
parlementaire avec des auditions. Il y a des témoins qui sont entendus. Dans
notre loi, qu'on applique la Loi facilitant la divulgation d'actes
répréhensibles à l'égard... la loi... la loi sur les lanceurs d'alerte, là,
même chose. Après le rapport de mise en œuvre, il y a une commission
parlementaire pertinente qui entend des témoins. Donc, ça, c'est un mécanisme
de suivi, ça fait en sorte que le rapport ne reste pas sur une tablette, là. Il
y a une... Il y a des parlementaires, il y a une commission parlementaire...
M. Dowd (Marc-André) : ...parlementaire
qui s'en saisit puis il y a des intervenants qui peuvent être entendus sur ce
qui reste à faire, ce qui doit être changé.
M. Cliche-Rivard : Ça fait plusieurs
projets de loi dans lesquels on nous dit que, bon, avec la sécurisation
culturelle, ce sera réglé, mais on voit constamment la référence à autochtone
et non pas Premières nations et Inuit. Est-ce que vous recommanderiez qu'on le
corrige en amont, là? Puis on verra ce qui se passera après. Mais là, à force
d'attendre après le projet de loi qui ne viendra je ne sais quand, est-ce qu'on
devrait juste tout de suite mettre «Premières nations et Inuit»?
M. Dowd (Marc-André) : Une
recommandation qu'on vous fait, c'est la recommandation cinq, d'adopter la
terminologie «Premières nations et Inuit» en remplacement du mot «autochtones».
Puis je remarque que, d'ailleurs, le secrétariat, anciennement Secrétariat aux
affaires autochtones, a... son nom a été modifié, le secrétariat aux relations
avec les Premières Nations et Inuit. Je pense que c'est... Ça m'apparaîtrait
vraiment approprié de procéder à ce changement de terminologie.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
M. Dowd (Marc-André) : Ça va?
Ça me faire plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:On va conclure l'échange avec le
Protecteur du citoyen avec le député des Îles de la Madeleine.
M. Arseneau : Merci, merci
beaucoup pour votre présentation. J'avais essentiellement la même préoccupation
à savoir si, le chapitre trois, on ne devrait pas tout simplement le suspendre
plutôt que l'imposer aux Premières Nations, pour ensuite essayer de
coconstruire quelque chose qui est déjà préétabli dans la loi, mais vous avez
répondu à mon collègue. Même chose pour la question de la mise en œuvre et d'un
rapport cinq ans plus tard. En fait, vous recommandez... Est-ce que vous
recommandez véritablement que ça soit fait à tous les cinq ans? C'est ce qu'il
faut comprendre?
M. Dowd (Marc-André) : Ma
compréhension, c'est que c'est ça, la disposition, mais ce qui n'est pas prévu,
c'est que le rapport soit entendu par une prise en considération par une
commission parlementaire. Alors, on amène un mécanisme de reddition de comptes,
on propose un mécanisme de reddition de comptes qui est une commission
parlementaire qui se saisit du rapport et qui tient des auditions sur le
contenu du rapport. On vient de le vivre actuellement avec le rapport de mise
en œuvre de la loi sur les lanceurs d'alerte.
M. Arseneau : Oui. Bien,
peut-être que j'avais mal lu, mais je... le commissaire doit, au plus tard cinq
ans, suivant la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, faire, à
l'Assemblée nationale, un rapport sur la mise en œuvre de celle-ci. C'est un
«one shot»...
M. Dowd (Marc-André) : C'est
un «one shot». O.K.
M. Arseneau : ...à mon sens,
là.
M. Dowd (Marc-André) : À ce
moment-là, qu'il soit... je proposerais que la commission parlementaire décide
de la pertinence de...
M. Arseneau : Donc, on
pourrait le faire sur une base régulière, ce qui, évidemment, n'a rien à voir
avec les rapports annuels.
M. Dowd (Marc-André) : Annuels
du commissaire.
M. Arseneau : C'est
strictement sur la mise en œuvre puis du point de vue plus global. Est-ce que
c'est... de votre point de vue, c'est la Commission de l'administration
publique qui devrait faire cette...
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
je... Et on a parlé de la commission parlementaire pertinente.
M. Arseneau : Pertinente.
M. Dowd (Marc-André) : On
laisse le soin aux parlementaires de déterminer quelle est la... Parce que
c'est très étendu, hein? Le commissaire va intervenir sur une vision très
transversale du bien des enfants.
• (18 h 20) •
M. Arseneau : ...D'accord.
Vous avez parlé de l'indépendance des différents organismes et de la
confidentialité puis de la pertinence d'une... en fait, d'entente... de
mécanismes, en fait, c'est très intéressant, et je pense que tout le monde le
retient ici, mais je voulais revenir sur la question de possibles
chevauchements, d'enchevêtrement non seulement du point de vue de ceux qui sont
dans les organismes, mais du point de vue du citoyen en tant que tel. Qu'est-ce
que vous pensez, justement, des démarches qu'on doit faire pour s'assurer que
les gens... Vous avez mentionné tout à l'heure, Mme, que les gens déposaient
des plaintes un peu partout. Est-ce qu'il y a un enjeu là où on devrait
intervenir? Peut-être pas dans le cadre de la loi, mais, de façon générale, si les
recours se multiplient, les gens ne savent pas à quelle porte... ça peut
prendre du temps, ça peut... on peut référer. Comment vous voyez ça?
M. Dowd (Marc-André) : Quand
je vois dans les mandats qui sont proposés au commissaire, l'information sur
les droits des jeunes fait partie des responsabilités, peut faire partie. Puis
il y a même un rôle d'accompagnement du commissaire dans l'exercice des droits
qui est prévu au projet de loi. Donc, certainement que le commissaire pourrait
exercer un leadership auprès des partenaires pour que chacun précise un peu
mieux et fasse connaître mieux dans quel contexte il peut intervenir.
M. Arseneau : En fait, c'est
ça, c'est pour le parent... pour l'enfant, c'est de savoir c'est quoi, la
première ligne.
M. Dowd (Marc-André) : Oui.
Exact, c'est ça. Exact.
M. Arseneau : O.K. D'accord.
On est... d'accord. Merci beaucoup.
M. Dowd (Marc-André) : Eh
bien, si vous me permettez de dire aussi que c'est un peu l'adage qu'on
appelle, au Protecteur du citoyen, «No wrong door policy part», c'est-à-dire
que, si une personne nous appelle puis on n'est pas le bon recours, on va
s'assurer d'orienter la personne vers le bon recours.
M. Arseneau : D'accord. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je tiens à remercier les
représentants du Protecteur du citoyen pour la qualité de cet échange et votre
présentation.
Sur ce, nous allons suspendre les travaux
pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 18 h 22)
(Reprise à 18 h 27)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Alors,
nous allons conclure notre journée de travail en recevant et en souhaitant la
bienvenue à Mme Nancy Audet, qui est journaliste et auteur du livre Plus
jamais la honte, et elle est accompagnée par Me Mylène Leblanc. C'est ça?
