(Neuf heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bon matin à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission
de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 15, Loi
modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions
législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); M. Marissal
(Rosemont), par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Ouellet (René-Lévesque).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes et groupes suivant :
le Service d'aide psychologique spécialisée aux immigrants et réfugiés;
Mme Suzanne Zaccour et les directeurs de la protection de la
jeunesse et directeurs provinciaux du Québec.
Avant de souhaiter la bienvenue, je vous
demanderais votre consentement pour pouvoir répartir le temps, compte tenu
qu'on aura des personnes qui ne seront pas sur place. Alors, consentement?
Merci beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
du Service d'aide psychologique spécialisée aux immigrants et réfugiés. Je vous rappelle que vous aurez 10 minutes
pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission.
Alors, je vous souhaite... je vous cède immédiatement la parole. Merci.
Service d'aide
psychologique spécialisée aux
immigrants et réfugiés (SAPSIR)
Mme Martins Borges
(Lucienne) : Pouvons-nous enlever le masque lorsque nous parlons? O.K.
M. Pocreau (Jean-Bernard) :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, bonjour à tous et à
toutes. Alors, merci de nous faire l'honneur de nous inviter à partager notre
expérience et notre point de vue dans le cadre de cette commission. Ça nous
fait plaisir d'être présents ici.
Je vais vous
présenter d'abord le service rapidement, en quoi ce service consiste. C'est un
service de psychologie qui s'adresse principalement aux personnes
réfugiées. Ces personnes, issues des communautés ethnoculturelles, vivent des
situations complexes : séquelles de leur vécu antérieur, de leur parcours
migratoire et de leurs particularités culturelles. Créé à l'Université Laval,
École de psychologie, en août 2000, le SAPSIR s'appuie sur une approche
interculturelle qui prend en compte précisément la dimension culturelle dans
laquelle toutes ces personnes se sont construites et développées. Le SAPSIR
agit également comme consultant auprès des intervenants du réseau de la santé
et des services sociaux et des milieux communautaires. Il est un lieu de formation
d'intervenants spécialisés en interculturel. Enfin, précisons qu'il s'agit d'un organisme indépendant, autonome, mais qui a
développé des liens de partenariat avec différents organismes. C'est
donc de cette place et de l'expérience acquise que nous allons formuler des
recommandations et des commentaires à cette commission.
Si on regarde les caractéristiques de la
population issue de la diversité culturelle, et plus précisément de la minorité
ethnoculturelle, lorsque nous parlons ici de minorité ethnoculturelle, celle
qui nous préoccupe est principalement composée de familles réfugiées, pas
exclusivement, bien sûr. Ces familles, dont 50 % sont des jeunes de moins
de 18 ans pour la grande majorité d'entre elles, sont issues de sociétés
traditionnelles, communautaires et ont dû
fuir leur pays suite à des violences extrêmes : massacres, génocides,
guerres, etc. Lorsqu'on souligne la surreprésentation à la Protection de
la jeunesse des enfants Noirs, notamment, c'est en grande partie de ces enfants
dont il s'agit.
D'emblée, nous constatons la grande distance
culturelle qui sépare de la culture d'accueil... qui les sépare de la culture
d'accueil, ici, le Québec, et les défis d'inclusion et d'intégration que cela
représente et pour eux, mais aussi pour nous. Le choc culturel concerne tout
autant ces familles que les intervenants.
• (9 h 50) •
Nous ne pouvons développer ici tous les aspects
de la fonction psychologique de la culture, bien qu'on la considère comme étant
centrale, culture d'origine, bien sûr. Retenons simplement qu'elle est le siège
de la formation des mondes symboliques : la langue, les représentations
sociales et culturelles, les visions du monde et de l'ordre des choses. La
culture contribue grandement à la construction de la représentation de l'enfant
par son groupe culturel de référence, détermine la façon dont on doit en
prendre soin et définit les rôles parentaux, qui les assume, comment et dans quel but. Pour terminer, ajoutons une dimension, et non
la moindre, celle concernant la construction et le maintien de l'identité. Cet ensemble cohérent est transmis
de génération en génération. Cette transmission est garante de
stabilité, de sens et de sécurité. Dans ce contexte, l'appartenance culturelle
constitue un facteur de protection et d'équilibre, autant pour le développement
actuel que pour le devenir de l'enfant appelé à être un adulte en bonne santé
mentale.
Les ruptures de filiation, et donc de
transmission intergénérationnelle, sont dommageables. Elles ont un aspect
négatif à court, moyen et long terme pour le développement de l'enfant. Elles
menacent la continuité de soi, rendent plus complexe la construction de son
identité. Et, si coupure il doit y avoir nécessairement, par un placement dans
une famille d'accueil, par exemple, cela doit se faire avec un impératif, celui
de la préservation du lien avec sa famille, avec sa communauté, avec ses
références culturelles, et ce, à toutes les étapes de l'intervention, du
signalement jusqu'à la décision finale, y compris judiciaire.
Ces réalités culturelles ont été prises en
compte pour les communautés autochtones qui s'appuient sur la notion de continuité culturelle. Le contexte historique
politique est différent, bien sûr, mais les enjeux, en termes de
développement et de santé mentale, sont
rigoureusement les mêmes pour les enfants et leurs familles issus des
communautés traditionnelles que nous accueillons. Il s'agit donc de
favoriser, dans les actions et interventions, des conditions de vie et de
développement qui permettent à l'enfant immigrant de se développer pleinement
et harmonieusement.
Toutefois, il
y a des différences de parcours entre les enfants et les familles autochtones
et les enfants des familles réfugiées, car ces derniers arrivent en
terre d'accueil avec le projet d'y rester, d'y vivre comme citoyens canadiens,
en respectant ou en s'alignant sur les comportements de la majorité, ce qui est
dans l'ordre des choses et attendu. Mais cet objectif ne peut être atteint dès
leur arrivée, et il va falloir l'inscrire dans la durée et le concevoir par
étapes. Ici, il ne s'agit pas de penser ce parcours en termes de continuité
culturelle, mais plus en termes de transferts culturels.
Cette reconnaissance est nommée dans le
premier... dans le présent projet de la loi. Au huitième considérant, il
est souligné l'importance de reconnaître la spécificité des enfants faisant
partie des groupes minoritaires, tels que les enfants appartenant à des
minorités ethnoculturelles, et au chapitre II, section I,
article 4.3, alinéa d, «tenir compte des caractéristiques des minorités
ethnoculturelles». Mais rien n'est précisé ou défini; l'interprétation et
l'application de ces principes est laissé libre, selon le jugement et la bonne
foi des intervenants. Il serait important, par exemple, de clarifier de quelles
caractéristiques il est nécessaire de tenir compte. Cette prise en compte des
références culturelles faciliterait l'adhésion aux propositions les concernant.
Ces parents se sentiraient ainsi plus acteurs participants.
Maintenant, je vais laisser ma collègue
présenter les recommandations qui découlent de cette approche.
Mme Martins Borges (Lucienne) : Donc,
considérant l'importance de la culture fondatrice, de ses fonctions
psychologiques dans le développement de l'enfant, de son rôle dans le maintien
de la santé mentale et du bien-être psychologique, nous recommandons que le
facteur culturel soit pleinement reconnu et précisé dans la notion de l'intérêt
de l'enfant, même si cette notion a déjà un cadre juridique; que soit également
reconnue la complexité des situations interculturelles et que l'accompagnement
de celle-ci nécessite plus de temps et d'investissement.
Compte tenu de ce qui précède, qu'il y ait la
possibilité de réévaluer la durée de certaines décisions de placement au-delà
des délais prévus; que, dans une logique de cohérence, la Loi de la protection
de la jeunesse s'inspire des dispositions applicables aux familles autochtones
en les adaptant à la réalité des minorités ethnoculturelles. Sont
concernés : les modalités de prise de décision concernant le parcours de
l'enfant; le recrutement de familles d'accueil issues de la diversité
culturelle; le choix d'une famille d'accueil ayant une proximité culturelle
avec la famille d'origine ou, si ce n'est
pas possible, que la famille d'accueil possède une réelle sensibilité à la
différence culturelle; l'identification des proches et des personnes
proches et significatives pour l'enfant, tant sur le plan affectif que sur le
plan culturel.
Que, dans une
optique de prévention, plusieurs actions soient mises de l'avant, en amont,
avant qu'un signalement soit retenu, par une formation en interculturel
des principaux signalants, à savoir professionnels de la santé et services
sociaux, personnels du milieu scolaire, les garderies et le policier.
Que, dans toutes les situations nécessitant une
décision, à toutes les étapes du processus, soient consultés les intervenants
familiers et formés à l'interculturel, les intervenants pivots interculturels,
et, pour le milieu scolaire, les agents en milieu interculturel et le RAMI, les
réseaux d'agents du milieu interculturel.
Que, dans tous les cas, soient privilégiées des
actions en amont en valorisant une approche de proximité où les acteurs de la
communauté sont mis à contribution, notamment les organismes communautaires
dédiés, et ce, de façon concrète... concertée.
Que, pour faciliter l'accompagnement et le
transfert culturel, notamment des pratiques parentales, des soins à donner à l'enfant, soit instituée pour les
familles migrantes issues des sociétés traditionnelles une période
d'acculturation à la parentalité en créant des espaces d'échanges et de
partage où les bonnes pratiques éducatives peuvent être discutées entre les
familles arrivantes, les familles déjà installées et les intervenants.
Concernant les intervenants, que soient mis de
l'avant des programmes de formation continue en interculturel, dont le suivi
sera obligatoire pour tous les intervenants oeuvrant au sein de la protection
de la jeunesse, incluant les personnes assumant des fonctions décisionnelles.
Certains intervenants ont plus de sensibilité culturelle que d'autres. Dans cette optique de partage pourraient
s'instituer les communautés des pratiques en interculturel favorisant
l'acquisition de connaissances et le maintien de l'attention aux particularités
des situations en interculturel, et ce, durant toutes les étapes du processus. Ces communautés de pratique
permettraient également d'assurer continuité et cohérence lorsqu'il y a
des étapes, des changements ou des décisions — j'ai presque terminé.
Que les intervenants aient l'obligation de
préciser dans leurs rapports comment la prise en compte des caractéristiques
culturelles s'est concrétisée dans leurs interventions, leurs analyses, leurs
décisions et les définitions de trajectoires, enfin, quelles actions concrètes
ont été posées et évaluées.
Qu'une modalité
d'information et de saisie des données soit clairement définie, obligatoire et
accessible pour toutes les situations interculturelles : origine
culturelle, statut migratoire, parcours prémigratoire et postmigratoire. Cette
mesure aurait pour effet d'encadrer et de mieux définir les interventions et de
prévenir certaines distorsions d'orientation dès le départ.
Que soit rendu obligatoire le recours à un
interprète dans toutes les étapes du processus pour éviter incompréhension et
malentendus. Une attention particulière doit donc être portée à tout ce qui
concerne les modalités de transmission et d'information et s'appuyer sur les
habitudes culturelles propres à ces personnes.
Que des outils d'aide à la décision et à
l'évaluation du développement de l'enfant et des habiletés parentales soient
validés culturellement et utilisés par les intervenants.
L'objectif de ces recommandations est de rendre,
donc, la Protection de la jeunesse culturellement compétente et sécuritaire
dans l'application des mesures et dans le respect de son mandat. Merci.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons initier
cette période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
17 min 37 s.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour à toutes et à tous à cette nouvelle semaine
d'audience. Merci beaucoup à nos invités d'être là. M. Pocreau,
Mme Martins Borges, merci.
Écoutez, le sujet dont on aborde est vraiment
très important, puis c'est quelque chose qui me tient à coeur également. Nous,
ce qu'on a fait jusqu'à présent, depuis qu'on est arrivés, c'est dans le... Il
y a un programme qui s'appelle programme négligence, d'accord, qui souvent est
en lien avec, comme vous l'avez mentionné, les différences culturelles de
parentalité. Beaucoup des signalements dans les communautés sont dus à ces
différences culturelles là. Certains programmes ont été implantés avec succès,
là, le Bureau de la communauté haïtienne de Montréal en a un, la communauté
afrocanadienne en a un autre. Mais, dans d'autres régions, comment ça s'implante?
Et comment vous voyez qu'on pourrait améliorer cette collaboration avec les
organismes communautaires et la première ligne? Parce qu'on parle toujours de
la DPJ, mais l'important, comme vous dites, c'est d'agir en amont. Comment on
peut améliorer cette collaboration-là?
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Bien, je
pense qu'il serait d'abord souhaitable d'avoir une plateforme pour les organismes communautaires qui pourraient agir de
façon concertée, hein? Je constate, en tout cas, c'est une observation,
que les organismes communautaires qui ont le mandat en lien avec les
communautés ethnoculturelles pourraient gagner en efficacité s'il y avait des
échanges, et l'organisation, comme on l'a souligné ici et proposé,
l'organisation de stages ou d'ateliers en parentalité qui pourraient d'ailleurs
s'inspirer, là, je dirais, d'une façon générale, bien sûr, de la francisation.
On considère que la francisation est un processus important pour l'inclusion
des personnes, mais il n'y a pas que la francisation, il y a également la
parentalité, comment vivre ensemble et en famille dans la société d'accueil. Donc, ce seraient des stages ou une façon de
penser et d'aider ces personnes-là qui viennent d'ailleurs, bien sûr, pas
d'une façon coercitive, là, mais, dès qu'on
sent qu'il y a une certaine vulnérabilité, leur proposer l'accès à cette
plateforme organisée par les organismes communautaires. Bien sûr, il y a
aussi l'implication des différents partenaires au CIUSSS, ici, à Québec, de la Capitale-Nationale, dans les
différents programmes, et, là encore, ce qui existe actuellement, ce sont
quand même des actions concertées, des concertations quand il s'agit des
situations complexes concernant les communautés.
Mme Martins Borges (Lucienne) : J'ajouterais
que le Québec, hein, il est très divers en termes d'organisation sociale, de
profil de la population. Lorsqu'on a un programme comme négligence, passerelle,
des programmes qui sont transversaux, hein, au Québec, il faudrait s'arrêter
sur les particularités des régions. En ce qui concerne l'immigration, le
programme de régionalisation définit déjà la différence entre Montréal, et le
Grand Montréal, et les régions. Lorsqu'on donne une formation, on donne
annuellement des formations ici, au CIUSSS, nous, nous avons une salle
d'intervenants québécois pour parler des situations d'ailleurs, et ça, ça
demande aussi une adaptation des pratiques. Mais moi, je dirais que la
concertation, impliquer les milieux communautaires mais avec aussi le réseau,
dès le début, hein... Et les familles, là, vous avez nommé les familles, chez
les familles haïtiennes, vous voyez... Donc, dès le début, hein, que ça soit
des gens de la communauté, des milieux communautaires et le réseau autour d'une
concertation et d'une trajectoire de santé et dans les services sociaux dès le
début, moi, pour moi, c'est ça qui est préventif, et c'est là qu'on intervient
en première ligne et en amont.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup. J'ai beaucoup aimé votre commentaire sur l'accueil à l'arrivée. Puis
effectivement on vient de déposer un plan d'action en santé mentale, et il y a
une contribution du ministère de l'Immigration pour ce qu'on appelle une
trousse santé mentale pour les familles immigrantes, pour qu'ils sachent qui
contacter quand ils arrivent au Québec. Est-ce que vous pensez que ce serait
possible de faire quelque chose de similaire quant à la parentalité? Est-ce que
ça existe déjà? Est-ce que vous avez déjà vu ça ailleurs?
Mme Martins Borges (Lucienne) : Bien,
je pense qu'on peut faire quelque chose de semblable en ce qui concerne tout
type d'information sur la société d'accueil, parce qu'en fait ces personnes-là
ne connaissent pas... Pour plusieurs, elles ne pouvaient même pas situer le
Canada avant d'arriver au Canada. Donc, ils ont tout à apprendre, oui, mais ce
n'est pas suffisant, hein? Ce n'est pas suffisant, parce que, pour plusieurs,
ils ne parlent pas la langue, et, même si c'est dans leur langue, il y a toute
la représentation culturelle des mots, hein, les compréhensions autour de ces
notions-là. Donc, je pense que c'est la première étape, et que ces transferts
culturels se passent toujours par des actions concertées,
hein, où il y aurait un peu comme des médiateurs qui vont un peu traduire,
hein, les bonnes pratiques de la société d'accueil à ces personnes-là. Ils ont
énormément d'information lorsqu'ils arrivent, et c'est très difficile de les
intérioriser, de les assimiler. Donc, je pense que c'est une première étape sur
laquelle un groupe peut s'appuyer pour continuer les actions de transferts
culturels.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Et,
si vous me permettez, j'ajouterais à ce que dit Lucienne que l'accueil ne doit
pas se limiter à quelques semaines ou à quelques mois. C'est un processus qui
prend du temps justement parce qu'il y a une quantité considérable
d'information qu'ils doivent assimiler et qui n'ont pas encore fait de sens
pour eux. Donc, il faut penser à un accueil étalé dans le temps pour permettre
à ces personnes d'assimiler et de transformer certaines pratiques parentales.
