Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, February 15, 2022
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Vol. 46 N° 8
Special consultations and public hearings on Bill 15, an Act to amend the Youth Protection Act and other legislative provisions
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Lecours, Isabelle
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Provençal, Luc
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Guillemette, Nancy
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Zanetti, Sol
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Ouellet, Martin
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Bon matin à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce);
M. Marissal (Rosemont), par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine), par M. Ouellet (René-Lévesque).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes et groupes suivant : le Service d'aide
psychologique spécialisée aux immigrants et réfugiés; Mme Suzanne Zaccour et
les directeurs de la protection de la jeunesse et directeurs provinciaux du
Québec.
Avant de souhaiter la bienvenue, je vous
demanderais votre consentement pour pouvoir répartir le temps, compte tenu qu'on
aura des personnes qui ne seront pas sur place. Alors, consentement? Merci
beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du Service d'aide psychologique spécialisée aux immigrants et
réfugiés. Je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre exposé, et, par
la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission.
Alors, je vous souhaite... je vous cède immédiatement la parole. Merci.
Mme Martins Borges
(Lucienne) : Pouvons-nous enlever le masque lorsque nous parlons? O.K.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour à tous et à toutes. Alors,
merci de nous faire l'honneur de nous inviter à partager notre expérience et
notre point de vue dans le cadre de cette commission. Ça nous fait plaisir d'être
présents ici.
Je vais vous présenter d'abord le service
rapidement, en quoi ce service consiste. C'est un service de psychologie qui s'adresse
principalement aux personnes réfugiées. Ces personnes, issues des communautés
ethnoculturelles, vivent des situations complexes : séquelles de leur vécu
antérieur, de leur parcours migratoire et de leurs particularités culturelles.
Créé à l'Université Laval, École de psychologie, en août 2000, le SAPSIR s'appuie
sur une approche interculturelle qui prend en compte précisément la dimension
culturelle dans laquelle toutes ces personnes se sont construites et
développées.
Le SAPSIR agit également comme consultant
auprès des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux et des
milieux communautaires. Il est un lieu de formation d'intervenants spécialisés
en interculturel.
Enfin, précisons qu'il s'agit d'un
organisme indépendant, autonome, mais qui a développé des liens de partenariat
avec différents organismes. C'est donc de cette place et de l'expérience
acquise que nous allons formuler des recommandations et des commentaires à
cette commission.
Si on regarde les caractéristiques de la
population issue de la diversité culturelle, et plus précisément de la minorité
ethnoculturelle, lorsque nous parlons ici de minorité ethnoculturelle, celle
qui nous préoccupe est principalement composée de familles réfugiées, pas
exclusivement, bien sûr. Ces familles, dont 50 % sont des jeunes de moins
de 18 ans pour la grande majorité d'entre elles, sont issues de sociétés
traditionnelles, communautaires et ont dû fuir leur pays suite à des violences
extrêmes : massacres, génocides, guerres, etc. Lorsqu'on souligne la
surreprésentation à la Protection de la jeunesse des enfants Noirs, notamment,
c'est en grande partie de ces enfants dont il s'agit.
D'emblée, nous constatons la grande
distance culturelle qui sépare de la culture d'accueil... qui les sépare de la
culture d'accueil, ici, le Québec, et les défis d'inclusion et d'intégration
que cela représente et pour eux, mais aussi pour nous. Le choc culturel
concerne tout autant ces familles que les intervenants.
Nous ne pouvons développer ici tous les
aspects de la fonction psychologique de la culture, bien qu'on la considère
comme étant centrale, culture d'origine, bien sûr. Retenons simplement qu'elle
est le siège de la formation des mondes symboliques : la langue, les
représentations sociales et culturelles, les visions du monde et de l'ordre des
choses. La culture contribue grandement à la construction de la représentation
de l'enfant par son groupe culturel de référence, détermine la façon dont on
doit en prendre soin et définit les rôles parentaux : qui les assume,
comment et dans quel but. Pour terminer, ajoutons une dimension, et non la
moindre, celle concernant la construction et le maintien de l'identité. Cet
ensemble cohérent est transmis de génération en génération. <Cette...
M. Pocreau (Jean-Bernard) :
...de
l'identité. Cet ensemble cohérent est transmis de génération en génération.
>Cette transmission est garante de stabilité, de sens et de sécurité.
Dans ce contexte, l'appartenance
culturelle constitue un facteur de protection et d'équilibre, autant pour le
développement actuel que pour le devenir de l'enfant appelé à être un adulte en
bonne santé mentale.
Les ruptures de filiation, et donc de
transmission intergénérationnelle, sont dommageables. Elles ont un aspect
négatif à court, moyen et long terme pour le développement de l'enfant. Elles
menacent la continuité de soi, rendent plus complexe la construction de son
identité. Et, si coupure il doit y avoir nécessairement, par un placement dans
une famille d'accueil, par exemple, cela doit se faire avec un impératif, celui
de la préservation du lien avec sa famille, avec sa communauté, avec ses
références culturelles, et ce, à toutes les étapes de l'intervention, du
signalement jusqu'à la décision finale, y compris judiciaire.
Ces réalités culturelles ont été prises en
compte pour les communautés autochtones qui s'appuient sur la notion de
continuité culturelle. Le contexte historique politique est différent, bien
sûr, mais les enjeux en termes de développement et de santé mentale sont
rigoureusement les mêmes pour les enfants et leurs familles issus des
communautés traditionnelles que nous accueillons. Il s'agit donc de favoriser,
dans les actions et interventions, des conditions de vie et de développement
qui permettent à l'enfant immigrant de se développer pleinement et
harmonieusement.
Toutefois, il y a des différences de
parcours entre les enfants et les familles autochtones et les enfants des
familles réfugiées, car ces derniers arrivent en terre d'accueil avec le projet
d'y rester, d'y vivre comme citoyens canadiens, en respectant ou en s'alignant
sur les comportements de la majorité, ce qui est dans l'ordre des choses et
attendu. Mais cet objectif ne peut être atteint dès leur arrivée, et il va
falloir l'inscrire dans la durée et le concevoir par étapes. Ici, il ne s'agit
pas de penser ce parcours en termes de continuité culturelle, mais plus en
termes de transferts culturels.
Cette reconnaissance est nommée dans le
premier... dans le présent projet de la loi. Au huitième considérant, il
est souligné l'importance de reconnaître la spécificité des enfants faisant
partie des groupes minoritaires, tels que les enfants appartenant à des
minorités ethnoculturelles, et au chapitre II, section I,
article 4.3, alinéa d, «tenir compte des caractéristiques des minorités
ethnoculturelles». Mais rien n'est précisé ou défini; l'interprétation et l'application
de ces principes est laissé libre, selon le jugement et la bonne foi des
intervenants. Il serait important, par exemple, de clarifier de quelles
caractéristiques il est nécessaire de tenir compte. Cette prise en compte des
références culturelles faciliterait l'adhésion aux propositions les concernant.
Ces parents se sentiraient ainsi plus acteurs participants.
Maintenant, je vais laisser ma collègue
présenter les recommandations qui découlent de cette approche.
Mme Martins Borges (Lucienne) : Donc,
considérant l'importance de la culture fondatrice, de ses fonctions
psychologiques dans le développement de l'enfant, de son rôle dans le maintien
de la santé mentale et du bien-être psychologique, nous recommandons :
Que le facteur culturel soit pleinement
reconnu et précisé dans la notion de l'intérêt de l'enfant, même si cette
notion a déjà un cadre juridique;
Que soit également reconnue la complexité
des situations interculturelles et que l'accompagnement de celle-ci nécessite
plus de temps et d'investissement;
Compte tenu de ce qui précède, qu'il y ait
la possibilité de réévaluer la durée de certaines décisions de placement
au-delà des délais prévus;
Que, dans une logique de cohérence, la Loi
de la protection de la jeunesse s'inspire des dispositions applicables aux
familles autochtones en les adaptant à la réalité des minorités
ethnoculturelles. Sont concernés :
Les modalités de prise de décision
concernant le parcours de l'enfant;
Le recrutement de familles d'accueil
issues de la diversité culturelle;
Le choix d'une famille d'accueil ayant une
proximité culturelle avec la famille d'origine ou, si ce n'est pas possible,
que la famille d'accueil possède une réelle sensibilité à la différence
culturelle;
L'identification des proches et des
personnes proches et significatives pour l'enfant, tant sur le plan affectif
que sur le plan culturel;
Que, dans une optique de prévention,
plusieurs actions soient mises de l'avant, en amont, avant qu'un signalement
soit retenu :
Par une formation en interculturel des
principaux signalants, à savoir professionnels de la santé et services sociaux,
personnels du milieu scolaire, les garderies et le policier;
Que, dans toutes les situations
nécessitant une décision, à toutes les étapes du processus, soient consultés
les intervenants familiers et formés à l'interculturel, <les...
Mme Martins Borges (Lucienne) :
...à toutes les étapes du processus, soient consultés les intervenants
familiers et formés à l'interculturel, >les intervenants pivots
interculturels, et, pour le milieu scolaire, les agents en milieu interculturel
et le RAMI, les réseaux d'agents du milieu interculturel;
Que, dans tous les cas, soient privilégiées
des actions en amont en valorisant une approche de proximité où les acteurs de
la communauté sont mis à contribution, notamment les organismes communautaires
dédiés, et ce, de façon concrète... concertée;
Que, pour faciliter l'accompagnement et le
transfert culturel, notamment des pratiques parentales, des soins à donner à l'enfant,
soit instituée pour les familles migrantes issues des sociétés traditionnelles
une période d'acculturation à la parentalité :
En créant des espaces d'échanges et de
partage où les bonnes pratiques éducatives peuvent être discutées entre les
familles arrivantes, les familles déjà installées et les intervenants;
Concernant les intervenants :
Que soient mis de l'avant des programmes
de formation continue en interculturel, dont le suivi sera obligatoire pour
tous les intervenants oeuvrant au sein de la protection de la jeunesse,
incluant les personnes assumant des fonctions décisionnelles. Certains
intervenants ont plus de sensibilité culturelle que d'autres. Dans cette
optique de partage pourraient s'instituer les communautés des pratiques en
interculturel favorisant l'acquisition de connaissances et le maintien de l'attention
aux particularités des situations en interculturel, et ce, durant toutes les
étapes du processus. Ces communautés de pratique permettraient également d'assurer
continuité et cohérence lorsqu'il y a des étapes, des changements ou des
décisions — j'ai presque terminé;
Que les intervenants aient l'obligation de
préciser dans leurs rapports comment la prise en compte des caractéristiques
culturelles s'est concrétisée dans leurs interventions, leurs analyses, leurs
décisions et les définitions de trajectoires, enfin, quelles actions concrètes
ont été posées et évaluées;
Qu'une modalité d'information et de saisie
des données soit clairement définie, obligatoire et accessible pour toutes les
situations interculturelles : origine culturelle, statut migratoire,
parcours prémigratoire et postmigratoire. Cette mesure aurait pour effet d'encadrer
et de mieux définir les interventions et de prévenir certaines distorsions d'orientation
dès le départ;
Que soit rendu obligatoire le recours à un
interprète dans toutes les étapes du processus pour éviter incompréhension et
malentendus. Une attention particulière doit donc être portée à tout ce qui
concerne les modalités de transmission et d'information et s'appuyer sur les
habitudes culturelles propres à ces personnes;
Que des outils d'aide à la décision et à l'évaluation
du développement de l'enfant et des habiletés parentales soient validés
culturellement et utilisés par les intervenants.
L'objectif de ces recommandations est de
rendre, donc, la Protection de la jeunesse culturellement compétente et
sécuritaire dans l'application des mesures et dans le respect de son mandat. Merci.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons initier
cette période d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
17 min 37 s.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour à toutes et à tous à cette nouvelle semaine
d'audience. Merci beaucoup à nos invités d'être là. M. Pocreau, Mme Martins
Borges, merci.
Écoutez, le sujet dont on aborde est
vraiment très important, puis c'est quelque chose qui me tient à coeur
également. Nous, ce qu'on a fait jusqu'à présent, depuis qu'on est arrivés, c'est
dans le... Il y a un programme qui s'appelle programme négligence, d'accord,
qui souvent est en lien avec, comme vous l'avez mentionné, les différences
culturelles de parentalité. Beaucoup des signalements sont... dans les
communautés sont dus à ces différences culturelles là. Certains programmes ont
été implantés avec succès, là, le Bureau de la communauté haïtienne de Montréal
en a un, la communauté afrocanadienne en a un autre. Mais, dans d'autres
régions, comment ça s'implante? Et comment vous voyez qu'on pourrait améliorer
cette collaboration avec les organismes communautaires et la première ligne?
Parce qu'on parle toujours de la DPJ, mais l'important, comme vous dites, c'est
d'agir en amont. Comment on peut améliorer cette collaboration-là?
M. Pocreau (Jean-Bernard) :
Bien, je pense qu'il serait d'abord souhaitable d'avoir une plateforme pour les
organismes communautaires qui pourraient agir de façon concertée, hein? Je
constate, en tout cas, c'est une observation, que les organismes communautaires
qui ont le mandat en lien avec les communautés ethnoculturelles pourraient
gagner en efficacité s'il...
10 h (version révisée)
M. Pocreau (Jean-Bernard) : ...il
y avait des échanges, et l'organisation, comme on l'a souligné, ici, et proposé…
l'organisation de stages ou d'ateliers en parentalité qui pourraient d'ailleurs
s'inspirer, là, je dirais, d'une façon générale, bien sûr, de la francisation.
On considère que la francisation est un processus important pour l'inclusion
des personnes, mais il n'y a pas que la francisation, il y a également la
parentalité, comment vivre ensemble et en famille dans la société d'accueil.
Donc, ce seraient des stages ou une façon
de penser et d'aider ces personnes-là qui viennent d'ailleurs, bien sûr, pas d'une
façon coercitive, là, mais, dès qu'on sent qu'il y a une certaine
vulnérabilité, leur proposer l'accès à cette plateforme organisée par les
organismes communautaires. Bien sûr, il y a aussi l'implication des différents
partenaires au CIUSSS, ici, à Québec, de la Capitale-Nationale, dans les
différents programmes, et, là encore, ce qui existe actuellement, ce sont quand
même des actions concertées, des concertations quand il s'agit des situations
complexes concernant les communautés.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
J'ajouterais que le Québec, hein, il est très divers en termes d'organisation
sociale, de profil de la population. Lorsqu'on a un programme comme négligence…
passerelle, des programmes qui sont transversaux, hein, au Québec, il faudrait
s'arrêter sur les particularités des régions. En ce qui concerne l'immigration,
le programme de régionalisation définit déjà la différence entre Montréal, et
le Grand Montréal, et les régions. Lorsqu'on donne une formation, on donne
annuellement des formations ici, au CIUSSS, nous, nous avons une salle d'intervenants
québécois pour parler des situations d'ailleurs, et ça, ça demande aussi une
adaptation des pratiques. Mais moi, je dirais que la concertation, impliquer
les milieux communautaires, mais avec aussi le réseau, dès le début, hein… Et
les familles, là, vous avez nommé les familles, chez les familles haïtiennes,
vous voyez… Donc, dès le début, hein, que ça soit des gens de la communauté,
des milieux communautaires et le réseau autour d'une concertation et d'une
trajectoire de santé et dans les services sociaux dès le début, moi, pour moi,
c'est ça qui est préventif, et c'est là qu'on intervient en première ligne et
en amont.
M. Carmant : D'accord. Merci
beaucoup. J'ai beaucoup aimé votre commentaire sur l'accueil à l'arrivée. Puis
effectivement on vient de déposer un plan d'action en santé mentale, et il y a
une contribution du ministère de l'Immigration pour ce qu'on appelle une
trousse santé mentale pour les familles immigrantes, pour qu'ils sachent qui
contacter quand ils arrivent au Québec. Est-ce que vous pensez que ce serait
possible de faire quelque chose de similaire quant à la parentalité? Est-ce que
ça existe déjà? Est-ce que vous avez déjà vu ça ailleurs?
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Bien, je pense qu'on peut faire quelque chose de semblable en ce… concerne
tout type d'information sur la société d'accueil, parce qu'en fait ces
personnes-là ne connaissent pas… Pour plusieurs, elles ne pouvaient même pas
situer le Canada avant d'arriver au Canada. Donc, ils ont tout à apprendre, oui,
mais ce n'est pas suffisant, hein? Ce n'est pas suffisant, parce que, pour
plusieurs, ils ne parlent pas la langue, et, même si c'est dans leur langue, il
y a toute la représentation culturelle des mots, hein, les compréhensions
autour de ces notions-là. Donc, je pense que c'est la première étape, et que ces
transferts culturels se passent toujours par des actions concertées, hein, où
il y aurait un peu comme des médiateurs qui vont un peu traduire, hein, les
bonnes pratiques de la société d'accueil à ces personnes-là. Ils ont énormément
d'information lorsqu'ils arrivent, et c'est très difficile de les intérioriser,
de les assimiler. Donc, je pense que c'est une première étape sur laquelle un
groupe peut s'appuyer pour continuer les actions de transferts culturels.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Et,
si vous me permettez, j'ajouterais à ce que dit Lucienne que l'accueil ne doit
pas se limiter à quelques semaines ou à quelques mois. C'est un processus qui
prend du temps justement parce qu'il y a une quantité considérable d'information
qu'ils doivent assimiler et qui n'ont pas encore fait de sens pour eux. Donc,
il faut penser à un accueil étalé dans le temps pour permettre à ces personnes
d'assimiler et de transformer certaines pratiques parentales.
