(Onze heures vingt-cinq minutes)
Le
Président (M. Provençal)
:
Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes
les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 38, Loi modifiant la loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Jacques
(Mégantic); Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac), par Mme Hébert (Saint-François); M. Tremblay
(Dubuc), par Mme Dorismond (Marie-Victorin); Mme Sauvé
(Fabre), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); et M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine), par Mme Hivon (Joliette).
Auditions (suite)
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes et groupes suivants : Me Danielle Chalifoux et
l'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec.
La séance a commencé à 11 h 25. On
aura probablement besoin d'un cinq minutes additionnel pour compléter nos
échanges. Alors, consentement? Ça va, merci.
Je souhaite maintenant la bienvenue à Me
Danielle Chalifoux. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé. À
vous la parole.
Mme Danielle Chalifoux
Mme Chalifoux (Danielle) : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, mesdames messieurs, d'abord, je vous remercie
de votre invitation. Et je veux profiter de l'occasion pour, tout d'abord,
rendre hommage à la députée de Joliette, Me Véronique Hivon, qui nous a annoncé
qu'elle ne se représenterait pas aux prochaines élections. Elle a laissé sa
marque dans de nombreux dossiers délicats. Elle a innové dans son approche
souvent non partisane d'aborder la politique. On l'a qualifiée, avec raison, de
marraine de la Loi concernant les soins de fin de vie. Elle nous manquera
beaucoup, mais je suis sûre qu'elle continuera à marquer l'évolution de notre
société d'une manière ou d'une autre.
Ceci étant dit, l'Institut de planification des
soins, que je représente, nous avons beaucoup hésité avant de venir vous présenter nos commentaires parce que
nous ne voulons pas retarder l'adoption du p.l. n° 38.
D'un côté, nous sommes assez critiques sur plusieurs points qui
pourraient demander du temps à résoudre, mais, d'un autre côté, la population a
un vif désir de voir les demandes anticipées adoptées dès que possible. Alors,
finalement, nous avons décidé qu'il valait mieux nous présenter à la commission
car, le cas échéant, il sera toujours temps de modifier la loi à nouveau,
n'est-ce pas?
Alors, notre exposé sera forcément limité à
quelques priorités car, en 10 minutes, il n'est pas possible de vous
présenter une analyse article par article pour l'ensemble des dispositions.
Nous avons néanmoins fait cette démarche et nous pourrions vous faire parvenir
le document, si vous le jugez utile, malgré qu'il a été formulé dans un délai
beaucoup trop court et qu'il soit rédigé de façon plutôt informelle. Voilà.
Alors, je remercie aussi les membres de la commission et les rédacteurs d'avoir
pu proposer dans un si court laps de temps une loi qui comporte beaucoup de
points forts et que je n'aurai malheureusement pas le temps d'aborder en
détail.
Alors, voici, selon nous, les principaux points
forts : tout d'abord, l'inclusion d'un régime de demandes anticipées robuste et détaillé; l'administration
de l'AMM permise aux infirmières praticiennes spécialisées; l'obligation
faite aux maisons de soins palliatifs
d'administrer l'aide médicale à mourir dans leurs locaux; et les modifications
apportées aussi à la commission des soins de fin de vie notamment afin de mieux
circonscrire les modalités et les contenus de rapports auxquels sont assujettis
les professionnels compétents, notamment en cas de refus de procéder à l'AMM.
Alors, maintenant, voici les points qui nous
apparaissent plutôt faibles : d'abord, l'approche de soins de fin de vie
qui a été maintenue à tort, selon nous; la nécessité de devoir souffrir d'une
maladie grave et incurable qui est maintenue
à tort, selon nous aussi; l'exclusion des troubles mentaux, fondée sur le
constat controversé qu'ils ne peuvent être considérés comme une maladie
grave et incurable; et, quatrièmement, le fait que le p.l. n° 38
ne prévoit pas d'organisme d'aide et de soutien pour les personnes impliquées
dans l'AMM, alors que ces mêmes soins... ce soutien est prévu et fourni aux
professionnels de la santé via les groupes interdisciplinaires de soutien à
l'AMM, qu'on appelle communément les GIS,
qui, d'ailleurs, recommandent que ces mêmes services là soient offerts à la
population.
Alors, mes trois priorités
seront les demandes anticipées d'aide médicale à mourir avec des commentaires
généraux. Ensuite de ça, je vais faire quelques recommandations par rapport au
tiers responsable. Ensuite, ma deuxième priorité sera l'approche des soins de
fin de vie maintenus à part, et la troisième priorité, bien, la question de la
maladie grave et incurable.
• (11 h 30) •
Alors, commençons par les commentaires généraux
des directives médicales anticipées. Certains articles contenus dans le p.l. n° 38 concernant les demandes anticipées, surtout ceux
concernant la souffrance et son évaluation, pourraient apparaître, à la lecture,
complexe et quelquefois leur contenu redondant. Selon nous, beaucoup de leur
contenu aurait plutôt sa place dans les normes de pratique. À notre avis, ce
qui est déterminant, c'est le caractère objectivable de la souffrance car la
conséquence en est que la demande anticipée ne peut avoir un caractère
contraignant. Le professionnel compétent devrait avoir l'obligation d'en
demander clairement... de demander clairement à la personne son accord
là-dessus ainsi que de l'informer que sa demande ne sera pas contraignante par
rapport notamment à la souffrance.
Alors, il contient aussi des exigences qui nous
semblent irréalistes, quant aux professionnels compétents, particulièrement
celle qui est attribuée à celui qui a assisté à la rédaction initiale de la demande
de suivre périodiquement la personne, ceci pouvant s'échelonner pendant de
nombreuses années. Et le point le plus important pour nous, c'est qu'il minimise le rôle du tiers de confiance. Il ne
rend pas sa nomination obligatoire pour commencer, alors qu'il devrait
être la personne clé dans le déclenchement de l'AMM.
Alors, nous avons élaboré certaines
recommandations quant au rôle du tiers de confiance. D'abord, il faudrait s'assurer que, dès que le tiers de confiance
alerte le professionnel compétent qu'il croit le moment venu
d'administrer l'AMM, que ce dernier ait
l'obligation de procéder immédiatement à l'examen d'évaluation de la personne.
Deuxièmement, le tiers de confiance devrait être informé par écrit des motifs
d'un refus d'administrer l'aide médicale à mourir et avoir le pouvoir de porter
ce refus à l'attention des autorités compétentes, y compris de faire une
plainte en vertu de l'article 38 de la loi concernant les soins... 48,
pardon, concernant les soins de fin de vie, c'est-à-dire au commissaire à la
qualité des soins. Il faudrait aussi prévoir que le tiers responsable,
lorsqu'une demande anticipée a été évaluée négativement une première fois, par
exemple, parce que la souffrance n'était pas objectivable, il puisse de nouveau
faire un signalement au professionnel compétent au moment où il le considérera
approprié, par exemple, dans le cas de la fameuse démence heureuse, n'est-ce
pas, qui n'est que temporaire et dont il faudra tout probablement reporter
l'AMM à une date ultérieure.
La deuxième priorité, c'est l'approche des soins
de fin de vie maintenus à tort en ce qui concerne l'AMM. On comprend que la loi québécoise initiale ait été
fondée sur une philosophie de soins de fin de vie et que certains y
soient encore très attachés. Mais le droit a changé depuis, depuis Carter et
depuis Gladu-Truchon, qui ont rendu le critère d'admissibilité de fin de vie
inconstitutionnel et inopérant. En conséquence, selon nous, on ne peut plus
garder l'aide médicale à mourir sous le parapluie général des soins de fin de
vie car ceci n'est pas conforme ni à la lettre ni à l'esprit du droit en
vigueur. Et il s'ensuit que l'article 1 du p.l. n° 38
devrait être modifié, que certaines définitions devraient être modifiées et que
le titre de la loi également.
Pour ce qui est de l'article 31, je vais
vous lire l'alinéa qui est en jeu dans cette façon de voir les choses. Il
faudrait retrancher le deuxième alinéa qui est proposé et qui se lit comme
suit : «De plus, la présente loi permet l'exercice de certains droits par
des personnes qui ne sont pas en fin de vie afin qu'elles reçoivent des soins
de fin de vie lorsque leur état le
requiert.» Respectueusement, cette formulation me semble une astuce sémantique
qui perpétue une situation qui contrevient à Carter et à Truchon-Gladu
et qui ne se justifierait pas en droit. Et, de plus, son caractère ambigu,
vague et imprécis crée aussi des problèmes d'application et d'interprétation
qui pourraient éventuellement mener à son annulation.
Alors, dans
la section des définitions, bien, il faudrait modifier la disposition qui place
dans la même catégorie les soins dits
de fin de vie et les soins palliatifs puisque ce n'est plus le cas. Et il
faudrait changer le titre de la loi parce qu'elle ne concerne pas seulement les soins de fin de vie, elle concerne
les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, ce que nous avions
proposé dans la... la première fois que nous vous avons adressé notre mémoire.
Et la troisième priorité, finalement, c'est la
nécessité de devoir souffrir d'une maladie grave et incurable. Restreindre
l'admissibilité à l'aide médicale à mourir uniquement aux cas de maladies, au
détriment des affections et des handicaps, selon nous, est abusif. Et cette
restriction n'est pas justifiée ni par l'article 1 de la charte ni par les
critères de Oakes dont je vous ai déjà entretenus, lors de mon premier passage
à la commission, et qui sont assez complexes, mais je pense qu'il est important
d'en tenir compte.
Alors, rappelons ici que c'est Carter qui a
déterminé que, pour être admissible à l'AMM, la personne devait être affectée
de problèmes de santé graves et irrémédiables, entre parenthèses, affection,
maladie, handicap, et que le législateur fédéral, finalement, n'a fait que
reprendre ce critère intégralement dans sa loi. Ça veut dire que, si on va à
l'encontre, ça équivaut à ne pas reconnaître la juridiction de la Cour suprême,
en plus de créer un conflit de lois et d'entretenir la confusion auprès des
professionnels et de la population.
Au sujet du manque de...
Le
Président (M. Provençal)
:
Je vais vous demander de
conclure, madame, parce que le temps est presque écoulé.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui. C'est exactement... j'allais conclure exactement
aussi. Alors, j'allais dire que le législateur, s'il décide de déposer la
loi P-36 avant la fin de la session, il est fort à parier qu'il ne sera
pas possible d'en modifier tous les éléments dans le détail. Mais nous
soumettons que la priorité devrait être dévolue aux trois
sujets dont nous venons de traiter, le cas échéant. Le gouvernement devrait
s'engager formellement à revoir sa loi dans un délai raisonnable fixé à
l'avance. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup, madame, pour votre exposé. Nous initions cette période d'échange avec
M. le ministre. À vous la parole.
M. Dubé :
Me Chalifoux, merci beaucoup d'être là, très, très apprécié. Puis, au fur
et à mesure que les consultations particulières avancent, depuis hier, je me
rends compte du nombre d'experts que nous avons sur ce sujet. C'est fascinant. Et vous êtes une de ces personnes-là, juste à la
teneur de votre exposé, vous avez réussi à nous... à relever le défi
qu'on a lancé hier, à tous les parlementaires ici, c'est d'essayer de focusser
sur quelques éléments qui seraient importants pour nous, d'essayer d'arriver à
un consensus.
Je vais éliminer le
point 3 et le point 1 et je vais me concentrer sur le deuxième, parce
que, pour moi, au-delà de la sémantique de
soins de vie versus, je dirais... puis je ne sais pas quel terme prendre, vous
nous dites qu'on devrait s'éloigner de fin de vie le plus possible, et
vous avez fait référence à l'article 31, entre autres, mais je veux juste
que vous me l'expliquiez, là, comme si j'avais à l'expliquer à ma mère.
Alors donc, ce que je
vous demande, c'est de dire : Oui, on avait cette philosophie-là, en 2015,
puis elle était très à propos. Je pense que c'est ça que vous avez dit?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui.
M. Dubé :
Mais depuis les différents cas, le cas de la Cour suprême dont vous avez
parlé, qu'est-ce qui a changé depuis pour qu'on soit peut-être attentif à votre
recommandation de... puis je vais au-delà du titre du projet de loi, là, de
qu'est-ce qu'on devrait tenir compte de ce point-là, que je trouve que vous
soulevez... qui a l'air très important, mais je veux le comprendre pour
l'expliquer, bien, premièrement à moi, je ne me cacherai pas, mais à des gens
pour qui c'est important, là, de ne plus parler, peut-être, de fin de vie, mais
de parler peut-être d'une option qu'ils ont. Je ne veux pas vous mettre les
mots dans la bouche, je veux vous écouter là-dessus, s'il vous plaît.
• (11 h 40) •
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bon, bien, écoutez, d'abord, je constate que vous avez
quand même assez bien compris. La question me semble quand même, disons, assez
facile à imaginer. Bon, vous avez raison de dire, la philosophie des soins de
fin de vie qu'on a adoptée dans notre loi, elle était prioritaire et elle
était... elle a été faite avant que l'arrêt
Carter ne vienne changer la donne. Ce n'est pas ni vous, ni moi, ni la
population, mais l'arrêt Carter a défini
des critères qui sont des critères de maladies graves et... pas maladies, pardon,
un état de santé grave et irrémédiable qui consiste en un handicap, une
affection et aussi une maladie, mais il a aussi... il n'a aucunement mentionné
les soins de fin de vie.
Les personnes qui
étaient devant lui quand... devant la Cour suprême du Canada, quand on a adopté
cette philosophie qui n'est plus de fin de
vie, n'étaient pas en fin de vie non plus, et il n'apparaît pas nulle part, ce
critère-là, dans Carter. On focusse sur le caractère irrémédiable et sur
les souffrances, hein, ce qui est très important. Donc, Carter fait
disparaître... ne fait pas disparaître, mais a une influence indirecte, si vous
voulez, sur la loi provinciale, mais on ne la change pas tant que Truchon-Gladu
est arrivé. Truchon-Gladu a fait vraiment la démarche. C'est un jugement que
personne n'a contesté, d'ailleurs. Bien, on n'est pas allés en appel, et le
fédéral, non plus, a décidé de ne pas aller en appel, tant la qualité du
jugement était reconnue. Et le jugement, très clairement, déclare toutes les
questions de fin de vie. Ce n'était pas dans Carter et ça n'a pas lieu d'être.
Ça vient de modifier la philosophie de la Loi concernant les soins de fin de
vie au Québec, et on n'a pas le choix, parce que ce critère-là, il est devenu
inconstitutionnel et il est inopérant.
Alors, de parler
encore de soins de fin de vie, c'est un peu engendrer une confusion par la
population, parce que la population, elle,
elle va maintenir son idée de fin de vie qu'on avait auparavant dans la
première mouture de la loi, et va être peut-être découragée de demander
l'aide médicale à mourir pour des personnes qui ont, justement — on
peut en parler tout à l'heure — un handicap, ou une affection, ou qui ne
sont pas en fin de vie, comme ne l'étaient pas ni Mme Gladu ni
M. Truchon, à l'époque. Je ne sais pas si c'est plus clair.
M. Dubé : ...possible.
Écoutez, parce que je vais laisser mes collègues, là, puis je vais vous donner
toute la place parce que... Puis j'ai plusieurs collègues ici, là, qui vont
dire : On a un droit... le Québec a quand même un droit de légiférer sur
certains éléments de santé qui sont très importants. Puis je pense qu'on ne
fera pas de politique fédérale-provinciale, là, ce n'est pas ça que je veux
faire, au contraire. Ici, on a décidé, pour x raisons, de ne pas aller vers le
handicap. Ça, je pense que c'est clair. Est-ce qu'on est capables, selon vous,
d'exclure le handicap, d'aller uniquement sur l'inaptitude, en termes de
décision anticipée, tout en respectant le... comment je dirais, cet élément-là important qui a été fait par la Cour suprême? C'est là que j'essaie de trouver comment on pourrait avoir cet
équilibre-là.
Parce que, je vous le
dis, c'est autant... Comme on disait, est-ce qu'on va aller du côté de santé
mentale? La réponse, c'est non. Est-ce qu'on va aller du côté du handicap? La
réponse, c'est non. On n'est pas rendus là. Mais est-ce qu'on est capables,
selon vous, en tant que... puis toute votre expérience, là, comme avocate,
comme légiste... est-ce qu'on est capables
de trouver cet arrangement-là? Parce qu'hier le Dr Lussier a été très clair. Je
ne sais pas si vous avez pu
l'écouter, même s'il était très tard hier soir — vous étiez peut-être en train d'écrire vos notes,
là — mais
Dr Lussier a dit : Aidez-nous aussi à rendre ça plus opérable pour
les médecins, hein, parce que... dans le fond.
Mme Chalifoux (Danielle) : Exactement.
M. Dubé : Alors,
c'est un peu... Je vais reposer ma question puis je le sais que ce n'est pas
facile, là, de naviguer entre ça, mais on a vraiment besoin de... Puis à la
fin... excusez-moi, là, je veux juste terminer ma pensée... à la fin, on aura
une décision politique, si on n'est pas capables de trouver cet arrangement-là,
mais j'aimerais ça être capable de le minimiser pour que la décision politique
qu'on prendra sera la meilleure, avec une date d'application ou peu importe.
Mais je veux juste que vous me le réexpliquiez encore. Selon vous, là, si vous
étiez assise ici, là, et non à l'écran de télé, vous, ce serait quoi, le
compromis que vous nous suggéreriez?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
écoutez, je ne sais pas si on peut appeler ça vraiment un compromis, mais,
comme c'est clair que la Cour suprême et que Truchon-Gladu ont éliminé la
notion de fin de vie, je crois qu'on devrait respecter ça, et on devrait nommer
la loi autrement, pour permettre à la population...
M. Dubé : Donc, en partant, je veux
juste... peut-être que... Je m'excuse si je vous interromps, là, mais déjà, de
le changer dans le titre... Là, le député de Rosemont va revenir là-dessus,
parce que c'est un monsieur, un député qui aime beaucoup choisir les titres
d'articles, là, quand il était journaliste. Alors, des fois, de mettre le bon
titre, ça peut indiquer... On a eu ces discussions-là dans d'autres projets de
loi. Est-ce que... puis dans l'article 31. Est-ce que juste ça enverrait
un message?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
c'est-à-dire que moi, je changerais le titre pour la loi sur les soins
palliatifs et l'aide médicale à mourir. En tout cas, on pourrait trouver
peut-être une formulation mieux... meilleure, mais il faudrait enlever la
question de fin de vie.
M. Dubé : ...et de fin de vie, pour
s'éloigner de fin de vie.
Mme Chalifoux (Danielle) : On enlève
la question de fin de vie, c'est ça. Et dans les définitions de la loi, que
vous n'avez pas demandé à changer, on place, dans le parapluie des soins de fin
de vie, et les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Il faudrait
enlever ça aussi parce que Truchon, Gladu... M. Truchon n'était pas en fin
de vie. Mme Gladu n'était pas en fin de vie. On accepte les conséquences
de ce jugement. Il ne faut pas induire la population en erreur puis maintenir
toujours un critère qui n'a plus lieu d'être. Et c'était peut-être un peu
direct ce que je dis, mais c'est ce qu'on pense.
M. Dubé : Ce que je vais faire,
je vais arrêter là, parce que je ne veux pas trop pousser ce point-là, mais je
vais laisser mes collègues qui voudront peut-être le creuser aussi, parce qu'on
a tous nos petites idées derrière ça. Est-ce qu'il y a de mes collègues du côté
du gouvernement qui auraient des questions, peut-être?
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Saint-François ou
de...
M. Dubé : Mais en attendant,
merci, Mme Chalifoux, parce que vous êtes... Je crois que vous mettez un
doigt, là, sur un élément crucial qui peut nous aider à nous sortir de ça. Mais
je vais laisser mes collègues...
Le Président (M. Provençal)
: ...présentation. Vous pourrez nous la
faire parvenir, madame.
M. Dubé : Si imparfaite
soit-elle.
Mme Chalifoux (Danielle) : Oui,
oui, je vais...
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Merci, Me Chalifoux, d'être avec nous aujourd'hui. Donc, on vous a
entendue lors de la commission spéciale, et c'est encore vraiment intéressant
de vous entendre ce matin. L'arrêt Carter portait sur le Code criminel et non
sur la loi québécoise. Parce que, vous savez, nous, dans notre loi, on a
plusieurs volets de l'aide médicale à mourir. Donc, est-ce qu'on pourrait avoir
une solution, là, pour sécuriser les médecins sur le terrain? Parce qu'en fait
c'est le but, là, de sécuriser nos médecins sur le terrain, nos médecins et nos
IPS qui auront à administrer l'aide médicale à mourir.
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
pour... C'est un but très louable, et je pense qu'il faudrait le faire, parce
qu'à la toute fin, c'est les médecins, hein, qui sont en première ligne de ces
décisions-là. Puis s'il y a des conséquences, c'est eux et elles qui vont les
subir. Alors, ils demandent depuis tellement longtemps qu'il y ait une
harmonisation avec la loi fédérale, mais pas nécessairement, selon moi...
disons, on n'a pas à s'agenouiller devant la loi fédérale, parce que peut-être
qu'eux aussi pourraient faire leur bout de chemin en ne mettant pas trop
d'articles dans la loi fédérale qui concernent la juridiction provinciale. Mais
ça, c'est une question, voyez-vous, qui est plutôt d'ordre constitutionnel.
Moi, je ne suis pas une spécialiste du droit constitutionnel, mais ce que je
peux vous dire, c'est que le côté criminel, tout l'aspect de Carter ne venait
pas jouer dans la question des demandes anticipées, ne venait pas jouer non
plus dans la question des IPS ou non. Ça, ce sont tous des domaines de la santé
et du droit civil qui appartiennent au provincial.
Malheureusement,
le fédéral a décidé, pour des raisons d'harmonisation dans le pays au complet
que, bon, on ferait une loi qui comprend autant des articles qui concernent le Code
criminel, mais aussi la juridiction provinciale. Ça, que voulez-vous, nous, on
n'a pas de... on n'y peut rien. Ce qu'on peut faire, c'est d'affirmer notre
juridiction dans certains cas comme... Moi,
présentement, je suis sûre... en tout cas, je suis sûre, en autant qu'en droit
on peut être sûrs, parce que tant que la Cour suprême n'a pas dit le fin
mot de l'histoire, on ne le sait jamais vraiment. Mais, par exemple, les
demandes anticipées, selon moi, sont de juridiction provinciale. C'est du droit
civil. Carter n'a vraiment touché aucunement les directives médicales
anticipées, parce que Carter s'est contenté de faire en sorte qu'on décriminalise l'aide médicale à mourir. Alors, la
fameuse décriminalisation, ça, ça touche le fédéral. Et la question de
fin de vie, donc, selon moi, ça touche plus l'aspect criminel. Je ne sais pas
si c'est clair, ce que je dis. Par ailleurs...
M. Dubé :
Bien, de plus en plus, en tout cas pour moi, là.
Mme Guillemette : C'est de plus en plus
clair, et votre... vos précisions sont très importantes et
éclaircissent, je pense, beaucoup de choses pour nous, mais aussi, je pense,
pour l'équipe qui est avec nous. M. le ministre.
M. Dubé :
Dans... Bien, excusez, là. Je ne
veux pas enlever le droit de parole à M. le président. Mais dans votre document, si imparfait soit-il... Vous savez, les
écrits restent, hein? Et ça, vous allez le préciser, ce que vous venez
de dire parce que, pour moi, là, c'est
excessivement clair. J'aimerais beaucoup ça l'avoir par écrit, ce que vous
venez de dire.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Vous pouvez compter sur moi.
M. Dubé :
Parce je pense que vous venez de...
Vous venez de mettre, en tout cas, ça, dans une... ce que j'appelle dans
un carré de sable très clair. Puis c'est ça qui rend les gens peut-être
inconfortables ou vont nous rendre, nous, confortables comme légistes, de
dire... comme législateurs, pardon, de dire qu'on peut aller là, parce que
c'est de juridiction provinciale, sans aller à l'encontre de ce jugement-là.
Mais j'aimerais bien ça qu'on retrouve ça dans votre texte, étant donné la
reconnaissance que les gens...
• (11 h 50) •
Mme Chalifoux (Danielle) : D'accord.
Si je peux me permettre peut-être, simplement d'ajouter sur ce sujet-là,
les paroles du Pr Taillon, qui est en droit constitutionnel à l'Université
Laval, je pense qu'il y a plusieurs personnes de votre groupe qui le
connaissent... disait justement que l'élargissement de l'aide médicale à
mourir... Le fédéral devrait se faire petit et laisser la juridiction au
provincial dans son champ de compétence, ce qu'il malheureusement ne fait pas.
Que voulez-vous, ça, on n'y peut pas grand-chose, là.
M. Dubé :
Bien, ça, vous pouvez l'écrire, vous pouvez le citer aussi.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Tout ça pour dire que je ne suis pas la seule à penser
comme ça.
M. Dubé :
Non, mais avez le droit de citer quelqu'un.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bien, certainement. Pourquoi pas?
M. Dubé : Excuse-moi,
Nancy.
Mme Guillemette :
Merci, Me Chalifoux. Je peux continuer, M. le Président?
Le Président
(M. Provençal)
: 1
min 20 s.
Mme Guillemette :
Oh mon Dieu! 1 min 20 s. Le tiers de confiance, vous avez abordé cet
aspect-là, qu'on ne lui donne pas assez d'espace. Par contre, il faut quand
même respecter le secret professionnel versus l'équipe de soins. Il est où
l'équilibre là-dedans? Avez-vous quelque chose à... mettre le point en
particulier?
Mme Chalifoux (Danielle) : Ah
mon Dieu! Je suis très contente que vous souleviez cette question-là. Voyez-vous, c'est bien beau, là, la
confidentialité puis le secret professionnel, mais la personne qui va faire...
qui va rédiger sa demande anticipée,
elle va renoncer à la confidentialité en vertu du... Un consentement, vous
savez, une confidentialité, on peut toujours
y renoncer. Parce que moi, je peux... On y renonce d'ailleurs régulièrement
dans toutes sortes de formulaires, même pour les assurances, etc. Elle
va y renoncer de fait parce qu'elle va nommer le tiers de confiance pour
certaines choses, et il va avoir besoin de l'information pour exercer ses
fonctions.
Alors, selon moi, ce n'est
pas tellement un problème. Les gens qui vont devoir être, disons, entourés, le
tiers de confiance, vont pouvoir lui donner l'information. C'est toujours
l'information strictement nécessaire à l'exercice de ses fonctions. C'est quand
même bien encadré, ça, au niveau du droit.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup.
Mme Guillemette : Le tiers de
confiance va être considéré comme un membre de l'équipe de soins, si je
comprends bien.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui.
Mme Guillemette :
Merci, Me Chalifoux.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci,
Mme la députée. Je vais céder la parole au député de D'Arcy-McGee maintenant.
Merci.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Bonjour à nouveau à Me Chalifoux... pour vos
interventions très, très, très importantes et appréciées. Et comme vous avez
vu, ça ne passe pas inaperçu, votre constat que le domaine des demandes
anticipées est clairement de notre juridiction et à notre champ de compétence.
Ça n'enlève pas... Premièrement, le Barreau n'était pas du même avis, alors on
sait qu'il a travaillé fort là-dessus. Mais c'est très clair, ça n'enlève pas
la préoccupation que nous avons l'obligation collective d'assurer les médecins
qui sont tellement clé à la... au processus
qu'ils doivent et ils peuvent, de façon confiante et claire, faire leurs
devoirs, on le dirait comme ça.
Est-ce que vous avez
quelques suggestions que ce soit, concrètes, comment les aider à avoir cette
assurance pour qu'ils jouent leur propre rôle éventuellement?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bien,
voyez-vous, si j'ai pris deux priorités importantes, à part, là, la question
des demandes anticipées... c'est l'approche de soins qui ne seraient plus de
fin de vie. À ce moment-là, ça va nécessairement harmoniser avec la loi fédérale. C'est en fonction du droit applicable,
et les médecins vont être beaucoup plus à l'aise, à ce moment-là, de pouvoir évaluer des personnes qui ne
sont pas en fin de vie, parce qu'on n'aura plus cette espèce de critère là
qui est encore dans la loi et qui est entraîne, selon moi, de la confusion. Que
voulez-vous, le droit a changé, et puis il faut
s'y adapter, puis on a, disons, de la sympathie pour les médecins qui sont aux
prises avec ces problèmes-là à tous les jours.
Maintenant, pour la
question du handicap, je crois que c'est la même chose. Vous savez, c'est
extrêmement complexe aussi, parce que, si
vous ne voulez pas le mettre dans le projet de loi n° 38, bien, il
faudrait sûrement réévaluer éventuellement. Parce que, voyez-vous, M.
Truchon... Je m'excuse, est-ce que je vous... Mon temps est écoulé?
M. Birnbaum : ...pas être malpoli, mais
compte tenu du petit temps, et votre objection là-dessus très pertinente
est pour une autre journée parce qu'on n'irait pas là. Avec tout le respect, si
je peux passer à une autre question... Je m'excuse, vous allez comprendre que
le temps est tellement limité.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Allez-y. Allez-y.
M. Birnbaum :
Je trouvais importantes vos observations en tout ce qui a trait à un refus
possible en situation d'inaptitude. Et là, dans votre explication, vous avez
parlé de la nécessité d'avoir des... une obligation de réexaminer ce refus et
d'offrir peut-être une deuxième... d'autres opportunités. Mais la chose qui m'a
intrigué, vous avez, dans ce contexte, parlé d'un concept qui est très
controversé, on dirait, mais la démence heureuse. Mais la chose qui m'a
intrigué, si je vous ai bien compris, vous avez dit que c'était important
d'assurer une possible deuxième «examination» de la chose, parce que la démence
heureuse peut être un phénomène temporaire ou ponctuel, ce qui suggère que vous
reconnaissez le concept de démence heureuse qui peut donc mitiger l'évaluation
de la souffrance contemporaine par rapport à la souffrance anticipée dans la
demande d'aide médicale à mourir. Vous comprendrez toutes les complications.
Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui, certainement. Écoutez, moi, je suis avocate, mais
j'ai été infirmière, et j'ai pratiqué dans des CHSLD, et j'ai eu connaissance,
là, au jour le jour, là, des différentes manifestations de la maladie
d'Alzheimer ou des maladies apparentées. Et c'est souvent une dame, parce que
c'est comme ça que je le vois dans ma tête, qui se lève le matin, qui est de
bonne humeur, qui ne reconnaît personne, puis qui est vraiment inapte, là, qui
se promène avec une petite poupée puis, je dirais, est très sereine. Elle ne...
Vraiment, elle ne présente aucun signe de souffrance ou de douleur, ni de
souffrance psychique.
Je l'ai vue, cette
personne-là, moi, et à quelques reprises, assez pour me dire que je ne crois
pas qu'il y ait un médecin qui veuille donner l'aide médicale à mourir à une
personne qui est dans cet état, parce qu'elle ne peut pas d'aucune manière
objectiver la souffrance. Et, après de nombreuses réflexions sur toutes les...
la question de la souffrance, moi, j'en suis venue à la conclusion qu'il faut
un minimum d'objectivation de la souffrance, parce que sinon, là, on pourrait donner l'aide médicale à mourir à plein de gens
qui n'ont aucune souffrance puis qui pourraient encore vivre un certain
nombre de mois ou même d'années dans un état où il y a une certaine qualité de
vie, où ils ont développé des nouvelles
façons de s'ajuster à ça. Mais pourquoi les priver de ça ? Alors, c'est pour ça que finalement...
M. Birnbaum :
Oui, mais très, très important, on parle quand même d'une personne en état
d'inaptitude. Est-ce que vous écartez la possibilité que, lors d'une demande
anticipée, que la personne identifie leur définition de souffrance aussi
objectivable que possible, y compris la possibilité de se trouver en état de
démence heureuse et en connaissance de cause, de dire : À ce point-là,
comme je rendrai exactement au point de remplir les conditions de 26 ailleurs,
je veux mourir? Est-ce que vous écartez cette possibilité ?
Mme Chalifoux (Danielle) : Non,
je ne l'écarte pas. Je pense que, dans la demande, on devrait permettre
aux personnes de s'exprimer. Ce n'est pas des juristes, ce n'est pas des
médecins non plus, mais il faut avoir l'expression de la personne, son opinion
sur sa situation.
Maintenant, c'est pour ça que je
disais qu'il faut quand même, lors de la rédaction, de l'avertir, cette
personne-là, que le caractère, disons, de la
souffrance va devoir être apprécié d'une certaine façon et que... simplement de
l'informer. Et selon moi et selon, je le pense bien... je ne sais pas si le Dr
Judes Poirier vous a... Bon. Alors, comme il dit, la souffrance heureuse, c'est
un concept que nous, on considère, oui, mais c'est temporaire, c'est
transitoire. Cette personne-là va nécessairement, un jour ou l'autre, devenir
souffrante. Et il faudrait qu'au moment où elle devient souffrante, que là, le tiers responsable puisse dire : Bon, bien
là, écoutez, là, il y a certaines phases, là, qu'elle a franchies.
Maintenant, elle a complètement perdu son autonomie, elle n'est plus capable de
manger, elle s'étouffe à tout bout de champ, etc. Là, il faut procéder. Il faut
lui garder cette possibilité-là.
Le Président
(M. Provençal)
: Mme
la députée, de Mille-Îles.
• (12 heures) •
Mme Charbonneau :
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Chalifoux. Merci. Merci de votre
engagement, je vais le dire comme ça, parce que vous êtes toujours au
rendez-vous chaque fois que la commission lève un drapeau jaune pour pouvoir
interpeler les gens.
Ma question va aller
directement aux tierces parties. Pour moi, il y a vraiment des questions
sensibles par rapport aux tierces parties.
Vous avez émis différentes opinions, vous avez donné des recommandations. La
difficulté que j'y vois, puis je la partage avec vous, puis vous allez
probablement nous aider, c'est l'aspect lourd de cette tâche non seulement en
décision, mais, d'après vos recommandations aussi, dans la mise en application
et l'engagement de la personne. Comment on
fait pour s'assurer que la personne qui est le tiers parti, ou les personnes,
parce que ça peut être plusieurs personnes... Comment on fait pour
s'assurer que l'engagement qu'elle prend auprès de la personne qui demande
l'aide médicale à mourir, il est juste assez lourd? Je vais le dire comme ça,
parce qu'émotivement c'est très lourd de pouvoir soutenir cette décision-là,
mais, si je dois remplir des rapports, si je dois revenir sur des trucs, s'il faut
absolument que j'aie un engagement écrit et de témoignage, ça devient peut-être
un engagement que les gens vont refuser. Donc, comment je le simplifie sans le
rendre simpliste?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bon, je suis sûre que vous avez soit été proche aidante
ou que vous connaissez des gens autour de vous qui le sont. On le devient tous
un jour ou l'autre forcément. On ne peut pas nier l'intérêt et le dévouement de
ces personnes-là. Je pense qu'on peut présumer que le tiers de confiance va
être une personne qui va prendre les intérêts de sa famille à coeur.
Moi, madame, ça fait
plus que 10 ans que je donne des conférences partout dans le Québec, que je
parle à des gens et qu'ils me disent tous la
même chose : Je ne veux pas de ci pour ma mère, je ne veux pas de ça
pour ma mère, etc. On sent que ces personnes-là ne demanderaient pas
mieux que de s'impliquer dans la démarche. Alors, je pense qu'on devrait
commencer par leur faire confiance.
Maintenant, il y a
des... laisser trop de place... c'est parce que... trop de place à l'équipe
multidisciplinaire, ou l'équipe médicale, ou le professionnel compétent, là,
appelez-le comme vous voudrez, moi, je trouve qu'il y a du danger, parce que
qui a le mieux les intérêts à coeur de la personne, c'est le proche, ce n'est
pas l'équipe médicale.
Mme
Charbonneau : Je voulais juste vous dire qu'on devient proche aidant
sans faire le choix...
Mme Chalifoux
(Danielle) : Quelquefois.
Mme
Charbonneau : On devient tiers parti en faisant le choix. C'est ma
petite différence, mais merci pour votre opinion, puis j'ai hâte de voir votre
document. Merci.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup, Mme la députée. Nous poursuivons cet échange avec le député de
Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Rebonjour, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bonjour, M. Marissal.
M. Marissal :
Vous n'avez pas perdu en pertinence et en clarté, mais, dites-moi, vous
avez parlé tout à l'heure, là, d'un concept dont on parle beaucoup ici, là,
depuis un bon moment, autour de l'aide médicale à mourir, qui est la démence
heureuse.La démence heureuse, comme vous le savez, il y a des médecins
qui n'y croient pas du tout. C'est le cas de Dr L'Espérance, qui dit que ça
n'existe pas. Puis il y a d'autres médecins, dont vous avez cité le nom tout à
l'heure, qui disent que ça existe. En fait, il y a tout un débat philosophique
là-dessus, là, puis j'adore la philosophie. Je pourrais y passer des heures et
des heures.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Moi aussi.
M. Marissal :
Bon, on prendra un café puis on philosophera, mais là on a un projet de loi
à écrire. Comment on réconcilie ça? Parce que, là, ce que vous êtes en train de
dire, c'est que nous ne devrions pas appliquer l'aide médicale à mourir, donc
faire mourir quelqu'un, si elle est en état de démence heureuse. Or, la démence
heureuse, c'est un concept. Ça n'existe pas selon certains, c'est vague selon
d'autres.
Alors,
comment on réconcilie ça, nous, dans un projet de loi? Faudrait-il l'écrire textuellement
qu'à partir du moment où il y a une impression, puis même, juste en le disant,
c'est bizarre... une impression de démence heureuse, nous devrions remettre
l'aide médicale à mourir?
Mme Chalifoux (Danielle) : Bon,
comme vous dites, M. Marissal, on pourrait en discuter pendant des heures et même des jours. Il y a eu des articles
philosophiques, là, Dworkin et compagnie. Il y a toute une controverse
par rapport à ça, mais disons que la démence heureuse, ce n'est pas un concept
médical, premièrement. Certains vont dire : Oui, la personne a
développé une nouvelle personnalité. D'autres vont dire : Non, ce
n'est qu'une phase qu'elle va franchir dans la trajectoire de sa maladie, elle
ne va faire que se détériorer avec le temps, c'est temporaire.
Bien, disons que ces
questions-là, pour moi, ne devraient pas faire partie d'un projet de loi. On
devrait vraiment se cantonner sur le caractère objectivable de la souffrance,
et ça, je pense que ça va rendre d'abord la tâche plus facile aux médecins, et
aussi moins odieuse, d'être obligés de donner l'aide médicale à mourir à une
personne qui a l'air en pleine forme et qui
donne des signes de bonheur plutôt que de malheur, que ce soit physiologique ou
non, que ce soit un concept, etc. Laissons
ça de côté, mais quelques signes de douleur qui sont appréciables, me semble-t-il,
pourraient faire l'affaire. À ce moment-là, on pourrait retarder l'aide
médicale à mourir à un moment où ces signes de souffrance là vont le devenir.
Tout est dans ce caractère...
M. Marissal :
Exclure, c'est choisir, hein?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui, exactement.
M. Marissal :
L'exclusion, c'est une forme de choix. Si on ne le met pas dans le projet
de loi, d'emblée, ce qu'on dit, c'est qu'il n'y aura pas d'aide médicale à
mourir en cas de démence heureuse suspectée. C'est ça que vous êtes en train de
dire.
Mme Chalifoux (Danielle) : Ce
que je suis en train de vous dire, là, selon moi, c'est que, si on dit que le
critère est que la souffrance doit être objectivable, on élimine immédiatement,
et même sans avoir besoin de le mentionner dans le projet de loi, la démence
heureuse, qui n'est pas un concept, là, comme je vous dis. C'est parce que
c'est pour faire image, là, qu'on dit ça d'une personne qui n'a pas, au niveau,
disons... On ne peut pas apprécier le fait qu'elle
peut être souffrante puis qu'elle démontre même certains traits qu'on pourrait
associer à des personnes heureuses, mais, comme je vous dis, ce n'est
pas... Les gens qui disent que ça n'existe pas ont raison puis les gens qui
disent que ça existe ont raison. Ça fait que, voyez-vous, c'est que...
Le Président
(M. Provençal)
: ...madame,
pour céder la parole à la députée de Joliette. Mme la députée.
Mme Hivon :
Oui, bonjour, Me Chalifoux. Merci pour vos bons mots.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Ça me fait plaisir.
Mme Hivon :
C'était bien gênant, mais je veux vous dire à mon tour un énorme merci.
Vous êtes présente depuis le tout début de ces... plus de 10 années.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Oui, c'est vrai.
Mme Hivon :
Alors, vous êtes un phare dans tout ce débat. Quelques commentaires, j'ai
très peu de temps, malheureusement.
Juste Carter, moi,
mon interprétation, c'est que ça ne portait que sur le Code criminel. C'est ça
qui était contesté. Notre loi québécoise se développait à ce moment-là. Elle
est entrée en vigueur alors que Carter était à peu près rendu. Donc, je pense
qu'on peut dire que Carter ne porte pas sur la loi québécoise. Je ne dis pas
qu'il n'y a pas des enseignements dans Carter, mais elle était... c'était un
jugement qui n'avait rien à voir avec la loi québécoise. Au contraire, ils ont
mis... ils se sont inspirés d'éléments de la loi québécoise. Donc, c'est venu
après. Je voulais juste dire ça. Vous pourrez commenter éventuellement. Je vais
vous lancer toutes mes pistes, puis vous choisirez ce que vous trouvez le plus
essentiel.
L'approche des soins
de fin de vie, bien, moi, je dévoile mon intérêt. J'ai écrit en grande partie
cette loi et, oui, je suis attachée... Je suis dans ces personnes attachées à
l'idée d'avoir une loi globale sur les personnes en fin de vie, et une
hypothèse que je veux vous soumettre, c'est pour se sortir de ça, le dilemme
que vous amenez, qui est très réel. Est-ce que, pour ce qui est de l'application,
par exemple, de Gladu-Truchon, qui enlève le critère de fin de vie...
Éventuellement, si on a le débat sur le handicap, est-ce qu'on ne devrait pas
plutôt avoir une autre loi spécifiquement d'application sur l'aide médicale à
mourir pour ne pas perdre toute la cohérence de notre loi qui a, au coeur de sa
philosophie, d'accompagner les personnes en fin de vie? Donc, ça, j'aimerais
vous entendre là-dessus.
Par
ailleurs, la souffrance — donc,
mes collègues ont parlé amplement d'un enjeu important — à l'article 29.2, vous dites que
le coeur, c'est qu'elle soit objectivable. Je suis totalement à la même place
que vous là-dedans. Je pense qu'on ne s'en
sort pas. Si on n'exigeait pas la souffrance contemporaine au moment de
l'administration, on serait moins stricts avec les demandes anticipées
qu'avec les demandes contemporaines. Ça fait que je pense qu'il y aurait un
non-sens là, alors qu'on doit plus protéger des personnes vulnérables.
Moi, je me demande vraiment si le 1°
et le 2° sont nécessaires. Est-ce que les souffrances doivent absolument
découler de la maladie neurocognitive? Si une personne a un cancer en fin de
vie puis qu'elle souffre atrocement, est-ce que ça devrait être admissible,
même si ce n'est pas lié à son Alzheimer, si elle est inapte? Deuxième élément,
«elles sont liées à un déclin avancé et irréversible des capacités», pourquoi
on ne garde pas tout simplement le critère «déclin avancé et irréversible»
plutôt que de lier ça aux souffrances?
Voici mes premières
questions.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bon, alors...
Le Président
(M. Provençal)
: ...répondre
rapidement parce que le temps a été pris pour la question. Alors, je vous
demanderais de nous donner une réponse rapide, s'il vous plaît.
• (12 h 10) •
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bon, écoutez, réponse rapide, les deux lois... Je ne
favoriserais pas deux lois parce que ce serait comme pointer le fait que, bon,
il y a... Est-ce qu'il y a une... Les gens qui sont en fin de vie sont-ils
meilleurs ou est-ce qu'ils ont une... Au point de vue moral, ça serait comme
faire un... Je ne dis pas que nous, on le ferait, mais que, peut-être, devant
la population, il y aurait un aspect moral de dire : Ah! c'est plus moral
d'être en fin de vie puis ça l'est moins de ne pas l'être.
Donc, est-ce qu'on
fait deux lois où, si
vous faites deux lois, bien, ce serait une loi sur les soins palliatifs et une
loi sur l'aide médicale à mourir, parce que l'aide médicale à mourir, elle ne
peut pas être à la fois en fin de vie et à la fois ne pas être en fin de vie.
Alors, il y a comme... mais il y a beaucoup de pays qui ont fait ça, hein, qui
ont mis tous les soins palliatifs, et il y aurait vraiment matière à la mettre
dans une loi, et qui, par ailleurs, ont établi une loi sur l'aide médicale à
mourir, d'autre part, mais je ne ferais pas de la confusion en mettant deux
sortes d'aide médicale à mourir, là. Je pense que ça ne serait pas bien.
Si j'ai le temps
encore...