M. Carmant : Et dans quel
espace ça se ferait, ça? Tu sais, moi, je suis fils d'immigrants, là, je le
sais bien, tu sais, tu arrives, tu cherches du travail, tu travailles, tu
cherches à te nourrir. C'est l'accueil, l'arrivée chaotique, là, pour la
majorité des immigrants. Ça fait que dans quel espace on fait ça, là, ce... tu
sais, formation... C'est complexe, là, c'est complexe.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Oui. Moi, je trouve qu'il y a un espace qui est... qui pourrait être privilégié
parce que c'est un espace qui fait déjà partie de l'imaginaire des immigrants,
que... c'est la francisation, hein? Nous avons, là, et nous mettons vraiment de
l'avant l'importance de la francisation, de l'acquisition de la langue dans un
processus d'adaptation et d'inclusion, hein? On ne fera pas un débat autour de
la langue, mais vous savez la place que cela occupe, c'est la façon qu'on va
donner à ces personnes-là de pouvoir aller à l'épicerie, de commencer à
travailler, de reprendre un rythme de vie, de se sentir appartenir, et etc.
Donc, moi, je pense qu'il faudrait associer ou prendre l'expérience des gens
qui sont sur le terrain en francisation, qui ont les habiletés, les ressources
pour faire le transfert de la langue. Maintenant, c'est comment on fait le
transfert d'autres notions, dont celle de la parentalité?
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Il
pourrait y avoir une certaine coordination entre les programmes de francisation, leur contenu, et l'apprentissage des
pratiques, des bonnes pratiques auprès des enfants. Ils les
apprendraient en français. Disons qu'on pourrait donc regrouper certains
objectifs dans une même plateforme, si l'on peut dire.
M. Carmant : D'accord.
Mme Martins
Borges (Lucienne) : ...vous
dire que le... excusez-moi, si je peux juste ajouter une information...
M. Carmant : Non, non, allez-y.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
...que cet apprentissage-là, il se fait à des degrés divers, parce que
l'enfant, il va à l'école, et c'est à l'école qu'il apprend comment fonctionne
la société d'accueil, et lui, il apprend beaucoup plus rapidement que ses
parents. Donc, il devient un peu ce traducteur de la société d'accueil puis il
va apprendre certaines notions, comme celle, hein, même du 9-1-1, et etc.,
beaucoup plus rapide que ses parents.
Donc, on voit bien que l'école transmet. Alors,
comment utiliser l'école pour transmettre non seulement la langue, mais aussi
la culture? Nous avons, si je regarde ici, à Québec, le centre Louis-Jolliet,
hein, avec qui on travaille, c'est un milieu scolaire, pour la francisation,
qui fait très bien aussi ce travail, là, de transmission aussi de la culture ou
de certains éléments de la culture, mais ce n'est pas une obligation, vous
voyez? Comment on peut le transformer comme une obligation ou comme une
pratique, hein, prévue par le programme?
• (10 h 10) •
M. Carmant : D'accord, bien, le
point est bien passé. Autre chose qui m'intéressait beaucoup, c'est que vous
avez parlé des familles d'accueil. Je pense, ça, c'est un autre défi, là,
demandé à une famille immigrante, là. Maintenant, nous, ce qu'on a fait, c'est
qu'on a relancé un programme qui s'appelle Ma famille, ma communauté, dont le
but, c'est justement ça, là, tu sais, que, quand il arrive quelque chose, au
lieu de judiciariser la chose, c'est vraiment de prendre le cercle élargi de
l'enfant pour trouver d'autres ressources autour de l'enfant. Cependant, ce
qu'on voit, c'est que, comme le cercle est
plus petit, il y a peu de gens qui lèvent la main. Comment on fait pour élargir
ce cercle-là?
Mme Martins Borges (Lucienne) : Oui.
M. le ministre, moi, je pense qu'on aurait beaucoup de familles de la
communauté qui seraient ouvertes à devenir familles d'accueil. C'est que
l'approche, elle doit être différente. J'entends souvent des intervenants qui
vont dire : Bon, ils sont déjà à court dans les ressources financières, et
etc. Mais on pourrait s'appuyer sur toute la notion de collectivisme
communautaire des sociétés traditionnelles. Et je pense que, si on accompagne
les familles d'ailleurs pour devenir familles d'accueil, cela aurait une double
contribution, à la fois être familles d'accueil puis, par la suite, avoir aussi
un nouveau statut dans la société d'accueil pour ces familles-là qui deviennent
familles d'accueil. Donc, moi, je pense que ça serait un projet, oui, qui est
différent et qui a des défis, là, à relever, mais qui serait très porteur.
M. Carmant : C'est bon. Autre
commentaire, aussi, qui m'a... que j'ai relevé, c'est quand vous parlez des
dispositions autochtones, et qu'on pourrait modeler un peu au niveau des
communautés ethnoculturelles... Vous voyez ça comment dans le projet de loi, ce
serait comme ajouter un projet de loi distinct?
M. Pocreau
(Jean-Bernard) : Non. Je pense qu'il y a possibilité... Je ne suis pas
juriste ni dans la législation, donc, j'ai peut-être des propositions qui sont
difficiles à appliquer, mais la logique qui s'adresse aux communautés
autochtones concernant, justement, la continuité culturelle pour garantir
beaucoup plus une bonne santé mentale, un bon développement, je pense que cette
règle-là, cette logique-là peut s'appliquer pour les communautés venues
d'ailleurs et qui ne sont pas autochtones, qui sont dans la même situation,
avec des différences, bien sûr. Alors, quand on fait des recommandations de
s'inspirer de la loi sur les communautés autochtones, c'est, comme on l'a
souligné, dans le choix des familles
d'accueil, dans les décisions qui sont prises pour la trajectoire de ces
enfants-là, ainsi de suite. Mais il
me semble que ça peut être très bien intégré à la Loi sur la protection de la
jeunesse sans en faire une autre à côté ou en annexe parce qu'on s'appuie sur une logique qui est clairement
démontrée, la pertinence pour les familles autochtones.
Mme Martins Borges (Lucienne) : Parce
que, si on regarde quel est l'avantage, là, quand on regarde la loi plus
adaptée aux communautés autochtones, ils nous disent un peu, à l'intervenant,
comment il peut faire et qu'est-ce qu'il peut faire. Avec les communautés
ethnoculturelles, on dit qu'il faut tenir compte... mais tenir compte comment?
Et vous savez qu'on est beaucoup en contact avec les intervenants. Ils sont
très soucieux de l'application de la loi. Alors, si on ne le dit pas, qu'est-ce
qu'on peut et comment on peut le faire, ils ne pourront pas le faire par
insécurité, hein, par impuissance, hein, parce qu'ils ont peur de mettre l'enfant...
Est-ce que c'est la bonne décision ou non? Donc, c'est un peu donner certains
critères comme l'obligation de l'interprète, l'accès à telle famille, comme on
l'a pour les familles autochtones. Donc, c'est une façon de guider les
intervenants dans leur proposition.
M. Carmant : Super. Puis je ne peux
pas vous laisser avant de parler de formation, hein? Moi, je crois tellement à ça, là. Quels sont les freins
actuellement à la formation aux différents intervenants que vous avez
mentionnés?
Mme Martins Borges (Lucienne) : Si
je prends, par exemple, l'exemple du CIUSSS de la Capitale-Nationale, ils ont
un programme de formation continue en interculturel qui est bien, très bien, je
vous invite à aller le consulter si vous avez l'opportunité et l'intérêt, là,
qui part dès le début, hein, dès... une formation de base sur qu'est-ce qu'un
immigrant, hein, jusqu'aux interventions, aux modalités et aux méthodes
probantes, là, dans l'intervention en interculturel. Nous, ça fait 22 ans
que nous sommes avec les CIUSSS, puis, pour moi, lorsque je regarde ces réseaux
aujourd'hui et il y a 22 ans, on n'est
plus du tout à la même place, vraiment pas, mais on est persistants, on est
persévérants, on est présents, etc. On ne s'est pas essoufflés.
Le grand défi, c'est la continuité de la
formation, parce que c'est... Il faut que ça soit de la formation et non pas de
l'information. L'information ne reste pas. On peut la consulter, mais elle ne
reste pas. Il faut qu'il y ait un suivi, quelque chose qui soit continu auprès
de ces intervenants-là, puis voir quels sont ceux qui ont... les plus sensibles
à la question culturelle, puis devenir un peu les références à l'intérieur de
leur propre réseau. Vous voyez, il ne faut pas avoir, là, des coins vides, des
zones mortes, oui?
Une voix : ...
Mme Martins Borges (Lucienne) : Un
petit problème... Des angles morts, c'est ça, petit problème de langue, mais...
Et puis ça sépare tout ce qui est continu. On a beaucoup de... On forme puis
après on oublie pendant cinq ans. On vient de perdre tous les investissements
qu'on a faits.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Et je
pense que ce qui est nommé ici est particulièrement pertinent en ce qui
concerne la difficulté de la continuité. Il y a... Je pense que ce n'est un
secret pour personne, mais la continuité et la permanence des intervenants dans
leurs postes est très mobile, hein? Je pense qu'il y a ce mouvement, là, de
mobilité, pour toutes sortes de raisons professionnelles, qui rend difficile la
continuité de la formation. Ça, c'est une réalité importante. Ce n'est pas une
question budgétaire, c'est vraiment une question organisationnelle, qui est un
constat.
L'autre facteur, c'est aussi la disponibilité
des intervenants ou l'intérêt de certains intervenants à la formation en
interculturel. Comme l'a dit Lucienne, les sensibilités à la question
interculturelle n'est pas partagée par tous, et le degré de, je dirais,
capacité à gérer le risque pour certaines décisions n'est pas non plus partagé
par tout le monde de la même façon. Et on sait que, pour les situations
interculturelles, la considération du risque est peut-être plus difficile à
faire qu'avec une famille native d'ici.
Mme Martins Borges (Lucienne) : Je
dirais que cette formation devrait aussi commencer à l'université. Nous n'avons
pas les approches interculturelles enseignées dans tous nos programmes. Ça
dépend souvent de l'engagement de certains professeurs dans certains
programmes, mais ça serait beaucoup plus facile pour nos réseaux, hein, si on
avait des intervenants qui arrivaient avec un petit bagage, soit-il en
interculturel.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. C'est tout, M. le ministre. Alors, je vais
maintenant céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Madame, vous
avez 12 min 46 s.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Alors, bienvenue, M. Pocreau, Mme Martins Borges.
J'ai été ministre de
l'Immigration pendant cinq ans, et ça fait vivre mes anciennes amours, disons,
et on parlait beaucoup de ce travail de terrain, de l'intégration, etc., et
l'accueil. Bon, on ne parlait pas d'intégration, mais vraiment de relations
interculturelles. Et, moi, ce que j'avais remarqué... Finalement, on a signé
une entente avec la ville de Montréal. Je percevais,
quand j'allais dans toutes les régions... Les villes veulent jouer un rôle
important. Elles veulent accueillir et aider ces nouveaux arrivants de bien
s'intégrer dans leur milieu. Et moi, je trouve que la ville, c'est vraiment... oui, l'argent viendrait du
gouvernement, mais cette proximité... et j'ai vu des maires très déterminés à
jouer un rôle.
Donc, Montréal, on
parlait beaucoup justement de comment Montréal pourrait... Alors, on a signé
une entente qui ne change pas l'entente Canada-Québec, mais qui fait en sorte,
en immigration, de leur donner certains pouvoirs d'accueil, et ils ont ces programmes-là. Je voulais vous entendre sur...
Évidemment, dans... Exactement dans le sens que vous dites. Donc, ça,
c'est ma première question. Je vais vous laisser répondre. Puis vous me donnez
assez de temps pour ma deuxième, qui va toucher la question des signalements
provenant des écoles, et comment vous voyez tout ça.
• (10 h 20) •
Mme Martins
Borges (Lucienne) : Donc, si j'entends bien votre question, c'est
quelle est la place qu'occupe la ville dans ces processus-là d'accueil...
Mme Weil :
Et que peut jouer la ville.
Mme Martins
Borges (Lucienne) : ...et qu'elle peut jouer, c'est ça. Bien, la
ville, c'est le premier lieu d'attachement de ces personnes-là, c'est le
premier lieu, hein, physiquement, parce qu'au niveau symbolique c'est le
Canada, après ça vient le Québec, mais où il va se construire, c'est la ville.
Alors, effectivement, là, quand on pense à tous ces programmes-là, je pense que
les municipalités et la ville doivent être présentes. Je suis entièrement
d'accord. On a, à Québec, du moins, hein, c'est où je connais le mieux... de
plus en plus de projets, si je regarde, maintenant, une tentative de
répertorier ces formations qui sont données, quels sont les experts sur le
terrain. Donc, oui, je suis d'accord, là, que la ville doit aussi occuper un
rôle important dans cette proximité.
Mme Weil :
Donc là, j'aimerais vous poser la question : Quand les choses se corsent,
et les organismes communautaires sur le terrain connaissent un peu ce
phénomène, donc, le signalement, donc, l'enfant est en détresse, il y a des
signaux qui font que le prof est inquiet, et donc la DPJ, donc, entre dans le
portrait, comment est-ce que vous avez regardé tout ce processus et les outils
que ça prendrait? Parce que ceux qui connaissent bien les milieux et les
différentes communautés culturelles, qui ont des différences dans leurs
approches concernant la discipline ou comment élever un enfant, des valeurs
différentes, etc., sont bien connaissants, puis certains organismes ont déjà...
sont en amont, sont en amont pour échanger avec les parents et tout, mais, avec
la DPJ, est-ce que vous avez eu l'occasion de creuser cette question-là,
comment les directeurs de protection ou la direction de protection de la
jeunesse puissent avoir aussi une meilleure compréhension... On a parlé de
formation, évidemment, mais de votre expérience, en parlant du présent, là,
quelles seraient-elles?
Mme Martins
Borges (Lucienne) : Excusez-moi de préciser parce que je veux bien
répondre, là, à votre question. Donc, quelles seraient les connaissances des
directions, c'est ça, en interculturel?
Mme Weil :
Et de votre expérience, et observations, et études face aux réactions du
système, on dira, tout simplement, quand un enfant est en danger, quelles
seront... quelles sont-elles et quels changements, modifications faudrait-il
appeler? Là, je parle... quand la situation devient sérieuse.
Mme Martins
Borges (Lucienne) : O.K., quand c'est sérieux. Bien, je vais commencer
par une idée, là, qu'on n'a pas pu présenter parce que, malheureusement, on
avait juste 10 minutes. Alors, on en a gardé quelques-unes pour après.
Nous, on a déjà été en contact... J'aimerais vous dire qu'au SAPSIR, O.K., nous
avons environ 70 % des personnes qu'on suit qui sont en contact avec la
protection de la jeunesse, 70 %, ce qui est énorme, ce qui est énorme
parce qu'ils sont tous... ils viennent nous voir, c'est parce qu'ils ont une
souffrance psychologique. Je ne dis pas qu'ils ont un problème de santé mentale, c'est qu'ils ont une souffrance
psychologique qui découle de leur parcours migratoire, et à cela
s'ajoute pour plusieurs, dès l'arrivée, le signalement ou d'autres éléments
comme ça.
Quel est le problème,
c'est que nous sommes là, devant des personnes qui ont eu une représentation de
la protection de la jeunesse avant d'arriver, et ça s'en parle dans les camps,
vous voyez, et on a, d'un autre côté, une société d'accueil qui a aussi une
représentation, déjà, de ces personnes-là. Donc, on ne s'entend pas dès
l'arrivée, mais on a eu, dans nos suivis, des... quelques suivis, que la
collaboration avec les intervenants de la protection de la jeunesse, c'est ça
qui nous a permis de sortir du pétrin, vraiment, à la fois de transférer cette
parentalité, hein, de négocier avec les juges lorsque nécessaire, vous voyez?
Ça a été cette collaboration-là.
Il y en a d'autres
que non, puis on a eu une fermeture, mais la fermeture, c'est souvent par
insécurité, parce que les intervenants, c'est ça que j'ai répondu tantôt à M.
le ministre, ne savent pas où et jusqu'où ils peuvent aller, quels sont les
critères, hein, d'adaptation des pratiques, vous voyez? Bien, nous, on pense
que, malheureusement, et pour plusieurs questions, les signalements... où je
dirais que la protection de la jeunesse arrive trop tôt dans la vie de ces
familles-là, trop tôt, qu'il devrait y avoir d'autres ressources qui arrivent
avant, qui arrivent avant. Donc, ils arrivent trop tôt, par l'école parce que
l'école est débordée, ils arrivent par... à la garderie parce que la garderie
est débordée et ne sait pas quoi faire, arrivent... Vous voyez, nous avons un
réseau qui est débordé, puis malheureusement on voit beaucoup de ces
familles-là qui subissent l'impact de nos propres débordements.