M. Carmant : Et dans
quel espace ça se ferait, ça? Tu sais, moi, je suis fils d'immigrants, là, je
le sais bien, tu sais, tu arrives, tu cherches du travail, tu travailles, tu
cherches à te nourrir. C'est l'accueil, l'arrivée chaotique, là, pour la
majorité des immigrants. Ça fait que dans quel espace on <fait...
M. Carmant :
...espace
on >fait ça, là, ce... tu sais, formation... C'est complexe, là, c'est
complexe.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Oui. Moi, je trouve qu'il y a un espace qui est... qui pourrait être privilégié
parce que c'est un espace qui fait déjà partie de l'imaginaire des immigrants…
que c'est la francisation, hein? Nous avons, là, et nous mettons vraiment de l'avant
l'importance de la francisation, de l'acquisition de la langue dans un
processus d'adaptation et d'inclusion, hein? On ne fera pas un débat autour de
la langue, mais vous savez la place que cela occupe, c'est la façon qu'on va
donner à ces personnes-là de pouvoir aller à l'épicerie, de commencer à
travailler, de reprendre un rythme de vie, de se sentir appartenir, et etc.
Donc, moi, je pense qu'il faudrait associer ou prendre l'expérience des gens
qui sont sur le terrain en francisation, qui ont les habiletés, les ressources
pour faire le transfert de la langue. Maintenant, c'est comment on fait le
transfert d'autres notions, dont celle de la parentalité?
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Il
pourrait y avoir une certaine coordination entre les programmes de
francisation, leur contenu, et l'apprentissage des pratiques, des bonnes
pratiques auprès des enfants. Ils les apprendraient en français. Disons qu'on
pourrait donc regrouper certains objectifs dans une même plateforme, si l'on
peut dire.
M. Carmant : D'accord.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
…vous dire que le… excusez-moi, si je peux juste ajouter une information…
M. Carmant : Non, non, allez-y.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
…que cet apprentissage-là, il se fait à des degrés divers, parce que l'enfant,
il va à l'école, et c'est à l'école qu'il apprend comment fonctionne la société
d'accueil, et lui, il apprend beaucoup plus rapidement que ses parents. Donc,
il devient un peu ce traducteur de la société d'accueil puis il va apprendre
certaines notions, comme celle, hein, même du 9-1-1, et etc., beaucoup plus
rapide que ses parents.
Donc, on voit bien que l'école transmet.
Alors, comment utiliser l'école… mais aussi pour transmettre non seulement la
langue, mais aussi la culture? Nous avons, si je regarde ici, à Québec, le
centre Louis-Jolliet, hein, avec qui on travaille, c'est un milieu scolaire,
pour la francisation, qui fait très bien aussi ce travail, là, de transmission
aussi de la culture ou de certains éléments de la culture, mais ce n'est pas
une obligation, vous voyez? Comment on peut le transformer comme une obligation
ou comme une pratique, hein, prévue par le programme?
• (10 h 10) •
M. Carmant : D'accord, bien,
le point est bien passé. Autre chose qui m'intéressait beaucoup, c'est que vous
avez parlé des familles d'accueil. Je pense, ça, c'est un autre défi, là,
demandé à une famille immigrante, là. Maintenant, nous, ce qu'on a fait, c'est
qu'on a relancé un programme qui s'appelle Ma famille, ma communauté, dont le
but, c'est justement ça, là, tu sais, que, quand il arrive quelque chose, au
lieu de judiciariser la chose, c'est vraiment de prendre le cercle élargi de l'enfant
pour trouver d'autres ressources autour de l'enfant. Cependant, ce qu'on voit,
c'est que, comme le cercle est plus petit, il y a peu de gens qui lèvent la
main. Comment on fait pour élargir ce cercle-là?
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Oui. M. le ministre, moi, je pense qu'on aurait beaucoup de familles de la
communauté qui seraient ouvertes à devenir familles d'accueil. C'est que l'approche,
elle doit être différente. J'entends souvent des intervenants qui vont dire :
Bon, ils sont déjà à court dans les ressources financières, et etc. Mais on
pourrait s'appuyer sur toute la notion de collectivisme communautaire des
sociétés traditionnelles. Et je pense que, si on accompagne les familles d'ailleurs
pour devenir familles d'accueil, cela aurait une double contribution, à la fois
être familles d'accueil puis, par la suite, avoir aussi un nouveau statut dans
la société d'accueil pour ces familles-là qui deviennent familles d'accueil.
Donc, moi, je pense que ça serait un projet, oui, qui est différent et qui a
des défis, là, à relever, mais qui serait très porteur.
M. Carmant : C'est bon.
Autre commentaire, aussi, qui m'a… que j'ai relevé, c'est quand vous parlez des
dispositions autochtones, et qu'on pourrait modeler un peu au niveau des
communautés ethnoculturelles… Vous voyez ça comment dans le projet de loi, ce
serait comme ajouter un projet de loi distinct?
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Non.
Je pense qu'il y a possibilité... Je ne suis pas juriste ni dans la
législation, donc, j'ai peut-être des propositions qui sont difficiles à
appliquer, mais la logique qui s'adresse aux communautés autochtones,
concernant <justement...
M. Pocreau (Jean-Bernard) :
...concernant
>justement la continuité culturelle pour garantir beaucoup plus une
bonne santé mentale, un bon développement, je pense que cette règle-là, cette
logique-là peut s'appliquer pour les communautés venues d'ailleurs et qui ne
sont pas autochtones, qui sont dans la même situation, avec des différences,
bien sûr. Alors, quand on fait des recommandations de s'inspirer de la loi sur
les communautés autochtones, c'est, comme on l'a souligné, dans le choix des
familles d'accueil, dans les décisions qui sont prises pour la trajectoire de
ces enfants-là, ainsi de suite. Mais il me semble que ça peut être très bien
intégré à la Loi sur la protection de la jeunesse sans en faire une autre à
côté ou en annexe parce qu'on s'appuie sur une logique qui est clairement
démontrée, la pertinence pour les familles autochtones.
Mme Martins Borges (Lucienne) : Parce
que, si on regarde quel est l'avantage, là, quand on regarde la loi plus
adaptée aux communautés autochtones, ils nous disent un peu, à l'intervenant,
comment il peut faire… et qu'est-ce qu'il peut faire. Avec les communautés
ethnoculturelles, on dit qu'il faut tenir compte… mais tenir compte comment? Et
vous savez qu'on est beaucoup en contact avec les intervenants. Ils sont très
soucieux de l'application de la loi. Alors, si on ne le dit pas, qu'est-ce qu'on
peut et comment on peut le faire, ils ne pourront pas le faire par insécurité,
hein, par impuissance, hein, parce qu'ils ont peur de mettre l'enfant... Est-ce
que c'est la bonne décision ou non? Donc, c'est un peu donner certains critères
comme l'obligation de l'interprète, l'accès à telle famille, comme on l'a pour
les familles autochtones. Donc, c'est une façon de guider les intervenants dans
leur proposition.
M. Carmant : Super. Puis je ne
peux pas vous laisser avant de parler de formation, hein? Moi, je crois
tellement à ça, là. Quels sont les freins actuellement à la formation… aux
différents intervenants que vous avez mentionnés?
Mme Martins Borges (Lucienne) : Si
je prends, par exemple, l'exemple du CIUSSS de la Capitale-Nationale, ils ont
un programme de formation continue en interculturel qui est bien, très bien, je
vous invite à aller le consulter si vous avez l'opportunité et l'intérêt, là,
qui part dès le début, hein, dès… une formation de base sur qu'est-ce qu'un
immigrant, hein, jusqu'aux interventions, aux modalités et aux méthodes
probantes, là, dans l'intervention en interculturel. Nous, ça fait 22 ans
que nous sommes avec les CIUSSS, puis, pour moi, lorsque je regarde ces réseaux
aujourd'hui et il y a 22 ans, on n'est plus du tout à la même place, vraiment
pas, mais on est persistants, on est persévérants, on est présents, etc. On ne
s'est pas essoufflés.
Le grand défi, c'est la continuité de la
formation, parce que c'est... Il faut que ça soit de la formation et non pas de
l'information. L'information ne reste pas. On peut la consulter, mais elle ne
reste pas. Il faut qu'il y ait un suivi, quelque chose qui soit continu auprès
de ces intervenants-là, puis voir quels sont ceux qui ont… les plus sensibles à
la question culturelle, puis devenir un peu les références à l'intérieur de
leur propre réseau. Vous voyez, il ne faut pas avoir, là, des coins vides, des
zones mortes, oui?
Une voix : …
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Un petit problème… Des angles morts, c'est ça, petit problème de langue,
mais... Et puis ça sépare tout ce qui est continu. On a beaucoup de… On forme
puis après on oublie pendant cinq ans. On vient de perdre tous les
investissements qu'on a faits.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Et
je pense que ce qui est nommé ici est particulièrement pertinent en ce qui
concerne la difficulté de la continuité. Il y a… Je pense que ce n'est un
secret pour personne, mais la continuité et la permanence des intervenants dans
leurs postes est très mobile, hein? Je pense qu'il y a ce mouvement, là, de
mobilité, pour toutes sortes de raisons professionnelles, qui rend difficile la
continuité de la formation. Ça, c'est une réalité importante. Ce n'est pas une
question budgétaire, c'est vraiment une question organisationnelle, qui est un
constat.
L'autre facteur, c'est aussi la
disponibilité des intervenants ou l'intérêt de certains intervenants à la
formation en interculturel. Comme l'a dit Lucienne, les sensibilités à la
question interculturelle n'est pas partagée par tous, et le degré de, je
dirais, capacité à gérer le risque pour certaines décisions n'est pas non plus
partagé par tout le monde de la même façon. Et on sait que, pour les situations
interculturelles, la considération du risque est peut-être plus difficile à
faire qu'avec une famille native d'ici.
Mme Martins Borges (Lucienne) : Je
dirais que <cette...
Mme Martins Borges (Lucienne) :
...que >cette formation devrait aussi commencer à l'université. Nous n'avons
pas les approches interculturelles enseignées dans tous nos programmes. Ça
dépend souvent de l'engagement de certains professeurs dans certains
programmes, mais ça serait beaucoup plus facile pour nos réseaux, hein, si on
avait des intervenants qui arrivaient avec un petit bagage, soit-il en
interculturel.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. C'est tout, M. le ministre. Alors, je vais
maintenant céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Madame, vous
avez 12 min 46 s.
Mme Weil : Merci, M. le Président.
Alors, bienvenue, M. Pocreau, Mme Martins Borges.
J'ai été ministre de l'Immigration pendant
cinq ans, et ça fait vivre mes anciennes amours, disons, et on parlait beaucoup
de ce travail de terrain, de l'intégration, etc., et l'accueil. Bon, on ne
parlait pas d'intégration, mais vraiment de relations interculturelles. Et,
moi, ce que j'avais remarqué… Finalement, on a signé une entente avec la ville
de Montréal. Je percevais, quand j'allais dans toutes les régions… Les villes
veulent jouer un rôle important. Elles veulent accueillir et aider ces
nouvelles... arrivants de bien s'intégrer dans leur milieu. Et moi, je trouve
que la ville, c'est vraiment… oui, l'argent viendrait du gouvernement, mais
cette proximité… et j'ai vu des maires très déterminés à jouer un rôle.
Donc, Montréal… On parlait beaucoup
justement de comment Montréal pourrait… Alors, on a signé une entente qui ne
change pas l'entente Canada-Québec, mais qui fait en sorte, en immigration…
fait en sorte de leur donner certains pouvoirs d'accueil, et ils ont ces
programmes-là. Je voulais vous entendre sur… Évidemment, dans… Exactement dans
le sens que vous dites… Donc, ça, c'est ma première question. Je vais vous
laisser répondre. Puis vous me donnez assez de temps pour ma deuxième, qui va
toucher la question des signalements provenant des écoles, et comment vous
voyez tout ça.
• (10 h 20) •
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Donc, si j'entends bien votre question, c'est quelle est la place qu'occupe la
ville dans ces processus-là d'accueil…
Mme Weil : Et que peut
jouer la ville.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
…et qu'elle peut jouer, c'est ça. Bien, la ville, c'est le premier lieu d'attachement
de ces personnes-là, c'est le premier lieu, hein, physiquement, parce qu'au
niveau symbolique c'est le Canada, après ça vient le Québec, mais où il va se
construire, c'est la ville. Alors, effectivement, là, quand on pense à tous ces
programmes-là, je pense que les municipalités et la ville doivent être présentes.
Je suis entièrement d'accord. On a, à Québec, du moins, hein, c'est… où je
connais le mieux, de plus en plus de projets, si je regarde maintenant… une
tentative de répertorier ces formations qui sont données, quels sont les
experts sur le terrain. Donc, oui, je suis d'accord, là, que la ville doit
aussi occuper un rôle important dans cette proximité.
Mme Weil : Donc là, j'aimerais
vous poser la question… quand les choses se corsent, et les organismes
communautaires sur le terrain connaissent un peu ce phénomène, donc, le
signalement. Donc, l'enfant est en détresse, il y a des signaux qui font que le
prof est inquiet, et donc la DPJ, donc, entre dans le portrait. Comment est-ce
que vous avez regardé tout ce processus et les outils que ça prendrait? Parce
que ceux qui connaissent bien les milieux et les différentes communautés
culturelles, qui ont des différences dans leurs approches concernant la
discipline ou comment élever un enfant, des valeurs différentes, etc., sont
bien connaissants, puis certains organismes ont déjà... sont en amont, sont en
amont pour échanger avec les parents et tout, mais, avec la DPJ, est-ce que
vous avez eu l'occasion de creuser cette question-là, comment les directeurs de
protection ou la direction de protection de la jeunesse puissent avoir aussi
une meilleure compréhension… On a parlé de formation, évidemment, mais de votre
expérience, en parlant du présent, là, quelles seraient-elles?
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Excusez-moi de préciser parce que je veux bien répondre, là, à votre question.
Donc, quelles seraient les connaissances des directions, c'est ça, en
interculturel?
Mme Weil : Et de votre
expérience, et observations, et études face aux réactions du système, on dira,
tout simplement, quand un enfant est en danger, quelles seront... quelles
sont-elles et quels changements, modifications faudrait-il appeler? Là, je
parle… quand la situation devient sérieuse.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
O.K., quand c'est sérieux. Bien, je vais commencer par une idée, là, qu'on n'a
pas pu présenter parce que, malheureusement, on avait juste 10 minutes.
Alors, on en a gardé quelques-unes pour après. Nous, on a déjà <été...
Mme Martins Borges (Lucienne) :
...déjà été >en contact… J'aimerais vous dire qu'au SAPSIR, O.K., nous
avons environ 70 % des personnes qu'on suit qui sont en contact avec la
protection de la jeunesse, 70 %, ce qui est énorme, ce qui est énorme
parce qu'ils sont tous... ils viennent nous voir, c'est parce qu'ils ont une
souffrance psychologique. Je ne dis pas qu'ils ont un problème de santé mentale,
c'est qu'ils ont une souffrance psychologique qui découle de leur parcours
migratoire, et à cela s'ajoute pour plusieurs, dès l'arrivée, le signalement ou
d'autres éléments comme ça.
Quel est le problème, c'est que nous
sommes là, devant des personnes qui ont eu une représentation de la protection
de la jeunesse avant d'arriver, et ça s'en parle dans les camps, vous voyez, et
on a, d'un autre côté, une société d'accueil qui a aussi une représentation,
déjà, de ces personnes-là. Donc, on ne s'entend pas dès l'arrivée, mais on a
eu, dans nos suivis, des... quelques suivis, que la collaboration avec les
intervenants de la protection de la jeunesse, c'est ça qui nous a permis de
sortir du pétrin, vraiment, à la fois de transférer cette parentalité, hein, de
négocier avec les juges lorsque nécessaire, vous voyez? Ça a été cette
collaboration-là.
Il y en a d'autres que non, puis on a eu
une fermeture, mais la fermeture, c'est souvent par insécurité, parce que les
intervenants, c'est ça que j'ai répondu tantôt à M. le ministre, ne savent pas qu'où
et jusqu'où ils peuvent aller, quels sont les critères, hein, d'adaptation des
pratiques, vous voyez? Bien, nous, on pense que, malheureusement, et pour
plusieurs questions, les signalements… où je dirais que la protection de la
jeunesse arrive trop tôt dans la vie de ces familles-là, trop tôt, qu'il
devrait y avoir d'autres ressources qui arrivent avant, qui arrivent avant. Donc,
ils arrivent trop tôt, par l'école parce que l'école est débordée, ils arrivent
par... à la garderie parce que la garderie est débordée et ne sait pas quoi
faire, arrivent... Vous voyez, nous avons un réseau qui est débordé, puis
malheureusement on voit beaucoup de ces familles-là qui subissent l'impact de
nos propres débordements.
Mme Weil : Oui, allez-y.