Alors, Mme, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation et par
la suite, nous allons faire les échanges. Alors, je vous cède immédiatement la
parole, et merci de votre présence.
Mme Audet (Nancy) : Merci à
vous de nous accueillir ici aujourd'hui. Je sais que ça a été une longue
journée pour vous. Journaliste, oui, depuis une vingtaine d'années, 18 ans
dans les salles des nouvelles. Vous...
Mme Audet (Nancy) : ...comprendrez
que, pour moi, normalement, je me sentirais plus à l'aise de couvrir les
consultations que d'être ici en tant que participante. Vous allez comprendre
pourquoi je suis ici dans quelques secondes.
En 2019, comme tout le monde, j'ai été
vraiment ébranlée par la mort de la fillette de Granby. J'ai accepté de
témoigner de mon passage, mon propre passage à la Direction de la protection de
la jeunesse, lors de la commission. Laurent, une décision qui a été difficile à
ce moment-là, que j'ai prise vraiment dans l'espoir d'aider les enfants
victimes de maltraitance. En 2001, vous l'avez dit, j'ai publié mon histoire,
Plus jamais la honte, et, en 2022, j'ai publié également Ils s'appellent tous
courage, en hommage, donc, à la fillette de Granby, mais aussi un vrai cri du
cœur pour les enfants de la DPJ. J'y détaille les conditions de vie souvent
précaires auxquelles sont confrontés ces enfants retirés de leurs foyers
biologiques, ainsi que les épreuves qu'ils doivent surmonter.
Depuis deux ans, je parcours le Québec
pour offrir des conférences. Bien sûr, que j'utilise mon vécu, mais surtout je
sensibilise les gens et je les invite à s'engager en faveur des enfants les
plus vulnérables de notre société. J'assume aussi le rôle de marraine au sein
de la Fondation des jeunes de la DPJ, un rôle qui est important pour moi. Cet
engagement m'a offert l'occasion de passer beaucoup de temps avec les enfants,
avec les jeunes, et ma présence sur le terrain avec eux, ça m'a permis
d'identifier, bien sûr, des lacunes significatives dans le système de la
protection de la jeunesse mettant en péril le développement de ces enfants.
Me Leblanc à accepté de m'accompagner, Me
Leblanc qui a une vaste expérience en droit de la jeunesse. Elle m'a aidé à
écrire, beaucoup aidée à écrire ce mémoire, et elle pourra répondre aux
questions au niveau juridique.
Quand j'ai commencé à m'impliquer auprès
des enfants de la DPJ, en 2019, je pensais que la situation avait changé depuis
mon propre passage, donc, à la DPJ, il y a plus de 30 ans. Je ne rajeunis pas.
Rapidement, je me suis rendu compte, en parlant avec les enfants, avec les
ex-placés que... et les gens qui travaillent auprès d'eux aussi, qu'au
contraire les choses n'avaient pas changé et que les enfants souffraient
toujours autant. Non seulement à cause de leur vécu familial, des séquelles
liées à la maltraitance, mais aussi à cause des lacunes du système qui n'arrive
pas à les aider et protéger adéquatement.
• (18 h 30) •
Vous le savez, il y a eu près de 136 000
signalements l'année dernière au Québec. C'est un triste record. Ça représente
370 enfants par jour et ça veut dire aussi qu'on a maintenant plus de
signalements pour maltraitance qu'on a de naissances au Québec. Plus de 42 000
signalements ont été retenus. On parle de négligence, de violence corporelle,
de violence psychologique, d'agression sexuelle, d'enfants qui vivent dans un
contexte de violence conjugale depuis de nombreuses années et qui vivent avec
un stress post-traumatique.
Camil Bouchard le disait, la maltraitance
est une urgence de santé publique, et il a raison. Dans le rapport de la
commission Laurent, les commissaires ont écrit que la maltraitance coûte 4
milliards de dollars chaque année aux Québécois. Derrière ce chiffre
énorme, je vois beaucoup de souffrance, une souffrance qui touche des milliers
d'enfants québécois. Dans les centres jeunesse, je vois des enfants qui
subissent des mesures de contention à répétition, des mesures d'isolement aussi,
de jeunes adolescents qui subissent des fouilles à nu qui les affectent
énormément, qui affectent leur psyché. Je vois des enfants qui vivent dans des
unités où il y a des infiltrations d'eau et de la moisissure, des bains
condamnés. Je vois des enfants qui n'ont plus le droit de voir leur maman à
cause de faux cas d'aliénation parentale qui se multiplient. Je vois des
enfants aussi qui n'ont jamais rencontré leur avocat et qui ne savent pas
qu'ils ont des droits. Je vois aussi, depuis quelques années, de petits enfants
de cinq ans que l'on place maintenant dans les centres jeunesse malgré le fait
que ces milieux de vie ne sont pas adaptés à leurs besoins.
Combiné à l'exode des intervenants et des
éducateurs, les délais judiciaires qui s'allongent. En septembre 2023, la
bâtonnière du Québec, Catherine Claveau, a lancé un cri du cœur : Ces
délais causent des torts irréparables aux enfants. Sur le terrain, j'ai vu la
situation se détériorer au cours des dernières années. J'attends...
18 h 30 (version non révisée)
Mme Audet (Nancy) : ...J'attendais
donc avec impatience le dépôt du projet de loi n° 37. La nomination d'un
commissaire est cruciale, et je vous remercie d'être allé de l'avant avec cette
première recommandation du rapport Laurent.
Voici mes deux principales
recommandations. D'abord, l'indépendance et l'engagement du commissaire ne sont
pas négociables. Il doit être libre de toute entrave, qu'elle soit politique ou
bureaucratique, pour pouvoir agir avec la vigueur requise. Deuxièmement, il
faut, comme le recommandaient les commissaires, et je les cite, «transférer au
commissaire les pouvoirs et les responsabilités assumés par la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, prévue à la loi de la
protection de la jeunesse avec les ressources afférentes». L'octroi de pouvoirs
étendus, y compris celui d'imposer des sanctions aux entités qui portent
atteinte aux droits des enfants, n'est pas seulement souhaitable, mais
essentiel.
Depuis plusieurs années, la CDPDJ, malgré
ses pouvoirs, ne joue pas pleinement son rôle de chien de garde auprès des
enfants les plus vulnérables de notre société. En 2022, des journalistes
révélaient que la CDPDJ s'était retirée de presque tous les dossiers en lésions
de droits, et ce, au beau milieu des procédures. Difficile d'expliquer à un
enfant une telle décision. Pourtant, juges et avocats réclament avec insistance
sa présence devant les tribunaux. Je parle ici de la Chambre de la jeunesse. On
apprenait également dans cet article que la CDPDJ, c'est moins d'une douzaine d'employés
dont les heures travaillées représentent à peine 10 % du total du temps
rémunéré à la CDPDJ. Ce manque de ressources affecte évidemment les enfants de
notre société, notamment ceux de la DPJ. Le commissaire et son équipe seront,
eux, dédiés à 100 % à la jeunesse.