Mme Weil : Oui,
allez-y.
M. Pocreau
(Jean-Bernard) : Bien, j'ajouterai qu'une partie de la réponse est
dans la formation, hein? Dans le programme de formation auquel on participe, il
y a la formation de ce qu'on appelle les IPI, les intervenants pivots en
interculturel. Parmi notre équipe, dans notre équipe, avec les partenaires du
CIUSSS et de la protection de la jeunesse, nous avons deux personnes qui ont
été formées comme intervenants pivots en interculturel. Ils occupent une place,
je dirais, pas privilégiée, mais comme une place particulière dans
l'organisation, parce que les autres intervenants sont appelés à les consulter.
Donc, ça, ça nous permet quand même, en amont, d'éviter des signalements qui ne
seraient... qui ne devraient pas être retenus, disons. Et ce travail de
collaboration, évidemment, doit être amplifié, parce que, si on regarde la
réalité, actuellement, on peut compter sur la contribution de ces deux
personnes, mais ça en prendrait beaucoup plus.
Bon, l'autre aspect, c'est, bien sûr, il faut le
dire, la réceptivité de la protection de la jeunesse. Je pense, quand même,
qu'il y a un certain nombre de personnes, pour des raisons qui peuvent être
liées à la quantité de travail ou à des raisons personnelles... ont du mal à
considérer les particularités des situations interculturelles, et on a une
résistance. Et je vous avoue que, dans bien des cas, quand on est en contact de
concertation pour des familles qui ont des
enfants qui doivent être placés ou, en tout cas, une autre décision, on est
vraiment tiraillés parce qu'on a le souci de la famille, de la personne qui tient, bien sûr, à ses enfants, et qu'on
accompagne, et la décision de la protection de la jeunesse, d'un
placement, éventuellement, même, d'une séparation des enfants, parce qu'il n'y
a pas assez de familles d'accueil.
Donc, c'est un vrai... un vrai tiraillement,
pour nous, là, de constater... Et je dirais qu'il y a urgence, là, pour réparer
ou pour corriger, je devrais dire, corriger, cet état de choses, et je pense
que c'est la formation à la fois des intervenants impliqués à la protection de
la jeunesse et également des signalants. Les signalants sont très insécures.
Alors, quand un professeur voit que la boîte à lunch n'a pas la couleur... n'a
pas la bonne couleur alimentaire, il se demande si c'est un cas de signalement
ou pas. Donc, il y a toute une marge d'incompréhension ou d'incertitude quand il s'agit de décider d'un signalement, et c'est
souvent la capacité de prendre un risque ou de dialoguer avec ces familles-là
assez tôt, avant que les relations dégénèrent par des blocages de part et
d'autre.
Mme Weil : Ce que vous dites est vraiment
intéressant, parce qu'on voit plusieurs niveaux, évidemment, d'intervention, de
prévention et plusieurs acteurs qui ne sont pas munis, qui ne sont pas
équipés... Et, comme vous dites, tout le monde a l'intérêt de l'enfant en tête
et dans le coeur, et ils ne veulent pas prendre de chance, mais j'ai quand même
vu, dans des jugements où c'est justement ces problèmes d'incompréhension entre
les cultures, où il y a des DPJ qui donnent une première chance, une deuxième
chance, une troisième chance, et ils sont tiraillés parce qu'ils doivent
normalement, en vertu de la loi, agir rapidement pour protéger l'enfant, mais
on le voit... et quand c'est vraiment sans issue, puis qu'ils ne réussissent
pas, bon, alors, c'est l'enfant qui va être retiré de... Mais, comme vous
dites, c'est inégal. Il n'y a pas de norme, nécessairement, il n'y a pas de
formation, et tout ça, qui aiderait le système des institutions, parce que tout le monde est... On est tous des êtres
humains, hein, tout au long de la chaîne, mais cette...
Je vous remercie. Le temps, je pourrai le donner
peut-être à mon collègue s'il reste quelques minutes.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, avec consentement, oui, ça va. Alors, M. le député de
Jean-Lesage, vous prenez le relais.
• (10 h 30) •
M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci
beaucoup pour votre présentation. Quand on parle de surreprésentation dans les enfants qui sont à la DPJ, là, avec... et
qui viennent... bien, soit les enfants noirs, soit les enfants qui ont
d'autres origines, issus de l'immigration,
là, je vous pose une énorme question, là, ça va demander beaucoup de résumer,
mais, selon vous, qu'est-ce qui
peut... Quel est le problème principal qu'on peut régler pour éviter ça? Parce
qu'il y a manifestement quelque chose qui se passe, qui ne va pas bien.
Est-ce qu'il y a quelque chose, dans la façon dont la DPJ intervient, qui cause
ça ou c'est autre chose?
Mme Martins Borges (Lucienne) : Bon,
je vais y aller.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : O.K.
Mme Martins Borges (Lucienne) : C'est
vrai que c'est une très grande question, complexe. Bien, moi, je dirais que,
lorsqu'on voit une différence comme celle-là, hein, c'est parce qu'il y a une
partie du tout qui interprète mal l'autre partie, vous voyez? Ici, on parle de
la surreprésentation des enfants noirs à la protection de la jeunesse, mais on
pourrait parler d'une surreprésentation de personnes venant d'ailleurs dans les
programmes en santé mentale en ce moment, surtout dans les troubles
psychotiques, etc. Pourquoi? Parce c'est de l'incompréhension.
Moi, je veux laisser clair que nous sommes tous,
je pense, du moins, la majorité, de bonne foi, et que, des fois, il y a des
signalements qui sont faits par peur, par insécurité. Nous ne sommes pas devant
des intervenants qui sont malveillants. On est tout simplement mal outillés. On
est insécures face à une réalité parce qu'on ne la connaît pas, hein? Elle est
différente de nous. Alors, naturellement, je vais l'interpréter avec les
dictionnaires que j'ai et mon dictionnaire n'est pas applicable à la réalité
que je vois. Donc, toute cette différence-là qui va être différente de mon
dictionnaire, c'est ça qui va devenir dominant dans nos services. Donc, moi, je
dirais que c'est une différence d'une réalité, hein, entre deux choses.
Je vais quand même vous donner un exemple,
excusez-moi. Vous savez, nous, on est des psychologues dans un service de
psychothérapie, et la protection de la jeunesse, hein, ce n'est pas du tout mon
champ d'expertise, mais, il y a une journée, une personne qui m'a dit quelque
chose, une femme qu'on a rencontrée... et que c'est elle qui m'a convaincue qu'un jour je devrais... je n'ai pas pensé que
j'allais être là, mais que j'allais faire quelque chose avec la protection de
la jeunesse, que ce soit par un projet de recherche, etc. Elle m'a dit :
Vous savez, j'ai huit enfants, O.K. — elle venait d'un pays de
l'Afrique de l'Ouest — je
suis ici pour mes enfants, j'ai traversé, je suis partie de mon pays avec mes
huit enfants, dont deux qui avaient trois mois, moi et mon mari, on
les a portés dans la forêt, dans le noir, on a fait des trous pour les cacher,
je n'ai pas mangé pendant des jours pour pouvoir les nourrir, j'arrive ici,
dans un pays que je n'ai jamais vu ni connu, et c'est ici la première fois que
quelqu'un me dit que je ne suis pas une bonne mère.
Vous voyez, quand j'ai entendu ça, avec tout mon
bagage, là, et mes ressources, elle m'a mobilisée, parce que je me suis
dit : Comment je peux dire qu'elle n'a pas les habiletés parentales? Parce
qu'elle a fait ce que, moi, je ne l'aurais pas fait parce que j'ai peur du
noir, des animaux, et tout ça. Mais je ne suis pas une meilleure mère qu'elle.
Alors, nous ne comprenons pas, il y a un problème, il y a un malentendu entre
eux et nous. C'est tout.
Le Président (M. Provençal)
: Rapidement.
M. Zanetti : Oui. Quel témoignage!
J'ai l'impression... je pense qu'il y a des gens, des intervenants qui sont
intervenus par rapport à l'article, dans la loi, qui parle de tenir compte des
différences ethnoculturelles, puis je pense qu'il y a des gens qui ont peur
qu'on applique, mettons, un relativisme culturel dans l'intervention, qui fait
qu'on tolérerait des plus hauts niveaux de danger. Mais vous, ce que vous
dites, ce n'est pas ça, c'est dire : Il faut mesurer le danger dans une
perspective... Dans le fond, c'est que ce n'est pas qu'il faut tolérer plus de
danger, c'est qu'il faut mesurer qu'est-ce qui est vraiment un danger dans un
code culturel différent. C'est ce que je comprends?
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Exact, entre autres, entre autres.
M. Zanetti : O.K. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé puis pour cet échange.
Nous allons suspendre les travaux pour permettre
aux prochains témoins de se joindre à nous. Merci beaucoup de votre présence à
notre projet de loi.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 42)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Alors je souhaite la bienvenue
à Mme Suzanne Zaccour, chercheuse en violences sexuelles, inégalités et
droits de la famille.
Madame, je vous demande de faire votre exposé,
vous disposez de 10 minutes, et par la suite nous procéderons aux échanges
avec les membres de la commission. Je vous cède la parole, madame.
Mme Suzanne Zaccour
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci.
Je vous remercie de me recevoir et de me consacrer votre attention. Je suis
contente d'être ici aujourd'hui parce que je me sens très optimiste par rapport
à votre travail, et c'est pour ça que j'ai intitulé mon mémoire Nous
protégerons les enfants de la violence.
Je vous assure qu'il n'y a aucun enfant qui veut
vivre dans une maison où papa est violent envers maman, être exposé à la
violence et aussi être victime de violence. Et c'est pourquoi j'appuie la
recommandation des maisons d'hébergement d'ajouter l'exposition à la violence
conjugale comme un motif distinct de compromission. Mais cette recommandation ne réglera pas le problème. Encore
faut-il tirer les bonnes conséquences de ce motif de compromission. Et
donc c'est pourquoi je vous recommande d'en faire plus avec ce projet de loi
pour protéger les mères et les enfants.
Vous savez, la violence conjugale, c'est un
cauchemar pour la mère comme pour l'enfant. Et là il y a la séparation et le
cauchemar continue. On l'oublie parfois, mais la violence, elle se poursuit,
même s'intensifie, après la séparation. Mais, quand même, la mère quitte, et
souvent, ça lui prend tout son petit change, au propre comme au figuré, mais
elle part parce qu'elle espère échapper au cauchemar. Et là il y a la DPJ et
les tribunaux qui arrivent, et là ce n'est plus le cauchemar, souvent, ce n'est
plus le cauchemar, c'est l'enfer.
Et vous pensez peut-être que je vais un peu
loin, mais je vous invite à consulter les mémoires des groupes de femmes, les
recherches sur l'expérience des femmes avec ce système et le rapport Rebâtir
la confiance. Et, si je pouvais, je vous inviterais même à faire un petit
tour dans ma boîte de courriels, où vous trouveriez des témoignages de femmes
qui me racontent comment elles ont perdu leur enfant, qui me racontent l'enfer
de savoir : Mon fils est chez son père violent et violeur, qui me
racontent : Je n'ai pas eu le droit de voir ma fille pendant trois ans, et
là je ne la verrai plus jamais parce qu'elle s'est suicidée le mois passé. En
fait, c'est toujours un peu la même histoire, et moi, je me sens assez
désemparée de ne pas pouvoir les aider, mais ces femmes me disent toutes :
Pour mes enfants, c'est trop tard, mais je vous raconte mon histoire en
espérant que ça puisse aider d'autres familles.
Comme
celle de Rébecca, une mère qui a suivi l'ordre de la DPJ de se séparer et
d'aller en maison d'hébergement et qui a obtenu la garde de sa fille. Et
elle recommençait à se reconstruire, le réveil après le cauchemar, et un jour
elle fait une erreur, elle manque des visites avec le
père, parce qu'elle était malade, elle parle à la police des agressions qu'elle
a vécues, et c'est là que le père sort le mot magique. Vous en avez entendu
parler, c'est un mot qui fait que, dans un claquement de doigts, tout d'un
coup, tout le monde se met à pousser l'enfant vers le père violent. La Cour
supérieure, la chambre de la jeunesse, la DPJ, tout le système s'y met. Et plus
la mère, elle dit : Voyons, ça n'a pas d'allure, vous ne voyez pas que
l'enfant refuse de voir son père, vous ne voyez pas que l'enfant veut être en
sécurité avec moi, vous ne voyez pas que la violence continue, plus elle dit ça
et plus on la punit. Alors, la mère va passer en garde partagée, puis ça va
être la garde au père, puis ses accès vont diminuer, peut-être des accès une
fois par semaine, une fois par mois, accès supervisé, jusqu'à ce qu'on arrive
un jour où l'enfant, qui n'a pas nécessairement vraiment compris comment tout ça s'est passé, se retrouve
totalement coupé de sa mère. C'est ça, l'enfer. Et l'enfer,
ironiquement, sous prétexte que l'enfant a besoin de ses deux parents. Donc,
c'est quoi, ce mot magique? C'est l'aliénation. Et, si vous ne faites pas quelque chose pour purger le système de cette espèce
de magie noire maintenant, avec ce projet de loi, j'ai peur qu'on soit
encore là à la prochaine réforme. J'ai peur de me voir encore ici, dans 15, 20,
30 ans, et j'y serai, mais j'ai peur de m'y voir redire la même chose
encore, que la situation n'a fait qu'empirer.
Donc, je propose de
vous donner la réponse, là, à cette question que le ministre Carmant a posée la
semaine passée : Comment est-ce qu'on met fin à l'enfer? Comment est-ce
qu'on empêche le système de confier des enfants à des pères violents sous
prétexte d'aliénation? Récemment, dans Radio-Canada, on avait le témoignage
d'une directrice de la DPJ, une directrice, pas une employée quelconque, qui
disait littéralement que, lorsque la mère parle contre le père, c'est le père
violent qui est le parent le plus apte. Donc, si on récapitule : les
problèmes du père, être violent; les problèmes de la mère, dire que le père est
violent; et c'est qui, qui gagne?, le père. Et qui perd? L'enfant. En fait, dès
qu'on applique cette pseudoscience, l'enfant perd sa voix, parce que tout ce
que l'enfant va dire, tout ce que l'enfant veut, ce que l'enfant demande, on va
considérer que c'est juste l'effet d'un lavage de cerveau. Et, à mon sens, il y
a seulement vous qui pouvez interrompre cette pratique dangereuse qui détruit
vie après vie. Ça prend absolument une intervention législative claire, comme
ça a été fait dans d'autres pays.
Alors, quelles sont
mes recommandations? J'en ai plusieurs, dans mon mémoire, qui marchent ensemble
à différents niveaux. Je vous propose notamment d'inscrire dans la loi une
présomption que la violence conjugale affecte l'enfant, qu'elle se poursuit
après la séparation et que c'est préférable de ne pas confier l'enfant à un
parent violent. Donc, c'est une présomption, et une présomption, ça se
renverse. Mais je pense qu'on peut, en tant que société, présumer au moins que,
jusqu'à preuve du contraire, un père violent, ce n'est pas un bon père.
Je propose des
amendements qui visent à écouter l'enfant et ne pas écarter ses désirs comme si
c'était juste une marionnette sans ressenti propre. Je propose aussi plusieurs
amendements qui visent à éviter que, lorsqu'une mère dénonce une situation de
violence, le système la punisse et l'étiquette automatiquement comme une
mauvaise mère. Et je vous invite à faire le pas important, pour protéger les
mères et les enfants, d'interdire le recours aux théories de l'aliénation
parentale, tout simplement interdire le mot magique qui fait dire : Oui,
le père est violent, oui, l'enfant veut être avec la mère, mais... Il faut
sauver les enfants de ce «mais».
Comme vous l'avez
peut-être déjà entendu, la théorie de l'aliénation parentale, c'est de la
pseudoscience. Mais même les gens qui y croient reconnaissent qu'il ne faut pas
l'appliquer quand il y a violence conjugale et que ce n'est pas une raison pour
confier la garde au père. Mais qu'est-ce que la DPJ et les tribunaux en font?
Ils l'appliquent dans les cas de violence conjugale et confient la garde au
père, sans même vérifier ses compétences parentales. Autrement dit, on ne
protège pas l'enfant, on punit la mère. Or, les mères, comme les pères,
devraient être jugées sur la base de leurs capacités parentales, pas sur la
base de c'est quoi, la relation entre le père et l'enfant.
Je m'explique. Si la
mère, elle a des défauts dans sa capacité parentale, si l'enfant ne va pas
bien, bien évidemment, tout ça compte, et c'est important d'en tenir compte. Le
mot magique, on le sort quand on ne trouve rien d'autre. On dit : L'enfant
va bien, l'enfant veut être avec la mère, la mère est attentionnée, la mère
s'est toujours bien occupée de l'enfant, mais elle est trop proche de l'enfant,
donc aliénante. En fait, les mères accusées d'aliénation parentale, c'est des
mères coupables de, souvent, trop aimer leur enfant. Il faut qu'on arrête de
blâmer les mères pour les violences du père. Il faut qu'on arrête de punir les
enfants.