Le Président
(M. Provençal)
: Malheureusement,
non, madame.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bon, bien, écoutez...
Le Président
(M. Provençal)
: La
députée de Maurice Richard va compléter cet échange. Mme la députée.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, M. le Président. Bonjour, Me Chalifoux.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bonjour.
Mme Montpetit :
Si vous voulez compléter... J'ai très peu de temps. J'aurai une question,
mais, si vous voulez compléter, allez-y.
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bien, sur les souffrances dont parlait Mme Hivon, on
est exactement sur la même longueur d'onde. Et c'est ce que j'ai dit aussi dans
le court texte que je vais vous faire parvenir, là, c'est que... c'est là que
je parle de redondance et que je parle de... qu'il y a des choses qui ne sont
pas nécessaires, qui alourdissent le texte pour rien, puis que, plus on en écrit
dans une loi, hein, plus on s'attire des critiques : La loi va devenir
plus confuse, ça va être plus difficile d'interpréter.
Alors, je suis bien
d'accord avec elle, l'important, c'est de maintenir le critère objectivable
pour que les personnes qui ont des demandes anticipées, lorsqu'elles vont avoir
l'aide médicale à mourir, n'aient ni plus ni moins de droits que les personnes qui le fassent de façon contemporaine, puis
moi, je dirais ça dans la loi, puis ça serait tout.
Mme Montpetit :
Me Chalifoux, vous allez me permettre une question, je m'excuse, je n'ai
pas beaucoup de temps. Vous aviez répondu à
beaucoup de nos questions lors de la commission spéciale, mais là, comme vous
êtes sur le sujet, justement, de la
souffrance objectivable... vous savez, moi, j'ai fait de la recherche longtemps
dans les CHSLD. Donc, ces personnes-là qui se promènent avec la poupée
puis qui viennent faire des câlins, j'en ai vu beaucoup, beaucoup, beaucoup,
mais vous parlez de souffrance objectivable. Moi, j'en suis aussi, mais est-ce
qu'il n'y a pas des situations où cette
souffrance-là n'est pas constante, par contre? On n'est pas nécessairement...
Ces personnes-là ne sont pas toujours dans une situation de démence
heureuse. Il peut y avoir des crises. Il peut y avoir des manifestations de
souffrance. Est-ce qu'en plus de l'objectivité vous... Comment vous voyez ça au
niveau de la constance, justement, de la manifestation de ces souffrances-là?
Mme Chalifoux
(Danielle) : Bien, je vous dirais, Mme Montpetit, que, justement,
c'est ce que je dis quand je parle de normes de pratiques. Je pense que c'est
aux médecins à évaluer si la constance... c'est quoi, être constant. Tu sais,
c'est sûr que la personne peut avoir comme... Il y a des personnes qui ont
l'alzheimer, puis qui ont des intervalles lucides, puis, à un moment donné, je
ne vous raconterai pas d'histoire parce qu'on n'a pas le temps, mais qu'on en
voit, tout d'un coup, qui ont une lucidité formidable, elle va durer
10 minutes, puis, après ça, boum, elles redeviennent inaptes. C'est la
même chose pour cette... ce qu'on appelle, soi-disant, souffrance heureuse.
Maintenant, c'est au médecin à juger si la
constance est suffisante ou pas. Il me semble que c'est... tu sais, il faut
leur laisser aussi la possibilité d'évaluer les choses, là.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je suis
obligé de vous interrompre puis je tiens à vous remercier pour votre
participation aux travaux de notre commission.
Je suspends quelques
minutes les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 13)
(Reprise à 12 h 15 15)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos
travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à l'Alliance des maisons de
soins palliatifs du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
votre exposé. Par la suite, nous ferons nos échanges. Je vous cède la parole.
Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec
Mme Tschiember (Marie-Julie) : Bien, M. le Président, bonjour. Bonjour à vous
tous, M. le ministre, messieurs dames les députés. C'est un honneur pour
nous d'être ici en personne. On nous dit que nous sommes les premiers qui prenons la peine de venir vous voir. Pour nous,
c'est un enjeu qui est tellement important. De discuter avec vous là-dessus,
c'est non seulement important, mais c'est la toute première fois que l'Alliance
des maisons de soins palliatifs est convoquée en consultations. Donc, on est un
petit peu nerveuses, on va se le dire, mais on va essayer de faire ça comme des
grandes.
Alors, je suis
entourée par ma collègue Marie-Josée Gamache, qui est D.G. de la Maison
Catherine de Longpré, à Saint-Georges-de-Beauce, qui, pour l'instant,
ne donne pas accès à l'aide médicale à mourir. De ce côté-ci, j'ai
Yannie Méthot, qui est la D.G. de la maison Pallia-Vie, Rivière-du-Nord, à
Saint-Jérôme, qui donne accès à l'aide médicale à mourir depuis un an et demi,
presque deux. Et je suis Marie-Julie Tschiember, donc, la directrice générale de la Maison René-Verrier à Drummondville,
humble présidente de l'Alliance des maisons de soins palliatifs. Et à
Drummondville, avec Sherbrooke, nous y donnons accès depuis le tout début de
l'entrée en vigueur de la loi, donc, en 2015. Alors, à nous trois, vous avez là
un portrait assez représentatif des 37 maisons de soins palliatifs au
Québec. L'alliance représente 36 des 37 maisons actuellement en opération.
Alors, allons-y.
D'abord et avant tout, je voudrais remercier M. le ministre et son équipe avec
qui nous avons négocié dans les dernières
semaines, les derniers mois. On a eu des résultats heureux quant à notre
financement. Alors, je voulais commencer par vous dire merci. Je fais un
clin d'oeil à Gabrielle aussi à côté de vous, avec qui je suis souvent en
communication. Donc, voilà qui est fait.
Cela dit, concernant
le projet de loi n° 38, il nous fait plaisir de... Je vais enlever mes
lunettes. Je ne vois rien. Je m'excuse. Je commence à avoir les yeux qui me
lâchent. Ça nous fait plaisir d'être devant vous aujourd'hui pour vous partager
la position de l'alliance et vous donner tous nos commentaires et répondre à
vos questions.
La Loi concernant les
soins de fin de vie, qui a été promulguée en 2015, a été accueillie, vous le
savez, avec grande inquiétude parmi les
maisons de soins palliatifs du Québec. Alors que deux seules maisons, dont la
mienne, y donnaient accès en 2015, il
y a, depuis ce temps, 25 maisons qui ont adopté cette position, alors que
trois autres sont actuellement en
réflexion afin de bien intégrer dans leur offre de soins... le tout totalisant
donc 28 maisons qui dispensent désormais ce soin ou sont en voie de
le faire d'ici quelques mois.
Ainsi, ça représente
près de 80 % des maisons de soins palliatifs du Québec qui y donnent
accès. Seuls huit de nos membres maintiennent actuellement le statu quo. Cette
augmentation démontre à elle seule tout l'esprit d'ouverture et de
bienveillance qu'ont les maisons de soins palliatifs envers leurs patients et
leur communauté. En réalité, et malgré ce que certains groupes ou individus en
pensent, nous considérons, à l'Alliance des maisons de soins palliatifs, que
l'AMM est à ce point si particulière qu'elle mérite essentiellement qu'on y
donne accès de plein gré, en harmonie avec nos valeurs et en respect mutuel du
cheminement auquel nous avons tous droit, que nous soyons personnes ou
organisations, grâce à la loi actuelle. Ce fait demeure la prémisse de la
position qu'a toujours eu et qu'aura toujours l'Alliance des maisons de soins
palliatifs pour ses membres.
À ce titre, l'alliance
a toujours maintenu une position d'ouverture, d'autonomie, de liberté de choix
et de compréhension envers ses membres, et, en ce 1er juin 2022, cette position
demeure. Au même titre que nous accueillons et accompagnons nos patients dans
leur rythme et leur évolution de leurs besoins, nous vous demandons d'en faire
de même et de respecter le temps de réflexion et d'assimilation, l'historique
et le cheminement de toutes les maisons de soins palliatifs du Québec qui
existent maintenant depuis plus de 35 ans.
• (12 h 20) •
Cela dit, bien que la
solidarité, et vous le voyez aujourd'hui avec les trois représentantes, et
l'esprit d'union qui règnent depuis toujours au sein de notre alliance... nous
sentons bien que les membres n'y donnant pas accès actuellement subissent déjà
une certaine pression, sachant que la majorité de leurs consoeurs ont déjà
franchi le pas et que la manifestation des besoins en ce sens dans la
population ne cesse d'augmenter. Cette polarité déjà bien perceptible pour nos
membres ne nécessite surtout pas de les contraindre. Ce serait là une erreur
qui pourrait avoir des répercussions, selon nous, non seulement sur le
fonctionnement de ces dernières, mais surtout sur la qualité des soins qui font
leur renommée. Nous réitérons et martelons, nul besoin de les bousculer en ce
sens. Dans une société démocratique comme le Québec, l'obligation et la
contrainte n'ont jamais été synonymes de bienveillance, de collaboration et de
compréhension. Nous réclamons donc aujourd'hui officiellement le retrait du
point n° 9 de votre projet de loi et demandons de
conserver inchangé l'article n° 13 de la loi actuelle
concernant les soins de fin de vie.
Enfin, nous nous avouons
toutes perplexes quant aux modalités d'accès à l'aide médicale à mourir qui
pourraient découler du présent projet de loi. Nous nous permettons de souligner
que la mission première de nos maisons est d'abord et avant tout d'offrir des
soins palliatifs de qualité distinctive et d'une qualité optimale. Sur cet unique précepte que... C'est sur cet unique
précepte que toutes nos communautés nous ont créé et, encore
aujourd'hui, maintiennent nos existences
même, à force d'implication bénévole et de soutien philanthropique. Quand je
dis «philanthropique», c'est un beau mot pour dire des spagothons, des
bingos, des clubs de golf, des ci, des ça. Vous comprenez que toutes nos
maisons tiennent sur l'action bénévole et philanthropique. Faire fi de cela en
laissant le présent projet de loi tel qu'il est présenté est synonyme de
renverser ce fait du revers de la main. Nos organismes à but non lucratif, avec
leur écosystème si fragile, faut-il le rappeler, ne peuvent et ne deviendront
pas une plaque tournante ou une destination pour obtenir l'aide médicale à
mourir au détriment des personnes désireuses de recevoir d'abord des soins
palliatifs.
Nous réitérons que la solution à l'élargissement
et l'accessibilité des soins palliatifs de qualité ne réside pas dans le nombre
de maisons de soins palliatifs qui y donnent accès, mais bien dans le
développement, l'accessibilité accrue, le déploiement d'équipes de soins à
domicile, les services d'accompagnement et de répit, les cliniques de gestion
de symptômes et, tout spécialement, un nombre suffisant de lits de soins
palliatifs, et ce, partout au Québec, car, soyons tous d'accord, et je pense
que vous le serez avec moi, que la majorité de la population continue de penser
à tort que les soins palliatifs sont
synonymes de mort imminente dans les prochains jours, alors qu'ils peuvent
prendre place plusieurs semaines, plusieurs mois, voire des années, lorsqu'ils
sont introduits tôt dans la maladie. Nous sommes donc d'avis qu'il est
primordial de se concentrer plutôt sur l'éducation à la population entre la
distinction entre soins palliatifs et soins de fin de vie. Le point n° 9 du projet de loi actuel, concernant les maisons, n'est
en rien un avancement sur cet enjeu.
Je termine en vous disant que vous pouvez être
convaincus, M. le Président, M. le ministre, et vous tous, députés de
l'Assemblée, que l'Alliance des maisons de soins palliatifs a toujours été et
qu'elle sera toujours un allié de premier plan pour que le gouvernement puisse
continuer à travailler avec les maisons de soins palliatifs pour favoriser l'évolution harmonieuse des mentalités.
L'alliance n'a jamais été ni pour ni contre l'aide médicale à mourir, et
c'est toujours sur cette même neutralité que nous nous présentons devant vous
aujourd'hui. Qui plus est, les dernières
années prouvent à quel point l'octroi de temps et la liberté de choix sont
essentiels et indispensables pour que nos membres emboîtent le pas de
façon positive et optimale. Et ainsi, nous nous engageons, à titre de
dirigeantes de maisons de soins palliatifs
et à titre de membres de l'alliance, à veiller à ce que cette évolution se poursuive
au cours des prochaines années, nous
qui sommes les tout premiers besoins... les tout premiers témoins des besoins
de nos patients.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons
initier cette période d'échange avec M. le ministre.
M. Dubé : Bien, écoutez, mesdames,
je vais être très, très bref parce que j'ai deux collègues ici qui m'ont
demandé la parole puis que... à lesquels je vais la donner avec plaisir, mais
il y a deux choses que je voulais, s'il nous reste du temps... premièrement,
vous remercier pour le travail que vous faites dans vos maisons. Je pense
que... En tout cas, je ne peux pas imaginer tout ce que vous avez rendu comme
services à la population depuis des années, puis que vous preniez le temps, en
plus, de vous déplacer aujourd'hui, ça nous donne un peu l'idée du genre de
services que vous pouvez donner, puis je tiens à vous remercier pour ça.
Le deuxième point, puis... parce qu'on manque de
temps, je vais laisser mes deux collègues... mais j'aimerais ça vous entendre,
s'il nous reste du temps, un petit peu sur les soins palliatifs à la maison,
parce que ça, pour moi, dans le plan de santé qu'on a déposé, je veux qu'on
s'en aille là. C'est déjà fait à Verdun. Il y a comme une philosophie, pour
moi, qui est importante, mais ce n'est pas l'objet de la discussion ce matin,
mais ça fait partie de la vision, puis je
suis content que vous y faites référence dans votre présentation. Mais je vais
laisser mes deux collègues... puis, si jamais il reste une petite
minute, j'aimerais ça vous revenir sur...
Mme Tschiember (Marie-Julie) : ...d'aller
vous jaser.
M. Dubé : ...ou on reviendra
peut-être... Gabrielle nous arrangera encore un autre rendez-vous. Alors, je
laisse mes deux collègues...
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Bienvenue au
Parlement. J'ai une question par rapport surtout à la tierce personne qu'on
inclut dans les demandes anticipées. En fait, on a rencontré l'Ordre des
travailleurs sociaux hier. Ils nous ont parlé d'ateliers d'aide à la décision
complexe, certains suivis qui pourraient être faits avec la tierce personne. Je
voulais voir comment vous, vos maisons de soins palliatifs... comment vous
voyez cette collaboration-là entre les travailleurs sociaux, en fait,
l'ensemble des professionnels, la tierce personne, surtout, et vos
établissements.
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : Dans la... puis là je vais parler pour les maisons de
soins palliatifs qui donnent déjà accès à l'aide médicale à mourir et même pour
celles qui n'y donnent pas accès... vous entendrez toujours «donner accès» de
ma part. Nous n'offrons pas, personne, l'aide médicale à mourir parce que ce
n'est pas quelque chose qu'on offre. C'est quelque chose auquel... on accepte
la demande et qu'on accompagne nos patients. Concernant
ce point-là, de la tierce personne, c'est sûr que, dans les maisons, il y a...
souvent, et presque toujours, les personnes sont accompagnées par leur famille,
leur proche aidant. On travaille avec des travailleurs sociaux, des médecins,
des infirmières. Alors, c'est un... puis c'est un article sur lequel je suis
moins au courant, là, en ce sens... où est-ce que, pour nous, ce n'est pas un
enjeu, ça. Ça va déjà bien. Dans les maisons qui y donnons accès, on n'a pas
d'enjeu à ce niveau-là.
Donc, est-ce que tu
as quelque chose à ajouter? Non?
Je réponds... Est-ce que je réponds à votre question?
Mme Picard :
Oui, bien, c'est correct. Merci. Je vais laisser la chance à mon autre
collègue.
Mme
Guillemette : Mme la députée de Saint-François avait une question.
Le Président
(M. Provençal)
: Oui,
Mme la députée de Saint-François, allez-y.
Mme Hébert :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de vous être déplacées. C'est
vraiment très agréable. Et je suis une députée, moi, qui a une maison,
justement, de soins palliatifs, Aube-Lumière. J'ai d'ailleurs rencontré M. Gagnon juste avant, lundi. Il
m'a dit que vous seriez là. Donc, très contente de vous rencontrer en
personne.
Par rapport aux
maisons de soins palliatifs que vous dites... qui ne veulent pas, qui ne sont
pas encore prêtes, qui n'ont pas enclenché... vous demandez un temps de
réflexion. Est-ce que vous avez réfléchi à ce temps ? Parce que, là, vous demandez le retrait de
l'article 9 puis qu'on garde l'article 13 dans l'ancienne loi, qu'il
soit conservé, mais, advenant qu'il n'y ait pas un retrait mais qu'on met un
temps, est-ce qu'il y a un temps que vous pensez...
Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour...
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : Je vais vous répondre : autant que faire se peut.
Ma grand-mère disait qu'il fallait laisser au temps le temps de faire son
temps, et, pour Drummondville et Sherbrooke, ce temps-là n'a pas été nécessaire
pour les raisons qui nous sont propres. Sherbrooke était déjà une maison assez
âgée à l'époque, en 2015. Nous, on n'avait qu'une seule année d'existence. Du
côté de Yannie ici, ça a pris cinq ans de réflexion. Du côté de Marie-Josée
ici, ça fait sept ans. Mais je peux vous garantir que toutes les maisons qui ne
donnent pas encore accès, ils réfléchissent
encore activement non seulement avec leur conseil d'administration et avec leur
personnel soignant... Et là je vais laisser ma collègue répondre
là-dessus.
• (12 h 30) •
Mme Gamache (Marie-Josée) : Je
compléterais en disant : Je suis une maison qui ne donne pas l'aide
médicale directement à la maison de soins palliatifs, mais je donne accès à la
réflexion, je donne accès à l'accompagnement, je donne accès au suivi des
patients et des familles. Mais, quand arrive le geste, une heure avant, on a... Ce qui est difficile dans ma position,
c'est de vous parler de six ou sept particularités et d'en faire une
globalité. La Maison Catherine De Longpré a cette particularité suivante, c'est
qu'elle est reliée par un tunnel à l'hôpital. Donc, tous les patients de la
maison Catherine qui souhaitent avoir l'aide médicale à mourir ont accès, sont
accompagnés par du personnel de la maison
Catherine jusque dans le milieu hospitalier. Le geste se pose dans le milieu
hospitalier, et la famille revient à
la maison Catherine parce qu'on a prévu avec elle tous les rituels
d'accompagnement pour la suite des choses.
Donc, si le geste
n'est pas donné à la maison Catherine, l'accès est garanti à l'aide médicale à
mourir à tous les patients qui en font la
demande. Alors, je pense que c'est important que vous connaissiez cette
nuance-là. Ce qu'il faut reconnaître aussi et ce à quoi j'aimerais attirer
votre attention sur... Vous avez parlé tantôt de champ de compétence et comment
c'est difficile de se faire imposer un champ de compétence. Bien, d'imposer
l'aide médicale à mourir obligatoire dans nos maisons, ça va être perçu par nos
conseils d'administration comme quelque chose où on remet en question leur
champ de compétence, et ça ne sera pas bien vu. Ce qu'il faut absolument
garantir ensemble aujourd'hui, c'est
vraiment de continuer la mobilisation de nos conseils d'administration. C'est
vraiment la clé, pas juste pour la
partie d'aide médicale à mourir, mais c'est la clé aussi pour continuer le
développement des soins palliatifs au Québec. Ces personnes-là
représentent la communauté, ils sont très bien capables de les entendre, ils
sont capables aussi de cheminer,
laissez-leur faire leur job. Ces personnes-là, c'est des gens de l'entreprise
qui nous soutiennent à bout de bras.
Pour la Beauce, depuis 30 ans, c'est 21 millions de dollars
qu'on a été chercher dans la communauté pour continuer notre mission de soins palliatifs. Il ne faudrait
pas, pour un article de projet de loi, que ces gens-là se sentent
tellement heurtés qu'ils aient le goût de se retirer d'une gouverne en maison
de soins palliatifs. Et le danger est vraiment présent, alors soyons vigilants
autour de ça. Assurons-nous que tous les patients qui demandent l'aide médicale
à mourir, dans nos maisons, puissent y avoir
accès, donner du temps à la population, à la communauté. J'écoutais
hier...
Une voix :
À nos bénévoles.
Mme
Gamache (Marie-Josée) : ...à
nos bénévoles. J'écoutais hier une préoccupation que certaines personnes
ont aussi parce qu'on parle d'aide médicale
à mourir, mais j'ai des personnes qui ont peur de venir dans nos maisons de
soins palliatifs pour ne pas avoir la piqûre.
Il y a aussi ces gens-là qui ont ce souci-là. Donnons-nous du temps, et je
pense qu'une des recommandations que
je ferais à la commission, c'est de s'assurer assurément que la population...
Hier, on parlait d'un choix. C'est un
choix, hein? Ce n'est pas parce que je suis âgé que je vais avoir la piqûre. Je
vous rappelle que nos patients ont en moyenne 77 ans, donc ils sont
aussi dans un processus de vieillissement aussi en maison de soins palliatifs.
Alors,
soyons vigilants par rapport à garder mobilisés nos conseils d'administration.
50 % de notre financement, à chaque année, doit venir de la
population ou doit venir de la communauté. Pour les Beaucerons, les
Etcheminois, ça représente autour de 700 000 $ par année qu'on doit
aller chercher dans la communauté, donc gardons-les vivantes.
Mme Hébert : J'aimerais
juste ajouter... Merci. C'est très intéressant, mais le temps est court. Je
voulais savoir, dans ce cas, disons qu'on laisse du temps encore de réflexion,
comment vous voyez ça concrètement. Parce que,
là, il y a des gens qui le voient que c'est applicable dans certaines maisons,
qu'il y a cet accès à ce soin, puis là il y en a d'autres que ce ne
l'est pas. Donc, comment vous voyez ça concrètement, là... Puis qu'on veut le
rendre accessible un peu partout au Québec aussi, parce qu'il y a cet accès à
ce soin-là, là, que les gens vont vouloir avoir. Allez-y.
Mme Gamache (Marie-Josée) : Bien,
je voudrais vous dire qu'à l'Alliance des maisons de soins palliatifs, nous
avons créé un comité de vigie sur l'aide médicale à mourir, justement, pour
accompagner nos membres dans cette réflexion-là. Il n'y a personne de mieux
placé qu'une maison de soins palliatifs pour rassurer une autre maison de soins
palliatifs sur comment ce soin-là peut s'installer avec ses équipes, ses
soignants, ses bénévoles. Yannie, ici, a fait cette réflexion-là dans les deux,
trois dernières années pour, encore une fois, instaurer ce nouveau soin là. Et,
dans une équipe qui pratique ensemble depuis des années maintenant, c'est tout
qu'un changement. Il ne faut pas banaliser, on ne peut pas juste dire :
Bon, bien, la loi entre en vigueur le 10 juin, alors au
1er septembre, il faudrait que les maisons, là, «let's go». C'est beaucoup
plus complexe que ça. Je voudrais donner la parole à Yannie pour qu'elle vous
explique comment elle l'a fait chez elle.
Mme Méthot (Yannie) : Même
qu'en 2015 l'équipe de Pallia-Vie, qui est à Saint-Jérôme, justement, avait un
malaise d'accepter, là, en toute harmonie, je dirais, et avec une non-adhésion,
nommée par le groupe, de procéder à l'inclusion de l'AMM. Et, à partir de la
fin 2019, on s'est mobilisés, on s'est rencontrés, on a fait une grande
expérience de travail avec nos bénévoles, nos employés, notre conseil
d'administration, nos donateurs, donc une grande représentation de la
communauté des Laurentides, justement, pour les sonder, à savoir... leur
présenter, dans un premier temps, les informer : Qu'est-ce que sont
définitivement les soins palliatifs? Que sont les soins de fin de vie? Qu'est-ce
que l'aide médicale à mourir? Parce qu'avant de sonder notre équipe, notre
communauté, c'était important d'informer les
gens des différentes nuances qui existent dans ce spectre-là. Et, en janvier
2020, on a procédé à un sondage où on demandait si l'aide médicale à
mourir pouvait être dispensée à Pallia-Vie. 81 % des répondants étaient
favorables comparativement à 2011 ou 2012, où c'était pratiquement l'inverse
qu'il y avait seulement que 20 % des gens qui pouvaient être favorables.
Il y a une progression dans le temps. Il y a un
cheminement collectif harmonieux, où nous, on prend soin de nos patients, on
prend soin de nos petits groupes, bien, on prend soin de nos équipes aussi pour
cheminer, pour travailler ensemble. Et, à partir du moment où on a eu une
adhésion, une harmonie au sein de l'équipe, on a implanté l'aide médicale à
mourir chez nous. Le travail aux soins, avec l'équipe, l'équipe
interdisciplinaire, ça permet à eux, tous ensemble, de continuer d'accompagner
les patients, les familles, avec la valeur distinctive qu'on est capables
d'ajouter en maison de soins palliatifs. Depuis que c'est rendu disponible chez
nous, bien qu'on accueille entre 200 et
225 patients par année, nous n'avons eu que quatre demandes d'aide
médicale à mourir. Donc, il y a eu un cheminement à travers les quatre,
cinq premières années.
Le Président (M. Provençal)
: ...Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : M. le ministre,
est-ce que vous avez des questions?
M. Dubé : Non, non, vas-y. Vas-y,
Nancy.
Mme Guillemette : Merci de vous être
déplacées pour venir nous présenter votre point de vue. Nous, notre
préoccupation, c'est justement... Puis là vous me dites qu'il y a un corridor
entre la maison de soins et le centre hospitalier. Est-ce qu'il y a une salle
ou une chambre qui est aménagée pour ça ou on fait ça dans une chambre
d'hôpital qui est froide, puis qui est impersonnelle, et anonyme, ou...
Mme Gamache (Marie-Josée) : Bien, en
fait, effectivement, on utilise une chambre d'hôpital, hein? Mais au-delà de
l'environnement, ce qui reste auprès du patient, c'est le personnel soignant,
qui l'a toujours accompagné, qui lui reste pendant la procédure. Alors, pour la
personne qui reçoit le soin, il est entouré des gens qu'il aime, de ses soignants, il est entouré de sa famille. Et, après
le soin, la famille revient à la Maison Catherine, pour encore être
entourée, et être aimée, et être portée.
Donc, est-ce que, pour la Maison Catherine, c'est... ou même le patient... les
patients nous parlent d'un enjeu si
grand autour de ça? La réponse, c'est non. Leur enjeu à eux, ce n'est pas ça.
Leur enjeu à eux, c'est de s'accompagner eux-mêmes, d'accompagner leur
famille, de s'assurer d'avoir le soin, d'assurer d'avoir les évaluations dans
le bon moment. Tout ça se fait très bien.
Et, juste pour comparer les statistiques, nous,
on a accompagné six patients d'aide médicale à mourir à travers le processus.
Mme Tschiember (Marie-Julie) : Sans
la dispenser dans vos murs?
Mme Gamache
(Marie-Josée) : Sans la dispenser dans nos murs, mais on continue
d'accompagner. Et le patient et sa famille se sentent tout à fait bien
accompagnés, parce que, souvenez-vous, quand on arrive à l'aide médicale à
mourir, il y a toute une prémisse avant. Alors, tous les rituels, tout
l'accompagnement se font déjà dans les maisons de soins palliatifs avant
d'arriver à l'acte terminal. Alors, la chambre froide, pour le patient, ce
qu'ils nous disent, et la famille, ce qu'ils nous disent,
ce n'est pas un enjeu chez nous. C'est sûr que le patient ne prend pas une
ambulance, il est...
Alors, c'est pour ça
que chacune des maisons a sa spécificité, et là on rentre dans les spécificités
de chacun. Alors, soyons vigilants dans l'imposition de quelque chose, parce
qu'il y a peut-être une complexité dans la spécificité qui peut nous échapper.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup, Mme Gamache. Alors, je vais céder maintenant la parole à la
députée de Mille-Îles.
• (12 h 40) •
Mme
Charbonneau : Merci, M. le Président. Comme mes collègues, je vais
vous dire : Bienvenue chez vous. Puis merci d'être là en personne, c'est
toujours plus intéressant d'avoir une interaction comme celle-là, malgré que
les gens qu'on voit en vidéo sont tout aussi intéressants.
Je vais poursuivre en
disant... Une petite parenthèse pour dire merci, merci d'avoir revu le
financement. Je pense que c'est important, ça donne un vent de fraîcheur à ces
gens-là qui sont dans les conseils d'administration et ça fait en sorte qu'on
puisse reconnaître le leadership que vous avez chacun chez vous, dans vos
choses.
Je ne peux pas faire
autrement que de dire merci à l'ensemble de vos bénévoles. Vous l'avez bien
dit, votre financement, c'est une chose, votre quémandage, c'en est un autre.
J'en ai fait des soirées, des bals, j'ai vu bien des artistes venir faire des
spectacles. À Laval, on a une maison de soins palliatifs qui devient un
pro du quémandage, parce que vous survivez avec l'argent que la communauté veut
bien vous donner. Et merci de spécifier que c'est les grandes entreprises qui
prennent le pas d'avance sur le citoyen, qui aimerait bien vous donner beaucoup
de sous, mais, des fois, n'en a pas beaucoup lui-même.
Puis
vous êtes nécessairement arrivés avant la réflexion de l'aide médicale à
mourir. Je vous dirais qu'en 2009, dans la grande tournée, ça a été une
question qui a été souvent ramenée sur la différence entre les soins palliatifs
et l'aide médicale à mourir.
Chez nous, à Laval,
quand on rentre à la maison de soins palliatifs, on n'en sort pas. Quand on en
sort, ce n'est que le corps. Le coeur y reste parce que la vie s'est terminée.
La famille fait un processus avec la maison, et ça, c'est un travail qui est
exceptionnel.
Voici
où j'ai une difficulté. L'amendement ou la loi qu'on veut apporter, qui va
venir modifier l'aide médicale à mourir,
c'est pour les gens qui feraient la demande préalable. Donc, souvent, quand
vous les acceptez chez vous, ils ont toute
leur tête. On n'est pas en démence, on n'est pas une léthargie, on est vraiment
avec des gens qui ont eu des mauvaises nouvelles
et que cette nouvelle-là vient avec quelquefois une date de péremption. Ça
vient avec un moment où on va leur dire :
Ça s'en vient, ça se peut que... puis il vous reste peut-être trois mois, six
mois. Puis là la porte de la maison de soins palliatifs, puis le
mot «maison» prend toute son importance, là, c'est une chambre, c'est un
accueil, c'est une équipe.
Si je suis obligé de
sortir de là pour avoir l'aide médicale à mourir, je ne suis plus en soins. Je
suis dans un contrat où on me dit : Tu ne peux plus être chez nous, parce
que, chez nous, on va attendre que tu meures. Ce n'est pas ce que... Je sais
que ce n'est pas ça que vous faites. Je vous dis... Je vous lance un peu un
défi. Chez nous, je vais attendre que tu meures. Puis là tu as choisi d'arrêter
de souffrir puis de... Tu as choisi ta date. Donc, on ne le fera pas chez nous.
Puis je vais être un peu «rough», mais je vous dirais que dans un tunnel, dans
une ambulance ou même traverser la rue, c'est inacceptable de me sortir d'un milieu
de vie où je me sens dans un cocon. Puis là on va me dire : Parce que tu
fais un choix, tu vas sortir d'ici.
Je comprends que
l'article 9 est bousculant. Je vous dirais... J'ai le goût de vous lancer
le défi de comment on peut l'écrire pour laisser le temps faire son temps ou
pour... On ne tire pas sur les fleurs, comme disait mon collègue, on ne tire
pas sur les fleurs pour les faire pousser. Comment je fais pour l'écrire, pour
permettre à une maison de soins palliatifs de lever la main puis de dire :
Je suis prête, mon conseil d'administration est prêt. On a le goût de faire ce
soin de fin de vie là, plutôt que de dire : Je suis obligé de remettre en
question puis je n'ai pas le goût d'être dans la loi. Comment je peux vous
inclure dans ma décision plutôt que de vous exclure?
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : C'est une question qui est très sage, et votre
introduction était émotive. Je veux juste apporter quelques précisions. Les
maisons de soins palliatifs ont généralement un critère d'espérance de vie de
deux, maximum, à trois mois. On n'est pas dans le trois à six mois, on est
vraiment dans le deux à trois mois. Or, on est encore une réunion toute la...
vendredi dernier, toute la journée, et notre durée moyenne de séjour en est en
moyenne à peine 14 jours, si bien que les gens entrent chez nous de plus
en plus tard.
Et on en voit, nous
autres aussi, des histoires d'horreur. Vous parlez de patients transférés alors
qu'ils ont choisi leur date, et qu'ils ont quand même accepté d'avoir des soins
palliatifs, et qu'ils ont demandé à la maison... sachant qu'elle n'y
donnait pas accès, c'est un choix qu'ils ont fait en pleine conscience, parce
qu'ils voulaient quand même avant le bonheur d'être traités dans une maison de
soins palliatifs. Mais l'inverse aussi se vit chez nous. On accueille des gens
parfois moribonds, carrément moribonds. Puis excusez, là, je... mon temps...
mon ton monte, mais c'en est... c'est une désolation immense pour nous de
recevoir des patients en provenance... en transfert de l'hôpital ou rarement du
domicile, mais c'est souvent de l'hôpital.
M. Dubé : ...que
vous voulez dire par «moribond»? Je veux être certain que je comprends le
contexte.
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : Bien, «moribond», on est à l'article de la mort, M. le
ministre, il ne nous reste pas quelques jours, là, c'est quelques jours,
quelques heures. Il y en a même, les pires histoires, ils sont décédés dans le
transfert entre l'hôpital et la maison de soins palliatifs.
Alors, de l'autre côté,
nous aussi, on vit des situations comme celle-là où on se dit : Mais
pourquoi est-ce qu'on n'a pas fait appel à nous plus tôt? Et là ce que je veux
vous ramener, c'est à accepter que pour huit maisons actuellement au Québec,
j'aimerais d'abord qu'on cesse de dire que les maisons ne donnent pas accès. Il
y en a 80 % des maisons qui y donnent accès actuellement. Il ne reste
qu'une infime partie de ces maisons-là qui, pour les raisons qui leur sont
propres, ne sont pas prêtes. Et viendra peut-être un temps. Est-ce que
Marie-Josée peut dire cette année, ou l'année prochaine, ou d'ici cinq ans?
Elle verra avec sa communauté, ses bénévoles, son conseil d'administration, ses
médecins. Hier, j'entendais quelqu'un, ici même, vous témoigner que c'est à
cause des communautés religieuses et que... On n'est pas là, là. On est
vraiment dans le libre choix et l'accompagnement doucement, sereinement, en
harmonie avec nos valeurs.
Et je comprends qu'on devienne émotif. Je dirige
la maison qui a été la toute première à lever la main, mais je comprends
l'hésitation de mes consoeurs. Chez nous, à Drummondville, on a parfois des
patients qui rentrent chez nous en nous disant : Vous n'allez pas me
donner la piqûre, hein, là? Bien, non, monsieur, on ne vous donnera pas... Oui,
oui, je le sais, vous faites ça, ici, vous autres. En effet, on y donne accès,
mais on ne vous donnera pas la piqûre, si vous ne voulez pas.
Donc, l'éducation à la population... et c'est ce
que j'aimerais que vous reteniez ici aujourd'hui : le libre choix, le
respect du rythme et surtout combien il est important d'informer la population
sur leur droit de demander des soins
palliatifs bien avant qu'il reste trois jours et quart. Les gens doivent
demander à leur médecin traitant d'avoir accès à des spécialistes de soins palliatifs. Et on pourra en parler, si
on a le temps, des soins palliatifs à domicile. M. le ministre me questionnait tantôt là-dessus :
Comment est-ce que les maisons de soins palliatifs... On détient
l'expertise dans 37 communautés de chez nous. On veut développer des
centres de jour. On a, pour certains d'entre nous...
Yannie et moi avons déjà des équipes qui vont à domicile. C'est aussi ça, selon
moi, l'évolution de cette loi-là, de l'accessibilité à des soins de fin
de vie, à l'aide médicale à mourir. Mais le tout, l'enjeu, c'est de le faire
harmonieusement, sans contraindre personne. J'espère qu'on va réussir à vous
convaincre aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Charbonneau : Merci, M. le
Président. Le président me disait qu'il nous restait deux minutes, donc je le
remercie pour ça. Puis vous avez le droit de lever le ton, vous êtes chez vous
ici. Puis des fois, la passion, c'est ça que ça fait, ça fait qu'il n'y a
vraiment pas de souci.
J'aurais aimé échanger plus sur les soins à
domicile, mais ce sera pour une autre fois, on aura ce plaisir-là. Quelqu'un
juste avant vous, dans le droit, nous disait : Peut-être qu'il y a une
réflexion à faire sur deux projets de loi, un sur les soins palliatifs, un sur
l'aide médicale à mourir. La parenthèse qu'on ouvre, cette fois-ci, c'est sur
la demande anticipée. Donc, je comprends pour l'article 9, mais, si quelqu'un
levait la main pour une aide anticipée et demandait accès à une maison de soins
palliatifs, comment vous sentez vous là-dedans?
Mme Tschiember (Marie-Julie) : Excellente
question. C'est un enjeu... Ça nous prendrait encore une autre heure pour en
discuter ensemble, là, parce que, pour nous, la majorité des maisons qui y
donnent accès... donc, dans les 28, c'est un des critères explicites, dans les
ententes de services avec les CISSS et CIUSSS respectifs, que nous
accompagnerons et donnerons accès pour nos patients, que nous avons déjà
soignés. Et je peux vous témoigner ceci aujourd'hui, à titre de D.G. de la
Maison René-Verrier, j'ai personnellement accueilli des patients qui, en
arrivant, je les pousse avec leur chaise roulante, et je les installe dans leur
chambre, et ils me disent : Je suis tellement épuisé de souffrir, je veux
une aide médicale à mourir. Ils rentrent, ça fait deux secondes qu'ils sont là,
et ils manifestent un intérêt de dire : Je suis tellement épuisé, je n'en
peux plus. Or, on leur dit tout le temps : On va commencer par vous
installer pour cette nuit. Demain, on va voir si vous avez faim. On va s'en
reparler de ça, et, dans neuf cas sur 10, la demande n'arrive jamais.
Alors, qu'est-ce qu'il faut comprendre
là-dedans? Il faut comprendre que les gens qui y pensent, non seulement ils ont
peur de souffrir, évidemment, mais, des fois, ils souffrent tellement parce
qu'ils n'ont pas eu accès à des soins palliatifs de qualité, ils n'ont pas vu
leur médecin de famille depuis longtemps ou, voire pire, ils n'en ont même pas
de médecin de famille. Encore une fois, mes collègues vous ont donné leur
nombre d'aides médicales à mourir, je vais me permettre de le faire. De 2015 à
2020, alors que nous y donnions accès depuis le début, ça a pris deux ans avant
qu'on ait une première demande, donc la première demande est arrivée en 2017.
De 2017 à 2020, on en a fait huit. En 2021, on en a fait huit autres
supplémentaires. On a doublé notre nombre, on est maintenant à 16. Qu'est-ce
qui s'est passé en 2021?
• (12 h 50) •
Le Président (M. Provençal)
: Je dois vous interrompre, madame.
Merci. Je dois vous interrompre et céder la parole au député de Rosemont.
Merci.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Merci d'être là, en personne en plus, c'est un bonus.
Moi, je n'ai pas de maison de soins palliatifs, là, dans ma circo, sauf une qui
est Le Phare, enfants, familles pour les enfants, dont il n'est pas question
ici, là. On a mis ça de côté assez rapidement dans l'étude, là, de l'aide
médicale à mourir. Puis dans le grand sac de mes petits regrets, j'en traîne un
depuis longtemps, vous vous souviendrez peut-être de Suzanne Tremblay, ancienne
députée du Bloc québécois, qui avait participé à la naissance d'une maison de
soins palliatifs à Rimouski, la Maison Marie-Élisabeth. Puis je vous dis ça
comme ça, parce que ça va alléger un petit peu les discussions, je m'étais liée
d'amitié avec Suzanne, parce qu'on a fait beaucoup de télé ensuite après, puis
elle voulait donc que j'aille visiter sa maison, tout ça.
Puis je ne suis pas allé, hein, on remet toujours ça. Bref, je pourrais y
aller, même si Suzanne nous a quittés.
Je reviens au coeur
de nos discussions sur l'obligation faite aux maisons de soins palliatifs
d'offrir... Je sais que c'est sensible, là, puis je vous entends, là. Je vous
entends. Dr Lussier, hier soir, je ne sais pas si vous avez pu écouter, il
était quand même assez tard, nous disait comprendre vos réticences, puis il
était empathique, mais il disait :
Souvent, les maisons de soins palliatifs vont prendre ça comme un aveu d'échec.
Des maisons de soins palliatifs vont dire : Si les gens le
demandent puis qu'on l'offre, c'est que c'est contre-productif — «it
defies the purpose», comme on dit en anglais — puis c'est donc qu'on ne
donne pas des bons soins. Je vous vois dire non, là, de la tête. Je vous laisse
la parole après.
Mais moi, ce que je
ne voudrais pas, là, c'est que ça devienne un concours entre le soin palliatif
puis l'aide médicale à mourir. Les deux sont un droit. Il y a des lacunes
immenses dans les soins palliatifs, ça a été dit ici. Ça a été dit notamment,
hier, ici, par Dr L'Espérance, qui est quand même un des médecins les plus
favorables à l'aide médicale à mourir, mais il a dit lui-même,
textuellement : L'aide médicale... pas l'aide médicale, mais les soins
palliatifs au Québec arrivent trop tard. Alors, tout le monde s'entend
là-dessus, mais comment on réconcilie le fait que l'obtention de l'aide
médicale à mourir, c'est un droit? Et ça ne remet pas en question la mission de
vos maisons, c'est une question de droit des personnes qui choisissent ça.
Comment on réconcilie ça, nous, avec ce qu'on fait ici?
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : J'ai envie de vous dire que le propos que vous venez
d'énoncer ne se partage pas ou ne se vit pas comme ça alentour de la table, à
l'Alliance des maisons de soins palliatifs. Cela dit, j'acquiesce que j'ai déjà entendu, à la télévision ou dans d'autres
études, dans d'autres entrevues, des médecins pouvoir penser ainsi, mais
j'ai de la misère à vous répondre, là. Puis je regarde Yannie puis je regarde
Marie-Josée, pour nous, ce n'est pas ça qui
se vit. Ce n'est pas que le médecin n'est pas... a l'impression de faire un
constat d'échec que c'est parce qu'on vous a mal soigné. On n'est pas là
non plus, et je ne pense pas que dans les maisons, les huit maisons qui
demeurent en statu quo, je ne pense pas qu'on soit là.
Mme Gamache
(Marie-Josée) : J'ai envie de dire que ce n'est pas du tout en
opposition. Il est clair que, dans les 30 dernières années, on a
accompagné 4 000 personnes dans un soin de fin de vie. On a
probablement un meilleur recul qu'un patient, parce que lui, c'est sa seule
expérience. On est capables de dire, généralement, pour les
4 000 personnes : Voici comment ça se passe. Mais c'est loin
d'être en opposition.
Puis, je veux dire,
notre constat d'échec, il n'est pas là. Le constat d'échec qu'on vit
actuellement, c'est de dire non. Actuellement, j'ai plus de demandes que de
capacité à offrir des soins palliatifs à la Maison Catherine de Longpré, et ça,
c'est un grand constat d'échec. Prenez un peu de recul, la plupart de ces
gens-là ont donné en maison de soins palliatifs, et, quand est venu le temps
d'utiliser les maisons de soins palliatifs pour eux ou pour un proche, on leur
dit : Désolé, on n'a plus de place. Ça, c'est un grand constat d'échec.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup. Je dois céder la parole maintenant à la députée de Joliette.
Mme Hivon : Bonjour.
Merci beaucoup. Je suis vraiment heureuse de la diversité de vos expériences,
de vos points de vue. Je pense que vous cassez beaucoup de mythes. Vous faites
bien de le dire, il y a plein de gens qui disent : Les maisons de soins
palliatifs ne le donnent pas, elles sont toutes noyautées par plein de monde.
Donc, je pense, vous êtes une belle combinaison.
Moi, je pense qu'à
l'époque on a fait le bon choix, qui était de respecter l'autonomie de chacune
et de dire : On ne braquera pas les maisons de soins palliatifs. Parce
qu'il y avait beaucoup de résistance, à l'époque, il faut se le dire, du milieu
des soins palliatifs par rapport à l'aide médicale à mourir. Et moi, je trouve
que l'histoire nous donne pas pire raison, parce que 28 sur 36 qui l'offrent,
alors que, la première année, vous pourrez me rappeler, là, mais au départ, il
y avait vous, mais il y en avait deux, hein? Puis là il y a même
Michel-Sarrazin qui a embarqué. Puis si, à l'époque, vous vous rappeliez les
représentations de Michel-Sarrazin, on était ailleurs, c'étaient les épouvantails,
puis tout ça. Donc, ils ont beaucoup évolué aussi.