M. Pocreau (Jean-Bernard) : Bien,
j'ajouterai qu'une partie de la réponse est dans la formation, hein? Dans le
programme de formation auquel on participe, il y a la formation de ce qu'on
appelle les IPI, les intervenants pivots en interculturel. Parmi notre équipe,
dans notre équipe, avec les partenaires du CIUSSS et de la protection de la
jeunesse, nous avons deux personnes qui ont été formées comme intervenants
pivots en interculturel. Ils occupent une place, je dirais, pas privilégiée,
mais comme une place particulière dans l'organisation, parce que les autres
intervenants sont appelés à les consulter. Donc, ça, ça nous permet quand même,
en amont, d'éviter des signalements qui ne seraient... qui ne devraient pas
être retenus, disons. Et ce travail de collaboration, évidemment, doit être
amplifié, parce que, si on regarde la réalité, actuellement, on peut compter
sur la contribution de ces deux personnes, mais ça en prendrait beaucoup plus.
Bon, l'autre aspect, c'est, bien sûr, il
faut le dire, la réceptivité de la protection de la jeunesse. Je pense, quand
même, qu'il y a un certain nombre de personnes, pour des raisons qui peuvent
être liées à la quantité de travail ou à des raisons personnelles... ont du mal
à considérer les particularités des situations interculturelles, et on a une
résistance. Et je vous avoue que, dans bien des cas, quand on est en contact de
concertation pour des familles qui ont des enfants qui doivent être placés ou,
en tout cas, une autre décision, on est vraiment tiraillés parce qu'on a le
souci de la famille, de la personne qui tient, bien sûr, à ses enfants, et qu'on
accompagne, et la décision de la protection de la jeunesse, d'un placement,
éventuellement, même, d'une séparation des enfants, parce qu'il n'y a pas assez
de familles d'accueil.
Donc, c'est un vrai… un vrai tiraillement,
pour nous, là, de constater... Et je dirais qu'il y a urgence, là, pour réparer
ou pour corriger, je devrais dire, corriger, cet état de choses, et je pense
que c'est la formation à la fois des intervenants impliqués à la protection de
la jeunesse et également des signalants. Les signalants sont très insécures.
Alors, quand un professeur voit que la boîte à lunch n'a pas la couleur... n'a
pas la bonne couleur alimentaire, il se demande si c'est un cas de signalement
ou pas. Donc, il y a toute une marge d'incompréhension ou d'incertitude quand
il s'agit de décider d'un signalement, et c'est souvent la capacité de prendre
un risque ou de dialoguer avec ces familles-là <assez...
M. Pocreau (Jean-Bernard) :
...familles
là >assez tôt, avant que les relations dégénèrent par des blocages de
part et d'autre.
Mme Weil : Ce que vous dites est
vraiment intéressant, parce qu'on voit plusieurs niveaux, évidemment, d'intervention,
de prévention et plusieurs acteurs qui ne sont pas munis, qui ne sont pas
équipés… Et, comme vous dites, tout le monde a l'intérêt de l'enfant en tête et
dans le coeur, et ils ne veulent pas prendre de chance, mais j'ai quand même vu,
dans des jugements où c'est justement ces problèmes d'incompréhension entre
les cultures, où il y a des DPJ qui donnent une première chance, une deuxième
chance, une troisième chance, et ils sont tiraillés parce qu'ils doivent
normalement, en vertu de la loi, agir rapidement pour protéger l'enfant, mais
on le voit… et quand c'est vraiment sans issue, puis qu'ils ne réussissent,
bon, alors, c'est l'enfant qui va être retiré de... Mais, comme vous dites, c'est
inégal. Il n'y a pas de norme, nécessairement, il n'y a pas de formation et
tout ça qui aiderait le système des institutions, parce que tout le monde
est... On est tous des êtres humains, hein, tout au long de la chaîne, mais
cette...
Je vous remercie. Le temps, je pourrai le
donner peut-être à mon collègue s'il reste quelques minutes.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, avec consentement, oui, ça va. Alors, M. le député de
Jean-Lesage, vous prenez le relais.
• (10 h 30) •
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Merci beaucoup pour votre présentation. Quand on parle de surreprésentation
dans les enfants qui sont à la DPJ, là, avec... et qui viennent... bien, soit
les enfants noirs, soit les enfants qui ont d'autres origines, issus de l'immigration,
là, je vous pose une énorme question, là, ça va demander beaucoup de résumer,
mais, selon vous, qu'est-ce qui peut... Quel est le problème principal qu'on
peut régler pour éviter ça? Parce qu'il y a manifestement quelque chose qui se
passe, qui ne va pas bien. Est-ce qu'il y a quelque chose, dans la façon dont
la DPJ intervient, qui cause ça ou c'est autre chose?
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Bon, je vais y aller.
M. Pocreau (Jean-Bernard) :
O.K.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
C'est vrai que c'est une très grande question, complexe. Bien, moi, je dirais
que, lorsqu'on voit une différence comme celle-là, hein, c'est parce qu'il y a
une partie du tout qui interprète mal l'autre partie, vous voyez? Ici, on parle
de la surreprésentation des enfants noirs à la protection de la jeunesse, mais
on pourrait parler d'une surreprésentation de personnes venant d'ailleurs dans
les programmes en santé mentale en ce moment, surtout dans les troubles
psychotiques, etc. Pourquoi? Parce c'est de l'incompréhension.
Moi, je veux laisser… clair que nous
sommes tous, je pense, du moins, la majorité, de bonne foi, et que, des fois,
il y a des signalements qui sont faits par peur, par insécurité. Nous ne sommes
pas devant des intervenants qui sont malveillants. On est tout simplement mal
outillés. On est insécures face à une réalité parce qu'on ne la connaît pas,
hein? Elle est différente de nous. Alors, naturellement, je vais l'interpréter
avec les dictionnaires que j'ai et mon dictionnaire n'est pas applicable à la
réalité que je vois. Donc, toute cette différence-là qui va être différente de
mon dictionnaire, c'est ça qui va devenir dominant dans nos services. Donc,
moi, je dirais que c'est une différence d'une réalité, hein, entre deux choses.
Je vais quand même vous donner un exemple,
excusez-moi. Vous savez, nous, on est des psychologues dans un service de
psychothérapie, et la protection de la jeunesse, hein, ce n'est pas du tout mon
champ d'expertise, mais, il y a une journée, une personne qui m'a dit quelque
chose, une femme qu'on a rencontrée… et que c'est elle qui m'a convaincue qu'un
jour je devrais... je n'ai pas pensé que j'allais être là, mais que j'allais
faire quelque chose avec la protection de la jeunesse, que ce soit par un
projet de recherche, etc. Elle m'a dit : Vous savez, j'ai huit enfants — O.K.,
elle venait d'un pays de l'Afrique de l'Ouest — je suis ici pour mes
enfants, j'ai traversé, je suis partie de mon pays avec mes huit enfants,
dont deux qui avaient trois mois, moi et mon mari, on les a portés dans la
forêt, dans le noir, on a fait des trous pour les cacher, je n'ai pas mangé
pendant des jours pour pouvoir les nourrir, j'arrive ici, dans un pays que je n'ai
jamais vu ni connu, et c'est ici la première fois que quelqu'un me dit que je
ne suis pas une bonne mère.
Vous voyez, quand j'ai entendu ça, avec
tout mon bagage, là, et mes ressources, elle m'a mobilisée parce que j'ai...
10 h 30 (version révisée)
Mme Martins Borges (Lucienne) :
...elle m'a mobilisée, parce que je me suis dit : Comment je peux dire qu'elle
n'a pas les habilités parentales? Parce qu'elle a fait ce que, moi, je ne l'aurais
pas fait parce que j'ai peur du noir, des animaux, et tout ça. Mais je ne suis
pas une meilleure mère qu'elle. Alors, nous ne comprenons pas, il y a un
problème, il y a un malentendu entre eux et nous. C'est tout.
Le Président (M. Provençal)
:Rapidement.
M. Zanetti : Oui. Quel
témoignage! J'ai l'impression... je pense qu'il y a des gens, des intervenants
qui sont intervenus par rapport à l'article, dans la loi, qui parle de tenir
compte des différences ethnoculturelles, puis je pense qu'il y a des gens qui
ont peur qu'on applique, mettons, un relativisme culturel dans l'intervention,
qui fait qu'on tolérerait des plus hauts niveaux de danger. Mais vous, ce que
vous dites, ce n'est pas ça, c'est dire : Il faut mesurer le danger dans
une perspective... Dans le fond, c'est que ce n'est pas qu'il faut tolérer plus
de danger, c'est qu'il faut mesurer qu'est-ce qui est vraiment un danger dans
un code culturel différent. C'est ce que je comprends?
Mme Martins Borges (Lucienne) :
Exact...
M. Zanetti : O.K. Merci.
Mme Martins Borges (Lucienne) :
...entre autres, entre autres.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé puis
pour cet échange.
Nous allons suspendre les travaux pour
permettre aux prochains témoins de se joindre à nous. Merci beaucoup de votre présence
à notre projet de loi.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 42)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Alors je souhaite la bienvenue
à Mme Suzanne Zaccour, chercheuse en violences sexuelles, inégalités et droits
de la famille.
Madame, je vous demande de faire votre
exposé, vous disposez de 10 minutes, et par la suite nous procéderons aux
échanges avec les membres de la commission. Je vous cède la parole, madame.
Mme Zaccour (Suzanne) :
Merci. Je vous remercie de me recevoir et de me consacrer votre attention. Je
suis contente d'être ici aujourd'hui parce que je me sens très optimiste par
rapport à votre travail, et c'est pour ça que j'ai intitulé mon mémoire Nous
protégerons les enfants de la violence.
Je vous assure qu'il n'y a aucun enfant
qui veut vivre dans une maison où papa est violent envers maman, être exposé à
la violence et aussi être victime de violence. Et c'est pourquoi j'appuie la
recommandation des maisons d'hébergement d'ajouter l'exposition à la violence
conjugale comme un motif distinct de compromission. Mais cette recommandation
ne <réglera pas...
Mme Zaccour (Suzanne) :
...violence conjugale comme un motif distinct de compromission. Mais cette
recommandation ne >réglera pas le problème. Encore faut-il tirer les
bonnes conséquences de ce motif de compromission. Et donc c'est pourquoi je
vous recommande d'en faire plus avec ce projet de loi pour protéger les mères
et les enfants.
Vous savez, la violence conjugale, c'est
un cauchemar pour la mère comme pour l'enfant. Et là il y a la séparation et le
cauchemar continue. On l'oublie parfois, mais la violence, elle se poursuit,
même s'intensifie, après la séparation. Mais, quand même, la mère quitte, et
souvent, ça lui prend tout son petit change, au propre comme au figuré, mais
elle part parce qu'elle espère échapper au cauchemar. Et là il y a la DPJ et
les tribunaux qui arrivent, et là ce n'est plus le cauchemar, souvent, ce n'est
plus le cauchemar, c'est l'enfer.
Et vous pensez peut-être que je vais un
peu loin, mais je vous invite à consulter les mémoires des groupes de femmes,
les recherches sur l'expérience des femmes avec ce système et le rapport Rebâtir
la confiance. Et, si je pouvais, je vous inviterais même à faire un petit
tour dans ma boîte de courriels, où vous trouveriez des témoignages de femmes
qui me racontent comment elles ont perdu leur enfant, qui me racontent l'enfer
de savoir : Mon fils est chez son père violent et violeur, qui me
racontent : Je n'ai pas eu le droit de voir ma fille pendant trois ans, et
là je ne la verrai plus jamais parce qu'elle s'est suicidée le mois passé. En
fait, c'est toujours un peu la même histoire, et moi, je me sens assez
désemparée de ne pas pouvoir les aider, mais ces femmes me disent toutes :
Pour mes enfants, c'est trop tard, mais je vous raconte mon histoire en
espérant que ça puisse aider d'autres familles.
Comme celle de Rébecca, une mère qui a
suivi l'ordre de la DPJ de se séparer et d'aller en maison d'hébergement et qui
a obtenu la garde de sa fille. Et elle recommençait à se reconstruire, le
réveil après le cauchemar, et un jour elle fait une erreur, elle manque des
visites avec le père, parce qu'elle était malade, elle parle à la police des
agressions qu'elle a vécues, et c'est là que le père sort le mot magique. Vous
en avez entendu parler, c'est un mot qui fait que, dans un claquement de
doigts, tout d'un coup, tout le monde se met à pousser l'enfant vers le père
violent. La Cour supérieure, la chambre de la jeunesse, la DPJ, tout le système
s'y met. Et plus la mère, elle dit : Voyons, ça n'a pas d'allure, vous ne
voyez pas que l'enfant refuse de voir son père, vous ne voyez pas que l'enfant
veut être en sécurité avec moi, vous ne voyez pas que la violence continue, plus
elle dit ça et plus on la punit. Alors, la mère va passer en garde partagée,
puis ça va être la garde au père, puis ses accès vont diminuer, peut-être des
accès une fois par semaine, une fois par mois, accès supervisé, jusqu'à ce qu'on
arrive un jour où l'enfant, qui n'a pas nécessairement vraiment compris comment
tout ça s'est passé, se retrouve totalement coupé de sa mère.
C'est ça, l'enfer. Et l'enfer,
ironiquement, sous prétexte que l'enfant a besoin de ses deux parents.
Donc, c'est quoi, ce mot magique? C'est l'aliénation.
Et, si vous ne faites pas quelque chose pour purger le système de cette espèce
de magie noire maintenant, avec ce projet de loi, j'ai peur qu'on soit encore
là à la prochaine réforme. J'ai peur de me voir encore ici, dans 15, 20,
30 ans, et j'y serai, mais j'ai peur de m'y voir redire la même chose
encore : que la situation n'a fait qu'empirer.
Donc, je propose de vous donner la réponse,
là, à cette question que le ministre Carmant a posée la semaine passée :
Comment est-ce qu'on met fin à l'enfer? Comment est-ce qu'on empêche le système
de confier des enfants à des pères violents sous prétexte d'aliénation?
Récemment, dans... Radio-Canada, on avait
le témoignage d'une directrice de la DPJ, une directrice, pas une employée
quelconque, qui disait littéralement que, lorsque la mère parle contre le père,
c'est le père violent qui est le parent le plus apte. Donc, si on récapitule :
les problèmes du père, être violent; les problèmes de la mère, dire que le père
est violent; et c'est qui, qui gagne?, le père. Et qui perd? L'enfant. En fait,
dès qu'on applique cette pseudoscience, l'enfant perd sa voix, parce que tout
ce que l'enfant va dire, tout ce que l'enfant veut, ce que l'enfant demande, on
va considérer que c'est juste l'effet d'un lavage de cerveau. Et, à mon sens,
il y a seulement vous qui pouvez interrompre cette pratique dangereuse qui
détruit vie après vie. Ça prend absolument une intervention législative claire,
comme ça a été fait dans d'autres pays.
Alors, quelles sont mes recommandations? J'en
ai plusieurs, dans mon mémoire, qui marchent ensemble à différents niveaux. Je
vous propose notamment d'inscrire dans la loi une présomption que la violence
conjugale affecte l'enfant, qu'elle se poursuit après la séparation et que c'est
préférable de ne pas confier <l'enfant à un...
Mme Zaccour (Suzanne) :
...affecte l'enfant, qu'elle se poursuit après la séparation et que c'est
préférable de ne pas confier >l'enfant à un parent violent. Donc, c'est
une présomption, et une présomption, ça se renverse. Mais je pense qu'on peut,
en tant que société, présumer au moins que, jusqu'à preuve du contraire, un
père violent, ce n'est pas un bon père.
Je propose des amendements qui visent à
écouter l'enfant et ne pas écarter ses désirs comme si c'était juste une
marionnette sans ressenti propre. Je propose aussi plusieurs amendements qui
visent à éviter que, lorsqu'une mère dénonce une situation de violence, le
système la punisse et l'étiquette automatiquement comme une mauvaise mère. Et
je vous invite à faire le pas important, pour protéger les mères et les enfants,
d'interdire le recours aux théories de l'aliénation parentale, tout simplement
interdire le mot magique qui fait dire : Oui, le père est violent, oui,
l'enfant veut être avec la mère, mais... Il faut sauver les enfants de ce
«mais».
Comme vous l'avez peut-être déjà entendu,
la théorie de l'aliénation parentale, c'est de la pseudoscience. Mais même les
gens qui y croient reconnaissent qu'il ne faut pas l'appliquer quand il y a
violence conjugale et que ce n'est pas une raison pour confier la garde au
père. Mais qu'est-ce que la DPJ et les tribunaux en font? Ils l'appliquent dans
les cas de violence conjugale et confient la garde au père, sans même vérifier
ses compétences parentales. Autrement dit, on ne protège pas l'enfant, on punit
la mère. Or, les mères, comme les pères, devraient être jugées sur la base de
leurs capacités parentales, pas sur la base de c'est quoi, la relation entre le
père et l'enfant.
• (10 h 50) •
Je m'explique. Si la mère, elle a des
défauts dans sa capacité parentale, si l'enfant ne va pas bien, bien
évidemment, tout ça compte, et c'est important d'en tenir compte. Le mot
magique, on le sort quand on ne trouve rien d'autre. On dit : L'enfant va
bien, l'enfant veut être avec la mère, la mère est attentionnée, la mère s'est
toujours bien occupée de l'enfant, mais elle est trop proche de l'enfant, donc
aliénante. En fait, les mères accusées d'aliénation parentale, c'est des mères
coupables de, souvent, trop aimer leur enfant. Il faut qu'on arrête de blâmer
les mères pour les violences du père. Il faut qu'on arrête de punir les
enfants.