Je vous invite
vraiment à consulter mon mémoire, à intégrer les recommandations que j'y
propose, que je juge absolument essentielles, pour qu'enfin on écoute et qu'on
protège les enfants. Récemment, l'Espagne a pris des mesures pour interdire le
mot magique. Et il y a tout juste quelques jours, ça vient de sortir, le
conseil national de la santé, au Brésil, a aussi recommandé d'éliminer cette
théorie de la loi, des pratiques judiciaires et des services sociaux. Donc, je
vous invite à suivre le mouvement et mettre les droits des enfants au-dessus
des caprices des pères violents.
On a beaucoup parlé
du cas de la fillette de Granby. On n'a pas beaucoup parlé du fait que, là
aussi, il y avait le mot magique. La grand-mère a été jugée à risque de
provoquer un conflit de loyauté. Donc, en d'autres mots, elle a été jugée
aliénante, et on connaît les conséquences que ça a eues. Je vous dis, quand on
parle avec ce mot magique, on n'évalue pas les capacités parentales, on punit.
J'aime penser que,
grâce à vous et grâce à votre travail, d'ici quelques mois, les femmes qui
veulent protéger leurs enfants auront l'appui de l'État, plutôt que de
traverser un parcours de combattantes, comme actuellement, qui mène parfois au
répit, parfois au féminicide. Et je veux pouvoir dire : Au Québec, on
protège les enfants de la violence. Je vous remercie pour votre attention.
• (10 h 50) •
Le Président (M.
Provençal)
: Je vous remercie, moi, pour
votre exposé. On va débuter maintenant notre échange avec M. le ministre. M. le
ministre.
M. Carmant :
Merci beaucoup, Me Zaccour, pour votre plaidoyer et pour l'exposé, là. C'est
clair, où vous êtes située. Moi, je suis... je vous appuie, là, tout à fait,
là, par rapport à l'exposition à la violence conjugale. Vous l'avez mentionné, l'épisode, là, où la directrice
avait mentionné l'impact de la violence conjugale. Puis il faut aussi
mentionner que j'étais sorti tout de suite après pour dire que la parentalité a
évolué, là. Puis ça, je suis tout à fait là avec vous.
Nous, on mise quand
même beaucoup sur la médiation pour, tu sais, les conflits sévères. Est-ce que
vous pensez qu'il y a comme... Qu'est-ce que vous en pensez d'utiliser la
médiation pour essayer, tu sais, d'éviter la judiciarisation, et tout ça, là,
pour les conflits entre les parents. Est-ce qu'on fait fausse route?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est important d'éviter
la judiciarisation lorsque c'est possible, parce qu'effectivement ce
n'est pas agréable pour personne. Mais les études démontrent que les
médiateurs, médiatrices vont ignorer les violences conjugales, tout comme les
tribunaux, même lorsque c'est su, même lorsque c'est prouvé, et vont
dire : Moi, il faut que je sois neutre entre les deux parents, je ne tiens
pas compte de la violence conjugale. Donc, ce n'est pas possible d'avoir une
médiation juste entre un parent violent et une mère victime, ça ne va pas...
Une médiation, il faut qu'il y ait les deux personnes sur un pied d'égalité.
Donc, je pense que la médiation, ce n'est pas une solution qui va régler ce
problème-là.
Je propose, dans mon
mémoire, d'imposer diverses obligations de formation, ce qui pourrait aider.
Mais, en ce moment, ce qu'on constate, c'est que la médiation pour les femmes
victimes de violence conjugale, ce n'est pas du tout sûr que ça va fonctionner.
Et c'est là qu'il faut vraiment distinguer les conflits entre les parents et la
violence conjugale. Comme d'autres groupes vous l'ont dit, c'est vraiment deux
situations complètement différentes.
L'autre chose, c'est
que, si... Dans mon mémoire, je propose aussi que la DPJ puisse prendre des
décisions avec un seul parent, comme c'est déjà le cas en cas d'abandon, de
négligence, et de rajouter le cas de la violence conjugale. Parce que,
présumément, la DPJ va proposer des mesures qui sont dans l'intérêt de
l'enfant, et, si la DPJ peut s'entendre avec le parent protecteur, souvent la
mère, bien, l'autre parent ne devrait pas pouvoir mettre des obstacles,
justement, en se disant : Moi, je veux aller en médiation, moi, je veux
aller devant les tribunaux, parce que je vais continuer mon contrôle de cette
façon-là.
M. Carmant : Et
j'entends aussi le point sur l'aliénation parentale. Comment ça s'est fait
ailleurs, là, pour retirer cette terminologie-là dans les cas de violences
conjugales? Qu'est-ce que vous nous proposez exactement, là? Parce qu'il y
avait certaines de vos propositions qui étaient très détaillées.
Mme Zaccour
(Suzanne) : Oui, bien...
M. Carmant : Comment
vous proposez de faire ça?
Mme Zaccour
(Suzanne) : Merci. Il y a deux volets dans mes propositions. Il y en a
une, celle qui est très détaillée, effectivement, qui dit : Toutes ces
choses-là ne peuvent pas être retenues contre la mère, faire une dénonciation,
essayer de protéger l'enfant. Et peut-être vous les lisez et vous vous
dites : Ça va de soi qu'on ne va pas en vouloir à la mère juste parce
qu'elle demande moins d'accès pour le père ou juste parce qu'elle amène
l'enfant chez le médecin pour vérifier s'il y a eu peut-être des violences.
Mais c'est ça, les cas où la mère est qualifiée d'aliénante, c'est ce genre de
comportements qu'on lui reproche. Donc, l'insérer clairement. Ensuite de ça, je
pense que la seule façon que ça fonctionne, si on veut vraiment mettre fin à
l'utilisation de cette théorie, c'est de dire dans la loi : On ne peut pas
l'appliquer. J'ai fait des propositions dans ce sens-là.
Et je vais répondre à
votre question sur qu'est-ce que les autres pays ont fait. Donc, en Espagne, on
a la «Ley Orgánica de 4 de junio», donc, une loi sur la protection de l'enfance
et de l'adolescence par rapport à la violence. Je vous épargne le titre complet
en espagnol. Je me suis permis de traduire la proposition qui dit que, dans la
loi, les pouvoirs publics prendront les mesures nécessaires pour éviter que les
théorisations et critères non scientifiques qui présument l'interférence ou la
manipulation adulte, comme le soi-disant syndrome d'aliénation parentale,
puissent être tenus en compte. Donc, c'est vraiment de dire : Interdit de
l'utiliser.
Et, au Mexique, où il
y avait une loi qui essayait d'encadrer l'aliénation parentale ou de la
légitimer, cette loi a été abrogée parce que ça faisait trop de problèmes pour
les femmes et les enfants. Et au Brésil, ce qui est recommandé, c'est également
d'interdire l'utilisation, par les tribunaux, les ordres professionnels, les
experts, expertes de la DPJ de vraiment le dire dans la loi : On ne peut
pas utiliser cette théorie, et de permettre ainsi que les parents soient
évalués sur leurs capacités parentales.
M. Carmant : O.K.
Et vous nous suggériez également d'ajouter, dans le préambule, des considérants
à propos de la violence conjugale, encore pour renforcer le...
Mme Zaccour
(Suzanne) : J'ai fait cette proposition suite à une question d'une vos
collègues dans une présentation précédente.
Il était question... Est-ce qu'il y aurait des considérants qu'on pourrait
rajouter? Évidemment, on sait que le considérant, ce n'est pas le bout
de la loi qui va vraiment régler tous les problèmes, c'est plus symbolique.
Mais, étant donné qu'on veut reconnaître la violence conjugale, ça affecte
négativement l'enfant, de le mettre dans la loi à différents endroits, le considérant
étant le moins important de ces endroits, mais fait partie quand même, là, du
message qu'on envoie pour dire : On
peut... Il faut arrêter de dire ça. C'est juste de la violence conjugale, ça ne
concerne pas l'enfant.
M. Carmant : O.K.
Bien, moi, je trouve ça intéressant parce que, tu sais, juste créer un autre
alinéa, ce qui nous a été proposé par d'autres, ça témoigne moins de
l'intention du législateur. Diriez-vous ça ou vous pensez que le geste clé,
c'est vraiment créer le propre alinéa «violences conjugales»?
Mme Zaccour
(Suzanne) : Bien, c'est-à-dire, je pense que créer l'alinéa, c'est
important, mais voilà ce qui va se passer : l'alinéa permet à la DPJ de
s'impliquer davantage, parce qu'une situation de compromission est détectée, la
DPJ arrive, dit : J'ai juridiction, parce qu'il y a une situation de
compromission pour raison de violence conjugale, et donc je prends des mesures,
et je donne l'enfant au père.
Si c'est ça qui arrive, on n'a pas avancé. Donc,
c'est pour ça que moi, je dis : C'est bien, le motif de compromission,
mais, si ça fait juste que la... Et ils ne le font pas nécessairement
directement, mais ça commence... La DPJ s'installe, parce qu'il y a eu cette
compromission, et ça finit avec : la DPJ recommande de confier l'enfant au
père. Là, on n'a pas avancé.
Donc, c'est pour ça que, si on veut élargir, en
quelque sorte, la sphère d'action de la DPJ, en se disant : La violence
conjugale, ça la concerne, je suis d'accord, il faut absolument les exigences
de formation et des balises qui disent : O.K., mais la DPJ ne devrait pas
recommander la garde au père, à moins qu'il y ait vraiment des raisons de le
faire, mais pas en raison de la violence conjugale. C'est pour ça que je pense
que cet amendement, c'est un début, mais ça ne peut pas être la fin. Il faut
rajouter d'autres balises, d'autres protections.
M. Carmant : Mais vous pensez
que l'intérêt supérieur de l'enfant, ce n'est pas suffisant, ça, c'est clair,
pour vous, là, à vous entendre, là.
• (11 heures) •
Mme Zaccour (Suzanne) : Non, ce
n'est pas suffisant, pour la raison suivante : lorsqu'on a une expertise — et
vous verrez que je fais aussi des propositions pour les expertises — et
lorsqu'il y a des ordres professionnels... lorsqu'on a une expertise qui dit au
juge : L'enfant est aliéné, si vous ne le confiez pas au père, cette
enfant ne sera jamais capable d'avoir des relations amoureuses normales et ne
pourra pas devenir une bonne mère — j'ai vu ça dans des
expertises, ce n'est basé sur aucune science, mais c'est dans l'expertise — le ou
la juge ne peut pas vraiment se battre contre ça. Donc, l'expertise lui arrive,
et il y a des juges qui disent : Cet expert me recommande de donner la
garde à un père qui a été violent envers les enfants seulement trois fois, je
ne vais pas le faire. Mais il y a beaucoup de juges qui vont suivre la
recommandation.
Donc, l'intérêt supérieur de l'enfant, ce n'est
pas suffisant, parce que ce que les gens qui utilisent ce mot magique vont
dire... c'est qu'ils vont dire : Ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant
d'être aliéné, parce que l'enfant va perdre le père. Et on perd de vue le fait
que la raison pour laquelle l'enfant rejette le père, ce n'est pas la faute de
la mère, c'est parce que le père a été violent. Donc, ce n'est pas un guide
suffisant. Et, si ça... J'aurais aimé que ce le soit, mais, si ça l'était, on
ne serait pas ici aujourd'hui. Donc, il faut vraiment préciser c'est quoi, les
considérations à prendre en matière de violence conjugale.
M. Carmant : D'accord. Bien, j'ai d'autres questions, mais je
passerais la parole à ma collègue de Lotbinière-Frontenac,
là, qui a beaucoup d'intérêt aussi.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, je veux revenir concernant
l'aliénation parentale puis le conflit de loyauté. Vous proposez
d'enlever ces concepts-là seulement pour les cas de violence conjugale, je
présume?
Mme Zaccour (Suzanne) : Non, je
propose de les interdire parce que c'est des théories qui n'ont pas fait leurs
preuves au niveau scientifique, ni que ça existe, ni que ça affecte les
enfants, ni que l'intervention judiciaire est nécessaire. Donc, souvent, ce
qu'on observe, c'est que des enfants qui rejettent un parent vont naturellement
reprendre la relation et que, moins on intervient au niveau judiciaire, mieux
c'est.
L'autre raison pour laquelle on ne peut pas
l'interdire dans les situations de violence conjugale, c'est que les femmes ne
dénonceront pas la violence conjugale, de peur d'être pénalisées. Et donc ce
que j'ai observé, dans une étude de jugement, par exemple, c'est... Les cas
d'aliénation parentale ne mentionnent pas la violence, comme si ça n'existait
pas. Mais, quand on creuse un peu, on trouve des incidences de violence
conjugale. Donc, ce n'est pas utile de l'interdire seulement pour les cas de
violence conjugale, parce que, dès qu'on dit qu'il y a de l'aliénation, on va
dire : Les accusations de violence conjugale ne sont pas vraies. C'est une
théorie circulaire. Donc, le symptôme prouve le syndrome qui, lui, prouve que
les accusations sont fausses.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) :
Mais ça m'étonne, parce que vous, vous dites que l'aliénation parentale puis le conflit de loyauté, on ne doit pas prendre
ça en compte, là. Dans le fond, pour vous, ça n'existe pas, ces concepts-là,
c'est ça?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire que ce n'est pas... il n'y a pas de critère scientifique qui
permet de différencier l'aliénation de la violence, auquel cas la théorie n'est
pas utile. Donc, ce n'est pas vraiment une question de si ça existe ou pas,
mais c'est une théorie qui n'est pas utile. Si la mère fait des choses qui
nuisent à l'enfant, bien, là on peut en tenir compte. Mais l'aliénation, on
s'en sert quand la mère ne nuit pas à l'enfant.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Non, mais je comprends, tu sais, quand vous
parlez de la mère qui... tu sais, il y a quelqu'un qui dit que la mère nuit à
l'enfant, mais, tu sais, je veux dire, par exemple, un père qui dit à ses
enfants : Bien, ta mère est ci, ta mère est ça, je veux dire, je ne
comprends pas si ça existe, la... l'aliénation parentale, excusez-moi. Puis,
tout à l'heure, vous avez dit : L'aliénation parentale, c'est trop aimer
l'enfant. Est-ce que c'est ça que vous avez dit ou j'ai mal compris?
Mme Zaccour
(Suzanne) : Bien, dans le fond, ce qu'on observe, les comportements où
on juge que la mère est aliénante, c'est souvent soit la mère dénonce la
violence soit la mère est trop proche de l'enfant.
Je vais répondre à... Je suis contente que vous
posiez la question sur le père qui dit : Ta mère est folle, par exemple,
O.K.? Généralement, ces comportements-là existent dans une dynamique de violence
conjugale. Et donc, si on a un droit qui tient compte de la violence conjugale,
on n'a pas besoin de dire : C'est un comportement aliénant. On va dire : Ça fait partie d'une dynamique
de violence conjugale. Si ça ne fait pas partie d'une dynamique et qu'il y
a un des parents... En fait, les études montrent que les parents en conflit de
séparation, 100 % des parents ou presque vont dire ce genre de choses,
vont insulter l'autre parent. Tu sais, généralement, ça n'a pas d'impact sur
l'enfant, mais c'est quelque chose qui arrive. Dans les familles à haut
conflit, on le retrouve. Ça serait préférable que les parents ne fassent pas
ça. Mais l'idée, c'est qu'au lieu d'essayer de punir les parents, dire :
C'est mal qu'ils disent ça, on va le punir en lui enlevant la garde, ça ne
donne rien, il faut voir où est-ce que l'enfant est mieux et il faut résister à
la tentation de dire : On va essayer de punir le parent qui fait du mal.
Donc, je pense que, si on a un droit qui tient
compte des capacités parentales et de l'intérêt des enfants, donc, ça va être
suffisant... et de la violence conjugale, ça va être suffisant. On n'a pas
besoin de... Cette théorie fait une différence seulement dans les cas où ça
n'affecte pas l'enfant, sinon il y aurait quelque chose d'autre. Je ne sais pas
si vous voyez ce que je veux dire. Si on l'utilise, c'est parce que l'enfant
va... Souvent, c'est ça, c'est : l'enfant va bien, et la mère n'a rien fait de mal, et donc on cherche un petit peu quelque
chose à lui reprocher. Si, en plus de cette soi-disant aliénation, la
mère est négligente, ou le père, peu importe, tout ça, ça peut être tenu en
compte. C'est vraiment la théorie qui dit que le rejet de l'enfant... on doit
punir le parent quand l'enfant rejette un autre parent qui doit être rejeté.
Parce que les enfants qui rejettent un parent, il y a souvent des raisons.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : J'aimerais revenir avec votre recommandation n° 6 : «Encadrer la DPJ et les tribunaux pour éviter
qu'ils punissent les mères qui dénoncent la violence conjugale et pour
s'assurer qu'ils écoutent les enfants.» Comment on fait ça, encadrer et...
encadrer la DPJ puis les tribunaux, comment on fait ça?