Deux
choses qui étaient très importantes, par ailleurs, c'était l'obligation de dire
aux gens, de manière totalement transparente, quand il y a une demande
d'admission, que les maisons ne l'offrent pas. Pour celles qui ne l'offrent
pas, je veux savoir si ça, c'est respecté en tout temps, puis quel genre de
réaction ça provoque. Est-ce qu'il y a des gens qui disent : Bien, moi, je
n'irai pas chez vous parce que c'est une option que je ne veux pas écarter?
Les transferts, les
fameux transferts... On entend ça aussi, là, il y a eu un des témoins qui nous
a dit : Là, on transfère du monde en hôpital l'hiver, c'est terrible,
c'est inhumain. J'avoue que c'est plutôt inhumain, de mon point de vue. Comme
vous le racontez, ça a l'air très, très formidable, mais est-ce que c'est le
cas pour toutes les maisons?
Puis l'autre question
que je veux dire, c'est sûr que vous avez un caractère d'OBNL, ça fait que
c'est ça, l'enjeu, je pense. Mais d'un autre point de vue, je pense, le débat
mérite de se faire quand même, là, parce qu'on est sept ans plus tard. On dit
que vous êtes quand même financés à grande hauteur par les fonds publics — là,
ça vient d'être réajusté, ça fait que ça, c'est mieux — mais
donc comment... Oui, vous êtes un OBNL, mais vous êtes fortement financés par
le public. Est-ce que, donc, vous ne devriez pas être des extensions puis
considérées comme telles? Je vous donne l'ensemble des arguments. Ça fait que
je pense qu'il y a ça aussi. Puis est-ce que sept ans, c'est quand même une
période raisonnable d'adaptation, que certains vont dire : Bien là, ils
ont eu sept ans, donc...
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : 80 % d'entre nous, ça a été bien de laisser sept
ans. Maintenant, est-ce qu'il faut faire un
ratio pour les huit autres? Je ne pense pas qu'on puisse calculer ça de façon
mathématique. Concernant l'obligation de le
dire... D'abord, je vous salue, hein, avec beaucoup de respect, notamment, pour
la raison pour laquelle on est ici.
Toutes les maisons
qui ne l'offrent pas, qui ne donnent pas accès, oui, ont l'obligation de le
dire, tout comme celles qui y donnent accès ont aussi l'obligation de le dire,
sauf que, quand on est rendus à l'étape de notre vie où on fait une demande
d'admission dans une maison en soins palliatifs, des fois, on est dans
l'émotion, hein? Il y a des choses qu'on n'entend pas ou qu'il faut se faire
redire une, et deux, et trois, et quatre fois, et c'est tout à fait normal. Ces
gens-là entrent dans une période intensive, très, très émotionnelle de leur
vie.
Donc, je serais prête
à mettre ma main au feu que toutes les maisons le disent d'emblée. Maintenant,
est-ce que cette information-là peut se perdre dans le flot de tout ce qu'on a
à assimiler quand on fait une admission? Je serais aussi portée à croire que
oui.
Le Président (M.
Provençal)
: Je
m'excuse. C'est parce qu'on est coincés dans le temps, Ppis je vais céder la
parole à la députée de Maurice-Richard. Je m'excuse, Mme la députée de
Joliette.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Bonjour à vous trois.
Et je n'ai pas beaucoup de temps aussi, je vais être brève dans ma question.
C'est sûr que c'est une question très sensible, puis je vous remercie aussi,
tout comme ma collègue, de venir nous exposer les chiffres puis la situation.
Moi, j'ai l'Hôpital Marie-Clarac qui est dans ma circonscription, donc, un des
ou le centre de soins palliatifs...
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : Ce n'est pas une maison, Marie-Clarac. Je m'excuse de
vous couper, mais Marie-Clarac n'est pas une maison de soins palliatifs.
Mme
Montpetit : Elle fait des soins palliatifs.
Mme Tschiember
(Marie-Julie) : C'est un hôpital. Ce n'est pas du tout la même chose,
pas du tout.
Mme
Montpetit : Elle fait des soins palliatifs, c'est ce que je voulais...
ce que je mentionnais, et ça avait été fait... ça ne s'était pas fait sans
ambages à l'époque, quand la loi a été déposée, de s'assurer que les soins de
fin de vie soient donnés à l'Hôpital Marie-Clarac. Et hier, il était mentionné
justement qu'il y avait eu un changement de positionnement, en fait, sur ces
questions-là. Puis c'est vrai que c'est un hôpital où... qui est
extraordinaire, là, qui est vraiment extraordinaire. Les soins qui y sont donnés
sont magnifiques. Ce n'est pas pour rien que les gens souhaitent y aller aussi.
Mais
j'en suis un peu aussi sur la question de : Est-ce que sept ans, ce n'est
pas une période suffisante, justement, pour
avoir cheminé? Est-ce que... Puis j'entendais que vous n'êtes pas fermés, s'il
devait y avoir peut-être des précisions sur un temps, de donner un temps. Ce qui est important aussi, c'est que
ce ne soit pas appliqué du jour au lendemain, ce que je comprends bien, là, à la limite, là, mais que,
s'il y avait peut-être une notion de temps, ça pourrait faire une
différence?
• (13 heures) •
Mme Tschiember (Marie-Julie) : Bien,
en tout cas, si on peut gagner ça, à défaut de faire enlever
l'article 9, assurément. Mais j'ai de la misère à vous dire, cinq ans, sept
ans, 10 ans, laisser au temps le temps de faire son temps, laisser au
temps... aux communautés de continuer d'évoluer, et on s'engage à aider et à
continuer d'être là pour tous nos membres pour que cette évolution-là se fasse
de façon harmonieuse, assurément.
Et, oui, nous sommes
financés simplement à 50 %, et c'est correct parce que, la communauté,
c'est par et pour eux autres qu'on existe. S'il fallait qu'on soit financé à
100 %, on perdrait tout contact avec notre communauté, puis ce n'est pas
ça qu'on veut. On aime aller au-devant de notre communauté. On est là pour eux
autres et on est...
C'est une question
délicate. Je vous remercie de nous écouter, puis on vous sent, en tout cas,
remplis, quand même, de compassion puis on vous remercie de le faire. Mais
j'espère que... Mme Hivon disait tantôt : Ils ont fait le bon choix,
à l'époque, de laisser libre choix aux maisons. Il n'y en a que huit. Il y a
deux maisons qui sont en train de se faire
bâtir. Donc, on va devenir 39 maisons d'ici les 18 prochains mois, et
ces deux maisons-là sont déjà en train de dire qu'elles vont donner accès à l'aide médicale à mourir. Donc, ça
s'en vient. Laissez au temps le temps de faire son temps.
Le Président (M.
Provençal)
: Votre
message a été très bien reçu, madame... mesdames, je devrais dire. Alors, je
vous remercie de votre contribution.
Sur ce, je suspends
les travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
13 h 01)
(Reprise à 15 h 06)
Le Président (M.
Provençal)
: Bienvenue
à tous. La commission de la... au niveau de la... Ça va-tu? Oui... pour la
commission de la santé et services sociaux.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi concernant les
soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.
Cet
après-midi, nous entendrons les personnes et groupes suivants : le Réseau
FADOQ, la Dre Michèle Marchand et l'Ordre des psychologues du Québec. Je
demanderais le consentement pour que la députée de Sherbrooke puisse prendre
place... remplacer le député de Rosemont. Consentement? Merci beaucoup.
Alors, je
vais maintenant souhaiter la bienvenue aux représentants du Réseau FADOQ. Vous
aurez 10 minutes pour votre exposé.
Par la suite, nous procéderons à la période d'échange. Alors, je vous cède
immédiatement la parole.
Réseau FADOQ
Mme Tassé-Goodman (Gisèle) : M. le
Président, je vous remercie. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman,
présidente du Réseau FADOQ. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Danis Prud'homme, directeur général... ainsi
que Philippe Poirier-Monette, conseiller aux relations gouvernementales.
Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes
de 50 ans et plus qui compte près de 525 000 membres. Dans
chacune de nos représentations politiques, nous souhaitons contribuer à
l'amélioration de la qualité de vie des aînés d'aujourd'hui et de demain.
D'abord, j'aimerais remercier les membres de la commission pour cette
invitation à exprimer le point de vue du Réseau FADOQ sur le projet de loi
n° 38 qui propose de modifier la Loi
concernant les soins de fin de vie. Il s'agit d'un sujet important et délicat
sur lequel l'ensemble des partis politiques de l'Assemblée ont oeuvré en
collégialité. À ce propos, nous aimerions profiter de l'occasion afin de saluer
le travail transpartisan des députés qui siégeaient au sein de la Commission
spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
D'office, ce projet de loi est bien accueilli
par le Réseau FADOQ. L'impossibilité de formuler une demande anticipée d'aide
médicale à mourir était fréquemment dénoncée. Notre organisation est satisfaite
des paramètres qui encadrent cette nouvelle forme de demande. Le caractère
libre et éclairé des demandes est mis de l'avant. Il importe également que le
demandeur ait bien compris la nature de son diagnostic et soit informé de
l'évolution prévisible de la maladie et du pronostic relatif à celle-ci ainsi
que des possibilités thérapeutiques envisageables et de leurs conséquences.
Comme pour les demandes contemporaines, une personne apte à consentir aux soins
peut, en tout temps, retirer sa demande anticipée au moyen d'un formulaire. Il
s'agit d'aspects primordiaux, et le Réseau FADOQ se permet de souligner leur
importance.
Cela étant, le Réseau FADOQ ne souhaite pas
participer au débat entourant les critères d'admissibilité à l'aide médicale à
mourir. De nombreux experts contribuent à ces analyses, et notre organisation n'a
pas la prétention de faire partie du lot.
Pour le Réseau FADOQ, il importe essentiellement que l'autodétermination,
l'autonomie, le libre choix et la dignité du patient soient mis de
l'avant. Néanmoins, nous souhaitons attirer l'attention des législateurs sur
d'autres aspects du projet de loi et soumettre quelques réflexions.
• (15 h 10) •
Le projet de loi n° 38 favorise le
décloisonnement des professions du domaine de la santé notamment en permettant
aux IPS d'administrer la sédation palliative et aux infirmières de dresser un
constat de décès. Il s'agit d'avancées que notre organisation salue, et nous
encourageons le gouvernement du Québec à intensifier et accélérer ce
décloisonnement hautement nécessaire dans un contexte de pénurie de
main-d'oeuvre.Cette pénurie est d'ailleurs inquiétante pour la
population du Québec. Les soins de longue durée du Québec ont mauvaise presse
et les soins à domicile ne suffisent plus à la demande.
Plusieurs éléments plombent actuellement la
confiance des Québécois envers notre système de santé. Il importe que les
individus réfléchissent à l'aide médicale à mourir en fonction de leur volonté,
de leur dignité et de ce qu'ils souhaitent comme fin de vie. Il ne faut pas que
l'état du système de santé du Québec entre dans cette réflexion qui doit être personnelle. Malheureusement,
certains craignent un manque de soins, réfléchissent à l'impact du
nombre de malades atteints par une maladie neurocognitive majeure sur le
système de santé ou ne souhaitent pas, à tort ou à raison, finir dans un CHSLD.
La population du Québec doit avoir confiance en son système de santé. Il en va
de la responsabilité du gouvernement du Québec de maintenir ce lien de
confiance. Cela signifie travailler sur la pénurie de main-d'oeuvre, offrir des
soins à un niveau convenable, notamment des soins à domicile, en fonction des
besoins de la population et assurer un
nombre de places suffisantes dans les milieux d'hébergement et de soins de
longue durée.
L'état des soins palliatifs au Québec doit
également être amélioré. En 2020, le rapport d'un groupe de travail national
sur les soins palliatifs et de fin de vie soulignait quelques constats,
notamment l'inégalité quant à son accès, le manque d'information et de
formation, l'organisation déficiente au regard des ressources matérielles et
humaines investies. Le système de santé privilégie les soins de courte durée,
surtout dans les derniers mois de vie, alors qu'il est nécessaire que
l'intégration des soins palliatifs soit effectuée plus tôt dans la trajectoire
de la maladie dans divers contextes de soins.
Par ailleurs, il existe des initiatives au
Québec qui mériteraient d'être employées sur l'ensemble de notre territoire.
C'est notamment le cas des équipes de soins intensifs à domicile, les SIAD. Les
SIAD sont des équipes médicales intensives palliatives à domicile, intégrées
aux équipes de soins à domicile des CLSC. Ces équipes font plus que des soins à
l'agonie lors des derniers jours de vie, ce sont des soins actifs avec des
soins de confort. Les SIAD sont une solution prouvée, efficace pour réduire en
amont le nombre de patients aux urgences majeures, 65 % moins
d'hospitalisations, 60 % à 65 % de décès à domicile des patients
suivis versus 11 % à l'échelle du Québec. Les coûts de la trajectoire de
fin de vie des patients dans leur dernière année de vie sont réduits de
50 %. Il importe que le gouvernement du Québec s'assure de déployer des
équipes SIAD partout sur le territoire québécois. Par ailleurs, ces équipes
pourraient également se déplacer pour prodiguer de l'aide médicale à mourir, ce
qui bonifierait son accès.
Finalement, le Réseau
FADOQ souhaite aborder la question des maisons de soins palliatifs, lesquelles
ne pourront plus, selon le projet de loi n° 38, exclure l'aide médicale à
mourir des soins qu'elles offrent. Bien que notre organisation soit favorable à
cette disposition, il importe que le gouvernement du Québec améliore le soin
aux maisons de soins palliatifs, particulièrement dans un contexte où elles
devront obligatoirement offrir un service supplémentaire. En 2020, la
commission des soins de fin de vie soulignait que la très grande majorité des
maisons de soins palliatifs faisaient face à une situation financière difficile
et que des enjeux de précarité de la main-d'oeuvre étaient sous-jacents.
J'aimerais remercier les membres de la
commission de nous avoir écoutés. M. Prud'homme répondra à vos questions.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé.
Alors, nous allons débuter cette période d'échange avec M. le ministre. C'est à
vous, la parole.
M. Dubé : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, Mme Tassé-Goodman, merci beaucoup. Je dois vous dire
que, quand j'ai pris connaissance de votre mémoire, j'ai triché un peu puis je
suis allé voir à la fin. Je suis allé voir vos recommandations et je dois vous
dire qu'en partant je suis d'accord au moins avec trois des quatre. Ça fait
que, déjà, on s'entend assez bien.
Et je vais vous dire pourquoi je voudrais vous
entendre un petit peu sur celle où je veux avoir un peu de précision. Vous
dites que le gouvernement du Québec mette en place un forum regroupant les
principaux ordres professionnels du réseau de la santé afin qu'une réflexion
soit entamée sur le décloisonnement des professions. Je dois vous dire que
c'est déjà commencé. On a rencontré les différents... ce qu'on appelle le
conseil des ordres professionnels. C'est bien ça? On l'a rencontré pas plus
tard qu'il y a deux semaines pour lancer cette discussion-là.
Votre deuxième, je pense que c'est ce qui est le
plus difficile à faire, mais sur laquelle on va travailler, là, c'est quand
vous dites que le gouvernement rétablisse la confiance des citoyens envers leur
système de santé, puis là vous parlez... en disant... en embauchant du
personnel, en augmentant l'offre puis en ouvrant suffisamment de places en
hébergement et soins de longue durée. Donc, d'accord avec ça, mais ça, c'est en
cours.
Le troisième, c'est sur celui-là que j'aimerais
insister, que le gouvernement du Québec s'assure de déployer des équipes SIAD.
Vous venez d'en parler durant votre présentation, puis je veux un peu vous
entendre là-dessus, parce que, pour moi,
c'est... je l'ai dit dans... je l'ai écrit dans le plan de santé que c'était un
élément important de succès.
Et que... le dernier point, que le gouvernement
améliore le soutien aux maisons des soins palliatifs, c'est ce que vous venez
de dire, dans un contexte où elles devront obligatoirement... En ce moment,
c'est ce que propose le projet de loi. Est-ce que ça va finir comme ça lorsqu'on
aura discuté avec tout le monde? Je pense que tout le monde, mes collègues, on
a tous été saisis d'une excellente présentation qu'on a eue ce matin ou un
petit peu plus tôt aujourd'hui. Alors, ça, on reviendra, là, c'est le point un
peu d'hésitation que j'ai au moment où je vous parle, parce qu'on écoute les
gens qui nous...
Je voudrais revenir sur le troisième, sur la
question des SIAD. C'est tellement important que vous mettiez ça. Puis je ne
vais pas relever toutes les statistiques, mais mes collègues qui sont ici, là,
qui ont le mémoire devant eux... Les statistiques que vous prenez en note, je
pense qu'elles sont basées sur l'expérience de Verdun, à moins que je me
trompe, parce que l'amélioration... hein, c'est bien ça, M. Prud'homme? Je vous
vois hocher de la tête, là... mes collègues, s'ils ne sont pas déjà au
courant... parce que je pense que les gens qui sont ici connaissent très bien
les SIAD, là, donc, les soins intensifs d'aide à domicile, mais qui traitent
particulièrement des soins palliatifs.
C'est une expérience à Verdun, qui existe depuis
quelques années, qui est extraordinaire, mais qui, avant d'être répliquée comme elle se fait à Verdun... on
a besoin de faire des changements, peut-être des microchangements, mais qui sont assez importants, notamment dans la
complicité des médecins et des infirmières, parce que les infirmières
nous viennent des CLSC. Et, du côté des médecins... les médecins, je ne dirais
pas qu'ils respectent totalement... pas la ligne, mais les médecins ne peuvent
pas voir un même patient aussi souvent qu'il le faut dans le cadre de soins
intensifs ou de soins... d'aide à domicile dans le cas de soins palliatifs.
Alors, je veux juste vous rassurer là-dessus
parce que j'en profite, là, vu que vous soulevez ça, qu'il n'est peut-être pas
autant dans le projet de loi qu'on est en train de discuter, mais, comme c'est
une recommandation importante de la FADOQ, je voulais vous dire qu'il va
falloir, nous, qu'on s'assoie avec la FMOQ, entre autres, pour qu'on soit
capables de clarifier avec la RAMQ, parce que la RAMQ empêche les médecins de
pratiquer autant qu'ils voudraient à domicile et de voir sans limite quelqu'un
qui est en fin de vie plutôt que de le voir de façon... trois ou quatre fois
par année. Je résume, là, mais il y a cet enjeu-là. Puis je pense que... Je
sais que vous êtes au courant, mais je veux que les gens qui nous écoutent,
quand ils regardent votre recommandation... parce que je sais combien vous avez
de membres, là, puis je veux que les membres entendent que non seulement je
suis d'accord avec cette recommandation-là,
mais qu'il va falloir faire des aménagements techniques pour être capables de
répliquer cet excellent modèle là à travers le Québec.
• (15 h 20) •
Puis je terminerais sur ce point-là avant de
passer la parole à mes collègues. Tout à l'heure, ce que j'ai beaucoup aimé... Je ne sais pas si vous avez eu la
chance d'entendre les gens du soin palliatif qui étaient là, de
l'association des 30 quelques maisons de soins palliatifs. Ces trois dames-là
nous ont dit qu'eux étaient prêts à venir nous aider pour que les soins
palliatifs qui sont donnés dans une maison stable en ce moment, les 36 ou 38
maisons dont on parle... Ils seraient à l'aise de venir donner leur expérience
dans toutes les régions du Québec pour répliquer ou aider à aller plus vite
dans le modèle de SIAD, dont je parle, de Verdun. Ça fait que je veux juste
partager ça avec vous parce que ça vaut vraiment la peine
de voir les statistiques, comment on est capables de mieux servir les Québécois
qui sont en fin de vie, notamment avec un soin à domicile beaucoup plus poussé.
Ça fait que je n'irai
pas plus loin que ça, parce que je prends déjà beaucoup de temps, mais je
voulais juste, donc, vous dire que je suis d'accord avec vos quatre
recommandations qui sont dans le plan de santé, mais que celui sur les SIAD,
pour moi, il est vraiment important. Je sais que c'est un petit peu... Mes
collègues me regardent passer le temps là-dessus, mais je trouvais que
c'était... Vous avez pris le temps de faire ces recommandations-là. Alors, au lieu de me faire disputer trop longtemps, je vais
passer la parole à mes collègues. Merci beaucoup, Mme Tassé-Goodman,
parce que je suis assez à l'aise avec vos recommandations. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Provençal)
: Mme la
députée de Roberval.
Mme
Guillemette : Merci, M. le Président. Merci à vous trois d'être avec
nous aujourd'hui et de ces quatre recommandations-là. Moi, je vous
demanderais... Puis on a eu, tout à l'heure, l'exposé de l'Alliance des maisons
de soins palliatifs. Je sais que vous dites que vous ne voulez pas rentrer dans
des détails comme ça, mais j'aimerais quand même savoir qu'est-ce que vous
pensez, vous, de l'obligation des maisons de soins palliatifs à administrer
l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous avez une opinion, un avis là-dessus,
ou simplement un danger à nous signaler, ou... oui, allez-y. J'aimerais vous
entendre un peu là-dessus.
M. Prud'homme
(Danis) : Parfait. Merci pour la question. En fait, d'emblée, ce qu'on
disait, c'est qu'on était en accord avec l'article qui mentionnait ça dans le
projet de loi, mais on apportait des bémols à l'effet que ça repose
présentement beaucoup sur des bénévoles, les maisons de soins palliatifs, et
qu'évidemment on va avoir besoin du personnel médical, donc les médecins, les
infirmières, infirmières spécialisées, davantage, et, pour ce faire, donc, ça
va nécessiter un appui additionnel à ces maisons-là parce que, dans un rapport,
on mentionnait qu'il y avait précarité financière. Donc, c'est... oui, ça peut
se faire, mais je pense que c'est oui avec un bémol, parce qu'il faut mettre ce
qu'il faut pour que ça puisse se faire.
Mme
Guillemette : En fait, je pense qu'il y a eu dernièrement des avancées
au niveau des maisons de soins palliatifs, et ils ont eu une substantielle
augmentation. Donc, la recommandation qui avait été faite dans le précédent
rapport a été écoutée, à notre avis, et on a eu une augmentation. Donc, je
crois que ce n'est pas un problème financier pour eux présentement, mais plus
un problème de conscience ou au niveau de, peut-être, une réticence au niveau
des conseils, de leurs conseils d'administration, de leurs membres. Donc, en
tout cas, je vous dirais que, pour la suite, on va travailler avec eux, là,
pour voir à les encourager à une plus grande ouverture.
La proposition du
projet de loi, est-ce qu'elle vous semble suffisamment sécuritaire pour
respecter les volontés des personnes qui souhaitent l'AMM en cas d'inaptitude
en raison de la maladie? Est-ce qu'on devrait mettre plus de... sur certains
aspects, être plus soutenu, plus... ou, pour vous, c'est sécuritaire pour
protéger les personnes vulnérables? Parce qu'on parle d'autodétermination, mais
il faut aussi protéger nos personnes vulnérables. Donc, est-ce qu'on va assez
loin à ce niveau-là?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, je pense que les différentes étapes qui sont incluses
dans le projet de loi... Vous avez parlé
d'autodétermination. Pour nous, ce qui est vraiment crucial, c'est... un, c'est
ça, deux, c'est qu'il y ait une autonomie par rapport à... pour la
personne, qu'il y ait un libre choix éclairé et, finalement, qu'on respecte sa
dignité comme patient. Les étapes qu'on voit, incluant le fait de pouvoir
nommer deux personnes, justement, pour prendre en charge une fois que...
possiblement, une fois qu'on aura décidé de façon éclairée puis suivi tous les
étapes... toutes les étapes, pardon, qu'il y ait quelqu'un qui peut s'assurer
que, par la suite, ça puisse se faire et qu'il y en ait même une deuxième pour
assurer, en cas que le premier... quoi que ce soit, arrive des choses qui...
non-respect ou on ne peut plus le faire... Donc, je pense qu'on est allés avec,
correctement, des mesures à cet effet-là. Pour nous, quand on le voit dans le
projet de loi, ça semble correct.
Mme
Guillemette : Vous dites «deux personnes». Justement, hier, la Chambre
des notaires est venue nous dire qu'une personne serait suffisante. Donc, pour
vous, est-ce qu'on met ceinture et bretelles avec deux personnes ou on écoute
la Chambre des notaires qui nous dit qu'une personne, c'est suffisant?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, écoutez, des fois, on peut penser que c'est ceinture
et bretelles, là, mais on va reprendre des cas où, justement, il pourrait y
avoir la personne, finalement, que... soit qu'elle n'est pas à l'aise, parce
qu'il arrive quelque chose, puis elle ne veut pas décider, soit qu'elle ne
respectera pas la volonté parce qu'elle...
pour une raison quelconque, d'avoir une... C'est un peu comme une famille quand
il y a un conseil de famille... Prenez le cas du curateur, bien, il y a
différentes dispositions à cet effet-là qui sont prises, d'avoir un conseil de
famille, d'avoir au moins quelques personnes. Ça fait que c'est tout simplement
de s'assurer que les volontés... Tu sais, la personne, si elle a nommé
quelqu'un, c'est parce qu'un jour peut-être qu'elle ne pourra plus le faire,
puis, si la personne ne veut pas le faire, bien là, ça veut dire qu'on ne
respecte pas ce qu'elle voudrait faire. Donc, on pense que c'est quand même
quelque chose d'intéressant.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. M. le ministre.
M. Dubé : Oui,
peut-être... M. Prud'homme ou Mme Tassé-Goodman, je n'ai pas la
connaissance, entre autres, de certains députés, dont la députée de Joliette
ici, sur les positions, mais, quand je regarde, je pense que la FADOQ n'a
jamais pris de position comme telle sur l'aide médicale à mourir. Puis je peux
comprendre ou faire certaines hypothèses, mais je voudrais juste vous
demander... Bien, sans vous demander pourquoi, j'aimerais ça savoir comment on
peut aider les gens, parce que vous avez tellement un gros membership que,
souvent, pour quelque chose qui est assez
complexe... Puis je peux vous dire, là, que moi, j'en apprends tous les jours
depuis quelques semaines là-dessus.
Est-ce que... Il y a-tu quelque chose qu'on pourrait faire avec vous pour mieux
expliquer qu'est-ce que c'est, l'aide
médicale à mourir? Parce que ça va devenir assez technique. Avant, on... Là, on
est en train de préciser qu'est-ce que c'est que des demandes
contemporaines, qu'est-ce que c'est que des demandes anticipées, puis les
différences avec le fédéral, puis c'est assez complexe, là.
Alors, les
directives, les inaptitudes, je vous demande un peu conseil parce que je pense
qu'on aurait peut-être... mais, si c'est quelque chose qui est
fondamentalement impossible pour vous, on va le respecter, mais je pense, quand
on regarde le... Je sais que la mission, pour vous, c'est d'améliorer la
qualité de vie des aînés. Je comprends ça, mais, en même temps, j'aimerais ça
savoir si, dans un objectif de mieux informer les gens sur... Puis prenons
l'hypothèse qu'on a un nouveau projet de loi qui est voté, etc. Comment on
pourrait mieux le communiquer aux gens de votre association pour qu'ils soient
plus confortables avec ces notions-là? Je vous laisse un peu là-dessus.
M. Prud'homme (Danis) : Oui. En
fait, les positions qu'on prend habituellement vont toujours respecter, justement, la qualité de vie, là, tout au long...
depuis la première mouture, la première fois, puis c'était de s'assurer
qu'il n'y avait pas de dérapage comme on a pu voir dans certains autres pays.
Ça, donc, on n'est pas contre, mais il y a des choses qu'on doit mettre en place pour baliser et s'assurer que tout
soit fait correctement puis qu'il n'y ait pas de dérapage.
En ce qui a trait à ce que vous mentionnez,
bien, j'allais faire un parallèle avec la modification par rapport au curateur. Il a quand même substantiellement
changé, le régime au niveau du curateur. Et donc ils ont fait deux
choses. Ils ont intégré des organisations pour valider ce qu'ils voulaient
mettre de l'avant, s'assurer qu'ils n'avaient rien oublié, donc, dans l'éducation et dans l'information avec
un F majuscule. Donc, ça, c'est une chose intéressante. Et la deuxième, bien, ils ont développé des modules, des petites
vidéos ou des petites capsules pour que les gens comprennent bien les
points qui sont importants de comprendre lorsqu'il y a une modification.
Et je pense que c'est un peu comme ça qu'il
faudra le faire parce que c'est un débat... Vous l'avez mentionné, c'est un débat qui est, d'un côté, quand même émotif, puis
ils en ont... Comme dans tout débat, il y a deux, ou trois, ou quatre
facettes possibles. Donc, je pense que c'est... l'art de pouvoir réaliser
quelque chose d'intéressant, c'est de très bien informer pour que, justement,
les gens puissent être éclairés.
M. Dubé : Donc, si je comprends
bien, vous voulez que l'effort de communication vienne du gouvernement, ou, en
tout cas, ça peut être de la commission des fins de vie, ou ça peut être...
mais que... mais vous n'auriez pas d'objection à ce que cette information-là
soit donnée à vos membres. Est-ce que je comprends bien? Donc, c'est plus
d'offrir un produit de communication que de, vous, participer à développer ce
produit de communication là. Est-ce que je suis clair dans ma question?
M. Prud'homme (Danis) : Bien,
vous êtes très clair. Dans le fond, nous, on est le véhicule ou on peut aider
en collaborant pour assurer qu'on comprend, et, à ce moment-là, ça, ça va
faciliter au niveau de l'information qui doit être transmise. Le deuxième,
c'est... Évidemment, nous, on parle via nos mémoires, on parle via nos
commissions, mais, pour informer nos membres, ils ont effectivement accès à nos
mémoires, mais je pense que toute information que le gouvernement produit, un
peu comme le curateur et ses capsules, bien, on les diffuse. Donc, on les met
accessibles sur nos outils de communication pour que les gens puissent bien les
voir.
M. Dubé : O.K., bien, ça
m'apparaît clair. Puis, si jamais il y a des collègues qui veulent continuer
sur ce point-là... mais je dois vous dire
que ça m'informe beaucoup, parce que je veux respecter les éléments
philosophiques de votre groupe, là, puis je pense que ça répond à mes
questions. Moi, ça va très bien.
• (15 h 30) •
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup, M. le ministre.
Je vais maintenant céder la parole à la députée de Mille-Îles.
Mme
Charbonneau : Merci,
M. le Président. Mme la présidente, bonjour. M. Prud'homme, on se retrouve
un peu, le temps d'une commission. Je vois que l'originalité de vos lunettes
n'a pas changé. Je vous fais un petit clin d'oeil. Vous avez, le ministre le
mentionnait, un nombre de membres que bien des organisations pourraient
jalouser. Vos membres commencent, si je ne me trompe pas, à 50 ans, mais,
après ça, c'est exponentiel. Donc, vous avez... malgré votre souhait de ne pas
vous positionner par rapport au projet de loi, vous avez quand même la majorité
de la clientèle qui pourrait lever la main puis dire : Moi, je veux faire
des demandes anticipées. Moi, j'ai vu mon conjoint, j'ai vu mes parents, moi,
j'ai été la génération sandwich entre mes parents et mes petits-enfants puis je
veux avoir accès à cette volonté-là de la demande anticipée.
Plusieurs questions ont été soulevées. Je ne
vous amènerais pas nécessairement sur les dédales de la loi, mais il y a des
gens qui nous ont sensibilisés aux principes de la tierce personne. Et vous en
avez parlé avec ma collègue de Roberval, mais il y en a qui nous ont dit :
Il ne faudrait pas que cette personne-là soit rattachée au patrimoine de la personne. Il ne faudrait pas que l'intention soit
vue comme malveillante, s'il est la tierce personne. Puis,
M. Prud'homme, je prends la balle au bond, parce que
vous avez parlé du curateur, puis le curateur a souvent le rôle un petit peu
difficile de s'occuper d'une personne qui n'a plus personne, qui est seule au
monde, puis qui a un patrimoine, puis qu'il faut gérer tous ses avoirs, mais
aussi sa perte cognitive, aussi sa résidence et tout ce qui vient avec.
J'aimerais ça vous entendre sur la possibilité
de donner des pouvoirs à une tierce personne. Dans la loi, vous l'avez vu...
puis je comprends que vous ne voulez pas aller dans le pointu, là, on en parle
de la tierce personne, puis on lui donne des responsabilités. Mais vous, dans
l'écho que vous avez de vos membres, qu'est-ce que vous entendez sur le
principe même d'une personne qui peut accompagner quelqu'un d'autre, qui est en
perte cognitive, dans un principe de soins de fin de vie?
M. Prud'homme (Danis) : En fait,
vous avez, je dirais, deux choses. La première, c'est... et on voyait des
publicités à la télé, au lieu de faire tous les voeux pendant qu'on se marie,
c'étaient tous les voeux de prendre soin de notre conjoint jusqu'à la fin.
Donc, j'irais avec ça en disant que, de ne pas avoir un lien... bien, en fait,
quand on est en couple, on a automatiquement un lien, puis on a aussi la
personne à qui on fait le plus confiance. Ça fait qu'il faut faire attention
quand on dit qu'il ne faut pas avoir de lien parce que ça voudrait dire qu'on
exclurait les conjoints. Puis là, si on commence à faire des exceptions, bien,
les conjoints, c'est correct, mais là, s'ils sont mariés... On ne veut pas
entrer là-dedans, là. On rentre dans, comme on dit, une boîte de Pandore, là.
Moi, je pense, quand la personne, justement,
nomme une tierce personne en qui elle a confiance et en a même une deuxième
prévue... on disait que, nous, c'était quelque chose qui était rassurant. Bien,
je pense que c'est un peu comme quand il y a un conseil de famille et qu'on
parle de curateur. On parle de curateur qui prend soin des gens qui n'ont
personne, mais il y a des gens qui en ont, du monde, et, justement, il y a un
conseil de famille qui a des prédispositions à cet effet-là. Je pense qu'il
faut aller avec aussi... on demande aux gens d'être des proches aidants, on
demande à la famille d'aider. Bien là, si on leur enlevait le droit d'être la
tierce personne alors qu'ils les ont aidés toute leur vie...
C'est pour ça que c'est un peu compliqué, puis
je pense qu'il faut quand même respecter ces choses-là puis être cohérents avec
les différentes étapes qu'on demande dans la vie des gens. Que ce soit des
proches aidants, que ce soit un couple, prendre soin de l'autre, je pense qu'il
faut respecter ça aussi, là, puis ne pas tout jeter à terre, comme on dit.
Mme Charbonneau : Bien, c'est clair
pour moi, la perspective que vous avez. J'aime faire la correction puis je ne
la fais pas avec méchanceté. Je la fais parce que je pense qu'elle est
nécessaire. Tu ne choisis pas souvent d'être proche aidant, tu deviens proche
aidant. Ton conjoint tombe malade, ton enfant a des besoins, tu es proche
aidant, sans même avoir besoin de faire un consentement. Par contre, pour être
la tierce personne, on aura besoin de ce consentement-là, par écrit, avec
témoin, avec un encadrement. Et par la suite, nous avons eu... je dis «nous»,
parce que je suis assise pas mal avec tous
les gens qui étaient sur le comité, nous avons eu l'idée d'inclure cette
personne-là, qui vient de la famille, au comité de professionnels qui va
se prononcer sur la fin de vie de la personne, sur ce soin des derniers lieux.
Est-ce que vous trouvez qu'on a eu une idée qui a un potentiel intéressant?
Est-ce que vous êtes à l'aise ou pas à l'aise? J'aimerais ça vous entendre,
parce que, je vous le répète, j'y crois sincèrement, vous avez les gens qui
sont les plus touchés par notre projet de loi.
M. Prud'homme (Danis) : En fait, je
pense qu'il faut inclure les personnes, puis je vais dire, concernées. Je vais
revenir sur ce que vous avez dit, sur proche aidant. Effectivement, des fois,
on ne choisit pas puis on le devient, mais il faut demeurer prudent parce que,
quand on regarde les proches aidants, on a aussi un choix d'être proche aidant,
parce que ça ne veut pas dire que c'est tout le monde qui est capable d'être
proche aidant. Donc, il y a aussi ça, si on va aussi loin, de dire : On
nomme une tierce personne, bien, ça se peut que la tierce personne, même si on
a très confiance en elle, elle dise : Oublie ça, je ne serai pas capable
de faire ça. Ça fait que, ça aussi, c'est pour ça qu'il faut inclure les gens,
un, en qui on a confiance, deux, en qui ils sont intégrés dans le processus
qu'on va vivre. Et donc, s'ils sont intégrés puis ils nous aident, ça veut dire
qu'ils ont quand même acquiescé à nous aider, donc là, oui, les intégrer. Parce que, si on prend des gens qui ne veulent pas se
mêler de ça, bien là, ça va juste aller à contre-courant là, quand on va
aller dans les différents dédales de ça.
Mme Charbonneau : Après la lecture
que vous avez faite du projet de loi et probablement le tour de table que vous
avez fait avec les grands penseurs de la FADOQ, parce que je sais que vous avez
différents comités que vous consultez pour
différents sujets, y a-t-il quelque chose qu'on a omis? Je dis «omis», parce
que ça se peut qu'il y ait des choses qu'on n'ait pas pensé, qui
viennent d'une réflexion collective, d'une organisation qui représente les gens
qui veulent maintenir leur autonomie, avoir de l'autodétermination et garder
l'intégrité de la vie qu'ils aimeraient bien conserver. Donc, y a-t-il quelque
chose qui nous manque dans ce qu'on a déposé puis sur lequel on va se pencher,
article par article, dans pas long?
M. Prud'homme (Danis) : Bien, en
fait, de notre côté, je dirais... Nous, de notre côté, le consensus des parlementaires
est très important. Donc, si on parle aussi de la commission en tant que telle,
là, je pense que ça, c'est important pour qu'on aille de l'avant correctement.
Donc, on salue tout ce qui a été fait, mais je pense que ce qui est rassurant
de notre côté, c'est que cette commission-là de soins de fin de vie va faire
office de chien de garde. Donc, c'est un peu comme on parlait tantôt, du
curateur. Le curateur est quand même le chien de garde de tout ce qui se passe
de ce côté-là, mais je pense que, là, on a aussi un outil potentiellement
intéressant pour s'assurer qu'il n'y ait pas de dérapage,
pour s'assurer que ça se passe bien, ça suive les choses. Mais surtout, on sait
que ça va évoluer, hein? Depuis la mouture n° 1 à la
mouture n° 2, les enjeux changent, les enjeux se
modifient. Il peut y avoir des choses à la cour qui vont causer des
jurisprudences.
Donc, c'est
vraiment... il va falloir évoluer, comme on dit, avec la société. Puis je pense
qu'il y a plein de choses qui vont se pointer à l'horizon. On peut
parler des gens qui ont... les troubles neuromoteurs, là, à titre d'exemple, ça
a été retiré, mais il va continuellement y avoir des choses qui vont être à
analyser. Donc, pour l'instant, pour nous, je pense que c'est intéressant comme
c'est bâti.
Mme Charbonneau : Merci. C'est
gentil de nous le rappeler. Je pense que la volonté qu'il y a alentour de cette
table, c'est vraiment de travailler ensemble. Depuis 2009, on a... les gens
aiment bien l'appeler la marraine du projet de loi, mais on a alentour de la
table des gens qui sont là depuis 2009, puis la volonté, c'est de travailler
ensemble. Vous faites bien de nous rappeler que ça a changé, on évolue, et, en
2009, il ne fallait surtout pas parler des gens qui souffraient de démence ou de
choses comme ça. Donc, merci.
Puis avant de passer la parole à ma collègue, je
vous dirais que, pour voir tranquillement la disparition des ITMAV sur le
terrain, je suis une partenaire indéfectible pour avoir les gens qui sont sur
le terrain, pour donner des soins à la maison. Les SIAD... l'expérience qu'on
fait à Verdun va avoir un impact pour changer la stratégie en soins à domicile.
Puis les gens veulent rester chez eux, ils ne veulent pas aller en CHSLD. Puis,
encore, là, ce n'est pas un choix, le CHSLD, c'est pour avoir des conditions de
vie qui répondent aux soins que les gens ont de besoin. Donc, il faut juste se
le rappeler, parce que les gens pensent qu'on les met là par obligation, mais
ce n'est pas le cas. Merci, encore une fois, de votre participation.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée.
Alors, je vais maintenant céder la parole à la députée de Sherbrooke pour la
suite de cet échange.
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Bonjour. Merci de participer aux consultations aujourd'hui.
Vous avez nommé vos inquiétudes sur les impacts
de la pénurie de personnel, de l'accès aux soins à domicile, de la réputation
des CHSLD, sur les décisions que les gens pourraient prendre par rapport à
l'aide médicale à mourir. C'est vraiment très important, ce que vous nommez là,
parce qu'on ne veut pas que les gens aient des craintes à l'esprit au moment de
prendre leur décision. Est-ce que c'est quelque chose que vous entendez déjà de
la part de vos membres, la présence de ces craintes-là, ou c'est quelque chose
que vous ne souhaitez pas voir arriver...
• (15 h 40) •
M. Prud'homme (Danis) : En fait, je
pense qu'au niveau de tout ce qui est du milieu de la santé, c'est un
continuum. Ça fait que ce que les gens souhaitent, c'est que, quand on est pris
en charge par... un besoin x, bien, qu'il y ait un continuum qui se rende... à
titre d'exemple, dans ce cas-ci, qui se rende jusqu'à la fin.
Donc, je pense qu'il faut voir, à toutes ces
étapes-là, qu'on peut servir les gens comme il faut et c'est ce qu'on dit
d'ailleurs dans nos recommandations. Tu sais, le système de santé est malade,
pour ne pas utiliser ce mot-là, mais je pense qu'il faut s'organiser pour mieux
le restructurer. Je sais qu'il y a des choses qui ont été déposées, mais ça, ça fait partie... très importante... une
partie, pardon, très importante de l'équation. Donc, les gens,
effectivement... on le voit, on l'a mentionné, les CHSLD, les gens ne veulent
pas se retrouver là. Les gens veulent rester à domicile, mais ils n'ont pas les
soins qu'il faut. Donc, je pense que c'est les préoccupations des gens, et ça,
c'est des besoins qu'on doit voir essentiels à combler pour rassurer les gens
puis assurer un continuum décent.
Mme Labrie : Donc, ce que j'entends
de ce que vous me dites, c'est que ce sont des craintes qui existent déjà. On
doit réparer déjà ce rapport de confiance là des gens envers la qualité des
soins de santé. On n'est pas dans préserver un lien de confiance, on doit le
réparer, en ce moment. Ça répond à ma question. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Maintenant, je
céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, je veux simplement vous saluer, vous remercier de votre
travail, votre implication. Puis, pour moi, c'est clair, donc je n'ai pas
besoin de question. Je peux céder mon temps à ma collègue de Maurice-Richard.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, Mme la députée
de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci beaucoup, M.
le Président. C'est très généreux de la part de la députée de Joliette. Alors,
bonjour à vous trois. Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est un débat
sensible, c'est un projet de loi avec des enjeux complexes.
Moi, j'aurais
principalement une question sur... vous avez probablement entendu ce matin, le
ministre y faisait référence tout à l'heure, la question de l'obligation
pour les maisons de soins palliatifs, entre autres, d'offrir les soins de fin
de vie. C'est un enjeu certainement sensible aussi pour plein de raisons, puis
je pense qu'il y a certainement des nuances à faire de part et d'autre. Mais je
voulais savoir si, au niveau de vos membres, justement, c'est des questions... parce qu'on soulevait ça, ce matin, dans le débat
entre... tu sais, je ne sais pas s'il y a un fossé, des fois, entre les
perceptions et la réalité. On entendait justement... ou on me disait : Oui,
on ne l'offre pas dans notre maison de soins palliatifs nécessairement, mais il
y a un couloir qui nous amène à l'hôpital. Je pense que c'est erroné probablement de penser qu'on met des gens dans des
ambulances puis qu'on leur dit : Bye, allez vous retrouver dans un hôpital. J'aurais tendance à penser que c'est
fait avec beaucoup de respect, beaucoup de sérénité, beaucoup
d'accompagnement aussi.
Une fois
qu'on a dit ça, je pense que c'est très louable de... Je pense que, dans un
monde idéal, effectivement, ces soins-là seraient donnés au même
endroit, les soins de fin de vie et les soins palliatifs également. Donc, on
pourra faire le débat quand on arrivera à
l'étude détaillée, mais j'étais curieuse de savoir si, au niveau de vos
membres, s'il y a des situations qui vous ont été rapportées à cet
effet-là, où, effectivement, ça pose problème ou il y a un inconfort aussi des
familles qui vous ont contacté, là.