En 1995, le projet de loi n° 79
visant la fusion de la Commission des droits de la personne avec la Commission
de la protection des droits de la jeunesse était déposé, ça fait presque 30 ans.
À l'analyse des débats parlementaires liés à ce projet de loi, on constate qu'il
y a eu une vive opposition, une très vive opposition. On craignait que la
jeunesse soit reléguée au second plan, et c'est malheureusement ce qui est
arrivé. Vous avez maintenant l'opportunité de réparer cette erreur.
Pour ces raisons, il est impératif que
seul le commissaire doit être investi de tous les pouvoirs liés au bien-être et
droits des enfants, incluant les enfants de la Loi de la protection de la
jeunesse. Le commissaire doit être autonome, indépendant et hautement impliqué
sur le terrain. Il faut aller voir les enfants. Il faut aller voir les jeunes.
Il faut aller voir les conditions de vie. Le commissaire doit avoir tous les
pouvoirs nécessaires à ses fonctions, dont celui de contraindre des personnes
ou organismes qui lèsent les droits des enfants, et bien sûr que les budgets de
l'organisme doivent être à la hauteur de son mandat. Le commissaire doit faire
preuve d'un réel leadership en se positionnant en gardien du bien-être et des
droits des enfants.
En terminant, je voudrais vous dire que
quatre ans avant le décès de la fillette de Granby, sa mère et sa grand-mère
ont envoyé une lettre à la CDPDJ lui demandant d'intervenir. Elle avait le
pouvoir de le faire. Les droits de cet enfant étaient lésés. Après quelques
échanges de courriels avec la DPJ, la CDPDJ a décidé de fermer le dossier et
elle ne s'est pas présentée au tribunal, alors qu'il est le seul organisme
autorisé à le faire. Malheureusement, nous connaissons la suite. Cette enfant est
morte dans des conditions atroces. On ne peut pas changer le cours de l'histoire,
mais vous pouvez, en tant que parlementaires, prendre la décision d'offrir des
pouvoirs au commissaire qui lui permettront de protéger les enfants les plus
vulnérables de notre société. Parce que la protection des enfants vulnérables,
c'est une valeur fondamentale pour les Québécois, et ça l'a toujours été. Et je
suis convaincue que de cette façon on peut éviter d'autres...
Mme Audet (Nancy) : ...d'autres
drames. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Audet. Alors, M.
le ministre, je vous invite à faire la première intervention.
M. Carmant : Merci beaucoup,
Mme Audet, pour ce touchant témoignage. J'ai eu le privilège de lire vos deux
livres d'ailleurs qui m'ont également très touché. Nous, on trouve qu'on a une
opportunité de... de placer le... le commissaire encore plus en amont que la
protection de la jeunesse pour... pour lui permettre d'avoir une action sur...
sur tous les enfants du Québec plus, plus, plus importante. On en a discuté ce
matin avec Mme Laurent, avec les ex-commissaires, puis je pense qu'ils
trouvaient qu'on était à la bonne place. Je pense que ça n'empêchera pas
d'avoir un... un rôle majeur quand on en a discuté, là, de comment mieux
définir le rôle par rapport à la... à la DPJ ou son... son impact sur la DPJ,
mais de concentrer tous les efforts du... du commissaire sur la... la
Protection de la jeunesse. Je pense que c'est limiter son action. Comment vous voyez
ça?
Mme Audet (Nancy) : Moi,
c'est mes recommandations. Mais de toute façon, le mandat du commissaire est
beaucoup plus large. Je n'ai jamais pensé que le rôle du commissaire serait
strictement pour les enfants de la DPJ.
M. Carmant : O.K.
Mme Audet (Nancy) : Mais je
pense que dans la situation actuelle où la maltraitance c'est une multitude,
une urgence de santé publique, pour moi, c'est un incontournable. Si on est ici
aujourd'hui., c'est pourquoi... c'est parce qu'il y a eu le rapport Laurent, il
y a eu une commission Laurent. À la suite de ce rapport-là, on a rencontré
4 000 personnes, et la première recommandation à la suite de ça, à la
suite du décès de la fillette de Granby, la première recommandation, c'était
d'avoir un commissaire pour protéger, entre autres, les enfants les plus
vulnérables de notre société. Un enfant qui a des parents aimants, qui a une
maison, qui habite dans une belle communauté, qui joue au hockey la fin de
semaine, dans une équipe, qui a un filet de sécurité solide, n'a pas besoin de
notre protection, il est protégé. Il reste qu'il y a des milliers d'enfants, au
Québec, qui n'ont pas ce filet de sécurité là, et c'est notre rôle en tant que
société de les protéger. Et je pense que ça doit faire partie des rôles du
commissaire qui va représenter tous les enfants du Québec. Mais il y en a qui
sont plus chanceux que d'autres.
• (18 h 40) •
M. Carmant : Oui, donc tout à
fait. On entendait également parler tout à l'heure le Protecteur du citoyen,
qui semblait également assumer un rôle dans le... dans ces situations par
rapport aux centres jeunesse et tout ça. En fait, quand je suis allé leur
parler après, je leur ai dit que donc souvent, peut-être qu'on utilise peu ce...
ce... cet ombudsman-là pour venir aider dans les situations que... que vous
décriez, peut-être qu'on devrait le faire un peu plus, et qu'il travaille en
collaboration avec la... la Commission des droits de la personne, droits de la
jeunesse. Est-ce que peut-être maître...
Mme Leblanc (Mylène) : Je
vais y aller.
M. Carmant : Allez-y.
Mme Leblanc (Mylène) : Merci.
Je vais répondre à la question qui... qui est posée. Je vais un petit peu en
arrière pour dire que... Je vous dirais que quand j'ai vu les rapports... le
rapport de la commission Laurent, la première recommandation, j'adhérais à
100 %. Je trouve ça extrêmement pertinent d'un point de vue juridique
évidemment, puis aussi d'un point de vue terrain, parce que moi, je représente
des enfants à qui je dois justement expliquer les situations difficiles.
Maintenant, ce qu'il est important de
savoir, c'est ce qui est un peu alarmant, je vous dirais. Moi, en fait, ça
m'alarme comme juriste dans le projet de loi comme il est actuellement, c'est
parce que les pouvoirs, disons, complets généraux, je vais appeler ça des
superpouvoirs, la Commission des droits de la personne les a déjà. Et ce qui
est très alarmant, justement, c'est que, comme juriste, on les interpelle, et
c'est l'action terrain qui ne vient pas. On se demande en fait : Pourquoi,
avec tous les pouvoirs de l'article 23 de la Loi sur la protection de la
jeunesse, mais aussi ceux de la Charte des droits et libertés du Québec.