Mme Zaccour (Suzanne) : Moi, ce
que je propose, c'est de dire... premièrement, de présumer que, s'il y a
violence conjugale, ça nuit au développement de l'enfant, que c'est un facteur
pertinent. Et je propose également d'inscrire dans les articles qui parlent de
la voix de l'enfant, qu'il faut écouter l'enfant, que l'enfant a le droit à un
avocat, etc., de dire que la voix de l'enfant doit être écoutée. Parce que
l'aliénation parentale, ça sert à ne pas écouter ce que l'enfant dit. On dit...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Puis comment on fait pour encadrer la DPJ
puis les tribunaux quand les enfants, par peur de... puis par conflit de
loyauté, un enfant ne parle pas à l'avocat, justement, pour ne pas s'aliéner
l'autre parent?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire, il y a différentes choses, là, l'avocat ou l'avocate qui fait ce
qu'il ou elle peut avec l'information qui sont disponibles. Mais, si l'enfant a
un... exprime un désir, et souvent ça fait des années que l'enfant dit :
Moi, je veux vivre avec tel parent, qu'on ne dise pas : C'est tout dans sa
tête ou c'est tout du lavage de cerveau, puis on dit : On va l'écouter.
Maintenant, si ce n'est pas sécuritaire de
l'envoyer chez un parent, par exemple, un enfant qui dirait ça pour faire
plaisir au père violent par peur, bien, évidemment, la sécurité de l'enfant va
toujours par-dessus les désirs de l'enfant, toujours, mais, si ça... s'il n'y a
pas d'obstacle au développement de l'enfant et que l'enfant veut quelque chose,
on ne devrait pas dire : On ne va pas écouter rien de ce qu'il dit parce
que c'est un lavage de cerveau.
Et c'est là aussi que je propose différentes
choses, différents éléments pour répondre à votre question sur comment est-ce
qu'on encadre. Au niveau tant du tribunal que de la DPJ, je propose :
tels, tels, tels facteurs ne peuvent pas être retenus contre le parent, par
exemple, comme je disais plus tôt, faire une dénonciation, faire des demandes
par rapport au droit d'accès, aller voir... consulter des professionnels, etc.
Donc, ça, c'est une autre façon d'encadrer pour ne pas qu'on dise : La mère
est une mauvaise mère parce qu'elle demande que le père n'ait plus d'accès.
Non. Bien, on va juger si le père devrait avoir des accès ou pas. Mais la...
C'est le bon forum. La mère, elle fait une demande au tribunal et on la juge.
On ne va pas la punir parce qu'elle a osé faire cette demande.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Bien, je vais passer la parole à ma collègue. Merci.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Guillemette : Merci. Merci
beaucoup de votre présence aujourd'hui. Je vais y aller très, très rapidement.
Vous dites, dans votre recommandation 2, de «prendre des mesures pour
assurer la sécurité des enfants exposés à la violence conjugale». On sait qu'il
peut y avoir des conflits de loyauté, comme l'a mentionné ma collègue. Quelles autres mesures on pourrait mettre en place? Et
est-ce que l'accès supervisé en lien... via les organismes
communautaires est un moyen également de bien écouter l'enfant? Parce que,
quand ils vont... ils ont accès à l'accès supervisé, il y a un intervenant qui
est là. Donc, est-ce qu'il n'y aurait pas un lien à faire pour bien écouter
l'enfant, à ce moment-là?
• (11 h 10) •
Mme Zaccour
(Suzanne) : Tout à fait. Une de mes recommandations, c'est de faire,
justement, cette présomption que, s'il y a un conflit sur la garde, que c'est
le parent non violent qui obtient la garde, et l'autre pourrait avoir des accès
supervisés qui permettent d'évaluer le niveau de danger. Ce n'est pas toujours
approprié, les accès supervisés, et puis, évidemment, c'est toujours une
détermination au cas par cas. C'est pour ça que tout ce que je propose, c'est
juste des présomptions réfragables. Mais, oui, c'est de dire : Il faut
tenir compte de la violence conjugale. Il faut que la DPJ prenne... que ces
mesures visent aussi à ce que la situation de violence conjugale cesse. Et, du
côté du tribunal et du rapport de la DPJ, il faut présumer que ça serait des
accès pour le parent violent, s'ils sont possibles et sécuritaires, et la garde
pour le parent non violent.
Mme Guillemette : O.K. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je vais maintenant
céder la parole à l'opposition officielle. Alors, Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, c'est à vous de poursuivre l'échange.
Mme Weil : Merci, M. le Président.
Merci beaucoup, Mme Zaccour. Vraiment, on a un plan de match, là. Parce
que les détails que vous mettez, les explications, surtout de regarder que
d'autres États dans le monde... Le problème,
il est universel, malheureusement. Est-ce que vous avez un commentaire à faire
là-dessus? Dans le sens que c'est quand même assez... Ce n'est peut-être
pas particulier. Ceux qui étudient, justement, l'égalité hommes-femmes, là, ça
doit exister depuis toujours. Mais comment c'est devenu institutionnalisé dans
les lois de protection de la jeunesse, alors qu'on parle de violence conjugale
dans la loi actuelle, mais que l'interprétation et la protection de la mère et
de l'enfant ne semblaient pas vraiment... il n'y avait pas de compréhension,
disons?
Bon, alors...
Et la question que je vous pose, donc, votre recommandation à l'article 3,
donc, recommandation 5, est-ce
que, ça, la manière que vous l'avez libellé, «l'insertion, après le deuxième
alinéa, des suivants», dans l'évaluation, la proscription, là, dont vous
avez parlé, ça, c'est exactement ou à peu près... comment c'est libellé dans
les autres... le projet de loi au Brésil et la loi espagnole? C'est de cette
façon qu'ils ont, en partie...
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui, il y a
différentes approches. Effectivement, c'est un problème international. Moi, je l'ai étudié dans plusieurs pays. Ça semble
être pire au Québec que dans le reste du Canada, vraiment pire. Il y a
beaucoup... Cette théorie est utilisée plusieurs fois plus que dans le reste du
Canada, mais c'est un problème qu'on trouve en Italie, au Mexique, au Brésil,
en France, en Angleterre. Et le problème est assez généralisé parce que c'est une... c'est un mot magique. Ça a comme donné une
munition confortable. C'est plus facile de penser : Ah! bien, c'est
la mère qui manigance des choses, que de penser : Le père et violent.
C'est difficile de penser ça parce que c'est vraiment difficile à accepter.
Et effectivement, donc, souvent, ce qui a été proposé...
et puis je fais les recommandations subsidiaires d'encadrer qu'est-ce qui se
passe quand il y a de la violence conjugale, mais ce qui a été recommandé pour
vraiment mettre fin au problème, c'est l'interdiction pure et nette au moins du
syndrome d'aliénation parentale et de la théorie de l'aliénation parentale. Et
c'est une recommandation qui est en plusieurs morceaux, donc il y a ce
morceau-là, mais il y a aussi le... ce qui peut être dit, sans rentrer
nécessairement dans ce sujet, qui est : La sécurité et l'intégrité de
l'enfant et du parent victime de violence priment sur le maintien de la
relation avec l'autre parent. Ça, c'est une autre proposition que je fais.
Parce qu'on parlait plus tôt : Est-ce que l'intérêt de l'enfant suffit?
Tout le monde... C'est populaire de dire : L'intérêt de l'enfant, ça doit
être la seule considération, mais ce n'est pas vrai, il faut aussi protéger
l'autre parent. Ce n'est pas vrai qu'au nom de l'intérêt de l'enfant la mère
doit se mettre en danger. Et ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant que la
mère soit en danger. Je pense que les enfants des victimes de féminicide des
derniers mois ne pourraient certainement pas dire que c'était dans leur
intérêt.
Donc, je propose de reconnaître que la sécurité
et l'intégrité de l'enfant et du parent victime, c'est ça qui est... qui prime
sur le maintien de la relation avec les deux parents. Parce que c'est ça qui
est démontré aussi dans les sciences sociales, c'est ça qui est important pour
le développement de l'enfant.
Mme Weil : Dans le reste du
Canada... parce qu'on se compare souvent pour voir s'il y a des innovations
ailleurs ou, comme vous dites, on semble être les pires. On n'aime pas ça, au
Québec, être les pires. Qu'est-ce qu'ils font dans les autres provinces? C'est
que ce n'est pas devenu un dogme, dans leur façon d'appliquer la loi? Il y a
plus de flexibilité et de nuances? Qu'est-ce que... Qu'est-ce qui explique
cette différence?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
difficile à expliquer exactement c'est quoi, le problème, mais on trouve qu'au
Québec c'est vraiment plus normalisé. Et ce qu'il faut comprendre aussi, c'est
que toute cette théorie qui touche de
nombreux... de nombreuses familles... en fait, il y a quatre ou cinq experts
qui témoignent à répétition dans les différents jugements. Donc, ça ne
prend pas beaucoup pour que la théorie se démultiplie et après, bon, c'est le
précédent, donc ça a été fait avant, donc on
va continuer à le faire. Donc, c'est vraiment une des raisons, certaines
expertises, quatre ou cinq experts, expertes qui ont massivement
témoigné là-dessus.
C'est aussi... Je pense que le mouvement des
droits des pères a quand même historiquement été assez fort au Québec et a mené
peut-être à ce problème. Je n'ai pas une réponse définitive sur pourquoi est-ce
que c'est cinq fois pire au Québec, mais ça l'est, et donc, dans les autres
provinces, ils n'ont pas vraiment eu besoin encore de l'interdire ou de prendre
des actions extrêmement concrètes, quoique le problème, on l'a vu avec les
amendements à la Loi sur le divorce, ce n'est pas juste au Québec, là, qu'on a
des problèmes avec la question de la violence conjugale. Donc, c'est... Le problème est partout. C'est juste que, en
nombre, au Québec, c'est un nombre qui se... Les centres de femmes, là, ils
voient ça tous les jours, des femmes... En fait, toutes les familles qui se
séparent et qui vont chercher de l'aide sont soit accusées d'aliénation
parentale ou à risque d'être accusées d'aliénation parentale. Et ce n'est pas
très clair pourquoi, mais c'est clair, les conséquences que ça peut avoir.
Mme Weil : Bien, je dois vous
dire... Bien, premièrement, donc, préambule, non, c'est vrai, les déclarations
des préambules n'ont pas d'effet particulier sur le traitement du dossier. Mais
je pense que c'est vraiment intéressant d'avoir ces préambules, parce qu'en
intégrant, justement, cette préoccupation de violence conjugale et l'aliénation
parentale, on est en train de hisser ce dossier de violence conjugale au
premier rang, là, premier rang avec les autres, et ça vient colorer l'interprétation que devront avoir tout le
monde : l'avocat, la DPJ, le tribunal. Alors, dans ce sens-là... Je
pense que c'est moi qui avais posé la question, s'ils pensaient que ce serait
intéressant. C'est parce que j'ai fait quand même beaucoup de législation, et
souvent on va se référer à ces considérants, s'il y a des doutes, s'il y a un
certain... ils peuvent être utiles. Et, dans une loi aussi importante où c'est
l'avenir de nos enfants... et on veut... on a une commission qui nous a fait
des recommandations, on veut s'assurer qu'on vise bien ces grands principes.
Actuellement, moi, je dois vous dire, j'ai eu
beaucoup d'appels... beaucoup d'appels... Il y a eu beaucoup d'articles,
premièrement, dans les journaux, sur ce phénomène. Au tout début, je ne
comprenais pas ce que ça voulait dire, puis là c'est des gens qui m'en ont fait
part en tant que critiques, et je trouvais ça incroyable, hein, la façon...
Puis c'était toujours la même histoire, la même histoire. Pour tous,
évidemment, c'est moins votre... ça sera nous, en commission parlementaire,
quand on va faire l'étude article par article. C'est... Il y a beaucoup de
familles qui sont aux prises avec tout ça actuellement. Est-ce que vous avez
vu, quand même, des efforts qui peuvent être faits en attendant que la loi soit
adoptée? Il y a quel recours? La Commission des droits de la personne? Est-ce
que vous avez découvert... Parce que, vous-même, vous avez dit que vous étiez
aux prises avec ces demandes puis vous ne saviez pas trop comment orienter ces
femmes. Aviez-vous trouvé une formule magique pour ces cas-là qui...
Mme Zaccour (Suzanne) : Non... Oui.
Malheureusement, il y a déjà divers problèmes, dont le premier est un manque
aussi d'accompagnement juridique pour ces femmes, parce que, même si on a
maintenant, heureusement, des ressources
d'information juridiques, se battre contre ce mot magique, c'est un dossier qui
va prendre des années. Et il y a très peu d'avocats et d'avocates en
droit de la famille qui peuvent prendre ces dossiers. Et il faudrait encore que
les mères aient les moyens. Donc, ça, c'est un problème. Et une solution évidente,
ça serait de donner accès à l'aide juridique aux femmes victimes de violence
conjugale, peu importe le niveau de revenus, pour qu'elles puissent se
défendre.
Je sais qu'il y a la formation qui est la
formation sur la sécurité des enfants en contexte de violence conjugale qui a
été développée par des collègues, notamment Simon Lapierre, Isabelle Côté, et
qui vont former des intervenants et intervenantes de la DPJ, et qui ont du
succès, et que les pratiques semblent changer tranquillement, mais ça fait une
différence, et c'est une formation de 26 heures qu'ils donnent.
Donc, c'est pour ça que ce que je propose dans
le projet de loi, c'est une formation annuelle obligatoire parce que ce n'est
pas en une petite formation d'une heure et demie sur... la violence, ce n'est
pas juste les coups. On n'est pas là. On a vraiment un problème de culture
qu'il faut comme déraciner. Et puisque le projet de loi propose un nouveau
forum des directeurs et des espèces de normes provinciales, c'est là que ça
serait intéressant que cet organisme-là soit chargé également de mettre en
place des formations sur la violence conjugale, parce qu'ultimement, peu
importe ce qu'il y a dans la loi, si la personne qui gère le dossier se
dit : Une femme qui dénonce la violence, c'est sûr qu'elle ment, ou :
Une femme qui dénonce la violence, ça n'a pas rapport, ça ne dérange pas
l'enfant, ça ne change rien, ou : Une femme qui s'en va en maison
d'hébergement, c'est parce qu'elle veut énerver le père, bien là, on peut
mettre n'importe quelle loi qu'on veut puis c'est... on sait bien que les
préjugés inconscients prennent vraiment plus d'importance, là, dans le travail
quotidien.
Donc, au niveau des... La formation, c'est toujours
une bonne solution. C'est rarement suffisant, mais c'est toujours un bon début.
Donc, ça, c'est ce que je propose, mais il faudrait s'assurer que la formation
soit offerte par des personnes qui ont l'expertise en violence conjugale. Et
c'est là que je reviens à plusieurs niveaux dans mes propositions : les
expertises, les évaluations, il faut que ce soit fait par les personnes qui ont
une expertise en violence conjugale. Les recommandations, les formations, il
faut que l'expertise soit là. Sinon, ça ne nous avance pas tellement.
• (11 h 20) •
Mme Weil : Bien, je vous remercie.
Et d'ailleurs, je pense, juste votre témoignage, l'intérêt que porte tout le
monde ici qui vous écoute, je dirais aussi les médias qui en ont parlé, on va
entendre les directeurs de protection de la jeunesse, d'ailleurs, qui vous
suivent, donc, je pense que, déjà, le système pourra se mettre en action pour
commencer à regarder, même les dossiers qui sont en cours actuellement,
regarder ce phénomène. On a beaucoup appris ces deux dernières années, donc
vous avez fait mention de ça. Je ne sais pas si vous avez une connaissance du
tribunal unifié et si la dimension... moi, ce que je comprends, c'est que la
dimension de protection de la jeunesse ne sera pas intégrée dans ces projets
pilotes. Est-ce que c'est votre compréhension?
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui. C'est
aussi ce que je comprends.
Mme Weil : Est-ce que vous pensez
que ça pourrait être utile?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire qu'une critique qui est souvent faite, c'est le fait que, même
quand il y a des condamnations au criminel et que l'on dit toujours : Les
tribunaux ne se parlent pas, donc, même quand il y a...
le père a des condamnations au criminel, les cours de la famille ne s'en
préoccupent pas. Moi, ce que j'aimerais, c'est que la mère et l'enfant soient
mis en sécurité avant qu'on se rende aux condamnations au criminel, parce que
c'est long, quand même, que le dossier suive son cours, et donc je pense qu'il
faudrait une intervention rapide. Et, si ça prend la forme d'un tribunal
spécialisé, certes, je pense que ça pourrait aider, ou des personnes
spécialisées à l'intérieur du tribunal, mais il faut que l'expertise soit là.