M. Prud'homme (Danis) : Non, pas
directement, mais au niveau d'un problème spécifique, ce que j'apporterais, par
contre, c'est... pour revenir un peu sur ce que je disais tout à l'heure,
c'est... les gens, on le sait, veulent effectivement demeurer chez eux. On a
des outils qui nous permettent de le faire, les SIAD notamment, et les maisons
de soins palliatifs sont un autre outil. Et comme on a dit dans la première
mouture, nous, ce qu'on disait, c'est : Oui, aller de l'avant avec une
telle loi, je pense que c'est correct, mais il ne faut pas négliger les autres
aspects qui sont à explorer, dont alléger la souffrance de toutes les façons
possibles, avec plein de choses qu'aujourd'hui, ici, on ne fait pas puis qu'ailleurs on fait. Donc, on n'est pas les experts,
mais on est capables de lire ce qui se fait ailleurs pour alléger la
douleur.
Ensuite, les
soins palliatifs, bien, ce qu'on dit, c'est qu'il en manque, il y en aurait
besoin davantage et beaucoup plus. Et, si on élargit à un service
additionnel, qui est l'aide médicale à mourir, bien, ça veut dire, il faut, un,
donner l'expertise, deux, donner le soutien,
la formation, et donner... on me dit que les finances sont données maintenant,
bien, donc, ça veut dire, là, ça va être d'avoir le personnel essentiel à
pouvoir offrir ça. Donc, les gens, je leur ai dit, ce qu'ils veulent, c'est quand on les prend en charge pour un diagnostic x,
c'est qu'on soit pris jusqu'à la fin et qu'il n'y ait pas de trou entre deux chaises, puis on tombe à terre,
puis on est oublié. C'est vraiment ça qui est l'importance de ce
côté-là.
Mme Montpetit : Mais est-ce que...
dans ce que vous dites, est-ce que l'importance, c'est que ce soit
nécessairement dans le même milieu ou par la même équipe? C'est juste pour bien
comprendre, justement, s'il y a eu des situations particulières où des gens se
sont retrouvés dans des situations, je vais dire, peu confortables, là, je ne
sais pas si c'est exactement le bon mot, là. Mais est-ce que l'enjeu de
l'endroit vous a été rapporté, ou, à partir du moment où il y a un continuum de
soins ou un continuum au niveau de l'équipe, c'est quelque chose... c'est ça
qui est recherché, dans le fond?
M. Prud'homme (Danis) : Bien, en
fait, ça va dans le continuum, dans le sens de dire : Un endroit, on le
sait, plus on vieillit, plus on est fragilisé et vulnérable, moins on veut
changer d'endroit, donc plus on veut obtenir nos services. Parce qu'on le sait
et on le voit avec le personnel, dans notre mémoire, on le dit, le personnel,
il en manque, donc il y a des rotations. Et, quand on fait des rotations, les
gens ont une confiance avec un soignant, puis il y a une relation qui se
développe qui fait qu'on connaît beaucoup le patient, on connaît comment il
réagit, et on peut, comme on dit, le calmer dans certaines situations. Bien,
c'est la même chose quand on est en détresse ou vers la fin de vie. Je pense
que d'avoir des soins qui sont continus, au même endroit autant que possible,
bien, notamment à domicile, si on parle des SIAD, donc ça, c'est quelque chose
qui est privilégié.
Mme Montpetit : Je vous remercie.
Moi, ça complète ma question, mais ça répond bien parce que je pense qu'entre
nos appréhensions, nos préoccupations... puis effectivement, on reçoit
différentes versions par rapport à ces questions-là, puis ça va rester quand
même un des articles majeurs de la loi sur lequel il faut se pencher. Mais je
vous remercie beaucoup pour vos réponses.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée.
Alors, je remercie les représentants de la FADOQ pour leur contribution à nos
travaux. Je vous remercie beaucoup pour votre présence et votre disponibilité.
Et je vais suspendre les travaux pour que nous
puissions faire place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite maintenant la bienvenue à la Dre Michèle Marchand, médecin retraité et
philosophe. Je vous rappelle, madame, que vous aurez 10 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, nous procéderons à l'échange avec les membres de la
commission. Je vous cède maintenant la parole.
Mme Michèle Marchand
Mme Marchand (Michèle) : Bonjour. Je
veux d'abord vous remercier pour l'invitation. J'ai été invitée aussi aux
autres commissions. Bon, rapidement... je vais aller rondement parce que
10 minutes, là, ce n'est vraiment pas long.
Ça fait que là, tout le
monde le sait, là, je suis un médecin retraité. Je ne suis pas une spécialiste
des soins palliatifs ni des soins de fin de vie, pas du tout. Je suis plutôt
une spécialiste de l'éthique médicale et de l'éthique en général. J'ai été...
Bon, j'ai été, par exemple... je pense, il faut le spécifier, parce que, sinon,
on se demanderait pourquoi je suis là, j'ai été la conseillère en éthique
auprès de la direction générale du collège de 1999 à 2015, donc dans toute la
période où il y a eu la discussion sur les soins de fin de vie.
Je vais y aller rondement. J'ai préparé très
rapidement... il n'est pas vraiment à mon goût, mais un mémoire qui vous a été
transmis tardivement, mais qu'est-ce que tu veux, ça va vite, là, j'ai fait de
mon mieux, auquel vous pourrez peut-être référer si ça va trop vite dans mon
exposé.
Je vais aller rapidement sur les deux premiers
points, qui sont plutôt de nature historique et un rappel historique, mais je pense que c'est très important
de voir où la situation particulière dont on traite aujourd'hui se situe
dans le contexte du débat au Québec.
La première chose qu'il faut savoir, je pense...
bien, qu'il faut savoir, que moi, je pense qu'il faut savoir, c'est que la
façon dont on a réglé... ou la solution qu'on a voulu apporter à la difficile
question de l'euthanasie au Québec est assez particulière pour plusieurs
raisons. D'abord, parce que l'ouverture est venue d'abord des médecins. C'est
assez étrange, là, parce que, partout, les médecins se sont plutôt opposés.
Puis c'est venu d'ailleurs, c'est venu de toutes sortes de pressions pour
l'autonomie et toutes sortes de choses. Les médecins, c'est eux autres, en
2009, là, puis j'étais là, qui ont dit : Coudon, là, quand ça va très,
très mal en fin de vie, là, pourquoi on ne considérerait pas l'euthanasie comme
un soin approprié quand ça va aussi mal que ça? Pourquoi c'était... Le code ne
l'interdisait pas, il nous disait même qu'il fallait assurer une mort digne et
soulager la souffrance, et tout ça. Bon, là, ça a surpris tout le monde, mais
la belle affaire, c'est que les responsables politiques se sont emparés de
cette suggestion, l'ont soumis au débat public — je vais faire ça vite,
là, tu sais — et
puis que ça a été saisi comme un compromis qui ne satisfaisait pas ceux qui
étaient contre toute l'ouverture ni ceux qui voulaient une plus grande
ouverture, mais qui était quand même acceptable, et sur laquelle la majorité
des gens... En tout cas, il y a eu un ralliement assez fort de tout le monde,
si bien qu'à mon avis, c'est devenu un projet de société. Et la belle affaire,
je pense, ça a été un succès. Bon, on ne se pète pas les bretelles trop, trop,
mais, quand même, je pense que, tu sais, ça a été un succès.
C'est sûr que ça n'allait pas s'arrêter là. La
Loi sur les soins de fin de vie, là, c'est une loi sur les soins de fin de vie
où l'AMM est considérée comme un soin de dernier recours, là, quand ça va...
quand les autres n'ont pas marché, jusqu'à un certain point. Bon, c'est sûr que
ce n'était pas pour en rester là, on était très conscients. Tout le monde sait,
là, qu'il y a des pentes glissantes, que c'est un terrain glissant, puis tout
ça. Tout le monde était conscient qu'il y aurait des pressions pour élargir
cette ouverture, somme toute assez limitée. On dit «limitée», là, mais il y a
peu de pays, hein... Il faut savoir qu'il n'y a pas... Tu sais, là, ceux qui
disent qu'on est les plus limitatifs, là, ils se trompent parce qu'il n'y a
quasiment pas de pays qui ont ouvert... qui ont légalisé l'euthanasie. C'est de
l'euthanasie.
Bon, c'est venu vite, toutes les pressions pour
élargir l'accès se sont succédé. La première, on a voulu... on a contesté le
critère de fin de vie. Là, on s'est dit : C'est discriminatoire. Les
juristes se sont dit : C'est discriminatoire vis-à-vis des personnes qui
sont en fin de vie. Après ça, on s'est dit : Bien, pourquoi... si c'est
discriminatoire contre eux autres, pourquoi que ça ne serait pas accessible à
ceux qui souffrent à cause des handicaps, à ceux qui souffrent à cause des
pathologies au niveau mental? Puis, si c'est ça, bien, pourquoi qu'on... bien,
tu sais, pourquoi qu'on n'ouvre pas non plus à ceux qui peuvent faire des
directives médicales anticipées parce qu'ils ne pourront pas le demander? Puis
là, là, les élargissements, ça pousse, ça pousse, ça pousse jusqu'aux personnes
qui demandent que ça devrait être accessible quand les gens sont juste fatigués
de vivre. Ça fait que, là, c'est ça, les pressions.
La notion... À mon avis, là, la notion
d'élargissement est faussement rassurante, hein, parce que, là, c'est comme si
ça a bien été pour l'AMM, donc ça devrait bien aller pour chaque élargissement.
Moi, je pense que vous avez eu la sagesse de dire : Un instant, je pense
qu'on va en discuter, parce que chaque sujet sur lequel on veut élargir pose
son lot de problèmes, hein? Le handicap, là, ce n'est pas simple. Ce n'était
pas prévu, ça, dans le soin de dernier recours qu'on avait imaginé pour les
personnes en fin de vie. Ça ouvre. C'est la même chose pour les directives.
Mais, bon, vous avez eu la sagesse de voir que chaque question était complexe
et qu'on devait se limiter à une question puis d'en faire, celle-là, la
question prioritaire.
C'est comme ça qu'on en vient au projet de loi
devant lequel on en est là. Moi, au début, là, j'étais contente, parce que je
me suis dit : Bon, on continue dans la même direction, on essaie de
bonifier, on essaie d'élargir, mais avec prudence, tu sais, ça va aller. Là,
j'ai déchanté un peu parce que la façon dont on s'y est pris, je ne sais pas
si... en tout cas, la façon dont on s'y est pris pour introduire des demandes
anticipées dans la loi préexistante, dans la loi, là, ça nous mène... ça risque
de nous mener, je pense, un petit peu ailleurs qu'où on voulait poursuivre
notre cheminement, là.
• (16 heures) •
Pourquoi je dis ça?
Parce qu'au lieu... Dans la loi concernant les soins de fin de vie originale,
là, qui a été... la section qui concerne l'AMM commence par l'article 26
qui dit : Les conditions limitatives pour avoir droit... pour obtenir
l'accès à l'aide médicale à mourir sont un, deux, trois, quatre, cinq, là,
étapes, bon, tu sais, on les sait toutes, là, la souffrance... Ça commençait
comme ça, c'était archiclair, c'était limité. En tout cas, ça avait l'avantage
d'être clair. Là, on a décidé... dans ce qu'on propose comme modifications dans
le projet de loi, là, on prend ça par l'autre bout, on prend ça par la demande
et là on essaie de voir quelles vont être les conditions, non pas pour
l'obtenir, mais pour le demander. Là, ça change un petit peu le raisonnement,
là, parce que, là, on commence... Bon, si la demande est contemporaine, là, on
va avoir les mêmes conditions qu'on avait dans l'article 26. Donc, on a
remis l'article 26, amputé nécessairement la fin de vie puis les autres
affaires qui sont disparues depuis, là, mais on a mis quand même les mêmes
limitations, les mêmes cinq limitations, jusqu'à un certain point. Vu que c'est
contemporain, ça ne devrait pas poser trop de problèmes, là, parce que c'est des personnes aptes,
jusqu'à un certain point. Une demande contemporaine, là, c'est une
demande par une personne apte.
Ça, ça se complique,
par exemple, quand on arrive dans une demande anticipée, parce que, là, on veut
que les personnes soient des citoyens québécois. On veut qu'ils aient une
maladie grave. Mais là, quand on arrive à la souffrance, là, c'est autre chose.
Là, ce qu'on a prévu, c'est que c'est la personne elle-même qui va déterminer
les conditions qui, selon elle, devraient lui donner accès à l'aide médicale à
mourir. Là, ça peut être toutes sortes de choses, là, ça va dépendre de la...
Tu sais, ce n'est pas ça... Ça a été prévu que ça ne peut pas être n'importe
quoi.
Ça fait que, là, ce
qu'on a mis, c'est qu'on a exigé que ça se fasse à l'aide d'un professionnel
qui, lui, va s'assurer que ça correspond bien... que ces souffrances-là sont en
rapport avec la maladie, arrivent dans une période qui est assez avancée et
puis que... Tu sais, lui, là, il va exercer cette fonction-là, sauf que lui,
là, ce n'est pas lui qui va décider de l'obtention ou pas de... c'est un autre
professionnel compétent, là. Ce n'est pas grave, ça, les termes. C'est un
autre, là, au moment... Il se passe beaucoup de temps dans ce genre de maladie
là. Entre la personne qui fait sa demande parce qu'elle est apte puis
l'obtention, il peut se passer des années. Ça fait que je pense que c'est bien
correct de vouloir savoir les volontés, les désirs de la personne. Il faut le
savoir. Ils ne sont plus là, eux autres. Tu sais, contrairement au patient
apte, il ne sera pas là pour pouvoir en discuter.
Donc, c'est très
intéressant de vouloir le savoir, mais ça ne veut pas dire que ce qui va être
là, là, doit se retrouver comme conditions pour l'obtenir. Là, on... ça fait
que, là, on risque, là... On se perd, là, parce que le premier médecin, là, il
ne sera même plus là, lui non plus, pour dire si ça correspondait vraiment à
ça, puis l'autre, ce qu'on lui demande de faire, là, c'est de constater que les
conditions dont la personne... que la condition... avait établi elle-même, là,
avait demandé... sont bien là, que les souffrances qu'elle ne voulait pas
endurer sont là. Il n'a pas à porter de
jugement. Y a-tu des nouvelles souffrances? La personne, elle avait-tu... y
a-tu des affaires qu'elle n'avait pas prévues,
puis qu'elle est très souffrante à cause de ça, puis qu'elle ne l'avait pas
prévu, puis qu'on ne pourra pas le faire?
Ça fait que, là, il y
a quelque chose qui se perd entre la demande, là, puis ce qui risque d'arriver.
Ce qui risque d'arriver, là...
Le Président (M.
Provençal)
: ...
Mme Marchand
(Michèle) : Oh! conclusion? Mon Dieu! Ce qui risque d'arriver, c'est
que les conditions pour la demande anticipée vont être beaucoup moins strictes
que les conditions pour une demande contemporaine, et c'est ça que M. Maclure
s'est rendu compte un peu tard, que les personnes qui font des demandes
anticipées vont demander de l'obtenir à des stades peut-être précoces de la
maladie, qui ne correspondent plus à l'idée d'un soin de dernier recours,
jusqu'à un certain point.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup.
Mme Marchand
(Michèle) : Oh mon Dieu! Vous ne me donnez pas une minute?
Le Président (M.
Provençal)
: Oui, je
vous l'accorde.
Mme Marchand
(Michèle) : Une minute pour ma conclusion. Moi, là, je ne suis pas
contre le fait qu'on... C'est la conclusion de... Je ne suis pas contre le fait
qu'on veuille ouvrir... qu'on veuille permettre des demandes anticipées pour
les personnes qui vont devenir... dont on sait qu'elles vont devenir inaptes,
sauf que je pense qu'il faudrait avoir les mêmes exigences qu'on avait pour les
personnes aptes, ni plus ni moins. Ça fait que, là, les critères qui se
retrouvaient à l'article 26, qu'on a déplacés pour en faire... là, il faut les
remettre pour que ce soit clair pour tout le monde. Ça, là, c'était mon idée,
bon, c'était l'esprit de la loi. Moi, je pense qu'on s'en va vers quelque chose
qui n'est plus de l'aide médicale à mourir, et moi, je refuse qu'à force
d'élargir de toutes sortes de façons on fasse de l'aide médicale à mourir
quelque chose qui n'est plus de l'aide médicale à mourir, mais qui se rapproche
beaucoup plus du suicide assisté comme on en fait en Suisse, comme on en
fait...
En Suisse, oui, c'est
la personne qui détermine les conditions, sauf qu'elle ne peut pas faire de...
Il faut qu'elle soit apte puis il faut...
Elle ne peut pas faire de directive médicale anticipée. Il y a juste aux
Pays-Bas où c'est permis, puis ça ne se fait quasiment pas parce que
c'est extrêmement difficile pour les soignants de ne pas avoir de condition prédéterminée puis de ne pas pouvoir non plus
porter de jugement, d'écouter... de juste mettre en oeuvre ce que le
patient a demandé. Ce n'est jamais comme ça pour un professionnel, et tant mieux.
On ne fait pas ce que les patients nous demandent.
On fait ce qu'on pense, en discutant avec le patient, qui est correct et qui
correspond à ce que la société permet.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup. Alors, nous allons maintenant y aller avec un échange avec M. le
ministre.
M. Dubé :
Bon, écoutez, Dre Marchand, je pense que c'est... Vous auriez pu prendre
une autre minute de plus de mon temps, là, je pense. Je veux juste vous dire ça
parce que...
Une voix : ...
M. Dubé : Non, non, au
contraire, au contraire. Bien, je pense, c'est très clair, ce que vous venez de
dire. Vous avez bien expliqué que, selon vous, vous êtes en accord avec les
objectifs, c'est la manière d'y arriver. Je résume ça,
parce que vous dites : Pourquoi on aurait un résultat différent d'une
demande anticipée que par rapport à une demande contemporaine qui serait plus
limitative ou vice versa, la première serait plus permissive que l'autre? Ça,
je comprends ça. J'essaie... Puis là je nous regarde tous, là, parce que
j'essaie de focusser sur le moment présent avec vous. Donnez-moi un exemple
d'où on serait plus permissifs, selon votre compréhension.
Mme Marchand (Michèle) : On va
prendre l'exemple de Mme Demontigny. Je pense, c'est l'exemple le plus
parlant pour tout le monde.
M. Dubé : Allez-y, mais... puis
j'aimerais ça que les gens qui... Il y a beaucoup de gens qui nous écoutent, ça
serait surprenant, là... Donnez cet exemple-là.
Mme Marchand (Michèle) : Ce que
demande Mme Demontigny... Moi, elle m'est très sympathique, cette madame-là, puis tout le monde trouve que c'est
dramatique, son affaire, là, puis tout ça, mais ce qu'elle demande et ce
que l'association québécoise pour les soins...
M. Dubé : ...par une demande
anticipée.
Mme Marchand (Michèle) : ...qu'elle
veut mettre dans sa demande anticipée, je n'en suis pas certaine, mais je
présume que c'est quelque chose comme quand... quand on l'écoute parler, en
tout cas, quand je ne reconnaîtrai plus mes enfants, quand je vais être
incontinente, quand... comprenez-vous, des stades qui ne sont pas si avancés
que ça dans le processus de la démence, là. Là, c'est ce que Jocelyn Maclure
disait hier, on risque que ces demandes-là arrivent assez tôt, si c'est conçu
comme ça, là.
M. Dubé : Dans des stades qui
sont...
Mme Marchand (Michèle) : Qui
sont... Bien là, c'est sûr qu'il faut qu'elle soit... C'est sûr qu'il faut
qu'elle soit inapte, là. Je ne dis pas qu'elle va demander ça alors qu'elle est
encore apte, parce que, là, il n'y aurait pas... mais elle va être inapte. Mais
est-ce qu'il n'y a pas encore une période de temps où, en tout cas, on ne le
ferait pas pour une personne qui fait une demande apte? Comprenez-vous? On
attend que ces gens-là sont dans une situation où, vraiment, il n'y a pas grand-chose d'autre qu'on puisse faire, où
les soins qui... on a tout essayé en termes de soins, ce qui est rare,
là, parce que les soins... On vient de l'entendre, là, les soins sont quand
même restreints.
M. Dubé : Mais qui n'est pas
nécessairement... Excusez-moi si je vous coupe, là...
Mme Marchand (Michèle) : Non, non,
c'est correct.
M. Dubé : ...la discussion est
vraiment intéressante, qui n'est pas nécessairement des conditions de fin de
vie. Mettons fin de vie de côté...
Mme Marchand (Michèle) : Non,
mais ce n'est même pas...
M. Dubé : C'est
ça, non, mais je veux juste qu'on se comprenne bien, parce que, dans les
demandes contemporaines, souvent, on est beaucoup plus proche de fin de
vie, tandis que, là, vu qu'on est dans une demande anticipée, les gens nous
l'ont dit trois, quatre fois, c'est trois à 10 ans avant, entre la demande anticipée
et, disons, l'acte comme tel.
Alors, je reviens. Donc, ce que vous dites...
puis là je donne cet exemple-là, l'incontinence. C'est peut-être l'exemple le
plus simpliste. Je ne pense pas qu'on donnerait, selon une demande
contemporaine, l'aide médicale à mourir pour quelqu'un qui est incontinent dans
une demande contemporaine. Bon, maintenant, la personne peut trouver ça comme tout à fait déplorable dans son
évaluation à elle, mais on est loin d'une grande souffrance. On est
loin...
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
c'est ça.
M. Dubé : O.K., alors... mais
est-ce qu'une... Excusez-moi.
Mme Marchand (Michèle) : Mais
qu'est-ce qu'on va dire si on a donné l'impression qu'on la laisse... qu'on
laisse les gens déterminer les conditions où ils vont pouvoir le demander et
peut-être l'obtenir? Et c'est ça, là, qui est compliqué, là, on laisse...
M. Dubé : O.K., je comprends,
mais en même temps... Oui?
Mme Marchand (Michèle) : Mais,
écoutez, je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, là. Si c'est ça qu'on veut,
là, que les gens puissent déterminer ça puis le demander dans des phases assez
précoces, bien là, il ne faut pas appeler ça de l'aide médicale à mourir. Ce
n'est pas du tout... L'aide médicale à mourir, là, c'est une espèce de particularité
du Québec, là, je veux dire, mais ce n'est pas ça. Ça ressemble plus à du
suicide assisté.
M. Dubé : Oui.
Maintenant, aidez-moi un peu, est-ce que vous avez entendu hier le Dr
L'Espérance?
Mme Marchand (Michèle) : Bien
oui.Je l'ai entendu plusieurs fois, le Dr L'Espérance, parce qu'il est
complètement dans une perspective différente, où lui...
M. Dubé : Non, mais...
Mme Marchand (Michèle) : Voulez-vous...
comment je vois sa perspective?
M. Dubé : Non, non, mais
allez-y. Allez-y.
Mme Marchand (Michèle) : Pour
lui, ce qui est le plus important même dans... tout, peu importe si on est dans
des soins de n'importe quelle nature, c'est l'autonomie du patient qui décide,
qu'il peut bien décider ce qu'il veut, jusqu'à un certain point. C'est
quelqu'un qui est très ouvert et qui pense que le summum de l'éthique médicale,
c'est de répondre positivement aux demandes des personnes.
• (16 h 10) •
M. Dubé : Lui, il est très axé
sur la demande.
Mme Marchand (Michèle) : Bien, c'est
de valeur, parce que l'éthique médicale, là, si c'est ça, là, on va avoir
plusieurs problèmes, parce que c'est bien rare qu'on demande à des médecins...
On leur demande de porter des jugements professionnels, de faire des actes,
d'assumer leurs responsabilités. Il faut toujours bien qu'ils posent un certain
jugement. Ils ne font pas ce que les gens leur demandent.
M. Dubé : Je trouve ça fascinant. Je
veux juste être sûr que je n'enlève pas le droit de parole à mes collègues,
mais je... Est-ce que vous avez des... Oui. Je vais leur laisser poser leurs
questions puis je reviendrai, s'il nous reste du temps, parce que je veux...
Mme Marchand (Michèle) : Je ne dis
pas... Bon, je veux répondre... Je vais finir de répondre à votre question, par
exemple. Je ne veux pas dire que c'est une position intenable, la position du
Dr L'Espérance. Elle est, dans la pire des périodes qu'on vit, très, très à la
mode.
M. Dubé : O.K., mais je finis
rapidement, O.K.? Il y avait quand même... Si ce n'est pas lui, est-ce que ce
n'est pas Mercure...
Mme Marchand (Michèle) : Maclure.
M. Dubé : ...Maclure qui disait que
ça peut être des demandes, mais en autant que ça soit combiné à une souffrance?
Est-ce que c'est lui qui... C'est-tu Maclure qui disait ça ou c'était... C'est
Maclure.
Mme Marchand (Michèle) : Oui, mais
Maclure, hier, ce qu'il vous a dit, c'est qu'il vient de... qu'il a réalisé que
ces souffrances-là pouvaient être de toute nature, et justifiées, et que la
demande soit quand même entendue et peut-être mise en oeuvre.
M. Dubé : O.K., d'où la différence
que vous faites entre la demande et l'admissibilité qui vient après.
Mme Marchand (Michèle) : Bien oui.
M. Dubé : O.K., là, je comprends
votre point. Excusez-moi, O.K., c'est beau.
Mme Marchand (Michèle) : Mais moi,
je pense que ça ne veut pas dire que le projet de loi dont on parle ne marche
pas, là. C'est juste que les conditions d'obtention doivent être claires et
doivent rester là, et, même si c'est une demande anticipée, on doit arriver au
bout du processus. Le processus qui est décrit là, moi, je le trouve
intéressant, tu sais. On discute avec le monde. Elle peut faire sa demande. Le
premier docteur... C'est un peu compliqué, mais il faut s'assurer qu'au total
les conditions ne seront pas n'importe quoi. Là, on a, comme société, à
prédéterminer pour le monde les conditions qu'on accepte ou qu'on n'accepte
pas, et il faut que les docteurs se contraignent à ça, et il faut qu'ils vivent
avec ça, et c'est ça.
Le Président (M. Provençal)
: ...veut vous interroger.
Mme Marchand (Michèle) : Excusez, je
suis partie, là, je suis crinquée.
Mme Hébert : ...tellement
passionnant, puis je n'ose pas vous interrompre, mais, vous savez que notre
temps est court. J'ai juste une question puis je vais laisser la parole à la
députée de Roberval. Quand il y a eu la fédération québécoise de la société
d'Alzheimer hier, on a parlé de l'échelle de...
Mme
Marchand (Michèle) : Oui, Reisenberg, oui.
Mme Hébert : Bon,
c'est ça, merci. Je voulais juste savoir... Eux, ils disaient que le
stade 5, ça serait à peu près légitime. Est-ce que, pour vous, vous êtes
de cet avis-là? Parce que, là, on s'entend qu'au stade 5 on a... ça fait
un petit bout qu'on ne reconnaît plus nos proches, qu'on a passé la...
Mme Marchand
(Michèle) : Moi, là, je ne suis pas une spécialiste des maladies, tu
sais, je ne suis pas spécialiste de la démence, et tout ça. Donc, je ne
voudrais pas avancer là-dessus, mais l'idée, c'est d'attendre que ça ne soit
pas trop difficile d'écourter la vie de quelqu'un pour avoir de bonnes raisons
de vouloir contribuer, de vouloir permettre que la vie de quelqu'un soit écourtée.
Tu sais, je pense qu'on s'entend, même s'il n'y a pas de directive médicale
anticipée, cette personne-là ne pourra pas l'avoir aux stades 4, 5, 6, 7.
Elle ne pourra pas l'avoir.
C'est pour ça que je
pense que c'est correct de vouloir ouvrir, mais ouvrir pas n'importe comment
pour que... Quand même, ce qu'on veut, là, c'est ce que... Ces gens-là, ils
sont aussi mal qu'une personne apte, mais ils ne peuvent plus le demander, mais
il faut attendre d'avoir épuisé... puis là, là, on rentre dans toutes les
affaires... Est-ce qu'on a tout essayé pour leur rendre la vie vivable? Tu
sais, comme société, là, on leur offre-tu juste que, O.K., on va vous achever
ça, là, tu sais, parce que c'est ça que vous voulez. Et moi, je ne voudrais pas
d'une société qui... C'est difficile, là. L'alzheimer, la démence, là, on est
pris avec un problème social majeur qui coûte cher, puis tout ça. Moi, je ne
voudrais pas qu'on décide : Bon, bien, on va y aller puis on va ouvrir ça.
Je ne pense pas que c'est ça, l'intention, mais ça pourrait finir comme ça, et
c'est ça, la pente glissante. C'est ça, la pente glissante qu'on pensait
pouvoir éviter, c'est ça, et c'est pour ça que moi, à chaque élargissement,
là...
Il ne faut pas être
nono, là. Tu sais, je veux dire, les gens qui voulaient une plus grande
ouverture, bien, eux autres, ils sont contents, mais ce n'était pas ça qu'on
voulait. Ce n'était pas ça qu'on voulait, puis là les pressions viennent de
tous bords tous côtés, là. On voit, là, qu'il y a un problème politique majeur
fédéral-provincial. Les pressions viennent d'Ottawa, les pressions...
Comprenez-vous, là? Ça fait que, là, il y a des gens qui nous ont posés des
ouvertures qu'on ne voulait peut-être pas, puis là il y en a d'autres qui nous
demandent des ouvertures que... Bien là, d'ouverture en ouverture, ce n'est
plus ce qu'on voulait. Moi, si ce n'est plus ce qu'on voulait, là, je vais me
faire à l'idée, hein? Je vais me faire à l'idée, si c'est du suicide assisté
qu'on veut, là, mais moi, là, comme spécialiste
en éthique médicale, je dirais au docteur : Faites comme en Suisse, là,
mais embarquez-vous pas là-dedans. On ne mettra pas ça dans le système
de soins. C'est autre chose. C'est autre chose et ce n'est pas ça, le projet
qu'on avait. Si c'est ça que les gens veulent, là, c'est vous autres qui
décidez, là, c'est vous autres qui représentez ce que les gens veulent, là,
bien, vous pouvez le faire, mais il n'y a pas une place où ça se passe comme ça
puis que les docteurs ont été enthousiastes à le faire. Ce n'est pas vrai.
M. Dubé :
Geneviève, as-tu...
Le Président (M.
Provençal)
: Mme la
députée de Roberval.
Mme
Guillemette : C'est vraiment intéressant, merci. Dans nos critères, on
a ici le dernier point, en fait : «Elle éprouve des souffrances physiques
ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans
des conditions qu'elle juge tolérables.» On aborde la souffrance encore dans...
Mme Marchand
(Michèle) : Sûrement, et puis ça... Déjà, ça donne une certaine
latitude qu'on n'avait pas quand il y avait le critère de fin de vie, hein? Tu
sais, ça donne une certaine latitude qu'elle ne veut pas, dans des moyens qu'on
juge tolérables... Mais ce qu'on pensait à ce moment-là, c'est, par exemple,
quelqu'un qui est en troisième ligne de traitement d'un cancer, là, tu sais, à
un moment donné, le docteur, il dit : Toffe, toffe, là, mais, à un moment
donné, ce n'est plus tolérable, tout le monde pense que ce n'est plus
tolérable. Mais là, si on transfère ça à des gens qui ont une forme de démence,
c'est quoi qui n'est vraiment pas tolérable? On ne le sait plus, là. Tu sais,
il y a des affaires qui ne sont pas tolérables pour les uns, qui ne sont pas
tolérables... Ça fait qu'il faut trancher sur ce qu'on va faire comme société.
On va-tu écouter tous les gens qui trouvent ça intolérable, puis là on va-tu
tous leur offrir... on va-tu tous leur permettre d'avoir l'aide médicale à
mourir?
Moi,
je pense que, comme société, comme projet social, bien, il faut essayer d'aider
au maximum ces gens-là. On voit bien que, des fois, ça ne marche plus
puis qu'ils sont en chien de fusil. On n'attendra pas qu'ils soient en...
qu'ils meurent pendant trois ans, mais, dans
les stades précoces, là, moi, je trouve qu'on est là, sur une pente glissante.
On est là, sur une pente glissante. Il y en a qui trouvent ça bien
correct, et puis ça peut être un choix de société. La Suisse a fait ce
choix-là, c'est plutôt laissé à l'autonomie, aux gens de décider, mais elle n'a
pas organisé ça socialement. Elle n'a pas organisé ça socialement à l'intérieur
d'un système de santé puis en demandant aux médecins de contribuer.
Mme Guillemette : Les médecins sont venus
nous dire qu'ils sont capables d'identifier la souffrance physique même d'une personne qui est non-verbale, d'une
personne qui est alzheimer, qu'ils sont capables d'identifier la
souffrance physique. Donc, le problème, il n'est pas là, c'est plus lorsque la
personne va donner des directives comme, bon, puis c'était souvent notre
exemple : Lorsque je serai incontinent, lorsque je ne reconnaîtrai plus
mes proches... Mais c'est pour ça qu'on a laissé cette notion de souffrance là,
justement, pour ne pas que ce soient des critères, mais ce que j'entends, c'est
que, même là, il y a encore, selon vous, un danger.
Mme Marchand
(Michèle) : Bien oui. Il faut laisser le critère de souffrance puis il
faut espérer qu'il soit le plus... Il y a une certaine latitude, là, dans
l'évaluation de la souffrance, là. On n'est pas pour écrire : On va
attendre que les gens soient... Il y a une latitude dans l'interprétation de la
souffrance, mais là ce qu'on demande, si on prend le projet de loi tel quel, on
demande au dernier médecin de ne pas porter jugement sur la souffrance. On lui
demande de statuer sur le fait que la personne avait écrit ça puis qu'elle est
rendue là, si bien que, si elle a d'autres genres de souffrances puis qu'elle
ne l'a pas écrit, elle ne l'aura pas. Moi, ça m'horripile, ça, parce que l'idée
de base, c'était que tout le monde puisse... qui souffre énormément puisse y
avoir accès, pas juste les personnes... Ce n'était pas un exercice d'autonomie,
dans ma tête, mais de... Ce n'était pas un exercice de choisir le moment de sa
mort, c'est d'essayer d'aider le monde qui sont pris avec des morts difficiles.
C'était ça, l'idée.
Mme Guillemette : ...à 100 %.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, madame... Merci
beaucoup...
Mme Marchand (Michèle) : Je veux
bien qu'il s'autodétermine, mais le but principal, c'est de respecter le plus leur
volonté, ce n'est pas de faire exactement tout ce que le monde va demander.
(Panne de son) ...mieux mourir parfois, là, dans certaines périodes de la vie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, docteure. Je vais
céder maintenant la parole au député de...
M. Birnbaum : D'Arcy-McGee.
Le Président (M. Provençal)
: D'Arcy-McGee, excusez.
• (16 h 20) •
M. Birnbaum : On se connaît, c'est
bien. Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Dre Marchand. C'est des questions
tellement sérieuses, je vais faire de mon mieux pour laisser un petit peu de
temps pour mes collègues de l'opposition parce que tout le monde a besoin de
vous entendre comme il faut, et davantage. Écoutez, dans un premier temps, vous allez comprendre que l'idée de
permettre un glissement vers le suicide assisté, ce n'était aucunement même dans le mandat que notre
commission spéciale a été invitée d'examiner, ni dans les
recommandations ni, de toute évidence, dans les intentions du ministre.
Mme Marchand (Michèle) : Bien, c'est
quand même dans le Code criminel amendé.
M. Birnbaum : Je m'excuse?
Mme
Marchand (Michèle) : Le suicide médicalement assisté fait partie des
possibilités prévues par le Code criminel.
M. Birnbaum : Par le...
Mme Marchand (Michèle) : Le Code
criminel.
M. Birnbaum : Oui, je comprends,
mais ce n'est pas dans nos orientations.
Mme Marchand (Michèle) : Non, non,
mais...
M. Birnbaum : Je vous comprends
qu'il y a... il faut éviter ce glissement. En tout cas, la raison pourquoi je
l'aborde, c'est parce qu'on n'a pas l'intention collective de laisser glisser
des choses. En même temps, vous dites que vous êtes tout à fait favorable à
l'admissibilité de demandes anticipées. Alors, il faut trouver des solutions.
Les critères de 26 sont pas mal sérieux quand même, mais vous notez que la
notion de souffrance n'est pas de la même qualité que pour une souffrance
contemporaine dans le cas de cancers ou des situations déjà existantes et
assujetties à la loi existante.
Je veux vous amener à nous proposer quelques
façons de... «square the circle», comme on dit, parce qu'on partage l'intention
en quelque part. Et là le médecin, comme vous dites, n'a pas son grand mot à
dire. On veut protéger contre l'éventualité qu'il ou elle ait à faire toutes
sortes de jugements à l'instance du déclenchement. Par contre, le médecin,
l'équipe médicale a son rôle à jouer lors de la confection et de la validation
de la demande anticipée. Alors, est-ce que c'est là... même par rapport à 26
actuel, est-ce que c'est là où les précisions puissent apaiser, en quelque
part, vos grandes inquiétudes qui sont réelles?
Mme Marchand (Michèle) : Bien, moi,
je ne pense pas qu'il faut être plus précis, parce que qu'est-ce que vous
voulez qu'on dise, là? C'est vrai que les... On veut qu'il y ait des
souffrances majeures puis on veut laisser le patient dire : Moi, ça, je ne
veux pas endurer ça, mais on veut... C'est ça qu'on veut, là, finalement. Donc,
dans les conditions qui étaient... qui sont déjà dans l'article 26, là, c'est
ça, ça laisse une certaine latitude, mais c'est loin de dire qu'il faut juste
se fier à ce que la personne a demandé. Donc, si on remet l'article 26 comme il
était, comme il est dans la loi, puis que ça couvre les
demandes anticipées puis les demandes contemporaines, bien, pourquoi pas? C'est
sûr que, là, on n'a pas réglé le problème totalement de la pente glissante,
mais on ne l'a pas pris. Je veux dire, on ne l'a pas... On n'embarque pas dans
quelque chose qu'on ne voulait pas. Ça va rester quand même des... Il va
falloir qu'il y ait des souffrances objectivables que le médecin va devoir
constater et penser que c'est normal... que c'est justifiable qu'on passe à un
autre plan au niveau des soins et qu'on donne un soin qui est vraiment assez
drastique, là, qu'on n'est pas capables de faire autrement.
M. Birnbaum : O.K., très vite...
Mme Marchand (Michèle) : Bien, vous
comprenez? Ça fait que je ne pense pas qu'il faut...
M. Birnbaum : ...on ne veut pas
ajouter au fardeau du médecin en deuxième instance du déclenchement, on
convient. Vous venez d'ajouter qu'on ne veut pas non plus préciser à la
demande, lors des souffrances, et tout ça... Alors, qu'est-ce qu'on fait?
Mme Marchand (Michèle) : Moi, je...
mon opinion, peut-être, je me suis mal exprimée. Moi, je ne veux pas enlever de
difficultés au dernier médecin. Je veux, au contraire, qu'il puisse exercer son
jugement pour ne pas faire n'importe quoi parce que le patient l'a demandé.
C'est ça qu'il faut... Comprenez-vous, là? Donc, je ne pense pas qu'il faut enlever de la latitude au dernier
médecin... au deuxième médecin. Au contraire, moi, je voudrais qu'il y en
ait plus pour que, même s'il y avait des souffrances que le patient n'a pas
demandées, il puisse avoir un consentement anticipé puis procéder, puis, si
c'est ce que le patient a demandé puis qu'il trouve que lui, il a d'autres
choses à faire que de l'aide médicale à mourir, qu'il puisse dire : Moi,
là, ce n'est pas que j'ai des objections de conscience, c'est que je pense
qu'on n'a pas tout fait, là, puis que ce qu'elle demande, là, je ne suis pas
prêt à l'accorder, l'euthanasie, pour une telle demande. Vous comprenez un peu
le...
Le Président (M. Provençal)
: Oui, il y a Mme la députée de
Mille-Îles.
Mme Charbonneau : Merci, M. le
Président. Merci. Vous êtes d'une pédagogie simple, compréhensible et tellement
intéressante.
Mme Marchand (Michèle) : Bien,
faites attention, peut-être, c'est trop simple.
Mme Charbonneau : Non, non, mais je ne
dis pas que vous êtes simpliste. Je dis que c'est simple parce que vous êtes
facile à suivre dans votre réflexion.
Je vous amène peut-être à un autre endroit
puisque vous parlez de l'euthanasie. Si j'ai un cancer, je peux décider d'un
arrêt de traitement. J'ai une autodétermination qui fait que je peux arrêter un
traitement. Si je fais de la dialyse, je
peux arrêter ma dialyse et choisir, par mon autodétermination, de mourir, parce
que c'est ça, la conséquence. Mon médecin va m'aviser. Je vais avoir trois,
quatre spécialistes qui vont venir me shaker un peu puis me dire : Ça n'a
pas d'allure, puis j'aurai le droit de prendre cette décision-là.
Quand j'entends Mme De Montigny, puis je la
nomme parce qu'on la prise tantôt en exemple, ce qu'elle nous dit et où elle
nous sensibilise, c'est qu'elle, elle n'aura pas de choix. Elle va perdre ce
sens-là, de réflexion et de jugement, et elle n'aura pas de choix. Donc, ce que
j'entends dans cette réflexion-là, c'est qu'il y a une iniquité. Alors, les gens qui s'en vont ou qui ont un
diagnostic vers la démence ou quelque chose comme ça, ils nous disent :
Moi, je veux que ça soit équitable, je veux
être traité comme si j'avais une autre... pas comme si, mais une
autodétermination, et je veux être capable
de dire, quand je serai rendu au stade,
puis je reprends le terme de ma
collègue, 5, parce que c'est un stade qui est décrit,
bien adapté, les médecins sont capables de s'y raccrocher puis dire :
Bien, c'est exactement ça, je veux qu'on me donne le droit de choisir le moment
de ma mort. Je n'ai pas plus choisi le moment de ma mort si j'ai un cancer
parce que c'est la maladie qui va quand même décider, mais j'aurai décidé de
mourir quand même.
Donc, quand vous dites «suicide assisté»... moi,
je vous le dis, je suis là depuis 2009, ça me torture à chaque fois que je
l'entends, là. Ça puis le mot «euthanasie», c'est toujours difficile, mais, en
même temps, je comprends ce que vous dites. Par contre, qu'est-ce qu'on répond
aux gens qui nous disent : Vous avez mis en place quelque chose qui répond
à certaines attentes, mais moi, parce que mon diagnostic, c'est de l'alzheimer,
je n'aurais jamais droit à une autodétermination qui dit : Pour moi, là...
Puis, encore une fois, je prends un exemple qui n'est pas toujours bon, mais
mon père se promenait à quatre pattes, puis il se cognait la tête dans les
murs, puis ça n'allait pas bien. Le témoignage de Mme de Montigny est marquant.
Je ne veux pas aller là. Je ne veux pas aller là. Je ne veux pas que le dernier
souvenir... et je ne veux pas aller là. Donc, donnez-moi l'opportunité de
pouvoir choisir.
Mme Marchand (Michèle) : C'est ça,
moi, je pense... C'est pour ça que... Mon avis, ce n'est pas que je suis contre
les demandes anticipées. Moi, je pense qu'il faut répondre à cette dame-là,
mais pas nécessairement de la façon dont elle le demande. Comprenez-vous, là?
Moi, je veux bien, là... Moi non plus, je ne voudrais pas vivre ça, mais, si
elle est rendue à ce stade-là, là, je pense qu'on va répondre oui. On va faire
une loi qui va répondre oui. Si c'est de l'incontinence, on va faire une loi
qui va dire... Je ne pense pas qu'on va régler ça comme ça. On va essayer de
trouver d'autres solutions puis on en reparlera quand vous allez... Tu sais, je
veux dire, c'est ça, là, c'est ça, l'idée, ce n'est pas de fermer ça.
Puis le même problème va
se poser avec les handicaps, c'est sûr. Les handicaps, on n'a pas de traitement
arrêté. Ça va être la même chose, mais on va-tu dire : Ah oui! bien là,
toutes les personnes handicapées vont avoir la même... Tu sais, comprenez-vous, on va dire : Un instant, on ne
veut pas que le handicap lui-même soit une ouverture, soit
automatiquement une ouverture. On va juger de la situation. Si les souffrances
ne sont vraiment pas possibles à soulager
autrement, pas juste de l'avis de la personne, mais de l'avis des équipes
soignantes puis de l'avis de ceux qui nous organisent ça dans une
société, bien, on va vous aider, mais on ne va pas vous aider pour que vous
ayez, tout le monde, le même droit. Ce n'est pas vrai, là. D'abord, on ne peut
pas gérer la vie comme ça. Il y a des maladies qui nous atteignent, on n'a pas
le choix. Tu sais, je veux dire, on a beau vouloir être équitable, là, la vie
n'est pas nécessairement équitable. On peut essayer de réparer ça, mais jusqu'à
un certain point, là.
Mme Charbonneau : Non seulement elle
n'est pas équitable, elle n'est pas toujours juste. Merci beaucoup, docteure.
Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la députée. Nous allons poursuivre avec
la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Je vais avoir juste une question puis après je vais céder le reste de mon temps
à la députée de Joliette qui en a plusieurs.