Je vous invite vraiment à consulter mon
mémoire, à intégrer les recommandations que j'y propose, que je juge absolument
essentielles, pour qu'enfin on écoute et qu'on protège les enfants. Récemment,
l'Espagne a pris des mesures pour interdire le mot magique. Et il y a tout
juste quelques jours, ça vient de sortir, le conseil national de la santé, au
Brésil, a aussi recommandé d'éliminer cette théorie de la loi, des pratiques
judiciaires et des services sociaux. Donc, je vous invite à suivre le mouvement
et mettre les droits des enfants au-dessus des caprices des pères violents.
On a beaucoup parlé du cas de la fillette
de Granby. On n'a pas beaucoup parlé du fait que, là aussi, il y avait le mot
magique. La grand-mère a été jugée à risque de provoquer un conflit de loyauté.
Donc, en d'autres mots, elle a été jugée aliénante, et on connaît les
conséquences que ça a eues. Je vous dis, quand on parle avec ce mot magique, on
n'évalue pas les capacités parentales, on punit.
J'aime penser que, grâce à vous et grâce à
votre travail, d'ici quelques mois, les femmes qui veulent protéger leurs
enfants auront l'appui de l'État, plutôt que de traverser un parcours de
combattantes, comme actuellement, qui mène parfois au répit, parfois au
féminicide. Et je veux pouvoir dire : Au Québec, on protège les enfants de
la violence. Je vous remercie pour votre attention.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie, moi, pour votre exposé. On va débuter
maintenant notre échange avec M. le ministre. M. le ministre.
M. Carmant : Merci beaucoup,
Me Zaccour, pour votre plaidoyer et pour l'exposé, là. C'est clair, où vous
êtes située. Moi, je suis... je vous appuie, là, tout à fait, là, par rapport à
l'exposition à la violence conjugale. Vous l'avez mentionné, l'épisode, là, où
la directrice avait mentionné l'impact de la violence conjugale. Puis il faut
aussi mentionner que j'étais sorti tout de suite après pour dire que la
parentalité a évolué, là. Puis ça, je suis tout à fait là avec vous.
Nous, on mise quand même beaucoup sur la
médiation pour, tu sais, les conflits sévères. Est-ce que vous pensez qu'il y a
comme... Qu'est-ce que vous en pensez d'utiliser la médiation pour essayer, tu
sais, d'éviter la judiciarisation, et <tout ça, là pour les...
M. Carmant :
...médiation
pour essayer, tu sais, d'éviter la judiciarisation, et >tout ça, là pour
les conflits entre les parents. Est-ce qu'on fait fausse route?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
important d'éviter la judiciarisation lorsque c'est possible, parce qu'effectivement
ce n'est pas agréable pour personne. Mais les études démontrent que les
médiateurs, médiatrices vont ignorer les violences conjugales, tout comme les
tribunaux, même lorsque c'est su, même lorsque c'est prouvé, et vont dire :
Moi, il faut que je sois neutre entre les deux parents, je ne tiens pas compte
de la violence conjugale. Donc, ce n'est pas possible d'avoir une médiation
juste entre un parent violent et une mère victime, ça ne va pas... Une
médiation, il faut qu'il y ait les deux personnes sur un pied d'égalité. Donc,
je pense que la médiation, ce n'est pas une solution qui va régler ce problème-là.
Je propose, dans mon mémoire, d'imposer
diverses obligations de formation, ce qui pourrait aider. Mais en ce moment, ce
qu'on constate, c'est que la médiation pour les femmes victimes de violence
conjugale, ce n'est pas du tout sûr que ça va fonctionner. Et c'est là qu'il
faut vraiment distinguer les conflits entre les parents et la violence
conjugale. Comme d'autres groupes vous l'ont dit, c'est vraiment deux
situations complètement différentes.
L'autre chose, c'est que, si... Dans mon
mémoire, je propose aussi que la DPJ puisse prendre des décisions avec un seul
parent, comme c'est déjà le cas en cas d'abandon, de négligence, et de rajouter
le cas de la violence conjugale. Parce que, présumément, la DPJ va proposer des
mesures qui sont dans l'intérêt de l'enfant, et, si la DPJ peut s'entendre avec
le parent protecteur, souvent la mère, bien, l'autre parent ne devrait pas
pouvoir mettre des obstacles, justement, en se disant : Moi, je veux aller
en médiation, moi, je veux aller devant les tribunaux, parce que je vais
continuer mon contrôle de cette façon-là.
M. Carmant : Et j'entends
aussi le point sur l'aliénation parentale. Comment ça s'est fait ailleurs, là,
pour retirer cette terminologie-là dans les cas de violences conjugales? Qu'est-ce
que vous nous proposez exactement, là? Parce qu'il y avait certaines de vos
propositions qui étaient très détaillées.
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui, bien...
M. Carmant : Comment vous
proposez de faire ça?
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci.
Il y a deux volets dans mes propositions. Il y en a une, celle qui est très
détaillée, effectivement, qui dit : Toutes ces choses-là ne peuvent pas
être retenues contre la mère, faire une dénonciation, essayer de protéger l'enfant.
Et peut-être vous les lisez et vous vous dites : Ça va de soi qu'on ne va
pas en vouloir à la mère juste parce qu'elle demande moins d'accès pour le père
ou juste parce qu'elle amène l'enfant chez le médecin pour vérifier s'il y a eu
peut-être des violences. Mais c'est ça, les cas où la mère est qualifiée d'aliénante,
c'est ce genre de comportements qu'on lui reproche. Donc, l'insérer clairement.
Ensuite de ça, je pense que la seule façon que ça fonctionne, si on veut
vraiment mettre fin à l'utilisation de cette théorie, c'est de dire dans la loi :
On ne peut pas l'appliquer. J'ai fait des propositions dans ce sens-là.
Et je vais répondre à votre question sur
qu'est-ce que les autres pays ont fait. Donc, en Espagne, on a la «Ley Orgánica
de 4 de junio», donc, une loi sur la protection de l'enfance et de l'adolescence
par rapport à la violence. Je vous épargne le titre complet en espagnol. Je me
suis permis de traduire la proposition qui dit que, dans la loi, les pouvoirs
publics prendront les mesures nécessaires pour éviter que les théorisations et
critères non scientifiques qui présument l'interférence ou la manipulation
adulte, comme le soi-disant syndrome d'aliénation parentale, puissent être
tenus en compte. Donc, c'est vraiment de dire : Interdit de l'utiliser.
Et au Mexique, où il y avait une loi qui
essayait d'encadrer l'aliénation parentale ou de la légitimer, cette loi a été
abrogée parce que ça faisait trop de problèmes pour les femmes et les enfants. Et
au Brésil, ce qui est recommandé, c'est également d'interdire l'utilisation,
par les tribunaux, les ordres professionnels, les experts, expertes de la DPJ
de vraiment le dire dans la loi : On ne peut pas utiliser cette théorie, et
de permettre ainsi que les parents soient évalués sur leurs capacités parentales.
M. Carmant : O.K. Et vous
nous suggériez également d'ajouter, dans le préambule, des considérants à
propos de la violence conjugale, encore pour renforcer le...
Mme Zaccour (Suzanne) : J'ai
fait cette proposition suite à une question d'une vos collègues dans une
présentation précédente. Il était question : Est-ce qu'il y aurait des
considérants qu'on pourrait rajouter? Évidemment, on sait que le considérant,
ce n'est pas le bout de la loi qui va vraiment régler tous les problèmes, c'est
plus symbolique. Mais, étant donné qu'on veut reconnaître la violence
conjugale, ça affecte négativement l'enfant, de le mettre dans la loi à
différents endroits, le considérant étant le moins important de ces endroits,
mais fait partie quand même, là, du message qu'on envoie pour dire : On
peut... il faut arrêter de dire ça. C'est juste de la violence conjugale, ça ne
concerne pas l'enfant.
M. Carmant : O.K. Bien, moi,
je trouve ça intéressant parce que, tu sais, <juste créer...
M. Carmant :
...Bien, moi, je trouve ça intéressant parce que, tu sais, >juste créer un
autre alinéa, ce qui nous a été proposé par d'autres, ça témoigne moins de l'intention
du législateur. Diriez-vous ça ou vous pensez que le geste clé, c'est vraiment
créer le propre alinéa «violences conjugales»?
Mme Zaccour (Suzanne) :
Bien, c'est-à-dire, je pense que créer l'alinéa, c'est important, mais voilà ce
qui va se passer. L'alinéa permet à la DPJ de s'impliquer davantage, parce qu'une
situation de compromission est détectée. La DPJ arrive, dit : J'ai
juridiction, parce qu'il y a une situation de compromission pour raison de
violence conjugale, et donc je prends des mesures, et je donne l'enfant au
père.
Si c'est ça qui arrive, on n'a pas avancé.
Donc, c'est pour ça que moi, je dis : C'est bien, le motif de
compromission, mais, si ça fait juste que la... Et ils ne le font pas
nécessairement directement, mais ça commence... La DPJ s'installe, parce qu'il
y a eu cette compromission, et ça finit avec : la DPJ recommande de
confier l'enfant au père. Là, on n'a pas avancé.
Donc, c'est pour ça que, si on veut
élargir, en quelque sorte, la sphère d'action de la DPJ, en se disant : La
violence conjugale, ça la concerne, je suis d'accord, il faut absolument les
exigences de formation et des balises qui disent : O.K., mais la DPJ ne
devrait pas recommander la garde au père, à moins qu'il y ait vraiment des
raisons de le faire, mais pas en raison de la violence conjugale. C'est pour ça
que je pense que cet amendement, c'est un début, mais ça ne peut pas être la
fin. Il faut rajouter d'autres balises, d'autres protections.
M. Carmant : Mais vous
pensez que l'intérêt supérieur de l'enfant, ce n'est pas suffisant, ça, c'est
clair, pour vous, là, à vous entendre, là.
• (11 heures) •
Mme Zaccour (Suzanne) :
Non, ce n'est pas suffisant, pour la raison suivante. Lorsqu'on a une expertise — et
vous verrez que je fais aussi des propositions pour les expertises — et
lorsqu'il y a des ordres professionnels... lorsqu'on a une expertise qui dit au
juge : L'enfant est aliéné, si vous ne le confiez pas au père, cette
enfant ne sera jamais capable d'avoir des relations amoureuses normales et ne
pourra pas devenir une bonne mère — j'ai vu ça dans des expertises,
ce n'est basé sur aucune science, mais c'est dans l'expertise — le ou
la juge ne peut pas vraiment se battre contre ça. Donc, l'expertise lui arrive,
et il y a des juges qui disent : Cet expert me recommande de donner la
garde à un père qui a été violent envers les enfants seulement trois fois, je
ne vais pas le faire. Mais il y a beaucoup de juges qui vont suivre la
recommandation.
Donc, l'intérêt supérieur de l'enfant, ce
n'est pas suffisant, parce que ce que les gens qui utilisent ce mot magique
vont dire, c'est qu'ils vont dire : Ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant
d'être aliéné, parce que l'enfant va perdre le père. Et on perd de vue le fait
que la raison pour laquelle l'enfant rejette le père, ce n'est pas la faute de
la mère, c'est parce que le père a été violent. Donc, ce n'est pas un guide
suffisant. Et, si ça... J'aurais aimé que ce le soit, mais, si ça l'était, on
ne serait pas ici aujourd'hui. Donc, il faut vraiment préciser c'est quoi, les
considérations à prendre en matière de violence conjugale.
M. Carmant : D'accord.
Bien, j'ai d'autres questions, mais je passerais la parole à ma collègue de Lotbinière-Frontenac,
là, qui a beaucoup d'intérêt aussi.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, je veux revenir concernant l'aliénation
parentale puis le conflit de loyauté. Vous proposez d'enlever ces concepts-là
seulement pour les cas de violence conjugale, je présume?
Mme Zaccour (Suzanne) :
Non, je propose de les interdire parce que c'est des théories qui n'ont pas fait
leurs preuves au niveau scientifique, ni que ça existe, ni que ça affecte les
enfants, ni que l'intervention judiciaire est nécessaire. Donc, souvent, ce qu'on
observe, c'est que des enfants qui rejettent un parent vont naturellement
reprendre la relation et que, moins on intervient au niveau judiciaire, mieux c'est.
L'autre raison pour laquelle on ne peut
pas l'interdire dans les situations de violence conjugale, c'est que les femmes
ne dénonceront pas la violence conjugale, de peur d'être pénalisées. Et donc ce
que j'ai observé, dans une étude de jugement, par exemple, c'est... Les cas d'aliénation
parentale ne mentionnent pas la violence, comme si ça n'existait pas. Mais,
quand on creuse un peu, on trouve des incidences de violence conjugale. Donc,
ce n'est pas utile de l'interdire seulement pour les cas de violence conjugale,
parce que, dès qu'on dit qu'il y a de l'aliénation, on va dire : Les
accusations de violence conjugale ne sont pas vraies. C'est une théorie
circulaire. Donc, le symptôme prouve le syndrome qui, lui, prouve que les
accusations sont fausses.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Mais ça m'étonne, parce que vous, vous dites
que l'aliénation parentale puis le conflit de loyauté, on ne doit pas prendre ça
en compte, là. Dans le fond, pour vous, ça n'existe pas, ces concepts-là, c'est
ça?
Mme Zaccour (Suzanne) :
Bien, c'est-à-dire que ce n'est pas... il n'y a pas de critère scientifique qui
permet de différencier l'aliénation de la violence, auquel cas la théorie n'est
pas utile. Donc, ce n'est pas vraiment une question de si ça existe ou pas,
mais c'est une théorie qui n'est pas utile. Si la mère fait des choses qui
nuisent à l'enfant, bien, là on peut en tenir compte. Mais l'aliénation, on s'en
sert quand la mère ne nuit pas à l'enfant.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Non, mais je comprends, tu sais, quand vous
parlez de la mère qui... tu sais il y a quelqu'un qui dit que la mère nuit à
l'enfant...
11 h (version révisée)
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
...vous parlez de la mère qui... tu sais, que... tu sais, il y a quelqu'un
qui dit que la mère nuit à l'enfant, mais, tu sais, je veux dire, par exemple,
un père qui dit à ses enfants : Bien, ta mère est ci, ta mère est ça, je
veux dire, je ne comprends pas si ça existe, la... l'aliénation parentale,
excusez-moi.
Puis, tout à l'heure, vous avez dit :
L'aliénation parentale, c'est trop aimer l'enfant. Est-ce que c'est ça que vous
avez dit ou j'ai mal compris?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
dans le fond, ce qu'on observe, les comportements où on juge que la mère est
aliénante, c'est souvent soit la mère dénonce la violence soit la mère est trop
proche de l'enfant.
Je vais répondre à... Je suis contente que
vous posiez la question sur le père qui dit : Ta mère est folle, par
exemple, O.K.? Généralement, ces comportements-là existent dans une dynamique
de violence conjugale. Et donc, si on a un droit qui tient compte de la
violence conjugale, on n'a pas besoin de dire : C'est un comportement
aliénant. On va dire : Ça fait partie d'une dynamique de violence
conjugale. Si ça ne fait pas partie d'une dynamique et qu'il y a un des
parents... En fait, les études montrent que les parents en conflit de
séparation, 100 % des parents ou presque vont dire ce genre de choses,
vont insulter l'autre parent. Tu sais, généralement, ça n'a pas d'impact sur l'enfant,
mais c'est quelque chose qui arrive. Dans les familles à haut conflit, on le
retrouve. Ça serait préférable que les parents ne fassent pas ça. Mais l'idée,
c'est qu'au lieu d'essayer de punir les parents, dire : C'est mal qu'ils
disent ça, on va le punir en lui enlevant la garde, ça ne donne rien, il faut
voir où est-ce que l'enfant est mieux et il faut résister à la tentation de
dire : On va essayer de punir le parent qui fait du mal.
Donc, je pense que, si on a un droit qui
tient compte des capacités parentales et de l'intérêt des enfants, donc, ça va
être suffisant... et de la violence conjugale, ça va être suffisant. On n'a pas
besoin de... Cette théorie fait une différence seulement dans les cas où ça n'affecte
pas l'enfant, sinon il y aurait quelque chose d'autre. Je ne sais pas si vous
voyez ce que je veux dire. Si on l'utilise, c'est parce que l'enfant va... Souvent,
c'est ça, c'est : l'enfant va bien, et la mère n'a rien fait de mal, et
donc on cherche un petit peu quelque chose à lui reprocher. Si, en plus de
cette soi-disant aliénation, la mère est négligente, ou le père, peu importe,
tout ça, ça peut être tenu en compte. C'est vraiment la théorie qui dit que le
rejet de l'enfant... on doit punir le parent quand l'enfant rejette un autre
parent qui doit être rejeté. Parce que les enfants qui rejettent un parent, il
y a souvent des raisons.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : J'aimerais revenir avec votre recommandation
n° 6 : «Encadrer la DPJ et les tribunaux pour
éviter qu'ils punissent les mères qui dénoncent la violence conjugale et pour s'assurer
qu'ils écoutent les enfants.» Comment on fait ça, encadrer et... encadrer la
DPJ puis les tribunaux, comment on fait ça?