Comment ça se fait qu'un organisme aussi puissant, né de la fusion de la
Commission des droits de la personne et celle... je m'excuse, là, je ne sais
pas le nom exact, mais celle des enfants, là, comment ça se fait qu'ils
n'assurent pas déjà ce...
Mme Leblanc (Mylène) : ...filet
de sécurité là. Et c'est là-dessus que je trouve ça... en fait, que je trouve
ça difficile à comprendre, là, comme, juridiquement parlant, puis aussi sur les
faits... les faits de se faire dire qu'on ne peut pas intervenir. Parfois,
c'est ça qu'on a comme décision de la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse. Bien, moi, quand je lis le texte de loi de ma loi
sur la protection de la jeunesse, ce n'est pas ça qui est écrit. Alors, je
respecte les décisions, mais, comme juriste, c'est alarmant.
Les enfants... Un enfant, dans mon point
de vue, ça naît vulnérable, il naît vulnérable, et nous, on le protège de
toutes sortes de choses. L'enfant qui a... qui subit de la maltraitance au sens
large a besoin d'une deuxième protection, celui suivi par la DPJ, une troisième,
celui qui a en plus un diagnostic particulier, une quatrième. Donc, les
institutions qui ont les... qui ont des pouvoirs, à mon... à mon sens à moi,
doivent être des parapluies sur ces enfants-là, et, j'écoutais le protecteur du
citoyen juste avant nous, on ne peut pas jamais faire une porte tournante avec
tout ça. On agit, on les réfère, on les accompagne. Alors, c'est ça qui est
très alarmant en ce moment. Et de savoir que tous ces pouvoirs-là de la
Commission des droits de la personne... bien là, c'est soit qu'on s'assure
qu'ils soient appliqués à partir d'aujourd'hui ou soit qu'on les met dans le
projet de loi, mais ça ne peut plus... ce n'est plus tolérable comme ça.
M. Carmant : O.K. Parce que
les transférer de la CDPDJ au commissaire ne garantit pas de changement...
Mme Audet (Nancy) : Pourquoi?
M. Carmant : Pardon?
Mme Audet (Nancy) : Pourquoi?
Si le commissaire, lui, décide d'utiliser ses superpouvoirs pour jouer son rôle
quand il y a des lésions de droit. Quand des enfants sont victimes de lésions
de droit, il faut... il faut intervenir parfois. On le voit devant les
tribunaux. Maître Leblanc le voit. C'est que ces pouvoirs-là ne sont pas
utilisés. Si ces pouvoirs sont transférés au commissaire, j'ose espérer que le
commissaire va les utiliser. Puis réunir une équipe compétente, ça ne sera pas
difficile parce qu'il y a des gens très compétents au Québec qui ont vraiment
envie de faire ce travail-là, M. Carmant.
M. Carmant : O.K. Mais il y a
un concept qu'on entend, c'est que la CDPDJ perd juridiction quand c'est devant
les tribunaux. Ce n'est pas... Vous êtes... Vous n'adhérez pas à ça?
Mme Leblanc (Mylène) : Moi,
je n'adhère pas à ça puis je vous explique ma compréhension juridique de la
chose. Lorsqu'on regarde l'article 23 de la Loi sur la protection de la
jeunesse, premièrement, ce qu'il faut... moi, je le prends toujours, je
m'excuse, c'est déformation professionnelle, mais il y a... il y a... la
commission exerce les responsabilités suivantes, et là on va de a à f.
Lorsqu'on vous parle que la CDPDJ fait... perd juridiction lorsque le tribunal
est saisi, elle perd juridiction lorsqu'elle fait des enquêtes, lorsqu'elle
enquête sur le terrain et lorsque le tribunal, Cour du Québec, Chambre de la
jeunesse, elle est saisie de la situation de l'enfant, pour ne pas dédoubler
une enquête, évidemment. On ne veut pas dédoubler des enquêtes, et tout ça. La
Commission des droits de la personne va perdre sa compétence au niveau de
l'enquête, mais elle ne perd pas sa compétence d'accompagner au tribunal des
enfants, de porter des demandes en lésion de droit. La Commission des droits de
la personne, à l'article 81, elle est une partie au dossier de tous les
enfants. Donc, dès qu'elle souhaite intervenir, elle y a droit. C'est ça qui
est dérangeant, c'est ça qui est inexplicable puis qui a été un peu mis en
lumière... en fait, la communauté juridique en jeunesse, bien, c'est une
situation qui est quand même assez connue, je vous dirais, mais aussi il y a
des juges qui l'ont dit. Puis c'est ça, moi, le message porteur que je souhaite
qui soit entendu, parce qu'il ne faut pas qu'il y ait de droit ou de
possibilité pour les enfants de passer entre les mailles du filet social de
protection qu'on leur... qu'on leur donne.
M. Carmant : O.K. Puis Maître
Tessier aujourd'hui nous disait que, souvent, ils négocient avec la DPJ, ils
règlent avant puis... Ce n'est pas... Ce n'est pas ce que... Ce n'est pas votre
vécu?
Mme Leblanc (Mylène) : Je
vais dire que ce n'est pas mon vécu. Je ne veux pas en faire non plus un
témoignage. Par contre, moi, j'ai... dans mon expérience à moi, il y a parfois
des situations où est-ce que la Commission des droits de la personne est
intervenue au tribunal et elle s'est désistée de dossier, là. Je suis obligée
de dire la vérité aujourd'hui. Alors, je ne sais pas... je ne sais pas dans
quel dossier, tu sais, je ne peux pas m'avancer là-dessus, mais, par contre,
moi, je peux vous dire qu'encore régulièrement, parce que je suis une fille...
Mme Leblanc (Mylène) : ...qui
crois beaucoup aux institutions, je crois à notre société, j'interpelle
toujours la CDPDJ pour mes clients, et c'est très difficile à comprendre.
M. Carmant : D'accord.
Mme Audet (Nancy) : Le
Protecteur du citoyen, la semaine dernière, a rendu un rapport d'enquête sur
des conditions de travail douteuses dans un centre jeunesse de Trois-Rivières.
J'ai été bien étonnée que le Protecteur du citoyen soit l'entité qui enquête
là-dessus. Et il y a une avocate qui m'a écrit qu'elle était elle aussi très
surprise, parce qu'elle a interpelé la CDPDJ à de nombreuses reprises à ce
sujet-là et elle n'a jamais reçu d'accusé de réception.
Quand je lis les pouvoirs, ici, de la
CDPDJ, je vois que, dans ses pouvoirs, elle peut «prendre les moyens légaux
qu'elle juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où les droits d'un
enfant sont lésés, elle élabore et applique des programmes d'information et
d'éducation destinés à renseigner la population générale et les enfants sur les
droits de l'enfant.» Depuis cinq ans, à chaque fois que je croise des enfants
ou des jeunes, la première question que je leur demande, c'est s'ils
connaissent leur avocat et je leur demande s'ils connaissent leurs droits. Il
n'y a pas un seul enfant ou un seul jeune, depuis cinq ans, qui m'a répondu oui
à cette question-là, aucun enfant.