J'essaie de réconcilier tout ce que vous nous
avez dit. Comment on peut faire pour trouver l'équilibre? Est-ce que c'est par
une réévaluation plus fréquente des demandes qu'on va réussir à trouver cet
équilibre-là? Qu'est-ce que vous nous suggérez d'inscrire, en fait? Parce que
moi, j'aurais eu l'impression que la notion de souffrance qui est dans le
projet de loi nous permettait de résoudre au problème...
• (16 h 30) •
Mme Marchand (Michèle) : Je pense
ça, moi aussi. Donc, il faut la faire prévaloir sur la procédure qui est prévue
pour les demandes anticipées, qui sont plutôt d'ordre procédural. Tu sais, on
dit : Tel docteur va faire ça, tel docteur va faire ça. Mais il faudrait
que ce soit clair pour tout le monde au départ que, même si on passe par ça, on
demande l'opinion. Moi, je veux bien... C'est sûr qu'il faut demander l'opinion
des personnes qui vont être démentes, qui vont être inaptes, là, pendant
qu'elles sont encore aptes. C'est ça, l'idée, c'est justement l'idée. C'est sûr
qu'il faut procéder autrement que par une personne apte, là, qui est capable
d'analyser et comprend de... Il faut qu'elle prévoie, là, il faut l'informer de
ce qu'il va arriver, il faut qu'elle puisse porter son jugement, il faut... Ça
fait qu'il faut le faire, mais il faut le faire puis il ne faut pas que ce soit
ça qui s'en rende jusqu'à... les conditions d'obtention. Il faut que les
conditions pour l'obtenir soient claires au départ, comme ça l'était dans la
loi concernant les soins de fin de vie, à
moins qu'on veuille plus ça, là. Mais elle est déjà amputée, cette loi-là, là,
elle est déjà moins limitative qu'elle était. Moi, je pense qu'on peut
laisser les cinq... les conditions comme ça puis dire : Ça va finir par
s'appliquer, quel que soit le long cheminement qu'exigent les situations de
démence prévisible. Comprenez-vous, là?
Je ne suis pas contre ce qu'il y a dans le
projet de loi, mais là je trouve qu'on insiste beaucoup sur des détails, là.
Moi, là, c'est l'orientation qui m'énerve, là, ce n'est pas... Mais il y a
peut-être des détails là-dedans qu'il faut voir. Il faut-tu donner plus de
pouvoirs au premier médecin, au deuxième médecin? Je ne le sais pas trop. Mais
ce que je ne veux pas, moi, c'est que, parce que la personne... on permet à la
personne d'exprimer ses demandes, c'est ça qui va finir par être déterminant
pour l'obtention. Il faut être clair. Qu'est-ce qu'on va faire? Jusqu'à quel
point on est prêt à ouvrir pour que ces personnes-là puissent demander, comme
les autres, le... bien, jusqu'à quel point comme les autres, comme une
demande... jusqu'à quel point? C'est comme les autres, c'est les conditions
qu'on avait déjà. Ça fait qu'il faut les remettre au début de l'aide médicale à
mourir.
Bon, il y a des propositions qui sont d'un ordre
beaucoup plus grand. Ils veulent mettre l'aide médicale à mourir complètement
en dehors de la Loi concernant les soins de fin de vie. C'est sûr que, si on la
met avec beaucoup de latitude, on est aussi bien d'ôter ça de notre loi parce
que ce n'est plus de l'AMM. Comprenez-vous, là? On ne sera pas capable de
rentrer ça dans la loi, là, on va défaire la loi. Je veux dire... Ça fait que,
là... Mais moi, je pense qu'on peut ouvrir, mais il faut poser que l'AMM a les
mêmes conditions, même si des directives médicales anticipées chez des personnes dont on sait qu'ils vont devenir démentes
commandent de faire ça un petit peu autrement.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci infiniment, Dre
Marchand. Vous avez mis des mots clairs sur des difficultés qu'on ressentait ou
des malaises qui ressortaient en lisant la loi, mais vous l'exprimez tellement
clairement. Moi, je les regrouperais en deux grandes catégories. La première,
c'est le décalage entre, évidemment, le fait qu'on serait plus souples pour la
demande anticipée, qui est une incohérence par rapport à une demande
contemporaine, alors que la personne est potentiellement plus vulnérable. Ça,
j'avais comme un peu verbalisé ça, mais là vous le dites beaucoup plus
clairement.
Aussi, totalement, c'est comme si le 29.2, où on
décrit toutes les choses, ensuite, ça fait foi de tout. Puis justement, moi, j'avais mis à 29... puis je veux juste
que vous me disiez si je suis correcte, là, dans le 29.11, deuxième
alinéa, même troisième, là, je disais : Il va vraiment falloir dire
«souffrance contemporaine», si la personne ne paraît pas éprouver les
souffrances décrites dans la demande de manière contemporaine à l'évaluation,
parce que je pense que c'est important de marquer le coup, que c'est vraiment
de manière contemporaine.
L'autre chose
qui me frappe dans cet alinéa-là... en tout cas, dans cet article-là, c'est
comme si c'était inversé, c'est-à-dire
que, un, on donne tout le fardeau à l'équipe. Ça, je ne sais pas si c'est
réaliste en termes de pratique. Est-ce que les
médecins vont vraiment courir après ça, des évaluations, ou c'est mieux que ça
soit le tiers de confiance? Mais, dans le dernier alinéa, ça dit : «Si la
personne ne paraît pas éprouver les souffrances». Là, on vient de dire qu'on a
constaté qu'elle est inapte puis là, ensuite, on dit : Si elle n'apparaît
pas éprouver les souffrances, on va aviser qu'on ne pourra pas lui donner. Mais
je trouve, c'est complètement inverse. C'est comme si la règle de base... dès
qu'elle est inapte, on va lui donner, sauf si elle ne semble pas avoir de
souffrance, alors que ça devrait être plus costaud. Si elle a l'air de vraiment
souffrir de manière constante et intolérable, là, on va lui donner, si, en
plus, on sait qu'elle est inapte. C'est ça?
M. Marchand (Michèle) : C'est ça.
Mme
Hivon : O.K. Puis
l'autre gros problème que je vois, c'est...
Mme Marchand (Michèle) : Je ne sais
pas, dans les libellés...
Mme Hivon : Non, c'est correct, mais
je vous les nomme comme ça, là. Vous n'êtes pas légiste. Mais 29.15d, quand on
évalue, là, le médecin doit évaluer si elle répond aux critères. Le d,
c'est : «Elle éprouve les souffrances décrites dans sa demande en
raison...» Ça fait que c'est sûr, ça ne marche pas.
Mme Marchand (Michèle) : Bien oui,
ça n'a pas de bon sens.
Mme Hivon : C'est comme si c'est
désincarné de sa vraie vie au moment deux. Ça fait que, vraiment...
Mme Marchand (Michèle) : Mais ça,
c'est dangereux.
Mme Hivon : Bien oui, c'est sûr.
Mme Marchand (Michèle) : Parce que,
mettons qu'elle a un cancer, là, bien, si elle n'a pas fait sa demande puis
elle n'a pas écrit ça, on est fait...
Mme Hivon : Bien, c'est ça que je
disais. Ça fait que, vous, vous estimez que, si la souffrance ne découle pas de
l'alzheimer mais d'un cancer, il faut qu'elle soit admissible.
Mme Marchand (Michèle) : Même si
elle est alzheimer puis qu'elle ne peut plus...
Mme Hivon : Bien oui. Bon, puis là
je vais vous... Puis l'autre gros malaise que je pense, c'est que vous avez
peur qu'on donne l'impression à des gens qu'ils vont pouvoir simplement
dire : Si je suis incontinent, si je ne veux pas aller en CHSLD, si je ne
reconnais pas mes proches... Vous voulez que ça soit très clair que ce n'est
pas ça, parce qu'il va vraiment falloir avoir des souffrances objectivables au
moment deux.
Mme Marchand (Michèle) : D'ailleurs,
c'est ça qui est arrivé, aux Pays-Bas, le cas qui a fait scandale, là. C'est
quelqu'un qui avait demandé de ne pas aller en CHSLD, avait écrit ça dans ses
demandes. Quand elle est arrivée pour aller en CHSLD, ils ont voulu procéder,
là. Bien là, c'est là qu'ils ont été obligés de la contentionner. Tu sais, je
veux dire, ça ne marche pas.
Mme Hivon : O.K. Ça fait que ça,
c'est que vous avez peur, que, si on n'est pas assez précis dans le projet de
loi, les gens s'attendent à ce que ça, ça soit suffisant, donc marquer le coup,
autant quand on fait la demande que quand on l'évalue, la souffrance est
contemporaine. O.K.
Donc, est-ce qu'à 29.2, là, vous diriez juste
«si elle éprouve des souffrances»? En fait, je me questionne. Comment on
réconcilie tout ce que la personne peut vouloir exprimer à l'avance, mais qu'au
moment deux, ce qui va être déterminant, c'est le déclin avancé irréversible,
c'est la souffrance contemporaine? Donc, tout ce qu'on prévoit à 29.2, là,
est-ce que ça a encore une pertinence, de dire qu'elle nous instruise sur
les... puis là...
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Mme Hivon : Oui?
Mme Marchand (Michèle) : Oui, moi,
je trouve ça pertinent, parce qu'il faut savoir... c'est toujours pertinent de savoir ce que le patient pense qu'il
devrait... Tu sais, là, je veux dire, ça peut éclairer l'affaire, dire :
Pour lui, ça n'a pas tellement d'importance,
pour un autre, ça... comprenez-vous, il m'a dit que ça avait beaucoup d'importance. Ça ne veut pas dire que ça va
changer complètement le jugement sur l'obtention, la souffrance, la
gravité de la souffrance, le déclin avancé, mais ça peut être très éclairant
parce c'est une personne, là, que, je veux dire, on n'est pas capable de discuter, là. Ça fait que ça peut être très...
Moi, je pense qu'il faut laisser ces aspects... au niveau procédural, là, je
pense qu'il faut laisser... mais être clair, dès le départ, que les
conditions... ce n'est pas ça qui va déterminer les conditions, c'est une façon
de faire, ça, pour qu'on soit capable de procéder. Comprenez-vous?
Mme
Hivon : ...plus de temps. J'aurais plein d'autres questions éthiques,
là, mais...
Le Président (M.
Provençal)
: C'est au
tour de la députée de Maurice-Richard.
Mme
Montpetit : Merci, M. le Président. Bien, si vous me permettez, de
toute façon, on partage les... on a eu l'occasion de vous rencontrer ensemble
durant la commission spéciale, on partage les mêmes questionnements. Donc, si
la députée de Joliette veut continuer l'échange, on travaille dans la même
direction de toute façon.
Mme Hivon : Là,
certains nous ont dit qu'il faudrait carrément changer le titre de la loi, il
ne faudrait plus être dans les soins de fin de vie. Ça, j'aimerais ça vous
entendre là-dessus. Moi, vous savez mon attachement sur la forme originale, là.
La philosophie, je pense qu'on la partage.
L'autre chose, c'est
que, dans la loi, on dit qu'une maladie mentale, en quelque sorte, est réputée
ne pas être une maladie grave et incurable. Est-ce qu'on s'avance en terrain
glissant quand on donne un jugement péremptoire dans la loi?
Puis le troisième
élément, ce serait... il y a tout un rôle du premier médecin qui, donc, doit
accompagner la personne, puis tout ça, puis
on lui dit : Il faut qu'il demande, à intervalles réguliers, à sa personne
si elle veut toujours sa demande anticipée. Moi, je trouve, c'est comme
de l'acharnement, presque. Elle est toujours apte, la personne, elle a le choix
de dire : Je ne la veux plus, ma demande. Et là on prévoit qu'il faut
carrément lui demander. Éthiquement, est-ce qu'on a l'air de s'acharner ou de
la harceler?
Mme Marchand
(Michèle) : Je ne sais pas quoi vous répondre là-dessus. Je ne sais
pas. Dans la mise en... Je ne sais pas quoi vous répondre, je ne sais pas
comment...
Mme Hivon : O.K.,
revenez à l'essentiel.
Mme Marchand (Michèle) :
...puis je ne sais pas quel rôle, somme toute, un peu limité, on peut
donner à ce médecin-là qui va... Tu sais, on veut connaître les volontés de la
personne pour mieux gérer son cas, bon, que ça se passe mieux. Quel rôle un peu
limité on va donner à cette personne-là? Parce que ce n'est pas lui qui va
avoir à mettre ça en... Ça fait qu'il y a un rôle important, je pense, pour que
la personne ne s'imagine pas n'importe quoi, comme je viens de dire, qu'elle va
avoir ça parce qu'elle est incontinente. Il faut que le premier médecin... il
faut que ce soit clair, pour le premier médecin aussi, que les conditions
restrictives... il reste des conditions restrictives, il faut que ce soit clair
pour lui, qu'il dise : Bien, ça, sais-tu, là, je pense que ça ne va pas
marcher pour l'obtenir, donc on va s'orienter autrement. Comprenez-vous?
Ça fait qu'il y a un
rôle important, je pense, pour le médecin qui va accompagner la personne qui va
nous dire ses volontés, mais il faut que ce soit clair, au départ, pour tout le
monde, pour la personne, pour le médecin, pour le médecin qui va avoir à le
faire, que les conditions, pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, que ce
soit par une demande anticipée, une demande contemporaine, demeurent limitées
de la façon dont on les a limitées jusqu'ici ou qu'on a été obligé de les
ouvrir, en tout cas, de la façon dont on veut... il faut les mettre à
l'article 26 concernant l'aide médicale à mourir.
Mme Hivon : Puis
la structure de la loi, soins de fin de vie, et tout ça...
Mme Marchand
(Michèle) : Oui, la structure de la loi fait que...
Mme Hivon : Non,
mais est-ce qu'on la garde ou on la... vu que, là, «fin de vie» saute, puis
tout ça, est-ce qu'on restructure tout?
• (16 h 40) •
Mme Marchand
(Michèle) : Moi, personnellement, je pense qu'elle se tient encore,
c'est mieux qu'on ne l'enlève pas. Ça fait que, tu sais, bon, bien, c'est de
même, là. Ça fait que, si on décide de la garder, bien, ça veut dire qu'on
reste dans la même perspective où c'est un soin et c'est un soin auquel on a
recours pas précocement, là, quand on a épuisé pas mal de ressources. Ça, c'est
assez inédit, cette position-là, c'est assez... C'est le Québec, là, qui... on
tient à ça, mais ce n'est pas du tout la position du fédéral. Eux autres, ils
ont décriminalisé, et puis c'est ça, là, puis ils ont mis des conditions puis
qu'on ne sait pas trop pourquoi ils ont mis ces conditions-là. Moi, je ne sais
pas. Il répondait à des cas particuliers, l'arrêt Carter, là.
Et puis ce qu'il faut
bien voir, c'est que le gouvernement fédéral, il a gardé la notion de mort
médicalement prévisible. Il a mis des
conditions particulières puis... bien oui, il a mis des conditions, il a mis
des balises particulières pour la
mort raisonnablement prévisible. Donc, on n'est pas fous de vouloir garder
certaines restrictions, mais c'est assez spécial. L'aide médicale à mourir, là, c'est assez... de considérer ça
comme un soin, que les docteurs soient embarqués là-dedans, que la population veuille, que tout le monde a contribué puis
que ça soit dans le système de soins, là, moi, je trouve que c'est un succès. Ce que j'ai peur,
c'est que le succès... c'est que l'AMM soit victime de son succès puis
qu'on finisse par faire des affaires dont on
va peut-être être... qu'on n'a pas de gage de succès. On n'en avait pas, de
gage de succès, quand on a commencé,
mais ça a marché. Aussi bien de garder ce qui a marché, les conditions assez
restrictives, le débat public.
Là, on fait ça, parce
qu'on pense qu'il faut en discuter, parce qu'on n'a pas la solution. On pense
qu'il faut ouvrir, même si c'est compliqué, parce que c'est vrai qu'il y a un
vrai problème. Comment on va le régler? Là, c'est ça,
mais au moins, on essaie de le régler de la meilleure façon, sans dire :
On n'ouvre pas du tout pour... On aurait pu dire : On n'ouvre pas pantoute
pour l'euthanasie. On pourrait dire : On n'ouvre pas pantoute pour les
personnes qui sont démentes, hein? On pourrait dire ça ou on ouvre à tout
venant.
Bon, la position de
Mme Chalifoux...
Des voix : ...
Mme Marchand
(Michèle) : C'est ça. Bon, la position de Mme Chalifoux et du Dr
L'Espérance, c'est vraiment... et même du Collège des médecins, la position a
changé au collège... bien, en tout cas, la position du Collège des médecins, elle
est très permissive, là. Elle est très permissive, là.
M. Dubé : Est-ce
qu'on est en retard...
Le Président (M.
Provençal)
: On n'est
pas en retard, mais...
Mme Marchand
(Michèle) : Ça s'en vient.
Le Président (M.
Provençal)
: Je dois
vous dire, M. le ministre, que je me suis fait aspirer par...
M. Dubé : Oui,
d'accord, O.K. Bien, je vous poserai la question... O.K. C'est beau. Ça va.
Le Président (M.
Provençal)
: Mais,
Dre Marchand...
M. Dubé : Non,
mais c'est parce que je veux être respectueux.
Le Président (M.
Provençal)
: Non,
non, c'est beau, mais, Dre Marchand, je vous remercie énormément. Je vous
le dis, là, je pense que l'ensemble des membres autour de la table, on en
voulait encore un petit peu plus, on en voulait encore... j'ai même oublié mon
chronomètre. Mais ceci étant dit, on va vous... on vous remercie énormément de
votre contribution et de votre participation, et on va faire...
On va suspendre pour
pouvoir accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 43)
(Reprise à 16 h 48)
Le Président (M.
Provençal)
: Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Ordre des psychologues
du Québec, donc au Dre Christine Grou et à M. Pierre Desjardins.
Vous aurez
10 minutes pour votre présentation. Par la suite, nous procéderons aux
échanges. Je vous cède la parole. Merci beaucoup.
Ordre des psychologues du Québec (OPQ)
Mme
Grou (Christine) : M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les parlementaires, d'abord, nous vous remercions de
l'invitation à participer à cette commission parlementaire sur le projet de loi
n° 38 concernant les soins de fin de vie et autres
dispositions législatives. Je tiens aussi à remercier les membres de l'équipe
de la permanence de l'ordre qui ont travaillé à la préparation de cette
présentation : Me Édith Lorquet, Mmes Krystelle Larouche et Marie-Joëlle Carbonneau, et je remercie M. Pierre
Desjardins qui m'accompagne aujourd'hui. M. Desjardins est
psychologue clinicien, il est spécialiste en développement et en qualité des
pratiques psychologiques et il est conseiller à la présidence. Je suis
Dre Christine Grou, psychologue et neuropsychologue spécialiste en
cognition et j'ai été clinicienne en santé mentale dans un milieu hospitalier
pendant 30 ans.
Alors,
écoutez, d'abord, on salue la création du groupe d'experts interdisciplinaire.
Nous l'avions recommandé dans le
mémoire qu'on avait déposé en août 2021. On pense que c'est un soutien aux
équipes qui va être extrêmement précieux au regard de l'évaluation de la
demande, de la réflexion sur les enjeux, de l'accompagnement des équipes aussi,
et donc nous le saluons. Toutefois, les
compositions sont à géométrie variable actuellement, et on va vous recommander
de songer à inclure un psychologue ou un
neuropsychologue, étant donné les enjeux sur l'aptitude à consentir, sur la
délicate question de l'évaluation de la
souffrance psychologique, et autant dans les maladies graves et incurables qui
engendrent une souffrance et un déclin physique, et, bien sûr, sans parler de
l'éventuel élargissement pour les troubles mentaux.
• (16 h 50) •
Je voudrais vous
amener sur la demande contemporaine et sur l'exclusion des troubles mentaux à
l'article 26. Alors, écoutez, si le gouvernement fédéral décidait de
l'inclure, il faudrait rapidement harmoniser les législations québécoise et
canadienne, d'une part pour éviter que les professionnels soient pris entre
deux lois, soient coincés, mais surtout pour
éviter que les personnes qui souffrent de troubles mentaux doivent s'adresser à
d'autres juridictions provinciales, ce qui causerait une iniquité
vraiment importante, d'autant que ces personnes-là sont souvent moins
favorisées sur le plan financier.
Alors,
on recommande d'accélérer la réflexion sur l'admissibilité des personnes qui
souffrent de trouble mental et on vous réfère à notre mémoire à la commission
spéciale qu'on avait déposé en août 2021, où on faisait part d'une position
éthique et où on avait un argumentaire sur les garanties supplémentaires qu'on
pouvait procurer au regard des troubles mentaux, mais surtout aussi sur la
question de la vulnérabilité, du stigma et de l'exclusion puis de l'atteinte
aux droits de ces personnes-là.
Je vous amène à
l'article 27, toujours dans les demandes contemporaines, sur l'exclusion
des héritiers comme tiers aidant à la rédaction de la demande pour une personne
qui ne serait pas en mesure de l'écrire. Nous, on considère que d'exclure les
héritiers potentiels, ça prive la personne de ses proches de confiance,
particulièrement dans un contexte émotionnel chargé. Et ça prive surtout une
personne qui veut faire la demande d'avoir la personne qu'elle veut, en
exprimant son autonomie quand elle est capable d'exprimer son autonomie, et de
choisir l'aide des personnes qui la traiterait avec bienveillance et avec
affection. Et c'est une logique qui est complètement différente de la rédaction
d'un mandat en cas d'inaptitude, par exemple, où, souvent, c'est le conjoint ou
un enfant qui va être mandaté et où, pourtant, les mêmes enjeux pourraient
être...
On soulève aussi la
difficulté de faisabilité de s'en remettre à des personnes qui sont peu
significatives ou étrangères, parce que, si vous êtes couché sur un lit
d'hôpital et en train de vouloir faire une demande et de rédiger une demande,
ça va être difficile d'aller dans la chambre à côté chercher des gens qui sont
prêts à vous aider à remplir la demande, s'ils ne vous connaissent pas. Donc,
je pense que ça va être difficile pour toutes les parties.
Je vous amène
maintenant à la demande anticipée, à l'article 29.1, et ça, c'est un point
important, sur l'inclusion du trouble neurocognitif, mais l'exclusion du
trouble mental à ce jour. Et là ce qu'il est important de comprendre, c'est
que, sur un plan clinique, le trouble neurocognitif fait partie des troubles
mentaux. Et la référence, en matière de diagnostic des troubles mentaux, c'est
le DSM-5. C'est la référence partout en Amérique du Nord. C'est le manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux, et, à la page 699, vous
avez le chapitre sur les troubles neurocognitifs. Alors, de dire qu'on exclut
les troubles mentaux et qu'on inclue les troubles neurocognitifs, c'est un peu
un non-sens sur le plan clinique et ça peut porter à confusion. Donc, on vous
invite à réfléchir là-dessus.
Maintenant,
si on va un peu plus loin, à l'intérieur même du trouble neurocognitif, la
commission spéciale sur l'évolution de la loi a recommandé d'inclure le
trouble neurocognitif, mais d'exclure certains troubles neurocognitifs comme
les lésions traumatiques ou les lésions vasculaires. Encore là, le trouble
neurocognitif, c'est une panoplie de troubles
qui affectent la cognition et ce sont des syndromes, hein, qui sont à géométrie
variable puis de gravité variable. Et ce qui peut être complexe, en
fait, c'est... Je comprends qu'on a voulu exclure l'inaptitude soudaine et non
prévisible, comme l'accident vasculaire hémorragique massif, mais est-ce qu'on
exclut la maladie neurodégénérative qui arrive par le fruit de plusieurs
accidents vasculaires successifs et qui devient dégénérative? Parce qu'il
existe une démence à prédominance vasculaire, qui est la deuxième plus
fréquente, avec la maladie d'Alzheimer. Alors, si on veut inclure le trouble
neurocognitif qui est dégénératif et qui, de surcroît, va dégénérer de manière
raisonnablement prévisible, il faudrait le
dire ou l'expliquer, mais en se rappelant que ça fait quand même partie des
troubles mentaux.
Et ce sur quoi on
vous invite à réfléchir, c'est : Est-ce qu'il vaut mieux inclure des
maladies ou des étiologies, c'est-à-dire inclure des façons dont les problèmes
de santé arrivent, ou plutôt inclure des états ou des conditions qui pourraient
engendrer éventuellement une inaptitude?
Maintenant,
évidemment, dans le contexte de la demande anticipée, je vous amène à
l'article 30.2, à la radiation de la demande en cas de refus. Évidemment,
en cas de refus, on doit respecter pour ne pas violenter la personne, mais il
faut considérer que la personne n'est plus apte, qu'elle ne comprend plus ni sa
maladie ni les effets de sa maladie, qu'elle
ne comprend plus les bienfaits ni les conséquences d'un traitement ou d'un
non-traitement et que l'opposition
peut être le fruit d'une agitation ou d'un délirium, par exemple. Alors, nous
recommandons de ne surtout pas radier la demande, mais d'y surseoir ou
de la suspendre jusqu'à ce que la personne redevienne plus calme.
Un mot sur les
articles 24 et 29, et là c'est vraiment juste des questions
d'harmonisation de textes et des questions de compréhension pour nous. Dans la
sédation palliative continue, on mentionne que la personne doit être en fin de
vie pour en faire la demande et on se demandait : Est-ce que c'est une
omission ou si on continue d'exclure les personnes qui ne seraient pas en fin
de vie et qui voudraient en faire la demande? Et dans la condition où la
personne est devenue inapte à consentir, à l'article 29, là, on pense à la
personne, par exemple, qui devient comateuse parce qu'on lui administre de la
médication antidouleur et elle peut quand même se voir administrer l'aide
médicale à mourir, mais, dans le texte, on parle encore d'une personne en fin
de vie. Et nous croyons qu'il serait opportun
de penser qu'il y a peut-être d'autres conditions médicales pour des personnes
qui ne sont pas en fin de vie, mais pour
lesquelles les douleurs sont telles qu'il va falloir administrer de la sédation
qui pourrait rendre la personne inapte.
Maintenant, un mot
sur les articles 29.11 à 29.14, l'interdisciplinarité qui est garante de
meilleurs services. Alors, écoutez, on
considère que ces dispositions-là vont permettre d'améliorer la communication
puis la concertation entre le professionnel compétent, l'équipe de soins
et les tiers de confiance, et on salue cette disposition-là. C'est un essentiel
facteur de protection pour la personne qui demande l'aide médicale à mourir.
Mais on vous incite à réfléchir à la
constitution de ces équipes-là pour qu'elles ne soient pas à géométrie variable
partout au Québec, toujours pour une
question d'équité puis de qualité de services, et en considérant l'importance
et la difficulté d'évaluer la souffrance psychologique, même dans les
cas d'affection médicale a priori ou dans les cas d'affection physique a
priori, la délicate question de l'aptitude à consentir, l'inclusion des
troubles neurocognitifs et la réflexion qui va se poursuivre sur l'inclusion
des troubles mentaux.
Finalement, écoutez,
nous demandons, à l'article 39, l'intégration du psychologue comme membre
de la Commission sur les soins de fin de
vie, compte tenu de ce qui précède. Donc, nous recommandons que nous
puissions en faire partie et nous demandons que, parmi la liste des membres
professionnels de la santé et des services sociaux, soit inclut obligatoirement
un membre qui serait nommé après consultation de l'ordre, compte tenu de ce qui
précède.
Et le temps est écoulé.
Donc, en conclusion, j'espère que ces réactions préliminaires au projet de loi
pourront vous être utiles, et, évidemment, on offre toute notre collaboration
pour l'avancement de ce projet. Et je vous remercie beaucoup pour votre écoute
attentive.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé, Dre Grou.
Nous allons débuter cet échange avec M. le ministre.
M. Dubé : Oui. Dre Grou,
M. Desjardins, je suis... pendant que vous parliez, là, je prenais
connaissance du mémoire que vous avez préparé dans des temps records.
Premièrement, je tiens à vous remercier parce que c'est beaucoup plus facile de
vous suivre puis de réaliser à quel point vous avez une expertise. Je l'ai dit
quelques fois durant les deux derniers jours, mais, à chaque fois que je vois
des gens de votre secteur qui connaissent toute cette terminologie-là puis les
complexités auxquelles vous faites face dans vos carrières respectives, là, ça
m'impressionne beaucoup. Je voulais juste vous le dire.
Moi, je suis fasciné, là, par une notion qui me
préoccupe beaucoup en ce moment, c'est la démence heureuse. Est-ce que j'ai le
bon nom?
Une voix : ...
M. Dubé : Ou non malheureuse. Vous
n'en parlez pas, mais j'aimerais, étant donné votre expertise... Est-ce que
vous avez été déjà confrontée à voir s'il y a un aspect souffrance dans ça, Dre
Grou? Parce que, tout à l'heure, j'écoutais le Dr Marchand qui nous parlait
comment c'est important d'avoir la notion de souffrance, parce que, sans ça, on
donnerait, je dirais, une espèce de privilège à ceux qui feraient une demande
anticipée par rapport aux demandes contemporaines. Je voudrais vous entendre
là-dessus, parce que moi, c'est une notion qui me préoccupe beaucoup, parce que
j'ai eu la chance de visiter quelques CHSLD, là, depuis que je suis à la Santé,
puis j'en ai vu beaucoup, de ces gens-là, avec un beau grand sourire, assis
dans leurs chaises berceuses, puis c'est une image qui m'a marqué. Puis je ne
sais pas si vous voulez m'en parler... parce que je ne traiterais pas des
points que vous avez parlé parce qu'ils sont très clairs dans votre mémoire. Ça
fait que j'en profiterais pour... Ça me préoccupe depuis quelques rencontres.
Pouvez-vous m'en parler un peu, s'il vous plaît?
• (17 heures) •
Mme Grou (Christine) : Je peux vous en parler un peu puis j'invite
M. Desjardins à compléter, s'il le souhaite, par la suite. Mais, en fait,
la notion de démence heureuse... puis c'est une question qui me préoccupe
aussi, M. Dubé, parce que, dans la demande anticipée, en fait, ce qu'on
anticipe comme souffrance, on l'anticipe à partir de ce qu'on est en pleine
autonomie. Mais de fait, alors, moi, je peux vous dire aujourd'hui que, si je
me retrouve dans une démence heureuse. à me bercer dans un CHSLD, puis à ne pas
savoir, puis à ne pas connaître mes enfants, ça me rend extrêmement malheureuse
maintenant. Donc, cela dit, est-ce que je le serai plus tard? Je ne sais pas.
Mais c'est complexe de se demander maintenant comment on va évoluer avec la
pathologie. La démence heureuse est rarement totalement, tout le temps,
heureuse, et là c'est là où ça devient qualitatif puis quantitatif,
c'est-à-dire que, quand vous visitez des CHSLD, vous allez voir des gens avec
des moments heureux, mais, si vous faites un échantillonnage d'observations
comportementales puis que vous regardez les 10 heures qu'ils sont debout
dans une journée, peut-être que vous allez
voir qu'ils sont deux heures heureux puis huit heures très malheureux, très
anxieux ou très agités. Alors, la démence heureuse, pour moi, ce n'est
pas une notion de tout ou rien. Je ne sais pas si je réponds à votre question.
M. Dubé : C'est très clair.
Puis d'ailleurs vous n'êtes pas la première à me répondre la même chose, mais
je voulais l'entendre de vous parce que ça me frappe. Mais c'est effectivement
un très, très bon point. Parlez-moi de toute la question de... c'est quoi,
la terminologie que cherche, là... toute la sédation avant
l'administration. Vous en avez... Pardon?
Une voix : ...
M. Dubé : Oui, c'est ça. Alors,
expliquez-moi comment on peut trouver cet équilibre-là. Puis je trouve que ça,
c'est délicat, parce qu'en ce moment il y a beaucoup d'aide médicale à mourir
qui est, je dirais, faite comme ça, sous une sédation palliative sans... puis
c'est de façon informelle, hein, on s'entend. Moi, j'ai vu ma petite soeur
comme ça, puis ça m'a frappé parce que je trouvais que c'était la bonne chose à
faire. Mais, en même temps, est-ce qu'on dit
qu'on pourrait le faire plus formellement pour éviter les personnes de
souffrir? Parce que, jusqu'à maintenant, c'est un peu informel. Est-ce
que vous voulez me rassurer ou m'expliquer ça selon vous?
Mme Grou
(Christine) : Bien, en fait, la question qu'on adresse, si on
parle de la sédation palliative, la question adressée, c'est :
Est-ce qu'elle est réservée uniquement aux gens qui sont en fin de vie ou,
étant donné le critère de la... l'abolition de ce critère-là, on peut la
réserver aussi comme offre de soins à des gens qui ont des souffrances
intolérables et incurables? Mais, dans le texte...
M. Dubé : Mais c'est surtout,
moi, ce qui me préoccupe... Excusez-moi, j'ai mal posé ma question. Mais en cas
de refus... parce que l'exemple qu'on se fait souvent dire, c'est que la
personne, par exemple, elle a fait tout son processus, elle arrive en fin...
elle arrive au moment où elle souffre, et là on voudrait lui administrer, puis
elle a une réaction très négative, le fameux refus. Puis
là je me dis : On lui donne une sédation pour, peut-être, la calmer, mais
est-ce qu'on n'est pas en train de contourner le refus en faisant ça? C'est un
peu ce que je vous demande. C'est dans le cas de refus, là, que ça me
préoccupe.
Mme Grou
(Christine) : O.K. Bien, écoutez, dans le
cas de refus d'une personne qui n'est vraiment plus apte... parce qu'on
s'entend que, rendues là, les personnes peuvent s'agiter, et effectivement,
c'est difficile de considérer ça. Vous savez, une demande puis un refus, quand
on parle de consentement éclairé, on sous-tend que la personne sait ce qu'elle
fait. Là, ici, si la personne s'agite et refuse, elle ne comprend pas ce
qu'elle refuse.
Évidemment, ce qu'on va soulager, c'est
l'agitation, mais on va le soulager parce que c'est cliniquement indiqué, parce
que la personne qui est très, très, très agitée, à un moment donné, elle peut
se faire du mal, tu sais. Alors donc, on va soulager l'agitation. Une personne
qui est agitée, c'est une personne qui n'est pas bien, c'est une personne qui
est anxieuse, c'est une personne qui ne se sent pas bien, et donc on va la
soulager.
Mais, en éthique clinique, il ne faut jamais
penser que qui ne dit mot consent, parce que ce n'est pas vrai. La nature même
du consentement, ça veut dire que la personne comprend, elle comprend sa
maladie, la nature du consentement aux
soins. Elle comprend les impacts de sa maladie, elle comprend l'offre de soins
qu'on fait, les impacts d'un refus de soins, les alternatives. Alors là,
on parle d'une personne qui ne comprend plus rien de ça, alors... Puis le
consentement éclairé et libre, évidemment, il s'applique à une personne qui est
autonome, cognitivement, parce que c'est de l'autonomie cognitive dont on
parle.
M. Dubé : O.K. Oui. Alors,
merci beaucoup. Nancy... ou peut-être, M. le Président, je passerai peut-être
la parole à des collègues, là. Merci beaucoup, en attendant, docteure.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, M. le
Président. Moi, je voudrais vous amener sur le tiers de confiance. Est-ce que
vous avez des drapeaux à nous lever en lien avec le tiers de confiance,
peut-être, pour l'après? Parce que ce sera cette personne-là qui devra vivre
avec le fait que c'est lui ou elle qui a relevé le drapeau en disant :
Bien, écoutez, je pense que le moment est venu. J'ai cet aspect-là, et il y a
l'aspect aussi du lien pécunier ou du lien... qu'il y ait un lien, là, entre la
personne demanderesse et le tiers de confiance.
Mme Grou (Christine) : Mais, encore là, si vous faites un mandat en cas
d'inaptitude, O.K., vous allez désigner, en pleine autonomie, une personne qui
va s'occuper de vous, le jour où vous n'êtes plus capable de vous occuper de
vous-même, puis vous allez dire à cette personne-là : Moi, dans telle
situation, je veux ça, dans telle situation, je veux ça, puis vous allez
essayer, autant que faire se peut, de documenter chez le notaire toutes les
situations qui peuvent arriver. Il est très rare que ce tiers de confiance là
ne soit pas un héritier potentiel. Alors, quand on amène la notion de conflit
d'intérêts, il faut que les intérêts en conflit soient tels que le fait
d'hériter rapidement et tout de suite, parce qu'on s'entend qu'un jour ça va
être un héritier, de toute façon... c'est que le fait d'hériter tout de suite
ait préséance ou soit un intérêt qui soit en conflit avec l'intérêt de la personne
qu'on aime.
Puis ce qu'on dit, c'est qu'il faut réfléchir, à
savoir : Est-ce qu'il n'y a pas plus de risque à les exclure qu'à les inclure? Parce que, normalement, ils sont
inclus, c'est-à-dire qu'on n'a pas prévu de les exclure, quand on fait un
mandat, puis on n'a pas prévu de les exclure
non plus si on a un consentement substitué aux soins. Parce que si, moi, je ne
suis pas capable de consentir, c'est prévu que ça va être mon conjoint ou mes
enfants qui consentent pour moi. Et ce sont des gens qui sont évidemment impliqués dans mon héritage, mais j'aime mieux
que ce soient eux. Puis, si je ne veux pas que ce soit eux, je vais le
dire quelque part, je vais l'écrire quelque part puis je vais faire la même
chose avec un mandat.
Alors là, ce qu'on dit, c'est qu'une personne
qui choisit un tiers de confiance, on ne peut pas lui refuser le droit de le
faire, alors qu'elle le fait quand elle est autonome.
Mme Guillemette : Merci. Ça répond
bien. Puis pour le suivi de cette personne-là...
Mme Grou (Christine) : Mais j'ajouterais à ça le fait que, si on vous demande à
vous d'aller remplir le formulaire pour quelqu'un avec qui vous n'êtes pas
impliqué, vous ne serez peut-être pas à l'aise de le faire.
Mme Guillemette : Oui,
effectivement. Puis est-ce qu'on doit nécessairement mettre un suivi du tiers
de confiance, après, pour le soutenir un peu ou vous laissez ça aléatoire dans
la situation?
Mme Grou (Christine) : Moi, je pense que toute personne qui accompagne un proche
dans l'aide médicale à mourir devrait avoir un soutien, quel qu'il soit, parce
que c'est très difficile. C'est très difficile. Si vous l'avez déjà vécu, comme
enfant, comme proche aidante, je veux dire, une fois qu'on arrive dans la
situation, c'est extrêmement déchirant. Et là il faut se demander : Il ne
faut pas que je fasse ce que je ne voudrais pas qu'on me fasse à moi, il faut
que je fasse ce qu'il ne veut pas qu'on lui fasse à lui. Puis il faut qu'on le
présume puis qu'on se demande est-ce que c'est le bon moment, puis il y a tous
les sentiments impliqués.
Mais, en même temps,
vous avez une équipe de soins puis vous avez un professionnel compétent qui lui
est aussi responsable d'évaluer la demande. Alors, le tiers n'est pas seul, et
c'est la concertation, justement, de ces personnes-là qui sont autour de la
personne qui fait la demande qui va être un facteur de protection. Mais oui,
c'est difficile pour les tiers aidants, quelle que soit
la situation.Je ne sais pas... mais j'aimerais peut-être que M.
Desjardins complète sur le plan psychologique là-dessus.
M. Desjardins
(Pierre) : Bien, c'est-à-dire... en fait, ce que je peux dire, je
pense, c'est très bien résumé, le point, c'est : le tiers est dans une
situation où il peut se sentir facilement coupable ou responsable de prendre
des décisions qui sont très difficiles à prendre. La plupart du temps, dans une
situation comme celle-là, on peut se sentir : Comment ça se fait que c'est
moi qui est pris à faire cette job-là?, mais, en même temps, il faut que je la
fasse parce que je suis significatif pour la personne qui éprouve tout ce
qu'elle vit.
Mais
moi, je me souviens, dans ces situations-là, tu retournes chez vous, à la
maison, puis tu te dis : Bon, qu'est-ce qu'on vient de décider? Il me semble que j'ai fait ça vite, il me semble
que j'aurais aimé ça que quelqu'un... je ne sais pas, quelqu'un me parle ou au moins que je lui dise : Aïe! Je me
sens mal, c'est-tu à moi dire ça? Comment ça marche, d'habitude?
C'est-tu comme ça? Alors, c'est des situations, je dirais, subjectives sur un
plan psychologique, ce qui fait que les équipes... Puis je parle... on parle,
dans le projet de loi, de soutenir toute l'équipe aussi, parce que, même pour
l'équipe, ça peut être difficile.
Mais imaginons le
tiers, ce tiers-là qui est significatif, lui, il est tout seul, il n'a pas
accès à cette équipe-là. Alors, si on est capables de l'entourer, si on est
capables de considérer qu'on s'occupe autant de lui que de la personne dont il
a à s'occuper, pour laquelle il doit prendre des décisions, moi, je pense que
c'est gagnant et je pense qu'on peut lever
la culpabilité. Il peut vivre une grande tristesse, mais au moins cette
tristesse-là ne sera pas accompagnée d'une culpabilité, parce qu'il
dit : Bien, j'ai pris une décision puis je n'étais pas trop sûr, je
n'étais pas vraiment éclairé, c'était-tu la bonne affaire à faire, c'est-tu
comme ça que ça se passe d'habitude. Toutes ces questions-là qui surviennent,
moi, je pense qu'il faut y faire attention puis il faut prendre soin des gens
qui prennent soin.
• (17 h 10) •
Le Président (M.
Provençal)
: Mme la
députée de Saint-François.
Mme Hébert : Oui.
Merci beaucoup. Justement, je veux préciser quelque chose. Tantôt, quand vous
avez dit, à l'article 27 : Le
tiers, s'il a un intérêt financier, il ne peut pas être le tiers, bien,
quand... Je veux juste être sûre que j'ai le même article que vous.
Quand on parle, à l'article 27, on dit que la personne, c'est :
«...la personne qui formule la demande contemporaine ne peut la consigner dans le
formulaire visé à l'article 26.1 ou la dater et signer ce formulaire parce
qu'elle ne sait pas écrire ou qu'elle en est incapable physiquement, un tiers
peut le faire en présence de cette personne. Le tiers ne peut faire partie de
l'équipe responsable de soins de la personne», donc, puis il ne peut pas avoir
un intérêt financier, il ne peut pas être mineur, ainsi de suite. C'est ce
tiers-là, là, que vous dites qui devrait avoir... Mais là on parle d'une
signature, on ne parle pas d'être le tiers de confiance, dans cet article-là.
Moi, je veux juste voir... regarder, je pense qu'il y a une différence à faire
entre les deux, entre quelqu'un qui va aider et qui va contresigner pour la
personne puis le tiers de confiance.
Puis lors de nos nos
travaux, l'an passé, on s'est assurés que le tiers de confiance, justement,
faisait partie, en tout cas, c'est ce que j'en ai compris aussi, dans le projet
de loi... c'est qu'il fait partie de la démarche lorsque la personne va
élaborer ses directives, ainsi de suite. Puis elle est là et elle doit même
signer, si elle est le tiers de confiance, parce que c'est un engagement. Puis,
pour moi, ça, c'était important, puis c'est dans le projet de loi aussi, donc
on vient s'assurer que la personne est bien informée du rôle qu'elle aura à
jouer auprès de la personne qui fait la demande. Mais c'est sûr qu'elle peut se
retirer, éventuellement, ou quoi que ce soit. Mais je voulais juste être sûre
avec vous de l'article 27 versus le tiers de confiance. Je pense qu'il y a
deux tiers.
Mme
Grou (Christine) : Mais, selon ma
compréhension, puis corrigez-moi si je me trompe, le tiers de confiance ne peut
pas être celui qui remplit la demande, s'il a un intérêt financier. Et là c'est
là où on se dit : Bien là, ça exclut certaines personnes qui sont proches
puis qui accompagnent la personne.
Mme Hébert : Bien,
il faudra sûrement le préciser, mais ce n'est pas comme ça que j'avais compris.
Le tiers de confiance pourrait être un proche puis, de facto, va avoir un
intérêt financier, si c'est la conjointe, ou si c'est l'enfant de la personne,
ou quoi que ce soit. Mais, dans l'article 27, c'est vraiment le tiers qui
signe et qui signe parce que la personne ne peut pas signer.
Mme
Grou (Christine) : Non, mais je suis
d'accord avec vous, mais, quand on signe... puis qu'on signe, puis une personne
ne peut pas signer... Ce n'est quand même pas rien, une signature. Alors, on
exclut... Tu sais, si on exclut la personne qui accompagne toute la démarche
puis qui est au chevet puis qu'on va chercher quelqu'un qui n'est pas
impliqué... En fait, on se questionne sur la pertinence de ça. C'est comme si
ça devient quelque chose de plus administratif, alors que, dans le fond, il y a
toute une équipe clinique qui est autour pour protéger la personne. Donc, on se
questionnait sur la pertinence puis sur la faisabilité d'aller trouver
quelqu'un qui ne fait pas partie de ce système de protection là, puis qui va
venir remplir une demande, puis qui va signer pour la personne, alors que c'est
une demande d'aide médicale à mourir.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup. Nous poursuivons avec le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci à la Dre Grou et M. Desjardins de nous
accompagner à nouveau dans nos délibérations, ce qui a déjà alimenté de
façon très positive nos réflexions en commission spéciale aussi. Alors, merci
pour votre exposé aujourd'hui.