Mme Zaccour (Suzanne) : Moi,
ce que je propose, c'est de dire... premièrement, de présumer que, s'il y a
violence conjugale, ça nuit au développement de l'enfant, que c'est un facteur
pertinent. Et je propose également d'inscrire dans les articles qui parlent de
la voix de l'enfant, qu'il faut écouter l'enfant, que l'enfant a le droit à un
avocat, etc., de dire que la voix de l'enfant doit être écoutée. Parce que l'aliénation
parentale, ça sert à ne pas écouter ce que l'enfant dit. On dit...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Puis comment on fait pour encadrer la DPJ
puis les tribunaux quand les enfants, par peur de... puis par conflit de
loyauté, un enfant ne parle pas à l'avocat, justement, pour ne pas s'aliéner l'autre
parent?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire, il y a différentes choses, là, l'avocat ou l'avocate qui fait ce
qu'il ou elle peut avec l'information qui sont disponibles. Mais, si l'enfant a
un... exprime un désir, et souvent ça fait des années que l'enfant dit :
Moi, je veux vivre avec tel parent, qu'on ne dise pas : C'est tout dans sa
tête ou c'est tout du lavage de cerveau, puis on dit : On va l'écouter.
Maintenant, si ce n'est pas sécuritaire de
l'envoyer chez un parent, par exemple, un enfant qui dirait ça pour faire
plaisir au père violent par peur, bien, évidemment, la sécurité de l'enfant va
toujours par-dessus les désirs de l'enfant, toujours. Mais, si ça... s'il n'y a
pas d'obstacle au développement de l'enfant et que l'enfant veut quelque chose,
on ne devrait pas dire : On ne va pas écouter rien de ce qu'il dit parce
que c'est un lavage de cerveau.
Et c'est là aussi que je propose
différentes choses, différents éléments pour répondre à votre question sur
comment est-ce qu'on encadre. Au niveau tant du tribunal que de la DPJ, je
propose : tels, tels, tels facteurs ne peuvent pas être retenus contre le
parent, par exemple, comme je disais plus <tôt...
Mme Zaccour (Suzanne) :
...facteurs ne peuvent pas être retenus contre le parent, par exemple, comme je
disais plus >tôt faire une dénonciation, faire des demandes par rapport
au droit d'accès, aller voir... consulter des professionnels, etc. Donc, ça, c'est
une autre façon d'encadrer pour ne pas qu'on dise : La mère est une
mauvaise mère parce qu'elle demande que le père n'ait plus d'accès. Non. Bien,
on va juger si le père devrait avoir des accès ou pas. Mais la... C'est le bon
forum. La mère, elle fait une demande au tribunal et on la juge. On ne va pas
la punir parce qu'elle a osé faire cette demande.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Bien, je vais passer la parole à ma collègue.
Le Président (M. Provençal)
: ...
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci.
Mme Zaccour (Suzanne) :
Merci.
Mme Guillemette : Merci.
Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Je vais y aller très, très
rapidement. Vous dites, dans votre recommandation 2, de «prendre des
mesures pour assurer la sécurité des enfants exposés à la violence conjugale».
On sait qu'il peut y avoir des conflits de loyauté, comme l'a mentionné ma
collègue. Quelles autres mesures on pourrait mettre en place? Et est-ce que l'accès
supervisé en lien.... via les organismes communautaires est un moyen également
de bien écouter l'enfant? Parce que, quand ils vont... ils ont accès à l'accès
supervisé, il y a un intervenant qui est là. Donc, est-ce qu'il n'y aurait pas
un lien à faire pour bien écouter l'enfant, à ce moment-là?
• (11 h 10) •
Mme Zaccour (Suzanne) : Tout
à fait. Une de mes recommandations, c'est de faire, justement, cette
présomption que, s'il y a un conflit sur la garde, que c'est le parent non
violent qui obtient la garde, et l'autre pourrait avoir des accès supervisés
qui permettent d'évaluer le niveau de danger. Ce n'est pas toujours approprié,
les accès supervisés, et puis, évidemment, c'est toujours une détermination au
cas par cas. C'est pour ça que tout ce que je propose, c'est juste des
présomptions réfragables.
Mais oui, c'est de dire : Il faut
tenir compte de la violence conjugale. Il faut que la DPJ prenne... que ces
mesures visent aussi à ce que la situation de violence conjugale cesse. Et, du
côté du tribunal et du rapport de la DPJ, il faut présumer que ça serait des
accès pour le parent violent, s'ils sont possibles et sécuritaires, et la garde
pour le parent non violent.
Mme Guillemette : O.K. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Je vais maintenant
céder la parole à l'opposition officielle. Alors, Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, c'est à vous de poursuivre l'échange.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup, Mme Zaccour. Vraiment, on a un plan de match, là. Parce
que les détails que vous mettez, les explications, surtout de regarder que d'autres
États dans le monde... Le problème, il est universel, malheureusement. Est-ce
que vous avez un commentaire à faire là-dessus? Dans le sens que c'est quand
même assez... Ce n'est peut-être pas particulier. Ceux qui étudient, justement,
l'égalité hommes-femmes, là, ça doit exister depuis toujours. Mais comment c'est
devenu institutionnalisé dans les lois de protection de la jeunesse, alors qu'on
parle de violence conjugale dans la loi actuelle, mais que l'interprétation et
la protection de la mère et de l'enfant ne semblaient pas vraiment... il n'y
avait pas de compréhension, disons?
Bon, alors... Et la question que je vous
pose, donc, votre recommandation à l'article 3, donc,
recommandation 5, est-ce que, ça, la manière que vous l'avez libellé :
«l'insertion après le deuxième alinéa des suivants», dans l'évaluation, la
proscription, là, dont vous avez parlé, ça, c'est exactement, ou à peu près,
comment c'est libellé dans les autres... le projet de loi au Brésil et la loi
espagnole? C'est de cette façon qu'ils ont, en partie...
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est...
Oui, il y a différentes approches. Effectivement, c'est un problème
international. Moi, je l'ai étudié dans plusieurs pays. Ça semble être pire au
Québec que dans le reste du Canada, vraiment pire. Il y a beaucoup... Cette
théorie est utilisée plusieurs fois plus que dans le reste du Canada, mais c'est
un problème qu'on trouve en Italie, au Mexique, au Brésil, en France, en
Angleterre. Et le problème est assez généralisé parce que c'est une.... c'est un
mot magique. Ça a comme donné une munition confortable. C'est plus facile de
penser : Ah! bien, c'est la mère qui manigance des choses que de penser :
Le père et violent. C'est difficile de penser ça parce que c'est... c'est vraiment
difficile à accepter.
Et effectivement, donc, souvent, ce qui a
été proposé... et puis je fais les recommandations subsidiaires d'encadrer qu'est-ce
qui se passe quand il y a de la violence conjugale, mais ce qui a été
recommandé pour vraiment mettre fin au problème, c'est l'interdiction pure et
nette au moins du syndrome d'aliénation parentale et de la théorie de l'aliénation
parentale. Et c'est une recommandation qui est en plusieurs morceaux, donc il y
a ce morceau-là, mais il y a aussi le... ce qui peut être dit, sans rentrer
nécessairement dans ce sujet, qui est : La sécurité et l'intégrité de l'enfant
et du parent victime de violence <priment...
Mme Zaccour (Suzanne) :
... qui est : La sécurité et l'intégrité
de l'enfant et du parent victime de violence >priment sur le maintien de
la relation avec l'autre parent. Ça, c'est une autre proposition que je fais. Parce
qu'on parlait plus tôt : Est-ce que l'intérêt de l'enfant suffit? Tout le
monde... C'est populaire de dire : L'intérêt de l'enfant, ça doit être la
seule considération, mais ce n'est pas vrai, il faut aussi protéger l'autre
parent. Ce n'est pas vrai qu'au nom de l'intérêt de l'enfant la mère doit se mettre
en danger. Et ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant que la mère soit en
danger. Je pense que les enfants des victimes de féminicide des derniers mois
ne pourraient certainement pas dire que c'était dans leur intérêt.
Donc, je propose de reconnaître que la
sécurité et l'intégrité de l'enfant et du parent victime, c'est ça qui est...
qui prime sur le maintien de la relation avec les deux parents. Parce que c'est
ça qui est démontré aussi dans les sciences sociales, c'est ça qui est
important pour le développement de l'enfant.
Mme Weil : Dans le reste du
Canada... parce qu'on se compare souvent pour voir s'il y a des innovations
ailleurs ou, comme vous dites, on semble être les pires. On n'aime pas ça, au
Québec, être les pires. Qu'est-ce qu'ils font dans les autres provinces? C'est
que ce n'est pas devenu un dogme, dans leur façon d'appliquer la loi? Il y a
plus de flexibilité et de nuances? Qu'est-ce que... Qu'est ce qui explique
cette différence?
Mme Zaccour (Suzanne) : C'est
difficile à expliquer exactement c'est quoi, le problème, mais on trouve qu'au
Québec c'est vraiment plus normalisé. Et ce qu'il faut comprendre aussi, c'est
que toute cette théorie qui touche de nombreux... de nombreuses familles... en
fait, il y a quatre ou cinq experts qui témoignent à répétition dans les
différents jugements. Donc, ça ne prend pas beaucoup pour que la théorie se
démultiplie et après, bon, c'est le précédent, donc ça a été fait avant, donc
on va continuer à le faire. Donc, c'est vraiment une des raisons, certaines
expertises, quatre ou cinq experts, expertes qui ont massivement témoigné
là-dessus.
C'est aussi... Je pense que le mouvement
des droits des pères a quand même historiquement été assez fort au Québec et a
mené peut-être à ce problème. Je n'ai pas une réponse définitive sur pourquoi
est-ce que c'est cinq fois pire au Québec, mais ça l'est, et donc, dans les
autres provinces, ils n'ont pas vraiment eu besoin encore de l'interdire ou de
prendre des actions extrêmement concrètes, quoique le problème, on l'a vu avec
les amendements à la Loi sur le divorce, ce n'est pas juste au Québec, là, qu'on
a des problèmes avec la question de la violence conjugale. Donc, c'est... le
problème est partout. C'est juste que, en nombre, au Québec, c'est un nombre
qui se... les centres de femmes, là, ils voient ça tous les jours, des
femmes... En fait, toutes les familles qui se séparent et qui vont chercher de
l'aide sont soit accusées d'aliénation parentale ou à risque d'être accusées d'aliénation
parentale. Et ce n'est pas très clair pourquoi, mais c'est clair, les
conséquences que ça peut avoir.
Mme Weil : Bien, je dois vous
dire... Bien, premièrement, donc, préambule, non, c'est vrai, les déclarations
des préambules n'ont pas d'effet particulier sur le traitement du dossier. Mais
je pense que c'est vraiment intéressant d'avoir ces préambules, parce qu'en
intégrant, justement, cette préoccupation de violence conjugale et l'aliénation
parentale, on est en train de hisser ce dossier de violence conjugale au
premier rang, là, premier rang avec les autres, et ça vient colorer l'interprétation
que devront avoir tout le monde : l'avocat, la DPJ, le tribunal. Alors,
dans ce sens-là... Je pense que c'est moi qui avais posé la question, s'ils
pensaient que ce serait intéressant. C'est parce que j'ai fait quand même
beaucoup de législation, et souvent on va se référer à ces considérants, s'il y
a des doutes, s'il y a un certain... ils peuvent être utiles. Et, dans une loi
aussi importante où c'est l'avenir de nos enfants, et on veut... on a une
commission qui nous a fait des recommandations, on veut s'assurer qu'on vise
bien ces grands principes.
Actuellement, moi, je dois vous dire, j'ai
eu beaucoup d'appels... beaucoup d'appels... il y a eu beaucoup d'articles, premièrement,
dans les journaux, sur ce phénomène. Au tout début, je ne comprenais pas ce que
ça voulait dire, puis là c'est des gens qui m'en ont fait part en tant que
critiques, et je trouvais ça incroyable, hein, la façon... Puis c'était
toujours la même histoire, la même histoire. Pour tous, évidemment, c'est moins
votre... ça sera nous, en commission parlementaire, quand on va faire l'étude
article par article. C'est... Il y a beaucoup de familles qui sont aux prises
avec tout ça actuellement. Est-ce que vous avez vu quand même des efforts qui
peuvent être faits en attendant que la loi soit adoptée? Il y a quel recours? La
Commission des droits de la personne? Est-ce que vous avez découvert... Parce
que, vous-même, vous avez dit que vous étiez aux prises avec ces demandes puis
vous ne saviez pas trop comment orienter ces femmes. Aviez-vous trouvé une
formule magique pour ces cas-là qui...
Mme Zaccour (Suzanne) : Non...
Oui. Malheureusement, il y a déjà divers problèmes, dont le premier est un
manque <aussi...
Mme Zaccour (Suzanne) :
... il y a déjà divers problèmes, dont le premier est un manque >aussi d'accompagnement
juridique pour ces femmes, parce que, même si on a maintenant, heureusement,
des ressources d'information juridiques, se battre contre ce mot magique, c'est
un dossier qui va prendre des années. Et il y a très peu d'avocats et d'avocates
en droit de la famille qui peuvent prendre ces dossiers. Et il faudrait encore
que les mères aient les moyens. Donc, ça, c'est un problème. Et une solution
évidente, ça serait de donner accès à l'aide juridique aux femmes victimes de
violence conjugale, peu importe le niveau de revenus, pour qu'elles puissent se
défendre.
Je sais qu'il y a la formation qui est la
formation sur la sécurité des enfants en contexte de violence conjugale qui a
été développée par des collègues, notamment Simon Lapierre, Isabelle Côté, et
qui vont former des intervenants et intervenantes de la DPJ, et qui ont du
succès, et que les pratiques semblent changer tranquillement, mais ça fait une
différence, et c'est une formation de 26 heures qu'ils donnent.
Donc, c'est pour ça que ce que je propose
dans le projet de loi, c'est une formation annuelle obligatoire parce que ce n'est
pas en une petite formation d'une heure et demie sur... la violence, ce n'est
pas juste les coups. On n'est pas là. On a vraiment un problème de culture qu'il
faut comme déraciner. Et puisque le projet de loi propose un nouveau forum des
directeurs et des espèces de normes provinciales, c'est là que ça serait
intéressant que cet organisme-là soit chargé également de mettre en place des
formations sur la violence conjugale. Parce qu'ultimement, peu importe ce qu'il
y a dans la loi, si la personne qui gère le dossier se dit : Une femme qui
dénonce la violence, c'est sûr qu'elle ment, ou : Une femme qui dénonce la
violence, ça n'a pas rapport, ça ne dérange pas l'enfant, ça ne change rien, ou :
Une femme qui s'en va en maison d'hébergement, c'est parce qu'elle veut énerver
le père, bien là on peut mettre n'importe quelle loi qu'on veut puis c'est... on
sait bien que les préjugés inconscients prennent vraiment plus d'importance,
là, dans le travail quotidien.
• (11 h 20) •
Donc, au niveau des... la formation, c'est
toujours... c'est toujours une bonne solution. C'est rarement suffisant, mais c'est
toujours un bon début. Donc, ça, c'est ce que je propose, mais il faudrait s'assurer
que la formation soit offerte par des personnes qui ont l'expertise en violence
conjugale. Et c'est là que je reviens à plusieurs niveaux dans mes propositions :
les expertises, les évaluations, il faut que ce soit fait par les personnes qui
ont une expertise en violence conjugale. Les recommandations, les formations,
il faut que l'expertise soit là. Sinon, ça ne nous avance pas tellement.
Mme Weil : Bien, je vous
remercie. Et d'ailleurs, je pense, juste votre témoignage, l'intérêt que porte
tout le monde ici qui vous écoute, je dirais aussi les médias qui en ont parlé,
on va entendre les directeurs de protection de la jeunesse, d'ailleurs, qui
vous suivent, donc, je pense que, déjà, le système pourra se mettre en action
pour commencer à regarder, même les dossiers qui sont en cours actuellement,
regarder ce phénomène. On a beaucoup appris ces deux dernières années, donc
vous avez fait mention de ça. Je ne sais pas si vous avez une connaissance du
tribunal unifié et si la dimension... moi, ce que je comprends, c'est que la
dimension de protection de la jeunesse ne sera pas intégrée dans ces projets
pilotes. Est-ce que c'est votre compréhension?
Mme Zaccour (Suzanne) : Oui.
C'est aussi ce que je comprends.
Mme Weil : Est-ce que vous
pensez que ça pourrait être utile?
Mme Zaccour (Suzanne) : Bien,
c'est-à-dire qu'une critique qui est souvent faite, c'est le fait que, même
quand il y a des condamnations au criminel et que l'on dit toujours : Les
tribunaux ne se parlent pas, donc, même quand il y a... le père a des
condamnations au criminel, les cours de la famille ne s'en préoccupent pas.
Moi, ce que j'aimerais, c'est que la mère et l'enfant soient mis en sécurité
avant qu'on se rende aux condamnations au criminel, parce que c'est long, quand
même, que le dossier suive son cours, et donc je pense qu'il faudrait une
intervention rapide. Et, si ça prend la forme d'un tribunal spécialisé, certes,
je pense que ça pourrait aider, ou des personnes spécialisées à l'intérieur du
tribunal, mais il faut que l'expertise soit là.
Et c'est pour ça que j'ai répondu tantôt à
la question sur la médiation. L'étude empirique démontre... j'ai une étude en
tête que je pourrais faire parvenir à la commission, si utile, mais que les
médiateurs, médiatrices ne voient pas l'angle violence conjugale, voit l'angle
coparentalité. Donc, il faut s'assurer que, peu importe à quelle porte les
femmes et les enfants cognent, peu importe qui regarde le dossier, que ce
regard soit soit informé par l'enjeu de violence conjugale qui va toucher une
part très, très importante des dossiers. On ne parle pas d'une minorité de cas,
là, c'est le coeur du problème de la protection de la jeunesse.