Elle a des pouvoirs vraiment importants,
M. Carmant. C'est intéressant, lire ça. Et, si on transfère ces pouvoirs-là au
commissaire, j'ose espérer qu'on va pouvoir... qu'il va pouvoir les utiliser,
parce que, dans la situation actuelle, et vous êtes au courant, la situation...
les enfants sont très fragilisés en ce moment dans le système. Et je pense
qu'il faut agir.
J'entendais, vous avez parlé tout à
l'heure de Mme Régine Laurent. Elle a dit qu'éventuellement il faudrait, de
toute façon, hein, je crois, que... si j'ai bien compris, transférer les
pouvoirs de la CDPDJ au commissaire. Moi, je dis : Pourquoi attendre? Je
ne comprends pas. Les enfants, on ne peut... on ne peut plus les faire
attendre, c'est maintenant. Ça fait déjà deux ans qu'ils attendent un
commissaire. Pourquoi attendre avant de bien faire les choses? Faisons-le
maintenant.
• (18 h 50) •
M. Carmant : D'accord. Et une
autre inquiétude qu'on a, c'est, si on... si on verse dans... tu sais, est-ce
que ce rôle-là va monopoliser, un petit peu ce que nous disait M. Gaubou, là...
J'oublie...
Une voix : ...
M. Carmant : Gaubou... En
tout cas, que c'est... il y a toujours la crainte que toutes les énergies
soient mises dans cette urgence-là, dans ces situations individuelles là. Puis,
encore une fois, on a... on a la... on a l'opportunité de faire une différence,
là, pour 1.6 million d'enfants, là, c'est...
Mme Audet (Nancy) : Mais qui
va le faire, M. Carmant, si ce n'est pas le commissaire au bien-être et à la
protection des enfants?
M. Carmant : Moi, je pense
que, si on... si on agit en amont, on diminue les signalements, on diminue
les... la compromission. On va faire un impact beaucoup plus grand sur les...
sur les enfants au Québec.
Mme Audet (Nancy) : Moi, je
pense que le commissaire peut agir en amont et en prévention tout en protégeant
en ce moment les enfants qui sont très, très, très affectés.
M. Carmant : Puis lui, il
aura un rôle de regard sur... sur... avec la CDPDJ et tous les intervenants qui
jouent dans le milieu, dans l'écosystème, comme on a mentionné, de... des
jeunes.
Mme Audet (Nancy) : Je
trouvais ça bien que vous disiez que le commissaire allait avoir accès à tous
les rapports du coroner sur les décès d'enfants où il y a eu des enquêtes. Moi,
ce que j'ai envie de vous dire, c'est que ce serait bien que le commissaire
puisse agir avant qu'il y ait des décès. Ce serait encore mieux.
Des voix : ...
M. Carmant : Bien, c'est sûr
qu'on ne veut pas... on ne veut pas de décès.
Mme Audet (Nancy) : Je trouve
ça bien, là, c'est important. Mais vous comprenez, si le commissaire, il a...
Vous savez, la CDPDJ est financée à la hauteur de 18 millions de
dollars par année. C'est énorme comme budget. Quand on dit, quand on me répète
qu'ils n'ont pas les ressources, qu'ils n'ont pas l'argent nécessaire, je me
pose des sérieuses questions. Pour moi, qu'on dédie seulement 10 % du
total du temps rémunéré à la jeunesse, ce n'est pas acceptable dans le contexte
actuel. Dans ce cas-là, qu'on prenne cet argent-là, qu'on transfère les
pouvoirs au commissaire et qu'on lui permette de faire ce travail-là. S'il est
bien entouré, je pense qu'il va être capable de livrer la marchandise. Je
l'espère, en tout cas, parce que je pense que les enfants du Québec ont
vraiment besoin d'un commissaire actuellement.
M. Carmant : Puis quel
encadrement permettrait au commissaire...
M. Carmant : ...de mieux faire
le travail que la CDPDJ.
Mme Leblanc (Mylène) : En
fait... j'ai vu le regard de Nancy. En fait, ce qui... J'ignore, pour être
franche, qu'est-ce qui a empêché? Parce qu'il faut se dire qu'une institution
comme le commissaire... comme la CDPDJ, pardon, est là depuis plus de
30 ans, c'est énorme. Et moi, je n'ai pas de réponse, malheureusement.
J'ignore pourquoi, depuis 30 ans, c'est... l'état de la section jeunesse
est comme ça. Parce que, tu sais, je vous écoutais, tout à l'heure, vous parliez
en amont, et tout ça, moi, je trouve ça très bien les programmes comme Agir
tôt, là, je vais... je vais... mais, par contre, tu sais, ça, c'est une partie
de ce qu'il faut faire avancer, et ça fait partie aussi des rôles de la CDPDJ
actuelle de promouvoir les droits, d'aller justement sensibiliser, de faire des
études, de faire des enquêtes, un peu ce que le commissaire au bien-être... en
fait, ce qui est actuellement dans le projet de loi. Ça fait que tout ce
volet-là en amont est super, mais je ne peux pas considérer qu'on attende, par
exemple, un autre 30 ans avant... Tu sais, c'est parce que moi, là, les
yeux des enfants qui vont me regarder demain matin, que je vais représenter,
là, je ne peux pas... je ne peux pas me permettre de leur dire : On va
encore attendre 30 ans. J'ai besoin aujourd'hui. Ce n'est pas tous les
dossiers, là, mais il y a certains dossiers qui nécessitent une intervention
imminente, puis ce n'est pas contre personne, c'est pour l'enfant, puis je ne
peux pas... on ne peut pas se satisfaire, je pense, comme société québécoise,
d'attendre pour les enfants, parce que vous le saviez... vous le savez très
bien, le temps a une tout autre signification.
Alors, c'est ça, l'urgence d'agir pour
savoir qui a les pouvoirs. Et peu importe qui les a, au final, l'intérêt de
l'enfant et/ou, puis comment on peut les faire appliquer. Parce qu'un
désistement judiciaire dans un dossier d'un enfant suivi par la protection de
la jeunesse, c'est inacceptable, à mon avis, c'est inacceptable.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. C'est maintenant le temps de
céder la parole à la députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Merci beaucoup,
Mme Audet, Me Leblanc, pour votre présentation très éloquente, très
touchante. Merci particulièrement, Mme Audet, je sais que vous avez...
votre parcours a été difficile, mais votre... vous avez un dévouement envers
les droits des enfants, les enfants les plus vulnérables dans notre société, et
je vous en remercie. C'est tout un travail que vous faites et ça prend beaucoup
de persévérance.