Je
veux prendre une seconde, toujours sur 27, parce qu'on a trois qualités de
tiers, et tout ça, mais moi, je partage, en quelque part, votre
compréhension sur l'importance qu'on n'élimine pas toute une catégorie de
personnes qui risquent d'accompagner, de
façon sérieuse et importante, quelqu'un qui peut n'être pas juste vulnérable
sur le plan physique, santé, mais dans sa vie, d'autres sortes de
carences en même temps. Alors, ce n'est pas une mince considération.
Par contre, la mise en garde, j'imagine, qui est
exprimée par le législateur ici est réelle aussi. On veut faire tout ce qu'on peut pour écarter un tiers,
peut-être, dans son coeur et dans ses actions éventuelles... est non
bienveillant, malgré l'impression de la demanderesse que c'est une bonne
personne. Est-ce que vous avez la moindre suggestion de comment on peut peser,
sans pencher unilatéralement sur une de ces deux considérations-là?
Mme Grou
(Christine) : Moi, j'ai tendance, dans un
cas comme ça, à faire le test de la balance, hein, puis à dire : Dans quel
scénario on va avoir le plus de bienfaits puis le plus de méfaits? Puis je
pense que, pour une majorité de gens qui demandent l'aide médicale à mourir,
ils vont avoir des enfants auprès d'eux ou des conjoints auprès d'eux qui vont
avoir un intérêt financier quelque part, parce que ce sont des héritiers
potentiels, mais ce sont eux qui vont vouloir, comme accompagnants, même la
signature, la majorité des cas. Dans le cas où il y aurait quelqu'un de
malveillant, vous avez une équipe puis vous avez un médecin traitant ou une
infirmière praticienne spécialisée qui doit s'assurer que le consentement est
libre de toute pression indue; c'est leur responsabilité de s'assurer ça.
Alors, dans quelle situation on va causer le
plus de tort? Est-ce que c'est de dire à la personne : Vous êtes avec
votre fils, vous êtes avec votre fille, et, parce qu'ils sont vos héritiers,
allez cogner à la porte de la chambre à côté,
puis allez trouver le fils ou la fille de quelqu'un d'autre, puis demandez-leur
de venir remplir la demande? Est-ce que le fils ou la fille de Mme et M.
Quelqu'un-d'autre vont être confortables de le faire? Puis, à la limite, est-ce
que... Moi, je ne suis pas certaine que je laisserais...
Donc, quand on regarde les cas de figure puis la
façon dont ça se passe, généralement, quand vous avez des gens au chevet des
personnes, ce sont des gens bienveillants. Et, quand ça ne l'est pas, vous avez
une équipe de soins qui va s'assurer de protéger la personne qui fait la
demande, alors... Et c'est là où on dit : Quand on exclut, peut-être
qu'on... Parfois, le mieux est l'ennemi du bien.
M. Birnbaum : C'est
intéressant. Voilà une précision qui est assez intéressante, comme «check», si
on veut, comme vérification. Vous parlez de 29,1 et les troubles mentaux. Il y
a deux choses que j'ai entendues, dont une... avec respect, vous savez que
c'est fort improbable que ce projet de loi va pencher sur les troubles mentaux,
et vous le savez, c'était justement la recommandation de la commission spéciale
de ne pas y pencher. Mais votre référence à 29.1 soulève, si j'ai bien compris,
une autre problématique assez importante. Est-ce que, de votre lecture, le
traitement, dans le projet de loi actuel, de la notion de base de maladie
neurodégénérative est suffisant pour appuyer l'architecture de ce qu'on propose
en termes de demande anticipée, ou y a-t-il un problème là-dessus?
Mme Grou
(Christine) : Le problème que je vois,
c'est un problème qui est à la fois sémantique, mais qui, surtout, risque
d'être clinique puis de devenir légal. Je ne suis pas juriste, mais vous avez
une classification des troubles mentaux qui est reconnue partout en Amérique du
Nord et, à l'intérieur des troubles mentaux, vous avez la dépression, la
schizophrénie, etc., et vous avez tout un chapitre sur les troubles
neurocognitifs. Donc, le trouble neurocognitif est un trouble mental, il fait
partie de la catégorisation des troubles mentaux. Alors, d'exclure les troubles
mentaux puis d'inclure le trouble neurocognitif, c'est un paradoxe, pour la
neuropsychologue que je suis, pour les psychologues que nous sommes, ça risque
de l'être pour certains cliniciens aussi. Et, si on a voulu inclure uniquement
les troubles neurocognitifs et exclure les autres troubles mentaux, il faut
l'expliquer puis il faut surtout dire à quels troubles neurocognitifs on fait
référence, parce que, dans les troubles cognitifs, vous avez le trouble lié à
la maladie d'Alzheimer, mais vous avez aussi le trouble lié à la lésion
traumatique. Il y a toutes sortes de...
M. Birnbaum : ...précision,
parce que «dégénératif» n'est pas un mot qui circonscrit la chose comme il
faut? Au lieu de «cognitif», «dégénératif»?
• (17 h 20) •
Mme Grou
(Christine) : Bien, c'est ce que je
suggère, c'est-à-dire que, si on veut inclure le trouble neurocognitif, il
faudrait préciser lesquels. Et la question que j'adresse, c'est : Est-ce
qu'on veut inclure les troubles neurocognitifs qui sont dégénératifs et pour
lesquels, de surcroît, la façon de dégénérer est prévisible? Mais c'est pour ça
que j'ai donné l'exemple de l'accident vasculaire versus la démence vasculaire,
parce que la démence vasculaire est quelque chose de fréquent, mais la démence
vasculaire se produit quand il y a plusieurs petits incidents vasculaires qui vont se produire dans le cerveau
de la personne. Et ça va finir par faire, un peu, un cerveau qui, à
l'imagerie, va avoir l'air d'un fromage avec des trous dedans, et, s'il y a
trop de trous, bien, on finit par avoir une inaptitude.
Alors, c'est pour ça qu'il faut préciser, je
pense, pour ne pas que les gens... C'est une préoccupation qui est très
terrain, pour moi. Donc, il faut préciser à quoi on s'adresse et peut-être
réfléchir davantage au pronostic, parce que les processus ne sont pas toujours
linéaires. Mais, médicalement parlant, on sait qu'il y a des facteurs de
risque, par exemple, pour la dégénérescence.
M. Birnbaum : O.K., très important.
Vous avez aussi soulevé des questions de l'harmonisation avec le régime fédéral
et surtout de l'optique d'équiper les gens sur le terrain, les intervenants,
intervenantes à avoir la confiance, la capacité d'agir selon les besoins, qui
est un enjeu réel. Est-ce que vous avez cette préoccupation pour un des... bon,
le noeud de l'affaire, dans le projet devant nous, c'est-à-dire de procéder sur
les demandes anticipées? C'était la perception de notre
commission spéciale et, j'imagine, du législateur avec son projet de loi, qu'on
est dans un champ de compétence qui appartient au Québec. Mais est-ce que vous
avez la même inquiétude dans tout ce qui a trait à l'importance de
l'harmonisation, afin d'être clair et en appui aux intervenants, intervenantes
lors d'une éventuelle adoption du projet de loi devant nous?
Mme Grou (Christine) : Oui, c'est-à-dire que je pense qu'il y a une préoccupation
de ne pas coincer les cliniciens entre deux législations, mais aussi de ne pas
causer un sentiment d'iniquité aux personnes, par exemple, qui diraient :
Bien, moi, dans une autre province, je peux obtenir quelque chose que je ne
peux pas obtenir ici. Donc, si j'ai bien compris le sens de votre question,
c'est l'opinion, effectivement, que nous avons.
M. Birnbaum : Oui. Je vous invite,
soit maintenant ou en complément, de nous parler de comment on peut offrir une sécurité, une assurance aux
intervenants, intervenantes, advenant l'adoption de la loi devant nous, qui
veut dire que notre demande anticipée
peut se déclencher, éventuellement, en... l'application de l'aide médicale à
mourir. Est-ce que vous avez des suggestions sur comment équiper les
intervenants lors d'éventualités... ou pour cette éventualité?
Mme Grou (Christine) : Je pense qu'il y a une réflexion à faire puis j'aimerais
céder aussi la parole, après, à M. Desjardins, qui va certainement avoir
d'autres idées, mais je pense qu'il y a une réflexion à faire. Et tout ce que
je peux dire, c'est que, quand on va s'asseoir avec le patient qui fait la
demande anticipée, il y a beaucoup de choses sur lesquelles il va falloir
l'éclairer, c'est-à-dire il va falloir lui expliquer, faire beaucoup
d'éducation sur la progression de la maladie. Il y a beaucoup de choses qui sont
spéculatives puis il va falloir poser des questions sur beaucoup de cas de figure. Alors donc, ça va prendre du temps, puis il
va falloir essayer de regarder les différents cas de figure, ce qui représente un défi, quand même,
cliniquement. M. Desjardins, j'aimerais vous céder la parole pour complément.
M.
Desjardins (Pierre) : Bonjour. Bien, en fait, c'est assez difficile,
mais je me place dans la peau du clinicien et j'essaie de comprendre
l'esprit du projet de loi, et l'esprit du projet de loi, c'est qu'on a des
conditions qui peuvent permettre une demande anticipée d'aide médicale à
mourir. La condition, c'est que j'ai une condition qui risque de se détériorer
à un point tel que je ne pourrai plus profiter de la vie, et je ne serai plus
capable de consentir, et j'aurai des souffrances. Ça, c'est le principe.
Maintenant, les cliniciens, à mon avis, je me
place dans la peau du clinicien, il a besoin de comprendre pourquoi on a
sélectionné des diagnostics et pourquoi on ne s'est pas arrêté sur des
personnes qui sont aux prises avec des conditions, peu importe le nom ou
l'étiquette qu'on leur donne, que ce soit un trouble neurocognitif dégénératif,
ou que ce soit trouble mental, ou peu importe, peu importe la condition qu'on
donne, c'est comme si on accroche à une terminologie puis qu'on... je ne sais
pas si c'est un stigmate qui est encore accroché aux gens qui ont des troubles
mentaux, on se dit : eux autres, non.
Mais pourtant, moi, comme clinicien, comme
psychologue, je me dis : Je peux vivre avec ces mêmes conditions là qui amènent d'autres personnes à
faire une demande anticipée. Alors, dans cette situation-là, il y a
quelque chose que les cliniciens ont besoin de comprendre pour pouvoir
s'approprier la démarche, d'abord, un, puis ensuite les outiller dans cette compréhension-là, peut-être avec des
définitions, avec un processus qui sera clairement détaillé. Mais je
pense qu'on est en train de mettre la charrue en avant des boeufs, et c'est
quelque chose qui sera à venir aussi, mais je pense qu'on ne peut pas lâcher
lousses les cliniciens là-dedans.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole
à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Je veux revenir sur les propos que vous avez tenus sur une situation où, par
exemple, une personne qui a fait une demande anticipée refuse, finalement, de
recevoir l'aide médicale à mourir. Vous avez proposé de ne pas radier cette
demande-là et donc peut-être de réessayer plus tard, là, au moment où la
personne va être plus disposée à le faire. J'aimerais ça que vous nous
orientiez un petit peu, là, sur comment on devrait concrétiser ça, combien de
fois on peut reporter ce processus-là ou le réévaluer.
Mme Grou (Christine) : Bien, encore là, à partir du moment où on accepte le
principe de la demande anticipée... Puis, vous savez, le défi, justement, pour
les cliniciens, c'est que, souvent, c'est difficile de se prononcer sur comment
on va dégénérer, comment vite, etc., bon, puis comment on va être quand on
sera, justement, rendus... Il y a des grandes lignes, là, mais il peut y avoir
des variables. Cela dit, au moment où on la fait, la demande, on prévoit...
(panne de son) ...moi, qu'au moment où je n'arriverai plus à décider, je veux
qu'on m'administre l'aide médicale à mourir... (panne de son)...
Le Président (M. Provençal)
: On a un problème de signal avec vous,
madame...
Mme Grou (Christine) : ...donné, et, à ce moment-là, je m'objecte. Ça fige? O.K.
Ça va. Et donc... et là, parce que je m'objecte en ne sachant plus ce que je
fais, on va radier ma demande. Mais c'est comme remettre en question le
principe de la demande anticipée, comprenez-vous? C'est que la demande
anticipée, elle, repose sur un principe d'autonomie, d'autodétermination. Et ce
qu'on dit, c'est : Au moment où je suis autonome, je prévois quelque chose
puis je voudrais qu'on le respecte, et, quand je ne le suis plus puis je ne
sais plus ce que je fais, là, si je vous dis non, faites-le pas.
Alors, vous savez, c'est
ce qu'on appelle un contrat d'Ulysse, hein, on appelle ça un contrat d'Ulysse
parce qu'Ulysse, dans L'Odyssée, il a
demandé à ses gens de l'attacher puis il a dit : Si les sirènes
m'appellent, détachez-moi surtout pas. Mais imaginez-vous si on l'avait
détaché. Là, c'est un peu ça, puis je prends un exemple qui est un peu
caricatural, mais c'est un peu ça qui va se passer. Alors, ça serait très
violent d'injecter quelqu'un qui s'y objecte.
Puis, cela
dit, il ne faut pas non plus faire d'acharnement, mais vous avez une personne
qui a demandé quelque chose, et qui l'a demandé de son plein gré, et qui
a perdu complètement son autonomie cognitive, et, à un moment donné où
l'agitation est partie, ne s'y oppose plus. Je pense que le principe à
respecter, c'est l'autonomie qu'elle avait quand elle l'a demandé, parce que, sinon, ça remet
en question toute demande anticipée. Vous comprenez ce que je veux dire? C'est parce que, pour changer d'idée, encore
faut-il avoir l'expression d'une idée et que cette idée-là soit
éclairée.
Mme Labrie : Je comprends. Mais
donc, par exemple, combien de temps on peut... combien de fois ça peut se
produire qu'on décide de reporter à plus tard un moment où la personne va
finalement accepter que ça se produise et de recevoir l'aide médicale à mourir?
• (17 h 30) •
Mme Grou (Christine) : Bien, encore là, étonnamment, ça ne sera pas une
acceptation. Il faut perdre ça de vue, parce que ça ne sera pas... Vous savez,
quand la personne ne bouge plus puis ne s'oppose pas, elle ne consent pas plus,
elle ne comprend pas plus. Ce que je veux dire, c'est que tu ne comprends pas
plus quand tu t'opposes que quand tu ne t'opposes pas. Mais ça ne veut pas dire
que tu acceptes, parce que la notion d'éclairé n'est plus là quand la personne
a perdu son autonomie cognitive. Je ne sais pas si je suis claire.
Si je prends l'exemple, par exemple, d'une autre
forme de maladie, ça serait peut-être plus simple. Mais vous prévoyez quelque
chose, en disant : Moi, le jour où je n'ai plus ma tête, je veux que telle
chose arrive. Le jour où je n'ai plus ma tête, j'exprime un refus, mais je ne
sais pas ce que je refuse. Je ne suis plus capable de le réfléchir, ce n'est
plus éclairé. Alors, qu'est-ce qu'on va faire? On ne va pas violenter la
personne, on ne va pas s'acharner non plus. Mais ce n'est pas un vrai refus,
comprenez-vous? Ce n'est pas un refus éclairé. À ce moment-là, ce n'est plus...
C'est juste que c'est très difficile, dans l'imaginaire collectif, de penser
qu'on peut injecter quelqu'un qui dit non, même si elle ne sait pas à quoi elle
dit non. Alors, est-ce qu'on va revenir la semaine d'après, quand elle est
calme, pour procéder? Nous, ce qu'on dit, c'est : De radier la demande, ça
serait comme de refuser la demande anticipée, finalement, parce que, rendu là,
le consentement, il n'en est plus un.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup, madame. Alors,
nous allons procéder avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Bonjour, merci beaucoup, merci pour vos propos très éclairants. Peut-être
juste, M. Desjardins, vous... Tantôt, vous disiez : Mais pourquoi
ce serait différent? Oarce que, dans le fond, c'est la souffrance qui nous
importe, pas tant la source. Je veux juste faire un petit retour, parce que je
pense que c'est important qu'on se dise, historiquement, pourquoi on en est
arrivés à cette loi-là.
C'est qu'il y avait comme trois éléments. Il
fallait avoir une maladie grave et incurable, il fallait être en fin de vie
puis il fallait souffrir. Donc, la souffrance, elle devait être ancrée dans une
maladie grave et incurable. Et être en fin de vie, là, vous savez, à cause des
tribunaux, «fin de vie» a tombé, mais ça devait toujours être ancré dans une
maladie grave qui allait évoluer et faire en sorte qu'on se dirigeait, en
quelque sorte, vers une fin de vie. On peut ne pas être en fin de vie, mais on
a une maladie très grave et incurable qui est très sérieuse et qui nous amène
dans un état où on va dégénérer, d'où le terme aussi, «déclin avancé et
irréversible». S'il n'y a pas de déclin, si l'état, il est toujours stable...
C'est ça, le défi aussi avec le handicap, par rapport à notre loi, c'est que
vous êtes dans un état extrêmement difficile. Il peut être souffrant, mais ce
n'est pas une maladie grave et incurable qui, en elle-même, amène une
dégénérescence ou un déclin. Ça peut arriver que le handicap fasse ça, mais pas
en soi.
Bref, c'est juste ça que je voulais vous dire,
parce que, si on est juste dans la perspective de la souffrance, bien là, ça
nous amène à dire : Pourquoi il faudrait même une maladie? Est-ce qu'un
deuil non résolu peut faire souffrir autant qu'une maladie? Est-ce qu'une perte
de sens de la vie... Tu sais, vous me comprenez, vous êtes les experts de ça.
Ça fait que j'essaie juste de vous dire qu'il faut se ramener à ce qui nous
avait habités à l'origine pour, justement,
bien circonscrire la chose, pour retrouver du sens dans les distinctions qu'on
fait. Ça fait que je ne sais pas si ça a
du sens, ce que je vous dis, ou si ça fait que vous vous dites que vous restez
quand même très insatisfaits des orientations.
Mme Grou (Christine) : Bien,
moi, je pourrais peut-être vous donner un exemple puis je vais laisser M.
Desjardins parler. Mais, si vous prenez, par exemple — puis
j'en ai vu beaucoup, c'est pour ça que je me permets de donner cet exemple-là — quelqu'un
qui a un trauma crânien sévère, O.K., bon, il va y avoir une période de
récupération spontanée, mais là... puis il va avoir plein... Le trauma crânien
vient avec un trouble neurocognitif sévère, quand il est sévère, mais il vient
aussi avec toutes sortes de brisures du corps, tu sais. Le corps va être
spastique, il va être paraplégique, il va être... puis il va être souffrant,
mais, cela dit, il va y avoir une période de récupération spontanée, dans
l'année qui va suivre, puis, après ça, il va se stabiliser, puis ça, c'est un
état. O.K.?
Bon, mais cette personne-là, elle va subir
énormément de pertes par la suite. Elle va perdre son emploi, elle va perdre...
elle ne pourra plus aller à l'école, elle va perdre ses amis, elle ne pourra,
souvent, pas se marier puis avoir des enfants, elle ne pourra pas travailler.
Puis là on parle d'une personne, tu sais, qui arrive à 30 ans, là, puis
qui ne pourra pas avoir ça. Il y en a une bonne proportion qui vont commencer à
consommer, il y en a une bonne proportion qui risquent de développer des
troubles mentaux. Puis là, 20 ans après, là, tu sais, bien, le déclin, il
peut être vraiment avancé puis irréversible, puis la personne, elle peut être
dans des souffrances vraiment importantes.
Là, je donne un exemple comme moi,
j'en ai vu, quand même, passablement, puis j'aimerais ça que M.
Desjardins puisse en donner d'autres. Mais ce que je veux dire, c'est que,
quand on exclut des choses qui peuvent, comme, évoluer puis se surajouter les
unes aux autres, bien, on manque peut-être quelque chose aussi. Vous comprenez?
Parce que ces gens-là évoluent, puis des fois ils évoluent dramatiquement, puis
on va refuser... on va exclure. Alors,
plutôt que de regarder un état, plutôt que d'évaluer un historique clinique ou
une évolution clinique, bien, on va aller vers des taxonomies. C'est ça,
je pense, puis M. Desjardins me corrigera si je me trompe... mais c'est à ça
qu'il faisait référence, mais je lui laisserais la parole pour qu'il complète.
M. Desjardins
(Pierre) : En fait, Mme Hivon, je pense que j'avais compris...
peut-être, certainement que je ne maîtrise pas ça aussi bien que vous le
maîtrisez, mais j'avais compris. Mon commentaire, c'était davantage qu'il se
peut qu'il y ait des problématiques de santé mentale qui soient très graves, et
qui évoluent, et qui amènent cette situation-là. Ce n'est pas exclu qu'on
trouve ça aussi dans la santé mentale.
Je suis conscient
qu'on est à un stade un petit peu, peut-être, prématuré pour prendre une
décision, mais tout ce que je veux soutenir, c'est que... Pourquoi d'emblée
écarter sur la base d'entités diagnostiques plutôt qu'on... Ne devrait-on pas
plutôt réfléchir sur quel est l'état, quelle est la condition, est-ce que cette
condition-là évolue, est-ce qu'elle va être amenée, cette personne-là, dans la
même situation que les personnes pour qui on autorise la demande anticipée? Je
n'ai pas la réponse à l'heure actuelle, mais je trouve que d'entrée de jeu,
d'écarter ça, les problématiques de santé mentale... Je pense que, dans la
vaste majorité des cas, elles sont à écarter, ça, j'en conviens tout à fait,
mais il y a des cas... à mon avis, il y aurait certainement des cas où ça
devrait être envisagé. Je ne dis pas qu'il faut nécessairement le faire.
Et mon propos, c'est
plus de dire, et on le dit dans le mémoire... c'est-à-dire que ça s'en vient,
cette réflexion-là, on parle qu'on va le
faire, le gouvernement du Canada va le faire. Il ne faudrait peut-être pas se
peinturer dans le coin en prenant une
décision qui écarte les choses, mais prévoir le coup et prévoir peut-être de
réfléchir sur ces questions-là, sur est-ce que... je n'ai pas la
réponse, mais est-ce qu'on ne devrait pas regarder du côté de la santé mentale.
Mme Hivon : Oui. Bien, écoutez, si ça peut vous rassurer,
c'était dans notre mandat, donc, de notre commission. On y a réfléchi
abondamment, et je peux vous dire que, oui, on est tout à fait conscients qu'il
y a des souffrances intolérables. C'est pour d'autres raisons, vous pourrez
aller lire notre rapport, qu'on a décidé maintenant de ne pas aller là. Mais
c'est un véritable enjeu, ça, vous avez totalement raison. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Provençal)
: ...Mme
la députée. Merci beaucoup à nos deux représentants de l'Ordre des psychologues
du Québec. Votre contribution est très appréciée. Les échanges ont été bien
notés.
Et, sur ce, je vais
suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à
17 h 38)
(Reprise à 19 h 50)
Le Président
(M. Provençal)
: Bienvenue
à la Commission de la santé et des services sociaux.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 38, Loi
modifiant... Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions
législatives.
Ce soir, nous
entendrons les personnes et groupes suivants : les
Drs Claude Rivard et Marcel Arcand, le Regroupement provincial
des comités des usagers et la Dre Mona Gupta.
On a commencé un
petit peu en retard, donc on va essayer de récupérer notre temps. Je souhaite
maintenant la bienvenue aux Drs Claude Rivard et Marcel Arcand.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi nous aurons notre période d'échange. Alors, je vous cède la parole. Merci.
MM. Claude Rivard et Marcel Arcand
M. Arcand (Marcel) : Alors,
je me suis entendu avec le Dr Rivard, c'est moi, Dr Arcand qui va commencer. Je
suis un médecin de famille presque complètement retraité, mais qui fait de
l'aide à mourir depuis 2016 et du soin palliatif à domicile.
Ce que j'ai à vous
dire, premièrement, c'est que j'accepte l'idée de demandes anticipées, et non
pas de directives anticipées, pour l'aide à mourir. Nos recherches ont démontré
qu'il y avait une bonne acceptabilité sociale pour cela. Le problème, c'est
plus les difficultés d'application pour les médecins. Par exemple, mes
collègues aux Pays-Bas, ça leur est permis, mais c'est très peu appliqué. Il y
a des cas d'alzheimer qui reçoivent l'aide à mourir là-bas, mais ce sont des
gens qui sont encore aptes en partie, en tout cas, généralement aptes, qui
peuvent consentir. Mais il y a des réticences à la fois des familles de faire
la démarche de demander l'aide médicale à mourir pour leurs parents et aussi
pour les médecins de le faire à des patients qui ne sont plus capables de
consentir.
Par contre, le fait
d'avoir de telles directives de la part du patient, ça amène les praticiens
souvent à changer les objectifs de soins
vers soins de confort uniquement, qui peut être, par exemple, juste du
traitement symptomatique, enlever
beaucoup de médicaments et de tests. Il ne faut pas que ça soit exécutoire. Il
y a trop d'éléments à considérer dans la situation... c'est-à-dire ce
n'est pas... Mon expérience des directives anticipées, c'est que c'est
difficile d'avoir des consignes très claires et très précises de la part des
patients. Il y a toujours besoin d'interprétation.
Alors, je préfère, comme
démarche, ce qu'on décrit comme consentement substitué, où à la fois les
membres de la famille et l'équipe soignante se réunissent en se posant la
question : Quel est le meilleur intérêt pour cette personne à ce moment-ci de sa vie? Et idéalement, s'il y a une personne
extérieure, comme un conseiller en éthique, qui est présent, je pense
que ce serait un plus pour rassurer tout le monde. Et, si on partage le fardeau
de la décision, c'est beaucoup moins lourd à porter et c'est moins
culpabilisant.
Je pense que, la plupart des cas, si on le fait,
on va probablement utiliser une sédation avant de faire l'aide médicale à
mourir pour éviter qu'un patient qui ne comprend pas bien ce qui se passe se
débatte, etc. Mais moi, je ferais la suggestion qu'on demande aux personnes,
lorsqu'elles font la demande anticipée d'aide médicale à mourir, de dire si
elles acceptent ou non l'idée d'une sédation juste avant. Je pense que ça
faciliterait aussi cette procédure-là.
Dr Rivard m'a parlé de la possibilité de faire
un enregistrement vidéo lors des directives à l'avance. Moi, je suis très en
faveur de ça. Je pense que, de ressortir la vidéo, ce serait un plus pour les
familles et les soignants. Ça rafraîchirait la demande qui deviendrait comme
plus contemporaine de cette façon. J'accepte très bien qu'une infirmière
praticienne spécialisée puisse donner le soin... faire l'évaluation et donner
le soin. Puis, encore une fois, je répète qu'il faut continuer à accepter les
cas de maladie d'Alzheimer ou autres troubles neurocognitifs qui ont encore
leurs aptitudes. Il y a une petite fenêtre, avant qu'ils la perdent complètement,
pour qu'ils puissent recevoir l'aide médicale à mourir. Mais actuellement, il y
a comme un délai de 90 jours que c'est difficile de respecter, parce que
c'est souvent durant cette période-là qu'ils pourraient perdre leur aptitude.
Alors, moi, je pense qu'il va y avoir des cas où
il n'y aura pas de médecin pour le faire et peut-être pas d'infirmière non
plus. Je ne sais pas si on peut prévoir quoi faire dans cette situation-là,
mais je pense que la réticence médicale va être très grande. Moi, j'accepterais
de le faire pour des gens que je connais, que j'ai suivis ou que j'ai la chance
de voir la vidéo au minimum, et d'avoir un grand consensus familial pour
rassurer. Voilà. Je passe la parole au Dr Rivard.
M. Rivard (Claude) : Oui, bonsoir.
D'abord, je voudrais remercier les membres de la commission de nous avoir
invités pour qu'on donne notre avis au niveau des modifications qui sont
proposées au niveau du projet de loi qui nous concerne.
Moi, je suis praticien depuis maintenant...
1995. J'ai tout le temps fait de la première ligne. J'ai fait de l'urgence
pendant 12 ans, j'ai fait des soins intensifs pendant 13 ans et,
depuis six ans, je fais des soins palliatifs à domicile, en établissement, puis je fais aussi de l'aide médicale à
mourir depuis que la loi le permet, en décembre 2015. J'ai été...
On a fait la première, moi et un autre médecin, à domicile. Ça faisait deux
heures que la loi était passée. Depuis ce temps-là, j'ai fait plusieurs
centaines de patients qui ont reçu l'aide médicale à mourir de ma part. Il y en
a que j'ai évalué et que j'ai refusé, mais ceux qui ont reçu le soin, c'est en
plusieurs centaines.
Les problèmes que je vois, au niveau de
l'application de cette loi-là, c'est... actuellement, comme le projet de loi
est proposé, selon moi, ce projet de loi là, il mériterait d'être bonifié. Il
mériterait d'être, disons, rendu plus facile au niveau de l'application, parce
qu'actuellement, de la manière dont le projet de loi est présenté, je ne crois
pas que ça va permettre à des médecins ou encore des IPSPL de pouvoir donner le
soin. Comme le projet de loi est présenté, actuellement, je ne crois pas, avec
les limitations qui sont dans le projet de loi, qu'on va pouvoir faire l'aide
médicale à mourir, tel que c'est décrit et demandé au niveau des... suggéré au
niveau du projet de loi. Ça fait longtemps que la communauté qui s'occupe des
soins palliatifs puis qui fait de l'aide médicale à mourir demandait que les
deux lois, provinciale et fédérale, soient harmonisées. C'est encore le souhait,
au niveau de la communauté des médecins qui font de l'aide médicale à mourir,
que cette harmonisation-là se fasse.
Pour vraiment rester au niveau des demandes
d'aide médicale à mourir anticipées, des demandes anticipées, il faut se rendre
compte que c'est un soin qui est complètement différent des directives
médicales anticipées qu'on connaît actuellement et pour lequel on a un registre
au niveau du Québec. Quand on fait une directive médicale anticipée, souvent,
les gens vont dire qu'est-ce qu'ils ne veulent pas avoir comme soins. Ils ne
veulent pas être réanimés, ils ne veulent pas être massés, ils ne veulent pas
être gavés, ils ne veulent pas de dialyse puis ils ne veulent pas être
hydratés. Quand ça, c'est dit, tout le reste, ce qu'ils veulent, c'est de la
pratique médicale normale. On traite nos patients comme on doit les traiter.
Le problème que je vois, c'est quand on a une
directive médicale anticipée associée avec une demande d'aide à mourir ou,
comme l'a si bien dit Dr Arcand, un consentement substitué. Là, ce n'est ce pas
la même affaire, ce n'est pas un soin qu'on ne veut pas, c'est un soin qu'on
veut. On veut que ce soin-là nous soit donné, alors que nous, on n'est plus
apte pour le demander. La définition du refus, tel qu'elle est libellée dans le
projet de loi actuellement, fait en sorte que c'est tellement interprétable
qu'advenant que le patient fasse une demande, que cette demande-là soit
acceptée, je suis parfaitement d'accord que, oui, il faudrait qu'il y ait une
preuve vidéo. Parce que, là, ce n'est plus une question de semaines ou de mois,
c'est une question d'années avant, finalement, que le patient soit déclaré
inapte par un médecin. Et, après ça, une fois qu'il est déclaré inapte, il faut
aussi savoir s'il a des souffrances qui sont énumérées au niveau de sa
directive médicale anticipée par rapport à l'aide à mourir.
C'est des évaluations médicales sériées à faire.
Et la loi, ce qu'elle a dit, à la page 13, c'est : Tout refus d'un patient pour ne pas recevoir l'aide médicale à mourir
doit être respecté. Ça, ça veut dire qu'une fois que les évaluations
sont toutes faites, si jamais il y a un
patient, à l'insertion du cathéter intraveineux, qui retire son bras, est-ce
que l'infirmière qui installe le cathéter ou le médecin qui installe le
cathéter peut interpréter ça comme un refus, et alors là tout ça tombe?
Ce qui fait qu'actuellement je pense que... je
suis d'accord avec le Dr Arcand, je ne crois pas que ce soin-là va se
donner. Malgré ma grande expérience de donner ce soin-là, moi, ce n'est pas un
soin que je vais donner. Actuellement, j'ai de la misère à fournir des gens qui
sont en fin de vie. J'ai de la misère à fournir ce soin-là pour des gens qui ont déjà les critères tels que la loi, elle a été
créée quand elle est passée. Et je vais me concentrer sur les patients qui ont
ces critères-là avant de commencer à faire des évaluations et prestations de
soins d'aide médicale à mourir à des patients déments et inaptes.
• (20 heures) •
Le
Président (M. Provençal)
: Alors, je comprends que votre présentation se
complète avec ce point-là, messieurs?
M. Rivard (Claude) : Oui.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci beaucoup de votre
présentation. Nous allons immédiatement initier les échanges avec M. le
ministre. Merci.
M. Dubé : Oui, bien, à vous deux,
docteurs, au pluriel, Dr Arcand puis Dr Rivard... Je sais que... Ce n'est pas
facile de vous poser ces questions-là, puis je pense que vous avez... Avez-vous
entendu d'autres rencontres qu'on a eues depuis hier, là? Je ne sais pas si
vous avez eu la chance d'écouter quelques autres présentations. La question de
l'harmonisation nous a été, je pense, assez bien expliquée, et je ne veux pas
trop passer de temps là-dessus, parce que,
vous, vous dites que vous ne seriez pas confortables à cause de ce flou
juridique là. C'est bien ce que je comprends, c'est la... Là, je parle
du Dr Rivard, c'est vous qui... à cause de votre... Non? C'est ça que vous me
dites, vous ne seriez pas à l'aise de faire ça, à cause du flou juridique.
Est-ce que c'est bien ça?
M. Rivard (Claude) : Non, non, non.
Le flou juridique entre le fédéral puis le provincial, ça va se régler un jour.
Moi, ce que je dis, c'est : Actuellement, le projet de loi pour les
directives anticipées fait en sorte qu'il y a un flou au niveau de l'application, de comment le docteur va donner le
soin. Oubliez le fédéral, c'est... Le projet de loi, tel qu'il est
présenté, présente un flou qui va faire en sorte que le praticien... que ce
soit le médecin ou l'IPSPL ne le fera pas.
M. Dubé : Et donnez-moi la
principale raison, parce qu'il peut y en avoir quelques-unes, mais il est où,
ce flou juridique là, selon vous, de la
façon dont la... Est-ce que c'est l'admissibilité? C'est quoi qui vous
préoccupe le plus?
M. Rivard (Claude) : Bien, moi, ce
qui me préoccupe le plus, c'est les nombreux... d'abord, le délai. On parle
d'années, on ne parle pas de semaines, ou de mois, ou de jours. On parle
d'années, ce qui fait que le praticien compétent qui évalue le patient,
initialement, quand finalement le patient va être déclaré inapte... ça peut
prendre deux, trois, quatre, cinq, huit ans
avant que le patient, finalement, soit déclaré inapte, et là le médecin qui
a... le praticien qui a accompagné le patient est peut-être même
retraité, donc il n'est plus considéré comme un professionnel compétent parce
qu'il est retraité ou mort.
Alors là, si le praticien n'est plus là, il faut
absolument que les médecins ou les professionnels qui vont évaluer la demande
du patient... il faut qu'ils sachent si la demande a été faite en bonne et due
forme, parce qu'eux autres... ça va être à eux autres, le travail de déterminer
si le patient souffre tel qu'il ne voulait pas souffrir quand il a fait sa demande initiale. Et l'évaluation de
l'inaptitude, ça, c'est un médecin qui s'occupe d'un patient puis qui
remplit un formulaire du gouvernement qui dit : Ce patient-là est inapte,
je le déclare inapte, il n'est plus capable de pouvoir décider pour lui-même,
pour sa santé ou gérer ses affaires.
Quand l'inaptitude est évaluée... Dans votre
projet de loi, vous dites que le médecin qui fait l'évaluation initiale, il
faut qu'il réévalue le patient régulièrement pour lui dire : Vous savez,
vous pouvez changer d'idée ou vous pouvez l'annuler. Pour moi, c'est
complètement superflu d'avoir cet article-là au niveau du projet de loi. Ce qui
est important, c'est d'avoir une évaluation qui soit faite aussitôt que
l'inaptitude est déclarée. Là, il faut vérifier si les souffrances que le patient ne voulait pas vivre sont présentes ou non,
parce que c'est ça qui doit rendre conditionnelle l'éligibilité du
patient à l'aide à mourir ou non.
M. Dubé : O.K. Mais supposons que ce
que vous venez de dire... Mettons qu'il y aurait cette vidéo-là en question qui aurait été faite, là, puis on est
cinq ans plus tard. Est-ce que l'évaluation... mettons que c'est vous, là,
qui faisait cette évaluation-là, que... les conditions qui étaient soit par
écrit ou par cette vidéo-là, auriez-vous un problème à la faire, à procéder à
l'acte à ce moment-là?
Une voix : Oui.
M. Dubé : J'essaie de voir quoi
d'autre. Oui, vous seriez correct avec ça?
M. Rivard (Claude) : Non, je ne le
ferai pas.
M. Dubé : Pas plus? Pas plus?
M. Rivard
(Claude) : Bien non, parce
que l'aide à mourir, actuellement, là, les patients sont aptes, puis,
avant de donner le soin, on leur demande : Voulez... avez-vous changé
d'idée? Voulez-vous partir ce soir? Puis ils nous disent tous : Oui, je le
veux, et ils nous tendent le bras.
Alors, actuellement,
dans le projet de loi, tel que c'est présenté, on fait face à quelqu'un qui est
inapte, à qui on va insérer, pas un mais
deux cathéters intraveineux, et, dans la loi, ce que ça dit... en
page 13 : Tout refus du patient doit
être respecté. Alors, un patient qui retire son bras alors qu'il se fait
insérer un cathéter intraveineux dans un bras, est-ce que l'infirmière, à qui
la loi va s'appliquer aussi... est-ce que l'infirmière est à même, elle,
d'interpréter ça comme un refus? Oui, c'est un refus de recevoir un cathéter
dans son bras. Alors là, tous les efforts qui ont été faits, d'évaluation, de
demande initiale, de vidéo et...
M. Dubé :
O.K., mais parlons du refus. Non, mais j'essaie juste de me concentrer sur
quelques éléments qui pourraient vous rassurer. Là, parlons du refus juste une
minute, là. Puis on parlait tout à l'heure d'avoir une sédation qui permet de
calmer le patient, par exemple. Et, s'il y avait un refus qui pourrait
peut-être être moins évident parce qu'il y a eu une sédation avant de procéder
à l'acte, est-ce que vous pensez que ça pourrait donner des conditions plus
appropriées? Parce que j'essaie de voir... Le refus peut être à un moment donné
puis, deux semaines plus tard, il serait... il n'y aurait pas de refus.
J'essaie juste de comprendre c'est quoi, les principales raisons qui font
que... parce que... En fait, je vais aller à
la conclusion tout de suite. S'il y a tant de raisons pour le refuser, vous
dites : Dans le fond, la demande anticipée, ça ne fonctionnera
jamais?
M. Rivard
(Claude) : C'est ça.
M. Dubé :
C'est ça que vous dites, dans le fond.
M. Rivard
(Claude) : C'est ça que je dis.
M. Dubé :
O.K. Non, mais je veux juste être clair, là.
M. Rivard
(Claude) : Et là, pour être encore plus clair, tout le monde qui
reçoit une aide à mourir, ils tiennent la main d'un proche, et je n'arrive
jamais en avance parce que, quand j'arrive en avance, les gens veulent avoir
l'aide à mourir tout de suite, et ce que je fais, c'est que je vole une
demi-heure à la famille. Le temps avant le décès, pour la famille, c'est
quelque chose qui est important, et de tenir la main d'une personne, de lui
parler avant, pour la famille, ça peut être important.
Si le patient, comme
le Dr Arcand l'a suggéré, il signe un papier comme quoi il veut être sédationné
avant pour éviter des mouvements de retrait, là, dans ce temps-là, on va
respecter ça, mais actuellement, il faut se rendre compte qu'on a à négocier
avec des familles, on ne négocie plus avec les patients. Il est dément, il est
inapte et il a les souffrances alléguées qu'il jugeait que...
M. Dubé :
Mon propos, ce soir, honnêtement, là, c'est très loin d'essayer de vous
convaincre, mais j'essaie juste de voir quelle est votre position et si des
accommodements dans notre projet de loi pouvaient être d'intérêt pour des
professionnels comme vous. Mais là je sens qu'on est pas mal loin, de votre
côté, là, si je comprends bien.
M. Rivard
(Claude) : Bien, l'année passée, on avait donné un mémoire à la fédé
dans lequel on disait... on demandait aux médecins... on demandait que les
médecins soient capables de modifier le protocole pour faire en sorte de donner
une sédation avant, parce qu'il y a des médecins sur le terrain qui vont le faire,
mais je ne parle pas pour eux autres, parce que moi, je ne le ferai pas.
M. Dubé :
Ah! O.K. Je comprends.
M. Rivard
(Claude) : Dr Arcand le ferait, mais lui, il va le faire selon
certaines conditions, avec un comité d'éthique, s'il ne connaissait pas le
patient, avec une vidéo, et c'est correct, ça, c'est juste...
M. Dubé :
Non, non, mais c'est exactement... Dr Rivard, c'est exactement ce que
j'essaie de comprendre, parce que vous avez votre propre... éthique propre ou
vos propres valeurs à vous, puis ça, je pense que c'est tout à votre honneur
aussi, là. Il n'y a pas une personne qui est pareille, puis vous avez bien plus
d'expérience que tous nous autres, alentour de la table, ici, pour l'avoir
pratiquée. Ça fait que je n'irai pas questionner ça, au contraire.
Maintenant, si jamais
il y a d'autres points, parce que... si mes collègues ont des questions...
J'irais avec le Dr Arcand. Quand vous écoutez les commentaires du Dr Rivard,
vous, vous êtes... Tantôt, on parlait de la vidéo. Moi, je trouve ça une très
bonne idée. Il y a-tu d'autres éléments qui vont vous rendre, vous, plus
confortable avec cette décision-là qui est importante?
M. Arcand (Marcel) : Bien, ce
que j'ai parlé, le consentement substitué, c'est-à-dire qu'il y a vraiment une rencontre famille-équipe soignante, puis on juge
que, oui, c'est la chose à faire, ça correspond à ce que le patient voulait.
M. Dubé :
Je ne sais pas c'est quoi, le terme que vous avez dit, là, mais il se
ferait quand, à ce moment-là, selon vous? Parce que, là, moi, je...
• (20 h 10) •
M. Arcand (Marcel) : Bien, au
moment, mettons, où la famille réactive la demande, là, elle dit : Il y a
une demande, on pense que c'est le temps, qu'est-ce vous en pensez? Moi, je
mettrais l'équipe soignante avec la famille et même quelqu'un de l'extérieur,
comme un conseiller en éthique, pour s'assurer que le processus se déroule
comme c'est supposé. Mais ceci, moi...
M. Dubé : Je
ne vous entends pas très bien. On dirait que ça coupe.
M. Arcand
(Marcel) : ...la réticence. Ah! excusez.
Voulez-vous que je recommence?
M. Dubé : Oui, oui, recommencez. Je
veux juste être sûr que je vous comprends bien, là.
M. Arcand
(Marcel) : O.K. Donc, je dis que moi,
j'accepterais, pour certains cas, soit que je les connais bien ou que... J'ai
eu des patients qui criaient tout le temps, puis on n'arrivait pas à soulager
les cris autrement que par une sédation. Bien, si ça avait été permis puis que
la famille me l'avait demandé, à ce moment-là, je l'aurais fait. Donc, aux
Pays-Bas, par exemple, il y a 20 % des médecins qui s'occupent des
personnes âgées qui disent qu'ils pourraient être prêts à le faire, mais il
reste que moi, je pense qu'en réalité ça va être moins que ça.
Et moi, ce que je ne voudrais pas, c'est...
parce que moi, je fais un ou deux cas, que je devienne celui vers qui on se
tourne à chaque fois qu'il y a un cas, parce que, là, j'aurais probablement
beaucoup de cas et de monde que je ne connais pas, des familles que je ne
connais pas, etc.
Ça fait qu'on peut commencer quelque part, là,
un peu, avec les conditions que j'ai énumérées plus tôt, un consentement global
avec... bien, tu sais... Ce que Dr Rivard exprime très bien, c'est que ce n'est
pas naturel, pour nous, de donner la mort à quelqu'un qui n'est pas capable de
nous dire : C'est ça que je veux, actuellement, là.