Mme Weil : Oui. D'ailleurs,
dans les médias, on avait appris que même des hommes avec un dossier criminel
peuvent avoir garde de l'enfant. On fait fi de cette réalité-là. C'est pour ça
que je me disais, à quelque part, dans ces projets pilotes, on verra peut-être...
on verra peut-être, avec le temps, si cette question de protection de la
jeunesse émane comme un enjeu.
Bien, je vous <remercie...
Mme Weil :
...émane
comme un enjeu.
Bien, je vous >remercie. Je vous
dis que je trouve toutes vos recommandations excellentes parce que c'est un
tout qui fait en sorte de boucher tous les trous du début à la fin. Alors,
merci beaucoup pour le travail que vous faites. Merci.
Mme Zaccour (Suzanne) :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée. Nous terminons cet échange
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Bonjour. Merci
beaucoup. Votre présentation était limpide et convaincante. J'aimerais avoir
votre avis sur l'opportunité qu'on aurait, là, d'ajouter au projet de loi n° 15
un article, par exemple, qui obligerait, pour les les normes ou règlements qui
découleront de la législation, là, qu'on fasse une ADS pour être sûr qu'on ait
une analyse complète, là, des conséquences que ça va se faire. Qu'est-ce que
pensez vous de cette idée?
Mme Zaccour (Suzanne) : Tout
à fait. On sait que la situation à laquelle on fait face est une situation
genrée. Donc, c'est sûr que, la violence conjugale, ce n'est jamais acceptable,
peu importe le genre de la personne qui la commet ou qui la subit, mais on sait
que, dans les faits, c'est souvent les femmes qui sont les premières victimes
et les enfants les deuxièmes, ou l'inverse, mais, en tout cas, c'est les femmes
et les enfants qui y perdent. Donc, oui, je pense que c'est important.
Et c'est un peu la proposition que je vous
fais, c'est-à-dire, c'est un peu d'analyser comment est-ce que ce projet de
loi, même, va avoir... c'est quoi, les conséquences que ça peut avoir. Par
exemple, si on se dit : Mais ça peut juste être une bonne chose de mettre
la violence conjugale comme motif de compromission, on dit : O.K., mais
comment est-ce que ça va affecter les femmes, notamment les femmes qui sont
accusées d'être aliénantes? Donc, je pense que c'est toujours absolument
essentiel de se poser la question : Comment ça va affecter les mères?
Et c'est là où je reviens à mon préambule
et à un des premiers articles où je dis : La sécurité des parents compte
également. Il faut arrêter de penser que la protection de la jeunesse, ça
concerne juste les enfants parce que, bien, protéger la mère, c'est protéger
l'enfant.
M. Zanetti : Je vous
remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Ça va? Alors, merci énormément pour votre contribution
puis votre participation à nos travaux. Les échanges ont été extrêmement
intéressants.
Alors, nous allons suspendre les travaux
pour permettre au prochain groupe de se joindre à nous. Encore merci pour votre
contribution et votre participation.
Mme Zaccour (Suzanne) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 25)
(Reprise à 11 h 30)
Le Président (M. Provençal)
: Nous poursuivons nos travaux. Nous
accueillons maintenant les représentants des directeurs et directrices de la
protection de la jeunesse et des directeurs et directrices provinciaux du
Québec.
Alors, mesdames, vous disposez d'un 10
minutes pour l'exposé, et, par la suite, nous procédons aux échanges. Alors, je
vous cède la parole.
Mme Brown (Caroline) :
Bonjour. Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la directrice nationale de
la protection de la jeunesse, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir. On
ne vous cachera pas qu'on est très heureuses d'être ici pour pouvoir échanger
sur les enjeux de ce projet de loi qui nous tient particulièrement à cœur. On
vous remercie tout particulièrement au nom des enfants du Québec. Étant responsables
personnellement de l'application de cette loi et étant témoins privilégiés de
son application au quotidien, nous vous avons transmis un mémoire qui compte 33
recommandations.
Tout d'abord, parlons de l'intérêt de l'enfant
et des droits et obligations des parents. Nos deux premières recommandations
touchent ces aspects. On va passer rapidement sur le fait que l'intérêt de l'enfant
doit être la considération primordiale puisque la majorité des témoignages que
vous avez entendus lors des audiences allaient dans ce sens. La seconde
recommandation est de scinder en deux les notions de l'intérêt de l'enfant et
les droits des parents et obligations en deux chapitres distincts pour
permettre de faire d'abord l'évaluation et l'analyse de l'intérêt de l'enfant
et démontrer que c'est vraiment deux choses distinctes.
L'intérêt de l'enfant, c'est quoi? C'est,
par exemple, dans les contacts parents-enfant, que ces contacts soient
significatifs, enrichissants et sécurisants pour qu'ils apportent quelque chose
à lui, que ça réponde à ses besoins, dont celui d'être entendu, informé,
soutenu, sécurisé, accompagné, protégé, aimé, la liste est longue, et non à
ceux de son parent qui réclame le tout comme un droit. Les contacts doivent
avoir un but, un objectif, et l'enfant doit en retirer quelque chose de positif
pour lui, et non pour répondre aux désirs, aux besoins, à la souffrance
exprimée par un parent.
Les obligations sont aussi nombreuses. Ils
doivent, entre autres, surveiller, éduquer, entretenir, soigner, sécuriser,
protéger leur enfant. La Cour suprême du Canada s'est prononcée clairement en
disant que, si les parents ne remplissent pas leurs obligations envers leur
enfant, que leurs droits deviennent caducs. Ce n'est pas banal, mais pourtant c'est
bien connu du monde judiciaire.
Vous savez, dans notre société, une maman
qui est enceinte, elle va flatter sa bedaine, elle va bien se nourrir, papa,
maman vont parler au bébé, vont lui chanter des chansons, raconter des
histoires, lui présenter papi, mamie, et, quand il va naître, bien, ils vont
tous être là pour le serrer dans ses bras quand il va pleurer, lui donner à
manger quand il va avoir faim, le réconforter, quand il va avoir besoin, par le
simple son de leur voix. Il a trouvé sa famille pour la vie.
Mais il y a aussi des histoires
différentes. Bébé reçoit des coups de poing dans le ventre de sa mère. Il
entend pleurer, hurler, crier. Il prend de l'alcool, de la cocaïne, toutes
sortes de médicaments, et, à la naissance, il sera seul dans son lit d'hôpital,
tremblotant, étant en sevrage...
11 h 30 (version révisée)
(Visioconférence)
Mme Brown (Caroline) :
...on va passer des tests de dépistage. Et il n'y aura pas de voix rassurante
pour la réconforter. C'est pour ces enfants-là que la DPJ existe et qu'on a le
devoir aujourd'hui de lui donner à lui une famille pour la vie. Et c'est pour
lui que nous travaillerons ensemble pour avoir le meilleur projet de loi qui
sera clair, précis et sans équivoque. Dans son intérêt, il lui permettra d'avoir
un projet de vie permanent dans l'adoption et la tutelle en ligne. Marlene.
Mme Gallagher (Marlene) :
Comme ma collègue vient de le nommer, vous savez que la mise en œuvre de la Loi
de la protection de la jeunesse s'actualise à travers un univers clinique,
légal et juridique. Les termes employés dans une loi sont essentiels pour
donner tous les leviers aux enfants. Par exemple, à l'article 11.5 qui est
proposé présentement, on nomme qu'il est proposé que les parents doivent, dans
la mesure du possible, participer activement aux mesures permettant de rétablir
la situation d'un enfant. L'ajout des termes «dans la mesure du possible» vient
affaiblir l'obligation des parents.
Nous avons pris connaissance d'un
ensemble... de l'ensemble des modifications proposées, et vous allez voir à
travers le mémoire une série de recommandations qui viennent appuyer des
termes, qui viennent changer des termes, les clarifier, et tout ça pour que ça
soit porteur pour les enfants.
Au cours des dernières semaines, nous
avons aussi pris connaissance du plan quinquennal du ministère de la Justice.
Et deux éléments importants s'y retrouvent, qu'on trouvait important ce matin
de vous placer. Un, il y a un objectif sur placer le citoyen au centre du
système de justice et d'offrir une justice dans les meilleurs délais. Est-ce qu'on
n'a pas, là, l'opportunité au Québec de revoir le Code civil, en procédure
civile en matière de protection de la jeunesse pour assurer une meilleure
accessibilité, une meilleure simplicité et fluidité pour les enfants? Est-ce qu'en
2022, il est encore normal qu'on amène des enfants et des familles dans des
palais de justice où ils vont côtoyer la même journée des procès criminels et
des procès civils? Est-il normal qu'un enfant de deux mois doit atteindre plus
de huit mois, pour avoir une décision, pour rétablir sa situation et revenir à
un développement et une sécurité optimale? C'est la réalité de la justice d'aujourd'hui.
Elle doit être accessible, simple. C'est essentiel pour le travail clinique des
intervenants. Si on veut rétablir la situation des enfants.
Dans la continuité des précisions que nous
saluons... que nous voulons proposer, nous saluons le chapitre qui est dédié
aux communautés autochtones et inuites. Vous trouverez dans le mémoire des
éléments de clarification, et ce, dans l'optique d'une compréhension commune.
Vous avez entendu plusieurs personnes se demander si les modifications qui sont
proposées permettent aux communautés autochtones et inuites d'entamer un
processus d'autonomie. Dans ce qui est proposé depuis de nombreuses années, les
DPJ ainsi que les communautés autochtones demandent des assouplissements aux
lignes directrices qui permettent à des communautés d'entamer un processus vers
l'autonomie en vertu de l'article 37.5 de la loi de la protection de la
jeunesse. Ces assouplissements sont attendus et demandés, comme je le disais,
depuis longtemps.
Dans la notion de la confidentialité, ça a
toujours fait l'objet de questionnements depuis l'adoption... la première
adoption de la loi de la protection de la jeunesse. À chaque modification
législative dans les quarante dernières années, on a amené des précisions, des
ajouts qui ont été proposés et même actualisés. Les modifications proposées actuellement
vont dans la bonne direction dans le sens, par exemple, que la notion d'organisme
a été élargie, ce qui permet une meilleure transmission de l'information entre
nous et ces organismes-là.
Nous aurons certainement des travaux à
faire pour mieux déterminer les notions d'informations pertinentes et
nécessaires, un, à la hauteur de ce qu'on est en 2022 et aussi en fonction des
modifications législatives qui sont prévues à la loi sur la santé et les
services sociaux.
Finalement, la conservation du dossier des
enfants jusqu'à l'âge de 43 ans est aussi accueillie favorablement. Par
contre, cet accès doit être exclusif à l'enfant adulte, et ce, afin de
permettre à cet enfant qu'on puisse servir son intérêt, même une fois adulte.
Mme Gallo, je vous laisserais terminer.
Mme Gallo (Assunta) :
Merci, Mme Gallagher. Les jeunes adultes ont témoigné devant la commission
Laurent, nous ont parlé, entre autres, d'une certaine <injustice
concernant la poursuite de leurs études...
Mme Gallo (Assunta) :
...nous ont parlé, entre autres, d'une certaine >injustice concernant la
poursuite de leurs études. En effet, un soutien financier est prévu pour les
jeunes hébergés en famille d'accueil, et pas pour les jeunes hébergés en centre
de réadaptation, lorsqu'ils souhaitent poursuivre leur parcours académique.
Nous croyons essentiel qu'une équité soit établie pour tous les jeunes suivis
en protection de la jeunesse, indépendamment de leur milieu de vie.
Comme vous l'avez entendu, le dossier qui
est l'histoire de vie du jeune, peut comporter des informations sensibles
pouvant retraumatiser l'enfant devenu adulte. Ainsi, nous recommandons que les
services d'accompagnement psychosocial soient offerts aux personnes qui
accèdent à l'information contenue dans leur dossier, s'ils le souhaitent.
Dans un autre ordre d'idées, dans le cadre
des travaux de la commission Laurent, comme DPJ, nous étions d'avis qu'un
leadership provincial en matière de la protection de la jeunesse s'imposait
pour mieux protéger les droits des enfants et des familles. Nous avions proposé
une instance indépendante et neutre. Dans le projet de loi, présentement, deux
aspects fondamentaux retiennent entre autres notre attention en ce qui concerne
les responsabilités dévolues au nouveau rôle du directeur national de la
protection de la jeunesse, soit une instance de vigie avec un pouvoir d'enquête
et la confusion avec le rôle du DPJ régional.
• (11 h 40) •
Pour le mandat du directeur national, qui
est aussi doté d'un statut de sous-ministre adjoint, le projet de loi met
l'emphase sur les pouvoirs de contrôle qu'il peut exercer. Au Québec, nous
avons déjà en place de nombreuses instances de vigie, telles que le commissaire
aux plaintes et le conseil d'administration de chaque établissement, la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Protecteur du
citoyen, mais encore, les ordres professionnels, le Vérificateur général du
Québec, les enquêtes publiques, les enquêtes du coroner, la magistrature et le
ministère de Santé et Services sociaux lui-même. Nous souscrivons au rôle
indispensable joué par l'ensemble des mécanismes de vigie.
Nous sommes d'avis que cette nouvelle
instance de vigie comporte le réel risque de politiser la situation d'un
enfant. Il est nécessaire de mettre à l'abri les enfants des soubresauts
politiques, médiatiques ou encore d'actions mues par l'opinion publique. La
question qu'on se pose après avoir nommé toutes les instances de vigie déjà
existantes : Qu'est-ce que cet ajout de vigie amène pour les enfants et
les familles?
D'autre part, de façon générale, nous
craignons que l'exercice des responsabilités du directeur national crée une
confusion avec l'exercice des responsabilités des DPJ régionaux. Par exemple,
la responsabilité d'intervenir dans la vie d'un enfant et de prendre des
décisions pour l'enfant incombent aux DPJ dans la Loi sur la protection de la
jeunesse. Cette responsabilité à l'égard de l'enfant doit être réalisée de
façon indépendante.
Le Président (M. Provençal)
:Mme, votre temps est déjà écoulé.
Mais, si vous pouviez conclure un petit peu plus rapidement, s'il vous plaît.
Merci beaucoup.
Mme Gallo (Assunta) : Parfait.
Si on prend l'exemple du ministère de la Justice, le DPCP doit accomplir sa
mission de façon indépendante, à l'abri de toute pression de nature politique,
policière ou médiatique. Nous envisageons que l'application de la LPJ soit
faite de la même façon au regard du rôle des DPJ régionaux. Nous vous
remercions pour votre écoute. Tout comme vous, nous portons la voix des enfants
haut et fort. Ceci met fin à notre présentation, et nous sommes très disposés à
prendre vos questions et commentaires.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cette présentation. Je vais maintenant
céder la parole à M. le ministre pour le début de l'échange avec votre groupe.
M. Carmant : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour, Mme Brown, Mme Gallagher, Mme Gallo. Très content de
vous voir aujourd'hui. Donc, plusieurs points. Pour commencer, je pense que
la... on va commencer à Mme Brown. Vous avez parlé, tu sais, de la situation
judiciaire, puis les conditions. Comment améliorer ça? Plusieurs nous en ont
parlé, tu sais, comme rendre le jeune plus confortable. Qu'est-ce qu'on doit
faire pour améliorer tout ça de façon notable et rapidement?
Mme Gallagher (Marlene) : Je
vais répondre à M. Carmant. Un, dans tout le processus judiciaire, par exemple,
est-ce qu'on peut penser que les lieux d'un palais de justice est le lieu idéal
pour des familles? Je vais donner l'exemple, en Côte-Nord, on doit avoir... on
a des tribunaux qui sont itinérants, donc que les causes des enfants vont être <entendues
dans des salles communautaires...
Mme Gallagher (Marlene) :
...itinérants, donc que les causes des enfants vont être >entendues dans
des salles communautaires...
Est-ce que la justice est moins bien
rendue si elle est rendue dans un endroit où les familles et les enfants
pourront avoir un endroit qui n'est pas empreint de controverse ou de
confrontation? On sait qu'un palais de justice, quand on fait un procès, ça se
fait sur l'angle de la meilleure preuve, de... Ça, c'est un exemple. Quand on
fait toutes nos ententes avec les familles, qu'on amène parfois... dépendant
des juges, il y a des juges qui veulent avoir la famille présente au palais de
justice pour signer une entente, il y en a d'autres qui ne veulent pas, que ce
n'est pas nécessaire. Comment est-ce qu'on peut harmoniser les pratiques?
Est-ce que ces ententes-là pourraient se faire, se signer ailleurs que dans un
palais de justice?
Donc, il y a des leviers. Je pense que, si
on pense en dehors... si on est convaincus qu'en pensant en dehors de la boîte,
on va réussir à trouver... et en écoutant les familles, et en écoutant les
enfants, eux, comment ils veulent que ça procède, assurément qu'on va trouver
des solutions, novatrices, mais on va en trouver.
M. Carmant : D'accord. Pour...
Un deuxième point, c'est aussi sur les Premières Nations. Plusieurs nous en ont
parlé. Nous, on maintient quand même une certaine, peut-être, inquiétude, là,
dans... Comment on peut s'assurer que... Avec les multiples communautés,
comment on peut... comment vous voyez votre collaboration, par exemple, sur
ceux qui sont hors communauté, les familles qui habitent hors communauté, tu
sais? Et puis ils sont peut-être d'une nation qui est tout près, mais peut-être
aussi d'ailleurs. On parle même, tu sais, pour les gens qui viennent de Colombie-Britannique.