Et c'est pour ça que j'ai répondu tantôt à la
question sur la médiation. L'étude empirique démontre... j'ai une étude en tête
que je pourrais faire parvenir à la commission, si utile, mais que les
médiateurs, médiatrices ne voient pas l'angle violence conjugale, voit l'angle
coparentalité. Donc, il faut s'assurer que, peu importe à quelle porte les
femmes et les enfants cognent, peu importe qui regarde le dossier, que ce
regard soit soit informé par l'enjeu de violence conjugale qui va toucher une
part très, très importante des dossiers. On ne parle pas d'une minorité de cas,
là, c'est le coeur du problème de la protection de la jeunesse.
Mme Weil : Oui. D'ailleurs, dans les
médias, on avait appris que même des hommes avec un dossier criminel peuvent
avoir garde de l'enfant. On fait fi de cette réalité-là. C'est pour ça que je
me disais, à quelque part, dans ces projets pilotes, on verra peut-être, avec
le temps, si cette question de protection de la jeunesse émane comme un enjeu.
Bien, je vous remercie. Je vous dis que je
trouve toutes vos recommandations excellentes parce que c'est un tout qui fait en sorte de boucher tous les trous
du début à la fin. Alors, merci beaucoup pour le travail que vous faites.
Merci.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée. Nous terminons cet échange
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Bonjour. Merci
beaucoup. Votre présentation était limpide et convaincante. J'aimerais avoir
votre avis sur l'opportunité qu'on aurait, là, d'ajouter au projet de loi
n° 15 un article, par exemple, qui obligerait, pour les les normes ou
règlements qui découleront de la législation, là, qu'on fasse une ADS pour être
sûr qu'on ait une analyse complète, là, des conséquences que ça va se faire.
Qu'est-ce que pensez vous de cette idée?
Mme
Zaccour (Suzanne) : Tout à fait. On sait que la situation à laquelle on
fait face est une situation genrée. Donc, c'est sûr que, la violence
conjugale, ce n'est jamais acceptable, peu importe le genre de la personne qui
la commet ou qui la subit, mais on
sait que, dans les faits, c'est souvent les femmes qui sont les premières
victimes et les enfants les deuxièmes, ou l'inverse, mais, en tout cas,
c'est les femmes et les enfants qui y perdent. Donc, oui, je pense que c'est
important.
Et c'est un peu la proposition que je vous fais,
c'est-à-dire, c'est un peu d'analyser comment est-ce que ce projet de loi,
même, va avoir... c'est quoi, les conséquences que ça peut avoir. Par exemple,
si on se dit : Bien, ça peut juste être une bonne chose de mettre la
violence conjugale comme motif de compromission, on dit : O.K., mais
comment est-ce que ça va affecter les femmes, notamment les femmes qui sont
accusées d'être aliénantes? Donc, je pense que c'est toujours absolument
essentiel de se poser la question : Comment ça va affecter les mères?
Et c'est là où je reviens à mon préambule et à
un des premiers articles où je dis : La sécurité des parents compte
également. Il faut arrêter de penser que la protection de la jeunesse, ça
concerne juste les enfants parce que, bien, protéger la mère, c'est protéger
l'enfant.
M. Zanetti : Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va? Alors, merci énormément pour votre contribution
puis votre participation à nos travaux. Les échanges ont été extrêmement
intéressants.
Alors, nous allons suspendre les travaux pour
permettre au prochain groupe de se joindre à nous. Encore merci pour votre
contribution et votre participation.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 25)
(Reprise à 11 h 30)
Le
Président (M. Provençal)
: Nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons
maintenant les représentants des directeurs
et directrices de la protection de la jeunesse et des directeurs et directrices
provinciaux du Québec. Alors, mesdames, vous disposez d'un 10 minutes pour l'exposé, et, par la suite, nous
procédons aux échanges. Alors, je vous cède la parole.
Directeurs de la
protection de la jeunesse
et directeurs provinciaux du Québec
Mme Brown (Caroline) : Bonjour.
Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la directrice nationale de la
protection de la jeunesse, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir. On ne
vous cachera pas qu'on est très heureuses d'être ici pour
pouvoir échanger sur les enjeux de ce projet de loi qui nous tient
particulièrement à coeur. On vous remercie tout particulièrement au nom des
enfants du Québec. Étant responsables personnellement de l'application de cette
loi et étant témoins privilégiés de son application au quotidien, nous vous
avons transmis un mémoire qui compte 33 recommandations.
Tout d'abord, parlons de l'intérêt de l'enfant
et des droits et obligations des parents. Nos deux premières recommandations
touchent ces aspects. On va passer rapidement sur le fait que l'intérêt de
l'enfant doit être la considération primordiale puisque la majorité des témoignages
que vous avez entendus lors des audiences allaient dans ce sens. La seconde
recommandation est de scinder en deux les notions de l'intérêt de l'enfant et
les droits des parents et obligations en deux chapitres distincts pour
permettre de faire d'abord l'évaluation et l'analyse de l'intérêt de l'enfant
et démontrer que c'est vraiment deux choses distinctes.
L'intérêt de l'enfant, c'est quoi? C'est, par
exemple, dans les contacts parents-enfant, que ces contacts soient
significatifs, enrichissants et sécurisants pour qu'ils apportent quelque chose
à lui, que ça réponde à ses besoins, dont celui d'être entendu, informé,
soutenu, sécurisé, accompagné, protégé, aimé, la liste est longue, et non à
ceux de son parent qui réclame le tout comme un droit. Les contacts doivent
avoir un but, un objectif, et l'enfant doit en retirer quelque chose de positif
pour lui, et non pour répondre aux désirs, aux besoins, à la souffrance
exprimée par un parent.
Les obligations sont aussi nombreuses. Ils
doivent, entre autres, surveiller, éduquer, entretenir, soigner, sécuriser,
protéger leur enfant. La Cour suprême du Canada s'est prononcée clairement en
disant que, si les parents ne remplissent pas leurs obligations envers leur
enfant, que leurs droits deviennent caducs. Ce n'est pas banal, mais pourtant
c'est bien connu du monde judiciaire.
Vous savez, dans notre société, une maman qui
est enceinte, elle va flatter sa bedaine, elle va bien se nourrir, papa, maman
vont parler au bébé, vont lui chanter des chansons, raconter des histoires, lui
présenter papi, mamie, et, quand il va naître, bien, ils vont tous être là pour
le serrer dans ses bras quand il va pleurer, lui donner à manger quand il va
avoir faim, le réconforter, quand il va avoir besoin, par le simple son de leur
voix. Il a trouvé sa famille pour la vie. Mais il y a aussi des histoires
différentes. Bébé reçoit des coups de poing dans le ventre de sa mère. Il
entend pleurer, hurler, crier. Il prend de l'alcool, de la cocaïne, toutes
sortes de médicaments, et, à la naissance, il sera seul dans son lit d'hôpital,
tremblotant, étant en sevrage, on va passer des tests de dépistage. Et il n'y
aura pas de voix rassurante pour la réconforter. C'est pour ces enfants-là que
la DPJ existe et qu'on a le devoir aujourd'hui de lui donner à lui une famille
pour la vie. Et c'est pour lui que nous travaillerons ensemble pour avoir le
meilleur projet de loi qui sera clair, précis et sans équivoque. Dans son
intérêt, il lui permettra d'avoir un projet de vie permanent dans l'adoption et
la tutelle en ligne. Marlene.
Mme Gallagher (Marlene) : Comme
ma collègue vient de le nommer, vous savez que la mise en oeuvre de la Loi de
la protection de la jeunesse s'actualise à travers un univers clinique, légal
et juridique. Les termes employés dans une
loi sont essentiels pour donner tous les leviers aux enfants. Par exemple, à
l'article 11.5 qui est proposé présentement, on nomme qu'il est proposé que les parents
doivent, dans la mesure du possible, participer activement aux mesures
permettant de rétablir la situation d'un
enfant. L'ajout des termes «dans la mesure du possible» vient affaiblir
l'obligation des parents.
Nous avons pris connaissance d'un ensemble... de
l'ensemble des modifications proposées, et vous allez voir à travers le mémoire
une série de recommandations qui viennent appuyer des termes, qui viennent
changer des termes, les clarifier, et tout ça pour que ça soit porteur pour les
enfants.
Au cours des dernières semaines, nous avons
aussi pris connaissance du plan quinquennal du ministère de la Justice, et deux
éléments importants s'y retrouvent qu'on trouvait important ce matin de vous
placer. Un, il y a un objectif sur placer le citoyen au centre du système de
justice et d'offrir une justice dans les meilleurs délais. Est-ce qu'on n'a pas
là l'opportunité, au Québec, de revoir le Code civil, en procédure civile en
matière de protection de la jeunesse pour assurer une meilleure accessibilité,
une meilleure simplicité et fluidité pour les enfants? Est-ce qu'en 2022, il
est encore normal qu'on amène des enfants et des familles dans des palais de
justice où ils vont côtoyer la même journée des procès criminels et des procès
civils? Est-il normal qu'un enfant de deux mois doit atteinde plus de huit mois
pour avoir une décision, pour rétablir sa situation et revenir à un
développement et une sécurité optimale? C'est la réalité de la justice
d'aujourd'hui. Elle doit être accessible, simple. C'est essentiel pour le
travail clinique des intervenants si on veut rétablir la situation des enfants.
Dans la continuité des précisions que nous
voulons proposer, nous saluons le chapitre qui est dédié aux communautés autochtones et inuites. Vous trouverez
dans le mémoire des éléments de clarification, et ce, dans l'optique d'une compréhension commune. Vous avez entendu
plusieurs personnes se demander si les modifications qui sont proposées
permettent aux communautés autochtones et inuites d'entamer un processus
d'autonomie. Dans ce qui est proposé depuis
de nombreuses années, les DPJ ainsi que les communautés autochtones demandent
des assouplissements aux lignes directrices qui permettent à des
communautés d'entamer un processus vers l'autonomie en vertu de
l'article 37.5 de la Loi de la
protection de la jeunesse. Ces assouplissements sont attendus et demandés,
comme je le disais, depuis longtemps.
Dans la
notion de la confidentialité, ça a toujours fait l'objet de questionnements
depuis l'adoption... la première adoption de la Loi de la protection de
la jeunesse. À chaque modification législative dans les quarante dernières
années, on a amené des précisions, des ajouts qui ont été proposés et même
actualisés. Les modifications proposées actuellement vont dans la bonne
direction dans le sens, par exemple, que la notion d'organisme a été élargie,
ce qui permet une meilleure transmission de l'information entre nous et ces
organismes-là.
Nous aurons certainement des travaux à faire
pour mieux déterminer les notions d'informations pertinentes et nécessaires,
un, à la hauteur de ce qu'on est en 2022 et, aussi, en fonction des
modifications législatives qui sont prévues à la loi sur la santé et les
services sociaux.
Finalement, la
conservation du dossier des enfants jusqu'à l'âge de 43 ans est aussi
accueillie favorablement. Par contre, cet accès doit être exclusif à l'enfant
adulte, et ce, afin de permettre à cet enfant qu'on puisse servir son intérêt,
même une fois adulte. Mme Gallo, je vous laisserais terminer.
• (11 h 40) •
Mme Gallo
(Assunta) : Merci,
Mme Gallagher. Les jeunes adultes ont témoigné devant la commission
Laurent, nous ont parlé, entre autres, d'une
certaine injustice concernant la poursuite de leurs études. En effet, un
soutien financier est prévu pour les jeunes hébergés en famille
d'accueil, et pas pour les jeunes hébergés en centre de réadaptation,
lorsqu'ils souhaitent poursuivre leur parcours académique. Nous croyons
essentiel qu'une équité soit établie pour tous les jeunes suivis en protection
de la jeunesse, indépendamment de leur milieu de vie.
Comme vous
l'avez entendu, le dossier, qui est l'histoire de vie du jeune, peut comporter
des informations sensibles pouvant retraumatiser l'enfant devenu adulte.
Ainsi, nous recommandons que les services d'accompagnement psychosocial soient
offerts aux personnes qui accèdent à l'information contenue dans leur dossier,
s'ils le souhaitent.
Dans un autre ordre d'idées, dans le cadre des
travaux de la commission Laurent, comme DPJ, nous étions d'avis qu'un
leadership provincial en matière de la protection de la jeunesse s'imposait
pour mieux protéger les droits des enfants
et des familles. Nous avions proposé une instance indépendante et neutre. Dans
le projet de loi, présentement, deux aspects fondamentaux retiennent
entre autres notre attention en ce qui concerne les responsabilités dévolues au
nouveau rôle du directeur national de la protection de la jeunesse, soit une
instance de vigie avec un pouvoir d'enquête et la confusion avec le rôle du DPJ
régional.
Pour le mandat du directeur national, qui est
aussi doté d'un statut de sous-ministre adjoint, le projet de loi met l'emphase sur les pouvoirs de contrôle qu'il peut
exercer. Au Québec, nous avons déjà en place de nombreuses instances de vigie, telles que le commissaire aux plaintes et
le conseil d'administration de chaque établissement, la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse et le Protecteur du citoyen mais encore les ordres
professionnels, le Vérificateur général du Québec, les enquêtes publiques, les
enquêtes du coroner, la magistrature et le ministère de Santé et Services sociaux lui-même. Nous souscrivons au rôle
indispensable joué par l'ensemble des mécanismes de vigie.
Nous sommes d'avis que cette nouvelle instance
de vigie comporte le réel risque de politiser la situation d'un enfant. Il est
nécessaire de mettre à l'abri les enfants des soubresauts politiques,
médiatiques ou encore d'actions mues par l'opinion publique. La question qu'on
se pose après avoir nommé toutes les instances de vigie déjà existantes :
Qu'est-ce que cet ajout de vigie amène pour les enfants et les familles?
D'autre part, de façon générale, nous craignons
que l'exercice des responsabilités du directeur national crée une confusion
avec l'exercice des responsabilités des DPJ régionaux. Par exemple, la
responsabilité d'intervenir dans la vie d'un enfant et de prendre des décisions
pour l'enfant incombent aux DPJ dans la Loi sur la protection de la jeunesse.
Cette responsabilité à l'égard de l'enfant doit être réalisée de façon
indépendante.
Le Président (M. Provençal)
: Madame, votre temps est déjà écoulé, mais, si vous pouviez
conclure un petit peu plus rapidement, s'il vous plaît... Merci beaucoup.
Mme Gallo (Assunta) : Parfait. Si on
prend l'exemple du ministère de la Justice, le DPCP doit accomplir sa mission
de façon indépendante, à l'abri de toute pression de nature politique,
policière ou médiatique. Nous envisageons que l'application de la LPJ soit
faite de la même façon au regard du rôle des DPJ régionaux. Nous vous
remercions pour votre écoute. Tout comme vous, nous portons la voix des enfants
haut et fort. Ceci met fin à notre présentation, et nous sommes très disposés à
prendre vos questions et commentaires.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cette présentation. Je vais maintenant
céder la parole à M. le ministre pour le début de l'échange avec votre groupe.
M. Carmant : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour, Mme Brown, Mme Gallagher, Mme Gallo. Très
content de vous voir aujourd'hui. Donc, plusieurs points. Pour commencer, je
pense que la... on va commencer à Mme Brown. Vous avez parlé, tu sais, de
la situation judiciaire, puis les conditions. Comment améliorer ça? Plusieurs
nous en ont parlé, tu sais, comme rendre le jeune plus confortable. Qu'est-ce
qu'on doit faire pour améliorer tout ça de façon notable et rapidement?
Mme Gallagher (Marlene) : Je vais
répondre à M. Carmant. Un, dans tout le processus judiciaire, par exemple,
est-ce qu'on peut penser que les lieux d'un palais de justice est le lieu idéal
pour des familles? Je vais donner l'exemple, en Côte-Nord, on doit avoir... on
a des tribunaux qui sont itinérants, donc que les causes des enfants vont être
entendues dans des salles communautaires. Est-ce que la justice est moins bien
rendue si elle est rendue dans un endroit où les familles et les enfants
pourront avoir un endroit qui n'est pas empreint de controverse ou de
confrontation? On sait qu'un palais de justice, quand on fait un procès, ça se
fait sur l'angle de la meilleure preuve, de... Ça, c'est un exemple. Quand on
fait toutes nos ententes avec les familles, qu'on amène parfois... dépendant
des juges, il y a des juges qui veulent avoir la famille présente au palais de
justice pour signer une entente, il y en a d'autres qui ne veulent pas, que ce
n'est pas nécessaire. Comment est-ce qu'on peut harmoniser les pratiques?
Est-ce que ces ententes-là pourraient se faire, se signer ailleurs que dans un
palais de justice?
Donc, il y a des leviers. Je pense que, si on
pense en dehors... si on est convaincus qu'en pensant en dehors de la boîte, on
va réussir à trouver... et en écoutant les familles, et en écoutant les
enfants, eux, comment ils veulent que ça procède, assurément qu'on va trouver
des solutions, novatrices, mais on va en trouver.
M. Carmant :
D'accord. Pour... Un deuxième point, c'est aussi sur les Premières Nations.