Je reviens parce qu'évidemment la
recommandation, et pour moi, c'était une recommandation qui était vraiment au
coeur des fonctions et des pouvoirs du commissaire au bien-être et aux droits
des enfants, c'était le transfert de tous les pouvoirs et les responsabilités
de la CDPDJ au commissaire pour que ça soit le commissaire qui porte la voix
des enfants, qui, elle ou lui, va être... va avancer les droits, va les
protéger, va s'assurer que les droits des enfants soient respectés à tous les
niveaux. Donc, pour vous, vous aimeriez évidemment qu'on amende, qu'il y ait un
amendement au projet de loi qui va... qui refléterait évidemment la
recommandation initiale, là, dans le rapport Laurent. Et j'aimerais vous
entendre au niveau de l'inaction, inaction de la CDPDJ dans les dossiers, qui
fait en sorte que vous, vous insistez sur cette recommandation aujourd'hui.
Mme Audet (Nancy) : Parce
que, pour moi, c'est une incompréhension qu'on ait des pouvoirs aussi
importants d'agir et qu'on ne les utilise pas dans un... en plus, dans un
contexte de grande fragilité. La CDPDJ a des pouvoirs extraordinaires, je ne
sais pas si vous êtes au courant, mais a vraiment la possibilité de changer des
parcours de vie, d'aller aider des enfants qui sont victimes de lésions de
droits qui risquent de leur laisser des séquelles pour... pour toute la vie. Je
vois...
Mme Audet (Nancy) : ...dans
les centres de réadaptation, des choses en ce moment qui sont tellement
préoccupantes et, pour moi, son absence totale du terrain. Tu sais, ce qui me
trouble le plus, son absence totale de présence pour aller voir les enfants
dans les milieux de vie alors qu'elle a les pouvoirs d'y aller. Juste depuis
quelques années, de voir qu'on est rendu à mettre des petits enfants, tout
petits, petits, quatre, cinq ans dans des centres jeunesse, pour moi, c'est
très préoccupant. Et je ne comprends pas que la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse ne se soit pas penchée sur la question,
qu'elle n'ait pas levé le drapeau rouge pour dire que ces milieux de vie, là,
ce n'est vraiment, vraiment pas adapté à des tout-petits. Je m'excuse de vous
le dire, mais un petit enfant de quatre, cinq ans, ça ne peut pas vivre en
centre de réadaptation. Un petit enfant, ça a besoin d'une famille, ça a besoin
d'une maman qui lui flatte le dos quand il est malade la nuit, ça a besoin d'un
papa qui écoute le hockey avec lui le soir. Ça a besoin d'un milieu de vie
normal.
M. Carmant, tantôt, m'a dit : Il
doit représenter tous les enfants. Mais moi, j'ai envie de vous dire
aujourd'hui, ces enfants-là font partie de notre société puis on semble l'avoir
oublié. Ce sont nos enfants, ces enfants-là. Mais on les a tellement mis de
côté, on les a isolés, ils sont cachés dans des foyers de groupes, dans des
centres de réadaptation. On ne les voit pas dans nos communautés, on ne les
voit pas dans nos arénas, on ne les voit... il y en a plein qu'on ne voit pas
dans nos écoles. Comme les dossiers sont confidentiels, bien, on ne les entend
pas, on ne les voit pas. Mais ces enfants-là sont parmi nous, ils existent.
Moi, je les vois tout le temps. Puis ce qui me crie, là, depuis cinq ans, c'est
un cri à l'aide. Vraiment. Je l'entends, ça résonne fort. Puis je ne sais plus
comment vous interpeller puis comment interpeller les gens. J'aurais envie de
remplir la salle ici de ces enfants là, puis qu'on puisse juste s'asseoir puis
les entendre. J'espère que le commissaire va pouvoir prendre le temps d'écouter
la voix de ces enfants-là.
• (19 heures) •
Mme Garceau : Il y a un...
L'article 30 parle d'un délai de cinq ans pour la mise en œuvre des
dispositions. Je voulais vous entendre sur ce délai, compte tenu du fait que le
rapport a été déposé en 2021, et là, maintenant, on est quelques années plus
tard.
Mme Audet (Nancy) : On ne
peut pas... Je crois que Camil Bouchard en a parlé. C'est beaucoup trop long.
Dans la situation actuelle, les enfants ne peuvent pas attendre cinq ans.
Mme Leblanc (Mylène) : Tu
sais, le... je crois qu'ils ne peuvent pas attendre, mais une mise en action
sur... En fait, je crois que la commission a référé à un autre délai, la
commission Laurent, mais cinq ans, c'est... En fait, quand je me place dans la
perspective de l'enfant que je représente, un enfant, par exemple, si mon
enfant a trois ans, il aura huit ans quand ça va... tu sais, quand je vais
pouvoir enfin demander du secours. Parce que... Puis je dis secours parce que
c'est des situations critiques puis ça peut englober n'importe quel enfant aussi.
Mais la situation qu'a traitée le Protecteur du citoyen, qui a fait la
manchette cette semaine ou la semaine dernière, c'est connu depuis des années.
La CDPDJ a fait des enquêtes sur ce sujet-là, les conditions de vie,
l'isolement, sur la question des contentions, sur la question... Donc, comment
ça se fait qu'on ne se soit pas mis en action? Et cette mise en action là, pour
nous adultes, je le répète tout le temps, c'est correct cinq ans, mais quand
j'ai cinq ans, puis je vais devoir attendre jusqu'à 10 ans dans mon centre
de réadaptation, qu'il y ait quelque chose qui soit mis en place pour que je
puisse avoir mon droit à la liberté. On se souviendra le droit à la liberté,
Charte des droits et libertés. C'est ça, moi que... c'est inexplicable. Pourquoi
un enfant qui n'a pas de voix va devoir attendre, alors que, présentement, la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse applique la
charte, le droit à la liberté, à tous les citoyens puis même les enfants? C'est
ce que c'est censé être. C'est ça, l'urgence d'agir. Je ne pourrais pas... puis
comme...
19 h (version non révisée)
Mme Leblanc (Mylène) : ...
Comme si c'étaient mes propres enfants, je ne peux pas regarder mes petits
clients demain matin puis ne pas, dans une mesure adaptée à leur âge,
évidemment... Mais on ne peut pas mentir là-dessus. Il va falloir que je leur
dise qu'on n'a pas de solution, il faut qu'ils attendent. C'est terrible.
Mme Garceau : Quels ont été
les... Oui.
Mme Audet (Nancy) : Vous
savez, la... Je m'excuse. Vous savez, la CDPDJ a annoncé il y a deux semaines
la tenue d'une enquête au sujet des conditions de vie au Mont Saint-Antoine, à
Montréal, à des conditions de vie désastreuses, des infiltrations d'eau, de la
moisissure. Je l'ai vu moi-même, j'ai des photos si ça vous intéresse. Les
enfants ont mal à la tête, les fenêtres dans les chambres des enfants n'ouvrent
plus, et les bains sont condamnés. Dans une unité, il y a des enfants qui n'ont
pas pris de bain depuis deux ans parce que le bain est condamné. C'est
terrible, les conditions de vie. Tout le monde le sait, ça fait plus de deux ans
que les enfants habitent dans ces conditions-là. Je ne connais personne ici qui
laisserait ses enfants vivre dans ces conditions-là. On retire des enfants dans
des maisons parce qu'ils vivent dans des conditions comme ça, puis nous, on
accepte que ces enfants-là vulnérables habitent dans ces conditions-là.