Comment vous voyez cette collaboration entre les différentes directions, là,
soit protection sociale et protection de la jeunesse?
Mme Gallagher (Marlene) :
Bien, je pense qu'à travers les années, plus on a appris à se connaître et à
travailler ensemble. Là, les obstacles qui ont déjà existé tombent un à un.
Évidemment, ça demande de grandes connaissances, là, pour savoir à quelle
communauté et comment on s'adresse à qui, parce que chacune des communautés a parfois
sa façon de fonctionner, mais à travers les années, je pense qu'on a appris à
mieux se communiquer plus rapidement les informations pertinentes pour un
enfant.
Et en même temps, plus on va aller vers
des projets d'autonomie pour des communautés, moins cette question-là va se
poser, et plus, au niveau fédéral, on va permettre aux communautés de donner
des services aux autochtones hors communautés, moins la question va se poser,
parce que c'est des règles qui ne nous appartiennent pas, mais que les enfants
hors communauté n'ont pas souvent le droit aux services de leur communauté.
Donc, c'est au-delà de... c'est au-dessus de nous, mais c'est des choses qui,
dans le futur, si ça pouvait être des éléments pour mieux répondre aux besoins
des enfants autochtones dans les milieux urbains, ce serait assurément aidant,
et ce serait dans le meilleur intérêt de ces enfants-là.
M. Carmant : D'accord. Pour
revenir aussi sur l'adoption et la tutelle, c'est quand même des outils qui
existent déjà. Comment on fait pour bonifier leur utilisation? Comment on fait
pour ouvrir la porte encore plus?
Mme Brown (Caroline) : Bien,
tout d'abord, ajouter... une des recommandations qu'on fait, c'est ajouter un
critère à l'admissibilité à l'adoption, le critère sur le délai... le
dépassement des délais maximaux de placement. Pour nous, je pense que c'est une
étape, mais une autre étape importante, c'est de bien définir ce que veut dire
la permanence. Parce que, vous savez, en 2006, quand on a introduit les délais
maximaux de placement dans la loi, tout le monde s'attendait à avoir une
augmentation de tutelles, une augmentation d'adoptions. On s'attendait tous à
ce que les enfants soient plus stables au Québec. Puis 15, 16 ans plus tard, le
constat qu'on fait, c'est que, oui, il y a eu une certaine stabilité, on a fait
des pas, mais ce n'était pas assez.
Mais moi... Ce qu'on a aussi, ce qu'on vit
dans la pratique, c'est qu'il y a un jugement de la cour d'appel qui est venu
dire que... qui est venu préciser qu'une ordonnance de cinq ans pouvait s'inscrire
dans une optique de permanence pour un enfant. Puis pour nous, si c'est ça l'interprétation
que les tribunaux en font, bien, pour nous, on passe à côté de la permanence et
d'un projet de vie permanent pour un enfant. Pour nous, un projet de vie
permanent... On le sait, les études l'ont démontré, que le projet de vie plus
permanent, c'est l'adoption et la tutelle. Donc, assouplir les critères pour l'admissibilité
à l'adoption.
Autre chose. Dans le projet de loi n° 2, on avait aussi recommandé qu'on puisse ouvrir pour
permettre au Québec une option supplémentaire, <qui est l'adoption simple
dite «ouverte», là, entre guillemets, qui n'est pas possible comme choix au
Québec...
Mme Brown (Caroline) :
...pour permettre au Québec une option supplémentaire, >qui est l'adoption
simple dite «ouverte», là, entre guillemets, qui n'est pas possible comme choix
au Québec. Pourtant, il est possible dans d'autres provinces canadiennes, dans
d'autres pays. Et, pour nous, ça, c'est des volets qui sont importants, qui
militent en faveur et qui apportent des leviers supplémentaires, là, pour nos
enfants. De pouvoir aussi compter le placement... dès le début du premier
placement, de pouvoir déjà partir le compteur... de placement, pour moi, fait
en sorte aussi... pour nous, fait en sorte aussi que c'est un élément
supplémentaire qui peut venir jouer en la faveur de la permanence des enfants.
M. Carmant : O.K., merci
beaucoup. Et peut-être un dernier point, c'était sur le post-DPJ. Comme vous le
savez, on a quand même bonifié le programme, là, qualification jeunesse.
Vraiment... En tout cas, c'est un des programmes où les postes se sont tous
comblés assez rapidement. Est-ce que... Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, par
exemple, pour le support psychosocial que vous avez mentionné? Quand on regarde
le programme, il y a déjà du support psychosocial qui se donne. Comment on peut
faire pour continuer à bonifier ce programme-là puis éventuellement, comme vous
dites, accompagner les jeunes jusqu'à 43 ans, là, si c'est à ce moment-là
que le besoin est requis, de ce support-là?
• (11 h 50) •
Mme Gallo (Assunta) :
Alors, en termes des jeunes qui sont suivis par PQJ, c'est clair qu'il y a des
améliorations qui ont été déjà apportées. Nous, on dit : Allons un pas de
plus. Alors, quand qu'on regarde les enfants qui sont hébergés en famille d'accueil,
il y a une option de suivre leur parcours académique et être soutenus de façon
financière, mais les enfants qui sont suivis en centre de réadaptation n'ont
pas cette option. Et on sait que le parcours académique, on nous le démontre, c'est
des facteurs de protection, de résilience pour des enfants et des adultes.
Alors, l'investissement équitable pour les deux enfants, peu importe le milieu
de vie des enfants, pour nous, c'est vraiment un ajout supplémentaire.
Également, le soutien quand qu'il y a des
demandes, de demeurer hébergés. Alors, quand qu'un jeune est en famille d'accueil,
il veut prolonger son séjour en famille d'accueil, c'est plus faisable et mieux
organisé, plus facile à faire. Quand un jeune a été hébergé en centre de
réadaptation et, à 18 ans, bien, il termine son séjour en protection de la
jeunesse, et la loi termine ce séjour, il y a des négociations qui doivent se
faire pour une courte période de temps pour qu'il puisse rester hébergé.
Et également il y a la partie de qu'est-ce
qu'on met en place pour soutenir ces jeunes après leurs 18 ans. Pour les
enfants qui ont été hébergés en centre de réadaptation, je reviens de... j'ai
de l'expérience, ayant travaillé en centre de réadaptation, les jeunes s'attachent
aux professionnels qui sont là. Souvent, ils sont abandonnés. Les parents, la
famille n'est pas autour d'eux, mais ils veulent demeurer en contact avec les
professionnels. Et les professionnels conjuguent toujours avec cet inconfort de
l'autonomie professionnelle. Il faut avoir une séparation entre... bien, c'est
un enfant, un jeune qui a été suivi en protection de la jeunesse, alors il ne
faut pas trop continuer d'être impliqué parce qu'il n'est plus suivi. En même
temps, pour beaucoup de jeunes, nous demeurons les personnes qui sont leur
sécurité.
Alors, comment qu'on peut se donner les
paramètres, les balises pour dire : On travaille avec des êtres humains.
Répondons aux besoins des êtres humains. Donnons-nous la capacité d'être
judicieux dans nos réponses et de ne pas avoir une rigidité que... Parfois,
dans une pratique clinique qui est légiférée, ça peut nous amener à avoir une
rigidité.
M. Carmant : Puis quelle
serait la meilleure transition, alors, post-centre jeunesse?
Mme Gallo (Assunta) : Ou
une transition temporaire, une transition... une période d'intégration plus
longue qui nous permettrait vraiment de soutenir le jeune pour que, si c'est un
jeune qui va vers l'autonomie... À 18 ans, il y a très peu de jeunes
aujourd'hui dans notre société qui partent de leur maison à 18 ans puis
qui sont complètement indépendants. Souvent, on voit des jeunes qui partent de
leur milieu familial et reviennent à 20 ans. Mais ces jeunes n'ont pas une
capacité de revenir. Ils reviennent où, s'ils ont un besoin de revenir, ces
jeunes? C'est comme s'il faut réfléchir autrement pour les jeunes dans lesquels
l'État a joué un rôle comme parent. À 18 ans, comme parent, l'État ne peut
pas juste dire : Bien, maintenant, on a joué le rôle de parent, mais on
vous guide vers l'indépendance. Il doit y avoir un entre-les-deux. La loi sur
la santé et services sociaux peut jouer un rôle actif, la première ligne peut
jouer un rôle actif <avec nous dans la transition pour les soutenir...
Mme Gallo (Assunta) :
...première ligne peut jouer un rôle actif >avec nous dans la transition
pour les soutenir.
M. Carmant : D'accord. M. le Président,
je passerais la parole, avec votre consentement, à la députée de Lotbinière
Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Vous avez mon consentement. Mme la députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Merci, bonjour. Moi, je voudrais revenir à votre recommandation numéro 13
qui propose de retirer les responsabilités du nouveau directeur de la
protection de la jeunesse national. Puis, tu sais, ça, c'est contraire à ce qui
avait été recommandé par la commission Laurent. Je voudrais savoir pourquoi?
Vous n'avez pas eu le temps, je pense, de terminer tout à l'heure.
Mme Gallo (Assunta) : Alors,
merci pour la question. Alors, la recommandation 13, en effet, c'est de
retirer certains articles, 30.3 et 30.4. Pour la partie de qu'est-ce qu'on
souhaite retirer, c'est le volet des pouvoirs d'enquête, le volet du contrôle
administratif. La recommandation de la commission Laurent, telle qu'on l'a
comprise à notre lecture, c'était la mise en place d'un directeur national de
la protection de la jeunesse qui aura le pouvoir de faire des modifications,
des interactions avec les volets ministériels. Dans les recommandations, telles
qu'on les a comprises dans la commission, on ne voyait pas octroyer un pouvoir
d'enquête ou un pouvoir de contrôle administratif. Alors, c'est la lecture qu'on
en fait. Et pour nous, en tant que DPJ, on est préoccupés que ça peut nous
amener dans le glissement de politiser la situation d'un enfant.
Je m'explique. Alors, si on a un enfant
pour lequel... Bien, tous les enfants au Québec, pour chaque enfant, c'est nous
qui prenons les décisions, nous sommes personnellement imputables. S'il arrive
une situation médiatique, s'il arrive la pression politique, et qu'on se fait
appeler, et qu'on se fait nommer, un certain enlignement qu'il faut prendre
pour un certain enfant ou pour une certaine orientation clinique, pour nous, ça
nous amène dans des risques de confusion de rôles, dans un premier temps, mais
également dans la politisation des situations des enfants dans laquelle nous
sommes indépendants à prendre ces décisions pour des enfants.
Un autre parallèle, j'avais mentionné l'exemple
du DPCP. On peut prendre l'exemple du directeur national de santé publique et l'importance
d'aucune apparence de conflits d'intérêts réels ou apparents. C'est dans le
même ordre d'idée que c'est important d'assurer l'autonomie et du DPJ, l'autonomie
également du directeur national. Je ne sais pas si mes collègues aimeraient
ajouter.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
La recommandation numéro 25, vous parlez de concept clinique reconnu, de
connaissances judiciaires. Est-ce que vous pouvez m'expliquer qu'est-ce que ça
veut dire exactement?
Mme Gallagher (Marlene) : Je
pense que vous faites référence à une recommandation qu'on a faite aussi à la
commission Laurent, qui est d'avoir un assesseur afin d'accompagner les juges
dans des décisions d'enfants dont les situations sont complexes au plan
clinique. Donc, il existe, dans d'autres juridictions administratives, le fait
d'avoir des assesseurs pour accompagner des juges dans des aspects plus
techniques, là, comme dans le droit administratif, là, au plan des
municipalités, au plan du droit du travail. Il est possible, pour les juges, de
se référer à une personne qui a les connaissances et l'expertise.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Est-ce que... Ce n'est pas clair pour moi...
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Veuille m'excuser, Mme la députée, mais votre temps
est terminé. Suite à un accord, je vais céder la parole au député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour vos interventions. Je me pose une question par
rapport au rôle du DNPJ. Vous dites, essentiellement, il ne devrait pas avoir
ce pouvoir coercitif, par exemple, sur les DPJ parce qu'il pourrait avoir un
risque de politisation. Est-ce que le problème ne serait pas réglé si tout
simplement ce n'était pas un poste de sous-ministre nommé par un ministre, mais
que c'était un poste qui était indépendant, peut être nommé par un processus
autre, comme d'autres hautes fonctions le sont, par exemple voté aux deux tiers
de l'Assemblée nationale, donc quelqu'un qui ne dépend pas ni d'un gouvernement
ni d'un parti politique, par extension? Est-ce que ça pourrait régler le problème
de lui laisser quand même le pouvoir d'enquête, mais tout simplement de faire
en sorte qu'il ne soit pas sous-ministre ni lié à un ministère, là, de façon
hiérarchique...
Mme Gallo (Assunta) : Bien, <c'est
une excellente question, une excellente proposition...
M. Zanetti :
…pas
sous ministre ni lié à un ministère, là, de façon hiérarchique.
Mme Gallo (Assunta) :
Bien,
>c'est une excellente question, une excellente proposition. Nous croyons
que l'aspect qui est le plus important, c'est l'indépendance et l'autonomie.
Alors... parce que l'apparence d'un conflit d'intérêts peut amener plein d'enjeux,
alors le fait que la personne soit autonome de l'appareil gouvernemental,
autonome de tout le volet plutôt politique et médiatique, que la personne soit
indépendante, mais qui maintient un pouvoir d'enquête, vous avez entendu, nous
avons beaucoup d'instances de vigie. À notre avis, comme DPJ nous prenons des
décisions majeures dans la vie des jeunes et des enfants au quotidien. On
reçoit tous les instances de vigie. La partie de vigie, c'est important parce
qu'on prend des décisions majeures dans la vie des enfants et des familles. C'est
la partie indépendance autonome qui est préoccupante, parce que ça, ça peut
avoir une tendance de glisser vers la politisation d'une situation, d'un
dossier, d'une orientation clinique, même. Alors vraiment, c'est les deux
thématiques que je mettrais plus d'emphase.
M. Zanetti : Donc, si je
comprends bien, s'il y avait une indépendance politique assurée de ce poste-là
de direction nationale, ça vous dérangerait moins qu'il y ait par ailleurs un
pouvoir d'enquête et d'intervention si jamais il y a une crise puis que si
jamais il y a une direction régionale qui fait des mauvaises décisions parce
que l'humain étant ce qu'il est, ce n'est pas impossible, là. Donc ça ne vous
dérangerait pas s'il y avait une indépendance du politique?
• (12 heures) •
Mme Gallo (Assunta) : Peut
être je... parce que pour moi, ce n'est pas un dérangement au plan
professionnel ou comme DPJ, comme j'ai nommé, je n'ai pas compris le nombre d'instances
de vigie, il y en a beaucoup. Alors qu'on aura une autre instance de vigie, on
ne comprend pas nécessairement c'est quoi l'objectif de cette instance de
vigie, comme il y en a tellement, mais le fait que la personne, la personne et
le rôle soient indépendants, c'est rassurant parce qu'il y a moins de risque de
glissement, qu'on rentre dans des enjeux politiques pour les enfants et les
orientations cliniques, que les orientations sont prises dans le bien-être des
enfants.
M. Zanetti : Je comprends
bien, merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous allons poursuivre maintenant
avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Merci.
Mme Weil : Oui, merci, M. le
Président. Peut être pour rester sur cet enjeu, parce qu'à la première lecture,
on ne comprend pas tout à fait politisé, mais il y a... dans le mandat du
directeur national, il y a quand même l'uniformité, si on veut, des pratiques,
meilleures pratiques, formation, tout cette notion de... qui a été beaucoup
soulevée, hein, ces dernières années, évidemment, et la commission Laurent
aussi. Donc une instance qui joue ce rôle de support aussi, en s'assurant que
tout le monde est bien branché sur les meilleures pratiques, en plus, dans le
contexte d'une grande réforme où les choses sont appelées à changer. Mais là,
vous parlez de... il pourrait y avoir un événement qui politiserait. Là, j'ai
de la misère à comprendre exactement, je comprends le concept de quelque chose
qui devient politisé, je comprends le concept d'indépendance, tout à fait, puis
on peut toujours regarder la question d'indépendance. C'est le pouvoir d'enquête
en particulier qui vous inquiète dans le rôle du directeur national? La
politisation, j'essaie de comprendre ce que vous entendez par ça exactement.
Mme Gallo (Assunta) : Bien,
je vais prendre un premier bout, puis par la suite je céderais la parole à mes
collègues. Alors, dans la première partie, Mme Weil, vous avez nommé le fait qu'il
y a l'uniformisation des pratiques. Alors pour nous, c'est exactement notre
souhait. On a besoin d'assurer qu'il y a une harmonisation des pratiques au
plan national. On sait que pour nous, c'est primordial d'atteindre cet objectif
et c'est immense comme responsabilité. Alors nous, on l'accueille très
favorablement parce que pour nous, un enfant devrait avoir les mêmes droits aux
mêmes accès si l'enfant demeure à Montréal, à Chaudière-Appalaches ou à la
Côte-Nord. Il ne devrait pas y avoir une distinction de l'accès aux services.
Alors d'harmoniser les pratiques cliniques, c'est déjà en soi une grosse
démarche.