Plusieurs nous en ont parlé. Nous, on maintient quand même une certaine,
peut-être, inquiétude, là, dans... Comment on peut s'assurer que... Avec les
multiples communautés, comment on peut... comment vous voyez votre
collaboration, par exemple, sur ceux qui
sont hors communauté, les familles qui habitent hors communauté, tu sais? Et
puis ils sont peut-être d'une nation qui
est tout près, mais peut-être aussi d'ailleurs, on parle même, tu sais, pour
les gens qui viennent de Colombie-Britannique,
comment vous voyez cette collaboration entre
les différentes directions, là, soit protection sociale et protection de la
jeunesse?
Mme Gallagher (Marlene) : Bien, je
pense qu'à travers les années, plus on a appris à se connaître et à travailler
ensemble, plus les obstacles qui ont déjà existé tombent un à un. Évidemment,
ça demande de grandes connaissances, là,
pour savoir à quelle communauté et comment on s'adresse à qui, parce que
chacune des communautés a parfois sa façon de fonctionner, mais, à
travers les années, je pense qu'on a appris à mieux se communiquer, plus
rapidement, les informations pertinentes pour un enfant. Et, en même temps,
plus on va aller vers des projets d'autonomie pour des communautés, moins cette
question-là va se poser, et plus, au niveau fédéral, on va permettre aux
communautés de donner des services aux autochtones hors communautés, moins la
question va se poser, parce que c'est des
règles qui ne nous appartiennent pas, mais que les enfants hors communauté
n'ont pas souvent le droit aux services de leur communauté. Donc, c'est
au-delà de... c'est au-dessus de nous, mais c'est des choses qui, dans le
futur, si ça pouvait être des éléments pour mieux répondre aux besoins des
enfants autochtones dans les milieux urbains, ce serait assurément aidant, et
ce serait dans le meilleur intérêt de ces enfants-là.
M. Carmant : D'accord. Pour revenir
aussi sur l'adoption et la tutelle, c'est quand même des outils qui existent
déjà, comment on fait pour bonifier leur utilisation? Comment on fait pour
ouvrir la porte encore plus?
Mme Brown (Caroline) : Bien, tout
d'abord, ajouter... une des recommandations qu'on fait, c'est ajouter un
critère à l'admissibilité à l'adoption, le critère sur le délai... le
dépassement des délais maximaux de placement. Pour nous, je pense que c'est une
étape, mais une autre étape importante, c'est de bien définir ce que veut dire
la permanence. Parce que, vous savez, en 2006, quand on a introduit les délais
maximaux de placement dans la loi, tout le monde s'attendait à avoir une
augmentation de tutelles, une augmentation d'adoptions. On s'attendait tous à
ce que les enfants soient plus stables au Québec. Puis 15, 16 ans plus
tard, le constat qu'on fait, c'est que, oui, il y a eu une certaine stabilité,
on a fait des pas, mais ce n'était pas assez. Mais moi... Ce qu'on a aussi...
ce qu'on vit dans la pratique, c'est qu'il y a un jugement de la cour d'appel
qui est venu dire que... qui est venu préciser qu'une ordonnance de cinq ans
pouvait s'inscrire dans une optique de permanence pour un enfant. Puis pour
nous, si c'est ça l'interprétation que les tribunaux en font, bien, pour nous,
on passe à côté de la permanence et d'un projet de vie permanent pour un
enfant. Pour nous, un projet de vie permanent... On le sait, les études l'ont
démontré, que le projet de vie plus permanent, c'est l'adoption et la tutelle.
Donc, assouplir les critères pour l'admissibilité à l'adoption.
Autre chose, dans le projet de loi n° 2, on avait aussi recommandé qu'on puisse ouvrir pour
permettre au Québec une option supplémentaire, qui est l'adoption simple, dite
«ouverte», là, entre guillemets, qui n'est pas possible comme choix au Québec.
Pourtant, il est possible dans d'autres provinces canadiennes, dans d'autres
pays. Et, pour nous, ça, c'est des volets qui sont importants, qui militent en
faveur et qui apportent des leviers supplémentaires, là, pour nos enfants. De
pouvoir aussi compter le placement... dès le début du premier placement, de
pouvoir déjà partir le compteur des délais maximaux de placement, pour moi,
fait en sorte aussi... pour nous, fait en sorte aussi que c'est un élément
supplémentaire qui peut venir jouer en la faveur de la permanence des enfants.
M. Carmant : O.K., merci
beaucoup. Et peut-être un dernier point, c'était sur le post-DPJ. Comme vous le
savez, on a quand même bonifié le programme qualification jeunesse. Vraiment...
En tout cas, c'est un des programmes où les postes se sont tous comblés assez
rapidement. Est-ce que... Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, par exemple, pour le support psychosocial que vous avez mentionné?
Quand on regarde le programme, il y a déjà du support psychosocial qui
se donne. Comment on peut faire pour continuer à bonifier ce programme-là,
puis, éventuellement, comme vous dites, accompagner les jeunes jusqu'à
43 ans, là, si c'est à ce moment-là que le besoin est requis, de ce
support-là?
• (11 h 50) •
Mme Gallo
(Assunta) : Alors, en termes
des jeunes qui sont suivis par PQJ, c'est clair qu'il y a des
améliorations qui ont été déjà apportées. Nous, on dit : Allons un pas de
plus. Alors, quand qu'on regarde les enfants qui sont hébergés en famille
d'accueil, il y a une option de suivre leur parcours académique et être
soutenus de façon financière, mais les enfants qui sont suivis en centre de
réadaptation n'ont pas cette option. Et on sait que le parcours académique, on
nous le démontre, c'est des facteurs de protection, de résilience pour des
enfants et des adultes. Alors, l'investissement équitable pour les deux enfants, peu importe le milieu de vie des
enfants, pour nous, c'est vraiment un ajout supplémentaire.
Également, le soutien quand qu'il y a des
demandes, de demeurer hébergés. Alors, quand qu'un jeune est en famille
d'accueil, il veut prolonger son séjour en famille d'accueil, c'est plus
faisable et mieux organisé, plus facile à faire. Quand un jeune a été hébergé
en centre de réadaptation et, à 18 ans, bien, il termine son séjour en
protection de la jeunesse, et la loi termine ce séjour, il y a des négociations
qui doivent se faire pour une courte période de temps pour qu'il puisse rester
hébergé.
Et également il y a
la partie de qu'est-ce qu'on met en place pour soutenir ces jeunes après leurs
18 ans. Pour les enfants qui ont été hébergés en centre de réadaptation,
je reviens de... j'ai de l'expérience, ayant travaillé en centre de réadaptation,
les jeunes s'attachent aux professionnels qui sont là. Souvent, ils sont
abandonnés. Les parents, la famille n'est pas autour d'eux, mais ils veulent
demeurer en contact avec les professionnels. Et les professionnels conjuguent toujours avec cet inconfort de l'autonomie
professionnelle. Il faut avoir une séparation entre... bien, c'est un enfant,
un jeune qui a été suivi en protection de la jeunesse, alors il ne faut pas
trop continuer d'être impliqué parce qu'il n'est plus suivi. En même temps,
pour beaucoup de jeunes, nous demeurons les personnes qui sont leur sécurité.
Alors, comment qu'on peut se donner les paramètres, les balises pour
dire : On travaille avec des êtres humains, répondons aux besoins des
êtres humains, donnons-nous la capacité d'être judicieux dans nos réponses et
de ne pas avoir une rigidité que... parfois, dans une pratique clinique qui est
légiférée, ça peut nous amener à avoir une rigidité.
M. Carmant :
Puis quelle serait la meilleure transition, alors, post-centre jeunesse?
Mme Gallo
(Assunta) : Ou une transition temporaire, une transition... une
période d'intégration plus longue qui nous
permettrait vraiment de soutenir le jeune pour que, si c'est un jeune qui va
vers l'autonomie... À 18 ans, il y a très peu de jeunes aujourd'hui
dans notre société qui partent de leur maison à 18 ans puis qui sont
complètement indépendants. Souvent, on voit des jeunes qui partent de leur
milieu familial et reviennent à 20 ans. Mais ces jeunes n'ont pas une
capacité de revenir. Ils reviennent où s'ils ont un besoin de revenir, ces
jeunes? C'est comme s'il faut réfléchir autrement pour les jeunes dans lesquels
l'État a joué un rôle comme parent. À 18 ans, comme parent, l'État ne peut pas juste dire : Bien, maintenant, on
a joué le rôle de parent, bien, on vous guide vers l'indépendance. Il doit y
avoir un entre-les-deux. La loi sur la santé et services sociaux peut jouer un
rôle actif, la première ligne peut jouer un rôle actif avec nous dans la
transition pour les soutenir.
M. Carmant :
D'accord. M. le Président, je passerais la parole, avec votre consentement, à
la députée de Lotbinière Frontenac.
Le Président (M.
Provençal)
: Vous avez mon consentement.
Mme la députée.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci, bonjour. Moi, je voudrais revenir à
votre recommandation numéro 13, qui propose de retirer les responsabilités
du nouveau directeur de la protection de la jeunesse national. Puis, tu sais,
ça, c'est contraire à ce qui avait été recommandé par la commission Laurent. Je
voudrais savoir pourquoi. Vous n'avez pas eu le temps, je pense, de terminer
tout à l'heure.
Mme Gallo
(Assunta) : Alors, merci pour la question. Alors, la
recommandation 13, en effet, c'est de retirer certains articles, 30.3 et
30.4. Pour la partie de qu'est-ce qu'on souhaite retirer, c'est le volet des
pouvoirs d'enquête, le volet du contrôle administratif. La recommandation de la
commission Laurent, telle qu'on l'a comprise à notre lecture, c'était la mise
en place d'un directeur national de la protection de la jeunesse qui aura le
pouvoir de faire des modifications, des interactions avec les volets
ministériels. Dans les recommandations, telles qu'on les a comprises dans la
commission Laurent, on ne voyait pas octroyer un pouvoir d'enquête ou un
pouvoir de contrôle administratif. Alors, c'est la lecture qu'on en fait. Et,
pour nous, en tant que DPJ, on est préoccupés que ça peut nous amener dans le
glissement de politiser la situation d'un enfant.
Je m'explique. Alors,
si on a un enfant pour lequel... Bien, tous les enfants au Québec, pour chaque
enfant, c'est nous qui prenons les décisions, nous sommes personnellement
imputables. S'il arrive une situation médiatique, s'il arrive de la pression
politique, et qu'on se fait appeler, et qu'on se fait nommer, un certain
enlignement qu'il faut prendre pour un certain enfant ou pour une certaine
orientation clinique, pour nous, ça nous amène dans des risques de confusion de
rôles, dans un premier temps, mais également dans la politisation des
situations des enfants dans laquelle nous sommes indépendants à prendre ces
décisions pour des enfants.
Un autre parallèle,
j'avais mentionné l'exemple du DPCP. On peut prendre l'exemple du directeur
national de santé publique et l'importance d'aucune apparence de conflits
d'intérêts réels ou apparents. C'est dans le même ordre d'idée que c'est
important d'assurer l'autonomie et du DPJ et l'autonomie également du directeur
national. Je ne sais pas si mes collègues aimeraient ajouter.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
La recommandation numéro 25, vous parlez de concepts cliniques reconnus,
de connaissances judiciaires. Est-ce que vous pouvez m'expliquer qu'est-ce que
ça veut dire exactement?
Mme Gallagher
(Marlene) : Je pense que vous faites référence à une recommandation
qu'on a faite aussi à la commission Laurent, qui est d'avoir un assesseur afin
d'accompagner les juges dans des décisions d'enfants dont les situations sont
complexes au plan clinique. Donc, il existe, dans d'autres juridictions
administratives, le fait d'avoir des assesseurs pour accompagner des juges dans
des aspects plus techniques, là, comme dans le droit administratif, là, au plan
des municipalités, au plan du droit du travail. Il est possible, pour les
juges, de se référer à une personne qui a les connaissances et l'expertise.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Est-ce que... Ce n'est pas clair pour moi...
Le Président (M.
Provençal)
: Merci. Veuille m'excuser, Mme
la députée, mais votre temps est terminé. Suite à un accord, je vais céder la
parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Merci beaucoup pour vos interventions. Je me pose une question par rapport au
rôle du DNPJ. Vous dites, essentiellement : Il ne devrait pas avoir ce
pouvoir coercitif, par exemple, sur les DPJ parce qu'il
pourrait avoir un risque de politisation. Est-ce que le problème ne serait pas
réglé si tout simplement ce n'était pas un
poste de sous-ministre nommé par un ministre, mais que c'était un poste qui
était indépendant, peut-être nommé
par un processus autre, comme d'autres hautes fonctions le sont, par exemple
voté aux deux tiers de l'Assemblée nationale, donc quelqu'un qui ne
dépend pas ni d'un gouvernement ni d'un parti politique, par extension? Est-ce
que ça pourrait régler le problème de lui laisser quand même le pouvoir
d'enquête, mais tout simplement de faire en sorte qu'il ne soit pas
sous-ministre ni lié à un ministère, là, de façon hiérarchique?
Mme Gallo (Assunta) : Bien, c'est
une excellente question, une excellente proposition. Nous croyons que l'aspect
qui est le plus important, c'est l'indépendance et l'autonomie, alors... parce
que l'apparence d'un conflit d'intérêts peut amener plein d'enjeux. Alors le
fait que la personne soit autonome de l'appareil gouvernemental, autonome de
tout le volet plutôt politique et médiatique, que la personne soit
indépendante, mais qui maintient un pouvoir d'enquête... Vous avez entendu,
nous avons beaucoup d'instances de vigie. À notre avis, comme DPJ, nous prenons
des décisions majeures dans la vie des jeunes et des enfants au quotidien. On
reçoit toutes les instances de vigie. La partie de vigie, c'est important parce
qu'on prend des décisions majeures dans la vie des enfants et des familles.
C'est la partie indépendance autonome qui est préoccupante, parce que ça, ça
peut avoir une tendance de glisser vers la politisation d'une situation, d'un
dossier, d'une orientation clinique, même. Alors vraiment, c'est les deux
thématiques que je mettrais plus d'emphase.
M. Zanetti : Donc, si je comprends
bien, s'il y avait une indépendance politique assurée de ce poste-là de
direction nationale, ça vous dérangerait moins qu'il ait, par ailleurs, un
pouvoir d'enquête et d'intervention, si jamais il y a une crise, puis que, si
jamais il y a une direction régionale qui fait des mauvaises décisions, parce
que l'humain étant ce qu'il est, ce n'est pas impossible, là, donc ça ne vous dérangerait
pas s'il avait une indépendance du politique?
• (12 heures) •
Mme Gallo (Assunta) : Peut-être
je... parce que pour moi, ce n'est pas un dérangement au plan professionnel ou
comme DPJ, comme j'ai nommé, je n'ai pas compris le nombre d'instances de
vigie, il y en a beaucoup. Alors qu'on aura une autre instance de vigie, on ne
comprend pas nécessairement c'est quoi, l'objectif de cette instance de vigie, comme il y en a tellement, mais le fait que
la personne et le rôle soient indépendants, c'est rassurant parce qu'il
y a moins de risque de glissement, qu'on rentre dans des enjeux politiques pour
les enfants et les orientations cliniques, que les orientations sont prises
dans le bien-être des enfants.
M. Zanetti : Je comprends bien,
merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre maintenant
avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Merci.
Mme Weil : Oui, merci, M. le
Président. Peut-être pour rester sur cet enjeu, parce qu'à la première lecture,
on ne comprend pas tout à fait «politisé»,
mais il y a... dans le mandat du directeur national, il y a quand même
l'uniformité, si on veut, des pratiques, meilleures pratiques, formation, tout
cette notion de... qui a été beaucoup soulevée, hein, ces dernières années,
évidemment, et la commission Laurent aussi, donc une instance qui joue ce rôle
de support aussi, en s'assurant que tout le monde est bien branché sur les
meilleures pratiques, en plus, dans le contexte d'une grande réforme où les choses sont appelées à changer.
Mais là, vous parlez de... il pourrait y avoir un événement qui
politiserait. Là, j'ai de la misère à comprendre exactement, je comprends le
concept de quelque chose qui devient politisé, je comprends le concept
d'indépendance, tout à fait, puis on peut toujours regarder la question
d'indépendance. C'est le pouvoir d'enquête en particulier qui vous inquiète
dans le rôle du directeur national? La politisation, j'essaie de comprendre ce
que vous entendez par ça exactement.
Mme Gallo (Assunta) : Bien, je vais
prendre un premier bout, puis, par la suite je céderais la parole à mes
collègues. Alors, dans la première partie, Mme Weil, vous avez nommé le
fait qu'il y a l'uniformisation des pratiques. Alors pour nous, c'est
exactement notre souhait. On a besoin d'assurer qu'il y a une harmonisation des
pratiques au plan national. On sait que, pour nous, c'est primordial
d'atteindre cet objectif, et c'est immense comme responsabilité. Alors nous, on
l'accueille très favorablement, parce que pour nous, un enfant devrait avoir
les mêmes droits aux mêmes accès si l'enfant demeure à Montréal, à
Chaudière-Appalaches ou à la Côte-Nord. Il ne devrait pas y avoir une
distinction de l'accès aux services. Alors d'harmoniser les pratiques
cliniques, c'est déjà en soi une grosse démarche.