Que la CDPDJ, après un article dans un
journal, décide de lancer une enquête, je ne comprends pas. Tout le monde est
au courant des conditions de vie désastreuses des enfants au Mont
Saint-Antoine, ça fait deux ans qu'on crie à l'aide, que les intervenants
interpellent les gestionnaires, tout le monde. J'y suis allée, j'ai amené des
gens avec moi.
Mme Leblanc (Mylène) : Peut-être
un exemple concret de quand tout le monde, la société, tout le monde, on est au
courant de ça. Je reviens, moi, comme juriste, à mon article 23, là, de la Loi
sur la protection de la jeunesse, là. On n'est plus dans : J'enquête sur
des conditions de vie, on est dans : «Elle prend les moyens légaux qu'elle
juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où les droits des enfants
sont lésés.» On est là-dedans, on n'est pas en enquête, là, c'est criant, il n'y
a pas de bain. Ça se termine là. Un enfant, au Québec, doit pouvoir bénéficier
d'un bain, c'est simple comme bonjour.
Mme Garceau : Quel a été l'impact
de la nouvelle directrice de la protection nationale... directrice nationale de
la protection de la jeunesse, Mme Lemay, sur le terrain, face à toutes ces
lacunes, ces enjeux importants et criants, même?
Mme Leblanc (Mylène) : Je
dois vous dire, moi, je n'ai jamais pu... Je pense que je l'ai rencontrée comme
dans quelque chose de très public. Je ne connais pas cette personne-là non
plus, puis tout ça. Je comprends le rôle, mais je dois vous avouer que, sur le
terrain, je n'ai aucune idée de ce que ça change ou de ce que ça a changé, je
ne sais pas non plus exactement ce qui se passe. Et ce que je trouve vraiment,
par contre, super difficile du point de vue de l'enfant... Parce que, tu sais,
même si ça nous... comme adultes, ça peut nous choquer, ou quoi que ce soit, tu
sais, je me dis : Comme enfants... C'est parce qu'aucun enfant ne peut s'adresser
à la directrice nationale, en fait, tu sais, je veux dire des coordonnées, un
site Internet, tu sais, comme une accessibilité, parce que, tu sais, ne
serait-ce que pour voir... Pour un enfant, à la base, c'est difficile d'aller
chercher l'aide de l'adulte, un adulte inconnu. Maintenant, je suis en
situation critique dans un centre jeunesse, il faut que je sois capable d'appeler
quelqu'un rapidement, et c'est... je pense que c'est ça, on ramène tout... J'ai
entendu une autre personne... j'ai écoutée plus tôt aujourd'hui qui disait
beaucoup : Le terrain, le terrain, le terrain, C'est ça. Ce n'est pas des
changements énormes, c'est de le faire, te dire : Bien...
Mme Garceau : C'est d'agir.
Mme Leblanc (Mylène) : C'est
ça. Tu sais, je crie à l'aide, quelqu'un doit répondre.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. On va poursuivre avec
le député de Saint-Henri-Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup à vous deux. Merci, Mme Audet. Je ne pense pas qu'il y ait eu
témoignage plus percutant que ça aujourd'hui, là. On en est, je pense, tous et
toutes bouleversés. Mais là, j'ai envie de me tourner vers votre collègue. Je
suis avocat, vous êtes avocate, on dirait que le cerveau de l'avocat ne
comprend pas, là, comme : Que se passe-t-il?
Mme Leblanc (Mylène) : Je
suis avec vous. Que se passe-t-il?
M. Cliche-Rivard : C'est
quoi, la poigne d'interprétation que quelqu'un ne fait pas? Je veux dire, je...
Mme Leblanc (Mylène) : Je...
M. Cliche-Rivard : Ça ne
marche pas, là, comme...
Mme Leblanc (Mylène) : O.K.
Ça...
M. Cliche-Rivard : Aidez-moi,
aidez-moi!
Mme Leblanc (Mylène) : Je suis
avec vous sur ça. Écoutez, je suis avec vous sur ce point-là, je ne comprends
pas, et à tous les jours que je suis au travail, dans mon travail, je me pose
cette question-là, et c'est pour ça que je me dis : Il doit y avoir quelque
chose que je n'ai pas compris, il doit y avoir... puis je continue à leur
écrire, à faire des plaintes. Parfois même, je leur envoie, tu sais, l'article...
Mme Leblanc (Mylène) : ...de
loi, puis je ne le sais pas, fondamentalement. Par contre, quand... pour ma
préparation, en fait, pour venir ici, j'ai relu les débats parlementaires de
95, O.K., et c'était vraiment une grande crainte que ça soit... finalement
qu'en fusionnant les deux institutions, le volet jeunesse soit englouti par le
volet charte et que, finalement... parce qu'il ne faut pas oublier, les
enfants, ça ne parle pas. Alors, qui... qui va venir, je vous dirais, animer au
sens de...
M. Cliche-Rivard : Alimenter.
Mme Leblanc (Mylène) : Alimenter...
vie active pour les enfants, si personne ne le fait, ce volet-là va
nécessairement... tu sais...
M. Cliche-Rivard : Ça fait
que l'explication, c'est que le volet charte prend tout leur temps, énergie,
travail, c'est ça? Et là, le volet jeunesse est englouti.
Mme Leblanc (Mylène) : Bien,
moi, c'est...
M. Cliche-Rivard : C'est ça,
votre...
Mme Leblanc (Mylène) : C'est
ça, mon explication, parce que je me dis : C'est... nécessairement, il y
a... il y a quelque chose qui fait en sorte que ça ne fonctionne pas. Et, comme
institution, bien, on se dit : Avec tous ces pouvoirs-là, puis même ceux
de la charte qui s'appliquent aux enfants... parce que le volet charte devrait
s'appliquer aussi aux enfants, qu'est-ce qui cloche? Je ne le sais pas, mais ça
cloche.
M. Cliche-Rivard : Puis on
vous répond quoi? Qu'est-ce qu'on vous répond?
Mme Leblanc (Mylène) : On me
répond, par exemple, tu sais, la chose la plus... c'est : le tribunal a
été saisi de la question, donc nous n'avons plus juridiction. Et nous, les
juristes, on leur répond : Bien sûr que vous avez juridiction, vous pouvez
être partie aux dossiers à tout moment, intervenez à la cour. Et c'est comme un
ping-pong.
M. Cliche-Rivard : Puis là
on... Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, mais je veux
dire, on vous répond quelque chose qui est erroné. Je veux dire, c'est quoi,
l'explication. C'est quoi, la...