Dans la façon de politiser un enfant, je
vais prendre un exemple très concret. Alors, on a une situation dans laquelle
ça fait les médias et il y a des plaintes qui sont envoyées à l'appareil gouvernemental,
aux cabinets, un peu partout, c'est lancé. Et comme DPJ on se fait interpeller parce
qu'il y a beaucoup d'action autour de cette situation. Comme directeur de la
protection de la jeunesse, nous sommes tenus de partager les informations...
12 h (version révisée)
Mme Gallo (Assunta) :
...l'appareil gouvernemental, au cabinet, un peu partout, c'est lancé. Et,
comme DPJ, on se fait interpeler parce qu'il y a beaucoup d'actions autour de
cette situation. Comme directeurs de la protection de la jeunesse, nous sommes
tenus de partager les informations essentielles pour alimenter, pour assurer qu'on
fait ce qu'on fait.
La partie qui est préoccupante, c'est que,
si on se fait appeler pour dire : Mme Gallo, on a entendu ça, on a
besoin que vous faites ça dans cette situation parce qu'il faut calmer le jeu,
là on est en train de politiser une situation d'un enfant. Je ne sais pas si je
m'explique bien, si mes collègues souhaiteraient ajouter.
Mme Weil : Oui, je
comprends. Donc, parce que le poste existe, un nouveau poste, les gens vont
automatiquement aller à cette entrée pour justement s'ingérer, c'est bien comme
ça que je le vois, mais qu'actuellement vous n'avez pas cette pression-là.
Donc, vous pensez que ça pourrait virer mauvaise pratique, là? Les gens vont peut-être
dire : Bien là, ça fait cinq jours qu'on voit ça dans les journaux, là, il
faut faire quelque chose, donc dans ce sens-là, d'où cette notion d'indépendance.
Mais croyez-vous quand même que, pour ce
qui est du reste, c'est... bien, vous l'avez bien dit, c'est utile d'avoir
concordance, formation, écoute. Qu'est-ce qui ne va pas? Quelles sont les
raisons? Parce qu'honnêtement, je pense que la commission le dit bien, vous
faites un travail extrêmement difficile. Il y a des circonstances qui font en
sorte que ce n'est pas toujours la meilleure solution. Puis là vous avez besoin
de peut-être... de soutien, je vois ça aussi un peu comme ça, de soutien en
amont, alors je comprends votre point.
Ça m'amène au commissaire au bien-être des
enfants, la recommandation... bien que son rôle... il y a beaucoup de
prévention, de mobilisation autour de l'enfant qui est préconisé par la
commission Laurent. Qu'est-ce que vous pensez de cette recommandation? Êtes-vous
favorables à cette recommandation?
Mme Brown (Caroline) :
Je peux y aller, oui?
Une voix : Oui.
Mme Brown (Caroline) : Tout à
fait, tout à fait favorables à la... On n'en a pas parlé dans notre mémoire, c'est
un choix qu'on a fait, parce qu'il en avait été amplement question dans le
cadre de la commission Laurent, et on trouvait qu'il était quand même bien
défini. Puis ça faisait partie de quelque chose qu'on pense comme étant
incontournable, là, avec la charte des droits... qui viendra avec une charte
des droits pour les enfants pour... nous, on le voit vraiment dans le but...
pour tous les enfants du Québec, pour s'assurer, justement... tout le volet de
la prévention. On s'associe bien à cette démarche-là, de pouvoir s'assurer que
la situation des enfants ne se détériore puis qu'on n'a pas besoin de l'intervention
de l'État, donc de l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse
pour venir s'assurer que, l'enfant, la situation se redresse.
Donc, c'est pour... puis c'est très large,
là : c'est pour l'éducation, c'est pour les loisirs, c'est... Tu sais,
pour moi, le commissaire au bien-être, je le vois de façon vraiment beaucoup
plus large, alors que le directeur national est tout aussi important pour nous.
Bien évidemment, on l'avait demandé aussi, qu'il y en ait un, directeur national,
mais c'est un tout autre ordre, là. Effectivement, vous l'avez quand même bien
nommé.
Mme Weil : Oui, tout à
fait, deux rôles distincts, mais comme un acteur principal en bienveillance, si
on veut. Prévention, pour vous, peut-être aussi primaire, prévention primaire
ou secondaire, là, primaire. Ça crée cette volonté et des liens entre tous les
acteurs concernés par l'enfant.
Je voulais vous poser une question, oui,
la surreprésentation des Noirs, notamment, puis il y a eu une étude de McGill puis
deux DPJ de Montréal, qui se... anglophone et francophone, qui avaient déjà
pris les devants, je crois, là, dans le... Je ne sais pas trop la séquence,
mais vous avez déjà fait l'observation qu'il y avait un problème. Vous avez
agi. Je trouve ça intéressant parce que, ce matin, on a entendu des experts sur
toute cette question de diversité culturelle, l'interculturalisme, comment on
fait pour avoir une société qui est capable, d'entrée de jeu, de bien
comprendre et aider les parents à s'adapter à la société.
Alors, peut-être, vous pourriez parler de
l'importance... Parce que, dans les régions, il y a aussi ce phénomène de
communication, de compréhension des besoins, des différentes... comment dire,
comportement parental. Alors, peut-être, je ne sais pas qui, mais peut-être
adresser cette question : Comment la DPJ voit ça, justement, ces
orientations? Puis, quand il y a un signalement, combien de temps vous <avez...
Mme Weil :
...voit
ça, justement, ces orientations? Puis, quand il y a un signalement, combien de
temps vous >avez pour essayer, quand vous regardez la question, d'aller
tout de suite avoir recours aux ressources sur le terrain, peut-être, pour
aider la situation avant que ça s'empire?
Mme Gallo (Assunta) : Peut-être,
je débuterais avec la partie de travail interculturel. Par la suite, je
passerais la parole à mes collègues pour le volet du signalement. Alors, comme
vous êtes au courant, à Montréal, et pour le CIUSSS—Centre-Sud et Ouest-de-l'Île-de-Montréal,
on a deux projets avec des organismes communautaires qui travaillent, premièrement,
avec la communauté noire, mais pas exclusivement. Pour le CIUSSS—Centre-Sud, c'est
devenu une façon de faire. On a maintenant une entente. On a décidé d'avoir une
entente avec le BCHM parce que c'est un organisme pour lequel on peut
rapidement prendre contact, peu importe la trajectoire de l'offre de services
en protection de la jeunesse, incluant l'appel à l'accueil, et on peut les interpeler
pour mieux nous équiper, nous soutenir quand qu'on intervient avec une famille
provenant d'une communauté ethnoculturelle. L'importance à se rappeler dans l'intervention,
peu importe quelle intervention, on a un travail à faire très rapidement de
développer une confiance avec les familles, avec les jeunes et rapidement dans
un contexte d'autorité. Alors, l'importance, peu importe qui est devant nous, c'est
d'être en mesure de comprendre qui est devant nous.
Et l'aspect culturel de la personne devant
nous est essentiel pour créer ces liens de confiance. Alors, c'est les
organismes communautaires qui nous soutiennent à bâtir ces liens de confiance
avec les familles provenant des communautés ethnoculturelles. C'est également
des interprètes, parce que souvent ils ne parlent ni anglais ni français, alors
on a besoin d'avoir quelqu'un qui nous accompagne à travers toute la
trajectoire pour s'assurer qu'on comprend bien les enjeux, qu'on fait la
meilleure évaluation de façon rigoureuse.
• (12 h 10) •
Alors, pour nous, c'est très important que
les formations interculturelles... et je sais que la commission Laurent a
également mis de l'avant des recommandations là-dessus, c'est primordial. Nos
intervenants, nos gestionnaires, nous-mêmes, on a besoin d'avoir ces
informations et cette sensibilité que l'intervention en milieu ethnoculturelle,
elle, est différente que dans un contexte qui n'est pas nécessairement...
provenant de communautés ethnoculturelles.
Mme Weil : Et ce que vous
avez développé pourrait être un modèle partout au Québec.
Mme Gallo (Assunta) : Je sais
assurément qu'à travers les différentes régions, comme 20... Nous sommes
20 DPJ. Toutes les régions dans lesquelles ils ont des projets — puis
tous mes collègues ont des projets dans leur région — la beauté d'être 20,
c'est qu'on se partage les différents projets. Maintenant, l'harmonisation et
le besoin d'un directeur national, c'est qu'il nous aide à mettre tout ça de l'avant
pour le bénéfice des enfants au Québec.
Mme Weil : J'ai une question
sur la violence conjugale. On a tous été beaucoup ébranlés par les articles de
journaux, puis beaucoup... on a appris c'est quoi, ce concept d'aliénation
parentale. Ça semblait tellement incroyable, littéralement, dans le vrai sens d'incroyable.
On avait de la misère à comprendre.
Là, on a eu une très, très bonne formation
de quelqu'un qui comprend ça, qui fait beaucoup de recommandations. Qu'est-ce...
Vous avez... Est-ce que vous avez pu entendre l'intervenante avant vous, donc,
qui viendrait proscrire ce concept même d'aliénation? Comment vous expliquer ce
phénomène en matière de violence conjugale, donc quand le père est violent, l'enfant
est terrorisé par ce père, puis on permet, donc, au parent, au père violent de
continuer à voir l'enfant? Et donc elle amène toutes sortes de recommandations
pour corriger ce phénomène, puis d'autres États, donc, l'Espagne qui a une loi
semblable. Vous devez connaître ce sujet, j'imagine, très, très bien. Qu'est-ce
que vous voyez comme solution à cette problématique de l'aliénation parentale?
Donc, c'est la mère qui est toujours victime de cette étiquette.
Une voix : Vas-y, Assunta.
Mme Gallagher (Marlene) : Le
concept d'aliénation parentale, dans un contexte soit de séparation — parce
que ça peut se passer dans toutes sortes de contextes, hein, des séparations,
les divorces et la violence conjugale — ça amène effectivement une
complexité dans qu'est-ce que le... qu'elle est... les mesures ou qu'est-ce qui
est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Je pense qu'il faut être prudent <dans...
Mme Gallagher (Marlene) :
...qu'est-ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Je pense qu'il faut
être prudent >dans les généralités, parce qu'habituellement et toujours
les directeurs de la protection de la jeunesse vont prendre des décisions en
fonction de l'intérêt de l'enfant. Et les parents n'ont pas de droits sur leurs
enfants, ils ont des obligations. Donc, soyez assurés que, si, au Québec, un
enfant est terrorisé de voir son père, normalement, la DPJ va tout mettre en
place pour le rassurer, pour être certain qu'il ne soit plus terrorisé. C'est
notre mandat premier, d'abord et avant tout.
Est-ce qu'il y a eu, par moments, des
pratiques, des glissements, des... Vous savez, on a beaucoup de nouveau
personnel, on a un roulement de personnel important à la Protection de la
jeunesse qui fait en sorte que c'est une...
Vous savez, la commission Laurent l'a très
bien spécifié, c'est une pratique de pointe, la protection de la jeunesse, c'est
une pratique spécialisée. Et on devient spécialistes en ayant de la formation
dans l'expérimentiel, dans la formation théorique. Et le roulement de
personnel, souvent, nous amène à devoir reprendre une série de formations et de
concepts de base auprès des intervenants qui font leur possible dans le
contexte, dans le travail qu'ils font présentement, qui est, comme vous le
savez, complexe et qui n'est pas simple non plus avec toute la réalité, mais
toujours avec la lunette de l'intérêt de l'enfant et non pas des droits des
parents. Les parents ont le droit d'être informés, ils ont le droit de recevoir
des services, ils ont le droit d'être accompagnés, ils ont le droit d'être
représentés, mais ils n'ont pas de droits sur leurs enfants, ils ont des
obligations.
Mme Weil : J'aimerais
juste... Je vous...
Mme Gallagher (Marlene) :
C'est...
Mme Weil : Je vous
remercie beaucoup pour votre présence. On est tous très, très contents de
pouvoir vous poser des questions aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de
préparer le mémoire. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, nous allons conclure cet échange et, je dirais même,
conclure notre consultation avec le député de René-Lévesque. À vous.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames.
Salutation particulière à Mme Gallagher, qui est ma directrice de
protection de la jeunesse sur la Côte-Nord. Mesdames, je n'ai pas beaucoup de
temps, ça fait que je vais y aller en rafale. Recommandation n° 5,
vous recommandez de traduire dans un cadre légal l'interprétation de la Cour
suprême en remplaçant l'article 11.5 qui a été ajouté sous l'article 15
dans le projet de loi n° 15 par : «le père et la mère sont titulaires des
droits afin de pouvoir remplir leurs obligations envers leurs enfants. Ils
doivent». Donc, vous faites référence à ce devoir. J'aimerais peut-être en
savoir un peu plus davantage parce que je n'ai pas l'impression qu'on a entendu
ce genre de recommandation là à plusieurs reprises pendant la commission. Donc,
j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.
Mme Gallagher (Marlene) :
Donc, tel qu'on l'a placé au départ... je vous salue, M. Ouellet aussi,
tel qu'on l'a placé au départ, c'est lorsque c'est important que les termes
dans les modifications législatives soient clairs. Parce que, dans cet
article-là, on parle que «les parents doivent, dans la mesure du possible,
participer». Ça vient affaiblir l'obligation que les parents ont de participer.
Donc, prenons le temps, dans chacun des articles, de s'assurer que l'obligation
soit claire.
Et c'est aussi la raison pour laquelle on demandait
de séparer d'abord un chapitre pour l'intérêt des enfants et un chapitre sur
les responsabilités et les obligations des parents. Donc, ça viendrait
clarifier que c'est l'enfant d'abord et avant tout, mais, oui, les parents, en
soutien, à recevoir des services, mais ils ont une obligation aussi.
M. Ouellet : Donc, ce n'est
pas de démontrer, dans la mesure du possible, qu'il y a des efforts qui ont été
faits, mais plutôt qu'il y a des obligations qui ont été rencontrées.
Mme Gallagher (Marlene) :
Tout à fait.
M. Ouellet : J'aimerais
vous amener aussi sur la recommandation n° 20. Je
crois comprendre que vous parlez d'un soutien financier équitable pour des
enfants qui... «en protection de la jeunesse afin que ceux-ci puissent poursuivre
leur parcours académique, peu importe s'ils ont été hébergés dans une famille d'accueil
ou dans un centre de réadaptation». J'aimerais vous amener la discussion
suivante : Est-ce que ce financement-là équitable aussi devrait faire
partie de la réflexion par rapport aux différences socioéconomiques vécues sur
le territoire du Québec, aux différences sociosanitaires vécues sur certains
territoires du Québec, aux différences ethnoculturelles aussi vécues sur le
territoire du Québec? Donc, au lieu d'un financement tant de dollars par
habitant, est-ce qu'on devrait intégrer un financement en tenant compte de ces
critères-là?
Mme Gallo (Assunta) :
Bien, je suis tout à fait en accord avec cette proposition. Quand on parle que
tous les enfants devraient avoir les mêmes droits peu importe où ils habitent,
si le parcours académique voudrait dire, à la Côte-Nord, ils ont besoin d'un
tel genre de financement versus à Montréal, bien, je pense que, l'idée... c'est
que l'objectif qu'on veut atteindre, c'est qu'ils ont le soutien pour le
parcours académique. <Alors...
Mme Gallo (Assunta) :
...qu'on veut atteindre, c'est qu'ils ont le soutien pour le parcours
académique. >Alors, moi, je pense qu'il faut toujours prendre en compte
le contexte géographique, sociopolitique de chacune de nos régions. Ce n'est
pas la même chose, la protection de la jeunesse à la Côte-Nord, à Chaudière-Appalaches
et Montréal. Malgré que c'est la même loi, ça s'applique pareil, mais on a des
contextes de régions qui sont particuliers, entre autres l'aspect financier.
Pour nous, ça rentre également dans un contexte particulier à considérer.
M. Ouellet : Mesdames,
je présume que vous allez suivre avec beaucoup d'attention la suite de nos
travaux en étude détaillée. On termine les consultations. Les études détaillées
devraient commencer sous peu. Qu'est-ce qu'on devrait garder en tête, comme
législateurs, pour faire un travail adéquat et pour répondre aux attentes des
familles et des jeunes du Québec lors de notre étude détaillée? Qu'est-ce que
je devrais avoir en tête pour ne rien échapper dans cette étude détaillée?
Mme Gallagher (Marlene) :
Je pense que le message de fond qu'on a tenté de livrer aujourd'hui et qu'on
livre à chaque fois qu'on se présente à chacune des commissions, toujours se
souvenir que les enfants qui sont en protection de la jeunesse sont les enfants
les plus vulnérables du Québec. Souvenez-vous d'enfants que vous avez peut-être
vus, dans votre parcours de vie, vous-mêmes, qui ont eu des difficultés, que les
parents ont eu des difficultés, puis que ces enfants-là se sont retrouvés dans
des positions extrêmement vulnérables. Ça fait que gardez en tête ces
enfants-là et laissez-vous porter par leurs besoins. Et on va arriver à un
résultat qui va être à la hauteur de nos enfants.
M. Ouellet : Merci,
mesdames.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député. Alors, je remercie Mmes Brown,
Gallo et Gallagher pour leur participation et leur contribution à nos travaux.
La commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux au jeudi 17 février, à 13 heures, où elle se
réunira en séance de travail. Alors, merci beaucoup pour votre...
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt
des mémoires des organismes et des personnes qui n'ont pas été entendus lors
des auditions publiques. Merci à vous tous.
(Fin de la séance à 12 h 20)