Dans la situation de politiser un enfant... Je
vais prendre un exemple très concret. Alors, on a une situation dans laquelle
ça fait les médias, et il y a des plaintes qui sont envoyées à l'appareil gouvernemental,
aux cabinets, un peu partout, c'est lancé. Et, comme DPJ, on se fait interpeler
parce qu'il y a beaucoup d'actions autour de cette situation. Comme directeurs de la protection de la jeunesse, nous sommes
tenus de partager les informations essentielles pour alimenter, pour assurer qu'on fait ce qu'on fait.
La partie qui est préoccupante, c'est que, si on se fait appeler pour
dire : Mme Gallo, on a entendu ça,
on a besoin que vous faites ça dans cette situation parce qu'il faut calmer le
jeu, là on est en train de politiser une situation d'un enfant. Je ne
sais pas si je m'explique bien, si mes collègues souhaiteraient ajouter.
Mme Weil : Oui, je comprends. Donc, parce que le poste
existe, un nouveau poste, les gens vont automatiquement aller à cette
entrée pour justement s'ingérer, c'est bien comme ça que je le vois, mais
qu'actuellement vous n'avez pas cette pression-là. Donc, vous pensez que ça
pourrait virer mauvaise pratique, là? Les gens vont peut-être dire : Bien là, ça fait cinq jours qu'on voit ça dans les journaux, là,
il faut faire quelque chose, donc dans ce sens-là, d'où cette notion
d'indépendance. Mais croyez-vous quand même que, pour ce qui est du reste,
c'est... Bien, vous l'avez bien dit, c'est utile d'avoir concordance,
formation, écoute. Qu'est-ce qui ne va pas? Quelles sont les raisons? Parce qu'honnêtement, je pense que la commission le dit
bien, vous faites un travail extrêmement difficile. Il y a des
circonstances qui font en sorte que ce n'est pas toujours la meilleure
solution. Puis là vous avez besoin, peut-être, de soutien, je vois ça aussi un
peu comme ça, de soutien en amont, alors je comprends votre point.
Ça m'amène au commissaire au bien-être des
enfants, la recommandation... bien que son rôle... il y a beaucoup de
prévention, de mobilisation autour de l'enfant qui est préconisé par la
commission Laurent. Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation?
Êtes-vous favorables à cette recommandation?
Mme Brown (Caroline) : Je peux
y aller, oui? Tout à fait, tout à fait favorables à la... On n'en a pas parlé
dans notre mémoire, c'est un choix qu'on a fait, parce qu'il en avait été
amplement question dans le cadre de la commission Laurent, et on trouvait qu'il
était quand même bien défini. Puis ça faisait partie de quelque chose qu'on
pense comme étant incontournable, là, avec la charte des droits... qui viendra
avec une charte des droits pour les enfants pour... Nous, on le voit vraiment
dans le but... pour tous les enfants du Québec, pour s'assurer, justement...
tout le volet de la prévention. On s'associe bien à cette démarche-là, de
pouvoir s'assurer que la situation des enfants ne se détériore pas puis qu'on
n'a pas besoin de l'intervention de l'État, donc de l'intervention du directeur
de la protection de la jeunesse pour venir
s'assurer que l'enfant, la situation se redresse. Donc, c'est pour... puis
c'est très large, là : c'est pour l'éducation, c'est pour les loisirs, c'est... Tu sais, pour
moi, le commissaire au bien-être, je le vois de façon vraiment
beaucoup plus large, alors que le
directeur national est tout aussi important pour nous. Bien évidemment, on
l'avait demandé aussi, qu'il y en ait un, directeur national, mais c'est
un tout autre ordre, là. Effectivement, vous l'avez quand même bien nommé.
Mme Weil : Oui, tout à fait,
deux rôles distincts, mais comme un acteur principal en bienveillance, si on
veut. Prévention, pour vous, peut-être aussi primaire, prévention primaire ou secondaire,
là, primaire. Ça crée cette volonté et des liens entre tous les acteurs
concernés par l'enfant.
Je voulais vous poser une question, oui, la
surreprésentation des Noirs, notamment, puis il y a eu une étude de McGill puis
deux DPJ de Montréal, qui se... anglophone et francophone, qui avaient déjà
pris les devants, je crois, là, dans le... Je ne sais pas trop la séquence,
mais vous avez déjà fait l'observation qu'il y avait un problème. Vous avez
agi. Je trouve ça intéressant parce que, ce matin, on a entendu des experts sur
toute cette question de diversité culturelle, l'interculturalisme, comment on
fait pour avoir une société qui est capable, d'entrée de jeu, de bien
comprendre et aider les parents à s'adapter à la société.
Alors, peut-être, vous pourriez parler de
l'importance... Parce que, dans les régions, il y a aussi ce phénomène de communication, de compréhension des besoins,
des différentes... comment dire, comportement parental. Alors,
peut-être, je ne sais pas qui, mais peut-être adresser cette question :
Comment la DPJ voit ça, justement, ces orientations? Puis, quand il y a un
signalement, combien de temps vous avez pour essayer, quand vous regardez la
question, d'aller tout de suite avoir recours aux ressources sur le terrain,
peut-être, pour aider la situation avant que ça s'empire?
Mme Gallo (Assunta) : Peut-être, je
débuterais avec la partie de travail interculturel. Par la suite, je passerais
la parole à mes collègues pour le volet du signalement. Alors, comme vous êtes
au courant, à Montréal, et pour le CIUSSS—Centre-Sud et
Ouest-de-l'Île-de-Montréal, on a deux projets avec des organismes
communautaires qui travaillent, premièrement, avec la communauté noire, mais
pas exclusivement. Pour le CIUSSS—Centre-Sud, c'est devenu une façon de faire. On
a maintenant une entente. On a décidé d'avoir une entente avec le BCHM parce
que c'est un organisme pour lequel on peut rapidement prendre contact, peu
importe la trajectoire de l'offre de services en protection de la jeunesse,
incluant l'appel à l'accueil, et on peut les interpeler pour mieux nous
équiper, nous soutenir quand qu'on intervient avec une famille provenant d'une
communauté ethnoculturelle. L'importance à se rappeler dans l'intervention, peu
importe quelle intervention, on a un travail à faire très rapidement de
développer une confiance avec les familles, avec les jeunes et rapidement dans
un contexte d'autorité. Alors, l'importance, peu importe qui est devant nous,
c'est d'être en mesure de comprendre qui est devant nous.
Et l'aspect culturel de la personne devant nous
est essentiel pour créer ces liens de confiance. Alors, c'est les organismes
communautaires qui nous soutiennent à bâtir ces liens de confiance avec les
familles provenant des communautés ethnoculturelles. C'est également des
interprètes, parce que souvent ils ne parlent ni anglais ni français, alors on
a besoin d'avoir quelqu'un qui nous accompagne à travers toute la trajectoire
pour s'assurer qu'on comprend bien les enjeux, qu'on fait la meilleure
évaluation de façon rigoureuse.
Alors, pour nous, c'est très important que les
formations interculturelles... et je sais que la commission Laurent a également mis de l'avant des recommandations
là-dessus, c'est primordial. Nos intervenants, nos gestionnaires, nous-mêmes,
on a besoin d'avoir ces informations et cette sensibilité que l'intervention en
milieu ethnoculturelle, elle, est différente que dans un contexte qui n'est pas
nécessairement... provenant de communautés ethnoculturelles.
• (12 h 10) •
Mme Weil : Et ce que vous avez
développé pourrait être un modèle partout au Québec.
Mme Gallo (Assunta) : Je sais
assurément qu'à travers les différentes régions, comme 20... Nous sommes
20 DPJ. Toutes les régions dans lesquelles ils ont des projets — puis
tous mes collègues ont des projets dans leur région — la
beauté d'être 20, c'est qu'on se partage les différents projets.
Maintenant, l'harmonisation et le besoin d'un directeur national, c'est qu'il
nous aide à mettre tout ça de l'avant pour le bénéfice des enfants au Québec.
Mme
Weil : J'ai une question sur la violence conjugale. On a tous été
beaucoup ébranlés par les articles de journaux, puis beaucoup... on a appris
c'est quoi, ce concept d'aliénation parentale. Ça semblait tellement
incroyable, littéralement, dans le vrai sens d'incroyable. On avait de la
misère à comprendre.
Là,
on a eu une très, très bonne formation de quelqu'un qui comprend ça, qui fait
beaucoup de recommandations. Qu'est-ce... Vous avez... Est-ce que vous
avez pu entendre l'intervenante avant vous, donc, qui viendrait proscrire ce
concept même d'aliénation? Comment vous expliquez ce phénomène en matière de
violence conjugale, donc quand le père est violent, l'enfant est terrorisé par
ce père, puis on permet, donc, au parent, au père violent de continuer à voir
l'enfant? Et donc elle amène toutes sortes de recommandations pour corriger ce
phénomène, puis d'autres États, donc, l'Espagne
qui a une loi semblable. Vous devez connaître ce sujet, j'imagine, très, très
bien. Qu'est-ce que vous voyez comme solution à cette problématique de
l'aliénation parentale? Donc, c'est la mère qui est toujours victime de cette
étiquette.
Mme Gallagher
(Marlene) : Le concept d'aliénation parentale, dans un contexte soit
de séparation — parce
que ça peut se passer dans toutes sortes de contextes, hein, des séparations,
les divorces et la violence conjugale — ça amène effectivement une
complexité dans qu'est-ce que le... quelle est... les mesures ou qu'est-ce qui
est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Je pense qu'il faut être prudent dans
les généralités, parce qu'habituellement et toujours les directeurs de la
protection de la jeunesse vont prendre des décisions en fonction de l'intérêt
de l'enfant. Et les parents n'ont pas de droits sur leurs enfants, ils ont des
obligations. Donc, soyez assurés que, si, au Québec, un enfant est terrorisé de
voir son père, normalement, la DPJ va tout mettre en place pour le rassurer,
pour être certain qu'il ne soit plus terrorisé. C'est notre mandat premier,
d'abord et avant tout.
Est-ce qu'il y a eu,
par moments, des pratiques, des glissements, des... Vous savez, on a beaucoup
de nouveau personnel, on a un roulement de personnel important à la Protection
de la jeunesse qui fait en sorte que c'est une... Vous savez, la commission
Laurent l'a très bien spécifié, c'est une pratique de pointe, la protection de
la jeunesse, c'est une pratique spécialisée. Et on devient spécialistes en
ayant de la formation dans l'expérimentiel, dans la formation théorique. Et le
roulement de personnel, souvent, nous amène à devoir reprendre une série de
formations et de concepts de base auprès des intervenants qui font leur
possible dans le contexte, dans le travail qu'ils font présentement, qui est,
comme vous le savez, complexe et qui n'est pas simple non plus avec toute la
réalité, mais toujours avec la lunette de l'intérêt de l'enfant et non pas des
droits des parents. Les parents ont le droit d'être informés, ils ont le droit
de recevoir des services, ils ont le droit d'être accompagnés, ils ont le droit
d'être représentés, mais ils n'ont pas de droits sur leurs enfants, ils ont des
obligations.
Mme Weil :
J'aimerais juste... Je vous...
Mme Gallagher
(Marlene) : C'est...
Mme Weil :
Je vous remercie beaucoup pour votre présence. On est tous très, très contents
de pouvoir vous poser des questions aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de
préparer le mémoire. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Alors, nous allons
conclure cet échange et, je dirais même, conclure notre consultation avec le
député de René-Lévesque. À vous.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames.
Salutation particulière à Mme Gallagher, qui est ma directrice de
protection de la jeunesse sur la Côte-Nord. Mesdames, je n'ai pas beaucoup de
temps, ça fait que je vais y aller en rafale. Recommandation n° 5,
vous recommandez de traduire dans un cadre légal l'interprétation de la Cour
suprême en remplaçant l'article 11.5 qui a été ajouté sous
l'article 15 dans le projet de loi n° 15 par : «Le père et la
mère sont titulaires [des] droits afin de pouvoir remplir leurs obligations
envers leur enfant. Ils doivent...» Donc, vous faites référence à ce devoir.
J'aimerais peut-être en savoir un peu plus davantage parce que je n'ai pas
l'impression qu'on a entendu ce genre de recommandation là à plusieurs reprises
pendant la commission. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.
Mme Gallagher
(Marlene) : Donc, tel qu'on l'a placé au départ — je
vous salue, M. Ouellet, aussi — tel qu'on l'a placé au
départ, c'est lorsque c'est important que les termes dans les modifications
législatives soient clairs. Parce que, dans cet article-là, on parle que «les
parents doivent, dans la mesure du possible, participer». Ça vient affaiblir
l'obligation que les parents ont de participer. Donc, prenons le temps, dans
chacun des articles, de s'assurer que l'obligation soit claire.
Et c'est aussi la
raison pour laquelle on demandait de séparer d'abord un chapitre pour l'intérêt
des enfants et un chapitre sur les responsabilités et les obligations des
parents. Donc, ça viendrait clarifier que c'est l'enfant d'abord et avant tout,
mais, oui, les parents, en soutien, à recevoir des services, mais ils ont une
obligation aussi.
M. Ouellet :
Donc, ce n'est pas de démontrer, dans la mesure du possible, qu'il y a des
efforts qui ont été faits, mais plutôt qu'il y a des obligations qui ont été
rencontrées.
Mme Gallagher
(Marlene) : Tout à fait.
M. Ouellet : J'aimerais vous
amener aussi sur la recommandation n° 20. Je crois
comprendre que vous parlez d'un soutien financier équitable pour des enfants
qui... «en protection de la jeunesse afin que ceux-ci puissent poursuivre leur parcours académique, peu importe s'ils ont
été hébergés dans une famille d'accueil ou dans un centre de réadaptation».
J'aimerais vous amener la discussion suivante : Est-ce que ce
financement-là équitable aussi devrait faire partie de la réflexion par rapport
aux différences socioéconomiques vécues sur le territoire du Québec, aux
différences sociosanitaires vécues sur certains territoires du Québec, aux
différences ethnoculturelles aussi vécues sur le territoire du Québec? Donc, au
lieu d'un financement tant de dollars par habitant, est-ce qu'on devrait
intégrer un financement en tenant compte de ces critères-là?
Mme Gallo (Assunta) : Bien, je
suis tout à fait en accord avec cette proposition. Quand on parle que tous les
enfants devraient avoir les mêmes droits peu importe où ils habitent, si le
parcours académique voudrait dire, à la Côte-Nord, ils ont besoin d'un tel
genre de financement versus à Montréal, bien, je pense que, l'idée... C'est que
l'objectif qu'on veut atteindre, c'est qu'ils ont le soutien pour le parcours
académique. Alors, moi, je pense qu'il faut toujours prendre en compte le
contexte géographique, sociopolitique de chacune de nos régions. Ce n'est pas
la même chose, la protection de la jeunesse à la Côte-Nord, à Chaudière-Appalaches
et Montréal. Malgré que c'est la même loi, ça s'applique pareil, mais on a des
contextes de régions qui sont particuliers, entre autres l'aspect financier.
Pour nous, ça rentre également dans un contexte particulier à considérer.
M. Ouellet : Mesdames, je
présume que vous allez suivre avec beaucoup d'attention la suite de nos travaux
en étude détaillée. On termine les consultations. Les études détaillées
devraient commencer sous peu. Qu'est-ce qu'on devrait garder en tête, comme
législateurs, pour faire un travail adéquat et pour répondre aux attentes des
familles et des jeunes du Québec lors de notre étude détaillée? Qu'est-ce que
je devrais avoir en tête pour ne rien échapper dans cette étude détaillée?
Mme Gallagher (Marlene) : Je
pense que le message de fond qu'on a tenté de livrer aujourd'hui et qu'on livre
à chaque fois qu'on se présente à chacune des commissions, toujours se souvenir
que les enfants qui sont en protection de la jeunesse sont les enfants les plus
vulnérables du Québec. Souvenez-vous d'enfants que vous avez peut-être vus,
dans votre parcours de vie, vous-mêmes, qui ont eu des difficultés, que les
parents ont eu des difficultés, puis que ces enfants-là se sont retrouvés dans
des positions extrêmement vulnérables. Ça fait que gardez en tête ces
enfants-là et laissez-vous porter par leurs besoins. Et on va arriver à un
résultat qui va être à la hauteur de nos enfants.
M. Ouellet : Merci, mesdames.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député. Alors, je remercie Mmes Brown,
Gallo et Gallagher pour leur participation et leur contribution à nos travaux.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux au jeudi 17 février, à 13 heures, où elle se
réunira en séance de travail. Alors, merci beaucoup pour votre...
Une voix : ...
Documents déposés
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt
des mémoires des organismes et des personnes qui n'ont pas été entendus lors
des auditions publiques. Merci à vous tous.
(Fin de la séance à 12 h 20)