M. Dubé : Je comprends très bien.
M. Arcand
(Marcel) : Ça, c'est... il y a une réticence très grande. Puis
moi, je le ferais peut-être... Je pense à Mme Demontigny, par exemple, qu'on a
vue beaucoup, puis que... ce ne serait pas difficile de trouver une vidéo qui
réactiverait, mettons, dans quelques années, sa demande, puis on sait que c'est
vraiment ça qu'elle veut, puis à peu près à ce moment-là, puis tout ça. Moi, je
serais prêt à le faire.
M.
Dubé : O.K., mais c'est vraiment... Puis je le répète,
là, à vous deux, comme médecins, là, c'est tout à votre honneur d'avoir cette franchise-là puis d'être
capables de dire comment vous vous sentez par rapport à ça. Moi, je...
Puis je suis content de savoir que ça n'a
rien à voir avec une harmonisation avec le fédéral, là, c'est comment vous vous
sentez, vous, comme médecins. Puis c'est à
nous d'essayer... parce qu'il y a le point de vue du professionnel, mais nous,
comme législateurs, vous allez comprendre
qu'on essaie d'avoir aussi le point de vue du patient. Ça fait qu'on comprend
votre point, vous êtes celui... ou ceux, celles sur le terrain, mais vous
comprenez qu'on essaie aussi de répondre à cette demande-là parce qu'il y a
quand même beaucoup de demandes de gens qui veulent avoir cette demande
anticipée.
M. Arcand
(Marcel) : Oui, puis probablement qu'il y
en aurait de plus en plus. Mais, en même temps, l'aspect légal, il ne faut pas
le...
M. Dubé : Ah! bien, non, je pense
qu'on essaie...
M. Arcand
(Marcel) : ...il ne faut pas le négliger,
parce que, par exemple, il y a eu un médecin qui a été accusé de meurtre pour
avoir utilisé cette pratique-là.
M. Dubé : Oui, mais on ne veut pas
aller là, là, mais...
M. Arcand
(Marcel) : Mais il a été exonéré, mais les
collègues, etc., ils appelaient ça «sneaky euthanasia», tu sais, comme une
espèce d'euthanasie hypocrite parce qu'on avait fait de la sédation avant, puis
etc. Donc, il y a... Ça, c'est un obstacle aussi de l'aspect légal.
M. Dubé : Dr Arcand, je veux
juste... si j'ai bien compris, puis je vais vous dire, c'est quelque chose qui
m'intéresse beaucoup à... vous entendre, puis peut-être les deux... est-ce que
vous avez déjà fait de l'aide médicale à mourir chez l'individu, chez le
patient, là, ce qu'on appelle de l'aide... du soin palliatif à l'extrême,
jusqu'à... mais à la résidence d'un patient? Est-ce que vous en faites de ça,
vous?
M. Arcand
(Marcel) : Oui, oui, oui.
M. Dubé : Oui?
M. Arcand
(Marcel) : Moi, personnellement, à
80 % de...
M. Dubé : C'est sur le site d'un
patient, d'un... c'est la résidence...
M. Arcand
(Marcel) : Oui, c'est à domicile. À
domicile, oui.
M. Dubé : Êtes-vous dans le groupe
de Verdun ou...
M. Arcand (Marcel) : Non, non, je suis à Sherbrooke.
M.
Dubé : À Sherbrooke.
M. Arcand (Marcel) : Mais étant
retraité ou presque, j'ai du temps, contrairement à beaucoup de mes collègues. Puis il n'y a pas beaucoup de médecins,
à Sherbrooke, qui acceptent de faire du soin d'aide médicale à mourir à domicile pour un patient qu'ils ne connaissent
pas. Pour leurs patients, oui, mais pour le patient d'un autre, etc., là,
pas...
M. Dubé : Mais, dans votre cas, quand vous le faites à
domicile, c'est pour des patients que vous connaissez?
M. Arcand (Marcel) : Bien, je
finis par les connaître un peu, parce qu'on... tu fais une première évaluation,
une deuxième évaluation, etc., mais ce n'est pas des patients que je connais
depuis longtemps, puis je le fais.
M. Dubé :
Mais dans aucun cas, à date, ce n'est des demandes anticipées. C'est des
gens qui sont...
M. Arcand (Marcel) : Ah! non,
il n'y a pas de demande anticipée.
M. Dubé :
O.K. Donc, ma question : Ça prend combien de temps, là, entre la
première fois, pour rencontrer, puis que vous soyez à l'aise de faire... de
passer à l'acte?
M. Arcand (Marcel) : Bien, ça
dépend de la situation. Si on a affaire à quelqu'un qui est très proche de la
fin de vie...
M. Dubé :
Non, mais j'essaie de voir. Donnez-moi la moyenne, là de ce que... Quand
vous dites que vous ne les connaissez pas puis... je ne sais pas, moi, un mois
plus tard, vous êtes confortable à le faire parce que vous avez eu le temps de
discuter avec lui? J'essaie juste de...
M. Arcand
(Marcel) : Non, bien, ça dépend. Si c'est quelqu'un... un
décès qui est pour être d'ici une semaine, etc., je n'attendrai pas des
mois, là.
M. Dubé :
Non, je comprends.
M. Arcand (Marcel) : Bien
oui, donc, ça dépend de la situation, ce n'est pas... Moi, je suis
raisonnablement à l'aise quand c'est des personnes avec une maladie grave et
incurable qui sont proches de la fin de vie. Là, on a enlevé le critère «fin de
vie», mais, si c'est des gens qui sont très souffrants, maladie de Parkinson,
d'autres maladies graves et incurables, je peux le faire pour soulager la
souffrance, oui.
M. Dubé :
Je l'apprécie. Puis je vais laisser les autres collègues pouvoir poser des questions,
mais c'est...
Le Président
(M. Provençal)
: En
fait, ce que vous venez de dire, docteur, c'est que tout est fonction du profil
de santé, d'état de santé du patient que vous voyez.
M. Rivard
(Claude) : Comme, moi, j'en fais... 95 %, c'est à la maison.
M. Dubé :
À la maison.
M. Rivard
(Claude) : Oui, puis mes temps sont entre sept heures et deux ans.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, on va poursuivre
cet échange avec le député de D'Arcy-McGee. Merci.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Drs Arcand et Rivard. C'est très
pertinent de vous entendre, vous êtes sur le terrain, il y a beaucoup de bagage
entre vous deux. Vous avez vécu les réalités sur le terrain, il n'y a rien de
plus important.
Donc, vos mises en
garde sont assez préoccupantes. Dans un premier temps, on comprend, Dr Rivard,
que vous tranchez sur la question, vous ne participerez pas, mais vous ajoutez
des réflexions assez importantes quand même. Et, Dr Arcand, vous êtes en train
d'énumérer quelques-unes des conditions qui risquent de rendre l'exercice plus
réalisable, faisable, équitable, et tout ça.
En même temps, comme
première question... Vous avez fait une observation générale qui est très
inquiétante aussi dans la perspective de notre volonté collective, si on est
pour élargir la loi, d'assurer une implantation faisable et dont l'accès serait
équitable partout au Québec. Le fait que vous êtes en train de nous dire, si
j'ai bien compris, qu'il y a beaucoup de médecins, de votre lecture, beaucoup
de médecins qui ne participeraient pas, c'est inquiétant. C'est votre constat
malgré les améliorations que vous proposez?
M. Arcand (Marcel) : Oui,
bien, si je regarde pour l'aide médicale à mourir telle qu'on la fait... Au début,
Dr Rivard était un des premiers. Moi, j'étais un des premiers en Estrie puis
j'avais un grand territoire à couvrir parce qu'il y avait des régions où il y
avait des médecins qui ne voulaient pas, mais maintenant, ça change, avec le
temps. Il y en a des nouveaux qui se joignent aux équipes qui font cette
pratique-là.
Donc, j'ai l'impression
qu'avec les directives anticipées on pourrait peut-être faire quelques cas au
début puis, après ça, peut-être d'autres verraient que, oui, c'est possible
puis il n'y a pas de poursuite légale, puis bon, etc., mais vous ne pouvez pas
nous demander de poser un geste technique, purement technique, là, tu sais. On
a nos émotions quand on fait ça. Il faut que ça ait du sens, il faut que ça
ressemble à de la médecine, etc. Ça fait que je pense qu'il y en a beaucoup qui
ne seraient pas à l'aise. Puis moi, je ne serais pas à l'aise dans n'importe
quelle situation, surtout si je deviens la personne qui en a accepté une, donc
qui va accepter celle des autres, tu sais, c'est...
• (20 h 20) •
M. Birnbaum : Je
me permets une question de l'ordre philosophique avant d'aller plus loin. Je
peux imaginer que le geste même, tellement existentiellement profond et
presque contre-intuitif, pour un médecin, qui a le devoir d'Hippocrate, de prolonger la vie... je comprends
la complexité de l'affaire, mais je veux vous entendre sur une question
de base. La loi actuelle... la vision de la loi actuelle situe l'aide médicale
à mourir sur le continuum de soins. Dans cette optique, est-ce que c'est votre
point de vue qu'il y a plein, plein de médecins qui rejettent cette vision ou
c'est pour les autres raisons que j'aurais mentionnées?
M. Arcand
(Marcel) : Pour rejeter cette pratique-là,
moi, je dirais que c'est un peu contre nature, de fait, de causer la mort à
quelqu'un qui ne le demande pas, qui n'est pas en mesure de le demander,
sauf... qui a écrit un document il y a plusieurs années, mais... c'est contre
nature, je dirais, pour la majorité des médecins, de le faire. Mais il y a eu une enquête, aux Pays-Bas,
dernièrement, puis il n'y a pas plus que 20 % des médecins qui
s'occupaient de personnes âgées qui ont dit qu'ils accepteraient de le faire...
même pas de le faire, qui accepteraient la directive, la demande anticipée
comme valable, autant qu'une discussion avec le patient. Ça fait que...
M. Birnbaum : Et qui m'amène à une
autre question générale. Alors, compte tenu d'une contrainte assez importante,
un phénomène assez important que vous mentionnez, pouvez-vous imaginer quand
même, advenant quelques-unes des améliorations que vous aurez proposées, une
offre équitable avec les médecins qui seraient disponibles, de l'aide médicale
à mourir dans les circonstances qu'on propose dans le projet de loi?
M. Arcand
(Marcel) : J'ai l'impression que ce ne ne
serait pas équitable au début. Je pense que certains individus seraient prêts à
faire un certain nombre de cas, mais, par contre, ça pourrait le devenir,
peut-être, avec le temps, plus acceptable, aux yeux de plusieurs, comme
pratique. Parce qu'on dit : Notre devoir, en médecine, c'est sauver des
vies ou combattre la maladie, sauver des vies, mais c'est aussi d'aider les
gens à mourir paisiblement quand on est rendu là. Mais il y a comme un
cheminement de la profession à faire, pendant un bon bout de temps, je dirais,
avant que ce soit répandu.
M. Rivard (Claude) : Ça vient nous
heurter dans notre profession, parce que nous autres, ce qu'on apprend, c'est... on a, ou des investigations à faire, ou
des signes cliniques qui nous disent que tel patient, il a telle maladie, et
là, quand on sait qu'on a une maladie, on va lui offrir un traitement, et c'est
le patient qui décide s'il accepte le traitement ou pas.
L'aide à mourir, c'est complètement différent.
C'est le patient qui demande un traitement au docteur et c'est le docteur qu'il
faut qu'il consente à lui donner le soin. Parce qu'à travers tout ça, là, tu
sais, l'objection de conscience, elle reste là quand même. Que vous fassiez des
demandes d'aide médicale à mourir anticipées ou non, n'importe quel docteur,
que ça soit celui qui s'occupe du patient au CHSLD, il peut reconnaître qu'il
est inapte, il peut reconnaître qu'il y a des souffrances, mais il n'est pas
obligé de donner le soin. Et là il faut qu'il réfère à d'autres médecins, qui,
eux autres, vont se sentir à l'aise de donner le soin selon les critères qu'eux
autres mêmes sont capables de faire. Vous rajoutez, tu sais, des limites au
niveau de comment le soin est donné, qui vont faire en sorte que ce n'est pas
«business as usual», comme on dit, ce n'est... pas du tout.
M. Birnbaum : Entendu. Je vous
comprends et je ne minimise aucunement vos interventions. Je vous invite de
vous rappeler que le travail de la commission spéciale nous a indiqué de façon
assez claire qu'il y a un consensus assez large au Québec pour que l'aide
médicale à mourir soit élargie, mais je vous entends.
Je veux quand même aller à quelques-unes des
précisions, si je peux, que le... Dr Arcand, vous avez proposé, parce que... qui risquent de faciliter
l'élargissement, si c'est ça qui est finalement indiqué. Votre recommandation,
en ce qui a trait à comment une vidéo ajouterait à la crédibilité, la
clarté de la demande, dans un premier temps, là-dessus... est-ce que vous avez des préoccupations en ce qui
a trait à l'équité là-dessus? Y a-t-il des gens moins sophistiqués,
moins en mesure de se sentir accompagnés, pour qui ce n'est pas la modalité qui
leur convient, dans un premier temps?
Dans un deuxième temps, je veux vraiment
comprendre pourquoi ça, c'est un outil beaucoup plus clair, par définition,
qu'une déclaration écrite, validée par l'équipe de médecins, et tout. Pourquoi
une vidéo, en soi, est plus fiable, comme document, est plus pérennisable, si
je peux... au fil du temps? Parce que le délai peut être long, je comprends.
M. Arcand
(Marcel) : Oui. Bien, c'est une bonne
question. Je ne pense pas qu'il y ait de preuve scientifique que ce soit
meilleur ou non. C'est plus une intuition comme quoi, si on voit le patient
faire la demande et préciser dans ses mots ce qu'il veut, on est probablement
plus sensible à l'écouter, à le comprendre, que de lire un document. Mais c'est
plus... c'est une intuition, ce n'est pas une obligation... Moi, je pense que
ça aiderait les équipes et les familles aussi.
M.
Birnbaum : ...
M. Arcand (Marcel) : Et les
familles aussi, pour leur rappeler qu'est-ce que voulait leur parent.
M. Rivard
(Claude) : Et chaque personne a une définition de ce qu'est la
souffrance, qui est différente d'une personne
à l'autre, alors on ne peut pas avoir de formulaire avec des cases à cocher. Il
faut qu'il y ait quelqu'un, un professionnel qui sait c'est quoi, une
fin de vie en démence, et qui le guide, guide la personne qui fait la demande.
Bon, à quoi je vais m'attendre quand je suis rendu à tel stade? Quand je suis
rendu à tel stade, quand est-ce que, tu sais... et ça va être un défi.
Une fois que la loi
est passée, là, au niveau de notre ordre professionnel, du Collège des
médecins, là, ça va changer complètement le guide de pratiques, là, tu sais. Si
le patient, il dit : Je veux l'aide à mourir quand je ne serai pas capable
de reconnaître mes enfants, mais il en reconnaît encore un sur les quatre,
comprenez-vous, il ne remplit pas les critères, parce qu'il reconnaît encore
son fils. Il est capable de les nommer, mais il ne les reconnaît pas. Est-ce
que c'est ne pas reconnaître ses enfants, tu sais? Comprenez-vous?
Il y a, dans
l'applicabilité, des choses qui vont arriver, et je ne parle pas juste du refus.
Je parle... C'est d'accompagner. Je l'ai fait aux soins intensifs, là,
d'accompagner des familles. Les patients, ils étaient intubés, ils ne pouvaient
pas dire si, oui ou non, ils voulaient avoir un soin ou pas, là, ils étaient
maintenus en vie, mais c'est d'accompagner des familles là-dedans, et c'est ça
qu'on va avoir à faire. Et ça, c'est long.
M. Birnbaum :
Merci beaucoup, messieurs.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci.
Alors, on va poursuivre avec la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Oui,
merci. J'ai bien noté vos recommandations pour clarifier l'application, la
question de refus, proposer également un enregistrement vidéo. Je trouve ça
vraiment intéressant. J'entends vos... Quand vous nous nommez qu'il n'y aura
pas beaucoup de professionnels de la santé qui vont être prêts à offrir ce
soin-là, ça m'inquiète, quand même, parce que, là, on crée... on veut créer un
droit. On s'attend, quand même, réalistement, à ce qu'il y ait une augmentation
des demandes pour exercer ce droit-là dans les prochaines années, avec le
vieillissement de la population. Là, vous nous dites qu'il n'y aura peut-être
pas beaucoup de professionnels qui vont être prêts à le faire, même en mettant
en place les modifications que vous proposez. J'aimerais savoir ce qu'on peut
faire de plus, vraiment, pour être capables de créer les conditions pour que
des professionnels de la santé se sentent à l'aise d'offrir ce soin-là. Est-ce
qu'il y a des propositions de plus que celles que vous nous avez déjà faites?
Puis aussi, M.
Arcand, bon, vous avez nommé que vous êtes en préretraite ou, en tout cas, les
pieds bien avancés dans la retraite. J'aimerais savoir, au niveau de la relève,
est-ce que vous sentez que, dans la relève, il y en a, des professionnels qui
s'engagent là-dedans, qui offrent ces soins-là aussi?
M. Arcand (Marcel) : Oui. Pour
l'aide à mourir aux patients encore capables de consentir, oui, il y a de la
relève. Et je me dis que, par rapport aux demandes anticipées, ça va
probablement, avec les conditions que j'ai énumérées, là, qui déculpabilisent
la famille parce que c'est une décision partagée, qui déculpabilisent le
médecin parce qu'il est protégé avec un conseiller en éthique, etc., et qu'au
niveau légal il est sûr qu'il n'y aura pas de conséquence, ça... probablement
qu'il y en a qui vont le faire un peu partout au Québec, sur une petite
échelle.
Ça
dépend du nombre de demandes, mais moi, par exemple, j'ai travaillé dans un
CHSLD où on était presque une dizaine
de médecins qui passaient à tour de rôle, mais c'est sûr que ce n'est pas les
10 qui accepteraient de le faire. Donc, est-ce qu'il y en aurait un des 10 qui va faire les cas de tout le
monde? J'en doute. Tu sais, c'est... Ça fait que je pense qu'il faut s'attendre à ce qu'il y ait cette réticence-là,
c'est sûr, qui va empêcher la pratique, au début, qui va ralentir la pratique
au début.
Est-ce que vous
m'avez entendu? Parce que j'ai vu qu'il y avait de la...
Mme Labrie : Oui,
je vous ai bien entendu. Je me questionne juste sur comment on va faire quand
il y aura des situations où les gens vont dire : Bien là, mon droit n'est
pas respecté ou le droit de mon parent n'est pas respecté, qui avait fait cette
réclamation-là, puis là on ne trouve aucun professionnel pour le faire.
• (20 h 30) •
M. Arcand (Marcel) : Oui, bien,
moi aussi, c'est ma préoccupation. Je ne le sais pas, là, ce qu'on peut faire.
Je ne pense pas qu'on peut obliger quelqu'un à le faire.
Mme Labrie :
Ce n'est pas ce que je souhaite non plus, mais il faut réunir les conditions.
Le Président (M.
Provençal)
: Maintenant,
nous allons procéder avec la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Bonjour à vous deux, Dr Arcand, Dr Rivard. Très heureuse de vous
entendre. Moi, je trouve ça vraiment
intéressant de vous entendre, parce que je vais... je vais vous dire mon
sentiment profond. Des fois, j'ai le
sentiment qu'il y a un décalage entre les ordres, les représentants, que ce
soient les avocats, les médecins, et les gens sur le terrain, et vous
rejoignez une préoccupation que j'ai. Moi, je suis très favorable à la demande
anticipée, mais je suis favorable si elle peut se réaliser concrètement,
c'est-à-dire que la pire des choses, ce serait de créer un droit théorique qui
donne plein d'espoir à plein de gens, mais qu'on ne trouve à peu près pas de
médecins qui vont le faire, puis que les gens s'engagent dans un processus,
puis qu'au bout du compte ça reste une volonté qui ne trouve pas application.
Donc, vous nous amenez un
peu cette facette-là. Puis je vais être très franche avec vous, ce qui me
surprend, c'est que le Collège des médecins aussi la fédération des omnis... Vous
étiez là, Dr Rivard, vous aviez fait une bonne présentation avec eux. Quand
on pose la question : Pensez-vous que, concrètement, il va y avoir
beaucoup de médecins qui vont lever la main?, il n'y a pas de chiffre. Moi, je
trouve... Je fais juste dire ça, ça serait vraiment utile que quelqu'un fasse
un sondage dans le réel, là, parce qu'avec la... Donc, c'est...
Ça fait que je vous remercie. Ce n'est pas
simple, parce que je comprends que vous n'avez pas d'objection en soi. Vous n'êtes pas contre le fait qu'on
prévoie la demande anticipée. C'est juste que vous... Dr Rivard, vous
nous dites : Moi, je n'en ferai pas, je trouve ça trop lourd. Dans ma
pratique, je vais me concentrer sur des personnes en fin de vie ou gravement
malades. Puis vous, Dr Arcand, vous dites : Peut-être, je vais en
faire, mais ça va être vraiment avec des
gens que je connais, puis que je suis capable d'être à l'aise, puis qu'elle me
l'a dit souvent, puis, bon, tout ça.
Je veux vous amener sur deux choses. Le réalisme
de la disposition sur la souffrance, on en a beaucoup discuté. Il y a des gens
qui nous disent : C'est vraiment la souffrance en temps réel, au moment
deux, là, quand on va faire l'évaluation, qui compte. Si la personne nous a
dit : quand je vais être incontinente ou quand je ne reconnais plus mes
enfants, ce n'est pas suffisant, parce que ça, c'est une souffrance anticipée,
ce n'est pas une souffrance contemporaine.
Je veux avoir votre avis là-dessus, parce que je comprends que, si on est dans
la souffrance anticipée, c'est encore plus compliqué si on est face à
quelqu'un qui n'a pas l'air de souffrir. Je voulais vous entendre là-dessus.
Puis l'autre chose, c'est beaucoup...
Dr Arcand, vous, vous parlez des proches, du consentement substitué. La notion de consentement substitué n'est
aucunement présente dans la loi. C'est vraiment le prolongement de la
volonté de la personne et quand le tiers
dit : Je pense que mon père est rendu là, puis que l'équipe médicale
regarde, trouve qu'il y a concomitance. L'équipe médicale dit :
O.K., on va faire l'évaluation — le médecin ou l'infirmière — puis...
s'il y a correspondance avec tous les critères. Parce que vous, ce que vous
proposez, c'est carrément comme un conseil de famille avec les professionnels
en santé, puis là on décide pour la personne à la lumière de ce... à ce qu'elle
nous a dit, mais ce n'est plus sa demande à elle. C'est comme une décision à la
lumière de ce qu'elle avait demandé.
Est-ce que vous ne pensez pas que ça va
insécuriser plus la personne? Est-ce que de nommer une seule personne, qui est
le tiers de confiance, qui est en relation, ce n'est pas mieux?
M. Arcand (Marcel) : Bien, Dr Rivard, il
a expliqué que les gens, quand ils ont des directives médicales anticipées,
ils disent : Je ne veux pas... ne veux
pas tel traitement ou tel... mais ils ne peuvent pas demander actuellement...
de dire : Je veux être opéré ou
même... Je ne sais pas trop. Donc là, c'est un peu la même chose, je veux qu'on
fasse ça. Bien, moi, je ne suis pas un technicien, là, je suis un
professionnel. J'ai besoin de comprendre. J'ai besoin de voir si ça a du sens,
si c'est encore de la médecine, etc. Donc,
ça ne peut pas être exécutoire. En tout cas, si ça l'est, moi, je n'embarque
pas.
Mme
Hivon : Non. Ça,
on s'entend.
M. Rivard (Claude) : L'autre
affaire, c'est qu'il faut... Votre point sur la souffrance, c'est effectivement
important. À un moment donné, ce n'est pas vrai qu'on va commencer à donner des
aides à mourir à des patients déments inaptes à cause que c'est la famille qui
souffre de le voir comme ça, tu sais.
M. Arcand
(Marcel) : Oui. Bien, par contre, la
personne, quand elle signe la directive... pas la directive, la demande
anticipée, c'est que... sa souffrance, c'est de se retrouver dans cet état-là,
même si c'est... elle est... c'est une démence heureuse jusqu'à un certain
point. Bien, de dire : Je ne reconnaîtrai plus les membres de ma famille
ou je vais être un fardeau pour eux, ou pour la société, ou tout ça, je ne veux
pas, bien, c'est une souffrance quand même. C'est peut-être une souffrance
existentielle, ça ne se manifeste peut-être pas par des grimaces puis des cris,
mais moi, j'accepterais cette souffrance-là...
Le Président (M. Provençal)
: Excusez-moi...
M. Rivard (Claude) : Le plus
proche...
Le Président (M. Provençal)
: Excusez-moi, messieurs. Bien,
malgré... on a beaucoup d'intérêt à vous entendre, mais, par contre, je dois
vous interrompre parce que j'ai quand même deux autres groupes à rencontrer ce
soir. Alors, on tient à s'excuser, là, pour le délai qu'on a eu pour... au
niveau technique. Je vous... Je tiens à vous remercier de votre contribution,
de votre collaboration. Les échanges sont extraordinaires, qu'on a avec vous. Malheureusement,
je dois y mettre fin.
Alors, sur ce, je vais suspendre pour pouvoir
laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup, messieurs.
(Suspension de la séance à 20 h 36)
(Reprise à 20 h 37)
Le Président (M. Provençal)
: ...maintenant la bienvenue à
Mme Sylvie Tremblay, directrice générale pour le Regroupement provincial des comités des usagers. Madame, je vous...
vous aurez 10 minutes pour votre présentation. Par la suite, nous
procédons aux échanges. Je vous demande de prendre la parole immédiatement.
Regroupement
provincial des comités des usagers (RPCU)
Mme
Tremblay (Sylvie) : Bonjour, M. le Président, messieurs, mesdames de
la commission, les députés. M. le ministre, bonjour.
Fondé en 2004, le RPCU, le Regroupement
provincial des comités d'usagers du réseau de la santé et des services sociaux défend les droits des usagers et
représente plus de 500 comités d'usagers et de résidents des
établissements de santé et de services sociaux partout au Québec. La mission du
RPCU est de défendre et de protéger les droits des usagers de l'ensemble du
réseau de la santé et des services sociaux en soutenant les comités des usagers
et des résidents dans la réalisation de leur mission et en exerçant un
leadership à l'égard de l'amélioration de la qualité de soin, de la sécurité
des services de la santé et des services sociaux au Québec.
Qu'est-ce qu'un usager? Un usager, ce n'est pas
que des personnes malades. Ce sont toutes les personnes qui, à un moment de
leur vie, utilisent des services de l'ensemble du réseau de la santé et des
services sociaux, et le RPCU les représente. Le RPCU aussi, à chaque année,
propose une semaine nationale de défense des droits des usagers. Cette semaine
a pour objectif de renseigner les usagers sur leur droit de... et aussi de
présenter le travail réalisé à l'intérieur des établissements partout au
Québec.
Le
Regroupement provincial des comités d'usagers appuie la volonté du gouvernement
de proposer un projet de loi qui aura des modifications sur la loi
concernant la fin de vie afin d'élargir l'ouverture de l'aide médicale à
mourir.
Le RPCU est satisfait de voir que le projet de
loi tient compte d'abord des personnes et de leurs besoins. Cela démontre bien
que l'on doit s'occuper de l'humain avant tout, et il faut reconnaître que les
soins de vie font partie de notre parcours de vie. La commission spéciale, par
ses travaux en août 2021, est ainsi en phase avec la promulgation de la loi
concernant la fin de vie, en 2014, portant sur les droits et les soins. Le Code
criminel amendé, C-14, en 2016, portant sur la décriminalisation, le jugement
Baudouin en 2019, le Code criminel amendé, C-7, en 2021, en sont des
exemples. La nécessité de mettre à jour la Loi concernant les soins de fin de
vie au Québec a inspiré les travaux de cette commission, et nous sommes
contents d'être avec vous ce soir.
Le RPCU félicite d'emblée tous les députés de
tous les partis politiques pour avoir fait preuve de courage dans ce dossier
sensible depuis le début. Si votre travail... Sans votre travail, sans votre
ouverture, sans votre écoute, les usagers qui ont ces besoins particuliers
n'auraient pas espoir d'avoir de meilleures conditions pour la fin de leur vie,
malgré leur situation de vulnérabilité.
• (20 h 40) •
Pour venir directement aux recommandations au
niveau des directives anticipées pour les personnes ayant une maladie
neurocognitive, dans les critères d'évaluation de l'admissibilité à l'aide
médicale à mourir, il y a celui qui se réfère le plus... de plus près aux
maladies neurocognitives, soit «sa situation médicale se caractérise par un
déclin avancé et irréversible de ses capacités». Pour les personnes qui
souffrent d'alzheimer ou d'une maladie apparentée, là aussi, nous sommes d'avis
que l'ouverture aux personnes qui ont reçu un diagnostic d'une maladie
neurocognitive majeure devraient pouvoir faire une demande anticipée en
prévision de l'inaptitude à consentir et définir les modalités devant être
appliquées. Nous connaissons de mieux en mieux les aspects cliniques de ces maladies et nous sommes d'avis que les
personnes... que la personne devrait avoir la capacité de décider pour elle-même
de sa fin de vie à un stade précoce de la
maladie. Cette ouverture est aussi une question de dignité et de respect pour
l'usager et permettrait d'accompagner professionnellement celui-ci dans le
processus d'aide médicale à mourir le temps venu.
Au niveau de l'accès aux services et aux soins
palliatifs de fin de vie, le RPCU aimerait vous souligner que l'ensemble des
soins et des services en ce domaine doivent être évalués de façon continue. Que
le gouvernement adopte des budgets en conséquence afin de répondre adéquatement
aux demandes et à l'accompagnement nécessaire pour que les personnes qui font
la démarche d'une aide médicale à mourir, et ce, partout sur le territoire
québécois... parce que, comme vous le savez, il y a de grandes disparités. De
plus, l'offre des soins palliatifs à domicile ou dans les établissements de
santé doit être le plus possible en lien avec la volonté et les besoins. Des
équipes compétentes en nombre suffisant et dédiées devraient y être associées.
Le RPCU aimerait aussi vous sensibiliser au fait
que beaucoup de nos membres nous indiquent que souvent, dans la population, les
professionnels de la santé même et des services sociaux ainsi que les usagers
nous font part qu'ils connaissent très mal ou très peu la loi et sa portée
ainsi que les démarches à faire pour l'aide médicale à mourir. Nous pouvons dire sans l'ombre d'un doute que l'information
populationnelle est défaillante et que cela doit être souligné et pris
en compte dans les modifications apportées à la loi. Le RPCU exprime aussi
l'intérêt de ses membres à offrir l'information adéquate sur la loi et les
modifications à apporter pour... au bénéfice de tous les usagers.
Donc, nous recommandons qu'il y ait une campagne
de sensibilisation et d'information sur la loi et ses modifications, que cette campagne soit diffusée à l'ensemble de la
population, qui sont les utilisateurs et les intervenants du réseau de
la santé, et que cette campagne porte aussi une attention particulière aux
communautés ethnoculturelles.
Enfin, pour les personnes en situation de
handicap grave et incurable, une consultation à poursuivre... Le RPCU voit d'un bon oeil l'ouverture de l'aide
médicale à mourir aux personnes ayant un handicap grave et incurable.
Cette ouverture met avant tout l'accent sur les besoins des personnes et
établit les règles qui régiront les soins à prodiguer. Les usagers ayant cette catégorie de handicap, donc neurodégénérative,
ont toujours souhaité qu'on leur donne accès à ces soins. Ils sont nécessaires pour diminuer
l'angoisse et la souffrance, mais il y a encore du chemin à faire pour bien
baliser cette ouverture. Nous sommes d'avis
que les services d'adaptation, de réadaptation, de maintien et
d'accompagnement par des professionnels pour ces personnes sont aussi au centre
des besoins et qu'il faut les adresser maintenant, en plus de votre commission,
que l'évaluation des besoins de ces personnes soit faite de façon continue, de
qualité, et ce, afin de diminuer la souffrance physique et psychologique liée à
l'handicap.
Les enjeux de la
commission, enfin, sont en phase avec l'évolution sociale, juridique et
populationnelle depuis l'application de la loi. Force est de constater la
pertinence de cet exercice encore une fois. Nous devons, dans cette réflexion,
trouver le juste équilibre entre la capacité pour la personne à faire des choix
afin de prendre des décisions importantes sur sa vie et sa mort. Également, il
nous faut protéger les personnes les plus vulnérables de la société afin
qu'elles vivent dans la dignité, et ce, malgré leur inaptitude. Par ses
travaux, la commission permet d'amener des modifications qui parviennent, nous
croyons, à maintenir cet équilibre. Je vous remercie.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons
débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Je vous cède la
parole, monsieur.
M. Dubé : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, Mme Tremblay, merci d'être là. Je vois qu'il est déjà presque 9 heures et je vois que votre
présentation, elle est très structurée. Je vais revenir sur vos quatre
recommandations, parce que je pense que vous représentez très bien ce qu'on
essaie de faire avec ce projet de loi là. Parce que, tout à l'heure, on parlait
à des professionnels qui administrent l'aide médicale à mourir, mais là on
parle aux patients, et c'est ça que vous représentez, plus de 400, je dirais, lieux
ou différents secteurs publics.
Je vais aller tout de suite à votre
recommandation 2, parce que vous dites : Que le gouvernement du
Québec adapte son offre de services en soins palliatifs et de fin de vie en
fonction des besoins des personnes, quel que soit le milieu de soins. Est-ce
que vous avez... Est-ce que vous représentez des gens où cette aide médicale à
mourir là serait uniquement dans des lieux... je vais dire, publics, là, je
pense aux hôpitaux, je pense à des... à tout ce qui est de nature publique, ou
ça pourrait aller jusque dans les milieux privés, c'est-à-dire à la résidence
d'un individu, ou vous vous concentrez uniquement sur le réseau? Je vais
le dire comme ça.
Mme Tremblay (Sylvie) : La loi
nous... Les 500 membres que nous avons sur à peu près 700 comités
d'usagers et de résidents représentent l'ensemble des établissements au Québec,
qu'ils soient privés, privés conventionnés ou publics. Ils sont de tout ordre,
donc à la fois au niveau de la protection de la jeunesse, centres jeunesse,
réadaptation, hôpitaux universitaires et milieux qu'on appelait de proximité,
donc les CLSC. Ce que ça veut dire, c'est qu'à la fois nous, on représente les
gens qui sont... qui peuvent avoir des services d'aide à domicile, comme des
gens qui sont en CHSLD. Donc, on représente toute la population usagère de
l'ensemble de la santé et des services sociaux.
M. Dubé : Bien, écoutez, ça, je
trouve... c'est pour ça que je vous demande cette précision-là, parce qu'on
voit, par exemple... puis on a cité cet exemple-là quelques fois à Verdun,
hein, à Montréal, où les soins palliatifs sont offerts en soins à domicile à la
maison, mais c'est quand même sous la gouverne du CLSC régional qui offre les
services, par exemple, d'infirmières en... donc, ça s'appliquerait. Vous, comme
principe, vous êtes d'accord à pousser cet exercice-là plus loin et vous
trouvez que ça représente vraiment une demande des patients.
Mme Tremblay (Sylvie) : Oui, puis je
vous dirais aussi, ce qu'on entend dans les régions, c'est que les services,
par exemple, palliatifs, ne sont pas... bien, je ne parlerai pas d'iniquité,
mais ils ne sont pas partout au Québec de la même force. Donc, nous, nos
membres nous disent à la fois... Bien sûr, dans les régions plutôt
périphériques, on nous dit : Bien là, on aimerait bien avoir des services
d'aide à domicile aussi, comme il se passe, par exemple, dans le nord de l'île
de Montréal puis, comme vous disiez, à Verdun. On aimerait bien que le... aussi
d'avoir des soins palliatifs dans des maisons particulières. Donc, c'est de
revoir aussi, dans le dialogue, les iniquités pour être capable de...
M. Dubé : Tout à fait.
Mme Tremblay (Sylvie) : ...des
patients dans ce contexte-là.
M. Dubé : Tout à fait, puis
d'ailleurs c'est pour ça que je vous le demande, parce qu'on est très
conscients que ce qui s'est passé à Verdun. Il y a eu une espèce de recette
magique qui a bien fonctionné entre les médecins, entre les infirmières du
CLSC. Il y a une équipe de travail qui s'est faite là, qui a été un succès
extraordinaire, qu'il faut être capable de répliquer ailleurs, mais ce n'est
pas fait encore, là.
Donc, je voulais juste vous entendre là-dessus,
mais je voulais savoir : Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous disiez,
dans votre recommandation, «quel que soit le milieu de soins». Vous n'êtes
pas... Oui, allez-y.
Mme Tremblay (Sylvie) : Et on
dit : Dans toutes les régions du Québec.
M. Dubé : Et voilà.
Mme Tremblay (Sylvie) : Donc, ça
permet...
• (20 h 50) •
M. Dubé : Je
n'étais pas rendu là encore, mais c'est pour ça que je voulais vous entendre,
parce que, pour moi, c'est vraiment un objectif. Je trouve ça intéressant,
parce que, tout à l'heure, on a eu une conversation assez intéressante avec
deux professionnels. Je ne sais pas si vous les avez entendus. Bien, on sait
qu'on pourrait peut-être avoir... on pourrait avoir le
meilleur projet de loi au monde, mais, si on n'a pas des médecins pour
l'administrer ou des IPS, là... On ne
débattra pas, en ce moment, lequel des deux ou les deux, mais cette campagne de
sensibilisation... Oublions les professionnels pour une minute.
Est-ce que vous
pensez... parce que nous, on croit qu'il y a une demande des patients. Mais
quand vous dites «une campagne de sensibilisation», que je trouve qui est une
excellente idée, est-ce que c'est parce que les gens... vous pensez qu'il n'y
aura pas beaucoup de monde qui vont vouloir ou parce qu'ils ne sont pas
informés des technicalités ou du genre de demande qui pourrait être faite? Je
veux juste vous entendre là-dessus, parce que vous êtes très spécifiques, comme
usagers, qu'on devrait faire une campagne.
Mme Tremblay
(Sylvie) : C'est une demande qui est présente dans nos organisations
depuis très longtemps, M. le ministre. Dans un contexte aussi... où là il y a
eu une pandémie, il y a toutes sortes de rumeurs sur l'aide médicale à mourir
en lien avec les CHSLD. On revient à des choses qui sont un peu hors propos, je
dirais, sur la connaissance, sur la façon de travailler, sur la réadaptation,
l'adaptation des services. Et, dans ce contexte-là, c'est une bonne loi. C'est
une loi qui fait avancer la société, et il ne faut pas avoir peur de la
publiciser correctement.
Dans ce contexte-là,
ce que ça fait, c'est que, par exemple, des personnes âgées qui sont chez eux
puis qui considèrent qu'ils sont en perte d'autonomie puis là ils ne savent pas
trop comment organiser les choses... Ils n'ont pas beaucoup non plus, avec la
pénurie, vous le savez, de l'aide à domicile. Il y a des... quelquefois des coops
où ils viennent de temps en temps. Les gens qui viennent ne sont pas
nécessairement informés. Les gens qui viennent les voir, les familles ne le
sont pas nécessairement, et là, quand on discute de fin de vie, ça part de tout
bord, tout côté.
Alors, dans ce
contexte-là, moi, je... et de plus en plus... et dans un contexte où là vous
bonifiez davantage, et il y aura aussi les notions de handicap bientôt, je
pense que c'est important de faire le point. Nous, on est capables de donner
l'information juste avec nos membres. La population en a besoin. Je pense que
ça permettrait de faire le point puis ça
permettrait aussi, pour les personnes qui sont en maintien à domicile, de
parler aux personnes qui ont... qui sont un petit peu en situation de
vulnérabilité et de leur donner l'heure juste en fonction de la nouvelle
application de la loi. Ça vous aiderait énormément à amorcer la réflexion et,
je vous dirais, à continuer le dialogue avec la population.
M. Dubé : Est-ce
qu'il me reste encore un peu de temps ou...
Le Président (M.
Provençal)
: Oui.
M. Dubé : Oui.
À moins que mes collègues... Ça va? Je vais... En tout cas, j'apprécie
beaucoup, parce que vous nous amenez à un autre niveau ce soir, là, d'une
perspective patient, puis moi, c'est... Je pense qu'on est là pour les
patients, là, alors, quand on parle d'expérience patient... Puis vous dites,
vous êtes au moins très claire, puis je pense qu'on se rejoint là-dessus, qu'il
faut poursuivre la réflexion sur le handicap grave, mais on n'est pas rendus
là.
Donc, je veux juste
bien comprendre votre point. Vous dites : Oui, on devrait continuer notre
réflexion. Bien, en ce moment, c'est déjà une grosse commande de s'entendre sur
les demandes anticipées avec tout ce qu'on a entendu depuis quelques jours, là,
malgré tout le travail que nos légistes ont fait, de faire atterrir ce projet
de loi là. Il y a eu la commission. Là, on est rendus au projet de loi. On va
s'ajuster, mais vous êtes très confortable de mettre le handicap de côté pour le
moment puis d'y revenir. Je veux juste... Vous entendez ça aussi de vos...
Mme Tremblay
(Sylvie) : Dans mes anciennes vies, M. le ministre, j'ai été
directrice de l'Office des personnes handicapées, donc vous comprendrez que je
suis bien au fait de la... du dialogue qu'il y a à faire au niveau des
handicaps et puis je pense que c'est important de le... de continuer la
discussion avec les personnes elles-mêmes, les proches, mais aussi peut-être
que l'office pourrait aussi... peut-être qu'elle vous a déjà envoyé un avis,
mais l'office pourrait être partie prenante de cette discussion-là avec nous.
La question qui se pose, c'est une question de temps. Moi, je pense qu'il
faut... ou peut-être que la commission des soins de fin de vie pourrait aussi
continuer sa collaboration, là, dans ce dialogue-là, qui a toujours été
intéressante.
Mais ce que je peux
vous dire, par ailleurs, c'est que ce qu'on entend, nous, c'est :
N'arrêtez pas là, là. Parce qu'il y a à la fois les personnes qui ont des
situations de handicap, mais il y a aussi toutes les problématiques de santé
mentale. Et le dialogue doit continuer avec la population, et ça, ça doit se
faire quand même assez rapidement.
M. Dubé : Bien,
écoutez, moi, ça me va, puis je pense qu'on a bien fait de vous inviter pour
avoir cette perspective patient là, au nombre d'organismes que vous
représentez. Alors, merci beaucoup. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va? Ça va. Alors, nous allons poursuivre avec le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, M. le
Président Merci beaucoup, Mme Tremblay. Vos interventions sont d'une
grande importance, compte tenu des personnes que vous voyez, des regroupements
que vous représentez... évidemment, cette perspective essentielle à nos
réflexions, comme ça l'a été lors de nos délibérations en commission spéciale.
Je suis curieux de
savoir si, lors des discussions qui ont amené à vos recommandations, il y
avait, dans un premier temps, une façon d'identifier les réponses qui venaient
des gens d'un certain âge au sein de vos comités d'usagers ou c'était... Et je
ne minimise pas la crédibilité de chaque intervenant, là, mais y avait-il un
grand nombre de gens d'un certain âge ou âge avancé qui auraient contribué à
vos réflexions et vos recommandations ce soir?
Mme Tremblay
(Sylvie) : La problématique de l'aide médicale à mourir est spécifique
à des gens qui ont, bien sûr, un âge avancé, mais aussi des gens qui ont des
maladies comme le cancer, donc qui sont plus particulièrement en lien avec nos
comités d'usagers, à la fois dans les milieux universitaires, mais aussi qui
ont de l'aide à domicile et qui sont un peu plus jeunes. C'est sûr qu'on parle
de personnes qui ont un âge certain à partir du moment où la majorité des gens
qui le demandent ont un âge plus... je dirais plus de 60 ans, et autres,
mais il y a aussi... Puis je pense en
Outaouais, où les gens, ils sont très soucieux. C'est une de leurs priorités,
dans les comités d'usagers de l'Outaouais, parce qu'ils sont
sensibles... Il y a des mamans qui sont un petit peu plus jeunes et qui sont
sensibles aussi au fait, là, qu'on... qui avaient besoin d'aide médicale, qui
avaient besoin de cette ouverture-là.
Donc, c'est ça, c'est un... On y va avec les
besoins de chacun, hein, et de... et le support à l'aide médicale est
important, qu'importe l'âge. C'est l'accompagnement qu'il faut.
M. Birnbaum : Je comprends.
Est-ce que vous avez vu des disparités entre les régions plus rurales et
urbaines ou des disparités quelconques à travers les consultations que vous
avez faites tout au long de ce débat?
Mme Tremblay (Sylvie) : Toutes
les disparités sont en lien avec ce merveilleux réseau que nous avons, c'est-à-dire qu'il y a des disparités dans les
communautés où c'est un peu plus éloigné des grands centres, où il y a
moins de docteurs, moins d'infirmières, moins de travailleurs sociaux et où les
familles, comme les proches aidants, sont un peu laissées à elles-mêmes dans
des discussions, dans des décisions. Ça, ça fait partie aussi de la perte de
repères sur notre réseau puis la proximité des services. C'est un autre
exemple, là, je vous dirais, là, de ça.