Mme Leblanc (Mylène) : Bien...
donc, à mon sens à moi, oui, mais, je veux dire, je ne suis pas... Moi,
j'interprète comme ça, peut-être que c'est moi qui lis mal, je ne sais pas.
C'est possible, là, je veux dire, je ne connais pas tout, mais en même temps je
suis... j'ai l'impression qu'une loi comme la Loi sur la protection de la
jeunesse puis, comme, la Charte, doivent s'appliquer généreusement, surtout
envers l'enfant vulnérable. Tu sais, il faut... il faut qu'on soit généreux au
sens favorable à l'enfant. Il est en péril, il est vulnérable, on ne peut pas
juste... Il faut être proactif. Il faut être là.
M. Cliche-Rivard : Ça, vous
êtes assez manifestes tous les deux que le statu quo est impossible. Puis je
pense qu'on vous a tous compris qu'il n'était pas question qu'un enfant qui a
cinq ans aujourd'hui, on l'utilise... dans 10 ans, et vice-versa, là. On
va prendre ça en considération, je pense que vous parlez de faire un point, je
pense que c'est fait, là.
Mme Leblanc (Mylène) : Merci.
M. Cliche-Rivard : Merci.
• (19 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
:On va conclure cet échange-là avec le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Oui. Merci, M.
le Président. Merci, Mesdames Audet et Leblanc. Les propos que vous tenez, les
témoignages que vous nous rapportez sont troublants à maints égards. On en a
parlé amplement et je pense qu'on a bien compris vos griefs envers la CDPDJ. Si
vous permettez, j'ai juste trois minutes. Je voulais juste faire des petites
vérifications sur d'autres éléments qu'on a entendus, d'ailleurs, aujourd'hui.
Par exemple, je vais commencer avec ce que vous mentionnez sur l'indépendance
du commissaire, sur le fait qu'il soit entièrement, exclusivement dédié. Vous
nous dites ça... est-ce que c'est parce que vous avez une crainte que ça ne
soit pas le cas? Est-ce que vous lisez quelque chose dans le projet de loi qui
vous permettrait de penser que ça ne serait pas le cas?
Mme Audet (Nancy) : Je pense
que... je peux répondre un peu, puis Mylène aussi, peut-être, mais je pense que
la situation actuelle va demander une totale indépendance de la part du
commissaire. De ce que je vois actuellement, des gens qui sont impliqués avec
les enfants de la Direction de la protection de la jeunesse, je vois souvent
des gens qui... qui ne sont pas totalement libres d'agir de par les liens qu'ils
ont, que ce soit avec l'institution, que ce soit avec le ministère. Je pense
vraiment que, dans la situation actuelle, si on veut que le commissaire puisse
réellement poser des gestes concrets pour que les choses changent réellement
sur le terrain, il va... il va devoir être totalement indépendant et libre de
toute entrave.
M. Arseneau : Donc, ce que je
comprends, c'est qu'il y a un certain nombre de principes que vous nous amenez
sur l'indépendance, le fait d'être entièrement, exclusivement dédié aux
enfants, d'avoir tous les pouvoirs nécessaires et les moyens, tout ça, c'est
comme une série de principes que vous nous rappelez sur la base de votre
observation de la situation actuelle, en nous disant : Organisez-vous
comme vous voulez, là, mais, dans le libellé de la loi, il faut que ça soit
très clair et absolument, là, impératif. Ça, je comprends ça. C'est un petit
peu comme... en fait, je veux faire une référence à d'autres...
M. Arseneau : ...témoins qui
sont venus avant vous, là, M. Bouchard notamment, là, qui parlait, lui, de
prévention et... de prévention de la maltraitance. Si ce n'est pas nommé, bien,
on a un problème. Donc, il faut le décrire partout. C'est un peu ce que vous...
j'imagine que vous partagez un peu ce point de vue là.
Mme Audet (Nancy) : Oui, oui,
vraiment.
M. Arseneau : Y compris sur
la question de la maltraitance aussi, j'imagine que...
Mme Audet (Nancy) : Vraiment,
vraiment. Je suis totalement d'accord.
M. Arseneau : Donc, de le
mentionner explicitement pour éviter toute ambiguïté, d'accord. Puis la
question des avocats, vous avez parlé tout à l'heure du fait que les enfants ne
connaissaient pas leurs droits, on ne leur... on ne les informe pas, de leurs
droits, j'imagine. Est-ce que vous jugez que la question du mécanisme
d'accréditation des avocats, c'est un élément important? On l'a entendu...
Mme Audet (Nancy) : Je vais
laisser Me Leblanc répondre, mais je voulais juste vous dire que, quand je suis
allée en stage d'observation en Chambre de la jeunesse, j'ai été très étonnée
de voir que les avocats ne rencontrent pas les enfants, ils n'ont pas le temps.
Les avocats gèrent environ 350 dossiers par année. Mais je me demande
comment on peut faire pour défendre son client quand on ne le rencontre pas.
Quand on ne va pas voir son milieu de vie, on n'est pas en mesure de vérifier
si on a suivi les recommandations du juge. À Sept-Îles, j'ai su que les
avocats, maintenant, parce qu'ils sont débordés, ne rencontrent plus les
enfants qui ont 12 ans et moins. Pour moi, ça, c'est vraiment, vraiment
préoccupant. C'est impossible de défendre des clients si on ne les rencontre
pas. Ça ne serait pas acceptable pour un adulte, pourquoi c'est acceptable pour
un enfant? Mais, pour les questions d'accréditation, je pense que Me Leblanc va
être meilleure que moi pour répondre à ça.
Mme Leblanc (Mylène) : Peut-être,
30 secondes, en finissant, ce qui est important, c'est de comprendre.
C'est que, pour un enfant qui ne parle pas, parce que n'oublions pas qu'on
représente des bébés, des jours à des semaines, à des années, tu sais, tout
petits, tout petits, il faut vraiment bien s'enquérir de la situation. On ne
peut pas... C'est quelque chose qu'il faut inculquer chez les avocats, tant
qu'à moi, en protection de la jeunesse qui veulent en faire, qu'il faut le
lire, notre dossier, aller parler aux gens, aller parler aux parents, la
famille d'accueil pour avoir une vision globale et être capable de la livrer,
se présenter à l'enfant, se présenter chez lui, le rencontrer, etc. C'est
essentiel. Donc, c'est peut-être des balises. Accréditation, je ne le sais pas,
là, je ne suis pas très ferrée là-dedans. Mais c'est des balises essentielles
de connaître cet enfant.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Mme Leblanc (Mylène) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je tiens à remercier Mme Audet
et Maître Leblanc pour leur contribution, leur participation, bien, en même
temps de nous avoir partagé vos observations terrain. L'une et l'autre, là,
c'est important pour nous.
Alors, sur ce, la commission ajourne ses
travaux au mercredi 7 février, à 8 heures, où elle se réunira en
séance de travail. Alors, mesdames, merci beaucoup.
(Fin de la séance à 19 h 16)