M. Birnbaum : On écoute avec
intérêt votre recommandation qu'advenant une loi qui suivrait le projet de loi
adopté, que l'accès à l'aide médicale à mourir à domicile soit le plus
disponible, de façon équitable... que possible, une recommandation très
intéressante. On parle d'accompagner la personne concernée et sa famille dans
le plus profond des circonstances, alors on vous entend là-dessus.
En même temps, nous avons entendu, à titre
d'exemple de quelques médecins ce soir, qui auraient pratiqué et qui ont... qui auraient participé dans l'exercice
de l'aide médicale à mourir, selon les paramètres existants, qui nous
parlent, les deux, en termes assez clairs de leur inquiétude, qu'il y aurait
une grande réticence assez répandue auprès des médecins de participer dans
l'aide médicale à mourir en ce qui a trait à la suite des demandes anticipées.
Est-ce que vous avez une préoccupation
là-dessus? Et, si oui, comment est-ce qu'on peut prendre des gestes, soit
législatifs ou autres, pour assurer
une plus grande participation et donc une disponibilité au moins équitable dans
chaque région du Québec?
• (21 heures) •
Mme Tremblay (Sylvie) : J'ai
compris aussi, dans ce contexte-là, les demandes du collège, là, par ailleurs,
sur une vision plutôt juridique, là, qu'il manquait des... On dit chez nous
qu'il manque des... un peu... Nous, ce qu'on vous dit, c'est que le patient...
l'usager, les familles veulent des fins de vie le plus naturel possible et le
plus près de ce qu'ils ont vécu et de ce qu'ils ont besoin comme services de
fin de vie. Je comprends que, des fois, les médecins trouvent ça difficile et
je le conçois. Il faut revoir notre système en fonction des besoins des
patients et essayer de rendre le plus facile l'accès aux services. On est... Je
ne ferai pas de caricature, je comprends que les ordres professionnels puis les
médecins ont un peu de difficulté parce qu'ils ne sont pas... Ils auraient
peut-être des problématiques juridiques ou autres. Mais moi, ce que je vous
dis, c'est à l'inverse, c'est qu'il faut tout faire pour arriver à ce que les
personnes aient une fin de vie le plus proche de ce qu'elles ont envie et de ce
qu'elles ont besoin. Le reste, bon, tout se négocie avec les médecins, alors
j'imagine que ça va se négocier aussi... Avec les patients, on n'est pas de la
même... on ne négocie pas autant.
M. Birnbaum : Je comprends.
Vous n'avez pas fait référence à un des aspects... un phénomène qui est... dont
on prononce dans le projet de loi et qui a son... pour le bien-être de
l'individu et tout ça, c'est-à-dire le rôle des tiers, la capacité qu'ils
doivent avoir, leur disponibilité, des conditions de l'exercice lors de la
demande et ainsi qu'au moment très important où la personne est rendue inapte
et ses voeux, tels qu'exprimés dans la demande, risquent d'être déclenchés. Il
y a une diversité, une autre fois, d'opinions auprès des experts que nous avons
accueillis les derniers deux jours. Est-ce que vous avez des choses, au nom de
vos membres, à nous partager sur ce phénomène de tiers et comment baliser ça?
Mme Tremblay (Sylvie) : Qu'entendez-vous
par tiers, monsieur, précisément? Les membres de la famille ou les partenaires,
les employés, qu'entendez-vous par tiers?
M. Birnbaum : Bien, quelqu'un
de confiance qui aurait été identifié par la personne apte pour, dans un
premier temps, les accompagner, pour lever le drapeau, en quelque part, lors
que la personne soit inapte, pour passer à l'acte et à les diverses étapes, une
personne de confiance, quoi. Des inquiétudes ou des commentaires là-dessus?
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien,
c'est comme... Ce que je vous disais sur la recommandation pour... La
recommandation 3, pour moi, est le centre de ce qu'on peut se dire
maintenant. C'est qu'à la fois les gens ont une méconnaissance de la loi puis
des mécanismes et à la fois aussi de leur rôle en fonction de la suite des
choses. Et je pense que là on est à un point
où, à partir du moment où il y aura des modifications à apporter, il faudra
réviser l'ensemble pour que les gens comprennent bien à la fois leur
rôle quand la personne est vraiment inapte, mais, au-delà, comment accompagner
au tout, tout début. Nous, les proches aidants, avec qui on travaille
constamment, sont beaucoup seuls dans le débat, souvent,
ou avec le réseau, ou avec les intervenants. Je pense que là il faut les
appuyer puis il faut les appuyer correctement avec les modifications qui se
feront, puis dans un contexte où on vulgarisera les mécanismes, puis on sera
capables de les accompagner.
M. Birnbaum : Merci. Il me
reste combien de temps, monsieur...
Le Président (M. Provençal)
: Une minute.
M. Birnbaum : Une minute. Bon,
ça va, merci pour moi. Merci.
Mme Tremblay (Sylvie) : Merci à
vous.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, Mme la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Je vous remercie pour vos recommandations, c'est très, très
clair. Il y a une question que j'aimerais vous poser, bon, parce on a
discuté plutôt avec d'autres groupes de la difficulté d'avoir suffisamment de
professionnels de la santé pour offrir les soins. J'aimerais savoir s'il y a
des patients qui ont porté à l'attention des
comités d'usagers, par exemple, qu'ils avaient eu de la difficulté à trouver un
professionnel pour obtenir l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est
des situations que vous voyez à l'occasion?
Mme Tremblay (Sylvie) : Oui,
c'est des situations qu'on voit à l'occasion, oui.
Mme Labrie : Et qu'est-ce qui
se passe dans ce temps-là? Qu'est-ce que vous faites?
Mme Tremblay (Sylvie) : Bien,
on accompagne, on défend, on revoit avec l'établissement. On voit avec le
commissaire, on essaie de voir des alternatives. On accompagne la famille, on
accompagne la personne pour que cette
situation-là, à la fois dans le temps et dans le stress, diminue pour qu'on
soit capable d'arriver à de l'accompagnement correct, là. C'est un peu le rôle, à la fois pour l'aide médicale à
mourir puis tous les dossiers avec lesquels on travaille. C'est toujours
à peu près ça, là.
Mme Labrie : Est-ce que je comprends
de votre réponse que ce n'est pas si rare que ça? La rapidité avec laquelle
vous me répondez, c'est comme si ça arrive quand même régulièrement. Est-ce que
c'est dans toutes les régions, dans des régions en particulier?
Mme Tremblay (Sylvie) : Je ne vous
dirais pas que c'est fréquent... La façon dont on accompagne, c'est comme ça,
parce qu'on travaille avec l'humain puis on travaille avec leurs besoins, puis
leurs incompréhensions, puis leurs façons de faire. Non, ce n'est pas fréquent,
mais on a autant de souci à le faire... Bien, par exemple, en Outaouais,
ailleurs, on accompagne, on accompagne vraiment.
Mme Labrie : O.K. Parfait. Je vous
remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va? Merci beaucoup. Alors, Mme la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci à vous pour votre présentation, votre engagement constant,
très intéressant. Je vais juste poursuivre. On n'est pas directement dans le
coeur de la demande anticipée, mais ça m'intéresse. Dans le projet de loi, la
loi initiale, la loi n° 2, c'est vraiment prévu
que, quand une personne ne réussit pas à avoir l'aide médicale à mourir, elle
peut déposer évidemment une plainte au commissaire, et la plainte doit être
traitée prioritairement. Parce qu'on se comprend que, quand on est dans cette
situation-là, on n'a pas des années nécessairement devant nous.
Donc, j'étais... plus précisément, là, à la
suite de la question de ma collègue, j'étais curieuse de savoir si ça, vous avez des échos de lorsque des plaintes sont
faites auprès du commissaire, parce qu'une personne serait tombée entre deux chaises, puis qu'à l'hôpital on se renvoie la
balle, puis il n'y a personne qui est là, ou la personne est chez elle.
Je comprends que vous, vous pouvez les accompagner. Est-ce que ça, c'est des
situations qui vous ont été rapportées?
Puis je vais poser tout de suite ma deuxième
question, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que c'est ma
tactique. La deuxième question... Je pense que ce que vous soulevez sur la
campagne d'information, là, c'est fondamental. Je vais vous faire une grande
confidence aujourd'hui : Quand j'avais fait la loi... Et vous vous rappelez, il y a eu un changement de gouvernement,
comme il restait quelques heures de débat à faire, et puis il y avait tout un plan qui était fait, d'avoir une campagne
grand public sur les soins palliatifs, l'aide à mourir, tout ça. Moi, je
pense que cette campagne-là, elle mérite
encore d'être faite. Est-ce que vous pensez qu'on devrait la faire — là,
je suis vraiment comme dans des stratégies, mais le but, c'est que les
gens soient bien renseignés, incluant la demande anticipée, là, si jamais,
d'ici quelques mois, ça devient une réalité — ou c'est une grosse bouchée,
puis vous avez le sentiment que, les gens,
ils ne sont même pas tout à fait au fait, déjà, de leurs droits en vertu de la
loi actuelle sur les soins de fin de vie?
Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais
commencer par la fin. Les gens sont intelligents...
Mme Hivon : Grande
vérité.
Mme Tremblay (Sylvie) : ...c'est une
grande vérité, et, quand ils ont besoin d'accompagnement, il y a quelqu'un pour
ramener un peu de sens dans tout ça. Donc, oui, ça prend une campagne, dans un
contexte, je vais le redire, où la pandémie
a fait du tort à toutes nos avancées démocratiques, en fonction de nos avancées
démocratiques, en fonction des services et
des services à donner de façon respectueuse et intègre. Donc, dans ce
contexte-là, il faut ramener le dialogue social, il faut ramener les
compétences de chacun, il faut ramener l'accompagnement. Et, dans ce
contexte-là, la fin de vie fait partie des discussions et fait partie aussi des
explications qu'on doit donner aux patients, aux usagers et à leurs familles.
Je pense que c'est toujours pertinent.
Pour ce qui
est de l'accompagnement aux plaintes, je sais que les commissaires aux plaintes
sont très vigilants et ils sont très respectueux des délais en ce sens.
C'était fluctuant, mais là, avec un peu la nouvelle façon de faire, là, il y a
un peu plus de rigueur par rapport à ça. Donc, oui, ça se passe plutôt bien de
ce côté-là.
Mme Hivon : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Tremblay, pour votre
contribution, votre participation, malgré l'heure avancée de la soirée,
nous l'apprécions grandement.
Alors, sur ce, je vais suspendre pour permettre
au prochain groupe de faire notre rencontre. Merci.
(Suspension de la séance à 21 h 11)
(Reprise à 21 h 12)
Le Président (M. Provençal)
: Je souhaite la bienvenue au docteur
Mona Gupta, médecin-psychiatre du CHUM. Alors, madame, vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, par la suite, nous aurons nos échanges. Je
vous cède immédiatement la parole.
Mme Mona Gupta
Mme Gupta (Mona) : Merci beaucoup,
M. le Président, et merci à M. le ministre et membres du comité. Je tiens à
remercier la commission pour cette audience. Je suis consciente que je suis le
seul obstacle entre vous et la fin de votre soirée, donc je vais essayer de
vous garder réveillés. Je suis médecin-psychiatre et chercheuse en philosophie et éthique au Centre hospitalier de
l'Université de Montréal. J'exerce, plus que 20 ans, dans la
surspécialité de la psychiatrie médicale. J'ai été impliquée, dans les demandes
d'AMM, principalement comme consultante, parfois comme évaluatrice de demande.
Je suis également présidente du Groupe d'experts sur l'AMM et la maladie
mentale, mandaté par le gouvernement fédéral dans son projet de loi C-7, et
dont le rapport final a été déposé au Parlement du Canada le 13 mai 2022.
Dans ma présentation, je vais me restreindre au
sujet de l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux comme seul
problème médical et invoquer dorénavant TM-SPMI. Je vais me concentrer sur le
développement sur le sujet de l'AMM, pour des TM-SPMI, depuis, la Commission
spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a déposé
son rapport en décembre 2021. Spécifiquement, je vais discuter de l'expérience
clinique accumulée avec les demandeurs qui sont encadrés par les mesures de
sauvegarde de la voie 2 du Code criminel du Canada, c'est-à-dire la mort
naturelle, ne sont pas raisonnablement prévisibles. Je vais également
mentionner l'approche adoptée par le groupe d'experts en faisant ces
recommandations et je vais élaborer davantage sur ces deux sujets dans le
mémoire.
Commençons par les demandes de l'AMM de la
voie 2. L'expérience des évaluateurs et des prestataires de l'AMM, depuis
l'entrée en vigueur du projet de loi C-7, montre que les personnes atteintes de
troubles mentaux demandent et obtiennent l'AMM et même, à l'heure actuelle...
Dans une enquête menée auprès des évaluateurs et des prestataires de l'AMM,
Wiebe et ses collègues, dans un article sur révision en 2022, ont constaté que
67 % des demandes de la voie 2
présentaient des troubles mentaux concomitants et actifs. Ces demandeurs
peuvent avoir de longs antécédents de tendance suicidaire. Ils peuvent
également se trouver dans des situations de vulnérabilité sociale.
Ainsi, les personnes dont le problème de santé
est difficile à évaluer en ce qui concerne l'incurabilité, et des cas dont le
diagnostic n'est pas entièrement clair, demandent et obtiennent l'AMM
maintenant. Il s'agit des mêmes préoccupations que nommait la commission
spéciale à l'appui de l'exclusion des personnes TM-SPMI. Le fait qu'il y a déjà des demandeurs avec ces caractéristiques
signifie que, lorsque ces questions se posent dans le cas des demandes
d'AMM, les cliniciens évaluent l'admissibilité de ces demandes en utilisant les
approches cliniques existantes et à la lumière des mesures de sauvegarde
actuelles. En outre, il y aura plus de cas qui soulèvent ces questions dans la voie 2, dans son ensemble, que ceux qui
entrent dans la catégorie de TM-SPMI. Les données existantes au Québec et
à l'étranger illustrent pourquoi.
Aux Pays-Bas et en Belgique, environ 1 % de
tous les cas d'euthanasie sont motivés par un trouble mental et ils ne sont pas
juste les cas TM-SPMI non plus. Environ
6 500 personnes ont eu accès à l'AMM au Québec, entre 2016 et 2020.
Si l'on applique ces données au Québec, il y aurait environ 13 cas de TM-SPMI
par an. Sur la même période de cinq ans, cela donnerait environ 65 cas
d'AMM TM-SPMI. Parmi les 6 500 personnes qui ont eu accès à l'AMM au Québec, on ne sait pas combien avaient un trouble
mental actif car les systèmes de collecte de données du Québec et du Canada ne
notent que le diagnostic primaire d'une personne.
Cependant, si l'on extrapole à partir de la
prévalence de tous les troubles mentaux dans la population générale, qui est à
peu près 20 %, environ 1 300 de ces personnes avaient un trouble
mental concomitant. Même si ce n'est que 10 % parmi eux qui avaient un
trouble mental actif, une estimation très conservatrice, ça comprendrait
130 demandeurs pendant les derniers cinq ans, à savoir 26 par année, qui
avaient un trouble mental actif. Il s'agit déjà le double, comparé aux
personnes atteintes de TM-SPMI.
Poursuivons. Depuis le 17 mars 2021, il y
avait environ 200 cas de la voie 2 partout au Canada. Le cas de l'AMM
au Québec occupe annuellement un tiers des cas du Canada. Cela suggère qu'il y
avait environ 65 cas des demandeurs, au Québec, dont la mort naturelle
n'était pas raisonnablement prévisible en 2021. ...si deux tiers d'eux avaient
un trouble mental actif, ça fait 43 cas, il s'agit déjà le triple de
l'estimation des cas TM-SPMI. Par conséquent, si le gouvernement espère qu'en
excluant les personnes atteintes de TM-SPMI de l'accès à l'AMM, la société peut éviter d'avoir des demandes faites
par des personnes atteintes des troubles mentaux et les enjeux qui y
sont associés, les données existantes et l'expérience clinique nous montrent
que ce n'est pas le cas.
Continuons au rapport du groupe d'experts. Le
mandat du groupe d'experts était de recommander des mesures de sauvegarde, des
protocoles et des directives concernant l'aide médicale à mourir et la maladie
mentale, et pas de tenir un débat sur la permissibilité de l'accès par les
personnes TM-SPMI. Ce mandat a permis une réflexion assez pratico-pratique sur
l'encadrement d'une demande TM-SPMI. Le groupe a été confronté à des problèmes
semblables à ceux soulevés par la commission spéciale, notamment d'établir
l'incurabilité d'un problème de santé et les préoccupations concernant les
tendances suicidaires. Il a également abordé la difficulté d'établir
l'irréversibilité du déclin dans ses capacités, l'aptitude dans la prise de
décision et la vulnérabilité structurale. Nous avons servi de la réflexion en
arrière des cas complexes d'AMM existants et aussi des circonstances des
décisions d'enjeux élevés. Cela nous a permis de faire des recommandations qui
sont cohérentes avec la réflexion dans le reste de la médecine, le droit en
santé et l'éthique.
Je vous donne un exemple concret : établir
l'incurabilité d'un trouble mental est un problème important dans le débat sur
l'AMM TM-SPMI. Le constat du groupe d'experts, c'est que ce n'est pas unique
aux troubles mentaux et pas unique au contexte d'AMM. Ça nous a permis de
considérer les questions suivantes : Quelle est l'approche pour évaluer
les demandes quand les mêmes enjeux surviennent pour un autre trouble, par
exemple, un trouble de douleur chronique? Les médecins explorent quelles
interventions ont été essayées et ils se posent la question si les
interventions ont été déployées dans une façon optimale. Ils demandent s'il y a
des choses qui n'étaient pas essayées et, si oui, pour quelles raisons. Le
groupe a aussi réfléchi sur les circonstances où les psychiatres doivent
évaluer un patient atteint d'un trouble mental actif qui veut prendre une
décision qui pourrait mener à sa mort. Eh oui, ça arrive, par exemple, une
personne avec un trouble mental qui veut refuser de continuer avec sa dialyse,
par exemple. Qu'est-ce que les psychiatres font dans cette situation? On évalue
soigneusement l'aptitude de prendre une telle décision. On explore si le
trouble mental compromet, dans une façon quelconque, sa réflexion sur la
question. Parfois, oui, on va jusqu'aux mesures involontaires pour empêcher la
personne de prendre sa décision, mais, dans d'autres cas, la personne a le
droit de décider pour elle-même. C'est un travail de cas par cas.
• (21 h 20) •
Nos recommandations par rapport à les
évaluations des demandes sont basées sur ce genre de raisonnement et incluent
des détails sur la pratique clinique. Notre analyse de l'incurabilité jumelée
avec celle pour irréversibilité, l'aptitude, la tendance suicidaire et la vulnérabilité nous a permis aussi de porter la
clarification suivante : Afin de remplir
le critère d'une maladie grave et irrémédiable dans le sens du Code criminel et
une maladie grave et incurable dans le sens de la loi québécoise — on ne
l'a pas dit dans le rapport, mais c'est moi qui le dis maintenant — la
personne doit avoir été atteinte depuis longtemps et avoir un long parcours de
soins médicaux et psychosociaux. L'AMM n'est pas une option pour une personne
en crise.
En conclusion, malgré l'affirmation contraire de
la commission spéciale, il n'existe pas de caractéristique qui s'applique à
toutes les personnes atteintes de troubles mentaux et uniquement aux personnes
atteintes de troubles mentaux. Le gouvernement doit faire un choix, soit il
doit exclure toutes les demandes dans lesquelles se posent les problèmes
soulevés par la commission spéciale, soit les pratiques d'évaluation et les
mesures de sauvegarde actuelles doivent être renforcées pour faire en sorte que
les problèmes soulevés soient traités directement. Cela dit, les enjeux
soulignés par la commission spéciale et qui surviennent souvent dans le débat
public et politique sont légitimes. Il convient de réfléchir à la question de
savoir si les mesures de sauvegarde et les pratiques existantes sont adaptées à
ces enjeux. Et, avec ça, je termine.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre
présentation, docteure. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le
ministre. M. le ministre, à vous la parole.
M. Dubé : Très bien. Écoutez,
Dre Gupta, là, je dois vous avouer qu'à cette heure tardive, là, de
discuter ça et... D'abord, premièrement, je suis en train de passer à travers
votre rapport, vous avez fait... C'est très clair, ce que vous venez
d'expliquer, mais je suis... J'essaie tranquillement de me renseigner sur les
demandes d'aide anticipées pour des troubles... alors que là on parle de santé
mentale. Je peux juste vous dire que je suis un petit peu perplexe, par contre,
vous avez tellement une expertise dans ça. Rappelez-moi, peut-être pour ceux
qui nous écoutent, là, et moi le premier, où en est rendu exactement le fédéral
sur cette décision-là? Parce que je comprends que vous avez fait des
recommandations, il y a une position qui a été prise très récemment, dans le
mois de mai, mais qui serait applicable peut-être en
mars. Je voudrais juste que les gens qui nous écoutent ce soir, qui
s'intéressent aux demandes anticipées, qui n'ont rien à voir avec ce que vous
venez d'expliquer, mais faites juste m'expliquer, ça a été quoi, le processus
jusqu'à maintenant, rapidement, pour qu'après ça on puisse...
Puis je ne vous apprends rien, ce soir, en vous
disant que nous, au Québec, on n'est pas encore rendus là. On l'a dit
clairement lors de la commission, l'an dernier, que toute la question de la
santé mentale, on mettait ça de côté puis qu'on se concentrait pour le moment
sur la partie des demandes anticipées, notamment, pour des maladies comme
l'alzheimer. Mais j'aimerais ça que vous nous expliquiez quelle a été la
logique du fédéral pour faire cette étape-là en santé mentale. Ce que je
comprends, c'est que vous avez eu un grand rôle dans ça, dû à votre rôle
d'expert. Puis après ça, bien, ça sera à nous autres, peut-être, d'expliquer pourquoi
qu'on n'est pas encore rendus là. Mais je
pense que si vous preniez juste quelques minutes pour nous l'expliquer, ça
aiderait. Puis, pendant ce temps-là, je vais essayer de voir, dans votre résumé, là, qui est très bien fait, si
j'ai des questions spécifiques. Mais si vous preniez juste quelques
minutes pour nous expliquer ça a été quoi, le raisonnement d'aller tout de
suite sur la santé mentale plutôt que des demandes anticipées, par exemple.
Mme Gupta
(Mona) : Oui, merci beaucoup pour la question. Dans le
projet de loi C-7, il y avait initialement une disposition d'exclusion
sans limite, indéfinie pour une personne atteinte d'une maladie mentale;
quoique le terme «clinique», c'est plutôt un trouble mental et il y a une
distinction importante, mais, pour le moment, je vais juste utiliser le terme qui était dans le projet de loi. Une fois que le
projet de loi était rendu au Sénat du Canada, il y avait un débat sur
cette disposition, puis le Sénat avait proposé de mettre une clause dite
crépusculaire. Ça veut dire qu'après une certaine période de temps, la
disposition d'exclusion s'expirera. Puis c'était accepté par le ministère de la
Justice et le ministère de la Santé puis c'était... Le projet de loi a été voté
tel quel, avec une disposition exclusion et une clause crépusculaire attachée.
Ça veut dire, sans rien faire, en mars 2023, la disposition exclusion n'aura
plus d'effet. Les personnes atteintes des troubles mentaux, comme seul problème
médical invoqué, seront permis de faire des
demandes pour l'AMM, donc... Et c'était dans le cadre de ce projet de loi que
le gouvernement du Canada a créé...
M. Dubé : ...rappeler aux gens,
c'est que ça vient juste d'être passé. C'était au mois de mai, il y a...
Mme Gupta (Mona) : Non, mars.
M. Dubé : Mars.
Mme Gupta (Mona) : Je parle de
projet de loi C-7, mars 2021.
M. Dubé : Mars 2021, O.K. Parfait.
Mme Gupta (Mona) : Exact. Puis, dans
le projet de loi, ils ont dit : O.K., on a deux ans pour préparer pour
l'arrivée de ce genre de demande. On crée un groupe d'experts pour proposer des
mesures de sauvegarde, les protocoles et des directives pour encadrer cette
pratique. Donc, c'était ça, notre rôle.
La chose qui est peut-être mêlante, c'est que le
projet de loi C-14 avait aussi proposé une étude parlementaire sur les trois groupes dits non inclus : les
personnes atteintes des maladies mentales, les directives anticipées et les
mineurs matures. Et cette étude n'a jamais
eu lieu, donc, ça se fait maintenant dans un comité spécial mixte des
parlementaires.
M. Dubé : Très clair. Et quelle est,
selon vous, là, à cause de l'information que vous avez, la date où on
pourrait... vous pensez que cette étude-là va être finalisée au fédéral?
Mme Gupta
(Mona) : Selon les informations que j'ai, ils ont eu une
extension jusque, je crois, la mi-octobre de cette année de déposer leur
rapport. Mais ils vont déposer un rapport, qui va parler des troubles mentaux,
le 23 juin.
M. Dubé : O.K. Puis vous avez... moi,
je suis un féru de statistiques, là. Tout à l'heure, vous avez dit, puis
j'essaie de retrouver ça dans votre texte... Vous faites la proportion des
nombres de cas de santé mentale versus les autres cas qui seraient admissibles
à l'aide médicale à mourir. Pouvez-vous me... Parce que, je vous dis, vous
parlez très vite, vous êtes très connaissante, mais moi, je ne connais pas ça
autant que vous. Alors, faites-moi c'est quoi, la... Pourquoi ça a été...
Peut-être juste m'expliquer pourquoi le focus a été mis sur la santé mentale.
C'est-tu parce qu'on jugeait qu'il y avait un besoin plus grand de la santé
mentale en proportion? C'est ça que j'essaie de comprendre des statistiques,
dont vous parliez tout à l'heure, là, sur les 5 000 personnes.
Mme Gupta (Mona) : O.K. Je ne suis
pas certaine que je comprends bien la question, mais je vais essayer.
M. Dubé : ...qui n'est pas clair.
Mme Gupta (Mona) : D'abord, désolée
si j'ai parlé trop vite. Mais tout ce que j'essaie d'illustrer, c'est que le
nombre de demandeurs TM-SPMI qu'on peut projeter...
M. Dubé : Moi, c'est votre jargon,
ça... ça veut dire quoi, ça?
Mme
Gupta (Mona) : Trouble mental comme seul problème médical invoqué...
M. Dubé : Trouble
mental...
Mme Gupta
(Mona) : ...qui est actuellement exclu dans le projet de loi
n° 38.
M. Dubé : Attendez.
Mme Gupta
(Mona) : Excusez-moi.
M. Dubé : O.K.
Trouble mental. C'est ça que ça veut dire?
Mme Gupta
(Mona) : Oui, comme... Oui, genre. O.K. Donc, c'est exclu dans le projet
de loi. Ces personnes ne peuvent pas avoir accès, ils ne peuvent pas, ils n'ont
pas même le droit de faire une demande. O.K. Le projet de loi est adopté tel
quel.
Tout ce que
j'essayais d'illustrer, c'est que le nombre de personnes qui tombent dans cette
catégorie, qui sont exclues par le projet de loi, est assez petit comparé au
nombre de personnes atteintes des troubles mentaux qui ont un autre problème
médical quelconque qui sont admissibles.
M. Dubé : Là,
je comprends. O.K.
Mme Gupta (Mona) :
O.K. Par ailleurs, ces personnes qui ont un trouble mental et un autre
trouble, cancer, maladie cardiaque, peu importe, ils peuvent avoir les mêmes
questions entourant ces cas, comme quelqu'un avec un trouble bipolaire et une
maladie cardiaque qui a un long historique de tentatives de suicide. Donc,
pourquoi est-ce qu'on ne pose pas la
question : Mais, en faisant une demande d'AMM, est-ce que cette personne
est suicidaire? On doit les exclure,
mais on ne dit pas ça, on dit : On va faire une évaluation cas par cas.
Donc, pourquoi est-ce qu'on n'applique pas la même logique à quelqu'un
qui a un trouble mental comme seul problème médical invoqué, TM-SPMI?
M. Dubé : Got
it. C'est bon, c'est clair. Écoutez, moi, je n'ai pas d'autre question, parce
que, comme je vous dis, moi, je me
concentre, en ce moment, sur les demandes anticipées. Ça m'aide à comprendre où
est rendu le fédéral dans ça. Mais,
pour le moment, moi, je n'ai pas d'autre question. Je ne sais pas si, de votre
côté... Non, moi, ça me va pour...
Le Président (M.
Provençal)
: Ça va
aller?
M. Dubé : Oui,
ça va pour ça.
Le Président (M.
Provençal)
: Alors,
on va céder la parole au député de D'Arcy-McGee.
• (21 h 30) •
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Merci, Dre Gupta, pour votre présentation et votre
présentation antérieure à notre commission spéciale. On reconnaît votre grande
expertise, et vous aurez compris que les réflexions ont été difficiles et
ardues au sein de notre commission spéciale. Ce n'était pas à la légère qu'on
s'est prononcés avec une recommandation de ne pas poursuivre cette instance.
L'idée d'étendre l'aide médicale à mourir pour des troubles graves de l'ordre
exclusivement mental, ce n'était pas facile. Mais, comme vous constaterez, le
projet de loi suit notre recommandation à cet effet et ne donne pas suite non
plus.
Je vous ai écoutée
comme il faut, mais j'aimerais vous inviter d'élaborer. Vous avez qualifié, en
quelque part, notre recommandation comme légitime. Est-ce que je peux vous
entendre un petit peu sur les genres de constat que nous aurions faits, dans le
rapport, sur à la fois l'incurabilité et un aspect, dont on ne peut pas faire
abstraction, même si notre intérêt est plus
clinique, est plus objectif, si peux le dire comme ça, on ne peut pas faire
abstraction non plus de notre constat
qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet. Est-ce que je peux vous entendre...
on peut vous entendre un petit peu sur ce que vous avez... que vous
venez de qualifier comme légitime, notre... nos réflexions sur la question?
Mme Gupta
(Mona) : Oui, merci beaucoup pour la question. Je dois dire que je ne
pense pas que la recommandation était bien fondée. Ce n'était pas la
recommandation avec qui j'étais d'accord, c'était plutôt avec les enjeux
identifiés qui sont des enjeux complexes, difficiles, sur lesquels il faut
réfléchir, c'est-à-dire comment établir l'incurabilité d'une maladie dans un
contexte hors fin de vie, comment intégrer une réflexion sur une tendance
suicidaire chez un demandeur de l'AMM qui a des incidents, des troubles mentaux
et/ou un trouble mental actif.
Donc, voici les
deux... mais il y avait aussi des préoccupations avec la précarité sociale, que
je pensais est tout à fait légitime. Mais, en même temps, la précarité sociale
peut exister chez les personnes atteintes des troubles physiques, chez les
demandeurs en fin de vie. Ce n'est pas quelque chose d'unique à la maladie
mentale. Et c'est pour ça, je dis, je ne suis pas d'accord avec la
recommandation parce que je pense que la recommandation ne suit pas logiquement
du contenu... Les enjeux sont complexes, mais ils ne sont pas attachés à un
seul groupe de demandeurs. Donc, pourquoi exclure eux et pas d'autres personnes
où les mêmes sortes de problèmes surviennent? Comme j'ai dit, les personnes atteintes, dans certains cas,
des troubles de douleurs chroniques, on a le même problème par rapport à
l'incurabilité, donc pourquoi est-ce qu'on ne les exclut pas? Donc, voici les
distinctions que je ferais, en termes de ce que je pensais qui était bien
réfléchi et la recommandation qui ne suivait pas la réflexion dans le rapport.
Pour ce qui est le
consensus, est-ce que vous voulez que je poursuive ou vous voulez ajouter
quelque chose? O.K. Pour ce qui est le consensus... mais mon commentaire sur le
consensus, je l'ai traité brièvement dans mon mémoire,
j'ai deux choses à dire. D'abord, sur la base de ce que je viens de dire, je ne
comprends pas, en fait, qu'est-ce que la commission voulait dire par...
pour le consensus. Si vous acceptez ma logique que les personnes atteintes des
troubles mentaux, comme seuls problèmes médicaux invoqués, ne sont pas
distinctes et différentes des autres demandeurs
hors d'un contexte fin de vie, qu'est-ce qui n'est pas... et ces gens-là, c'est
socialement acceptable qu'eux, ils font des demandes. Je ne comprends
pas la base de cette affirmation que ce n'est pas acceptable socialement.
Puis, bien, le deuxième commentaire, je ferais
là-dessus, c'est que je comprends que ce que les gens pensent, leurs opinions,
où ils sont prêts à aller, ça compte dans une réflexion éthique, mais ce n'est
pas le seul facteur déterminant. Il y a
beaucoup de choses qu'on vit dans notre quotidien qui n'étaient autrefois pas
socialement acceptables. Il y avait une époque où l'homosexualité
n'était pas socialement acceptable, l'avortement n'était pas socialement
acceptable. Ce n'est pas que l'opinion sociale qui compte quand on décide
qu'est ce qu'on devrait faire, qu'est-ce qui est juste, qu'est-ce qui est la
bonne chose.
M. Birnbaum : Je me permets de noter
que la commission n'a pas tranché de façon superficielle sur le mot
«consensus». Ah! c'était... après mûre réflexion, on écarte votre opinion
légitime qui a incohérence, là, à quelque part, il faut qu'on l'accepte. Mais,
quand on parlait de consensus sans énumérer, de façon claire et nette, parce
que ce n'était pas clair et net pour nous, les éléments très sérieux ont été
là, et je veux vous questionner, dont sur un... Et c'est un phénomène dont vous
avez parlé, vous-même, vous avez dit que de passer à l'acte l'aide médicale à
mourir, dans le champ global de troubles de santé mentale, on va arriver à la
nécessité d'une évaluation de cas par cas.
Vous allez comprendre que plusieurs, devant
nous, ont parlé de l'aspect très problématique qui est difficile en ce qui
concerne cette nécessité, et j'aimerais vous entendre là-dessus un petit peu.
J'entends par ça, comment décortiquer... faire la part des tendances
suicidaires, et la distinction entre ça et une souffrance, une incurabilité,
tout ça, pas une mince affaire, c'est
compliqué. Est-ce que, là-dessus, il n'y a pas un fardeau énorme sur l'équipe
médicale pour... et un risque d'une grande inéquitabilité en région éloignée,
et tout ça, pour faire fidélité à ce besoin que vous identifiez comme un examen
cas par cas? Ce n'est pas facile.
Mme Gupta (Mona) : O.K. Merci
beaucoup. Bien, c'est sûr que la question de la tendance suicidaire est
centrale dans ce débat. La première chose, je dirais, et c'est à ça, j'ai
essayé de faire allusion quand je parlais du travail du groupe d'experts, c'est
qu'on le fait déjà. On a déjà des patients, tous les jours, dans notre système
de santé, atteints des troubles mentaux, qui veulent prendre des décisions qui
pourraient mener à leur mort. Puis, tous les jours, dans nos unités de soins,
dans nos urgences, il faut décider : Bien, est-ce que cette décision, ça
exprime une tendance suicidaire, ou est-ce que c'est plutôt une décision
réfléchie, ou quelque chose entre les deux? Puis les facteurs que les cliniciens considèrent, quand on rend ce genre de
jugement, c'est justement les antécédents de tentatives de suicide ou
des autres gestes suicidaires.
On prend en considération aussi l'aptitude de la
personne de prendre sa décision, on prend en considération le raisonnement en
arrière de cette décision. Est-ce que c'est une décision mûre? Est-ce que c'est
quelque chose impulsif? Donc, on... Surtout, si ça concerne un soin, est-ce que
la personne comprend bien qu'est-ce que c'est, le soin? Dans mon exemple du
patient qui voulait cesser son dialyse, est-ce qu'il comprend bien qu'est-ce
que c'est, la dialyse? Est-ce qu'il peut être un candidat pour une greffe?
Donc, il y a plein de facteurs cliniques qu'on va prendre en considération.
Mais tout ce que j'essayais de dire, c'est que
ce n'est pas vrai que les personnes atteintes des troubles mentaux n'ont pas le
droit de prendre des décisions qui vont mener à leur mort. Donc, pourquoi
est-ce qu'on va faire cette distinction pour ce qui est de l'AMM?
M. Birnbaum : Entendu. Merci. Vos
réflexions sont importantes, parce que je crois qu'il n'y a personne ici qui
n'écarte la possibilité, même la probabilité que nous aurions, ou une prochaine
législature aurait à aborder ces questions très profondes et très importantes. M.
le Président, s'il me reste un petit peu de temps, je vous invite à partager ça
avec mes collègues de l'opposition. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, Mme la députée
de Sherbrooke.
• (21 h 40) •
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Bien, je vais être très brève aussi, parce que... Je trouve ça très intéressant
les réflexions que vous nous apportez, mais les consensus qui ont été établis,
dans le cadre du rapport, ne nous amènent
pas là pour l'instant. Puis moi, ce que j'espère, c'est que la discussion va
rester ouverte puis qu'il y aura un autre chantier de réflexion après
l'adoption du projet de loi, dans la prochaine législature, pour qu'on puisse réaborder ces questions-là puis tenter de dégager
des consensus. Mais, pour l'instant, compte tenu du temps qu'il nous
reste avant la fin de la session, compte tenu que ce consensus-là n'a pas été
atteint jusqu'à maintenant, puis je ne pense pas que ce soit sain d'essayer de
l'obtenir dans les quelques prochains jours qui nous restent, moi, je
réserverais nos questions là-dessus, pour la prochaine démarche, qui vont viser
à discuter de ça. Là, je ne pense pas qu'on peut intégrer ça dans le projet de
loi à ce stade-ci, moi, personnellement.
Donc, je vous
remercie vraiment, puis continuez. Continuez de revendiquer que la réflexion se
poursuive là-dessus. Je pense que c'est vraiment pertinent socialement
qu'on se pose ces questions-là. Mais, dans le cas qu'il nous reste, je ne pense
pas qu'on peut faire ça de manière saine pour le débat public.
Le
Président (M. Provençal)
: Ça
va? Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui, bonjour... bonsoir, Dre Gupta. Vraiment
toujours aussi passionnant que vous nous communiquiez toute votre science et votre passion, vraiment. Moi, je
veux vous rassurer sur une chose, il n'y a personne, dans la commission,
puis vous n'avez pas dit ça, mais je veux juste... moi, j'ai besoin de vous le
dire, qui a sous-estimé les souffrances qui peuvent être intolérables pour des
personnes qui sont atteintes de troubles mentaux graves et persistants. Donc, je veux juste que vous ne pensiez pas qu'on
sous-estime ça. Donc, c'était quelque chose qui nous a énormément
habités, qui a été extrêmement complexe.
Je voudrais juste...
puisqu'on a le bénéfice de vous avoir à nouveau, même si ce n'est pas dans le
projet de loi actuel, moi, je veux maximiser ça. Il y a deux choses qui sont
ressorties puis qui nous ont... Vous l'avez sûrement lu dans le rapport, là,
quand on faisait un peu notre processus, mais les risques de changement dans la
relation thérapeutique patient-psychiatre, du fait de juste l'existence de
cette option-là, certains nous ont dit : Nous, on va être inconfortables,
parce qu'on va avoir le sentiment que certains de nos patients vont s'accrocher
à ça et que ça va venir complexifier grandement notre relation. Je ne dis pas
que c'est une bonne ou une mauvaise raison, là, je fais juste vous dire que
c'est un élément qui était présent dans la discussion, et qu'on va vouloir leur
offrir des traitements, leur dire qu'il faut essayer d'autres choses, mais ça
va comme venir prendre toute la place dans la relation. J'aimerais ça vous
entendre là-dessus parce qu'on vous avait entendue avant.
Puis l'autre élément,
c'est les fameux mauvais diagnostics. On a eu des patients qui sont venus nous
dire qu'ils avaient eu un mauvais
diagnostic. Ils auraient voulu l'aide médicale à mourir il y a deux ans. Tous
les traitements avaient été essayés, ils ont changé de processus,
d'équipe, de psychiatre, nouveau diagnostic, leur vie a changé. J'ai même vu, la semaine dernière, à Radio-Canada, un
reportage, en Europe, en Belgique, je crois, sur quelqu'un qui, il y a
deux ans, exactement le même cas, avait même donné une entrevue où il demandait
ça pour trouble mental. Là, il ne le demande plus. Donc, ça, ça nous a
troublés, donc j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Puis petite question
technique... tantôt, l'Ordre des psychologues nous a dit que, compte tenu que
les troubles cognitifs sont dans le DMS-5,
ce serait considéré comme des troubles mentaux. C'est la première fois que
j'entendais ça, je ne pensais pas du tout que c'était considéré comme un
trouble mental. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Gupta
(Mona) : O.K. Merci beaucoup pour ces questions-là. Alors, je vais
juste les prendre une à la fois, puis vous... m'interrompre, si vous voulez que
j'ajoute des éléments. Pour ce qui est du changement dans la relation, je vais
d'abord parler du point de vue de patient et la famille. En fait, il n'y a
vraiment pas des données qui montrent que l'existence d'une telle option nuit à
la relation entre un patient et le clinicien, c'est plutôt le contraire. Et j'ai donné une citation, dans mon mémoire,
qu'il y a... c'est plutôt... les patients et familles sont plutôt contents
d'avoir un espace sécuritaire, de parler de ce qui leur habite et de sentir
qu'ils sont entendus et respectés dans leur réflexion.
Alors, du point de
vue du clinicien, je peux comprendre si une clinicienne n'est pas intéressée de
participer dans l'aide médicale à mourir, qui ne veut pas que ça prend toute la
place. Mais je ne vois pas pourquoi c'est particulier à la maladie mentale.
N'importe quel patient, et j'en ai vu des patients comme ça, peut être
préoccupé par sa demande et ne parle que de ça. J'ai été dans les évaluations
des patients qui n'ont pas des troubles mentaux, qui sont très préoccupés, qui réclament le droit de l'avoir, puis, chaque
fois, on essaie d'explorer autre chose, ils reviennent à ça. C'est parce que, pour eux, ils ont réfléchi
longtemps, donc ils sont vraiment accrochés puis ils ne veulent pas,
avant tout, qu'on dit non. Donc, ils savent quand c'est à nous de prendre
décision là-dessus. Donc, je trouve ça intéressant comme réflexion, mais pas du
tout en lien spécifiquement avec la maladie mentale.
Pour ce qui est du
mauvais diagnostic, encore une fois, je dirais, je comprends... puis je
comprends qu'il y a des patients qui sont venus, qui ont dit la même chose.
Mais, partout en médecine, on a des troubles, on pense que c'est une chose, ça
évolue, ça ne répond pas au traitement, il y a d'autres symptômes qui
surviennent, puis on change le diagnostic. Donc, encore une fois, je dirais,
c'est sûr que c'est inquiétant pour le patient, pour ce patient qui a témoigné,
mais ce n'est pas unique au trouble mental, et ça ne devrait pas être la base
d'une exclusion qui ne cible que ces personnes-là. En fait, je dirais, en
psychiatrie, c'est plutôt une meilleure situation que d'autres spécialités, pour des raisons techniques, cliniques,
c'est-à-dire, en psychiatrie, beaucoup de traitements chevauchent. Donc, si on
a, par exemple, l'exemple simple, un trouble
de dépression et un trouble de l'anxiété, souvent, les traitements
pharmacologiques sont les mêmes, quoique, dans d'autres spécialités, le
diagnostic bien précis va drastiquement changer quelles molécules on va
prescrire. Donc, encore une fois, je ne pense pas que ça pourrait être la base
d'une exclusion qui cible un seul type de diagnostic ou un seul groupe de
personnes.
Et finalement, pour
aborder la question sur les troubles cognitifs, oui, le Dre Grou a raison, les
troubles cognitifs sont classifiés... qui sont classés dans le DSM, qui est un
système de classement produit par l'association américaine des psychiatres, et
qu'il faut être précis dans la loi, quand on parle des troubles mentaux,
qu'est-ce qui est... qu'est-ce que vous voulez dire par cela et qu'est-ce que
vous ne voulez pas dire par cela. Donc, trouble mental, en soi, oui, si on
prend la définition du DSM, ça inclut les troubles cognitifs.
Mme Hivon : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que j'avais.
Le Président (M.
Provençal)
: Je
vous... Voulez-vous poser une autre question?
Mme
Hivon :
Non, ça va, merci.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va. Écoutez, Dre Gupta, on
tient à vous remercier, malgré l'heure tardive, d'avoir accepté de partager vos
compétences, de témoigner aussi de l'expérience que vous avez. Je peux vous
dire que l'ensemble des membres de la commission l'apprécient grandement. On va
pouvoir maintenant vous libérer en vous remerciant beaucoup.
Mémoires déposés
Avant d'ajourner les travaux, je dépose les
mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus. Je vous
remercie pour votre collaboration.
La commission ajourne ses travaux sine die.
Encore, merci beaucoup, parce qu'on sait qu'il est quand même relativement
tard. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 48)